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Full text of "La verité des miracles operés par l'intercession de m. de Paris"

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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/laveritdesmira02mont 


LA       VÉRITÉ 

DES   MIRACLES 

/ 

Opères   par   l'intercession 
DE  M.  DE  PARIS  ET  AUTRES  APPELLANS, 

Avec  des  Observations 

sur  le  phenomene  des  convulsions. 
TOME    SECOND. 


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LA       VERITE 

DES   MIRACLES 

QPERES     P  AR.L'JN.TERCES  SION 

DE  M.  DE  PARIS  ET  AUTRES  APPELLANS, 
Démontre' E: 
Avec  des  Obfervations  fur 
îi^  PHENOMENE   DES   CG NVUl^SIONS. 

Par  m.  carré  DE  MONTGERON, 

Conseiller  au  Parlement  de  Paris. 

TOME    SE  GOND. 

NOUVELLE     EDITION 
Revue  &  conjîdérablement  augmentée  par  l* Auteur. 


A     COLOGNE, 

Chez  les  Libraires  de  la  Compagnie. 


M  DCC  XLVIL 


PIECES    CONTENUES   DANS    CE    VOLUME. 
Âpres  f  Averti IJement  &  la  Table  des  Sommaires^  à'C, 

P  R.  I  E  R.  E  de  M  de  M  o  m  t  g  e  r.  o  x. 

DUrertation  fur  l'Aucoricé  des  Miracles. 

Rertcxions  préliminaires  aux  Démonftrations  de  deux  Miracles  opérés  fur 
le  Tombeau  de  M.  R  o  u  s  s  e  Prêtre  &  Chanoine  d'Avcnai  Diocèfe  de 
Reims  ;  ày  les  Pièces  préliminaires. 

Demonftration  du  Miracle  opéré  fur  Anne  A  u  g  i  e  r  ,  &  les  Pièces  jus- 
tificatives. I.  Démonstration. 

Demonftration  du  Miracle  opéré  fur  la  'Dame  Stapar.t,  <^  les  Piè- 
ces jurtificarives.  II.  D  e  ai. 

Demon/lration  du  Miracle  opéré  fur  Marie-Jeanne  Fourcroy  Tpar 
rintercefîîon  de  M.  de  Paris  &  dans  une  Convulfion,)  aixec  les  Pièces 
juflificatives.  III.  D  e  m. 

Obfcrvations  fur  les  Convul  fions.  I.  P  a  r  t  i  e  :  é"  les  Pièces  juftificati- 
ves  des  Miracles  opérés  fur  Catherine  Bigot  &  Jeanne  T  e  n  a  r  d. 

Obfcrvations  fur  les  Convulfions,  II  &  III.  Partie. 


Avis     au    Relieur. 

Les  Elbmpîs  d'vf »?Mr ,  de  Stapart  &  de  Fourrray  doivent  être  au  devant  de  chaque  Démontra- 
tion:  &  il  ftuc  placer  celle  de  Bigtx.^  au  devant  de  la  1.  Vmie  des  Oi>fervatiom. 


ex 

.  ^âf  M/ 


AVER- 


AVERTISSEMENT 

DE    L' EDITEUR. 

I  les  premières  Editions  du  Tome  I.  de  M.  de  Montgeron  ont  mé' 
rite  remprefTement  qu'ont  eu  les  Fran(;ois  &  les  Etrangers  pour  cet 
Ous'rage,  il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  la  Nouvelle  Edition  qu'on 
leur  préfente  aujourd'hui  non  feulement  du  premier  Tome,  mais  enco- 
re de  ces  deux  autres  qui  font  très  intéreffans  ;  ne  peut  manquer  d'exciter 
^1  une  curiolitc  religieufe,  du  moins  dans  l'ame  de  ceux  qui  cherchent 
fincèrement  à  comioitre  les  tems  du  Seigneur  &  à  s'inftruire  des  éton- 
nantes Merveilles  par  lefquelles  l'Auteur  prouve  qu'il  manifefte  fes  deffeins. 

D'une  part,  l'eflime  que  le  Parlement  de  Paris  faifoit  de  1«  probité  de  M.  de  Mont- 
geron avant  même  qu'il  fût  converti:  le  grand  bruit  qu'a  fait  faConverfion  opérée  tout 
d'un  coup  au  pied  du  Tombeau  du  Bienheureux  Diacre  François  de  Paris  le  7.  Sep- 
tembre 173 1.  M.  de  Montgeron  ayant  alors  45.  ans  &  demi  :  le  zèle  qu'il  a  eu  de- 
puis cet  heureux  moment  pour  connoître,  pour  defïèndre ,  pour  publier  toute  vérité: 
le  courage  qui  lui  a  fait  préfenter  fon  premier  Tome  au  Roi  le  19.  Juillet  1757  :  la 
fermeté  inébranlable  avec  laquelle  il  n'a  depuis  cefle  de  travailler ,  dans  les  priions  où 
il  a  été  renfermé ,  à  la  deffenfe  de  toutes  les  vérités  combattues  par  les  PuilTances  de  la 
terre  :  enfin  les  différens  moyens  que  la  Providence  Divine  lui  a  fourni  dans  fes  liens 
pour  exécuter  le  refte  de  fon  projet,  &  même  au-delà,  quoiqu'il  ait  prefque  toujours 
été  en  quelque  forte  gardé  à  vue  :  tout  cela  doit  certainement  donner  beaucoup  de  poids 
à  fon  témoignage. 

D'une  autre  part,  l'importance  des  différentes  matières  qu'il  traite:  la  certitude  des 
Miracles  dont  il  rapporte  des  preuves  infurmontables  :  la  multitude  &  la  variété  des 
grands  Prodiges  qu'enfante  continuellement,  depuis  plus  de  15.  années,  le  furprenant 
Phénomène  des  Convulfions  &  des  grands  Secours,  dont  cet  Auteur  donne  une  idée 
complette  &  alTez  détaillée ,  en  même  tems  qu'il  s'efforce  d'en  développer  les  fimboles 
&  d'en  expliquer  les  figures  :  enfin  les  conféquences  qui  réfuhent  clairement  des  faits 
dont  il  démontre  la  vérité ,  intérelTent  eflentiellement  tous  les  hommes  Se  doivent  ré- 
veiller leur  attention. 

Le  premier  Tome  que  M.  de  Montgeron  préfenta  au  R.oi  en  1757.  contenoit  feule» 
ment  fon  Epître  déJicatoire,  l'hiftoire  de  fa  Converfion,  un  Eflai  de  Diflertation  fur 
la  foi  due  au  témoignage,  les  Démonfl-rations  &  les  Preuves  de  8.  ou  9.  Miracles  opé- 
rés à  l'interceflîon  de  M.  de  Paris,  &  les  Conféquences  qui  réfultent  de  ces  Miracles. 
Mais  comme  ce  n'étoit  qu'une  partie  de  fon  projet,  il  étoit  intitulé  dans  l'Edition 
qu'il  a  fait  faire  lui-même  à  Paris,  abfolument  comme  dans  celle-ci,  c'eft  à  dire,  La 
vérité  des  Miracles  opérés  far  l' intercejjîon  de  M.  de  Paris  (j  autres  u^ppellaKS  . . .  Tome 
Premier.  * 

Cepen- 

*  C'eft  ce  qui  n'a  point  été  obfervé  ilans  les  Editions  qui  ont  fuivi  celle  d'tJtrecht  de  1737» 
Terne  II.  * 


t  AVERTISSEMENT  "DE  VETIITEUR, 

Cependant,  quoiqu'il  y  eût  dans  cet  Ouvrage  un  aflez  grand  nombre  de  plirafc» 
négligées,  néanmoins  il  s'eft  répandu  avec  écbt  dans  la  plupart  des  Royaumes  Chré- 
tiens. Il  a  été  traduit  fans  la  participation  de  l'Auteur,  en  Allemand  &  en  Flamand; 
&  on  l'a  réimprimé  er»  Allemagne,  &  eu  Pologne  (dit-on)  outre  les  diverfes  Editions 
faites  en  France  &  deux  en  Hollande. 

Mais  depuis  ces  Editions  l'Auteur  aide  par  les  confeils  d'habiles  Théologiens,  l'a 
retouché  d'un  bout  à  l'autre  avec  grande  attention,  en  forte  qu'il  n'y  a  prefque  pas  de 
page  où  il  n'ait  fait  quelque  changement  en  mieux.  Il  y  a  auffi  ajouté  plufieurs  pen- 
fées  &  réflexions  qui  lui  donnent  une  grâce  toute  nouvelle.  C'efl:  en  cet  état  que  ce 
Premier  Tome  auroit  dû  paroitre  dès  1745.  (comme  fon  titre  le  porte)  fi  les  deux  fui- 
vans  euflent  été  en  état  d'être  publiés. 

Cependant  on  croit  faire  plailîr  au  Ledeur  de  différer  encore  à  lui  rendre  compte 
de  ce  que  ces  deux  derniers  contiennent ,  pour  lui  faire  part  auparavant  de  quelques 
faits,  qui  concernent  l'Auteur,  &  qui  portent  avec  eux  la  preuve  que  ce  n'eft  pas  l'in- 
tention du  Roi  de  France  qu'on  refufe  la  Communion  aux  ^ppelUns  de  fon  Royaume. 

Le  lendemain  que  M.  de  Montgeron  eut  préfenté  fon  Premier  Tome  au  Roi,  il  fut 
arrêté  chez  lui  (le  50.  Juillet  1757.)  &  renfermé  dans  la  Baftille.  Ce  fut  là  qu'il  com- 
men(;aà  travailler  à  fon  Second  Tome.  Mais  il  étoit  difficile  d'y  faire  entrer  tous  les  Mé- 
moires dont  il  avoit  befoin  :  la  Providence  y  pourvut.  Au  mois  d'O^lobre  fuivant 
le  Roi  le  fit  fortir  de  la  Baftille,  &  transférer  dans  un  Couvent  de  BcncJiAins  à  S. 
André  lès  Avignon.  Peu  après  on  le  conduifit  à  Viviers ,  où  il  rcfta  feulement  en 
exil  penda-t  fix  mois.  Mais  M.  de  Villeneuve  Cvéque  de  Viviers  &  furieux  ConflitU' 
iiowtaire ,  s'ét.int  avifé  de  lui  faire  refufer  la  Communion  à  Pafques  1758.  M.  de  Mont- 
geron qui  fentoit  de  qikelle  conféqucnce  étoit  cette  démarche  fchilmatique  par  rapport 
à  d'autres  fi.iélei  qui  feroient  moins  ménagés  que  lii,  s'en  plaignit  au  Parkment  de 
Paris.  Ce  premier  Tribunal  de  France  prit  cette  affaire  fort  à  cœur,  tint  coup  fur 
coup  plufieurs  AfTemblées  générales  à  ce  fulet,  &  fit  de  vives  Remontrances  au  Roi 
fur  le  Schifme  que  quelques  Evêques  vouloient  introduire  en  France.  Le  Roi  eut 
égard  5  ces  Remontrances,  &  déclara  que  fon  intention  n'étoit  point  qu'on  refu fat  h 
Communion  à  M.  de  Montgeron.  Il  envoya  mcme  en  exil  le  Chanoine  qui  h  lui  a- 
voit  rcfufée,  &  il  manda  à  M.  l'Evécue  de  Viviers  de  venir  lui  rendre  compte  de  fa 
conduite.  Cependant  quelque  tems  après  fous  le  faux  prétexte  que  M.  de  Montgeron 
avoit  agi  en  cette  occafion  avec  trop  de  vivacité,  le  Roi  le  fit  conduire  le  29.  Juin  de 
cette  même  année  1758.  dans  la  Citadelle  de  Valence,  où  il  a  la  confohtion  de  com- 
munier tous  les  Dimanches  dans  la  Chapelle  de  ce  Château.  Mais  au  furplus  il  y  eft 
fi  étroitement  renfermé,  qu'on  ne  le  lailTe  parler  à  perfonne.  C'efl  néanmoins  d.ins 
cete  Citadelle  où  il  eft  encore,  qu'il  a  achevé  fon  Second  Tome,  qu'il  l'a  revu  & 
augmenté,  &  qu'il  en  a  fait  un  Troifiéme. 

En  y  compofant  la  fin  du  Second  Tome  (i.  Edition)  c'eft  à  dire  tout  ce  qui  con- 
cerne l'oc-ivre  des  Convulfions,  il  n'svoit  d'abord  prefque  pour  tout  Livre,  avec  l'E- 
crit'.irc  Sainte,  que  les  Rèflt-.xions  mor,iles  du  Pcre  Quefnel;  &  il  ne  lui  en  fallut  pa* 
davantage  pour  prouver  les  différente':  Propofition';  qu'il  y  avança  en  expliquant  le 
Phénomène  des  Convulfions  i\'  le  merveilleux  Prodige  des  grands  Secours,  qui  font 
des  coups  énormes  qu'un  grand  nombre  de  Convullionnaires  font  infpircs  de  fe  faire 
donner,  &  qui,  loin  de  les  blcfT^r,  leur  font  toujours  du  bien,  ont  mcme  redrcffé  & 
rétabli  les  membres  cftropiés  de  plufieurs,  en  ont  guéri  de  maladies  notoirement  incu» 
râbles,  &'c. 

Mail  pour  donner  une  idé:  de  ce  fécond  Tome  tel  qu'il  parut  d*alx>rd  ,  des  fuites  qu'il 
a  cù ,  &  des  augmcntatio;i5  très  confidcrables  qui  y  ont  été  faites  dans  cette  nouvelle 


AVERTISSEMENT  TiE  VET>ITEUR.  5 

Edition;  il  faut  commencer  par  obferver,  qu'il  contenoit  i.  les  Dcmonftrations  &  les 
Preuves  de  trois  Miracles  opères  fur  Anne  Jlftgier,  la  Dame  Stapart  &c  Marie  Jeanne 
Fottrcroy.  z.  lldce  de  l'œuvre  des  ConvuHions,  de  1  état  des  Convulfionnaires,  de 
leurs  mouvemens  convuHifs,  &c  des  Secours  prodigieux  qu'ils  fe  font  donner,  L'Au- 
teur y  prouvoit  par  plufieurs  Miracles,  dont  il  démontre  la  vérité  &  le  fumaturel  in- 
teftablement  divin,  la  plupart  des  réflexions  qu'il  frsifoit  fur  cette  œuvre  (i  étonnante: 
&  il  répondoit  aux  principales  objedions  que  50.  Dodeurs  u4ppellans  qu'on  a  nommés 
les  ConfultaKS  (à  caufe  d'une  Confultation  ^\x\>\iéQ  en  173 50  avoient  faites  contre  cette 
œuvre,  &  finguliérement  aux  fauifes  imputations  répandues  dans  un  gros  Ecrit:  inti- 
tulé: Fdins  efforts  des  Difcernans  ^  &c.  lequel  parut  en  1758. 

Ce  fécond  Tome ,  qui  achevoit  de  faire  connoître  dans  fon  entier ,  quoique  d'une 
manière  encore  générale ,  l'œuvre  extraordinaire  que  Dieu  opère  depuis  nombre  d'an- 
nées conjointement  avec  les  Miracles;  fut  imprimée  à  Paris  en  1741.  Dès  qu'il  y  pa- 
rut, au  mois  de  Décembre  de  cette  année,  il  y  effuya  la  critique  la  plus  amère  de  la 
part  de  quelques  autres  Théologiens  Appellans  qui  néanmoins  jufqu'alors  avoient  tou- 
jours foutenu  avec  MM.  les  Evêques  de  Montpellier  &  de  Senez ,  que  Dieu  rendoit 
fa  préfence  fenfible  dans  l'œuvre  des  Convulfions  par  d'éclatans  Miracles,  &  qu'ainfi 
cette' œuvre  étoit  fon  ouvrage,  du  moins  pour  la  plus  confidcrable  partie.  Mais  ces 
MM.  qui  fe  font  imaginés  que  depuis  la  mort  de  ces  deux  grands  Prélats,  on  doit  les 
regarder  comme  les  chefs  des  yippellans ,  &  qui  veulent  que  tous  les  autres  fe  foumet- 
tent  à  leurs  Décidons,  ayant  dès  la  fin  de  1751.  foufcrit  à  la  condamnation  des  Se- 
cours par  complaifance  pour  quelques-uns  des  principaux  Docteurs  Confultans  ^  ne  pu- 
rent fupporter  que  M.  de  Mongeron  eût  démontre  dans  fon  Second  Tome  que  le  Pro- 
dige admirable  qui  éclate  par  les  Secours  étoit  évidemment  l'œuvre  de  Dieu.  Ils  fu- 
rent fi  piqués  de  ce  que  cet  Ecrivain  célèbre  avoit  ofé  ainfi  combattre  une  de  leurj 
Décidons,  qu'ils  firent  cenfurer  violemment  fon  Ouvrage  par  l'Auteur  des  Nouvelles 
Eccléjtafiiques  qui  dépend  d'eux  :  &  ils  épuiferent  enfuite  leurs  talens  à  compokr  trois 
Imprimés,  pour  foutenir  fon  injufte  Cenfure. 

Ce  feu  fut  fi  vif  que  les  Dofteurs  Confultans ,  cjuoiqu'attaqués  direâement  dans 
l'Ecrit  de  M.  de  Montgeron,  n'ont  pas  cru  devoir  rien  ajouter  au  zèle  ardent  avec 
lequel  les  Théologiens  qu'on  a  déligné  par  le  nom  à'AntifccoHrifles  ,  entreprirent  de 
décrier  l'Ouvrage  de  ce  Magiftrat.  Les  premiers  ont  pris  le  parti  de  fc  tenir  dans  le 
filence,  plufieurs  d'entre  eux  ayant  déclaré  en  même  tems  que  le  Syftcme  de  M.  de 
Montgeron,  quoiqu'abfolument  contraire  à  leur  Confultation^  paroidoit  néanmoins 
bien  mieux  appuyé  que  celui  des  yintifecottrifies  ^  dont  la  plupart  des  Propofîtions 
étoient  également  infoutenablcs  &  pernicieufes.  A  l'égard  des  ConjiitHtiomiaires ,  ils  fe 
font  contentes  de  tirer  de  cruels  avantages  contre  l'Appel,  la  Vérité,  les  Appellans  & 
les  Miracles,  des  faufles  Propofitions  que  les  Théologiens  ^ntifscourijies  ont  bazardées 
pour  tâcher  d'établir  1  impérieufe  autorité  qu'ils  veulent  avoir  fur  tous  les  autres  u^p- 
pellans,  &  même  pour  rabaifler,  s'il  leiu  étoit  poflible,  l'autorité  des  Miracles  au  def- 
fous  de  la  leur. 

D'un  autre  côté  de  très  habiles  Théologiens  appellans  ont  pris  hautement  le  parti 
de  l'Ouvrage  de  M.  de  Montgeron  ,  à  l'e-xception  feulement  de  2.  ou  5.  pSrafes 
mal  rédigées  &  qui  étoient  fufceptibles  d'équivoques ,  mais  qui  ne  touchoient  en  aucu- 
ne façon  au  fond  de  l'Ecrit  ni  aux  principales  Propofitions  qui  y  croient  foutenue?. 
Un  de  ces  MM.  *  a  en  conféquence  fait  paroîtrc  au  commencement  de  1743.  un  lu- 
mineux 

*  Auteur  de  plufieurs  Ouvrages  très  eftimcs,  entre  autres  des  bellcî  Réjlixions  fur  le  Miracle  opéré  « 
ifoijy  dans  le  Dkcefe  ik  Blois- ,  dont  on  1  fiit  eu  1741.  nUtrecht  une  Hotmlle  Edition,  rciik  ^ur  l'An- 
tinr,   I.  gros  vol,  m  11. 

*  a 


4r  AVERTISSEMEKT  T) E   L'EDITEUR. 

raineux  Ouvrage  ,  intitulé:  RtcUmatio»  des  Dejfenfenrs  légitimes  des  Convuljtons  fjj'  des 
Secours  contre  diverfes  Feuilles  des  Nouvelles  Ecclefi.iftiqttes.  Plulleurs  autres  ont  offert 
à  M.  de  Montgeron  de  lui  faire  tenir  des  Mémoires  qu'ils  compofcroient  pour  fi  def- 
fcnfe  :  ce  que  ce  Magiftrat  a  accepte' avec  grand  plaifir.  Ils  lui  ont  tenu  parole,  &  lui 
ont  envoyé  de  fi  favans  Ecrits,  tous  remplis  de  PafTages  de  l'Ecriture,  des  Pér;s,des 
Apologiftes  de  la  Religion  &  des  plus  célèbres  Théologiens,  que  cela  lui  a  tenu  lieu 
d'une  ample  Bibliothèque.  D'autres  perfonnes  très  dignes  de  foi  lui  ont  auffi  envoyé 
les  preuves  de  nombre  de  fiits  merveilleux  ,  qui  avoient  rapport  à  ceux  dont  il  avoit 
parlé:  &  h  Providence  a  fait  pénétrer  tous  ces  Mémoires  dans  la  Citadelle  où  il  eft 
enfermé. 

Aidé  par  de  (\  puiffans  fecours,  il  a  revu  &  augmenté  depuis  1741.  fon  Second 
Tome  &  il  en  a  fait  un  Troifîéme  :  ces  deux  tenans  lieu  de  celui  qui  avoit  été  fi  in- 
juftemcnt  critique  par  les  Théologiens  Attifecouriftes. 

On  a  placé  en  tête  du  fécond  Tome  de  cette  Edition ,  une  Prière  qui  étoit  à  la  fin  du 
Volume  de  l'Edition  préce 'lente,  &  qu'on  a  cru  propre  à  fervir  de  Préface. 

O.i  a  mis  enfuite  une  Dijferuuion  toute  nouvelle  ,  que  l'Auteur  a  faite yir  l'autorité 
des  Aftracles  y  laquelle  eft  une  Pièce  d'une  extrême  importance  pour  le  te  m  s  011  nous 
fomnes.  Il  y  examine  d-'abord  quclh  eft  la  nature  du  pouvoir  des  Anges  &  des  dé- 
mons fur  les  êtres  matériels:  il  démontre  fommairement  qu'il  y  a  eu  plufieurs  Miracles 
faits  en  faveur  de  l'Appel  ,  des  Convullions  &  des  Secours,  qui  n'ont  pu  être  opérés 
que  par  la  main  toute-puiflante  du  Créateur  de  tous  les  êtres  :  il, réfute  les  Propofitions 
imaginées  par  le  DefFcnfeur  des  Amifecouriftes  ,  &  qui  tendent  à  afToiblir  l'évidence  & 
l'autorité  des  Miracles:  il  fait  difparoitre  les  fuppofitions  fabriquées  par  M.  l'Evêque 
de  Bethléem  contre  les  Convulfions  &  les  Secours  :  il  développe  le  faux  &  l'abfurdité 
des  prétendus  miraclis  diaboliques  fur  lequel  ce  Prélat  ConflittuioHfiAire  à  appuyé  fes 
principux  raifonnemens  :  il  prouve  par  quantité  de  Textes  de  l'Ecriture  ,  par  les  fen- 
timens  unanimes  des  Apologift.sde  La  Religion,  des  Pérès  &  des  principaux  Doifleurs, 
&  par  des  railons  invincibles,  que  les  Miracles  de  guérifon  étant  lînguliérement  la  voie 
furnaturelle  par  laquelle  Dieu  a  voulu  pcrfuader  aux  hommes  les  plus  importantes  Vé- 
rités ,  il  n'eft  pas  conforme  à  fa  bonté  infinie  de  permettre  que  leur  témoignage  puifle 
devenir  équivoque,  &  il  indique  des  moyens  à  la  portée  des  fimples  pour  diftingucr 
Jurement  les  vrais  Miracles  des  faux  prodiges  du  démon. 

Après  cette  Diflertation,  on  a  placé  les  DémonJlrMiorts  &  les  Preuves  des  trois  Mi- 
racles opérés  fur  Anne  Au«[icr ^  la  Dame  St/ip.irt  Se  Marie  lennne  Fourcroy  :  enfuite  ,  l'I- 
dée de  l'oeuvre  des  Convulfions  en  général,  celle  des  différons  états  des  Convulfionnai- 
rcs  ,  &  enfin  ce  qui  regarde  leurs  mouvemens  convulfifs.  Dans  toutes  ces  Pièces 
l'Auteur  a  fait  plulieurs  Additions  confidérables ,  parnii  Icfquelles  il  y  en  a  de  fort 
curicufcs ,  &  qu'il  feroic  trop  long  de  particularifcr. 

Le  Troificme  l'ome  eft  employé  tout  entier  à  rendre  compte  de  ce  qui  concerne  les 
grands  Prodiges  que  les  Secours  font  paroitre ,  &  à  repondre  aux  difficultés  &  aux 
raifonnemens  de  MM.  les  Antificouriftes.  Or  de  l'aveu  des  plus  grands  Adverfaires  de 
l'œuvre  des  Convulfions,  ces  Prodiges  en  font  le  Capital:  c'cft  ce  qu'il  y  s.  de  plus 
merveilleux.  Et  il  eft  certain  que  leur  furnaturcl  eft  abfolumcnt  inconteftable,  étant  de 
notoriété  publique  &  journellement,  depuis  quir.ze  ans,  cxpofc  ï  U  vu-.  &  à  l'examen 
d'une  multitude  infinie  de  Témoins  de  toute  forte  de  conditions.  Voici  au  refte  com- 
ment M.  de  Monigcro'i  traite  c.ttc  matière  qui  n'occupoit  dans  la  i.  Edition  qu'uns 
dou/ainc  de  feuillts.  Si  à  l'occafion  de  laquMle  il  a  été  oblige  d'en  éclaircir  plulieurs 
jutres  que  les  Théologiens  Antifccouriftcs  ont  remué  dans  leurs  Tcrit";. 

Il  donne  d'iburd  une  idée  générale  des  Secours  violsns,  &  iL  établit  quî  l'état  mira- 

cu- 


AVERTISSEMENT  'DE    UE'DÎTEUR.         > 

Culeux  qui  rend  les  Convulfionnaires, invulnérables  aux  coups  les  plus  énormes, ne  peut 
venir  que  de  Dieu;  &  que  ces  fortes.de  I^rodiges,  fouvent  illuftrés  par  des  Guérifons 
éminemment  Miraculeufes  ^-'eacdre  plus  Touvent  par  des  Miracles  fur  les  cœurs,  font 
de  merveilleufes  figures  qui  prcfentent  d'effrayantes  menaces  &  de  magnifiques  promes- 
fes.  Il  rend  compte  enfuite  des  Conférences  qui  fe  tinrent  fur  ce  fujet  entre  quelques 
u4ppellans  à  la  fin  de  17 J  a.  des  fentimens  que  le  faint  Evêque  de  Senez  &  le  grand 
Evéquede  Montpellier  ont  eu  de  ces  prodigieux  Secours,  comme  des  variations  de  MM. 
les  Antifeconrifies,  Il  expofe  les  motifs  qui  ont  engage  les  Convulfionnaires  à  préférer 
leurs  Diredeurs  aux  Théologiens  yintifecoiinfiéi  ,  dont  il  examine  après  cela  les  raifon- 
nemens  au  fujet  de  l'Autorité  qu'ils  s'attribuent.  Il  répond  aux  imputations  flétriffan- 
tes  que  ces  MM.  ont  débitées  contre  lui ,  en  attaquant  fon  fécond  Tome.  Il  fait  une 
DifTertation  auffi  curieufe  que  favante  fur  les  Inftinds  divins,  &  en  particulier  fur 
ceux  qui  portent  1er  Convulfionnaires  à  demander,  fans  aucun  effroi  &  avec  une  pleine 
confiance  en  Dieu,  les  Secours  les  plus  terribles.  Enfin  pour  répondre  aux  calomnies 
répandues  contre  ces  Convulfionnaires ,  il  rapporte  les  régies  de  conduite  pratiquées 
par  leurs  Direéleurs. 

Après  ces  Obfervations  préliminaires ,  il  avance  VIT.  Propofitions ,  011  il  donne  nom- 
bre de  preuves  de  ce  qu'il  avoit  dit  fommairement  en  donnant  l'idée  générale  des  Secours. 

Dans  la  I.  Propofition,il  démontre  par  un  grand  nombre  de  Miracles  inconteftables , 
que  Dieu  ayant  employé  vifibl.ment  les  plus  énormes  Secours  à  rendre  une  forme  ré- 
gulière à  des  membres  contrefaits  depui"  fort  longtems,  &  même  à  en  régénérer  qui 
avoient  été  ref ufés  lors  de  la  naiflance ,  &  à  guérir  quelquefois  fur  le  champ  des  plaies 
affreufes  &  des  maladies  incurables  à  tout  autre  qu'à  lui  ;  on  ne  peut  douter  qu'il  n'au- 
torife  ces  Secours ,  puisqu'il  les  rend  le  canal  des  effets  les  plus  étonnans  de  fa  puiflTance 
&  de  fa  bonté. 

Dans  la  II.  il  obferve  que  de  l'aveu  même  des  plus  grands  Adverfaire^  des  Secours, 
Dieu  a  converti  par  la  vue  de  ces  Prodiges  &  de  ces  Miracles  un  fort  grand  nombra 
d'incrédules  ,  &  qu'il  a  augmenté  la  foi  ,  le  courage  &  la  confiance  d'une  multitude 
de  fidèles:  d'où  M.  de  Montgeron  tire  h  conféquence,  qu'il  n'eft  pas  permis  de  vou- 
loir tarir  une  fource  fi  abondante  des  principaux  bienfaits  de  Dieu. 

Dans  la  III.  il  prouve  que  l'état  furnaturel ,  qui  rend  les  ConvulHonnaires  invulné- 
bles  à  tous  les  coups  que  l'inftinfl:  de  leur  Convulfion  les  oblige  de  demander  ,  efi:  un 
état  miraculeux  qui  ne  peut  être  formé  que  par  le  Créateur  des  êtres ,  puisqu'il  ne  peut 
s'opérer  que  par  une  création  de  qualités  toutes  contraires  &  même  très  fupérieures  \ 
celles  que  Di:u  a  mifes  dans  la  nature.  Il  y  fait  le  récit,  &  rapporte  les  preuves, d'un 
grand  nombre  de  ces  incroyables  Secours-  Il  y  établit  qu'ih  font  des  Simboles  par 
lefqu  Is  Dieu  nous  découvre  de  très  imposantes  inftruélions,  &  que  les  Prodig-.s  qu'ils 
mettent  en  évidence  ,  font  même  prccifément  ceux  qui,  félon  les  Prophètes,  doivent 
paroître  chez  les  Gentils  avant  la  venue  d'Elie  S*  le  Rappel  des  Juifs,  &  qu'ils  repré- 
fentent  les  principales  circonflances  de  ce  grand  Evénement. 

Dans  la  IV.  il  fait  voir  que  les  Secours  les  plus  violens  qu'on  donne  à  ces  Con- 
vulfionnaires ,  ne  produifant  jamais  que  des  effets  falutaires  &  bienfaifans  ,  ne  vio- 
lent point  le  V.  Précepte ,  qui  ne  défend  que  de  faire  du  mal  &  non  pas  de  faire 
du  bien. 

Dans  la  V.  il  établit  que  ces  Secours  ne  tentent  point  Dieu  ,  puifque  c'efl:  lui  même 
qui  infpire  aux  Convulfionnaires  de  les  demander  ;  &  que  ce  font  au  contraire  les  u4>i- 
ti/èconrijles  qm  le  tentent  par  leuvs  défiances  injurieufes  à  fa  bonté,  la  cenfure  qu'ils 
font  de  fes  Proxiiges  ,  &  leur  révolt.'  contre  la  Décifion  de  fes  Miracles.  A  la  fin  d« 
cette  Propofition ,  il  parle  allez  au  long  des  anciennes  Eprenves. 
;-,  .t  :    ;  *  5  Dins 


4  DIVERTISSEMENT  'DE  LET>1TEUR. 

Dans  la  VI.  Il  prouve  que  ceux  qui  donnent  ces  Secours,  bien  loin  de  blefler  les  ré- 
gies, fuivcnt  celles  de  la  charité  qui  en  eft  l'ame. 

Enfin  dans  la  Vif.  il  refurc  les  faux  miracbs  que  les  Antifecouriftes  ont  avancé  s'ê- 
tre opérés  en  faveur  de  l'illufion  des  VailUntifles  i  &  il  développe  l'abfurdité  d'un  con- 
te ridicule  ,  par  lequel  ces  MM.  vouloient  infinucr  que  le  démon  fait  même  des  gué- 
rifons  qui  ne  peuvent  s'opérer  que  par  des  régénérations  très  contraires  aux  loix  de  h 
nature. 

Après  ces  VII.  Profojîtions  &  leurs  Pièces  juflificaiives  ,  on  a  imprimé  le  Récit  te 
les  Preuves  de  la  guérifon  Miraculeufe  d'un  fquirre  inconteftablement  incurable,  opérée 
le  15.  Novembre  ij^6.  fur  la  Dame  Ringuet,  par  l'interccffion  de  feue  Madame  Is 
Marquife  de  Vieux-pont  ,  qui  avoit  été,  à  la  vue  de  la  Cour  &  de  tout  Paris  ,  très 
attachée  aux  Prodiges  des  grands  Secours  &  aux  Convulfionnaires  fur  qui  Dieu  les  exé- 
cute ;  ainil  qu'il  elli:  prouvé  dans  une  Lettre  qui  cft  en  tête  des  Preuves  de  ce  Miracle, 
&  OÙ  l'cQ  donne  un  abrégé  de  la  vie  &  des  venus  de  cette  vénérable  Dame. 


TABLE 


TABLE 

Des  Sommaires ,  Articles  ^  Proposions  de  chacune  des  Pièces  de  ce 

Volume  y  qui  fui'vent  la 

PRIERE  de  M.  de  Montgeron. 

DISSERTATION   fur  l'Autorité  des   Miracles   (divifée  en 
XII.  §.  dont  'Voici  les  Sommaires.) 

régie  la  nature,  efl  un  Miracle  Divin.  32 
IX.  Dom  la  Tarte  ou  M.  de  Bethléem  ne  peut 
fans  contredire  les  principes  dont  il  convient , 
nier  qu'il  n'y  ait  un  très  grand  nombre  de  Mi- 
racles faits  en  faveur  de  l'Appel,  qui  font  in- 
contertablsment  Divins  de  leur  nature ,  atten- 
du que  le  furnaturel  p.ir  lequel  ils  ibnt  opérés 
efl  évidemment  fupérieur  au  pouvoir  de  tout 
être  créé.  Ihid. 

§.  III.  Réfutation  des  fatijfes  opinions  échap' 
fées  au  Deffenfeur  des  Théologiens  Aniji- 
courijles  :  Que  la  ^^hyjiijue  ejl  une  fauffi 
voie  pour  dijiinguer  ks  Aiiraclcs  Divins 
des  prefiiges  du  démon  :  Ou  elle  ne  peut 
fervir  de  rien  pour  faire  ce  difcernement , 
C^  que  c'efi  principalement  des  circo>ifian- 
ces  que  les  Aiiracles  tirent  leur  force.    54 

Art.  I.  M  Poncer  Deffenfeur  des  Théologiens 
Antifecouriftes ,  vient  de  fournir  de  fauffes  ar- 
mes à  M.  l'Evêque  de  Bethléem ,  qui  n'avoir 
fu  que  répondre  au  furnaturel  Divin  qui  éclatte 
dans  un  grand  nombre  de  Miracles  faits  en  fa- 
veur de  l'Appel.  Ibid. 

II.  Il  a  avancé  dans  fi'  Répovfi  pour  les  Théolo- 
giens Antifecouriftes  des  Propoiltions  encore 
plus  erronées  contre  le  principal  caradere  qui 
prouve  qu'un  Miracle  eft  Divin,  que  celles 
que  ces  i\l.M.  &  lui-même  avoient  vivement 
réfuté  en  répondant  aux  premières  Lettres  de 


Avant- propos.  Page  i 

§.  I.  E,\'amen  du  pouvoir  des  Anges  &  des 
Démons,  5 

Article  I.  Le  pouvoir  que  les  Anges  &  les 
démons  exercent  fur  la  matière ,  n'eft  pas  une 
fuite  nécelTûire  des  qualités  intrinfequesdelcur 
nature  Ipirituelle  :  ce  n'eft  qu'une  conceffion 
que  Dieu  leura  faite  pour  leur  donner  le  moyen 
d'exercer  les  delTeins  de  fa  Providence.    Ihid. 

II.  Réponfe  aux  objeâions  du  Mémoire  Théolo- 
g'-que  fur  les  Secours,  contre  la  Propofition 
que  le  pouvoir  des  Anges  fur  la  matière  n'eft 
qu'une  conceffion  de  Dieu.  4 

m.  Les  Anges  ont  la  puilfance  de  f^iredesPro- 
ciges  naturels ,  mais  non  pas  de  véritables  Mer- 
veilles. 1 1 

IV.  Dieu  feul  peut  créer.  Ihid. 

•V.  Diru  feul  peut  produire  un  effet  réel  fans 
moyens.  12 

VI.  Dieu  feul  paît  s'élever  au  defTus  des  régies 
fuivan:  lefquelles  il  a  créé  l'Univers.         ïhid. 

VII.  Le  p:nivoir  des  démons  elT:  lié  depuis  leur 
réprobation,  &  encore  plus  depuis  l'établilTe- 
ment  du  Chriftianilrne.  13 

VIII.  Les  démons  ne  peuvent  faire  de  vrais  Mi- 
racles. 16 

IX.  Quoique  les  Adverfaires  de  la  Vérité  foient 
forcés  d'avouer  que  les  démons  ne  peuvent 
faire  de  vrais  Miracles,  ils  n'en  emploient  pas 
moins  tous  leurs  efforts  pour  perfuader  qu'il 
en  fait.  17 

§.  II.  E.vtraits  de  plajîeurs  Miracles  opérés 
par  créatioyi  en  faveur  de  l' Appel,      Ibid. 

Art.  I.  Miracles  opérés  par  création  fur  la  De- 
moi  felle  Thibault.  Ihid. 

II.  Création  d'un  mamelon  totalement  détruit 
depuis  douze  ans  par  un  cancer.  2 1 

III.  Création  fubitc  de  toutes  les  parties  qui  man- 
quoient  à  des  jambes  defléchées  depuis  vingt 
ans.  25 

IV.  Création  fubite  de  l'organe  de  l'ouïe.      27 

V.  Création  d'une  main  toute  entière.        Jhid. 

VI.  Création  de  deux  jambes  en  faveur  d'une  file 
qui  en  avoir  été  priv  ée  dès  fà  naifïànce ,  & 
qui  avoic  alors  cinquante  ans.  29 

VU   Réflexions  ûtr  les  .Miracles  précedens  &  fur 

l'incrédulité  qui  s'y  oppofe.  31 

Vili.  Toute  Guérifbn  opérée  contre  l'ordre  qui 


Dom  la  Tafte. 

III.  Selon  S.  Thomas  &  les  Pérès  de  TEglifeun 
furnaturel  abfolu  eft  le  premier  &  le  principal 
caradtére  pour  diftinguer  les  Miracles  Divins 
des  prcftiges  du  démon  :  or  ce  divin  caraélére 
n'eft  appcrçu  que  par  la  Phyiîque.  41 

IV.  Décifion  de  X.  S.  P.  le  Pape,  que  la  Phy- 
iique  eft  très  utile  &  même  quelquefois  né- 
ceiTaire  pour  diiberner  les  vrais  Miracles  :  Que 
l'Egliié  eft  dans  l'ufigc  fur  ce  ilijet  de  coniul- 
ter  les  Maîtres  de  l'art,  &  que  c'eft  notam- 
ment fur  la  preuve  qu'ils  lui  fouj-niflènt  qu'elle 
fe  détermine  à  décider  que  telle  guèrilbneif  un 
Miracle  Divin.  45 

V.  La  faufTc  Propofition  (du  Dcfïbnfeur  des 
Théologiens  Antiiécourifte<:)  que  c'eft  piinci- 
palement  des  circonftances  que  les  Miracles 
tirent  leur  force,  eft  des  plu*  dangereu&slorf- 

quc 


8 

que  la  Vérité  ert  combattue  par  les  PuilTances 
du  liccle ,  &  que  les  pallions  humaines  s'ct- 
/orcentdc  réalilcr  des  chimères,  ou  d'enveni- 
mer des  circonltanccs  indiffurentes,  ou  même 
innocentes,  yK)uT  tâcher  d'obfcurcir  la  lumiè- 
re des  vrais  Miracles.  47 

VI.  Qiioiqu'cn  di(e  M.  Poncct,  l'induftrie  qu'a 
eu  le  démon  de  taire  Ibnir  en  Egypte  de*gre- 
nouilles  de  l'eau ,  ne  fournit  point  une  preu- 
ve (ans  réplique  que  la  Phyliquc  ne  peut  Icr- 
vir  de  rien  pour  dillinguer  les  Miracles  Divins 
des  preltigcs  du  dérr.on-  54 

VII.  Divcri  fcntimens  des  Pérès  de  l'Eglifc  &c 
des  plus  célèbres  Théologiens ,  pirtàgés  en 
trois  p.ini.'!,  à  l'égard  de  ce  que  le  démon  a 
exécuté  pour  contrefaire  les  trois  premiers  Mi- 
racles de  Moï(è.  57 

VIII.  La  plupart  des  anciens  Pères  &  des  plus 
anciens  Aureurs  ont  cru  que  les  Prodiges  des 
Magiciens  de  Pharaon  n'étoient  que  de  pures 
illuhons.  JH'^- 

IX.  S.  Auguftin  &  S.  Thomas  ont  donné  occa- 
iion  à  quelques  Théologiens  de  former  un  fcn- 
timent  contraire  à  celui  qui  jufqu'alors  avoir 
été  prd'que  univerfcllement  l'uivi  par  rapport 
aux  prodiges  des  Magiciens  de  Pharaon.      63 

X.  Réfutation  du  fentimcnt  de  ces  Théologiens 
qui  le  font  imaginés  que  les  Magiciens  de  Pha- 
raon avoient  produit  en  un  inftant  des  fcrpcns 
&  des  grenouilles  d'une  grandeur  complette, 
avec  des  germes  trouvés  dans  les  élemcns.   66 

XI.  La  plupart  des  Théologiens  modernes,  ainli 


que  S.  Cyrille  d'Alexandrie  &  quelques  autres 
Anciens ,  penfent  que  les  trois  prodiges  des 
Magiciens  de  Pharaon  n'ont  été  que  des  to'irs 
dadrellè.  69 

XII.  Preuve  que  M.Poncetavoitlui-mêtiieetu- 
brallé  ci -devant  l'opinion  des  1  héoîo^icns 
modernes  fur  ces  prodiges  apparens.  7^ 

XIII.  L'Addition  mife  dans  ÏErrata  de  la  Ré- 
ponfe  des  Antilecourilles,  bien  loin  d'ctre  fuf- 
hfante  pour  rcmcdier.au  mal  que  les  déclama- 
tions de  cette  Réponfe  contre  l'utilité  de  la 
Phyilque  font  capables  de  faire  ,  contient  en- 
core une  nouvelle  Propofition  prefquc  aulîi 
dangereufe  que  celle  qu'ils  auroient  dû  corii- 
g^r.  75 

XIV.  les  prétendus  Miracles  des  Vaiilantilics , 
allégués  par  le  Deffcnfeurdc  ces  MM.  nciont 
que  des  impoftures  &  des  guérifons  purement 
n.iturellcs  travelHes  en  Miracles  par  des  mcn- 
fonges.  77 

XV.  Uieu  n'accorde  j.imais  au  démon  un  pou- 
voir extraordinaire  pour  f.iirc  de  véritables  M  i- 
nclcs.  78 

XVI.  Lcî  Thc-ologiens  Antilccouriftes  auroient 
mieux  fait  d'employer  leurs  talcns  à  detlcndre 
les  Kiddcs  centre  l'arti'icc  des  Lettres  de  D. 
U  Taltc,  que  de  s'occupera  déciicr  Icsgranls 
Sccouri&  à  comb.utie  les  Miracles  qus  L'ieua 
fait  par  ce  moyen.  79 

XVII.  Cluiicurs  Difcipics  desThcoloaicns  Anti- 
^couriftcî  le  fervent  des  faux  principes  rcpan- 


Tah/e  des  Sommaires',  é'C. 

dus  danj  la  Réponfe  de  cô$  MM.  pour  en  ti- 
rer des  confèquences  très  pernicieufes         80 

XVIII.  La  Proporition,  qj'iln'yaprefque  peine 
de  Miracles  que  le  démon  ne  puiiîc  faire,  a  d'a- 
bord révolté  jul'qu'auv  C'onftitutionnaires.    8a 

XIX.  Dieu  fait  parler  les  pierres  pour  defFendrc 
l'autorité  des  IVliracles.  8? 

§.  IV.  Réfutation  des  trois  faujfes  fuppoji- 
tioKS  par  lefquelles  AI.  l'E-jècjiie  de  Beth- 
léem ,  ou  Dont  la  Tajîe ,  tache  d'injtnuer 
atie  le  diable  a  pu  être  V Auteur  de  tous 
les  Miracles  faits  e»  faveur  de  l'Appel.  85 
Art  P  m.  de  Bethléem  veut  qu'on  préfère  les 
inventions  de  fon  imagination  à  des  Rapports 
de  Médecins  &  aux  Dépoiitions  d'une  multi- 
tude de  Témoins  oculaires.  IbiJ. 

II.  2.  Les  Miracles  &  les  Convulfions  n'étant 
qu'une  même  œuvre,  ^l.  de  Bethléem  en 
conclud  que  le  tout  doit  être  donné  au  dia- 
ble. i6 

III.  Réponfe:  les  Convulfions  ne  font  point  un 
obftacle  aux  Miracles,  &  les  Miracles  déci- 
dent en  taveur  des  Convulfions.  Ihid. 

IV.  Réponfe  aux  reproches  que  M.  de  Betliléem 
fait  aux  Convullionnaires.  93 

V.  3.  M  de  Bethléem  ramafle  quantité  de  fables 
&  de  faufl'cs  hill:oires  pour  faire  accroire  que 
le  démon  a  fouvent  fait  des  guérifons  rairacu- 
leufes.  97 

Vr  Un  de.s  principaux  artifices  des  Anti-mira- 
culiftes  eft  de  confondre  les  prodiges  diaboli- 
ques avec  les  Miricles.  98 

§.  'V.  Les  Miracles  font  la  voix  de  Dieu  : 
ainji  ils  font  un  témoignage  qui  ne  peut 
point  être  équivoque.  loo 

Art.  I.  Différence  entre  les  Miracles,  les  pro- 
dipcs  &  les  prcltiges.  Ibid. 

IL  Textes  de  1  Ancien  Teftament  qui  prouvent 
que  Dieu  s'a'tribue  linguliérement  les  guèri- 
kms  M.r.;culcufe?,  &  par  confcquent  c}ue  le 
démon  n'eu  peut  faire  <,e  telles,  ni  même  les 
contrefaire  d'une  manière  capable  d'abufer  les 
cccurs  droits  &  attentifs.  102 

III.  Jcfus-Chrifl  a  donné  les  Miracles  de  guéri- 
fon  coiniiie  le  T  émoignagc  de  fon  Père  &  une 
preuve  infaillible  de  fa  Divinité,  ôcpar  conlë- 
quent  cette  preuve  ne  peut  point  être  incertat- 
iie  loj 

IV.  C'efl  principalement  par  les  Miracles  de  gué- 
rifon  que  Jèfus-Chriit  a  établi  la  foi  par  tout  le 
monde.  107 

V.  Les  SS.  Pcres,  les  Apologiftcs  de  la  Religion 
&  les  plus  célèbres  Thc-ologiens  nousontâon- 
né  pour  principe,  que  les  démons  ne  font  point 
de  guèriloas  Miraculeufes,  ni  même  qui  pa- 
roillcnt  l'être.  iio 

VI.  Les  Mimcles  font  un  don  que  Jefus-Chrift 
a  promis  à  l'hglKc  p'iur  la  dubngucr  des  fàuf- 
fes  religions  &  des  l'ectes  p.ir  une  faveur  vifi- 


( 


bicment  l'urn.nurclle.  &pour  y  fiirc  dilcerner 
de  quel  côté  clk  la  Venté lorf qu'elle  ell  en  con- 

tcfti- 


Table  des  Sommaires  ^  ô'C 


teftation  dans  fon  fein.  1 1  j 

VII .  Dieu  ne  peut  pas  permettre  que  le  témoigna- 
ge desguérifons  Miraculeufesfoit  équivoque.  122 
J.  VI.  Ce  font  les  Conflitmionnaires  qui  s'é- 
cartent des  vrais  fentimeas    de    l' Eglife  ^ 
en  condamnant  plujîeitrs  Proportions   ptti- 
fées   dans    le   Nouveau   Teftarnent    enfei- 
gnées  par  les  Saints  q'  confirmées  par  des 
Miracles.  114 

Art.  I.  S.  Pierre  &  S.Paul  nous  ont  averti  que 
dans  les  derniers  tems  rEgliieferoitinfedlée  par 
une  dodlrine  corrompue,  &  Jefus-Chriflnous 
a  annoncé  qu'alors  Elle  viendroit  rétablir  tou- 
tes chofes.  IhiJ. 

II.  Dans  les  conteftations  qui  troublent  actuelle- 
ment l'Eglife,  on  ne  peut  mieux  faire  pour 
connoître  &  fuivre  la  Vérité  que  d'examiner  ce 
qu'on  trouve  dans  le  Nouveau  Teftament  fur 
les  queftions  controverfées ,  &  ce  que  les  Pé- 
rès &  autres  Sainrs  ont  toujours  foutenuSc  pra- 
tiqué. 125 

III.  Propofitions  du  Père  Quefnel  anathémati- 
fées  par  la  Bulle,  quoique  copiées  ou  du  moins 
pri:ës  dans  le  Nouveau  Tellament.  IbiJ. 

IV.  Propofitions  condamnées,  quoiqu'enriérement 
conformes  à  celles  qu'ont  enfeigné  les  Pérès  de 
l'Eglife  &  autres  Saints.  126 

V.  Propofitions profcrites, quoique  parfaitement 
femblables  à  celles  qu'on  trouve  dans  les  Priè- 
res de  l'Eglife.  128 

VI.  Les  fimples  doivent  dans  un  tems  auflî  ora- 
ge^ix  que  le  nôtre ,  où  la  perfécution  aurorife 
l'erreur  &  fortifie  les  ténèbres,  fe  joindre  en 
attendant  la  Oécilîon  d'un  Concile  général  aux 
Pafteurs  &C  aux  fidèles  en  qui  ils  apperçoivent 
plus  clairement  les  caractères  de  Défenfeursde 
h  Vérité.      ■  129 

VII.  Répcmfes  à  l'objeftion  que  les  Conftitu- 
tionnaires  tirent  de  leur  grand  nombre.       151 

VIII.  I.  Depuis  le  IV.  Siècle,  toutes  les  fois 
qu'il  y  a_  eu  de  grandes  héréfies  la  multitude 
s'eft  toujours  déclarée  pour  l'erreur,  dans  tous 
les  lieux  où  ce  pernicieux  parti  étoit  foutenu 
par  la  PuiflTance  temporelle.  Ùid. 

IX.  2.  Les  .'\ppellans  ont  pour  eux  le  grand  nom- 
bre des  fidèles ,  ayant  de  leur  côté  tous  les  Saints 
&  tous  ceux  qui  ont  fuivi,  qui  fuivent  &  qui 
fuivront  leur  doclrine.  132 

X.  3.  L'Eglife  confidèrée  comme  étant  le  corps 
myftique  de  Jefus-Chrift  ,  n'eft  réellement 
compofée  que  des  juftes  de  tous  les  Siècles   Ihid. 

XI.  LaflFreux  déluge  des  méchans  qui  inonde  l'E- 
glife, 6c  les  défauts  de  fes  Mini ftres,  n'empê- 
chent qu'elle  ne  foit  la  feule  Arche  où  tous  les 
Elus  trouvent  leur  falut.  134. 

XII.  Lorfquc  Dieu  déclare  par  des  Miracles,  de 
quel  côté  eft  la  Vérité ,  c'eil  fe  révolter  contre 
lui  que  de  refufer  de  fe  foumettre  à  ce  que  ces 
Miracles  décident.  135 

§.  VU.  Les    AiiracUs  pcrt-ent  avec  eux  la 


preuve  qu'ils  funt  f  œuvre  de  Dieu 
Tome  11^ 


&  n 


y  a  des  moyens  à  la  portée  des  fimples  pour 
les^  dificerner  fiàrement  des  fiupercheries  du 
démon.  j  3  y 

Art.  I.  L'Autorité  des  Miracles  vient  de  Dieu  : 
elle  fe  manifefte  par  leur  évidence  ,  &  elle  ne 
dépend  ni  des  Evêques  ni  des  Docteurs.  Ibid. 

II.  Péril  efifroyable  où  fe  livrent  ceux  qui  attri- 
buent au  démon  les  Miracles  que  Dieu  fait 
parmi  nous.  139 

III.  Les  fimples  n'ont  pas  befoin  de  confulter  des 
Docteurs  pour  croire  les  iVIiracles  :  il  y  a  des 
moyens  à  leur  portée  pour  les  difcerner  des  ar- 
tifices de  Satan.  14.0 

IV.  Règle  fimple:  tous  les  Miracles  faits  au  nom 
&  en  invoquant  Jèfus-Chrill  avec  piété,  l'ont 
des  Miracles  Divins.  14c 

V.  Réfutation  du  Siftême  de  Spinofa  contre  la 
pofïïbilité  des  Miracles.  151 

§.  VIII.  Preuves  de  la  faujfeté  de  toutes  les 
prétendues  guérifions  miraatlettfes  que  Af. 
l'Evêque  de  Bethléem  dit  s'être  opérées  par 
le  démon  en  faveur  des  Idolâtres.  152 

Art.  I.  Preuve  de  la  faufièté  des  prétendus  Mi- 
racles d'Apollonius.  Ihid. 

II.  Preuves  que  Pithagore  n'a  point  fait  de  mi- 
racles. 158 

III.  Preuves  de  la  fàulTeté  des  prétendus  mira- 
cles de  Vefpafien.  159 

IV.  M.  l'Eveque  de  Bethléem  ,  pour  prouver 
qu'Efculape  &  les  démons  ont  fait  des  guèri- 
fons  mirsculeufes,  cite  à  faux  le  témoignage 
de  TertuUien.  163 

V.  Efculape  ni  les  autres  faux  Dieux  n'ont  ja- 
mais fait  de  guèrifons  miraculeulés ,  ni  même 
qui  aient  paffépour  telles  dans  l'efprit  des  Pa- 
yens  les  mieux  inflruits  des  faits.  i6ç 

VI.  Aveux  &  témoignages  des  Idolâtres  que 
leurs  Dieux  n'ont  point  fait  de  guèrifons  mi- 
raculeufes.  168 

VII.  Examen  des  quatre  Inlcriptions  citées  par 
M.  de  Bethléem.  174 

VIII.  En  même  tems  que  le  Prélat  témoigne  u- 
ne  foi  puérile  pour  les  prétendus  miracles  du 
démon  ,  il  poulie  fa  défiance  jufqu'au  dernier 
excès  a  l'égard  de  ceux  que  Dieu  opère  de- 
puis 1727.  parmi  nous.  \-j6 

IX.  11  eft  échappé  a  M.  de  Bethléem  d'avouer 
lui-même  des  principes  qui  fuffifent  pour  ren- 
verfer  tout  ce  qu'il  oppofe  aux  Miracles  de 
ce  Siècle.  177 

X.  Lti  Apologiftes  de  la  Religion  ont  tous  fou- 
tenu  ,  que  le  démon  ne  guérit  point  de  vérita- 
bles maladies,  &  que  lés  guèrifons  (e  rèdui- 
fent  à  difcontinuer  les  douleurs  qu'il  caufe  à 
certaines  perfonnes  qui  font  fous  fa  puiffan- 
ce.  179 

XI.  C'eft:  agir  contre  la  foi  &  la  raifon  que 
d'oppofer  des  fairs  deitirués  de  preuves  folides, 
aux  Textes  de  l'Ecriture  ,  aux  Témoignages 
des  Apologiftes  &  des  anciens  Pères,  &  à  la 
Décilion  des  Conciles.  184. 

^  ^  §.  IX.  Ré- 


10  Table  des  Sommaires  ^  érc 

§.  IX.  Réfntation  des  induElions  que  tire  A'f. 
rEvèijMe  de  Bethléem  ,  de  l'hifloire  du 
faux-ChriJ}  du  Gévaudan  ,  (j-  des  Alir.t- 
cles  faits  par  Secundellus  er  f-t'^  les  Reli- 
ques ai-  S.  Jufi.  184 

Art.  I.  Examen  de  l'hifloire  du  prétendu  faux- 
Chrift  du  Gévaudan.  Uid. 

II.  Ceft  une  elpéce  de  blafphcme  que  d'attri- 
buer aux  démons  les  Miracles  faits  par  Secun- 
dellus. .  188 

III.  Le  jugement  que  portent  M.  de  Bethléem 
&  Glaber  des  Miracles  opérés  à  l'occalion 
des  Reliques  de  S.  Jull,  cil  très  mal  tonde  de 
toutes  rayons.  191 


IV.  Dieu  n'a  jamais  permis  au  démon,  &  ne 

peut  pai  mtme  lui  permettre  ,  d'opérer  des 
eué;iions  qui  paroillént  réellement  Miracu- 
Iculéii  pour  taire  tomber  dans  l'erreur  ceux  qui 
cherchent  de  bonne  foi  la  Vérité.  195 

§.  X.  Réfutation  de  plujîeurs  fattffes  Propo- 
fitions  ,  de  la  plupart  des  autorités ,  cr  de 
pUtfieurs  ob^etbons  de  M.  de  Bethléem.    197 

A  R  T.  I.  Les  Miracles  faits  pendant  h  vie  ne 
font  pas  une  preuve  certaine  de  fainteté  ,  mais 
i's  en  font  une  lorfqu'ils  font  faits  après  la 
mort.  Ibid. 

II.  Ceft  une  erreur  de  dire  qu'on  peut  obtenir 
de  Dieu  des  guérifons  miraculeufes  par  l'inter- 
celTîon  d'un  homme  mort  dans  l'hérélie.    198 

IIL  Préfervatif  contre  les  citations  faites  par  M. 
de  Bethléem.  199 

IV.  Le  Prélat  applique  aux  Miracles  de  guéri- 
fbn  ce  que  les  Auteurs  qu'il  cite,  n'ont  dit 
que  des  prodiKs  6c  des  prelHges  que  le  démon 
a  q'Jelqucfois  la  liberté  de  faire.  Jbid. 

V.  M.  de  Bethléem  change  le  fcns  des  paflages 
qu'il  cite.  200 

VI.  11  donne  Tobjeflion  que  les  Pères  com- 
battent, pour  leur  fentiment  perfonnel.      201 

Vil.  Les  Pérès  &  autres  Théologiens  fe  font 
quelquefois  fervis  du  terme  de  miracles  com- 
me d'une  exprefïîon  générique  pour  Ggnificr 
toutes  (ortes  de  merveilles.  202 

VIII.  Non  feulement  S.Auguftin  necroyoitpjs 
que  le  démon  puiffe  faire  de  guérifons  mira- 
culeutes  ,  mat?  il  paroît  même  dans  le  doute 
(i  Dieu  lui  accorde  quelquefois  la  permillion 
de  faire  des  prodiges  réels.  Ihid. 

IX.  Explication  du  pafTagc  de  S.  Auguftin  nuid 
fojftnt  pet  vatiiram,  &c.  objeifté  a  contrclcns 
non  feulement  par  M.  de  Bethléem  maisaullt 
par  !c  Nouvcllilte.  204. 

X.  M.  de  Bcthléctn  a  fait  d'étranges  mépriles 
dans  plulieurs  de  fcs  citations.  207 

XI.  Le  Prélat  pour  fc  defFendrc  des  autorités 
qu  on  lui  objcdtc,  nie  que  les  Auteurs  aient 


dit  ce  qu'ils  ont  le  plus  formellement  (bute- 
nu.  20S 

XII.  Ceft  dans  des  Livres  apocryphes  ,  où  M. 
de  Bethléem  a  puiié  une  grande  partie  des  au- 
torités fur  lefqucUcs  il  fe  fonde.  210 

XIII.  Quoique  Dieu  permette  quelquefois  au 
démon  de  faire  des  prodiges ,  il  ne  fouffre  pas 
qu'il  opère  des  guérifons  qui  paroillént  Mira- 
culeufes. 211 

§.  XI.  Car  avères  des  prodiges  cJ*  des  prtfii- 
ges  diaboliques  :  ç-r  conjetlures  des  Pérès 
fur  ceux  que  fera  l' Antechrifl.  m 

Art.  I.  Les  prodiges  réels  du  démon  portent 
prefque  toujours  des  marques  vilibles  de  fa 
foiblellé  &:  de  fon  impuiilànce.  2i\ 

IL  Les  prodiges  diaboliques  font  toujours  nui- 
iibles  ou  de  pure  oftentation.  214 

III.  Circonftance  principale  qui  fait  aifément  re- 
connoître  les  prodiges  du  démon.  2:7 

IV.  Idée  que  les  Pérès  nous  donnent  des  prefti- 
ges.  219 

V.  Idée  que  les  Pérès  nous  donnent  des  prodi- 
ges de  l'Antechrift.  IbiJ. 

§.  XII.  La  fource  impure  des  prodiges 
réels,  fenftbles  &  palpables  de  l'Enfer  eft 
ordinairement  facile  à  découvrir;  5-  il 
j  a.  toujours  des  caraEléres  évidens  qui  dis- 
tinguent Tuanifejlemem  les  Miracles  Divins 
de  ces  miracles  dicdjnliques.  217 

Art.  I.  L'Auteur  du  Mémoire  Théologique 
6c  celui  à<i%  Nouvelles  fc  trompent  dans  leur 
critique  de  la  phrafe  ,  ainfi  la  fource  impure  des 
prodiges ,  &c.  en  donnant  cette  phrafe  pour 
une  Propolition  qui  s'étend  à  toutes  les  difïe- 
rentes  efpéces  Je  Itratagémcs  que  peuvent  fai- 
re les  démons.  228 

II.  S.Antoine  pofe  pour  principe,  qu'il  eft  faci- 
le de  dilcernerles  vidons  qui  viennent  de  Dieu 
d'avec  celles  que  Satan  procure.  232 

III.  Sentiment  des  Théologiens  Antifecouriftes 
avant  q  l'ils  fe  foient  vus  forcés  ,  pour  foute- 
nir  leur  Décilion  contre  les  grands  Secours, 
de  combattre  celle  des  Miracles  opéréi  par  ce 
canal.  Ihid: 

IV.  r.-es  plus  célèbres  Auteurs  unis  à  ces  MM. 
ont  avancé  àcs  maximes  qui  vont  bien  plus 
loin  que  ma  phrafe  ;  «Se  on  trouve  des  prmci- 
pes  qui  futhfent  pour  l'établir  lufques  dan>  les 
Ecrits  des  plus  grands  .Adverfaires  des  Mira- 
cles. 256 

V.  La  plupart  des  Doileurs  fe  fontpréfentement 
des  Régies  fui  vanr  leurs  différentes  préventions , 
qui  toutes  aboutillcnt  à  ébranUr  1  Autorité  des 
Âliracles  :  &  c'eft  par  là  que  fe  forme  l'aveu- 
elcment  qui  doit  donner  lieu  à  l'œuvre  terri- 
ble d'Elic.  2+1 


Re- 


Table  des  Sommaires^  Z7C.  ii 

Réflexions  préliminaires  aux  deux  premiéns  Démonftrations  fiùvantes ,  des  Mi- 
racles opérés  fur  le  Tombeau  de  M.  Kouffe  Prêtre  &  Chanoine  d'Avenai  Diocèfc 
de  Reims,  Appellant  &  Réappellant. 
V.  Pièces  juftificatives  défaites  Réflexions. 
Démonstration  du  Miracle  opéré  fur  Anne  A  u  g  i  e  r. 
Récit  de  ce  Miraclcj  tiré  des  Pièces  juftificati-    III.  Frop.  Anne  Augier  a  été  guérie  fubitemenc 

fur  le  Tombeau  de  M.  Roulfe  ,  de  fa  paraly- 
fie  &de  tous  fes  autres  maux  le  8.  Juillecijz;. 
&  peu  de  jours  après  Dieu  lui  a  donné  la  fan- 
té  la  plus  parfaite  &  la  plus  robufle.  27 
IV.  Frop.  La  guérifon  d'Anne  Augier  n'a  pu  être 
opérée  que  par  le  Tout-puilTant.  34 
Stances  inégales  fur  les  Miracles  du  tems  &  en 
particulier  fur  celui  qui  a  été  opéré  fur  Anne 
Augier:  (Pièce  de  vers  imprimée  dans  la  i. 
Edition ,  quoiqu'elle  ne  foit  pas  de  l'Auteur 
des  Dénionlbations.)                                    41 
XyiII.  PiECEs  juftificatives  dud'it  Mincie  (à  la 
fin  defquellcs  p.  13.  efi  une  Déclaration  de  Jo- 
feph  Maffy  Luthérien ,  guéri  rairaculeufément 
&  converti.) 


ves. 
Caradére  des  Témoins. 
I 


I 
8 
Fropofition.  Anne  Augier  .  '.  avoit  les  deu.'i 
jambes  perclufes . .  par  une  paralyfie  complet- 
te  qui  depuis  21.  ans  les  avoit  réduites  à  un 
deflechement  entier.  Son  corps  fe  meurtrifToit 
de  plus  en  plus  •  .  Depuis  7.  ans  elle  avoit  un 
cancer  qui  .  .  avoit  formé  un  abcès  ulcéré  & 
.  .  une  hftule  .  .  .  Enfin  il  lui  furvint  aulli 
une  paralyfie  fur  le  bras  gauche  deux  ans  avant 
(à  guérifon.  14 

II.  Frop.  Le  deflechement  des  jambes  d'Anne 
Augier,  caufé  par  une  paralyfie  complette  qui 
avoir  duré  plus  de  21.  ans,  étoit  un  état  abfo- 
lument  incurable.  23 


Demonstation  du  Miracle  opéré 

Récit  de  ce  Miracle  tiré  des  Pièces  juftificati- 
ves. ^  I 
Caraélére  des  Témoins.                                   8 


I. 


Fropofitiofi.  La  Dame  Stapart  avoit  .  \  .  de- 
puis le  24.  Dec.  1717.  l'œil  gauche  privé  de 
toute  lumière,  de  tout  mouvement,  de  toute 
fenfibilité:  ce  qui  étoit  l'effet  d'une  attaque 
d'apoplexie  fuivie  d'une  paralyfie  .  .  .  (  Elle 
avoit)  un  mal  de  tète  continuel  .  .  &  une 
enflure  aux  jambes  .  .  .  Enfin  une  troiliéme 


fur  la  Dame  Stapart. 

attaque  avoit  fait  tomber  .  .  fon  bras  &  ft 
jambe  ,  .  en  paralyfie  complette.  2r 

II.  Frop.  La  Dame  Stapart  a  été  fubit«ment  6c 
parfaitement  guérie  de  toutes  fes  maladies 
fur  le  Tombeau  de  M.  RoulTe  le  16.  Mai 
1728.  28 

III.  Frop.  La  guérifon  de  la  Dame  Stapart 
ne  peut  être  attribuée  qu'au  Tout-  puis- 
fant.  39 

XV.  Pièces  juftificatives  dudit  Miracle. 


Démonstration  du  Miracle  opér^ 
terceffion  de  M.  de  Paris  &  dans  une  C 

Récit ,  tiré  des  Pièces  juftificatives ,  de  ce  Mi- 
racle &  de  plulieurs  autres  opérés  fur  ladite 
Marie-Jeanne  Fourcroy.  i 

Caraélére  des  Témoins.  16 

I.  Fropojition.  Une  anchilole  complette  avoit 
rendue  la  difformité  du  pied  gauche  de  Mlle. 
Fourcroy  un  état  fixe  &  invariable ,  lorfqu'il 
plut  au  Tout-puiffant  de  lui  faire  reprendre 
tout  à  coup  une  forme  naturelle.  23 

II.  Frop.  11  n'y  avoit  aucun  moyen  au  pouvoir 
des  êtres  créés  qui  fût  capable  de  faire  repren- 


é   fur  Marie-Jeanne  Fourcroy  (par  l'in- 
onvulfion.) 

dre  fa  première  forme  au  pied  anchilofé  de  la 
Dlle.  Fourcroy.  29 

III.  Frop.  Le  pied  difl^orme  de  la  Dlle.  Four- 
croy a  tout  d'un  coup  recouvré  une  figure 
naturelle  au  milieu  de  (es  Convulfions  le  14. 
Avril  1732.  &  s'eft  trouvé  fur  le  champ  dans 
un  état  parfait.  ^    33 

[ On  y  réfute  les  pr'wàpniix  faits  a-janecs  à  fon 
fujet  dans  le  calomnieux  Journal  des  Con- 
vulfions.] 

XIV.  Pièces  juftificatiiîves  dudit  Miracle. 


Observations  fur  les  Convulfions.    I.  Partie:  Idée  de  l'œuvre  des  Convulfions. 

bord  porté.  Ihid. 

II.  Réponfe  à  la  principale  objecflion  àes  Anti- 
convuliioniftes  (que  les  Convulfions  font  une 
punition.)  7 

III.  Récit  du  Miracle  opéré  fur  Catherine  Bi- 
got.        ^  Jbid. 

IV.  Caraélére  des  Témoins.  8 

V.  Preuves  que  Catherine  Bigot  étoit  fourde  & 
muette  de  naillance.  10 

VI.  Circonftances  furnaturelles  &  bien  dignes 
de  remarque  ,  qui  oot  précédé  la  création  de 
l'organe  de  l'ouïe.  ;  1 3 

*»2  Vn.Preu- 


Avant-propos.  i 

Proposition  (unique)  de  cette  I, Partie. 
Dieu  préjtde  à  l'œuvre  des  Convulfions  :  el- 
les font  même  en  partie  fon  ouvrage  ;  mais 
elles  entrent  toutes  dans  fes  vues  pour  deux 
fins  bien  différentes  :  l'une  de  pure  mi  fer  i- 
corde ,  l'autre  de  juflice  er  de  vengeance,  3 

Article  I.  Témoignage  du  faint  Evêque 
de  Senez  fur  l'origine  des  Convulfions  ,  leurs 
premiers  effets  &  le  jugement  qu'on  en  a  d'à- 


Table  des  Sommaires^  érc. 


VII.  Preuves  de   la  création  de  l'organe  de 

l'ouïe.  •.  17 

VIII.  Réponfe  aux  objedions  qu  on  fiùt  contre 
ce  Miracle.  20 

IX.  Les  Convulùons  ont  été  d'abord  le  moyen 
phylîque  par  lequel  Dieu  a  opéré  des  Mira- 
cles de  guérifon:  [témoignage  de  M.  l'Evé- 
que  de  Montpellier.]  23 

X.  Convulfions  guériflàntcs  de  la  Dlle  Har- 
douin,&c.  2î 

XI.  Il  y  a  eii  des  Convulfions  en  même  tems 
gucrilîantes  &  contraires  à  d'autres  guérifons, 
qui  ont  été  les  unes  &les  autres  fuivics  de  gué- 
rifons miraculcufes.  26 

XII.  Convullîons  guérillàntes ,  &  contraires  à 
d'autres  guérifons  de  la  DIU  Duchcne.    JW. 

XIII.  Preuves  que  Dieu  a  été  l'Auteur  des  Con- 
vulfions guérinàntes.  27 

XIV.  Idée  (abrégée)  des  mouvemens  convul- 
fift.  Ibid. 

XV.  Objection  tirée  des  guérifons  imparfaites.  28 

XVI.  Les  guérifons  imparfaites  font  de  vrais 
Miracles.  29 

XVII.  Miracles  opérés  fur  Jeanne  Tenard.     3 1 

XVIII.  Réflexions  fur  les  Témoins.  Ibid. 

XIX.  Première  preuve  de  l'état  de  Jeanne  Te- 
nard. 34. 

XX.  Jeanne  Tenard  vient  à  Paris  &  a  de  vio- 
lentes Convulfions  dès  qu'elle  fe  met  fur  le 
Tombeau  de  M.  de  Paris.  36 

XXI.  Preuves  de  l'état  &  du  rétabliflement  de 
fon  genou.  37 

XXII.  Preuves  de  l'état  &  de  la  régénération 
de  l'épaule  du  bras  &  de  la  formation  des  os 
du  coude.  40 

XXIII.  Preuves  qu'il  ne  rcfloit  plus  à  la  place 
de  la  main  droite  de  Jeanne  Tenard  qu'un  peu 
de  matière  feche  &  fans  organes.  50 

XXIV.  Preuves  delà  régénération  totale  de  cet- 
te main.  52 

XXV.  Réponfe  à  robje(flion  tirée  de  l'imper- 
fection de  la  création  de  cette  niam.  55 

Repre'sf.nt.ation  fiiccinUce  de  ce  tjui  s'efl 

p.ijfe  dans  la  I.  Epocjue  des  ConvHljlons.   j(5 

II.  EpoauE  des  Convuljîons.  58 

XXVI.  Tems  auquel  les  Convulfions  ont  com- 
mencé d'être  accompagnées  de  Signes  ik  de 
Prodiges.  59 

XXVII.  Dieu  a  choifi  la  plupart  des  Convul- 
fionnaircs  dans  une  condition  obfcure.      Ihid. 

XXyilI.  Dieu  a  ccl.iiré  l'efprit  des  Convullion- 
naircs  &  les  a  rendus  Prédicateurs  de  l'Ap- 

^  rci-  60 

[Cff/  f/?  txfl.qué plus  au  long  dans  la  II.  Vartie. 

pp.  17.  7^.  df  juiv.'] 
X.XIX.  Réflexions  fur  l'Expofé  de  la  Confulta- 
tion  des  Trente  Do<!^curs.  Cl 

XXX.  Les  Confultans  le  (ont  joints  aux  enne- 
mis de  l'Appel,  pour  profcrire  les  Convul- 
fionnaires.  66 

XXXI.  Les  Gînvulfionnaires  font  les  Advcrfai- 
les  les  plus  redoutables  de  U  Bulle.  Ibid. 


XXXII.  Premières  prcdiftions  des  Convulfion- 
naircs.  70 

XXXIII.  Des  prédiaions  fauOès.  Itid. 

XXXIV.  Prédivftions  dont  l'événement  a  été  pu- 
blic. 71 

XXXV.  Ausçuftiniftes  &  Vaillantiftes.  72 

XXXVI.  Faullès  imputations  des  Anticonvul- 


.74 


77 


lioniftes. 

XXXVII.  Dieu  aenvoyé  des  Convulfions  àplu 
fieurs  perfonnesdediltindlion:  Vertus  des  Gon 
vullîonnaires. 

XXXVIII.  Foi  de  plufieurs. 

XXXIX.  Pénitences  des  Convulûonnaires, 
[Voyez,  aulji  la  II.  Vartie  pag.  Cz  .  .  ç^  la  IV. 

{dans  le  III.  Foulutee)  pp.  397.  ^  fuiv. 

XL.  Récit  du  jeûne  de  40.  jou's  de  M.  Fontai- 
ne, (Se  de  ce  qui  l'a  précédé,  Sec  81 

XLI.  Humilité  de  plufieurs  Convuliionnaire..  86 

XLII.  Motifs  de  quelques  Appellans  pour  dé- 
crier les  ConvuKîonnaires.  88 

XLIII.  Les  Adverfaires  des  Convullîons  n'ofent 
nier  que  les  Convulfionnaircs  n'aient  fait  des 
Miracles.  8f> 

XLIV.  Conféquences  des  Miracles  opérés  par 
le  miniftére  des  Convulfionnaircs.  90 

XLV.  Miracle  opéré  fur  uneReligieufe  du  Cal- 
vaire, prédit  par  une  Convullio'nnairc,&  fait 
^à  fa  prière.  Ibid, 

XLVI.  Force  des  Témoignages  qui  prouvent  ce 
Miracle.  91 

XLVII.  Première  prédidUon  de  la  Convulfion- 
naire.  92 

XLV III.  Preuves  de  rextrémicé  delà  maladie 
de  la  Religicufe.  IhiJ. 

XLIX.  Seconde  prédidlion  de  la  Convulfion- 
naire.  94, 

L.  Moment  de  la  guérifon  parfaite  de  la  Reli- 
gicufe. 05 

Ll.  Preuves  de  la  perfc<îlion  de  cette  guérifon 
fubi:e.  Ikid. 

LU.  Une  guérifon  fi  fubite  &  fi  parfaite  n'a  pu 
iz  faire  que  par  la  création  d'un  lang  nou- 
veau. 96 

LUI.  Si  Dieu  eft  l'auteur  de  la  guérifon,  il  l'eft 
aufli  des  prédi(ftions  faites  par  la  Convulfion- 
naire.  98 

LIV.  Ce  Miracle  n'a  pas  eu  pour  objet  d'auto- 
rifer  la  Convuliionnaire, mais  les  Convullîons 
en  général.  "  99 

LV.  Les  Convulfionnaircs  ne  font  pas  infailli- 
bles pendant  leurs  Convulfions.  100 

L\'I.  Les  lumières  données  pendant  les  Cin- 
vulfioni  ne  font  pas  toujours  dilUndcs.     101 

LVII.  Réponfe  à  la  principale  objection  des  .ad- 
verfaires des  Convulfions.  Ibid. 

LVIII.  Mir.-icle  &  Converlion  par  le  minirtcrc 
de  la  Dullbn.  luj 

LIX.  Guérifon  miraculeufe  &  prédictions  fai- 
tes, par  le  minillère  île  \'irginic.  106 

LX.  Miracles  oiX"rès  fur  le  Chcv.ilicrDcvdé.  109 

LXI.  Prétlictions  qui  me  font  pcrfonnclles,  [& 
au.xquelles  révcncmcnt  a  rciHjndu  cnticre- 
nicnc]  I  j  { 

L'a.H' 


Table  des  Sommaires ,  ô'C. 


Vœuvre  des  Convnljîons  illufirée  cCti»  côté 
par  des  dons  fitruaturels  ,  des  prédirions , 
des  Converjions  zjy  des  Aiirades  ,  o"  de 
l'autre  avilie  par  les  artifices  du  démon ,  a 
nécejpiirement  dans  les  confeils  de  Dieu  cjtiel~ 
^ue  grand  objet  que  tout  Chrétien  a  un  in- 
térêt fenfible  d'approfondir.  ii6 

LXII.  Dieu  préfide  à  l'œuvre  des  Convulfions 
pour  des  fins  dignes  de  lui.  Ihid. 

LXlII.  L'œuvre  des  Convulfions  annonce  la 
venue  du  Prophète  Elie.  1 19 

I,  Vérité*:  Dieu  dans  fa  miféricorde  a 
formé  r œuvre  des  Convulfions  pour  annon- 
cer la  venue  du  Prophète  Elie,  121 

LXIV.  Les  Ecritures  prédifent  l'avènement  d'E- 
lie.  Ihid. 

LXV.  Témoignage  du  Bienheureux  M.  de  Paris 
fur  la  venue  prochaine  du  Prophète  Elie.  Ibid. 

LXVI.  Sentiment  de  M.l'Abbè  Duguet.    122 

LXVil.  Prodiges  par  lefquelles  Dieu  nous  an- 
nonce clairement  la  venue  du  Prophète.    123 

LXVIII.  Dieu  la  déclare  en  découvrant  claire- 
ment l'état  de  l'Eglife  qui  prouve  la  nécelïité 
d'un  tel  remède.  i2<> 

Obfervation  fur  le  Prodige  desCrucifîxs  qui  ver- 


î? 


fent  du  fang. 


127 


[Voy.  fur  le  même  fujet  le  Tom.  III.  pp.  671 
&  672.1 

LXIX.  Réponfe  à  l'objeâiion  de  la  fauffeté  des 
prédirions  particulières  faites  par  plufieurs 
Convulfionnaires.  128 


LXX.  Réponfe  à  l'objei^ion  tirée  de  la  baflènè 
de  la  plupart  des  Convulfionnaires.  131 

II.  Vérité'  :  Le  mépris  qu'on  fait  aujour- 
d'hui des  Convulfions  ,  des  Prodiges,  & 
même  des  Miracles ,  efl  une  difpofition  des 
efprits  très  extraordinaires  :  il  efi  viftble 
que  Dieu  l'a  permis  dans  foi  jtîjiice  pour 
faire  rejetter  le  Prophète  par  prefque  toute 
la  Commutùon  Catholique,  i^j. 

LXXI.  La  prédidion  de  Jéfus-Chrift  ,  qu'Ehe 
fera  rejette  par  les  Chrétiens,  paroît  d'abord 
inconcevable.  Ihid. 

LXXII.  Difpofition  de  la  Cour  de  Rome.  135 

LXXII.  Difpofition  du  très  grand  nombre  des 
Evêques.  136 

LXXIV.  Difpofition  des  Conftitutionnaîres,des 
Moliniftes ,  des  faux  dévots  &  des  ignorans.  137 

LXXV.  Difpofition  des  prétendus  efprits 
forts.  138 

LXXVr.  Diverfes  claflesdes  Appellans.       139 

LXXVn.  Ce  qu'Elie  fera, ne  fera  différent  que 
du  plus  au  moins  de  ce  qu'on  a  vu  dans  l'œu- 
vre des  Convullions.  140 

LXXVIII.  Il  y  a  tout  lieu  de  craindre  que  les 
nuages  n'augmentent  encore.  142 

LXXIX.  RéHexion  qu'il  faudra  faire  pour  n'en 
être  point  aveuglé.  143 

XVL  Pièces  juftificatives  du  Miracle  opéré  fur 
Catherine  Bigot  ,  ôc  XL  concernant  celui  de 
Jeanne  Tenard:  (dont  il  a  été  fait  mention  aux 
Nombres  III.  &  XVII.) 


Observations  fur  les  Convulfions. 

états)  des  Convulfionnaires. 
u4!-vant-propos,  I 

Article.  I.  Toutes  les  œuvres  de  Dieu  qui 

ont  beaucoup  d'étendue,  paroilfent  mêlées.  Ibid. 
IL  Exemple  tiré  des  abus  que  Dieu  permet  dans 

l'adminiftration  de  l'Eglife  vilible.  Uid. 

m.  Exemple  tiré  de  l'œuvre  de  reffufïïon  des 

dons  du  S.  Efprit.  3 

IV.  Définition  des  Convulfions.  4 

V.  En  féparant  de  cette  œuvre  tout  ce  qui  ne 
fait  point  partie  de  fa  première  dellination ,  el- 
le eft  inconteftablement  divine.  Ibid. 

VI.  Cette  œuvre  peut  aulTi  dans  l'idée  la  plus 
étendue,  être  appellée  l'œuvre  de  Dieu.  Ibid. 

Réflexions  de  difiç'rens  Auteurs  propres 
à  répandre  la  lumière  fur  l'œuvre  des  Con- 
vulfions, &  à  écarter  la  plupart  des  nua- 
ges dont  cette  œuvre  paroit  couverte.   6 

Observations  fur  l'état  des  Convul- 
fionnaires, 1 2 

A  RT.  I.  Expofition  de  l'état  (ou  des  différens 
états)  des  Convulfionnaires.  16 

IL  Les  Convulfionnaires  ont  communément  plus 
d'efprit  en  Convulfion  que  dans  leur  état  na- 
turel. 17 


II.  Partie:  Idée  de  l'état  (ou  des  différens 


III.  Inftinfls  des  Convulfionnaires.  19 
[Cette  matière  des  inftinéls  efl  traitée  au  Ion  g  dans 

le  III.  Volume,  pp.  355.  ou  395.  ér  fuiv.'\ 

IV.  Panfemens  des  malades.  19 

V.  Repréfentations.  25 

VI.  Peinture  des  foufFrances  de  Jéfus-Chrift  ôc 
Difcours  à  cette  occafion.  25 

VIL  Tableau  vivant  des  fupplices  des  Martyrs , 
&  Difcours  à  ce  fujet.  28 

VIII.  Repréfentation  du  fupplice  du  feu.         3 1 

IX.  Réponfe  à  la  fatyre  du  Dofleur  Albert.  54 

X.  Ce  n'eft  point  par  les  mœurs  des  Convul- 
iîonnaires  qu'on  doit  décider  de  l'auteur  des 
Convulfions.  Ibid. 

XI.  M.  le  Docteur  A.  n'eft  point  exad  dans 
le  récit  des  faits  qu'il  rapporte.  3<) 

XII.  Difcours  fur  le  choix  que  Dieu  a  fait  des 
Convulfionnaires  pour  opérer  des  Proliges.  44 

XIII  La  grandeur  des  Prodiges  joints  aux  Con- 
vulfions de  Marie  Sonnet , manifefte  que  Dieu 
en  étoit  l'auteur.  45 

XIV.  L'origine  des  Convulfions  de  la  Sonner,- 
l'objet  de  leur  auteur ,  &  les  effets  qu'elles  onf 
produitjprouvent  qu'elles  venoicnt  de  Dieu.  48 

Xv.   Les  Convulfions  de  Denife  étoient  réelles 

(quoi  qu'en  dife  M.  h)  ^,^,,  ^.49 

.**  î  XVI.  Sim- 


1+ 


Table  des  Sommaires^  à'C. 
le  feu  par 


XVI.  Simbolc  exécuté  avec  le  feu  par  quatre 
autrei  Convu'lîonnaires.  50 

XVII.  Réponfc  à  l'objeilion  tirée  de  la  défcnfc 
des  Epreuves.  5 1 

\^Cette  matière  tft  encore  traitée  plus  amplement 
dans  h  Tom.  III.  pp.  82^  &  fuiv  ] 

XVIII.  Pareilles  reprélcntations  faites  par  des 
SS.  Myftiques.  53 

XIX.  Preuves  par  les  effets  que  le  furnaturel  de 
ces  repréfcntations  vient  de  Dieu.  5+ 

XX.  .Autres  preuves  que  le  furnaturel  de  ces  re- 
préfcntations a  Dieu  pour  auteur.  Ibid. 

XXI.  Témérité  des  Anticonvulfioniftes.         55 

XXII.  Portrait  de  ceux  quiaffiftent  à  cesrcpré- 
fentitions.  5<5 

XXIII.  Obrervationsfur  les  pénitencesdcsCon- 
vullicnnaires.  <52 

[r«/.  atjjijur  le  même  fujet ,  le  Tom.lU.p.%^T. 

XXIV.  Extafes.  66 

XXV.  Portrait  des  Extafes.  67 

XXVI.  Faux  principe  des  Anticonvulfionis- 
tes.  IhiJ. 

XXVII.  Difcoursen  langue  inconnue  ou  étran- 
gère. 72 

XXVIII.  Découverte  des  fecrets  des  cœurs.  75 

XXIX.  Obfcrvations  fur  les  Difcours.  77 

XXX.  Les  prédictions  générales  faites  par  tous 
les  bons ConvuHionaires, font  l'objet  de  l'oeu- 
vre des  Convullions.  79 

XXXI.  Etat  de  l'Edife  vifiblc.  80 

XXXII.  Il  y  a  quelquefois  du  mélange  dans  les 
Difcours  aes  Convulfionnaires.  81 

XXXIII.  Souvent  il  n'y  a  que  les  penfées  qui 
leur  foient  données.  8z 

XXXIV.  Quelquefbb  les  termes  leur  font  dic- 
tés. Ibid. 

XXXV.  Quelquefois  ils  parlent  forcément.  Ihid. 

XXXVI.  Différence  ellcntielle  entre  les  Pro- 
phètes &  ceux  qui  n'ont  que  des  révélations 
particulières.  83 

XXXVII.  Il  y  a  eu  un  pareil  mélange  dans  les 
prédiélions  des  SS.  qui  n'étoicnt  pas  des  Pro- 
phètes. 84 

XXXVIII.  Preuves  d'un  pareil  mélange  tirées 
de  l'Ecriture  fainte.  85 

XXXIX.  Pareils  mélanges  dans  les  difcours  & 
les  prédiflions  des  SS.  Alyftiques.  88 

XL.  Sentitnens  des  Auteurs  £ccléliaftiques  par 
r.icport  au  mélange.  92 

XLI.  Différence  entre  les  révélations  des  Pro- 
phètes &  celle  des  autre.<;  pcrfonnes.  94 

XLlI.  Les  plus  grand.;  Théologien';  penfcnt  qu'il 
crt  trèsdifticile  de  fjire  fur  cela  Icdifcerncmcnt 
de  ce  qui  vient  de  i'Efprit  de  Dieu.         Ihid. 

XI.III.  Le  principe  des  Anticonvullioniftes  va 
à  rejcttcr  non  feulement  les  prédictions  des 
C'onvullionnaires  ,  mais  aulTi  celle;  des  S,S. 
Mylliques  &  de  tous  ceux  qui  n'ont  pas  été 
des  Prophètes.  9^ 

XLIV.  Ce  faux  principe  raviroit  à  TFplire  une 
des  preuves  de  la  divinité  de  fon  origine.  Uid. 

XLV.  DifKrcncc  notable  entre  les  picdic'tions 


d'un  feulConvulfionnaire  &  celle?  qui  ont  été 
faites  généralement  par  tous  &  accompagnées 
de  circcnftances  furiuturelles.  97 

XLVI.  Réponfe  à  l'objeètion  tirée  du  défaut  de 
fouvenir.  Ihid. 

XLVII.  Plufieurs  ConvulGonnaires  fe  relfou- 
viennent  parfaitement  de  leurs  difcours,  lors 
même  qu'ils  ont  été  prononcés  en  extafc.    98 

XLVIII.  Plufieurs  Convulfionnaires  confervent 
dans  leur  état  naturel  toutes  les  lumières  qu'ils 
ont  reçu  en  extafe.  99 

XLIX.  Plufieurs  Saints  ne  fe  font  pas  reflbuve- 
nus  après  leurs  extalés  de  ce  qu  ils  y  avoient 
dir.  100 

L.  Obfervations  fur  les  prédiélions faufTes.    lOi 

LI.  Etat  de  Mort.  loj 

LU  Etat  d'Enfance.  ^  loç 

LUI.  Réfutation  de  la  fauffe  idée  que  l'Auteur 
des  Vaivs  eiforts  donne  des  Convullions.    1 10 

LIV.  Différence  entre  l'aliénation  des  fens, cel- 
le de  l'eiprit ,  6c  la  folie.  Ibid. 

LV.  On  troj\  e  plus  de  chofes  choquantes  dans 
les  Vies  de  pkideurs  Myltiques,  que  parmi  les 
meilleurs  Convulfionnaires.  113 

LVl  Faulfes  imputations  de  l'Auteur  des  K<»/ax 
efforts.  117 

Observations  fur  les  Convulfions 
in.  Partie.  Idée  des  mouvemens  con- 
vulfifs.  120 

Art.  I.  Les  agitations  furnaturelles  des  Con- 
vulfionnaires font  des  Simboles  très  intéres- 
fans.  Ihid. 

II.  L'Auteur  des  Vains  efforts  trompe  fon  Lec- 
teur ,  en  lui  donnant  lieu  de  confondre  les  agi- 
taions  convuUivesavec  des  mouvemens  d'im- 
pureté. ^  123 

III.  Sentiment  de  M.  l'Evêque  de  Montpellier 
par  rapport  aux  mouvemens  convulfifs.     124 

IV.  Tous  ceux  qui  n'éroient  pas  ennemis  de  la 
Vérité  ont  regardé  d'abord  les  mouvemens 
convulfifs  comme  venants  de  Dieu ,  \jn  far' 
ticulier  MM.  d' Asfeld  ^  Fouillou.]  12Ç 

V.  Evcncmcns  qui  ont  engagé  bien  des  gens  à 
changer  fur  les  Convullions.  132 

VI.  Règle  pour  difcerner  le  principe  des  effets 
fumatijrels  qui  ont  de  l'oblcurité.  134 

VII.  Réponfc  à  l'objection  que  les  agitations 
violentes  cxpofcnt  à  des  immodelHes.         15  j 

VIII.  Réponfe  h  l'objcètion  que  les  agitations 
convullives  choquent  la  bienicance.  139 

IX.  Les  Prodiges  que  Dieu  fait  en  faveur  des 
Convulfionnaires  font  une  preuve  que  les  agi- 
tations viennent  de  lui.  140 

X.  Les  gr.ices  fpiri'uelies  que  Dieu  fait  aux  Con- 
vulfionnairesjprouvent  qu'il  ell  l'auteur  de  leurs 
Convullions.  141 

XI.  Premier  Exemple  :  Convulfions  de  M.  Fon- 
taine. ^  142 

X  1 1.    Second   Exemple  :  Convullions  de  la 

Sœur  H.  144 

Xlll.  Troifiémc  Exemple:  Convulfions  du  Irc- 

rc 


Table  des  Sommaires^  ire.  if 

re  J.  B.  148    XVI.  Qiiand  le  démon  ferait  l'agent  des  rnouve- 

XIV.  Plufieurs  SS.  Myftiques  ont  eii  des  agita-        mens  convuKifs ,  cela  ne  rendrait  pas  les  Con- 
tions pareilles.  151        vuliîonnaires  incapables  d'être  les  inflrumcns 

XV.  Plufieurs  grands  Prophètes  ont  eu  des  mou-        de  Dieu.   ,  155 
vemens  convullifs.                                     154 

CORRECTIONS,  &  ADDITIONS  de  l'Auteur, 

Po^r  les  dijfé/eKtes  Pièces  de  ce  Volume. 

Datis  la  PRiEREiPage  12.  ligne  28.  de  commettre  lifez  d'en  .commettre — UidA.  3 1 .  réfolu  ///refolus. 

Da7is  la  DlSSERTAXraN  :  Pag.  10.  ea  marge  p.  6.  Itf.  p.  7  —  Pag.  40.  à  la  2.  citation  inargt- 
Kale  III.  Lett.  lif.  IX.  Lett.  —  Pag,  46. 1.  7.  pratiques  lif.  preftiges — Pag.  102.  1.  26.  éclater/;/? 
éclatte.  —  Ihid.  en  marge  ,  Exode.  XV.  16  /;/.'  Exode  XV.  26.  —  Pag.  106.  1.  23.  fi  ///."  s'y  —  Pag. 
110.  en  marge  dern.  cit.  Id.  in  Pf  135.  Hj.  Id.  Lib.  i.  adv.  Jud.  n  7.  —  Pag.  112  1.  17.  Le  XV. 
Canon  du  VI.  Concile  général  tenu  en  668.  prononce  Uj-  Le  VI.  Concile  général  tenu  en  668. 
prononce  dans  la  XV.  Seffion  — £î  en  marge  Aifl.  XV.  au  lieu  de  Can.  XV.  —  Pag  113  /.  dern. 
manifeftion ///?  manifeftation  —  Pag.  124.  1.  7.  a/rw  enfeignées  <r/0K»ez  par  l'Eglifé — Ûid.V  13. 
apès  S.  Efprit  lif.  pour  le  refie  de  lalineà  ,  les  l'entimens  véritables  de  l'Eglife  6c  ceux  des  Saints 
qui  font  déjà  dans  la  gloire  ,fe  décorent  néanmoins  hautement  du  titre  Ibuverainement  refpcfîable 
de  l'Eglife  univerfelle ,  comme  s'ils  formoient  à  eux  feuls  toute  l'Eglife  de  Dieu  1  —  Pag.  125. 1. 18. 
morale  lif.  ào&.nnt  —  Ihid.  1.  37.  après  Pafteurs  ajout.  &  de  l'Eglife  univerfelle  —  Pag.  147.  1.  36. 
le  XIX.  lif.  le  XIV.  —  Pag.  157.  1.  12.  ramina  hf.  ranima — Pag.  159.  1.  dern.  malades  lif  mala- 
dies—  Pag.  i6i\..fur  la  ligne  ;  lif.  en  Note:  Quelques  Auteurs  ont  pris  pour  des  noms  d'hommes 
ces  trois  mots  Socordio  ^Thanatio  (ci-deiTus  j.inacio)  &  .Aflepiadoto,  que  d'autres  ont  cru  être  des 
noms  de  remèdes.  Les  premi^îrs  en  expliquant  le  PaflTage  de  Tertuliien  ,  ont  dit  qu'„Ei'culape  en 
,j  indiquant  des  médecines ,  avoit  confervé  la  vie  à  Socordius,à  Thanatius  &  à  Afclepiadotus,qui 
5,  paroiflbient  fur  le  peint  de  la  perdre  en  peu  de  jours.  "  Mais  cette  explication  n'eit  pas  plus  fa- 
vorable au  Siftême  de  M.  de  Bethléem ,  que  l'autre.  En  effet  quel  Miracle  y  _a-t-il  d'avoir  rendu 
la  fantéà  trois  malades,  en  leur  indiquant  des  remèdes?  Il  n'y  a  pas  d'habile  iMédecin  qui  ne  puilîe 
fe  vanter  d'en  avoir  fait  autant  — Pag.  181. 1.  16.  èc  17  «/cz  dans  un  endroit  différent  de  celui  que 
j'ai  cité  deffus  parce  que  ce  paffage  a  été  ailleurs  employé  apiês  coup.)  — Pag.  200.  1.  37.  lumi- 
nieufes  lif  lumineuies  —  Pag.  235. 1.  4.  telles///?  tels  —  Pag.  240. 1.  19.  après  Miracles  aj.enNote: 
M.  l'Archevêque  d'Embrun  a  fait  réimprimer  cet  Ouvrage  en  1734. 

Da'is  la  Dem.  I.  Pag.  5. 1.  11.  voir  ///?  voit  —  Ihid.  1.  22.  augumenter ///? augmenter  —  Pag.  13. 
1.29  fubjugé ///'fubjugué  —  Pag.  31.  1.  15.  de  23.  /;/?  de  20. —  Pag.  37.  1.  39.  aprèslcwx  a]  li- 
bre—Pag.  41.  Notajur  les  Stances,  que  comm-e  elles  avoient  été  mifes  dans  l'Edition  de  Paris 
en  1741.  on  les  a  confervé  dans  ceUe-ci,  quoiqu'elles  ne  foient  pas  de  l'Auteur  des  Demonftra- 
tions — Pièces,  p.  2.  col.  2.  Requête  de  28.  Cure's.,  lif.  Requête  de  38.  Curés. 

Dans  la  Dem.  II.  Pag.  16.  I.4.5.  l'année  1719  /;/.  l'année  1729.  —  Pag.  28. 1.  H-  '^^ns  fauteuil. 
lifdms  un  fauteuil  — Pag  41  1.  22.  bien  fait  lif.  bienfait. 

Dans  la  Dem.  III.  Pag.  7. 1.  26  migreur  lif  maigreur  —  Pag.  8. 1.  13.  pour  ///pour  —  Pag.  i(î. 
1.  17.  plus,\iC  plù  —  Pag.  18.  1.  9.  le  S.  If.  le  Sieur  —  Pag  29.  à  la  marge  ,  après  Thibault  lif  N. 
XXVI.  de  la  nouvelle  Edition. —  Pag.  34  1.  9  Mars  173 1. ///?  Mars.  1732  — -Pag.  47.y;/r/«' 5^^- 
linea  lif  en  Note:  Ce  Journal  des  Convulfwns  parut  à  Paris  en  1733.  &  M.  l'Archevêque  de  Sens 
l'a  fait  réimprimer  à  la  fin  de  fon  Inftruftion  palcorale  contre  les  Miracles  en  1754.  H  y  en  a  eCi 
suffi  une  3.  Edition  que  les  Jéfuites  ont  fait  faire  à  Avignon  ,  avec  les  Lettres  de  Dom  la  Tafte. 
Ce  prétendu  Journal  n'ell:  qu'un  tillLi  de  calomnies  &  de  menfonges,  ainli  que  de  très  célèbres 
Adverfaires  des  ConvuHions  en  font  expreffément  convenus.  Voyez  entre  autres  la  Feuille  des 
Nouvelles  Eccléfiafii^ués  du  20.  Oiftobre  1736.  Article  de  M.  Fouillou  ,  le  principal  Auteur  de  h 
Confultation,  &!:c. 

Da?is  /'Idée  de  l'œuvre  ,  &c.  I.  PART.  Pag.  2.  1.  18  &  19.  après  dans,  lif  l'Ancien  &  le 
Nouveau—  Ihid.\.  39.  prefque  perfonne  ne  voit,///?  trop  peu  de  perfoHnes voient  — Pag.  3. 1. 12. 
en  d'abord  lif.  en  a  d'abord  —  J^/W.  1.  19.  Inftruciions  lif  Initnidion  — Pag.  17.  1.  21.  jufquà  3. 
heures ///?julqu'à  9.  heures  ■  Pag.  20. 1.  32.  les  muets  rejfufcitent,  lif.  les  muers  parlent, /«  morts 
rejfufcitent  —  Pag.  21.  1.  avant  dern.  ce  téméraire  Auteur  lif.  cet  .Auteur  —  Pag.  22.  !.').&  6. 
ctez.  dont  je  n'ai  point  lu  les  Ouvrages,  ou  revoyez  l' oh frvation  faite  à  la  p.  3.  de  la  ûiifertation 
. —  Pag.  28.  1.  16.  après  ConvuHions,///?  en  Note:  Les  Médecins,  Chirurgiens  &  autres  qui  ont 
examiné  avec  le  plus  d'attention  ces  premières  Convullions,  ont  afùiré  qu'il  n'y  a  efi  que  très  peu 
de  CCS  prétendus  Convullionnaires  qui  ne  fétoicnt  que  par  imagiiation.  —  P.ig.  30.  1.  29.  lont 
déjà  ///.  ccoienc  dès  lors  — Pag.  58.  fur  le,s  1.  13  &  14.  ///.  en  Note:  Il  y  a  pluUeurs  Ccnvulfion- 

naires 


l 


\6 

mires  en  (Jui  cette  mtelligence  n'a  été  que  momentanée  en  forte  qu'elle  n'a  proprement  confifté 
juc  dans  k's  Dilcours  très  lumineux  que  l'inllinét  de  leurs  ConvuUions  leur  a  fouvent  hit  faire, 
ans  qu'il  en  foi:  rien  ou  prefque  rien  refté  dans  leur  mémoire  ou  dans  leur  efprit ,  ainli  qu'il  eft 
plus  au  long  expliqué  dans  la  H.  Partie.  —  Pag.  6i.  1.  7.  de  tels  gens  lif.  de  telles  gens  —  Pag.  63^ 
en  marge  Fcvr.  1733.  iif.  Février  1735.  —  Pag.  66.  eu  rnarge  M.  Pon.  3.  Lett.  ///.  VII.  Lett.  de 
M.  Poncet, —  Pag.  69.  1.  29.  il  à  plait  1  celui  quand  il  lui  plaît,  ///.  il  a  plù  à  celui  qui  fauve  qui 
il  veut — Pag.  72. 1.  27.  que  la  plus  grande  partie  lif.  qu'une  partie — Pag.  75.  1.  16.  &  I7-  les  Au- 
guftiniftcs  /;/.  les  vrais  Auguftiniftes — Pag.  81.  1.  17.  celle  /if.  cette  ^  1.  18.  après  donner  ajout, 
cous — Pag.  ïo6.  1.  37.  des  dix /(/?  des  fix  —  Pag.  114..  en  marge  Mouler  lif.  Moler  — Pag.  118. 
1.  22.  de  ccu.K  /;/  de  celles  — Pag.  120. 1.  16.  un  Prêtre,  dont  /j/T  un  Prêtre  ,  grand  pénitent  & 
dont  les  fcntimcns  &  toutes  les  paroles  ne  refpiroient  que  la  piété,  mais  dont  —  IhiJ.  1.  28.  du  dé- 
mon///!  (éduits  par  l'efprit  d'erreur— Pag.  125. 1.  22.  la  grâce ///la  glace  — Pag.  131. 1.  19&20. 
dondées ///?  données  —  Pag.  137.  1.  14.  &  15.  étcndans  Xy?  étendarts — Pag.  140. 1.  7.  infaillibles 
lif.  prefque  infaillibles  —  Pag.  139.  i.  17.  ai>rès  Quelques-uns  d'entr'eux  /if.en  Note:  Ils  ont  été 
réfutés  en  1736.  &c.  par  MaI.  les  Evoques  de  Senez  &  de  Babylone  ,  &  par  le  favant  M.  Alexis 
DefelTartz.  —  Pag.  141. 1.  14.  les  ConvuUîonnaires /{/'  le  plus  grand  nombre  des  ConvuUîonnaires. 
DarisPldéc  de  l'état,  &c.  II.&III.Part.  Pag.4.1.  9.&  10.  après  quoiqu'il  foit  ///T  en  pluûeurs 
chofes  fort  inférieur  à  cette  œuvre.  —  Pag.  14  1.  10.  après  à  fon  coin  :  ajout,  étudier  fcs  delTeins 
&  profiter  de  fes  leçons  fandlilîantes  dans  les  lumineux  fimbolcs  qu'il  exécute  par  des  prodiges: 

—  IhiJ.  1.  13.  après  aiftivité  ajout,  (à  moins  qu'on  n'ait  lieu  de  croire  qu'il  eftinfpiré  par  un  inftindl  . 
furnaturel, comme  le  font  pluiîeurs  adtionsfimboliques:)  —  Pag. 16.  1.  13.  mettez  en  AlineaLtnx 
ame.  —  IbiJ.  1.  31.  Il  vais  lifit  vais  —  Pag.  17. 1.  14.  après  religion  ajout.  &  le  faluc.  —  Pag. 
18.  1.  37.  après  Obfervations  :  ajout.  I .  Propolîtion.  — Pag.  19.  au  bas  en  marge, ajout.  Ihid.  p.  143. 

—  Pag.  25. 1. 12.  &  1 3. micle  /if.  miracle  —  Pag.  36. 1. 29.  V Avant-propos  de  ma  IV.  Partie ///^dans 
la  III.  Propolîtion  de  la  IV.  Partie  de  mes  Obfervations.  —  Pag.  40. 1.  45.  princes  lif  pruicipcs 

—  Pag.65.1.27.  après  n'en  profitent  pas,  «j'oi//.  également.  — Ibid  1.  50.  Mouler  /i/TMolcr.  —Pag. 
83. 1.41.  alTurance  qui  leur  lif.  entière  certitude  infpirée  aux  Prophètes  par  une  imprenTiondel'ET- 
prit  Saint,  qui  leur  —  Pag. 91.  1.  10.  n'étoit  lif  n'étoienc  —Pag  94. 1.  7.&8.  Mais  cette  •■■]uf- 
qu'à  pour  des,  lif  Mais  cette  régie  qui  avoit  principalement  lieu d.ins  l' Ancien Teflament,  n'ayant 
été  faite  qu'à  l'égard  des  Prophètes  par  état,  pour  pouvoir  difcerner  en  ce  cas  ceux  qui  font  véri- 
tablement les  Prophètes  du  Très-haut,  d'avec  les  faux-Prophètes  qui  fe  donnent  né-anraoins  pour  des 

—  IhiJ.  1.  10.  ôtez  néanmoins  —  Pag.  ^6. 1.  36.  &  37.  prétendent  ...jufau'à  chez  les,  ///Vcroient 
«Juece  don  eft  actuellement  fubfillant,  du  moins  julqu'à  certain  point.  Ili  ne  prétendent  pas  en 
être  eux-mêmes  gratifiés;  ik  ils  ne  diront  pas  fanj  doute  qu'il  eft  palVè  du  côté  des  —  Il>iti  1.  39. 
Ce  don  ne  peut  être  que  du  coté  de  ///.'  Il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  Dieu  ne  communique  ce 
don  qu'à  —  PEg.  107. 1.  30.  qui  vous  lif.  qui  nou;  —  Ibid.  1.  59.  L'Evangile,  éfc.  effacez  cette 
ligue.  —  Pag.  113.  1.  10.  les  AugulHnirfcs  &  les  lif  certains  /VugulHniftes  &  certains  —  IbiJ.  1. 
14.  cette  forte  de  lif.  ces  —  Pag.  120. 1.  25.  de  fa  morale  lif  de  la  Morale  —  Pag.  123.  1.  29. 
infet^tée,  ///?  mfcfte  —  Pag.  129. 1. 32.  &:  qui  fe  font. . .  ;«/j«'i  difcernement,  lif  qui  ont  depuis 
figné  la  Confultation,&  plulîcurs  des  Théologiens  qui  font  enfuite  devenus  Antilccourilles ,fut  de 
méprifer  ces  prédictions  éc  ces  avertifTemens,  quoique  le  plus  grand  nombre  dientre  eux  ne  celTàt 
point  d'être  attachés  à  l'œuvre  des  Convulfions.  Mais  ils  jugèrent,  en  feconduifint par  les  lumiè- 
res de  leur  propre  efprit,  —  Pag.  134.  1.  20.  &  21.  donne  tout  lieu  de  croire  lif  elt  une  preuve 
manifcfte  —  IbiJ.  1.  21.  &  22.  qui  fait  li  les  ConvuUionnaircs  ne  font  point  /;/  &  il  y  a  toutlieû 
de  croire  que  les  Convullionnaires  font  —  IbiJ.  1.  24.  &  25.  un  funefte  préjugé,  par  le  mépris 
qu'il  auront  fait  des  inftrumens  par  qui  il  :  lif.  un  préjugé mii  peut  leur  être  li  funolte  en  coni'éq  icn- 
ce  du  mépris  qu'ils  ont  conçu  de,  Inftrumens  par  qui  le  'Très-haut  —  Pag.  140.  1. 42.6:45.  Voi- 
ce lif.  Voici.  —  Pag.  141.  I  24.  ordonner  ///.'  d'ordoruier  —  Pag.  142. 1.  34.  àtez  d'un  lavant. 


p  a  T  r,  R  n 


iabaro  usque  aA -viacitla.,  quasi  malè    opei-ans;  sed  verbum   Dei  non  est  !tlli<jra.tuii\  .  ^  om  j.  y  . 

PRIERE 

D   E 

M.  DE    MONTGERON, 

Qui  paroU  propre 'h  fervir  de  Préface  a  fon  fécond  Tome, 


JJAvTV.VK /è  fent  d'abord  embrafé  d' ardeur  ^ar  Vidée  du  bonheur  in- 
fini des  Saints.  Il  ferefréfente  enfuit  e  les  tourmens  affreux  de  V  enfer: 
il  efî  frappé  de  terreur  en  confidérant  combien  le  péché  efi  énorme 
aux  yeux  de  "Dieu:  il  tremble  en  fe  rappe  liant  les  crimes  de  fa  jeu- 
nef  e  ^  fa  faible jfe  pré  fente.  La  gratuité  ^  f  efficacité  de  la  grâce 
raniment  Jôn  ejpérance  :  il  reconnoit  quec^ef  à  fon  divin  Jèc ours  que 
nous  devons  tout.  Son  cœur  s'épanouit  ^  fe  répand  en  mouvemens 
de  reconnoijfance  par  Je  fonvenir  des  miféricordes  que  'Dieu  lui  a  fai- 
tes,  ïê  quil  continue  de  lui  faire  malgré  fon  extrême  indignité.  ^  Il 
gémit  fur  létat  préfent  de  l  Eglife  :  fes  maux  dont  il  fait  le  déplo- 
rable récit ,  le  font  frémir.  Ilfe  confie  par  lapromejfe  que  'Dieu  a  faite 
de  fon  r établi  fement  ;  ^  fon  zélé  s'anime  par  la  vue  de  la  grandeur 
des  récompenfes  promifes  à  tous  ceux  qui  fou ffr iront  peur  la  Vérité, 

Sx- IL  pofTible,  ô  mon  Dieu!  Que  vous  deftiniez  une  créa- 
ture aulli  criminelle ,  aufli  vile ,  auiTi  méprifable  que  moi  au 
bonheur  infini  de  vous  voir,  de  vous  aimer,  d'être  aimé  de 
vous,  d'être  uni  à  vous,  &  par  cette  union  ineffable  de  par- 
ticiper à  vôtre  félicité  divine?  Mais  que  ne  peut  pas  vôtre Toute-puif- 
fance?  Et  qui  peut  comprendre  la  grandeur  de  votre  miféricorde? 

A  Ha! 


n  PRIERE. 

Ha!  Quel  fera  dès  te  premier  moment  le  raviiïement  de  moname, 
lorfqu'après  avoir  été  purifiée  de  tout  péché,  elle  fe  verra  tout  à  coup 
frapée  par  l'éclat  de  vos perfcftions  infinies,  qu'elle  contemplera  la  lii^ 
Si-z^-i^  piicre  dans  votre  lumière  ce  qucWc  fera  embrafée  de  votre  amour,  inon- 
dée de  votre  gloire, pénétrée  de  tous  les  attributs  de  votre  Divinité. 

Avec  quelle  impetuolîté  s'élancera-t-elle  dans  votre  fcin  !  Et  quelle 

fera  l'ardeur  de  fon  amour  &:  de  fa  reconnoilTance,  lorfque  vous  lui 

Matt.  2    direz:  entrez  dans  la  joie  de  votre  Seigneur  ^  &:  ou'en  la  recevant  dans 

pj.*         vous  même,  vous  l'enivrerez  de  l'abondance  des  biens  de  votre maifon , 

''^    fe  que  vous  la  ferez,  boire  du  torrent  de  vos  délices  ! 

\otre  pollcilion,  ô  mon  Dieu!  remplira  toute  notre  amc,  &  épuî- 
fcra  tellement  toute  la  capacité  qu'elle  a  d'aimer ,  qu'il  lui  fera  impof- 
llblc  de  deftrcr  quelque  chofe  hors  de  vous.  Hé  !  Que  pourroit-clle 
fouhaitcr  étant  toute  pleine  du  fouverain  bien?  Il  faudra  même  pour  la 
rendre  capable  de  recevoir  la  communication  de  votre  Divinité ,  que 
vous  releviez  à  un  état  de  perfection  qui  la  rende  toute  différente  de 
ce  qu'elle  eft,&  qui  la  falîe  devenir  en  quelque  forte  femblable  ;\  vous  ; 
ce  qui  ftit  dire  à  S.  Grégoire  de  Nazianfc  l'un  dcsDodeurs  de  vôtre 
Egli fc  :  que  vous  la  divini ferez. 

Quelle  elt  donc  ,ô  mon  Dieu  !  La  noblelTe  incompréhenfible  de  nô- 
tre être  ,  malgré  la  baileflc  &  la  mifére  extrême  où  le  péché  Origi- 
nel nous  a  réduits,  puifque  vous  deftinez  tous  vos  Elus  à  jouir  éternel- 
lement de  votre  félicité.  Ha  ?  Seigneur  !  Augmentez  fans  celTe  dans 
nos  cœurs  le  dcfir  d'un  fi  grand  bien! 

Pour  fe  former  d'abord  une  idée  générale  de  fa  grandeur,  il  né  faut 
que  faire  réflexion  ,  que  le  bonheur  parfait  des  Saints  unis  à  leur  Divin 
Sauveur  fera  le  chef-d'œuvre  de  la  magnificence  de  de  la  Toutc-puif- 
fance  divine:  qu'il  cil  le  but,  &  qu'il  fera  l'accomplillement  de  tous  les 
deiTeins  qu'a  eu  le  Très-haut  en  formant  l'univers  :  enfin  qu'il  fera  la 
récompenfe  de  toutes  les  humiliations  &  de  toutes  les  fouffrances  de  J.  C. 
Voir  ù  découvert  les  perfections  infinies  de  la  Trinité  !  Les  conce- 
voir toutes  d'une  feule  vue  d'efprit!  En  être  pénétré  d'une  admiration 
ineffable  !  L'aimer  fins  bornes  ce  fans  mefure  !  Connoître  &  vivement 
fentir  qu'on  en  cfl  aimé!  Puifer  dans  fon  fein  une  vie  immortelle,  & 
une  béatitude  inaltérable  !  Etre  uni  en  corps  &  en  ame  avec  J.  C.  Ne 
faire  avec  lui  qu'un  feul  Fils  de  Dieu  !  Et  être  innondé  comme  lui  de 
la  volupté  divine  !  Voilà  le  bonheur  éternel  auquel  notre  Sauveur  nous 
invite. 

Le  cœur  de  l'homme,  quoiqu'abruti  par  le  poids  de  la  concupif- 
ccnce ,  qui  par  une  fuite  du  péché  Originel  l'entraîne  flms  ceffe  vers  les 
biens  faux  &  périffables  de  la  terre,  fent  néanmoins  au  dedans  de  lui- 
même,  que  fuivant  la  première  dcllination  de  Dieu,  il  étoit  fait  pour 
un  bonheur  infini  &  éternel.    Auffi  le  penchant  naturel  qu'il  tient  de 

fa 


P      R     r     E      R     E.  lïi 

fa  création,  le  porte  t-il  continuellement,  à  defirer  d'être  parfaitement 
heureux ,  &  de  l'être  fans  fin. 

Mais  combien  de  gens  fe  trompent-ils  dans  la  recherche  du  vérita- 
ble bonheur  !  Quiconque  prétend  le  trouver  fur  la  terre ,  le  cherche 
où  il  n'ell  pas  :  il  n'habite  que  dans  le  fein  de  Dieu. 

L'homme  animal  &  charnel,  avide  d'une  félicité  qu'il  pourfuit  fans 
relâche  &  qu'il  ne  fauroit  jamais  atteindre ,  paiïe  d'une  concupilcence 
à  une  autre.  Ses  paffionsne  lui  tiennent  jamais  tout  ce  qu'elles  lui  proi 
mettent.    Forcé  de  reconnoître  le  néant  de  ce  qu'il  avoit  le  plus  ar- 
demment fouhaité ,  il  change  fans  cefTe  d'objet ,  mais  il  retrouve  dans 
le  fécond ,  le  même  vuide  qui  l'avoit  dégoûté  du  premier  :  tant  il  eft 
vrai  que  nous  fentons  par  l'imprefTion  ineffaçable  de  notre  première  ori- 
gine, que  nous  fommes  appelles  à  quelque  chofe  de  bien  plus  grand 
que  tout  ce  qu'on  trouve  dans  ce  monde  :  &que  fesplaifirs,fes  richef- 
fes  &  fes  honneurs  ne  font  que  de  vains  amufemens,qui  ne  peuvent 
jamais  nous  fatisfaire  pleinement.    Que  dis-je?  Leur  pofléffion  fuffit 
pour  nous  faire  éprouver  malgré  nous ,  que  fes  plaifirs  ne  font  que  des 
preftiges  trompeurs,  qui  nous  féduifent  par  des  efpérances  chimériques 
&  par  une  amorce  qui  cefle  d'être ,  dès  qu'elle  a  pris  feu  :  que  fes  ri- 
chelfes  ne  font  que  multiplier  nos  defirs  &  nos  befoins,  en  augmen- 
tant notre  concupifcence  &  notre  avidité  :  que  fes  honneurs  ne  font 
qu'un  vain  rayon  dont  le  brillant  ne  fert  qu'à  nous  éblouir,  &  qu'un ^ 
vent  qui  nous  enfle  fans  nous  remplir  d'aucun  bien  fohde.   Vanité  ^«•j-'^cci.i.ï, 
vanités ,  s'écrie  le  Sage  :  tout  ce  qui  efl  dans  le  monde  uejî  que  vanité. 

C'efl:  en  vous  feul ,  ô  mon  Dieu  !  Ce  n'eft  que  dans  vous  même , 
qu'on  peut  jouir  de  ce  vrai  bonheur  fi  ardemment  &  fi  conftamment 
louhaité  par  tous  les  hommes,  mais  qu'ils  cherchent  inutilement  dans 
tout  ce  qui  n'efl:  point  vous. 

O  félicité  parfaite  !  O  tréfor  immenfe  &  inépuifable  !  O  comble  d'hon- 
neur &  de  gloire ,  qu'on  trouve  dans  les  bras  de  mon  Dieu  !  Oiii  vous 
êtes  feuls  capables  de  remplir  toute  l'étendue  &  la  fenfibilité  de  nôtre 
cœur  :  de  fatisfaire  toute  l'ambition  &  la  grandeur  de  nôtre  ame ,  de 
contenter  toute  la  force  &  l'impetuofité  avec  lefquelles  nous  defirons 
d'être  heureux. 

Quelles  délices  plus  fenfibles  pouvons-nous  fouhaiter,  que  celles  dont 
nous  ferons  enivrés  par  la  participation  &  lajouillance  du  bonheur  de 
Dieu  même?  Ne  fommes  nous  pas  certains ,  fi  nous  devenons  les  mem- 
bres de  j.  C.  dans  le  ciel,  d'avoir  en  nous  mêmes  la  plénitude  de  fa 
joie  ainfi  qu'il  nous  en  allure?  Vt  babeant  gmidium  meum  impletum  inje^^ri.ij. 
femet-ipfis.  ^3- 

Quelles  richeffes  pouvons-nous  concevoir  plus  dignes  de  nos  deHrs , 
que  de  devenir  les  fils  &  les  héritiers  du  Souverain  Maître  du  ciel  & 
de  la  terre,  &  les  cohéritiers  de  la  féconde  peribrme  en  Dieu  fùte 

A  ^  Hom- 


IV  PRIERE. 

Rom.  8.  Homme  :  FU'ti  Ç.^  h  are  de  s,  h  are  de  s  qu'idem  Tiei ,  coharedes  atrtem  Chrijîi.. 

17-  Quelle  plus  grande  gloire  cil:  capable  de  remplir  pleinement  tous  nos- 

vœux,  que  celle  de  participer  à  la  nature  divine?  De  régner  dans  le. 
cielr'  D'y  faire  partie  du  Chrill  l'objet  de  l'amour  de  Dieu  ?  De  ne  fai- 
re qu'un  avec  J.  C.  dans  le  fein  de  fon  Père,  comme  il  ne  fait  lui-mê- 

Tean.  17.  ""^^  qu'un  avcc  lui?  Sicut  tu  Tatcr  in  me  y   (§  ego  in  te  y  ut  ^  ij>/i  in 

«1.         noùis  umtm  fint. 

C'eft  h\  que  tous  les  Saints  prodigieufement  élevés  au-dciTus  dsis,  puif- 
^ances  de  la  terre  connoîtront  clairement  combien  les  plaifirs ,  fcs  biens , 
&:  fes  grandeurs  font  indignes  de  notre  attachement.  C'efl  lîl  qu'em- 
bràfcs  d'un  amour  fans  mcfure,  ils  fcntiront  vivement  dans  les  tranf- 
ports  d'une  joie  continuelle  &  au  delîus  de  toute  expreiïion,  que  Dieu 
leul  m.érite  d'être  aimé  !  C'efl:  là  qu'ils  puiferont  des  richelîes  inelli- 
mablcs  dans  les  tréfors  de  celui  quiell:  lafource  &  la  plénitude  de  tout 
bien,  de  toute  vertu,  &  de  route  perfeétion!  C'ell  là  qu'ils  jouiront 
d'une  gloire,  en  comparaifon  de  laquelle  tous  les  honneurs  de  ce  mon- 
de ne  font  qu'un  méprifable  néant. 

O  volupté  celcfle  !  O  fouverain  bien  î,  O  gloire  fuprême  &  d'une  é- 
lévation  fans  bornes,  embrafez entièrement  nos  âmes?  Que  l'cfpoirde 
vous  poiTeder  nous  anime  d'un  feu  qui  foire  fans  cell'c  élancer  nos  cœurs 
vers  ce  bonheur  divin  :  &  qui  nous  donne  un  fouverain  mépris  pour 
le  vu'de  des  plaifirs  de  la  terre,  qui  comme  une  vapeur  pallcnt,  s'é- 
vanouiirent  &  difparoilfent  dès  qu'on  commence  à  les  goûter:  pour  le 
dangereux  poifon  de  fes  faulles  richcflcs:  &  pour  la  vaine  enflure  de 
fcs  honneurs  frivoles  ! 

Philip.  3.     Faites ,  ô  mon  Dieu  :  que  nous  vivions  déjà  dans  le  Ciel  par  Tar- 

so-  deur  de  nos  dcfirs  &  la  vivacité  de  notre  efpérance  !  Que  nous  afpi- 
rions  de  toute  la  plénitude  de  notre  cœur  à  en  devenir  les  heureux  ci- 
toiens  &  que  notre  efprit  foit  continuellement  occupé  d'un  iiciiarmant 
efpoir!  Mais  infpircT^nous  vous-mêmes  ces  fentimens,  ô  mon  Dicn. 
Hélas!  \'ousle  voie/,:  nous  ne  fommes  par  nous  mêmes  qu'aveuglé- 
ment, qu "mfenfibilité ,  que  foiblcfle  !  Eclairez  noscfprits:  brifez  la  du- 
reté de  nos  cœurs:  guériilez  làparaiyfie  de  nos  amcs.  \'ous  le  f;i\ez 
Seigneur  :  pluiieurs  même  des  Appellans  rampent  continuellement  dans 
la  boiic,  au  lieu  d'élever  fms  relâche  leur  ame  vers  le  ciel:  <!:cprcrquc 
tous  les  autres  ne  vivent  plus  que  pour  la  terre ,  &  n'ont  d'amour  c[ue 
pour  fcs  fiiux  biens. 

Ha!  Qu'au  jour  du  jugement  les  penfées  des  mondains  feront  diifc- 
rentcs  de  celles  qu'ils  ont  aujourd'hui  !  Quel  éclat  de  lumière  frapera 
tout  à  coup  tous  les  efprits!  Quel  jour  terrible  pour  les  reprouvés:  mais 
quel  comble  de  gloire  &  de  bonheur  pour  les  Elus. 

De  quelle  admiration,  de  quelle  joie,  de  quel  amour  leur  cœur  & 
leurs  yeux  ne  feront-ils  pas  tranfportés,  lorfqu'ils  \crront  au  milieu  des 

airs 


PRIER      é:  V 

aîrs  J.  C.  votre  Fils  tel  qu'il  ejî  dans  toute  la  fplendeur  de  la  gloire?  i-  J""- 
Qui  peut  douter  que  fon  humanité  divine,  li  intimement  unie  au  Ver- •^" 
be  éternel  qu'elle  n'eH:  avec  lui  qu'une  feule  pcrfonne ,   ne  foit  toute 
brillante  d'un  éclat  &  d'une  perfection  infiniment  fupérieurs  à  tout  ce 
que  notre  foible  intelligence  peut  p'éfentement  en  concevoir: 

Si  vous  avez  répandu  avec  une  profufîon  magnifique  tant  de  beauté 
jufque  fur  les  fleurs  qui  durent  fi  peu:  quelle  beauté  n'aurez-vous  pas 
donnée  à  vôtre  divin  Fils  en  l'aiToeiant  à  vôtre  gloire,  lui  qui  doit  être 
à  jamais  l'objet  de  l'adoration  &  de  l'amour  de  tous  vos  Saints,  (&;dont 
h.  vue  doit  faire  une  partie  de  leur  bonheur  ? 

Si  donc  nôtre  amour  ell  d'autant  plus  ardent ,  que  ce  que  nous  ai-^ 
mons  efl  plus  aimable  :    que  nous  en  avons  reçu  de  plus  grands  bien- 
faits: &  que  nous  en  efpérons  un  plus  grand  bonheur  :  quel  fera  le  char- 
me :  quel  fera  l'enchantement  de  nos  cœurs  à  la  vue  de  nôtre  divin  au  Sacn- 
Sauveur  defcendant  du  ciel  avec  tous  fes  Anges  pour  nous  fliire  part  <ice  de  la 
de  fa  félicité  divine  &  en  quelque  forte  de  fa  'Divinité  même.  ^  ^' 

Quelle  fera  notre  reconnoill'ance  en  confidérant  que  ce  Grand  Dieu, 
que  nous  verrons  fi  éclatant  de  gloire ,  de  beauté  &  de  majefté ,  à  vou- 
lu naître  dans  une  étable,  pour  nous  donner  l'exemple ,  &  nous  mé- 
riter la  grâce  d'être  détachés  des  biens  de  la  terre:  &  qu'il  s'efl  fou- 
rnis à  fouffrir  fur  une  Croix  la  mort  la  plus  ignominieufe&  la  plus  cruel- 
le ,  pour  expier  la  malédiftion  de  notre  origine  en  Adam  &  nos  pro- 
Eres  péchés,  &  cour  nous  faire  jouir  dans  le  ciel  de  fon  bonheur  inéf- 
ible,  en  nous  aflbciant  à  fa  qualité  de  Fils  de  Dieu! 

Quels  feront  les  tranfports  de  notre  joie ,  lors  qu'en  ce  grand  jour , 
qui  commencera  réternité  fi  différente  des  élus  &  dïs  réprouvés ,  nous 
recevrons  de  la  main  de  ce  Dieu ,  dont  la  charité  pour  nous  s'efi:  por- 
tée à  un  excès  li  incompréhenfible,  un  corps  celejie . . .  incorruptible . .   i.  Cor. 
fprituel. . .  immortel . . .  glorieux  afin  que  nous  ne  foions  avec  lui  qu'un  ^5'  ^'^' 
ieul  Chrift!  Alors.,  nous  dit-il  lui-m.ême,  les  ju fies  brilleront  cojnfneuMh. 
le  foleil  dans  le  Royaume  de  leur  'Père.  ^3-  43- 

Hèi  Gomment  les  corps  des  Elus  ne  feroient-ils  pas  tous  bril'ansde 
la  même  gloire  qui  éclatte  dans  celui  de  J.  G.  leur  Ghef,  puifqu'ils  fe-i.jean.3. 
vont  femblables  a  lui'?  qu'ils  lui  feront  fi  parfaitement  unis  qu'ils  ne  fe-^- 
ront  quun  avec  ce  dK'in  Sauveur,  &  qu'ils  feront  pénétrés  comme  lui  ibid.  15. 
d'une  béatitude  infinie  ? 

O  Jefus  qui  nous  avez  mérité  cette  gloire  fuprême  par  vos  humiliar- 
tions  &  vos  fouffrances!  Faites  qu'elle  répande  dès  cette  vie  fa  clarté 
celefte  dans  nos  coeurs!  Qu'elle  les  éclaire,  qu'elle  les  échaufe,  qu'el- 
le les  anime  !  Rendez-les  comme  une  glace  où  les  rayons  de  cette  lu- 
mière divine  réfléchifi!ent  fans  celfe!  Et  ne  permettez  pas  que  cette 
glace  fe  ternifre  par  l'haleine  empeftée  de  l'orgueil ,  par  la  fale  fumée 
des  plaifirs,  ni  par  la  vile  pouflierc  des  biens  périiîables  de  la  terre. 

As  Ma! 


▼I 


R      I      E      R      E. 


Ha  !  Quand  il  faudroit  pour  parvenir  à  cette  gloire  éternelle ,  non 
'culement  fe  priver  des  richelTes  méprifables ,  des  faux  plailirs ,  &  des 
vains  honneurs  de  ce  monde  ;  mais  quand  même  il  faudroit  foulfrir 
pendant  tout  le  cours  de  nôtre  vie  tous  les  tourmens  que  la  fureur  des 
bourreaux  pourroit  inventer,  devrions  nous  héfiter  un  moment  de  nous 
oflrir  avec  joie  à  tous  ces  fupplices? 

Le  tems  de  nôtre  vie  a  infiniment  moins  de  proportion  avec  celui 
de  l'éternité  que  n'en  a  le  court  intervale  d'une  minute  avec  la  durée 
d'un  liecle.  Cent  ans  ne  font  compofés  que  d'une  certaine  quantité 
de  minutes  dont  le  dénombrement  n'cll:  point  impolFible  :  aulieu  qu'on 
ne  peut  multiplier  allez  de  fiecles  pour  atteindre  l'étendue  de  l'éterni- 
té. Comme  elle  abforbe  tout  ce  qui  palîé,  rien  de  ce  qui  finit  ne 
peut  entrer  en  comparaifon  avec  elle.  Quel  rapport  aui'oitdoncla  vie 
d'un  homme  avec  ce  qui  n'a  point  de  fin. 

Cependant  qui  des  amateurs  du  monde  feroit  aiTez  lâche  pour  refa- 
fer  de  fouffrir  le  plus  affreux  de  tous  les  tourmens  pendant  nne  minu- 
te, fi  Dieu  l'afluroit  qu'en  récompenfc  d'une  foufî'rance  fi  courte  il 
lui  donneroit  la  joiiifiance  pendant  un  fiecle  de  tous  les  biens ,  de  tous 
les>  plaifirs ,  &  de  tous  les  honneurs  qu'on  peut  avoir  dans  ce  monde  ? 
Quelle  efl  donc  la  lâcheté  des  difciplesde  J.  C.  d'avoir  tant  de  ré- 
pugnance à  porter  la  croix  de  leur  Maître  pendant  leur  vie  toujours  fi 
courte ,  pour  joUir  enfuite  avec  lui  de  fa  gloire  &  de  fon  bonheur  pen- 
t.  Pier.   ^j^j^f  toute  l'éternité,  &  devenir  /'art ici/>ans  delà  nature  divineycom- 
'  ■*■      me  il  nous  l'a  promis  par  la  bouche  du  premier  de  fes  Apôtres. 

Infenfés  que  nous  fommes  !  Pouvons  nous  donc  douter  que  la  féli- 
cité de  Dieu  ne  foit  infiniment  au  deflus  de  tous  les  vains  plaifirs  de  la 
terre  qui  celîènt  d'être  dans  le  moment  qu'ils  commencent  à  fe  faire 
lentir  ? 

Ignorons-nous  que  le  tems  quand  on  le  compare  à  l'éternité,  nefl: 
qu'un  inftant  qui  fuit  Se  qui  s'échappe  aufil-tôt  qu'il  paroît  ?  Comment 
ne  fentons-nous  pas  qu'il  n'y  a  proprement  de  réel  qu'un  état  fixe,  é- 
ternel,  immuable:  &  que  cet  état  ell  le  feul  digne  de  nosdefirs,  par- 
ce que  tout  le  refte  pailé  comme  un  fongc  &  le  difllpe  comme  une 
fumée  ? 

Comment  fommes-nous  donc  affez  charnels ,  afiez  grofTiers ,  afTez 
(lupides  pour  ne  defirer  que  d'une  manière  fi  foiblc ,  li  languilTante , 
6c  fi  froide  d'avoir  part  au  bonheur  divin?  Comment  fommes-nous  af- 
fez  lâches  pour  ne  vouloir  rien  fouiVrir  afin  d'y  parvenir:  &mèmeaf- 
fez  infenfés  pour  lui  préférer  les  biens  trompeurs,  les  vanités  frivoles 
&  les  plaifirs  honteux  après  lefquels  on  court  dans  ce  monde ,  qui  bien 
loin  (ic  nous  conduire  à  un  bonheur  véritable ,  nous  font  tomber  dans 
les  abîmes  de  l'enfer? 

Hélas:  quelle  fera  la  rage  de  ces  malheureux  quand  ils  feront  plon- 
gés dans  ces  afi'rcux  tourmensi  Quel 


PRIERE.  Vil 

Quel  fera  d'abord  l'effroi  de  leur  ame  lorfqu'au  moment  de  la  mort 
elle  paroîtra  devant  fon  Dieu  irrité  contr'elle,  &  qu'il  la  livrera  aux  Dé- 
mons pour  être  éternellement  leur  proie  ? 

Quel  fera  fon  défefpoir  de  connoître  qu'elle  va  être  privée  pour- ja- 
mais de  la  pofleiTion  de  Dieu  qui  cft  fon  fouverain  bien:  &  qu'au  lieu 
de  joiiir  de  ce  bonheur  intini,  elle  eft  condamnée  pour  réternitéàde, 
fouffrances  univerfelles  ? 

Dès  ce  moment  elle  fera  précipitée  dans  un  goufre  de  flammes  qui 
agiront  fur  elle  à  proportion  de  la  condamnation  prononcée  contr'elle 
par  la  juflice  divine  :  &  fon  état  fera  d'autant  plus  affreux  que  loin  qu'el- 
le puilTe  efpérer  quelqu'adouciiTement  à  de  fi  cuifantes  douleurs,  elle 
attendra  en  frémilTant  fans  cefTe  le  jour  du  jugement  général ,  où  l'u- 
nion à  fon  corps  mettra  le  comble  à  fes  tourmens. 

Quel  fera  dans  ce  jour  fi  terrible  le  redoublement  de  fa  rage ,  lorf- 
qu'elle  fe  verra  forcée  de  reprendre  fon  corps  pour  avoir  part  à  fon 
fupplice  ?  Et  que  tous  fes  crimes  lui  étant  repréfentés  devant  les  yeul 
avec  toutes  les  fuites  funeftes  qu'ils  auront  eus ,  elle  ne  pourra  s'em- 
pêcher de  juger  elle-même ,  que  la  préférence  infenfée  qu'elle  a  faite 
de  quelques  ordures  à  la  poffeffion  de  Ion  Dieu  ,  &  la  témérité  de  Dé- 
mon avec  laquelle  elle  a  ofé  l'offenfer  &  affronter  les  fupplices  éter- 
nels dont  il  l'avoit  menacée,  méritent  qu'elle  les  fouffre  à  jamais?  & 
qu'elle  entendra  fortir  de  la  bouche  de  J.C.  cette  condamnation  ii  ter- 
rible :  Rétirez  vous  de  moi  maudits  ^  allez  au  feu  éternel  ?  ^Mh 

Ha!  quel  fupplice  de  fe  fentir  dévoré  par  des  flammes  qui  pénétre-  " 
ront  comme  le  Jel  dans  toutes  les  parties  du  corps  de  ces  miférables 
vidimes  de  la  colère  du  Dieu  vivant ,  &  en  même  tems  de  favoir  que 
des  tourmens  fi  horribles  &  fi  jufles  n'auront  jamais  de  fin. 

Hélas:  après  qu'ils  les  auront  foutlert  pendant  cent  mille  millions 
de  fiecles  autant  de  fois  répétés  qu'il  entre  d'atomes  dans  la  compofi- 
tion  de  l'univers,  l'aflreufe  éternité  à  laquelle  ils  feront  condamnés  n'en 
fera  pas  encore  moins  longue:  &  jamais  un  moment  de  relâche  à  des 
douleurs  fi  incompréhenfibles  ! 

t  ncha'inés  pour  toujours  par  la  juflice  divine  dans  le  fond  d'un  étang 
de  feu:  point  d'autre  objet  préfent  à  leurs  yeux  que  les  flammes  qui 
les  dévoreront  fans  les  confumer  :  point  d'autre  occupation  que  leurs 
cruelles  douleurs:  point  d'autre  defir  que  celui  d'un  anéantiffement  im- 
poflible. 

L'éternité  de  leur  fupplice  leur  fera  toujours  préfente:  &  n'eft-ce 
pas  la  fouflrir  toute  entière  à  chaque  inftant? 

t'n  vain  le  déchii  eront-ils  dans  les  tranfports  de  leur  rage ,  nulle  efpé- 

rance  de  pouvoir  ie  donner  la  mort.    Ils  n'ignoreront  pas  que  tous  leurs 

efforts  pour  le  la  procurer  ne  lérviront  qu'à  augmenter  encore  leurs 

."tourmens:  mais  conmient  fe  poffeder  dans  ces  brafiers  ardens  avec  la 

plus 


41. 


Vill 


R      I     E     R     E. 


plus  intime  &  la  plus  défolantc  aiïurance  que  leur  fupplice  n'aura  ja- 
mais de  fin  ?  Leur  affreux  défefpoir  les  forcera  de  tourner  toute  leur 
fureur  contr'cux-mômes,  feuls  objets  fur  qui  ils  puifTent  l'afTouvir. 

Quelqu'effraiante  que  foit  cette  image ,  quoi  que  fi  fort  au  deflbus 
de  la  réalité ,  que  votre  miféricorde  6  mon  Dieu  la  mette  fans  cefTe  de- 
vant mes  yeux ,  pour  me  faire  fentir  de  plus  en  plus  l'énormité  du  pé- 
ché par  la  grandeur  de  fa  punition! 

Hélas:  nous  recevons  avec  joie  ce  funefte  poifon  dans  notre  fein: 
nous  avalons  Tiniquifé  comme  le  lait.  C'ell:  en  vain  que  Dieu  nous  a 
fait  connoître  l'horreur  extrême  qu'il  a  du  péché ,  n'aiant  voulu  le  par- 
donner qu'en  immolant  fon  propre  Fils  à  notre  place,  &  qu'en  lui  fai- 
lànt  fouft'rir  pour  nous  toutes  fortes  d'opprobres  &  de  douleurs.  La 
mort  ignominieufe  &  cruelle  à  laquelle  notre  divin  Sauveur  a  bien  vou- 
lu fe  foumettre  pour  nous  retirer  de  l'enfer  ne  nous  touche  point: 
nous  oublions  à  tout  moment  à  quel  prix  nous  avons  été  rachetés  ;  nous 
ne  craignons  point  de  nous  attirer  la  haine  de  notre  Dieu:  nous  mé- 
prisons les  promefTes  :  nous  bravons  fes  menaces  :  &  nous  nous  livrons 
de  gaieté  de  cœur  à  notre  implacable  ennemi  ! 

Ha  Seigneur!  Que  la  lumière  de  votre  Efprit  Saint  diïïipe  les  om- 
bres dans  lefquclles  notre  llupidité  nous  enveloppe  :  &  que  l'onftion 
intérieure  de  votre  graçe  nous  anime  &  nous  vivifie  !  Faites  que  l'in- 
fini de  l'éternité,  la  perfuaîion  que  tout  ce  qui  pafi!e  avec  la  vie  n'elt 
qu'un  pur  Jié;mt,  le  bonheur  inçffablc  de  vos  Elus  &  les  fupplices  éter- 
nels des  réprouvés,  fr;îpcnt  continuellement  notre  ame  &  remuent 
fîins  cefle  nos  coeurs.^ 

.L'efprit  de  tous  ceux  en  qui  la  foi  n'cfl:  pas  éteinte,  ne  peut  s'em- 
pêcher d'être  convaincu  à^  ces  grandes  \'érités.  Mais  ô  mon  Dieu  :  à 
quoi  nous  fert  la  conviftlon  de  notre  efprit,  fi  vous  même  ne  touchez 
nos  cœurs?  Sans  le  feu  de  \ôtre  charité  qui  nous  échauffe  en  nous  é- 
clairant,  notre  raifon  nous  devient  prefqu'inutilc.  Ha!  PuiilantDieu 
des  vertus,  ne  nous  abandonnez-pas  à  notre  mifére:  mais  laites  nous 
la  bien  connoître,  afin  que  nous  retirions  un  plus  grand  profit  de  vgs 
grâces:  &  qu'en  vous  rendant  gloire  de  tout  le  bien  qu'elles  nous  fe- 
ront faire,  nous  nous  en  attirions  toujours  de  nouvelles.  Faites  que 
nous  n'oublions  jamais  que  paraous  mêmes  nous  ne  fommcs  que  néant, 
que  corruption ,  que  ténpbres ,  que  folblcfic,  qu'impuiilance  ;  afin  qu'at- 
tendant tout  de  vous,  nous  ne  ccllions  point  d'implorer  votre  fecours, 
&  de  vous  bénir  de  vos  bienfaits. 

Hélas!  Seigneur:  comment  pourrai-je  jamais  vous  rendre  aficz,  d'a- 

6^ions  de  grâces  pour  la  miféricorde  qu'il  vous  a  plù  d'exercer  fur  moi-? 

De  quel  anime  de  corruption  &:  de  icnébres  ne  m'avez  vous  pas  rcti- 

Iphef.  4,'^p^  J'^'^O'S  de  ceux  qui  uïaiit  fer  du  tout   remord  ^  tout  feutimciit, 

jfi.         /ql>andoiineiit  à  la  dijfoliitiou  Pour  fe  f  longer  avec  tifie  ardeur  ififatia- 


PRIERE. 


IX. 


hle  dans  toutes  fortes  d'impuretés.  Comment  avez  vous  voulu  fouiller 
en  quelque  . forte ,  fi  on  peut  ainfi  s'exprimer,  le  fang  adorable  de  vô- 
tre Fils  en  k  faifant couler  fur  un  cadavre  infe<^é  par  tant  de  crimes? 

Quels  prodiges  n'avez- vous  pas  faits  en  ma  faveur,  ô  mon  Dieu  !  Vous 
avez  changé  en  un  moment  les  difpofitions  infenfées  de  mon  ame  :  vous 
avez  en  même  tems  éteint  les  goûts  infâmes  de  mon  cœur:  vous  avez 
diffipé  tout  à  coup  par  une  lumière  divine  les  profondes  ténèbres  où 
mon  efprit  étoit  enfeveli  depuis  plus  de  20.  ans:  &  vous  n'avez  pas  dé- 
daigné de  faire  deux  guérifons  miraculeufes  fur  un  corps  corrompu  par 
les  crimes  les  plus  honteux. 

Vous  avez  voulu  fans  doute ,  ô  mon  Dieu ,  faire  voir  par  cet  exem- 
ple combien  votre  miféricorde  eft  gratuite  &  combien  vôtre  grâce  eft 
efficace. 

Pour  cet  effet ,  il  vous  a  plù  de  choifir  un  impie  pour  attefter  vos 
Miracles,  &de  vous  fervir  d'un  infâme  miniflre  du  Démon ,  dont  l'oc- 
cupation principale  avoit  été  jufqu'au  moment  même  de  fa  converfion 
de  féduire  de  miférables  créatures,  il  vous  a  plû,  dis-je,  de  vous  fer- 
vir de  ce  monfl:r€  fouillé  de  tant  d'ordures  pour  publier  par  toute  la 
terre  la  grandeur  de  vos  miféricordes  &  l'éclat  de  vos  merv^eilles  :  il 
vous  a  plû  d'envoyer  un  lâche,  un  idolâtre  de  fon  propre  corps  por- 
ter vos  décifions  jufqu'aux  pieds  du  Trône  &  les  annoncer  à  fon  Roi, 
fans  que  cette  périlleufe  démarche  ait  caufé  la  moindre  émotion  au  foi- 
ble  &  timide  inflrument  que  vous  faifiez  agir  vous  même. 

En  dernier  lieu  quel  ouvrage  venez-vous  de  me  faire  cotnpofer  vous 
même.  Comment  avez- vous  voulu ,  ô  mon  Dieu  !  vous  fervir  d'une 
créature  aufïï  vile  que  moi  pour  déffendre  vos  oeuvres  &  vos  enfans , 
que  quantité  de  célèbres  Dofteurs  unis  en  ce  point  aux  PuilTances  de 
la  terre  couvrent  d'ignominie  &  d'opprobres  ?  Mais  ce  qui  eft  un  mi- 
niftcre  encore  plus  important:  comment  daignez-vous  m'employer  à 
publier  les  prodiges  que  vous  opérez  pour  avertir  vos  Elus  que  le  Pro- 
phète qui  rétablira  toutes  chofes  eft  fur  le  point  de  venir  ?  Et  à  dé- 
voiler les  artifices  par  lefquels  fatan  cherche  à  prévenir  le  très-grand 
nombre  des  Catholiques  contre  ce  grand  événement  que  vôtre  divin 
Fils  a  prédit  lui-même. 

Il  eft  fans  doute,  à  mon  Dieu:  que  ce  ne  peut  être  qu'à  titre  du 
moins  capable  &  du  plus  indigne ,  que  vous  m'avez  choill  pour  me  faire 
exécuter  un  ouvrage  fi  fort  au  deftùs  de  mes  foibles  lumières.  C'eft 
qu'il  importe  à  vôtre  gloire,  ô  Dieu  Tout-puiflant :  de  vous  fervir 
quand  il  vous  plaît  du  néant  même  pour  faire  de  très-grandes  chofes. 
Ç'eft  que  plus  les  infirumens  que  vous  mettez  en  œuvre  font  ineptes 
&  xiifproportionnés  à  l'exécution  de  vos  defTeins ,  plus  le  fuccès  que 
vous  leur  faites  avoir  paroît  viiiblement  l'efîèt  de  vôtre  Toute-puiftan- 
ce^  plus  il  doit  faire  admirer  à  vos  créatures  les  profondeurs  de  vôtre 

B  fagefle. 


X  PRIERE. 

fageiTe  ,  &  plus  il  doit  les  exciter  à  célébrer  vos  louanges. 

Mais  quelle  doit  être  ma  reconnoiflance ,  ô  Dieu  de  bonté  infinie  ! 
que  vous  m'ayez  choifi  pour  me  faire  entreprendre  vous-même  un  tel 
ouvrage ,  moi  qui  ne  fuis  qu'un  miférable ,  vuide  de  toute  vertu ,  dé- 
nué de  fcience,  &  manquant  de  toutes  les  qualités  propres  à  le  bien 
exécuter. 

Ha!  daignez  donc  l'accompagner  de  ces  grâces  viftorieufes,  qui  en 
éclairant  les  efprits  touchent  efficacement  les  cœurs  :  daignez  vous  en 
fervir  pour  porter  un  très-grand  nombre  de  fidèles  à  vous  rendre  gloi- 
re des  merveilles  que  vous  prodiguez  aujourd'hui  !  Daignez  les  rendre 
attentifs  à  ce  qu'annoncent  tous  ces  prodiges,  &  les  difpofer  par  ce  mo- 
yen à  reconnoître  vôtre  Prophète  dès  que  vous  le  ferez  paroître.  Que 
l'abîme  d'aveuglement ,  que  l'excès  de  corruption ,  que  l'extrémité  de 
mifére  dans  lefquels  prefque  toutes  vos  créatures  font  préfentement 
tombées,  touchent  vôtre  miféricorde,  puifqu'elle  eft  toute  gratuite. 
Ha!  jettezdes  regards  de  compaflion  fur  vôtre  Eglife  !  Jettez-en  furie 
monde  entier! 

Hélas  Seigneur!  Combien  de  peuples  font  enveloppés  par  les  plus 
épaifles  ténèbres,  &  plongés  dans  l'iniquité  jufques  par  delFus  la  tête. 
Le  dragon  infernal  a  fait  fortir  de  l'abîme  les  plus  noires  exhalaifons  & 
en  a  couvert  prefque  toute  la  terre  :  il  a  vomi  fur  elle  comme  un  fleu- 
ve d'erreur  &  de  crimes  qui  en  innonde  toute  la  furface.  Quelles  per- 
tes vôtre  Eglife  n'a-t-elle  pas  déjà  faites?  Cette  Eglife  qui  dès  le  tems 
des  Apôtres  étoit  déjà  répandue  par  tout  l'univers:  cette  Eglife  dont 
un  des  caractères  eft  d'être  univerfelle,  ne  règne  plus  aujourd'hui  que 
dans  un  fort  petit  nombre  d'Etats.  L'Afie  &  l'Afrique  les  plus  grandes 
parties  du  monde  où  ont  brillé  autrefois  tant  de  Saints ,  font  mainte- 
nant enfevelies  dans  les  ombres  de  l'enfer.  Le  nom  de  nôtre  divin  Sau- 
veur n'y  eft  plus  connu ,  où  il  y  eft  blafphêmé.  Dieu  des  mifèricor- 
des  !  jufqu'à  quand  abandonnerez  vous  à  vôtre  ennemi  un  fi  grand  nom- 
bre de  vos  créatures. 

Mais  même  dans  cette  Europe ,  dont  prefque  tous  les  habitans  font 
profeffion  de  connoître  vôtre  Saint  nom ,  combien  de  Royaumes  fe 
font  féparés  de  vôtre  Eglife  ? 

Enfin  dans  le  fein  même  de  cette  Epoufe  de  vôtre  Fils,  combien 
l'homme  ennemi  n'a  t-il  pas  femé  d'erreurs  &  de  faux  dogmes.  Une 
Société  aufll  formidable  que  pernicieufe ,  qui  ofe  porter  le  Saint  nom 
de  Jefus ,  ne  fe  pare  de  ce  nom  auguftc  de  votre  Fils  que  pour  com- 
battre la  morale  &  les  plus  grands  dogmes  de  fon  Evangile. 

C'cft  par  l'amour:  c'cft  par  la  croix:  c'cft  par  lesdefirs  devouspof- 
fedcr  éternellement  vous  môme,  ô  mon  Dieu  !  &  parle  détachement 
dcs^  biens,  des  plaifirs  &  des  honneurs  de  la  terre,  que  vôtre  Sagefle 
incarnée  nous  a  déclaré  qu'on  pouvoit  parvenir  au  uonhcur  éternel. 

El 


PRIERE.  XI 

Et  cette  Société  au  contraire  fait  efpérer  à  tous  les  amateurs  du  mon- 
de, qu'ils  fe  procureront  le  falut  par  des  pures  cérémonies,  &  par  un 
culte  tout  extérieur,  fans  vaincre  leurs  paffions ,  &  même  fans  les  com- 
battre. 

Elle  les  difpenfe  du  grand  précepte  de  vôtre  amour ,  après  que  Je- 
fus-Chrifl  vôtre  Fils  nous  a  dit  lui-même:   Vcus  aimerez  le  Seigneur mh. 21. 
votre  l^ieu  de  tout  vôtre  cœur,  de  toute  vôtre  ame,  &  de  tout  vôtre 'il-  38- 
effrit.     Cefi  là  le  flus  grand  ^  le  premier  Commandement. 

Et  voici  le  fécond  qut  eft  Jemblable  au  premier  :  vous  aimerez,  vôtre    39. 
prochain  comme  vous-même. 

Toute  la  Loi  G?  les  Trofhétes  font  renfermés  dans  ces  deux  Corn-    40- 
mandemens. 

Ce  premier ,  ce  plus  grand  des  Commandemens ,  dont  le  fécond  n'eft 
qu'une  fuite,  &  qui  les  renferme  tous,  eft  donc  l'ame,  l'efprit  &  la 
vie  de  toute  la  religion.  C'eft  donc  la  détruire  &  abolir  toute  la  Loi 
&  les  Prophètes  que  d'ofer  en  difpenfer. 

Le  Difciple  bien-aimé  déclare  que  celui  qni  n'aime  ptnt  demeure  i  jean. 
dans  la  mort.    Le  grand  Apôtre  des  Gentils  inflruit  par  vôtre  Efprit  3-  u- 
Saint  qu'il  s'éleveroit  une  troupe  de  fédufteurs  qui  oferoient  combat- 
tre la  néceffité  de  vous  aimer  &  vôtre  divin  Fils,  ô  mon  Dieu!  fulmi- 
ne ainfi  contr'eux  dans  les  tranfports  de  fon  zèle.     Si  quelqu'un  n  ai- iCor. 
me  f  oint  nôtre  Seigneur  Jefus-Chriji  quilfoit  anathême. 

„  N'eft-ce  pas  un  tonnerre  que  ces  paroles  (  s'écrie  le  S.  Prêtre  dont  p.  Quef- 
la  caufe  eft  la  vôtre  ô  Dieu  Tout-puiflant  !  )  „  Si  c'eft  être  anathême  &  "j^ei.  ^ 
„  excommunié  de  ne  point  aimer  J.  C.  que  doivent  attendre  ceux  qui 
„  contribuent  à  en  eftacer  l'obligation  dans  l'efprit  des  autres ,  quifour- 
„  niflent  des  moyens  de  s'en  dilpenfer,  qui  en  font  leçon,  &  qui  en 
M  tiennent  école.  „ 

Aimer  vôtre  Fils,  o  mon  Dieu,  c"'eft  defirer  de  toute  l'ardeur  de 
nôtre  ame  de  lui  être  unis  à  jamais,  préférer  ce  bien  éternel  à  tous 
ceux  d'ici  bas,  cette  gloire  célefle  à  tous  les  vains  honneurs  du  mon- 
de ,  cette  félicité  fuçrême  aux  fades  plaiiîrs  de  la  vie  :  &  pour  parve- 
nir à  ce  bonheur  infini  de  vous  poflcder  vous-même ,  ô  mon  Dieu , 
par  nôtre  union  à  vôtre  Fils,  s'efiorcer  de  pratiquer  fes  préceptes  & 
de  fuivre  fes  confeils,  méprifer  comme  lui  tout  ce  qui  palfe,  &  ern- 
brafîer  la  voie  étroite  de  fa  Croix  qu'il  nous  a  déclaré  être  le  chemin 
qui  conduit  à  fa  gloire. 

L'Evangile  nous  crie  fans  cefle:  faites  pénitence.  J.  C.  nous  dit  lui-  ^^^ 
même  :  je  vous  déclare  que  f  vous  ne  faites  pénitence  vous  périrez  tons.  ^  '^' 

Celui  qui  ne  f  rend  pas  fa  croix  (^  ne  me  fuit  pas,  nefî  pas  digneiA^^- 1». 
de  moi.  ^*' 

Quiconque  ne  porte  pas  fa  croix  iê  ne  me  fuit  pas,  ne  peut  être  mon  luc.  4. 
difciple,  ^7- 

B  X  Je 


yii 


PRIERE. 


Mat.  i8.       7^  "VOUS  dis  &  je  vous  en  afftire  que  Jî  vous  ne  vous  convertirez. . . . 

3"  Vous  n  entrerez,  point  dans  le  Royaume  des  deux. 

Et  voilà  que  cette  Société  de  féduéleurs  laille  croire  aux  pécheurs 
quils  futtit  pour  effacer  jufquaux  plus  grands  crimes,  d'en  fiiireunfe- 
erct  aveu  à  quelqu'un  de  vos  Miniilres  ;  &  que  fans  changer  le  fond  in- 
fe(^lé  de  leurs  cœurs,  ils  en  feront  quittes  pour  quelque  courte  prière, 
&  pour  une  fimple  déclaration  qu'ils  ont  regret  de  vous  avoir  offenfé  : 
déclaration  qui  fouvent  n'eft  que  fur  les  lèvres,  ou  qui  n'a  d'autre  four- 
ce  que  la  crainte  de  l'enfer:  &  avec  une  abfolution  précipitée,  elle 
envoie  ces  malheureux  mettre  le  fceau  à  leur  réprobation,  en  rece- 
vant le  Saint  des  Saints  dans  une  confcience  toute  impure ,  toute  rem- 
plie de  l'amour  du  monde  &  toute  vuide  d'amour  pour  vous  :  comme 
fi  ce  Sacrement  le  prix  du  fang  de  votre  Fils ,  nous  eût  été  donné 
pour  nous  exemter  de  vous  aimer. 

S.  Pierre  qui  avoit  reçu  des  mains  de  votre  Fils  le  pouvoir  de  lier 
&  de  délier ,  ne  dit  pas  :  confeiîéz-vous ,  &  tous  vos  péchés  vous  fe- 

Aft.  3. 19.  ront  remis.  Mais  il  dit  :  faites  pénitence  ^  convertiffez-vous ,  afin  que 
vos  péchés  fi)ient  ejfacés  :  faifant  ainfi  dépendre  la  remiiTion  des  pé- 
chés ,  non  de  la  feule  confefîion  qu'on  en  fliit  aux  oreilles  d'un  Prê- 

jjjf  3,8  tre,  mais  elTentiellement  d'une  vraie  converfion  &  de  dignes  fruits  de 
fénitence.  Aulli  toute  l'Eglife  a-t-elle  toujours  appelle  ce  Sacrem.enti 
le  Sacrement  de  la  Ténitence,  pour  remettre  fans  cefTe  devant  les  yeux 
du  pécheur,  qu'il  ne  peut  obtenir  le  pardon  de  fes  offenfes  que  par 
des  oeuvres  fatisfaftoires  qui  y  foient  proportionnées^  &  furtout  parle 
changement  de  fon  cœur.  C'efl-à-dire  que  la  principale  difpolition 
pour  être  jullifié  de  fes  péchés,  confifte  à  vous  aimer,  ô  mon  Dieu, 
comme  nôtre  fouverain  bien  :  à  haïr  le  péché  parcequ'il  vous  déplaît  : 
à  craindre  plus  que  la  mort  de  commettre  de  ceux,  qui  tuant  famé 
d'un  feul  coup ,  la  privent  de  cette  grâce  qui  fait  habiter  vôtre  efprit 
en  nous,  &  par  laquelle  nôtre  cœur  vous  préfère  à  toutes  chofes:  & 
à  être  réfolu  de  faire  tous  nos  efforts  pour  éviter  jufqu'aux  foutes  les 
plus  légères ,  quoique  notre  fragilité  nous  v  rende  toujours  fujets.  Voi- 
là l'idée  que  le  Nouveau  Teftament ,  les  Ecrits  des  Saints  éc  notam- 
ment des  Pères  de  l'Eglife  nous  donnent  du  Sacrement  de  la  Péniten- 
ce inlliiué  par  J.  C.  Mais  au  lieu  de  ces  difpofitions  que  vous  formez 
vous-même  en  nous,  ô  Dieu  dont  la  miféricorde  eil  toute  gratuite, 
cette  Société  de  fédufteurs  &  fes  adhérans  reduifent  à  des  pratiques 
extérieures  que  l'homme  peut  exécuter  fans  votre  grâce  tout  ce  qui  cfl 
requis  pour  nous  appliquer  les  mérites  des  foulfrances  de  votre  Kils^n 
vertu  de  ce  divin  Sacrement.  Ils  en  font  une  efpece  d'amnillie  géné- 
rale, prcfque  indépendante  des  difpolitions  du  pénitent.  Ceft  ,  di- 
fcnt-ils ,  le  Sacrement  de  la  Confeffion  :  comme  fi  le  feul  aveu  du  coupable 
ûiililoit  pour  en  faire  un  jufte  ! 

Ainfi 


PRIE      R     E.  3HÎI 

Ainr^  ce  canal  des  grâces  deftiné  à  faire  rentrer  l'homme  en  lui-mê- 
me: à  lût  faire  quitter  l'habitude  &  l'amour,  du  moins  de  tout  péché 
mortel:  à  lui  en  donner  une  véritable  horreur:  &  à  le  faire  retourner 
de  tout  fon  cœur  à  Dieu,  ne  fert  prefque  plus  aujourd'hui  aux  pé- 
cheurs, qu'à  étouffer  les  remords  de  leur  confcience,  &  à  les  enhar- 
dir à  commettre  fans  crainte  les  plus  grands  péchés ,  parcequ'ils  s'ima- 
ginent en  pouvoir  obtenir  fi  aifément  le  pardon.  Ainfi  de  l'unique 
planche  qui  nous  relie  après  le  naufrage,  le  Démon  a  trouvé  le  moyen 
d'en  faire  une  carrière  d'endurcilTement,  &  une  fource  de  facriléges. 

Mais  en  même  t^ms  que  cette  Société  décharge  vos  enfans  de  la 
néceflîté  de  vous  aimer  pour  vous  pofTeder  éternellement,  ô  mon  Dieu  ! 
elle  les  rend  maîtres  de  vos  dons  tout  gratuits  qu'ils  foient.  Suivant  ces 
Dofleurs  du  père  des  menfonges,  le  pécheur  fouillé  des  excès  les  plus 
horribles,  a  toujours  vôtre  grâce  à  fes  côtés:  ils  ont  même  l'impuden- 
ce de  foutenir  à  la  face  de  l'Eglife ,  qu'il  ne  feroit  point  coupable  en 
commettant  les  plus  grands  crimes ,  fi  cette  grâce  que  vous  ne  devez 
à  perfonne ,  lui  manquoit.  Enfin  ils  ofent  avancer  jufques  dans  les 
Chaires  de  la  Vérité  &  dans  leurs  Ecrits  empoifonnés ,  qu'il  en  a  fans 
cefTe  de  fuffifantes  pour  opérer  fa  converfion  dès  qu'il  lui  plaît  de  s'en 
fervir.  D'où  il  réfulte  clairement  que  comme  il  dépend  en  ce  cas  uni- 
quement du  pécheur  de  fe  convertir  quand  il  le  juge  à  propos ,  même 
dans  les  derniers  momens  de  fa  vie ,  il  n'a  pas  befoin  de  fe  preiîer  de 
vous  demander  miféricorde,  ni  de  recourir  à  vous  pour  obtenir  une-  ' 
grâce  efficace:  il  a  toujours  fon  falut  dans  fa  main.  Ainfi  c'efl  lui  & 
non  pas  vous,  qui  efl  le  créateur  de  fon  être  nouveau  en  J.  C 
Quel  blafphême  ! 

C'efl  donc  en  vain.  Seigneur  que  vous  avex  déclaré  que  bien  loin 
d'exaucer  ces  pécheurs  impénitens  qui  remettent  à  fe  convertir  jufquà 
la  fin  de  leur  \ie ,  vous  vous  moqueriez  d'eux  à  leur  mort  &  qu'ils  au- 
ront beau  vous  invoquer ,  vous  ne  les  écouterez  point  :  ego  quoqiie  in  Prov.  i. 
interïtu  vejiro  ridebo ,  ^  fitbfannabo . . .  tune  iuvocabunt  me  ^  mu  ex-  '^^^ 
atidiam.     C'eft  en  vain  que  vôtre  Fils  nous,  dit:  faites  ejjort pour  ^/^Luc.  13. 
trer  par  la  porte  étroite  ,  car  je  vous  ajfttre  -que  plujieurs  chercheront  n- 
les  moyens  d'y  entrer ,  ^  ne  le  pourront.    Suivant  ces  nouveaux  Cafuifles, 
les  plus  grands  pécheurs,  après  vous  avoir  offenfé  toute  leur  vie ,  n'ont 
qu'à  le  louhaiter  pour  fe  rendre  tout  d'un  coup  dignes  des  Sacremens  ; 
&  pourvu  qu'ils  confentent  d'en  faire  la  cérémonie,  les  voilà  purifiés 
de  tous  leurs  crimes. 

Ainfi  la  voie  du  ciel,  que  J.  C.  nous  dit  avec  exclamation  être  fi  Mac.  7, 
étroite  &  qu'elle  ne  fera  trouvée  que  par  peu  de  perfonnes,  efldeve-"^' 
nue  tout-à-coup  fi  large  que  les  plus  grands  pécheurs  font  maîtres  d'y 
entrer  à  leur  gré  &  fuivant  leur  bon  plaifir,  &:cela  fans  quitter  même 
leurs  péchés  :  il  fuffit  qu'ils  les  confeflènt. 

B  3  Cefl 


jo?  PRIERE. 

C'cfl  amfi,  ô  mon  Dieu!  que  l'abus  de  ce  qu'il  y  a  de  plus  Saint 
dans  vôtre  religion,  efl  monté  jufqu'à  fon  comble.    Car  ce  n'eft  plus 
feulement  cette  Société  antichrétienne  qui  .publie  ces  dogmes  pervers. 
Hélas!   cette  pernicieufe  morale  fe  trouve  aujourd'hui  autorifée  du 
moins  indireftement,  par  la  condamnation  des  propohtions  qui  lui  font 
les  plus  contraires  :  &  paroilîant  appuyée  par  une  autorité  li  refpeda- 
bîe ,  elle  s  cft  répandue  dans  prefque  toute  vôtre  Eglife.    Elle  eft  em- 
brafTée  aujourd'hui  par  un  grand  nombre  de  vos  premiers  Miniflres; 
elle  eÛ  fuivie  par  tous  les  Prêtres  ambitieux  ou  ignorans:  elle  eft  pra- 
tiquée par  prefque  tous  les  Moines.    Elle  règne  :  elle  ctl  montée  fur 
l'Autel  :  elle  a  pris  la  place  de  vôtre  Evangile. 
j^4a(  j^.       Ha  Seigneur!  c'eft  dans  une /^«rw^z/î- <?^ /«/, fuivant  TexprefTion  de 
4».        J.  C.  que  tous  ces  malheureux  aveugles  &  ceux  qui  les  conduifent  ain- 
fi  dans  la  folle,  feront  précipités  pour  toute  l'éternité.    Quoi  mon 
Dieu  !  n'aurez-vous  donc  point  pitié  de  tant  d'ames  rachetées  par  le  fang 
de  vôtre  Fils ,  &  qui  en  ont  été  couvertes  par  le  Batême.     Hélas  !  tout 
tombe  en  décadence:  tout  périt:  la  foi  s'anéantit:  la  charité  s'éteint. 
Voyez,  Seigneur,  à  quel  petit  nombre  ceux  qui  font  encore  atta- 
chés à  toute  Vérité  font  maintenant  réduits.     Quoi  mon  Dieu!  ne  vous 
Rois  II.  êtes  vous  donc  rejèrvé comme  au  tems  du  Prophète  E/ie  que  feptmil- 
**  le  hommes  qui  n'ont  foint  fléchi  le  genou  devant  Baal  ?  Ha  !  je  frémis 

Apoc.  14.  jufqu'au  fond  des  entrailles  lorfque  ie  me  rappelle  ces  paroles  :  Jîquel- 
9. 10.  à.  qu'un  advte  la  bête  ou  fon  image ,  ou  quil  en  reçoive  le  caraEiere  fur 
le  front  on  dans  la  main  :  celui-là  boira  du  vin  de  la  colère  de  'Dieu . . . 
(^  //  fra  tourmenté  dans  le  feu  ^  dans  le  foufre ...  ^  la  fumée  de  leurs 
tourmens  s'élèvera  dans  les  fiécles  des  fiée  les  ^  fans  quil  refle  aucun  re^ 
fos  ni  jour  ni  nuit  à  ceux  qui  auront  adoré  la  bête  ou  fon  image  ^  ou 
qui  auront  reçu  le  cara&ere  de  fon  nom. 

Mais  il  faut  que  les  Ecritures  foient  accomplies.     Ces  tems  ont  été 
prédits:  il  cft  nécefTairc  qu'ils  arrivent.     S.  Paul  a  vu,  Saint  Paul  a  pré- 
dit que  dans  les  derniers  tems  il  viendroit  une  foule  de  nouveaux  Do- 
reurs pleins  d'ambition,  qui  flatteroient  les  defirs  des  pécheurs,  &qui 
ne  confervant  que  la  fimplc  apparence  de  la  piété  &  les  dehors  de  la 
religion,  en  rumeroient  l'cfprit  &  la  vérité,  &  que  tous  ceux  qui  fe- 
roient  attachés  à  la  pureté  du  Chriilianifme  fouftriroicnt  perfécution. 
1  Tim.  3.      Or  fâchez,  dit  cet  Apôtre,   que  dans  les  derniers  jours  il  viendra 
^•^'-        des  tems  fâcheux.     Car  il  y  aura  des  hommes  amoureux  d  eux-mêmes  y 
avares,  glorieux,  fuperbes ,  médifans. 
T.  3-         ^ii  auront  une  apparence  de  piété \  mais  qui  en  ruineront  la  véri- 
té S  l'efprit. 
T.  n.       ■^^'.ff'  ^(^"^  ^^'*^  ^^'  veulent  vivre  avec  piété  eu  Jefus-Chrifl  feront 

perfécutés. 
▼.13.        Mais  les  hommes  mécbans  Çy  les  féduÛeurs  fe  fortifieront  de  plus  en 

plus 


PRIERE.  XV 

plus  dans  le  mal^  étant  eux-mêmes  dans  Veneur  ^  ér  y  faifant  tomber  les 
autres. 

^  Car  il  viendra  un  tems  que  les  hommes  ne  pourront  plus  foujfrir  la  faine    Ibid. 
'DoEîriue:  érqù  ayant  une  extrême  démange  ai  fin  d  entendre  ce  qui  les  flat-  *-hap.4.3: 
te  .^  ils  auront  recours  à  une  foule  de 'Douleurs  propres  à  fat isf aire  leurs  déjlrs. 

Hélas!  Seigneur,  il  n'ed  que  trop  évident  que  cts  tcms malheureux 
font  arrivés.  Ce  n'eft  plus  par  la  faine  DoSîrine,  ce  n'eil  plus  par  la 
voie  étroite  de  l'Evangile  que  les  hommes  veulent  être  conduits ,  c'eft 
dans  une  voie  large  qui  ne  mené  qu'a  la  perdition.  Ce  n'eft  plus  de  la 
grâce  de  Jéfiis-Cliriil  qu'ils  attendent  leur  iâlut,  c'eft  de  leur  propre 
volonté;  "parce  qu'ils  ont  réduit  toute  la  Religion  à  un  culte  purement 
extérieur,  qu'ils  lont  maîtres  de  pratiquer  quand  ils  veulent. 

Quel  a  été  le  tems  qui  avoit  été  marqué  dans  les  décrets  éternels 
pour  la  réprobation  des  Juifs  &  quelle  en  a  été  la  cauie  ?  S.  Paul  nous 
en  inftruit  encore  de  la  manière  la  plus  cLiire. 

C'eft  premièrement ,  parce  que  ne  connoiflant  point  la  néceflité  de 
votre  (ècours,  o  mon  Dieu,  ils  ont  cru  pouvoir  le  donner  la  juftice 
par  leurs  propres  forces,  en  la  fàilant  coniifter  uniquement  dans  des 
pratiques  extérieures.  C'eft ,  dit  ce  grand  Apôtre ,  parce  que  ne  con-  Rom.  lo; 
noijfant point  la piftice  qui  vient  de  'Dieu^  ér  s" efforçant  d établir  leur pro-"^'  ^^' 
pre  juftice  ^  ils  ne  fe  font  point  fournis  à  "Tiieu  pour  recevoir  cette  juftice  qui 
vient  de  lui. 

C'eft  en  iecond  lieu ,  dit-il  en  plufieurs  endroits',  à  caufe  de  leur  in- 
crédulité^ c'eft-a-dire,  parce  qu'ils  n'ont  pas  voulu  fe  rendre  aux  Mi- 
racles de  Téliis-Clirill. 

N'eft-il  pas  manifefte  que  ces  deux  funeftes  diipofitions  ("ûvoir  la 
confiance  en  (àjpropre  juftice  &  l'incrédulité  aux  Miracles)  dispofiuons 
fatales  qui  ont  été  la  fource  &  la  cauie  de  la  réprobauoii  des  Juifs,  {ont 
aujourd'hui  celles  de  la  plupart  des  Catholiques  î  Et  n'eft-ce  pas  là  une 
preuve  (ènfible  que  le  tems  du  terrible  ren-anchement  de  la  plus  grande 
partie  de  la  Gennlité  Chrétienne,  prédit  dans  le  XI.  Chapitre  de  l'E^ 
pitre  aux  Romains ,  ne  peut  être  fort  éloigné  ?  Les  Miracles  que  Jéfus- 
Chrift  fait  à  préiènt  parmi  nous ,  ne  (ont  pas  moins  iès  Miracles  que 
ceux  qu'il  faiioit  pendant  (à  vie  mortelle,  &  [' incrédulité quimépiikôc 
qui  rejette  ce  Témoignage  du  Très-Haut ,  peut  devenir  aulfi  dange- 
reufe  que  celle  qui  a  perdu  autrefois  preique  toute  la  Nation  Juive, 

Ha!  Pouvons-nous  lire  fans  trembler  les  menaces  que  notre  Divin 
Sauveur  fit  aux  Juifs  ace  fîijet?  Malheur  à  toi^  Corofaïn^   malheur  h    Mat.  it. 
toi^  Betfaïde:  parce  que  ft  les  Miracles  qui  ont  été  faits  au  milieu  de  vous  ^^^^--.^i- 
avaient  été  faits  dans  Tir  &  dans  Sidon  ^  il  y  a  long-tems  qii  elles  aur oient 
fait  pénitence  dans  le  foc  &  dans  la  cendre,     Ceft  pourqtwi  je  vous  déclare 

B  4  qùau 


l 


XVI  P      R      I      L      R      E. 

qu/ifi  jour  du  jugement  ^  Tir  é^  Stdon  feront  traitées  moins  rigoureufement 
que  zous. 
^- =4-  Et  toi,  Capharnaum,  f  élèveras  tu  toujours  jufqti  au  Ciel:  tu  fera  abaif- 
fèe  jufqù au  fond  de  l'€.nfer  -,  parce  que  fi  les  Miracles  qui  ont  été  faits  au 
jniUeude  toi^aioienî  et e  faits  dans  Sodome ,  elle  fubfifteroit  peut-être  encore 
aujourithui.  Cejl  pourquoi  je  "vous  déclare  qu  au  jour  du  jugement  ^  le  pays 
de  Sodome  ftra  traité  ymins  rigourcufeynent  que  toi. 

Ha:  Seigneur.  Qii  elle  lont  donc  les  peines  que  vous  rcfervez  a  ceux 

iui  combattent  vos  œuvres  &  qui  mcprifênt  vçs  Miracles  ?  Ha  !  Dieu 
e  honte,  n'écoutez  pas  votre  julHcc,  ne  conlultez  que  votre  miferi- 
corde ,  &  fôuvcncz-vous  de  vos  promefles. 

\''ous  le  lavez ,  Seigneur  ?  vous  nous  a\'ez  proniis  que  les  portes  de 
l'Enfer  ne  prévaudront  jeûnais  contre  votre  Eglifc.  Non  (eulemcnt  vous 
aurez  toujours  des  Elus  dans  (on  lein*qui  cnlêigneront  la  morale  la 
plus  pure,  malgré  l'oppolition  de  toutes  IcsPuiflances  :  non  feulement 
dans  le  tems  des  plus  grandes  JéduClions ,  vous  paroïtrez  vous mcme 
par  d'éclattans  Miracles  pour  l:aire  connoître  à  tous  les  cœurs  droits  de 
quel  coté  ell  la  Vérité  -,  mais  vous  avez  promis ,  que  loin  qu'elle  puii^ 
le  périr,  elle  prendra  au  contraire  de  nouvelles  torces  par  la  periccu- 
tion  même ,  &  que  malgré  tous  les  efforts  de  l'Enfer  elle  lera  toujours 
Mcliorieufè. 

Mjtt.24.  £|-j  Yjiii  l'abomination  de  la  déflation  fra-x.-(Ac  dans  Mieujaint  :  c'eft- 
à-dirc,  en  vain  la  morale  la  plus  relâchée,  la  plus pernicieule  ^  la  plus 
contraire  à  l'Ev'angile ,  Icra-t-elle  érigée  en  dogme  au  milieu  même  de 
votre  Eglilc  :  en  vain  s'ailciera-t-cllc  lur  vos  Autels ,  &  lêra-t-elle  au- 
tonlée  par  plulicurs  de  vos  premiers  Mimftres  :  en  vain  l'abus  des  Sa- 
cremcns  lera-t-il  porté  aux  derniers  excès  :  en  vain  ne  fera-t-il  plus  pof 
(ible  d'entrer  dans  le  iaint  Miniftére  lans  fiire  un  fiux  lerment  :  en  vain 
ne  parviendra-t-on  plus  à  aucune  dignité  de  l'Eglile  fans  fôuicnre  à  la 
condamnauon  de  la  plus  pure  Docbine  du  Chrilhanifîne  :  &;  pour 
tout  dire ,  en  vain  ne  pourra-t-on  plus  devenir  un  Mimllre  de  vos 
Autels  lans  auparavant  s'en  rendre  manilcilement  indigne  ;  vous  réfêr- 
vcz  dans  le  trclor  de  vos  miicricordes ,  de  quoi  gucnr  tout  d'un  coup 
tous  nos  maux.  Vous  avez  promis  que  lorsque  votre  Eglilc  leroit  ré- 
duite en  cet  état,  vous  envoiericz  le  Prophète  Elie  qui  rcLiblira  toutes 

Mitth   I-  choies.     Elias  quidem  -venturus  ejl  ér  Tefiituct  omnia.     Elias  cum  iiencrit 

M  1-r  9.  M  /""''^^ ,  reftituet  omnui. 

Ha:  Seigneur.  Ce  fera  pour  lors  que  vous  répandrez  vos  grâces 
avec  une  prodigalité  diyme:  ce  lera  f>our  lors  que  tout  l'Univers  con- 
noitra  votre  nom:  ce  lera  pour  lors  que  le  vénHera  cette  parole  dcvo- 

Rom  i;.  trc  Apotrc:  Ceux  à  qui  J.  C.  ?iavûit point  ete  armoncé^  verront  lalumié- 

re. 


V.    Tï, 


PRIERE.  XVII 

re ,  à'  ceua  qui  n' avaient  point  encore  ouï  parler  de  lui  entendroiît  fa  parole. 
Ce  iêra  pour  lors  que  vous  ferez  (ortir  de  la  nuit  de  l'abîme  tous  les 
enEns  des  Patriarches,  qui  depuis  fi  long-tems  font  accablés  fous  la 
malédiclion  &  précipités  dans  les  plus  noires  ténèbres.  Vous  relTufoi- 
terez  tout  à  coup  tous  ces  morts  fpirituels ,  &  vous  en  ferez  tout  un 
peuple  d'Apôtres ,  qui  entrera  dans  votre  Eglifê ,  qui  viendra  fê  join- 
dre avec  emprelTement  à  ceux  qui  feront  demeurés  attachés  à  toute 
vérité  j  &  qui  ira  eniiiite  avec  eux  prêcher  votre  nom  &  établir  votre 
Evangile  ju{qu'aux  exttémités  de  la  Terre. 

Les  Juifs ^  dit  S.  Paul,  font-ils  tombés  de  telle  forte  que  leur  ckûte  fait  Rom 
fans  re  four  ce?  A  'Dieu  ne  plaif:  mais  leur  chute  ejî  devenue  une  occafan  "' 
de  fa  lut  aux  Gentils^  qui  ont  été  appelles  à  leur  place. 

^le fi  leur  chute ^  continue  ce  grand  Apôtre,  a  été  la  riche fe  du 
monde  ^  éf  leur  diminution  la  riche  fe  des  Gentils  ^  combien  leur  plénitude 
enrichirait-elle  le  monde  encore  davantage  ? 

Car  fi  leur  perte  eft  devenue  la  réconciliation  du  monde  ^  que  fera  leur    v.  i/ 
rappel ^  finon  un  retour  de  la  mort  à  la  vie  ? 

O  tems  heureux,  qui  doit  enrichir  tout  l'Univers  des  fiveurs  du 
Tout-puiHant ,  qui  doit  inonder  toute  la  Terre  de  (es  plus  précicuics 
miléricorde,  qui  doit  être  pour  le  monde  entier  un  retour  de  la  mort 
à  la  vie! 

Ha  !  uniflbns-nous  tous  pour  prier  le  Seigneur  d'avancer  ce  tems 
dont  l'Eglife  &  toute  la  Terre  ont  tant  de  beloin.  Dilons  tous  enfèm- 
ble  comme  d'une  feule  bouche ,  mais  dilons  avec  foi ,  avec  eipérance , 
avec  amour: 

Notre  Père,  qui  êtes  dans  les  Cieux  :  Qiie votre  nom  foit  {ânâiifié  : 
que  votre  règne  arrive:  que  votre  volonté  loit  faite,  en  la  Terre  com- 
me au  Ciel.  Qiie  le  Propriété  que  vous  avez  prQmis  d'envoyer,  vien- 
ne au  plutôt  rétablir  toutes  choies  :  que  tout  le  monde  vous  connoiflè, 
vous  bénifîe  5c  vous  adore  :  que  votre  Evangile  répande  {a  lumière  a- 
vec  un  éclat  qui  éclaire  tous  les  hommes  :  que  toutes  vos  Vérités  fàin- 
tes  fe  gravent  dans  les  cœurs  :  que  tous  les  peuples  embrafrcnt  la  Croix 
de  votre  Fils  avec  la  plus  tendre  reconnoiflance,  la  plus  ferme  conlian- 
ce  &  le  plus  ardent  amour.  Que  convaincus  de  leur  propre  foibielley 
ils  implorent  ians  celTe  vos  grâces  \  &  que  par  l'infîinon  de  votre  E(- 
prit,  tous  leurs  dehrs  fe  portant  vers  le  Ciel,  ils  ne  tendent  qu'au 
bonheur  infini  de  vous  poflédeî-  éternellement  vous-mcme,  ô- beau- 
té toujours  nouvelle  quoiqu'elle  n'ait  janiais  eu  de  commencement. 

Voilà  quels  feront  les  fruits  de  la  MiJhon  du  Prophète  Elie  &  des 
difciples  fans  nombre  qui  fe  joindront  à  lui.  Ha  !  pouvons-nous  conju- 
rer le  Seigneur  avec  aflèz  d'inllances  de  hâter  ces  bieiiheur^uxmomensî 

-C  ^iai^:, 


XVIII  P  '   R      I      E      RE. 

Mais ,  Seignair ,  vous  nous  avez  fait  annoncer  d'une  manière  vill- 
blement  furnaairelle,  que  votre  jullice  exige  auparavant  des  victimes 
dont  le  (àngjpar  les  mérites  de  celui  de  votre  Fils  lèul  digne  d'appaiiêr 
votre  colère,  purifie  le  monde  {ôuillc  de  tant  de  crimes.  Ha!  Dieu 
des  vertus.  N  cpargrcz  pas  celui  de  vos  (er\'iteurs.  Hàtez-vous  de  le 
faire  répandre ,  s'il  clt  un  préalable  par  lequel  vous  youlez  taire  pré- 
céder le  tems  de  vos  grandes  miféricordes,  où  vous  terez  ceflcr  l'ana- 
thème  dont  vous  avez  frappé  la  Terre. 

Ha:  Quel  bonheur,  qu'elle  gloire  de  {ôuffrir  pour  une  pareille  cau- 
{e!  Vous  nous  avez  appris,  6  mon  Dieu,  par  la  bouche  de  Je(us-Chrill:, 

Matth.  f.   c^xx  heureux  (ont  ceux  qui  fouffirent  perfecution  pour  lajujiice^  parce  que.  le 

'°'  Royaume  du  Ciel  cjî  à  eux. 

ibid.  v.iî.      Rejouijjez-'vom  alors ^    nous  ajoute-til,  &  faites  éclatter  'votre  joie ^ 
parce  qùune  grande  recompenfe  'vous  ejl  refcrvée  dans  le  Ctcl ^  car  ceji  ainji 
au  ils  ont  perfecuté  les  'Trophétes  qui  ont  été  avant  vous. 

Ha,  Seigneur!  Qiiel  honneur  pour  des  j^écheurs  tels  que  moi , d'ê- 
tre aflbciés  par  cette  voie  à  vos  Prophètes ,  à  vos  Apôtres ,  à  vos  Mar- 
tyrs! Mais  c|ucdis-je?  Ce  n'ell  pas  d'eux  dont  nos  (oufl-rances  peuvent 
tirer  leur  mérite  6c  leur  prix  :  l'iionneur  qu'elle  nous  procureront  ell 
encore  infiniment  au  deflus  de  celui  que  je  propofois.  Ces  Prophètes, 
ces  Apôtres,  ces  Marr^'rs  n'étoient  non  plus  que  nous,  que  des  hom- 
mes foibles  (Se  incapables  par  eux-mêmes  d'une  véritable  vertu.  C'elt 
de  la  Croix  :  c'ell  des  louftranccs  de  Jéfùs-Clinll  dont  ils  ont  tiré  tou- 
te leur  force  -,  ôc  c'ell  à  ces  lôufFrances  (i  précieufes  que  les  nôtres  fe- 
ront unies  aufli  bien  que  les  leurs. 

Nos  fôui^rances  par  elles-mêmes  n'auroient  rien  que  de  méprifable  : 
mais  notre  Divin  Sauveur  enlesunilUntaux  licnnes,  leur  donne  unmé- 
rite  infini.  De  ciuel  prix  par  exemple, Icroient les lourtrances d'un mon- 
flre  d'iniq^uité  tel  que  moi,  qui  ai  mérité  par  tant  de  crimes  les  luppli- 
ces  éternels  de  l'Enfer?  Ane  conddérer  que  celui  qui  (outÎTe,  combien 
tout  ce  que  je  pourrois  endurer  (eroit-il  indigne  de  l'attention  de  mon 
Dieu?  MaisJ.  C.  prend  (ur  lui  même  ce  qu'on  fout^re  pour  la  Vérité. 
Ce  ne  font  plus  les  foufirances  d'un  pécheur,  méprilable,  ce  (ont  les 
{ôufh'anccs  duTufte  par  excellence:  ce  ne  (ont  plus  les  iouflrancesd'un 
homme,  ce  (ont  les  ioufl^rance  d'un  Dieu.  Elles  en  ont  \%  mérite,  el- 
les nous  en  procureront  la  récompenle ,  puilque  ceux  qui  auront  erc 
unis  à  J.  C.^  (ur  la  croix  ne  {eront  -qu'un  avec  lui  dans  la  gloire. 

Ha  !  Soufiranccs  précieu(cs  à  qui  le  Royaume  des  Cieux  ell  promis, 
foyez  dans  ce  monde  l'objet  de  nos  ardcns  defirs,  comme  ét.mt  le  mo- 
yen le  plus  lur  pour  parvenir  à  un  bonheur  qui  clf  mhniment  au  àcC- 
ius  de  tout  ce  que  nous  pouvons  en  concevoir. 

Qiicllc 


PRIERE,  XIX 

Quelle  eft,  Ô  mon  Dieu,  la  magnificence  de  votre  libéralité  pour 
ceux  qui  fouffrent  pour  votre  gloire  !  Le  plus  léger  tourment  aura  une 
récompenfc  {ans  fin  l  Chaque  inllant  de  douleur  procurera  unfùrcroîc 
de  bonheur  &c  de  gloire,  qui  durera  pendant  toute  l'éternité!  Uneéter- 
iiitépour  un  moment  !  Eh  I  quelle  éternité  ?  D'être  pénétré  d'une  joie 
ineffable  qui  ne  finira  jamais! 

Ha!  Trop  heureufes  viâ:imes  que  notre  Père  choifira  par  l'amour 
qu'il  a  pour  vous,  goiitez  par  avance  l'honneur  &  l'avantage  d'un  tel 
cnoix  :  ouvrez  tout  votre  coeur  à  votre  eipérancc  :  pofTedez  déjà  Dieu 
même  :  jouifTez  déjà  de  là  félicité  divine  :  ce  bonheur  infini  vous  eft 
alTuré  :  Dieu  lui-même  vous  en  a  donné  (à  parole.  Chantez  déjà  avec 
la  cour  célefte  :  chantez  avec  ceux  qui  {èront  demeurés  'viâorieux  de  la  Apoc-  'f- 

bète ,  de  fin  image ,  cr  du  nombre  de  fin  nom Vos  œuvres  fint  grandes  ^•'^^'^■''' 

C^  admirables  ^  6  Seigneur  'Dieu  Totit-fuiJJant.  Vos  "voies  fint  jufies  ô"  'vé- 
ritables ^  o-,Roi  des jiecles .,:  car  ...  toutes  les  nations  viendront  à  vous 
é^  vous  adoreront  ^  parce  que  vous  avez  manifejîé  vos  Jugemens. 

Me  permetu'ez-vous,  ô  monDieu,  d'aipirer  à  une  telle  gloire  ?  Ha! 
mon  Sauveur.   Que  la  vîie  de  mon  extrême  indignité  n'arrête  pas  une 
fi  grande  miiericorde  :  qu'elle  vous  faflè  au  contraire  confidérer  com" 
bien  j'en  ai  befoin.     Vous  vous  plaiièz  quelquefois  à  taire  (lirabonder 
votre  grâce  où  le  péché  a  abonde ,  &  il  ne  tient  qu'à  vous  de  changer 
les  pierres  en  enfens  d'Abraliam.     Vous  nous  commandez  vous-même 
de  prendre  notre  croix  &  de  vous  (îiivre  !   Hé  !  où  avez-vous  été ,  Sei- 
gneur, avec  la  vôtre?  Sur  le  Calvaire,  y  répandre  tout  votre  (âng  &  y 
mouru"  pour  notre  Làlut.  Vous  nous  avez  ordonné  de  ne  point  craindre  Matth,  lo 
ceux  qui  tuent  le  corps  éf- qui  ne  peuvent  tuer  lame:  w^/5  de  craindre  feule- 
ment f^/ai  "qui  peut  précipiter  l'ame  &  le  corps  dans  t Enfer.  Vous  nous  a-     ^'  *^* 
vez  promis  de  reconnoître  devant  votre  Tere  ^  quiconque  vous  confejjera    v.  32; 
devant  les  hommes.     Vous  avez  déclaré  que  celui  qui  voudra  confirver  fa 
•vie  la  perdra^  &  que  celui  qui  aura  perdu  fa  vie  pour  l'amour  de  vous  la    v-  39.' 
retrouvera  pour  toute  l'éternité.     Nous  pouvons  donc  &  nous  devons 
même,  en  mettant  toute  notre  confiance  en  votre  iècours ,  fouhaiter 
de  vous  (ùivre  jufqu'à  la  mort,  puifque  vous-même  nous  le  comman- 
dez.   Mais  donnez-nous ,  Seigneur,  donnez-nous  ce  que  vous  nous 
commandez.     Que  l'efficace  de  votre  grâce  nous  rende  de  vrais  difci- 
ples  de  votre  Croix,  capables  de  tout  foufïrir  avec  une  joie  pleine,  une 
confiance  inébranlable  &  la  plus  vive  reconnoiflànce  ! 

Ah  !  Dieu  des  vertus.  Faites  que  le  defir  d'être  unis  à  vous  remplif^ 
(è  entièrement  notre  ame  :  qu'il  embrafè  notre  cœur  d'un  feu  fi  ardent 
qu'il  étouffe  celui  des  foufïrances  :  que  loin  de  les  craindre,  il  nous  les 

C  2,  fafîc 


XX  PRIERE. 

fafTc  {ôuhaiccr  ;  &  qu'il  (oit  le  principe  Se  la  fin  de  tous  nos  (êntinicns 
&  de  toutes  nos  allions. 

Père  éternel  I  Nous  vous  demandons  toutes  ces  grâces  pour  le  prix  du 
fâng  que  votre  Fils  a  répandu  en  (ouftrant  à  notre  place  la  peine  de  nos 
crimes  :  nous  vous  les  demandons  en  \'ertu  de  la  gloire  qu'il  vous  a  ren- 
due par  ce  (acrifice  h  douloureux  qu'il  vous  a  bit  de  (à .vie,  &encon- 
iidcration  de  l'honneur  qu'il  vous  rend  encore  chaque  jour  par  tous  les 
lacnficcs  d'humiliation  qu'il  vous  fait  de  la  perfonnc  (ur  nos  Autels. 

O  Lumière  ir.éflable,  qui  (ortez  de  toute  éternité  du  (ein  du  Père! 
Nous  vous  demandons  toutes  ces  grâces  en  verm  du  comble  de  gloire 
où  elt  élevée  votre  famte  humanité,  dont  les  divines  verms,  mi(es  au 
jour  par  la  mon  cruelle  quelle  a  voulu  louffrir  pour  d'indignes  créatu- 
res, ont  (i  fort  {urpaflc  tout  ce  que  les  Anges,  les  hommes,  ôc  les  dé- 
mons auroicnt  jamais  pu  en  concevoir. 

Elprit  Saint  :  Nous  vous  les  dariandons  par  l'amour  que  vous  avez 
pour  le  Père  oc  pour  le  Fils ,  vous  qui  êtes  le  fruit  perpétuel  de  l'amour 
infini  qu'ils  le  portent  avant  tous  les  fiécles. 

Trinité  éternelle ,  dont  les  trois  perlonnes  ne  font  qu'un  &:  font  é- 
galcment  &:  conjointement  toutes-puiilintes ,  nous  vous  demandons 
toutes  ces  grâces  au  nom  &  par  les  mérites  de  l'humanité  de  Jélus" 
Cliriil:.  Et  nous  prions  la  Sainte  Vierge,  le  Bienheureux  François  de 
Pans ,  les  autres  Saints  Appellans  oc  généralement  tous  les  Saints ,  dfi 
nous  les  obtenir  par  leur  intercellion.     Aiiili  foit-il. 


\ 


w.iej.jo.  „  "Vous  envolerez  votre  Elprit,  ômonDieu,  &  (^toutes)  chofês  fo- 
„  ront  créées  de  nouveau  :  &  vous  renouvellerez  la  face  de  la  Terre.  " 
Emittes  Spiritîim  tuum  ^  &  creabiintur  -,  à'renovalAs  faciem  tefr£. 

Accordez -moi.  Seigneur,  la  grâce  de  me  punfier  de  toutes  mes 
fouillures  par  un  nouveau  baptême  dans  le  Saint  Efprit  &:  dons  le  feu: 
Matth.3.    Iffe  bapifabtt  in  Spritu  Smi6îo  &  igni. 

Amen.  Amen.  Amen. 


D  I  S  S  E  R- 


♦^t^tt^t^ÈtètlMÈM^tt****************** 


K«':4|î 


DISSERTATION 

SUR    L'A  U  T  O  R  I  TÉ 

DES   MIRACLES. 

'  u  E  L  trifte  fpedacle  fe  préfente  aux  yeux  de  mon  ame  !  Je  vois  une 
■  multitude  innombrable  de  Chrétiens  faire  préfent  des  armes  de  Dieu 
à  fon  Miférable  ennemi  !  Je  les  vois  méprifer  ,  calomnier  ,  traiter 
d'impofteur  le  Prophète  envoyé  par  le  Très -haut  poi^r  rétablir  tou- 
tes chofes  !  Je  vois  enfin  ce  Prophète  condamné  &  mis  à  mort  malgré 
tous  les  Miracles  qui  autorifent  fa  Million  ! 

Voilà  ce  que  Jefus-Chrift  nous  a  prédit  lui-même,  &  ce  qu'il  fait 
journellement  publier  depuis  plus  de  14.  ans  dans  tout  P;iris,  par  une  multitude  de 
Trompettes  remplies  furnaturellement  de  l'Esprit  qui  les  fait  parler ,  fur  lesquelles  & 
par  lesquelles  Dieu  opère  presque  continuellement  de  très  grands  Prodiges  ,  &  fou- 
vent  même  des  Miracles  clairement  marqués  au  fceau  de  fa  Bonté  infinie  &  de  fa  Puif- 
fance  fuprême. 

Cependant  presque  tout  le  monde  fe  bouche  volontairement  les  oreilles ,  afin  de  ne 
pas  entendre  cette  voix  Divine. 

Auffi  eft-il  annoncé  par  les  Prophètes,  que  dans  le  tems  qui  avoifinera  la  venue 
d'EIie,  une  nuit  horriblement  noire  répandra  fes  voiles  pernicieux  fur  prefque  toute 
la  Gentilité  :  qu'il  paroîtra  néanmoins  de  tems  en  tems  de  grands  traits  de  lumière  qui 
perceront  cette  nuit  obfcure  :  mais  que  les  Nations  fermeront  les  yeux  pour  ne  les 
point  voir,  &  même  que  pkifieurs  prendront  ces  brilbns  éclairs  envoyés  du  Ciel  par 
mifèricorde ,  pour  des  feux  trompeurs  exhslcs  des  lieux  fouterrains. 

Hélas!  on  ne  voit  que  trop  dès  à  prèlent  l'accompliflement  de  cette  terrible  Prophétie f 

Depuis  pkifieurs  années  ci  s'enhardit  tous  les  jours  de  plus  en  plus  à  méprifer  les 

Miracles,  quoi  que  Jefus-Chrift  lui-même  nous  ait  déclaré ,  qu'ils  font  hTcmoignage  de 

fon  Père.  Combien  y  en  at-il  même  dès  aujourd'hui  qui  ofent  publier  que  cette  voix 

merveilleufe  par  laquelle  Dieu  nous  parle,  eft  la  voix  de  l'efprit  pervers! 

Quel  intérêt  tous  ceux ,  qui  ne  veulent  point  être  enveloppés  dans  la  condamnation 
des  incrédules,  n'ont -ils  donc  pas  de  fe  précautionner  contre  l'abus  qu'on  ne  fait  déjà 
que  trop ,  &  qu'on  fera  encore  bien  davantage ,  de  l'idée  vague  qu'on  s'eft  formée  du 
pouvoir  prefque  fans  bornes  qu'on  fuppole  ou  qu'on  imagine  être  .exercé  par  les  An- 
ges Apoftats. 

La  prédiélion  faite  par  Jefus-Chrift  du  traitement   que  la  Gentilité  doit  faire  un 

jour  au  Prophète  Ehe ,  &  le  rnjflére  que  S.  Paul  nous  a  découvert ,  que  les  Juifs  ont 

été  rejettes  a  cattfe  de  leur  incrédulité',  que  les  Gentils  ont  été  entés  à  leur  place,  mais 

Dijfert.  Tum.  II.  A  qu'ils 


DISSERTATION 


cjufe  du  retraLichcment  de  la  plus  grande  partie  des  Catholiques  ;  &:  qu'elle  mettra  le 
fceau  à  leur  réprobation,  comme  elle  a  été  la  fource  funcfte  de  celle  des  Juifs,  qui 
doivent    leur  être  bientôt    fubftitués. 

N'eft-  ce  pas  pour  avoir  rcfufc  autrefois  de  connoître  le  doigt  de  Dieu  dans  les  Mi- 
rachs  di  Jefus-Chrift  &:  de  fe  foiiraetrc  à,  leur  dccifion,que  les  Juifs  ont  été  précipités 
dans  l'abîme  de  milédiction  où  ils  font  encore?  Eh  !  ces  malheureux , s'appuyans  fur  le 
fondement  ruineux  que  ces  Miracles  étoient  rejettes  par  le  Souverain  Pontife,  les  Prê- 
tres &  les  Dodeurs,  ont  ofé,  malgré  l'évidence  qu'ils  venoicnt  de  Dieu,  en  faire  hon- 
neur à  BJelzébut  :  &  en  punition  l'Eternel  les  a  livrés  eux-mêmes  à  Satan,  à  qui  ils 
avoient  attribué  fes  Miracles. 

Je  frémis  lor(q  ;e  j'envifane  les  fuites  qu'une  pareille  erreur  doit  encore  avoir,  puis- 
que c'eft  elle  qui  fera  le  noir  flambeau  qui  conduira  les  Catholiques  à  rejetter  le  Pro- 
phète que  Dieu  a  promis  d'envo}'er  lorfque  toutes  chofes  auront  befoin  d'être  rétablies. 
En  vain  le  Très -haut  lui  rendra  témoignage  par  quantité  de  Merveilles  ,  qu'il 
vient  de  fa  part,  qu'il  parle  en  fon  nom,  &  qu'il  agit  par  fon  Esprit.  Le  Sauveur  di^ 
Varc.IX:ii.  monde  nous  a  prophétifé  lui  -  même  ,  qu'on  fera  beanconp  fouffrir  ce  Prophète,  &  qu'il 
fera  rejette  avec  le  wcrm  mépris  quil  a  été  écrit  que  le  Fils  de  l'homme  le  devait  être. 

Voilà  quelle  fen  un  jour  la  fatale  fuite  de  l'aveuglement  téméraire  avec  lequel  on 
qfe  attribuer  au  démon  des  Miracles  oii  la  Toute- puilTance  Divine  éclatte  d'une  ma- 
nière fenfible  ! 

Ce  qui  eft  bien  déplorable,  c'efl:  que  de  célèbres  Appellans  favorifent  eux-mêmes 
le  fentiraent  pernicieux  de  ceux  qui  abufant  de  la  maxime ,  qu'il  efl:  très  difficile  ou 
même  impolTible,  fans  avofr  le  don  du  difcernement  des  esprits,  de  reconnoître  ce  que 
les  démons  peuvent  par  1  ur  nature  en  employant  la  vertu  des  caufes  fécondes  ,  ce 
que  leur  nature  ne  leur  permet  pas ,  &-  ce  que  Dieu  leur  permet  ou  les  empêche  de 
faire;  attribuent  fous  ce  vaui  prétexte  à  ces  efprits  maudits,  un  pouvoir  presque  fans 
limites  dès  que  Dieu  leur  permet  d'agir:  en  forte  que  félon  ces  perfonnes,  il  eft  fou- 
vent  très  difficile  de  diftinguer  les  Miracles  Divins  des  prodiges  du  démon,  ni  par 
leur  nature  ,  ni  par  leurs   circonftances. 

C'eft  avec  ce  faux  principe  ,  propre  à  faire  confondre  la  voix  de  Dieu  avec  les 
illufions  diaboliques  ,  que  l:s  Adverfaires  de  la  Vérité  combattent  aujourd'hui  les 
Merveilles  que  le  Très -haut  fait  en  notre  faveur  :  &:  lorfque  le  Prophète  paroitra  , 
ce  fera  en  fe  fervanr  de  cette  Théologie  erronée,  que  ceux  qui  voudront  refufer  de 
reconnoître  1  Envoyé  de  Dieu ,  feront  accroire  à  une  multitu^'e  de  fimples  ,  que  les 
Miracles  par  lesquels  fa  MiiTion  fera  autorifée,ne  feront  que  des  opérations  de  Satan. 

L'Auteur  de  toute  vertu  m'cft  témoin  que  quoique  je  ne  fois  par  moi-même  que 
timidité,  que  foibleffe  &:  que  lâcheté,  je  donnerois  volontiers  ma  vie  pour  prcferver 
mes  Frères  d'un  pié;^e  fi  dangereux.  Mais  hélas  !  que  puis-je,  étint  dans  les  chaînes, 
fais  fcience ,  fans  talens  &  fans  Livres  ?  Je  vais  néanmoins  y  fiirc  tous  mes  efforts. 
Le  dèfir  ardent  q.  e  j'ai  de  les  fcrvir  dans  une  occafion  C\  importante  &  fî  critique, 
me  tiendra  lieu  de  tout;  parce  q'ie  Celui  qui  a  mis  ce  dèlîr  dans  mon  coeur,  &  en 
qui  j'ai  mis  toute  mon  espérance  ,  faura  bien  me  fournir  tous  les  moyens  néccffaires 
pour  me  mettre  en  état  de  l'exécuter. 

En  eff.t  après  que  la  première  Edition  de  mon  fécond  Ouvrage  eût  paru  ,  dans  le 
tcms  que  je  m'attcndois  il  être  réduit  i  la  captivité  la  phis  dure,  &:  qu'alors  j'étois 
presque  gardé  à  vu:  dans  la  Citadelle  nîi  je  fuis  renfermé.  Celui  qui  dispofc  de  fout 
comme  il  lui  plait,  m'a  procure  les  moyens  d'y  faire  pénétrer  la  plupart  des  Ecrits 

de 


s V  R  V Avr 0  k  I T r  des  miracles.        j 

de  Dom  La  Tafte  * ,  où  ce  téméraire  Auteur  s'efforce  d'établir  que  le  diable  fait  des 
guérifons  merveilleufes  &  qui  paroiffent  de  vrais  Miracles. 

Je  n'ai  point  été  piqué  du  fatras  d'injures  qu'il  dit  contre  ma  perfonne  dans  fa  XIX. 
Lettre.  Grâces  à  Dieu  ce  n'eft  point  là  l'objet  qui  me  touche,  &  je  ne  m'amuferai 
point  à  y  répondre.  Mais  comme  cet  Auteur  attaque,  principalement  dans  fa  III.  Let- 
tre ,  les  Miracles  qui  font  ma  lumière  &  ma  vie  ;  toute  mon  ame  en  a  été  émue  :  il  m'a 
femblé  voir  fortir  du  puits  de  l'abîme  une  épaiffe  fumée  qui  répandoit  la  plus  perni- 
cieufe  obfcurité  dans  l'esprit  d'une  multitude  de  perfonnes.  Je  me  fuis  profterné  aux 
pieds  de  mon  Dieu  :  je  l'ai  conjuré  avec  larmes  de  diPuper  ces  funeftes  ténèbres.  Et 
voilà  que  dans  le  moment  je  reçois  de  tous  côtés  une  quantité  furprenante  ât  Mémoi- 
res faits  par  de  favans  Théologiens,  qui  me  fournilfent  des  armes  invincibles  pour  ter- 
raffer  cet  ennemi  des  Miracles.  En  cet  événement  inopiné  j'apperçois  la  maiii  de  mon 
Dieu  :  j'adore  fa  Providence  &  fi  Bonté  :  j'en  répands  des  pleurs  de  joie.  Cepen- 
dant je  m'écrie:  Eh!  Seigneur,  je  fuis  trop  incapable  &  trop  indigne  d'être  l'inftru- 
ment  d'un  tel  ouvrage,  qui  me  paroîc  encore  plus  difficile  que  ceux  que  vous  m'avez 
fait  faire.  Retirez -vous  de  moi.  Seigneur,  parce  que  je  ne  fuis  qu'un  pécheur  mi- 
férable.  Mais  je  crois  entendre  au  fond  de  mon  cœur,  une  espèce  de  voix  intérieure 
qui  me  répond  :  c'eft  précifément  parce  que  tu  n'es  que  néant  &  que  tu  ne  l'ignores 
pas ,  que  je  t'ai  choifi  pour  dévoiler  la  fauffeté  des  principes  &  des  faits  dont  les  en- 
fans  des  hommss  fe  fervent  pour  combattre  mes  œuvres  :  ne  fais -tu  pas  qu'il  eft  de 
ma  gloire  de  tout  faire  avec  rien,  &  que  les  inftrumens  que  j'emploie  foient  entière- 
ment convaincus  qu'ils  ne  font  que  néant  par  eux-mêmes. 

Cette  voix  intérieure  a  dilîîpé  la  crainte  que  la  vue  de  mon  incapacité  faifoit  nai- 
tre  dans  mon  cœur.  Elle  a  rappelle  à  mon  efprit  que  le  faint  Evêque  de  Senez  avoit 
lui-même  autorifé  ma  vocation  à  ce  fujet  par  un  mouvement  de  l'Esprit  de  Dieu, 
ainfi  que  je  le  rapporterai  dans  les  Reflexions  préliminaires  de  mon  Troifîéme  Tome  *.  *P3g.  541, 
Je  me  fuis  donc  écrié  avec  foumilTion  ,  quoiqu'avec  une  efpéce  de  tremblement  :  ^  ^"''* 
Ah  !  Seigneur  ,  qui  avez  déjà  fait  éclatter  en  ma  perfonne  que  votre  miféricorde  eft 
toute  gratuite  ,  faites  donc  encore  connoître  de  plus  en  plus  par  les  lumières  que 
vous  répandrez  au  travers  des  ténèbres  naturelles  de  mon  esprit ,  que  tout  inftrument , 
tel  qu'il  foit  ,  devient  propre  à  l'exécution  de  vos  deffeins  dès  qu'il  vous  plaît  de 
vous  en  fervir  ! 

§.  I.  Examen  du  pouvoir  des  Anges  é'  des  démons. 

Pour  fe  faire  une  idée  jufte  de  l'efpéce  de  pouvoir  que  les  démons  exercent  quel-        i. 
quefois  fur  les  êtres  matériels  ,  il  faut  commencer  par  connoître  quel  eft  celui  des  ^^  poavoît 
saints  Anges,  ahn  d  être  en  état  d  en  fentir  h  différence.  gcs&iesdé- 

Les  Anges  &  les  démons  étant  de  purs  Efprits  fuivant  la  décifion  du  Concile  de  La-  èem V"ia' 
tran  ,  notre  raifon  nous  préfente  d'abord  qu'ils  n'ont   aucun  pouvoir  de  remuer  les  matiéie.n'eft 
corps  par  leur  nature  propre  ,    par  leur  effence  ,  par  les  qualités  neceffsires  du  fond  Eeccff/iîe"' 
de  leur  être.    Mais  l'Ecriture  nous  apprend  que  Dieu  voulant  fe  fervir  des  Anges  pour '^'^  qualités 
différentes  fonfl-ions ,  leur  a  donné  tel  pouvoir  qu'il  lui  a  plu  fur  les  êtres  matériels.     deieVrEatu- 

II  paroît  donc  que  cette  puiffance  n'eft  que  l'effet  de  fa  volonté ,  &  d'un  décret  ar-  jj'^^'.""'^"*" 
bitraire ,  par  lequel  il  a  voulu  que  les  Anges  euflent  ceitain  pouvoir  d'agir  fur  la  ma-  qu'une  con- 
tiére.   Mais  fi  c'eft  le  vouloir  de  Dieu  qui  fait  toute  leur  force  à  cet  égard,  n'y  a-t- pi^u""^^"^ 

il  fsite  pout 

•  Lorfque  j'ai  reçu  les  Lettres  de  Dom  La  Tafte,  aujourd'hui  Evêque  de  Bethléem,  la  L  Partie  de 
mes  Obfervations  fur  les  ConiuIJîons  ,  où  je  dis  que  je  n'avois  jarr.aii  lu  Jfs  OuzrAges  ,  étoit  déjà 
Téiniprimée,    Cependant  j'ai  cru  devoir  faire  mettre  cette  nouvelle  Dijfertathn  en  tête  du  Volume. 

A  z 


SURL 
DESMIR. 


^  EXAMEN    TiV     P  O  V  rO  I  R 

Dis'îERT.il  pas  lieu  de  croire  que  ce  vouloir  a  mis  une  grande  différence  entre  le  pouvoir  qu'il 
'aot. a  donne  aux  ECprits  Bienheureux  qu'il  emploie  à  exécuter  fes  ordres,  &  celui  qu'il 
a  kidc  à  ceux  qui  fe  font  révoltes  contre  lui. 
leur  donner        .         ,|    j.'çf|.  £)jgy  lui .  mémc   qui  ,à  proprement  parler,  exécute  ce  que  les  An- 

Je  moyen  ,        ,  ,  r  i         /  i    r        i  •  '  ri      J  T        .        l      r 

d'cxecuiçt  ges  &  les  dcmons  font  de  réel  fur  la  matière.  Ils  délirent,  ils  le  remuent  :  mais  tous 
deûpTovT-  leurs  efforts  feroient  vains,  X\  le  Tout  -  puiffant  n'opéroit  l'exécution  de  ce  qu'ils  ont 
dence.  delTein  de  faire.  Il  fe  fert  de  fes  Anges,  dont  il  fait  les  miniftrcs  de  fa  Puiffance  &  de 
fa  Bonté.  Il  laifle  quelquefois  agir  la  malice  des  dcmons  pour  en  faire  les  iuftrumens 
de  fa  Jufticei  mais  il  n'exécute  jamais  leur  volonté  perverfe  ,  que  pour  donner  lieu  à 
l'accompli (Tement  de  fa  propre  volonté  toujours  faintc  &  toujours  également  adorable, 
foit  qu'il  falTe  mifericorde  ,  foit  qu'il  punilTe. 

Il  n'efl:  pas  douteux  que  Dieu  n'ait  donné  aux  Saints  Anges  un  pouvoir  très  grand 
&  très-éten^u  fur  les  ctrcs  matériels,  puifqu'il  leur  a  confié  le  gouvernement  des  créa- 
tures corporelles,  &  qu'il  en  a  deftiné  plulîeurs  à  être  les  protedeurs  des  hommes,  & 
particulièrement  des  Elus. 
îThe(ri.  7.      L'Ecriture  nous  en  fournit  des  preuves  inconteftables  ,  dans  l'Ancien  &  le  Nou- 
Heb.  1.  7.*' veau  Teftamen'.    Les  Anges  font  les  miniftrcs  de  la  fuijfance  de  Dieu  ,  nous  dit   S. 
Paul.    Et  ailleurs  ,  d'après  h  Roi  Prophète  :  //  fe  fert  des  Efprits  pour  en  faire  fes 
ambajfadeurs ,  &   des  flammes  ardentes  four  en  faire  fes   miniftres.   Jefus  -  Chrift   nous 
Matth.XlII.  dit  lui-même  qu'au   jour  du  jugement  ,  ;/  envoiera  fes  Anges  ,  tjui  .  .  .  précipiteront 
41.4a.8c43- ^^^  /rt  fournaife  du  feu  .  .   .   ceux  ejui commettent  l'iniquité',  &  qu'alors   les  juftes  ùril- 
•Math.      leront  comme   le  fokil  dans  le  Royaume  de  leur  Père:  il  nous  apprend  auffi  *  que  nous 

XVIII.    10.  I  A  /"•      J 

avons  chacun  notre  Ange  dardien. 

Mais  encore  un  coup  ,  le  pouvoir  des  Anges  fur  les  êtres  matériels ,  ne  paroîc  paj 
être  une  fuite  néceflaire  de  leurs  qualités  naturelles;  c'efl:  feulement  une  fuite  de  la  vo- 
lonté de  Dieu,  qui  leur  fournit  continuellement  le  moyen  d'exécuter  ce  qu'il  leur  or- 
donne :  de  façon  qu'il  y  a  quelque  lieu  de  penfer  que  ce  pouvoir  ne  leur  a  pas  été 
donné  à  proportion  de  l'élévation  de  leurs  différentes  dignités ,  mais  relativement  aux 
différens  emplois  auxquels  Dieu  les  deftinoit  :  en  forte  que  fi  les  Chérubins,  les  Thrô- 
nes  &  les  Dominations  n'ont  aucun  emploi  par  rapport  au  gouvernement  des  êtres  maté- 
riels, peut-être  n'ont -ils  aucun  pouvoir  fur  la  matière,  tandis  que  les  Anges  qui  y 
font  employés ,  en  ont  un  très  grand. 

Au   furplus  à  l'égard  de  ces  derniers,  comme  lem-  miniftére  efl:  continuel,  ou  au 
moins  ordinaire ,  le  pouvoir  qu'ils  ont  fur  la  matière  efl:  un  pouvoir  ordinaire  &  conti- 
nuel ,  ce  qui  produit  le  même  effet  que  C  ce  pouvoir  ctoit  un  attribut  eflentiel  du  fond 
de  leur  nature. 
"  Qui  fe  feroit  jamais  imaginé  qu'une  Propofition  fi  conforme  à  la  Religion  &  à  la 

obieaions"  raifon  auroit  donné  lieu  à  la" critique  d'un  des  plus  célèbres  Dofteurs  Appcllans?   Mais 
^, -^«""v    tel  efl  le  malheur  du  tems  où  nous  fommes  aujourd'hui,  que  plufieurs  de  ceux  mêmes 

Thtolog  fur         .  1,1-  .  •    /  1         1  1        M         /-      •     •  /r 

Uj  («ours,  qui  ont  a  abord  loutenu  toute  Vente  avec  le  plus  de  zèle ,  le  joignent  prclentcment 
P°Spofi't1on, '"'^  plus  grands  Adverfaires  de  leur  Appel,  pour  attribuer  aux  démons  un  pouvoir 
<iueiepc.u'  indéfini  &  prefque  fans  bornes,  &  pour  jetter  par  ce  moyen  un  voile  d'incertitude 
ges'afr"»^"  fur  les  Miracles  &  les  Prodiges  qui  bleffent  quelqu'un:  de  leurs  préventions. 
DMiicien'eft  Lorfque  Ics  premiers  Miracles  opérés  fur  les  Tombeaux  &  par  l'intercelfion  de  M. 
ccm'"nde°"  Rouffe  &  de  M.  de  Paris  tous  deux  Appcllins,  parurent  comme  un  flambeau  cclrlle 
Dieu.  q„i  venoit  diifiper  les  ténèbres  répandues  par   la  Bulle  Vnigemtus,  &  faire  voir  daire- 

^f  ment  que  Oicu  autnrifoit  l'Appel,  tous  les  Appell.ms  firent  d'.ibord  écl.uter  leur  joie 

^P  A  la  vue  de  cette   lumière  Divine  :  ils   s'écrièr.nt  tous  comme  d'une  feule  bouche  :  Si 

Rntn.  VIII.   Dieu  efl  pour  nous  ,  qui  fera  contre  nous?  Si  Deus  pro  nohis ,  qnis  contra  nos  ?  Mais 
''*  nos  péchés  avoicnt  mérité  que  cette  lumière  fut  oblcurci.;  par  quelques  nuages.    La 

jufticc 


DES    ANGES    ET   DES    DEMONS.  j 

juftice  marchant  à  côté  de  la  miféricorde ,  forma  l'œuvre  des  Convulfions,  d'une  part^uj^^^-  ' 
toute  éckttantc  de   Miracles  &  de  Prodiges,  &  d'un  autre  côté  couverte  de  ténèbres  sur  l' a  uV; 
par  les  artifices  de  Satan  ,    &  même  par  les  imperfeétions  &  les  défauts  des  inftrumens  des  mir. 
que  Dieu  par  un  confeil  profond  de  fa  juftice  ,  a  voulu  employer  dans  cette  œuvre. 

Les  puiilans  protefteurs  de  la  Bulle  ,  ayant  appris  que  les  Convulfionnaires  inf- 
truits  &  animés  par  un  inflinû  furnaturel,  parloient  avec  grande  force  contre  cette  fata- 
le Conftitution  :  qu'ils  expliquoient  au  peuple  avec  une  clarté  &  une  éloquence  extra- 
ordinaire l'importance  des  Vérités  qu'elh  profcrit  :  qu'ils  annonçoient  publiquement  de 
grands  Evenemens,  dont  ces  PuifTances  de  la  Terre  ne  veulent  point  entendre  parler  :& 
que  Dieu  confirmoit  journellement  leurs  difcours  par  de  grands  Prodiges  &  fouvent 
même  par  des  Miracles;  fe  mirent  en  fureur  contre  ces  petits  inftrumens  du  Très- 
haut.  Auffi-tôt  les  Conftitutionnaires ,  les  Courtifans,  les  politiques  &  les  mondains; 
les  uns  par  l'intérêt  de  leurs  préventions ,  les  autres  pour  faire  leur  cour  à  ceux  qui 
diftribuent  les  grâces;  employèrent  tous  leurs  talens  à  décrier  les  Convulfionnaires,  & 
en  firent  le  jouet  de  leurs  calomnies  les  plus  diffamantes  &  de  leurs  plus  piquantes  rail- 
leries :  ce  qui  a  attiré  fur  l'œuvre  des  Convulfions  le  mépris  de  tous  ceux  qui  ne  la 
connoiffent  point  ,  &  l'éloignement  de  toutes  les  perfonnes  qui  fe  biffent  aifément  en- 
traîner par  le  torrent  impétueux  de  l'autorité  des  Grands  du  Siècle. 

Mais  ce  qui  nous  a  fait  verfer  des  larmes  bien  amcres ,  c'a  été  de  voir  plufieurs  Doc- 
teurs Appellans  fe  joindre  à  la  foule  de  tous  les  Adverfaires  déclarés  de  l'œuvre  admira- 
ble que  Dieu  fait  aujourd'hui  fous  nos  yeux:  &  même  donner  une  Confultation  ,  où 
ils  ont  ofé  décider  que  les  guérifons  opérées  par  le  mouvement  des  Convulfions  . . .  on  Confult.  de* 
par  le  minijîére  des  Convulfionnaires  ,  doivent  être  attribuées  à  la,  nature  ^  quelques  fingti-  t\*^is  Att.X. 
Itères  qu  elles  paroijfcnt ,  ou  fi  on  les  croit  d'un  ordre  fupérieur  aux  opérations  de  la  nature , 
qu'il  faut  recourir  à  un  agent  fort  dijlingué  de  Dieu. 

Quoi  ?  recourir  au  démon  pour  lui  faire  préfent  de  Miracles  marqués  au  fceau  de 
la  Toute-puiffance  Divine  !  Quoi  !  lui  attribuer  des  guérifons  d'un  ordre  fupérieur 
aux  opérations  de  la  nature  ,  &  qui  par  conféquent  n'ont  pu  être  faites  que  par  Celui 
qui  ejî;  le  maître  de  s'écarter  des  loix  primitives  &  permanentes  qu'il  lui  a  impofée  en 
la  tirant  du  néant  !  Tout  Chrétien  bien  attaché  aux  œuvres  de  Dieu  ,  peut-il  lire  une 
telle  Propofition  fans  en  frémir  ?  Mais  puifqu'on  trouve  aujourd'hui  de  C\  pernicieufes 
maximes  jufques  dans  les  Ecrits  de  quelques  Dofleurs  Appellans  ,  de  quelle  importan- 
ce n'eft-il  pas  de  mettre  fous  les  yeux  des  Fidèles  les  régies  toutes  brillantes  de  lumière 
que  l'Ecriture  &  les  Pérès  de  l'Eglife  nous  fournilfent  fur  l'Autorité  Divine  des  Mi- 
racles &  fur  la  foumiffion  qu'on  doit  à  tout  ce  qu'ils  décident  ? 

D'autres  Théologiens  Appellans ,  aujourd'hui  connus  fous  le  nom  d'Antifecouriftes, 
parce  qu'ils  font  oppofés  aux  grands  Secours  que  l'on  rend  aux  Convulfionnaires,  fc 
font  d'abord  élevés  avec  beaucoup  de  force  contre  le  faux  principe  des  Confultans. 
Mais,  helas  !  depuis  que  Dieu  a  profcrit  par  des  Miracles  éclattans  un  malheureux  A- 
vis  dodrinal  que  ces  MM.  avoient  donné  contre  le  plus  brillant  Phénomène  qu'il  fait 
paroître  dans  l'œuvre  des  Convulfions ,  ils  ont  eux-mêmes  avancé  des  maximes  qui  ne 
font  pas  moins  dangereufes  ,  que  celles  des  Conftitutionnaires  &  des  Confultans  ,  fur  le 
pouvoir  des  démons,  fur  la  difficulté  de  diftinguer  les  œuvres  de  Dieu  des  fuperche- 
ries  de  l'efprit  pervers  ,  &  fur  l'impreffion  que  la  vue  des  guérifons  évidemment  Mi- 
raculeufes  doit   faire  dans  l'efprit  de  Fidèles. 

J'jurai  donc  dans  mon  Ecrit  ces  trois  fortes  de  puilTans  Adverfaires  à  combattre: 
mais  il  fifïît  d'avoir  de  fon  côté  l'Ecriture,  la  Tradition  &  les  Pères  de  l'Eglife, 
pour  ne  devoir  point  craindre  d'avoir  contre  foi  les  pcrfonnages  les  plus  capables  d'en 
impofer. 

Par  rapport  à  l'article  que  je  traite  aduellement  (fur  l'efpéce  de  pouvoir  que  les  An- 

A  5  ges 


8  EXAMEN     -DVPOVVOIR 

DrjstBT.    ges  S:  les  dc'mons  ont  fur  les  êtres  matériels)  je  n'ai  efluvé  de  cenfure  *  que  de  la 
svrl'aut.  pjpf  j„  l'Auteur  du  Ait'/nnire  Theolo^itjix  contre  les  Secours  violens. 
Dâs  aiiR.         ^\3\^  qu'y  a-t-il  donc  dans  ce  que  j'ai  dit  à  cet  égard  qui  ait  pu  bleflcr  ce  favant 
Dofteur  ? 
Mcmoire        11  me  reprend  en  plufieurs  endroits  de   Ton  Mémoire  de  ce  que  j'ai  avancé  que  les 
li'iy.^^zù  A»::;(s  cr  ks  dhmns  étant  de  purs   Efprits  ,    n'ont  p.tr  leur  propre niitnre  aucun  pouvoir  de 
remuer  les  cû-ps. 

Mais  ce  Dateur  célèbre  prétcnt-il  donc  que  le  pouvoir  d'imprimer  un  mouvement 
dans  h'  ctres  matériels  ,   appartienne  nécelTaircment  à  h  nature  Angélique  ,    confidérée 
précifcracnt  comme  telle  ?    Veut-il  donc  nous  faire  accroire  que  la  nature  des  Anges  Se 
des  démons  confifte  eflenticUement  dans  cette  puiflance  ,    ainlî  que  dans  celle  qu'ils  ont 
de  penfer  &  de  vouloir  ? 
Ibid.  p.  17.       Il  convient  lui-mcme    que   les   Anges  nont    le  pouvoir   de  remuer    les   corps   qu'en 
"'■  '■         voulant  :  &  il  cite  un  palTage  d'Eftius   qui  le  décide   ex prifTcment.     Mais    croit- 
il  donc  que   leur  volonté  trouve  dans  elk-mcme  une   force  efficace  pour  produire  un 
mouvement  dans  la  matière  ?    N'a-t-il  pas  au  contraire  très  folidcment  prouvé  dans  le 
»L'aaionde  plus  favant  de  fes  Ecrits  *,  qu'il  n'y  a  que  la  volonté  de  Dieu  qui  exécute  tout  le 
Dieu  liir  les  pi-iy^que  poi'  fa  propre  puilTance  :  que  les  Anges  &  les  démons  ne  font  que  la  caufe 
b l'tcmotion occafîonnelle  du  mouvement  qu'ils  veulent  faire  naître,  Se  que  ce  mouvement  n'eft 
phyûquc.      £^^'(-i,tç'  que  par  l'adion  du  Tout-puiflant  ? 

Mais  fi  les  Anges  &  les  démons  ne  peuvent  agir  fur  les  éttf  s  matériels  par  leur  pro- 
pre force,  j'ai  donc  eu  raifon  de  dire  qu'ils  n'ont  par  leur  propre  nature  &  par  les 
qualités  néceffaires  du  fond  de  leur  être,  aucun  pouvoir  de  remuer  les  corps  ? 

En  effet  la  raifon  ne  nous  démontre-t-clle  pas,  qu'il  n'y  a  aucune  connexion  ni  au- 
cune dépendance  naturelle  entre  la  volonté  d'un  Ange  ou  d'un  démon  ,  &:  le  mouvement 
d'un  corps  matériel  ?  Et  n'eft-il  pas  manifefte  qu'un  corps  ne  changera  point  de  place 
par  le  fimple  vouloir  d'un  Ange  ou  d'un  démon  ,  à  moins  qu'il  n'intervienne  une  plus 
grande  puifTancc  que  la  leur  ,  qui  comme  caufe  efficiente  produife  le  mouvement  que 
cet  Ange  ou  ce  démon  a  deflein  de  faire  ? 

Enfin  ,  puifque  le  mouvement  des  coi-ps  iie  peut  s'exécuter  que  par  l'adion  de  Dieu, 
&  non  par  h  vertu  ,  la  force  &:  la  puiflance  des  Anges  ou  des  démons  ;  ne  s'enfuit-il 
pas  évidemment  que  le  pouvoir  qu'ils  ont  d'agir  jufqu'à  ceitain  point  fur  la  matière, 
n'eft  pas  une  des  qualités  eflenticlles  &  néceflaires  qui  compofent  leur  nature  Angéli- 
que? D'où  il  me  paroît  bien  raifonnable  de  conclurre ,  que  ce  pouvoir  n'eft  donc  qu'u- 
ne pure  concelTion  qu'il  a  plû  à  Dieu  de  leur  faire  ,  pour  les  mettre  en  état  d'exécuter 
les  différens  defleins  de  fa  Providence. 

Dieu  a  voulu  que  les  Saints  Anges  gouvernaflcnt  fous  fes  ordres  le  monde  vifible. 
Je  vois  dans  l'Ecriture  différens  miniftéres  qui  leur  font  confiés  par  rapport  aux  êtres 
matériels.  J'en  conclus  qu'ils  ont  reçu  de  Dieu  le  pouvoir  qui  leur  ctoit  néceflaire 
pour  s'acquitter  de  ces  fonélions  :  &  je  ne  dois  point  imaginer  qu'ils  en  aient  au  delà , 
ni  que  ce  pouvoir  foit  un  appanage  elfentiel  de  leur  nature  ;  parce  que  d'une  part  l'E- 
criture ne  le  dit  point  ,  &  que  de  l'autre  fi  je  confuke  ma  raifon,  elle  me  répond  clai- 
rement au  contraire,  que  l'aAion  de  ces  Efprits  fur  la  matière  n'émane  point  d'une 
force  ,  ni  d'une  faculté  qui  foit  une  fuite  néccffaiie  de  leurs  qualités  fpiritucllo  ,  qui 
ne  confiftent  qu'à  penfer  ,  qu'i  connoître  ,  qu'^  aimer  &:  qu'à  vouloir:  mais  que  ces 
Efprits  exercent  uniquement  ce  pouvoir  en  vertu  d'un  décret  purement  arbitraire  de 
Dieu  ,  par  lequel  il  a  détermine  que  les  ctres  matériels  feroicnt  régis  par  de  bons  An- 
ges 

•  [  M.  (le  Mon^ercn  a»oit  dit  que'que  chofc  fur  cette  maiic'rc  dins  l'Avant- propos  de  fes  IV.  Ob' 
fervatioiis  far  les  CunrulHons ,  t.  Eduiou.] 


BES    ANGES    E  T   D  E  S    DEMONS.  y 

"es ,  &  que  pour  cet  effet  il  exécuteroit  lui-même  leur  volonté  toujours  conforme  à  la  Dissert. 
îlenne.  .  ^        .  sur-l'aut. 

Dans  ce  Siftème  ,  qui  efl:  celui  des  plus  habiles  Théologiens  ,  tout  me  paroît  clair  "^^^  "'^' 
&  bien  lié  aux  faits  &  aux  principes  que  l'on  trouve  fur  ce  fujet  dans  l'Ecriture.  Au 
lieu  que  j'avoue  n'avoir  point  affez  de  pénétration  pour  comprendre  le  Siftême  à  cet 
égard  de  l'Auteur  du  Alémoire  Théologiqne ,  qui  d'une  part  convient  que  les  Anges 
bons  &  mauvais  ne  font  que  caufe  occafionnelle  des  mouvemens  qu'ils  veulent  produire 
dans  les  êtres  matériels,  &  que  c'eft  par  l'aftion  de  Dieu  que  ces  mouvemens  s'exécu- 
tent: &  d'autre  part ,  qui  paroît  néanmoins  vouloir  foutenir,  que  le  pouvoir  de  remuer 
ces  êtres  efl  un  appanage  effentiel  &  néceffaire  de  la  nature  fpirituelle  des  Anges  & 
des  démons  ,  fans  nous  expliquer  autrement  ce  que  c'eft  que  cet  inconcevable  pouvoir 
de  nature  dans  de  purs  Efprits ,  &  fans  nous  faire  connoître  à  quelle  fin  Dieu  a  jugé  à 
propos  de  le  donner  aux  Anges  &  aux  démons:  puifque  félon  cet  Auteur,  ce  n'eft 
pas  uniquement  par  rapport  aux  fondions  qu'il  vouloit  leur  faire  faire  ou  leur  per- 
mettre d'exercer. 

Au  refte  non  feulement  les  démons  ,   mais  même  les  Saints  Anges  n'ont  pas  un  pou- 
voir univerfel  &  fans  bornes  de  remuer  îi  leur   gré   tous  les  êtres  matériels.    „  La  ma- 
„  tiére  corporelle,  dit  S.  Thomas,  n'obéit  pas  aux  puiflances  fpirituelles  fuivant  qu'ils     i.  p.  Qu. 
„  le  veulent:  il  n'y  a  que  le  feul  Créateur  qui  en  difpofe  comme  il  lui  plaît.    ^Mate-  i'7-a3>adi. 
ria,  corporalis  non  obedit  ftibjiantia.  fpirituali  ad  nutum  ,  nijî  foli  Creator i. 

„  Il  eft  impolTible,  dit   le  [avant  Alphonfe  Toftat ,  que  les  Anges  quelque  puiflans    In  cap.  i? 
„  qu'on  les  fuppofe  ,    produifent  quelques  qualités  naturelles,  ni  même  qu'ils  difpo- i.  g.  p.'^g™ 
„  fent  la  matière  à  les  produire  C  par  leur  feule  volonté,  )    Mais  tout  leur   pouvoir  fe  «o'-  ^> 
,,  réduit  à  mettre  en  œuvre  les  agens  naturels  ,  de  la  même  manière  que  fait  un  MéJe- 
,,  cin  :   "  Impoffibile  efl  Angeles ,    quantumcumque  patentes  ,  caufare  aliquam  naturalem 
qualitatem ,  vel  difpofitionem  ad  illam  ,  fed  [uïkm  caufabunt  appUcando  activa  pajflvis ,  Ji- 
cut  Mcdicus  agit. 

A  quoi  il  eft  encore  bon  d'ajouter  ,  que  non  feulement  le  pouvoir  des  Anges  a  des 
bornes ,  mais  même  qu'il  n'eft  pas  égal  pour  chacun  d'eux  :  &  que  chaque  Ange  n'a 
que  le  degré  de  puiflânce  que  Dieu  a  jugé  à  propos  de  lui  concéder. 

L'Auteur  du  Mémoire  The'ologiqtte  convient  lui-même,  que  la  nature  que  Dieu  leur  a     Mémoire 
donnée  n  a  qu'une  certaine  mefure  plus  ou  moins  étendue:  &  il  cite  même  à  ce  fujet  un 
paflage  de  S.  Thomas  ,    qui  le  décide  expreffément  par  rapport  aux  Anges  inférieurs,  S-  Thom.i. 
c'eft  à  dire  à  ceux  qui  ne  font  point  de  la  première  Hiérarchie  du  Citl  :  Inferiores  An-  uo.'a.  i. 
geli  habent  formas  minus  univerfliies. 

Mais  quelles  font  les  différentes  limites  de  la  puiffance  qu'il  a  plu  à  Dieu  d'attri- 
buer à  chaque  Ange  ?  N'eft-il  pas  naturel  de  croire  qu'il  les  a  réglées  par  rapport 
aux  différens  miniftéres  auxquels  il  vouloit  les  employer  ? 

A  l'égard  des  démons ,  l'Auteur  du  Af/wo;Vf  dit   pareillement  que  \&i\r  pouvoir  n  a  ^^J^^^^'J^ 
qu'une  certaine  mefure:  &  il  avoue  même  expreffément  qu'il  j  a  des  effets  qui  furpaf-  co\.  i. 
fent  vijiblemcnt  leur  puijfance.     Mais  en  même  tems  cet  Auteur  ne  ceffe  de  répéter ,  que 
ce  pouvoir  eft  un  pouvoir  de  nature.    Pour  tâcher  de  le  prouver ,  il  fe  fert  de  l'exemple 
des  âmes. 

Toutes  les  âmes ,  dit-il  ,    ont  par  leur  nature  le  pouvoir  de  remuer  les  corps  :  ...  il  en  J^'j"^^-  P*  'J* 
efl  ainji,  ^]Q\xxt-x.-i\,par  rapport  aux  Anges  bons  &  mauvais:  &  il  me  reproche  comme 
une  erreur  que  ce  n'eft  pas  là  L'idée  qu'en  donne  mon  Texte. 

Je  n'iniutcrai  point  fur  la  différence  qu'il  y  a,  entre  le  pouvoir  continuel  qu'à  l'ame 
de  faire  agir  fuivant  fa  volonté   la  plupart  des  membres  de  fon  corps  créé  tout  exprès 
pour  elle  &  qui  ne  fait  avec  elle  qu'une  feule  perfonne,   &  la  puiffance  qu'ont  les  An- 
ges &  les  démons  de  remuer  les  êtres  matériels  qui  font  entièrement  étrangers  à  leur  na- 
ture 


s  EXAMEN    DU    POU  T'OIR 

DissEUT.  ture  toute  fpirituellc.     Je  confens   malgré  cette  diflfcrence  efTenticUe  ,  d'admettre  la 
*''''*''*"■''•  coniparaifon  en  entier    par  rapport    aux    bons   Anges,    d'autant    mieux    qu'elle    me 
fournira  encore  une  preuve  fenfible  &  palpable  que  l'Auteur  du  Aic'moire  Théologique 
s'eit  trompe'  dans  fon  Siftcme. 

Si  par  le  terme  de  pouvoir  de  nature  cet  Auteur  entendoit  feulement  la  puilTance  li- 
mitée que  Dieu  ,  par  l'ordre  qu'il  a  d'abord  établi  dans  l'Univers,  a  attribuée  aux 
êtres  fpirituels  fur  les  matériels,  &  celle  qu'il  a  donnée  aux  âmes  de  faire  agir  confor- 
mément à  leurs  défirs  la  plupart  des  membres  de  leur  corps;  il  n'y  auroit  aucune  diffi- 
culté entre  nou'î.  Le  Siftcme  des  Théologiens  que  je  fuis,  bien  loin  d'être  contraire  à 
cette  Vérité ,  l'admet  exprelfément  :  &  c'cft:  ce  qui  m'a  fait  dire  ,  que  le  pouvoir  que 
les  Saints  Anges  ont  fur  la  matière  par  le  décret  de  Dien ,  produit  le  même  effet  que 
fî  ce  pouvoir  étoit  un  appanage  naturel ,  eflentiel  &  néceffaire  du  fond  de  leur  être. 

Mais  cet  Auteur  va  bien  plus  loin.  En  s'efForçant  de  critiquer  mes  propofitions, 
il  femble  vouloir  en  infinuer  une  qui  feroit  abfolument  infoutenable.  On  diroit  qu'il 
veut  faire  entendre,  que  le  pouvoir  des  Anges  &  des  démons  fur  la  matière  eflf  une 
qualité  nécelTairement  inhérente  &  dépendante  de  leur  nature  fpirituellej  telle  par  exem- 
ple ,  que  le  pouvoir  de  vouloir  &:  de  penfer. 
M«moite  J^  "^  P^is  croire  néanmoins  que  ce  foit  là  fon  fentiment:  mais  fi  ce  n'eft  pas  là  ce 

Théoi  pp.  qu'il  foutient,  il  n'a  donc  aucun  motif  pour  combattre,  ainfi  qu'il  le  fait,  ma  Propo- 
21.'  '  '  '  fition  ;  que  les  Anges  Q-  Us  démons  étant  de  purs  efprits  ,  nom  par  leur  propre  nature 
aucun  pouvoir  de  remuer  les  corps.  Pourquoi  ne  convient  -  il  pas  avec  moi  ,  que 
leur  pouvoir  fur  la  matière  n'eft  point  une  propriété  effentielle  à  leur  nature  ^ 
Pourquoi  ne  veut -il  pas  que  ce  pouvoir  ne  foit  qu'un  attribut  qu'il  a  plû  à  Dieu 
de  donner  aux  Saints  Angesî,  afin  de  les  mettre  en  état  d'exécuter  le  plan  qu'il  a  d'a- 
bord formé  pour  le  gouvernement  du  monde  ? 

Au  furplus  bien  loin  que  l'exemple  que  cet  Auteur  m'oppofe,  de  la  puiflance  qu'a 
l'ame  de  faire  mouvoir  à  fon  gré  certains  membres  de  fon  corps ,  foit  contraire  à  mon 
Siftême  ,  elle  y  cadre  parfaitement. 

En  efî-'t  il  eft  fi  vrai  que  ce  pouvoir  n'appartient  pas  eiïentiellement  aux  âmes  par 
leur  nature  purement  fpirituelle,  &  qu'il  n'eft  point  un  attribut  néceffaire  de  la  qualité 
qu'elles  ont  d'être  des  Efprits,  que  ce  pouvoir  n'eft  pas  général  fur  toutes  les  diffé- 
rentes parties  qui  composent  leur  corps  ,  mais  qu'au  contraire  il  ne  leur  eft  donné 
qu'avec  d  étroites  limites,  que  Dieu  a  réglées  fuivant  les  différentes  vues  de  fa  Provi- 
dence fur  les  hommes. 

Pour  convaincre  tout  Lcftcur  de  cette  Vérité,  &  pour  la  lui  rendre  fenfible,  il  ne 
faut  que  le  rendre  attentif  aux  diffe'rens  cas  où  Dieu  a  accordé  cette  puiffince  aux  a- 
mes,  &  à  ceux  au  contraire  où  il  a  jugé  à  propos  de  ne  la  leur  pas  donner.  Rapportons- 
en  quelques  exemples. 

L'ame  veut  que  fon  corps  remue  la  main  d'une  certaine  façon  :  &  tout  auffitôt  fa 
volonté  eft  exécutée  ,  parce  que  dans  l'inftant  même  qu'elle  fouhaite  que  ce  mouve- 
ment fe  faffe  ,  une  multitude  d'efprits  animaux  part  du  cerveau  avec  impétuofité  , 
coule  le  long  des  nerfs  du  bras,  &  va  remuer  précifément  les  mufcles  de  la  main  dont 
l'action  eft  néceffaire  pour  opérer  le  mouvemcit  que  l'ame  défirc. 

Mais  l'ame  a-t-elle  en  toute  occafion  le  pouvoir  de  fe  faire  ainfl  obéir  par  la  lim- 
phc  fubtile  qui  anime  fon  corps  ?  Point  du  tout:  «lie  n'a  ce  pouvoir  uniquement  que 
dans  les  cas  où  il  a  plù  à  Dieu  de  \z  lui  accorder  ,  &  elle  ne  l'a  point  du  tout  dans 
d'autres   rencontres. 

Par  exemple  ,  quand  l'ame  fcnt  de  h  douleur  à  l'occafion  de  quelque  dérangement 
qui  fe  pafTc  dans  fon  corps,  cette  douleur  ne  lui  eft  cauîéc  que  par  un  ébranlement  des 
cerfs  qui  fe  fait  par  une  agitation  cxcclïïve  des  efprits  animaux.   Cependant  alors  l'ame 

auroic 


DES     ANGES     ET    DES     DEMONS.  9 

aiiroit  beau  commander  à  ces  efprits  matériels  de  cefler  leur  mouvement,  ils  n'ont  point   r>issERT: 
d'oreilles   pour   l'entendre  :     elle    fait    par   expérience    que    les    ordres    qu'elh    leur  ^ ""'-''* "■''° 
donneroit  à  cet  égard  feroient  abfolument  inutiles  :  il  faut  qu'elle  fouffre  malgré  elle , 
tant  que  dure  la  violente  agitation  de  ces  efprits  qu'elle  ne  fauroit  calmer. 

L'ame  ne  peut  pas  non  plus  arrêter  le  mouvement  du  fang  quand  il  eft  trop  vif,  ni 
le  faire  aller  plus  vite  quand  il  coule  trop  lentement. 

Mais  pourquoi  ,  puifqu'en  d'autres  occafions  qui  lui  font  bien  moins  intéreflantes 
elle  fait  agir  à  fon  gré  ces  efprits  animaux  &  leur  fait  exécuter  tous  les  mouvemens 
qu'elle  défire  ,  ne  peut -elle  pas  leur  faire  également  fuivrc  fi  volonté,  lorfqu'il  eft 
queftion  de  s'épargner  des  fouffrances  ou  de  guérir  les  maladies  de  fon  corps  ? 

C'eft  que  Dieu  n'a  pas  voulu  que  l'homme  fût  le  maître  de  s'exempter  entièrement 
de  foufFrir ,  ni  de  fe  délivrer  de  fes  maladies  dès  qu'il  le  voudroit  :  ainfi  dans  ces  d.ux 
cas  il  n'a  donné  aucun  pouvoir  à  l'ame  fur  les  efprits  matériels  ,  qui  font  la  caufc 
inftrumentale  de  presque  tous  les  mouvemens  qui  fe  font  dans  le  corps  humain. 

D'autre  part  ,  Dieu  a  déterminé  de  donner  à  l'homme  la  faculté  de  remuer  la  plu- 
part de  fcs  membres  conformément  à  fes  défirs  :  &  il  eft  de  la  dernière  évidence  que 
ce  n'eft  qu'en  vertu  de  cette  volonté  de  Dieu,  que  les  efprits  animaux  ne  manquent  ja- 
mais d'exécuter  la  volonté  de  l'ame  à  cet  égard  ,  à  moins  qu'il  n'y  ait  quelque  obftacle 
naturel  qui  les  en  empêche. 

Il  eft  donc  clair  comme  le  jour  que  ce  n'eft  point  par  une  force  que  l'ame  trouve 
dans  les  qualités  intriniéques  de  fa  nature  fpirituelle ,  qu'elle  a  la  puifTance  de  faire  re- 
muer certains  membres  de  fon  corps  :  &:  qu'au  contraire  ce  n'eft  uniquement  qu'en 
vertu  d'un  décret  primitif  de  la  Providence,  qui  lui  a  attribué  ce  pouvoir.  Car  en- 
core un  coup  fi  cett;  puiflance  ap;)artenoit  à  l'ame  comme  étant  une  qualité  naturelle, 
cflentielle  &  néceflaire  de  fa  fubftance  fpirituelle  ,  cette  puifl'ance  feroit  générale  fur 
toutes  les  différentes  portions  de  fon  corps  :  &  il  ne  lui  feroit  pas  plus  difficile  d'arrê- 
ter le  mouvement  des  efprits  animaux  lorfqu'ils  lui  caufent  de  la  douleur  ,  que  de  les 
mettre  en  adion  lorfqu'elle  veut  remuer  les  pieds  ou  les  mains. 

L'arrangement  du  phn  de  Dieu  qui  a  donné  à  l'ame  telle  puiflance  qu'il  lui  a  plû 
fur  le  corps ,  où  il  a  voulu  qu'elle  fût  comme  emprifonnée ,  &  qui  a  réglé  &  limité  cet- 
te puifl'ance,  non  fuivant  les  défirs  les  plus  vifs  de  l'ame,  ni  même  félon  les  befoins  les 
plus  preflans  qu'elle  auroit ,  mais  conformément  à  ce  qu'il  a  jugé  à  propos  pour  l'exé- 
cution de  fes  deffeins;  n'eft- il  pas  ici  fenfible  &  palpable  ? 

Cependant  l'Auteur  du  Mémoire  Theologique  \t\\t  lui-même  qu'on  juge  du  pouvoir 
qu'ont  les  Anges  fur  la  matière,  par  celui  qu'a  l'ame  fur  le  corps  qu'elle  anime.  Mais 
en  ce  cas  il  s'enfuivra,  i.  que  les  Anges ,  non  plus  que  les  âmes ,  n'ont  aucun  pouvoir 
d'agir  fur  les  corps  précifément  par  la  force  de  leurs  qualités  fpirituelles ,  mais  feule- 
ment par  la  vertu  des  différens  attributs  qr.e  Dieu  a  voulu  leur  donner  :  &  2.  il  en 
faudra  conclurre,  que  Dieu  ne  leur  a  fait  préfent  de  ces  diverfes  prérogatives  que  rela- 
tivement aux  arrangemens  de  fa  Providence.  Or  c'eft  là  précifément  tout  ce  que  je 
foutiens. 

Voici  une  autre  objedion  de  l'Auteur  du  Mémoire ,  laquelle  paroît  d'abord  plus  fpé- 
cieufe  :  mais  lorsqu'on  l'examine  de  près,  on  trouve  qu'elle  n'eft  fondée  que  fur  une 
pure  équivoque. 

Il  m'oppofe  que  S.  Thomas  nous  enfeigne ,  que  les  chôfes  corporelles  font  gouvernées  Mcmoite 
par  les  Ames  .  .   .  que  la  nature  corporelle  c(l  née   pour  être  mue  immédiatement  par  la  Tluol  p. 

r  ■    ■        ,,  ^      ^  1.    >       '  /  •  ;  !      r    1 6- col.  t. 

nature  JpiritHelle  ...  &  que  1  Ange ,  tant  bon  que  mauv/iis  ,  petit  par  la  vertu  de  JK 
nature  remuer  V imagination  de  l'homme. 

Pour  faire  évanouïr  l'objeftion  qu'il  tire  de  ces  trois  Paflages ,  il  ne  faut  qu'obfer- 
vcr  que  le  terme  de  pouvoir  de  nature  peut  fe  rendre  en  deux  fcns  différens.    En  le  pre- 

Dijfert.  Tom.  II.  B  rant 


10  EXAMEN    DV     PO  VrOIR 

bissBRT. '""^  à  la  rigueur  &:  dins  toute  b  force  qu'il  a  par  lui  même,  il  fignifie  Un  pouvoir 
SURI  'AUT.infcparable,  ou  du  moins  abfolumennt  eirentiel  à  la  nature  d'un  être:  tel  qu'ed:  le  pou-i 
BtiMiR.  yoir  de  penfer,  d'aimer  &  de  vouloir  qui  forme  le  fond  de  l'efTence  des  créatures  fpi- 
ritucUes.  Mais  on  peut  entendre  feulement  par  ce  terme,  un  pouvoir  qui  eft  l'exé- 
cution &  la  fuite  du  plan  que  le  Créateur  des  êtres  a  d'abord  formé  pour  le  gouver- 
nement &  l'adminiflration  de  l'Univers  ,  &  pour  y  maintenir  l'ordre  qu'il  y  vou- 
loit  établir. 

Or  il  eft  vifible  que  c'eft  dans  ce  fécond  fens  qu'on  doit  entendre  les  trois  PafTages 
que  r\uteur  du  Mémoire  m'oppofe.  Car  on  ne  préfumera  point  qu'un  auOî  favant 
Docteur  que  S,  Thomas  ait  voulu  dire,  que  le  pouvoir  des  Anges  fur  les  fubftances 
matérielles  foit  un  appanage  inféparable  de  leur  nature  &c  une  fuite  effentielle  &  né- 
ceflairc  de  leurs  qualités  fpirituelles.  Le  pouvoir  naturel  que  ce  grand  Théologien  leur 
attribue,  n'cft  autre  chofe  qu'un  pouvoir  émané  des  loix  primitives  &  permanentes  que 
Dieu  a  impofées  à  la  nature ,  par  lefquelles  il  a  voulu  que  les  êtres  inférieurs  fuifent 
régis  par  les  fupérieurs.  A  quoi  S.  Thomas  ajoute  en  termes  équivalens,  que  comme 
la  nature  Angélique  eft  d'un  ordre  fort  fupérieur  à  la  matière ,  il  a  été  très  conforme 
au  plan  de  Dieu  de  faire  gouverner  les  êtres  matériels  par  des  Anges ,  &  pour  cet  effet 
de  donner  à  ces  Anges  une  puiffance  de  remuer  les  corps,  proportionnée  aux  différens 
miniftéres  auxquels  il  vouloit  les  employer. 

Qic  le  Lecteur  réfléchifle  fur  les  trois  PafTages  en  queftion ,  &  qu'il  y  joigne  celui 

•  Vil.6.      que  j'ai  ci-deffus  *  rapporté  de  ce  Saint  Dofteur;   &  il  s'appercevra  clairement,  que 

ce  que  je  viens  de  dire  donne  une  jufte  idée  de  ce  que  ce  Théologien  fi  célèbre  nous 

enfeigne  fur  ce  fujet. 

•         Cependant  l'Auteur  du  Mémoire  fe  fert  encore  des  trois  PafTages  en  queftion  pour 

critiquer  une  autre  de  mes  phrafes,  qu'il  trouve  fi  intolérable  &  fi  erronée,  qu'il  exi-» 

Mémoire      ge  de  moi  que  j'en  fafTe  une  efpécc  de  rétradation  publique:  néanmoins  je  n'y  préfen- 

ThcoKp.ii.jç  j-ç  ^^jg  jg  disque  comme  une  fimple  conjedure. 

C'eft  la  plu-afe  où  j'avance  „  que  fi  les  Chérubins,  les  Thrônes  les  Dominations, 
,,  n'ont  aucun    emploi  par  rapport   au  gouvernement  des  êtres   matériels,  peut-être 
,,  n'ont -ils  aucun  pouvoir  fur  la  matière  ,  tandis  que  les  Anges  qui  y  font  employés 
„  en  ont  un  très  grand. 
Ib;d.  p.  16.       Cet  Auteur  après  avoir  rapporté  ces  paroles  de  mon  Texte,  s'écrie  qu'wwtf  telle  idée 
coL  î.         ^  viftblemsnt  oppofés  à  ce  cjii enfeigne  S.  Thomas  :  &   pour  toute  preuve   il  cite  unique- 
ment les  trois  PafTages  de  ce  S.  Doèleur  ci-dcfTus  rapportés.    Mais  encore  une  fois  il 
fuffit  d:  lire  avec  attention  ces  trois  PafTages ,  pour  reconnoitre  qu'ils  ne  contiennent  rien 
du  tout  qui  foit  contraire  à  ce  que  je  dis  dans  la  phrafe  que  cet  Auteur  cenfure. 
■    Mais  que  dira  le  Ledeur  fi  je  prouve  que  ,  non  feulement  S.  Thomas  n'eft  pas  d'un 
fentiment  oppofé  à   ce  que  j'ai  avancé,  mais  même  que  ce  D  )Cleur  Angélique  décide 
cxprefTèmcnt  &  en  termes  formels,  ce  que  je  n'ai  propofé  que  comme  une  opinion 
probable. 

„  Les  Anges  fupérieurs  (dit  ce  Saint  &:  célèbre  Théologien,  c'eft  à  dire  les  Efprits 
,,  de  la  première  Hiérarchie,  tels  que  les  Chérubins,  les  Séraphins,  les  Thrônes)  ne 
„  font  jamais  employés  h  un  miniftére  extérieur  .  .  .  On  appelle,  ajoure- 1- il,  mi- 
„  niftère  extérieur  par  npport  aux  milTions  des  Anî;cs ,  le  mi  iftére  qui  s'exerce  à  l'è- 
I.  ?.  Quïft. ,,  g-T  <1  des  chofes  corporelles.  "  Supériores  Angcli  numquam  ad  cxterius  minijlnium 
iiî.aSo.  «.Se  mittuntar  ...  in  miJJîonibMS  A'igelnrum  aliqMa  dicimr  ester  lor  ^  cjUit  fcilicet  efi  ad  .iliquod 
minifleriiim  circa  corpor.ilia  exhibemluw. 

Mais  fi  ,  félon  S".  Thomas  ,  les  Anges  fupérieurs  n'exercent  aucun  miniilèrc  par 
npport  aux  itrcs  m.^éricl?:  s'ills  n'ont  aucune  fonétion  dans  le  gouvernement  des  corps, 
à  quelle  firt  Dieu  leur  auroit-il  attribué  un  pouvoir  de  remuer  la  matière  ? 

Quoi 


DES     yî  N  G  E  S    ET    DES     DEMONS.  ir 

Quoi  qu'en  dife  l'Auteur  du  Mémoire  ,  il  eft  inconteftable  que  les  Anges  étant  de   Disscrt. 
purs  Efprits,ne  trouvent  point  dans  le  fond  des  qualités  naturelles  &  eflentielles  de  leur»""  l'aut. 
être  la  puiJTance  de  remuer  les  corps ,  &  qu'ils  ne   peuvent  l'avoir  que  par  un  décret  °"  "'*- 
de  Dieu.  Or  eft -il  croyable  que  Dieu  ait  fait  un  décret  tout  exprès  pour  donner  inu- 
tilement ce  pouvoir ,  par  exemple  à  des  Chérubins  qui ,  félon  S.  Tnomas ,  n'exercent 
aucun  miniflére  à  l'égard  des  chofes  corporelles  ? 

Je  n'ai  cependant  préfenté  ces  réflexions  que  comme  une  conjedure.  J'ai  même  af- 
fedé  de  multiplier  les  termes  qui  manifeftent  le  plus  clairement  que  je  ne  les  propo- 
fois  que  comme  une  fuppofition  qu'on  peut  raifonnablement  admettre:  Peut-être^  ai-je 
dit  :  il  y  a  quelsjue  lieu  de  penfer  :  il  peut  fe  faire  ,  Bec,  Tout  au  contraire  S.  Tho- 
mas donne  le  fondement  de  ces  réflexions  comme  un  fait  certain  &  comme  un  princi- 
pe. C'eft  donc  contre  cet  Ange  de  l'Ecole  que  tombent  diredem:nt  tous  les  traits  Ci 
vifs  que  l'Auteur  du  Mémoire  a  voulu  lancer  contre  moi.  Sans  doute  qu'il  n'avoit  pas 
alors  préfcnt  à  l'efprit  le  Paffage  de  ce  S.  Dodeur  que  je  viens  de  rapporter  :  &  que , 
lorsqu'il  v  aura  fait  attention,  il  ne  perfiftera  pas  à  foutenir  qu'une  telle  idée  eft  vifi- ^1'"°"'  . 
olement  oppofee  a  ce  qu  enjetgne  S,  Thomas,  Amli  j  ai  tout  lieu  d  elperer  qu  il  me  dis- col.  i. 
penfera  très  volontiers  de  faire  à  ce  fujet  11  rétradation  publique  qu'il  vouloit  exiger 
de  moi. 

Je  n'en  dirai  pas  davantage  à  cet  égard:  je  refTens  même  une  véritable  peine  d'avoir 
employé  tant  de  tems  à  difcuter  des  queftions  métaphyflques  qui  ne  font  guéres  à  la 
portée  des  fimples  &  des  petits  ,  pour  qui  j'écris  principalement.  Mais  je  n'ai  pas 
cru  pouvoir  m'en  dispenfer:  &  je  vais  pafier  au  plus  vite  à  dej  objets  plus  intéreflans, 
plus  fenfibles,  &  plus  à  la  portée  du  commun  des  Fidèles. 

A  l'égard  des  prodiges  qui  peuvent  s'exécuter  par  des  moyens  naturels,  les  An-       ni. 
ges  ont  la  faculté  de  les  faire  à  proportion  du  pouvoir  que  Dieu  leur  a  d'abord  donné.  onV  h^pulr- 

Par  exemple  ,  ils  peuvent  faire  descendre  le  feu  du  Ciel,  parce  qu'ils  n'ont  befoin  6n«'ie  fai- 
pour  produire  cet  effet  que  de  réunk  les  parties  fulphureufes  qui  font  disperfées  dans  ges  naturels. 
l'air ,  de  les  allumer  &  les  faire  tomber  fur  la  terre.  dè^|^é°ha"b'îê« 

Ils  peuvent  enlever  un  corps  en  l'air,  &:  l'y  foutenir  pendant  quelque-tems ;  parce  Meiveiilc». 
qu'il  ne  faut  pour  cela  que  raflembler  une  très  grande  quantité  de  petits  corps  imper- 
ceptibles ,  &  les  mettre  dans  un  affez  grand  mouvement  pour  leur  donner  la  force  de 
fupporter  en  l'air  un  corps  qui  a  une  certaine  étendue.  Le  vent  n'eft  autre  chofe  qu'u- 
ne agitation  violente  des  parties  imperceptibles  de  l'air:  cependant  le  vent  déracine  de 
très  grands  arbres ,  &  les  porte  quelquefois  allez  loin. 

Mais  tous  les  bons  Théologiens  conviennent,  qu'il  n'y  a  que  Dieu  feul  qui  puifTe  o- 
pérer  des  effets  véritablement  furnaturels  :  c'eft  à  dire ,  des  effets  qui  ne  peuvent  être 
produits  que  par  quelque  création  ,  quelque  opération  équipolente  à  création  ,  ou  mê>- 
me  qu'en  forçant  les  loix  qui  régilTent  la  nature.  Car  tout  cela  n'appartient  qu'au  Sou- 
verain Maître. 

Premièrement ,  il  eft  inconteftable  qu'il  n'y  a  que  le  feul  Maître  de  la  nature  qui  Diju^J^^i 
puifle  tirer  les  êtres  du  néant,  paixe  que  la  qualité  de  Créateur  eft  incommunicable,  &  pcutcrccr. 
ne  peut  convenir  qu'à  Dieu  feid. 

Auffi  S.  Thomas  ne  balance- t-il  pas  à  décider,  que  Dieu  ne  fe  fert  jamais  d'inftru- 
mens  pour  une  telle  œuvre:  Impoijibile  ejî  qmd  alicui  creatur^e  convcniat  creare ,  neque  i.p. Qu.4y. 
virtute  proprià,    neque  inftrumeyitaliter  five  per  miniflerium.  '""  ^'  *°  *' 

Non  feulement  il  n'y  a  que  Dieu  qui  puifTe  créer  des  corps  confîdéiables  :  mais  lui 
feul  peut  créer  le  moindre  des  atomes  :  lui  feul  peut  faire  fortir  du  néant  le  plus  petit 
déliré  d'être. 

Toutes  les  créatures  telles  qu'elles  foient  ne  peuvent  que  remuer  les  êtres  matériels, 
les  réunir  ou  les  divifer:  mais  elles  n'ont  jamais  le  pouvoir  de  rien  tirer  du  néant, 

B  2  C'eft 


Il  EXAMEN    DVVOV  VOIR 

DissfRT.  C'eft  h  feule  volonté  de  Dieu  qui  produit  les  êtres:  dès  qu'il  veut,  tout  eft  exé- 
euRL'AUT.cutc  :  dès  qu'il  dit,  tout  eft  fait  :  Dixh  &  faBa  fu»t.  Mais  rien  ne  peut  être  créé 
»ïs  MiR.  ^^j„  p^j.  ç^  volonté  propre,  :  il  n'y  a  que  lui  fcul  qui  appelle  les  chofes  qui  ne  font  pas 
P<-  '4S-  s-   comme  celles  qui  font. 

Ce  principe  eft  même  une  confcquence  évidente  qui  fe  tire  néccffairement  de  l'idée 
que  nous  devons  avoir  de  Dieu  ,  puifqu'ileft  le  feid  Etre  ejui  fait  p.tr  lui-même. 
C'eft  h  définition  qu'il  a  donnée  de  lui,  en  parlant  à  Moïfe:  Je  fuis,  dit  le  Très- 
Eiod.in.i4'  haut,  celui  qui  Eft  :  Ego  fum  qui  fttm'   D'où  il  fuit  qu'il  eft  l'Etre  des  êtres  :   qu'il 
eft  1  unique  Auteur  immédiat  de  toute  créature,  &  que  lui  feul  peut  tirer  du  néant  ce 
qui  n'exifte  pas. 
V-  Secondement,  il  rcfulte  encore  du  même  principe,  que  Dieu  feul  peut  produire  ua 

peut  prdui- effet  ricl  fans  employer  une  caufe  qui  lui  foit  proportionnée:  ce  qui  eft  une  opération 
ilei'rans^'^'    qui  équipolc   à  création. 

moyens.  Il  n'y  a  que  la  fe.ile  caufe  première  qui  opère  fans  moyens,  &  par  fa  feule  volonté  : 

pf.  1+8.  j.  Ai.tiidavit  cr  creata  funt.   Dieu  eft  le  feul  qui  n'a  befoin  de  rien,  pour  produire  ce 

qu'il  lui  plaît.    Mais  cette  fouveraine  puiflance  ne  peut  convenir  à  aucune  créature  :  & 

les  Anges  mêmes  ne  peuvent  rien  opérer,  que  lorsqu'ils  trouvent  parmi  les  êtres  créés, 

des  inftrumcns  propres  à  exécuter  ce  qu'ils  veulent  faire. 

AulTi  S.Thomas  décide-t-il  généralement  que  les  Anges  ne  peuvent  rien  faire  en  ver- 
tu du  pouvoir  ordinaire  que  Di:u   leur  a  donné  ,  qui  foit  vifiblement  Miraculeux, 
„  Tout  ce  que  l'Ange,  ou  toute  autre,  dit  ce  S,  Doreur,  fait  par  fa  propre  vertu; 
„  cela  ne  fe  fait  que  conformément  à  l'ordre  établi  dans  la  nature  :  &:  par  conféquent 
Qucft  "  '•^  "^'^  point   un  Miracle:   "  Ottidquid  facit  Angelns ^  vel  qu^ecumque  alia  creatnra 
iio.  ait.  4.  proprià  virtute  ,   hoc  fit  fecundum  ordinem  ftatarx  créata  :  Qr  fie  non  eft  miracalum. 
"  *■  Ainfi  Dieu  (eul  peut  fans  aucun  moyen  naturel  donner  tout  à  coup  à  des  êtres  des 

qualités  fupérieures  a  celles  qu'ils  avoient  auparavant  :  parce  que  ces  qualités  étant  pro- 
duites fans  caufe  naturelle  ,  ne  peuvent  l'être  que  par  une  opération  équivalente  à 
création. 

Tout  degré  d'être  qui  ne  préexiftoit  point,  ni  dans  lui-même,  ni  dans  aucun  ger- 
me ,  ni  dans  aucune  autre  caufe  créée  capable  de  le  produire  fuivant  les  loix  que  Dieu 
a  établies ,  a  par  conféquent  été  tiré  du  néant.  Donc  Dieu  feul  peut  en  être  1'  Auteur. 
Et  ce  nouveau  degré  d'être  n'a  pu  être  formé  que  par  une  voie  de  création ,  &  par  une 
volonté  particulière  de  Dieu. 
VT.  Troificmcment ,  Dieu  fcul  peut  s'élever  au  dcffus  des  régies  fuivant  lesquelles  il  lui  a 

^^u^^'^L  Plù  de  former  l'Univers.    ^ 

audciiusdes      Lorsqu'il  l'a  tiré  de  l'abîme  du  néant;  lorsqu'il  a  développé  les  cieux,  étendu  les 
Vani"f<i«d- airs ,  fait  fortir  h  lumière  d:  l'obscurité  des  ténèbres,  &   la  terre  du  milieu  des  eaux: 
'"!'.*""  en  un  mot  lorsqu'il  a  donné  l'être  &  le  mouvement  à  toutes  les  chofes  matérielles,  il 
les  a  affujetties  à  des  loix  permanentes ,  qu'aucune  créature  ne  peut  enfraindre.    Il  a  li- 
mité leur  degré  de  force  &  d'aiflivité,  &:  il  a  réglé  leur  nature  &  leurs  effets  :  en  for- 
te que  toute  caufe  doit  toujours  produire  fon  effet  fuivant  qu'il  l'a  d'abord   prescrit. 
Or  il  efl  inconteftable  que  lui  feul  peut  fc  dispenfer  de  ces  régies.    Ce  n'eft  donc  pas 
en  renverfant  ces  loix  Divines  que  les  Anges  8c  les  démons  peuvent  faire  des  prodiges  ? 
Ils  ne  peuvent  au  contraire  opérer  aucun  effet  qu'en  employant  la  vertu  des  caufes  pro- 
pres à  le  produire  :  Vérité  que  S.  Thomas  donne  encore  pour  un  principe  en  plufl.urs 
endroits   de  fa  Somme  Théologique.  ,,  Tout  ce  qui  le  fait,  dit- il,  contre  l'ordre 
„  général  que  Dieu  a  mis  dans   toute  la  nature,  s'appelle  Miracle*    Or  il  n'y  a  que 
I.  P  Q.icft. ,,   Dieu  qui   piiiffe   le  fiire:"   ^Hiquid  diciinr   ejfc  miraculum  ,  quod  fit  prêter  ordinem 
no^  Alt.  'i- içiiifj   n^furd  :   hoc  antem  non  poteft    facere  ntfi  Dchs. 

Aiiilî   il  n'appartient  qu'i  Dieu  d'opéicr  d  une  manière  fubitc ,  ce  qui  fuivant  lis 

loix 


DES    ANGES    ET    DES    DEMONS.  15 

lolx  qu'il  a  impofées  à  la  nature,  ne  doit  fe  faire  que  fuccelîîvement  ,  parce  que  lui    Dissert. 

feul  peut  s'affranchir  de  fes  propres  loix  :  lui  feul  a  le  pouvoir  fupréme  d'agir  fans  tems  ^"R^'aut. 

&  fans  moyens  fuffifans  :   lui  feul  a  la  fouverainc  puilTance  d'exécuter  tout  ce  qu'il  °^^'^"'' 

veut  fans  fe  fervir  du  fecours  des  caufes  créées ,  qui  en  conféquence  de  l'ordre  qu'il  a 

établi ,  ne  peuvent  rien  produire  qu'avec  un  tems  proportionné  à  l'eifet.    Ce  qui  fait 

dire  au  favant  Nicolas  de  Lyra ,  que  „  comme  la  nature  ne   peut  opérer  dans  un  in- 

„  fiant ,  il  n'y  a  que  la  vertu  Divine ,  qui  puifle  en  un  inftant  guérir  une  fièvre  d'une 

„  manière  parfaite,  ainfi  que  la  Belle -mère  de  S.  Pierre  fut  guérie  des  fièvres  par  Je-  Nie.  de  L7. 

„   fus  -  Chrift.  "  Nmhyci  non  potefl  operari  in  infiantl  :  fi  atuon  fantitio  febris  perfeEta  "ji?  k^''*'. 

in  infianti  fiât  ,  hoc  non  potefi  ejje  niji  virtptte  div'mà ,  JicM  foc? us  Pétri  fanata  eji  à  fe-  i^  init. " 

ùribf^s  à  Chrifio. 

3,  Les  Miracles  ,  dit  Louis  de  Grenade,  font  les  oeuvres  de  Dieu  feul  ,  qui  a  don-  crsnade  r  - 
■„  né  des  loix  à  toutes  les  créatures  qu'il  a  faites,  dont  aucune  ne  peut  être  dispenfée  trod.auSim- 
„  que  par  la  vertu  de  Celui  qui  les  a  établies.  "  ch! V?'.  d''"i» 

Les  bons  Anges  ne  peuvent  pas  même  avoir  la  volonté  de  faire  de  leur  chef  &  par  '/^''p^'  **' 
leur  propre  mouvement,  des  chofes  fupérieures  &:  contraires  à  l'ordre  établi  dans  la  na-  éditdèïaiis. 
tiu-e.    S'ils  fouhaitent  un  Miracle,  ils  le  demandent  à  Dieu,  ainfi  que  font  les  autres 
Saints  ;  mais  ils  ne  peuvent  vouloir  l'opérer  eux  -  mêmes  contre  fes  ordres ,  parce  qu'é- 
tant confirmés  en  grâce,  leur  volonté  fe  porte  toujours  infailliblement  à  préférer  celle 
de  Dieu  à  toute  autre  chofe. 

Mais  quand,  par  impoflîble,  ils  fouhaiteroient  faire  des  chofes  contraires  aux  loix 
qui  régiflent  la  nature,  il  eft  certain  qu'ils  ne  le  pourroient  pas ,  parce  qu'ils  n'en  trou- 
yeroient  pas  les  moyens  dans  la  puiffance  limitée  qu'ils  ont  reçue. 

Si  les  Anges  ne  peuvent  rien  faire  qui  foit  vraiment  furnaturel  par  le  pouvoir  que 
Dieu  leur  a  donné ,  à  plus  forte  raifon  Dieu  n'accorde-t-il  pas  une  fi  grande  puiffance 
aux  démons. 

Non  feulement  ils  ne  font  point  employés  au  gouvernement  de  l'Univers,  &  à       vir. 
maintenir  cet  ordre  admirable  de  la  nature  qui  manifefte  clairement  la  Providence  &  la  de'sdemonj 
Toute -puiffance  d'un  Dieu;  mais  ils  font  fournis  comme  des  esclaves  à  la  puiffance  çûi'é  depuis 
du  moindre  des  Anges  ,  ainfi  que  l'obferve  N.  S.  P.  le  Pape  d'aujourd'hui ,  Benoift  ûonl^^llco- 
XIV.  dans  fon  Traité  de  la  Canonifation  des  Saints.  'uis'rta'^" 

Le  moindre  des  Saints  Anges,  dit -il,  peut  forcer  le  plus  puifTant  des  démons,  bud'ement 


5» 


lui  commander  &  le  faire  obéir.  "  Alinimm  Angélus  potefi  cogère  fummum  dœmtnem  „; 


du  Chriftia- 


(ine. 


Q-  ei  efiicaciter  pracipere.  N.  S.  P.  le 

Ils  font  même  réduits  dans  un  fi  frand  efclavage,  qu'ils  ne  peuvent  pas  feulement  benmi.^L' 
remuer  un  atome  fans  la  permifTion  de  Dieu  :  permilfion  qu'il  ne  leur  accorde  commu-  J^  '^'J""' 
nément  que  par  raport  à  la  malheureufe  fonftion  quils  ont  de  nous  porter  au  mal  &  de  5.  n.  1. 
nous  en  faire;  tout   leur  mlfèrable  miniflére  ne  confiftant  qu'à  nous  tenter,  à  s'effor- 
cer de  nous  féduire  &  a.  nous  faire  fouffi-ir  ,  lorsque  Dieu  le  permet  ou  l'ordonne. 
Mais  à  l'égard  des  efïèts  vifibles ,  extérieurs  &  prodigieux ,  tels  que  ceux  dont  il  efl 
queflion  dans  mon  Ecrit,  il  eft  rare  que  Dieu  leur  laiffe  la  liberté  d'en  opérer,  fur- 
tout  depuis  que   Jefus- Chrift  efi  venu  au  monde  pour  détruire  les  œuvres  du  démon,  i  Jean  111.8, 
Audi  S.  Auguftin  décide-t-il,  qu'ils  ne  peuvent  faire  aucune  forte  de  prodiges  réels, 
à  moins  qu'ils  n'en  aient  reçu  le  pouvoir  d'enhaut  :  Nifi  data  defuper  potefiate.  A  quoi  Lib.j.  de 
M.  Nicole  ajoute,  qu'<7  faut  être  perfitadé  que ,  quoiqu'ils  [oient  toujours  dispofés  à  nui-  ^g^'-çç'^' 
Te  aux  hommes ,  ils  nen  ont  néanmoins  aucun  pouvoir,  à  moins  que  Dieu  ne  le  leur  donne.  Simb.Anges 
Il  eft  vrai  que  l'Ecriture  &:  la  Tradition  nous  apprennent,  qu'en  certaines  occafions  i^ô!"^*'' 
quelques  démons  ont  eu  la  pennilTion  d'entrer  dans  le  corps  de  certaines  perfonnes ,  & 
même  He  faire  des  espèces  de  prodiges i  dont  quelques-u"s  paroiffent  fort  merveilleux. 
Mais  c'ètoit  une  permiflîon  particulière  que  Dieu  n'a  accordés  à  ces  démons ,  que 

B  3  lorsque 


t4  E  X  A  M  E  Kf     T)  V     ?  OV  rO  î  R 

DisîïHT.  lorsque  cila  eft  entré  dans  le  plan  de  fes  defleins:  Vérité  que  l'Ecriture  nom  marque 
•^'R'-'*"^*  clairement  en  plufieurs  endroits. 

DIS  MiR.  Q^  ^,  trouve,  par  exemple,  la  preuve  qu'ils  n'ont  pas  même  la  liberté  d'enti-er 
dans  le  corps  d'une  bcte  fans  en  obtenir  pevminîon,  ou  pour  mi;u\-  dire,  fans  que 
Dieu  les  y  envoie.  C'eft  ce  que  le  S.  Efprit  nous  a  déclaré  précifément  en  nous 
marquant  dans  l'Evangile ,  qu'une  multitude  de  démons  chaflTés  du  corps  d'un  hom- 
me, avoient  prié  Jefus-Chrift  de  les  envoyer  dans  un  troupeau  de  pourceaux,  afin 
MaicV.  II.  qu'ils  y  ent raflent  :  Àe^recabanttir  etim  fpiritns  dicentes  :  tnitte  nos  in  porcos ,  ut  in  m 
introeamiis. 

Surquoi  S.    Auguftin  fait  cette  belle  réflexion,  qui  confirme  pleinement  tout  ce 

que  je  viens  d'avancer:    ,,  Efl-ce  donc  ove  Satan  ,    quoiqu'il  ait  toaijours  un  défir 

„  ardent  de  nuire,  peut  faire  du  mal  à  qui  que  ce  foit ,  à  moins  qu'il  n'en  reçoi- 

„  v.e   le    pouvoir   du    Tout-puiflanr  \    11   nous    eft  déclaré    dans    l'Evangile    mê^ 

,,  me,  comme  une  chofe  qu'il  eft  ncceffaire    de  favoir,    que  bien  loin  que   les  dé- 

,,  mbns  aient  par  leur  puiffaice  le  moyen  de  nuire  aux  hommes,  ils  n'ont  pas  même 

S.Aug.L.       ^gi^j  jg   nuire   aux    bctes.  "    Ouafi  Satanas ,  cptm  habeat  Cemper  cupiditatem  nocen- 

Legis  8c       di ,   nocere  cuiquam  pojjit ,    ni/i  av    Omnipotente   acceperit  potejtatem  ?    In  ipjo  Evangelio 

fz'^.éoi,}  '  dcclarAtum  eft...  rem  necejfariam  docere  nos  volens ,    ut  fcilicct  noverimus  multo  minus 

tos  pojfe  fuà  poteflate  nocere  hominihus,  cjui  me  pecoribtts  qudibufcumcjue  potuerunt. 

S.  Grégoire  Pape  à  ce  Paflage  de  l'Evangile  en  joint  un  autre  de  l'Ancien  Tefta- 
ment,  &•  de  ces  deux  Paflages  il  tire  les  conféquences  les  plus  propres  à  fixer  l'idée 
que  nous  devons  avoir  de  l'impuiflance  ordinaire  où  les  démons  font  réduits  par  rap- 
port aux  effets  vifibles  &:  prodigieux  :  &  en  même  tems ,  il  établit  des  principes  qui 
démontrent  clairement ,  que  ces  efprits  réprouvés  n'ont  aucun  pouvoir  de  remuer  les 
corps,  qui  leur  foit  propre  par  leur  nature,  comme  une  qualité  eflentielle  &  néceffairc 
de  leur  être. 
S.  Greg.  ,,  Satan,  dit  S.  Grégoire,  brûlant  du  défir  de  tenter  le  faint  homme  Job,  dit  auSei- 
c^'o.'^'injo'b.  »  gieur  qu'il  devroit  bien  étendre  fon  bras  pour  l'affliger:  ce  qui  eft  une  preuve  no- 
table que  le  diable  n'ofe  s'attribuer  cette  puiflance,  quoiqu'il  foit  de  toutes  les  créa- 
tures celle  qui  s'eft  toujours  le  plus  efforcé  de  s'élever  avec  orgueil  contre  le  Créa- 
teur. Mais  il  fait  qu'il  n'a  rien  dans  lui-même  qui  foit  fuffifant  pour  opérer  quoi 
que  ce  foit,  &:  même  que  dans  fa  qualité  d'efprit  il  n'exifte  point  par  lui-même. 
C'eft  pour  (nous  en  inftruirc)  qu'il  eft  marqué  dans  l'Evangile,  que  cette  Légion 
,,  (de  démons)  qui  ctoit  fur  le  point  d'être  chaffée  du  corps  d'nn  homme  difoit 
,,  (à  Jefus-Chrift:)  Si  vous  nous  chafez.,  envoj/ez,-non5  dans  ce  troupeau  de pourceanx. 

,,  Si  le  Démon,  continue  S.  Grégoire,  n'a  pas  par  lui-même  le  pouvoir  d'entrer  dans 
,,  un  pourceau ,  comment  auroit-il  la  puiffince  de  toucher  à  la  maifon  du  Saint  hom- 
„  me  (Job;  fans  que  l'Auteur  de  la  nature  lui  prêtât  la  main?  Or  il  faut  favoir,  njou- 
„  te  ce  grand  P.ipe ,  que  la  volonté  de  Satan  eft  toujours  injufte,  mais  que  la  puiffan- 
„  ce  qui  lui  eft  donnée ,  ne  l'eft  jamais  ;  parce  que  c'eft  dans  lui-même  que  fe  forme  fa 
,,  volonté,  au  lieu  que  fa  puiflance  vient  de  Dieu.  Car  Dieu  ne  permet  qu'avec  juf- 
„  tice  l'exécution  de  ce  que  Satan  défire  injuftement  de  fiire.. .  Par  conféquent  il  rte 
,,  faut  pas  craindre  celui  qui  ne  faïu'oit  rien  foire  fans  permiffion.  On  ne  doit  appré- 
,,  hender  que  la  feule  puiflance  qui ,  en  permettant  à  l'ennemi  d'exercer  fa  cruauté,  fiit 
„  fervir  fon  injufte  volonté  à  l'exécution  de  fes  juftcs  jugemens.  Scit  namejMe  diabo- 
lus ,  cjuia  cjMorllibct  agere  ex  femeiipfo  non  fufjicit ,  ejuiA  nec  per  femctipfum ,  in  eo  quodefl 
Jfiritus ,  exiftit  :  hinc  efl  quod  in  Ev.wr^elio  expellend.i  de  homine legio  diceb.ti  :  Jl  ejicisnos, 
mitte  nos  in  gregem  pnrcorum.  Çhii  enim  per  jrmetipfum  ire  in  porcos  non  poterat ,  ejuid 
mirum ,  fi  fine  /ttifforis  m.wu ,  fini'li  viri  CJ-ob)  domum  contingere  non  v.tichit,  Sciendum 
ttro  <•/? ,  quia  SatAn.<  voluntas  fcmper  iniqu.i  efi ,  fed  nunqukm  pottfi.is  injujht  ;  qui.t  à 

ftmet- 


5> 


DES^JVGES    ET   DES    DE  Af  ON- S.  ij 

fenuttpfo  'volantatem  habet  ^  fed  a  Domim  potejîatcm.     Ouod  enim  ipfe  facere  inique  appe-    Dissert. 
tit ,  hoc  Deus  fieri  non  niji  jufle  permittit . . .  Formidare  ergo  non  débet,  qui  nihil  nijt  per-^^^^'^^'^' 
mijftt  valet.     Sola  ergo  vis  illa  timcnda  eft ,    qu<e  cum  hojiem  fœvire  permiferit ,    et  ad°^^  ^^^' 
ufum  jnfli  judicii  injufia  illius  voluntas  fer  vit.  " 

Le  démon,  fuivant  que  le  de'cide  ce  Pape  fi  célèbre  par  fa  fcience  &  fi  illuftre  par 
fa  fainteté,  ne  trouve  donc  rien  dans  lui-même  &  dans  fa  propre  nature  qui  foit  fuffi- 
fant  pour  lui  faire  opérer  quelque  chofe  de  réel:  Ouodlibet  agere  ex  femetipfo  non  fuffi- 
cit.  II  n'a  pas  feulement  par  lui-même  le  pouvoir  d'entrer  dans  le  corps  d'une  bête:  per 
femitipftim  ire  in  porcos  non  poterat.  Il  ne  peut  faire  aucun  prodige  réel,  ou  même  re- 
muer la  matière  en  aucune  forte,  fi  l'Auteur  de  la  nature  ne  lui  prête  la  main  :  Jîne  auc- 
toris  fitanu.  Depuis  fa  révolte,  fon  fond  corrompu  ne  produit  plus  qu'une  volonté 
perverfe,  &  il  n'a  de  puiflfance  eff-iâive  pour  l'exécuter  fur  les  corps,  que  celle  que 
Dieu  lui  donne  ,  lorsqu'il  le  juge  à  propos:  ce  que  Dieu  ne  lui  accorde  jamais,  que 
lorsqu'il  veut  faire  fervir  à  l'exécution  de  fesjugemens  fouverainement  juftes,  la  volon- 
té très  injufte  de  ce  miférable  ennemi  des  hommes.  A  femetipfo  voluntatem  habet ,  fed  à 
Domino  poteftatem  . . .  Ouod  enim  ipfe  fuere  inique  appétit ,  hoc  Deus  fieri  non  nift  jufie 
permittit  ., .  ad  ufum  jnfli  judicii. 

C'eft  auffi  ce  que  le  Père  Que fnel  nous  donne  comme  un  principe  inconteftable  :  „  Le  ^'^^°'^"- 
5,  diable ,  dit-il,  ne   peut  nuire  à  l'homme  fans  la  permiffion  de  Dieu.     N'étant  que      "'   '  ** 
,,  l'inftrument  de  fa  juftice,  il  n'exécute  rien  que  par  l'ordre  de  Jefus-Chrift  le  Sou- 
„  verain  Juge. . .  C'eft  manquer  de  foi  &  de  confiance  en  Dieu ,  que  de  craindre  le 
„  diable  autrement  que  comme  fon  efclave  &  comme  l'exécuteur  de  fes  jugemcns.  " 

Les  démons  n'ont  donc  pas  la  puiflance  d'agir  fur  la  matière  à  leur  gré,  ni  par  leur 
nature  qui  eft  toute  fpirituelle,  ni  par  aucune  concelTion générab  &  ordinaire:  au  con- 
traire le  décret  que  Dieu  a  fait  à  leur  égard ,  lorsqu'il  les  a  maudits  &  reprouvés , 
a  été  de  leur  ôter  la  liberté  d'ufer  fans  une  permiifion  exprefle  du  pouvoir  qu'ils  avoient 
d'abord  reçu  de  lui.  Cependant  ces  Efprits  déchirés  par  un  défir  continuel  de  nuire 
aux  hommes ,  &c  enragés  de  fe  voir  réduits  à  refter  dans  l'inaftion  par  rapport  à  tous 
les  effets  vifibles  &  prodigieux,  demandent  fans  ceffe  à  Dieu  par  l'entremife  des  An- 
ges, fous  la  puiflance  de  qui  ils  font  aflervis,  la  permiffion  non  feulement  de  nous  ten- 
ter, mais  auffi  de  faire  quelque  chofe  d'extraordinaire  pour  nous  jetter  dans  quelque 
illufion.  Mais  à  l'égard  de  cette  permiffion  extraordinaire,  ils  ont  beau  en  prier  les 
Anges,  Dieu  ne  l'accorde  aux  démons  que  lorsque  cela  cadre  à  fes  deffeins,  &  aux  ar- 
rangemens  de  fa  Providence. 

Si  les  démons  dont  la  multitude  eft  très  grande,  &  dont  l'aftivité  de  l'intelligence 
ne  peut  manquer  de  former  à  chaque  inftant  des  défirs,  des  dtfleins  &  des  projets: 
fi ,  dis-je ,  ces  implacables  ennemis  de  la  nature  humaine  avoient  continuellement  un 
pouvoir  libre  de  difpofer  de  la  matière,  n'en  verroit-on  pas  à  toute  heure  les  plus 
terribles  effets  ? 

L'Ecriture  nous  apprend,  qu'ils  font  continuellement  autour  de  nous,  comme  dçs  I.Picrr.V. ?. 
lions  rugilfans  &  brûlans  du  défir  de  dévorer  le  :r  proie.  Ils  ne  ceflent  de  nous  tenter 
en  excitant,  autant  qu'ils  peuvent,  toutes  nos  d  ffèrentes  cupidités.  S'ils  avoient  la 
même  liberté  de  nuire  à  nos  corp< ,  ou  de  faire  des  prodiges  vifibles  pour  nous  fèdui- 
re,  avec  quel  empreflement  ne  s'en  ferviroien>ils  point?  Leurinadion  à  cet  égard  n'eft- 
elle  pas  une  preuve  palpable,  qu'ils  ne  peuvent  le  faire  fans  une  permiffion  particulière^, 
qu'ils  n'obtiennent  que  bien  rarement .'' 

Aufli  S.  Auguftin  donne-t-il  pour  principe  en  plufieurs  endroits  de  fes  Ecrits ,  que 
les  démons  ne  peuvent  rien  que  quand  les  Anges  dont  ils  dépendent ,  les  emploient  poiu" 
exécuter  les  Arrêts  de  la  Divine  Juftice,  ou  que  par  l'ordre  de  Dieu  ils  leur  donnent 
quelque  permiffion;  &  que  fans  cela  ils  font  dans  une  impuiUance  totale  par  rapport  aux 

eflets 


I5  EXAMEN     DVPOVFOIR 

Dissert,  effets  vidbles  &  prodigieux.     Maisle  point  le  plus  important,  celui  qui  dans  le  tems 

surl'aut. qJj  nQ„5  fommes ,  intcrefle  tous  les  Chre'tiens  bien  plus  qiie  la  plupart  ne  penfcntjC'eft 

iiEs  MiR.  jç  favoir  fi  Dieu  accorde  quelquefois  à  ces  Efprits  réprouvés  le  pouvoir  de  faire  des 

Miracles. 

VIII.  J'ai  déjà  prouvé,  &:  je  le  ferai  encore  bien  plus  fortement  dans  la  fuite  de  cet  Ecrit, 

ne%eu«nr  P"^""  '^^  Textes  mémcs  de  l'fcriturc  &:  par  l'autorité  des  Pcres ,  que  les  Miracles,  qui 

faire  de  vrais  ne  peuvent  fc  faire  que  par  une  puiflance  capable  de  créer,  de  s'élever  au  deflus  des 

^''"'      loix  impofccs  à  la  nature,  &  d'opérer  quelque  chofe  de  réel  contre  l'ordre  primitif  & 

permanent  qui  régit  les  effets  des  êtres  matériels ,  font  fupcrieurs  au  pouvoir  de  tout 

être  créé.     Ainfi  il  y  auroit  une  témérité  énorme  à  fuppofer,  que  les  démons  pour- 

roient  en  être  les  Auteurs. 

I.  Part  Qu,      „  En  prenant  le  terme  de  Miracles,  pour  ce  qu'il  fignifie  proprement,  dit  S.  Tho- 

iio.  aii.  4.  ^^  mAS  y  ni  les  démons  ni  aucune  créature  n'en  peuvent  faire  :  Dieu  feul  les  peut  opé- 

„  rer:  car  on  n'appelle*proprement  un  Miracle  ,  que  ce  qui  efl:  fupérieur  à  l'ordre  éta- 

j,  bii  en  toute  la   nature."    Si  mir.iCHlum  propriè  accipiatur,  dœmones  miracnla  facere 

Kort  pojfunt ,  nec  alitjna  crentura ,  fed  folm  Dens  :  hoc  proprie  miracnlum  dicitftr  qusd  fit 

frtctcr  ordinem  totius  Katurte, 

Les  Miracles  font  des  traits  de  lumière,  par  lefquels  Dieu  rend  fa  préfence  fenfible.- 
ils  font  le  figne  qu'il  a  choifi  pour  nous  déclarer  que  c'efl:  lui-même  qui  nous  parle: 
ils  font  la  preuve  des  preuves,  puisque  c'eft  celle  qu'il  a  extérieurement  employée  pour 
prouver  la  Divinité  de  fon  Fils. 

Voici  de  quelle  manière  Jefus-Chrifl:  s'exprime  en  parlant  des  Miracles ,  Se  l'idée 

par  conféquent  qu'il  veut  que  nous  nous  en  formions. 

Jean  V.  56.       ,,  Les  ccuvies  que  mon  Père  m'a   donnée  le  pouvoir  de  faire,  les   œuvres  que  je 

Ibid.X.  37.    sj  ^^'^>  rendent  témoignage  pour  moi,  que  c'efl;  mon  Père  qui  m'a  envoyé...  Si  je  ne 

*  î*-         „  fais  pas  les  œuvres  de  mon  Père  ne  me  croyez  pas  ;  mais  fi  je  les  fais ,  quand  vous 

,,  ne  me  voudriez  pas  croire,  croyez  à  mes  œuvres." 

Les  Miracles,  fuivant  que  la  'Vérité  Incarnée  nous  en  affure  elle-même,  font  donc 
les  oeuvres  de  fon  Père  :  ils  font  donc  les  œuvres  que  Dieu  s'attribue  perfonnellement  & 
expreflémcnt  :  ils  font  un  Témoignage  Divin,  auquel  il  n'eft  pas  permis  de  ne  point  a- 
jouter  foi. 

Auflî  le  S.  Efprit  nous  a-t-il  déclaré  formellement,  par  la  bouche  du  Roi  Prophète, 
pr.  LXXI,    que  Dieu  feul  eft  l'Auteur  des  véritables   Merveilles  :    BcnediStus  Dominus  Ijrael  qui 
ptcit  mirAbiliit  folus. 

Si  les  Miracles  font  les  œuvres  de  Dieu,  s'ils  font  par  excellence  fon  témoignage:  s'il 
n'y  a  que  Dieu  feul  qui  faffe  de  véritables  Merveilles ,  quelle  impieté  n'y  a-t-il  point 
d'en  illuftrer  la  prétendue  puiflance  de  Satan?  La  Religion  &  la  raifon  pourront-elles 
fouflrir,  qu'on  attribue  au  père  du  menfonge  le  langage  par  lequel  Dieu  déclare  qu'il 
s'énonce,  quand  il  veut  manifefter  fenfibloment  aux  hommes  que  c'eft  lui-même  qui 
leur  parle ij  le  langage  qu'il  nous  ordonne  de  reconnoître,  comme  fon  témoignage  & 
fa  voix  ! 

C'eft  ce  qui  fait  dire  à  S.  Thomas,  que    ,,  ceux  qui  attribuent  l'opération  des  Mi- 

„  racles  à  quelque  autre  caul'e  qu'à  Dieu,  tombent  dans  l'erreur,"  oii  ètoient  certains 

Philofophes  idolâtres ,  qui  donnoient  à  la  créature  ce  qui  ne  peut  convenir  qu'à  Dieu 

Lib.  î.      ffiil  :  In  hune  errorem  labuntitr  ^  cjui  . . .  miraculorum  opcrAiionem  aIUs  camJîs  quÀm  Dco 

""'  adfcribunt. 

Ajoutons  encore  ici  un  beau  paffage,  qu'on  trouve  dans  le  Livre  fait  par  N.  S.  P. 
le  Pape  Brnoit  XIV.  fur  la  Cnnonifation  des  Saints:  où  il  décide  que  non  feulement 
les  démons  ne  peuvent  p.!s  faire  de  ces  Miracles  éclattans,  qui  s'élèvent  vidblemcnt  au 
dcflus  des  loix  primitives  &  permanentes  qui  régiflent  la  nature  entière,  mais  même 

de 


it 


conit.  Geoc. 
cap.  3 


ENTAVEVR     DE     V  A  P  P  E  L  ij 

de  ces  Miracles  du  fécond  ordre ,  qui  furpaflent  feulement   l'effet  naturel  des  remèdes  Dissert.' 
&  des  autres  moyens  corporels  &  vifibles.   „  Il  fuit  {conclud  ce  Succejfeur  de  H,  />/>>•- sur  l-aot. 
„  re  des  frincipes  cjtiil  a  pofés  )   que  les  mauvais  Anges  ne  peuvent  faire  de  véritables  "^'""^* 
„  Miracles.    Je  parle,  ajoiue-t-il,  non  feulement  de  ceux  qui  font   fupérieurs  aux 
„  forces  de  toute  la  nature  ,    mais  même  de  ceux  qui  excédent  feulement   les  for- 
„  ces  de  la  nature  qui  eft  en  même  tems  vifible  &  corporelle.   Ex  qm  fequitur ,  «o»Lib.  4.  de 
}»  /"îf/*  '^^  ^'^  ^  mulis  Angelis  )  fieri  vera  miracula  ,  tion  folnm  Ji  loquamur  de  miractilis  b' an'/*" 
„  excedentibtis  vires  omnis  natftra ,  fcd  excedentibus  tantttm  vires  natura  vijihilis  atque  }•  a.  i. 


„  corporea. 


L'Ecriture ,  les  Pérès  de  l'Eglife  &  le  Pape  aftuellement  régnant  n'ont  qu'une  feule 
&  même  voix  qui  nous  crie,  que  les  Miracles  font  finguliérenient  les  œuvres  de  Dieu, 
qu'ils  font  fa  voix  &  fon  témoignage,  &:  que  les  démons  font  dans  une  impuilTance  to- 
tale d'en  faire  d'aucune  espèce. 

Si  donc  l'Hiftoire  Prophane  &  les  Livres  des  Hérétiques  préfentent  quelques  Exem- 
ples de  Miracles  opérés  par  les  démons ,  la  Religion  &  la  raifon  nous  obligent  de  croi- 
re ,  que  ces  prétendus  Miracles  n'étoient  que  de  vains  preftiges  ,  ou  que  l'effet  de 
l'impofture  ;  ou  bien  que  les  faits  qui  font  rapportés  font  faux ,  ainfi  que  quantité 
d'autres  fables  que  les  Auteurs  Payens  &  les  Hérétiques  ne  font  pas  grand  fcrupul: 
de  débiter. 

Comment  le  démon  pourrait- il  faire  des  Miracles,  puisque  nous  lifons  dans  l'E- 
vangile que  perfoiine  ne  peut  faire  des  Miracles  .   .   .   ,  Jt  Dieu  n'efi  avec  lui  ?  J«ïn  HI.  2. 

On  m'objedera  peut-être,  que  perfonne  ne  foutient,  que  le  diable  puilfe  faire  de  „    .'^• 
véritables  Miracles.    En  effet  AL  l'Archevêque  de  Sens  &  M.  l'Evéque  de  Bethléem  Advaiïfrcs" 
avouent  formellement  eux-mêmes  ,  que  les  démons  ne  peuvent  rien  opérer  de  réel  r^- '^ ^?"''^' 

I  J  r  n  AI    •  •       .1        f  •  r/     •        ^  ■».       ■         wient  forces 

que  par  la  vertu  des  cauies  naturelles.    Mais  quoiqu  ils  n  aient  ofe  nier  cette  Maxime  d'avouer  que 
fondamentale,  que  les  lumières  de  la  raifon  &  l'Autorité  de  la  Religion  concourent  é- „"  peîTvent 
gaiement  à  démontrer:  quoiqu'ils  en  conviennent  même  expreffément  dans  la  théorie,  faits  de  vrais 
ils  ne  laifTent  pas  de  la  combattre  de  toutes   leurs  forces  dans  la  pratique  ,   &  d'em- n'en  e"- ''* 
ployer  tous  leurs  talens ,  pour  éluder  les  confécjuences  qui  en  rélultent  néceffairement.  pi^!.^"^  P^' 
Par  exemple,  quoique  M.  de  Bethléem  ou  le  Père  Dom  la  Tafte ,  dife  formellement  kmsciï^ns 
que  les  démons  ne  peuvent  faire  de  vrais  A4iracles ,  &  qu'ils   font  oilîfs  des  me  la  na-  Ç"""  P"'^*' 

r  r        1    rr  ■        t  i>       ••        n  ■  ■«  •       i  '    ,-  det  qu  il  en 

ture  ne  renferme  er  n  ojfre  peint  les  moyens  d  agir  i  Se  quoique  M.  de  Sens  pofe   pour  fait, 
principe ,   que  généralement  tout  ce  qui  tient  de  la  création  .   .   .   .  efi  évidemment  l'on-  xhcobg'îq 
vrage  de  Dieu:  cela  ne  les  empêche  pas  d'attribuer  au  démon  des  Miracles  qui  n'ont  P^g-  561. 
pu  être  opérés  que  par  des  créations  &  des  régénérations  fubites,  qui  équipolent   ma-,  pag,' 23'6.' 
nifeflement  à  une  création ,  &  qui  ne  peuvent  fe  faire  âiufi  fubitement  qu'en    forçant 
les  loix  de  la  nature. 

S'ils  adhérent  de  bonne  foi  aux  principes  qu'ils  avouent ,  comment  poiuToient  -  ils  fe 
dispenfer  de  reconnoître  l'ouvrage  de  Dieu  dans  quantité  de  Miracles  opérés  fous  nos 
yeux  par  l'interceffion  du  Bienheureux  Evêque  de  Senez  ,  de  M.  Roufle  &  de  M.  de 
Paris?  Quoi  !  dans  cette  multitude  qu'on  ne  fauroit  nombrer ,  deGuérifons  Miraculeu- 
fes  que  Dieu  opère  depuis  17^7.  n'y  en  a-t-il  aucune  qui  foit  fupérieure  aux  loix 
de  la  nature  ,  &  qui  tienne  de  la  création  ?  N'en  ont-ils  pas  même  trouvé  des  preuves 
invincibles  par  rapport  à  plufieurs,  tant  dans  mon  premier,  que  dans  mon  fécond  Tome. 

§.   1 1.    Extraits  de  ^lujieurs  Miracles  opérés  par  création  en  faveur 

de  P  Appel. 

Par  exemple,  comment  refufer  de  reconnoître  &  d'admirer  l'œuvre  du  Tout  -  puis- Mirades  ©. 
faut,  dans  la  guérifon  fubite  des  ulcères  dont  les  doigts  de  la  main  gauche  de  la  Demoi-  ?""  pai 
Differt.  Tom.  Il,  C  felle 


iS  MIRACLES    DE    CREATION 

DissEBT.  felle  Thibault  étoient  tout  couverts  depuis  deux  ans  ;  dans  celle  de  la  vive  ecorchure , 
suRL  AUT.      j  dspiiis  plus  d'un  an  avoit  emporte  la  peau  &  une  partie  des  chairs  tout  le  lone  du 
.  _.     .      pli  de   (on  bras  ,    ecorchure  cjut  etoit   large  de  pins  a  un  ponce  ,  cjm  dans   les  derniers 
U  DUe  thi-  tems  ....  était  devenue  fi  profonde,  quelle  faifoit  horreur ,  &  dont  //  firtoit  une  eatt 
*""''•  oui  femoit  fi  m.xuvais   (jue  cela  faifoit  manquer  le  cœur,  quoiqu'on  la  panfàt  tous  les 

jours  avec  du  blanc -raifin  pour  h  fécher;  enfin  dans  celle  des  plaies  profondes,  quelle 
avoit  depuis  plufieurs  mois  aux  aînés  &  au  bas  des  reins,  dont  cinq  étoient  de  la  lar- 
geur d'une  pièce  de  -vingt  -  quatre  fols ,  &  qui  étoient  fi  corrompues  qu'il  en  fortoit 
uns  cefle  une  eau  roujfàrre  .  .  .  qui  rendoit  une  infeciitn  épouvantable  :  le  tout  prouve 
•  Voy.  un.  par  les  Dépofi rions  de  plufieurs  Témoins  de  vifu  *. 

duTom.i,  Toutes  C8S  bleflures  invétérées  auroient -elles  pû«  fe  remplir  de  nouvelles  chairs  en  u- 
ne  matinée ,  &  fe  recouvrir  de  peau  fans  aucune  cicatrice ,  fi  le  Créateur  de  tout  ce 
quieft,  n'avoit  lui- même  opéré  une   fi   grande  Merveille  ? 

La  preuve  du  fubit  de  toutes  ces  guérifons  dans  la  matinée  du  19.  Juin  175 1.  efl: 
incontcftable. 

A  l'c.  ard  de  celle  des  ulcères  des  doigts ,  elle  efl:  atteftée  entre  autres  Témoins  par 
trois  célcbies  Médecins,  qui  ayant  été  aflemblés  le  17.  Juin,  pour  donner  leur  Avis 
fur  h  maladie  de  la  Demoifelle  Thibault,  avoient  fait  mention  de  ces  ulcères  dans  leur 
Rapport ,  &  qui  le  19.  ayant  appris  que  cette  vieille  Fille  âgée  poiu-  lors  de  foixante 
&  cinq  ans ,  venoit  d'être  fubitement  guérie  de  tous  fes  maux  au  pied  du  Tombeau  de 
M.  Je  Paris ,  &  entre  autres  d'une  hydropifie  monftrueufe  dont  elle  étoit  atteinte  de- 
puis cinq  ans,  d'une  paralyfie  qui  depuis  trois  ans  privoit  de  mouvement  tout  fon 
côté  gauche,  &  d'une  multitude  d'ancnilofes  qui  depuis  plus  de  douze  ans  avoient 
fondé  toutes  les  jointures  des  doigts  de  fa  main  gauche  ;  accoururent  fur  le  champ 
pour  examiner  fi  un  fi  grand  Miracle  qu'ils  ne  pouvoient  croire,  étoit  véritable.  Dieu 
les  toucha  :  leur  incrédulité  ne  tint  point  contre  le  témoignage  de  leurs  yeux ,  &  ilj 
furent  fi  frappés  de  ce  Miracle,  que  malgré  tous  les  intérêts  humains  qui  les  en  dé- 
toumoient,  ils  en  dreflerent  un  Rapport  authentique,  dans  lequel  ils  déclarent  entre 
autres  chofes  ,  que  les  ulcères  qu'ils  ayoient  vus  deux  jours  auparavant ,  étoient  pres- 
qu  entièrement  effacés ,  c'cft  à  dire  qu'à  peine  pouvoit-on  en  reconnaître  la  place,  ainfi 
que  l'ont  certifié  d'autres  Témoins. 

Ce  même  Rapport  fuffit  encore  pour  prouver,  que  la  profonde  ecorchure  du  braî 
avoit  en  même  tems  été  guérie  tout  à  coup ,  puisqu'ils  atteftent  que  la  Demoifelle 
Thibault  remuait  le  bras  de  tons  cotés  avec  liberté.  Mais  à  cette  preuve  fe  joignent  les 
Certificats  de  plufieurs  Témoins  de  vifû:  Se  entre  autres  de  M.  de  Manteville  fameux 
Chirurgien  qui  déclare  ,  que  la  peau  nouvelle  qui  venoit  de  fe  former  dans  le  pli  de 
r articulation  du  bras ,  était  très  fine  ,  très  blanche ,  très  polie  &  luifante ,  comme  la  peau 
d'un  enfant  nouveau- né. 

Enfin  l-i  guérifon  des  plaies  aux  aînés  &  au  bas  des  reins ,  n'efl-elle  pas  conflatée  par 
tou<;  les  Témnins  qui  dépofent  avoir  vu  la  Demoifelle  Thibault  marcher  à  l'infiant  de 
fa  guérifon  fubite  dans  le  Cimetière  &  dans  l'Eglife  de  S.  Médard ,  &:  à  fon  retour 
monfr  fans  peine  le  degré  de  fa  maifon ,  quoiqu'il  foit  très  rude  :  &:  qu'elle  avait  un 
vifa^e  fi  différent  de  celui  qu'ils  lui  avoient  vu  U  veille,  quon  eût  eu  peine  a  croire  q$te 
ce  fût  la  même  perfonne  ?  En  effet  comment  auroit-elle  pu  marcher  librement  &  avoir 
un  vifaije  de  fauté,  fi  elle  avoit  eu  encore  aux  aînés  &  aux  reins  des  nlaies  aff  eufes  , 
qni  faifoi'inr  f^mber  journellement  fon  corps  en  pourriture  :  elle  qui  depuis  fix  mois 
ne  pouvait  ni  jour  ni  nuit  fortir  du  fauteuil,  où  fes  plaies  &  fes  autres  maladies  h  te- 
noient  comme  enchaînée,  &.'  qui  depuis  le  commencement  de  Juin  paroilloit  à  tous  mo- 
mcnn  prête  à  andrc  l'ame  ? 

Aufll  fes  brgcs  &  profondes  pUics  étoient -elles  fi  bien  guéries  uns  aucune  cicatrice, 

une 


EN    FA^EVR     DEL' APPEL  r$ 

Une  chair  fubitement  créée  ayant  tout  à  coup  rempli  leur  place, que  Catherine  CefTelin  Dissert. 
(fa  Servante  )  qui  les  examina  le  lendemain  matin,  ne  pût  reconnoître  les  endroits  oîîsurl'aut. 
elles  avoient  été  que  parla  différence  de  la  co'jleur  de  la  peau  :  &  ce  fut  la  vue  de  cet  °^*  "'"* 
admirable  Miracle,  qui  triompha  de  l'incrédulité  de  cette  Fille,  jusques  là  prévenue 
à  l'excès  contre  les  Miracles  opérés  à  l'intercefTion  du  Bienheureux  M.  de  Paris. 

Je  ne  relevé  point  ici  la  Guérifon  fubite  de  la  paralyfie ,  des  anchilofes ,  ni  même 
de  l'hydropifie  caulee  par  un  fquirre  monftrueux  ,  qui  tout  à  coup  fut  annéanti  & 
cefla  d'être ,  en  forte  que  les  trois  Médecins ,  qui  vinrent  avec  tant  d'empreffement 
examiner  fi  ce  qu'on  venoit  de  leur  dire  ctoit  vrai,  trouvèrent  que  non  feulement  le 
volume  immenfe  du  ventre  de  la  Demoifelle  Thibault  s'étoit  réduit  à  une  grolTeur  na- 
turelle, mais  même  que  ce  ventre  étoit  devenu  mollet. 

Quoique  ces  Guérifons  foient  un  Miracle  peut-être  encore  plus  grand ,  &  tout  auffi 
manifeftement  Divin  que  celle  des  ulcères,  de  l'écorchure  &  des  plaies;  je  ne,m*arrê- 
terai  ici  qu'à  cette  dernière ,  parce  que  la  création  qu'il  a  fallu  que  Dieu  fit  pour  l'o»- 
pérer,  me  paroît  encore  plus  vifible  &  plus  facile  à  démontrer,  que  celles  qu'il  a  fai- 
tes pour  guérir  presque  fubitement  les  trois  autres  maladies ,  réparer  les  nerfs  defféchés 
par  la  paralyfie,  rendre  fa  première  nature  à  la  finovie  pétrifiée  par  les  anchilofes,  & 
régénérer  cette  multitude  de  veines  limphatiques  brifées  &  détruites  par  le  fquirre  qui 
avoit  formé  l'hydropifie. 

Mais  il  eft  encore  d'une  évidence  plus  palpable  ,  que  la  Guérifon  des  ulcères,  de 
l'écorchure  &  des  plaies ,  n'a  pu  être  faite  de  la  manière  merveilleufe  dont  elle  l'a  été, 
que  par  une  forte  de  création.  Non  feulement  la  promptitude  extrême  de  cette  Guéri- 
fon, mais  bien  plus  encore  fa  perfeftion  direèlement  contraire  aux  loix  qui  règiflent 
invariablement  la  nature,  en  préfente  une  démonftration ,  qui  eft  à  h  portée  de  tout 
le  monde. 

En  effet  la  nature,  à  parler  exaètement,  ne  p:ut  point  produire  de  nouvelles  chairs 
à  la  place  de  celles  qui  ont  été  détruites ,  du  moins  des  chairs  faines  &  régulièrement 
organifées  :  cela  paffe  toutes  les  propriétés  que  Dieu  lui  a  données.  AulTi  l'expérience 
de  tous  les  Siècles  nous  apprent-elle,  que  les  moindres  ulcères  &  hs  plus  petites  bles- 
fures,  lorsquelles  ont  entamé  les  chairs,  ne  font  jamais  guéries  que  par  des  cicatrices, 
corps  très  imparfait,  maffe  fans  organes,  que  la  nature  forme  pour  remplir  le  vuide  laiffé 
par  les  chairs ,  qui  ont  été  divifées ,  pourries  &  déchirées  :  ce  qui  eft  fi  certain ,  que 
quoiqu'une  lancette  foit  un  inftrument  très  fin,  qui  ne  fait  qu'une  petite  divifion  mo- 
mentanée, cependant  la  piquure  d'une  lancette  ne  fc  guérit  jamais  que  par  une  cicatri- 
ce. Mais  pour  un  plus  grand  èclairciffement  il  eft  bon  d'obferver ,  que  les  cicatrices 
font  produites  par  rèpaiffiffement  du  fuc  nourricier,  qui  coulant  au  bout  de  chaque 
fibre  coupée  ,  pourrie  ou  déchirée ,  s'y  colle  &  s'y  durcit  peu  à  peu ,  &  remplit  ainfi 
l'espace  vuide,  mais  d'une  manière  presque  toujours  différente  &  inégale.  Auftt  ce 
corps  conftruit  au  hazard  &  fans  règles,  n'a- 1 -il  pas  à  beaucoup  près  les  mêmes  qua- 
lités &•  toutes  les  mêmes  parties  que  les  chairs  qui  font  compofèes  non  feulement  de  fi- 
bres charnues ,  mais  d'une  multitude  innombrable  de  petits  vaiffeaux ,  dont  l'arrangement 
&  les  effets  font  admirables. 

Or  c'eft  un  fait  prouvé  dans  la  Démonftration  &  par  les  Pièces  juftificatives  de  ce 
Miracle,  que  toutes  les  bleffures  de  la  Demoifelle  Thibault  fe  font  guéries  tout  d'un 
coup  fans  aucune  cicatrice. 

A  l'égard  des  ukères  des  doigts  &  de  l'affreufe  ècorchure  du  bras ,  qui  font  les  feu- 
les parties  que  la  pudeur  de  cette  Fille  lui  permettoit  de  montrer,  il  n'y  a  pasjufqu'aux 
Médecins  &:  Chirurgiens  envoyés  par  la  Cour,  pour  tâcher  de  lui  fournir  quelque 
moyen  d'obfcurcir  ce  Miracle ,  qui  néanmoins  n'ont  pu  trouver  aucun  veftige  de  ces 
ulcères  &  de  cette  effroyable  ècorchure.     M.  Silva  le  plus  célèbre  d'entre  eux  a  même 

C  i  _  avoué, 


20  MIRACLES     DE     CREMATION 

DissiRT.  avoue  ,  qu'il  examina,  benncottf  les  bras;  mais  à  quoi  aboutit  cet  examen  fi  attentif?  A 
surl'aut  çtj-e  forcé  de  reconnoitre,  fuivjiit  qu'il  l'a  déclaré  lui-même,  ^u  une  peau  mince  occupoit 
DES  MiR.     i^  place ,  où  la  Demoilelle  Thibault  lui  difoit  qu'^/Ze  avait  eu  une  plaie  lar^e  q-  profonde 

M.  s'iVa  /'   '^•^"^  '""''  ^^  longueur  du  pli. 

a»,  i'ioc'e  Au  rcftc  c'eft  un  fait  que  tout  le  monde  a  ctc  continuellement  en  état  de  vérifier  de- 
{aVl.Dc-  'puis  le  'p.  Juin  1751.  qu'il  n'y  a  aucun;  cicatrice  au  pli  de  fon  bras.  Or  il  eft  de 
monft.  Ju  notorité  perpétuelle,  que  les  plaies  ne  peuvent  fe  refermer  que  par  des  cicatrices,  & 
que  ces  cicatrices  ne  s'effacent  jamais.  Ainfi  depuis  le  jour  de  ce  iVliracle,  il  y  a  tou- 
jours eîi  une  preuve  continuellement  fubfiflante  &  expofée  à  la  vue  de  xous  ceux  qui 
ont  voulu  l'examiner ,  que  cette  profonde  plaie  avoit  été  guérie  d'une  manière  manifef- 
temeat  Miraculeufe;  puisqu'elle  l'a  été ,  non  par  l'unique  moyen  que  la  nature  peut 
employer  en  pareil  cas,  mais  par  une  création  nouvelle  &  fubite  d'une  chair  &  d'une 
peau  aulfi  ré.  uliéiement  organifées,  que  s'il  n'y  avoit  jamais  eu  debleflure.  Comment 
donc  peut-on  refufer  de  reconnoitre  ici  le  doigt  du  Tout-puiiïant  ? 

Il  eft  même  certain  que  non  feulement  la  guérifon  de  cette  horrible  écorchure  &  de 
tous  ks  ulcères  des  doigts ,  mais  auflî  que  celles  d;s  trous  profonds  qui  avoient  pour- 
ri l.s  TÎies  &  les  reins,  a  pareillement  été  opérée  fans  qu'il  fe  foit  formé  de  cicatri- 
ce, &  qu'une  chair  faine  &  parfaite  à  été  tout  à  coup  fubftituée  à  la  place  de  toutes 
ces  bleflTures  mvéterées.  Or  quel  autre  que  Celui  dont  la  volonté  fait  les  ctres,  a  pu 
exécuter  de  telles  Merveilles? 

Non  feulement  il  a  fallu ,  pour  remplacer  fubitement  le  vuide  creufé  dans  les  chairs 
par  le  venin  corrofif  de  toutes  ces  phies ,  reproduire  en  un  moment  toutes  les  fibres, 
qui  compofcnt  la  mafle  des  mufdes:  mais  il. a  fallu  créer  en  même  tcms  une  multitude 
de  rameaux  des  veines  qui  font  elTcntielles  pour  humeder  &  nourrir  continuellement  ces 
mufdes:  il  a  fallu  régénérer  cette  grande  quantité  de  petites  branches  de  nerfs,  pour 
leur  apporter  la  limpne  fubtile  qui  les  anime,  qui  les  rend  fenfibles  &  leur  procure  le 
mou  ement.  Enfin  il  a  fallu  couvrir  en  un  inftant  tout  cela  d'une  peau  tapiffée  en  def- 
fous  par  un  grand  nombre  de  petites  glandes ,  dont  la  ftruclure  eft  merveilleufe ,  &  qui 
font  néc'flaires  aux  chairs  &  à  la  peau  pour  plufieurs  fondions. 

I  Lenre  M.  l'Evéque  de  Bethléem  Cou  le  Père  Dom  la  Tafte)  avoue ,  &  donne  même  pour  un 
1  heol.  pa^.  ^^-^^jp^  certain  , . .  ejfte  le  démon  ne  fauroit  guérir  une  maladie ,  fi  elle  ne  peut  être  guérie 

far  aucun  rcjfort  de  la  nature.  Comment  ce  Prélat  peut-il  donc  contefter  que  le  Klira- 
cle  opéré  fur  la  DcnoifL-Ue  Thibault  ne  foit  l'œuvre  de  Dieu?  Im.igine-t-il ,  qu'il  y 
ait  quelque  rejfort  dans  la  nature  capable  de  produire  fubitement  toutc>  les  p.irties  acf- 
mirablement  organifées  qui  compofent  les  chairs  &  la  peau,  &  de  leur  faire  remplir 
tout  à  coup  la  pla  e  de  pi  ies  &  de  blelfures  dont  il  fortoit  depuis  longtems  une  infec- 
tion épouvantable?  Puisqu'il  convient  fi  préciféme  t  du  principe,  comment  ofe-t-il 
combattre  avec  tanr  d'opiniâtreté  les  conféquences  néceffaires  qui  en  nailfent  ?    „  On 

II  Uttre  5>  entend  par  Miracle,  dit-il  encore ,  un  événement  fupérieur  ou  contraire  aux  loix  de 
Ti.wi.  p.     ^^  ]_,  nature.  " 

^^'"  Mais  n'cft-il  pas  d'une  évidence  palpable,  que  la  guérifon   en  queftion  eft  en  même 

tCTis  très  fupérieure  &  manifcftem:nt  contraire  aux  loix  naturelles  &  permanentes  que 
Dieu  a  étiblies  depuis  l'origine  du  monde,  pour  la  guérifon  des  plaies?  C  eft  donc  ici 
un  vrai  Afiracle.     Or  ce  Prélat  convient  lui  même  qu:'  les  démons  n'en  peuvent   faire 

IHJ  r.  ^Ci.  tle  tels,   &  qu'ils  font  oififs,  dés  que  la  n.vure  ne  leur  offre  point  les  moyens  J  agir. 

Encore  s'il  n'y  a'oit  que  cette  feule  Guéri'bn,  où  l'opération  liu  Tout-puiflant  fe 
fût  fait  voir  de  nos  jours  à  découver* ,  l'incrédulité  de  ce  Prcht  fc  de  tous  ceux  qui 
s'obftinent  à  pcnfer  comme  lui,  fcroit  moins  incxcufable:  mais  qu'il  parcoure  mes 
trois  Tomes,  &  il  y  trouvera  plufieurs  Démonftrations  d'autres  Miracles  tout  aulfima- 
ftififtcment  Divins:  il  fc  fuitir*  même  forcé  iiuéi  icurcmcnt  de  rcconaoïtrc  que  mes  Piè- 
ces 


EN     F  A  VE  V  R     DE     L'  A  P  P  E  L. 


il 


ces  juftificatives  contiennent  des  preuves  invincibles  de  Guéiifons  qui  fuivant  fes  pro-   Dissert. 
pies  principes  foat  évidemment  f-ipérkares  k  tout  pouvoir  créé.  sur  lmut. 

Mais  d.ms  h  crainte  qu'il  ne  veuiU:  pas  prendre  la  peine  de  les   lire,  mettons  fous  °es  «'*• 
fès  yeux  dans  cette  Difleitation  (qu'il  lira  fans  doute,  parceque  je  vais  y  attaquer  fes 
Ouvmges)  trois  ou  quatre  autres  Extraits  de  Miracles,  où  il  y  a  eu  des  créations  en- 
core plus  vifibles  &  plus  palpables  que  dans  la  gue'rifon  de  la  Demoifelle  Thibault. 

Quelque  pre'venu  que  foit  ce  Prélat,  il  n'ofera  nier  que  toute  création,  ne  fiit-ce 
que  d'une  petite  fibre,  ne  fût-ce  que  d'un  fimple  atome,  ne  foit  un  des  appauages  in- 
communicables de  la  Toute-puiflance  du  Créateur.  Il  en  établit  lui-même  le  principe 
dans  plufieurs  de  fes  Lettres.  £7?-//  rien  de  plus  divin ,  s'écrie-t-il ,  efi-il  rien  eu  la  'j„^''"* 
Tottte-puijfance  foit  mieux  martjuée ,  que  défaire  d'un  rien  quelque  chofe  ,  que  de  réalifer 
le  néant  même?  Comment  pourra-t-il  donc  fe  deffendi-edereconnoître  l'ouvrage  de  Dieu 
dans  la  création  de  membres  tous  entiers ,  &  d'organes  qui  n'avoient  point  été  donnés 
lors  de  la  nailTance  ? 

Comment,  par  exemple,  pourra-t-il  refufer  d'adorer  la  main  du  Créateur- dans  la  gué-    ç.]\-- 
rifon  de  la  Demoifelle  Coirin  de  Nanterre?  d'un  Mame- 

Dès  171(5.  il  vint  un  cancer  au  fein  du  côté  gauche  de  cette  Demoifelle,  qui  fit  en  mcn^déirûir 
peu  de  tems  de  fi  funeftes  progrès,  qu'en  1718.  tout  le  côté  de  fon  corps,  où  étoit  depuisdouzc 
le  cancer,  tomba  en  paralyfie  complette,   &  qu'en  1719.  le  virus  du  cancer  ayant  pour-  «nceiV  "" 
ri  le  dedans  du   fein  ,  en  fit  tomber  le  mamellon  tout  d'une  pièce  avec  les   chairs  qui 
l'entouroient  &  qui  étoient  au  dedous.    La  Demoifelle  Maréchal ,  à  la  vue  de  qui    ce 
mammelon  fe  détacha  de  la  mammelle,  déclare  qu'à  la  place   ,,  elle  vit  un  trou  large  à  de^Mad*^" 
„  y  fourrer  une  noix,  &  profond  à  y  fourrer  h  petit  doigt...  &que  depuis  cemo-  Marcchii, 
,,  ment  jufqu'à  la  guérifon  de  la  Demoifelle  Coirin,  le  trou  qui  s'étoit  fait  à  fon  fein  iV'vii"be- 
„  eit  toujours  refté  ainfi  ou\ert,  &:  découlant  des  eaux  ronfles  &  fi  puantes  qu'elles  in-  "^«"Ar  du 
„  fedoient  le  cœur  quand  on  en  approchoit."  '  * 

Ce  fait  ne  peut  pas  être  révoqué  en  doute,  ayant  été  vu  pendant  douze  ans  par 
quantité  de  perfonnes ,  &  entre  autres  par  plufieurs  Chirurgiens  qui  fur  ce  fondement 
O'.t  déclaré  le  mal  abfolument  incurable.  Quelques-uns  d'entre  eux  néanmoins  furent 
d'abord  d'avis  de  couper  le  fein;  mais  les  plus  habiles  jugèrent,  que  l'humeur  cance- 
reufe  ayant  déjà  corrompu  toute  la  mafle  du  fang,  cette  cruelle  opération  feroit  infruc- 
tueufe,  &  ne  feroit  qu'avancer  la  mort  de  la  malade. 

En  effet  ce  fubcil  poifon  s'étoit  déjà  tellement  répandu  dans  le  fang  ,  que  bientôt 
tout  le  corps  en  fut  infecté.  Non  feulement  la  jambe  &  la  cuifle  du  côté  gauche  déjà 
paralytiques  fe  deffecherent  presque  entièrement ,  &  fe  raccourcirent  à  un  point  éton- 
nant, mais  tout  le  refte  du  corps  de  la  Demoifelle  Coirin  devint  hâve  &  décharné, 
&  perdit  prefque  tout  mouvement. 

Forcé  de  refter  nuit  &  jour  immobile  dans  un  lit,  la  puanteur  infiipportable  qui 
s'exhaloit  continuellement  de  fon  fein,  &  la  maigreur  hideufe  de  fon  corps,  dont  la 
cuiflè  &  la  jambe  du  côté  gauche  reflem  loient  à  des  os  de  fquelette  couverte  d'une 
peau  livide,  l'auroient  fans  doute  fait  prendre  pour  un  cadavre,  fi  de  tems  en  tems  fes 
triR-es  plaintes  n'avoient  fait  entendre  qu'elle  refpiroit  encoe.  Auifi ,  difent  fes  Té- 
moins ,  on  s'attendoit  à  tous  momens  qu  elle  alloit  expirer ,  &  on  ne  pouvoit  conce- 
voir comment,  quoique  toujours  moura  .te ,  elle  ne  ceifoit  point  de  vivre. 

Dès  1719.  M.  DvSbriéres  Chirurgien  de  Madame  la  Ducnefle  de   Berri,  ayant  w<, 
dit-il  dans  fon  C  ertificat ,  que  le  bout  de  fin  fein  étoit  tombé,  non  feulement  avoit  jugé ,     x.  Pièce 
e^ue  le  mal  é'oit  abfolur/idKt  incurable,  même  en  coupant   le  fein;  mais    il    crut  dès-lors,  h'.'î'^k''' '* 
ainli  qu'il  le  déclare,  quelle  ne  pouvoit  pas  vivre  en  cet  état  plus  de  trois  'mois. 

Il  en  jugeait  fuivant  les  régies  de-fon  Art;  mais  le  Maître  de  la  vie  &  de  la  mort 
en  avoit  autrement  oirdoiuié.    Pour  rendre  plus  authentique  le  Miracle  qu'il  avoit  ré- 

C  5  fclu 


li  MIRACLES     DECRrATION 

Dissert. ^olu  de  faire,  il  conferva  U  vie  à  cette  malade  pendant  douze  ans,  en  la  laiflant  pen- 
surl'aut.  dant  tout  ce  tems  à  la  porte  de  la  mort. 

«cjMiR.  Ceoendant  l'extrémité'  oii  elle  e'toit  réduite,  devint  tous  les  jours  de  plus  en  plus 
afireufe,  fur-tout  pendant  k  dernier  mois  qui  précéda  fa  guérifon,  étant  reftée  fans  re- 
lâche dans  une  efpèce  d'Agonie. 

Enfin  le  9.  Août  1751.  il  lui  mit  dans  le  cœur  d'envoyer  chercher  de  la  terre  au- 
près du  Tombeau  du  plus  célèbre  Thaumaturge  de  nos  jours ,  &  de  faire  toucher  une 
de  fes  chemifes  à  cette  Tomb:  d'oii  fortoit  la  vie. 

Avant  qu'on  eut  exécuté  ce  qu'elle  fouhaitoit ,  el'e  fubit  une  nouvelle  épreuve.  Le 
dix  elle  tomba  dans  une  Agonie  encore  plus  forte  qu'auparavant. 

Mais  le  11.  Août  au  foir ,  à  peine  lui  eut-on  mis  une  chemife  qui  avoit  touché  le 
Sépulcre  falutaire,  qu'elle  commeni^a  à  éprouver  les  faveurs  du  Tout-puiflant.  Cette 
impotente  qui  depuis  long-tems  reftoit  comme  clouée  oxa  on  la  mettoit ,  ne  pouvant  fai- 
re aucun  uO.ge  ai  h  plûpnrt  de  Tes  membres  glacés  &  perclus,  fent  tout  à  coup  des  ef- 
prits  de  feu  qui  portent  la  vie  dans  tout  fon  corps. 

Le  lendemain  12.  pleine  de  confiance,  elle  couvre  le  trou  de  fon  cancer  avec  la  pré- 
cieiife  terre,  &;  aulTi-tôt  elle  apperçoit  c^ue  ce  tron  commence  a  fe  reboucher  ;  &  la  nuit 
du  II.  au  13.  fcs  membres  immobiles,  rétrécis,  décharnés,  fe  vivifient,  fe  raniment, 
s'étendent,  en  forte  qu'elle  cfl:  en  état  dès  le  matin  de  fe  lever  &  de  s'habiller. 

Depuis  ce  moment  chaque  jour  voit  cclon-c  fur  elle  quelque  nouveau  Prodige.  Ses 
membres  defféchés  &  racourcis ,  fe  regarnifT-'nt  en  peu  de  tcms  de  chairs,  reprennent 
de  jour  en  jour  leur  croilTance ,  &  recouvrent  toutes  les  parties  que  leur  deffechement 
leur  avoit  fait  perdre  drpuis  plufieurs  années.  Enfin  le  trou  du  fein  fe  remplit  fans  ci- 
catrice ;  &  ce  qui  dans  une  autre  Siècle  auroit  fait  l'admiration  de  toute  la  Terre  ,  Dieu 
donne  une  féconde  fois  l'être  au  Mamelon  totalement  détruit  depuis  douze  ans. 

Que  pourra  objecter  M.  l'Evéque  de  Bethléem  contre  un  tel  Miracle?  Niera-t-il 
les  faits?  Mais  ils  font  de  la  connoiffànce  de  toute  la  Ville  de  Nanterre,  &  ils  font 
certifiés  par  des  Témoins  oculaires,  des  Témoins  au  delFus  de  tout  foupçon,  &  entre 
autres  des  Maîtres  de  lArt. 


'ennuyer  ceux  des  Lecteurs  qui  les  ont  deja  lues  :  mais  néanmoins  comme  u  peut 
y  avoir  quelqu'un  qui  n'ait  que  mon  fécond  Tome ,  qu'il  me  foit  du  moins  permis 
de  rapporter  un  court  extrait  du  Témoignage  du  Chirurgien  qui  a  toujours  eu  foin 
de  la  Dcmoifelle  Coirin  d?puis  1716.  jufqu'à  fa  guérifon. 

Il  mérite  d'autant  plus  de  confiance,  qu'il  eft  Religieux   de   Sainte  Geneviève,  & 
qu'avant  de  s'être  donné  tout  entier  à  Dieu ,    il  avoir  acquis  beaucoup  de  réputation 
«dans  les  armées  où  il  étoit  Chirurgien  major. 
Ctnlf.  du     A  l'égard  de  la  paraly fie ,  il  certifie  que  tous  fes  remèdes-. . .  nefrocurérent  Aucun  ftulage- 
fl'l  ^p,(  ce"  '  "*""  ài^  Demoifclle,  &qu'  „au  contraire  fa  paraly  fie  augmenta  tous  les  jours  de  plus  en 
juiùf.  ,,  plus,  au  point  que  d  jambe  devint  retirée  &  atrophiée,  deflcchée  ic  privée  des  ef- 

prits,  qui  doivent  l'animer;  &  que  quand  on  la  levoit  pour  faire  fon  lit,  il  falloir 
la  porter  dans  fon  fauteuil  comme  un  corps  mort ,  &  qu'une  infinité  de  fois  on  3 
cru  qu'elle  ne  palfcroit  pas  la  nuit,  &  fur-tout  avant  le  tcms  qui  a  précédé  la  gué- 
rifon ...  Qu'il  cft  de  fj  connoilfance  qu'étant  réduite  en  cet  état  déplorab'e,  cil.;  a 
3  fnit  commencer  une  neuvaine  au  Tombeau  de  M.  de  Paris  par  Geneviève  de  la 
de  la  Mare  le  ir.  Août  i-^.  que  cette  femme  lui  a  apporté  de  la  terre  du  Tom- 
beau, avec  laquelle  elle  commenta  à  fe  frotter  le  i:.  &  que  dès  le  15.  elle  fe  trouva 
en  état  de  fe  lever  &:  d:  s'habiller:  &  dans  le  mois,  dit-il,  elle  parut  guérie  aux 
yeux  de  tous  les  habitans  de  Nantenc,  aufli-bien  qu'aux  miens." 
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EN    FAVEVR    DE    V  A  P  P  E  L.  23 

A  l'égard  du  cancer,  voici  ce  qu'il  obferve.   ,,  Je  certifie,  dit-il,  avoir  vu  ..  il  y  Dissert. 

a  près  de  douze  ans...  que  le  bout  de  fon  fein  étoit  tombé,  &  qu'il  fortoit  du  trou  ^""^^  *"^' 
\    une  férofité  extrêmement  puante ,  roufTàtre  &  fanguinolente ,  ce  qui  ôtoit  toute  efpé-  * 

„  rance  de  guérifon  ...  Je  certifie  de  plus  avoir  vu  la  dite  Demoifelle  en  cet  état ,  & 
„  toujours  de  pis  en  pis  jufqu'au  11.  Août  175 1.  &  que  quelque  tems  après  m'ayant 
„  montré  ...  fa  mamelle  gauche ...  je  la  trouvai  entièrement  &  parfaitement  guérie  & 
„  en  même  état  que  fa  mamelle  droite  :  &  je  remarquai  même  avec  une  extrême  fur- 
,,  prife,  qu'à  la  place  du  trou  que  j'avois  vu,  il  commençoit  à  fe  former  un  mamelon 
„  avec  les  couleurs  &  les  qualités  propres  à  cette  partie  ,  &  tout  femblable  à  celui  de 
,,  la  mamelle  droite,  à  l'exception  feulement  qu'il  n'eft  pas  tout  à  fait  aufli  gros.  Ce 
„  qui  efl:  d'autant  plus  étonnant  qu'il  n'y  a  point -d'exemple,  que  le  bout  d'un  fein 
„  tombé  par  pourriture,  fe  foit  jamais  régénéré." 

S'il  n'eft  pas  poffible  de  nier  les  faits ,  comment  refufer  de  reconnoître  ici  l'opération 
du  Tout-puiflant ,  fur-tout  dans  la  création  du  mamelon  totalement  anaéanti  depuis  tant 
d'années. 

1.  L'expérience  de  tous  les  Siècles  a  appris  a  tous  les  Maîtres  de  l'art ,  que  les  plaies 
faites  par  un  cancer  ne  fe  guériflent  jamais  :  ce  qui  fait  dire  à   M.  Gaulard  Médecin 

du  Roi  dans  la  Diflertation  fur  ce  Miracle  ,  qu';7  efl  notoirement  connu  qu'un  cancer  ul-   XIX.  P^« 
ceré  nefi  curable  que  par  l'amputation  de  la  partie  canccreufe.  '"'^^ 

2.  Quand  on  fuppoferoit  contre  l'expérience  univerfelle  de  tous  les  hommes  depuis 
la  création  du  monde,  que  ces  plaies  pourroient  fe  refermer,  du  moins  ce  ne  pourroit 
être  que  par  une  cicatrice  ,  Dieu  n'ayant  pas  mis  dans  la  nature  la  faculté  de  régénérer 
les  chairs  d'une  manière  parfaite.  Or  il  eft  certain,  qu'il  n'y  a  aucune  cicatrice  au 
fein  de  la  Demoifelle  Coirin.  Le  Lefteur  en  a  déjà  vu  la  preuve  dans  le  Certificat 
du  Frère  Seguier ,  puifqu'il  y  attefte  ,  qu'il  a  trouvé  la  mamelle  gauche  ...au  même 
état  que  la  mamelle  droite  :  ce  qui  eft  conforme  à  ce  que  difcnt  d'autres  témoins,  qu'ils 
n'ont  plus  trouvé  au  fein  de  la  Demoifelle  Coirin  aucun  vefiige  du  trou  qui  y  étoit  a- 
vant  fa  guérifon.     Mais  en  voici  encore  un  témoignage  plus  précis. 

La  Demoifelle  Coirin  ayant  appris  en  1753.  qu'on  faifoit  courir  le  bruit  à  Paris  qu'il 
lui  étoit  revenu  un  cancer  au  fein  ,  vint  exprès  dans  cette  Ville  pour  en  donner  le  dé- 
menti aux  Adverfaires  des  œuvres  de  Dieu.  Elle  fit  vifiter  fon  fein  par  M.  Souchai 
Chirurgien  de  M.  le  Prince  de  Conti  ,  &  le  mena  avec  elle  chez  M.  Sellier  Notaire , 
devant  qui  M.  Souchai  fit  fa  déclaration  :  „  Qu'il  a  ce  jour-là  vu  &  vifité  le  fein  de 
„  la  Demoifelle  Coirin  ,  qu'il  a  trouvé  les  deux  mamelles  dans  leur  état  naturel  ,  &  Comparu- 
„  la  couleur  de  la  peau  dans  fon  état  naturel  ,  égale  en  tout  fur  les  deux  mamelles  . . .  £)°^ofiéne 
„  ayant  chacune  un  mamelon  avec  les  couleurs  &  les  quahtés  propres  à  cette  partie.  "    Cuiàn  &  de 

Si  les  deux  mamelles  font  chacune  dans  leur  état  naturel,  &  fi  leur  peau  eft  toute  ^ez^M.'^sVl- 
cgale,  il  n'y  a  donc  point  de  cicatrice.     Car  lorfqu'une   cicatrice  eft  large,  &  quelle  lier.i.'-f'"" 
a  rempli  un  trou  profond ,  fes  inegahtés  &  fa  conftrudion  irréguliére  ne  manquent  ja-  '"^  '  ' 
mais  d'être  très  vifibles.     C'eft  au  furplus  un  fait  qui  a  autant  de  témoins  ,    qu'il  y  a 
cû  de  perfonnes  du  Sexe    en  qui  le  bruit  de  cette  étonnante  Merveille  a  fait  naître  la 
curiofité,  foit  à   bonne  ou   à  mauvaife  intention,  de  vifiter  le   fein  de  h  Demoifelle 
Coirin.     C'cft  un  fait  fubfiftant  depuis  173 1.  Ainfi  ce  n'eft  pas   un  fait  fur  lequel  on 
puifle  jetter  aucune  ombre  d'incertitude. 

Il  eft  donc  d'une  évidence  manifefte,  que  ce  n'eft  point  conformément  aux  loix  qui 
régiflent  la  nature,  que  ce  fein  a  été  guéri.  Le  Tout-puiflant  a  voulu  le  rétablir  en 
Dieu,  non  en  rempliflant  la  plaie  par  un  corps  différent  ,  tel  qu'eft  une  cicatrice, mais 
en  créant  de  nouveau  un  Mamelon  compofé  de  toutes  les  différentes  parties,  de  tous 
les  vaifleaux,  les  veines,  les  nerfs  ,  les  glandes  &  les  petits  réfcrvoiis  ,  qui  le  rendent 
un  membre  parfait. 

3 .  Une 


,^.  MIRACLES    DK    CRE' A  TIOM 

DissïaT       \-   Une  cicatrice  ne  peut  jamais  reproduire  le  bout  d'un  fein.     Vn  mamelâfi,  dît 

surl'aut.M.  Gauhrd,  dans  fa  Dillertntion  que  j'ai  déjà  Citée  ,    nej}  p:ts  une  continuïte  des  vaif- 

DEsMiR.     fcaux  de  lit  m.tmelle  ...    C'ej}  un  corps  particulier,  qui  eji  d'une  organifation  di/tinde  (^ 

XIX.  Pitce yj-v,^^/^^  Si  qui  a  plufieurs  parties  qui  lui  font  propres.    C'eft  un  corps  différent  de  ce- 

'"'^'  lui  de  la  mamelle,  &  qui  »eji  pas  une  partie  moins  organisée  que  la  mamelle  entière.  C'^ft 

un  corps  composé  de  vaiffeaux  Jins  O"  délicats  ,  d'un  grand  mmbre  de  nerfs  ,  ^ui  le  rendent 

d'un  fentimer.t  exqnis ,  df  de  plujieurs  glandes  qui  font  formées  dans  ku-méme. 

Or  comment  un  corps  qui  a  une  organifation  qui  lui  eft  particulière  &  différente  de 
celle  de  la  mamelle ,  pourroit-il  être  renouvelle  par  une  cicatrice  formée  dans  la  mamelr 
Ic ,  &:  qui  ne  pourroit  être  autre  chofe  que  l'allongement  des  fibres  de  cette  mamelle ,  ou 
pour  mieux  dire  que  l'épaiiTilTemcnt  du  fuc  nourricier  colé  au  bout  de  ces  fibres? 
N'eft-il  pas  évident  ,  que  dès  que  le  mamelon  n'eft  pas  une  continuation  des  vaifleaux 
de  la  mam;lle,  il  ne  peut  pas  être  fo  mé  par  l'accroilfement  de  ces  vaifleaux  ? 

C'eft  un  corps  particulier:  c'eft  un  corps  d'une  organifation  firguliére:  c'eft  un 
corps  compofc  d'un  très  grand  nombre  de  différentes  parties ,  dont  la  conftruftion  eft 
d'autant  plus  admirable ,  qu  elles  font  la  plupart  d'une  fincfle  extrême  8c  d'une  très 
çrande  délicateftc  :  enfin  c'eft  un  corps  tout  rempli  de  glandes,  dont  la  ftrufture  eft 
formée  drins  lui-même.  Or  ce  corps  a  été  annéanti  pendant  douze  ans  avec  toutes  les 
chairs ,  dont  il  étoit  entourré  ,  &:  celles  fur  lefquelles  il  pofoit.  Qiiel  autre  que  le  Créa- 
teur eût  pu  lui  donner  un  nouvel  être  ; 

Ce  n'eft  pas  ici  fimplement  une  régénération  ,  c'eft  évidemment  une  création  nouvel- 
le: c'eft  la  produétion  d'un  corps,  dont  la  fubftance  n'exiftoit  pas  auparavant.  Or  M. 
XIl.Lett.   l'Evéque  de  Bethléem  décide  lui-même  en  termes  formels:  que  la  produSlion  d'un  corps  y 
VK^iTiAe,  dont  la  fuhJléiHce  n'cxi/eroit  pas  auparavant ,  /croit  un   effet  certainement  Divin .. .   car»/ 
p-  î+î-  „'cfi  pgi„f     ajoute-t-il,  d'opération  plus  merveilleufe  que  celle  qui  a  le  néant  pour  fujet. 

.         Il  donne  même  de  pareilles  produftions  ,    c'eft  a  dire  la  producliv»  d'un  corps  vivant 
'  '  ^  4nimé  par  d'autres  voies  que  par  celles  de  la  génération  ordinaire ,  pour  une  preuve  évi- 
dente de  l'avion  d'un  être  fouverainement  grand  cr  puijfant ,  &  pour  un  Miracle  évidem- 
ment fupc' rieur  à  tout  autre  qu'au  Dieu  Créateur.  On  le  fcnt ,  s'écrie-t-il,  des  qu'on  ren- 
tre en  foi-mème.    Auffi  les  Philofophes  de  toutes  les  Religions  l' ont-ils  compris  çr  enfeigné. 

En  effet ,  dit-il  encore  ,  comment  croire  qu'un  être  borné  dans  fon  pouvoir  tr  fes  lumiè- 
res tel  que  le  démon  ,  [oit  capable  de  former  cette  multitude  injinie  de  parties  très  délica- 
&'jî9^"  "^'  tes  '  dont  le  corps  humain  n'eft  qu'un  affemblage  ?  ...  Combien  de  Merveilles  dans  une  feu- 
le de  ces  parties  ?  Ouï ,  je  défie  la  raifon  la  plusfubtile,  s'écric-t-il  de  toutes  fes  forces , 
d'imaginer  un  moyen  apparent  d'éluder  cette  preuve  ,  nul  ne  peut  y  rejtjler  fans  lutter  cen- 
tre fa  raifon  cj-  ft  confcicnce. 

] 'ai. donc  tout  lieu  d'efpérer  ,  que  M.  l'Evcque  de  Bethléem  ne  réfiftera  pas  davan- 
tage à  la  fienne,  &  qu'a  la  vue  d'un  Miracle  aullî  inconteftablement  Divin  que  celui  que 
Dieu  a  opéré  en  faveur  de  la  Demoifelle  Coirin  ,  dont  il  trouvera  des  preuves  invinci- 
bles dans  mon  premier  Tome,  il  rcconnoitia  enfin, que  Dieu  eft  avec  nous,  que  Dieu 
eft  pour  nous ,  5:  qu'il  décide  clairement  par  des  Mcrveilhs  marquées  au  f,,eau  incom- 
municable de  fî  Toiitc-puiflance,  que  l'Appel  eft  la  voie  qui  mené  à  la  vie  ,  Je  chemin 
qui  aujourd'hui  conduit  au  Ciel. 

Au  refte  quoique  les  autres  créations ,  qu'il  a  fallu  que  Dieu  fit  pour  donner  pref- 
que  fubittment  à  la  cuifle  &  à  la  jambe  dclféchées  &  racourcies  de  la  Demoifelle  Coi- 
rin,  tout  ce  qui  leur  étoit  nécclTiirc  pour  les  rendre  capables  d'agir:  quoique  ces  créa- 
tions, dis-je,  ne  foient  pas  aulfi  frappantes  que  celle  du  Mamelon  ,  ell.s  n'en  font  pas 
moins  ré  lle<. 

En  effet  comment  la  moitié  d'un  corps  tombée  en  panlyfie  compktte  depuis  plus  de 
treize  ans,  &  par  conféqucnt  privé  depuis  ce  tems  de  tous  les  cfprits  qui  animent  & 

don- 


ENFArEVRDEru4P?^L:  Ï5 

donnent  la  force,  le  mouvement  &  la  fenfibilité:  comment  une  cuifle  &  une  jambe  qui  Dissert; 
depuis  onze  ans  étoient  fi  excelTivement  deflechces ,    qu'elles  s'étoient  confidcrablement  ^"'^'-''^"t. 
racourcies  ,    &  qu'elles  ne  paroiffoient  plus  que  des  os  couverts  d'une  peau  aride  ,    au-  °^*  **"^* 
roient-elles  pu  à  l'aide  d'un  peu  de  terre ,  fe  trouver  fubitement  en  état  d'agir ,  fi  Dieu 
n'y  avoit  repro.luit  toutes  les  parties  qui   avoient   été  détruites ,   &   qui  étoient  cepen- 
dant eilentiellement  nécelTaircs  pour  exécuter  le  moindre  mouvement  ? 

Il  efl:  inconteftalile ,  que  les  nerfs  de  cette  jambe  &  de  cette  cuifle  ayant  été  fi  long- 
tems  fans  être  humedés  par  les  efprits  animaux  ,  s'étoient  deflechés  ,  rétrécis ,  racor- 
nis, &  par  conféquent  que  tous  les  pores  des  nerfs  par  où  ces  efprits  coulent,  s'étoient 
bouchés  &  effacés. 

Il  eft  encore  plus  évident,  que  la  cuiffe  &  la  jambe  ne  paroiffant  plus  avoir  de  chair, 
il  falloit  nécelfairement  ou  que  tous  les  mufcles  fe  fud'ent  diflipés  &  annésntis  faute  d'ef- 
prits  &  de  nourriture ,  ou  du  moins  qu'ils  fuffent  fi  fort  exténués  &  applatis  qu'ils 
n'occupoient  prefque  plus  de  plac°.  Or  c'eft  un  principe  d'Anatomie  confirme  par 
une  expérience  perpétuelle ,  que  des  mufcles  réduits  en  cet  état  ont  infailliblement  perdu 
toutes  les  ouvertures  de  leurs  tuyaux ,  parce  que  leurs  parois  intérieurs  ne  manquent 
jamais  de  fe  coller  &  de  fe  réunir  enfemble ,  lorfque  les  mufcles  s'applatiffent  &  fe  déf- 
icellent; &  il  eft  également  indubitable  ,  que  cela  ne  peut  jamais  fe  rétablir,  la  nature 
n'ayant  aucun  moyen  de  creufer  de  nouveaux  tuyaux  dans  cette  maffe  aride ,  qui  n'eft 
p'us  organifée  :  au  moyen  de  quoi  ces  mufcles  applatis  deviennent  abfolument  incapa- 
bles de  faire  aucun  mouvement ,  parce  qu'il  ne  peut  s'exécuter  que  par  le  gonflement  de 
lears  tuyaux,  qui^n'eft  produit  que  par  l'affluence  de  la  limphe  fubtile  ,  lorfqu'elle  y 
coule  &  les  remplit. 

Cependant  dès  la  nuit  du  ii.  au  15.  Août,  fitôt  que  la  Demoifelle  Coirineût  com- 
mencé à  faire  ufage  de  la  terre  du  fakitaire  Tombeau,  tout  fon  corps  fe  ranime,  &  el- 
le fe  trouve  dès  le  matin  en  état  de  fe  lever  feule  &  de  s'habiller.  Sa  cuifle  &  fa  jam- 
be,  immobiles  depuis  treize  ans ,  &  depuis  onze  ans  décharnées ,  retiré.'S  &  racourcies, 
fe  raniment  ,  fe  déploient  &  s'al'ongent.  Elle  fe  foutient  déji  fur  le  bout  du  pied  de 
cette  jambe  depuis  fi  long-tems  beaucoup  plus  courte  que  l'autre  ;  &  peu  de  jours 
après  fa  jambe  &  fa  cuiffe  recouvrent  toute  leur  étendue  naturelle  &  toute  leur  vigueur. 
Par  conféquent  il  a  fallu  que  dès  le  premier  jour  ,  Dieu  ait  régénéré  autour  des  os  dé- 
charnés f  qui  tenoient  lieu  de  jambe  &  de  cuiffe  à  cette  vieille  Demoifel'e)  une  quan- 
tité fuffifante  de  nerfs ,  de  mufcles,  de  tendons ,  qui  euffent  les  tuyaux  ,  les  cavités ,  les 
pores,  les  conduits  ,  les  refforts  ,  la  force,  k  foupleffe,  l'élafticité,  &  toutes  les  au- 
tres parties  &  qualités  néceflaires  pour  agir  ,  &  fans  lefquelles  il  eft  phyfiquement  im- 
poffible  d'.xecuter  aucun  mouvemenr.  Enfin  il  a  été  vifible,  qu'en  peu  de  jours  Dieu 
a  enfuite  donné  une  intégrité  parfaite  à  cette  cuiffe  &  à  cette  jambe.  Or  tout  cela  a-t- 
il  pu  fe  faire  autrement  que  par  création  %  Les  caufes  naturelles  peuvent-elles  jamais 
produire  de  tels  effets  ?  Peut-on  le  fuppofer  fans  chercher  à  s'aveugler  foi-même  ? 
N'eft-il  pas  évid-ent,  qu'il  n'y  a  que  le  Créateur  des  êtres,  qui  puiffe  ainfi  réparer 
parfaitement  toute  l'admirable  ftruiture  de  membres  qui  ont  perdu  tant  de  parties  ef- 
ientielles  ? 

Voici  un  autre  Miracle  prefque   femblable,  mais  encore   plus  frappant,  parce  que      ^'fî- 
Dieu  l'a  opéré  d'une  manière  plus  prompte.     Si  RI.  l'Evéque  de  Bethléem  prend  la  bhrde'tou- 
peine  de  lire  ces  deux  Tomes  ,    il  y  trouvera  tout  au  commencement  une  multitude  de  «s  ies?arùc» 
Témoins  qui  lui  attefteront  qu'Anne  Augier*,  lors  de  fa  guéri  fon  fubite,  avoit  les  quoientàcle» 
deux  jambes  paralytiques   depuis  vingt-deux  ans  :  que  cette  paralyfie  étoit  devenue  Ci  j?™''//  ^f'- 
complette  dès  les  premiers  jours  ,  qu'on  lui  enfonçoit    des  épingles  &  même  des  clous  puis  vingt 
dans  les  jambes  ,    fans  que  cela  lui  caufit  la  moindre  douleur  ;  &  qu'au  bout  de  quel-  ^"'" 
ques  mois  fe>  jambes  fe  deffécherent  fi  fort  ,    qu'il  n'y  refta  que  les  os  &  la  peau.    // nio*nft  d^"!- 

Dijfcn.Tom.II.  '        '  D  w'^r  Volume. 


MlHACh'ES     DE     CREATION 


tvoit  ni  chair ,  ni  mollet:  Us  os  ctoient  couverts  feulement  d'une  peau  feche  &  livide  ^ô" 
d'une  venue  comme  deux  hâtons^  difent  les  Témoins  qui  les  ont  examines  de  plus  près. 


Dissert,  nj  tiz 
soR  l'aut.  jg^f  d'une  venue  comme  deux  bâtons^  difent  les  Témoins  qui  les  ont  examines  de  plus  pr 
DES  MiR.  ji  s^xrx  en  mcme  tems  dans  des  Rapports  de  Chirurgiens  ?s.  dans  les  Certificats  de 
ThévcDj'c' plufieiTS  autres  perfonnes,  que  fept  ans  avant  le  Miracle  il  vint  un  cancer  au  fein  de 
5jimon&  (.gttg  Fille,  qui  au  bout  de  quatre  ans  s'ouvrit  en  ulcère,  &  peu  après  forma  une  fiftu- 
v.'picce  le,  qui  fervoit  de  décharge  à  la  pourriture  du  fang  &  des  chairs  que  ce  cancer  cor- 
'■""'f-  rompoit. 

Il  entendra  auffi  un  très  grand  nombre  de  Témoins  lui  certifier ,  qu'elle  avoir  de? 
plaies  en  plufieurs  endroits  de  Ton  corps.  Enfin  il  fera  lui-même  force  de  reconnoitre, 
qu'il  eft  prouvé  d'une  manière  invincible  que  cette  Fille,  dans  le  tems  qu'elle  paroiflToit 
prête  à  rendre  l'ame,  fut  guérie  fubitement  de  tous  fes  maux  fur  le  Tombeau  de  M, 
Roufle,  dans  le  moment  de  l'Offertoire  d'une  Meffe  qu'on  difoit  à  fon  intention. 

Tout  à  coup  le  cancer  ulcéré,  la  fiflule  &  les  plaies  disparoiflent  &:  ceffent  d'être: 
tous  les  trous  qu'ils  avoicnt  formés,  font  remplis  par  une  chair  créée  en  un  inftant,  & 
recouverts  d'une  peau  nouvelle.  Anne  Augier  fe  trouve  ainfi  dans  une  fanté  parfaite. 
De  plus  les  triftes  débris  des  jambes  ,  qu'elle  avoit  perdues  il  y  avoit  plus  de  vingt 
ans,  je  veux  dire  les  oflemens  arides  couverts  d'une  peau  defféchée,  qui  pendoient  i- 
nutilement  au  bout  de  fes  genoux ,  font  fubitement  regarnis  de  nerfs ,  de  muscles  &  de 
tendons  avec  toutes  les  qualités  &  les  parties  eflentielles  pour  les  rendre  capables  de  mou- 
vement. En  forte  que  la  Miraculée  fe  jette  à  genoux,  a  la  force  de  s'y  tenir  aflez 
long-tems  fans  aucun  appui,  marche  dès  le  premier  jour  &  le  premier  moment,  monte 
&  defcend  un  efcalier  ;  &  d:puis,  chaque  jour  fes  jambes  rcprenpent  presqu'à  vue 
d'oeil  toutes  les  chairs  quelles  avoient  eues  avant  leur  affieux  deifcchement ,  &:  acqui- 
rent tant  de  vigueur,  qu'au  bout  de  laNeuvaine  elle  fait  plus  d'un  quart  de  lieue  à  pied. 
Ht.  Letf.  ^l-    l'Evcque  de  Bethléem  convient  lui  même  exprelfément ,  que  tous  les  Afiracles 

Theologiq.    aut  fait   le  démon  (  ce  font  fes  termes  )  il  ne  les  fait  cjuen  mettant  invijiblement  en  aEiiott 
^'  '  '  les  caufes  naturelles.    Ce  Prélat  croit-il  donc  qu'il  y  ait  des  caufes  naturelles  qui  puiflent 

tirer  du  néant  toutes  les  parties  qui  étoient  détruites  depuis  plus  de  vingt   ans  dans  les 
jambes  d'Anne  Augier  ,  guérir  fubitement  un  cancer  ulcéré,  faire  disparoître  tout  à 
coup  une  fiftule  &  une  multitude  de  plaies?  Conçoit- il  qu'il  y  ait  quelque  venu  dans 
les  liquides  ou  quelque  refTort  dans  les  folides ,  qui  foient  capables  de  produire  des  ef- 
fets (\  Merveilleux  ?  Comment  un  Evcque  ,  un  Succefleur  des  Apôtres  qui  ont  établi 
la  Religion   par  les  Miracles,  oferoit-il  attribuer  un  fi  grand  pouvoir  au  diable,  tan- 
dis que  des  Chirurgiens  de  la  Cour  ont  été  fi   frappés  du  furnaturel  éminent  du  Mira- 
cle dont  il   s'agit,  qu'ils  n'ont   pas  craint  d'hazardcr  leur  fortune,  pour  rendre  un  té- 
moignante éclattant,  que  la  Toute -puiflance  du  Créateur  avoit  feule  le  pouvoir  fuprc- 
me  d'opérer  un  tel  ouvrage. 
DilTcit  de         j>  Depuis  le  long  tems,  dit  M.  Cannac  Chirurgien  major  des  Gardes,  que  les  tuyaux 
M.Cannac.  ^^  ncrvcux  étoieut  affàiflcs ,  ils  étoient  évidemment  dcflcchés ,  &   ils  étoient  par  l.a  de- 
juitif.    ""  5,  venus  abfolument  incapables  de  recevoir  les  esprits  animaux.    En  un  mot  tout  man- 
,,  quoit  dans   les  jambes  d'Anne  Augier  pour  l'ai^ion  &  pour   le  fentiment  ;  &   tout 
„  m.inquoit  depuis  plus  de  vingt  ans.  .  .  .    Dans  cet  état  il  cil  certain,  qu'il  ne  pou- 
„  voit  jamais  y  avoir  de  rcffource,  ni  du  côté  de  la  nature,  ni  du  côté  de   l'art,  & 
,,  que  cette  guérifon  n'a  pu  être  opérée  que  par  le  Créateur  de  l'Univers." 
r.flirt.  de         ,,    Annc  Augier,  dit  M.  Souchai  Chirurgien  de  M.  le  Prince  de  Conti ,  n'a    pu  fiire 
x^u""!'*"'*  "  "3turellcmcnt  tous  ces  mouvemcns,  fans  que  l'es  jambes  aient  été  pourvues  des  orga- 
(oft.f.    '*"  „  ncs  néccffaires   pour  les  exécuter  ....  Il  eft  encore  plus  difficile  de  comprcndi-e 
,,   quelle  ait  pu  marcher  tout  d'un  coup,  fes  jambes  étant  defféchcjs  depuis  vingt  ans, 
„  que  de  croire  que  Dieu  ait  en  un  moment  créé  des  corps  musculcux  garnis  de  tou- 
„  tes  les  parties  qui  ctoient  néccffaires  poiu  l'aélioa  .  .  .  Tous  les  organes  néccffaires 

pour 


P' 


E  N    F  A  F2V  R     DE     V  A  P  P  E  L.  17 

,,  pour  l'aâion  manquoient  abfolument  :  d'oh  il  faut  néceflairement  conclurre  ,  qu'il  Dissert. 
„  s'eft  fait  tout  d'un  coup  dans  fes  jambes  une  régénération  nouvelle  de  fibres  char- ^"'^''■'^"^• 
„  nues,  &  de  vaifleaux  de  tout  genre  ...  Or  tout  cela  n'eft  point  poffible  ni  à  la  na-  °^*""^« 
„  ture  ni  à  l'art.   Il  n'y  a  que  Dieu  qui  fafl"e  des  créations.  " 

C'eft  ainfi  que  malgré  les  Puiflances  de  la  Terre ,  le  Toutpuiflant  fait  rendre  témoi- 
gnage à  fes  œuvres  par  qui  il  lui  plaît,  parce  que  c'efl:  lui  qui  en  forme  par  fa  grâce 
la  volonté  &  le  courage  dans  les  cœurs. 

Mais  il  eft  bien  fingulier  de  voir  d'un  côté  un  Evêque  employer  tous  fes  talens  à 
combattre  les  œuvres  de  Dieu,  ou  un  Théologien  devenu  Evêque  en  récompenfe;  & 
de  l'autre  côté  des  Experts  en  Anatomie  fe  facrifier  eux-mêmes  pour  les  attefter  &c 
les  defïcndre  ! 

Oppofons  préfentement  à  M.  de  Bethléem  une  création  d'organes,  que  Dieu  n'avoit  p  .^V- 
point  donnés  lors  de  la  naiffance.    Ce  Prélat  trouvera  des  preuves  invincibles  dans  la  I.  bitedel'ot- 
Partie  de  mes  Obfervations  fur  l' œuvre  des  Convulftons  *  ,  que  lorsque  Catherine  Bi-  ^^'^^^ 
got  vint  au  monde,  le  timpan  ou  tambour  des  oreilles  ,  &   les  nerfs  deftinés  à  faire  *  Pag.  7.85 
diftinguer  la  différence  des  fons  par  la  diverfité  de  leurs  ébranlemens ,  n'avoient  point    "' 
été  formés  dans  fa  téte,&  qu'elle  eft  reftée  dans  cet  état  jusqu'à  l'âge  de  vingt  fix  ans. 

On  a  fait  l'expérience, qu'elle  n'entendoit  pas  même  uncoupde  pijlolettirékfes  oreilles,  ^l^f'^^^^' 
.Or  fi  fes  oreilles  avoient  eu  un  tambour,  &  n'avoient  pas  été  dépourvues  de  tous  les  XI. Puce 
nerfs  finguliers ,  propres  à  faire  entendre  les  fons  ,  il  eft  évident  qu'une  aufll  grande  '"^'^* 
commotion  de  l'air  que  celle  qui  eft  produite  par  un  coup  de  piftolet  tiré  près  des  o- 
reilles,  auroit  néceflairement  retenti  dans  ce  tambour  &:  ébranlé  ces  nerfs.    Il  eft  donc 
inconteftable  que  cette  Fille  n'avoit  point  les  parties  qui  forment  l'organe  de  l'ouïe. 

Cependant  le  51.  Août  175 1.  après  les  plus  violentes  Convulfions,  qui  lui  prennent 
auffitôt  qu'on  la  met  fur  le  Tombeau  du  Bienheureux  M.  de  Paris,  tout  à  coup  cette 
fourde  &  muette  de  naiflance  entend  &c  parle ,  c'eft  à  dire  qu'elle  répète  tout  haut  les 
paroles  qu'elle  entend  ;  &  depuis  ce  moment  elle  n'a  cefle  pendant  plufieurs  mois ,  com- 
me pour  fc'dédommager  de  fon  long  filence,  de  faire  presque  continuelhment  ufage 
de  fa  bouche ,  pour  copier  tous  les  diffcrens  fons  qui  ont  frappé  fes  oreilles. 

Tout  Paris  eft  venu  la  voir.  Aulft  dans  le  nombre  des  Témoins,  qui  ont  attefté  ce 
Miracle  par  écrit,  y  a-t-il  des  perfonnes  d'une  grande  diftindion.  Il  n'eft  donc  plus 
poflible  de  révoquer  en  doute  la  vérité  des  faits ,  d'autant  plus  que  ces  faits  ne  font  pas 
de  nature  à  pouvoir  être  fimulés.  C'eft  depuis  fa  naiflance,  c'eft  pendant  2(5.  ans,  que 
Catherine  Bigot  a  été  fourde  &  muette.  On  a  fait  pendant  ce  tems  un  très  grand  nom- 
bre d'épreuves,  qui  ont  démontré  qu'elle  avoit  été  privée,  lors  de  la  formation  de  fon 
corps  ,  des  parties  intérieures  dans  lesquelles  confifte  l'organe  de  l'ouïe.  Cependant 
Dieu  a  formé  tout  d'un  coup  ces  parties  dans  la  tête  de  cette  Fille  avec  une  telle  per- 
fedion,  que  dès  le  premier  moment  elle  a  entendu  jusqu'au  moindre  bruit,  &  quel- 
le a  imité  avec  le  fon  de  fa  voix  tout  ce  qu'elle  entendoit. 

M.  l'Evêque  de  Bethléem  auroit -il  bien  le  courage  de  nous  donner  le  démon  pour 
uij  créateur  d'organes  ?  Mais  peut  -  être  que  le  timpan  &  les  nerfs  particuliers  qui  com- 
pofent  eflentiellement  l'organe  de  l'ouie ,  font  des  parties  trop   fines ,  trop  déliées  &  . 

trop  légères ,  pour  faire  une  imprefllon  fenfible  fur  le  cœur  de  ce  Prélat.  Préfentons  lui 
donc  la  création  de  membres  plus  matériels ,  &  compofés  d'une  multitude  innombrable 
de  parties  diflerentes. 

Il  trouvera  encore  dans  la  première  ï.  Partie  de  mes  ObCervations  *,  des  preuves  in-/-.  /  Y- 
lurmontabks ,  que  Dieu  a  régénère  &  même  crée  plufieurs  membres  en  la  perfonne  de  d'uoe  main 
Jeanne  Tenardj  mais  je  ne  m'arrêterai  ici  qu'à  la  création  de  la  main.  toute  cnne- 

En  1705.  cette  Fille  qui  pour  lors  n'avoit  que  trois  ans,  fut  enlevée  par  un  tourbil- *Pag. 3«.  & 
Ion  de  vent ,  qui  la  précipita  fi  rudement  par  terre,  que  tout  fon  côté  di'oit  en  fut  brifé.  ^"'^" 

D  2  Sur- 


2,i  MIRACLES     DE     CREATION 

DiisERT.  Sur-tout  fa  main  droite  fut  fi  fort  écrafée  ,  que  toutes  les  parties  dont  elle  étoit 
ïurl'aut.  compofe'e ,  furent  mifes  en  pièces.  Les  os  réduits  en  esquilles, fe  carnifîércnt  &  fc  con- 
BEs  MiR.  fQ,^jir£„t  avec  les  dcbris  des  chairs,  de  la  peau,  des  ongles ,  &  de  toutes  les  autres 
parties  qui  avoient  été  fracaffées  ,  en  forte  que  tout  cela  mêlé  enfemble  ne  compofà 
plus  qu'un  lambeau  de  matière  informe  ,  de  la  grofleur  &  de  la  figure  extérieure  d'une 
grolfe  noix:  &  cette  maffc  confufe  &  inanimée  fe  deffécha  totalement,  &  fe  colla ,  non 
pas  au  bout ,  mais  au  deflbus  du  poignet.  Le  bras  qui  avoit  auffi  été  brifé,  fe  deffécha 
pareillement ,  &  ceffa  de  grandir  depuis  l'âge  de  trois  ans. 

Tels  étoient  depuis  \-fo6.  les  reftes  hideux  de  cette  main,  lorsqu'au  mois  d'Ocflo- 
bre  175 T.  Jeanne  Tenard  habitante  de  Brai  fur  Seine,  ayant  entendu  parler  des  Mira- 
cles que  le  Très-haut  opéroit  fur  le  Tombeau  du  S.  Diacre,  vint  à  Paris  pour  y  récla- 
mer l'intercelTion  de  ce  grand  Serviteur  de  Dieu,. 

A  peine  eft  -  elle  fur  le  Tombeau  falutaire ,  qu'elle  éprouve  les  plus  violentes  Con- 
vullîons.  Dieu  commence  par  lui  rétablir  le  genou ,  dont  les  os  brifés  s'étoient  foudés 
enfemble  dès  1705.  dans  une  attitude  contrefaite. 

Il  régénère  enfuite  fon  bras  dépouillé  totalement  de  chairs ,  &  de  tous  les  vaiffeaux 
qui  entrent  dans  leur  compofition:  peu  à  peu  il  l'allonge,  &:  y  forme  de  nouveau  les  os 
de  l'articulation  du  coude,  qui  avoient  entièrement  perdu  leur  figure. 

Enfin  il  fait  fortir  une  main  toute  entière  du  morceau  confus  de  matière  aride,  fans 
organe  &  fans  fentiment,  qui  ctoit  collé  au  deffous  du  poignet  du  bras  nouvellement 
régénéré. 

On  voit  cette  petite  maffc  hideufe,  defféchée,  couverte  de  terre,  changer  à  vue 
d'œil  de  figure,  de  fubftance,  de  couleur,  &  prendre  celle  de  la  chair:  on  fent  les 
os  de   la  main,  &  enfuite  tous  les  doigts,  fe  former  peu  à  peu.    Quelque  tems  après 
les  ongles  commencent  à  pouffer;  &  la  main  &  les  doigts  fe  groffiffent  &:  s'allongent, 
T)icUt.ic\i  d'une  ntAnicre  fi  fenjible  ^   qu'on  en  appercevoit  la  dijfértuce  d'un  jonr  a  autre.    Bientôt 
j^^^p'j,   ils  prennent  toute  1  étendue  qu'ils  auroient  dû  avoir  naturellement,  &  cette  main  nou- 
dc»  Picccs     velle  acquiert  même  une  figure  plus  belle   que  celle  de  l'autre  main.    Il  eft  vrai  cepen- 
'"  ''■  dant  que  Dieu  par  un  confeil  de  fa  juftice,  n'a  pas  jugé  à  propos  de  lui  donner  la  for- 

ce &■  l'agihté  qu>'une  main   parfaite  doit  avoir. 

Mais  le  grand  Colbert  Evcque  de  Montpellier,  va  répondre  pour  moi  à  cette  diffi- 
culté. „  Toutes  les  voies  de  Dieu,  dit -il,  font  mêlées  de  juftice  &  de  miféricorde. 
Inft  paft  du  „  Il  y  a  affcz  de  lumière  pour  éclairer  ceux  qui  cherchent  à  s'inftruire ,  il  y  a  affcz 
n.  iV'ôJu-   "  d'obscurité  pour  endormir  ceux  qui  ne  veulent  pas  voir.  "  En  efltt  pourroit-on, 
TICS  de  Col-  fans  vouloir  saveueler  volontairement ,  refufer  de  reconnoitre  que  Dieu  feul  peut  créer 

beicTom.lI.  ■  '       ■      i         ■        ■  c  t 

une  mam  anncantie  depuis  vingt -tept  ans  « 

M.  l'Evcque  de  Bethléem  convient  lui-même,  que  le  démon  ne  peut  rien  opérer 
que  par  la  vertu  des  caufes  naturelles.  Il  n'a  donc  pas  le  pouvoir,  non  feulement  de 
cré.r  un  feul  atome,  mais  mêm;  de  rien  faire  qui  foit  contraire  aux  loix  qui  ré'^iffent 
la  nature,  ni  de  leur  faire  rien  produire  au  delà  des  propriétés  que  Dieu  a  jugé  à  pro- 
pos de  lui  donner.  Or  y  a-t-il  dans  la  matière  qulque  propriété,  quelque  vertu  ca- 
pable de  conftruire  avec  les  débris  informes  &  defféchés  d'une  miin  détruite  Jcpuis 
pkis  de  26.  ans,  les  os,  les  muscles,  les  tendons,  la  peau ,  les  ongles,  &:  cette  multi- 
tude inconcevable  de  diverfes  petites  parties,  qui  entrent  dans  la  compofition  d'une  main  ? 

Par  exemple,  de  quelle  quantité  prodicicufe  de  nerfs  une  main  n'a -t -elle  pas  be- 
foin ,  afin  que  les  esprits  animaux  qui  la  rendent  fenfible,  v  foicnt  portés  de  tous  co- 
tés ?  Quelle  multitude  de  vaiffeaux  de  plufieurs  espèces  'ilTérentcs  ne  lui  (ont -ils  pas 
néceffiircs,  pour  y  fiire  couler  le  (mç^  &  toutes  les  autr.s  liqueurs,  qui  drivent  l'hu- 
meéter  &  la  nourrir?  Combien  lui  faut- il  de  petites  gbndes  poue  extraire  ce  fmg,  en 
fépaier  l:s  parties  Uop  acjuçufcs  &  pour  pUiliciirs  .\utrcs  ufages  ?  Les  plus  habiles  Ana>- 

tomiftcs 


ènfafevrdjevappel:-  2^ 

tomiftes  n'ont  point  encore  pu  découvrir  la  totalité  de  la  multitude  innombrable  de  tou-    Uissekt. 
tes  les  parties  qui  font  eflentielles  pour  donner  &  conferver  la  vie,  la  fenfibilite'  &:  le  surl'aut. 
mouvement  aux  moindres  membres:  il  y  en  a  même  plufieurs,  qui  échappent   à  la  °^^'''"'- 
vue,  &  dont  on  ne  connoît  l'exiftence  que  par  les  effets  qu'elles  produifent.    Par  quel- 
le vertu  incompréhenfible ,  la  matière  mife  en  mouvement  par  le  démon  ,  pourroit  -  elle 
donner  l'être  &  la  vie  à  toutes  ces  parties  différentes  ?  La  nature  ne  peut  produire  que 
les  chofes  dont  elle  a  les  germes  :  elle  ne  peut  que  les  développer  &  les  faire  croître 
avec  un  tems  proportionné  à  cet  effet. 

M.  l'Evéque  de  Bethléem  prétendra  - 1  -  il ,  cjue  dans  la  petite  maffe  féche  ,  informe 
inanimée,  qui  étoit  reftée  des  débris  d'une  main  qui  ne  fubfiftoit  plus  depuis  près  de 
27.  ans,  il  y  avoit  des  germes  de  toutes  les  diverfes  parties,  qui  éîoier.t  néceffaires  pour 
reconftruire  cette  main  &  la  rendre  vivante?  Le  moindre  petit  Chirurgien  lui  apprend;. ?, 
que  les  dents  font  les  feules  parties  du  corps  qui  aient  des  germes,  &  que  ce  f;;roit  la 
chofe  du  monde  la  plus  abiurde  que  de  fuppofer  que  les  os,  les  muscles,  les  tendons, 
les  veines  &  les  nerfs  peuvent  fe  reproduire  avec  des  germes. 

Auffi  M.  Mouton ,  l'un  des   plus  habiles  Chirurgiens  de  Paris ,  ayant  vu  ce  petit 
monceau  de  matière  ande  fe  métamorphofer  en  une  main  vivante ,  d'une  grandeur  & 
d'une  figure  naturelle,  n'a  pas  balancé  à  certifier,  que  c'étoit  une  création  qui  n'avoit  Rspport  do 
pii  être  opérée,  que  far  la  main  toute-fmjfante  de  Dieu.  Nul  intérêt  humain  n'a  pu  ar-  m  Mouton 
rêter  fon  zèle,  parce  qu'il  a  cru  qu'ayant  été  témoin  d'un  fi  grand  Miracle,  c'étoit  juftiV.'"* 
pour  lui  un  devoir  indispenfabie  d'en  rendre  hautement  gloire  k  Dieu.    M.  l'Evêque  de 
Bethléem  croit-il  donc  au  contr:;i'e  qu'il  eft  de  fon  devoir  d'en  rendre  gloire  au  diable ?. 

Si  ce  Prélat  veut  prendre  la  peiiiC  de  lire  mon  Troifiéme  Tome ,  il  y  trouvera  enco-        vr. 
re  plufieurs  autres  Miracles  d'autant   plus  merveilleux,  que  Dieu  a  jugé  à  propos  de  dèu""pnib«- 
les  opérer  par  des  moyens  plus  extraordinaires.  en  faveur 

C'eft  par  d'effroyables  coups  qui  dévoient  naturellement  brifer  le  corps  en  pièces  ,  quUn  av^oit 
qu'il  a  rétabli  des  membres  eftropiés,  qu'il  a  donné  une   fi:;ure  régulière  à  ceux  que  ^^^  ^P"^^.^ 

1  •  1  I  1  1  r  •  ,-  .-1  /-  '1  -1  ".des  la  naif- 

la  nature  avoit  rendus  horriblement  contrefaits;  enhn  qu  il  a  forme  des   pieds  &  des  fance  &  qui 
jambes  avec  les  lambeaux  d'une  matière  molle,  confufe  ôc  inanimée.  pï'?sde'so 

Je  ne  parlerai  ici  que  de  ce  dernier  Miracle,  comme  étant  celui  dont  les  opérations  ans- 
équivalentes  à  création,  ont  été  les  plus  vifibles,  les  plus  fenfibles,  les  plus  palpables. 

Charlotte  la  Porte,  pour  qui  Dieu  l'a  opéré,  étoit  née,  pour  ainfi  dire,  fins  pieds 
&  fans  jambes,  n'ayant  à  leur  place  que  deux  morceaux  de  chair  mollajfe ,   &  d'une  /»-    '^«q"éteau 
fenjibilité  enriére,  qui  depuis  le  i6.  Février  1681.  jour  de  fa  naiffance,  jusqu'après  l'a- p.  j. 
ge  de  50.  ans ,  ou  du  moins  depuis  l'âge  de  5.  ans  juscju'après  celui  de  50,  n'avoient 
fris  incant  nourriture ,   n'avoient  acquis  aucun  accroijfement  &  n'avoient  aucune  force,  .p,?''"" ''" 
ainfi  que  l'a  certifié  M.  Préaux  le  plus  ancien  des  Médecins  de  Paris,  chez  qui  cette  Rc^u.  g. i8. 
Fille  avoit  demeuré  pendant  plufieurs  années  depuis  l'âge  de  cinq  ans. 

Auffi  eft -elle  reftée  continuellement  emboètée  dans  un  eu -de -jatte  pendant  ces  cin- 
quante années ,  comme  n'ayant  que  le  tronc  &  la  partie  fupérieure  du  corps. 

M.  l'Evêque  de  Bethléem  trouvera  des  preuves  inconteftables  de  ces  faits,  tant  dans 
la  I.  Propofition  de  mon  Tome  III  *,  que  dans  la  Requête  que  Charlotte  la  Porte  a.ç^'S-SS5-^ 
préf.ntèe  au  Parlement. 

Au  furpkis  ce  fo.t  des  faits  d'une  notoriété  publique  ,  faits  qui  ont  été  pendant 
50.  ans  expofcs  à  la  viie  de  tous  ceux  qui  ont  connu  cette  Fille,  faits  qui  ont  été 
conft  tés  par  des  Rapports  de  Médecins  &  de  Chirurgiens,  immédiatement  avant  le 
commencement  de  la  régénération  Miraculeufe  de  ces  jambes  ,  faits  qu'une  multitude 
de  Témoins  font  prêts  de  certifier  au  Parlement,  ainfi  que  Charlotte  la  Porte  l'a  dé- 
claré dans  la  Requête  qu'elle  a  prèfentée. 

Cette  vieille  Fille  s'étant  fait  porter  fur  le  Tombeau  de  M-  de  râris  le  11,  Août  ly^i^ 

D  5  (dit- 


,<5  MIRACLES     DE     CREATION 

Dissert,  (dit -elle  dans  ù  Requête  )  .i  peine  y  fut- elle  pofee  ,  que  ces  deux   petits  lambeaux 
surl'aut.  jj'ung  maticre  informe,  qui  pendoient  au  bout  de  fes  genoux,  &  (jiti  avaient  toujours 
DES  MiR.    ^fg  i„animes  j  fe  remuèrent  d'eux  mêmes  ^  (y  quelle  j  fentit  pour  U  première  fois  de  fes 
Requête ,  y^^^^  ^  ^^„  frcmijfement  intérieur. 

*  Depuis  ce  moment  Dieu  lui  envoya  des  Convulfions,qui  la  portèrent  à  fe  faire  don- 

ner des  Secours  très  violens  qui  ont  fervi  à  réformer  presque  tout  fon  corps. 

Car  il  faut  obferver,  que  la  privation  des  pieds  &  des  jambes  n'ctoit  pas  la  feule 
difformité-  de  cette  hideufe  Fille.  Elle  avoit  depuis  fa  naiffance  les  os  des  hanches  d'u- 
ne î^roffeur  monftrucufe,  &  qui  faifoient  une  faillie  tout  à  fait  extraordinaire;  &  l'é- 
pine de  fon  dos  reprefentoit  la  figure  d'un  Ziguczague,  ce  qui  la  rendoit  boffiie,  &  lui 
met  toit  le  corps  tout  de  travers. 

Non  feulement  Dieu  s'eft  fervi  de  ces  Secours  fi  efficaces ,  pour  applatir  &  dimi- 
nuer à  la  vue  d'une  multitude  de  Spectateurs ,  la  groffeur  énorme  des  hanches  de  cette 
Fille,  &  les  réduire  dans  une  forme  régulière:  non  feulement  il  a  employé  la  violente 
impreffîon  de  ces  Secours,  à  redreffer  l'épine  de  fon  dos,  à  faire  disparoitre  fa  boffe, 
&  à  changer  de  longueur  toutes  fes  côtes  ;  mais  tandis  qu'on  lui  donnoit  ces  terribles 
Secours,  on  a  vii  les  lambeaux  hideux  de  la  matière  mollaffe  qui  pendoit  au  bout  de 
fes  genoux,  prendre  en  peu  de  tems  la  forme  de  véritables  jambes  &  de  véritables  pieds: 
on  y  a  fenti  tous  les  os  qui  y  étoient  néceflaires,  fe  former  &  fe  durcir  peu  à  peu  :  8)C 
bientôt  cette  multitude  immenfe  de  différentes  pai-ties  qui  compofent  des  jambes  &  des 
pieds,  ont  pris  la  place  de  ces  lambeaux  informes,  &  ont  grandi  presqu'à  vue  d'ceil; 
en  forte  qu'en  peu  de  tems  Charlotte  s'eft  trouvée  avoir  des  pieds  &  des  jambes,  d'u- 
ne grandeur  proportionnée  au  furplus  de  fon  corps,  &  avoir  une  taille  très  droite,  au 
lieu  de  la  figure  effroyablement  contrefaite  qu'elle  avoit  auparavant. 

Quelque" incroyables  que  foient  ces  faits  par  eux  mêmes,  ils  ont  eu  un  trop  grand 
nombre  de  Témoins  de  toute  efpéce ,  amis  &  ennemis ,  pour  que  nulle  perfonne  ofe 

les  nier. 

Non  feulement  le  fpeélade  éminemment  furnaturel  des  Secours  effroyables  que  cette 
Fille  fe  faifoit  donner,  &  de?  eff.ts  Miraculeux  que  ces  Secours  produifoient  vifible- 
ment  dans  fes  membres  contrefaits  ou  à  demi  formés ,  attiroit  tous  les  jours  chez  elle 
une  multitude  de  Speftateurs  :  mais  Dieu  qui  ne  vouloit  pas  qu'on  pût  révoquer  en 
doute  les  grands  Miracles  qu'il  faifoit  furell-,  ornoit  encore  très  fouvent  le  fpeétacle 
de  fes  Convulfions  par  des  guérifons  Miraculeufes  qu'il  opéroit  par  les  mains  de  cet- 
te Fille  fur  des   malades  \'  des  eftropiés. 

Les  Conftitutionnaires  les  plus  entêtés,  les  prétendus  beaux-esprits,  qui  fe  font  un 
faux  honneur  de  douter  de  tout ,  &  même  ceux  qui  font  affez  endurcis  pour  fe  piquer 
de  n'avoir  point  de  Religion ,  ne  pouvant  croire  les  Merveilles  qu'ils  entendoient  racon- 
ter à  ce  fujet ,  font  eux"^  mêmes  accourus  dans  le  dcffein  de  démekr  les  prétendus  arti- 
fices par  lesquels  ils  s'imaginoient  qu'on  en  impofoit  au  Public  :  mais  ils  ont  été  con- 
vaincus eux-mêmes  de  la  réalité  de  ces  Merveilles,  par  leurs  propres  yeux,  &  Dieu 
s'efl  même  fervi  de  cette  viie  pour  en  convertir  quelques-uns. 

Que  M.  de  Bethléem  life  avec  attention  les  preuves  qu'il  trouvera  de  ces  faits,  dans 
la  T.  Propofition  de  mon  Troifiéme  Tome,  dans  la  Requête  de  Charlotte  la  Porte  &c 
dans  fa  Plainte;  &  il  ne  pourra  lui-même  en  contcrtcr  la  vérité,  fans  agir  contre  les 
mouvemens  de  fa  confcicncc. 

Je  ne  répéterai  point  ici  ce  que  je  viens  d'obfcrver  par  rapport  à  la  création  de  h 
main  de  Jeanne  Tenard.  Miis  s'il  eft  inconteftable,  qu'il  a  fallu  que  Dieu  créât  une 
multitude  inconcevable  de  différentes  parties,  pour  former  une  main  à  une  perfonne  de 
vingt -neuf  ans  ,  avec  un  p  tit  tas  confus  de  matière  informe  cV  dcffcchéc;  n'eft-il 
pas  d'une  6'idencc  encore  plus  frappante,  qu'il  a  fait  la  création  d'un  nombre  innom- 
brable 


EN    FAVEVR     DE     V  A  ?  ?  E  L.  31 

brable  de  parties  encore  plus  grandes  &  plus  étendues,  pour  conftruire  deux  pieds  &    Dissert. 
deux  jambes  avec  de  petits  lambeaux  d'une  matière  molle  &  fans  organes,  qui  depuis  surlaut. 
un  bien  plus  grand  nombre  d'anne'es  ctoit  toujours  reftée  infenfible  &  inanimée,  fans  "^^  "'"■ 
prendre  aucune  nourriture  ni  aucun  accroijfement  ? 
Voilà  donc  plufieurs  Miracles ,  où  l'opération  d 
des  Miracles  opérés  par  création ,  non  feulement  de  toutes  les   parties  qui  entrent  dans  îbilel'ivhra- 


Voilà  donc  plufieurs  Miracles ,  où  l'opération  de  la  Divinité  eft  fenfible  &  palpable  :       VII. 
:s  Miracles  opérés  par  création ,  non  feulement  de  toutes  les   parties  qui  entrent  dans  ^ilesTL. 
la  compofition  des  chairs,  mais  auffi  d'organes  &  de  membres  entiers,  qui  jusqu'à  ce  ciespréce- 


j         •  •  iiA.^  ~  -  -  deDs&fur 

moment  n  avoient  pomt  reçu  1  être.  l'incrédulité 

Ne  font-ce  point  là  de  ces  Miracles  qui,  en  fuivant  même  les   principes  dont  M.  i^is'yop- 
l'Evéquc  de  Bethléem  a  cru  ne  pouvoir  fe  dispenfer  de  convenir,  font  manifeftement 
Divins  de  leur  nature ,  parce  que  la  main  de  Dieu ,  qui  feule  peut  former  le  corps  hu-  xii.  Um. 
main^  efi  ici  trop  fenfible  pour  quon  puijfe  la  méconnoitre.  7^°]:'^^^' 

Mais  dira  peut-être  quelque  incrédule,  s'il  étoit  vrai  que  Dieu  fit  des  Miracles  fî  jôi."  *'^' 
manifeftement  Divins  en  faveur  de  l'Appel,  &  par  le  moyen  des  Convulfions ,  com- 
ment les  Puiflances  &  tant  l'Evéques  &  de  Prêtres  oferoient-ils  proscrire  &  perfécu- 
ter,  non  feulement  les  Convulfionnairts,  mais  même  tous  ceux  qui  croient  ces  Mira- 
cles ,  qui  en  font  touchés ,  &  qui  ont  rendu  gloire  à  Dieu  .<"  Et  comment  parmi  les 
Appellans,  y  en  auroit-il  un  certain  nombre,  qui  méprifent  eux-mêmes  les  Convul- 
fions, &  qui  les  attribuent  au  démon. 

Ce  fera  le  Père  Bourdaloue  qui  répondra  à  cette  objeâion.  Quoiqu'il  eût  l'habit  de 
Jéfuite,  il  a  fait  quantité  de  Sermons  ornés  de  très  folides  &  belles  réflexions,  &  fouvent 
d'une  morale  fort  exacte.  L'habit  ne  régie  pas  toujours  les  fentimens  :  &  Dieu  fait 
fortir  la  Vérité  de  la  bouche  de  qui  il  lui  plait. 

„  Sans  entrer  fur  ce  point  dans  la  profondeur  &  dans  l'abîme  des  jugemens  de  Dieu  Serm.  delà 
,,  toujours  juftes  &  faints  quoique  terribles   &   redoutables  ,    dit  ce  célèbre  Pre'dica-  Ton°"in. 
„  teur^  vous  n'ignorez  pas  ce  que  peuvent  les  pallions  (les  préjugés,  la  prévention,  pag-^5i. 
„  les  intérêts  humains,  les  engagemens  de  parti,)  pour  aveugler  les  esprits  &  pour  Lyôà.  ' 
„  endurcir  les  cœurs.    Qiielque   inconcevable  qu'ait  été  l'obftination  des  Pharifiens , 
„  peut-être  encore  aujourd'hui  trouveroit-on  dans  le  monde  des  hommes  aufll  incrédu- 
5,  les,  s'ilsvoyoient  leurs  ennemis  faire  des  Miracles,  &  qui  attribueroient  pliitôt  ces  Mira- 
„  clés  à  l'Enfer,   comme  les  Pharifiens  ceux  du  Sauveur  du  monde  au  Prince  des  té- 
j,  nébres,  que  de  renoncer  à  leurs  préjugés  &  à  leur  haine  .  .  .  C'eft  par  là,  dit  S. 
,,  Chryfoftôme  ,  que  commença  la  réprobation  des  Juifs  :  Se  ce  myftére  de  la  prédefti- 
,,  nation  &  de  la  réprobation  Divine ,  parut  en  ce  que  les  mêmes  Miracles  qui  conver- 
,,  tirent  les  foldats   &  une  grande  foule  de  peuple,  ne  fervirent  qu'à  rendre  les  Phari- 
,,  fiens    plus  indociles  &  plus  opiniâtres.  " 

Pour  faire  l'application  de  cette  réflexion  fi  judicieufe  à  ce  qui  fe  pafle  fous  nos 
yeux  ,  je  n'ai  befoin  que  de  rapporter  les  tendres  gémiffemens  que  fait  M.  l'Evcque 
dcBabylone  fur  l'incrédulité  qui  régne  aujourd'hui. 

„  Elle  va,  dit -il,  jusqu'à  ofer  attaquer  les  effets  les  plus  admirables  de  la  PuilTm-  Lettre  àM. 
„  ce  &  de  la  Bonté  de  Dieu ,  (foit)  en  niant  des  faits   publics ,  inconteftables  &  bien  'j^r'^^z^m-'^* 
„  prouves ,  (foit)  en  rendant  l'hommage  de  ces  Merveilles  à  la  nature ,  (foit)  enfin  en  les  primfc  ea 
„   attribuant   à  la  créature  la  plus  abominable  !   Ils  portent  l'infidélité  jusqu'à  aimer  '^'^" 
„  mieux  lui  donner  la  gloire  d'être  maître  de  la  nature ,  que  de  rendre  cette  gloire  au 
„  Créateur,  à  qui  feul  elle  appartient:  mais  il  faut  leur  rendre  juftice,  ils  n'en  vien- 
,,  nent  à  cet  excès  que  malgré  eux,  lorsqu'ils  ne  favent  plus  que  dire,&  qu'ils  voient 
„  tous  leurs  argumens  mis  en  poudre.    Rliférable  engagement  que  la  prévention  &  des 
,,  vues  humaines  ont  formé,   &  que  la  feule  honte  de  changer  &  la  crainte  des  disgra- 
„  ces  a  fortifié,  &  porté  à  un  fi  grand  point  d'entêtement,  qu'ils  ofent  combattre  con- 
,,  tre  Dieu  même  "  ! 

Qu'une 


|î  MIRACLES     DECRrATION 

T)  c  Qu'une  caufe  eft  dcplorce ,  lorsque  pour  h  foutenir  on  fe  voit  ainfi  forcé  à  fe  ré- 

surl'aut*. volter  contre  la  voix  du  Tout  puiflant,  &  à  emprunter  les  blasphèmes  des  Pharifieis., 
DtsMiR.    pour  attribuer  à  Beelzebut  jusqu'à  des  Miracles  de  création,   fans  fe  mettre  en  peine 
que  ces  blasphèmes  confirment  les  Athées,  les  Déiftes  &  les  Libertins  dans   leur  im- 
piété, &  qu'ils  fourniffent  des  armes  aux  Hérétiques,  pour  fe  deffèndre  contre  la  Dé- 
cilîon  que  Dieu  a  prononcée  contre  eux ,  en  illuftrant  dans  tous  les  Siècles  la  Religion 
Catholique  par  des  Miracles,  &  en  la  diftinguant  ainfi  vifibhment  de  toutes  les  Sedes 
qui  s'en  font  féparées  ! 
-Vill-  .       ^i,  fuvpUis  il  ne  faut  pas  croire,  qu'on  ne  doive  regarder  comme  Miracles  incon- 
lonop.-rcc    tcltablement  Divins  par  leur  nature,  que  ceux  ou  il  y  a  des  crc.uions  vilibles.  Non  feu- 
d?e"qui'«git  lement  Dieu  feul  peut  tirer  les  êtres  du  néant ,  mais  il  eft  le  feul  qui  ait  le  pouvoir  de 
kns'urceft  fjire  produire  à  la  matière  des  effets  qui  ne  font  point  contenus  dans  aucune  des  quali- 
ï)î»i'n.""^''^   tés  qu'il  lui  adonnées.   Enfin  il  eft   le  feul  qui  puifle  fe  dispenfer  de  fuivre  les  loix 

générales,  qu'il  a  établies  pour  le  règlement  de  tous  les  effets  naturels. 
Eftiusinlo-  *"   Audi  le  favant  El>ius  pofe-t-il  pour  principe,  que  toute  guérifon  opérée  d'une  ma- 
Scr1p*"iap.   "'«''''f  fit}icrieure  a  l'ordre  ordinaire ,  que  Dieu  a  d'abord  établi  dans  la  nathre ,  efi:  un  Mi- 
5-6  col  1  in  racle  inconteftablcmcnt  Divin.    C'eft  même  la  définition  qu'il  donne  des  vrais  Miracles. 
xîv.'Vz.^   A  quoi  il  ajoute,  qu'il  ne  peut  point  arriver,  qu'aucune  créatureopére  un  tel  Mira- 
cle par  fa  propre  vertu,  parce  qu'il  n'y  a  que  Dieu  feul,  qui  puifie  changer  la  nature 
des  chofes.    Cum  miracnit  fiant  fufra  confuitum  &  primo  infiitutum  natur^e  ordinem  , 
fieri  mn  potefi ,  ut  ulla  crejtura  fita  virtute  miraculnm  alicjHando  operhftr.    Efi,  enim  fo- 
lius  Dci  mutare  naturas  rertim. 

M.  l'Evéquc  de  Bethléem  convient  expreffément  de  ce  principe,  ainfî  que  des  pré- 
cèdent   Il  donne  lui  même  pour  maxime,  que  Us  vrais  Miracles,  c'e'l  à  dire  les  Mi- 
racles Divins  ,  &  ceux  (jui  font  feulement  apparens ,  c'eit  à  dire  ceux  qu'il  prétend  que 
pag"'â^7."''  1°  démon   peut  faire ,  diférent  entre  eux  par  la  manière  dont  ils  font  opérés  :  parce  que 
Dieu  par  les  Miracles  qu'il  fait,  s'écarte  des  lolx  qui  régiffent  la  nature,  au  lieu  que 
le  démon  ne  peut  rien  exécuter  que  par  le  moyen  des  caufes  fécondes,  ni  par  confé- 
quent  opérer  de  véritables  Miracles. 
IX.  Domb        Si  ce  Prélat  vouloit  faire  de  bonne  foi  l'application  aux  faits  prouvés  dans  mes  Ou- 
I/ilctiJ^cm  vrages ,  de  plufieurs  principes  dont  il  convient  lui-même  ,  comment  pourroit-il  s'em- 
nc  pem  lins  pécher  de  reconnoître,  qu'il  y  a   plufieurs  Miracles  faits  eiv  témoignage  que  l'Appel 
uTprtncfpes  eft  la  voie  qu'il  faut  fuivre,  qui  portent  vifiblement  l'empreinte  de  la  Toute  -  puiflance 
dont  île  11-   Je  D'\t\.i  î 

qu"i'n"y""  •!•  rcconnoît  (pag.  i4tS)  que  „  fouvent  la  nature  même  des  Miracles  les  difcerne. 
nômbic'jc"^  „  Car  il  y  a,  dit  il,  des  Miracles  qui  par  leur  f.bftance  font  fupérieurs  au  pouvoir 
Kliiacics  „  de  toutes  les  chofes  créées  .  .  .  Dans  ces  conjonclures ,  ajoute-t-il,  le  dilccrnement 
vcurd"rAp-  ».  eft  donc  aifé  à  faire,  ou  plutôt  il  n'y  a  pas  lieu  de  difcerner,  puisque  la  main  de 
fci.qu.iom  „  Dieu  y  eft  vifible  ". 

blemcm^Di-  Enfin  il  avoue  (pag.  59.  ^'  595.)  que  ^  démo»  ne  fiuroit  guérir  une  mdladie  fi  elle 
Vins  de  leur  ^_.  ^f,^(  ^,^^  guérit  par  aucun  remède ,  une  maladie  naturellement  incurable. 
lîtaduq'ueic  Gomment  peut-il  donc  foutenir,  que  dans  ce  grand  nombre  de  Guérifons  Merveil- 
''uiTc'vîcîiiJ^"'^'^»  obtenues  par  l'intcrcclfion  de  M.  de  Pàins,  de  M.  Rouflc,  de  M.  l'Evèque 
lom  o.>cic5,<Je  Senez  &  autres  Appellans,  &  en  particulier  dans  cel'es  dont  j'ai  produit  les  Tcmoi- 
cftcv  .-;,,-  ^nagcs  &  fait  les  Démonftrations,  il  n'y  en  a  aucune  dont  le  Tout- puitfint  foit  ma- 
i-nifcftement  l'Auteur,  aucune  qui  ait  été  opérée  d'une  manière  fupèrieure  à  1  ordre  or- 
îiic  tWe.     dinairc  que  Dieu  a  d'abord  établi  dans  la  nature? 

Quoi  !  toutes  celles  oii  il  y  a  cii  des  créations  d'organes,  ou  de  membres  qui  man- 
quoient  dès  la  naiffince,  ou  qui  avoient  été  détruits  depuis  trcs  long-tcms ,  &  mèmç 
toutes  celles  qui  n'ont  pu  être  laites  avec  la  promptitude  dont  elles  l'ont  été,  que  par 

la 


V 


ENFJrEVR    DE    V  ^  P  P  E  L.  j  j' 

la  régénération  fubite  de  plufieurs  petites  parties  corrompues ,  ou  même  anncanties  par    Dissert. 
des  maladies  longues  &:  confidérables  ;  ne  furpafl'ent- elles  pas  AiriS  leur  fubjlance  le  ^e«- sur  l-aut, 
voir  des  canfes  créées?  Si  ce  Prélat  ne   peut  le  nier,  il  doit  donc  convenir,  à  moins  °^' ""^' 
que  de  fe  contredire  lui-même,  que  dans  ces  Miracles  la  main  de  Dieu  y  eji  vijihle, 

La  plupart  des  Guérifons,  dont  j'ai  rapporté  les  preuves,  ou  ont  été  opérées  par 
des  créations  vilibles  &  palpables,  ou  l'ont  été  en  très  peu  de  tems  d'une  manière  H 
parfaite  qu'il  a  été  d'une  évidence  manifefte,  qu'une  telle  Guérifon  étoit  fupérieure  aux 
loix  générales  qui  règlent  les  effets  naturels;  &  j'ai  même  établi  par  plufieurs  Rap- 
ports de  Médecins  &  de  Chirurgiens ,  que  ces  maladies ,  non  feulement  avoient  du- 
rant bien  des  années  porté  le  dérangement  Se  la  corruption  dms  le  corps  de  ces  malades, 
mais  même  que-la  pliàpart,  entre  autres  les  paralyfies  complettes  &  invétérées,  avoient 
effacé  &  annuUé  les  organes  des  nerfs  &  des  mlifcles ,  qu'elles  les  avoient  réduites  à 
n'être  plus  qu'une  mafl'e  informe  &  des  filets  arides,  &  qu'elles  les  avoient  rendues 
abfolument  incapables  de  recouvrer  la  fenhbilité  &  le  mouvement.  Ainfi  leur  guérifon 
fubite  a  donc  été  marquée  à  des  caraéléres  qui  félon  les  aveux  de  M.  de  Bethléem,  font 
connoître  la  main  de  Celui  qui  feul  peut  s'écarter  des  loix  qu'il  a  impofées  à  la  matière, 
lorfqu'il  l'a  tirée  du  néant. 

Non  feulement  la  nature  ne  p:ut  pas  faire  renaître  une  féconde  fois  des  conduits  qui 
ne  fubfiftent  plus,  ni  recreufer  des  tuyaux  qui  ont  perdu  leurs  cavités;  mais  Dieu 
ne  lui  a  donné  la  vertu  d'opérer  des  guérifons  parfaites  de  maladies  confidérables ,  que 
d'une  manière  lente  &:  fuccelTive,  c'eft  à  dire  qu'avec  un  tems  proportionné  aux  diffé- 
rens  effets  qu'il  eft  nécelfaire  de  produire,  pour  rétablir  ce  qui  pendant  long-tems  a  été 
dérangé,  vicié  &  corrômp'j.  Il  n'y  a  que  le  Tout-puiffant ,  qui  dans  un  inftant  puis- 
fe  rendre  à  nos  corps  tout  ce  que  de  longues  maladies  leur  ont  fait  perdre. 

Enfin  j'ai  prouvé  par  les  Témoignages  &  les  Décifîons  de  très  habiles  Maîtres  de 
l'Art,  que  presque  toutes  ces  maladies  étoient  incnrables.  Leur  guérifon,  félon  qu'en 
convient  le  Prélat,  paffoit  donc  le  pouvoir  du  démon,  &  n'a  pil  être  fon  ouvrage. 

Que  M.  de  Bethléem  ne  m'objeéle  point ,  que  je  n'ai  fait  les  Démonftrations  & 
rapporté  les  preuves  que  d'un  petit  nombre  de  Miracles,  tandis  que  je  publie  que 
Dieu  en  a  opéré  depuis  1727.  une  multitude  qu'on  ne  peut  nombrer.  Si  je  n'en  ai  pas 
fait  un  plus  grand  nombre,  c'eft  que  h  captivité  où  je  fuis  réduit  depuis  1757.  que 
j'ai  préfenté  mon  premier  Tome  au  Roy ,  m'a  mis  hors  d'état  (^e  recueillir  tous  les 
Certificats  néceffaires  pour  conftater  invinciblement  les  faits ,  &  que  d'ailleurs  la  perfé- 
tion  qu'on  fait  elfuyer  aujourd'hui  plus  que  jamais  à  ceux  qui  rendent  témoignage  aux 
oeuvres  de  Dieu ,  intimide  la  plupart  des  perfonnes. 

Il  femble  à  la  vérité  que  des  Chrétiens  qui  voient  de  leurs  yeux  l'Invifible,  leur 
rendre  fa  préfence  fenfible  par  de  Merveilleux  effets  de  fa  Puifftnce  &  de  fa  Bonté,  ne 
devroient  pas  craindre  des'  hommes  mortels.  Mais  telle  eft  la  lâcheté  de  notre  Siècle, 
tel  efl  le  ref  oidilfement  de  la  charité,  au  lieu  du  feu  celefte  que  l'amour  de  Dieu  de- 
vroit  produire  dans  le  cœur  de  tous  les  vrais  fidèles,  la  plupart,  quoiqu'intimement 
convaincus  que  les  Merveilleufes  Guérifons  qui  fe  font  opérées  fous  leurs  yeux  font 
l'ouvrage  de  Dieu ,  n'ofent  lui  en  rendre  gloire  qu'en  cachette ,  &  font  fouvent  affez 
lâches  pour  refufer  d'en  donner  un  Témoignage  par  écrit. 

Ainfi  le  Très-haut  a  beau  multiplier  les  Merveilles,  plufieurs  même  de  ceux  en  fa- 
veur de  qui  il  les  fait,  ont  aujourd'hui  l'ingratitude  de  les  rendre  presque  inutiles  au 
bien  des  âmes  par  leur  filence  :  tandis  que  les  Adverfaires  de  la  Vérité  n'épargnent  au- 
cun de  leurs  efforts  pour  les  éluder ,  &  pour  en  affoiblir  l'imprelfion. 

Mais  dans  les  premières  années  que  les  Mi'acles  ont  paru.  Celui  dont  la  Providence 

régie  tous  les  èvenemens  félon  les  confeils  de  fa  miféricorde  &  de  fa  juftice,  Se  qui 

vouloit  que  la  vérité  des  Miracles  qu'il  fait  parmi  nous ,  ne  piit  être  niée  de  bonne  foi, 

Dijfert.  Tom.  II.  E  mit 


54  VTILirriDELA    P  H  Y  S  I  QJV  E 

DisîtRT.mit  d'abord  dans  le  cœur  non  feulement  de  plufieurs  fidèles,  mais  même  d'un  gi-and 
'""'-''^"T' nombre  de  Déiftes,  d'incrédules,  de  pécheurs,  de  mondains  &  de  Conftitutionnaires, 
■is  MiR.    ^^.^j  convertit  par  la  vue  de  ces  Miracles,  de  s'expofer  fans  crainte  pour  leur  rendre  un 
écbttant  témoignage. 

Or  il  fuffit  qu'il  foit  prouve  invinciblement ,  ainfi  que  je  l'ai  fait  par  une  multitude 
de  Certificats,  donnes  par  des  perfonnes  de  toutes  ces  difitrentes  fortes,  qu'il  y  a  plu- 
fieurs Miracles  opérés  par  1  intcrcelTion  d'Appellans,  oii  la  Toute-puiffance  Divine  c- 
cktte  d'une  manière  vifible ,  pour  qu'on  foit  en  droit  d'en  conclurre ,  que  tous  les  au- 
tres Miracles  dont  on  n'a  pas  recueilli  ou  fiiit  paroître  toutes  les  preuves,  om  égale- 
ment Dieu  pour  Auteur:  tous  ces  Miracles  ayant  une  même  fin  principale  ,  &  tendant 
tous  à  aucorifer  l'Appel,  &  à  conferver  dans  l'Eglife  le  dépôt  des  importantes  Vérités 
proscrites  par  la  Bulle  Vnigenitiis. 

Les  Déraonftrations  que  j'ai  faites  entre  autres  dans  mon  premier  Tome ,  du  fuma- 
turel  inconte [lablement  Divin  par  lequel  plulîeurs  de  ces  Miracles  ont  été  opérés,  font 
fi  fortes,  fi  invincibles,  fi  triomphantes,  que  M.  l'Eveque  de  Bethléem  n'a  fu  y  rc^ 
pondre  que  par  des  injures  à  mon  égard. 

§.  III.  Réfutation  des  fanjfes  opinions  échappées  au  l^effenfeur  des  Théo- 
logiens Antifecourijies  :  ^le  la  "Phyjïq^^e  eji  une  faujfe  'voie  pour  diS' 
tingucr  les  Miracles  T)ivins  des  prejitges  du  démon:  Gji'elle  ne  peut 
fervir  de  rien  pour  faire  ce  difcernement  ;  ér  que  c'ejî  principalement 
des  circonjtances  que  les  Miracles  tirent  leur  force. 

T.  Mais  qui  l'auroit  jamais  penfé?  Voici  le  Deflfenfeur  des  Théologiens  Antifecouriftes, 

D  ff""f-"  *î"'  vient  po  '.r  ainfi  dire  à  fon  fecours,  en  avançant  desPropofitions  qui  tendent  à  débar- 

jrs  Xntife-  rafTcr  tous  ceux  qui  fe  révoltent  contre  les  Miracles  que  Dieu  fait  aujourd'hui ,  de 

îttnt  d"  1^  preuve  phyfique  qu'ils  n'ont  pu  être  opérés  que  par  le  Tout-puiflant  :  preuve  à  la- 

fournir  de  quelle  fes  Contradicteurs  n'avoient  pu  rien  oppofer,  &  qui  d'iui  feul  coup  écrafoit  tou- 

wcsàMi'E-  tes  leurs  mauvailes  objections. 

téquede  Qitei  (ffayant  Phénomène!  Quoi!  des  Théologiens  Appellans  qui  paroiffbient  au- 

«i!i  n^sTOit  trefois  les  plus  intrépides  Deflfenfeurs  de   l'Autorité  Divine  des  Miracles,  forger  eux- 

'^"on'dT  '/'  mêmes  de  faulTes  armes  pour  combattre  ce  brillant  Témoignage  que  Dieu  rend  en  faveur 

lurnaïutci  de  leur  Caufe,  &  les  fournir  à  leurs  plus  grands  Adverfaires  !   Comment  la  lumière  a- 

Yz\lûcTmi.  t-elle  pû  fe  chanj^er  ainfi  en  ténèbres? 

Bcmmcnt  Voici  qucl  peut  avoir  été  lî  germe  de  cette  efpèce  de  Prodige,  de  cet  événement  auffi 
«rnd°"  om- fîtal  qu'inconcevable  ;&  fur  lequel  je  dois  revenir  plus  d'iuie  fois  pour  pouvoir  le  faire 

ti«  ftiî?'"'  <^0'"P''C"d:e. 

trcucde"*       Dans  la  multitude  de  Miracles  que  Dieu  fait  depuis  1717.  pour  manifcfler  \  tous  les 
VS\fti\.       hommes,  que  l'Appel  de  la  Bulle  efi:  un  enfant  de  la  Vérité,   il  y  en  a  un  alTcz  grand 
nombre  depuis  le  mois  de  Juillet  175 1.  qui  outre  cet  objet  général,  en  ont  encore  ma- 
nifcftcment  un  autre  qui  leur  efi  particulier. 

Tels  font  les  Miracles  que  Dieu  a  opérés  par  le  mouvement  des  Convulfions  &  par 
le  miiiifière  des  Convullionnaircs,  afin  de  faire  clairement  connoitrc,  que  cette  œuvre 
cft  fon  ouvrage  dans  fon  premier  principe  &  dans  tous  ceux  de  fes  effets  qui  font  abfo- 
lument  faluraires  ou  réellcncnt  éJifians. 

Tell. s  font  encore  les  Guèrifons  éminemment  Miraculcufcs  qu*il  lui  a  plù  d'exécuter 
par  la  violente  imprclTion  des  coups  les  plus  cffiavans,  parce  qu'il  vouloit  pcin  ire  à 
nos  yeux ,  par  des  Merveilles  finguliéres  &  nouvelles ,  &  en  même  tems  graver  dans 
nos  cœurs  par  d  grâce,  de  tiès  iniporuutcs  Vérités  dont  C£!>  terribles  coups,  fans  cclTc 

accom- 


PAR    RAPPORT  AVX    MIRACLES,  erè.  35 

accompagnés  de  grands  Prodiges  &  foiivent  même  de  Giiérifons  des  plus  évidemment    dissert. 
Divines,  font  des  images  &  des  fimboles  dignes  de  fa  SagefTe  fupréme ,  de  fa  PuiffancesuRL'AOT. 
fans  bornes,  &  de  fa  Bonté  qui  pafTe  toute  expreffion,   pour  ceux  qu'il  veut  éclairer  °^*""^* 
lui  même  par  des  moyens  extraordinaire^.  C'eft  ce  que  j'expliquerai  avec  étendue  dans 
mon  Troifiéme  Tome  ;  où   pour  développer  clairement  la   partie  la  plus  vifiblc   &  la 
plus  manifefte  du  deflein  de  Dieu  à  cet  égard ,  je  n'aurai  befoin  que  de  rapporter  plu- 
lîeurs  fats  qui  ont  eu ,  &  qui  ont  encore  journellement  depuis  plus  de  quatorze  années, 
un  très  grand  nombre  de  Témoins. 

Dieu  par  un  confeil  de  fa  juftice  a  permis,  que  ces  derniers  Miracles,  c'eft  à  dire 
ceux  qu'il  a  opérés ,  foit  par  le  mouvement  des  Convulfions ,  foit  par  les  mains  des 
Convulfionnaires,  foit  par  les  violentes  impreflions  des  plus  étonnans  coups ,  qu'on  a 
appelle  Secours,  parce  qu'au  moins  ils  foulagent  les  Convulfionnaires  dans  leurs  fouf- 
frances;  aient  été  ime  pomme  de  discorde,  qui  a  mis  la  divifion  dans  le  camp  d'Ifraël. 

La  plupart  de  ceux  qui  ont  une  forte  d'ambition  de  vouloir  être  les  Chefs  du  peu- 
ple de  Dieu,  au  lieu  de  fe  ranger  avec  les  petits  &:  les  fimples,  fOus  l'ctenJart  de  ces 
Miracles,  qui  tous  font  également  la  voix  du  Très-haut,  ont  formé  deux  différens  par- 
tis (celui  des  Dofteurs  Confultam  &  celui  des  Théologiens  Antifecouriftes )  qui  fe 
font  l'un  après  l'autre  écartés  de  cette  lumière  Divine,  &  n'ont  plus  fongé  qu'à  s'aflu- 
jettir  leurs  Frères ,  au  lieu  de  les  deffendre  contre  leurs  ennemis. 

La  Cité  de  Dieu,  oîi  l'on  enfeigne  toute  Vérité,  eft  afliégée  par  les  Romains:  elle 
cfl:  preflee  de  tous  côtés  ;  &  pendant  ce  tems  la  plupart  de  fes  illuftres  Deflênfeurs  com- 
battent les  uns  contre  les  autres ,  dans  le  deflein  qu'ils  ont  réciproquement  de  fe  rendre 
les  Maîtres  du  Troupeau.  Et  ce  qui  eft  encore  pis,  ils  déchirent,  comme  à  l'envi, 
ceux  qui  refufent  de  leur  être  aveuglément  fournis ,  ceux  qui  font  attachés  à  toutes  les 
ceuvres  de  Dieu,  &  qui  fe  conduifent  en  toutes  chofes  par  la  lumière  de  fes  Miracles. 

Mais  comment  ce  flambeau  célefte  a-t-il  pu  devenir  un  fujet  de  fcandale  &  de  chu- 
te pour  de  célèbres  Appellans,  après  avoir  été  l'objet  de  leurs  plus  vives  actions  ds 
grâces  ? 

C'eft  que  ces  MM.  s'étoient  d'abord  imaginés,  que  les  Miracles  alloient  les  placer 
fur  le  pinacle  du  Temple;  &  que  ce  témoignage  émané  du  Ciel,  ne  manqueroit  pas 
de  foumettre  toutes  les  Puiflances  de  la  Tenv.  Mais  ayant  au  contraire  éprouvé,  que 
ces  Puiflances  fe  révoltoient  contre  cette  voie  Divine ,  &  fur-tout  contre  les  furprenans 
Prodiges  qui  fortent  du  Phénomène  des  Convulfions ,  cela  a  bientôt  fait  croire  à  quel- 
ques-uns d'eux  que  l'extrême  humiliation  oii  cette  oeuvre  fimbolique  &  menaçmte  al- 
loit  être  infailliblement  réduite ,  aviliroit  la  Caufe  de  l'Appel.  Dans  ce  fliux  point  de 
vue,  ils  ont  cm  qu'ils  avoient  de  toutes  façons  intérêt  de  la  rejetter:  peu  après  ils  ont 
même,  du  moins  jusqu'à  certain  point  ,  abandonné  les  Miracles;  & ,  afin  que  leurs 
nouveaux  fentimens  ne  fuflent  point  ignorés  des  grands  ni  des  petits ,  ils  ont  drefle  une 
Confultation ,  oîi  ils  ont  fait  préfent  au  diable  de  l'œuvre  entière  des  Convulfions,  fans 
même  en  excepter  les  Miracles  dont  elle  eft  illuftrée. 

Au  contraire  les  Théologiens  Antifecouriftes ,  qu'on  nommoit  alors  Difcernans  *,  ont    *[f/!:" 
d'abord  foutenu  de  toutes  leurs  forces  l'Autorité  des  Miracles,  &  ils  fe  font  même  fer-  pour  les 
vis  de  ce  témoignage  célefte,   pour  prouver  que  Dieu  préfide  à  l'œuvre  des  Convul- ^.^"''j"|-^'°j,"' 
fions.  Mais  ces  MM.  ayant  foibli  par  rapport  aux  admirables  Prodiges  &  aux  lumineux  ncment,  & 
Simboles  que  le  Tout-puiflant  fait  paroître  par  le  canal  des  plus  terribles  Secours,  il  les  ?o'ién,°du"* 
a  enfin   laifl'ès  s'égarer  fur  ce  fujet  jusqu'au  point  de  condamner  ces  Merveilles  Divi-  meUnge, 
nés.   Il  a  enfuite  paru  lui-même  au  milieu  de  ces  Secours  fi  étonnans,  en  fe  fervant  vi-  p"tîlntex- 
fiblement  de  leur  effrayante  violence  pour  opérer  les  Guèrifons  les  plus  Merveilleufes ,  "^''J^'^'^'j" 
&  les  plus  clairement  marquées  au  fçeau  de  fa  Puiffance  fans  bornes.    Cependant  ces  au-  de  gucaibn , 
très  MM.  n'ont  point  eu  une  humilité  aflez  courageufe , pour  confefl'er  qu'ils  s'étoient  *^'J 

E  z  trom- 


5<5  .       VTILlTrBELA     P  H  T  S  I  O^V  E  , 

Dissert,  trompes.  Ils  fe  font  obftincs  au  contraire  à  foutenir  la  Dccidon  qu'ils  avoient  faite  con- 
surl"aut.  cre  ces  Secours  fans  ctre  fuftifamnient  inflruits  des  faits  *,  &  ils  fe  font  révoltes  en- 
DEsMiR.    f^ijj  contre  les  Miracbs  par  lesquels  Dieu  dccbre  clairement,  que  c'eft  lui  qui  infpirc 

*  ^°y;. '*=  aux  Convullionnaires  de  demander  des  Secours  violcns. 
Toiii.  III.         Mais  comment  pouvoir  éluder  des  Mirachs  publics,  avérc-s,  certifies  par  un  très 
grand  nombre  de  Témoins  oculaires  au  deffiis  tout  foupçon,  fur-tout  lorsque  ces  Mi- 
racles font  évidemment  l'opération  d'une  Puiflànce  fuprème  ,  qui  n'appartient  qu'au 
Créateur  ? 

MM.  les  Antifecouriftes  n'en  ont  point  trouve  d'autre  fecrct,  que  de  faire  avancer 
par  M.  Poncet  leur  Deffenfeur,  les  paradoxes  les  plus  dangereux,  contre  le  principal 
caractère  qui  fert  à  diicerner  les  Miracles  Divins,  par  h  grandeur  &  la  rc-alité  de  leiir 
fumaturel.  Car  il  eft  vifible  que  ce  qui  a  engagé  ces  MM,  à  faire  cette  faufle  démar- 
che, n'a  été  que  l'espérance  qu'ils  fe  débarraflcroient  ainfi  des  induéèions  accablantes 
que  je  tirois  contre  eux  du  Jiu'naturel  éminent  des  Miracles  en  queftion,  &  qu'ils 
pourroient  enfuite  répandre  quelque  doute  fur  l'Auteur  de  ces  Merveilles. 
II.  A  quels  excès  l'envie  de  contredire  rie  peut -elle  pas  porter  les  perfonnes  qui  fe 

liaavjncc  croient  les  plus  habiles!  M.  Poncet  dans  fa  mauvaife  humeur  contre  le  Prodige  des 
»;n,'>  pour  les  grands  Secours,  oublie  tout  d'un  coup  ce  qu'il  avoir  établi  le  plus  fortement  contre 
if''ec'des'r°o-  ^^^  ^^  Tafte,  &  il  s'aveugle  même  jusqu'au  point  de  dire,  page  55.  de  la  Réponfi 
pofiiions  en- qu'il  a  faite  à  la  première  Edition  de  mon  fécond  Tome  (qui  en  fonne  maintenant 
îonccs  con-"  <ieux  :  )  „  Que  b  Phyfique  eft  une  fauffc  voie  pour  diftinguer  les  Miracles  Divins 
tte  leprinci-  ^^  des  preftigcs  du  démon  :  qu'elle  ne  peut  fervir  de  rien  pour  faire  ce  difcerncment  ; 
qui""","'  „  &:  que  c'eft  principahment  des  circonftances  que  les  Miracles  tirent  leur  force.  " 
^"'"J?  *''"-  Dom  la  Tafte  aujourd'hui  Evcque  de  Bethléem,  avoit  feulement  foutenu ,  qu'il  eft 
que  celles  '  impolfiblc  à  l'homme ,  à  moins  qu'il  n'ait  reçu  *  le  do»  pAnicuUer  du  difcernement  des 
i:"îuTm^m'  csprits ,  de  connoitre  quelles  font  les  bornes  dtt  pouvoir  des  démens  ^  ni  quelle  eft  l'étendue 
avoient  vive- &  la  forcc  des  moycns  que  la  nature  peut  leur  fournir  :  par  où  ce  Prélat  s'efforçoit  d'in- 
ucTc'alT-  finiicr,  qu'il  eft  très  rare  qu'on  puiffe  difcemcr  par  la  grandeur  dn  furnaturel,  fi  une 
pondant  aus  guérifon  eft  un  véritable  Miracle  opéré  par  la  Toute-puiflance  Divine,  ou  fimplement 
L'ettt«'dc     un  Miracle  apparent  fabriqué  par  l'induftrie  des  démons. 

Taiîe  '*  ^^^  Théologiens  Antifecouriftes  lui  ont  reproché  avec  raifon  ,  qu"/'/  veut  par  la  nous 

♦ill.  Lett.  mener  a  croire^  ejue  jamais  les  Miracles  ne  feront  preuve  par  eux-mêmes^  puisque,  fe- 
Ejam  dc^fa  ^°"  ''■'''  *""'^  *''  pouvons  jamais  favoir  fùrement  ft  ce  font  de  vrais  Miracles  ^  que 
III.  Lett.  dc^^îr  d'autres  marques  diflinguées  des  Miracles  mêmes,  lesquelles  alors  feront  ce  qui  fera  U 
pag.V&4.    P^(>*'ve  &  non  plus  ces  Miracles, 

Rt'P  gJnc'r.  Un  autre  Théologien  lui  a  encore  objeélé  en  fubftance,  que  ce  qui  a  fiit  h  funefte 
d"*n'irTft  "^'•'Ptife  <ics  Juifs  au  fujet  de  Jcfus-Chrift ,  c'a  été  d'avoir  voulu  juger  de  fes  Mira- 
p.>.acruiT.  clés  ,  non  par  1  évidence  de  leur  fumaturcl  Divin,  mais  par  des  circonftances  qui  les 
choquoient  très  mal  à  propos.  Cet  horr-me  n'cji  point  de  Dieu,  difoient  les  Pharifiens  i 
Jean  IX.  16.  l'Aveuglc-né,  puisqu'il  ne  garde  pas  le  Sabbat  ....  Rends  gloire  à  Dieu,  nous  favoni 
que  cet  homme  cjl  un  méchant. 

Mais  en  vain  la  plûpait  des  Chefs  mêmes  de  la  Religion  Judaïque  s'efforcèrent -ils 
de  décrier  le  Divin  fils  de  Marie,  par  les  faulfes  accul'ations  qu'ils  formoient  contre 
lui  :  h  grandeur  du  furnaturcl  de  fes  Miracles  convainquoit  tous  les  cœurs  droits, qu'il 
étoit  YEnvojé  de  Dieu, parce  que  po  fonne  ne  peut  faire  les  Aiiraclcs  quil  f.iifoit,y/"  Dieu 
nefl  avec  lui;  de  pour  détruire  toutes  les  calomnies  des  Princes  des  Prêtres,  des  Doc- 
teurs *:  des  Pharifiens,  ceux  des  Juifs  qui  étoieiit  éclairés  par  la  Vérité,  n'avoient 
jljij  Ii^_  ,j  befoin  que  de  Icjr  oopofer  ce  principe  f\  lumineux,  &  C\  décifif:  Comment  un  fi  mi' 
chant  homme  pourroK-il  faire  des  chofes  fi  Merveilleufes  ,  en  preuve  qu'il  eft  le 
MeOlc  \ 

L'Aveu- 


P  ^  R     RAPPORT    AV  X    MIRACLES,  &c.  5; 

L'Aveugle -né  ne  défendit  non  plus  Jefus-Chrill:  que  par  le  furnaturel  éminent  de    Dissert. 
fes   Miracles.  surl'aut, 

S'ileft  un  mkh.vnt  ^  repondit -il  aux  Pharifiens ,  je  n'en  fais  rien:  tout  ce  que  je  fai ,  "^^  "'"' 
c\Ji  qu'étant  auptiravant  aveugle ,  je  vois  maintenant.  '    ^^-  ^^• 

Depuis  que  le  monde  efi ,  on  n'a  jamais  entendu  dire ,  que  perjonne  ait  ouvert  les  yeux  Ib.  !*• 
k  un  Aveugle  -  né  :  Jî  cet  homme  n'éioit  pas  de  Dieu,  il  ne  pourrait  rien  faire  de  tout  ce  jt.  ,-, 
qu'il  fait. 

L'aveuglement  &  la  perte  des  Pharifiens  eut  en  partie  pour  caufe,  d'avoir  raifonné 
tout  autrement  :  au  lieu  d'adorer  avec  humilité  &  une  profonde  foumiffion ,  la  main 
de  Dieu  dans  les  Miracles  de  Jefus-Chrift  où  le  caradere  incommuniquable  de  la  Tou- 
te-puiffance  éclattoit  vifiblement,  ils  fe  conduifirent  au  contraire  par  les  maximes  de 
M.  de  Bethléem.  Ils  croyoient ,  comme  lui ,  que  la  grandeur  du  furnaturel  n'eft  pas  ■ 
ce  qui  doit  déterminer,  pour  juger  fi  une  guérifon  eft  Divine  ou  diabolique,  fous 
prétexte  qu'//  efl  impoffible  à  l'homme  de  conncître  avec  ime  certaine  précifion,  quelles 
font  les  bornes  du  pouvoir  des  démons  :  &  ils  ne  s'arrétoient  qu'à  des  circonftances  qui 
leur  mcttoient  un  bandeau  fur  les  yeux. 

En  fuivant  les  principes  de  Dom  La  Tajîe,  dit  ce  Théologien,  quel  prétexte  les  Pha-  ~ 
rijtens  n'avaient  -  ils  pas  d'attribuer  an  démon  la  guérifon  de  cet  Aveugle  ?  S'ils  la  conjtdé-  il^'  ' 
rent  dans  fin  origin; ,  elle  eft  opérée  par  un  homme ,  qui ,  félon  qu'ils  le  penfoient,  vio- 
loit  le  Sabbat ,  &  qui  vouloit  fe  faire  adorer  comme  Dieu  :  s'ils  l'envifigent  dans  fes 
circonflances ,  elle  n'efi  pas  fottdaine  ;  enfin  s'ils  la  fuivent  dans  les  effets ,  nouveaux  indi- 
ces, félon  eux,  de  l'opération  du  démon,  puisqu'e/&  occafonne  o-  autorife  la  défobéiffance  aux 
ordres  des  Supérieurs ,  que  Dieu  a  établis  pour  gouverner  fan  Peuple. 

Quel  effroyable  malheur  pour  ces  Pharifiens  &  pour  tous  les  Juifs  qui  les  ont  fui- 
vis  ,  de  s'être  ainfi  laiffés  prévenir  par  des  circonflances  qui  le;  aveugloient,  &  de 
n'avoir  point  fait  ufage  du  moins  de  la  Phyfique  naturelle,  dont  Dieu  éclaire  l'esprit  de 
tout  homme  venant  dans  le  monde  l  Elle  auroit  fuffi  pour  les  convaincre  pleinemer^t ,  que  Jtanl.  9. 
les  Miracles  que  faifoit  Jefus-Chrift,  étant  évidemment  fupérieurs  à  tous  les  moyens 
que  fournit  la  nature,  ne  pouvoient  être  opérés  que  par  la  Toute- puiflance  Divine,  & 
par  conféquent  qu'ils  étoient  un  témoignage  infaillible  de  tout  ce  que  Jefus-Chrift  di- 
foit  de  lui-même. 

C'eft  ainfi  que  Celui  qui  eft  venu  apporter  la  lumière  aux  hommes,  veut  qu'ils  rai-  Rt'pgén.p.;. 
fonnent  en  pareil  cas.    AuOTi  n'eft -ce  uniquement  qu'à  fes  Miracles  confidérés  en  eux 
mêmes,  &  dans  leur  être  phyfique,  qu'il  renvoie  les  Juifs  pour  leur  prouver  qu'il  eft  jean  X.  js. 
le  Fils  de  Dieu. 

Si  je  ne  fais  pas  les  œuvres  de  mon  Père ,  leur  difoit-il,  ne  me  crajez,  pas:  mais  fi  Ib.  37. 
je  les  fais ,  quayid  vous  ne  me  voudriez,  pas  croire ,  croyez,  a  mes  œuvres ,  afin  que  vous  ^b.  36. 
connotfjicz,  isr  que  vous  croyiez,  que  le  Pére  efl  en  moi  ^  moi  dans  le  Père, 

Il  a  encore  été  objeélé  à  M.  l'Evêque  de  Bethléem,  par  un  autre  Auteur  (approu-  L'Efpiit  «n 
vé  alors  en  cela  par  MM.  les  Antifecouriftes  :  )  qu'en  avançant  comme  il  faifoit,  qu'/7  """■ 
efi  très  rare  qu'on  puiffe  diflingticr  les  Miracles  Divins  par  la  grandeur  du  furnaturel , 
c'eft  foutenir  qu'on  ne  peut  que  très  rarement  difiinguer  les  Aiiracles  de  Dieu  des  opéra- 
tions du  diable.  A  quoi  il  ajoute,  que  fi  on  admet  une  telle  fuppofition,  qui  lend  à 
écarter  toutes  les  connoiffances  que  fournit  la  phyfique,  nous  n'aurons  plus  de  régie  cer- 
taine ,  pour  nous  affurer  fi  des  guérifons  font  furnaturelles  ou  dans  leur  ftbffance  ou  dans 
leur  manière  d'être  ;  dr  ^^<^  l'^  rai  fan  qui  doit  feule  en  être  juge,  ne  nous  fera  plus  alors 
eC aucun  fccaurs. 

M.  l'Evêque  de  Bethléem  a  fenti  la  force  de  toutes  ces  objedions  &  a  cru  ne  pou- 
voir fe  dispenfer,  fous  peine  de  pafTer  pour  un  homme  qui  ébranle  un  des  principaux 
fondemens  de  la  Religion,  de  donner  une  explication  de  fes  fentimens,  qui  les  rappro- 
chât de  la  Vérité.  E  3  Je 


^8  V  T  I  L  I  re     DE     L  j4    P  H  T  S  I  O^V  E 

DissEUT.  7'  "'  frétends  p/is ,  a-t-il  dit,  ^ue  les  Miracles  Divins  ne  peuvent  que  rarement  hre 
evni-'Avr.^iJlfrnés  des  diabolicjues.  Je  ne  l'ai  ni  dit  ni  penfé  .  .  .  ALtlhear  a  moi,  s'écrie-t-il  ,  Ji 
vts  MiR.  j'f'[gij  coHpable  de  ce  crime;  Se  deux  lignes  plus  bas  il  convient  expreiTcment ,  que  /hif 
p  "^47*°'  '^^  ^  H'itHre  même  des  Aïiracles  Jes  difccrne. 

msÎ  II  avoue  encore  qu'  „  on  ne  peut  douter ,  qu'il  n'y  ait  des  maladies  de  toutes  les  cs- 

Ibid.  p.  ;So.  ^^  p^ces,  qui  portent  tant  de  dérangement  &  de  corruption  en  quelques  parties  du 
,,  corps ,  qu'aucun  pouvoir  borne  ne  fauroit  y  remettre  l'ordre  &  le  jeu  néceflaire  à 
„  la  vie  &r  à  une  parfaite  fanté;  &  qu'il  eft  fur  par  conféquent ,  qu'il  y  a  des  guéri- 
„  fons  qui  par  leur  fubftance  exigent  abfolument  la  main  de  Dieu.  (  ^  quoi  il  ajoute^ 
,,  ejiic)  c'efl:  aux  plus  habiles  Mcdecins  à  décid.r,  quelles  font  en  détail  ces  maladies; 
„  (&:  que)  par  état  ils  doivent  avoir  &  qu'ils  ont  fur  ce  fujet  des  lumières  bien  plus 
Ibid.  p.ijo.  „  étendues  que  (le  commun  des  Théologiens  &  que  lui-même;  &  il  fi  réduit  k  finte- 
,,  nir  que)  lorsque  des  événement  fupérieurs  à  la  vertu  des  caufes  fenfibles ,  n'annoncent 
„  point  par  leur  l'ubftance  la  main  de  Dieu,  plutôt  que  celle  du  démon,  ce  qui  eft, 
„  dit  il  ,  très  ordinaire  ,  lorsque  la  manière  dont  ils  ont  été  opérés,  ne  fauroit  non 
„  plus  en  manifcfter  fùrement  le  principe,  ce  qui  eft  aiiflî  très  fréquent,  dit  il  encore; 
,,  c'eft  à  leurs  caradcres,à  leurs  diverfes  circonfl:anccs,à  la  fin  à  laquelle  ils  font  defti- 
„  nés, aux  effets  qu'ils  produifent , que  l'on  doit  néceflairement  s'attacher,  pour  en  dc- 
„  couvrir  l'origine. 

A  l'égard  des  Miracles  opérés  à  l'interceffion  de  M.  de  Paris  &  autres  Appellans ,  il 
n'a  pu  \rouver  d'autre  moyen  de  les  combattre,  qu'en  fuppofa  t  contre  la  notoriété 

ffublique,  qu'il  n'y  a  aucun  de  ces  Miracles  qui  foit  manifeftement  fupérieur  à  toutes 
es  rcdburces  de  la  nature.  Mais  il  a  évité  avec  grand  foin ,  d'entrer  dans  aucune  dis- 
culTion  fur  ce  fujet ,  fentant  bien  qu'il  ne  lui  eft  pas  poflîble  de  rien  objeder  de  rai- 
fonnable ,  contre  les  preuves  dufurnaturel  évidemment  D.vin  de  la  plupart  de  ces  Gué- 
rifons  Miraculeufes';  &  il  a  feulement  employé  toute  la  fubtilié  de  fes  talens  à  les  atta- 
quer par  de  faufles  circonftances,  dont  il  foutient  contre  toute  vérité, que  ces  Miracles' 
font  accompagnés. 

Tel  eft  le  plan  général  de  toutes  les  Lettres  du  Père  Dom  la  Tafte  aujourd'hui  Evo- 
que de  Bethléem.  On  y  apperçoit,  malgré  tous  fes  aveux  forcés  par  rapport  au  prin- 
cipal caractère  qui  diftingue  les  Miracles  Divins  par  la  réalité  de  kur  furnaturel  abfoiu , 
on  y  apperçoit,  dis-je,  clairement  une  affeélation  marquée  de  relever  à  l'excès  le  pou- 
voir des  démons;  d'écaiter,  autant  qu'il  lui  eft  polTible,  l'idée  qu'en  fait  de  Miracles 
la  grandeur  du  furnaturel  eft  ordinairement  ce  qui  convainc  le  plus  les  esprits ,  &:  ce 
qui  touche  plus  fortement  les  cœurs;  d'infinuer  au  contraire,  qu'il  eft  très  rare  qu'on 
puifle  par  ce  moyen  faire  le  difcernement  des  vrais  Miracles:  de  donner  pour  maxime 
que  ce  n'eft  le  plus  fouvent,  que  par  les  feules  circonftances  qu'on  en  doit  juger;  & 
en  même  tems  de  fe  répandre  en  déclamations  calomnicufes  contre  les  ConvuKîons  & 
les  Secours  violens  ,  pour  faire  accroire  à  ceux  qui  ne  connoiflent  pas  cette  œuvre  , 
qu'il  s'y  pafTc  des  chofes  fi  contraires  à  la  fi^efle  de  Dieu,  qu'il  n'eft  pas  poflîble  de 
penfer  qu'il  foi:  l'Aoteur  des  Miracles  qui  y  font  opérés,  ni  par  conféqi^ent  de  tous 
les  autres  qui  font  faits  en  faveur  de  l'Appel,  ces  Miracles  &  IcsConvulfiôns  étant  une 
feule  &  même  œuvre,  qui  fort  également  du  Tombeau  de  M.  de  P.iris,  &  qui  eft 
cfr:nticllement  unie  à  tous  les  autres  Miracles  obtenus  à  l'interceflîon  des  autres  Ap- 
pcllin«. 

Mais  on  ne  trouvera  dans  aucune  des  Lettres  de  ce  Prélat,  qu'il  ait  hazardé  aucune 
afTcrtion,  qui  foit  aufll  dirc^licmcnt  contrai'C  à  l'imprelTion  que  doit  faire  le  funiaturel 
émincnt  des  Mincies,  &  au  moyen  de  les  difcerncr  par  le  carartére  incommuniquable 
de  la  Toutc-p'iifl'ance  Divine;  que  les  Propofîtions  contre  l'utilité  de  la  Phyfiquc,qui 
fervent  de  fondement  à  ce  qu'il  y  a  de  plus  frappant  dans  la  ^r/ew/ïqu'a  fait  M.  Pon- 

cct 


\ 


PAR     RAPPORT    AV  X     Af  I  R  A  C  L  E  S  ,&e.         39 

cet  pour  les  Théologie is  Aiitifecouriftes ,  à  la  Réclamation  &  à  mon  fécond  Tome.  *   Dusfrt. 

Cependant  voici  de  quelle  manière  M.  Poncet  a  d'abord  traité  les  Ecrits  de  M.  de  surl'aut. 
Bethléem.    Dijjîpons,  a-t-il  dit,  Us  prefliges  du  Bénéâi^lm.  df.smir. 

Ces  preftiges  ne  vont  à  rien  moins ,  qu'a  atttorifer  les  Libertins  à  ne  rien  croire.    Le  Be'-  Y;  k"''  ^" 
nedtuin  lenr  en  fournit  les  moyens  :    il  ouvre  ftue  route  ,   qt*  apparemment  us  Juivront  4S.  &  49. 
tous  .  .  .  Ils  prétendront ,  comme  lui,  que  tous  les  Miracles ,  tous  les  Prodiges ,  font  équi-  luid.  pp.  50. 
v^qnes  :  qu'on  peut  les  attribuer  également  à  Dieu  &  au  démon:  que  c'eft  par  les  circonftan-  *'  ^'" 
ces  quon  en  doit  juger  :  &  ces  cir  confiance  s  feront  réglées  fuivant  les  intérêts  de  leiu's  pré- 
jugéi  &  de  leurs  préventions. 

„  Nous  voyons,  ajoute-t-il,  qu'on  pofe  les  fondemens  d'une  incrédulité  monftrueu-  ^^'^'^'  î^» 
„  fe.    Le  BénédiiStin  levé  la  malédi>5liôn  que  Jéfus-Chrift  prononce  contre  cette  fu- 
„  nefte  dispolîtion ,  qui  ne  lailTe  à  Dieu  aucune  reffource  pour  fe  faire  obéir  :  il  fe  pré- 
„  fente  pour  être  1  Avocat  de  tous  les  endurcis  ....  Qu'un   peuple  eft  malheureux 
„  d'enfanter  ainii  des  hommes  qui  lui  apprennent  à  être  impie  par  principes  !  " 

Apres  les  grands  Aî'racles ^  dit  encore  M.  Poncet,  faits  pour  guérir  les  fourds  ô'  '^-^«"'t. g. 
tnuets  de  naifance  ,  (tels  que  (atherine  Bigot)  des  membres  dejféchés  depuis  plus  de 
vingt  ans,  ainfi  que  l'étoient  les  jambes  d'Anne  Augier,  des  paralytiques  incurables, 
comme  la  Couronneau,  Sergent,  la  Demoifelh  Hardouin,la  Dame  Stapart ,  &c.  des  hy- 
dropiques ,  ^nïTi  monftrueux  que  les  Demoii elles  Thibault  &  Duchesne;  il  demeurera  dou- 
teux félon  vous ,  reproche-t-il  à  Dom  la  Tafte ,  Ji  c'efi  Dieu  ou  le  démon  qui  les  aura  0- 
pérés,  M.  Poncet  auroit  dû  encore  ajouter:  après  des  créations  de  membres  entiers, 
luili  Merveilleufes  que  celle  de  la  main  de  Jeanne  Tenard ,  &  des  jambes  de  Charlotte  la 
Porte,  fous  le  poids  énorme  des  Secours  les  plus  violens  :  ce  ne  fera  pas ,  dit -il,  /<* 
grandeur  de  ces  Aîerveilles  ni  le  pouvoir  de  les  faire ,  qui  décidera  à  qui  on  doit  les  attri- 
buer de  Dieu  ou  du  démon.  H  en  faudra  juger  par  les  circonstances  .  .  .  E$ 
qu  appellez^-vous  donc  des  blasphèmes ,  Jî  ce  que  je  rapporte  ici  de  vous  en  propres  termes  , 
n'en  efi  pas  un?  Pouvez, -vous  nier  que  ce  ne  foient-lk  vos  fentimens  ?  N'ai -je  pas  e& 
raifon  de  dire,  quilfujft  de  les  expofer  devant  les  Chrétiens  ,  potrr  leur  en  donner  de  l'hor- 
reur :  qu'il  fufft  de  remarquer  ces  excès,  pour  apprendre  de  quoi  les  hommes  font  capables 
^uand  Dieu  les  abandonne  à  leurs  ténèbres, 

„  Le  Bénédidin,  conclut -il,  renverfe  les  fondemens  de  la  Religion,  pour  renverfer  ^'^'"•P  ^' 
„  nos  Miracles. 

Ajouto-.s  encore  ici  les  principes  que  M.  Poncet  ncîus  a  donnés  dans  ces  mêmes  Let- 
tres ,  pour  nous  fervir  de  faiivegarde  contre  les  dangereufes  maximes  répandues  dans  cel- 
les de  Dom  la  Tafte. 

„  Les  Mu-acles,  dit-il,  que  Dieu  opère  pour  fe  faire  reconnoître,  doivent  fe  diftin-  X.Lck.8,8 
„  guer  par  eux-mêmes  de  toutes  les  œuvres  du  démon. 

„  Dès  que  les  Samaritains,  ajoute-t-il,  virent  les  Miracles  que  faifoit  S.  Philippe, 
„  quoiqu'il  ne  foit  parlé  que  de  paralytiques  &  de  boiteux  guéris,  ils  reconnoiifent 
„  dans  l'iuftant  l'opération  de  Dieu  dans  ces  Merveilhs  :  ils  ne  fe  fervent  d'aucun  des.. 
„  moyens  de  Dom  la  Tafte,  pour  difcerner  à  qui  ils  doivent  les  attribuei-  ....  Au 
„  contraire,  c'eft  par  les  Miracles  qu'ils  difcernent  la  doctrine.  Ils  étoien.t  attentifs, 
„  dit  rEcritur°,  aux  chofes  que  Philippe  leur  difoit,  &  1  écoutoient  tous  avec  une 
„  même  ardeur,  parce  qu'ik  voyoient  les  Miracles  qu'il  faifoit.    C'étoit  uniquement 

„  par 

*  [  Il  eft  néceflàire  de  prévenir  ici  quelques  Lefteurs  ,   que  la  première  Edition  du  fécond  Tome 

ie  M.de  Montgeron  ,  ayant  été  attaquée  dans  le  cours  de  l'année  17^,1.  par  diveri'cs  Feuilles  àesHowvil- 

Its  Eccle/iaftiques  dirig;ées  par  MM.  les  Antifecouriftcs  ;    il  parut   au  commcnccniont  de  1743    un  bel 

Ecrit  en  deux  Parties  ,  fait  pnr  un  célèbre  Théologien,  &  qui  a  pour  titre:  KecUrnation  des   Dejfen- 

Jcars  légitime  dis  Convulfiom  (^  des  Secours  ,  contre  Us  Eeuiliet  des  Nouvelles  EccléJiaJiifHes  ,  &c.  j 


•40  V  T  I  L  I  T  r     DE     LA    P  H  T  S  I  O^V  E 

DissTRT.,,  par  h  gnndeur  &  le  nombre  des  Miracles,  en  les  confidcrant  en  eux -mêmes  &  darrs 
surl'aut.^^  jgy^  fubftance,  qu'ils  jugeoient  qu'on  ne  pouvoit  les  attribuer  qu'à  Dieu  feul. 
DES  MiR.        ^^  gj  ^^  interroge  ,  dii-il  encore ,  tous  ceux  qui  ont  ajouté  foi  aux  Miracles  dans  touS 
ibjd.  p.  9.   ^^  jpj  Siècles ,  ou  trouvera  que  ce  qui  les  a  dccermiaés,  c'eft  premièrement  la  grandeur 

„  des  Miracles  confidcrcs  en  eux -même?. 
III.Lett.p  j.      Il  va  même  jusqu'à  dire ,  f«'«7  nj  a  d'autre  examen  à  f.iire  fur  les  Miracles  ,   tjue  de 
^  "•  s  apurer  fi  les  faits  font  certains  ...  Et  il  obferve  très   judicicufcment ,  qu'i/  efl  très 

sifé  de  prouver  far  la  Phjfitjtic,  qu'il  j  a  très  peu  de  gucrifons ,  de  celles  qui  fe  font  o- 
pérées  en  un  infiant ,  cj*  qui  fi  trouvent  tout  d'un  coup  parfaites ,  qui  ne  foient  au  dejfus  des 
loix  de  U  nature. 

J'ajouterai  qu'il  n'efl:  pas  même  ncceflaire  d'être  fort  inftruit  de  la  Phyfique,  pour 
être  convaincu  de  cette  vérité  :  qu'il  fuflit  de  faire  attention  à  l'expérience  que  tous  les 
hommes  ont  continuellement  fous  les  yeux  ,  pour  favoir  que  la  nature  ne  travaille  que 
Ibid.  .  lentement ,  ainCi  que  le  remarque  encore  M.  Poncet,  &  qu'il  ne  faut  que  faire  ufage  de 
fa  raifon  pour  fe  perfuader  que  la  nature  ne  renferme  aucun  reflbrt  dans  les  folides ,  ni 
aucune  vertu  dans  les  liquides,  qui  puifle  lui  faire  produire  en  un  moment,  ce  qu'elle 
ne  doit  opérer  qu'avec  un  tems  proportionné  à  l'effet ,  fuivant  les  loix  primitives  &  per- 
manentes que  Dieu  lui  a  impofées,  lorsqu'il  lui  a  donné  l'être. 

Apres  tous  ces  lumineux  principes,  que   M.   Poncet  a  fi  folidement  établis  pour 
renverfer  les  Propofitions  captieufes  par  lefqucUes  Dom  h  Tafte  s'efforçoit  d'éblouïr  le 
Public,  qui   auroit  jamais  pu  penfer   que  lui-même  bientôt  après,  perdroit  fi  fort  de 
viîe  la  lumière  qui  l'éclairoit  alors ,    qu'il  viendroit  nous  débiter  du  ton  le  plus  impo- 
Reponrc,&<:-  font  :   que  la  Phyfique  cft  u>je  faujfe  voie  pour  diftinguer  les  Adiracles  Divins  des  prefiiges 
^'  ^^'  du  démon:  qu'elle  nç  peut  fervir  de  rien  pour  faire  ce  difcerncmcnt ,   Si  que  c'efi  principa- 

palcment  des  circonfiances  que  les  A4ir actes  tirent  leur  force  ? 

Quoi  !  lorfque  Dieu  nous  donne  des  marques  fenfibles  de  fa  prèfence  &  de  fon  opéra- 
tion, par  la  grandeur  Merveilleufe  de  fes  œuvres  furnaturelles,  ne  veut-il  pas  que  nous 
reconnoilTions ,  que  nous  adorions,  que  nous  bénilTions  fa  m.-in,  &:  que  le  caractère  ini- 
mitable de  fa  Toute-puiCfance  Divine  nous  ferve  à  la  diftinguer  de  la  griffe  de  Satan  ? 

Par  exemple  ,  quand  il  lui  plaît  de  produire  furnaturellement  une  multitude  d'êtres, 
qui  ne  précxiftoient  point  ,  ni  dans  leur  fubftance  ,  ni  dans  aucun  germe ,  tels  que  les 
jambes  de  Charlote  la  Porte  ,  à  qui  il  manquoit  dès  fa  naiiïince  une  multitude  innom- 
brable de  nerfs,  de  vaifieaux  &  "d'autres  parties  cflcntielles^  n'ayant  même  aucun  os,  ni 
aucune  chair  régulièrement  organifèe,  dans  les  lambeaux  informes  qui  depuis  plus  de 
cinquante  ans  occupoicnt  h  place  où  auroient  dû  être  fes  jambes:  quand  il  renverfe 
fous  nos  yeux  les  loix  permanentes  qu'il  a  impofées  à  la  nature,  ainfi  qu'il  a  fiit  en 
réforn^ant  de  toutes  façons  par  la  violente  imprelTion  des  coups  les  plus  terribles ,  les  os 
contrefaits*,  trop  gros  &  trop  courts  de  Marguerite  Catherine  Turpin  :  quand  par  des 
opérations  qui  auroient  dû  naturellement  caui'er  la  mort,  il  guérit  des  cancers  qui  ont 
corrompu  jusqu'aux  os,  &  qui  font  incontellablcmcnt  incurables,  ainfi  que  l'ctoit  ce- 
lui de  Madclainc  Durand;  cfl-ce  uae  faujfe  voie  Ac  diftinguer  de  fi  srmds  Aïiractes  ^  des 
prefiiges  du  démon  ^  par  h  Puiflance  fans  bornes  de  celui  qui  les  opère  ? 

C'eft  donc  une  Propofition  évidemment  erronné:,dc  dire,  non  feulement  par  rapport 
à  ces  Miracles  opérés  par  de  violcns  Secours,  mais  même  en  général  à  Icgard  de  tous 
ceux  que  Di.ii  i  jamais  fait,  que  la  Phjffique,  c'eft  à  dire  la  connoiffance  de  If  nature 
&  de  h  manier  luccellive  dentelle  fnit  chacune  de  fes  opérations,  fuivant  les  loix  in- 
variables qui  1 1  gouvernent ,  ne  peut  fervir  de  rie»  pour  en  faire  le  difrememem. 

Que  k'.  penféfs  des  Théologiens  Antifecouriftcs  font  aujourd'hui  diffcrciitcs  de  ccl- 

Nou».  Ec-les  qu'ils  asoicnt  en  t7j7.  lorsqu'ils   fiifoicnt  publier  dans  toute  la  Fraïue  par  leur  é- 

f>i^i^}''  datante  Trompette,  que  mon  premier  Tome  contcnoit  dciEcrinor  des  discours  dignes  eUs 

fins 


PAR     RAPPORT    AV  X    M  I  R  A  C  L  E  S ,  &e.        41 

plus  grands  Théologiens  ...  &  que  rien  n'étoit  plus  viftorieux  que  ma  méthode  unifor-  Dissert. 
me  de  démontrer  invinciblement  ^  que  les  guérifons  Miraculeufes ,  dont  je  rapportois  les  s^Rt- aut. 
preuves,  n  avaient  pâ  s'opérer  que  par  un  ejfet  de  la  Toute-puijfance  Divine, 

J'ai  fuivi  la  même  méthode  dans  mon  fécond  &  troifiéme  Tome ,  que  dans  le  pre- 
mier. Mes  preuves  tirées  de  la  phyfique  y  font  même  encore  plus  frappantes ,  plus  fen-  ^ 
lîbles,  plus  triomphantes:  &  ce  qui  a  choqué  ces  Meffieurs,  c'eft  précifément  parce 
que  j'ai  fortement  démontré  l'opération  toute-puilTante  de  Dieu  dans  plufieurs  Mi- 
racles qui  leur  déplaifent ,  par  la  raifon  qu'il  lui  à  plu  de  les  exécuter  par  les  Secours 
les  plus  étonnans,  au  grand  fcandale  de  ces  MM.  &•  au  préjudice  de  la  Décifion  qu'ils 
avoient  faite,  que  ces  Secours  étoient  condamnables.  Mais  ces  MM.  n'auroient-ils  pas 
mieux  fait  de  fe  foumettre  à  ce  jugement  de  Dieu,  que  de  fe  révolter  contre  ?  Et  cela 
devoit-il  les  engager  à  changer  totalement  de  principes,  &  à  foutenir  aujourd'hui,  que 
la  méthode,  à  laquelle  ils  avoient  donné  tant  de  louanges,  eft  une  fauffe  zoie  pour  diftin- 
guer  les  Aiiracles  Divins ,  parceque  c'eft  principalement  des  circenfiances  que  les  Aîiracles 
tirent  leur  force  ? 

N'eft-il  pas  inconcevable,  que  ces  MM.  n'aient  point  été  effi-ayés  de  l'injure  qu'ils 
font,  par  une  telle  Propofition,  aux  plus  brillantes  œuvres  de  la  Toute-puifTance  du. 
Très -haut,  en  infinuant  que  les  Miracles  Divins  n'ont  la  plupart  presque  aucune  for- 
ce par  eux-mêmes,  du  moins  pour  fe  faire  reconnoître;  puisque  c'efi  principalement  des 
circonjiances  dont  ils  la  tirent,  &  que  ce  n'eft  ordinairement  que  par  ces  circonftances 
qu'on  peut  les  diftinguer  des  ftratagèmes  de  Satan? 

Comment  ces  favans  univerfels ,  qui  fe  piquent  de  ne  rien  ignorer  de  tout  ce  quils  sjiorjSTho. 
doivent  favoir  *  ,  ont-ils  pu  oublier  que  les  Pérès  del'Eglife,  les  Apologiftes  de  la  mas  &  les 
Rehgion,  &  les  plus  célèbres  Théologiens,  nous  ont  enfeigné  au  contraire,  que  c'eft  i-ggafe',  „„ 
la  réalité  &  l'évidence  d'un  farnaturel  abfolu ,  qui  caraftérifent  les  vrais  Miracles ,  &  luniaiurei 
qui  les  diftinguent  efTentiellement  de  la  fupercherie  des  démons;  ces  malheureux  Esprits  ptemier&îc 
réprouvés  ne  pouvant  rien  exécuter ,  que  par  les  moyens  qu'ils  trouvent  dans  la  natu-  Ffin^ipai  ca- 
re,   &  par  conféquent  ne  pouvant  rien  faire  qui  foit  véritablement  &  abfolument  fur-  diftiogueiics 

naturel  nuiaclesdi- 

,  .     vins  des 

Je  ne  citerai  ici  que  S.  Thomas,  me  réfervant  à  rapporter  dans  la  fuite  de  cet  Ecrit  prcftigesdu 
les  fentimens  fur  ce  fuj;t  de  plufieurs  des  Pérès,  des  Apologiftes  &  des  plus  grands  ^^Xin  ca'- 
Théologiens  ,  pour  prouver  contre  Dom  la  Tafte  &  tous  les  autres  Adverfaires  des  "ft^"  "'eft 
Miracles  de  notre  Siècle ,  que  non  feulement  les  démons  ne  font  point  de  guérifons  pi^u  Phjfi° 
qui  foient  véritablement  Mii-aculeufes ,  mais  que  Dieu  ne  permet  pas  même,  qu'ils  en  q^'^^^  ^ 
opèrent  qui  femblent  l'être  ;&  que  s'ils  ont  fait  quelques  miférables  guérifons  qui  aient  &c.  p.  79.  ' 
paru  finguliéres ,  quoiqu'opérées  par  des  moyens  naturels ,  elles  ont  toujours  été  mar- 
quées à  leur  coin  par  des  caractères  &  des  traits  qu'il  a  été  très  facile  d'appercevoir. 

Selon  S.  Thomas,  il  fuffit  de  connoître  qu'une  guérifon  a  été  opérée  d'une  manière 
fupérieure  à  l'ordre  général  établi  dans  toute  la  nature,  pour  juger  avec  certitude  que 
c'eft  un  Miracle  Divin. 

,,  On  appelle  un  Miracle ,  i^/V  il,  ce  qui  fe  fait  d'une  manière  fupérieure  à  tout  l'or-  Som.  i.  p. 
,,  dre  de  la  nature  créée.  Il  n'y  a  que  Dieu  qui  puiffe  faire  de  pareilles  chofes.  Car  tout  ^^^^\^^'^ 
„  ce  que  fait  un  Ange ,  ou  toute  autre  créature  par  fa  propre  vertu ,  ne  fe  fait  que  con- 
„  formément  à  l'ordre  de  la  nature  créée:  ainfi  ce  n'eft  point  un  Miracle.  D'où  l'on 
„  doit  conclurre ,  que  Dieu  feul  peut  opérer  des  Miracles.  Miraculum  efl  quod  fit 
prêter  ordinem  totius  nature  creata.  Hoc  non  potefi  facere  niji  Deus  :  quia  quidqttid  facit 
Angélus ,  vel  qudcunque  alia  creatura ,  hoc  fit  fccundkm  ordinem  nature  creatd ,  23"  fie 
non  efl  miraculum  :  unde  relinquitur  quod.  folus  Deus  miracula  facere  polfit. 

Ainfi  dès  qu'il  eft  certain  qu'une  guérifon  eft  abfolument  fumaturelle,  c'eft  à  dire 
qu'elle  a  été  produite ,  non  pas  conformément  a  l'ordre  de  toute  U  lutture  créé,  mais  par 

P^jfert.  Tom.  II.  F  des 


4i  VTlLirr     DE     LA    P  H  Y  S  ï  O^V  Ê 

DtssîRT.  des  effets  fupe'rieurs  aux  loix  gériéiales  qui  la  icgiiTem,  on  doit  condurre  avec  S.  Tho- 
suRL-AUT.  jjjjj^  que  Dieu  en  eft  incoiitcftablement  l'Auteur. 

DES  wiR.        Ajoutons  encore  ici  un  paflage  de  cet  Ange  de  l'Ecole,  que  nous  fournit  l'Auteur 

même  du  Mémoire  Tueologicjue  contre  les  Secours. 

-  „  Les  Merveilles  qui  fe  font  par  les  Saints ,  dit  S.  Thomas ,  peuvent  fe  diftinguer 

Dift.  7. 1.  ;.' ,,  du  moins  par  trois  caracte'res ,  de  celles  que  font  les  médians.    Le  premier  de  ces  ca- 

**•  ^'  „  ractéres  eft  l'efficace  de  la  puiflance  d^  celui  qui  les  exécute  :  car  les  Merveilles  fai- 

„  tes  par  des  Saints  s'ope'rent  par  la  Puiflance  Divine ,  même  fur  des  chofes  par  rapport 

„  auxquelles  la  vertu  adive  de  la  nature  ne  peut  s'étendre  en  aucune  façon  ....  Ce 

5,  que  les  démons  ne  peuvent  faire  véritablement ,  mais  ils  font  feulement  des  preftiges, 

y,  qui  ne  fauroient  long-tems  durer.  "  Sign^  facla  p(r  boMos  po(fnnt  dijiingui  ah  illis  ,qu£ 

per  mitlos  fiunt ,  tr/pliciter  ad  minus  :  primo  ex  efficaciâ  virtutis  operamis ,  quia  figtM  fac- 

ta  per  honos ,  virtute  divina  fiunt ,   in  illis  ad  (jUdi  virtus  activa  fe  nullo  modo  extendit  : 

^£  dctmones  fecundum  veritatcm  facere  non  pojfttnt ,  fcd  in  pr^sftigiis  tantum  qu^  ditt  du- 

rare  non  pojfunt. 

Mais  n'eft-ce  pas  par  la  Phyfique,  c'eft  à  dire  par  la  connoiffancc  de  la  manière 
dont  la  nature  opère ,  qu'on  difcerne  fi  des  gucrifons  paflTent  la  vertu  aiftive  de  la  natu- 
re ,  ou  fi  elles  ne  font  que  de  vains  preftiges  ? 

Souvent  même  on  n'a  pas  befoin  d'une  Phyfique  fort  favante  &:  fort  recherchée,  pour 
faire  ce  discernement.  Car  le  furnaturel  abfolu  des  Miracles  eft  ordinairement  Ci  frap- 
pant &  fi  vifible,  qu'il  fuffit  pour  connoijre  qu'une  guérifon  eft  un  vrai  Miracle,  de 
faire  ufagc  de  la  Phyfique  naturelle  qu'ont  toutes  les  perfonnes  intelligentes. 

Tandis  que  le  fimplc  admire  les  œuvres  de  Dieu  par  une  imprelTion  qui  le  frappe  & 
le  faifit,fans  lui  donner  une  connoiiTance  bien  claire  &  bien  développée  des  raifons  qu'il 
a  d'admirer,  le  favant  Phyficien  voit  comme  à  découvert  l'adion  du  Tout-puiflant. Sa 
fçicnce  pratique  de  tous  les  effets  que  la  nature  peut  produire  dans  le  corps  humain, 
lui  fait  clairement  connoître  dans  un  vrai  Miracle,  que  la  guérifon  qui  vient  d'être  o- 
péré:  ,  l'a  été  par  une  Puiflance  fans  bornes,  qui,  pour  faire  cette  œuvre,  a  renvecfé 
les  loix  fuivant  lesquelles  la  nature  eft  continuellement  régie  :  fon  efprit  étant  pleine- 
ment convaincu  ,  fouvent  la  grâce  en  fiit  paffer  l'imprefllon  jufques  dans  fon  cœur. 
C'eft  par  exemple  ,  cette  vue  claire  &:  diftinde  qui  a  comme  forcé  pluGeurs  Méde- 
cins &  Chirurgiens  de  la  Cour,  d'hazarder  toute  leur  fortune,  pour  rendre  hautement 
les  Témoignages  que  je  rapporte  dans  mes  trois  Tomes.  Les  Théologiens  Antifecou- 
riftes  diront -ils,  qu'en  cette  rencontre  la  Phyfique  de  ces  Maîtres  de  l'Art  qui  a  été 
comme  le  canal  de  leur  foi ,  ne  leur  a  fervi  de  rien  ? 

Une  des  grandes  obje(!;iions  de  ces  MM.  eft  de  dire,  que  fi  La  Phyfiqtte  doit  fervir 
pour  diflinçHer  les  Miracles  Divins  des  prejliges  dit  démon ,  eu  ce  cas  la  décifion  dit  procès 
(  c'eft  à  dire  de  h  queftion  de  favoir  fi  un;  guérifon  eft  l'œuvre  de  Dieu ,  ou  luic  fu- 
perchcrie  diabolique  )yê)'o«  enlevée  aux  Théologiens  ^  ^  deviendroit  du  rejfort  des  Philo/h- 
phes ,  ce  qui  fcroit ,  ajoutent-ils,  d'un  ridicule  achevé.  Car  ces  MM.  veulent  abfolumenc 
que  les  Fivlélcs  ne  fe  déterminent  que  par  leur  confeil  dans  le  difcernement  des  Miracles; 
&  ftlon  eux,  il  eft  fouveraiocment  ridicule  qu'ils  veuillent  voir  clair  par  eux  mêmes, 
&  qu'ils  refufcnt  de  dépendre  aveuglément  de  leur  Autorité  fur  ce  fujet.  Suivant  leurs 
principes ,  les  plus  habiles  Phyficiens  pleinement  convaincus  par  leur  fcience  &  leur  rai- 
ibn  de  la  vérité  d'un  Miracle  éminemment  furnaturel,  ne  doivent  pas  le  prefler  d'eu 
rendre  gloire  à  Dieu:  il  faut  auparavant  qu'ils  confultcnt  ces  Meflieurs  :  Se  C\  ce  Mira- 
cle ne  leur  plaît  pas,  par  exemple  s'il  a  été  opéré  par  des  Secours  violcns,  ces  Phyfi- 
ciens font  obligés  de  ie  plonger,  malgré  leurs  lumières,  dans  les  ténéixes  de  l'incerti- 
rude,  &  de  douter  avec  les  Antifccouriftes ,  fi  ce  Miracle  eft  reflet  de  la  Toute-pxiis- 
fance  Divine, ou  s'il  n'cft  qu'une  illufion  de  l'E'^prit  pervers.  MiJS  n'cft-il  pas  évident, 

que 


PAR     RAPPORT    AV  X    M  I  R  A  C  L  E  S ,  éc.        45 

que  cette  prétention  eft  très  mal  fondée,  &  qu'une  bonne  démonftration  anatomique,    Dissert. 
qui  prouve  invinciblement  qu'un  Miracle  eft   fupérieur  à  l'ordre  de  toute  la  nature  ^"'"''^"'* 
créée,  prater  ord'mem  totius  nature  creatie,  eft  bien  plus  décifïve  que  le  fentiment  par-  °^^''"''- 
ticulier  de  ces  MM.  qui  ne  font  nullement  incapables  de  s'aveugler  par  leurs  préven- 
tions, comme  ils  le  prouvent  bien  aujourd'hui,  qu'ils  foutiennent  le  contraire  de  ce 
qu'ils  foutenoient  il  y  a  quelques  années  avec  tant  de  raifon  ? 

Au  refte  ils  auroient  dû  faire  réflexion,  que  l'Autorité  de  prononcer  juridiquement 
fur  la  vérité  des  Miracles,  n'appartient  qu'au  Pape  &  aux  Evéques,  &  non  pas  aux 
fimp'es  Théologiens ,  non  plus  qu'aux  Philofophes  :  &  que  ce  font  les  Médecins  &  au- 
tres perfonnes  favantes  en  Anatomie ,  que  le  Pape ,  la  Sacrée  Congrégation  &  les  Erê- 
ques  ont  toujours  confultés  fur  les  Miracles ,  pour  favoir  fi  une  guérifon  qu'on  leur 
préfentoit  comme  Miraculeufe,  avoit  été  effedivemeni  opérée  par  des  efiêts  fupérieurs  aux 
loix  de  la  nature. 

On  en  pourroit  citer  une  multitude  d'exemples ,  mais  il  fuffira  d'en  donner  pour  té-       JV. 
moin  N.  S.  P.  le  Pape  aauellem-nt  régnant.  Rs'p.°ie'' 

Dans  fon  Traité  de  U  Béatification  des  Scrvitmrs  de  Dieu  ^  de  la  Canotiifation  ^a ''^P*.- 1"« '» 
Saints  ou.  il  examine  avec  grand  foin ,  par  quel  moyen  on  peut  s'affurer  qu'une  guéri-  cft^tr'es^mUs 
fon  eft  Miraculeufe,  il  décide  *  qu"  ,,  il  faut  pour  cela  requérir  le  jugement  des  Mé-  ^  'T''-"'"?. 
,>  decins ,  afin  de  conftater  fi  la  maladie  ,  dont  on  prétend  avoir  été  Kliraculeufement  neccfi^kc",' 
,,  guéri,  étoit  confidérable,  d'une  guérifon  difficile,  ou  même  fi  elle  étoit  incurable."  ^^"'^1''''^"" 
Z^t  vero  confiet  morbum  fnijfe  gravem^  ijr  curatH  dtfficilem  ,vel  impojjibilem  ^  exqHirendum  Mirccics:que 
efi  Medicorum  ptdicntm.  '  !iff  l'-V' " 

,  •'  /  ....  dans  1  ulagc 

Il  obferve  qu'en  effet  t  „  la  Sacrée  Congrégation  des  Rits  interroge  («»«  les  Théologiens:  '"f  <:=  .'"lec 
„  elle  en  fait  autant  queux  [ht  ce  que  la  Théologie  nous  apprend  a  cet  égard;  mais)  les  le^NlahreV 
,,  Médecins  (&  que  c'eft  à  eux  qu'elle  a  recours)  afin  qu'ils  portent  leur  jugement  ^^  ''^"„'  ^ 
„  ielon  la  vente,  iur  les  guenfons  que  ceux  qui  requerent  la  Canonifation  d  un  Saint,  tamment  fur 
„  prétendent  être  Miraculeufes.  Medici  ,  .  .  à  Sacrorum  Rituum  Congregationc  interro-  '^''Jl\^X\ 
„  gantur  ,  ut  fuum  pro  veritate  ferant  judicium ,  fuper  his  qua  tanquam  miraculofa  à  foumiflinr, 
„  pofluUtoribus  proponuntur.  "  _  ^  tammcl'^'''' 

Voilà  donc  N.  S.  P.  le  Pape,  qui  nous  déclare  que  la  Sacrée  Congrégation  veut  ^  <iécidet  que 

avant  de  fe  déterminer ,  que  „  les  Méiecins  portent  leur  jugement  fur  les  guérifons  ,  fon'^c^irun 

„  qu'on  prétend  Miraculeufes.  "    Medici  .  .  .  m  fuum  .  .  .  ferant  judicium  fupcr  his  ^'"^''s 

qu£  tanquam  miraculofa  proponuntur.    Ainfi  voilà   les  Médecins  établis  par  h  Cour  de     *Lib.  4. 

Rome,  les  premiers  Tuçes  des  Miracles:  &  c'eft  fur  leur  Sentence,  que  la  Sacrée  Con- T°™■'^•"?• 
-.  '„  ^-  j  r  «  '  3.11.4.  p.  54. 
gregation  rend  fes  Arrêts.  t  Lib.  ?. 

Le  S.  Père  regarde  même  cette  première  fentence,  comme  étant  d'ime  fi  grande  con-  ^Tip."/! 
féquence,  qu'il  loue  le  Pape  Clément  XII.  de  ce  qu'il  n'avoit  jamais  manqué  de  pren- Ep  dedk.  du 
dre  le  fentiment  des  Philofophes  &  des  Médecins,  lorsqu'il  s'étoit  agi  de  porter  fon"^""--- 
jugement  fur  des  Prodiges  &  des  Miracles.   Vbi  de  prodigiis  ftgnisque  ageretur  ,  Philo- 
fophorum  quoque  (y-  Aîedicorum  fenft  perceperit. 

„  A  l'égard  des  Médecins,  dit-il  encore,  qui  ont  traité  un  malade  qu'on  prétend  Lib. 5  Tom. 
avoir  recouvré  la  fanté  par  Miracle,  toute  la  queftion  eft  de  favoir  fi  leur  témoigna  •^■"^'^•''•** 
ge  eft  néceiïaire  pour  juger  de  ce  Miracle.  Car  il  ne  peut  point ,  dit-il,  y  avoir  de 
doute  que  leur  témoignage  ne  foit  très  utile  ,  puifque  c'eft  par  ce  moyen 
qu'on  connoît  exaftement  l'état  de  la  maladie  ,  &  la  manière  dont  la  guérifon' 
s'eft  opérée.  C'eft  pourquoi,  ajoute-t-il,  il  n'y  a  perfonne  (il  faut  pourtant  en  ex- 
cepter les  Antifecouriftes  )  qui  ne  voie  que  la  Sacrée  Congrégation  procède  bien  plus 
,,  fùrement  dans  la  difcuflîon  d'un  Miracle ,  lorsque  les  Médecins  qui  ont  été  prefent 
„  à  la  guérifon,  en  donnent  leur  témoignage,  que  fi  ce  témoignage  leur  manquoit.  " 
De  Medrcis  qui  infirmum  curarunt  qui  dicitur  per  miracuUtm  confecutus  fsrijfe  finit atem\ 

F   5  quAriiKY 


44  VTILITE'DELA     P  H  T  S  I  O^V  E 

T>iiif.KT.  auaritur  art  eorum  examen  fit  utile  an  neccjfanum.    De  utilitate  nimirnnf  ntilLt  potefl  ejfe 

^^^^  ''^'^-  coniroverjîa.    Status  enim  morbi  ex  eorum  tejïimonio  dignûfcitttr  ,   fanitatisque   ntodus  ex 

eociem  ejMoque  defumititr,  Oitapropter  nemo  non  v'iâet  Confnltorci  Sacrx  Congrégation! s  . . .  in 

miraculi  difcujjione  tutilts  procedere  pojfe ,  fi  Medici  cnra  ajiantes  tefiati  funt ,  quam  fi  etf 

rum  tefiimonium  deficiat. 

Qvie  dira  N.  S.  P.  le  Pape  de  l'Ecrit  du  Deffenfeur  des  Théologiens  Antifecouriftes, 
en  voyant  que  cet  Auteur  foutient  formellement  au  contraire ,  que  U  Phyfique  ne  peut 
firvir  de  rien  pour  difcemer  les  Afiracles  Divins  ? 

Le  S.  Père  paroit  même  porté  à  penfer ,  que  b  témoignage  des  Médecins  qui  ont 
vu  les  malides ,  eft  en  quelque  forte  néceflaire  ,  pour  pouvoir  juger  fûrement  qu'une 
guérifon  eft  Miraculeufe  :  &  il  déclare  que  „  dans  le  tems  qu'il  exer^oit  la  charge  de 
„  Promoteur  de  la  foi ,  il  a  vu  rejetter  beaucoup  de  Miracles ,  par  la  feub  raifon  que 
,,  ce  témoignage  manquoit  à  leur  preuve.  Et  vero  dum  fttngebar  muncre  fidei  Premotoris, 
multa  vidi  miracula  rejetla  ex  defeiln  diSli  examinis. 

On  ne  croit  donc  point  à  la  Cour  de  Rome ,  que  cefl  principalement  des  circonfia»' 
ces  d'où  les  Miracles  tirent  leur  force  :  Et  on  y  eft  au  contraire  très  perfuadé ,  que  h 
preuve  la  plus  eflcntielle  &  la  plus  décillve,  qu'une  guérifon  eft  Miraculeufe,  &  qu'el- 
le eft  l'ouvrage  du  Tout-puiflant ,  c'eft  lorsque  cette  guérifon  s'eft  opérée  par  des  eflèts 
fupérieurs  aux  loix  primitives  &  permanentes  qui  régiflent  toute  la  nature  :  ce  qu'on  ne 
peut  ordinairement  connoître  bien  clairement  que  par  la  Phyfique. 

Ibii.  n.  9.  Auffi  N.  S.  P.  le  Pape  citc-t-ilavec  éloge  le  fentiment  unanime  de  Contelertus  dans  fon7r/r/Vc 
de  la  Canonifat ion  des  Saints  (ch.  18.  n.  12.)  de  Rofa,  dans  l'Addition  à  fon  Traité  dt 
l'exécution  des  Lettres  u4pofloltques  (n.  255.  &  fuivant)  de  Alatthieu  dans  (n  Pratique 
Théologique  (  Tom.  3.  ch,  5.  parag.  5.  &  66.)  où  ils  foutienncnt  que  non  feulement  les 
Médecins  &  les  Chirurgiens  qui  ont  traité  les  malades  &  qui  ont  examiné  leur  guéri- 
fon ,  peuvent  porter  un  jugement  certain  fur  la  queflion  de  fivoir  fi  cette  guérifon  efi  un 
Miracle ;^m{(\\.\\h  font  en  état  de  décider,  par  ce  qu'ils  ont  vu  de  leurs  yeux,  fi  cet- 
te guérifon  a  été  produite  par  des  effets  qui  furpaflent  abfolument  ce  que  peut  opérer 
la  nature  ,  tels  que  des  créations ,  des  régénérations  fubites ,  des  changemens  foudains 
d'une  liqueur  toute  corrompue  en  une  liqueur  pure  &  parfaite  ,  ou  des  transforma- 
tions de  folides  qui  avoient  perdu  leur  forme  eflentielle ,  en  des  folides  régulièrement 
organifés,  &c.  Mais  ils  pcnfent  même  que,,  les  Médecins  &  Chirurgiens  qui  n'ont  point 
„  aflîftc  ces  malades,  ni  été  témoins  de  leur  guérifon,  peuvent  juger  avec  aflurance 
„  (fur  le  rapport  des  Témoins)  fi  cette  guérifon  a  été  Miraculeufe.  "  Putat  Afedicos 
etiam  vel  Chirurgos ,  qui  non  interfuerunt  miraculo ,  nec  fuerunt  Aîedici  aut  Chirurgi  cm- 
r*  ,  tutum  ferre  poJfe  judicium  de  fanatione ,  utrum  fçilicet  fuerit  miraculofa, 

Mjtu.Tiai-      Le  S.  Père  rapporte  auflî  le  fentiment  de  Matta,  qui  eft  de  même  avis  que  ces  trois 

tfdehC»-  autres  Auteurs,  par  rapport  au  jugement  que  portent  fui-  ce  fujet  les  Médecins  qui  ont 

roniUt.  des       ^  .'»  rr  JO  ir  '  ^  i 

ss  pârt4.ch.  eu  par  cux-mcmcs  une  parfaite  connoiUance  de  la  maladie  avant  la  guerilon  Miraculeufe, 
l'iaV"  *^  **  &:  qui  ont  été  exaftemcnt  informés  de  la  manière  fumaturelle  dont  la  guérifon  s'eft  opé- 
rée :  mais  à  l'égard  des  Médecins  qui  ne  connoiffent  la  maladie  &  la  guérifon  que  fur  le 
témoignage  de  perfonnes  qui  ignorent  l'Anatomie  &:  qui  ne  font  point  au  fait  des  divers 
tffcts  que  peut  produire  la  nature,  cet  Auteur  diftinguc  entre  les  maladies  chroniques 
qui  ont  infcifté  le  corps  pendant  long-tems ,  &  les  maladies  aiguës  qui  n'ont  cù  qu'une 
courte  durée.  A  l'égard  des  premières,  il  croit  que  „  les  Médecins  peuvent  quelquc- 
,,  fois  fur  le  témoignage  d'autrui,  porter  un  jugement  fur  pour  la  preuve  d'un  Mira- 
„  cl;:  "  Pojfe  Afedicos  tutum  ferre  judicium  ad  miracuU  prol/aiioncm,  La  raifon  en  eft 
qu'il  arrive  afTez  fouvcnt  qu'il  eft  fort  aifé  de  juger  fur  le  rapport  de  certains  effets  ex- 
térieurs, palpables  &  vifiblcs  à  tous  les  affiftans,  que  ces  maladies  avoient  détruit  des 
canaux  &  autres  petites  parties  internes  qui  ne  peuvent  fc  règèncitr  natuicllcmcnt  :  au- 
quel 


PAR     RAPPORT    AVXMIRACLES,  &«'.  4J 

quel  cas   il  eft  évident  que  la  maladie  étoit  incurable,  &:  par  conféquent  que  la  guéri-    Dissïrt 
fon  n'a  pu  être  opérée  que  par  la  Toute-puiflance  Divine.  surl'aut 

Le  même  Ecrivain  célèbre  croit  auffi,  que  les  Médecins  peuvent  encore  donner  une  °^^ 
déciiion  certaine ,  fur  le  témoignage  de  ceux  qui  ont  eu  continuellement  fous  les  yeux 
les  effets  d'une  maladie,  lorsqu'il  piroît  clairement  par  leur  Rapport  que  cette  maladie 
avoit  caufé  de  fort  grands  dégâts  dans  le  corps  du  malade ,  &  quelle  a  été  tout  d'un 
coup ,  ou  du  moins  en  fort  peu  de  tems,  guérie  d'une  manière  parfaite  :  ces  deux  faits 
joints  enfemble  étant  fuffifans  pour  démontrer  que  cette  guérifon  efl:  Miraculeufe  , 
parce  que  Dieu  feul  peut  réparer  en  un  moment  ce  qui  a  été  pendant  long-tems  vicie 
&  corrompu  par  de  longues  maladies.  Mais  à  l'égard  de  celles  qui  n'ont  duré  que  fort 
peu  de  tems ,  &■  par  rapport  au  caraélére  desquelles  les  Témoins  peuvent  fe  mépren- 
dre ,  Matta  penfe  que  des  Médecins  qui  n'ont  pas  vu  les  malades,  ne  font  point  en 
état  de  porter  un  jugement  aflez  certain  de  leur  maladie,  pour  qu'on  puiffe  s'aflurcr 
que  la  guérifon  eft  un  Miracle. 

Pour  N.  S.  P.  le  Pape ,  il  ne  balance  point  à  être  de  l'avis  de  ces  Auteurs  par  rap- 
port aux  Médecins  qui  ont  vu  &  traité  les  malades,  &  qui  ont  une  connoiffance  par- 
faite de  h  manière  fupérieure  aux  moyens  que  peut  employer  la  nature,  dont  leur  gué- 
rifon s'eil:  opérée.  Mais  il  ne  paroît  pas  avoir  une  égale  confiance  au  jugement  des  Mé- 
decins qui  n'ont  connu  ces  maladies,  &  fû  de  quelle  manière  s'eft  faite  la  guérifon, 
que  fur  le  rapport  de  gens  peu  inftruits  dan  la  Phyfique. 

Au  refte  il  n'en  rcfulte  pas  moins  de  fon  fentiment ,  qu'il  eft  pleinement  convaincu ,' 
ainfi  que  S.  Thomas  &r  les  Pérès  de  l'Eglife,  que  toute  guérifon  qui  s'opère  par  des 
efïèts  fupérieurs  aux  loix  qui  règiffent  la  nature ,  eft  inconteftablement  un  Miracle  Di- 
vin; &  que  la  Phyfique  eft  très  utile,  &  même  quelquefois  néceffaire ,  pour  en  taire 
le  difcernement.  Audi  dècide-t-il,  que  la  Sacrée  Congrégation  chargée  d'examiner  les 
Miracles,  doit  fur  ce  fujet  confulter  les  Médecins  ,  &  s'en  rapporter  à  leur  jugement, 
lorsque  ces  Médecins  ont  eu  par  eux-mêmes  connoiffance  de  la  maladie  &  de  la  guéri- 
fon. Il  va  même  jusqu'à  dire,  que  leur  jugement  peut  être  regardé  comme  f^r ,  non 
feulement  fur  la  queftion  de  favoir  fi  une  guérifon  a  été  accompagnée  d'un  furnaturel 
apparent ,  mais  aufli  fur  celle  de  favoir  fi  elle  a  été  réellement  &:  effcntiellement  Miracu- 
leufe, c'eft  à  dire  fi  elle  a  paffé  tout  le  pouvoir  des  êtres  créés,  ayant  été  opérée  par 
des  effets  contraires  à  l'ordre  que  Dieu  a  établi  pour  le  gouvernement  de  l'Univers.  Tu-  l^''<i-  Lib.  3; 
tH/»  ferre  fojfnnt  juàk'mm  de  faniitione ,  utrum  fnerit  miraculofa.  7.  n.  g! 

Tout  cela  part  du  grand  principe  Théologique,  que  N.  S.  P.  le  Pape  répète  plus 

d'une  fois  dans  fon  Livre,  que  ,,  les  mauvais  Anees  ne  peuvent  faire  de  euèrifons  qui    Lib. 4-0.3. 

r  •     .  r      '  •  r  j    .  1  °  ,.        ^  ^  ^      n.  2.  &c. 

„  loient  iuperieures  aux  forces  cfe  toute  la  nature. 

Il  ne  faut  que  faire  ufage  des  lumières  éclattantes ,  qui  fortent  de  ce  grand  principe, 
pour  renverfer  avec  l'aide  de  la  Phyfique  tous  les  fophismes ,  les  propofitions  erronées 
&  les  objeftions  captieufes  de  tous  les  Contradifteurs  des  Miracles,  que  Dieu  fait  au- 
jourd'hui parmi  nous.  Auflï  quoiqu'ils  n'ofent  contefter  ce  principe  dans  la  théorie, 
font-ils  tous  leurs  efforts  pour  l'éluder  dans  la  pratique  :  au  lieu  que  N.  S.  P.  h  Pape 
en  tire  tout  franchement  les  confèquences  qui  en  rèfultent ,  &  n'emploie  point  de  fub- 
tilitès  pour  écarter  l'application  qu'on  en  doit  faire.  Par  exemple ,  fous  prétexte  qu'on 
n'a  pas  une  exafte  &  parfaite  connoiffance  de  l'étendue  du  pouvoir  que  Dieu  permet 
quelquefois  aux  démons  d'exercer,  il  ne  leur  attribue  pas  pour  cela  un  pouvoir  pres- 
que fans  bornes  :  il  ne  perd  pas  de  vue ,  qu'ils  ne  peuvent  rien  opérer  de  réel  que  par 
l'aide  des  moyens  qu'ils  trouvent  dans  la  nature  ;  &  c'eft  ce  qui  lui  fait  décider  que 
d'habiles  Médecins  &  toutes  autres  perfonnes  bien  inftruites  de  l'Anatomie  &  des  diffé- 
rent efïèts  que  la  nature  &  les  remèdes  peuvent  ou  ne  peuvent  pas  produire  dans  le 
corps  humain, font  en  état  de  juger  avec  affurance,fi  une  guérifon  merveilkufe  qu'ils 

F  3  voient 


45  'UTILITE'     DE     LA     P  H  Y  S  I  OV  E 

DisitRT.  voient  s'exi^cuter  fous  leurs  yeux,  eft  un  véritable  Miracle,  parce  qu'il  leur  cft  aifc 
SUR  l'aut.  de  difcerncr  fi  elle  eft  opcrée  par  des  effets  minifertcment  fupérieurs  &  contraires  à  lor- 
nis  MiR.   jj.j,  univerfel,  qui  régit  tous  les  êtres  matériels. 

Aulli  c'eft  par  des  raifonnemens  tout  diffcrens  qu'à  Rome  &  \  Paris  on  combat  les 
Miracles  faits  en  faveur  de  l'Appel. 

A  Rome, on  n'a  point  encore  abandonné  les  vrais  principes  fur  l'Autorité  Divine  des 
Miracles,  ni  furies  moyens  d:  les  difcerner  des  pratiques  de  Satan  ,  finguliérement  par 
l'évidence  de  leur  furnaturel  abfolu  ;  mais  comme  on  n'y  veut  point  reconnoitre  les 
Miracles  des  Appellans,  qu'on  n'y  eft  que  fort  peu  inftruit  des  faits,  &  qu'on  refufe 
même  de  s'en  informer ,  on  y  prend  le  parti  de  les  traiter  de  menfonges ,  d'artifices  & 
d'impoftures. 

Mais  à  Paris, ce  pofte  n'eft  pâs  tenable.  Dieu  y  a  fait  un  fi  grand  nombre  de  Mira- 
cles inconteftablement  marqués  au  fccau  de  fa  Toute-puiflance,  &  ces  Miracles  ont  eu 
une  fi  grande  multitude  de  Témoins  de  toute  espèce,  qu'il  n'eft  pas  poflîble  d'en  con- 
tefter  la  réalité. 

En  effet  comment  refufer  de  croire  des  faits  attcftés  par  des  Témoins  fans  nombre  , 
parmi  lesquels  on  trouve  non  feulement  des  perfonnes  conftituées  en  dignité,  des  Mé- 
decins &  des  Chirurgiens  de  la  Cour  ainfi  que  de  la  Ville ,  mais  aulTi  une  multitude 
de  Déiftes  ,  d'incrédules ,  de  pécheurs ,  de  mondains  &  même  de  Conftitutionnaires  , 
qui  ont  été  éclairés,  touchés,  convertis  à  la  vue  de  ces  Miracles;  dont  la  lumière  di- 
vine a  fait  couler  dans  leurs  cœurs  des  grâces  fi  viclorieufes ,  que  toutes  ces  perfonnes 
n'ont  pas  craint  de  s'expofer  à  la  disgrâce  des  grands  de  la  Terre ,  pour  en  rendre  hau- 
tement gloire  à  Dieu. 

Ainfi  en  Trance  il  n'eft  refté  d'autre  parti  aux  Contradiéleurs  des  Miracles  de  ce  Siè- 
cle ,  que  de  combattre ,  ou  du  moins  de  tâcher  d'éluder  les  principes  de  l'Ecriture  & 
des  Pérès  fur  ce  fujet,  &  d'attribuer  au  démon  un  pouvoir  inconcevable,  &:  qui,  fé- 
lon qu'ils  le  repréfentent ,  eft  presque  fa;is  limites:  en  forte  que  fi  on  les  en  croit,  tou- 
tes les  connoifiances  de  la  Phylîque  font  inutiles  pour  diftinguer  les  Miracles  Divins  des 
artifices  de  Satan. 

C'eft  avec  ce  malheureux  fophisme  qu'ils  plongent  le  Public  dans  un  abîme  d'incer» 
titudes ,  ^'  qu'ils  le  portent  à  révoquer  en  doute  fi  dis  Miracles  même  de  création  ,  tels 
par  exemple  que  la  régénérr.tion  des  jambes  de  Charlotte  la  Porte  âgée  de  50.  ans,  ne 
font  point  l'ouvrage  du  Serpent  infernal. 

Que  les  Conftitutionnaires  aveuglés  par  leurs  préventions  &r  par  le  refpeA  qu'ils  por- 
tent à  leur  fatale  Bulle,  qu'ils  regardent  comme  un  jugement  de  l'Eglife  univerfelle, 
s'égare  it  jusqu'à  cet  excès ,  dans  la  perfuafion  où  ils  font  qu'il  eft  impollible  que  Dieu 
faflfe  des  Miracles  pour  autorifer  l'Appel,  nous  devons  plaindre  leur  malheur,  gémir 
fur  leurs  ténèbres  &  rendre  grâces  à  Dien  de  nous  en  avoir  préfervès.  Mais  quel  torrent 
de  lirm:s  ne  devons-nous  pas  répandre,  en  voyant  de  célèbres  Appellans  foutenir  eux- 
mcmes  ,  que  la  Phjftqnc  ne  pcMt  fervir  de  rien  pottr  dijïingHer  les  AUracles  divins  des 
prefli^es  dn  démon  ?  Propofition  plus  contraire  h  l'Autorité  divine  que  les  MiracU's  ont 
par  leur  propre  force  &  par  l'évidence  de  leur  furnaturel  abfolu,  qu'aucune  de  celles 
qii'avoient  hazardc  jiuqu'à  préfent  les  plus  furieux  A.lverfaires  de  la  Vérité. 

Par  quelle  fitalité  des  Appellans,  qui  fe  donnent  pour  le*  Théalo^^iens  les  plus  pleins 
de  zèle  pour  maintenir  l'Autorité  des  Miracles ,  n'ont-ils  donc  pas  apperçu  que  ce  per- 
nicieux paradoxe  avancé  par  l.ur  DclTenfeur,  n'eft  propre  qu'à  arraclrer  des  mains  des 
Appellans,  'a  preuve  la  plus  triomphante  que  Dieu  eft  l'Autairdcs  Miracles  faits  en 
faveur  de  l'Appel.  Comment  n'ont-ils  pas  eu  de  fcrupiile  de  vouloir  ahifi  faire  perdre 
à  h  Caufc  [\  importante  qu'ils  foutiennent,  les  marques  les  plus  fenfibles  par  lesquelles 
Dieu  a  décide  lii-même,  que  cette  Caufe  eft  la  fi.nnc;  c'eft  à  dire  le  ti-ès  grand  nom- 
bre 


P  ui  R     RAPPORT    AV  X     M  I  R  A  C  L  E  S  ,&c\        47 

bre  de  Merveilles  dont  le  furnaturel  éminent  eft  inconteftablement  Divin  de  fa  natui-e.    Dissert. 
puisqu'il  iurpafle  évidemment  le  pouvoir  de  tout  être  crée'?  surl'aut. 

Les  Adverfaires  de  l'Appel  fe  Tentent  eux-mêmes  comme  écrafés  fous  le  fardeau  des  ''^*""'' 
Démonftrations  Phyfiques  du  furnaturel  abfolu  de  nos  Miracles,  &  jusqu'à  préfent  ils 
n'ont  pu  trouver  aucun  moyen  de  s'en  deffendre.  Et  voilà  que  des  Théologiens  Appel- 
ons font  eux-mêmes  tous  leurs  efforts ,  pour  tâcher  de  ruiner  ce  rempart  infurmoutable 
de  leur  Appel ,  en  débitant  un  faux  principe,  qui  tend  d'une  manière  directe  à  le  fapper 
par  le  fondement  ! 

Ce  que  M.  l'Archevêque  de  Sens  &  M.  l'Evêque  de  Bethléem  n'ont  pas  eu  h  té- 
mérité d'oppofer  aux  preuves  les  plus  frappantes  qui  démontrent  que  nos  Miracles  font 
l'ouvrage  du  Toutpuiffant ,  des  Théologiens  Appellans  ofent  aujourdbui  l'entrepren- 
dre, pour  foutenir  un  faux  Avis,  qu'ils  ont  précipitamment  donné  contre  des  Prodi- 
ges que  Dieu  a  depuis  autorifés  par  des  guérifons  Mu'aculeufes  des  plus  admirables  ! 

Mais  comment^  ces  célèbres  Théologiens  ont-ils  donc  pu  fe  déterminer  à  trahir  ainft 
leur  caufe ,  pour  un  fi  léger  intérêt  \  Pourquoi  faut-il  qu'il  y  ait  parmi  nous  des  pro- 
diges de  cette  espèce?  Ah!  tous  tant  que  nous  fomnjes  de  difciples  de  la  Vérité, 
tremblons  pour  nous  mêmes  à  la  vue  d'un  phénomène  fi  menaçant  !  Dieu  eft  irrité 
contre  nous  :  proftemons-nous  au  pied  du  thrône  de  fa  juftice  :  abîmons-nous  dans  la 
pouffierre  à  la  vue  de  fes  vengeances ,  &  de  la  profondeur  de  fes  confeils.  Quand  il 
nous  frappe  par  des  coups  fi  fenfibles ,  il  veut  que  nous  reconnoi (fions  que  nous  nous 
fommes  tous  rendus  indignes  de  fes  grâces:  mais  il  veut  auffi  que  nous  n'oublions  pas, 
qu'il  eft  un  abîme  de  miféricorde  &  [d'amour.  Empredons-nous  donc  de  nous  jetter 
avec  confiance  dans  cet  abîme.  Cherchons  notre  falut  dans  les  plaies  de  Jefus-Chrift  : 
prèfentons  humblement  nos  pleurs  &  notre  mifére  à  fes  regards  paternels;  &  malgré  no- 
tre indignité,  efpèrons  tout  de  fa  miféricorde,  parce  qu'elle  eft  toute  gratuite. 

La  féconde  branche  du  principal  Siftême  du  Deffènfeur  des  Théologiens  Antifecou-        iV. 
riftes ,  par  laquelle  il  ofe  avancer  (page  55.)  ^«f  cejl  prir.àpalement  des  circonjiances  cjHe  Piopofidon 
les  Aîiracles  tirent  leur  force ,  n'eft  guères  moins  pemicieufe  que  la  première,  du  moins  qucc'cft 
dans  un  tems  de  troubles,  de  nuages ,  de  préventions  &  d'épreuves,  oii  la  Vérité  eft  mem'dcsc'ir- 
combattue  par  les  Puiiïances  de  ce  monde ,  &  oîi  toutes  les  paiTions  humaines  s'agitent  <:onfta°"V- 

o    c  ■  J  •  n  r  •  ^  •  o  ^        que  les  Mi- 

&  ie  remuent  pour  envenimer  des  circonftances  fort  mnocentes ,  ou  mem.e  pour  en  for-  rades  ti- 
ger  qui  puiffent  obfcurcir  la  lumière  que  Dieu  répand  par  des  Miracles  oppofès  à  leurs  Ymct'ekàtt 

préjugés.  plus  dange- 

J'ai  déjà  obfervé  ci-deflus,  que  ce  qui  a  été  une  des  principales  caufes  de  la  répro-  qu"eiaVerfté 
bation  des  Juifs ,  ce  qui  a  aveuglé  les  Dodeurs  &  les  Pharifiens ,  c'eft  d'avoir  voulu  «'^  combat- 
juger  des  Miracles  de  Jefus-Chrift  non  par  h  Phyfique,  c'eft  à  dire  par  l'évidence  de  Puiffances 
leur  furnaturel  divin ,  mais  par  des  circonftances  que  leurs  pjihons  emplovoient  pour ''" ^'"'^ '  ^ 
leur  mettre  un  bandeau  iur  les  yeux.  J  ajouterai  feulement  ici,  que  Jefus-Chrift  nous  fions  humai- 
déclare  lui-même  que  ce  qui  a  rendu  les  juifs  fi  coupables ,  c'eft  de  n'avoir  pas  crû  au  cemder'ai'i- 
témoignage  de  fes  Miracles,  malgré  la  grandeur  de  leur  être  Phyfique,  qui  auroit  dû  icr  des  chi- 
les  convaincre  indèpendament  de  toutes  circonftances.  •  "■envVni'mer 

,,  Si  je  n'avois  point ,  dit-il^  *  fait  parmi  eux  des  œuvres  que  nul  autre  n'a  faites,  descirconr- 
„  ils  n'auroient  point  de  péché.  "  fcrcmcs"  ôâ 

Si  c'eft  par  la  grandeur  du  furnaturel  des  Miracles  que  Tefus-Chrift  veut  qu'on  juce  n>émeinno- 
n  Père  en  eft  1  Auteur,  &  s  il  veut  que  leur  témoignage  fufhfe  pour  faire  croire  tàcherd-obf- 
les  plus  inconcevables  Myftères ,  tels  que  celui ,  que  fon  Père  &  lui  ne  font  cjunne  mè-  ^'"j^  j^^' "* 
me  chofi ,  qu'il  eft  dans  fon  Père ,   &  que  fon  I  ère  eft  dans  lui;  combien  eft  donc  erro-  vrais  Miia- 
née  la  Propofition  qui  s'efforce  de  ravir  à  l'être  phyfique  des  Miracles ,  la  force  divine  '^'"* 
qui  lui  eft  propre,  pour  la  faire  dépendre  principalement  des  circonftances  ?  »JeanX.i4. 

Pour  en  fentir  toute  l'illufion,  fi  ce  n'eft  point  encore  aflfez  de  l'exemple  de  ce  qui 

eft 


48  V  T  I  L  I  T  r     DE     LA     P  II  T  S  I  O^V  E 

DisjfRT.eft  arrivé  parmi  les  Juifs,  jetions  les  yeux  fur  cette  multitude  innombrable  d'Idolâtres, 

auBL'AUT.qui  ont  e'tc   convertis  à  h  viie  des  Miracles  des  Apôtres  &  des  premiers  Chrétiens. 

s  MiR.    Q-çÇ^  pj^  l'éminencc  &  l'éclat  du  furnaturel  Phyfique  de  ces  Miracles,  que  Dieu  a  diflî- 

pé  leurs  ténèbres.    Mais  que  font  devenus  au  contraire  ceux  d'entre  eux,  qui  ont  jugé 

de  ces  jMirades  par  les  circonftances  extérieures ,  &  qui  bkffoient  l>;ur  faufle  fageffe  ? 

En  effet  de  combien  de  nuages  ces  Miracles  ne  fembloient-ils  pas  obfcurcis  aux  yeux 

des  enfans  du  Siècle  ? 

1.  Ceux  qui  les  faifoient ,  n'avoient  rien  que  de  méprifable  aux  yeux  de  la  chair  :  & 
combien  l'orgueil  des  Gentils  n'étoit-il  pas  naturell:ment  bleffé ,  en  leur  entendant  dire 
quil  falloit  reconnoître  pour  Dieu  un  homme  né  dans  ime  étable,  qui  avoit  vécu  dans 
la  pauvreté,  qui  avoit  été  condamné  comme  un  impofteur  au  plus  ignominieux  fuppli- 
ce  par  tous  les  Chefs  de  fa  nation ,  &  qui  étoit  expiré  fur  une  croix  entre  deux  voleurs  ? 

2.  Toutes  les  Puiflances  de  la  Terre ,  les  Empereurs  &:  tous  les  Rois,  tous  les  Gou- 
verneurs de  Province ,  &  prefque  toutes  les  perfonnes  conflituées  en  dignité ,  non  feu- 
lement méprifoient  la  Religion  Chrétienne,  &  regardoient  comme  des  infenfés  tous  les 
dilciples  de  Jefus-Chrift,  mais  même  ils  les  faifoicnt  mourir  par  les  plus  cruels  fup- 
plices,  comme  des  impi;s,  des  perturbateurs  du  repos  public  &  des  ennemis  du  gen- 
re humain. 

5.  Si  les  Idolâtres  confultoient  tous  ceux  qui  parmi  eux  pafloicnt  pour  de  grands 
génies  &  des  gens  remplis  de  fcience,  tous  leur  répondoient ,  que  pour  fe  convaincre 
pleinement  de  l'iUufion  &  de  la  chimère  de  cette  Religion  nouvelle,  il  fuffifoit  de  fai- 
re attention  à  l'incompréhenfibilité  des  Myftéres  auxquels  elle  ordonnoit  d'ajouter  foi. 

Enfin  s'ils  prctoient  l'oreille  aux  calomnies  qu'on  débitoit  de  tous  côtés  contre  les 
Chrétiens  ,  ils  entendoient  les  Doéleurs  de  la  Sinagogue  ,  ainfi  que  presque  tous  les 
Payens ,  leur  imputer  à  tous  ,  les  crimes  honteux  que  commettoient  effedivement  les 
deux  Secles  des  Nicolaïtes  &  des  Gnoftiques ,  qui  dès  le  tems  des  Apôtres  deshoao- 
roient  l'Eglife  Chrétienne,  en  fe  vantant  d'être  fes  membres. 

Mais  tous  ceux  des  Idolâtres  à  qui  Dieu  vouloir  faire  mifèricorde ,  fe  fentoient  tout 
d'un  coup  frappés  &  convaincus  par  la  grandeur  du  furnaturel  des  Miracles  que  fai- 
foifnt  les  Apôtres  &  les  premiers  Chrétiens,  au  nom  &:  par  la  puiffance  de  Jefus- 
Chrift;  &  ne  confultant  que  leur  raifon  éclairée  par  la  lumière  brillante  que  répandoit 
la  Phyfique  de  ces  Miracles,  ils  en  concluoient  que  Dieu  feul  pouvoit  faire  de  fi  gran- 
des Merveilles  :  que  par  conféquent  ceux  par  le  miniftérc  de  qui  il  lesopèroit,  leur 
parloient  effectivement  de  fa  part,  &  qu'ils  ne  dévoient  pas  balancer  à  les  croire.  Aullî 
dès  qu'ils  voyoient  des  Miracles,  ils  fe  convertiffoient  en  foule:  ils  déclaroient  hau- 
tement qu'ils  adoroient  Jefus-Chrift,  fans  fe  mettre  en  peine  des  fupplices,  auxquels  ils 
s'expofoient  :  ils  s'emprcifoient  de  recevoir  le  facré  caraétèrc  du  Chrétien;  &:  fouvent 
par  le  Martyre  ils  parvenoient  bientôt  enfuite  à  jouir  dans  le  Ciel  du  bonheur  même 
du  Fils  de  Dieu:  tandis  que  les  autres  Payens  qui  jugcoicnt  des  Miracles  par  les  cir- 
conftances que  je  viens  de  rapporter,  s'enfonçoicnt  de  plus  en  plus  dans  leurs  téncT^res, 
qui  l;s  précipitoient  enfin  dans  des  fupplices  éternels. 

Voilà  la  différence  immenfe  que  Dieu  a  faite  à  la  face  de  toute  h  Terre,  entre  ceux 
qui  fe  font  tout  d'un  coup  déterminés  pour  le  furnaturel  abfolu  de  ces  Miracles,  Se 
ceux  qui  fe  font  arrêtés  aux  circonftances  que  les  Dofteurs  de  la  loi,  le->  Puiffanccs  de 
la  Terre,  &c  tous  les  grands  perfonnages  de  leur  tems  jugeoicnt  être  fufHfantcs,  pour 
devoir  leur  faire  méprifer  ces  admirables  Merveilles. 

Au  rcftc  pour  appcrcevoir  clairement  le  danger  qu'il  y  a  de  ne  juger  des  Miracles 
que  par  les  circonftances  que  les  gens  prévenus  leur  oppolènt ,  il  n'cft  point  néceflaire 
de  fortir  de  notre  Siècle ,  il  ne  faut  que  faire  attention  aux  nuages  épais  qui  nous  envi» 
ronneot,  &  aux  pièges  qui  nous  font  tendus  de  tous  côtés. 

Les 


PARRAVVORTAVXMinACLES.&c.  49 

Les  Conftitutionnnires  font  en  poifenTion  de  régner  dans  une  grande  partie  du  champ  Disert. 
de  l'Eglife  vifible;  où  h  plupart  ne  cefl'ent  de  femer  de  l'ivraie.  Si  on  prend  leur  avis  ^"'"-  ''"'''• 
fur  les  Miracles  que  Dieu  fait  aujourd'hui  parmi  nous,  ils  ne  manquent  pas  d:  ré-  °^^  ^"^'  ' 
pondre,  que  ces  JNliracles  ne  peuvent  pas  être  l'œuvre  de  Dieu,  puifqu'ils  foudroient 
une  Conftitution  qui  eft,  difent-ils,  la  voix  de  l'Eglife  :  ils  raflfmblent  tous  les  nua- 
ges, dont  Dieu  a  permis  que  l'ceuvre  des  Convulfions  fût  couverte:  ils  imputent  à 
tous  les  Convulfionnaires  en  général,  ce  qu'il  y  a  eu  de  repréhenfible  dans  les  deux 
Scftes  des  Auguflinitlcs  &  des  Vaillantifles  :  ils  publient  comme  des  fèits  certains, tou- 
tes les  calomnies  qu'on  a  forgées  contre  les  Convulfionnaires  mêmes  qui  ont  le  plus  de 
piété  ,  comme  étoit  par  exemple ,  Charlotte  la  Porte  :  ils  ne  discontinuent  pas  leur  in- 
jufte  critique ,  quoiqu'on  leur  prouve  que  ks  Convulfions  de  plufieurs  ont  écé  illuftrées 
par  des  Guérifons  manifeftement  Divines,  opérées  tant  fur  les  Convulfionnaires  mêmes 
que  par  leur  miniftére:  &  ils  n'en  concluent  pas  moins  hardiment,  que  les  Convulfions 
étant,  difent-ils,  marquées  à  des  caractères  diaboliques,  &  cependant  ne  faifant  qu'une 
fei'.le  &  même  œuvre  avec  les  MIi"acles  &  l'Appel,  le  tout  doit  être  attribué  à  l'esprit 
pervers. 

C'eft  par  cet  étalage  de  faufles  circonftances,  qu'ils  trouvent  le  moyen  d'éblouïr  le 
Public ,  &  de  l'engager  à  donner  au  diable  les  œuvres  de  Dieu.  Mais  ils  ne  favent  que 
répondre,  lorsqu'on  leur  prouve  par  des  démonftrations  Phyfiques ,  que  les  Mirachs 
faits  en  faveur  de  l'Appel,  font  d'un|  furnaturel  fi  cminent  qu'ils  n'ont  pu  être  opérés 
que  par  le  renvei-fement  des  loi^  de  la  nature,  ce  que  Dieu  feul  peut  faire,  &  qu'ainfi 
étant  éviJemment  l'ouvrage  du  Tout-puiflant ,  ils  font  un  témoignage  auquel  on  ne 
peut  fans  crime  refufer  de  fe  foumettre,  félon  que  Jefus-Chrift  l'a  décidé  lui-même. 

En  répondant  aux  Lettres  illufoires  de  M.  l'Evéque  de  Bethléem,  je  réfuterai  tou- 
tes les  fauffes  conféquences  que  les  Conftitutionnaires  tirent  de  l'imion  effèâive  des  Coa- 
vulfions  avec  les  Miracles  ic  l' Appel:  &  à  l'égard  de  leur  plus  féduifante  objedion, 
fondée  fur  l'Autorité  de  leur  Bulle,  plufieurs  Auteurs  célèbres  l'ont  déjà  pulvérifée. 
Car  ils  ont  prouvé,  que  cette  Bulle  n'efl:  que  le  fruit  de  l'artifice  des  Jéfuites,  bien 
loin  d'être  l'ouvrage  du  S.  Esprit;  qu'elle  n'eil:  point  acceptée  par  l'Eglife,  puisqu'el- 
le efl:  au  contraire  direftement  oppofée  à  fes  véritables  Décifions  ;  &:  qu'elle  profcrit 
plufieurs  Propofitions  qui  font  de  foi,  *&  dont  même  quelques-unes  fe  trouvent  mot 
pour  mot  dans  les  Ouvrages  des  SS.  Pérès,  &.'c.  Mais  le  commun  des  fidèles  n'eft 
point  en  état  d'entrer  dans  cette  discufiîon  Théologique ,  &  n'a  pas  même  tous  les  Li- 
vres &  les  Ecrits  qui  lui  feroient  nécefTaires  pour  s'en  bien  inftruire.  AulTi  Dieu  a-t-il 
pris  une  voie  bien  plus  abrégée  pour  éclairer  les  cœurs  droits:  il  leur  parle  lui-même 
vifiblement  par  des  Miracles,  &  il  leur  montre  clairement  de  quel  côté  efl  la  Vérité. 
Rien  n'eft  donc  plus  important,  dans  le  tems  ténébreux  où  nous  femmes,  que  d'en- 
gager les  Catholiques  â  fe  conduire  par  h  lumière  célefte  qui  fort  du  fein  des  Mira- 
cles :  &  rien  n'eft  au  contraire  plus  oppofc  au  bien  de  leurs  âmes ,  que  de  leur  donner 
de  la  défiance  de  ce  flambeau  divin,  &  de  femer  fous  leurs  yeux  des 'Propofitions  pro- 
pres à  leur  faire  perdre  de  vue  le  principil  caraftére  qui  fert  à  le  diftinguer  de  la  lueur 
obfcure ,  foible  &  trompeufe  des  illufions  de  Satan. 

Mais  fi  dès  à  préfent  les  Propofitions  du  Deffenfeur  des  Antifecouriftes  peuvent  être 
pernicieufes  po  ir  un  très  grand  nombre  de  pcrfoones,  en  les  portant  à  négliger  de  pren- 
dre connoifiTance  des  Miracles ,  à  les  regarder  avec  indifférence ,  &  même  à  s'en  défier , 
comme  pouvant  être  également  la  voix  de  Dieu  ou  le  fifflement  du  Serpent,  enfin  à  en 
juger  par  de  fauffes  circonftances  que  des  perfonnes  prévenues  peuvent  rapporter  pour 
les  féduire;  combien  le  venin  de  ces  Propofitions  fera-t-il  encore  plus  capable  d'inieder 
quantité  d'ames  ,  lorsque  le  Prophète  promis  par  Jefus-Chrift  paroitra  parmi  nous? 

Le  Ledeur  trouvera,  dans  m.s  OhfirvAÙons  [ht  l'œuvre  des  Corivulfions  Se  lur  l'éton- 
Dijfen.  Tom.  II.  G  nant 


jo  "J  T  I  L  IT  E'     DE     LA     P  H  Y  S  I  O^V  E 

Dissert,  nant  Prodige  des  Secours  violens,  plufieurs  preuves  que  ce  grand  Evénement  ne  peut 
surl'aut-  ^jj.g  fQ|.j  e'ioigic':  entre  autres, il  verra  clairement  que  ces  Secours  fimboliques  &  pro- 
digieux de  toutes  façons,  font  un  pinceau  furnaturel ,  &  un  tableau  vivant,  par  lequel 
Dieu  repréfente  déjà  fous  nos  yeux  les  principales  circonftances  qui  doivent  préce'der, 
accompagner  &  fuivre  la  venue  du  Prophète. 

J'obferverai  feulement  ici,  que  les  Miracles  que  fera  ce  Prophète,  feront  infaillible- 
ment obfcurcis  par  des  voiles  épais ,  puisqu'il  nous  efl:  prédit  par  la  Vérité  Incarnée , 
Matc.IX-ii.  que  ce  Prophète  fera  méconnu,  méprifé ,  rejette  par  la  plus  grande  partie  de  h  Gentilité 
Catholique,  &  même  mis  à  mort  par  les  Chefs,  ainfi  que  l'a  été  le  Fils  de  l'homme  par 
les  Juifs. 

Si  le  plus  grand  nombre  des  Evoques ,  des  Dofteurs  &:  des  Prêtres  méconnoifTent  , 
méprifent ,  rejettent  ce  Prophète  comme  un  impoftcur,  ainll  que  les  Chefs  de  la  Sina- 
gogue,  les  Pharificns  &  les  Dofteurs  de  la  Loi  ont  fait  à  l'égard  de  Jefus-Chrift,  il 
efl:  fans  doute  qu'ils  contrediront  fes  Miracles  de  toutes  leurs  forces,  &  qu'une  multi- 
tude de  perfonnes  s'empreff.rontjpour  leur  plaire,  de  publier  &  même  d'inventer  quan- 
tité de  circonfl:ances  aveuglantes,  propres  à  décrier  les  Miracles  que  fera  ce  Prophète, 
ainfi  qu'on  le  pratique  dès  aujourd'hui ,  fur  tout  à  l'égard  de  ceux  que  Dieu  opère  par  * 
le  moyen  des  Convullions,  par  le  miniftére  des  Convullîonnaires , &  par  la  violente  im- 
preflîon  des  grands  Secours. 

Quel  fera  le  fort  des  Catholiques  qui  ne  fe  détermineront  fur  les  Miracles  de  ce  Pro- 
phète, &  confèqu  ^mment  fur  fa  pcrfonne,  qwe  par  ces  circonfl:ances  tènébreufcs,  & 
qui  croiront ,  en  fuivant  les  maximes  nouvelles  du  Deifenfcur  des  Antifecouriftes ,  que 
les  Miracles  tirant  leur  principale  force  de  leurs  circonflances ,  on  ne  doit  point  fe  décider 
par  la  grandeur  de  leur  furnaturel  ?  Dans  quel  abime  d'aveuglement  ne  feront-ils  pas  en 
danger  de  fe  précipiter,  puisque  ce  furnaturel  divin  fera  alors  le  principal  prèfervatif 
contre  la  terrible  féduftion  qui  perdra  une  infinité  d'ames,  &  la  preuve  la  plus  forte, 
la  plus  fenfible  &  la  plus  palpable ,  par  laquelle  Dieu  convaincra  les  cœurs  fimples  Se 
droits  que  ce  Prophète  eft  effectivement  celui  qu'il  a  promis  d'envoyer,  qu'il  parle  de 
fa  part,  &  qu'il  agit  par  fon  Efprit  ? 

Le  Deffènfeur  des  Antifecouriftes  a-t-il  bien  fait  attention  au  préjudice  que  des  Pro- 
pofitions  auffi  dangereufes  que  les  fiennes,  peuvent  faire  à  un  très  grand  nombre  de 
perfonnes  ? 

Il  eft  bien  vrai,  qu'il  y  a  une  circonftance  qui  accompagne  presque  toujours  les  vrais 
Miracles,  &  qui  fuffit  feule  pour  faire  juger  avec  affurance,  même  à  des   petits  &  à 
des  fimples,  qu'une  guèrifon  furnaturcllc  eft  l'ouvrage  du  Tout-puilfaïu.    C'eft  lors- 
In  i  Sent,  qu'une  telle  guèrifon  eft  obtenue  par  des  prières  ttdrejfe'es  à  Dieu  avec  pieté,  ainfi  que 
n.ft.;.qn.   le  décide  exprelTèment  S.  Thomas,  &  que  je  le  prouverai  invinciblement  dans  la  fuite 
''     ^"        de  cet   r.ciit.    Mais  ce  n'eft  point  du   tout  de  cette  circonftance  lumineufe,  dont  les 
théologiens  Antifecouriftes  veulent  parler,  dans  la  Propofition  que  je  combats,  puis- 
qu'au  contraire  tout  leur  objet  eft  d'ébranler  l'Autorité  Divine  de  laDécifion  des  Guè- 
rifons  Miraculeufes  exécutés  vilîblement  par  rimprellion  violente  des  plus  terribles  Se- 
cours, &  que  toutes  ces  Guérifons  portent  le  caraftère  dècifif  dont  je  viens  de  par- 
ler ,  ayant  toutes  été  obtenues   par  des  prières  fiitcs  avec  ioi ,  avec  confiance ,  avec 
ferveur. 

Bien  loin  que  le  Deffcnfcur  des  Antifecouriftes  ait  eu  en  vue  cette  circonftance  édi- 
fiante,  il  n'avance  la  Propofition  en  queftion,  que  dans  k  delfein  d'écarter  les  preuves 
les  plus  fnppantes  de  ces  Miracles,  de  jettcr  ainfi  les  Fidèles  dans  1  incertitude  fur  leur 
fujet ,  &  de  les  obliger  par  h  de  recourir  aux  Théologiens  auxquels  il  s'eft  uni,  pour 
fc  dèt.rminer  fur  ces  Miracles  uniquement  par  ce  qu'il  leur  plaira  d'en  décider. 

Il  poulTc  même  fon  zèh  contre  les  Prodiges  des  grands  Secours ,  jusqu'à  décider  que 

les 


PAR     RAPPORT    AV  X     M  I  R  A  C  L  E  Sy  &c.         yr 

les  guerifons  Miraculeufes  opérées  par  ce  canal  font  fufpedes,&  que  toutes  cesMerveil-   DtssrnT. 
les  ne  fent  pas  faffifantes  pour  twtorifer  les  Secours.  sur  l'aut. 

Voilà  l'unique  but  des  Propofitions  téméraires  par  lesquelles  cet  Auteur  fait  fes  ef-  ^^^  ""** 
forts  pour  renverfer  la  preuve  qui  ie  tire  de  la  grandeur  des  Miracles.  RêponfcSce, 

Mais  n'eft-il  pas  inconcevable  qu'il  ait  ofé  les  hazarder ,  lui  qui  s'eft  élevé  avec  toute         * 
la  force  &  la  vivacité  polTible  ,  il  y  a  peu  d'années,  contre  ces  mêmes  Propofitions  ? 
Encore  Dom  la  Tafte  avoit-il  feulement  tâché  de  les  infinuer  dans  fes  Lettres ,  fans  avoir 
eu  le  front  de  les  foutenir  difertement,ainfi  que  le  fait  aujourd'hui  ce  prétendu  Defïên- 
feur  des  Régies  &  des  Théologiens  qui  font,  dit  il,  les  plus  pleifis  de  z,è!e pour  maifi-  j^jj  „  ,, 
tenir  l'Autorité  des  Miracles. 

Mais  fi  ces  MM.  &  M,  Poncet  leur  Deffenfeur  ont  cfTedivement  confervé  du  zèle 
pour  les  Miracles ,  pourquoi  donc  ont-ils  totalement  changé  de  principes  fur  ce  fujet  ? 

Le  Leéteur  a  déjà  vu,  que  M.  Poncet  a  traité  de  prcjhges  &  de  blafphémes  la  Pro-  m^:,''^"''* 
pofition  que  Dom  la  Tafte  avoit  d'abord  hazardée  :  qu'il  eft  très  rare  qu'on  puifle  dis-  49.  s'^^uù. 
cerner  les  Miracles  Divins  des  opérations  diaboliques  par  la  grandeur  du  fumât ur el  ^  &  I^-1-""'P. 
que  ("efl  par  les  circonfiances  qu'on  en  doit  ordinairement  juger. 

Dès  que  cette  faufl":  Propolition  parut,  les  Théologiens  à  préfent  Antifçcquriftes  fe 
récrièrent  de  toutes  leurs  forces,  que  Dom  la  Tafte  vouloir  par  là  nous  mener  à  croire  Exam.de la 
tjrte  jamais  les  Miracles  ne  feront  preuve  par  eux-mêmes;   puisque  félon  lui  notts  ne  pon-  '■  '^"t.  «ie 
vons  favoir  fûrement  fi  ce  font  de  vrais  Miracles ,  qm  par  d'autres  marques  diftinguéeS  p.j. &  4.  ^  ' 
des  Miracles  mêmes. 

Auflî  M.  Poncet  conduoit-il  de  la  Propofition  de  Dom  la  Tafte,  qu'il  renverfoit  les  ix.Lett.i)4. 
fondemens  de  la  Religion ,  pour  renverfer  nos  Miracles. 

Il  l'accufoit  d'aatorifer  par  là  les  libertins  à  ne  rie»  croire.    Il  lui  reprochoit ,  qu'il  V.Lett.p48. 
leur  en  fournijfoit  les  moyens,  &  qu'il  pofoit  les  fondemens  d'une  incrédulité  tnonfirueufe,  ■^9-^°-î'-*' 

•Cette  Propofition  lui  paroiÏÏbit  alors  fi  évidemment  erronée,  qu'il  fuff.foit ,  difoit-il,  lx.L«t.p.4. 
de  l'expo  fer  devant  les  Chrétiens  pour  leur  en  donner  de  l'horreur. 

„  Qii'un  peuple  eft  malheureux,  s'écrioit-il,  d'enfanter  ainfi  des  hommes,  qui  lui  v.Lett.p.5» 
',,  apprennent  à  être  impie  par  principes  ! 

Qiii  auroit  jamais  pu  prévoir  que  cette  même  Propofition  que  M.  Poncet  traitoit  a- 
lors  d'impie  &  de  blasphématoire,  qu'il  regirdoit  comme  un  preftige  fuggéré  par  le 
démon  ;  qui,  dis-je,  auroit  jamais  pcnfé  que  le  même  M.  Poncet  feroit  un  jour  û 
aveuglé  par  la  paffion  de  critiquer  mon  fécond  Tome  &  les  grands  Secours,  qu'il  en 
ftroit  la  bafe  &  le  principal  appui  d'un  de  fes  Ecrits  ? 

Ajoutons  encore  ici  quelques-unes  de  fes  réflexions  contre  cette  même  Propofition  ré- 
pandue dans  les  Lettres  de  Dom  la  Tafte ,  d'une  manière  moins  précife ,  &  employons 
les  pour  réponfes  à  M.  Poncet  lui-même. 

„  Je  vous  rendrai  d'abord  ce  témoignage,  difoit-il  a  Dom  la  Tajle,  que  c'eft  mal-  f^'p'"'*'* 
\,  gré  vous  que  vous  avez  affoibli  l'Autorité  des  Miracles  en  général.  Vous  n'en  vou-  P-  6. 
,,  lez  réellement  qu'à  ceux  (que Dieu  a  faits  par'des  moyens  qui  vous  deplaifent.)  Vo- 
,,  tre  deflein  eft  de  laiffer  fubfifter  tous  les  autres.  Mais  comme  vous  n'avez  pu  atta- 
„  quer  ces  derniers,  qu'en  ôtant  à  tous  les  Miracles  la  force  de  faire  preuve  par  eux- 
,,  même ,  en  ne  les  confidérant  que  dans  leur  nature  &  leur  fubftancè  .  .  ,  vous  leur 
„  avez  ôté  (à  tous)  la  force  qui  leur  eft  propre  &  qui  leur  appartient  ...  Ce  que 
„  vous  leur  avez  ôté  eft  fi  grand,  qu'il  eft  impolTible  d'y  fuppléer  par  quoi  que  ce  foit. 
5,  Rien  ne  donnera  jamais  aux  Miracles  comme  Miracles ,  la  force  &  le  caradére  de 
,,  preuve,  s'ils  ne  l'ont  pas  par  eux-mêmes, à  les  confidérer  dans  leur  fubftancè  &  dans 
,,  leur  être  propre. 

„  Le  tort  immenfe  que  vous  avez,  ajoutait-il,  eft  d'avoir  ôté  à  l'Eglife  pour  tous  Ibid.  p.ii. 
.,  les  tems,  l'appui  des  Miracles, &:  d'avoir  pofé  des  principes  qui  autoriferont  fes  ea- 

G  i  „  nemis 


DES  MIR. 


52  V  T  I  L  I  r  E     DE     LA     P  II  T  S  I  O^V  E 

DiîSERT  „  ncmis   à  éluder  leur  Autorité  :  c'eft  d'avoir  rendu  chacun  maître  de  décider   félon 
1""  î^,  *"^'  "  ^^''  i"fcrcts  &:  félon  fes  vues ,  de  li  force  &:  du  pouvoir  des  Miracles  "  (en  leur  four- 
niffjnt  la  faufle  maxime,  que  c'eft  par  les  circonlknces  qu'on  en  doit  juger:  c'eft  par 
ce  Sophisme)  ,,  d'avoir  empêché  qu'ils  ne  puiflent  jamais  fervir  pour  décider  ks  ques- 
tions douteufes  &  pour  terminer  les  difputes  ...  En  vérité  c'eft  bien  à  tort  que 
vous  vous  plaignez  après  cela  ,  qu'on  vous  ait  comparé  aux  Pharillens  :   vous  les 
„  juftifiez,  &  ils  vous  condamnent:  vous  établiflez  par  Siftème  &  de  propos  délibc- 
,,  ré,  ce  qui  n'ctoit  de  leur  part  qu'un  e/Fet  paflager  de  la  jaloulie  qu'ils  avoient  con- 
„   çue  contre  Jéfus-Chrift. 

„  Vous  êtes  à  pliindre,  difoit  encore  M.  Powcw,  d'avoir  été  choifi  pour  combattre  les 
„  Merveilles  de  Dieu.  Vous  ferez  conduit  de  degré  en  degré  jusqu'au  plus  affreufes 
„  extrémités.  A  mefure  que  les  Miracles  fe  multiplieront,  &  qu'ils  deviendront  plus 
„  écbttans ,  il  tombera  fur  vous  ime  nouvelle  malédiction  :  vous  deviendrez  impie  à 
„  proportion  que  Dieu  fera  de  plus  gr:nds  Prodiges.  " 

A  Dieu  ne  plaife  qu'une  telle  malédiftion  tombe  jamais  fur  des  perfonnes  que  j'aime, 
que  je  refpede,  que  je  révère  autant  que  les  Théologiens  Antifecouriftes  &  leur  Def- 
fenfeur  ! 

Mais  comment  M.  Poncet  (après  avoir  réfuté  avec  tant  de  zèle  les  raifonnemens  cap- 
tieux de  Dom  la  Tafte,  par  où  il  tâchoit  d'oter  aux  Aliracles ,  .  .  la  force  0-  le  carac- 
tère de  preuve  .  .  ^«;  leur  appartient  par  eux-mêmes ,  à  les  conftdercr  dans  leur  fuhjlance 
dr  dans  leur  être  propre  ,  afin  de  les  faire  dépendre  principalement  des  circonftances  , 
que  chacun  tourne  félon  fis  intérêts  qî'  félon  fis  vues)  comment,  dis-je,  cet  Appellant 
ofe-t-il  avancer  des  Propoiitions  encore  plus  direftement  contraires  à  l'Autorité  des  Mi- 
racles, que  n'a  fait  Dom  la  Tafte, l'Adverfaire  le  plus  déclaré  de  ceux  de  notre  Siècle? 
Quel  effrayant  prodige  d'entendre  M.  Poncet  s'écrier  aujourd'hui  avec  un  ton  triom- 
phant, comme  s'il  alloit  remporter  une  grande  vidoire,  qu'il  va  donner  une  preuve  fans 
réplique  ,  qui  apparemment  dcbarrajfera  pour  toujours  les  Théologiens  Antifecouriftes 
(&  en  même  tems  tous  ceux  qui  voudront  fe  fouftraire  à  la  Déciiion  des  Miracles)  de 
la  fauffe  méthode ,  dont  je  me  fuis  fervi  contre  ces  MM.  en  employant  des  démonftra- 
tions  Phjftques  pour  prouver  que  des  Miracles  font  Divins. 

J'avoue  qu'en  lifant  cette  menace  (de  détruire  pour  toujours  l'Autorité  qne  les  Mi- 
racles ont  par  eux-mêmes ,  &:  de  leur  ôter  la  force  cr  le  cara^e're  de  preuve  qui  leur  ap- 
partient par  leur  ftthfîance  CT  leur  être  Phjfiquc)  j'en  ai  frémi  jusqu'au  fond  des  en- 
trailles :  &  je  puis  certifier  avec  vérité,  que  j'ai  été  quelque  tcms  fans  pouvoir  me  re- 
mettre de  l'émotion  qu'elle  a  caufée  dans  mon  cœur. 

Quoi!  Mes  Pérès  &:  mes  iMaitres,  qui  avez  rendu  jusqu'à  préfent  de  fi  grands  fer- 
vices  à  la  Vérité,  eft-il  polTible  que  le  dcfir  que  vous  avez  de  vous  déharrAjfcr  des 
preuves  Phjjîques  ,  par  lesquelles  j'ai  démontré  que  les  guérifons  Miraculeufes  opé- 
rées par  l'iitipreflion  des  grands  Secours,  n'ont  pii  être  faites  que  par  le  Maître  de  la 
nature  j  foit  fi  pr.ilfant  fur  votre  cœur,  &  qu'il  ait  tellement  obfcurci  vos  lumières  or- 
dinaires, qu'il  vous  empêche  de  voir,  que  fi  vous  réuflîflîez  à  prouver  que  le  furna- 
turel  abfolu  des  Miracles  ne  peut  fervir  de  rien  pour  les  diflingutr  des  prefliges  du  démon ^ 
vous  raviriez  en  même  tems  à  votre  Appel  fcs  armes  les  plus  invincibles,  &  prccilcment 
celles  contre  lesquelles  vos  Aëverfaires  ne  peuvent  fe  dcrtvndre  ? 

Mais  ce  n'eft  pas  feulement  à  l'importance  infinie  de  l.i  Caufc  que  vous  avez  foutc- 
nHc  jufqu'à  préfent,  que  vous  feriez  un  préjudice  extrême:  vous  arracheriez  en  même 
tcms  des  mains  de  l'Eghfc,  le  principal  &  le  plus  frappant  des  moyens  vifiblcs  que 
Dieu  lui  a  donné  depuis  fon  établiffcracnt ,  pour  terralfer  fcs  Advcrfaires ,  convaincre 
&:  convertir  des  incrédule?. 

Une 


P  yi  R     RAPPORT    AV  X    M  I  R  A  C  L  E  S ,  &c.         53 

Une  chofe  fort  finguliére,  c'eft  que  M.  Poncet  a  prédit  lui-mcme  très  clairement.  Dissert. 
il  y  a  quelques  années,  «ite  étrange  démarche  qu'il  vient  de  faire  conjouuement  avec  surl'aut. 
les  Théologiens  dont  il  eft  le  Dellenfeur.  °^'  "'"• 

tioM^  voyons ,  .reprochoh-il  aux  Confitltans ,  Se  nous  en  gémifTons ,  que  ceux  qui   I.  Lettre  de 
,,  font  oppofés  aux  Convulfions  (k  grands  Secours  &  autres)  négligent  l'avantage  im- p/g.""'"' 
,,  menfe  ,  qu'on  peut  tirer  des  Miracles  en  faveur  de  la  Vérité  . . . ,  en  ofant  dire  que 
„  le  démon  en  peut  faire. 

,,  Je  croyois  que  les  Appellans  ne  feroient  jamais  affez  téméraires  pour  ofer  méprifer  X^'-  !•««• 
„  ouvertement  les  Miracles:  j'efpérois  que  Dieu  les  éclaireroit  par  cette  voix:  je  me  ^*' 
„  croyois  en  fureté  du  côté  des  Miracles  :  je  croyois  qu'on  n'y  toucheroit  jamais. 
„  Tout  eft  en  péril  :  tout  ce  qui  fe  trouvera  avoir  un  rapport  néceflaire  avec  les 
,,  Convulfionnaires  {&  avec  les  grands  Secours^}  tout  ce  qui  s'y  trouvera  lié,  fera  sa- 
,,  crifie'.  Les  Miracles  mêmes  feront  obfcurcis.  Ils  ont  fervi  à  fonder  la  ReUgion 
„  &  à  la  faire  embraffer  par  les  Infidèles;  &  aujourd'hui  ils  font  inutiles  à  des  inno- 
,,  cens  qu'on  opprime  ! 

,,  Ceux  qui  voudront  s'infcrire  en  faux  contre  les  lignes  que  Dieu  pourra  nousdon- V.L«tt.  pî 
,,  ner  pour  fe  faire  reconnoître ,  prétendront  que  tous  les  Miracles,    tous  les  Prodiges 
„  font  équivoques  :  qu'on  peut  les  attribuer  également  à  Dieu  &  au  démon  :  que  c'eft 
„  par  les  circonstances  qu'on  en  doit  juger,  &  ces  circonftances  feront  réglées 
.,  félon  les  intérêts  des  vignerons,  qui  veulent  fe  rendi-e  maîtres  de  la  vigne." 

Ce  que  nous  voyons  aujourd'hui,  ne  manifefte  que  trop  clairement  l'exécution  lit- 
térale de  cette  étonnante  prédiction.     En  effet  n'eft-il  pas  vifible ,  que  depuis  la  perte 
que  nous  venons  de  faire  des  deux  grands  Evêqucs  Chefs  de  l'Appel,  MM.  1-S  Théo- 
logiens Antifecouriftes  font  devenus  ces  lignerons ,  qui  veulent  fe  rendre  nos  Maîtres,    On  en  verra 
&  qui  prétendent  s'ériger  un  Tribunal  fur  tous  les  autres  Appellans,   &y  juger  defpo-  aaifs^cTo- 
tiquement  des  Aliracles ,  fuivant  que  leurs  circonftances  font  conformes  ou  contraires  à  ■"«  l'I- 
leurs  différens  fentimens.     C'eft  à  dire  que  ces  MM.  ne  veulent  plus  reconnoître  pour 
Miracles  Divins ,  que  ceux  qui  font  faits  uniquement  en  témoignage  de  la  canonicité 
de  l'Appel,  te  tout  au  plus  ceux  qui  font  opérés  par  le  mouvement  des  Convulfions; 
mais  qu'ils  font  tout  difpofés  à  abandonner  au  démon  tous  ceux  qui  autorifent  les  grands 
Secours,   &  finguliérement  ceux  qui  font  vifiblement  exécutés  par  leur  violente impref- 
fion,  quelque  Merveilleux  que  ces  Miracles  puilfent  être. 

Mais  comment  ces  MM.  ofentils  vouloir  ainfi  élever  leur  tribunal  au  defliis  même 
des  Miracles  les  plus  abfolument  furnaturels ,  &  par  conféquent  les  plus  évidemment 
Divins  :  comment  ont-ils  la  hardieffe  de  pafler'même  les  bornes  que  M.  l'Evêque  de 
Bethléem  avoit  lui-même  refpeéléesî 

Ce  Conftitutionnaire  fi  zélé,  cet  ardent  contradifleur  de  nos  Miracles  par  les  cir- 
conftances qui  lui  déplaifcnt,  &  qu'il  défigure  félon  fes  préjugés;  eft  convenu  lui-mê- 
me ,  qu'il  y  a  des  maladies  de  toutes  les  efpéces ,  dont  la  guérifon  exige  abfolument  U 
main  de  Dieu;  &  par  exemple,  que  toute  produ£iion  d'un  corps  dont  la  fubflance  ne- 
xifteroit  point  auparavant ,  feroit  un  ejfet  certainement  Divin.  Ainfi  il  avoue  lui-même , 
qu'il  y  a  des  Miracles  qui  indépendamment  de  toute  circonftance  extrinfeque,  &  par 
la  feule  grandeur  de  leur  furnaturel,  portent  fur  eux  une  preuve  inconteftable  qu'ils  ont 
Dieu  pour  Auteur. 

Qui  fe  feroit  jamais  attendu ,  que  des  Théologiens  Appellans  feroient  un  jour  tous 
leurs  efforts,  pour  ravir  aux  Miracles  ce  cara^Sicre  (i  décifif  &  fi  vifible  du  fccau  de 
Dieu;  qu'ils  voudroient  leur  faire  per.îre  la  force  de  leur  principale  preuve,  en  écar- 
tant toutes  ce'les  que  nous  fournit  la  Phyfique;  &  qu'ils  s'arrogeroient  le  droit  de  ju- 
ger de  tous  les  Miracles  conformément  à  leurs  préventions,  quelque  marqués  qu'ils 
puilfent  être  au  coin  de  la  Toute-puiftance ,  qui  n'appartient  qu'au  Créateur  ^ 

G  3  C'eft 


su 


54  V  T  /  L  I  T  r     DE     LA     P  H  Y  S  I  O^V  E 

DissfRT.     C'eft  néanmoins  de  cette  façon  que  ces  Meflîeurs,  en  tirant  des  confcqnences  errc- 

;hl'aut.  ^^^  de  leur  faufle  maxime  (qu'on  doit  juger  des  Miracles  principalement  pir  les  cir- 

conftances  qui  les  accompagnent)  s'efforcent  à  préfent  de  peffuader  aux  FJdcles,  qu'il 

ne  faut  avoir  aucun  égard  aux  Miracles  les  plus  éminemment  fumsturels,  lor. qu'ils  font 

opérés  par  des  Secours  violens;  parce  qu'au  dire  de  ces  MM.  ces  Secours  bleflent  les 

régies.     Sur  quoi  ils  préfentent  comme  un  principe,  auquel  nous  fommes  tous  obligés 

de  nous  foumettre,  que  la  voix  de  tout  ce  qu'il  leur  pbit  de  nous  donner  pour  des 

Riponfe,*  régies  . . .  ej}  plus  clairement  la  voix  de  Die»  que  celle  des  Afiracles  . . . .-  que  c'ejiauxre'- 

lbU.''p.''ioi.\f/<'^,  fabriquées  par  leurs  préventions ,  17»'//  en  faut  toujours  revenir  ^  &*  que  nul  Aùta' 

de,  nul  Prodige  ne  doit  être  écouté  contre  elles. 

Ainfi  voilà  l'Autorité  des  opinions  très  variables  S:  très  fautives  de  ces  MM.  élevée 
au  deflus  de  celle  des  Miracles,  c'eft  à  dire  au  deffus  des  Décifions  de  Dieu  même. 

Que  les  Fidèles  prennent  donc  bien  garde  de  f;  laifler  éblouir  par  les  faux  principes 
répandus  dans  la  Réponfe  des  Théologiens  Antifecouriftcs.  Qu'ils  cherchent  la  vérité 
dans  leurs  anciens  Écrits;  &  qu'ils  fe  défient  de  tous  les  nouveaux,  011  l'on  apperçoit 
clairement  les  triftes  effets  de  l.=ur  premier  préjugé  contre  les  plus  Merveilleux  Prodiges 
qui  échttent  dans  l'œuvre  des  Convulfions. 

Le  Lefteur  a  vu  ci-deflus,  que  M.  Poncct  a  lui-même  pofé  pour  principe  dans  fa 
IX.  Lettre,  que  de  vouloir  ôter  aux  Miracles  la  force  de  faire  preuve  par  eux-mêmes  y 
par  leur  fuhjiance ,  par  leur  être  propre ,  c'eft  vouloir  ravir  à  l'Eglife  V appui  que  les  Ait' 
racles  lui  ont  fourni  dans  tous  les  tems  :  c'eft  atitorifer  fes  ennemis  à  éluder  leur  Autorité  : 
c'ejl  rendre  chacun  maître  de  décider  félon  fis  intérêts  (è"  f"  vues  de  la  force  (^  du  pouvoir 
des  Miracles',  enfin  c'eft' les  rendre  incrpables  de  décider  les  quejlions  dottteujès ,  8c  de 
terminer  les  difputes.   Voilà  à  quoi  il  faut  s'en  tenir. 

En  effet  prétendre  abolir  la  preuve  frappante  &  décifive  qui  fort  de  l'être  même  des 
Miracles ,  lorsqu'on  démontre  qu'ils  font  tels  que  le  Tout-puiflant  a  pu  fcul  les  opé- 
rer, &  vouloir  faire  dépendre  la  force  de  ces  Décifions  célcftcs  des  circonftances  qui 
les  accompagnent,  c'eft  s'efforcer  de  priver  l'ilglife  entière  de  la  preuve  la  plus  triom- 
phante que  des  Miracles  fbnt  Divins,  &  prefque  de  h  fnile  à  laquelle  ceux  qui  fe  ré- 
voltent contre  cette  voix  de  Dieu,  n'ont  rien  à  répondre.  Car  à  l'égard  des  circonf- 
tances, fo'.ivent  il  n'eft  pas  difficile  de  leur  oppofer  de  vaines  chicanes:  &  ceux  qui 
fe  voient  confondus  par  des  Miracles  Divins  ne  manquent  prefque  jamais  d'en  repré- 
fenter  les  circonftances  d'une  manière  défavorable,  de  les  métamorphofer  félon  les  ia- 
intérêts  de  leurs  préventions,  ou  même  d'en  fuppofcr  de  fauffcs;   S:  par   ce  moyen  ils 

t>arvienncnt  à  répandre  des  ténèbres,  des  incertitudes  &  des  doutes  fur  les  Merveilles 
es  plus  évidemment  Divines ,  à  fe  fouftraire  à  l'autorité  de  tout  ce  que  décide  ce  Té- 
moignage du  Très-haut,  &:  même  à  éblouir  la  plupart  de  ceux  qui  ne  fe  déterminent 
point  par  la  grandeur  du  fumaturel  des  Miracles. 
VI.  Quel  fervice  le  Defibnfeur  des  Antifecouriftcs  ne  rendroit-il  donc  pas  \  tous  ceux 

d^M.'Kin"  *!"'  "^  veulent  point  fe  foumettre  à  ce  que  les  Miracles  décident ,  s'il  pouvoit  réulTir, 
CCI .  rinduf-  ainfi  qu'il  s'en  vante ,  à  les  débarraffer  pour  toujours  de  la  preuve  démonftrative  qui  fait 
ic'demood'e  éclatter  le  caraftére  diftinftif  des  Miracles  Divins  de  la  manière  la  plus  forte,  la  pliii> 
''n'É'"""  l"'"'"^"^^  *-'  '-^  pl"''  ftnfible?  Quelle  obligation  ne  l.ii  en  auroient  point  les  Athées,  les 
«icsgrenouii-Déiftes,  Ics  prétcndus  cfprits-forts,  les  Juifs,  l:s  Payens,  les  Hérétiques,  les  Con- 
J^y^^^^'J^*"' ftitutionnaircs,  les  Confultans,  les  Antifecouriftcs,  fc  tous  ceux  qui  s'obftincront  à 
poinr  une  méconnoîtrc  Ic  Prophète  Elic,  malgré  tous  les  Miracles  qui  autoriferont  fa  Miftîon? 
w^.nuc'qne  ^*'^  ^^'  Poncet  ne  réulTira  pas  dans  cette  entreprifc;  car  rien  n'eft  plus  frivole  que 
iiPi.yrn)i,e  la  preuve  par  laquelle  il  prétend  établir,  que  la  Phyfique  ne  peut  fervif  de  rien  pour 
vKde"ric"  ju^cr  fi  des  guérifons  font  vcritablem  nt  Miraculeufc;. 
P'"'i'''^'r"     Il  ne  foodc  uniquement  cette /Tfw.v» ,  qu'il  dit  iixc  fins  repliqttc ,  qu:  fur  h  préten- 

5'Ut   es    il-  j^^^ 


VAR    RAPPORT    AVX    M  IRACLES,éc.         jj 

due  prodttflion  que  les  Magiciens  de  Pharaon  .. .  firent ^  dit-il,  des  grenouilles.  •  Dissert. 

Car  à  l'égard  du  changement  qu'ils  firent,  ou,  pour  mieux  dire,  qu'ils  parurent  ^"'^^''*"''* 
faire  de  leurs  -verges  en  ferpens ,  il  déclare  que  comme   la.  plupart  des  Commentateurs  pré-         *   ^* 
fument  qu'il  y  eut  de  l'enchantement ,  cr  que  le  démon  fafcina   les  yeux  des  Speiiateurs ,  "«"reftigès 
Ô"  ne  fit  autre  chofe  que  de  fubfiituer  de  véritables  ferpens  aux  verges  des  Aiagiciens     il  ^\  démon. 
veut  bien  me  faire  grâce  de  ce  premier  miracle ,   &  qu'il  n'inffle  que  fur  la  produilion  que  &c.'^p°"j-y.* 
les  Magiciens  fient  des  grenouilles.  Jbid. 

Mais  fi  M.  Poncet  avoit  pris  la  peine  de  lire  fur  ce  fujet  le  Texte  de  l'Ecriture ,  il 
y  auroit  vu,  qu'il  n'y  efl:  point  dit  que  les  Magiciens  de  Pharaon  produifirent  des 
grenouilles,  mais  feulement  qu'ils  les  firent  fortir  de  l'eau,  &  qu'ils  les  conduifirent 
fur  la  terre  d'Egipte  :  Feccrunt  fimiliter  ,  eduxeruntque  ranas  fuper  terram  Egypti.  Exod.  VIII, 
Or  parce  que  les  démons  ont  eu  l'induftrie  de  faire  fortir  quelques  grenouilles  d'un  ^* 
ruiifeau  &  de  les  faire  venir  à  terre,  il  ne  s'enfuit  point  du  tout  qu'il  eft  impofllblede 
juger  par  la  Phyfique,  fi  une  guérifon  Merveilleute  pafle  l'étendue  de  la  puillance  de 
ces  malheureux  Apoftats,  c'eft  à  dire  fi  elle  a  été  opérée  par  création,  par  une  régé- 
nération fubite  qui  équipoUe  à  création ,  ou  de  quelque  autre  manière  fupérieure  aux 
loix  qui  régiflent  toute  la  nature:  ce  que  tous  les  bons  Théologiens  foutiennent,  & 
ce  que  Dom  la  Tafte,  aujourd'hui  M.  de  Bethléem,  lui-même  avoue  être  au  defliis 
du  pouvoir  non  feulement  des  Serpens  de  l'Enfer,  mais  même  de  tout  être  créé. 

Ce  que  firent  alors  les  Magiciens  de  Pharaon  efl:  fi  peu  propre  à  établir  le  nouveau 
Sifliême  de  M.  Poncet,  que  lui-même  dans  une   de  fes  Lettres  contre   Dom  la  Tafte, 
qui  avoit  voulu  fe  fervir  de  ce  trait  d'hiftoire  pour  relever  à  l'excès  le  pouvoir  du  dé- 
mon, &  infinuer  que  le  furnaturel  éminent  des  Miracles  n'eft  pas  toujours  une  preuve  • 
qu'ils  font  Divins  ;  lui  reproche  qu.' il  faut  apurement  que  la  prévention  l'ait  aveuglé,  pour   x.  lck.  de 
avoir  choifi  cet  exemple ,  ou  le  pouvoir  du  démon  a  été  confondu,  pour  prouver  que  ce  pou-  ^'  P''"'^'» 
'Voir  efl  tel  qu'il  empêche  que  les  Miracles  ne  puijfent  jamais  fervir  de  prettve  k  les  canfidé' 
rer  en   eux  mêmes  cr  dans  leur  fubfiance. 

Dom  la  Tafte  n'a  point  infifté:  il  a  abandonné  de  bonne  grâce  l'avantage  qu'il  avoit 
d'abord  voulu  tirer  de  ce  paflage  de  l'Ecriture:  il  eft  convenu  dans  plufieurs  de  fes 
Lettres,  que  ces  prétendues  produdions  faites  par  les  yl/^^/c<>w  d' Egipte  ^éioÏQniÇoxx.  con- 
teftées.    Il  a  avoué  dans  la  VII.  qu'il  eft  bien  difficile  de  concevoir  que  le  pouvoir  des  Ef-  ^"-  ï-^"- 
prits  créés  puijfe  atteindre  a  des  Aierveilles  fi  furprenantes  :  il  y  déclare  formellement ,  p.  164!"" 
qu'il  ne  prétend  point  fe  rendre  garant  des  difficultés  qui  font  renfermées  dans  cette  opi- 
nion.    Il  ajoute  même  dans  la  XII.  que 7?  la  Toute-puijfance  de  Dieu  fi  njanifefie  dans     XII.  Lctt. 
la  production  des  êtres  infenfibles ,  fon  pouvoir  ^  fa  fagejfe  brillent  encore  plus  dans  la  for-  P-  î'ts- 
mation  des  corps  vivans.    ,,  En  effet,  s' écrie-t-il ,  quelle  multitude  d'os,  de  fibres,  de  Ibid.p.  jjt. 
,,  nerfs  &  de  mufcles  dans  chaque  animal  de  toutes  les  efpéces  !    Quel  art  dans  chaque 
5,  patrie  !    Quel  ordre  dans  tous  les  reflbrts  qui  fervent  à  fes  diverfes  fondions  !  Quel- 
,,  le  merveilleufe  induftrie  les  fait  vivre,  voir,  entendre,  fentir,  drc.    Tout  cela  n'eft- 
,,  il  pas  une  preuve  évidente  d'un  être  fouverainement  grand  &  puiffant?"    D'où  il 
conclud,   qn  il  efl  faux  que  des  êtres  bornés  puiffent  produire  de  telles  Merveilles.  ibid.  p.  yn- 

Cependant  M.  Poncet  encore  plus  hardi  que  le  plus  fameux  Contradiéleur  des   Mi- 
racles de  ce   Siècle,   ofe  avancer  aujourd'hui   avec  une  confiance  inconcevable,    que 
„  tous  les  Interprètes  &  les  Théologiens  conviennent  ....  que  les  Magiciens  de   Pha-    Revcnfe, 
„  raon  firent  la  production  des  grenouilles ,  . .  •  que   ce  prodige  n'étoit  point  au  def-  ^'^'  ^'  ^'' 
,,  fus  du  pouvoir  du  démon,  &  qu'il  l'.ii  a  été  facile  de  l'exécuter  en  prenant  des  œufs 
„  de  grenouilles,  les  faifant  éclorre  fur  le  champ,  &  donnant  avec  une  rapidité  incon- 
„  cevable  à  toutes  les  parties  d'un  petit  germe  prefque  imperceptible ,  tous  les  accroif- 
„  femens  néceflaires  pour  parvenir  en  un  inftant  à  la  mefnre  d'une  grenouille  ordinaire." 
Et  de  cette  faufle  afl'ertion,  il  tâche  d'en  faire  conclurre  à  fon  Leéteur,  fansnéannx>ins 

oler 


% 


J5 


5fi  VTILITE     DE     LA     P  H  Y  S  I  O^V  E 

DissEBT.  ofer  le  dirt  exprcflcment  lui-même,  que  fi  le  démon  a  bien  pu  faire  un  Sliiîî  grand 
sup  i.'\uT.  prodige  que  celui  de  former  en  un  i:»ftant  des  animaux  vivans  &  d'une  erandeur  parfai- 
te  avec  oe  petits  germes  prelque  imperceptibles,  il  n  y  a  prciquc  point  de  gucnions  h 
mervcilleufes  qu'elles  paroifTent,  qui  (oient  fupcrieures  h  fon  pouvoir.  AulTi  invite-t-il 
fon  Lcôeur  de  faire  lui-même  l' application  de  cet  exemple  k  ccux^  c'eft  à  dire  aux  guc- 
l'ifons  miraculeufes,  dont  j'ai  fait  mention  dans  mon  Jccond  volume. 

Quelle  diffe'rence  entre  M.  Poucet  combattant  pour  les  Miracles  contre  Dom  la 
Tafte,  &  M.  Poncet  s'effôrçant  d'e'luder  la  décifion  de  ceux  que  Dieu  a  faits  par  le 
jY'p"""'' "loyen  des  Secours  violens  !  „  Les  Magiciens  de  Pharaon,  objecle-t-il  a  D.  la  Tafle , 
p. '44.'  '  j,  imitèrent  quelques-unes  des  Merveilles  que  fit  Moyfe:  ils  ne  purent  les  imiter  tou- 
,,  tes  ;  &  à  l'égard  de  celles  qu'ils  eurent  le  pouvoir  de  contrefaire ,  ils  le  firent  très 
„  imparfaitement,  ils  le  firent  fervilemcnt. . . .  Comme  nous  n'avons  point  de  connoif- 
„  fance  d'aucune  iiiftoire,  où  ce  pouvoir  du  démon  ait  paru  plus  grand  &  plus  éclat- 
tant,  cet  exemple  peut  ûrvir  à  fixer  l'étendue  de  ce  pouvoir,  &  à  montrer  com- 
bien il  eft  inférieur  à  celufque  Dieu  s'eft  refervé  de  faire  paroître,  quand  il  veut 
parler  aux  hommes  &  leur  donner  des  fignes  certains  de  fa  prcfence ,  afin  qu'ils 
„  puiffent.fe  fier  à  lui  pleinement  &  fans  aucun  doute. 

,,  Il  eft  certain,  contintte-t-il ^  que  le  démon  a  reçu  de  Dieu  une  certaine  mefure  de 
„  puiflance,  il  peut  plus  que  les  hommes....*  Il  eft  peut-être  impoflîble  de  détermi- 
„  ner  jufqu'oii  cette  puiflance  peut  s'étendre,  &  d'en  marquer  les  bornes  précifes; 
„  mais  on  j>eut  aifurer  avec  le  dernier  degré  de  certitude,  qu'il  y  aune  infinité  de  cho- 
,,  f.s  qui  furpaflent  fon  pouvoir.  " 
IX.  Lctt.  y.  „  Il  n'y  a  rien  de  plus  abfurde,  dit-il  ailleurs ,  que  de  raifonner  d'un  pouvoir  com- 
*'  ,,  me  s'il  étoit  fans  bornes,  par  cette  unique  raifon  qu'on  n'en  peut  pas  fixer  les  bornes 

d'une  manière  précife. 

,,  Je  ne  veux  point,  dit-il  encore,  qu'on  me  préfente  la  nature  ou  le  démon,  corn-' 
me  des  puilfances  fans  bornes ,  auxquelles  on  fe  croit  en  droit  d'attribuer  tout  ce  qui 
nous  pafle,  quelque  admirable  qu'il  foit.     Je  ne  vois  que  la  puiflance  de  Dieu  qui 
„  nous  préfente  un  fond  que  nous  ne  puilfions  fonder.  " 
V.  LcK.  p.      Il  décide  même,   que  le  pouvoir  du  démon  ejl  très  petit,  Ji  on  le  compare  a  celui  que 

Jefus-Chrifl  s'eji  refervé  de  fiire  éclater  de  tems  en  tems  dans  fon  E^life. 
IbiJ«  „  Les  Miracles,  ajoutc-t-il,  que  peut  faire  le  démon,  refl'emblent  à  ceux  que  Dieu 

„  fait  pour  honorer  fes  Serviteurs,  comme  l'acceptation  ds  la  Bulle  reflcmble  au  Con- 
„  cile  de  Nicéc  &  aux  autres  Conciles  généraux." 
Ibid.  j,  Et  fi  h  démon  fait  des  prodiges  de  guérifon,  il  ne  les  fait  qu'en'" faveur  de  ceux 

qui  l'invoquent,  qui  s'adreflent  à  lui ,  &  qui  ont  commerce  avec  lui:  il  ne  les  fait 
qu'en  vertu  d'un  pacte  exprès  ou  tacite,  fait  avec  lui  en  conféquence  de  maléfices, 
de  forts,  de  pratiques  fuperftitieufes.  li  eft  inouï  qu'on  ait  jamais  attribué  au  dé- 
mon des  guérifons  accordées  à  ceux  qui  les  demandoient  à  Dieu,  &  qui  ne  comp- 
toient  que  fur  fa  puiflance  &  fur  fa  bonté  pour  les  obtenir. 

,,  Le  troiliéme  caraélére ,  ajoute-t-il,  qui  conferve  aux  Miracles  toute  la  force  né- 
ceflairc  pour  décider  de  quel  côté  eft  la  Vérité,  c'eft  que  le  démon,  ou  quelque 
impoftcur  qu:  ce  foit  revêtu  de  fa  puiflance,  ou^ne  pourra  jamais  faire  de  Miracles 
pour  autorifcr  l'erreur;  ou,  s'il  en  fait.  Dieu  en  fera  toujours  de  plus  grands  pour 
le  décréditer  &  empêcher  la  fédudion.  En  forte  qu:  l;s  miracles  de  l'impoftcur  ne 
ferviront  qu'à  faire  éclattcr  davantage  la  puifl'ince  de  Dieu,  &:  donner  aux  véritable^ 
Miracles  un  degré  de  force  fupérieure  à  celui  qu'ils  auroient  eil  fans  cette  contra- 
diétion." 

Ainfi  fiiivant  que  le  penfoit  alors  M.  Poncet,  il  eft  très  aifé  de  difcerner  les  Mira- 
cles Divins  des  faux  miracles  du  démon,  foit  par  la  grandeur  &  la  vérité  de  leur  fur- 

n.uu- 


j> 


5> 
5> 


PAR     RAPPORT    AV  X    M  I  R  A  C  L  E  S,&c.        57 

naturel,  Toit  par  les  moyens  de  les  obtenir,  foit  par  la  circonftance  que  Dieu  ne  per-  Disssur. 
met  jamais  au  démon  de  fjire  des  miracles  apparens  que  pour  faire  échtter  davantage  ^"'"''*"'^- 
par  leur  foiblefTe  la  fupcriorité  des  fiens.  oEjMia. 

Voilà  l'idée  que  M.  Poncet  dans  le  tems  qu'il  écrivoit  contre  Dom  la  Taflc ,  vou- 
loit  qu'on  prît  de  tous  les  prétendus  miracles,  ou  pour  mieux  dire  des  preftiges  ou 
des  tours  d'escam.otfi'ie ,  que  firent  les  Magiciens  de  Pharaon. 

Aujourd'hui  le  moindre  de  ces  artifices  diaboliques  (je  veux  dire  celui  d'avoir  fait 
fortir  de  l'eau ,  devenir  à  terre,  des  grenouilles)  eft  par  la  tournure  que  M.  Poncet 
lui  donne,  une  preuve  fa»  s  reflique ,  que  le  démon  a  le  pouvoir  de  faire  de  fi  prandes 
merveilles ,  que  la  Phyfique  eft  tout  à  fait  inutile  pour  diftinguer  les  œuvres  de  la 
Toute-puiûance  de  Dieu,  d'avec  les  opérations  illufoires  des  efprits  de  ténèbres. 

Mais  ne  différons  pas  davantage  à  prouver  que  la  mémoire  de  M.  Poncet  a  é:é  cton-      vi.r. 
namment  fautive,  lorsqu'il  a  dit  que  tous  les  Théologiens  conviennent  imanimement ,  j^'^sj*^" 
que  les  Magiciens  de  Pharaon  ont  formé  des  grenouilles  avec  des  germes  prefque  imper-  i'ei«sdci'E- 

Pour  donner  une  jufte  idce  des  fentimens  des  SS.  Pères  &  des  plus  célèbres  Théo-  Tùéoio- 
logiens  fur  ce  fuiet,  il  eft  néceflaire  de  rendre  compte  généralement  de  ce   qu'ils  ont  fj'»°s*en^"* 
penfé  à  l'égard  des  trois  efpéces  de  merveilles,  que  fit  l'efprit  impur  par  le  miniftére  ffûispartis, 
des  Magiciens  de  Pharaon,  c'eft  à  dire  à  l'égard  des  baguettes  de  ces  Magiciens,  qui  ce  qSeiedc- 
femblérent  fe  métamorphofer  tout  à  coup  en  ferpens,    à  l'égard  de  Ueau  qui  parut  "°"^p"/" 
changée  en  fang ,  &   à  l'égard  des  grenouilles  que  ces  Magiciens  firent  fortir  d'un  contrefaire 

riiifTpin  lestroispre- 

ruiueau.  ^  ^  ^  ^  ^i^^  Mua- 

Il  y  a  fur  cela  trois  fentimens.    Les  plus  anciens  des  Pérès  de  l'Eglife  &  d'autres  an-  "^i"  deMoi- 
ciens  Auteurs ,  ont  regardé  ce  que  le  démon  a  exécuté  pour  contrefaire  les  premiers  *' 
Miracles  de  Moife,  comme  de  pures  illufions:  d'autres,  comme  des  miracles  du  pre- 
mier ordre;   &  les  derniers,  comme  des  tours  d'adreffe. 

Jofeph,  Philon,  S.  Juftin,  TertuUien ,  S.  Grégoire  de  NiflTe,  S.Jérôme,  S.  Euf-  vin. 
tîthe ,  Pierre  le  Vénérable  ,  &  en  général  prefque  tous  ceux  des  anciens  Auteurs  ^^  piùpar» 
qui  ont  parlé  de  ces  trois  efpéces  de  merveilles  fabriquées  par  le  démon,  ont  jugé  i'"cs"dé'rE- 
qu'elles  n'étoient  que  de  pures  illufions,  que  ce  Père  du  menfonge  avoit  faites  aux  êl"c- &.<'«* 
yeux  des  (pedateurs,  en  leur  préfentant  des  images  de  ferpens,  de  fang  &  degrenouil-  ^'ut\u"s'^'ont 
les  qui  n'avoient  rien  de  réel.  p'rodl^es'dct 

Le  prétendu  changement  des  baguettes  de  ces  Magiciens  en  ferpens ,  a  été  l'objet  de  magiciens 
leurs  principaks  réflexions;  parce  qu'en  fuppofant  que  ce  changement  eût  été  réel,  ce  n'ctoïent°" 
feroit  un  vrai  Miracle  évidemment  fupérieur  au  pouvoir  de  tout  être  créé,  d'oii  il  fuit  3"=  dépures 
qu'il  eft  impoQible  qu'il  ait  été  opéré  par  le  démon. 

On  trouve  à  ce  fujet  des  principes  très  lumineux  dans  plufieurs  des  Ouvrages  de 
ces  Saints  Dofteurs.  On  y  apprend  par  exemple,  que  non  feulement  Dieu  feul  peut 
créer,  mais  qu'il  eft  même  le  feul  qui  a  la  puiiBnce  de  faire  ce  qui  équipolle  à  créa- 
tion ;  d'oii  il  fuit  ,  que  lui  feul  peut  produire  tout  à  coup  des  animaux  qui  aient  auf- 
fitot  leur  grandeur  complette  ;  parce  que  non  feulement  il  fait  pour  cela  intervenir  les 
loix  générales  &  permanentes  par  lesquelles  il  a  voulu  que  la  nature  fût  régie ,  mais 
mém?  qu'une  telle  production  ne  fe  peut  faire  qu'en  formant  en  un  inftant  une  multitu- 
de inconcevable  de  parties  qui  font  d'une  ftrufture  fi  merveilleufe  &  d'une  fi  grande 
finefl'e  que  la  plupart  nous  font  prefque  incomprélienfibles ,  &  que  toutes  font  néan- 
moins abfolument  eflentielles  pour  fournir  aux  animaux  la  vie  ,  le  fentiment,  la  faculté 
d'agir,  la  vue,  l'ouïe  &  tous  les  autres  fens.  Or  il  eft  d'une  évidence  manifefte, 
qu'un  tel  ouvrage  ne  peut  fe  faire  que  par  l'unique  Créateur  de  tous  les  êtres  ,  èc  qu'il 
équivaut  à  une  création  ,  lorfqu'il  lui  p'ait  de  l'exécuter  en  un  moment  avec  toute 
h  perfeflion  néceflaire,  pour  donner  à  ces  animaux  toute  la  grandeur  ,  la  force,  l'agi- 
Dijfcrt.  Tom.  IL  H  lité, 


10. 


58  V  T  I  L  I  T  L'     DE     LA     P  H  T  S  I  O^V  E 

Dissert,  litc,  Sc  les  3'jtres  qualités  iovX  leur  mture  eft  capabl?.  D'où  l'on  doit  neceflairemfnt 
surl'aut.  coiicUirre,  qu'il  ne  faut  donc  pas  prendre  rigoureiifen-.ent  à  h  lettre  les  exprellions  que 
*""'"•     le  Texte  Sacre  emploie  à  cet  égard. 

Car  ce  qui  fait  ici  la  dilïiculté,  c'eft  que  l'Ecriture  pour  exprimer  les  prefliges 
que  le  démon  fit  à  ce  fujet  ,  fe  fert  des  mêmes  termes  avec  lefquels  elle  rend  compte 
des  deux  premiers  Miracles  &  du  Prodige  que  Dieu  fit  par  le  miniftére  de  Moïfe  & 
d'Aaron. 

Voici  ce  qu'on  lit  dans  l'Exode,  à  l'égard  des  baguettes  métamorphofées  en  ferpens, 
Exod.VlI.  j^  Aaron  jetta  fa  baguette  devant  Pharaon  &  fes  Serviteurs,  &  elle  fut  changée  en  fer- 
,,  pent  :  Tullique  Af-ron  virgam  coràm  Pharaonc  cr  firzis  ejus ,  ejud.  ver  fa  efi  in  colubrum. 
IWd.  II.  ^^  Or  Pharaon  ayant  fait  venir  les  Sages  d'Egipte&  les  Magiciens ,  ils  le  firent  fem- 
,,"bbblement  par  leurs  enchantemens  &  par  certains  artifices  cachés:  FocAvit  autem 
Pbarao  ftpientes  &  makficos ,  &  fecertint  etiam  ipfi  pcr  incantntiones  dgyptiacai  <y  arcanA 
tjMitdttru  fimiliier. 

„  Ils  jettérent  leurs  baguettes  à  terre  ,   &  elles  furent  changées  en  ferpens:  mais  la 

Ibid.  11.    ^^  baguette  d'Aaron  dévora  leurs  baguettes:  Projeccrant^ue  Jingnli  virgas  fuAs  qua  ver' 

fe  funt  in  ferpcnres ,  fed  devoravit  virga  Aaron  virgas  corum. 

<  Dans  tout  ce  récit  il  n'y  a  que  deux  termes  qui  embarraflent  &  qui  poiirroient  pof- 

ter  à  croire  que  les  baguettes  des  Magiciens  furent  réellement  changées  en  ferpens ,  fa- 

voir  le  termrJe  SEMBLABLtjinNT  ,   fecrrmt  f militer ,  &  le  terme  de  change'es  en 

(erp:'r)s  ,verfe  Jiifit  in  dracones.    Mais  les  anciens  Pérès  étoient  trop  verfés  dans  l'Ecriture 

pour  n'y  avoir  pas  remarqué ,  que  fouvent  ces  termes  ne  doivent  pas  s'y  prendre  dans 

toute  h  rigueur  de  la  lettre. 

T.  Par  raport  au  terme  7»w////fr  ,  il  efl:  quelquefois  employé  dans  un  fens  qui  fem- 
■ble  en  quelque  forte  oppofé  à  fa  fignification  naturelle.  On  en  voit  un  exemple  frap- 
pant dans  la  rcponfe  que  fait  Abraham  au  mauvais  Riche  de  l'Evangile. 

„  Mon  fils,  lui  dit-il ,  reflouvenez-vous  ,   que   pendant  votre   vie   vous  avez  reçu 
Lac.  XVI. ,,   des  biens  &  que  fembbblement  Lazare  n'a  eii  que  des  maux  :   fili ,  rtcordare  qui* 
,,  rccepifti  hona  in  vità  luà  (fr  L^zarns  fmiliter  mata." 

11  eft  évident  que  ce  n'eft  point  une  chofe  femblable,  que  de  recevoir  des  biens  ou 
des  maux.  Ainfi  il  eft  vifible,  que  dans  ce  vcrfet  le  mot  femhlublement  veut  propre- 
ment dire,  qu'au  contraire  Lazare  n'avoit  eu  que  des  maux  pendant  fa  vie.  D'oii  l'on 
doit  conclurre  ,  qu'il  ne  répugne  donc  point  à  la  fa(;on  ordinaire  dont  l'Ecriture  s'ex- 
prime, d'entendre  par  Is  termes  ,  malefci  feccrunt  f militer  ,  que  ces  Magiciens  fircrt 
une  chofe  qui  parut  femblable  au  char^gcment  réel  qu' Aaron  avoit  fait  de  fa  baguette 
en  ferpeht.  Cette  interprétation  eft  même  d'autant  plus  recevable  ,  qu'il  y  a  plus  d'un 
exemple  ,  que  l'Ecrit  ire  parle  quelquefois  des  chofes  fuivant  qu'elles  •poroiflent  aux 
ftns,  &  non  pas  fuivant  ce  qu'elles  font  efièctivement. 

2.  A  l'égard  du  terme  verfe  fnnt ,  ont  été  changées  ,  ces  célèbres  Docteurs  ont  ob- 
fervé,  q.ie  fouvent  cette  exprelfion  (ignifie  dans  le  Texte  Divin,  non  qu'une  chofe  a 
réellement  changé  de  nature,  mais  qu'une  chofe  contraire  a  fuccedé,  a  pris  la  place,  x 
été  fubftituée  à  une  autre. 

C'eft  pnr  exemple  ,    dans  ce  fens  que  Jéfus-Chrift  dit  X  fes  Apôtres  :  „  Votre  tris- 

Icin.  XVI. ,,  teflc  fera  changée  en  joie  -.Trijliriit  veftra  vertctur  in  gandium.  "  Ce  qui  ne  veut  pas 

**•  dire  que  la  trifteffe  des  Apôtres  changera  de  natiu-e,  mais  feulement  qu'une  grande  joie 

fuccédera  h  leur  triftefic. 

lob.  XXX.      De  même  lorfquejob  dit  que  fa  ,,  lyre   a  été  changée  en   pleurs:  convtrfa  cfl  m 

'''  ,,  luitHin  cith.iru  mea ,  "  cela  ne  fignifie  point  qne  fa  lyre  s'eft  convertie  en  larmes, 

mais  uniquement  que  les  larmes  ont  pris  la  place  des  cantiques  de  joie  qu'il  chantoit 

auparavant. 


«y 


R  ué  R     R  u4  P  P  0  R7     ^V  X    MIRACLES,  &c.         yp 

Pareillement  lorfqu'on  lit  dans  les  Lamentations  de  Jeremie,  que  ,,les  chants  d'allé-  Dissert. 
,,  grelTe  ont  cté  changes  en  chants  lugubres,  verfUs  efl  in  luStum  chorus  nofler'\  onsuRt-'AUT. 
comprend  que  ce  ne  font  pas  les  chants  d'allégrefle  qui   font  réellement   devenus  lugu- "^'  ""*' 
bres,  mais  que  des  chants  lugubres  ont  été  fubftitués  aux  chants  d'allégreffe. 
.    Ce  n'eft  donc  point  s'écarter  de  la  façon  dont  l'Ecriture  emploie  alfez  ordinairement 
le  terme  àz  changé  o;}xt   de  l'interpréter  en  difant,  que  des  figures  de   ferpens  ont  été 
fubftituces  à  la  place  des  baguettes  des  Magiciens. 

A  quoi  ces  favans  Dodeurs  ont  ajouté  ce  que  Dom  la  Tafle  lui-mêméme  rapporte 
d'après  eux ,  qu'il  n'ejl  pas  toujours  nécejfaire  de  prendre  les  Textes  des  Divins  Livres 
dans  toute  la  rigueur  de  la  lettre;  qu'il  ejl  per»%is  de  s'en  écarter  ,  Ji  on  le  peut  fans  s'éloi- 
gner de  l'ufage  des  Auteurs  Sacrés  &  du  fens  de  leurs  expreffions  ordinaires  :  qu'//  faut 
même  le  faire  Ji  en  infiflant  fur  le  fens  littéral  ^on  choque  la  raifon  Q-  la  foi  ...  &  qu'il 
efl:  manifefte  qu'on  ferait  dire  a  l  Auteur  Sacré  .  .  .  une  chofe  que  la  raifon  (jr  la  foi- 
condamnent  également ,  fi  on  prenoit  dans  un  fens  rigoureufement  littéral  ce  qui  y  eft  dit 
du  changement  des  baguettes  en  ferpens  par  l'enchantement  des  Magiciens. 

Ajoutons  à  cette  obfervation  décifive  ,  que  les  termes  d'enchantement  &  d'artifice 
caché,  per  incantationes  &  arcana  ,  dont  fe  fert  l'Ecriture  ,  pour  caraftérifer  la  nature 
des  moyens  que  le  démon  mit  en  œuvre  dans  le  délîr  de  contrefaire  les  Miracles  de 
Moïfe,  donnent  clairement  à  entendre,  que  tout  ce  que  fit  alors  cet  Efprit  impofleur, 
ne  fut  qu'illufion  &  que  preftige.  En  eftet  l'enchantement  ne  peut  produire  que  des 
phantômes,  &  l'artifice  ne  fert  qu'à  tromper  &  faire  lUufion. 

.  A  l'égard  de  l'eau  qui  parut  changée  en  fang,  par  l'enchantement  des  Magiciens, 
l'opinion  de  ces  anciens  Auteurs,  que  ce  n'étoit  qu'une  apparence  ,  eft  fondée  fur  ce 
principe  inconteftable  ,  que  le  démon  ne  peut  point  changer  i;s  êtres  matériels  de  natu- 
re ,  quant  à  leur  fubftance  eflentielle. 

Enfin,  à  l'égard  des  grenouilles  ,  rien  ne  les  obligeoit  de  s'écarter  des  termes  pré- 
cis de  l'Ecriture  ,  qui  ne  préfentent  à  ce  fujet  qu'un  prodige  nullement  fupérieur  au 
pouvoir  du  démon ,  puifqu'il  ne  confifte  qu'à  faire  foitir  quelques  grenouilles  d'un 
ruiffeau. 

Celui  même  que  Moïfe  fit  à  cet  égard  ,  n'eft  furprenant  que  par  la  multitude  in- 
nombrable de  grenouilles  qui  couvrirent  toute  l'Egipte. 

„  Le  Seigneur  lui  commanda  (non  de  changer  la  pouffiere  en  grenouilles ,  ainfi  qu'il  Eîrod.  vill. 
,,  la  changea  par  la  fuite  en  moucherons,  mais  feulement)  de  dire  à  Aaron  d'étendre  fa  5•^^''''• 
„  main  fur  les  fleuves,  les  ruiffeaux  &  les  marais  d'Egipte  ,    pour  en  faire  fortir  des 
„  grenouilles  ,  qui  fe  répandirent  dans  tout  ce  pays  :    Et  educ  ranas  fuper  terram  E- 

En  conféquen ce „  Aaron  étendit  fa  main  fur  les  eiux,  fuper  aquas ;  &  il  en  fortit  des 
„  grenouilles  qui  couvrirent  la  terre  d'Egipte  :  Et  afcenderunt  ranx  ,  operueruntque  ter- 
ram Egyt>tt. 

„  Les  Magiciens  le  firent  lemblablement  par  leurs  enchantemens  :  "  ce  qui  veut  dire 
très  clairement,  qu'ils  firent  pareillement  fortir  de  grenouilles  ,  de  l'eau.  „  Et  ils  les 
„  firent  venir  lur  la  terre  d'Egipte.  Fecerunt  autem  CT  malefici  per  incantationes  fuas  fi- 
militer ,  eduxeruntque  ranas  fuper  terram  Egjpti. 

Voilà  uniquement  tout  ce  que  porte  le  Texte  Sacré  fur  ce  dernier  prodige  ou  prefti- 
ge des  Magiciens  de   Pharaon;  mais  quoiqu'il  n'y  ait  rien   de  fort  étonnant  dans  une 


ipparence  que  le  démon  avoir  employé  le  même  moyer 
les  trois  preftiges  en  queftion,  &  qu'rinfi  comme  il  y   a  tout   lieu  de  croire  que  fes 
deux  premiers  preftiges  n'ont  confifiéqu'à  préfenter  des  phanttimes  aux  yeux  des  Spec- 

H  a  Sa- 


6o  '•UTILITE'     DE     LA     F  H  Y  S  I  O^V  E 

Dissert,  tatcurs ,  en  leur  faifant  voir  ce  qui  n'étoit  point,  il  eft  à  préfumer  qu'au  lieu  d'avoir 
SUR  l"aut.  pris  la  peine  de  faire  fortir  des  grenouilles  de  l'eau  &  de  les  conduire  au  lieu  où  il 
DES  MiR.  vouloir  qu'on  les  vît  ,ilavoit"trouvé  qu'il  ctoit  encore  plus  court  d'en  préfenter  la  figure. 
Réponfe.&c.  Mais  comme  il  a  plu  à  JM.  Poncée  d'attefter  au  contraire  que  tous  les  Interprètes  & 
f"  '*•  Us  Théologiens  conviennent  que  les  M.tgiciens  de  Pharaon  formèrent  en  un  inftant ,  quoi- 

qu'il n'en  foit  rien  dit  dans  le  Texte  Sacré  ,  des  grenouilles  d'une  grandeur  complette 
en  pren.iKt  des  œttfs  de  ces  animaux ,  les  fatfmt  éclorre  fur  le  champ ,  &  donnant  avtc  une 
rupi.it  c  inconcevable  a  toutes  les  parties  d'un  petit  germe  prefejue  imperceptible  tous  les  ac- 
croiffemens  néceffaires  pour  parvenir  en  un  infiant  a  la  mcfure  d'une  grenouille  ordinaire; 
il  eft  bon,  pour  contredit  ,  de  mettre  fous  les  yeux  du  Ledeur  quelques-uns  des  pas- 
faqes  des  Pérès  de  autres  anciens  Auteurs  qui  confirment  les  faits  &  les  principes  que 
je  viens  de  rapporter,  &  qui  contiennent  les  conféquences  qui  en  réfultent  &  qui  font 
diamétralement  oppoices  au  nouveau  Siftême  de  M.  Poncet. 

Mais  je  vais  faire  encore  bien  plus:  je  vais  commencer  par  convaincre  ce  Siftême  de 
faux,  par  des  Textes  mêmes  de  l'Ecriture,  qui  nous  manifeftent  très  clairement,  que 
bi^n  loin  que  ce  que  firent  alors  les  Magiciens  de  Pharaon,  doive  être  regarde  conime 
des  Miracles  fupérieurs  aux  loix  permanentes  qui  gouvernent  la  nature,  ce  ne  fut  au 
contraire  qu'une  vainc  &  trompeufe  illufion  ,  ou  un  tour  d'adrefle  ,  &  que  les  Egip- 
tiens  eux-mêmes  en  demeurcrent  convaincus,  aufTi  bien  que  les  Ifraélites. 

C'eft  ce  que  le   S.   Efprit  nous  a  déclaré  très  formellement  dans  le  Livre  de  la  Sa- 
geffe.     Alors,  dit-il,  „  les  artifices  de  l'art  magique  tombèrent  dans  la  dérifion,..&  la 
,,  fcience  dont  ces   Magiciens  fe  glorifioient  fut  honteufcment  convaincue   de  faufle- 
Xvîf.' V'     s>  f^*  "  ■I^^Z''^''  ^^''^  appojtti  erant  derifus  O"  fapientia  glorix  corruptio  cum  contumelià. 

C'eft  pareillement   ce  que  nous   apprend  S.  Paul ,  en  nous  difant  que  „  Jannès  & 
„  Mambrès  refiftérent  à  MoiTe  ,    mais  que  la  folie  de  ces  Magiciens  (c'eft  à  dire  l'il- 
î  Ti     III  "  li^'^o"  menfongére  de  leuis  fupercherics  )  fut  manifeftée  à  tout  le  monde.  Jannes  cr 
s.  &  5.  '     '  Mambres  refiitcrunt  Mo'ifi  .  .  .  fed  injipientia  eorum  manifcfta  .   .  .  omnibus  fuit. 

Aufli  c'a  été  une  Tradition  conftante  chez  le  Peuple  Juif,  que  tout  ce  que  ces  Ma- 
giciens avoient  opéré  ,  pour  tâcher  de  contrefaire  les  Miracles  de  Moïfe  ,  n'avoit  été 
qu'illufion,  qu'artifice,  qu'impofture  &  que  menfonçe. 

Outre  ce  qui  en  eft  dit  dans  le   Livre  de   la  SagefTe,  ils   fe  fondoient  encore  fur  le 

Difcours  que  fit  Moïfe  à  Pharaon ,  &:  qui  eft  rapporté  par  Jofcph. 

Jofeph.An-      „  Pharaon,  dit  cet  Hifiorien ,  vantant  à  Moïfe  les  tours  merveilleux  que  faifoient  fes 

t.q.  fud'siq    ^^  Enchanteurs,  &  les  comparant  aux  Miracles   de  Moïfe,  ce  Serviteur  de  Dieu  lui 

1Y.1.C  ap.  ^^  j.(ÇpQndit,  que   ce  qu'il  faifoit  furpafloit  autant  les  artifices  de  la  magie  que  les  ou- 

„  vrages  de  Dieu  furpalTent  ceux  des  hommes  ,&  qu'il  agiftbit  par  lefecours  &  la  puis- 

„  fance  de  Dieu  &  non  par  des  enchantemens  illufoires ,  ni  par  des  tromperies  con- 

„  traires  à  la  vérité." 

Selon  ces  paroles  de  Moïfe  qui  font  évidemment  conformes  à  ce  qu'on  lit  dans  la 

Sa'^elfe  &  dans  S.  Paul  ,  tous  les  prodiges  apparens  des  Magiciens  de  Phataon  n'étoient 

donc  que  des  artifices ,  des  tromperies  contraires  a  la  vérité^  ou  des  enchantemens  illufoires, 

nil.il. uti       Philon  autre  ancien   Auteur  Juif,  donne  la  mcme  idée  que  Jofeph  de  la  différence 

M.  irn,i.b.i.  qu'il  y  eut  entre  les  Miracles  réels  de  Moïfe  &  les  preftigcs  des  Ma;:iciens.    Il  s'écrie 

t!'ii'.."ctr)i(:*  en  parlant  des  Merveilles  que  fit   Moïfe  qu'„un  fi  magnit-que  fpcé^acle  ôta  tout  foup- 

t'.r'ijc's'"   "  S°"  ^"^  méchans  mcmes  ,   qu'il  eût  opéré  ces  McrveilVs  par  des  fraudes  humaines, 

„  ou  par  les  artifices  de  la  magie  qui  ne  font  inventés  que  rour  tromper;  t\- qu'il  prou- 

„  va  au  contraire,  qu'il  avoit  agi  par  une  Puiflance  Divine  ,   à  laquelle  rien  n'eft  diffi» 

„   cile".     Tarn  magnificum  fpeil.iculum  ^  etiam  inicjuis  .>iimis  omncm  ftifpicionem  excmit^ 

ni  puiarent  httc  agi  humMiis  fophifmatibus  aui  artibus  ad  fraudcm  invcntis ,  fed  aiviuÀ 

patent ià ,  cui  nihil  non  facile  efi, 

Ainfii 


a, 


PAR     RAPPORT    AV  X    M  I  R  A  C  L  E  S,  &c.        6i 

Ainfi  félon  cet  Auteur  Juif, la  différence  qu'il  y  eut  entre  les  Miracles  de  Moïfe  &    Dissert; 
les  prodiges  apparens  des  Magiciens  de  Pharaon,  c'ell:  que  les  premiers  furent  izits  far^^^^  *"''• 
MKC  Pitijfance  L'ivim  ^  &  ceux  des  Enchanteurs /><«r  des  fraudes  humaines ,  cr  par  les  arti- 
fices de  la  magie ,  c'efl:  à  dire  par  des  illufions  qui  ne  font  que  tromper  les  yeux. 

Citons  préfentement  d'anciens  Pérès  de  l'Eglife,  &  autres  Auteurs  Ecclcfiaftiques. 

On  lit  dans  le  Traité  intitulé  Oueflions  (^  Réponfes ,  qui  fe  trouve  parmi  les  Ouvrages 
deS.  Juftin,  que  ,,  les  miracles  que  firent  les  Enchanteurs  de  Pharaon  par  l'opération  des 
„  démons, n'étoient  que  des  preftiges  qui  trompèrent  les  yeux  des  Spedateurs , en  leur  ^^J^pf  g;  ^ 
„  faifant  voir  comme  un  ferpent   ce  qui  n'étoit  point  un  ferpent ,  comme  du  fang  ce  )«ft-  qusft. 
„  qui  n'étoit  point  du  fang,  comme  des  grenouilles  ce  qui  n'étoit  point  des  grenouilles.  ^'*"^'  '*^'' 
Oua  vero  ab  incantatoribus  fiebant  miracula ,  operatione  fiebant   d&monum ,  c^ui  prafligiis 
ochIos  deceperunt  fpe^lantium  ,    ut  quafi  ferpent em  afpicerent  qui  fcrpens  non  crat  ,    ^  quafi 
fangainer/t  qui  fanguis  non  erat ,   er  quafi  ranas  qutt  rarnt  non  erat. 

Tel  eft  auffi  le  fentiment  de  Terrullien  par  rapport  à  ces  preftiges. 

„  La  vérité  des  miracles  de  Moïfe ,  dit-il      dévora  ces  menfonges.    Sed  Mofis  vert-    TertuiL  de 

,      .  .     ,,  u  j  anima  cap. 

„  tas  Trtendactttm  vcravit.  Î7. 

S.  Grégoire  de  Nilfe  dit  pareillement,   qu',.après  que  Moïfe  eiit  changé  fa  baguette  S.Greg.Nif. 

„  en  ferpent  à  la  vue  des  Egiptiens  ,  leurs  Magiciens  s'imaginèrent  qu'ils  fcroient  un  i^J^JJ*  j'^'"'- 
pareil  Miracle,  de  changer  auflî  leurs  baguettes.  Mais,  ajoute-t-il ,  ce  Miracle  ef- 173. 
feéiif  convainquit ,  que  celui  des  Magiciens  de  Pharaon  n'étoit  qu'une  impofture  : 
car  le  ferpent  qui  avoit  été  formé  de  la  baguette  de  Moïfe,  ayant  dévoré  les  baguet- 
tes magiques  qui  fembloient  être  des  ferpens ,  fit  voir  clairement  que  ces  prétendus 
ferpens  n'avoient  ni  vie  ni  aucune  force  pour  fe  deffendre  ,  &:  qu'ils  n'avoient  qu'u- 
ne apparence  que  les  preftiges  de  ces  Magiciens  avoient  préfentée  aux  yeux  de  ceux 

„  qui  étoient  faciles  à  tromper"    c'eft  à  dire  aux  yeux  des  Egiptiens  &  de  leur  Roi. 

Pofiquara  autem  in  oculis  JE,gtptiorum  virgam  fuam  ferpentem  eff'ecijfet   Aiofes  ,    idem  mi- 

raculum  magia  faB:urum  fe  exiflimavit  in  virgis  Aiagorum.    Sed  fallaciam  efficacia  redar- 
guit  ^  dum  ferpens  ex  Mofis  virgà  converfus ,  magica  ligna  ^  ferpentes  fcilicet  ,  comedendo  ^ 

nullam  illis  inejfe  vim  itltrtcem  aut   vitalem   oflendit ,  prdter  fpeciem ,  quam  oculis  eorum 

qui  facile  decipi  poterant ,  prafiigia  Jidagorum  exhibuerant. 

Dans  le  Commentaire   des  Epitres  de   S.  Paul  attribué  à  S.  Ambroife ,  on  lit  que 

,,  Jannès  &  fon  frère  Mambrès ,  qui  étoient  des  Magiciens  ou  Enchanteurs  d'Egipte,    Comment.' 

„  s'imaginèrent  qu'ils  pourroient  réfifter  aux  Merveilles  que  Dieu  opéroit  par  Moïfe,  Epift.s.Pau- 

„  en  les  contrednant  rauliement  par  1  art  de  la  magie.    Jannes  er  Mambres  jratres  erant  bros. 

magi  vel  venefici  ty£gyptiorunt  ,   qui  arte  magia  fu£  -virtmibus  Dei  qua  per  Aioifen  agc- 

bantur  ,  emulatione  commentitià  refiflere  fe  putabant, 

C'eft  aulTi  ce  que  S.  Jérôme  exprime  en  quatre  mots  d'une  manière  encore  plus  frap-     s.  Jerom. 

pante.    ,,  Ces  M.igiciens ,  dit- il  ,    réfiftérent  par  des  menfonges  (c'eft  à  dire  par  des  jôviiu'am"  ' 

„  tromperies  des  tours  d'efcamoteries ,  ou  des  phantômies  qui  n'avoient  qu'une  fimple  ap- 

„  parence)  aux  Miracles  que  Dieu  opéroit  par  le  miniftére  de  Moïfe:  Signis  Dei,qua 

operabatur  per  Moïfen ,   magi  fais  refiitere  -/Kcndaciis, 

Le  Père  juénin  ajoute,  que  ,,  quoique  les  Magiciens  d'Egipte  aient  fait  illufion  aux  juen.inPro. 

„  E<?iptiers  pour  faire   paroitre  à  leurs  yeux  quelques-uns  des  Prodiges  qu'avoit  fait  xfùô^'dift. 

„  Moïf  ,   ils  ne  purent  néanmoins  leur  faire  une  pareille  illufion  par  rapport  à  routes  4.  c^.  i.c.  3. 

„  les  Merveilles  que  fit  ce  Serviteur  de  Dieu?"  Licet  maleficizy£gyptiorum  in  nonnullis 

portentis  iliuferint  populorum  uculis  ,    non  potuerunt  tamen  illudere  in  omnibus  portentis  qu£ 

Aiotfes  p  ,egit. 

Non  feulement   S.  Euftathe   Evéque  d'Antioche  ètoit  de  même  fentiment,  mais  il 

croyoi*'  mcm;  ,    qu'il  n'étoit   pas  permis  de  penfer  que  les  prodiges  des  Magiciens  a- 

voieut  été  réellement  pareils  aux  Miracles  de  Moïfe. 

H  j  „Ne 


61  VTlLrTE'    DE    LA    P  HYS  /  Q^V  E 

DissiPT.     „  Ne  dites  pas,  s'écrie-t-il,  que  ce  qui  a  été  fabriqué  par  ces  Magiciens,  foit  fem- 

ioul'aut.^^  jjle  à  ce  que  Moïfe  a  fait  :  à  Dieu  ne  plaife  que  qui  que  ce  foit  le  dife  I  C^ar  il  n'eft 

DEcuiR.     ^^  permis  de  comparer  des  chofes  fuperftincufes ,  &  qui  n'avoient  qu'une  apparen- 

Ot^'^bi"'»»  ^^  propre  à  amufer  la  curioilté  ,    à  des  chofes  que  Dieu  a  fait  lui-même.    Tout  ce 

rp.Tomij  j,  que  Moïfe  exccutoit ,  portoit  avec  foi  un  caractère  évident  de  vérité  ,  au  lieu  que 

p.i;.  c.  X.    ^^  tout  ce  que  les  Enchanteurs  s'efforçoicnt  de  faire  n'étoit  que  des   chofes   imaginaires 

,,  qui  trompoient  feulement  les  yeux.  .  .    Il  n'eft  pas  polîible  de  concevoir,  ni  per- 

,,  mis  de  penfer  que  ces  Magiciens  aient  pu  tout  d'un  coup  faire  une  chofe  animée 

,,  d'une  autre  qui  ne  l'étoit  point  :  "  (c'eft  à  dire  changer  réellement  des  baguettes  en 

ferpens,  ou  avec  de  petits  germes  imperceptibles  faire  tout  d'un  coup   des  grenouilles 

vivantes  &  d'une  grandeur  complette.)   AV  dicas  tjHit  à  magi<  confctîa  funt  ,    iliis  eju*  à 

Aloife  fimilia   ejfe  :    mquAcjKnm  dicet  ejuis  :    citm  nec  fas  fit  dicere  curiofa  ifihsc  O"  fil' 

ferftitiofa ,  k  Deo  faEits  rébus  eijjimilari.    Outccunqne  Moifes  execjuebatMV  ,    veritatem  pr4 

Je  fcrekwt  ,   or  ^«.«  incantatorcs  ordici^ntftr  ,  intA^inatione  tanttim  vifiim  fnllcbant  .... 

tieejMe  fas  eji  anima  concipcre   qmmoao   illi  ex  revus  inanimatis  pojfcnt  facere  m»o  impetu 

Ht  ejfcnt  animAtct. 

Terminons  ces  citations  par  l'extrait  d'un  beau  paflage  de  Pierre  le  Vénérable  Abbé 

de  Cluni,   l'un  des  plus  iavans  Théologiens  de  fon  Siècle,  qui  dans  tous  fes  Fcrits  a 

cû   une  attention  finguliérc  d'y  rapporter  les   fentimens  des  anciens  Pérès  de  l'Eglife  , 

en  V  donnant  un  nouveau  jour  par  la  brillante  éloquence  avec  laquelh  il  les  exprime. 

Traa.com.      Il  pofs  d'.:bord  pour  principe  que,,  les  prodiges  des  Magiciens  fonr  toujours  faux  & 

^'.'bL"pi'*^  ♦■  ,^  trompeurs:  qu'ils  ne  préfentent  rien  de  vrai:  qu'ils  ne  produifcnt  rien  de  réel  :  qu'ils 

Tom.  Il",  p.  „  ne  font  qu'abiifer  les  fens.  (A  quoi  il  ajoute  que)  les  Magiciens  par  le  miniftére  du 

"""•  „  démon  font  paroitre  ce  qui  n'efl:  pas,  font  voir  ce  qu'on  ne  voit  point,  font  enten- 

„  dre  ce  qu'on  n'entend  pas.    Ils  imit-nt ,  dit-il,  leur  auteur;  &:  comme  il  eft  menteur 

„   &  père  du  menfonge ,  de  même  ces  Magiciens  qui  font  comme  fes  enfins,  ne  font 

,,  que  des  diofes  faufles ,  qui  n'ont  aucune  réalité.    AUgica  prodigia  femper  falfa  funt 

ac  fallentia  :    mhil  verum  exhibent  :   nihil  folidum  prtcjlnnt  :   falluni  fenfus   humanos  :  ç^ 

d-tmortiaco  minijkrio  fingunt  ejfe  'tjuod  von  eft ,  vidcri  quod  non  vidctur ,  attdirt  ejuod  non 

auditur.    Imitantur  auÙorcm  fuum  ,  ttt  ficttt  ipfe  ntendax  eft  g^  parer  mendacii ,  fie  ab  e» 

progcnita  ma^ica  proies  ,  tiihil  verum  ,  fed  falfa  cunB.t  prarcndir. 

Ibid.p.ioii.      „  Vous  "m'objeftercz ,  ajoute  ce  grand  Théologien,  que  les  Magiciens  d'Egipte  ont 

*°'*  ''         „  fait  devant  Pharaon  des  prodiges  fcmbhbles  à  ceux  de  Moïfe.    Mais ,  repond-if  faj- 

„  tes  réflexion,  que  les  Miracles  d;  Moïfe  étoient  véritables  &  non  pas  phartifliques, 

„  ainll  que  ceux  de  ces  Magiciens ,  .  .  qui  n'ctoier.t  que  des  ph.Tntomcs  forges  pour  i- 

„  miter   les  Miracles  Divins ,    &    pour    faire  oftcntation  de  l'iiabileté  du  déteftable 

„  art    magique   ".     Profères  milA  Magos  t^gyptios  ,   eoscjue  fignis  fignis  fimilia  Aioifi 

coram  Pharaonc  fecijfe  propanes  ;  fcd  recordare  Aioifi  miracuU  veracia  non  phantaftica   ut 

Maq^orum  fuijfe  .  ,  .  pro  facrarum  cemulatiane  fignomm ,  &  pro  oflendendÀ  artts  deteftiw 

tU  périt  ià  confcBa  funt, 

Ibiip.ioio,      „  Satan  par  fa  fuperbe  envie,  dit -il  encore,  tache   en  cela  de  contrcfiire  ,  félon  fi 

„  coutume,  l'Auteur  de  la  nature,  &  comme  le  Tout-puiffant  crée  tout  ce  qu'il  veut, 

„  &r  change  comme  il  lui  plait   les  fubftanccs  &  les  crpcccs ,  de  mcme  ce  fab  icateur 

„  de  tromperies  ne  pouvant  rien  créer  véritablement,  du  moins  f.ùt-il  paroitre  de  faux 

„  fîmi'.lacrcs  des  chofes  créées  ,  pour  abufer  les   hommes  infenlés.    ty^mu/a/ur  in  his 

Satanas ,  more  fuo ,  fitperbà  tnvidià  autlorem  nattera ,  ut  ficm  lUe  CT  nova  ejua  vuh  créât , 

tir  jam  créât  A  in  al:  as  fubftaniias  vel  fpecies  immutat ,  fie  ifte  fallendi  art  if  ex ,  ejuia  wf» 

racircr  creare  non  poteft ,  faltem  creatarum  falfa  fimulacra  *d  ftultos  homines  decipiendos 

confin^at. 

„  C'efl  ainfi  qu'en  trompant  les  fens  par  des  prcftiges  cachés ,  il  préfcntc  aux  yeux 

„  des 


Ibid. 


P  jl  R     RAPPORT    AVX    MIRACLES,  éc  6i, 

,,  des  hommes,  non  pas  des  rerpens,mais  de  faufies  images  de  ferpeas  .  .  .  C'efi:  ain-'    Dissert. 
.,  fi  que  par  fa  puiflance  mai^ique  il  fait  voir  aux  hommes  des  phantômes  de  toutes  for-^"'"'''^"^'* 

"        "  ,      1,     ^     r   --.  ■      r  1    r  ir      ■  ■  ■  i  r    r  ,    des  MiR. 

,,  tes  de  choies.    Hinc  non  repemut  jea  faljas  tmagmes  repentinm,  httmanas  Jeujus  occrtl- 

tis  prajligiis  fulle;is ,  exhiùci  .  ,  .  ///«c  rerHtn  omnium  phantasmata  magick  patent ià  hti- 

manis  vijibm  rcprafmtat. 

Cependant  S.  Auiïuftin  frappé  des  termes  de  VUcrltars ,  Fecerunt  /î»filitcr  proiecerimt-  ^  .^^•,. 

•  r  r     r         ■      J  J  '  r         'O      ■  r       \  '  S.  Aug'irtin 

ijtie  vtrg.'.s  JH.is  qu£  i/erj^  junt  tn  drMones ,  adonne,  par   ies  renexions  lur  la  prcten- &  5.  Tho- 

due  poflibilité  de  la  formation  des  ferpens  avec  des  femences  de  ces  animaux,  occafion '"'''°"V''"V 

a  quelques  Théologiens  de  prendre  un  ientiment  oppole  a  celui  qui  jusqu  alors  avoit  quelques 

été  presque  univerfellemênt  luivi,  par  rapport  aux  prodiges  apparens  fabriques  par  ces  de'form -r"* 

Magiciens.  un  rentin-.e;« 

Il  paroit  néanmoins  que  ce  célèbre  Dodeur  n'a  propofé  fcs  penfées  à  cet  égard,  que"ru"qul* 
comme  des  conieftures  qui  lui.  fembloient  probables.  En  effet  ce  ne  font  point  des  piin-  i"squ"aiors 
cipes  qu  il  pôle,  m  une  rerutation  precilc  qu  il  rait  de  1  opinion  des  anciens  Pères  &:  pieique  uni- 
autres  Auteurs:  ce  ne  font  uniquement  que  des   réponfes  à  une  objedion  confidérable  j'^'j'^- J;^"^'^' 
qu'il  fe  fait  à  lui-même,  &  qui  n'eft  pas  proprement,  ou  du  moins  uniquement,  celle  pjitaux  pie- 
<\m  s.  déterminé  les  anciens  Pérès  &  la  plupart  des  anciens  Théologiens,  à  s'écarter  de  j^j"."  j^'j^^^. 
la  I-itre  des  termes  de  l'Ecriture.   Aulîi  les  obfervations  de  cet  illuftre  Doéleur  n'ont- si<^'="5''e 
elles  .point  emp.èché  de  très  habiles  Théologiens  de  prendre  après  fes  Ecrits  un  fentiment 
Xout  contraire  ,    ainiî  qu'rl  paroît    par  celui  de  Pierre  le  Vénérable  ,    que  je  viens 
de   citer. 

S.  Auguftin  fans  rapporter  les  principaux  motifs  que  les  anciens  Pérès  ont  eâ  d'in- 
terpréter ce  Texte  Sacré  ainli  qu'ils  ont  fait,  examine  dans  fon  Livre  des  Ouefiions  far 
r  Exode,  ce  qu'on  doit  entendre  par  ces  paroles:  Al>forhuit  -oirga  A-iron  virgas  eor»m.    s.  Aug.  Lib, 

„  Que  doit-on  dire  ,  fe  demande-t-il  k  lui-même  ,  des  baguettes  des  Magiciens  \  -■  Q."a-'ft-  in 
„  Etoient-ell-'s  aullî  de  véritables  ferpens  ?  Ottid  ergo  dicendum  efi  de  virgis  magorum ,  cap.  7.  v,  ii. 
,,  titrum  cfr  ip/a  veri  dracones  f M, t  f itérant  ?  Ne  doit-on  pas  plutôt  croire  que  par  une 

illufion  magique  elles  paroilToient  ce  qu'elles  n'étoient  pas  ?  A^  potins  videbaiitur. 

cjttod  non  erant,  ludificatione  veneficà  ?  Mais  pourquoi  l'Ecriture  les  appelle -t-elle 

donc  également  (comme  la  verge  d'Aaron)  des  baguettes  &  des  ferpens,  en  forte 

qu'elle  emploie  la  même  manière  de  parler  pour  exprimer  ces  fictions  magiques  " 
(que  celle  dont  elle  fe  fert  pour  rendre  compte  du  Miracle  fiit  par  Moife. )  Cur  ergo 
ex  Mtràqne  parte  e;'  virga  dicamur  ^  dracones  ,  ut  de  figmemis  illis  nihil  différât  loqticyuii 
modus?  ,,  Mais  d'autre  pi\-t,ajoute-t-il,fi  les  baguettes  des  Magiciens  font  devenues  de 
„  véritables  ferpens,  il  eft  difficile  de  démontrer,  comment  ces  Magiciens  ni  les  mau- 
„  vais  Anges  par  le  miniftére  de  qui  ils  opéroient  ces  chofes ,  n'ont  cependant  pas  été 
„  ks  créditeurs  de  ferpens  ".  Sed  demonfrare  difficile  cjt  quomodo  etiam,f  veri  dracones  faBi 
funt  ex  virgis  magorum ,  non  fuerint  tamen  crcatores  draconam  nec  magi  nec  Angeli  mali , 
quétis   minijlris  illa  opcrabantttr. 

Voici  ce  que  S.  Auguftin  propofe  tout  .de  fuite  pour  tâcher  de  réfoudre  cette  diffi- 
culté, qui  n'eft  pas  la  feule  qui  doit  empêcher  qu'on  ne  prenne  rigoureufement  à  la  let- 
tre ks  expreffions  de  l'Ecriture  à  ce  fujet.  Car  non  feulement  les  démons  ne  peuvent 
rien  créer,  mais  même  ils  ne  peuvent  rien  faire  contre  l'ordre  naturel  que  Dieu  a  établi 
dans  toute  lanature, ni  rien  exécuter  que  par  des  moyens  naturels, &  par  conléquent  con- 
formes  aux  régies  fuivant  lesquelles  la  nature  agit. 

„  Il  y  a,  i^;V-//,  dans  les  chofes  corporelles  certaines  femences  cachées  répandues  dans    IbU. 
„  tous  les  élemens  du  monde,  qui  ne  manquent  pas  d'éclorre  dans  leur  tems,  chacune 
„  félon  fon  efpéce  &  fa  deftinée ,   lorsqu'on  leur  tienne  les  préparations  qui  leur  con- 
„  viennent  &  qui  font  capables  de  produire  cet  efïlt.    Ainfi  lorsque  des  Anges  font  ce 
,,  qui  eit  nécclTaire  pour  faire  éclorre  des  femences  d'animaux ,  on  ne  doic  pas  dire 


pour 


(^4  VT  J  L  I  TË'     DE     LA     P  H  Y  S  I  O  V  E 


propr 
vre  les  principes  qui  les  produifent  &  ks  font  naître.  Ce  que  ceux  qui  cultivent  la 
„  terre  font  vifiblement,  les  Anges  le  peuvent  faire  invifiblemcnt:  mais  il  n'y  a  que 
„  Dieu  feul  qui  foit  véritablement  créateur,  parce  qu'il  n'y  a  que  lui  feul  qui  donne  à 
,,  chaque  chofe  fon  principe,  fa  femence  &  la  caufe  qui  le  fait  naître.  "  Infant  enim 
corporels  rchus  per  omnia  eUmenta  mundi  quediim  occultit  fem'marix  r,uiones ,  quibus  citm 
data  fucrh  opportunités  ter/tporalis  atcjue  canfalis ,  prorumpunt  in  fpecici  débit  1.1s  fuis  modis 
CT  finibus.  Et  fc  non  dicHntur  jingeli  qui  ijla  faciunt ,  animalium  creatores ,  ficut  nec  a- 
gricoU  fegetitm  vcl  arborum ,  vcl  qnorumqne  in  terra  gignentinm  creatores  dicendi  ftnt  , 
^Hamvis  noverint  prœbere  quosdam  vifbilitcr  opportanitates  &  canfis  ^  ut  illa  nafcantur, 
Ouod  autem  tjli  faciunt  vijibiliter ,  hoc  Aigeli  invifbiliter.  Deus  vero  folus  verus  Creator 
ejl ,  qui  cAufas  ipf.ts  ô"  rationes  feminarias  rébus  infertiit. 

Dans  tout  cela  qui  ne  conclud  rien ,  pour  réfoudre  les  principales  difficultés ,  il  pa- 
roit  que  S.  Auguftin  n'a  t\i  d'autre  vije  que  de  propofcr  fimplement  ks  penfées  qui  fe 
préfentoient  alors  à  fon  esprit ,  fans  prétendre  réfuter  par  là  les  moyens  qu'ont  employé 
les  anciens  Pérès,  pour  foutcnir  leur  opinion  par  rapport  au  prétendu  changement  des 
baguettes  en  ferpens.  Car  quand  on  admettroit  tout  ce  que  dit  S.  Auguftin  à  cette  oc- 
cafion,  cela  ne  piouveroit  point  du  tout,  que  les  démons  auroient  pu  former  des  fer- 
pens  en  un  inftant  avec  un  petit  germe  trouvé  dans  les  élemens ,  ni  que  ce  petit  germe 
eût  pu  devenir  capable  de  métamorphofer  les  baguettes  des  Magiciens  &:  d'en  faire  tout 
à  coup  des  animaux  en  vie ,  de  la  longueur  de  ces  baguettes. 

A  l'égard  des  grenoi.iilles,  voici  ce  qu'en  dit  S.  Auguftin  dans  le  feul  endroit  de  fes 
Ouvrages  où  il  examine  le  Texte  de  l'Écriture  fur  ce  fujet.  C'eft  fur  ces  paroles:  Fe- 
cerunt  autem  fimiliter  O"  incantatores  iy£gyptiorum  veneficiis  fuis ,  &-  eduxerunt  ranas  fu- 
fer  terram  ttAEgypti. 
Quift.  13.  „  On  demande ,  dit-il^  d'où  ces  Magiciens  firent  fortir  ces  grenouilles ,  puisque  Moïfe 
„  les  avoit  déjà  fait  fortir  de  toutes  les  eaux  d'Egiptc.  Ouaritur  usde ,  fi  jam  ubiqui 
fa^um   erat  ? 

„  C'eft:,  répond-il,  une  queftion  toute  femblable  à  celle  qu'on  fait  de  demander  où 
ces  Magiciens  prirent  l'eau  qu'ils  changèrent  en  fang,  puisque  toute  l'eau  de  l'Egip- 
te  avoit  déjà  été  changée  en  fang  par  Moïf%    Mais  il  ne  faut  que  faire  attention, 
que  le  pays  (de  Geifen)  où  habitoient  les  Ifraélites  n'avoit  point  été  frappé  d'aucu- 
ne de  ces  plaies: ainfi  ces  Magiciens  purent  y  prendre  l'eau  qu'ils  changèrent  en  f,ng, 
&  faire  fortir  quelques  grenouilles  des  eaux  de  ce  pays,  uniquement  pour  faire  often- 
,,  tation  de  leur  pouvoir  magique.  "  Sed  fimiUter  qujsfio  efi^unde  çy  aquam  in  ftngui- 
nem  verterint ,  fi  tota  aqua  ty£gypti  in  fanguinem  converft  jam  f't'jfet.    Proinde  intelligen- 
dum  efi  regioncm  ubi  filii  Ifr.ièl  habit abant ,  plagis  talibus  non  fftijfe  percujfum  :   CT  inde 
potuerunt  incantatores  vel  aquam  haurire  quant   ia  ftnguinem  verterint ,  vel  aliquas  ranas 
tducere  ad  fil.im  demonflrationem  magies  poieiitù. 

Voilà  donc  S.  Auguftin,  qui  dans  le  tems  qu'il  a  fous  les  yeux  les  paroles  de  l'E- 
criture ,  déclare  bien  nettement  qu'à  l'égard  des  grenouilles ,  tout  ce  que  firent  les  Ma- 
giciens ne  confifta  qu'à  fiirc  fortir  quelques  grenouilles  des  eaux  du  pays  qu'habitoient 
les  Ifraélites  ,  ^'  cela  uniquemrnt  pour  faire  parad;  de  leur  pouvoir  magique  :  &  le 
voilà  qui  répond  lui-même  à  la  feule  difficulté  rnifonnabk,  qu'on  pût  taire  fur  ce  pas- 
fage  de  l'Ecriture.  Ainfi  il  eft  certain,  que  c'eft  da:is  cet  endroit  de  fes  Ouvrages  qu'on 
doit  recueillir  le  vrai  f.ntimcnt  de  ce  Père  de  l'Eglifc.par  rapport  au  trcs  petit  prodij^e 
par  lequel  les  Magiciens  de  Pharaon //ra-v/ôr/rr  de  l'eau  quelques  grenouilles  :  Auqjj  as 
ranas  educcrc. 

Si 


cap.  S.  Y.  7. 


» 
)> 


P  yj  R     RAPPORT    A  V  X    M  I  R  A  C  L  E  S ,  &c.        6^ 

Si  donc  dans  un  autre  de  fes  Ecrits,  où  il  n'efl  point  queftion  d'expliquer  les  ter-    Diîsert, 
mes  de  ce  Texte,  mais  uniquement  de  répondre  à  une  difficulté  qu'il  fe  fait  à  lui-mê-  swrl'aut. 
me,  il  fuppofe  dans  cette  objeâ:ion  une  chofe  aufli  contraire  à  fes  propres  maximes  fur  "^^  **'** 
l'étendue  du  pouvoir  des  démons ,  que  celle  de  dire  qu'ils  ont  fait  des  grenouilles  ^  des 
ferpens ,    on  ne  doit  point  prendre  cette  fuppofition  pour  un  principe  qu'il  veuille  é- 
tablir ,  ni  même  pour  fon  opinion  particulière  ;  puisque  par  rapport  aux  grenouilles ,  il 
s'en  explique  tout  différemment. 

Voici  au  furplus  de  quelle  façon  il  s'exprime  à  cet  égard  dans  le  paflage  dont  MM. 
les  AntiLecouriftes  veulent  tirer  avantage ,  pour  relever  à  l'excès  l'étendue  &  la  gran- 
deur du  pouvoir  des  diables. 

„  Ilferoit,  dit-il,  contre  la  raifon  de   conclurre,  que  les  mauvais  Anges   ont   été    lis.  j.  de 
,,  des  créateurs ,  fous  prétexte  que  les  Magiciens  (de  Phafâon)  fe  fervant  de  leur  pou-  Tùmu  c.  8. 
„  voir  pour  rélifter  au  Serviteur  de  Dieu,  ont  fait  des  grenouilles  &  des  ferpens  :   car 
„  ce  ne  font  point  eux  qui  les  ont  crées.  "      Ne  c  fane  creatores  illi  mali  Angeli  dicen- 
di  fitnt ,  quia  fer  illos  Magi  rejîfientes  Famnlo  Dei ,  ra»as  (-r  fermentes  fecerunt  ;  uon  enint 
ipjt  eas  creaverwit. 

Et  pour  prouver  qu'ils  n'en  ont  point  été  réellement  les  créateurs ,  il  répète  pref- 
que  dans  les  mêmes  termes  ce  qu'il  avoit  dit  fur  le  verfet  iz.  du  Chapitre  VIL  de 
l'Exode. 

„  Il  y  a,  dit-il  ,  dans  les  élemens  du  monde  corporel  certaines  femences  de  tou- 
„  tes  les  chofes  qui  naiffent  d'une  manière  corporelle  &  vifible.  Omnium  quippe  re- 
rum  qute.  corpor aliter  vijibiliterque  nafcuntur ,  occulta  qucedam  femina  in  ifiis  corporei  mun- 
di  hujPiS  elementis  latent. 

Cette  Propofition  un  peu  trop  générale  de  S.  Auguftin  eft  vraie  par  rapport  à  toutes 
les  plantes  &  à  tous  les  arbres ,  mais  non  pas  à  l'égard  des  femences  qui  ne  font  que 
comme  la  matière  première  &  la  caufe  occafionnelle  de  l'être  &  de  la  vie  des  hommes 
&  des  bêtes.  Ces  femences  ne  fe  produifent  que  par  des  hommes  &  des  animaux ,  & 
ne  font  point  répandues  dans  les  élemens  comme  les  germes  des  plantes  &  des  arbres. 

S.  Auguftin  termine  fon  raifonnement  par  cette  réflexion:  ,,  De  même ,  dit-il,  que  ibid. 
,,  nous  ne  difons  point  que  les  pères  &  mères  foient  créateurs  des  hommes ,  ni  que  les 
„  laboureurs  foient  les  créateurs  des  fruits ,  quoique  la  puiffance  de  Dieu  fafle  naître 
5,  &  croître  ces  chofes  par  les  mouvemens  qu'ils  fe  donnent  ;  ainfi  on  ne  doit  pas  pen- 
„  fer  que  les  mauvais  Anges  ni  même  les  bons  foient  des  créateurs,  quand  même  il 
„  feroit  vrai  de  dire  que  par  la  fubtilité  de  leur  fens  &  de  leui"  corps ,  ils  connoilfent 
„  les  femences  cachées  de  toutes  chofes,  qu'ils  les  répandent  fecrettement  dans  les  - 
„  élemens,  qu'ils  leur  proportionnent  le  degré  de  chaleur  convenable,  &  qu'ils  font 
,,  ainfi  l'occafion  qui  accélère  leur  formation  &  leur  accroiflement.  "  Sicut  ergo  nec 
parentes  dicimus  creatores  hominum ,  nec  agricolas  creatores  frngum ,  qttamvis  eerum  ex- 
trinfecus  adhibitis  motibus ,  ifla  creandi  Dei  virtm  interius  operetur;  ità  non  folum  malos^ 
fed  nec  bonos  ^ngelos ,  fas  ejî  put  are  creatores ,  Ji  pro  fubtilitate  fui  fenfûs  é'  corpor  is  ^ 
femina  ijlarum  rerum  nobis  occultiora  noverunt ,  er  ea  per  congruas  temperationes  elemen- 
torum  ûtenter  fpargunt ,  atque  ità  gignendarum  rerum  &  accclerandvrum  incrément  or  um 
prœbcnt  occafiones. 

Il  eft  évident  que  tout  ce  raifonnement  de  S.  Auguftin  ne  peut  avoir  une  jufte  ap- 
plication que  par  rapport  à  la  formation  des  arbres  &  des  plantes,  &:  non  pas  à  la  gé- 
nération &  l'accroifiement  des  hommes  &  des  bêtes.  Ainfi  on  ne  doit  pas  s'en  fervir 
pour  en  conclure,  que  ce  favant  Doéteur  ait  prétendu  prouver  par  là  que  les  Magi- 
ciens de  Pharaon  aient  produit  en  un  inftant  des  ferpens  &  des  grenouilles  d'une  gran- 
deur complette.  C'eft  aller  beaucoup  au  delà  de  ce  qu'il  dit  fur  ce  fujet  :  &  c'eft mê- 
me lui  prêter  un  fentiment  manifeftement  contraire  au  fien ,  du  moins  par  rapport  à  la 

Di^trt,  lom.  //.  I  forma- 


€6  V  TI  L  I  T  E'     D  E     L  A  P  H  Y  S  r  (IZ)  E 

Dissert,  formation  fiibite  des  grenouilles,  qui  efl  l'unique  fait  merveilleux  fur  lequel  M   Pon- 

surl'aut.  çgj  fonJe  fon  Siftcme  contre  l'utilité  de  la   Phvfique  pour  le  difcernement  des  Mira- 

DEs  MiR.    ^j^^^    ^.^j.  5_  Auguftin  dans  un  autre  endroit  cle  fes   Ouvrages,  dc'clare  bien  prccifé- 

Qaeft.  in  ment  commc  on  l'a  vu,  qu'il  croit  conformément  aux  termes  du  Texte  Sacre,  que  les 

Eiod.  j^Ugkiens  de    Pharaon  firent  finir   ces  grenouilles  de  l'eax  du  f^.js  qu'habitoiem  les  If- 

raélites. 

A  l'égard  d;  S.  Thomas,  en  même  tems  qu'il  i-apporte  les  termes    ci-delTus  de  S. 

Auguftin,  il  avertit  qu'il  y  a  plufieurs  Interprètes  de  l'Ecriture  qui  croient  ,,  qu'il 

„  n'y  a  point  eu  de  véritable  changement  des  baguettes  des  Magiciens  en  ferpens,mais 
I  Paît,  Qu.  ,,  quîce  n'a  été  qu'une  apparence  &  une  illullon  formée  par  quelque  preftige  :"  Omdnon 
114-  ait.  4-  jf^erit  l'cru  converjlo  virgarum  inferpentes,  fid  ttoc  fuit  ficundUnt  apparent  iam  tant  km  per 

aliquam  prœfrigiofitm  illujîonent. 
X-  .  C'eft  néanmoins  ce  qu'on  lit  fur  ce  fujet  dans  les  Ouvrages  de  ces  deux  refpeftables 
du rcmimè°"  Docteurs,  qui  a  fervi  de  fondement  à  quelques  Théologiens,  pour  fe  déterminer  à 
«<<=  ^f*^'^""  penfer  que  les  démons  avoient  ramafle  des  germes  dans  les  élemens ,  dont  ils  avoient 
qu^ic  lont  formé  e>!  un  inflaiu  des  ferpens  &  des  grenouilles  d'une  grandeur  ordinaire  .. .  en  donnant 
'■"■'Si^""[^j_  avec  une  rapidité  inconcevable  a  toutes  les  parties  de  ces  petits  germes  prcfque  imperceptibles 
Eicicr.s  de  fous  Us  accroijfemtns  ne'cejfaires ,  pour  faire  parvenir  tout  d'un  coup  ces  animaux  à  leur 
»oiem"io-  grandeur  complctte  &  a  une  mcfure  ordinaire ,  ainfi  que  le  dit  M.  Poncet  * 
duit  en  un  Mais  unc  telle  opinion  pouvoit  être  en  quelque  façon  tolérable  dans  les  Siècles  précedens, 
rapcnl  &  où  la  Phyfique  &  finjzuliéremcnt  l'Anatomie  étoient  encore  fi  imparfaites,  qu'on  y 
des  gre-       crovoit  Communément  que   la  plupart  des  animaux  pouvoient  s'engendrer  de  corrup- 

nouillcs  d  u-     .     ''         .     -  ,,...'  ^Ti^t      1     r  r    r      A  r       \  rr  '^ 

ne  grandeur  tiou ,  amfi  Guc  le  difoit  cncore  M.  de  Saci,  qui  en  le  tondant  lur  les  paflages  en  quef- 
coiDDiette,    jjçjjj  jg  5    Auguftin,  alTuroit  bonnement  que  des  animaux  tels  que  des  ferpens  Cde  la 

avec  des  çer-  , ,        S  "  i         r  •      j  ■  <.  .  ■  i 

mes  trouves  longueur  d  une  baguette)  ,,  peuvent  naître  quelquefois  de  corruption  ,  &qu  il  y  a  ccr- 
mens'"  ''^'  )>  ra'"fs  femences  cachées  dans  les  corps  naturels ,  qui  fe  trouvent  en  certains  degrés  ou 
•  Rcponfe,  ^^  d'humidité  ou  de  fécherefle ,  ou  de  froid  ou  de  chaud,  &  étant  mêlées  d'une  certaine 
^Ë>yi"  de  „  manière,  peuvent  former  de  fcmblables  bêtes.  " 

l'Exod.  VIN      Mais  à  préfent  que  l'Anatomie  &  la  Phyfique  Expérimentale  pour  tout  ce  qui  regar- 
'^  de  le  corps  humain  &  celui  des  animaux ,  lont  parvenues  à  des  connoiffances  fans  nulle 

comparaifon  plus  grandes  qu'on  n'en  avoit  autrefois,  finguliérement  par  rapport  à  b 
formation  du  foetus,  cette  bizarre  opinion  n'eft  plus  probable.  Depuis  un  Siècle  on  a 
imaginé  &  exécuté  des  milliers  d'expériences,  qui  jointes  à  des  difleélions  bien  plus 
fines ,  plus  exactes  &  plus  parfaites  que  celles  qu'on  faifoit  auparavant ,  ont  répandu 
«ne  grande  lumière  fur  ce  fujet;  en  forte  qu'il  cfl:  démontré,  qu'aucun  des  animaux 
ne  peut  naître  de  corruption  ,  qu'ils  ne  font  engendrés  que  par  les  animaux  de  leurs 
cfpéces,  &  que  la  matière  première  qu'ils  reçoivent,  pour  ainfi  dire,  de  leurs  père  &z 
mère,  a  befoin  d'une  transformation  très  merveillcufe  &  fort  confidèrable,  qui  ne  peut 
être  produite  que  fucceffivement ,  fuivant  les  loix  générales  &  permanentes ,  établies 
par  l'Auteur  de  la  nature. 

Mais  le  plus  grand  défaut  d:  cette  opinion,  que  les  Magiciens  de  Pharaon  mèta- 
morphofèrent  en  un  infiant  de  petits  germes  prefque  imperceptibles  en  des  ferpens  & 
des  grenouilles  d'une  mefure  ordinaire,  n'eft  pas  feulement  d'être  contraire  à  des  dc- 
monftrations  Anatomiques,  dont  les  preuves  font  infiillihics;  elle  a  des  inconvèniens 
encore  bien  plus  confidèrablcs,  en  ce  qu'elle  heurte  de  front  des  principes  très  impor- 
tans  pour  la  Religion  Cathohque,  qui  lui  fervent  à  difcerner  les  Merveilles  de  li 
Toutc-puiffance  Divine  d'avec  les  prcfiiges  de  Satan ,  &  h  prouver  ,ui\  Incrédules  & 
aux  Hère  iques  la  vérité  des  Merveilles  que  Dieu  a  fait  dans  tous  les  Siècles  en  fa  fa- 
veur, pour  la  diftingucr  d'une  manière  vifiblc  &  triomphante  de  toutes  les  faufles  Rc- 
H;îions  &  de  toutes  les  Seètes  qui  fe  font  fèparèes  d'elle. 

AuOl 


P  .4  R     RAPPORT    AV  X    M  I  R  A  C  L  E  S,  ^c.         67 

Audi  dès  que  cette  fauffe  opinion  commença  de  fe  répandre,  plufieurs favans Théo-    Dis«ïrt. 
loçiens  s'emprelTérent-ils  de  la  combattre.  surl'aut. 

^Ils  prouvèrent  dans  nombre  d'Ecrits,  que  cette  opinion  bleffoit  également  la  raifon"'"'  "'"' 
&  la  foi ,  &  qu'elle  éfoit  même  directement  contraire  aux  lumineux  principes  répandus 
dans  les  Ouvrages  de  S.  Auguftin  &  de  S.  Thomas,  ainfi  que  dans   ceux  de  tous  les 
antres  Pérès  de  l'Eglife. 

En  effet  ,  ont-ils  dit,  ne  lit-on  pas  dans  vingt  endroits  des  Ecrits  de  ces  deux  célè- 
bres Dodeurs,que  le  démon  n'a  pas  le  pouvoir  de  rien  opérer  de  contraire  à  l'ordre  de 
toute  la  natiu-e  crée  :  Prêter  ordimm  totius  natunt  creatx.  A  quoi  S'.  Thomas  ajoute  S.  Thom.  ». 
encore  „  que  les  Anges  &  toutes  les  autres  créatures  ne  peuvent  rien  faire  par  leur  pou-  at^^^ V* 
,,  voir  naturel  qui  ne  foit  conforme  à  l'ordre  établi  dans  toute  la  nature  :  Ouidqttid  fa- 
ch  Angélus ,  vel  cjuiecunqtte  alia  creatura  proprià  virtiite  ,  hoc  fit  fcctinditm  ordiucm  natu- 
re creau.  Or  n'eft-ilpas  d'une  évidence  inconteftable  ,  qu'il  n'y  a  nulle  vertu  dans  la 
nature  qui  puifle  tout  d'un  coup,  d'un  petit  germe  prefque  imperceptible,  en  faire 
des  animaux  tels  que  des  ferpens  &  des  grenouilles  ,  qui  aient  toute  leur  grandeur  par- 
faite ?  Quelle  multitude  inconcevable  de  refforts ,  de  nerfs  Se  de  vaifleaux  de  mille 
efpéces  différentes ,  ne  faut-il  pas  former  pour  donner  à  ces  animaux  la  vie ,  la  force , 
l'agilité,  la  faculté  de  voir,  de  fentir  ,  d'entendre,  &c  ?  Quelles  étonnantes  transfor- 
mations, quelles  merveilleufes  régénérations  ne  faut-il  pas  opérer  dans  ce  genre  ,  pour 
en  faire  fortir  de  tels  effets  ?  Un  tel  ouvrage  peut  il  être  celui  d'une  miférable  créatu- 
re ?  Au  furplus  comment  toutes  ces  admirables  opérations ,  qui  ne  parviennent  jamais 
à  leur  perfeftion  que  par  des  dégrés  fucceffifs  ,  pourroient-elles  fe  faire  en  un  moment 
fans  s'écarter  des  loix  qui  régiffent  invariablement  toute  la  nature  ?  Mais  fi  la  produc- 
tion fubite  de  tous  ces  merveilleux  organes,  eft  manifeftement  contraire  à  l'ordre  que 
Dieu  a  établi  pour  la  produdion  des  êtres  matériels  ,  il  eft  donc  inconteftable  félon  les 
principes  de  S.  Auguftin  &  de  S.  Thomas ,  qu'une  telle  œuvre  paffe  le  pouvoir  de 
tous  les  êtres  créés,  &  qu'elle  ne  peut  être  faite  que  par  l'Etre  des  êtres  ,  qui  feul  eft 
au  deffus  de  toutes  les  loix  ,  &  qui  n'a  nul  befoin  de  tems  pour  exécuter  tout  ce  qu'il 
veut. 

Comment  S.  Auguftin,  ont-ils  ajouté  ,  attribueroit-il  une  telle  puiffance  aux  Anges 
Apoftats ,  lui  qui  donne  comme  un  ouvrage  qui  doit  faire  reconnoître  &  adorer  la  main 
du  Créateur,  la  produdion  que  ce  Dieu  dont  la  bonté  eft  infinie,  fait  tous  les  ans  d'u- 
ne multitude  d'épis  de  bhd  avec  la  femence  de  quelques  grains  qu'on  a  femés  dans  la 
terre.     Ce  célèbre  Dofteur  la  compare  au  Miracle  par  lequel  Jefus-Chrift  multiplia 
cinq  pains  avec  une  fi  grande  abondance,  qu'ils  furent  fuflifans  pour  nourrir  cinq  mil- 
le hommes.    Undc  multiplicat  de  faucis  granis  fegetes  ,   inde  in  manibus  fuis  muttiplicavit    §  ^^, 
quinque  panes.    Mais  fi  la  produftion  ordinaire  des  épis  de  bled  par  le  moyen  des  grains  T"ti.  in 
qui  ont  été  femés ,  eft  une  œuvre  qui  porte  le  caraétére  de  la  Toute-puiffance  Divine ,  '*'^°"  '^'  ** 
combien  la  transformation  d'un  germe  prefque  invifible  en  un  animal  vivant ,  eft-elle 
encore  plus  merveilleufe  ,    fur  tout  lorfqu'elle  fe  fait  tout  d'urt  coup  ,    &  que  Dieu 
donne  fubitement  à  cet  animal  toute   la  grandeur  qui  lui  eft  propre,  telle  par  exempie 
que  celle  qu'eut  le  ferpent  qui  fut  formé  en  un  inftant  de  la  baguette  d'Aaron  ,  &  qui 
eut  fur  le  champ  la  même  étendue  qu'avoit  eu  cette  baguette?  Comment  douter  qu'un 
tel   Miracle  ne  foit  une  œuvre  que  le  ièul  Tout-puinant  peut  faire  ?    Comment  ofer 
Ibuteflir,  que  Satan  la  peut  parfaitement  imiter,  en  produifant  tout  à  coup  des  ferpens 
&  des  grenouilles  d'une  grandeur  complette ,  avec  des  germes  imperceptibles  ? 

Ils  ont  encore  obfervé  que  S.  Auguftin  paroît  d'autant  moins  porté  à  fuppofer  un  fi 
f?rand  pouvoir  dans  les  démons  ,  qu'il  nous  enfeigne  au  contraire  que  ces  efprits  de 
menfonge  ne  font  ordinairement  que  des  preftiges  ou  des  tours  de  Charlatan. 

„  Quoique  les  démons,  dit  ce  Père  de  l'Eglife  ,   faffent  quelquefois  des  chofes  qui  S-Aiig.Fp. 

I  -  «  pa- ûrj;'"* '^* 


<SS  VTILITE'     DE     LA    P  H  Y  S  I  O^V  E 

DissERT.  ^^  paroiiïeiit  fenibhbles  à  celles  que  Dieu  opcre  par  le  miniftcrc  des  Saints  Anges,  ce 
surl'aut.  ^^  ^-^^  ppj^j,  vj^i-itablcment  ,  ce  n'eft  qu'en  apparence  ,    ce  n'eft  point  par  leurYavoir, 
„   ce  n'eft  que  par  de  pures  tromperies:"    Onamvis  damones  hohhuIU  faciant  Angelis 
Saniiis  Jîmilia,  non  veritate  fed  fpecie  ,  von  fapientià  fed  flâne  fallacià. 

Il  ne  faut  cju'appliquer  aux  prodiges  apparens  des  Magiciens  de  Pharaon  ce  paflage 
que  S.*  Auguftin  prcfcnte  comme  une  maxime  générale  ,  pour  être  en  droit  d'en  con- 
clune,  qu'il  penfoit  au  fond  de  la  même  fa^on  que  les  anciens  Pères  par  rapport  à  ces 
faux  prodiges. 

S.  Thomas  ,  ont  ajouté  ks  Théologiens  modernes  ,  efl;  encore  plus  précis  que  S. 
Auguftin  pour  réduire  le  pouvoir  des  Anges  &  des  démons  dans  leurs  véritables 
bornes. 
S.Thom.t.  „  Les  Anges ,  dit  ce  favant  DoBeur  ,  ne  peuvent  point  changer  la  matière  par  leur 
a  ^^in'c."''"  pu'^sn'-'S  natuielle  ,  fi  ce  n'eft  par  l'application  des  agens  corporels  ,  par  le  moyen 
„  desquels  ils  peuvent  produire  quelques  effets.  "  ytngcli  .  ,  .  materiam  corpor,iUm 
immutare  non  pojfunt ,   niji  applkando  corporalia  agcntia  ad  ejfeElm  aliqHos  producoidos. 

Mais  peut-on  in^aginer  qu'il  y  ait  dans  la  matière  quelques  agens  corporels  ,  c'efl:  à 
dire  qu  Iques  fohdcs  qui  aient  des  relTorts  afTez  puiflans,  ou  quelques  liquides  qui  aient 
affez  de  force  &  de  fubtilité,  pour  métamorphofer  tout  d'un  coup  un  petit  germe 
prefque  imperceptible  en  des  ferpens  ou  des  grenouilles  d'une  grandeur  complette  ,  & 
produire  à  cet  effet  en  un  moment  toutes  les  parties  néceflaires  pour  donner  la  vie, 
tous  les  fens ,  &  une  grandeur  parfaite  à  ces  betes. 

Si  ime  telle  fuppofition  révolte  le  bon  fens  ,   il  eft  donc  vrai  de  dire  que  fuivant  les 
principes  de  S.   Thomas  ,   c'eft  un  Siftcme  infoutenable  que  de  prétendre ,    ainfi  que 
Réponre,&c.  fait  le  Deffenfeur  des  Antifecouriftes  ,   qu'/7  ncft  point  c.tt  dcjftts  du  pouvoir  du  démon 
P-  ÎJ-  de  produire  fubitcment  des  grcnonilles  .  .  .  &  qu'il  lui  a  été  facile  d'exécuter  ce  prodi- 

ge ,  en  prenant  des  œufs  de  grenouilles  ,  les  faifAnt  éclorre  fur  le  champ ,  er  donnant  avec 
une  rapidité  inconcevable  à  toutes  les  parties  d'un  petit  germe  prefque  imperceptible ,  tous  les 
accroi^emens  néceffaires  pour  parvenir  en  «»  instant  à  la  mefure  d'une  grenouille  or- 
dinaire, 
•S.  Thom.  S.  Thomas  donne  encore  ailleurs  pour  une  régie  fans  exception  ,  que  „  tout  chan- 
Qu.  ii4.a.  ^^  gement  dans  les  chofes  corporelles  ,  qui  ne  fauroit  s'exécuter  par  la  vertu  des  cau- 
„  fes  naturelles  ,  ne  peut  en  aucune  façon  être  opéré  véritablement  par  les  démons,  & 
„  que  s'ils  ont  quelquefois  paru  faire  quelque  chofe  de  fcmblable  ,  ce  n'a  point  été 
„  félon  la  vérité  ,  mais  que  ce  n'a  été  qu'une  fimple  apparence.  "  Tranfmutationes 
corporalium  rerum  qu<t  non  pojfunt  viriute  naturel  ficri  ,  nullo  modo  opcratione  dtsmonum 
fccundum  rei  veriiaicm  perjici  pojfunt.  .  :  Et  Ji  aliquando  aliquid  talc  opiratione  dxmonuin 
fieri  videmttr ,   hoc  non  efl  fecundum  veritatem  fedjecundum  apparent tam  t.intum. 

Mais  s'il  eft  d'une  évidence  palpable,  que  U  venu  des  eaufcs  naturelles  ne  peut  pas 
faire  fubitcment  des  métamorphofes  auOi  étonnantes  ,  que  celle  par  hquelle  M.  Poncet 
veut  rcnverfer  toute  la  Phyfique  de  la  rendre  totalement  inutile  pour  le  difcemement 
des  Miracles  ,  il  s'enfuit  que  fa  fuppofition  heurte  de  front  les  vrais  principes  que 
nous  a  donné  S.  Thomas  ,  ainfi  que  les  autres  Pérès  de  l'Eglife  :  &-  que  M.  Poncet 
Kc'prn'tAc.  ^'^^  certainement  beaucoup  trop  avancé  ,  en  affurant  que  tous  les  Interprètes  ç^  les 
{■  SS-  Ti.cologiens  conviennent   unanimement   que   les   Ai^giciens  de  Pharaon  ont  en  un  inflaM 

produit  des  grenouilles  d'une  mefure  ordinaire. 

S.  Thomas  ajoute  encore  dans  un  autre  endroit  que  les  opérations  du  démon  dans  le 
S.  Thom.  I.  genre  merveilleux  ,  ne  confijicnt  ordinairement  qu'à  faire  voir  des  chofes  qui  n'ont  aucune 
P*^"**"^"  rw//// ,  fait  en  fafcinant  les  jeux  des  fjieitaieurs  ^  foit  en  formétnt  des  fpeÛres. 
Voil^  encore  S.  Thomjs  bien  d'accord  ici  avec  les  anciens  Pérès. 
En  rapportant  tous  f  s  Textes  ,    les   Théologiens  modernes  ont  obfcrvé  ,    que  c'eft 

dans 


PAR     RAPPORT    AV  X    Jll  I  R  A  C  L  E  S,  drc.         69 

dans  ces  régies  générales  &  ces  principes  tout  brillans  de  lumière  ,    &:  donnés  exprès    Dissert. 
aux  fidèles  pour  les    inftruire  de  l'idée  qu'ils  doivent  avoir  des  faux  prodiges  &  ^gj  surl'aut. 
preftiges  que  les  démons  peuvent  opérer  ,  qu'il  faut  puifer  les  véritables  fentimens  de  °" 
S.  Augultin  &  de  S.  Thomas,  &:  non  pas  dans  des  réponfes  particulières  à  des  objec- 
tions ,  où  ils  ont  bien  voulu  fuppofer  eux  mêmes  des   faits  impoffibles  avec  ceux  qui 
failbient  ces  fuppofitions  ,   afin  de  réfuter  de  toutes  manières  les  fauffes  confèquences 
qu'ils  en  tiroient. 

Au  refte   la  plupart  de   ces  Théologiens  n'ont  pas  néanmoins  embraffé  totalement  le       ^l; 
fentiment  du  plus  grand  nombre  des  anciens  Péres  ,    par  rapport  aux  faux  prodiges  des  dcsTheoE^* 
Magiciens  de  Pharaon.  gicnsmodet- 

Ils  ont  cru  ,    que  les  expreffions  du  Texte  Divin  font  trop  formelles ,  pour  qu'on  S."cy!?ine"' 
puifle  fuppofer  ,    que  ces  Magiciens  n'ont  fait  que  fafciner  les  yeux  des  fpeéiateurs,  ^^•'^''j'°<'''= 
en  leur  préfentant  des  phantômes.    Ils  ont  prétendu  que  les  explications  données  par  les  autres  an- 
anciens   Pères  aux  termes  ,    f^irgx  verfz  funt  in  fermentes ,  n'étoient  pas  fufHfantes  pour  téu"rs,MnrMc 
autorifer  pleinement  leur  opinion.    Ils  font  convenus  qu'à  la  vérité  fuivant  le  langage  5"«  '"  ".°^^ 
ordinaire  de  l'Ecriture,  l'expreflion  verfa  funt ,  peut  fimplement  fignifier  qu'une  cho- des''ftîa<'i-^^* 
fe  a  été  fubftituée  à  la  place  d'une  autre;  mais  ils  ont  foutenu  ,  que  pour  remplir  tou-  cîeDsdfPha- 
te  la  force  de  ce  terme ,  on  doit  croire  qu'une  chofe  rèell? ,  &  non  pas  un  vain  phantô-  "e°que''dcs 
me  ,    a  été  mife  à  la  place  de  celle  qu'on  a  retirée.    Enfiii  ils  ont  obfervé  qu'il  n'eft  '«'"'«''««'(«C' 
point  difficile,  fans  s'éloisner  de  la  façon  ordinaire  dont  le  Texte  Sacré  emploie  le  ter- 
me en  queftion,  de  ne  rien  cependant  iuppofer  qui  foit  contraire  aux  vrais  principes: 
&  que  pour   concilier  Is  tout  enfemble  ,  il  ne  faut  que  faire  attention ,  qu'il  eft  tout 
naturel  de  penfer  que  les   démons  ont  exécuté  par  des  tours  d'adreffe  les  trois  efpéces 
de  prodiges  rapportés  dans  l'Ecriture. 

1.  A  l'égard  du  changement  apparent  des  baguettes  en  ferpens  ,  ils  ont  dit  ,  qu'il  y 
a  tout  lieu  de  croire  que  les  Magiciens  ,  mandés  par  Pharaon  &  inftruits  du  Miracle 
que  Moïfe  venoit  de  faire  ,  avoient  apporté  fecrettement  de  vrais  ferpens  fous  leurs 
habits  ,  &  que  le  démon  les  a  fubftitués  avec  tant  de  promptitude  à  la  place  des  ba- 
guettes de  ces  Magiciens  que  les  yeux  des  fpedlateurs  ont  été  trompés  ;  enfuite  que 
ces  baguettes^ ont  paru  tout  à  coup  changées  en  ferpens,  ce  qui  bien  loin  d'être  un 
prodige  fupérieur  à  l'induftrie  du  démon  n'eft  proprement  qu'un  tour  d'efcamotage , 
fait  avec  encore  plus  de  fubtilité  que  celui  que  font  les  joueurs  de  gobelets  ,  qui  pa- 
roiflent  changer  en  différentes  chofes  leurs  petites  baguettes  à  la  vue  de  tous  les  fpec- 
tatcurs,  avec  tant  d'adreffe  &  de  dextérité,  qu'on  n'apperçoit  point  la  manière  dont  ils 
font  ces  apparentes  métamorphofes. 

2.  A  l'égard  de  l'eau  qui  parut  changée  en  fang  par  les  enchantemens  des  Magiciens, 
ils  ont  obfervé  ,  qu'il  ne  pouvoit  y  en  avoir  que  fort  peu  ,  puifque  toutes  les  eaux 
des  Eî^iptiens  avoient  auparavant  été  changées  en  fang  par  Moife;  &  qu'ainfi  celle  qui 
parut  métamorphofée  par  les  Magiciens  ,  ne  pouvoit  être  que  de  l'eau  qu'on  venoit 
d'apporter  tout  exprès  dans  quelque  vafe  du  pays  de  Geffen  qu'hjbitoient  les  Israéli- 
tes. A  quoi  ils  ont  ajouté,  qu'il  eft  pareillement  très  vraifemblable ,  que  les  M.>giciens 
avoient  caché  fous  leur  robe  du  fang  dans  quelque  bouteille  ,  &  que  les  démons  s'en 
font  fervis  pour  couvrir  la  fuperficie  de  l'eau  en  queftion  avec  use  fi  grande  vîtefle, 
qu'on  n'a  pas  eu  le  tems  de  voir  comment  ils  l'avoient  exécuté,  au  moyen  de  quoi 
cette  eau  a  été  tout  d'un  coup  revêtue  d'une  vraie  couleur  de  fang  ;  ou  même  qu'on 
peut  croire  que  les  démons  ont  fait  évaporer  toute  l'eau  en  queftion  ,  5c  ont  mis 
fubtilement  à  la  place  du  fang  que  leurs  Magiciens  avoient  eu  grand  foin  de  leur 
fournir. 

5.  Enfin  à  l'égard  des  grenouilles,  ces  Théolo<^iens  ont  fait  la  remarque  pleinement 
décifive,  qu'il  n'y  a  aucun  difficulté  à  fuivre  à  la  lettre  ce  qui  en  eft  dit  dans  l'Ecri- 

I  3  ture. 


70  'UTILITE'     DE     LA     F  H  T  S  I  O^V  E 

Dissert.  ture.   En  confc'quence  ils  ort  tous  uncnimtment  adopté  \z  fcntiment  de  S.  Aurjudin  à 

svrl'avt.  ^ç  Ç^x'^i^x.  :  que  les  Magictens  de  Pharaon /^f«f  fortir  cjhcIcjucs  grenottilles  des  Ci-av  du  pays 

'     ejM'hjhiroient  Us  Israélites:  &  ils  ont  loué  ce  célèbre  Doéleur  d'avoir  penfc  trc";  judi- 

i'.  Qu'il  '  ciït'fement,  que  ces  Magiciens  n'en  firent  fortir  de  l'eau  qu'un  très  petit  nombre,  ali- 

»  vin.  T.  in  ^,,,j  rauas ,  de  feulement  autant  qu'il  ctoit  néceflaire  pour  faire  parade  de  leur  puillance 

magique:   Ad  foUm  demonfirAtionem  TKagicx  fotentia. 

Mais  en  même  t'.ms  ces  Théologiens  fe  font  fort  récriés  contre  ceux  qui  ont  Aip- 
pofé  à  cette  occafion  un  faux  miracle  fupérieur  à  l'ordre  de  toute  la  nature  créée,  pour 
en  faire  honneur  au  di.'.ble  malgré  les  termes  contraires  du  Texte  Sacré  ;  &:  à  cette  oo 
cafion  ils  ont  obfervé  ,  que  de  changer  en  un  infiant  de  petits  germes  prefque  imper- 
ceptibles en  des  grenouilles  d'une  gi-andeur  ordinaire ,  eft  un  Miracle  équipollent  à  créa- 
tion, Miracle  par  conféquent  que  Dieu  feul  peut  faire. 

Le  fentiment  de  ces  Théologiens  modernes ,  que  les  preftiges  des  Magiciens  de  Pha- 
raon ne  furent  que  des  tours  d'adreffe  ,   avoir  été  foutenu  anciennement  par  quelques- 
uns  des  Pérès  &  par  des  Théologiens  très  célèbre-:. 
SCj-r.  Alex.      Entre  autres  ç'avoit  été  l'opinion  de  S.  Cyrille  d'Alexandrie. 

lomTom  "  Qiioique  les  preftiges  des  efprits  malins  ne  confiftent  ordinairement,  dit-il,  qu'i 
1  p-  ir-  ,,  tromper  les  yeux  des  fpeclateurs,  en  leur  préfentant  la  figure  d'une  chofe  qui  n'exis- 
Euit  ij66.  ^^  ^^  point  ,  néanmoins  ils  apportent  quelquefois  certaines  chofes  qu'ils  ont  prifes  ail- 
,,  leurs,  &  ils  les  fubftituent  avec  tant  de  promptitude  à  la  place  d'autres  chofes  qu'ils 
,,  retirent  ,  que  ce  qu^ils  font  ainfi  nous  eft  imperceptible  ,  en  forte  qu'ils  paroilfent 
,,  avoir  produit  les  chofes  qu'ils  ont  ainfi  apportées ,  ou  avoir  méramorphofé  en  ces 
,,  chofes  celles  qu'ils  ont  fubitement  retirées.  Ce  fut  ainfi  que  les  démons  pour  exé- 
„  cuter  ce  que  fouhaitoient  les  Magiciens  de  Pharaon  ,  efcamotérent  fubtilement  les 
,,  verges  de  ces  Magiciens  &  mirent  à  leur  place  des  ferpens  véritables  &  vivans, 
,,  qu'ils  avoient  apportés  de  quelque  autre  endroit  :  ce  qu'ils  firent  avec  tant  de  vî- 
„  teffe ,  que  les  yeux  ne  s'en  apperçurent  point  ,  en  forte  que  ceux  qui  ignoroient  cet 
j,  artifice  des  démons  ,  crurent  que  ces  verges  avoient  été  changées  en  ferpens.  Ce 
„  fut  encore  par  une  fembhble  tromperie  que  les  démons  firent  venir  des  grenouilles  à 
„  la  prière  de  ces  Magiciens.  Mais  jamais  les  démons  ne  peuvent  opérer  veritable- 
„  ment  d;;s  Miracles  qui  furpaffent  la  loi  de  la  nature.  "  Ouamvis  maligni  Spiritus 
frdftigiis  fuis  plerumque  intuentiiim  octtlos  éludant ,  e.xhibentes  coram  rei  fpeciem  qnx  ta- 
men  non  adejl  ,  aHt  tempore  à  nobis  h.wd  dignoscibili  ,  repente  aliqtta  aliunde  adducant 
fublatis  impcrceptibiliter  ijn£  aderant ,  tanqnam  illa  ex  his  videantitr  prodiiEl.t  ,  ant  hac  in 
illa  converfa  ,  ut  in  malefciis  magtmm  Pharaonis  ,  dsmones  ipfts  obfequentes  ftiflulerunt 
virgas  fubito  ex  oculis  aflantium ,  cJ"  in  e.num  loctim  fuppofa.-riint  fer  pentes  magnà  celer  it  a- 
te  allô  à  loco  illuc  allatos  ,  vivos  quidcm  C>~  veros  :  o~  aj}r.ntes  htec  damonitm  ignorantes 
nirtificia,  credebant  virgas  in  Jerpentes  ejfc  converfis  :  &  conjimlli  eliijïone  fubmiferttnt  dx- 
moncs  ranas  ad  magorum  incantationem.  Aïiracula  tamen  qux  naturx  legem  tranfccr.dunt 
nequaquam  veraciier  operari  valent. 

Ce  principlb  immobile,  que  les  démons  ne  peuvent  rien  fiirc  que  par  des  moyens 
naturels ,  &  qu'ils  n'ont  aucun  pouvoir  de  s'écarter  des  loix  que  le  Créateur  a  immua- 
blement établies,  pour  régler  tous  les  effets  qui  doivent  fe  former  dans  la  matière;  fuf- 
fit  pleinement  pour  réfuter  l'opinion  de  ceux  qui  veulent  attribuer  i  ces  Efprits  mau- 
dits de  Dieu ,  \x  puiflancc  fnprcme  de  donner  la  vie  à  des  germes  imperceptibles  ,  en 
leur  faifint  produire  tout  à  coup  de  grands  animaux  vivans.  Mais  la  fauflcté  de  cette 
opinion  eft  encore  devenue  plus  manifeftc  ,  plus  évidente  &  plus  palpable,  depuis  que 
l'Anitomie  a  clairement  découvert  8c  ncttCîTient  développé  par  des  diflfeciions  cxaâes 
d'un  très  grand  nombre  de  fœtus,  les  uns  plus  les  autres  moins  formes,  que  toutes  les 
parties  du  corps  des  ailimaux,  fc  fingulié  ement  celles  d'où  dépcjidcnt  Icsfen?,  ne 

fort 


PAR     RAPPORT    A\J  X    M  I  R  A  C  L  E  S,  &€.         71 

font   conftruites  que  peu  à  peu   par   des  productions  merveilleufes  qui  cquipolL'nt  à    Uissert, 
Création,  &:  que  Dieu  ne  donne  la  vie  à  ces   foetus  que  lorfqiie  toutes  les  parties  du^"'*''  ''^'^' 

r  r  ■  J  ■        ■     c       '^  ■  •  DES  MIR. 

corps  font  parfaites ,  du  moins  jufqu  a  un  certain  point. 

AulTi  l'opinion  qui  fait  préfent  au  diable  d'une  fi  grande  puiflancc  ,  cft-elle  aujour- 
d'hui abandonnée  de  tous  ceux  qui  ont  quelque  teinture  de  la  Phyfique,  en  forte 
qu'on  peut  dire  avec  vérité,  que  parmi  les  favans  il  n'y  a  plus  à  préfent  que  deux  o- 
pinions  par  rapport  aux  prodiges  en  queftion  ;  favoir  : 

Premièrement ,  celle  de  la  plupart  des  anciens  Pérès  qui  ont  cru  que  dans  ces  trois    Abrégé  de 
prodiges  il  n'y  avoit  rien  eu  de  réel,   &  que  le  démon ,  ainfi  que  l'oblérve  M.  Méfan-J.^jlJ'.j.^^ 
gui,  en  rapportant  leurs  fentimens  ,   ,1   feulement  formé  dans  les  yettx  des  Spectateurs  ^«ûvecdes  E- 
images  de  fang,  de  ferpcns  ^  de  grenouilles.  ■  nicns'(Ou- 

Sccondement  ,    celle  de  S.  Cyrille  d'Alexandrie  &  autres  favans  Théologiens,  qui"^s«^'y 
eft  aduellement  fuivie  par  la  plupart  des  Modernes  ,   qui  penfent  que  ces  trois  prodi-  D.deckar- 
ges  n'ont  été  que  des  tours  d'efcamotage.  }'j">  '^°"- 

C'eft  donc  une  chofe  inconcevable  ,    que  le  Defïênfeur  des  Théologiens  Antifecou- r^q^j-ç  "jj^^ 
riftes  ait  ofé  avancer  fi  pofirivement  au  nom  de  ces  MM. ,  que  tous  les  Interprètes  (^p-  5J. 
les  Théologiens  conviennent  unanimement  de  la  formation  fubite  des  grenouilles  par  l'opét 
ration  du  diable. 

Par  quelle  fatalité  ces  MM.  ont-ils  donc  totalement  oublie  ce  qu'ils  ont  lu  à  ce 
fujet  dans  les  Auteurs  qu'ils  citent  eux-mêmes  le  plus  fouvent  ?  » 

Par  exemple,  comment  ne  fe   font-ils  pas  fouvenus  qu'Eftius,  dont  il   rapportent 
tant  de  pafTages  lur  divers  fujets ,  a   foutenu  avec   une   grande  force ,  qu'il  n'eft  pas 
poflîble  de  croire  que  ,,  les  Magiciens  de  Pharaon  aient  fait  de  vrais  ferpens  &  des 
„  grenouilles  par  la  puiffance  du  démon?  Adagos  Pharaonis  per  virtutem  damonum veros  ^'^'^1.'°'''" 
erpentes  Qr  ranas  fecijfe ,  non  efi  credibile,  Exod.'vil. 

Il  appuie  fon  opinion  fur  cette  lumineufe  maxime  de  S.  Auguftin  ,  qu.' il  ne  faut  pas  '^' 
penfer  que  les  Anges  Apofiats  puijfent  difpofer  à  leur  gré  de  la  matière  vifihle ^  un  tel  pou-  5  de^fiinit! 
voir  n  appartenant  qu'a  Dieu  Jeul :  d'où  il  conclud ,  ,,  qu'on  ne  doit  pas  s'imaginer 
,,  que  le  diable  ait  eu  la  puiflance  de  changer  fubitement  en  ferpens  les  baguettes  de 
„  ces  Magiciens  .  .  .  Mais  qu'il  y  a  tout  lieu  de  croire  qu'ayant  ébloui  les  yeux 
„  des  fpedateurs ,  il  a  retiré  fubitement  les  baguettes  que  ces  Magiciens  avoient  jet- 
„  tées  à  terre,  &  qu'à  leur  place  il  a  fubftitué  des  ferpens  qu'il  avoit  reçu  d'ailleurs  "  , 
c'eft  à  dire  que  les  Magiciens  lui  avoient  apportés.  Non  efi  enim  putandum  ,  qtiemad- 
modum  dicit  S.  Aug.  lib.  5 .  de  Trin.  illis  transgrefforibus  Angehs  ad  nutum  fer  vire  hanc 
"vifibilem  reram  mater  iam,  fed  foLi  Deo,  Non  igitur  putandi  funt  m  agi  virtute  diabolicà, 
fubito  virgas  in  fer  pentes  commutajfe  .  .  .  Sed  exiflimamus  diemones  virgas  a  jnagis  pro- 
je£las ,  fafiinatis  aftantium  oculis ,  fubito  abfiuliffe ,  o"  m  earum  locum  ferpcntes  aliunde 
acceptos  fiibjiituijfe. 

Eftius  fait  en  même  tems  la  judicieufe  obfervation  ,  que  l'interprétation  qu'il  donne 
aux  termes  du  Texte  Sacré,  par  lefque's  il  eft  dit  que  les  baguettes  des  Magiciens  furent 
changées  e»  firpens ,  n  çii  point  contraire  au  fens  dans  lequel  l'Ucriture  fe  fert  communé- 
ment d'i  terme  de  changé  :  &  tout  de  fuite  il  prouve  par  nombre  d'exemples,  qu'elle  l'a 
fouvent  employé  pour  fignifier  qu'une  chofe  a  été  fubftituée  à  la  place  d'une  autre. 
Porvo  interpretatio  ,  quâ  virga  dicuntur  vcrfe ,  id  eft  commutât^  fuppofitione  unius  pro  aliOy 
non  f/?  aliéna  à  confuetudine  loquendi  Scriptura  :  fie  enim  dicitur ,   ÔCC, 

Il  eft  remarquable  que  quoiqu'Eftius  joigne  d'abord  enfemble  les  ferpens  &  les  gre- 
nouilles ,  lorsqu'il  dit  que  la  prétendue  formation  fubite  de  ces  animaux  eft  une  chofe 
incroyable,  néanmoins  lorfqu'il  en  produit  les  preuves,  il  ne  fait  plus  mention  expres- 
fe  que  ds  ferpens:  en  quoi  il  a  été  imité  par  le  plus  grand  nombre  des  Théologiens, 
qui  foutieruient  k  même  fentim.ent  que  lui.     Mais  il  eft  bien  aifé  d'en  pénétrer  la  r.ii- 

fon. 


U 


SVH  L  A 
DES   MIR 


^1  vriLlTE'     DE     LA     P  H  Y  S  I  O^V  E 

DissERT.  fon.  C'efl:  que  le  prétendu  changement  des  baguettes  en  ferpens ,  piroit  avoir  quelque 
"" '■"'"'•efpéce  de  fondement  dans  les  termes  de  l'Ecriture:  ainli  cette  faufle  opinion  mérite 
""  d'être  amplement  difcutée;  au  lieu  que  la  prétendue  formation  des  grenouilles  n'ayant 
pas  le  moindre  prétexte  ,  &  étant  même  villblement  contraire  à  ce  qui  efl;  dit  de  ces 
grenouilles  dans  le  Texte  Sacré  ,  une  telle  chimcre  fe  dillipe  d'elle  même:  &  ce  leroit 
perdre  le  tems  que  d'en  faire  une  réfutation  particulière ,  après  qu'on  a  prouvé  qu'il 
n'efl  pas  permis  de  croire  que  les  démons  aient  fubirement  formé  des  ferpens  ,  quoique 
les  termes  de  l'Ecriture  femblent  induire  à  le  penfer. 

Le  célèbre  Janfcnius ,  le  favant  Toftat  Evcque  d'Avila,  &  quantité  d'autres,  ont 
embraflc  le  mcme  fentiment  que  les  Théologiens  modernes  :  mais  ce  feroit  fe  jettcr  dans 
une  mer  de  répétitions  que  d'entreprendre  de  rapporter  ce  que  tous  ces  Auteurs  ont 
dit  fur  ce  fujet.  Reduifons-nous  à  un  des  plus  favans  Interprètes  de  l'Ecriture  :  je  veux 
parler  de  Nicolas  de  Lyra. 
Nicde  Ly-  Il  pofe  d'abopd  pour  principe  ,,  qu'aucun  compofé  de  matière  &  de  forme  (qui  ne 
"•/""r-7-  pçut   fe  faire  que  par  une  produdion  fucceflîve  telle  que  celle  de  tout  animal  vivant) 

ne  peut  être  produit  par  la  puifTance  du  démon  :  Minute  dimonis  non  poteft  aliquod 
compofitum  ex  materià  er  forntâ  produci. 

Il  ajoute ,  que  ,,  les  démons  ne  peuvent  transformer  la  matière  pour  lui  donner  une 
""   nouvelle  forme  naturelle  ,    &  qu'ils  ne  peuvent  rien  changer  dans  l'ordre  de  la  na- 
•  ture.  "    Damonei  non  transformant  ntAteriam  ad  formant  natttralem,  nec  mutant  nattt- 

r,(  ordinem. 

Or  quel  merveilleux  compofê  de  matière  &  de  forme  ^  quelle  transformation  prodi- 
gieufe  ,  n'auroit-il  pas  fallu  faire  ,  pour  d'un  petit  germe  infenfible  &  prefque  imper- 
ceptible en  faire  fortir  tout  à  coup  des  animaux  vivans  auflTi  grands  que  des  ferpens  Se 
des  grenouilles  ,  &  pour  leur  conftruire  en  un  in.lant  toutes  les  parties  néceflaires  à  la 
formation  des  organes  de  tous  leurs  fens  ?  Ne  feroit-ce  pas  la  produire  foudainement  ce 
qui  ne  fe  peut  faire  que  fuccelTivement  par  une  génération  naturelle  ?  Le  fubit  d'une 
telle  produftion  n'eft-il  pas  manifeftement  contraire  à  l'ordre  de  la  nature  ? 

Auffi  Nicolas  de  Lyra  conclut-il  de  ces  principes ,  qu'il  eft  abfolumcnt  impoffible 
que  les  Magiciens  de  Pharaon  aient  changé  réellement  leurs  baguettes  en  ferpens  :  „  à 
„  quoi  il  ajoute,  que  quoique  les  démons,  ni  même  les  bons  Anges,  n'aient  aucun 
„  pouvoir  de  transformer  la  matière ,  ils  ont  néanmoins  celui  du  mouvement  local  (c'eft 
,,  à  dire  de  les  transporter  d'un  heu  à  un  autre  :  )  d'où  il  fuit  que  les  démons  ont  pu 
„  enlever  les  baguettes  des  Magiciens  d'uns  manière  imperceptible  aux  fens ,  &  mettre 
,,  à  leur  place  des  ferpens  qui  leui-  avoient  été  apportes  d'ailleurs,  ou  même  qui  avoient 
,,  été  engendrés  dans  ce  lieu-là,  non  par  la  puillance  des  démons,  mais  d'une  manière 
,,  naturelle.  En  effet  ,ajoute-t-il ,  ne  voyons-nous  pas  que  des  Charlatans  font  des  chan- 
,,  gemens  femblabUs  par  la  fubtilitè  de  leurs  mains  &  h  promptitude  de  leurs  mouve- 
„  mens ,  fans  que  les  nommes  s'apperçoivent  comment  ils  les  exécutent.  A  plus  forte 
„  railbn  les  démons,  dont  l'agilité  &  la  vitefle  font,  pour  ainfi  dire,  fans  comparaifon 
,,  plus  grandes ,  peuvent-ils  faire  la  même  chofc  &  même  beaucoup  plus.  "  Liccr  matc- 
ria  corporalis  non  fubjiciatur  virtuti  Angclic^ ,  quatititm  ad  transmutationem ,  fuijicititr 
tamen  ei  cjuantu'»  ad  motum  localem,  &  ideo  dtmones  potnerunt  virgas  à  magis  projeéLu 
per  motum  loCAlem  imporceptihiliter  fenfià  humaito  tollere ,  ijr  loco  earitm  fcrptmes  aliunde 
afportatos  ,  vel  ibidem  gcntratos  no»  virtute  djtmonis  fèd  agentis  naturalis ,  fupponere.  f-1- 
demns  enim  (juod  alicjui  mimi  per  fubtilitatem  mMiHttm  CT  localem  motum ,  ali^u.t  fie 
transmutant  ^  quoi  hnmines  non  percipiunt  :  CT  multo  fertius  ditmones  ^  quorum  fuluiU- 
tas  cj'  celeritas  in  motu  locali  major  efl  ,  quam  i^comp'irabiliter  hoc  pojfunt  OT"  mitlto 
7»MJora. 
Ainlî  ce  favant  Auteur  prouvj  dcmonftrativemcnt ,  que  de  fuppofcr  que  les  démons 

ont 


PAR     È  A  P  P  O  RT    AV  X    M  I  R  A  C  L  E  S,  &c.        73 

ont  pu  produire  fubitement  des  animaux ,  c'efl:  fuppofer  l'impoflîble ,  puisque  c'eft  fup-    Dissert. 
pofer  une  chofe  abfolument  contraire  à  l'ordre  que  Dieu  a   établi  dans  la  nature;  &  il  surl'aut. 
réduit  tout  le  merveilleux  des  prodiges  que   firent  les  Magiciens  de  Pharaon,  à  des"''*""'' 
tours  d'adreflfe  encore  plus  fubtils  que  ceux  que  font  les  joueurs  de  gobelets. 

Encore  un  coup  il  n'eft  pas  polîîble,  que  M.  Poncet  ait  totalement  ignoré  le  fenti- 
ment  de  tous  ces  Auteurs.   Comment  donc  a-t-il  pîi  dire,  que  tous   les  Interprètes  ^  R^ponfe,8ci;. 
les  Théologiens  conviennent  e^ue  les  A-îagiciens  de  Pharaon  ont   produit   en  un  inflant  des  P'  ^^' 
grenouilles  d'une  grandeur  ordinaire  &  qu'//  a  été  facile  au  démon  d'exécuter  ce  prodige  ? 

Ne  feroit-ce  point  que  M.  Poncet  a  pris  le  silence  de  la  plupart  des  Théologiens 
modernes  par  rapport  aux  grenouilles ,  pour  un  acquiefcement  tacite  au  Siftéme  incon- 
cevable qu'il  foutient  aujourd'hui  ?  Mais  au  contraire  n'auroit-il  pas  dû  faire  réflexion, 
que  ces  Théologiens  ayant  prouvé  qu'il  eft  impolTible  que  les  démons  aient  réellement 
produit  tout  à  coup  des  ferpens ,  &  qu'un  tel  Miracle  eft  évidemment  fupérieur  à  tout 
leur  pouvoir,  parce  qu'il  ne  peut  s'exécuter  qu'en  renverfant  les  loix  divines  qui  régis- 
fent  la  nature  ;  ces  principes  inconteftables  décident  également ,  que  les  démons  n'ont  pu 
produire  fubitement  des  grenouilles  ?  Et  comment  n'a-t-il  point  fenti  que  fi  ces  Théo- 
logiens ne  fe  font  pas  donné  la  peine  de  parler  expreffément  de  ces  animaux,  c'eft  parce 
qu'ils  n'ont  fait  leurs  Commentaires  que  fur  les  endroits  de  l'Ecriture  qui  ont  befoin 
d'explication.  In  loca  difficiliora  Scriptur^ ,  8c  qu'ils  n'ont  trouvé  aucune  difficulté  à 
ce  qui  eft  dit  fur  ce  fujet  dans  l'Exode,  que  ,,  les  Magiciens  de  Pharaon  firent  fortir  Eïod.VIII.7. 
,,  des  grenouilles  (de  l'eau)  ainfi  qu'avoit  fait  Moïfe,  &  qu'ils  les  conduifirent  fur  la 
„   terre  d'Egipte:  Fecerunt  Jîmiliter  ...  eduxeruntque  ranas  fuper  terram  ty£gjpti. 

Voilà  cependant  félon  M.  Poncet  le  grand  prodige  qui  fournit  une  preuve  Jans  répli- 
que ,  que  la  Phj/ique  ne  peut  fervir  de  rien  pour  diflinguer  les  Miracles  Divins  des  près-  n  '  p  <|^ 
tiges  du  démon.  Voilà  le  moyen  invincible  par  lequel  ctt  Auteur  promet  à  tous  ceux  p.  jî- 
qui  voudront  refufer  de  fe  foumcttre  à  la  Décifion  des  Miracles,  de  les  débarraffer  pour 
toujours  de  la  faujfe  méthode  par  laquelle  on  les  convainc  malgré  qu'ils  en  aient,  en  leur 
démontrant  par  la  Phyfique  le  furnaturel  éminent  d'un  Miracle,  que  Dieu  feul  a  pu 
l'opérer. 

Mais  il  eft  d'autant  plus  étonnant  que  M.  Poncet  nous  donne  ce  qu'il  peut  y  avoir      XII. 
de  prodigieux  dans  le  fait  des  grenouilles,  comme  une  preuve  infurmontable  du  pouvoir  m^VodcI"* 
presque  fans  bornes  qu'il  veut  aujourd'hui  attribuer  au  démon ,  que  lui  même  avoit  avoitiui-mê- 
ci-devant  très  formellement  embraffé  le  fentimeît  des  Théologiens  modernes,  fur  les  pro-  è'inbr'aflFpo' 
diges  apparens  des  Magiciens  de  Pharaon,  Pi"'.""  ^?' 

„  Je  crois  ,  dit-il  dans  fa  dixième  Lettre  *,  que  cette  dernière  explication  eft  la  vé-  moJeriKsfm 
„  ritable  &  qu'elle  fatisfait  pleinement  au  Texte  Sacré;  (favoir,  que)  dans  le  changement  ippaienj^do* 
„  des  verges  en  ferpens ,  le  démon  n'a  fait  que  fafciner  les  yeux ,  &:  qu'il  a  retiré  les  Magiciens 
„  verges  &  mis  à  la  place  de  véritables  ferpens  qu'il  avoit  apportés  d'ailleurs.  "  •'x.'u°°* 

Puisque  M.  Poncet  eft  lui-même  perfuadé  que  le  changement  des  verges  en  ferpens,  P-  ^8. 
quoique  marqué  dans  l'Ecriture  avec  des  termes  qui  paroifTent  aftez  précis,  ne  doit 
néanmoins  être  regardé  que  comme  une  illufion  des  fens  ou  un  tour  d'efcamotage ,  par- 
ce qu'il  ïft  contre  les  vrais  principes  de  croire,  que  les  démons  aient  réellement  pu 
produire  tout  d'un  coup  des  ferpens,  comment  ofe-t-il  donc  fiippofer,  au  préjudice 
de  ce  que  l'Ecriture  nous  déclare  pofitivement,  qu'ils  ont  en  un  inftant  produit  des 
grenouilles  ? 

Mais  apparemment  V explication  des  Auteurs  modernes  par  rapport  à  ces  fupcrcheries 
diaboliques ,  ne  lui  a  paru  la  véritable,  que  lorsqu'il  a  deffendu  lui-même  l'Autorité  des 
Miracles  contre  Dom  la  Tafte  ;  &  ce  fentiment  fi  conforme  aux  vrais  principes  &  qui 
fatisfait  pleinement,  difoit-il,^«  Texte  Sacré ^z  perdu  toute  fa  jufteffe,  fi -tôt  que  j'ai 
oppoféjes  guérifons  véritjblenierit  Miraculeufes  aux  Théologiens  Antifecouriftes  dont  il 

Diffcrt.  Tom,  II,  K  eft 


74-  V  T  I  L  IT  r     DE     LA     P  H  Y  S  I  O^V  E 

Dissert,  eft  l'orgme.   Alors  l'intérêt  qu'il  avoit  de  fe  fouftraire  au  poids  accablant  de  ces  "biYn-i.- 

suRL'AUT.j.jç5^j  J.-JJJ  ilisparoître  aux  yaix  de  M.  Poncet  toutes  les  importantes  maximes  qui  font 

DES  MiR.   gppgp£g^,Qjj.  les  bornes  que  h  démon  ne  peut  pafTer.    Mais  une  variation  fi  palpable  ne 

dccouvre-t-elle  pas  clairement,  que  la  vive  imagination  de  ce  trop  zèle  deffenfeur  des 

Antifecouriftes ,  lui  fait  voir  le  pour  &  le  contre ,  &  foutenir  les  deux  contradiéloires, 

filon  qu'elle  eft  diverfement  affeftée  ? 

J'ai  rapporté  ci-delTus  les  principes  qu'il  a  fortement  établis  contre  M.  de  Bethléem 
fur  la  foumiffion  qui  eft  due  à  tout  ce  que  les  Miracles  décident:  comment  a-t-il  pu  fe 
flatter  de  renverfer  lui-même  fes  propres  principes, avec  fa  prétendue  produftion  (ubite 
des  grenouilles?  Par  quelle  fatalité  a-t-il  perdu  de  vue,  que  ce  Siftcme  qui  attribue  au 
démon  un  pouvoir  fupérieur  aux  régies  de  la  nature,  eft  contraire  à  plufieurs  paQages 
du  Texte  Sacré,  à  la  Tratiition  des  Juifs,  au  fentiment  des  anciens  Pcres,  aux  judi- 
cieufes  réflexions  des  Théologiens  modernes;  &  qu'il  eft  même  direétement  oppofé 
aux  principales  régies  que  tous  les  Pérès  nous  ont  données  pour  nous  empêcher  de  con- 
fondre les  Merveilles  de  la  Puiflance  Divine  &  finguliérement  les  Guérifons  Miracu- 
leufes  ,  avec  les  prodiges  illufoires  ou  malfaifans  que  peuvent  feulement  fabriquer  les 
démons  ? 

Ces  régl:s  toutes  éclattantes  d'une  lumière  qui  vient  d'enhaut;  ces  régies  qui  nous 
apprennent  que  Dieu  feul  peut  opérer  ce  qui  eft  effeftivement  &  abfolument  furnaturel, 
&:  que  les  démons  ne  fuuoient  rien  faire  de  réel  que  conformément  aux  loix  permanentes 
qui  regiflent  toute  la  matière  ;  ces  autres  régies  qui  nous  font  difcemer  les  Miracles  Di- 
vins &  bienfaifans ,  de  toutes  les  fupercheries  diaboliques ,  non  feulement  par  leur  na- 
ture ,  mais  aulfi  par  leurs  caraiîléres  tout  difféiens  ;  s'oppofent  généralement  toutes  en- 
femble  à  l'avantage  que  M.  Poncet  prétend  tirer  de  fa  production  imaginaire  des  gre- 
nouilles ,  pnr  laquelle  il  s'efforce  non  feulement  de  faire  entendre  que  le  démon  a  un 
pouvoir  presque  fans  bornes  pour  faire  des  prodiges  malfaifans  ,  mais  il  veut  même 
employer  cette  faiiffe  fuppofition  à  rabbaifl"er  l'Autorité  des  guérifons  éminemment 
Miraculeufes ,  en  infmuant  que  ces  guérifons  ne  font  point  au  defl"us  du  pouvoir  du 
démon. 

Je  prouverai  dans  un  moment  par  quantité  de  Textes  de  l'Ecriture ,  par  le  fentiment 
unanime  des  Pérès  de  l'Eglife  &  par  des  Décifions  de  Conciles,  que  Dieu  s'attribue 
perfonnellement  &  privativement  les  guérifons  Miraculeufes,  comme  d  voix  &  fon té- 
moignage :  qu'il  ne  permet  point  au  démon  d'en  faire  de  telles,  ni  même  qui  paroif- 
fent  l'être,  du  moins  lorsqu'on  s'adrefle  à  Dieu  pour  les  obtenir;  &  que  toutes  les 
merveilles  de  Satan  fe  réduifent  à  des  prodiges  nuifibles  ou  de  pure  oftentation. 

Ainfi  quand  même  M.  Poncet  feroit  accroire  à  fes  Leétcurs ,  que  le  diable  auroit 
formé  fubitement  des  grenouilles ,  ce  ne  feroit  encore  qu'un  prodige  vain  &  inutile  qui 
ne  conclarroit  rien  du  tout  contre  l'Autorité  des  guérifons  Miraculeufes,  par  l'-fquel- 
les  j'ai  prouvé  que  Dieu  préfiide  vifiblement  dans  l'œuvre  desConvulfions&  des  grands 
Secours. 

Tout    le    Texte    même    de    l'Ecriture    où    il    eft    parlé    des    efforts    que   fît 

ie  diable  pour  contrefaire  quelques-unes  des  grandes  Merveilles  que  Moi  le  exécuta  , 

n'eft  propre  qu'à  démontrer  que  l'Efprit  p.rvcrs  n'a  de  pouvoir  que  pour  nuire  &  que 

pour  faire  illufion.    En  effet  fes  Magiciens  ne  purent  jamais  rien  opérer  en   faveur  des 

Egyptiens  ni  de  leur  Koi  pour  les  foulager  dans  les  différentes  plaies  dont  Moïfe  les 

Eïod.  IX.  affligea.    Il  eft  dit  dans  l'Ecriture ,  que  ces  Alauciens  eux-mêmes  fMrtnt  couverts  d'nl- 

"•  cér(s  dont  le  démon  ne  put  les  guérir,  en  forte  qu'ils  n'ofércnt  plus  fe  prefeaier  devdnt 

Moïfe. 

,  C'eft  donc  fans  aucune  efpéce  de  fondement  que  M.  Poncet  nous  donne  fa  prcten- 

&«*p°;j-'   diic  prainUion  dti  gremnilttSy  poiu  une  preuve  fans  réplique  qu;  la  Phjfiqtw  ne  peut  fcr- 

vir 


PAR     RAPPORT    AV  X     MIRACLES 


arc.         7j 


w  de  rien  ...  pour  diflingaer  les  Miracles  Divins  des  freftiges  du  démon;  par  où  il  s'ef-     Dissert. 
force  d'infinuer  que  les  guérifons  Miraculeufes  dont  j'ai  rapporté  desîpreuves  invinci-  «url'aut, 
blés,  ne  concluent  rien  en  faveur  des  Secours,  par  le  moyen  defquels  elles  ont  été  °^^  "'"' 
faites. 

Mais  ce  qui  eft  inconcevable,  c'eft  que  des  Théologiens  auffi  célèbres  que  les  qua- 
tre Chefs  des  Antifecouriftes  aient  adopté  publiquement  tous  les  mauvais  principes  & 
les  faux  raifonnemens  de  la  Réponfe  de  M.  Poncet,  &  qu'ils  aient  fait  publier  dans  tou- 
te la  France  par  leur  éclattante  Trompette,  que  cette  Réponfe efi  Jî claire ,  Jî filide ^  fi  in-  Nouv.  Ecc. 
ftruiiive  ,  fi  conforme  aux  régies  er  aux  principes   que  l'on  a   toujours  fuivi  dans   l'Egli-  ^7  '/'  ^"î". 
fày  qu'on  n'y  poum  faire  aucune  réplique  raifonnable,  C?'  quelle  fixera  irrévocablement  col.  i-  " 
toute  incertitude  fur  tous  les  objets  controverfés  entre  ces  MclTieurs  &  les  Secouriftes. 

En  parlant  ainfi ,  ces  MM.  n'ont-ils  pas  eu  trop  de  confiance  dans  le  créJit  que 
l;ur  réputation  leur  donne  fur  les  efprits  ?  Je  fai  de  bonne  part ,  qu'ayant  communiqué 
cette  Réponfe  déjà  imprimée  à  quelques  Théologiens  de  leur  parti,  ces  Théologiens 
ne  leur  ont  point  dilllmulé ,  que  M.  Poncet  alloit  trop  loin  dans  plufieurs  de  fes  "Pro- 
pofitions,  notamment  dans  celle  par  laquelle  il  veut  totalement  annéantir  l'utilité  de  la 
Phyfique  par  rapport  au  difcernement  des  vrais  Miracles  d'avec  les  illufions  de  l'Cf- 
prit  de  menfonge,  Ils  leur  ont  obfervé,  que  c'eft  finguliérement  par  la  Phyfique, 
qu'on  fe  convainc  le  plus  fouvent  loi-meme ,  &  qu'on  eft  en  état  de  démontrer  aux 
aux  autres,  que  des  Miracles  font  inconteftablement  Divins  par  leur  nature  &  leur 
fubftance  ;  &  ils  leur  ont  fort  confeillé  de  réformer  cet  article  de  leur  Réponfe. 

Cependant  ces  MM.  quoiqu'ils  aient  fait  un  grand  nombre  de  Cartons  pour  corri<^er      xill 
l'Ouvrage  de  M.  Poncet ,  n'ont  pu  fe  refoudre  à  en  faire  un  à  cet  égard  :  8c  fe   flat-     L'-niditim 
tant  que  leur  ton  décifif  &  l'exceffive  Autorité  qu'ils  s'arrogent ,  en  Impoferoit  à  tout  VErJu^c 
le  monde,  ils  ont  voulu  obftinément  laiifer  fubfifter  en  entier  la  page  55.  de  cette  Ré-  '^  •■<'-ponfe 
ponfe,   qui  outre  cette  fauffe  Propofition,  en  contient  encore  plufieurs  autres  très  dan-  Amifecour. 
gereufes,  contre  l'imprellion  que  doit  faire  le  furnaturel  éminent  des  Miracles  Divins.    P°"f^'^  P-^gs 

Au  lieu  de  changer  ces  Propofitions ,  ils  fe  font  contentes  de  faire  une  petite  Addi-  d'être  Ça&- 
tion  à  cette  page  dans  Y  Errata:  &  même  ea  tète  de  cette  Addition,  il  leur  a  plû   de  mnccuera 
commencer  par  déclarer  au  Public,  qu'ils  approuvoient  toutes  les  Propofitions  de  M.  ""iqueies 
Poncet  &  même  toutes  les  conféquences  qu'il  veut  qu'on  en  tire,   contre  une  des  prin-  iionsdèVctrc 
cipales  preuves   qui  fert  à  faire  connoitre  qu'un  Miracle  eft  l'ouvriçe  de  Dieu.  Réponfe 


cipales  preuves   qui 

C( 
l'ont 


:s  MM.  pour  ne  rien  perdre  par  cette  Addition  du  fruit   de  ces  Propofitions,  liië 'de  là'"' 
placée  à  la  fuite  de  h  phrafe  où  M.  Poncet  dit  qu'il  »' efi  pas  neccjfaire  pour  rui-  i'^l^'T^'.. 
fter  les  raifonnemens  dont  je  me  fers  afit  de  borner  le  pouvoir  du  démon  . . . ,  de  fa'-.re  l'ap-  de  (faire, 
pliration  du  merveilleux  proJige   de  la  produtlion  aes  grenouilles ,  aux  guénfons  Mira- co"c'un- '"" 
culeufes  dont  j'zi  fait  mention  dans  mon  fécond  Tome:   &  ils   commencent   leur   Addi- "■^"^'^'j^ 
tien  oar  dire,  qu'à  la  fin  de  cette  phrafe  il  faut  ajouter,  que  cette  application  fefait  d'el-  ptei4°e"a°um 

le-même.  da:)gercufe 

Ainli  félon  ces  MM.  voilà  donc  tontes  les  preuves phyfiques  par  lefquelles  j'ai  invinci-  qu'i^is'au" 
blement  démontré  le  furnaturel  Divin  de  toutes  les  guérifons  Miraculeufes  rapportérs  tant  ™'f"j/'^ 
dans  mon  premier  que  dans  mon  fécond  Tome(i. Edition:)  voilà ,  dis-je ,  toutes  ces  preuves    Repoiife, 
annéanties  par  le  prodige  ima'Unaire  &  la  prétendue  production  fubite  des  grenouilles j   Kit3u'''" 
voilà  toute  la  Phyfique  renverfée  &  devenue,  malgré  le  fentiment  unanime  . des -Pcres 'M'age  55-. 
de  l'Eglife,   une  faujfe  voie  pour  difiinguer  les  Aliracles  Divins  des  prefiiges  du  démon,        ReDonVc.^''' 

Il  eft  vrai  que  les  Théologiens   Antifecouriftes  ont  voulu  en  même  tems  calmer  un    '^^ponie, 
peu  la  révolte  qu'une  telle  Propofition  ne  peut  manquer  de  caufer  dans  le  cœur  de    "  **'  ^^" 
tous  ceux  qui  ont  un   vrai  refpefl  pour  les  Miracles.    Car  il  y  a  tout  lieu  de  croire 
que  c'eft  ce  q'ii  les  a  engagés  à  mettre  dais  leur  Errata,  à  la  fuite  des  mots  que  j'en 
viens  de  rapporter  :   „  Ce  n'eft  pas  qu'il  n'y  ait  des  effets  dont  on  ne  puille  dire  avec 

K  a  „aflu- 


SUR  L'AUT 

DES  um. 


7«  VTiLiTrDLLA     ?  H  T  S  I  QJD  E 

DisstRT.  ^^  anTurance,  qu'ils  fiirpaffent  le  pouvoir  du  dcmon ,  par  cette  raifon  qu'ils  font  au  def- 
„  fus  de  celui  de  toutes  les  caufes  fécondes.  Mais  quand  cela  arrive ,  ce  n'eft  point  par 
,,  des  raifonnemens  tirés  d'une  Phyfiquc  tort  recherchée,  qu'on  en  eft  affurc.  Ceux  qui 
„  n'ont  aucune  connoifTance  de  cette  fcience,  font  en  état  d'en  juger,  comme  les  meil- 
„  leurs  Phyficiens,  par  la  grandeur  de  l'effet  opéré  qui  furpaffc  vilîblement  toute  au- 
j,  tre  puiflance  que  celle  du  Créateur.  " 

Mais  combien  un  aulTi  foible  corredif  eft-il  peu  capable  de  remédier  aux  impreiTions 
pernicieufes ,  que  les  Propofitions  de  M.  Poncet  peuvent  faire  dans  l'ame  de  la  multi- 
tude de  ceux  qui  ne  cherchent  que  des  prétextes  pour  méconnoitre  la  voix  Miraculeu- 
fe  que  Dieu  fait  entendre  aujourd'hui  parmi  nous.  Ce  petit  correctif  eft  même  d'au- 
tant plus  infuffifant ,  que  bien  loin  de  fupprimer  le  venin  de  toutes  ces  Propofitions ,  il 
en  contient  encore  une  nouvelle  prefque  aufll  dangereufe  que  celle  que  ces  MM.  au- 
roicnt  Jû  corriger. 

En  effet  il  réfulte  clairement  des  termes  de  cette  Addition ,  que  toute  U  conmijfance 
que  peut  donner  une  Phyjique  recherchée^  eft  inutile  pour  difcemer  fi  une  guérifonMi- 
raculeufe  eft  an  dcjfus  du  pouvoir  de  tomes  les  ca/t/cs  fécondes ,  &  que  ceux  qui  n'ont  au- 
cune connoijfance  de  cette  fcience  font  en  état  d'en  juger  comme  les  meilleurs  Phj/fciens  : 
c'eft  à  dire,  que  félon  ces  MM.  il  faut  réduire  toute  h  Phyfique  à  la  fimple  connoif- 
fance  qu'en  ont  tous  les  hommes ,  &  qu'elle  n'eft  propre  qu'à  difcerner  les  Miracles 
qui  font  fi  éclatrans,  comme  des  léfurreftions  par  exemple,  que  les  plus  ignorans  ont 
affez  de  pénétration  naturelle  pour  décider  fans  aucuu  doute  que  ces  Miracles  font 
Divins. 

Mais  le  Seigneur  ne  fait-il  donc  que  des  Miracles  de  cette  efpcce?  De  tels  Miracles 
ne  font-ils  pas  au  contraire  un  peu  rares  ;  8c  doit-on  néglii^er  des  moyens  qu'il  nous 
donne  pour  reconnoître  quand  c'eft  lui-même  qui  nous  parle  ? 

Il  eft  vrai  qu'il  a  mis  quelque  connoiflance  de  la  Phyfique  dans  l'efprit  de  toutes  les 
créatures  raifonnables ;  mais  dans  la  plupart  du  commun  des  hommes,  cette  connoiifan- 
ce  eft  très  bornée.  On  peut  même  dire  que  c'eft  moins  en  éclairant  leurs  efprits  par 
des  lumières  bien  diftinftes ,  qu'en  formant  un  fentiment  de  convidion  dans  leur  cœur, 
qu'elle  leur  fait  impreiTion  :  &  fi  cela  leur  fuffit  affez  fouvent  pour  leur  perfuader  plei- 
nement qu'un  Miracle  eft  l'œuvre  de  Dieu ,  cela  n'eft  prefque  jamais  futSfant  pour  les 
rendre  capables  d'en  convaincre  par  des  raifons  fans  réplique  ceux  que  leurs  préjugés 
aveuglent.  Au  lieu  qu'une  Phyfique  favante,  qui  a  profité  de  toutes  les  recherches, 
de  to -.tes  les  expériences,  de  toutes  les  découvertes,  qui  ont  été  faites  dans  tous  les 
{iécles,  de  toutes  les  connoifTances  infaillibles  qui  ont  été  données  par  les  diflections& 
les  démonftrations  anatomiques ,  comme  de  toutes  les  judicieufes  réflexions  qui  ont  été 
le  fruit  précieux  de  ces  recherches,  de  ces  expériences,  de  ces  démonftrations;  met 
ceux  qui  la  pofTédent  en  état  de  difcerner  d'une  manière  claire  l'opération  furnaturelle 
du  Tout-puifTant  dans  les  guérifons  vraiment  Miraculeufes ,  &  de  démontrer  aux  plus 
incrédules,  qu'ils  ne  peuvent  refufer  de  croire  ces  Miracles,  ni  de  les  regarder  comme 
Divins ,  fans  fe  révolter  contre  des  preuves  décifives  auxquelles  ils  n'ont  rien  à  répon- 
dre. Or  doit-on  tâcher  d'éiouffer ,  doit-on  s'efforcer  d'éteindre  des  lumières  fi  im- 
portantes pour  le  falut ,  puisqu'elles  font  très  utiles  pour  faire  reconnoitic  la  voix  de 
Dieu,  &  pour  manifl-fter  h  tous  les  hommes  la  grandeur  de  fes  œuvres?  Et  faut-il au- 
jourl'hui  ravir  i  l'Eglifc  un  fecours  dont  elle  a  tiré  dans  tous  les  tems  de  Ci  précieux 
avantages  ? 

En  effet  n'eft-cc  pas  par  des  raifonncmens  phyfiqucs  que  les  SS.  Pérès  &  lc'>plus  célè- 
bres Dovfteurs  ont  prouvé  aux  Montaniftcs,  aux  Donatiftcs  &  autrrs  Hérétiques,  que 
les  prétendues  merveilles  c!ont  ils  fe  vantoieni ,  n'étoicnt  que  de  vains  preftiges  qui 
l'avoicnt  aucune  réalité ,  au  lieu  que  les  guérifons  Miraculeufes  qui  ont  toujours  étc 

l'appa- 


PAR     RAPPORT    AV  X    M  I  R  A  C  L  E  S ,   &€,         77 

l'appannge  diftindif  de  la  feule  véritable  Religion,  étoient  des  Merveilles  réelles,  bien-   Dissert. 
faifantes ,  &  évidemment  fupéricures  au  pouvoir  jft  tous  les  démons.  surl-aut. 

Enfin,  lorsque  les   Papes   &   les  Evéques  ont  fait  des   Informations  de  Miracles,''^'  "'"■ 
n'eft-ce  pas  lînguliérement    par  les  connoiflances  que  fournit  une  favante  Phyfique 
qu'ils  fe  font  le  plu>  fouvent  déterminés  à  décider,  qu'une  guérifon  avoir  été  opérée 
d'une  manière  qui  fiarpaffoit  les  forces  de  toutes  ks  caufes  fécondes,  &  conféquem- 
ment  qu'elle  étoit  un  véritable  Miracle. 

Je  puis  donc  dire  avec  vérité,  que  les  SS.  Pérès,  les  plus  célèbres  Doéieurs ,  les 
Papes ,  les  Evéques  &:  même  l'Eglife  entière  réclament  contre  h  Propofition  de  \Er~ 
uaM,  qu'on  nous  donne  néanmoins  Comme  un  bon  corredif  à  d'autres  Propofitions  en- 
core plus  mauvaifes  &  plus  erronées. 

Je  ne  répondrai  point  ici  aux  prétendus  miracles  des  Vaillantiftes  que  le  Deffenfeur     Xiy. 
des  Théologiens  Antifecouriftes  a  le  front  de  donner  pour  des  faits  très  merveilleux  '^ . .  ^  ^  "  miracle* 
avoués  or  reconnus  comme  certains  par  les  Scconrijies  eux-mêmes.  <i<;s  Vaiiiao- 

II  eft  d'autant  plus  étonnant  qu'il  ait  fait  cette  afTertion,  qu'il  n'ignore  pas  que  dès  qurd«im- 
les  premiers  tems  que  Frère  Amable  ,    Martine  &  Manon  publièrent  ces  faux  miracles,  poiut"  & 

:_:i  Ji  jr.^o  •  ivi^  ■  des  guérirons 

je  pris  la  peine  de  les  examiner  de  iort  pies,  &   que  je  prouvai  des  lors  à  ceux  qui  purememn». 
étoient  de  bonne  foi  dans  l'iUufion  du  Vaillantifme ,  qu'on  ks  trompoit  par  des  artifices  ^"'5"«"'*- 
&  des  menfonges,  &  qu'il  n'y  avoit  pas.  même  la  moindre  apparence  de  furnaturel  dans  Mi>acics  par 
aucune  des  guèiifons  qu'on  leur  difoit  être  furnatiirelles.  g"  menfon- 

Mais  comme  ks  Théologiens  Antifecouriftes  &  leur  Deffenfeur  ne  fe  font  principale-  *  Rdponfe, 
ment  fervis  de  ces  Miracles  apocriphes ,  que  pour  tacher  de  répandre  un  nuage  d'incer-  *"''•  p-  î+- 
titude  fur  les  guérifons  éminemment  Miraculeufes  qu'il  a  plu  au  Souverain  Maître  de  la 
nature  d'exécuter  par  des  Secours  auflî  merveilleux  que  terribles  ;  &  que  ces  MM.  ont 
même  ofè  dire,  que  les  miracles  des  f^aillaniifies  font  aujjl grands  que  ceux  qui  ont  été  "'''''  P'^^' 
opérés  par  ces  Secours,  je  remets  à  démontrer  à  la  fin  de  mon  Troifième  Tome,  la 
fauiïeté  manifefîe  &  notoire  de  ceux  que  ces  MM.  m'oppofent ,  après  que  j'aurai  prou- 
vé la  vérité  &  le  furnaturel  évidemment  Divin  de   ceux  dont  d'eflVayans  Secours  ont 
€té  comme  le  canal. 

En  attendant  j'annoncerai  feulement  par  avance  à  M.  Poncet  ,  que  le  faint  Prêtre  qui 
eft  l'unique  Témoin  qu'il  ait  cité  par  rapport  à  ces  ftux  miracles ,  Se  qu'il  dit  lui-même 
ktri  un  honnête  homme  qui  a  de  l'efprit  &  du  mérite,  m'a  écrit  une  grande  Lettre  où,  Ibid.p.  Jj. 
prelfé  par  fa  confcience  de  defavouer  tous  les  principaux  faits  que  M.  Poncet  prétend 
avoir  appris  de  lui ,  il  en  certifie  le  contraire  en  préfence  ,  dit-il  ,  de  Dieu  même,  & 
svec  une  vnïc  douleur  de  fe  voir  forcé ,  pour  n'être  pas  un  faux  témoin,  de  démentir 
M.  Poncet ,  à  qui  il  avoue  avoir  de  grandes  obligations. 

Au  furplus  je  m'engage  envers  le  Leéleur  de  lui  donner  encore  d'autres  preuves  fi 
décifives,  fi  inconteftables,  fi  claires  &  li  frappantes,  que  tous  ces  prétendus  miracles' 
des  Vaillantiftes  n'ont  été  que  des  guérifons  naturelles ,  dèguifées  en  Miracles  par  les 
artifices  de  Frère  Amable  ,  Martine  &  Manon  ,  que  ks  Théologiens  Antifecouriftes 
n'auront  rien  à  me  répliquer  ,  &  qu'il  en  leur  en  reftera  que  le  regret  d'avoir  répandu 
dans  le  Public  &  appuyé  de  leur  Autorité  des  impoftures  &  des  reenfonges. 

Mais  comme  ces  MM.  qui  fe  donnent  pour  les  Théologiens  les  plus  attachés  a  l'Appel  Ibid.  p. ç6. 
&  aux  Afiraclcs  ,  &  même  qui  fe  flattent  que  Dieu  ne  trouvera  rien  a  redire  en  eux  du^^^i-e-  '37- 
cote  de  la  fidélité  a  deme-^rer  fermes  dans  la  dejfenfe  de  la  Caufe  dont  il  les  a  chargés ,  ont 
ils  donc  pu  fe  déterminer,  dans  le  déGr  débranler  la  Dècifion  des  Miracles  évidem- 
ment Divins  opérés  par  le  moyen  des  grands  Secours  ,  à  emprunter  ainfi  les  merveilles 
imaginaires  des  Vaillantiftes  ,  &  à  fe  rendre  garants  envers  le  Public  de  leurs  faux  mi- 
racles ,  forgés  par  les  artifices  &  les  menteries  des  prédicans  de  cette  S  ede  ?  Comment 
n'ont-ils  pas  apperçu  ,    que  c'étoit  porter  un  coup  terrible  à  l'Autorité  de  tous  ks 

K  î  Mi- 


78  "J  T  I  L  I  T  E'     DE     LA     V  H  T  S  I  O^V  E 

Dissert.  Miracles  faits  en  bveur  de  l'Appel  ;  que  de  vouloir  peifuîder  qu'il  s'eft  opéré  enjtgne 
surl'aut.    ^^  _^y_  ^'■^i-liiut  cj}  le  Prophète  Elie*de    merveilleiifes  guérifons  auiÏÏ   incoiteflabkment 
D£s  M.a.     ]^jipjj-y]ci,ies^  par  exemple  ,  que  la  création  des  jimbes   de   Charlotte  la   Porte,  &:  la 
""•P-  ?■♦•  réformation  de  prefque  tous  les  os  contrefaits  de  Marguerite  Catherine  Turpin. 
XV.  On  trouve  tant  de  faulTes  Propolltions  contraires  à  l'Autorité  Divine  des  Miracles 

coVde"jan.u'is  dans  11  Réponfc  de  ces  MM.  à  mon  fécond  Tome  ,  qu'ils  femble.it  avoir  oub  ié  pres- 
luxdcmops  que  toutes  les  inftrucèions  qu'ils  nous  ont  autrefois  donnés  eux-mém.s  fur  ce  fujet, 
"xtraotd°nii-  Conformément  aux  principes  qu'ils  avoient  puifés  dans  les  Eciits  des  faints  Pérès  &  les 
ic  pour  ftitc  Divines  Ecritures.     On  diroit  à  les  entendre  ,    qu'ils  ne  favent  plus  autour  i'hui  ,  que 

c;  véritables  ,        ,,  „  .         ,,  .  '•  ■       r  ■         i  •■^^■l 

Miracles.      les  demons  &  même  les  bons  Anges ,  ne   peuvent  jamais   hire  de  vrais   Miracles  :  que 
Dieu  s'eft  réfervé  privativement  ce  merveilleux  pouvoir:  &  que  lui  f;ul  peut  être  l'Au- 
teur de  toutes  les  guérifons  Miraculeufes  ,    qui  par  leur  nature  ou  par  la  manière  dont 
elles  font  opérées,  font  fupérieures  a  l'ordre  qu'il  a  étibli:  toutes  Vérités  que  S. Tho- 
ç         ç  mas  fi  fouvent  cité  par  ces  MM.  décile  très  expreffément ,  aulTi   bien  que  les  autres 
Th  m.  t. p.' Pérès:  Miraculum  cjl ,  cjHod fit  fréter  ordinem  totius  naturtt  creata.    Hoc  non  po'ejl  facere 
Q.:.xlt.iic.    „;jl  Dctts  :  quia  cjuidejuid  facit  Angélus ,  "jel  i^uttcunque  alla  creatura  ^  hoc  fit  fecuaditm  or- 
dinem  n.ttura  créât le ,  (sr  fie  non  efi  miruculum. 

Il  paroît  que  M.  Poncet  veut  infinuer  au  contraire,  que  Dieu  donne  quelquefois 
aux  Anges  Apoftats  un  pouvoir  extraordinaire  pour  faire  de  vrais  Miracles.  AulTi  quand 
cet  Auteur  parle  des  effets  qui  fur?a(rent  évidemment  tout  le  pouvoir  des  démons,  il 
affêfte  en  plufieurs  endroits  de  fa  Reponfe  ^  de  dire  que  ces  effits  pâffent  leur /)o«t/o»>  or- 
dinaire. Alais  que  veut-il  donc  nous  faire  entendre  par  ce  terme  ambigu  ,  &  qui  efl  ca- 
pable de  faire  naître  une  très  fauffe  idée  dans  les  efprits  ?  Quoi  !  auroit-il  donc  le  des- 
jéin  de  faire  accroire  aux  fidèles,  que  Dieu  furajoute  quelquefois  au  pouvoir  qu'il  a 
donné  aux  Anges  Apoftats  lors  de  leur  création  ,  un  pouvoir  extraordinaire  ,  un  pou- 
voir tel  que  le  fien,  qui  les  met  en  état  de  s'élever  au  deffus  des  loix  permanentes  qui 
régiffent  la  nature  &  d'opérer  par  ce  moyen  des  Miracles  véritables  ?  Ne  fait-il  pas  au 
contraire  qu'un  tel  pouvoir  ne  peut  jamais  appartenir  à  aucune  créature  par  elle-même; 
&  que  la  voie  d'impétrntion  pour  obtenir  des  Miracles  ne  peut  être  efficacement  em- 
ployée que  par  les  bons  Anges  ,  par  les  Saints  &  par  des  nommes  animés  par  le  don 
furmturel  d'une  foi  qui  n'héfite  point?  Quoi!  voudroit-il  donc  iuppofer ,  que  le 
Dieu  de  toute  Vérité  prête  quelquefois  au  diable  le  fd^eau  qui  caraftérife  &  fait  con- 
noître  fi  voix,  &  qu'il  renvcrfe  les  loix  de  h  nature  à  la  prière  de  ces  Apoflats  qu'il  & 
reprouvés  &  maudits  ?  Enfin  cet  Auteur  a-t-il  donc  oublié,  que  c'eft  un  principe  in- 
conteftable,  que  tout  le  pouvoir  des  démons,  foit  ordinaire  tel  que  celui  de  nous  ten- 
ter, foit  extraordinaire  tel  que  celui  de  faire  des  efpéces  de  prodiges  vifibles,  fe  trouve 
toujours  néceflairement  renfermé  dans  l'aétivité  des  moyeis  phyfiques  qu'ils  peuvent 
mettre  en  œuvre  jufqu'à  un  certain  point  ,  lorfque  Dieu  le  leur  permet  ?  Car  pour  le- 
ver l'équivoque  du  terme  d'extraordinaire  dont  M.  Poncet  paroit  vouloir  abufcr,  il 
fuffit  d'obferver,  que  comme  le  Très-haut  n'acco  de  que  rarement  au  démon  la  per- 
milTion  d'opérer  des  effets  qui  nous  paroiffent  prodigieux  ,  les  Auteurs  Ecclcfiaftiques 
appellent  quelquefois  un  pouvoir  extraordinaire  ,  la  liberté  que  cette  permilTion  lui  don- 
ne, &  que  ce  n'cfi:  qu'en  ce  fens  qu'on  peut  dire  que  les  démons  reçoivent  quelquefois 
un  pouvoir  extraordinaire. 

Aulfi  les  Pérès  de  l'Eglife  nous  ont-ils  donné  pour  maxime  ,  ainfi  que  je  le  prou- 
verai amplement,  que  toMs  les  vrais  Miracles  ,  c'cft  à  dire  lous  ce:ix  qui  font  vérita- 
blement fupérieurs  au  pouvoir  de  toutes  les  cnifes  naturelles  ,  prouvent  toujours  par 
eux  mêmes  ce  qu'ils  atteftent,  parce  qu'ils  font  un  flimbciu  célefte  dcfliné  à  nous  é- 
cliirer  8f  à  refoudre  tous  nos  doutes,  ils  font  la  voix  de  Dieu,  ils  font  un  témoignage 
iufailliblc  que  c'eft  lui-même  qui  nous  parle. 

Voi- 


PAR    RAPPORT  AVX    M  IRACLES,&c.  79 

Voilà  l'idée  que  Jefiis-Chrift , les  Apôtres,  les  SS.  Pérès  &  toute  l'Eglife  nous  ont    Dissert: 
continuellement  donnée  des  vrais  Miracles  :    &  celle  que  Dieu  ne  manque  jamais  d'im-  sukl'aut. 
primer  dans  tous  les  cœurs  remplis  d'une  foi  ferme  ,  fimple  &  fidelle  ,  toutes  les  fois  °^^  ""^' 
qu'il  veut  les  perfuader  de  quelque  Vérité  par  ce  témoignage  Divin. 

Ouvrons  donc  tous  notre  cœur  à  cette  mfluence  célefte,  &  chaflons  de  notre  efprit 
tous  les  préjugés  &  toutes  les  préventions  qui  pourroient  nous  empêcher  de  l'y  re- 
cevoir. 

Les  Théologiens  Antifecourifles  qui  fe  vantent  d'être  les   hommes  vivans  que  Us  fi-  Reponfe.&c. 
déles  doivent  écouter  ,  dr  qui  leur  fervent  de  Maîtres  .  .  .  fow  les  prcfirver  de  la  fe'dHC-^^'^'"    '^^' 
tio»  de  la  fanjfe  Autorité ,  ne  doivent-ils  donc  pas  être  les  premiers  à  leur  donner  l'exem- 
"^le  de  fe  conduire  aujourd'hui  par  la  lumière  des  Miracles? 

Au  lieu  de  s'obftiner  ,   comme  ils  font  ,  à  décrier  les  admirables  Secours  que  Dieu  -.^X-h  . 
autorife   continuellement   par  des  Merveilles  de  toute  efpéce,  &  3  tacher  d'éluder  la  AntUec. au-" 
Décifion  précife  des  guérifons  Miraculeufes  qu'il  a  opérées  par  ce  moyen ,  n'auf^oient-  mieux  faf" 
ils  pas  mieux  fait  d'employer  leurs  talens  à  découvrir  au  Public  l'illuiîon  de  tous  les  d'employer^ 
fubtils  artifices  par  oîi  Dom  la  Tafte  ,    aujourd'hui  M.  de  Bethléem  ,  s'eft  efforcé  de  deffendie"ks 
couvrir  d'épais  nuages  tous  l;s  Miracles  que  Dieu  fait  en  faveur  de  l'Appel.    Pourquoi  ''''^{f^  '^°"- 
ces   MM.  fi   *  attaches  aux  Miracles  ,  n'ont-ils  pas  encore  répondu  à  toutes  les  Let- desLeinescie 
très  de  ce  fameux  Adverfaire  de  la  Vérité  ?   Comment  peuvent-ils  fouffrir  fi  tranquil-  ^ue^^™*. 
lement,  que  fes  Ecrits  pernicieux  répandent  un  poifon  funefte  dans  l' efprit  &  dans  le  cupcr  à  de- 
cœur  de  tous  les  Chrétiens  ?    Ne  devroient-ils  pas  mettre  tout  en  œuvre  avec  un  zélé  '"a^ds'se- 
infatigable  pour  en  préferver  les  fidèles  ?  cours.acom- 

■    Mais,  hel-is!  des  perfonnes  très  bien  inftruites  de  tout  ce  qu'ils  font  ,    me  mandent  racics'que'' 
tout  au  contraire  que  bien  loin  que  ces  MM.  s'occupînt  à  un  travail  fi  utile  ,    &  mê-  D'^"  ^  ^'"^ 
me  fi  néceflaire  aujoard'hui  pour  le  bien  des  âmes  ,  ils  s'amufent  aftuellement  à  déter-  &Vex"geiec 
rer  Jes  faits  dont  ils   veulent  faire  ufage  pour  exagérer  de  plus  en  plus  la  difficulté  ji''''''j^^  I'' 
de  difcemer  les  opérations  de  la  Puiflance  Divine  des  preftiges  de  l'Enfer.  difcemer  les 

C'eft  précifément  ce  qu'a  déjà  tenté  Dom   la  Tafle  dans  fes  Lettres  Théologiques.  je^a^u^jJii,!. 
Eh!  feroit-il  digne  ^e  fi  célèbres  Appellans ,  de  marcher  ainfi  à  la  fuite  d'un  des  plus  ce  Divine, 
grands  ennemis  de  l'Appel  ?  ^  t'vltît" 

O  vous  qui  jufqu'à  ce  jour  avez  defftndu  avec  tant   de  zèle  la  plupart  des  Vérités    .R^Donfe, 
que  Dieu  décide  aujourd'hui  par  des  Miracles,  voudriez-vous  employer  préfentement  ^i:- P- sô". 
vos  recherches  à  donner  aux  fimples  &  aux  petits  de  la  défiance  de  ces  Décifions  Di- 
vines ?    Ne  feroit-ce  pas  rendre  les  Miracles  prefque  inutiles  pour  le  commun  des  fidè- 
les, que  de  leur  infinuer  ,   qu'ils  ne   font  pas  capables  de  difcerner  s'ils  font  l'ouvrage 
du  Très-haut  ou  un  artifice  du  prince  des  ténèbres  ? 

C'eft  fur-tout  pour  les  petits,  pour  les  fimples  &  pour  les  humbles ,  que  Dieu  fait 
des  Miracles;  parce  que  c'eft  un  rayon  tout  cclattant  d'une  lumière  célefte,  qui  fans 
qu'ils  aient  befoin  d'être  favans,  leur  fait  voir  tout  d'un  coup  de  quel  côté  eft  la  Véri- 
té. Mais  fi  c'eft  finguliéremeut  en  leur  faveur  que  Dieu  opère  ces  Merveilles,  il  faut 
par  conféquent  qu'il  y  ait  des  moyens  à  leur  portée  pour  les  diftingucr  des  illufions 
de  Satan. 

Ne  feroit-il  pas  plus  digne  de  votre  charité  de  leur  indiquer  ces  moyens  ,  que  de 
vouloir  leur  faire  accroire  qu'il  n'y  en  a  point  qui  ne  paflent  leur  intelligence  ?  Ne 
vous  conviendroit-il  pas  mieux  d'éclairer  ainfi  les  efprits  &  de  fixer  leur  foi  fur  les 
Miracles,  que  de  les  jetter  au  contraire  dans  des  abîmes  d'incertitudes  &  de  doutes  ? 

Vous  qui  vous  glorifiez  dans  tous  vos  Ecrits  d'avoir  hérité  de  l'efprit  &  d'être  les 
dépofitaires  des  fentimens  de  M.  de  Senez  &  de  M.  de  Montpellier, vous  devez  donc, 
bien  loin  de  foutenir  qu'il  faut  être  un  habile  Théolopien  pour  pouvoir  faire  le  difcer- 
nement  des  œuvres  meryeilleufes  de  la  mifcricordc  Divine  d'avec  les  artifices  du  dc^ 

mon. 


8a  V  T  I  L  I  T  F     DE     LA    P  H  Y  S  I  O^'D  E 

Dissert. mon,  VOUS  devez,  dis-je,  en  fmvant  les  traces  du  Saint  Evêque  de  Senez,  faire  ob- 
«uR  l'aut.  j-g|.^,çj.  ^  jQm-  le  monde  ,    que  c'ejl  an  Jîmplc  peuple  ejne  yefus-Chrifl  a  dit  :    PourejHoi  ne 
DES  Ml  A.   j^gf^,^g„;  ^as ,  en  voyant  mes  œuvres  ?    Vous  devez  publier  ùir  les  toits  avec    ce  fii::t 
fur'îcsVr-'''  Prclat,  que  Jefus-Chrifl  a  tout  rappelle  a  ce  fe miment  gravé  dans  Pefprit  de  tous  les  hom- 
icuis.n.  i4-   mes  ,  que  les  Aiiracles  prouvent  par  eux-mêmes  cr  par  leur  propre  évidence.     Vous  devez 
vous  écrier  avec  lui  j  que  la  vue  du  fait  çj-  de  fes  circonflances  fufft  à  une  droite  raifon  ^ 
k  un  cœur  Jimple  cr  chrétien,  pour  s'ajfurer  des  œuvres  de  Dieu;  &  qu'il  les  faut  croi- 
re avec  la  même  /implicite  (^  la  même  droiture  que  nos  pères. 
Oeuvres  de      Vous  devez  convenir  avec  le  grand  Evéque  de  Montpellier  ,,  que  de  tous  les  mo- 
Tom*'lV  pp  j>  y^"5  fenfibles  que  Dieu  emploie  pour  inftruire  les  (impies  ,    il  n'y  en  a   point  qui 
»5-  &  15.     „  foit  plus  à  leur  portée  que  les  Miracles:  fque)  pour  (avoir  s'ils  (ont  véritables,  il 
„  ne  faut  avoir  que  des  yeux  :  (que)  de  fimples  fidèles  font  quelquefois   plus  dair- 
„  voyans  dans  les  œuvres  de  Dieu,  que  des  perfonncs  élevées  dans  le  plus  haut  rang  de 
„  l'Eglife;   "  &  que  les  chofes  de  Dieu,  dit  le  Pçre  Quefnel ,  font  plus  d' imprejfion  fur 
R^fl.  mot.  le  cœur  du  peuple  peu  éclairé ,  que  fur  les  Doreurs  enflés  de  leur  fcietice. 
""  Voulez-vous  donc  ,  en  vous  écartant  des  principes  que  fuivoient  ces  intrépides  Def- 

fenfeurs  de  toute  Vérité  ,    couvrir  de  ténèbres  l'autorité  des  Miracles  ,   &  la  voiler 
d'incertitudes  ?   Voulez-vous   édipfer  la   lumière  qu'ils  ont  répandue  dans  l'efprit  du 
peuple  ,    &  lui  faire  croire  qu'il  ne  doit  point  fe  prelfer  d'y  prendre  une  entière  con- 
fiance, jufqu'à  ce  qu'il  vous  ait  confultés  ?    Ne  penfez-vous  pas  qu'en  diminuant  ain(î 
l'idée  de  la  prompte  foumiffion  qui  eft  due  à  la  Dècillon  des  Miracles  ,    vous   four- 
niffez  des  armes  pour  les  combattre  aux  ennemis  de  votre  Appel  ?    Si  la  vue  des  Mira- 
cles ne  doit  pas  (uffire  pour  déterminer  le  commun  du  peuple  par  leur  propre  éviden- 
ce ,  fi  c'eft  l'Autorité  qui   doit  toujours  en  décider ,  celle  du  Pape  &  des  Evéques 
Conftitutionnaires  n'eft-elle  pas  bien  plus  grande  que  la  vôtre  \    Dans  quels  précipices 
ne  jettez-vous  pas  les  âmes  fimples  par  vos  dangereufes  maximes  ?    Comment  ne  crai- 
gnez-vous  point  en  appuyant  ainfi  de  toutes  vos  forces  la  plus  féduifante  objection 
que  font  les  ContradiÀeurs  de  la  Vérité  ,   d'aider  vous-mêmes  à  renverfer  l'appui  que 
Dieu  donne  à  votre  Appel  ,    en  l'autorifant  vifibleaent  par  des  Merveilles  fans  nom- 
bre ?  Voulez-vous  donc  facrifier  la  force  invincible  des  Miracles  ,    au  foible  appas  de 
trouver  par  là  le  moyen  de  vous  deffendre  contre  ceux  que  le  Tout-puiflant  à  exécu- 
té par  la  violence  des  Secours  ?  Eh  !  comment  ne  voyez-vous  pas ,  que  c'eft  avouer 
tacitement  vous-mêmes  que  la  Caufe  que  je  foutiens  eft  celle  de  Dieu  ,    puifque  vous 
ne  pouvez  vous  fouftraire  aux  conféquences  que  j'ai  tirées  de  ces  Miracles ,    qu'en  tâ- 
chant de  renverfer  leur  Autorité  ? 
X.VII.         Ces  MM.  n'ont  pas  apparemment  prévu  tout  l'ulage  pernicieux  qu'on  feroit  contre 
tjpi'èsd«Th.  l'Autorité  des  Miracles,  des  principes  bazardés  fur  ce  iiijet  dans  leur  Réponfe.    Helas  ! 
Antiiic  le    non  feulement  les  Conftitutionnaires  en  triomphent ,  pour  décrier  nos  Miracles ,  &  les 
ftuxptinci-  attribuer  à  Satan  ;    mais  même  plufieurs  difciples  de  ces  MM.  en  fe  fondant  fur  ces 
dlns'ia'R*^/-*  '^^"'^^''  maximcs ,  répandent  aujourd'hui  de  routes  parts  ,  qu'il  n'y  a  prefque  point  de 
ponicdcecs   guérifon,  quelque  merveilleufe  qu'elle  p3roi(rc  ,   qui  ne  puilfc  être  opérée  par  les  dé- 
liiet'dt'sco»"  mons  :  que  comme  Dieu  leur  accorde  quelquefois  un  pouvoir  extraordinaire ,   ce  n'eft 
féqucncej     prefque  jamais  que   par  les  circonftances  ,    Se  non  par   la  nature  même  des  Miracles, 
cieu^î?''     qu'on  peut  juger,  qui,  de  Dieu  ou  du  diabk  ,  en  eft  l'auteur  :  que  ce  difcernemcnt 
étant  fouvent  fort  difficile,  les  fimples  fidèles  ne  doivent  point  s'arroger  le  drort  d'en 
décider,  &  qu'avant  de  s'abandonner  à  l'imprcllion  que  les  Miracles  leur  font  ,    il  eft 
pour  eux  d'un  devoir  indif'penfable  d.'  confuker  les  Théologiens  Antifccouriftcs,  ^'  de 
ne  fe  déterminer  que  par  leur  avis ,  attendu  que   ces  Théologiens   (difcnt  leurs  difci- 
ples) font  fubftituès  à  la  place  des  Evêques  Chefs  de  de  l'Appel  ;    que  la  ligne  de  lu- 
«icrc  qui  ccUiroit  ces  grands  Prélats  ,  s'eft  concentrée  fur  la  tête  de  ces  MM.  &  que 

ce 


T  A  R     RAVfORTAVX    M  I  R  A  C  L  E  S ,  &c.         8i 

ce  n'eft  que  par  leur  canal  qu'on  peut  en  recevoir  quelque  rayon.  Di^sEnr. 

A  cjuoi  ils  ajoutent  ,   que  quand  même  les  Miracles  leroiem  inconteftablement  Di-^"'*"'^"'''- 
vins ,  ce  flambeau  célefte  peut  néanmoins  nous  égarer-,  parce  qu'il  efl  quelquefois  très  ""^^  ''""' 
difficile  de  difcerner  à  quelle  intention  Dieu  les  a  opérés  ,  &  qu'ils  peuvent  être  une 
épretive  pour  mus  apprendre  que  quelque  prodige  qui  arrive  (^  er.  quelque  cas  que   ce  fiit ,  du^ii.  ]3nv'. 
MOUS  devons  mus  tenir  inviolablemetit  attachés  aux  régies.  1741.  n.X. 

Le  Nouvellifte  ayant  employé  lui-même  cette  faufTe  Propofition  pour  repondre  aux 
Miracles  éclattans  que  Dieu  a  opérés  par  le  moyen  des  plus  étonnans  Secours  ,  je  re- 
mets à  la  combattre  ,  lorfque  je  rendrai  compte  de  ces  Miracles  dans  la  I.  Propofi- 
tion de  mon  TroifiémeTome;  &  je  m'attacherai  uniquement  ici  à  réfuter  ce  qu'il  y  a 
de  plus  dangereux  dans  les  faufles  manières  par  lesquelles  les  difciples  des  Théolo- 
giens Antifecouriftes  attribuent  préfentement  au  démon  un  pouvoir  prefque  fans  bornes. 

Je  m'y  porte  avec  d'autant  plus  de  zèle ,  que  cette  pernicieufe  fuppofition  eft  préci- 
fement  celle  dont  les  Conftitutionnaires  les  plus  outrés  fe  font  fervis ,  pour  tâcher  de 
fe  fouftraire  à  l'induftion  foudroyante  qui  réful^e  contre  eux  des  Miracles  que  Dieu 
fait  à  l'intereiTion  de  M.  de  Paris  &  autres  Appellans. 

Pour  s'en  deffendre ,  ils  fe  font  vus  comme  forcés  de  fuppofer ,  ainfi  que  font  aujour- 
d'hui plufieurs  difciples  des  Théologiens  Antifecouriftes,  qu'il  n'y  a  prefque  point  de 
Miracles  que  le  démon  ne  puifle  faire  ,  &  que  Dieu  lui  en  accorde  quelquefois  la  per- 
miffion.  D'oii  ils  ont  conclu  qu'y  ayant  prefque  toujours  du  doute  ,  fi  les  guérifons 
qui  paroiflent  les  plus  merveilleufes  ,  font  un  trait  de  lumière  qui  part  du  Ciel  ,  ou 
une  féduftion  diabolique  qui  fort  de  l'Enfer  ,  ce  n'eft  qu'aux  Êvêques  qu'il  appar- 
tient de  le  décider  ,  &  que  le  commun  des  fidèles  doivent  ,  avant  que  de  regarder  un 
Miracle  comme  Divin  ,  attendre  qu'il  ait  été  reconnu  pour  tel  par  ces  Chefs  de  l'E- 
glife.  Or,  ajoutent-ils,  le  très  grand  nombre  des  Evêques  ,  bien  loin  de  reconnoi- 
tre  pour  Divins  les  Miracles  qui  tendent  à  autorifer  l'Appel  ,  déclarent  au  contraire 
qu'ils  les  réprouvent ,  &  par  conféquent  on  ne  doit  pas  balancer  à  les  attribuer  à  l'ef- 
prit  pervers. 

Il  eft  bien  digne  de  remarque,  que  ce  n'eft  que  malgré  eux  que  les  plus  furieux 
Conftitutionnaires  en  font  venus  à  foutenir  ce  qu'il  y  a  de  plus  pernicieux  dans  cette 
Propofition.  La  plupart  ont  d'abord  fenti  ,  comme  le  refte  des  fidèles  ,  que  d'égaler 
ainfi  en  quelque  forte  (quand  même  ce  ne  feroit  que  par  rapport  à  l'apparence)  les  ar- 
tifices de  l'Enfer  avec  les  Merveilles  de  la  Toute-puiflance  Divine  ,  c'eft  énerver  & 
rendre  fufpedes  d'ilkifion  les  preuves  les  plus  fenfibles  que  Dieu  nous  a  donné  des  Vé- 
rités qu'il  veut  que  nous  croyon?;  &  que  de  jetter  un  fi  grand  nuage  fur  l'Autorité 
qui  appartient  aux  Miracles  &  fur  la  confiance  qu'on  y  doit  prendre ,  c'eft  avilir  des 
oeuvres  que  Dieu  même  déclare  être  fon  Témoignage ,  c'eft  s'efforcer  de  couvrir  de  té- 
nèbres la  lumière  qu'il  a  tant  de  fois  répandue  fur  la  terre  par  ce  moyen,  c'eft  l'atta- 
quer lui-même  dans  les  ouvrages  de  fa  Toute-puiflance  &  de  fa  Bonté  ;  &  qu'ainfi 
l'on  peut  dire,  que  c'eft  un  attentat  de  Leze-Majefté  Divine. 

Aufti  n'y  a-t-il  guères  de  crimes  que  Dieu  ait  puni  plus  févèrement,  que  celui 
d'attribuer  fes  œuvres  au  démon.    L'Evangile  nous  apprend  qui  c'eft  précifément  ce 
crime  qui  a  rendu  fi  coupables  les  habitans  de  Corofaïm  ,    de  Betfaïde  &:  de  Caphar- 
naùm.   Jefus-Chrift   leur  déclare  que  ce  qui  a  confommé  leur  réprobation ,  c'eft  de  Matt.xr.io. 
n'avoir  point  crû  aux  Miracles  qui  ont  été  faits  au  milieu  d'eux,  c'eft  d'avoir  préféré  à  ^  *"'*■ 
leur  lumière  &  à  leur  Autorité  Divine ,  le  fentiment  des  Princes  des  Prêtres ,  des  Pha- 
rifiens  &  des  Dofteurs,  qui  oférent   décider  que  Jefus-Chrift  n'opéroit  ces  Merveil- 
les que  par  la  vertu  de  Beelz^ebut  Prince  des  démons.    Voilà  pourquoi  h  plupart  des  Ibid.xrr.14. 
habitans  de  ces  villes  feront   traités  au  jour  du  jugement  plus  rigoureufcment  que  So-  rbid.XI.14 
domc. 

Dijfert.  Tom.  II,  L  Plu- 


V  T  I  L  I  T  r     DE     LA     P  HY  S  I  O  V  E 


La  Prcpci'i  non  feulement  tous  les  Appclhns  ,  mais  même  tous  les  Conftitutionnaiies  qui  o.voient 
a  prcTuc"'  '^O"'^'"^^  "^^ns  leur  cœur  quelque  amour  pour  la  Religion.  Fntre  autres  M.  Thierry, 
point  de  Mi- quoique  Grnnd-Vicaire  de  M.  l'Archevêque  de  Paris  ,  &  Profefleur  de  la  Sorbonne 
"e'inon''nc '^  aujourd'hui  livréc  à  la  Bulle  ,  ne  s'en  crut  pas  moins  obligé  de  dider  à  fes  Ecoliers  la 
puin"cpp«:e, réfutation  d'une  erreur  fi  dangereufe;  &  il  obferva  entre  autres  dans  fes  cahiers,  qu'«» 
voli'e'Jùr  "' y*"f  &  qu'un  Paye»,  e»  fuivant  ce  Sijlème  ,  auroit  pu  dire  que  les  Jllirac/es  attribi/és  à 
qu'juxCon-  yefns-ChriJi  avoient  été  opérés  par  le  démon  ,  pour  faire  adorer  comme  Dicn  celui  qni  ne 
les.  l'étoit  pas. 

du°î!'j'an"'      ^'  paroîc  même  que  M.  l'Evêque  de  Bethléem  a  de  tems  en  tems  étc  lui-même  ef- 
«734.  fraye'  des  confe'quer.ces  qui  refultent  d'une  Propofition  fî  pemicicufe. 

En  effet  quoiqu'il  prenne  à  tâche  de  la  prouver  par  tous  les  faux  contes  qu'il  deT^i- 
te,  ne'anmoins   fes   remords  le  forcent  quelquefois  d'en  avancer  de  toutes  contraires. 
J'ai  déjà  rapporté  par  exemple  ,  qu'il  déclare  dans  fes  deniiéres  Lettres  ,   qu'il  n  a  ja- 
Lcrt  Thdol.  ""^'^  ^"  "'  p<^"fé ,c\\ic  les  A7iracles  Divins  ne  peuvent  que  rarement  être  dijccrnés  des  dia- 
de  [y.  iiTi\-  Coliques   .   .  .   8c  qu  il   cfl  pleinement  convaincu,    qu'il  y  a  bien  des  fines  de  merveilles 
«■  f-H$-     évidemment  fupéricures  a  tout  pouvoir  créé.  .  .    Il  avoue  même  expreffément  ,    qu'il  y 
'■''''  ''  a  des  maladies  de  toutes  les  ejpe\'s  dont   la    guérifon  exige  abfilument  la  main  de  Dieu. 
1  -p.j  o.        ^j^^._^  quoique  la  Propofition  (qu'il  n  y  a  prefque  point  de  Miracles  que  le  démon 
ne  puilTe  opérer  ,    que  Dieu  lui  donne  quelquefois  la  permiflîon  d'en  faire  qui  parois- 
fent  des  plus  merveilleux  ,    &  qn'ainfî  il  efl:  fouvent  douteux  ,    &:  quelquefois  même 
fort  difficile  ,    de    difcerner  fi  une  guérifon   Miraculeufe  efl  l'ouvrage  de  Dieu  ou  de 
l'efprit  fedudeur  :  )  quoique  cette  Propofition  erronée   ait  déjà  été  regardée  d'abord 
comme  bhfphématoire  par  toutes  les  perfonnc?  fincérement  attachées  à  la  Religion  ,   & 
même  par  la  plupart  des  ConOitutioi-.naires ,  ces' derniers  fe  font  peu  à  peu  familiarifcs 
avec    ce  blafphême  ,    lorfqu'ils  ont  vil  qu'il   ne  1  iir  rcftoit  point   d'autre  reffource 
pour  fc  fouftraie  au  poids  accablant  de  cette  multitude  de  Miracles  que  Dieu  fait  de- 
puis tant  d'années  en  faveur  de  l'Appel;  &  aclucUement  la  plupart  des  Evêques  de  des 
Prêtres  qui  font  dévoués  fans  véferve  à  la  Conftitution,  fement  cette  ivraie  empoifonnce 
dans  le  champ  de  l'Eglife. 

Que  les  plus  furieux  Conflitutionnaires ,  irrites  de  ce  que  Dieu  les  confond  par  fes 
Miracles,  falfcnt  tous  leurs  efforts  pour  relever  l'idée  du  grand   pouvoir  qu'ils  s'ima- 
ginent avoir  intérêt  d'attribuer  au  diable,  afin  d'infinuer  par  là  dans  l'esprit  du  Public, 
que  les  plus  merveilleufes  guérifons  opérées  à  l'interceflTion  de  M.  de  Paris   &  autres 
Appcllans,  peuvent  être  un  artifice  de  l'Enfer;  nous  devons  gémir  de  leur  obftinatiou, 
&  déplorer  leur  aveuglement.    Mais  que  plufieurs  difciples  de  Doéleurs  Appellans  des 
plus  renommés,  adoptent  aujourd'hui  en  quelque  forte  contre  l'Autorité  des  Miracles, 
un  Siftême  dont  M.  l'Evêque  de  Bethléem,  le  plus  grand  Adverfiire  de  ces  œuvres  de 
Dieu,  femble  lui-même  avoir  cû  honte;  c'cft  ce  qui  devroit  nous  faire  verfer  des  lar- 
mes de  fanp. 
Ktcbmî-      Qu'il  me  foit  permis  de  m'écrier  avec  \m  célèbre  Auteur:  ,,  Terrible  jugement  de 
wlt.'i^r".4.  j>  la  cnkre  de  Dieu  fur  nous  !   Tunefles  efitts  de  nos  disputes  !  Tout  s'écroule  fous  nos 
*<î-  „  pieds:  les  'Vérités  les  plus  certaines  s'obfcurciffent  par  nos  fubtilités :  l'efprit  de  con- 

,,  tention  nous  éblouît,  nous  aveugle,  jufqu'à  enlever  à  la  Caufc  de  Dieu  fc5  propres 
,,  armes,  pour  confcrver le  faux  honneur  de  ne  pas  reculer.  Après  cela  nous  glorifierons- 
nous  encore  de  nos  lumières ,  de  notre  érudition  7  héologique  ,  de  nos  talcns ,  de 
,,  notre  réputation;  &  fouflrirons-nous  que  nos  difciples  &  nos  admirateurs  attachent  à 

„  notie 


P  ^  R    RAPPORT    yl  V  X    MIRACLES,  &c.  85 

„  notre  perfonne  une  Autorité  qu'ils  rerufent  à  d'éclattantes  Merveilles  ",  à  des  Mer-    D"se«t. 
veilles  manifeftement  Divines  ?  d^e^sm*""^' 

La  foi  fur  un  point  auflî  important  que  celui  de  l'Autorité  que  les  Miracles  ont  par        ',„  ' 
eux-mêmes,  &  de  la  confiance  qu'on  y  doit  prendre,  étant  ainfi  attaquée  par  plufieurs  Dieu  fait 
de  ceux  qui  paroifleût  les  plus  propres  &  les  plus  intérrelfés  à  la  deffendi-e ,  Dieu  pour  ''i^'^s'" 
en  conferver  le  dépôt  va  faire  parler  les  pierres.  dcfendre 

Ce  n'eft  point  aflez  pour  fa  gloire ,  qu'un  favant  Théologien  réclame  pour  la  Véri-  dÛ  Mhadcj. 
té ,  ce  grand  Dieu  veut  en  même  tems  manifefter  à  toute  la  Terre ,  que  tout  inftrument 
lui  eft  égal,  afin  que  nul  homme  ne  fe  glorifie  devant  lui.  i.Cor. 1. 19. 

Car,  comme  dit  le  Père  Quefnel :  „  Dieu  veut  tout  faire  de  rien,  afin  que  l'hom-  ^'^^-  '"°'" 
„  me  ne  s'attribue  rien ,  &  le  glorifie  de  tout  :  c'eft  le  deflein  capital  &  perpétuel  de  ^"   "''    '^' 
„  Dieu  dans  les  opérations  de  fa  grâce.  " 

C'eft  pourquoi  la  Miféricorde  Divine  dit  quelquefois  à  des  cadavres  enfevelis  dans 
d'épaifles  ténèbres:  ,,  Reveilkz-vous  de  votre  fommeil  :  fortez  du  nombre  des  morts    ^P''"'*''  '+' 
„  &  Jefus-Chrift  vous  éclairera  -.ftirge  qui  dormis ,  CT  exurge  a  mortuis ,  Q-  illuminabit 
te  Chriftus. 

Mais  dira-t-on ,  convient-il  a  un  Laïque  de  traiter  des  queftions  de  cette  importance 
&  qui  intérelfent  toute  l'Eglife  \ 

Voici  ce  que  M.  Nicole  repond  à  cette  objedion. 

„  Plufieurs  Laïques,  dit-il,  ,  .  .  comme  Athénagore,  Minutius  Félix,  Laftance,  Simb.  Tom. 
„  Boëce  ,  S.  Auguftin  &   S.  Profper  ont  foutenu  l'Eglife  contre  les  erreurs  ...  par  ^''  ^"^'^^' 
„  des  Ecrits  d'érudition  &  de  lumière ,  non  par  des  ades  de  jurisdiftion  &  d'Autori- 
„  té.  "  Les  Laïques  peuvent  bien  auffi  inftruire  en  particulier,  comme  il  eft  dit  des 

fidèles  de  Térufalem  qui   furent  disperfés  &  qui  répandirent  la  parole  de  l'Evangile     .  r,   vr 

I-  1  ■     j         -v   1  II-  .         ^   ^  P    r ,'  AacsXI.ig. 

mais  non  ulurper  le  pouvoir  de  prêcher  publiquement  avec  Autorité  parce  que  cela  dé- 
pend du  miniftére  des  Pafteurs.  Ainfi  félon  M.  Nicole  les  Laïques  font  donc  en  droit 
de  defïèndre  par  des  Ecrits  publics  les  Vérités  combattues  dans  l'Eçlife. 

„  Dieu,  dit  le  Père  Ouesnel ,  en  fufcite  quelquefois  de  tels  dans'l'I-glife,  pour  con-    r^a.  mai, 
„  fondre  la  pareffe  ou  l'infidélité  de  ceux  qui  font  plus  obligés  à  h  fervir.  .  .  .  On  ■^'^^- ^'^'"■ 
„  lui  peut  rendre  des  fervices  confidérables,  fans  avoir  le  miniftére  facré.    La  foUici- ^,1  j 
„  tude  pour  fes  intérêts  &  l'application  à  ce  qui  eft  .de  la  gloire  de  Dieu,  eft  de  tous      '  '  '^' 
„  les  états.  " 

Au  refte  le  Leâeur  s'eft  fans  doute  apperçu  déjà  plus  d'une  fois,  que  cette  Edition 
n'eft  pas  comme  la  première,  uniquement  l'ouvrage  d'un  prifonnier  dénué  de  tont  con- 
feil,  de  Livres  &  de  tous  les  fecours  humains ,  mais  que  d'habiles  Théologiens  m'ont 
fourni  des  Mémoires  qui  m'ont  été  bien  utile?.  Je  leî  regarde  comme  un  tréfor  pré- 
cieux, dont  j'ai  en  quelque  forte  l'obligation  à  l'injufte  cenfure  du  Nouvellifte  &  aux 
vives  déclamations  de  M.  Poncet  contre  mon  iecond  Tome  Cpremiére  Edition).  Ainfi 
j'aurois  grand  tort  de  me  plaindre  de  leur  origine  :  elle  m'a  été  bien  plus  profitable  que 
nuifible.  Les  fauiTes  imputations  du  Nouvellifte  &  les  principes  extrêmement  hazar- 
dès  de  la  Réponfe  de  M.  Poncet ,  ont  révolté  ces  favans  Théologiens  :  ils  ont  cru  que 
Dieu  demandoit  d'eux  de  garantir  le  PubUc  des  dangereufes  imprelTions  que  pouvoient 
lui  faire  ces  Ecrits;  &  quoiqu'il  y  en  ait  parmi  eux,  que  je  ne  connois point ,  &dont 
je  n'avoïs  même  jufqu'alors  jamais  entendu  parler,  ils  fe  font  emprelTés  de  travailler 
pour  moi  ;  &  la  Providence  attentive  à  faire  triompher  la  Vérité ,  leur  a  fourni  les 
moyens  de  faire  pénétrer  leurs  favantes  recherches  jufques  dans  la  Citadelle  où  je  fuis 
enfermé. 

Fortifié  par  ce  puifiant  fecours  ,  &  encore  plus  par  l'efpérance  d'être  aidé  de  Celui 
de  qui  vient  toute  lumière,  j'entreprends  avec  confiance  un  ouvrage  bien  au  deflus  de 
mes  forces  :  je  travaille  à  raffurex  le  commun  des  fidèles  dont  on  ébranle  la  foi ,  par 

L  2  rapport 


84  V  T  I  L  I  T  E     DE     LA     P  H  Y  S  I  O^V  E 

Dissert,  rapport  aux  IMiracles  que  fait  aujourd'hui  la  Mifcricorde  Divine  pour  éclairer  les  cœurs 
surl'aot.  droits  fur  toutes  les  Vcritcs  fur  lefquelles  on  s'efforce  de  répandre  des  nuages:  ]g  com-- 
DE>>,iR.  jj^^^  ^^^^^  ^  j^  ^^j^  j„  pj^^  fameux  Ecrivain  des  Conftitutiomuires,  &  en  même  tems 
les  difciples  de  ces  célèbres  Théologiens  qui  fc  donnent  pour  irréfragables.  L'autorité 
les  talens,  la  renommée  de  fi  grands  Adverfaires  ne  me  retiendront  point,  parce  que  je 
ne  compte  nullement  fur  moi-même,  mais  uniquement  fur  le  fecours  de  Celui  dont  la 
charité  pour  tous  ceux  qui  mettent  en  lui  toute  leur  confiance ,  pafle  toute  exprellîon , 
&  dont  la  puiiïance  uns  bornes  fe  pUît  fouvent  à  prendre  pour  fes  inftrumens  ce  qui  y 
paroit  le  moins  propre,  afin  que  toute  la  gloire  du  fuccès  foit  rendue  à  la  gratuité 
de  fes  faveurs. 

Je  commencerai  par  développer  l'artifice  &:  l'illufiorides  trois  fuiffes  fuppofitions ,  par 
lefquelles  M.  l'Eveque  de  Bethléem  tache  d'infinuer  que  le  diable  a  pu  être  l'auteur 
de  tous  les  Miracles  faits  en  faveur  de  l'Appel. 

Je  tâcherai  de  rendre  fenfible  &  palpable  la  différence  effentielle  qu'il  y  a  entre  les 
vrais  Miracles  &  les  prcftiges  diaboliques,  que  ce  Prélat  s'efforce  de  faire  confondre  à 
fes  Leéieurs. 

Je  démontrerai  par  quautité  de  Textes  tant  de  l'Ancien  que  du  Nouveau  Teftament, 
que  les  guérifons  Miraculcufes  font  finguliéremcnt  la  voix  de  Dieu  ,  &  une  œu- 
vre qu'il  s'attribue  privativement:  qu'aulfi  ce  font  les  Miracles  de  cette  efpéce  que 
Jéfiis-Chrift  a  le  plus  fouvent  donné  en  preuves  de  fa  Divinité:  que  c'efl  par  la 
lumière  bienfaifante  de  ces  admirables  Guérifons ,  qu'il  a  voulu  établir  la  foi  par  toute 
la  Terre;  &:  qu'elles  font  im  préfent  infiniment  précieux  qu'il  a  promis  à  fon  Eglife^ 
tant  pour  la  diftinguer  clairement  jufqu'à  la  fin  des  Siècles  de  toutes  les  fauffes  Religions 
&  de  toutes  les  SeAes  d'hérétiques,  par  une  faveur  vifiblement  furnaturelle,  que  pour 
y  fiire  difcerner  dans  tous  les  tems,  de  quel  côté  eft  la  Vérité,  lorsqu'elle  fe  trouve 
en  contradidion  dans  fon  fein. 

Je  prouverai  par  le  témoignage  des  Apologiftes  du  Chriftianifme ,  par  le  fentiment 

des  SS.  Pérès,  &  même  par  des  Décifions  de  l'Eglifc,  que  non  feulement  les  démons 

ne  peuvent  jamais  fiire  des  guérifons  véritablement  Miraculcufes ,  mais  même  que  Dieu 

ne  leur  permet  point  d'en  contrefaire  qui  paroiifent  être  un  efîèt  de  la  Bonté  &  de  la 

Toute-puiffance  Divine;  &  qu'il  eft  impoffible  qu'il  fouffre  que   le  témoignage  des 

vrais  Miracles  foit  équivoque,  ainfi  que  les  Conftitutionnaires,  les   Confultans   &  les 

Antifecouriftcs  ofcnt  aujourd'hui  le  fuppofer. 

Inft.  paft.       Je  ferai  voir  d'après  le  grand  Evêque  de  Montpellier,  qu'un  Miracle  n'aùefoin  que 

Sens,  p.iit.'^  </f  lui-même  cf  (^cs  circonft.inces  ou  il  cfi  fait ,  pour  être  jHÇ^é  véritable  ....  &   que    c'eji 

t.  n.  27.2g.  u»  faux  principe  que  les  Aiiracles  nt  prouvent  er  ne  doivent  être  crus ,  qu'autant  qu'ils 

Coihctt,      font  admis  par  l'À/ttorite'. 

loiTi'i'iiv.'  Je  rapporterai  nombre  de  preuves,  en  fuivant  les  lumineufes  maximes  de  cet  illuf- 
III.  Lettie  ^''^  Prélat,  que  des  Miracles  faits  au  nom  de  ycfus-Cbrift  ne  peuvent  être  des  prodiges 
i  M. de SoiC-  trompe/ifs ;  &:  que  s'il  eft  vrai  que  dans  certaines  circonftanccs,  il  pourroit  n'ctre  pas 
Oeuvres,  '"contraire  à  la  gloire,  à  la  fagcfle  &  à  la  bonté  de  Dieu  de  permettre  au  démon  de 
".157-  fiiie  quelque  giièrifon  qui  parottoit  miraculculè,  du  moins  ce  ne  pourroit  être,  ainfi 
M?'!ic'senT  ^"^  L'  dit  cc  Prélat  fi  célèbre,  que  dans  le  cas  oit  il  ejl  clair  que  c'cji  à  l'ejprir  per- 
patt.  V  n.  '  vers  qu'on  a  e/i  recours ,  comme  quand  on  emploie  la  magie  :  parce  qu'alors  la  caufe  cJ* 

C°euïr^?&c.  i'o'^'.i'"'  '/'  '<■/  <■#'  >''^fl  pli^s  équivoque/ 

Tom.il.  p.  Api  es  avoir  écibli  toutes  ces  Propofitions,  il  me  fera  bien  aifé  de  fournir  aux  fim- 
ples,  un  moyen  à  leur  portée,  pour  juger  eux-mêmes  avec  une  affurance  entière,  que 
Dieu  eft  nèceffîirtmcnt  l'auteur,  non  feulement  des  Miracles  faits  uniquement  pour 
autorifer  l'Appel,  mais  aulli  de  ceux  qu'il  lui  a  plù  d'opérer  par  le  mouvement  des 
CoQvulfions,  &  par  U  violente  imprellion  des  plus  terribles  Secours. 

Mait 


R  ^  R     R  A  P  P  0  RI     AV  X     M  I  R  A  C  L  E  S,  &c.         85 

Mais  je  veux  encore  aller  plus  loin  :  je  veux   abbattre    le  colofle  de  toutes  les  ob-    Dissert. 
jeclions  les  plus  fe'duilantes ,  qu'on   oppofe  à  l'Autorité  des  ISliracles,  à   la   confiance  ^"'"-'■*"'^- 
qu'on  y  doit  prendre,  &  à  la  foumifllon  entière  qui  eft  due  à  ces  Divines  Décifions.  °^*  ""'" 
Ce  cololfe  n'eft  qu'un  vain  phantôme  :  pour  le  faire  difparoître ,  il  ne  faut  que  lancer 
fur  lui  les  rayons  de  la  Vérité. 

Je  démafquerai  pour  cet  efîtt  rimpoflure ,  l'illufion  ou  la  faulTeté  notoire  de  tous 
les  prétendus  miracles  diaboliques ,  auxquelles  le  Père  Dom  Louis  la  Tafte ,  aujour- 
dhui  M.  l'Evêque  de  Bethléem,  veut  nous  forcer  d'ajouter  foi,  &  je  dévoilerai  l'ar- 
tifice par  lequel  il  éblouît  les  efprits  peu  attentifs ,  &  les  fidèles  peu  favans,  en  les 
ctourdiflant  par  une  multitude  de  citations ,  qui  ne  difent  point  ce  qu'il  leur  fait  dire , 
ou  qui  font  prifes  dans  des  Livres  reconnus  pour  apocryphes  :  au  moyen  de  quoi  toutes 
fes  principales  objections  retomberont  dans  l'abîme. 

§  IV.  Réfutation  des  trois  faujfes  fuppofitions  far  le/quelles  M.  l'E- 
'véque  de  Bethléem  tâche  d'iîîjinuer  que  le  diable  a  pu  être  l'au- 
teur de  tous  les  Miracles  faits  en  faveur  de  l'Appel. 

T)Ar  quelle  induftrie  M.  l'Evêque  de  Bethléem,  après  même  qu'il  s'eft  vu  forcé 
de  convenir  de  la  plupart  des  grands  principes  qui  fervent  à  difcerner  les  vrais  Mi- 
racles, &  à  réduire  dans  de  juftes  bornes  le  pouvoir  que  Dieu  permet  quelquefois  au 
démon  d'exercer ,  peut-il  donc  efpérer  de  faire  révoquer  en  doute,  fi  le  très  grand 
nombre  de  guérifons  éminemment  iurnaturelles  qui  ont  été  obtenues  par  l'interceflîon  de 
M.  de  Paris  &  autres  Appellans,  font  l'œuvre  de  Dieu  ou  du  diable  j  tandis  qu'il  eft 
d'une  évidence  palpable  que  la  Toute-puiflance  Divine  y  paroît  avec  un  éclat  qui  ne 
peut  appartenir  qu'à  elle? 

Ce  Prélat  emploie  à  cet  effet  trois  fuppofitions.  7. 

Premièrement,  il  avance  avec  une  confiance  dont  lui  feul  eft  capable,  que  toutes  les  ^'^^  '^"''' 
maladies  guéries  par  l'interceffion  des  Appellans,  n'ont  été  que  légères:  qu'elles  n'è- q"mi  prae- 
toient  qtte  de  ces  petits  maux,  qui  ne  caufent  dans  le  corps  qu'un  dérangement  pafla-  [to'n/d^f"" 
ger ,  &  qui  ne  produifent  aucune  deftrudion.  imagination 

Quoi!  Des  hidropifies  monftrueufes,  des  paralyfies  complettes,  des  cancers  ouverts,  pomdeMë- 
des  os  contrefaits  &  depuis  long-tems   endurcis  dans  leur  figure  hétéroclite,  des  or-  decim&aux 
ganes  qui  n'avoient  point  eu  en  naiflant  leurs  parties  les  plus  effentielles ,  enfin  des  mem-  d'une  muîa- 
bres  tous  entiers,  les  uns  entièrement  deffèchés,  les  autres  totalement  détruits,  d'au- "^^  ^= '^'='" 
très  mêmes  refufèes  par  la  nature;  font  des  maladies  légères  &  faciles  à  guérir!  N'eft-  lair'cs. 
ce  donc  là  ijue  de  ces  petits  maux  qui  ne  caufent  dans  le  corps  qu'un  dérangement  pajfager  ? 
Quoi!  N'eft-il  pas  au  contraire  de  notoriété  publique ,  que  toutes  ces  maladies  &  ces 
états  d'une  difformité  affreufe',  avoient  duré,  avoient  été  viîs  par  des  Maîtres  de  l'Art, 
&  par  un  très  grand  nombre  d'autres  gens,  du  moins  pendant  10.  12.   15.  ou  10.  an- 
nées, &  même  que  quelques-uns  de  ces  eftropiés  l'avoient  été  pendant   25.  50.  &  50. 
ans ,  avant  la  merveilleufe  métamorphofe  du  rétabliffement   Miraculeux   de  leurs  mem- 
bres malades  ^'  contrefaits?  Le  Lefteur  trouvera  dans  mes  trois  Tomes,  des  preuves 
invincibles  de  tous  ces  faits. 

Mais  comment  M.  l'Evêque  de  Bethléem  peut-il  prétendre  que  fans  avoir  jamais 
connu  aucun  de  ces  malades ,  ni  de  ces  eftropiés ,  il  fait  mieux  que  leurs  Médecins  & 
Chirurgiens,  que  toutes  les  autres  perfonnes  qui  les  ont  vu  pendant  très  long-tems, 
quel  étoit  leur  état  avant  leur  guérifon  Miracul  ufe?  Comment  a-t-il  le  front  de  donner 
ainfi  un  démenti  public  à  tous  les  Maîtres  de  l'Art ,  qui  ont  déclaré  &  même  démon- 

L  3  .  tré, 


S5  DES     FyiVSSES     SVPPOSITIONS 

DisïERT.tré,  que  les  maladies  en  queftion  croient  abfoiument  incurables  par  toutes  les  reffonrccs 

juRL'jiuT.de  la  nature?  .  n.        •  n- 

DIS  MiR.  y^^j  ^.eltc  pour  établir  ce  qu'il  alTare  fi  hardiment,  ce  n'eft  pas  affez  qu'il  s'infcrive 
en  faux  contre  tous  les  Rapports ,  &  les  Diflertations  de  Médecins  &  de  Chirurgiens 
de  la  Cour  &  de  la  Ville  que  l'on  trouve  dans  mes  Livres ,  il  faut  qu'il  aille  jufqu'à 
prétendre,  ou  que  ce  qu'un  infinité  de  gens  ont  eii  fous  leurs  yeux  pendant  un  très 
orand  nombre  d'années,  n'a  été  qu'une  illufion  qui  leur  a  fait  voir  ce  qui  n'étoit  point, 
ou  que  ce  qui  cft  certifié  par  une  multitude  de  Témoins  de  toutes  conditions  qui  pour 
rendre  qloire  à  Dieu  ont  îacrifié  tout  intérêt  humain,  ne  mérite  aucune  croyance;  & 
que  quoiqu'il  n'ait  rien  vil,  on  doit  croire  fur  fa  parole  le  contraire  de  tout  ce  qu'ils 
affirment,  &  préférer  à  la  dépofition  unanime  de  tous  ces  Témoins  oculaires,  les  idées 
creufes  que  lui  préfente  fon  imagination,  qui  n'eft,  helas  !  que  trop  féconde,  &  tout 
ce  que  fon  efprit  inventif  lui  peut  fuggércr. 
n.  I^  féconde  de  fcs  hipotliefes  n'eft  pas  moins  téméraire  que  la  première.    Elle  confifte 

êc"«'coa-à  foutcnir,  que  tous  les  Miracles  faits  en  faveur  de  l'Appel  font  infeflés  par  des  cir- 
vuif'ons'n'c-conftances  indii^nes  de  Dieu,  &  qui  dévoilent  clairement  qu'il  n'y  a  que  l'efprit  per- 
mit qu'une  -ir  '...«  r«.,^oi,.. 
même  œu-  vcrs  qui  puiHc  en  ctre  1  auteur. 

»re,  M.  de  Çqp,  orand  argument  pour  prouver  ce  paradoxe  ,  eft  fonde  fur  l'union  qu'il  y  a  entre 
coEciud  que  les  Mn-acles  &  hs  Convullion?. 

*ii'°"'  "^^é  Tous  1^5  Miracles,  dit-il,  qu'on  prétend  être  arrivées  à  l'interceflion  de  M.  dePà- 
au  duble.  ris  &  autres  Appellans ,  ont  une  liaifon  intime  avec  les  Convulfions.  Ces  prétendus 
Miracles  &:  les  Convulfions  ont  la  même  origine,  &  ne  font  qu'une  feule  &  même 
œuvre,  qui  n'a  qu'une  même  fin  principale.  Les  Convulfions,  &  même  les  Secours 
meurtriers,  ont  été  les  plus  éclattans  moyens  par  lefquels  fe  font  opérés  la  plupart  de 
ces  Miracles,  &  fouvent  même  les  Convulfionnaires  en  ont  été  les  miniftres.  On  ne 
peut  donc  douter  que  l'agent  de  ces  Convulfions  ne  foit  l'auteur  de  ces  Miracles  :  or 
les  Convulfions  font  manffeftement  l'ouvrage  de  Satan ,  &  par  conféquent  les  Miracles 
tant  vantés  par  les  Appellans ,  ont  le  même  principe. 
TU.  Je  conviens  avec  ce  Prélat,  que  les  Miracles  &  les  Convulfions  ont  la  même  origi- 

iefcon»ui-  "^'  ^  qu'ils  ne  font  eiifemble  qu'une  même  œuvre  :  c'eft  à  dire  que  l'auteur^des  mi- 
rions ne  font  racles  préfide  vifiblemcnt  à  l'auvrc  des  Convulfions.  Je  foutiens  même,  qu'elles 
fiidc  Suxf'  font ,  du  moins  dans  leur  plus  gran  .le  partie ,  des  effets  furnaturels  de  fa  puiflance ,  de 
M:.jcies.  &  f^  iuftice  &  de  fa  bonté;  ^  lorsqu'on  eft  bien  inftruit  des  faits,  il  n'eft  pas  poflîble 

les   Miiidcs    ,     ,        ,  j 

décident  en  de  le  rcvoqucr  en  doute. 

c^q"'  (Î"        Mais  comment  ce  Prélat  prouve-t-il  que  le  démon  foit  l'auteur  de  toute  cette  œuvre  ? 

fions.  Il  emploie  à  cet  effet  plufieurs  faux  prétextes  qu'il  va  ramafler  dans  la  Confultation 

des  ^o.  Docteurs  ,  dans  les  impétueux  Ecrits  de  l'Auteur  des  l^ains  efforts,  &  autres 
femblables.  Il  les  amplifie,  il  les  pare  de  tout  le  brillant  de  fon  éloquence.  Mais  tout 
cela  n'étant  fondé  que  fur  des  principes  erronés  ou  fur  de  fauifes  allégations  ,  ne  peut 
foutcnir  la  réplique. 

Réfutons  d'abord  dans  cet  article  les  deux  objedions  par  lefquelles  il  attaque  les 
Convulfions  en  elles-mêmes.  Elles  font ,  dit-il ,  tomber  les  Convulfionnaires  dans  une 
aliénation  qui  les  prive  de  l'ufagc  de  leur  raifon  &  de  leurs  fens  :  elles  leur  caufent  des 
agitations  i  ivolontaircs,  &:  des  contorfions  qu'on  ne  p:ut  voir  fins  horreur. 

Je  répondrai  dans  l'article  fuivant  aux  infiiltes  qu'il  fait  aux  Convulfionnaires  ,  fous 
prétexte  de  l'état  d'Enfance,  où  leur  Convulfion  les  réduit  quelquefois;  aux  injures.que 
ce  Préht  leur  dit  ,  parce  qu'ils  fc  font  donner  des  Secours  qu'on  ne  peut  foutcnir  fans 
être  dans  un  état  très  fupérieur  à  la  nature;  &:  à  la  confulion  qu'il  aflcdc  de  faire  fans 
ccffe  de  ce  que  les  Convulfionnaires  exécutent  par  une  impreflion  fumaturellc ,  avec  ce 
qu'ils  font  par  leur  propre  volonté. 

Qiii 


DE        M.        DE        B    E    T    H    L    r   E    M.  Sj 

Qui  aurait  jamais  penfé  que  50.  Dofteurs,  voulant  donner  leur  avis  au  Public  fur    Dissert, 
une  œuvre  furnaturelle  ,    &  que  M.   de   Bethléem  marchant  enfaite  fur  leurs  pas,  fesuRL'AUT. 
flatteroient  de  pouvoir  deshonorer  cette  œuvre  Divine  ,    fous  le  vain  prétexte  que  les  °^^  '■"'"^' 
Convulfionnaires  tombent  fouvent  en  Extafe,  &  que  c'cft  dans  cet  état  furnaturel,   qui 
eft  toujours  accompagné  jufqu'à  certain  point  d'une  forte  d  aliénation  des  fens  ,  qu'ils 
font  leurs  plus  beaux  Difcours ,  qu'ils  prononcent  leurs  principales  prédictions  ,  qu'ils 
parlent  &  qu'ils  entendent  des  langues  étrangères ,  qu'ils  découvrent  le  fecret  des  cœurs , 
qu'ils  fe  font  donner  des  Secours  terribles  ,  &  qu'ils  exécutent  plulieurs  autres  magni- 
fiques Prodiges  fimboliques  &  figuratifs. 

Les  Confultans  &  la  plupart  des  autres  Anticonvulfionnifles ,  y  compris  M.  de 
Bethléem,  fe  font  imaginés,  ou  pour  mieux  dire,  ils  ont  voulu  tâcher  de  faire  accroi- 
re au  Public ,  que  l'aliénation  oi:i  fe  trouve  toute  perfonne  qui  tombe  en  extafe,  efl:  une 
dé'îradatioH  de  l'état  des  créatures  raifonn^ibles ,  qui  hs  rend  incapables  d'aucune  commu- 
nication de  l'Efprit  de  Dieu,  &  les  met  en  un  état  de  folie  à"  de  délire. 

Il  efl:  fi  inconcevable  que  50.  Docteurs  ,  parmi  lefquels  il  y  en  a  de  fort  célèbres, 
aient  avancé  une  Propolîtion  Çi  abfurde  ,  que  je  ne  puis  trop  me  prefler  de  mutre  les 
termes  de  leur  Confultation  fous  les  yeux  du  Lecteur.  Comme  elle  efl:  la  bafe  des  dé- 
clamations de  M.  de  Bethléem  contre  l'œuvre  dont  il  s'agit ,  c'efl:  détruire  par  le  fon- 
dement toute  l'éloquence  frufl:ratoire  avec  liquelle  il  attaque  cette  œuvre  ,  que  de  dé- 
montrer le  faux  des  principes  de  la  Pièce  fur  laquelle  cet  Evéque  s'appuie. 

,,  C'efl:,  difent  les  Confultans,  dans  des  aliénations  Se  des  tranfports ,  qui  ne  laiffent  ConOilt. fur 
„  pas  à  ces  filles  le  libre  ufage  de  la  raifon  &  des  fens  ,   qu'elles  font  leurs  prédidions  aoas^z'oa. 
,,  &  leurs  découvertes  (du  fecret  des  cœurs.)    Or  c'efl:  une  vérité  établie  dans  toute 
„  la  Tradition,  que  pour  être  mis  au  rang  de  ceux  qui  parlent  par  l'efprit  de  Dieu, 

il  faut  être  maître  de  fon  efprit  &  de  fes  fens.    En  effet  qui  pourroit  concevoir  que 

Dieu ,   pour  communiquer  fon  efprit ,  dégradât  des  créatures  raifonnables ,  &  les  ré- 
duisît en  un  état  de  délire  &  de  folie." 

L'Auteur  des  Vains  efforts  ajoute  „  que  les  SS.  Pérès,  en  écrivant  contre  les  Mon- 
„  tanifl:es  ,  ont  convaincu  leurs  prophéties  d'être  fauffes ,  parce  qu'ils  parloient  dans 
„   l'ext.fe.  " 

Mais  comment  de  fi  habiles  Dofteurs  peuvent-ils  avoir  oublié  ,  qu'il  efl  écrit  dans 
le  Nouveau  Tefl:ament,  que  S.  Pierre  efl:  tombe  en  extafe  &  a  parlé  dans  cet  état  :  que  hà.  X.  i» 
c'efl  en  extafe  &  dans  la  plus  forte  aliénation  des  fens  qu'on  puilTe  imaginer ,  que  S.  "•  '*• 
Paul  a  été  infl:!uit  de  Dieu  même  des  principales  Vérités  de  la  Religion:  &  que  c'efl: 
également  en  extafe  que  S.  Jean  a  écrit  l'Apocalipfe  ?  Ces  MJ\1.  croient-ils  donc 
qu.  S.  Pierre  ,  S.  Paul  &  S.  Jean  étoient  alors  dégradés  de  l'état  des  aréatures  raifon- 
nables ? 

Les  Prophètes,  les  SS.  Myftiques  &  un  très  grand  nombre  d'autres  Saints,  font  pa- 
reillement tombés  très  fouvent  en  extafe;  &  c'efl;  ordinairement  dans  cet  état  que  Dieu 
s'eft  commuiiquè  à  eux  de  la  manière  la  plus  lumineufe  ,  &  qu'ils  ont  fait  la  plupart 
de  leurs  pièdiftions. 

Ainfi  au  lieu  de  dire  comme  ces  MM.  que  les  extafes  qui  font  toujours  accompa- 
gnées dIus  ou  moins  d'une  forte  d'aliénation  ,  font  une  dégri.tda:ion  de  l'état  des  créatu- 
res ra.fonriables  :  que  c'ejl  une  -vérité  établie  dans  toute  la  Tradition  ,  qu'/'/  faut  être  maî- 
tre de  fan  efprit  &  des  fens  pour  pouvoir  parler  far  l'efprit  de  Dieu  :  &  que  les  SS.  Pérès 
ont  convaincu  les  prophéties  des  Afontanijles  d'être  faujfes ,  parce  cju  ils  parloient  en  extafe^ 
l'aliénation  de  l'efprit  &  des  fens  ,6.\knt  ces  MM.,  reduifant  l'homme  f«  un  état  de  dé- 
lire &  de  folie  ;  il  faut  dire  au  contraire,  que  les  extafes  généralement  parlant,  font  des 
grâces  gratuites  :  que  c'efl:  précifèment  lorfquc  l'ame  eft:  le  plus  dégagée  de  i'imprelTion 
des  fens ,  que  Dieu  l'èclaire  d'une  manière  plus  finguliére  &  plus  marquée  ,   &  que 

tou- 


51 
5> 


88  DES    FAVSSE'S'SVPPOSITIONS 

DisstRT.  toute  la  Tradition  a  reconnu  cette  vériïc,  ainfi  que  ^e  le  prouverai  par  la  fuite.    Car  je 
iurl'aut.  j-Qmpte  traiter  à  fond  cette^iieftion  ,    en  répondant  aux  50.  Dofteurs  à  la  fin  de  ce 
i»Es  MiR.   YQiume^  lorfquc  je  prouverai  dans  la  II.  Partie  de  mes  Obfervations  ^  que  c'eft  vérita- 
blement l'état  des  Convulfionnaires. 

Ici  il  fuffira,  pour  réfuter  M.  de  Bethléem  ,  qui  n'eft  fur  ce  fujet  que  l'éclio  des 
Confultans  ,  d'obfers'cr  d'abord  dans  le  fait  ,  que  loin  que  les  extafes  qui  mettent  les 
Convulfionnaires  dans  une  forte  d'aliénation,  doivent  donner  du  foupçon  de  leur  état, 
&  le  faire  regarder  comme  »«  délire  cr  «ne  folie  ,  ces  états  font  au  contraire  des  pi-eu- 
ves  fenfibles ,  que  Dieu  agit  vifiblement  dans  cette  œuvre. 

J'ai  donné  ci-delfus  un  petit  extrait  des  effets  inconteftablement  furnaturels  ,  qui  ma- 
nifeftent  l'opération  de  Dieu  dans  ces  extafes  :  Difcours  fublimes  faits  tous  les  jours 
par  des  enfans  :  Prédictions  qui  n'ont  pu  être  révélées  que  de  Dieu  :  Connoiflance  des 
langues  étrangères  :  Découvertes  du  fecret  des  cœurs  :  Multitude  de  Prodiges  ,  qui 
renclent  les  Convulfionnaires  en  cet  état  invubrérables  aux  coups  les  plus  meurtriers  ,  & 
leur  fourniffent  le  moyen  de  faire  des  repréfentations  furnaturelles  &  prophétiques. 

Ajoutons,  qu'il  fuffit  de  voir  un  Convulfionnaire  en  extafe  ,  pour  être  pleinement 
convaincu  qu'il  eil:  alors  fous  la  main  de  Dieu. 

On  les  voit  dans  le  raviffement  d'une  joie  célefle ,  lancer  leurs  regards  &  leurs  mains 
vers  le  Ciel  :  leurs  yeux  y  reftent  fouvent  fixés,  &  fans  aucun  mouvement  pendant  tout 
le  tems  de  l'extafe.  Ils  paroiffent  totalement  occupés  de  la  contemplation  d'un  objet, 
dont  la  vile  les  charme.  L'air  de  leur  vifage  &:  toute  l'attitude  de  leur  corps  repréfen- 
tent  vivement  une  ame  totalement  dégagée  de  la  terre ,  &  qui  s'élance  avec  amour  vei-s 
le  principe  &  la  fource  du  bonheur  éternel. 

Ce  qui  a  caufé  l'erreur  grolTiére  oîi  ces  Dodeurs  &  cet  Evéque  font  tombés ,  c'a 
été  de  prendre  pour  un  état  de  délire  (jr  de  folie  ,  toute  aliénation  des  fens  ,  fans  en 
excepter  celle  qui  accompagne  toujours  les  extafes  :  au  lieu  que  ces  MM.  auroient  dû 
faire  attention,  que  la  fufpenfion  de  l'ufage  des  fens,  débarraffant  l'ame  des  impreOTions 
qu'ils  lui  font,  &  lui  épargnant  la  diftradtion  qu'ils  lui  caufent ,  lui  donne  plus  de  fa- 
cilité &  plus  de  force  pour  comprendre  ce  que  Dieu  juge  à  propos  de  lui  faire  con- 
noitre  ,  pour  recevoir  les  impreffions  furnaturelles  qu'il  veut  bien  lui  donner  ,  &: 
pour  exécuter  fans  aucuiie  crainte  toutes  les  chofes  furnaturelles  qu'il  lui  infpire  de 
faire. 

Mais  préfentons  au  Lefteur  une  magnifique  explication  de  cet  état  faite  pir   le 
célèbre  Guillaume  d'Auvergne  Evoque  de  Paris. 
Pcimmon-      „  La  vie,  dit-il,  de  la  faculté  intelleduelle  ,  &  ce  qui  la  fait  efiêélivement  vivre, 
animx,       ■  ^^  nc  confifte'qu'à  penfer  &  qu'à  comprendre.    L'ame  n'a  point  cette  faculté  par  le 
33+?c. i.'"'    „  moyen  &  dépendammcnt  de  fon  corps.   Au  contraire  cette  faculté  s'élève  à  propor- 
,,  tion  que  le  corps  eft  plus  ab'oatu  :  elle  fe  fortifie  par  fa  foiblcffe,  elle  fe  perfeclion- 
„  ne   par  fa  défaillance  ,    fuivant  qu'il  paroit  dans  l'extafe  &  le  ravilTcmcnt.     Ainfi  la 
„  vie  &  h  perfeftion  de  cette  noble  faculté  efl:  indépendante  du  corps ,  5c  en  eft  mc- 
,,  me  toute  réparée."    yita  virtutis  iutclleihvx  cr  vivcre  ejus  in  ejfeEltt ,    non  ejj  niji  in- 
■  telligere  cjtts  in  ejfcElu  :  ^  hoc  non  eft  ci  per  corpus  ,   necjite  pcndens  ex  corpore.     Otfin  po- 
tius  ex  cafn  corporis  erigit/tr ,  CT  debilitate  confirmai nr  ,  (^-  defecHone  ejfts  pcrficitur  :  jicut 
npparet  in  extaft  e)'  rapt  h.   Vita  igitur  fna  hitic  virtMti  nobili  eft  vitjc  pcrfeiUo  ,  prêter  cor- 
pus c>"  feorfnm  a  corpore. 
Ibid.p.10'3.      Cet   Auteur  traite  enfuitc  de  la  m.iniére  dont  „  les  rayons  d;  la  lumière  Divine  fe 
*•*•  „  répandent  dans   les  âmes:  "  de  variis   irradiationibtis  a  Deo  in  humana^  animas  ve- 

nicntibus. 

,,  A  regard,^/'/-/'/,  de  la  fcicnce  infufc  &  des  connoilTlinccs,  dont  il  s'agit  (c'eft  à 
„  dire  de  celles  qui  font  données  dans  les  extafe-;)  elles  ne  viennent  dans  les  amcs  des 

„  hora- 


JD    E        M,        Dr        B    E    T   H   L    r  E    M.  8p 

^,  hommes  qu'avec  l'infpection  des  differens  objets  qui  leur  font  préfentés  pour  fervir    Dissert. 
„  d'inftrumens  à  ces  connoiffances  :  auffi  eft-ce  pendant  la  contemplation  de  ces  objets,  ^""'-'a"'''. 
,,  qu'elles  fe  répandent.    Ce  qui  prouve  que  c'eft  par  les  rayons  d'une  lumière  fpiri-  °^^  **'"* 
„  tuelle  &  très  iiiblime,  qu'elles  fe  forment  .   .  .  ,  félon  qu'il  eft  arrivé  plufieurs  fois 
„  aux  Prophètes  &   à  certaines  autres  perfonnes  ,  tant  hommes  que  femmes."    Dico 
igitur  qtiod  fcientU  htijusmodi  five  cogitationes  de  ejuil>us  agitur ,  non  funt  in  animabus  hft~ 
manis  ante  infpeSlionem  infirtimentorum  hajasmodf  ,   fed  Jiunt  in  eis  ^  adveniunt  duran- 
te injpeiiione  quam  dixi.      Ouapr opter  fiunt  irradiât ione  lucis  Jpiritftalis  fublimioris.  .   .  . 
JicHt  imerdkm  faUum  ejî  Prophetis  ^  in  qathnsdam  aliis   hominibtts  tam   viris    qnkm 
multeribus. 

„  Or  il  eft  remarquable,  ajoute-t-il,  que  quelque  immenfe  que  foit  l'efFufion  des  Ibid. p. 
„  rayons  de  la  première  lumière  qui  eft  le  Créateur  béni  à  jamais  ,  ce  lumineux  épan-  '^^  '  *'  *" 
„  çhement  de  fa  lumière  dépend  uniquement  du  feul  bon  plaifir  de  fa  très  libre  volon- 
,,  té,  félon  cet  oracle  du  Sage:  J'ai  caché  la  lumière  dans  mes  mains  :  en  forte  que 
„  cette  lumière  ne  répand  fes  rayons  que  lorfqu'elle  le  veut  ,  qu'autant  qu'elle  le 
„  veut,  que  de  la  manière  dont  elle  le  veut,  &  que  peadant  le  tems  qu'il  lui  plaît; 
„  de  façon  qu'elle  éclaire  &  refufe  d'éclairer  également  qui  elle  juge  à  propos.  u4t- 
ttndendttm  amem  efl  ,  quantHmctmque  larga  fit  dijfufio  radiomm  prima  lucis  ,  cjttie  efl 
Creator  benediSius ,  in  beneplacito  tamen  folo  liberrimte  voluntatis  ipfius  efl  radiofitas  lumi- 
nofitatis  fnt ,  JHXtk  fermonem  Sapientis ,  qui  dicit  :  In  manibus  abfcondi  Incem  :  ut  non 
niji  cum  voluerit ,  CT  quantum  voluerit  ^  c-r  t[uomodo  voluerit ,  &  quamdiu  voluerit  ,  ir- 
radiet  er  fuper  quem  voluerit ,  fimiliter  Cy"  non  irradier. 

Cependant  répondons  en  paflant  aux  reproches  que  ces  MM.  font  à  ce  fujet  aux 
ConviiHîonnaires,que  la  plupart  d'entre  eux  font  nés  dans  la  balTefTe  :  d'où  ces  MM. 
concluent,  qu'il  ne  feroit  pas  digne  de  la  majefté  de  Dieu  de  choifir  de  telles  gens  , 
pour  les  éclairer  d'une  manière  furnaturelle. 

Il  me  fuffira  d'oppofer  à  ces  éminens  perfonnages  un  beau  paffage  de  Pierre  Bercho- 
rius  favant  Bènedièlin ,  pris  dans  fon  Diftionnaire  de  la  Morale. 

,,  Dieu,  dit-il,  a  coutume  de  révéler  les  fecretî  de  fa  volonté  bien  plus  aux  fim-  Inverl.», 
„  pies  qu'aux  favans,  aux  humbles  qu'aux  grands  hommes,  aux  pauvres  qu'aux  ri- '^'"'''"' 
„  ches  :  ainfi  que  nous  le  voyons  à  l'égard  des  Prophètes  &  des  Apôtres ,  qui  ont 
5,  été  de  la  condition  la  plus  baife  ,  c'eft  à  dire  de  la  he  du  peuple.  En  effet  Amos 
,,  n'ètoit  qu'un  berger,  Pierre  qu'un  pcfcheur,  &c.  L'efprit  foufle  où  il  veut." 
Sciendum  quod  revelatio  fecretorum  Dei  voluntatis  magis  confuevit  jîer.i  fimplicibus  quam- 
fapientibus  ,  '-magis  humilibus  quam  fublimibus  ,  magis  pauperibtfs  quam  divitibus  :  Sicut 
ad  litteram  videmus  de  Prophetis  qt  ^poftelis ,  qui  fuerunt  de  valde  modice  ftatu ,  ideft  de 
humile  plèbe.     Amos  enim  fuit  paflor,  Petrns  pifeator ,  qtc.  Spiritus  ubi  vult  fpirat. 

Le  Cardinal  Bellarmin  ajoute  qu'  ,,  il  y  a  autant  de  différence  entre  la  fageffe  qui  Sermon.  ,x. 
„  vient  de  Dieu  par  quelque  révélation  ,  &  celle  que  les  hommes  acquièrent  par  la  gçs^'.j^j*" 
„  fcience ,  qu'il  y  en  a  entre  le  jour  &  la  nuit.  Car  celle  qui  eft  le  fruit  de  l'étude  eft 
„  foible,  obfcure,  pénible  ,  pleine  de  difficultés  ;  &  ce  qu'il  y  a  de  plus  fâcheux, 
c'eft  qu'elle  eft  fouvent  mêlée  de  beaucoup  &  de  grandes  erreurs  :  celle  au  contraire 
que  Dieu  donne  ,  eft  toute  fublirtle  &  toute  remplie  de  lumières  ,  qu'on  reçoit 
avec  joie.  Bienheureux  efl  l'homme  que  vous  inflruifiz,  vous-même ,  S  mon  Dieu!  Bien- 
heureux efl  celui  a  qui  vous  enfeignez.-vous-même  votre  loi  !  Telle  fut  la  fageffe  du 
grand  S.  Antoine,  qui  n'avoit  jamais  fait  aucune  étude  ,  &  qui  cependant  confon- 
doit  les  plus  favans  Philofophes  &  les  Orateurs ,  lorfqu'ils  difputoient  contre  lui  ; 
,,  ainfi  que  1  attefte  S.  Athanafe.  Telle  fut  celle  de  S.  François  ,  à  qui  un  dts  plus 
,,  favans  hommes  de  ce  Siècle  a  rendu  ce  Témoignage  ,  que  la  fcience  de  ce  Père  lui 
„  donnoit  des  ailes  pour  s'élever  comme  un  aigle  aux  chofes  les  plus  fublimes ,  tandis  que  la 
Diferr.  Tom.  II,  M  „  ne- 


5)0  .  D  E  S    F  ^  V  S  S  E  S    S  V  P  P  0  S  I  T  I  0  N  S 

DiisEXT.  ^    „àire  ne  fut  qtte  r. imper  fur  la  terre,     Teïle  fut  en  grande  partie  celle  de  S.  Bernard 
suRL-AUT.      ^  jg  ^    Thomas  ,   qui  l'un  &  l'autre  ont  plus  appris  par   l.i  prière  que  par  l'ctu- 
Dti     iR.         j^^  ,,    jy.ffYgjl  inter  ftfientiam  qud  nafcitHr  a  Deo  fer  rcvJMiênem  ,  i^^-  tant  ijHxJjaùc' 
tur  ab  homine  ptr  doEhinam  ,    <jHa>iium  inter  diem  ù"  noiiem.    Efi  enim  ijîa  humilis  ,  ob- 
Jcur.i ,   Uboriofi ,  afpera  ,   &  cjuod  infeluius  eft  fape  midtis  <y  wu^nis  erroribtts  admixta  : 
illa  vero  tota/ubhmis  ,  tota  lucida^tota  jucufida,    Beatus  homo  quem  tu  erudieris  ,  Do- 
mine,  &  de  lege  tui  docueris  eum,    Talis  fuit  ftpientia  magni  yftttonii ,  ejtti  litteras  r.on 
norju\tt ,  &  tamenfummos  Philofophos  cr  Rhetores ,  Beato  j4thanafio  tffie ,  difptttando  fftpe- 
ravit.    Talis  fuit  D,  Francifci ,  de  cjuo  ejHidam  hitjus  temporii  doflffftmnf  t^ile  ttfiimonium 
pritbuit  :  Verc ,  ifujuit ,  hujus  Patris  fcicntia  infiar  aquilae  pennis  in  fublime  feitur  , 
noftra  graditur  humilis  fuper  terram.   Talis  fuit  magnk  ex  parte  B.  Bernard»  er  D.  Tho- 
mx ,  cjuoritm  utcr^iu  pltts  didicit  orando  quam  kgcndo. 

Voilà  un  pafl'âge  qui  choquera  exceirivement  les  Confultans  &  M.  l'Uvcqne  de 
Bethléem  ,  &  peut-ctre  encore  plus  qu'eux  ,  les  Théologiens  Antifecourifte?.  Mais 
pour  ne  le;  pas  irriter  ,  je  leur-  déclare  que  je  ne  prétends  en  faire  aucune  application. 
Je  n'ai  ici  d'autre  delîein  que  de  deflèndre  les  Convulfionnaires  contre  les  injures  dont 
ces  MM.  les  accableiu. 

Le  principal  prétexte  qu'en  prend  M.  de  Bethléem,  ce  font  les  mouvemens  convul- 
fîfs  &  douloureux ,  que  ces  inftrumens  de  Dieu  éprouvent  très  invobntairement. 
III.  Lcttr.        Ce  Prélat  les  appelle  des  horreurs  &  des  indécences  ,    qu'on  ne  peut  attribuer  à  Dieu 
thcoLp.  il.  j-gpj  impiété.     Mais  poiu-quoi  une  agitati*)  involontaire  qui  n'a  rien  en  foi  de  crimi- 
nel ,  feroit-cUc  ,   ainfi  qu'il  le  dit ,  un  odieux  caraSlére  direftement  oppofe  à   VEtre  infini- 
ment parfait  ? 

Je  prouverai  à  la  fin  de  ce  Tome ,  que  plufieurs  Saintes  Myftiques  ont  été  tour- 
mentées par  de  pareilles  agitation*  ,  dans  le  tems  même  qu'elles  étoient  favorifées  de 
Dieu  par  des  grâces  très  finguliéres.  Mais  que  dira  M.  de  Bethléem  ,  fi  je  rapporte 
auflî  des  preuves,  que  de  très  refpeaables  Auteurs  ont  foutenu,  que  les  Prophètes 
étoient  agités  par  de  pareils  mouvemens  dans  le  tems  même  qu'ils  prophétifoient  ;  & 
que  c'eft  ce  qui  portoit  les  beaux  efprits  de  leur  tems  &  même  prefque  tout  le  peuple 
à  les  regarder  comme  des  fous  ou  des  gens  agités  par  le  démon  ? 

En  attendant  ces  preuves  que  je  réfcrve  pour  les  Confulans ,  voici  ce  que  S.  Au- 
guftin  nous   rapporte  de   l'idée  que   le  commun  des  Juifs  a  eu  des  Prophètes  pen- 
dant leur  vie. 
Sermon.        ,-,  Dans  le  tems  que  le   Bienheureux  Elifée  fut,  dit-il,  dans  la  Judée  ,  il  n'étoit 
J04.  Tom.    ^^  point  honoré  par  la  plus  grande  partie  du  peuple  ,  non  plus  que  ne  l'avoient  poinr 
x.p.iiâ.     ^^  ^^^  j^^  autres  Prophètes  ;    mais  ils  étoient  au  contraire  l'objet  des  railleries  du  Pu- 
,,  blic ,  &  on  les  chargeoit  d'opprobres  ,    parce  qu'on  les  regardoit  comme  des  infen- 
„  fes  &  des  gens  poffedés  par  lé  démon.  "   Tempore  ilb ,  qtio  B.  Elizeus  in  Judxà 
fuit ,  tam  ille  quam  reliejui  prophétie  ,    non  folum  non  honorabantur  ex  maximà  parte  po- 
puli  ,  fed  etiam  irrifui  <S'  opprohrio  habcbamur  ,    &  veliit  infini  atque  urreptitii  crede- 
bamtur. 

Mais  donnons  à  M.  de  Bethléem  une  réponfc  encore  plus  décifive. 
Ce  Prélat  ne  peut  pas  nier  ,  que  les  mou^^ens  convulfifs  n'aient  été  depuis  plu- 
fieurs Siècles  ,  le  moyen  dont  Dieu  a  voulu  fe  fervir  pour  opérer  plufieurs  Miracles. 
La  VII.  Lettre  de  \\  Recherche  de  ta  vérité  fur  l'oeuvre  des  Convulfions  préfente  une 
Tradition  fuivie  d'un  grand  nombre  de  guérifons  Miraculeufcs  faites  avec  Convul- 
fions ,  fur  les  Tombeaux  de  quantité  de  Saints.  Tcu  M.  l'Evcque  de  Montpellier  en 
en  rapporte  auflî  plufieurs  Txcmples. 

On  en  trouve  tant  qu'on  en  veut  :    il  ne  lairt  que  prendre  la  peine  de  chercher.    En 
roici  encore  deux  qui  n'ont  point  été  cités,  &  qu'on  lit,  le  premier  dans  la  Chroni- 
que 


D     £       M.        DE        S     £     T    H-  %  '^E'   E     M.  ^t 

que  des  Chartreux  recueillie  par  Pierre  Dorland  ,  &  le  fécond  dans  Celle  du  Monaftc-   Dissebt. 
re  de  Guatine.  •  /.  ■  '  surl'aut. 

„  Une  femme  paralytique ,  &  dont  le  corps  étoit  comme  mort  depuis  les  reins  jus-  '^^^  ""^' . 
„  qu'en  bas,  demandant  fa  guérifon  avec  d'inftantes  prières  accompagne'es  de  beaucoup  Ca^Tt'h.Ub.j. 
„  de  hrmes ,  fur  le  Tombeau  de  S.  Hugues  Evêque  de  Lincolne ,  tous  les  Speftateuis  ">>•  '3-  p- 
„  entendirent  les  os ,  les  côtes  &  les  cuiffes  de  cette  femme  s'agiter  &  craquer  avec  un  '^  ' 
„  grand  bruit  .  .  .  Les  douleurs  qu'elle  fouffroit  étoicHt  fi  violerrtes ,  i^u'elle  grinçoit 
„  des  dents ,  &  que  fon  vifagé  en  étoit  tout  change.    Mais  un  moment  après  elle  fe  re- 
„  leva  guérie;  &  toutes  les  perfonnes  préfentes  fe  joignirent  à  elle  pour  rendre  gloire  à 
,,  Dieu  de  ce  Miracle ,  &  bénir  le  S.  Préiat  Cpsi"  l'interceifion  de  qui  il  avoit  été  ob- 
tenu. )    Paralitica  muUer  à  renibus  dcorsum  emortua, ,  ad  SanB:i  Hugonis  Lincolniénfa  E- 
piscopi  fepHlcrum  fiens  pUirimmn  cr  orans  fdutem  deprecabatur.    Et  ecce  anditur  à  cir- 
CHmftantibus  in  mttliere  ojfium  fragor  er  ftridor  coftarttm  ts"  crmium.    Illa  vero  tanquam 
vioUmiam  pajfa  ,  dentés  mordebat  ,  &  immmabat  fac'iem  pra  dolore.    Et  eoKthim  fana 
fiirrexit ,  collaudans  ,  cîtm  omnibus  c/tà  aderant ,   Detim  in.  San^o  j4ntifiite  fuo. 

Voici  le  fécond  Miracle  ,  qui  eft  encore  bien  plus  décUif  que  celui  de  la  femme  pa- 
ralytique,  Dieu  ayant  voulu  l'opérer  viliblement  par  les  mouvemens  convulfifs  les  plus 
violens. 

Il  eft  attefté  dans  les  Chroniques  du  Monaftére  de  Guatine,  Diocéfe  de  S.  Orner.    Anccdot.da 

Le  récit  en  eft  fait  par  Ebrard  Chanoine  régulier  de  ce  Monaftére,  parfaitement  in-  tobi^"^coi' 
formé  de  toiues  les  circonftances  de  ce  Miracle  opéré  fur  Tamard  Chanoine  du  même  S2.1.  j^iuiv! 
Couvent.    Mais  comme  ce  récit  eft  exceflîvement   long,  &  chargé  d'un  grand  nombre 
de  circonftances  peu  importantes ,  je  n'en  donnerai  qu'un  extrait. 

„  Tamard  étoit  encore  fort  jeune,  lorsqu'il  ftit  frappé  (en  1055.)  d'une  paralyfie 
,,  qui  s'empara  de  la  moitié  de  fon  corps  du  côté  gauche  depuis  la  plante  des  pieds 
„  jusqu'au  fommet  de  la  tête  :  ce  qui -le  rendoit  totalement  perclus  de  ce  côté -là. 
„  C'étoit  une  chofe  bien  digne  compaflîon ,  de  le  voir  ainfi  préfenter  la  moitié  d'un 
„  homme  vivant  avec  la  moitié  d'un  homme  mort  .  .  .  Car  tous  fes  membres  du  côté 
„  gauche  vuides  d'esprits  &  hnguiîTans,  n'étoient  plus  capables  d'aucune  fondion,  & 
„  n'avoient  plus  que  la  fuperficie  du  corps  d'un  homme.  "  J^-m  calentis  adolescentU 
terminas  attigerat ,  cum  acmijjmà,  ejuam  Graci  parttlyjtm  vacant ,  pajjïone  dijfolmus  decu- 
imit ,  ac  membrorum  deflitutk  campage ,  à  planta  pedis  usque  ad  verticem  dimidius  cmar- 
cuit.  Erat  mifirandfl.  faciès  prafcrentis  viiium  cum  mortuo  ;  cum  adhuc  totà,  corparis  mole 
ftiperflite  ,  fniflrum  lattiS  omne  tKliJfet  paffia ,  ac  vivos  artMS  pars  mortua  fibi  depHtajfet 
officia  .  .  .  yacebant  à  minijîerio  vacua  languida  membra  <^  fuperficiem  folam  humani 
corparis  exhibebant  nalla  ufui  congrna. 

„  Il  y  avoit  près  de  trois  ans  qu'il  fouftroit  cette  efpéce  de  martyre  ...»  lorfqu'il 
,,  vit  tout  à  coup  fa  cellule  éclairée  d'une  grande  lumière  &  deux  Saints  qui  lui  ap- 
„  parurent.  "  Cttmque  ferè  per  trienninm  htijnsmadi  martirii  dilatatio  protenderet  .  .  . 
ecce  fubitâ  Ince  ctibile  in  qtto  jacebat  pcrfunditf/r ,  in  quà  magnificos  duos  viros  ad  fe  vent- 
re de  impravifo  confpicatur,  • 

Ces  Saints  lui  dirent  entre  autres  chofes ,  de  fe  fiire  tranfporter  à  Bruges  dans  l'Egli- 
fe  de  S.  Donatien,  8c  qu'il  feroit  guéri  par  l'interceffion  de  ce  Saint;  &  ils  laiflerent 
fa  cellule  toute  embaumée  d'une  odeur  très  agréable. 

,,  Le  moyen  pour  faire  ce  voyage  qu'il  défiroit  avec  ardeur,  étant  préparé,  il  par- 
„  tit  avec  empreffement  par  ordre  de  notre  Supérieur  &  par  le  confeil  des  Chanoines  ; 
„  &r  après  beaucoup  de  fueurs  &  de  fatigues,  il  arriva  à  Bruges,  où  eft  l'Eghfe  de 
„  S.  Donatien,  trois  jours  avant  la  fête  de  Notre  Seigneur.  Peu  après  qu'il  fut  arrivé, 
,,  quoiqu'il  commençât  à  faire  nuit  .  .  ,  il  fe  fit  tranfporter  à  l'Eglife,  où  après  être 
„  refté  quelque  tems,  tandis  que  par  fei  prières  il  tâchoit  d'obtenir  l'effet  de  fesdefirs,  il 

M  i  „  tom- 


jx  DES     F  AV  S  S  E  S     SVPPOSIT/OJVS 

Dissert,  jj  tomba  en  défaillance  par  une  violence  agitation  qui  faifit  tous  fes  membres  .  •  .  Le 
bwrl'aut.^^  tourment  étoit  fi  fort  ,  que  lorsqu'il  eut  duré  quelque  tems,  ceux  qui  en  étoient 
**"  *""■  „  Spectateurs  craignans  qu'il  ne  piit  pas  en  fupporter  la  violence,  fè  défaillance  aug- 
,,  mentant  toujours  de  plus ,  ils  le  fortirent  de  l'tglife  &  1:  portèrent  dans  fon  lit.  " 
yupt  Pr<tlati  M  Fratrum  concilia  parata  profe£lio»e ,  iter  optât um  amp/tit ,  atcjtie  Br/ijas 
cajhum  ad  locum  SanEit  DonattAni  triduo  ante  Natale  t.omini  mnlto  fudore  pervertit ,  (fr 
p;tucis  interjetlis ,  cumejue  jam  ....  nox  imminere  cœpijfet  .  .  .  Ecclejium  adiit  :  ibiqtte 
alicjHaKditt  moratus  dnm  orationum  vota  perfoivit ,  fnbi.  à  conciijfione  viribns  déficit  .  .  , 
Jîn^ula  memhra  fienfim  carpere  coepit  .  .  .  Tortus  autem  dum  accrcfi:entem  defeUioncm  non 
[lijfcrret  ^  miniftrorum   manihus  ab  Ecclcfià  ad  k^ulnm  report attts  eji. 

„  Vous  eulfiez  vu  alors,  ainlî  que  virent  nombre  de  Spedateurs,  cet  homme  remué 

„  par  des  impreffionsoccultes  qui  le  faifoients'sgiterde  toutes  façons  avec  une  g  ande  fati- 

,,  gue;  de  telle  forte  que  quelques-uns  ^^es  Aiiiftans  eurent  peur,  qu'un  homme  tour- 

„  mente  par  de  fi  grandes  douleurs,  ne  devint  furieux.    Cependant  ils  employoient  de 

„  tems  en  tems  leurs  efforts,  pour  arrêter  ces  mouvemens  divers  contraires  à  la  nature, 

„  ne  voulant  pas  céder  à  leur  violence ,  quoique  par  ces  mouvemens  la  ftruclure  de 

„  fon  corps  fe  réformoit  .  .  . ,  &  ils  étoient  dans  l'admiration  de  voir  qu'un  impotent 

lbiAcol.?î9.  „  eût  tant  de  force.    Pour  lors  le  côté  qui  avoit  été  fi  lon^-tems  immobile,  recouvrant 

„  peu  à  peu  de  la  chaleur,  remuoit  pendant  quelques  momens  avec  une  vigueur  qui 

„  lui  furvenoit  tout  à  coup  :  hs  nerfs  reprenoient  leur  première  dijpofition ,  &  deve- 

„  noient  capables  d'agir j  la  main,  les  muscles,  le   pied,  toute  la  chair  étant  fouvent 

,,  agités  par  des  mouvemens  extraordinaires ,  rtvenoient  en  leur  premier  état,  jusqu'à 

„  ce  que  la  fanté  s'étant  répandue  par  tout,  cet  homme,  comme  ayant  été  touché  de 

„  la  main  du  Souverain  Médecin,  fe  trouva  parfaitement  rétabli  depuis  le  haut  jus- 

„  qu'en  bas ,  &  fe  leva  fur  fcs  pieds  en  faifant   un  grand  faut  en  préfence  de  tous  les 

„  Afliflans.    Dans  l'inftant  la  triftefTe  fe  charige  en  joie,  les  pleurs  en  cris  d'allégreffe; 

„  &  ceux  qui  peu  auparavant  lui  témoignoient  triftement  leur  compalîion,  venoienc 

„  en  foui;  de  tous  côtés  pour  le  féliciter.     Tous  s'empreflérent  alors  d'aller  avec  lui  à 

„  l'Eglife:  mais  lui,  comme  autrefois  ^Enée  guéri  par  les  Apôtres,  fe  confiant  en  la 

„  force  de  fes  jambes,  fans  demander  ni  aide  ni  lumière  (il  étoit  nuit)  les  devança 

„  tous,  pafTant   par  des   chemins  difficiles,  tortueux  &  pleins   d'angles.    Ceux  qui 

„  auroient  dil  le  précéder, pour  lui  donner  quelque  fecours  s'il  en  avoit  befoin,  le  fui- 

,,  virent  curieux  de  voir  ce  qui  en  arriveroit  ;  &  lorfqu'ils  virent  qu'il  ne  s'étoit  point 

„  heurté  ni  blefle, quoiqu'il  fût  nuit  &  que  k  chemin  fût  fort  difficile  &  dangereux, 

„  ils  en  glorifièrent  Dieu  avec  une  admiration  encore  plus  grande  ".  f^ideres  tune  homi- 

mem  ,  diverfis  a  fratribus  ,    an^ufiiari  ,    occultis  cjuibusd^im  fatigabilitcr  fuigeflionibus  hue 

illuc  cjue  ver/are.  .   .    ita  ut  fie  excruciatum  dolonbus ,  ne  furiofe  ageret  cuftoâts  aliejuan- 

diU  formidarent,    Nec  tamen  ad  tam  varias  motus ,  cjuibus  humatia   compares   in  fe  refor- 

makutur ,  viili  cedere  ....    intcrdum  ad  aliéna  conantem  firenue  cohibcre,  inter  omnia 

tnirari  tantam  valet udinem  in  non  valent e.     Dum  intérim   latus  illud,  cjuod  tamdiit  figli. 

dum  jaii^rat ,  pauLitim  rigore  foluio  cilcre  ,  crebris  momentis,fub  repenti  vigore  titillarc 

-  nervorum  connexones  ad  ufus  prifiino;  rcparari,  manus   cum  l.icerto  ^    ciim  pede  ^    ftpins 

tentmis  reflcxionibus ,  crus  ab  inguine  reaire ,  donec  fenfim  repens  tmdicjue  fanitas ,  ejuaji 

fnfl  medic,;niis  taUum  ^  a  fummo  ufque  deorfum  hominem   redintegravit  ,  atque  imer  fibi 

confidentes  v  e  toc  i  fallu  in  pedes  erexit.    Ai*ror  in  gaudium  ,  lutlus  in  exultât  ioncm  continué» 

fermurainr  :  OT  </«'  paulo  ante  compatiendo  trifics  confiiterant  ,   j.im  congratulando  undiaue 

conflitebar.t  ....  Tune  omnes  ^unus  cjuifque  ,  impenfi  famulatih  frudum  per  ipfum  off'erre 

Dca  cupientes  ,  iter  ad  Ecclrfiam  cum  eo  accélérant ,  fed  vclut  Apofiolkus  yicneas  novus 

çreffitms  fidens ,  non  itle  auxilium ,  non  ille  lumen  (ju^fivit  :  immo  per  difpciiia  Q-  ançutofa 

UcafsluJ  omneS  alios  autcvcnit:  fubfeqttuniur  cnriofiy  qni  ad  minijhrium  pyjefidere  debuis- 

fent  ^ 


DE         M.         DE        BETHLEEM.  55 

fe»t ,  &  quod  nullà  impa^ione  fe  laferit  noSle  ac  fericnlofo  in  tranjim  ,  cnm  intaElum  repe-    Dissert. 
rijfent ,  Deum  glorifidintts  plus  wtirantur.  surl'aut. 

„  Le  jour  de  Noël  (  1058.  qui  étoit  le  furlendemain    du  Miracle)  le  Curé  de  cette  "^^  '^"'" 
„  Eglife  fit  un  Sermon  au  peuple,  pour  le  lui  certifier,  le  Miraculé  lui  ayant  rendu  un  "^*'''°'-^5^' 
„  fiJéle  compte  de  tout  ce  qui  venoit  de  lui  arriver."  Die  autem  ipja  Natalis  Domini 
Pralattis  Ecckjia  publicâ  Jiatione  ,    eodem  fratre  attejlante  ,    de  omnibm  c^tM  acciderant  in 
Sermone  ad  populum  credibiliter  peroravit. 

Les  doulurs  &  les  agitations  convulfives  ne  font  donc  pas  une  cîrconftance  indi<îne 
d'être  attribuée  à  Dieu  dans  l'ordre  furna''urel,  &  ne  font  nullement  incompatibles  avec 
les  faveurs  &  les  grâces  gratuites  qu'il  juge  à  propos  de  faire.  Il  paroît  au  contraire, 
qu'il  a  fouvent  voulu  que  les  douleurs  taufées  par  les  Convulfions,  fatisfaifant  à  fa 
juftice,  ouvrifleut  la  porte  à  fa  miféricorde.  Mais  Celui  qui  habite  une  lumière  inac- 
celfible  ne  peut-il  pas  avoir  eu  encore  quantité  d'autres  motifs  au  defTus  de  notre  intel- 
ligence,  pour  envoyer  furnaturellement  des  agita'tions  convulfives,  &  en  même  tems 
les  illuftr.r  par  des  Miracles  &  des  Prodiges,  afin  que  les  humbles  qu'il  fe  plaît  fur- 
tout  à  éclairer  ,  reconnuffent  qu'elles  venoient  d;  lui  ?  S'il  l'a  déjà  fait  furies  Tom- 
beaux dç  quantité  de  Saints ,  ne  peut-il  pas  encore  le  faire  ? 

Tonte  la  Queftion  fe  réduit  donc  à  favoir ,  fi  dans  le  fait  particulier  l'œuvre  pré- 
fente des  Convulfions ,  née  d'abord  fur  le  Tombeau  de  M.  de  Paris  ,  &  qui  s'eft  en- 
fuite  étendue  plus  que  jamais ,  dès  que  les  Puiffances  de  la  Terre  ont  perfécuté  les 
Convulfionnaires  &  interdit  l'approche  du  Tombeau  ;  n'a  pas  Dieu  pour  Auteur.  Or 
fi  le  Très-haut  dédire  lui-même  par  une  très  grande  multitude  de  Miracles  &  de  Pro- 
diges,  marqués  au  fçeau  de  fa  Toute-puiffance,  qu'il  opère  furnaturellement  dans  cette 
œuvre,  &  que  les  Convulfions  font  à  certains  égards  des  effets  de  fa  Bonté,  &  des 
moyens  dont  il  fe  fert  pour  exécuter  difféiens  deffeins  de  fa  Providence  j  eft-il  permis 
de  refufer  d'en  croire  fon  témoignage  \ 

Que  peut  répondre  M.  l'Evêque  de.  Bethléem  à  l'induftion  triomphante  qui  réfulte 
des  ces  Miracles,  dans  le  nombre  defquels  il  y  en  a  plufieurs  qui  ont  été  vifiblemenc 
opérés  par  création  ,  &  tous  les  autres  d'une  manière  inconteftablement  fupérieure  au 
pouvoir  des  caufes  naturelles  ?  Niera-t-il  les  faits  ?  Ils  font  de  notoriété  publique , 
ils  font  confiâtes  par  des  Témoignages  au  deffus  de  tout  contredit. 

S'il  n'eit  pas  poffible  d'en  contefter  la  vérité,  l'hipothéfe  de  ce  Prélat  eft  iafoutena- 
ble  :  &  certes  l'œuvre  des  Convulfions  eft  invinciblement  autorifée,  Ci  pour  en  faire 
préfent  au  diable  on  fe  voit  forcé  d'attribuer  à  cette  miférable  créature  des  Miracles  oùt 
l'opération  du  Créateur  eft  évidente,  &  de  fe  révolter  ainfi  contre  la  Décifion  de 
Dieu  même  ,  fans  fe  mettre  en  peine  d'énerver  par  ce  moyen  les  preuves  les  plus 
fenfibles  de  la  Religion. 

Ainfi  pour  raifonner  jufte   &  d'une  manière  conforme  aux  principes  qu'on  trouve 
dans  llEvangile,  au  lieu  de  dire,  comme  ce  Prélat,  qu'on  doit  juger  que  le  démon  eft; 
l'Auteur  de  tous  les  Miracles  de  ce  Siècle,  attendu  qu'ils  ne  font  qu'une  même  œuvre 
avec  celle  des  Convulfions,  il  faut  dire  au  contraire  ,    que  les  Miracles  font  fingulière-^Onenrap- 
ment  l'œuvre  de  Dieu  Se  la  voix  par  laquelle  il  parle  vifiblement  aux  hommes,  &  qu'ain-P"";"-*""' 
Cl  ayant  illuftré  l'œuvre  des  Convulfions  par  quantité  de  Miracles,  on  en  doit  conclur- tes  fur-iout 
re  avec  le  grand  Evêque  de  Montpellier  *,  qu'elle  a  un   objet  qui  mérite  toute  notre ^^"^]'|^L°j 
tre  attention,  &  qui  eft  digne  de  la  figefle  &  de  la  profondeur  de  fes  confeils.  Ouviage. 

Répon-'.ons  préfentement  aux  injures  &  aux  reproches  que  M.  de  Bethléem  fait  aux    ,  I^.- 
Convul'lonnaires,  dans  la  vue  d'infinuer  que  le  démon  eft  l'auteur  de  tout  ce  qu'il il-'^oches'"* 
y  a  de  furnaturel  dans  l'œuvre  des  Convulfions,   fans  même    en   excepter   les   Mi- 1'"= ''^^- *** 

'      ,  '  r  liethlcL-m 

racJes.     ^  ■     ,  s  ftit-iuiCoa. 

Premièrement,  il  s'amufe  à  leur  reprocher  avec  emphafe  les  petitefles  &  les  pué- '""""""** 

M  }  rilités'"' 


DES    MIR. 


5^  DES    F  AV  S  S  E  S    SVPPOSITIOKS 

DisiFnt.  riiités  ont  font  cjuclques-iifts  d'entre  eux,  lorl'qu'ils  tombent  dans  un  état  d'Enfà.ice. 
surl'aut.  jyj^j^  j-|  j-g  Prélat  ,  au  lieu  de  faire  tant  d'inutiles  recherches,  pour  tacher  de  prou- 
""  ^f  qyç  le  d^rnon  fait  des  Miracles  ,   ivoit  pris  la  peine  de  lire  les  Vies  des  Saintes 

Mvftiques,  il  y  auroit  trouve,  que  plufieurs  de  ces  Saintes,  comme  Sainte  IMagJeki- 
ne  de  Pazzi ,  la  Bienheureufe  Marie  de  l'Incarnation,  &c,  font  de  tems  en  tems  tom- 
bées dans  de  pareils  états  d'Enfance  ,  par  une  imprelTion  furnaturcUe  qui  venoit  de 
Dieu  ;  &  que  l'Eglife ,  ainli  qu'il  paroit  par  leurs  Bulles  de  Canonifation ,  a  regarde 
ces  états  comme  une  figure  Simbolique  fort  inftruftive  &:  très  éctifi-înte. 

Si  les  Convulfions  enfantines  n'étoient  pas  accompagnées  de  chofes  merveilleufes ,  de 
Prodiges  &  de  Miracles,  chez  les  Con^'^llfîonnairesaul^l  bien  que  chez  les  Mvftiques, 
il  feroit  peut-être  libre  d'en  penfer  ce  qu'on  voudroit  ;  mais  c'eft  finguliérement  dans 
c€t  état  humiliant  que  les  Convulfionnaires  fe'  trouvent  avoir  ,  par  une  lumière  fur- 
naturelle  ,  la  connoilfance  du  fecret  des  coeurs  ,  en  forte  qu'ils  prennent  en  paiticu- 
cuher  des  perfonnes  qui  leur  font  inconnues,  ils  leur  développent  les  replis  les  plus 
fecrets  de  leur  confcience  ,  &  leur  donnent  les  avis  les  plus  filutaires  avec  l'air,  le  ton 
&  la  (implicite  d'un  enfant.  Souvent  en  cet  état  ils  demandent  &  ils  reçoivent  les  plus 
terribles  Secours  :  ce  qui  eft  une  preuve  invincible,  que  leur  corps  eft  alors  revêtu 
d'une  force  Miraculeufe.  C'eft  encore  en  cet  état  ,  qu'ils  panfent  quelquefois  &  gué- 
riflent  Miraculeufement  des  malades.  Enfin  c'eft  en  cet  état  qu'avec  leurs  exprdljons 
naïves,  &:  leur  attitude  timide,  ils- nous  développent  très  hardiment  &  d'une  manière 
fort  lumineufe,  l'extrémité  terrible  des  maux  de  lEglife.  On  les  entend  en  mcme  tems 
gémir  fur  l'aveuglement  de  ceux  des  Appellans  qui  méconnoiflent  les  œuvres  de  Dieu , 
&  qui  s'écartentde  la  lumière  que  ces  Miracles  nous  montrent  :  &  ils  nous  exhortent 
efficacement  par  l'onction  qu'une  grâce  Divine  répand  dans  leurs  Difcours,de  réformer 
la  hauteur  altiére  de  nos  efprits  &  l'orgueilleufe  enflure  de  nos  coeurs,  fur  la  fimpli- 
cité,  la  douceur  &  l'humilité  des  eufans;  en  nous  déclarant  de  la  part  de  Dieu  ,  que 
ce  font  aujourd'hui  les  qualités  eiTentielks  pour  comprendre  quelque  chofe  aux  oeuvres 
furnaturelles ,  figuratives  &  prophétiques,  qu'il  fait  aujourd'hui  principalement  pour 
éclairer  ceux  qui  font  petits  à  l^urs  propres  yeux. 

A  ces  traits  connus  de  tous  ceux  qui  fuivent  les  Convulfions,  il  eft  impoffible  de 
ne  pas  reconnoitre  que  l'état  d'Enfance  des  ConvuUîonnaires  eft  un  Simbole  inftruftif 
que  Dieu  place  au  milieu  de  nous,  &  qui  félon  les  delTeins  de  fa  miféricorde  &:  de  fa 
juftice  eft  très  propre  à  édifier  les  humbles  5:  à  heurter  l'orgueil  des  fuperbe";. 

SiM.de  Bethléem  ne  comprend  point  les  inftru<f^ions  importantes  que  Dieu  nous 
donne  par  cette  figure,  &  <î  l'état  enfantin  des  ConvuUîonnaires  choque  l'élévation  de 
fon  efprit,  ce  ne  font  point  11  du  tout  les  difpofitions  qui  font  propres  à  bien  juger 
de  cet  état  furnaturel. 

Au  refte  je  ne  prétends  nullement  attribuer  à  Dieu  fins  exception  tout  ce  qu'ont  fait 
les  Mvftiques  &  les  ConvuUîonnaires  dans  leur  état  d'Enfance,  lime  paroît  par  exem- 
ple, bien  difficile  de  le  regarder  comme  l'auteur  dans  l'ordre  merveilleux  ,  de  toutes 
les  petites  puérilités  que  faifoit  alors  Sainte  Magdclaine  de  Pazzi.  Je  fuis  perfuadé  au 
contraire  que  les  Mvftiques,  ainfi  que  les  Convulfionnaires,  ont  fouvent  confervé  dans 
cette  fituation  extraordinaire,  une  partie  de  leur  liberté,  &  que  l'impreffion  fumaturcl- 
le  de  leur  état  d'Enfince  a  pu  leur  donner  dans  ce  moment,  un  certain  goût  pour  le 
badinage  enfantin  qui  leur  a  quelquefois  fait  faire,  par  le  pur  mouvement  de  leur  vo- 
lonté ,  plufieurs  niaifcrics  qui  n'avoient  rien  de  furnaturel  ni  de  figuratif.  Ainfi  je 
crois  que  dans  cet  état  il  faut  diftmguer  ce  qui  eft  furnaturel,  de  ce  qui  ne  l'eft  point. 
Tout  ce  qui  y  paroit  vifiblemcnt  furnaturel  ,  comme  font  par  exemple,  des  Difcours 
très  jnftruétifs  &  remplis  d'un  grand  fens  ,  quoiqu'exprimcs  dans  des  termes  dont  fe 
fervent  communément  les  Enfans ,  &.'  prononcés  d'un  ton  enfantin ,  me  paroifTcnt  méri- 

ter 


DE        M.        DE        BETHLEEM.  95 

iide  attention  :  &  je  penfe  au  coi 
font  &  difeat  dans  cet  état  ,  uniquement  p; 


ter  une  grande  attention  :  &  je  penfe  au  contraire  que  tout  ce  que  les  Convulfionnaires    Disserta 
:ct  état  ,  uniquement  par  le  mouvement  de  leiu-  volonté  déterminée  ^"''^''^"'''» 


par  un  goiit  enfantin,  qui  n'eft  qu'une  fuite  naturelle  &  non  pas  un  eff.t  furaaturel  °^*"'^' 
de  l'impreiTion  qu'ils  ont  reçue  ,    ne  doit  être  regardé  que  comme  une  chofe  fort  ex- 
cufable.    Mais   comme  cela  ne  fait  point  véritablement  partie  de  l'œuvre  furnaturelle 
des  Convulfions  ,  qui  ne  confifte  proprement  que  dans  le  furnaturel   que  Dieu  opère , 
il  eft  évident  que  c'eft. fe  méprendre  que  de  juger  par  là  du  fond  de  cette  œuvre 

Secondement ,  M.  l'Evéque  de;  Bethléem  emprunte  contre  les  grands  Secours  tous  les 
r  aifonnemens  des  Dofteurs  Confultans  &  Antifecouriftes , auxquels  il  joint  en  partie  le? 
fuppoiitions  extravagantes  &  calomnieufes  du  Naturalifme  de  M.  Hecquet ,  &  à  l'aide 
de  ces  foibles  armes  ,  il  fait  un  crime  énorme  aux  Convullionnaires  des  violens  Secours 
que  Dieu,  par  une  impreifion  furnaturelle,  les  oblige  de  fe  faire  donner. 

Mais  encore  un  coup  que  peut  répondre  ce  Prélat  aux  Miracles  éclattans  par  les- 
quels le  fouverain  Legiflateur  les  autorife?  i.  Comment  ne  fent-il  pas  qu'en  attaquant 
ainlî  par  les  plus  violentes  déclamations  ,  ce  que  le  Très-haut  déclare  lui-même  être 
fon  œuvre  par  des  guérifons  éminemment  furnaturelles  &  qui  font  par  conféquent  fa 
voix  &  font  témoignage,  c'eft  lui-même  qu'il  attaque ,  c'eft  fx  conduite  qu'il  cenfu- 
re?  2.  Quand  on  ne  confidéreroit  ces  Secours  qu'en  eux-mêmes ,  par  où  ce  Prélat  prou- 
ra-t-il  qu'il  eft  défendu  à  une  perfonne  qui  fouffre  de  violentes  douleurs  ,  de  deman- 
der le  feul  remède  qui  la  foulage  &  la  guérit  fur  le  champ  ?  Comment  pourra-t-il  nous 
faire  accroire,  que  ceux  qui  animés  par  une  charité  compatiffante ,  emploient  le  moyen 
unique  qu'il  y  a  de  faire  cefler  hs  fouffrances  de  ces  Convulfionnaires  ,  bleflent  en  cela 
la  Loi  Divine  ,  dont  la  charité  eft  l'aiTie  ?  5.  N'eft-il  pas  inconteftable  que  depuis 
plus  de  quatorze  ans  ces  Secours  ne  manquent  jamais  de  faire  éclatter  auffitôt  de  grands 
Prodiges  que  Dieu  ne  fait  pas  pour  qu'ils  reftent  inconnus ,  puifqu'au  contraire  ces 
Prodiges  font  évidemment  iimboliques ,  figuratifs  &■  prophétiques  ? 
.  Je  ne  fais  ici  qu'indiquer  en  très  peu  de  mots  ces  faits  décilîfs  ,  parce  que  je  me 
réferve  à  les  expliquer  avec  toute  l'étendue  qu'ils  méritent ,  dans  mon  Troifîéme  To- 
me; où  le  Leâeur  trouvera  entre  autres  chofes  des  preuves  infurmontables  ,  que  Dieu 
emploie  ces' violens  Secours  &  les  Merveilles  qu'ils  font  paroître ,  à  nous  peindre  ,  de 
la  manière  la  plus  capable  de  nous  faire  impreflion ,  les  grands  Evénemens  qui  font  fur 
le  point  d'arriver,  &  à  nous  y  préparer  en  augmentant  notre  foi  &  notre  confiance  en 
fon  fecours  ,  par  la  vue  de  toutes  ces  admirables  Merveilles.  Ainfi  ces  prodigieux  Se- 
cours font  en  même  tems  pour  les  corps  un  remède  bienfaifant  ,  &  même  quelquefois 
un  canal  de  guérifons  des  plus  inconteftablement'  Divines  ,  &  pour  les  efprits  &  les 
cœurs  une  fource  de  lumière  &  de  grâces. 

Avant  que  M.  de  Bethléem  puifle  fuppofer  ,  ainfi  qu'il  le  fait  très  gratuitement, 
que  ces  violens  Secours  font  des  crimes  ,  il  faut  qu'il  commence  par  réfuter  tous  ces 
faits  &  les  Autorités  que  mon  Troifième  Tome  contient  fur  ce  fujet.  Or  c'eft  ce 
que  ni  lui ,  ni  les  Théologiens  oppoiès  aux  Secours  ,  ni  les  Confultans  ,  ne  pourront 
certainement  pas  faire  :  &  je  crois  pouvoir  me  flatter-,  que  par  les  preuves  contenues 
dans  mon  Troifième  Tome  ,  toutes  leurs  déclamations  feront  diffipées  fans  relTource , 
parce  qu'on  y  verra  très  clairement  ,  d'une  part  que  Dieu  les  réprouve  &  les  condam- 
ne par  une  multitude  de  Miracles  &  de  Prodiges  ,  &  d'autre  part  qu'elles  ne  font  ap- 
puyées que  fur  de  pures  fuppofitions,  &  fur  une  très  fauffe  application  que  ces  MM. 
font  des  Préceptes  contre  leur  efprit  &  leur  véritable  fens  :  mais  cette  difcuflîon  feroit 
trop  longue  pour  pouvoir  la  placer  ici. 

Je  me  réduirai  donc  quant  à  préfent  ,  h  obferver  que  la  plus  fpécieufe  des  objec- 
tions de  ce  Prélat  par  rapport  à  ces  Secours  ,    confifte  à  dire  qu'il  eft  impoflible  que 

Dieu 


SDR  L  AUT 


^  DES     FAVSSES     SVPPOSITIONS 

DissERT.  Dieu  par  fes  infpirations  difpenfe  de  fes  loix  ,    uniquement  pour  nous  amufer  par  un 
vain  fpeclacle. 

Mais  où  ce  Prélat  a-t-il  pris ,  que  des  Secours  continuellement  falutaires  aient  befoin 
d'une  difpenfe  des  loix  Divines, &  que  le  fpeftacle  des  Convulfions  &  de  ces  Secours 
ne  foit  qu'un  vain  amufement  \  S'il  n'ajoute  aucune  foi  aux  importantes  prédidions 
que  nous  ont  fait  en  cet  état  plufieurs  Convulfioruiaires  par  une  imprefiTion  à  laquelle 
h  plupart  ne  pouvoient  réfiftcr  :  s'il  n'eft  point  touché  du  pathétique  de  kurs  exhorta- 
tions ,  quoique  le  furnaturel  des  Difcours  oii  elles  font  faites ,  foit  évident  :  s'ilofe  faire 
préfent  au  diable  de  toutes  les  j^uérifons  JMiraculeufes  opérées  depuis  plus  de  quatorze 
ajis  par  le  moyen  des  Convulfions  ,  par  le  miniftére  des  Convulfionnaires ,  &  par  la 
violente  imprelfion  des  plus  étonnans  Secours  ,  pouflera-t-il  l'aveuglement  jufqu'à  at- 
tribuer à  cet  efprit  pervers  toutes  les  Converllons  d'Athées  ,  de  pécheurs,  que  Dieu 
a  terraffés,  éclairés,  touchés,  convertis  à  la  vue  des  Merveilles  qu'il  fait  éclatter  par 
les  Convulfions  &  fur-tout  par  les  Secours  les  plus  terribles  ?  Quoi  !  Satan  faire  jour- 
nellement pendant  plufieurs  années  une  multitude  innombrable  de  Prodiges  pour  rem- 
plu-  de  foi  ks  incrédules,  &  leur  ouvrir  le  cœur  à  l'Evangile  !  Un  fpsdacle  qui  pro- 
duit de  tels  effets,  n'eft-il  donc  qu'un  amufement  frivole? 

Ce  Prélat  termine  fa  déclamation  fur  cet  article  par  dire  ,  que  /  c'ejl  Ditu  qui  exau' 
ce  les  Convulfionnaires  qui  le  tentent ,  il  les  exuuce  dans  fa  colère. 

Quoi,  Dieu  dans  fa  colère  fera  d'admirables  Prodiges,  &:  jufqu'à  des  Miracles  opé- 
rés par  création,  pour  tromper  des  âmes  fidelles  qui  ne  travaillent  que  pour  fa  gloire, 
&  à  qui  le  défir  de  lui  plaire  fait  tout  facrifier.  Quel  eft  donc  l'idée  que  ce  Prékt  s'eft 
formée  de  la  juftice  &  de  la  bonté  Divine?  Croit-il  donc,  que  le  Tout-puirtant  n'eft 
plus  le  Dieu  de  Vérité?  Les  Miracles  font  la  voix  jpar  laquelle  il  nous  parle  en  Dieu, 
ks  Miracles  font  fes  œuvres  :  depuis  quand  les  fait -il  pour  nous  précipiter  dans 
l'erreur  ? 

D'ailleurs  par  où  ce  Prélat  prouvera-t-il ,  que  les  Convulfionnaires  tentent  Dieul 
C'eft  au  contraire  pour  ne  pas  le  tenter,  qu'ils  demandent  &  qu'on  leur  accorde  les 
Secours  violens ,  qui  préviennent  ou  qui  dilfipent  les  vives  douleurs  qui  les  déchirent. 

Troifiémement ,  cet  Evcque  adopte  toutes  les  autres  erreurs  de  fait,  &  les  faux  prin- 
cipes qui  font  répandus  dans  la  Confultation  ;  mais  en  marchant  fur  les  tracs  de  fes 
Doâeurs,  il  va  bien  plus  loin  qu'eux.  Selon  lui,  non  feulem:nt  les  Convulfions  des 
Auguftinides  &  des  Vaillantiftes ,  &  celles  des  Convulfionnaires  qui  ne  font  attachés 
qu'à  la  Vérité ,  Se  fur  qui  Dieu  agit  vifiblement ,  ne  font  qu'une  même  œuvre  qui  ne 
peut  avoir  qu'un  feul  principe,  &  où  par  conféquent  tout  eft  Divin,  ou  diabolique: 
non  feulement  toutes  les  différentes  parties  de  ces  Convulfions  font  liées  enfemble  comme 
celles  ii'ffn  anneau,  dit-il  encore  avec  les  Dofteurs  Confultans;  mais  il  prétend  même, 
ou  da  moins  il  infinue,  que  tout  ce  que  font  les  Convulfionnaires,  même  fans  Con- 
vulfion ,   fait  partie  de  cette  œuvre ,  &  concourt  à  la  former. 

En  effet  il  eft  fi  vrai ,  qu'il  pouffe  jufqu'à  cet  excès  la  vafte  étendue  de  ce  Siftéme 
extnvagant ,  qu'il  ne  fait  ancune  diftindion  entre  ce  que  les  Convulfionnaires  font  par 
une  impreffion  furnaturelle ,  &  ce  qu'ils  font  par  leur  propre  volonté.  Il  confond  mê- 
me fi  fort  tout  cela  enfemble ,  qu'il  leur  reproche  les  chofes  où  il  eft  évident  qu'ils 
ont  agi  par  un  mouvement  furnaturel ,  comme  fi  elles  avoicnt  dépendu  de  leur  propre 
volonté,  &  qu'en  même  tcms  il  met  fur  le  compte  de  la  Convuifion  toutes  celles  où 
il  eft  vifible  que  les  Convulfionnaires  n'ont  agi  que  par  leur  propre  mouvement.  Il  n'y 
a  pas  jufqu'aux  fautes  qu'ils  ont  faites  hors  de  leurs  Convulfions,  dont  il  ne  veuille  fe 
fervir  pour  deshonorer  cette  œuvre,  qui  encore  une  lois  ne  conlîfte  véritablement  que 
dans  le  furnaturel  que  Dieu  y  opère. 

Par 


DE       M.       DE       B    E    T    H    L    E'     E    M.  yj 

Par  exemple,  n*eft-il  pas  évident,  que  c'eft  par  une  confufion  affeftée,  qu'il  fait   Uissekt; 
un  crime  à  des  Convulfionnaires  d'avoir  annoncé  quelque  tems  auparavant  des  guérilbns  surl'aut. 
Miraculeufes  que  Dieu  avoit  réfolu  de  faire  par  leur  miniflére  ?   Mais  fi  ce  Prélat  n'étoit  °^'  "'*• 
pas  aveuglé  par  fes  préventions,  l'événement  de  ces  Miracles  arrivés  avec  toutes  k-s  cir- 
conftances  prédites,  ne  lui  auroit-il  pas  fait  fentir,  que  lorsque  ces  Convulfionnaires 
ont  déclaré  que  Dieu  fe  ferviroit  d'eux  un  certain  jour  pour  opérer  ces  Miracles,  ils 
parloient  par  une  impreflîon  furnaturelle  qui  ne  pouvoit  venir  que  de  lui ,  puisqu'il  efi: 
certain  que  le  démon  n'a  aucun  moyen  de  prévoir  les  œuvres  du  genre  merveilleux  que 
Dieu  a  deflein  de  faire?  Cependant  ce  Prélat  s'écrie  ,  qu'une  telle  proniejje  e'toit prefomp- 
tften/è ,  téméraire,  injurieufe  a   la  fouveraine  indépendance  de  Dieu  F  lit   il  en  conclud 
que  la  prédidion  de  ces  Miracles  n'a  pu  venir  ^ue  du  démon,  comme  s'il  n'étoit  pas 
auffi  clair  que  le  jour  que  c'eft  Dieu  même  qui  le  leur  a  fait  prédire. 

Lorsqu'au  contraire  les  guérifons  prédites  ne  font  point  arrivées ,  on  eft  à  la  vérité 
en  droit  d'en  concliure  que  les  Convulfionnaires  qui  ont  fait  ces  fauffes  prédirions , 
ont  été  réduits  par  leur  imagination  ou  abufés  par  l'efprit  de  menfonge.  Mais  ces  nua- 
ges que  Dieu  permet  dans  fa  colère,  pour  cacher  la  lumière  à  ceux  qui  ne  cherchent 
que  les  ténèbres,  ne  doivent  point  faire  rejetter  une  œuvre  illuftrée  par  quantité  de  Mi- 
racles ,  &  oîi  il  eft  manifefte  que  Dieu  préfide  pour  de  grands  defTeins  dignes  de  fa 
fagefle,  de  fa  mifericorde  &  de  fa  juftice. 

C'eft  donc  en  pure  perte,  que  ce  Préht  ramafle  avec  tant  de  foin  toutes  les  calom- 
nies qu'on  a  débitées  contre  les  Convulfionnaires,  qu'il  y  joint  les  fautes  que  quelques- 
uns  d'entre  eux  ont  commifes  très  librement,  foit  en  Convulfion,  foit  fans  Convulfion, 
&  qu'il  préfente  tout  cela  à  fon  Ledeur ,  comme  fi  les  péchés  que  la  foiblefle  humai- 
ne peut  faire  commettre  aux  Convulfionnaires  étoient  décififs  pour  juger  quel  eft  l'au- 
teur de  leurs  Convulfions. 

Quoi!  ce  Prélat  prétend-il  donc,  que  Dieu  eft  obligé  de  rendre  impeccables  tous 
ceux  dans  qui  il  agit  fumaturellement ,  &  fur  qui  il  lui  p'aît  d'exécuter  des  Prodiges 
qu'il  a  defl'ein  de  donner  à  l'Eglife  comme  un  figne  &  un  fimbole  prophétique? 

Il  eft  donc  vifible  que  ce  Prélat  ne  cherche  qu'à  jetter  de  la  poudre  aux  yeux,  par 
le  déplacement  qu'il  fait  ainfi  contre  toute  raifon,  de  ce  qui  eft  furnaturel  &  de  ce  qui 
ne  l'eft  point ,  en  donnant  pour  des  inftinds  de  Convulfion  toutes  les  adions  des  Con- 
vulfionnaires,  qui  peuvent  avoir  quelque  chofe  de  repréhenfible,  &  qui  font  de  mau- 
vaifes  produftions  de  leur  pure  volonté;  &  tout  au  contraire  en  imputant  à  orgueil  & 
à  témérité  tout  ce  qu'ils  font  par  une  imprefiîon  furnaturelle,  comme  fi  c'étoient  des  , 

adions  uniquement  émanées  de  leur  volonté  propre. 

Cette  confufion  fi  capable  d'induire  en  erreur  ,  avoit  déjà  été  la  principale  fource 
qui  a  fait  prendre  aux  Doéleurs  Confultans  une  très  fauffe  idée  de  l'œuvre  des  Con- 
vulfions :  &  c'eft  cette  faufie  idée  que  M.  de  Bethléem  a  embraffée  de  tout  fon  cœur. 
Auflî  prefque  toute  fa  critique  n'eft-elle  qu'une  répétition  des  principales  objeftions 
qui  avoient  déjà  été  faites  par  ces  MeTieurs.  Or  pour  les  renverfer  de  fond  en  com- 
ble, je  n'aurai  befoin  que  d'expofer  fimplement  quel  eft  le  véritable  état  des  Convul- 
fionnaires, &  de  diftinguer  ce  qu'on  afïeéle  de  confondre.  Car  il  fuffit  que  la  Vérité 
fe  fafle  voir  clairement ,  pour  faire  auffi-tôt  difparoitre  les  ombres.  Mais  comme  ce- 
la demande  un  aflez  grand  détail,  iejynets  à  le  faire  à  la  fin  de  ce  Second  Tome;  oii 
M.  de  Bethléem  trouvera  des  réponf^^  toutes  fes  principales  objeftions,  dans  la  ré- 
futation que  j'y  ferai  de  toutes  celles  des  Confultans. 

Le  troifiéme  moyen  dont  il  fe  ftrt,  pour  obfcurcir,  ou  du  moins  poiu"  jetter  un  voi-        v. 
le  d'incertitude  fur  les  Miracles  opères  en  faveur  de  l'Appel,  eft  de  /élever  à  l'excès  eJhi^^ni'l^. 
l'étendue  du  pouvoir  du  démon,  afin  d'infinuer  par- là,  qu'il  n'y  a  nulle  inipolTibilité,  maffcquau- 

Dijfert.  Tom.  II.  N  que  ''^Jll%,t. 


5)8  DES     F  AV  S  S  E  S     SVPPOSITIONS 

DissEPT.qiie  ceDngon  de  rEnferne  foit  l'auteur  de  toutes  les  guérifons  Miraculeufes  obtCrities 
suRL'AuT.N  l'jntercellion  des  Appelions. 

DES   MIR  _  rr  '    •  >•!       '        /    '    r  /      1  •  n-/  . 

ûs  hiftoires,      Pour  cet  en:t ,  quoiqu  il  ait  cte  force  de  convenir  exprellcment  que  ce  maudit  A- 
'^"oP"'     portât  ne  peut  rien  exécuter  que  par  des  moyens  naturels,  &  p.ir  conféquent  qu'il  ne 
le  démon  a    peut  point  faire  de  véritable?  Miracles,    cela  ne  rertipcche  pas  d'employer  toute  fort 
dulucri-"   indurtrie  à  tâcher  de  faire  croire  qu'il  en  a  réellement  opéré  plufieurs. 
ronsmiticu-      Pour  tâcher  de  le  perfuadcr,  il  a  recours  à  des  fables  qu'il  va  chercher  dans  les  Li- 
"'"'         vres  des  Payens ,  &  à  toutes  les  fauffes  hiftoires  qu'il  a  pu  trouver  dans  les  Auteurs  ; 
^'  en  fe  fondant  fur  ces  faits,  dont  la  plupart  font  notoirement  apocryphes,  &   dont 
tous  les  autres  n'ont  été  que  des  fourberies,  des  illufions ,  des  fupercncries ,  des  ap- 
parences fans  réalité,  ou  tout  au  plus  des  prodiges  de  pure  oftentation;  il  attribue  à 
cet  efprit  pervers  la  multitude  des  Guérifons  Miraculeufes  que  l'Auteur  de  toute  cotl- 
fohtion  opère  depuis   1727.  &:  par  lefquelles,  en  déclarant  à  la  Terre  qu'il  y  a  dé- 
jà plufieurs  Appellans  dans  le  Ciel,  il  inftruit,  il  fortifie,  il  encouras^e  ceux  des  Ap» 
pellans  qui  combattent  &  qui  fouffrent  pour  la  Vérité.     Et  ce  Prélat  ofe  en  même 
tems  faire  honneur  à  ce  Serpent  infernal  de  cette  variété  infinie  de  Prodiges,   dont 
plufieurs  font   fi  merveilleux  &  fi  abfolument  fumaturels ,  qu'il  n'cft  pas  pofTible  d'y 
méconnoitre  de  bonne    foi  l'œuvre  de  Celui  qui  peut  feul  fe  jouer,  comme  il  lui 
pbtt,  de  la  nature,  &  bouleverfer  à  fon  gré  les  loix  qu'il  a  jugé  à  propos  de  lui 
prefcrire.    Comment  par  exemple  ,  s'empêcher   d'appercevoir  le  doigt  de  cet  Etre 
Tout-puiflfant ,  dans  le  changement  total  de  la  nature  des  élcmens,  &  dans  la  fufpen* 
fion  des  effets  que  la  force  du  mouvement  doit  infailliblement  produire  ?  On  voit  des 
Convulfionnaires  trouver  leur  rafraîchilfement   au  milieu  des   flammes   qui  refpeftent 
leurs  habits  aulfi-bien  que   leurs  perfonnes  :  on  en  voit  dont  les  corps  foibles   &  dé- 
licats devenans  tout  à  coup  comme  invulnérables ,  reçoivent  la  fanté  par  des  coups  ca- 
pables de  brifer  le  fer. 

Mais  quelque  éclat  qu'ait  l'opération  de  Dieu  pour  ceux  qui  y  font  attentifs,  & 
qui  la  regardent  fans  prévention,  cela  n'empcche  point  que  les  Puiflances  du  Siècle  op- 
pofées  à  cette  œuvre,  n'entraînent  de  leur  côté  tous  les  charnels,  tous  les  amateurs  des 
biens  du  monde,  tous  les  enfans  de  la  terre.  Ainfi  quoique  toutes  les  objeflions  de 
M.  l'Evéque  de  Bethléem  contre  les  Miracles  &  les  Prodiges  que  Dieu  fait  aujour- 
d'hui ne  foient  fondées,  i.  que  fur  une  fuppofition  démentie  par  une  grande  multitude 
de  Témoins- oculaires,  2.  quoiqu'elles  né  foient  appuyées  que  fur  une  hypothéfe  eiTO- 
nce,  où  il  donne  pour  principal  motif  de  décifion,  des  calomnies  qui  ne  conclurroient 
rien  quand  même  les  faits  feroient  véritables:  enfin,  quoiqu'elles  ne  foient  établies  que 
fur  des  fables  &  de  faulTcs  hifto'u'esj  elles  ne  laiffent  pas  d'entraîner  la  très  grande  mul- 
titude de  ceiLX  qui  ne  cherchant  qu'à  fe  tromper  eux-mêmes,  fiififlent  avec  avidité 
toutes  les  lueurs  fauffes  &  trompeufes  qui  peuvent  mettre  leur  efprit  d'accord  avec  leur 
cœur.  Elles  fout  même  encore  plus;  elles  inquiettent,  elles  embarranent  ceux  dont  le 
cœur  eft  droit,  mais  dont  l'efprit  n'eft  pas  affez  éclairé  pour  démêler  tous  les  pièges 
que  ce  Prélat  leur  tend.  Ainfi  il  eft  d'une  importance  extrême  de  dévoiler  &  de  mi- 
nifeftcr  au  grand  jour  l'illufion  de  fes  Ecrits. 
Un  (les"  tin-  Un  de  fes  principaux  artifices  eft  de  confondre  les  Miracles,  qui  font  finguliére- 
cii-aiixiiiiti-  ment  la  voix  de  Dieu,  avec  les  faux  prodiijes  ^e  le  démon  a  quelquefois  In  liberté 
"mlaihfte'i  ^c  faire.  Car  ce  n'eft  qu'en  brouillant  ainfi 'toutes  les  idées,  que  les  Antimiraculiftes 
,1  ,ic  con-  peuvent  prvenir  à  éblouir  le  Public.  Ainfi  la  meilleure  méthode  pour  dilfipcr  les 
nuages  qn'ils  s'efforcent  de  répandre,  c'eft  de  bien  diftingucr  tout  ce  qu'ils  afftdcnt 
de  confondre. 
Je  vais  dans  un  moment  expliquer  la  différence  qu'il  y  a  entre  les  Miracles,  les  prcf- 


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ti<^es,  &  les  prodiges.  Mais  auparavant ,  afin  que  leLe^fleur  voie  jufqu'à  quel  point  ce  Dissert. 
PréJ^t  fe  fert  de  cette  adrelle  pou:-  £nre  illufion,  il  eft  Ijon  de  ripporter  les  deux  ou"'"''^'*"'" 
trois  petits  contes  qu'il  donne  d'abord  ea  preuve,  dans  la  plus  feduifante  de  fes  Let- 
tres ,  que  le  démon  peut  faire  un  Aliracle  . . .  four  rendre  U  famé  ...  &  que  non  feule-  ^'I-  Lctr.  de 
ment  il  a  apz,  de  pouvoir  pour  rendre  lafanté  aux  malades ,  mais  qu'il  en  a  même  quel-  ^'  ,0.^^'^*' 
quefois  la  bonne  volonté.  Jbid.  p.  ig. 


tinmorp 

de 

attacha  fa  ceinture  a  un  vaijjeau  quon  n  avait  pu  ébranler  ni  par  force  ni  par  indaj},rie , 

(7*  çiu'e^t  preuve  de  fon  innocence  elle  le  conduijit  par  tout  ou  on  voulut. 

Il  falloit  que  la  ceinture  de  cette  Veftale  fût  bien  longue,  pour  du  rivage  ou  du 
pqrt  où  elle  étoit  auparavant ,  conduire  ainfi  en  pleine  mer  un  vaifTeau  par  tout  oii  on 
vouloit.  Mais  n'eft-ce  point  perdre  le  tems  que  de  s'amufer  à  relever  le  faux  d'un  fait 
aulTi  abfurde,  &  qui  manifeftement  n'eft  qu'une  produdion  de  la  mcme  imagination 
exceffivement  fertile,  qui  a  fait  inventer  à  Ovide  tant  de  Me'tamorphofes  impertinentes? 

2.  Le  Prélat  raconte,  fur  la  foi  de  Valere-Maxime,  qu'une  autre  Fcfîale  nommée 
Tufcia ,  pour  juftifieryTï  chaftaé  pons.  de  l'eau  dam  un  crible. 

Mais  afin  que  ce  Prélat  ne  me  reproche  pas  d'avoir  pafle  fous  filence  aucun  des  faits, 
qu'il  cite,  nloublions  pas  celui  qu'il  a  été  chercher  dans  Hérodote  le  père  du  menfon- 
ge ,  ainfi  que  les  Payens  eux-mêmes  le  qualifient.  Ce  fait  eft  que  le  démon  fous  le 
nom  d'Apollon  invoqué  par  le  Roi  Crœfus  ,  ..  fit  tomber  avec  violence  une  pluie  abondan- 
te, qui  éteignit  le  feu  dans  lequel  ce  Roi  étoit  prêt  d'être  brûlé. 

Certes  il  faudroit  être  bien  crédule  pour  ajouter  foi  à  de  femblables  fables ,  qui  n'ont 
pour  toute  preuve  que  le  récit  qui  en  a  été  imaginé,  l'un  par  Hérodote,  l'autre  par 
Ovide,  &  le  troifiéme  par  Valere-Maxime.  Car  à  l'égard  des  Auteurs  poftérieurs , 
qui  les  ont  répétés  d'après  eux ,  ils  n'en  parlent  que  fur  leur  témoignage. 

Mais  peut-on  penfer  raifonnablement ,  que  Dieu  qui  n'a  donné  de  pouvoir  aux  An- 
ges Apoftats  que  pour  punir  les  médians,  &:  exercer  les  Elus  félon  les  deifeins  de  la 
Providence,  &  qui  ne  peut  jamais  employer  ces  Efprits  maudits  &  réprouvés  à  exer- 
cer la  miféricorde ,  ni  à  diftribuer  des  bienfaits  ;  leur  ait  permis  d'opérer  ces  trois  pro- 
diges pour  fauver  l'honneur  &  la  vie  à  des  innoccns? 

Suppofons  néanmoins  pour  un  moment,  en  faveur  de  M.  l'Evéque  de  Bethléem,' 
que  le  démon  a  fait  ces  prodiges  :  qu'en  réfulte-t-il  pour  prouver  qu'il  peut  également 
faire  des  Miracles  de  guérifon .'' 

Ces  trois  prodiges  ne  font  point  au  defTus  du  pouvoir  dont  les  diables  obtiennent 
quelquefois  la  permiffion  de  faire  ufage.  En  efiët  pour  faire  remuer  un  vaiifeau ,  il  ne 
faut  qu'agiter  l'air  avec  violence  :  pour  empêcher  l'eau  de  fortir  par  les  trous  d'un  cri- 
bje,  il  n'eft  queftion  que  de  condenfer  l'air  par  deffous;  &  pour  faire  tomber  de  h 
pluie ,  il  n'eft  néceflaire  que  de  raflembler  quelques  nuages  &  de  les  diffoudre. 

Mais  il  n'en  eft  pas  ainfi  des  guérifons  Miraculeufes.  La  plupart  ne  peuvent  s'opérer 
d'une  manière  prompte  &  parfaite,  que  par  la  reproduélion  lubite,  non  feulement  des 
efprits  &  des  liqueurs,  mais  mcme  de  certaines  petites  parties  folides,  que  prefque  tou- 
tes les  maladies  confidcrables  qui  ont.de  la  durée,  ne  manquent  point  de  corrompre  ou 
même  de  détruire;  &  c'eft  aufll  prefque  toujours  de  cette  façon,  c'eft  à  dire  par  des 
reprodudions  fubites,  que  Dieu  fait  des  Miracles  de  guérifon,  &  qu'il  a  vifilàlement 
opéré  le  plus  grand  nombre  de  celles  qu'il  a  accordées  à  l'interceftion  de  M.  de  Pa- 
ris &  autres  Appellans,  ainfi  que  je  l'ai  prouvé  dans  pl\ifieurs  de  mes  Démonftra- 
lions. 

Si   on  ne  remarque  pas   toujours  dans    chaque  Miracle  ce  caradcrc  éminemment 

■■'Ni diftinftif 


lO»  LtS  MIRACLES  SONT  LA  VOIX  DE   BIEV 

F  UissERT.diftinftif  Je  la  Toute-puinance  Divine  ,  ce  n'eff'  peut-être  que  faute  de  connoiiïance  : 
suRL  AUT,  ^ç  j^.ç^  qyg  ^zxcz  qu'on  ne  voit  pas  tout  ce  qui  eft  gâte  &  détruit  dans  le  corps  d'un 
malade.  Car  il  ert  inconteftable  que  pour  guérir  fubitement  &  parfaitement  des  mala- 
des, il  faut  reproduire  tout  d'un  coup  tout  ce  que  le  poifon  de  h  maladie  a  changé  de 
natiu-e  &  même  a  dilTipé  &  anncanti.  AulTi  une  Phyfique  favante  &  attentive  fait-elle 
fouvent  appercevoir  clairement ,  que  c'efl:  par  cette  voie  équipollente  à  création  ,  que 
s'exécutent  la  plupart  des  guérifons  Miraculeufes.  Du  moins  il  faut  toujours  qu'elles 
aient  le  caradére  d'être  fupcrieures  à  la  vertu  de  toutes  les  caufes  naturelles,  par  li 
manière  dont  elles  font  opérées  :  car  fans  cela  elles  ne  feroient  point  de  vrais  Miracles. 
Au  contraire  le  démon  non  feulement  ne  peut  pas  créer  la  moindre  chofe,  il  ne  peut 
même  produire  aucun  effet  réel  que  conformément  aux  loix  invariables  que  Dieu  a  im- 
pofc  à  la  nature. 

C'eft  donc  une  illufion  manifefte  que  de  conclurre  ,  fur  le  fondement  que  Dieu  lui 
a  quelquefois  permis  d'exécuter  certains  prodiges  par  des  moyens  naturels  ,  qu'il  lui 
donne  pareillement  le  pouvoir  de  faire  des  Miracles  ,  qui  ne  peuvent  s'opérer  de  cette 
forte. 

Il  eft  vrai  qu'après  les  trois  faits  auxquels  je  viens  de  répondre  ,  le  Prélat  zélé  pré- 
conifeur  du  grand  pouvoir  du  diable  ,  avance  qu'Apollonius  ,  Pithagore  ,  Efculape, 
&  Vefpalîcn  ,    &c.  ont  fait  plufieurs  guérifons  miraculeufes.     Mais  après  que  j'aurai 

rrouvé  ,   que  Dieu  feul  en  peut  faire  ,    j'efpére  démontrer   fi    clairement  le  faux  & 
abfurdité  des  prétendus  miracles  cités  par  ce  Prélat  ,    qu'ils  ne  pourront  plus  abufer 
perfonne. 

§.  V.  Les  Miracles  font  la  voix  de  T>ieu  :  ainjî  Us  font  un  témoignage 
qui  ne  peut  point  être  équivoque. 

1-,        *¥)0"  R  garentir  les  fimples  de  la  plus  dangereufe  fcduftion,  par  laquelle  on  les  & 


Différence 


P 


e- 


•nttê  Us"  I-  JL  blou' t ,  en  leur  faifant  confondre  les  guérifons  Miraculeufes  avec  tous  lesautrcs  effets 
racles  les  qui  font  OU  même  qui  paroifTent  merveilleux  ,  commençons  par  leur  préfenter  une  idée 
Uï'prertigct.  générale  d?  la  différence  qu'il  y  a  entre  les  Miracles ,  les  prodiges ,  &  les  preftiges. 

J'y  emploierai  d'autant  plus  volontiers  mes  efforts  ,  que  de  toute  façon  il  leur  eft 
très  utile,  foit  pour  ne  pas  tomber  dans  l'impiété  de  rejetter  les  œuvres  de  Dieu  ,  foit 
pour  éviter  l'illufion  de  prendre  pour  fa  voix  les  fifïlcmens  empoifonnés  du  Serpent  in- 
fernal ,  de  favoir  que  ces  trois  fortes  de  Merveilles  ne  doivent  pas  faire  fui"  eux  la  mê- 
me impreflion. 

Les  Miracles  proprement  dits  étant  vifîblement  des  effets  de  la  Toute-puilTince  & 
des  bienfaits  de  la  Miféricorde  Divine  ,  exigent  qu'on  reçoive  leur  témoignage  avec 
foi,  avec  confiance,  avec  reconnoiffince,  avec  refpeél.  Les  prodiges,  à  moins  qu'ils 
ne  foient  manifeftement  Divins  ,  foit  par  l'éminence  de  hur  fumaturcl  ,  foit  par  leurs 
circonftances ,  leur  objet  &  leurs  effets ,  doivent  être  fcrupuleufement  examinés.  Les 
preftiges  ne  font  que  des  fupercheries  de  Satan ,  qui  ne  méritent  que  le  mépris. 

On  ne  comprend  proprement  fous  le  terme  de  Miracles,  que  les  refurreftions,  les 
guérifons  fupérieures  aux  loix  de  la  nature  ,  les  créations  qui  font  en  même  tems  fur- 
nafrcllcs,  vifiblcs  &  bienfaifantes  ,  telles  par  exemple  que  la  multiplication  des  pains 
fait*  par  Jcfus-Chrift  ,  &  les  effets  lc<;  plus  éclattans  d'une  Toutc-puiffance  qui  ren- 
verfe  ^  la  vue  le  tout  le  monde  l'ordre  de  l'Univers  ,  tîl  que  fut  le  Miracle  qui  à  la 
prière  de  Jofué  arrêta  to'it  à  coup  le  mouvemeit  du  foleil  ou  de  la  terre. 

Tout  le  mfMidc  convient  jufqu'aux  Conftitutionnaircs  les  plus  outrés,  qu'i  parler 
cxaétement,  Dieu  fcul  peut  faire  des  Miracles,  parce  que  lui  feul  peut  produire  des 

effv.ts 


lET  VN  TEMOIGNAGE  NON  E'OyiVOOVE.  loi 

effets  qui  foient  contraires  aux  loix  perpétuelles  qui  régifTent  la  nature  ,    &  que  le  dé-    Dis^ert, 
mon  &  toute  autre  créature  ne  peuvent  rien  opérer  que  par  l'aôion  des  caufes  naturelles.  '""  ''  *"'^* 

Toute  la  difficulté  qu'il  y  a  à  l'égard  des  guérifons  Miraculeufes ,  n'efl:  donc  que 
de  favoir,  i.  s'il  eft  prouvé  par  des  faits  dignes  de  foi  &  fuffifamment  autorifés,  que  ce 
miférable  Serpent  trouve  des  moyens  dans  k  nature  pour  guérir  jufqu'aux  plus  grandes 
maladies,  d'une  manière  fi  admirable,  fi  parfaite  &  fi  prompte  ,  que  ces  guérifons  pa- 
roiflent  des  Miracles  :  fuppofition  abfurde  èc  qui  eft  évidemment  impoiTible  ,  du  moins 
par  rapport  aux  guérifons  qui  s'opèrent  par  création.  Mais,  x,  quand  même  on  ima- 
gineroit,  qu'il  y  a  dans  les  êtres  matériels  des  vertus  occultes  d'ime  force  entièrement 
incompréhenfible ,  dont  le  démon  peut  faire  ufage ,  il  refteroit  encore  une  difficulté  in- 
furmontable  à  ceux  qui  attribuent  au  démondes  guérifons  qui  paroifTent  Miraculeufes, 
qui  eft  de  favoir,  (\  Dieu  qui  nous  donne  ces  merveilleufes  guérifons  pour  fon  Té- 
moignage ,  fouffriroit  que  le  démon  fe  parât  des  appanages  de  fa  Bonté  &  de  fa  Toute- 
puiflance,  pour  tromper  les  cœurs  droits  par  des  Miracles  apparens  qu'ils  auroient 
tout  lieu  de  prendre  pour  une  voix  Divine. 

Voilà  en  dernière  analife  à  quoi  fe  réduit  toute  la  difpute  fur  la  queftion  de  favoir, 
fi  le  démon  fait  des  guérifons  miraculeufes  ou  du  moins  qui  paroiflent  l'être. 

A  l'égard  des  prodiges,  on  conçoit  communément  fous  ce  nom  tous  les  évenemens 
merveilleux  qui  ont  de  la  réalité,  &  qui  ne  font  point  compris  dans  l'idée  qu'on  à 
des  Miracles. 

Dieu  qui  eft  le  Dieu  des  prodiges  félon  l'exprefTion  de  l'Ecriture,  a  néanmoins 
quelquefois  permis  au  démon  d'en  faire  ,  mais  ceux  qu'opère  ce  monftre  infernal  ,  ne 
font  pas  véritablement  fupérieurs  aux  caufes  naturelles  ,  quoiqu'ils  nous  paroiflent  quel- 
quefois très  furprenans ,  parce  que  nous  ne  voyons  pas  les  reftbrts  que  ce  fubtil  impos- 
teur emploie  pour  les  exécuter  :  ainfi  il  fuffit  que  des  prodiges  foient  absolument  fur- 
naturels  ,  pour  qu'on  doive  en  conclurre  qu'ils  font  l'ouvrage  du  Tout-puiflant.  Au 
refte  le  caraèhère  de^  prodiges  diaboliques  eft  d'être  presque  toujours  malfaifans  de  tou- 
tes façons,  ou  inutiles  &  de  pure  oftentation:  ce  qui  eft  conforme  à  la  méchanceté  & 
à  l'orgueil  de  cet  Efprit  pervers. 

Au  furplus  Dieu  opère  des  prodiges  de  plufieurs  fortes.  Il  en  fait  defpedacle, 
tels  que  ceux  qu'il  fit  paroitre  fur  la  montagne  de  Sinaï  :  mais  le  Très-haut  qui  ne 
fait  jamais  rien  d'inutile,  n'opère  de  tels  prodiges,  que  pour  fervir  de  témoignage  à 
quelque  importante  Vérité. 

Dieu  en  fait  auffi  quelquefois  pour  fournir  aux  hommes  qu'il  veut  donner  en  figne, 
le  moyen  d'exécuter  les  adions  fimboliques  qu'il  veut  leur  faire  taire  ,  ^  pour  ma- 
nifefter  que  ces  perfonnes  qu'il  met  dans  un  état  furnaturel ,  agiffent  en  certains  mo- 
mens  par  fon  impreflîon.    Par  exemple,  nous  voyons  dans  l'Ecriture,  que  toutes  les 
fois  qu'il  voulut  faire  exécuter  à  Samfon  quelque  figure  bien  merveilleufe  ,  il  augmen- 
ta  prodigieufement  la  force   extraordinaire   qu'il  lui  avoit   donnée.    Aum  eft-il  dit, 
qu'alors  l'Efprit  du  Seigneur  fe  faififfoit  de  lui  :    Irrm  in  eum  Spiritus  Dommi.    Ex-  ]^f  ^'^^yf- 
preffioa  qu-i  eft  prefque  la  même  que  celle  dont  l'Ecriture  fe  fert  pour  nous  appiendre,  i+.' 
que  c'ètoit  de  l'Êfprit  de  Dieu  que  venoient  les  Convulfions  que  Saiil  eut  à  Ramatha, 
cù  il  fe  dépouilla  de  fcs  habits ,  prophètifa ,  &  demeura  tout  nud  à  terre  pendant  un 
jour  &  une  nuit  :  FaEitis  efi  fuper  eum  Spiritus  Domini  .  .  .    &  expoUavh  fe  veflimentis  i^o^(/%\f^ 
ft*is  &  prophetavit  .  .  .  cÊr  ceci  dit  nu  dus  tôt  à  die  illà  &  nofte. 

On  trouve  auffi  dans  l'Ancien  Teftament  nombre  d'exempl?s  de  prodiges  de  pro- 
tection :  comme  celui  par  lequel  Dieu  fit  trouver  aux  trois  Enfans  dans  h  fournaife 
leur  rafraîchiflement  au  milieu  des  flammes ,  ainfi  qu'il  le  fait  aujourd'hui  à  l'égard  de 
plufieurs  Convulfionnaires. 

Enfin  ce  Livre  Divin  fournit  pareillement  plufieurs  preuves  de  prodiges  de  puni- 

>[  ;  tion. 


loz  LES   MIRu4CLES  SONT  L^l  rOIX  DE  DIEV 

Dissert.  lion.    On  y  voit  même  que  Dieu  s'eft  quelquefois  fervi  du  démon  .pour  exécuter  les 
SLR  ^''■^'^- arrêts  de  ù  iuftice ,  ou  pour  éprouver  fes  lervitcurs;  mais  iamais  pour  répandre  les  fa- 
veurs  de  la  muencorde. 

Je  tacherai  par  la  fuite  de  développer  plus  particulièrement  les  différens  carafhéres 
qui  diitinguent  les  prodiges  Divins  des  prodiges  diaboliques,  foit  par  leur  nature,  foir 
par  leurs  circonftances ,  &  finguliérement  par  la  manière  dont  ils  font  opérés ,  par  leurs 
Hns  &  par  leurs  effets. 

Enfin  je  rapporterai  quelle  efl  l'idée  que  les  Pcres  de  l'Eglife  nous  donnent  des  pres- 
tiges ,  qui  font  l'efpcce  de  merveilks  que  Dieu  permet  le  plus  fouvent  aux  démons  de 
faire.  Aulïl  ne  confiftent-elles  que  dans  une  vaine  apparence,  qui  fe  diflipe  ordinaire- 
ment prefque  auflîtôt  qu'elle  paroît:  ce  n'eft  qu'une  fumée  fortie  de  l'Enfer  ,  qui  s'é- 
vapore en  un  infiant. 

Mais  je  me  difpenferai  de  parler  dans  cet  Ecrit  des  vifions  ,  des  révélations ,  des 
fonges  myftérieux  &  prophétiques  ;  &  des  illufions  dangereufes  que  fait  quelquefois 
le  démon ,  en  contrefaifant  ces  Merveilles  Divines.  Cette  matière  a  des  difficultés  par- 
ticulières ,  que  je  ne  pourrois  éclaircir  que  par  une  longue  difculTion  ,  qui  ne  m'ell 
nullement  néceflaire  pour  établir  l'Autorité  des  Guérifons  Miraculeufes ,  qui  eft  pro- 
prement l'unique  objet  de  cet  Ecrit. 
II.  M.  l'Evêque  de  Bethléem  infulte  aux  Appellans  dans  plufieurs  de  fes  Lettres,  en 

(.^'^"■"'''leur  reprochant  avec  fa  hauteur  ordinaire ,  qu'ils  ne  peuvent  établir  par  aucun  patTage 
Tcftament  de  l'Ecriture,  que  Dieu  s'attribue  finguliéiement  fes  guérifons  Miraculeufes  ,  &  que 
^"^''p°"""'  le  démon  n'en  peut  opérer  ni  de  cette  forte  ni  même  qui  paroiffent  telles.  Il  nous  dé- 
s'amibuc  fie  tous  de  lui  en  citer  aucun  Texte  :  il  fe  couronne  de  fes  propres  mains:  il  triomphe, 
nî<fnticsgud-il  ch;inte  viâoire.  Je  vais  lui  faire  voir ,  que  quoique  le  plus  petit  de  ceux  qui  font 
lifonsmira-  attachés  à  l'Appel,  j'en  fai  néanmoins  affez  pour  lui  prouver,  que  cette  Vérité  édat- 
far  confc-  ter  d  un  bout  a  1  autre  dans  l  Ecriture  Sainte  ,  &  qu  il  taut  que  les  préventions  1  aient 
dënioi?n'clf  cxtraordinairemeut  aveuglé  ,  pour  n'ayoir  pas  remarqué  lui-même  ces  Textes  fi  multi- 
peutfaiie  de  pliés.    Commençons  par  l'Ancien  Teftamenr. 

raimèrcs  Comment  ce  Prélat  n'a-t-il  pas  fait  attention  ,  que  Dieu  nous  y  déclare  lui-même," 
contrefaite  que  c'eft  de  luï  fcul  dont  nous  pouvons  recevoir  la  euérifon  de  nos  maladies  :  Eep 
le  capable  f«"»  Uominui  Janater  ?  C  eit  ce  qu  il  nous  a  révèle ,  preciiement  ahn  que  nous  n  i- 
d'abufetles  gnoraffions  pas, que  les  Dieux  des  Idolâtres , c'ert  à  dire  les  démons, n'ont  pas  un  pareil 
«c  attentifs,  pouvoir  :  In  neccjjttate  vos  prote^^mt  ,  dit-il  avec  dcriuon  en  parlant  a  ceux  qui  met- 
Exod.  XV.  toient  leur  confiance  dans  ces  Efprits  impofteurs. 

'^  Comment  cet  Evéque  a-t-il  oublié  ce  qu'il  a  lu  fi  fouvent  en  récitant  fon  Bréviai- 

XXx!î'«"!  re  >  que  Dieu  nous  apprend  par  la  bouche  de  David  ,    que  c'eft   lui   qui  guérit  tou- 

Pf. Cil.  3.8c  tes  nos  maladies  :    Qui  fanât  omnes   infirmitates  tuas  :    que  c'eft  lui  qui  nous  confer- 

*•  ve  h  vie ,  &  qui  nous  retire  des  bras  de  la  mort  :    Ofii  redimit  de  hiteritH  vitam  tusm  ? 

Comment  ce  fameux  amplificateur  du  pouvoir  des  démons ,  n'a-t-il  rien  retenu  de  ce 

Sagcfle.xv;.  beau  paflage  du  Livre  de  la  Sagelfe?  ,,  C'eft  votre  parole.  Seigneur,  qui  guérit  tou- 

,,  tes  chofes  :  Tuus  Domine  ferme  fétnat  omnij.    Car  c'eft  vous,  Seigneur,  qui  avez  la 

,,  puifljnce  de  donner  la  vie  &  la  mort ,  &  qui  nous  conduiléz  aux  portes  de  la  mort 

,,  &  nous  en  retirez:  Tu  es.  Domine,  qtti  vit*  er  mortis  haùes  potejiatem  ,   e;-  deduds 

„  dd portas  mortis  çr  reducis."    Et  en  parlant  de  ceux  qui  s'adreffoieot  aux   Idoles  Se 

qui  par  conféquent  avoient  recours  aux  démons  ,   qui  pour  ainfi  dire  en  étoient  lame, 

le  S.  Efprit  s'écrie  dans  ce  Livre  Divin  :    „  Il  prie  pour  fa  ûntc  celui  qui  n'eft  que 

Ibid.  XIII.,,  foiblelle,  il  demande  la  vie  à  un  mort,  &  il  appelle  ï  fon  fecours  celui  qui  ne  peut 

„  le  fecourir:  "  Pro  finitute  cjHidem  i»firmum  deprccMnr ,  (j- p^o  vitu  ro^dt  mortuum^ 

0-  in  adjutorinm  inutilem  invocat. 

i^"i<xiV'     ^^^^  "°"^  ^'''^^  déclaré  par  la  bouche  de  Jéicmie  *:  de  Baruch,  que  „  les  Dieux 

,.  des 


.ET  VKf  TÉMOIGÏ^AGE    NON  rôVlVOÔVE.  105 

5,  des  Payens  ne  peuvent  fauver  les  hommes  de  la  mort:  Hominem  a  morte  non  lilferant;  Dissert. 
5,  qu'ils  ne  peuvent  fendre  la  vue  aux  aveugles: //o>»?'»fw  cacrtm  ad  vifum  non  reftitHttHt  i  ^"j'^j^^^" 
„  ni  délivrer  les  hommes  de  leurs  infirmités:  de  necejjitate  hominem  non  liberabHnt. 

Mais  voici  un  partage  fi  frappant,  fi'majeftueux,  fi  digne  de  toute  notre  attention  & 
de  toute  notre  réconnoiflance ,  qu'il  n'a  pas  pu  échapper  au  Prélat. 

Ifaïe  annonce  aux  hommes  l'incarnation  du  Verbe ,  il  leur  révèle  que  Dieu  viendra  l'ïieXXXV. 
lui  même  parmi  eux  &  qu'il  les  fauvera  ;  Deus  ipfe  veniet  dr  fdvabit  vos.  Mais  à  quel- 
les marques  le  S.  Esprit  nous  déclare-t-il  par  la  bouche  de  ce  Prophète ,  qu'on  devra 
le  reconnoitre  ?  Il  ne  lui  fait  point  prédire  ,  que  le  Verbe  fait  chair  reflufcitera  des 
morts,  mais  feulement  qu'il  guérira  des  aveugles,  des  fourds,des  boiteux  &  des  muets. 
Thnc  aperkntHr  ocmU  cacorttm ,  ^  nures  furdorum  pittehint.  Tune  ftliet  Jicut  cervus  clan-  ''"^'  ^''^• 
dus,  <s  aperta  erit  linguA  mutorttm.  ,,  Alors  les  yeux  des  aveugles  verront  le  ;our,& 
,)  les  oreilles  des  fourds  feront  ouvertes  :  alors  le  boiteux  bondira  comme  un  cerf,  &  la 
,,  langue  du  muet  fera  déliée.  " 

Qiii  ofera  dire,  que  ces  Miracles  peuvent  être  également,  ou  le  caraélére  diftindif 
qui  doit  faire  adorer  comme  Dieu  celui  qui  déclare  qu'il  l'eft,  en  faifant  ces  Guérifons 
Miraculeufes ,  ou  un  artifice  de  Satan  qui  peut  les  contrefaire  pour  féduire  les  âmes 
qui  refpeftent  le  plus  les  Miracles  ? 

Si  le  démon  peut  contrefaire  les  Jldiracles  qti'a  fait  yefMS-Chrifi  ^  difoit  ci-devant  M.  V.Lctt.deM. 
Poncet ,  les  Prophètes  on  eu  tort  de  nous  donner  ce  caratlére  pour  le  reconnoitre.  oncet.p.yj. 

Mjis  Jéfus-Chrift  nous  a  déclaré  lui-même  en  plufieurs  endroits  de  l'Evangile,  que  ,.p^'i:  .„ 
les  guérifons  Miraculeufes  font  finguliérement   les  œuvres  &  le  témoignage  de  fon  Pé- a  douné  let 
re  *,  Opéra  Patris  mei;  &  il  les  appelle  des  fignes,  Signa,  parce  qu'elles  font  un  figne  ^^i^r"  ^'^ 
fenfible  que  Dieu  nous  donne  de  fa  préfence,  &  celui  dont  il  fe  fert  le  plus  fouvent  commeiete- 
pour  déclarer  aux  hommes  d'une  manière  furnaturelle ,  que  c'eft:  lui  même  qui  leur  "o°'f,"^^e^* 

parle.  une  preuve 

Dans  le  Nouveau Teftament ,  les  guérifons  Miraculeufes  font  auffi  appellées  des  ver-  Tî^i\\n\â\ 
tm  ,  l^irtîitcs ,  parce  qu'elles  font  les  effets  d'une  vertu  toute-puilfante ,  qui  n'appartient  &pacconré- 
qu  au  leul  auteur  de  toute  elpece  de  vertu.  preuve  ne 

Aufli  quoique  cette  efpéce  de  Miracles  ne  paroiflfe  pas  à  nos  yeux  une  âuffi  grande  pe"tpoin».ê- 
Merveille  qu  une  refurrection  ou  une  création  furnaturelle,  Mlible  &  lubite,  oe  font  ne. 
néanmoins  ces  admirables  guérifons  que  Jefus-Chrift  a  le  plus  fréquemment  données  ^]*^"   ^5'" 
pour  des  témoignages  inconteftables  qu'il  étoit  le  Fils  de  Dieu. 

C'efl:  par  exemple  en  parlant  de  la  guérifon  qu'il  venoit  de  faire  de  l' Aveugle-né, 
qu'il  dit  anx  Ph/irijîens  ....    5»  je   ne  fais  pas  les  œuvres  de  mon  Père  ne  me  croyez.  ibid.IX.  59. 
point;  mais  fi  j'en  fais  de  telles,  ijuand  vous  ne  me  voudriez,  pas  croire,  croyez,  à  mes  «h-  &X.37.&3S.' 
vres ,  afin  cruelles  vous  fajfent  cûmtoitre  ^  croire  i^ue  le  Pire  efi  en  moi  &  que  je  fuis  dans 
le  Père. 

De  même  lorsque  les  difciples  de  Jean  Baptille  vinrent  lui  demander  de  fa  part ,  s'il 
étoit  le  Meffie,  s'il  étoit  celui  qui  doit  wk/V,  quelle  preuve  leur  en  donne-t-il?  Il  guérit  L"^'^^'*''''^»^ 
en  leur  préfence  plufieurs  perfonnes  affligées  de  maladies  cr  de  plaies  ,  &   s'il  leur  parla 
des  réfurredions  qu'il  avoit  faites ,  ce  ne  fut  qu'en  les  confondant  avec  les  autres  Mi- 
racles. 

Quand  il  voulut  reprocher  aux  Juifs  leur  incrédulité,  il  ne  leur  dit  point  que  s'il 
n'avoit  pas  multiplié  les  pains, ils  ne  feroient  pas  coupables  de  n'avoir  point  cru  en  lui, 
mais  il  dit  :  ,,  fi  je  n'avois  pas  opéré  des  chofes  Merveilleufes  dans  eux-mêmes ,  ils 
„  n'auroient  point  de  péché.  "    Si  opéra  non  fecijfent  in  eis  .  .  .  peccatum  non  haberent.  JesnXV.i^. 

Il  eft  évident  que  ces  termes ,  in  eis  (  dans  eux-mêmes  )  caraftérifent  clairement  les 
Miracles  de  guérifon.  Aufll  S.  Augiiftin  fait-il  fur  ce  palfage  cette  judicicufe  réHexion: 
que  Jefus-Chrifl:  ne  dit  pas  parmi  eux  ou  a  leur  préfence,  mais  dans  eux  j  ayartt  vou- 
lu 


I04  LES  MIRACLES    SONT  LA    VOIX  DE  BIEV 

DiisERT.  lu  par  cette  exprelTion  finguliére,  faire  comprendre  aux  Juifs  &  leur  faire  faire  atten- 
surl'aut  tion ,  que  les  œuvres  qu'il  Bifoit,  les  oeuvre-  qui  prouvoient  fa  Divinité,  les  œuvres 
DES  MiR.  p^^.  i^jqueiigs  fon  Pcre  lui  rendoit  témoignage,  n'étoient  pas  feulement  de  celles  qui  ne 
font  qu'attirer  l'admiration,  mais  de  celles  qui  confèrent  la  fanté  d'une  manière  dont  le  fur- 
Traft  91.  in  naturel  eft  manifefte  :  Prorfis  in  cis ,  quLt  fanavit  eos  :  h<tc  cjttippe  intelligi  voluit  qutt  non 
cij.  jcau.D.yj^^^  y^WfTMf  admirationem ,  verUm  ctiam  maHtJfJiam  confcrrent  falutem. 

Ce  font  donc  fmguliérement ,  nommément ,  cxpreflement ,  les  guéri fons  Miraculeufes 
que  Jefus-Clirift  adonnées  pour  preuve  qu'il  ctoit  le  MelTie,  &  c'eft  prccifément  par 
rapport  à  ces  Miracles  qu'il  déclare ,  que  de  refufer  de  fe  foumettre  à  leur  Détifion , 
^tat^h.  XI.  c'eil  un  péché  qui  fera  plus  rigoureufement  puni  que  celui  de  Sodome. 
*♦•  Dieu  n'ayant  pas  réfolu  de  faire  fouvent  des  réfurreâions  &  des  créations  fumaturel- 

les  &  vifibles,  mais  feulement  d'accorder  des  guérifons  Miraculeufes,  a  voulu  que  les 
hommes  fudent  inftruits  par  la  bouche  de  fon  Fils ,  que  ces  Miracles ,  quoique  moins 
éclattans  que  les  réfurreclions  &  les  créations ,  font  également  fa  voix  &  fon  témoigna- 
ge ,  Si  que  nous  devons  les  reconnoître  pour  le  fignc  furnaturcl  par  lequel  il  nous  décla- 
re ce  qu'il  veut  que  nous  croyons. 

Autîî  Jefus-Chrill:  a-t-il  exigé  qu'à  la  vue  de  la  guérifon  d'un  paralytique,  les  Pha- 
rifiens  reconnulTent  eux-mêmes,  qu'il  étoit  le  Fils  de  Dieu,  &  qu'il  avoir  comme  fon 
Pcre  le  pouvoir  de  remettre  les  péchés. 
Luc.v.  24.  „  Or  afin  que  vous  fâchiez  que  le  Fils  de  l'homme  a  fur  la  terre  le  pouyoir  de  re- 
„  mettre  les  péchés:  levez -vous,  je  vous  le  commande ,  dit-il  au  paralytique,  emportez 
„  votre  lit,  &  allez  vous  en  chez  vous.  " 

Les  Pharifiens  avoient  d'abord  accufé  Jifjs-Chrifl:  de  blasphème^  lorsqu'il  avoit  dit 
au  paralytique.,  avant  que  de  le  guérir:  voi  péchés  vous  font  remis  ;  parce  qu'il  n'y  a, 
difoient-ils,  que  Dieu  feul  qui  peut  remettre  les  péchés.  Jefus-Chrift  n'a  garde  de  con- 
tefter  cette  Vérité  ;  mais  il  leur  demande,  s'il  y  a  une  autre  puifljnce  que  celle  de 
Dieu,  qui  puilfe  guérir  fur  le  champ  un  paralytique.  Les  Pharifiens  moins  téméraires 
que  les  Antimiraculiftes  de  ce  tcms-ci,  n'oférent  contefter  ce  principe,  &  Jefus-Chrift 
pour  leur  faire  voir  qu'il  eft  Dieu,  &  que  la  chair  dont  il  eft  revêtu,  ne  diminue 
rien  de  fa  puilTance,  guérit  ce  paralytique  dans  le  moment.  Il  prou' e  par  un  Miracle 
extérieur  le  MiracL'  intérieur  qu'il  avoit  déjà  opéré.  Il  exerce  fur  le  corps  un  pouvoir 
inconteftabicment  Divin  pour  juftifier  le  Miracle  qu'il  avoit  fait  fur  l'ame ,  &:  qui  étoit 
invifible  aux  fens. 

Si  les  guérifons  Miraculeufes  n'étoient  pas  un  témoignage  infaillible,  &  Ç\  Satan  avoit 
la  liberté  de  les  contrefaire,  fans  que  leur  déteftable  principe  fût  manifefté,  elles  ne  fe- 
roient  pas  par  elles-mêmes  une  preuve  à  laquelle  on  dût  une  foumilTion  {'\  prompte  &  fi 
entière;  &  par  confcquent  Jefus-Chrift  n'auroit  pu  prétendre,  que  la  vue  de  la  guéri- 
fon fubite  de  ce  paralytique  dût  fuffire  ,  pour  perfuader  qu'il  étoit  Dieu  ainfi  que 
fon  Père. 

Mais  comme  j'ai  en  même  tcms  à  combattre  pour  l'Autorité  des  Miracles  contre 
Dom  la  Tafte  ou  M.  de  Bethl.'em,  &  contre  M.  Poncet,  il  ne  faut  pas  que  j'omette 
de  faire  voir  au  Leéleur,  avec  quelle  force  le  fécond  s'eft  fervi  contre  le  premier,  de 
ce  fait  que  le  Nouveau  Teftament  rapporte  pour  inftruire  tous  les  hommes  de  la  fou- 
miffion  qu'ils  doi'  ent  à  tout  ce  que  les  Miracles  décident. 
IX.Lttt.de  ,,  Jcfus-Ch'ift,  dit  Al.  Poncet,  demanda  aux  Pharifiens  ce  ciui  leur  paroilToit  plus 
'^  "^'"^"P"  „  facile  ou  de  guérir  ce  paralytique,  ou  de  lui  remettre  fes  péchés.  N'eft-ce  pas  l.\, 
„  mon  Père,  votre  queftion,  ohjcile-t-il  à  Dom  Lt  T.ijle.  S'agit-il  d'autres  chofcs  cn- 
„  trc  nous,  que  de  décider  li  la  guérifon  d'un  paralytique  eft  aulTi  propre  a  Ditu 
„  SEUL  que  la  rémillîon  des  péchés?  Et  faites  attention  ,  que  Jefus-Chrift  n'interro- 
„  gc  les  Pharifiens  que  fur  le  degré  de  puiffaucç  ncccflaire  pour  opérer  ces  deux  Mer- 
veilles. 


>t 


>5 


ET  VN  TEMOIGNAGE  NON  E'OVIVOOVE,  loj 

veilles.   Qu'auriez-vous  répondu  à  Jelus-Chrift  en  fuivant  vos  principes  ?  Vous  au-    Dis<;ert. 

riez  dit  fans  doute  ,  qu'il  n'y  avoit  pas  de  comparaiion  à  faii'e  entre  deux  œuvres  ,  sui^i-'aot. 

dont  l'une  n'appartient  qu'à  Dieu ,  &  l'autre  n'eft  pas  au  defTus  de  la  puiffance  du  ""  '*"^* 
„  diable;  &  vous  auriez  prononcé  en  prefence  de  Jefus-Chrift  un  blasphème ,  qui  n'eft 
„  pas  venu  dans  l'esprit  de  Pharifiens.  Ils  reconnoiflbient  cependant  dans  le  cémon  le 
„  pouvoir  de  faire  des  prodiges.  Ils  ne  croyoient  pas  apparemment  connoître  avec  af- 
,,  furance  toute  l'étendue  de  ce  pouvoir  du  démon.  Ils  ctoient  pleins  de  haine  contre 
„  Jefus-Chrift,  mais  cette  haine  contre  la  Vérité  avoit  des  bornes  que  vous  avez  paf- 
„  fées.  Ils  fe  turent,  &  leur  filence  condamne  d'impiété  tout  ce  que  vous  avez  écrit. 
„  Jefus-Chrift  vous  condamne  encore  plus  fortement  en  guériflant  le  paralytique,  & 
j,  en  donnant  cette  guérifon  comme  une  preuve  déciûve ,  qu'il  avoit  le  pouvoir  de  re- 
„  mettre  les  pécliés 

„  On  voit  le  même  refpeft  pour  les  Miracles  de  la  part  des  Pharifiens,  dans  l'hiftoi- 
„  re  de  l'aveugle-né  &  dans  celle  du  boiteux  guéri  à  la  porte  du  Temple.  Les  Pharifiens 
„  n'interrogent  l'aveugle-né  &  les  Apôtres  &  ne  cherchent  à  les  intimider,  que  pour 

les  obliger  à  defavouer  le  Miracle;  mais  ils  aimèrent  mieux  demeurer  court  &:  con- 

fefler  leur  embarras,  que  de  prononcer  contre  ces  deux  Miracles  le  blasphème  que 

vous  prononcez  contre  tous,  en  foutenant  dogmatiquement  au  milieu  des  Chrétiens, 

qu'il  n'y  a  point  de  Miracles  de  guérifon ,  dont  on  puiffe  dire  avec  une  certitude 
„  entière  que  le  démon  n'auroit  pu  la  faire.  Il  falloit,  mon  Père,  qu'il  y  eût  un  der- 
„  nier  excès  réfervé  aux  Chrétiens  &  aux  Prêtres  de  Jefus-Chrift,  qui  deviendroient 
„  les  ennemis  de  fa  doctrine  &  de  fes  ferviteurs.  Et  cet  excès,  mon  Père,  eft  le  vô- 
j,  tre  :  vous  comblez  h  mefure  de  vos  pères ,  &  vous  mettez  le  dernier  f^eau  à  leur  a- 
„  veuglement. 

Mais  les  nouveaux  principes  dont  M.  Poncet  a  parfemé  fa  Refonfe  à  mon  fécond 
Tome, font-ils  donc  moins  contraires  à  l'Autorité  des  Miracles  ,que  ceux  qu'on  trou- 
ve dans  l;s  Lettres  de  Dom  la  Tafte  \  Ce  trop  zélé  DefFenfeur  des  Théologiens  Anti- 
fecouriftes ,  en  infinuant  qu'il  faut  rejettcr  comme  inutiles  toutes  les  preuves  que  four- 
nit une  favante  Phyfique  du  furnaturel  Divin  des  guerifons  Mu-aculeufes;  en  foutenaiit 
que  ceft  fr'wci^dlement  des  circonfijtnces  que  les  Aîiracles  tirent  leur  force  ;  &  en  fuppo- 
fant  que  les  démons  re<;oivent  quelquefois  un  pouvoir  extraordinaire,  qui  les  met  en  é- 
tat  d'opérer  les  guerifons  les  plus  merveilleufes;  n'a-t-il  pas  donné  occafion  aux  difci- 
ples  des  Théologiens  Antifecouriftes  d'en  conclurre  &  de  débiter  dans  le  public,  qu'/'/ 
nj  (i  prefque  joint  de  Miracles  de  guérifon  dont  on  fuijfe  dire  avec  une  entière  certitude 
^ne  le  démon  n'auroit  pu  les  faire  ?  Or  n'eft-ce  pas  là  précifément  la  même  Propofition 
que  cet  Auteur  accufoit,  il  n'y  a  que  peu  d'années,  d'être  «»  blasphème  .  .  .  une  im- 
piété .  .  .  tin  dernier  excès ,  qui  comble  la  mefure  &  qui  met  le  dernier  fçean  à  l'aveu- 
glement .<* 

Ah  !  que  M.  Poncet  &  les  célèbres  Théologiens  dont  il  eft  l'Avocat  &  l'organe, 
reprennent  les  premiers  principes  qu'ils  ont  d'abord  foutenus  avec  tant  de  lumière  & 
de  zèle  contre  les  Adverfaires  de  la  Vérité;  &  nous  nous  réunirons  de  tout  notre  cœur 
avec  eux!  Que  loin  de  chercher  aujoi^'hui  à  ébranler  l'Autorité  des  Miracles,  ils  fe 
joignent  à  nous  pour  crier  par  toute  la  Terre,  ainfi  qu'ils  faifoient  ci-devant,  que  les  (x  Leircc'ê 
Aîiracles  àt  guérifon  font  des  preuves  décifives ,  &  des  œuvres  propres  k  Dieu  feul  ;  8c  ^^  l^oucct.p, 
qu'ils  fiffent  remarquer  aux  plus  fimples,  que  Jefus-Chrift  nous  donne  en  vkigt  en- 
droits ile  l'Evangile  ces  merveilleufes  guerifons  pour  le  Témoignage  de  fon  Père  j  auquel 
il  n'eft  pas  permis  de  refufer  d'ajouter  foi  ! 

Ce  Divin  Sauveur  veut  même,  que  nous  refpeftions  le  témoignage  des  guerifons 
Miraculeufes  encore  plus  que  celui  que  rend  un  Prophète  qui  parle  par  l'imprefficndc 
l'Efprit  Saint;  parce  que  dans  ces  Miracles  c'eft  Dieu  qui  parle  lui-même,    &   que 

Dijftrt.  Tom.  II.  Q     •  cette 


JcinV.  ,5 
j6.  r- 


toS  LES  MIRACLES  SONT  LA  VOIX  DE   D I EV 

Dissert. cette  voix  Divine  cft  encore  d'une  manière  plus  fenfible  h  témoignage  de  Dieu,  que 
sorl'aut.j-ç  qy»  jif  un  Prophète. 

M«ih!Vx.'9.  -Ait^i  quoique -s.  Jean  Baptifte  fût  un  grand  Prophc'te  ^  plus  que  Prophète,  cepen« 
dant  Jefus-Chrift  déclare  que  le  témoignage  desguérifonsMiraculeufes  qu'il  avoir  faites, 
étoit  encore  fort  au  deflus  de  celui  que  luiavoit  rendu  S.Jean.  Vous  avez,  envoyé  a  Jea»-^ 
dit-il  aux  Juifs,  cr  //  a  rendu  témoignage  à  la  vérité. , . .  A'fais  j'ai  un  témoignage  plus 
grand  que  celui  de  Jea*i;  car  les  xeu-ores  que  mon  Père  ma  donné  le  pouvoir  de  faire ,  les 
«Hvres  que  je  fais ,   rendent  témoignage  pour  moi ,  que  c'eft  le  Père  qui  m'a  envoyé. 

Si  les  guérifons  Miraculeufes  font  un  témoignage  encore  fupérieur  à  celui  du  pluj 
grand  Prophète,  c'eft  donc  une  erreur  formellement  condamnée  par  Jefus-Chrift,  de 
foutenir  que  leur  témoignage  eft  fouvent  équivoque.  Or  il  le  feroit  fans  doute,  fi  le 
démon  avoit  quelquefois  la  liberté  de  faire  des  guérifons  qui  paruffcnt  vraiment  Mira- 
culeufes ,  fans  que  l'illufion  de  ces  faux  miracles  pût  être  aifément  découverte. 

Enfin  Jefus-Chrift  donne  le  témoignage  des  Miracles  de  guérifon,  comme  étant  fi 
décifif,  lî  inconteftablement  la  voix  de  ion  Père,    &  comme  méritant  une  confiance  fi 
entière,  &  une  parfaite  foumilîion,  qu'il  veut  qu'à  la  vue  de  ceux  qu'il  faifoit,  fes 
Jean  XIV.     Apôtres  reconnoiffent  qu'il  eft  dans  fon  Père  de  que  fon  Père  eft  dans  lui. 

Voilà  nombre  de  Textes  tant  de  l'Ancien  que  du  Nouveau  Teftament,  par  lesquels 
Dieu  déclare  expren"ément ,  que  c'eft  lui  feul  qui  guérit ,  &  que  les  faux  Dieux  des 
Idolâtres  ne  peu^-ent  rendre  lafantè.  Voilà  des  preuves  multipliées,  que  les  Miracles 
de  guérifon  font  fpécialement  le  témoignage  de  Dieu ,  qui  par  conféqu'nt  ne  peut  pas 
devenir  incertain,  ni  être  copié  par  l'Efpriî  pervers,  de  manière  que  les  cœurs  droits 
&  les  efprits  attentifs  pulTent  fi  méprendre. 

Je  crois  donc  pouvoir  dire  que  j'ai  pleinement  fatisfait  au  défi  de  M.  l'Evèque  de 
Bethléem.  Qu'il  me  permette  de  le  défier  à  mon  tour  de  prouver  par  aucun  paftage  de 
l'Ecriture,  que  Dieu  ait  jamais  donné  pouvoir  au  démon  d'opérer  des  guèrifons'IVlira- 
culeufes,  ou  même  qui  aient  paru  l'être.  Tout  ce  qu'il  y  trouvera,  c'eft  que  Dieu 
lui  a  quelquefois  permis  d'exécuter  par  des  moyens  naturels  des  prodiges  malfaifans, 
de  contrefaire  par  artifice  quelques  prodiges  Divins ,  &:  de  faire  des  preftiges  de  pure  of- 
tentation,  tels  que  ceux  par  lefqucls  Simon  le  Magicien  éblouifloit  les  habitans  de  Sa- 
marie.  Mais  c'eft  détourner  l'objet  de  la  difpute  à  des  faits  qui  ne  prouvent  que  ce 
que  perfonne  ne  contefte:  ainfi  c'eft  donner  le  change  au  PubHc,  S<.  jetter  de  la  pouf- 
fiére  aux  yeux  des  Leéleurs.  Il  ne  s'agit  pas  entre  nous  de  favoir ,  fi  le  démon,  lors- 
que Dieu  le  lui  permet,  peut  faire  certains  prodiges  par  des  moyens  naturel?,  &:  des 
preftiges  qui  ne  font  qu'une  pure  illufion.  Tout  k  monde  en  convient.  Mais  il  eft 
queftion  de  favoir ,  s'il  fut  des  Miracles,  c'eft  à  dire  des  créations,  des  réfurreôions 
&■  des  guérifons  Miraculeufes.  Or  ce  Prélat  ne  peut  s'appuyer  d'aucun  Texte  de  l'E- 
criture, pour  établir  que  l'Ange  Apoftat  ait  jamais  exécuté  aucune  Merveille  de  cette 
cfpéce ,  ni  même  qui  lui  reflemble.      *. 

Auliî  quelles  ont  été  les  fources,  où  ce  Prélat  a  puifé  jufqu'à  préfent  toutes  fes 
preuves?  C'eft  dans  des  Romans,  dans  les  Fables  d'Ovide,  &  dans  toutes  les  Hif- 
toircs  apocryphes  qui  ont  été  débitées  fur  ce  fij^fet  depuis  la  Création  du  monde.  Voilà 
ce  qui  lui  a  tenu  lieu  de  l'Ecriture  Sainte.  Je  difcutcrai  tout  ce  qu'il  en  rapporte,  du 
moins  dans  fi  Troifiéme  Lettre,  qui  eft  celle  où  il  fiit  le  plus  d'ufage  de  tous  fes  ta- 
Icns ,  pour  tâsher  d'établir  fon  pernicieux  Siftême  fur  le  pouvoir  prefquc  fins  bornes 
qu'il  attribue  au  démon,  &•  où  il  a  inféré  toutes  fes  principales  preuves.  M.rrs  avant 
de  dévoiler  la  faulTctè  palpable  de  tous  ces  faits,  ']C  veux  encore  établir  de  plus  en  plut, 
que  les  ruérifons  Miraculeufes  font  toujours  une  taVcur  qui  vient  d'cnhaut,  &-  que  Je 
témoigriagc  de  ces  Miracles  cft  infailliblement  la  voix  de  Dieu.  Je  ne  me  laffe  point 
de  travailler  fur  cette  matière,  parce  que  je  fuis  pcrfuadé,  que  dans  le  tcms  où  nous 

fom- 


ET  VN  TEMOIGNAGE  NO  AT  E^OyiVOVE.  ^  107. 

fommes,  il  eft  d'une  extrême  importance  d'être  bien  convaincu  de  cette  Vérité.  DtsstRT. 

C'elt  finguliérement  aux  Miracles  de  guérifon,  que  l'Ecriture  attribue  la  converfion  *"'"''*"*• 
du  monde  &  l'établiflement  de  l'Eglife  par  toute  la  Terre.  es^mir. 

Il  eft  bien  vrai  néanmoins  que  c'eft  la  Réfurredion  de  Jcfus-Chrift  qui  eft  le  prin- ^'«'^  P''""- 
cipal  fondement  de  notre  foi.  Mais  c'eft  par  des  guérifons  Miraculeufes  que  cette  Vé-  kslTiîacks' 
rite  décifivc  a  été  prouvée  d'un  bout  à  l'autre  du  monde.  ^^  guenfoQ 

En  même  tems  que  le  S,  Efprit  faifoit  publier  ce  fait  capital  par  les  Apôtres  qui  en  Chrifta  «a- 
avoient  été  témoins,  il  atteftoit  lui-même  par  les  guérifons  éminemment  Merveilleufes  j^'^^'^j^'j  jç 
qu'il  leur  faifoit  faire ,  qu'ils  parloient  de  la  part  de  Dieu ,  par  fon  ordre  &  fon  im-  monde, 
prelfion.     ,,  Le  Seigneur  coopcroit  avec  eux^  &  coufirmoit  leurs  difcours  par  lesMi- 
„  racles  qui  les  aCCompagnoient  :  "  Domino  coopérante  ^  &  Jèrmonem  confirmante  feqnen- Mue  XVI, 
tibus  fignis.  ^'^• 

Mais  avant  de  rendre  compte  de  cette  multitude  de  Miraculeufes  guérifons  qui  ont 
fervi' de  preuves  invincibles  à  la  Réfurreâion  de  Jefus-Chrift,  préfentons-en  une  au 
Lefteur  choifie  entre  celles  que  les  Payens  nous  ont  fourni  eux-mêmes. 

Les  foldats  qui  avoient  promis  aux  Princes  dei  Prêtres  de  publier  que ,  pendant  qu'ils  Matth. 
dormaient  les  difciples  de  Jefus  avoient  enlevé  fon  corps ,  .&  de  ne  déclarer  à  perfonne  \l.  &  i';.  ' 
qu'ils  l'avoient  vu  fortir  du  Tombeau  avec  tant  de  msjefté,  de  gloire  &  de  puifTance, 
que  l'excès  de  leur  épouvante  les  avoit  fait  tomber  comme  morts ,  ne  leur  tinrent  pas  Iti'd.  4- 
exaélement  paiole.  Il  y  a  des  faits  certains  qui  donnent  tout  lieu  de  croire,  qu'ils 
rendirent  un  compte  exaét  à  Pilate  de  ce  Merveilleux  événement,  tel  qu'il  étoit  arri- 
vé. Car  il  eft  fur  que  ce  Gouverneur  en  eut-  des  preuves  fi  complettes  que,  quoi-» 
que  Payen,  elles  ne  lui  laifterent  aucun  doute  fur  la  Divinité  de  féfus-Chrift.  Or  dô 
qui  a-t-il  pii  apprendre ,  de  façon  à  s'en  convaincre  fi  pleinement,  toutes  les  circonf- 
tances  de  cette  glorieufe  Réfurreftion ,  fi  ce  n'eft  des  foldats  qui  les  ont  vues  ?  Enfin 
eft-il  croyable  qu'il  fe  fût  déterminé  à  mander  à  l'Empereur  Tibère  un  fait  de  cette 
nature  &  de  cette  conféquence ,  comme  en  ayant  eu  des  preuves  décifives ,  fans  avoir 
auparavant  bien  interrogé  les  foldats  fous  les  yeux  de  qui  ce  magnifique  Miracle  s'étoit 
opéré;  &  fi  tous  lui  avoient  foutenu  que  les  Difciples  de  Jéfus-Chrift  avoient  enlevé 
fon  corps  pendant  qu'ils  dormoient ,  aiiroit-il  cru  malgré  cela  cette  étonnante  réfurrec- 
tion,  &  l'auroit-il  certifiée  à  l'Empereur  comme  inconteftable ? 

C'eft  Eufebe  de  Céfarée,  cet  ancien  Auteur  fi  célèbre  ,  cetHiftorien  fi  bien  inftruit 
des  faits  ,  fi  exaft ,  fi  fcrupuleux  à  ne  rien  dire  que  de  vrai  ,  qui  nous  a  confervé  la 
mémoire  de  cette  Lettre  fi  précieufe  &  des  fuites  qu'elle  eut. 

5,  Pilate,  dit-il,  manda  à  l'Empereur  Tibère  la  réfurreftion  de  Jefus-Chrift  notre  Eufeb.  Hift. 
„  Seigneur  &  notre  Sauveur  ,  qui  étoit  déjà  publiée  de  tous  côtés  :  &  il  lui  marqua  ^"'.j^'''"'" 
„  que  plufieurs  perfonnes  croyoient  qu'il  étoit  un  Dieu  ,  tant  à  caufe  des  autres  Mer- 
„  veilles  qu'il  avoit  fait  pendant  fa  vie ,  qu'à  caufe  de  la  manière  dont  il  étoit  refluf- 
„  cité  après  fa  mort.  Tibère  en  rendit  compte  au  Sénat.  Mais  le  Sénat  refufa  de  rien 
,,  ftatuer  fur  ce  fujet ,  fous  prétexte,  dit-on,  que  le  jugement  de  ce  fait  ne  lui  avoit 
,,  point  été  d'abord  déféré  ,  &  parce  qu'il  ne  vouloit  point  que  le  fentiment  du  vul- 
„  gaire  prévînt  ainfi  l'autorité  de  fes  dècifions  :  "  De  refurreSlione  a  mortuis  Domini 
^  Salvatoris  nojlri  "Jefit  Chrifli  ,  qua  jam  in  omnem  locitm  ftterat  pervulgata ,  Pilatus 
Tiherio  Principi  refert.  Sed  &  de  ceteris  mirabilibus  ejus  CT  tit  pofi  mortem  cum  refur- 
rexijfet  ,  a  pluribns  jam  DeUs  ejfe  cradrretur,  Tiberius  qn£  conipererat  retulit  ad  Senatum. 
ScnatHS  atitem  abntiijfe  dicitur  ,  eo  qt4od  non  fibi  prim  hujus  rei  judicitim  fuerit  delatmn , 
fed  attSloritatem  fuam  pravenerit  vulgi  fentetttia. 

Ce  refus  du  Sénat  Romain  de  conftater  par  fes  Arrêts  la  réfurredion  deJefus-Chrift 
&  de  le  reconnoître  pour  Dieu,  ne  diminue  rien  de  la  foi'ce  des  preuves  qui  fe  tire  de 
la  Lettre  de  Pilate  &  de  l'imprcflion  qu'elle  fit  fur  l'efprit  de  Tibère.    Car  il  eft  d'une 

O  2  ■  évidence 


iUR  L'AUT 
DES    MIR 


io8  LES  MIRACLES  SONT  LA  VOIX  DE   DIEV 

Dissert,  évidence  palpabh  qu'il  a  fallu  que  la  Lettre  de  ce  Gouverneur  contînt  des  circonftan- 
UR  L'AUT.  ^gj  bien  fr.ippantes,  bien  décifives  &  bien  merveilleufes  ,  pour  perfuader  à  un  Empe- 
reur aulîî  défiant  ,  auiïi  politique  ,  aulîi  rufc  que  Tibcre  ,  qu'un  homme  expiré  fur 
une  croix  ,  percé  dans  le  cceur  après  fa  mort  ,  &  enfeveli  dans  un  tombeau  fcclié  & 
gardé  par  des  foldats  ,  étoit  reffufcité  trois  jours  après  avec  un  éclat  fi  éblouiffanc 
qu'il  rendit  ces  foldats  immobiles  d'étonnement ,  de  furprife  ,  de  crainte  &  d'admi- 
ration. 

Mais  ne  nous  contentons  pas  d'établir  un  fi  beau  trait  d'hiftoire  fur  le  témoignage 
d'u'i  feul  Auteur,  foignons-y  celui  d'un  des  plus  anciens  &  des  plus  zélés  Deffenfeurs 
de  la  Religion,  qui  dans  l'Apologie  qu'il  ofe  préfentcr  au  Sénat  Romain  ,  lui  repro- 
che du  moins  implicitement  de  n'avoir  point  déteré  au  fentiment  de  Tibère,  ^-  d'avoir 
négligé  de  s'informer  lui-mcme  de  ce  fait  don:  la  connoiffance  étoit  infiniment  im- 
portante. 
Ttitniiiin.  »>  Tibère  au  tcms  de  qui  le  Chriftiinifme  a  commencé  de  s'établir  ,  dit  Tertullif»  ^ 
•*r'-''o£"p.  „  ayant  été  informé  par  1:  Gouverneur  de  la  Palelline  en  Syrie  des  faits  qui  avoient 
„  découvert  &  prouvé  en  ce  pays  h  Divinité  de  Tefus-Chrift  ,  en  rendit  compte  au 
„  Sénat,  en  les  appuyant  de  foa  fuffrage.  Cependant  le  Sénat  refufi  d'en  prendre  con- 
„  noiffance  ,  fous  piétcxtc  que  ce  n'étoit  pas  lui  qui  en  avoit  recueilli  les  preuves. 
„  Mais  l'Empereur  ptififta  dans  fon  fentiment,  &  menaça  de  punir  ceux  qui  calomnieroient 
„  ouaccuferoient  les  Chrétiens."(Ce  qui  prouve  clairement  que  Tibère  étoit  très  perfuadé 
de  la  Divinité  de  Jefiis-Chrirt,  en  conféqucnce  de  la  Lettre  de  Pilate)  Tiberius  erghcHjut 
tempore  mmcn  Chrifiianitin  in  fcculum  intravit  ,  annitmiata  fibi  ex  SjriÀ  Palefiititt  ejitx  il- 
liHS  divinitiUem  {yefus-ChriJii)  reveUverant ^  detulit  ad  Scn.it um  ^  cum  prorogative  fuf- 
fragii  f:ti.  Sénat  us  ^  ejuia  non  ip/è  probavcrat ,  refpuit.  Cafir  in  fintentià  man/ît ,  commi- 
natus  periculum  accufatoribus  Chrijiianorum. 

Si  ce  fait  n'eût  pas  été  certain,  public,  inconteftable,  Tertullien  auroit-il  eu  l'im- 
prudente ertronterie  de  l'avancer  en  préfentant  fon  Apologie  au  Sénat,  &:  ce  Sénat  fi 
fier  ,  fi  prévenu  contre  hs  Chrétiens,  n'auroit-il  pas  démenti  un  Auteur  fi  téméraire, 
&  ne  l'auroit-il  pas  fait  punir  d'avoir  ofé  publier  un  tel  menfon^c  d'un  bout  à  l'autre 
du  monde  ,  où  cette  Apologie  f^\  belle  ,  fi  forte  &  (i  célèbre  fut  bientôt  répandue  ? 
Mais  ni  le  Sénat  ni  aucun  des  Auteurs  Payens  n'ont  eu  le  front  de  nier  la  vérité  de  cet- 
te démarche  de  Tibère,  qui  avoit  fait  trop  d'éclat  dans  tout  l'Empire  Romain  pour 
être  oublié  dans  le  tems  oii  parut  cette  Apologie. 

Au  reftc  la  rérunctftion  de  Jefus-Chiifi:  &  fa  Divinité  étoient  dans  ces  premiers  tems 
de  l'Eglife,  prouvées  tous  les  jours  de  plus  en  plus  par  des  Miracles  de  même  efpéce 
que  ceux  qui  en  a  voient  d'abord  perfuadé  un  grand  nombre  de  Juifs. 
K\-.%,  III.      Nous  lifons  dans  les  Actes,  que  S.  Pierre  &  S.  Jean  ayant  s^uéri  au  nom  de  Jefus- 
■  Chrift   reiTulcitè ,  un  homme  âgé  de  quarante  ans  qui  étoit  boiteux  dès   fa   naiflance , 

Dieu  répandit   une   fi  abondante  bénédidion  fur  ceux  qui  furent  témoins  de  ce  Mira- 
cle, qu'il  y  en  eut  cinq  mille  de  convertis. 

Peu  de  tcms  après,  quel   nombre  innombrable  de  guérifons  Miraculeufes  ne  firent 
point  S.  Pierre  &:  S.   Paul  &  les  autres  Apôtres  ,   en  témoignage  de  la  vérité  de  U 
Religion  qu'ils  prcchoient  ! 
IHd.v.  i;.      M  Le  peuple  apportoit  les  malades  dans  les  rues  &  les  mettoit  fur  des  lits  ,  afin  que 
„  lorfque  Pierre   palferoit  ,    fou  ombri  en  couvrit  du  moins  quelques-uns  ;   &  ils  é- 
„  toicnt  atiifitôt  délivrés  de  liurs  maladies. 
Ihid  i6.«c      ,,   Les  habi'ans  des  V'iles  voifincs  de  Jèrufalcm  y  accouroient  en  foule  &  y  appor- 
'■'  ,,  toient  leurs  mabcles  ,    &  ceux  qui  ctoicnt  tourmentés  par  des  cfprits   impui-s;  &r  ils 

,,  ctoicnt  tous  guéris  . ..    (En  tmte  que)  la  multitude  de  ceux  qui  croyoicnt  au  Sci- 
„  gn:ur,  tant  hoaimes  que  femmes,  s'augmcntoit  tous  les  jours  de  plus  en  plus.  " 

Dans 


SUR  L  AUX. 
DF.S  MIR. 

Ibld.XiX. 


ET  VN-  TEMOIGNAGE  NON  E'OVIFOOVE.  109 

Dans  d'autres  pays  „  les  linges  de  toute  efpéce  qui  avoient  touché  le  corps  de  Paul,    Dissfrt. 
„  çucnffbicnt  tous  les  malades  fur  qui  ils  étoient  appliqués.  "  ■'^"''  '''"'•^- 

AufTi  chez  combien  de  peuples  difFérens  cet  Apôtre  des  Gentils  n'a-t-il  pas  établi  la 
Religion  ? 

C'eft  ainfi  que  Dieu  attiroit  les  cœurs  par  des  Miracles  bienfaifans,  &  qu'il  convain- 
quoit  en  même  tems  les  efprits  par  le  furnaturel  évident  de  ces  guérifons  Miraculeufes. 
Mais  tous  ces  Miracles  vifibles  n'auroient  produit  aucun  effet  falutaire  dans  les  âmes, 
fî  Dieu  ne  les  avoit  en  même  tems  touché  &  éclairé  par  un  Miracle  invifîble  de  fa 
grâce. 

Il  femble  d'abord  que  l'homme  englouti  dans  fes  miféres,  auroit  dû  recevoir  avec 
un  faint  empreffement  une  Religion  qui  en  lui  faifant  connoître  fa  corruption  intérieure 
&  l'origine  de  fon  défaftre,  lui  annonçoit  un  Libérateur  Tout-puiffant  ,  un  Médiateur 
d'un  mérite  infini,  qui  s'étoit  facrifié  lui-mcme  pour  le  racheter.  Mais  la  concupif- 
cence  qui  s'eft  emparée  du  cœur  des  enhns  d'Adam,  ne  veut  ni  reconnoître  fon  défor- 
dre,  ni  en  recevoir  k  reméJe.     Le  libre  arbitre  fe  révolte  ,    qusnd  on  lui  oarle  de  fon 


rites  du  Chriftianifme  dans  les  c^turs. 

Il  le  pouvoit  faire  fans  employer  l;s  Miracles  extérieurs  ;  mais  il  a  voulu  fe  fervir  de 
cette  voie,  parce  que  rien  n'étoit  plus  digne  de  fa  Bonté  infinie  ,  que  d'établir  en  très 
peu  de  tems  l'Evangile  par  toute  h  Terre  par  des  guérifons  qui  étoient  en  même  tems 
falutaires  aux  corps  &  aux  âmes ,  èc  qu'entre  tous  les  motifs  de  croire  il  n'y  en  a  point 
de  plus  fimple  que  les  Miracles,  de  plus  à  la  portée  de  tout  le  monde,  de  plus  effica- 
ce pour  perfuader  les  cœurs  droits. 

D'ailleurs  rien  convenoit-il  davantage  à  une  Religion  qui  nous  fait  tout  attendre  de 
la  grâce  de  Jéfus-Chrifl:,que  i'etre  redevable  de  fon  établiffement  à  des  guérifons  Mi- 
raculeufes; afin  que  les  hommes,  en  voyant  la  puiffance  que  Dieu  exerçoit  fur  les 
corps,  reconnuffent  celle  qu'il  a  fur  les  cœurs,  &  qu'ils  ne  pulTent  attribuer  le  progrès 
de  l'Evangile,  ni  au  feul  libre  arbitre  de  c:ux  qui  l'ont  reçu, ni  aux  talens  de  ceux  qui 
l'ont  annoncé  ?  „  Je  n'ai  point  employé  en  vous  parlant  ni  en  vous  prêchant ,  dit  S.  'Cor.  II.  4, 
„  Patil^  l;s  difcours  de  la  fagefle  humaine  ,  mais  les  effets  fenfîbles  de  l'efprit  &:  de  la  ^  ^' 
,,  puiffance  de  Dieu;  afin  que  votre  foi  ne  foit  point  établie  fur  la  fagefle  d.es  hommes, 
„  mjis  fur  la  puiffance  de  Dieu." 

Si  les  Miracles  font  finguliérement  les  effets  dî  la  puiffance  de  Dieu,  ainfi  que  le  S. 
Efprit  nous  en  affure  ,  peu'-il  permettre  au  démon  de  les  contrefaire  pour  féduire  les 
hommes,  en  pa-'oiffant  ainfi  revêtu  de  la  bonté, de  la  puiffance,  &  de  la  vertu  Divine? 

Les  Miracles  faifoient  promptemeat  ceffer  des  difputes  que  l'incrédulité  &  l'aveugle- 
menj  auroient  rendu  interminablesi  On  n'avoit  befoin  d'aucun  raifonnement  pour  prou- 
ver les  Myftéres,  lorfque  Dieu  les  atteftoit  lui-même  par  des  Miracles.  Les  efprits 
même  1^  plus  fubtils  ne  pouvoient  rien  oppofer  de  raifonnable  à  des  preuves  fî  évi- 
dentes. 

Mais  la  miféricorde  Divine  en  opérant  ces  Mirachs  de  guérifon  ,  avoir  pri  îcipale- 
ment  en  vue  les  humbles,  les  fimples  &  les  petits.  AufTi  y  eat-il  peu  de  nobl.=s ,  peu 
de  grands  efprits,  peu  de  favans  ,  peu  de  pnilofophes  ,  qui  fe  convertirent  en  voyant 
Jes  Miracles ,  quoiqu'en  moins  de  trente  ans  la  Religion  fe  foit  trouvée  établie  dans  tout 
le  monde  ,  &  Y  Evangile  prêché  a.  toutes  Us  créatures  qui  font  fous  le  Ciel.  Co'oiT.  1.6. 

D'abord  il  ne  fut  presque  embraffé  que  par  une  multitude  innombrable  de  gens  du  ""  ^'" 
commun  du  peuple,  le  S.  Efprit    les  ayant  entièrement  convaincus,  qu'il  n'y  avoit 
qu'un  Etre  Tout-puiffant  capable  d'opérer  les  guérifons  Miraculeufes  que  l;s  Apôtres 

O  3  fai- 


iio  LES  MIRACLES  SONT  LA  VOIX  DE   BIEZ, 

Dissert,  taifoient,  &  qu'aiiiH  l'on  devoit  croire  tous  les  Myftéres  &  tous  les  Dogmes  qu'enfei- 
«URL'AUT.  n,iQicnt  des  gens  que  Dieu  autorifoit  vifiblement  par  de  telles  Merveilles. 
DE4  MiR.        Qit'il  cil  à  craindre  que  ce  non-,bre  infini  de  Payens  éclaires  tout  à  coup  par  le  bril- 
lant cclit  de  ces  Miracles  bienfaifins,  ne   s'clevent  au   jour  du   jugement  contre  ceux 
des  Catholiques  qui  ofent  foutenir  aujourd'hui  que  leur  témoignage  eft  équivoque  & 
qu'il  eft  fouvent  incertain  fi  c'eft  Dieu  ou  le  démon  qui  les  opcre! 

Comment  ceux  qui  ont  la  témérité  d'avancer  une  Propofition  fi  erronée,   fi  perni- 

cieufe,  &  fi  contraire  au  refpeft  qu'on  doit  aux  Miracles,  n'ont-ils  pas  été  retenus  par 

ks  Textes  de  l'Hcriture  que  je  viens  de  rapporter  ? 

V:     ,       Oppofons  leur  encore  la  Tradition,  prouvons  leur  que  les  SS.  Pérès,  les  Apologis- 

lesJes'Âpo- tes  de  la  Religion,  les  plus  célèbres  Théologiens  ,&  même  l'Eglifte  toute  entière  nous 

logiOctHch  (jpj.  donné  pour  principe,  que  les  démons  ne  font  point  des  guérifcns  Miraculeufes,  ni 

les  plus  ce-  même  qui  paroifTent  l'être. 

io'''enJnous  Entre  autres  Saints  Dodeurs  ,  avec  quelle  force  S.  Jean  Chryfoftôme  ne  s'éleve-t-il 
ont  donné,  pas  „  contrc  ccux  qui  s'imaginent  &  qui  publient  que  les  démons  guérilfent  des  mala- 
Fc?'què"lM  5>  des  :  u4dvershs  eos  cjui  jailant  dicuntqtie  djtmoncs  wiederi.  Mais  (ajoute-t-il)  afin  que 
démons  ne;  ^^  yq;i5  couccviez  bien  que  cela  n'eft  point  vrai,  faites  attention  que  Jéfus-Chrift  nous 
guc'tiîbns'  '  ,>  a  dit  au  Contraire  que  le  diable  a  été  un  homicide  depuis  le  commencement  du  morde  : 
miracuieu-        r  ]q^^     VIII.  44.)  Dans  le  tcms  donc  que  Dieu  nous  déclare  que  le  diable  eft  un 

fes,nimcme"    ; -'      .   '  ~~       \s      c         i-  ■  >i  '•      j  i    J-  .    n 

qui  parois-  „  homicide ,  ces  gens  la  oient  dire  au  contraire,  qu  il  peut  guérir  des  maladies  :  n  eft- 
jcnt  l'ctrc.  ^^  j.g  p^j  j^  combattre  diredement  la  parole  divine  ?  Jug-Z  vous-mêmes  ,  fi  vous  de- 
Om.^'fadv.  5)  vez  avoir  plus  de  foi  pour  les  paroles  de  ces  gens  là  ,  que  pour  celles  de  Jéfus-Chrift. 
Jud-  ,,  Mais  Jéfus-Chrift  a  voulu  vous  inftruire  auflî  par  des  faits  ;  ayant  permis  au  démon 

,,  d'entrer  dans  un  troupeau  de  pourceaux  &  de  ks  précipiter,  afinque  vous  compris- 
,,  fiez,  qu'ils  feroient  la  même  chofe  aux  hommes,  iî  Dieu  leur  permettoir  d'ufer 
„  contre  eux  de  toute  leur  puiCTance  &  de  leur  mauvaife  volonté.  En  effet  s'ils  n'ont 
,,  point  épargné  des  pourceaux ,  ils  nous  épargneroif.iC  encore  bien  moins ,  s'ils  avoient 
„  quelque  puiiTance  contre  nous".  Catirùm  ut  intelU^.u  ne  hoc  quidem  ejfe  verum^  au- 
di  quid  Chriflus  dicat  de  diabolo.  Ille  homicida  erat  ab  initio.  Cum  igitur  Detts  dicar: 
homicida  efl  ^  ijii  vero  dicunt  pojfe  levare  morùos ,  nimtrum  repugtutntes  fenttnti£  diviitx: 
judicas  ijlorHm  vcrbis  potnis  jidem  h.tbendam  quam  Chrijii  ?  Et  hoc  qsioque  ex  ipjis  f.titis 
docuit  Chriflus  qui  pcrmiflt  illos  irruer  c  in  illum  ^rej^em  porcorum  ,  ut  intelligcres  quod  e.i- 
dem  faBuri  fuerint  hominihus  ,  f(  Deus  illis  permifijfet ,  AiversHS  eos  proprià  potentià  (^  vo- 
luntate  Kti  .  .  .  Etenim  Ji  porcis  non  pspercerunt ,  multo  mintts  a  nohis  abjiinuijfcnt ,  fi  ad- 
verfus  nos  poteftatem  habuijjcnt. 

Ce  Saint  Doftcur  ajoute  dans  le  même  Sermon  :  ,,  Si  donc  quelqu'un  vous  raconte 
,,  quelques  guérifons  .  .  .  faites  lui  connoître  les  impofturcs,  ks  opérations  magiques 
„  &  les  maléfices  dont  les  démons  fe  fervent  pour  en  impofer.  Car  ce  n'cl^  que  de 
„  cette  manié  e  qu'il  paroiifent  faire  des  guérifons,  mais  dans  li  vérité  ils  n'en  font 
,,  réellement  aucune  :  Dieu  vous  préfcrve  d'y  ajouter  foi.  "  Quod  fi  quis  pntewtt  eu- 
rationes  aliquas  ....  patefitciio  illi  impofturas  ,  inCAMAtiones  ,  applicMurus  vencficM  : 
neque  enim  atio  modo  videniur  mcderi ,  neque  enim  vere  medenrur ,  abfiit. 
M.  ia  Pf.  Dans  un  autre  endroit  il  s'écrie  encore:  Etcs-vous  donc  encore  aiTtz  aveugles  „  pour 
'îî-  ,,  demander  aux  démons  la  guérifon  de  vos  maladies?  (Ne  fnez-vous  pa>  que)  lors- 

„  que  |efus:Chrift  a  permis  (à  ces  implacables  ennemis  du  genre  humain)  d'entrer 
„  dans  des  pourceaux  ,  ils  les  ont  aufiîtôt  précipités  dans  la  mer:  &■  (vous  vous  imi- 
,,  gincz  )  qu'ils  guériront  le  corps  des  hommes:  c'cll  une  fable  ridicule.  Les  démons 
,,  ne  favent  que  dreffcr  des  pièges  &  faire  du  mal,  &  non  pas  rétablir  la  fiiité.  "  An 
medicinam  4  damonibus  petis  ?    Cnm  fuirent  in  porcos    Chrifli  pcrmijfu  dtmottts ,  tw^  in 

fHéVC 


ET  VN  TEMOIGNAGE  NON  E'OVIVOOVE.  m 


Ladance  &  pliifieurs  autres  Théologiens  pofent  également  pour  principe,  que  „  les  °^^  ''".'** 
„  démons  n  ont  de  pouvoir  que  pour  nuire:  JvtbtL  ami  fojJHnt  quam  mcere.  î.cap. lô.i 


mare  îllos  ftadm  fracipitarunt :  &  hominum  corpus  cnrahu-Ht  !    Ridicnla  hac  efl  fabula:    Dissert. 
tUmones  inftdiari  fciunt  CT  nocere ,  non  mederi.  surl'aut. 

■'  -  ...  -  ,       .  DES    MIR. 

,ib. 

-  -,  -  .       -P- 

S.  Thomas  foutient  auflî   ce  fentiment  ,    &  il  eîl  même  11  éloigné  de  croire  que  les  ^"9- 

démons  puifTent  faire  des  guérifons  falutaires  ,   qu'il  donne  au  contraire  l'utilité  de  ces 

merveilhufes  guérifons  pour  un  des  deux  caradéres  diftinftifs  qui  fervent  à  difcerner 

les  Miracles  Divins  des  taux  miiacles  des  démons  ,    c'eft  à  dire  des   prodiges  &  des 

preftiges  que  Dieu  leur  permet  quelquefois  de  faire. 

,,  Secondement  (dit-il,  on  difcerne  les  Miracles  Divins  des  faux  miracles  de  Sstan)  S.Thom.  2. 
„  par  l'utilité  des  premiers.  Car  les  Miracles  faits  par  les  ferviteurs  de  Dieu  font  uti-  qf,''*^'** 
,j  les  aux  hommes ,  tels  que  les  guérifons  Miraculeufes  &  autres  Miracles  femblables  : 
„  au  heu  que  les  faux  miracles  faits  par  les  mechans  ne  confiftent  que  dans  des  cho- 
,,  fes  nuifibles  ,  ou  du  moins  inutiles  ,  tels  que  de  voler  en  l'air  ,  rendre  immobiles 
„  les  membres  d'un  homme  ,  &  faire  d'autres  chofes  pareilles.  "  Secundo  ex  mtlitate 
fignorum ,  e^uia,  fignn  per  bonos  faUa  ,  funt  de  rebiis  milibus  ,  ut  in  curatione  infirmita- 
tnm  CET  hujusmodi  :  figna  autem  per  malos  faEla  ,  funt  in  rébus  nocivis  (^  vanis  ,  ^cut 
ijuod  volant  in  aère,  vcl  reddunt  membra  hominum  Jlupida  ej-  hujusmodi. 

Aulfi  eft-il  fi  certain  que  jamais  les  démons  n'ont  fait  des  guérifons  qui  aient  paru 
véritablement  miraculeufes  ,  pas  même  chez  les  Payens  ni  dans  les  temples  des  Idoles, 
qu'Arnobe  ce  célèbre  Orateur  élevé  dans  le  Paganifme,  converti  par  la  vue  des  Mira-  Amob.  Lil». 
clés  faits  parles  Chrétiens  &  devenu  un  des  plus  zélés  Apologiftes  de  la  R.ehgion,  a  p.\g','^*°^ 
ofc  défier  les  Empereurs  &  toutes  les  Puiffances  Idolâtres  de  prouver  qu'aucune  de 
leurs  Divinités  aient  jamais  pu  guérir  la  moindre  petite  maladie,  autrement  que  par  des 
remèdes  qu'ils  indiquoient. 

S.  Cyrille  &  S.  Athanafe  ont  pareillement  foutenu  avec  une  grande  force  ,  que  ja- 
mais les  démons  ni  les  faux  Dieux  n'avoient  fait  aucune  guérifon  Miraculeufe ,  &:  qu'il 
ne  s'en  eft  opéré  de  telles  qu'originairement  chez  le  peuple  Juif  ,  &  depuis  Jefus- 
Chrift  que  parmi  les  Chrétiens. 

Les  Apologiftes  de  la  Religion  ,  quoique  leur  vie  dépendît  d'Empereurs  Idolâ- 
tres ,  n'ont  pas  parlé  moins  hardiment  fur  ce  fujet  que  les  Pérès  &  les  Dodeurs  de 
l'Eglife. 

Quadratus  le  plus  ancien  de  ces  intrépides  Deffenfeurs  du  Chriftianifme  ,  ne  craignit 
point  en  préfentant  fon  Livre  à  l'Empereur  Adrien  ,  de  lui  foutenir  que  les  Dieux 
qu'adoroit  cet  Empereur ,  ne  faifoient  que  de  faufles  merveilles. 

.„  Pour  montrer  la  différence  des  Miracles  de  Jefus-Chrift  d'avec  les  preftiges  des  pitori^Hii. 
„  faux  Dieux ,  il  dit  ,    que  les  œuvres  de  Jefus-Chrift  étoient  vraies  &  demeuroient  Ecci.  Tom, 
„  toujours  :   que  les  malades  guéris  &    les  morts  refTufcités  ne  paroifloient  pas  feule-  ^'^'  ' 
„  ment  guéris  &  reflufcités ,  mais  qu'ils  Tétoient  réellement."    Ce  qu'il  obferve  pour 
les  diftinguer  des  prétendues  merveilles  des  Dieux  Idolâtres,  qui  n'avoient  qu'une  vai- 
ne apparence. 

Athénagore  dans  une  célèbre  Apologie  qu'il  préfenta  à  l'Empereur  Marc  Aurele,  y 
foutient  que  les  imprelTions  bienfaifantes  que  les  Payens  s'imaginoient  recevoir  des  Ido- 
les ,  n'étoient  que  des  effets  de  leur  imagination. 

„  Les  démons  qui  font,  dit-il ,  avides  de  la  fumée  des  viandes  &:  du  fang  des  vic- 
„  times ,  &  qui  ne  cherchent  qu'à  tromper  les  hommes ,  profitent  des  faufles  imagina- 
,,  lions  qu'ils  leur  fuggércnt  &  s'emparent  de  leurs  efprits ,  ils  leur  font  accroire  qu'ils 
J,  reçoivent  des  influences  avantageufes  des  Idoles.  Mais  tout  fe  réduit  aux  illufioas 
J,  d'une  imagination  trompée  par  les  démons  &  par  elle  même.  " 
'  Les  autres  Apologiftes,  TertuUicn ,  S.  Cyprien  ,  Minutius-Felix ,  Tatien,  Euftbe 
.'  '  àe 


occ  loica 
can.  1 5 


m  LES  MIRACLES  SONT  LA  VOIX  DE  DIEV 

Di5stRT.de  Ccfaréc,  Origcne,  &c.  ont  prouvé  avec  tant  de  force  &  d'évidence  ,  que  jamais 
suiil'aut.1(;5  fjux  Dieux  n'avoient  fait  de  gucrifons  ,  qui  fuflent  de  vrais  Miracles,  qu'ils  ont 
oEî  MiR.  ^^^^^  g^  quelque  forte  les  Payen.  mêmes  de  l'avouer.  En  effet,  quoique  ces  Idolâtres 
fulfent  aveuglés  par  les  démons  qu'ils  adoroient ,  ceux  d'entre  eux  en  qui  il  reftoit 
quelque  lumière  &  qui  fc  piquoient  d'une  forte  de  probité,  n'ont  pu  fe  difpenfer  d'en 
convenir  ,  &:  même  les  plus  g.\.nds  Adverhuxs  de  la  R^iligion  Chrétienne  ,  tel  que 
Porphire,  Julien  l'Apoftat,  &c. 

J'en  rapporterai  des  preuves  fans  réplique  dans  h  fuite  àt  cet  Ecrit.  Mais  je  remets 
à  h  faire,  lorfque  je  démontrerai  la  faufleté  des  faits  par  lesquels  M.  l'Evoque  de  Beth- 
léem s'eft  efforcé  de  faire  accroire  au  Public,  qu'Efculape  &  les  autres  Divinités  du 
Paîîanifme  avoient  fait  des  gucrifons  Miraculeufes. 

En  attendant  il  fufïira  de  prouver  ici,  par  la  Décifion  d'un  Concile  général  &  d'ua 
autre  Concile  particulier  ,  mais  ancien  &  très  célèbre  ,  que  les  démons  non  feule- 
ment lie  peuvent  pas  faire  aucune  gucrifon  qui  paroiffe  bien  merveilkufe  ,  mais  me-!- 
me  qu'ils  ne  peuvent  par  tous  leurs  artifices  magiques,  guérir  aucune  efpéce  d'infirmi- 
té réelle. 

Le  quinzième  Canon  du  VI.  Concile  général  tenu  en  668.  prononce  ,  que  le  démon 
ne  peut  opérer  aucune  forte  de  Miracles ,  ni  par  conféquent  aucune  gucrifon  Miracu- 
leufe  :  en  voici  les  termes. 
VI.  Conc.  Ommodo  nxmque  effet  pojTibile  hlafphemantem  in  Deum  virtutes  operari  ?   Comment 

feroit-il  polhble  qu  un  bblphemateur  du  nom  de  Dieu  opérât  des  Miracles' 
Le  Concile  appuie  ce  jugcmeit  fî  authentique  fur  le  verfet  38  du  Chapitre  IX.  de 
S.  Marc,  oii  Jefus-Chrifl:    ous  déclare  lui-même  ,    qu'»7  n'y   a  perfonne  qui  ayant  [au 
un  Miracle  en  fon  mm ,  puijfe  anffitot  parler  mal  de  lui. 

Il  n'y  a  donc  félon  ces  paroles  fi  précifes  du  Verbe  fait  homme, que  ceux  qui  l'ho- 
norent &  qui  mettent  en  lui  leur  confiance,  qui  puiflent  faire  en  fon  nom  des  guérifons 
Miraculeufes. 

Mais  Jefus-Chrift  ne  permet  pas  même  aux  Efprits  pervers  qu'il  a  vaincus  fur  la 

Croix,  de  contrefaire  les  gucrifons  Miraculeufes  :   &  il  eft  bien   certain   que  tous  les 

#    contes  que  quelques  menteurs,  ou  quelques  fimplcs  débitent  ,    des  ruérifons  merveil- 

leufes  faites  par  le  diable ,  ne  font  que  de  pures  fables  qui  n'ont  d'être  que  par  le  men- 

fonge. 

C  eft  ce  qui  a  été  pareillement  décidé  parle  fécond  Concile  dont  je  parle,  tenu  à 

Tours  en  l'an  815.   On  y  fît  un  Canon  fur  ce  fujet  ,  qui  a   paru  fi  important  à  l'E- 

glife,  qu'il  a  été  renouvelle  dans  les  mêmes  termes  768.  ans  après,  en  1  année  1585. 

_        ,        Par  ce  Canon,  on  ordonne  aux  ,,  Prêtres  d'avertir  ks  fidèles  &:  de  faire  con  oitre  à 

rorrie"de"  „  tout  le  pcuplc ,  que  la  magie  &  les  enchantemens  ne  peuvent  fervir  de  rien  pour  gué- 

Tonrsderin^^  j.j|.  gucunc  dcs  infirmités  des  hommes,  ni  même  pour  donner  aucun  Ibulagement aux 

»tiie'eD°"    „  animaux  languilTans ,  boiteux  ou  moribonds,  &  que  tout  cela  n'eft  qu'im  piège   & 

'*^'"  „  une  tromperie  de  l'ennemi  du  genre-humain,  que  ce  perfide  emploie  pour  furprendre 

„  les  hommes.  "    Admoncant  Sacerdotes  fidèles  populos  ^  ut  noverint  magicas  Mrtes  ,  iucan- 

t.ttionestjHC  quibuflibet  infirmitatibus  hominum  nihil  remedii  pojfe  conferre  ^   &  non  anima- 

lihus  langitentibus  ,  claudicantibusve ,  zel  cti.tnt  monbundis  cjui.Ujuam  mcdtri  ....  fiJ  hoc 

ejfe  laqueos  &  injîdias  antiqui  hojlis ,   quibus  ille  perfidus  gtr.us  humanum  accipert  nitiiur. 

Que  nos  Pères  p.nfoient  différemment  de  ceux  des  Mi^iftres  de  l'Eglife  qui  oient 
aujourd'hui  combaTre  les  Miracles  que  Dieu  fait  en  notre  faveur!  Qu'cft  d.<cnue  h 
connoiffincc  de  l'Ecriture,  qui  nous  infpire  le  plus  grand  rerpeft  pour  les  Miracles  de 
guérifon,  qui  nous  les  fait  regarder  comme  la  voix  furnaturelle  par  laquelle  Dieu  par- 
le aux  hommes  qui  nous  convainc  intimement  que  lui  fcul  gucrit  nos  miKidics,  8c 
qui  nous  apprend  qu'il  cft  abfolument  impolliblc  que  le  blafpncmateur  du  famt  nom 

de 


s 


ET  VN  TrMOIGNAGE  NON  EQVirOOVE.  .nj 

de  Dieu  puifle  contrefaire  des  Miracles  au  nom  de  Jefus-Chrift  ?  Dissert. 

Non  feulement  on  voit  dans  ce  malheureux  Siècle,  des  Prêtres,  des  Dodeurs ,  des '"''^''*'-''^' 
Evéques,  qui  dans  le  de'fir  d'éteindre  la  lumière  que  Dieu  nous  montre  lui-même  par  "^^  "'*' 
des  Merveilles  de  fa  droite  ,  ramaflent  dans  les  ténèbres  du  menfonge  toutes  les  fauffes 
hiftoires  des  miracles  diaboliques ,  &  les  débitent  au  peuple  comme  des  faits  très  di- 
gnes de  foi  ;  mais  on  les  voit  même  employer  tous  leurs  talens  pour  tâcher  t'e  lui  per- 
fuader ,  que  des  guérifon's  éminemment  furnaturelles ,  obtenues  par  des  prières  aores- 
fées  à  Dieu  avec  piété  au  nom  de  fon  Fils ,  ne  font  que  de  faux  miracles  ! 

C'eft  dans  l'inftant  même  oii  Jefus-Chrift  étoit  prêt  de  monter  au  Cil  ,  qu':l  a  fait       VI. 
préfent  à  fon  Eglife  du  don  des  guérifons  Miraculeufes  ,  pour  la  diftinguer  pe"pétuel- ^"t!flI'doi" 
lement  des  fauffes  Religions  &  des  Sedes  ,    par  cette  faveur  vifiblcment  farna:  irelle.  <!ne  J-Ç.  a 
Pourroit-il  donc  permettre  au  démon  de  copier,   pour  tromper  les  hommes,  ce  tenir 'g[°7Dout1» 
gnage  Divin  qui  doit  toujours  fubfifter  dans  l'Eglife  ,   y  foutenir  la  vérité ,  &:  y  ca-  d'f^^^i'iguer 
raftérifer  la  vraie  foi  ?   Quoi  !   la  Vérité  Incarnée  nous  aura  déclaré  expreffément ,  que  p^WonV 
ce  flambeau  célefte  nous  fervira  dans  tous  les  tems  à  difcerner  ceux  qui  prêchent  la  vé-  ""  ^"^^' 
rite  toute  pure  ,    de  ceux  qui  s'efforceront  de  nous  induire  en  quelque  erreur  ;  &  elle  vui^viiibiê- 
fouffrira  que  Satan  contrefafle  cette  lumière  Divine,  pour  éblouir  les  cœurs  fimples  &  t'uj^e"le"'^&" 
droits,  &  finguliérement  ceux  qui  ont  le  plus  de  refped  pour  les  Miracles  &  le  plus  ppuryàue 
de  confiance  en  cette  promeffe  !  auccmcr  de 

Rien  n'eu  plus  digne  de  notre  admu'ation  &  de  notre  reconnomance  ,   que  les  paro-  laVeriie  lorr- 
ies de  Jefus-Chrift  qui  précédèrent  celles  par  lefquelles  il  a  fait  ce  préfent  fi  précieux  c^'omeihti'on'^ 

à  fon  Eglife.  dans  ion  Uin. 

En  effet  depuis  la  création  de  l'Univers  ,  y  a-t-il  en  rien  de  plus  étonnant  que  l'or- 
dre qu'il  donna  pour  lors  à  fes  Apôtres,  d'aller  par  tom  le  monde  prêcher  i Evangile  à  i^,^'''  ^  * 
toHte  créature.  C'eft  à  dire  qu'il  commande  à  de  pauvres  payfans  ,  fins  aucuns  talens 
naturels  ,  d'aller  convaincre  toutes  les  nations  ,  que  les  Divinités  qu'elles  adoroient, 
n'étoient  que  des  efprits  impurs  qui  leur  faifoient  illufion  :  de  s'expofer  à  la  fureur  de 
tous  ces  idolâtres  fans  autre  deffenfe  qu'une  patience  invincible  dans  les  tourmens  :  de 
parcourir  tous  les  royaumes  &  tous  les  pays  du  monde ,  fans  avoir  d'autre  reflburce 
pour  y  vivre  que  celles  que  fa  Providence  leur  y  feroit  trouver  :  &  qui  plus  eft,  il 
leur  ordonne  de  perfuader  tous  les  peuples  de  la  vérité  d'une  Religion  dont  les  mys- 
tères font  incomprèhenfibles  ,  &  dont  la  morale  eft  direèlement  oppofée  à  toutes  les 
inclinations  de  la  triple  concupifcence  qui  s'ètoit  emparée  du  cœur  de  tous  les  enfans 
d'Adam. 

Mais  quel  fut  le  moyen  extérieur  &  vifible  qu'il  leur  fournit  pour  rèuffir  dans  une 
entreprife  fi  fort  au  deffiis  de  la  raifon  humaine  ?    Ce  fut  de  leur  donner  le  pouvoir  de 
faire  des  guérifons  Miraculeufes.  „  Voici,  leur  dit-il  ,  les  Miracles  que  feront  ceux  jMatcXVî. 
„  qui  croiront  en  moi.  ...   Ils  impoferont  leurs  mains  fur  les  malades  &  les  guéri-  *^'  ^  '^" 
„  ront.  "    Signa  autem  eos  qui  crediderint  hac  fequentur,  .  .   .    Super  agros  manus  impa- 
tient zfr  hene  hahebunt.  ,,,  Alfurez-vous  ,leur  ajoute-t-il,  que  je  ferai  toujours  avec  vous     Ma«h- 
„  jufqu'à  la  confommation  des  fiècles  :  "  Et  ecce  ego  vobifcum  Jum  omnibus  diebus  uf-  '  ^^' 

que  ad  confummationem  feculi ;  &  que  je  confirmerai  par  des  Miracles  tout  ce  que  vous  Marc.XVI. 
direz  par  mon  efprit  :  Sermonem  confirmante  fequentibus  fignis.  ''■^• 

Toute  la  Terre  étonnée  vit  peu  après ,' l'exécution  de  cette  promefle.  Les  Apôtres  al- 
lèrent prêcher  chez  tous  les  peuples  du  monde.   Et  ce  fut ,  dit  S.  Paul,  par  la  vertu    Rom.  XV. 
des  Miracles ,  ô"  pt^r  la  puijfance  du  S.  Efprit  ,    qtie  Jefus-Chrifl  amena   les  Nations  ^  iS.Scij. 
r obe'ijfance  de  la  foi. 

Auffi  cette  promeffe  faite  pour  le  falut  des  hommes  a-t-elle  paru  à  S.  Thomas  une 
preuve  décifive  ,  qu'il  eft  impolfible  que  Dieu  permette  aux  démons  de  faire  des  guéri- .   , 
fons  Miraculeufes.  „  Ce  qui  a  été,  dit-il^  donné  pour  la  manifeftion  &  la  confirma-, 

Differt.Tom.JI,  P  tion 


«4  T-'E-S  MIRACLES  SONT  LA  VOIX  DE  DIEV 

Dissert       tion  de  la  foi ,  ne  peut  pas  être  accorde  aux  adveriaires  de  la  foi  ,  ainfi  qu'il  paroft 

iurl'aut.  ^  p,,j.  j„  d;rnier  Chapitre  de  S.  Marc.    Donc  on  ne  doit  pas  croire  ,   que  les  démons 

uESMiK.    ^^  reçoivent   la  puiflance  de  faire  des  Miracles.  "    Id  qttod  datum  ejl  in  mamfcfiAtionem 

C^  Ctnfirmationem  fidei,  non  dehtt  concedi  fidxi  advcrfariis.    Sed  opcratio  JigKorur»  data   efi 

in  cenjirmationem  fidei ,  Ht  habetur  Marci  ultime.     Ergo  videtur  c^tiad  non  Jnlijît  potejlati 

damonum  miracuU  faeere. 

Au  refte  il  eft  évident,  que  cette  promcfTe  n'étoit  pas  pour  les  feuls  Apôtres  ,  mais 
pour  toute  l'Eglife  qu'ils  repréfeiuoient  ,  puifqu'elle  devoit  s'exccutcr  dans  tous  les 
tems  jufqu'à  la  fin  du  monde. 

AulTi  eft-il  vrai  de  dire  que  Jefus-Chrifi:  eft  toujours  préfent  dans  l'Eglife  ,  non 
feulement  d'une  manière  fpirituelle  par  toutes  les  grâces  qu'il  y  répand  fans  cefle  ,  & 
d'une  manière  réelle  &  fubftar.tielle  quoiqu'invifible  dans  l'augufte  Sacrement  de  nos 
Autels ,  mais  qu'il  y  rend  fouvciu  fa  préfence  fenfible  par  des  Miracles ,  fur-tout  dans 
les  tems  orageux  oii  la  Vérité  eft  couverte  de  nuages. 

Quelle  confolation  pour  les  Catholiques  d'avoir  vu  de  Siècles  en  Siècles  l'accom- 
plifTement  de  cette  promcfTe  depuis  Jefus-Chrift  jufqu'à  préfent  !  Quelle  fatisfaftion 
pour  eux  de  voir  que  le  S.  Efprit  qui  a  d'abord  établi  l'Eglife  par  les  guérifons  Mi- 
raculeufes  ,  a  toujours  continué  depuis  de  leur  donner  ces  marques  admirables  de  fa 
préfence  &  de  fa  protedion ,  tandis  que  tous  ceux  des  Juifs  qui  ont  refufé  de  fe  fou- 
mettre  à  l'Evangile  ,  &  tous  les  Hérétiques  qui  en  ont  abandonné  les  dosâmes  &  la 
doftrine ,  ont  été  totalement  privés  de  ces  faveurs  Divines  ;  &  que  depuis  l'incréduli- 
té des  uns  &:  h  défertion  des  autres  ,  il  n'y  a  eu  de  leur  côté  que  des  preftiges  ,  des 
phantômes ,  &  tout  au  plus  quelques  prodiges  où  la  griffe  du  démon  étoit  facile  à  ap- 
percevoir,  pour  peu  qu'on  l'examinât  attentivement. 

Avant  que  les  [uifs  enflent  été  retranchés  de  l'olivier  franc  ,    les  guérifons  Miracu- 

leufes  étoient  un  "ligne  comme  fubfîftant  au  milieu  d'eux ,  témoin  celles  qui  fe  faifoient 

JeanV.  z.  V  j^  pjfcine  appellec  Bethfaïdc.    Mais  depuis  leur  réprobation  elles  ont  totalement  ceffc. 

Otig.Lib.     „  Nous  voyons  les  Juifs  entièrement  abandonnés  ,  dit  Origene  :  ils  n'ont  plus   rien  de 

î^  >?""i      „  ce  qu'ils  avoient  autrefois,  qui  ctoit  digne  d'admiration,  rien  qui  puiffc  faire  voir, 

„  que  Dieu  eft  avec  eux  ;  car  ils  n  ont  plus  ni  Prophètes  m  Miracles. 

Si  le  démon  avoir  la  liberté  d'opérer  des  guérifons  qui  paruffent  de  vrais  Miracles , 
avec  quel  empreffement  n'en  auroit-il  pas  fait  pour  autorifer  le  culte  de  la  Sinaguogue, 
après  qu'elle  a  été  réprouvée  ?  Cependant  depuis  l'établiffement  de  la  Religion  plus 
de  guérifons  Mii-aculeufes  chez  les  Juifs. 

Il  n'y  en  a  pas  eu  davantage  chez  les  Hérétiques, &  ils  ne  fc  font  eux-mêmes  vantés 
que  d'avoir  eu  des  vifions ,  d'avoir  entendu  des  voix  ,  &  de  quelques  autres  preftiges 
de  pareille  trempe,  que  néanmoins  quelques-uns  d'entre  eux , entr'autres  les  Gnoftiques 
&  les  Donatiftes,  décoroient  du  nom  de  Miracles;  mais  qui  n'étoient  réellement  que 
de  vains  preftiges,  &  des  illufions  diaboliques  ,  ainfî  que  S.  Auguftin  l'a  prouve  con- 
tre ces  derniers."  '  ' 

AutVi  k  fvvant  Cardinal  Bellarmin  nous  donne-t-il  comme  un  fait  &  une  régie  fan» 

BcUirinU».  exception .  que.  quoique  ..les  faux   prophètes  &    les  Hérétiques  aient  fouvent  tâche 

£ctlcf.c.i4.  „  de  faire  des  Muacles,  il  eft  certain  qu  ils  ont.  toujours  cte  trompes  dans  leur  elpcran- 

,,'ce",   le  démon  n'ayant:  jamais  pu  réulfir  à  leur  tenir  celle  qu'il  leur  avoir  donnée. 

Dt  faljîs  Propheiis  C^  b'ereticis  non  minus  cfl  ctrtMm  eos  ,    (ir  f'pe  miracttia  fACere  co/iatos , 

tr  femptr  ffc  fitÀ  fffe  frujlratos, 

N'cft-cc  pas  là  une  preuve  palpable  &  invincible,  que  le   père  du  menfonge  n'a  ja- 
mais pu  obtenir  la  permilVton  de  fabriquer  des  guérifons   qui  euffent  l'air  d'ctre  Mira- 
cnleufes  ?    Car  s'il  avoit  eu  cette  liberté,  n*auroit-il  jamais  fait  cit  forte  par  qu^-Iquc 
fobtil  artifice ,  que  les  faux-prophéics  *:  les  Hcrétiquo  auroient  paru  faire  des  Mira- 
cles? 


ET  VN-  TEMOIGNAGE  NON  E'QVIFOQVE.  «j 

clés  ?    Mais  Dieu  n'a  eu  garde  d;  le  permettre  ,    parce  qu'il  vouloit  que  Us  Miracles   Dissert. 
fufTent  M»e  des  marques  diflinttives  de  la  véritable  £?/«7?,  ainfi  que  l'obferve  au  même  en-  ^""^  ï-'aut. 


DES    MIR, 


droit  ce  Cardinal  aulTi  illuftre  par  fa  fcience  que  par  fa  grande  piété:  NotA  (Ecclejîa)  eji 
gloria  miraculornm  ,,  fur  quoi  C  ajoute-t-il  tout  de  fuite  )  il  y  a  deux  principes  fonda-  ^°^' 
„  mentaux  à  obferver  :  l'un  que  les  Mirachs  font  néceflaires  pour  perfuader  une  foi 
„  nouvelle  ou  une  milTion  extraordinaire  :  l'autre ,  qu'ils  font  efficaces  &  fuffifans  pour 
„  cet  effet."  Snnt  autem  duo  fundamema  prar/iittenda :  urtum^  quod  miracuLi  fitnt  m- 
cejfaria  ad  novamfidem  vel  extraordinariam  mijjioncm  ferfiadendam  :  alternm  ,  qHodJini 
efficacia  &  [ufficientia. 

Mais  fi  les  Miracles  bienfaifans  ,  les  Miracles  proprement  dits ,  font  cffcaces  (Jr  fuffi- 
fans ,  .  .   pour  perfnadsr  fine  foi  nouvelle ,  &  fi  c'eft  en  effet  par  les  Miracles  de  guéri- 


pas  mettre  i  nomme  aans  la  necejjite  ae  conciurre  çy  ae  jmvre  une    Penfées  de 
faufeté  ?   ainfi   que  l'obferve  M.  Pafcha).     „  C'eft  ,   (ajoute-t-il)  ce  que   Dieu  ne  |^^-P«[«-^" 
„  peut  faire,  &  ce  qu'il  feroit  néanmoins  ,    s'il  permettoit  que  dans  une  queflion  ob-  n.ig." 
„  fcure  il  fe  fît  des  Miracles  du  côté  de  la  fauffeté  .  .  .  Les  Miracles  (dit-il  encore) 
,,  ont  fervi  à  la  fondation,  &  ferviront  à  la  continuation  de  l'Eglife  jufqu'à  l'Ante- 
„  chrift ,  jufqu'à  la  fin.  " 

Voici  encore  un  autre  Témoin  bien  refpeftable ,  qui  va  nous  attefler  que  toutes  les 
guéri  fins  extraordinaires  ,  admirables  rij"  contraires  au  cours  de  la  nature^  ne  peuvent  être 
opérées  que  par  la  vertu  Divine:  que  Dieu  n'accorde  ces  merveilleufes  guérifons  qu'a  la 
prière  &  en  faveur  de  ceux  qui  ont  la  vraie  foi  ,  &  qu'il  ne  s'en  eft  jamais  fait  aucu- 
■»e,  ni  chez,  les  Idolâtres,  ni  chez,  les  A-îahometans  ,  ni  parmi  les  Hérétiijues ,  ni  chez,  les 
Juifs  depuis  leur  réprobation  quoiqu'auparavant  les  Miracles  les  euifent  continuellemeat 
accompagnés. 

C'efl  S.  Bernardin  de  Sienne  ,  ce  gi-and  ferviteur  de  Dieu  qui  a  lui-même  fait  un  fi 
grand  nombre  de  guérifons  Miraculeufes  pendant  fa  vie  &  après  fa  mort. 

„  La  fermeté  de  la  foi  eft ,  ^/f-i/ ,  fondée  fur  l'évidence  &  l'éclat  des  Miracles.  Auffi  i.serm.ftr 
„  n'en  a-t-on  jamais  vu  chez  aucune  Nation  Idolâtre,  ni  dans  aucune  Sefte ,  mais  uni-  •■if«'n'««J= 
„  quement  parmi  ceux  qui  ont  une  roi  Chrétienne,  laquelle  a  toujours  ete  acccmpa-  i.p.6. 
„  gnée  &  fuivie  par  des  Miracles  ...    En  eff.t  nous  voyons  d'abord,  qu'il  s'en  eft 
„  opéré  une  multitude  merveilleufe  dans  la  Nation  des  Hébreux  (dont  les  Saints  avoient 
,y  une  foi  vraiment  Chrétienne,  puisqu'ils  mettoient  toute  leur  efpérance  dans  le  Meilîe 
„  qu'ils  attendoient)  .  .  .  Les  Miracles  n'ont  abandonné  cette  Nation, qu'après  qu'el- 
„  le  a  elle-même  abandonné  la  foi.    Mais  alors  les  Miracles  ont  palTc  avec  h  foi,  en 
,,  la  perfonne  des  Apôtres,  &  des  autres  fidèles  de  la  Judée,  à  l'Eglife  Chrétienne 
„  compofée  des  Juifs  &  des  Gentils  :  &  grâces  à  Dieu ,  il  s'y  en  eft  toujours  fait  de- 
„  puis  ce  tems  jufqu'à  ce  jour.     Ainfi  les  Miracles  fuivent  la  foi  ,  &  ceflent  dès  que 
„  la  foi  manque,  parce  qu'ils  font  des  témoignages    de  la  foi,  &  des  effets  infépara- 
,,  blement  unis  avec  elle.    Aufïi  ni  les  Idolâtres  que  nous  appelions  Payens,  ni  les  Ma- 
„  hometans  qu'on  nomme  Sarrafins,  ni  maintenant  les  Juifs,  ni  les  Hérétiques,  n'ont 
„  point ,  &  n'ont  jamais  eu  aucun  Miracle  dont  ils  puiffent  autorifer  leurs  loix  ou  leurs 
„  Seâes.     Or  on  appelle  Miracles  ,    les  opérations  extraordinaires  &  admirables  qui 
„  par  conféquent  ne  peuvent  être  produites  que  par  la  puiffance  de  Dieu ,  telles  que 
,,  font  la  réfurreâion  de  morts,  de  rendre  la  vue  à  des  aveugles,  de  guérir  des  lé- 
„  preux,  &  autres  Merveilles  de  cette  forte:  toutes  chofes   qui  ne  peuvent  être  exé- 
,,  cutées  que  par  la  vertu  Divine.     C'eft  pourquoi  toutes  ces  Merveilles  font  divers 
„  témoignages  de  Dieu  :  &:  mém.e  h  foi  Chrétienne  n'a  été  reçue  que  fur  ces  témoigna- 
„  ges  Divins  ,    c'eft  à  dire  que  c'eft  par  les  Miracles  qu'elle  a  été  confirmée.  "    Fidei 

'      P  a  fr- 


U6  LES  MIRACLES  SONT  LA  VOIX  DE  DIEV 

T>issinT.firmit/lS  eft  miraculorum  limpiditas  ftve  daritas.  NulU  nempe  gens ^  »Hlla  feiia  mirucuU 
ivo-t-'f^^-rhahet  prêter  Chrifiianam  jidem,  (juam  femper  cj-  comituta  fmt  miracula  &  fecuta.  Nam 
•  lsmir.  f^  .g„f(  ffebritorftm  mirabilittr  multiplicara  .  .  .  donec  ipfa  defcruit  veram  fidem.  Tune 
tnim  cum  ipfà  fide  in  ApofteUi  atcjut  aliis  in  yitdtek  credentibus  tra^flatu  ftnt  in  b  ccUJiant 
ex  Judtis  er  Gemihus  congregatam  ,  ac  per  Dei  grntiam  ufqHe  in  hodiernum  diem  perfevC' 
rant  tn  illà  ;  ita  ut  eâ  pofità  videantnr  etiam  miracnla  pojita  ,  atqnt  eà  remotà  videantur 
MiracuU  removeri  ^  ut  ejHofi  fint  ipfius  fidei  tejlimonia,  &  effeSlus  infeparabiUs  ,  (jr  conco- 
mitantia  ilLtm.  Nec  tnim  Idolâtra  <jhos  PagAnos  vocamus ,  nec  gens  AJahometi  ejuos  dici- 
mus  S^r.iccnas ,  nci^fte  nunc  Judxi ,  necjue  Hcretici  legitm  ac  fect.irum  fuArum  unejiMr» 
alicHod  miraculum  h^bent  .  .  .  MitacmU  aiitem  appelLimus  virtmis  follus  Dtvin<e  infoli- 
tAs' operationes ,  dtcjue  mirandas  curfuique  nature  non  conformes,  cjuaUs  utiqut  fimt  [ufci- 
tMiones  mortuorftm,  illuminAtiones  CéCcorum  ,  mundationes  Icproforum  ^  &  conjimilia  :  qu<C 
cmnia  nijt  virtttte  divinà  fieri  non  pofunc  ;  proptereà  &  varia  Dei  teflimonia  Junt ,  nec  qui- 
ttent Chrifiiana  recepta  eft  fides ,  nifi  divinis  teftimoniis  ,   ideft  miraculis  confirmata. 

Ebranler  l'Autorité  des  Miracles,  en  fuppofant  que  Satan  peut  les  imitek-  de  manière 
qu'il  eft  très  difficile  de  difcerner,  fi  des  gucrifons  Miraculeufes  font  l'ouvrage  de  Dieu 
ou  du  démon,  &  en  conclurrc  que  leur  témoignage  eft  fouvent  équivoque,  c'eft  donc 
félon  ce  grand  Saint,  ébranler  h  fermeté  de  la  foi,  qui  eft  fondée  fur  r  évidence  ©-  L'é- 
clat des  AfiracUs  :  c'eft  donner  un  prétexte  à  tous  ceux  qui  veulent  fe  fouftraire  à  ce 
Témoignage  Divin ^  de  les  confondre  avec  les  illufions  diaboliques;  c'eft  en  quelque 
forte  vouloir  arracher  des  mains  de  l'Eglile  le  préfent  intîniment  précieux  que  lui  a 
fait  Jcfus-Chrift,  afin  qu'elle  eût  perpétuellement  des  marques  diftinftivcs,  furnatu- 
relles  &  vifibles,  qu'elle  feule  pofféde  la  foi  dans  toute  fa  pureté  &  dans  fa  plénituie. 
..  „   j  ^        Rien  n'eft  plus  frappant  que  ce  q'ii  eft  dit  des  Miracles  dans  la  Bulle  de  Canooifa- 

t5ullc  de  v-â*  f  ^  ^  *.,.',  /-  j  1  ^r 

no.:iration     tiou  du  Pape  Innocent  IV.  qui  lui-mcme  en  ht  un  grand  nombre  après  la  mort. 

«occnfiv""       >i  ^  'ef^  pa""  1"  Miracles,  dit  cette  Bnlle ,  que  la  foi  Catholique  fe   conferve  malgré 

M/pôr'tecpar  ^    toutcs  les  atteintes  qui  lui  font  portées  :  c'eft   par  les  Miracles  que  l'obftination  des 

H'A.mach.    "  Juifs  eft  couverte  de  honte,  que  les  erreurs  des  Hérétiques  font  confondues,  &  qiie 

",  l'i'^norance  des  Payenseft  forcée  de  regarder  ces  Mervdlles  avec  étonnemcnt."  Co»- 

'•valc/cit  ex  iftis  {miraculis)  fides   Catholica,  Jndœorum  pertinacia  erubefcir ,  confunditur 

Hereticorum  fallacia ,  &  obftnpefcit  ignoramia  Paganorum. 

Sur  quoi  l'Archevêque  d'Armach  qui  rapporte  la  Bulle,  s'écrie:  ,,  Que  notre  Mè- 
re la  Sainte  Eglife  foit  donc   remplie  de  joie   d'avoir  des  preuves  fi  convaincantes 
pour  fortifier  fa  foi  !  Que  les  perfides  Juifs  demeursnr  muets  dans  leurs  téneljres. . . 
"  Que  l'infidélité  des  Payens  tombés  dans  l'cndurcifleiTient,  nofe  ouvrir  la  bouche! 
',  S'ils  ne  veulent  pas  ajouter  foi  aux  parol:s  Evangcliques  &  Apoftoliques,  comment 
*',  peuvent-ils  refufer  de  fe  rendre  à  des  Miracles  vifibhs?  Tandis  que  pi  ifieurs  Rois 
des  Gentil;  &  autres  PuilTinces  qui   les  gouvernoient ,  lesquels  n'avoient   pu  être 
vaincus  par  aucune  raifon,  ont  été  confondus  &   terrafles  par  ks  Mincies,  &   ont 
',',  baiflc  le  cou  fous  le  joug  de  la   foi.     Et  telle  eft  la  puiftince  des  Miracles  qu'un 
„  ca'ur  ferme  à  la  juftice,  change  &  parvient  au  falut  par  la  prace  que  répandent  ces 
„  Merveilles  Divines!  Et   il  n'y  a  aucune  Scfte  parmi  les  Infidèles,  qui  fe  glorifie 
d'avoir  cette  grâce,  que  rE"lire  Mère  des  Chrétiens  pofféde  vifiblcmcnt  &  d'une 
„  manière  maniftfte.     Et  ce  n'eft  pas  fans  raifon  que  la  Providence  Div  ne  a   réglé, 
„  que  ce  fût  principalement  ap>cs  leur  mort,  que  les  Saints  lillent  des  Miracles,  afin  que 
„  ce  fur  une  dèmnnftration  (xprefTe,  c\u^  la  mémoire  de  ceux  par  l'intercelfion  dcqui 
•„  le  Scii^i.eur  fait  de  tdLs  Merveilles,  eft  en  bènèdiftioH:  "  Ltteiiir  ergom.uer  Ecclc- 
fiA  qué  habei  nnde  projiciat ,  certijjima  argument,*,    Conticcfeat  in  tenebris  JuiUica  ptrfidia, 
, . .  P^^.nwru/K  eti.xm  obtur.v.i  irtjiiielitas  obvfHtefcar ,  qu.t ,  ft  verbis  Fvangelicis  ^  jipo£- 
ttlidl  non  vhIs  çrederc ,  qnarç  f,iltcm  abhorrtt  Hgnis  vijibiliùui  aMuroc  f  AluJti  tnim  rc- 


£r  VN  TE'MOIGNAGE   NON  EQVIVOOVE.  wj 

get  gentium  ô'  alii  qm   dominant ttr ,    qui  ratiorte  vinci  non  foterant  ^    miraculis  confutati ,     Di^sert, 
colla  fad  jiigo  fidei  fttbdidernm  :   (jr  hac  ejl  prarogativa  Jtgnorum ,  m  quod  corde  non  credi-  ^"^  l-aut. 
tur  ad  jhjiitiam ,  gratta  fignorum  provehM  ad  falutem ;  (jr  hanc  gratiam  nulla   Seila  quo-  °"  ""'' 
runtcumqtte  infideliuKi  Je  gloria-Kr  habere ,   quam  Chrijiianorum  mater  Ecdejia ,  manifef- 
te  o.hIo  adocHlum  mfihttr  fojjîderej   t^  non  fine  caufà  divina  provident  ia  fie  providit ,  Ht 
in  fanElis  fuis  poft  mortcmfignornm gratta  plus  abundet,ttt  demo^iflraretur  exprejfe  qtiod  eo- 
rtif»  memoria  in  benediElions  efl ,  per  qaos  Do.ninHS  talia  operatur. 

Combien  ne  font  donc  pas  coupables  ceux  qui  fe  révoltent  contre  une  Décifion  pré- 
cife  faite  fur  ce  fujet  par  une  multitude  de  Miracles,  &  qui  ofent  juger  &  publierait 
contraire,  que  la  me'moire  du  S.  Diacre  François  de  Paris,  par  le  moyen  duquel  le 
Souverain  Juge  a  fait  &  continue  de  faire  depuis  environ  20  ans  un  grand  nombre  de 
pareilles  Merveilles,  eft  un  objet  de  malédiiftion  ! 

Guimond  Archevêque  d'Averfe,  Auteur  ancien  &  très  vénérable,  va  jufqu'à  dire  Galm,  Li», 
que  „  ceux  qui  refufent  de  recevoir  les  Miracles,  fe  déclarent  les  ennemis  de  l'Egli- corpVfan'. 
„  fe:  car,  ajoute-t-il,  c'eft  principalement  par  les  Miracles  qu'elle  s'eft  établie,  ré-  i^om.  cite'' 
„  pandue  &  fortifiée.  Ainii  détruire  les  Miracles,  qu'eft-ce  autre  chofe  que  vouloir  Hoflus^^Hrcl 
„  renverfer  l'Eglife  autant  qu'il  efl  en  foi  :  "  Oitod  fimiraculanonrectpiunt  ^  hoJïesEclefia  '^.'^  auCon- 
fe  déclarant  :  Ecclefia  enim  miraculis  qaam  maxime  (^  propagata  (^  adulta.  Ottid  denique  te ,  de  Trad' 
efi  aliptd  miracula  cajfare ,  nifi  Ecclefiam  quantum  in  je  efl  attferre.  \i\xa\.  foi. 

Voilà  une  terrible  fentence  contre  ce.  x  qui  font  tous  leurs  efforts  pour  annéantir  les  1661, 
Miracles,  que  Dieu  fait  à  préfent  parmi  nous.     Selon  ce  très  refpeârable  Auteur c'efl 
de  leur  part  fie  déclarer  Les  ennemis  de  l\^ ^.:fie ,  c'efl  vouloir  Li  renvcrficr;  parce  que  les 
Miracles  font  fa  lumière ,  fon  fondement  &:  fa  force. 

,,  Tous  ceux  qui  ne  font  point  aveugbv ,  dit  le  Cardinal  Bcllarmin ,  jugeront  avec  Erllarm. 
„  facilité ,  que  la  fplendeur  des  Mirarks  &  la  lumière  prophétique  font  comme  deux  j'^JioPf '  * 
„  yeux  d'une  beauté  &  d'une  clarté  charmante,  qui  brillent  dans  le  corps  de  l'Eglife 
„  &  qui  par  leur  éclat  jettent  des  rayons  par  toute  la  Terre.  Nous  trouvons  nous- 
,,  mêmes  par  la  bonté  de  Dieu  un  plaifir  infini  en  la  contemplation  de  ces  deux  yeux , 
.,,  &  par  cette  vue  nous  nous  fentons  enflammés  toujours  de  plus  en  plus  d'amour 
„  pour  la  beauté  de  l'E-^life  Catholique:"  Splendorem  miraculorum  cJ-  lumen  prophe- 
ticttm  quafi  duos  ptdcberrimos  ô"  clarijfiimos  oculos  in  corpore  Ecclefiic  eminere ,  f^  orbem 
totum  finis  fulgoribus  illuftrare  ,  omnes  ,  qui  prorfius  coeci  non  fiant ,  faciïe  judicabunt.  jéc 
nos  quidem  Dei  benignitate  in  horum  oculorum  comemplatione  vchementer  deleclamur ,  (^ 
per  eos  in  amorem  pulchritudinis  Ecclefi<e  magis  ac  magis  fiemper  rapimur. 

„  Entre  les  plus  grands  dons  du  S.  Eforit,  dit  le  Vénérable  Pierre  Aîaurtce  Abbé  de  Per.  ^'isaj\f, 
,,  Clum,  le  don  gratuit  des  Miracles  n'efi:  pas  des  moins  confidérables,  parce  qu'il ''''''""'g''*' 
„  contient  en  lui-même  une  Ci  grande  luilité.  Car  c'efl:  princip.ikment  par  ce  don ,  Patr'.' Tom.  ' 
„  que  le  monde  a  été  délivré  des  ténèbres  de  l'Idolâtrie,  &  c'efl  ce  don  qui  l'a  grati-  ^^i  ^^  "^''' 
„  fié  d'une  lumière  éternelle." 


„  Encore  aujourd'hui  c'efl  par  ce  don  que  la  foi  efl  augmentée  dans  le  cœur  Je 
„  beaucoup  de  fidèles,  lorsqu'ils  voient  des  Miracles:  c'efl  par  les  Miracles  que  leur 
,.  efpérance  s'accroît  :  c'efl  par  les  Miracles  que  la  V  e  r  i  t  e'  efl  c  o  n  f  i  r  "i  e'e. 

Cura  inter  Spiritus  SanBi  char:fi>nata ,  gratia  miraculorum  non  parvam  oùtinet  dignita- 
tem ,  ut  pote  qua  tantam  in  fie  continet  utilitatem,  ut  maxime  per  illam  &  mtmjus  ab  in^ 
fidelitatis  tenebris  Ubera^us  ,  c^  aterno  lumine  donatus  fit.  Et  adhuc  in  multorum  fidel::{r& 
cordibus,  qui  bu  s  aUqu^ndo  hoc  vider  e  datur ,  per  eam  fides  augtatHr^  fipes  creficat ,  V  Ë- 

RITASCONURMETUR. 

En  effet  c'efl  en  ps'-de  par  les  Miracles  que  la  pureté  de  la  foi  doit  s'y  maintenir  Juf- 
qu'à. la  fir  du  monde.  Car  les  Miracles  fiuivent  la  foi ,  ainfi  que  le  dit  S.  Bernar-lin  de 
Sienne:   ils  fiorn  des  témoignages  de  la  perfcLlion  de  la  fioi ;  ils  font  dcf  ejfet's  ir.fiépara'jk- 

P  5  meut 


Il8  LES  MIKACLES  SONT  LA  VOIX  DE  DIEV 

DinsRT.  fftcHt  unis  avec  elle.  Ainfi  lorsqu'il  y  a  des  conrradidion?  dans  le  feir»  de  l'Eglife,  c'cft 
oRL'AUT.jg^jjp^,j.ç  jjj  <-5t(i  où  Dieu  fait  éclatter  des  Merveilles,  que  fe  touve  la  pureté  de  li 
>t»MiR.     ^^.  ^  1^^  Miracles  en  font  un  témoignage,  auquel  il  n'eft  pas  permis  de  rcllfter. 

C'eft  aulîî  ce  que  dit  Louis  Richeome  dans  fon  Difcours  fur  les  Miracles,  impri- 


me en  1599. 


Ch.41.  0. 3.      ^^  jj  j^g  j-g  pçm  fji^ç  qyç  ]ç  Miracle  ne  foit  une  voie  aflurée  pour  connoitre  la  Vért- 
ni'oii  h  Miracle  fe  trouve  ,   illec  par  abfolue  conféqucncc  ne  foit  la  foi  &  Il 


j> 


B.   X. 


S.Tt<n.  Lib.       Ils 

z.  cap.  ai. 

Il 


„  te,  &  qi 

„  vraie  Eglifc  de  laquelle  le  Miracle  eft  une  marque  infaillible," 

IbiJ.  ch.  \.      ^^  Le  ^iiracle,  dit-il  encore ,  eft  un  elTai  extraordinaire  de  la  puiffancc  de  Dieu,  im 

*'  ^'  „  efltt  furnaturel,  une  faillie  de  la  Divinité,  un  témoignage  du  Souvenin,  une  attef- 

,,  tation  de  Suprême  Autorité,  un  trait  de  Maître  de  la  nature,  tire  par  deffus  &  au 

,,  delà  des   limites  de  la  nature,  &  donné  pour  la  manifcilation  de  la  gloire  de  Dieu 

Ibid.  ch.i».  JJ  &■  pour  le  bien  &  l'utilité  de  fon  Eglife.    (D'oii  il  conclud  que  les  Miracles  font) 

"■  *■  „  la  plus  forte  pièce  de  deffenfe  que  nous  ayons  &  qui  puilTe  être  en  l'Eglife,  quand 

,,  il  eft  queftion  de  prouver  clairement  &  fans  réproche  une  Vérité.    Car,  ajoure- t-il , 

„  lorsqu'un  Miracle  parle  en  faveur  de  quelque  chofc,  Dieu   parle:  &  quand  Dieu 

„  parle,  qui  ofcra  contreparler?  " 

Auftî  tous  ceux  qui  font  inftruits  de  l'Hiftoire  de  l'Eglife ,  favent  que  c'a  été  prin- 
cipalement par  l'Autorité  des  Miracles,  que  les  Chrétiens  des  premiers  Siècles  ont 
terrafle  les  Héréfics  qui  fe  font  alors  élevées.  Ils  n'ont  ceffé  d'objeder  aux  Hérétiques 
que  dans  leur  Sede  il  ne  fe  faifoit  point  de  guérifons  Miraculcufes:  &  dans  tous  leurs 
Ecrits  ils  ont  pofé  pour  principe,  qu'il  n'y  a  que  Dieu  feul  qui  puifle  en  faire. 

ont  prouvé  la  vérité  des  Miracles  de  Jefus-Chrift  pendant  fa  vie  mortelle,  par 
"''•■"■  ceux  qu'il  continuoit  de  faire  dans  l'Eglife  depuis  qu'il  eft  alTîs  à  la  droite  de  fon  Pé- 
SGreg.  re.  C'eft  par  cette  démonftration  qu'ils  ont  établi  la  Divinité  du  Fils  &  celle  du  S. 
Njz.  orjt.  Efprit.  Si  le  démon  peut  contrefaire  les  Miracles,  que  devient  la  preuve  fur  laquelle 
de  Spir'^!'  font  fondés  les  principaux  articles  de  notre  foi  ?  Qiie  devieianent  les  raifonnemens  des 
c.  .6    s.     Pérès  de  l'Eglife? 

N'/I'catech.      Entre  autres  S.  Trénée  ne  fe  hfte  point  d'oppofer  aux  Hérétiques  les  Miracles  de  guc- 

*•  '*■  rifon,   pour  leur  faire  fentir  la  différence  qu'il  y  a  entre  les  Merveilles   falutaircs  de  la 

Bonté  &  de  la  Toute-pui  (Tance  Divine,  &■  les  preftigcs  de  Satan,  qui  ne  font  que  des 

illufions ,  dont  le  méprifable  artifice  n'eft  nullement  comparable  à  la  réalité  bienfaifantc 

des  guérifons  Miraculeufes. 

S  iren.  Lib.      „  Les  difciples  de  Simon  &  de  Carpocrate ,  dit  ce  S.  Marijr ,  &  peut-être  encore 

''  i**'  '''     3>  quelques  autres  p:iflent  pour  opérer  des  chofes  merveilleufes  :  mais  il  eft  aifé  de  ftire 

„  voir,  que  ce  qu'ils  font,  ce  n'eft  point  par  la  vertu  de  Dieu  &  d'une  manière folide 

„  &  réelle ,  ni  pour  procurer  aux  hommes  aucun  bien ,  mais  au  contraire  pour  les  fai- 

,,  re  périr  &  les  tromper  par  des  illufions  magiques  &  par  toutes  fortes  d'impoftures, 

„  bleffant  plutôt  que  de  guérir  ceux  qui  ont  le  malheur  de  les  croire.    Car  ils  ne  peu- 

„  vent  rendre  la  vue  aux  aveugles ,  ni  l'ouïe  aux  fourds  :  ils  ne  peuvent  guérir  ni  \îs 

„  malades,  ni  les  boiteux,  ni  les  paralytiques,*  ni  ceux  qui  font  affligés  dans  q-iclquc 

Ibid.  D.  j     „  partie  de  leur  corps  que  ce  foit.    (D'où  ce  S.  conclud)  qu'il  n'y  a  chez  les  Hcréri- 

,,  ques  que  tromperie,   féduftion  Si  illufions  magiques,  pour  trompei-  les   hommes 

„  d'une  manière  impie  :  au  heu  qu'on  trouve   dans  l'Eglife  des  guérifons   folid-s  ("^f 

„  réelles ,  qui  font  les  effets  de  la  compaflîon  Se  de  la  milericordc  de  Dieu  pour  les 

,,  hommes.  ' 

Super  hoc  arfr^Hentur  (jui  fiirtt  .1  Simone  &  Cvfocrate^  &  fi  qui  alii  virtutcî  cpcrarl  Ji~ 
tmmur ,  non  in  virtute  Dci ,  >icqite  in  ver it Aie ,  ne^ttc  ut  henefici  hominil'HS  facien  es  e,t 
tjtu  faciwit ,  fed  in  perniciem  &  errorem  per  mA^icui  iVu-fioncs  à'  U'iivn-f.i  jhtudc  plus  Ice- 
dt*ttes  ijuam  utilitatcm  prafittntts  his  qui  crcdunt  eis  in  co  quod  fiducant  :  nec  enim  cacis 

po^unt 


ET  VN  TE' MO IC NAGE  NOM  E'OyrrOOJJE  rip 

poffunt  dare  vifttm  ^  neque  furdis  Auditum^  mqtte  débiles  ^  claudos  aut  paralyticos  curare   Dissert. 
vel  alià  c^tiàdan*  parte  corporis  vexât  os.  surl'aut. 

Ottando  igiinr  apud  eos  quidam  error  cir  fid/dïio  cr  magica  phantajîa  in  fpectdattt  homi-  °^^  ""** 
num  fiât  :  i»  Ecclejià  autem  miferatio  &  mifericordia  &  firmitas  cr  veritas  ad  opitulatio- 
nem  hominum. 

Dans  le  Chapitre  fuivant  S.  Irénée  oppofe  encore  les  Merveilleufes  guérifons  qui 
fc  faifoient  dans  l'Eglife  Catholique,  aux  preftiges  &  aux  illufions  magiques  des  Hé- 
rétiques, qui  n'étoient  d'aucune  utilité,  &  qui  le  plus  fouvent  ne  duroient  que  pendant 
quelques  minutes. 

S'il  s'étoit  jamais  fait  des  guérifons  vraiment  Miracleufes ,  ou  même  qui  euflent  pa- 
ru telles,  foit  chez  les  Hérétiques  foit  chez  les  Payens,  S.  Irénée,  plufieurs  autres 
Pérès  &  Ihiguliérement  les  Apologiftes  de  la  Religion ,  auroient-ils  ofé  foutenir  fi  affir- 
mativement ,  que  ces  guérifons  font  une  Merveille  Divine  qui  ne  s'opère  qu'en  faveur 
de  rCglife,  &  que  les  démons  ne  peuvent  contrefaire  ?  Mais  ils  fe  fondoient  fur  la  no- 
toriété publique  ,  que  cela  n'étoit  jamais  arrivé,  &  fur  cette  parole  de  l'Evangile  : 
„  Perfonne  ne  peut  faire  des  Miracles  .  .,  fi  Dieu  n'eft  avec  VxwNemo  potefl  h^c Jigna, ]zi\x  Ili.  a. 
facere  ....  nijt  fuerit  Deus  cttm  illo, 

C'eft  ce  qui  faifoit  dire  à  tous  les  Saints,  premièrement,  cjiie  les  guérifons  Miracu- 
leufes  étant  un  don  du  S.  Esprit,  &  une  continuation  de  celles  par  lefquelles  Jefus- 
Chi-ift  a  prouvé  qu'il  eft  le  Fils  de  Dieu  :  fecondement ,  que  ces  dons  n'étant  promis 
qu'à  ceux  qui  croiront  tous  les  dogmes  &  les  maximes  de  l'Evangile  :  enfin ,  que  n'é- 
tant accordés  que  pour  futilité  de  l'Eglife,  afin  que  dans  les  tems  de  ténèbres  &  de  di- 
vifion,  les  plus  fimples  fidèles  puiffent  difcerner  par  la  clarté  de  ce  flambeau  célefte, 
de  quel  côté  eft  la  pureté  de  la  foi  ;  il  n'eft  pas  poflîble  que  Dieu  permettrai  Satan  de 
copier  de  tels  Miracles  pour  autorifer  l'erreur. 

Car  les  Miracles  ne  fervent  pas  feulement  à  réfuter  les  Hérétiques  qui  ont  fait  fchis- 
me ,  avec  l'Eglife  :  leur  Décifion  eft  également  forte  contre  ceux  qui ,  quoique  faifant 
profeffion  de  fa  Communion  extérieure,  féduifent  les  Catholiques  par  quelque  faux  dog- 
me, ou  par  une  morale  relâchée  &  contraire  à  celle  de  l'Evangile. 

C'eft  pour  ceh  que  Jefus-Chrift  a  promis  à  fon  Eglife  de  l'éclairer  par  la  lumière 
des  Miracles  jusqu'à  la  fin  des  fiécles;  parce  que  cette  lumière  n'étoit  pas  feulement 
nécelfaire  au  commencement  de  rétabliflement  de  la  Religion,  pour  retirer  toutes  les 
Nations  des  ténèbres  de  l'Ido'atrie ,  mais  qu'elle  l'eft  auiïi  pour  faire  clairement  con- 
noître  aux  cœurs  droits  où  eft  la  Vérité  ,  lorsqu'elle  fe  trouve  couverte  de  nuages 
dans  le  champ  même  du  Seigneur  ,  &  que  l'abus  de  l'Autorité  fe  pare  de  lès  dehors 
toujours  respeétables  &  très  capables  d'en  impofer  aux  fimples. 

Ce  qui  arriva  au  tems  de  l'Arianifme  eft  entre  autres  un  exemple  bien  frappant  du- 
befoin  qu'a  quelquefois  la  Vérité  d'être  foutenue  dans  l'Eglife  par  l'Autorité  Divine 
des  Miracles. 

Perfonne  n'ignore  les  terribles  ravages  que  cette  Hèréfie  fit  pendant  fi  long-tems  dans 
la  Communion  Catholique  :  que  le  plus  grand  nombre  des  Evêques  s'y  laiflerent  fédui- 
re:  que  h  Pape  Libère  fouscrivit  une  formule  des  Ariens  de  parut  approuver  leurs  er- 
reurs ;  lesquelles  furent  autorifées  par  quantité  de  Conciles  &:  entre  autres  par  ceux  de 
Rimini  &  de  Seleucie ,  qui  étoient  fort  nombreux.  Mais  Jefus-Chrift  qui  a  promis 
de  ne  point  abandonner  fon  Eglife  ,  vint  à  fon  fecours  par  les  Miracles ,  qu'il  opéra  par 
le  miniftére  de  S.Antoine  &  autres  Saints,  &  fur  le  Tombeau  de  quelques-uns  de  ceux 
qui  avoient  deffendu  la  Vérité  avec  plus  de  zèle. 

.  En  vain  la  multitude  des  Evéques  qui  tenoient  le  parti  de  l'-Arianifme  fe  récrièrent- 
ils,  lors  des  premiers  Miracles,  que  la  Caufe  étoit  jugée, que  l'Eglife  l'avoit  authenti- 
quement  décidé  par  plufieurs  Conciles  appuyés  de  l'Autorité  du  Pape  &  du  confente- 

ment 


tio  LES  MIRACLES  SONT  LA  VOIX  DE  DIEV 

Dissert,  ment  prcTumc  de  prefque  tous  les  Evcques  Catholiques,  n'y  en  ayjnt  eu  effeflivement 
suRL  *"T,^^j.jj|^  ^|.Vj      jjj  nombre  qui  ofcrent  réclamer  ouvertement  pour  la  vraie  foi:  en  vain  ob- 
jeiftérent-ils  qu'il  n'eft  pas  permis  d'oppofer  de  prétendus  Miracles  à  une  Décifion  de 
l'Eglifc;  Dieu  ayant  continué  d'en  faire,  les  Ariens  furent  enfin  terraflcs  par  cette  Dé- 
cifion Divine. 

Il  cfl:  même  bien  remarquable,  qu'il  n'y  eut  qu'un  petit  nombre  d'Evêques  entière- 
ment livrés  aux  plus  grofliéres  erreurs  de  l'Arianifme,  qui  eurent  h  témérité  de  dire, 
que  les  Miracles  faits  en  faveur  des  Catholiques,  étoient  un  effet  de  la  magie  &  une  o- 
pération  du   démom. 

Ce  fut  par  exemple  ,  par  cette  fuppofition  impie  ,    que  les  Evéques   Ariens  qui 
croient  avec  Huneric  Roi  des  Vandales ,  empêchèrent  que  ce  Monarque  ne  fût  touché 
du  Miracle  fait  par  S.  Eugène  ,    qui  rendit  fur  le  champ  la  vue  à  un  aveugle  nommé 
Félix ,  en  faifant  le  figne  de  la  Croix  fur  fes  yeux  ;    ainîî  qu'il  cfl  rapporté  par  Vic- 
tor Evéque  de  Vite,  dans  fon  fécond  Livre  de  la  Perfécution  de  Vandales.  Voici  fes 
tQrmes. 
De  Mtffc.      Vexillo  criicis  confignat  ochIos  ejus.  Statim  cœcus  vifum ,  Domino  reddente ,  recipit.  .  . 
Viai.Uh.z.  Statim  nuncius  pergit  ad  Ty.xnmtm.    Rapitur  Félix:    inquiritur  ab  co  quid  failftm  Jit  ^ 
*"■  "*'■  cjualiterejHe  receperit  lumex.   Dicit   ille  ex  ordine  tomm  ,    dicuntqite  Arianorum  Epifcopi  : 

Hoc  Eftgenius  per  maleficia  fecit. 

Le  très  grand  nombre  des  Evèques,  qui  pour  faire  leur  Cour  aux  Puiflances  favori- 
foient  feulement  l'Arianifme  fans  en  embrafler  les  erreurs  les  plus  monftrueufes ,  n'eu- 
rent pas  le  front  de  proférer  un  tel  blafphéme  ,  capable  d'ébranler  un  des  principaux 
fondemens  de  la  foi  :  &  quoiqu'ils  ne  iupportaflent  qu'avec  une  peine  extrême  ,  que 
l'Autorité  lïnpofante  de  leur  grand  nombre  fût  ainfi  terralfèe  par  ces  Miracles,  ils  n'o- 
férent  néanmoins  les  attribuer  au  démon  ,  du  moins  d'une  manière  précife ,  &  ils  fe  ré- 
duifirent  prefque  tous  à  nier  les  faits  &  à  chicanner  fur  leurs  preuves. 

Apprenons  d'eux,  que  les  guérifons  furnaturelles  font  des  Miracles  décififs,  des 
que  les  faits  font  certains;  &  confelfons  de  cœur  &  de  bouche  ce  que  les  remords  de 
la  confcience  leur  faifoit  fentir  dans  le  fond  de  l'ame ,  que  Dieu  opérant  des  guérifons 
Miraculeufes  par  l'interceflîon  de  ceux  qui  avoient  foutenu  la  doctrine  oppofée  à  la 
leur,  condamnoit  vifiblement  leurs  nouveaux  dogmes  ,  leurs  Conciles  ,  leurs  formu- 
les ,  &  la  fonfcription  tant  vantée  qu'en  avoit  fait  le  Pape  &  le  plus  grand  nombre  des 
Evéques. 

Le  principal  objet  des  Miracles  cft  d'inftruire  les  hommes  de  ce  qu'ils  doivent  croi- 
re :  ils  font  la  voix  par  laquelle  le  Très-haut  nous  le  déclare  en  Dieu  ,  en  le  prou- 
vant fous  nos  yeux  par  des  effets  de  fa  Toute-puiffance  ;  &  c'eft  fur-tout  dans  les 
tems  où  l'erreur  armée  du  pouvoir  des  Puiffances  féculiéres  &  de  l'apparence  de  l'Au- 
torité des  Puiffances  Ecclèfîaftiques,  couvre  la  Vérité  d'épais  nuages,  &  en  opprime 
les  deflènfeurs;  c'eft,  dis-je,  fur  tout  dans  ces  tcms  que  jcfus-Chrift  du  haut  de  fa 
gloire  fe  plaît  à  manifefter  par  des  Miracles  de  quel  côté  eft"  la  foi  parfaite  ,  à  laquelle 
il  les  a  promis. 
Jean,  XIV.  „  En  vérité,  en  vérité  (nous  dit-il  lui-même)  celui  qui  croit  en  moi  fera  les  œu- 
'*•  „  que   je  fais.  "    Ame»  ,  amen  dico  vobis  y   qui  crédit  in  me  opéra  qux  ego  fach  ()■  ipfe 

faciet. 

Que  cette  promeffe  eft  confobnte  pour  ceux  qui  mettent  toute  leur  confiance  en  fon 
fecours  ?  Car  il  eft  bon  d'obferver  que  croire  en  Jefus-Chrift  n'eft  pas  feulement  croi- 
re Jcfus-Chrift  ou  croire  à  jcfus-Chrift. 

Croire  Jefus-Chrift  ,  ce  n'eft  que  le  reconnoitre  pour  le  Fils  de  Dieu.  Croire  1 
Jefus-Chrift  ,  c'eft  feulement  ajouter  foi  à  tout  ce  qu'il  nous  a  révélé.  Mais  croire  en 
Jefus-Chrift  ,   c'eft  fonder  en  lui  toute  notre  efpérance,  comme  en  l'auteur  de  notre 

filut 


•ET  VN"  TÊ'MOIGNAGE    NON  rOVlVOOVE.  m 

falut  par  les  mérites  de  fon  facrifice  &  par  l'efficacité  de  fes  grâces.    Auflî  ce  n'efl:    Dissert; 
qu'à   ceux  qui  font  pénétrés  de  ces  fentimens  qu'il  a  promis  les  Miracles  ,  parce  que*"'^'^'*"'^' 
les  Miracles  font  une  trace  de  lumière  ,   deftinée  à  faire  difcerner  dans  tous  les  Siècles  °^'  ""^' 
ceux  qui  defF>rndent  l'intégrité  des  dogmes  de  la  morale  Evangelique  ,  de  ceux  qui  les 
altèrent. 


cette 

prié  ...  „..,..... 

„  preuves  mêmes  fe  trouvent  obfcurcies  par  les  paffions  ou  préventions  des  hommes; '" ''«'»'-««• 

„  que  les  Vérités  les  plus  certaines  en  elles-mêmes ,   fe  trouvant  combattues  par  des  nez^c.''îes'* 

j,  gens  accrédités ,  paroiflent  douteufes  ;  &  que  le  peuple  fe  partage  entre  le  culte  du  '^^'"^  ^*- 

„  vrai  Dieu  &  celui  de  Baal  :    c'eft  alors  que  les  Miracles  que  Dieu  opère  quelque- ^^"'^     ''* 

„  fois  en  faveur  d'un  des  deux  partis ,  font  connoître  de  quel  côté  eft  la  Vérité.  La 

„  MtracUi  difcernent  aux  chofes  domenfes  ,    dit  fort  bien  M.  Pafchal.    C'efl:  l'état  où 

„  eft  l'Eglife:  un  état  de  doute  fur  ce  qui  eft  en  foi  le  plus  certain.    Les  plus  impor- 

„  tantes  Vérités  de  la  prédeftination ,  de  la  grâce  ,  de  la  morale  Chrétienne ,  fi  bien  è- 

„  tablies  dans  l'Ecriture  &  dans  la  Tradition,  fe  trouvent  combattues  depuis  long-tems 

„  dans  le  fein  même  de  l'Eglife  :  elles  y  ont  été  obfcurcies ,  défigurées ,  altérées.   La 

„  Bulle  VnigenitHs  appuyant  le  mauvais  parti,  a  jette  de  nouvelles  ténèbres  encore  plus 

„  cpaifles.    Ces  grandes  Vérités  fi  certaines  en  elles-mêmes  ,  font  devenues  pour  les 

„  peuples  douteufes  &  problématiques  :    on  s'efforce  même  de  les  faire  regarder  com- 

„  me  des  erreurs.    Ceux  qui  foutiennent  ces  Vérités  fans  altération ,  &  dans  toute  leur 

„  étendue,  ne  font  écoutés  que  par  un  petit  nombre,  rejettes  par  les  autres,  perfécu- 

„  tés  &  condamnés  par  ceux  qui  font  les  dépofitaires  de  l'Autorité  la  plus  refpeftable 

',,  en  elle-même,  mais  dont  ils  ufent  mal. 

„  C'eft  dans  ces  circonftances,  où  le  mal  paroît  à  fon  comble,  que  Dieu  vient  au 

„  fecours  par  des  Miracles  grands,  èclattans ,  certains  &  nullement  fujets  à  illufion, 

„  qu'il  a  opérés  au  Tombeau  de  M.  de  Paris ,  par  où  félon  la  parole  de  M.  Pafchal , 

„  il  difcerne  aux  chofes  douteufes  :    ce  qui  s'entend  non  des  chofes  douteufes  en  elles- 

„  mêmes  ,    mais  devenues  douteufes  par  rapport  à  la  plupart  des  hommes  :   comme  du 

„  tems  d'Elie  il  étoit  devenu  douteux,  à  qui  le  culte  fuprême  ètoit  dû,   à  Dieu  ou  à 

„  Baal.    XJfquequo  claudicatis  in  duas  partes  ?  Les  Miracles  de  M.  de  Paris  qui  prou- 

„  vent  non  feulement  la  fainteté  éminente  de  fa  vie  ,  mais  la  pureté  de  la  doârine  à  la- 

„  quelle  il  étoit  attaché,  difcernent  ici  &  lèvent  le  doute." 

Quant  aux  Convulfions  ,  M.  Petitpied  difoit  alors  dans  la  même  Lettre,  que  c'eft 

3,  une  efpéce  de  voile,  dont  Dieu  couvre  fon  œuvre  &  l'éclat  de  fes  Miracles  à  l'é- 

„  gard  de  ceux  qui  ne  font  pas  dignes  d'être  éclairés ,   &  qui  prennent  occafion  de  ce 

„  qu'il  y  a  d'obfcur  dans  cet  événement ,  pour  révoquer  en  doute  ce  qu'il  y  a  de  plus 

„  clair  &  de  plus  certain  dans  les  Miracles.    Pour  moi,  ajoute-il ,  je  crois  au  contrai- 

„  re,  que   l'équité  &:  le  bon  fens  demandent  qu'on  juge  de   ce  qui  eft  obfcur  & 

„  douteux  ,  par  ce  qui  eft  clair  &  indubitable.  (Ainfi)  on  doit  juger  des  Convulfions 

„  par  les  Miracles.  .  .   Je  crois  que  c'eft  une  efpéce  d'énigme  ,  dans  laquelle  il  faut 

„  réfoudre  ce  qui  eft  obfcur  &  douteux  ,    par  ce  qui  eft  clair  &  certain.    Il  eft  clair 

,,  &  certain  qu'il  s'eft  fait,  &  qu'il  fe  fait  tous  les  jours  à  ce  Tombeau  un  grand 

„  nombre  de  vrais  Miracles,  foit  pour  la  Converfion  des  pécheurs  foit  pour  la  Gué- 

,,  rifon  des  malades  :    &  ces  Merveilles  viennent  à  la  fuite  de  ces  Convulfions.    Si 

„  ces  Convulfions  étoient   des  agitations  infruftueufes ,    qui  ne  fuffent  fuivies  d'au- 

„  cun  bien  ,  elles  feroient  avec  raifon  très  fufpeftes.     Mais  celles  dont  il  s'agit   con- 

„  duifent  à  un  terme  heureux  &  qui  marque  le  doigt  de  Dieu  ,   à  qui  il  a  plû  de 

Dijfert.  7om,  II,  -  Q  „  join- 


i;i  LES  MIRACLES  SONT  LA  VOIX  BE.  DIEV  • 

bissERT  «  joindre  cet  événement  fuigulier  aux  Merveilles   qu'il  opcre  par  rintercelTion  du  S/ 
sTjrl'aut.,,  Diacre.  " 

DES  MiR.        ivhis  fi   le  témoignage  des  Miracles  cfl;  exprcffcment  promis  ea  faveur  de  ceux  qui 
.VII.     métrant  toute  leur  efpcrance  en  Jefus-Chrift,  foutieunent  la  pureté  de  la  foi  :  Il  la  mifé- 
^iTpcniK  "' ricorde  de  Dieu  s'engage  de  le  donner  pour  fournir  au  commun  des  fidèles  dans  les  tems 
iieqaeietc  jg   difpute  &  de  fcduclion ,  un   moyen  à  leur  portée  de  diftinguer  la  Vérité  d'avec 
S^s'|«nfons  l'erreur  :   fi   les  guérifons   Miraculeufes  font  une  faveur  furnaturell:  dont  Jefus-Chrift 
ibî"™ilîv*t' ^  yojlu  gratifier  fon  Eglife,  pour  la  diftinguer  vifiblement  des  Sçiftes:  fi  fi'eft  par  l'é- 
^ae.    '  °    cht  des  Miracles  qu'il  a  promis  d'y  rendre  fa  préknce  fenfible  jufqu'à  la  fin  des  tems; 
s'ils  ont  été  fpéciakment  h  preuve  fur  laquelle  il  a  voulu  fonder  la  foi  de  fa  Divinité: 
fi  leur  témoignage  eft  encore  au  deffiis  de  celui  du  plus  grand  Prophète  :    fi  c'eft  i 
cène  preuve  qu'ifaïc  nous  a  annoncé  de  la  part  de  Dieu  ,   qu'on  devoit  reconnoître  le 
Sauveur  du  monde  :  enfin,  fi  le  Très-haut  nous  a  déclaré  lui-même,  que  c'eft  lui  qui 
guérit  nos  maladies  ;    comment  pourroit-il  permettre  que  le  démon  contrefît  parfaite- 
ment des  œuvres  qui  portent  par  de  l\  auguftes  titres  les  caradéres  de  fa  Divinité  ? 

Les  guérifons  Miraculeufes  nous  manifeftent  la  bonté  de  Dieu ,  elles  nous  avertiflènt 
de  fa  préfencc:  elles  nous  dévoilent  la  Vérité  :  elle  font  en  même  tcms  des  effets  de  fa 
Toute-puiflance,  des  preuves  de  fa  miléricorde;  le  figne  qu'il  a  le  plus  fouvent  choifi 
pour  nous  faire  connoître  d'une  manière  furnaturelle  &  fenfible ,  que  c'eft  lui-même 
qui  nous  parle  ;  &  le  moyen  vifible  qu'il  a  voulu  principalement  employer  pour  éta- 
blir la  Religion ,  &  pour  perfuader   aux  hommes  les  plus  importantes  Vérités.   Eilcs 
neCiv.Dci,/ô«,  dit  S.  Auguftin  ,  des  fignes  par  lefquels  li  CreMeur  s'explique  avec  une  éloquence 
L\bz:.  ci.  £)i-i,j„e^   Comment  accorderoit-il  à  Satan  la  puiflance  de   les  imiter  d'une  manière  très 
°'  "'  féduifante  ,  lui  qui  nous  ordonne  de  les  regarder  comme  fon  témoignage  ?   Quoi  !  vou- 

droit-il  donc  que  fa  voix  pût  être  aifément  confondue  avec  le  fiflemcnt  du  diable? 

Les  Miracles  font  le  motif  de  crédibilité  le  plus  efficace  &  le  plus  proportionné  ï 
tous  les  efprits.     Mais  fi  leur  témoignage  eft  équivoque ,  il  n'y  a  plus  rien  de  cer- 
tain dans  la  Religion  ,  puifque  la  vérité  de  la  révélation  ne  nous  eft  prouvée   fenfible- 
ment  que  par  les' Miracles  &  les  Prophéties,  &:  que  ks  Miracks  font  la  preuve  la  plus 
■   capable  de  faire  imprelTion  fur  la  plupart  des  hommes.  ,    ^     ^.,-t 

Quoi  !  celles  que  Jefus-Chrift  a  données  lui-même  en  témoignage,  qu'il  partage 
avec  le  Père  le  droit  de  remettre  les  péchés  ,  qu'il  eft  dans  fon  Père  8c  que  fon  Père 
eft  dans  lui,  peuvent-elles  être  incertaines?  Non, fans  doute.  Tout  vrai  Chrétien  doit 
confelfer  qu'elles  font  infaillibles,  indubitables,  &  qu'on  eft  obligé  de  les  regarder 
toutes  comme  telles  ;  &  par  conféquent  que  Jefus-Chrift  ne  peut  jamais  permettre  au 
démon  de  faire  des  guérifons  qui  porteroient  les  mêmes  caradéres  que  les  fiennes , 
puifqu'en  ce  cas  leur  témoignage  deviendroit  douteux  ,  ce  qu'on  ne  peut  foutenir  fans 
ébranler  la  foi. 

Mais  fi  tous  les  fidèles  difcipks  de  Jefus-Chrift  ne  doivent  pas  balancer  à  le  recon- 
noître pour  feul  auteur  de  tous  les  vrais  Miracles,  dès  qu'on  voit  une  guérifon  qui 
paroît  manifcftement  Miracukufe ,  la  préfomption  doit  donc  être  qu'elle  eft  une  conti- 
nuation de  celles  que  le  Sauveur  du  monJe  opèroit  pendant  fa  vie  mortelle,  &  l'ac- 
compliffement  des  promefles  qu'il  a  faites  en  faveur  de  ceux  qui  croiroient  en  lui?  Au 
lieu  qu'au  contraire  pour  attribuer  au  démon  une  guérifon,  je  ne  dis  pas  Miracukufe, 

Fuifque  tout  Chrétien  doit  ctre  convaincu  que  Satan  n'en  peut  faire  ,  mais  qui  paroît 
être,  il  faudroit  avoir  des  preuves  infaillibles  qu'elle  eft  l'cfftt  d'une  opération  dia- 
bolique :  par  exemple  ,  il  faudroit  que  cette  guérifon  eût  été  demandée  non  à  Dieu, 
mais  au  diable,  ou  du  moins  qu'elle  eût  été  obtenue  par  des  pratiques  notoirement  & 
conftamment  fupcrftitieufis  ,  ou  faite  en  preuve  de  quelque  erreur  manifeftc ,  grotfic- 


ET  VN.  TEMOIGNAGE  NON  E'OV/FOOVE.  nj 

re  &  palpable.  Mais  je  fuis  même  très  perfuadé  que  cette  fuppofition  eft  purement  Dissert. 
imaginaire  ,  Se  que  ce  cas  n'eft  jamais  arrive.  Car  encore  un  coup  Jefus-Chrift  cft^""L'*'T- 
trop'bon,  pour  permettre  que  le  témoignage  des  Miracles  puifle  devenir  équivoque.    ■"^^''^^• 

Cependant ,  oh  !  funefte  effet  de  notre  endurciflement  !  oh  !  punition  terrible  de 
nos  crimes  !  on  voit  aujourd'hui  un  très  grand  nombre  d'Evêques  &  de  Prêtres  & 
des  Docteurs  même  Appelhns,  faire  tous  leurs  efforts  pour  diminuer  dans  l'efpric  des 
peuples  le  refpeél,  la  confiance  &  la  foumiffion  que  refprit  de  Dieu  leur  donne  inté- 
rieurement pour  les  Miracles  ;  &  même  ofer  leur  donner  pour  maxime  ,  qu'il  n'y  en 
a  prefque  pas  que  le  démon  ne  puilfe  contrefaire  :  ce  qui  eft  caufe  que  la  corruption 
du  cœur  d'une  multitude  de  Catholiques  leur  faifant  prêter  volontiers  l'oreille  à  cette 
dangereufe  féduélion  ,  ils  en  viennent  jufqu'à  ne  refpeéter  plus  du  tout  les  oeuvres  de 
Dieu,  &  n'ont  plus  même  aucun  fcrupule  d'en  faire  préfent  au  diable;  tandis  qu'au- 
trefois des  millions  d'Idolâtres  en  ont  été  pénétrés  d'admiration  ,  terraflés  ,  convertis 
&  qu'ils  ont  hautement  confeflc  que  Dieu  feul  pouvoit  en  être  l'auteur. 

Entre  autres  Naaman  ne  fut  pas  plutôt  guéri  de  fa  lèpre ,  qu'il  reconnut  à  l'inftant 
que  le  Dieu  des  Juifs  étoit  le  feul  Dieu  qu'il  y  eût  dans  l'Univers.     Il  s'écrie  tout 
ti-anfporté  au  delà  de  lui-même:    Je  fit  certainement  ^    qu'il  n'y  a  f  oint  d'autre  Die»  4'Roi$,V", 
dans  toute  la  Terre  que  celui  qui  efi  dans  Ifraèl.  "5' 

Apprenons  de  ce  Payen  ,  devenu  tout  à  coup  adorateur  du  vrai  Dieu  à  la  vue 
d'un  feul  Miracle  ,  qu'il  n'y  a  que  le  Maître  fouverain  de  la  nature  qui  puiiTe  en  fai- 
re, &  que  d'ofer  les  attribuer  au  démon  ,  eft  un  plus  grand  endurciflement  que  celui 
de  quantité  d'Idolâtres. 

Mais  combien  d'autres  Payens  ont-ils  été  convaincus  de  cette  vérité  ! 

En  répondant  aux  fauffes  hiftoires  citées  par  M.  l'Evêque  de  Bethléem  ,  je  prouve- 
rai que  les  guérifons  Miraculeufes  ont  été  reconnues  par  une  multitude  prodigieufe  d'I- 
làtres  pour  des  œuvres  que  le  feul  Créateur  des  êtres  peut  opérer,  &  pour  des  preuves 
inconteftables  de  toutes  les  Vérités  en  témoignage  defquelles  elles  font  faites. 

Sied-il  bien  à  des  Catholiques  de  foutenir  ,  que  la  preuve  qui  réfulte  des  Miracles 
eft  fouvent  équivoque  ,  après  qu'une  infinité  de  Payens  ont  eux-mêmes  avoué  qu'on 
ne  peut  y  réfifter  fans  étouffer  les  lumières  de  fa  raifon  ,  &  les  remords  de  fa  con- 
Icience  ? 

Qu'avons-nous  donc  fait,  ô  mon  Dieu,  pour  être  livrés  à  de  fi  terribles  ténèbres  ? 
Quel  crime  public,  quelle  prévarication  prefque  générale  a  donc  pu  leur  donner  lieu 
de  fortir  ainfi  de  l'Enfer  ?  Vous  avez  autrefois  donné  une  puifTance  fi  efficace  au  té- 
moignage des  Miracles  que  vous  les  avez  rendus  capables  de  perfuader  les  Myftéies  les 
plus  incompréhenfibles  à  une  multitude  innombrable  d' Ido lâtres  :  comment  donc  ne  font- 
ils  aujourd'hui  prefque  plus  d'impreffion  fur  la  plupart  des  Catholiques  ,  quoiqu'il  ne 
foit  pas  queftion  de  leur  faire  croire,  par  ce  moyen,  des  Myftéres  infiniment  élevés  au 
defllis  de  la  raifon  humaine  ;  mais  feulement  de  les  empêcher  de  profcrire  des  Vérités 
qui  ont  toujours  été  l'ame  de  la  Religion  qu'ils  profeflcnt  ?  Si  la  Conftitution  Vnige- 
nitus  condamne  ces  Vérités,  elles  font  juftifiées  &  mêm;  prouvées  invinciblement  par 
l'Evangile,  le  fentiment  des  Pérès  ,  la  pratique  des  Saints  ,  les  Prières  de  l'Eglife,  & 
enfin  par  tous  les  Miracles  que  vous  faites  aujourd'hui.  Mais  helas  !  dans  ce  Siècle 
d'incrédulité,  on  refufe  d'écouter  votre  voix  :  on  ne  cherche  qu'à  rabaifler  l'Autorité 
des  Miracles:  on  s'efforce  de  les  envelopper  de  nuages  pour  diminuer  leur  éclat ,  & 
empêcher  l'impreffion  qu'ils  doivent  faire;  &  même  les  plus  grands  Adverfaires  de  la 
Vérité  ofent  les  attribuer  au  diable  ,    fous  le  faux  prétexte  qu'ils  font  faits,  difent-ils. 


contre  une  Décifion  de  l'Eglife. 


Q  2  §.VI. 


SUR  L  AUT 
DES   MIR. 


lî*  DIVERS        r   C     A    R     T    S 

DissssT,  §.  VI.  Ce  font    les   Conftitutionnaires   qui  s'' écartent  des  vrais  fenti' 
mens  de  l'Eglife,  en  condamnant  plnjîeurs  Tropofitions  puifées  dans 
le  Nouveau  Tejiament  ,   enfeignées  par  les  Saints  ,   (y  confirmées 
far  des  Miracles, 

E  plus  féJuifant  moyen  dont  les  feftateurs  de   b  morale  Jcfuïtique ,  relâchée  & 

corrompue  ,  fe  font   fervi   pour  répandre  leur  faufTe  doctrine  dans  l'ame  d'une 

multitude  de  perfonnes ,  a  été  de  leur  faire  accroire  que  la  Bulle  'Unigenitns ,  qui  favo- 
rife  cette  mauvaife  morale  ,  eft  une  Décifion  de  l'Eglife  Univerfelle,  quoiqu'elle  foit 
au  contraire  la  condamnation  de  Propoiîtions  très  importantes  ,  dont  plufîeurs  fe  trou- 
vent dans  le  Nouveau  Teftamcnt  ,  du  moins  en  termes  équivalens  ,  &  toutes  ont  tou- 
jours été  enfeignées  &:  pratiquées  par  les  Saints  depuis  l'établiflement  de  la  Religion. 
Ainli  indépendamment  même  du  jugement  que  les  Miracles  opérés  en  faveur  de  l'Appel 
doivent  faire  porter  de  cette  fatale  Bulle ,  il  eft  d'ailleurs  certain  ,  que  bien  loin  qu'el- 
le foit  une  Décifion  de  l'Eglife  Univerfelle,  elle  eft  au  contraire  une  Décifion  contre 
les  fentimens  de  l'Eglife  qui  ne  peuvent  jamais  changer. 

Cependant  les  Conftitutionnaires, dans  le  tems  même  qu'ils  combattent  la  dodrine  ré- 
vélée par  le  S.  Efprit ,  &  les  fentimens  des  Saints  qui  font  déjà  dans  la  gloire  ,  fentimens 
qui  ont  toujours  été  ceux  de  l'Eglife  Univerfelle;  fe  décorent  néanmoins  hautement 
de  ce  titre,  comme  s'ils  formoient  à  eux  feuls  toute  l'Eglife  de  Dieu. 

Tel  eft  l'état  exceffivement  déplorable,  où  ITIglife  militante  eft  aujourd'hui  réduite.' 
Mais  ne  perdons  pas  courage  :  dans  les  tems  les  plus  orageux  &  les  plus  couverts  de 
ténèbres ,  la  Providence  fournit  toujours  des  moyens  de  difcerner  la  Vérité  à  tous  ceux 
qui  le  défirent  de  tout  leur  cœur ,  &  qui  n'épargnent  aucun  foin  pour  la  découvrir. 
Redoublons  nos  prières ,  &  ouvrons  bien  les  yeux  ;  &  la  lumière  Divine  nous  éclairera. 
Premièrement ,  cet  état  de  l'Eglife  doit  d'autant  moins  nous  étonner  qu'il  nous  a  été 
plus  clairement  prédit  par  S.  Pierre  &  par  S.  Paul.  Secondement  ,  Jefus-Chrift  lui- 
même  nous  a  annoncé  quel  en  fera  le  remède  merveilleufement  falutaire.  Enfin  dès  à 
préfent  nous  avons  de  quoi  nous  conduire  avec  fureté  au  travers  des  ombres  épaifles  de 
la  nuit  très  obfcure  qui  couvre  la  furface  du  champ  de  l'Eglife. 
'•  „  Sachez  ,  *  dit  S,  Pierre  ,   que  dans  les  derniers  jours  il  y  aura  des  gens  dans  l'er- 

.<'Pjù"nous„  reur  qui  féduiront  les  autres ,  en  fe  conduifant  par  leurs  propres  partions."    Hoc  fri- 

cnt  averti ,    mum  fçicntes ,  ejHod  venient  f»  novijftmis  difbtii  in  dcceptjone  illuforts  ,  JHXth  proprias  co»' 

rifinierstcms  CHpifccKtias  ambulMites. 

]^(f&ulti       "  ^^  ^'  E^P^t  "0"5  avertit  manifeftement  +  ,  dit  S.  Paul,  que  dans  les  derniers  tems 

uDcdoarme  „  quclques-uus  s'écartcront  de  la  foi  en  fuivant  des  efprits  d'erreur"  (tels  que  les  Jè- 

&J.°C.^noûi  fi^'tcs.  )  SpiritMS  autem  manifejle  dicit  quia  in  novijjimis  temporibns  dificdent  qitidam  afi- 

a  aononc^     Je  attendentes  /piritui  erroris. 

îiendroii  te-  .  „  Sachez ,  ajoute-t-il ,  que   dans  les  derniers  jours  il  viendra  des  tems  dangereux. 

diofcs"'"'"  "  ^'"^  ''  y  ^""^^  ^^^  hommes  amoureux  d'eux-mêmes  &  des  biens  de  la  terre ,  ambi- 
«a  Pierit  '>  ^'^ux ,  fupcrbes ,  &c.   qui  auront  un  certain  extérieur  de  piété, mais  qui  en  combat- 

ill  5.  „  iront  la  venté  Âr'rcfprit.  "     Hoc  autcm  fçito  cjuod  in  novijjimis  diebus  infiabunt  tempo- 

■ftT\m.\V.ra  periculo/îf.      Erunt  hotnines  feipfos  am.wtes ,  citpidi,  elati  ,  fuperbi  ^  CTC  h.ibentes  Jpe- 

l'l7.  i.'iTsc  ^'"'*  quidem  pie/ ai i s  ,  virtutem  autcm  ejtts  abnegantes. 

5-  ,,  Soyez  attentifs  fur  vous  ,    dit-il  encore  ,    &  fur  tout  le  troupeau  dont  le  S.  Efprit 

jûfi.  XX.^^  vous  a  établis  Evcqucs  pour  gouverner  l'Eglife  de  Dieu  ,  qu'il  a  acquife  par  fon  fang. 

',,  Je  fai  qu'il  entrera  parmi  vous  des  loups  raviffants,  qui  n'égargneront  point  le  trou- 

„  peau,  &•  que  d'entre  vous  mêmes  il  s'élèvera  des  hommes  qui  Publieront  des 

„  doftrines  corrompues  pour  s'attirer  des  difciplcs.  " 

II 


DES     CONSTITVTIONNAIRES.  12  j 

Il  donne  auffi  clairement  à  entendre,  qu'il  peut  y  avoir  des  divifiom  dam  l'EgUfe^  &  Dissert, 
il  ajoute,  qu'il  fauf  mcme  au'ily  ait  des  hérejies .  afin  au'on  découvre  per  la  ceux  a»;  «""'-■aut. 

r  I<  '  '  DES    MIR. 

font  d  HM  vertu  éprouvée. 

Mïis  ces  do^riftes  corrompues  publiées  même  par  des  Evêques ,  ces  divifions  &  ces  îg.Tj. 
herejîes  ne  peuvent  jamais  infecter  la  totalité  de  l'Eglife  vifible.  L'expérience  de  plus 
de  17.  Siècles  manifefte  au  contraire  ,  que  ce  ne  font  que  des  nuages  qui  fe  diffipent 
&  difparoiffent  totalement  après  un  certain  tems ,  ou  qui  d'eux-mêmes  s'écartent  du 
fommet  de  la  haute  montagne  où  cette  Eglife  eft  placée.  Ainfi  ces  nuages  palTagers 
n'empêchent  point, qu'elle  ne  continue  toujours  d'être  la  maifon  du  Dieu  vivant  .  .  .  ,  \^^"^-  ^'^* 
Ia  colomne  cr  la  bafe  de  la  Vérité. 

La  barque  de  l'Eglife  peut  paroître  en  grand  péril.  Il  peut  fe  former  un  orage  téné- 
breux, qui  femble  prêt  à  précipiter  la  Vérité  dans  l'abîme. 

„  Alors,  ejî-il  dit ,  il  s'éleva  un  grand  tourbillon  de  vent,  &  les  vagues  entroient  de  ^^^^-'V.  37, 
„  telle  forte  dans  la  barque  qu'elle  s'emplilfoit  déjà  d'eau  .  .  .  Jefus  cependant  étoit  Manh.  viii. 
,,  à  la  poupe,  où  il  dormoit.  "  ^*" 

Mais  Jefus-Chrift  ne  peut  pas  permettre  qu'elle  périfle.  S'il  femble  dormir,  ce  n'efl: 
que  pour  réveiller  davanrage  l'empreifement  &  l'ardeur  des  fidèles  à  recourir  à  lui  par 
d'humbles  &  ferventes  prières.  En  vain  l'eau  pernicieufe  d'une  morale  corrompue  pa- 
roit-elle  remplir  la  barque  &  être  prête  à  la  faire  fubmerger,  cette  barque  ne  peut  jamais 
ceffer  d'être  l'Arche  où  fe  fauveront  tous  les  Elus. 

Jefus-Chrift  nous  a  néanmoins  déclaré,  qu'il  viendra  un  tems  où  toutes  chofes  au- 
ront befoin  d'être  rétablies  :  puifqu'il  nous  a  prédit,  qu'il  „  eft  vrai,  qu'Elie  doit  ve-  ^^•"'-  ^'''îl- 
„  nir,   &  qu'il  rétablira  toutes  chofes.    Elias  quidem  venturus  efl ,  ©'  rcfiituet  omnia.      Marc.IK.11. 

Mais  ce  Prophète  en  corrigeant  les  abus  &  en  rétabliffant  tout  dans  fa  pureté,  bien 
loin  de  détruire  l'Eglife  vifible,  ne  fera  que  renouveller  fa  jeuneîle,  &  la  faire  enfuite 
régner  fur  tous  les  peuples  du  monde. 

La  magnifique  promeffe  que  Jefus-Chrift  a  faite  à  l'Eglife,  qu'il  fera  avec  elle  ju^ua  xxvia'-o 
la  canfommation  des  Siècles  ...  &  que  les  portes  de  l'Enfer  ne  prévaudront  point  contre  &  XVI.  '  îsl 
elle  y  eft  une  preuve  d'une  certitude  de  foi ,  que  dans  le  fein  de  l'Eglife  toute  Vérité 
aura  toujours  des  DeflFenfeurs,qui  lorsqu'elle  fera  attaquée  la  foutiendront  de  bouche  & 
par  des  Ecrits  publics  ;  &  que  ceux  dont  le  cœur  ne  fera  point  féduit  par  quelque  pas- 
fion,  &  dont  les  lumières  de  l'esprit  ne  feront  point  oflFufquées  par  aucune  prévention  ni 
aucun  préjugé,  auront  toujoiu-s  des  moyens  fùrs  de  la  connoître.  jj 

Par  exemple ,  pour  fe  décider ,  pour  connoitre  &  fuivre  la  Vérité ,  au  milieu  des  Dans  i« 
conteftations  qui  troublent  aujourd'hui  l'Eglife,  que  fes  Chefs  refufent  de  décider  par  qufti'ou'""* 
un  Concile  œcuménique,  &  qui  par  rapport  au  fond  des  queftions  controverfées ,  ne  bientaajci- 
le  font  point  par  un  confentement  unanime  des  premiers  Pafteurs;  il  ne  faut  qu'ouvrir  ghfe  °on  ne 
le  Nouveau  Teftament  ,  &  il  fe  préfentera  fous  les  yeux  nombre  de  preuves  fenfibhs  p."'  '"'_='« 
que  les  Propofitions  condamnées  font  la  doftrine  de  ce  Livre  Divin  :  il  ne  faut  que  connoître  <t 
parcourir  les  Ecrits  des  Pères  &  des  autres  Saints,  pour  y  trouver  des  Propofitions  é-["j'J'^ '^J,^; 
videmment  conformes  à  celles  qu'on  anathématife  :  il  ne  faut  même  que  faire  attention  xammer  «e 
aux  Prières  de  l'Eglife,  pour  y  re connoître  la  même  morale  qu'on  condamne  dans  le  Père  Jlnsf/tJ^'T? 
Quesnel.  '!»f  'es  Muef- 

Donnons  d'abord  quelques  preuves  bien  frappantes  ,  que  dans  les  Propofitions  ana-  vaits.'&'câ 
thématifées  par  la  Bulle  Vniçenitus ,  il  v  en  a  plufieurs  qui  font  pour  ainfi  dire  copiées  "î"^ '"''''-^ 
d  après  le  Nouveau  Teltament  ou  du  moms  qui  iont  une  luite  &  une  conlequence  ne- toujours ibu- 
cefTaire  de  la  dodrine  de  ce  Livre  fur  lequel  nous  ferons  tous  jugés.  q^j"^"^*"""" 

J'ouvre  la  Bulle,  &  je  vois  avec  une  furprife  extrême  qu'elle  commence  fon  juge-       ï^}- 
ment  par  condamner  la  II.  Propofition  conque  en  ces  termes:  La  grâce  de  yefus-ChriJl ^'^^°^^^^ 
frincipe  efficace  de  tome  forte  de  bien  ejî  nécejfaire  pour  toute  bonne  Ailian  .  .  .  Sans  ellend  anai.'ié. 


11(5  D      I     r    E     R     S        r     C     A     R     T     S 

DiJiBRT.aox  fademnn  on  ne  fait  rie»,  mais  on  ne  peitt  rien  faire,   dit  le  Père  Quesnel   fur  S. 

D^sim^'J^'^  XV.  5. 

r^R       '        N'eft-ce  pas  la  chofe  du  monde  la  plus  inconcevable,  qu'on  ait  ofe  profcrire  cette 

quoique 'co-  Piopofition ,  qui  n'cft  qu'une  explication  littérale  de  ces  paroles  de  Jefus-Chrill  :  „  Sans 

piecs,  ou  un      j^^j  yous  ne  pouvez  rien  faire  :  Sine  me  nihil  poteliis   facere. 

fées  dans  le        Voici  1  interprétation  qu  y  donne  5.  Paul. 

Tcftàm^nt.        j>  Nous  ne  fommes  point  capables,  dit- il,  de  former  de  nous  mêmes  aucune  bonne 

J","  ^.y.-  î-  ,,  penfée  comme  de  nous-mêmes,  mais  c'eft  Dieu  qui  nous  en  rcnl  capables  "  :  N'en 
qtiod  fufficienus  Jimus  cogitare  aliquid  a,  mbii  cjuaji  ex  nobis  ,  fed  f»tfi:iemiA  nofira  ex 
Deo  ejï. 

J:an  [.  4-  &      Car  Jcfus-Chrift  efl  lu  lumière  drt  monde  .  .  .  il  cfl:  /4  réfurreilic;:  ^  l.i  vie  .... 

S.o'in.XI  jfi.  Tout  eji  par  lui,  toht  efl  en  lui. 

1  Cor.  XV.      ,,    C'eft  par  la  grâce  de  Dieu,  ajoute  S.  Paul,  que  je  fuis  ce  que  je  fuis  :  Gratià 

*°'  autem  Dei  fum  id  qtiad  fum, 

Ibid.IV.  7.        },  Qu'avez-vous,  s' e'crie-t-il ,  que  vous  n'ayez  reçu:   Ouid  babes  qund  non  accepijlt? 

Rom.XI.  6.  ,,  Que  fi  c'eft  par  grâce,  ce  n'eft  point  par  les  œuvres,  autrement  la  grâce  ne  îeroit 
„  plus  grâce  :  Ji  autem  gratià  jam  non  ex  operibus ,  aiioquin  gTittu  jam  non  eJi  gratta. 

N'eft-il  pas  de  li  dernière  évidence,  que  la  II.  Propolîtion  charge:  d'anathcme,  n'eft 
qu'une  conféquence  qui  fuit  nccdfairement  de  ces   principes  facre's  ? 

Il  feroit  également  aifé  de  démontrer,  que  h  plupart  des  autres  Propofitions  con- 
damnées font  pareillement  puifées  dans  le  Nouveau  Teftament ,  &  même  que  quelques- 
unes  ne  font  prefque  qu'en  copier  hs  tcnnesrmais  cela  m'engageroit  dans  une  trop  Ion" 
gue  difcniTion.  Réduifons-nous  à  le  prouver  par  l'examen  des  deux  Propofitions  fui- 
vantes. 

III.  Propofition  condamnée  :  En  vain  vous  commandez, ,  Seigneur ,  Ji  vous  ne  donnez, 
vous-même  ce  que  vous  commandez,  :  fur  les  Actes,  XVI.  lo. 

Epli.II-  S.      ^^  C'eft  par  l.i  grâce,  dit  S.  Paul,  que  la  foi  vous  a  fauves,  &r  cela  ne  vient  pai  de 

„  vous  ,  mais  c'eft  un  don  de  Dieu  :  Gratià  enim  eflis  ftlvati  per  fidem,  c^  hoc  non 

ex  vobis,  Dei  enim  donum  efl.    „  La  grâce  a  été  donnée  à  chacun  de  nous  félon  la  me- 

Ibid.IV.  7.  „  fure  du  don  de  Jefus-Chrift:  Vnicuique  autem  noftrum  data  efi  gratià  fecundum  men- 

furam  donationis  Chrijli. 

„  Si  Dieu  ne  bâtit  lui-même  la  maifon,  c'eft  en  vain  que  travaillent  ceux  qui  la  bâ- 
Pf.  116. 1.  tlfTent  :  Nijî  Dominus  adificaverit  domum,  in  vanum  laboraverunt  qui  .edijîcant  eam; 
Philip.II. I ?■      M  C'eft  Dieu,  ajoute  S.  Paul,  qui  opère  en  nous  le  vouloir  &  le  faire  ,  félon  qu'il 
5,   lui  plaît  :  Deus  efl  enim  qui  operatur  in  nobis  (^  velle  c^  perficere  pro  bonà  voluntan. 

IV.  Propofition  condamnée:  Oui,  £eigneur,  tout  eji  pojfible  à  celni  à  qui  vous  rendez, 
tout  pojfible,  en  le  faifant  en  lui:  S.  Marc.  IX.   22. 

Heb.  XIII.  „  Que  Dieu,  dit  S.  Paul,  vous  applique  à  toute  bonne  œuvre,  afin  que  vous  fa»- 
»'•  „  fiez  fa  volonté,  lui-même  faifant  en  vous  ce  qui  lui  eft  agréable  :  jlptet  vos  in  omni 

bono ,   ut  faciatis  ejus  voluntatem ,  ficiens  in  vobis  quod  placeat  coràm  fe. 

1  Thcff.V.  „  Que  le  Dieu  de  paix,  ajoute-t-il,  vous  fandifie  lui-même:  Ipfe  autem  Deus  pacis 
*'•  ,,  fanÛijicet  vos. 

I  Peu.  V.  ^^  J'efpére,  dit  S.  Pierre,  que  le  Dieu  de  toute  grâce,  qui  vous  a  appelles  à  fa  gloi- 
„  re  étemelle  dans  Jefus-Chrift,  achèvera  lui-même  ce  qu'il  a  commence  en  vous,  qu'il 
,,  vous  fortifiera,  &  qu'il  vous  affermira,  après  que  vous  aurez  un  peu  fouffèrt.  Deus 
autem  omnis  gratià,  qui  vnc.ivit  vos  in  (ttern.tm  fium  gloriam  in  Chrijh  y^ju,  modicum 
pajfes  ipfc  perjiciet  ,conjirmab:i ,  Jolidabitque. 

„    'y-  C'eft  donc  la  dodrine  du  Nouveau  Teftament  qu'on  condamne  dans  les  Propofitions 

rropolitiotu  -  '  * 


^uViSuiê-     ^^^^  ^^  d'autant  plus  évident,  qu'on  trouve  dans  les  Ecrits  des  Pères  de  l'Eglife  & 


DES     CONSTITVTIONNAIRES.  127 

des. autres  Saims  dont  le- Nouveau  Teftament  étoil  la  lumière,  généralement  toutes  les     D'ssert. 
10 1.  Propofitious  profcrites  par  la  Bulle.  surl'aut. 

De  favans  Théologiens  l'ont  démontré  dans  les  grands  Hexaples,  d'une  manière  fimentcoTfor- 
forte  &  fi  frappante,  que  les  ConlHtutionnaires  n'ont  pu  y  rien  répondre.    Mais  comme  ™V  "''"- 
cet  important  Ouvrage  n'eft  pas  à  beaucoup  près  auffi  répandu  qu'il  devroit  l'être,  rap- gne°îes'pé-' 
portons  quelques  exemples  de  la   conformité  parfaite,  qu'il  y  a  entre  les  Propofitions  P^^^'^s'ï* 
condamnées  &  les  Maximes  des  Pérès  de  l'Eglife  &  des  autres  Saints.  Saints. 

Voici  d'abord  la  XII.  Propofition  qu'on  trouve  mot  pour  mot  dans    le  Poème  de  S.  S.Piolp.cap. 
Profper  fur  la  Grâce:  '^• 

Quand  Dieu  vent  fauvcr  l'ame ,  en  ttut  tems ,  en  tout  lieu ,  l'indubitable  ejfet  fuit  le 
vouloir  d'un  Dieu:  en  S.  Marc.  II.  11. 

Quand  Dieu  veut  Jau-jer  une  ame,  cr  i^u'il  la  touche  de  la  main  intérieure  de  fa  qra- 
«,  nulle  volonté  humaine  ne  lui  réfifie  ,  dit  la  XIII.  Propofition  condamnée,  en  S. 
Luc.  V.  15. 

La  voici  presque  mot  à  mot  dans  S.  Auguftin  ,  mais  exprimée  d'une  manière  plus 
vive. 

„  Quand  Dieu  veut  fauver  une  ame,  il  n'y  a  point  d'homme  dont  le  libre  arbitre  lui   s.  Aag.  de 
,,  réfifte  :  Deo  volente  falvum  facere ,  nullum  hominis  refjlit  arbitrium.  «>K.ôcgrat. 

XVI.   Propofition  condamnée:  Point  de  grâce  que  par  la  foi -.en  S.  Luc,  VIII.  48. 

„  Point  de  foi  fans  grâce  &  point  de  grâces   fans  foi,"   eft-il  dit  dans  l'Ouvrage  Hyp.  in  Qp. 
d'un  Ancien  qu'on  trouve  avec  ceux  de  S.  Auguftin.  X.'p"^26 

XXVII.  Propofition  :  La  foi  eft  la  première  grâce  çjr  la  fource  de  toutes  les  autres  :  z. 
Ep.  de  S.  Pierre,   I.  15. 

„  La  foi  (dit  également  S.  Auguftin)  eft  la  première  grâce  qui  nous  eft  donnée,    S.  Aug.dc 
„  afin  que  par  elle  on  obtienne  les  autres."  pt^Tsa^"^* 

Tous  ceux  que  Dieu  veut  fauver ,  -le  font  infailliblement ,  dit  le  Père  Qiiefnel  dans  la 
XXX.  Propofition  condamnée:  en  S.  Jean,  VI.  40. 

,,  Tous  ceux  que  Dieu  veut  fauver  le  font  indubitablement,  "  dit  S.  Fulgence.  S.  Fnig.de 

XXXVIil.  Propofition.    Le  pécheur  n'efi  libre  que  pour  le  mal  fans  la  grâce  du  Libé-  n"^/^  ^"'* 
rateur:  en  S.  Luc  VIII.  29. 

,,  Nul  n'eft  libre  pour  le  bien  s'il  n'eft  délivré  par  le  Libérateur,  "  dit  S.  Auguftin.  g  M'!  4- ai 

Lin.  Propofition:   La  feule  charité  fait  les  aElions  Chrétiennes  Chrétiennement  par  rap-  414, 
port  a  Dieu  &  a  Jefus-Chrift :  aux  Colofllens,  III.,i4. 
■  „  La  feule  charité  opère  le  bien,"  dit  S.  Auguftin.  s^Aug.  Ep. 

",  ^°^^  '-^  ^^^  ''°"  ^^^^'  quelque  bien  qu'il  paroiffe,  ne  fe  fait  pas  bien ,  s'il  n'eft  aciib/wb'!'' 
„  fait  par  la  chanté:  "  dit  encore  ce  grand  Dodeur  de  l'Eglife.  '•  '^• 

Il  feroit  trop  long  de  rapporter  tous  les  partages  des  Pères,  qui  font  prefque  mot 
pour  mot  femblables  aux  Propofitions  condamnées.  Terminons  ces  citations  par  trois 
des  dernières  Propofitions  profcrites ,  qui  femblent  avoir  été  une  exaéle  prédidion  de 
ce  que  nous  voyons  aujourd'hui.  Elles  me  donneront  occafion  de  citer  trois  Paflages 
qui  méritent  grande  attention. 

.Il»  arrive  que  trop  fouvent ^  (eft-il  dit  dans  la  XCVII.  Propofition  condamnée)  ^«^SiirAft.  iv. 
les  membres  les  plus  faintement  é"   les  plus   étroitement  unis  a  l'Eglife ,  font  ra^ardés   &  '^*  •  '• 
traites  comme  indignes  d'y  être ,  ou  comme  en  étant  déjà  féparés  ;  mais  le  ju/te  vit  de  la 
foi  c^  non  pas  de  l'opinion  des  hommes, 

j:  „  Dans  les  derniers  tems  (nous  a  prédit  S.  Grégoire  le  Grand  d'après  S.  Paui  &  les    S.  Greg. 
„  anciens  Prophètes,)  l'iniquité  étant  arrivée  à  fon  comble,    la  foi  tournera  à   honte ,  ub'.' 20/ «L' 
„    &  la  vérité  à  crime  :  on  fera  alors  d'autant  plus  méprifé  que  l'on  fera  plus  jufte;  &  «s. 
„  l'on  deviendra  un  fujet  d'abomination ,  à  proportion  qu'on  fera  félon  la  venté  plus 
i,  digne  de  louange?.  ',' 

Vétat 


ii8  DIVERS        E'     C     A     K     T     S 

Dissert.  Vitai\{'^\X.  la  Propofition  XCVIII.)  (Tètre  pcrfecuté  &  de  foHJfrir\commemhéréti(jtie, 
•crl'aut.^^  fficch.tnt ,  un  impie,  efi  ordinairement  la  dernière  épreuve  ^  la  plus  méritoire,  comme 
"  SurLui    f'^^  7*'  '^""^  P'"^  ^'  conformité  a.  Jefus-Chriji. 

XXir.  V        ,,  Un  Chrétien  (dit  S.  Bernard)  ne  manque  jamais  d'être  perfécuté  comme  Jéfus- 

Sctm.^in"'   ,,  Chrifl:.    Mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  déplorable ,  c'eft  que  dans  ce  tems  malheureux , 

convctf  s.  ^^  (-g  font  des  Chrétiens  mêmes  qui  perfccutent  Jefus-Chrift. , ,  helas  !   Seigneur.  Ceux 

**"  "'  ^'   „  là  font  les  plus  ardens  perfécuteurs  de  vos  ferviteurs,  qui  occupent  dans  votre  Egli- 

„  fe  les  premières  places,  &  les  dignités  les  plus  éminentes." 
Sari.  Cot.     L"  CM  élément ,  U  prévention ,  l'obfiination  a  ne  vouloir  ni  rien  examiner ,  ni  reconntttre 
^^'  '*'         au'on  s'ejl  trompé ,    changent  tous  les  jours  en  odeur  de  mort  à  l'égard  de  bien  des  gens  ^ 
ce  que  Dieu  a  mis  dans  l'Eglife  pour  être  une  odeur  de  vie ,  &c.  99.  Propofition  con- 
damnée, 
s.l'îtr.  Di.     „  O  tems!  ô  mœurs!  ô  fiecle  de  fer!  (s'écrie  S. Pierre Damien:)  les  Evêqites  qui 
miar.  ep.    ^^  devroicnt  conduire  les  âmes  à  Dieu,  s'appliquent  maintenant  à  chwcherdes  moyens 
■*'      „  pour  les  éloigner  du  fervice  de  Dieu:  helas!  Oîi  en  eft  réduit  l'Epifcopat ,  puifque 
„  ceux  qui  font  é:ablis  pour  éclairer  le  monde  par  le  miniftére  delà  parole,  s'attachent 
„  principalement  à  aveugler  les  hommes  par  les  ténèbres  de  dogmes  pervers.  " 

Tous  ceux  qui  font  bien  inftruits  du  Nouveau  Teftament  &  des  Maximes  que  les 
Pérès  &  autres  Saints  y  ont  puifées,  n'ont  donc  aucune  peine  à  difcerner  fi  la  Bulle  eft 
un  ju<Tement  de  l'Eglife  Univerfelle,  ou  fi  elle  n'eft  point  au  contraire  un  jugement 
contre  la  doctrine  qui  a  toujours  été  dans  l'Eglife  depuis  Jefus-Chrift  &  les  Apôtres 
jufqu'à  préfent. 

Dès  qu'il  eft  invinciblement  prouvé  qu'il  y  a  au  moins  plufieurs  Propofitions  con- 
damnées par  la  Bulle  qui  font  entièrement  conformes  à  la  doftrine  du  Nouveau  Tefta- 
ment &  à  celle  que  les  Pères  &  autres  grands  Serviteurs  de  Dieu  ont  enfeignc  de  Siècle 
en  Siècle,  il  n'y  a  point  à  hèfiter  fur  le  parti  qu'on  a  à  prendre,  attendu  que  la  dodri- 
ne  de  l'Eglife  ne  peut  jamais  varier. 

Les  Apôtres  ont  appris  toute  Vérité,  tant  par  la  bouche  de  Jefus-Chrift  que  par  les 
infpirat'ions  de  l'Efprit  Saint ,  félon  la  promefle  précife  que  Jcîus-Chrift  leur  en  avoir 
faite:  Je  vous  envoierai ,  leur  dit-il,  l' Efprit  confolateur ,  ....  l'Efprit'de  f^érité ,  qui 
vous  enfeignera  toute  Vérité.  Les  Apôtres  les  ont  tranfmifes  à  l'Eglife,  foit  dans  le 
Nouveau  Teftament,  foit  par  la  Tradition.  Depuis  les  Apôtres,  la  connoiflance  de 
toutes  les  Vérités  qui  compofeot  le  dépôt  de  la  foi ,  telles  par  exemple  que  celle  qui 
nous  apprend  que  fans  la  grâce  de  Jefus-Chrift  nous  ne  pouvons  rien  faire  qui  foit  uti- 
le au  falut;  fait  le  tréfor  indèfeftible  de  l'Eglife:  &  s'il  s'eft  élevé  un  grand  nombre 
d'Hérétiques  qui  ont  contefté  la  plupart  des  dogmes,  l'Eglife  a  èclairci  les  difficultés, 
&  à  déclaré  quelle  avoit  été  la  foi  prcchèe  par  les  Apôtres  &  toujours  crue  par  les  fi- 
dèles. Mais  jamais  elle  n'a  rien  changé  par  rapport  au  dogme.  Il  ne  peut  y  avoir  fur 
ce  fujet  aucune  Décifion  véritablement  nouvelle,  &  toute  nouveauté  à  cet  égard  eft  in- 
failliblement une  erreur. 
V.  Mais  il  y  a  grand  nombre  de  fidèles  qui  n'ont  point  tinc  connoiflance  aflez  parfiite 

^'x°J(c^i\M**  ^^  Nouveau  Teftament,  pour  y  démêler  eux-mêmes  les  principes  &  le  fondement de^ 
nooitint p'at-Pfopofitions  ptofcritcs  par  h  Bulle;  &:  qui  n'ont  pas  le  loifir  d'étudier  les  Ecrits  des 
f*»  "abTc5  i  Pcres  &  des  autres  Saints ,  pour  comparer  leurs  fentimens  avec  ces  Propofitions,  Que 
«Uci  qu«n  ces  fidèles  falTcnt  du  moins  attention  aux  Prières  qu'on  récite  tous  les  jours  à  l'Eglife: 
'ùr'pncr'ti*  pourvià  qu'ils  foient  capables  d'en  bien  comprendre  lé  fens,  ils  y  trouveront  fumfam- 
in  1-EgUfe.  n^ent  de  quoi  s'inftruire  de  ce  qu'ils  doivent  pcnfer  de  la  Bulle.  Car  il  leur  fera  très  ai- 
fé  d'apperccvoù^ ,  que  la  dodrine  de  ces  Prières  eft  précifémeot  celle  des  Propofitions 
nrofcrites. 

Par 


DES     CONSTITVTIONNAlB.ES.  119 

Par  exemple,  ne  verront-ils  pas  ckirement  dans  la  Collede  de  la  Mefle  du  XIII,  Di-    Dissert, 
nianche  d'après  la  Pentecôte,  laLXIX.  Propofition  condamnée,  que  voici:  sukl'aut, 

La  fai,  l'tiftge ,  l' accroijfemcnt  &  la  récompenfe  de  la  foi  ^  tout  eji  un  don  de  votre  ^un  ^u/s'^'M'aie 
libéralité,  lî^-  ^'^■ 

„  Dieu  éternîl  &  tout-puiflant  (eft-il  dit  dans  la  Collefte)  donnez-nous  l'accroifle- CoUeft.  15. 
'^,  ment  de  la  foi ,  de  refpérance  &  de  la  charité  :  &  afin  que  nous  méritions  de  par-  PenK'«5°' 
„  venir  au  bonheur  que  vous  nous  promettez,  faites -nous   aimer   ce  que  vous  nous 
„  commandez:"    OmnipotcMs  fimpiteme  Deus  ,  da  nobis  fidei,  fpei  o- caritatis  aHgmenîuf»y 
^  ut  mereanmr  ajfet^ui  qmd  promittis ,  fac  nos  ar/tare  cjiiod  pr^ecipis, 

La  Profe  de  la  Pentecôte  {Féni  Sangle  Spiritus)  eft  toute  pleine  de  Propofitions  entiè- 
rement conformes  à  celles  que  la  Bulle  a  profcrite:  &  combien  y  a-t-il  d'autres  Prières 
toutes  remplies  de  ces  Propofitions  ! 

Mais  que  feront  les  fimples,  qui  ne  font  pas  capables  de  lire  le  Nouveau  Teftament,       vr. 
ni  les  Ecrits  des  Pérès,  ou  même  les  Prières  de  l'Eglife?   Ils  doivent,  en  attendant  la  dofve'K'dans 
Décifion  du  Concile  général,  s'unir  aux  Pafteurs  &  aux  Fidèles  en  qui  ils  apperçoi-  "n'eni^auGl 
vent  plus  clairement  les  caraftéres  des  DefFenfeurs  de  la  Vérité.  °e"nâtteoï 

Car  il  y  a  toujours  des  moyens  fenfibles  &  palpables  proportionnés  aux  plus  fimples  J^u'^ffutoiife 
pour  difcerner  le  vrai  d'avec  le  faux,  &  reconnoître  clairement  qui  font  ceux  qui  def-i'c"eur  & 
fendent  la  Vérité,  &  ceux  qui  foutiennent  l'erreur.  ,  unébics'rfe 

Tel  eft  le  premier  cri  de  la  foi.     Tel  a  été  le   foulevement  univerfel  des  perfonnes  joindre,  en  . 
de  piété  contre  la  Bulle ,  dès  qu'elle  parut.    Tels  font  la  réclamation  publique  &  l'Ap-  Dédfiou' 
pel  au  futur  Concile,  de  tous  les  particuliers  &  de  tous  les  Corps  dont  le  zèle  &  l'a-  [*'""  ^onci- 
mour  pour  la  Religion  égaloient  la  parfaite  connoiflance  qu'ils  avoient  de  fa  doélrine.    aiix'^Pafteîirs 

D'autre  part  les  fimples  apperçoivent  toutes  les  armes  par  lefquelles  s'établit  l'erreur,  ^/"nqui'fî 
les  intrigues,  les  fubtilités  ,  les  déguifemens  ,  l'artifice,  la  violence,  l'efprit  de  appcicoivent 
fchifme.  Mais  pour  en  préfenter  au  Ledreur  un  tableau  bien  digne  de  fes  regards  &  de  u,"at'ks'«â. 
toute  fon  attention,  copions  ici  un  morceau  du  nouveau  Mémoire  de  MM.  de  l'O-^aéresde 

,    •  ^  -  Dcffenleurs 

ntOU-e.  ■  ,        ,  delaVeiité. 

,,  Cabales  fourdes  &  odieufes,  qui  ont  précédé  &  attiré  ce  Décret,  &  que  la  Pro- 
„  vidence  a  fait  éclatter  aux  yeux  de  toute  la  Terre  :  irrégularités  palpables  &  multi- 
„  pliées  dans  fa  formation  :  la  volonté  du  Prince  mife  à  la  tête  de  toutes  les  déhbéra- 
„  tions  :  défaut  de  liberté ,  d'examen  canonique  &  d'unanimité  dans  les  aflemblées  : 
„  divifion  fur  la  dodrine,  divifion  fur  le  fens  du  Décret,  divifion  fur  les  motifs 
„  d'acceptation  :  diverfité  d'explications  :  multiplicité  &  variation  dans  les  formules  : 
„  violences  &  vexations  de  toute  efpéce  :  plufieurs  milliers  de  Lettres  de  cachet  em- 
,,  ployées  pour  introduire  la  Conftitutioo  par  toute  la  France:  foupcons,  délations, 
„  exils ,  emprifonnemens ,  peines  infamantes ,  banniflemens  :  caradéres  des  hommes 
,,  élevés  aux  dignités  Eccléfiaftiques,  &  placés  dans  les  plus  grands  Sièges  depuis 
,,  l'arrivée  de  la  Bulle:  interdits  des  bons  Miniftres ,  pouvoirs  prodigués  à  desEccle- 
,,  fiartiques  ignorans  &  vicieux:  le  violement  de  toutes  les  anciennes  régies,  le  recours 
,,  aux  Tribunaux  ordinaires  fermé  par  les  évocations  :  les  fages  Remontrances  des  Par- 
,,  lemcns  &  fur-tout  du  premier  Parlement  du  Royaume,  fans  effet  :  le  renverfement 
„  de  la  Sorbonne ,  des  Univerfités ,  des  Facultés  de  Théologie  :  la  deftrucSion  des 
,,  Séminaires,  des  Collèges,  des  penfions  mêmes,  &  généralement  de  tous  les  bons 
„  établiflemens  :  la  liberté  de  tous  les  Corps  violée ,  les  ravages  faits  dans  tous  les 
'  „  faints  Monaftéres ,  dans  leurs  Conftitutions ,  dans  les  Congrégations  Religieufes  & 
.,  Eccléfiaftiques  les  plus  recommandables  par  leurs .  liuniéres  &  par  leur  piété:  le 
•,,  monftrueux  jugement  rendu  à  Embrim ,  avec  toutes  les  horreurs  qui  ont  été  la  fui- 
„  te  de  ce  .brigandage:  le  décri  de  la  fcience,  des  études,  des  bons  Livres:  le  progrès 
,,  fenfihle  de  la  m.uivaife  doâiiue,  de  l'ignoraoce,  de  la  corruptioij  de?  mœurs:  lej 
.  .Dijfrt.  Tom.  //.  R  ,j  refuî 


ijo  DIVERS         ECARTS 

*o»'l-"t"  »>  ^^^^^  ^^  Sacremens  &  de  lepulture:  les  excommunications  formelles,  les  aftes  fcan- 
j>ts  MiR.  *  „  daleux  de  fchifme ,  multiplie's  de  jour  en  jour  par  voie  de  fait  fans  être  reprimés. 
,  Ne  font-ce  pas  autant  de  traits  de  lumière    à  la  portée  des  moins  intelligens  ?  " 

D'un  côté  le  renverfement  de  toutes  les  régies ,  les  excès  les  plus  révoltans ,  la  per- 
fccution  déclarée  contre  la  piété,  la  deftruAion  des  aziles  où  la  foi,  l'amour  de  Dieu, 
le  mépris  des  biens  de  la  Terre  &  l'efprit  de  pénitence  avoient  comme  établi  leur  trô- 
ne :  voilà  par  quelles  voies  l'erreur  s'eft  fi  fort  accréditée.  Mais  lorsqu'on  voit  éclatter 
publiquement  tous  ces  odieux  caraftéres ,  qui  peut  fe  méprendre  fur  ce  qu'elle  eft  ? 
*h»th.  vu.  ,,  Vous  les  connoitrez  par  leurs  fruits:  "  Exfrfi^ibtts  eornm  cegmfietis  eos ,  nous  répète 
u.  lo.  ace.    çjj  plufieurs  endroits  la  Vérité  Incai-nce. 

On  voit  de  l'autre  côté  un  grand  défir  de  plaire  à  Dieu  &  d'ctre  utile  au  prochain,' 
un  attachement  intrépide  1  toute  Vérité,  un  efprit  de  facrifice  qui  met  dans  la  difpofi- 
tion  de  tout  perdre ,  biens ,  liberté ,  la  vie  même ,  plutôt  que  d'abandonner  aucune  des 
ccuvres  de  Dieu ,  ni  même  les  inftrumens  dont  il  lui  plaît  de  fe  fervir.  Ne  font-ce  pas 
là  des  caraAéres  qui  défignent  vifiblement  les  vrais  difciples  de  la  Croix,  &  les  Def- 
fenfeurs  de  la  Vérité. 

•     Pour  avoir  ces  qualités,  il  n'eft  point  du  tout  néceffaire  d'être  un  des  principaux  Mi- 

niftres  de  l'Eglife  vifible.     Hclas  !   il  n'arrive  que  trop  fouvent  dans  les  jours  malheu- 

Aflembiée  reux  OU  nous  vivons,  dans  c^tte  lie  des  Jîécles ,  comme  le   difoit  le  Clergé  de   France, 

?«""'&'      il  y  a  plus  de  80.  ans,  qoe  l'état  temporel  de  ces  dignités  eft  pliltôt  par  lui-même  un 

ifijfi.  obftacle  qu'une  aide   pour  participer   à   l'augufte   caraftére  de  foutenir  la  Vérité  aux 

dépens  de  tout. 

Bien  loin  que  les  grandeurs  qu'on  pcfféde  fur  la  terre,  foient  le  chemin  qui  conduit 
le  plus  furement  au  détachement  parfait  où  il  faut  être  pour  bien  defïêndre  toute  Véri- 
té, Jefus-Chrift  nous  a   déclaré  au  contraire,  que  fes  plus  fidèles  ferviteurs  feroient 

Maith.       méprifés,  haïs,  perfécutés.     „  Vous  ferez,  leur  dit-il,  haïs  de  tout  le  monde  à  cau- 
XXiv.  9.      ^^  fç  jg  ^Qj^  j^Q^^ 

JeanXV.iç.       3>   Si  VOUS  étiez  du  monde,  le  monde  avoueroit  ce  qui  feroit  à  lui ,  mais  parce  que 

„  vous  n'êtes  point  du  monde,  &  que  je  vous  ai  choifis  &  féparés  du  monde,  c'eft 

„  pour  cela  que  le  monde  vous  hait.  " 
Ibid.xvi.i.      ,,  Le  tems  va  venir,  que  quiconque  vous  fera  mourir,  croira  faire  un  facrifice  à 

,,  Dieu.  " 
AûfjXlv.       „  C'eft  par  beaucoup  de  tribulations ,  dit  S.  Paul,  que  nous  devons  entrer  dans  le 
"'■  „  Royaume  de  Dieu.  "• 

t-Tiin.  m.      ToMs  ceux  ejMi  venlent  vivre  avec  piété'  en  Jefas-Chrifi ,  feront  persécutés ,  ajoute-t-il  fen 
'*•  parlant  finguliérement    ,,  des  derniers  tems,  in  novijjimis  diebus ,  où  il  y  aura  (dit-il) 

Ibid  ni.  I.  „  des  tems  dangereux,"  tempora  periculoft  ...  Omnes  qui  pic  volunt  vivere  m  Chrijlt 

Jefu  perficutionem  patientur. 
IcjnXv.19.      Voilà  nommément  qui  font  ceux   que   Jefus-Chrift  a  choi/s  çfr  féparés  du  monde: 
tph.  1.  14.  voilà  quel  eft  finguliérement  le  peuple  qu'il  s' ejl  acquis  pour  la  louange  de  fa  gloire,  çn 

leur  ftifant  par  la  puiffance  de  fa  grnce  fouffrir  avec  joie  toute  efpéce  de  perfécution  : 
Mjttk.  V.  voilà  ceux  à  qui  il  dit:  ,,  Rcjouilfcz-vous  alors  &  faites  éclatter  votre  joie,  parce 
**■  „  qu'une  grande  rccompcnfe  vous  eft  rcfervce  dans  les  Cieux,  "    Et   voilà  par   confé- 

quent  ceux  avec  qui  il  eft  plus  fur  &  plus  avantageux  de  s'unir. 
Oeurrcj  de       ,,  Quand  la  Vérité  eft  attaquée,  &  la  pcrfccution  ouverte,  s'écrioit  le  grand  Evêque 
ToB-'n'l.     ,>  ^  Montpellier ,  je  ne  vois  rien  de  plus  prudent  que  de  fe  jcttcr  du  côté  des  oppri- 
»•  5*»-         ,;  mes  :  c'eft-li  où  eft  la  force,  &  où  la  viétoire  fera  infailliblement.  " 
ibiA.  f  81J.      L<^s  Deffcnfeurs  des  Miracles  &  des  Convulfions,  me  font  d'autant  plus'cWj,  ajou- 

toit-il ,  que  font  eux  en  qui  je  vois  d'une  manière  plus  marquée  la  fuccejjion  des  fouffran- 

c(s ,  qui  féit  un  des  plut  beaux  (éiratléret  dct  Peffenfcurt  de  U  Vértté. 

C'eft 


DESCONSTITUTIÙNNAIRES.  lâi 

C'eft  en  vain  que  les  Conftitutionnaires  fe  parenc  de  la  refpeftable  Autorité  donc    Oisskrt. 
ils  abufent,  &  qu'ils  s'appuient  fur  leur  grand  nombre.  des  mVr!'"' 

I.  L'Hiftoire  EcclefiaiHque  nous  apprend,  que  dans  toutes  les  grandes  Héréfies  vu. 
fiirvenues  depuis  la  Converfion  des  Empereurs  &  des  Rois  Idolâtres,  la  multitude ,.^(j'^-p™/"  * 
des  foibles  Chrétiens,  y  compris  grand  nombre  de  Prêtres,  s'ell  toujours  déclarée  quefesc^n- 
pour  l'erreur  dans  tous  les  lieux  où  elle  étoit  foutenue  par  la  Puiïïance  temporelle.  res^tircTt^d- 
C'eft  ce  qui  eft  arrivé  dans  i'Arianifme,  dans  rEutichianifme,  dans  le  Monothé- '"^ur  granj  ^ 
iifme  ,  au  tems  des  Iconoclaftes ,  &  dans  les  dernières  révolutions  d'Angleterre ,  °°"''"*" 
An  Dannemarc,  de  la  Suéde  &  d'une  partie  de  l'Allemagne.  ,  i^p^;^  ,^ 

L'argument  du  grand  nombre  eft  donc  bien  foible,  puifquec'eft  fouvent  l'appa-  ive.  6-,eck 
nage  du  parti  de  Terreur.     Car  il  y  a  dans  Vûk-e  de  TEglife  beaucoup  plus  àQpail-7.y^\u'A  y 
le  qui  fe  laifTe  aller  au  veut  des  intérêts  temporels,  que  de  bon  grain  qui  demeure  j/"°^.g'?"- 
immobile  k  toutes  les  fecouffes  de  la  perfécution.  ia"mujt'itude 

■  „  Ne  me  faites  pas  valoir  le  grand  nombre ,  difoït  S.  Théodore  Stiidlte^..  S'ils  j'^j^'^^^i°"" 
„  ont  la  Vérité  en  partage  ,  qu'ils  la  démontrent  clairement  par  les  armes  de  cette  l'err^lT/^dTns 
„  même  Vérité:  je  veux  dire  par  de  bons  exemples  ,  &  par  des  moyens  conformes  ôu'cîfVirn,'! 
„  aux  principes  des  Apôtres  &  aux  Canons  des  Pères,  &  non  par  des  voies  qui  deux  parti* 
„  leur  ibnt  étrangères,  &  même  entièrement  oppofées  (telles  que  la  violence  &pa°r')a''"pu"5'! 

„   la  perfécution.)  rancetempo. 

„  Ecoutez,  ajoute  t-îl,  comment  S.  Bafile  *  parle  à  ceux  qui  prétendent  recon-'^  ^'    .  , 
„  noître  la  Vérité  par  le  grand  nombre  de  (qs  partifans.     Celui,  à\i-\\,qtd  nojè al- pctc^cmet 
„  léguer  de  ra'ifon  en  faveur  du  point  qui  efî  en  contepation,  &  à  qui  les  preuves  ve-  i^^  ''eweur, 
„  nant  à  manquer ,  cherche  un  azile  dans  le  grand  nombre ,  celui-là  confejfe  fa  dé-  25  f.  '&  rùiv," 
„  faite  ^  (S?  reconnoU  quil  ne  refîe  plus  aucune  iffue  à  la  confiance  qu^il  faifoit  pa'    •  11  y  a  des 
„  roUre.     Et  après  quelques  autres  difcours  :  Qj/tin  feul  homme  mefafje  voir  la  beau-  f["/,b""n  ''"' 
„  ié  de  la  Vérité ,  fur  le  champ  elle  enlèvera  mon  fujf rage:  mais  quelque  parade  que  ^i^^^t)!.  s. 
„  la  multitude  dépourvue  de  raifons  folidcs  fafje  de  fon  autorité  ,  elle  peut  bien  infpi-  ^^mr^^Vs. 
„  rer  la  terreur ,  mais  jamais  elle  n'aura  le  don  de  perfuader.    Des  millions d'hom- Maxime, 
„  mes  feront-ils  capables  de  me  faire  accroire  qu'il  n  efî  pas  jour  en  plein  midi,  qu  une  Theodoret. 
„  pièce  de  cuivre  ejî  de  l'or  &  de  la  recevoir  fur  ce  pied,  ou  bien  de  prendre  un  poî-  Qi.'?'.  9""'' 
„  j'en  manifefie  pour  un  remède  fàlutaire?  En  un  mot:  je  ne  croirai  pas  devoir  fou-  Théodore' 
„  mettre  mon  jugement  à  la  multitude  errante  dans  ce  qui  concerne  les  aff'aires  tem- ^}'^'^'}f  ^'^ ^ 
„  porelles  \  &"  à  l'égard  des  dogmes  célefes  je  me  rendrai  aveuglement  au  premier  Eciiis"  pour 
„  Jigne ,  tans  me  foncier  de  m' écarter  des  Traditions  fondées  jur  les  Témoignages  de  ^és'fidelcs" 
„  la  Sainte  Ecriture ,  &  transmi/ès  juj'qti'à  mus  par  un  commun  confentement  ds 
„  V  Antiquité  la  plus  reculée  1  N'avons-nous  pas  appris  du  Seigneur,  qu'il  y  a  beati- 
„  coup  d' appelles  mais  peu  d'Elus  ?  Et  encore ,  que  la  voie  qui  conduit  à  la  vie  efi 
,,  étroite ,  (3f  qu''il  en  efî  peu  qui  la  trouvent  ?  Un  feul  homr,!s  recommandable par  fa 
„  piété,  par  fon  amour  &  fa  plélité  envers  Dieu,  efî  plus  efîimable  que  des  mil- 
„  liers  qui  font  oftentation  de  leur  pulffance  avec  une  orgueilleufe  témérité  .  .  .  Il  efi 
„  donc  infiniment  avantageux,  qu' un Jèul  homme  qui  a  d^' fon  coté  lajufice,  s'arme  de 
„  bardieffe  pour  détruire  l'union  pernicieufe  du  grand  nombre . . .  Au  refîele  grand  nom- 
„  hre  ne  laiffera  pas  d'être  pour  moi  refpe&able,  lorfqu'il  ne  futra  pas  d'entrer  en  dif- 
,„  cujfion,  mais  qu'il  préfentera  des  preuves  jclides;  lorj'qît'il  ne  févirapas  avecunzé- 
,j|,  le  amer ,  mais  qu'il  conduira  au  bien  avec  un  amour  paternel;  lorj'qu'il  ne  fe  plai- 
„  ra  pas  à  innover^  mais  qu'il  gardera  Cla  doftrine  de  nos  Pérès,  qui  eft  le  plus 
précieux  héritage  qu'il  nous  ont  laiiTé.  ) 

II.  Au  refte  les  Apellans  ont  pour  eux  le  grand  nombre  des  fidèles,  puisqu'ils 
on:  de  leur  côté  quantité  de  Saints  qui  font  dans  le  Ciel,  &  qui  pendant  qu'ils  é-  1.  ûi .\-,. 

R  2  toient  [«"»"*  "" 


,132  DIVERS      £'    .C    jf    R    T    S 

Thsi'ii.r  toient  fur  la  terre  ont  toujours  fuivi,  prêché, publié  la  même  doftrine  que  foutien- 
SUR  LAUT  ncnt  les  Appcllans,   ainfi  qu'il  paroit   très  clairement  par  les  Ecrits  des  uns  & 

i;des  autres, 
grand  rom-     A  ccttc  Hiultitudc  dc  Saints,  il  faut  joindre  tous  ceux  qui  ont  ci-devant  penfë  , 
l'c's'.'iy^mdc^  ceux  qui  penfent  encore  aujourd'hui,  comme  eux:  ce  qui  fait  un  peuple  innom- 
kulcôtcur.t  brable;  l'inondation  de  la  morale  relâchée  &  corrompue  qui  infede  à  préfcnt  le 
Simts"quV"^  champ  dc  l'Eglifc,  n'ayant  commence  que  dans  l'autre  Siècle  à  faire,  de  grands 

Ibn:  dcpa        progrcS.  ,,    ,.    j 

ik%taâî\c-     Enfin  les  Appcllans  auront  encore  de  leur  côté  tous  les  peuples  qui  entreront 
'«eii;  tous    jjyjj  l'Eeiifo,  lorfquc    les    luiis  convertis   prêcheront    toute  Vérité  d'un  bout  à 

enix  qui  ont ,,  i  i 

faivi ,  qui    1  auu-e  du  monde. 

ftwoiit'lcut  Ceux  au  contraire  qui  condamnent  la  doftrine  pour  la  deffenfe  de  laquelle  les 
dûc^ine.  Appcllans  fe  facrilient,  ne  font  point  fur  ce  fujet  unis  de  fentimens,  ni  avec  les 
Saints  qui  font  déjà  dans  leicin  dc  Dieu,  ni  avec  les  Catholiques  des  XV.  premiers 
fiécles,  &  d'une  grande  partie  du  XVI.  ni  même  avec  le  plus  grand  nombre  de  ceux. 
qui  vivent  à  préfent,  comme  M.  l'Evêque  d'Auxerrel'a  lî  puiffamment  prouvé  con- 
tre M.  de  Charancy;  &  ils  ne  le  feront  pas  non  plus  avec  les  Nations  qui  feront  l'a 
j  richejje  de  l'Egliié  ,  lorsque  toutes  chojes  y  auront  été  rétablies. 

X.  III.  Qu'eft-ce  que  l'Eglife  confidérée  félon  ce  qu'elle  a  de  plus  eiïcntiel?  C'eft 

?,^"£g''''le  corps  myllique  dc  Jcfos-Chrill:  compofé  de  tous  les  julles,  qui  fe  conduiHinspjir 
commt'ciac;  iou.  eiptit  deviennent  véritablement  les  membres. 

'r«'^jcTc:       "  L.'^g'il'^  c^  ^'^  corps  de  Jefus-Chriil,  dit  S.  Pau!,  &  la  plénitude  de  celui  qui 
ii-<ii"  ruci-',,  accomplit  tout  en  tous:  Ecclefia  qua:  eji  corpus  ipfhts  ^  plenitttdo  ejusqui  otr.- 

)uf.«deious     „  Jefus-Chrill  cil  la  tc>-te  de  l'Eglifc  qui  cft  fon  corps,  dont  il  eft  le  fauvcur; 

les  SjccIcs.    Qlirijlus  caput  ejl  Ecclefia: ,  ipje  falvator  corporis  ejus. 

Eph.  I.  zz.      ^^  Ainfi  (ajoute-t-il)  quoique  nous  foyons  plufieurs,  nous  ne  fommestous  néair< 

Ibia  V  -    "  '"*^'"^  qu'un  feul  corps  en  Jcfus-Chrill ,  &  nous  fommcs  tous  rêciproquemem 

Rom  xu   »'  nicmbres  les  uns  des  autres:  Ita  nuilti  uniim  corpus  JumuSy  fingtdi  atiteni  altet- 

5.  E^k  IV.  alterius  mcmbra. 

XII.'  17°''        "  C'eft  dc  Jefus-Chrid  que  tout  le  corps  de  l'Eglifc.  .  .  reçoit  fon  accroifle* 

Eph^r  !v.    »•»  nient,  pour  être  édifiée  dans  la  charité:  Cbriftus  ex  quo  tottan  corpus  .  .  .  aug' 

ij  &  16.    ment  uni  ficit  in  ledificaiionem  jiù  in  carttate. 

Phii. m  zi.  M  C'ell  lui  qui  transformera  notre  corps  tout  vil  &  abjeél  quilefl,afindcIereiT« 
„  drc  conforme  à  fon  corps  glorieux:  Qui  reformabtt  arptis  bumilitatis  no/irit 
CùnpgtinitHm  corpori  cUirituth  fux. 

Eph  V.  15.      S.' Paul  appelle  auffi  l:'Eg;ife,  l'Epoufe  de  Jefus-ChriH;  &  il  comprend  fous  ce 

16.  z7-  nom  tous  les  Saints  dc  tous  les  Siècles.  Car  il  ell  clair  qu'il  n'entend  parler  que 
d-s  Elus,  lorsqu'il  dit;  „  Jcfus-Chrift  a  aimé  l'Eglifc  jufqu'à  fe  livrera  la  mort 
„  pour  elle,  afin  de  la  Ciniitifier  ...  &  de  la  faire  paroître  devant  lui  toute  briN 
„  lantc  dc  gloire,  n*ayai>t  ni  tache  ni  ride  ni  rien  de  femblablc,  mais  étant  fainte- 
„  &  irréprchenfible..  Cbri/lus  dilexit  Eccle/iani  &  Jéip/'uin  tradidit  pro  eâ,  M 
illarn  /lin&ificaret  .  .  .  «/  exhiberct  ipfe  jibi  gloriofam  Ecclefiam  non  babentem  ma" 
culam  (lut  aliquod  bujufii:  odi ,  Jed  ut  fit  fancla  &  immaculata. 

ibid.  I.  4  î  Tcii  font  uniquement  leux  que  Dieu  „  a  é'ius  en  lui  avant  la  Création  du  mon- 
„  dç  pat  l'amour  qu'il  (leur)  a  porté,  afîn  (qu'ils)  lufTent  faints  &  irrépréhcnfr- 
,,  ble>  devant  f.s  yeux:  (  les)  ayant  prédeflinés  par  an  pur  effet  de  fa  bonne  va- 
„  lott^c,  pour  les  rendre  fcs  encans  adoptifs  par  Jefus-Chrift  &  ca  lui  mÙTOc.  El»- 

5'< 


DES    C  0  NS  T  I  TV  P' I  ô  ATiV  >^  ï  K  E  S,  13.3 

glt  nos  in  ipfd  antc  mundi  conftitutionem  ut  effemus  faii&i  &  immaculatt  in  confpe&u    Disst.rr. 
ejiis  in  caritate,  qui  pncdejVrnamt  nos  in  adoptionem  pliorwn  per  Jejimi-Chnjlnm  in  '""  '-'^"^ 
ipfum  fecimdùw  propofttum  voliintatis  fua. 

Auffî  S.  Paul  compare-t-il  l'Eglife  à  une  Vierge  toute  pure.     C'efl:  ce  qui  fait  dire  2.  Cor.  xr. 
k  S.  Auguftin,  que  „  l'Eglife  consiste  dans  les  fidèles  qui  font  gens  de  bien,  &?:,  ^'^"S- 
„  dans  les  Saints  &  les  ferviteurs  de  Dieu  répandus  par-tout,  &  liés  enfemble i^'^pt.  c.  jii 
„  d'une  unité  fpirituelle  dans  la  même  communiorv  des  Sacremens/' 

„  Le  corps  de  Notre  Seigneur  Jefus-Chriil,  ajoute  til^  c'efl:  l'Eglife,  non  pas  Se™,  i.ia 
j,  uniquement  cette  Eglife  qui  fubfille  dans  le  lieu  &  dans  le  tems  où  nous  fom-^''^^^'  '^'  '' 
„  mes,  mais  celle  .  .  .  qui  embraffe  tous  les  jultes  depuis  Abel  jufqu'à  ceux  qui 
„  doivent  naître  à  la  fin  des  Siècles  .  .  .  L'Eglife,  c'eil  tout  ce  peuple  de  Saints, 
„  qui  appartient  à  une  feule  Cité,  &  qui  eil  le  corps  de  Jefus-Chrill." 

En  effet  l'Eglife  triomphante  n'ell  qu'une  feule  &  même  Êglife  avec  celle  qui 
combat  fur  la  Terre,  qui  eil  dans  le  monde,  mais  qui  ne  vit  point  comme  le  mon- 
de. Le  Ciel  eft  la  véritable  &  Tunique  patrie  de  l'Eglife;  Elle  fe  forme  (ur  la 
Terre ,  mais  elle  n'efl:  faite  que  pour  les  Cieux. 

„  Depuis  le  jufle  Abel  jufqu'à  la  fin  du  monde,  &  pendant  toutes  les  généra'  5^^,^ 
„  rions,  dit  encore  S.  Auguftin  ,  chaque  jullequi  paiïepap  cette  vie,  &  touslesju-c  9.  n  u'" 
„  lies  qui  font  ici  maintenant,  c'ell  à  dire  qui  vivent  fur  la  Terre,  &  ceux  mêmes 
„  qui  naîtront  dans  la  fuite, ne  font  cous  qa'uafeul&  unique  corps  de  Jefus-Chrift 
„  dont  ils  font  tous  fes  membres. 

„  L'Eglife  ell  rhéritag.e  de  Jefus-Chrift  ...  Cet  héritage  comprend  tous  lesln  pf  u>. 
„  Saints.     Tous  les  Saints  font  un  feul  homme  en  jefus-Chrifl:.  "•  t- 

„  Ceux  là  fans  doute ,  ajoute-t-il,  ne  font  point  de  l'Eglife ,  qui  quoique  vivans    Lib.  4.  d* 
„  dans  fon  fein,  ne  font  pas  animés  de  l'efprit  de  Jefus-Chrill  &  ne  pratiquent ''^f'- <=•  ^•• 
j,  point  fes  Commandemens.     On  ne  peut  pas  dire,  "que  des  perfonnes  de  cette  ef-"'  ^ 
„  péce  appartiennent  en  aucune  manière  à  l'Eglife  .  .  .  Qui  ofera  afTurerqueceur 
„  qui  ne  renoncent  au  monde  que  de  bouche,  mais  nullement  de  cœur,  foientles. 
^  membres  de  cette  colombe  (que  Jefus-Chriil  appelle)  ma  parfaite  amie? 
■   „  Puisqu'il  n'y  a  que  les  bons,  dit-il  ailleurs ,  qui  étant  régénérés  fpirituelle-    [^e  Unit 
„  ment,  entrent   dans   la   compofition  du  corps  do  Jefus-ChVift,   en   devenantEccK  J211. 
„  fes  membres,  fans  doute  que  c'ell  en  la  perfonne  de  ces  bons  qiie  consiste  l'E-"  ^°- 
„  glife  .  .  .  c'eft  à  dire  dans  la  perfonne  de  ceux  qui  bâtliFent  fur  la  pierre.  Se 
„  qui  après  avoir  écouté  avec  refpeél  les  paroles  de  Jefus-Chrirt ,  les  mettent    en 
„  pratique.     Mais   L'Eglife  ne  confille  point  en  la  perfonne  de  ceux  qui  bàtiflenc 
„  fur  le   fable,  c'efl  à-dire  qui  écoutent  les  paroles  de  Dieu.  &  ne  les  fuivenf 
t,  point  pour  régler  leur  vie. 

„  Ceux  qui  fe  Ibnt  fépnrcs  de  l'Eglife  par  un  fchisrae   manifelle-,  dit-il  encore  y  Lib.  r;  de 
^,  ne  font  pas    les  fculs  qui  ne  lui  appaniennent  point:  car  dans  Ton  unité  même  ,^''';,  "•   '°" 
„  cetix  qui  s'en  féparent  par- le  dércglement  de  leur  vie,  ne  lui  appartiennent  pas- 
„  davantage. 

„  Quiconque,  confondu  avec  les  bons  dans  le  fein  de  l'Eglife,  y  fuit  aveuglé-  ibid  c. 
„  ment  fes  pafllons  charnelles,  efl  réellement  féparé  de  l'unité  de  cette  Eglife'qui  ''"'■  "■  ^^• 
„  efl  fans  taches  &  fans  rides. 

„  Toiis  ceux  qui  écoutent  la  ptirole  de  Jefus-Chrifl,  mais  ne  la  mettent  peint  ib.  lib  4, 
„  en  pratique,  font  véritablement  féparés  de  l'Eglife.  '■  ^-  "■  ^• 

„  Je  voudrois  bien  vous  demander,  ajoute-t  il^  fi  vous  vous  imaginez  que  l'E-  (b.  1  b.  7.  c- 

gli^e  étant  repréfentée  dans i'Ecriture  foxis  le,  fimbole  d'unecoioxnbc  douce , lîm-  ^-  "•  "• 


R     1  'nl^ 


t34      '  DIVERS      E^    C    A    R    T    S 

DiMesT.  «  pie,  innocente,  fans  fiel,  flins  aigreur,  fans  aucune  méchanceté  .  .  . ,  ceux 

SUR  LAUT. ^^  qui  ne  vivent  point  félon  les  faintes  régies  de  l'Evangile,  peuvent  êtrelesmem» 

Traa  6     "  ^^^^  ^*^  cette  charte  colombe?  Non  fans  doute,  cela  ne  peut  être 

joau.  D.  12,      „  Ceux  dont  la  confcience  eft  fouillée,  ne  font  plus  du  corps  de  Jefus-Chrift 

Lib.  tcoct  „  qui  ell  lEglil'e  :  car  Jefus-Chrill  nz  peut  avoir  des  membres  qui  ibient  dain- 

Crcfcoo.  c.  ;    » 

tl.  »>   "'^** 

Telles  font  auQi  les  Maximes  répandues  dans  les  Ecries  de  S.  Jérôme  &  de 

S.  Grégroire  le  Grand. 
,Lib.;.Com.     „  Si  quelqu'un  eft  pécheur,  dit  S.  Jérôme^  on  ne  peut  pas  dire  qu'il  foit  dfi 
'  s-  „  l'Eglifc  de  Jefus-Chrift. 

Homci.  19.      „  L'Eglife,  dit  S.  Grégoire  le  Grand,  cft  la  vi^ne  compoféc  de  tous  les  jutte« 

^  qni  ont  vécu  depuis  Abel,  &  qui  naîtront  jufqu'à  la  fin  du  monde. 
Xib.j.Epift.     „  Les  Saints  avant  la  loi,  fous  la  loi  éc  fous  la  grâce,  dit-il  encore,  font  les 
'*"^>"",,  membres  de  l'Eglife  &  font  la  plcnitude  du  corps  de  Jcfus-Chrift. 
L  10.  Mor.     „  L'Eglife  fainte  des  Elus ,  ajoute-t-il ,  ne  regarde  pas  feulement  comme  fes  en- 
cj+.n26. ^^  nemis  ceux  qui  abandonnant  la  foi,  fe  fi parent  d'elle,  mais  encore  tous  ceux 

„  qui  l'afBigent  en  menant  dans  fon  fein  une  vie  corrompue." 
XI.  Cependant  on  ne  peut  fe  diflîmuler  que  cette  Eglife,  qui  conformi^ment  h  fou 

ir.gfd«''mc"ir>rtitution  devîoit  être  toute  fainte,  ne  foit  au  contraire  depuis  long-tems  épou- 
xhans  qui  vantablcmcnt  meliîe,  étant  remplie  de  mondains  &  demcchans,  qui  furpafleuï 
gîiTe  ,'&  icsprodigieufement  le  nombre  des  bons.  Mais  par  la  Providence  Divine,  cela n'era- 
ucffjits  de  nsche  point  qu'elle  ne  foit  TEcole  où  fe  forment  tous  les  Saints ,  non  feulement 

les  miniittcs  I  ,       V  1         •  •     n        r\-  ■'•1  r  11  1 

■•empc-  par  les  falucaires  inltruiîcions  qu  ils  y  trouvent,  oc  par  les  bonnes  œuvres  que  la 
«rëùelir  grâce  de  Jefus-Chrill  leur  fait  faire ,  mais  même  auffi  quelquefois  par  les  pcxfé- 
■ioit  la  feuiecutions  qu'ils  y  fouffrent, 

lousTeJEluj  Au  refte  quoiqu'il  foit  très  vrai  de  dire.,  que  les  mcchans,  tels  qu'ils  foient,  lur 
trouvcm  icjiiout  fi  la  grucc  de  Dieu  ne  leur  fait  point  changer  de  vie  jufqu'à  leur  mort,  ne  font 
^^^^  point  partie  de  la  portion  vivante  de  l'Eglife,  puifqu'ils  font  très  éloignés  d'être 

les  membres  de  Jefus-Chrill,  cela  neconclud  pas  que  ces  mcchans  &  ces  reprouvés 
ne  puifTent  être  du  nombre  des  chels  de  l'Eglife  vifible.  On  en  a  vu  au  contraire  des 
.exemples  dans  tous  les  tcms:  ce  qui  eft  fi  vrai  que  dès  les  commencemens  de  fon 
ctabliflement  S.  Paul  feplaignoit  déjà,  que  plufieurs  de  ics  Minillres  cbtrcboittit 
leurs  propres  intérêts ,  tjr'  non  ceux  de  Jelus-Chrijl^ 
PKiG  \\r\  ^'  '^^  *^"^  ^*^  '^"^  multipliés,  fi  le  dérèglement  des  mœurs  s'eft  augmenté, fi  les 
\iccs  fefont  accrus,  fi  l'orgueil, l'ambition  &  l'intérêt  ont  pris  la  place  de  l'humi- 
lité, de  la  charité,  du  parfait  defintercficment  que  tant  de  Saints  ont  fi  éminem- 
ment pratiqué  dans  les  premiers  Siècles  d''Eg\\Cc  ,l'in/idé!ité  des  hommes  anéantira-* 
Rt>m.\\\v f^llg  la  fidélité  de  Dieu?  Non  certes,  dit  S,  Paul. 

Jefus-Chrill  ne  novis  a  pas  laifié  ignorer  cet  affreux  mélange  qui  devoir  fefonncr 

<ians  l'Eglife  telle  qu'elle  ell  fur  la  Verre.     Car  c'ell  fans  doute  pour  nous  en  in- 

^7.  'flruire,  que  tantôt  il  nous  la  reprefente  fous  la  parabole  d'un  grand  filet  qu'on  jette 

ibiiilLii.^^w^  '^  /«<r,  &  qui  prend  toutes  Jortes  dépotions  .  .  .  hns  &  mauvais  :  Vàniôt , 

comme  une  aire ,  où  il  y  a  ^^  bled  melê  avec  beaucoup  de  paille ,  qui  n'cft  propre 

^u'à  être  bnilée  dans  un  feu  qui  ne  s'éteindra  jumais. 

11  nous  dit  encore  que  c'ell  un  champ,  où  le  Eils  de  l'homme  a  femé  de  bon 
grain ,  &  où  le  diable  a  fciné  de  l'ivraie. 
Matth.xai.      Celui,  dit-il,  qui  jerne  le  bon  grain,  cefl  le  Fils  de  l'homme. 
fliM*ibiX       *»  ^^'^t  iJi-'igoew  (sécrie  le  Pcre  Quefnel)  nous  rcconnoiff©n>  avec  joie  que  c'cft 

„   TOUJ 


Malth.XlIL, 


DES    CONSTITVTION'NArRES.  rjr 

C'efl  en  vain  que  les  Conftitmionnaires  fe  parent  de  la  refpeftable  Autorité  dont  ils   Dissert.. 

jufent ,  &  qu'ils  s'appuient  fur  leur  grand  nombre.  '""" ~ 

I.  L'Hiftoire  Eccléfiaftique  nous  apprend  ,    que  dans  toutes  les  grandes  Héréfies 


SDRL'AOT. 


abufent ,  &  qu'ils  s'appuient  fur  leur  grand  nombre. 

I.  L'Hiftoire  Eccléfiaftique  nous  apprend  ,    que  dans  toutes  les  grandes  Héréfies 
furvenues  depuis  la  Converfion  des  Empereurs  &  des  Rois  Idolâtres  ,  la  multitude  des   Réponiesi 


foibles  Chrétiens  ,    y  compris  grand  nombre  de  Prêtres  ,  s'eft  toujours  déclarée  pour  •'"bieaijn 
l'erreur  dans  tous  les  lieux  oii  elle  étoit  foutenue  par  la  Puiflancc  temporelle,     C'eft  ftumîonnai- 
ce  qui  eft  arrivé  dans  rArianifme  ^  dans  l'Entichianifme  ,  dans  le  Monothélifme  ,  au  lea/'^àno** 
tems  des  Iconoclaftes  ,   &  dans  les  dernières  révolutions  d'Angleterre,  du  Danemarc  ,  nombre, 
de  la  Suéde  &  d'une  partie  de  l'Allemagne.  vnr. 

L'argument  du  grand  nombre  eft  donc  biea  foible  ,  puifque  c'eft  fouvent  l'appanage  've.  s??de' 
du  parti  de  l'erreur.    Car  il  y  a  dans  l'aire  de  l'Eglife  beaucoup  plus  de  paille  qui  fe  'P"'"  'f' 
laiffe  aller  au  vent  des  intérêts  temporels  ,    que  de  bon  grain  qui  demeure  immobile  à  aeiidegma- 
toutes  les  fecoufles  de  la  perfécution.  des  héréfies 

^,    _         „  1     r=     '  1  •     •    /-      >v  1         ■  1  I  ^   •        u  multitude 

C  elt  même  une  choie  étonnante  de  voir  julqu  a  quel  petit  nombre  quelques  Saints  s'eft toujouts 
ont  penfé  que  pouvoient  être  réduits  ceux  qui  auroient  le  courage  de  deffendre  haute-  i"rrV"dans 
ment  &  publiquement  la  Vérité  ,  lorfqu'elle  feroit  combattue  &  profcritc  par  les  Puis-  tous  les  lieu* 
fances  du  Siècle.  ,  _  "^Z^ 

,,  Renonçons  à  la  confervation  des  biens  de  h  terre,  pour  ne  pas  perdre  ceux  du  ='°"*°"'^°'» 
„  Ciel ,  s'écrie  S.  Théodore  Studite.   Ne  donnons  point  de  fcandale  à  l'Eglife  de  Dieu  ,  wnce^e^mpô- 
,,  laquelle,  félon  le  fentiment  des  Saints,  peut  fubfifter  dans  trois  Orthodoxes.  "    TVf- '«"=• 
quaquam  fcandalum  demus  EccUJîk  Dei ,  quam  vel  très  Orthodoxi ,  San^ornra  fententià ,  stifjii^xrad 

ConfiitHUnt,  du  Grec  pu 

Les  Jéfuites  qui  en  donnant  au  Public  une  traduéiion  latine  des  Ouvrages  de  S.  mon]f^"" 
Théodore,  font  entrés  dans  un  grand  détail  fur  fa  doftrine,  n'ont  rien  trouve  à  redire 
à  cette  Propofition  :  fans  doute  qu'ils  ne  prévoyoient  pas  alors  l'ufage  qu'ils  veulent 
faii-e  à  préfent  de  l'autorité  du  grand  nombre. 

„  Ne  me  faites  pas  valloir  le  grand  nombre,  dijoit  encere  le  mime  Saint  .  .  S'ils  ont  LaVe'riié pei- 
„  la  Vérité  en  partage ,  qu'ils  la  démontrent  clairement   par  les  armes  de  cette  même  |.""è^,'r  '" 
,,  Vérité:  je  veux  dire  par  de  bons  exemples,  &  par  des  moyens  conformes  aux  prin- Tom  il'.p. 
,,  cipes  des  Apôtres  &  aux  Canons  des  Pérès, &  non  par  des  voies  qui  leur  font  étran-'^^"^'""' 
„  gères,  &même  entièrement  oppofces  (telles  que  la  violence  &  la  perfécution.) 

„  Ecoutez,  ajome-t-il^  comment  S.  Bafile  *  parle  à  ceux  qui  prétendent  reconnoî-    *i'yad« 
„  tre  la  Vérité  par  le  grand  nombre  de  fes  partifans.    Celui  ,  dit-il  ,   qui  nofe  alléguer  atmimenTcc 
,,  de  rai  fin  en  faveur  du  f  oint  qui  efl  en  contejlation ,  (fr  à  qui  les  preuves  venant  h  man-  ^^Ç'S^  ?  ^' 
,,  quer  cherche  un  az^ile  dans   le  grand  nombre^  celui-là  confejfe  jli  défaite,  dr  reconnoit  d'autres  a  S. 
„  qu'il  ne  rejie  plus  aucune  ijfue  à  la  confiance  qu'il  faifiit  paraître.    Et  après  quelques  d^aJi^/i 
,,  autres  difcours  :  Qu'un  feul  homme  me  faffe  voir  la  beauté  de  la  Vérité ,   fur  le  champ  Thcodorct. 
,,  elle  enlèvera  mon  fuffrage  :  mais  quelque  parade  que  la  multitude  dépourvue  de  raifons^'^^,^^^'^^ 
„  folides  fajfe  de  fin  autorité,  elle  peut  bien  infpirer  la   terreur,  mais  jamais  elle  »'<î«r^  "^'"^P'iurç 
„  le  don  de  perfuader.     Des  millions  d' hommes  feront-ils  capables  de  me  faire  accroire  qu'il  cité  dans  les 
„  n'efi  pas  jour  en  plein  midi,  qu'une  pièce  de   cuivre  efi  de  l'or  &  de  la  recevoir  fur  cf  ,^"^"  PP'" 
,,  pied,  eu  bien  de  prendre  un  poifon  manifcjle  pour  un  remède  falutaire  ?  En  un  mot  je  des  fidèles. 
„  ne  croirai  pas  devoir  foumettre  mon  jugement  k  la  multitude  errante  dans  ce  qui  concer- 
,,  ne  les  affaires  temporelles  :   dr   à  l'égard  des  dogmes   céieftes  je  me  rendrai  avcmlément 
„  au  premier  Jîgne ,  fans  me  fiucier  de  m' écarter  des  Traditions  fondées  fur  les  Témoigna- 
„  ges  de  la  Sainte  Ecriture ,   dr  transmifis  jufqu'à  nous  par  un  commun  confintement  de 
„  l' Antiquité  la  plus  reculée!  N'avons-mus  pas  appris  du  Seigneur,  qu'il  j  a  beaucoup 
„  d' appelles  mais  peu  d'Elus  ?    Et  encore ,  que  la  voie  qui  conduit  a  la  vie  efl  étroite  dr 
^,  qu'il  en  efi  peu  qui  la  trouvent  î   Vn  fini  homme  recommandable  par  fa  piété ,  par  fin 

R  2  ,  „  amour 


ïjt 


D     I     l^  E  .  R     s        E'    C     A     R     T    S 


DisstHT.j,  amcur  &  fa  fidéiitt  envers  Dieu  ,    efl  plus  eJiimahU  que  des  milliers  qui  fout  ojlentation 
îurl'aut.^^  ^(  l^i^y  p:tijjlince  avec  une  orgucilleiife  ccmérité   .   .  .    Il  ejl  donc  infininunt  avantaneux 
'  *""■     ,,   qu'un  feul  hommt  qui  a  de  fon  coté  U  jujiice  ^  s'arme  de  hardicjfe  pour  détruire  l'union 
„  pcrnicieufe  du  grand  nombre  .  .  .    Au  refte  le  grand  nombre  ne  laijfcra  pas  d'être  pour 
„  moi  refpctiable,  lorfquil  ne  fuira  pas  d'entrer  en  difcujfion^  mais  qu'il  préfcntera  des 
„  preuves  folides  ;  lorfquil  ne  févira  pas  avec  un  z.ele  amer  ,    mais  qu'il  conduira  au  bien 
„   avec  un  amour  paternel  ;  lorfquil  ne  fe  plaira  pas  à  innover ,  mais  qu'il  gardera  (  h 
doctrine  de  nos  Pérès,  qui  eft  le  plus  précieux  héritage  qu'il  nous  ont  laifle. ) 
IX.  II.  Les  Appelbns  ont  pour  eux  le  grand  nombre  des  fidèles,  puisqu'ils  ont  de  leur 

pcibns  ont  côté  quantité  de  Saints  qui  font  d:>ns  le  Ciel  ,  &  qui  pendant  qu'ils  étoient  fur  la  ter- 
^^^aîi'/ioTi-  ''^  O"^  toujours  fuivi,  prêché,  publié  h  même  dodrine  que  foutiennent  les  Appellans, 
bicJcsn'aé-  ainfi  qu'il  paroit  très  clairement  par  les  Ecrits  des  uns  &  des  autres, 
leur' ciitctous  "^  ''^"^  multitude  de  Saints,  il  faiit  joindre  tous  ceux  qui  ont  penfé,  &  penfent 
les S.i,iiis&  encore  a.ijourd'hui,  comme  eux:  ce  qui  fait  un  peuple  innombrable;  l'inondation  de 
omiblvi",!]»'  li  morale  relâchée  &  corrompue  qui  infede  à  préfent  le  champ  de  l'Eglife ,  n'ayant 
fuivcnt  qm    commencé  que  dans  lautre  Siècle  à  faire  de  grands  progrès. 

doàjuje.  '^"'  Enfin  les  Appelbns  auront  encore  de  leur  coté  tous  les  peuples  qui  entreront  dans 
l'Eglife,  lorfque  les  Juifs  convertis  prêcheront  toute  Vérité  d'un  bout  à  l'autre  du 
monde. 

Ceux  au  contraire  qui  condamnent  la  dodrine  pour  la  deffênfe  de  laquelle  les  Appel- 
lans fe  facrifient,  ne  îbnt  point  fur  ce  fujet  unis  de  fentimens ,  ni  avec  les  Saints  qui 
font  déjà  dans  le  fein  de  Dieu  ,  ni  avec  les  Catholiques  des  XV.  premiers  fiécles,  & 
d'une  grande  partie  du  XVI.  ni  même  avec  le  plus  grand  nombre  de  ceux  qui  vi- 
ve;u  à  préfent  ,  comme  M.  l'Evcquc  d'Auxerre  l'a  fi  puifTamment  prouvé  contre 
M.  de  Charancy  ;  &  ils  ne  le  feront  pas  non  plus  avec  les  Nations  qui  feront  la  r/- 
chcjfe  de  l'Eglife,  lorsq  le  toutes  chofcs  y  auront  été  rétablies. 
?.  L-Ègiife  ill»  Qu'eft-ce  que  l'Eglife  confidérée  félon  ce  qu'elle  a  de  plus  eflentiel  ?  C'eft  le 
conûdcree     corDs  mvftique  de  lefus-Chrift  compofé  de  tous  les  iuftes,  qui  fe  conduifans  par  fon 

comme  eunt     ,'.       ,'.i  /.,,  ^  ',  '  '  ^ 

Je  torps  inys-  elprit  deviennent  véritablement  les  membres. 

n"iftS''c'eiie^'      »  L'Eglife  efl:  le  corps  de  Jefus-Chrift ,  ^«>  S.  Paul,  Se  la  plénitude  de  celui  qui  ac- 

mentcom-    „  complit  tout  en  tou5  :  Ecclefia  qutt  eji  corpus   ipjius   c^  plenitudo  ejus  qui  omnia  in  om- 

les  Sitcies.        ,,  Jelus-Chiift  eft  la  tête  de  l'Eglife  qui  eft  fon  corps ,  dont  il  eft  le  fauveur  j 

Eph.1,12.     Chrijtus  caput  cjl  Ecclefi<t^  ipfe  filvator  corporis  ejus. 

..."  „  Ainfi  (ajoute-t-il)  quoique  nous  foyons   plufieurs,  nous  ne  fommes  tous  néan- 

„'  '   'o"    „  moins  qu'un  feul  corps  en  fefus-Chrift ,  &  nous  femmes  tous  réciproquement  mem- 

Kph.  IV.  ij.  „  brcs  les  uns  des  autres  :  lia  multt  unum   corpus  Jumus ,  JtnguU  autem  alter  alterius 

I  toi.  XII.    m.mbra. 

Ephefiy.ij.     5»  Ctïk.  de  Jefus-Chrift  que  tout  le  corps  de  l'Eglife.  .  .  reçoit  fon  accroifiement , 

*t'6-  ,,  pour  être  édifiée  dans  la  charité:  Chrijlus  ex  quo  totum  corpus  .  .  .    augmentum  facit 

in  itdificationem  fui  in  cantate. 

Phiiili.ît.  ^^  Q'cù.  lui  qii  transformera  notre  corps  tout  vil  &  abject  qu'il  eft,  aPn  de  le  ren- 
,,  drc  coif i.mc  'h  fon  corps  glorieux  :  Oui  reformabit  corpus  humilitatit  noj}r.t  corfigtf 
raium  corpori  clarit.ttis  fu.t. 

S.  Paul  appelle  aullî   l'Eglife,  l'Epcufe   de  Jcfus-Chrift  ;  &  il  comprend  fous  ce 

i«.^i7.  '  ^^"  fiom  tous  les  Saints  d:  tous  les  Siècles.  Car  il  efl  clair  qu'il  n'entend  parler  que  des 
Elus,  lorsqu'il  dit:  ,,  Jcfus-Chrift  a  aimé  l'Eglife  jufqu'.\  fe  livrer  îl  la  mort  pour  eK 
„  le,  afin  de  la  fanftifier  ...  ^'  de  la  faire  p.iroitre  devant  lui  tonte  brilKinte  de 
„  gloire,  n'.iyant  m  tache  ni  ride  ni  rien  de  fcmbl.iblc  ,  mais  étant  (aiiite  &  irrcprchcn^ 

„  fible. 


DES    CONSTITVTIONN'AIRES.  133 

'    fible.     Chrifliis  dilexit  Ecclejtam  dr  feipfftm  tradidit  fro  e.i  ,  m  illam  fayi£l  ificaret  .  .  .     Dissert. 

Ht  exhibcret  ipjè  fihi gloriofam  Ecdejiam  non  habentem  macKlam  aat  aliqttod   hnjtifinodi,^^^^ '"^^ 

fed  Ht  Jitfart£la  &  imraacuUita. 

Tels  font  uniquement  ceux  que  Dieu  „  a  élus  en  lui  avant  la  Cre'ation  du  monde  "''''•  ^'  ♦'^• 

,;  par  l'amour  qu'il  (leur)  a  porté,  afin  (qu'ih)  fuflent  faints  &  irrcpréhenfibles  de- 

-,  vant  fes  yeux  :  (  les  )  ayant  prédeftinés  par  un  pui-  effet  de  fa  bonne  volonté ,  pour 

les  rendre  fes  enfans  adoptifs  par  Jefus-Chrift  &  en  lui-même.    Ekgh  nos  in  iffo  ante 

mundi  confthutionem  ut  ejfemus  fuicli  (y  imfnaculati  in  confpccin  ejus  in  caritate ,  qui  pr^e- 

deftinavit  nos  in  adoptionem  filiorum  pcr  Jefum    Chrifium  in  ipfum  fecundum  propojitum 

voLuntatis  fu£.  • 

Auffi  S.  Paul  compare-t-11  l'Eglife  a  une  Vierge  toute  pure.     C'eft  ce  qui  fait  dire  à  2.Cor.xI.2. 

S.  Auguftin,  que  „rEglife  consiste  dans  les  fidèles  qui  font  gens  de  bien  ,  &  dans  7  de"bapt!'c. 

„  les  Saints  &  les  ferviteurs  de  Dieu  répandus  par  tout  &   liés  enfemble  d'une  unité  J'- 

j,  fpirituell;  dans  la  même  communion  des  Sacremens.  " 

,,  Le  corps  de  Notre  Seigneur  Jefus-Chrift,  ajoute-t-il,  c'eft  rEgIife,non  pas  uni-  j,^-"™-*-'" 
quement  cette  Eglife  qui  fubfifte  dans  le  lieu  &  dans  le  tems  où  nous  fommes,mais 
celle  .  .  .  qui  embraffe  tous  les  juftes  depuis  Abel  jufqu'à  ceux  qui  doivent  naître 
à  la  fin  des  Siècles  .  .  .  L'Eglife,  c'eft  tout  ce  peuple  de  Saints,  qui  appartient  à 
une  feule  Cité,  &  qui  eft  le  corps  de  Jefus-Chrift.  " 

En  effet  l'Eglife  triomphante  n'eft  qu'une  feule  &  même  Eglife  avec  celle  qui  com- 
bat fur  Ij  Terre,  qui  eft  dans  le  monde  ,   mais  qui  ne  vit  point  comme  le  monde.    Le 

Ciel  eft  la  véritable  &  l'unique  patrie  de  l'Eglife.  Elle  fe  forme  fur  la  Terre, mais  elle 

n'eft  faite  que  pour  les  Cieux. 

„  Depuis  le  jufte  Abel  jufqu'à  la  fin  du  monde  ,  &  pendant  toutes  les  générations,   ^"™-  5*'- 
dit  encore  S.  Auguftin,  chaque  jufte  qui   pafle  par  cette  vie,  &  tous  les  juftes  qui 
font  ici  maintenant ,   c'eft  à  dire  qui  vivent  fur  la  Terre  ,   &   ceux-mémes  qui  naî- 
tront dans  la  fuite,  ne  font  tous  qu'un  feul  &  unique  corps  de  Jefus-Chrift  dont  ils 
font  tous  fes  membres. 

„  L'Eglife  eft  l'héritage  de  Jefus-Chrift  ...  Cet  héritage  comprend  tous  les  Saints.  inP'^"?»- 
Tous  les  Saints  font  un  feul  homme  en  Jefus-Chrift, 

,,  Ceux  là  fans  doute ,  ajoute- t-il ,  ne  font  point  de   l'Eglife,  qui  quoique  vivans     Lib.  4-d« 
dans  fon  fein  ,    ne  font  pas  animés  de  l'efprit  de  Jefus-Chrift  &  ne  pratiquent  point  4! 
fes  Commandemens.     On  ne  peut  pas  dire  ,   que  des  perfoimes  de  cette  efpéce  ap- 
partiennent en  aucune  manière  à  l'Eglife  .  .   .    Qiii  ofera  afl"urer  que  ceux  qui  ne  re- 
noncent au  monde  que  de  bouche  ,    mais  nullement  de  cœur ,  foient  les  membres  de 
cette  colombe  (que  Jefus-Chrift  appelle)  ma  parfaite  amie  \ 

,,  Puisqu'il  n'y  a  que  les  bons,  dit-il  ailleurs  ,  qui  étant  régénérés  fpirituellement ,  e^çP^^^"''* 
entrent  dans  la  compofition  du  corps  de  Jefus-Chrift ,  en  devenant  fes  membres ,  fans  n.  60.  ' 
doute  que  c'eft  en  la  perfonne  de  ces  bons  que  consiste  l'Eglife  .  .  .  c'eft  à  di- 
re dans  la  perfonne  de  ceux  qui  bitiftent  fur  la  pierre,  &r  qui  après  avoir  écouté 
avec  refpeà:  les  paroles  de  Jefus-Clirift  ,  les  mettent  en  pratique.  Mais  l'Eglife  ne 
confifte  point  en  la  perfonne  de  ceux  qui  bâtiffent  fur  le  fable,  c'eft  à  dire  qui  écou- 
tent les  paroles  de  Dieu  &  ne  les  fui  vent  point  pour  régler  leur  vie. 

,,  Ceux  qui  fe   font  féparés  de  l'Eglife  par  un  fchisme  manifefte ,  dit-il  encore ,  re     Lib.  1.  de 
fout  pas  les  feuls  qui  ne  lui  appartiennent  point  :    car  dans   fon  unité  même  ceux  J^^P'-  '■  '°' 

„  qui  s'en  féparent  par  le  dérèglement   de  leur   vie  ,    ne  lui  appartiennent  pas   da- 

5,  vantage. 

„  Quiconque,  confondu  avec  les  bons  dans  le  fein  de  l'E^^Ufe,  y  fuit  aveuglément     ib!d. ci;, 

„  fes  paffions  charnelles' ,    eft  réellement  fèparé  de  l'unité  de  cette  Eglife  qui  eft  fans  "•^'^ 

„  taches  &  faas  rides. 

R  3  ,,L'E- 


15,^  DIVERS         E'    C     A     R     r    S 

Dissert.      ^^  L'Et^life  eft  pure,  chafte  &  fans  taches ,  c'eft  pourquoi  les  avares,  &c.  ne  font 
surl'aut.^^  point  de  fes  membres. 

DES  MiR.        ^^  Tous  ceux  qui  écoutent  h  parole  de  Jefus-Chrifl:,  mais  ne  li  mettent  point  en 
Jn.'i'.'''*''  5>  pratique,  font  véritablement  fcparés  de  l'Eglife. 

ib.  lib.  7.  c.      »  Te  voudrois  bien  vous  demander,  ajoute-t-il,  fi  vous  vous  imaginez  que  l'Eglife 

6.  n.  II.      jj  étant  repréfentée  dans  l'Ecriture  fous  le  fimbolc  d'une  colombe  douce,  fimple,  in- 

Tnô. 6.^in^^  Hoccnte,  fans  fiel,  fans  aigreur,  fans  aucune  méchanceté  .  .  .,  ceux  qui  ne  vivent 

>>  point  fi-lon  les  faintes  régies  de  l'Evangile  ,  peuvent  être  les  membres  de  cette  chafte 

„  colombe?  Non  fans  doute,  cela  ne  peut-être. 
Lib.i.coai.      ^^  Ccux  dont  la  confcience  eft  fouillée,  ne  foijt  plus  du  corps  de  Jefus-Chrift  qui 
lu  ''  ,,  eft  l'Eglife  :  car  Jefus-Chrift  ne  peut  avoir  des  membres  qui  foient  damnés.  " 

Telles  font  auffi  les  Maximes  répandues  dans  les  Ecrits  de  S.  Jérôme  &  de  S.  Gré- 

groire  le  Grand. 
Vil>î  Com.      „  Si  quelqu'un  eft  pécheur,  dit  S.  Jérôme,  &  qu'il  fe  foit  falli  de  quelque  tache, 
*'  ^"  „  on  ne  peut  pas  dire  qu'il  foit  de  l'Eglife  de  Jefus-Chrift. 

Hoir.«l.  19       „  L'Eglife  ,   dit  S.  Grégoire  le  Grand,  eft  la  vigne  compofée  de  tous  les  juftes  qui 

,,  ont  vécu  depuis  Abel  &  qui  naîtront  jufqu'à  la  fin  du  monde, 
î'âî'id  ioMn.'      >,   Les  Saints  avant  la  loi  ,    fous  la  loi  &  fous  là  grâce  ,  dit-il  encore ,  font  les  mem- 

„  bres  de  l'Eglife  &:  font  la  plénitude  du  corps  de  Jefus-Chrift. 
L.îo.Mor.     ^^  L'Eglife  fainte  des  Elus  ,  ajouie-t-il,  ne  regarde  pas  feulement  comme  fes  enne- 
c.  H.D.Z  .  ^^  ^.^  ^^^^  ^^j  abandonnent  fa  foi,  fe  féparent  d'elle,  mais  encore  tous  ceux  qui  l'af- 

„  fligent  en  menant  dans  fon  fein  une  vie  corrompue." 
\\.  Cependant  on  ne  peut  fe  diihmuler  que  cette  Eglife,  qui  conformément  à  fon  infti- 

i^'*fdcs'^mé-tution  devroit  être  toute  fainte  ,  ne  foit  au  contraire  depuis  long  tems  épouvantable- 
chïnsqui  mcnt  mêlée  ,  étant  remplie  de  mondains  &  de  méchans,  qui  furpaflent  prodigieufement 
ghTê^'its'  le  nombre  des  bons.  Mais  par  la  Providence  Divine,  cela  n'empêche  point  qu'elle 
dcffauij  de^^  ne  foit  l'Ecole  où  fe  forment  tous  les  Saints  ,  non  feulement  par  les  falutaires  inftruc- 
r%mpè.  tions  qu'ils  y  trouvent ,  &  par  les  bonnes  œuvres  que  la  grâce  de  Jefus-Chrift  leur  fait 
otvn/ne"'  ^airS)  "^ais  même  auffi  quelquefois  par  les  perfécutions  qu'ils  y  fouffrent. 
foit  la  feule  Au  refte  quoiqu'il  foit  très  vrai  de  dire,  que  les  réprouvés  ,  tels  qu'ils  foient  ,  ne 
roa's'ics  EUis  ^ont  point  partie  de  la  portion  vivante  de  l'Eglife  ,  puifqu'ils  font  très  éloignés  d'être 
tTouTcnt leur  les  membres  de  Jefus-Chrift,  cela  ne  conclud  pas  que  ces  réprouvés  ne  puiffent  être  du 
''''"''  nombre  des  chefs  de  l'Eglife  vifible  :    ce  qui  eft  fi  vrai  que  dès  les  premiers  tems  de 

fon  établifTement  S.  Paul  fe  plaignoit  déjà,  que  plufieurs  de  fes  Miniftres  chercboitnt 
_, ...    [.       leurs  propres  intérêts  (^  non  ceux  de  yefits-Chrift, 

Si  les  abus  fe  font  multipliés  ,   fi  le  dérèglement  des  mœurs  s'eft  augmente,  fi  les 

vices  fe  font  accrus,  fi  l'orgueil ,  l'ambition  &  l'intérêt  ont  pris  la  place  de  l'humilité, 

de  la  charité,  du  parfait  desinterreflement  que  tant  de  Saints  ont  fi  éminemment  prati- 
Rom.  III.  3.  que  dans  les  premiers  Siècles  de  l'Eglife ,  l'infidéliti  des  hommes  Annéantirat-elle  la  fide'~ 

lité  de  Dieu?  Non  certes,  dit  S.  Paul. 

Jefus-Chrift  ne  nous  a  pas  laiflc  ignorer  cet  affreux  mélange  qui  devoit  fe  former 

dans  l'Eglife  telle  qu'elle  eft  fur  la  Terre.  Car  c'eft  fans  doute  pour  nous  en  inftruire, 
Miuh.  XlII.que  tantôt  il  nous  la  repréfente  fous  la  pinbok  d' un  grand  filet  qu'on  jette  diins  U  mer  er 
-  '.  ...        <?«'  prend  toutes  firses  de  poifTons  .   .   .  hons  CT  mauvais  :  tantôt ,  comme  une  aire      oîi  il 

y  i  au  bled  mclc  avec  beaucoup  de  paille ,  qui  n  cil  propre  qu  à  ctre  vrutee  cLms  un  fen 

qui  ne  s'éteindra  jamais. 
Il  nous  dit  encore  que  c'eft  un  champ ,  où  le  Fils  de  l'homme  a  fcmc  de  bon  grain, 

&  où  le  diable  a  fcmé  de  l'ivraie. 
j^Veft.mor'.      Celui ,  dit-il ,  qui  feme  U  bon  grain ,  c'efi  le  Fils  de  l'homme! 
■''"'•  „  Oui,  Seigneur  Cs'<^cric  le  Pcrc  Quefnel)  nous  rcconnoiJoos  avec  joie  que  c'eft 

„vous 


DES    C  0  N  S  T  I  T  V  T  I  O  Kf  N  A,I  R  E  S.  13  j 

j,  vous  feul  qui  formez  les  Saints  ,   en  femant  dans  leur  cœur  par  une  grâce  toute  gra-    Dissert. 
tuite  tout  ce  qu'il  y  a  de  bon  :  en  y  faifant  germer  cette  femence  célefte  ,   &  eu  la  ^"'"'  •*"'''• 

„     IHllt    lUUL  Y  /-or      CL-r  1  '    •  J  •       o      J  DES    MIK. 

,,  faifant  croître,  mûrir  &  fructiher  ....  par  les  mentes  de  votre  vie  &  de  votre 
„  mort,  par  la  fainteté  de  votre  efprit,  par  la  puiffance  de  votre  grâce." 

A  la  fin  du  monde,  ajoute  Jefus-Chrift  ,  le  Fils  de  l'homme  envolera  fes  Anges,  ^«"''-  X^''- 
ront  de  fon  Royaume  tous  les  fcandales  ,  &  ceux  qui  commettent  l'ini-  ***  '*^* 


&  ils  enlèveront 


„  quité,  &  ils  les  jetteront  dans  la  fournaife  de  feu." 

Mais  quoique  le  Rojaume  de  Jefus-Chrift  fur  la  Terre ,  c'eft  à  dire  l'Eglife  vifi- 
ble,  foit  rempli  de  fcandales ,  &  de  gens  qni  commettent  V iniquité  ,    ce  Royaume  n'en 
eft  pas  moins  le  feul  Empire  oîi   demeurent  tous  les  Saints  qui  habitent  aftuellement 
dans  le  monde:  il  n'en  eft  pas  moins  Ut  Aiaifon  du  Bien  vivant  .  .  ,  la  colomne  (^  U  iTim.III. 
bafe  de  la  Férité.  ^' 

En  effet  ce  n'eft  que  dans  l'Eglife  Catholique  qu'on  apprend  à  croire  la  totalité  des 
Vérités  que  Dieu  a  révélées  ,  à  efperer  avec  une  légitime  confiance  le  bonheur  éter- 
nel qu'il  a  promis,  à  pratiquer  avec  amour  tous  les  Commandemens  qu'il  a  faits. 

Les  deffauts  que  peuvent  avoir  une  grande  partie  des  Miniftres  de  l'Eglife,  n'empê- 
chent point  qu'elle  ne  foit  l'unique  que  Jefus-Chrift  &  les  Apôtres  ont  établie  ,  & 
qu'il  ne  l'ait  évidemment  deftinée  à  conduire  les  Elus  au  falut  ,  ^finguliéremeiit  par  les 
grâces  infiniment  précieufes  qui  fortent  de  tous  les  Sacremens  qu'il  a  inftitués. 

C'eft  la  vertu  du  facrifice  de  Jefus-Chrift  qui  donne  l'efficace  aux  Sacremens  :  c'eft 
l'efprit  de  Dieu  qui  fait  produire  ,  lorfqu'il  lui  plaît ,  un  fruit  falutaire  aux  inftruc- 
tions ,  quand  même  elles  feroient  imparfaites.  Aulîi  tout  cela  peut  s'opérer  par  le  mi- 
niftére  de  Prêtres  méchans  &  réprouvés. 

Le  Sacerdoce  eft  digne  des  Anges  :  mais  les  Miniftres  font  des  hommes,  qui  peu- 
vent être  fujets  à  toute  la  corruption  des  enfans  d'Adam,  fe  conduire  par  les  ténèbres 
de  leur  propre  efprit  ,  &  fe  laifler  emporter  par  leurs  paffions.  Mais  lorfque  Dieu  le 
permet,  il  fait  bien  en  tirer  fa  gloire. 

Par  exemple  ,  fi  depuis  quelques  années  il  a  fouffert  ,  que  plufieurs  Miniftres  de 
fon  Eglife  s'aveuglaflent  jufqu'au  point  de  traiter  comme  des  hérétiques  &:  de  refufer 
les  Sacremens  à  ceux  de  fes  ferviteurs  qui  foutiennent  toute  Vérité  ,  il  a  fait  en  forte 
par  la  puiffance  de  fa  grâce  ,  que  le  principal  &  le  plus  frappant  des  effets  que  ces  in- 
juftices  ont  produit,  a  été  de  faire  paroître  avec  un  plus  grand  éclat  l'humilité,  la  pa- 
tience &  les  autres  vertus  qu'il  lui  a  plû  de  donner  à  ceux  qui  ont  ainfi  foufïêrt  perfé- 
cution  pour  la  juftice. 

Malgré  tout  cela  il  faut  avouer ,  que  l'Autorité  fouverainement  refpeélable  des  Cons- 
titutionnaires  eft  d'un  très  grand  poids  pour  fubjuguer  ceux  des  Catholiques  qui  ne 
font  point  affez  inftruits  pour  diftinguer  l'Autorité  en  elle-même  ,  telle  que  Jefus- 
Chrift  l'a  donnée  pour  édifier  &  non  pour  détruire,  de  l'abus  qu'on  en  fait  aujourd'hui 
en  l'employant  à  faire  profcrire  des  Propofitions  contenues  en  termes  formels  dans  le 
Nouveau  Teftament,  enfeignées  &  pratiquées  par  tous  les  Saints. 

„  L'Autorité  de  l'Eglife  &   du  corps  des  Pafteurs  ,   dit  le  Père  Quefncl  ,  ne  ga-    Refl.  mor. 

rentit  que  ce  qu'elle  a  reçu  de  Jefus-Chrift  par  la  Tradition  des  Apôtres  &  de  leurs  ^xin  1 
„  fucceffeurs.  " 

Auffi  Dieu  eft-il  venu  vifiblement  lui-même  au  fecours  de  ceux  qui  par  trop  de 
fimplicité  auroient  pu  fe  laiifer  féiuire,  quoiqu'ils  defiraffent  de  tout  leur  cœur  de 
ne  fuivre  que  la  Vérité. 

Il  eft  de  notoriété  publique,  que  depuis  1717.  Dieu  a  fait  &  ne  celTe  point  Je  fai-      X  1 1. 
re  un  très  grand  nombre  de  Miracles  par  l'intercefllon  des  Appellans.    Or  il  eft  évi-  d^dair^'f' 
dent  que  ces  Miracles  décident  de.  la  manière  la  plus  exprefTe,  que  l'Appel  eft  la  def-  dcsMiutirt, 
fenfe  légitime  des  Vérités  très  mal  à  propos  profcrites  par  la  Bulle  ,    ôf  que  les  perfé-  eftu  vin?*! 


5> 


i^(j  D    /     r   E     R    s       r    C    A    R    T    s^ 

Dissert. entions  qu'on  fait  fouffiir  aux  Appellans  ,  font  pour  eux  le  chemin  du  Ciel  ;  puis- 
«UR  L'AUT.  jj  -Qjg^  jgyj.  déclare  pnr  ces  Miracles,  qu'il  a  dcja  comblé  de  gloire  les  plus  faints 
DES  Ml R.   j.çj^jj.^   g^,j^      çn   récompenfe   du   témoignage   qu'ils   ont    rendu    publiquement   à  la 

tcrconue  lui    ...    / 
que  de  relu- Vente. 

feidefcfoi:-      Aucun  bon  CatViolique  n'ofera  fans  doute  conteftcr  ,  que  les  Miracle-;  ne  foient  une 
^iTeccs^h-  prérogative   furnaturellc  &  un  appanage  merveilleufement  diftinélif,  dont  Jefus-C  hrift 
rades  (icci-  g,.3tif^^e  fgn  Eglife  pour  convaincre  tous  les  hommes  vraiment  raifonnables  ,    qu'il  ha- 
bite au  milieu  d'elle,  que  ce  n'eft  que  chez  elle  qu'on  trouve  toutes  le?  branches  de 
la  foi  parfaite  &:  fandifiante  qu'il  eft  venu  apporter  dans   1:  monde  ,    &  que  cette  E- 
glife  eft  la  montagne  fainte  où  il  répand  fes  rofces  les  plus  précieufes.    Mais  lorfque 
dans  un  tems  de  divifion  ,  il  fait  une  multitude  de  Miracles  par  l'intercelTion  &  le  ca- 
nal de  ceux  qui  ont  foi'.tcnu  ou  qui  foutiennent  certaines  Vérités ,    peut-il  y  avoir  une 
preuve  plus  claire,  plus  décifive,  plus  évidente,  qu'il  prend  lui-même  la  deffènfe  de 
ces  Vérités  qui  par  conféquent  ont  toujours  été  la  foi  de  l' Eglife? 
Luc.IX.  i.2>      Ce 

maladie 

nés  à  l'hgUle  qi 

les  dons  que  Dicului^  faits. 

Lorfque  Jefus-Chrift  donna  à  fes  Apôtres  ce  merveilleux  pouvoir  ,  ce  fut  afin  qu'à 
la  vlie  de  ces  œuvres  où  fa  préfence  ,  fa  toute-puiflance  &  fa  bonté  fe  manifeftent 
avec  un  éclat  qui  ne  peut  appartenir  qu'au  Très-haut  ,  les  Payens  mêmes  reconnufTent 
que  ces  Apôtres  venotent  de  fa  part ,  &  qu'ils  priflent  une  entière  confiance  en  tout  ce 
qu'ils  leur  difoient.  Ainfi  l'objet  des  Miracles  a  été  dès  le  commencement  de  la  Reli- 
gion, de  fervir  de  preuves  à  la  Vérité.  Qui  peut  douter  que  dans  la  fuite,  ils  n'aient 
pareillement  pour  but  principal  de  manifefter  clairement  aux  fidèles  de  quel  côté  eft 
la  Vérité  ,   lorfqu'elle  fe  trouve  contredite  dans  la  maifon  même  où  elle  doit  toujours  • 

Nier  la  réalité  de  ce  grand  nombre  de  guérifons  Miraculeufes  opérées  coup  fur  coup 
depuis  près  de  20.  ans  par  l'intcrceOiion  de  M.  de  Paris, de  M.  RouflCjde  M.  Soanen 
Evcque  de  Senez  &  autres  Appellans,  ce  feroit  nier  une  multitude  de  faits  publics,  qui 
ont  eu  des  milliers  de  Témoins  oculaires.  Auffi  n'ofe-t-ou  le  faire,  du  moins  fans  quel- 
que modification,  dans  Paris  où  Dieu  a  opéré  la  plus  grande  partie  de  ces  Miracles.  Mais 
même  en  quelque  endroit  du  monde  que  ce  puiffe  être,  on  ne  peut  refufcr  de  les  croi- 
re que  par  une  prévention  &  une  obftination  inconcevable.  Par  exemple  ,  comment 
fcroit-il  poflfible  qu'on  réfiftat  de  bonne  foi  aux  preuves  invincibles  que  j'ai  npportées 
de  pluficurs  de  ces  Miracles? 

Attribuer  ces  Miracles  à  Beelzebut  ,  quoiqu'il  y  en  ait  un  grand  nombre  où  \i 
main  du  Créateur  a  paru  avec  une  évidence  parfaite ,  ce  feroit  renouveller  le  blasphème 
des  Pharifiens:  ce  feroit  rcfufer  d'en  croire  le  Verbe  Eternel  ,  qui  nous  a  déclaré  ex- 
prclfément  que  les  Miracles  font  les  œuvres  d;  fon  Pérc,  Ofera  patris  mei  :  ce  feroit 
ébranler  un  des  plus  fermes  appuis  de  la  Religion  :  ce  feroit  contredire  tous  les  Pérès 
&■  tous  les  autres  Saints  ,  qui  tous  ont  unanimement  foutenu  contre  les  Payens  &  les 
Hérétiques  ,  que  la  Miracles  font  la  -voix  (j  le  tèimigHage  de  Dieu  :  aiafi  ce  feroit  fe 
féparcr  vifiblemcnt  de  l'Eglife  du  Ciel  ,  en  "publiant  des  principes  oppofés  à  ceux  que 
nous  tenons  de  Jcfus-Chrift  &r  de  tous  les  Saints. 

Avouer  que'  les  Miracles  ne  peuvent  avoir  pour  auteur  que  le  Souverain  Maître  de 
h  nature,  &  néanmoins  refufcr  de  fe  foumettre  cl  ce  qu'ils  décident  ,  ce  feroit  fe  r»^'- 
volrer  ouvertement  contre  Dieu  :  ainfi  ce  feroit  fe  fermer  à  foi-même  h  porte  de  la  rai- 
féricorde. 

Pouffer  h  témérité  jufqu'à  porter  un  jugement  formel  contre  h  Dccifion  précil'c  du 

Très- 


1 


DES    CONSTITVTIONNAIRES.  "157 

Très-haut ,  &  condamner  aux  fupplices  cternels  de  l'Enfer  ceux  qu'il  déclare  par  une     Dissert. 
multitude  de  Miracles  être  du  nombre  de  fes  Saints  ;    ce  feroit  faire  injure  à  Dieu  mê-  s"Ri-'aut. 
me,  ce  feroit  l'accufer  de  faux  témoignage  &  de  faire  des  Miracles  pour  nous  trom-  ^^'  ^^^' 
per  :  ce  qui  eft  un  blafphéme  que  des  oreilles  Chrétiennes  ne  peuvent  entendre  fans  en 
frémir. 

La  feule  relTource  des  Conftitutionnaires  pour  tâcher  de  fe  fouftraire  à  l'Autorité  de 
cette  voix  Divine  ,  &  pour  empêcher  les  peuples  de  fe  conduire  à  la  lumière  de  ce 
flambeau  célefte  ;  c'eft  de  fuppofer  ,  qu'il  n'appartient  point  au  commun  des  fidè- 
les de  juger  des  Miracles  ,  &  que  ce  droit  eft  réfervé  uniquement  aux  premiers  Pas- 
teurs de  l'Eglife  :  par  où  ils  s'efforcent  d'infinuer  que  les  fidèles  doivent  fe  fermer  les 
yeux  du  corps  &  de  l'ame  ,  &  n'avoir  aucune  foi  ni  aucun  refpeâ;  pour  le  Té- 
moignage de  Dieu  ,  à  moins  qu'il  ne  plaife  aux  Evéques  de  le  revêtir  de  leur 
Autorité. 

Voilà  au  fond  en  dernière  analyfe,  ce  que  les  Conftitutionnaires  difent  fur  ce  fujet 
de  plus  féduifant  :  mais  comme  cette  Queftion  eft  d'une  extrême  importance  dans  le 
tems  où  nous  fommes,  je  crois  nèceffaire  de  la  traiter  avec  quelque  étendue. 

§.  VII.  Les  Miracles  portent  avec  eux  la  preuve,  qu""  il  s  font  l'œuvre  de 

'Dieu  s  é'  il  y  a  àes  moyens  à  la  portée  des  Jîmples  pour  les  difcer- 

ner  fùrement  des  fuper chéries  du  démon. 

CE  fera  au  jour  du  jugement  une  bien  mauvaife  excufe,  de  dire  que  les  Miracles  , .  '-^.j, 
faits  en  faveur  de  l'Appel,   des  Convulfions  &  des  Secours,  ont  été  rejettes  par  des  Miracles 
des  Puiflances  Ecclèfiaftiques  &  par  des  Dofieurs  célèbres.    Ceux  de  Tsfus-Chrift  ne  Vv"' '''i- 

i'-i  /   /         ■  rr  ir-  11  i.~  ■•/-  Dieu  :  Cl  e 

1  ont-ils  pas  ete  puiliamment  pendant  la  vie  mortelle,  par  le  Souverain  Pontife,  par  les  le  manifcitc 
Princes  des  Prêtres  &:  par  les  Dofteurs  ?  §'««",'&'' 

Les  vrais  Miracles  n'ont  pas  befoin  d'emprunter  l'Autorité  des  hommes:  ils  ont  par  «He  ne  dé- 
eux- mêmes  une  Autorité  Divine  ,  puifqu'ils  font  fpècialement  les  œuvres  &   le  té- ^"équeslu* 
moignage  de  Dieu  j  &  c'eft  par  leur  évidence  qu'ils  prouvent  leur  réalité.  desDocicuu. 

Il  eft  vrai  néanmoins,  que  c'eft  aux  Evéques  qu'il  appartient  de  faire  les  Informa- 
tions juridiques  des  Miracles,  &  d'en  conftater  la  certitude  par  des  Inftrudions  Pafto- 
rales.  Mais  lorfqu'ils  refufent  de  remplir  ce  devoir,  parce  que  les  Miracles  condam- 
nent le  parti  qu'ils  ont  embrafTé,  les  fidèles  doivent-ils  pour  cela  méconnoître  la  voix 
de  Dieu,  &  fe  fermer  volontairement  les  yeux  pour  ne  point  voir  la  brillante  lumière 
dont  il  les  éclaire  ? 

Quoi  !  Appartiendroit-il  donc  aux  Prélats  de  dérober  aux  fidèles  les  faveurs  furna- 
turelles  que  Dieu  feul  fait  pour  les  inftruire  lui-même  ?  Les  hommes,  tels  qu'ils  foient, 
peuvent-ils  avoir  droit  d'ètoufièr  la  voix  du  Très-haut  ? 

,,  Lorsque  les  Supérieurs  qui  font  en  droit  de  faire  cet  examen  avec  Autorité,  cUfoit^^^^^^^^"^- 
„  M,  Petitfied  dans  la  Lettre   que  j'ai  déjà  citée,  manquent  à  leur  devoir  :   lorsque  Juiiieii?^*. 
„  comme  dans  l'affaire  préfente  ils  refufent  de  le  faire  ...  au  défaut  d'une  notoriété  LemediM. 
,,  juridique,  la  fimple  notoriété  de  fait   suffit  pour  ne  biffer  aucun  lieu  de  douter  ^c  Scuez , 
,,  de  la  vérité  des  Miracles  opérés  en  fu-eur  d'un  grand  nombre  de  ceux  qui  ont  eu  ^'  ''' 
„  recours  à  l'intercefTion  de  I\l,  de  Paris.   Ainfi  la  preuve  qu'on  en  tire  pour  faire  voir 
„  la  fainteté  de  la  vie  de  ce  faint  Diac  e  &  la  pureté  de  la  doâirine  pour  laquelle  il  a 
„  toujours  témoigné  un  très  grand  zèle,  fubfifle  dans  toute  fa  force.   Et  dans  les  dis- 
„  putes  préfentes  où  les  grandes  Vérités  qui  doivent  fervir  de  principes ,  font  obfcur- 
„  cies,  les  Miracles  de  M.  de  Paris  font  non  feulement  pour  les  fimples,  mais  pour 
„  hs  perfonnes  éclairées,  une  voie  courte,  fimple  &:  décifive  pour  difcerner  de  quel 

Dijfm.  Tom.  II.  S  „  côte 


DES  MIR. 


5> 


ij8  LES    MIRACLES    SE     PROUVENT 

DissEUT.  côté  ert  h  Vérité.  Ils  font  de  plus  une  preuve  de  la  vérité  de  la  Religion  Catholi- 
.«vrl'aut.'  q,,g  contre  toutes  les  Seftes  féparées  de  l'Eglife.  On  doit  beaucoup  s'affliger  de  ce 
qu'elles  n'en  profitent  point,  &  de  ce  que  ceux  qui  la  devroient  faire  valloir,  tra- 
vaillent à  l'obfcurcir  &  à  l'afibiblir.  On  a  vu  des  Proteftans  touchés  &  ébranlés  du 
récit  de  ces  Miracles  :  mais  ces  boiues  dispofitions  fe  dctriiifent  par  l'oppofition 
que  témoignent  à  ces  Miracles, ceux  qui  font  les  dépofitaires  de  l'Autorité  fpirituellc 
„  &  temporelle. 

Cepend.int  bien  loin  que  cette  oppofition  dût  diminuer  h  foi  que  les  Proteflans  de- 
vroient avoir  pour  ces  Miracles ,  il  femble  au  contraire  que  les  preuves  invincibles 
qu'on  leur  en  fournit ,  devroient  leur  faire  d'autant  plus  d'impreffion ,  que  les  Témoins 
qui  les  atteftent  ne  peuvent  avoir  en  vue  que  d'en  recevoir  après  leur  mort  la  récom- 
penfe  du  Dieu  de  toute  Vérité.  Ils  n'ignorent  pas,  qu'en  rendant  ce  témoignage,  ils 
encourrent  la  disgrâce  des  PuilTances,  dont  ils  dépendent:  il  n'y  a  donc. que'  Ë  défif 
dt  plaire  à  Dieu,  &  d'être  utiles  au  prochain,  qui  ait  pu  les  engager  à  faire  uû«  telle 
démarche ,  Ci  contraire  à  tout  intérêt  humain. 

Ajoutons  que  non  feulement  le  refus  que  font  aujourd'hui  la  plupart  des  Evoques ,' 
d'examiner  les  Miracles  que  Dieu  opère  parmi  nous ,  n'eft  pas  une  preuve  de  leur  faus- 
feté  mais  que  c'efl;  au  contraire  un  témoignage  muet  qu'ils  leur  rendent ,  n'efpérant 
pas  pouvoir  en  obfcurcir  l'évidence  par  la  tournure  de  leurs  Informations.  Car  puifque 
ces  Miracles  décident  contre  leurs  préventions ,  ils  n'auroient  pas  manqué  de  les  cou- 
vrir d'un  voile  d'incertitude ,  s'ils  avoiént  cru  pouvoir  y  réulîir  par  une  Information 
juridique.  C'eiit  été  un  moyen  bien  plus  fpécieux  &  bien  moins  odieux ,  que  d'ofer 
dire  ainfi  que  quelques-uns  d'entre  eux  ont  fait, que  ces  guérifons  Miraculeufes ,  quel- 
que furprenantes  qu'elles  puiffent  être,  ne  font  que  des  artifices  de  Satan ,  &  que  d'em- 
ployer leur  crédit  pour  perfécuter  ou  pour  décrier  ceux  qui  les  atteftent  &  Igs  pu- 
blient. Mais  plus  on  fait  d'efforts  pour  étouffer  ce  flambeau  de  la_ Vérité,  plus  tous 
les  Chrétiens  doivent  avoir  d'empreffement  pour  profiter  de  fa  lumière. 

Ce  n'eft  point  des  Evêqucs ,  c'eft  de  Dieu  même  que  les  Miracles  reçoivent  efTen- 
Aûes.V.ij.  tiellement  leur  Autorité:  ils  font  fa  voix.    Or  il  n'eft  pas  douteux  qu'il  ne  faille  obéir 
à  Dieu  plutôt  qu'aux  hommes  :  Obcdire  oportet  Dco  magis  cjuam  hominibus. 

Oferoit-on  prétendre  que  l'Autorité  de  quelques  Evcques,ou  de  quelques  Doéleurs 
peut  dispenfer  de  cette  régie  immuable  ?  N'étoit-ce  pas  au  grand  Prêtre  &  à  tous  les 
Chefs  de  la  Religion  judaïque,  qui  fubdftoit  encore,  que  S.  Pierre  parloit  ainfi  ? 

Il  eft  vrai  que  la  voix  de  l'I^glife  eft  la  voix  de  Dieu  également  comme  celle  des 
ISlirades  :  auffi  jamais  ces  deux  voix  Divines  ne  peuvent-elles  fe  trouver  en  contradic- 
tion •  &  comme  il  eft  de  toute  impoftibilité  que  Dieu  parle  par  des  Miracles  contre  u- 
ne  véritable  Décifion  de  l'Eglife,  il  eft  pareillement  impofl'ible,  qu'il  y  ait  une  vérita- 
ble Décifion  de  l'Eglife  dans  un  Décret  combattu  par  de  vrais  Miracles.  Ainfi  toute 
la  conféquence  qui  réfultc  de  ces  principes  inconteftables ,  c'eft  que  très  certainement 
les  Evêques  &  les  Doâeurs  qui  donnent  au  diable  des  Miracles  Divins,  ne  font  point 
en  cette  occafion  la  voix  de  l'Eglife.  ^ 

Encore  une  fois  les  vrais  Miracles  n'attendent  pas  pour  être  le  témoignage  de  Dieu," 
qu'ils  aient  été  examinés  par  les  Evê<iucs.  Leur  examen  ne  peut  même  rien  ajouter  à 
leur  Autorité  intrinféque.  Le  droit  des  premiers  Paftairs  à  l'égard  des  Miracles,  eft 
feulement  d'en  démontrer  la  certitude  par  les  Informations,  où  ils  en  nlTemblent  les 
preuves,  &  d'en  augmenter  l'authenticité  par  la  publication  qu'ils  ai  font.  Mais  avant 
que  les  Evcques  les  examinent  &  les  publient ,  ils  n'en  font  pas  moins  la  voix  de  Dieu  : 
&  fi  des  motifs  humains  les  engagent  à  les  rcjcttcr,  ils  n'en  doivent  pas  moins  être 
crus,  d'autant  plus  que  les  Miracles  ne  font  pas  feulement  promis  à  l'Eglife  pour  la 
diftinguer  des  Seâcs  par  le  plus  brillant  des  caraâcrcs  Divins  de  la  Toute  puiffince 

jointe 


I 


PAR     L  E  V  K     r  r  J H  g  N  C  E  ,    t^ei^  ij, 

jointe  à  la  Bonté;  ils  lui  font  auffi  donnés  pour  lui  faire  reconnoître  les  vrais  deffenfeurs  Disseri  , 
de  la  Vérité,  entre  deux  partis  qui  fç  combattent  dans  fon  fein,&  qui  font  tous  deux  ^""^ ^'■*"■^• 
profeffion  d'être  fes  enfans.  '    ^'^  ""'• 

La  trace  des  Miracles  eft  cçUç  de  la  doctrine  de  l'Evangile  &  de  la  Tradition,  Ils 
font  la  preuve  de  la  pureté  de  la  foi  :  ils  font  la  Décifion  de  Dieu  même.  C'eft  par  les 
Miracles  qu'il  a  établi  la  Religion  :  il  la  maintiendra  par  les  Miracles  jusqu'à  la  fin; 
&  rien  n'eft  plus  convenable  à  fi  Bonté,  que  de  venir  lui-même  au  fecours  des  fimples, 
en  les  éclairant  par  la  vive  lumière  des  Miracles,  lorfqu'ils  font  en  un  danger  preffant 
d'être  aveuglés  par  les  apparences  impofantes  &  les  faftueux  dehors  de  l'Autorité  la  plus 
vénérable.  Or  fi  dans  le  tems  oîi  la  Vérité  efl  obfcurcie  par  des  Décrets  favorables  à 
l'erreur ,  &  que  néanmoins  la  prévention  ou  la  politique  ont  fait  accepter  à  un  très  grand 
nombre  d'Evêques ,  la  foi  que  l'on  doit  aux  Miracles  &  la  foumiffion  à  leur  témoio-na- 
ge,  dépendoient  du  jugement  que  chacun  de  ces  Prélats  en  pourroit  faire,  les  Mira- 
cles deviendroient  le  jouet  de  la  paflion  &  des  préjugés  des  hommes;  &  Dieu  ne  pour- 
roit plus  déci  ier  lui-même  ,  par  ime  voie  furnaturelle  &  vifible,  les  difputes  qui  fe  fe- 
roient  élevées  dans  l'Eglife,  ou  pour  mieux  dire,  fa  Décifion  feroit  foumife  &  fubor- 
donnée  à  celle  de  fes  créatures ,  à  leurs  intérêts  -humains  &  aux  divers  engagemens  au'ils 
auroient  pris. 

Pour  fentir  vivement  l'abus  qui  pourroit  réfulter  d'un  tel  pouvoir  entre  les  mains  des 
hommes,  il  ne  faut  que  fe  rappeller  les  troubles  du  IV.  Siècle  de  l'Eglife,  lorsque  S, 
Athanafe  réfiftoit  presque  feul  à  la  multitude  des  Evêques  qui  avoient  accepté  les  for- 
mules des  Ariens,  &  qui  loin  de  fe  foumettre  à  la  Décifion  des  Miracles  que  Dieu  fit 
alors  en  faveur  de  ceux  qui  foutenoient  l'ancienne,  foi,  les  décrioient  de  toutes  leurs 
forces ,  en  contefloient  les  preuves ,  &  en  nioient  la  vérité. 

Dans  quel  précipice  ne  tombèrent  point  en  ce  tems  là  ceux  qui  préférèrent  le  fenti- 
ment  de  leurs  Evêques ,  révoltés  contre  les  Miracles,  à  l'Autorité  de  ces  œuvres  de 
Dieu  ? 

La  principale  dispofition  ,  pour  être  en  état  de  bien  juger  des  Miracles,  eft  de 
n'avoir  point  de  préjugés  dans  l'esprit  ni  de  pafficns  dans  le  cœur,  qui  empêchent  de 
reconnoître  le  doigt  de  Dieu  lorsqu'il  s'y  montre  vifiblement.  Un  cœur  pur ,  un  ef- 
prit  droit  &  dégagé  de  toutes  préventions,  font  des  qualités. bien  plus  néceflaires  pour  en 
porter  un  jugement  juRe ,  que  celles  d'être  un  Prélat  ou  un  Dcfteur  célèbre. 

Pendant  la  vie  mortelle  du  Sauveur  du  monde  ce  fut  au  peuple  que  Dieu  fit  la  grâ- 
ce de  reconnoître  fa  voix  dans  le  témoignage  des  Mirgchs  ;  tandis  qu'il  laiffoit  presque 
tous  les  Princes  des  Prêtres  &  les  Docteurs  s'endurcir  dans  leurs  préventions. 

Que  devinrent  ceux  ^des  Juifs ,  qui  fe  crurent  obligés  de  fuivre  aveuglément  leurs  l'eriicLya- 
avis  ?•  J'ai  déjà  obfervé  ci-deflus,-  que  Jefus-Ghrift  leur  a  déclaré  *  c{\xau  pur  du  ;«-  bie  où  fe  li- 
ge-Ment  ils  feront  traités  plus  rigourenfemem  que  les  habitans  de  Sodome  i  parce  que  c'eft  qurLtrT-" 
infulter  Dieu-même, que  de  méprifer  fa  voix  &  de  faire  plus  de  cas  de  la  Décifion  des  l'u^n'aud^- 
hommes,  que  de  fon  propre  Témoignage.  î"cies"ue'" 

AuOî  S.  Athanafe  va- t-il  jusqu'à  dire,  que  ceux  qui  ont  ofé  donner  à  Beelzebut  les  "^^'^i^^^^^j 
Miracles  de  Jelus-Chrift,  ,,  ont  bien  mérité  d'être  punis  par  un  fupplice  éclattant  pour*Ma«h.X!! 
„  une  telle  impieté,  parcequ'ils  ont  pris  le  diable  pour  Dieu,  &  qu'ils  ont  penfé  que I^Athan. E- 
„  les  démons  peuvent  faire  d'aulli  grandes  œuvres  que  Celui  qui  eft  véritablement  Dieu."  pi"-4  ad'Se- 
Aierito  pro  tuli  impietate  obmxit  fimt  i-idepreual/ili  fitpplicio  :  nam  &  diaholtim  prp  2?f<j"^'  °' "* 
habuermt ,  &  eum  qui  vere  &  reipfà  Deus  efi ,  exiftimavermt  nihilo  plus  vt  operibus  pojfe 
quam  dœmcnes. 

,,  Ceux  ,  dit-il  pins  bas ,  qui  attribuent  au  diable  les  œuvres  de  Dieu ,  non  feulement  [bij   ^  ,, 
„  jettent  les  chofes  faintes  aux  chiens,  mais  même  ils  comparent  Dieu  avec  le  diable, 
.„  &  ils  donnent  là  lumière  pour  des  ténèbres.   Tel  fut  le  blasphème  irrémiflible  des 

Si  „  Pharificns, 


140  LES     MIRACLES     SE     V  RO  V  VE  NT  ^ 

Dissert.      Pharifiens,  ainfi  que  S.  Marc  l'obferve  par  ces  paroles:  Si  qucl^urift  bUsph'me  contre 

suRL'AUT.      le  s.  Esprit ,  il  t'en  recevra  jamais  le  pardon,  qt  il  fera  coupable  d'un  péché  éternel, 

DEsMiR.         Q^^  malheureux  (ajoute  S.  Athanafe),  s'immoloient  au  démon  ,  en  difant  .  .  .  que 

les  œuvres  de  Dieu  étoient  les  œuvres  du  diable  .  .  .  Pourq'.'oi  ne  reconnoiflbicnt- 

ils  point ,  par  les  œuvres  du  Fils  de  Dieu  ,    qu'il  étoit  dans  Ton  Père  &  que   fon 

Pcrc  ctoit  dans   lui?    C'eft  qu'ils  aimoient  mieux  fuivre   les  impreflîons  de  Beel- 

,  zebut  qui  parloit  en  eux   &  qui  leur  perfuadoit  que  Jefus-Chrill:  n'étoit  fimple- 

mcnt  qu'un  homm: ,   au  lieu  qu'ils  auroient  du  rcconnoitre  &  confcfTer,  qu'il  c'toit 

Dieu  lui-même,  puisqu'il  faifoit  des  œuvres  qui   font  propres   à  Dieu  feul.    C'eft 

^]  ainfi  qu'ils  ont  fait  leur  Dieu  de  Beelzebut  qui  habitoit  en  eux,  afin  d'être  tourmen- 

te's  avec  lui  dans  des  feux  éternels.  "    /«  <]»i  Dei  opéra  diabolo  adfcribunt ,   non  folum 

^janBa  canibus  proyciunt ,  fed  &  Deum  diabolo  comparant ,  q-   lucem  tenebras  effe  dicunt. 

Hanc  ccrte  effe  Pliarifdorum  nunquam  remittcndam  blasphemiam  Aïarcus  gbfervavit  his 

verbis  :   qui  autem  blasphemaverit  in  Spiritum  Sancflum ,  non  habet  remilîionem,  fed 

reus  eft  xterni  delifti  .   .   .   Immolabant  mtpri  djemonio ,  dicenres  Dei  opéra  damonum  es- 

Ce  .  .  .   Ouare  non  ex  eperibus  percipiebant  Dei  Filium  in  Pâtre  cjfe  &  Patrem  in  ipfo  ? 

Immo  poTîùs  ipfum  BeeUebut  habebant  in  Je  lotjuentem ,  ut  ex  humanis  eum  horninem  dun- 

taxat  vocarent ,  ex  operibus  autcm  cjitx  Dei  propria  erant ,  non  iiidcm  illum  ejfe  Dcum  con- 

fiterentur,  fed  pro  BeeUebut  qui  in  ipfis  habit  abat ,  Deum  facerent ,  ut  cum  illo  tandem  a- 

tcrno  igné  cruciarentur. 

Si  les  Miracles  font  des  œuvres  propres  à  Dieu  feul  :  fi  c'eft  une  impiété  qui  mérite 
d'être  punie  par  des  fupplices  éternels,  que  d'attribuer  de  vrais  Miracles  à  BeeUebut :  Ci 
c'eft  comparer  Dieu  avec  le  diable:  fi  c'eft  dire  que  la  lumière  n  eft  que  ténèbres:  fi  c'eft 
vouloir  faire  prendre  les  œttvres  de  Dieu  pour  des  illufions  diaboliques ,  ce  qui  eft  un 
péché  contre  le  S.  Esprit  &  un  blasphème  irrémiffible  :  fi  c'eft  s'immoler  foi-mème  au 
démon,  ou  en  faire  fon  Dieu,  &  fe  précipiter  avec  lui  dans  des  feux  qui  ne  s'éteindront 
jamait;  comment  des  Evêques  &  dcsDofteurs  qui  doivent  être  inftruits  de  ce  que  l'E- 
vangile &  lesSS.  Pérès  nous  ont  dit  fur  ce  fujet,  n'ont-ils  donc  aucune  crainte  de  don- 
ner à  ce  malheureux  Dragon  de  l'Enfer  cette  multitude  de  Miracles  évidemment  Di- 
vins, que  Jefus-Chrift  opère  depuis  1717.  parmi  nous  en  exécution  de  fcs  promefles? 
Ah  !    Sei<^neur  ,    que  de   fi  terribles  menaces  les  reveillent  de  leur  afToupiflement 

mortel  !  ^       /    ,  ,        •     •  t^-  , 

■  Dans  tous  les  Siècles  les  vrais  Miracles  font  également  la  voix  de  Dieu  &  les  œuvres 
de  Jefus-Chrift.  Ceux  qu'il  fait  du  haut  de  fa  gloire  ne  font  pas  moins  fon  ouvrage, 
que  ceux  qu'il  opéroit  pendant  fa  vie  mortelle:  quel  crime  n'eft-ce  donc  pas  que  d'en 
faire  préfent  au  diable  ? 


ÎcTmkT'Ics-  "=  manière  (m'Z,  &  pour  les  difcemer  des  artifices  de  Satan. 
u  y  a  àa  '  C'eft  ce  que  je  vais  me  preffer  d'ètiblir ,  avant  même  que  de  réfuter  les  fables  &  les 
tTfl^Uc  mauvaifes  citations  deM-l'Evêque  de  Bethléem;  parceque,  indépendamment  de  toute 
foui  Us  a;f- cette  difcufiîon,  je  compte  fournira  tous  ceujc  qui  ont  le  cœur  droit,  &  l'efprit  juftc 
"^ufUctl  &  attentif,  un  moyen  aulTi  fimple  qu'incontcftablc,  pour  pouvoir  juger  avec  certitu- 
^"^  de,  que  les  Miracles  opérés  en  faveur  de  l'Appel,  d;s  Convulfions  &  des  Secours, 
ne  peuvent  avoir  que  Dieu  pour  auteur. 

Au  rcfte  je  ne  prétends  point,  par  ce  que  je  viens  de  dire,  ni  par  ce  que  je  vais  y 
ajouter,  juftifier  en  aucune  faijon  h  pix'cipitatinn  ni  h  crédulité  excclllves ,  avec  Icf- 
qucllfis  phificuis  d'entre  le  peuple  font  capables  de  prendre  pour  mi  Miracle  ce  qui  ne 


PAR     LEVRE'  riDENCE,&c.  141 

l'eft   pas  effêftivement.      Je    ne    parle  que  des  Miracles  qui   portent  avec   eux  leur    Dissert; 
évidence,   &  je  donne  pour  qualité  elTentielle,  afin   d'en  bien  juger,  un  cœur  pur '"'*'-'*"■'■  • 
qu'aucune  palIion  ne  détermine,  &  un  efprit  jufle  &  attentif  qui  ne  décide  point  à  l'a-  "*^'*"'^' 
veugle  Si  fans  connoiflance. 

C'eft  en  faveur  de  ceux  des  fimples,  des  pauvres  &  des  petits ,  à  qui  Dieu  a  don- 
né ces  qualités,  que  je  combats  tout  à  la  fois  &  contre  ceux  qui  attaquent  de  front  les 
Miracles  de  nos  jours ,  en  les  attribuant  au  démon,  &  contre  ceux  qui  quoique  fort 
éloignés  d'avoir  intention  de  décrier  la  totalité  des  Miracles  que  Dieu  a  fait  depuis 
nombre  d'années,  en  terniflent  néanmoins  l'éclat,  en  rabbaiffent  l'Autorité,  &  en 
émouflent  les  conféquences ,  en  répandant  dans  le  Public  qu'il  eft  fouvent  très  diffici- 
le de  difcerner  fi  une  guérifon,  quelque  merveilleufe  qu'elle  paroiiïe,  eft  ou  l'oeuvre 
de  Dieu,  ou  un  artifice  de  Satan,  &  qu'il  ne  faut  croire  aux  Miracles  qu'après  avoir 
confulté  certains  célèbres  Dodeurs. 

Je  foutiens  au  contraire,  que  pour  faire  ce  difcernement ,  il  n'eft  nullement  néceflaf- 
re  d'être  Docleur,  &  que  (fuivant  que  je  l'ai  appris  de  MM.  les  Evêques  de  Senez& 
de  Montpellier,  dont  j'ai  déjà  cité  les  Textes)  il  ne  faut  que  des  yeux  pour  favoir  Jï  \zs  Ci-de(Tas, 
Miracles  yè«f  véritables.. ..  que  U  vue  du  fait  ç^  de  fes  circonjiances  ....  fufft  à  une^^'^°^'^*' 
droite  raifon ,  à  un  cœur  Jtmple  &  Chrétien ,  pour  s'en  ajfurer  :  que  les  Aîiracles  fe  prou- 
vent par  eux-mêmes  CT  par  leur  propre  évidence  :  que  de  Jïmples  fidèles  font  quelquefois 
plus  clairvojans  dans  les  œuvres  de  Dieu,  que  des  perfonnes  fort  élevés  :  8c  qu'en  effet  c'eji 
au  fimple  peuple  a  qui  yefus-Chrifl  a  dit  qu'il  doit  juger  en  voyant  fes  œuvres. 

Aulfi  lifon^i-nous  en  vingt  endroits  de  l'Evangile,  que  le  peuple  glorifioit  Dieu  en 
voyant  les  Miracles  de  Jefus-Chrift,  pendant  que  les  Pharifiens  &  les  Doâeurs  s'en 
fcandalifoient  fous  de  vains  prétextes ,  &  décidoient  qu'ils  ne  pouvoient  venir  de  Dieu, 
parce  que  Jefus-Chrift,  félon  eux,  violoit  le  Sabbat  en  les  faifant. 

Dieu  fe  plaît  .1  éclairer  les  fimples,  qui  n'ayant  point  de  confiance  en  eux-mêm;s 
ont  recours  à  la  prière,  &  il  laifle  quelquefois  d'habiles  Docteurs  fe  tromper  fur  des 
points  importans,  fur-tout  lorfqu'ils  en  viennent  à  s'im.iginer  qu'ils  ont  une  lumière 
prefque  infaillible.  Malheur  à  celui  qui  préfume  trop  de  lui-même  !  Pour  l'en  punir  , 
la  lumière  fe  retire  ,  &  l'homme  n'eft  plus  que  ténèbres. 

Nous  en  voyons  dans  le  Nouveau  Teftament  un  exemple  bien  furprenant  Se  bien 
terrible. 

Qui  auroit  jamais  pu  croire  avant  l'événement,  que  le  Meffie  annoncé  Ci  clairement 
par  les  Prophètes  qui  avoient  prédit  fa  Divinité ,  fon  Incarnation ,  le  lieu  de  fa  naiflan- 
ce,  la  vie  cachée,  fa  douceur,  fa  charité,  fes  Miracles;  feroit  méconnu  &  rejette  par 
prefque  tous  les  Princes  des  Prêtres,  les  Pharifiens  &  les  Doéleuis  qui  méditoient  Ci 
fort  les  Ecritures ,  &  qui  fous  prétexte  qu'ils  avoient  dans  la  loi  la  régie  de  la  fcience  é"  Rom.  M.  tm. 
de  la  vérité  .. .  fi  flattaient  d'être  la  lumière  des  aveugles  ?  Cependant  ce  furent  ces  Chefs  *=  ^'^ 
de  la  Religion  &  ces  orgueilleux  Savansqui  traitèrent  Jefus-Chrift  d'impofteur  &  le  fiè- 
rent mourir  comme  un  fcèlerat;  Se  ce  ne  furent  prefque  que  des  gens  de  la  lie  du  peu- 
ple, qui  reconnurent  le  Sauveur  du  mond;  à  l'éclat  de  fes  Miracles,.  Dieu  les  ayant  in- 
térieurement pcrfuadès  que  lui  feul  en  pouvoir  faire. 

C'eft  aux  difpofitions  du  cœur,  que  Dieu  accorde  le  plus  communément  {es  grâces. 
Or  c'eft  fa  grâce  qui  eft  la  fource  de  toute  lumière  &  finguliérement  de  toutes  celles 
qui  ont  trait  à  la  foi ,  le  premier  de  fes  dons  &  la  racine  de  tous  les  autres  ;  &  c'eft 
ordinairement  aux  plus  humbles  qu'il  fait  ce  don  avec  le  plus  d'abondmce.  Ilnous  a 
fait  déclarer  par  fon  Efprit ,  qu'il  a  choifi  ceux  qui  font  pauvres  daus  ce  monde ,  pour  letjj^  fi 
rendre  riches  dans  la  foi. 

Auffi  cft-ce  précifément  par  rapport  aux  Miracles  &  k  la  foi  pure,  fimple  Se  foumi- 
fe  qui  fait  qu'on  y  croit,  que  Jefus-Chrift  s'eft  écrié:  Je  vous  re^tds  gloire, nion  Père  ^yi3f^\,yj^ 

S  5  SeigniHY^-^ 


I4i  LES    MIRACLES    SE     PROVIENT 

Disse RT.  Sehncur  dit  Ciel  cr  de  la  Terre ,  de  ce  que  vous  avez,  caché  ces  chofes  anx  fages  cfr  aux 
tVRL'AijT. py^^g„f  ^    çj^  ejue  vous  Us  avezj  révélées  aux  Jîmfles  dr  aux  petits.    Ce  qui    fait  dire  au 
uF.sMiR.     p^,^^  Qucfnel  que  c'eji  aux  Jtmplcs  cjue  Dieu  fe  communique  :   que   c'eft  à  ceux  qui  ont 
Xvn'l.  itV  le  <^<"*^  ^ro//  CT  qui  cherchent  Dieu  dans  la  /Implicite ,  qu:  la  lumière  efl  donnée. 
&  anxAftcs      Enfin  Jefus-Clirin:  dit  en  termes  formels,  que  c'eft  Ipccialement  aux  pauvres  à  qui 
LÙc.vlI. il.  il  eft  venu  annoncer  l'Evangile.     Or  il  eft  manifefte  que  puisqu'il  lui  a  plu  de  n'em- 
ployer d'autre  moyen  villble  que  fes  Miracles,  pour  les  perfuader  qu'il  ctoit  le  Mellîe 
&  que  l'Evangile  qu'il  leur  annonçoit  ctoit  la  parole  de  Dieu,  il  a  voulu  qu'ils  en  ju- 
geaifent  par  h  lumière  que  fes  Miracles  rcpandoient  dans  leurs  âmes,  &  qu'ils  ne  dc- 
pcndiflcnt  point  à  cet  égard  ni  de  l'autorité  ni  de  l'avis  des  Chefs  c^e  la  Religion ,  des 
Piètres  5c  des  Dodeurs;  ou  pour  mieux  dire,  ilj  voulu  qu'ils  préféraflent  à  leur  fen- 
timent,  le  témoignage  des  Miracles,  qui  le  combattoient ,  &  qui  en  démontroient 
le  faux. 

Quelle  différence  infinie  entre  l'heureux  foit  de  ceux  qui  dans  la  droiture  de  leur 
caur  fc  rendirent  à  la  force  &  à  l'éclat  des  Miracles  de  Jefus-Chift ,  &  fe  foumirent 
avec  fimplicité  à  l'imprelTion  que  le  S.  Efprit  faifoit  dans  leur  cœur  à  la  vue  de  ces 
Merveilles  Divines,  &  le  fort  funefte  de  ceux  qui  s'en  rapportant  aveut;lcment  à  ladé- 
cifion  des  Chefs  de  leur  Religion,  de  leurs  Prêtres  &  de  leurs  Dodeurs,  préférèrent 
ce  pliantôme  &  cette  fauffe  image  d'une  Autorité  légitime  dont  ils  abufoient,  à  l'Auto- 
ri:é  Divine  des  Miracles?  Les  premiers  n'ont  cefle  de  s'affermir  de  plus  en  plus  dans  la 
connoiffance  &  l'amour  de  la  Vérité,  &  y  ont  trouvé  leur  falut:  ceux  au  contraire  qui 
ont  tellement  mis  leur  confiance  dans  leurs  Chefs,  leurs  Prêtres  &  leurs  Docteurs, 
qu'ils  ont  avec  eux  rejette  les  Miracles  de  Jefus-Chrift ,  ont  été  frappés  d'anathême , 
&  font  tombés  dans  une  fi  grande  malédidion  de  Di:u ,  qu'ils  ont  enfuite  demandé 
qu'on  crucifiât  le  Sauveur  du  monde. 

Mais,  dira-t-on,  l'erreur  de  ces  Juifs,  qui  fe  défiant  de  leur  propres  lumières, 
croyoient  bien  faire  de  s'en  rapporter  aux  Chefs  de  la  Religion ,  aux  Prêtres  &  aux 
Docteurs ,  que  Dieu  avoit  établis  lui-même  pour  les  conduire  ;  eft-elle  donc  fi  inexcu- 
fable ,  qu'ils  aient  mérité  d'être  livrés  à  de  fi  terribles  ténèbres  ?  Ouï  ,  parce  que  c'eft 
faire  injure  à  Dieu,  que  de  préférer  les  jugemens  des  hommes  à  la  Décifion  qu'il  pro- 
nonce lui-même  par  des  Miracles. 

Mais  fi  dans  tous  les  tems  le  témoignage  des  vrais  Miracles  eft  une  voie  fùre  ,  &  (i 
ce  témoignage  eft  quelquefois  néceffau-e  au  commun  des  fidèles  pour  diftinguer  ceux 
qui  leur  prêchent  la  Vérité  toute  pure  ,  de  ceux  qui  les  trompent ,  combien  eft-il  im- 
poitant  Je  fe  conduire  par  la  lumière  infaillible  &  fanttifiante  de  ce  flambeau  Divin, 
dans  un  fiécle  tel  que  le  nôtre  ,  où  la  plupart  des  Catholiques  errent  volontairement  au 
travers  des  ombres  d'une  nuit  toute  noire  :  dans  un  Siècle  où  une  f'atale  Bulle  appuyc^ 
de  toutes  les  PuilTances,  aveugle  les  efprits  par  d'épaiffes  ténèbres,  &  remue  toutes  les 
paflîons  par  une  multitude  d'intérêts  humains:  dans  un  fiécle,  où  la  plupart  des  Prê- 
tres ,  des  Dodeurs  &  des  Evoques  font  révoltés  contre  les  œuvres  de  Dieu ,  &  où 
par  confcquent  leurs  confeils  fur  ce  fujct  ne  font  propres  qu'à  jctter  d.ms  l'erreur:  dans 
un  Siècle  où  l'on  ne  peut  foutenir  ouvertement  toute  Vérité  fins  être  dans  la  difpofition 
de  facrifier  fes  biens,  fi  liberté,  fa  réputation  ,  &  de  tomber  dans  le  mépris,  non  feu- 
lement de  tous  les  amateurs  de  la  terre  ,  mais  même  de  plufieurs  de  ceux  qui  font  pro- 
fclfion  de  piété. 

Cependant  tous  les  efforts  de  rtlfprit  pervers  pour  nou»;  cacher  la  lumière,  n'em- 
pcchcront  pas  l'exécution  des  promeffes  qui  nous  font  de  iùrs  garants,  que  la  Vérité, 
fur  toutes  les  queftions  controvcrfècs ,  ne  cclTcra  jamais  d'ctre  connue  &  cnfcignée  dans 
l'Eglifc. 

Ln  effet  malgré  h  pciTècution  on  trouve  encore  aducllcmcnt  plufieurs  Miniftres, 

qui 


P   y^  R     L   E  V   R     L'  F  I  D  E   N  C  E,  &c.  145 

qui  éclairés  par  une  grande  connoiflance  de  la  Religion,  fortifiés  par  la  vue  des  Mira-  'Dissert; 
clés,  animés  par  un  ardent  dcfir  de  plaire  à  Dieu,  prêchent  &  foutiennent  toute  Vérité,  surl'aut. 
Il  y  a  de  favans  Théologiens  ,  qui  lui  rendent  hautement  témoignage  ,  &  dans  l'efprit  °^^  "'^" 
de  qui  l'Auteur  de  tout  bien  fe  plait  à  répandre  fa  lumière  d'autant  plus  abondamment 
qu'ils  font  très  éloignés  de  s'en  glorifier.  Il  y  a  de  faints  Religieux  pleins  de  h  doc- 
trine des  Pérès,  &  à  qui  le  Très-haut  aime  à  découvrir  fes  fecrets ,  parce  qu'il  leur 
donne  de  répandre  leur  ame  en  fa  préfence  dans  le  fecret  de  leurs  cellules ,  &  d'y  gémir 
continuellement  fur  les  maux  de  l'Eglife.  Enfin  il  y  a  des  Direéteurs  remplis  de  zèle 
&  d'amour  pour  toute  Vérité  ,  qui  loin  de  confulter  la  fageffe  humaine  &  la  prudence 
de  la  chair,  ni  de  fe  kifler  affoibhr  par  les  diverfes  opinions  des  grands  hommes  de  ce 
Siècle ,  ne  fe  déterminent  dans  les  confeils  qu'ils  donnent  ,  que  par  les  maximes  de  l'E- 
vangile. Mais  helas  !  que  le  nombre  de  ces  Pafteurs  intrépides ,  de  ces  Théologiens 
éclairés,  de  ces  humbles  &  favans  Religieux, de  ces  Direfteurs  pieux  &  télés, eft  pe- 
tit! Or  dans  cette  difette  extrême  ,  quelle  confolation,  quel  bonheur  n'eft-ce  pas  poul- 
ies fidèles ,  que  Dieu  leur  ait  fourni  un  moyen  fur  de  difceraer  la  Vérité  par  la  lumiè- 
re des  Miracles  ! 

Qu'il  eft  plein  de  bonté  &  de  mifèricorde  ce  grand  Dieu,  de  s'être  ainfi  abbaifle 
jufqu'à  venir  au  fecours  des  plus  fimples  &  des  plus  petits  des  fiens ,  en  les  inftruifant  lui- 
même  par  les  Merveilles  &  les  œuvres  de  fa  droite  ,  dans  le  fiècle  d'aveuglement  &  de 
prévention  oîi  nous  fommes  ! 

Concluons  donc  ,  que  les  Miracles  font  finguliérement  aujourd'hui  la  ligne  de  la 
Vérité,  qu'ils  portent  avec  eux  la  lumière  ,  &  qu'ils  font  le  flambeau  qui  doit  guider 
les  favans  &  les  ignorans ,  au  travers  des  profondes  ténèbres  qui  couvrent  prefque  en- 
tièrement la  furface  de  la  Communion  Catholique. 

Les  Théologiens  Antifecouriftes  ne  nieront  pas ,  que  fur-tout  dans  les  tems  de  gran- 
des féduftions  ,  c'efl:  principalement  en  faveur  des  fimples  ,  des  humbles  &  des  petits, 
que  Dieu  fait  des  Miracles. 

Dans  la  nouvelle  Edition  de  U  Vérité  rendue  fenjîble  revue  &  corrigée  fous  les  yeux     Vér.  ttai. 
de  M.  le  Gros, on  y  lit  en  vingt  endroits, que  les  Miracles  que  Dieu  fait  aujourd'hui,  ii"p.63';'"' 
font  ««  moyen  qu'il  donne  .  ,  .   aux  Jimples  .  .  .  pour   les  préferver  de  la  féduSlion  .  .  .  i|jjj_  »_  g-|, 
ti»  moyen  a  la  portée  des  petits  cJ"    des  ignorans  .  ,  .   un  moyen  admirable  que  la  Saçeffe 
Divine  emploie  pour  préferver  les  fimples  des  pièges  qui  leur  font  tendus  de  toutes  parts.  IbiiJ.  p.  661. 

Mais  n  les  ignorans  ne  font  pas  en  état  de  juger  par  eux-mêmes  des  Miracles  ,  com- 
ment ce  moyen  feroit-il  proportionné  à  leur  portée  ?  Si  les  fimples  ne  font  pas  capables 
de  diftinguer  fi  une  guèrifon  Miraculeufe  qu'ils  voient  s'opérer  fous  leurs  yeux  ,  eft 
le  témoignage  du  Père  des  lumières ,  ou  fi  au  contraire  elle  n'efl:  qu'un  appas  trompeur 
fabriqué  par  l'Ange  de  ténèbres,  comment  les  Miracles  font-ils  un  moyen  admirable  que 
la  Sagejfe  Divine  leur  donne  pour  les  garantir  aujourd'hui  d'une  des  plus  grandes yêWwc- 
tions  qui  ait  jamais  été  dans  l'Eglife  ?  En  un  mot,  fi  les  Miracles  pouvent  êtres  imités 
par  Satan ,  fans  qu'il  y  ait  des  caraftéres  très  remarquables  qui  faffent  difcerner  fûre- 
ment  aux  petits ,  qui,  de  Dieu  ou  du  démon,  en  eft  l'auteur,  &  fi  à.  cet  égard  ils 
font  obligés  de  s'en  rapporter  au  fentiment  d'autrui,  comment  les  Miracles  pourront-ils 
par  eux-mêmes  les  préferver  des  pièges  qui  leur  font  tendus  de  toutes  parts  ? 

S'ils  vont  confulter  presque  tous  les  Evêques  du  Royaume  ,  on  quelqu'un  de  cette 
inultitude  de  Prêtres  &  de  Doifteurs  que  leurs  préjugés,  leurs  paffions ,  ou  leur  igno- 
rance ont  rangés  fous  l'étendart  de  la  Bulle ,  toutes  ces  perfonnes ,  qui  devroient  être 
la  lumière  des  fimples,  ne  manqueront  pas  de  leur  dire,  que  tous  les  prétendus  Mira- 
cles de  ce  Siècle  étant  faits  contre  une  Dècifion  de  l'Eglife,  ne  peuvent  être  que  des 
impoftures,  ou  tout  au  plus  des  artifices  de  Satan.  Ainfi  ces  âmes  fimples,  qui  au- 
roient  dii  fuivre  l'éclat  de  la  lumière  que  Dieu  avoit  fait  briller  à  leiu's  yeux  par  des 

Mi- 


144  LJ^i'    MIRACLES    SE     PROVIENT 

DissiîPT.  Miracles  cviden";,  tomberont  plus  que  jamais  dans  l'abîme  de  la  féduftion  pour  avoir 
SUR  L'AUT.  çQ  recours  à  ravi<;  d'hommes  prévenus  ,  au  lieu  d'avoir  jugé  par  eux-mêmes,  que  les 
D€s  MiR.    j^^jj.j.]„5  ^j3,^{  1j  vqIx  jg  Dieu,  il  falloir  fans  balancer  fe  foumettre  à  leur  Décifion. 

Si  même  les  Miracles  qui  font  imprefiTion  fur  le  cœur  de  ces  fîmples  ,  ont  été  opérés 
par  \î  miniftére  des  Convulfionnaires ,  &  encore  plus  s'ils  l'ont  été  par  le  moyen  des 
grands  Secours;  il  y  a  plufieurs  Dofteurs  Appellans,  que  ces  fimples  ne  pourroient 
confulter  fans  péril. 

Il  eft  donc  évident ,  que  ce  fcroit  rendre  presque  inutile  le  Témoignage  des  Mira- 
cles ,  que  d'exiger  que  le  commun  des  fidèles  ne  prennent  confiance  en  cette  voix  de 
Dieu ,  que  dépendamment  de  l'autorité  &  du  confeil  de  ceux  ,  ou  qui  les  rejettent  en- 
tièrement par  un  aveuglement  total  ,  ou  qui  cherchent  à  en  éluder  une  partie  par  atta- 
chement à  leurs  préjugés.  Car  enfin ,  qui  fe  foumettra  à  la  Décifion  Divine  des  Mi- 
racles en  faveur  de  l'Appel  ,  s'il  faut  n'y  ajouter  foi  que  conformément  aux  préven- 
tions des  Zélateurs  de  la  Bulle  ?  A  quoi  ferviront  les  Miracles  que  Dieu  a  faits  par 
l'agitation  des  Convulfions  &  par  le  miniftére  des  Convulfionnaires,  ou  par  la  violente 
impreOTion  des  plus  terribles  Secours,  fi  l'on  ne  doit  juger  des  premiers  que  félon  l'avis 
des  Confultans,  &  des  féconds  que  fuivant  l'opinion  des  Antifecouriftes  ?  llnfin,  lors- 
que le  Prophète  Elie  fera  parmi  nous ,  qui  croira  à  fes  Miracles  ,  fi  on  s'en  rapporte  à 
la  Décifion  &  fi  on  fe  foumet  à  cet  égard  à  l'Autorité  du  plus  grand  nombre  des  Pas- 
teurs &  des  Chefs  de  l'Eglife,  qui  doivent  méconnoître  ,  rejetter,  &  même  condam- 
ner ce  Prophète  ,  comme  un  impofteur  ,  félon  que  Jefus-Chrift  nous  l'a  prédit 
Mjrc.IX.u.  lui-même  ? 

Il  n'eft  donc  que  trop  évident,  qu'une  docilité  aveugle  eft  aujourd'hui  fort  dange- 
reufe  ,  parce  que  d'un  côté  tous  les  Prélats,  tous  les  Prêtres  &  les  Dofteurs  Moli- 
niftes  &  Conftitutionnaires  abufent  de  leur  Autorité  &  de  la  confiance  du  peuple  pour 
le  faire  tomber  dans  l'erreur,  &  que  de  l'autre  plufieurs  mêmes  des  plus  célèbres  Ap- 
pellans fe  font  laines  prévenir  par  leurs  préjugés. 
Match.  XI.  Jefus-Chrift  la  vu  du  haut  de  fa  gloire ,  &  „  il  a  eu  compaflion  de  cette  multitude 
^"  ,,  de  fimples,  de  pauvres  &  de  petits  qui  étoient  errans  comme  des  brebis  ,  qui  n'ont 

,,  point  de  pafteur:  "  fidens  autem  turbas  mifertus  eft  eis ,  qnia  erant  vexati  ç^  jacerf 
tes  y  Jicut  oves  non  habentes  faftorem. 
ibii.  îj.  Pendant  fa  vie  mortelle  il  les  éclaira  par  des  Miracles,  &  leur  fit  recevoir  „  l'E- 
„  vangilc  du  royaume,  en  guériftant  toutes  leurs  maladies  &:  leurs  infirmités:  "  Pra- 
dicans  Evangelium  regni  (j-  curans  omnem  languorem  &  omnem  infirmitatem.  Encore  au- 
jourd'hui il  leur  rend  prefque  continuellement  fa  préfence  fenfible  depuis  plufieurs  an- 
nées par  une  multitude  étonnante  de  Miracles  &  de  Prodiges,  &:  il  les  inftruit  ainfi 
lui-même  ,  en  décidant  à  leurs  yeux ,  par  des  effets  vifibles  de  fa  Toute-puiffance, 
toutes  les  Vérités  combattues  ,  foit  par  les  Moliniftes  &  les  Conftitutionnaires ,  foit 
par  les  Confultans  &  les  Antifecouriftes. 

11  n'eft  donc  pas  pofflble  de  douter  ,  que  ce  ne  foit  fin^uliérement  en  fweur  des 
fimples  ,  des  humbles  ,  des  petits  &  des  pauvres  ,  que  Jefus-Chrift  fait  à  préfent  ce 
grand  nombre  de  Merveilles ,  qui  font  p.ir  elles-mêmes  une  lumière  qui  fufîit  pour  les 
inftruire  de  la  Vérité,  &  un  Théologie  qui  leur  eft  proportionnée ,  parce  qu'elle 
n'exige  aucune  fcicnce,  &  qu'elle  ne  demande  que  des  yeux  ,  un  caur  pur  ,  un  cfprii 
droit  &  attentif,  une  ame  humble  &  foumife  au  joug  de  la  foi.  Mais  fi  les  Miracles 
font  faits  principalement  pour  eux  ,  il  faut  donc  qu'ils  foient  en  état  d'en  profiter  par 
eux-mêmes,  &  qu'il  y  ait  des  moyens  qui  ne  paffent  pas  leurs  connoiflances  ,  leur  ca- 
pacité, leurs  lumières,  pour  pouvoir  juger  fi  ces  Miracles  viennent  de  Dieu  ,  ou  s'ils 
ne  font  qu'une  ilkifion  de  l'Efprit  pei-vers. 

Mais,  dira-t-on,  quels  font  donc  ces  moyeus  fi  fimples  &  en  même  tcms  fuffifans 

pour 


f   A  R     L  E  V  R     r  r  I  D  E  N  C  E ,  &c.  14J 

pour  décider  avec  afTurance  ,  fi  une  guérifon  Miraculeufe ,    c'efl:  à  dire  qui  pafie  les    Dissert: 
forces  ordinaires   de  la  nature   (telle  que  fut  la  guérifon  fubite  &  parfaite  de  la  fièvre  ^"'*^''*"'''' 
de  la  Belle-me're  de  S.  Pierre)  porte  les  caraftéres  d'un  Miracle  Divin  ,    &  doit  être  ''^**"''- 
regardée  comme  telle  ? 

Je  dis  feulement  qui  pajfe  les  forces  ordinaires  de  la  nature  :  car  dès  qu'il  eft  incontes- 
table, qu'une  guérifon  eft  fupérieure  à  toutes  les  caufes  naturelles  (telle  par  exemple 
que  toutes  celles  qui  ne  peuvent  s'exécuter  que  par  des  opérations  équipollentes  à  créa- 
tion; il  s'enfuit  ,  qu'il  n'y  a  que  Dieu  feul  qui  peut  en  être  l'auteur  :  &  les  plus 
grands  ennemis  des  Miracles  de  ce  Siècle  n'ofent  eux-mêmes  en  difconvenir.  Mais  pour 
embarrafler  le  commun  des  fidèles,  ils  leur  foutiennent  avec  un  ton  d'affiirance  capable 
de  les  éblouir,  que  toutes  les  guérifons  faites  en  faveur  de  l'Appel,  quelque  merveil- 
leufes  qu'elles  aient  paru ,  ont  pu  néanmoins  s'exécuter  fans  création  &  fans  aucun  dé- 
rangement des  loix  invariables  qui  régiffent  la  nature  :  &  la  plupart  des  fidéks  ne  font 
pas  affez  inftruits ,  ni  des  principes  Théologiques  ,  ni  de  î'Anatomie  ,  pour  leur  dé- 
montrer que  ces  guérifons  n'ont  pu  s'opérer  que  par  des  effets  abfolument  furnaturels, 
&  qui  ne  font  qu'entre  les  mains  du  Tout-puifiant. 

Je  crois  donc  qu'il  eft  néceffaire  d'écarter  ici  cette  objeftion  pour  venir  avec  plus 
de  fuccès  au  fecours  des  petits  &  des  ignorans  ,  en  leur  applaniffant  toute  difficulté. 
Ainfi  dans  la  Régie  que  je  vais  leur  propofer,  je  ne  ferai  aucun  ufage  du  moyen  vic- 
torieux, que  la  plilpart  des  Miracles  obtenus  à  l'interceffion  des  Appellans,  font  par  leur 
nature  fupérieurs  au  pouvoir  du  démon;  &  je  laiflerai  même  pour  ce  moment  dans 
l'indécifion ,  s'il  eft  poflîble  que  Dieu  permette  à  Satan  dans  certaines  circonftances  de 
faire  des  guérifons  qui  paroiffent  miraculeufes. 

Pour  épargner  aux  fimples  toute  difcuffion  au  deffus  de  leur  portée  ,  je  vais  me  ré- 
duire dans  cette  Régie  à  ne  confidérer  les  Miracles  en  queftion ,  que  par  leur  circons- 
tances inconteftables ,  &  qui  font  expofées  aux  yeux  de  tout  le  monde  :  parce  que  ces 
circonftances  de  notoriété  publique  fourniflent  toutes  feules  des  moyens  déciflfs  pour 
prouver,  que  les  Miracles  de  ce  Siècle  font  très  certainement  l'ouvrage  de  Dieu;  & 
que  pour  mettre  le  commun  des  fidèles  en  état  de  le  juger  eux-mêmes  avec  une  pleine 
affurance,  je  n'ai  befoin  que  de  leur  prèfenter  cette  Régie,  qui  eft  fondée  fur  les  paro- 
les de  Jefus-Chrift.  Auffi  quoique  très  fimple,  elle  eft  néanmoins  pleinement  fuffifan- 
te ,  pour  dérouter  tous  les  Avocats  du  diable ,  pour  rendre  inutiles  tous  leurs  contes  & 
leurs  faufles  hiftoires  ,  &  pour  faire  retomber  tous  leurs  autres  artifices  dans  le  puits 
de  l'abime ,  d'où  ils  font  fortis. 

C'eft  de  Jefus-Chrift  même  que  nous  avons  appris  ,  que  toute  guérifon  évidemment       '  ^ 
fupérieure  aux  loix  ordinaires  qui  régiflent  la  nature  ,    &  qui  eft  obtenue  par  des  prie-  pic^  tÔTs' 
res  faites   en  fon  nom  avec  piété,  eft  un  Miracle  inconteftablement  Divin,  parce  que-^*^''"'" 
Dieu  ne  peut  pas  permettre  au  diable  de  faire  un  Miracle  au  nom  du  Sauveur  du  &  einnvi>- 

En  effet  Jeftis-Chrift  ne  nous  dit-il  pas  ,   qu'il  „  n'y  a  qui  que  ce  foit  ,   qui  falie  font  des  Mi- 
„  un  Miracle  en  fon  nom  &  qui  puilte  auffitôt  mal  parler  de  lui?  "  Nemo  efi  qui  fa-  W''^^ 
ciat  virtutem  in  nomine  meo  ,    \S  fofft  cito  maie  loqui  de  me.    Par  conféquent  le  dé-  Mu^.lX.jS. 
mon  étant  l'ennemi  déclaré  de  Jefus-Chrift,  ne  peut  donc  pas  faire  des  Miracles  en 
fon  nom. 

Cette  grande  lumière  que  nous  a  donné  notre  Divin  Sauveur  ,  pour  nous  faire  dis- 
tinguer avec  facilité  les  œuvres  bienfaifantes  de  fon  Père,  des  artifices  de  Satan  :  cette 
Règle  fi  claire,  fi  fimple  &  fi  propre  à  réduire  en  poudre  toutes  les  pierres  d'achope- 
ment,  que  tous  ceux  qui  s'efforcent  de  diaboliler  les  Miracles  que  Dieu  fait  pour  no- 
tre inftruftion  ,    mettent  devant  nos  pas  ;    eft  une  fuite  &  une  conféquence  nécelfaire, 

Dijfert.  Tom.  II,  T  dc 


14<5  LES    Aï  I  R  A  C  L  E  S    SE     VROVVENT 

Djsseut.  de  tous  les  autres  Textes  que  nous  trouvons  fur  ce  fujet  tant  cans  l'Ancien  que   dans 
suRL-AUT-ig  ivfoi,veau  Teftamcnt. 

Audi  cette  Kégle  efl-elle  embraffcc  par  toute  l'Eglife  ,  comm:  une  Décifion  émanes 
du  Ciel. 

J'ai  déjà  rapporte  ci-dtfTus  ,   que' les  paroles  par  leCquelles  Jefus-Chrift  Ta  établie, 

ont  été  un  des  principaux  motifs  qui  a  fait  prononcer  contre  le  démon  &  fes  at^ens ,  ce 

célèbre  Arrêt  du  Vf.  Concile  Général,  qu'il  „  eft  impolTible  qu'un  blafphémateur  du 

VI.  Concii.  »  nom  de  DJeu  faffe  des  Miracles  :  "  Ottomodo  »,r,nqHe  ejfet  pojjibik  ,  Mâfphemantem  in 

cccum.Aft.   Deum  virttucs  oper/tri  ? 

Ainfi  il  eft  donc  certain,  &  fclon  la  Décifion  prccife  d'un  Concile  Univerfel  ,  & 
fiiivant  que  la  Vérité  Incarnée  nous  la  déclaré  pcrfonnellement ,  que  l'efprit  pervers  ne 
peut  pas  faire  de  guér.fons  miraculeufes  au  nom  de  Jefus-Chrift. 

C'cft  aulTi  ce  que  nous  ont  enfeigné  les  Pércs  &  les  plus  célèbres  Doéteurs  de 
l'Eglife. 

Entre  autres  S.  Thomas  nous  donne  pour  régie,  que  pour  diftingucr  les  Mer\''eillcs 
?  Opufc  ou  Divines  des  opérations  diaboliques,  il  ne  faut  que  faire  la  remarque  que  Dieu  ejl  invo- 
ijô.  ^ué  dans  les  unes  &  le  diable  dans  les  autres. 

Il  ajoute,  que  lorfque  Dieu  fe  fert  des  méchans  pour  faire  des  Miracles  ,   il  y  a  un 
moyen  bien  ailé  de  reconnoitre  que  ces  Miracles  font  Divins ,  &  de  ne  les  pas  confon- 
dre avec  ces  faux  miracles  que  font  les  méchans  par  l'opération  du  démon.    C'e/l,  dit- 
il  ,   de   f-^ire  attention  ,    que  les  premiers  s'opèrent  par  l'invocation  du  nom  de  Jefus- 
Chrift  ,  au  lieu  que  les  autres  ne  s'exécutent  que  par  des  fortiléges. 
S.  Thom.      ),  Tous  ceux,  dit-il^  qui  font  profeftîon  de  la  vraie  foi  &  qui  invoquent  le  nom 
Summ  1.2.  ^^  de  Jefus-Chrift,  peuvent  faire  des  Miracles:   ce  qui  arrive  quelquefois  par  le  minis- 
qu.17  -a-i-  ^^  ^^^g  jç^  méchans.  .  .    Mais  alors  c'eft  l'invocation  du  nom  de  Jefus-Chrift  qui  les 
„  produit  ",  &  qui  les  fait  reconnoitre  pour  Divins:  ylf'Vjf///^  pojfunt  fieri  per  <juem- 
cumcjHC  qui  vcram  fidem  prédicat  ($•  nomen  Chrijli  invocat  ,    quod  etiam  interàum  fit  per 
malos  .  .  .  fedinvoctui»  nominis  Chrifti  hoc  agit.    Mais  les  merveilles  diaboliques  ne  (t 
font  par  les   méchans  qu'en  exécution  d'un  pafte  fait  avec  le  diable:  per  p.iHnm  ini- 
S.Th.  i.p.  '»'»  eitm  dœmo»e,  dit  S.  Thomas  ;   per  privâtes  contraclus  cum  dœmonibtis  ,  dit  S.  Au- 

Libidequ.''"      Tout  Miracle  obtenu  par  des  prières  faites  avec  piété  en  invoquant  le  nom  de  Jefus- 

»3.qu.79-     chrift,  fût-il  opéré  par  le  miniftére  d'un  méchant  homme, eft  donc  un  Miracle  incon- 

teftablcment  Divin. 

Penfccsiie      AufTi  M.  Pafchal  obferve-t-il ,  qu'il  n'y  a  que  deux  exclitfions  a  la  foi  des  Miniclcs  , 

Pafc.  niir.     j^^,'  j^ient  marquées  dans  les  Livres  Saints.    L'une  quMd  un  miracle  de'.ourne  de  Dieu^ 

l'autre  quanH  il  détourne  de  J-cfus-Chriji.    Il  ne  faut  pas ^  ^ouiQ-i-û,  j  doKKcr  d'autres 

exclufions.    D'où  il  conclud  ,    que  d'abord  qu'on  voit  un  miracle ,  il  faut  fc  rendre ,  oh 

avoir  d'étranges  marques  du  contraire. 

Mais  quelle-  font  ces  marq  les  ?  Cefi  fi  celui  qui  les  fait,  nie  un  Dieu  ou  Jcfits- 
Chrifl  cr  l'Eglife.  Donc  fuivant  Its  principes  de  l'Ecriture,  tout  Miracle  qui  bien  loin 
d'être  fait  pour  détourner  du  culte  de  Dieu,  de  Jefus-Chrift,  de  la  Religion,  eft  au 
contraire  le  fruit  &  la  rccompcnfe  de  prières  adrcflces  avec  piété  au  Très-haut ,  au 
nom  de  fon  Fils  ,  foit  qu'on  y  joip-.e  ou  qu'on  n'y  joigne  p.is  l'interceinon  de  quel- 
qu'un de  fes  fcrviteurs,  eft  un  Miracle  dont  on  doit  fans  hèlîter  rendre  gloire  au  Père 
des  mi  réri cordes. 

En  effet  comment  oferoit-on  fuppofer,  qu'un  fidèle  qui  implore  la  charité  de  Jcfus- 
Cfrrft  ,  foit  pour  prut  de  fa  tonfianc«  ,  livré  à  une  fèduAion  diabolique  par  notre 
Divin  Sauveur  ,    lui  qui  a  expredément  promis  de  faire  des  Miracles  en  faveur  de 

'  ,  .  •.  ceux 


PAR     L  E  V  R     r  r  I  D  E   N  C  n^C-c.  147 

ceux  qui  croiront  en  lui?  Signa,  autem  cos  qui  crediderint ■,  hac  fecjuentHy.  Dissert. 

Quoi!  le  Saint  des  Saints  fubrogera  l'efprit  impur  au  lieu  de  lui  ,  pour  recevoir  les  surl'aut. 


)tS   MIR. 


prières  qui  lui  font  adreflces?  Quoi!  le  Très-haut  le  revêtira  de  fa  puiflance,  de  fon  """^ 
fçeau,  de  fon  caradére,  pour  faire  à  fa  place  des  œuvres  de  mifëricoide  ,  des  guérifons  ^'*^'*^^^' 
Miraculeufes  ?  Quoi  !  Jefus-Chrill:  permettra ,  qu'il  fe  ferve  de  fon  nom  pour  tromper 
les  fide'les  qui  ont  le  plus  de  foi  ?  Quel  moyen  refteroit-il  aux  cœurs  les  plus  droits 
pour  fe  garantir  d'un  tel  piège?  A  quelles  marques  les  fimpks  pourroient-ils  désormais 
diftinguer  les  effets  de  la  Bonté  Divine  des  illufions  de  Satan  ?  Comment  reconnoî- 
troîent-'ils  fi  c'eft  Dieu  qui  leur  parle  par  des  Miracles ,  ou  fi  c'eft  le  diabb  qui  les 
éblouît  par  des  preftiges  ?  Die«  voudroit-il  donc,  que  les  preuves  les  plus  fenfibles, 
&  les  témoignages  les  plus  frappans ,  qu'il  nous  a  donné  de  fa  préfence  &  des  Vérités 
qu'il  nous  ordonne  de  croire  ,  devinrent  à  l'avenir  fufpefts  d'être  des  illufions  diabo- 
liques ?  Voudroit-il  ébranler  lui-même  le  fondement  de  la  Religion  ,  en  permettant  à 
■fon  ennemi  de  porter  une  telle  atteinte  à  l'Autorité  des  Miracles  ,  par  lefqucls  il 
nous  a  manifeftf  la  Divinité  de  fon  Fils  ,  &  a  établi  le  Chriftianifme  par  toute  la 
Terre  ? 

AutTi  dans  tous- les  meilleurs  Ecrits,  qui  ont  été  faits  dans  ce  Siècle  par  rapport  aux 
Miracles,  y  trouve-t-on  que  le  moyen  que  je  préfente  aux  fimples  ,  pour  reconnoîtrc 
les  œuvres  de  Dieu,  y  eft  propofé  comme  une  Régie  infaillible. 

Par  exemple  ,  le  grand  Evêque  de  Montpellier  pofe  pour  principe  en  plufieurs  en» 
droits  de  fes  lumineux  Ouvrages ,  que /«  Miracles  faits  au  mm  de  J-eftts-ChriJi  ne  peu- 
vem  être  des  frodiges  trompeurs.  Oeuvres  de 

M.  l'Evéque  de  Babylone  décide,  que  ,,  fi  une  maladie  eft  véritablement  guérie,  XomTl.' p. 
j,  &  qu'on  foit  affuré  que  ce  n'eft  point  par  aucune  caufe  naturelle  ,   mais   feulement  ^^7-  &c. 
j,  par  l'invocation  du  nom  de  Tefus-Chrift  &  de  quelqu'un  de  fes  ferviteurs  ,    on  doit  Lett.àM.du 

,-.     „     /T      '  1      J'  ■  •        J  .  >'  Montp.du7. 

„  erre  allure  que  le  démon  n  y  a  point  de  part.  Juin  1737. 

Mais  citons  préferablement  des  Théologiens  unis  aux  Chefs  des  Antifecouriftes  ,  j^'"^^; 
afin  que  leur  avis  les  retienne  ,  s'ils  étoient  tentés  de  combattre  cette  Régie  fi  impor-  pofthjmcs 
tante  pour  le  plus  grand  nombre  des  fidèles.  ^| '"^^'de'Brb 

La  voici  encore  plus  fimplifiée  par  M.  le  Gros,-  &  par  conféquent  mife  encore  p- 34- coi- i-j 
plus  à  la  portée  des  plus  fimples.  Tout  le  monde  fait  qu'il  s'eft  donné  la  peine  de 
corriger  mon  Premier  Tome  ,  dans  l'Edition  qui  en  a  été  faite  à  Utrecht  en  1757. 
ainfi  qu'il  le  déclare  lui-même  dans  l'Avertiflement  qu'il  mit  en  tête  de  cette  Édi- 
tion. La  Pièce  qui  lui  parut  le  plus  mériter  fon  attention  ,  fut  celle  qui  a  pour  ti- 
tre :  Conféquences  qui  réfultent  de  ces  Aiiracles.  AulTi  y  fit-il  plufieurs  changemens, 
&  il  y  ajouta  des  titres  marginaux.  Voici  le  XIX.  de  fa  façon:  Cinquième  Régie.  Des 
guérifons  quon  obtient  en  s'adrejfant  à  Dieu  avec  piété  ,  ne  peuvent  jamais  être  attribuées 
au  démon. 

Y  a-t-il  rien  de  plus  clair  ,  de  plus  précis,  ni  de  plus  fimple,  que  cette  Régie? 
En  quatre  mots  elle  écarte  toutes  les  difficultés  :  elle  prévient  tous  les  doutes:  elle  eft 
capable  de  porter  la  lumière  jufques  dans  les  plus  profondes  ténèbres  de  l'ignorance. 

Voici  préfentement  des  preuves  de  l'exaditude ,  de  la  jufteffe  &  de  la  vérité  de  cet- 
te Règle,  données  par  M.  Poncet  dans  le  tems  qu'il  combattoit  contre  Dom  la  Taftc 
pour  les  Miracles.  Mais,  helas  !  depuis  qu'il  a  embraffé  aveuglément  l'opinion  des 
Antifecouriftes  ,  il  ofe  au  contraire  avancer  dans  fa  Réponfe  à  mon  fécond  Tome  ,  que 
des  Aiiracles  fans  au  nom  de  Jefus-Chrifi ,  des  Aiiracles  réels  0-  multipliés ,  des  Aiiracles  l^c'ponfe.&c. 
tels  que  ceux  que  Notre  Seigneur  a  opérés  en  faveur  des  Infidèles  ,  peuvent  être  des  mira-  ^'  '°'' 
des  trompeurs  ;  &r  qui  pis  eft,  il  s'efforce  d'appuyer  un  tel  blaiphême  contre  l'Auto- 
rité Divine  des  Miracles ,  fur  un  Palfage  de  S.  Auguftin ,  dont  il  fait  une  fauffe  ap- 
plication. 

T  z  Je 


148  LES    MIRACLES    SE    ?  R  OV  V  E  N  T 

DufïRT.     Je  réfuterai  amplement  cette  pemicieufe  Propofition  dans  les  Reflexions  preliminai- 
url'aut  rjs  que  je  placerai  en  tête  de  mon  III.  Tome  ,    &  j'efpe're  y  faire  clairement  connoî- 


tre  quel  cft  le  véritable  fens  du  PafTage  dont  cet  Auteur  a  fait  un  fi  énorme  abus.  Mais 
cette  difcuffion  feroit  ici  mal  placée  ,  attendu  que  ce  n'eft  uniquement  que  pour  com- 
battre les  Miracles  opérés  par  les  grands  Secours  ,    &  non  pas  tous  les  Miracles  en  gé- 
néral ,  qu'il  a  hazardé  ce   fcandaleux  Paradoxe.    Ainfi  je  crois  devoir  me  reflraindre 
dans  la  préfente  Differtation  ,  à  lui  remettre  fous  les  yeux  les   principes  diamétrale- 
ment oppofés,  qu'il  avoit  d'abord  établis  lui-même  fur  ce  fujet  fi  important. 
X.Lcn.rfe      j^  Les  Miracles  ,  difoit-il ,   font  comme  les  titres  de  la  Divinité.    C'efl:  par  leur 
p.  11°""^'  j,  moyen  que  Dieu  ,   pour  ainfi  parler  ,   a  pris  pofleflion  de  fon  Empire  pamii  les 
„  hommes.  " 
Ibid.p.?.        Ainfi   ils  doivent  fc  diftmguer  far  mx-mèmes  de  tomes  les  œuvres  dn  démon,  avec  une 

fiudité ,  ^ui  rende  cette  preuve  à  la  portée  des  plus  Jimples. 
Ibid.f.  II.        Ccjî  donc  fur  le  degré  d'intelligence  des  plus  Jîwples  qu'il  faut  fe  me furer  pour  établir 

la  vraie  Régie  du  difcernemi»t  par  rapport  aux  Aiiracles. 

Ibid.p.g.       ^^  Cette  Régie  Cajoutoit-il)  doit  ctre  celle  que  tous  les  hommes  ont  toujours  fuivie 

„  dans  tous  les  tems:  &  puisque  que  les   Miracles   font  deftinés  de  h  part  de  Dieu 

„  pour  les  convertir,  &  poar  les  convaincre  que  c'efl  lui  qui  leur  parle  .  .  .    (cette) 

Ib  d      I    "  ^^S^*^  "^^'^  ^^  trouver  dans  l'efprit  &  dans  le  cœur  des  plus  ilmples  &  des  plus 

„  groriîers. 
Ibid. po.  "  ^^  concert  unanime  de  tous  ceux  qui  ont  cru  aux  Miracles  (ns  peut  manquer 
„  d'être  )  fondé  fur  les  vraies  raifons  qui  doivent  déterminer  à  fe  foumettre  h  leur  Au- 
„  torité  ...  Or  .  .  .  fi  on  interroge  tous  ceux  qui  ont  ajouté  foi  aux  Miracles 
„  dans  tous  les  Siècles  .  .  ,  on  trouvera  que  ce  qui  les  a  déterminés  ,  c'eft  premiére- 
„  ment,  la  grandeur  des  Miracles  confidéres  en  eux-mêmes:  fccondement ,  leur  mul- 
„  titude  .  .  :  enfin  ,  on  a  toujours  regardé  comme  venant  de  Dieu  tous  les  Miracles 
„  qui  ont  été  opérés  en  son  nom.  Ces  trois  raifons  font  toutes  trois  décifives  pri- 
fes  féparément ,  mais  la  troifiéme  eft  la  plus  importante  &  d'un  grand  ufage  .  .  . 
Elle  décide  pour  les  plus  petits  Miracles  comme  pour  les  plus  grands  :  elle  ne  fouf- 
fre  point  d'exception  :  elle  ne  dépend  d'aucun  autre  examen  que  de  celui  du  fait  de 
,,  favoir ,  fi  c'eft  à  Dieu  feul  qu'on  a  eu  recours  ,  foit  qu'on  fe  foit  adreiïc  à  lui-mc- 
„  me  immédiatement ,  ou  à  quelqu'un  de  fes  fei'viteurs  qu'on  croit  plus  digne  d'être 
„  exaucé. 

„  Les  Payens  ne  fe  trompoient  pas  dans  ce  fentiment  ,   que  ce  qu'on  demande  à  ce- 
'  ,,  lui  qui  eft  véritablement  le  Maître  du  monde,  ne  peut  nous  être  accordé  que  par  lui 
,,  fcul.    C'eft  cette  diTpofition  fi  conforme  à  la  droite  raifon,  &  que  nul  préjugé  n'a 
,,  pu  étouffer  dans  le  cœur  de  tous  les  hommes ,  qui  les  a  rentras  l\  dociles  à  la  voix 
„  des  Miracles,  &  qui  les  a  déterminés  à  reconnoître  fans  héfiter  comme  leur  Seigneur 
,,  &  leur  Dieu  ,  celui  au  nom  duquel  ils  voyoicnt  qu'on  les  opéroir. 
Ibidppsîc      »  ^'^  ^f^f  ce  fentiment,  que  lorfqu'on  s'adreffe  à  Dieu  ,  &  qu'on  eft  exaucé,  c'eft 
««•  ,.  lui  qui  exauce  &  non  un  autre  ,    eft  tellement  gravé  dans  le  cœur  de  tous  les  hom- 

mes ,  qu'il  n'y  en  a  point  qui  ne  regardât  comme  un  lîLAspur.MH  d'entendre  dire, 
q-'.c  c'eft  peut-être  du  démon  de  qui  on  reçoit  ce  qu'on  denjande  à  Dieu.  " 
Qui  fe  feroit  attendu  en  lifant  cette  Lettre,  que  peu  après  M.  Poncet  profcreroit  ce 
bLifphcme ,  en  foutenant  dans  la  Réponfe  h  mon  fécond  Tome  ,    que  des  Alirécles  faits 
dM  nom  de  Jcfus-Cl^rijl  peuvc;itêtre  des  Afirtules  trompeurs. 

Rapportons  encore  un  autre  endroit  de  fes  Lettres, qui  n'eft  pas  moins  contraire  que 
ceux  que  je  viens  de  citer,  aux  mvivelles  maximes  qu'il  débite  pour  tâcher  d'éluder  U 
Décifion  que  Dieu  a  fiit  p.ir  pluficurs  Miracles  en  faveur  des  grands  Secours. 

Hélas  !  C'eft  cette  Dccifioa  Divine  qui  engage  aujourd'hui  ce  trop  zglc  Dcflènfeuf 

du. 


I 


» 


SUR  L  AUT, 
DES  MIR. 


PAR     L    E   V   R     E'  r  I  D   E   N  C  E,   &c.  14^ 

des  Antifecouriftes ,   à  faire  tous  fes  efforts  pour  ébranler  l'Autorité  des  Miracles,  afin    Dissert 

d'infinuer  que  ceux  qui  ont  été  opérés  par  les  grands  Secours,  continuellement  accom- ~ 

pagnes  de  prières  adreffées  à  Jefus-Chrift  avec   piété,  avec  confiance  ,    avec  ferveur, 
peuvent  néanmoins  être  l'ouvrage  de  l'efprit  pervers. 

Voici  au  contraire  la  Régie  conforme  à  celle  de  S.  Thomas  ,  qu'il  nous  donnoit  cî- 
devant  pour  diftinguer  avec  facilité  les  œuvres  Merveilleufes  de  Dieu  des  opérations  de 
l'efprit  de  ténèbres.  ,,  Si  le  démon  ,  difoit-il  ,  fait  des  prodiges ,  des  guérifons,  il  V.Lett.p.46, 
„  ne  les  fait  qu'en  faveur  de  ceux  qui  l'invoquent ,  qui  s'adreflent  à  lui ,  qui  ont  com- 
„  merce  avec  lui.  Il  ne  les  fait  qu'en  vertu  d'un  pade  exprès  ou  tacite  ,  fait  avec  lui 
„  en  conféquence  de  maléfices,  de  forts,  de  pratiques  fuperftitieufes. 

//  ej}  inouï,  ajoutoit-il  tout  de  fuite  ,  qu'on  ait  jamais  attribué  au  démon  des  guérifons 
accordées  a  ceux  qui  les  demandaient  a  Dieu.  Et  il  défioit  M.  l'Evêque  de  Bethléem, 
alors  Dom  la  Tafte ,  d'en  citer  aucun  exemple. 

Ce  Prélat  a  été  allez  long-tems  fans  répondre  aux  difficultés.  Il  efl  même  en  quel- 
que forte  convenu  de  la  vérité  de  la  maxime.  Enfin  à  force  de  recherches,  il  eft 
parvenu  à  y  donner  trois  réponfcs ,  qui  par  leur  extrême  foiblelfe  fourniffent  une  nou- 
velle preuve,  que  le  fait  négatif  foutenu  alors  par  M.  Poncet ,  d'après  les  Pérès  de 
rEgUfe ,  ne  peut  être  révoqué  en  doute. 

Premièrement ,  le  Prélat  répond  que  le  nom  de  Dieu  entre  dans  certains  enchante-  ~P^:  ^'^• 
mens.  760. 

Ouï ,  le  faint  nom  de  Dieu  y  entre  ,mais  pour  être  horriblement  prophané  par  diffé- 
rens  fortiléges;  mais  il  n'en  eft  pas  moins  vrai,  que  c'eft  non  à  Dieu,  mais  à  fon  exé- 
crable ennemi  que  les  vœux  s'adrefTent  dans  ces  abominables  myftéres. 

Secondement,  il  obferve  que  les  faux  prophètes  du  tems  de  Jèrémie  parloient  au  nom 
de  Dieu. 

Mais  ils  ne  faifoient  pas  des  Miracles  ni  même  aucun  prodige  en  fon  nom ,  &  leurs 
fauffes  prédiftions  démenties  par  l'événement  dèceloient  l'efprit  de  menfonge  qui  les 
faifoit  parler:  ainfi  cette  obfervation  ne  conclud  encore  rien. 

Troifiémement,  il  donne  comme  une  remarque  digne  d'attention,  que  les  Alontanis- 
tes ,  les  Fanatiques  des  Cevennes  Q-  autres  invoquaient  Dieu  pendant  leurs  agitations. 

Mais  qu'en  pretend-il  conclurre  ?  Ces  anciens  &  nouveaux  Fanatiques  ont-ilfâit, 
pendant  leurs  agitations,  ont-ils  pu  faire  des  guérifons  Miracukufes  ?  C'eft  ce  dont  il 
s'agit,  &  que  M.  de  Bethléem  ne  prouvera  jamais. 

Lorsqu'après  d'auffi  grandes  &  d'aufTi  profondes  recherches  que  celles  qu'a  fait  ce 
Prélat ,  on  ne  trouve  pas  de  meilleure  réponfe  que  celles  qu'il  oppofe  ,  n'eft-ce  pas  une 
preuve  fenfible  que  le  fait  eft  conftant,  que  jamais  le  démon  n'a  fait  de  guérifons  qui 
aient  paru  Miraculeufes,  en  faveur  de  ceux  qui  les  ont  demandées  à  Dieu  ?  En  effet 
ne  feroit-ce  pas  faire  injure  à  celui  dont  h  bonté  eft  infinie,  que  de  fuppofer  qu'il  vou- 
lût hvrer  ainfi  à  une  féduftion  diabohque  ceux  qui  le  prient  avec  confiance  ,  ceux  qui 
implorent  la  miféiicorde  de  fon  Fils  ,  ceux  qui  dans  le  défir  de  lui  plaire,  ont  recours. 
à  l'intercefTion  de  quelqu'un  de  fes  ferviteurs. 

Peut-être  objeâera-t-on  que  Jefus-Chrift  lui-même  a  déclaré,  qu'il  y  aura  des  ou- 
vriers d'iniquité  qui  feront  des  Miracles  en  fon  nom.  Mas  ces  Miracles  n'en  feront 
pas  moins  les  œuvres  de  Dieu,  témoin  ceux  de  Judas:  în:  ces  ouvriers  d'iniquité  ne 
pourront  pas  dans  le  tems  qu'ils  ferviront  d'inftrumjnt  à  Dicu  pour  faire  ces  Miracles,, 
pail;r  mal  de  J-fiis-Cluift  ni  donner  ces  Miracles  en  témoigncge  d'aucune  erreur.  Car 
s'ils  le  vouloieiit  faire.  Dieu  n'opéreroit  pas  alors  des  MiracL-£  par  leurs  meias;  cela  ré- 
pugneroit  à  Ci  bonté,  puisque  ce  feroit  une  fédudion  dont  les  plus  droits  &  les  plusf 
pleins  de  foi  ne  pourroient  pas  fe  défendre. 

jj  Les  vrais  Miracles  ,  dit  S.  Thomas  ,    ne  peuvent  être  faits  que  par  la  vertu  Divi-^-'ThSumnp 

T   l  rs.  neta.'i.'in8,.' 


I50  LES    MIRACLES    SE     PROVIENT 

DissFRT. ^j  ne-:  &  Dieu  ne  les  opère  que  pour  la  confirmation  de  la  Vcrite,  ou  pour  manlfcfter 
■surl'aut.^^  la  faintetc  de  quelqu'un. 

DES  MiR.  ^^  p^  1^  première  manière  les  Miracle'^  peuvent  être  faits  par  tout  homme  qui  prêche 
„  h  vraie  foi,  &:  qui  invoque  le  nom  de  fefus-Chrift  :  ce  qui  fe  fait  quelquefois  pir 
,,  de-;  mcchansj  &  c'eft  dans  ce  fens  que  les  méchans  peuvent  faire  des  Miracles. 

,,  De  la  féconde  manière  les  Miracles  ne  fe  font  que  par  des  Saints,  &  font  des 
„  preuves  démonftratives  de  leur  fainteté,  foit  pendant  leur  vie  foit- après  leur  mort." 

y-ra  miracnLi  fio»  pojfnnr  fieri  niji  virtute  dkfinà.  Opérant ur  enim  ea  ad  veritatis  prte- 
dic.nx  confirmât ionem  :  alio  modo  ad  demonflrationem  fanclitatis  alict^jusi  Primo  modo  mi- 
racùla  pojfunt  jieri  per  cjttemctwejue  qui  veram  fidem  prédicat  (-r  nomen  Chrifii  invocat , 
tjHod  itiam  interditm  per  malos  fit  :  &  fecunditm  httnc  modum  etiam  mali  pejftmt  miracnLi 
facere.  Secundo  autcm  modo  non  fiunt  miracula  niji  a  SanElis ,  ad  quorum  fanElitatem  de- 
monflrandam  miracula  fiunt  vel  in  vità  eorum  vel  etiam  pofl  mortem^ 

Âinfi  félon  ce  Dodeiir  fi  célèbre,  bien  loin  que  les  Miracles  que  Dieu  a  quelque- 
--7  ■  fois  opères  par  le  miniftère  des  mèchans,  puifTent  faire  naître  quelque  difficulté'  fur  la 

Règle  que  [efus-Chrift  nous  a  donnée,  (\nt  perfonni  ne  peut  faire  de  Miracles  en  fin 
nom  cr  auffi-tôt  mal  parler  de  lui ,  ces  méchans  au  contraire  n'ont  fait  des  Miracles  que 
par  la  vertu  du  nom  d:  Jefus-Chrifl:  qu'ils  invoquoicnt  avec  foi,  &  n'ont  pu  en  faire 
qu'en  confirmation  de  quelque  Vérité  ,  ad  vcriratis  cenfirmationem  ;  mais  après  leur 
mort  les  méchans  ne  peuvent  jamais  faire  de  Miracles.  Ils  n'ont  point  de  part  à  Jefus- 
Chrifb:  ils  ont  perdu  tout  droit  de  s'adrefler  à  lui,  &:  ne  peuvent  plus  en  être  écou- 
tés: &  tous  les  Miracles  que  Dieu  accorde  à  l'intercelTion  d'un  mort,  font  des  preu- 
ves infaillibles  qu'il  eft  un  faint  ,,  Après  la  mort,  dit  S.  Thomas,  les  Miracles  ne  fe 
font  que  par  des  Saints,  &:  font  des  preuves  démonftratives  de  leur  fainteté."  Poflmor- 
tem  non  fiunt  miracula  nifi  a  fanclis ,  ad  fanditatem  {eorum)  dcmonfirandam. 

N.  S.  P.  le  Pape  aftuellement  régnant  l'a  pareillement  décidé  de   la  manière    la  plus 

forte  &  la  plus  formelle,  dans  fon  Livre  de  la  Béatification  des  Serviteurs  de  Dien  ^  de 

la  Catwnifaf ion  des  Saints. 

Defcrv.Dci      „  Les  Miracles ,  dit-il,  opérés  après  la  mort  font  une  preuve  parfaitement  claire  de 

''"l  b'^°'"'  '*  fainteté  &  confèquemment  des  vertus  de  ceux  qui  les  font.   Aïiracula  pofi  obitum  pa' 

ult.  f,'i6^.trata,  fimt  fanElitatis  cr  confequenter  virtutum  apertiffimum  fignum. 

r  II  eft  donc  inconteftable,  que  lorsqu'on  voit  des  guérifons  manifeftement  au  dcflTus 
des  forces  ordinaires  de  la  nature,  &  que  ces  guérifons  font  opérées  cl  l'invocation  d'un 
homme  mort  en  odeur  de  fainteté  dans  la  Communion  Catholique,  &  obtenues  par  des 
prières  adreflccs  îl  Dieu  avec  piété  &  non  par  aucun  pacte  fut  avec  le  démon  (per  pac- 
tum  initum  cum  dœmone ,  dit  S.  Thomas ,)  on  doit  être  perfuadé ,  qu'elles  font  l'ef- 
fet de  la  Toute-puilfance  &  de  la  Bonté  de  Jefus-Chrift ,  dans  le  fein  de  qui  tous  les 
Bienheureux  vivent  après  leur  mort. 

Les  plus  fimples  d'entre,  les  fidèles  font  donc  en  état  de  dire  avec  une  pleine  affuran- 
ce,  foit  que  les  Miracles  opérés  à  l'intercclfion  de  M.  de  Paris  &  autres  Appellans, 
aient  été  uniquement  fiits  en  témoignage  que  l'Appd  de  la  Bulle  eft  approuvé  dans 
le  Ciel,  foit  que  par  ces  Miracles  Dieu  ait  en  même  tems  voulu  autorifer  vifiblement 
(ç.  qui  provient  de  lui  dans  l'œuvre  des  Convulfions ,  &  finguHcrement  le  grand  Pro- 
dige des  Secours  :  nous  n'avons  pas  befoin  pour  être  parfaitement  convaincus ,  qu'il 
eft  l'auteur  de  tous  ces  Miracles,  de  favoir  s'ils  paffent  ou  ne  palTent  point  toutes  les 
qualité-,  occultes  que  quelques  Dodeurs  s'imaginent  pouvoir  être  dans  la  nature,  ni 
s'ils  font  abfolumcnt  fupcri<:urs  au  grand  pouvoir  qu'ils  attribuent  au  démon  :  il  n'eft 
pas  non  plus  néceffairc  que  nous  foyons  inftruifs  ^  fond  de  toutes  les  queftions  qui 
font  aftudlement  controvcrfccs  dans  l'EgliCc:  il  nous  fuffit,  pour  juger  avec  alfurance, 
que  TOUS  ces  Miracles  font  l'ouvrage  de  Diai ,  de  favoir  qu'ils  ont  été  fumaturcil:- 

mcnt 


PAR     L   E   V  R     E   r  I  D   E   N  C  E^   &c.  151 

ment  opères  à  h  fuite  de  prières  qui  lui  ont  été  faites  avec  foi  &•  avec  piété j  &  que,    Oissert. 
bien  loin  que  ceux  qui  pour  les  obtenir  ont  eu  recours  à  l'iaterceiTion  de  M.  de  Paris ,  ^^^^  wt"^' 
aieot  fait  aucun  pafte  avec  le  diable ,  ce  font  au  contraire  des  Chrétiens  remplis  de  foi ,    ' 
qui  admirent   &  tachent  d'imiter  ce  Bienheureux,   lequel  a  vécu  comme  un  Saint, 
&  eft  mort  en  odeur  de  fainteté  dans  la  Communion  Catholique. 
.  Ainfi  la  Règle  fi  lumineufe  &  fi  fimple  que  nous  a  donné  Jefus-Chrin:  pour  nous 
faire  difcerner  aifément  les  Miracles  qu'il  a  promis  d'opérer  toujours  dans  l'Eglife,  afin 
d'y  foutenir  la  Vérité  jufqu'à  h  fin  d;s  Siècles ,  &  de  h  manifefter  lui-même  à  tous 
les  cœurs  droits,  fur-tout  dans  le  tems  où  elle  eft  combattue  par  l'apparence  de  l'Auto- 
rité, perfécutée  par  les  Puilfances  &  obfcurcie  par  des  divifions;  cette  Régie,  dis-je, 
fuffit  pleinement  pour  décider  aujourd'hui  toutes  les  Queftions  qui  nous  partagent. 
.  En  effet  dès  qu'on  eft  perfuadé  que  tous  les  Mirachs  obtenus  par  de  pieufes  prières 
faites  à  Jefus-Chrift  en  fon  nom,  font  des  Miracles  Divins ,  ne  s'enfuit-il  pas  qu'on  doit 
recevoir  avec  foi,  avec  refpeâ,  avec  foumiifion,  tous  ceux  que  Dieu  ne  ceffe  d'opérer 
à  la  fuite  de  pareilles  prières  depuis  l'année  1727.     Or  ces  Merveilleux  foleils  que  le 
Très-haut  fait  briller  dans  la  nuit  obfcure  où  nous  fommes  ,■  ne  noui   font-ils  pas  voir 
très  clairement,  que  l'Appel  eft  le  chemin  qui  conduit  à  h  Vérité,  &  que  les  Prodi- 
ges fimbollques  que  ce  Père  des  miféricordes  fait  continuellement  dans    l'œuvre  des 
Convulfions ,  fur-tout  par  le  moyen  des  grands  Secours ,  font  une  inftruèlion  fumatu- 
relle  dont  il  eft  très  utile  de  profiter  ? 

Mais  quoique  la  Règle  en  queftion  écarte  par  fa  fimplicité  même  toutes  les  objeélions 
de  ceux  qui  emploient  leurs  talens  pour  rendre  fufpefts  les  Miracles  de  ce  Siècle,  ile/t 
aujourd'hui  d'une  conféquence  fi  grande  de  ne  laiflfer  donner  aucune  atteinte  à  l'Auto- 
rité de  ces  Décifions  Divines,  qu'il  faut  n'épargner  aucun  foin  pour  dilliper  tous  les 
artifices,  par  où  l'efprit  de  menfonge  tâche  d'en  obfcurcii-  l'éclat,  ou  même  d'en  faire 
révoquer  en  doute  la  vérité. 

Ecartons  d'abord  l'odieux  Siftême  de  Spinofa  contre  la  poflîbilité  des  Miracles  :       y-  . 
Siftême  qui  fait  la  bafe  &  le  fondement  de  tous  les  principaux  fophifmes  que  cet  impie  du  Si?Umc 
a  débités  contre  la  Religion.  de  Spinofa 

,,  Les  loix  de  la  nature  ne  font,  dit-il ,  que  des  décrets  néceffaires.    Or  les  décrets  poiTibiiité 
^,  de  Dieu  ne  peuvent  changer ,  puisqu'il  eft  immuable.    Donc  les  loix  de  la  nature  ^,"  ^^'"" 
„  ne  peuvent  être  interrompues:  &  par  confèquent  tout  vrai'  Miracle  eft  impoffible  ,  Tiaa.théol. 
„  parce  que,  pour  être  un  vrai  Miracle,  il  faudroit  qu'il  fût  contraire  aux  loix  de  la  "^'  ^' 
j,  nature.  " 

Il  n'eft  pas  nécelTaire  d'avoir  une  grande  pénétration  pour  fentir  le  faux  des  deux 
Propofitions  fur  lesquelles  s'appuie  ce  miférable  argument. 

Premièrement,  il  n'eft  point. vrai  que  les  loix  de  k  nature  foient  des  décrets  néces- 
faires  par  rapport  au  Créateur ,  du  moins  Çi  l'on  entend  par  le  terme  de  nécejfaires ,  ainfi 
que  fait  Spinofa ,  que  ces  décrets  font  d'une  néceffité  de  contrainte ,  d'une  néceffité  for- 
cée à  l'égard  de  Dim;  en  forte  qu'il  n'auroit  pas  pu,  s'il  l'avoit  voulu,  impofer  à  la 
nature  en  la  créant  d'autres  loix  que  celles  qu'il  lui  a  prefcritês.  Au  co"ntraire  l'idée 
que  la  raifon  nous  donne  de  la  puiffance  de  Dieu ,  fuffit  pour  nous  perfuader  pleinement, 
que  quand  il  a  voulu  que  l'Univers  matériel  fût  gouverné  par  certaines  loix,  le  choix 
qu'il  en  a'  fait  a  été  libre.  Il  pouvcit  &  il  peut  encore  arranger  la  matière  différemment 
de  ce  qu'il  a  fait,  &  ajouter  d'autres  qualités  à  celles  qu'il  lui  a  plû  de  lui  donner. 

Secondement,  c'eft  une  groffièie  équivoque  de  dire,  que  les  décrets  de  Dieu  ne  peu- 
vent changer^  puisqu'il  sjf  immuable.  Dieu  eft  à  la  vérité  immuable  par  rapport  à  lui- 
même:  mais  il  eft  en  même;  tem^  fonverainémert  libre  de  faire  tout  ce  qu'il  veut,  & 
Tout-puiiïant  pourTexécutTr:  Sa  volonté  parfaitement  indépendante,  n'eft  point  efcla- 
ve  des  loix  par  lesquelles  elle  régit  ordinairement  h  matière.   Il  pourroit  les  changer, 

s'il 


151  FAVSSETE'      DES     GVE'RISOJVS 

DissFRT.s'il  le  vouloit  ;  &  à  plus  forte  raifon  eft-il  le  Maître  d'en  furpendre  &  d'en  arrêter  les 
ti'R  L'AVT.çff^f^  lorsqu'il  lui  plaît  de  le  faire  pour  l'exécution  de  fes  derteins  :  par  exemple,  pour 
nous  rendre  h  prclence  plus  leiiiible  ;  pour  faire  paroitre  dans  un  plus  grand  jour  fa 
bonté ,  fa  puilTance  &  fa  gloire  ;  pour  rendre  témoignage  à  quelque  importante  Vérité 
fur  laquelle  nous  avons  un  grand  intérêt  de  ne  nous  pas  méprendre ,  &c.  Lui  contefter 
le  pouvoir  d'opérer  des  Miracles,  ainfi  que  Spinofa  ofe  le  faire,  c'efl:  un  véritable  blas- 
phème: c'eft  vouloir  le  dégrader  de  la  fouveraineté  &  de  l'indépendance  de  fon  être: 
c'eft:  prétendre  réduire  toute  fa  puiflance  à  h  première  création,  après  laquelle  il  ne  lui 
reReroit  plus  d'autre  faculté  que  celle  de  prévoir  les  évenemens  fans  pouvoir  empêcher 
aucun  des  efièts  que  chaque  caufe  doit  naturellement  produire  :  c'eft  donner  de  lui  à  peu 
près  Ja  même  idée  que  les  Payens  avoient  de  leurs  faux  Dieux ,  qu'ils  difoient  être  af- 
fujettis  aux  laix  d'un  deftin  immuable  &  liés  à  l'enchaînement  des  évenemens  divers. 
Une  idée  qui  rabaiffe  Ci  fort  celle  qu'on  doit  avoir  de  Dieu,  doit  faire  horreur  à  tous 
ceux  qui  ne  font  point  entièrement  abîmés  dans  les  ténçbres  &  de  l'Athéifme. 

§.  VIII.  'Preuves  de  la  faiiffeté  de  toutes  les  prétendues  guérifons  mi' 

raculeufes  que  M.  l'Évéque  de  Bethléem  dit  s'être  opérées 

par  le  démon  en  faveur  des  Idolâtres. 


E' 


'N  même  tems  que  les  impies  ofent  dire,  pour  renverfer  la  Religion,  que  Dieu 
n'a  pas  le  pouvoir  de  faire  des  Miracles;  les  plus  ardens  Conftitutionnaires  tâ- 
chent d'infinuer  que  le  démon  a  cette  puiflance,  afin  de  diminuer  l'impreffion  des  Mi- 
racles que  Dieu  fait  aujourd'hui  en  faveur  de  l'Appel.  Mais  les  divers  fophifmes  de 
nos  diffcrens  adverfaires  ne  nous  embarraffent  point.  Je  n'ai  pas  eu  de  peine  à  établir 
que  le  Siftême  de  Spinofa  n'eft  qu'un  monftrueux  afl*emblage  d'erreurs  palpables  &  de 
blafphêmes  :  il  ne  me  fera  pas  plus  difficile  de  prouver  que  M.  l'Evêque  de  Bethléem 
■  m.  Lente  ^"  impofe  au  Public  lorsqu'il  avance  du  ton  le  plusafluré,  qu'il  va  nous  convaincre  par 
Theol.p.22.  la  force  des  exemples  cr  des  autorités  . ..  cjue  le  démon  a  opéré  des  guérifons  auffi  mcrveil- 
leufès  (^  plus  merveilleufes  encore  que  toutes  celles  cjue  nous  vantons. 

Démontrons  au  contraire ,  que  toutes  les  prétendues  guérifons  merveilleufes  (jr  diabo- 
liques rapportées  dans  les  Lettres  de  ce  Prélat,  ne  font  que  des  fourberies  dont  l'im- 
pofture  eft  manifefte ,  ou  des  fables  ridicules  dont  l'abfurdité  faute  aux  yeux  ;  &  qu'il 
préfente  dans  un  fens  différent,  &  quelquefois  même  direftement  contraire  aufentiment 
des  Auteurs  qu'il  cite,  les  principales  autorités  fur  kfquelles  il  fe  fonde. 

Je  n'entreprendrai  pas  néanmoins  de  fuivre  pied  à  pied  cet  Ecrivain  dans  tous  fes 
écarts.  Ce  feroit  me  jctter  à  corps  perdu  dans  une  mer  de  raifonnemens  captieux , 
dont  je  ne  pourrois  me  tirer  que  par  une  difculfion  fi  longue ,  qu'infailliblement  elle 
cnnuieroit  à  l'excès  tous  les  Leâeurs.  Mais  heureufement  ce  Prélat  a  placé  dans  fa  III. 
Lettre,  prefque  toutes  les  hiftoires  fabuleufes  &  la  plupart  des  autorites  fur  lcfquclles|il 
a  bâti  fon  Siftême.  Ainfi  pour  en  renverfer  le  fondement ,  il  fuffira  de  bien  réfuter 
tout  ce  que  cette  Lettre  contient ,  &  de  parcourir  légèrement  quelques  autres  partages 
qu'il  cite  dans  fes  autres  Lettres,  pour  appuyer  ce  qu'il  avoit  avancé  de  faux  dans 
celle-là.  Au  furplus  je  me  difpcnfcrai  de  répondre  aux  iifiures  qu'il  nous  dit,  aux  ca- 
lomnies qu'il  débite  &  rk  tout  ce  qu'il  a  répliqué  fur  diffcrens  Ecrits  par  lefquels  on 
a  attaqué  d'abord  fes  pernicicufes  maximes. 
I.  Commençons  par  répondre  aux  miracles  apocryphes  dont  il  fait  fon  principal  appui, 

la 'fluîiWe'^'  "  N'avcz-vous  donc  jamais  (reprochc-t-il  aux  Dodcurs  Appcllins)  entendu  parler 
<ie»  ptctcn-  ^^  du  fameux  Appoiionius  dc,Thianc?  Ouvrez  le  premier  Tome  de  l'Hilloire  Ecdc- 
d"À^ù'o^",,  fiaftique  de  M.  Fleury,  &  vous  y  trouverez  que  ce  Plulofophe  délivra  la  Ville 
«nu».  jj  d'Ephcfe 


A  T  T  R  I  B  V  i:  E  s     AV     D  E'  M  0  KT,  &c.  15J 

„  d'Ephefe  d'une  pefte  qui  l'a  ravageoit  (&)  que  par  quelques  paroles ,  &  par  fon  at-   Dissert 
„  touchement,  il  guérit  parfaitement  &  dans  l'inftant  une  jeune  fille  de  famille  Con-^""  "-'^ut.- 
„  fulaire ,  qu'on  croyait  morte  &  qu'on  portoit  en  terre.  "  °"l' L«r 

Efi-il  polfible  que  ce  Prélat  ne  fâche  pas,  lui  qui  accufe  les  Appellans  d'ignorance Thcoi. p.  55. 
ou  de  mauvaife  foi ,  que  de  ces  deux  faits  qu'il  cite  avec  tant  d'emphafe ,  le   premier 
cft  le  conte  le  plus  abfurde  qui  ait  jamais  été  imaginé,  &  que  le  fécond  eft  une  impof- 
ture  qui  doit  exciter  l'indignation  de  tout  véritable  Chrétien^ 

Il  eft  bon  d'obferver  d'abord,  que  ces  deux  faits  tirent  leur  première  origine  d'un 
Roman  compofé  par  Philoftrate  plus  de  cent  ans  après  la  mort  d'Apollonius:  ainfi    ce- 
lui qui  les  a  le  premier  mis  au  jour,  n'en  avoit   pas  été  témoin,  ni   perfonne  de  fon 
tems.     Au  contraire  les  Auteurs  qui   ont  vécu  dans  le  même   Siècle   qu'Apollonius, 
tels  par  exemple  qu'Euphrate  ce  Philofophe  fi  célébré  par  Pline  le  jeune,  n'en  parlent 
que  comme  d'un  fourbe  &  d'un  magicien  méprifable ,  &  ne  difent  point  qu'il  ait  rien 
fait  de  véritablement  merveilleux.     Il  eft  vrai  que  Philoftrate,  pour  donner  quelque 
appui  aux  faits  qu'il  imagine ,  avance  qu'il  en  a  trouvé  le  récit  dans  des  Adémoires  fi- 
crets  compofés  par  un  certain  Damis  difciple  d'Apollonius.    Mais  fi  ces  prétendues  mer- 
veilles avoient  eu  quelque  réalité,  pourquoi  en  auroit-on  tenu  le  récit  fecret  pendant 
plus  de  cent  ans  ?  iVlille  &:  mille  bouches,  ainfi  que  l'obferveEufebe  ,ne  feferoient-elles  Hi^^od'ôî" 
pas  au  contraire  ouvertes  pour  les  publier  par  toute  la  Terre ,  dans  un  tems  oii  les  Puif-  4. 
îànces  Idolâtres  ne  cherchoient  que  le  moyen  d'obfcurcir  l'éclat  des  Miracles  véritables 
qui  malgré  elles ,  établiffoient  de  plus  en  plus  le  Chriftianifme  d'un  bout  à  l'autre  du 
Monde?   D'ailleurs  puisqu' Apollonius  a  été  fi  publiquement  reconnu  pour  un  impof- 
teur,  que  l'Empereur  Domitien  le  fit  mettre  en  prifon  pour  le  punir  de  fes  fourberies; 
quelle  foi  mérite  fon  difciple  ?  Mais  eft-il  même  bien  certain  que  ces  Mémoires  fecrets 
de  Damis  aient  exifté  ?  Nous  n'en  avons  pour  unique  garant  que  Philoftrate ,  qui  a  mis 
dans  cette  Hiftoire.  tant  de  menfonges  grolliers  &  de  fables  ridicule^ ,  qu'il  n'eft  digne 
d'aucune  créance.    En  effet  quelle  foi  mérite  un  Auteur ,  qui  affure  par  exemple,  qu'A- 
pollonius entendait  le  langage  dès  oifeaux  &  qu'il  expliquait  tout  ce  qu'ils   difiient  ?  M. 
î'Evêque  de  Bethléem  croit-il ,  qu'il  y  ait  eu  un  tems  où  les  bétes  parloient  ?   Mais 
veut-on  un  menfonge  palpable  de  la  part  de  Philoftrate?   Il  certifie  qu'Apollonius  par- 
lait toutes  fortes  de  langues ,  fans  les  avoir  apprifes  :  &  oubliant  par  la  fuite  ce  qu'il  avoit  dit 
d'abord,   il  raconte  en  un  autre  endroit ,  qu'il  Je  fervit  d'un   interprète  pour  entendre  ce 
que  lui  difoit  le  Roi  Phr aorte  CT"  pour  lui  répondre. 

Auffi  M.  Fleuri  (fur  le  témoignage  de  qui  M.  I'Evêque  de  Bethléem  fe  fonde  uni-  L^'^if"'" 
quenicnt  par  rapport  à  ces  prétendus  miracles ,  fous  prétexte  que  cet  Auteur  en  a  infe-  pp.  17.  Sc  ' 
ré  le  récit  dans  fon  Hiftoire  Eccléfiaftique)    nous  avertit   auparavant  qn  Apollonius  '^' 
étoit  un  fameur  impojleur,  Sc  qu'il  nj  a  qu'.t  lire  fon  hifioire  pour  voir  combien  elle  ejl 
fabuleufe. 

Le  Cardinal  Baronius  appelle  Philoftrate  un  homme  exceflîvement  menteur ,  Menda-  Ad  ^"n.  6î. 
àffimum  hominem,  &  il  rapporte  qu'Eufebe  de  Céfarée,  Photius,  Scaliger,  &c.  ont  25." 
démontré  que  le  Livre  de  cet  Auteur  étoit  plein  de  menfonges  &  de  fables  d'un  bout  ^'^  ann.  7S. 
à  l'autre.    Philoflrati  libres  mendaciis  ^  fabulis  Jcatere  a  capite  ad  calcem  late  demonflrant 
Eufebius  Cefarienjts  . . .  Phoiius  . . .  Scaliger ,   &c. 

C'eft  le  jugement  qu'en  ont  auffi  porté  les  plus  célèbres  Auteurs  modernes  :  entre 
autres  M.  Hu't  ancien  Evèque  d'Avranche  ,  compaïcYhiJioire'd'  ^^pollonius  aux  contes    Dcmonft. 
des  fées,  tant  elle  lui  paroît  indigne  de  toute  croyance;  &  il  obferve  quelle  na  été^'l"]'^'°^\ 
cor/tpofée  par  Philoflrate  que  pour  faire  plaifr  à  l' Impératrice  yidie  c;'  k  l'Empereur  Ca-  ô- 
racalla. 

Ces  deux  ennemis  implacables  de  la  Religion  Chrétienne  ayant  engagé  Philoftrate  à 

fabriquer  l'hiftoire   de  quelque  Magicien,    dont  les  preftiges  puffent  contrebalancer 

Dijfert.  7om.  II.  V  les 


L 


Sun  L 
DES  MIK. 


» 


154  TAVSSETE     DES     G  V  E'  R  I  S  O  jY  S 

Dissert, les  Miijcles  que  Ics  Chictien;  rapportoient  de  Jcfus-Chrifl: ,  Philoftrate  choifit  Apol- 
'"•■■UT  lonius,  parce  que  Ce  fourbe  infigne  avoir  cherclu'  à  conrrefaire  les  aidions  &  même  les 
vertus  de  ce  Divin  Sauveur  du  monde.    Voilà  le  motif  qu'a  eu  Philoftrate,  pour  com- 
pofer  le  Roman  fabuleux  qu'il  a  fait  de  la  Vie  de  ce  Magicien.    Un  tel  motif  ne  doit- 
il  pas  donner  bien  de  la  confiance  aux  Catholiques?  Et  M.  l'Evcque  de  Bethléem  n'a- 
Iir  Lett.  t-ii  pas  grande  raifon  de  traiter  de  préteudas  efprits  forts  ceux  <jui  comptent  parmi  les  vi- 
theol.  p.  ii.jig^j  ^  les  fables  tout  ce  qu'on  leur  raconte  de  tes  merveilles  diaboliques  f 

Non,  Monfelgneur,  ce  ne  font  pas  des  efprits  forts,  mais  des  Chrétiens  attaches  à 
toute  Vérité,  qui  préféi'ent  aux  mcnfonges  des  Payens  le  témoignage  de  l'Ecriture  qui 
nous  apprend  qu'il  n'y  a  que  Dieu  qui  feul  fait  des  chofes  grandes  &:  mei-veilleiifes  : 
fCrjj.  4.    Oni  facit  mirabilia  magna  foins. 

Venons  préfentcment  au  détail  des  deux  miracles  d'Apollonius  que  cite  ce  Prélat. 

Pour  réfuter  le  premier ,  je  n'ri  befoin  que  de  donner  une   cxade   tradudion  de  ce 

qu'en  rapporte  Philoftrat:  :  tout  fon  récit  ciioque  le  bon  fens. 

Phiioft.  Lib.     jj  Apollonius,  dit  Philoflrate,  étant  venu  à  Ephefe  où  la  perte  ctoit  depuis  long- 

*■ '*  '■        ,,  tems,  afTembh  les  Ephéfiens  &  leur  dit:   Prenez  courage  :  je  ferai  ceOer  aujourd'hui 

„  la  pefte.    Il  les  mena  eufuite  au  Théâtre,  où  l'on  faifoit  les  facrifices  au  Dieu  Libé- 

„  rateur.   Là  il  apperçut  un  pauvre  vieillard  couvert  de  haillons,  qui  demandoit  Tau-* 

„  mône  &  qui  portoit  une  beface  pleine  de  morceaux  de  pain ,  qui  avoit  le   vifage 

fort  craffeux ,  &'  qui  fermoit  à  demi  les  yeux   contrefaifant  l'aveugle.    Apollonius 

l'ayant  fait  entourer  par  le  peuple  dit  :  Accablez  de  pierres  cet  ennemi  des  Dieux. 

Les  Ephéfiens   étant  furpris  de  ce   difcours,    &:  trouvant  que  c'étoit  une  grande 

„  cruauté  de  tuer  ainfi  un  pauvre  malheureux  étranger,  qui  leur  demandoit  la  vied'u- 

„  ne  manière  fort  touchante,  &  excitoit  leur  compalTion  par  fes  difcours,  Apollonius 

„  continua  de  les  preffer  de  b  faire  mourir ,  &  quelques-uns  des  afllftans  ayant  com- 

„  mencé  à  lui  jctter  des  pierres,  Apollonius  leur  fit  remarquer  que  les  yeuxr  de  ce 

„  pauvre  homme  étoient  devenus  fort  enflammés:  ce  qui  leur  fit  juger  que  cet  hom- 

,,  me  étoit  un  démon,  &  ce  qui  les  engagea  à  lui  jettcr  tant  de  pierres,  qu'ils  en  éle-, 

„  verent  un  monceau  furdui.    Un  moment  après  Apollonius  leur  ayant  dit  d'ôter  les 

„  pierres  &:  de  voir  quel  animal  ils  avoicnt  tué,   ils  ne  trouvèrent  point  le  corps  de  ce 

„  pauvre  qu'ils  avoient  lapide,  mais  celui  d'un  chien  d'une  groffeur  énorme.     Ce  fut 

„  ainfi,  continue  Philofirate ,  qu'Apollonius  délivra  la  Ville  d'Ephefe  de  la  pcftc  qui 

„  la  moleftoit.  " 

Nousj  voici  donc  dans  les  métamorphofes.  Rien  ne  coûte  à  Philofirate  pour  mettre 
du  merveilleux  dans  fon  Roman.  Tantôt  il  nous  alTurc  que  les  bctcs  parlent  Se  qu'A- 
pollonius entendoit  leur  langage.  Souvent  il  nous  raconte  que  fon  héros  reconnoilfoit 
les  âmes  de  certaines  perfonnes  qui  étoient  dans  des  bctes ,  entre  autres  l'ame  d'Aiîiofis 
Roi  d'Egipte,  qui  animoit  le  corps  d'un  lion  apprivoil'é.  Ici  c'eft  le  corps  d'un  hom- 
me qu'on  vient  de  mafliicrer ,  qui  tout  à  coup  fe  trouve  changé  en  un  chien.  En  vérité 
on  devroit  avoir  honte  de  prétendre  prouver  avec  de  telles  fables,  que  le  démon  fait 
des  guérifons  encore  pins  mervcillettfes  que  celles  que  Jcfus-Chrift  opère  préfentement 
parmi  nous.  Car  enfin  que  dira-t-on  pour  donner  la  moindre  vraifcmblance  à  cette  pito)a- 
ble  hiftoire  ?  Soutiendra  - 1  -  on  que  ce  pauvre  mendiant  qu'Apollonius  fit  fi  cruelle- 
ment affalTmcr ,  n'étoit  point  un  homme  véritable,  que  ce  n'étolt  qu'un  démon,  ainfi 
qu'Apollonius  voulut  le  faire  Kcroire  aux  Ephéfiens  ,  fous  prétexte  que  les  yeux  de 
ce  pauvre  mifcrable  devinrent  étincelans,  pendant  qu'on  le  lapidoit  ?  Mais  n'cft-il  pas 
tout  naturel ,  que  les  yeux  d'un  homme  dont  on  brife  les  membres  à  coup  de  pierres , 
s'cnnammcnt  de  cobre  &  de  douleur.  D'ailleurs  fi  cet  liommc  n'étoit  qu'un  démon,  fa 
figure  n'étoit  donc  qu'une  vifion ,  qu'un  phantômc  :  car  les  démons  n'ont  point  de 
corps  ni  le  pouvoir  d'en  créer ,  &  tout  ce  qu'ils  font  paroîtrc  ne  font  que  des  Ipcélrcs 

& 


I 


len. 
c.  il. 


ATTRIBVrtS     AV     D  r  M  0  N ,  ^c.  ï^y 

&  des  ilUifioas  fans  réalité.  Les  phantômes  ne  foutiennent  point  le  toucher,  ils  ne  trom-  Dissert 
peut  que  les  yeux.  Si  le  corps  de  ce  mendiant  n'eiit  ctéqu'un  phantôme,  on  s'en  feioitd'a-  ^"^  ''  *"^ 
bord  apperçu  en  lui  jettant  les  premières  pierres,  parce  qu'elles  n'auroient  pu  être  rete- 
nues par  un  phantôme ,  &  qu'elles  auroient  paffe  tout  au  travers.  Enfin  ce  corps  du 
gros  chien  que  les  Ephéfiens  trouvèrent  fous  leurs  pierres,  dit  Philoftrate,  devoit  auflî 
être  un  phantôme.  Qui  ne  voit  que  toute  cette  hiftoire  n'eft  qu'une  imagination  folle 
d'un  cerveau  aflez  mal  timbré,  qui  forge  des  merveilles  à  fa  f:<çon  ? 

Mais  fi  on  veut  fuppofer  qu'il  y  ait  quelque  chofe  de  vrai  dans  cette  hiftoire ,  &. 
qu'on  confulte  la  raifon  ,  elle  nous  apprendra  que  le  démon  ayant  apparemment  remar- 
qué que  la  Ville  d'Ephéfe  venoit  de  changer  d'air,  par  exemple  qu'un  grand  vent  ve- 
noit  d'emporter  l'air  peftiféré  &  de  fubftituer  un  air  pur  à. la  place,  en  auroit  averti  A- 
poUonius,  &  que  ce  Magicien  pour  donner  du  relief  à  la  nouvelle  qu'il  alloit  en  ap- 
prendre aux  Ephéfiens,  voulut  l'accompagner  d'un. fpectacle  fanglmt,  capable  de  faire 
une  grande  imprefllon  :  ce  qui  le  porta  à  Elire  maffacrer  un  pauvre  mendiant  dont  per- 
fonne  ne  prenoit  le  parti.  Mais  je  demande  à  M.  l'Evêque  de  Bethléem ,  oli  il  trouve 
en  tout  cela  qu'il  y  ait  du  Miracle?  Car  Philoftrate  ne  dit  point  qu'Apollonius  ait  gué- 
ri aucun  de  ceux  qui  étoient  frappés  de  la  pefte:  il  dit  feulement  qu'il  annonça  aux  E- 
phéfiens  que  la  pefte  alloit  ceHer.  Or  pour  l'en  inftruire  il  n'a  point  été  neceflaire 
que  le  démon  fit  un  Miracle:  &  doit-on  fuppofer  des  Miracles  diaboliques,  lorsqu'un 
événement  a  pu  arriver  d'une  autre  manière  ?  i  '  . 

„  Les  démons^  dit  TertHlikn,  favent  &  énoncent  avec  une  grande  facilité' ce  qui  fe    Tcrmli 
„  fait  par  toute  la  terre  ....  &  ils  veulent  pafler  pour  les  auteurs  des  chofes  qu'ils  ^'i°^' 
„  annoncent:  ils  le  font  à  la  vérité  quelquefois  des  maux,  mais  jamais  des  biens:  " 
Ouiâ  hH  geratur  tam  facile  flimit  cjncm  enuntiant  .  .  .  Jtc  <jr  autores  interdum  videri 
volant  eorum  c^ux.  annuntiant.    Et  .ffint  plané  malorum  Twnnnnquam ,  bonorum  tamen  nun- 

A  l'égard  de  M.  Fleuri ,  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  fon  ouvrage  eft  une  His- 
toire Univerfelle  &  non  pas  une  DilTertation  théologique  &  critique;  &  qu'ainfi  on 
doit  le  regarder  comme  un  Hiftorien  qui  rapporte  les  faits  tels  qu'on  les  raconte ,  & 
non  comme  un  Théologien  qui  examine  &  qui  difciite  fort  au  long,  quelle  eft  la  foi 
qu'on  y-  doit  prendre.  Cependant  M.  Fleuri,  après  avoir  donné  un  extrait  du  récit  de 
Philoftrate,  dont  il  dit  pUis  haut  que  l'hiftoire  eft  vifiblement /iïi«/e«/ê,  le  termine  par 
cette  réflexion  :  qu'/7  cfl  ajfez,  vraifernblable  qu'il  n'y  eut  que  de  la  hardiejfe  dr  de  l'in- 
dfijlrie  ,   .   .  crr  il  eji  aifé  d'impofer  an  peuple  prévenu. 

Voilà  pourtant  l'unique  preuve  que  M.  l'Evèque  de  Bethléem  nous  fournit  de  ce 
Miracle ,  preuve  qui  félon  lui  doit  couvrir  de  confufion  tous  les  Appellans ,  &  les  con- 
vaincre d'une  téi/iérité  inexcafable  .  .  .  on  d'un  dejfaut  de  ffience ,  ...  ou  de  Jtncérité 
portée  a,  l^exces  :  de  n'avoir  pas  avoué ,  après  un  fi  beau  Miracle ,  que  le  diable  en  fait 
de  plus  merveilleux  encore  que  ceux  de   notre  Siècle. 

Le  fait  de  la  fille  prérendue-reflufcitée  n'eft  pas  à  la  vérité  fi  abfurde  que  celui  du 
mendiant  métaraorpholè  en  chien.  Mais  Dieu  a  manifefté  lui-même  que  c'étoit  une  a- 
bominable  impofture.  Le  voici  tel  que  .le  bon  fens  le  préfente ,  à  en  juger  par  le  carac- 
tère d'Apollonius  &  par  plufieurs  circonftances ,  que  Philoftrate  n'a  pas  ofè  fupprimer 
entièrement. 

La  folie  ou  pour  mieux  dire,  la  fureur  d'Apollonius  étoit  de  fe  donner  la  réputation 
de  faire  des  œuvres  aulTi  merveilleufes  que  celles  de  Jefus-Chrift  :  &■  pour  cela  il  imi- 
îoit  autant  qu'il  lui  étoit  poflible  ce  qu'il  lifcit  dans  les  Evangiles.  Mais  comme  le  dé- 
mon ne  lui  fourniftbit  pas  tous  les  moyens  d'exécuter  tons  les  prodiges  qu'il  fouhaitoit, 
il  tâchoit  d'y  fupplcer  par  toutes  fortes  d'artifices  &  de  fourberies.  "^  Entre  autres  il  en- 

V  z  treprit 


t5<5  F  AI)  s  s  ETE'     DES     G  V  E' R  I  S  G  N' S 

DissERT-treprit  de  copier  la  réfurreftion  que  Notre  Sauveur  fit  à  Nïi'm ,  &  fe  flatta  d'en  avoir 
'"•"-'■*"'^- trouvé  un  moyen  qui  feroit  beaucoup  d'c'clat  dans  h  Ville  de  Rome. 

Une  jeune  fille  qui  e'toit  apparemment  très  liée  avec  ce  fourbe,  ayant  époufé  un 
homme  propre  à  entrer  dans  leur  complot,  fit  femblant  le  jour  même  de  fes  noces, 
d'ctre  morte  fubitemcnt.  Je  dis  fubitement,  car  fi  elle  avoit  été  malade ,  on  ne  l'auroit 
pas  mariée  ce  jour-là. 

Sans  doute  qu'Apollonius  lui  avoit  appris  le  fecret  de  fe  rendre  le  vifage  d'une  pâleur 
livide;  fecret  qui  quoiqu'un  peu  douloureux,  eft  d'ailleurs  très  aifé  à  exécuter,  &  que 
plufieurs  mendians  pratiquent  encore  aujourd'hui  pour  exciter  la  compaflîon,  ou  pour 
fe  faire  recevoir  dans  les  hôpitaux,  comme  s'ils  étoient  malades. 

Sur  le  champ  le  mari  jettant  les  hauts  cris,  &  ayant  fait  aiïembler  bien  du  monde  , 
pour  rendre  le  convoi  célèbre,  fit  mettre  fa  femme  fur  un  lit,  &  la  fit  porter  en  cet  é- 
tat  à  un  bûcher  qu'il  avoit  fait  préparer  au  plus  vite. 

Combien  un  tel  artifice  conduit  avec  tant  d'art ,  n'auroit-il  pis  été  capable  d'autori- 
fer  ridolàtric,  &  de  fournir  des  armes  à  tous  ceux  qui  dans  la  fuite  des  tems  auroient 
voulu  foutenir  que  les  plus  merveilleufes  guérifons  pouvoient  n'être  que  des  opérations 
diaboliques,  fi  Dieu  n'avoit  pas  fait  connoitre  que  tout  cela  n'étoit  qu'une  déteftable 
fourberie?  Mais  fa  bonté  ne  lui  permettoit  pas  de  fouffrir,  que  Satan  affoiblit  ainfi  l'Au- 
torité des  Miracles.  11  fit  tomber  une  très  grande  pluie  fur  le  convoi;  &  la  prétendue- 
morte  qui  jusqu'à  ce  moment  avoit  tenu  les  yeux  très  foigneufement  fermés ,  ne  fâchant 
d'oii  lui  venoit  l'eau  qui  lui  inondoit  le  corps,  en  fut  fi  furprifc,  que  cela  lui  fit  faire  un 
mouvement,  dont  plufieurs  des  AlTiftans  s'apperçurent. 

Si  le  mari  n'avoit  pas  été  du  complot  avec  Apollonius,  n'auroit-il  pas  fait  reporter 
fur  le  champ  fa  femme  en  fi  maifon ,  puisqu'il  voyoit  qu'elle  n'étoit  point  morte  ?  Mais 
étant  lui-même  tout  troublé  de  cet  événement  qu'il  n'avoit  pas  prévu ,  d'ailleurs  ne  vou- 
lant pas  manquer  de  parole  à  Apollonius,  &  fe  flattant  que  les  Speétatcurs  qui  ne  mar- 
choient  que  derrière ,  n'auroicnt  peut-être  pas  remarqué  le  mouvement  qu'avoit  fait  d 
femme;  il  continua  de  la  faire  porter  au  bûcher,  jusqu'au  moment  qu'Apollonius  fe 
préfenta  à  fa  rencontre. 

Ce  fourbe  infigne  n'ayant  pas  été  averti  de  l'accident  qui  venoit  d'arriver,  joua  fon 
rôle  avec  la  dernière  impudence.  Il  commanda  à  ceux  qui  portoient  le  corps  de  s'arrê- 
ter. Il  déclara  qu'il  alloit  changer  les  pleurs  des  Afliftans  en  des  larmes  de  joie,  & 
ayant  pris  cette  femme  par  la  main,  il  la  fit  defcendre  de  fon  lit  mortuaire,  &  fut  fur 
le  champ  avec  elle  chez  fon  père,  lui  conter  la  grande  merveille  qu'il  venoit  d'opérer. 
Le  père  n'étant  point  inftruit  de  la  fourberie  donna  1500.  ccus  à  Apollonius ,  pour  le 
récompenfer  d'avoir  ainfi  reffufcitè  fa  fille:  mais  Apollonius  craignant  que  ce  facrilége 
artifice  ayant  cû  grand  nombre  de  témoins ,  ne  parvint  bientôt  aux  oreilles  du  père  ,  re- 
mit fur  le  champ  les  1500.  écus  à  la  jeune  femme  ,  pour  la  payer  de  fes  peines. 

Voilà  les  faits  tels  que  la  droite  raifon  les  découvre  à  travers  de  tous  les  déguifemens 
de  Philofl:rate.  Je  vais  préfentement  rapporter  la  tradudion  de  fes  propres  paroles  :  elles 
n'auront  plus  befoin  de  commentaire.  Le  Lecteur  le  fera  aifément  lui-mcme,  pour  peu 
qu'il  fe  rappelle  ce  que  je  viens  de  lui  obferver. 
PKiloft  Lib  "  ^'  y  ^^°'^  ^  Rome,  dit  Philofirate,  une  jeune  fille,  qui  le  propre  jour  de  fes 
4.«.  li.  ,,  noces  fut  tenue  pour  morte  de  chacun,  par  je  ne  (ai  quel  accident  qui  lui  lurvint: 
„  fon  mari  faifant  de  grand  cris  &  menant  un  grand  deuil  de  l'avoir  fi  vite  &  Çi  mal- 
,,  heureufcment  perdue,  la  fit  porter  fur  un  lit,  &  fuivoit  le  convoi  en  faifant  d'c- 
,,  tranges  complaintes  ,  aulfi  bien  que  tout  le  peuple  qui  venoit  après  lui.  Mais 
„  Apollonius  ayant  de  fortune  rencontré  ce  convoi  aucz  proche  de  Tclefin  ;  Mettez, 
,,  dit-il,  à  terre,  car  je  vais  changer  les  larmes  que  vous  verfcz ,  en  des  pleurs  d'al- 
„  légrtfTc:   &  ayant  demande  le  nom  de  la  défunte,  comme  pour  faire  Ion  Oraifoii 

„  fune- 


'ATT  R  I  B  V  r  E  s    AV    D  E'  AI  0  jV,  &c.  157 

i,  funèbre,  &  pour  confoler  fon  mari  &:  fes  parens  (dit  Pliiloftrate  ,   mais  plutôt  pour    Disskrt." 
„  faire  accroii-e  aux  alTiftans  qu'il  ne  la  connoiflbit  pas)  il  lui  mit  la  main  fur  le  corps, -"'"-''^"'^■ 
„  &  lui  ayant  dit  quelque  chofe  tout  bas,  cette  jeune  femme  retourna  tout  foudain  en°^^  ""'■ 
„  vie,  de' la  même  forte  qu'Alcefte  fut  jadis  refîufcité  par  Hercule.     Elle  alla  auffitôt 
„  chez  fon  père,  qui  donna  1500.  écus  à  Apollonius  en  reconnoi fiance  d'un  fi  grand 
„  bienfait  :  mais  Apollonius  les  remit  à  la  mariée  pour  l'accroifiemcnt  de  fa  dote. 

j,  Au  refte  ,  contime  Philofirate  ,  c'eft  une  chofe  difficile  à  décider  ,  non  feule- 
,,  ment  pour  moi ,  mais  pour  tous  ceux  qui  fe  trouvèrent  préfens  à  ce  miracle ,  de  fa- 
„  voir  fi  Apollonius  trouva  quelque  refte  de  vie  à  cette  jeune  femme,  dont  les  méde- 
„  cins  ne  s'étoient  pas  apperçus.  Car  c'eft  un  fait  avéré  que  lorfqu'on  la  portoit  au 
„  bûcher,  il  furvint  une  grofle  pluie,  &  il  eft  difficile  de  deviner  li  cette  pluie  rap- 
„  pella  fon  ame  quoiqu'elle  fût  féparée  du  corps  ,  ou  fi  elle  ramina  les  efprits  qui  y 
„  étoient  reftés  comme  affoupis.  " 

Malgré  l'entortillement  de  ces  expreffions ,  &  les  doutes  afFeélés  dans  lefquels  Phi- 
loftrate  s'enveloppe  ,  il  eft  vifible  qu'il  avoue  ,  quoique  bien  malgré  lui ,  que  cette 
pluie  avoit  paru  ranirner  les  efprits  .  .  .  affoupis  de  cette  prétendue-morte ,  avant  qu'el- 
le fût  reflûfcitée  par  Apollonius  :  &  il  faut  néceflairement  que  cette  circonftance  eût 
fait  à  Rome  un  très  grand  bruit  ,  puifque  Philoftrate  n'a  pas  ofé  la  fupprimer  tout  à 
fait,  quoiqu'elle  eût  découvert  très  clairement  la  fourberie  de  fon  héros  ,  &:  qu'elle 
eût  vifiblement  manifeftè  que  cette  réfurredion  fimulée  n'ètoit  qu'une  fupercherie  très 
criminelle. 

IVl.  de  Bethléem  lui-même  en  rapportant  ce  fait  n'ofe  dire  ,  que  cette  jeune  femme 
fût  morte,  lorfqu' Apollonius  fit  femblant  de  la  reffiifciter.    Il  dit   feulement  qu'o«  la  ni.Lctt.  p; 
croyait  morte  &  qu'en  la  portait  en  terre.    Mais  ce  n'ètoit  pas  d'une  maladie  qu'elle  n'a-  ''• 
voit  point,  qu'Apollonius  prétendoit  la  guérir.    Il  fe  vanta  devant  tous  les  Affiftans 
en  arrêtant  le  convoi  ,    qu'il  alloit  changer  leurs  larmes  en  des  pleura  d'allégrejfe  ;  par  où 
il  entendoit  dire,  qu'il  alloit  faire  retourner  faudain  cette  jeune  femme  en  vie ,  de  la  mê- 
me façon  quAlcefle  fut  jadis  rejfufcité  par  Hercule. 

Auffi  Eufebe  qui  a  fait  un  aflez  gros  Ouvrage  pour  prouver  la  fauftetè  de  toutes 
les  ridicules  merveilles  qu'on  trouve  dans  le  Roman  de  la  Vie  d'Apollonius  ,  dit  à  l'é- 
gard de  la  fille  reffufcitée  dans  la  Ville  de  Rome  ,  que  ce  n'eft  pas  la  peine  d'exami- 
ner ce  faux  miracle  ,  puifque  Philoftrate  lui-même  paroit  n'y  ajouter  aucune  foi  : 
Quod  atitem  fpeclat  ad  puetlam  in  urbe  Ramà  pofi  mortem  ad  vitam  ah  Apallonio  revo-  Eufeb.  in 
catam^  id  chm  ipjl  Philojlrato  admodum  incredibile  vifum  fit ,  ne  examinanditm  quider»^^""'^^''^'^- 
nabis  efi. 

Mais  fi  Philoftrate  n'a  ofé  foutenir  la  vérité  de  ce  miracle,   &  s'il  a  même  été  forcé 
de  convenir   d'un  événement  qui  fait  clairement    connoître  que  ce  n'ètoit  qu'une  im- 
pofture  ,    comment  M,  l'Evêque  de  Bethléem  peut-il  le  donner  aujourd'hui,  comme 
um  preuve  décifive  ,  .  .  que  le  démon  peut  cr  veut  quelquefois  rendre  aux  hommes  la  fan-  l'^-Ltit-  p. 
lé  du  corps. 

Quoi  !  ce  Prélat  veut-il  donc  fe  rendre  aujourd'hui,  l'apologifte  des  plus  infignes 
fourberies  pratiquées  par  les  Idolâtres,  dans  le  deflèin  qu'ils  avoicnt  d'ébranler  les  fonde- 
mens  de  la  Religion ,  en  donnant  lieu  par  les  faux  miracles  qu'ils  publioient ,  de  con- 
fondre les  œuvres  de  Dieu  avec  celles  du  diable  ? 

Je  prouverai  plus  bas  ,  que  les  plus  habiles  des  Payens ,  &  tous  ceux  d'entre  eux 
qui  avoient  de  la  bonne  fiai,  font  eux-mêmes  convenus  que  ces  prétendus  miracles  n'é- 
toient  que  des  impoftures.  Comment  eft-il  poffible  ,  qu'un  Evêque  proftitue  aujour- 
d'hui fes  talens  pour  tâcher  de  faire  accroire  aux  Chrétiens  ,  que  ces  miracles  é- 
toient  véritables  ? 

V  }  Ceux 


1,8  lAVSSETE'     DES     G  V  E'  R  !  S  O  jV  S 

DissTRT.     Ceux  qu'il  attribue  enfuite  à  Pithagore  font  encore  phis  clairement  imaginaires  que 
«uRLAUT.çgyx  d'Apollonius. 

DESMiR.  pithagore  étoit  un  efpéce  de  Philofophe  ,  qui  a  extrêmement  répandu  ,  s'il  n'a  pas 
Preuves,  que  inventé ,  h  faufie  doftrine  de  la  métempficofc,  c'eft  à  dire  de  la  transmigration  des 
Pithagore njgrnej,     AuiTi  la  plupart  dss  Auteurs  Payens  qui  ont  vécu  de  fon  tems,  font-ils  mention 

point  fiic.d:     ,      ,    •  '^        1.  I  •         j  ri-  j  r  ,-, 

miiades.      dc  RU  :  mais  aucun  d  eux  ,  du  moins  de  tous  ceux  qui  lont  bien  connus ,  ne  dilent  qu  il 
ait  jamais  fait  de  miracles ,  ni  mcme  aucun  prodiqe. 

Sur  quel  fondement  M,  l'Evéque  de  Bethléem  lui  fait-il  donc  fi  libéralement  préfeot 
du  don  des  miracles  ? 

Il  cite  un  Ouvrage  de  Jamblique  difciple  de  Porphire  oii  il  prétend  qu'il  eft  dit, 
III.  Le;t.   qu'on  rncoitolt  de  Pithagore  mille  chofes  divines  cr  admirables ,  comme  de  prédire  infail- 
O1eoi.pp.52.  uyieme^t  Us  tremblemens  de  terre,  oJ"  de  chajfer  promptement  la  pefie.  Après  quoi  il  ajou- 
te que  Porphire  en  rapporte  les  mêmes  merveilles  C7  plujîeurs  autres  ^  que  AJ.    de  Beth- 
léem a  très  prudemment  pafle  fous  filence. 

Il  eft  vrai  que  Porphire  a  forgé  à  fa  manière  une  J^ie  de  Pithajrore,  &  que  Jambli- 
que a  encore  enchéri  fur  ce  que  Porphire  avoit  ridiculement  imaginé,  pour  l'oppofer 
aux  Miracles  de  Jefus-Chrift. 

Mais  par  qui  Porphire  &  Jamblique  qui  ne  font  venus  au  monde  que  plufieurs  Siècles 
après  Pithagore ,  ont-ils  entendu  raconter  les  impertinentes  merveilles  qu'ils  ont  mis  dans 
ce  Roman ,  tandis  que  tous  les  Auteurs  contemporains  ou  qui  ont  vécu  peu  après  Pitha- 
gore ,   n'ea  difent  pas  un  mot ,  quoiqu'ils  parlent  beaucoup  de  lui  \ 

D'ailleurs  ce  que  Porphire  débite  à  cefujet  eft  fi  abkirde,que  M.  l'Abbé  de  Hout- 

•Tom.  I.  p.  teville  dans  fon   Livre  intitulé  la  Religio»  Chrétienne  prouvée  par  les  faits ,  ait  que  „  cet- 

^^^"  „  te  Vie  de  Pithagore  n'eft  point  une  hiftoire,  mais  une  fuite  de  fables  fi  ridicules,  fi 

„  groftîcres  qu'à  moins  d'être  au  comble  de  l'impudence ,  on  ne  pourroit  fans  honte 

„  les  donner  à  titre  de  faits.  " 

Voici  au  furplus  qu'elles  font  ces  pitoyables  merveilles ,  félon  que  Porphire  les  rap- 
porte. 
Vit  Pithag.      3)  Pithagore  ,  dit-il,  paflbit  pour  être  le  Dieu  Apollon  :  &  ce  qui  en  ctoit  une  prcu- 
ï-'î'  „  ve,  c'eft  qu'affiftant  aux  Jeux  Olympiques,  il  fe  leva  &  fit  voir  à  cette  nombrcufe 

„  afTemblé:  une  de  fes  cuifles  qui  étoK  d'or.  Seul  entre  tous  les  humains ,  il  entcndoit 
„  la  délicieufe  harmonie  que  font  les  fphè .es  céleftes.  Il  avoit  une  réminifcence  par- 
,,  faite  des  divers  corps  que  fon  ame  avoit  animés  :  il  fe  reffouvenoit  par  exemple ,  d'a- 
,,  voir  été  tantôt  arbre  ,  tantôt  fille  ,  tantôt  poiffon ,  &  finj^uliércment  d'avoir  été  le 
„  magnanime  Euphorbe  vainqueur  dePatrocle  ami  d'Achille.  Il  faifoit  comprendre  aux 
,,  animaux  tout  ce  qu'il  leur  voufoit  dire  ,  &  il  entendoit  leurs  réponfes.  Il  prédit  la 
„  mort  d'un  ours.  Il  déf.ndit  \  un  bœuf  de  manger  des  fèves,  A:  ce  bœuf  obéit  à  fa 
,,  défenfe",  &c.  To'it  h  furplus  des  prétendues  merveilles  qui-,  félon  Porphire,  dé- 
voient faire  regarder  Pithagore  comme  un  Dieu  ,  eft  dans  le  même  goiit.  Et  voilà  ce 
que  M.  l'Lvcque  dc  Bethléem  nous  dit  être  d  s  Miracles  !  Autfi  s'cft-il  bien  garde 
d'en  donner  le  récit ,  fi  ce  n'eft  du  premier  :  encore  en  a-t-il  changé  une  des  principa- 
les circonftances.  Car  au  lieu  de  nous  raconter  ainfi  que  fait  Porphire ,  que  ce  fut  à 
tout  le  paiple  aflemblé  aux  Jeux  Olympiques,  que  Pithagore  montra  une  de  fes  cuiifes 
qui  ctoit  d'or,  il  a  tu  la  moJcftie  de  nous  dire  feulement  que  Pithagore  pour  perfuudcr 
m.  Lett.  \  Ji,,  dijciplc  qu'il  ctoit  le  Dieu  Apollon  ,  lui  montra  une  dejics  cuijfcs ,  «jui  étoit  ou  plutôt 
qni  paroijjoit  être  d'or. 

Comme  c'eft  \\  l'unique  miracle  de  Pithaf^ore , dont  ce  Prélat  nous  ait  donné  la  Re- 
lation, c'eft  fans  doute  le  plus  divin  8^  le  plus  admirable  qu'il  ait  trouvé  dans  la  Vie  de 
ce  Philofophe.    Le  Lecteur  me  difpenfcra  volontiers  d'y  répondre ,  &  trouvera  bon  que 

j'i- 


iXcoLp.  33. 


ATTRIBVE'ES    AV    D  E'  M  O  N,  crr.  ijj 

j'abandonne  une  fi  rifible  merveille  à  la  gaieté  de  fes  réflexions.    J'obferverai  feulement ,   Dissert 
que  lorfqu'on  eft  réduit  à  recueillir  de  pareilles  abfurdités,  pour  prouver  que  le  démon  ^""^  '''*"■' 
fait  des  Miracles,  on  a  beau  employer  toutes  ks  figures  de  la  Réthorique  pour  en  per- 
fuader  fes  Ledeurs,  on  ne  peut  éblouir  que  ceux  qui  ne  font  point  ufage  de  leur  ju- 


T 

DES  MIR. 


gement. 


Venons  préfentement  aux  deux  miracles  dans  lefquels  ce  Prélat  paroit  avoir  mis  fa       '^f- 
principale  confiance.     Car  'par  exemple,  à  l'égard  de  ceux  de  Pithagore  il  a  déclaré  fauS  de!* 
dans  fa  X.  Lettre,  qu'il  ninfijloit  f  oint  fur  cet  article  ,   ^  qu'il  co^ifc»t  qviQ  les  préten- P'^''^°'''" 
dus  miracles  de  ce  Philofophe  n'entrent  plus  dans  notre  difpttte.     Mais  en  même  tems  il  Vcfpaiien.'^ 
foutient,  qu'on  ne  ■peut  nier  les  deux  miracles  de  P^Jpaf en  fans  vouloir  douter  de  tout  X.Lecr.  pp. 
en  féiit  d'hiftoire  non  révélée.  476.  &  477. 

„  Voyez,    s'e'crie-t-il ,  Tacite,  Suétone,  Dion  de  Nicée,  Tertullien  ,  ou  pour /i'"  *"'"' P" 
„  vous  épargner  ce  travail ,  lifez  M.  Fleuri ,  &  Vous  y  trouverez  que  par  l'ordre  &  itij. 
„  la   protection  du  Dieu  Sérapis  ,    c'eft  à  dire  du  démon  fous  ce  nom,   l'Empereur 
,,  Vefpafien  rendit  fur  le  champ  la  vue  à  un  aveugle,  &  l'ufage  de  la  main  à  un  eftro- 
5,  pié.    Or  avez-vous  rien  ,  ajonte-t-il,  de  plus  merveilleux  dans  vos  miracles  ?  " 

Il  eft  vrai  que  Tacite  &  Suétone  rapportent  ce  fait  avec  quelques  circonftances, 
que  le  Prélat  a  jugé  à  propos  d'omettre.  Dion  ne  fait  que  copier  Tacite,  cent  ans 
après  cet  Auteur.  A  l'égard  de  Tertullien  ,  quoiqu'en  dife  M.  l'Evêque  de  Beth- 
léem,  il  n'en  parle  point  du  tout  au  Chapitre  zz.  de  fon  Apologie  ,  que  cite  ce  Pré- 
lat. Enfin  pour  ce  qui  eft  de  M.  Fleuri  ,  il  en  parle  comme  un  Hiftorien  qui  n'a  pu 
fe  difpenfer  de  rendre  compte  de  ce  que  Tacite  &  Suétone  ont  avancé  à  ce  fujet; 
mais  en  même  tems  il  donne  affez  à  connoître  quel  eft  fon  fentiment  fur  la  vérité  de 
cette  hiftoire  ,  par  la  remarque  qu'il  fait,  qu'on  peut  croire  qtt  Apollonins  (qu'il  avoit 
traité  plus  haut  de  fameux  impofteptr)  avoit  part  à  ces  prodiges  ,  qu'il  qualifie  plus  bas  Hlft.  Kcd. 
de  vrais  on  faftx  miracles.  Liv.a.ait. 

Lorfqu'un  Hiftorien  parle  ainfi  d'un  fait  qu'il  rapporte  lui-même  ,  il  eft  clair  qu'il 
ne  veut  pas  que  fon  Leéleur  ignore  qu'il  le  regarde  comme  une  fourberie  ;  &  n'en 
déplaife  à  M.  l'Evêque  de  Bethléem  ,  M.  Fleuri  ne  dit  point  ,  ainfi  que  ce  Prélat 
l'avance  très  gratuitement ,  que  c'efl  le  démon  qui  a  effeclivement  opéré  ces  guérifons  :  il  j.r  1  -t  p 
dit  feulement  qu'«7  n'y  avoit  rien  en  tout  cela  que  le  démon  ne  put  faire.  C'eft  ce  qui  eft  î^-  ' 
inconteftable  ,  puifque  dans  la  vérité  il  n'y  avoit  rien  de  défedueux  dans  les  yeux  de 
•  l'aveugle  prétendu ,  ni  rien  qui  manquât  pour  agir  dans  les  membres  de  celui  qui  fe  di- 
foit  eftropic,  ainfi  que  les  Médecins  confultés  par  Vefpafien  le  lui  déclarèrent  ,  avant 
qu'il  fe  déterminât  d'entreprendre  ces  deux  miracles  ,  ou  poui-  mieux  dire  de  prêter  la 
main  à  cette  impofture. 

Mais  ne  différons  pas  plus  long-tems  d'entrer  dans  le  détail  des  faits.  Il  eft  bon  d'a- 
bord d'obferver,  que  les  deux  Auteurs  qui  les  rapportent  ,  Tacite  &  Suétone,  n'ont 
écrit  que  près  de  40.  ans  après  la  datte  de  cet  événement  arrivé ,  non  à  Rome  où  ces 
deux  Auteurs  demeuroient  ,  mais  en  Egipte  &:  dans  la  Ville  d'Alexandrie.  Ainfi  ils 
n'en  ont  pas  été  témoins  oculaires ,  &  n'ont  rendu  compte  de  ce  fait  que  fur  des  ouï- 
dire  fi  vagues  &  fi  incertains  ,  qu'ils  fe  contredifent  mutuellement  dans  les  principales 
circonftances.  Par  exemple  ,  Tacite  dit  ,  que  c'étoit  un  manchot  que  Vefpafien  gué- 
rit, &  Suétone  dit  au  contraire  que  ce  fut  un  boiteux.  Et  à  l'égard  de  l'aveugle. 
Tacite  avance  qu'il  étoit  connu  pour  tel:  circonftance  très  cohfidérable,  fi  elle  eût 
cté  vraie;  mais  que  Suétone,  qui  n'a  écrit  qu'après  lui,  n'a  pas  ofé  répéter.  En  effet 
a  qui  cet  aveugle  et  oit-il  connu  ?  V  et  oit-il  des  gens  de  L'Empereur  ,  qui  ne  venoient  que  Demonil. 
d'aborder  en  Egipte?  dit  le  célèbre  M.  Huet  Evêque  d'Avranche  ,  qui  prouve  que  ces  ^'''^"f,',''"^" 
deux  prétendus  miracles  n'étoient  qu'une  fourberie,  &  que  Fefpajten  a  appliqué  de  faux 
remèdes  k  de  fatijfes  malades. 

Si 


\6o  F  yiV  S  S  ET  E'    DES     G  'J  E'  R  1  S  0  N  S 

Dissert.      Si  Tacite  &  Suétone  ont  confulte  quelque   témoin  oculaire  ,  ce  n'a  pu  être  vrai- 
^"'"-''^"'^•fembhblement  que  quelque  vieux  Romain  ,    qui  dans  fa  jeunelTe  avoit  fuivi  Vefpafien 
DES  MiR.    ^^  Egipte.     Or  puifqu'il  ne  faifoit  lors  de  cet  événement   que  d'arriver  à  Alexan- 
drie, comment  ce  vieux  Romain  avoit-il  connu  cet  aveugle  de  la  populace? 

Il  fe  p:ut  faire  que  quelques  Romains  éblouis  par  la  grande  eftime  qu'ils  faifoient 
de  Vefpallen  ,  aient  été  aifezMlmples  pour  fe  laiffer  tromper  par  lartifice  avec  lequel  ces 
faux  miracle?  furent  exccntés.  Mais  en  faifant  attention  à  toutes  leurs  circonftances, 
il  n'y  a  perfonne  de  bon  fens  qui  ne  s'apperçoire,  que  tout  cela  n'étoit  qu'une  impos- 
ture. Et  il  y  a  tout  lieu  de  préfumer  qu'Apollonius  &  les  Prêtres  de  Serapis  en 
étoient  les  premiers  auteurs, 

„  La  prcfence  d'Apollonius  de  Tyane,  le  plus  célèbre  des  Magiciens  ,  &ami  très 
Baron,  ad  j>  intime  de  Vefpalîen ,  dit  le  Cardin.il  Baronins ,  me  détermine  volontiers  à  croire  que 
ann.7i.n.  ^^  tout  cela  n'a  été  imaginé  que  par  l'artifice  d'Apollonius.  Car  il  étoit  dans  ce  tems 
„  à  Alexandrie,  où  par  benicoup  d'autres  impoftures ,  que  PhiloRrate  raconte,  il  s'é- 
,,  toit  attiré  l'admiration  des  habitans  de  cette  Ville  Prsfentià  Ty-tnai  ma^orum  omnium 
celeÙTrimi ,  &  Fc/p^^Jiano  amicitià  conjunEiijfimi  ,  nmnihil  moveor  ut  exijlimem  ea  omnin 
fuiffe  eJMsdem  ylpollonii  Tyanai  >irte  excogitata.  His  cnim  diebus  aderat  AUxandrijc  ,  ac 
flnrihus  aliis  tmpofiuris  quas  recenfet  Philojiratus ,  in  fui  admirationem  converterat  A- 
Icxandrinos. 

A  l'égard  des  Prêtres  de  Sérapis  ,  ils  avoient  un  intérêt  très  preffant  de  procurer  à 
leur  Dieu  h  protection  du  nouvel  Empereur,  le  Sénat  de  Rome  ayant  rayé  cet  infâme 
Dieu  du  Calendrier  divin  ,  &  apnt  lait  abbattre  fes  autels  ,  à  caufe  des  impudicités 
qui  accompagnoient  fon  culte.  Or  ces  Prêtres,  par  le  confeil  d'Apollonius  qui  étoit 
alors  avec  eux  ,  n'en  trouvèrent  point  de  meilleur  moyen  que  de  faire  faire  des  mi- 
racles à  Vefpafien  par  l'ordre  de  leur  Dieu. 

Apollonius  leur  aura  fait  fentir',  que  dans  la  fituation  oii  fe  trouvoit  Vefpafien  ré- 
cemment élu  Empereur  par  fon  armée ,  &  ayant  intérêt  d'en  impofer  au  peuple  ,  rien 
ne  lui  feroit  plus  avantngeux  que  de  paffer  pour  un  homnje  à  miracles,  un  homme  vi- 
fiblement  favorifé  des  Dieux. 

Pour  exécuter  ce  defl'ein  ,  ils  engagèrent  un  quidam  de  la  populace  \  contrefaire  l'a- 
veuqle,  ce  qui  n'étoit  pas  bien  diâàcil;,  puifqu'il  n'y  avoit  pour  cet  effet  qu'à  tenir 
les  yeux  fermés.  Or  je  prouverai  par  le  témoignage  même  de  Tacite,  que  fon  aveugle 
prétendu  ne  l'étoit  que  de  cette  façon. 

Ce  n'efl;  pas  tout  :  ils  joignirent  à  cet  aveugle  un  autre  homme  de  la  lie  du  peuple, 
pour  contrefaire  le  boiteux  ou  le  manchot.  On  peut  mcme  fuppofer,  fi  l'on  veut, 
que  ce  boiteux  ou  ce  manchot  paroifloit  réellement  eftropié.  Car  il  y  a  des  gens  qui 
le  paroiflent  quand  ils  veulent,  quoiqu'ils  ne  le  foient  pas.  Lorfque  des  os  font  reftés 
démis  pendant  pUiHeurs  jours  par  quelque  accident,  les  ligamens  de  ces  os  fe  relâchent 
&  s'allongent  de  façon,  qu'après  qu'ils  font  rétablis  à  leur  place  ,  ou  peut  les  en  dé- 
ranger fans  beaucoup  de  douleur  ',  &  on  les  remet  enfuite  très  facilement.  Lorfqu'ils 
font  hors  de  leur  pbce,  un  membre  paroit  contrefait  ,  &  dès  qu'ils  font  replacés,  ce 
membre  femble  avoir  été  guéri  tout  à  coup.  Tacite  me  fournira  encore  la  preuve, 
que  l'eftropié  qui  vint  demander  fa  gucrifon  >i  Vefpafien ,  ne  l'ttoit  que  de  cette  ma- 
nière. 

Il  V  a  donc  lieu  de  croire,  que  les  Prêtres  de  Sérapis  ayant  trouvé  un  homme  qui 
pouvoir  ainfi  fe  faire  paroitre  eftropié  quand  il  vouloit ,  l'envoyèrent  avec  leur  aveugle- 
prétendu  fe  jettcr  aux  pieds  de  Vefpafien ,  en  lui  difant  que  le  Dieu  Sérapis  leur  avoit 
ordonné  en  fonge  de  lui  dcchrcr  de  fa  part,  que  s'il  vouloit  bien  cracher  lur  les  yeux 
de  l'aveugle  &  toucher  du  pie!  l'cRropic,  ils  fcroient  aullitot  guéris. 
Tac'n.  lib.4.      Vefpafien  fe  mocqua  d'abord  de  la  propofition  &  la  rejetta  bien  loin:  refp.tjîanus  pri- 


ATTRIBVE'ES    AV     D  E'  M  0  N,  6'c.  i6i 

mo  irridere,  afpemari;  ne  fentant  nullement  en  lui  la  vertu  de  faire  des  miracles  En  DustR-r. 
vain  ceux  de  (es  plus  chers  favoris  qui  ctoient  du  fecret,  &  à  la  tête  dcfquels  fe  trou-  surl'aut. 
voit  Apollonius,  le  prefloie;it-ils  de  tester  ces  miracles:  il  y  reffla  long-tems,  quoi-  °^^"'^' 
qu'il  entendît  à  demi  mot  ce  qu'ils  ne  vouloient  pas  lui  décl  rer  ouvertement.  Mais 
cet  habile  Empereur  craignant  malgré  tous  leurs  difcouis ,  qu'il  n'y  eût  quelque  chofe 
de  réel  dans  |es  maladies  ,  ne  voulut  rien  hazardei  ;  car  il  fentoit  que  c'eût  été  fe  per- 
dre de  réputation,  &  s'expofer  à  pafler  pour  un  petit  génie  ,  pour  un  homme  léger 
&  trop  crédule,  &  par  conféquent  incapable  de  gouverner  l'Empire^,  s'il  entreprenoit 
publiquement  de  faire  des  miracles  qui  n'euifeni  pas  un  plein  fuccès.  Il  ne  voulut 
idonc  point  s'y  déterminer,  qu'il  n'eût  fait  auparavant  examiner  par  fes  Médecins  ,  fi 
ces  deux  miracles  étoient  immanquables.  Mais  les  Médecins  diffipcrent  entièrement  fes 
doutes  &  toutes  fes  inquiétudes  à  cet  égard  ,  lui  ayant  certifié  que  l'aveugle  n'avoit 
pas  perdu  la  faculté  de  voir,  &  que  dès  que  les  empêchemens  feroient  levés,  elle  re- 
viendroit  auffitôt  :  Haie  non  excifim  vim  hminis  ^  &  redituram  Jt  pelicrentur  objlantia  ^  Ibid. 
dit  Tacite  ;  &  qu'à  l'égard  de  l'eftropié  il  avoit  feulement  les  articles  dérangés  ,  & 
qu'ils  pouvoient  être  remis  en  y  employant  une  force  falutaire  :  ////  eUpfos  in  pravum 
art  fis ,  Jt  falnbris  vis  adhibeatur  ,  pojje  integrari ,  dit  encore  le  même  Auteur.  Ce  qui 
fît  clairement  comprendre  au  rufé  Vel'pafien  ,  que  l'aveugle  n'avoit  befoin  pour  voir 
que  de  lever  les.  paupières  ;  car  c'étoit  le  feul  obftacle  qui  l'en  empêchoit  :  &:  que 
l'eftropié  pour  être  guéri ,  n'avoit  qu'à  remettre  à  fa  place  un  os  qu'il  avoit  dé- 
rangé. 

Vefpafien  pleinement  raffuré  fe  met  auffitôt  dans  fon  trône,  avec  un  vifage  où  la  joie 
étoit  peinte  :  Lato  ipfi  vulttt ,  ercBà  quce  ajlabat  multitudine ,  jnjfa  exequiiur  ;  &  en  pré- 
fence  d'une  multitude  de  perfonnes,  il  fait  venir  le  faux  aveugle  &  le  foidifant  eftropié, 
met  de  fa  falive  fur  les  yeux  de  l'aveugle  qui  les  ouvre  auUitôt ,  &  touche  l'eftropié 
qui  à  l'inftant  ceffe  de  l'être. 

Y  a-t-il  quelqu'un  qui  puifte  croire ,  qu'im  auffi  grand  politique  que  Vefpafîen  eût 
pris  une  fî  entière  confiance  dans  les  fonges  que  lui  avoient  raconté  ces  deux  hommes 
de  la  populace  ,  que  fur  la  foi  de  ces  fonges  il  eût  voulu  bazarder  de  commettre  fa  ré- 
putation dans  un  tems  oîi  fon  él:â:ion  toute  nouvelle  de  fa  puiffance  encore  mal  affermie 
demandoient  qu'il  la  ménageât  fi  fort  ?  Qui  a  donc  pu  lui  faire  entreprendre  avec  tant 
d'affurance  à  la  vue  d'un  grand  nombre  de  témoins  une  chofe  auffi  inouïe  ,  fî  ce  n'eft 
la  pleine  certitude  oii  il  étoit  du  fuccès?  Or  d  oii  pouvoit  lui  venir  cette  certitude,  fî- 
non  de  la  connoilTance  qu'il  avoit  que  tout  cela  n' étoit  qu'un  artifice  ,  mais  qui  avoit 
été  conduit  avec  tant  de  dextérité,  qu'il  ne  pouvoit  manquer  d'en  impofer  à  la  multi- 
tude &  de  f.'rprendre  fa  crédulité?  C'eft  ce  qui  arriva  effefl:ivement. 

Il  y  eut  cependant  nombre  de  perfonnes,  même  parmi  les  Romains,  qui  s'étant  in- 
formés fi  l'aveugle  &  l'eftropié  l'avoient  été  efïeâivement  ,  découvrirent  que  tout  cela 
n'étoit  qu'un  jeu;  mais  pour  lors  ils  n'eurent  garde  de  le  déclarer  publiquement.  Les 
Romains  q"i  avoient  embraflc  le  parti  de  Veipafien  ,  avoient  intérêt  pour  eux-mêmes 
de  ne  pas  dire  ce  qu'ils  penfoient  ;  &  les  habitans  d'Alexandrie  enveloppés  de  tous 
côtés  par  l'armée  de  l'Empereur,  n'ofoient  le  faire. 

Cependant  le  tems  qui  découvre  toujours  la  vérité ,  n'a  pas  laiffé  ignorer  que  ces 
deux  prétendus  miracles  n' étoient  qu'une  pure  fourberie.  Cela  eft  fi  vrai  que  Porphi- 
re,  Julien  l'Apoftat  ,  ni  aucun  autre  des  Auteurs  qui  ont  écrit  contre  Ifs  Chrétiens, 
n'ont  ofé  les  leur  objeéler,  quoiqu'ils  aient  été  chercher  jufques  dans  l'Antiquité  la 
plus  reculée  plufieurs  fables  ridicules  pour  prouver  que  leurs  faux-Dieux  avoient  la 
puiffance  de  faire  des  prodiges.  Si  l'impoftiire  de  ces  deux  miracles  n  avoit  pas  été 
de  notoriété  publique ,  les  Idolâtres  ne  les  auroient-ils  pas  cités  pour  répondre  aux  A- 
pologiftes  de  la  Religion  qui  leuc  foutenoient  affirmativement,  qu'il  n'y  a  que  le  vrai 

Pifert.  Tom,  II.  X  Dieu 


xSt  F^VSSETE'    DESGVE'RISONS 

Dissert. Dieu  qui  puifle  faire  des  guérifons  Miraculeufes  ?  Il  y  a  même  tonte  apparence,  que 
surl'aot.  ç'çfj.  pg^  rapport  à  ces  deux  faux  miracles,  que  Tertullien  reproche  à  Tacite  ,  qu'il 
DES  MiR.  ç^  ^^  grand  difeur  de  menfongcs ,  mendaûorym  lo<juact£imHs ,  Se  qu'il  a  rempli  fin  h'n' 
j6.^  •£•  15-  f^jyg  de  f^ujfetc's  pottr  relever  U  Religion  des  Païens, 

Mnis  voici  un  témoignage  encore  plus  précis.  En  effet  n'eft-il  pas  vifible  que  ce 
font  finguliérement  ces  deux  faux  miracles  qu'Arnobe  a  en  vue  ,  lorfqu'il  défie  tous 
les  Payens  de  lui  prouver  ,  qu'aucun  de  leurs  Dieux  ou  de  leurs  Souverains  Pontifes 
(tout  le  monde  fait  que  les  Empereurs  étoient  revêtus  du  Souverain  Pontificat)  aient 
jamais  guéri  quelque  maladie  que  ce  foit,  par  la  feule  parole  ou  par  le  fimple  attouche- 
ment. Il  foutient  au  contraire,  que  ni  leurs  faux-Dieux  ,  ni  leurs  Souverains  Ponti- 
fes, c'eft  à  dire  leurs  Empereurs,  n'ont  jamais  pil  faire  aucune  guérifon  furnaturellc, 
pas  même  de  la  plus  légère  incommodité.  „  Pouvez-vous  me  citer  (s*écrie-t-il)  un 
Lib.i.aJv.  ^^  Prêtre,  un  Sacrificateur  ,  u»  Souverain  Pontife  à  qui  Jupiter  ait  donné  le  pouvoir, 
-•eia.p..  .  ^^  ^^  ^^  j.^  p^^  feulement  de  relTufciter  des  morts ,  de  rendre  la  vue  à  des  avcngles  ^  de 
„  rétablir  des  membres  cjiropie's  ,  mais  mcme  de  guérir  une  petite  enflure ,  une  peau 
„  enlevée,  un  bouton  au  vifage,  en  n'y  employant  que  le  toucher  ou  la  parole?  " 

Il  eft  à  remarquer,  qu'Arnobe  étoit  parfaitement  inftruit  de  tout  ce  qui  ctoit  arri- 
vé de  confidérable  chez  les  Payens.  !  1  avoit  été  long-tems  un  de  leurs  plus  célèbres 
Orateurs  ,  avant  que  d'embraCTer  le  Chriftianifme  ,  il  avoit  même  fait  des  difcours 
contre  la  Religion  ,  &  s'étoit  pour  cela  informé  avec  grand  foin  de  tout  ce  qui  pou- 
voit  autorifer  T  Idolâtrie  ,  dans  laquelle  il  avoit  été  élevé.  La  lumière  éclattante  qui 
fortoit  des  Miracles  que  fàifoient  les  Chrétien;  ,  éclaira  fon  efprit  &  convertit  (on 
cœur.  Toutes  fes  recherches  lui  avoient  appris  ,  que  jamais  les  faux-Dieux  qu'il 
adoroit ,  n'avoient  rien  fait  de  femblable  ;  &  elles  contribuèrent  à  le  convaincre  de  plus 
en  plus  ,  qu'il  n'y  a  que  le  Créateur  de  l'Univers ,  qui  ait  la  puifTance  d'opérer  de 
telles  Merveilles. 

Au  furplus  s'il  n'avoit  pas  été  en  état  de  prouver  ,  que  les  deux  prétendus  min- 
cies de  Vefpafien  n'étoient  qu'une  fourbeiie  ,  &  de  citer  quantité  de  Payens  qui  en 
avoient  eux-mêmes  public  l'artifice  ,  auroit-il  ofé  faire  le  défi  qu'il  leur  fait  à  tous  à 
ce  fujet? 

Mais  qu'ont-ils  répondu  à  ce  défi  ?  Rien,  Ils  fe  font  vus  forcés  de  garder  à  cet 
égard  un  trifte  filence,  &  ils  ont  mieux  aimé  abandonner  ces  prétendus  miracles ,  que 
de  compromettre  leur  honneur  en  prenant  la  deffenfe  d'une  impoUui-e  reconnue  pour 
telle  par  les  gens  même  de  leur  Religion. 

AufTt  le  Cardinal  Belbrmin  donne-t-il  comme  un  fait  de  notoriété  publique,  qut  les 

miracles  attribués  à  Vefpafien,  n'étoient  que  fourberie  &  faufl.-té. 

Tom.II.lib.      „  En  un  mot,  dit-il,  les  maladies  n'étoient  que  feintes,    &  leur  guérifon    ne  doi- 

^cnoiis    ^^  vent  pas  être  placées  au  ran^^  des  miracles,  mais  comptées  parmi  les  menfonges  :  " 

Vno  verbo  morhi  fuerunt  Jimnlati  ,  &  fanationes  non  inter  mincnU  fed  inter  mend^cia 

funt  reccnfcr.da. 

Ccft  cependant  fur  ces  de".x  prétendus  miracles  de  Vefpafien  reconnus  pour  faux 
par  les  Idolâtres  eux-mêmes,  que  M.  l'Evêque  de  Bethléem  s'appuie  principalement 
pour  prouver  que  le  démon  a  opéré  les  guérifons  les  plus  admirables  ,  &  qu'il  nous 
Fait  de  vifs  reproches  de  notre  incrédulité  par  rapport  aux  mincies  diaboliq'ies. 


Ill.lxit.  p.  „  De  quoi  ne  doutcrez-vons  pas  en  fait  d'hil>oire  non  révélée  (nous  reproche-t-il  \ 
„  tous)  fi  vous  niez  les  deux  miracles  de  Vefpafien?  Ce  font  des  miracles  opérés  par 
„  un  Empereur  en  préfcnce  de  fa  Cour  ,  &  d'une  multitude  fort  attentive.  Ce  (ont 
„  des  Auteurs  contemporains  qui  nous  en  font  le  récit.  .  .  Auteurs  que  perfonnc  n'a 
,,  defavouts  ni  contredits." 
Cette  belle  déclamation  porte  fi  vifibl<jnent  à  faux,  que  tout  l'eâlt  qu'elle  doit  pro- 
duire , 


ATTRinVrES    AV    D  £*  MO  N,  &c.  kîj 

duîre,  c'eft  de  donner  de  la  défiance  au  Lefteur  des  faits  que  ce  Prélat  afTure  le  plus   Dissert. 
pofitivement;  &  fur  lefquels  il  fe  fonde  davantage.  sauL-Aur. 

Comme  il  parle  enfuite  des  prétendus  miracles  d'Efculape,  je  vais  avec  empreffement    ^'  ""^* 
entrer  dans  la  difcufïîon  des  preuves  qu'il  en  rapporte.   Car  cela  me  donnera  occafion  M  i'Evéq.de 
de  mettre  lous  les  yeux  du  Lefteur  plufîeurs  faits  interreffans ,  &  d'établir  plufieurs  ^'■'''''"'"' 

_,/  .    /     ■  .         ■'  ^  '  r  '     pom  prouver 

Ventes  importantes.  quE:cuhpe 

Ce  qu'il  y  a  ici  d'admirable ,  ou  pour  mieux  dire  de  bien  furprenant ,  ce  ne  font  pas  ,„ ,'"  '^^' 
certainement  les  merveilles  faites  par  Efculape ,  mais  c'cft  la  manier:  dont  s'y  prend  îvl.  *'•".'  des  gué» 
l'Evêque  de  Bethléem  pour  faire  accroire,  que  ce  faux  Dieu  de  la  Médecine  faifoit  cutatî's'uis 
des  guérifons  miraculeufes.  à  faux  le  te- 

ll s'appuie  principalement  fur  le  fentiment  de  Tertullien  ,  quoiqu'il  lui  foit  diamé»  Taïuïucn.  ' 
tralement  oppofé ,  &  il  emploie  pour  toutes  preuves  de  fait  quatre  Infcriptions  grec- 
ques ,  dont  la  fauffeté  eft  reconnue  même   par  les  plus  grands  ennemis  du  Chrifti> 
nifme. 

Commençons  ,  ainfi  qu'il  a  fait ,  par  le  témoignage  de  Tertullien.  Il  le  cite  dans 
deux  endroits.  Dans  le  premier,  il  ne  rapporte  point  fes  paroles,  &  il  lui  afriibue  un 
fentiment  tout  contraire  au  fien.  Dans  le  fécond,  il  produit  tant  ei  t?; in  qu'en  fran- 
çois,  les  termes  dont  il  tire  avantage  :  mais  de  ce  pafTage  il  y  en  a  1:  moitié  qui  ne  fe 
trouve  point  à  l'endroit  cité,&  à  l'égard  de  l'autre  moitié  ce  Prél.t  1  interprète  à  con- 
tre-fens ,  en  donnant  au  Lefteur  une  ironie  de  Tertiillien  pour  une  propofition  af- 
firmative. 

,,  Lifez,  dit-il,  Tertullien,  Chapitre  23.  de  fon  Apologie  ,  &  il  vous  apprendra,    li[.Lett.p, 
„  que  c'étoient  les  démons ,  qui   fous  le  nom  du  faux   Dieu  Efculape ,  rendoient  la  '*■ 
„  fanté  à  des  perfonnes  qui  étoient  à  l'extrémité.  Pourroit-on  croire  en  effet  que  ce  foit 
„  Dieu  qui  ait  autorifé  par  des  miracles   le  culte  d'un  homme  que  fs  propres  adora-» 
„  teurs  avoiioient  avoir  été  frappé  de  la  foudre  pour  fon  avarice." 

Dans  ce  Chapitre  15.  il   n'y  a  qu'un  feul  endroit  ou  il  foit  parlé  de  miracles.     En    TcnuiJian. 
voici  les  termes.     Adagi  phantafmata  edunt ,  .  .  mttlta  miracula  circHlatoriis  praftigiis  Apologczj. 
htduKt:  ,,Les  magiciens  (ou  (\  l'on  veut  les  démons)  font  paroître  des  phantômes,  ils 
„  fe  jouent  à  contrefaire  plufeurs  miracles  par  des  prefliges  de  Charlatan." 

Ceci  ne  cadre  guéres  à  la  citation  de  M.  1  Evêque  de  Bethléem.  Il  veut  perfuader , 
que  TertulHen  convient  que  le  démon  fous  le  nom  d'Efculape  fait  de  grands  miracles; 
&  voilà  tout  au  contraire  ,  que  Tertullien  précifément  dans  le  Chapitre  cité  ,  foutient 
que  les  prétendus  miracles  des  démons  ne  font  que  de  vains  preftiges  ,  qu'ils  exécutent 
par  des  artifice$  femblables  à  ceux  des  Charlatans.  Sur  quoi  il  eft  bon  d'obferver,  qu'i- 
ci &  en  quelques  autres  endroits, Tertullien  comprend  fous  le  terme  de  miracles  tous  les 
effets  généralement  quelconques  qui  paroiffent  merveilleux  :  cela  eft  manifefte  en  ce 
patfage,  puisqu'il  y  eft  queftion,  non  de  créations  réelles,  fubites  &  furnaturelles ,  de 
réfurreftions ,  ou  de  guérifons  miraculeufes ,  mais  feulement  de  preftiges  ,  de  phantô- 
mes &  d'illufions. 

Quelque  Ledeur  fera  peut-être  curieux ,  que  je  lui  rapporte  l'explication  du  mot 
circMlatoriis  faite  par  le  Père  George  célèbre  Commentateur  de  Tertullien.  „  On  ap- 
„  pelle,  dit-il,  circulatores  les  gens  qui  au  milieu  des  places  publiques  amufent  par  des 
„  fables  ou  des  preftiges  les  Spedateurs  ,  qui  les  entourent".  DiEli  circulatores  homi' 
xes  illi  circumforanei  ^  qui  fpetiantiftm  cttu  feu  circula  circnmdati ,  fabttlis  Indnnt  aut 
fvajligiis. 

Voilà  donc  l'idée  que  Tertullien  nous  donne  des  miracles  du  démon,  bien  différente 
de  celle  que  nous  veut  faire  prendre  M.  l'Evêque  de  Bethléem. 

Mais  peut-être  que  ce  Prélat  a  en  vue  un  autre  endroit  du  même  Chapitre,  oii  Ter* 
tulliea  dit  „  qu'Efculape  indiquoit  des  remèdes  aux  malades,  &  que  par  la  vertu  de 

X  a  „  ces 


i<S4  TAVSSETE    DES    GVE'RISOMS' 

DissîHT.  ces  remèdes  (que  Tertiillien  nomme)  il  a  confervc  la  vie  à  des  gens  qui  p.iroilToient 
suK  L  AUT.  prcts  à  la  perdre  en  peu  de  jours  ".  Voici  fes  termes:  AefcuLipitts  medicinarum  de- 
»Es  »nH.    f„g„Jir,ttor  ,  alla  die  morituris '^  ficordio  ^  janacio  er  afclepiadoto  -uhji  fubminifirator. 

Si  c'eft  là  le  pafTage  dont  a  voulu  parler  ce  Prélat,  où  eft  le  miracle  de  rendre  la 
fanté  à  des  malades  par  la  vertu  des  remèdes ,  ainfl  que  font  ks  Médecins  ? 
Paflbns  à  la  féconde  citation  que  fait  ce  Prél-^t. 
ni.Leti.p.      M  C'cft  le  démon,  dit  Tertullien  ,  Chapitre  ii.  de  fon  Apologie  ,  qui  caché  foui 
jS-'  „  les  noms  &  les  fimulacres  des  morts,  fait  des  prodiges,  opère  des  miracles,  &  rend 

„  des  oracles  pour  faire  croire  que  ces  morts  font  des  Dieux,  Delitefcens  fub  nomini' 
bus  ce"  imagiKibus  mortuorum  ,  quibiisdAm  f'gf-is  &  miraculis  (^  oraculis  fidem  divini- 
„  taris  oper.uar.  Ouï  certainement  ,  dit-il  encore ,  les  démons  font  bienfaifans ,  même 
„  quant  aux  guérifons  des  maladies  :  BcHcfici  pUne  cr  circà  curas  valetudinum.  Il  re- 
„  connoît  donc  que  tous  les  miracles  de  ce  genre  attribués  aux  faux  Dieux  ne  font  pas 
„  des  fables,  qu'il  y  en  a  de  très  réels."  • 

J'ai  déjà  obfervè  ,  que  la  première  partie  de  cette  citation  ne  fe  trouve  point  dans  le 
Chapitre  21.  A  l'égard  de  la  féconde,  pour  démontrer  jufcju'à  quel  excès  M.  l'Evê- 
que  de  Bethléem  abufe  des  fix  mots  qu'il  cite  exadement  ,  il  ne  faut  que  rapporter  en 
fon  entier  le  paffage  en  queftion. 

Tertullien,  après  avoir  pofé  pour  principe  dans  ce  Chapitre,  que  les  démons  „font 
TermUiin.  51  quelquefois  les  auteurs  du  mal ,  mais  janrtais  d'aucun  bien:  auBores  .  .  .  fnnt  plane 
Apologc.il.  malorum  nonrunauam ,  honorum  tamen  nuneju.im;  s'écrie:  ,,  Les  démons  ne  font-ils  pas 
„  en  effet  fort  bienfaifans  dans  la  cure  des  maladies  ?  Ils  commencent  par  bleffer,  en- 
„  fuite  ils  prefcrivent  des  remèdes  nouveaux  ou  même  contraires  pour  contrefaire  un 
„  miracle:  après  cela  difcontinuant  de  blefler,  ils  font  accroire  qu'ils  ont  guéri:  Bene- 
jici  flâne  (Jr  circà  curas  valetudinum.  Ladunt  enim  primo  ,  dehinc  remédia  pntcipiunt  ad 
miraculum  nova  Jive  contraria;  poftque  definunt  ladere ,  ^  curajfe  creduntur.  N'eft-ce 
pas  là  un  bienfait  vraiment  digne  du  diable  ,  de  faire  réellement  du  mal  ,  pour  enfuitc 
faire  accroire  qu'il  fait  du  bien  ? 

Voilà  inconteftablement  le  vrai  fens  du  paflT^ge  de  Tertullien,  &  M.  l'Evêque  de 
Bethléem  eft  trop  habile  pour  avoir  pil  s'y  méprendre.  Comment  en  effet  pourroit-oa 
concevoir,  que  Tertullien ,  dans  le  moment  qu'il  vient  de  donner  pour  maxime ,  que 
les  démons  ne  font  que  du  mal ,  &  jamais  aucun  bien ,  pût  auflîtôt  faire  férieufement 
cette  exclamation,  ainfi  que  M.  de  Bethléem  le  fuppofe  :  Ouï  certainement  les  démons 
font  bienfaifans ,  même  cjuant  aux  guérifons  des  maladies;  Sc  comment  feroit-il  polTible 
que  ce  célèbre  Apologifte  de  la  Religion  donnât  tout  de  fuite  pour  preuve  que  les 
démons  font  des  miracles  bienfaifans  ,  le  cruel  artifice  dont  ils  fe  fervent  pour  tromper 
les  hommes  &  pour  tâcher  de  leur  perfuader  qu'ils  leur  font  du  bien ,  lorfque  réellement 
ils  ne  leur  font  que  du  mal  ? 

Il  eft  donc  manifeftc  que  M.  l'Evêque  de  Bethléem  préfente  ce  paflage  dansim  fens 
direftement  contraire  à  celui  de  l'Auteur  ,  en  donnant  ,  comme  je  l'ai  dit  ,  une  ironie 
pour  une  propofition  affirmative. 

Glaces  au  Prélat  il  n'a  pas  été  néceflaire  d'aller  chercher  bien  loin  dans  les  Ouvrages 
de  Tertullien,  pour  découvrir  quel  a  été  fon  fentimcnt  fur  la  queftion  de  favoir,  (I 
Efculapc  &  les  démons  ont  fait  des   guérifons  miraculeufes  :  il  n'a  fallu  pour  cet  effet 

3ue   lire  les  deux  fculs  petits  Chapitres,  dont  le  Prélat  cite  quelques  paroles ,  qu'il 
onnc  fingulièrcment  pour  preuves  qu'Efculape   a    fait    des  miracles.     Qu'y  trou- 
ve-t-on  ? 

Premièrement  ,  qu'Efculape  ne  guériflbit  les  maladies  que  par  l'efficace  des  rcmcdes,'' 
qu'il  co;  rcilloit. 

Sccoudcmcnt ,  qu'en  général  les  démons  ne  guériflent  point  fans  remc'des  des  mabdics 

pro- 


ATT  R  I  BV  r  E  s    AV    B  f  M  O  N,  ùc.  1^5 

proprement  dites,  mais  feulement  quelques  douleurs  momentanées  qu'ils  caufent  par  leur  Dissert: 
preTence ,  Udmt ,  &  qui  celTent  dès  qu'ils  difcontinuent  d'asir  ,  polîque  defiKunt  Udere^^^'^'"-^'^' 
O'  curajje  creduntur. 

Car  il  ne  faut  pas  croire  que  fi  le  démon  avoit  fait  quelque  bleffure  confidérable ,  il 
auroit  le  pouvoir  de  la  guérir  fur  le  champ.  Il  ne  peut  agir  que  conformément  aux 
loix  qui  régiffent  la  nature.  Or  fuivant  ces  loix  une  bleflure,  pour  peu  qu'elle  ait  dé- 
truit quelques  fibres ,  ne  peut  pas  fe  guérir  en  un  moment. 

Dans  la  fuite  de  cet  Ecrit  je  prouverai  encore  invinciblement,  que  tous  les  autres 
Apologiftes  de  la  Religion  ont  foutenu ,  ainfi  qne  Tertullien ,  que  le  démon  n'a  jamais 
guéri  de  véritables  maladies  cjue  par  la  vertu  des  remèdes  qu'il  indiquoit,  mais  feule- 
ment qu'il  a  quelquefois  fait  cefler  tout  à  coup  quelques  fouffrances  paffagéres  qu'il 
produifoit  lui-même. 

C'eft  cependant  pour  avoir  avancé  cette  Propofition  puifée  dans  les  Ecrits  de  ces 
célèbres  DefFenfeurs  du  Chriftianifme ,  &  qui  d'ailhurs  eft  fondée  fur  les  Textes  de 
l'Ecriture,  le  fentiment  des  Pérès  &  les  Décifions  de  l'Eglife,  ainfi  que  je  l'ai  déjà 
prouvé  ci-deflus  ,  que  M.  l'Evêque  de  Bethléem  accufe  tous  ceux  des  Appellans  qui 
deffendent  l'Autorité  Divine  des  Miracles,  d'être  des  ignorans  ou  des  gens  de  mau- 
vaife  foi. 

KT avez.-vous  donc ,  s'écrie-t-il ,    aucune  conmijfance  des  autorités  ni  des  faits  que  j'ai   IlI.Lett.  p. 
rapportés  ( finguliérement  du  fentiment  de  Tertullien.)   Ou  eji  votre  fcience  d'ignorer  ce  ^^• 
^ue  presque  toute  l' Antiquité  a  reconnu  .  .  .   Que  Jt  vous  étiex,  inflruits  ^  de  ces  faits  gf- 
de  ces  autorités ,  je  laijfe  au  Public  de  caraSérifcr  de  fin  vrai   nom  l'efprit  qui  vous  les  a 
fait  dijjimuler ,  qui  vous  a  fait  ajfurer  le  contraire, 

.  Le  Ledeur  fent  combien  il  nous  feroit  aifé  de  faire  retomber  toutes  ces  invedives 
fur  ce  Prélat.  Mais  ce  n'eft  pas  là  l'objet  qui  nous  interreffe.  Nous  refpedons  fon 
caraélére,  &  nous  aimons  fa  perfonne.  Ce  n'eft  pas  de  l'homme  que  nous  voulons 
triompher.  Nous  n'avons  d'autre  deffein,  que  de  préferver  nos  frères  de  la  fédudlion, 
que  fes  Ecrits  répandent  dans  leur  ame  ,  &  de  les  perfuader  du  refpeft ,  de  la  confian- 
ce, &  de  la  foumiflion  qu'ils  doivent  à  tout  ce  que  Dieu  décide  fous  nos  yeux  par 
des  Miracles. 

•   C'efl;  dans  cette  vue  que  je  vais  encore  prouver ,  que  non  feulement  les  faux-Dieux        v'. 
n'ont  jamais  fait  de  guérifons  qui  aient  paru  miraculeufes ,  mais  même  que  les  Payens  les  autres  °' 
les  mieux  inftruits  des  faits  en  font  eux-mêmes  convenus  ;  &  que  fi  quelques-uns  de  f^^ux-Çieux 
leurs  Prêtres  ont  quelquefois  fait  accroire  au  peuple,  qu'Efculape  ou  quelque  autre  fait  de  guéri- 
Dieu  de  même  trempe ,  avoit  fait  un  miracle ,  ils  ont  regardé  cela  comme  une  fable  ou  1°"?  ^"^f^~ 
comme  1  eftet  de  quelque  artifice.  lue coulaient 

-   Efculape  avoit  été  un  fameux  Médecin,  mais  fi    fordidement  avare  que  fes  pro- Ç^iTc/dTns 
près  adorjteurs  avouoient  ,   ainfi   qu'en  convient  M.  l'Evêque  de  Bethléem ,    qu'il  l'e'i'tit  des 
avoit  été  écrafé  d'un  coup   de  tonnerre   en  punition   de  fon  avarice,      Croyoient-ils  m^eux  in- 
donc  qu'après  un  fi  funefte  trépas ,  il  étoit  devenu  le  maître  de  faire  des  régénérations  "'"""  '^" 
fubites ,  &  de  renverfer  à  fon  gré  les  loix  permanentes  qui  régilTent  les  êtres  matériels , 
pour  guérir  miraculeufement  des  malades  ?  Non.     Ils  s'imaginoient  feulement  qu'il  a- 
voit  confervé  après  fa  mort  la  fcience  qu'il  avoit  acquife  pendant  fa  vie.    Auffi   ne  lui 
donnoient-ils  que  le  titre  de  Dieu  de  la' Médecine,  &  non  pas  de  Dieu  de   la  nature. 
Ils  ne  s'adreffoient  pas  à  lui  dans  la  confiance  qu'il  pouvoit  les  guérir  par  fa  feule  vo- 
lonté :  mais  ils  lui  demandoient  feulement  qu'il  leur  indiquât  des  remèdes  falutaires  de 
fpécifiques ,  foit  par  les  fonges  qu'il  envoyoit  quelquefois ,  mais  très  rarement ,  foit  par 
les  réponfes  de  fes  Prêtres. 

Son  temple  étoit  une  Ecole  de  Médecine  ,  ainfi  que  l'attefte  Paufanias,    Hiftorien  i^juP.  in  A- 
très  eftimé.   Multa  hic  monflramur  morhomm  remédia.    Ses  Prêtres  s'appliquoient  àci^^icis,  im, 

X  5  cette  ^^-■^'"'- 


iS6  F^VSSETE'     DES    GVERTSONS 

DissFRT. cette  fcienc3,  &  pour  fupplcer  à  l'impuifTance  de  leur  Dieu,  \h  donnoient  eux-mêmes 
suRf.'.uT.  jgj  i-^^rni-des  aux  malades  qui  venoicnt  implorer  fou  fecours.    Auflî  Paufanias,  tout  ido- 
Dt.s  MiB..  ]^''t,-£  qu'il  ctoit ,  fait-il  entendre  très  clairement  qu'il  regardoit   comme  des  chimères 
toutes  les  merveilles  qu'on  racontoit  d'Efculape. 

En  effet  toutes  ces  merveilles  le  réduifoieat  a  des  fonges,  par  lefquels  le  de'mon  in- 
diquoit  à  quelques  malades  les  remèdes  qu'ils  avoient  à  faire  pour  recouvrer  leur  fan- 
té  :  mais  il  n'a  pu  faire  cette  faveur  qu'à  très  peu  de  perfonnes ,  Dieu  n'ayant  pas 
permis  qu'il  fe  fervit  fouvent  de  ce  moye.i  pour  aveugler  de  plus  en  plus  les  Ido- 
lâtres. 

Au  furplus  un  fonge  n'efl;  point  un  miracle,  &  lorsqu'il  eft  procuré  par  Satan  il  doit 
être  mis  au  nombre  des  prcftiges ,  puisqu'il  n'a  rien  de  réel,  &  qu'il  ne  confifte  que 
dans  une  imprefllon  momentanée  que  cet  Efprit  fu'otil  faifoit  dans  l'imagination  de  quel- 
ques-uns de  ceux  qui  mettoient  leur  confiance  en  lui. 

A  l'ct^ard  des  Prêtres  d'Efculape,  ils  n'étoient  proprement  que  des  Charlatans,  qui 
par  la  force  de  certams  remèdes  violens  que  nomme  TertuUien ,  guérifToient  à  la  vérité 
quelques  malades ,  mais  qui  en  faifoient ,  ou  du  moins  qui  en  laiflbient  périr  un  bien 
plus  grand  nombre. 

Il  ne  faut  que  confuker  encore  Arnobe,  ce  célèbre  Payen  converti  par  les  Miracles, 
pour  fe  convamcre  que  les  faux-Dieux  n'ont  jamais  guéri  des  maladies  réelles  &  per- 
manentes que  par  la  vertu  des  remèdes  ciu'ils  prefcrivoient ,  &  non  pas  qu'ils  infinuoient 
invifiblement  dans  le  corps,  ainfi  que  s'imagine  M.  de  Bethléem.  Car  fi  ces  remèdes 
invifibles  eulfeat  procuré  une  guérifon  qui  n'auroit  pu  arriver  naturellement  fans  re- 
mèdes elle  eût  indubitablement  paîTé  pour  un  vrai  Miracle.  Or  c'efl:  ce  qui  n'eft 
jamais  arrivé  dans  le  temple  des  Idoles,  ainfi  qu' Arnobe  en  prend  les  Payens  même  à 

témoins.  i    /  • 
Arnob.  Lib.     Après  avoir  rapporté  plufieurs  Miracles  faits  par  les  Chrétiens,  il  défie  les  Payens 
i.adv.Gcm.  ^^  prouver  qu'aucun  de  ceux  de  leurs  Dieux  qu'ils  difent  avoir  été  d  un  grand  fecours 
pour   les  malades,  aient  jamais  rien  fait  de  pareil  :  „  S'il  y  en  a ,  continne-t-il ,  qui 
aient  guéri  quelques  malades,  ainfi  qu'on  le  publie,  ils   leur  ont  ordonné  de  pren- 
dre une  médecine  ou  quelque   breuvsge Pour  çcu^ajotite-t-il,  que  vous  y 

vouliez  faire  attention,  vous  reconnoitrei  vous-mêmes,  qu'il  n'y  a  rien  en  toiu  cela 

de  grand,  ni  qui  foit  digne  d'être  admiré,    puisque  les  Médecins  guériflent  de  la 

même  façon."     Ottid  Jimtle  DU  omues ,  a  quibus  oocm  dicitis  ^gris  &   pericHt.xmibHs 

^Ltitm^  quiJlquAndo^  ut  fama  eft,  nonmlUs  aitt   tribuere  medicinam  aut  cibnm  ttliqmem 

Aufferunt  capi  ....    Qjtod  ejje  mn  magnum  ncc  admirationis  alicnjus  Jiupore  condignum , 

prompt um  efl ,  ft  volueritis  attendcre  ;  Aiedici  emm  fie  curant. 

Arnobe  fi  bien  au  fait  de  tout  ce  qui  étoit  arrivé  dans  les  temples  des  Idoles ,  auroit- 
il  ofé  foutenir  à  tous  les  Payens ,  que  leurs  Dieux  n'avoient  jamais  guéri  perfon  -e  que 
par  les  mêmes  moyens  dont  l.s  Médecins  fe  fervent,  fi  quelqu'un  de  ces  Dieux  avoir 
fait  quelque  guérifon  qui  eut  paru  Miraculeufe  ? 

Ici  je  ne  puis  m'empéchcr  Je  me  récrier,  qu'il  efl:  bien  fingulier  de  voir  d'une  part 
au  milieu  des  Payens  un  Laïque,  tel  qu' Arnobe  nouvellement  forti  des  téneTires  de  l'I- 
dolitrie,  s'expofer  de  tout  fon  cœur  à  la  plus  fanglante  periccution  pour  publier  par 
toute  la  Terre,  qu'il  n'y  a  que  le  vrai  Dieu  qui  ait  jamais  fait  des  Rliracles;  &r  de 
voir  d'un  autre  coté,  dans  le  fcin  de  l'Eglife  Catholique,  un  Religieux  fait  Evéque 
pour  avoir  relevé  la  gloire  des  Divinités  Payennes  &  du  pouvoir  des  démons. 

Mais  'Arnobe  va  plus  loin.   Non  content  de  foutenir  à  la  face  de  toutes  les  Puiffance» 
Idolâtres ,  que  leurs  Dieux  ne  favoient  guérir  qu'en   faifant  prendre  des  remèdes ,  il 
leur  reproche  que  même  par  ce  moyen  ils  ne  guérilfoient  que  très  peu  de  perfonnes. 
Que  de  milliers  d'infirmes,   ajouic-t-ily  pouvous-nous  vous  montrer  qui  n'ont 

„  re^u 


IM. 


ATTRI'BVrES    AV     D  E'  M  O  N,    &c.  x6j 

reçu  aucun  foukgement  dans  leurs  maux  quoiqu'ils  allalTent  prier  à  tous  les  temples  D'ssEnt. 
profternés  par  terre  &:  baifaat  le  pas  de  la  porte,  &  quoique  pendant  le  refte  de  leur  ^"'"'  '*"'^' 
Vie,  ils  n  aient  pas  ceile  de  fatiguer  de  leurs  vœux  Liculape  même,  qui  eft  à  ce 
que  vous  dites ,  le  reftaurateur  de  la  fanté  !  Ne  favons-nous  pas  que  les  uns  font 
,  morts  de  leurs  infirmités ,  que  les  autres  ont  vieilli  dans  les  tourmens  que  leur  cau- 
foient  leurs  maladies,  que  d'autres  fe  font  trouvés  dans  un  état  bien  plus  périlleux 
après  avoir  pafle  les  jours  &  les  nuits  à  prier  fans  ce  (Te  dans  l'attente  de  fon  fecours? 
Que  vous  fert-il  de  nous  en  montrer  un  ou  deux  qui  ont  été  guéris  (par  des  remè- 
des, aiafi  qu'il  l'a  dit  plus  haut,)  tandis  qu'aucun  (des  Prêtres  d'Efculape)  n'a  pu 
en  guérir  un  millier  d'autres  ?  "  Onot  milUa  vtiltis  k  mbis  debilium  vobis  ojiendi ,  ^uot 
tabificis  ajfeBos  morbis  ,  nitllam  omnino  retulijfe  -/nedkinam ,  cum  per  omnLi  fupplices  irent 
templa ,  cum  Deorum  ante  ont  proftrati  limina  ipfa  converrerent  ofcuUs ,  cum  AefcHlapiHm 
ipfum  datorem  ,  ut  prxdica»t ,  fanitatis  ,  qnoad  illis  fitperfuit  vit  a ,  precibus  fatigarent  gr 
invitaient  miferrimis  votis  !  A'cnne  alios  fcimus  malis  fuis  commortuos ,  crnciatibus  alios 
Confcnuijfe  morbomm ,  permcsvJÎHS  alios  fejè  habere  capijfe,  poftqHar/i  dies  noElefque  precibrts 
pietatifque  expeEiatiofie  triverHKt  ?  Ottid  ergo  prodefi  ofiendere  unttm  am  altertim  cttratos 
fortajje ,  cam  tôt  -ifiillibjis  fubvenerit  nemo. 

S.  Athanafe,  &  plufieurs  autres  Pérès  de  l'Eglife  ont  fourenu  auffi  bien  qu'Arnobe,  S.Athau  de 
qu'Efculape,  ni  aucun  autre  des  faux-Dieux  n'a' oit  jamais  fait  de  guérifons  qu'on  pût  l?"'"' ^' '^5' 
donner  pour  miraculeufcs.     Mais  entre  autres  S.  Cyrille  en  étoit  fi  bien  informé  &  fi 
certain,  qu'il  ofe  offrir   de  fe  rendre  lui-même  un  des  admirateurs  d'Efculape,  C\  on 
peut  lui  juftifier  qu'il  ait  fait  quelque  guérifon  de  cette  nature, 

,,  Si  le  fils  de  Coxoms,  dit -il,  a  fait  quelque  chofe  qui  foit  digne  d'un  Dieu:  s'il  a    S.  Cyriii. 
„  rendu  la  vue  à  des  aveugles  :  s'il  a  relTufcité  des  morts:  s'il  a  fait  marcher  des  boi-  juiun.Tora. 
„  teux;    il  eft  jufte  que  nous  mêmes  nous  augmentions  le  nombre  de  fes  admira- '^pv-^o^*' 
„  teurs."  ^*^' 

Il  faut  qu'un  Saint  foit  bien  fur  de  fon  fait,  pour  en  faire  une  offre  fi  furprenante. 
A  l'égard  du  petit  Dieu  Sérapis  que  M.  de  Bethléem  nous  donne  encore,  mais  fans 
aucune  preuve  pour  un  grand  faifeir  de  miracles ,  ne  fuffit-il  pas  pour  en  montrer  la 
faufleté  de  citer  l'Arrêt  du  Sénat  Romain  qui  le  raya  du  nombre  des  Dieux,  &  qui 
fit  abbattre  fes  autels,  ainfi  que  M.  l'Evêq  le  deBet'iléem  en  convient  lui-même?  S'il 
eût  fait  des  guérifons  m.iraculeufes ,  ou  même  qui  enflent  paru  telles,  quels  honneurs  les 
Payens  ne  lui  auroient-il^"  pas  rendu  ?  Avoient-ils  rien  de  plus  précieux  que  la  vie  & 
la  fanté,  eux  qui,  du  moins  la  plupart,  ne  croyoient  point  l'immortalité  de  l'ame? 
Cependant  les  temples  d'Efculape  8:  de  Sérapis  n'étoient  prefque  fréquentés  que  par 
des  gens  de  la  lie  du  peuple,  qui  ne  s'adrefloient  aux  faux-Dieux  &  à  leurs  Prêtres 
que  parce  qu'ils  n'avoient  pas  le  moyen  de  fe  faire  traiter  par  des  Médecins. 

Bien  loin  que  ceux  des  Payens  à  qui  il  reftoit  quelque  lumière ,  aient  attribué  aux 
petits  Dieux  fubaltemes  la  toure-puiflance  de  difpofer  de  la  nature  à  leur  gré  &  de  gué- 
rir les  maladies  par  des  voies  furnaturelles ,  ils  n'imaginoient  pas  même  que  Jupiter  eût 
un  pouvoir  fi  grand,  quoiqu'ils  le  regardaffent  comme  le  Maître  des  autres  Dieux:  ce 
qui  eft  fi  vrai  qu'ils  n'ont  jamais  prétendu  que  ce  Maître  des  Dieux  eût  fait  de  telles 
guérifons. 

C'étoit  cependant  fous  ce  nom  que  Lucifer  prince  des  démons  fe  faifoit  adorer ,  & 
fi  le  Très-haut  lui  eût  permis  d'opérer  des  guérifons  miraculeufcs  ,  qui  font  de  tous 
les  bienfaits  ceux  auxquels  les  hcmmes  fc:u  les  plus  fe.jfibbs,  qui  peut  douter  que  Lu- 
cifer ne  l'eût  porté  à  faire  de  telles  merveilles  qui  auroient  beaucoup  augmente  la  vé- 
nération que  les  Tdolàiires  avoient  pourlui?  Or  s'il  en  eût  fait,  avec  quel  emprefle- 
ment,  avec  quel  éclat  les  Payens  ne  les  auroient-ib  pas  publié  partout  l'Univers,  eux 
qui  étoient  fi  amateurs  du  merveilleux,  &  qui  débitoient  jufqu'aux  fables  le:  plus  ab- 

furdes , 


ft 


168  F  yi  "J  s  s  E  T  E'     DES     G  V  L'  R  r  S  O  N  S 

DisstRT.  furdes,  pour  fiirc  accroire  que  leurs  faux-Dieux   avoient  fait  des  chofes  tics  ctoa- 

Mais  il  ne  convenoit  pas  à  la  fageCfe  Divine  de  fouffrir,  que  le  Serpent  infernal 
contrefit  les  Miracles  qui  font  l'efpéce  des  Merveilles  où  la  Toute-puiflance  s'uniflant 
à  la  Mifericorde  e'clatte  comme  à  Tenvi  de  la  manière  la  plus  fenfible.  Il  n'etoit  pas 
de  la  gloire  du  Très-haut  de  permettre  à  Satan  d'imiter  les  œuvres  qu'il  a  lui-mémc 
choifies  pour  nous  manifefter  le  plus  clairement  fa  préfence.  Enfin  la  Bonté  de  notre 
Père  cc'kftc  s'oppofe  ccnitinuellement  à  ce  que  l'Efprit  pervers  ait  la  libenc  d'employer 

f>our  nous  féduire ,  la  même  voie  fumaturelle  dont  Dieu  fe  fert  pour  nous  expliquer 
ui-même  fes  volontés:  &  elle  ne  peut  jamais  fouffrir  que  l'Ange  de  tcncbrcs  obfcurcif- 
fe  ainfi  le  plus  brillant  témoignage  que  le  principe  des  vraies  lumières  nous  donne  des 
Vérités  que  nous  avons  le  plus  grand  intérêt  de  favoir  &  d;  croire. 
En  effet  comment  l'Auteur  de  tout  bien,  qui  de  toute  éternité  avoit  réfolu  d'établir 
'^W.XVi.  lî  Religion  par  des  guérifons   Miraculeufes  :    Sermonem  confirmante  fecjMcntibHs  Jîgnis  ; 
*°'  aufoit-il  voulu  permettre  au  diable  de  contrefaire  ce  figne  diftinftif  de  fa  préfence,  ce 

caraftére  expreflifde  fa  charité  &  de  fon  pouvoir  fuprcme,  ce  témoignage  décififde 
la  Vérité? 

Non  feulement  M.  l'Evêque  de  Bethléem  ne  rapporte  aucune  preuve  folide  d'aucun 
des  faits  fur  lefqucls  ils  fe  fonde  ;  non  feulement  fon  Sifteme  des  Miracles  diaboliques 
répugne  aux  fentimens  que  la  Religion  infpire  &  à  ceux  que  la  raifon  fournit  ;  mais 
ce  pernicieux  Siflcme  combat  direftement  un  grand  nombre  de  Textes  de  l'Ecriture, 
les  inftrudions  que  les  Pcres  nous  ont  donné  fur  ce  fujet ,  &  les  Décifions  des  Con- 
ciles. 

Cependant  ce  Prélat  n'en  eft  pas  moins  hardi  à  chanter  vidoire,  à  célébrer  fon 
triomphe ,  &  à  traiter  avec  infulte  ceux  qui  refufent  d'adhérer  à  fes  faufles  fuppo- 
fitions. 

Mais  qu'il  me  permette  de  lui  demander,  fi  les  Pérès  du  VI.  Concile  général,  qui 
ont  décidé  qu'//  eft  impoffîùU  Cju'un  blaffhématenr  dn  nom  de  Dieu  fajfe  des  miracles  :  (i 
ceux  du  Concile  de  Tours,  qui  ont  déclaré  que  /^  jllAgie  er  ics  enchantemens  ne  peu- 
vent fer  vir  de  rie»  pour  guérir  aucune  des  infirmités  des  hommes;  Çi  S.  Chryfoftôme, 
qui  s'élevc  fi  fort  contre  ceux  qui  foutiennent  que  le  démon  peut  guérir  des  maladies , 
&  qui  les  accufe  ^?  combattre  la  parole  de  Dieu:  fi  S.Irénée,  S.  Cyrille,  S.  Athanafe 
&  plufieurs  autres  Pérès  de  l'Eglife,  Laftance  &  autres  célèbres  Théologiens,  qui 
donnent  pour  principe  que  les  démons  ne  font  point  de  guérifons  miraculeufes  ,&  qu'ils 
n'ont  du  pouvoir  que  pour  nuire  :  enfin  fi  Arnobc  qui  défie  tous  les  Payens  de  piouver 
qu'aucun  de  leurs  Dieux  ait  jamais  fait  une  feule  guérifon  qui  ait  véritablement  paru 
digne  digne  d'être  admirée;  ont  tous  été  des  igiorans  ou  des  gens  de  mauvaiie  foi, 
aulfi  bien  que  ceux  des  Appellans  qui  avancent  les  mêmes  Propofitions?  A  qui  pour- 
roit-on  faire  légitimement  un  tel  repioche?  Ne  feroit-ce  point  plutôt  à  ceux  qui  pré- 
fèrent les  fables,  lesmenfonges ,  les  impoflurcs  des  Payens,  aufcntimeut  des  Pérès,  à  la 
décifion  des  Conciles,  &  à  quantité  de  paffages  tant  de  l'Ancien  que  du  Nouveau Tef- 
tament  ? 
vr  Mais  fi  les  autorités  facrées  ne  font  pas  capables  d'émouvoir  M.   de  Bethléem,  pre- 

Avfux  &té- nons-nous  y  d'une  autre  manier:.  Que  fait-on?  Peut-être  les  Témoins  d'une  efpécc 
dc'sijoiiîfcs,  toute  différente  que  je  vais  encore  lui  oppoir,  lui  feront-ils  plus  d'imprcnTion.  Il  pa- 
niic  leurs      jQJj  avoir  mis  fa  confiance  dans  les  Ecrits  de;  Payens.      le  vais  donc  le  combattre  par 

Drcjx  nom  i  \     r  i       i        •  i  /-  .'^  «  •  i     ■      i  S 

poimfjit  de  les  aveux  de  pluiieurs  de  leurs  plus  fameux  Auteurs,  &  même  par  celui  des  plus 
mKJcttTeu-  g^i'ls  Adverfiires  de  la  Religion  Chrétienne,  &  enfin  par  le  témoignage  de  h  multi- 
!«••  tadc  des  idolâtres  convertis  à  la  foi.    Sans  doute  ce  Prélat  rcOfcntira  quelque  ho.ite  de 

donner 


ATTRIBVE'ES     AV     D  E' M  O  N ,  &c.  rSç 

donner  au  diable  plus  de  puiflfance  que  ne  lui  en  ont  attribué  tous  les  Idolâtres   qui   Dissekt, 

•  ■•  ■   •  •        -  -  SUR  L'AUT 

DES  MIR. 


n'ont  point  été'  entièrement  aveuglés  par  cet  Efprit  de  menfonge.  surl'aut. 


J'ai  déjà  obfervé  que  Paufanias,  en  parlant  du  temple  d'Efculape,  donne  clairement 
à  connoitre  qu'il  ne  regardoit  que  comme  des  contes  ou  des  effets  tout  naturels ,  les 
merveilleufes  guérifons  que  quelques  gens  de  la  populace  racontoient  avoir  été  opérées 
par  ce  faux  Dieu  ou  par  fes  Prêtres. 

Athénée ,  autre  Auteur  Payen  ,  s'efl;  même  donné  la  peine  de  prouver  que  tous  les 
prétendus  miracles  de  guérifon  qu'on  attribuoit  aux  Divinités  du  Paganifme ,  étoient 
en  même  tems  notoirement  faux  &  d'une  abfurdité  parfaite. 

Polibe,  qui  de  tous  les  Hiftoriens  Idolâtres  pafTe  pour  le  plus  vrai  &  le  plus  judi- 
cieux, attelle  également,  que  toutes  les  merveilles  du  Paganifme  n'étoient  que  de  pures 
fables. 

Voici  un  beau  pafTage  fur  ce  fujet  extrait  de  fon  Hifloire  &  rapporté  par  Baronius ,  Baron,  ad. 
qui  auparavant  s'exprime  ainfi  :  „  A  l'égard  des  Miracles  que  divers  Payens  ont  attri- *°°'^''°'' 
„  bué,  non  feulement  aux  hommes,  mais  même  à  leurs  faux-Dieux,  Polibe  fort  célé- 
„  bre  parmi'  leurs  Auteurs ,  eft  un  garant  très  fincère  de  la  foi  qu'on  doit  y  ajouter. 
„  Je  regarde  comme  un  avantage  précieux  de  rapporter  ici  ce  qu'il  en  décide  qui  con- 
„  Vient  parfaitement  à  mon  fujet:  Voici  comme  il  s'exprime.  "  {Scd  quod  pertmet  ad 
miracftla  cjU£  non  tantitm  hominibus  fed  dits  ipjts  à  diverjîs  aHtoribus  gemilibus  funt  ad' 
firipta ,  CMJus  fint  fidei  teflis  fincertjjimus  efl  Folihius ,  inter  eos  chtrijjîtnus  aator  ;  chjhs 
fententiam  rebtts  his  de  quibus  agimus ,  vulde  accommodât am  hic  recitare  opéra  pretinm  du- 
cimus.  Sic  erAm  ait:)  ,,  Pour  moi,  dit  Polibe,  je  ne  fai  comment  dans  tout  ce  Traité ''?'>'''•  '-'''• 
„  je  ne  puis  m'empêcher  de  contredire  conftamment  les  Hiftoriens  (qui  racontent  ces 
„  faux  miracles)  ni  d'être  indigné  contre  eux.  Il  me  femble  que  tout  cela  eft  bon  à 
„  dire  aux  enfans  ,  qui  croient  fans  réflexion  les  chofes  les  plus  abfurdes  & 
„  les  plus  impoffibles  ....  Il  faut  pardonner  à  quelques  Hiftoriens  ,  qui  ont 
„  publié  certaines  chofes  prodigieufes ,  pour  contribuer  à  entretenir  la  piété  du  peuple 
„  envers  la  Divinité;  mais  ils  ne  font  pas  excufables,  quand  ils  pafTent  ces  bornes.  " 
Ego  vero  nefcio  quomodo  hujmmodi  hijloriographornm  fententiis  toto  hoc  TraBata  confianter 
repHgno  (j-  fiiccenfeo.  Vidcntur  autcm  mihi  talia  prorsHS  puerilem  fenfttm  recipere ,  qui  ci- 
trà  conjlderationem  non  modo  abfurdei  fed  cr  impojjibilia  compkElitHr  .  ,  .  In  omnibus  qui- 
dem  illis  qu£  plcbis  pietatem  ergà  Nnmen  confervant ,  condonandum  eft  nonnullis  hijiorio- 
graphis^  qui  de  tdibus  monjirofa  loquur/tttr  ;  in  eo  vero  quod  modum  hune  excedit ,  ignofien- 
dum  non  ejl. 

Que  penferoient  Paufanias  ,  Athénée  &  Polibe ,  qui  quoiqu'élevés  dans  l'Idolâtrie 
n'ont  pii  à  l'égard  des  Miracles  être  abufés  par  l'Esprit  de  menfonge,  s'ils  étoient  à  pré- 
fent  témoins  de  la  crédulité  d'un  Evêque  Catholique,  qui  donne  aujourd'hui  aux 
Chrétiens  les  fables ,  les  Romans  &  les  fourberies  du  Paganifme  pour  des  faits  auxquels 
on  eft  obligé  d'ajouter  foi ,  &  qui  veut  nous  faire  accroire  que  les  démons  ont  le  pou- 
voir de  faire  des  Miracles  pour  nous  rendre  la  fanté  &  nous  conferver  la  vie,  qui  font 
les  plus  précieux  des  biens  de  la  terre  ? 

Mais ,  dira  peut-être  M.  l'Evcque  de  Bethléem,  Paufanias,  Athénée  &:  Polibe  n'é- 
toient pas  apparemment  des  gens  qui  euflfent  fort  à  cœur  l'intérêt  de  leur  Religion. 

Pour  réponfe  produifons-lui  le  témoignage  de  celui  de  tous  les  hum.ains  qui  a  fait  les 
plus  grands  efforts  pour  mettre  l'Idolâtrie  en  honneur.  Le  Leâeur  conçoit  tout  d'un 
coup  que  je  parle  de  Julien  l'Apoftat.  Ce  qu'il  déclare  &  qu'il  avoit  éprouvé  lui-mê- 
me ,  porte  un  coup  d'autant  plus  mortel  au  Siltême  du  Prélat ,  qu'on  ne  peut  douter 
que  le  démon  n'ait  épuifé  tout  fon  pouvoir  en  faveur  de  cet  Empereur  qui  n'cpargnoit 
ni  fes  artifices  ,  ni  fa  puiffance  ,  ni  fes  tréfors  ,  pour  faire  régner  l'Idolâtrie  dans 
tout  l'Empire.    Voici  néanmoins  ,    fuivant    l'aveu  de  ce  fameux  Apoftat  ,   à  quoi 

Dijfert.  Tom.  II.  V  fe 


lyo  FAVSS^TL'     DES     GUE'RISONS 

Dissert,  fe  rcduifoient  toutes  les  merveilles  qu'opcroient  les  faux -Dieux  en  fait  de  guérifonç. 
«vrl'aot.  ^^  L5culape,  dit-il,  guérit  nos  corps:  ce  qui  eft  Ci  vrai,  que  quand  j'ai  6té  malade, 
DES  MiR.  ^^  ji  j^.^  fouvcin  gucri  par  les  remèdes  qu'il  m"a  indiqués.  J'en  prends  Jupiter  à  témoin." 
Cvnû"  LiB.'  ^'"'•'^  corpora  noftra  ty£scHlapius ,<juippe  me  ftpitts  xgrum  fanavit^indicatis  remcdiis.  Tcfiis 
7-' p.  ijf-     horum  efl  Jupitir. 

Si  le  démon  avoit  pu  faire  quelque  chofe  de  plus  que  d'enfeigner  des  remèdes ,  avec 
quelle  ardeur  ne  l'auroit-il  pas  exécuté  pour  Julien  l'Apoftat  \  Et  fi  jamais  les  faux- 
Dieux  avoient  fait  des  guérifons  qui  euflent  paru  Miraculeufes ,  cet  Empereur  fi  avide 
d'augmenter  l:ur  culte,  n'en  auroit-il  pas  fait  trophée  ?  Se  feroit-il  contenté  de  dire  que 
ces  Dieux  prétendus  guérirtbient  en  indiquant  des  médecine»?  Enfin  s'il  n'eût  pas  été 
fort  rare,  que  le  dcmon  enfeignàt  mcme  des  remèdes,  uns  doute  parce  que  Dieu  ne  lui 
permettoit  pas  fouvcnt  de  le  faire,  Julien  auroit-il  cru  néceffaire,  pour  le  faire  croire, 
d'en  prendre  Jupiter  à  témoin  ? 

Auiïi  S.  Cyrille  fe  mocque-t-il  de  cet  Empereur,  de  ce  qu'il  donne  comme  une 
chofc  fort  merveilleufe  ,  ce  qui  n'eft  propre  qu'à  faire  voir  l'impuiffance  de  fes  faux- 
Dieux. 
s. Cjiill.  jj  Julien,  À\t-'d^  trouve  admirable  qu'Efculape  lui  ait  appris  les  remèdes  dont  il 
„  avoit  befoin ,  lorsqu'il  étoit  malade ,  &  il  dit  que  Jupiter  en  a  eu  connoiflance.  Mais 
„  pourquoi  faut-il  que  Jupiter  nous  foit  donné  pour  témoin  d'une  médecine  \  Pour- 
,,  quoi  ne  guérit-il  pas  lui-même  les  malades  ?  Ce  ne  peut  être  que  parce  qu'ignorant 
„  cet  art,  il  admire  comme  vous  {dit  S.  Cj/rille  à  yulien)  ceux  qui  en  ont  connois- 
,,  fance,  Bc  que  le  Médecin  Escubpe  ait  eu  l'habileté  de  vous  indiquer  les  remèdes 
„  falutaires  qui  vous  étoient  néceffaires  \  N'a-t-on  donc  pas  raifon  de  fe  mocqucr  de 
,,  quiconque  veut  faire  reconnoître  pour  des  Dieux  ceux  qui  par  des  études  humaines 
,,  ont  acquis  uns  médiocre  habileté  dans  les  arts?  "  Aîirctur  porrhty£sculapiMm  yuHa- 
nus  cjHod  Jïbi ,  ut  ait ,  icgrotanti  remédia  fuggejfcrit ,  id  que  Jovi  cognitum  dicit  :  q-  qnam 
ob  caufam  teflis  medicornm  adhibitus  efi  nobis  Jupiter ,  ac  non  ipfe  potins  agros  fanet  ?  j4m 
forte  cjuod  citm  artis  illius  fit  ignarus  ,  ejus  peritos  tecum  admir.itur ,  dum  intérim  ex£i- 
culapius  mediCMS  remediMm  fuggerit  .  ,  .  Itacjue  ridebitur  merith  qHicumqtte  dicit  Deos  il- 
los  ejfe ,  qui  mnnibil  dexteritatis  in  ariibns  ,mt  Jiudiis  humanis  M  mediocrem  périt iam 
ConfeCHti  ftint. 

Voilà  donc  non  feulement  félon  S.  Cyrille,  mais  aufli  de  l'aveu  de  Julien  l'Apoftat, 
en  quoi  confiftoient  tous  les  Miracles  d'Esculape,  non  à  guérir  les  malades  par  fa  puis- 
fance,  mais  feulement  à  leur  enfeigner  des  remèdes.  M.  l'Evéque  de  Bethléem  prcteud- 
il  donc  être  mieux  inftniit  que  l'Empereur  Julien  des  merveilles  du  Paganisme,  ou 
veut -il  furpaffer  cet  Apofl-at  en  zèle  pour  relever  la  gloire  des  faux-Dieux,  &  pour 
exalter  la  puiflance  des  démons  plus  que  liii-même  ne  l'a  ofé  faire  ? 

Aprc<i  Julien  quel  plus  fameux  Apologifte  des  Divinités  Payennes  peut -on  trouver 

que  Porphire  ?   Cependant  voici  de  la  part  l'aveu  le  plus  formel  qu'on  puifle  fouhai- 

Wr  ,  au  moins  pour  le  tems  qui  a  fuivi  rétablilTement  de  la  Religion  Chrétienne, 

qu'Esculape  &  tous  les  autres  faux-Dieu»  n'ont  pii  faire  aucune  guérifon. 

Potph  jp.      „  Qiie  perfonne  ne  foit  étonné ,  dit  ce  ce'lébre  Advcrfaire  des  Chrétiens ,  de  ce  que  cette 

pj'r'.'Eva*^.  »   ^ille  eft  depuis  tant  d'annc^s  ,  affliqée  de  maladies,  puisqu'Esculape  &  tous  les  au- 

Lib.  j.  Cl.  ^j  très  Dieux  fe  font  retirés  de  la  fociété  &  du  commerce  des  hommes;  car  depuis  que  Je- 

„  fus  a  commencé  d'ctre  honoré,  qui  que  ce  foit  n'a  éprouvé  le  fccours  public  &  or- 

,,  dinaire  des  Dieux.  "    Nnnc  mirum  nulli  vide.ttHr,  civitatem  hoc  morbo  tôt  jam  anuis 

conirifiari ,  f  «/w  ty^scuUpins  Ctttcriqke  dii  horninum  fcfe  confitetudine  conjhrtioqne  feduxe- 

rint  ;  Ex  quo  enim  Jeftis  ccli  ccepit ,  commnnem  (^  pHblicam  Deomm  opem  tiemo  fenfit. 

M.  l'Evcque  de  BetM.ém  ofera-t-il  foutcnir  contre  Porphire, ou  qu'il  a  trahi  les  in- 
térêts des  Dieux  du  Paganisme,  ou  qu'il  a  ignoié  les  merveilles  qui  s'ctoicnt  opérées 

foit 


ATT  R  I  BV  E'E  S     AV     D  E' M  O  jVS,   &c.  iji 

ioit  dans  leurs  temples,  foit  par  les  Empereurs  ?  Cependant  s'il  ta  peut  rccufer  le  té-    Disseht^ 
moignage  de  ce  fameux  Idolâtre,  que  deviennent  toutes  les  guérifons  miraculeufes  que^""^'*"*' 
cet  Evêque  avance  fi  affirmativement  avoir  été  opérées' par  les  démons  depuis  l'établis-  °^*  "'*' 
fement  de  la  Religion  ? 

Il  ne  refte  donc  plus  à  ce  Prélat  qu'une  feule  échappatoire ,  c'eft  de  prétendre  que 
du  moins  avant  la  venue  de  Jéfus-Chrift ,  Esculape  a  fait  des  Miracles,  ainfi  que  Por- 
phire  femble  l'infmuer.  Mais  fi  Porphire  quand  il  fait  un  aveu  contre  lui-même ,  eft 
un  excellent  témoin,  fur-tout  quand  il  parle  de  ce  qui  s'eft  palTé  de  fon  tems;  eft-il  é- 
galement  croyable  quand  il  nous  renvoie  aux  Siècles  fabuleux,  pour  faire  accroire  que 
les  Dieux  ont  fait  autrefois  de  grandes  merveilles  ^ 

Remontons  cependant  aux  tems  qui  ont  précédé  la  venue  du  Sauveur  du  monde ,  & 
voyons  fi  les  plus  habiles  Ecrivains  de  ces  Siècles  ténébreux  ont  été  pcrfuadés  qu'Es- 
culape  faifoit  des  guérifons  merveilleufes. 

Quel  Auteur  plus  célèbre  &  plus  croyable  pouvons-nous  confulter  fur  ce  fujet ,  que 
Ciceron  ?  Qii'en  penfoit-il  ?  Non  feulement  il  ne  croyoit  pas  ces  merveilles ,  mais  il  fe 
mocquoit  de  ceux  qui  mettoient  leur  confiance  dans  les  fonges  qu'ils  s'imaginoient  avoir 
reçus  d'Esculape,  de  Sérapis  ou  de  Minerve. 

„  Quoi  donc,  s'écrie-t-il,  eft-il  conforme  à  la  raifon  que  des  malades  s'adreffent  plutôt  Cieero  de 
3,  à  ceux  qui  interprètent  les  fonges  qu'à  un  Médecin,  pour  favoir  quelle  eft  la  méde-  ^ivio. Lib. 
„  cine  qu'il  leur  fiut.  Si  Esculape,  Minerve  &  Sérapis  peuvent  prefcrire  par  des  fon- 
„  ges  la  manière  dont  il  faut  traiter  une  maladie  pour  la  guérir,  pourquoi  Neptune  ne 
3,  poiu-ra-t-il  pas  faire  connoitre  de  la  même  façon ,  comment  il  faut  conduire  un  vais- 
„  feau  ?  Si  Minerve  prefcrit  des  médecines  ,  pourquoi  les  Mufes  ne  donneront-elles 
5,  pas,  pendant  quon  dort,  la  fcience  d'écrire  &  de  lire  &  la  connoiflance  des  autres 
,,  arts  ?  "  Ouid  igitur  convenu  agros  a  conjeSore  fomniorum  potim  quam  a  medko  pC' 
tere  meâicinam  ?  An  ay^sculapius  eJ'  Minerva  ,  an  Sérapis  potefl  prascribere  per  fom- 
nium  curationem  valetudinis ,  iSfeptunus  guhernantibus  non  potefi  ?  Et  Jî  jlne  mcdko  me- 
dkinam  àabit  Minerva ,  Miifr  fiiendi ,  Ugendi ,  ctcterarum  art'mm  fckntiam  fomniantibus 
von  dabunt  ? 

M.  l'Evêque  de  Bethléem  accufera  peut-être  Ciceron  d'avoir  été  un  esprit 
fort  en  fait  de  Miracles  du  Paganifme.  Mais  Ciceron  lui  foutient  au  contraire,  qu'il 
n'y  a  eiî  que  des  esprits  foibles,  même  parmi  les  Payens,  qui  aient  crû  bonnement  les 
guérifons  miraculeufes ,  les  prodiges  &  autres  merveilles  que  les  Prêti-es  &  le  petit  peu- 
ple racontoient  de  leurs  Dieux.  ... 

Mais  pour  fermer  la  bouche  à  ce  Préht,  s'il  eft  poffible,  citons-lui  un  grand  inven- 
teur de  fables ,  qui  va  néanmoins  rendre  témoignage  qu'Esculape  n'a  plus  fait  de  guéri- 
fons miraculeufes ,  depuis  qu'il  a  été  mis  au  nombre  des  Dieux. 

Quoique  Pindare  ait  orné  fes  Odes  empeftées  de  toutes  les  fables  &  les  menfonges 
que  fa  fertile  imagination  a  pu  lui  faire  inventer,  &  qu'il  ait  fait  d'Esculape  l'éloge  le 
plus  faftueux,  jusqu'à  avoir  l'impudence  de  fuppofer  que  pendant  fa  vie  il  avoit  refflifci- 
té  un  mort  par  la  force  de  fes  remèdes ,  néanmoins  il  convient  que  depuis  fa  mort  il  ne 
guérit  plus  perfonne.  Il  adrefle  cette  Ode  à  Hiéron  dangereufement  malade,  &  lui  dit 
pour  le  cûvazx  ,c[\\  Esculape  le  guérir  oh  infailliblement  s'il  était  encore  en  vie,  mais  aue  de-  PinJ.Od.  ad 
puis  qu'il  efl  monté  au  rang  des  Dieux ,  il  ne  refle  plus  d'autre  rejfource  aux  malades  que  "*^°' 
de  fouffrir  leurs  maux  en  patience. 

Il  eft  donc  prouvé  par  le  témoignage  de  plufieurs  célèbres  Payens,  &  même  par  leî 
aveux  des  plus  grands  ennemis  duChriftianifme,  que  les  faux-Dieux  n'ont  jamais  fait  de 
guérifons  qui  aient  été  ni  même  qui  aient  paru  Miraculeufes:  que  s'ils  ont  guéri  quel- 
ques mabdies  réelles ,  ce  n'a  jamais  été  qu'au  moyen  des  remèdes  qu'ils  indiquoicnt  par 
des  fonges  ;  ce  qui  a  même  été  regardé  commis  un  pur  effet  de  l'imagination  par  plu- 

Y  z  fieurs 


22. 


171  TAVSSETL'     DES     GVE'RISONS 

Dissert. fieurs  des  plus  ûvans  d'entre  les  Payens.  Auiïi  eft-il  certain  que  les  remèdes  enreiî^nés 
»UR  L'AUT.pjp  (-£5  fonges  n'ont  produit  que  très  rarement  un  effet  falutaire.  Ainfi  il  eft  de  h  der- 
DESMiR.  ^jj^g  évi  lence  que  fi  quelques  Hiftoricns  ou  trop  crédules  ou  trop  amateurs  des  fables, 
&  trop  curieux  de  mettre  du  merveilleux  djns  leurs  hiftoires ,  ont  eu  la  foibkfle  ou 
la  mauvaife  foi  de  raconter  quelque  giiérifon  merveilleufe  faite  par  leurs  Dieux  ou  leurs 
empereurs,  on  ne  doit  placer  ces  prétendues  merveilles  qu'au  rang  des  menfonges  & 
des  impofturcs  :  ce  qui  ctoit  fi  connu  des  Payens  mêmes,  que  les  plus  grands  Adver- 
faires  de  h  Religion  Chrétienne  n'ont  ofé  fou:enir  qu'elles  étoierit  de  vrais  Miracles. 

Mais  fi  le  témoignage  de  tous  cis  fameux  Idolâtres  ne  fufiRt  point  encore  pour  defa- 
bufer  M.  de  B:thléem  ,  oppofons-lui  un  témoin  d'une  efpéce  finguliére  ,  à  qui  il  ne 
puifle  rcfifter.  Faifons  comparcitre  devant  lui  un  Magicien  inftruit  à  fond  de  tout  le 
pouvoir  du  diable,  &  qui  va  le  convaincre  par  fes  paroles  &  fa  conduite,  que  cet  Ef- 
prit  impofteur  ne  peut  point  faire  des  Miracles  de  guérifon.  Je  parle  de  Simon  le  plus 
grand  IVlagicien  qui  ait  été  dans  le  monde.  Le  Prince  des  ténèbres  l'avoit  fi  bien  re- 
vêtu de  toute  fa  puiflance,  qu'il  le  faifoit  pifler  dans  toute  la  Ville  de  Sam-rie  pour  la 
Aa.VIlI.io.  grande  vertu  de  Dieu:  nnus  Dei  qux  vocatur  magna.  Cependant  que  lui  faifoit-il  fai- 
re? De  vains  preftiges  qui  n'étoicnt  capables  que  d'éblouïr. 
B  ron  ad  "  ^imoH  le  plus  célébrc  &  le  plus  ciéteftable  de  tous  les  Magiciens  ,  dit  le  Cardinal 
•rn.  6S.  n.  ,,  B^roniiis  ,  fafcinoit  tellement  par  fes  preftiges  les  yeux  &  l'efpit  de  tous  ceux  qui 
le  regardoient  ,  qu'il  n'y  en  avoit  prefque  point  dont  il  ne  fe  fit  admirer  :  mais 
quels  étoient  ces  preftiges  ?  Ils  n'avoient  rien  de  réel  ;  ils  ne  confiftoicnt  qu'à  faire 
voir  ce  qui  n'étoit  point."  (Ce  n'étoit  donc  pas  des  guérifons  Miraculeufes.  )  ^»- 
mon  magorum  omnium  fceleflijftmus  frjcjligiis  fie  ochIos  fpeclantiHm  mentemque  omnium 
perftringebat ,  m  in  fui  admirationem  omnes  pêne  converteret.  Outnam  autem  bac  fuerint , 
cjua  cum  ver  a  non  ejfent ,  tamen  ah  omnibus  vider  i  videbantur. 

Mais  voici  une  preuve  encore  bien  plus  forte  ,  que  le  démon  n'a  point  eu  le  pou- 
voir de  faire  faire  à  ce  fameux  Magicien  aucune  guérifon  qui  ait  paru  Miraculeufe; 
d"où  il  réfulte  évidemment ,  qu'il  ne  peut  point  en  opérer  de  telles.  Le  S.  Efprit  nous 
l'a  très  clairement  manifefté  en  nous  difant  ,  que  dès  que  Simon  vit  celles  que  faifoit  S. 
Aft.VlII.M-Philippe,  il  en  fut  fi  étonne' ,  Q- fi  frappé  d'admiration  ,  qu'il  crut  lui-même  en  ^efus- 
Chrifi.  Tant  il  étoit  convaincu  par  la  connoiflance  qu'il  avoit  de  tout  ce  que  le  dé- 
mon avoit  pu  lui  faire  faire  ,  que  Dieu  feul  à  la  puiflance  fuprcme  d'opérer  de  telles 
Merveilles  !  Il  fe  fit  baptifer ,  &  renonçant  pour  un  tems  à  la  magie,  /'/  s'attacha  àfùi- 
vre  S.  Philippe,  ,  .  Tune  Simon  or  ipfi  credidit  ,  &  cum  b.tptifatus  effet  adhterebat  Phi- 
lippo  :  videns  etiam  figna  0-  virtutes  maximas  ficri  ,  fiupens  admirabatur.  Peut-on  une 
preuve  plus  complcttc,  qu'il  favoit  par  fa  propre  expérience,  que  le  démon  ne  pou- 
voir rien  faire  de  pareil  ? 

Voilà  donc  jufqu'au  plus  grand  des  Magiciens,  qui  reconnoît  que  le  diable  ne  peut 
pas  opérer  des  Mirachs  de  guérifon.  Comment  un  Evêque  ofe-t-il  lui  accorder  un 
nonneur  que  ce  Magicien  même  lui  refufe  ?  C'eft  une  chofe  bien  étrange  :  un  grand 
Magicien  pliidc  ici  h  Caufe  de  Dieu  contre  un  Evêque  ,  &  c'eft  un  Evcquc  qui 
plaide  la  caufe  du  diable  contre  un  grand  Mai.',icien  ! 

Mais  ce  ne  font  point  encore  là  mes  preuves  les  plus  éclattantcs:  on  va  voir  la  doc- 
trine du  Prélat  condamnée  par  une  multitude  innombrable  de  Payens  ,  qui  vont  faire 
retentir  leur  voix  d'un  bout  à  l'autre  du  monde  &  publier  de  toutes  parts,  que  le  vrai 
Dieu  peut  feul  opérer  des  guérifons  merveillcufes  ,  &  que  jamais  les  Divinités  du  Pa- 
ganifme  n'en  ont  fait. 

Y  a-t-il  quelqu'un  qui  ignore  l'imprcûTion  toute-puiffante  que  les  Miracles  des  A- 
pôtres  firent  par  toute  la  Terre  ?  A  l'afpcél  des  guérifons  Miracubufcs  qu'ils  opc- 
roient  ,   quelle  prodigicufe  quuuitc  d'IdoUcres  ne  reconaurcnt-ils  pas  le  Dieu  des 

Chrc- 


ATTRIBVEES     AV     D  E' M  O  N ,   &c.  175 

Chrétiens,  pour  le  feul  Dieu  véritable?  N'en  furent-ils  pas  fi  faifis  ,  fi  pénétrés  d'ad-     Dissert. 
miration  qu'ils  le  profteruérent  en  foule  au  pied  de  la  Crorx  pour  y  adorer  le  pouvoir^""'-'*"''"* 
fupréme  du  Dieu  fait  homme  ,  qui  avoit  bic.i  voulu  y  être  crucifié  pour  notre  falut?  ^  ^  "'*' 
Ne  confeflerent-ils  pas  hautement  ,  que  toutes  leurs   Idoles  n  étoient  en  comparaifon 
que  foiblefle  &  qu'impuiflance  ?    Ne  recornirent-ils  pas  Jefus-Chrift  pour,  leur  Sau- 
veur, leur  Seigneur  &  leur  Dieu  ,  nonobfl:ant  tous  les  intérêts  humains  qui  les  en  dé- 
tournoient ,   &  malgré  la  réfiftance  de  toutes  leurs  paillons  qu'il  falloit  immoler  fur 
l'autel  de  la  Croix  ,    pour  être  véritablement  Chrétiens  \    Qiielque  incompréhenfibles 
que  foient  nos  JVlyftéres ,   la  vue  d'un  Mirai.le  les  perfuadoit  aultitôt,  &  dilTipoit  en 
un  moment  tous   leurs  doutes  ,    parce  qulls  fe  fondoient  fur  ce   principe  immobile, 
qu'il  n'y   a  que  le  Souverain  Maître  de  la  nature  qui  puifle  faire  des  guérifons  Mira- 
culeufes;  d'où  le  S.  Elprit  qui  éclairoit  leur  raifon,  leur  faifoit  conduire,   que  ce  fe- 
roit  un  aveuglement  déplorable  de  refufer  de  croire  tout  ce  qu'atteftoient  des  gens  que 
le  Créateur  des  êtres  autorifoit  vifiblement  lui-même  par  des  merveilks  que  lui  feul 
peut  opérer. 

Si  les  faulfes  Divinités  avoient  fait  quelque  chofe  de  femblable,  les  Miracles  des  A- 
pôtres  auroient-ils  caufé  une  fi  grande  furprife  à  cette  multitude  de  Payens  ?  Auroient- 
ils  produit  dans  leur  ame  de  fi  grands  effets?  Leur  changement  fubit  de  Religion,  leur 
foi  qui  devint  inébranlable  ,  leur  converfion  foudaine  &  à  l'épreuve  même  des  plus 
cruels  fupplices,  font  des  preuves  fenfibles  &  palpables  ,  que  le  démon  n'avoit  jamais 
imité  les  guérifons  merveilleufes  qui  leur  caufoient  tant  d'admiration. 

La  vue  de  ces  guérifons  les  convainquoit  de  la  Religion,  jufqu'à  répandre  leur  fang 
pour  elle  &  lui  facrifier  leur  vie  avec  joie.  Donc  ils  étoient  pleinement  perfuadés  que  le 
feul  Créateur  de  l'Univers  pouvoit  faire  ces  Miracles  :  que  l'Efprit  d'erreur  n'en  avoit 
pas  la  puiflance,  &  que  jamais  leurs  faux-Dieux  n'avoient  rien  fait  qui  en  approchât. 

Il  ne  faudroit  que  ce  feul  témoignage,  qui  a  éclatté  par  toute  la  Terre,  pour  faire 
rejetter  avec  indignation  tous  les  faits  apocryphes  que  raconte  M.  de  Bethléem,  &  la 
pernicieufe  conféquence  qu'il  en  tire  contre  l'Autorité  des  Miracles.  En  effet  qu'on 
interroge  tous  les  Payens  convertis  par  la  vue  lumineufe  &  fandifiante  de  ces  œuvres 
Divines ,  &  ils  répondront  tous  qu'ils  auroient  regardé  comme  des  ennemis  de  la  Reli- 
^  gion  Chrétienne  ceux  qui  leur  auroient  débité  de  telles  hiftoires  pour  appuyer  une  fi 
dangereufe  Propofition. 

A  quoi  penfe  donc  ce  Prélat  de  foutenir  &  de  répandre  dans  le  monde ,  un  para- 
doxe fi  contraire  à  la  falutaire  maxime  qui  a  perfuadé  tant  de  Payens  du  Divin  de  notre 
Religion ,  &  qui  leur  a  fait  embraffer  le  Chriftianifme  avec  un  courage  intrépide  ?  Il 
eft  évident  que  c'efl  Dieu  même  qui  pour  les  convertir,  a  fait  luire  efficacement  dans 
leur  efprit,  dans  leur  cœur  &  dans  leur  ame  cette  importante  Vérité, que  lui  feul  peut 
faire  des  chofes  grandes  &  merveilleufes:  ^»;  facit  mir^ibilia  magna  foins.  Quoi  M.  pc7i.&i5f. 
l'Evêque  de  Bethléem  préteaJ-il  donc  au  contraire  que  les  Payens  ont  eu  tort  d'en 
être  convaincus  ?  Veut-il  donc  leur  prouver  également  comme  à  nous ,  qu'ils  auroitnt 
dû  ajouter  foi  avec  autant  de  fimplicité  puérile  qu'il  fait  femblant  d'e/i  avoir  lui-même 
furcefujet,  aux  m;nfonges  d'Hérodote,  aux  fables  d'Ovide,  aux  petits  contes  de 
féesqui  parent  la  Vie  d'Apollonius,  aux  faux  miracles  de  Vefpafien,  d  lifculape,  &c? 
Car  enfin  fi  les  Idolâtres  avoient  cru  tout  cela  bien  véritable,  ils  auraient  été  per- 
fuadés que  leurs  faux-Dieux  n'avoient  pas  liiffé  de  faire  quantité  de  chofes  merveilleu- 
fes, &  par  conféquent  les  Miracles  des  Difciples  de  Jefus-Chrift  leur  aiuoient  fii:  bien 
moins  d'imprelfion. 

Concluons  donc,  que  ce  nombre  infini  de  Payens  devenus  tout  à  coup  dan?  toute 
l'étendue  de  la  Terre  des  Chrétiens  pl:ins  de  foi  &  brûlans  de  zèle  pour  Jefus-Chrift, 
jae  croyoient  point  les  chimères  que  M.  de  Bethléem  s'efforce  de  réalifcr,  &  par  con- 

y  5  .fé- 


174  FAVSSETE'    DES     GVE'RISONS 

OissKRT.  Jcquent  qu'il  ctoit  de  notoriété  publique  d'un  bout  à  l'autre  du  Monde ,  que  tout  ce- 

suR  l'aut,  I2  n'etoit  que  des  fables. 

DES  MiR,  Quel  fcandale  dans  l'Uglife  d'y  voir  un  Evéque,  pour  dc'crier  les  œuvres  que  Dieu 
y  opère  aujourd'hui,  publier  comme  inconteftables  de  preten.ius  miracles  diaboliques, 
reconnus  pour  faux  par  les  Idolâtres  eux-mêmes  !  •    : 

Quoi!  ce  Prélat  s'imagine-t-ildonc  mieux  favoir  ce  qui  eft arrivé  de  plus  remarqua- 
ble dans  le  Paganifme ,  &  quelle  étoit  l'étendue  du  pouvoir  qu'y  exerçoient  les  faux- 
Dieux  ,  que  cette  multitude  immenfe  d'Idolâtres, qui  ont  abandonné  leur  culte  à  la  vue 
des  Guérifons  IMiraculeufes  que  faifoient  les  Apôtres  &  leurs  Difciples  ? 

,.  vil.  Après  tout  ce  que  je  viens  de  prouver  ,  il  n'y  a  point  de  Ledeur  judicieux  qui  ne 

Examen  des  ^  ■  r     A  '  1  t    r     ■      ■  '  tvi     i-i-     ' 

qua:ie  In-     foient  penuadcs  par  avance ,  que  les  quatre  Inlcnpnons  grecques  citées  par  M.  1  Eve- 
fcr.ptiors  ci- „yg  jg  Bethléem  ne  font  qu'un  infidèle  récit  de  quelques  faux  miracles.     Mais  il  eft 

tccs  par  M.       l  ,  .  '  ,  1/ 

dclicihiccm  bon  de  les  en  convaincre  encore  plus  particulièrement. 

Quoique  ces  quatre  Infcriptions  foient  l'unique  preuve  de  fait  ,  fur  le  fondement  de 
laquelle  ce  Prélat  bâtit  tout  l'édifice  des  miracles  d'Efculape  ,  il  n'a  pas  néanmoins  ju- 
gé à  propos  d'en  produire  le  Texte  original,  ni  d'en  faire  luie  traduftion.  Il  a  trouve 
plus  conforme  à  fes  intérêts  d'en  donner  feulement  une  idée  à  (x  manière,  qui  n'eft  nul- 
lement exafte  :  &  il  renvoie  ceux  des  Lefteurs  qui  voudroient  favoir  ce  qu'elles  con- 
tiennent ,  à  les  chercher  dans  Gruterus.  Mais  pourquoi  ce  Prélat  ne  cite-t-il  pas  plutôt 
Baronius ,  dont  les  Ouvrages  font  entre  les  mains  de  tous  les  fivans  Théologiens,  & 
qui  rapporte  ces  quatre  Inlcriptions  en  Grec  Se  en  Latin  ?  M.  de  Bethléem  en  a  eu 
une  grande  raifon,  c'eft  qu'il  n'a  pas  voulu  qu'on  vit  en  même  tems  ce  que  Baro- 
nius en  penfoit. 
Bâton,  ad  ^^  Tous  ceux  ,  dit  Cet  illujîre  Cardinal  ,  qui  ont  examiné  h  chofe  avec  exaftitude, 
*^ '"■  „  conviennent  unanimement ,  que  ces  miracles  font  de  même  nature  que  ceux  qu'on  a 
,,   dit  autre-fois  avoir  été  faits  par  Vefpafien  &  plus  récemment  par  Adrien". 

„  Il  eft  certain  ,  njoute-t-il ,  que  de  ces  miracles  les  uns  n'ont  été  qu'une  fuperche- 
,,  rie  de  l'Empereur  Antonin  ...  &  que  les  autres  étoient  l'eflêt  de  l'impofture  des 
,,  Prêtres  d'Efculape,  ou  du  moins  de  leur  connivence,  dans  le  défir  de  raffermir  par 
,,  de  faux  miracles  le  culte  de  leurs  Dieux  qui  tomboit  en  ruine.  " 

Paritcr  confentiitnt  ijui  accurate  h<tc  ptrveftigaMt  ,  eadem  miracula  ejusdem  garnis  cum 
his  qu<t  olim  a  Fc/pajiano  ac  nuper  ab  Adriano  faEla  ejfe  dicHntur. 

Ont  miracula  .  .  .  vcl  ipjiut  Amonini  commenta ,  .  .  .  7?*  impojiurâ  facerdotum ,  vel 
iisdem  omnibns  conniventibus ,  ut  collabantem  Deorttm  cultum  falforum  miraculernm  edi- 
tionc  fulcirent ,  contigijfe  certnm  ejl. 

On  conçoit  aifément  que  fi  M.  de  Bethléem  avoit  cite  ces  quatre  Infcriptions  avec 
cette  glofe  de  Baronius  ,  il  n'auroit  pas  pu  efpérer  qu'elles  filfent  grande  impreffion. 
Mais  entrons  un  peu  dans  le  détail. 

De  ces  quatre  Infcriptions  il  y  en  a  d'abord  trois  qu'il  faut  retrancher,  parce  que 
Cquoiqu'en  dife  M.  de  Bethléem)  tout  ce  qu'elles  contiennent ,  c'eft  qu'Efculape  ayant 
ordonné  (par  la  bouche  d'un  de  fcs  Prêtres)  à  un  malade  ,  dont  la  guérilbn  paroiiloit 
hors  d'efpérance  (non  de  faire  quelques  cérémonies  prcfirites  par  l'oracle,  ainfi  que  le 
dit  M.  de  Bethléem,)  mais  de  fe  fervir  de  certains  remèdes;  le  malade  a  été  guéri,  &: 
en  a  rendu  de  publiques  aftions  de  grâces  ,  en  prélcncc  du  peuple,  qui  en  a  témoigne 
fi  joie.  Or  en  tout  cela,  où  eft  le  miracle  ?  Il  n'y  a  presque  pas  de  Médecin  qui  ne 
puiffe  fe  vanter  d'en  avoir  fait  de  pareil. 

A  l'égard  de  la  quatrième  Infcription  qui  eft  celle  fur  laquelle  M.  de  Bethléem  pa- 
roit  infifter  davant:)gc,  &c  dont  il  parle  dans  un  plus  grand  détail  ,  voici  une  traduftion 
exade  de  ce  qu'elle  contient  dans  le  Texte  Grec. 

"    „  En  CCS  jo»rs  un  aveugle  nommé  Caius  a  reçu  ordre  de  l'oracle  de  fe  cranfporter 

„jus- 


ATTRIBVE'ES    AV    T)  r  M  0  N ,  &c.  175 

,,  jufqu'au  facré  trône  (d'Antonin)   &  de  l'adorer.     Enfuite  de  pafler  de  la  droite  à   Dissfrt. 
,,  la  eauche  &  de  mettre  fes  cinq  doigts  fur  le  trône  ,   de  lever  fa  main  &  de  la  pofer^ ""''„*,"* 
,,  Air  fes  yeux.     Il  a  vu  parfaitement  en  prelence  du  peuple  ,    qui  s  eu  réjoui   de  ce 
„  qu'il  fe  faifoit  de  tels  miracles  fous  notre  Augufte  Antonin.  " 

11  eft  bon  de  relever  ici  une  petite  finefle  de  M.  l'Evêque  de  Bethléem.  Il  a  remar- 
qué que  dans  la  verfion  latine  rapportée  par  Baronius,  le  tradufleur  y  avoit  mis  ,  fans 
doute  par  inattention,  k  mot  d'aatcl  à  la  place  de  celui  de  trône,  quoique  tous  ceux 
qui  favent  le  Grec  n'ignorent  pas  que  le  mot  j3vîjx«  répété  deux  fois  dans  l'Iufcription, 
veut  dire  un  trône  &  non  pas  un  autel. 

M.  de  Bethléem  n'a  pas  manqué  de  tirer  avantage  de  cette  méprife.  Au  lieu  d'at- 
tribuer tout  uniment  ce  prétendu  miracle  à  Antonin,  ainfi  qu'a  fait  l'Infcription ,  il 
lui  a  plû  d'en  illuftrer  Êfculape.  Mais  qu'a  donc  fait  à  ce  Prélat  l'Empereur  Antonin , 
pour  qu'il  veuille  lui  ravir  l'honneur  d'une  telle  cure  ?  Le  Prélat  ne  fait  rien  de  pareil 
fans  en  avoir  de  bonnes  raifons  :  c'cfl:  qu'il  n'ignore  pas ,  qu'Antonin  eft  furieufement 
fufpecl  en  fait  de  guérifons  d'aveugles. 

Il  fait  que  plufieurs  Auteurs  Payens  ont  eux-mêmes  rapporté ,  qu'Antonin  ne  fâchant 
plus  comment  s'y  prendre  pour  calmer  les  cruelles  douleurs  que  fouffioit  l'Empereur 
Adrien,  qui  étoient  fi  violentes  qu'il  vouloit  fc  tuer  lui-même,  s'avifa  de  l'amufer  en 
lui  faifant  faire  des  miracles  en  cet  état.  Pour  cet  effet  il  lui  préfenta  lui-même  à  deux 
différentes  fois  deux  prétendus  aveugles  qui  l'étoient  à  la  façon  de  celui  que  Vefpafien 
guérit ,  c'eft  à  dire  que  ces  aveugles  ne  l'étoient  que  parce  qu'ils  tenoient  leurs  yeux 
fermés.  L'un  d'eux  eut  m.ême  l'impudence  de  dire  à  Adrien,  qu'il  étoit  un  aveugle- 
né.  Dès  que  l'Empereur  les  eut  touchés,  ils  ne  manquèrent  pas  d'ouvrir  les  yeux,& 
toute  la  Cour  cria  »»/nic/f.-  mais  tout  le  monde  favoit ,  que  c'étoit  un  tour  d'efprit 
d'Antonin.  AulTi  M.  de  Bethléem  n'a-t-il  pas  ofé  citer  dans  fes  Lettres,  les  deux  mi- 
racles d'Adrien.  Il  s'eft  contenté  de  rapporter  la  guérifon  du  prétendu  aveugle  Caius 
faite  par  Antonin  lui-même ,  lorfqu'il  fut  devenu  Empereur  ;  &  pour  écarter  la  violen- 
te fufpicion  ,  que  ce  miracle  éroit  fans  doute  de  même  trempe  que  ceux  d'Adrien ,  il 
«  jugé  à  propos  de  l'attribuer  à  Efculape,  en  profitant  de  h  méprife  qui  fe  trouve 
dans  la  verfion  latine  rapportée  par  Baronius. 

Mais  fi  la  fauffeté  de  miracles  de  Vefpafien  ,  d'Adrien  &  d'Antonin  n'avoit  pas  été 
de  notoriété  publique  ,  même  parmi  les  Payens  ,  ainfi  que  l'obferve  Baronius,  pour- 
quoi l'Empereur  Julien  ne  les  auroit-il  pas  cités ,  lui  qui  a  été  rechercher  dans  les  Siè- 
cles les  plus  obfcurs  jufqu'aux  moindres  prodiges  opérés  par  les  Dieux  du  Paganifme ,  & 
qui  donne  comme  une  grande  merveille,  qu'Efculape  lui  avoit  indiqué  des  remèdes  qui 
l'ont  guéri  ?  Si  ce  célèbre  Apoftat  n'a  pas  eu  le  front  de  foutenir,  que  ces  miracles 
étoient  vrais,  ni  qu'Efculape  eût  jamais  fait  aucune  guérifon  fans  y  employer  des  re- 
mèdes vilibles,  comment  M.  de  Bethléem  ofe-t-il  vouloir  obliger  les  Chrétiens  de 
croire  aujourd'hui  toutes  ces  fupercheries  des  Empereurs  Idolâtres ,  &  les  fourberies 
des  Prêtres  de  leurs  faux-Dieux  .<" 

Au  (fi  ce  Prélat  n'eft-il  pas  lui-même  bien  ferme  dans  la  foi  qu'il  fait  femblant  d'y 
ajouter.  Il  confent  qu'on  en  retranche  une  grande  partie,  &  qu'on  les  regarde  la  plu- 
part comme  des  menfonges  &  des  impoftures.  Mais  il  veut  abfolument  qu'on  en  croie 
quelques-uns,  du  moins  les  deux  miracles  de  Vefpafien:  car  fans  cela  que  devien- 
droient  toutes  fes  Lettres,  dont  la  Théologie  n'eft  appuyée  que  fur  ces  Faits  ? 

„  Direz-vous,  s'objeBe-t-il  à  lui-même,  que  ces  guérifons  ne  font  que  des  fables  in-    iII.Lctt.p, 
,,  ventées  par  les  Payens  pour  ternir  les  Miracles  de  jefus-Chrift&  ceux  que  les  Apôtres '^" 
„  opèroient  chaque  jour  fous  leurs  yeux?  Je  pourrai  foufcrire  à  cette  cenfure  fi  voitsn'y 
„  enveloppez  pas  tous  les  prodiges  dont  les  Payens  ont  fait  haincur  à  leurs  Pjiilofophes 
„  &  à  leurs  faux-Dieux  j  car  je  fai  qu'ils  ont  forgé  en  effet  un  grand  nombre  de  ces 

„  mi- 


175  FAVSSETE    DES    GVL'RISONS 

Dir^r.RT.     miracl:s,  que  des  Pérès  de  l'Eglife  leur  en  ont  fait  le  leproche,  &  qu'ils  ont  été 

suRL'AUT.     forcés  quelquefois  d'en  convenir  eux-mêmes.    Mais  d'étendre  cette  réponfe  à  toutes 

nESMiR.    ^^  j^^  guérifons  miraculcules  que  les  Payens  ont  inféré  dans  leurs  fafles,  ce  feroit  violer 

,,  toutes  les  loix  de  la  critique.     De  quoi  ne  douterez-vous  pas  en  fait  d'hiftoirc  non 

„  révélée,  fi  vous  niez  par  exemple,  les  deux  miracles  de  Vefpafien?  " 

Ce  font  donc  là   les  deux  miracles ,  fur  lefquels  ce  Prélat  fe  fonde  principalement 

pour  foutenir  fa  tliefe  :  ainfi  il  eft  évident  qu'elle  n'eft   pofée  que  fur  une  fupercherie 

de  l'efprit  de  menfonge. 

VIII.  Mais  comment  cet  Evcque  peut-il  ainfi  employer  fa  foi  à  croire  avec  tant  de  con- 

En  même  fiance  &  de  facilité  tous  cts  vieux  contes,  &  ces  fourberies  dont   l'importure  eft  pal- 

PrTi'tTe-"  pable,  tandis  qu'il  s'obftine  à  révoquer  en  doute  une  multitude  de  Miracles  que  Dieu 

moigiie  nne  f^jj  prefquc  fa.is  cefTe  depuis  près  de  vingt  ans  à  la  vue  de  tout  Paris  &  de  plufieurs 

P^^uriesptt-  Provinces  du  Rovanme?   Miracles  dont  plufieurs  font  atteftés  par  un  grand  nombre  de 

•«"'''"'"''.*■  Témoins  dignes  de  la  plus  parfaite  confiance ,  non  feulement  par  de  célèbres  Dofteurs, 

inon.ii pouf- par  de  favans  Théologiens,  par  des  Magiftrats,  par  des  gens  de  condition,   par  quan- 

fe  (a  dcfian-  ^j^^  j^  Médecins  &  de  Chirurgiens  que  l'évidence  de  l'opération  toute-puiffante  de  la 

ce  |U^U  au-  _  ,^/i»i/-  •-!  n_  1  r 

dernier  ex-  Divinité  a  comme  forces  d  en  rendre  témoignage:  mais  qui  plus  elt,  par  des  perlonnes 
de'ctù'xqùc  de  la  plus  éminente  pié:é,  &  enfin  par  des  incrédules,  des  Déiftes,  des  Athées,  & 
Dieu  opcrc  même  des  Conftitutionnaires  que  Dieu  a  convertis  à  la  vue  de  ces  Miracles,  ^  qu'il 
pafmTnous.^'  a  rendus  d'intrépides  defïénfeurs  des  Vérités  qu'ils  avoient  méconnues  jufqu'à  ce 
moment. 

r-  Toutes  ces  perfonnes  fi  différentes  qui  n'ont  pas  craint  de  certifier  par  écrit  plu- 
fieurs de  ces  Miracles ,  fans  fe  mettre  en  peine  de  s'expofer  par  là  aux  violentes  perfé- 
cutions ,  n'ont  pu  le  faire  que  dans  la  vue  de  plaire  à  Dieu ,  &  parce  qu'elles  ont  été 
pleinement  &  abfolumcnt  convaincues  de  la  vérité  des  fiits  qu'elles  atteftent.  Or  n'eft- 
il  pas  inconteftable  que  tous  ces  divers  génies  qui  partagent  entre  eux  prefque  toutes  les 
cfpéccs  de  lumières  dont  l'efprit  humain  eft  capable,  des  Théologiens,  des  Savans,  des 
Médecins,  des  Philofophes,  des  gens  éclairés  par  une  foi  divine,  d'autres  qui  necon- 
fultoient  autrefois  que  les  lueurs  trompeufcs  de  leur  propre  railon  ;  n'ont  pas  pu  être 
tous  enfemble  féduits  par  de  faaffes  apparences,  &  que  leur  conviâionqui  a  été  fi  plei- 
ne, fi  entière  &  fi  parfaite,  qu'elle  leur  a  fait  immoler  fans  peine  tous  leurs  intérêts 
humains  pour  rendre  témoignage  à  ces  Miracles,  n'a  pu  être  fondée  que  lur  une  évi- 
dence fi  grande  de  leur  furnaturel  Divin,  qu'ils  n'ont  pas  pu  y  réfiftcr. 

Quelle  force  n'a  donc  point  la  réunion  de  tous  ces  Certificats  donnés  par  un  fi  grand 
nombre  de  toutes  fortes  de  perfonnes ,  dans  un  tems  fi  critique  &  des  circonftances  qui 
rendent  fi  périlleufe  leur  genéreufe  démarche?  C'eft  donc  blefter  la  raifon  que  d'y  re- 
fufer  d'y  ajouter  foi. 

Comment  donc  M.  l'Evcque  de  Bethléem  peut-il  avoir  en  même  tems  l'étonnante 
fimpHcité  de  croire  bonnement  les  plus  grofliers  menfonges  des  Payens,  quoique  defti- 
tuées  de  toute  preuve  &  même  de  toute  vraifemblance ,  &  poufler  tout  à  la  fois  l'in- 
crédulité jufqu'à  nier  des  faits  publics,  qui  depuis  nombre  d'années  fe  paffent  fous  les 
yeux  de  tout  le  monde,  amis  &  ennemis,  &  qui  malgré  toutes  les  violences  qu'on  a 
faites  pour  en  amortir  l'éclat  &:  pour  en  fupprimer  les  preuves,  fe  trouvent  conftatés 
par  le  témoignage  d'une  multitude  de  pcrfoiuies  de  toute  forte  de  conditions ,  de  carac- 
tères &  même  de  fentimcns. 

Eft-cc  le  Dieu  d:  toute  Vérité  qui  met  dans  le  cccur  de  ce  Prél.it  cette  confiance 
puérile  qui  Ini  fait  ajouter  foi  à  des  impoftures  d'Idolâtres,  qui  étoient  manifeftement 
fous  le  pouvoir  du  diable  &  qui  fe  conauifoient  par  fon  efprit,  &  cette  défiance  pouf- 
fée  jufqu'au  dernier  excès  à  l'égard  de  Témoignages  qui  n'ont  pu, être  rendus  que  par 

rimprellion 


ATTRinVE'ES    AV    D  E'  M  O  N,  &c.  177 

Timpreffion  de  la  vérité  &de  l'Efprit  faint  qui  a  fait  braver  à  ces  Témoins  la  difgrace   Dissebt. 
des  grands  de  la  Terre,  pour  leur  faire  rendre  gloire  à  Dieu?  ^^^^  ''^^' 

Ne  feroit-ce  point-là  l'accompliflement  de  cette  prédidion  de  S.  Paul,  „ qu'il  vien-  i^Tim.  l'y. 
„  dra  un  tems,  où  les  hommes  ne  pouvant  plus  foufïrir  la  faine  dodrme  fermeront  les  3-  '^^  4- 
„  oreilles  à  la  Vérité,  ôi  les  ouvriront  à  des  fables?  "     Erit  enim  tempus  cum  fanant 
doElrinam  non  ftifimbunt. , , ,  (^  à  veritate  quicùm   audit um  avertent  ^  ad  fabulas  autem 
convertentHr. 

Mais  quelle  peut  donc  être  la  caufe  d'un  fi  prodigieux  aveuglement  dans  un  Prélat , 
qui  d'ailleurs  ne  manque  pas  de  lumières  ?  C'eft  que  les  menfonges  des  Pavens  favori- 
fent  fes  préjugés  &  fes  engagemens;  &  qu'au  contraire  les  Mu-acles  que  Dieu  fait  en 
faveur  de  l'Appel,  les  condamnent.  Aulïï  la  preuve  de  ces  Miracles  a  beau  être  cer- 
taine &  invincible,  il  fe  ferme  volontairement  les  yeux  pour  ne  la  point  voir,  afin  de 
pouvoir  continuer  à  les  révoquer  en  doute:  &  quan,d  il  ne  peut  plus  les  nier,  il  ofe 
infinuer  que  c'efl:  le  démon  qui  en  eft  l'auteur,  quoique  dans  le  i. ombre  de  ces  Mira- 
cles, il  y  en  ait  plufieurs  opérés  par  des  créations  vifibles,  &  que  tous  aient  été  ac- 
cordés à  des  prières  adreffées  à  Dieu  au  nom  de  Jefus-Chrift ,  &  à  l'intercelfion  d'Ap- 
pellans  morts  en  odeur  de  fainteté  &  munis  de  tous  les  Sacremtns  de  l'Eglife;  tels  que 
M.  l'Evéque  de  Senez,  M.  de  Paris  &  M.  Rouffe,  &c- 

Si  tous  ces  Miracles  ne  font  que  des  œuvres  de  l'Eifer,  il  s'enfuit  que  le  démon  eft 
devenu  un  nouveau  Créateur  des  êtres,  qui  prélentement  rend  la  famé  aux  hommes  au 
nom  &  à  la  place  de  Jefus-Chrift. 

M.  de  Bethléem  n'oferoit  fans  doute  proférer  ouvertement  un  tel  blafphême,  &  les 
plus  outrés  Conftitutionnaires  en  auroicnt  horreur.  Mais  c'eft  néanmoins  une  confé^ 
quence  qui  réfulte  néceflairement  de  l'idée  qu'il  veut  donner  de  tous  les  Miracles  opé- 
rés en  faveur  de  l'Appel.  Car  s'ils  vi.nnent  tous  du  démon,  le  démon  fait  donc  des 
créations;  &  cette  miférable  créature  qui  n'a  de  pouvoir  &  de  volonté  que  pour  faire 
du  mal,  &  qui  ne  peut  rien  qu'autant  que  Dieu  le  lui  permet,  opère  aujourd'hui  un 
très  grand  nombre  de  gucrifons  merveilleufes  en  faveur  de  ceux  qui  implorent  la  mifé- 
ricorde  de  Jefus-Chrift. 

Une  conféqucnce  fi  impie  &  fi  clairement  blafphcmatoire  eft  une  preuve  fenfible, 
que  le  Siflême  de  M.  de  Bethléem  n'eft  qu'un  effet  des  épaifles  ténèbres  que  les  préju- 
gés répandent  dans  l'efprit,  quand  on  a  le  malheur  de  s'y  livrer.  On  en  a  déjà  vu  un 
exemple  terrible  dans  les  Chefs  de  la  Religion  Judaïque,  dont  la  plupart  attribuèrent 
à  Belzebut  les  Miracles  de  Jefus-Chrift  :  &  l'Ecruure  nous  prédit,  qu'il  arrivera 
quelque  chofe  de  pareil  dans  le  fein  même  de  l'Eglife  au  tems  de  la  venue  d'f-iie. 
«  Au  furplus  M.  de  Bethléem  nous  fournit  lui-même  des  principes  qui  fuffifent  pour  n  Ji^^'f,,». 
renverfer  tout  ce  qu'il  oppofe  aux  Miracles.  pé  a  M.  de 

Par  exemple,  il  avoue  expreftément  que  *  U  démon  ne  fauroit  guérir  une  maladie  /î  J^^J^^i^^-^, 
elle  ne  peut  être   mérie  par  aucun  retfort  de  la  nature^  parce  au  autrement  il  ferott  <^  même  .ics 

■■.,  '^..',.  -'■^,.„.  '^  •  '  principes  qui 

vrats  miracles  y  ce  qui  implique  contradiction.  luffiiempour 

Que  ce  Prélat  s'accorde  donc  avec  lui-même.    S'il  ne  peut  difconvenir  de  cette  ma-  'on^'^'f  ^u.,i 
xime  indubitable,  comment  put-il  co-tefter,  que  Dieu  n'ait  décidé  plufieurs  fois  qu'il  oppoie  aux 
approuve  l'Appel,  puisqu'il  a  fait  à  l'interceflion  d'Appellans  un  grand  dombre  degué-^,  Si'^'^fçf'^ 
rifons  évidemment  fupèrieures  à  rous  les  rejforts  qui  font  dans  U  nature?  *  ili  Lf". 

Mais ,  dit  ce  Préln  ,    t  c'eft  par  les  circonfiances ,  par  la  fin  &  par  Us  fruits  de  ces  's, 
guérifons,  qu'il  en  faut  juger.  t  iH  L,etu 

S'jppofons-le  pour  un  moment,  la  caufe  de  M.  de  Bethléem  n'en  fera  pas  moins  in-^'  ^ 
foutenablc. 

En  effet,  fi  on  juge  de  ces  Miracles  paf' leurs  circonftances  intrinfèques,  qui  font  les 
feules  qui  décident,  c'eft  à  dire  par  celles  qui  font  liées  intimement  à  ces  guérifons 

P'Jferi.  Tom.  II.  Z  mer- 


lyS  FAVSSETFS    DES    MIRACLES 

•DissEBT,  raerveilleufes,  qui  peut  douter  qu'elle  ne  viennent  de  Dieu?  Toutes  ces^drirons  ont 
*UR  L'AUT.^t^  obtenues  par  la  foi  en  Jefus-Chrift,  par  des  prières  répandues  à  fcs  pieds  avec  fer- 
Dts  niR.  yçyj.  ^  confiance,  &  par  l'intercelTion  de  plufieurs  de  fes  fervireurs,  qui  pendant  leur 
vie  avoietit  été  brûlans  d'amour  pour  lui,  &  qui  avoient  tout  facrifié  pour  lui  pliirc. 

S'il  faut  fe  décider  par  Isur  fin,  La  principale  fin  des  Miracles eft  de  faire  connoftre 
la  Vérité.  Jcfus-Chrift  nous  a  déclaré  lui-mcme,  qu'ils  font  le  témoignage  de  fon  Pè- 
re. Or  plufieurs  de  ces  guérifons  ont  été  demandées  expreffément  en  preuvesque  l'Ap- 
pel eft  la  voie  qu'il  faut  fuivre.  Dieu  du  haut  de  fon  Trône  l'a  déclaré  aux  hommes, 
par  des  Miracles:  malheur  à  qui  refufe  de  fe  foumettre  à  fa  décifion  ! 

Enfin  {'\  l'on  doit  fe  déterminer  far  les  fruits  de  ces  guérifons,  M.  de  Bethléem  ofe- 
ra-t-il  contefter,  que  la  vue  de  ces  Merveilles  n'ait  conveiti  un  très  grand  nombre  d'A- 
thées, deDéiftes,  de  pécheurs,  &  que  plufieurs  de  ceux  qui  ont  été  Miraculeufe- 
Oiig.  adv.  ment  guéris,  n'aient  vécu  depuis  ce  tems  dans  une  très  grande  piété.  Comment,  attri- 
gj/  '■  "■  buer  an  dé^o»  des  Miracles  ejHi  convertijfent  les  hommes  y  è*  >?«'  ^"  engagent  a  faire  tou- 
tes leurs  aiïions  four  plaire  a  Diett ,  s'écrioit  autrefois  le  célèbre  Origene. 

Combien  de  ces  faux  Chrétiens,  qui,  le  cœur  corrompu  par  la  morale  Jéfuitique, 
croupiffoient  depuis  long-tems  fans  remords  dans  l'habitude  de  plufieurs  péchés  mortels, 
&  qui  noircilfoient  de  plus  en  plus  Ijur  ame ,  réguhérement  tous  les  ans ,  par  un  horri- 
ble facrilége,  où  leurs  aveugles  Confeiïeurs  les  précipitoient  fans  leur  donner  le  tems  de 
s'éprouver  eux-mêmes;  ont  été  faifis  d'admiration  à  la  vue  des  Miracles  opérés  fur  le 
Tombeau  &  à  l'intercelTion  du  Bienheureux  Diacre  !  La  préfence  de  Dieu ,  que  ces 
Merveilles  rendoient  fenlible  à  leurs  yeux ,  les  a  touchés  :  ils  fe  font  adrefles  à  ceux  en 
faveur  de  qui  il  les  opéroit  ;  &  tandis  que  la  conduite  pleine  de  fageile,  de  lumière  8c 
de  charité  de  ces  Diredeurs  Appellans ,  faifoit  fentir  à  ces  pécheurs ,  avant  qu'ils  fuf- 
fent  admis  au  facré  banquet ,  le  poids  énorme  de  leurs  miféres  avec  un  cœur  contrit  & 
humilié,  Dieu  les  a  fait  fortir  du  bourbier  de  leurs  iniquités,  les  a  fait  devenir  de  faints 
pènitens,  &  a  créé  en  eux  un  nouvel  homme  qui  édifie  aujourd'hui  l'Eglife. 

Eft-ce  donc  Satan  qui  a  produit  tous  ces  falutaires  effets  ?  Eft-ce  le  prince  des  ténè- 
bres qui  a  éclairé  par  la  lumière  des  Miracles  un  l\  grand  nombre  d'incrédules?  Eft-ce 
le  démon  qui  conjointement  avec  S.  Paul  &  les  Direéèeurs  Appellans ,  a  appris  à  tant 
de  pécheurs,  qu'il  faut  que  l'homme  s'éprouve  lui-même  avant  de  fe  nourrir  du  corps 
i.Cot.  XI.  &  du  fang  de  Jefus-Chrift:  prokt  autem  feipfum  homo ,  &  Jtc  de  pane  illo  edat  «j-  de 
^^  calice  bibat  ;  &  que  quiconque  mange  le  pain  de  vie  &  boit  indignement   le  calice  du 

ibid.  19.  fallut,  mange  &  boit  fa  condamnation:  Otii  enim  manducat  cr  hibit  indigne^  judicium 
ftbi  manducat  Qr  bihit  ? 

Enfin  eft-ce  l'Efprit  pervers,  qui  a  converti  tous  ces  pécheurs,  qui  leur  a  donné  un 
cœur  nou\eau,  &  qui  l'a  rempli  de  l'amour  de  Dieu? 

Le  grand  art  de  M.  l'Evêque  de  Bethléem  eft  de  perfuader  fes  Ledeurs  de  plufieius 
conféquences  erronées  &  exceiTivement  pernicieufes,  quoiqu'il  n'ofe  les  foutenir  pofi- 
tivemcnt  lui-même.  Pour  cet  effet  il  entortille  de  faux-fuyans  fes  plus  dangcreufes  Pro- 
pofitions.  Il  les  prouve  à  fa  manière,  c'cft  à  dire  par  des  fuppofitions  fiufles  qu'il 
donne  du  ton  le  plus  décifif  pour  des  vérités  inconteftables;  &.'  il  trouve  par  là  le 
moyen  de  faire  paffer  toutes  les  erreurs  qu'il  lui  plaît  dans  l'ame  de  ceux  de  fes  Lec- 
teurs qui  lifcnt  fes  ouvrages  fans  précaution,  fans  défiance  &  fans  être  fuffifamment 
inftniits  de  la  vérité.  Cependant  lorsqu'on  combat  de  front  fcs  faux  principes  &  les 
conféquences  qu'ils  infinucnt  dans  refprit,  il  crie  à  la  calomnie  Se  prétend  avec  une 
forttf  de  vraifcmblancc ,  qu'il  n'a  point  avancé  les  propofitions  qu'on  lui  impute.  Il  eft 
vrai  qu'il  ne  les  a  pas  avancées  en  termes  formels,  mais  il  n'en  a  pas  moins  cû  le  mal- 
Jieureux  talent  d'en  convnincre  plufieurs  dc^fes  Lcâ:eurs.  Or  la  charité  oblige  les 
vrais  difcip'es  de  Jefus-Chrift  à  faire  tous  Icui-s  efforts  pour  prclcrvcr  leurs  frères  de 
cette  fèduélion.  Ne 


ATT  R  I  Bt)  h'  E  s    AV     D  E'  M  0  N,  ^e,  %jp 

Ne  nous  embarraflbns  donc  point  de  fes  cris,  &  combattons  non  feulement  les  fauf-    Diîsert. 

-  -■■  .  —        ..  -  .     surl'aut 

DIS  M  m. 


fes  pcopofitions  qu'il  avance  en  propres  termes,  mais  auffi  celles  qu'il  a  l'artifice  de^"'^'"^"' 


faire  accroire. 

Une  des  plus  dangereufes ,  &  la  plus  fpécieufe  de  toutes ,  c'eft  de  donner  comme  un       x. 
fait  avancé  par  tous  les  Appellans,&  autorifé  par  le  témoignase  de  Tertullien  ,de  Mi-  '""çf?^}"'" 
nutius-Félix , de  Tatien  &  de  Laftance,que  les  démons  giiérilTent  les  maladies  *  qu'ils  fieiigionoat 
ont  caufé  eux-mêmes  :  d'où  ce  Prékt  condud ,  que  les  démons  fcHvent  donc  ^  veulent  nu^^àucTc" 
quelquefois  guérir  des  maladies  y  Se  qu'ils  font  des  guérifons  qui  paroiflent  Miraculeufes;  d«mon  ne 

Il  prend  ces  quatre  Auteurs  à  témoin ,  que  „  le  diable  quelquefois  aveugle  ceux-ci,  ôte  je^èriubks 
„  à  ceux-là  l'ufage  de  la  parole,  rend  les  uns  fourds,  en  eftropie  d'autres  par  des  em-  ""iadics.& 
„  barras  invifibles  qu'il  met  dans  leurs  organes  {a).  Il  lui  eft  eufuite  bien  ailé  (  co«f «- uibns^fe^re'. 
„  nue-t-il)  de  confommer  fes  merveilles,  au  moment  que  ces  malades  ont  recours  à  un  du'fçn'^d's- 
„  moyen  qui  conduit  a  la  nn  qu  il  le  propole  :  il  retire  la  main  ouvrière  de  leurs  douUurs  & 
„  maux 5  &  voilà  des  aveugles  éclairés ,  des  fourds,  des  muets,  des  eftropiés  guéris '"jf^jùirà 

„    fur   le  champ.   "  certaines  pet- 

Ce  qui  eft  ici  de  plus  intolérable,  c'eft  que  ce  Pfélat  va  choifir  precifément  pour  en  fonHbaTik 
illuftrer  le  pouvoir  du  diable,  les  quatre  Miracles  auxquels  Ifaïe  déclare  t  c^u'on  doit  P''|','p|'"- 
reconnoître  le  Dieu  qui  viendra  lui-même  fauver  les  hommes.   Quoi  !   le  Tout-puifTant  55' 
pourroit-il  donc  permettre  à  Satan  de  contrefaire  les  guérifons  Miraculeufes  qu'il  nous  ^'l 'j-;,'^,?^ 
a  lui-même  donné  comme  des  preuves  fpéciales  de  la  Divinité  de  fon  Fils,&  auxquelles  oa^v.lcjp. 
il  a  voulu  que  tous  les  hommes  fuffent  obligés  d'ajouter  foi  ?  Taueif/ Or." 

Mais  que  dira  le  Ledeur,  fi  des  quatre  Auteurs  que  cite  ce  Prélat,  il  n'y  en  a  pas  lom.crxuf. 
un  feul  qui  ait  parlé  d'aveugles,  de  fourds,  de  muets,  ni  d'eftropics  :  s'ils  ont  au  con- ^„,^",".  ;..  2L 
traire  donné  pour  principe,  que  le  diable  ne  peut  faire  aucun  bien,  ni  par  conféquent  Laaant2.e. 
guérir  aucune  mahdic  réelle  ;  &  que  toutes  fes  merveilleufes  guérifons  fe  réduifent  à  '\  ipaïe , 
difcontinuer  les  douleurs  momentanées ,  les  contorfions  &  les  agitations  qu'il  caufe  quel-  xXXV.4.  j. 
quefois  à  certaines  perfonnes  qui  font  fous  fa  puiflance  ? 

Le  Prélat  pour  prouver  ce  qu'il  avance  à  cet  égard,  n'a  fait  que  répéter  ici  le  paiïàge 
de  Tertullien  auquel  j'ai  déjà  répondu  ci-deffus,  en  démontrant  clairement  qu'il  l'in- 
terprète à  contre-fens  &  qu'il  donne  une  ironie  pour  une  propofition  affirmative. 

A  l'égard  des  trois  autres  Auteurs ,  il  fe  contente  de  les  citer  en  marge ,  ainfi  que  je 
les  ai  mis.  Mais  comme  il  eft  bon  que  le  Lecteur  foit  inftruit  &  demeure  bien  convain- 
cu ,  qu'il  n'eft  point  queftion  dans  ces  partages  d'aucune  maladie  proprement  dite ,  mais 
feulement  d'agitations  &  de  fouffrances  qui  ceffent  dès  que  le  dcmon  difcontinue  d'agir, 
je  vais  rapporter  les  Textes  de  ces  trois Deffenfeurs  de  la  Religion ,  auxquels  je  joindrai 
encore  le  fentiment  de  plufieurs  autres  célèbres  Apologiftes. 

Voici  d'abord  comment  s'exprime  Minutius  Félix  qui  eft  le  premier  que  cite  ce  Prélat. 
„  Les  démons,  dit-il,  étant  des  Efprits  déliés ,  ils  s'infinuent  invifiblement  dans  les  Min.  FeL  a 
„  corps:  ils  y  contrefont  une  apparence  de  maladie:  ils  jettent  la  terreur  dans  les  âmes,  '^^' 
„  &  ils  caufent  des  contorfions  dans  les  membres  pour  forcer  les  hommes  à  leur  rendre 
„  quelque  culte,  afin  qu'en  relâchant  les  membres  qu'ils  tourmentent,  ils  paroiflent  les 
„  guérir.  "  Irrepentes  corporibus  occulte  ,  ut  fpiritus  tenues  ,  ntorbos  fingunt ,  terrent  mentes , 
memhra  diftorquent ,  ut  ad  cultum  fui  cogant  .  .  ,  Ht  remijjis  quje  contraxerant ,  curajfe 
videant/tr. 

Qui  ne  voit  à  cette  defcription ,  que  les  maladies  apparentes  dont  il  s'y  agit ,  ne  con- 
fiftoient  que  dans  des  douleurs  momentanées,  que  le  démon  caufoit,en  s'inhnjant  dans 
les  corps ,  &  qui  ceffoient  dès  qu'il  interrompoit  fon  opération  ? 

Au  refte  cette  peinture  des  prétendues  guérifons  que  faifoit  autrefois  le  démon ,  eft  fi 
exade  &  fi  jufte,  qu'Arnobe  &  S.  Cypnen  (qui  vivoient  aufti  bien  que  Mini'tius  Fé- 
lix ,  au  tems  où  les  démons  avoient  encore  le  pouvoir  de  donner  ces  contorfions  dou- 

Z   z  loureufes 


iSo  FAVSSETE'DESGVE'RISONS 

Dissert. loureures  à  quelques  Payeas,  &  finguliérement  aux  Prêtres  &  PrêtrefTes  qui  rendoient 
SUR  L'AOT.Jej  oracles,)  ont  copie  presque  mot  pour  mot  dans  leurs  célèbres  Ouvrages,  les  termes 
DES  uiR.    q^i^  jg  \\Qn%  de  rapporter  de  cet  Auteur. 

Voilà  donc  à  quoi  fe  réduifoient  autrefois  les  guérifons  miraculeufes  du  démon  :  à 
donner  à  quelques  Idolâtres  des  fouffrances  d'un  moment  &  à  les  faire  cefler  quand  il 
fe  retiroit. 

AufTi  les  Payons  eux-mêmes  qui  en  croient  témoins,  n'ont-ils  pas  été  aflez  dupes, 
ni  affcz  imbécilles  ,  pour  prendre  ces  prétendues  guérifons  pour  des  Miracles.  Ce  qui 
cil  lî  vrai  que  quoique  leurs  faux  Dieux  en  opéraflent  afifez  fouvent  de  femblables  dans 
leurs  temples ,  en  discontinuant  de  caufer  ces  douleurs ,  dès  qu'on  leur  offroit  un  facri- 
fice;  ils  n'ont  jamais  ofé  citer  ces  belles  guérifons  fubites  comme  quelque  chofe  d'ad- 
mirable, n-i  en  faire  aucun  ufage  pour  s'exempter  de  convenir,  que  leurs  Dieux  ne  gué- 
ri (foient  point  de  véritables  maladies  fans  y  employer  des  remèdes.  Le  Lefteur  en  a  vu 
ci-deffus  des  preuves  invincibles ,  par  l'aveu  &  le  témoignage  de  leurs  plus  fameux  Au- 
teurs, &  même  des  plus  grands  Adverfaires  du  Chriftianifme. 

Comment  donc  M.  de  Betiiléem  peut-il  nous  donner  aujourd'Iiui  ces  artifices  gros- 
fiers  &  p^alpables  du  démon,  pour  des  guérifons  qui  fembleat  être  de  magnifiques  Mi- 
racles ,  tandis  que  les  Payens  eux-mêmes  les  ont  méprifées ,  &  ont  eu  honte  de  les  rap- 
porter comme  des  merveilles  faites  par  leurs  Idoles  ? 

Tatien  que  cite  enfuite  ce  Prélat,  n'efl:  pas  plus  favorable  à  ce  qu'il  voudroit  infinuer, 
que  Minutius  Félix  ,   Arnobe  &  S.  Cyprien. 

Cet  Auteur  donne  d'abord  pour  principe ,  que  les  démons  ne  font  aucune  guérifon 
véritable;  &  il  explique  enfuite  que  s'ils  paioiflcnt  faire  quelques  guérifons,  ce  n'eft 
point  de  maladies  réelles  &c  qui  aient  duré  quelque  tems ,  mais  uniquement  de  maux 
palTagers  qu'ils  opèrent  par  leur  préfencc ,  &  qui  ceflent  dès  qu'ils  fe  retirent. 
Titian.p.iî.  „  Les  démons  ne  guériffent  point  les  hommes  {dit  cet  Apologifle  difcipU  de  S.  jHJlin) 
,,  mais  ils  les  trompent  par  des  artifices;  &  Juftin  cet  homme  admirable  avoir  bien  rai- 
„  fon  de  dire,  qu'ils  font  femblables  à  des  voleurs.  Car  ceux-ci  fe  faififlent  quelque- 
„  fois  d'un  homme ,  &  le  relâchent  enfuite  après  être  convenus  d'une  fomme  d'ar- 
gent :  de  même  ceux  que  vous  prenez  pour  des  Dieux,  s'infinuent  dans  les  mem- 
bres de  certaines  perfonnes  ,  &  leur  donnent  enfuite  par  des  fonges  une  grande  idée 
de  leur  pouvoir:  ils  leur  ordonnent  de  paroîtrc  en  public,  afin  qu'après  avoir  pris 
leurs  mefures  pour  fatisfaire  le  défir  qu'ils  ont  de  la  vaine  gloire  ,  ils  s'envolent,  & 
„  qu'en  préfence  de  tout  le  monde  ils  fafl'ent  difparoitre  l'incommodité  qu'ils  caufoient 
„  par  leurs  fraudes,  lailTant  ainfi  ces  perfonnes  dans  l'état  de  fanté  où  elles  étoient  au- 
„  paravant".  Non  fanant  dxmonts ,  fed  dolo  caDiunt  homines  :  cj-  recie  y-HJhnHS  maximà 
dignus  admiratione ^damones  Liiranibits  Jimiles  ejfe  docuit:  Ji(jHidem  ut  illi  vires  ali^Mos  ca- 
fcrc  J  oient ,  demie  padà  mer  cède  eos  familinribus  rcfiituere  ;  fie  ctiam  cjui  a  vobu  tjiim.vi- 
tnr  du ,  ejuoruidam  membris  honrimim  fije  infintt.tntes  ^  deindc  per  fomnwn  fH.im  in  illis 
gtoriam  fubrican:es  ^  in  pubUcum  proMre  jubcnt  :  (jr  in  confpeElu  omnium,  pofi(jU4m  defide- 
ratis  ex  m:inio  rcbtts  fe  exple^'erunt ,  ab  agris  avolar.t ,  CT  morbnm  fno  dolo  prodMclum 
obliterupucs  ,  prifl-nt  zaletndini  homines  rc.Uunt. 

Joigrons  à  Tatien, Lufebe  de  Ccl'arée,  autre  Apologifte  qui  s'exprime  presque  d;.m 
les  mêmes  termes. 

»♦  ^^'  <i^'^""5  ,  ditil ,  ne  trompent  que  les  fimpirs  &  les  fots  qui  s'imaginent  rcce- 
t  p'rxpar'    „  voir  dcs  influmces  des  flatues  .  .  .  Tout  ce  qu'ils  fivcnt  f.iii-c,  c'clt  de  caufer  de 
fcvangci.ci.  ^^  certaines  incommodités  d."  s  les  membres  par  une  opération  invidblc;  &  les  relâchant 
„  enfuite,  ils  laiflcnt  les  liorrms  en  même  état  qu'ils  ctoicnr  auparavant." 

Enfin  Lai't.i'Ke  qui  efl  le  dcmi.r  Auteur  cité  pir  M.  de  Bethléem,  cft  celui  de  tous 
qui  décide  le  plus  du"edemcat  contre  fon  prmcipal  Silltmc,  puisqu'il  couclud  en  di- 

fant  y 


» 

>» 
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ATT  R  I  BV  r  2  s    AV    -D  r  MO  N,&c.  iSi 

fant,  que  les  démons  n'ont  aucun  autre  pouvoir  que  celui  de  faire  du  mal  :  voici  fes  termes.   Disseut. 

„  Les  démons  étant  des  Efprits  fubtils  &  d'une  agilité  incompréhenfible ,  ils  s'infi-  surl'aut. 
„  nuent  dans  les  corps  des  hommes  ,    &  agiflant  fecrettemtnt  dans  les  entrailles,  ils  dé-  ""  "'"• 
„  rangent  la  fanté:  ils  excitent  des  apparences  de  maladies  :  ils  épouvantent  l'efprit  par  ^.^^^'i  p.'"'- 
„  des  fonges  &  mettent  dans  une  furieufe  agitation,  afin  que  par  ces  maux  ils  obligent  ^-'g- 
,,  les  hommes  d'implorer  leur  fecours.     Mais   ces  fupercheries  n'ont  d'obfcurité  que 
„  pour  ceux  qui  ignorent  la  véritable  raifon  de  toutes  ces  fraudes.     C'eft  bien  à  tort 
„  qu'ils  s'imaginent  que  les  démons  leur  procurent  quelque  utilité  ,  puisqu'en  effet  il$ 
„  ne  font  que  difcontinuer  de  leur  nuire,  &  que  dans  la  vérité  ils  ne  peuvent  que  faire 
,,  du    mal.     Qui  quoniam  funt  fpirhus  tenues    cr   incomprehenjtlftles  ^  infmuant  fe  corpori' 
hus  homiKton ,  &  occulte  in  vifceribus  openi  valetudinan  ttirb.int ,  morbos  cient ,  fommis 
animas  terrent ,   mentes  yuroribus  quntiunt ,   ut  hommes  his  mAis  cvgant  ad  eorum  atixdia. 
recurrere.  Ouarum  omnium  fdiaciarum  ratio  expert ibus  veritatis  obfcura  efl  :  prodejfe  enim 
eos  putant ,  cum  nocere  dejinunt ,    qui  nihil  aliud  pojfunt  qukm  nocere. 

Si  l'on  ajoute  au  témoignage  de  ces  fept  célèbres  Apologifles  toutes  les  autres  autori- 
tés que  j"ai  déjà  produites  ,    &  entr'autres  celle  de  S.  Jean  Chrj^foflome,  qui  dans  un 
endroit  différent  de  celui  que  j'ai  cité  ci-deffus  ,   avance  encore  comme  un  principe  in- 
conteftable  ,  que  les  démons  ne  favent  que  nuire  é"  drejfer  des  embûches  ,  mais   nullement  s.Chryfoft. 
guérir  :  fi  on  fait  réflexion  qu'il  efl:  formellement  décidé  dans  le  Concile  de   Tours  de  'i-a-iv.Jud. 
l'an  8  [5.   que  Lt  magie  ne  peut  fervir  de  riai  pour  guérir  aucune  des  infirmités  des  hommes^  "' 
ce  qui  avoit  déjà  été  décidé  par  le  Vf.  Concile  Général:   fî   on  fe  rappelle  tous  les 
Textes  de  l'Ancien  Tefl:ament  par  IcfqucU  Dieu  a  voulu  lui-même  nous  inftruire  que 
c'eft  lui  feul  qui  nous  guérit,  &  ceux  du  Nouveau  où  Jtfus-Chrift  nous  dit  fi  fou- 
vent  que  les  Miracles  font  le  témoignage  de  fon  Père: enfin  fi  l'on  fait  attention  au  pas- 
fage  de  S.  Irénée,  ou  il  nous  repréfente  fortement  que  le  S.  Efprit  nous  a  expreffément  S. Ircn.L.i. 
déclaré  par  le  miniftére  de  Jérémie  &  de  Baruch,  que  les   démons  ne  peuvent  rendre '^■^'' 
„    la  vue  aux  aveugles,  ni  l'ouïe  aux  fourds  ,    ni  guérir  les  malades,  les  eftropics,  ni 
„  les  paralytiques  :  Nec  enim  cœcis  pOjfunt  dare  vifnm  ,  neque  furdis  auditum  ,  ncquc  débi- 
les Aut  claudos  aut  paralyticos  curare  ;  que  deviendront  les  quatre  miracles  de  cette  efpé- 
ce  ,  que  M.  de  Bethléem  fait  faire  au  diable  ? 

Ce  Prélat  fe  plaindra  peut-être  de  ce  reproche,  &  dira  qu'il  n'a  point  avancé  que 
les  maladies  dont  il  parle  dans  cet  endroit  de  fa  II 1.  Lettre,  fuflent  réelles,  qu'il  les  a 
au  contraire  repréfentées  comme  des  opérations  de  l'artifice  de  Satan ,  &  que  quoique 
les  Auteurs  qu'il  a  cités  n'aient  point  parlé  d'aveugles,  de  fourds ,  de  muets  ni  d'eflro- 
piés,  néanmoins  on  peut  fuppofer  avec  vraifemblance  que  lorfque  Dieu  permet  au  dia- 
ble de  s'infinuer  dans  le  corps  de  certaines  perfonnes,  d'agiter  leurs  membres  &  de  leur 
caufer  des  douleurs ,  cet  Efprit  adroit  &  fubtil  peut  en  même  tems  barrer  les  rayons 
vifuels  pour  les  empêcher  de  voir, boucher  l'ouverture  de  leui^s  oreilles  pour  les  mettre 
hors  d'étst  d'cnten:ire ,  arrêter  le  mouvement  de  leur  bo  jche  pour  les  empêcher  de  par- 
ler, &  détoiUTier  pendant  quelques  momens  la  circulation  des  efpiits  animaux,  c&  qui 
fufïit  poiu"  mettre  les  membres  dans  l'impuifTance  de  fe  remuer;  &  qu'enfuite  ceflanc 
tout  à  coup  de  produire  ces  effets,  les  perfonnes  fe  trouvent  fur  le  champ  remifes  au 
même  état  qu'elles  étoient  auparavant,  ainfi  que  difent  les  Auteurs  qu'il  cite. 

Q,uand  on  lui  pafferoit  tout  cela  ,  quoique  les  quatre  Apologiftes  qu'il  prend  à  té- 
moin n'en  difent  pas  un  feul  mot ,  &  qu'il  foit  extrêmement  rare  que  Dieu  ait  permis 
au  démon  de  faire  de  telles  opérations,  M.  de  Bethléem  ne  feroit  pa?  mcore  excuGbIe 
dans  la  manière  dont  il  préfente  ces  f^ùts.  Car  s'il  n'avoit  pas  eu  dellein  de  tromper 
fon  Leéteur,  il  n'auroit  pas  manqué  de  déclarer  lui-même  clairement, qu'il  ne  s'agiffoit 
Jioint  dans  les  faits  qu'il  fuppofoit  ,  d'aucune  maladie  réelle  &  dur.ble,  mais  feulement 
aiine  fimple  privation  inftantaiiée  de   l'ufage  de  la  vue,  de  l'ouïe,  de  b  parole  ,  ou 

Z  j  de 


ttl  F  A  V  s  s  ET  r     DES     G  V  E'  R  I  S  C  .Y  S 

DiruRT.de  quelque  menrtbre :  privation  qui  n'étoit  point   produite  p,ir  l'altération  des  orgines 
suRL'AUT.nijiç  qui  n'avoit  pour  caufe  qu'une  opération  du  démon  ,    qu'il   ne  peut  exécuter  fans 
nés  MI»,     y  ^j.|.g  prc'fent  &  qui  par  conféquent  ne  peut  pas  être  de  longue  durée,  fi  ce  n'eft  chez 
quelque  pofTédé  dont  le  corps  eft  livré  au  diable  par  un  jugement  finguliev  de  la  jufti- 
ce  Divine.    Ainfi  il  cft  clair  que  c'efl:  de  la  part  de  M.  de  Bethléem  une  forte  d'artifice 
qui  ne  convient  point  à  fon  caradére  ,    d'avoir  dilTimulé  toutes  ces  circonflances  &■  de 
IILLetcp.  s'ctre  écrié:   f^oilk  des  aveugUs  éclairés^  des  four  ds  ^  des  muets  ,  des  ejlr'opiés  ,  guéris  fur 
V-  le  champ:  parce  que  ces  exprefTions  préfcntent  l'idée   de  maladies  véritables  guéries  fu- 

bitemsnt  par  le  démon ,  &  qu'elles  infinuent  que  cet  impoft.ur  peut  par  artifice  contre- 
faire parfaitement  jufqu'aux  quatre  Miracles  auxquels  Dieu  a  recommandé  de  reconnoî- 
tre  le  Sauveur  du  monde. 

Une  fimple  privation  de  l'ufage  des  organes  qui  ne  dure  que  peu  de  tems ,  n'eft  pas 
une  maladie.  Tout  le  monde  en  eft  privé  pendant  le  fommeil  ;  &  lorfqu'on  voit  quel- 
qu'un qui  fe  réveille , perfonne  ne  s'avife  de  dire:  Voilà  un  aveugle  éclairé,  un  fourd, 
un  muet ,  un  cftropic  guéri. 

Aulfi  les  Idolâtres,  ainfi  que  je  l'ai  prouvé  ci-delfus,  n'ont-ils  jamais  regardé  eux- 
mêmes  comme  quelque  chofe  de  bien  admirable  ,  ces  fortes  de  rétabliflements  fubits  de 
la  jouilfance  de  quelques  organes  ou  de  quelques  membres  ,  de  l'ufage  defquels  on  n'a- 
voit été  privé  que  pendant  quelques  momens  :  &  ils  n'ont  jamais  eu  le  front  de  les 
donner  pour  des  Miracles. 

M.  1  Evcque  de  Bethléem  ne  devroit-il  pas  imitera  cet  égard  leur  bonne  foi  &  leur 
fincérité  ?  Et  n'auroit-il  pas  dii  reconnoitre  par  le  témoignage  même  des  Apologiftes 
qu'il  cite ,  que  ces  prétendues  guérifons  n'étoient  qu'une  fupercherie  diabolique  très 
peu  difficile  à  dcmélcr:  qu'à  l'égard  des  maladies  réelles  &  véritables,  le  dé'mon  n'en  a 
jamais  guéri  par  des  moyens  invifibles  ,  ainfi  que  ce  Prélat  s'efforce  de  le  faire  accroi- 
re, &  que  Dieu  qui  eft  jaloux  de  fa  gloire,  &  qui  ne  veut  pas  que  fes  œuvres,  fa 
voix  &  fon  témoignage  foitnt  pris  pour  des  artifices  de  Satan,  ne  lui  laiffe  exercer  de 
pouvoir  que  celui  de  faire  du  m:il  :  Nihil  aliud  pcpvtt  quam  nocere. 

Auflî  ces  mêmes  Apologiftes  nous  ont-ils  obfcrvé,  que  lorfque  le  démon  couft  quel- 
que maladie  réelle  ,  fi  elle'  eft  guérie  fubitement  ,  c'eft  à  Dieu  à  qui  on  doit  en  attri- 
buer la.guérifon  &  non  pas  au  diable. 

C'eft  eivre  autres  Auteurs  ce  que  décide  formellement  Tatien,  cité  par  ce  Prélat. 
„  Il  arrive  quelquefois ,  dit  cet  Apoloqifte  ,  que  les  démons  pouffent  leur  malice  juf- 
„  qu'à  déranger  cffeiflivcment  l'état  de  la  !ai.té  ;  mais  frappés  alors  par  la  Toute-puif- 
„  fince  Divine,  ils  fe  retirent  tout  effrayés,  &:  c'eft  cette  Toute-puiffance  qui  guérit 
,,  les  maux  qu'ils  ont  fait.  " 

Origene  donne  pareillement  pour  principe,  que  l'Efprit  pervers  peut  faire  du  mai, 
Orig.  homil.  mais  qu'il  ne  peut  pas  réparer  le  mal  qu'il  a  fiit.  Contraria  virtus  mali  quidem  diejnid 
M-iin  ^^'»-  J'jcere  potefi ,  fed  reflittiere  in  iniegrum  non  potefl. 

'■''*  Ce   fentimetit   unanime  des  anciens  Pércs  &:  des  Apologiftes  de  l'Eglife  a  d'autant 

plus  d'autorité,  qu'en  cela  ils  ont  certifié  au  péril  de  leur  vie  ce  dont  ils  avoient  par 
eux-mêmes  une  parfaite  connoifTince,  &  ce  qv.i  s'étoit  paflô  fous  leurs  yeux.  Plulîcurs 
d'entre  eux  avoient  été  élevés  da;  s  le  Paganifme  ,  &  initiés  dans  les  abominables  mys- 
tère";. Et  ils  n'ont  change  de  Religion  que  par  l'imprelfion  q(ie  leur  ont  fait  les  Mira- 
cles opérés  au  nom  d:' Jcfus-Chrift.  Ils  vivoicnt  fous  la  puiirincc  d'Empereurs,  ai 
Gouverneurs  ^  *de  Magiftr.us  Paycns  :  &:  ils  s'expofoient  à  la  mort  en  deshonorant 
ainfi  les  fiux-Dieux  par  des  Ecrits  publics  qu'ils  répanioient  de  toutes  parts.  Plu- 
ficurs  même  d'entre  eux  ont  cû  le  courage  de  préfenter  aux  Empereurs  les  Apoloj^ics 
qu'ils  avoient  fait?'.  Q.iicls  fupplices  ces  Princes  Idolâtres  ne  leur  auroient-ils  pas  fait 
fouflrir,  s'ils  avoient  pii  les  convaincre  de  faux  ,   lorfqu'ils  leur  foutenoient  avec  tant 


Tatiaa.  p 
>4Î- 


ATT  R  I  BV  r  E  s    AV    D  E'  M  0  N,  &c.  ïgj 

d'intrépidité,  que  jamais  les  Dieux  qu'ils  adoroient  n'avoient  guéri  aucune  maladie  vé-    Dissert. 
ritable  &  réelle  que  par  le  moyen  des  remèdes  qu'ils  iiidiquoient ,  &  que  tout  leur  mer-  ^"''  ^  *"'^- 
veiileux  pouvoir  fe  réduifoit  à' leur  caufer  quelque  douleur  paflagér£  &  à  difcontinuer       '     ' 
de  la  leur  faire  fouffrir. 

Il  n'eft  donc  pas  podlble  de  douter  de  la  vérité  de  ce  que  ces  plus  anciens  Doéleurs 
de  l'Eglife  &  ces  Apologifles  ont  attefté  avec  tant  de  confiance  à  la  face  de  toute  la 
Terr.; ,  puifque  les  Payens  qui  avqicnt  en  main  toute  la  puiflance  du  monde  ,  n'ont  pu 
eux  mêmes  le  conteftcr. 

,Or  fi  ]e  démon  n'a  pu  faire  de  miracles  dans  fon  propre  empire  &  en  faveur  de 
ceux  qui  l'adoroient,  comment  peut-on  croire  que  Dieu  lui  ait   permis  d'en  opérer 
dans  le  Royaume  de  Jefus-Chrift  ,    dans  le  fein  de  l'Eglife  Catholique  ,   après  qu'il 
nous  a  déclaré  lui-même  que  fon  Fils  eft  venu  dans  le  monde  pour  détruire  les  œuvres  i.Jean.IIl.i. 
du  diable  l 

On  trouve  auffi  dans  les  Ouvrages  des  plus  favans  Théologiens ,  les  mêmes  principes 
que  les  anciens  Pérès  &r  les  Apologiftes  nous  ont  donnés  fur  ce  fujct. 

Par  exemple,  le  célèbre  Alphonfe  Toftat  les  met  dans  le  plus  grand  jour,  en  exa- 
minant fi  les  Anges  ou  les  démons  auroient  pu  rendre  tout  à  coup  la  main  de  Jéro- 
boam perclufe  &  immobile  ,  &  avec  la  même  promptitude  lui  rendre  enfuite  tout  fon 
mouvement. 

,,  Il  faut,  dit-il,  répondre  que  (ce  prodige)  pourroit  fe  faire  de  deux  différentes  Toftat.ia 
façons.  I.  11  pourroit  s'opérer  fans  caufer  aucune  maladie  réelle  ,  ni  aucune  vérita-  "l'iig.'q'il'.s. 
ble  guérifon,  mais  feulement  en  arrêtant  le  mouvement  de  la  main  par  quelque  empê-  P-i95- 
chement ,  &  en  ôtant  enfuite  ce  qui  l'empêchoit  dagir.  2.  Il  pourroit  fe  faire  en 
caufant  un  mal  réel ,  &  en  procurant  enfuite  un  véritable  rétabliflement.  De  la  pre- 
mière manière  cet  effet  auroit  pu  s'exécuter  par  les  Anges  &  les  démons ,  car  il  n'y 
auroit  eu  de  cette  façon  ni  guérifon  ni  maladie,  &  il  n'auroit  fallu  que  retenir  vio- 
lemment le  bras ,  en  forte  qu'il  ne  pût  remuer ,  &  le  relâcher  enfuite.  A  l'égard  de 
la  féconde  manière  ,  elle  n'auroit  pu  s'exécuter  ni  par  les  démons  ni  par  les  Anges, 
parce  qu'ils  ne  peuvent  caufer  immédiatement  &  par  eux-mêmes  aucune  guérifon,  ni 
même  produire  (fubitementj  aucune  maladie",  de  la  nature  de  celles  qui  ne  fe  for- 
ment que  fuccelfivement  ,  telles  par  exemple  que  le  delTéchement  d'un  membre;  ainfi 
que  ce  favant  Théologien  l'explique  plus  au  long  dans  la  fuite  de  fon  raifonncment. 
Refpondendum  quod  ijlud  po ter at  fier i  dupliciter.  Primo  modo  non  caufindo  veram  agritu- 
dinem ,  nec  veram  fariitatem  ,  fed  imponendo  impedimentum  dr  tollendo  illud.  Secundo 
modo  caufando  veram  agritudinem  (jr  veram  fanitatem.  .  .  Primus  modus  ifiorum ,  fani- 
tatis  vel  agritudinis  ,  poterat  per  dttmones  (^  per  Angeles  fieri  :  nam  ibi  non  erat  aliqua, 
fanitas  nec  cegritudo ,  fed  folum  tenere  brachium  violenter  ne  moveatur ,  c^  cejfare  ab  illà 
detentione,  Secundus  autem  modus  non  poterat  fieri  per  dtemones  vel  per  Angeles  ,  quia  ifii 
mon  pojfunt  caufare  immédiate  (^  per  fi  aliquam  fanitatem ,  immo  nec  pojjunt  aliquam  agri- 
tudinem  caufare. 

«r.„  Il  eft  impoffible ,  ajoute-t-il,  que  les  Anges,  quelque  puiffans  qu'on  les  fuppo- 
\,  fe,  produifent  quelque  qualité  naturelle,  ni  même  qu'ils  difpofent  la  nature  à  la  pro- 
„  duire.  Mais  tout  leur  pouvoir  ne  confifte  qu'à  mettre  en  œuvre  les  agens  naturels 
,,  de  la  même  manière  que  fait  un  Médecin.  "  Impojfibile  e(l  Angeles  quant umcumque 
poternes  ,  caufare  aliquam  naturalem  qualitatem  ,  vel  difpofitionem  ad  illam  ,•  fed  folum 
caufabunt  applicando  aUiva  naturalia  pajjîvis ,  ficut  medicus  agit. 

Selon  cet  illuftre  Auteur  ,  ainfi  que  félon  les  Apologiftes  &  les  Pères  ,  voilà  donc  à 
quoi  fe  réduit  toute  la  puiflance  du  démon  en  fait  de  guérifor:s  merveilleufes  ;  à  l:ver 
les  empêchemens  momentanés  qu'il  caufe  &  à  difcontinuer  de  faire  certains  petits  maux 
paflagers  qui  n'ont  proprement  que  l'apparence  ,   puifqu'ils  ne  produifent  aucune  des- 

■    "  --  titre- 


i84         RE'FVTATION-    DES    INVVCTIONS 

Dissert,  trudion  ,  ni  mêmc  aucune  corruption  dans  les  membres.  Et  lorfqu'il  eft  queftion  de 
suKL'AUT.jnahdics  rctlles  &  véritables,  il  ne  peut  les  guérir  qu'en  y  employant  des  remèdes  de  la 
DE3MJR.    jjj^jne  façon  que  les  Médecins. 

Si  donc  quelques  Auteurs  récens  ont  trop  légèrement  fuppofé  que  le  démon  peut 
faire  des  guérifons  qui  paroiffent  Miraculeiifes ,  c'eft  fans  doute  parce  que  ces  Auteurs 
n'ont  pas  examiné  avec  aflez  d'attention  ,  fi  Dieu  lui  avoit  jamais  permis  d'en  faire  de 
telles,  fi  cela  n'étoit  point  contraire  à  plullcurs  Textes  de  l'Ecriture,  &  fi  le  fait  n'a- 
voit  pas  été  démenti  par  les  Péres  de  l'Eglife  &  tous  les  Apologiftes  de  la  Religion. 
Or  ne  doit-on  pas  en  croire  l'Ecriture  Sainte  &  le  témoignage  des  SS.  Péres  &  des  A- 
pologiftcs ,  plutôt  que  de  fe  lailTer  éblouïr  par  les  brouillards  de  l'incertitude  où  ces 
Auteurs  modernes  paroiffent  avoir  été  fur  cette  Quefliion,  faute  de  l'avoir  fuffifammens 
approfondie  ? 

M.  l'flveque  de  Bethléem  ne  peut  l.ii-méme  iijnorer, que  Dieu  enplufieurs  endroits 
C'tii  jgit  de  l'Ecriture  ,  met  le  pouvoir  de  guérir  au  nombre  de  fes  attributs  diflindifs  :  que  c'efl 
&'!"'i3i'ion'  3-  ^^tf^  marque  qu'il  nous  a  ordonné  de  reco  inoitre  fon  Fils ,  lorfqu'il  paroitroit  fur 
«jucd'oppo-  la  Terre;  &  que  le  S.  Efprit  nous  déclare  pofitivement  dans  les  Livres  Divins  que  les 
dcft'i'"el"'de  démons  n'ont  point  la  piiiffance  de  rendre  la  vue  aux  aveurles,  ni  de  guérir  les  hom- 
prcu.es  luli-  nies  de  leurs  infirmités.  Auffi  ces  Miracles  de  guérifon  ont-ils  été  le  moyen  que  Jefus- 


dcs  jux  icx- 


tcsdcTEct- Chrift  a  choifi  pour  faire  connoitrc  &r  adorer  la  Vérité   par  toute  la  Terre,  &  celui 
tue,  au  le-   pjr  lequel  il  a  promis  de  la  maintenir  dans  ITglife  jufqu'à  la  fin  des  Siècles.  Comment 
d^sApoie-    donc  pourroit-il  permettre  au  diable  de  rendre  kur  témoignage  équioque  ? 
giiics&des       Ouelle  plus  grande  autorité  y  a-t-il  dans  l'Univers,  que  celle  de  l'Ecriture  Sainte? 
tes,  &  j!a   Efl-il  permis  d  oppoler  des  faits  a  les  oracles  divins  \  Du  moins  pour  avoir  quelque 
clnciuV"  fofte  d'excufe  dans  une  entreprife  fi  téméraire,  il  faudroit  être  en  état  de  montrer  d'u- 
ne manière  inconteftable ,  que  ces  Textes  de  l'Ecriture  ne   doivent  pas  s'entendre  dans 
leur   fens   naturel.     Il  faudroit  pouvoir  prouver  par  une  Tradition  fuivie  ,  que  les  SS. 
Pères,  les  Apologiftes  &  les  Conciles  les  ont  interprétés  différemment.     Enfin  il  fau- 
droit rapporter  des  faits  d'une  certitude  fî  inébranlable  ,  qu'il  feroit  abfolument  impos- 
fible  de  les  révoquer  en  doute. 

Quel  eft  donc  l'effroyable  aveuglement  de  ceux ,  qui  ayant  tout  à  la  fois  contre  eux 
la  parole  de  Dieu ,  le  fentiment  des  Pères ,  le  témoignage  des  Apologiftes  ,  &  la  De- 
cifion  des  Conciles,  veulent  engager  les  Chrétiens  par  des  faits  obfcurs,  incertains,  des- 
titués de  toutes  preuves  folides  ,  ou  pour  mieux  dire  par  des  faits  qui  ne  font  que  des 
fourberies  ,  des  fiipercheries  diaboliques,  &  des  menfonges  des  Payens ,  à  fe  révolter 
contre  le  fens  naturel  &  précis  de  plufieurs  paflages  de  l'Ecriture,  &  à  fouler  aux  pieds 
les  lumières  de  la  Tradition,  pour  faire  préfent  au  diable  d'im  pouvoir  qu'il  n'a  jamais 
eii  ,  &  pour  employer  ce  moyen  à  décrier  les  œuvres  de  Dieu  ,  5f  à  leur  ravir  leur 
Autorité,  le  refpeâ  qu'elles  exigent,  &  la  confiance  qu'on  y  doit  prendre  ! 

Voili  cependant  à  quoi  tendent  toutes  les  fauffes  hiftoires  &  les  fophifmes  que 
nous  oppofc  M.  l'Evêque  de  Bethléem. 

Te  me  flatte  d'avoir  déjà  fait  rentrer  dans  le  néant  tous  fes  prétendus  miracles  diabo- 
liques qu'il  dit  s'être  opérés  chez  les  Idolâtres.  11  ne  me  rcfte  plus  qu'à  répondre  à 
trois  hiftoires  dont  ce  Prélat  tire  de  très  fauffes  induiflions. 

^.  IX.  Rcfittat'mn  des  inditftions  que  tire  AI.  l'Evêque  de  Bethléem  de 

fhijîotre  du  faux-Llriji  du  Gevaudau ,  o'  des  Mirachs  faits 

par  Secunddlus  ^  par  les  Reliques  de  S.  Jujl. 


M 


de  Bethléem  voyant  avec  chagrin  que  tous  les  faftes  du  Paganifmc  n'avoient 
0  pu  lui  rien  fournir  qui  fût  capable  d'autorilcr  Ion  Siftcme  des  mincies  dia- 

byli- 


T I  R  E'  E  s    DE     TROIS    HISTOIRES.  185 

boliques  ,  n'a  pas  épargné  fes  peines  à  chercher  dans  d'autres  Livres  toutes  les  hiftoi-  Dissert. 
res,  vraies  ou  faufles,  qui  pouvoient  lui  fervir  à  jetter  de  la  poudre  aux  yeux  de  fes^""*^ '^"f  ■ 
Lecreurs. 

L'Auteur  qu'il  a  feuilleté  avec  le  plus  de  foin,  a  été  le  bon  S.  Grégoire  de  Tours. 

Comme  il  n'ignoroit  pas  ,  que  ce  Saint  a  pafle  pour  un  homme  très  crédule  ,  très 
amateur  du  merveilleux  ,  &  qu'il  a  compofé  des  volumes  de  toutes  les  hiftoires  vraies 
&  fauffes  qu'il  avoit  entendu  dire ,  il  a  efpéré  de  trouver  dans  cette  multitude  de  faits , 
dont  plufieurs  font  apocryphes  ,  quelque  chofe  qui  pût  étayer  fon  Siftéme.  Il  devoit 
favoir  que  le  célèbre  Hilduin  Abbé  de  S.  Denis  ,  confultc  par  l'Empereur  Louis  le 
Débonnaire  ,  fur  la  foi  qu'on  devoit  ajouter  aux  faits  rapportés  par  S.  Grégoire  de 
Tours ,  s'exprime  ainfi  dans  fa  réponfe  à  cet  Empereur. 

Parcendum  efl  Jimplicitati  viri  religiojî  ^  qui  multa  aliter  quam  fe  veritas  haheat  <tfli-    Ep;iV.Hii- 
mans  ,    non  calliditatis    afin   fed   benignitatis  &  Jlmplicitatis  voto  litteris  commendavit .  ^^^^^^  ^^'^' 
„   Il  faut  pardonner  à  la  fimplicitc  d'un  homme  religieux  qui   croyant  de  bonne  foi 
„  quantité  de  chofes  contraires  à  la  vérité,  &   fe  conduifant,  non  par  la  finefle  d'un 
,,  efprit  pénétrant  &  fubtil,  msis  par  le  mouvement  d'un  cœur  trop  bon  &  trop  faci- 
„  le,  en  a  compofé  des  hiftoires." 

M.  Fleuri  dans  fa  Préface  ,  &  JVl.  Dupin  dans  fa  Bibliothèque  EcdéCaftique ,  en 
ont  porté  à  peu  près  le  même  jugement. 

Il  ne  faut  pas  penfer  néanmoins  ,  que  S.  Grégoire  de  Tours  ait  été  capable  de  rien 
dire  qu'il  crût  contraire  à  la  Vérité.  Mais  plus  ce  Saint  avoit  en  horreur  le  menfon- 
ge ,  plus  il  avoit  de  peine  à  croire  qu'on  voulût  lui  en  impofer  :  &  comme  on  favoit 
qu'on  lui  faifoit  plaifir  en  lui  racontant  des  faits  merveilleux,  qu'il  infcroit  avec  avi- 
dité dans  fes  Ouvrages,  plufieurs  perfonnes  peu  fcrupubufes  lui  en  ont  conté  de  toutes 
façons.  AulTi  dans  tous  les  faits  qu'il  déclare  avoir  vus  lui-même,  il  mérite  une  entière 
confiance.  Mais  il  n'en  eft  pas  de  mèm:  de  ceux  qu'il  ne  rapporte  que  fur  des  ouï-dires 
de  perfonnes  qu'il  ne  nomme  point. 

Telles  font  les  deux  hiftoires  que  M.  de  Bethléem  a  choifi  dans  les  gros  volumes 
compofés  par  ce  bon  Saint. 

La  première  eft  celle  d'un   homme  qui  félon  M.  de  Bethléem,  fe  donnoit  pour  un         r. 
nouveau  Meflîe  &  faifoit  quantité  de  miracles.  i'h:XiiTdl' 

Ce  Prélat  pour  ajuftcr  cette  hiftoire  à  fes  vues,  en  donne  une  idée   fi  différente  de  F^îen^^" 
celle  qu'on  en  prend  en  la  lifant  dans  S.  Grégoire  de  Tours  ,  que  pour  rejetter  les  in-  ,i'u"Gcvau- 
duélions  qu'il  en  tire,  je  n'aurai  befoin  de  leur  oppofer  que  les  propres  paroks  de  l'Au-  <^'"'- 
teur  fur  le  témoignage  duquel  il  les  fonde. 

Voici  de  quelle  manière  M.  Evéque  de  Bethléem  commence  fon  récit. 

„  Un  homme  natif  de  Bourges ,  &  en  qui  l'on  voyoit  de  grandes  apparences  de  pié-  III.  Lc;t  p. 
„  té,  alla,  dit  S.  Grégoire,  dans  la  province  d'Arles  ...  &  de  11  dans  le  Gévaudan,  ^^' 
„  &  y  pubha  qu'il  étoit  le  Chrift.  " 

S.  Grégoire  de   Tours  dit  ait  contraire,  que   cet  homme  étoit  un  voleur  de  grand  s. Greg  Tu- 
chemin ,  qui  dépouilloit  les  paffans  :  Interea  capit  fpoliare  er  pradart   (jhos  in  itinere  ?'^- ub'.io'c. 
perijfet.   Et  pour  faire  connoître  jusqu'à  quel  excès  il  pouffoit  l'impudicité,  il  obferve-6. 
qu'il  envoyoit  devant  lui ,  pour  annoncer  fa  venue ,  des  hommes  qui  étoient  tous  nuds 
&  qui  fautoient  &  badinoient  enfemble  :  Aiittens  ante  fe  nuntios  homines  nado  corpore , 
faltantes  atque  Indentcs.   Pour  augmenter  fa  troupe, il  diftribuoit  libéralement  à  ceux  qui 
l'accompagnoient ,  tout  ce  qu'il  voloit  aux  paffins  :  Spolia  non  habenfibus  largiebatur.  Et 
en  autorifant  toutes  fortes  de  vices ,  il  fe  fit  fuivre  par  une  grande  multitude  de  men- 
dians ,  de  bandits  &   de  fcelcrats ,  dans  le  nombre  desquels  il  y  avoit  même  quelques 
mauvais  Prêtres:   SeduBa  efl  per  eum  multitudo  immcnfa  populi  ^  &  non  folnm  rujliciores ,   Ibid.cif. 
verum  etiàm  Sacerdotes  Ecclejiajiici, 

Dijfert.  Tom,  II,  A  a  Cepen- 


I 


tS<S         RETVTATION    DES    IN-DVCTIONS 

DissF.RT.     Cependant  quelques-uns  de  ceux  qui  le  fuivoient  ,  fuient  touiinentés  pnr  le  démon, 
5URL  Airr.^    ,^      Vç  jg  jj  rngfne  manière  avec  laquelle  il  caufoit  des  douleurs  à  certains  Idolâtres, 
félon  que  les  Apologiltes  h  rapportent. 

Ce  qui  m'autorife  à  dire  que  les  maladies  dont  il  s'agit  dans  l'article  de  cette  hiftoire 
dont  je  rends  compte  afl'uellement ,  n'étoient  qu'un  artifice  du  démon,  c'eft: 

1.  Que  le  faux-Chrift  les  prédifoit  à  ceux  de  fes  difciplcs  qui  alloient  en  être  faifis  : 
Pr<tdiccbat  quihusdam  morhou  Or  puisque  le  démon,  qui  ne  fait  point  l'avenir,  les 
lui  faifoit  prédire,  il  eft  évident  que  c'eft  cet  Efprit  pervers  qui  devoit  lui-même 
les  procurer. 

2.  S.  Grégoire  de  Tours  donne  très  clairement  à  entendre  que  ces  maladies  fubites 
n'étoient  que  l'ouvrage  de  Satan  ,  qui  corrompoit  l'efprit  en  même  tems  qu'il  faifoit 
fouffrir  le  corps.  Il  va  même  jufqu'à  dire  que  „  ceux  qui  avoient  été  troublés  par 
„  cet  artifice  diabolique  ,  n'ont  jamais  repris  entièrement  leur  bon  fens  :  "  Htfm'tnes  illi 
t^HOS  .  .  diabolicà  circumventionc  ttirhaverat ,  tiHncjttkm  ad  fenfum  ftmt  regrcfî.  Ainfi  fé- 
lon ce  Saint ,  ce  trouble  d'efprit  &  ces  maladies  n'avoicnt  donc  pour  caufe  que  l'artifi- 
ce &  h  circonvention  du  diable,  diabolica  circumventio. 

5.  Il  obferve  encore,  que  ce  mifcrable  faux-Chrift  annonçoit  d'avance  la  gucrifon 
de  ces  fortes  de  maladies  à  quelques-uns  de  ceux  qui  en  étoicnt  attaques  :  denumiabat 
fattcis  fulutem  futuram.  Or  j'ai  prouvé  ci-defTus  invinciblement,  que  fi  c'eût  été  des 
maladies  bien  réelles  ,  Dieu  n'eût  pas  accordé  au  démon  le  pouvoir  de  les  guérir  d'une 
manière  qui  eût  paru  M iraculeufe. 

Enfin  S.  Grégoire  de  Tours  ajoute,  que  ce  miniftre  de  Satan  „  en  touchant  ces  pré- 
„  tendus  malades,  les  remettoit  en  fanté;  mais  qu'il  ne  faifoit  ces  guérifons  que  par  des 
„  artifices  diaboliques  &  par  je  ne  fai  quels  preftiges".  Otfos  contmgens  fanitati  redde- 
bat,  fid  hac  om»ia  diabolicis  artihui  (y-  prajiigiis  tiefclo  qHibns  agebat.  Or  une  maladie 
véritable  ne  peut  pas  fe  guérir  par  des  preftiges  ,  qui  ne  confiftant  que  dans  une  vainc 
apparence ,  n'ont  rien  de  réel  :  il  faut  que  h  maladie  ne  foit  elle-même  qu'un  preftige  , 
pour  pouvoir  difparoître  parce  moyen. 

Croiroit-on  bien,  que  c'eft  uniquement  en  fe  fondant  fur  ce  dernier  partage,  que  M. 
de  Bethléem  ofe  donner  comme  un  fait  certain  &  attefté  par  S.  Grégoire  de  Tours, 
que  ce  faux-Chrift  guériflbit  fur  le  champ  toutes  fortes  de  maladies  ? 

Mais  il  eft  bon  de  rapporter  un  peu  au  long  les  paroles  de  ce  Prélat,  dont  les  tra- 
vaux n'ont  confifté  jusqu'à  préfent,  qu'a  employer  fes  pernicieux  talens  à  faire  accroi- 
re aux  Chrétiens,  que  le  démon  fait  des  Miracles.  Il  fera  utile  aux  âmes  fidelles  de 
frémir,  en  voyant  avec  quel  art  &  quelle  témérité  ce  trop  habile  Avocat  du  diable, 
féduit  ceux  qui  l'écoutent,  éteint  dans  les  coeurs  le  refpeft  qu'on  doit  aux  Miracles,  & 
leur  fait  un  efpéce  de  fcrupuh  &  de  honte  de  la  confiance  qu'on  y  doit  prendre. 
IlI.Leti.p.  ^^  La  multitude  du  peuple  ,  dit-Il ,  courut  voir  ce  faux-Chrift,  &  lui  préfenta  des 
''■  „  malades  pour  qu'il  les  guérit.  Quelle  épreuve  pour  L*  miniftére  de  cet  impie  !  Vous 

„   penfez  qu'infailliblement  il  va  échouer;  &  il  faut  que  vous  le  penfiez,  puifqu'il  eft 
„   hors  de  doute  que  Dieu  n'en  autorifera  pas  les  blafphêmcs  par  des  Miracles  ,  & 
„  puifque  les  démons  ne  peuvent,  félon  vous,  opérer  des  çuérifons.    Mais  écoutez  la 
,,  fuite  de  l'hiftoire.    Ce  faux-Chrift  guérit  tous  les  malades  qu'on  lui  préfente.    Et 
„  par  quels  remèdes?   En  les  touchant  :   Quoi  conùngans  f.initMi  rcAdehar.    Et  par  quel 
pouvoir?  Par  cejui  du  diable:  Diabolicis  artibus ,  dit  S.  Grégoire  de  Tours.   Mais 
quoi  ?  Par  l'art  du  démon  tant  de  malades  guéris  fur  le  charnp  ?    Quelle  étrange  op- 
pofition  de  cette  doétrinc  avec  la  vôtre!   Avouez-le,  Meifieurs:  ou  ce  Saint  His- 
torien étoit  bien  ignorant  &  bien  hardi ,  d'attribuer  contre  l'autorité  de  tous  les  Pé- 
"  tes  qui  l'ont  précédé  ,  des  guérifons  de  maladies  h  l'art  du  démon  ,    ou  il  fnit  que 
vous  foycz  bien  peu  éclairés  de  prononcer  d'un  ton  ferme  ,    &  que  le  démon  n'en 

„  guérit 


>» 


T I  R  r  E  s    DE    TROIS    HISTOIRES,  187 

guérit  jamais  &  que  c'eft  la  cîoftrine  de  tous  les  Pérès  de  l'Eglife,    Le  Public  héfi*    Disse»'. 
tera-t-il  dans  l'alternative  ?    Ce  qui  me  frappe  le  plus  dans  cette  hiftoire  ,    ajoute  h  «"Rt-'^uT 
„  Prélat,  c'eft  l'aveugle  penchant  de  la  plupart  à  donner  dans  la  féd.idion  des  pro-   ,  . , 
„  diges.    (Cet  impucient  miniftre  du  démon)  difoit  qu'il  étoit  le  Chrift ,  &  pour  le      '  ^  *"' 
„  prouver  il  guérilloit  les  malades  (  dit  M.  de  Bethléem:  )  cela  feul  fut  fuffifant  pour 
„  perfuader  au  peuple  &  à  des  Prêtres  même  ,    qu'il  étoit  l'Envoyé  de  Dieu  ,    &  ils 
„  auroient   cru  être  impies  ,   s'ils  s'étoient  refufés  à  cette  démonftration.     Qii'il  eft 
„  donc  dangereux,  Melfieurs  (conclud  M.  de  Bethléem)   de  fe  mettre  en  tête  que 
„  des  guéril'ons  miraculeufes  ne  puiflent  venir  que  de  Dieu ,  puilque  l'apoftafie  fut  le 
„  fruit  de  cette  maxime!  " 

C'eft  ainfi  que  pour  ébranler  entièrement  l'Autorité  des  Miracles  ,  &  faire  doréna- 
vant confondre  la  voix  de  Dieu  avec  les  fupercheries  de  Satan ,  M,  de  Bethléem  trom- 
pe fon  Lefteur  de  toutes  façons. 

1.  Il  lui  certifie,  que  ce  faux-Chrift  guériftbit  tous  les  malades  ;  tdtnd'is  que  S.  Gré- 
goire de  Tours  dit  au  contraire,  qu'il  y  en  avoir  très  peu  de  ceux  qui  le  fuivoient,  à 
qui  il  promettoit  le  recouvrement  de  leur  fanté:  Denunti abat  paucis  futur am  falutem. 

2.  Il  retranche  du  paflage  qu'il  cite,  le  mot  pr<f/?/ç;7.f ,  pour  faire  accroire  qu'il  étoit 
queftion  de  maladies  réelles ,  au  lieu  qu'il  ne  s'agiflbit  que  de  maladies  illufoires  qui 
étoient  de  même  nature  que  les  frejîiges  8c  les  artifices  diaboliques  par  lefquels  elles  é- 
toient  guéries. 

Enfin  ,  il  traduit  les  mots  diabolicis  artibus  çnr  pouvoir  du  Diable,  pour  perfuader 
que  c' étoit  par  puiflance  &  non  par  artifice  que  le  démon  guériftbit  ces  prétendues 
maladies 

Avec  une  telle  méthode  on  a  l'avantage  ,  que  fi  on  ne  trouve  pas  dans  les  Auteurs 
de  quoi  appuyer  un  Siftéme  contraire  à  l'Ecriture  ,  on  n'en  perfuade  pas  moins  les 
perfonnes  peu  inftruites,  qu'il  y  a  dans  ces  Auteurs  tout  ce  qu'on  y  veut  mettre. 

S.  Grégoire  de  Tours  raconte  enfuite  ,  que  cet  impofteur  ramafla  auprès  de  lui  plus 
de  trois  mille  perfonnes  de  la  lie  du  peuple  :  fequebantur  eum  amplius  quam  tria  millia 
populi ;  qu'il  faifoit  la  guerre  aux  Evêques ,  &  qu'il  menaçoit  de  mort  ceux  qui  le  mé- 
prifoient  &  qui  refufoient  de  l'adorer  :  Infiruens  aciem.  .  .  Epifcopîs  &  civibus  minas 
mortis  intentabat  ,  eo  quod  ab  i:s  Ador.tr!  difpiceretur  ;  qu'un  de  ces  Evêq'ies  raffem- 
bla  des  troupes ,  qui  malTàcrérent  ce  miférable  &  prirent  fa  fœur  nommée  Marie  ,  la- 
quelle ayant  été  condamnée  à  la  queftion  &  interrogée  fur  les  merveilles  qu'avoit  fait 
ce  faux-Chrift  ,  publia  elle-même  que  ce  n'étoient  que  des  phantômes  &  des  prefti- 
ges  :  Afaria  .  .  .  fuppliciis  dedita ,  omnia  phantafmata  ejus  ac  prtefiigia  publicavit.  Si  ce 
fourbe  eût  fait  des  guérifons  qu'elle  eût  pu  foutenir  avoir  été  véritablement  Miracu- 
leufes ,  auroit-elle  manqué  de  s'en  fervir  pour  fa  deffenfe  ,  &  pour  juftifier  qu'elle 
étoit  en  quelque  forte  excufable  de  s'être  lailfé  féduire  par  des  merveilles  qu'elle  auroit 
cû  fujet  de  croire  n'avoir  pu  être  opérées  que  par  la  vertu  de  Dieu  ?  Malgré  un  fi 
grand  intérêt  la  notoriété  manifefte  l'a  pour  ainfi  dire  forcée  de  convenir  ,  que  ce  n'é- 
toit  que  des  prefliges  &  des  phantômes. 

Comment  après  un  tel  aveu  M.  l'Evcque  de  Bethléem  a-t-il  le  front  de  vouloir  fai- 
re accroire  à  des  Chrétiens  que  c'étoit  de  vrais  Miracles  ;  &  comment  a-t-il  la  téméri- 
té d'en  conclurre  ,  que  le  refpeâ:  pour  les  guérifons  miraculeufes  ,  &  la  perfuafiou 
qu'elles  ne  peuvent  venir  que  de  Dieu,  (ainfi  que  le  S.  Efprit  nous  l'a  déclaré  lui-même 
en  plufieurs  endroits  de  l'Ecriture,)  font  capables  de  perdre  une  multitude  àç  pertple 
&  de  Prêtres ,  &  que  l'apoftafie  a  déjà  été  le  fruit  de  cette  maxime  ?  Quoi  ce  Prélat 
a-t-'.l  donc  pu  fe  flatter,  de  renverfer  les  Textes  Sacrés  ,  le  fentiment  des  Pérès  &  les 
Décilîons  des  Conciles,  avec  une  telle  hiftoire, qui  a  tout  l'air  d'avoir  été  fort  ampli- 
fiée par  ceux  qui  l'ont  racontée  à  S.  Grégoire  de  Tours. 

■  A  a  2  Mais 


i88  R  r  F 'J  T.j4  r  I  0  N    DES    TMDVCTIONS 

DissiRT.      Mjjj  quand  même  on  fuppoferoit  que  cette   hiftoire  fi  finguliére  &  fi  étonnante  fe- 
suKL  *"T.j.pjj  ^^j-jpj  y(,'ritjbi2  Jjns  toutes  fes   circonllances   qu'elle  le   paroit  peu,  tout  ce  qui  en 
rcTulteroit  repliement,  feroit  que  le  démon  aurait  procuré  quelques  douleurs  à  plufieurs 
de  ceux  qui  s'ctoient  joints  au  fcélcrat  qui  voloit  les  pafTans  ,  &  qui  en  prêchant  1  im- 
pudicitc  &  en  approuvant  tous  les  vices,  fe  donnoit  pour  un  nouveau  Melfie,  &  qu'à 
ù  prière  le  démon  auroit  quelquefois  fait  cefTer  ces  douleui-s.    Or  je  ne  vois  pas  (quoi- 
qu'en  dife  M.  de  Bethléem)  que  cette  hiftoire  puilTe  faire  beaucoup  d'honneur  au  dia- 
ble, ni  donner  une  grande  idée  de  fa  puiflance.     Aulfi  pour  l'en  dédommager  ce  Prélat 
va  lui  faire  préfent  dans  l'hiftoire  fuivante ,  de  quantité  de  vrais  Miracles  faits  au  nom 
de  jefiis-Chrifl. 
II.  Comme  cette  féconde  hiftoire  ne  prouve  rien  du  tout  en  faveur  des  miracles  de  dia- 

^''"j""^,",  blerie ,  il  ne  fera  pas  nccefiQùre  pour  y  répondre  de  vérifier  dans  les  Livr-;s  de  S.  Gré- 
phéme  que  goirc  dc  Tours ,  fi  ks  faits  rapportés  par  M.  de  Bethléem  font  conformes  à  ceux  que 
aû'xd'cmons  raconte  ce  Saint,  Pour  convaincre  le  Prébt  d'avoir  avancé  une  Propofition  erronée  & 
Je»  Miracles  même  blafphématoire  ,  il  ne  faut  que  donner  l'extrait  des  confcquences  qu'il  tire  du  rc- 
cundciiu»  au  cit  qu  il  tait  lui-mcm.e. 

nomdeJ.C.      Tout  Lcfteur  rempli  de  foi,  de  refpeifl  &  de  confiance  pour  h  faint  nom  de  Jefus- 
'  Chrift  ,  n'attendra  pas  même  mes  réflexions,  pour  fentir  naître  dans  fon  cœur   une  re- 

in. Lett.  pp.  ligieufe  indignation  en  entendant   un   Evcque  avancer  ,    <\uz  des  mir.tcUs  de  guérifort , 
i°-*f'^4i-  ^if- opère  un /ài»t  .   .  .  au  nom  de  notre  Seigneur  Jefus-Chrijl  ^  ainfi   c[ue  faifoient  les  A- 
filtres ,  doivent  être  attribués  au  démon  .  .  .  fi  l'orgueil  dans  celui  qui  les  a  faits ,  en  eft 
une  fuite  CT  comme  un  des  fruits, 

Ainfi  voilà  tous  les  Mirachs  qu'ont  fait  les  faints  au  nom  &:  par  la  puiiïance  de  Je- 
fus-Chrift,  donnés  au  diable,  toutes  les  fois  que  l'inftrument  de  ces  Merveilles  Divi- 
nes en  aura  enfuite  reffenti  quelque  mouvement  de  vanité. 

Mais  ii  eft  fi  incroyable  qu'un  Evêque  ait  ofé  hazarder  une  telle  Propofition  ,  que 
je  ne  puis  trop  me  prefler  de  convaincre  le  Ledeur  ,  que  je  ne  lui  en  impofe  point  :  ne 
différons  donc  pas  un  moment  de  lui  mettre  fous  les  yeux  les  propres  paroles  dc  ce 

lII.Lîtt.pp.  j.  Un  Diacre  nommé  Secundellus,  dit-il,  s'étant  retiré  avec  un  faint  Vieillard  dans 
4o,4i.&4i.  jj  une  ifle,  &  y  pratiquant  avec  lui  toutes  les  vertus  des  parfaits  ,  le  tentateur  revêtu 
des  apparences  du  Sauveur  fe  montra  à  lui ,  &  lui  dit  :  ye  fuis  Jefus-Chrtfl  que  tu 
pries  fins  cejfe ,  déjà  tu  es  parvenu  à  la  fainttté;  &  j'ai  écrit  ton  nom  avec  celui  des 
autres  ftints  dans  le  livre  de  vie. 

,,  Voilà  comment  ce  fédudeur  travaille  à  fubjuguer  par  l'orgueil  uns.  ame  que  fes 
autres  tentations  n'avoient  pij  abbatre  :  conquête  fi  precieufe  à  fa  malice  ,  que  pour 
l'achever  il  va  mettre  en  oeuvre  toute  fon  induflric.  Sors  maintenant  de  cette  ijle ,  con- 
tinue-t-il ,   c>~  vas  guérir  les  malades. 

Le  bon  Diacre  dont  la  piété  étoit  fans  lumière ,  donna  dans  le  piège  :  &  croyant 
fans  doute  comme  vous  ,    que  Dieu  foui  pouvoit  rendre  aux  malades  la  fanté  ,  il  re- 
çut l'ordre  du  démon  comme  une  milTion  de  Dieu  même.   Il  fortit  donc  de  l'ifle 
fans  en  avertir  le  faint  Vieillard  fon  compagnon  :  &  lorfqu'il  impofoit  les  mains  aux 
mjladcs  au  nom  de  Jcfus-Chrift,  ils  croient  guéris  :  Cum  infirmis  in  nomine  Chrifli 
manus  imponeret ^  fanabantur.   Abîme  incompréhenlible  des  jugemcns  de  Dieu  ,    qui 
permet  au  père  d^  l'orgueil  de  fe  revêtir  dc  fes  apparences,  de  l'imiter  dans  fes  Mi- 
racles, d'abufcr  même  de  fon  facré  nom  pour  tenter  un  homme  jufte  &  mettre  fon 
falut  dans  le  plus  évident  pcril  !    Le  démon  ne  réulTit  pas  néanmoins  à  confommer  h 
„   perte  de  Secuiîdcll  is  ,    Dieu  avaiu  rendu  ce  bon  Diacre  fenfible  aux  reproches  Si 
,,  aux  larmes  du  faint  Vieillard  fou  compagnon,  qui  lui  découvrit  en  gémilfant  l'illu- 
,,  fion  du  tentateur. 

„  Pcfez 


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DES  MIK. 


T I  R  E'  E  S    DE    TROIS    HISTOIRES.  i8p 

„  Pefez  je  vous  prie,  Meflieurs,  (ajoute  M.  de  Bethléem)  les  diverfes  circonflan-    Dissert. 
ces  de  ces  miracles:  elles  font  toutes  propres  à  vous  inftruire.    Ce  font  des  >»;V<ïc/«  suri-'aut. 
de  guérifon:  celfti  qui  les  epére  ejî  faint.  Car  c'eft  un  Diacre  qui  s'eft  éloigné  du  mon-  ' 
de  pour  vivre  inconnu  en  Dieu  avec  Jefus-Clirift  ,    pour  pafler  fes  jours  dans  la 
pauvreté,  dans  la  pénitence,  dans  la  prière:  préjugé  bien  favorable  pour  les  mira- 
cles.   La  manière  dont  il  les  opère ,  n'eft  ni  moins  édifiante ,  ni  moins  propre  ce  fem- 
ble  &  Ci  fortifier  dans  les  cœurs  des  fidèles  ,  (^'  à  faire  concevoir  aux  impies  ,    le  refpe^ 
dû  à   la  Religion  ,    puifque  c'eft  afi  nom  de  Notre  Seigneur  Jefus-Chrifl  qu'il  a  guéri 
les  malades ,  comme  fa^foient  les  apôtres  (^  com;ne  ont  fait  tant  d'autres  faints. 
,,  Mais  c'eft  pour  infpirer  de  l'orgueil  au  faint  Diacre  ,    que  celui  qui  lui  apparoît, 
,,  lui  dit  qu'il  eft  un  faint  ,    &  qu'il  lui   donne  le  pouvoir  de  guérir  les  malades.    Cet 
'  „  unique  trait  fufft  à  montrer  ,  que  ce  n'eft  pas  Dieu  ,    mais  que  c'eft  le  dé,rio>i  qui  a 
„  guéri  les  malades  par  fon  miniftére.  .  .  . 

„  C'eft  donc  donner  dans  une  grande  &  bien  pernicieufe  erreur  ,  que  de  conclur- 
j,  re  .  .  .  que  tout  miracle  marqué  à  quelques  traits  des  miracles  divins ,  vienne  de 
„  Dieu.  .  .  Car,  voici  des  guérifons  foudaines  de  malades:  guérifons  accompagnées 
„  d'un  appareil  frappant  de  piété  :  guérifons  qui  font  naître  des  réflexions  falutaires  : 
„  guérifons  néanmoins  dont  le  démon  eft  l'ouvrier. 

„  Ainfi,  Meilleurs,  avant  que  d'attribuer  à  Dieu  même  de  ces  fortes  de  miracles 
„  l'on  doit  toujours  examiner.  .  .    fi  l'orgueil  ....  en  eft  une  fuite  &  comme  un 
,,  des  fruits.  " 

A-t-on  jamais  imaginé  un  plus  beau  fecret  pour  faire  préfent  au  diable  d'un  très 
grand  nombre  de  Miracles,  que  de  fuppofer  qu'il  eft  l'auteur  de  tous  ceux  qui  ont  été 
fuivis  de  quelque  vanité  dans  les  faints  qui  les  ont  faits  ? 

L'orgueil  eft  un  monftre  que  tous  les  enfans  d'Adam  portent  toujours  au  dedans 
d'eux-mêmes:  ils  peuvent  le  furmonter,  mais  jamais  le  dtruire,  &  même  s'ils  croyoient 
Tavoir  totalement  vaincu,  il  triompheroit  d'eux  par  fa  prétendue  défaite. 

Les  faints  en  faifant  des  Miracles  ne  deviennent  point  impeccabhs.  Le  démon  n'en 
cherche  pas  moins  à  leur  tendre  des  pièges;  &  la  vaine  gloire  eft  la  tentation'qu'il  em- 
ploie le  plus  communément  pour  tâcher  de  l;s  faire  déchoir  de  leur  fainteté.  Lorsque 
l:s  plus  parfaits  ont  arraché  de  leur  cœur  les  racines  de  tous  les  autres  vices,  il  leur 
refte  encore  jufqu'à  la  fin  de  leur  vie  à  étouffer  avec  foin  tous  les  rejetions  que  l'orgueil 
y  peut  former.  Si  donc  on  doit  adjuger  au  diable  tous  les  Miracles  qui  ont  pu  faire 
naître  en  leur  ame  quelques  mouvemens  de  vanité,  il  fera  douteux  s'il  ne  faudra  pas 
lui  abandonner  la  plupart  de  ceux  que  Jefus-Chrift  a  faits  par  les  mains  de  fes  fervi- 
teurs,  depuis  qu'il  eft  dans  fa  gloire. 

Mais  n'eft-il  pas  évident  que  c'eft  une  Propofition  infoutenable , 'ou  pour  mieux  dire 
un  Siftême  impie ,  &  tendant  à  renverfer  les  preuves  les  plus  frappantes  de  la  Religion, 
d'ofer  attribuer  à  Satan  des  Miracles  faits  par  im  Saint  ...au  nom  de  notre  Seigneur  %- 
fus-Chrift  ,  comme  faifoient  les  yjpôtres  ?  N'eft-ce  pas  même  inlulter  Dieu  dans  fes 
œuvres  les  plus  brillantes  &  celles  qu'il  nous  déclare  précifément  être  fa  voix  &  fon  té- 
moignage, que  de  dire,  ainfi  que  fait  M.  de  Bethléem,  qu'il  permet  au  père  de  l'or- 
gueil . . .  de  l'imiter  dans  fes  miracles  ,  &  d'aùufèr  même  de  fon  nom  f acre  pour  tenter  les 
jufles  qui  ont  le  plus  de  foi,  de  confiance  &  d'amour,  &  pour  mettre  par  là  kuï  falut 
dans  le  plus  évident  péril  ? 

J'ai  déjà  prouvé  par  les  paroles  mêmes  de  Jefus-Chrift  &  par  la  Décifion  précife  du 
VL  Concile  Général  ,  que  tout  Miracle  fait  au  nom  de  ce  Sauveur  du  monde  ne  peu: 
avoir  pour  auteur  un  blifphémateur  du  faint  nom  de  Dieu.  Ainfi  je  puis  dire  que  la 
Propofition  contraire  étant  directement  oppofée  à  ce  que  jefus-Chrift  nous  a  déclaré 
lui-même,  &  étant  injurieufe  à  la  Bonté  Divine,  eft  un  efpéce  de  blafphêmc. 

Aa  5  En 


190         RE'FVTATIONS    DES    INDVCTIOMS 

DisstRT.     En  effet  quelle  idée  donne-t-on  de  la  miféricorde  infinie  du  Verbe  fait  chair,  en  fou- 

soRL'AUT.jjj^jrit  qu'il  permet  au  diable  de  prendre  (:n  phce  &:  de  faire  des  giiérifons  Miraculeufes 

DES  MiR.    ^^  ^^^  nom,  pour  tromper  ceux  qui  s'appuyant  fur  les  promsiTc-;  que  nous  a  fait   cet 

adorable  Fils  de  Dieu,  ont  recours  avec  confiance  à  fa  charité  pour  nous ,  parce  qu'il 

favent  qu'elle  parte  tout  ce  que  nous  pouvons  en  concevoir. 

Les  feules  lumières  de  la  raifon  futtifent  même  pourfaire  juger ,  qu'une  telle  Propofi- 
tion  efl:  abfurde. 

Depuis  que  fefus-Chrifl:  efl  monté  dans  les  Cieux ,  les  Miracles  faits  en  fon  nom, 
ont  été  le  movèn  le  plus  fenfible  dont  il  s'eft  fervi  pour  convertir  les  Incrédules,  aug- 
menter la  foi  clés  fidèles,  embrâfer  d'amour  &  de  reconnoi (Tance  plufieurs  de  ceux  qu'il 
a  ainfi  quéris ,  &  donner  à  une  multitude  innombrable  de  perfonnes  de  h  confiance  en 
fa  Bonté.  Faire  des  guérifons  Miraculeufes  en  fon  nom,  c'cft: donc  augmenter  fon Em-] 
pire,  c'eft  détruire  celui  du  diable:  Se  par  conféquent  c'eft  une  fuppofîtion  qui  cho- 
que le  bon  fens ,  que  d'imaginer  que  Satan  s'empreffe  à  opérer  des  œuvres  qui  produi- 

fent  de  tels  effets. 

M.  l'Evêque  de  Bethléem  convient  lui-même,  que  les  Miracles  de  Secundellus 
étoient  propres  ., .  à  fortifier  dans  les  cœurs  des  fidèles ,  &  à  faire  concevoir  aux  impies  le 
refpett  dû  u  la  Religio)i,  &  qu'ils  fiifoient  «^/Vre  des  réflexions  falutaires.  Voilà  donc 
l'Anime  de  ténèbres  devenu  fuivant  ce  Siftéme ,  un  véritable  Ange  de  lumière  !  Le  voilà 
qui  f"ait  des  miracles  pour  augmenter  h  foi,  le  refpeâ;  pour  la  Religion,  &:  la  confiance 
au  nom  de  Jefus-Chrift  ! 

Qu'une  Caufe  eft  déplorée ,  quand  on  eft  dans  la  nèccffité  d'avancer  de  telles  abfur- 
dités  pour  la  foutenir  ! 

l.  Du  relie  cette  bizarre  penfée  de  M.  de  Bethléem  eft  diredcment  contraire  au  juge- 
ment que  S.  Grégoire  de  .Tours  a  porté  des  Miracles  faits  par  Secundellus.  Ce  boa 
Saint  n'a  pas  balancé  à  les  attribuer  à  Jefus-Chrift.  Il  a  jugé  que  Dieu,  qui  ne  laiffç 
jamais  rien  fiire  au  démon  qne  pour  en  tirer  fa  gloire,  a  pu  fouffi-ir  que  ce  tentateur  ap- 
parût à  Secundellus  fous  la  forme  de  Jefus-Chrift  pour  lui  dire  de  fortir  de  fon  Ifle , 
&  d'aller  guérir  les  m:hdes  ;  parceque  fi  d'une  part  l'ETprit  pervers  avoit  deffein  d'en- 

'"      ^       '"--''-  ■'-     efpèrant  qu'il  trouveroit  occafion 

;  d'autre  part  le  Dieu  de  toute 
pandre  de  grandes  lumières  dans  l'ame  de  quantité  de  per- 
fonnes,  par  la  vue  des  Miracles  qu'il  feroit  faire  effeftivenKnt^  au  faint  Diacre,  &  de 
le  rendre  enfuite  lui-même  plus  humble  qu'il  n'avoit  jamais  été ,  en  lui  faifant  recevoir 
avec  une  docile  foumilTion  les  rudes  remontrances  que  lui  feroit  S.  Friard  fous  la  con- 
duite de  qui  il  s'étoit  mis. 

Il  eft.  bon  de  remarquer ,  que  ces' réprimandes  n'avoient  point  pour  objet  de  ce  qu'il  avoit 
m.Lett.  p.fjit  des  Miracles  au  nom  de  fefns-Chrift  (comm?  M,  de  Bethléem  l'infinue  ?l  fes  Lec- 
teurs) mais  de  ce  qu'il  les  avoit  racontés  d'une  manière  qui  fit  croire  au  fiint  Vieillard, 
S.Gicg.    qu'il  en  tiroit  une  vaine  gloire:  f^cnitadjociumcumvanàglorià,  dicens :  ...  Firttttes 

Li^b^dc  vit.    ntultAS  in  populis  feci. 

Fau'.cap.io.  Le  vieux  folitaire  eut  peur,  que  fon  jeune  compagnon  ne  fe  glorifiât  d'un  don  pu- 
rement gratuit,  &  que  cela  ne  lui  fit  perdre  l'humilité.  Il  fe  crut  oblige  de  l'a^rtir , 
que  Satan  peut  prendre  occafion  de  Miracles  opérés  par  la  vertu  i:)ivine,  pour  infinuer 
le  mortel  poifon  de  la  vanité  dans  le  coeur  de  ceux  qui  en  ont  été  les  inflrumcns;  & 
qu'il  étoit  bien  plus  fur  pour  fon  falut  de  reftcr  dans  la  folitude,  &  d'y  vivre  inconnu 
en  triomphant  de  lui-même  par  les  rigueurs  de  la  pénitence,  que  de  faire  des  Miracles. 
Et  il  eft  (\  vrai ,  que  c'cft  là  le  véritable  fens  de  la  rcprimanc^e  que  S.  Friard  fit  à  Se- 
cundellus, que  S.  Grégoire  de  Tours ,  poumons  fiiire  concevoir  julqu'à  quel  point 
ce  faint  Vieillard  craignoit  que  l'éclat  des  Merveilles  Divines  ne  devint  par  les  rufcs 

du 


41 


T I  R  E'  E  s    DE    TROIS    HISTOIRES.  xs>i 

du  démon  ua  piège  pour  rhumilité,  raconte  dans    le  même  Chapitre,  qu'il   détruifit    Dissert. 
par  ce  motif  un  Prodige  manifeftement  Divin,  *"■*  i-'aut. 

Il  avoir,  dit  S.  Grégoire,  planté  un  bâton  fec,  qui  lui  fervoit  de  canne  depuis  fort 
long-tems.  Cependant  à  peine  ce  bâton  fut-il  dans  la  terre,  qu'il  y  prit  racine  j  &  non 
feulement  il  poufla  des  branches  &  des  feuilles,  mais  il  produifit  même  des  fruits. 
Quantité  de  perfonnes  étant  veau:s  admirer  ce  furprenarit  Prodige,  le  bon  Vieillard  eut 
fi  grand  peur  que  cela  ne  lui  donnât  quelque  vaine  gloire,  qu'il  prit  une  hache  &  bri- 
fa  l'arbre  merveilleux  ,  ne  vaux  glorin  Ube  fubrueret.  ^^.^^ 

Il  ne  pouvoit  douter  que  ce  Prodige  ne  fut  l'œuvre  de  Dieu,  mais  il  craignoit  fi 
fort  tout  ce  qui  pouvoit  faire  naître  dans  fon  cœur  quelque  fentiment  de  vanité  ,  qu'il 
fe  détermine  à  facrifier  cette  Merveille  Divine  à  l'appréhenfion  qu'elle  ne  lui  devînt 
nuifible. 

J'avoue  que  j'ai  quelque  peine  à  ajouter  une  foi  pleine  à  la  totalité  des  différentes 
circonftances  de  cette  furprenante  hiftoire,  que  S.  Grégoire  de  Tours  ne  raconte  que 
fur  des  ouï-dires ,  qui  ont  pu  n'être  pas  d'une  entière  exaftitu  le. 

Mais  quoi  qu'il  enfoit,  il  eft  certain  que  M.  de  Bethlcen.  n'en  peut  tirer  aucun 
avantage  pour  fon  Siftéme  des  miracles  diaboliques;  &  au  conUtiire  la  peine  qu'il  a 
prife  d'en  rapporter  la  Relation  ne  peut  fervir  qu'à  manifefter  de  plus  en  plus,  que 
n'ayant  pu  trouver  par  toutes  fes  recherches  aucune  preuve  que  le  démon  ait  jamais  fait 
de  guérifons  Miraculeufes,  ni  même  qui  aient  paru  l'être  bien  réellement,  il  s'eft  vu  ré- 
duit à  lui  faire  préfent  de  Miracles  inconteftablement  Divins  &  faits  au  nom  de  Jefus- 
Chrift,  fans  fe  mettre  en  peine  de  contredire  par  là  les  paroles  de  la  Vérité  Incarnée,  le 
fentiment  des  Pérès ,  &  les  Décifions  des  Conciles. 

Voici  encore  d'autres  Miracles  Divins,  dont  il  s'efforce  d'illuftrer  la  puifTance  des      m. 
Serpens  de  l'Enfer.  Le  jugement 

Il  a  ici  pour  affocié  un  Moine  nommé  Glaber,  qui  piqué  contre  des  Miracles  opé-  Si".^  drue"!»- 
rés  dans  une  circonftance  qui  ne  luiplaifoit  pas,  jugea  à  propos  de  les  attribuer  au  diable.  b"d^S'*' 
Comme  l'hiftoire  fabriquée  par  ce  Moine  évidemment  prévenu,  eft  la  fource  où  M.  racles  opéré» 
de  Bethléem  a  puifé  toutes  fes  preuves  a  l'égard  des  Miracles  en  queftion ,  il  ne  s'agit  dcs'îidiqueï 
que  de  féparer  ce  qu'il  y  a  de  vrai  dans  cette  hiftoire,  de  ce  que  Glaber  y  a  ajouté  de  ^e  s.  Juii, 
manifeftement  faux,  &  de  répondre  aux  mauvaifes  induftions  qu'il  en  a  tirées.  fo'lidé'dc™* 

Pour  les  réfuter  pleinement ,  je  n'aurai  befoin  que  de  relever  quelques  faits  publics '"""^^ '^" 
qu'il  n'a  pu  diffimuler.     Car  quel  eft  le  Lefteur  judicieux  ,  qui  ne  fera  pas  perfuadé,  '"^  ' 
que  le  jugement  de  plufiem-s  Conciles  tenus  à  ce  fujet,  &  l'Autorité  Divine   d'im 
grand  nombre  de  Miracles  méritent  plus  de  foi,  que  les  foupçons  téméraires  d'un  Moi- 
ne aveuglé  par  fon  intérêt? 

Aufli  le  parti  politique  que  M.  de  Bethléem  a  pris  par  rapport  à  ces  Conciles,  qui 
portent  avec  eux  une  preuve  évidente  de  l'erreur  palpable  du  jugement  que  lui  &  Gla- 
ber ont  ofé  faire  de  ces  Miracles;  a  été  de  n'en  pas  dire  un  feul  mot.  Mais  quoique 
ce  trait  de  prudence  ait  été  capable  de  jetter  pendant  quelque  tems  de  la  poudre  aux 
yeux  de  fes  Lefteurs ,  leur  éblouiffement  ne  peut  durer  que  jufqu'à  ce  que  les  faits 
aient  été  éclaircis.  Pour  le  dilTiper,  hàtons-nous  donc  de  rendre  compte  de  ces  faits 
décififs  rapportés  par  Glaber  lui-même. 

■  Un  inconnu,  dont  Gliber  n'a  fu  dire  le  nom  &  la  patrie,  apporta  dans  les  Alpes 
un  "Reliquaire  qu'il  dit  contenir  des  os  de  S.  Juft  Martyr.  Quelques  malades  qui  à 
l'occafion  de  ces  Reliques,  invoquoient  avec  foi  l'intercefïîon  de  ce  S.  Martyr,  ayant 
été  guéris  d'une  manière  manifeftement  Miraculeufe,  non  feulement  l'Evêque  du  lieu 
mais  plufieurs  Evêques  des  Diocéfes  voifms  s'affemblércnt  avec  lui ,  pour  examiner  un 
fait  fi  intéreftant  pour  la  Religion.  Plus  attentifs  à  leur  devoir  que  ne  font  aujourd'hui 
nos  Evêques ,  ils  crurent  avec  grande  raifon ,  que  lorsque  Dieu  nous  rend  fa  préfence 

feu  fi- 


191         R  E'  F  V  T  A  r  I  O  jX  S    DES    INDVCTIONS 

DissEKT.  fenfîble  par  des  Miracles,  rien  n'eft  plus  important  que  de  les  vérifier  avec  foin,  afin 
îugL'AUT.^^j'jl^  fervent  fuivant  leur  inftitution  à  faire  croître  la  foi  des   fide'les,  &  à  augmenter 
""■"■■""■    leur  confiance  &:  leur  amour  pour  Jefus-ChrilT:  qui  nous  a  mérite  par  fon  Lcnfice  tou- 
tes les  faveurs  que  nous  recevons  de  fon  Père. 
Ghb.  Lib.      Ces  Evéques  tinrent  même  à  cette  occafion  pln/îeurs  Conciles,  ainfi    que  Claber   en 
jl    '  ■ '■    convient:  ce  qui  rendit  la  foi  des  peuphs  fi  grande  ppur  ces  Miracles,  qu'on  bâtit 
une  nouvelle  Eglife  pour  y  placer  ces  Reliques. 

Les  Evéques  étant  venus  en  faire  la  confécration ,  dépoférent  dans  une  chaffe  les  Re- 
liques de  S.,  juft,  avec  d'autres  Reliques  de  diflfércns  Saints  :  c'eft  encore  Ghber  qui 
nous  en  rend  lui-même  témoignage,  en  même  tems  qu'il  a  l'intolérable  témérité  de  dé- 
cider de  fon  autorité  privé ,  que  ces  Reliques  n'étoient  que  les  os  de  quelques  pro- 
IbiJ.  phane.  Voici  fes  paroles  :  Prxterek  Pontifices  rite  peragentes  ob  cjuam  venerMt  EccUfit. 
confecrationem ,  intromiferunt  cum  cxteris  reliquiarum  fignoribns  oJ]a  illms  prophani. 

Mais  quel  efl:  donc  le  fait  fur  lequel  Glaber  ofe  appuyer  un  tel  jugement?  Il  eft 
encore  plus  furprenant  &  mérite  encore  plus  d'indignation  que  cette  décifion  téméraire. 
Il  raconte  que  „  quelques  Moines  de  fon  Couvent  ou  autres  Religieux ,  étant  reftés 
„  dans  la  nouvelle  Eglife,  pendant  la  nuit  qui  fuivit  le  jour  qu'on  en  avoit  fait  la  dé- 
„  dicace ,  ils  y  apperçurent  des  phantômes  monftrueux,  &  des  figures  d'Ethiopiens 
„  noirs,  qui  lortoient  de  la  chafle ,  oii  on  avoit  renfermé  les  os  en  queftion  "  (avec 
IbiA  plufieurs  Reliques  d'autres  Saints.  )  Noiie  denique  infecmà.  vifa  fnnt  à  quibuseUm  Mo- 
nachorum  feu  aliorum  Religiofirnm ,  monfiruofa  in  eâ  lent  Ecclefà  phantasmata ,  atqxe  a 
lacello  in  qao  inclufa  habebantur  ojfa ,  formas  nigrorum  <iy£thiopum  exijfe. 

Au  relie  ces  Moines  eurent  beau  publier  cette  apparition  notoiremuit  apocryphe ,  elle 
ne  fit  aucune  impreÛîon  dans  l'efprit  du  Public:  &  il  eft  fi  vrai  que  tout  le  monde  la 
regarda  comme  une  fable  forgée  par  l'efprit  de  mcnibnge ,  ou  du  moins  comme  une  pu- 
re imai^ination  de  vilionnaires ,  que  cela  ne  diminua  en  rien  l'emprcflement  du  peuple  à 
venir  honorer  ces  Reliques ,  &  n'empêcha  point  les  Evéques  à  continuer  de  les  auto- 
rifer.    Audi  Dieu  fit-il  encore  depuis,  plufieurs  Miracles  dans  cette  Eglife. 

Il  eft  vrai  néanmoins,  que  les  Miracles  ayant  enfin  ceffe ,  le  peuple  de  ce  pays,  a- 
prcs  plufieurs  fiécles  a,  dit-on,  oublié  toute  cette  hiftoire,  &  qu'actuellement,  à  ce 
que  prétend  Baronius ,  il  ne  refte  dans  les  Alpes  aucun  fouvenir  de  S.  Juft.  Miis  ceh 
n'eft  pas  fort  étonnant ,  les  Reliques  de  ce  Saint  ayant  été  confondues  avec  plufieurs 
autres;  &  depuis  le  XI.  Siècle  rien  n'ayant  rapellé  dans  ce  pays  la  mémoir^.-  de  S.  Juft, 
qui  avoit  vécu  à  Auxerre  &  avoit  été  martyrifé  à  Beauvais,  Villes  fort  éloignées  des 
Alpes.    Ainfi  cela  ne  prouve  nullement,  que  ces  Reliques  fufl'ent  fauOes. 

Au  furplus  s'il  y  a  quelque  Leéteur  qui  ait  la  (implicite  de  croire  l'apparition  de 
ces  phantômes,  il  doit  en  même  tems  confidérer  que  quand  même  on  admettroit  ce 
conte  ridicule  ,  il  ne  s'enfuivroit  point  du  tout  que  les  Reliques  de  S.  Juft  n'étoient 
pas  véritables.  En  eflfèt  ne  feroit-il  pas  au  contr'aiic  plus  naturel  de  penfer,  que  Dieu 
n'auroit  permis  cette  apparition  que  pour  manifefter,  que  fes  Reliques  &  celles  des  au- 
tres Saints  avec  qui  elles  étoient  mêlées ,  chaflbient  de  cette  Eglife  nouvelle  les  démons 
repréfentés  par  ces  figures  de  Nègres  ? 

Mais  il  n'y  a  guéres  d'apparence,  que  pcrfonne  ajoute  foi  à  cette  fable.  M.  de  Beth- 
léem a   fi  bien  fenti  lui-mcme  qu'elle  étoit  abfurde ,  qu'il  n'a  ofé  la  rapporter,  quoi- 
qu'elle foit  la  grande  preuve  fur  laquelle  Ghber  fc  fonde.    Le  Prélat  plus  circonfpeft  & 
II!.  Lttt.  p.  P^"5  fin  qne  ce  Moine,  s'eft  contenté  de  dire,  qn  Apres  que  le  culte  qu'on  rendoit  à  ces 
44-  Reliques,  eût  été  reconnu  illégitime,  comme  l'obferve  Glaber  (fans  que  le  Prélat  explique 

par  quel  étonnant  moyen)  le  peuple  y  avoit  néanmoins  perfjlé  opiniâtrement.  En  effet 
Glaber  fc  plaint  qu'après  que  cette  horrible  vifion  eût  fait  clairement  connoitre  que  ces 
Reliques  étoient  fauJTes,  cela  n'empêcha  pas  le  peuple  de  continuer  à  ^Ics  honorer,  ni 
les  Evéques  à  J'autorifer.  ^lais 


TI  R  E'E  s     DE     TROIS     HISTOIRES.  ipj 

Mais,  dira-t-on,  quel  intérêt  avoient  ces  Moines  de  forger  un  pareil  conte  ?  Il  n'eft  Hissert. 
pas  difficile  de  comprendre,  que  la  dévotion  à  ces  Reliques  ayant  attiré  tout  le  i^o""  o"/ "L^"^' 
de,  l'Eglife  du  Couvent  de  Glaber  devint  fort  folitaire;  &  que  c'eft,  fuivant  toute 
apparence,  ce  qui  a  porté  cet  Auteur  &:  quelques  autres  Moines  de  fon  Couvent,  non 
feulement  à  répandre  des  foupçons  fur  les  Reliques  deS.  Juft  &  à  décrier  de  toutes  leurs 
forces  celui  qui  les  avoit  apportées,  mais  même  à  attribuer  au  démon  les  guérifons  Mi- 
raculeufes  que  Dieu  opéroit  à  l'interceflion  de  ce  Saint  Martyr,  &  à  accufer  les  Evê- 
ques  qui  avoient  approuvé  ces  Reliques ,  d'avoir  agi  en  cela  par  un  motif  d'intérêt 
pour  tirer  des  offrandes  du  peuple. 

Mais  comment  cft-il  pofllble ,  dira  fans  doute  le  Ledeur ,  que  des  Moines  fe  foient 
portés  à  de  tels  excès  ? 

Pour  en  fournir  la  preuve  complette ,  il  ne  faut  qu'ajouter  au  jugement  que  Glaber 
fait  de  ces  Miracles ,  ce  qu'il  ofe  dire  des  Evêques.  Voici  fes  propres  termes  :  Conci- 
liabtda  (iatuentes ,  in  aliqmbtis  nihU  aliiid  niji  inepti  lucre  qHiefinm  a  plèbe ,  Jtmulc^ue  favo- 
rem  fallacie  exigebant.  „  Ils  formoient  de  petits  Conciles,  dans  la  plupart  defquels  ils 
„  ne  fongeoient  qu'à  extorquer  du  menu  peuple  un  lucre  illégitime ,  ce  qui  leur  faifoit 
„  favorifer  l'impoUure.  " 

Ce  Moine  révolté  contre  les  Evêques  &:  les  œuvres  de  Dieu,  prétend-il  donc  qu'on 
doive  préférer  fes  foupçons  téméraires  à  l'Autorité  de  plufieurs  Conciles  &  à  la  Déci- 
fion  d'un  grand  nombre  de  Miracles  ? 

Les  Evêques  font  trop  grands  Seigneurs  pour  s'amufer  à  autorifer  de  faufles  Reli- 
ques, par  des  Conciles,  dans  la  vue  de  fe  procurer  quelques  offrandes  par  ce  moyen. 
Ce  ne  font  pas  même  eux  qui  profitent  de  ces  fortes  d'offrandes  :  ainfi  l'injure  que  leur 
fait  Glaber,  n'a  pas  le  moindre  prétexte. 

Après  que  la  prévention  &  la  paiTion  de  ce  Moine  ont  éclatté  Jusqu'au  point  d'ofer 
imputer  un  motif  fi  bas  &  fi  fordide  à  un  grand  nombre  d'Evêques  plufieurs  fois  as- 
femblés  pour  examiner  les  Miracles  que  Dieu  accordoit  à  l'intercelTion  de  S.  Juft,  les 
injures  qu'il  répand  contre  l'inconnu  qui  avoit  apporté  ces  Reliques ,  ne  doivent  pas 
faire  grande  impreffion  :  au  furplus  pour  juger  de  leur  valeur,  il  ne  faut  qu'en  exami- 
ner la  principale.  Il  l'accufe ,  ainii  que  le  rapporte  M.  de  Bethléem,  d'avoir  r^w<r//ê' l^i- Lctt  t 
de  nuit  des  ojfemens  dans  un  lieu  méprifable  pour  publier  cnfuite ,  que  c'étaient  les  ojfemens 
de  S.  Juft  Martyr. 

Mais  comment  Glaber  a-t-il  pu  avoir  la  preuve  de  ce  fait  ?  Il  n'y  a  que  l'inconnu  ■   ;•.■'! 

qui  a  apporté  aux  Alpes  ces  offemens  dans  un  Reliquaire,  qui  puiffe  favoir  où  il  les  a 
pris.  Peut-on  croire  qu'il  ait  fait  confidence  à  Glaber,  qu'il  les  avoit  ramaffées  dans 
un  lieu  méprifable  ?  S'il  ne  le  lui  a  pas  dit,  d'où  Glaber  a-t-il  pii  le  favoir  ?  Il  eft 
donc  de  la  dernière  évidence,  que  cet  Auteur  avance  ce  fait  très  gratuitement,  &  qu'il 
n'en  a-d'autre  preuve  que  le  foupçon  injurieux  que  fa  jaloufie  monacale  lui  en  a  fait  former. 

Auflï  M.  de  Bethléem  fentant  le  peu  de  confiance  que  mcritoit  Glaber  par  rapport 
à  cette  hiftoire,  a-t-il  cherché  à  l'autorifer  du  nom  du  Cardinal  Baronius,  qui  en  a  fait 
un  petit  extrait  dans  fes  Annales.  Il  ne  cite  même  en  marge  que  Baronius ,  .comme  fi  ]bij.  pj.  41. 
ce  qu'il  rapporte  entouré  de  guillemets ,  avoit  été  pris  dans  l'Ouvrage  de  ce  Cardinal.  ^  *'• 
Cependant  la  plus  grande  partie  de  ce  qu'il  dit ,  n'y  eft  point.  Et  lînguliérement  on 
ne  trouve  que  dans  l'Ecrit  de  Glaber,  la  Propofition  erronée,  rapportée  avec  complai- 
fance  par  M.  de  Bethléem,  que  Dteu  permet  quelquefois  a  caufe  des  péchés  des  hommes, 
que  les  Esprits  malins  fajfent  des  Miracles  pour  les  tenter, 

Baronius  bien  inftruit  de  fa  Religion  n'a  eu  garde  d'adopter  un  fi  pernicieux  principe, 
Si  il  l'a  au  contraire  très  foigneufement  retranché  de  l'extrait  qu'il  a  fait  de  cette  hiftoire. 

Il  eft  vrai  que  ce  bon  Cardinal  a  été  fi  frappé  des  invedives  que  Glaber  répand  con- 
tre l'inconnu  qui  avoit  apporté  dans  les  Alpes  les  Reliques  de  S.  Juft,ique  fur  la  foi 

Differt.  Tom.  II.  B  b  de 


194  REFVTATION    DES     IND'JCTIONS 

DijsERT.d;  ces  injures  &  fous  prétexte  que  la  mémoire  de  ce  Saint  Martyr  efl:  préfentement  ou- 
surl'aut.  jjji^^  dans  ce  psys,  il  s'eft  ima'^iné  que  ces  Reliques  pouvoient  être  faufles.    Mais  il 
»iù  »i  H.    ^.^^^  ^  ^^^  moins  penfc,  que  les  Miracles  venoient  de  Dieu,  ce  qui  l'a  obligé  de  fup- 
primer  dans  fon  récit  la  maxime  erronée  de  Gtaber. 

C'efl:  donc  une  pure  fuppofitioa  de  la  part  de  M.  l'Evèque  de  Bethléeem,  d'avoir 
avance  que  Baronius  ne  trouve  point  d' inconvénient  a  penfer  cj-  a  dire  ....  que  le  dé- 
mon a  fait  ces  M.ir,icUs,  Je  le  défie  de  citer  aucun  Texte  de  Baronius  où  cela  foit  dit. 
♦  M.  Fleuri, Ce  Cardinal,  quoique  peu  exad  dans  fa  critique,  ainfi  que  l'ont  obfervé  *  M.  Fleuri, 
rHift'Ecd  ^^-  Dupin  &  plufieuri  autres  Savans ,  parce  qu'il  fe  livre  trop  aux  fentimens  des  Au- 
art.?.M.Du- teurs  dont  il  fait  les  extraits;  étoit  néanmoins  trop  au  fait  des  Textes  de  l'Ecriture  , 
cl'"'? 'si'cciV  po"'"  attribuer  de  véritables  Miracles  au  démon.  Ses  fentimens  fur  ce  fujet  étoient  mê- 
i.part.p.y.  me  diamétralement  oppofés  à  ceux  de  M.  de  Bethléem;  &  il  eût  fans  doute  regardé 
m.  Leit.  p.  comme  un  blasphème,  cette  horrible  Propofition  du  Prélat:  Fbiia.  un  peuple  qui  .  .  de- 
^î-  m/inde  à  Dieu  des  Miracles,  C^  le  démon  les  opère.    C'cjl  à  Dieu  feul  qu  il  adrejfe  fes  priè- 

res pour  U  guérifon  des  malades ,  cJ-  cefl  le  démon  qui  exauce  [es  prières. 

Quand  même  on  fuppoferoit  que  les  Reliques  de  S.  Juft  n'étoient  pas  véritables  , 
cette  Propofition  de  M.  de  Bethléem  n'en  feroit  guéres  moins  hétérodoxe,  dès  qu'il 
eft  queftion  de  vrais  Miracles  obtenus  par  des  prières  adreffées  à  Dieu  fans  aucun  mé- 
lange de  fuperftition.  Les  Reliques  vraies  ou  fmffes  ne  font  que  l'occafion  des  prières. 
Ce  n'eft  pas  d'un  oflement  defleché  qu'on  implore  l'intercelfion.  C'eft  aux  âmes  des 
Bienheureux  qui  vivent  dans  le  fein  du  Verbe  fait  chair, que  l'on  fait  des  prières,  pour 
les  engager  d'être  nos  interceffeurs  auprès  de  lui,  QiianJ  les  Reliques  en  queftion  n'au- 
roient  pas  été  des  os  de  S.  Juft,  il  n'en  feroit  pas  moins  vrai  que  c'étoit  de  ce  Saint 
Martyr  que  ce  peuple  réclamoit  le  crédit  auprès  de  Dieu.  Or  ce  Père  des  miféricor- 
des  fe  plait  à  voir  qu'on  honore  fes  Martyrs ,  qu'on  lui  rend  gloire  de  ce  triomphe  de 
fa  grâce,  &  qu'on  admire  le  bonheur  de  ceux  qui  ont  facrifié  leur  vie  pour  lui.  Ce 
n'eft  point  la  réalité  de  la  Relique  qui  fait  defcendre  les  grâces  du  Ciel:  c'eft  aux  priè- 
res des  Saints  qu'on  invoque,  que  Dieu  les  accorde;  &  le  plus  fouvent  c'eft  la  foi,  la 
piété  &:  la  ferveur  de  ceux  qui  prient ,  qu'il  récompenfe.  C'eft  à  la  foi  qu'il  a  tout 
promis,  &  une  fimple  erreur  de  fait  qui  n'entraîne  après  foi  aucune  méprile  ni  dans  la 
croyance  ni  dans  la  monb,  n'étant  point  un  péché,  ne  peut  empêcher  l'exécution  de 
fes  promeftes  ni  arrêter  fes  bienfaits. 
Ibid.  p.  43.  M.  de  Bethléem  convient  lui-même  que  ces  Miracles  ajfermiffoient  les  peuples  doits  leur 
z^ele  pour  Dieu  ^  pour  fes  Saints ,  &  qu'/7^  étoient  même  très  capables  d' occafionner  des 
réflexions  propres  a  faire  rentrer  en  eux-mêmes  les  libertins  C'  les  prétendus  efprits  forts. 
Mais  n'importe,  conclut-il,  ce  n'en  étoit  pas  moins  le  démon  qui  faifoit  ces  Miracles. 

N'en  déplaife  à  M.  de  Bethléem  ,  je  trouve  au  contraire,  que  cela  importe  beaucoup. 
Quoi  !  N  eft-il  donc  d'aucune  importance,  que  les  peuples  foicnt  affermis  dans  leur  zè- 
le pour  Dieu,  &:  que  les  libertins  &  les  incrédules  foient  convertis  ?  Et  n'eft-ce  pas 
une  abfurdité  manifefte  que  d'imaginer  que  c'eft  le  démon  qui  contre  fon  intérêt ,  a 
opéré  des  Miracles,  lesquels,  fuivant  que  l'avoue  ce  Prélat,  étoient  propres  à  produi- 
re &  ont  réellement  produit  des  effets  faUitaires  ? 

Si  Glaber  à  ofé  le  faire,  il  n'eft  pas  difficile  de  dcmcler  par  fon  propre  récit ,  que  d 
paflion  l'aveugloit  :  &:  c'eft  fans  doute  cette  même  palfion  qui  lui  a  fait  avancer  cette  Pro- 
pofition erronée ,  que  Dieu  permet  quelquefois  aux  Esprits  malins  de  faira  des  AiiracUs  pour 
■ou  s  tenter. 

S'il  entend  parler  de  vrais  Miracles,  c'eft  à  dire  de  guérifons  opérées  par  un  pouvoir 
fupérieur  aux  caufes  naturelles,  \'x  Propofition  eft  une  erreur  des  plus  grolTières. 

C 'eft  un  principe  incontcftable,  que  Dieu  feul  peut  s'écarter  des  loix  primitives  fc 
pcrmanenrcs,  qu'il  a  établies  par  rapport  aux  effets  que  toutes  les  caufes  naturelles  doi- 
,!,  vent 


T I  R  E'  E  s    DE    TROIS    HISTOIRES.  i^j 

vent  produire  :  &  qu'au  contraire  le  démon  ne  fauroit  rien  exécuter  de  réel  que  par  DrssEjiT; 
des  moyens  naturels.  Il  n'y  a  point  de  Théologien  qui  révoque  ce  principe  çn  doute,  ^"Ri-'aut. 
&  M.  de  Bethléem  a  été  lui-même  forcé  d'en  convenir  expreflement,  °^'  ""^' 

Mais  quand  même  Glaber  n'auroit  eu  intention  de  parler  que  de  guérifons  qui  au- 
roient  l'air  d'un  Miracle ,  fans  l'être  véritablement  ,  fa  Propolition  feroit  intolérable 
dans  l'efpéce  où  il  la  préfente.  Car  il  n'y  a  pas  non  plus ,  &  il  n'y  a  jamais  eu  de 
Théologien  bien  plein  de  foi ,  qui  ne  foutienne  que  Dieu  ne  fouffi-ira  jamais  que  le  dia- 
ble fabrique  fous  le  nom  de  Jefus-Chrift  des  guérifons  qui  fembleroient  un  vrai  Mira- 
cle, fur  ceux  qui  fe  font  adrefTés  avec  piété  au  Divin  Sauveur  des  hommes.  Mais 
même  en  confultant  tous  les  paflages  de  l'Ecriture  qui  parlent  de  guérifons  Miraculeu- 
fes ,  le  témoignage  des  Apologiftes  ,  le  fentiment  des  Pérès  &  la  Décifion  des  Conci- 
les, on  y  trouve  des  preuves  invincibles  qu'en  général  Dieu  n'a  jamais  permis  à  Satan, 
&  qu'il  ne  peut  pas  même  lui  permettre ,  d'opérer  de:  guérifons  qui  paroîtroient  réel- 
lement Miraculeufes  ,  pour  faire  tomber  dans  l'erreur  ceux  qui  ne  négligent  rien  pour 
connoître  h  Vérité, 

Auffi  eft-il  certain  que  perfonne  n'a  jamais  pu  prouver,  que  le  diable  ait  réellement     .  'v. 
opéré  des  guérifons  qu'on  ait   eu  un  jufte   fujct  de  regarder  comme  un  vrai  Miracle,  niais pèrmjs" 
Plufieurs  Payens,  pour  faire  honneur  à  leurs  faux  Dieux,  ont  tenté  de  le  faire  accroi- ^'x^^f"»"^  *: 
re,  mais  c'a  toujours  été  fans  fuccès.    La  Providence  attentive  à  conferver  k  gloire  des  même'iuT 
Miracles  Divins ,  a  fait  en  forte  que  l'impodure  des  faux  miracles  ait  toujours  été  dé-  Pf™5'"= 
couverte,  &  les  Idolâtres  eux-mêmes  ont  été  obligés  d'avouer  que  leurs  Dieux  ne  pou-  gu^w'bi'squi 
voient  guérir  que  par  la  vertu  des  remèdes.    Mais  li  le  démon  n'a  pu  faire  de  guérifons  f"!]'^"" 
qui  aient  paru  véritablement  Miraculeufes ,  dans  l'empire  même  de  l'erreur,  parce  que  nnucuieufes 
le  Tout-puiflant  ne  le  lui  a  pas  permis ,  n'eft-il  pas  contre  le  bon  fens  d'imaginer  que  tombcr'lfans 
Dieu  lui  en  accorde  la  permillion  dans   le   Chriftianifme,  après  que  le  S.  Efprit  nous  l'eneut^u'c 


arme , 

bu  ^ 

triomphe  k  la  face  de  tout  le  monde  ,    après  la  avoir  vaincues  par  fa  croix  ;  &  qu'il  nous  '^''n'b^'ff 

a  ainii  délivrés  de  la  pHijfance  des  ténèbres.  i^  Col  II." 

Pour  fe  convaincre  pleinement  de   l'impuiflance  oiî  il  a  réduit  les  démons  à  ce  fujet,  ''■*'    ''• 
û  ne  faut  que  joindre  à  ces   Textes,  tous  ceux   par  lefquels  Dieu  nous  déclare  dans 
l'Ecriture,    „que  lui  fcul  a  le  pouvoir  de  guérir  ,   que  lui  feul  nous  délivre  de  nos   Exod.  xv. 
,,  maladies,  que  lui  feul  peut  nous  retirer  des  portes  de  la  mort."    £fo  enim  Dominus  '^^•^^■^■^^■'^' 
Jauator  .   .  .  Out  janat  omnes  tnprmitates  tuas ,  qnt  redimtt  de  tmeritu  vttam  tuam  .  ..  xvi.  if. 
Th  es  enim,   Domine,   ejm  vit  a  &  mortis  haùes  potejiatem,  CJ-  deducis  ad  portas  monis  ^ 
redHcis.  A  quoi  le  S.  Efprit  ajoute  encore ,  que  les  faux  Dieux  ,c'eft  à  dire  les  démons,  xxxir"°"' 
„  ne  peuvent  foulager  les  hommes  dans  leurs  infirmités  ,  .  .  &  que  ctlui  qui  s'adreiïe  Sag.xill.iï. 
„  à  eux  pour  recouvrer  la  fanté  &  conferver  fa  vie  ,  demande  la  vie  à  un  mort  &  prie 
„  inutilement  (de  miférables   Apoftats)  qui  ne  peuvent  le  fccourir,"  In  necejfttate  vos 
protegant  .  .  .  Pro  Janitate  quidem  infirvmm  deprecatur ,  iS"  pro  vit  à  rogat  mortuHm,  i^ 
in  adJHtorium  inutilem  invocat.     En  un  mot  le   S,  Efprit  nous  a  donné  pour  principe 
que  les  démons  ,,  ne  peuvent  guérir  les  hommes  d'aucune  de  leurs  maladies:  De  neces-    Baruch.VL 
fitate  hominem  non  liberabttnt.  ' 

Enfin  fi  l'on  fait  attention ,  que  les  guérifons  Miraculeufes  font  le  figne  que  Dieu 
nous  a  le  plus  fouvent  donné  pour  nous  fùre  connoître  que  c'eft  lui  qui  nous  parle, & 
que  c'eft  finguliércment  par  cette  forte  de  Miracles  que  Jcfus-Chrift  a  prouvé  fa  Divi- 
nité, qu'il  a  détruit  l'empire  du  diable  qu'il  a  fait  triompher  la  Vérité  d'un  bout  à  l'au- 
tre du  monde,  bc  qu'il  a  promis  de  la  conferver  dans  l'Eglife  jusqu'à  la  confommation 
des  Siècles;  ne  fe  fentira-t-on  pas  pleinement  peri'uadé,  qu'on  doit  conclune  de  tous 

Bb  i  ces 


ipô         RE'FVTATION    DES    I  N"  D  V  C  T  I  0  K  S 

Dissent,  ces  faits  indubitables,  qu'il  n'eft  ni  d;  h  bontc  ,  ni  de  la  gloire  ,  ni  de  h  fligeffe  du 
URL  A^'T.-j-rès-haut,  de  fouffrir  que  le  tcmoigna':;e  des  Miracles  piiifTe  devenir  éniivoque,  &  par 
conrcqu:nt  qu'il  ne  peut  pas  permettre  au  dcmon  de  les  contrefaire.  AulTi  M.  de 
Bcthle'em  a  eu  beau  s'épuifer  par  un  travail  immenfe  pour  tâcher  de  découvrir ,  foit 
dans  les  archives  d:s  IJolàtres,foit  dans  quantité  d'autres  Livres, quelques  preuves  que 
le  démon  avoit  fait  des  guérifons  Miraculeufes ,  ou  du  moins  qui  avoient  femblé  l'ê- 
tre ,  toutes  fes  recherches  ont  été  inutiles  ;  &  il  n'a  pu  trouver  nulle  part  rien  qui  fût 
véritablement  propre  à  étayer  l'opinion  qu'il  voudroit  établir.  Le  Ledeur  vient  de  voir 
a  quoi  ont  abouti  tous  fes  laborieux  travaux  &  tous  fes  vains  efforts  :  il  vient  de  voir 
combien  il  a  été  fscile  de  démafqucr  la  fourberie,  l'iUufion  ,  les  menfonges,  ou  les  ir»- 
juftes  foupqons  ,  qui  font  l'ame  des  hiftoires  qu'il  a  ramalfées  de  tous  côtés  ,  jus- 
qucs  dans  les  fables  d'Ovide. 

Après  tant  de  peines  perdues  on  doit  prendre  pour  un  fait  confiant ,  qu'il  n'y  a  donc 
point  eu  d'exemple  depuis  la  Création  du  monde,  que  le  démon  ait  opéré  aucune  gué- 
rifon  qui  ait  cù  réellement  l'apparence  d'un  vrai  Miracle. 

Mais  quand  même  on  voudroit  fuppofer  contre  l'expérience  de  tous  les  Siècles ,  con- 
tre les  termes  précis  de  plufieurs  Textes  Divins  ,  contre  le  témoignage  des  Apoloç;iftes 
de  la  Religion,  contre  le  fentiment  des  anciens  Pérès  ,  &  contre  la  Décilion  des  Con- 
ciles ,  que  Dieu  dans  certaines  circonftances  pourroit  peut-être  permettre  au  démon  de 
faire  des  guérifons  qui  paroitroient  Miraculeules;  du  moins  on  ne  peut  admettre  cette 
éci-ange  fuppofition  que  dans  des  cas  où  cette  fauffe  apparence  ne  feroit  point  capable  de 
tromper'ceux  qui  cherchent  la  Vérité  de  bonne  foi,  &  qui  mettent  en  même  tems  leur 
confiance  dans  le  fecours  de  la  grâce  qu'ils  implorent  par  leurs  prières. 

Ainfi  par  exemple,  fi  un  Catholique  demande  à  Dieu  une  guérifon  Miraculeufe  dans 
la  vue  qu'il  décide  par  ce  moyen  une  queftion  obfcure  ,  problémnique  &  controverfée 
dans  le  fein  de  l'Eglife,  en  ce  cas  il  eft  abfolument  impolTible  que  Dieu  fouffre  que 
l'Efprit  pervers  opère  une  guérifon  qui  ait  l'apparence  d'un  Miracle  ,  pour  autorifer  le 
p.irti  de  ceux  qui  font  dans  l'erreur:  parce  que  le  lefped  pour  les  Miracles,  la  con- 
fiance aux  paroles  de  Jefus-Chrift  qui  nous  a  ordonné  de  les  regarder  comme  le  té- 
moignage de  fon  Père,  &  l'ufage  le  plus  légitime  de  la  raifon,  deviendroient  alors  un 
piège  infurmontable  pour  les  cœur  les  plus  droits,  les  efprits  les  plus  humbles,  les  âmes 
les  plus  pieufes.  Or  n'eft-il  pas  de  la  dernière  évidence  ,  qu'il  répugne  à  la  bonté  & 
même  à  la  juftice  de  Dieu  ,  de  livrer  fes  plus  fidèles  ferviteurs  à  une  efficace  d'erreur 
dans  laquelle  les  vertus  mêmes  qu'il  leur  a  données  les  feroient  tomber  ? 

Ce  n'eft  donc  point  dans  toutes  fortes  de  cas ,  ce  n'eft  que  dans  des  cas  extraordinai- 
res, dans  des  cas  ou  l'opération  du  démon  feroit  manifefte,  qu'on  pourroit  admettre 
l'effiavante  fuppofition  ,  qu'il  n'eft  peut-être  pas  impotfiblc  que  Dieu  permettre  au  dé- 
mon de  faire  des  figures  de  miracles  :  &  l'on  doit  au  contraire  être  très  perfuadé  qu'u- 
ne guérifon  qu'on  a  lieu  de  croire  Miraculeufe  ,  eft  l'ouvrage  du  Tout-puiffant,  lors- 
qu'elle s'opère  à  h  fuite  de  prières  adrcffèes  à  Dieu  avec  pieté.  Et  fi  elle  eft  accordée 
pour  fervir  de  Dècifion  à  une  queftion  délicate  &  problématique,  on  eft  obligé  de  la 
regarder  comme  un  jugement  émane  du  Ciel,  contre  lequel  on  ne  peut  fe  révolter 
fans  crime. 

Aulli  le  favant  Dom  Calmct  cft-il  ^t  convaincu  de  la  foumiftton  qu'on  doit  à  h  Dè- 
cifion des  Miracles  ,  qu'en  adoptant  les  principes  de  M.  Pafchal,  il  pouffe  fon  raifon- 
nement  jusqu'à  dire,  que  fi  par  impolTible  Dieu  avoit  permis  qu'il  fe  fit  des  Miracles 
pour  le  parti  des  Ariens,  &  qu'au  contraire  il  n'y  en  eût  point  cù  du  coté  des  Catho- 
liques, on  eût  été  dans  la  néceflîtè  de  fe  foumettre  à  l'Autorité  des  Miracles  &  d'em- 
braffer  l'Ariniiifine. 
l'Étod".''*      »>  Lorsque  les  Miracles  font  certains,  dit-il  y  il  ne  faut  pas  d'autres  preuves  .  .  . 


T I  R  E'  E  s     DE     TROIS    HISTOIRES.  197 

^,  Ils  portent  néceflairement  avec  eux  le  caraftcre  de  la  Vérité  &  de  la  Divinité.  Et  D'^f^^'^-. 
„  quand  même  la  do(5i:ri;ie  feroit  fufpefte,  .  .  .  s'il  y  a  des  Miracles  certains  &  évi-  ^^^  ^^^^^ 
„  dens  du  même  côté,  il  faut  que  l'évidence  du  Miracle  l'empoite  fur  ce  qu'il  pour- 
„  roit  y  avoir  de  difficile  de  la  part  de  ia  doârine.  Ce  qui  eft  fondé  fur  ce  principe , 
„  que  Dieu  ne  peut  induire  en  erreur  .  .  .  Ainfi  s'il  y  avoit  une  divifion  dans  l'E- 
glife,  &  que  les  Ariens  par  exemple,  qui  fe  difoient  fondés  dans  l'Ecriture,  com- 
me les  Catholiques,  enflent  fait  des  Miracles  &  non  les  Catholiques,  on  eyt  été 
induit  en  erreur ,  par  ce  qu'on  eût  été  dans  la  néceffité  de  conclurre  en  faveur  d;s 
Miracles  &  de  fuivre  une  faufletc.  Or  c'eft  ce  que  Dieu  ne  peut  faire,  &  qu'il  fe- 
roit néanmoins,  s'il  permettoit  que  dans  une  queftion  obfcure  ou  douteufe,il  y  eût 
des  Miracles  du  côté  de  la  faufleté  &  non  de  la  Vérité." 

Non,  Seigneur,  votre  bonté  infinie  ne  peut  jamais  foufFrir  que  vos  enfans  les  plus 
pleins  de  foi,  foient  abufés  par  le  refpecl  qu'ils  ont  pour  vous  &  pour  vos  auvres, 
par  la  confiance  en  vos  paroles ,  &  par  leur  humble  foumilTion  au  Témoignage  que  vous 
.  leur  avez  déclaré  vous-même  être  le  vôtre. 
-fioj  .'1  : 

§.  X.  Réfutation  de  plufieurs  faujfes  propojïtions ,  de  la  plupart  des  aU' 
torités  ô'  de  plufieurs  obje^ions  de  M.  de  Bethléem. 

COMMENÇONS  ce  nouvel  Artide  par  réfuter  une  erreur groQiére& palpable  échap- 
pée au  Prélat. 
„  La  preuve  de  la  fainteté  par  les  Miracles ,  deflituée  des  autres  preuves ,  eft  (dit-il) 
,,  très   fufpeéte  .  .   .  farce   que  les  démons   opèrent  beaucoup  de  Aiiracles  .    .  .  fur  les  UI.  Leit.  pp. 
„  tombeaux  des  hommes  morts  ...  &  que  Dieu  lui-même   en  opère   par  le   miniftére  ''  ■'■'''*'• 
,,  des  méchans.  " 

Tout  le  monde  convient  que  Dieu  a  quelquefois  opéré  des  Miracles  par  le  minifté-  ,     h     , 

1  ,   ,  „  .   ■    ,-    1       n  1  •        1        r  ■  11-  r  •  Les  Mi.acles 

re  des  mcchans ,  &  qu  amn  les  Mn-acles  raits  pendant  la  vie  ne  lont  pomt  une  preuve  fairspcn.'^nt 
infaillible  de  fainteté  :   voilà  uniquement   tout  ce  que  prouve  la  foule  d'autorités  que  ias^nc Vreu! 
M.  de  Bethléem  a  citées  en  marge.    Mais  il  n'en  eft  pas  de  même  des  guérifons  Mira-  ve  ccrtaioe 
euleufes  opérées  par  l'intercelTion  d'un  mort  :    ces  Miracles  font  une  preuve  décifive,  nfa^s'^u'ea 
que   celui  à  qui  on   s'eft  adrefle  ,    habite  dans  le  fein  de  Jefus-Chrift  de  qui  il  les  a  j'oniune. 
obtenus.   Telle  eft  fur  ce  fujet  la  doftrine  de  tous  les  Pérès  ,    quoi  qu'en  dife  M.  de  foaTfii!s\. 
Bethléem.  pùshmoH. 

Le  paflaoe  de  Gerfon  ,  qu'il  rapporte  ,  ne  contient  rien  de  contraire  à  ce  que  je 
viens  d'obferver  ,  ni  même  rien  qui  foit  favorable  au  Siftême  de  ce  Prélat  fur  les  pré- 
tendus Miracles  de  guérifon  faits  par  le  diable.  Car  Gerfon  ne  parle  que  des  Miracles 
faits  pendant  la  vie;  &  en  fécond  lieu  il  eft  évident  par  la  Tradudion  même  de  M. 
de  Bethléem ,  que  fous  le  terme  de  miracles  Gerfon  comprend  dans  cet  endroit  toutes 
fortes  de  merveilles  ,  puifque  la  raifon  qu'il  donne  pour  établir  que  Li  preuve  de  la 
fainteté  par  les  -miracles  efl  fufpe^e  ;  c'ejl ,  dit-il,  cjit'ily  a  beaucoup  de  miracles  qui  fortt 
non  des  merveilles  de  la  Religion  Chrétienne ,  mais  des  prodiges  de  l'art  magique. 

Gerfon ,  en  fuppofant  que  1  lifprit  impofteur  fait  des  miracles ,  prétend  donc  feule- 
ment ,  qu'il  fait  des  prodiges  magiques  ,  mais  non  pas  des  Miracles  de  guérifon  ,  qsi 
font  les  merveilles  les  plus  ordinaires  que  Dieu  opère  dans  la  Religion  Chrétienne. 

En  effit  comment  cet  Auteur  auroit-il  pu  avancer  le  contraire  ,  lui  qui  s'appuie  fur 
le  fentiment  de  S.  Thomas,  qui  donne  expreffément  pour  le  fécond  des  carsdcres  qui 
diftinguent  clairement  les  merveilLs  Divines  des  faufles  merveilles  fabriquées  par  le  dia- 
ble,  que  ,,  les  merveilles  faites  par  les  Saints  font  utiles  aux  hommes,  telles  que  les 
„  guérifons  des  maladies;  au  lieu  qu;  les  merveilles  diaboliques  ne  confiilent  que  dans  s.Jium  i,i 

iJb  5  ,,  dcs7.<iu.j  2d2, 


ip8  s  ~J  I  T  E     DE    LA    RE'TVTATION 

DissFRT.,,  des  chofes  nuifibles  ou  vaines  ,  telles  par  exemple  ,  que  de  rendre  immobiles  les 
jurl'aut.^^  membres  d'un  homme  :  "  Sictmdo  e,y:.utUitate  fignorum  y  ejuiafigna  per  ùonos  facla , 
DE».Mii(.  j~^„i  Jg  ycl;^  fftililfus ,  O"  in  CMrat'wM  infinnitatHm.  ..  Signa  autem  per  tnalos  fafla  ^fiint 
i»  rébus  nocivis  vcl  vanis ,  Ji.ut  quod  .  .  .  reddunt  membra  hominttm  jlnpida.  Il  obferve 
encore  dans  le  même  endroit ,  en  expliquant  quel  eft  le  premier  des  carade'res,  p;!r  lel- 
quels  on  difcerne  les  œuvres  merveilleufes  de  Dieu  ,  des  oeuvres  trompeufes  de  l'En- 
fci-,  que  les  démons  ne  font  que  des  prelliges  ,  qui  ne  peuvent  long  tsms  durer:  Scd 
in  prtcjligiis  tantUm  cjM,t  diu  dur  Are  non  pojjttnt. 

Voilà  donc  félon  ce  ccle'bre  Dofteur  ,  à  quoi  fe  réduifent  toutes  les  merveilles  de 
Satan,  à  opérer  des  prodiges  malfaifans,  ou  de  vains  prefliges  qui  fe  diiTipent  en  très 
peu  Je  tems  :  au  lieu  que  les  gucnfons  Miraculeufes  font  des  merveilles  qui  portent 
dans  elles-mêmes  le  caradére  de  la  bonté  &  de  la  puifTance  de  Dieu  ,  ce  qui  doit  les 
faire  reconnoître  pour  fon  ouvrage. 

M.  de  Bethléem  cite  en  marge  un  autre  paiTage  de  S.  Thomas ,    comme  contenant 
la  preuve  de   la  faufle  fuppolltion  qu'il  foutient   ici.    Mais  bien  loin  que  ce  paflage 
foit  conforme  à  cette  opinion  erronée  ,    il  en  porte  au  contraire  formellement  la  con- 
damnation. 
5.Thom.       Il  efl:  vrai  que  S.   Thomas  commence  par  dire  ce  dont  perfonne  ne  doute,  que 
^u^iTà-aii!  )>  Dieu  peut  faire  des  Miracles  par  quiconque  prêche  la  vraie  foi  &  invoque  le  nom 
'°^-  „  de  Jefus-Chrifl:  ,    &:  qu'il  en  fait  quelquefois  par  des  méchans  :  "  Miracula  pojfunt 

ficri  per  qHemcumcjue  qui  veram  fidem  pradicat  df  ntmen  Chrijli  invocat  ,  ejuod  etiam  in- 
terdum per  malos  fit.  Mais  auffitôt  après,  en  parlant  des  Miracles  qui  fe  font  depuis  la 
mort  ,  il  ajoute  ,  que  „  de  cette  feco  ide  manière  les  Miracles  ne  fe  font  que  par  des 
,,  Saints  ,  &  que  Dieu  les  fait  exprès  pour  manifefter  leur  fainteté.  "  Secundo  autem 
7»odo  non  fiunt  miracula  niji  a  SanUis  ,  ad  quorum  fanHitatem  dcmonflrandttm  mira- 
cula fiunt. 

Il  feroit  aifé  de  rapporter  plufieurs  autres  pafTages  des  Pérès  ,  qui  tous  ont  foutenu 
ce  même  fentiment  fi  conforme  à  h  toi  &  à  h  raifon.  Mais  il  futîira  de  mettre  encore 
ici  fous  les  yeux  du  LeCl.ur,  la  Décifion  prccife  fur  ce  fujet  de  N.  S.  P.  le  Pape  ac- 
tuellement régnant. 

,,  Les  Miracles,  dit-il ^  fur-tout  opérés  après  la  mort,  font  une  preuve  très  évidente 
,,  de  fù  ;t£té ,  &■  conféquemment  des  vertus  (de  celui  1  l'intercelfion  de  qui  on  les  ob- 
j^J^,^"qJ|' tient)  Miracula,  praferttm  pojl  obitum  pairara,  funt  fanBitatis  dr  confequenter  virtutum 
&c.  Tim  II  apertijjifiium  figiium, 

uirp^ f"+.  Cependant  M.  de  Bethléem  veut  nous  faire  accroire  ,  qu'un  des  grands  Dodeurs 
II.  de  rt.glifc  a  foutenu  «a  fentiment  toute  oppofé.  Car  c'ell:  pour  l'inllnuer  à  fes  Lec- 
Ku/je"/."^^""»  qu'il  ofe  avancer  que  5.  -^ «'.';/?'«  f/ /'f^yw^i^f,  qu'il  ny  a  point  d'inconvénient 
quVn  peut  pour  la  Feliyion  de  dire  ,  que  les  /.talades  recouvrent  ta  fanté  en  pri.int  Dieu  fur  le  tem' 
Dieu"dcs'     ^''"*  &  />'"■  l'intercejfion  d'ui  fanatiijue  cfr  d'un  fcbifmutique.  * 

Euciifons  II  eft  remarquable  que  ce   Prélat  ne  cite  à  cet  égard  aucun  Texte  de  S.  Auguftin, 

^'r'n"n:ct-    tandis  que  dans  la  même  page  il  efl:  fi  prodigue  de  citations  qui  ne  prouvv;nt  autre  cho- 

ctiTiondun  fg  qy^  ^-g  «^ç  pcrfoiine  ne  contefte.     Une  Propofirion  auflî  étonnante  mcritoit  bien 

mort  danf     néanmoms ,  qu  il  rapportât  le  pailage  ou  il  prétend  1  avoir  puilce.    J  ai  lieu  de  croire 

'  •"!''' L«t  ^"'''  "y  ^^  '  qu'un  de  S.  Auguflin  qui  y  ait  quelque  cCpéce  de  rapport.     C'cft  ce- 

p.  49.  lui   oii   après  avoir   nié  que  perfonne  ait  jamais  reçu  aucune  faveur  higuliére  dans  les 

Eglifcs  des  Dointiries  il  ajoute  que  néanmoins  ,,  (î   quelqu'un  ctoit  exaucé  en  priant 

S  Aug.ctc,,  dans  les  Eglifcs   hcrétiquîs  ,    ce  ne  firoir  point  par  le  mérite  du  Iku,  mais  par  ce- 

Umi.  Ltd.  ^^  lui  de  fcs  dèfirs,  qu'il  rccevroit  du  bien  oïl  du  mal.  ...    Ce  qui  fut   connoitrc , 

,,  qie  h  difpofition  du  coeur  de  celui  qui  i)rie,a  plus  de  valeur  que  le  lieu  où  fe  fait 

,,  la  pi]ére.  "    Si  aliquis  iit  hareticorum  mcmoriis  orans  cxauditur  ,    non  pn  mtrito  loci 

fid 


DV    SISTESME    DE    M.    DE    BETHLE'EM.  rpp 

fed  pro  merito  dejîderii  fui  recepit  Jîve  honitm  five  malum  .  .  .  undh  intclligitur  magis    Dissert. 
vakre  petentis  affeBum  cjuam  petitionis  locum.  ^""^  ^  '^"^' 

Il  eft  à  obferver  ,  que  dans  ce  partage  S.  AugUiLin  n'y  parle  en  façon  quelconque 
de  l'interceffion  d'un  hérétique,  mais  feulement  du  lieu  où  l'on  prie;  &  qu'au  furplus  ^ 

il  n'y  eft  nullement  queftion  de  Miracles ,  mais  feulement  de  grâces  ou  de  punitions 
fpirituelles  :  Recepit  Jive  honum  Jîve  malum  pro  merito  dejîderii  fui.  Car  n'eft-il  pas  évi- 
dent que  ces  termes  {fve  bonum  five  malum ,  foit  du  bien  foit  du  mal)  ne  pouvant  pas 
naturellement  s'entendre  d'une  punition  corporelle,  ne  doivent  pareillement  s'appliquer 
qu'à  des  biens  fpirituels,  ou  fi  l'on  veut  à  quelque  petite  faveur  particulière  qui  n'eft 
uniquement  que  pour  la  perfonne,  &  non  pas  à  des  Miracles  de  guérifon  qui  font  des 
faveurs  éclattantes ,  que  Dieu  fait  encore  plus  pour  l'utilité  de  VEgUfe^  que  pour  l'avan-  i.Cor.XII.;- 
tage  temporel  de  la  perfonne  qui  l:s  obtient,  félon  que  nous  l'apprend  l'Apôtre  S.  Paul, 
Ainfi  tout  ce  que  ce  partage  fignifie  ,  c'eft  qu'en  priant  Dieu  dans  une  Èglife  héréti- 
que, on  peut  obtenir  des  grâces  perfonnelles  ,  ou  s'attirer  au  contraire  des  punitions 
fpirituelles,  fuivant  les  dirtercntes  difpoGtions  du  cœur. 

Si  M.  l'Evèque  de  Bethléem  n'a  point  d'autre  Texte  à  nous  fournir  ,  il  faut  qu'il 
convienne  que  fa  Propofition,  que  âfw  malades  peuvent  recouvrer  la  faute'  ....  par 
l' intercejfion  d'un  h$rétii]ue  à'unt  manière  Miraculeufe,  ainfi  qu'il  le  donne  à  entendre, 
quoiqu'il  n'ofe  le  dire  précifément  ;  n'a  de  fondement  que  dans  fon  imagination  ,  & 
que  S.  Auguftin  n'en  a  jamais  avancé  de  pareilles. 

En  effet  l'Ecriture  ne  nous  apprend-elle  pas  au  contraire,  que  les  gucrifons  Miracu- 
leufes  ont  été  la  marque  à  laquelle  Dieu  nous  a  ordonné  de  reconnoître  fon  Fils  ,  lors- 
qu'il viendroit  fauver  le  monde  ;  &  n'eft-ce  pas  par  ces  Miracles  bienfaifans  ,  que  Je- 
fus-Chrift  a  voulu  répandre  la  lumière  par  toute  la  Terre,  qu'il  a  formé  l'Eglife, 
&  qu'il  a  promis  d'y  conferver  jufqu'à  la  fin  des  tems  le  facré  dépôt  de  la  Vérité?  Or 
comment  peut-on  concevoir  ,  qu'il  voulût  lui-même  ébranler  l'Autorité  de  cette  voix 
célefte  ,  en  opérant  de  ces  Merveilles  Divines  dans  une  circonftance  où  elles  paroîtroient 
formellement  autorifer  l'héréfie  ?  L'ame  d'un  hérétique  précipitée  dans  les  Enfers  a-t- 
clle  donc  quelque  accès  auprès  de  Jefus-Chrift  pour  en  obtenir  des  Miracles  ?  Et 
n'eft-ce  pas  faire  infulte  à  fa  bonté,  que  de  fuppofer  qu'il  en  peut  faire  à  une  telle  in- 
tercelîîon,  puifque  ces  Miracles  ne  feroient  propres  qu'à  induire  en  erreur  les  cœiu's 
les  plus  remplis  de  refpeâ;  pour  les  œuvres  de  fa  droite  ? 

Le  volume  immenfe  des  Lettres  de  ce  Prélat  étant  un  efpèce  de  cloaque  ,  où  il  a 
rartemblé  quantité  de  menfonges  des  Payens  &  des  Hérétiques  ,  qu'il  a  appuyé  par  de 
prétendues  autorités ,  en  leur  faifant  dire  tout  ce  qu'elles  ne  difent  point  ,  je  fens  que 
c'eft  un  travail  bien  fatiguant  pour  moi  &  très  ennuyeux  pour  le  Ledeur ,  de  fuivre 
ce  Prélat  dans  toutes  fes  routes  égarées.  Mais  d'un  autre  côté  je  ne  dois  pas  épar- 
gner mes  foibles  efforts  ,  pour  préferver  mes  très  chers  Frères  les  petits  &  les  fim- 
ples,  des  plus  féduifans  moyens,  que  cetEvcque  emploie  pour  leur  faire  accroire  tous 
fes  contes  de  diablerie. 

Dévoilons  du  moins  fes  principaux  artifices  ,   afin  que  leur  découverte  fafle  tenir  en       in. 
garde  contre  tout  ce  qu'il  dit ,  ceux  des  Lefteurs  qui  ne  voudront  pas  être  trompés.     contrè*i«"l- 

Un  des  plus  capables  d'en  impofer  ,    eft  le  ton  dècifif,  avec  lequel  ce  Prélat  afture  rations  faites 
que  plufieurs  Pères  de  l'Eglilè  ont  reconnu  que  le  démon  avoit  fait  quantité  de  guéri-  BethUein. 
fons  Miraculeufes  :  ce  qui  eft  d'autant  plus  propre  à  féduire ,  qu'afin  d'en  convaincre  le 
Lefteur ,  il  cite  un  aiïez  grand  nombre  de  partages. 

Pour  développer  d'abord  la  fupercherie  de  la  plupart  de  ces  citations,  il  ne  faut  que  LcPr^cïl'tap- 
diftinguer  les  Miracles,  des  preftiges  &  des  prodiges.   Tout  le  monde  convient  ,  que  l'iiqic  jux 
Dieu  permet  quelquefois  au  démon  de  faire  des  prodiges  &  des  preftiges,      Ainfi  tous  ^,ënro"ce 
les  Textes  rapportés,  &  cités  par  le  Prélat,  où  il  ne  s'aç'it  que  de  preftises  &  de  pro-i^'^i^'^u- 

''  ùiic  i  leuis  qu'il  ci. 

dlges  ,  te  u'oni  (lit 


zoo  s  ZJ  I  r  E     DE     LA    RrFVTATlON 

Dissert. diges,  ne  décident  rien  pour  la  queflion  ,  &  ne  peuvent  fervir  qu'à  éblouir  le  Lec- 
sukl'aut.jç  ,r_  Or  en  examinant  foigneufement  ces  Textes,  il  eft  aifc  de  s'appercevoir  que  pref- 
DEswiR.       ^^^  ^^^j^  ^g  parlent  que  de  preftiges  &  de  prodiges,  &  nullement  de  guérifons  Mi- 

qucdcspro-  ,       r 

uigcs  &  dcj  racui.uies. 

pieftigcsque      Mais  voici  le  rare  fecret  que  M.  de  Bethléem  a  trouvé  pour  ne  pas  perdre  entiérc- 

q"uèùpc"ois  ment  la  peine  qu'il  a  prife  de  ramafler  ces  autorités  ,    c'eft  de  traduire  par  le  terme  de 

ij  liberté  de   jiUrAcki  le  mot  miral/ilia ,  qui  ne  fignifie  que  des  merveilles;  &  il  traduit  quelquefois 

de  même  les  mots  mira  &  portema ,  qui  n'expriment  que  des  chofes  étonnantes  &  pro- 

digieufes.    Au  moyen  de  quoi  il  donne  à  entendre  à  fon  Lecteur  ,   que  les  Auteurs 

qu'il  cite  ont  avoué  que  le  diable  faifoit  des  Miracles ,  dans  le  tems  que  ces  Auteurs 

n'ont  parlé  que  de  quelques  prodiges  &  autres  merveilles  de  cette  nature. 

V  II  emploie  même  pour  cet  effet  un  fecret  encore  bien  plus  féduilant  ,  c'eft  de  chan- 

M.deBeth-  „g    j^^j  ]g  f^^^  ^^^  paifaçes  qu'il  cite  en  y  ajoutant  quelque  mot. 

k-cm  charge  O  .        r         ft         i  //.         ^     i         i  j,.ii  i  ,  -, 

le  lens  des         Pour  en  toumir  un  ex:mple  bien  frappant,  je  n  ai  que  raire  de  1  aller  chercher  ail- 

cKe!^"^"''  ^^^''5  <iue  dans  fa  III.  Lettre,  que  je  me  fuis  principalement  attaché  à  réfuter,   conune 

étant  l'arfenal  de  fes  armes  les  plus  dangereufes. 

lII.Lett.p.      Voici  ce  qu'il  y  fait  dire  à  S.  Auguftin:  ,,  Je  ne  puis  ni  voir  par  mes  yeux  ni  pé- 

^9-  ,,  nctrer  par  la  raifon ,  ni  comprendre  malgré  les  connoilTances  que  j'ai  acquifes  ,    jus- 

,,  qu'à  quel  point  Dieu  veut  que  les  démons  falTent  des  Miracles  ,  foit  en  le  leur  per- 

,,  mettant ,  foit  en  le  leur  ordonnant ,  foit  en  les  y  forçant  du  haut  de  fon  trône.  " 

Quoi!  Dieu  ordonner  aux  Efprits  qu'il  a  maudits,  de  faire  des  Miracles  ,  qui  font 
les  ccuvres  qu'il  s'attribue  exdufivement ,  &  celles  où  fa  Toute-puilTance  &  fa  Bonté 
éclattent  de  la  manière  la  plus  fenfiblê  !  Quoi  !  forcer  même  du  haut  de  fon  trône 
d'implacables  ennemis  des  hommes ,  d'opérer  en  leur  faveur  des  guérifons  Miraculeufes 
pour  les  induire  en  erreur,  &  détruire  l'Empire  du  Sauveur  du  monde  par  les  mêmes 
voies  qu'il  a  employées  pour  l'établir!  Cela  eft  bien  difficile  à  croire. 

Mais  par  quel  enchantement  ce  Prélat  a-t-il  pu  faire  dire  à  S.  Auguftin  une  telle 
abfurdité  ?  Cela  ne  lui  a  pas  été  difficile.  Il  n'a  eu  befoin  pour  cela  que  de  fupprimer 
le  commencement  de  la  phrafe  qu'il  cite  ,  &  d'ajouter  au  furplus  le  mot  miracula, 
qui  n'eft  point  dans  le  Texte  ,  &  qui  ne  cadre  point  du  tout  avec  ce  que  dit  S.  Au- 
guftin dans  cet  endroit. 

Pour  en  convaincre  le  Lefteur ,  il  ne  faut  que  lui  rapporter  le  partage  entier ,  après 
lui  avoir  fait  obferver,  quelle  eft  l'idée  qui  occupoit  S.  Auguftin  dans  cette  phnfe  Se 
dans  celle  qui  précède. 

C'eft  immédiatement  après  avoir  parlé  de  l'augufte  Myftére  de  l'Huchsriftie,  qui  fé- 
lon ce  Père  de  l'Cglifc,  a  été  repréienté  par  le  miniftére  des  Ançes  aux  Juftes  de  l'an- 
cien Teftament  ,fous  la  figure  de  nuées  fort  luminieufc'î  &  d'un  feu  très  brillant  ;  c'eft, 
dis-je,  après  avoir  parlé  de  ce  pain  vivant  qui  nous  unit  à  Jefus-Chrift,  &:  qui  le  fait 
habiter  en  nous;  de  ce  Myftére  impénétrable,  aux  pieds  duquel  il  faut  plutôt  des  fen- 
timcns  du  cœur,  qu:  des  réflexions  de  l'efprit,  plus  aimer  que  concevoir  ,  plus  s'hu- 
milier que  chercher  à  comprendre;  que  le  faint  Docteur  s'écrie. 
i.iW.  de  >'  ï'  m'eft  extrêmement  utile,  que  je  me  reffbuvienne  fans  cefle  du  peu  que  j'ai  de 
T<io. «.  c.  ,,  force  ,  &  que  j'avcitiffe  mes  Frères  de  le  faire  de  leur  côté,  de  peur  que  la  foi- 
blcfle  humaine  ne  veuille  aller  pénétrer  au  de  là  de  ce  qui  eft  lùr  ,  tandis  que  je  ne 
„  puis  même  découvrir  par  mes  yeux,  concevoir  par  ma  raifon  ,  ni  comprendre  par 
mes  réflexions,  comment  les  Anges  ont  reprtfenté  la  figure  de  ce  Myftére, ou  plutôt 
comment  Dieu  l'a  reprèfentè  par  le  miniftére  des  Anges  ;  &  que  je  ne  fai  pas  mcme 
tout  ce  que  Dieu  fait  faire  par  les  démons,  foit  en  le  leur  permettant,  foit  en  le 
„  leur  ordonnant ,  foit  en  les  y  fori^ant  du  hrut  de  fon  trône."  jMihi  antem  omnin» 
Htile  ejl ,  Ht  mtminerim  vtrinm  mt.irnr»  ,  fratrcsque  mtos  admoncAm  hi  &  'ffi  mtmint- 

rint 


10.   U.  Il 


5) 
■)■> 


DV  SJSTESME  DE   M.   HE  BETHLE'EM.  ioi 

ri>tt  fftarum ,  ne  ultra  ijuàm  tutum  efi ,  humana  frogrediatur  infirmitas  ;  quemadmodum    Dissert. 
enim  hdc  faciant  ^ngeli^  vel  fotius  Deus  quemadmodum  hoc  faciat  per  A»gelos  fuos ,  çj-surl'aut. 
quantum  fieri  velit  etiam  fer  Angelos  malos ,  ftve  finendo ,  five  jubendo ,  five  et'iam  cogendo  °^^  "*^* 
ex  occulta  fede  altijjlmi  imperii  fui ,  nec  oculorum  acie  penetrare ,  nec  fiducià   rationis  enu- 
cleare ,  nec  proveUu  mentis  comprehendere  valeo, 

Qiiel  autre  que  M.  l'Evèque  de  Bethléem  eût  jamais  imaginé  pouvoir  trouver  dans 
ce  pafTage  une  preuve  que  le  démon  fait  des  miracles  ou  des  guérifons  Miraculeufes  ?  Quoi  ! 
ce  Prélat  veut-il  donc  nous  faire  accroire ,  que  non  feulement  Dieu  permet  aux  démons 
d'en  opérer  ,  mais  même  qu'il  les  y  force  ?  Voilà  donc  Satan  devenu,  fans  même 
qu'il  le  fouhaite  ,  le  diftributeui*  des  faveurs  du  Très-haut.  Et  tout  cela  fur  la  foi 
d'un  paflage  où  il  n  eft  nullement  queftion  de  guérifons  Miraculeufes  ,  mais  unique- 
ment du  Myftére  de  l'Euchariftie  &  des  figures  fimboliques  que  les  Anges  en  avoient 
fait  voir  aux  Patriarches.  Mais  n'importe  ,  en  y  ajoutant  le  mot  miracula,  le  Prélat 
trouve  le  fecret  de  faire  avancer  à  S.  Auguftin  la  bizarre  Propofition  ,  que  Dieu  fe 
plaît  n  fort  à  faire  faire  des  miracles  au  diable ,  qu'il  lui  en  fait  faire  malgré  lui. 

M.  de  Bethléem  a  encore  une  autre  manière  pour  faire  dire  à  quelques  Pérès  tout  leçon-       vï. 
traire  de  ce  qu'ils  penfent  :  elle  confifte  à  donner  en  quelque  façon  l'objection  qu'ils  com-  fj^in^^onô'^'' 
battent,  pour  leur  fentiment  perfonnel.     Ainfi  fous  prétexte  que  quelques-uns  d'en-i'objedion, 
tr'eux ,  après  avoir  prouvé  la  faufleté  des  prétendus  miracles  des  Payens  ,  ou  du  moins  ?ombatten",* 
les  avoir  traités  de  fables  &  d'impoftures ,  aulfi  bien  que  les  merveilles,  ou  pour  mieux  pour  leur 
dire  les  preftiges  que  quelques   Hérétiques  prétendoient  s'être  opérés  en  leur  faveur ,  pedbn'a^a. 
ont  enfuite  fuppofé  la  vérité  de  ces  faits,  afin  d'y  répondre  de  toutes  manières;  ce 
Prélat  donne  cette  fuppofition,  qui  eft  d'ufage  dans  les  controverfes ,  pour  un  aveu  for- 
mel:  &  par  là  il  trouve  un  moyen  d'étourdir  fon  Ledeur  à  force  de  crier  ,  que  plu- 
fieurs  Pérès  de  l'Eglife  font  eux-mêmes  convenus  que  le  diable  faifoit  des  miracles. 
.    Rapportons  en  pour  exemple,  l'aveu  prétendu  de  S.  Auguftin  par  rapport  aux  mi- 
racles des  Donatiftes.    Comme  c'eft  un  des  faits  fur  lefquels  M.  de  Bethléem  infifte  le 
plus  ,   le  Ledeur  fera  en  état  de  juger  des  autres  par  celui-ci ,  lorfque  je  l'aurai  bien 
convaincu  que  c'eft  fans  aucun  fondement  que  ce  célèbre  Apologifte  des  merveilles  du 
diable  prétend  tirer  avantage  de  cet  aveu  de  S.  Auguftin  en  faveur  de  fon  Siftême. 

Comment  eft-il  échappé  à  ce  Prélat  fi  laborieux  dans  fes  recherches ,  de  voir  que  S. 
Auguftin  commence  par  nier  abfolument  toutes  les  merveilles  par  lefquelles  les  Dona- 
tiftes vouloient  autorifer  leur  fede  ? 

„  Qj.ie  perfonne,  s'écrie  ce  S.  Douleur,  ne  vous  féduife  par  des   fables  :    c'eft  vousTraa,  i;.  i« 
„  les  vendre  trop  cher.    Ponce  fait  un  miracle  :  Donat  a  prié  ,    &  Dieu  lui  a  répon-  J°^-  "•  "?■• 
„  du  du  haut  du  Ciel.    Premièrement  ou  ils  font  trompés  ,  ou  ils  veulent  vous  trom- 
„    per."   Nemo  vobis  fabulas  "vetidat.   Et  Tondus  fecit  miraculum  ^  (y  Donatius  oravity 
itt  refponàit  ei  Deus  de  cœlo.    Primum  aut  ftlluntur  aut  fallunt, 

Eft-il  poOTible  de  nier  un  fait  d'une  manière  plus  prècife  &  plus  forte  ?  Et  com- 
ment après  cela  ofe-t-on  infinuer  au  Leélcur  ,  que  S.  Auguftin  en  eft  formellement 
convenu  ? 

Il  eft  vrai  qu'après  avoir  traité  de  pures  fables  ces  prétendus  miracles  qui  ne  coafis- 
toient  que  dans  de5  vifions  &  autres  preftiges  de  cette  nature  ,  ou  pour  mieux  dire 
qui  n'étoient  que  des  imaginations  de  vifionnaires  ,  ce  charitable  Dofteur,  pour  tacher 
de  ramener  les  Donatiftes  dans  le  giron  de  l'Eglife  ,  en  les  convainquant  par  d'autres 
raifons,  vcat  bien  fuppofer  avec  eux  la  réalité  de  tous  ces  contes  ,  èc  il  va  même  jus- 
qu'à dire  qu'il  leur  palfera ,  s'ils  le  veulent  ,  que  Donat  a  tranfporté  des  montagnes  : 
PoJlremHm  fac  illum  montes  transferre.  Mais  s'il  feroit  abfurde  de  conclurre  de  cette 
fuppolition  ,  que  S.  Auguftin  a  cru  que  Donat  auroit  bien  pil  tranfporter  des  monta- 
gnes ,  on  doit  regarder  du  même  œil  les  autres  faits  qu'il  veut  bien  également  fuppo- 
Dijfert.  Tom.  II.  Ce  fer  : 


:oî  SV/TE     DE     LA    R  .E'^  FV  T^A  T  L  O- N 

Dissert. f  :  du  moins  ne  doit-on  pas  dortne.r  ce  f^int  IXQfteur  pour  Teçnoin  de  ces  faits  ,  "ni 
suRL'AUT.jj^^g  en  inférer  tjii'ij  les  a'cru  véritables  i  pursqu'ildéclarç  au  contraire  qu'il  les  regar- 
ms  MiR.-^  comme  des 'impoftu'res  :■.:<*«  p//ff«r«»- 4  i3,yt/ÏW/««*;      \.^-  ../  ■  •, 

V'*  &     '^"  Airplus  quoique  S.  Atiguftiç  le  foif  fervi  dtt  tenrie-ée  miracles  en  parlant  dH 
au:rcs Théo- fables  que  débltoient  les  Donatiftes,  il  eft  •néanmoins»  certain  que  ces  hérétiques  ne'fe 
ronrquc'i-     vantoient  pas  eux-mcnics  d'avoir  fait  aucune  gucrifon  Miraculeufe-,  ce  qui  eft  fi   vrai 
quciois  fer  que  CE  faint  Dofteur  les  deffie  de  rftppottêr  aucune  pleuve  de  toutes  les  merveilles  qu'ils-» 
de'' m'îr«i«'^  "contoient.     Or  ft"  tes  pré^ndues  met'vêVUeg^oflfenf  été  des  Miracles  de.  g^icrifon  ,•  it 
comme  d'u  eût  été  fncilç  aux  DoiiatiAcs  dc' produire  des- Témoins  de  ces  guérifons  merveilleufës  ; 
î!on"gencri- &■  des- maladies  pi-écedenres  ;  mafs  ces-htrétiqués  préténdoient  feulement,  que  Poncé  Se 
^JJ.'=gP°'J^J;' Donat  avoîent  été- favorifés  par  des  pi-ôdigeS  tju*'eUx  feuls  avoient  vus,  qu'ils  aVoient 
ics  fortes  de  cii  dcs   révèlations  &  des  vifîons  béatifique9,  -di  qu'ils  avoient  entendti  dcsvôïx  quF 
'""^Bd'i""e  venoient  du  Ciel.     Ce  qui  fait  dire  au  Cardinal   Bclhrminj  que  ,,  les  miracles  des 
noiis  Ecci.    ,,  Donatiftes  n'ctoieiit  autre  chofe  que  des  vilîons  cachées  qu'ils  fe  vantôient -d'àVoir 
C.14.  n.  î9.  ^^  ç^,^  ç^^^  témoins  . ..  ^qii'ainfi  ce  n'eft  pas  fans  fujet  que  S.  Auguftin  traite  ces 
,;  miracles  de  fables.''    Pif-Ç  miràcuta-Donatift^-rum  fuijfe  occultas  vijîones  tantttm ^-  ejuas 
Jifte  allô  tejle  jailabanr  Jt  vidiffe  ...   'Itaque  non  fine  causa  ea   miracuU  Au£H/ti»ns   -vocat 
fabulas.     Cependant  quoique  ce  ne  fût  que  des  vifions ,  ces  hérétiques  appelloient  cela 
des  miracles;  &  S-,  Auguftrn  en  leur  répondant,  emploie  b  même  expreflîon. 

Il  ne  faut  donc  pas  croire  que  même  par  le  terme  de  miracles,   les  Pérès  de  l'Eglife 
&  autres  Théologiens  aient  toujours  entendu  parler  de  guérifons  Miraculeufes.    Quel- 
quefois ils  fe  font  fervis  de  ce  mot  comme   d'une  exprelTion  générique,  fous  laquelle 
ils  ont  compris  toutes  les  efpéces  de  merveilles:  &  ce  n'eft  que  par  le  fond  de  leurrai- 
fonnement  ou  par  les  circonftances  de  leurs  récits,  qu'il  faut  juger  fi   par  ce  terme  ils 
ont  entendu  parler  de  guérifons  Miraculeufes,  ou  feulement  de  prodiges  ou  de preftiges. 
Aulfi  S.  Auguftin  qui  a  lui-même  affez  fouvent  employé  de  cette  façon  le  mot  mi- 
Uh.  àtynW.raculum,  a-t-il  déclaré -à  cette  occafion ,  afin  qu'on  ne  s'y  méprenne  pas,  qu'il  ,,  ap- 
".^f-V^S.  3>  P^"^  ^^  ce  noijî  toutes  les  chofes  qui  paroifTent  difficiles  ou  extraordinaires,  &  qui 
,,  palTcnt  la  pénétration  ou  la  puiflTance  de  celui  qui  les  admire:  Miraculum  voco  quid' 
tjHid  ardupim  ajn  infoUtunt  fupra  fpem  vcl  facultatem  mirantis  apparet.     Ainfi  il  eft  donc 
certain ,  que  fous  cette  exprefTion  il  comprend  quelquefois  jufqu'aux  moindres  mer- 
veilles, 
vtll.  Au  reîle  ce  faint  Dofteur  ctoit  fi  éloigné  de  croire  que  le  diable  eût  fait  des  gué- 

ni'^n^S.'Au- '■''ons  Miraculcufes ,  qii'il  paroît  être  dans  le  doute,  fi  Dieu  lui  accorde  même'h  per- 
guOin  ne      miffion  de  faire  ,des  prodigcs  réels. 

^ae""Ic-  Il  dit  à'  la  vérité,  que  les  démons  peuvent  fe  transformer  en  Anges  de  lumière 
fti°cc  d"'"*'  "^^'^  feulement  pour  forger  de  fauffes  apparitions,  former  des  phantômes,  procurer 
lifons  injra-  dcs  fon^çs  &  faire  d'autres  preftiges  femblables  qui  n'ont  riert  de  réel. 
mâij  l'i'pa-  r'  reprociie  aux  Payens  de  raconter  des  chofes  étonnantes ,  qu'ils  attribuent  à  Apu- 
roit  même  lée  &^"  Apollonius  ;  miti%  fans  pouvoir  en  produire  aucun  témoin  digne  de  foi.  Et  à  cette 
douKfiDieu  occafion  ''  Convient  que  ,,  les  démons  font  quelquefois  des  chofes  qui  ont  de  la  ref- 
lui  accorde        femblince  à  celles  qu'opèrent  ks  SS.  Anqes,  mais  qui  ne  font  que   des  apparenc^es, 

quelquefois     '     •      .      ,  .         ,        '/•■,,  „  .    i-L  r  -  <\     1  / 

lipermiOion  „  qui  n  Ont  rien  de  véritable  ,  &:  que  cen  efl  pas  par  k-icnce  qu  ils  les  exécutent ,  mais 
prodi'cj''"  »j  psi"  pure  tromperie. "  Quorum  multa  mira,  nullo  jidei  auiiore ,  jaEUtant i  eju.tmvis 
rccis.  (jr  dœmones  nannulU  faciant  jingelis  Sanilis  Jimilia ,  non  veritate  fid  fptcie  ^  non  fapien- 

^Epft.  .Ci.  , -j  yj^  ^/_,^-  ^,//^,cW. 

De  Unit.       >>  Loin  d;ici  (s'écric-t-il  dans  un  autre  endroit)  ces  fictions  d'hommes  menteurs 

Eed.  n.  49.  ^^  ou  CCS  vains  prodiges,  qui  ne  font  que  des  fourberies  des  Efprits  malins":  Rcmo- 

veantur  v(l  figmenta  mrn4.iciuf;) ,  vrl  porienta  fiditcium  fpirituum. 

i,ib.  9\.  Lorsque  des  Mauriciens  (dit-il  encore)  font  des  thofcs  qui  paroilTcnt  femblables  à 

«lu^ft-  '9.        ',»  '  û  11 

qu.  0.  4,  ».tiic> 


'/DV  SIST^SM^E  DE  Sé.2J)E.  <RETH1>E'^M.  205 

,,  celks  quç  d^s  S^nts  font  qûelquefos^,  ik  pe  les , obèrent  qu'en  vaPparekce,   DrsspRT. 
„  quoiqu'elles  frappent  h  v.ûe;  mais  (A  éft  aifé  d'en  fiiirela  diftinftion)  leiU:  objet  &surl'aut. 
.,',  leur  pouvoir  étant  difitrens.".  Ciim  cxgo  tdia,  fa'citmt  magi  qmilia  notinHn^uam  3'4«e- °^^"'"'* 
ù  facinnt  ^  talia  qttidem  vijibiliter  apparent,  fed  ex  divrrfe  fi/te.(3- .diverfo  jnre  faciunt. 

En  effet  l'objet  des  Saints  eft  toujoui's  de  faire  du  iMen,  temporel  ou  fpirituel:  le 
but  au  contraire  des  démons  eft  toujours  de  faire  du  mal.  ;ie  pouvoir  des  Saints  eft 
iàns  bornes,  puisque  c'eft  celui  de  Dieu  même ,  celui  des-  démons  eft  renfermé  dans 
de  très  étroites  limites.  -  :".  jj ;.-.•■;  ^;  1.    .  •  ;:.i 

Au  refte  il  eft  clair  que  dans  ■oe'pai6ge  il  ri'^éft  queftion  que  de  prodif:^cs ,  &  non  pas 
de  Miracles  proprement  dits;  car- ce  n'eft  que  des  prodiges  dont  on  dit  que  les  Saints 
n'en  font  que  c^uelciuefois,  (jualia  NONMUNau.'^M  Sa>t8l  faciunr.  Les  Miracles 
proprement  dits  &  finguliérement  les  guerifons  Miraculeufes,  font  au  contraire  les  Mer- 
veilles ordinaii-es  par  lefquelles  ils  font  éclatter  la  bonté  &  la  fouverainô  puiflance  de 
celui  dont  ils  font  les  ferviteurs ,  les  inftrumens  &  les  miniftres.  '      ;   , 

Bien  loin  que  S.  Auguftin  ait  penfé  que  Dieu  eût  donné  aux  démons  la  puiffance 
de  faire  des  miracles ,  il  paroit  même  révoquer  en  doute ,  fi  les  prodiges  que  fera  l'An- 
te-chrift  auront  quelque  chofe  de  réel,  quoiqu'il  obferve  en  même  tems ,  ,,  que  pour  De  civ.  Dei 
„  lors  Satan  fera  délié,  &  qu'il ^lui  fera  permis  de  fe  fervir  de  toute  fa  puiflance  par  Je  g ''^- *°- "i?" 
„  miniftére  de  l'Antechi'ift,  d'une  manière  qui  paroîtra  merveilleufe,  mais  qui  ne  fera 
,,  que  menfonge.  Siir  quoi  i(continiue-*t-il)  c'eft  une  queftion  de  favoir,  fi  les  fignes 
„  &  les  prodiges  que  fera  l'Antechrift  font  appelles  menteurs,  parce  qu'ils  ne  feront 
,,  quç  des  phantômes,  dont  il  fe  fervira  pour  tromper  les  fens,  en  forte  qu'il  paroiltra 
j,  faire  ce  qu'il  ne  fera  point >;  .ou, fi  au  contraii'e,  ces  prodiges  quoique  réels,  font 
,,  appelles  ainfî  parce  qu'ils  induiront  en  erreur.  "  Tii»c  e>iim  folvetar  fatanas ,  er  fer 
illum  Antkhriftum ,  ht  omni-fita  virtutv  Tnireé'ilite-f  qindcm ,  fed  menducker  ,  operahitur. 
Oho  filet  atnbigl  tttrtim  .preptersa  dicta  Jint  figr.n  ç^  prodigia  mendacia ,  qtioniam  mortaies 
fotfiîs  per  phantasmata  decepturuseji ,  Mt  ^xod  non  fkcit  facere  videatur  ;  an  quia,  iUàip- 
Ja^'etiam  Jl  vera prodigia  ertiHt ,  ad  meiadacium  p£rtrahe»t.  -u  -;    '  >-)     .  i  - 

S.  Auguftin  lailfe  cette  queftion  indécife,  comme  ne  l'ayant  pas 'fiiffifarahienf  appro- 
fondie. AulTî  n'a-t-il  point  traité  à  foad  dans  aucun  endroit  de  fes  ^Ecrits ,  ni  tout  ce 
qui  concerne  les  Miracles ,  ni  ce  qui  regarde  l'étendue  du  pouvoir  naturel  qu'on  peut 
•croire  qu'a  le  démon,  .ni  tout  ce  qui. nous  peut  faire  découvrir  l'es  bornes  étroites, 
dans  lefqueUes  il  a  plu  à  Dieu  de  le  renfermer,  fur-tout. depuis  l'établiffement  duChrif- 
tianifmc.  Mais  le  doute  oîx  il  paroît  être  fi  les  prodiges  de  l?Antechrift  auront  quel- 
que réalité,  fuffit  pour  faire  conncàlre  qa'il  h'arvoit .  pas  ime  grande  idée  du  pouvoir 
naturel  dii  démon,  &  encore  moiris  de  celui  que  Dieu  hii  permet  d' exercer.         •   ■"'î 

Cependant  M.  l'Evéque  de  Bethléem  qui  tire  fes  plus  fortes  preuves  de  l'incertitli- 
de,  fe  fert  de  celle  où  ce  faim  Doâeur  paroît  à  quelques  égards  fur  l'étendue  du  pou- 
voir naturel  des  démons,'  pour  tâcher  d'infînuer  qu'il  n'y  a  prefque  pas  de  moyens  de 
juger,  fi  des  effets  font  fupérienrs  à  leur  puiflance.  C'eft  en  s'appuyant  fur  un  fonde- 
-ment  fi  ruineux,,  qu'il  fait  un  crime  aux  Appdlms  d'avoir  avancé,  que  ,,  le_  démon  peut  iir.  Le»,  p. 
„:  biai  amufer  les  hommes  par  des  preftiges  &  des  illufions,  fafciner  les  yeux,  trans- ^^'  ^^  ^^• 

porter  des  corps  d'un  lieu  à  un  autre  . . .  mais  qu'il  ne  peut  pas  guérir  des  fourds 

&  muets  de  naiflance ,  des  aveugles ,  des  boiteux ,  des  membres  deffechés ,  des  pa- 
„  ralytiques,  &c.  comme  il  arrive  au  Tombeau  de  M.  de  Paris.  "  C'eft,  félon  lui, 
vouloir  en  favoir  plus  que  S.  Auguftin' 

,,  J'admire,  s'écrie-t-il,  cette,  étendue  d'efprit  &  de  lumière  qui  vou^  fait   décou-  ib;d.  p  i6. 
„   vrir  fûrement  &  décider  fans . crainte ,   ce  que  les  plus  grands  'hommes  n'ont'  jamais 
„  connu,  &  ce  qu'ils/ont  même  cru  impoflfible  de  connoître.,  fans  un  don  particulier, 

je  veux  dire  quelles  font  les  bornes  du  pouvoir  du  démon.  //  eji  y  dit  S.  Auguftin,    ï-'I»-  ?■  de 


Trin.  c,  s. 


J  C  C  2  ,j  imfojji-  „.  ,s. 


î> 


204  SVITEDELA    RrsVTATION 

DissïRT.  ^^   impojJîbU  à  l'homme  de  le  [avoir,   s'il  n'a  reçu  ce  don  dont  parle  V Apôtre ,  quand  il 
«UR  L'AUT.      ^^^  .   £j,,^  diflribtte  k  quelques-uns  le  don  de  difcerner  les  e/prits, 

DES  Ml».        ^-^p^  ^^j^^  j^  Prélat,  S.  Auguftin  dccids ,  qu'il  eft  impoflîble  à   l'homme  de  fa- 

voir  fi  le  démon  peut  ou  ne  peut  pas  guérir  des  fourds  &  muets  de   naiflance  ,  des  a- 

veugles ,  des  boiteux ,  des  membres  defTéchés ,  &c. 

IX.  Que  dirale  Lefteur  fi  le  paiTage  que  cite  ce  Prélat,  non  feulement  n'eft  point  pro- 

df  ^anig"""  P''^  à  donner  une  idée  extrêmement  étendue  &  prefque  fans  bornes  du  pouvoir  naturel 

de&  Auguf-des  démons,  mais  au  contraire  fi  fon  véritable  objet  eft  de  rabaifler  l'idée exceffive  d'u- 

/,?f  J^ljfl' ne  puifTance  illimitée,  que  quelques  Théologiens  ou  prévenus  ou   peu  attentifs  &  peu 

r..m,&cok- profonds  leur  attribuent  très  indifcrettcment.     C'efl:  là  néanmoins   l'induction  la  plus 

ue'fcnrno'n  naturelle  de  ce  paflage,  puisque  S.  Auguftin  y  décide  exprefTément ,  non  que  le  pou- 

^^V^'v^j"     ^°'''  ^^^  démons  eft  inconcevabkment  grand,  mais  au  contraire  qu'il  y  a  plufieurs  cho- 

^VtMétnf,    fes  que  la  nature  des  démons  ne  leur  donne  pas   le  pouvoir  d'exécuter,  quoiqu'elles 

rjfie'"'NÔu-  puitïent  être  produites  par  la  vertu  des  caufes  naturelles. 

TcUiOe.  Pour  convaincre  tout  Ledeur  judicieux ,  que   telle  eft  en  eifet  la  principale  confé- 

quence  qu'on  doit  tirer  de  ce  paflage,  je  n'ai  befoin  que  de  le  rapporter  en  entier  &  de 
le  traduire  exadement.  Le  voici. 
Lib.  ?.  de  Ouid pofjtnt per  naturam ,  nec  pojJJnt  per  prohibitionem ,  &  quid per  ipjtus  naturt  fuxcon- 
Trin^.  c.  9.  clitig„ejf^  j^^icfyg  non  Jtnantur  ,  homini  explorare  difficile  efl ,  imm'o  vero  impoffihile ,  niji  ptr 
illuj  donum  Pei,  quod  Apoflolus  commémorât  diccns  :  Alii  judicatiofpirituum.  „  Il  eft 
„  difficile  &  même  impoffible  à  l'homme,  à  moins  qu'il  n'ait  reçu  le  don  du  difcerne- 
ment  des  efprits  dont  parle  l'Apôtre,  de  difcerner  ce  que  les  démons  peuvent  par 
leur  nature,  ce  que  Dieu  les  empêche  de  faire,  &  ce  que  la  condition  même  de 
,,  leur  nature  ne  leur  pei-met  pas  d'exécuter." 

Qui  ne 'voit  que  ce  pafTage  ne  peut  fervir  qu'à  confondre  ceux  qui  fuppofent ,  ainfi 
IiT.  Utt.  p.  que  M.  l'Evcque  de  Bethléem,  que  les  démons  peuvent  faire ,  quand  Dieu  le  leur  per- 
met ,  tout  ce  qui  peut  être  opéré  par  des  moyens  naturels  ? 

Mais  pour  le  démontrer  d'une  manière  invincible,  il  ne  faut  que  dire  un  mot  de  ce 
qui  précède  ce  Texte  de  S.  Auguftin  qui  eft  tiré  du  III.  Livre  de  la  Trinité,  où  l'ob- 
jet de  ce  célèbre  Dofteur  eft  de  prouver,  que  la  qualité  de  Créateur  eft  un  attribut 
incommunicable  qui  ne  peut  appartenir  qu'à  Dieu  feul  :  qi;e  les  démons  ne  peuvent 
pas  créer  la  moindre  chofc ,  ni  même  rien  faire  contre  les  loix  invariables  que  Dieu  a 
prefcrites  à  h  nature ,  &  qu'ils  ne  peuvent  au  contraire  rien  opérer  de  réel  que  par  h 
vertu  des  caufes  fécondes. 

C'eft  après  avoir  établi  tous  ces  grands  principes,  qu'il  dit  qu'il  eft  difficile  ou  mê- 
me impofiible  à  l'homme ,  à  moins  qu'il  n'ait  reçu  le  don  du  difcernement  des  efprits , 
de  diftinguer  ce  que  les  démons  peuvent  par  leur  nature  &:  que  Dieu  les  empêche  de 
faire,  de  c:  que  leur  nature  même  ne  leur  donne  pas  la  puiflance  d'exécuter. 

Mais  comment  cette  Propofition  doit  elle  être  entendue  ?  A  quel  objet  doit-on| l'ap- 
pliquer? Ce  grand  Dofteur  de  l'Eglife  l'avance-t-il,  pour  détruire  toutes  celles  qu'il 
a  prouvées  précédemment?  On  ne  peut  le  pcnfer  fans  lui  faire  injure.  Elle  ne  veut 
donc  pas  dire,  qu'il  eft  impoffible  de  connoître  f\  le  démon  eft  ou  n'cft  pas  un  fécond 
Créateur:  s'il  a  ou  s'il  n'a  pas  le  pouvoir  de  s'élever  au  deffus  des  loix  invariables  fui- 
vint  lefquelles  la  nature  eft  régie;  s'il  peut  ou  ne  peut  pas  opérer  quelque  chofe  de 
réel,  au  deli  de  ce  que  la  vertu  des  caufes  naturelles  eft  capable  de  produire.  Toutes 
ces  qiieftions  font  formellement  décidées  par  S.  Auguftin,  &:  tous  les  autres  Pérès  de 
l'Eglife.  Ainfi  ce  n'cft  donc  pas  à  cet  é^ard ,  qu'il  eft  impoflîble  à  l'homme  de  favoir 
jufqu'oii  peut  s'étendre  le  pouvoir  naturel  des  dcmons. 

A  quoi  donc  s'applique  véritablement  le  paffagc  de  S.  Auguftin  cité  par  M.  de 
Bethléem  ? 

C'eft 


BV  srSTESME  DE  M.   DE  BETHLE'EM.  loj 

C'eft  que  dans  le  nombre  des  effets  renfermes  dans  les  caufes  fécondes,  il  y  en  a   Dissert 
que  les  de'mons  font  par  leur  nature  capables  d'exécuter,  &  d'autres  que  leiu-  nature  ,-,e  ^""'-'*"'^ 
leur  fournit  pas  la  puilfance  de  faire.     Or  à  cet  égard  il  eft  vrai  qu'il  eft  très  difficile  ^^^  ''^"*' 
ou  même  impoffible  à  l'homme  de  faire  ce  difcernement  &  cette  diftindion ,  d'une  ma- 
nière exaâe ,  &  précife  fans  avoir  le  don  du  difcernement  des  efprits. 

Voilà  précifément  ce  que  fignifie  le  palfage  en  queftion;  &  ce  feroit  mettre  S.  Au- 
guftin  en  contradiftion  avec  lui  même ,  que  de  1  li  donner  xm  autre  fens.  Ainfi  loin 
que  ce  célèbre  Père  de  l'Eglife  ait  prétendu  dans  ce  paffage  attribuer  aux  démons  un 
pouvoir  immenfe  &  d'une  étendue  incompréhenfible ,  il  a  voulu  tout  au  contraire  ap- 
prendre aux  fidèles ,  que  la  nature  même  des  démons  ne  leur  permet  pas  de  mettre  en 
œuvre  tout  ce  que  l:s  caufes  fécondes  renferment  de  reflbrts.  Il  femble  que  ce  faint  Doc- 
teur ait  prévu  que  dans  les  derniers  tems  il  s'éleveroit  un  multitude  cie  Conftitutionnai- 
res  &  même  quelques  Dofte'irs  Appellans,  qui  préférant  leurs  préventions  à  la  gloire 
de  Dieu  &  au  bien  des  fiiélcs ,  affeéleroient  d'attribuer  au  démon  un  pouvoir  qui  palfe 
toutes  nos  connoiflances ,  afin  d'être  en  état  de  jetter  un  voile  d'incertitude  fur  des 
Miracles  manifeftement  Divins ,  lorsque  leur  Décifion  ne  s'accorderoit  pas  avec  quel- 
qu'un de  leurs  préjugés.  C'eft  pour  les  defabufer  de  l'idée  exceffive  d'un  pouvoir 
prefque  fans  bornes  dont  ils  honorent  la  plus  miférable  de  toutes  les  créatures ,  que  S. 
Auguftin  leur  obferve  dans  ce  palfage,  qu'au  contraire  il  n'eft  pas  même  véritable,  que 
les  démons  aient  dans  leur  nature  une  puiflance  illimitée  de  faire  agir  à  leur  gré  tous 
es  moyens  que  peuvent  fournir  les  caufes  naturelles  :  que  le  Créateur  ne  leur  a  donné  ce 
pouvoH-,  qu'avec  mefure;  &  que  s'il  y  a  certaines  chofs  que  leur  nature  les  met  à 
portée  de  faire,  il  y  en  a  beaucoup  d'autres  qui  paffent  la  force  que  Dieu  leur  a  d'a- 
bord donnée,  quoiqu'elles  puiflent  être  opérées  par  la  vertu  des  caufes  fécondes.  Ce 
qui  eft  comme  une  fuite  &  comme  la  conclufion  de  ce  que  ce  faint  Dofteur  avoit  dé- 
cidé plus  haut,  qu'il  ne  faut  pjs  s'imaginer,  que  l.s  Anges  rébelles  puiflent  fe  fervir 
à  leur  gré  de  la  matière  vifible,  &  qu'il  n'y  a  que  Dieu  qui  ait  ce  pouvoir.  Non  efi 
fHtandum  ijiis  transgrejforibus  Angelis  ad  nutum  Jervire  hanc  vlfihilitim  rerttm  natpiram 
fed  fait  Deo. 

C'eft  auffi  ce  que  S.  Thomis  décide  formellement.  „  La  matière  corporelle  (dit-ilj  '-fi'art.  qu. 
„  n'obéit  pas  aux  puiflances  fpirituelles  fuivant  qu'elles  le  veulent  :  il  n'y  a  que  le  feul  âd  ^2.^""  '* 
„  Qi-éateur  qui  en  dispofe  comme  il  lui  plaît.  Materia  corporalis  non  obedh  [léflantU 
fpirltuali  ad  nutHnt ,  nijt  foli  creatori. 
.  Il  en  eft  à  peu  près  de  même  des  démons  comme  des  hommes.  Dieu  a  donné  aux 
âmes  des  hommes  la  faculté  de  fe  fervir  de  leurs  corps  pour  remuer  jufqu'à  certain  de- 
gré les  autres  corps  qui  les  environnent.  Mais  cette  faculté  a  d'étroites  limites.  Celui 
qui  fait  tout  ce  qu'il  veut  a  de  même  attribué  aux  démons ,  quoiqu'ils  ne  foient  que 
des  fubftances  fpirituelles,  un  certain  pouvoir  de  mettre  en  mouvement  les  caufes  fécon- 
des ;  mais  ce  pouvoir  a  des  bornes.  Et  c'eft  une  erreur  condamnée  par  S.  Auguftin, 
ainfi  que  par  les  autres  Pérès  de  l'Eglife,  de  croire  que  les  démons  peuvent  faire  géné- 
ralement tout  ce  qui  peut  s'opérer  par  la  vertu  des  caufes  naturelles.  Ils  ne  peuvent  rien 
que  jusqu'à  la  concurrence  de  l'étendue  du  degré  de  force  que  le  Créateur  a  donné  a 
chacun  d'eux  :  &  comme  cette  faculté  de  remuer  les  êtres  matériels  jusqu'à  certain 
point,  eft  très  limitée,  c'eft  fans  doute  pour  cela,  que  lorfqu'ils  veulent  faire  quelque 
chofe  de  réel,  ils  s'attroupent  ordinairement  plufi;urs  enfem.ble,  pour  le  poiivoir  exé- 
cuter: ce  dont  on  trouve  des  preuves  jufques  dans  l'Evangile.  M^t:  V-  9. 

J'ai  dit  k  chacun  d'eux.  Car  comme  il  y  a  entr'cux  différens  ordres,  ou  du  moins 
différentes  clafles,  il  y  a  lieu  de  foupçonner,  que  les  démons  n'ont  pas  tous  un  po-.i- 
voir  égal:  &  par  exemph,  que  Lucifer  Prince  des  démons  a  bien  plus  de  force  pour 
agir  fur  la  matière ,  que  n'en  a  un  démon  de  la  dernière  claflè. 

Ce  3  Maii 


iê6  S  VITE    BELA    R  FF  V  T  AT  I  ON 

DissFRT.      Mais  ce  pouvoir  eft-il  fcrien  -grand  ?  Rirexemple  le  plus  périr  des  démons  a-t-il  reçu 

surl'aut.^  Dieu  pins  de  puifTance  de  remuer  les -êtres  mite'riels  qifim  homme  ne  le  peut  fùi*e'* 
DES  MiR.  jj^  ontians  doute  plus  d'agilité',  leur  nature  ctant  toute  -fpirituelle,  &  n'étant  point  re- 
tenue par  le  poids  d'un  corps  :  mais  à  l'cgard  de  la  force ,  il  peut  y  avoir  de  grandes 
difficultés;  &  c'eft  piécifément  par  rapport  à  de  femblables  queftions  de  pure  curioïr- 
té,  que  S.  Auguftin  décide  par  le  paflage  ci-dcflus,  qu'il  eft  difficile  ou  même  im- 
poffible  à  l'homme  ds  fixer  au  jufte,  fans  le  don  du  difcernement  des  dprits ,  ce  que 
les  démons  peuvent  ou  ne  peuvent  pas  par  la  condirion  de  leur  nature»  Mais  en  même 
tems  ce  favant  Dofteur  nous  avertit,  que  non  feulement  il  y  a  plufieurs  effets  naturels 
que  les  démons  n'ont  pas  la  force  d'exécuter ,  mais  même  que  Dieu  les  empêche  fou- 
vent  de  fe  fervir  du  dégné  de  puilTance  qu'il  leur  avoir  d'abord  donné:  A^o»  pos^ 
'fmt  ftr  prohibitionem.  Tant  il  eft  vrai  cjue  ce  palTage  bien  loin  de  donner  une  idée  très 
grande  du  pouvoir  du  démon ,  le  rcftraint  au  contraire  dans  des  bornes  fort  étroites. 

Elles  le  paroîtront  encore  bien  davantage,  fi  l'on  s'en  rapporte  à  S.  Antoine , celui  de 
tous  les  hommes  qui  a  le  plus  vifiblement  combattu  contre  les  démons,  &  qui  félon 

Vie  de  s.  An- "toute  apparence  avoir  reçu  die  Dieu  le  don  de  ftvoir  difierncr  ces  efprits  de  ténèbres  ^  ainfi 

toine.dup.   qy.-j  g{^  marqué  dans  fa  Vie,  écrite  par  S.  Athanafe. 

T.a^d.  de  M.     „  Toutes  leurs  forces  (dit-il)  ont  éré  détruites  par  la  mort  de  Jefus-Chrift. 


d-And. 


5) 


ChTop.î,.      j>  S'ils  avoient  quelque  puiflance  (ajoute  ce  grand  Maître  de  la  vie  fpirituelle)  ils  ne 
ch.  io.p.63!  j^  vieridroient  point  en  troupe  :  ils  ne  nous  préfenteroient  point  des  phantômes,  & 
,,  ils  ne  fe  trans'figureroient  point,  pour  tâcher  de  nous  tromper;  mais  leur  pouvoir  fe- 
„  condant  leur  volonté  ,  ils  fe  contenterotent  de  nous  attaquer  feuls.  Car  ceux  qui  ne 
manquent  pas  de  force,  ne  fe  fervent  point  d'illufions,  ni  de  bruits  pour  nous  épou- 
vanter; mais  fans  employer  tous  ces  artifices,  ils  ufent  foudain  de  leur  puiflance  pour 
,,   exécuter  leurs  defleins.     Les  démons  au  contraire,   à  caufe  qu'ils  ne  peuvent  rien, 
„  font  réduits  à  tacher  de  nous  étonner  par  ces  diverfes  vifions. 
P,g.  j^.         D'où  il  condud,  que  „  bien  loin  d'avoir  de  l'appréhcnfion  (des  démons)  nous  n'en 
,,  devons  concevoir  que  du  mépris.  " 

Ce  n'eft  pas  ainfi  que  raifonne  M.  l'Evêque  de  Bethléem. 

Mais  ce  qui  me  caufe  la  plus  feufible  douleur,  c'eft  de  voirque  l'AutSur  des  Nou- 
velUs  Ecclejtafli^ues ,  dans  le  defir  de  fe  procurer  par  là'  le  moyen  de  bl-amer  mon  fécond 
Tome  (i.  Edition)  préfente  dans  fa  Feuille  du  21.  Janvier  174a.  le  paflage  en  qnfftion 
de  S.  Auguftin  dans  le  même  fens  qu'avoir  tait  auparavant  M.  de  Bethléem,  c'eft  à  di- 
re comme  attribuant'  au  démon  un  pouvoir  qui  paffe  toutes  nos  connoiflances. 
Nouv  F.£cl       "  ^^  principe,  dit-M,  eft  très  pfôfre  à  tentr  les  fidèles  en  garde  contre  l'illufion,  an 
du  il',  jinv!      lieu  que  celui  qu'on  lui  fubftitue,  l'es  livrera  à  la  féduétion,  dès  qu'elle  ne  fera  pas 
•^*^'*"-'^  „  évidente  &  groffiére."  ;■    '  .^  -■-,'}' 

J'avoue  que  je  n'ai  pu  lire  cet  artîcfe  de'û  Nouvelle  fans  verfer  des  .larmes  Miîis'^ 
qui  me  les  a  fait  répandre,  n'eft  pas  la  réfolution  qu'il  a  prife  de  critiquer  mon  fécond 
Tome  à  quelque  prix  que  ce  fôif.  Je  fuis  perfuadé  que  malgié  tous  fes  efforts.  Celui 
qui  m'a  mis  au  cœur  de  le  faire,  le  rendra  Utile  par  fa  grâce  à  plufieurs  de  fes  enfans  : 
je  l'abandonne  entièrement  à  fa  Providence  i  je  n'en  veux  tirer  d'autre  fruit  que. celui 
qu'il  lui  plaira  de  U'ii  ^âït  produire.  '  Mais  je  ne  puis  voir  fins  nne  peine  exti-cmc  que 
cet  intrépide  Dcff.nfeur.de  l'Appel,  que  j'aime  &  que  j'honore,  foumiffc  lui-même 
des  armes  aux  pl.is  grahds  ennemis,  de  fa  Caufe ,  pour  fe  donner  la  fatah  fatisfaftion  de 
décrier  l'Ouvrage  d'un  des  moindres  Cnfans  de  l'Appel,  qui  aprè^  avoir  rccouvTc  h 
vie  &  reçu  la  lumière  au  pied  du  Tombeau  du  cckbrc  Thaumaturge  protedcur  des 
Appenans,ne  cherche  que  la  Vcritc  ^  brftie  du  défir  de  fc  ficrrfier  potrr  die, 

Au  rcfte  le  Mouvcllifte  a  cep;n.l:<fif  raifdn  de  dire,  tjii;  ce  paffage  de  S.  Auguftin 
cil  uts  propre  à  tenir  les  fidcles  en  garde  contre  l'illafiouj  -mais  c'eft  dans  un  fens  dia- 
métrale- 


DES  MIR. 


BV    SISTESME    DE    M.    DE    BETHLEEM.  207. 

métralement  opppfé  à  celui  qu'il  préfente  dans  fa  Nouvelle.  Car  bien  loin  que  ce  pas-  Dissert: 
fao-e  exalte  &  relevé  la  puiflPance  du  démon  jusqu'au  point  de  jetter  les  fidèles  dans  u-^^^^'^^^'^"''- 
ne"  forte'  d'incertitude  par  rapport  à  l'auteur  des  grandis  Prodiges  &  des  Miracles  qu'ils 
voient  aujourd'hui,  &  jufqu'à  Içur  perfuader  qu'ils  ne  doivent  pas  en  tirer  Içs 
conféqijences  qui  en  réfultent  njanifeftement ,  qu'ils  n'aient  aupai-avant  confulté  MM. 
les  Théologiens  Antifecpuriiles:,  ainfi  que  le  Nouyellifte  l'inliniiej  ce.  palTage  au  con- 
traire n'eft  propre  qu'à  dinjinuer  &  réduire  à  fesjufbes  bornes  l'idée  excelîive  du  pou- 
vx)ir  diabolique.  Or  cette  idée  trop  vafle  &  trop  étendue, eft  une  des  pcincipales  four- 
ces  de  r///»/?o»  que  les  fidèles  ont  aujourd'hui  le  plus  à,  craindre,    . 

La  terrible  fédudidn  qui  doit  faire  périr  la  plus  grande  partie  des  Catholiques,  lorf- 
que  le  Prophète  Elietviendr:^  rétablir  toutes  chofes ,, ,  fera  fii^gyjiérement  caufée  par  la 
trop  grande  opinion  que  le  commun;  des  fidèles  aura  pour  lors,,  de  la  puiflance  du  dia- 
ble. Ce  fera,  ce  pernicieux,  priȣi/)i?  qui  mettra  ua  bandeau  fur  les  yeux  de  la  plilparc 
des  Chrétiens ,  &  qui  leur  fervira  de  prétexte  pour  méconnoître  le  Prophète  malgré  les 
Mii-acles  parlefqueJsDiepautoriferafaMifTion.  Et  n'eft-cepas  dèsàprérent:àraidede  cet- 
te, fauffe  fuppofitiQn^  qije.lqs, plus  grands  contradidcurs  de  laVefitè  trouvent  le  moyen 
d'obfcurcir  la  lumière  qui  fort  du  feindes  Miracles  que  Dieu  prodigue  en  faveur  de  l'Appel? 

Nolis  ne  devons  pas  être  étonné?,  que  ceux  qui  combattent  ouvertement  la  Vérité, 
tâchent  de  répandre  ce  nuage  fur  des  Miracles  qui  les  condamnent.  Mais  que  des  Ap- 
pelons favorifent  &  appuient  même  de  toutes  leurs  forces  la  plus  féduifante  hypothéft 
de  ceux  qui.  ne  cherchent  qu'à  éluder  ces  Décifions  Divines,  c'eft  ce  qui  nous  pé- 
néfre  de  h  plus  vive  douleiu*.  .!   .:        : 

A  l'égard  de  M.  de  Bethléem,  le  défir  qui  le  poflede  de  rabaifler  l'Autorité  des  m.  de  Beih- 
Mir^cles  de  ce  Siècle  eft  fi  vif,  qu'il  l'a  ébloui  jufqu'au  point  de  le  faire  tomber  dans  '«<=™  ^  ^'t 
de,  terribles  méprifes.    Choififlbns-en  quelques  exemples  bien  fi-appans.  méprife? 

.  :  J'en  troi|ve  deux  tout  de.  fuite  vers  la  fin  de  fa  IX,  Lettre,  oii  il  ofe  mettre  en  tî-  fi^"^j/j""j- 
tre  marginal ,  que  des  Pérès  ont  cm  même  que  les  miracles  fans  les  prophéties ,  ne  feraient  citations. 
d' aucun  poids  pour  prouver  la  Miffion  du  Sauveur.  ,       .  ■     ,  T^'oi"^' 

Pour  établir  un  paradoxe  fi  contraire  aux  paroles  de,  la 'Vérité  Incarnée  ,  il  ne  cite  4^3.  Tit. 
que  deux  palfages,  l'un  de  TertuUien  &  l'autre  de  Ladance  ;  &  il  fe  trompe  étrange- 
ment dans  l'un  &  l'autre  de  ces  deux  partages. 

,  Dans  celui  qu'il  rapporte. de  Terttillien,  il  attribji^.  à  Jefus-Chrift  Notre  Seigneur  ce 
que  TertuUien  ne  dit  que  dufaux-Chrift  qui  n'avoit  d'erre.que  dans  les  folles  idées  de 
l'héréCarque  Marcion,  qui  publioit  que  ce  Chrift  itoaginairç  .étoit  fils  d'un  Dieu  plus 
puiffant  que  le  Créateur  de  la  Terre  &  des  Cieux,  &. qu'il  avoir  pris  un  corps  phan- 
taftique,  pour  détruire  la  loi  que  le  Dieu  Créateur  avoit,  doijrjée  aux  Juifs. 
/  TertuUien  dit  d'abord,  à  Marcion,  qu'il  „  n'ajoute  aucune  foi  ni  à  fon  Dieu  ni  à 
,,  fon  Chrift,  parceque  (ce  Dieu  dé  nouvelle  édition  n'avoit  jamais  été  connu  ni  an- 
„  nonce  non  plus  que  fon,  Chrift)  qu'un  Dieu  ne, doit  pas  refter  inconnu,  &  qu'il 
,,  faut  qu'un  Chrift  foit  annoncé  :  "  NecDeum  nec  Chriflum  tuum  credidi,quia^  Detts 
ignotus  ejfe  non  dçbuit,  <^  Çhriflux  agnofci  debttit,  ■  ,'        .  .   ., ,^ 

Voici  préfentement  le  partage  que  cite  M.  de  Bethlébem  pour  établir  la  Propofitioij    !!<■  Lett. 
fcandaleufe  que  fans  les  Prophéties,  les  Aiiracles\de  yefus-Chr\ji  n  auraient  prouvé  en  -au-  ^,8^.°  '  ^* 
cune  manière  fa  Mijjïon  (^  fa  Divinité.  i:  >i:^'    : 

,,  Vous  prétendez,  dit  TertuUien  à  Marcion,  qu'il  n'étoit  pas  néceflaire  (que  votre ^''';.--  ^^"^ 
,,  Dieu  fit  rendre,  témoignage  à  fon  fils  avant  fa  yenue  par  des  Prophètes) 'parce  qu'il    ""■'""•'•'•• 
„  fufiifoit  que  ce  fils  prouvât  lui-même  [par  le  témoignage  des  Mipcjes,  qu'il  étoit 
„  l'Envoyé  &  le  Chrift  de  Dieu.    Mais  moi.  je  vous  xile^.  que,,  pout  .^tteftei"  un  fait  de 
,,  cette  efpéce,  ce  feul  témoignage  fût  fuffifant  iATo»/;;//:,  'jn^n^Si^-ordo^eptfmçdi.  !ie- 
cejfarius , ,  quia  fiât  im  fe  cr  filium ,  &  mijftim^  .&.  Dei  Chrifitim  ri_k»s-  ipfs  ejfct,  prcb^itu- 


loS  SVITE    DE     LA    RE'FVTATIOM 

DusERT.  »■«; ,  fer  docHfnenta  virtutum.    At  ego  negtibo  foUm  hanc  illi  Jpeciem  ad  tefiimonium  cont' 

iVKL' AMT. pf t ii^e ,  ^uAm  ipfe  fofimodum  exAuUoravit, 

DIS  MiR.  j^i^  çj^gj  pQ^jj.  prouver  qu'il  y  a  un  autre  Dieu  plus  grand  que  le  Créateur  de  l'U- 
nivers ,  &  que  le  fils  de  ce  Dieu  plus  puifTant ,  eft  venu  dans  le  monde  pour  abolir  la 
Loi  du  Dieu  Créateur,  fuivant  le  Siftême  extravagant  que  Marcion  avoit  imaginé,  le 
témoignage  de  prétendus  miracles  n'auroit  alors  aucune  force,  &  il  feroit  indubitable 
que  CCS  prétendus  miracles  ne  feroicnt  que  des  preftiges  diaboliques. 

Mais  comme  il  eft  évident  qu'il  ne  s'agit  dans  le  partage  objecté  par  M.  de  Beth- 
léem ,  que  de  réfuter  une  fuppofition  abfolumcnt  impoflîble  &  effroyablement  impie  , 
&:  de  foutuiir  que  des  miracles  ne  feroicnt  pas  même  capables  de  la  faire  croire  j  ce 
partage  qu'on  ne  doit  appliquer  qu'au  faux-Chrift  de  Marcion  ,•  ne  conclud  rien  du 
tout  contre  l'AutoriteDivine  des  Miracles  dejefus  Chrift  notre  Sauveur  &  notre  Dieu: 
&•  c'eft  fans  doute  faute  d'attention  que  M.  de  Bethléem  a  pris  ainfi  dans  ce  partage  un 
faux-Chrift  pour  le  véritable. 

La  féconde  méprife  qu'il  fait  tout  de  fuite  n'eft  pas  moins  grortiére,  puifqu'il  attribue 
à  Lacftance ,  comme  fon  propre  fentiment,le  difcours  d'un  Idolâtre  que  cet  Auteur  com- 
bat de  toutes  fes  forces. 
IX.  Leit        ,,  Ladance  ,  ajoute  M.  de  Bethléem ,  dit  aux  Idolâtres  :  nous  fommes  bien  plus  fa- 

'•'«°'-P-+-9- ,,  ges  de  ne  point  croire  que  l'on  foit  Dieu  dès  qu'on  fait  des  mincies,  que  vous  qui 
,,  par  des  proiiges  peu  confidérables  avez  cru  qu'Apollonius  étoit  un  Dieu. 

Laaant.lib.      Tout  au  Contraire  c'eft  l'Idolâtre  qui  dit  à  Laftance  qu„' Apollonius  a  été  plus  mo- 

î;  "'""'■'■  ,,  dsfte  &  plus  véridique  que  Jefus-Ckrift ,  puisque  ,  quoiqu'il  ait  fait  de  plus  gran- 
„  des  chofes  ,  il  ne  s'eft  jamais  arrogé  la  qualité  de  Dieu  ".  Et  c'eft  quelques  lignes 
après  cet  impudent  difcours,  que  cet  Idolâtre  ajoute  la  première  phrafe  que  ^L  de 
Bethléem  attribue  à  Laélance  ,    &  dont  le  Prélat  retpnche  les  derniers   mots,  qu'il  ne 

c  faut  que  rétablir  pour  faire  entièrement  difparoitre  l'équivoque.  Voici  cate  phrafe  tou- 

te entière  telle  quelle  eft  dans  Laftance. 
)bid,  ,,  Je  n'obfeive  pas  feulement  ,  dit  l'Idolâtre  ,  qu'Apollonius  n'a  point  été  reconnu 
„  pour  un  Dieu,  parce  qu'il  ne  l'a  pas  voulu;  mais  je  foutiens,  que  c'eft  une  preuve 
„  que  nous  fommes  bien  plus  fages  de  ne  point  croire  que  l'on  foit  Dieu,  dès  qu'on 
,,  a  fait  des  chofes  merveilleufes  ,  que  vous  autres  qui  avez  cru  que  Jefu<;-Chrift  étoit 
,,  un  Dieu  à  caufe  de  quelques  petits  prodiges  qu'il  a  faits.  Non  ,  inquit  ,  hoc  dico, 
idcirco  Apollonium  non  hahri  Deum  cjuia  nolnerit  ,  fed  ut  apparent  nos  fapientiores  ejfe  qui 
vtirabiliter  faciis  non  ftatim  fidem  divinitatis  adjunximus  ,  tjuam  vos  qui  oh  exigua  porten- 
tA  Deum  eredidiftis. 

Le  mot,  inquit  (dit-il)  qui  eft  dans  le  Texte  de  Laftance,  &  qui  fe  rapporte  in- 
conteftablement  à  l'Idolâtre,  ne  lairte  fubfifter  ici  aucun  doute.  Ainfi  la  méprife  de  M. 
Bethléem  eft  fi  manifefte ,  qu'il  n'eft  pas  concevable  comment  il  a  pu  y  tomber. 

Il  eft  bien  aifé  de  trouver  des  autorités  qui  difent  tout  ce  qu'on  veut,  quand  on  fc 
donne  la  licence,  d'une  part  d'attribuer  a  Jefus-Chrift  ce  que  l'Auteur  qu'on  cite  n'a 
dit  que  d'un  faux-Chrift,  &  d'autre  part  de  donner  le  dilcours  d'un  Payen  pour  celui 
d'un  Apclogifte  de  la  Religion. 

Je  pourrois  relever  encore  bien  d'autres  méprifcs,  qui   m'ont   frappé  en  parcourant 
les  Lettres  de  ce  Prélat  ;  mais  il  fauJroit  pour  cela  les  relire  une  fcconJc  fois  ,  &  véri- 
fier toutes  fes  citations  dans  les  Auteurs.    Or  j'avoue  que  je  n'en  ai  pas  le  courage. 
XI.  J'aime  bien  mieux  pour  me  débfl'cr  un  peu,    m'occuper   prcfentcmcnt  .^  dévoiler 

pour' fe 'rfcf-  n^^'^"""^"^  ^"^  tours  dcfprit  qu'il  emploie  pour   fe  fouftrairc  aux  autorités  par  les- 

feiidi'comic  quelles  on  prouve  la  fauflcté  de  ion  Siftéme. 

qj""iu"o'>.      ^^n  des  moyens  dont  il  fe  fcrt  le  plus  ordinairement  ,   eft  de  tâcher  d'éluder  ces  au- 

iecti^niequ-torités  en  les  interprétant  à  fi  manière,  &  en  niant   que  les  Auteurs  qu'on  lui  oppofe 

a"nt'li'"c"  Jicnt  dit  ce  qu'ils  ont  le  plus  pofitivcment  attefté.  Par 


BV  SISTESME  DE  M.   DE    -BETHLEEM.  209 

Par  exemple ,  qui  aurait  jamais  imagine  que  M.  de  Bethléem  aurait  rafTurance  de  Duseut. 
nous  dire,  <:^  Arnohe  enseigne  tout  ce  cjh'  il  fontient  fur  h  pouvoir  des  faux  Dieux.  ,,  Car  ^"x'-  -^wt. 
„  (  ajoute-t-il)  leur  ai-je  attribué  d'autre  pouvoir  en  ce  genre  que  celui  de  rendre  la 
„  fanté  par  des  moyens  &  des  remèdes  naturels  ?  La  feule  différence  d'Arnobe  à  moi,  ^"s' formel- 
„  c'eft  qu'il  ne  dit  point  que  l'application  de  ces  remèdes  ait  été  quelquefois  fecrette,  cmcf.ifome- 
„  quoiqu'il  ne  le  nie  pas  .  .  ,  Du  refte  il  cofivient  que  c'eft  le  bruit  commun,  que  XI.  Lett. 
„ -les  faux  Dieux  ont  guéri  quelques  malades.  Vt  fama  eft  ^nonnullts  tribuere  medicinam."  ''"•'"'•P-JS?- 

Quoi  !  Arnobe  ne  nie  pas  dans  l'endroit  même  cité  par  M.  de  Bethlém ,  que  les 
faux  Dieux  ni  leurs  Prêtres  aient  jamais  guéri  aucunes  maladies  par  des  remèdes  invifi- 
blcs,  lorsqu'il  dit  que  s'il  eft  vrai  ,  comme  on  le  publie,  qu'ils  aient  rendu  la  fanté  à 
quelque  malade ,  ce  n'a  été  qu'en  leur  donnant  des  médecines  ?  TJt  fama  cfi ,  nonnullii 
tribuere  medicinam. 

Je  vous  palTe  que  c'eft  par  le  moyen  des  médecines  &  autres  remèdes  naturels  que 
les  démons  ont  guéri  des  malades ,  répond  le  Prélat  ;  ainfi ,  ajoute-t-il ,  je  ne  fuis 
point  en  contradidion  avec  Arnobe  ;  &  je  foutiens  feulement  que  ces  médecines  ont 
été,  du  moins  quelquefois  ,  fecrettement  c'eft  à  dire  invifibkment  appliquées^  ce  dont 
Arnobe  ne  difconvient  pas. 

Mais  eft-il  bien  vrai  qu'Arnobe  n'en  difconvienne  point ,  lorfqu'il  ajoute  à  la  fuite 
de  ce  partage,  que  les  faux-Dieux  &  leurs  Prêtres  ne  favent  guérir  que  de  la  même 
manière  dont  le  font  les  Médecins  :  Et  medici  etiam  Jic  curant  ?  Et  lorsqu'il  reproche  '^rnob.iib. 
aux  Payens  ,, qu'il  eft  bien  peu  digne  de  la  majefté  d'un  Dieu,  de  ne  pouvoir  rétablir 
„  la  fanté  par  lui-même,  &  d'avoir  befoin  pour  y  réuftir  d'employer  le  fecours  d:s 
„  chofes  extérieures:  Indecorum  Deo  ejl ^  non  ïpftm per  Je  pojfe ^  fed  externarum  admini- 
ctilis  rerum  fanitatem  incalumitatemcjue  pr^Jîare  \ 

Ainlî  félon  Arnobe  ces  fjux  Dieux  &  leurs  Prêtres  ne  pouvoient  donc  guérir  des 
malades  que  par  le  moyen  de  remèdes  extérieurs  ,  &  en  s'en  fervant  a  la  façon  des  Mé- 
decins ;  8c  par  conféquent  ils  ne  les  guériflbient  point  par  des  remèdes  qu'on  ne  pût 
appercevoir. 

S'ils  Vwoknt  fait  quelquefois ,  ces  guérifons  auroient  paru  Miraculeufes  ,  &  en  ce  """^-P-**' 
cas  comment  Arnobe  auroit-il  ofe  défier  les  Empereurs  &  routes  les  Puiflances  du  Pa- 
ganisme de  prouver,  qu'aucun  de  leurs  Dieux  ni  de  leurs  Prêtres  ni  de  leurs  Souverains 
Pontifes  eût  guéri  l'incommodité  la  plus  légère,  une  petite  enflure,  un  bouton,  une  peau 
enlevée,  en  n'y  employant  que  la  parole  &  le  toucher  ?  ,,  La  feule  chofe,  ajoute-t-il,  Ibid. 
„  que  je  défire  que  vous  me  difiez  ,  c'eft  fi  aucun  de  vos  Dieux  ou  de  leurs  Prêtres 
„  a  pu  diffiper  des  maladies ,  en  touchant  les  hommes  ,  fans  aucune  jonètion  des  cho- 
„  fes  matérielles,  c'eft  à  dire  de  quelque  médicament:  Illud  folum  audire  dcfîdero  ,  an 
fine  ullius  adjunUione  niateria ,  id  eji  medicaminis  alicujus ,  ad  ta£iitm  morbos  jujferit  ab 
hominibus  a-jolare. 

Si  ces  médicamens  n'avoient  pas  toujours  été  vifibles ,  comment  Arnobe  auroit-il  pu 
prouver,  que  jamais  les  faux  Dieux  ni  leurs  Prêtres  n'avoient  guéri  aucun  malade  que 
par  le  fecours  de  remèdes  matériels  ,  &  qu'ainfi  ils  n'avoient  jamais  fait  aucune  guéri- 
fon  qui  eût  la  moindre  apparence  d'un  Miracle  ?  Mais  après  qu'il  a  eu  le  courage  de 
le  foutenir  fi  affirmativement  &  fi  formellement  à  toutes  les  Puiffances  Idolâtres,  qui 
étoient  les  Maîtres  du  monde,  comment  M.  de  Bethléem  peut-il  certifiera  fes  Lec- 
teurs, qu'il  n'enfeigne  fur  le  pouvoir  des  faux  Dieux  que  ce  qu'Arnobe  enfeigne  lui-même  !   XI.Lcit.  ?. 

Que  le  Prélat  fe  rende  de  bonne  foi  au  Témoignage  d'Arnobe  ,    &   qu  il  n'emploie  ^  *' 
plus  fes  talens  à  perfuader  tout  le   contraire  de  ce   que  ce  célèbre  Apologifte,  fi  bien 
au  fait  de  tout  ce  qui  ètoit  arrivé  d'extraordinaire  dans  les  temples  des  Idoles,  a  attefté 
à  toute  la  Terre  au  péril  de  fa  vie  ;  &  nous  bénirons  Dieu  de  tout  notre  cœur  d'avoir 
opéré  une  fi  merveilleufe  Converfion  ,  qui  feroit  fi  èclattante  &  fi  utile  à  l'Eglife. 

Dijfert.  Tom.  H.  Dd  M. 


2TO  S  VITE    DE    LA    RrFVTATION 

DissriîT.      M.  de  Bethléem  imracdiatenient.  après  avoir  repondu  aux  paffages  d'Atnobe  de  la 

gwRL  AUT.^jçpj^  qu'on  vient  de  voir,  le  fert  encore  de  la  même  méthode  pour  fe  deffèadre  contre 

'  ■    un  paflage  de  S.  Ambroife  qu'on  lui  avoit  objecté.     Voici  quel  eft  ce  paflage. 

S.  Imb!'      5>  Ce  ne  font  pas  les  effets  d'une  puiffance  humaine,   mais  c'eft  un  caradére  reprc- 

Coinm.in    ^^  fentatif  &  un  attribut  diftm&if  de   la  puiffance  Divine,  de  faire  fortir  les  aveugles 

joa    ''      ,,   d:s  ténèbres  d'une  nuit  continuelle  ,    de  guérir  les  bkffures  de  leurs  yeux  &    d'y 

,,  faire  pénétrer  la  lumière,  de  rendre  l'ouïe  à  des  fourds,  de  rétablir  les  membres  des 

„  eftropiés,&  de  rappeller  l'ame  des  morts  pour  leur  rendre  la  vie."   Non  humAtut  ifta. 

fed  divina  virtutis  injignia  funt ,  cncis  perpétua  noElis  tenebras  aperirc ,  defojforHtn  anc  octt- 

Icrum  vulnera  infufà  luce  fanare ,  andimm  in  aurcs  iujînitare  furdorum ,  laxatis  fiiifm 

membra  refermare  cowfagibus  ,  ;'«  lucem  cjuocjHe  refufo  vigore  Vivendi  revocare  defimitos. 

XI.  Lttt.       ,,  Pour  que  mes  Adverfaires,  répond  Ai.  de  Bethléem  ,    pufTent   fe  fervir  de  S.  Am- 
Theoi.  p.     ^^  broife,  il  faudroit  qu'il  eût  dit  que  le  démon  ne  fauroit  guérir  aucun  malade.   L'a- 

„t-ildit?" 

Mais  n'eft-ce  pas  lc<life  &  même  très  expreffément  ,  que  de  donner  pour  principe  , 
que  les  Miracles  font  les  appanages  particuliers  de  la  Divinité. 

Eu  effet  il  n'y  a  que  Dieu  feul  qui  puiffe  opérer  des  Miracles.  Les  hommes  qui 
vivent  fur  la  terre,  les  Saints  qui  habitent  dans  le  Ciel,  &  les  Anges  mêmes  ne  les 
font  point  par  leur  puiffance  :  ils  ne  les  obtiennent  que  par  leurs  prières.  Or  le  démon 
n'a  point  d'accès  auprès  de  Dieu,  ni  auprès  de  l'humanité  Sainte  du  Sauveur  du  mon- 
de, pour  en  obtenir:   &:  l'Ecriture  nous  déclare,  que  Dieu  n'exauce  point  les  méchans; 

En  niant  ainfi  hardiment  ce  que  les  Auteurs  difcnt ,  en  leur  faifant  dire  ce  qu'ils  ne 
difent  point,  &  en  donnant  pour  leur  fentiment  les  objeéiions  qu'ils  combattent ,  il 
n'efl:  pas  difficile  de  deffendre  un  mauvais  Siftéme,  ni  même  de  faire  parade  de  plufieurs 
autorités  pour  foutenir  les  plus  fauffes  Propofitions. 

XI I.  Mais  voici  une  autre  voie  encore  plus  féduifante  par  laquelle  M.  de  Bethléem  con- 
dcsLiïrcsa- duit  fes  Lecteurs  dans  1  égarement. 

P°'W'jj-^         Comme  ce  n'efl   pas   la  vérité  qu'il   cherche,  il  va  très  foigneufement  puifer  dans 
Bcihiecma  toutcs  les  fourccs  d'erreur.    Ainiî   s'il   y  a  quelque  Livre  apocryphe,  qui  ait  été  mis 
lund"partie  autr^^fois  par  ignorance  fous  le  nom  de  quelque  Saint  ,    quoiqu'il  contienne  plufieurs 
des  autorités  Propofitions  erronées ,  c'eft  précifément  où   il  va   recueillir  (es  preuves:  &  il  le  cite 
ur«toDd:. "  comme  un  Ouvrage   fort  autorifé,  quoiqu'il  en  fâche  trop  pour  ignorer  ce  que  les 
meilleurs  Théologiens  en  ont  dit. 
XILctt. p.      Par  exemple,  il  rapporte  plufieurs  paffages  du  Livre  des  Récognitions , attribué ,  dit-il ^ 
5io.  Notes.  ^  ^_  Clément  P^pe.     Mais  ce  Prél.it  vcut-il  donc  ramener  l'ignorance,  pour  faire  triom- 
pher l'erreur  ?    Ne  fait-il  pas  qu'il  a  été  démontré  par  d'habiles  Critiques,  que  ce  Li- 
vre n'eft  ni  de  S.  Clément,  ni  d'aucun  autre  Saint,  &  qu'il  y  a   tout  lieu  de  croire 
qu'il  a  été  compofé  par  un  certain  Bardefancs,  qui  a   été   long-tems  dans  l'héréfie  des 
Val  ntiniens  ?   Ainfi  de  quel  poids  peut-être  le  fentiment  de  cet  hérétique  par  rapport 
au  pouvoir  du  diable  ?    Au  fuiplus  tout  ce  que  portent  les  paffages  que  M.  de  Beth- 
léem à  recueillis  dans  ce  Livre,  fe  réduit  à  dire  que  ,,  les  Dieux  du  Paganilme  guéris- 
,,  foient  les  malades  par  les  remèdes  qu'ils  indiquoient  ,  beaucoup  plus  promptement  & 
,,  plus  parfaitement  que  les  Médecins.  " 
Ibid.  p.  jxi.      A  cette  autorité  M.  de   Bethléem,  joint  celle  d'un  Ouvrage  fauffement  attribué  à 
S.  Hyppolite.     Mais  il  convient  lui-même  que  plufieurs  Théologiens  regardent  ce  Li- 
vre comme  très  fufpccl  ;  qu'il  contient  plufieurs  chofes  notoirement  faufP  s  ,  entre  au- 
tres que  l'Antechrift  reffufcitera  des  moits,  &  que  M.  de  Tillemont  &•  M.  Dupin  ont 
prouvé  que  S.  Hyppolite  ncft   point  l'auteur  de  cet  Ouvrnge.     Or   quelle  confiance 
peut-on  prendre  lans  un  Auteur  inconnu" &■  affcz  peu  inftruit  de  la  Religion  ,  pour  igno- 
rer que  ic$  morts  ne  peuvent  ctrt  rtffufcités  que  psr  celui  feul  qui  donne  la  \  ic  ? 

C'eft 


3>- 

I  : 
» 


BV  SISTÊSME  DE  M.   1>E  BETHLE'ËM,  Ht 

C'eft  cependant  fur  la  feulî  foi  de  ce  Livre  &  ié  celu.f  des  Rccognitiôns  ,   que  M,    DrssEUT. 
Bethléem  s'e'crie  d'un  ton  triomphant  :    Coiribien  }es  idées  des  Snints  des  premiers  Siéctcs  ^^'R^-'Aut, 
fftr  le  pouvoir  diaBolitjue ,  croient-elles  éloignées  des  vôtres  ?  dit-il  aux  Appeilans  qui  font 
pleins  de  refpeft  pour  les  oeuvres  de  Dieu. 

„  Prefquetous  les  grands  hommes  de  l'Antiquité  Idolâtre  &  Chrétienne  ,  dit-il  ail-   ni.  Lettp. 
\^  Ufirs  y  nous  apprennent  que  le  démon  peut  opérer  des  gucrifons  de  malades.     C'cft ''^' 
donc  en  vous  mauvaife  foi  ou  ignorance  &  témérité  ,    de  donner  le  contraire  poiur 

une' maxime  confiante,  pour  la  doftrrne  de  tous  les  Pérès  de  rÈ[;lifr.  " 
.'Mais  j'ai  mis  fous  les  yeux  du  Lefteur  quantité  de  preuves  invincibles,  que  les  an- 
ciens Pérès  &  les  Apologiftes  de  la  Religion  ont  forcé  les  Idolâtres  mêmes  de  conve- 
nir de  la  faufleté  des  prétendues  guérifons  miraculeufes  faites  par  les  f-^'ix-Dieux.  Ainfi 
la  témérité,  l'ignori-mce  on  la  mauvaife  foi  font  donc  du  côté  de  c:ux  qui  avec  des  Li- 
vre?  apocryphes,  veulent  aujourd'hui  perfuader  aux  Chrétiens  la  réalité  d:e  ces  faux 
miracles. 

M.  de  Bethléem  rapporte  enfuite  un  pafFage  ,  qu'il  dit  être  de  S.  Anaftafe  P:.triarche  XL Lctt  ju. 
d'Antioche.  Mais  comment  ofe-t-il  feindre  d'ignorer,que  le  Livre  inutile  Oueftions,ùoï\x'-Ai 
rire  le  paflage  qu'il  cite,  n'efl  point  de  S.  Anaftafe ,  &  que  tous  les  Sâvans  font  d'ac- 
cord, que  c'eft  l'Ouvrage  d'un  Auteur  du  XI.  Siècle  ,    de  ce  Siècle   dTgnorance  où 
on  publioit  fans  pudeur  les  fables  les  plus  abfurdes  ?.  Aufiï  en  trouve-t-on  dans  ce  Li- 
vre qui  ne  font  pas  moins   incroyables  que  les  Mérarmorplofes  d'Ovide  :  témoin  ce 
que  dit  cet  Auteur  dans  la  page  même  citée  par  M.  de  Bethléem,    que  ,,  Simon  le  BibHoth.Pa- 
„  Magicien  changeoic  les  pierres  en  pains  ,    qu'il  prenoit  la  figure  d'un  ferpent  ,   &  fe  p.'Zc"'' 
,,.  transformoit  en  d'autres  bêtes  :  qu'il  avoir  deux  vif:ges  ,   &  qu'il  fe  convertiflbit  en 
,",  or.    Lapidibfts  fanes  ficiebat  :  ferpens  ficb.tt ,  (^  in  alias  beftiets  transformabatur  :   duas 
„  habcbat  ftcies  ;  in  atintm  convcrtebatiir. 

Ett-il  permis  à  un  Evêque  qui  a  de  la  fcience,  d'adopter  les  fables  &  les  faux  prin- 
cipes d'un  tel  Livre,  &  de  s'en  fervir  pour  combattre  les  Textes  de  l'Ecriture,  le 
{entiment  des  Pérès,  la  décifion  des  Conciles ,  &  les  Milacles  que  Dieu  fait  aujourd'hui 
pour  éclairer  les  cœurs  fidèles. 

Finiflbns  cette  difcuffion,  en  obfervant  que  ce  Prélat  cite  encore  avec  grand  refpeéb 
en  plufieurs  endroits  de  fes  Lettres  Is  Commentaire  imparfait  dé  l'Evangile  de  S.  Mat- 
thieu,  comme  s'il  ne  favoit  pas  que  les  plus  habiles  Théologiens  conviennent  tous 
que  cet  Ouvrage,  bien  loin  d'être  de  S.  Chryfoftôme,  a.  été  fait  par  un  Arien  enga- 
gé par  fon  erreur  à  décréditer  les  Miracles  qui  fervent  de  preuves  à  la  Divinité  de  Je- 
fus-Chrift  &  ceux  que  Dieu  faifoit  du  tems  de  l'Arianifitie  en  faveur  des  Catholiques. 

Helas  !  Seigneur,  l'Efprit  de  menfonge  fait  encore  à  préfent  tous  fes  efforts  pour 
engager  les  Chrétiens  à  lui  attribuer  les  Miracles  que  vous  faites'  en  témoignage  de  k 
Vérité?  Mais  vous  ne  permettrez  pas  que  vos  Elus  y  foient  trompés  ,  &  qu'ils  pren- 
nent votre  voix  pour  celle  du  diable. 

Il  ne  me  refte  plus  qu'à  répondre  à  une  objedion  que  M.  l'Evêque   de  Bethléem     xrrr. 
répète  fans  cefTe,  tant  il  la  croit  viftorieufe.   C'éfl  de  dire:  puifque  le  démon  fait  des  Di^"»'»!-* 
prodiges  ,  pourquoi  ne  pourroitfil  pas  également  opérer  des  guérifons  miraculeufes?  mette q.iei- 
£fi-ce  me  opération  plus  difficile  ?  _  démon  d" 

La  principale  queflion  n'eft  pas  de  favoir  fi  le- démon  pourroit  trouver  dans  la  natu- ^^"^''«.'pio- 
re  des  moyens  d'opérer  des  guérifons  qui  paroîtroient  Mk-aculeufes ,  fi  Dieu  lui  per- fo^ffrè  pa" * 
mettoit  de  le  faire  :  mais  de  favoir,  fî  on  peut  raifonnablem:nt  penfer  que  Dieu  lui  ac-  ^^J''  "/"= 
corde  une  telle  permiffion  ,  "  après  qu'il  nous  a  déclaré  en  vingt  endroits  de  l'Ecri-  qui^piVois-"* 
ture  que  les  guérifons  Miraculeufes  font  fa  voix  &  fon  témoignage,  que  c'eft  lui  feul [^^f-J^''''"' 
qui  guérir. 

Dd  a  En- 


I 


m  carj4cte'res  des  prodiges 

Dissert.      Encore  une  fois,  c'eft  à  ce  té.iioijiage  qu'il  a  ordonne  de  reconaoitre  fori  Verbe, 
surl'aut.  lQj.fqu'il  viendroit  s'incarner  dans  le  monde. 

C'eft  par  ce  témoignage  qu'il  a  voulu  perfuader  aux  hommes  bs  plus  incompréhen- 
fibles  Myftéres  ,  qu'il  a  fait  embrafler  la  foi  à  un  nombre  innombrable  de  Juih  &  de 
Payens ,  &  que  dans  les  plus  grands  troubles  qui  ont  agite  l'Eglil,:  il  a  fait  vifiblement 
co  noître  de  quel  côte  ctoit  la  Vérité. 

Les  guénlons  Miraculeufes  font  un  don  perpétuel  dont  il  a  gratifié  l'Eglife  pour  la 
diftinguer  des  feâes  par  une  faveur  finguliére  ,  dont  le  furnaturtl  lût  marqué  au  coin 
de  plufieurs  de  Tes  principaux  attributs.  Elbs  font  en  même  tems  uu  éclat  de  fa  gloi- 
re, un  effrt  de  fa  Toute-puiflance  &  une  émanation  de  fa  Bonté.  Ces  admirables  gué- 
rifons  font  promifes  à  la  foi  :    elles  en   font  en  même  tems  la  preuve  &  la  récompenfe. 

J«q-v->ï„  ■    ' 

mum.    Celt  à   la  toi  que  lelus-danlt  mame  attribue  planeurs  ût^  'guénlons  AJiracu- 


La  prière  pleine  de  foi  fiuvera  le  malade  (dit  S.  Jaques:  )   Gratio  fidà  fdvaoit  iitfir- 
m.    C'eft  à   la  foi  que  Jefus-Chrift  mame  attribue  plufieurs  de'»  '^uénfons  Miracu- 
Manh.  IX.  leufes  qu'il  a  faites:  Fides  tua  te  filvam  feàt.    Et  lorfqu'il   y  a  quelque  d'vifion  dans 

^cursausres"  l'Eglife  cUcs  fout  Un  témoignage  divin  ,  fumaturel  &  vifible  ,    qui  fait  difcerner  aux 

e»Jioii$.  piuç  fimples  ,  qui  font  ceux  qui  ont  confervé  l'irtégrité  de  la  foi  ,  &  qui  n'ont  point 
abandonné  la  fainte  févèrité  àt  la  morale  fantlifiuite  de  l'Evangile  &  de  la  Tradition. 
Car  c'eft  precifément  à  ceux-là  que  Dieu  a  promis  de  confirmer  leur  loi  &  leur  dodri- 

Marc  XVI.  ne  par  des  Miracles:  Domino  fermomm  confirmAnte  fequentibus Jîgyiis. 

"■  Ainfi  demander  pourquoi  Dieu  ne  pourroit   pas   psrmcttre  au  démon  de  faire  des 

guérifons  qui  paroilfent  Miraculeufes  ,  c'eft  demin^^er  pourquoi  il  ne  veut  pas  que  fa 
voix  foit  confondue  avec  celle  de  Lucifer.  C'eft  demander  ,  pourquoi  les  miracles 
•  étant  le  témoignage  du  Très-haut ,  il  ne  fera  pas  libre  au  démon  de  parler  le  même  lan- 
gage :  pourquoi  ces  guérifons  admirables  étant  la  marque  à  laquelle  on  a  dû  reconnoî- 
tre  le  Sauveur  du  monde,  il  ne  fera  pas  permis  à  Sjtan  d'en  faire  de  pareilles  pour  fé- 
duire  :  pourquoi  ces  bienfaits  évidens  étant  le  témoignage  dont  Dieu  fe  fert  pour  faire 
connoître  la  Vérité  ,  ils  ne  feront  pas  égalem.nt  celui  que  pourra  employer  l'Efprit 
pervers  pour  perfuader  l'erreur  :  pourquoi  ces  œuvres  d-  la  Bonté  fuprême  étant  une 
faveur  diftinAive  de  la  foi  &  de  la  Communion  Catholique  ,  ne  feront  pas  en  même 
tems  l'appanage  des  hérélles  &:  des  faux  dogmes  inventés  par  le  père  du  menfonge  :  en- 
fin c'eft  demander  pourquoi  ces  Décifions  émanées  du  Ciel ,  étant  principalement  faites 
pour  l'utilité  de  l'Eglife  &  pour  y  faire  difcerner  la  Vérité,  lorfqu'elle  eft  en  contefta- 
tion  ,  ne  feront  pas  fi  bien  imitées  par  l'Efprit  de  ténèbres ,  que  les  âmes  les  plus  plei- 
nes de  foi  &  de  confiance  en  Dieu  ne  pourront  prefque  point  fe  garantir  d'un  tel  piège. 
Au  refte  non  feulement  le  Très-haut  ne  fouffre  pas  que  le  diable  fafl'e  des  guérifons 
qui  femblent  être  des  Miracles  ,  mais  même  depuis  que  Jefus-Chrift  eft  venu  détruire 
l'empire  du  fort  armé,  il  ne  lui  laiffe  exécuter  que  des  eflets  conformes  à  fon  état  prè- 
fent  qui  n'eft  que  foibleffe ,  &  à  fon  caraâère  qui  n'eft  que  méchanceté  &:  qu'orgueil. 
C'eft  ce  qui  me  refte  à  expliquer, 

§.  XI.  Carafléres  des  prodiges  (^  des  prejliges  diaboliques  :  cr  conje^u- 
res  des  'Pères  fur  ceux  que  fera  fAntechriJl. 

IL  eft  certain  que  Dieu  a  quelquefois  permis  au  démon  de  faire  des  prodiges  réels, 
mais  le  cas  eft  rare  j   &   il  eft  ordinairement  facile  de  les  difcerner  des  prodiges 
Divins. 

Le  Très-haut  faifant  lui-même  des  prodiges  réels ,  il  importe  ]i  fa  gloire  que  fes  œu- 
vres ne  foicnt  pas  facilement  confondues  avec  celles  du  diable.    Aufiî  lorfquc  des  pro- 

ûiges 


ET   DES    PRESTIGES    DI^BOLIOVES. 


îij 


n'y  a  aucun  des  caractères  ni  des  circonftances  qui  dénotent  qu'un  prodige  réel  eft  opé- 
ré par  l'Efprit  persers,  on  doit  en  conclurre  qu'il  vie.it  de  Dieu. 

M.  l'Archevêque  de  Sens  nous  a  fourni  lui-même  les  trois  principaux  caraftéres  ' 
qui  découvrent  q^e  des  prodiges  font  diaboliques. 

On  reconmit  ,  dic-il  ,  les  opérations  des  Efprus  malins  aux  caraEléres  fuivans  :  i    U     inft.  Paft. 
foibUjfe:  I.   U  malignité:  3.  la  vanité.  '        p°^j["""" 

C'eft   un   principe  inconteftable,  que  le  démon  ne  peut  rien  faire  que  par  la  vertu         '• 
des  moyens  qui  font  dans  la  nature  :  ainlî  tout  prodige  véritablement  &  abfolument  fur-  reVirdude"-* 
naturel ,  c'eft  à  dire  qui  ne  peut  s'exécuter  qu'en  s'élevant  au  delTus  des  loix  invaria-  "'°"  ?""'"' 
blcs  fuivant  lefquelles  la  nature  eft  régie,  ne  peut  être  que  l'ouvrage  du  Tout-puiffant.  )our?d«°'*" 

C'eft  ce  que  S.  Thomas  d'après  les  Pérès  de  l'Eglife,  décide  de  la  manière  la  plus  iîbYTde  ri" 
pofitive  &  la  plus  formelle.     Il  donne  même  le  furnaturel  abfolu  des  prodiges  pour  le  foibicQe  & 
premier  des   caradéres  qui  diftingue  éminemment  auK  qui  viennent  de  Dieu,  de  ceux  pumânc"." 
qui  font  fabriqués  par  les  Efprits  impofteurs.  „  On  les  reconnoit  ,  dit-il  ^  première-  ..\"  ^•S<:nt. 
j,  ment  par  l'efficace  de  la  puilTance  de  celui  qui  les  opère:   car  ceux  qui  partent  de  la  i.'z. ''  '^''^" 
„  puiflance  Divine  prod  âfent  fouvent  des  effets  où  la  vertu  entière  de  la  nature  ne  peut 
„  en  aucune  façon  s'étendre  ....  ce  que  les  démons  ne  fauroient  faire  réellement  & 
„  véritablement ,  mais  feulement  des  preftiges  qui  ne  peuvent  long-tems  durer.  "    Pri- 
mo ex  ejjicacià  virtHtis  opérant is  ,  qttia  Jij^na  virttue  divinà  fiant  etiam  ad  cju^b  virtus  ac- 
tiva natura  fe  niillo  modo  extendit  .   .   .   qudt  dimones  fecundum  veritatem  facere  non  pos- 
fttnt ,  fed  in  pr<tjiigiis  tantum  quit  din  durare  non  posant. 

Dans  un  autre  de  fes  Ouvrages  ce  célèbre  Docteur  dit  encore  que  „  fî  quelquefois     summ.i. 
„  tes  démons  paroifTent  faire  des  chofes  fcpèrieures  à  la  vertu  des  caufes  naturelles,  ce  ait.4?mc!'^ 
„  ne  font  point  des  chofes  réelles ,  mais  feulement  une  faufle  apparence."  Et  fi  aliquando 
alicjfiid  taie   (qi4X  non  pojfunt  virtnte  nat!tr<e  fieri)  opérât ione  damonam  fieri  credatnr .  hoc 
non  e(l  fecttndnm  veritatem  fed  fecHndnm  apparentiara  tantum, 

Claude  d'Aufchi  dans  le  bel  Ouvrage  qu'il  a  fait   pour  réfuter   l'Ecrit  de  l'hérèti-    Scumm  B. 
que  Agricole,  qui  en  comparant  aux  prodiges  que  feront  les  faux-Prophètes  ,  les  Mi-  a'dA'"^rko?" 
racles  &  les  Prodiges  que  Dieu  opère  dans  l'Eglife  Catholique  ,  s'efForçoit  d'en  ètcin-  pp-iîo.sc' 
dre  l'Autorité  ;    cite  un  paflage  de  S.  Irènée  qui  convient  parfaitement  à  ceux  de  S. 
Thomas  que  je  viens  de  rapporter. 

„  Lesfîgnes,  dit-il,  que  nous  accordons  que  feront  les  faux-Prophetes  feront  pa- 
„  reils  à  ceux  qu'on  attribue  à  Protèe,  à  Xénophon ,  &c.  qui  ne  confiftoient  qu'à  re- 
„  muer  &  qu'à  troubler  l'imagination  des  fpeèlateurs  en  plalîcurs  manières.  C'eft  par 
„  de  pareilles  tromperies  que  les  démons  contrefont  la  puiflance  &  la  doftrins  des 
,,  Prophètes  (véritables:)  ce  qui  fait  dire  à  S.  Irènée  ,  Liv.  2.  Chap.  57.  (que  les 
„  démons)  tachent  à  force  de  fraudes  de  fèduire  les  infenfés  ...  en  trompant  leurs 
,,  yeux  ,  &  en  leur  faifant  voir  des  phantômes  qui  difparoilTent  en  un  inftant.  " 
Pfeudo-prophetis  figna  concednnus  qualia  Proieo  ,  Xenophonti ,  cj-c.  qni  mukimodis  fpec- 
tantium  mentes  emovebant  aut  tttrbabant ,  qualia  damoni  ,  chjus  interventtt  illi  Propbeta- 
rUm  vires  er/ientiuHtttr  &  dollrinam ,  Ircnans  ,  L'b.  2.  cap.  57.  Traudulenter  fedaccrt 
nituntur  infenfiatos  ,   oados  delu-ientes  Qr  phadtafmatu  ojfendentes  fiatim  cejfantia. 

Enfin  1;  Ledeur  vi'-nt  de  voir  qu'il  eft  prouvé  par  le  pafTage  même  de  S.  Augus- 
tin (que  M.  de  Betalèem  &  le  Nouvellifte  avoient  employé  pour  relever  à  1  excès 
le  pouvoir  du  diable,)  que  ce  malheureux  Efprit  pervers  ne  peut  pas  même  par  fou 
pouvoir  naturel  mettre  en  œuvre  tous  les  effets  que  les  caufes  fécondes  font  capables  de 
produire. 

Dd  3  Cha- 


III. 


214  CARACTrRTS    DES    PRODIGES 

Dis->EnT.  Chaque  démon  ne  peut  faire  ufage  que  èa  ponvoir  limité  qu*il  tient  de  Diew ,"  &ces- 
svrl'avjt.  ^pQj^3t5  paroiflcnt  même  avoir  perdu  par  leur  révolte  une  partie  du  poM-oir  primi- 
BEs  MiR.    ^if-qu',1,  avoient  reçu  lors  de  leur  création,  ainli  que  les  facultés  naturelles  dts  hommes 

ont  été  diminuées  &  altérées  par  le  premier  péché  d'Adam. 
SGteg.hom.      Car  les  réres  nous  enfeignent ,  que   les  démons  font  afTervis  fous  h  puiffince  des 
V.'aI'^\-v  SS.  Anges;  &  on  lit  formellement  dans  l'Evangile,  qu'ils  ne  peuvent  même  faire  au- 
deTiui.e4  ^^^^  cxcrcicc  de  leur  pouvoir  naturel  ,    pas  feulement  pour  entrer  dans  le  corps  d'une 
Viïi.s*""'   bête,  à  moins  qu'ils  n'en  reçoivent  la  permiffion  de  Dieu. 

Si  on  joint  à  ces  Vérités  ,  celle  que  nous  apprend  encore  le  Nouveau  Tefbment, 
1  Jean.  III.  que  c'cft  pour  détruire  Us  œuvres  du  diable  <^ue  le  Fils  de  Dieu  ejl  venu  dans  le  monde  : 
XIU9  Hcb.qu'»/ *î /'Vcff/*""^  <<>■'»/.•  c\\xtfAr  fi  mort  .  .fur  li  Croix  ..Ha  détruit  fon  empire , 
11.14.  &t;o).  ^  nous  a  délivrés  de  la  puiJJMce  des  ténèbres  ;  on  prendra  une  idée  du  pouvoir  dont  le 
"■  '^'  démon  depuis  cette  célèbre  époque  a  feulement   k  liberté  de  faire  ufage ,  bien   diffé- 

rente de  celle  que  veulent  nous  donner  les  Théologiens  Antifecouriftes ,  auffi  bien  que 
hs  Moliniftes ,  les  Conftitutionnaires  &  les  Confultans. 

En  effet  une  chofe  bien  remarquable ,  efl:  qucli  Religion  n'a  pas  été  plutôt  établie  dans 
le  monde,  que  tous  les  Oracles  des  faux-Dieux  ont  ceifé:  qu'on  n'a  plus  vu  que  très 
peu  de  prodiges  réels  opérés  par  l'Efprit  de  menfonge,  &  que  ces  prodiges  ont  presque 
toujours  porté  des  marques  évidentes  delafoibleflc&  de  l'impuilfance  où  ce  malheureux 
efclave  eft  à  préfent  ré.!uit. 

Cependant  fa  foibhfTe  extrême  n'a  point  abbatii  fon  orgueil.  Il  continue  toujours  de- 
chercher  les  moyens  d'en  impofer  aux  hommes  qu'il  a  féduits  &■  de  paroître  grand  \ 
leurs  yeux.  Mais  plus  il  tâche  de  fe  relever,  plus  le  Très-haut  fe  phit  à  h  rabaiffer, 
&  à  le  confondre  dans  tous  fes  projets.  Ce  qui  fait  dire  à  S.  Auguflin  ,  que  fi  Dieu 
permet  quelquefois  aux  démons  de  faire  quelque  prodige  qui  paroiffe  merveilleux  ,  ce 
n'eft  que  pour  les  couvrir  d'une  confufion  encore  plus  grande,  en  détruifant  leurs  pro- 
diges par  des  Merveilles  bien  plus  admirables.  Adhttc-  facere  qu<tdam  mira  permijji  ,  ut 
Uib.iceivit.  mirabilius  vincerentur. 

^""  Par  exemple  ,    lorfque  Dieu  a  donné  la  liberté  h  Satan  de  renverfer  pendant  quelque 

tems  refprit  des  Samaritains  par  les  preftiges  de  Simon  le  Magicien,  ce  n'a  été  qu'afin 
que  ces  Samaritains  méprifnflent  ces  vains  preftiges ,  dès  qu'ils  verroient  les  œuvres  fans 
comparaifon  plus  Merveilleufes  que  fit  S.  Philippe  au  nom  de  Jefus-Chrift.  Et  s'il  a  ac- 
cordé enfuite  à  cet  Efpnt  impofteur  h  permilTion  d'enlever  en  l'air  ce  Magicien,  ce 
n'a  été  qu'afin  que  ce  malheureux  miniftre  de   l'Ange  de  ténèbres  fût  confondu,  fût 
précipité,  &  fe  bridt  contre  terre,  dès  que  S.  Pierre  en  pria  le  Tout-puiffant. 
II.         ■  Mais   quoique  Iv  démon  fe  trouve  très  fouvent   confondu  dans  fes  pernicieux  dcs«-' 
d'bTufs'  feins   la  vanité  qui  le  ronge ,  &  le  dcfir  qui  le  brûle  de  nuire  aux  hommes  ,    lui  font 
lonnouiouis  employer  tous  fes  efforts  à  contenter  ces  deux  paffions  ,  dès  qu'il  en  a  la  permilTion; 
Sc'pulc'c°s-  &  c'cft  toujours  au  coin  de  l'un  ou  l'autre  de  ces  deux  vices  ,  que  toutes  fes  oeuvres 
tcDution.     font  marquées. 

Auflî  le  fécond  des  cnra<îléres  par  lefquels  S.  Thomas  nous  apprend  qu'on  difcemc 
tnanifcflemcnt  les  merveilles  Divines  des  faufles  merveilles  des  démons ,  eft  que  les  pre- 
mières „  font  utiles  aux  homn^s ,  telles  que  les  guérifons  d?s  maladies  c\-  autres  Mer- 
„  veilhi  femblables,  au  lien  que  celles  qui  font  l'ouvrage  des  Efprits  de  menfonge  ne 
Ini.Sent.  „  ioM  que  nuifibles  ou  de  pure  oftentation.  "  Secundo  e.v  utilitate  Jîgnorum ,  quia  ftvnn 
dift.  7.qu-  %■  ^f  ijg^os  fa^a,  fnnt  de  rcbtss  iitilibus  ,  ut  in  curât ione  infirma atum  &  httjusmodi  :  jî^na 
*"**  AUtem  fer   malos  fa£U  ,  funt  in  rébus  nocivis  vel  v.inis  .   .  .  CT  ittijîgna  per  bonos  faHm 

manifelle  poffunt  difierni  ah  bis  ejue  virtuie  d^ruonum  funt, 
S.  Bonav.      Ccft  pifcillcment  ce  que   nous  enfcigne  S.   IJonaventure.  ,,  Les  pmdiges  Divins , 
HiV' Qy'i.  »  <'"'''>  différent  aufli  de  ceux  des  démons  par  leurs  effets  ,   en  ce  que  les  œuvres  do 
'  ■^'     '  '  „  cette 


ET    DES    P  RESTI  6  E  S    D  I  A  B  0  L  I  OJV  E  S.  215 

„  cette  forte  que  font  les  démons,  font  viles  &  inutiles;  au  Jieu  que  les  Miracles  Di-   D'ssîrt. 
„  vins  font    fort  néceflaii-es  &   très  utiles."    Dijferunt  etiam  ex  parte  f^iEli ,  quia  d<e-^^^^  ^''^'^• 
}»0Hcs  faciutu   ejufmodi  vilia,   ^   wHtilia  :    miracula  vero  divina  funt   valde    neccjfaria 
(j-  utilia. 

Qui  auroit  jamais  penfé  que  M.  de  Bethléem  pourroit  trouver  le  fecret  de  tourner 
ce  pafla^e  de  façon,  qu'il  en  tireroit  avantage  en  faveur  de  fon  Siftême  ? 

Pour  venir  à  bout  d'une  entreprife  fi  difficile  ,  voici  quelle  eft  la  tradudion  qu'il 
en  fait  dans  fa  II.  Lettre. 

„  Les  miracles  de  Dieu  &  ceux   des  démons  différent  en  eux-mêmes  (il  auroit  dû  J-J-  '"^"• 
',,  mettre  far  leurs  effets)  en  ce  que  les   démons  en  font  de  vils  (fr  d'inmiles  (au  lieu  de  p.  14." 
dire  conformément  au  Texte  &  à  la  penfée  de  S.  Bonaventure ,  que  ceux  des  démons 
font  vils  &  inutiles  ,    puisque  c'eft   la  différence  que  ce  Saint  établit  pour  difccrner  les 
prodiges  Divins  de  ceux  de  l'Enfer:)  „  &  que  Dieu  (ajoute  M.  dé  Bethléem)  n'en 
„  fait  que  de  très  néceffaires ,  ou  de  fort  utiles." 

Au  refle  ce  n'eft  pas  fans  deffein  que  ce  Prélat  a  fait  cette  trsdudion  peu  exade  :  il 
a  bien  fu  en  profiter  dons  fa  III,  Lettre. 

„  Je  fai,  y  dit-il,  &  je  l'ai  remarqué  dans  ma  IL  Lettre  d'après  S.  Bonaventure  l'^-^ett. 
„  que  les  démons  opèrent  foffvem  des  prodiges  vils  &  inutiles  ;  mais ,  (ajoute-t-il) 
„  n'en  opérent-ils  jamais  d'autres  ?  Je  fai  encore ,  (continue-t-il)  que  Dieu  n'en  fait 
„  que  de  nécefTaires  on  de  fort  utiles  .  .  .  Mais  eft-ce  aflez  d'y  apercevoir  de  l'utilité 
„  pour  y  révérer  fa  main?  C'eft  (nous  reproche-t-il)  ce  que  vous  vous  êtes  imaginé. 
„  Le  démon  ne  fauroit,  félon  vous,  rétablir  des  malades  en  fanté  ,  &:  c'eft  un  genre 
„  de  Miracles  que  Dieu  feul  opère.  Répondez  donc ,  &  dites  moi  pourquoi  le  démoa 
„  ne  pourra  pas  guérir  des  malades.  " 

Ce  fera  S.  Jean  Chryfoftome  qui  lui  répondra  pour  nous  ;    &  qui  lui  foutient  que  S.Chryfoff. 
„  ceux  qui   difent  que  le  diable  peut  guérir  des  maladies  ,    combattent  la  parole  de  judi^'*  ^' 
„  Dieu  :  Ifli  vero  dicant  {diabolus)  poteji  levare  morbgs  ,    nt^Hirum   répugnantes  fentemitt 
„  divine  ;  (qu'au  contraire)  les   démons  ne  favent  que  dreîTer  des  embûches  &  nui- 
j,  re  aux  hommes  ,    &  non  pas  les  guérir  :    D^tmones  injtdiari  feiant  c^  nocere  ,   non  Id.l.  i.adr. 
„  mederi."  Jud.n.7. 

Ce  fera  S.  Irénéè,  qui  attefte  que  les  démons  ne  font  par  les  plus  grands  Magiciens  „que  s.lrén.1.2; 

„  des  illufions,  &  ne  peuvent  guérir  ni  les  malades  ,  ni  les  boiteux,  ni  les  paralyti-*^' ^  °'^"^* 

„  ques,  ni  ceux  qui  ont  une  incommodité  réelle  dans  quelque  partie  de  leur  corps  que 

„  ce  foit  :  "   ^  Neqne  in  verkate  .  .  fed  per   maçicas  illmdnes  .  »  ;    nec  enim  poffunt  *  Ci-devant 

,  .  .  .  demies  am  claHaos  atit  paraijttcos  curare  y  vel  alla  quadutm  parte  corports  vcxatos.    119. 
Ce  fera  Laftance ,  qui  avance  comme  un  principe  inconteftable,  que   „  les  démons  Laftant.  1.2. 

„  ne  peuvent  faire  rien  autre  chofe  que  nuire  :  Nihil  alittd poffttm  qttam  nocere.  cH.p.ng. 

Ce  fera  S.  Bernardin  de  Sienne  ,   qui  donne  pour  une  maxime  fondamentale  de  la  s  Ucmaj^in. 

foi,  fîdci firmitas ,  que  „  toutes  les  guérifons  miraculeuses  ne  peuvent  fe  faire  que  parScrm.l. 

la  puiCfance  Divine,  &  qu'elles  font  divers  témoignages  de  Dieu:  Oua  omnia  nijt  vir-    "'"■  '^'  ' 

tHte  divinà,  fieri  popint  ...  ér  varia  Dei  tefiimonia  funt. 

Ce  fera  le  vénérable  Pierre  Alphonfe  qui  pofe  pour  réele  luiiverfelle  &:fans  excep-  „  ,,  ,     ,- 

tion,  que  „  1  milite  des  œuvres  eit  une  preuve   claire,    certaine,    indubitable,    quetraa.adv. 

„  Dieu  en  eft  l'^.utenr;  &  que  cette  preuve  fuffit  pour  manifefter  aux  moins  attentifs,  ^"^^^i^^T* 
fi  des  merveilles  viennent  de  Dieu,  ou  Ç\  elles  n'en  viennent  point.  Car,  (ajoute- p.  »oio- 
t-il)  tout  ce  que  Dieu  frit  fur  la  Terre  d'oeuvres  de  ce  genre,  eft  utile  au  falut  des 
hommes  :  &  tout  ce  que  Satan  fait  de  tel ,  ne  fért  qu'à  fatisfaire  fa  vanité  curieufe 
(d'exciter  l'admiration),  Ainfi  l'utilité  des  hommes  eft  un  caraftére  diftinélif  qui 
fiîit  difcerner  les  Miracles  Divins  des  prodiges  diaboliques;  pnrcie  que  les  prodiges 
du  démon  ne  produifent  jamais  aticiHibiai.  "   Cfara,  c^rfa^  inétbra  ope-mnt  probdtià 


efl 


ii<S  CARACTE'RES    DES    PRODIGES 


mentis  divina  mirACuU  utiliras  humana ,  quia  femper  VACua  fur»  prodigia  diaboli 
Ibid.iP  ion.  „  Y  a-t-il  jamiis  eil  quelque  malade  (s'ccrie  ce  grand  Théologien)  qui  ait  été  guéri 
,,  parles  fraudes  de  Satan  &par  fes  enchantemens  trompeurs?  Y  a-t-il  quelque  miférable 
„  qui  ait  reiju  du  foulagement  par  de  tels  remèdes?  "  Ojtis  enim  ager  ijtis  fatMna  fallaciis 
fallcHtibuf^ue  figmcntis  uncjM.im  curât  us  tji?  Cm  mifero  taiibus  remedns  fubventum  ejl  ? 

„  Le  démon  (ajoute-t-il,)  n'a  ni  puifTance  ni  volonté  par  rapport  à  ces  fortes  de 
„  chofes.  Car  il  n'a  jamais  eu  aucune  volonté  de  faire  du  bien  aux  hommes ,  &  il  n'a 
„  jamais  eu  aucune  puilTance  de  réparer  ce  qui  eft  brifé,  ni  de  guérir  ce  qui  eft  cor- 
„  rompu."  Dcfecit  circa.  ifta  oimninù  dtmonica  pote»tia  pariter  c^  volnntas  :  quia  nec 
vclle  unquam  eis  adfuit ,  mortalihus  confulcndi ,  nec  potejias  aliqua  fra^a  reparandi ,  vcl 
corrupta  medendi. 
ifcid.p.ioio.  AuOTi  ce  favant  Théologien  donne-t-il  pour  maxime,  que  „  bs  prodiges  de  la  ma- 
„  gie  font  toujours  faux  &  trompeurs  :  qu'ils  ne  préfentent  rien  de  vrai  :  qu'Us  ne 
„  produifent  rien  de  réel,  &  qu'Us  ne  font  qu'abufer  les  fens"  .  AUgica  prodigia  fem- 
per falfa  funt  cr  fallentia ,  nihil  verum  exhibent  :  nihil  folidum  prxjïant  :  fallunt  fenfus 
humanos. 
Ibid.  „  La  paiffance  migique  (dit-il  encore)  n'eft  propre  qu'à  préfenter  des  phantômes 

„  aux  yeux  des  hommes ...  &  à  faire  paroître  de  faux  fimuhcres  pour  tromper  les 
„  imbéciles:  PhantAsmata  magica  potentia  humanis  vijtbus  reprxfentat  ...  falft  fimula- 
cra  ad  Jiultos  hommes  decipiendos.  „  Le  pe.i  de  durée  de  tous  ces  phantômes  fuffit 
„  pour  faire  connoître  le  vuide  &  le  néant  de  pareils  preftiges;  car  fitôt  qu'ils  ont  pa- 
•  ..  ru  un  moment,  ils  fe  dilîipent,   ils  s'évanouiflent,  ïh  s'évaporent  comme  un  nuage, 

ou  comme  une  fumée  :  &  leur  ceifation  fubite  eft  une  démo  iftration  fenlîble  qu'Us 
n'étoient  rien  dans  le  tems  même  qu'on  les  voyoit.  Prodit  vanitatem  talium  praftigio- 
rum ,  inconfiamia  phantafmatum  confitiorum ,  qui  jlatim  ut  apparent ,  more  nebuU  vel 
fumi,  recept  fugaci  protinus  evanefcunt ,  er  qu'trn  mhil,  etiam  dum  viderentur ,  ejfent , 
oculis  fuhito  fubjlracla  demonjirant. 
IbiJp.ioii.  D'oîi  il  conclud,  que  „  tout  cela  n'eft  bon  qu'à  amufer  la  populace,  &  qu'à  re- 
„  paître  l.'S  yeux  des  infenfés:"  Nijî  populari  rifui  talia  apta  funt  :  quid  nift  flultorum 
oculos  pafcunt, 

Ainfi  voilà  donc,  félon  hs  Pcres  &  de  très  célèbres  Théologiens,  à  quoi  aboutif- 
fent  tous  les  prodiges  de  l'Enfer  :  à  nuire  aux  hommes ,  à  tromper  les  fens ,  à  forger 
des  phantômes ,  à  fatisfaire  la  méchanceté  ou  la  vanité  du  diable. 

Au  lieu  qu'au  contraire  les  Prodiges  &  les  Miracles  Divins  font  ordinairement  bien- 
faifans  de  toutes  façons  &  pour  les  âmes  &  pour  les  corps.  Audi  eft-ce  le  caradcre 
Aft.X.  5I.  diftindif  que  le  S.  Efprit  donne  aux  Merveilles  que  faifoit  le  Sauveur:  Oui  pertranjîit 
bentfaciendo  (j  fanando  infirmos.  C'eft  pareillement  V:  caraftcre  de  cette  multitude  de 
Miracles  &  de  Prodiges  que  Jefus-Chrift  fait  du  haut  de  fa  gloire  en  faveur  des  Ap- 
pellans,  tant  pour  mai.ifefter  à  l'Eglife  que  leur  Appel  eft  approuvé  dans  les  Cieux , 
que  pour  leur  rendre  plus  fcnfibles  pluficurs  Vérités  auxquelles  ils  ont  intérêt  de  faire 
une  finguliére  attention,  &  pour  leur  prédire  &  leur  peindre  de  grands  évenemens  aux- 
quels ils  doivent  fe  préparer:  Miracles  &  Prodiges  qui  éclairent  les  elprits  en  même 
tems  qu'Us  guénflent  les  corps:  Merveilles  'évidemment  Divines,  dont  la  vue  a  forti- 
fié la  foi ,  la  confiance  &  le  courage  d'un  très  grand  nombre  de  fidèles ,  &  a  converti 
une  multitude  dincrédules  &  de  pécheurs. 

C'eft  ce  qui  a  fi  fort  animé  le  diable  contre  l'oeuvre  des  Convulfions.  Mais  tous 
fcs  eiforts  font  inutiles,  quand  U  entreprend  de  détruire  des  csuvres  de  Dieu,  ou  de 

les 


ET    DES    PRESTIGES    DIABOLJOVES.  217 

les  faire  confondre  avec   les   fiennes.     Celui  dont  la  bonté  eft  infinie  éclaire  lui-même    Dissert. 
les  cœurs  fidèles,  &  ne  fouffre  pas  qu'ils  s'y   méprennent,  pouivû  qu'ils  foient  bien  ^""  ^'^"'^• 
humbles,  &:  qu'ils  aient  fouvent  recours  à  la  prière;   &  bien  loin  que  les  perfécutions  °^^     '*' 
de  toutes  les  fortes,  que  le  Prince  du  monde  charnel  excite  contre  les  inftrumens  qu'il 
plaît  au  Trèsrhaut  d'employer,  empêchent  l'exécution  des  dcfleins  du  Père  des  mifé- 
ricordes ,  tout  au  contraire  elles  proauifent  l'effet  très  falutaire  d'augmenta?  de  plus  en 
plus  les  mérites  de  la  plupart  des  perlccutés. 

Au  furplus  fi  Dieu  a  quelquefois  permis  aux  démons  de  faire  des  prodiges  qui  nous 
étonnent  &  qui  frappent  l'imagination,  ces  prodiges  trompeurs  font  toujours  très  diffé- 
rens  même  par  leur  nature,  aulfi-bien  que  par  leurs  caraétéres  &  leurs  effets,  des  pro- 
diges réellement  furnaturels  opérés  par  la  Toute-puiffance  Divine.  Ceux  des  démons  ne 
font  à  proprement  parler  que  des  tours  de  Charlatan,  qui  ne  nous  paroiffent  admira- 
bles que  parce  que  nous  n'appercevoiis  pas  les  moyens  naturels  que  ces  fubtils  impof- 
teurs  emploient  pour  les  exécuter.  Si  nous  voyions  diftinftement  ces  moyens,  tous  ces 
prodiges  diaboliques  cefleroient  de  nous  furprendre.  Ainfi  il  efl:  vrai  de  dire ,  que  le 
merveilleux  de  leurs  plus  grands  prodiges  confifte  bien  plus  dans  l'ignorance  de  celui 
qui  les  admire,  que  dans  la  puiffance  de  celui  qui  les  opère. 

Au  refte  ce  n'eil:  pas  uniquement  par  la  nature  &  les  autres  qualités  intrinfèques  des       Iii. 
prodiges  qu'on  peut  diflinguer  leur  auteur.     Il  eft  bien   vrai  que  lorsqu'un  prodige  *^""f''jr" 
palfe  abfoUiment  &  évidemment  la  vertu  de  toutes  les  caufes  fécondes,  il  n'en  faut  pas  qui  ta.taïie- 
dâvantage  pour  décider  fùrement  que  Dieu  feul  a  pu  l'opérer:  mais  dans  tous  les  pro- "oAe'îer"' 
diges  qu'il  fait ,  fa  Toute-puiffince  n'eft  pas  toujours  marquée  à  des  traits  aflez  frappans,  p;t'-.'j:csdu 
pour  que  par  cela  feul  nous  reconnoillions  toujours  fa  main  avec  une  pleine  certitude;  & 
lorfque  cette  évidence  manque ,  c'eft   par  les  autres   caraéléres  de   ces   prodiges ,  par 
leurs  circonftances ,  par  kur  objet  &  par  les  effets  qu'ils  ont  produit,   qu'il  faut  fe 
déterminer. 

.  On  peut  appliquer  exaftement  aux  Prodiges  es  que  M.  l'Evêque  de  Bethléem  dit 
très  improprement  des  Miracles,  que  le  difcememetit  de  ceux  qui  viennent  de  Dieu 
d'avec  ceux  qu'opèrent  les  démons,  peut  fe  faire  fonvent  en  conjidérant  leur  nature ,  fins 
fouvent  en  examinant  leurs  circo::jîaiices  cr  leurs  caraiîéres ,  toujours  en  faifant  attention 
k  leur  fin  (f)"  a  leurs  effets. 

Il  y  a  d'abord  une  grande  différence  à  faire  entre  les  prodiges  qui  éclattent  dans  le 
fein  del'Eglife  &  ceux  qui  paroiffent  hors  de  fon  enceinte. 

,  Les  prodiges  qui  arrivent  dans  l'étendue  de  l'Empire  de  Jefus-Chrift  oîi  il  a  promis 
de  rendre  de  tems  en  tems  fi  préfence  fenfibl#,  &  qui  s'opèrent  fur  &:  par  des  Catholi- 
ques, à  la  fuite  de  prières  adreffèes  à  Dieu,  font  cenfés  être  des  effets  de  fa  puiflance 
&  de  fa  bonté,  &  doivent  lui  être  attribués,  dès  qu'ils  ne  font  pas  faits  pour  autorifer 
des  maximes  notoirement  contraires  à  celles  de  l'Evangile  &  de  la  Tradition.  Mais 
s'il  arrivoit  qu'un  prodige  s'opèrit  par  le  miniftére  d'hérétiques,  de  Juifs,  de  Maho- 
métans,  d'Idolâtres,  ce  prodige  feroit  très  fufpect  :  généralement  parlant,  il  y  auroit 
tout  lieu  de  croire,  que  le  démon  en  feroit  l'auteur;  &  il  le  feroit  inconteftablement , 
fi  ce  prodige  étoit  fut  pour  autorifer  l.urs  erreurs  ,  ou  obtenu  par  quelque  fortilège. 

C'eft  cette  dernière  circonftance ,  c'eft  à  dire  celle  du  fortilège  ,  qui  caradérife  le  plus 
ordinairem.ent  les  prodiges  diabolique?.  C'eft  auflî  une  des  plus  décifives ,  des  plusvi- 
fibles  &  des  plus  à  h  portée  des  fimples. 

Sur  quoi  il  eft  bien  remarquable,  que  Dieu  n'accorde  prefque  jamais  au  démon  h 
permilTîon  de  faire  des  prodiqes  réels  qu'a  l'égard  &  par  le  minift'ère  de  peribnnes  qui 
font  notoirement  fous  la  puiffance  de  cetElprit  d'erreur,  au  nombre  defquds  font  fingu- 
Jiér:ment  ceux  qui  vivant  dans  la  Religion  CatTioIique,  mais  étant  encore  plus  crimiiuis 

Dijfert.  Tbm.  II.  Ee  que 


a^v.  hx:cl. 
e-  S 


2i8  CAR^CTL'RES    DES    PRODIGES 

DijsERT.qiie  des  Idolâtres,  ont  r.cours  à  cet  Lfpnt  pervers  par  d.s  pactes,  des  fortilcjes,  & 
'"*'■  *"'^' autres  fiiperftitions  &  opcrations  magique*. 

Voilà  quels  font  ceux  qui  méritent  le  plus  d'être  livrés  à  la  féduftion  des  prodi- 
ges de  Satan  ,  &  ce  u'eil  ordinairement  que  far  ces  perfo.uies  que  cet  impoftcur 
en  opère. 
S.lrfn.l,.  1  ,,  Les  prodiges  diaboliques,  dit  S.  Ircnèe^  fe  font  fur  ceux  qui  invoquent  les  dé- 
„  mous  par  des  enchantcmens  &:  autres  moyens  fuperftitievx  qu'une  cu''iofitc  perverfe 
,,   fait  employer.  "    InvocatiemlfHs  an/elicis ,  wcantationibtts  ^  aligna  prav.i  curiojîtare. 

Un  moj'cn  fi  fimple  &  i\  facile  de  difcerner  les  prodiges  réels  de  Satan ,  ne  fera  du 
goiit  d'aucim  de  ceux  qui  combattent  aujourd'hui  les  œuvres  de  Dieu,  &  qui  s'ef- 
forcent de  les  faire  prendre  pour  des  artifices  de  l'Efprit  pervers;  &  peut-être  que  ce 
moyen  fera  contredit  par  les  Théologiens  Antifecouriftes,  avec  non  moi.is  de  chaleur 
que  par  les  ConAi'utionnaires.  ^ 

Pour  tacher  de  leur  fermer  la  bouche  oppofons  leur  des  Auteurs  de  leur  pa'^ti.  M. 
a.Pjrt  dui.  h  Gros  foutient  aulTi  bien  que  S.  Irénce ,  que  Dieu  ne  permet  pas  cjue  le  démon  opère 
mii?n."'ij"  ^'•^  prodiges,  autrement  que  p^r  la   m.%gie   (j-  autres  moyens  [upcrfliiieux ^  afin   que  Us 

Elus  ne  foient  pas  entraînés  dans  l'erreur. 
T.Lctt.  p.      M,  Poncet,  quoiqu'aujourd'hui  fi  oppofc  aux  grands  Secours ,  a  néanmoins   donné 
*  ■  lui-même  pour  principe ,  qu;  le  démon  ne  fait  des    prodiges  qu'en  faveur  de  ceux  qui 

l'invoquent ,  qui  s'adrejfent  a  lui ,  qui  ont  commerce  avec  lui  ....  C7*  qu'en  vertu  d'un 
paSle  exprès  ou  tacite  fait  avec  lui ,  &  en  conféquence  de  maléfices ,  de  forts ,  de  pratiques 
fuperfliticufes. 

S'il  eft  vrai  que  Dieu  ne  permet  pas  au  démon  de  faire  aucun  prodige  réel  à  moins 
qu'o.i  n'ait  recours  à  lui  par  les  noirs  enchantemens  de  la  magie,  par  les  fortiléges  & 
autres  abominables  fupcrftitions ,  quelle  grande  difficulté  y  a-t-il  à  difcerner  les  mer- 
veilles Divines  des  prodiges  de  l'Efprit  importent? 

MM.  hs  Théologiens  Antifecouriftes  ne  voudront  pas  apparemment  en  dédire  M. 
k  ('Tos  &:  M.  Poncet:  ce  feroit  mettre  la  divifion  dans  leur  parti. 

Mais  dira-t-on ,  cette  circonftance  décifive  refte  quelquefois  cachée  dans  le  fond  du 
cceur  de  ceux  qui  s'adreffent  au  diable. 

En  ce  cas,  lorsqu'elle  ne  paroit  point,  il  y  a  toujours  de  l'aveu  même  de  M.  do 
Bethléem  quelque  autre  moyen  ajfuré  .  .  de  reconnaître  la  main  du  démon:  en  forte,  dit- 
il,  qu'une  raifon  droite  pourra  toujours  fans  le  fecours  même  de  la  révélation,  difcerner 
les  merveilles  diaboliques  a  quelqu'un  de  leurs  caractères  . . .  toujours  en  faifant  atieuiioa 
k  leur  fin  &  '^  l''<'i'^  ^Jf"'^-  * 

Ainfi  le  plus  graid  prcconifeur  des  œuvres  merveilleufes  du  diable  convient  lui-mê- 
me, que  pour  en  découvrir  la  fource  empoifonnée,  il  ne  faut  que  confidérer  attenti- 
vement, à  quelle  occafion  ces  prodiges  ont  été  faits,  quel  en  eft  h  caradcVe  ,  quel  a 
été  l'objet  de  bur  auteur,  &  quels  effets  ils  ont  effeflivement  produit;  &:  qu'en  y  ap- 
portant tous  fes  foins ,  une  raifon  droite  démêlera  toujours  s'ils  viennent  de  Dieu  ou  du 
dia;Ie. 
Ml.  reit.  de      „  Le  démon,  (dit  auiTi  l'Auteur  de  la  Recherche  de  la  vérité')  fe  trahit  toujours  par 
«i'''^ii?«\»  quelque  endroit,  di  dans  le  cas  où  il  s'agit  de  difcerner  entre  des  efprits  fi  diffcrens, 
Conv  p.  ?!■,,  il  y  a  d:s  marques  &  des  cara(fléres  diftintîTifs  &  particuliers,  par  Icfqucls  on  rccon- 
„  noit  alors  de  qu:l  genre  cft  le  furnaturel,  &  quel  en  eft  le  principe." 

En  cfRt  Dieu  ne  doit-il  pas  à  fa  bonté  de  mettre  les  fimplcs  doit  l'efprit  cft  attentif, 
&  dont  le  cœur  eft  droit,  en  état  de  n'être  pis  prefqu'invinciblcnricnt  féluits  par  des 
illufions  diaboliques,  ou  du  moins  de  ne  pas  l'être  par  le  refpcd  &  la  confiance  qu'ils 
ont  8c  qu'ils  doivent  avoir  pour  toutes  les  merveilles  qui  par  leurs  caractères  &  leurs 
circonftanccs  paroîtroient  venir  de  lui» 

Difons 


ET   t)ÉS    PRESTIGES    D  I AB  0  L  I  O^V  E  S.  zip 

Difons  préfentement  un  mot  de  l'idée  que  les  Pérès  de  l'Eglife  &  autres   célèbres   Dissert." 
Théologiens  nous  ont  donnée  des  preftiges  qui  font  la  forte  de  merveille  que  les  dé-  '"«l'aut. 
mons  obtiennent  le  plus  fouvent  la  permiffion  de  fabriquer,  parce  qu'elle  ne    confifte      ^y"^" 
que  dans  des  vifions  &  des  phantômes  qui  difparoiflent  prefque  aullitôt.  I.fec  que  le» 

Auiîî  S.  Aueuftin  nous  déclare-t-il  que  tout  l'effet  des  preftiges  n'eft  que  de  trom-  ''«'"''■="'» 
per  les  Icns  par  une  apparence  imagmaire  :  Mortalmm  Jenjus  tmagtnarm  imipcattoite  de-  j>ieft.-cs. 

ctptmt.  ,  „.  ^  -  c  .9. 

„  Ils  fafcinent  les  yeux  des  hommes  (dit  Ladance)  par  des  preftiges  qui  les  aveu-  i-ad  .>.u.  i  x. 
„  glent,  en  forte  qu'ils  ne  voient  pas  les  chofes  qui  exiil:ent,  &  qu'Us  croient  en  voir''  '■*' 
,j  qui  n'exiftent  point.  "    F'tfus  homitiHm  praftigiis  obcoecantibus  fallunt ,  ut  non  videiptt 
en,  ijua  funt ,  (^  videre  fe  putant  ilU  qu£  non  funt, 

S.  Thomas  décide  pareillement,  que  les  opérations  du  démon  dans  le  genre  merveil- 
leux, «e  conjîjlent  ordinairement  qu'à  faire  voir  des  chofes  qui  n'ont  aucune  réalité,  fei(  en  '.p-qu  iH- 
f^feintm  les  yeux  des  fpeclateurs ,  feit  en  formant  des  [peUres. 

„   Ils  fe  jouent  des  yeux,  en  leur  faifant  voir  ce  qui  n'eft  pas  (dit  S.  Irénée)  ils  s.ircat.i. 
„  font  paroître  des  phantômes  qui  ceflent  auffitôt ,  &  qni  ne  peuvent  fubfifter  qu'un  '^■3=-' 
,,  inftant.  "    Oculos  deludentes  ^  phantafmata.  oficndentes  ftatim  cejfantia,  er  ne  quidèm 
fiillicidio  temporis  perfiverantia. 

Auffi  ce  même  Saint  donne-t-il  la  confiflence  &  la  vérité,  firmitas  &  veritas ,  pour  ibij.  ^  ,, 
deux  caraftéres  par  lefquels  on  diftingue  les  merveilles  Divines  des  illufions  de  Satan. 

Jefus-Chrift  refllifcité  nous  a  manifefté  lui-même  que  ces  circonftances  font  décifi- 
ves  pour  difcerner  les  merveilles  réelles  que  Dieu  opère ,  d'avec  les  phantômes  fabriqués 
par  le  démon.  N'eft-cc  pas  en  effet  ce  qu'il  a  clairement  déclaré  à  fes  Apôtres ,  lorfqu'il 
leur  dit  de  le  toucher,  afin  qu'ils  eulle.n  une  preuve  pleinement  convaincante  de  la  réa- 
lité de  fa  rcfurredion  ?  Palpate  &  videte  quia  fpiritus  carnem  &  ojfa  non  habet  Jicut  me  ^^'^'  '^^'^• 
vide  lis  habere, 

FinifTons  cet  article  par  quelques  traits  du  tableau  que  fait  S.  Antoine  des  merveilles 
diaboliques  dans  ce  beau  Difcours  rapporté  dans  fa  Vie  écrite  par  S.  Athanafe,&  où  S. 
Antoine  inftruit  fes  difciples  de  l'idée  qu'ils  doivent  avoir  de  l'impuiffance  oii  les  dé- 
mons font  préfentement  réduits. 

,,  Les  phantômes,  dit-il,  an  ih  nous  font  voir  ...  ne  font  pas  à  craindre,  puifqu'ils  ^'■"''S.  \n- 
„  S  evanouiflent  foudain,  lors  principalement  que  nous  nous  armons  de  la  foi  &  du  fi-trad.  par  tu. 
„  gne  de  la  Croix  ...  Ce  ne  font  que  de  vaines  illufions  qui  n'ont  rien  du  tout  de  "'AnJ'Hy- 
„  véritable ...  Lorfque  Notre  Seigneur  eft  venu  au  monde,  il  a  terraffé  cet  ennemi  de 
„  notre  falut  &  toutes  fes  forces  ont  été  détruites. 

„  (Les  démons  n'ayant  plus)aucune  force,  tout  leur  pouvoir  fe  réduit  à  nous  menacer, 

„  A  caufe  qu'ils  ne  peuvent  rien,  ils  femblent  jouer  fur  un  Théâtre  .  .  comme  pour 
„  étonner  des  enfans,  par  (une)  muhitude  de  phantômes  &  de  viiions  :  ce  qui  témoi- 
j,  gnant  leur  extrême  foibleffe,  nous  oblige  encore  davantage  à  les  méprlfer.  " 

En  effet  qu'y  a-t-il  de  plus  méprifable  que  des  illufions  qui  n'ont  rien  de  réel  & 
qu'on  diffipe  auffitôt  avec  le  fignc  de  la  Croix,  pourvii  qu'on  le  falTe  avec  une  gran- 
de foi  &  une  grande  confiance  ? 

Il  eft  vrai  que  Jéfus-Chrift  nous  a  déclaré  lui-même  que  l'Aiitechrift  &  fes  faux-        ''^• 
Prophètes  feront  de  grands  prodiges,  en  forte  que  les  Elus  feroient  eux-mêmes  fcduits  pcrLnuus*^' 
fi  cela  étoit  polTible  :  mais  en  même  tems  il  nous  a  fait  avertir  par  S.  Paul  que  tous  ces'^'^"!'""'  j" 
prodiges  feront  trompeurs,  foit  parce  qu'ils  ne  feront  qu'impofture,  qu'artifice  i\:  querAnuduii». 
menfonge,  foit  parce  que  ce  ne  feront  point  de  vrais  Miracles ,  mais  des  preftiges  "de 
pure  oftentation,  &  des  prodiges  malfaifans ,  efli-ayans  &  terribles:  toutes  œuvres  d'un 
caradlcre  diamétralement  oppofé  aux  Miracles  de  Jefus-Chrift. 

Le  Sauveur  du  monde  ne  voulant  qu'infpirer  la  charité  n'a  fait  que  des  gucrifons 

Ee  2,  '  ^  Mira- 


3> 
>> 
>> 


i:o  CuiRACTERES     DES    PRODIGES 

iJiisERT.  Miraculeufcs,  des  créations  utiles  &  des  réfurreftions.    L'objtt  au   contraire  de  l'An- 

suRL  AUT.  jçj.pjj.j^  fera  de  fe  faire  adorer  de  gré  ou  de  force,  de  paroitre  grand  aux  yeux  des 

hommes  en  remuant  leurs  fens  &  frappant  leur  imagination  par  de  pompeufes  merveilles, 

&:  de  fe  faire  craindre  par  de  cruels  prodiges.  Il  joindra  la  violcice  à  l'artifice,  &  il  y  a 

tout  lieu  de  croire  que  ce  fera  principalement  par  la  terreur  qu'il  fcduira  les  hommes. 

Mais  je  dois  commencer  par  appuyer  ce  que  j'avance  par  le  fentimcnt  des  Pcres  & 
autres  Auteurs  Eccléluiftiqucs  des   plus  refpeétables. 

Je  vais  d'abord  examiner  ce  qu'ils  ont  penfé  des  faux  miracles,qu'il  faut  joindre  avec 
les  preftiges ,  comme  n'ayant  rien  de  réel. 
S.Cyril.Ca-      S.  Cyrille  de  Jcrufalem  dit  que  „  Satan  fe  fervira  de  l'Antechrift  comme  d'un  in- 
i".  '  '''  °' 5>  ftrument,  &  qu'il  agira  lui-même  en  perfonne  par  fon  miniftére;  qu'il  ne  fera  pUis 
la  guerre  par  fes  miniftres  comme  auparavant,  mais  qu'il  la  fera  ouvertement  par  lui- 
même  :  (que)  pour  cet  effet  il  opérera  toutes  fortes  de  fignes  &:de  prodiges  trompeurs. 
Car  étant  le  pérc  du  menfonge,  il  fera  paroitre  des  œuvres  de  menfonge  qui  n'auront  rien 
de  réel,  en  forte  que  les  peuples  s'imagineront  voir  un  mort  reiTufcité,  quoique  ce  mort 
ne  relTufcite  point  effeéirivement;  ils  croiront  voir  marcher  des  boiteux,  &  que  des  aveu- 
„  gles  ont  recouvre  la  vue,  quoiqu'il  n'y  ait  réellement  aucune  guérifon."//4C  innttens  Sata- 
nam  eo  tanauam  injirumento  ufttrHm ,  in  propri.i  pcrfànâ  per  ipfum  operantcm  . .  J^m  non 
per  minifiros  fms  ex  more ,  fed  per  feipfnm  deinceps  bellnm  apertius  geret ,   in  omnibus  ve~ 
ro  Jïgnii  cT  prodigiii  mendacii.    Oui  enim  mendacii  pater  eft ,  mendacii  opéra  fi^is  fpecie- 
bus  ojicndet  :  ita  ut  plèbes  rejftifcitatum  mortuum  fe  videre  putent ,  qui  tamcn  non  rejfufci- 
tetur ,  c^  claudos  ambulantes ,  ^  cœcos  vifum  récipient  es  ,  cum  nulU  ejnfmodi  fi.it  fanatio. 
Thtfaur,  i-      L'Auteur  des  Dialogues  explique  affez  clairement  de  quelle  manière  1*  Antechnfl:  fera 
Tom.  5.  p.   ces  faufle5   réfurredions.    Cet   Auteur  commence    par  marqua-  quel   eft  le  caraftére 
'•'5°-  diftinftif  &  la  différence  effentielle  qu'il  y  a  entre  les  Miracles  Divins  &  les  merveilles 

diaboliques.     ,,  C'eft,  dit-il,  que  les  Miracles  qui  fe  font  au  nom  de  Jefus-Chrift  ne 
„  font  pjs  illufoires,  mais  véritables,  au  lieu  que  les  miracles  du  démon  ne  font  que 
„  des  phantômes  qui  n'ont  aucune  réalité.  "     Sigra  vero  qux  fiant  in  nomine  Domini 
noftri  yefu  Corijii ,   non  fant  phantaftica  fed  ver  a  .  .  .  figna.  vero  damoniorum  phantafii- 
ta  funt ,  non  vera.     Et  il  rapporte  enfuite  pour  exemple  des  faux  miracles  „  que  l'An- 
„  techrift  paroîtra  refTufciter  quelques  perfonnes,  non  en  réuniffant  leur  ame  à  leur 
„  corps,  mais  en  faifant  remuer  leur  cadavre  par  quelque  démon.     u4ntichrij}us  etiam 
fi  aliejuos  vidcbitur  fiifcitare  ,  non  veram  tinimum  mort  ho  corpori  fociabtt,  fed  ab  aliqno 
dtmone  cadavcr  alicjuod  faciet  vegctari. 
Cinir.dc-      Canifuis  ancien  Controvcrfifte  fort  eftimé,  pofe  pareillement  pour  ,,  premier  &:  per- 
bçat.  Vi:g^  ^^  pétuel  principe,  que  Dieu  fcul  eft  l'auteur  des  vrais  Miracles,  ainlî  que  l'attefte  le 
lï.coi.iooo  „  Plalmifte  &  que  les  faux  miracles  des  démons  ne  font  que  des  prcftiges  .  .  .  tels 
(dit-il)  que  ceux  que  firent, autrefois  les  Eichanteurs  de  Pharaon,  Simon  le  Magi- 
cien &  Apollonius  deThyane,qui  ne  confiftoicnt  qu'à  faire  voir  fauffement  de  vai- 
nes fiqurcs  qui  n'avoient  aucune  utilité.     (A  quoi  il  ajoute  que)  tels  feront  encore 
vers  la  fin  du  monde,  les  miracles  menteurs  que  feront  paroitre  l'Antechrift  &  fes 
„  faux  prophètes,  habiles  à  faire  ufag;  des  illufions  phantaftiques  que  Satan  opère.  " 
Inter  rcr.t  mirucitla  cb-  fàlft  five  mendaci.t  fignn  atque  prodigia,  difcrimcn  in  primis  ar- 
quc  pcrp-'tHO  retii.cndum  cfl  :  vera  Deum  utiqae  habent  auHorem ,  qui  Pfilmographo  tefie 
facit  mirabilia  folus  .   .   .   Fétlft  figna  funt  dimonum  praftigia  .   .   quates  jttm  olim  Aîa- 
gi  rharaoKis  (jr  Simon  Magus   er  Apollonius  Thyan^eus  .  .  .  fiiperbe  a>que  fallacirer ,  nec 
miaus  vane  absquc  omni  friiflu  oflcntarunt  :  (juales  praierrà  fib  mtitdi  finem  j-Intichri/ïus, 
ej'iique  proximi  fuccejfures  fitanicis   ludibriis  inftruili  pafiim  exhiôcbirii. 
rnr.fi-rf.      Theodnrct  dit  égilemcnt  ,,  q^e  les  miracles  que  fera  l'Antec'irift  ne  feront  point  de 
j."Tiu.ir.z. 9  „  vrais  Miracles,  mais  dci  fuperchcrlcs  pareille»  i  celles  que  font  les  joueurs  <k'  gnb:- 

„lcis, 


1» 


ET    DES     PRESTIGES     D  l  yi  B  0  L  I  V^ZJ  E  S.  :îi 

lets,  qui  font  paroitre  de  l'or  &  autres  chofes  qui  ne  font  point  véritables,  &  dont   Dissert. 

^     1  •     .".  1    r    rr,^'    "  SUR  l'aut. 

■„  on  reconnoit  bientôt  la  huilete.  p^.  ^^^^ 

S.  Jérôme  njoute  „  que  comme  la  plénitude  de  la  Divinité  a  habité  corporellement 

,,  en  Jefus-Chrift,  de  même  l'Anteclirift  aura  en  lui  toute  la  force  du  diable  &  tout  fon 

„  pouvoir  pour  faire  des  miracles  &  des  prodiges, mais  que  tout  cela  ne  fera  que  men- 

■  „  fonge.  "    Sicfit  in  Chrijîo  plenitudo  divinitatis  fuit  corporalircr ,  ita  etiam  in  ^ntichrijio 

■ûmncs  erunt  fortittidiitis  Cr  figna.  &  prodigia  fed  nniverjtt  mendacia, 

Toftat  Evêque  d'Avila  obferve  pareillement,  que  l'Antechrift  „  eii  difant  les  chofes '^''''•'"<=- M- 
■„  les  plus  faufles  contre  la  foi  Catholique,  paroîtra  les  confirmer  par  des  miracles  que  us".  '^"'  '^' 
s,,  Dieu  feul  peut  faire,  comme  de  reflufciter  des  morts  &  autres  choies  fembbbles  , 
mais  que  tout  cela  ne  fera  que  faufleté  &  n'aura  d'apparence  que  par  la  feule  illufion 
des  fens,  ainfi  que  le  dit  l'Apôtre  dans  fa  Seconde  Epître  aux  Theffaloniciens  ch. 
1.  que  l'Antechrift  viendra  accompagné  de  la  puiflance  de  Satan  avec  toutes  fortes 
de  forces,  de  fîgnes  &  de  prodiges  trompeurs.  "  FalftJJima  contra  catholicam  fidem 
proferet  <^  videhitur  confirmare  illa  per  miracula  qua  foins  Deets  faccre  potefi ,  ut  mortuos 
fufcitare  Qr  Jimilia ,  qnx  omnia  ftlja  erunt ,  c-r  per  folam  Indificationem  fenfuHm  proce- 
deyit ,  Ht  ait  ^poflolus ,  z  Thejf.  cap.  z.  Cttjus  aiventus  erit  fecundum  operationem  fatana 
in  omni  virtute  or  fignis  tr  prodigiis  mendacibus. 

Ce  pa(f^ge  de  S.  Paul  doit  faire  d'autant  plus  d  imprelKon  que  Jefus-Chrift  lui-même 
nous  alTure  que  le  diable  n'eft  que  menfonge:   Non  eft  veritas  cum  eo.  JcaaVIII. 

Auffi  plufîeurs   Pérès  de  l'Eglife   Se  autres   célèbres  Auteurs  Ecclélîaftiques,  ainfi '^*' 
que  S.  Cvrille  de  Jérufalem,  S.  Jérôme,  l'Auteur  des  Dialogues,  Canifius ,  Thcodo- 
ret ,  Toftat  &  autres  aflurent  qu'il  n'y  aura  qu'impofture,  que  fupercherie  &:  qu'illu-  . 
fion  non  feulement  dsns  les  miracles  que  fera  l'Antechrift,  c'eft  à  dire  dans  les  guérifons        .,j, 
miracuhufes  &  les  refurreâions  que  ce  miniftre  du  démon  tâchera  de  contrefaire,  mais 
aufli  dans  fes  prodiges. 

D'autres  Pérès  &  plufieurs  favans  Auteurs  ont  diftingué  entre  les  prodiges  &  les 
miracles.  A  l'égard  des  miracles  ils  fe  font  tous  réunis ,  pour  foutenir  conjointement 
avec  les  autres  Pérès  de  l'Eglife  que  ces  prétendus  miracles  ne  feront  qu'artifice  &  faus- 
fe  apparence.  Mais  ils  ont  cru  que  l'Antechrift  pourra  faire  des  prodiges  réels,  en  les 
exécutant  par  des  moyens  pris  dans  la  nature. 

,,  Bede  &  Haimon  (dit  Denis  le  Chartreux)  croient  que  l'Antechrift  fera  quelques  DionysOr- 
,,  prodiges  véritables,  qui   cependant   font  appelles  menteurs  à  caufe  de  la  fin  où  ils 'ii"^;^^tt.  35. 
,,  tendent.     En  efièt   on  lit  dans  l'Apocalypfe  XIII.  15.  que  l'Antechrift  jîf,  c'eft  à    " 
dire  qu'il  fera,  de  grands  prodiges  jufqu' a  faire  defccndre  le  feu  du  Ciel.     Mais   à  l'é- 
gard des  miracles  proprement  dits ,  qui  font  fupérieurs  à  l'ordre  &  à  tout  le  pou- 
voir de  la  nature  créée,  l'Antechrift  n'aura  pas  le  pouvoir  d'en  opérer,  ni  même  de 
les  contrefaire,  fi  ce  n'eft  peut-être  par  des   prefti^jes,  qui  n'auront  qu'une  faufle 
apparence;  car  il  eft  dit  dans  le  Pf.  71.    Béni  foit  le  Seigneur  le  Dieu  d'ifraël  qui 
,,  feul  fait  des  chofes  merveilleèÛB  :  Beda  cj-  Haimo  dicunt  qtiod  Antichriflum  faciet  alt- 
qua  vera  fîgna  ^   qudi  tamen  ex  fine  afferuntur  mendacia.    Hinc  Apoc.    75.   legitur  :  Fecit , 
id  efî  faciet  Antichriflus ,  Jîgna  magna ,  ita  ut  etiam  i^inem  faceret  de  cœlo  defcendere.   Vc- 
rumtamen  miracula  proprie  diBa ,   qud  totam  natnr<e  creata  facnltatem  ordinemqtie  exce- 
dunt ,  agcre  non  valebit ,  niji  forfan  prafitgialiter  tantum  ,   de  qmbtts  ait  Pfalmtts  "ji.    Be- 
nediElus  Dominus  Dcus  ifrael^  qui  facit  mirabilia  folus. 

Il  paroît  que  S.  Chryfoftome  étoit  auftî  de  ce  fentiment.  5.  Chi^roU 

,,  S.  Paul  (dit-il)  nous  a  annoncé  d'avance  que  l'Antechrift  fera  toute  forte  de  mira- ToIrV  pàj. 
„  des  &  de   prodiges  trompeurs  ,    afin  que  ceux  qui  vivront  alors  ne  s'y  laiffent  pas  H'5- 
„  furprendre  (en  les  regardant  comme  des  miracles  bien  réels  &  bien  véritables).   JJla 
„  prxdixit  {Pattlus  :    Lnt  tidver.tHS   yî,j!ichrij}i  in  omni  potenùÀ  &  fig^i^  (2!'  prodigiis 

E  e   3  ,,  mcndd- 


tiz  CAR^CTE'RES    DÈS    PRODIGES 

DijsERT.  jj  niendacibHs ,)  ne  feductrentur   qui  tune  viâuri  erant.    C'efl:   à  dire  (ajoute  ce  Pc're) 
suRL  AUT.  ^^  qyç  ]g  démon  fera  parade  de  toute  d  puiffjince  ,  mais  que  dans  tout  ce  qui  paroîtra 
,,  de  plus  merveilleux,  il  n'y  aura  rien  de  vrai,  &  que  tout  cela  ne  fera  qu'une  illu- 
„  lion  pour  réduire."    Hoc  cji  omnem  oflentabit  potentiaf» ,  fed  nihil  veri:  verum  omnis 
ad  feduÈliouem.    Ne'anmoins  lorfque   S.  Chryfoftome  parle  en  particulier  des  prodiges, 
il  laiiïe  dans  l'incertitude  fi  l'Apôtre  les  appelle  menteurs  ,    parce  qu'ils  ne  feront  que 
Id-homel.*.  faufTetc'  &  qu'illufion  ,    ou  parce  qu'ils  conduiront  au  menfonge.    Frodigiis  itxjnit  nun- 
ic^5&i'o76!  dacii ,    attt  ementitiis  ac  Indificantibus  ,    attt  ad  meadacinm  inducentibits.    Et  ailleurs  en 
parlant  des  miracles  des  faux-Prophétes ,  il  les  qualifie  de  faux  miracles  qui  n'ont  qu'u- 
ne vaine  rcnemblance,  &  ne  font  qu'une  ombre  des  Miracles  véritables:  Jignafalfa  .  .  . 
fimilitudo  C7  umbra  (jhxdam  virtutum. 

Mais  fi  dans  le  tems  que  Satan  aura  la  liberté  de  fe  fervir  de  toute  fa  puiflance  &  de 
toute  ion  induflrie ,  il  ne  lui  fera  pas  polîible  de  faire  des  guérifons  qui  (oient  vérita- 
blement Miraculeufes ,  &  s'il  eft  réduit  à  cet  égard  à  ne  pouvoir  rien  produire  de  réel', 
mais  feulement  de  vaines  apparences ,  dont  le  faux  ne  fera  pas  bien  difficile  à  reconnoitre 
aux  perfonnes  qui  les  examineront  avec  attention;  comment  ofe-t-on  foutcnir,  que  dans 
le  tems  qu'il  eft  encore  lié,  il  peut  opérer  des  guérifons  qui  femblent  être  de  vrais 
Miracles  ? 

A  1  égard  des  prodiges  réels  que  pourra  faire  l'Antechrift,  ceux   des  Pérès  qui  les 

admettent ,  conviennent  unanimement  que  ce  ne  feront  que  des  prodiges  d'oftentation , 

Af-of-l.xil!.  &  de  méchanceté  ,  ainfi  que  le  S.  Efprit  nous  en  a  inftruit  lui-même,  en  nous  donnant 

M  ^'f      pour  exemple  de  ces  prodiges  diaboliques  ,  que   le  principal  fera  „  de  faire  defcendre 

„  du  ciel  à  terre  du  feu  en  préfcnce  des  hommes.  (A  quoi   il  njoute)  qu'il  fera  aulTi 

_         „  donné  pouvoir  (à  cet  Efprit  impofteur)  d'animer  l'image  de  h  Bete,   de  faire  en 

,,  forte  que  cette  image  parle,   &  de  tuer  ceux  qui  n  adoreront  pas  cette  image.     Et 

fecit  flina  magna  ^  ut  etiam  ignem  faceret  de  coelo  defcendere  in  confpeflu  hominnm;  CT  da- 

trtm  eji  tlli  ut  darct  fpiritum  imagim  beflia ,   df  t*t  loquatur  imago  bejlia ,   çjr  faciat  ut  qui- 

cw/îcjHe  non  adoraverint  imaginent  bejlia,   occidentur. 

Peut-on  des  caradéres  plus  clairs  &  plus  marqués  de  prodiges  qui  n'auront  qu'un 
vain  éclat ,  qu'une  faufle  ou  funefte  grandeur  ,  &:  qui  bien  loin  d'être  utiles  aux  hom- 
mes, ainfi  que  le  font  les  Miracles,  ne  feront  faits  au  contraire  que  pour  les  forcer 
d'apoftafier  par  la  terreur  qu'ils  leur  donneront,  &  que  pour  faire  effectivement  mourir 
par  de  cruels  fupplices  ceux  qui  refuferont  d'adorer  l'image  d.i  diable  ?  Car  plufieurs 
grands  Théologiens,  &  entre  autres  S.  Anfelme  ont  penfé  que  l'Antechrift  fe  ferviroit 
de  la  permiGîon  qu'aura  le  diable  d'allumer  du  feu  dans  les  airs  ,,  pour  commander  à 
„  ce  feu  de  defcendre  du  ciel  &  de  brûler  vifs  en  fa  prclence  quelqu.s-uns  des  faints 
S.  Anrelin.  qui  Combattront  contre  lui.  Faciet  enim  tam  ftnpenda  miracula,  ut  jubeat  ignem  de  ca- 
Eiucid.  iib.    ig  defcendere ,  cr  adiierfir ios  fuos  coram  fe  confnmcre. 

Au  refte  quelque  furprenant  que  foit  ce  cruel  &  terrible  prodige,  il  eft  néanmoins 
évident  qu'il  n'eft  ,  non  plus  que  les  autres  prodigafcW'oftentation  marqués  dans  l'A- 
pocalipfe,  que  de  la  nature  de  ceux  qui  peuvent  aifcment  s'exécuter  par  tout  Efprit 
qui  a  le  pouvoir  de  mettre  jufqu'à  certain  point  la  mniére  en  mouvement. 

C'cft  l'obfervation  que  fait  le  fivant  Cardinal  Bellarmin  lur  ces  verfets  de  l'Apoca- 
lipfe,  en  employant  le  ternie  de  miraclu  pour  une  exprelfion  générique, fous  laqu.llc  il 
comprend  toute  cfpécc  de  merveilles. 
BciUrmin.  „  Je  réponds  (dit-il)  que  les  Miracles  de  l'Antechrift  ne  feront  que  des  menfonges, 
eu.'  ''  •>■>  2'"'^'  S"*  l'Apotre  le  déclare  dans  la  II.  Epitre  aux  ThelTaloniciens,  chap.  :.  parce 
„  que  ces  miracles  ne  feront  point  véritables  &  folidcs  ,  &  qu'ils  n'auront  rien  de  mer- 
,,  veilleux  qu'une  apparence  capable  d'en  impofer  aux  hommes.  Ce  ne  feront  point  des 
„  Miracles  abfoluracnt  parlant  ,  mais  feulement  des  merveilles  telLs  que  les  dcmons  en 

„pcu- 


ET    DES    PRESTIGES    D  I A  B  O  L  I  OV  E  S.  ^       22j 

,,  peuvent  faiiT  par  artifice.  C'efl  (ajoute-t-il)  ce  qui  paroît  clairement  par  le  Chapitre    Dissèrt. 

DES   MIR. 


„  15.  de  l'Apocaliplc,  dans  kquel  il  eft  pofitivement  marqué  que  les  plus  grands  mi- '"'""^"^' 


„  racles  de  rAntechrilr,  feront  de  faire  defcendre  le  feu  du  ciel  &:  de  faire  parler  l'i- 
„  mage  de  la  Betc.  Or  il  eft  manifefte  (  dit-il  encore  )  que  tout  cela  n'a  rien  que  de 
„  très  facile  au  diable.  Mais  il  n'en  eft  pas  ainfi  des  Miracles  des  Saints  ,  qui  font  de 
„  rendre  la  vqe  aux  aveugles  ,  de  guérir  des  boiteux  ,  de  rcflufciter  des  morts:  toutes 
„  chofes  qui  n^  peuvent  fe  faire  que  par  la  puiflance  de  Celui  de  qui  nous  chantons 
„  dans  le  Pfeaume  1^5  qu'il  eft  le  feul  qui  fait  de  f;randes  Merveilles."  Refpondeo ^ 
miracida  ^mkhrifli  fore  mendacia^  Ht  Apoflohis  dixit  i.  Theff.  z.  idejl  non  vera  fjr  foli~ 
da ,  fed  apparent  lit  vcl  mirabiUa  hominibas  ,  non  tamen  abfolute  fniracHU ,  qualia  arte  d<e- 
moms  fieri  pojfunt  :  id  patet  ex  Apec,  c,  1 5 .  nhi  pro  maximis  ^mtichrifii  miraculis  ponitur  ,■ 
cjHod  faciet  i^nem  de  cœlo  df/ccn:ere  er  Hi  imago  b'Jiid:  loqaatur.  H^c  amem  farilljma  elfe 
diabolo  paiain  ejl,  At  miracula  fanEloritm  funt  iiinminationes  ctcorum  ,  citrationes  claudo- 
rum ,  excitât ioncs  morttioritm ,  qua  non  niji  ejtts  virtute  fieri  pofftmt ,  de  qHo  canimus  in 
Pj.ilmo  1 5  5  :    Oui  facit  mirabiUa  magna  foins. 

En  eff.t  11  ces  prodiges  font  d'abord  éblouiffans  ,  parce  qu'ils  fnpprnt  vivement  les 
yeux  &  les  oreilles,  &  lî  le  principal  d'entr'eux  eft  d'autant  plus  capable  d'étonner 
qu'il  eft  plus  terrible,  un  peu  de  réflexion  fait,  cefier  la  première  furprife,  lorfqu'on 
penfe  à  la  facilité  avec  laquelle  le  démon  peut  les  opérer  par  des  moyens  tout  naturels. 
Car  enfin  quelle  fi  grand?  merveille  y  a-t-il  a  raflembler  le;  particules  fulphureufes  qui 
font  répandues  dans  l'air,  les  y  allumer  &  Ifs  faire  tomber  à  terre  ou  même  fur  un  hom- 
me ;  à  faire  remuer  une  figure  par  Is  moyen  d'un  démon ,  &  à  former  des  fons  près 
d'elle  qui  imitent  hs  parol;s  ?  N'eft-ce  pas  là  de  ces  prodiges ,  dont  tout  le  merveil- 
leux ne  confifte  proprement  q  l'en  ce  qu'on  ne  voit  point  la  main  qui  les  exécute  ? 

Mais  c'tft  le  deffàut  de  la  plupart  des  hommes  de  fe  laifTer  prendre  par  les  fens , 
fans  presque  confulter  les  lum.iéres  de  leur  efprit;  &  par  exemple,  fi  l'on  voyoit  un 
homme  refter  en  l'air  pendant  quelque  tems ,  la  plupart  des  gens  en  feroient  encore  plus 
furpris  &  plus  faifis  que  de  voir  une  guérifon  parfaite  opérée  en  un  moment,  d'une 
maladie  longue  &  confidérable  qui  auroit  infailliblement  détruit  plufieurs  petites  parties, 
&  qui  par  conféquent  n'auroit  pu  être  ainfi  parfaitement  guérie  que  par  la  régénération 
fubite  de  toutes  ces  parties  qui  ne  fubfiftoient  plus  ?  Cependant  il  n'y  a  aucune  com- 
paraifon  entre  ces  deux  merveilles.  La  première  n'eft  qu'un  prodige  qui  peut  aifément 
s'exécuter  par  des  moyens  naturels  ,  puisqu'il  ne  faut  que  mettre  une  multitude  de  pe- 
tits tourbillons  d'air  en  un  mouvement  aflez  rnpide  ,  pour  qu'ils  aient  la  force  de  fou- 
tenir  un  homme.  La  féconde  eft  un  vrai  Miracle,  qui  ne  peut  être  opéré  que  par  là 
Toute-puiflance  Divine. 

Mais  ce  qui  fera  que  la  féduâion  de  l'Antechrift  fera  fi  forte  &  fi  dangereufe,  c'eft 
que  le  diable  par  le  miniftére  de  cet  impie  joindra  à  une  multitude  de  prodiges  trom- 
peurs la  plus  violente  perfécution,  pour  vaincre  par  les  tourmens  ceux  qui  voudront 
lui  réfifter. 

Il  paroitque c'eft  ce  queJefus-Chrifta  voulu  nous  faire  comprendre, en  nous  avertis-     Mstth. 
faut  ,,  qu'il  s'élèvera  de  fa  ix-Chrilt  &:  de  faux- Prophètes ,  qui  feront  de  grands  prodi-^'^'*** 
„  ges  À:  des  chofes  étonnantes,  jusqu'à  féduire,  s'il  étoit  poiTible  ,  les  Elus  mêmes ...  ,1.^"^'^''^ 
„  que  les  fouffrances  &  les  affliftions  de  ce  tems  là  leront  fi  grandes,  qu'il  n'y  en  a  Marc.xiII. 
,,  point  eu  de  pareilles  depuis  le  commencement   du  monde  ...    &  que  fi  ces  jours  '9  &i^ 
„  d'affliâ:ion  n'euffent  point  été  abrégés ,  nul  n'auroit   été   fauve,  mais  qu'ils  feront 
„  abrégés  en  faveur  des  Elus.  " 

C'eft  audi  l'idée  qu:-  les  Pérès  nous  ont  donnée  de  cette  ttrrible  perfécution. 

„   L'Antechrift  ,  Ait  S.  Grégoire  le  Grand  ,    aura  permiflïon  d'exercer  fa  cruauté  en  ^'^^''^g- '^''- 
„  deux  manières.     Il  mettra  en  œuvre  la  fraude  &  la  force  dans  le  combat  qu'il  livre- îi",  job'.p/' 


fjlOÉO. 


:'.4       ,.    CARACTE'RESBES  PRODIGES 

Dissert.  ^^  ra  aux  Llus:  b  force  en  fe  fervant  de  toute  fa  puilTauce,  la  fraude  en  faifant  des 

vR  l'aut.                                    -     -                         -            -  -      -  ... 

ntâ   MIK.        " 


svRLAUT.      prodij^es.     C'eft  doic  avec  raifon  qu'il  elt  appelle  lion   &  trompeur  :  trompeur. 


>> 


p. Ii3i 


5> 
>5 


par  une  apparence  de  miracles  :  lion ,  par  fa  force  &  fa  violence.     Savlrs  per  utra 
q;te  permitteiur  ut  contra  EUcios  i»  certamine  cr  fraude  or   virtute  lavetur:   virtitte  per 
potenliam,  frAnde  per  Jîgna.    Reile  ergo  cr  leo  C/~  injidians  dicitur  :   injidians  per  miracu'.o- 
THm  fpeciem ,   leo  pcr  fortitudinem  Jicularem. 
Ibid.iib.54.      Ce  célèbre  Père  de  l'Eglife  ajoute  encore,  que  parmi  cette  multitude   de  lâches  & 
de  mondains  qui  fe  laifleront  emporter  par  la  fcduftion  de  l'Antechrift:  ,,il  y  en  aura  un 
petit  nombre  de  juftes ,  qui  fe  rappellant  les  paroles  des  Prophètes,  &  fe  conduifant 
par  les  préceptes  de  Evangile  ,   reconnoitront   que  les  miracles  de  l'Antechrift  ne  fe- 
ront que  des  impoftures  ,    &  qu'il  n'y  aura  de  réel  que  les  fupplices  qu'il  fera  en- 
durer.    Scd  fftnt  non  multi  qui  in  niemorik  e;-  verba  Prophetica  dr  Evangelica  prttcepta 
retinentes ,  fciant  cr  fiilfa  cjfe  figna  &  "vera  Çupplicia. 

Il  fera  donc  alors  d'une  extrême  importance,  pour  n'être  point  féduit  par  les  faux 
miracles  &  les  prodiges  illuloires  de  Satan,  d'être  bien  iiftruit  &  bien  convaincu  par 
les  principes  que  nous  donnent  l'Ecriture  &  la  Tradition ,  que  toutes  les  merveilles  que 
paroitra  faire  cet  Efprit  impofteur  ne  feront  qu'artifice,  que  fourberie  &  que  menfon- 
ge,  &  qu'ainfi  elles  ne  peuvent  entrer  en  aucune  comparaifon  avec  les  .Miracles  &  les 
ProJiges  réellement  &  abfolument  furnaturels,  fur  lefquels  la  Religion  eft  établie,  & 
qui  n'ont  pli  être  produits  que  par  la  Toute-pullfance  de  Dieu. 

Car  encore  un  coup,  ce  qui  rendra  la  feJudion   de  l'Antechrift  fi  pernicicufe  &  fi 
efïi"oyabl.ment  puiifantc,  ce  fera  d'un  coté  l'éclat  tblouïflant  de  fes  faux  miracles  & 
de  fes  prodiges  d'oftentation  ,    &  d'un  autre  côté  la  crainte  que  cauferont  fes  prodiges 
cruelleme.it  meurtriers  ,    &  les  autres  fupplices  qu'il  fera  fouffiir  à  ceux  qui  refuferonc        ■ 
de  l'adorer.     Or  des   perfonnes  peu  inftruites  &  déjà  plus  qu'à  demi  vaincues  par  la       fl 
terreur,  pourront  peut-être  s'aveugler  jufqu'à   prendre  pour  de  vrais  miracles  &  même       ■ 
pour  des  merveilles  divines  les  illuiîons  diaboliques  par  le/quelles  le  démon  s'efforcera       " 
de  les  féduire;   parce  que  l'effroi  qui  s'emparera  de  leurs  âmes  leur  otera  la  liberté  d  efprit 
néceffaire  pour  examiner  la  nature  de  ces  prodiges  ,    &   les  caravfléres  manifeftes  qui  en 
découvriront  clairement  le  déteftable  auteur  ,    à  tous  ceux  qui  feront  un  pl;in  ufage  de 
leur  raifon. 

Mais  (\  d'une  paît  il  faudra  un  courage  plus  qu'humain  pour  refifter  à  cette  foduc- 
tion,  d'autre  part  elle  fera  des  plus  grolîiéres  &  des  plus  palpables. 

En  effet  comment  ne  pas  reconnoître  pour  un  miniftre  de  Satan,  un  homme  qui 

pouffera  l'impiété  jufqu'à  vouloir  fe  faire  adorer  comme  un  Dieu  ,  &:  qui  fera  fes  faux 

miracles  &:  les  prodiges  trompeurs,  non  pas  au  nom  de  Dieu  ni  de  Jefus-Chrift  ,  mais 

2. Their. II.  ouvertement  cotitre  Dieu  &  contre  fon  Chrift,  ainfi   que   S.  Paul  nous  l'a  expreffé- 

<•  ment  prédit,  en  nous  déclarant  que  ,,cet  homme  de  péché,  cet  enfuit   de  perdition 

„  combattra  contre  Dieu  &  qu'il  s'élèvera  contre  tout  ce  qui  eft  appelle  Dieu  ,    &:  ce 

,,  qui  eft  adoré,  jufquà  s'afTeoir  dans  le  temple  de  Dieu,  voulant  lui-même  paffer 

„  pour  Dieu."    Homo  peccati filins  perditionis    cjui  adverfttttr  cr  extollitur  fuptr  omne 

cjHod  diciiur  Deus ,  aut    quod  colitur ,   ita  ut   in   templo  Dei  fedeat ,  ojlendens  fe  iun(]u.im 

fit   Deus. 

Apoc  XIII.      Nous  fommcs  encore  avertis  dans  l'Apocalipfc  ,,  qu'il  ouvrira  la  bouche  pour  blas- 

,,  phcmrr  contre  Dieu  ,  pour  blasphémer  Ion  nom  &  fon  tabernacle  ,  ôc  ceux  qui  ha- 

,,  bitcnt  dans  le  Ciel.'*    Et  aperiet  os  fuHm  ii  bUsphemias  ad  Dtum ,  blasphemare  nomen 

ejus  cr  tabernadiliim  oJ"  eis  qui  in  cœlo  habit >;»■,  , 

Satan  agira  donc  vifiblement  Kii-mcme  par  le  miniOére  de  lAntechrtft,  ainfi  quedi- 

fcnt  pluficurs  Pérès,  il  fe  mi!itiera  claircnent  tel  qu'il  eft;   puisque  ce  fera  en  blasphé- 

mtiir  le  f.ii  it  nom  Jj  Dieu  qu'il  xoudra  le  fiiie  adorer.     Aiufi  au  milieu  menu  de  to  t 


ÏJ 


E7    DES    PRESTIGES    T>  1  A  B  OL  I  OV  E  S,  115 

le  fafte  de  fes  prodiges  &  de  la  'terreur  qu'ik  imprimeront ',  il  y  aura  des  caradéres  évi-  DrssERt.'^ 
dens  pour  en  reconnoître  l'origine  infernale ,  &  pour  en  découvrir  la  pernicieufe  illufion.^"'*''  *"'^* 
•  Mais  comment  M.  l'Evéque  de  Bethléem  ,   qui. ne  peut  pas  ignorer  tous  ces  Pafla-" 
ges  de  S.  Paul  &  de  l'Apocalipfe,  ofe-t-id  les diffimr.ler,  pour  précipiter  fes  Ledeurs 
dans  une  erreur  très  dangereufe;  en  leur  infînuant    que  l'Antechrift  fera  des   miracles 
véritables ,   &  en  leur  cachant  que  l'auteur  diabolique   de  fes  faux  miracles  &  de  fes 
prodiges  menteurs  fe  montrera  tout  à  découvert  par  d'horribles  blasphèmes ,  &  qu'ain- 
fi  -ce  fera  principalement  par  la  crainte  &  par  les  toiirmens  qu'il  forcera  les  hommes  de 
l'adorer  comme  un  Dieu.  Voici  tout  au  contraire  comment  raifonne  M.  de  Bethléem, 

„  Pourquoi,  dit-il,  la-féduiftion  qui  doit  arriver  dans  les  derniers  tcms,  fera-t-elle  fi  XIII.  Lett, 
^  profonde  &  fi  générale  ?  ...  C'eft  qu'on  y  raifonnera  comme  vous  raifonnez  au--^'  *'" 
„  jourd'hui  (reproche-t-il  aux  Appelons,)  C'eft  parce  qu'on  croira  que  le  démon  ne 
„  fait  point  de  miracles  :  parce  qu'on  fe  perfuadera  par  conféquent  ,  que  ceux  que  fe- 
„  ra  l'Antechrift,  feront  divins.  Qu'on  y  réflechilTe,  &  on  verra  clairement  que 
c'eft  de  cette  fource  que  coulera  la  féduéèion.  ,  Il  faut  donc  pour  l'intérêt  de  la  foi 
„  &  pour  le  faiut  des  peuples  frapper  cette  funefte  erreur  de  toutes  nos  forces.  " 

Quoil  des  fidèles  pleins  de  foi  &  éclairés  par  l'Ecriture,  prendront  pour  des  Mira- 
cles Divins  les  phantômes  de  miracles  que  fera  paroître  l'Antechrift  en  blasphémant  le 
faint  nom  de  Dieu!  Quoi!  ils  le  croiront  un  faint  Prophète  du  Très-haut ,  dans  le 
tems  qu'il  parlera  contre  Jefus-Chrift,  &  qu'il  pouffera  fon  orgueil  diabolique  jusqu'à 
s'élever  même  <?»  dejfifs  de  Dieu ,  dit  S.  Paul  ! 

-  Du  moins  une  idée  fi  contraire  au  bon  fens ,  ne  pourroit-elle  tomber  que  dans  l'efprit 
de  ceux  qui  feront  étourdis,  terrafles,  aveuglés  par  la  terreur  ,  &  qui  ne  fauront  en 
aucune  forte  diftinguer  les  prodiges  vains  ou  maliaifans  que  le  diable  peut  exécuter  par 
des  fnoyens  naturels  ,  des  Merveilles  falutaires  &  abfolument  furnaturelles  qui  ne  peu- 
vent être  opérées  que  par  une  Puiflance  fans  bornes. 

Mais  M.  l'Evêque  de  Bethléem  ne  craint  point  de  faire  les  plus  étranges  fuppofi- 
tions,  pour  ébranler  l'Autorité  des  vrais  Miracles,  pour  étouffer  dans  les  cœurs  la 
foi,  le  refpeél  &  la  foumiflîon  qu'on  leur  doit,  &c  pour  engager  aujourd'hui  les  Chré- 
tiens à  confondre  la  voix  de  Dieu  avec  celle  du  diable. 

C'eft  là  véritablement  une  erreur  funejle  qu'il  hWoit  frapper .  de  tontes  nos  forces ,  pour 
l'intérêt  de  la  fol  q)-  pour  le  falut  des  peuples. 

J'ai  déjà  obfervé  ,  que  c'eft  en  Te  conduifant  par  de  pareils  principes  ,  c'eft  à  dire 
en  fuppofant  que  Beehebut  peut  faire  de  vrais  Miracles,  que  presque  tous  les  Chefs 
de  la  Religion  Judaïque  &  même  la  plus  grande  partie  des  Juifs, 'ont  rejette  Jéfus- 
Chrift ,  &  que  ce  fera  fans  doute  encore  en  fuivant  cette  pernicieufe  fuppofition  ,  que 
la  plus  grande  partie  de  la  Gentilité  Catholique  meconnoîtra  &  profcrira  le  Prophète 
Elie,  malgré  les  Miracles  &  les  Prodiges  évidemment  Divins  qui  prouveront  qu'iU 
cft  un  Envoyé  de  Dieu. 

Voilà  ce  qui  interrefle  aujourd'hui  eifentiellement  le  falut  des  peuples ,  &  voilà  pour- 
quoi le  démon  emploie  à  préfent  tant  d'efforts  à  affbiblir  dans  l'efprit  des  Catholiques 
la  confiance  qu'ils  doivent  avoir  pour  tout  ce  que  Dieu  décide  par  des  Miracles. 

Satan  connoît  l'état  de  l'Eglife  :  il  voit  que  fes  maux  font  parvenus  à  un  période  (i 
extrême,  que  le  grand  remède  qui  doit  renouveller  fa  jeuneflê,  ne  peut  pas  être  fort 
éloigné.  Il  fait  qu'il  eft  prédit  dans  l'Ecriture,  que  presque  toutes  les  PuifTances  de  la 
Terre,  la  plupart  des  Princes  des  Prêtres ,  des  Pharifiens  &  des  Dodeurs  fe  révolteront 
contre  ce  Prophète,  ^  qu'il  n'aura  de  fon  côté  que  des  Miracles.  Il  voudroit  que  ce 
Prophète  fût  rejette  généralement  de  tous  les  Chrétiens:  &  pour  tâcher  d'y  réulfir, 
il  met  en  pratique  tous  fes  plus  fubtils  artifices ,  afin  de  prévenir  les  Catholiques  contre 
la  foumiifion  due  aux  Miracles  ,  &  de  rabaiffer  le  plus  qu'il  lui  eft  pofiTibk  l'Autoritl 
.     Dijfm.  Tom.  II.  F  f  de 


ii<î  C^RACTE'RES    DES    PRODIGES 

Dis^FRT.jg  (-çtte  voix  de  Dieu.   Combien  ne  devons-nous  pas  plaiiidie  ceux  qui  fervent  aujour- 
surl'aut.  j.j^^^l  d'iiiftrumens  à  cet  Efprit  pei-vers ,  pour  l'exécution  de  ce  fatal  projet  ? 

A  l'égard  du  tems  où  régnera  l'Antechrift  ,  ce  fera  un  tems  tout  à  fait  extraordinai- 
re ,  un  tems  oii  Satan  fera  de'lié  ,  &  où  il  aura  la  liberté  de  mettre  tout  fon  pouvoir  en 
œuvie.  Mais  malgré  cela  c'eft  s'écarter  ouvertement  des  principes  que  nous  donnent 
fur  ce  fujet  l'Ecriture  &  la  Tradition  ,  que  de  fuppofer  qu'alors  il  pourra  faire  de 
vrais  Miracles. 

Chaque  démon  n'a  retju  lors  de  fa  création  qu'une  puifTance  limitée  de  mettre 
en  mouvement  jufqu'à  certain  point  une  certaine  étendue  de  matière.  En  aucun 
tems  les  démons  ne  pourront  pafier  cette  mefure  ,  ni  rien  opéier  qui  foit  contraire  aux 
loix  primitives  &  permanentes  qui  régifTcnt  les  êtres  matériels.  Aind  en  aucun  tems  ils 
ne  pourront  rien  faire  qui  foit  effectivement  &  abfolumcnt  furnaturcl  ;  &  même  pen- 
dant l'époque  finguliére  du  régne  de  l'Antechrift  ,  ils  ne  pourront  faire  ufage  que  du. 
pouvoir  limité  ,  qu'ils  ont  d'abord  reçu.  Si  ce  pouvoir  excédait  tout  pouvoir  naturel,  dit 
l'Auteur  mcmc  du  Mémoire  Théologicjue ,  par  rapport  à  un  autre  objet,  Dieu  en  le  don- 
nant ajouteroit  a  la  nature  jinçelicjue  ,  er  ;/  feioit  par  confécjuent  une  œuvre  furnaturelle ^ 
un  Miracle ,  en  donnant  au  démon  un  pouvoir  au  delà  de  fa  nature  :  Or ,  s'écrie-t-il ,  une 
pareille  idée  cfl  inouïe. 

Au  refte  il  n'en  eft  pas  moins  vrai  ,  que  le  démon  par  des  moyens  naturels  fera  des 
prodiges  qui  frapperont  vivement  l'imagination  des  Spectateurs ,  &  qui  les  rempliront 
d'étoiinement  &  de  crainte.  Mais  pour  fe  garentir  de  la  fédu^flion  de  ces  redoutables 
prodiges,  il  femble  qu'il  devroit  fuffire  de  faire  attention  à  la  fin  pour  laquelle  ils  fe- 
ront opérés ,  puisquelle  fera  de  faire  adorer  un  blasphémateur  du  faint  nom  de  Dieu. 

Mùis ,  dira-t-on  ,  puisque  la  féduftion  de  Satan  fera  alors  fi  manifefte  ,  comment  eft- 
il  écrit  que  ces  prodiges  feroient  capables  de  féduiie  les  Elus,  fi  cela  étoit  poflîble? 

La  réponfe  n'eft  pas  difficile  :  c'efb  que  rien  d'humain  ne  fait  une  plus  forte  impres- 
fion  fur  le  coeur  des  hommes  que  la  terreur  des  fupplices  ,  la  violence  de  la  douleur  & 
l'horreur  de  la  mort;  &  que  parmi  les  Elus ,  il  y  en  a  plufieurs  qui  ne  font  point  en- 
tièrement détachés  d'eux-mêmes. 

Les  Elus  ne  font  pas  tous  parfaits  :  la  plupart ,  à  moins  qu'ils  ne  foient  foutenus  par 
une  grâce  extraordinaire  ,  ne  font  pas  aflez  courageux  pour  furmonter  de  fi  grands  ob- 
jets de  crainte ,  par  la  grâce  habituelle  que  Dieu  leur  donne.  Eh  !  quelle  peur  ne  fera 
pas  le  dijble ,  employant  toute  fa  puifTance  pour  faire  fouffrir  les  plus  cruels  tourmens 
à  ceux  qui  refuferont  de  lui  obéir  ,  &  exécutant  par  d'étonnans  prodiges  les  effets  de 
la  fureur  qu'il  exercera  contre  eux  ? 

Qui  pourra  réfifter  à  de  telles  fouffrances,  fans  être  foutenu  par  un  Miracle  de  la 
grâce  ?  Hélas  !  Satan  n'a  pas  befoin  aujourd'hui  de  préfenter  de  Ç\  puiflans  motifs  de 
terreur,  pour  faire  abandonner  la  Vérité  !  Combien  de  gens  qui  la  connoiflent ,  &  qui 
font  alfez  lâches  pour  la  retenir  captive  dans  l'injuftice  par  l'appréhcnfion  de  quelques 
difgraces  légères  ?  Ce  qu'il  y  a  de  plus  fâcheux ,  c'eft  qu'en  punition  de  cette  pre- 
mière infidélité, Dieu  les  a  par  la  fuite  livrés  la  plùpartàdes  ténèbres  pénales, qui  peu 
\  peu  leur  ont  fait  perdre  de  vue  la  lumière  ccLfte  qui  les  avoit  d'abord  éclairés.  Leur 
efprit,  au  lieu  de  les  faire  retourner  dans  la  voie  qui  mené  à  la  vie,  s'eft  rendu  l'apolo- 
gifte  &  le  vil  flatteur  de  leurs  faulTes  démarches,  &  a  employé  toute  fa  fubtilité  & 
toute  fon  induftrie  à  forger  des  prétextes  illufoires  pour  les  excufer  aux  yeux  des  hom- 
mes :  en  voulant  ainfi  en  faire  accroire  aux  autres,  il  s'eft  aveu^^lc  lui-même,  &  cft 
devenu  la  duppc  de  toutes  les  pallions  du  coeur.  Et  quoique  ces  pcrfonnes  euflent 
d'abord  clairement  fenti  par  les  premiers  remords  de  leur  confcience,  que  la  crainte  ou 
quelqu;  efpérancc  humaine  les  avoient  entraînés  contre  leurs  propres  lumières ,  à  em- 
bralTer  le  mauvais  parti  qu'elles  ont  pris  ;   plulicurs  d'cntr'cUes  font  enfin  tombées  dans 

un 


ET   DES    PRESTIGES    D  I  AB  O  L  I  O^V  E  S.  iiy 

un  fi  grand  aveuglement,  que  malgré  leurs  premières  connoiflances  ,    l'Ange  de  téné-  Dissert. 
bres  eft  venu  à  bout  de  leur  faire  prendre  un  faux  ferment  pour  une  œuvre  méritoire, '"'''•' '*"*'• 
la  condamnation  de  la  Doârine  Evangelique  pour  un  ouvrage  du  S.  Efprit  ,    une  atta-  "^^  '*"^° 
che  intrépide  aux  vrais  intérêts  de  l'Eglife  pour  une  révolte  contre  elle. 

Si  la  féduftion  fait  aujourd'hui  tant  de  progrès ,  quoiqu'il  ne  foit  pas  encore  ques- 
tion de  répandre  fon  fang  pour  la  Vérité  ,  quel  ravage  ne  fera-t-elle  pas  au  tems  de 
l'Antechrift  ,  oîi  elle  fera  armée  de  toute  la  puilTance  ,  de  la  méchanceté  &  de  la  fu- 
reur des  démons  ? 

Il  eft  vrai  que  pour  lors  elle  fera  encore  bien  plus  manifefte  qu'elle  n'eft  ai^jour- 
d'hui ,  puifque  l'Antechrift  combattra  ouvertement  contre  Dieu.  Et  fuivant  toute  ap- 
parence, c'eft  précifément  la  raifon  pour  laquelle  le  Tout-puiiTant  lui  permettra  de  fai- 
re de  grands  prodiges. 

Lorsqu'au  contraire  la  féduftion  ne  s'apperçoit  pas  auffi  clairement  ,  &  fur-tout 
lorfqu'elle  eft  comme  à  préfent ,  revêtue  de  l'apparence  d'une  Autorité  pour  qui  on  ne 
peut  avoir  trop  de  refped: ,  c'eft  à  dire  lorfque  le  plus  grand  nombre  des  premiers  Pas- 
teurs lui  ont  eux-méme  fourni  le  mafque  qui  la  fait  prendre  pour  une  Decifion  de  l'E- 
glife, par  ceux  qui  ne  font  pas  inftruits;  Dieu  n'a  garde  de  permettre  à  Satan  de  l'ap- 
puyer par  des  prodiges,  &  encore  bien  moins  par  des  guérifons  qui  auroient  une  ap- 
parence de  Miracle.  Au  contraire  fa  bonté  paternelle  pour  tous  les  cœurs  droits ,  l'obli- 
ge en  pareil  cas  de  faire  difparoître  le  phantôme  impofant  de  la  fédudion  par  1  éclat  de 
plufieurs  Miracles,  qui  faftent  vifiblement  connoître  qui  font  ceux  dans  la  bouche  des- 
quels la  Vérité  réfide. 

Dieu  eft  le  protecteur  déclaré  des  fimples  dont  le  cœur  eft  pur  &  dont  toutes  les  in- 
tentions font  droites  ,  &  généralement  de  tous  ceux  qui  ne  cherchent  que  la  vérité, 
qui  ne  défirent  que  leur  fandification  ,  &  qui  n'ont  d'autre  but  que  de  lui  plaire  ;  & 
il  ne  manque  jamais  de  venir  à  leur  fecours  ,  foit  d'une  façon  foit  d'une  autre  ,  lors- 
qu  ils  s'adreflent  à  lui  avec  confiance  &  par  de  ferventes  prières.  Comment  donc  pour- 
roit-il  permettre  qu'ils  fuflent  invinciblement  féduits  par  le  refpeft  même  &  la  confian- 
ce qu'ils  ont  pour  les  Miracles ,  en  fe  fondant  fur  ce  qu'il  a  déclaré  lui-même  qu'ils 
étoient  fa  voix  &  fon  témoignage  ? 

Dailleurs  Dieu  ne  fait  rien  &  ne  permet  rien  que  pour  fa  gloire.  Or  comment  pou- 
voir comprendre  qu'il  foit  de  fa  gloire  ,  que  fa  voix  puiflé  être  aifément  confondue 
avec  celle  du  diable  ?  Il  faut  donc  néceflairement  qu'il  y  ait  dans  tous  les  tems  des  ca- 
raftéres  reconnoiffables  &  des  différences  marquées ,  qui  faffent  difcemer  les  vrais  Mi- 
racles des  prodiges  menteurs  fabriqués  par  les  Anges  de  ténèbres. 

Au  lefte  ce  qui  doit  arriver  du  tems  de  l'Antechrift  eft  un  fait  unique  en  fon  efpé- 
ce  ,  qui  bien  loin  de  prouver  que  les  démons  aient  aujourd'hui  la  liberté  de  faire  de 
grands  prodiges,  prouve  au  contraire  que  les  prodiges  réels  doivent  communément  fai- 
re une  grande  impreffion  ,  puifque  le  S.  Efprit  a  cru  néceffaire  d'avertir  d'avance  les 
Elus,  de  ceux  que  feroit  l'Antechrift,  afin  qu'ils  ne  s'y  laiflaffent  pas  féduire. 

§.  XII,  La  fource  impure  des  prodiges  réels  ,  fenfibles  ô"  palpables  de 
l'Enfer  eft  ordinairement  facile  à  découvrir;  ^  il  y  a  toujours  des 
caractères  evidens  qui  diftinguent  manif eft  entent  les  Miracles  Tii^ 
vins  de  ces  merveilles  diaboliques. 


J 


*Ai  tout  lieu  de  craindre ,  que  l'Auteur  au  Mémoire  Théologique  fur  les  Secours  vio- 
lens  ,   &  celui  des  Nonvelles  Eccleftafticjues  ,    ne  trouvent  fort  mauvais  que  j'ofc 

Ff  i  met- 


1x8  LA  SaZJ-RCB.  VIS  PKODIGRS  DE  L'ENFER 

Dissert. mettre  cette  phnfe  eo  titré  ,  tapdis  quf  .f'eft  Cclk  de  mon  fécond  Tome  Ci.  Edition; 
suBL'AUT.j^y'jlg  ont  ciitiqiiçe  avec   le  prWs  die  vivacité.    Mais  comme  je  fuis  perfuadc ,  quela 
Uis  MIS.    p,.(^olltion  diamétralement  contradicT^oire  efl:  un  principe  foit  dangeteux  ,  je  me  crois 
oblige  pour  le  bien  dâ  mes  frères,  de  prouver  que  le  fens  de  cette  phrafeefttrès  exact  : 
que  S.  Antoine  &i  S.  Athanafe  ont  même  dounc  pour  régie  une  Propofition  fans  com- 
paraifoQ  plus  fôfta-î-  que  l'A-kitew  du  Mcmoije  ,    celui  des  Nouvelles  ,   &  les  autres 
Tjic'qlogiens  AntifecQUiiiilks  cKit,cyx-mémes  peaf«  de  Jtmérae  façon  que  moi  ,  tam  qu'ils 
n'ont  point  cru  avoir  intérêt  de  rendre  problématique  la  Décifion  des  Miracles  ,   afin 
de  pouvoir  foutenir  le^r  Décifiob  QO.iitre  les  grands  Secours  :  que. les  deux  plus  célè- 
bres Théologiens  qui  leur  ioient  uiw,  ont  avancé  des  maximes  qui  vont  bien  plus  loin 
que  ma  phrafej  &>  même  qu'on  trciuve  des- principes  qui  fufifent  pom-l'ébblir,  jul- 
ques  dans  les  Ecrits  des  plus  grands  Adveril\ire5  des  Miracles  de  .ce  Siècle. 
,,,'•     ,       Auj£  pour  pouvoir  ce»>lî*rer;k  pîbrafe  en  quçftion,  qui  efb' conçue  en   ces  termes: 

L'Au'.eurdu      .     r    i      r  ■  J  j-  J,.    l'ir   r         a         J-      ■  r      i  ■  -     i' 

Memoiie  A:»jt.  la  Joitice  tmjiHre 'de  (W  proatges  at,  l  Jf.nj^r  r/f  ordinairement  facile  a  etecoitvnr; 
Jclufdct^  le  Nouvellille  a  jugé  a  propos  de  h  traveftir  en  une  Propofition  générale,  &  de  la 
Nouv.  le  préfeuter  par  ces  mots:  L^i  foitrce  impure  des  prodiges  de  L'Enfer  ejl  ordinairement  facile 
dj°Tfcu"Ari  *  découvrir  :  au  moyen  dequoi  il  donne  à  entendre  que  je  parle  en  cette  phrafe  de  tou- 
tiquc  de  h  tes  les  cfpéccs  dc  llratagémes  que  peuvent  faire  les  démons,  &  finguliérement  de  ceux 
[•/.«T.v-râ'-' oii  ces  Efprits  de  ténèbres  fe  transforment  ea  Anges  de  lumière. 

^"'4;'''  (V  Cependant  il  eft  au  contraire  évident,  que  la  phrafe  eft  relative  à  ce  qui  la  précède,, 
CD  domîa'nt'  &  qu'elle  n'cft:  que  la  conclufion  de  ce  que  j'avois  prouve  auparavant  :  que  Dieu  feul 
V"a  un""  Z'^"'  /î/Vf  de  vrais  Aiiracles  :  que  ces  Miracles  ont  des  caraUéres  qui  les  diflinçuent 
propofiiion  manifeftcmcnt  des  prodiges  des  démons:  'c\\it la  plupart  des  merveilles  cj»  opèrent  ces  Ef- 
^" om'es^'îcs /"'"•^  impoftcurs,  n'ont  cjH  une  vaine  apparence,  qui  bientôt  fe  dijjipe  \S'  s'évapore  comme 
différentes  une  fuméi,  &  que  lorsqu'ils  font  è&%  prodiges  ç^\  ont  quelijue  réalité,  ce  Jont  des  prodi- 
ftraiagcmes  g^s  malfaifans ,  ou  du  moins  (jui  tendent  vijiblemcnt  à  injînuer  quelque  erreur,  D'oiz  je 
guc  p«"^ci"  conclus ,  quainjî  Li,fiHrce  impure  de  ces  prodiges  de  r Enfer  cji  ordinairement  facile  à 
mons.  découvrir.  * 

Je  devois  d'autant  moins  m'atttndre  que  cette  phrafe  feroit  fortement  critiquée ,  qu'élu 
le  efl  conforme  à  la  conféquence  que  S.  Thomas  tire  lui-même  des  différentes  règles 
qu'il  donne,  donc  chacune  fuifit  félon  ce  faint  Dodeur,  pour  difcemer  les  Miracles 
Divins  des  merveilles  diaboliques. 
S.  Thom.in  La  première  de  ces  règles  eft  que  Dieu  feul  peut  opérer  des  Merveilles  qui  „  furpaf- 
a.Sîni.  dift.  ^^  £-g,jj  toute,  la  vertu  ajflive'dfi  la  nature:  In  ilJis  etiam  ad  qu^  virtus  activa  nattera  fi 
„  extendit.  Ce  que  l^s  démons  (ajoutc-t-il),  ne  peuvent  faire  véritablement,  mais 
„  feulement  pa-  des  preftiges,  qui  ue  peuvent  long-tems  durer.  "  Uu<t  damants  fecun- 
dù/»  veriiatem  faccrt  non  pv(fnn[ ,  fed  in  pr^Jligiis  t.tntum,  qua  diu  dur  are  non  pojfunt. 

„La  féconde,  que  les  Merveilles  Divines  font  utiles  aux  hommes,  telles  que  les  gué - 
„  riions  des  maladi<.s  &  autres  ciiofes  femblables ,  au  lieu  que  les  merveilles  diaboli- 
„  ques  .ne  fontque  nuilibles,  ou  du  moins  vaines  &  inutiles  :  "  Secunda  ex  utilitate  Jî- 
gnorum  ,  quia  figna  pcr  bonos  facia  ,  funt  de  rébus  utiUbus  ,  ut  in  ctiratione  tnfirmitatum 
er  hujiifpjodi  .  .  Signa  autetft  per  malos  faRa ,  funt  in  rébus  nocivis  vel  vanis^ 
'  ,, ''La  troifiéme,  que  les  Merveille?  Divines  ont  pour  ifin  l'cdification  de  h  fni  8e 
„  des  bonnes  mœurs,  &  qu'au  contraire  (les  merveilles  diaboliques  tendent  manifefte- 
„  ment  à  la  ruine  de  la  foi  &  de  l'honnêteté."  Tertia  dijferentia  quatititm  ad  Jincm ^ 
quiajîi^n.t  bonorum  ordinantur  ad  adificationçm  fidti  G*  banorum  morum  ,  fed  figna  malo- 
rum  funt  in  manifcftum  nocitmentum  fidei  cr  honefatis. 

Enfia 

•  [Ccli  cvoit  daB«  1»  i.  Edition  d<i  T|on)c  IL  à  U  finuk  Y dvmt-prtfos  de  In  IV.  Partie  des  o^. 
fftvi^ons  fur  lu  Canviilfions ,  où  M.  de  Mootjyrpn  nvoit  placé  un  EJfjii  de  D.Jferia/itn  lur  le  ^c;.;..> 
4:1  Aipi  <y  du  dimtnt  à  l'égwd  des  itns  m*ïcrttli  ;  petit  Ecrit  de  8.  ou  lo.  fig«.] 


EST  ORDINAIREMENT  FACILE  A  DrCOVFRiR.       izp 

„  Enfin  la  deiTiicre  eft,  que  les   Miracles  s'obtiennent  par  des  prières  adreflees  à   Dissert. 
,,  Dien  avec  piété,  &  les  merveilles  diaboliques  par  des  pratiques  infenfces,  "  Et  qfta>t-^^^^\^i^' 
titm  ad  mvdum  diffcrunt ,  quia,  boni  operantHr  miracttla  per  mvocatioaem  divini  mminis  pie 
(^  rtver enter ,   fed  mali  cjHibusdam  deliramentis. 

D'où  ce  fàint  Dofteur  conclud  que  ,,  les  Merveilles  Divines  peuvenr  fe  difcerner 
„  manifeftement  de  tout  ce  qui  eft  opéré  par  la  puilTance  des  démons.  "  Et  itk  figna, 
per  bonos  fatia  manifejFe  pojfum  difcerni  ub  his  qu£  vtrtitte  diimoniim  fiftnt. 

Mais  pour  ma  pleine  juftification ,  il  eft  bon  que  je  fafle  encore  obferver  su  Lefteur, 
que  dans  tout  l  Avitm-propos  de  la  IV.  Partie  de  mes  Obfervarions ,  i.  Edition,  oii 
l'Auteur  du  Mémoire  Théologiqm  &  celui  des  Nouvelles  ont  pris  la  phrafe  qu'ils  criti- 
quent avec  tant  d'amertume,  il  n'y  eft  pas  dit  un  feul  mot,  ni  des  inftinds,  ni  des 
révélations ,  ni  des  vifions  prophétiques.  Tout  le  but  de  ce'  petit  Ecrit  étoit  de  prou- 
ver que  le  démon  ne  peut  point  faire  de  vrais  Mincies,  &  qu'il  eft  ordinairement  aifé 
de  diftinguer  les  Miracles  Divins  des  prodiges,  de  Satran.  Voilà  uniquement  à  quoi 
tendent  fort  diredement ,  foit  du  moins  indireflement ,  rous  les  raifonnemens  &  les  cita- 
tions de  cet  Avant  propos.  A  quoi  il  faut  encore  ajouter ,  qus  dans  plufîcurs  autres 
endroits  de  mon  fécond  Torae,  (dès  la  i.  Edition)  je  remarque  moi-même  la  difficul- 
té qu'il  y  a  très  fouvent  à  difcerner  ce  qui  vient  de  Dieu,  de  ce  qui  peut  être  une 
inftigation  du  démon,  dans  les  inftincès  des  Convulftonnaires ,  daiîs  leurs  difcours, 
leurs  prédictions,  &c  &  J£  m'avance  même  jufqu'à  dire  quelquefois  :  Onxe  peut  fat-  rYornU,  ^z. 
re  ce  difcernement  avec  une  pleine  ajfurance  que  par  un  don  d.n  S,  Efprit.  .  Prog.  p.  76. 

Il  e  donc  inconteftable ,  qcie  dans  la  phrafe  fi  violemment  cenfurée  par  ces  MM. 
&  où  je  ne  parle  que  de  prodiges  proprement  dits,  il  n'y  eft  point  du  tout  queftion  de 
ce  genre  de  fuggeftions  intérieures  de  Satan,  qui  ne  font  qu'une  imprelTion  fecrette 
dans  l'efprir,  dans  l'imagination;  &  dans  le  cœury  puisqu'au  contraire  je  dis  moi-même 
expreflement  ailleiu-s ,  que  le  principe  des  inftinâs  &  des  pi-étendues  révélations  elt 
quelquefois  n'es  difficile  à  démêler. 

Cependant  c'eft  en  affëcSant  de  confondre  cette  efpéce  intériieuTa  de^ 'ftj-atagémes  dia- 
boliqaes,  &  quelques  autres  de  pareille  nature,  avec  les  prodiges  réels,  matériels, 
fenfibles  &  palpables  que  le  démon  a  quelquefois  permiffion  de  faire,  que  l'Auteur 
du  Mémoire  Théologique  &  celui  des  Nott-jelles  prefentent  ma  phrafe ,  comme  un  prin- 
cipe pernicieux  &  propre  à  livrer  les  fidèles  k  la  fédu^ioa ,  dés  quelle  ne  fera  pas  évi-  ^°^'[-  ?^^'=J- 
dente  cr  grojfiére, .  1741.  ait.  6l 

Par  exemple,  c'eft  ainfi  que  le  Noavellifte  pour   prouver  b  Propofition  contradic- 
toire de  ma  phrafe ,  c'eft  à  dire  pour  nous  fournir  des  preuves-,  qu'il  eft  fouvent  diffi/- 
cile  de  diftinguer  les  vrais  Miracles  des  prodiges   de  l'Enfer,  nous  renvoie  aux  p3fla«^°"^'.E"'» 
ges  de  Gerfon  &:  du  Cardinal  Bona,  cités  à  la  page    155.  de   VEx.imen  de  la   ConfuUa-  ly^i.  col.  i. 
tion;  quoique  dans  cespaflages.il  n'y  foit  en  aucune   manière  parlé- de   Miracles,  ni  » '»  fi°- 
même  de  prodiges  vHibles  ,  matériels  &  fenfibles,  mais  feulement  des  révélations- &  de* 
prédiftions  qui  quelquefois  fe  trouvent  démenties  par  l'événement. 

C'eft  pareillement  en  s'appuyant  fur  cette  faufle  fuppofition,  que  l'Auteur  du  Mi'' 
maire  Théologique  fait  une  fi  violente  cenfure  de  ma  phrafe ,  &  qu'il  déplore-  enfuite  d'u- 
ne manière  f\  pathétique  &  fi  touchante,  les  excès  qu'elle  peut  decafionner,  Sflesdaur. 
gers  où  elle  précipite  les  fidèles. 

„  C'eft,  dit-il  en  parlant  de  cette  phrafe ,  un  Paradoxe  fi  oppofé  à  l'Ecriture,  à  la-  Mémoire 
,,  Tradition,  à  l'expérience,  qu'il  eft  furprenant  qu'on  (ait  ofé)  l'avancer.      Eft-cecoU°2.^"  "' 
,,  qu'on  ne  penfe  pas  (ajoute-t-il)   combien  l'Ange  de  ténèbres  eft  artificieux  pour  fe 
,,   transformer  en  Ange  de  Utmiére?  "  '.'(  lifi       i  /i  icci  Tj-:'  :•  v-' 

Quoi!  ce  favant  Dodeur  ne  fait-il  point,  que  les  Pères  de  t^Eglffë  rtOUS'Bnf  enfei- 
gnès,  que  par  ces  mots  (pris  dans  h  II  Epître  aux  Corinthiens,  thap.  Xï.  vf.  14.) 

F  f  3  S. 


îjo  LA  SOVRCE  DES  PRODIGES  DE  VENFER 

D issEKT. s.  p^ul  n'a  entendu  parler  que  des  fuggeftions  intérieures,  quelquefois  accompagnées 
*"'"-'*"'^'d'appaiitions  illulbires,  par  où  Satan  cherche  à  furprendre  les  perfonnes  de  piété,  en 
les  excitant  à  entreprendre  quelque  œuvre  ou  faire  quelque  adion  qui  n'a  qu'une  faulTe 
apparence  de  bien,  &  qui  feroit  dangereufe  pom-  leur  falut  ?  Ainli  c'eft  donc  vilible- 
ment  s'écarter  de  la  penfée  de  l' Apôtre,  de  des  termes  mêmes  de  ce  Paffage,  que  de 
s'en  fervir  pour  infinuer  que  les  Miracles  Divins,  c'eft  à  dire  les  rcfurreélions ,  les 
gucrifons  Miraculeufes,  &c.  ne  font  pas  ordinauement  faciles  à  diftinguer  des  prodi- 
ges diaboliques. 
Ibid.  ,,  Ne   fait-on  pas  réflexion,  (continue  l'Auteur  du   Mémoire)  fur  les  pièges  que 

„  l'Efprit  fcdu(5teur  cherche  à  nous  tendic,  fur  les  ftratagcmes  qu'il  eft  ingénieux 
„  à  inventer." 

Mais  cet  Auteur  ne  peut  pas  ignorer,  que  j'en  ai  averti  les  Convulfionnaires  en  ter- 
mes très  forts  dans  mon  fécond  Tome ,  puisque  lui-même  rapporte  à   la  page   fuivantc 
If^iJ.  p.  13.  de  fon  Mémoire,  que  j'ai  objervé ,  p.  55.  efue  les  Convttljîonnaires  ont    à  combattre  con- 
""■  tinHtllement  contre  des  ennemis  inviftbles ,  qui  ne  fondent  tju'à  deshonorer  L'œuvre  de   Dieu 

tr  (jit'a  fournir  aux  hommes  des  prétextes  pLmJibles  pour  la  décrier.  .  .  .  Que  cette  réfle~ 
xion  doit  les  porter  k  fe  défier  de  leurs  prétendus  injiincis ,  parce  qu'ils  peuvent  aifément 
prendre  des  tentations  de  l'Efprit  pervers  pour  des  infiin^s  de  leurs  Convulfions, 

Néanmoins  dans  la  même  page  cet  Aueur  fait  les  plus  vives  exclamations  contre  ma 
phrafe,  comme  fi  elle  tendoit  à  divinifer  indilhnâement.tous  les  inftincSs  des  Convul- 
fionnaires. 
Ibid.  p.  1?.  „  Pourquoi,  s'écrict-il ,  les  Maîtres  delà  vie  fpirituelh  nous  auroient  -  ils  donné 
mUi.&i.  ^^  tant  d'avertiriemens  de  nous  tenir  en  garde  contre  les  pièges  du  démon,  contre  fes 
,,  embûches  &  fes  preftiges?  Où  feroient  donc  ces  pièces  fi  artificieufemeut  tendus? 
„  Où  feroient  ces  em  juches  fi  difficiles  à  conioître,  fi  la  fource  de?  prodiges  del'En- 
„  fer  étoit  ordinairement  ficile  à  découvrir?  Au  milieu  des  vHîons ,  des  cxtafes,  des 
„  infimes  furnaturels  (ajoute  t-il;  des  mouvemens  extraordinaires  &  autres  prodiges 
„  de  ce  genre,  dès  là  qu'ils  feront  furnaturels ,  nous  voilà  au  large;  les  barrières  font 
„  rompues,  les  précautions  qu'on  nous  a  recommandées  deviennenr  inutiles:  les  diffc- 
„  rens  fignes  qu'on  a  apportés  pour  ce  difcernement ,  ne  font  plus  O'i  prelque  plus  de 
„  mife. .  ..  Qui  ne  voit  où  vont  fe  jetter  avec  ces  principes,  les  efprits  portés  à  l'en- 
„  tho'jfiafme?  Appliquez-les  à  la  matière  des  Convulfions,  à  tout  ce  que  difent  les 
„  Convulfionnaires,  à  tout  ce  qu'ils  demandent,  à  tout  ce  qu'ils  font.  Sitôt  qu'on  y 
„  trouvera  de  furnaturel ,  on  fera  porté  ordinairement  à  divinifer  tous  les  effets  dont  la 
„  fource  ne  fera  pas  facile  à  découvrir:  on  fera  porté  à  regarder  comme  des  oracles  &r 
„  des  merveilles  de  Dieu  tout  ce  qui  ne  fera  pas  marqué  au  coin  de  l'Efprit  infernal 
,,  p;r  des  traits  qu'il  foit  aifè  d  appercevoir." 

Qiielque  rcfpcéi  que  j'aie  pour  l'Auteur  du  Mémoire ^  je  ne  puis  m'empccher  dédi- 
re que  toute  cette  véhémente  &  brillante  éloquence  n'eft  qu'une  pure  déclamation,  puis- 
qu'elle n'a  pas  le  moindre-  fondement.  Ce  qui  eft  d'autant  plus  manifefte,  que  cet  Au- 
Ibid.  p.  1^.  teur  convient  lui-même  tout  de  fuite,  que  ,,  dans  la  II.  Partie  de  mes  Obfervations, 
<ol.  1  &  p.  ^^  p_  j^_  ^j_  édition)  j'ai  averti  que  dans  les  Convulfions  il  faut  fi  défier  du  démon^ 
„  comme  pouvant)  avoir  reçu  plus  de  pouvoir  fur  les  Convulfionnaires  cjue  fur  le  commun 
„  des  hommes  ,  parce  qu'il  efl  ajfcz.  ordinaire  que  Dieu  lui  en  donne  davantage  fur  ceux 
„  qui  font  dans  un  état  furnaturel  ...  (&  qu'il  faut)  fufpeudre  fon  jugement ,  toutes  les 
,,  fois  que  la  caufe  immédiate  d'un  effet  qui  paroit  Jiirnaturel,  ne  nous  eft  pas  clairement 
,,   marquée  par  quelque  caratlére  décifif  :  " 

N'cft-cc  pas  là  fournir  lui-même  une  preuve  complctte,  que  je  foutiens  prècifèment 
k^  Propofitions  contraires  à  celles  qu'il  m'impute  afin  de  fe  forger  un  prétexte  de  dé- 
crier mon  Ouvrage  ? 

1\ 


EST  ORDINAIREMENT  FjiCILE   A  DE'COVVRIR.       jji 

Il  eft  vrai  qu'il  ne  rapporte  ces  Textes  démon  Livre,  que  pour  infinuer  que  je  fuis   Dissert. 
en  contradiAion  avec  moi-même.    Mais  cetre  prétendue  contradidion  eft  bien  facile  ^ '"'^'-''^"^• 
concilier,  puis  qu'il  ne  faut  pour  cela  que  diftinguer  les  prodiges  vifibles,  matériels,  '"''"'*• 
fenfibies  &  palpables ,  d'avec  les  fuggeftions  intérieures  du  démon  qui   font  des  opéra- 
tions d'une  efpéce  différente,  &  que  cet  Auteur  n'auroit  pas  dii  confondre  enfemble. 

A  l'occafion  de  ceci  je  ne  dois  pas  manquer  d'obferver  au  Lefteur,  que  les  régies 
que  j*ai  propofées  dès  la  première  Edition  de  mon  fécond  Tome,  pour  faire  le  difcer- 
nement  des  impreflîons  furnaturelles  qui  viennent  de  Dieu ,  d'avec  les  fugge.lions  de 
Satan,  ont  été  d'en  conlldérer  fcrupuleufement  les  différens  caraAéres ,  d'étudier  avec 
grand  foin  h  fin  à  laquelle  elles  fe  rapportent ,  &  d'examiner  avec  toute  l'attention  dont 
on  eft  capable  les  effets  qu'elles  prod.iifent  dans  les  efprits ,  dans  les  cœurs  &  dans  les 
âmes.  Car  les  impreiTions  furnatur.lles  dont  Dieu  eft  l'auteur  tendent  toujours  à  quel- 
que bien:  par  exemple,  à  faire  éclatter  fa  gloire,  fa  toute-puiffance  &  fa  bontéj  à  prou- 
ver invinciblement  h  force  efficace  de  fa  grâce,  ou  quelque  autre  Vérité  conteftée,  ou 
à  laquelle  on  ne  fait  point  affez  d'attention;  à  convertir  des  incrédules,  à  augmenter  la 
foi  des  fidèles  :  à  remplir  leur  cœur  de  reconnoiffance  &  de  confiance  en  lui  :  à  forti- 
fier leur  courage  pour  foutenir  toute  Vérité  malgré  l'oppofition  des  hommes,  &c.  Au 
lieu  qu'au  contraire  les  inftigations  du  démon  n'ont  pour  objet  que  de  s'oppofer  aux 
deffeinsde  Dieu,  de  deshonorer  fes  œuvres,  de  rainer  ou  du  moins  d'affoibhr  les  ver- 
tus, &  de  faire  tomber  dans  quelque  erreur.  A  quoi  j'ai  ajouté,  qu'il  faut  en  même 
tems  être  véritablement  &:  intimement  convaincu  ,  que  par  nous-mêmes  nous  ne  fommes 
que  ténèbres ,  &  faire  en  conféquence  tous  nos  efforts  par  d'ardentes  &  d'humbles  priè- 
res, pour  faire  defcendre  fur  nous  la  lumière  qui  vient  d'enhaut. 

Eu-ce  donc  là  livrer  Us  fidèles  à  la  feduBion ,  dès  quelle  ne  fera  pas  évidente  cfr  vrof- 
Jieref  Eft- ce  là  d'vinifer  tous  les  ejfets  dont  la  four  ce  ne  fera  pas  facile  à  découvrir  ^   Eft- 
ce  li  rendre  inutiles  les  précautions ,  que  les  Alaîtres   de  la  vie  fpirituelle  .  .   .  nous   ont 
recommandées?  Eft-ce  là  rompre  les  barrières  qu'ils  ont  établies? 

Il  eft  vrai  que  je  pofe  pour  principe ,  que  c'eft  principalement  de  la  grâce  de  Dieu 
dont  on  doit  attendre  la  lumière,  &  que  les  plus  favans  Dofleurs  auffi  bien  que  les  au- 
tres perfonnes ,  ont  befoin  en  pareil  cas  de  recourir  à  la  prière  pour  l'obtenir  :  au  lieu 
que  les  Théologiens  Antifecouriftes  femblent  vouloir  faire  dépendre  prefque  entière- 
ment de  leur  érudition  Thèologique  le  difcernement  de  toutes  les  impreffions  furnatu- 
relles. Voilà  la  feule  différence  à  ce  fujet ,  que  je  connoilTe  entre  leurs  principes  &  les 
miens. 

Au  furplus  dans  V Avant-propos  d'où  ces  MM.  ont  tiré  la  phrafe  qu'ils  critiquent  fî 
violemment,  il  n'y  eft  pas  dit  un  feul  mot  de  ces  impreffions  furnaturelles,  ni  d'aucun 
des  ftratagémes  de  cette  efpéce  que  Satan  emploie  pour  féduire.  Encore  une  fois  il 
n'eft  uniquement  queftion  dans  ce  petit  Ecrit,  que  de  prouver  que  les  Miracles  Di- 
vins, c'eft  à  dire  les  réfurredions ,  les  guérifons  Miraculeufes ,  &:c.  ont  des  caradéres 
diftindifs ,  qui  les  font  aifément  difcerner  des  prodiges  diaboliques  :  or  qui  ofera  don- 
ner, pour  maxime  &  pour  règle,  la  Propofition  diamétrahment  contradiftoire  ? 

Cependant  fi  l'on  en  croit  le  Nouvellifte  ,  les  Théologiens  cr  tous  les  Maîtres  de  la  vie  ^'°"^-  E"- 
fpirituelle  fe  rèunifTe  contre  ma  phrafe.  Quoi  !  prétend-il  donc  qce  tous  ces  favans  per-  17,1!  ait."âl 
fonnages  ont  généralement  foutenu ,  qu'on  ne  peut  fans  être  Dofteur  diftinquer  or- 
cinairennent  la  lumière  divine  des  Miracles,  d'avec  les  prodiges  illufoires  des  Anges  do 
ténèbres?  Veut-il  nous  faire  accroire  que  fans  avoir  l'érudition  Théologique,  on  ne 
peut  difcerner  la  magnificence,  lamajefté,  la  bonté  de  Dieu  dans  les  œuvres  où  il  fait 
îînguliérement  éclatter  fa  toute-puiffance  &  d  miféricorde,  de  la  foiblelfe,  de  la  vanité, 
de  la  méchanceté  qui  font  les  caradéres  inféparables  des  prodiges  diaboliques  ? 

PoLU-  établir  une  fi  furprenante  Propofition ,  le  Nouvellifte  ne  rapporte  uniquement 

que 


jjî  L'A'  SO'URCE     DES    PRODIGES    DE     L'ENFER 

Dissert. que  k  Pacage  de  S.  Auguftin ,  QuUl  foffiytt  ftr  nMttram,  Sec.  à  l'égard  duquel  j'ai 
soKt.'AUT  prouvé  ci-deHus,  que  bien  loin  qu'il  foit  propre  à  fonder  la  critique  du  Nouvellille, 
DEsMiR.  ji  j^g  j-jjj  g^  contraire  que  reftraindre  à  de  juftcs  bornes  le  pouvoir  indéfini,  dont  ceux 
qui  veulent  aujourd'hui  fe  fouftraire  à  la  Décilion  des  Miracles,  font  préfent  au  diable. 
Mais  leNouvellifte  Se  l'Auteur  du  Mémoire  n'auroient  pas  dû  omettre  de  répondre  i 
*  I  EJ.da  une  Propofition  de  S.  Antoine  citée  dans  mon  fécond  Tome  *,  8c  qui  préfente  préci- 
Tom- "•  ^;  fément  le  fens  que  ces  MM.  attribuent  fauffement  à  ma  phrafe,  pour  avoir  un  prétexte 
lerv.  p.  5=.  de  la  critiquer. 

itcfTé^Ji      Ainfi  leur  cenfure  ne  poite  qu'a  faux  fur  ce  c^ue  j'ai  dit,  mais  elle  tombe  à  plomb 

il-,       fur  S.  Antoine,  qui  dans  ce  beau  Difcours  qu'il  a  fait  fur  l'impuiiïance  des  démous, 

^r^po°u'r'   donne  pour  principe ,  en  parlant  des  vifions ,  qui  quelquefois  viennent  de  l'auteur  de 

piiDcipc,      tout  bien  &  quelquefois  du  démon  :  *  ^«'//  eji  facile  avec  la  grAce  de  Die»  de  difcerner 

qu'il  cftfbci-    ,  ,         ^  ' 

le  de  diicci-  '«  w"  dcs  antres. 

net  les  VI-        Cependant  la  plupart  des  Théologiens  enfeignent ,  que  l'origine  des  vifions  eft  com- 
vrcEncnt  Je  munément  bien   plus  difficile  à  découvrir  &  à  déterminer  avec  certitude ,  que  l'auteur 
t>;f"'<i'"«^  des  Miracles,  &  des   prodiges  réels,  matériels  &  fenfibles,  tels  que  ceux  dont- il_;eft 
"d"oc''uic.   quefiion  dans  la  phrafe  de  mon  Avant-propos,  que  ces  M  M.  cenfurcnt  avec  un  zèle  fi  ardent. 
ÂaioioTcl'.      Si  S.  Antoine  a  bien  pu  dire ,  qu'il  eft  facile  avec  la  grâce  de  Dieu ,  fans  laquelle  on 
«i-  p-  53»     ne  peut  rien  faire  de  réellement  utile  au  falut ,  de  diftinguer  les  vifions  que  Dieu  envoie 
par  le  miniftére  des  bons  Anges,  d'avec  les  apparitions  phantaftiques  que  Satan  trouve 
le  moyen  de  faire  voir;  avec  combien  plus  de  force  n'auroit-il  pasfoutenu,  qu'il  eft 
encore  bien  plus  aifé  de  difcerner  les  Miracles  Divins  des  illufions  diaboliques  ?   Si  fe- 
rhap.15.  p.  Ion  ce  grand  Saint  qui  dit  le  favoir  par  fa  propre  expérience,  k  pernicieux  principe  des 
vifions  "procurées  par  le  démon,  eft  facile  à  démêler;   peut-on  croire  qu'il  n'ait  pas  été 
perfuadé ,  que  la  fource  impure  des  prodiges  réels  de  l'Enfer  ne  fût  encore  bien  plus  fa- 
cile a  découvrir  ? 

Mais  ce  n'eft  pas  feulement  fur  S.  Antoine  que  frappe  la  cenfure  de  ces  MM.  c'eft  auiïi 
fur  S.  Athanafe,  qui  rapporte  avec  de  grands  éloges  le  Difcours  où  S.  Antoine  pofe  & 
prouve  cette  théfc. 

Jufqu'à  préfent  S.  Athanafe  a  paffé  pour  un  des  plus  célèbres  Pérès  de  l'Eglife  &  S. 
Antoine  pour  un  des  plus  grands  Maîtres  de  la  vie  fpirituelle  :  ces  MM.  oferont-ils 
donc  aujourd'hui  leur  e.i  contefter  l'honneur?  Non  fans  doute.  Concluons  donc,  qu'u- 
ne cenfure ,  qui  retombe  fur  d'auftî  grands  Saints ,  que  tous  les  autres  qui  les  ont  fui- 
vis  ont  regardes  comme  des  lumières  brillantes,  que  Dieu  avoit  placées  dans  l'Eglife; 
ne  peut  pas  ctre  bien  fondée  ,  &  que  c'eft  être  trop  entreprenant  que  d'ofcr  critiquer 
fi  vivement  les  principes  qu'ils  ont  cnfeignés. 
■■"'•  Mais   les  Théologiens  Antifecouriftes  ont-ils  toujours  penfé,  qu'il  étoit  ordinaire- 

d« 'Thtô'io-  ment  difficile  de  diftinguer  les  Miracles  que  fait  le  Dieu  de  vérité,  des  prodiges  men- 

f'""vam'''   *^"'''  *1"^  ^^^^  '^  P^""^  ^"  mcnfonge  ? 

qu'iîs^c"  Pour  favoir  quel  a  été  d  abord  le  fentimcnt  de  ces  MM.  fur  cette  qucftion ,  il  ne  faut 

l°u's"for-  qu"  I2  puifer  dans  l'un  des  premiers  &  des  plus  beaux  Ecrits  qu'ils  aient  fait  fur  les  Miracles, 
cét.pourfou-      Voici  comme  ils  s'expriment  dans  la  I.  Lettre  qu'ils  ont  publiée  fous  le  nom  de  l'u^ù- 

lenirlcordf'  i  '  J     r'-n 

ci  lion  comte  P»  «fc />  !/'<'•  .  n  i      /•        i  t 

jcîgrandsSe-  ^^  La  preuve  des  Miracles,  difent-ds ,  eft  pour  le  fimple  peuple  une  controverfe  3- 
cof!^'bI^t'lt  „  brégéc ,  facile  &:  viftorieufe . . .  (C'eft  ainfi)que  l'Iivangile  eft  annoncé  aux  pauvres.  " 
telles  des  5j  jj,  Miracles  font  l'Evangile  des  pauvres,  il  faut  que  cet  Evangile  foit  ^i  leur  por- 

ii'f'eVp"t*'ce  tée;  fi  /•«  preuve  qui  rcfultc  des  Afir.icles  ejl  pour  le  fii,tple  peuple  nne  controverfe  abri' 
""^Le  i  &"■>  /**^'''  ^  villoriettfe,  il  faut  donc  qiie  les  fimples  (oient  en  état  de  diftinguer  par 
rÂbbe  de  tux-mcmes  les  Miracles  Divins  des  prodi^^es  de  l'Enfer;  &-  il  faut  par  conféqucnt  que 
Li'in''ii''  ^*  fource  irupure  de  ces  prodiges  diaboliques  foit  ordinairefnvft f.icile  rf  découvrir,  puis- 
que 


EST  ORDINAIREMENT  Fj4CILE  u4  -DE'COVFRIR.        ^ 

que  s'il  y  avolt  communément  de  grandes  difficultés,  leur  difcuffion  ferait  au  deffiis  de    DrssEBt, 
leur  capacité,  de  leurs  lumières,  &  même  de  leur  intelligence.  surl'aut, 

,,  Un  fimple  inftruit  de  fa  Religion  (continue  cet  Auteur)  répondra  avec  affurance  :  °^.^  "'*' 
„  je  n'entends  point  vos  fubtilités.   Je  ne  fai  ce  qile  vous  voulez  me  dire,  mais  ce  que  '"''■^'  '*' 
„  je  fai  &  ce  que  je  vois  de  mes  yeux,  c'eft  que  Dieu  fait  des  Mn-acl?s  .  .  .  &  j'en 
„  conclus  que  votre  Conflicution  ne  peut  pas  être  une  Décifion  de  l'Eglife.  " 

IVlais  ce  fimple  ne  peut-il  pas  dire  également?  Je  vois  des  Miracles  manifeftement  Di- 
vins opérés  par  les  plus  énormes  Secours:  je  vois  des  membres  eftropiés  &  contrefaits 
qui  fous  les  coups  les  plus  terribles  reprennent  peu  à  peu  une  figure  naturelle,  avec  le 
mouvement,  la  force  &  l'agilité  dont  ils  étoient  privés  depuis  long-tems;  &  fen  con- 
clus avec  aJfitrdKce,  que  c'eft  Dieu  qui  infpire  aux  Convulfionnaires  de  fe  faire  donner 
des  coups  iî  effrayans ,  puisqu'il  s'en  fert  vifiblement  pour  opérer  de  fi  grands  Mira- 
cles, ye  n  entends  point  -vos  fubtilités  ,  elles  palTent  mon  intelligence  :  vous  prétender 
qu'on  blefle  les  régies  :  on  foutient  au  contraire  ,  qu'on  fuit  celles  de  l'Evangile  :  je 
n'ai  pas  aflez  de  lumière  pour  juger  fur  vos  différens  raifonnemens ,  qui  de  vous  a  tort 
ou  raifon  ;  mais  ce  que  je  fai  ô'  <^e  que  je  vois  de  mes  yeux ,  c'efi  que  Dieu  fait  des  Mi- 
racles,  &  même  de  très  grands  Miracles  par  le  moyen  de  ces  Secours;  &  Yen  conclut 
fans  héfiter ,  que  puifqu'ils  les  emploie  pour  fa  gloire ,  &  pour  répandre  fes  bienfaits , 
il  nous  déclare  par  là  très  clairement  qu'il  les  autorife. 

Voilà  précifément  ce  cfui  bleife  les  Théologiens  Antifecouriftes,  &  ce  qui  leur  fait 
trouver  que  la  preuve  qui  réfulte  des  Miracles,  n'eft  plus  aujourd'hui  fi  claire  qu'elle 
l'étoit  il  y  a  quelques  années. 

Le  Nouvellifle  dira-t-il,  que  l'Abbé  de  L'ifle  s'eft  un  peu  trop  avancé  dans  fa  pre- 
mière Lettre.  Mais  ce  feroit  fe  mettre  en  contradidion  avec  lui-même.  Il  a  donné  à 
cette  Lettre  les  mêmes  éloges  que  le  Public  :  ainfi  il  n'y  a  nulle  apparence  qu'il  prenne 
ce  parti.  Cependant  la  Vérité  n'eft  qu'une:  elle  eft  la  même  dans  tous  les  tems;  elle  ne 
change  point  fuivant  nos  différentes  vues  &  la  diverfité  de  nos  intérêts.  Le  raifonne- 
ment  que  l'Abbé  de  L'ifle  met  à  la  bouche  du  limple,  ce  raifonnement  li  décifif  con- 
tre la  Conftitution ,  ne  l'eft  pas  moins  contre  le  fentiment  des  Théologiens  qui  réprou- 
vent les  grands  Secours."  Les  Miracles  ont  également  décidé  d'abord  contre  la  Bulle,  & 
enfuite  contre  leur  Décifion,auffi  bien  que  contre  la  Confultation  des  30.  Dofteurs. 

Mais  ne  quittons  pas  fi-tôt  des  Lettres  d'où  fortent  de  fi  grands  traits  de  lumière  & 
fi  inftruftifs.  Voici  encore  dans  la  III.  &  la  IV.  des  maximes  tout  auffi  décifives  que 
dans  la  première. 

„  Les  vrais  principes  fur  les  Miracles  (difent  les  Théologiens  Antifecouriftes  fous  iir.  ictt.  de 
„  le  nom  du  même  Abbé)  ne  font  autres  que  les  notions  communes  ...  à  la  portée  p'*,'^^.''' ^• 
„  des  hommes  groffiers ,  des  ignorans  comme  des  favans.  " 

Si  les  vrais  principes  pour  juger  des  Miracles  ne  font  autres  que  les  notions  communes 
qu'ont  les  hommes  grojfiers  &  les  ignorans  auffi  bien  que  les  favans,  tout  le  monde  eft 
donc  capable  de  diftinguer  les  vrais  Miracles  des  faux  prodiges,  pourvii  qu'on  y  falTe 
une  fèrieufe  attention,  fur-tout  que  le  cœur  foit  droit,  &  que  le  jugement  ne  foit  point 
obfcurci  par  aucun  préjugé,  ni  aveuglé  par  aucune  paffion. 

Auffi  l'Abbé  de  L'ifle  ajoute-t-il  ,,  que  les  opéiations  furnaturelles  de  Dieu  fe  font 
„  fentir  pai"  elles-mêmes  :  qu'elles  portent  des  caradlères  diftinftifs ,  qui  en  font  la 
„  preuve,  &  (que)  cette  preuve  eft  auffi  certain^  qu'elle  eft  abrégée. 

Et  il  décide  dans  une  autre  Lettre,  que  ,,  les  Miracles  étant  la  voix  de  Dieu  &  'V    Lctc.  p 
„  difcernant  aux  chofes  douteufes,  là  où   fe  trouvent  les  Miracles,  là  auffi   fe  trouve '^'' 
„  certainement  la  Vérité  &  le  fentiment  de  l'Eglife.    Que  fi  cela  n'étoit  pas.  Dieu  lui- 
„  même  induiroit  les  hommes  en  erreur,  ce  qu'on  ne  peut  fuppofer  fans  blafphême." 

C'eft  ainfi  que  les  Théologiens  Antifecouriftes  raifonnoient ,  avant  que  Dieu  eût  fait 

Dijfert.  Tom,  //.  G  g  des 


134  ^^    SOVRCE     DES    PRODIGES    DE     UEMFER 

Disss«T.4es  Miracles  par  le  moyen  des  terribles  Secours,  &  même  tant  qu'on  n'a  pas  oppofc 
suRL'AUT.j.çj  Miracles  à  leur  DcciGon.  Pendant  tout  ce  tems-là  les  Miracles  ont  été  une  preuve 
-  '  '  '  Aiijfi  C(rtai»e  <ju  ahréji^ce ,  &  itU  portée  des  hommes  grojjicrs  &  des  igmrans  :  ils  ont  été 
ia  voix  de  Diat,  qui  fe  fiait  eutendte  aux  plus  llmples,  &  qui  leur  fait  difcerner  aux 
cbofes  dotitefifes.  Jufques  là  la  Vérité. avoit  toujours  été  du  côte  où  fe  trouvent  Us  JUir- 
racles  :  c'étoit  un  blasphètne  que  de  foutenir  le  contraire ,  puifque  c'étoit  foutenir  que 
Dieit  lui-même  induifoit  les  hon/mes  en  erre/tr. 

Mjis  depuis  que  Dieu  a  prottrit  par  plufieurs  grands  Miracles  unsDécifion  que  ces 
MM.  ojit  fait  trop  précipitamment,  les  choies  font  bi;n  changées.:  la  preuve  qiii  ré- 
iiilte  des  Muacles  eft  devenue  toitt  à  coup  très  obfcure ,  &  il  n'eft  plus  permis  au  com- 
mun des  fidèles  d'en  tirer  les  confcquenccs  qui  en  naiflent  le  plus  clairement.    Il  faut 
aujourd'hui  que  tous  les  fidèles,  quelque  manifi.ftement  Divins  que  foient  les  Miracles 
qu'ils  voient ,  confuitent  MM.  les  Théologiens  Antifecouriftes ,  &  fe  foumettent  aveu- 
glément à  leur  avis,  avant  que  de  fe  prêter  à  l'imprelfion  que  ces  Miracles  font  dans 
leur  cœur;  fur-tout  Jî  ces  Miracles  s'opèrent  à  la  fuite  des  grands  Secours,  ou  qu'ils  pa- 
Nouï.Ec- '"O'fl'ent  les  autorifer.    Moi-même,  quoique  j'aie  „  fait  avec  fuccès  (  dans  mon  fécond 
çicC  du  21.  ^j  Tome,  dit  le  Nouvcllifte)  l'expofition  des  Témoignages  qui  fervent  à  proaver  les 
f!i.co\.T.   j,  Miracles-.  .  lorfquc  .  .  j'entreprends  de  tirer  de  ces  prodiges  des  conféquences  pour 
,,  la  conduite,  on  ne  peut  s'empêcher  de  voir  un  Auteur  qui  dans  des  tems  critiques 
„  &'  des  évenemens  remplis  d'obfcurités ,  n'a  pas  fenti  combien  il  eft  eflentiel  de  ne  fe 
„  conduire  que  par  les  régies  ",  c'eft  à  dire  de  preiKiie   pour  régie  le  fentiment  des 
Théologiens  Antifecouriftes.   Car  quoique  leur  Déciiîon  contre  les   grands  Secours  ne 
foit  vraiment  fondée  fur  aucun  principe,  &:  qu'elle  foit  au  contraire  diamétralement  op- 
*  Dans  le  pofée  aux  régies  de  l'Evangile,  ainfi  que  je  le  démontrerai  *,  c'eft  néanmoins  cette 
Ki'tc"ej!-'''  Décifion  que  ces  MM.  nous  doruient  pour  une  régie  irréfragable,  pour  une  régie  de 
tion,  ou  u  l'Ecriture  cr  de  la  Tradition,  .1  laquelle  tout  le  monde  eft  obligé  de  fe  foumcttre. 
ujTt'cTau'*        Mais  quoi  !  Le  petit  intérêt  qu'ont  ces  MM.  de   foutenir  une  Décilion  qu'ils  ont 
I00&  faite  dès  la   fin  de  1752.,  dans  le  tems  que  Dieu  n'avoit  point  encore  vifiblement  dé- 

claré par  un  grand  nombre  de  Gucrifons  Miraculeufes ,  que  c'eft  lui-même  qui  met 
dans  les  Convulfionnaires  une  force  prodigieufe,  &  des  qualités  évidemment  fumatu- 
rellcs  qui  les  rendent  invulnérables  à  des  coups  capables  d'écrafer  les  pierres ,  &  par 
confcquent  que  c'eft  lui  qui  leur  fait  demander  les  énormes  Secours  néceflaires  pour 
faire  paroitre  ce  Prodige  fi  admirable  :  l'intérct ,  dis-je ,  que  ces  MM.  ont  de  foutenir 
leur  Avis,  un  intérêt  fi  foible  &:  fi  léger  doit-il  l'emporter  dans  leur  cœur  fur  l'intérct 
fans  comparaiibn  plus  grand  ;  qu'ont  conjointement  avec  eux  la  Vérité,  h  Religion, 
tous  les  AppellanSjtous  les  fidèles,  que  le  Public  foit  de  plus  en  plus  convaincu  de  l'Au- 
torité Divine  qu'ont  les  Miracles,  de  décider  toutes  les  queftions  qui  peuvent  paroitre 
do'teufes  ? 

Ne  fcToit-il  pas  bien  plus  digne  d.-  leur  vertu,  au  lieu  de  changer  de  fentiment  fur  la 
foumiflfnn  qu'on  doit  à  ce  que  les  Miracles  décident,  de  convenir  avec  humilité  que 
brfqu'Hs  oat  donné  leur  Avis  centre  les  grands  Secours,  la  matière  n'étoit  pas  encore 
ad'.i  C'  l.iv.-je,  Dieu  n'ayant  point  encore  parlé  auflî  manifcftemeiit  à  cet  égard  qu'il  l'a 
fait  depuis. 

Après  toutes  les  preuves  que  ces  MM.  ont  données  de  l'étendue  de  lem-s  lumières,  & 
de  l'intrépidité  de  leur  zèle  pour  la  Vérité,  il  femble  qu'il  ne  leur  relie  pour  ache^'er 
leur  couronne,  que  de  doiiner  l'exemple  au  Public  de  la  plus  humble  foumidion  \  tou- 
tes les  Décifions  Divines. 

tn  1757.  ces  MM.  pcnfoient  encore  fur  l'Autorité  des  Mincies,  ainfî  que  j'ai  tou- 

jiurs  fait  depuis  ma  Converfion.    Us  publioieu  eux-mêmes  que  les  Miracles  dcvcicnt 

être  regardés  comme  la  voix  de  Dieu,  qu'Us  ètoicnt  le  fecours  le  plus  fenfible  que  Jé- 

.  .  (us- 


Est  0RDINJIREME?7T  FACILE  A  DE'COVFÈIR.        îjj 

fus-Chrifl:  eût  promis  à  fon  Eglife  ,  &  par  conféqrterit.aux  fimplÊs&  aux  petits  qui  '  Dissmt,. 
en  font  une  partie  coniîde'ràble;  &  que  dans  les  chofes  douteufes  ils  étoient  un  témoi- *^''^''*"''« 
gnage  decifif  &  un  moyen  infaillible  de  difccrner  la  Vérité.  desmir.. 

Pour  prouver  que  telles  étoient  encore  leurs  principes  en  1757.  je  n'ai  befoin  que  de 
rapporter  quelques  traits  de  la  Feuille  duNouvellifte  du  5.  Octobre  de  cette  année  là, 
,où  il  fait  le  précis  &  l'éloge  de  la  dernière  Pièce  de  mon  Premier  Tome  ,  intitulée 
Confé(jf{e»ces  qui  réfultent  des  Miracles  ,  &c.  Ces  MM.  ne  defavoueront  pas,  que  le 
Nouvellifte  ne  foit,  pour  ainfi  dire,  l'organe  de  leurs  fentiméns. 

Voici  comme  il  commence  ce  précis  de  fa  façon. 

„  Les  Miracles  font  la  voix  de  Dieu  ,  &  en  même  tems  la  marque  la  plus  fenfibip  ^°'^q^^' 
„  de  fa  préfence  ,  &  le  fecours  le  plus  éclattant  que  Jefus-Chrift  ait  fait  efpérer  à  fon  1737.  aie  t, 
„  Eglife.  La  promefle  n'en  eft  point  limitée.  Elle  eft  pour  tous  les  tems.  Dans  tous 
„  les  tems  les  Miracles  font  preuve  par  eux-mêmes.  Ils  font  un  témoignage  fi  décifif 
„  &  un  moyen  tellement  infaillible  pour  connoître  la  Vérité  ,  que  notre  Divin  Maî- 
,,  tre  l'a  regardé  comme  fufTlfant  pour  prouver  fa  Miffion  &  la  Divinité  de  fa  perfon- 
„  ne."  Sans  doute  que  ces  MM.  ne  contefteront  pas  que  c'eft  finguliércment  ^«jc  Luc.VHii- 
pauvres ,  aux  fimples,  aux  petits  que  Jefus-Chrift  eft  venu  annoncer  l'Evangile  ,  ainfi 
qu'il  le  déclare  lui-même.  Si  les  Miracles  ont  été  à  leur  égard  le  témoignage  décijif  ^ 
le  moyen  infaillible  que  notre  Divin  Maître  a  voulu  employer  pour  leur  faire  connoître  lu 
Vérité  &  leur  prouver  fa  Miiïion  &  la  Divinité  de  fa  perfonne  ,  il  faut  que  les  pau- 
vres &  les  fimples  foient  par  eux-mêmes  en  état  de  difcerner  ce  témoignage  d'avec  le* 
artifices  de  Satan.  Et  par  conféquent  il  faut  que  les  Miracles  Divins  aient  des  carac- 
tères aflez  décififs  ,  aflez  vifibles  ,  fenfibles  &  palpables,  pour  que  les  fimples  &  les 
pauvres  pu iflent  les  diftinguer  des  prodiges  diaboliques  par  leurs  propres  lumières. 
Car'  ceux  d'entr'eux  qui  du  tems  de  Jefus-Chrift ,  fe  font  décidés  par  l'avis  des  Pha- 
rifiens,  des  Prêtres  &  des  Doèleurs,  bien  loin  d'avoir  profité  de  h  lumière  des  Mii^a- 
clés ,  les  ont  attribués  à  Bcelzebut. 

Or,  fuivant  le  Nouvellifte,  les  Miracles  ,  .  .  {ont  four  tous  les  tems.  Se  dans  tous 
les  tems  ils  font  preuve  par  eux-mêmes.  .  .  Ils  font  la  voix  de  Dieu  .  .  .  la  marque  U 
plus  fenjible  de  fa  préfence ,  (^  le  fecours  le  plus  éclattant  que  Jefus-Chrift  ait  fait  efpérer 
k  fon  Eglife, 

Cette  voix  de  Dieu  n'eft  pas  uniquement  pour  le?  favatiS.  Elle  eft  généralement 
pour  tous  les  fidèles ,  &  fpécialement  pour  les  limples.  Il  faut  donc  que  les  fimples 
o'entre  les  fidèle^  puiffent  être  capables  dans  tous  les  tems  de  la  diftinguer  de  celle  du 
diable  ,  fans  quoi  ce  fecours  le  plus  éclattant  que  '^efus-  Chrifl  ait  fait  efpérer  k  fon  Egli- 
fe, deviendroit  inutile  pour  le  plus  grand  nombre  des  Chrétiens,  fur-tout  dans  un  tems 
de  féduftion^  tel  que  celui-ci,  où  prefque  toutes  les  Puiflfances,  &  même  prefquc  tous 
les  Miniftres  de  l'EgHfe  font  révoltés  contre  les  Miracles. 

Mais  voici  une  autre  obfervation  ,  qui  prouve  d'une  manière  encore  plus  fenfible, 
que  les  fentiméns  du  Nouvellifte  ,  &  par  conféquent  de  ces  MM.  étoient  bien  diffè- 
rens  en  1757.  de  ceux  qu'ils  femblent  avoir  à  préfent. 

C'eft  que  la  phrafe  qu'ils  cenfurent  aujourd'hui  dans  mon  Second  Tome ,  fe  trouve 
&  même  en  termes  plus  forts  &  plus  généraux ,  dans  la  dernière  Pièce  de  mon  Premier 
Tome  *  dont  en  1737.  le  Nouvellifte  faifoit  l'éloge.  «Confè- 

J'ai  dit  dans  cette  Pièce,  en  parlant  des  prodiges  diaboliques  ,    que  leur  four  ce  if^f- Tdcvid  di 
pure  efl  toujturs  évidente  par  les  circonjlances ,  au  lieu  que  dans  la  phrafe  du  Second  To-  ''i'''f,  '•''* 
me  tant  critiquée  je  dis  feulement  ,    quainji  la  fource  impure  de  ces  prodiges  de  l' Enfer  lecht. 
eft  ordinairement  facile  a  découvrir.    Or  n'eft-il  pas  évident  que  cette  phrafe  eft  plus 
reftrainte  ti  pins  limitée  que  celle  de  l'Ecrit  intitulé  Conféquenccs ,  &cc.    Celle  de  cette 
Pièce  de  mon  Premier  ToniCj  n'eft  même'exaâre  que  parce  qu'elle  n'eft  pas  une  Pro- 

G  g  2  pofi- 


» 


lj«  LA  SOVRCE  DES  PRODTOES  DE  VENFER 

Dissert,  pontion  gcnc^le,  non  plus  que  celle  de  mon  Second  Tome  ,   mais  qu'elle  eft  relative 
'^'^^'-■^^^"J  à  ce  qui  U  précède. 

""  "'_■  Cepcndjin  bien  loin  que  le  Nouvelliste  ait  critiqué  cette  phrafe  en  1757.  il  dit  que 
du  5  Otiob  l'Ecrit  où  elle  fe  trouve,  eft  une  ,,  Pièce  foliJe ,  inftruftive  (&)  que  ceux  qui  feroient 
'"'^'  „  tentes  de  penfei  que  Dieu  peut  permettre  au  démon  d'emprunter  Ton  ftcau  &:  fes  let- 

tres de  créance  (c'eft  à  dire   de  faire  des  Miracles  &  des  Prodiges  qui  paroîtroient 
Divins)  trouveront  dans  cette  dernière  partie  de  (mon)  Ouvrage ,  de  quoi  s'éclaircir 
&   fc  fixer  fur  cette  matière  :    (qu')  ils  y  trouveront  des  rèponfes  abrégées,  mais 
pcrcmptoires  à  toutes  les  objections  des  nouveaux  Pharifiens.  " 
Par  quelle  fatalité  ce  qui  en  1757.  étoit  folide ,  injlruclif,  capable  à'écUircir  &  mê- 
me ai:  fixer  fur  ce  que  Dieu  feut  permettre  an  démon  ,   eft-il  devenu  en  174.1.   f*ne  Pro- 
pejttio»  que  U  faine  Théologie  n'admettra  jamais  ? 
IV.  Prouvons  préfentement,  que  deux  des  plus  célèbres  Théologiens  ,  qui  fe   foat  unis 

l^b"s'A'u"  2UX  AntifecourifteSjM.  le  Gros  &  M.Poncet,ont  avancé  des  maximes  qui  vont  bien 
tcois  unis  à   plus  loin  quc  ma  phrafe. 

avarice  Jc»°'  M-  le  Gros  dans  fon  premier  Difcours  fur  ks  Miracles  ,  donne  pour  un  principe 
'""',™"R''' inconteftable ,  que  non  feulement  les  Miracles  proprement  dits  ,  mais  même  en  général 

ïODi  bien        ,  ,     ,Cr  r  .        >      .  t\  •  t^  r  ■  •  « 

plusioinquc  Its  œuvrts  di  Dieu  ne  jont  point  équivoques.  Il  met  même  cette  Propohtion  en  titre  ,  «S.: 
nuphraie;    ^.g  q^'j|  jJQyte  eft  cncore  plus  fort  que  la  Propofition. 

dcsprinap«s  ,,  Il  nc  taut  pas  (dit-uj  tenu-  moms  fermement  un  troilieme  prmcipe  ,  qui  eft  que 
Boml-eiabùr  )>  '"  ceuvres  de  Dieu  ne  font  point  équivoques  ^  &  qu'on  peut  toujours  les  difcerner  d'a- 
juioues  dans  ^^  vec  ccUrs  du  diable.  Il  peut  y  avoir  quelque  reiïemblance  entre  les  unes  &  les  au- 
p"sgrând5"  »  très  (à  l'èj^ard  des  proJiges: )  car  le  diable  eft  le  iTnge  de  la  Divinité  .  .  .  mais  il 
advcriaiccs  ,,  y  a  toujours  artez  de  lumière  pour  éclairer  les  cœurs  droits.  .  .  Il  y  a  toujours 
l.Diie.  fur  „  dans  les  circonftances  qui  les  accompagnent  des  railons  décifives  pour  les  attribuer 
î 'n^'si^"'"  >»  ^"  démon  ,  fi  elles  viennent  de  lui  ;  &  il  y  en  a  pour  reconnoître  celles  dont  Dieu 
,,  eft  l'Auteur.  " 

Si  c'eft  un  principe  qu'on  doit  tenir  fermement  .  .  .  que  les  œuvres  de  Dieu  ne  font 
point  équivoques  ,  .  ,  qu'il  y  a  toujours  dans  les  circonflances  .  .  ,  des  raifons  decijives  ^ 
pour  les  difcerner  d'avec  celles  du  diable  ....  &  qu'<7  y  a  toujours  ajfez.  de  lumières 
pour  éclairer  les  coeurs  droits  ;  ne  s'enfait-il  point  que  ce  n'eft  pas  trop  dire  que  d'avan- 
cer fimplement ,  que  la  fource  impure  des  prodiges  dt  l'Enfer  efi  ordinairement  facile  à  dé- 
couvrir ,  du  moins  par  ceux  qui  ont  des  difpofitions  propres  à  s'attirer  le  fecours 
du  Ciel? 

En  effet  fi  tous  les  cœurs  droits  trouvent  toujours  dans  les  circonftances ,  des  raifons 
décifives  pour  dfcemer  les  œuvres  de  Dieu  d'avec  celles  du  diaùle  ,  il  faut  donc  que  ce 
difcemcment  foit  toujours  à  la  portée  des  fimples  qui  ont  le  cœur  droit ,  &  par  confé- 
quent  il  fant  que  ce  difcemement  ne  foit  pas  au  defTus  de  Inir  infelligencc,  &  qu'il  dé- 
pende principalement  des  qualités  du  cœur  ,  parce  que  ce  font  ces  qualités  qui  attirent 
la  limiére  d'cnhaut ,  fans  laquelle  les  plus  favans  ne  font  que  ténèbres. 

Il  refaite  encore  des  maximes  de  M.  le  Gros ,  que  les  moyens  de  diftinguer  géncra- 
hment  toutes  hs  rc'ivres  de  Dieu  ,  des  prodiges  de  l'Enfer  ,  font  clairs  &  faciles  par 
cux-mémcs  ,  puifqu'//  y  a  toujours  affez.  de  lumière  pour  éclairer  les  œuvres  droits  ,  & 
que  ces  moyens  ne  font  obfcurs  &  difficiles  que  pour  ceux  dont  les  intentions  ne  font 
pas  entièrement  pures  &  dégagées  de  toutes  paiTions,  de  toutes  préventions  &  de  tous 
les  intérêts  humains. 

Surquoi  il  eft  bien  remarquable  que  pendant  la  vie  mortelle  du  Sauveur  du  monde, 
ce  furent   principalement  les  p  tits  &   les  fimples  qui  le  reconnurent  à  fes  Miracl.s, 
fans  doute  parce  que  c'étoit  parmi  eux  qu'il  y  avoit  le  plus  de  cœurs  droits,  &  qu'au 
contraire  cette  qualité  fi  eflcnticlle  pour  difcerner  les  Merveilles  Divines ,   nc  fe  trou- 
ve 


EST  ORDINAIREMENT  FACILE  A  DFCOVrRIR.         zjy 

ve  pas  communément  parmi  les  làvans ,  les  Dodeurs  ,   les  beaux  efprits  &  les  grands     Dissert. 
de  la  Terre.       _  surl'aut. 

AufTi  Dieu  nous  a-t-il  expreffement  fait  déclarer  par  fon  Efprit,  <\\\\\  a  choifi  ceux^^^  **^^' 
qui  étaient  pauvres  uans  le  monde  pour  les  rendre  riches  dans  la  foi  ^  parce  qu'étant  la  ■I^'''""'^- 
plupart  beaucoup  moins  attachés  à  la  terre  &  ayant  bien  moins  d'mtéréts  à  ménager 
dans  le  monde,  que  ceux  qui  y  font  quelque  perfonnage , ils  ont  ordinairement  le  cœur 
plus  libre  &  plus  exempt  de  paflîons.  Car  encore  une  fois  ce  font  les  padîons  qui 
répandent  dans  l'efprit  les  principaux  nuages  ,  qui  l'empêchent  de  voir  la  lumière  qui 
vient  du  Ciel. 

En  cfïit  qui  furent  ceux  qui  fe  fcandaliferent  de  la  conduite  du  Verbe  fait  chair  Se 
même  de  fes  Miracles  ?  Qui  furent  ceux  qui  abufant  de  la  loi  de  Dieu  &  faifant  une 
fauffe  application  des  régies,  s'en  fervirent  pour  réprouver  les  œuvres  de  Dieu  même 
&  pour  les  attribuer  à  Beelzebut  ?  Ce  ne  fut  pas  le  peuple,  mais  les  Prêtres  &  les 
Doifleurs,  tandis  que  les  i^norans,  les  petits  &  les  humbles,  qui  reçurent  avec  fimpli- 
cité  l'imprefTion  que  les  Miracles  de  Jefus-Chrift  faifoient  dans  leur  cœur,  découvrirent 
la  Vérité  qui  fe  cachoit  aux  yeux  des  favans  fuperbes. 

C'efl  en  fuivant  cette  lumière  puifée  dans  l'Ecriture  Sainte,  que  M.  le  Gros  nous  en- 
feigne  :  qu'/7  y  a.  toujours  des  raifons  décijlves  ,  qui  font  difcerner  les  œuvres  de  Dieu  de 
celles  du  diable.  Mais  pour  qui  ces  raifons  font  elles  claires  ,  lumineufes,  &  faciles  à 
appercevoir  ?  C'tft,  comme  il  le  dit  lui-même , /^o^r /«  cœurs  droits:  c'efl:  à  dire 'pour 
ceux  dont  le  jugement  n'eft  pas  oblcurci  par  les  cpaifTes  ténèbres  des  paflîons  &  des  préjugés. 

La  foi  eft  un  don  de  Dieu  ;  &  c'eft  aux  humbles  ,  aux  fimples ,  aux  petits^  qu'il 
accorde  ordinairement  ce  don  avec  le  plus  de  plénitude.  Je  n'ai  pas  à  la  vérité  l'efprit 
affez  pénétrant  pour  faire  l'unalyfc  de  leur  foi  ^  ainfi  que  l'avoit  entrepris  l'Auteur  du 
Mémoire  Théologique ,  mais  en  me  conduifant  tout  uniment  par  les  lumières  que  me  four- 
nit le  Texte  Sacré,  j'y  trouve  que  c'eft  précifément  par  rapport  à  la  foi ,  au  refpeft&à 
la  foumiflïon  qui  font  dues  aux  Merveilles  Divines,  que  Jefus-Chrift  s'écrie  :  ,,Je  vous  Manh.  Xr. 
„  bénis ,  mon  Père ,  Seigneur  du  ciel  &  de  la  terre ,  de  ce  que  vous  avez  caché  ces  ^^' 
„  chofes  aux  fages  &  aux  prudens,  &  que  vous  les  avez  révélées  aux  petits.  " 

J'y  vois  qu'il  nous  dit  à  tous,  &  par  confèquent  aux  Dofteurs  comme  aux  autres 
perfonnes  :  Si  vous  ne  devenez,  comme  de  petits  enfans  ,  vous  n'entrerez,  point  dans  le  Royau- 
me des  deux. 

J'y  remarque,  que  le  S.  Efprit  promet  à  ceux   qui  font  doux  de  les  conduire  dans  la  Pr.XXIV.j. 
JHJiice ,  &  aux  humbles  de  leur  enfeigner  fes  voies. 

Enfin  je  fuis  frappé  de  ces  paroles  de  S.  Paul:  „Confidérez  ,  mes  frères,  qui  font  i.Cor.r. j5. 
„  ceux  que  Dieu  a  appelles  à  la  foi  :  il  y  en  a  peu  de  fages  félon   la  chair ,  peu  de 
„  puilTans ,  peu  de  nobles.  " 

Les  régies  qui  conduifent  la  Sageffe  Eternelle  font  toujours  les  mêmes  dans  tous  les 
tems,  parce  que  fes  principes  font  immuables.  Auffi  eft-il  vifible  que  c'eft  encore  au- 
jourd'hui finguliérement  en  faveur  des  petits ,  de  même  que  ce  l'ctoit  au  tems  de  l'é- 
tabliflemcnt  de  l'Eglife  ,  que  Dieu  fait  une  fi  grande  quantité  de  Prodiges  &  de  Miracles. 

M.  le  Gros  l'a  lui-même  obfervé  dans  la  première  Partie  de  fon  Difcours.  Il  nous 
y  dit  en  termes  plus  étendus  ,  que  Dieu  fait  aujourd'hui  un  grand  nombre  de  Mira- 
cles, parce  que  dans  le  tems  orageux  cii  nous  fommes,  le  commun  des  fidèles  n'a  pres- 
que plus  d'autre  moyen  pour  fe  garantir  du  piège  fpécieux  qui  lui  eft  tendu  par  l'Au- 
torité impofante  des  Payeurs  Conftitutionnaires,que  de  fe  conduire  par  la  lumière  des 
Miracles  ,  qui  font  une  preuve  fenfible  8c  décifive  de  la  Vérité.  Dieu  leur  manifefte 
clairement  qu'il  reprouve  la  Bulle  Vnigenitus ,  par  les  Miracles  qu'il  opère  en  faveur  de 
l'Appel,  à  l'invocation  de  plufieurs  Appeilans ,  &  par  l'attouchement  de  leurs  Reli- 
ques.   La  voix  puiflaote  de  ces  Miracles  fe  fait  entendre  à  ces  fimples ,  elle  les  touche , 

G  g  5  die 


î^8  LA  SOVRCE  DES  PRODIGES  DE  L'ENFER 

DijsfRT.clle  les  convainc  ,   elle  les  détermine;    &:  Dica  leur  met  en  même  tems  dins  le  c<feur, 
suRi-'AOT.qy'ji  fjiit  préférer  fon  tcmoigna','e  à  celui  des  honfimcs  tels  qu'ils  foient. 
DES  MiR.        i^j^jj  içj  principes  de  M.  Poncet  fur  la  facilité  de  difcerner  les  auvres  de  Dieu,  ont 
ctc,  avant  notre  difpute  ,  bien    plus  loin  que  ceux  de  M.   le  Gros  Se  que  les  miens. 
Vtîici  entre  autres  quelques  Propofitions  de  fa  fa^on,  qui   font  certainement  bien  plus 
fortes,  plus  générales  &  plus  hardies  que  ma  phrafe. 
X.LeifP*-      5,  Les  MiVacles  (dit-il)  que  Dieu  opère  pour  fe  faire  reconnoître,  doivent  fe  dis- 
„  tinguer  par  eux  mêmes  de  tontes  les  œuvres  du  démon  avec  uns  ficilite,  qui  rende 
„  cette  preuve  à  la  portée  des  plus  fimples." 
Ibid-p.  M.      „  C'cfl:  fur  le  dc^rc  d'intelligence  des  plus  fimpks  Cajoute-t-il  plus  bas)  qu'il  faut 

fe  mefurcr  pour  établir  la  vraie  régie  de  difcernement  par  rapport  aux  Miracles. 

ibid.pp.i?.      j,  Il  n'eft  pas  afTurcment  plus  difficile  (dit-il  encore)  de  difcerner  un  Magicien  qui 

*'^'  „  fait  des  preftiges  par  la  puifllince  du  démon  ,    d'un  homme  qui  fait  des  Miracles  au 

^1  nom  de  iefus-Chrift,  qu'il  l'efl:  de  diftinguer  un  officier  de  juftice  d'un  voleur  de 

grsnd  chemin,  &:  les  peuples  ne  fe  méprendront  pas  plus  facilement  à  l'un  qu'à  l'autre. 

IbiAp.  17.  "  „  C'efl:  avec  la  même  facilité  (  ajoute-t-il  )  qu'on   difcerne  ce  qui  fe  fait  par  l'ordre 

de  Dieu  de  ce  qui  vient  de  l'opération  de  l'ennemi.  " 

Les  quatre  Chefs  des  Antifecouriftcs  auront-ils  bien  le  courage  de  defavouer  leur  A- 
vocat  ?  Cependant  fi  on  compare  ces  Propofitions  avec  ma  phrafe ,  on  trouvera  qu'elle 
n'a  d'autre  deffaut  que  d'être  trop  reftraintc  &  pour  ainfi  dire  trop  timide. 

Au  refte  quoique  je  combatte  de  toutes  mes  forces  contre  M.l'Eveque  de  Bethléem, 
les  Théologiens  Antifecouritles ,  &  tous  les  autres  qui  veulent  aujourd'hui  faire  accroi- 
re au  commun  des  fidèles,  qu'ils  font  incapables  par  eux-mêmes  de  difcerner  les  œu- 
vres de  Dieu  du  genre  merveilleux  ^k  même  les  Miracles,  quelques  foins  qu'ils  prennent 
pour  ne  s'y  pas  méprendre  ,  &:  qu'ils  doivent  s'en  rapporter  à  la  Décifion  des  Evcques 
Conftitutionnaires ,  dit  M.  de  Bethléem,  à  l'Avis  des  Théologiens  Antifecouriftes, 
difent  ceux  qui  fuivent  leur  fentiment  ;  je  fuis  néanmoins  très  éloigne  d'adopter  pleine- 
ment les  Propof  tions  de  M.  Poncer. 

Je  crois,  qu'il  faut  faire  une  grande  différence  par  rapport  à  la  facilité  du  difcerne- 
ment, entre  les  Miracles  proprement  dits  ,  les  prodiges  ,  Se  les  révélations  ,  vifions, 
inftmfts  &  impreffions  furnaturelles.  A  l'égard  des  Miracles ,  je  fuis  perfuadé  que  dès 
cju'une  guérifon  eft  évidemment  &  inconteftablement  furnaturelle  ,  il  eft  aifé  de  recon- 
noître par  tous  fes  caraftéres  ,  aulfi  bien  que  par  fa  nature  ,  que  c'eft  un  Miracle  Di- 
vin. Mais  il  y  a  plus  de  difficulté  par  rapport  aux  prodiges.  Se  encore  bien  davanta- 
ge à  1  égard  des  révélations,  des  viflons  ,  des  inftinds  &  des  impreffions  furnaturelles; 
&  tout  ce  que  je  foutiens  fur  ce  fujet,  c'eft  feulement,  que  ces  difficultés  ne  font  nul- 
lement infurmontables  aux  cœurs  droits  &  aux  efprits  attentifs ,  qui  fe  conduifent  par 
les  régies  communes  que  les  Pères  nous  ont  transmifes ,  &  qui  ont  recours  à  d'hum- 
bles prières. 

Mais  pour  appuyer  déplus  en  plus  mon  fentiment  fur  la  foi  dije  aux  Miracles,  Se 
fur  la  facilité  de  les  difcerner,  citons  un  autre  Auteur  que  M.  Poncet  ,    dont  les  prin- 
cipe-; fur  cette  matière  aient  été  généralement   reçus  avec  éloge  par  tous  les  meilleurs 
Théologiens  de  ce  Siècle,    Le  Leèteur  me  prévient,  Se  avant  que  j'aie  nommé  M. Pas- 
chal  ,  il  conçoit  que  c'eft  lui  dont  je  veux  pari  r.     Voyons  fi  les  règles  que  cet  Au- 
teur fi  célèbre  préfente  pour  difcerner  les  vrais  Miracles  font,  ainfi  que  je  lai  avancé, 
à  la  portée  des  ignorans ,  des  fimples  &  des  petits. 
Tenfcejde         „  Movfc  (dit  ce  grand  génie)  en  a  donné  une  ,    qui  eft  lorsque  les  miracles  mènent 
M. Pale. fut         a  l'idolâtrie.  Se  l.fus-Chrift  une:  celui,  dit-il,  nui   fait  des  Miracles   tu  mon  nom 
2;.  ne  peut  a  l  heure  mcme  mal  parler  de  moi  .   .   . 

Voift  les  occafions  d'exdufion  i  la  foi  aux  miracles ,   marquées:  il  ne  faut  pas  y 

„  don- 


SUR  L  AUT. 
DES  M  m. 


EST  ORDINAIREMENT  FACILE  A  DE'COVrRIR.        255» 

j,  donner  d'autres  excliifions.  .  .  .  quand  on  vous   détourne  de  Dieu  .  .  .  quand  on    Dissert 
,,  vous  détourne  de  Jefus-Chrift. 

,,  D'abord  donc  qu'on  voit  un  miracle,  il  faut  fe  foumettre,  ou  avoir  d'étranges 
,,  maroues  du  contraire  :  il  faut  voir  fi  celui  qui  le  fait ,  nie  ou  Dieu  ou  Jefus- 
„  Chrift&  IB^life." 

Quel  eft  le  Chrétien  afTez  ignorant ,  pour  n'être  pas  perfuadé  qu'un  phamôme  de 
miracle  qui  ieroit  fait  par  un  Apoftat  qui  nieroit  Dieu  ou  Jefus-Chnft  &  l'Eglife  ,  ne 
pourroit  être  qu'un  preftige  du  démon  ? 

Ainfi  ,  fi  ce  n'eft  que  dans  cette  occafion ,  qu'un  miracle  doit  être  reconnu  pour  un 
ouvrage  du  diable,  qui  peut  être  afTez  fimple  pour  s'y  méprendre  ? 

Si  je  voulois  raffimbler  ici  toutes  les  maximes,  les  principes,  les  propofitions  qui 
font  répandues  dans  les  Ouvrages  de  MM. IcsEvêquesde  Senez,de  Montpellier,  &  de 
Babylone,  &  qui  font  conformes  \  tout  ce  que  je  foutiens  à  l'égard  des  Miracles  & 
fies  Prodiges,  j'en  ferois  un  petit  volume.  En  général  on  y  trouve  par  tout  ce  lumineux 
principe,  que  Dieu  doit  à  ià  bonté  de  fournir  aux  fimples,  &  aux  petits,  dont  le 
cœur  eft  pur  &:  qui  donnent  toute  leur  application  pour  découvrir  la  vérité,  les  moyens 
de  n'être  pas  féduits  par  de  faux  miracles ,  ni  par  des  prodiijes  qu'ils  croiroient  avec 
quelque  fondement  avoir  Dieu  pour  Auteur  ;  &  que  fi  le  difcernement  des  prodiges 
fft  quelquefois  difficile,  en  ne  confidérant  que  leur  nature  ,  il  eft  ordinairement  facile 
en  luirméme  pour  les  ccrurs  droits  ,  en  examinant  avec  foin  toutes  leurs  circonftances , 
&  fur-tout  en  faifant  attention  à  la  fin  que  s'eft  propofé  l'auteur,  &  aux  effets  qu'ils 
ont  produit. 

En  eff;t  fi  Dieu  permettoit  au  démon  de  contrefaire  des  Miracles ,  ou  même  d'opé- 
rer des  prodiges  réels ,  qui  par  leur  grandeur  paruflent  divins ,  &  qui  ne  fuffent  point 
infedés  par  quelque  caraftére,  quelques  circonftances,  ou  du  moins  quelque  efifet  ca- 
pables de  faire  aiiément  découvrir  leur  pernicieufe  origine;  ceux  des  fimples  qui  ont  le 
plus  de  r^'fpeâ:  pour  les  œuvres  de  Dieu,  &r  le  plus  de  confiance  en  lui,  feroient  in- 
failliblement entraînés  dans  ce  piège.  Leur  droiture,  leur  bon  cœur,  &  leur  am.our 
pour  Dieu  ne  ferviroient  qu'à  les  y  faire  tomber.  La  bonté,  la  fagefle  ,  la  juftice,  la 
gloire  même  du  Père  des  miféricordes  ne  font-elles  pas  interreffécs  à  garentir  le  commun 
des  fidèles,  de  pièges  qui  feroient  pour  eux  d'autant  plus  féduifans,  qu'ils  joindroientà 
leurs  autres  vertus  cette  fimplicitè  de  cœur  fi  recommandée  dans  l'Evangile  ? 

Jefus-Chrift  a  voulu  que  les  plus  fimples  jugeaflent  que  fes  Miracles  étoient  les 
œuvres  de  fon  Père,  &  qu'ils  les  regardaflent  comme  un  témoignage  infaillible  de  la 
Vérité.  Il  a  puni  par  des  fupplices  éternels  tous  ceux  des  Juifs  qui  ont  préféré  le 
fentiment  de  leurs  Princes  des  Prêtres  de  de  leurs  Dodeurs  au  témoignage  de  fes  Mira- 
cles, &  qui  font  toujours  demeurés  dans  leur  incrédulité,  &  il  n'a  pas  exempté  les 
fimples  de  cette  terrible  punition.  Si  les  plus  fimples  font  obligés  de  fe  foumettre  à 
la  Décifion  des  vrais  Miracles:  fi  ce  n'eft  pour  eux  qu'une  frivole  excufe  de  dire, 
qu'ils  ont  cru  devoir  s'en  rapporter  au  jugement  de  leurs  Prêtres  &  de  leurs  Dodeurs  ; 
il  faut  donc  nècelfairem' nt  que  les  plus  fimples  foient  capables  par  leurs  propres  lumiè- 
res de  les  diftineuer  des  illufions  fabriquées  par  le  prince  des  ténèbres;  &  par  confé- 
quent  il  faut  qu'il  y  ait  toujours  dans  les  prodiges  diaboliques  q'ielque  chofe  de  très 
remarquable  qui  décèle  leur  dèteftahle  auteur ,  foit  dans  les  circonftances ,  foit  dans  les 
movens  manifeftement  fjperftitieux  employés  pour  les  obtenir,  foit  dans  leur  fin  & 
leurs  effets.  Il  f''ut  mêm?  que  ces  circonftunces  ioient  afTez  frappantes,  pour  pouvoir 
être  apperçues  par  les  riius  fimples  doi.t  l'efprit  eft  attentif,  Sr  qui  cherchent  de  bon- 
ne foi  la  vérité.  Or  s'il  y  a  toujours  des  mnyèns  à  la  portée  de^  plis  fimples  pour  fe 
préferver  de  î  piège,  cft-ce  trop  dire  que  d'avancer,  que  la  foitrçe  i?Kpf{re  des  prodijes 
-réels  de  l'E^J^r  cjt  orùlnuirtment  facile  à. découvrir  ? 

Au 


Z4,0  LA  SOVRCE   DES   PRODIGES  DE   VEjVFER 

DiîsERT.  Au  refle  pour  éviter  une  miuvaife  objeftion  &  épargner  la  peine  aux  Théologiens 
•'""'' '*^'^*  Antifccouriftcs  de  faire  quantité  de  raifonnemeus  &  de  citations  inutiles,  il  efl:  bon 
d  oDlerver  ici ,  que  je  ne  parle ,  non  plus  que  les  Auteurs  que  je  cite ,  que  des  prodi- 
ges par  rapport  auxquels  les  fidèles  ont  intcrct  de  découvrir  quelle  en  e(t  l'origine  : 
c'eft  à  dire  de  ceux  qui  font  faits  pour  prouver  quelque  chofe.  Sur  quoi  il  eft  im- 
portant de  ne  fe  pas  méprendre.  Car  par  exemple ,  à  l'égard  des  prodiges  de  punition , 
Jbit  que  Dieu  fe  ferve  de  fes  Anges  pour  hs  opérer ,  (oit  qu'il  permette  au  démon  de 
l:s  faire,  le  parti  que  doit  prendre  celui  fur  qui  tombe  cette  punition,  eft  toujours  Is 
mcmc.  Il  doit  également  fe  foumettre  humblement  à  la  juflice  de  Dieu,  avoir  recours 
à  fa  miféricorde ,  mettre  toute  fa  confiance  en  Jefus-Chrift,  &  'demander  grâce  par  les 
mérites  de  fa  mort:  ainfi  il  n'a  le  plus  fouvent  prefque  pas  d'intérêt  de  favoir,  quel 
eft  l'Efprit  qui  exécute  ces  prodiges:  &  en  pareil  cas  la  bonté  de  Dieu  ne  l'oblige 
nullement  de  lui  fournir  des  moyens  de  le  difcerner. 

Ajoutons  encore  une  preuve  que  jufques  dans  les  Ouvrages  des  plus  grands  Adver- 
faires  des.  Miracles  de  notre  tems ,  on  y  trouve  des  principes  qui  fuflfifent  pour  établir 
l'exactitude  de  ma  phraie  cenfurée  par  le  Nouvellifte. 

Pour  fournir  cette  preuve  au  Lefteur  je  n'ai  befoin  que  du  Mémoire  que  M.  l'Ar- 
chevêque de  Paris  avoit  d'abord  deftiné  (en  17JI.)  pour  en  faire  une  Inftruftion  Paf- 
torale  contre  les  Miracles.  La  Vérité  a  tant  de  force ,  que  le  Théologien  de  ce  Pré- 
lat pofe  lui-même  dans  cet  Ecrit  plufieurs  principes,  dont  ma  phrafe  n'eft  qu'une 
conféquence. 
■DiliouM,       ,,  Il  eft,  dit-il,  hors  de  doute,  que  Dieu  permet  quelquefois  au  démon  de  faire 

TheoTogl'én,  "  ^^^  preftigcs  par  le  miniftére  de  fes  fuppôts Mais  Dieu  ne  foufïrira  jamais  que 

p-  i-  '  „  ces  prétendus  miracles  aient  des  caraétéres  de  vérité  qui  puiiïent  tromper  les  per- 
,,  fonnes  attentives  &  definterreffées.  Les  œuvres  du  démon  font  marquées  au  coin  de 
„  fa  malignité,  &  tout  fon  pouvoir  fe  réduit  à  faire  du  mal  aux  hommes." 
<  Si  tout  le  pouvoir  du  démon  fe  réduit  k  faire  du  mal:  fi  toutes  fes  œuvres  font  marquées 
au  cobt  de  fa  malignité  :  fi  fes  prétendus  miracles  ne  font  que  des  prefliges  malfaifans  :  & 
fi  Dieu  ne  foHJfre  jamais ,  qu'ils  aient  des  cara^éres  de  vérité  qui  puijfent  tromper  les  per- 
fonnes  attentives  er  dejînterrejjées  ;  toute  perfonne  definterrtlTée  &  attentive  eft  donc  ca- 
pable d'en  découvrir  aifément  h  fource  impure. 

MM.  les  Théologiens  Antifccouriftes  voudroient-ils  donc  jetter  fur  la  preuve  qui 
rcfulte  des  Miracles,  un  voile  plus  épais,  une  plus  grande  incertitude,  que  n'a  ofc 
faire  le  Théologien  chargé  par  M.  l'Archevêque  de  Paris,  de  combattre  ceux  que  Dieu 
opère  en  faveur  de  leur  Appel  ? 

Qu'il  eft  trifte  de  voir,  que  ce  ne  font  pas  feulement  les  ennemis  de  l'Appel,  que 
ce  font  même  plufieurs  célèbres  Appellans  qui  s'efforcent  aujourd'hui  de  perfuader  aux 
fidèles,  qu'il  eft  fouvent  très  difficile  de  difcerner  les  Miracles  Divins,  des  prodiges 
diaboliques ,  &  mêmî  de  découvrir  avec  afturance  ce  que  Dieu  nous  veut  faire  enten- 
dre par  les  Miracles  qu'il  opère!  Ce  font  même  ces  Appellans,  qui  pour  fe  deffendre 
contre  la  Décifion  des  Miracles  opérés  par  le  moyen  des  grands  Secours,  invoquent 
de  prétendues  Règles  qui  n'ont  d'être  que  dans  l:ur  imagination,  ou  du  moins  des 
Régies  dont  ils  font  une  application  fi  faull'e  qu'ils  s'en  fervent  pour  combattre  le  grand 
Précepte  de  h  charité  qui  eft  l'amc  &  la  vie  des  véiitables  Règles. 

En  effet  employer  la  loi  qui  défend  de  nuire  au  prochain,  pour  en  conclurre  qu'il  ne 
faut  pas  foulag^r  les  pcrfonnes  qui  endurent  les  doulems  les  plus  vives,  n'ell-ce  pas  tour- 
ner contre  celui  qui  fouffre  &:  qui  a  un  prelfant  befoin  de  fccours,  la  loi  faite  en  fa  fiveur? 

Mais  ces  MM.  font  encore  bien  pis.     Dieu  parle.  Se  ils  ne  daigncnf  pas  l'écouter: 
»  Dieu  décide,  &  ilsrefuTnt  defe  foumettre.    La  première  des  Règles  n'cft-elle  donc  pas 

d'obéir  à  la  volonté  de  Dieu,  dès  qu'il  nous  U  fait  clairement  connoitre  ?  Or  peut-on  ré- 
voquer 


EST  ORDINAIREMENT  FACILE  A  DE'COVFRIR.       241 

voquer  en  doute  fa  volonté,  lorsqu'il  nous  la  manifefte  lui-mcme  par  des  Miracles?        Disser?. 
Helas  !  nous  fommes  dans  un  Sie'de  oii  chacun  fe  fait  des  Rtsles  fuivant  fcs  difte-*""''  '^"■^• 

/  ■  t  DESMIR. 

rentes  préventions  !  V. 

La  Régie,  difent  les  Conflitutioftnaires ,  c'cfl  d'obéir  aveuglément  à  toutes  les  Dé-,  '"oP!|[',^'' 
cifions  de  l'Églife,  &  par  conféquent  à  la  Conftitution  VnigenitHS  qu'ils  décorent  fansfe  font  pré- 
aucun fondement  de  ce  refpedable  tîtrc.  deVReTes 

La  Régie ,  difent  les  Dodeurs  Confultans ,  c'eft  de  fe  conduire  par  la  lumière  des  fui.vam  leurs 
grands  principes  qui  font  développes  dans  notre  Confuilation.  p'r^em^ons 

La  Régie,  difent  les  Théologiens  Antifecourifles,  c'eft  de  ne  pas  enfreindre  fous  pré-  qui  toutes  ' 
texte  qu'on  y  eft  autorifé  par  des  Miracles,  unwéctpte  clair  cr  formel  lequel  défend  ^  eb'rïnicr'"  * 
donner  un  coup  violent  qui  doit  naturellement  hlcjfer  ou  ôter  la.  vie.  *  rautonté  des 

Ce  Précepte  défend  de  faire  du  mal,  mais  non  pas  de" faire  du  bien,  en  donnant  au  &"'eftpàtià 
prochain  un  fecoursnéceflaire,  qui  n'a  jamais  manque  de  lui  être  avantageux  de  toutes  fa-  quc'C'O'ii'e 
çons.   Mais  s'il  rcftoit  encore  quelque  doute  à  cet  égard.  Dieu  a  dcclaréjournellement  ment  qui 
depuis  plus  de  quatorze  ans ,  par  une  multitude  de  Prodiges,  qu'il  approuve  ces  Secours  :  j,^"^''[.'^" 
il  s'en  fert  vifiblement  pour  répandre  fes  bienfaits  dans  les  âmes  &  dans  les  corps,  pour  vre  tembic 
convertir  des  incrédules,  pour  augmenter  la  foi  des  fidèles ,  pour'opérer  des  guérifons  Mi-  ''«NouveUe 
raculeufes.  Eft-ildonc  permis  aux  hoTimes  de  fe  révolter  contre  ce  qu'il  décide ,  &  de  doa-  E<:<:i.  du  ii. 
ner  leursopinions  très  arbitraires  pour  des  Régies  . .  auxquelles  l'événement  le  plus  merveilleux  Art'.'vilf.^" 
^e  peut  jamais  donner  atteinte ,  c'eft  à  dire  pour  un  jugement  fupérieur  à  celui  des  Miracles  ?  ï*"-^'  Ait.  v, 

A  infi  chacun  foutenant  très  mal  à  propos,  que  les  Régies  font  de  fon  côté,  &  qu'elles 
doivent  l'emporter  fur  l'Autorité  desi  plus  ^lerveilleux  èvenemens,  les  Docteurs  Conf- 
titutionnaire? ,  Confultans ,  Antifecouriftcs ,  ne  leflentent  plus  aucune  peine  à  préférer  leurs 
différentes  opinions  aux  Dècifions  Divines  déclarée';  par  des  Miracles.  Parla  le  commuri 
des  fidèles  qui  les  entend  faire  tous  ces  faux  railonnemens,  s'eft  accoutumé  peu  à  peu  à 
perdre  la  foi ,  la  confiance  &  h  foumilTion  qu'il  avoit  d'abord  pour  le  témoignage  des  Mira- 
cles ;  &  dès  que  les  œuvres  de  Dieu  blefiènt  quelqu'une  de  leurs  préventions ,  ils  ne  font  plus 
à  préfent  aucun  fcrupule  de  les  donner  grolTiérement  au  diable ,  lors  même  qu'elles  portent  les 
caraftcres  de  la  Bonté  &  de  la  Toute-puiflance  Divine  par  des  traits  incommunicables. 

C'eft  ainfi  que  fe  prépare  fous  nos  yeux  l'accompliiïement  de  cette  furprenante  prédidion 
de  Jefus-Chrift ,  que  lorsque  le  Prophète  Elie  viendra  pour  rétablir  toutes  chofes ,  il  fera  re- 
jette avec  mépris  malgré  tous  les  Miracles  &  les  Prodiges  qui  autoriferont  fa  Million. 

Un  événement  fi  extraordinaire  ,  une  telle  révolte  des  Catholiques  contre  la  voix  de 
Dieu,  contre  l'autorité  fupréme  de  fes  Miracles,  a  paru  prefque  incroyable  à  plufieurs 
des  Pères  de  l'Eglife;  &  il  n'a  pas  fallu  moins  que  laprédiÀion  claire  &  prècife  qui  en  a 
été  faite  par  la  Vérité  Licarnée ,  pour  les  en  perfuader.  Mais  il  ne  faut  aujourd'hui  qu'ou- 
vrir les  yeux  fur  ce  qui  fe  paffe  depuis  plufieurs  années,  pour  voir  très  clairement  que 
l'indifférence,  &  fi  on  ofe  le  dire,  le  mépris  pour  les  plus  grands  Prodiges  &  même  pour 
les  Miracles,  eft  parvenu  par  degrés  jufqu'àun  tel  excès,  qu'il  n'y  aura  plus  lieu  d'ê- 
tre furpris  que  la  plupart  des  Catholiques  ne  faffent  aucun  compte  de  tous  ceux  qu'E- 
lie  pourra  faire,  ni  même  qu'il  les  attribuent  au  démon,  quelque  grands  ,  quelque 
manifeftement  Divins  qu'ils  puiffent  être. 

Dans  quel  Siècle  fommes-nous  donc,  ô  mon  Dieu!  Uncorpsdedoftrinedireèlement 
oppofé  à  l'Evangile  &à  toute  la  Tra.iition,  a  répandu  comme  un  torrent  d'eaux  cor- 
rompues, qui  ont  inondé  prefque  tout  le  champ  de  votre  Eglife.  Vous  venez  vous-mê- 
me au  fecours  de  toutes  les  Vérités  contredites.  Vous  paroiffez  vifiblement  aux  yeux 
des  enfans  des  hommes  :  &  bien  loin  de  fe  profterna-  humblement  à  vos  pieds ,  ils  fe 
révoltent  contre  votre  Témoignage.  Ils  dépouillent  vos  Miracles  de  leur  Autorité  facrée  : 
ils  deshonorent  vos  Prodiges  en  les  attribuant  à  l'Efpiit  pervers  :  ils  méprifent ,  ils  traitent 
de  fanatifme  &  de  myftcre  nouveau  les  figues  &  les  fimboles  furnaturels  &  prophèti- 
Differt.  lom.  IL  H  h  que  s  , 


14* 
Dissert  ques ,  que  VOUS  leur  donnez  pour  les  avertir  ic  les  préparer  aux  grands  cvenemens  qui 
tuRL'AUT.ygpj  bien-tôt  s'accomplir. 

Ah  !  Seigneur,  ne  permettez  pas  que  vos  enfans  mcconnoiflent  ainfi  votre  voix.  Ne 
leur  laiffez  pas  confonare  vos  œuvres  avec  les  illufions  de  Satan ,  ni  préférer  l'avis  des 
hommes  au  Témoignage  de  vos  Miracles.  Faites  que  la  préfence  de  votre  Majcftc  Di- 
vine, rendue  fenfible  par  les  grandes  Merveilles  qu'il  vous  plaît  des  à  préfent  d'opt-rer 
fi  fouvent  fous  nos  yeux ,  impriment  le  refpeft ,  la  confiance  &  l'amour  dans  le  cœur 
de  tous  vos  fidèles;  &  que  lorsque  votre  Prophète  paroîtra,  tous  le  reconnoiffent  à' 
vos  œuvres. 

Hélas  !  dans  ce  tems  de  féduftion ,  oîi  Dieu  permet  que  les  ténèbres  couvrent  pref- 
que  toute  la  terre,  &  qu'elles  aveuglent  la  plupart  des  hommes,  il  ne  refte  prefqucplus 
au  commun  des  fidèles  d'antre  reffource  ,  que  la  lumière  des  Miracles  8c  des  Prodiges  Divins. 

C'eft  cette  lumière  célcfte  qui  conduira  les  Elus  avec  affurance  à  tonte  Vérité,  au 
travers  des  ombres  épaiflcs  de  la  nuit  noire  &  profonde  qui  fera  tomber  ceux  que  la  juf- 
tice  Divine  abandonnera  à  leurs  préventions  fatales,  dans  le  funefte abîme  de  méconnoî- 
tre  Si  de  rejetter  le  Prophète  qui  doit  venir  exécuter  un  jiigem.nt  terrible  fur  la  Genti- 
lité  coupable. 

Ah  !  ne  perdons  pas  de  vue  cette  lumière  fi  falutaire  &  fi  précieufe.  Ne  négligeons 
pas  d'en  profiter,  &  fur-tout  gardons-nous  bien  de  donner  à  Satan  les  œuvres  de  Dieu. 
C'eft  l'infulter  lui-même,  que  de  décrier  fcs  Merveilles  qu'il  fait  pour  fa  gloire,  &  d'at- 
tribuer à  l'Efprit  pervers  ce  que  fa  mifcricorde  l'engage  à  faire  pour  nous  éclairer:  aufli 
cft-ce  une  erreur  capable  d'avoir  les  plus  funeftes  fuites.  Malheur  fur-tout  dans  le  tems 
qu'Elie  fera  parmi  nous,  malheur  à  qui  ofera  fuppofer  que  le  Très-haut  accorde  aux 
Éfprits  qu'il  a  maudits  &  réprouvés,  le  pouvoir  de  faire  de  vrais  Miracles  cnfonnom, 
qu'il  leur  donne  la  puiffance  d'agir,  ainfi  que  lui,  en  maîtres  de  la  nature  ,  ou  qu'il  leur 
fournit  lui-même  les  moyens  de  renvcrfer  les  loix  qu'il  a  établies  pour  le  gouvernement 
de  l'univers. 

Que  les  fidèles  aient  au  contraire  toujours  devant  les  yeux  ces  deux  Régies  importantes  : 

La  première ,  que  tous  les  Miracles  proprement  dits ,  qui  font  obtenus  dans  le  fein  de  la 
Communion  Catholique  par  des  prières  adreifèes  à  Dieu  avec  foi ,  avec  confiance ,  avec 
piété ,  ne  peuvent  venir  que  de  lui. 

Le  féconde  que  les  Prodiges  qui  portent  avec  eux  la  preuve  qu'ils  n'ont  pu  être  for- 
més que  par  la  création  de  quelque  qualité  nouvelle  qui  n'ètoit  pas  dans  la  nature,  & 
même  que  tous  ceux  qui  n'ont  pu  s'exécuter  fans  que  leur  auteur  ait  fait  quelque  opération 
équipolente  à  création,  ou  fans  qu'il  ait  forcé  les  loix  perpétuelles  fuivant  kfquelles  la 
nature  eft  régie;  font  manifcftement  l'ouvrage  de  Dieu. 

En  ne  nous  écartant  point  de  ces  deux  Règles  que  les  Pères  nous  ont  transmifes ,  el- 
les nous  fuffiront  avec  un  cœur  droit  &  dégagé  de  tout  intérêt  humain ,  de  toute  paflîon 
&  de  toute  prévention,  pour  juger  avec  certitude  que  les  grandes  Merveilles  que  fera  le 
Prophète,  n'auront  pu  être  opérées  que  par  la  Bonté  &  la  Toute-puifTance  Divine ,  & 
par  confèquent  qu'elles  font  la  voix  &  le  témoignage  du  Très-haut.  Elles  me  fourni- 
ront aulTi  des  preuves  invincibles,  que  Dieu  autorifc  vifiblcment  les  Secours  les  plus 
violens,  &  que  l'état  furnaturcl  où  fe  trouvent  les  Convullionnaires ,  lorsqu'ils  ont  bc- 
fqin  de  fe  faire  donner  ces  terribles  &  admirables  Secours ,  n'a  pu  recevoir  l'être  que  par 
le  pouvoir  fuprêmc  de  Celui  qui  feul  opère  fans  moyens ,  de  Celui  qui  tire  du  néant  des 
qualités  qu'il  n'avoit  pas  encore  formées,  en  un  mot  de  Celui  qui  leul  fait  de  grandes 
FC  r>.  il.  Merveilles:  QMifMitmirabiliamagnafohs. 


RE  F  LE- 


i 

REFLEXIONS  PRELIMINAIRES 

AUX 
DEMONSTRATIONS  DE  DEUX  MIRACLES 

Opérés  en  faveur  l'un  d'Anne  Augier,  l'autre  de  la  Dame  Stapart ,  tous  deux 
fur  le  Tombeau  de  M.  Rousse.  Prêtre  &  Chanoine  dAvenai  Diocéfe 
de  Reims ,  appellant  &  réappellant. 

CES  REFLEXIONS  ONT  POUR  OBJET 

Le  Mandement  de  Mrs.  Les  Grands  Ficaires  de  M.  V Archevêque  de  Reims  du 
2p.  Aotift  1 727.  far  lequel  ils  défendent  fous  peine  de  l'excommunication  majeure 
encourue  par  le  feul  fait,  d' aller  prier  Dieu  dans  la  Chapelle  de  Sainte  Knwt  fur 
le  tombeau  de  M.  Rousse.  .  . .  appellnnt  &  réappellant. 

Les  requêtes  prêfentées  enfuite  à  ces  gi'ands  Ficaires  £5?  à  M.  V  Archevêque  de  Reims 
par  38.  Curés  ^  par  k [quelles  //i/f«r  dénoncent  comme miraculeufes& furnaturel- 

ies les  guérifons  arrivées  au  tombeau  de  M.  Roufle  les  8.  Juillet  172.7.  6c 

&  16.  Mai  1728.  es  pcrfonncs  d'Anne  Augier  6<;de  la  Dame  Stapart,  fi?  les  re- 
muèrent d'en  faire  les  informations  ^  aux  offres  qiC ils  font  de  leur  en  adminiflrer^^^i 
témoins  fuffil'ans. 

Enfin  la  réponfe  que  leur  a  faite  M.  V  Archevêque  de  Reims  ,  iy  les  voyes  de  fait 
pratiquées  pour  tâcher  d'amortir  V éclat  de  ces  deux  miracles. 

^A  poftérité  pourra-t-elle  le  croire,  qu'il  y  ait  eu  dans  ce  fiécle  des  hom- 
%  mes  ailes  téméraires,  non  feulement  pour  ne  fe  pas  rendre  à  la  voix  de 
^^^  Dieu;  mais  aufîî  pour  s'irriter  contre  fes  décifions,  &  ofer  employer 
^g^jaivjgy  pour  les  combatre ,  le  pouvoir  que  la  religion  leur  confie  -, 

Dieu  s'explique  par  les  miracles  les  plus  inconteftables:  Il  fait  fentir  fa  préfcnce  fur 
les  tombeaux  des  Appellans.  De  nouveaux  êtres  fortent  du  néant  à  nos  yeux  !  Des 
membres  morts  &  devenus  fecs  font  renufcités,&:  toutes  les  parties  qu'ils  avoient  per- 
du depuis  un  grand  nombre  d'années  font  régénérées  en  un  inllant!  Des  organes  dé- 
truits ferétabliifcnt  d'une  manière  fubite  !  Un  œil  enfevcli  dépuis  plus  de  dix  ans  fous 
les  plus  épaifles  ténèbres  recouvre  tout-à-coup  tout  ce  qui  lui  manquoit  pour  voir  ! 

Mais  en  vain  l'Eternel  paroit-il  lui-même  à  découvert  par  la  grau  it-ur  de  fes  œu- 
vres, le  parti  ell:  pris.  Les  zélateurs  de  la  Bulle  ont  réfolu  de  ne  fe  pas  dédire  : 
ils  ofent  profcrirc  jufqu'aux  miracles  mêmes  fins  vouloir  les  examiner  :  ils  vont  juf- 
qu'à  défendre  de  recourir  à  ceux  par  qui  Dieu  les  accorde;  &  cela  uniquement 
parce  qu'ils  étoient  appellans ,  qu'ils  fout  faits  en  faveur  de  leur  caufe ,  &  qu'ainlî 
ils  portent  avec  eux  la  condamnation  de  la  Bulle. 

Telle  a  été  la  conduite  des  grands  Vicaires  de  M.  l'Archevêque  de  Reims  à  la 
vue  des  miracles  du  premier  ordre  opérés  fur  le  tombeau  de  M.  Rouffe. 

M.  DE  P,\Ris  eil  celui  des  appcllnns,  à  l'invocation  de  qui  Dieu  a  faille 
plus  grand  nombre  de  merveilles  j  m.us  il  n'eft  pas  le  feul  dont  il  ait  canonifc  la  vie 

/.  Demonft.  tome  IL  h-  âC 


a  REFLEXIONS 

&  les  rentlmcns  par  des  miracles  inconteflablcs.  Si  on  avoit  recueilli  les  preuve» 
de  tous  ceux  qui  ont  été  opérés  à  Nantes  par  l'interceflion  de  M.  de  la  Noé-Mé- 
nard  :  à  Utrecht  par  le  feu  Archevêque  de  cette  ville  :  à  Lyon  par  les  prières  du 
Pérc  Céloron  de  l'Oratoire  :  à  Méry  près  Pontoife  à  l'invocation  de  M.  Sauvage  : 
à  Avenai  à  celle  de  M.  RoufTe:  à  Riom  par  les  reliques  du  P.  Queliiel  &  de  M. 
Amauld,  à  Paris  &  en  pluficuns  autres  endroits  par  celles  de  M.  Déiangins,  de 
M.  Levier,  de  M.  Tournus,  &  de  M.  Soanen  Evcque  de  Sénez  6c  qui  plus  eft 
prifonnicr  de  J.  C.  Si  d'ailleurs  on  eut  eu  le  foin  de  hiirc  toutes  les  relations  d'u- 
ne infinité  de  guérifons  évidemment  furnaturelics  obtenues  par  l'interceflion  de 
JM.  de  Paris,  qui  font  demeurées  cachées  dans  l'obfcurité  du  fiknce,  on  feroit 
étonné  de  voir  avec  quelle  profufion  Dieu  a  mille  fois  déclaré  que  la  caufe  de  l'ap- 
pel étoit  la  ficnne,  en  manifeftant  d'une  manière  l\  fcnfible  6c  fi  magnifique  le 
bonheur  étemel  de  ceux  qui  y  avoient  été  le  plus  attachés.  Mais  comme  il  m'a 
été  impoflible  d'cmbraflcr  tant  d'objets,  j'ai  choifi  entre  autres  dans  cette  multi- 
tude de  miracles,  deux  de  ceux  qui  ont  été  faits  fur  le  tombeau  de  M.  Roufic 
Chanoine  d'i^venai  Diocéic  de  Reims;  parce  que  ce  font  ceux  qui  ont  fouffcrt  le 
plus  de  contradiftion ,  6c  que  par  une  providence  bien  marquée,  la  contradiftion 
a  toujours  ferv'i  à  faire  briller  davantage  l'éclat  des  œuvres  de  Dieu. 

M.  Roune,fuivant  que  l'atteftent  38.  Curés  de  la  ville  6c  du  Diocéfe  de  Reims 
dans  Iciu"  féconde  requête  aux  Grands  Vicaires ,  étoit  un  Prêtre  'vertueux  ....  qui 
s''ejî  (iijîingué  fur  tout  par  une  humilité  profonde ,  une  patience  évangeîique ,  une  vie 
lahrieufe ,  un  grand  amour  pour  les  pawvres  :  enfin  par  un  attachement  inviolable  à 
tous  fes  devoirs.  Auflî  étoiî-il  appcUant  6c  réappcllant ,  fuivant  que  nous  l'appren- 
nent les  Grands  Vicaires  eux-mêmes  dans  leur  Ordonnance  :  6c  il  a  fi  bien  perféve- 
ré  dans  ce  fcntimcnt  jufqu'à  la  mort ,  que  fon  Curé  très  zélé  Conilitutionnaireayant 
fait  auprès  de  lui  les  plus  grands  efforts  pour  l'engager  dans  fa  dernière  maladie  ;t 
retraiter  fon  appel  6c  n'^ayant  pu  l'ébranler,  lui  refufa  les  derniers  Sacremens. 

Ainfi  les  fcÀateurs  de  la  nouvelle  morale,  en  même  tems  qu'ils  ralTcmblcnt  au- 
tour de  l'Autel  un  grand  nombre  de  chiens  pour  dévorer  l'Agneau  Pafcal  :  circufn- 
?f.  II.  17.  àederunt  me  canes  multi  :  refufcnt  d'admettre  à  ce  fiicré  banquet  ceux  à  qui  nôtre  di- 
vin Sauveur  fe  donne  lui-même  de  fes  propres  mains-,  ceuK  qu'il  remplit  de  fon 
ciprit ,  qu'il  éclaire  de  fa  vérité ,  6c  qu'il  embrafe  de  ion  amour. 

Mais  ce  fut  bien  en  vain  que  ce  Curé  propofa  à  M.  Roufl'e  de  difiîmuler  du 
moins  fes  fcntimcns.  Ce  faint  Prêtre  animé  de  l'efprit  du  généreux  Eléazar  lui  ré- 
pondit comme  avoit  fut  autrefois  cet  illufire  vieillard  :  qu'il  n'étoit  pas  digne  de 
1.  MicM*.  îon  état  de  déguifer  la  vérité  :  non  enim  atati  dignum  eft ,  inquit ,  fingcre  :  6c  ce  Cu- 
<'  »♦•  ré  ayant  de  fa  part  perfifté  dans  fes  refus,  il  fallut  que  les  amis  de  M.  Rouife  ob- 
tinflcnt  une  permiinon  de  M.  l'Archevêque  de  Reims  pour  lui  tlùrc  adminiilrcr 
par  un  autre  Prêtre  les  Sacremens  des  mouvans. 

Ne  pouvons  nous  pas  avec  juftice  lui  appliquer  ces  paroles.  Nec  fuperavit  iV.um 
ïeeii.  4î,  verburn  aliquod^  (jf  mortuum prophetavit  corpus  ejus.  Aucune  parole  ne  pût  le  vain- 
**■  cre  jafqu'au  dernier  moment  de  fa  vie,  6c  fon  corps  après  fa  mort  prophétifa  1» 

rérité. 

En  effet,  en  même  tems  que  le  Curé  d'Avcnai  crût  qu'il  devoit  retrancher  de 
l'Eglifc  ce  iaint  Appcllant  comme  un  membre  gâté  6c  corrompu,  Dieu  jugea  au 
contraire  qu'il  méntoit  par  fa  réfillancc  courageufc  de  fcrvir  après  fa  mort  de 
témoin  à  la  Vérité,  par  Ick  miracles  du  premier  ordre  qu'il  opéra  lur  fon  tombeau. 
Par  un  exemple  ii  déci  fif,  la  fagcffc  éternelle  voulut  aprcndre  avec  éclatàceus: 
OUI  auroicnt  à  hiportcr  de  pareils  traitemens:  (\\\' heureux  cil  celui  qui  foufrc  per- 
Jt(ution£our  la  juftice  j  fut-il  cbajfé  dt  la  Synagogue  pour  avoir  rendu  témoignage 

aux 


P  R  E  L  I  M  1  N  J  I  R  E  s.  j 

aux  mincies  de  Jesus-Christ.     Réjotiijfés  vous  alors ^  dit  nôtre  divin  Maître,  ^  ^ 
farce  qu'une  grande  récompenfe  vous  eft  refervée  dam  le  Ciel-j  car  c^ft  ainfi  qu'ils  ont  n.  ^' 
perfécuté  les  Prophètes  qui  ont  été  avant  vous. 

Auffi  le  Curé  d'Avcnai  eut  beau  menacer  de  l'cxcommunication'cet  intrépi- 
de Appellant ,  dans  un  tems  où  la  foiblefle  du  corps  fe  communique  fouv^ent  à  l'cf- 
prit  ,  rien  ne  pût  faire  plier  fon  courage  &  fa  foi  :  necfupcravit  illum  verhum  ali- 
quod ,  6c  nous  allons  faire  voir  que  Dieu  l'en  recompenfa  en  faifant  de  très  grands 
miracles  fur  fon  tombeau ,  £sf  mortnum  prophetavit  corpus  ejus. 

Il  y  Avoit  au  village  de  Mareiiil  diocéfe  de  Reims  une  fille  paralitiquc  depuis 
21.  ans  nommée  Anne  Augicr,  à  qui  M.  RouOe  feifoit  de  tems  en  tems  quel- 
ques charités  &  qu'il  exhortoit  par  fes  pieufes  inflrudlions  à  profiter  de  l'état  ac- 
cablant oh  Dieu  l'avoit  réduite. 

Depuis  plus  de  zi.  ans  les  jambes  de  cette  impotente  étoient  fî  décharnées 
qu'il  n'y  rertoit  plus  que  les  oflemens  couverts  d'une  peau  livide.  L'impuifîance 
totale  où  elle  étoit  de  s'en  fervir  l'ayant  mife  dans  la  nécclîîté  de  reftcr  comme  en- 
chaînée dans  la  pofture  où  elle  fe  trouvoit,  bientôt  fon  corps  fut  tout  couvert 
d'écorchures  &  de  plaies  qu'une  preffion  continuelle  augmentoit  £c  cnvenimoit 
fans  ceffe  :  la  paralifie  lui  fit  aulîî  perdre  l'ufage  d'un  bras  ;  Enfin  ce  corps  hideux 
devint  encore  la  proie  d'un  cruel  cancer,  &  d'une  fiftule  ouverte  par  où  décou- 
loit  la  pourriture  que  ce  cancer  ne  ceffbit  de  produire. 

Un  état  fi  horrible  6c  d'une  incurabilité  fi  maniferte  étoit  un  fujet  digne  de  la 
miféricorde  de  celui   qui  n'a  qu'à  vouloit  pour  exécuter. 

Il  met  dans  le  cœur  d'Anne  Augier,  auffitôt  qu'elle  eut  appris  la  mort  de  M. 
RouîTc  arrivée  le  9.  Mai  17 ij.  de  fe  faire  porter  fur  fon  tombeau.  Toutes  les  dif- 
ficultés qu'elle  rencontra  à  l'exécution  de  ce  projet  ne  purent  la  rebuter  :  Elle 
parvint  enfin  à  s'y  fiire  tranfporter  le  8.  Juillet  de  la  même  année. 

O  Prodige  digne  de  l'admir-ition  de  tout  l'Univers  !  En  un  moment  les  os  fecs 
&  arides  qui  lui  reftoient  de  fes  jambes,  font  regarnis  de  toutes  les  parties  né- 
ccfTaires  pour  l'aélion  :  la  paralifie  du  bras  fe  difiîpe,  le  cancer,  la  fiftule,  6c 
toutes  les  autres  plaies  difparoiffent  tout-à-coup. 

La  figure  hideufe  de  cette  paraiitique  avoit  été  pendant  plus  de  10.  ans  un  objet 
trop  frapant  pour  n'avoir  pas  des  milliers  de  témoins.  Auflî  le  miracle  d'une  régé- 
nération il  fubitc  8c  d'un  changement  fi  merveilleux  fit-il  une  grande  impreiîion 
dans  toute  l'étendue  de  l'i^rchevèché  de  Reims.  On  courût  en  foule  prier  lùr  le 
tombeau  où  Dieu  Icmbloit  lui-même  appeller  les  Fidèles  en  y  fignal.mt  L\  miiericor- 
de  par  des  prodiges  fi  magnifiques.  Un  grand  nombre  de  Curés  6c  d'autres  ecclcfiafti- 
qucs, quoique  quelques-uns  d'cntr'eux  eulTent  reçu  la  Conftitution ,  furent  fi  tou- 
chés de  ce  miracle  ,  qu'ils  fe  joignirent  à  tout  le  peuple  pour  le  publier  à  haute  voix. 

D'autre  part  les  grands  Vicaires  fentircnt  vivement  les  conféquences  qui  reful- 
toient  de  cette  décihon  divine. 

Ils  ne  purent  voir  fans  d'-pit  que  le  corps  mort  d'un  réappellant,  à  qui  on  avoit 
eu  tant  de  peine  par  cette  raiibn  d'accorder  les  derniers  Sacrcmens ,  fit  d'une  ma- 
nière fi  éclatante  la  fonétion  de  prophète ,  6c  que  Dieu  eut  autorifé  par  un  fi  grand 
miracle  la  pureté  de  fa  doctrine ,  la  canonicité,  la  juilice,  la  nécefilté  de  fon  appel. 

Ils  apprirent  avec  une  extrême  douleur ^  difent-il  eux-mêmes,  que  plujîeurs  per- 
fonnes  venoient  implorer  les  miféricordes  de  Dieu  fur  ce  tombeau ,  où  il  avoit  don- 
né une  preuve  fi  fenfible  de  (■x  préfence,  6c  de  fes  regards  bicnfaiiants. 

^.e  ferons  nous ,  dirent  autrefois  les  Chefs  de  la  Svnagogue ,  après  que  Saint  ^^ 
Pierre  6c  S .  Jean  eurent  guéri  un  boiteux  à  la  perte  dii  temple  :  ces  gens-ci  ont  fait  &  i'?*'     ' 
un  miracle  qui  eft  connu  de  tOHj  les  habitans  de  Jéncfalcm  :  il  eft  évident ,  tS  nous  ne 


A  REFLEXIONS 

faurioHS  le  tiiey.   Ahis  afin  que  le  bruit  ne  s'en  répande  pas  davanla^e  parmi  le  peU' 

pie,,  défendons  leur  ai'ec  menaces  de  parler  déformais  au  nom  de  J.  C. 

Telle  fut  à  peu  près  \x  réfolution  que  prirent  les  Grands  Vicaires.  Ils  fulminè- 
rent un  Mandement  un  mois  &  demi  après  le  miracle,  le  ip.  Août  de  la  même 
année  1727.  par  lequel  ils  défendirent  à  toutes  pcrfonnes,/o«i/'f/«é?  d'excommunica- 
tion majeure  encourue  par  le  fcul  fait,  de  faire  à  r  avenir  ou  même  de  confeiller  des  pè- 
lerinages . ...  13  neuvaines  dans  la  chapelle  de  S  te  ylnm  de  VEglife  Paroijfiale 
d' Aimai  fur  le  tombeau  de  feu  Sieur  Gérard  RouJ/e  réputé  Jppellant  (^  Réappellant 
delà  Conftitution.  Ils  crurent  que  c'étoitlà  le  plus  fur  moicn  d'étouffer  l'éclat 
que  faifoit  un  fi  grand  miracle. 

Mais  quoi ,  lancer  les  plus  terribles  anathémes  "contre  ceux  qui,  attirés  parle 
fignal  que  Dieu  lui-même  faifoit  paroitre  fur  ce  tombeau,  s'emprcflent  de  lui  pré- 
fcntcr  leurs  prières  dans  un  lieu  qu'ilvenoit  de  favorifer  d'une  manière  fi  dillinguéc? 
Depuis  quand  le  foudre  redoutable  de  l'excommunication  majeure,  que  l'Eglile 
n'a  droit  de  faire  tomber  que  fur  ceux  qui  font  convaincus  de  forfaits  énormes  & 
fcandaleux,  peut-il-être  employé  contre  ceux  qui  n'ont  d'autre  crime  que  d'avoir 
adreffé  leurs  vœux  à  Dieu,  dans  une  chapelle  qui  lui  cftconf.icrée?  &  d'avoir  eu  re- 
cours à  l'intcrceffion  d'un  homme  mort  dans  le  feinde  l'Eglifc,  8c  muni  defesSa- 
crcmcns  :  d'un  homme  dont  la  vie  édifiante  avoit  été  employée  fans  ceffe  à  pratiquer 
toutes  les  vertus  chrétiennes  :  d'un  homme  dont  l'attachement  à  tous  fcs  devoirs, 
l'amour  tendre  pour  les  pauvres,  l'humilité,  la  douceur  &  la  patience  évangeli- 
qucs  auroient  du  fcrvir  de  Modèle  il  tout  le  Clergé  de  ceDiocéfe  :  d'un  homme 
enfin,  dont  Dieu  lui-même  venoit  de  déclarer  le  bonheui-  éternel  en  manifcitant 
le  crédit  de  fon  intercefîîon. 

Il  faut  que  les  Grands  \'icaires  ayent  jugé  quclcfcandale  que  caufoit  ce  miracle 
fut  déjà  bien  répandu  dans  la  province ,  6icn  prcflant ,  2c  bien  contagieux  pour  y 
avoir  apporté  un  remède  fi  extrême. 

Mais  fous  quel  prétexte  rctranchent-ilsainfi  del'Eglife  ceux  qui  iront  implorer  1a 
mifèricorde  de  Dieu  dans  un  lieu  oi^i  il  venoit  de  faire  defcendre  d'une  m;uiicre  fi  vi- 
fiblefesfivcurs  les  plus  finguliercsSc  les  plus  brillantes?  Ont -ils  reconnu  que  le  mi- 
racle étoit  faux  ?  non ,  ils  n'ofent  même  l'avancer  :  ils  ob  jcélent  feulement  que  ce  pré- 
tendu miracle  n'a  pas  été  reconnu  ni approwcépar  aucune autoritélégitime. 

Quoi  ?  le  Très-Haut  étoit-il  obligé  d'obtenir  leur  agrément  pourfaire  des  mirac- 
les ,  6c  a-t-il  befoindekm-  approb.ition  ?  S'il  ne  leur  plait  pas  d'en  faire  aucun  cxiunea 
juridique  :  s'ils  le  refufcnt  au  contraire  perfcvérammcnt ,  les  œuvres  de  Dieu  en  fc  ■ 
roient  -  elles  moins  fes  a^uvrcs  ?  Les  hommes  ont-ils  donc  le  droit  d'étoufcr  fa  voix  ? 
Zx.  croient- ils  que  leTout-puiffant  foit  dans  l'obligation  d'emprunter  leur  autorité 
pour  la  manifellation  de  fcs  merveilles  ? 

Lorfque  les  premiers  Pallcurs  refufcnt  de  faire  leur  devoir  à  cet  égard ,  n'ell-iî  pa.'î 
permis  à  Dieu  de  conftatcr  lui-même  la  vérité  de  fcs  œuvres  par  l'éclat  de  leur  évi* 
dencc  ?  N'étoit-on  pa.s  obligé  de  fe  rendre  aux  miracles dej.  C.  malgré  les  dcfcn- 
fts  des  Princes  des  Prêtres,  quoiqu'ils  fuiTcnt  des  Pallcurs  légitimes  aifis  dans  la 
Chaire  de  Moïfe?  Fjifin  les  miracles  étant  des  faits,  n'ell-ce  pas  le  témoignage  de 
ceux  qui  les  ont  vus  ,  qui  en  fait  la  preuve  la  plus  cflenticllc  ?  &  les  premiers  Pa- 
fleurs  ont-ils  d'autre  droit  que  celui  de  juger  fi  ces  témoignages  font  ou  ne  font  pag 
concluans  ?  D'où  il  réfijltc  que  loriliuc  les  miracles  font  par  eux-mêmes  de  la  dcrnicit 
cvidcncc  ,  on  n'a  pas  bcfoin  pour  les  croire  d'attendre  la  (.iécifion  des  Pallcurs,  fur- 
tout  lorfque  leurs  préventions  ne  font  que  trop  connues. 

Mrs.  les  Grands  Vicaires  citent  à  la  vérité  une  information  faite  de  leur  ordre  par 
le  DUcn  i-unûd'Epernai3  mais  iln'*  ctc  quclUon  dans  cette  iiiforniatiou  ,  fuiv;uu 

G{UC- 


TRELIMINJIRES.  f 

que  nous  l'apprend  k  requête  des  32.  Cures  dont  nous  parlerons  dans  un  moment, 
que  de  fa%"oir,  fi  on  rcndoit  qttelque  culte  public  à  M.  RonJJ'e  .^  fans  entrer  dans  T examen 
de  ré'jénement  arrivé  fur  fon  tombeau  le%. Juillet  dernier^  la  vérité  duquel^  ajoutent 
les  32..  Cnrés.  ^  paroit  aff urée  par  le  concours  des  Fidèles  que  les  informations  fufdiîes 
fitte fient  d'une  manière  bien  éclatante. 

Aufli  les  Grands  Vicaires  fe  font  bien  donnés  de  garde  de  déclarer  dans  leur  Man- 
dement le  contenu  de  cette  information  :  &  quoi  qu'ils  euffentchoifî  leurs  témoins 
avec  grand  foin,  ayant  affefté  de  ne  point  entendre  la  perfonne guérie ,  ni  les  Chi- 
rurgiens qui  l'avoient  traitée ,  ni  aucun  des  habitans  de  Çx  paroifîe  qui  tous  ont  attelle 
le  miracle  d'une  manière  autentique  -,  néanmoins  l'information  a  fi  mal  réiiiîl  au 
gré  de  leurs  défirs ,  qu'ils  ont  été  obligés  de  diflîmuler  ce  qui  en  refulte. 

Ne  pouvant  donc  tirer  aucun  avantage  de  leur  information ,  ils  n'ont  eu  pour 

Îjrétexte  de  leur  mandement  que  la  qualité  de  réappellant  qu'avoit  M.  Rouffc.  Âinfl 
es  foudroiantes  menaces  qu'ils  ont  fait  tonner  avec  tant  de  bruit,  n'ont  été  lancées 
qu'en  haine  de  ce  que  Dieu  s'c'toit  déclaré  par  un  fi  grand  prodige  en  faveur  d'un 
réappellant,  6c  avoit  fi  hautement  canonifé  fon  Appel. 

Au  furplus  quel  mandement  !  qui  au  lieu  de  préfentcr  aux  Fidèles  des  inftruétions 
capables  de  les  porter  à  la  piété  ôc  à  l'efprit  de  douceur,  de  modération  &  de  cha- 
rité qui  eftl'amedu  Chriilianiime,  ne  leur  fait  voir  que  des  foudres  dont  on  menace 
d'accabler  tous  ceux  qui  chercheront  à  profiter  des  faveurs  que  Dieu  l'emble  leur 
offrir  fur  un  tombeau  qu'il  lui  plait  d'illuftrer  par  des  miracles.  O  mandement  !  digne 
fruit  d'une  Bulle,  qui  devant  fa  naiflance  à  l'intrigue  Se  à  la  cabale,  fefoutientpar 
la  violence,  Se  en  engageant  fes  zélateurs  à  combattre  contre  Dieu  même. 

Si  les  Grands  Vicaires  avoioit  cherché  la  vérité,  ou  pour  mieux  dire ,  s'ils  n'a- 
voicnt  pas  été  déterminés  à  fermer  les  yeux  à  la  lumière,  auroient-ils  refufé  de  faire 
droit  fur  la  requête  qui  leur  fût  préfentée  le  zf.  Septembre  de  la  même  année  peu 
après  leur  mandement,  p-ar  32.  Curés  de  prefque  toutes  les  paroifles  voifines  de 
Mareiiil,  qui  après  leur  avoir  rendu  compte  de  l'état  oîj  avoit  été  Anne  Augier 
pendant  22.  ans,  leur  attellent  fa  guérifon  fubite  opérée  le  8.  Juillet  fur  le  tombeau 
de  M.  Rouflcj  déclarent  qu'ils  font  perfuadés  de  ces  faits  également  comme  leurs pa- 
roijjïens  ^  &  leur  repréientent  vivement  de  quelle  nécefilté  ûeû  de  fixer  antentique- 
ment  la  créance  fur  cette  merveille  ^  fait  enconfiatant  Vinfuffifance  des  preuves  ^foit  en- 
tes confirmant  ^  &  les  requerent  d'en  faire  eux-mêmes  l'information. 

Cette  requête  devoir  faire  d'autant  plus  d'impreflîon  fur  Mrs.  les  grands  Vicaires, 
qu'une  partie  des  Curés  qui  la  leur  préfentoient  avoient  paru  jufqu'à  ce  miracle  en- 
tièrement fournis  à  la  Bulle,  &  que  c'étoitce  miracle  même  qui  leur  avoit  fait  con- 
noitre  l'illufion  de  leurs  préjugés. 

Si  les  Grands  Vicaires  eux-mêmes  n'eufient  pas  été  pleinement  convaincus  du 
miracle,  ils  n'auroicnt  pas  refufé  d'en  faire  l'information,  puifqu'étant  les  maîtres 
de  la  rédaélion  des  dépofitions ,  il  leur  auroit  été  facile,  pour  peu  que  le  miracle 
n'eut  pas  été  de  la  dernière  évidence ,  de  relever  les  circonftances  qui  auroient  pu  eu 
diminuer  l'éclat,  Scde  faire  enfortc  que  les  preuves  en  deviailcnt  équivoques.  Mais 
comment  pouvoir  obfcurcir  un  fait  d'où  iortoient  tant  d'éclats  de  lumière  .''  Gom- 
ment s'empêcher  de  reconnoitre  un  furnatui-cl  divin  dans  la  guérifon  fubi  ce  de  deux 
jambes  entièrement  deflechées  depuis  21 .  ans ,  Se  qui  recouvr-cnt  en  un  iuilant  toutes. 
les  parties  néceiTiiires  pour  agir? 

Ilsontfcntiqu'il  ne  leur  rcftoit  d'autre  relTburcepourperfevcrer  dans  Icureneury 
que  de  refafer  conftamment  de  s'éclaircir  de  la  vérité.  C'eil  la  réfoîuticn  que-leur 
attachement  pour  la  Bulle  leur  a  fiit  prendre  ;  à  quoi  ils  ont  d'abord  .;ioi-té'ia  pré»' 
«audon  de  Élire  fernoer  la  Chapelle  de  Sninr<;  Anne,  de  crainte  que  Dieu-pourat^ 

>t  \  ffiriî- 


t  REFLEXIONS. 

torifcr  ce  premier  miracle,  ne  prit  le  parti  d'en  faire  un  fécond.  Mais  ô  vainc  pruden- 
ce des  hommes!  Le  Seigneur  fc  rit  des  confeils  de  leur  foufTcfageffc.  Dansletcms 
même  que  Mrs  les  Grands  Vicaires  intimident  par  lacniinte  de  ce  que  la  religion» 
déplus  redoutable  quelques  Fidèles  peu  éclaires.  Dieu  paroit  une  fecc  de  fois:  II 
fait  derechef  entendre  fa  voix  fur  cette  tombe  anathêmatifée,  &:  par  là  il  railure  fie 
aftcrmit  plus  que  jamais  ceux  qui  avoientétc  éblouis  parles  foudres  du  mandement. 
Le  i6  >fri  i7i8.  La  Dame  Stapart  privée  depuis  plus  de  dix  ans  de  l'ccil  gauche, 
6c  dépui^s  quelque  tems  paralitiqucdc  la  moitié  du  corps,  vapleinc  de  foi  implorer 
malgré  les  ii-julles  défenfes  ,1a  miféricorde  de  Dieu  fur  le  tombeau  qu'il  avoitdéja 
glorifié.  En  vain  trouve-t-elle  la  Chapelle  fermée ,  Dieu  le  fcrt  d'un  enfant  pour 
montrer  aux  perfonnes  qui  font  avec  elle  le  fecrct  de  l'ouvrir  ;  &  à  peine  cft-cllc  fur 
cette  tombe  falutaire,  que  fa  picufe  défobcifHuice  eft  aulîî-tôt  récompenfée  parla 
guédfon  1a  plus  parfaite. 

A  la  vûè  de  ce  fécond  miracle  qui  levoit  fi  folanellemcnt  l'anathéme  que  des 
minillrcs  téméraires  avoient  ofé  prononcer  ,  le  calme  ,  la  confiance  &la  joïc  ren- 
trrnt  dans  les  cœurs  les  plus  timides  :  le  concours  fc  renouvelle  &  fc  multiplie  plus 
qu"  jamais:  Dieu  opère  enfnitecoup  fur  coup  plufieurs  autres  miracleséclatanscn 
f.vcur  tic  ceux  qui  s'cmprcdcnt  do  lui  préfcnter  l-^urs  prières  dans  ceianétuaire  de 
bénédiction,  &  qui  reclament  l'interccflî  iidubien-heurruxréappcUant. 

Plufieurs  Curés  dans  le  nombre  dcfqucls  il  y  en  a  quatre  de  la  ville  de  Reims ,  dont 
trois  font  D-iétcurs  en  Théologie,  inlhoits,  éclairés,  fortifiés  partant  de  miracles, 
rejoignent  à  laplupartdes  jz.qui  avoient  déjapréfenté  leur  requête  le  ly.  Septem- 
bre 1727. 

Si  d'une  part  les  menaces  &:  la  crainte  ferment  alors  la  bouche  à  quelques-uns 
de  ces  31.  Curés,  d'autre  part  Dieu  l'ouvre  à  quantité  d'autres  qui  jufqu'à  ce  fé- 
cond miracle  étoient  rcflés  dans  le  filcnce. 

Ces  Curés  au  nombre  de  38.  dénoncent  à  Mrs.  les  Grands  Vicaires  le  1 1 .  Oéto- 
bre  1728.  les  guérifons  arrivées  le  8.  Juillet  172.7.  y  16.  Mai  1728.  es  perfonnes 
i' Anne  Augicr  y  de  la  Danie  Stapart  comme  miraculeufes  :  ils  les  rcquérent  d'en 
faire  V information ,  &:  leur  offrent  de  leur  adminiflrer  preuzrs  ^  témoins  fuffifans. 
Ils  déclarent  dans  la  même  requête  qu'il  s'ell:  fait  encore  par  l'mtcrceffion  de  M. 
Rouflc  plufieurs  autres  guérifons  f///'  ne  font  pas  moins  conftdcrables  ^  &  cntr'autrcs 
Us  guérifons  d'Agathe  Malabre  &:  d'Oudart  le  'R.o'xdc  la  ville  de  Reims. 

Dans  le  même  mois  pour  toute  reponfe  Mrs  les  Grands  Vicaires  font  fiç^nifier 
une  efpece  d"i:uerdiction  à  plufieurs  de  ces  Curés ,  &  interdifcnt  en  mêmc-tems  de 
toutes  fondions  le  père  Huart  Vic;vired'Epcmai ,  quoi  qu'il  eut  été  jufqu'à  ce  fécond 
miracle  de  la  foumifllon  la  plus  aveugle ,  8c  le  pcrc  Sutaine  Corrrfteur  des  Minimes, 
quoique  très  Zclé  conftitutionnaire  :  tous  deux  pour  avoir  certifié  le  miracle  opo»- 
ré  fur  la  Dame  Stapart,  6c  avoir  crû  &  raportc  ce  que  leurs  yeux  avoient  vu. 

Cependant  M.  rx^rchcvcque  de  Reims  prend  la  peine  de  faire  réponfe  à  deux 
de  ces  Curés,  qui  avoient  eu  la  fermeté  de  lui  écrire  à  lui-mêrffe,  &  de  lui  e»- 
voyer la  dernière  requête  qu'ils  avoient  préfentécà  fesGr.mds  Vicaires. 

J'ai  fait  examiner^  dit-il,  les  faits  que  l'ous  me  mar(jué^.  Mais  aucl  eramen  que 
celui  ou  on  n'a  pas  entendu  les  perfonnes  guéries,  leurs  Médecins  &  Chii^rgicusj 
ni  aucun  de  ceux  qui  ont  eu  une  connoillance  parfaite  de  ces  miracles  ? 

Ces  faits.,  ajoute  le  Prélat ,  trouvent  nombre  de  contradiEleurs.  Mais  les  miracles 
même  de  J.  C.  n'en  ont-ils  pas  trouvé  ?  Ceux  en  qucllion  font  attelles  par  les  té- 
moins les  plus  irr.prochables,  par  une  infinité  de  perfonnes  de  toutes  fortes  d'états 
&  de  conditions ,  par  la  Plus  faine  partie  des  Paltenrsdu  Diocéle,  î\'  même  p;u" 
•les  Coottitutioonsurrs  qui  n'ont  pu  le  rcful'er  à  leur  cvidcncc.  Si  cc;>  œir..cie>ont 

d«s 


PRELIMINAIRES.  y 

des  contradicteurs,  n'eft-cepasie  fort  de  la  vérité  fur  li  terre?  Et  n'efl-ce  pas  même 
un  motif  prefflmt  qui  auroit  du  engager  M.  l'Archevêque  de  Reims  à  en  fiire  fure 
une  information  juridique,  pour  reconnoître  avec  certitude  fi  ces  contradicteurs  l'é- 
toient  avec  quelque  fondement,  ou  fi  au  contraire  leur  contradiâion ,  n'en  avoit 
point  d'autre  que  leurs  préjugés,  leur  intérêt,  &  leur  aveuglement  volontaire? 

Ih  prétendent .,  conûmic-i-i\  ^  que  dans  Tcccafton  préfente  ;  c^fl  Vefprit  de  parti  qui 
fait  agir.  Mais  en  qui  fe  trouve  cet  efprit  de  parti  ?  Eft  ce  dans  ceux  qui  font  fi 
certains  des  faits  qu'ils  ne  craignent  point  de  demander  à  ceux  dont  ces  miracles 
condamnent  les  fentimens,  d'en  faire  faire  eux  mêmes  des  informations  juridiques? 
ou  cet  efprit  de  parti  n'eft-il  pas  plutôt  dans  ceux  qui  refufent  tout  examen,  & 
qui  veulent  que  leurs  préjugés  l'emportent  fur  l'évidence? 

Ils  prétendent ,  dit  encore  ce  Prélat ,  qiCon  donne  des  apparences  pour  des  réalités 
des  conje^ures  pour  des  preuves  ,  i^  un  fimple  bruit  populaire  pour  une  vrayc  notoriété. 
Seroit-il  poffible  qu'une  paralifie,qui  avoit  deffeché  des  jambes  au  point  de  n'être 
plus  que  des  oflemens  couverts  d'une  peau  fcchc  &;  aride,  n'ait  été  qu'une  vaine 


dans  la  nature  pour  regénérer  tout  d'un  coup  des  mufcles ,  qui  avoient  été  pen- 
dant tant  d'années ,  finon  totalement  détruits,  du  moins  entièrement  defféchcs  & 
applatis  fur  les  os?  Ou  eit-il  croyable  qu'x^nne  Augier  ait  pu  marcher  avec  des 
jambes  qui  n'auroient  pas  eu  toutes  les  parties  par  le  gonflement  delquellcs  fe  fiit  le 
mouvement?  Enfin  faut-il  s'imaginer  que  tous  ceux  qui  ont  vu  marcher  cette  fil- 
le depuis  le  8.  Juillet  171-'.  jour  du  rétablUfement  fubit  de  tous  les  muiclcs  de  fcs 
jambes  jufqu'ù  prélent,  ont  été  féduits  par  nn  fiintômc  qu'ils  ont  pris  pour  elle? 

Jufqu'à  ce  tems ,  où  l'incrédulité  eit  poufTée  jufqii'aux  derniers  excès,  le  té- 
moignage des  fens  avoit  toujours  paru  decifif  pour  juger  de  la  certitude  des  faits. 
L'intérêt  de  la  Bulle  peut-il  foire  abroger  cette  loi  naturelle,  &  détruire  cette  règle 
commune  à  tous  les  hommes?  Quand  une  infinité  de  pcrfonnes  ont  tous  vu  une 
même  choie,  &  pendant  très  long-tems,  faudra-t-il  déformais  fe  défier  que  ce 
ne  foit  qu'une  illufion  ? 

L'œil  gauche  de  la  Dame  Stapart,  que  tous  ceux  qui  la  connoifient  ont  vu  im- 
mobile &  éteint  pendiuit  plus  de  dix  ans,  eft  encore  un  de  ces  faits  fur  lequel  il  eft 
bien  difficile  de  fe  tromper,  aufilbien  que  fur  celui  de  fi  guérifon  fubite,qui  lui  a 
rendu  dès  le  premier  moment,  non  feulement  le  mouvement  de  l'œil,  mais  en 
même  tems  la  fiiculté  de  voir. 

Si  de  pareilles  guérifons  opérées  à  la  vûë  de  tout  un  peuple  ne  doivent  être  pri- 
fès  que  pour  des  apparences ,  il  s'enfuivra  neceflairement  qu'il  n'y  a  rien  dz  certain 
dans  le  monde.  Qu'une  caufe  eft  déplorable,  lorfque  pour  la  ibuteniron  fevoit 
obligé  d'avoir  rectiurs  aux  extravagances  du  Pirrhonifme. 

Mais  par  quels  témoins  ces  faits  font-ils  atteftés  ?  C'eft  entr'autrcs  par  :!8.  Curés,, 
dont  plufieurs  avant  ces  miracles  avoient  été  fournis  à  la  Bulle,  mais  qui  convain- 
cus par  cette  décifion  divine,  foulent  aux  pics  tout  intérêt  humain,  pourfc  ren- 
dre témoins  de  miracles  qui  condamnent  les  préjugés  dans  lefquelks  il  avoient  été 
jufqu'à  ce  moment.  Et  comment  encore  les  certifient-ils?  De  la  manière  la  plus 
propre  à  faire  impreflîon  fur  quiconque  n'a  pxs  cnTierement  fermé  fon  cœur  aux 
rayons  de  la  lumière.  Ce  n'elt  pas  feulement  par  de  fimples  récits  ou  par  des  té- 
moignages privés,  c'ell  par  la  démarche  la  plus  éclatante, la  plus  publique,  Se  par" 
fâ  même,  la  plus  capable  de  leur  attirer  toutes  fortes  de  difi^raccs^  c'clt  en  dé- 
Bonç^mt  CCS  miriu:lcs  ùleur  Archevêque  zélateur  déclaré  de  La  Bulle  que  ee&  mira  alèse 


1  REFLEXIONS. 

profaivcnt,  5c  à  Tes  Grands  Vicaires  qui  avoicnt  déjà  f-\it  éclater  leur  dépit  contrs 
le  premier  de  ces  min.cles,  &  le  tonnerc  de  leur  anathcme  contre  ceux  qrl  au- 
roicnt  recours  au  bien-hcurcux  AppcUant  à  l'interccffion  de  qui  Dieu  l'avoit  acc.irdé. 

Ces  généreux  témoins,  qui  méritent  d'autant  plus  de  foi  qu'ils agilTcnt  contre 
leur  intérêt,  font  encore  foutcnus , par  plus  de  iKo.  autres  de  toute  forte  de  condi- 
tion*, 6c  on  ofe  qualifier  cette  multitude  de  témoignages  du  nom  d'unfimple  bruit 
populaire.  Si  ce  qui  a  été  vi'i,  Se  eil  attelle  p;u-  écrit  d'un  fi  grand  nombre  de 
perfonnes  ne  peut  pafTcr  pour  une  notoriété,  ce  mot  ne  fera  plus  déformais  qu'un 
nom  chimérique  qu'on  ne  pourra  jamais  réalifer. 

O-i  cherche  plus ,  dit  le  Prélat ,  àfoutcnir  des  engagemens  qu'on  a  fris  ^  <ju*à  rendre 
boinmage  à  la  'Toute  puiflancc  de  Dieu.  Hclas  !  il  n'elt  que  trop  vrai.  Mais  qui  font 
ceux  qui  loin  de  rendre  hommage  à  la  Toute  puifTance  Divine  ,s'obfl:inent  contre 
fes  décidons,  5c  tachent  d'étv/ufcr  l'éclat  de  fes  œuvres  pour  foutenir  les  engage- 
mens  qu'ils  ont  maiheurr-ufjment  pris? 

Soies  îranquUes  cependant ,  continue  tout  de  fuite  le  Prélat.  Qui  ne  fera  frapé  d'c- 
tonncmcnt  en  voyant  à  quoi  s'applique  cette  conclufion  ?  Les  Curés  avoient  dénoncé 
à  leur  Archcvèqu:'  un  l'candale  qui  fait  horreur.  On  cnejî  'venu  ^  Monfeigneur  .^  lui 
difent-ils  dans  leur  hcttre  ,jufqu'' à  obliger  les  pénitcns  de  croire  au [ft  fermement  que 
Af.  Rouffe  eft  damné ,  qu'il  eft  certain  que  Notre  Seigneur  J.  C.  efi  réellement  pré fent 
dans  le  Sacrement  adorable  de  nos  Autels. 

Qiioi  ?  cft-il  pofTible ,  ô  mon  Dieu  !  que  des  Prêtres  dès  qu'ils  font  imbus  de  la  nou- 
velle mor.^.le,  ne  craignent  plusd'abuferdu  pouvoir  fins  règle  oc  fans  mefure  qu'ils 
s'atribuent  dans  le  Sacrement  de  pénitence,  jufqu'au  point  de  porter  à  des  crimes 
ceux  qui  y  viennent  chercher  la  remilTion  de  leurs  péchés  ?  Eft-il  pofliblc  qu'ils  exi- 
gent pour  prix  de  leur  taufle  abfolution,  qu'on  juge,  qu'on  condamne  aux  feux 
éternels  un  Prêtre  félon  vôtre  cœur,  dont  toute  la  vie  avoit  été  renfermée  dans 
l'exercice  des  vertus ,  qui  avoit  joint  à  une  charité  fans  bornes ,  la  douceur  d'un  en- 
fant, &  le  zélé  d'un  Apôtre,  &;  dont  vous  avéscanonifé  vous-même  la  faintetépsr 
de  très  grands  miracles  !  Mais  qu'elle  impiété  de  faire  d'un  jugement  fi  criminel  un 
nouvel  article  de  foi,  6c  d'ofer  le  comparer  à  ce  que  la  religion  nous  préfente  de  plus 
facré ,  à  la  foi  qu'on  doit  à  J.  C.  6c  à  fa  préfencc  adorable  dans  le  Sacrement  de 
nos  Autels  ! 

A  quel  aveuglement  conduit  donc  le  7.éle  pour  la  Bulle  ?  De  quel  excès ,  ô  mon 
Dieu!  l'homme  ne  devient-il  pas  capable  quand  il  s'éloigne  de  la  vérité?  helas.'nous 
qui  en  frémiffons ,  qu'avons  nous  fait  pour  être  dillingués  de  ceux  que  vous  laiflcs 
ainfi  s'égarer  ?  Qii'avois-jc  mérité  moi-même ,  ô  Dieu  de  miféricorde!  quand  il  vous 
i.  plû  de  faire  defcendrc  fur  moi  un  raïon  de  vôtre  lumière?  Je  n'étois  qu'un  nionllre 
de  corruption.  Le  ferpent  qui  fc  fervoit  de  moi  pour  répandre  fon  venin  d:ms  le 
morde,  m'en  avoit  pénétré  tout  entier.  Le  prince  de  l'abime  avoit  envclopé  moa 
cfprit  de  fes  plus  épaifics  ténèbres.  Mon  ame  étoit  abrutie  par  une  infcnfibilité  ftu- 
pide.  Cependant,  ô  Dieu  de  bonté!  vous  av  es  jette  fur  moi  des  regards  de  corap;if- 
fion.  Hrlas!  dans  le  nombre  de  ceux  qui  combattent  vos  vérités,  combien  v  en  a-t- 
il  qui  n'ont  jamais  été  foiiillés  par  des  crimes  aufil  honteux  que  les  miens  ?  Ay^s  donc 
pitié  d'eux  ô  mon  Dieu  !  vous  dont  la  miféricorde  cil  toute  gratuite.  S'ils  méprifcnt 
vos  décifions  ;  3c  .s'ils  perfécutent  vos  ferviteurs,  confidércs  que  ce  lont  des  aveu- 
gles qui  ne  favcnt  ce  qu'ils  font.  Commandés  à  leurs  yeux  de  voir ,  6c  ils  fc  joindront 
auflitot  à  nous  pour  célébrer  la  grandeur  de  vos  merveilles  6c  vous  en  rendre  gloire. 
Au  nom  de  votre  fils  Jefus,  répaniés  vos  bénédiélions  fur  Us  preuves  que  jevais 
leur  préfcntcr  de  la  certitude  de  ces  deux  miracles,  6c  daignéi  vous  en  fervir  pour 
éclairer  leurs  cfpritj  6v  toucher  Iciu-s  cœurs.  Ainli  foit-il. 

PIECES 


PIECES    PRELIMINAIRES 

j4ux  Démonjlrations  des  deux  Miracles  opérés  en  faveur. 

D'ANNE   AUGIER  ET  DE    LA  DAME  STAPART 

SUR    LE    TOMBEAU 

DE     MONSIEUR    ROUSSE. 


REQ.UETE  DE  32.  CUREZ  DU  DIOCESE   DE  R  E  I  M  S  ,  Pnifentéc 

le  23.  Septembre  1717. 

A  Mejfieurs  les  Vicaires  Généraux  de  [on  Altejfe  Aionfeigneur  h  Frime  de  Roban  Arche- 

tjêq:ie  Due  de  Reims. 


MESSIEURS. 

Ous  Remontrent  humblement  les  Curez 
de  Flcury  la  Rivière,  de  MateiiU,  d'Oyri, 
de  Biflèiiil,  de  Villers-Allerand ,  de  Tours 
fur  Marne ,  de  Mutigny ,  a'Ormes  ,  de  Di- 
zi,  de  Cumieres,  de  Mardeuil,  de  S.  Imo- 
ges  &  Champillon  Day  ,  des  Mefiieux,  de  Lu- 
des,  d'Ecciiil,  de  Cermier,  de  RuUy,  de  Chamery,  de 
Chaigny,  des  Iftres  &  Bury  ,  de  Villers  aux  nœuds,  de  Vil- 
le de  Mange ,  de  Coulommcs  6c  Vrigny ,  de  Champigny , 
■de  Gueux,  de  Sillery,  de  Verzenai,  de'Prunay,  de  Verzy, 
de  TailTy ,  de  Condé.  Tous  Curez  des  Doyennes  d'Eper- 
nay,  de  la  Montagne  &  de  Vede  de  ce  Diocéle.  Qu'il  vous 
auroit  plu  par  vôtre  Mandement  datte  du  29.  d'Août  dernier 
1727.  faire  defenfe  à  toutes  perlônnes  de  l'un  &  de  l'autre 
fexe  de  quelque  état,  qualité  &  condition  qu'elles  puiflent 
être ,  de  faire  à  l'avenir  des  Neuvaines  &  pèlerinages  dans 
la  Chapelle  de  Sie.  Anne  de  l'Eglife  paroiiTialed'Avenayou 
el^  inhumé  feu  le  fieur  Gérard  Rousse  ,  Prêtre  vivant 
Chanoine  dud.  Avenay  decede  le  9.  de  Mai  de  la  prerente 
année  I7i-.  &  fur  le  Tombeau  duquel  eft  arrive  le  8.  de 
Juillet  dernier  un  événement  qui  auroit  donne  occalion  à 
un  concours  de  fidèles  fur  led.  Tombeau. 

Que  les  fupplians  favent  que  l'efprit  &  la  pratique  de  l'E- 
glife a  toujours  été  d'arrêter  le  zèle  indifcret  des  fidèles, qui 
dans  le  culte  qu'ils  rendoient  à  des  Saints,  même  reconnus 
&  avères,  y  mêloient  quelques  fois  des  obletvances vaines  & 
fiiperftitieufes  dans  lefquelles  ils  pourroient  mettre  leur  con- 
fiance, tels  que  pourroient  être  ceux  qui  fe  fixeroient  (cru. 
puleufement  au  nombre  de  9.  ou  à  d'autres  cérémonies  fu- 
perflues  ;  mais  qu'ils  n'ont  point  de  connoifiàuce  qu'il  fe  foit 
pafle  rien  de  tel  fut  ledit  Tombeau. 

^  Qiie  led.  Mandement  du  19.  d'Août  1727.  paroit  avoir 
ete  donné  lut  les  informations  faites  par  le  fieur  Doyen  Rural 
d'Epernay  en  conl'equence  de  vôtre  Décret  du  15.  dud.  mois 
d'Août  rendu  fur  la  requête  prefentée  par  le  lieur  Promoteur 
de  l'Archevêché,  &  comme  aucuns  des  feits  énonces  en  lad. 
requête  dud.  fieur  Promoteur,  ni  aucuns  de  ceux  qui  pour- 
roient refulter  de  l'information  faite  par  led.  Sieur  Doyen  Ru- 
ral ne  font  articules  dans  led.  Mandement,  non  plus  que  ceux 
qui  pourroient  être  contenus  dans  les  ditfeients  mémoires  y 
nientionues,  les  fupplians  croyciit  entrevoir  qu'on  ne  s'eit  ar- 
rête dans  les  requêtes ,  informations  Se  mémoires ,  qu'.r  décou- 
vrir (1  on  rendoit  quelque  culte  public  aud.  feu  fieur  Ronflé , 
fans  entrer  dans  l'examen  du  fuld.  événement  anivc  fur  fon 
Tombeaii  led.  jour  8.  de  Juillet  dernier,  la  vérité  duquel 
garoît  aflliree  par  le  concours  des  fidèles  que  les  informations 
luld.  attellent  d'une  manière  bien  éclatante. 

f^ue  quoique  led.  feu  fieur  Gérard  Ronfle  ait  vécu  d'une 
manière  édifiante  &  exemplaite  dans  la  pratique  des  vertus 
chrétiennes  &  dans  l'exeicicc  de  l'aumône,  &  qu'il  foit  mort 
muni  des  Sacremens,  faifant  profeflion  de  la  foi  de  l'Eglife 
&  de  vouloir  vivre  &  mourir  dans  fa  communion  Se  inhu- 
me dans  le  lieu  faint,  cependant  les  fupplians  n'ont  pascon- 
leille  aux  fidèles  confiez  a  leur  foin  de  rendre  aud.  feu  le  fieur 
Roulfe  aucun  cuhe  public,  qui  n'eft  véritablement  dû  qu'à 
ceux  à  qui  une  autorite  légitime  permet  de  le  rendre.  Se  que 
s'il  y  a  eu  de  la  part  des  fidèles  quelques  dévotions  fur  ce  fu- 
jet,  ce  fontja  réputation  du  feu  led.  Sieur  Rouflc  8c  l'eclar 
de  la  !;uerilon  lubite  arrivée  fur  Ibn  Tumbeaulcd.jom8.de 

Pièces  Prélim.  Totn  II. 


Juillet  dernier  qui  auroient  pu  les  induite  i  honorer  ainfifi 
mémoire. 

Que  cet  événement  extraordinaire  &  qui  a  étrangement  fiir« 
çiis  ceux  qui  l'ont  vu  eft  tel;  que  la  nommée  AnneAugiec 
fille  de  la  patoiflé  de  Mateiul  fur  Marne  de  ce  Diocéfe  âgée 
de  47.  ans,  Sx.  affligée  fans  interruption  depuis  5.1.  ans  ou 
environ  d'une  patalyfie  fur  les  jambes  qui  l'a  toujours  empê- 
che de  marcher  depuis  ce  tems.  Se  l'a  expofé  à  des  chutes 
très  fréquentes  de  deflus  ta  chailé  poitative  quand  elle  y  etoit, 
êe  à  des  accidents  uès  fâcheux ,  &  attaquée  de  plus  depuis 
2.  ans  de  la  même  maladie  fut  le  bras  gauche  ,s'eft  fait  tranF- 
porter  avec  beaucoup  de  peine  dud.  Mareûil  à  Avenay  led. 
jour  8.  de  Juillet  dernier,  dans  la  Chauelle  de  Ste  Anne  de 
la  pareille  dud.  lieu ,  fur  le  Tombeau  dud.  feu  le  fieur  Rout 
fe ,  pleine  de  confiance  dans  les  prières  de  ce  pieux  Ecclefia- 
fl:ique  &  d'efperance  d'obtenir  de  Dieu  par  fon  interceffioa 
ce  qu'il  jugeroit  a  propos  pour  fa  perfonne  ;  où  alfiltante  k 
la  mefle  célébrée  par  le  Ceui  Robert  Chanoine  dud.  lieu,  s'eft 
trouvée  tout-à<oup  guérie  de  telle  foite  qu'elle  eft  revenue 
dud.  Avenay  aud.  iVlareiiil  quelques  jouts  après,  la  glus  gtan- 
de  partie  du  chemin  à  pied.  Se  qu'elle  jouit  à  piélent d'une 
lante  qui  la  met  en  état  de  vaquer  aux  emplois  pénibles  Se. 
ordinaires  à  une  peifonne  de  fa  condition. 

Que  les  habitans  de  Mateûil  Se  d'Avenay  étant  pour  la  pli- 
part  témoins  de  ces  faits  Se  de  plufieuts  circonftancesSede'. 
pendances  d'iceux ,  &  le  bruit  s'en  étant  foiiement  repanda 
dans  le  voifinage  de  ces  paroifles  Se  fur  tout  dans  les  nôtres, 
il  poutroit  arriver  qu'après  la  publication  faite  de  lad.  Ordon.. 
nance  du  29.  Aoiit  1727.  pat  les  fupplians,  les  fidèles  ne  pre- 
nant pas  cette  Ordonnance  dans  ton  point  précis,  &  nioin* 
occupez  de  l'infttudion  qu'ils  en  pourroient  titet,  que  des 
événemens  qu'ils  ont  vu  Se  qu'ils  favent,  ils  interprètent  mal 
le  fîlence  des  fupplians  fur  ces  faits ,  Se  ne  l'envilàgent  que 
comtrie  l'effet  d'une  indifférence  inexcufable  ,&  comme  une 
difpoûtion  marquée  de  leur  part  d'etontïer  autant  qu'il  feroit 
en  eux  la  vérité  d'un  événement  qu'ils  regardent  comme  l'œu- 
vre  de  Dieu. 

Qu'il  eft  par  confcquent  de  l'intérêt  des  fupplians  de  pré- 
venir des  jugemens  fi  defivantageux  à  leuis  perfonnes ,  d'au- 
tant plus  qu'ils  font  pcifdades  de  ces  faits  egalemeut comme 
lems  paroilliens.  Se  qu'il  eft  d'aiUeuts  neceilàiie  par  rapport 
auxd.  paroiflîens  de  fi.xer  anreniiqucment  leur  créance  fur  cet- 
te merveille,  foit  en  conftatantl'infutfifance  des  preuves  qui  les 
portent  à  la  ctoire ,  lâns  quoi  il  n'eft  pas  poifible  qu'ils  ne 
petfeverent  dans  la  conviction  ou  ils  font ,  foit  en  les  y  con- 
firmant afin  qu'ils  puiflent  fous  votre  autorité  6c  par  vos  or- 
dres en  glotifiet  Dieu  hautement. 

Ce  confidere  MelUears ,  il  vous  plaife  de  faite  informer  de 
la  vérité  des  faits  contenus  en  la  prefente  requête;  Se  notam- 
ment de  la  nature ,  durée  Se  autres  circonftances  de  la  ma- 
ladie de  lad.  Anne  Augier,  de  l'intention  qu'elle  a  pu  avoir 
lorfqii'elle  s'eft  fait  tianfporter  de  MateûU  a  Avenay  fur  le 
Tombeau  dud.  feu  le  fieur  Roulfe  avant  que  d'y  aller  Seau 
nioment  qu'elle  y  ailoit  êe  qu'elle  apifaiteconnoitreSc  ma- 
nifeftet  à  d'autres;  Se  enfin  de  d  guerifon  extraordinaire  6c 
peileverante  arrivée  à  lad.  Anne  Augier  led.  jour  8.  dejuil- 
1er  fur  led.  Tombeau  Se  ferez  bien,  ^i«/; /;^«f  ThomssBc- 
iioifmont  Curé  de  Fleurv  la  Rivière ,  Côrbier  Curé  de  M«- 
leiiil ,  Gueiiu  Cmé  de  Bifl'euii ,  Claude  Jicob  Cure  d'Ot- 
*  -7. 


i 


IT  VliUût  Curt  de  Villcrs-AUcrind  ,  Faciot  Cuie  de  Tours 
fm  Marne.  A.  de  Seia.nchamps  Cure  de  ^""fy^B  Con- 
tant Cure  d'Orn>cs,  le  Compcrc  Cure  de  Di^y,  G.  BUau- 
de"  Cure  de  Cumiaes,  F.  S.  Ve.zeau  Cure  ^e  'Mareu.  . 
R.  BUaudcl  l'iê.re  Cure  de  S.  Imoge,  &  Chairipil  on  Jou- 
vant  Cutc  d'Ay  ,  Th.  BaiUy  Cute  Des  mcncux ,  Loclmd  Cu- 
re de  Ludcs,  j.  Thition  Cure  d'EccLiil,  6.  VatTinCurede 
Ccrmicr,  C.  Cavillicr  Cutc  de  Chaigny,  J.  Gaillard  Cure 
des  Ifttes  &  de  Buty ,  Rcgnatd  Cure  de  Villers  aux  noeuds, 
Pothier  Cure  de  Ville  de  Mange,  Th.  lac^uetclle  Cure  de 
Coulommes  &  Vtigy,de  Coucy  Cure  de  Champigny,  Ca- 
rangeot  Cure  de  Gueux,  Jobari  Cure  de  SiUeu,  Gi.ks  l.u- 
ic  de  Verzcnai,  de  la  Coût  Curé  de  l'runai,  Cugiiet  Cu- 
re de  Vtizi,  Blc  Cure  de  TaiPy,  Benoît  Cure  de  Condc , 
au  deflous  eft  écrit  contrôle  à  Pans  le  2.  Juin  1734-  •«î'' 
IZ  (oU  S!rnr  Dubois,  erifiilie  rfi  r\r!t.  r    1    n   ■ 

le  fLuffigné  Cure  de  Mareiiil  lut  Ay  Diocefe  de  Reims, 
certifie  à  qui  il  appartiendra,  que  le  if.  de  Septembre  de 
l'année  i-i-.  j'ai  prélcnie  i  M.  le  Bègue  l'un  de  MM.  les 
Vicanes  Généraux  de  ce  Dioccfe  un  double  de  la  pvelente 
lequèce  au  nom  &  lignée  comme  celui-ci ,  en  foi  dequoi)  ai 
fiene  ce  jourd'hui  19.  |our  du  mois  d'Août  i^zS.  i'pit , 
CORBIER  Cutc  de  Mateiiil ,  an  dejji,,,  ejl  éuit  contrôle  a 
Paris  le  1.  Juin  1-3+.  lesi  n  fois  SM  Dubois,  cniuite 
eft  écrit,  certifie  véritable  ligne  &  pataphe  au  de  ir  de  1  A- 
âe  de  dépôt  pour  minute  paffe  pat  devant  les  Notaires  au 
Chàtelei  de  Paris  fouir.gnes  ce  I+.  Juillet  1754.  %«rCatte 
de  MoNTGERON  avcc  Loyson  Se  Raymonu  avec  Paraphes. 

II. 

l.ettre  à  Monftigneur  l'Archevêque  de  Reims,  par 

32.  Curez  de  fon  Diocéfe  dattee  d'Ay,  &=  envoyée 

a  Strasbourg  //i8.  Septembre  17 27. 

Monseigneur, 

LE  Mandement  donné  pat  MM.  les  Vicaires  Généraux  de 
Vôtre  Altesse  le  29.  d'Août  dernier ,  par  lequel  ils 
défendent  les  pèlerinages  &:  Neuvaiiies  dans  la  Chapel- 
le de  .'■'aince  Anne  de  l'Eglifc  d'Avcuay  de  votre  Diocele , 
fut  le  Tombeau  du  feu  le  lieur  Gérard  Roufle  Prêtre ,  vi- 
vant Chanoine  dud  lieu,  nous  a  fourni  l'occalion  de  leur 
prelcnter  ce  joutd'hui  une  requête  tendante  à  ce  qu'il  leur 
plailc  faire  informel  des  fiitsqu'cUe  contient  ,&pariiculierc- 
mcnt  de  la  maladie  d'Anne  Augier  fille  native  &  habitante 
de  Mateuil,&dclaguériron  fingulieie  arrivée  en  la  faveur  le 
S.dejuilletdernierfurle  Tombeau  dud.  teu  le  lîeur  Roufle. 
Quoique  nous  nous  foyons  adtefics  à  eux  pour  cela  pendant 
vôtre  ablence,  nous  avons  crû  ,  Monfeigneur ,  qu'il  eioitaulTi 
de  notre  devoir  de  nous  adicircr  à  Votre  Altefle  pour  la  lup- 
plier  de  vouloir  faire  expédier  (es  ordres  afin  qu'il  (oit  fait  droit 
lûr  nos  demandes,  &  c'eft  ce  tpic  nous  prenons  lalibcrréde 
faire  au  nom  de  nos  confrères  a  qui  la  requête  que  nous  avons 
ptclcntec  c(l  commune  avec  nous.  Comme  nous  fuppolons 
nue  MM.vosGrands-Vicaiiesvouscnvoycront  nôtre  dite  requê- 
te, Monfeigneur ,  nous  ne  répéterons  point  ce  qu'elle  contient , 
nous  reprelcntctoDS  feulement  ici  à  Vottc  Altelfc  que  les  ha- 
biians  de  nos  paroifles  continuant  d'être  vivement  fiappez,  des 
<vcncmens  dont  ils  ont  ctc  témoins ,  ik  étant  dans  l'attente 
qu'on  les  confirmera,  nous  nous  ferions  crû  très  blâmables  li 
dans  CCS  ciiconftances  nous  étions  reftcs  dans  une  inaction  qui 
cntraineioit  avec  elle  une  foule  d'inconvcnicns  dont  le  dttail  ne 
lauioit  que  faite  beaucoup  de  peine.  Votte  Altellc,  Monfei- 
ineur ,  (ent  cftcctivcmcnt  mieux  que  nous ,  combien  eu  egatd  à 
ia  difpolition  des  cfpriis,  il  eft  important  pout  nous  de  demander 
Texamcn  de  ces  feus  ,  parce  qu'auttemeni  les  petlonnes  de  bori- 
ne  foi,  qui  comme  nos  patoilTiensfontperluadesquc  lagueri- 
fon  arrivée  à  la  fufd.  Aiigi':r  clt  futnaturcllc,  fetoient  aban- 
données a  l'illufion,fi  CCS  faits,  ce  que  nous  ne  craignons  pas, 
pouvoieni  le  trouver  faux,  tandis  qn;  d'un  autiecote,  li  les 
feits  font  vrais,  comme  nous  en  fommcs  convaincus,  les  pré- 
tendus elprits  foitsf.-ri  i-ntcn  quelque  ("otteautorifes  dans  cette 
iDdiffereiicc  qui  leur  fan  envilagertouslescvenemcns linsau- 
cun  rcioiir  A  1  )icu  ,  S<  par  coiifcqucut  dans  l'ingratitude  ,  Se  ceux 
dont  l'elprit  ell  lent,  dans  leur  nonchalance  &;  leurrtupidiie  , 
ceux  qui  l'ont  irrcfolu  &  floiant.dans  leur  incctiiiudeSc  leur 
incondancc  ,  ceux  qui  ne  confidcrcnt  en  tout  que  lents  intctcis  , 
dans  la  faillie  &  dangeieulc  llcuriic  d'une  inciedulue  partiale 
U  ctiinincllt  .enfin  ceux  qui  pat  indif|iofition contre  les  pct- 
f.,nncs  qui  leut  dcplailcni  coniefleroieni  revidencc-incme  ,  s'i- 

migiuciuicu  uguvci  ca  ccU  un  ^(cttKC  tic  icga(\ic(  scuc  mu- 


Pieces  préliminaires  de  deux  Miracles , 

""  veille  comme  une  impollure  ,&  fcroient  par  (»nféquent  dans  U 

ttiftc  occafion  de  fepiccipitct  dans  les  jugemensfau.t  Se  témé- 
raires, Se  de  (c  répandre  en  di(cours  calomnieux. 

Dans  ce  dernier  cas ,  Monfeigneur  ,  la  confolation  que  Dieu 
à  bien  voulu  accorder  à  la  fufd.  Augier  en  la  viii.ant  dans  là  mi- 
féticoide ,  pat  la  gueiilon  des  infitmites  dont  elle  étoit  accablée 
depuis  22.  ans.pourroit  lui  devenir  Se  à  (à  famille  dontlaje- 
counoidànce  ell  publique  dans  le  pais,  un  fujet  d'amertume  Se 
d'affliction  ,s'il  n'y  avoit  pas  lieu  d'efpcier  que  Votte  AltefTe 
éloignera  toutes  les  allatmes  quileur  poiuroientfutvenit  ,ôcà 
l'exemple  des  Saints Evèques  de  l'antiquité,  elle  conlîdetera 
comme  eux,  que  les  plus  heuteux  du  rvliniftcre  fonr  ceux  qui 
font  employés  a  donner  aux  peuples  la  joye  de  leut  annoncer  ce 
qu'il  plaît  a  Dieu  d'opeter ,  pout  honotet  aux  yeux  des  liommei 
ceux  qu'il  recompcnfe  dans  le  Ciel  de  la  fidélité  qu'ils  lui  ont 
gardé  l'ur  la  tetre ,  Se  qu'elle  leur  ordonnera  de  l'en  glorifiei 
après  qu'elle  aura  interpofe  toute  fonauiotitc  pout  feire  caraâé- 
rifer  le  fu(Û.  événement ,  Je  en  déterminer  (Utidiquement  la 
nature. 

Nous  prenons  la  libetté  de  joindre  ici  une  Relation  exafte 
des  evencmens  ,  afin  que  Votre  AlielTe  en  puilTe  juger ,  nous 
fommes  avec  un  ttes-profond  relpect , 

Monseigneur, 

De  Votre  AltefTe, 
Les  plus  humbles  5e  les  plus  obcifl'ans  (ctviteurj , 
Ji';';;/ Corbiet  Cure  de  Mareuil ,  liilaudet  C;iirédeCuinlc- 
rcs,  Jouvant  Cure  d'Ay  ,  Le  Compère  Cure  de  Dizy  ,Colmat 
Cure  de  Rilly  ,  Coulommier  Prieur  Curé  de  Chamety  ,  Vaf- 
fin  Cure  de  Cermier ,  Lochar  Cure  de  Ludes.R.  BiUaudcl 
Prieur  Cure  de  S.  Imoges  8e  Champillon  ,  François  Vctzcau 
Cute  de  Marcûil,Jean  rhirionCured'Eceiiil.Th.  BaiiliCu- 
rédesMeneux,  C.  CuvillierC^utedeC^haigny  ,  J.  Benoifmont, 


Pa 


-/.Jl 
Cure  de  Fleury  la  Rivière  ,  Gadiatd  Cure  des  Uhes  &  de  Bury, 
Cl.  jacob  Cute  de  Viry  ,  de  Coucy  Curé  de  Champigny, 
A.  de  Serainchamps  Cure  de  Mutigny.Guctin  Curé  de  Bif- 
feml ,  Faciot  Cure  de  Touts  fur  Maine  ,  Poihiet  Cure  de  Ville 
de  Mange  ,  M illot  Cuté  de  Villers-AUerand ,  Regnard  Cure  de 
Villetsaux  Nœuds  ,  Thomas  Jacquetelle  Cute  de  CouUom- 
mes  Se  Vrigny ,  ('arangcot  Cutc  de  Gueux  ,  B.  Contant  Cuté 
d'Ormes,  Gilles  Cure  de  Vetzcnay,  Jobart  Cute  de  SiUety  , 
).  B.  Curé  de  Verzy.de  laC^our  Cure  de  Prunay ,  B!e  dite 
de  TaiOy  ,  Benoit  Curé  de  Conde  .m  lirffoiti  rft  écrit  comz6\é 
à  Paris  le  2.  )uini7  34.  '"^9"  '^  '"^'^  '"S"'-'  Dubois ,  «i/»i(f  rfl 
écrit',  certifie  véritable  figue  Se  pataphe  au  défit  de  l'.\Cle  de  dé- 
pôt paflé  par  devant  les  Notaiies  au  Chitelei  de  Patis  loulft- 
gnes  ce  14.  luillet  I7H  ''gne  Caire  de  Montgeron  avec 
LoYsoN,  Se  Raymond  Notaires. 

II  L 

Reque'te  de  28.  Curez  de  l.i  Ville  6»  du  Diocéfe  dt 

Reims,  préfentée  le  23.  Août  1718. 

A  Mf.ssifurs.  Les  Vicaires  Généraux  <3e  fon  AltelTe 

Monleigneur  l'Archevcque  Duc  de  Reims. 

Sui'PLiF.NT  humblement  les  Curez  de  la  Ville  de  Reims, 
des  Doyennes  de  Chrétientés,  d'Epernay  ,  de  Vifle ,  Se  de  la 
Montagne  l"ou(ligius .  difant  que  depuis  la  guerilon  e.xtiaot- 
dinairc  arrivée  le  8.  Juillet  i-l'.  fur  le  Tombeau  de  .\1.  Gé- 
rard Roufle,  vivant  Prêtre  Se  Chanoine  d'.Aveiiay  enja  perfomie 
d'Anne  .Augier  fille  lutive  Se  habit.intc  de  Maieùil  lut  Ay  de  ce 
Dioccfe, paralitique depuis  22. ans, vous  auriez  MM.  publié 
un  Mandement  le  29.  .Août  enfuivant,  lequel  en  défendant  les 
pèlerinages  Se  Ncuvaines  fut  Icd.  Tombeau ,  à  letvi  de  pie- 
texte  i  quelques  particuliers  de  contelkr  lavctitc  d'uncvtne- 
ncmcnt  connu  dans  tout  le  pais_  Se  attelle  pat  un  nombie  pljs 
que  lurKlant  de  peilônnes  non  fulpecles  ;  Se  .i  donne  occafion  i 
d'auties  de  foutenit  qu'il  ii'ctoitp.is  permis  d'avoiticcouts  aux 
ptietes  de  M.  Ronfle.  Ces  idées  (ont  d'autant  plus  conttaiies  à 
l'elpiit  de  votte  Mandement ,  qu'elles  ne  peuvent  le  concilier 
avec  la  Doctrine  de  l'Kglilc  touchant  la  communion  des  SS. 
qui  donne  dioit  à  tous  fidèles  de  communiquci  pat  pticie  avec 
les  peilonnes  de  pieic  qu'ils  ont  lieu  de  ctoiteètie  mortes  dani 
la  chatitc  de JerusChiill,  comme  avec  ceux  qui  teftent  liit 
la  teiie ,  Se  ce  i  piopoition  du  degte  de  veitu  dont  ils  ont 
connoinànce. 

Ce  Maniement  pat  lequel  vous  n'avez  rien  ftame  fut  la  natu- 
re de  cet  événement,  fondé  ,  MM.  comme  il  eft  du  fur  ce  que 
ce  Mii.icle  n'ctoit  pas  tcconnu  ni  ap,>touve  pat  aucune  autori- 
té légitime  ,  .iiitoit  eîe  luivi  d'une  lequête  a  vous  picfcniee  pat 

aucuus  d«s  l'uppUii»  U  iî.  Sept.  Uciuiei ,  Knd«mc  luuquc- 

OKOC 


ipérès  fur  Anne  Augter 

ment  à  ce  qu'il  vous  plût  informer  deia  maladie  cielaj.  Anne 
Augier ,  enfemble  de  fa  guerilon  &  des  circonftances  qui  l'onc 
accompagnée. 

Les  preuves  particulières  de  la  piété  de  ce  digne  Ecclefiafti- 
que.aux  prières  duquel  cette  fille  dit  être  redevable  de  fague- 
iilon ,  ni  les  témoignages  de  ceux  qui  l'ont  connu  partictiliere- 
ment ,  n'ont  point  ete  inferez  dans  lad.  requête  ;  il  fulîîlbit  aux 
fupplians  de  s'en  tenir  à  la  notoriété  publique  (i  favorable  à  la 
mémoire  de  ce  vertueux  Prêtre  &  en  vous  expofant  aujourd'hui, 
MM.  qu'il  s'eftdiftingue  fur  tout  pat  une  humilité  profonde, 
une  patience  Evangelique ,  pat  ime  vie  laborieufe  &  un  grand 
amour  pour  les  pauvres,  enfin  par  un  attachement  inviolable 
à  tous  fes  devoirs,  ce  feroit  prévenir  vôtre  autorite  que  de 
le  prouver,  puifque  ces  preuves  doivent  être  natuiellement 
dans  l'information  que  nous  attendons. 

L'cdat  de  la  guétifon  d'Anne  Augier  &  la  grande  opinion 
des  peuples  pour  la  vertu  de  M.  Roufle,  les  avoient  attirés 
d'abord  fui  fon  Tombeau,  &  c'eft-ce  concours  extraordinai- 
re qui  aura  fans  doute  excite  l'attention  de  M.  le  Promoteur 
de  l'Atchevèche.  S'il  lui  à  paru  neceflaire  de  prefentet  en 
confequence  fa  requête  à  l'effet  d'empêcher  qu'on  intioduiiît 
des  ufages  tels  que  fetoient  ceux  d'offrir  des  cierges,  des  ima- 
ges, de  peinttues&autteschofes  femblables  qui  denoteroient 
un  culte  public,  &  qu'aux  termes  desSies.  règles  de  l'Egliiê 
vous  avez  droit  d'arrêter;  li  vous  avez,  MM.  juge  à  propos 
d'interdire  des  pèlerinages  qui  auroientpii  fe  faire  parlafui- 
tc  avec  cette  folemnite  avec  laquelle  on  en  voit  ftire  dans 
quelques  lieux  de  cette  province,  &  fi  vous  avez  même  pré- 
venu par  vos  dcfenfes  les  fuites  pernicieufes  d'obfeivances  qui 
ne  tendroient  qu'à  établir  un  culte  faux  ,  indu  &  fuperftitieux, 
&  tous  les  abus  qui  en  pourroient  naître,  les  lupplians  qui 
n'onr  poinr  de  connoiflance  qu'il  (bit  arrivé  quelque  chofe 
de  pareil  aud.  Tombeau,  ont  ciû  que  la  confiance  avec  la- 
quelle aucuns  d'eux  fe  font  piéfenics  à  vous  le  fufil.  jouriy. 
Septembre  fuffifoit  pour  faire  entendre  aux  peuples  qu'il  ne 
leur  etoit  pas  dtfendu  de  pratiquer  des  dévotions  qui  ont  tou- 
jours ete  petmifes,  comme  on  l'a  vu  en  différents  endroits, 
&  comme  on  le  voit  encore  en  quelques  uns ,  notamment  à 
Cahots  ouïes  fidèles  avoient  la  liberté  o'allei  fur  le  Tombeau 
de  feu  Meflîre  Alin  deS^lminiac  Evêque  de  cette  Ville  dont 
le  Clergé  de  France  a  demande  la  canonifation  en  i  ^co  &à 
Châlons  en  Champagne  fur  le  Tombeau  de  feu  Meflîre  Félix 
Vialard  Evêque  de  cette  Ville ,  &  en  Lorraine  fur  le  Tom- 
beau du  Révérend  père  Mattincourt  &  ailleurs  l'Eglife  a 
toujours  vu  avec  joyele  concours  de  fes  enfans  aux  Tcmbe- 
auxdes  perfonnes  de  pieté  ,  lotfqu'ils  n'entreprennent  ces  voya- 
ges de  cfevotion  que  peut  fe  tendre  plus  prefentes  les  vertus 
qu'ils  ont  admirées  en  elles,  pour  y  ranimer  leur  foi,  &  s'ex- 
citer plus  efficacement  à  la  pratique  des  venus  chrétiennes , 
les  miléiicordes  du  Seigneur  fe  manifeftant  fouvent  dans  ces 
occafions  par  les  merveilles  qu'il  lui  plait  d'opérer ,  8c  ce  con- 
cours étant  une  des  voyes  ordinaires  dont  il  fe  feit  pour  faite 
connoitre  aux  hommes  ceux  qui  font  fes  bien-aimcs. 

Les  Supplians  ont  été  confirmes  dans  cette  penfee  pat  la 
conduite  que  vous  avez  tenue,  Meflieurs,  depuis  vôtre  Man- 
dement, tant  à  l'égard  de  ceux  d'entt'eux  qui  en  le  publiant 
ne  l'on  fait  qu'avec  la  diftinction  du  cul'.e  public  &  particu- 
lier î  qu'a  l'égard  des  perfonnes  fans  nombre  &  de  toute  con- 
dition qui  fe  tranfportent  tous  les  jours  fur  led.  Tombeau, 
fans  qu'on  ait  piis  aucunes  mefiires  pour  les  en  empêcher  : 
&  ce  concours  leur  a  paru  encore  plus  innocent  oepuis  les 
nouveaux  prodiges  qui  lé  font  opères  fur  le  même  Tombeau 
fc  Ipecialement  depuis  la  guerilon  de  la  Dame  S;apatt  a'£- 
pernay  arrivée  le  i6.  Mai  de  la  pttfenre  année  i^i8. 

il  eft  conftant , &  vous  l'avez  fans  doute  appris,  MelTieurs, 
que  cette  peifonne  etoit  paralitique ,  qu'elle  avoir  un  œil  dont 
elle  ne  voyoit  plus  abfoUiment  depuis  lo.  ans.  Se  qu'elle  a 
été  paifaitement  guérie  de  cette  double  incommodité  le  jour 
de  la  Pentecôte  fur  le  Tombeau  de  Monfieur  Ronfle. 

Les  très  humbles  remontrances  contenues  en  la  requête  du 
2.y.  Septembre  dernier  donnoient  lieu  aux  Suppliants  de  croi- 
re que  le  devoir  de  leur  miniftere  à  ce  fujet  étuit  alors  fuffi- 
fâmmem  rempli ,  &  ils  atrendoient  en  paix  que  vous  fiiïiez 
droit  lîir  ces  demandes ,  en  mettant  dans  fon  jour  la  gloire 
de  la  première  guétifon  de  la  fille  de  Mareilil,  mais  depuis 
que  les  merveilles  arrivées  à  Avenav  &.  fur  tout  celle  de  la 
pucrifon  de  la  Dame  Stapatt .  ont  fait  une  fi  grande  impref- 
fion  dans  le  public ,  les  fupplians  fe  trouvent  encore  plus  obli- 
gés de  renouveller  leurs  inftances  Se  de  requérir  d'abondarK 
une  uifoi:m»tioa  juridique  ,  tam  liu  la  joalailic  £<  gueii^ 


6?  fur  la  Dame  Stapart.  g 

ton  d'Anne  Augier  que  fur  celle  de  lad.  Dame  Stapart. 
L'on  pourroit  joindre  ici  les  guerilôns  d'Agathe  Malabre, 
d'Oudart  le  Roi  demeurant  en  la  Ville  de  Reims ,  &  autres 
qui  ne  font  pas  moins  ccnfîdeiables,  quoiqu'elles  n'ayent  pas 
encore  acquis  le  degré  de  notoriété  des  deuxpiemieres.  Mais 
pour  n'embrafl'er  que  des  objets  certains  &  prouves  ,  il  e(t 
diiEcile  de  ne  pas  admettre  le  nouveau  Miracle  opère  en  fa- 
veur de  la  Dame  Stapart  ,  qui  a  poui  témoins  les  habitants 
d^uue  ville  entière  &  dont  la  guerifon  eft  atieftée  par  des 
Cettificats  de  Médecins  &  Chuurgiens  déjà  parvenus  a  la 
connoiflance  du  public. 

En  172-.  on  regardoi:  la  guerifon  d'Anne  Augier  comme 
un  fait  unique  dans  fon  elpece,&ceux  qui  feplaifent  a  dou- 
ter de  tout  trouvoient  dans  la  fingularité  même  de  cet  eve- 
nement  des  prétextes  a  l'incrédulité.  Maintenant  un  fécond 
prodige  confirme  le  premier:  &  fi  c'etoit  des  perfonnes  len- 
tes a  croire ,  on  pourroit  leur  dire  que  ces  prodiges  ne  font 
prépares  dans  l'ordre  de  Dieu  que  pour  ceux  qui  l'aiment. 
La  Dame  Stapart  publie  que  Dieu  lui  a  fait  cette  faveur 
par  les  mérites  de  .\1.  Roufle,  elle  veut  que  tout  le  monde 
Içache  que  c'efl  à  fes  prières  qu'elle  doir  la  guerilon  ,  fba 
mari  qm  en  a  été  un  des  premiers  témoins  elt  auffi  le  pre- 
mier à  l'annoncer ,  &  la  différence  des  fe.rtimens  fur  les  àiÇ. 
putes  qui  agitent  l'Eglife  n'a  pas  empêché  plufieurs  perfonnes 
de  le  reiinir  pour  publiet  que  la  guerifon  de  cette  Dame  efl 
furnaturelle.  Qii'il  foitdonc  permis  aux  fupplians  u'employer 
ici  le  luffrage  de  tant  de  témoins ,  &  de  vous  remerue  de- 
vant les  yeux  les  motifs  de  leur  requête  qui  deviennent  tous 
les  jours  plus  pieflins,  a  mefuie  que  Dieu  fe  plait  à  faite 
éclater  la  gloire. 

La  voix  publique  annonce  que  les  guérifons  ont  été  opé- 
rées par  l'interceflion  de  M.  Roufle  ;  d'un  autie  côte  quel- 
ques perfonnes  mal  intentionnées  les  ont  attribuées  à  la  ma- 
lice du  démon  &  aux  enchantements  de  la  magie ,  fans  con- 
llderer  qu'il  n'eft  jamais  arrive ,  c<  que  la  (âgelîé  &  la  bon- 
té de  Dieu  ne  peuvent  permettre  que  de  telles  merveilles, 
fur  tout  dans  les  circonftances  qui  les  accompagnent  ,  arri- 
vent jamais  fur  le  Tombeau  de  ceux  qu'il  a  rejettes  de  lui 
pour  toujours.  Ces  mêmes  perlonnes  devroient  au  moins 
penfer  qu'on  ne  peut  oppolér  à  ces  merveilles  les  preftigesque 
les  magiciens  ont  fait  de  leur  vivant ,  fans  attaquer  radicale- 
ment te  d'une  maniete  qui  n'a  point  d'exemple  tous  les  Mi- 
racles arrives  aux  Tombeaux  des  Sts.  &  fins  enlever  par  ce 
moyen  à  l'Eglife  l'une  des  preuves  dont  elle  fe  fert  pour  par- 
venir à  leur  canonifation.  Qi.oique  les  auteurs  de  comparai- 
fons  (i  odieufes  ayent  donne  par  leur  oppolîtion  plus  d'éclat 
aux  merveilles  qu'ils  veulent  combattre,  néanmoins  comme 
ces  difcours  pouiroient  faire  quelque  iniprcffion  fur  des  per- 
fonnes peu  fermes  Se  peu  inftruites ,  les  lupplians  efpérent  que 
vous  employerez  vôtre  autorité  pour  difliper  tous  les  doutes 
que  de  tels  dilcours  auroient  pu  faire  naitiCj  ils  croyent pou- 
voir ajouter  ici  que  dans  l'eta.  ou  les  chofes  font  reftees  de- 
puis la  dernieie  requête:  il  lémble  qu'un  chacun  ait  la  liber- 
té de  penfer  ce  qu'il  voudra  fur  les  événements  dont  il  s'a- 
git, &  qu'il  foit  indifférent  de  rccouiir  aux  p.ieres  de  M. 
RouflTe  ou  de  cenfurer  la  conduite  de  ceux  qui  le  font ,  Se  ce- 
la lîiivant  les  différentes  idées  qu'ils   fe  feiont  fermées. 

Le  plus  grand  nombre ,  il  efl  vrai ,  dcterminez  par  les  rao. 
tifs  contenus  en  la  ptefênte  requête .  penfent  que  ces  <;évo- 
tions  font  très  petmifes  ,  mais  >.i'autres  prennent  occalîon  de 
l'excomrriunication  majeure  portée  eu  votre  Mandement  du 
29.  Août  171'.  polit  jetter  le  trouble  dans  les  coniciences, 
tandis  que  cette  peine  ne  peut  concerner  que  ceux  qui  au  mé- 
pris de  votre  autorite  entteprendioient  de  donner  de  leur  chef 
des  marques  extérieures  Se  publiques  o'un  culte  illégitime  ; 
&  qui  introduitoientdes  cérémonies  réprouvées  par  les  Con- 
ciles Se  contraires  aux  règles  de  l'Eglife;  or  permettez,  MM. 
aux  fupplians  de  vous  rcprtfenter  que  les  fidèles  ne  doivent 
pas  être  abandonnés  plus  long  temsàcetetat  d'incertitude  tlir 
des  objets  de  cette  impottancepour  la  religion.  Une  telle 
contiaiieté  de  fèniimens  eft  un  fcandale  ;  il  cil  de  vôtre  cha- 
rité Se  il  fera  glorieux  pour  vous,  ivlM.  de  le  Êiire  ceflèr 
par  une  inftiuction  regnlietefur  les  faits  ci-deflTus.  C'eft  l'ob- 
jet des  conclufions  de  la  prefeute  requête. 

Ce  conlidere  ,  MM  U  vous  plaite  donner  acle  aux  fup- 
plians de  ce  qu'en  adhérant  aux  conclufions  prilés  par  au- 
cuns d'eux  par  autre  requête  à  vous  prcléntce  le  25.  Septem- 
bre dernier ,  ils  vous  dénoncent  les  guérifons  arrivées  au  Tonv- 
beau  de  M.  Roufle  Chanoine  d'Avena^  les  8.  Juiller  1-17.  Je 
j6.  Mai  de  la  gt«f«Bie  année  i7z8,  es psifonues d'Aoue  Au- 

1<  a  «''* 


î 


Bier  de  Mjreiiil  Se  de  11  Dame  Sta^s"  o'fc.pcrnay  comme 
iniraculcufcs  &  furnamrcllcs ,  en  conlequciicc  ordonner  qu'a 
la  reouècc  de  M.lcPromotcut  de  l"AtcFicv5c]ié  il  lera  procè- 
de a  rinforiiia:ion  de  la  maladie  Se  guerifon  tam  de  lad. 
Anne  \ugicr ,  que  de  lad.  D.nne  Stapait ,  citconftances  &  dé- 
pendances, cnlcniblc  de  rimcntion  qu'elles  auroicnt  eu  l'une 
ii  l'autre  en  allant  fur  le  Tombeau  dud.  M.RouOe,  &  lors 
qu'elles  y  font  arrivées.  A  l'effet  dcquoi  elles  icront  par  vous, 
Meiricuts,  ou  par  vos  ordres  interrogées  féparement  fur  leurs 
dilpolitions  Je  in:enrions  particulicies  au  moment  de  leur 
guerifon ,  &  que  pour  parvenir  i  lad.  information  le  procès 
verbal  du  ficur  Doy:n  Rural  d'Epernay  ,  enfemble  les  mé- 
moires Se  les  certificats  des  Médecins  ScChiiutgiens  qui  ont 
DÛ  être  délivrer  vous  feront  rcptefentes  pour  fervit  en  lad.  in- 
ilrucUon  ,aux  offres  que  font  les  fupplians'd'adminilher  preu- 
ves &  témoins  fulf.fants  Se  vous  ferez  bien.  Signé  Bouiguct 
Ftétrc  Doacur  en  Théologie  Se  Cure  deS.Hilairc,  A.  Cu- 
riot  Prêtre  Doâeur  en  Tneologic  8e  Curé  de  S.  Jacques  de 
Reims ,  C  Legoix  Prêtre  Doéteur  en  Théologie  Be  Cure  de 
Sic.  Marie-Madclainc  de  Reims,  G.  Defteibay  Prêtre  Cure 
de  S.  Michel  de  Reims  &  ancien  Doyen  Rural  de  Vellcjle 
Coucy  Curé  de  Champigny,  M.  Multeau ,  Prêtre  Doâeur 
en  Théologie  Se  Curé  de  S.  Brice-lcz-Reims  ,  Caranccot 
Curé  de  C.ueux ,  T.  Jacqueielle  Curé  de  Coulommes,  Re- 
nard Cure  (je  ViUers  aux  Noeuds  ,  ^P.  Biaiiel  Prêtre  Cuie 
^e  Chaumazy,  P.  Parent,  Prctie  Curé  de  Bligny  ;  Jacques 
Fourneau  Cure  dePoercy,  Bailly  Curé  des  Mencux ,  T.  Be- 
noilinoiu  Cure  de  Flcuty  la  Rivière,  F.  Verzcau  Cure  de 
Mareiiil  ,  K.  Petit  Cure  de  Tuis,  Jouvant  Cure  d'Ay  an- 
cien Doyen  Rural  d'Epernay,  C.  le  Compère  Cure  de  Dizy, 
Claude  lacob  Cure  de  Vity,  Corbier  Curé  de  Marcuil  , 
Gucrin  Curé  de  Biffeuil ,  Faciot  Cure  de  Tours  lur  Marne, 
Louis  Curé  deLourvercy,  Davefiic  Curé  de  Livty ,  Sandre 
Cure  de  Scdifcau,  Jobart  Cure  de  Sillery,  A.  Lacoutt  Cuié 
de  Prnnay,  Andié  Blé  Cure  de  Taiffi ,  Lochar  Cnre  de  Lu- 
dcs,  C.  Cuvilicr  Curé  de  Chaigny  ,  Colmart  Cure  deRilly; 
Millet  Cure  de  Villets-Alleiant ,  Benoit  Contant  Cure  d'Or- 
mes, YaOînCurcdcScrmicr,  Benoit  Cure  dcConde  Lepa- 
enolCure  deBouzy,  G.  Billaudel  Cure  de  Cumierc,  Billau- 
Scl  Cure  de  Champillon  Se  de  S.  Imogcs.  En  marge  de  la 
première  page  cft  écrit  contrôlle  a  Parii  le  x.  )uin.  17;4- 
Lettre  de  deux  Curez  de  la  Ville  de  Reims  ,  à  Mo», 
feigneur  leur  Archevêque.  Du  il- Août  1728. 
Monseigneur, 

NOv  s  avons  préfenté  le  1 1 .  de  mois  à  Meneurs  vos 
Grands -Vicaires  une  lequête  lignée  de  ?6.  de  nos 
Confères  Se  de  nous  ,  pour  demander  l'intormation 
juridique  des  guirifons  extraordinaires  atiivees  lur  le  Tom- 
beau de  M.  Rouffe  à  Avcnay 


écrire 

de 

rcs 

nou 

d 

ce 

or< 

de 

l'.-„-.-  -,---- 

peu  mcfurés  ne  laillent  pas  d'eelatet  contre 

ce  vertueux  Ecdcfiaftique.  ... 

On  aftede  m ême  de  répandre  des  chanfons  1  m pti mecs  qui  at- 

laquent  également  les  morts  &  les  vivans  de  tous  ordres ,  e>i- 

fn  on  en  'yK-'MK  ,  Monfeigntur ,  jn/îfi'J  Mlf^tr  Us  frniiens  de 
C'Kire  anjji  ftrm'mrnt  ont  M.  RonfJ'e ,  tjf  damné,  ijh'U  rft  ter- 
tatn  (jne  nitre  Hdgnmr  ,  J.  C.  eft  réellement  fréfent  djas  le 
Sairemrnt  tidttrnhle  de  not  j^Mtrls. 

Nous  o(bn«  noiis  fljter  que  l'information  que  nous  prenons  la 
liberté  de  .:  "Mii  a  Votic  Alieflc  fur  les  faits 

contcnu'i  r  ■:xo\i  fin  \  tous  ces  m.iux  ,  & 

nous  i'af.ci  ^       r ,  de  votre  charité  Partotale. 

"Nous  avons  l'nonncut   a'ctic  avec   un  très    profond    tcf- 
peil  M  o  N  »  P.  I  o  N  E  u  n  ,  _ 

'  de  Vôtre  Alteflc, 

Jei  très-humbles  U  trè'-obcifTans  ferviicurs  AVrn/,(MeGoix 
Cnié  de  Stc.  Marie- Magdcleme,  iVl.  Multeau,  Docteur  en 
Théologie  Curé  de  S  Bncc. 
&t  om  doiejiéiriicomoUt  il'Mis  le  i.Juini;34.icsail. 


J 


Pièces  préliminaires  de  deux  miracles , 

fols  ligne  Dubois,  cnfuite  eft  écrit  certifié  véritable  ,  figné  &  pa- 
raphe audeCr  de  l'Acte  de  dépôt  pour  minute  pall'e  patdcvarx 
les  Notaires  au  Châtelet  de  Paris  foullignés  ce  14.  Juillet  175*. 
Signé  ,  Carre'  de  Montgeron  ,  avec  Loyson  Se  Rax- 
MONU  à  Savetue  le  30.  Août  1718. 

I  V. 

Reponfe  de  Monjîeur ,  l'Archevêque  de  Keims. 
A  I  Reçu  depuis  quelque  tems,  Monùcur,  la  Lente  que 
vous  m'avez  ectite;  Se  la  copie  de  la  Requête  que  vous  avez 
ptefentce  à  mes  Grands-Vicaires  conioimeineut  avec  plu- 
fieursdesvosConfteres.  J'ai  deia  fait  examiner  les  fans  que 
vous  me  marquez ,  ils  trouvent  nombre  de  contradicteurs  ,  genj 
fages  Se  éclaires  qui  prétendent  que  dans  l'occafion  picleiitc 
c'cft  l'cfprit  de  parti  qui  fair  agir ,  qu'on  donue  des  apparences 
pour  des  réalités,  des  conjectuies  pour  des  preuves  ,  Se  un  tira- 
pie  bruit  populaire  pour  une  vtayc  nororiete  ,  Se  qu'on  cherche 
plusafoutenit  dcsengagemens  qu'on  a  pris,  qu'a  rendre  hom- 
mage à  la  Toute-Puiflance  de  Dieu.  Soyez  tiar.quille  cepen- 
dant .évitez  toure  cabale  Se  toute  alVociation ,  repofcz-vous  fut 
ceux  que  Dieu  a  eiablis  pour  vos  Supérieurs ,  Se  infpitez  les  mê- 
mes Icntimens  a  vos  paroilTicns.  Je  fuis ,  M.  entièrement  a  vous 
Ji;î»f  .l'Archevêque  Due  de  Reims.  v*«  Jrjfont  ejlémt:  Je 
compte  que  vous  fetcz  part  de  cette  Lettre  a  .vl.  le  Cure  de  S. 
Brice  qui  a  fignê  la  même  Lettre  que  vous  m'avez  écrite,  ^h 
dejfdtt,  ejlécrii:  Contrôlle  à  Paris  le  z.  Juin  1734.16511  iz.fols. 
Signé,  Dubois ,  ^n  deffoni  eft  écrit.  Cenitie  véritable ,  ligné 
Se  paraphé  au  dcfir  de  l'Ade  de  dépôt  pour  minutc.paflépac 
devant  les  Notaires  au  Châtelet  de  Paris  fouflîignes,  ce  14. 
Juillet  1734.  Signé,  Carré  de  Montgeron  avec  LoyfonSe 
Raymond  avec  paraphe. 

V. 
Fouveir  des  Curés  du  Biocéfe  de  Reims, 


Nous  fouflignes  Prêtres  Cures  du  Diocelé  de  Reimf 
dénommes  en  deux  requêtes  pat  nous  ptefentees  à  Met 
ficurs  les  Grands  Vicaires  le  ij.  Seprembte  l-l"'.  Ûe 
II.  Août  dernier,  tant  en  nos  Noms  que  nous  faifans  Se  por- 
tails fort  pour  MelTieuis  nos  Confrères  qui  onr  pareillement 
figné  lefd.  requêtes ,  donnons  pouvoir  de  faire  pour  railondu 
contenu  en  icclles  routes  dénonciations,  fignitications,  dires, 
&  requifitions ,  que  led.  fieur  Procureur  iiigeta  a  propos ,  ad- 
miniltrcr  les  preuves  Se  témoins  qu'il  aviferanecelliircde  fai- 
re oiiir  en  l'information  dont  ett  queftion;  même  de  recu- 
fer  ceux  contre  lefquels  il  fc  trouveroit  des  motifs  légiti- 
mes de  fufpicion  Se  généralement  faire  pour  rail'on  de  ce  tout 
ce  que  led.  licur  jugera  a  propos ,  promettant  avoir  le  tout 
pour  agréable  Se  le  ratifier  quand  belbin  fera  ;  fait  dans  les  lieux 
de  nos  bénéfices  le  iS.  Août  1-18.  yifncjouvant  C:uted',-\y , 
N.  Lepagnol  Cure  de  Buiizy  ,  CMaude  )acob  Cure  de  Viry,  Th. 
Bcnoilmont  Cute  de  Fleurv  la  Riviere,C.  le  Compère  Cure 


gni.,.  —  ,  , 

V.iirin  Cure  de  .Scrmietce  ?.  Sep.-emlwe  m»,  t.  olmartCure 
de  Rilly,  ce  5.  Septembre  i-lS.  C.  ÇuvdIicrCuic  de  Chai- 
gny ,  le  ;.  .Septcmbie  i-i8.  Lochar  Cure  de  Ludes  ce  3 .  Sep- 
tembre I7î8.  A  Laconrt  Cutc  de  l'runay,  le  4.  Seprembte 
I  7i8.  Sandre  Cure  de  Sedtlcau  le  4.  Septembre  i  -iS.  Louij 
Cure  de  Lonvercy  le  4.  Septembre  l 'iS.  Gillesi;ure  de  Vct- 
zeiiav  le  4.  Septembre  i-iig.  BleCuredeTailly  le  4.  Seprem- 
bte i'"'l8.  An  J.-jr-Kieft  rirj'reomiôlleaPatislei.Juin  i-;4. 
reçu  ll.fols^i't;»/'  Dubois;  enfniir  eft  rt'ii  Ciitifit  sciitMc  /Igné 
Se  paraphe  aiT  défit  de  l'.Vlc  de  dépôt  pour  minutie  palle  pat 
dcvaiu  les  Notaires  au  Chitelet  de  ParislouiVignes  ce  1 4.  |uillct 
i^H  tignf  Carre"  de  Montgeron  avec  Loysôn  «c 
Ray  MON»    Noiaires  , .»    . 

Les  originaux  desdites  piiceîdcpofcs  comme  du  eft ,  le  tout 
demeure  audit  Ravnv.nd  Notaire.  Led.  dépôt  faii  par  M.  de 
MONTG  ER  ON,  Conli-illct  au  Parlement,  le  14.  juillet 
1-34.  .H  la  minute  duquel  lefd.  pièces  lônt  aoïKxees.Ietout 
demeure  aiid.  Raymond  Notaire.  mIIIA 


AXNK  AuGlKR 
^  dccaouc  par  un  Ceuu-cr,  ufu/urùtJf.  et  tt/ie  paralitU  aui  lui 
^___^  m'oit entitremrntiù'JS'ei.Jir' l^sjatnhe.t  lù'pui.r pluj de  20  anj.  .te 
-l' — -jfait^^rrier  U  S  Jui/J^-t  ly^y  a^i-cnay  .tur  la  Ti'tnhf  tic  MTR  orssx 
^•rur  uii'cyarr  .uvi  in/rn,-s.fU'n  . 

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Antste  AuaiEiL 

^cuJrMre  iui£ Messe  le  i^  Jcrur  S  •-Tuill^iyjy  cLuis  uz  C/id^ellc  ûu. 

M^ROVSSE  cstentin-J.Etant  ussuse  sur  saTc'/nie,   clù  esiau^î-u  cui 

172x7 rnerit de  rojfei-tx>ire ,  ses  jambcf  Jessec/i^'es  sû/U  suInà-irierUrcuti  - 

inées^ell^  sejetù:  a  c/eru'uj:,  et  y  deiruiue  rusuu'aLi/mde  Lx^Iesse  ^elL^ 

tna.ixnx  le  même  ycur  defeutt  HAbcsse  d-^'enu  y,  etpeii  après  elle  se  ùxni 

ve  en  état  de  vaajuc?'  luur  baveutix  àspliLT  nciutles  d'iu  Camuaane 


i 


MIRACLE   OPÉRÉ 

s    U    K 

ANNE    AUGIER. 

^^deff^h^ïMLr  fP/'^'W''  r^'^  depuis  plus  de  zi.  ans  lui  avait  entièrement 
7>  if^rnvVT^" '  ^  '^'^'"'  ^'■''>'  ^"'  i"^  ^'^oit  ôté  l'ufage  d'un  bras 
ïnFFcrJTf  ^-  '''''^'''  '"'  '^^''''  ^'^/^'^  q'^--^  depuis  ^.  ans. s'était  ouvert. 
ji^vrjiTj,A   f '"'  -•  ''^'f''''  ««^.^/«^^  ?«^'  i'ii  avait  pourri  l' ai f  elle. 
r.TJv^T^  ri       -^^"^  long-tems  par  une  incité  d'autres  plaies. 
G-  Uh  K  IL  Jubitement  de  tous  ces  maux  fur  le  tombeau  de  M.  Rousse  le  8.  JuiU 

I.    DEJVIONSTRATION. 

RKCIT    DE    CE    MIRACLE. 

TIRE'  DES  PIECES  JUSTIFICATIVES. 

^^y  TT  ''"^'■^?^  "^^"^  f;^«if3  à  cette  multitude  de  prodiges  par 
lefquels  il  avoit  refolu  de  déclarer  que  les  Appellans  étoient  conduits 
par  la  vente ,  voulut  d  abord  paroitre  à  découvert  &  rendre  fon  opéra- 
tion  fenfible,  en  faiPant  un  miracle  fi  éclatant  qu'il  n'eût  pas  manqué 
de  convaincre  les  plus  mcrédules .  fi  l'incrédulité  de  l'efprit  n'avoit  pas  Sce 
dans  le  cœur  &  que  poirr  la  forcer,  il  ne  fallut  que  des  miracles,  n^ns  cette -ra! 
ce  intérieure  &  toute  puii^mte  qui  feule  dnnnc  de  croire  comme  i\  faut,  en  don- 
nant d  aimer  a  croire ,  8c  en  touchant  les  cœurs 

Anne  Augiër  pauvre  payfoine  du  village  de  Mareiiil  fut  celle  que  Dieu  vou- 
lut choifir  pour  êti-e  dans  1  Archevêché  de  Reims  le  premier  fujct  f2r  lequel  i  fc- 
roit  briller  la  grandeur  de  fi  bonté  &  de  fa  puifiance  ^ 

Cette  fille  réduite  depuis  long-tems  à  l'état  le  plus  affreux  &  le  plus  défepéré, 
n  oftroit  qu  un  fpeftacle  d  horreur  à  des  regards  charnels.     Mais  le  Dieu  des  ^^erttl 
ne  1  en  lugea  que  plus  digne  d  être  1  objet  de  fes  miféricordes ,  parce  qu'il  lui  avoit 
deja  donne  une  patience  a  toute  épreuve ,  avec  laquelle  elle  avoit  fup?orté  pendant 
un  grand  nombre  d  années  les  maux  les  plus  cruels  &  les  plus  accablans 

Depuis  Z2.  ans  une  paralifie  complettc  fixoit  fi  mifére,  &  avoit  fi  fort  defTéché 
une  partie  de  fes  membres  quils  fembloient  n'être  plus  que  les  offemens  d'un  ca- 
V^-  /^°P"/«  7-  ^  un  cancer  dévoroit  fon  fein.  Depuis  i.  ans  une  fifiule  nour- 
nfloit  fa  chair  en  1  infedant  par  les  puans  débris  des  ravages  du  cancer.  Enfin  de- 
puis plufieurs  années  1  immobilité  de  fon  corps,  qui  la  forçoit  de  refter  comme 
clouée  dans  1  attitude  ou  on  la  mettoit,  meurtriffoit  fa  peau,  8c  auamentoitfans 
cefTe  une  mfinité  de  plaies  dont  fon  corps  étique  étoit  couvert         '"^"'^"'°^^  ^'^"^ 

Toufrîinr'^'^  ^^°'^"''  ^^  ^"  "'™''  commença  dès  l'année  1707.  le  jour  de  la 

^  toute 


t  DEMONSTRATION   DU  MIRACLE 

toute  occupée  du  fervice  divin  qu'on  y  célcbroit,  fut  tout-à-coup  frnpée  d'une 
pamlilie  fi  violente  fur  les  deux  i-imbcs ,  qu'elle  tomba  étendue  fur  le  pavé  comme 
fi  elle  eût  été  morte.  Les  aïïiftans  touchés  de  corapallîon  s'efforcent  en  vain  de  la 
relever  :  fes  jambes  depuis  ce  moment  ne  purent  plus  lui  être  d'aucun  ufage ,  Se 
l'on  fe  vit  forcé  de  la  faire  remporter  chez  elle. 

Il  n'cil:  p;is  douteux  qu'un  coup  fi  foudroyant  ne  fût  une  véritable  attaque  d'a- 
poplexie ,  quf  forma  fur  le  champ  une  paraliiîe  qui  entreprit  les  deux  jambes.  Auf- 
iî  ce  fût  en  vain  que  le  ficur  Robert  Chirurgien  du  lieu  s'emprella  aufli-tôt  de  la 
fctourir ,  tous  fes  foins  furent  inutiles.  L'apoplexie  dégénérée  en  paraliiîe  avoit  des 
le  premier  moment  tellement  fermé  tous  les.  paflages  des  efprits  animaux ,  que  les 
remèdes  les  plus  fpécifiques  ne  pouvoient  plus  faire  aucun  eftet. 

Le  Chinirgien  voyant  que  tous  les  liens  n*avoient  aucun  fucccs ,  envoie  lui-mê- 
me des  le  lendemain  confulter  M.  l'AUemant  le  plus  célèbre  Médecin  du  pays. 
Mais  en  vain  ce  Médecin  lui  indique-t-il  tout  ce  que  l'art  peut  apporter  de  fecours 
en  pareil  cas:  en  vain  le  ficur  Robert  exécute-t-il  ponctuellement  fes  ordonnan- 
ces, tous  l'es  remèdes  font  inutiles.  Le  mal  cft  pour  ainfi  dire  fi  impatient  de  par- 
venir dès  fil  nailTancc  à  fon  dernier  période,  qu'au  bout  de  quelque  jours  les  parties 
affligées,  déjà  privées  de  tout  mouvement,  tombent  dans  une  infenfibilité  totale. 

Le  Chinirgien  étonné  que  cette  paralifie  eût  fait  en  fi  peu  de  tems  un  fi  rapide 
progrès,  éprouve  s'il  n'y  a  point  d'exaspération  dans  la  déclaration  que  lui  fait  Ta 
malade.  Il  cache  une  épingle  entre  fes  doigts  :  en  lui  tâtantles  jambes  il  en  perce 
les  chairs  à  plufieurs  reprilès,  &  regarde  fixement  la  malade  pour  obferver  iî  fon 
vifige  ne  laiflcra  pas  paroître  quelque  fignc  de  fenfibilité.  Mais- ayant  reconnu  que 
la  malade  ne  s'en  étoit  pas  même  apperçuc ,  il  juge  dès  ce  moment  que  la  parali- 
iîe étoit  complette,  &  par  conféquent  abfolumcnt  incurable  fuivant  les  princi- 
pes les.  plus  inconteliables  d'anatoaiie.  Et  quoiqu'il  continue  encore  pendant  quel- 
que tems  à  lui  faire  des  remèdes,  afin  qu'on  ne  pût  lui  reprocher  d'avoir  négligé 
l'ordomvmce  du  fiimeux  Médecin  qu'il  avoit  confulté,  il  le  fait  fans  aucune  efpé- 
rancc  de  fucccs,  &  après  avoir  déclaré  lui-mèaie  que  cette  paralifie,  ayant  en- 
tièremeiu  privé  de  mouvement  &  de  fenfibilité  les  parties  qui  en  étoient  entrcpri- 
fc.s,  ne  laiflbit  plus  aucune  reflburcc  pour  les  guérir. 

Plufieurs  perlbr.nes  furent  curieufcs  d'éprouver  elles-mêmes,  fi  les  jambes  d'An^ 
ne  Augier  avoient  cffeétivement  perdu  toute  fenfibilité;  &  après  y  avoir  enfoncé 
des  épingles,  elles  pouflerent  leur  indifcrétion  jufqu'à  y  enfoncer  descloux.  An- 
ne Augier  laific  tranquillement  déchirer  ainfi  ce  qui  y  rcftc  de  chairs ,  &  ne  prend 
plusde  partà  des  membres  qu'elle  regarde  comme  étant  déjà  livrés  à  la  mort. 
Maisbicn-tôtces  expériences  cruelles  devinrent  impraticables:  bientôt  il  ne  refta 
plus  de  chairs  dans  lefquelles  les  doux  pufient  fe  faire  un  paiïiige.  Au  bout  de  8 .  mois 
fes  jambes  d'Anne  Augier  fe  defTécherent  fi  entièrement ,  que  les  os  n'en  furent 
plus  couverts  que  d'une  peau  andc ,  qui  colée  fur  ces  os ,  en  laiflbit  voir  toute  la 
Forme. 

Ccsmembrcs  ainfi  décharnés  unis  à  un  corps  animé  préfentoient  à  la  vue  un  objet 
fi. hideux  qu'on  ne  pouvoit  les  regarder  fans  en  être  frapè d'horreur.  Unevoifinc 
d  Anne  Augier  en  fit  la  triflc  épreuve.  Les  regards  trop  imprudens  que  cette  femme 
^ui  fe  trouvoit enceinte  ,  fixa  fur  cç  corps  moitié  vivant  moitié  cadavre,  en  firent 
palier  l'a fFrcufe  rcffemblancc  fur  l'cnfiuit  qu'elle  portoit  dans  fon  lein -,  Sc  cet  enfant 
demi  fquelettenevmt  au  monde  que  pour  être  bien-tôt  la  proie  de  la  mort,  la- 
quelle dès  avant  fa  n.iiflance  croit  uéja  en  ponefiion  d'une  p.irtie  de  l'es  membres. 

Ce  n'efl-  pas  feulement  pendant  un  petit  nombre  d'années,  c'eft  pendant  plusde 
i  I.  ans  qu';  les  jambes  d'Anne  Augier  Ion  rcflétîeu  cet  état,  &  y  ont  été  vûcsp.ir 

uïic- 


OPE'RE'  SUR  ANNE  AUGTER,  5 

wne  infinité  depcrfonncs.  Aulfine  luiétoit-il  pas  poiliblc  d'en  faire  le  moindre  ufage 
pour  fe  rem  lier  &  changer  de  place.  Quelque  gênante  que  fût  la  lîtuation  où  elle  le 
trouvoit,  elle  y  étoit  comme  enchaînée  p:u-  fon  impuifîance  &  fon  immobilité  for*^ 
cée  ,  iufqu'à  ce  que  quelqu'un  vrulût  bien  prendre  la  peine  de  l'en  fliire  changer  ,  ce 
qui  n'étoit  pas  fort  ficile  ;  car  il  filloit  la  porter  comme  un  corpsmort:  ôctantoton 
voyort  fes  fquelettcs  de  jambes  traîner  furie  pavé  «prés  le  refredcfon  corps,  tantôt 
fi  on  la  ioulevoit  tout-à-fait ,  on  entendoit  fes  membres  defiechés  faire  en  le  heurtant 
mutuellement ,  le  bruit  de  deux  os  qu'on  fraperoit  l'un  contre  l'autre. 

Si  un  tel  état  eft  affreux  par  lui-même,  quelfupplice  n'eft-ce  point  d'y  être  ré- 
duit ,  quand  on  eft  en  même-tems  dans  la  pauvreté  comme  étoit  Anne  Augier  ?  qui , 
n'ayant  d'autre  reflburce  pour  fatisfaire  à  fes  befoins  les  plus  preflans,  que  la  com- 
palîîon  de  ceux  qui  vouloicnt  bienlafeiTir  gratuitement ,  étoit  obligée  de  fupporter 
toute  la  vivacité  de  leur  humeur  ,  ou  le  froid  de  leur  indifférence  >  &  qui ,  quel- 
que fouffrance  qu'elle  endurât,  fe  voyoit  forcée  d'attendre  patiemment  que  la  cha- 
rité de  fes  voifines  les  fit  avifer  de  venir  lafecourir.  Auffi  au  bout  de  quelques  années 
le  corps  d'Anne  Augier  devint  femblable  à  celui  d'un  lépreux  par  des  écorchures 
&  des  plaies  fans  nombre  que  la  continuité  d'une  même  polture  caufoit  &;  ne 
ceffoit  d'iiriter. 

A  des  douleurs  fi  cuifintes  fe  joignit  bien-tôt  la  plus  humiliante  maladie.  Anne 
Augier  tombe  de  tem s  en  tems  dans  des  accès  d'un  mal  épileptique  qui  la  prive  de 
connoiffmce  pendant  des  3.  ou  4.  jours.  Se  la  met  pendant  ce  tems  hors  d'état  de 
prendre  aucune  nourriture.  Mais  comme  cette  maladie  ne  paroiffoit  que  par  inter- 
valles, Scqu'ainfi  le  moment  de  fa  guérifon  n'a  pu  être  fenfible  &  apparent,  com- 
me celui  de  fes  autres  maux  qui  jufqu'à  ce  moment  heureux  avoient  toujours  été 
vifibles,  nous  n'en  relèverons  pas  les  preuves  qui  s'en  trouvent  dans  les  certificats: 
&  par  rapport  à  la  guérifon  nous  nous  contenterons  d'obferver,  qu'Anne  Augier 
depuis  le  miracle  opéré  fur  elle  le  8.  Juillet  1717.  ayant  toujours  joui  de  la  fanté 
la  plus  parfaite  ,  cela  fuffitpour  prouver  que  les  caufes  internes  de  cette  étrange  ma- 
ladie ont  ceffé  d'êtredans  le  même  inrtant que  tousfes  mauxvifibles  ontdifparu. 

11  yavoitdéja  if.  ans  qu'Anne  Augier  étoit  dans  l'état  déplorable  que  nous  ve- 
nons de  décrire  ,  lorfqu'il  lui  furvint  encore  une  nouvelle  plaie  qui  lui  fit  fentir  de 
plus  vives  douleurs  qu'elle  n'en  uvoit  fouffert  jufqu'à  ce  moment.  L'avanture 
qui  en  fût  la  caufe  fait  hémir  d'horreur. 

En  1710.  un  de  ces  malheureux  vagabonds  qui  couvrent  le  plus  abominable 
libertinage  du  voile  de  la  mendicité,  la  voyant  feule,  entre  dans  fa  pauvre  chau- 
mière. Loin  d  être  rebuté  parl'afpect  hideux  déroutes  fes  infirmités ,  il  eft  char- 
mé de  voir  que  cet  état  lui  ôte  tout  moyen  de  lui  réfifter  &  de  fe  fouftraire  à  fa 
brutalité  infâme.  Cet  impudent  vautour  eft  prêt  de  fe  jetter  fur  cette  innocente 
colombe;  mais  fes  cris  qu'elle  redouble  avec  toute  la  force  dont  elle  eft  capable, 
lui  faifint  appréhender  d'être  furpris,  l'oblige  d'abandoimer  fa  proie  -,  Se  dans  la 
rage  qu'il  en  a,  il  lui  porte  avec  fureur  un  coup  de  ftbot  dans  le  fcindu  côté  gau- 
che. Ce  coup  forme  bien-tôt  un  abcès  qui  dégénère  en  cancer. 

Anne  Aiîgieraccoûtum.ée  à  fouffrir,  néglige long-tems  d'y  apporter  aucun  re- 
mède. Enfin  en  172.4.  la  violence  du  mal  l'oblige  d'en  chercher  ;  mais  iln'eft  plus 
tems.  En  vain  pendant  2.  mois  un  habile  Chirurgien  apporte  tous  fes  foins  pour  la 
guérir  ,  le  mal  a  fait  trop  de  progrès.  Le  Chirurgien  ayant  éprouvé  l'inutilité  de  tous 


qui  etoient  ics  iuKes  oc  les  eitets  du  ravage  qu: 

Cette  dernière  plaie  eit  pour  elle  un  furcroit  d'afftidion  d'autant  plus  accablant , 

A  i  que 


4  DEMONSTRATION  DU  MIRACLE 

que  h  crainte  decaufcrtropde  répugnance  Se  d'borreur  aux  perfonnes  qui  avoient 
la  charité  de  la  porter  dans  leurs  bras  quand  il  falloit  la  changer  de  place  ,  l'o- 
blige de  le  diflîmuler. 

Que  votre  jufticeert  redoutable,  ô  mon  Dieu!  Mais  je  me  trompe  :  les  coups  que 
TOUS  portâtes  fur  cette  viftimectoient  plutôt  des  effets  de  vôtre  amour  que  de  vôtre 
févérité.  La  grâce  de  la  patience  que  vous  lui  aviez  accordée  dans  les  premières 
épreuves,  lui  mérita  celle  d'en  fupporter  en  paix  chaque  jour  de  plus  grandes. 
L'homme  charnel  qui  n'a  aucune  idée  du  fleuve  de  douceurs  &  de  conl'olations  dont 
vous  inondez  le  coeur  de  ceux  qui  vous  aiment  dans  le  tems  même  que  vous  paroifTez 
les  fraper  avec  plus  de  rigueur,  ne  peut  voir  un  pareil  état  qu'avec  une  horreur  ex- 
trême i  mais  celui  qui  fait  que  ni  l'aff.iclion ,  ni  les  déplaifirs ,  ni  la  pauvreté  ,  ni  la 
douleur,  ni  la  vie,  ni  la  mort  ne  font  pas  capables  de  fépàrer  les  élus  de  l'amour  de 
Jefus-Chrill,  ne  trouve  point  d'ambition  plus  digne  d'un  Chrétien  que  celle  d' être 
attaché  à  la  croix  de  Ton  Maître ,  &  de  profiter  du  prLx  de  ion  fimg  par  la  part  qu'il 
lui  donnnc  à  Tes  fouffrances. 

Tels  furent  les icntimcns  d'Anne  Augierpendantlalongue  cairiérc  de  fcs  épreu- 
ves. La  patience  &:  la  foumiflîon  lui  firent  trouver  la  paix  dans  des  maux  fi  extrê- 
mes. Ni  la  vue  continuelle  d'une  partie  d'elle-même  déjà  morte  &  dcfl'échée,  ni 
les  vives  douleurs  qu'elle  refl'entoit  dans  l'autre  partie  de  Ton  corps  que  la  mort  pa- 
roilToit  épargner,  rien  ne  trouble  la  tranquilité  defoname. 

Mais  il  luireftoit  encore  àfoutenirune  épreuve  plus  difficile  à  fijportcr  que  tou- 
tes les  précédentes.  Il  talloit  qu'elle  fût  privée  de  tout:  querien  ncpiit  plus  la  dif- 
traire  de  la  vue  accablante  de  l'état  où  elle  étoit  réduite:  qu'elle  devint  entièrement 
incapable  de  fe  procurer  les  moindres  alimens  ;  Se  qu'après  avoir  efluyé  pendant  tant 
d'années  l'abandon  de  prefquetous  les  hommes  que  le  feul  ipcélacle  de  fon  état  met- 
toit  en  fuite  ,  elle  parût  enfuite  rejettée  en  quelque  forte  de  Dieu  même. 

Pendant  20.  ans  la  foumiffion  avec  laquelle  Anne  Augier  avoit  baifé  la  main  ado- 
r.ible  qui  la  frapoit,  avoit  été  en  quelque  forte  aidée  par  le  travail  affidu  de  fes 
doigts ,  qui  quoique  d'un  profit  bien  peu  confidérable ,  fuffiioit  pour  lui  donner  de- 
quoi prolonger  fes  mifércs  avec  fa  vie  ;  mais  cette  rcffource  étoit  encore  de  trop 
pour  une  perfonnc  à  qui  Dieu  veut  tout  ôtcr  pour  lui  rendre  tout  avec  ufure.  Elle 
va  être  forcée  de  refter  dans  une  inaûion  totale  qui  la  plongera  dans  la  miférc  la 
plus  extrême:  &c  ce  qui  fnipcra  d'abord  fon  cœur  des  plusfenfibles  atteintes,  ce 
coup  lui  fera  porté  dans  le  tems  même  qu'elle  implorera  avec  le  plus  d'ardeur  la  mi- 
féricorde  de  Dieu  fie  la  proteétion  d'un  de  fes  plus  illuilres  Serviteurs. 

Le»  calamités  publiques  de  l'année  lyif.  ayant  obligé  la  plupart  des  villes  de 
recourir  à  leurs  faints proicclcurs  :  L>ellc  de  Reimsfitcxpoferlachâffe  de  faint  Ré- 
mi fon  Evêquc,  à  l'interceffiondcqui  Dieu  a  fouvent  accordé  de  très-grands  mirac- 
les. Anne  Augier  en  étant  informée  crut  devoir  profiter  d'une  circonlVunce  fi  favo- 
rable. EUefc  fait  tranfporterà  Reims  -,  m;\is  envamy  adre(Tc-t-clle  :V  Diru  l  s  plus 
fenentes  prières:  envain  reclame- 1 -elle  aveccmpreilcment  rintcrccflîon du  Saint 
dont  les  précieufcs  reliques  font  expofécs  à  fes  yeux,  Icsmomens  de  lamiféricor- 
dc  du  Seigneur  ne  font  p:vs  encore  arrivés  pour  elb.  Dans  quelque  tems  cllef^ra 
guérie  fubitemcnt  de  tous  fes  maux  -,  mais  il  faut  qu'elle  le  foit  par  l'intercHlion  d'un 
AppcUant.  Dieu  veut  que  ce  miracle  foit  un  flambeau  qui  éxl.iire  une  multitude 
d'.ivcuglcs  ;  &  faint  Rémi  lui-même,  bienplus  jaloux  de  la  gloire  de  la  vérité  que 
de  fa  propre  gloire,  demande  au  Toutpuifl'ant  dedift^érerlaguérifond'Annc  Au- 

Sier  jufqu'au  moment  où  fa  providence  la  conduira  fur  le  tombeau  d'un  de  ceux 
ont  10  témoignage  rendu  à  la  vérité  .aura  été  plus  public. 

Aulli  uon  Iculcmcut  Dieu  icfufc  d'exaucer  pour  lors  les  vœux  d'.{innc  Augier  j 

taMS 


I 


OPERE'  SUR  ANNE  AUGIER.  f 

tnais  il  femble  k  traiter  avec  un  furcroit  de  rigueur.  La  paralifie  fait  tout  àcoup  un 
nouveau  progrès  :  elle  f-iifit  un  de  Tes  bras  auquel  elle  ôte  tout  mouvement  ;  &  fi 
elle  y  laifTe  le  fentiment,  cela  ne  fait  que  rendre  encore  plus  trifte  l'état  d'Anne 
Augier,  puifque  ce  bras  dont  elle  ne  peut  plus  tirer  aucun  fervice,  nefert  qu'à  aug- 
menter fes  douleurs.  Et  ce  qui  femble  mettre  le  comble  à  fon  infortune ,  lefufeau 
lui  tombe  des  mains ,  &  par  là  elle  fe  voit  réduite  à  la  dernière  indigence. 

QiJcUe  pourra  être  déformais  fa  confolation  dans  une  fituation  par  elle-même  fi 
déferpérante  ?  Elle  fouffre  de  vives  douleurs  dans  la  plus  grande  partie  de  fon 
corp<; ,  &  ceux  de  fes  membres  qui  en  font  cxemts ,  ne  font  plus  pour  elle  qu'un 
poids  à  charge  qui  la  fliit  fins  celfe  pancher  vers  le  tombeau  fans  avoir  la  force  de 
l'y  f\ire  entrer.  Elle  fe  voir  menacée  des  dernières  extrémités  de  la  mifére  fans  autre 
reflource  pour  s'exemter  de  mourir  de  fiim  que  les  aumônes  qu'il  ne  lui  eft  pas 
pofnble  d'aller  chercher.    Enfin  elle  femble  rebutée  de  Dieu  même  &  de  fes  Saints. 

Sa  foi  néanmoins  ne  fût  point  afFoiblie  par  de  fi  terribles  épreuves.  Elle  trouve 
dans  la  prière  une  confolation  fi  fenfible  qu'elle  paroît  en  avoir  oublié  tous  fes  maux. 
Dieu  fufcite  M.  Roufle  &  quelques  autres  perfonnes  de  piété  qui  viennent  lui  ap- 
porter les  fecours  nécefiiiires  pour  la  confervation  de  fa  vie  :  des  voifins  ont  la  cha- 
rité de  la  porter  fouvent  à  l'Eglife ,  &:  elle  trouve  le  moyen  de  confacrer  tout  fon  tems 
à  la  piété,  en  le  partageant  entre  la  prière  8c  l'inftruétion  qu'elle  donne  à  déjeunes 
filles  que  fa  patience  &  fa  douceur  fivent  attirer  autour  d'elle.  Elle  leur  apprend  les 
vérités  de  laReligion  &  la  morale  la  plus  pure.  Mais  fon  amour  pour  Dieu  ,  que  les 
fouflFrances  qu'elle  endure  ne  font  quaugum.enter  de  plus  en  plus ,  leur  fait  fentir 
encore  mieux  que  fes  leçons,  combien  eft  efficace  la  force  de  li  grâce  qui  fait  lui 
faire  trouver  la  paix  dans  le  fein  même  de  la  p.iuvreté ,  de  l'impuiffiince  &  de  la  dou- 
leur. Enfin,  loin  que  l'expérience  qu'elle  vient  de  fiire  des  refus apparens  du  Sei- 
gneur diminue  fa  foi  &  fi  confiance,  elle  fait  voir  deux  ans  après  que  ces  vertus 
n'ont  fait  que  croître  dans  fon  cœur. 

Au  mois  de  Mai  17x7.  elle  apprend  que  M.  RouifTe,  dont  la  charité  l'avoit  fecou- 
rue,dont  les  inftruftions  l'avoient  fortifiée,  &  dont  la  piété  l'avoit  extrêmement 
édifiée,  étoit  mort  à  Avenai.  Dieu  lui  faitpré.Tentir  qu'il  a  couronné  fes  vertus  en 
l'unilîant  à  lui-même  ,  &  elle  fent  aufiî-tôt  naître  dans  (on  cœur  un  défir  ardent  de  fè 
faire  tranfporter  fur  f^n  tombeau.  Mais  comment  s'y  prendre  pour  l'exécuter? 
Tout  s'oppofoit  à  un  projet  que  l'extrémité  où  elle  étoit  réduite  paroifibit  rendre 
impraticable:  la  plupart  mêmede  ceux  fans  le  fecours  de  qui  il  lui  étoit  impoffible 
de  changer  de  place  ,  bllmoientune  entreprife  qui  leur  paroifibit  téméraire,  &  lui 
repréfentoient  qu'une  pu'cille  tentative  n'avoit  déjà  eu  d'autre  fuccès  que  de  redou- 
bler fes  maux.  Mais  on  a  beau  tâcher  de  la  détourner  de  ce  deflein,  l'attrait  do- 
minant quî  la  prefle  ne  lui  permet  pas  de  fe  rendre  à  ces  timides  confeils. 

A  fore?  de  prières  clic  trouve  enfin  des  perfonnes  qui  ont  la  charité  defcprê- 
ter  à  exécMUer  ce  que  fin  cœur  défire  avec  tant  d'ardeur.  Sa  foi  triomphe  de  tou- 
tes les  difficultés,  le  jour  eft  pris  au  8.  Juillet  1717. 

Mais  comment  tranfpirter  cette  courageufe  impotente  qui  n'eftpliis  qu'un  fque- 
lette  moitié  mort,  moitié  mourant,  dont  une  partie  veut  aller  demander  à  Dieu 
de  refilifcitcr  l'autre.  On  la  lie  de  tous  cotés  à  une  chaife ,  afin  que  fon  corps  foi- 
ble,  langviifl"ant  &  incapable  de  f-;  foutenir  pût  demeurer  fixe  oîi  on  alloit  le  mettre. 
On  la  fouleve  à  force  d:-  bras  ^  &  on  1)  place  attachée  à  fa  chaife  dans  un  p.micr  fur 
une  vile  monture  affortie  à  fa  foibHHcj  mais  dans  ce  moment  Dieu  veut  encore 
éprouver  fa  foi,  le  Ciel  même  paroît  s'opp^fer  à  fon  deflein:  il  fu'-vi-ntune  pluie  fi 
an-^ndant'*  qu'on  fe  voit  obligé  -le  la  couvrir  d'imgros  manteau.  Ce  manteau  bien-- 
tôt  pénétré  de  la  pluie  fait  coarber  lu  corps  de  cette  foible  panilitique  :  elle  fe 

A  j  fent: 


^  DE'MONSTRATION   DU   MIRACLE. 

fcnt  prête  d'étoutïcr  Tous  ce  poids  qui  l'iiccablc  ;  mais  rien  ne  peut  diminuer  {ii 
confiance  ,  l'ardeur  en  cft  trop  vive  :  elle  veut  partir,  elle  part. 

Qiioiqu'un  pareil  voyage  en  l'ctat  oùelleétoit,  icmble  entrepris  comme  de  con- 
cert avec  la  mort ,  qui  ofera  prcfcntcmcnt  le  blâmer?  Reconnoiflons  donc  que  ce  qui 
paroit  téméraire  aux  prudens  trop  timides,  ell  quelquefois  le  moyen  d'obtenir  les 
plus  grands  bicni^tits  du  Tout-puiilant ,  &  apprenons  de  lui  même  qu'il  récom- 
pentc  II  foi  quiefpére  contre  toute  cfpcrance.  Auiîiloin  de  punir-  Anne  Âugicr  de  d 
prétendue  témérité ,  non  plus  que  ceux  qui  lui  avoicnt  fourni  le  moyen  d'entre- 
prendre un  pèlerinage  fi  périlleux,  il  va  au  contraire  dans  un  moment  couronner 
la  confiance  par  un  chef-d'œuvre  de  miféricorde  à  la  vue  de  ceux  qui  lui  avoicnt 
aidé  à  venir  le  demander  fur  le  tombeau  de  M.  Rouifc. 

Nôtre  mourante  plus  foutcnue  par  la  ^raiideur  de  fa  foi  que  par  le  refte  de  vie 

?ui  l'anime  encore,  arrive  enfin  au  lieu  ou  les  défirs  la  portent  avec  tant  d'ardeur, 
)n  cte  le  manteau  fous  lequel  elle  ell  aftaifTée  :  on  la  délie  :  on  la  defcend  :  on  la 
porte  avec  fa  chaifc  j  mais  dans  un  état  fi  déplorable  que  les  habitans  d'Avcnai  font 
faifis  d'effroi  à  fon  afpeâ:.  Ce  vifage  pâle,  livide  &  décharné;  ces  yeux  à  demi 
fermes  de  langueur  &  d'abattement  :  cette  tête  qui ,  panchée  triilcment ,  n'a  plus  la 
force  de  fc  foutcnir  :  tout  ce  corps  à  demi  courbé  qui  fe  laifle  aller  au  gré  des  atti- 
tudes différentes  qu'on  lui  donne  >  6c  fur  tout  le  cliquetis  de  fes  jambes  qui  fe  cho- 
quant l'une  l'autre,  font  remarquer  à  ces  habitans  l'aRreux  defféchement  de  ces 
membres  qui  relTemblent  plutôt  aux  offcmens  d'un  mort  qu'à  des  membres  d'un 
corps  vivant.  Tout  cet  hideux  fpcctaclc  les  pénétre  d'horreur  :  ils  fcmblent  dou- 
ter fi  cette  figure  immobile  qu'on  porte  ainfi  lur  une  chailc  n'ell  pas  plutôt  un  ca- 
davre qu'un  corps  animé.  Mais  à  peine  font-ils  revenus  de  cette  cxcufable  errem-, 
qu'ils  le  récrient  contre  l'imprudence  &  la  témérité  de  ceux  qui  l'ont  conduite  en 
cet  ét:it.  ^'l'efi-ce  i^ue  ceci  fd'Acnn-ïh.  Ok  ejl-ce  qu  onva  mener  cette  fille  qui  fe  meurt? 
Elle  fc  mouroit  en  effet,  &  :il  falloit  fc  hâter  de  la  mettre  fur  le  tombeau  où  elle 
alloit  trouver  la  vie  6c  une  forte  de  réfurrcdion.  Auffi  fc  preffe-t-on  de  l'y  poitcr 
pour  prévenir  la  mort. 

Un  minilhe  du  Seigneur  aux  prières  de  qui  Anne  Augicr  s'étoit  rccomm.mdée, 
vient  auffi-tôt  célébrer  le  faint  Sacrifice  dans  la  chapelle  où  rcpofent  les  précieux 
reftes  de  M.  Rouffe.  La  mourante paralitique  placée  avec  fi  chaifc  fur  fa  tombe, 
invoquoit  fon  interceflîon  avec  ferveur,  lorfque  tout  .à  coup  dans  le  moment  de  l'of- 
fertoire une  vertu  puiffante  defccnduc  du  Ciel,  ou  fortic  du  refpect.ible  tombeau, 
parcourt  avec  rapidité  tous  les  membres  de  nôtre  impotente.  Aulli-tôt  lés  jam- 
Des,qui  depuis  tant  d'années  n'étoient  plus  que  des  oflcmcns  couverts  d'une  peau  des- 
féchee,  fc  raniment.  Qiicl  étonnemcnt  pour  Anne  Augicr  de  leur  fcntir  une  vie  nou- 
velle !  L'efprit  du  Seigneur  vcnoit  de  fouiller  fur  ces  os  arides  ,  &  les  avoir  garnis  en 
un  inftantdc  mufcles,  de  tendons,  6v  d'une  infinité  dedifférens  vailléaux  fans  lef- 
qucls  il  eût  été  phifiquemcnt  impoffible  qu'ils  euffent  été  capables  du  moindre 
mouvement. 

Enmcmetemslaparalifie  fc  ditlîpe  &  s'évanouit:  une  chair  faine  &:  fubitemcnt 
régénérée  remplit  la  place  de  la  hltule  &:  du  cancer  ;  toutes   les  écorchures  &,  les 

filàies  font  couvertes  d'une  peau  nouvelle:  la  miraculée  Icvc  au  Ciel  les  bras,  doiU 
'unavoit  été  immobile  depuis  deux  ans  >  &  ne  pouvant  contaiir  les  tranfports  de 
fa  joie.  Serviteur  de  Dieu  ^  s,'ccv'\c-t-c\\c^  lousairzprie  pour  Moi.  Elle  fc  jette  au- 
ffi-tôt  à  genoux  pour  offrir  au  Tout-puillant  le  premier  hommaife  des  membres 
qu'il  vient  de  lui  rendre  :  elle  entend  dans  cette  pollure  le  relie  de  la  Mcllc  :  clic 
communie:  elle  fe  levé  cnfuite,  aidée  à  la  vérité  de  deux  de  fcs  compagnes,  les 
jambes  étant  pcut-ctrc  un  peu  chanccl;mtcs  d;ms  le  prcjuier  cfiai  qu  clic  leur  tait 

fairj 


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OPE'RE'  SUR  ANNE  AUGIER."  7 

faire  des  différens  mouvcmens  dont  pendant  vingt  deux  ans  elles  avoient  totale- 
ment perdu  l'habitude  ;  mais  un  moment  après  elle  marche  feule. 

Le  bniit  d'une  fi  éclatante  merveille  fe  répand  de  toutes  parts.  Dès  le  premier 
jour  on  accourt  de  tous  côtés  pour  voir  une  perfonne  fur  qui  Dieu  venoit  d'ope- 
rerua  fi  2;rand  miracle  ;  fur  tout  une  grande  partie  des  habitans  de  Mareiiil  qui  a- 
voient  vu  pendant  fi  long-tems  l'affreux  deffechement  de  fes  jambes ,  viennent  en 
foule  à  Avcnai  admirer  un  changement  fi  iui-prenant.  Le  gentil-homme  &  le  pay- 
fan,  Teccléfiallique  8c  le  laiquc,  l'Appellant  &  le  Conititutionnaire,  tous  juT- 
qu'àrAbbcfled^Avenai,  quelque  prévenue  qu'elle  fût  contre  l'Appel ,  s'empref- 
fent  d'examiner  un  prodige  fi  étonnant. 

Cette  Abbefle ,  dès  le  premier  moment  que  le  miracle  fût  opéré ,  ayant  entent 
du  retentir  de  tous  côtés  les  cris  d'admiration  que  tous  ceux  qui  enavoicnt  été  té- 
moins poufibient  vers  le  Ciel,  voulut  voir,  examiner,  8c  interroger  elle-même 
la  miraculée.  Elle  l'envoie  chercher  fur  le  champ.  Anne  Augier  monte  à  fon  par- 
loir ,  marche  en  fa  préfcnce ,  8c  lui  rend  compte  de  tous  les  maux  dont  elle  avoit 
été  affligée  pendant  les  vingt-deux  aas  de  fi  paralific ,  8c  de  la  gutrifon  fubite- 
qu'elle  venoit  d'en  obtenir  par  finterccffion  de  M.  Roulfe. 

Le  miracle  ell  fi  palpable  8c  fi  évident  que  l'Abbclfe  malgré  fes  préjugés,  ne 
fauroit  s'empêcher  de  faire  éclater  fa  conviftion.  Eneftet  comment  pouvoir  dou- 
ter de  faits  qui  ont  été  vus  par  une  infinité  de  perfonnes,  8c  dont  on  voit  foi-même 
une  paitie  ?  Aullî  l'Abbefle  ne  contefte-t-ellc  point  la  vérité  du  miracle  :  il  n'y  a  que- 
le  canal  par  où  Dieu  a  voulu  l'opérer  qui  l'embarrafle  8c  qui  lui  fait  peine.     Elle 
témoigne  qu'elle  feroit  prête  d'en  rendre  gloire  à  Dieu  s'il  eût  bien  voulu  choifir 
tout  autre  qu'un  AppcUant  pour  diftribuer  fes  faveurs.     Mais  comment  lui  rendre 
grâces  d'un  miracle  obtenu  par  rintcrceillon  d'un  homme  à  qui  on  avoit  voulu  rc- 
nifer  les  Sacremens  à  la  mort  à  caufc  de  fon  attachement  à  l'Appel ,  8c  qui  y  avoit 
hautement  perfévéré  iufqu'au  dernier  moment  de  fa  vie?  Comment  concilier  ce 
jugement  de  Dieu  avec  l'idée  qu'elle  avoit  de  la  Bulle?  Regarder  les  Appellans 
comme  rébelles  à  une  véritable  décifion  de  l'Eglife,  8c  avouer  en  même-temsque 
Dieu  canonife  leurs  démaixhes  par  des  miracles.    Cela  eft  trop  contradidoire.    II 
faut  opter  :  il  faut  abfolument  profcrire  les  miracles ,  ou  la  Bulle  :  il  n'y  a  point  de 
milieu.  Auffi  l'Abben*e  forcée  par  l'évidence  de  reconnoître  le  miracle,  tâche  de 
jetter  au  moins  quelque  doute  fur  fon  auteur.  Elle  dit  à  la  miraculée  qu'elle  auroif 
mieux  fait  de  fe  recommander  a  S.  Guiml/ert  6?  à  Ste.  Bertbe,.  Patrons  du  lieu,  8C 
lui  demande}?  elle  n' avoit  pas  eu  intention.de  prier  ces  Saints.  Mais  la  fincére  mira- 
culée lui  ayant  répondu  que  non,  8c  qu'elle  n'avoir  cû  recours  qu'a  l'intcrcdriorr 
de  M.  Roufie ,  l'Abbefie  fe  retire  brulquemenr  ftns  rien  répliquer. 

Que  ce  filence  dit  de  chofcs  à  qui  en  fent  toute  l'énergie  !  Dieu  venoit  de  déci- 
der lui-même  par  la  guérifon  miraculeuie  qu'il  avoit  accordée  à  Anne  Augier,  qu'el- 
len'avoitpû  mieux  faire  que  de  fe  recommander  à  M.  Rouflè,  parce  qu'il  avoit  rc- 
folu  que  ce  miracle  ns  fût  pas  fculcm.eiit  pour  elle ,  mais  qu'il  fei-vit  en  même-tems  x 
3rifer  les  fentimens  dès  défenfeurs  dé  lanéccfllté  8c  de  l'efficacité  de  fa  G:race.  Au? 


auton 


ffi  l'éclat  dun  fi  grand  miracle  fit-il  par  cette  grâce  toute- puiflante  une  très-forte 
impretîîon  fur  l'cfpritSc  le  cœur  d'une  infinité  de  perfonnes  d;\ns  l'étendue  de  l'Ar-^ 
chevêche  de  Reims,  où  depuis  plufieurs  années  les  Appellans  étoient  profcrits.     ' 

Le  renouvellement  fubit  des  jambes  d'Anne  Aubier  frape  d'autant  plus  vive- 
ment, qu'en  peu  de  jours  elles  acquièrent  autant  de  vigueur  8c  d'agilité  que  Ir 
elles  n'avoient  jamais  été  privées  de  vie  8c  entièrement  dénuées  de  chairs,  de 
mufcles  &  de  tendons. 

La  miraculée  refte  pendantneuf  jours  à  Avcnai  pom-rendi'c  fes a«^ions  de  .eraccs- 

à  Diea,. 


k 


8  DEMONSTRATION   DU  MIRACLE 

à  Dieu ,  fur  le  tombcnu  de  celui  par  l'incerccfTion  de  qui  elle  avoir  obtenu  un  fi  grand 
bienfait.  Pendant  ce  tcras  l'es  jambes  font  examinées  par  une  multitude  de  perfonnes  , 
qui  après  avoirappris  quefa  paralifie  avoit  tout  à  coup  cefle  d'être,  &  que  dans  le  mê- 
me inllantfon  cancer,  fa  filhile  &  fcs  plaies  avoient  difparu  ,  ont  encore  la  fatisfa- 
ftion  de  voir  eux-mêmes  que  fcs  jambes  fc  regamiflcnt  de  chairs  d'un  jour  à  l'autre, 
&  reprennent  prefqu'à  vue  d'oeil  toute  la  groffeur  qu'elles  avoient  eue  avant  leur 
dcflechemcnt. 

La  ncu\'ainc  finie ,  Anne  Augicr  {c  trouve  tant  de  forces  ,  qu'en  retournant  d' A- 
venai  à  Mareiiil,  elle  fût  les  deux  tiers  du  chemin  ii  pied,  &  rien  ne  lui  rappelle 
l'anéantiflemcnt  oij  avoient  été  fcs  jambes  pendant  plus  de  ii.  années,  que  lesfcn- 
timcns  d'une  vive  rcconnoilHince  qui  s'élèvent  fms  celle  dans  fon  cœur. 

Quimd  elle-  arrive  à  Mareiiil  tout  le  monde  s'uflemble  autour  d'elle,  &  les  tranf- 
ports  de  joie  de  tous  les  habitans  de  ce  lieu  font  fi  vifs ,  qu'on  diroit  à  les  voir  qu'- 
ils ont  tous  été  l'objet  des  bienfiitsduTout-puifTant.  Ils  n?  peuvent  fc  lafTerd  ad- 
mirer le  renouvellement  qu'il  a  daigné  opérer  de  tout  le  corps  de  cette  hcureufe 
miraculée.  Ce  renouvellement  eit  h  fcnfible  &  fi  frapant  qu'elle  paroît  une  perfon- 
ne  toute  différente  de  ce  qu'elle  étoit  auparavant. 

Encffet  ce  n'clt  plus  cette  paralitiquc,  qui  depuis  fi  long-tems  ne  s'apperccvoit 
qu'elle  avoit  des  jambes  que  par  l'embarras  &  la  peine  que  lui  caufoit  leur  poids,  ÔC 
p.xr  l'horreur  qu'elle  voyoit  que  leur  difformité  donnoit  à  tous  ceux  qui  les  rcgar- 
doient.  Ce  n'eit  plus  ce  corp3  hideux ,  mangé  par  un  cancer ,  pourri  par  unefiilulc , 


îgeneritiondc'cs  jambes,  t-^citunep 
mé  annonce  la  parfaite  fitisr'action  du  cœur  ;  6c  qui  jouit  d'une  fanté  li  foitc ,  fi  ro- 
bufte,  &  fi  vigoureufc  que  peu  après  fa  guérifon  on  la  voit  vaquer  avec  facilité  aux 
travaux  les  plus  pénibles  de  la  campagne ,  jufqu'à  battre  du  bled  à  coups  de  flcau. 

Ce  miracle  étoit  trop  évident  pour  ne  pas  ouvrir  les  yeux  de  ceux  dont  le  cœur 
n'étoit  pas  encore  endurci.  Aullî  prefque  tous  ceux  qui  viennent  à  Mareiiil  en  appro- 
fondir lu  vérité ,  &  entr'autrcs  prefque  tous  les  Curés  voifins ,  quelque  prévenus  que 
pluficurs  d'cntr'cux  eufllnt  étc  auparavant  en  faveur  de  la  Bulle ,  ne  pcuvcnts'empê- 
cher  dcreconnoîtreledoigt  de  Dieu  dans  un  prodige  fi  admirable.  Ils  s'en  retour- 
nent frapés,  convamcus,  attendris,  &  bien-tot  après  nulrefpeét  humain  ne  peut 
les empêcherdefc  ranger  du  côté  de  la  vérité,  &  de  lui  rendre  témoigfiagc. 

En  vain  ceux  qui  Imiticnnent  la  Bulle  vont  ilss'cfi^'orccrd'ctoufter  l'éclat  de 


ce 


miracle  qui  la  profcrit  :  en  vain  vont  ils  frémir,  menacer ,  pcrfécutcr.  Celui  qui  de- 
meure dans  les  cicux  fe  rira  de  leurs  efforts  ;  &  malgré  toutes  leurs  défcnfcs,  il  con- 
tinuera d'illuftrcrparde  nouveaux  prodiges  le  tombeau  v^u  Bienlicurcux  Appellant. 

CARACTERE    DES    TEMOINS. 

DE  tous  les  faits  dont  la  certitude  nYft  fondée  qucfiir  le  témoignage  des  hom- 
mes, il  en  cil  peu  qui  ait  des  circonilances  plus  frapantes  Se  plus  décifivcs, 
une  notoriété  plus  publique  &  plus  confiante,  &  des  preuves  plus  convaincantes 
&plusincontcllables  que  le  miracle  opéré  fur  Anne  Augicr.^ 

Il  nVll  pas  ici  qucllion  d'une  courte  maladie  p:u-  rapport  à  laqiicllc  on  ait^  pu 
en  impofcr;  mais  d"un  ét.u  fixe  Se  permanent  qui  a  dure  un  grand  nombre  d'an- 
nées, il  ne  s'agit  pas  de  quelque  mal  interne  dont  les  iimptomes  équivoques  au  nt 

"  'aitiTs  de  l'Art  -,  mai 
évidence  manifclte. 


rû  tromper  jiif(]u'anx  M.iitirs  de  l'Art  -,  maisd'u  i  it;,t  ralpabîc  Se  apparent  dont 
rinci.abililc  étoit  d'une  évidc 


Le 


OPE'RE'  SUR  ANNE  AUGIER.  9 

Le  miracle  dont  nous  allons  rapporter  les  preuves ,  eft  opéré  furuneparalitique 
dont  les  jambes  totalement  defl'echees  avoient  été  expofécs  pendant  prés  de  ri.  ans  à 
la  vue  d'une  infinité  de  perfonnes.  Dieu  lui  rend  en  un  moment  des  jambes  nouvel- 
les, &  la  guérit  en  même -temps  d'un  cancer  ouvert,  d'une  fiftulej  ôcdeplufieurs 
autres  plaies  qui  diparoiflcnt  tout-à-coup.  Et  nous  avons  pour  garants  de  ces  faits 

Î)rèsde  300. témoins,  parmi  Icfquels  il  y  en  a  beaucoup  qui  font  recommandablespar 
cur  naiflance,  leurs  dignités  &  leur  caraftcre  :  ^  plufieurs  qui,  s' ils  n  avoient  pas 
foulé  aux  pieds  leurs  préjugés  &  leur  intérêt ,  auroient  été  naturellement  portés  à  dc- 
renir  des  contradicteurs  trésoblHnés  du  miracle  qu'ils  certifient. 

Qu'on  nous  dife  quel  fera  delormais  le  fait  qui  pourra  mériter  nôtre  créance  ;  s'il 
eft  permis  de  la  refufer  à  un  événement ,  dont  toutes  les  circonftances  qui  le  caraété- 
rifent  6c  qui  l'ont  précédé  ou  fuivi,  ont  été  pendant  un  grand  nombre  d'années ,  & 
font  encore  aujourd'hui  fous  les  yeux  d'une  infinité  de  perfonnes,  ôcfont  atteftées 
par  une  multitude  de  témoins ,  dont  plufieurs  immolent  leurs  propres  fentimcns,  ha- 
zardent  leur  repos  6c  s'expofent  à  toutes  fortes  de  perfécutions  pour  en  rendre  té- 
moignage. 

Tl  feroit  trop  long  de  donner  en  détail  le  caraétére  d'un  fi  grand  nombre  de  té- 
moins :  ainfi  nous  nous  contenterons  de  les  préfenter  fous  trois  différentes  claffes, 
ayant  ici  pour  certificateurs  d  un  fi  grand  prodige  prefque  tous  ceux  du  Clergé ,  de 
la  Nobleife ,  &  du  tiers  état  de  la  province  qui  avoient  vu  l'état  affreux  d'Anne  Au- 
gier  avant  les  régénérations  fubitcs  qu'il  a  plû  à  Dieu  d'opérer  dans  fes  membres}  l'é- 
vidence de  ce  miracle  leur  ayant  donné  à  prefque  tous  le  courage  de  le  certifier. 

Sous  le  titre  du  tiers  état  nous  comprendrons  les  Maîtres  de  l'Art  que  nous  confon- 
drons ici  avec  le  peuple.  jSI  ous  n'ignorons  pas  ncanmoms  que  leur  témoignage ,  quand 
il  eft  queltion  d'une  guérilbn  iiirnaturelle ,  mérite  une  attention  finguliére;  parce 
qu'étant  plus  inltruits  que  le  commun  des  hommes  de  l'effet  des  maladies  &  des 
rcffouixes  de  la  nature ,  ce  qu'ils  décident  à  cet  égard  a  ordinairement  plus  de  poids  , 
&  f.iit  plus  d"'impreffion  que  ce  que  difent  d'autres  perfonnes.  Mais  dans  le  fait 
dont  il  s'agit ,  tout  le  monde  elt  expert  6c  les  témoins  Se  les  leéteurs.  Il  n'eft  point 
néceffaire  de  fivoir  l'anatomie,  pour  connoirre  que  des  membres  defféchés  ont 
perdu  les  parties  qui  lont  effcnticllement  néceffaires  pour  agir,  6c  par  conlequcnt 
qu'ils  font  d'une  incurabilité  manifelte.  Il  n'y  a  qui  que  ce  foit  qui  n'en  iache  af- 
fez,  pour  ne  pas  ignorer  qu'un  cancer  ouvert ,  une  fiitulc,  &  même  les  moindres 
plaies  6c  les  plus  légères  écorchurcs  ne  peuvent  fe  guérir  en  un  moment, 6c  fc  cou- 
vrir tout-à-coup  d'une  peau  nouvelle.  Ainfi  les  yeux  du  plus  ignorant  rendent  ici 
«n  témoignage  auiH  infaillible,  6c  prefque  auflî  convaincant  j  que  les  diflertations 
6c  les  jugemcns  des  plus  grands  Maîtres  de  l'Art. 

L  E    C  L  E  R  G  E'. 
La  Vérité,  quoiqu' attachée  fur  la  croix,  fait  quand  elle  le  veut  forcer  toutes 
les  barrières  6c  furmonter  tous  les  o'oitacles.     Tranquille  dans  l'exécution  de  fes 
deffeins,  elle  rit  de  toutes  les  cntreprifcs  que  les  hommes  forment  pour  les  traver- 


infpirer  vui  courage  qui  les  cléve  infiniment  au  defllis  d'eux-mêmes.  Elle  reprend 
de  là  fon  vol  pour  aller  fe  faifir  de  quelques  riches  6c  de  quelques  nobles  qu'elle  fait 
abaifllr  au  niveau  des  plus  petits.  JVIais  fes  plus  glorieufes  conquêtes,  celles  qui 
manifeilent  le  plus  fa  force  divine,  c'eft  lorfque  fe  montrant  dans  tout  fon  éclat  à 
des  cœurs  engagés  parmi  fes  ennemis,  elle  met  en  pièces  leurs  liens  ôcles  enlevé 
eux-mêmes  pour  les  réunir  aux  pies  de  fa  croix  à  fes  heureux  captifs. 

/.  Demonjl.  tome  IL  B  Dan? 


to  DE'MONSTRATION   DU   MIRACLE 

Dans  le  grand  nombre  de  Cures ,  Dofteurs  en  Théologie,  Se  Cbnnoines  qui  at- 
tellent nôtre  miracle ,  favoir  31.  Curésqui  ont  d'abord  prélcntc  une  première  Re- 
quctc  aux  Grands-\'icaires  de  M.  l'Archevcquc  de  Reims,  plufîcurs  autres  qui 
fc  font  cnfuitc  joints  ù  quelques-uns  des  premiers  qui  font  avec  eux  le  nombre  de 
58.  Icfqucls  ont  prefenté-une  deuxième  Requête,  6c  cinq  autres  éccléfialliqucs 
conftitués  en  dignité  qui  ont  donné  leur  certificat  particulier:  dans  ce  nombre, 
dis-jc,   il  en  ell  pluficurs  qui  jufqu'à  ce  moment  avoiciit  paru  entièrement  foumis 
à  la  Bulle;  mais  qui  ayant  été  terraflcs  comme  S.  Paul  par  l'éclatante  lumière  qui 
foitoit  d'un  fi  grand  miracle,  en  font  devenus  les  Evangeliiles.     Sur  le  champ  ils 
ont  abdiqué  comme  cet  Apôtre  tous  les  préjugés  dont  leur  efprit  étoit  préoccupé, 
6c  ont  forcé  toute  la  réfilfancc  de  leur  cœur  pour  rendre  hommage  à  la  Vérité 
qu'ils  avoient  eu  jufques  là  le  malheur  de  méconnoîtrc,ou  du  moins  de  retenir  captive. 
.   Quel  nouveau  prodige  de  la  grâce  !  Des  Prêtres  non  appellans  fouler  aux  pies 
leur  intérêt  !   Dçs  Conllitutionnaires  revenir  de  leurs  préventions ,  condamner  par 
de  généreufes  démarches  leurs  fentimcns  précédens  ;  6c  non  feulement  croire  un 
miracle  qui  profcïit  les  décifions  d'une  Bulle  que  toutes  les  Puiflances  foutiennent, 
mais  encore  avoir  le  courage  de  le  publier  hatnemcnt  !  Des  Curés  6c  des  Chanoi- 
nes qui  à  l'ombre  de  l'étendart  de  l'erreur  jouifloicnt  tranquillement  de  la  paix  de 
ce  monde,  des  fruits  de  leurs  bénéfices,  6c  de  la  protcétion  de  leurs  Supérieurs, 
te  joindre  tout-à-coup  à  ceux  que  l'on  pourfuit  de  toutes  parts  :  s'cxpofer  à  perdre 
leur  repos  &c  leurs  revenus,  pour  atteftcr  un  miracle  qui  reprouve  la  conduite 
qu'ils  avoient  tenue  jufqu'alors  :  ofer  fe  déclarer  parties  contre  les  Puiflances  dont 
ils  dépendent  :  dénoncer  à  leur  Archevêque  une  guérifon  opérée  fur  le  tombeau 
d'un  Appellant  comme  miraaiktife  :   fommer  juridiquement  fcs  Grands-\'"icaircs 
d'en  faire  fiire  l'information  :  les  forcer  de  laiilcr  voir  à  toute  la  terre  que  les  mi- 
rùcles  qui  décident  contre  la  Bulle  font  fi  certains  qu'ils  n'ofcnt  entreprendre  de 
les  examiner,  parce  qu'ils  fcntent  qu'il  n'ell  pas  pofîlble  d'en  obfcurcir  l'évidence  ; 
en  un  mot  fc  livrer  de  gaieté  de  cœur  à  la  peifécution  pour  la  défenfe  des  vérités 
aufqucllcs  ils  ne  prenoicnt  auparavant  nul  intérêt. 

Qiii  peut  méconnoître  à  ces  traits  celui  qui  tient  en  fa  main  les  cœurs  de  tous  les 
hommes  6c  qui  en  difpofe  comme  il  lui  plart?  Qiicl  autre  que  le  Tout-puilTImt 
ciît  pu  fc  donner  de  pareils  témoins  ?  6c  quel  degré  d'évidence  ne  faut-il  pas  qu'ait 
■tù  le  miracle  qui  leur  a  fait  ime  fi  forte  impreflîon? 

Mais  a-t-il  niUû  une  grâce  moins  puiirante  pour  ceux,  qui  déji  fufpcéts  à  leurs 
Supérieurs  d'être  attaches  à  la  Vérité,  n'ctoicnt  foulTerts  par  eux  qu'avec  peine, 
ou  pour  ceux  qui  l'ayant  hautement  confenëc  étoicnt  déjà  chafTés  de  leurs  places? 
Comme  ils  étoient  plus  expofés  que  les  premiers  à  toute  la  rigueur  de  la  pcrfécu- 
,  tion ,  n'ont-ils  pas  eu  befoin  d'un  courage  que  la  Vérité  feule  peut  donner  ?  Il  en 
cit  dans  ce  nombre  qu'il  fuffit  de  nommer  pour  faire  leur  éloge. 
,  Tel  cfl;  le  refpeftable  M.  Baudouin  Docteur  dcSorbonnc  6c  ancien  Vicaire 
•de  S.  Leu,  dont  la  Capitale  du  Royaume  à  tant  admiré  les  talcns  6c  la  piété,  & 
dont  elle  ne  ceflc  point  de  rcgreter  l'abfcnce. 

Il  faut  auflî  mettre  drais  la  féconde  clafle  M.  de  Vaugcnci  Licentic  de  Sorbonnc 
&  Chanoine  de  Chaalonsj  M.  Hermardel  aufli  Chanoine  de  Chaalonsj  M.  Am- 
hroifc  Chanoine  d'Avcnai  qui  avoit  été  Vicaire  à  Marciiil  pendant  les  dix  années 

2ui  ont  précède  la  guérifon  d'.\nnc  Augier;  6c  tous  ceux  d'entre  les  31.  6c  }^. 
^urés  qui  n'avoient  point  accepté  la  Conllitution:  auxquels  il  faut  ajouter  M.  le 
Boiicq  Curé  de  Fromcntiercs,  qiii  n'eft  point  un  de  ceux  qui  ont  prcfcntc  les 
deux  Rccuctcs,  mais  qui  adonné  Ion  certificat  particulier.  Ce  di^nc  Paflcur  étoit 
d'autant  ohcux  inllruit  de  l'état  oiî  nvoit  été  Anne  Augier  avant  îa  guérifon ,  qu*il 

étoit 


OPE'RE^  SUR  ANNE  AUGIER.  tr 

étoit  natif*  de  Mareiiil  dont  il  avoit  été  Vicaire  pendant  pluficurs  années,  qu'il  v 
r.Uoit  de  tems-en-tems  8c  qu'il  fc  faifoit  un  devoir  d'aflîller  Anne  Augier  &  de  Vc\- 
horter  de  bien  profiter  pour  fon  liilut  de  Tétat  aiFrcux  où  il  la  voyoit.  Aufîl  étoit- 
il  fî  pénétré  de  l'incurabilité  de  fcs  maladies  qu'il  ne  pût  croire  la  première  nou- 
velle qu'on  lui  dit  de  fa  fubite  guérifon.  ivlais  un  tel  événement  interefloit  trop  fa 
foi  pour  qu'il  reftât  tranquille.  Il  part  aufîî-tôt  pour  venir  lui-même  à  Avenai 
examiner  fi  ce  récit  cft  véritable.  En  arrivant  en  cette  ville  il  apperçoit  d'abord 
Anne  Augier  qui  vient  au  devant  de  lui.  Ma  furprife  ^  dit-il,  fut  telle  que  je  ne  fa- 
vois  fi  je  devais  en  croire  mes  yeux.  Plus  il  examine,  plus  il  reconnoît  l'opération 
toute-puiffitnte  de  la  Divinité,  8c  il  en  demeure  tellement  convaincu  qu'il  ne 
craint  pas  de  prendre  le  Dieu  de  'vérité  à  témoin  des  faits  qu'il  avance,  fans  crain- 
dre ,  aioute--il ,  de  me  tromper  ni  d'être  démenti  de  perfonné rien  n'étant  y?  no- 
toire ^  fi  public  comme  la  maladie  13  la  guérifon  de  cette  fille. 

Ce  miracle  dont  il  rend  auflî-tôt  gloire  à  Dieu,  rejaillit  pour  ainfi  dire  fur  lui- 
même.  „  Dans  l'admiration  oii  j'ai  été  (dit-il)  de  la  guérifon  de  lad.  Anne  Augier,- 
j,  j'allai  à  l'Eglife  paroiffiale  dudit  Avenai,  oij  . . .  je  priai  M.  RoufTe  ...  de  de- 
„  mander  à  Dieu  pour  moi  les  grâces  dont  j'aibefoin  pour  remplir  les  devoirs  de 
„  mon  état,  8c  la  fanté  pour  pouvoir  annoncer  les  vérités  du  falut  à  mes  paroif-- 
„  fiens  ,  étant  incommodé  8c  languiffant  depuis  plus  de  deux  ans  d'une  fluxion  dé 

„  poitrine  qui  m'avoit  ôté  la  voix. . . .  Dès  le  Dimanche  fuivant je  m'apper- 

„  eus  que  ma  voix  étoit  rétablie  telle  que  je  Pavois  eue  avant  lad.  incommoclité. 
„  Je  chantai  la  Meflc  de  paroiflc  fans  peine  . . .  (8c)  depuis  ce  tems  ...  je  n'ai 
„  point  fenti  les  douleurs  continuelles  que  je  fentois  auparavant  dans  la  poitrine.  " 
Qu'il  nous  foit  permis  de  ramaffer  en  paflant  ces  précicufes  miettes  de  la  libéralité  du 
Seigneur,  qui  recompcnfe  fouvent  des  ce  monde  la  foi  que  l'on  a  pour'fes  œuvres-. 

Avant  que  de  finir  cet  article,  ne  pourrions  nous  point  mettre  aufll  dans  le  nom- 
bre de  nos  témoins  du  Clergé  de  Reims ,  M .  l'Archevêque  lui-même  8c  fes  Grands- 
Vicaires,  du  moins  dans  une  clafîc  de  témoins  muets?  Leur  conduite  n'ell-ellc 
pas  une  preuve  frapante  de  leur  conviction  ?  La  plus  faine  partie  des  Curés  de  leui- 
Diocéfe  les  preffe  par  des  Requêtes  réitérées  de  faire  les  informations  de  ce  mira- 
cle :  ils  n'ignorent  pas  fins  doute  que  des  qu'iU  en  font  requis  par  des  témoins  d'un 
fi  grand  poids,  un  devoir  indifpenfable  envers  Dieu  8c  envers  les  hommes,  les 
obïii 


ne 

c'elt  déclarer  ouvertement  qu'ils  lont  détermines  à  taire  tous  leurs  ettorts  pour 
cher  la  lumière.  Mais  ils  font  eux-mêmes  fi  convaincus  que  la  certitude  des  faits  ne 
peut  ici  recevoir  aucune  atteinte ,  qu'ils  croient  que  l'unique  parti  qui  leur  refte', 
c'ell  autant  qu'ils  le  pourront,  d'enfévelir  cette  décifion  divine  dans  les  ténèbres  du 
filence.  Aufll  loin  d'ofer  entreprendre,  en  rédigeant  avec  art  Se  avec  adrcfle  une 
information  dans  leurs  vues,  d'arrêter  l'impreflion  que  ce  miracle  fait  dans  leur 
Diocéfe,  ils  n'appliquent  tous  leurs  foins,  8c  ils  n'cmployent  toute  leur  autorité 
8c  leurs  menaces ,  qu'à  tâcher  d'en  diminuer  le  bruit  8c  d'en  amortir  l'éclat,  fuis 
néanmoins  ofer  le  nier. 

Cependant  les  adverfaircs  les  plus  déclarés  de  la  Vérité,  8c  fur  tout  cette  So- 
ciété antichrétienne  qui  combat  toute  la  morale  de  l'Evangiîe,  voyant  que  c'é- 
toit  en  vain  qu'ils  s'obilinoient  à  contredire  des  faits  qui  avoient  été  vus  par  lin 
fi  grand  nombre  de  perfonnes,  prennent  le  parti  delefpéré  d'attribuer  ce  miracle 
au  Démon  i^  aux  enchant émeus  de  la  magie  .^  ainfi  que  l'attellent  les  2:8.  Curés  quj 
s'en  plaignent  dans  leur  Requête.  ÎVI.  l'Archevêque  de  Reims  Se  fes  Grands- Vicai- 
res laiflcnc  tranquillement  ces  ennemis  de  Dieu  donner  ainfi  fes  œuvres  à  Sa«-ji*-j 

^  ^  ^:ais 


tz  DE'MONSTRATION  DU  MIRACLE 

hhia  en  fai(-int  le  Démon  auteur  de  cette  gucrifon,  n'cft-cc  par  convenir  formeF-- 
lemcnt  de  leur  part,  qu'elle  eft  un  prodige  évident  qui  n'a  pu  être  opéré  que  par 
des  moyens  fumaturcls  ? 

C'cll  ainfi  que  tout  rend  témoignage  à  la  Vérité,  jufqu'aux  vains  efforts  de  ceux 
qui  cherchent  à  l'étoufFer.  Tout  parle  en  fa  flivcur  jufqu'au  filence  même.  Tout 
fcrt  à  fa  gloire  jufqu'aux  impiétés  de  ceux  qui  pour  tâcher  de  l.i  noircir,  ont  re- 
cours au  Prince  des  ténèbres,  &  ofent  lui  attribuer  un  pouvoii- lans  bornes  pareil 
À  celui  du  Créateur. 

LA    NOBLESSE. 

Si  l'honneur  &  la  probité  font  le  plus  illulbe  appanage  de  la  noblefTe  5c  de  la- 
profdfion  militaire,  il  faut  avouer  qu'en  ce  fiécle  le  caraétérc  des  pcrfonnes  que 
ces  états  dillinguent,  n'eft  pas  de  croire  aifément  un  événement  fumaturcl. 

La  plupart  s'imaginent  volontiers  que  c'eft  une  marque  de  fupériorité  d'cfprit 
ic  refufcr  de  croire  tout  ce  qui  tient  du  men'cilleux.  Ils  ont  honte  d'adopter  les 
fcntimens  populaires,  &  de  fe  confondre  en  quelque  manière  parmi  la  foule, en 
joignant  leur  voix  à  celle  du  peuple.  Mais  lur-tout  s'il  eft  quclHon  de  dcpofcr 
"contre  lefentiment  de  la  Cour>  de  hazarder  de  lui  dépl-.urev  de  s'expofcr  à.  Ces- 
mépris  ;  de  rifquerfi  fortune  ôc  les  bonnes  gr.acesi  &  tout  cela  fans  aucun  dédom- 
magement dans  ce  monde-ci  V  de  quelle  évidence  ne  faut-il  point  que  foit  un  mi- 
racle pour  forcer  des  gens  de  cette  trempe  à  lui  rendre  témoignage  ? 

C'ell  toutefois  cette  générofité  chrétienne  que  la  grâce  cxpofe  a  nos  yeux  dan» 
les  certificats  de  M.  Le  Picard  Chevalier  Seigneur  d'Ablancourt  ,  Se  de  Madame 
fon  cpoufe:  de  M.  deTruiron  Chevalier  de  l'Ordre  de  S.  Louis  &  Major  de  Mar- 
fal,  &:desDemoifellesfesfœurs:  de  Madame  Chevalier  veuve  de  M.  de  Couct 
Chevalier  Seigneur  desMarcts,  &  de  M.  de  Couci  leur  fils  Lieutenant  au  Régi- 
ment de  Navarre:  de  M.  de  la  Boutillcrie  Seigneur  d'Aguilcourt  ancien  Capitaine 
au  Régiment  duRoi,  &  de  Madame  fon  époufe  :  de  M.  François Ecuier  Seigneur 
de  M      *  ■    '  --     •    ■  T,      •       ^  .    ^        ., ^    .,    . 

dont 

Picret  de  Tallange  qui 

Tous  ces  gens  de  condition ,  donc  la  plûp.ait  ont  leurs  tcncs  auprès  de  Mareiiil , 
eu  même  dans  cette  paroifle,  avoient  h'émi  d'horreur  une  infinité  de  fois  à  la  vue 
des  membres  affreux  d'Anne  Augier.  Auflî  furent-ils  (ï  iarfis  d'ctonnement  &  d'ad» 
miration  en  voyant  le  rctabliiîemcnt  fubit  de  fcs  jiunbes  ,  &  la  guérifon  foudainc  de 
toutes  fes  autres  plaies  ,  que  pluficurs  d'entr'eux  ne  dédaignèrent  point  de  mêler 
leur  rcconnoifTancc  6c  leurs  noms  avec  ceux  des  compatriotes  de  cette  pauvre  fille , 
pour  attcfler  conjointement  vavcc  eux  l'état  déplorable  dans  lequel  ils  l'avoient 
vue  pendant  un  ïi  grand  nombre  d'années,  &  le  changement  merveilleux  qui  liri 
ctoit  arrivé. 

A  l'égard  des  autres  Seigneurs  voifins,  qui  apnt  vu  moins  fouvcnt  Anne  Au- 
gier,  n'étoicnt  pas  inllruitsde  toutes  les  particularités  oui  fe  trouvent  dans  les  pro- 
cès- verbaux,  ils  ont  donnés  leurs  certificats  à  part  ocs  faits  qui  étoient  de  leur 
connoiflancc.  Mais  tous  fe  font  cmprefl'ez  de  rendre  gloire  à  Dieu,  &  ont  micuK 
aimés  hazarder  de  dcplauc  aux  Puilfanccs  dont  iis  pouvoient  attendre  la  rccom- 
pcnfc  de  leurs  ferviccs,  que  de  manquer  de  rendre  témoignage  à  un  prodige  oq 
le  doigt  de  Dieu  étoit  fi  marqué. 

L   E     T   I   E  R  S       ETAT. 

C'cfl  ici  tout  un  peuple  de  témoins  auflî  varié  dans  fcs  pallions,  fcs  vûes&  Cc$  in- 
térêts que  Tell  néccfl"aircniciit  une  multitude  d'hommes  ditfércns.  Ce  font  d'Abord 
l6i.  pcxfoniics  qui  viirntcnt  touchés  d'uii  miracle  li  éclatant,  s'afTcmblent  devant 

ks. 


ÔPE'RE'   SUR  ANNE   AUGIERV  ï^^ 

fcs  Officiers  de  h  Tuftice  du  lieu  ,  &  leur  déclarent ,  „  qu'ils  fe  croiroient  coupa- 
„  blés  devant  Dieu,  s'ils  ne  faifoient  pas  ce  qui  eft  en  leur  pouvoir  pour  révélera 
„  toute  la  terre  ,  &  publier  hautement  cette  merveille  qu'ils  regardent  comme 
5,  Pceuvre  de  Dieu.  „ 

Ils  fontdrcfler  par  le  Greffier  un  procés-verbal  de  tous  les  faits  qui  font  de  leur 
eonnoifT-ince , -dans  lequel  il  atteftententr'autres  chofes  ,  „  que  depuis  le  1 3.  Juillet 
„  que  (Anne  Augier)  eft  revenue  d' Avenai  dans  leur  paroifle. ...  Ils  l'ont  vue  &  la 
„  voient  tous  les  jours  aller  6c  venir  comme  fi  elle  n'avoit  jamais  cefTé  de  marcher. . . 
„.  &  que  fes  jambes ,  qui  ont  toujours  été  dcffiîchées  jufqu'au  jour  de  fti  guérifon , 
„  font  revenues  au  même  état  qu'elle  les  avoit  avant  qu'elle  fût  paralitique.  „ 

Tous  ces  161.  particuliers  fignent leur  déclaration,  &  non-fculcment  le  Lieute- 
nant delà  Prévôté  &  le  Prociîreur  fîfcal  la  légalifcnt,  mais  ils  déclarent  eux-mê- 
mes que  „  le  contenu  aud.  procés-verbal  eft  fincére  6c  véritable  ,  (6c  qu'ils  ont) 
„  une  parfaite  connoiflance  de  la  vérité  d'icelui.  „ 

Tous  les  autres  habitans  de  la  paroiîTe  qui  fivenf  fignei',  èc  quelques-uns  de 
ceux  d' Avenai ,  le  tout  au  nombre  de  prés  de  86.  fuivent  peu  après  les  traces  de 
ceux  qui  avaient  déjà  fait  leur  dcclaratiori,  Se  font  drefter  un  fécond  orocès-ver- 
bal  dans  lequel  ils  certifient  la  vérité  de  tous  les  faits  contenus  dans  le  premier. 

Les  perfonnes  qui  avoicnt  eu  journellement  la  charité  de  fervir  Anne  Augier 
pendant  le  grand  nombre  d'années  qu'elle  avoit  été  incapable  de  fe  rendre  à  elle- 
même  aucun  fervice,  donnent  leur  certificat  particulier,  dont  les  récits  ingénus 
portent  avec  eux  uncaraclére  de  francJiifc  6c  de  vérité  auquel  il  n'eft  par  p^crmrs 
de  fe  refufer. 

Le  Médecin  d'Epcrnai,  le  Chirurgien  deMareiiil,  celui  de  Chaâlons  6c  celui 
d'' A  y,  joignent  leurs  rapports  à  la  notoriété  publique.  Dans  tout  le  pays  ce  n'cft 
qu'une  voix  pour  publier  l'œuvre  de  Dieu. 

Mais  dans  quelles  circonftances  tous  ces  témoins  viennent-ils  fe  réunir  ainfî 
pour  attefter  ce  miracle.''  C'eft  dans  un  Dioccfe  qui  avant  ce  prodige  étoitpref- 
qu'entiéremcnt  fubjugé  par  la  Conftitution  6c  fes  adhérans ,  6c  où  Ta  vérité  qui 
ofoit  lever  publiquement  la  tête  étoit  fur  le  champ  opprimée.  C'eft  dans  im  pays 
ovi  le  peuple  n'étant  pas  inftruit,  regardoitles  Appellans  comme  des  rebelles  à  l'au- 
torité del'Eglife.  Enfin  c'eft  dans  un  tems  où  Dieu  n'avoit  point  encore  fait  con-- 
noître  lui-même  aux  fimples-par  un  nombre  innombrable  de  miracles ,  de  quel  côté 
et  oit  la  vérité.  Combien  a-f-il  donc  follu  que  ce  premier  miracle  fût  évident  pour  ca- 
lever  tout  d'un  coup  un  fî  grand  nombre  defuffrages,  6c  pour  foire  jccter  ainfi  de 
toutes  parts  un  cri  public  de  joie  6c  d'admiration?  Le  leéleur  n'en  fera. plus  étonné 
lorfqu'il  aura  vu  les  preuves  de  l'état-  horrible  où  étoit  Anne  Augier  av;mt  f  i  gué- 
rifon ,  6c  du  changement' auffi  inconcevable  que  merveilleux  qu'il  a  plu  ùDiciM 
d'y  faire  en  un  moment:  Hâtons-nous  donc  de  les  luipréfenter  5c  qu'il  s'emprclïc 
de  le  joindre  à  ceux  qiri  en  ont  rendu  gloire  à.  Dieu. 

îe{ffljsî5a52ïfiss2Kaî2:'5assîa5Sifficaîaî£ax3«ffiss5saî?ia;ffi2Sfflaxaî5Jiïcffl^  - 

E  R   O   P    Q    S    I    T   1    O    N  S, 

SUJi  I;ES§UELLES  CEtfE    DEMONSTRJTION  SERJ  ETABLIE, 

PKEMIEUE   PROPOSITION.. 

^  Anne  Ai'GiERj  îofs  de  fa  gucrifon  fubite,  avoit  les  dtfux  janibes  t>crchT<- 
ies_  depuis  21.  ans  par  une  paralifie  complette,  qui  pendant  zi.  :";m>WriVoit:i-é>- 
•ûUitcs  à  u»;  delTcchement  entier. 

33.  .b'èrss 


r4  DE'MONSTRATION   DU   MIRACLE 

SoM  CORPS  ctique  le  mcurtrifloit,  &  s'écorchoit  de  plus  en  plus  par  h  nc- 
rrtllté  de  rertcr  continuellement  dans  la  même  pofture. 

Depuis  7. ans  elle  avoit  un  cancer,  qui  depuis  trois  ans  avoit  formé  un  abccs 
ulcéré ,  &  peu  après  une  fiftule  qui  rer\'oit  de  décharge  à  h  corruption  qu'en- 
gcndroit  le  cancer. 

E  N  r  I  N  il  lui  lurvint  auflî  une  paralific  fur  le  bras  gauche  deux  ans  avant  fa 
guérifon. 

I  I.     PROPOSITION. 

L  F.  DESSECHEMENT  dcs  jambes  d'Anne  Augier ,  caufë  par  une parajiflc 
complette  qui  avoit  duré  plus  de  11.  ans,  étoit  un  état  abfolument  incurable. 

I  I  I.    PROPOSITION. 

Anne  Augter  à  été  guérie  fubitcmcnt  fur  le  tombeau  de  M.  Roufle,  de  f* 
p-u'alifie  &  de  tous  fcs  autres  maux  le  8.  Juillet  1727.  5c  peu  de  jours  après  Dieu 
lui  a  donne  la  fanté  la  plus  parfaite  &  la  plus  robufte. 

IV.  &  DERNIERE  PROPOSITION. 

La  Gt'ERisoN  d'Anne  Augier  n'a  pu  être  opérée  que  par  le  Toutpuifiluit. 


L     PROPOSITION. 

Akne  Augier,  lors  de  fa  guérifon  fubite  ^  avoit  les  deux  jambes  perclufes  depuis 

•vingt  -  deux  ans  par  une  paralifiè  complette ,  qui  depuis  vingt  -  un  ans  Us  avoit  ré' 

diiites  à  un  de(fécbement  entier. 
Son  corps  étique  fe  meurtri [foit  i^  s''écorchoit  de  plus  en  plus  par  la  nicefftti  dt 

refier  continuellement  dans  la  même  poflure. 
Depuis  fept  ans  elle  avoit  un  cancer  .y  qui  depuis  trois  ans  avoit  formé  un  abcès  ulcéré  ^ 

(^  peu  après  une  fi  fuie  qui  fcrvoit  de  décharge  à  la  corruption  qu^  engendrait  le  cancer. 
Enfin  //  lui  fur  vint  auffi  une  paralife  fur  le  bras  gauche  deux  ans  avant  fa  guérifon. 

LA  Religion  nous  apprend  que  les  maux  qui  affligent  le  corps  humain  font  une 
emblème  fcnfible  des  maladies  des  âmes.  Auflî  il  en  ell  de  l'ordre  de  la  nature 
comme  de  celui  de  la  grâce  :  ôc  comme  il  y  a  de  certaines  âmes  dont  la  corruption 
crt  fi  grande  &  fi  enracinée  qu'elles  n'en  peuvent  être  délivrées  que  par  un  miracle 
extraordinaire  dcmiféricordc,il  y  a  pareillement  dans  les  corps  des  maladies  qui  par 
leur  malignité  &  leur  durée ,  ont  fait  un  tel  ravage  5c  caufé  une  fi  grande  dcllruétion, 
ou'il  ne  faut  rien  moins  que  la  main  toute  -  puiflante  du  Créateur  pour  changer  de  na- 
ture ce  qui  eft  corrompu,  6c  régénérer  une  féconde  fois  ce  qui  a  été  détruit. 

Tels  étoient  la  plupart  des  maux  d'Anne  Augier  lors  de  la  guérifon  fubitc.  Ce 
fût  dès  l'année  1705.  que  commença  leur  première  époque.  Elle  nous  apprend 
dans  fa  déclaration  :  „  Que  le  jour  de  la  fttc  de  tous  les  Saints  de  l'année  ijor. 
„  étant  dansTéglifc  deMareiiil  la  paroiflc  pour  y  affilier  à  l'office  divin,  elle  fut 
„  attaquée  de  paralific  d'une  manière  fi  fubite  &  fi  violente,  qu'elle  tombatôut 
„  d'un  coup  par  terre  :  qu'elle  ne  pût  être  relevée  quepr.r  le  fecours  des  peilonrics 
„  qui  étoient  autour  d'elle ,  „  £c  qu'on  fût  obligé  de  la  faire  porter  dans  iamaifon. 
^  Vn  accident  fi  terrible  en  lui-même  &  fi  déplorable  par  l'état  aftVcux  qui  en  a 
été  la  trille  iuite  ,  fit  une  telle  imprdlion  fur  tous  ceux  qui  en  étoient  témoins,  que 
malgré  le  grand  nombre  des  années  on  en  confcna  facilement  le  fouvcnir. 

„  Nous  nous  reflbuvcnous   très -bien,  „  (difent  plus   de  zp.  paroiflicns_  de 
Marciiil,  Seigneurs,  Gcutils-hommes,  OlHciersde jiillice,  BQurgcois,  &  fini 
pics  habitans,  dans  les  deux  pioccs-vcrbaux  qu'ils  ont  lait  drcller:  )  „  QirAnn 


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OPE'RE'  SUR  ANNE   AUGIER.  '  rp 

,  Augîer  à  été  attaquée  de  fa  paralific  furies  jambes  dans  l'églifcde  nôtre  paroifTc 
„  le  jour  de  la  fête  de  tous  les  Saints  en  l'année  ijof .  &  que  cette  maladie  la 
„  liiifit  fi  fubitement  Se  fi  rudement  qu'elle  eit  tombée  tout  d'un  coup  comme 
„  morte  fur  le  pavé  de  l'cglife  en  préfence  de  toute  l'aflemblée,  6c  qu'il  fallût 
y,  aller  chercher  un  âne  pour  la  mettre  defllis  Se  la  reconduire  chez  elle. 

Quoique  ces  témoins  n'aient  pas  fpécifié  que  l'attaque  fubite  qui  la  fit  tout  â 
coup  tomber  fur  le  pavé  de  l'cglife  comme  fi  elle  eût  été  morte,  fût  une  attaque 
d'apoplexie;  les  faits  qu'ils  raportent  fuffifent  pour  le  prouver  inconteftablement, 
cette  maladie  s'étant  déclarée  dès  le  premier  moment  par  fcs  fimptômes  les  plus 
frapans  .  &  plus  encore  par  la  paralific  entièrement  complette  qui  en  a  été  l'clfct, 
&  qui  d'abord  a  totalement  privé  les  jambes  d'Anne  Augier  de  tout  mouvement, 
ôc  peu  après  de  tout  fentiment  ;  effets  qui  font  les  fuites  afTez  ordinaires  d'une  vio- 
lente attaque  d'apoplexie,  8c  qui  ne  peuvent  guéres  être  produits  que  par  elle. 

On  fût  fur  le  champ  chcrcherleSr.  Robert  Lieutenant  delajuftice  de  Mareûil 
&  Ma!tre  Chirurgien.  Il  déclare  dans  fon  rapport,  „  qu'il  a  une  parfaite connoif- 
,',  fance  que  la  nommée  Anne  Augier. . . .  tomba  malade  fubitement  d'une  para- 

„  lifie  occupant  les  deux  jambes le  premier  Novembre  ijof.  en  telle  forte  que 

5,  CCS  parties  fe  trouvèrent  tout  d'un  coup  entièrement  privées  de  mouvement  .... 
„  A  l'infiant  (continue-t-il)  je  fus  appelle  comme  Chirurgien  de  la  paroifié  pour- 

„  tâcher  de  lui  procurer  du  foulagement Je  m'y  tranfportai  promtemcnt  & 

„  fis  de  mon  mieux  pour  la  foulagcr  . ..  mais  voyant  que  je  n'avançois  en  rien, 
„  je  propofxi  à  Augier  fon  père  d'aller  le  lendemain  confultcr  M.  rAllemant 
„  Docteur  en  Médecine  ...  auquel  j'écrivis  le  détail  de  cette  trifle  maladie;  on 
„  me  rapporta  fon  ordonnance  . . .  que  j'exécutai  à  la  lettre  . . .  Cependant  (Anne 
„  Augier),  n'en  a  été  nullement  ioulagée.  ,, 

Au  contraire  cette  apoplexie  foudroyante  ne  mit  prefque  aucun  intervalle  entre 
l'attaque  6c  la  paralific  la  plus  complette.  Dès  le  premier  jour ,  difent  tous  les  pa- 
roifiîens  de  Mareûil,  elle  perdit  le  moui'ement  des  jambes ,  ^  envinn  douze  jours 
après  elle  y  perdit  entièrement  le  fentiment. 

Le  Sr.  Robert  s'en  convainquit  d'une  manière  à  ne  laifTer  aucun  doute.  Les 
connoifllmces  de  fon  art  lui  ayant  appris  que  tous  fes  foins  8c  fes  remèdes  fcroient 
inutiles,  fi  la  perte  totale  du  fentiment  étoit  jointe  à  celle  du  mouvement,  il  crût 
important  d'éprouver  fi  efFeébivement  le  fentiment  étoit  entièrement  perdu.  „  Te 
5,  pris  (dit-il)  la  réiolution  ,  en  maniant  8c  faifint  des  friélions  aux  parues  para- 
5,  litiques,  de  la  p/incer  fortement,  8c  même  de  lui  piquer  les  jambes  avec  une 
5,  épingle  que  je  tenois  à  ce  fujet  cachée  dans  mes  doigts,  en  l'obfervant  èc  re- 
5,  gardant  fixement  pour  fivoir  au  jufi;e  ce  que  j'en  devois  croire,  8c  fi  ces  parties 
„  étoient,  ou  non,  privées  de  fentiment  8c  de  mouvement;  8c ne m'ayant donné- 
,,  aucun  figne  de  fenfibilité,  je  ne  doutai  pas  que  cette  paralific  écoit  parvenue  au 
„  dernier  degré  qui  eil:  pour  lors  incurable  de  la  parc  des  rcmcJes  8c  du  fa  voir 
j,  des  hommes,  fi  habiles  qu'ils  foient. 

Voilà  donc  dès  les  premiers  jours  cette  paralific  reconnue  abfolumcnt  incura- 
ble. „  En  effet  (ajoute-t- il)  cette  pauvre  fille  a  encore  tcniè  depuis  beaucoup 
„  d'autres  remèdes,  le  tout  fans  foulagement.  . . .  Toutfecours  humain  lui  étoit 
„  fort  inutile,  (dit -il  plus  bas)  parce  qu'encore  un  coup  ,  je  le  répète,  fa  pan^■^- 
j,  lifie  étoit  inciu-able.  „ 

Ce  jugement  fi  décifif  du  Sr.  Robert  fut  fondé  fur  ce  principe  reconnu  par  tous 
les  Maîtres  de  l'Art,  8c  établi  par  des  dèmonftrations  d'anatomie,  qu'il  ellphifi- 
giiement  impoffiblc  de  ranimer  des  membres  qui  font  reftés  pendant  un  ternscou-- 
iidérable  totalement  privés  de  mouvement  &;  de  fentiment  ;  parceque  cette  perte  to- 


»6  DEMONSTRATION  DU  MIRACLE 

Talc  cfl  une  preuve  certaine  que  les  efprits  animaux  n'y  coulent  plus.  Or  il  cft  de  pria- 
cipe  que  ni  la  nature  ni  les  remèdes  ne  peuvent  rien  opérer  que  par  l'aftion  de  ces  ef- 
prits, &  que  lorlqu'ils  ont  été  lo;ig-tems  fans  eutrer  dans  des  membres,  les  conduits 
par  Icfquds  ils  s'y  infinuent,  fe  ferment  &  fe  bouchent  j  &  les  organes  par  lefqueU 
CCS  efprits  agifllnt,  fe  dctruifcnt  :  au  moyen  de  quoi  ilelKibfolument  impoflibledc 
les  y  taire  rentrer,  6c  plus  encore  de  leur  y  fiire  trouver  le  moyen  d'agir. 

il  ell  vrai  que  dans  le  moment  que  l'apoplexie  vient  de  barrer  l'entrée  des  efprits 
animaux  dans  quelques  racines  de  nerfs,  par  les  obihuftionsdans  lefquelles  elles  les  a 
enveloppés  ;  (ce  qui  fait  tomber  en  paralific  les  membres  dans  lefquels  ces  nerfs  por- 
toicnt  ces  efprits;  il  cil  vrai,  dis-je,  que  d'abord  la  force  des  remèdes,  ou  les  efforts 
de  la  nature  peuvent  quelquefois  déboucher  cette  ob llruftion ,  &  que  pour  lors, 
les  nerfs  8c  les  mufcles  des  membres  tombés  en  paralillc  étant  enco.'-e  dans  leur  in- 
tégrité ,  "les  ci'prits  animaux  peuvent  reprendre  leur  cours  dans  ces  membres ,  &  y 
remettre  le  mouvement  &  lafenfibilité  j  mais  cela  ne  peut  arriver  que  dans  les  pre- 
miers mois ,  ou  tout  au  plus  pendant  le  cours  de  la  première  année  qui  fuit  l'attaque 
de  l'apoplexie ,  par  la  raifon  que  dès  que  les  nerfs  6c  les  mufcles  relient  un  peu  long- 
tems  ians  être  humeftés  par  ces  efprits ,  ils  fe  déficellent  6c  fe  relfcrrent  ;  les  parties 
internes  des  nerfs  fc  joignent,  s'acrochcnt,  6c  fe  colent  enfemble;  les  tuyaux  des 
■mufcles  s'aftaifl'ent  6c  perdent  entièrement  leur  cavité  :  en  forte  que  les  nerfs  ne  font 
plus  que  des  ligamens  dont  les  pores  6c  les  conduits  font  effacés ,  6c  les  mufcles 
qu'une  maffedontlesorganesfont  détruits.  Ordanscecas,  quand  même  on  trouvc- 
roit  le  moyen  d'anéantir  les  premières  obllruélions  qui  ont  d'abord  été  la  caufe  de  la 
paralifie,  cela  ne  pourroit  plus  rendre  le  mouvement  ni  la  fenlibilité  aux  membres 
qui  enauroicnt  été  totalement  privés  pendant  un  tems  conildérable ,  parce  que  les  ef- 
prits animaux  ne  pourroient  plus  agir  d.ins  ces  membres,  ne  trouvant  plus  dans  les 
mufcles  les  tuyaux  parle  gonflcmeni:  dciqucls  ils  exécutent  le  mouvement  ;  6c  même 
ils  ne  pourroient  plus  reprendre  leur  cours  pour  rentrer  dans  ces  membres,  parce 
qu'ils  ne  trouveroicnt  plus  dans  les  nerfs  les  conduits  par  lefquels  ils  coulent  tout 
le  long  de  ces  nerfs  depuis  leurs  racines  julqu' aux  extrémités  des  membres. 

Nous  avons  crû  devoir  placer  ici  ces  obfervationsanatomiqucs,  afin  que  le  le-        M 
£leur  fente  toute  l'importance  du  tait  que  nous  allons  lui  prourcr:  Qiie    les  jam-        1 
d'Anne  Augicr  ont  été  pend.mt  plus  de  ii.  ans  fims  aucun  fentiment  6c  fans  au-       ■ 
cun  mouvement,  6c  qu'il  t'oit  convaincu  par  avance  que  li  ce  fait  cil  établi  d'une 
manière  invincible,  il  en  réfulte  nécelîliirement ,  qu'il  n'y  a  que  celui  qui  lait  ren- 
dre l'être  à  ce  qui  n'cxiltc  plus ,  6c  organifer  une  féconde  fois  ce  qui  a  entièrement 
perdu  fi  première  forme,  qui  ait  pu  ranimer  des  membres  réduits  en  cet  état. 

Que  l'incrédule  le  plus  prévenu  écoute  6c  pefe  lui-même  les  preuves  que  nous 
allons  lui .prélenter.  Et  pour  peu  qu'il  veuille  confulter  fa  raifon,  il  aura  le  bon- 
heur d'être  contraint  d'avouer  fa  défute  :  6c  peut-être  que  la  grâce  fera  paflcr  jui- 
ques  dans  fon  cœur,  la  conviélion  forcée  de  l'on  cfprit. 

Non  feulement  tous  les  paroilllens  de  Mareiiil  déclarent  dans  les  termes  les  plus 
foi-mcLs  cette  perte  totale  de  fentiment  6c  de  mouvement  d.ms  les  jambes  d'.Annc 
Augicr  pendant  prés  de  il.  ans.  Non  fjulemci\t  plufieursp;rfonncs  de  condition 
l'attellent  également  comme  cu.x  ,  6c  cntr'autres  M.idame  deC^ouci  veuve  de  M. 
de  Couci  Seigneur  des  Marets,  M.  de  Couci  Lieutenant  au  Régiment  de  Navar- 
re ,  6c  M.idamc  Le  Picard  époufc  de  M.  Le  Picard  Chevalier  Seigneur  d'Ablan- 
couit,  qui   certifient,  qu'ils  eut  toujo/iis  regardé  comme  iuciirahlc  la  paralifte  dont 
Jnne  Augicr  fut  attaquée  il  y  a  erniron  li.  ans  ^  6c  qu  ils  ont  connu pmreux-mèntes 
que  cette  paralific  l'avojt  rendue  entièrement  impote.ite  des  jambes  .^  en  lui  étant  le 
wonvcment,(^  le  fentiment.  Non  feulement  ces  f.uts  ibut  encore  .vllurés  p.irlcsIut- 


OPE'RE'  SUR  ANNE  AUGIER.  ij 

frages  refpeârables  d'une  multitude  de  Curés ,  de  Chanoines  &  de  Dofteurs  de 
Sorbomiej  &  entr'autres  par  l'atteftation  de  M.  le  Curé  de  Fromenticres  natif  de 
Mareùil,  qui  certifie  „  Qiie  depuis  plus  de  2o.ans(il  a)  une  connoiiTiince  certaine 
„  qu'Anne  Augicr  a  été  attaquée  d'une  paralifie  furies  jambes  qui  lui  a  fait  perdre 
„  entièrement  le  fentiracnt  &  le  mouvement ,  (ce  qu'il  a)  reconnu  d'une  manière 
„  à  n'en  pouvoir  douter  :  (  qu'il  a  )  toujours  vu  fes  jambes  immobiles  comme  fi 
„  elles  euflcnt  été  mortes,  (Se  Anne  Augier)  dans  un  état  où  elle  nepouvoitfc 
„  remaier  ni  fc  foutenir  ne  pouvant  être  que  là  où  on  la  portoit.  „ 

Mais  outre  tous  ces  témoignages  qui  ne  s'expliquent  que  d'une  manière  géné- 
rale, tous  les  paroiffiens  de  Mareùil,  &  la  plupart  des  autres  témoins  rapportent 
des  circonftances  qui  prouvent  cette  perce  totale  de  fentiment  8c  de  mouvement  d'une 
manière  fi  convaincante  6c  fi  décifive,  qu'elles  ne  laifieront  aucune  refiburce  à 
Pincrédule.  Commençons  par  les  faits  qui  concernent  la  perte  du  fentiment. 

Le  Sr.  Robert  Chirurgien  ne  fût  pas  le  feul  qui  voulut  éprouver  s'il  étoitvrai 
qu'il  ne  reftât  aucune  fenfibilité  dans  les  jambes  de  cette  paralitique.  Après  qu'il 
eût  fait  fon  expérience,  les  habitans  de  Mareùil  voulurent  aufli  faire  les  leurs  i 
mais  ils  ne  fe  contentèrent  pas  de  percer  les  jambes  d'Anne  Augier  avec  des  épin- 
gles: bien-tôt  leurs  mains  ruftiques  trouvèrent  cet  inftrument  trop  délicat;  ôc 
poiu-  être  plus  certains  du  fiit,  quelques-uns  d'entr'cux  y  enfoncèrent  des  doux. 
Ils  certifient  tous  en  corps ,  c'ell-à-dire  les  Seigneurs,  les  Gentils-hommes,  les 
gens  d'épée,les  Officiers  de  Juiticc,  les  Bourgeois,  &  les  fimples  habitans.  Qii'An- 
ne  Augier  „  12.  jours  après  fon  attaque  avoit  tellement  ...  perdu  le  fentiment 
„  dans  les  jambes  ....  que  plufieurs  pcrfonnes  pour  l'éprouver,  y  ont  enfoncé 
„  des  épingles  6c  des  doux  fans  qu'elle  ait  donné  aucun  figne  de  douleur  6c  de 
,5  fentiment.  " 

M.  de  Truflbn  Chevalier  de  S.  Louis  6c  Major  de  Marfal,  ^  Mefdemoifelles 
fes  fœurs  qui  avoicnt  leur  maifon  de  campagne  à  Mareùil,  8c  qui  avoicnt  la  cha- 
rité devenir  voir  fouvent  Anne  AwgitY  pour  la  cotifoîer  £5?  V  exhorter  à  la  patience , 
certifient  aufll  bien  que  tous  les  paroiffiens  de  Mareùil ,  qu'ils  ont  eu  „  des  preu- 
„  ves  certaines  (qu''Anne  Augier)  avoit  perdu  entièrement  le  mouvement  6c  le 
j,  fentiment  des  jambes  dès  le  commencement  de  la  paralifie,  plufieurs  perfonnes 
„  lui  ayant  rdifent-ils)  enfoncé  des  épingles,  6c  des  doux  dedans,  fans  quelle 
„  l'ait  fenti  (ce  qu'ils  déclarent  avoir)  vu.  ,, 

A  quel  degré  ne  fiUoit-il  pas  que  fût  pan'enue  l'infenfibilité  de  ces  jambes, 
pour  que  le  fentiment  ne  pût  y  être  rappelle  par  des  opérations  fi  cruelles?  On  ne 
pouvoir  enfoncer  des  doux  dans  ces  jambes  fans  en  déchirer  la  peau  8c  les  chairs, 
ôc  par  ccnfcquent  on  brifoit  une  multitude  de  petits  rameaux  de  nerfs  qui  aboutif- 
fent  à  la  peau,  6c  qui  font  précifément  ceux  qui  caufent  le  plus  de  fenfibilité.  Ce- 
pendant Anne  Augier  laifle  faire  tranquillement  toutes  ces  épreuves  inliumaines  , 
8c  ne  prend  plus  aucun  intérêt  à  des  membres  où  il  lui  fernble  que  la  vie  ne  réfide  plus. 

Les  preuves  de  la  perte  totale  du  mouvement  ne  font  ni  moins  décifives  ni  moins 
frapantes.  Tous  les  paroifiiens  de  Mareùil  6c  la  plupart  des  autres  témoins  décla- 
rent qu'Anne  Augier  „  depuis  le  premier  jour  de  fa  maladie jufqu'à  celui  de 

„  fa  guérifon,  a  toujours  été  couchée  fur  un  lit,  ou  afiîfe  dims  une  chaife,  6c 
5,  qu'elle  n'a  jamais  pu  fans  le  fccours  de  quelque  perfonne  fe  coucher,  nife  lever, 
„  ni  remuer  les  jambes  pour  leur  fùre  changer  de  place.  {K  quoi  ils  ajoutent  que 
„  pendant)  les  10.  ou  11.  premières  années,  (ils)  lui  (ont)  vu  porter  (la  fainte 
„  Euchariftie)  deux  ou  trois  fois  par  an  dans  fa  maifon,  (6c)  qu'elle  larecevoit 
„  couchée  ou  affife.  ,, 

Ainfi  le  Sauveur  du  monde  venoit  lui-même  pour  ainfi  dire  à  la  tétc  de  fes  Mi- 

/  Demonfl.  Tome  II.  C  ni- 


r8  DEMONSTRATION  DU  MIRACLE. 

niftrcs  Se  de  fon  peuple  fidcle,  conftater  en  perfonnc  qu'Anne  Augicr  étoit  hors 
d'état  de  venir  elle-même  le  chercher  dans  fon  temple ,  &  de  fe  mettre  pour  le  re- 
cevoir en  une  pollurc  plus  refpcctueufe. 

Pendant  les  dernières  années  où  fes  voifins  curent  la  charité  de  la  porter  à  l'égli- 
fe,  „  M.  le  Curé  ou  M.  le  Vicaire  (difent  les  habitans  de  MareUili  lui  portoient 
Nôtre-Seigneur  à  fa  place  dans  la  nef  quand  elle  vouloit  communier,  &  elle  le 
„  rccevoit  toujours  afïïfe  dans  fa  chaife.  „ 

Mais  paffbns  à  des  fiits  encore  plus  frapans.  Et  pour  inftruire  plus  particuhé- 
rement  le  leftcur  des  circonlhnces  les  plus  dccifives,  rapportons  le  témoignage 
paiticulier  des  pcrfonnes  qui  ont  eu  aflcs  de  charité  pour  prendre  foin  de  cette  pau- 
vre impotente,  &  pour  porter  elles-mêmes  en  quelque  façon  le  poids  de  fes  ma- 
ladies en  lui  rendant  tous  les  fenices  dont  elle  avoit  bcfoin  en  ce  trille  état.  Cet- 
te charité  qui  les  animoit  fi  fort,  que  la  vue  affreufe  d'un  demi  cadavre  &  l'infe- 
ftion  qui  s'cxhaloit  de  fon  cancer  Se  de  fi  fîllule  n'ont  pas  été  capables  de  les  de- 
coutcr ,  rendra  fans  doute  leurs  témoignages  bien  refpectables  à  ceux  qui  elHmcnt 
la  vertu ,  &  qui  fa\ent  qu'elle  a  toujours  pour  bafe  &  pour  fondement  l'amour  de 
la  \'érité  5c  1  horreur  de  tout  menfonge. 

Françoife  Thcveni,  qui  n'a  prefque  pas  quitté  nôtre  paralitique  pendant  les  l8. 
ans  qui  ont  précédé  fa  guérifon,  certifie  que  „  pendant  tout  ce  tcms  clic  l'a  cou- 
chée 8c  levée  prefque  tous  les  jours  à  l'aide  d'autres  perlonnes  qui  s'y  trouvoicnt 

Qiie  quand  clic  la  couchoit,  elle  la  prcnoit  entre  fes  bras,  &  qu'en  la  foute- 
nant  elle  fcntoit  fes  jambes  qui  pcndoicnt  6c  frapoient  fur  fes  jupes  comme  deux 
morceaux  de  bois.  Qii'cllc  couchoit  lad.  Augicr  en  deux  fois  :  que  d'abord  elle 
mettoit  fon  corps  fur  le  lit,  puis  elle  prenoit  fes  jambes  8c  les  portoit  pour  les 
mettre  aulTi  fur  le  lit  ;  ^  que  quand  elle  la  tranfportoit  d'une  place  à  une  autre  8c 

3ue  fes  jambes  touchoicnt  à  terre,  elles  étoient  traînées  après  fon  corps  comme 
eux  pièces  de  bois.  „ 
'  M.  ^Archevêque  de  Sons,  qui  fuppofe  fi  volontiers  que  les  maladies  dont  on  a- 
été  wuéri  d'une  manière  fubite  a  invocation  d'un  Appellant  n'étoient  que  feintes 
ofcroit-il  bien  foupçonncr  qu'.^nne  Augier  ait  joué  un  rôle  fi  trille  8c  fi  incom- 
mode pendant  ii.  ans.  Qii'il  le  repréfenre  quel  eft  l'infupportable  ennui,  difons 
mieux,  quel  eft  le  fupplicc  d'une  perfonnc  qui  relie  fins  ccffc  pendant  zz.  ans  im- 
mobile dans  un  lit ,  8c  qui  n'en  peut  fortir  que  par  la  charité  de  ceux  qui  viennent 
à  force  de  bras  lui  f^iire  changer  de  tourment,  en  la  plaçant  dans  un  méchant  fau- 
teuil de  paille,  où  il  faut  qu'elle  demeure  pareillement  dans  l'attitude  où  on  la  met 
iufqu'à  ce  qvfon  ait  encore  la  cliarité  de  l'en  ôtcr. 

"    Mais  fi  ces  f^iits  ne  lui  fuffifcnt  point  encore,  en  voici  d'autres  qui  doivent  le 
fatisfaire,  ou  du  moins  lirHcrmcr  la  bouche. 

Il  cil  fi  vrai  qu'Anne  Augicr  ne  pouvoit  tirer  aucun  feconrs  de  fes  jambes,  pas 
même  pour  fe  foutcnir  8c  s'empêcher  de  tomber  lorfqu'cUe  étcit  allîle  ;  aue  Clau- 
de Salmon,  Françoife  Thcveni,  8c  Marie  Landrin  attellent  que  lorfqu'elle  étoit  à 
réclife  dans  fa  chaife  portative,  „  le  moindiT  mouvement  qu'elle  failbit  en  fe 
„  bailTant  ...  la  faifoit  tomber  Sc  donner  de  la  tête  fur  le  pavé  fi  rudement  qu'ils 
„  ont  criî  plufieurs  fois  qu'elle  en  mourroir.  „ 

Tous  les  paroifiîens  certifient  pareillement  qu'ils  l'ont  „  vue  plufieurs  fois  tom- 
„  ber  de  dcflus  fa  clmifc  fur  le  pavé  de  l'cglile,  par  fa  grande  fiiiblelle  j  8c  qu'il 
„  falloit  l'aller  relever ,  8c  la  mettre  dans  fa  chaife  comme  une  perfonnc  morte  :  fc6 
„  jambes  ne  lui  fervant  de  rien,  ni  pour  l'empêcher  de  tomber,  ni  pour  la  relever. ,, 

Dira-t-on  que  des  chutes  C\  diuigercufcs  ctoicnt  faites  exprès?  Mais  voiti  en- 
core quelque  chafc  de  plus  fort. 

Tout 


OPERE'  SUR  ANNE  AUGIER;  tj 

Tout  le  monde  fiiit  que  la  crainte  du  feu  fait  des  impreflîons  fî  vives ,  qu'elle 
donne  une  force  &  une  agilité  extraordinaires  aux  plus  foibles  6c  aux  plus  débi- 
les ,  quand  il  eft  quelHon  d'éviter  une  mort  fi  terrible. 

On  a  même  vu  des  paralitiques  retrouver  dans  cette  circonftancc  des  forces  qui 

Î>aroiflbient  éteintes ,  fe  fauver  des  flammes ,  êc  retomber  enfuite  pour  le  refl:e  de 
curs  jours  dans  leur  premier  état,  auffi-tôt  qu'ils  s'étoient  retirés  du  péril  j  mais 
il  faut  pour  cela  que  les  organes  ne  foient  pas  détruits.  La  nature  excitée  par  un 
vif  fentiment ,  peut  envoyer  une  foule  d'efprits  ranimer  des  membres  engourdis , 
languiflans,  èc  qui  avoient  été  long-tems  prefqu'entiérement  privés  de  mouve- 
ment, mais  qui  néanmoins  n'avoicnt  jamais  été  totalement  dénués  d'efprits  ani- 
maux, puifque  les  nerfs  &  les  mufcles  s'étoient  confervés  dans  leur  intégrité.  Car 
il  eft  évident  que  fl  les  tuyaux  des  mufcles ,  par  le  gonflement  defquels  ie  fait  l'a- 
ârion ,  enflent  perdu  leurs  cavités ,  &  que  ces  muicles  n'euflent  plus  été  qu'une 
mafle  fms  organes  &  applatie  fur  les  os ,  la  nature  n'eût  pas  pu  régénérer  fubite- 
ment  des  tuyaux  qui  n'exiftoient  plus. 

Or  c'eft  dans  ce  dernier  état  qu'étoit  Anne  Augier  j  puifqu  étant  tombée  plu- 
fieurs  fois  dans  le  feu,  elle  n'a  eu  d'autre  moyen  que  fes  cris  pour  éviter  d'être  brû- 
lée vivej  n'ayant  pu  elle-même  fe  retirer  des  flammes. 

Tous  les  paroiflicns  de  Mareiiil  dcpoient,  qu  „  elle  efl:  quelquefois  tombée 
„  ainfî  dans  fa  maifon  étant  après  du  feu ,  &  que  fins  le  fecours  de  quelques  per- 
„  fonnes  fubites  ôc  fortes  qui  l'ont  retirée  habilement,  elle  auroit  été  brûlée  en- 
„  tiérement,  fes  habits  l'étant  déjà  en  partie.   „ 

Claude  Bclot  ajoute  à  fx  fignature,  qu'il  „  a  retiré  du  feu-lad.  Anne  Augier, 
„  ainfi  qu'il  eft  marqué  à  l'article  „  ci-defllis. 

Claude  Salmon,  Françoife  Thevcni,  &  Marie  Landrin  attefl:ent,  „  qu'ils  ont 
„  vu  Anne  Augier  après  qu'elle  étoit  tombée  dans  le  feu ,  (&  qu'ils  ont)  aidé  à 
,,  refaire  fes  habits  brûlés ,  &  à  la  panfer  de  quelque  plaies  de  brûlures  qu'elle  a- 
5,  voit  aux  bras  qui  avoient  été  dans  le  feu. 

M.  de  Truflbn  Major  de  Marfil  &  Mefdemoifclles  fes  fœurs  certifient  pareille- 
ment, qu'ils  ont  „  eu  dès  le  commencement  de  fii  paralifle  des  preuves  certaines 
,,  qu'elle  avoit  perdu  entièrement  le  mouvement  &  le  Icntiment  des  jambes,  ayant 

„  déjà  brûlé  une  partie  de  fes  habits ce  qu'elle  n'avoit  pu  éviter par- 

j,  ce  qu'elle  ne  pouvoir  pas  fe  fervir  de  fes  jambes.  „ 

Si  la  crainte  de  plus  cruel  des  tourmens  n'a  pu  faire  retrouver  aucun  mouve- 
ment à  Anne  Augier  dans  fes  membres  paralitiques,  pour  échapper  aux  flammes 
qui  commençoientdéja  à  embraferfes  habits,  &  à  la  brûler  elle-même,  qui  pourra 
conteflrr  que  ces  membres  ne  fuflent  pas  entièrement  privés  de  mouvement.'' 

Mais  nous  avons  encore  un  fait  plus  décifif  &  d'une  notoriété  encore  plus  gé- 
nérale. C'eft  le  deflechement  afi'reux  de  ces  membres  inanimés  qui  a  été  expofé 
pendant  plus  de  21.  ans  à  la  vue  de  tout  le  public. 

Tous  les  paroiflîens  de  Mareûil  déclarent ,  „  que  les  jambes  d'Anne  Augier 
„  s'étoient  deflechées  d'une  manière  fi  extraordinaire  au  bout  de  fix  à  fept  mois  de 
„  la  première  année  de  fa  paralifie,  que  Claude  Salmon  femme  de  Pierre  Guim- 
„  bert  les  ayant  confidérées  attentivement  pendant  fa  groflcfll;,  mit  au  monde  un 
J,  enfant  qui  avoit  les  jambes  de  même  que  celles  de  cette  fille.  L'enfant  eft  mort 
„  quelque  tems  après  (ajoutent-ils)  6c  les  jambes  d'Anne  Augier  ont  toujours  été 
J,  deflechées  jufqu'au  jour  de  fa  guérifon.  ,, 

Un  état  fi  horrible ,  qui  unit  à  un  corps  animé  ce  qui  caraéterife  le  plus  vifîblement 
des  membres  morts ,  mérite  bien  que  le  leéteur  en  entende  une  delcription  plus  cir- 
conftanciée  de  la  part  des  perfonnes  qui  ont  eu  afles  de  charité  pour  rendre  habituel- 

C  z  k- 


10  DEMONSTRATION   DU  MIRACLE 

Icment  à  cette  pauvre  impotente  les  lecours  qu'elle  ne  pouvoit  le  rendre  à  elle- 
même.  Comme  cesperfonnes  ont  eu  ces  membres  hideux  fous  leurs  yeux  &  fous 
leurs  mains  pendant  un  grand  nombre  d'années,  elles  ont  ctc  parfiiittmcnt  en  état 
d'en  faire  une  exaéte  peinture.  Aulîl  celle  qu'elles  en  font  clt  fi  naïve,  fi  finiple  ,  6c 
en  même-tems  fi  frapante  ,  qu'on  croit  voir  foi-mcmc  cet  effroyable  alTcmblage 
des  membres  d'un  cadavre  defieché  avec  ceux  d'un  corps  vivant. 

Françoife  Thcveni  quia  eu  foin  d'Anne  Augier  pendant  18.  ans,  &  qui  déclare 
que  pendant  ce  tems ,  „  elle  aprefquc  toujours  été  avec  elle  ,  (certifie)  qu'elle 
„  a  fouvcnt  vu  ,  examiné  &  touché  fcs  jambes  :  qu'il  n'yavoit  ni  chair  ni  molet, 
„  les  os  (étant)  couverts  feulement  d'une  peau  féche  &  livide,  &  toutes  d'une 
„  venue  comme  deux  bâtons;  (èc  que  quand  fon  corps  remuoit,  fes  jambes)  le 
,,  fuivoient  comme  deux  morceaux  de  bois  qui  y  auroient-étc  attachés.  (A  quoi 
5,  elle  ajoute  qu'elle  a  aufil  remarqué  que  pendant  ces  18.  ans)  les  ongles  de  {es 
„  pieds  n'ont  point  criî  ,  Se  qu'ils  ont  recommencé  à  croître  après  fa  guérifon.  „ 
Claude  Salmon  &  Marie  Landrin  déclarent  que  „  quoiqu'ils  n'aient  pas  vu  li 
„  fouvent  lad.  Anne  Augier  que  lad.  Françoife  Theveni ,  (ils  ont  néanmoins) 
,,  une  entière  connoifTancc  (de  tous)  les    faits  ci-defllis.  „ 

Après  cela  on  ne  doit  pas  être  étonné  que  la  vue  de  ces  os  décharnés  qui  te- 
noient  lieu  de  membres  à  une  pcrfomie  vivante  ,  ait  frapé  fi  vivement  l'imagina- 
tion d'une  femme  enceinte,  qu'elle  lui  ait  fait  mettre  au  monde  un  enfuit  aont 
une  partie  du  corps  reflembloit  aux  membres  d'une  momie.  Mais  fi  l'imagination 
qui  a  copié  un  tel  portrait  n'a  pu  enfinter  qu'un  monllre ,  combien  le  deflcchemcnt 
de  ces  membres  etoit-il  donc  affreux? 

On  a  déjà  vu  qu'Anne  Augier,  ne  pouvant  trouver  aucun  fecours  dansfes  jam- 
bes pour  fc  retenir  .  étoit  expofée  aux  chutes  les  plus  meutriércs ,  auflî-tôt  qu'elle 
perdoit l'équilibre  ou  elle  étoit  dans  fon  fauteuil.  Cette  cruelle  nécelTité  de  paffer 
ainfi  les  jours,  les  mois,  les  années  immobile  dans  l'attitude  où  on  la  mettoit  , 
ne  pouvoit  manquer  de  lui  fiire  des  meurtrifTures  6c  des  plaies  qui  s'envenimoienc 
de  plus  en  plus  par  la  continuité  d'une  même  fituation  qui  prclToit  lans  cefle  fon 
corps  aux  mêmes  endroits.  Aulli  tous  les  paroifi"iens de  Mareiiil  certifient-ils  qu- 
„  clic  avoit  des  plaies  en  plufieurs  endroits  du  corps ,  caufées  par  fi  maigreur  extra- 
j,  ordinaire  6c  par  la  nécellîté  d'être  toujours  dans  la  même  pollure.  „ 

Quel  trille  fpeétacle  de  la  mifére  humaine  ,  de  voir  des  membres  déjà  livrés  au 
froid  6c  à  l'immobilité  du  tombeau ,  &c  û  defiechés  qu'on  ne  pouvoit  les  toucher 
fans  frémir  6c  fans  s'imaginer  avoit  mis  la  main  fur  les  membres  d'un  mort  !  Et 
quand  on  Icvoit  les  yeux  fur  le  refte  de  l'on  corps  pour  fe  rafl'urer  6c  fc  convaincre 
que  ces  oflemens  inanimés  faifoient  p.irtie  d'un  corps  vivant,  les  meurtriflures  6c 
les  plaies  dont  il  étoit  couvert  de  toutes  parts ,  ne  faifoient  qu'augmenter  l'horreur. 
AÎais  détournons  un  moment  les  yeux  du  leéVeur  d'un  objet  qui  fait  ibuffrir  la 
nature  ;  pour  ménager  fa  dclicatefie  6c  lui  laifler  le  tcms  de  rcfpircr ,  prefen- 
tons-lui  la  peinture  édifiante  de  Tamc  de  ce  nouveau  Job  couché  fur  fon  fumier. 
L'état  auflî  douloureux  qu'accablant  dans  lequel  fût  Ci  long-tems  Anne  Au- 
gier,  épuifa-t-il  fa  patience?  Non  :  loin  d'éclater  en  murmures,  elle  bénit  fans 
ccflc  la  main  qui  la  frape,  6c  n'envifage  dans  fes  maux  que  la  tendrclTe  d'un  pcrc 
nui  chât.c  celle  qu'il  aime.  Les  accès  redoublés  de  fe»  douleurs  ne  peuvent  vaincre 
ii  tranquilité  :  clic  ajoute  la  peine  du  travail  des  mains  à  celle  de  fes  foutfrances  -,  6c 
pour  cmploycrtous  Icsmomcns  aufer\'icedu  Dieu  qu'elle  aime:  lorfqu'il  l'eût  ré- 
duite dans  un  état  où  il  ne  lui  fut  plus  polfible  de  faire  aucun  travail ,  elle  engage  par 
fa  douceur  une  multitude  d'tnlans  de  venir  apprendre  d'elle  à  le  connoitrc  &  à 
l'aimer.  „  Pendant  les  il.  ans  qu'a  duré  ion  aâlitlion  ^dilcnt  tous  ks-paroillicns 

„  de 


OPE'RE'  SUR  ANNE  AUGIER.  21 

„  de  Mareiiil)  elle  nes'efl;  occupée  qu'à  filer,  6c  à  inftruire  nos  cnfans  fur  leCa- 
„  téchifme.  „ 

PofTéder  Ion  ame  dans  la  patience  &  la  paix,  malgré  les  plus  vives  douleurs    & 
lafituation  la  plus  trifte  &  la  plus  délefperante  :  voilà  la  vie  d'Anne  Augier  pen- 
dant 21.  ans.  C'cll  ainfi  que  la  vertu  la  plus  parfoite  qui  fuit  la  pompe  iic  l'éclat 
fe  plait  fouvent  à  habiter  ious  la  plus  humble  chaumière. 

Ilfalloit  qu'unevertu  fi  pure  pafTât  encore  par  déplus  fortes  épreuves.  En  1720. 
Dieu  permit  à  l'efprit  impur  qui  frémiflbit  de  rage  contre  cette  charte  colombe, 
d'exciter  la  fureur  &  la  cruauté  d'un  malheiu-eux  pour  mettre  le  comble  à  Tes  maux. 

Elle  déclare  qu'il  lui  vint  „  une  efpéce  de  cancer  au  fein  qui  provenoit  d'un 
„  coup  qu'un  gueux  lui  donna  un  jour,  étant  entré  dans  fa  maifon  oii  elleétoit 
„  feule,  &  la  voulant  infuker.  ,, 

Tous  les  paroiffiens  de  Mareiiil  certifient  pareillement  „  qu'elle  avoit  une  ef- 
„  péce  de  cancer  au  fein  qui  avoit  commence  il  y  a  environ  fept-à-huitans  Tavant 
,,.fa  guérifon)  par  un  coup  de  fabot  qu'un  gueux  lui  donna,  la  trouvant  feule 
5,  dans  fa  mailbn  &  voulant  l'infulter.  „ 

Anne  Augier  qui  étoit  depuis  long-tems  dans  l'habitude  démettre  à  profit fes 
fouffrances  par  fa  parfaite  refignation,  penfi  peu  à  prévenir  les  fuites  funelles  que 

f)ouvoit  avoir  ce  coup.  Ce  ne  fût  qu'après  plus  de  quatre  ans ,  que  forcée  enfin  par 
a  violence  de  la  douleur,  elle  eût  recours  aux  remèdes.  LeSr.  Pierrot  Chirurgien 
Juré  demeurant  à  Ay  ,  certifie  avoir  panfé  &  médicamenté  Anne  Augier  demeurant 
à  Mareiiil  d'une  blcfTure  au  fein,  en  Septembre  &  Oétobre  de  l'année  1724. 
-  Mais  tous  fes  foins  furent  inutiles.  Auflî  Anne  Augier  declare-t-elle  que  ce  Chi- 
rugien  après  ïzyoïr  panfé e  du  dit  cancer  pendant  deux  mois,  l'abandonna,  parce 
qu'il  jugea  que  le  mal  étoit  devenu  incurable  :  &  qu'en  effet  il  lui  a  duré  jusqu'au 
moment  du  miracle  qu'il  a  plu  à  Dieu  d'opérer  fur  elle. 

M.  de  Truffbn  Major  de  Mariai  &  Mefdemoifelles  fes  fœurs  attestent  pareille- 
ment, „  que  jufqu'au  huitième  jotu-  de  Juillet  (1727.  Anne  Augier  a  eu  )  un 
5,  ulcère  au  fein  que  le  Sr.  Pierrot  Chirurgien  d'Ay  a  panfé  long-tcms  comme  un 
j,  cancer ,  (6c  que  cet  ulcère)  l'avoit  réduite  à  un  état  digne  de  compaffion  :  de 
„  forte  qu'on  croyoit  de  tems-en-tems  qu'elle  alloit  mourir. 

Enfin  tous  les  paroifllens  de  Mareiiil  certifient  que  ,,  ce  cancer  (a  duré  jufques) 
■^5  au  moment  même  de  la  guérifon  de  fa  paralifie;  (à  quoi  ils  ajoutent  plus  bas) 
„  que  toutes  fes  maladies  l'avoient  réduite  à  une  foibleffe  extraordinaire ,  6c  fou- 
„  vent  à  la  mort.  „ 

A  la  fin  de  l'année  I7i4-  o^^  ^^  commencement  de  i72f .  il  fan-int  encore  un 
furcroit  à  fes  peines.  Son  cancer,  qui  étoit  déjà  ulcéré,  fc  fit  un  nouvel  écoule- 
ment. Elle  déclare  qu'il  lui  vint,,  une  efpéce  de  fillule  à  l'aiflclle  du  bras  gauche 
„  qu'elle  a  tenue  cachée  autant  qu'elle  a  pu,  pour  ne  pas  rebuter  les  perfonnesqui 
„  avoient  la  charité  de  la  venir  voir  ,  6c  de  la  loulagcr  dans  fes  befoins.  „ 

Ainfi  elle  refervc  pour  elle  feule  tout  le  dégoût  de  ce  cloaque.  Le  pus  qui  cou- 
le le  long  de  fon  corps ,  a  beau  l'infeélcr  par  fa  contagion  ,  elle  n'ofe  chercher  à 
s'en  garantir  en  découvrant  une  plaie  iî  dégoûtante,  dans  la  crainte  de  rebuter 
ceux  des  fecours  de  qui  il  lui  étoit  impofîîble  de  fe  pafier.  C'eft  un  calice  qu'elle 
boit  jufqu'à  la  lie  fans  en  répandre  une  feule  goûte. 

Voici  enfin  la  dernière  6c  la  plus  grande  de  fes  épreuves.  Ce  n' étoit  pas  afies 
qu'une  partie  de  fon  corps  fût  couvcitc  de  plaies ,  d'ulcères ,  de  pourriture  6c  d'in- 
feftion,  tandis  que  l'autre  éprouvoit  déjà  toutes  les  horreurs  du  tombeau  par  ion 
immobilité  glacée  6c  fon  afl-reux  deffcchement  :  il  fiiUoit  encore  que  Dieu  parût 
infenfible  à  Tes  prières  6c  à  fes  larmes,  6c  qu'elle  fût  livrée  à  la  plus  extrêçie 
t  ,  C  3  pau- 


«  DEMONSTRATION   DU  MIRACLE 

pauvreté  en  perdant  le  foible  fccours  qu'elle  tiroit  du  travail  de  fcs  mains." 

Tous  les  paroifficns  de  M;ircuil  certifient  que  „  la  paralifies'étoit  étendue  (ur 
„  le  bras  gauche  au  retour  du  voyage  qu'elle  fit  i  Reims  fiirune  charetteen  lyzf. 
„  dans  le  tems  des  neuf  jours  de  l'cxpofition  du  corps  de  S.  Rémi,  fans  avoir  ob- 
„  tenu  fa  guérifon,  que  Dieu  avoit  refci-vce  au  jour  qu'elle  s'eft  faite  tranfporter 
^,  fur  le  tombeau  de  M.  RoulTc.  ,, 

Ils  ajoutent  que  d'abord  on  lui  fit  quelques  remèdes  „  dans  l'efpcrance  de  pou- 
„  voir  lui  fiuver  (ce  bras  )  mais  qu'on  n'y  a  pas  plus  réuÏÏî  qu'aux  jambes  ,  à  la 
„  différence  que  le  fcntiment  n'a  pas  été  perdu  comme  aux  jambes.  „ 

Le  Sr.  Robert  Chirurgien  de  Mareiiil  déclare  pareillement  qu'en  lyif.  ,,ileft 
„  furvcnu  à  cette  fille  une  autre  paralifie  à  un  de  fcs  bras,  quiaduré  jufqu'au  mo- 
„  ment  delà  parfaite  guérifon  „  qu'elle  obtint  tout  d'un  couple  8.  Juillet  17^7, 

M.  de  Trunon  6c  Mcfdemoifclles  fes  fœurs  certifient  également  „  que  depuis 
„  environ  deux  ans  (avant  fa  guérifon)  la  paralifie  s'étoit  jettcc  fur  un  de  {es 
„  bras,  £c  l'avoic  rendue  impotente,  (à  quoi  ils  ajoutent  qu'on  avoit  fait)  il  y 
j,  a  deux  ans  (quelques  remèdes)  à  ce  bras  paralitique  j  mais  inutilement.  „ 

La  mifére  la  plus  affrcufe ,  fuite  naturelle  de  l'impuiflancc  011  Anne  Augicr  fe 
trouva  de  continuer  fon  petit  travail,  s'étant  jointe  à  tant  de  maux  ,  la  firent  en- 
fin tomber  dans  une  défaillance  prefque  entière. 

M.  Ambroife  Chanoine  d'Avenai,  qui  avoit  été  jufqu'en  1717.  Vicaire  de 
Mareiiil,  déclare  „  quefifolblcffecaufée  par  fes  différentes  maladies  étoit  fi  gran- 
„  de,  qu'elle  étoit  fouvcnt  réduite  à  la  mort  j  &  qu'une  fois  ayant  été  appelle  pour 
„  lui  adminiilrcr  l'Extréme-Onftion,  il  la  trouva  fi  foible  qu'il  crût  devoir  com- 
„  mencer  par  les  onftions  de  peur  de  n'avoir  pas  le  tems  de  réciter  toutes  les  prières.  „ 

Elle  ètoit  dans  un  état  qui  èpuifoit  fi  fort  la  comp;iirion  ,  Sc  qui  cxcitoit  tant 
d'horreur,  qu'on  croyoit  la  féliciter  en  lui  annonçant  que  le  terme  de  fa  délivrance 
étoit  proche.  Auflî  Françoife  Theveni  fa  charitable  compagne  déclare -t -elle  que 
fcs  "  infirmités  ètoient  fi  grandes  (qu'elle)  l'a  crue  prête  à  mourir  plus  de  cent 
„  fois,  &  qu'elle  lui  a  fouvcnt  dit,  (apparemment  pour  la  confoler  &  lui  faire 
„  prendre  courage)  Ce  fera  cette  fois  que  jet'cnfevclirai.  „ 

En  effet,  fi  la  mort  paroît  un  gain  à  toute  ame véritablement  chrétienne,  qui 
peut  douter  qu'elle  ne  fût  l'objet  des  dcfirs  d'une  agonifante  qui  depuis  fi  long- 
tems  faifoit  une  Ci  rude  pénitence?  &  qui,  comme  elle  le  dit  elle-même,  „  ne 
„  voyoit  point  de  moyen  de  fortir  d'un  état  fi  déplorable  que  par  la  mort.  „ 

Mais  Dieu  en  avoit  autrement  ordonné.  Oliii  qui  fait  entendre  fi  voix  au  néant 
auffi  facilement  qu'à  l'être,  alloit  dans  peu  réparer  en  un  moment  les  membres  dé- 
chirés, pourris  &  dciicchés  de  cette  moribonde,  pour  glorifier  la  mémoire  d'un 
Saint  AppcUant,  &c  canonifer  en  fapcrfonne  la  julHceSclanécclTité  de  l'Appel. 

Il  met  dans  le  cœur  de  cette  impotente  un  vifdefirdefe  faire  porter  fur  le  tom- 
beau de  M.  Roufic.  Mille  obilacles naturellement  invincibles  s'oppofoient  à  l'cxc- 
cution  de  ce  projet:  mais  tout  devient  facile  à  celui  qui  fuit  les  mouvemcns  que  b 
Tout  puifTant  fait  naître  :  il  n'eil:  pas  moins  le  Dieu  des  cfprits  que  celui  des  corps  :  il 
dilpnfc  auiïî  fouverainemcnt  des  cœurs ,  qu'il  commande  en  maître  à  la  matière. 

Il  infpirc  à  ceux  qui  avoicnt  le  plus  de  compaflîon  poilr  cette  pauvre  agonifante 
de  lui  fournir  les  moyeas  d'exécuter  une  cnirepriic  quip.U'oiifoit  li  téméraire,  5c 
il  lui  donne  à  elle-même  une  telle  confiance,  que  rien  n'ell  capable  de  la  détour- 
ner de  fon  dcflcin.  Elle  déclare  qu'ayant  appris  „  que  M.  Rouflc  étoit  mort  ,  & 
„  faifant  réflexion  à  la  vie  qu'il  avoit  menée  -,  à  fa  douceur,  à  fon  humilité  &  à 
„  fa  charité  ;  elle  eût  la  pcnlée  qu'il  étoit  Bien-  heureux,  S:  qu?  û  clic  pouvoit 
yf  être  fur  fon  tombeau ,  cela  lui  pourroit  procurer  quelques  biens ,  foit  pour  le 

„  corps'. 


OPERE'  SUR  ANNE  AUGIER.  2:5- 

„  corps,  foit  pour  l'amej  mais  que  la  chofeétoit  bien  difficile  eu  égard  à  fes  infir- 
mités. Qiic  cependant  cette  pcnfée  lui  revenant  toujours  dans  l'efprit,  elle  eût 
lieu  de  la  prendre  pour  une  infpiration  de  Dieu  :  qu'elle  en  parla  en  fccret  à 
Iques  perfonnes,  dont  les  uns  l'en  détournèrent,  d'autres  l'y  excitèrent. 


55 
5» 
55 
55 


quel 


Qii'enfin  deux  mois  s'étant  écoulés  dans  cette  efpéce  de  combat,  elle  prit  d'elle- 
„  même  la  rclolution  d'entreprendre  ce  voyage,  &:  que  les  plus  fidèles  amies  (  pri- 
rent avec  elle)  les  mefi.n-es  pour  l'exécuter.  ,, 

Nous  en  verrons  bien-tôt  l'heurcuie  illue  ;  mais  avant  que  d'en  fournir  les  preu- 
ves au  kfteur,  il  eft  bon  de  commencer  par  lui  démontrer  que  la  guérifonfubite 
d'un  pareil  état  étoit  aulîi  impolTiblc  à  la  nature  que  la  réiurreétion  d'un  mort. 
C'eft  ce  qui  fera  l'objet  de  nôtre  féconde  Propofition. 

II.     PROPOSITION. 

Le  desse'chemext  des  ja}7ihes  cV Anne  Augter  canfé par  uns  paralïfie  complète  qui 
wjoit  duré  plus  de  11.  ans ^  étoit  iia  état  abj'olwinent  incurable. 

DAns  ce  fiécle  d'cndurcilTement ,  c'eil:  la  rcffburce  ordinaire  de  l'incrédule , 
loi-fqu'il  ne  peut  contefter  la  vérité  des  faits,  d'attribuer  les  guérifons  les  plus 
évidemment  miraculeufes ,  ou  à  la  force  de  l'imagination  ,  ou  à  des  reflorts  de  la  na-- 
ture  inconnus  jufqu'àpréfent.  Mais  ici,  il  aura  beau  chercher  à  fc  foire illufion  par 
des  fuppofitions  chimériques  6c  par  de  grands  termes  vuides  de  fens  ;  des  membi-es 
dcflechés  pendant  21.  ans  par  une  paralifie  complète,  font  d'une  incurabilité  fi 
manifefte  Se  fi  palpable,  qu'il  ne  lui  reliera  pas  la  fatale  fatisfaction  de  pouvoir  fe 
tromper  foi-même.  Il  faut  qu'il  fe  rende  aux  preuves  de  nôtre  Propofition,  ou  que 
non  feulement  il  s'obfl:ine  à  combattre  de  front  le  jugement  Scl'expéricnce  de  tous 
les  Maîtres  de  l'Art  6c  les  principes  d'anatomielcs  plus  incontelbables  ;  mais  même 
qu'il  choque  ouvertement  le  fens  commun,  ?:C  qu'il  réfiile  à  fes  propres  lumières. 

Tous  les  Livres  de  Médecine  décident  unanimement ,  qu'une  paralifie  complète 
eft  abfolument  incurable,  du  moins  après  un  certain  tems  :  mais  comme  l'incrédu- 
le pourroit  rcfufer  de  fe  foumettre  à  cette  décifion,  rapportons  -lui  les  principes 
fur  lefquels  elle  eft  fondée.  Qii'il  les  écoute,  qu'il  confulte fa raifon ,  6c qu'il déci-- 
de  lui-même.  Heureufcment  ces  principes  font  fi  clairs,  fi  fenfibles,  6c  fi  con»- 
vaincans  qu'ils  font  à  la  portée  de  tous  les  lecteurs. 

Je  me  fuis  à  la  vérité  déjafervi  de  quelques-uns  de  ces  principes  au  fujet  des- 
guérifons  miraculeufes  des  différentes paralifies dont  j'ai  fait  les  démonftrations  dans- 
mon  premier  Tome;  mais  comme  les diflertations  de  M.Cannac6cde  M.  Souchah 
dans  lefquelles  je  les  ai  principalement  puifés ,  ont  été  faites  par  rapport  à  laparali-- 
fie  d'Anne  Augier,  6c  que  le  leâreur  peut  n'avoir  pas  fous  les  yeux  ce  que  j'ai  dé ja^ 
dit  à  cet  égard,  qu'il  mepermete  de  les  lui  retracer,  6c  d'en  faire  ici  l'application,. 

M.  Cannac,  M.  Souchai ,  8c  tous  les  autres  Maîtres  de  l'Art  diftinguent  deux- 
fortes  de  paralifies:  celle  qui  eft  complète,  6c  celle  qui  ne  l'eft  pas. 

La  paralifie  complète  eft  celle  qui  prive  les  membres  de  tout  mouvement  6c  de" 
tout  fentiment. 

„  Le  pronoilique  de  la  paralifie  complète,  dit  M.  Cannac,  eft  toujours  qu'elle' 
5,  eft  abfolument  incurable.  „  Une  des  principales  raiions  qu'il  en  donne,  eft  que" 
les  membres  ne  tombent  jamais  en  paralifie  complète  que  lorfqu'ils  font  totalemcni: 
privés  des  efprits  animaux,  ce  qui  n'arrive  que  lorfque  tous  les  nerfs  de  cette  partie' 
font  obftrués.  Car  s'il  reftoit  dans  les  membres  entrepris,  quelque  nerf  qui  ne" 
fut  pas  obftrué  les  efpris  animaux  ne  manqueroient  pas  d'y  couler,  6c  conféqucm-- 

nx^nt- 


i4  DEMONSTRATION  DU  MIRACLE 

ment  de  produire  dans  les  membres  quelque  fentiment  ou  quelque  mouvement. 

Auflî  M.  Souchai  ajoute  - 1  -  il ,  qu'on  connoit  par  les  effets  que  les  nerfs  qui 

fe  di  ribuent  dans  les  organes  des  mouvemens  (^  des  fenfaîions  font  ahfolutnent  ob~ 
finies  ou  bouchés ,  lorfque  tout  mowjement  £5?  tout  fentiment  fe  trouvent  entièrement 
perdus  dans  toute  l'étendue  de  la  partie  affligée  de  paralifie.  Or  dès  que  toutes  les 
cavités  des  nerfs  l'ont  bouchées,  6c  qu'en  conféqucnce  les  membres  fe  trouvent 
totalement  depoun-us  de  ces  elprits  qui  leur  donnent  le  mouvement ,  le  fentiment 
£c  la  vie,  leur  état  eft  manifertcmenc  incurable,  parceque  ce  n'eft  que  parl'aftion 
de  ces  ciprits  que  la  nature  ou  les  remèdes  peuvent  procurer  une  gucrifon. 
■  Les  efprits  animaux  fe  forment  dans  le  cerveau.  Les  nerfs,  qui  tous  ont  leur 
racine  dans  le  cei^vcau  ou  dans  la  moîle  cpiniere ,  font  les  feuls  canaux  par  lef- 
quels  CCS  efprits  font  portés  dans  les  membres.  Ainfi  lorlquc  tous  les  nerfs  d'une  partie 
du  corps  font  obllrués,  les  efprits  animaux  ccllcnt  entièrement  de  s'y  répandre  :  ôc 
c'cll  préciiement  Icurabfence  qui  caufe  la  perte  du  icntiment  Se  du  mouvement. 

Les  nerfs  font  les  feules  organes  du  fentiment  ;  mais  ils  ne  peuvent  le  produire 
que  lorfqu'ils  font  vivifiés  par  les  efprits  animaux  -,  &:  lorfque  ces  efprits  ceflenten- 
tércment  de  les  animer ,  ils  reftent  dans  ''infcnfibilité. 

C'ell:  par  le  moyen  des  mufcles  que  s'exécutent  tous  les  mouvemens  quidépen- 
pcndcnt  de  la  volonté  ;  mais  les  mufcics  ne  forment  aucun  mouvement  qu'autant 
que  les  tuyaux  dont  ils  font  compoles,  font  travcrfés  par  des  efprits  animaux  qui 
les  remuent. 

Ce  font  donc  proprement  les  efprits  animaux  qui  donnent  l'être  au  fentiment  par 
le  moyen  des  nerfs,  &  qui  opèrent  le  mouvement  par  le  moyen  des  mufcics. 
Ainfi  loifqu'une  partie  du  corps  c(l  entièrement  privée  de  ces  efprits,  elle  ne  peut 
que  relier  dans  l'mfenfibilité  ^l'inaétion;  &  comme  ces  efprits  ne  peuvent  être 
dans  des  membres  fans  agir,  c'eft  une  preuve  inconteftablc  que  ces  efprits  ont 
difcontinué  de  fe  répandre  dans  des  membres  ,  lorfque  ces  membres  relient  long- 
terns  fans  mouvement  6c  f.ms  fentiment. 

J'ai  cru  devoir  expliquer  ces  principes,  parcequ'ils  m'ont  paru  fort  utiles  pour  com- 
prendre plus  aifement  toute  la  force  des  raifonnemensanatomiqucs  de^i.C;mnac, 
de  M.  Souchai  6c  de  M.  Ganlard ,  dont  je  vais  prcfcntcr  quelques  extraits  au  leéteur. 

„  Pour  pouvoir  [dit  M.  Cannac]  guérir  (une  paralilie  complète  ,  )  ilhiudroit 
„  pouvoir  dilliper  l'obllruclion  des  nerfs  fans  le  fecours  de  l'efprit  animal  qui 
„  n'ell  plus  dans  cette  partie  :  or  c'cfl  ce  que  la  nature  ni  l'art  ne  peuvent  jamais 
„  fiiire. .  . .  C'cll  par  l'aûion  même  des  efprits  animaux  que  la  nature  opère  >  ainlï 
„  lorfqu'unc  partie  s'en  trouve  entièrement  dépourvue,  il  ne  relie  plus  aucune 
„  reiTourcc}  (6c  pour  lors  la  paralife)  eft  néccflairement  incurable  ....  l'ob- 
„  llruction  des  nerfs  (continue-t-il;  ne  produit  pasdes  engorgcmcns.des  inflam- 
„  mations,  des  abccs  dont  la  nature  peut  fe  débarrafTer:  elle  produit  une  celTa- 
„  tion  d'action  6c  de  fentiment.  Comment  la  nature  fera-t-elle  couler  des  efprits 
„  dans  une  partie  dont  tous  les  nerfs  font  obllrucs,  6c  qui  par  là  a  perdu  la  plus 
„  grande  partie  de  fa  chaleur  6c  de  fa  vie  ?  Ce  font  les  efprits  mêmes  qui  man- 
„  quent,  6c  qui  manquent  entièrement  dans  toute  l'étendue  de  la  partie  affligée, 
„  quelle  rcHource  pourroit  avoir  la  nature?  Auflt  l'expérience  confirme -t- elle 
„  que  jamais  des  membres  qui  font  une  fois  tombés  en  piiralific  complète,  n'ont 
„  repris  leur  aclion  6c  leur  mouvement. 

11  prouve  cnfuitc  qu'en  ce  „  cas  (tous  les)  remèdes  (font)  impuifTansSc  inu- 
,,  tiles,  (  parce  qu'ils  ne  peuvent  avoir  d'effet  )  à  moins  que  la  nature  ne  foit  en 
„  état  d'obcir  aux  déterminations  que  les  remèdes  lui  impolcnt  ,„  6c  qu'il  n'y  aquc 
les  efprits  animaux  qui  puilVcnt  lui  en  fournir  le  moyen. 

Il  cil 


OPE'RE'  SUR  ANNE  AUGIER.  zf 

Il  efl:  donc  confiant  :  il  eft  reconnu  par  tous  les  Maitres  de  l'Art  :  il  eft  démon- 
tré par  des  principes  incontcftablcs  d'anatomie ,  que  toute  paralifie  complctte , 
c'cft-à-dire ,  qui  prive  entièrement  la  partie  affligée  de  mouvement  6c  de  fenti- 
ment,  cffc  abfolument  incurable.  Or  qui  peut  douter  que  la  paralifie  des  jambes 
d'Anne  Augier  n'ait  dès  les  premiers  jours  produit  cet  effet  ?  Non  feulernent  1» 
Chirurgien  qui  la  traitée  le  déclare  en  termes  formels,  &  fur  ce  fondement  la  juge 
incurable  dès  fon  commencement  >  mais  prenons  ici  pour  juge  l'incrédule  le  plus 
endurci ,  ou  le  Conftitutionnaire  le  plus  prévenu  contre  les  miracles  de  nôtre 
tcms,  pourvu  qu'il  leur  rcfte  encore  un  peu  de  bonne  foi,  &  qu'ils  veuillent  bien 
fiire  uf^ge  de  leur  mifon ,  èc  demandons-leur ,  fi  des  jambes  dans  lefquelles  on  en- 
fonce des  épingles  &  des  doux  fans  y  rappeller  le  fentiment  font  infenfibles  ?  8c  iî 
celles  qui  relient  dans  l'inaélion  8c  l'immobilité  quand  il  ell  queflion  d'éviter  la 
mort  la  plus  effrayante ,  ont  perdu  le  mouvement  ? 

Cependant  ce  n'eflpas  tout.  Nous  allons  prouver  d'une  manière  encore  bien  plus 
frapante  ,  qu'il  étoit  abfolument  impoffible  à  tout  être  créé ,  de  rétablir  le  mouve- 
ment &  le  fentiment  dans  des  jambes  réduites  à  l'état  où  étoicnt  celles  d'Anne 
Augier. 

En  effet  quel  reffort  incompréhenfible  ,  ou  quelle  vertu  fccrette  pourroit-on 
fuppofer  dans  la  nature,  pour  ranimer  des  membres  qui  depuis  plus  de  zi.  ans 
reffembloient  à  ceux  de  ces  momies  d'Egipte,  dont  les  chairs  entièrement  dcffé- 
chées  ne  préfentent  à  la  vue  que  de  grofficrs  débris  qui  furvivent  à  la  perte  irrépa- 
rable d'un  millier  de  tuyaux  différens,  &  d'une  infinité  d'autres  parties  qui  font 
toutes  abfolument  néceifaires  pour  la  fenfition  &  pour  le  mouvement? 

Mais  écoutons  les  Maîtres  de  l'Art  nous  en  démontrer  eux-mêmes  l'impofîî- 
bilité  phifique.  „  Vous  me  demandez  (dit  M.  Souchai)  s'il  y  avoit  des  rcflbur- 
„  ces  .dans  la  nature  ou  dans  l'art  pour  procurer  (à  Anne  Augier)  le  rétabliffement 
,),  (de  fes  jambes.)  J'aimcrois  prefque  autant  (continue-t-il)  que  vous  me  deman- 
„  dafîîez  fi  la  nature  ou  l'art  ont  quelques  rcfiburccs  pour  créer  une  jambe  aune 
„  perfonne  qui  n'en  a  point.  Les  os  feiTcnt  de  ibutien  6c  la  peau  fert  d'enveloppe  à 
„  toutes  les  parties  du  corps;  mais  les  os  6c  la  peau  ne  font  pas  fine  jambe  par  eux 
„  fculs,  6c  ce  n'eft  même  ni  la  peau  ni  les  os  par  l'aétion  defquclsfe  faitlemouve- 
„  ment.  Les  mouvemens  font  produits  par  les  corps  mufculcux  ;  6c  la  vie,  l'aftion  6c 
„  le  fentiment  confiflent  dans  l'affcmblage  des  tuyaux,  dans  les  liqueurs  qui  les 
„  traverfent ,  6c  dans  lesefprits  qui  les  animent.  Ainfi  ce  feroit  créer  véritablement 
„  une  jambe  à  qui  il  ne  relleroit  précifément  que  les  os  6c  la  peau ,  que  de  créer  tou=- 
5,  tes  les  parties  néceffaires  pour  lui  donner  la  vie,  l'aélion  6c  le  fentiment. 

„  Lorfque  tout  mouvement  6c  tout  fentiment  [continue-t-il  plus  bas]  fe 
„  trouvent  entièrement  perdus  dans  toute  l'étendue  de  la  partie  affligée  de  para- 
„  lifie,  6c  que  cette  partie.  .  .  s'efl  défféchée ,  pour  lors  il  eft  clair  qu'elle  a  été 
„  entièrement  privée  des  efprits  animaux  -,  6c  fi  cet  état  a  duré  pendant  pluficurs 
„  années  6c  que  le  defféchcment  paroiffe  entier  ....  on  en  doit  conclure  que  les 
„  corps  mufculeux,  non  feulement  font  aftaifles ,  mais  que  leurs  fibres  charnues 
„  font  entièrement  détruites ,  auffi-bien  que  les  tuyaux  nerveux. 

„  Il  ell  vrai  [ajoute-t-il  encore]  qu'on  peut  fuppofer  que  les  corps  mufculeux 
„  fubfifloient  encore  en  partie  dans  les  jambes  d'Anne  Augier,  quoique  fi  fort 
„  affaiffés  qu'à  peine  paroilfoient-ils  j  mais  il  efl  certain  qu'en  cet  état  ils  n'é- 
5,  toient  nullement  capables  d'aftion.  L'efprit  animal  ne  coulant  plus  depuis 
„  vingt-deux  ans  le    long  des  nerfs  ni  pour  les  mouvemens ,  ni  pour  les  fenfi- 

„  tions, il  en  rèfulte  néceffiirement  la  conféquencc   que  pendant  un  fî 

„  long  efpace  de  tems  toutes  ces  parties  fc  font  affiiflees  6c  deflëchées  j  6c  même 

jj  que  la  plus  grande  partie  en  a  été  détruite.  (D'où  il  fuit  que)  tout  ce  qui  étoit 

/.  Demonft.  l'orne  IL  D  né- 


25  DEMONSTRATION   DU   MIRACLE 

„  nécciï-iirc  pour  l'aftion  mnnquoit  abfolument  dans  les  jambes  d'Anne  Augier. 
„  J'ai  obfcrvé  [dit-il  encore  ]  que  c'efl  par  les  fibres  charnues  qui  compofent 
„  le  corps  du  muiclc  que  fe  fait  l'adion  :  (Or)  les  fibres  charnues  des  jambes 
„  d'Anne  Augier s'étoicnt  difTipécs ,  puifqucfes  jambes  étoient  dcfiechécs  6c  qu'on 
„  n'y  appcrcevoit  plus  de  chah-s. 

„  J'ai  oblcrvc  en  fécond  lieu  que  l'acTtion  ne  fe  pouvoit  point  faire  fans  les 
„  tuyaax  nerveux:  or...  tous  ces  tuyaux  dévoient  être  affaiflcs,  diflîpcs,  ôc 
„  même  détruits  -,  &  étoient  par  conféqucnt  abfolument  incapables  de  porter  dans 
„  fcs  jambes  les  efprits  animaux  pour  les  ranimer.  „ 

Ces  confcquences  que  tire  M.  Souchai  des  principes  les  plus  inconteftables  de 
l'anatomie,  fe  trouvent  encore  fcnfiblement  démontres  dans  une  diflertation  faite 
par  M.  Gaulard  par  rapport  à  la  gucrifon  de  Philippe  Sergent,  oùcefivant  Mé- 
decin prouve  que ,  lorique  „  les  nerfs  (font)  pendant  plus  d'un  an  fans  recevoir 
„  la  limphc  fubtilc.  .  .  les  cavités  de  ces  nerfs,  [qui  font  les]  feuls  conduits  (  par 
„  où  cette)  limphe  „  s'infinuë,  fe  collent ,  s'effacent  6c  fe  dctruifent. 

„  C'cll  un  fait  ,  dit-il ,  démontré  par  toutes  les  expériences  anatomiques , 
„  que  dans  les  corps  animés  tous  les  tuyaux  ou  cavités  compofés  de  parties  flé- 
„  xiblcs  ,  6c  deftinés  à  recevoir  6c  à  tranfmettrc  un  liquide,  s'afFaincnt  lorfquc 
,,  ce  liquide  ceffe  pendant  long-tcms  d'y  couler:  les  parois  intérieurs  de  ces  tuyaux 
„  fc  collent:  les  parties  flexibles  dont  ils  font  compofés  fc  rapprochent:  la  ca- 
„  vite  s'efface  entièrement  ,  5c  il  ne  refte  plus  qu'un  corps  folide  donc  les  con- 
„  duits  font  abfolument  détruits.  Cela  arrive  même ,  non  feulement  aux  cavités 
„  qui  font  fi  fines  6c  fi  déliées  qu'on  ne  peut  les  appercevoir  d'une  manière  fenfi- 
„  ble  ,  telles  que  font  les  cavités  des  nerfs  par  Icfquels  la  limphe  fubtile  coule 
„  dans  les  membres  ,  mais  cela  arrive  aux  plus  larges  canaux.  „ 

S'il  ne  faut  qu'un  an  |X)Ur  que  cet  effet  arrive,  qui  peut  douter  qu'il  ne  foit  ar- 
rivé dans  l'cfpace  de  plus  de  lo.  années,  pendant  lefqucUes  les  jambes  d'Anne 
Augier  ont  été  réduites  au  dclTéchcment  le  plus  hideux  ? 

Ce  defféchcment,  fuivant  le  même  M.  Gaulard,  cil  encore  une  preuve  éviden- 
te, „  que  tous  les  tuyaux  des  fibres  charnues  qui  compofent  les  mufcles,  avoient 
„  été  affaiffés.  Or  il  cl\  [dit-ilj  abfolument  impoffible  à  la  nature  &:  à  l'art  de 
„  r'ouvrirccs  cavités  lorfquellcs  ont  été  effacées.  Ainfi  dans  le  cas  propofé  iln'efc 
„  plus  fimplemcnt  qucftion  de  défobftruer  des  vaiffeaux  bouchés,  mais  de  for- 
„  mer  de  nouveaux  condiMts  àla  place  de  ceux  qui  n'cxiftent  plus  >  6c  il  cil  évi- 
„  dent  que   c'cfl  ce  que  la  nature  6c  l'art  ne  peuvent  jamais  faire.  „ 

M.  Cannac  fe  fcrt  auffi  des  mêmes  principes  ,^  6c  en  tire  les  mêmes  conféquen- 
ces.  „  Sans  examiner  [dit -il]  fi  les  fibres  charnues  qui  compofent  le  corps  du 
„  mufclc ,  6c  les  tuyaux  nen'cux  par  Icfquels  les  efprits  animaux  fe  comrauni- 
„  quent ,  avoient  été  ou  non  effacés  6c  difiîpés  pendant  un  fi  longcfpace  dctems} 
„  au  moins  eft-il  certain  que  fuivant  ce  qui  rcfulte  néceffaij-cment  de  Vcxpofé,  ils 
„  avoient  été  entièrement  affaifi'és.  Or  cela  fuflît  pour  qu'il  fût  abfolument  im- 
„  poiïiblc  à  la  nature  &c  à  l'art  de  rétablir  des  parties  réduites  à  un  pareil  état, 
„  8c  de  les  rendre  capables  d'aélion.  (D'où  il  conclut  que)  tout  manquant  dan» 
„  les  jambes  d'Anne  Augier  pour  l'aélionSc  pour  lefcntimcnt,  ....  il  ne  pouvoit 
„  jam.iis  y  avoir  aucune  rcffourcc  ni  du  côte  de  la  nature,  ni  du  côté  de  l'art  j 
6c  que  cette  guérifon  ne  pouvoit  être  opérée  que  par  le  Créateur  de  l'univers. 
(A  quoi  il  ajoute   que)  cette  guérifon    (le"i  frape  fi  fort  qu'elle  ne  (le)   biffe 


:ct  égard.  „ 


„  pas  maître  de  drfiîmuler  quels  (ont  (fes)  fentimens  à  ce 

C'cfl  ainfi  que  les  Maitrcs  de  l'Art  faifis  d'étonnement  à  la  vue  des  œuvres  du 
Tout-puiffant,  on:  été  forcés  parleur  évidence  de  lui  en  rendre  hautcmentgloire^ 

maigre 


OPE'RE' SUR  ANNE  AUGIER.  ^7 

Malgré  tous  les  intérêts  humains  qui  s'oppofoient  à  une  démarche  fi  généreufc 
&  qui  peut  renvcrfer  toute  leur  fortune.  M.  Gaukrd  oublie  qu'il  eft  Médecin 
ordinaire  du  Roi.  M.  Cannac  qu'il  cft  Chirurgien-Major  des  Gardes  du  Corps. 
M.  Souchai  qu'il  cil  Chirurgien  de  M.  le  Prince  de  Conti.  Dieu  échauffe  leurs 
cœurs  en  éclairant  leurs  cfprits  par  la  vive  lumière  que  répandent  ces  merveilles. 
Les  plus  grands  Maîtres  de  l'Art  frapés  d'admiration  ont  beau  dépendre  de  la 
Cour  ,  Dieu  fcmble  les  forcer  lui-même  de  faire  la  démonftration  de  fes  miracles. 

D'autre  part  leur  éclat  terralTe  l'impie  &  lui  fait  abjurer  fon  incrédulité.  Il  effraie 
le  libertin  ;  &  Dieu  s'en  fert  pour  le  convertir.  N'y  aura-t-il  donc  que  les  Conftitu- 
tionnaires  fur  qui  l'opération  fenfiblc  de  la  Divinité  ne  fera  aucune  impreflîon  ? 
Oferont-ils  encore  chercher  ici  dans  les  forces  occultes  de  l'imagination ,  des  ref- 
fources  pour  régénérer  ce  qui  eft  détruit  :  des  agens  pour  donner  l'être  à  ce  qui 
n'cxifte  plus  :  des  reflbrts  pour  rendre  à  des  jambes  défféchécs  toutes  les  parties 
qu'elles  avoient  perdues  depuis  plus  de  20.  ans  :  en  un  mot  des  moyens  pour  rcf- 
fufciter  des  membres  qui  n'étant  plus  qu'une  malle  auffi  aride  qu'infenfible  ,n'é- 
toient  propres  qu'à  entraîner  dans  le  tombeau  les  membres  vivans  aufquels  ils 
étoient  joints  ? 

Efpérons  que  l'évidence  pourra  enfin  fraper  leurs  efprits  ,  &  que  Dieu  vou- 
dra bien  s'en  fervir  pour  toucher  leurs  cœurs ,  lorfque  nous  leur  aurons  prouvé 
quelaguérifon  ,  difons  mieux,  que  la  régénération  de  tout  ce  qui  manquoitdans 
les  jambes  d'Anne  Augier,  a  été  opérée  d'une  manière  fubite  ,  &  qu'en  même- 
tems  cette  fille  a  été  guérie  tout-a-coup  de  fon  cancer,  defafillule,  de  fes  plaies, 
le  de  tous  fes  autres  maux  ,  dont  la  plupart  étoient  aulîi  incurables  que  l'anéan- 
tiflement  de  fes  jambes. 


IIÎ.    PROPOSITION. 

Anne  Augif.r  a  été  guéris  fubiîement  fur  le  tombeau  de  M.  Rtujfe  de Ja  paraïï- 
fie  13  de  tous  fes  autres  maux  le  8.  Juillet  1727.  13  feu  de  jours  après  Dieu  lui 
a  donné  la  faute  la  plus  parfaite  ist  la  plus  robujle. 

UNe  guérifon  fi  fubite  après  zr.  ans  de  l'état  le  plus  déféfperé  fait  bien  voir 
que  tout  eft  poffible  à  la  foi ,  parce  que  rien  n'eft  impolTible  à  celui  qui  la 
forme  dans  le  cœur  ,  6c  qui  fiit  la  proportionner  à  la  grandeur  du  bienfait  dont 
il  veut  couronner  ce  premier  de  fes  dons.  Auflî  jamais  foi  ne  parût  plus  inébranla- 
ble que  celle  dont  il  voulût  fortifier  cette  impuiffante  moribonde  ;  jamais  on  n'eÇ- 
péra  plus  contre  toute  efpérance  que  le  fit  Anne  Augier,  en  fe  faiiant  porter  fur 
le  tombeau  du  ferviteur  de  Dieu.  Une  partie  d'elle  même  immobile,  infcnfible, 
8c  deflechée  n'offroit  à  fes  yeux  que  l'image  de  la  mort ,  &  paroifloit  plus  propre  à 
repofer  dans  une  bière,  qu'à  pendre  inutilement  après  le  reftede  fon  corps  qu'elle 
ne  fiiifoit  qu'entraîner  vers  la  terre  j  l'autre  à  demi-mourante  ne  défcndoit  plus 
qu'à  peine  le  fouffle  de  vie  qui  l'animoit  encore.  Mais  hélas  !  qu'elle  vie  que  celle 
qui  ne  fe  faifoit  fcntir  que  par  les  douleurs  &  l'infeétrion  que  lui  c.iufoient  le  can- 
cer ulcéré,  la  fiftule,  les  meurtrifi'ures ,  &  les  plaies  dont  fon  corps  étoit  couvert. 

Cependant  Anne  Augier  foutcnue  uniquement  par  la  grandeur  de  fa  foi ,  §c 
mettant  toute  fon  efpérance  dans  le  fccours  de  celui  qui  lui  infpiroit  une  entre- 
prife  qui  paroiffoit  fi  téméraire,  fait  tranfpoitcr  les  débris  de  fon  corps  mourant 
dans  le  bourg  d'Avenai,  oij  étoit  le  tombeau  de  celui  dont  elle  vouloit  réclamer 
l'intei  ceflîon. 

Dieu  qui  favoit  quel  degré  de  confiance  il  avoit  mis  dans  fon  cœur,  redouble  en 

D  z  même- 


L 


a»  DEMONSTRATION  DU  MIRACLE 

même-tems  l'épreuve.  A  peine  Anne  Augier  eft-ellc  liée  à  fa  chaifc ,  afin  que  foa 
coi"pç  trop  foible  pour  fe  foutenir  lui-même  pût  reftcr  fixe  dans  la  fituation  ou  il  fal- 
loit  le  mettre  :  à  peine  eft-ellc  attachée  en  cet  état  fur  la  monture  deftinéc  à  la  porter, 
qu'il  furvient  un  orage  dont  les  flots  fcmblent  prendre  plaifir  àfe  précipiter  iur  elle. 

Voici  ce  que  nous  en  rapportent  les  habitans  de  Mareiiil,  dontpluficurs  attirés 
par  la  fingularité  d'un  tel  ipeftacle  vinrent  être  témoins  de  ce  périlleux  voyage, 
j,  Nous  avons  [difcnt-ils]  une  connoifTance  parfaite  &  le  fouvenir  préfent  que  nous 
j,  ne  perdrons  jamais,  des  circonftanccs  qui  ont  accompagné  le  voya.<Te  que  lad. 
„  Anne  Aueicr  a  fait  à  Avenai  le  8.  Juillet  dernier  ,  jour  heureux  de  fa  guérilbn. 
,,  Elle  a  été  mife  fur  un  âne  par  quatre  ou  cinq  pcrfonnes.  On  a  mis  fa  chaifc 
„  portative  fur  l'un  des  paniers  de  l'âne  pour  lui  fervir  à  appuyer  fon  corps.  Ons'efl: 
„  fervi  de  grandes  nappes  pour  la  lier  au  travers  du  corps  a  ladite  chaifc  &  au  bât  de 
„  l'âne.  Il  pleuvoit  fi  fort  qu'il  a  fallu  lui  mettre  un  manteau  fur  la  tête,  ce  qui 
„  la  fait  beaucoup  foufFrirle  Ions;  du  chemin,  en  ce  que  la  pefanteur  de  ccman- 
„  teau  pénétré  de  la  pluie  lui  faifoit  plier  le  corps  en  deux ,  n'ayant  pas  la  force 
d'en  foutenir  le  poids.  „ 

Qiiellcs  angoiflcs  n'eût  pas  à  fouffrir  pendant  le  chemin  cette  pauvre  agonifan- 
tc,  dont  la  foibleffc  &  les  langueurs  étoicnt  accablées  iousunfi  lourd  fardeau.  Ce- 
pendant elle  arrive.  Mais  apprenons  encore  des  habitans  de  Mareiiil  à  quelle  ex- 
trémité elle  fc  trouva  réduite  par  le  furcroit  d'épuifement  que  lui  caufa  une  fati- 
gue C\  difproportionnée  à  fcs  forces. 

„  Qiiand  elle  arriva  à  Avenai  [difcnt-ils]  elle  étoit  dans  un  tel  état,  que  les 
„  pcrfonnes  du  bourg  qui  la  virent  s'étonnèrent  fe  difmt  les  uns  aux  autres .  Qu'cll- 
j,  ce  que  c'cft  que  ceci?  Où  eil-ce  qu'on  va  mener  cette  fille  qui  i'e  meurt} 

Il  étoit  naturel  que  ces  pcrfonnes  touchées  de  compafTion  de  l'état  d'extrémité 
où  ils  vovoicnt  Anne  Augier,  fe  récriaflent  contre  la  témérité  apparente  de  ceux 
qui  la  conduifoicnt  J  mais  c'efl.  précifcment  parce  qu'elle  fe  meurt ^  c'clt  parce  que  tout 
paroît  défefpérc  qu'il  cil  tems  qu'elle  vienne  chercher  la  réfurrcftion  &  lavie  M;ùs 
où  trouver  un  tel  iccours  ?  C'cft  fur  un  tombeau ,  c'cft  d:ms  le  fein  même  de  la  mort. 
Qiie  Dieu  eft  admir.ible  !  Qii'il  eft  magnifique  dans  fcs  Saints  !  Plus  ils  ont 
été  humiliés  fur  la  terre,  plus  Dieu  fe  plait  a  les  glorifier  dans  le  fccret  de  fi  ficc, 
&  quelquefois  même  à  illuftrer  leur  mémoire  en  opérant  les  plus  grands  miracles 
à  leur  intercclTîon.  Que  ne  peuvent  point  aujourd'hui  la  poulliére  &  la  cendre? 
Dieu  les  fait  fervir  d'inftrument  aux  plus  éclatantes  merveilles  de  fa  puilTance  & 
de  fa  bonté.  Anne  Augier  va  bientôt  éprouver  combien  fi  confiance  aux  prières  du 
Bien-heureux  M.  Rouffc  étoit  agréable  à  celui  qui  la  lui  avoit  infpirec;  elle  va 
bientôt  triompher  tout  à  coup  d'un  état  qui  n'étoit  gucres  moins  aftVcux  que  la  mort. 
On  la  détache.  On  la  porte  fur  (x  chaife  dans  la  Chapelle  de  Ste  Anne.  On  la 
place  fur  la  tombe  du  faint  Appellant  comme  un  cadavre  inanimé.  Son  cœur  à  la 
vérité  vit  encore,  l'.irdeur  de  la  foi  qui  l'cmbrafc  lui  a  confervé  lavie.  Mais  tout 
le  furplus  de  fon  corps ,  dont  la  moitié  couverte  de  plaies  excite  la  compaflîon,j&: 
dont  l'autre  moitié  qui  n'eft  plus  qu^unfquclette  hideux  donne  de  l'horreur,  reflem- 
ble  moins  à  une  pcribiuie  vivante  qu'à  ce  mort  qu'on  jctta  autrefois  fur  Icfépul- 
crc  d'Elifée.  L'Ecriture  nous  apprend  que  ce  mort  rcffufcita  des  que  fcs  memorcs 
curent  touché  les  os  du  Prophète.  La  même  main  qui  fit  autrefois  ce  grand  pro- 
dige a  voulu  encore  opérer  de  nos  jours  une  merveille  prefque  fcmblable. 

iPeu  :iprcs  qu'Anne  Augier  eût  été  poféefur  le  tombeau  du  bienheureux  Appel- 
lant, „  M.  Robeit  Chanoine  d'.\vcnai  étant  venu  ,f  dit-elle,  dire  laMcllc  dans 
„  cette  chapelle  J  elle  fcntit  tout  d'un  coup  vers  l'offertoire  une  révolution  cx- 
„  traordinairc  dans  fcs  membres  qui  lui  fitconnoitrc  que  Dieu,  avoit  exauce  la  pric- 

„  rc: 


OPE'RE'  SUR  ANNE  AUGIER.  ip 

„  rc:  ce  qui  lui  fit  dire  en  levant  les  bras,  fans  fonger  qu'elle  en  avoit  un  paralîtiqiïe. 
j,  Serviteur  de  Dieu,  vous  avez  prie' pour  moi.  f  Auffi-tôt  elle]  fe  jetta 
„  à  terre  fur  fes  genoux  ...  [&]  entendit  le  refte  delà  Meffc  en  cette  pofture  :  (6c) 
„  non  feulement  [  ajoute -t-  elle  plus  bas  3  elle  a  été  guérie  ainfî  tout-à-coup  de  la 
„  paralifie  ,  (tant  du  bras  que  des  deux  jambes,  )  mais  encore  de  toutes  fes  autres 
maladies ,  „  c'eft-à-diredefon  cancer,  de  fa  fiilule  &  de  toutes  les  plaies. 

A  la  vue  d'une  guérifon  fi  merveilleufe ,  oi^i  la  toutc-puilTimce  du  Créateur  fe 
manifefte  d'une  manière  fi  fenfible  Se  fi  frapante ,  que  ceux  qui  ofent  décrier  les 
miracles  de  nos  jours  humilient  enfin  leurs  têtes  fuperbes  ,  &  ne  refufent  plus  d'en 
rendre  gloire  à  celui  feul  dont  la  volonté  peut  créer  les  êtres. 

Quoi  !  Seigneur ,  en  un  moment  une  multitude  de  meurtrifilires  8c  de  plaies  font 
eflPacéesparune  peau  nouvelle  qui  les  couvre  !  Un  cancer ,  quiformoit  un  abcès  ul- 
céré fub  fi  ftant  depuis  trois  années ,  cen*e  tout-à-coup  d'être  ;  &  une  chair  faine  vient 
auffi-tôt  reprendre  la  place  qu'occupoit  l'abcès  !  Unefiftule  qui  payoit  chaque  jour 
à  la  mort  un  tribut  de  corruption ,  fe  guérit  fubitement ,  fe  remplit ,  iè  ferme  &  difpa- 
roît  !  Eft  -  il  poflible  que  malgré  de  fi  grands  éclats  de  lumière ,  vos  Miniftrcs  qui  font 
chargés  par  état  de  publier  vos  œuvres ,  s'obftinent  encore  à  vous  méconnoître  ? 

Les  Maîtres  de  l'Art  n'ont  pu  refuferleur  témoignage.  M.  de  Reims  Médecin  du 
Roi  demeurant  à  Epcmai  &  le  fieur  Pierrot  Chirurgien,  qui  dès  172.4.  avoit  panfé 
inutilement  pendant  deux  mois  le  cancer  qu'Anne  Augier  avoit  au  fein,  certifient 
qu'ils  l'ont  examiné  depuis  fa  guérifon  fubite ,  6c  qu'elle  „  eft  parfaitement  guérie  de 
„  l'abcès  qu'elle  avoit  eu  au  fein  gauche,  &  qu'elle  jouit  d'une  fanté  parfaite.  „ 
Les  gens  d'épée,  les  perfonnes  de  condition  lont  touchés  de  l'évidence  de  cette 
merveille,  6c  la  publient  à  haute  voix.  M.  deTrufl'on  Chevalier  de  SaintLouis6c 
Major  de  Marfal  6c  les  Demoifelles  de  Truflbn ,  après  avoir  rendu  compte  dans  leur 
certificat  commun ,  de  la  paralifie  d'Anne  Augier  6c  de  l'ulcère  qu'elle  avoit  au  fein  , 
qui  l'avoit  réduite  ,  difent-ils ,  à  un  état  digne  de  compajfion ,  déclarent  qu'ils  ont  été' 
très-furpris  d' apprendre  la  guérifon  fubite  de  cette  pauire  fille ,  8c  encore  plus  lorfqu'ils 
l'ont  vue  eux  -  mêmes  parfaitement  guérie  de  toutes  fes  infirmités  ;  à  quoi  ils  ajoutent 
qu'ils  n'ont  pu  s' empêcher  de  regarder  fa  guérifon  comme  un  effet  miraculeux  de  la  toute 
fuiffance  de  Dieu  accordée  à  Vinterceffion  de  feu  M.  Rouffe  à  qui  elle  a  en  recours. 

Plus  de  130.  autres  témoins  attellent  pareillement  „  que  fa  guérifon  eft  amvée' 
„  tout  d'un  coup ,  une  demie  heure  après  qu'elle  eût  été  mife  fur  le  tombeau  de 
,5  M.  Rouife.  „ 

N'y  aura-t-il  donc,  ô  mon  Dieu,  que  la  plupart  de  vos  Miniftres  qui  s'obfti- 
ne-ront  à  fe  boucher  les  yeux  !  Mais  pour  eOayer  de  vaincre  leur  incrédulité,  hâ- 
tons-nous de  leur  préfenter  les  preuves  de  la  guérifon  foudaine  d'un  état  encore' 
plus  évidemment  incurable,  6c  beaucoup  plus  invétéré  que  n'étoient  le  cancer,. 
la  fiftule,  6c  les  plaies.  Mettons  fous  leurs  yeux  des  preuves  invincibles  delà  xi-- 
génération  fubite  d'une  infinité  de  parties  détruites  depuis  plus  de  20.  ans. 

Nous  venons  de  dire  que  le  premier  mouvement  d'Anne  Augier,  en  fentant  le 
renouvellement  qui  venoit  de  s'opérer  ttiut  à  coup  dans  fon  corps ,  fût  de  lever 
fes  bras  au  ciel  pour  bénir  l'auteur  d'un  fi  grand  bienfût ,  6c  que  le  fécond  fût  de 
{ejetter  à  terre  fur  fes  genoux  vowr  l'adorer. 

A  l'afpeft  d'un  effet  fi  fenfible  de  la  puiflance  divine ,  une  des  affiftantes  nom- 
mée Marie  Landrin  eft  fi  tranfportée  hors  d'elle-même  6c  fi  frapée  de  furprire6c 
de  joie,  que  fans  penfer  au  filence  qui  doit  toujours  accompagner  nos  redouta- 
bles miftéres,  elle  ,,  s'écrie  tout  haut  dans  le  tranfport  d'admiration  où  elle  étoit 
j,  (comme  elle  le  dit  elle-même)  que  c'étoit  un  grand  miracle  que  Dieu  venoit 
jj  d'opérer  par  rinterceflion  de  celui  qui  étoit  enterré  dans  ce  lieu.  „ 

D  3  Ccpcn- 


jô  DEMONSTRATION   DU  MIRACLE 

Cependant  Anne  i\ugier,  comme  elle  le  déclare  cUe-mcmc,  „cntenditlc  re- 
„  fte  de  1.1  Meflc  (à  genoux ,  )  y  communia  ,  &  après  avoir  fait  fcs  actions  de  gra- 
„ ces,  elle  le  Icvm  aidée  de  deux  de  Ces  compagnes,  mais  s' aidant  de  fcs  jambes 
„  pour  marcher  &  fortir  de  Pcglifc.  „ 

Quoi  !  ces  jambes  entièrement  deflcchées  depuis  tant  d'années  :  ces  jambe» 
qu'on  dcchiroit  avec  des  clous  f.ms  y  rappcUcr  le  fcntiment:  ces  jambes  qui  n'a- 
voicnt  plus  ^;;'  chair  ni  molet,  difent  plufieui-s  témoins  :  ers  jambes  dont  les  os 
ctoicnt  feuhmcKt  ctwvtrts  (Pune peau  feche  (^  livide^  ont  tout  à  coup  recouvré  l'in- 
tégrité des  nerfs,  des  mufclcs  &  des  tendons,  &  cette  multitude  innombrable 
de  tuyaux  fans  Icfqucls  il  étoit  phifiqucmcnt  impoûiblc  qu'elles  euflent  exécute 
le  moindre  mouvement  ! 

Mais  écoutons  lur  ce  fujct  la  décifion  d'un  Maître  de  l'Art ,  qui  quoique  Chi- 
rurgien de  la  Cour,  n'a  pu  fe  réfufcr  à  rendre  témoignage  à  la  grandeur  de  ce 
prodige.  ,,  Vous  me  demandez  (dit  M.  Souchai)  fi  les  jambes  d'Anne  Augicr 
„  [que  vous  me  dites  avoir  été  fans  aucun  mouvement  &  lans  aucun  fentimcnt 
5,  pendant  près  de  2,2.  ans,  6c  avoir  été  même  defléchécs  pendans  près  de  zi.  ansj 
„  ont  pu  naturellement  fc  ranimer  dans  un  moment,  &  acquérir  tout  d'un  coup 
j,  la  force  de  la  foutenir  à  genoux  &:  de  la  f.ùre  marcher.  C'cll-à  dire  que  vous 
j,  me  demandez  fi  des  jambes  peuvent  m.archcr  fans  mufclcs  &:  fms  nerfs.  Je  vous 
„  répondrai  tout  fimpîcment  qu'il  ell  encore  plus  difficile  de  comprendre qu'An- 
„  ne  Augicr  ait  pu  marcher  tout  d'un  coup,  (es  jambes  étant  dciléchécs  dcpui» 
„  2.0.  ans,  que  de  croire  que  Dieu  lui  ait  en  un  moment  créé  des  corps  mufcu- 
„  leux  garnis  de  toutes  les  priitics  qui  étoient  nécefl'aires  pour  l'adlion.  „ 

Une  fi  éclatante  merveille  ne  pouvoit  tarder  à  le  répandre  :  dès  le  premier 
moment  elle  retentit  dans  tout  le  bourg  d'Avenai.  Sitôt  qu'Anne  Augicr  „  fc 
„  Icntit  guérie  au  milieu  de  la  Méfie,  j'en  fus  averti  (dit  M.  Ambroifc  Chanoine 
„  d'Avenai)  je  courus  à  l'églife  :  1  je)  la  trouvai  à  genoux  dans  la  chapelle  de  Stc 
J,  Anne,  d'où  elle  alla  devant  le  S. Sacrement,  aidée  de  fcs  deux  compagnes.  „ 
„  Le  bruit  de  cette  merveille  (dit-il  encore)  ayant  été  jufqu'aux  oreilles  de  Ma- 
„  dame  l'Abbclfe,  elle  demanda  à  voir  cette  fille.  Je  l'accompagnai  à  la  grille. 
„  T'^i  été  témoin  qu'elle  a  marché  dans  la  falle  de  ion  parloir,  &  s'cll  tenue dc- 
„  bout  devant  elle.  „ 

Cette  Abbefic  tout  à  fait  prévenue  contre  les  A  ppcllans ,  ne  pouvant  né;mmoins  (c 
refufcr  à  l'évidence  d'un  miracle  fi  palpable,  eut  bien  voulu  en  faire  honneur 
aux  Patrons  du  bourg.  Elle  interroge  la  mir.iculée,  elle  fait  qucllions  fur  Quel- 
tions.  „  Elle  lui  demanda  (dit  encore  M.  Ambroifc)  fi  elle  n'avoit  point  eu  in- 
„  tentionde  prier  Sainte  Bcrthc&  Saint  Guimbcrt,  (mais  la  fille)  repondit  tou- 
,,  jours  fimpîcment  que  Ion  intention  avoit  été  de  prier  M.  Roufle,  ce  qui  fût 
,,  caufc  que  Madame  l'Abbcfle  fe  retira  lans  rien  dire  davantage.  „ 

M.  de  Vaugcnci  Chanoine  de  Chaalons  ajoute  à  ce  récit  ,,que  Madame  l'Ab- 
bcfle d'Avenai  ayant  à  l'heure  même  été  informée  (de  ce  miracle,)  &  ayant 
mandé  (Anne  Augier)  cette  fille  avoit  monté  l'cfcalicr  qui  conduit  au  parloir 
de  Madame  l'Abbeflc,  &  avoit  marché  en  fi  préknce.  Qu."  lad.  Dame  lui 
ayant  demandé  quelle  avoit  été  fon  intention,  elle  lui  avoit  répondu  que  fon 
unique  intention  avoit  été  d'implorer  le  Iccours  des  prières  de  M.  Roude. 
(Que)  Madame  l'Abbeflc  lui  dit  qu'elle  auroit  mieux  fait  de  fc  recommander 
„  à  S.  Guimbcrt  &;  à  Ste  Bcrthc  Patrons  du  lieu,  (<Sc  qu'après  ce)  dilcourS  (cct- 
„  te)  D.ime  s'étoit  retirée.  ,,  Ainfi  chacun  paroit  d'abord  délirer  d'être  inlhuit 
de  la  vérité.  Chacun  demande  ^iiid  eft  irritas  ?  Pcrfonne  ne  veut  convenir  qu'il 
refulc^dc  la  connoitrc.  Mais lorfqu'ellc  blcfle  nos  préjugés,  on  lui  tourne  bien- 
tôt 


OPE'RE'  SUR  ANNE   AUGIER.  31 

tôt  le  dos  parce  qu'on  eft  réfolu  de  le  vefufcr  à  fon  évidence. 

Cette  crainte  ,  d'être  vaincu  par  un  prodige  fait  à  l'interceffion  d'un  Appellant, 
ne  frapa  néanmoins  dans  ce  pays  que  trcs-peu  de  penonncs.  Tous  les  paroifficns 
de  Mareùil,  Gentils-homnaes  &  autres  au  nombre  de  plus  230.  atteftent  que  „le 
„  brait  de  la  guérifon  cd'Anne  Augier'  s'étant  répandu  prefque  furie  champ  à 
jjMareiiil,  qui  n'eft  éloigné  d'Avcnai  que  d'une  demie  lipue ,  aulTitôt  une  partie 
„  des  habitans  y  courut  pour  voir  fi  ce  qu'on  diloit  étoit  vrai.  Cliaque  perfonnc 
„  qui  venoit  (ajoutent-ils)  la  faifoit  marcher,  ne  voulant  s'en  fier  qu'à  ics  yeux. 
„  Ce  concours  de  Marc ii il  &  des  lieux  voifins  a  duré  les  neufs  jours  qu'elle  eft 
„  rcftée  (à  Avenai'i  pour  ache\'er  fa  neuvaine.  „ 

Quelle  fatigue  n'eurent  donc  pas  à  efiuyer  les  jambes  nouvellement  regénérées- 
de  la  miraculée  !  Il  fxlloit  qu'elle  marchât  fans  ceffè  pour  fatisfaire  à  la  fainte 
curiofité ,  6c  fouvent  à  la  défiance  de  cette  multitude  de  perfonnes  qui  fe  fuccé- 
doicnt  les  unes  aux  autres.  Il  étoit  fi  incroyable  que  des  jambes,  qu'une  infinité' 
de  gens  avoient  vijes  deficchécs  pendant  plus  de  13.  ans.  &  dénuées  p.ir  confc- 
quent  de  toutes  les  paities  nécefiaires  pour  le  mouvement ,  euflent  été  rétablies  en 
wnclin  d'œil,  qu'il  falloit  voir  marcher  foi-même  la  miraculée  pour  le  croire. 

Mais  parmi  cette  multitude  de  rémoins ,  qui  s'empreflent  devenir  examiner 
un  miracle  fi  étonnant,  ne  confondons  pas  dans  la  foule  un  Miniftre  du  Seigneur 
aufîî  refpcftable  que  le  Curé  de  Fromentieres.  Ce  Palleur  étant  natif  de  Marciii!, 
&  y  allant  afiéz  fouvent  ,avoit  une  parftite  connoiflance  de  l'état  d'Anne  Augicr. 
Aufii  fon  étonnement  fut  extrême  lorfqu'il  apprit  iagucrifon  fubite.  „  La  choie 
„  Cdit-il)  me  parût  fi  incroyable  que  je  ne  crûs  point  devoir  ajouter  foi  à  ce  qu'on 
„  m'en  difoit,  fi  je  n'étois  témoin  de  la  guérilon  de  cette  fille  comme  je  l'avons 
„  été  tant  de  fois  de  fa  maladie.  „ 

Il  part  pour  venir  lui-même  approfondir  un  fait,  qu'il  étoit  fi  difficile  de  fe  per- 
fuader.  Il  arrive  à  Avenai  le  11.  Juillet,  qui  éccit  le  troifiéme  jour  de  la  ncu~- 
vaine.  „  Dès  qu'Anne  Augier  (continue  t-il)  entendit  ma  voix  dans  la  cour  oij 
„  j'arrivois,  elle  fortit  de  la  maifon  où  elle  étoit  8c  vint  au  devant  de  moi.  Ma 
„  furprife  fut  telle  que  je  ne  favois  fi  je  devois  en  croire  mes  yeux.  Je  la  fis  mar- 
„  cher  plufieurs  fois  devant  moi,  pour  m'aflurer  de  la  vérité.  Et  ayant  demandé 
„  à  cette  fille  comment  étoit  arrivé  un  changement  fi  extraordinaire  &  fi  furpre- 
„nant,  elle  m'afiura  (que  s'étant)  fait  tranfi>orter  à  Avenai  le  E.  de  ce  même 
„  mois  de  Juillet-,  Se  ayant  été  portée  dans  fa  chaife ,  &  mife  fur  le  tombeau  de 
„  M.Roufie ,  -à  l'ofFerroire  de  la  Méfie  elle  avoit  commencé  à  fentir  de  la  douleur 

„  dans  les  jambes.  Qu'auflîtôtelles'étoitjettée  àgenoux Qiie  dès  ce  momcnc 

„  elle  avoit  été  guérie ,  &  que  depuis  elle  fe  foutenoit  6c  mai-choit  comme  je  voyois.,,-  - 

Qu'oppofera  l'incrédule  à  un  pareil  prodige  où  l'opération  de  la  Divinité  le  - 
manifefte  avec  tant  d'évidence?  Objeélera-t-il  que  dans  les  premiers  jours  les - 
jambes  d'Anne  Augier  n'avoient  point  encore  acq-ais  toutes  leurs  forces  ?  Mais • 
s'il  a  plû  à  Dieu  de  ne  mettre  qu'au  bout  de  quelques  jo-irrs  dans  les  mufclcs,  les  ; 
tendons,  leurs  tuyaux,  les  conduits  des  nerfs,  6c  les  autres  parties  qu'il  vcnoic 
de  former  ôc  de  fiire  naitre, toute  la  fermeté, la  vigueur  6c  l'elailicitéqucragc  ne  ' 
donne  aux  enfans  qu'après  plufieurs  années,  en  efi:-il  moins  certain  qu'il  n'v"  ai 
qiie  le  feul  Créateur  des  étresqui  ait  pu  rétablir  ainfi  d'une  manière  iubite.ùne  ■ 
infinité  départies  qui  depuis  tant  d'-années  avoient  perdu  leur  forme  iSc  prcfqus ' 
toute  leur  fubiiancc,  6è  dont  il  y  en  avoit  même  une  très-grande  quantité  qui! 
étoient  anéanties,  ainfi  qu'il  réfulte  des  principes  incontellablcs  d'anaromie-  que  " 
des  M  ait  1rs  de  l'Art  ont  eux'-mémes  rapportés?  N'cll-il  pas  évident  qu'il  etoiCC 
iSopoiHble  à.  la  nature  &•  à  tout-  être  crée  de  ré.çénéi-er'ainlï-iiibixcment  dansx.ie^s 

.încmn- 


^t  DE^MONSTRATION  DU  MIRAC  LE 

membres  fccs  Se  arides  des  conduits  6c  des  tuyaux  qui  n'exiftoient  plus  ?  Cepen- 
dant en  un  moment  ces  oflcmens  hideux,  qui  n'étoient  que  les  débris  de  jambes 
qui  avoicnt  cefTé  d'être,  acquièrent  tous  les  organes  nécciraires  p  >ur  routcr.i'  un 
corps  6c  pour  le  faire  marcher  -,  &  au  bout  de  quelques  jours  Anne  Augier  trou- 
ve afTcs  de  force  &  de  fermeté  d;ms  ces  jambes  nouvellement  regénérées  pour  faire 
à  pied  plus  d'un  quart  de  lieue. 

Tous  les  paioimcns  de  Marciiil  certifient,  „  que  le  17.  dud.  mois  de  Juillet 
„  (qui  étoit  le  ncuriémc  jour  de  f;i  neuvaine;  Anne  Augier  cft  revenue  dans 
„  leur  paroific  ,  ayant  fait  les  deux  tiers  du  chemin  à  pied.. .  .  Depuis  ce  jour, 
„  (difent-ils)  nous  l'avons  vue  &  la  voyons  tous  les  jours  aller  &  venir  comme  les 
„  autres,  &  comme  fi  elle  n'avoit  jamais  ceflc  de  marcher,  {h  quoi  ils  ajoutent 
5,  plus  bas.)  Que  fcs  jambes  (qui)  s'ctoicnt  deflcchécs  aune  manière  fi  extraor- 
„  dinaire  au  bout  de  fcpt  à  huit  mois  de  la  première  année  de  fa  paralifie ,  . . .  & 
„  qui  ont  toujours  été  deflechées  jufqu'au  jour  de  fa  guérifon,  font  revenues  au 
„  même  état  qu'elle  les  avoit  avant  qu'elle  fiit  paralitique.  „ 

Françoife  Theveni  rapporte  encore  à  ce  fujct  une  circonilancc  qui  fait  voir 
jufqu'à  quel  point  les  jambes  d'Anne  Augier  étoicnt  privées  de  vie  avant  fa  gué- 
rifon fubite.  Elle  déclare  que  pendant  tout  le  tems  qu'Anne  Augier  cft  rertéc  para- 
litique, „  les  ongles  de  fcs  pieds  n'ont  point  cru,  Se  qu'ils  ont  commencé  a  croî- 
„  tre  auiîl-tôt  après  fa  guérifon.  (A  quoi  elle  ajoute  avec  deux  autres  témoins ,) 
5,  qu'elles  admirent  tous  les  jours  de  plus  en  plus  un  fi  grand  miracle,  envoyant 
„  ladite  Anne  Augier  marcher  auflî  librement  qu'elles,  &  comme  fi  cUen'avoit 
„  jamais  été  paralitique.  ,, 

Le  Sr.  Robert  Chirurgien  de  la  paroifTe  de  Marciiil  n'a  pas  été  moins  convain- 
cu que  les  autres habitans  qu'une  pareille  guérifon  n'avoit  pu  arriver  que  par  un 
miracle.  Aufli  ne  craint-il  pas  d'iiflurer  que  cette  fille  a  été  entièrement  guérie  .  .  . 
far  un  effet  tout  miraculeux. 

Mais  ne  paflbns  p;\s  fous  filence  un  témoin  étranger  que  la  Providence  femble 
avoir  envoyé  exprès  à  Mareiiil  le  même  jour  qu'Anne  Augier  y  arriva.  AL  l'Ab- 
bé de  Vaugenci  Chanoine  de  Chaalons  „  déclare  que  s'étant  trouvé  à  Mareiiil  le 
„   17.  Juillet  I72-7.  vers  les  dix  heures  du  matin,  je  fus  (dit-il)  édifié  de  la  joie 
fainte  répandue  dans  ce  lieu  à  l'occafion  de  la  guérifon  miraculcufe  d'une  fille 
paralitique  qui  neuf  jours  auparavant  s'ctoit  fiiit  tranfpoiter  de  Marciiil  à  Ave- 
nai  ...  &  y  avoit  été  fubitement  guérie  dès  le  premier  jour  de  îx  neuvaine  . . .  fur 
j,  le  tombeau  de  M .  Rouflc  ...  &  cette  neuvaine  expirée ,  en  étoit  revenue  à  Ma- 
„  rciiil  une  grande  partie  du  chemin  à  pied  ledit  jour  17.  Juillet.  Qiielques  habi- 
„  tans  de  Marciiil  (dit- il  encore)  m'ayant  inlhuit  des  principales  circonllanccs de 
„  l'infirmité  &  de  la  guérifon  miraculcufe  de  la  malade ,  je  crus  voir  dans  la  manière 
„  fimplc  &  naïve  avec  laquelle  ils  m'en  parlèrent,  une  perfuafion  intime  du  fait 
„  6c  une  notoriété  confiante.  Pour  m';ifi'urcr  encore  davantage,  je  nie tranl portai 
„  chés  M.  le  Curé  de  Mareiiil,  6c  j'y  reçus  defabouciie,6cdecellc  d'unChanoi- 
„  noine  qui  y  étoit  alors  ,  la  confirmation  de  ce  qui  vcnoit  dcm'ètre  dit ,  6c  j'eus 
„^la  confolation  d'y  voir  la  perlonnc  guérie  quife  foutcnoit  6c  marchoit.  „ 

L^n  autre  témoin  encore  bien  rcl"pc£l:ablc  va  nous  apprendre  des  circonftanccs 
qui  font  voir  quel  degré  de  forces  il  plût  à  Dieu  de  donner  bien-tôt  à  ces  mufclcs 
qu'il  venoit  de  former.  AL  Baudoiiin  Docteur  de  Sorbonne  6c  VicairedeS.  Leu 
à  Paris,  pafTiint  à  Marciiil  un  mois  après  le  miracle  le  i  J.  Août  I7i7.  avec  M. 
fon  perc  6c  un  bourgeois  de  Reims,  6c  ayant  appris  des  habitans  la  merveille  de 
lag«^r//ô«yâ^;>f  d'Anne  Augier,  fût  curieux  d'approfondir  un  prodige  où  le  doi^ 
Je  Dieu  ctoit  mai'qué  d'une  uir.n  cvcfi  frapantc.  Ayant  fu  que  la  miraculée  étoit 

alors 


Î5 
55 


OPERE'  SUR   ANNE  AUGIER.  ?î 

alors  chez  le  Curé  dud.  lieu,  il  fût  l'y  trouver.  „  Je  vis  en  effet  (dit-il)  cette  fille 
-,,  joiiiff.int  d'une  (iuitc  parfaite,  &  ayant  des  forces  proportionnées  à  foa  âge,  & 
„  &  à  fa  complcxion.  Elle  tira  en  nôtre  préience  de  l'eau  au  puits.  On  nous  dit 
„  qu'elle  faifoit  depuis  du  tems  tout  ce  qui  étoit  néceffaire  dans  un  ménage  :  & 
„  en  effet  elle  me  parût  en  état  de  le  faire.  Cette  fille  me  dit  même  que  3.  ou 4. 
^,  jours  auparavant  elle  avoir,  pour  effxyer  fix  force,  battu  le  grain  engrange 
„  pendant  l'efpace  d'environ  un  quart  d'heure;  ce  qui  fût  reconnu  être  très-vc- 
„  ritable  par  quatre  ou  cinq  perfonnes  que  je  trouvai  chez  M.  le  Curé.  „ 

Tout  le  monde  lîxit  que  de  tous  les  exercices  du  corps,  il  n'y  en  a  point  déplus 
fatiguant ,  &  où  tous  les  mufclcs  foient  dans  une  plus  grande  contraction  que  lorfqu'on 
bât  du  bled  à  coups  de  fléau.  Aufli  quelques  robulles  que  foient  les  femimesdela 
campagne,  elles  ne  s'y  emploient  jamais  :  cela  paffe  leurs  forces ,  Sc  il  n'y  a  même 
que  les  hommes  les  plus  vigoureux  qui  foient  propres  à  ce  métier.  Quelle  vigueur 
dans  les  mufcles  n'a-t-il  donc  pas  fiUu  qu'eût  Anne  Augier  pour  continuer  pendant 
un  quart  d'heure  un  travail  li  rude  &;  fi  fupérieur  aux  forces  ordinaires  de  fon  fexe  ? 

Après  des  preuves  fi  palpables ,  fi  notoires  &:  fi  publiques  de  la  régénération  par- 
faite d'un  nombre  infini  de  tuyaux  applatis,  collés,  defféchés,  anéimtis  depuis 
fi  long-tems,  fxut-il  s'étonner  que  malgré  les  préventions  oii  plufieurs  Curés  de 
rAchcvêchédeRcimsétoientenfavenrde  la  Bulle,  ilsn'aycntpu  toutefois  fe  refu- 
fer  à  l'évidence  de  ce  miracle  ?  Plus  ils  ont  employé  une  judicieufe  critique  Se  un  fé- 
vere  examen  pour  en  approfondir  toutes  les  circojiftances ,  6c  plus  ils  ont  été  convain- 
cus qu'il  n'y  avoit  que  le  Maître  de  la  nature  qui  eût  pu  vendre  ainii  la  vie,  l'agilité  & 
la  force  à  des  offcmcns  décharnés.  La  vue  d'un  fi  grand  prodige  a  en  même  tems  foit 
imprdîlon  fur  leur  cœur.  Aulli  dès  le  2f .  Septembre  de  la  même  année  plufieurs 
d'entre  eux  fe  joignirent  à  ceux  de  leurs  confrères  qui  étoient  Appellans. 

Tous  enfemble  au' nombre  de  ]u  ils  préfentent  une  requête  à  Mefiîeurs  les 
Grands- Vicaires  de  M.  l'Archevêque  de  Reims,  dans  laquelle  ils  ont  le  courage  de 
leur  rendre  compte  de  „  l'éclat  (qu'avoit  eu)  la  guérifon  fubite  (d'Anne  Augier) 

„  an-ivée  le  8.  Juillet  dernier fur  le  tombeau  de  M.  Rouffe.    (  Ils  leur  certi- 

„  fient)  que  cette  fille  qui  étoit  affligée  depuis  11.  ans  d'une  paralific  fur  les 
„  jambes  .  . .  s'cft  trouvée  tout  à  coup  guérie.  . . .  (Que)  quelques  jours  après 
„  ....  elle  cft  revenue  d'Avenai  à  Mareûil  (faifant)  la  plus  grande  partie  du  che- 
„  min  à  pied,  &  qu'elle  joiiit  à  préfent  d'une  finté  qui  la  met  en  état  de  vaquer 
:,,  aux  emplois  pénibles  6c  ordinaires  à  une  pcribnne  de  fii condition.  (Ils leur dé- 
„  clarent)  qu'ils  font  pcrfuadés  de  ces  faits  également  comme  leurs  paroilîîens, 
„  (8c  ils  les  fomment)  de  faire  informer  de  leur  vérité.  „ 

C'eft  ainfi ,  6  mon  Dieu!  que  les  miracles  que  vous  faites  fur  les  corps,  font 
non  feulement  la  figure,  mais  aufli  le  canal  de  ceux  que  vous  fûtes  fur  les  cœurs. 
Puiffent  les  réflexions  par  leiqucUes  nous  allons  établir  d'une  manière  encore  plus 
•particulière  qu'il  n'y  a  que  vous  qui  ayez  pu  opérer  un  pareil  prodige  ,f:iire  enfin 
impreflîon  fur  ceux  qui  jufqu'à  préfent  ont  rcfufé  de  vous  reconnoitre  à  vos  œu- 
vres. Mais,  Seigneur,  il  n'appu-tient  qu'à  vous  de  faire  entendre  les  fourds,  8c 
de  faire  voir  les  aveugles.  Ah!  commandez  à  l'onèlion  intérieure  de  vôtre  grâce 
de  defcendre  dans  leurs  cœurs ,  6c  tout  à  coup  leurs  oreilles  6c  leurs  yeux  leront 
ouverts,  6c  ilss'étonneront  eux -mêmes  comment  ils  avoient  pujufqu'à  ce  moment 
s'empêcher  d'être  frapcs  pu-  le  bruit  éclattant  de  vos  merveilles  ,  &;  par  les  vives 
lumières  qu'elles  répandent  de  toutes  parts. 

/.  Demonjl.  'Tome  IL  E  IV. 


L 


»; 


5f  DE'MONSTRATION  DU  MIRACLE 

IV.     PROPOSITION. 

La  guerison    cTJnne  Jugier  ;;'«  pà  être  opérée  que  par  le  Tout- put (faitt. 

'Errf.ur  nutoriféc  du  moins  indircftcment  par  la  fatale  Bulle  qui  a  mis  le 

trouble  dans  TEglife ,  flùfoit  ians  ccïïc  de  nouveaux  progrés.    Cette  fource 

empcllcc  s'ctcndoit  de  toutes  parts,  &  innondoit  de  feseauxbourbcufes  tous  ceux 
qui  étoient  attachés  à  la  terre,  6c  qui  n'avoient  pas  afTcz  de  courage  pour  s'élancer 
fans  cefle  vers  le  Ciel. 

Il  ert  vrai  qu'en  1717.  l'Appel  des  IV.  Evêques  avoft  planté  fur  là  hauteur 
l'étcndart  delà  Vérité  >  &  qu'une  infinité  depcrfonncs,  8c  même  plufieurs Corps 
&  Facultés  célèbres,  &  les  Communautés  religicufes  les  plus  dillinguécs  par  une 
piété  éclairée,  s'étant  rangées  fous  cctétendart,  avoient  d'abord  évité  par  ce  mo- 
yen d'être  enveloppées  dans  ce  débordement  général,  6c  d'être  enfuite  noyées  dans 
le  déluge  des  faux  dogmes  répandus  par  les  nouveaux  Cafuillcs. 
Ma:h  7,  Maisbien-tôt  toutes  les  PuilTImccsfe  réunirent  pour  attaquer  cet'O.zWt.  La  pluie  eji' 
tombée ,  les  fleuves  fe  font  débordés ,  les  'vents  ont  foufflc ,  (j?  font  -venus  fondre  fur 
cette  mai/on  y  &  tous  ceux  dont  l'édifice  n'étoit  pas  fondé  fur  la  pierre  ont  été 
reni-erfés. 

Chaque  iour  la  Vérité  faifoit  quelque  perte  nouvelle  :  le  plus  grand  nombre  de 
fes  défcnfeurs  fe  laiflant  affoiblir,  cherchoit  par  des  explications  forcées,  &  des 
accommodemens  contraires  à  la  fincérité  chrétienne ,  à  concilier  enfemblc  la  vérité 
&  fi  condamnation,  la  lumière  &:  les  ténèbres,  l'Evangile  &  le  Molinifmc.  Plu- 
fieurs fe  confiant  dans  leur  vaine  prudence,  s'imaginoient  pouvoir  mettre  la  véri- 
té à  couvert  fous  les  voiles  de  l'erreur,  &fcflattoicnt  qu'en  fe  confervant  en  place 
par  ce  moyen,  ils  rendroientdc  plus  grands  fèrvices  à  la  Religion}  comme  fi  le 
Tout-puiiïiint  avoit  beloin  de  leiu*  faultc  politique  pour  la  maintenir. 

Eil-ce  donc  ainfi,  ô  mon  Dieu!  que  vous  avez  fait  établir  par  vos  Apôtres 
la  vérité  de  vôtre  Evangile,  &  que  vous  l'avez  confcrvéc  dans  tous  les  tems? 
Eft-ce  ainfi  que  dévoient  agir  les  défenfeurs  de  vôtre  Toute-puiffince,  de  la  gra- 
tuité &  de  l'efficacité  de  votre  grâce?  Ont -ils  donc  oublié  quec'eftdevousfcul 
dont  nous  devons  tout  attendre?  Ne  fivcnt-ils  plus  que  c'eli  vôtre  providence 
qui  arrange  tous  les  événemens  ;  qu'elle  difpofe  comme  il  lui  plaît  des  efprits  Sc 
des  cœurs  ;  qu'elle  fait  même  fci-vir  à  fes  dcfieins  jufqu'aux  partions  des  hommes  : 
que  du  mal  elle  en  fait  tirer  le  bien,  &  qu'elle  a  fouvent  permis  que  les  plus  im- 
portantes vérités  éprouvafrent  les  plus  grandes  contradiftions ,  pour  les  mettre 
dans  un  plus  grand  jour,  &:  pour  procurer  le  bonheur  étemel  de  fes  élus  en  leur 
faifant  fouffrir  la  plus  vive  perfécution  ? 

Comment  n'ont- ils  pas  fenti  que  leur  conduite  dcmcntoit  leurs  principes}  & 
u'en  cherchant  ainfi  par  des  voies  obliques  &  tortucufcs  à  ménager  les  ennemis 
e  la  vérité,  c'étoit  vous  déclarer  à  vous-même,  ô  mon  Dieu!  qu'ils craignoicnc 
les  hommes  plus  que  vous,  &que  ce  n'étoit  point  en  vôtre  fccours  qu'ils  mettoienc 
toute  leur  confiance  ? 

Des  politiques  fi  charnels  n'étoicnt  pas  dignes  de  foutenir  la  caufc  qu'ils  avoient 
d'abord  cmbriflee.  Vous  rejette?.,  ô  mon  Dieu  !  tous  ceux  qui  veulent  fcrvirdeux 
Mire.  8.  v.  maîtres  \  6c  vous  nous  avez  appris  que  celui  qui  z'or/dra  fe  fauier  foi-même  ^  fe  perdra . 
^l' Cot.  I.     -^f"'  /*"'  devenus  les  Sat^es  ?  s'écrie  l'Apôtre  de  la  grâce.  J^te  font  devenus  les  Doc- 
teurs de  la  Loi  ?  Dieu  n'a-t-il  pas  convaincu  de  folie  la  figefj'c  de  ce  monde  ? 

Auûi  U  Vérité  n'a-t-cllc  été  vcritablcmcat  défendue  que  par  le  petit  nombre 

de 


1 


y,  10 


I 


OPERE'  SUR  ANNE  AUGIER.  jj- 

de  ceux  qui  n'ont  pas  craint  de  le  fiicrificr  pour  clic  ,  Se  qui  peuvent  dire  avec  ce 
grand  Apôtre  :  No:is  ne  fom-mes  pas  comme  plnfieurs  qui  corrompent  la p.irok  de  Dieu.  ^  c  .r.  *. 
mais  nous  la,  prêchons  avec  une  entière  fmcerité.  v.  17. 

Cependant  le  nombre  de  ces  généreux  défenfeurs  diminuoit  uns  cefle ,  2c  leurs 
adverlaires  fe  préparoient  en  1727.  à  leur  porter  les  derniers  coups,  après  au'ils 
auroient  condamne  par  un  concile  Hicrilége  le  plus  (liint  de  tous  nos  Evêques. 
Toutes  les  melurcs  croient  prilcs,  tous  les  préparatifs  étoicnt  faits.  Il  étoit  tems 
que  le  Très-haut  fe  hâtât  de  venir  lui-même  faire  cclatter  fa  Toute-puiiîance 
qu'on  outrageoit  de  toutes  parts. 

Ce  grand  Dieu  paroît  donc  tout-à-coup  environné  de  l'éclat  de  fii  gloire ,  & 
fe  fait  de  nouveaux  foldats  qu'il  joint  aux  anciens  défenfeurs  de  l'Appel.  Alais 
quelles  feront  ces  troupes  invincibles  à  qui  il  va  donner  des  armes  di\  ines  ?  Ce 
feront  des  aveugles,  des  muets,  des  hidropiques,  des  paralitiques  ,  des  cadavres 
à  dcmi-vivans  ,  dont  la  pliipart  des  membres  font  déjà  pourris  6c  deffëchés  j  des 
malades  de  toute  cfpéce ,  dont  quelques-uns  paroifTcnt  des  fpeftres ,  tant  ils  font 
défigurés.  Voilà  les  guerriers  que  Dieu  emploie  pour  porter  de  toutes  parts  les 
drapeaux  de  la  Vérité.  Les  miracles  éclattans  qu'il  va  faire  fur  eux  à  l'intcrcef- 
fion  des  Appellans ,  feront  une  cuiraffe  impénétrable  qui  mettra  la  doctrine  du 
Chrifrianifme  à  couvert  de  tous  les  coups  que  fes  ennemis  voudi'ont  lui  porter  ; 
^  ces  mêmes  miracles  vont  faire  pénétrer  la  lumière  jufques  dans  la  nuit  de  l'abî- 
me,  jufques  dims  les  ténèbres  les  plus  épaillés ,  6c  convertir  un  grand  nombre 
d'Athées  ,  de  Déiftes ,  de  pécheurs  invétérés ,  6c  même  de  Conftitutionnaires  qui 
vont  de\enir  ,  par  le  plus  grand  des  miracles  ,  d'intrépides  défenfeurs  des  vérités 
qu'ils  ne  connoiHoient  pas,  ou  même  qu'ils  avoient  jufques-làblafphémées. 

Aufli  quel  fpcctacle  plus  frapant  6c  plus  propre  à  convaincre  les  plus  prév'enus ,  les 
plus  incrédules,  les  plus  endurcis ,  qu'une  guerifon  pareille  à  celle  d'Anne  Augier  ! 

Jcttons  encore  une  fois  les  yeux  fur  ce  corps  hideux,  couvert  de  meurtrilTurcs 
6c  de  plaies,  pourri  par  un  cancer  6c  par  une  fiftule  ,  defféché  depuis  plus  de  20. 
uns  par  une  paralifie  complette,  6c  ne  fermons  pas  nos  coeurs  aux  tranfports  d'ad- 
miration que  doit  nous  donner  {-x  guerifon  fubite. 

C'eft  dans  le  moment  que  la  Victime  fùnte  cil  offerte,  que  le  Dieu  de  miféri- 
corde  répand  iur  le  tombeau  où  repofcnt  les  précieux  relies  de  la  mortalité  du 
bien-heureux  Appellant,  une  vertu  divine  qui  ranime,  qui  vivifie,  qui  reffiifcite 
tous  les  membres  de  notre  impotente.  Tout  ce  qu'ime  longue  fuite  de  maladies 
avoir  détruit  pendant  tant  d'années  fe  trouve  à  l'inftant  réparé.  Le  cancer,  l'ab- 
cès ,  la  fiftule  ,  les  plaies ,  les  mcurtrilTures,  tout  difparoit,  6c  les  os  arides  dont 
une  peau  féche  cachoit  à  peine  l'hideufe  forme  ,  acquièrent  en  un  moment  toutes 
les  parties  qui  leurs  étoicnt  nécelîaires  pour  recouvrer  le  mouvement  6c  la  fenfibi- 
lité.  Ne  femble-t-il  pas  qu'on  entend  le  bienheureux  Appellant  dire  du  fond  de 
fon  tombeau  ces  paroles  du  Prophète  Ezechiel ,  OJfa  arida  aitdite  verham  Domini^en  Ezech.  37, 
voyant  ces  membres  deiréchés  prendre  tout-à-coup  une  nouvelle  vie  ?  "'  ^' 

Anne  Augier  levé  au  ciel  fon  bras  paralitique  j  elle  le  jette  à  genoux,  6c  y  demeu- 
re même  aiïes  long-tems  ,  fans  que  cette  pollurc  gênante  caufe  aucune  douleur 
aux  parties  flexibles  de  les  genoux  qui  ne  venoient  que  d'être  formées.  La  préfencc 
d'un  Dieu  qui  fe  fait  fcntir  par  un  prodige  fl  magnifique  pénétre  d'admiration  tous 
les  afiiflans  :  une  d'entr'eux  tranfportée  hors  d'elle-même  ne  peut  retenir  fes  cris. 

Cependant  la  miraculée  fort  de  Téglife,  après  avoir  fait  fon  action  de  grâces: 
elle  \'a  trouver  la  défiante  Abbeflè  d'Avenai,  qui  e 11  impatiente  d'examiner  ce 
miracle  :  elle  monte' à  fon  parloir  ;  elle  marche  devant  elle:  iès  jambes,  qui  pen- 
dant tant  d'années  avoient  pai'ù  n'être  plus  que  des  oflemens  de  fquelctte,  por- 

E  i  tent 


?«  DE'MONSTRATION  DU  MIRACLE. 

tent  fans  peine  tout  le  poids  de  fon  corps ,  Sc  exécutent  facilement  tous  les  nroa- 
vemens  qu'il  faut  faire  pour  marcher. 

Eft-il  poflîble,  ô  mon  Dieu!  que  de  tels  traits  ne  fnfnfcnt  pas  encore  pour 
faire  reconnoîtrc  vos  oeuvres?  Quel  autre  que  l'auteur  de  la  vie  eût  pu  ranimer 
ainfi  tout-à-coup  des  membres  qui  depuis  fi  long-tcms  paroiflbicnt  appartenir  à 
la  mort  :  Quel  autre  que  le  Maître  de  la  nature  eût  pu  rendre  ù  tous  les  nerfs  les 
conduits  qui  s'ctoient  remplis,  rcHcrrés  &  effaces  pendant  plus  de  20.  ans  qu'ils 
étoient  demeurés  inutiles  ?  Quel  autre  que  celui  qui  n'a  pas  befoin  de  trouver 
dans  la  matière  des  qualités  propres  à  ce  qu'il  veut  exécuter  eût  pu  organifer  de 
nouveau  des  mufcles  applattis ,  affaifles ,  diffipés ,  &  prcfqu'anéantis  :  £c  de  cette 
marte  aride,  confufe,  inanimée,  en  compofcr  en  un  inilant  la  multitude  innom» 
brable  de  tuyaux  ,  de  canaux  &  de  vaiflcaux  de  tout  genre  néccffliires  au  mouve- 
ment, &  pour  rendre  à  ces  mufcles  leur  intégrité  ?  Quel  autre  que  celui  dont  la- 
volonté  fait  l'être,  eût  pu  leur  donner  dès  leur  naifl'ance  la  flexibilité,  l'ékllicité 
êc  la  force  fans  Icfquels  ils  n'auroient  pu  agir?  Enfin  quel  autre  que  le  Créateur 
eût  pu  faire  naître  dans  ce  corps  affoibli&épuifé  depuis  tant  d'années,  cette  af- 
fluence  de  limphc  fubtilr,  fims  laquelle  tous  ces-  nouveaux  tuyaux  auroient  encore- 
été  incapables  àc  fe  mouvoir? 

C'efi:  dans  les  difl"crtations  faites  fur  de  femblables  guérifons  par  d'habiles 
Maîtres  dc^  l'Art  produites  dans  mon  1.  Tome,  qucj'avpnifé  ces  réflexions:  mais. 
le  Icfteur  aimera  encore  mieux  entendre  les  propres  paroles  de  deux  des  plus  cé- 
lèbres Chirargicns  de  la  Cour ,  que  le  miracle  opéré  fur  Anne  Augier  a  telle- 
ment frapé  qu'ils  n'ont  p;is  craint  de  prouver  eux-mêmes  par  les  principes  de 
leur  art,  que  cette  guérifon  n'avoir  pu  être  faite  que  par  la  création  fubite  d'une 
infinité  de   fibres  ,  de  vairtcaux  &c  a'organes. 

Lorfque  ceux  même  qui  font  les  plus  jaloux  des  refTources  de  la  nature ,  8c  des. 
fecours  de  l'art,  ne  peuvent  s'empêcher  d'être fiifis  d'admiration  à l'aipeét d'une 
guérifon,  dont  leurs  connoiflànces  leur  font  fentir  le  fumaturel  d'une  manière 
encore  plus  diftinfte  qu'à  ceux  qui  ne  voient  pas  comme  eux  à  découvert  toute 
l'opération  de  la  Divinité  j  lors  dis-je  ,  que  fuccombant  fous  le  poids  de  leur 
étonnement ,  ils  fe  voient  comme  forcés  de  rendre  hommage  à  la  grandeur  des 
œuvres  de  Dieu ,  leur  témoignage  a  tout  autrement  d'autorité  que  n'en  ont  les 
mêmes  raifonnemcns  employés  par  d'autres  peribnnes  ;  leur  décifion  ajoute  en- 
core quelque  chofe  à  celle  qu'avoit  déjà  faite  notre  raifon  j  mais  pour  y  donner 
toute  fa  confiance  on  veut  les  entendre  dans  leurs  propres  termes. 
Voici  d'abord  ceirx  de  M.  Gannac. 

„  Depuis  le  long-tcms  (dit-il)  que  les  tuyaux  nerveux  étoient  affiiiflcs ,  ils 
„  étoient  évidemment  dcfiechés,  &  ils  étoient  devenus  par-là,  dans  toute  la 
„  longueur  de  leur  étendue  Se  de  celle  de  toutes  leurs  bi-anchcs ,  ablolument  in- 
„  capables  de  recevoir  les  efprirs  animaux,  &:  de  les  faire  paficr  dans  ces  parties. 
5,  I  Inétoit  pas  feulement  quellion  (continue-t-il)  pour  guérir  Anne  Augier  de 
„  déboucher  l'obftruftion  des  nerfs  :il  falloir  rendre  les  tuyaux  nerveux  qui  étoient 
„  entièrement  affaiflcs  &  dertechés ,  capables  de  recevoir  les  efprits  animau.v ,  6c  de 
„  les  faire  partcrjufqu'aux  extrémités  de  toutes  leurs  branches,  dans  toutes  les  par' 
„  ries  de  ces  membres  deflcchés  ;  ce  qui  ne  fe  pouvoit  qu'en  les  rctablirtlint  dans 
„  leur  premier  état,  ce  qui  efl:  abfolumcnt  impoflîble  à  la  naturel:  à   fart. 

„  Il  falloir  audî  (dit-il  encore)  rétablir  les  hbrcs  charnues,  ix  les  rendre  ca- 
„  pablcs  de  force  &  d'élalHcitc. 

„  En  un  mot  (conclud-t-il)  tout  manquoit   dans  les  jambes  d'Anne  Augier 
„  pour  l'aétion  Ce  pour  le  Iviuimcnt,  Se  tout  ra;mcjuoii  depuis  jUus  de  iO.  rois. .  . . 

„  Dans 


\ 


OPE'RE'  SUR  ANNE  AUGIER.  37 

,,  Dans  cet  état  il  eft  certain  qu'il  ne  pouvoit  jamais  y  avoir  aucune  relîource  ni  du 
„  côté  de  la  nature  ni  du  côté  de  l'art,  8c  que  cette  guérifon  n'a  piî  être  opérée 
5,  que  par  le  Créateur  de  l'univers ,  qui  pour  exécuter  fes  volontés  n'a  pas  befoin 
„  de  trouver  dans  la  nature  des   difpofitions  qui  y  foient  proportionées.  „ 

La  décifîon  de  M.  Souchai  n'eft  pas  moins  frapante. 

5,  Suivant  que  vous  me  le  marqués  (  dit-il  )  les  jambes  d'Anne  Augier  ont  été 
j,  ranimées  en  un  monent,  8c  dans  ce  moment  elle  s'eft  jettée  à  genoux,  8c 
5,  elle  eft  reftée  plus  d'ui  quart  d'heure  dans  cette  fituation.  Dès  ce  premier 
„  jour  elle  a  commencé  à  marcher,  trois  jours  après  elle  a  marché  librement,  8c 
„  le  neuvième  jour  elle  a  fait  plus  d'un  quart  de  lieue  à  pied ,  8c  en  peu  de  tems 
„  elle  s'eft  trouvée  autant  d'agilité  8c  de  force  qu'elle  en  avoit  cû  avant  fa  para- 
„  liflc.  Eft-ce  férieufement  que  vous  me  demandés  (continue-t-il)  fî  cela  a  pu 
„  aniver  naturellement  ?  Je  n'héfiterai  point  à  vous  répondre  que  non.  Anne 
5,  Augier  n'a  pu  faire  naturellement  tous  ces  mouvemens  fans  que  fes  jambes 
„.  aient  été  pourvues  des  organes  nécclTaires  pour  les  exécuter.  Enfuppofantl'é- 
j,  tat  oîi  vous  me  dépeignés  que  fes  jambes  avoient  été  pendant  plus  de  21.  ans. 
„  elles  avoient  été  long-tems  dénuées  des  corps  charnus  ou  mufculeux,  ainfitous 
„  les  organes  néccffl^ires  pour  l'aélion  manquoient  abfolument  :  (d'où)  il  fiu- 
,j,  droit  néceftliircment  en  conclure  qu'il  s'eft  fliit  tout  d'un  coup  dans  fes  jambes 
y,  une  régénération  nouvelle  de  fibres  charnues,  èc  de  vaifléaux  de  tout  genre 
„  capables  de  leur  porter  les  fucsnouriciers  8c  les  efprits  pour  les  animci'.  Il  nuroit 
„  encore  fallu  pour  rét-ablir  la  icnfibilité ,  que  les  filets  des  nerfs  qui  fe  diftribuent 
„  dans  le  tiflli  de  la  peau  pour  la  perception  des  objets  extérieui-s,  d'affaifles  8c 
j,  d'effixcés  qu'ils  étoient  depuis  tant  d'années,  repriftent  leur  vie,  leur  force  Scieur 
„  vertu  d'éliifticité.  Or  tout  cela  n'eft  point  polfible  ni  à  la  nature  ni  à  l'art.  Il  n'y  a 
j,  (conclud-t-ilj  que  Dieu  qui  tafle  des  créations,  8c  l'art  Se  la  nature  n'ont  au- 
j,  cune  relFource  pour  régénérer  des  parties  qui  font  abfolument  détruites.  ,, 

Ce  miracle-ci  n'a  donc  pu  s'opérer  que  par  la  création,  ou  du  moins  par  la  ré- 
génération fubite  d'une  infinité  de  parties  diffipées ,  8c  détnjites  depuis  très-long- 
tems.  Par  quelles  exprelïïons  pourrai  -je  développer  la  magnificence  d'un  fi  grand 
prodige,  pour.faire  paroître  au  plus  grand  jour  le  caractère  ineffaçable  de fon  ado- 
rable auteur  ?  Que  vos  merveilles  fe  louent,  elles-mêmes  ,  ô  mon  Dieu  !  qu'elles 
publient  elles-mêmes  leur  éclat  8c  leur  gloire.  Incapables  que  nous  fommesd'en 
comprendre  toute  la  grandeur,  comment  pourrions-nous  l'exprimer  ?\^«  «f s.  Aug.cie^ 
'voù  pas  une  chofe  fi  évidente  eft  avetigle  ;  qui  la  voit  ^  n'en.  loue. point  Dieu  eft  ingrat  ^^  ^'*°  ^' 
t?  quiconque  ne  veut  pas  qu'on  Ven  loue  eft  inftenfe. 

Ofera-t-on  encore  attribuer  de  pareilles  guerifons  à  quelqu'autre  erre  qu'au 
Tout  puiflant  ?  Ceux  qui  lui  conteftent  l'empire  qu'il  a  fur  les  cœurs  pour  les  faire 
dépendre  entièrement  de  leur  arbitre  ,  voudront-ils  fuppofer  que  la  plus  miférable 
de  toutes  les  créatures  a  le  droit  de  produire  les  êtres,  quoique  cefoit  l'attribut 
eflentiel  8c  incommunicable  de  la  Divinité  ?  Oiii ,  dans  ce  fiécle  oîi  l'endurcirtc- 
ment  de  plufieurs  eft  devenu  femblable  à  celui  des  Pharificns ,  ce  ne  font  pas  feule- 
ment des  impies  déclarés,  ce  font  des  Religieux ,  ce  font  des  Prêtres , ce  ibnt  des 
premiers  Miniftres  du  Très-haut  qui  ofcnt  faire  préfent  des  plus  g^i-ands  miracles 
au  Démon. 

On  avoit  d'abord  voulu  faire  croire  ara  public  que  ces  merveilleufes  guerifons 
n'avoient  été  opérées  que  par  des  effets  furprenans  de  la  force  de  l'imagination, 
&  par  certaines  reffourccs  extraordinaires  qu'on  fuppofoit  être  dans  la  nature  >  mais- 
d'habiles  Maîtres  de  l'Art  ayant  démontré  le  faux  8c  le  ridicule  de  ces  fuppofitions-,  ■ 
|j.irdes  explications  nettes  8c  précifes  de  l'aniitomie  du  corps  humain,-  où  ilsent 

E  3 ,  fais- 


î8  DE'MONSTRATÎON   DU  MIRACLE 

fait  connottre  qucrlufieurs  de  ces  gucrilons  n'avoient  pu  ctrc  fûtes  que  par  la  créa- 
tion d'une  infinité  de  vaifTeaux  qui  avoient  été  ncceffiiircment  anéantis  pen- 
dant le  long  cours  des  maladies:  il  a  tallu  abandonner  ce  poltc  qui  n'étoit  pas 
tenablc.  Mais  en  l'abandonnant,  les  Conltitutionnaires  fe  l'ont-ils  rendu  à  l'é- 
vidence de  l'opération  divine?  Non.  Comme  ils  avoient  déjà  fenti  eux-mêmes 
que  leur  premier  fillème  ne  pouvoitie  ibutcnir,  du  moins  par  rapport  à  plulîcurs 
dcsguérifons  qu'il  avoitp  lu  à  Dieu  d'opérer,  ils  ont  cherché  une  autre  relTource. 
C'a  été  de  mettre  en  problème  fi  ces  guérifons  étoient  l'efTct  de  la  miféricorde 
de  Dieu,  ou  de  la  méchanceté  du  Dcmon  ?  S'il  falloit  en  rendre  gloire  à  l'auteur 
de  tout  bien,  ou  en  faire  honneur  à  P.iuteur  de  tout  mal?  Ainfi  il  relie  à 
approfondir  fi  des  créations  font  l'ouvrage  du  Créateur,  ou  de  la  plus  méchante 
&  de  la  plus  malheureufc  créature. 

Quel  cil  le  cœur  véritablement  Chrétien  qui  pourra  s'empêcher  de  frémir  à  la 
feule  propofition  de  cette  alternative  ?Mais  pourroit-on  même  tromer  parmi  les 
peuples  les  plus  fauvages  quelqu'un  qui  héfite  fur  le  principe  d'une  guerifonqui 
dans  un  inftantrend  la  Icnfibiliié  ,  le  mouvement  6c  la  vie  à  des  os  décharnés, 
6c  les  regarnit  tout- à-coup  de  mufclcs  ,de  tendons ,  de  fibres  &  de  vaiflcauxdont 
ils  étoient  dépouilles  depuis  plus  de  to.  ans  j  d'une  gucrifon  qui  transforme  en  un 
moment  les  matières  intccles  &  pullulantes  d'un  cancer  &:  d'une  firtule,  en  une 
chair  faine  &  vive  ;  d'une  guériibn  qui  referme  en  un  clin-d'ocil  une  multitude 
de  plaies  &d'écorchures,  Scies  couvre  d'une  peau  iubitement  formée.  Enfin  d'une 
guérifon  qui  rend  en  peu  de  jours  lafimté  la  plus  robulle  6c  la  plus  vigoureufe, 
a  une  perfonne  dont  le  coi  ps  hideux  éprouvoit  depuis  long-temsledeiTéchement, 
l'infcnfibilité,  la  pourriture  ^  l'infcétion  du  tombeau }  &  qui  fouvent  réduite 
à  l'agonie,  ne  vivoit  plus  depuis  plufieurs  années  qu'à  la  porte  de  la  mort. 

C^cft  donner  atteinte  à  un  des  principaux  fondcmens  de  notre  foi,  que  d'ofer 
avancer  que  le  Démon  puifle  être  auteur  de  pareils  miracles }  mais  pour  fentir 
l'abfurdité  d'une  telle  fuppofition,  il  n'eil  pas  néceflliire  de  lavoir  la  Théologie  j 
on  n'a  bcfoin  que  de  confulter  fa  raifon.  La  liimicre  feule  qui  éclaire  tout  homme 
jtan  I.  venant  dans  le  monde  ,  fuffit  ici  pour  lui  faire  reconnoître  l'opération  du  Maître  de 
♦•  9-  la  nature  dans  de  pareils  prodiges  ;  6c  il  faut  que  ceux  qui  ont  entrepris  de  fou- 
tenir  le  contraire,  écartent  leur  lurniere  naturelle  pour  ne  le  plus  conduire  que 
par  les  lauffcs  lueurs  que  leur  donne  le  Prince  des  ténèbres  qu'ils  ont  entrepris 
d'égaler  à  Dieu. 

rr.Lxxvi.     En  effet  Dieu  feul  peut  faire  de  vrais  miracles,  ^loniam Faciens  mhahilia^  tu 

*•  »*•       es  Deus  foins,  dit  le  Prophète  Roi.  I-e  Démon  n'en  peut  faire  que  de  fiiux.  La  Reli- 
gion nous  l'apprend ,  la  nature  nous  l'inipire ,  la  raifon  nous  le  crie.  Non  feulement 
le  Démon  n  a  pas  le  pouvoir  de  créer  un  icul  atome  ,  mais  il  ne  peut  même  rien 
s.  Tiiom.  changer  dans  l'ordre  que  Dieu  a  établi  dans  la  nature.    Seins  Dcus  potcfl  mntare 
^■^  '.v^-natura:  ordinem  ^  dit  S.  Thomas.  Il  ne  peut  même  changer  les  qualités  des  corps 
*ib'id.7-'ci.  fur  lesquels  Dieu  lui  permet  d'agir.  Ejusdcm  f/7,  dit  le  même  Dofteur ,  tranfmu- 
'3-  '•  »•    tare  crcattiras^  cnjus  ejî  cas  confervare  ;  fed  hoc  ejl J'oUus  Dci.  C'tff-à-dire,  celui-là 
feul  qui  confcrvc  les  créatures  peut  les  changer,  6c  c'eil  à  Dieu  feul  qu'appar- 
tient ce  pouvoir.  Ce  qui  fait  dire  à  S.  Augullin,  que  les  cfpéces  de  miracles  qu'on 
dit  que  les  Démons  font  dans  leurs  temples  i  qui  font  les  lieux  où  Dieu  a  per- 
mis qu'ils  exercent  principalement  leur  pouvoir  )  ne  font  nullement  comparables 
Auf!.  L.  11. aux  miracles  qui  fc  font  fur  les  tombeaux  des  Martirs.  Nec  tamcn  miraculis  ^  aux 
Peic7i'o.   1"^^'  ^'^^orias  iiofliortun  mattyrum  fi  tint  ^  tiilo  modo  compaiandct  funt  miracula  qu<e 
fa&a  per  templ.i  perhihentur  dcorum  illorum. 

D'iUUcurs  les  prclligcs  diaboliques  font  rcconnoi/Tibles  par  leurs  circonllan- 

ccs. 


OPE'RE'  SUR  ANNE  AUGIER.  ^9 

ces.  Ils  Ce  font,  fuivant  S.  Irence  ,  par  les  invocations  des  Démons  ,  les  enchante- 
mens  6c  les  autres  moyens  employés  par  une  curiofité  per\'erfe.  Invocationibus  an-in-..  t..  j. 
gelicis ,  incantaîionibus  ^  reliquâ  pravâ  curiojttate.  ad»,  hzr.-r. 

Le  miracle  au  contraire  dont  il  s'agit  ici  s'efl  fait,  non  dans  un  temple  d'ido-  *  '*' 
les ,  mais  dans  un  lieu  confacré  au  culte  du  Tout-puifîant ,  à  la  face  des  faints 
Autels,  pendant  l'auguftc  ficrificedeJefus-Chrift,  &  dans  le  tems  même  de  l'of- 
fertoire. C'efl  dans  ce  moment  qu'il  plaît  au  Seigneur  de  guérir  tout-à-coup  une 
Catholique  pleine  de  foi ,  &  d'une  piété  exemplaire.  Ici  tout  rappelle  au  Créa- 
teur ;  tout  manifefte  fa  préfence  :  tout  annonce  fi  gloire.  Comment  donc  ofcr 
foutcnir  que  c'eft  le  Démon  qui  a  exaucé  Anne  Augier  dans  le  tems  qu'elle  ne 
s'eft  adrefrée  qu'à  Dieu:  dans  le  tems  qu'elle  imploroit,  pour  obtenir  la  grâce 
qu'elle  demandoit  au  Très-haut ,  l'intcrceffion  d'un  Prêtre  qu'il  avoit  orné  lui- 
même  de  toutes  les  vertus  Chrétiennes,  &  qui  étoit  mort  en  odeur  de  fainteté, 
muni  de  tous  les  Sacremens  de  l'Eglife?  Ofera-t-on  fuppofer  qu'en  mettant  fa 
confiance  en  l'interceffion  de  ce  faint  Prêtre,  elle  ait  eu  intention  d'avoir  recours 
au  Démon  ?  ou  que  Dieu  ,  dont  elle  imploroit  la  miféricorde  par  les  plus  ferven- 
tes prières,  l'a  livrée  au  Démon  en  punition  de  fa  foi  6c  de  fa  confiance,  &:  a 
communiqué  fa  Toute-puifiance  de  Créateur  à  cet  Ange  Apoftat,  pour  fiire  à  fi 
place ,  dans  fon  temple ,  Se  en  fon  nom  un  miracle  du  premier  ordre  ? 

Ce  feroit  faire  trop  d'honneur  à  des  fuppofitionsfi  impies,  que  de  s'arrêter  à  les 
réfuter  i  &  c'eft  fatiguer  le  lefteur  en  pure  perte,  que  de  lui  prouver  qu'un  pareil 
miracle,  un  miracle  qui  n'a  pu  fe  faire  que  par  la  création  d'une  infinité  de  parties, 
la  régénération  fubite  d'une  multitudfe  d'oi-ganes,  8c  [le  changement  dénature,  de 
chairs  &  de  liqueurs  infectées  6c  corrompues  depuis  long -tems  parun  cancer  ou- 
vert, n'eft  pas  l'ouvrage  du  Démon.  Palfons  donc  à  quelqu'autre  réflexion  qui 
puiflc  l'interefier  6c  l'édifier. 

Si  la  grandeur  de  ce  miracle  manifefte  quel  en  eft  l'auteur:  fi  on  y  reconnoît 
l'augufte  empreinte  du  Créateur  qui  y  f^it  briller  les  carafteres  de  fa  'Toute-puif- 
fance  ;  les  efprits  droits  6c  attentifs  découvrent  pareillement  dans  les  circonftan- 
Cês  de  cette  œuvre  divine ,  6c  le  tems  oii  il  lui  a  plû  de  la  faire  ,  6c  la  fagefle  profon- 
de avec  laquelle  il  arrange  fes  voies  qui  font  toujours  mêlées  de  miféricorde  6c  de 
juftice. 

Nôtre  divin   Sauveur  voulut   d'abord  opérer  lui-même  en  perfonne  dans  le 
S.  Sacrement  de  l'Autel  les  deux  premiers  miracles  par  lefquels  il  fe  déclara  en; 
faveur  des  AppcUans.  Je  parle  du  miracle  vérifié  6c  publié  hautement  par  feu. 
M.  le  Cardinal  de  Noailles,  qui  fe  fitàParis  fur  la  Dame  dèlaFofTe  le  31.  Mai 
ijf).  à  la  proceffion  du  S.  Sacrement  de  laparoifle  Ste  Marguerite,  6c  de  celui 
qui  fe  fitàAmfterdam  le  jour  de  l'Epiphanie  de  l'année  1717.  i\ir  Agathe  Leen- 
ders  Stoutendel  affligée  depuis  plus  de  iz.  ans  deplufieurs  maladies  jugées  incu- 
rables, dont  elle  fût  fubiîement  guérie  en  recevant  la  communion  de  k  main  de 
feu  M.  l'Archevêque  d'Utrecht,  6c  en  baifant  fes  habits  pontificaux  ;  ce  qui  filt 
attefté  par  les  dépofitions  de  160.  témoins,  dans  le  nombre  dcfquels  il  y  en  a  30. 
qui  quoiqu'Hérétiques  n'ont  pu  s'empêcher  de  le  rcconnoitre,  6c  n'ont  pas  refufé 
de  le  certifier. 

Quoique  ces  deux  miracles  fuflent  fiits  entre  les  mains  de  deux  P.ifteurs  Ap- 
pcUans, les  Conftitutionnaires  n'ont  pûcncontefter  la  vérité.  Ils  ont  été  réduits  à. 
prétendre  que  ces  deux  prodiges  ne  décidoicnt  rien  en  faveur  de  l'Appel  ;  6c  comme 
ils  ne  prévoyoicnt  pas  que  ces  deux  miracles  fuiïèntun  fignal  que  leToiit-puiflant 
élevoit ,  pour  annoncer  qu'il  en  alloit  opérer  une  infinité  d'autres  encore  plus  ad— 
naifablesfur  les  tombeaux  6c  par  l'intcrcelîîon  de  plufieurs  Appelhxns ,  les  Confti-- 

îution-^ 


40  DEMONSTRATION    DU  MIRACLE 

tutionnaircs  ne  difconvinrent  pas  pour  lors  que  de  vrais  miracles  ne  fuflent  la  voix 
de  Dieu ,  &  que  quand  ils  croient  faits  en  témoignage  d'une  vérité ,  ce  ne  fût  une 
dccidon  divine  à  laquelle  on  ctoit  obligé  de  fe  foumettre. 

M.  l'Archcvcque  ûe  Sens  lui-même  ,  aujourd'hui  le  plus  grand  antagonifte  des 
mci-vcillcs  de  nos  jours,  déclara  alors  étant  Evcque  de  Soiflons ,  en  parlant  de  la 
gucrifon  miraculcufc  de  la  Dame  de  la  FonTe  dans  fa  fcptiéme  Lettre  Partoralc, 
que  fi  un  tel  Dihic\eeûtùtci\\itpay  l'invocatisu  d'un  ^ppellant  ^  il  prouvcroit  pour 
leur  caufc,  &  fur  tout  s'il  s'en  ctoit  fait  qui  eut  été  demandé  (^  obtenu  ...  en  témoi- 
'»;•  j'-  5'''^ù^  ^^  ^^  lérité  du  parti  des  yfppel/afis.  C'eft  ainfi  que  Dieu  fût  tirer  la\éritéde 
la  bouche  même  de  celui  qui  fait  aujourd'hui  le  plus  d'cflorts  pour  h  combattre. 

Cependant  au  commencement  de  l'année  1727.  les  PuifTanccs  ayant  rcfolu, 
ainfi  que  nous  l'avons  dit  ci-dcfllis,  de  proicrire  tous  les  i/^ppcllans,  &  d'anéan- 
tir l'Appel  par  ce  moyen,  on  recommença  dans  plufieurs  Dioccfcs,  &  entr 'au- 
tres dans  celui  de  Reims,  àperfécutcr  plus  que  jamais  tous  les  Eccléllaftiques  qui 
ne  vouloient  pas  recevoir  le  caraétere  de  la  Bulle. 

Ce  fût  pour  lors  que  Dieu  relblut  de  faire  entendre  fa  voix  de  toutes  parts 
d'une  manière  fi  claire,  qu'il  ne  reltàt  aucun  vain  prétexte  de  méconnoître  fa 
décifion.  11  voulut  prendre  les  Conllirutionnaircs  parleurs  propres  paroles  :  Jefus- 
Chriil-fit  d'abord  d'éclatans  miracles/)(ir  V invocation  d'un  Jppcllant  veconnxx  incon- 
tcflablcmcnt  pour  tel  >  îk  dans  la  fuite,  il  en  a  fait  qui  omété  demandés  i^  obtenus 
précifement  en  témoignage  c\\ie  la  Vérité  étoitdu  cote  des  Jppcllans  ;  &  entr'autrcs 
celui  qu'il  a  opéré  fur  laD  le.  Hardouin ,  dont  les  preuves  font  rapportées  dans 
mon  premier  Tome.  Tel  ell  encore  celui  qu'il  a  fait  en  fiivcur  du  nommé  M-ilfi  Lut- 
hérien, qui  tout  couvert  d'une  Icpre  verte,  &  ayant  dcfTcin  de  fc  rendre  Catholi- 
que i  mais  étant  dans  l'incertitude  s'il  devoit  fe  ranger  à  la  créance  des  Appellans  , 
ou  à  celle  des  Conflitutionnaires,  pria  le  B.  M.  de  Paris  de  demander  à  Dieu 
de  le  guérir  d'une  manière  évidemment  miraculcufc  pour  lui  fervir  de  preuve  que 
les  Appellans  foutcnoient  la  vérité.  Dieu  lui  accorda  le  figne  qu'il  fouhaitoit. 
Des  le  troifiéme  jour  de  la  ncuvainc  il  fe  trouva  parfaitement  guéri  >  6c  en  con- 
féquencc  (après  avoir  donné  une  relation  de  ce  miracle  qu'on  trouvera  à  la  fuite 
des  pièces  juitificativcs  de  celui-ci)  il  a  fait  ion  abjuration  à  Notre-Dame  ,  tout 
brûlant  de" foi  &  d'amour  pour  la  vérité,  le  21.  Novembre  1757. 

Mais  le  Très-haut  qui  dans  l'arrangement  qu'il  fait  des  événemens ,  fuit  en  même 
tems  les  confeils  de  fajulHce  &  de  (a  miféricorde,  ne  voulût  pas  que  les  premiers 
miracles  luy  fulTent  formellement  demvmdés  en  témoignage  de  la  vérité  :  il  arrêta 
feulement  qu'il  les  feroit  d'abord  à  l'intercefllon  d'Appcllans  reconnus  pour  tels 
par  tout  le  monde  :  ce  qui  étoit  très  fuffilant  pour  porter  la  lumière  dans  les  cœurs 
droits ,  quoiqu'il  reliât  encore  un  vain  prétexte  de  rcfuièr  d'ouvrir  les  yeux  à 
ceux  dont  le  coeur  eft  endurci. 

Ayant  donc  pour  lors  fimplemcnt  defTein  que  la  foi  de  M.  Roufle  ne  put  être 
révoquée  en  doute ,  avant  que  de  la  couronner  d'une  manière  éclatante  à  la  face  de 
toute  la  terre,  il  permit  que  le  Curé  d'Avenai  luy  refufat  les  derniers  Sacremcns 
fous  le  frivole  prétexte  de  l'on  oppofition  à  la  Bulle  >  6c  lorsque  la  démarche 
fchifmatique  de  ce  Curé,  6c  la  rèfillance  inébranlable  de  r.^ppcUant  curent  fait 
im  éclat  qui  n'étoit  ignoré  de  perfonne  dans  tout  le  Diocèl'e  de  Reims,  il  choilit 
M.  Roudc  pour  être  le  premier  .à  l'interccfllon  de  qui  il  ;;ccorderoit  les  plus 
mcrvcilleufes  guèrifons.  En  conlcqucnce  peu  après  la  mort  de  ce  faint  Appclhuu, 
il  infpire  à  Anne  Augier  de  fe  fiûrc  porter  iur  Ion  tombeau  ;  ^  à  peine  les  mem- 
bres pourris  ou  defi'cchés  y  font-ils  pôles,  qu'il  rétablit  £c  renouvelle  en  un  mo- 
ment tout  fon  corps. 

Mais 


\M 


^ 


OPE'RE'  SUR  ANNE  AUGIER.  4t 

Mais  de  combien  de  miracles  fpirituels  ce  premier  miracle  n'a-t-il  pas  éti  le 
canal  &  la  fource!  Il  n'y  a  pas  jufqu'à  des  Moliniftes,  &  même  un  grand  nom- 
bre de  Prêtres  qui  étoicnu-auparavant  fournis  à  la  Bulle,  que  es  miracle  n'ait  con- 
vaincus ,  convertis ,  &  rendus  enfuitc  d'intrépides  défcnfeurs  des  importantes  vé- 
rités dont  la  confcflion  &  la  pratique  avoicnt  conduit  M.  RoufTe  à  la  gloire. 

Si  on  a  interdit  quelques-uns  de  ces  minifti-es  pour  avoir  publiquement  rendu 
gloire  à  Dieu  d'avoir  aintî  manifefté  la  vérité  d'une  manière  fi  claire  &  fi  con- 
vincante,  auflî-tôt  le  Bien-heureux  Appelknt  a  prêché  du  fond  de  Ton  tombeau 
par  de  nouveaux  miracles  avec  bien  plus  de  force  que  n'auroient  pu  faire  tous  ces 
miniftres  interdits. 

Ainfi  le  foleil  de  vérité  a  répandu  fes  rayons  avec  profufion  dans  tout  ce  Diocèfe. 
De  combien  de  cœurs  n'a-t-il  pas  fondu  la  glace?  A  combien  d'aveugles n'at'il  pas 
ouvert  les  yeux?  Cependant  il  en  cil  encore  relié  un  grand  nombre  dans  ce  pays, 
qui  femblables  aux  oifcaux  de  la  nuit,  ont  été  bleflés  par  la  vive  lumière  qui  for- 
toit  des  œuvres  divines ,  &  qui,  la  regardant  comme  ennemie ,  ont  ofé  la  maudire. 

Ah ,  Seigneur  !  pourquoi  faut  -  il  que  tous  ne  fc  rendent  pas  à  l'éclat  de  vos 
mer\^eilles?  Vous  prodiguez  depuis  un  tems  les  miracles  corporels  avec  tant  de 
magnificence.  Ha  Dieu  de  bonté  !  agifiez  encore  plus  puiffamment  i'ur  les  amcs, 
JLes  êtres  matériels  ne  vous  ont  jamais  coûte  qu  une  parole  ;  mais  vous  connoif- 
fez  tout  le  prix  des  âmes  ,  puifque  vous  les  avez  rachetées  par  le  fmg  de  votre 
Fils.  Vous  guérilîez  en  un  moment  les  maladies  les  plus  incurables.  Ah  Seigneur! 
n'y  a-t-il  point  d'autres  maux  dont  la  guérilon  foit  encore  plus  digne  de  votre 
gloire,  &  de  vôtre  miféricorde?  Ah  bon  Maître!  venez  &  voyez.  Helas  !  com- 
bien parmi  ceux  mêmes  qui  combattent  vos  vérités,  ou  quirefufent  delesconnoî- 
tre,  y  en  a-t-il  dont  le  cœur  n'eil  pas  ennemi  du  vrai  :  l'apparence  de  l'autorité  la 
plus  refpeélable  féduit  les  uns  ;  d'autres  fucconibent  fous  le  poids  des  menaces  5c 
des  mauvais  traitemensi  il  en  eil  que  les  biens  trompeurs  de  ce  monde  &desef- 
pérances  flatteufes  éblouïflent  &  empêchent  de  dillinguer  la  vérité }  un  grand  nom- 
bre ne  relie  dans  les  ténèbres  que  parce  que  le  foleil  de  vérité  n'a  pas  encore  per- 
cé leurs  nuages.  Les  canaux  de  vos  grâces  les  plus  prccieufcs  font-ils  donc  fer- 
més pour  tant  de  pcrfonnes  ?  Non,  Seigneur,  vôtre  miféricorde  eil  infinie ,  vôtre 
miféricorde  eil  toute  gratuite  ,  &  nous  devons  ne  nous  lalfer  jamais  d'cfpércr  en 
vous,  &  de  prier  pour  elles.  Hâtez  donc  vos  momens,  ô  mon  Dieu  !  envoyez  le 
fouffle  de  vôtre  Efprft  pour  les  rappeller  à  la  lumière  &  à  la  vie,  &  forcez-les  par 
la  douce  violence  de  vôtre  grâce  de  rendre  hommage  à  la  gloire  de  vos  œuvres, 
&  de  fc  ranger  du  côté  de  la  vérité.  Ainfi-foit-il. 

STANCES  INEGALES 

^SUR   LES     MIRACLES   DU    TEMS, 

Z/  en  particulier  fur  celui  opéré  fur  A  n  ne    A  u  g  i  f.  r  par  Vint(r:ejfi>  n  de  M. 
Rousse,  à  qui  on  ai'oit  voulu  refufer    les  Sacremens  à  la  mon. 

ORgueillei'x  enfans  de  la  terre , 
Quel  enforcellement  vous  fafcine  les  yeux  ? 
Vous  ofés  oppofer  un  bras  féditieux 
Au  bras  qui  lance  le  tonnerre , 
Et  contre  le  Maitre  des  Cieux 
Lever  l'étendard  de  la  guerre. 
/.  Demonjlration  tome  IL  F  Pen- 


4»  STANCES    INEGALES 

Penfcz-vous  que  le  Tout-puifTint , 
Qul^fiuis  armer  fa  m.iin  de  fa  brûlante  foudre, 

D'un  fcul  mot  peut  réduire  en  poudre 

L'Empire  le  plus  florifTant, 
Trop  foiblc ,  ne  poun-a  de  vos  confeils  inicjucs  , 

Rompre  les  projets  fanatiques  ? 

Aveugles  !  ce  Dieu  protc<Etcur 
Sorti  de  fon  fecret ,  va  fournir  en  vainqueur 

Une  carrière  de  merveilles. 
Cieux  ,  foyez  attentifs.  Terre,  ouvres  les  oreilles. 

Adores  ce  bras  dcfcnfeur 
Qiii  va  confondre  l'oppreiTeur. 

Ce  bras  avec  magnificence 
Etale  aux  yeux  de  l'univers 
Cent  Se  cent  prodiges  divers, 
Qui  viennent  au  fccours  de  la  foible  innocence. 

Ouvrez  les  yeux,  ô  coupables  mortels! 

Voyez  ces  membres  morts,  ces  troncs  paralitiqucs 
Proftemés  aux  pieds  des  autels 
Où  l'on  révère  les  reliques 
D'un  Jufle  que  les  politiques 

Vouloient ,  malgré  le  Ciel,  malgré  fa  faintetc, 
Par  le  poids  de  l'autorité 
Placer  au  rang  des  Hérétiques. 

A  ces  troncs  demi-morts ,  la  nature,  ni  l'art 
Pcuvcnt-ils  redonner  une  vigueur  nouvelle  ? 
Leur  fklut  fcroit-il  un  eftct  du  hafard? 
Accablés  fous  le  poids  d'une  langueur  mortelle, 

De  la  nature  les  reiïbrts 
Pourroicnt-il  faire  ici  que  d'impuifl'ans  efforts  ? 
Ovous,  que  le  devoir  à  leur  fccours  appelle. 
Parlez,  Maîtres  de  l'Art ,  inftruifcz  le  hdélc. 

Lcliafird  ne  peut  rien,  l'art  n'apliii  de  rcfTourcc  : 
Vainement  les  cfprits  échappés  de  iiur  fource 
Heurtent  contre  des  nerfs  par  le  mal  dcflcchés , 
ik  ne  trouvent  pu:  tout  que  des  canaux  bouchée. 


i.c 


i 


SUR  LES  MIRACLES  DU  TEMS.  43 

Le  tems  qui  réduit  tout  en  poudre. 
Loin  d'abattre  ces  durs  remparts , 
En  élevé  de  toutes  paits 
Que  lui-même  ne  peut  diflbudre. 

Mais  foudain  à.  nos  yeux  frappés  d'ctonnement , 

Ces  troncs  morts  8c  fans  mouvement 

Reprennent  un  eiprit  de  vie , 
De  force,  de  vigueur,  &  de  fanté  fuivic. 
On  les  voit  cmprefTés  courir  rapidement, 
Annoncer  que  ce  Saint,  ce  Saint  que  l'on  dctcftc, 

Revêtu  du  pouvoir  céleftc 

Les  a  guéris  fubitement. 

Quoi  donc  ?  les  plus  grands  maux  refpeftent  ici  la  cendre 
D'un  homme  qu'on  avoit  hautement  condamné. 
Ha  !  vous  l'avés ,  Seigneur,  de  vos  mains  courormc  : 
Mais  les  coeurs  endurcis ,  refufant  de  fe  rendre , 

Ferment  les  yeux  à  la  clarté 

Dont  les  frape  la  vérité. 

S'il  eft  vrai ,  difent-ils ,  que  l'art  ni  la  nature 

N''ont  pu  leur  rendre  la  famé  , 

Le  mal  n  etoit  qu'une  impofture. 
Mais  cent  &  cent  témoins  l'ont  vu   l'ont  conflaté. 

Ici  l'erreur  accréditée 
Secouant  de  fon  front  la  honte  &  la  pudeur  , 

Attribue  à  l'Ange  impolleur. 
Les  miracles  certains  dont  elle  eil  irritée. 

Quoi,  le  fidcle  plein  de  foi 
Implorera  ,  Grand  Dieu,  l'appui  de  votre  grâce, 
Et  vous,  pour  le  tromper  :  Ciel  ,j'en  frémis  d'effroi! 

Subbrogcrez  à  votre  place 

L'ennemi  de  la  piété  , 
Qui  du  iufte  affligé  recevant  les  prières, 

A  fon  corps  rendra  la  fanté  -, 
Et  même  répandra  les  plus  grandes  lumières 

Sur  ceux  dont  l'incrédulité 

Etoit  autrefois  le  partage, 
Qiii  foudain  animes  d'une  nouvelle  ardeur 

Parleront  le  plus  faint  langage. 

Et  n'auront  que  vous  dans  le  cœur? 


F  i  Eft- 


44    STANCES   INEGALES  SUR  LËSMtRACLES.  «ce. 

Eft-cc-la  d'un  crprit  que  la  fagcflc  infpirc 

Le  féricux  raifonncment  ? 
Ou  plutôt ,  n'cll-ce  pas  du  plus  affreux  delirC 

Le  déplorable  aveuglement  ? 

Détrompez-vous  ;  c'eft  fur  vous-même* 

Que  retombent  ces  noirs  blafphémcs  , 
Hommes  vains  dont  l'orgueil  féduit  le  jugcmoil. 
Plutôt  que  d'avouer  tant  d'éclatans  prodiges , 

Vous  ébranlez  les  fondemens 

De  nos  plus  facrés  monumens  : 

L'incrédule  fur  vos  vefliges 
Dans  nos  faftcs  déjà  ne  voit  que  des  prefîiges. 

Ainfi  l'aveugle  paflîon 

Change  en  ténèbres  la  lumiei-c 
Que  répandent  au  loin  les  cendres  ôc  la  pouflîcrc 
De  ceux  dont  le  Très-haut  fe  rend  la  caution. 
Tremblez:  duToutpuiffant  vous  attaquez  l'ouvrage. 
Ce  Dieu  qui  met  un  frein  à  la  fureur  des  flots, 
Va  faire  évanouir  vos  fmiftres  complots  : 
11  va  combler  d'honneur  le  Juftc  qu'on  outrage. 

A  la  Vérité  qu'on  profcrit , 
Je  vois  tout  l'univers  s'emprefTer  de  fe  renarc , 

Je  vois  tomber  votre  crédit. 

apprenez,  orgueillcufc  cendre , 

Qu'à  la  fuprême  Volonté 
De  celui  qui  régit  le  ciel  ,  la  terre  2c  l'onde , 

Vainement  les  Maîtres  du  monde 

Oppofent  leur  autorité. 

^MOfMe  cette  Pièce  de  vers  ne /oit  pas  de  fyfuteur  des  DémohflratieHS;  Héamnmis 
êcmmc  elleefl  faite  fur  h  même  fujet  que  h  DémonJiratiçH  péftdctiie  ,<ntaaujatre 
f/aijir  au  Leiteur  de  la  joindre  ici. 


PIECES 


PIECES    JUSTIFICATIVES 

DU  MIRACLE    O  P  E' R  E'   SUR    ANNE  AUGIER 
S  U R    L  E    TO  MB  EAU 

DE    MONSIEUR    ROUSSE. 


TiE'CLAKATlON     L'ANNE      A  U  C  I  E  R. 


î^^^  D       f^"^"o  J,?'"  J*'^""  '=  '«""e  ,  Notaire 
Ml    ra  R)  ^°Y^\  au  Baiiiage  .^  Prévôté  d'Epernay  reli- 
Jent  a  Mareiul  fouffigné  ,  fit  pre(eute  enper- 
Tonne  Anne  Augier  fille  majeure  demeurant  à 
Marcuil ,  laquelle  nous  a  dit  &  déclaré  que  fe 

inJZ.TT a"7^^  °  ''Sf  P?'  ''"'°''   ^  reconnoiirance 

envetiD  eu  de  fa.re  connoître  à  tout  le  monde  autant  qu'il 
ell  en  elle,  l'œuvre  miraculeufe  qu'il  a  bien  voulu  opérer 
en  fa  faveur  par  fa  guenlon extraordinaire  arrivée  le8  luil- 
let  1727.  a  Avcnay  lut  le  tombeau  de  M.  Gérard  Rouiie  vi- 
vant 1  retre  &  Chanoine  d'Avenay  y  demeurant:  &  n'avant 
pas  d  autre  moyen  pour  y  paiTcnit  que  celui  de  notre  mi- 
rlri'-  """'  'squicrtde  redig.r  les  déclarations  qu'elle  en- 
tend faire  a  ce  lu)et  lefqu-clles  nous  ont  ete  pai  cUe  faites 
&  par  nous  rédigées  à  l'inftant  en  la  forme  fuivaite 
,  Qije  le  jonr  de  la  fère  de  tous  les  Saints  de  l'aimée  i7oe 
étant  dans  l'EgUfe  de  S.Hilairc  de  Maredil  fa  paroini- pour 
y  amrter  à  l'office  divin  el  e  fdt  artaquee  d'urne  parridîe 
dune  manière  fi  fubite  &  G  violente  .qu'elle  tomba  tout 
dun  coup  par  terre,  &  qu'elle  ne  pût  êlre  relevée  que  par 
f  11-  ^.'^  '*"  perfonnes  qui  etoient  autour  û'elle  ,  &  qu'il 
tallur  aller  chercher  un  âne  pour  la  mettre  deflus  &  la  re- 
conduire a  fa  maifon.  Qu'environ  8.  jouis  après  elle  perdit 
entièrement  le  mouvement  &  le  femiment  dans  les  jambes 
qui  depuis  ce  tems  font  devenues  feches  &  comme  mortes- 
de  lorte  qu'el  e  n'a  pu  s'en  aider  pour  faite  la  moindre  ac- 
tion ce  QUI  la  réduite  à  la  trille  néceffite  d'êtie  toujours 
couchée  ilir  un  ht,  ou  allife  dans  une  chaife  fa.is  pouvoir 
Changer  de  Ctuaiion  que  par  le  moyen  de  iVi.chcle  Aubier 
veuve  de  JeanGodara  lafoeur,  &j4nne  Godard  fa  n.^ce  & 
quelques  autres  peilonnes  charitables  de  la  patoini  qui  l'ont 
couchée,  levée  &  portée  à  l'Egl.fe  pendaiu  l'efpace  de  lï 
ans  ou  environ ,  qu'a  dure  cer-.e  fàcheufe  maladie 

(jue  pendant  tout  ce  tems  outre  la  paralifie ,  elle  a  eu  en- 
core ûauttes  afflictions.  10.  Uue  cfpece  d'epilepile  qui  la 
fiiloit  tomber  de  tems  en  tems  dans  une  foiblelle  f,  grande 
quelle  demeuroit  j.  ou  4.  jours  ,  fans  conuoilVauce  &  fans 
prendre  aucune  nourriture.  2ù.  Uue  cfpece  de  cancer  au  fein 
qui  provenoit  d'un  coup  qu'un  gueux  lui  donna  un  jour  ,  étant 
entre  dans  (a  mailon  ou  elle  etoit  feule ,  la  voulant  infulter 
Ce  mal  a  dure  les_  ;.  ou  8.  dernières  années  de  la  paralifie 
hr  t:l\TT  "'^'"^-  Chirurgien  i  Ay  l'a  panfee  oud.canl 
cer  pendaur  deux  mois,  puis  l'a  abandonnée  le  jugeant  incu- 

aifieUe  du  bras  gauche,  qu'elle  a  renu  cachée  autant  qu'el- 
il'^''";  f,°"'  "?  P"  'e''"'"  '"  perfonnes  qui  avoi?nt  la 
chante  de  la  venir  voir  &  la  foula|er  dans  fes  befoins,  a- 
piehçndant  que  ce  ne  fût  un  mauvais  mal  qui  pût  fe  com- 
muniquer &  par-ià  fe  voir  abandonnée  ;  &  en  dernier  lieu 
ia  paralifie  s  eft  lettee  fut  fon  bras  gauche  environ  ,.  ans 
avant  fa  guenfon ,  &  lui  a  ôte  l'.fage  libre  qu'elle  eii'avoit 
auparavant,  ce  qui  a  mis  le  comble  à  fa  mifeie  d'autant  que 
ne  pouvant  plus  filer  ,  ni  coudre  comme  auparavant  qu'avec 
grande  peine  elle  ttoit  extrêmement  ennuice. 

Que  tous  ces  maux  l'ayant  teduite  à  un  état  d'autant  plus 
affligeant,  quelle  ne  voyoit  point  de  moyen  d'en  fortir  que 
p.arlamorr,  ce  fut  alors  que  Dieu  voulut  rat  mifericoide 
Ijnguliere  pour  ede,  &  pour  des  fins  de  l'ordre  de  la  provi- 
ocnce,Ies  fane  cefier  tous  en  même  tems  &  tout  à  coup  fans 
aucun  remède  humain. 

Q^e  cette  guerjfon  mervcillcufe  cil  arrivée,  ainfi  qu'elle 

.    /.  Demonfl.  Tome  U. 


du  mois  de   Mai  de   l'année   1727.  uni  de   fes   voilines  lui 
ayant  dit  quelle  venoit  d'Avenay,  qu'elle  avoir  vu  led.  S. 
Koulle  tort  mal,  &  qu'elle  s'etoit  recommandée  à  fes  priè- 
res,  elle   penia   en    elle  même   que  c'etoit-là   un  bonheur 
quelle  auroir  bien  voulu  avpir  aulli  bien  que  certe  femme - 
que  quelques  jours  après  elle  apprit  que  led.  Sr.  Rcuflé  é- 
toir  mort,  &  faifant   réflexion  a  la  vie    qu'il  avoit  menée 
a  la  douceur     a  fon  humilité  &  à  fa  charité , elle  em  la pen' 
leequil  eioit  13.cn-heureiix  6c  que  fi  elle  pouvoir  être  fur  foa 
tombeau  ,  elle  le  recommandeioit  à  fes  prières  comme  lad 
temme  avoir  fait  lorfqu'elle  le  vit  au  lit  de  la  mort;  que  et 
leroitla  même  chofe,  &  que  cela  luipourroit  procurer  que'- 
que  bien,  fou  pour  le  corps,  foir  pour  l'aine,-  mais  lacîiofc 
etoit  bien  difficile  pour  elle  eu  égard  à  ^Zi  infirmités  :    que 
cependant  cette  peiike  lui  revenant  toujours  dans  l'efprit   el- 
le eut  heu  de  la  prendre  pour  une  infpirarion  de  Dieu.  Elle 
en  parla  en  fecret  à  quelques  perfonnes  dont  les  uns  i'cn  dé- 
tournèrent, d'airrtcs  l'y  excitèrent.  Que  z.  mois  5'étantecou- 
Ke  dans  cette  elpecc  de  colnbat,  enfin  elle  prit  ^'elle-même 
la  lelolution  d'entreprendre  ce  vcyage,-  &  ayant  pris  avecfes 
plus  hdeles   amies  les  mefuies  pour  l'exécuter ,  elle  fecoifef: 
la  a  Mareiul  pour  pouvoir  communier  à  Avenay.    Ce  fut  le 
lufd    |our  8.  Juillet  I7i7.  qu'on  la  mi.  fur  un  âne  pom  ê  rc 
tranlportee  aud.  Avenay  ou  étant  arrivée  avec  grande  peine 
elle  fut  remilc  dans  fa  chaife  ordinaire,  &  po.tee  furlltom! 
beau  dudit  feu  St.  Roufl'e  dans  la  chapelle  >le  Sie.  Anne  de 
1  b-giile  paroifiiale  dud.  lieu.  Après  y  avoir  fait  fa  puere  pen- 
dant une   demie  heure  avec  toute   la  ferveut  dont  elle  étoit 
capable     Mre.   Jacques  Robert  Prê:te  t:ha^ioinc  dud.  lieu 
vint  y  dire  la  méfie  pour  elle  comme  on  l'en  avoir  prié   fans 
lui  faire  connoître  Ion  intention  :  que   vers  l'offet.oire  de  la 
melle,  elle  lentit  tout  d'un  coup  dans  fes  membres  une  ré- 
volution extraordinaire  qui  lui  ht  connoirrc  que  Dieu   avoit 
exauce  la   prière  ce  qui   lui  fit  dire  en  levant  les  bras-  fans 
longer  qu'elle  en  avoit  un  paralitique  ,  /frv/ffKr  de  Dl»  vout 
aves  prie  pcfr  m!,  qu'elle  le  jetta  a  terre  fur  fes  genoux    ce 
qu  elle  n'avoit  pu  faire  depuis  zi.  ans  :  puis  elle  entendit  le 
leltede  la  méfie  en  cette poftute ,  y  communia;  &  après  a- 
voir  fair  les  actions  de  grâces,  elle  fe  leva  aidée  de  deux  de 
les  compagnes  ,    mais  s'aidaiit   de  fes  jambes  pour    marcliec 
&  lortir  de   l'Eglile.    Que  cette   guérifon   merveilleufe  s'eft 
achevée  &  peife^tioniiee   pen.iant  les   9.    jours    qu'elle  eft 
reltee  à  Avenay ,  pour  y  remercier  Dieu  de  cette  giace  fin- 
guhere  :   que   non  leulement   elle  a  ete   guérie   ainfi  tout  à 
coup  de  la  patahlie,  mais  encore  de  toutes  les  autres  mala 
dies  dont  elle  vient  de  patler ,  fans  s'être  appercue   du  mo- 
menr  &  de  la  manière  que  cela  s'eft  fait:   qu'au  bout  de  la 
neuvainc  elle  ell  revenue  à  Mareiiil,  farfant  plus  delà  moi- 
tié du  chemin  a  pied:  qu'enfin  de.niis  ce   tems  -  la  fa  fanté 
s  ell  touiqurs  fortifiée,  &  qu'elle  n'a  reirenri   aucune  attein- 
te des  fuld.  maladies,  de  forte  qu'elle  cil  à  préfent  dans  un 
état  coinme  li  elle  n'avoit  jamais   ete   malade.    De  tout  ce 
que   defius  nous  a  requis  acte  ,   apies  avoir  affirme  que  le 
contenu  ci-deflus   eft  véritable:  qu'elle  eft  toujours  peneriéc 
d  admiration  lur  cet  événement:  qu'elle  ne  ceffe  Se  ne  cefi'e- 
ra  jamais   d'en   rendre  gloire  a  Dieu  :   &  lui   ai   accoide  le 
prelent   pour   letyir  &  valoir  ce  que  de  raifon,  promettant 
6cc     Pau  &  pafle  en  l'emde  &  par  devant  le  Notaire  Royal 
liild.  1  année  i-^iR.  le  4,  Août  avant  midi  ,   picfens  le  Sr 
Dcnys  Pierre  Greffier  en  la  jufticc  Je  iMaieuil  y  demimanf 


Piects  jujtificatives  du  miracle 


&  Piene  TTiierryTain^Bonkuiget  demeurant  aud.  Maieiiil  , 
«émoirs  qui  ont  avec  nous  ligne  :  &  quant  a  lad.  compa- 
rante a  déclare  ne  lavoir  ni  ectue  m  figncr ,  de  ce  uitrtpcllee 
lêâuic  faite  ,  avertie  du  contrôle ,  Jî^ni  en  fin  Pierre  Thicr- 
jy,  Dcnys  Pierre  Se  loffiin  ««  farafht  ,  &  y/aj  hai  tft 
iirii  i  Contrôle  \  Av  le  lo.  Août  1718-  reçu  19.  fols  trois 
derniers //nf  Lefpinc  Délivre  pour  eTpedition  à  lad.  Augiet 
ce  requérant  ,  pour  lui  fetvir  8c  valoir  ce  que  de  railon , 
par  moi  Noiaiie  fufd.  fùulTignc  :  la  minute  leftcc  en  mes 
iiaûes  les  jours,  mois  &  an  que  deflus  ;  figné  Joftin  «i.v 
farjphf.  yl»  d<is  efi  rcris  ccnihe  véritable  ligne  &  paraphe 
au  défit  de  l'acte  de  dépôt  pour  minute ,  palle  par  devant 
les  Notaires  au  Chàielet  de  Paris  fouflîgnez  ,  ce  14.  Juil- 
kt  1-34.  Signl ,  Carre'  de  Mon  tgeron  avec 
LouoN   &  Raymond  Notaires. 

II. 

CERTIFICAT. 
D«  Sieur    Robert    Chirugieit  à  Martuil, 

JE  foulTigne  Pierre  Robert  Lieutenant  oïdinaitc  en  la  ju- 
ftice  &  prévôté  de  Matciiil  fur  Marne,  Vicomte  d'Ay, 
d'Avenay  &  autres  lieux,  &  maître  Chirurgien  demeu- 
rant aud.  Mareiii).  Certifie  à  tous  qu'il  appartiendra  que 
j'ai  une  pai&iie  connoilTance  ,  que  la  nomiiice  Anne  Au- 
giet fille  de  dcfunt  Pierre  Augicr  manœuvrier  demeurant 
aud.  Mareiiil  ,  tomba  malade  fubitemcnt  d'une  paraliûe  oc- 
cupant les  deux  jambes,  en  telle  forte  que  ces  parties -là  le 
trouvèrent  tout  d'un  coup  entièrement  privées  de  £cntiment& 
de  mouvement.  Ce  fût  le  ptemict  jour  du  mois  de  Novem- 
bre, jour  &  bonne  fête  de  tous  les  Saints, de  l'année  i^of. 
que  cette  fille  etoii  à  l'Eglife  dud.  Mareiiil  ,  aflillant  com- 
me les  autres  fidèles  au  fervicc  divin  ,  que  cette  fàcheufe 
maladie  lui  furvint,  &  que  l'on  fit  oblige  de  la  potter  au 
logis  de  fon  pcrc ,  ne  pouvant  nullement  matchcr  ni  le  fou- 
tenir,  &  à  l'inftajit  je  fus  appelle  comme  Chirurgien  de  la 
Paroinfc  pour  tacher  de  lui  procurer  du  loulageraent  ce  qui 
fit  que  je  m'y  aanfportai  promptemcnt  Se  fis  de  mon  mieux 
pour  la  (bulager.  Je  l'examinai  d'abord  avec  beaucoup  d'at- 
tention; &  après  avoir  manie fes  jambes,  je  les  trouvai  ef- 
fectivement privées  de  mouvement ,  mais  non  pas  de  cha- 
leur naturelle  :  cette  paralifie  de  Idij.  Jambes  croit  encore 
accompagnée  d'une  teullon  &  dureté  fort  douloureulc  dans 
les  hypocondres,  3  quoi  je  m'etforçai  de  remédier  par  mes 
remèdes  que  j'avois  pour  lors  en  main  :  mais  voyant  que  je 
r'avançois  en  rien,  jepropofai  aud.  Augicr  l'on  pcre  d'aller  le 
lendemain  de  grand  matm  confultet  défunt  M.  l'Allemant 
<n  fon  vivant  Doûcur  en  Mcdecinc  demeurant  à  Epernay , 
&  qui  etoit  fans  contredit  dans  ce  tcms  un  des  plus  habiles 
Médecins  de  la  ptovincc  ,  &  auquel  l'ectivis  le  détail  de 
cène  uifte  maladie.  On  me  tappotia  de  fa  patt  l'on  ordon- 
nance par  écrit  en  date  dud.  jour  ,  que  je  confcrve  encore  à 
ptefent  avec  d'autres  pour  la  même  nialidie,  &  par  Icfquel 
les  il  me  prtfcrivit  tous  les  remèdes  qu'il  jugea  a  propos 
pour  tiret  d'affaire  cène  pauvre  fille  fi  fùrt  affligée  ;  Je  que 


s  il  me  prtfcrivit  tous  les  remèdes  qu'il  jugea  a  propos  , 
jur  tiret  d'affaire  cène  pauvre  fille  fi  fùrt  affligée  ;  Je  que 
l'exécutai  à  la  lettre  pendant  long-;ems:  cependant  la  naïutc 
n'a  jamais  réduit  ccfd.  remèdes,  de  puillar.ce  en  afle ,  &c 
D'à  été  nullement  fouhgce ,  fi  non  que  ces  douleurs  des  hy- 
pocondres occafionnces  par  la  grande  tcnlion  S:  duicié  qui 
«toient  furvenues  en  ces  régions  au  commencement  de  cette 
patalific  des  jambes,  étoitnt  entieieinent  dilTigccs,  mais  non 
pas  cette  paralifie  des  jambes,  ce  qui  me  fit  loupçonner  qu'il 
T  avoit  peut-être  de  la  £»ntaific  dans  cette  jeune  fille,  pour 
lors  igee  d'environ  20.  ans  &  quelques  mois  ;  ce  qui  me  fit 
ptcndic  la  rcfoluticn  en  maniant  *c  faifani  des  fiiction»  aux 
parties  paralitiqucs  ,  de  pincer  fottemcnt,  Se  même  de  lui 
tiquer  fes  jambes  avec  une  épingle,  que  je  tenou  a  ce  (u- 
,rct  cachée  dans  mes  doiets ,  en  l'obfeivaiit  Se  tcgaidani  fise- 
ipent  peut  &VOU  au  jiuTe  ce  que  l'en  dcvou  cioiie,S;  li  ces 
parties  cioient  ou  non  privées  de  femiinciii  Se  de  mouve- 
Sient ,  Se  ne  m'ayajit  donne  aucun  figue  de  fcnlibilitc  .  je  ne 
doutai  pas  que  c'eiic  paralifie  etoit  parvenue  au  dernier  dc- 
^le .  qui  e(l  pour  lots  incurable  de  la  paît  des  lemedcs.  Se 
Ju  favoii  des  hommes  fi  habiles  qu'ils  l'oient.  En  ellet  cet- 
te pauvtc  fille  a  encoie  tente  depuis  beaucoup  d'autics  re- 
«icdc<,  tant  de  la  patt  du  même  Médecin  que  d'auttcs,  8c 
■lèine  a'autres  Chirurgiens  foit  habiles  cntrautics  M.  Kauf- 
6u  £uDcuz  Chiru^cA  d«  U  ville   de  Cbaalwus ,  le  tout  Cuu 


Ibulageirer.t  ;  au  contraire  il  eft  ftarern  pit  fncceflion  d« 
tems ,  unj  autre  paralifie  à  cetre  fille  a  un  de  fes  btas ,  qui 
a  dure  jufqu'au  moment  de  l'a  parfaite  guerifon.  Je  l'ai  wùïs 
pendant  21.  ans  à  ccmmcncer  dud.  jour  1.  Novembic. 
1705.  dans  ce  pitoiable  état  de  paralifie  de  jambes  com- 
me dit  eft;  &  quant  au  lutcroit  de  paraliûe  de  l'on  bras,  je 
ne  puis  dite  au  vrai  quand  elle  a  commence,  fi  non  que 
^'a  c;e  environ  en  l'année  l"if.  Au  refte  je  l'ai  toujours 
viie  depuis  le  commenceinent  du  tout  couchée  fur  fon  grabat 
ou  aflïle  dans  une  chaife  ou  on  la  mettoit,  même  on  U 
portoit  de  tems  à  autres  à  l'Eglife  dud.  Mareiiil  dans  ladite 
chaife  pour  qu'elle  pût  afli(ler  au  (irvice  Divin,  Sx.  recevoir 
le  S.  Sacrement  de  l'Euchariftie  de  tems  à  autres;  Se  com- 
me j'ai  toujours  regarde  les  parties  paralitiques  de  cette  fil- 
le comme  incurables ,  du  moins  depuis  que  j'ai  fait  mes 
efforts  pour  l'en  delivtct  Se  foulager  avec  le  fecours  de  mes 
remèdes ,  8:  ceux  portés  pat  les  ordonnances  dud.  M.  l'Alle- 
mant  fameux  Medecm  ct-devant  nomme  Se  icelles  rappoi-* 
tées  il  dattces  ei-defllis  8c  que  j'ai  exécutées  avec  l'exacti- 
tude pofiible.  Je  ne  fais  nul  doute  de  aoirc  ainfi  que  cet- 
te fille,  8c  quantité  de  perfonnes  dignes  de  foi  me  l'ont  die 
8c  alTute  ,  qu'elle  a  ete  entièrement  guérie ,  ainfi  que  cela 
paroît  aux  yeux  de  tout  le  public  par  ua  effet  tout  mitacu- 
leux,  puifque  tout  fecours  humain  lui  cwtt  lûtt  inutile  pour 
là  guérifon,  8c  même  j'ofe  afl'urer  iinpoflïble  paifqu'encore 
un  coup  je  le  répète ,  cette  paralifie  etoit  incurable.  D'ail- 
leurs j'ajoute  d'autant  plus  de  foi  au  miracle  que  le  bon  Dieu 
a  Bit  en  faveut  de  cette  fille,  en  la  deliviani  de  l'infirmité 
de  cette  paralifie  par  l'intercciTion  de  défunt  M.  Roufl'e  ea 
fon  vivant  très  digne  Prêtre  Chanoine  de  l'Abbaie  Royale 
de  S.  Pierre  d'.Avenay ,  decede  l'an  pafle  Se  auquel  cette 
fille  a  eu  une  grande  confiance,  que  j'avois  l'honneur  Se  le 
bonheur  de  cotmoitre  ce  bon  Prêtre  S:  fidèle  lèrviteur  de 
Dieu,  pour  un  homme  qui  mcaoit  une  vie  ineptehenfibie 
des  plus  vermeufes  8c  édifiantes  qu'il  l'c  puilTe  voir.  Tout  ce 
que  delTus  je  certifie  vctitablc  ,  en  foi  de  quoi  j'ai  figne  , 
ce-jourd'hui  24.  du  mois  de  Février  de  l'an  17%%.  figné 
Pierre  Robert  avec  pjrjphe.  j4h  drffuHi  efi  é^rit  conaôle  à 
Paris  le  1.  Juin  I7?4.  reçii  11.  fùls,yî[«e  Dubois  enfxlte 
efi  éirlt  :  certifie  véritable  ,  figne  Se  pataphé  au  dclir  de 
l'acte  de  depôr  pour  minute  ,  palfe  par  devant  les  Notai- 
res  au  Chiiclet   de  Paris   foullignez  ce    14.  )niliet  I7;4. 

ftgné    C  A  u  R  E'    D  E   M  O  N  T  G  £  R  O  s  aVCC  L  O  Y  S  O  N  St 

R  A  Y  MO  N  D    Notaires. 

III. 
CERTIFICAT. 

'Fnjfé  fijr  devjnt  /es  Officieri  de  la  jufiiet  de  Ma- 
reiiil  le  29.  Décembre  nij.  par  \6i.  paroiffiens^ 
dans  le  nombre  def<jtiels  il  y  a  plufieurs  perfon- 
«es  de  condition  ,  des  Gentils  •  hommes ,  8^  det 
Officiers  dont  les  noms  font  confondus  avec  ceux 
des  Jîmples  habitans. 


l 


l 


N 


Ous  foulTigncz  habitans  de  b  paroilTe  de  faintHilaire 
de  Mareuil  fur  Ay  diocefe  de  Reims.  Vivement  tou- 
ches de  la  gticrifon  extraordinaire  arrivée  le  3. Juillet 
dernier  daus  la  chapelle  de  Ste.  Anne  de  l'Eglife  paroilTiale 
d'Avenay,  lut  le  tombeau  de  M  Gérard  Roùfle  vivant  Prê- 
tre Chaiioine  dud.  lieu  ,  en  la  pericnne  d'Anne  Augicr  fille 
paralytique  igee  de  47.  ans ,  habitante  de  notre  drte  paroil- 
Ic ,  nous  nous  croirions  coupables  devant  Dieu ,  fi  nous  ne 
failions  pas  ce  qui  citer,  notre  pouvoir  rourrevéler  àtoutc  la 
lette  Se  publiet  hautement  cette  merveille ,  que  nous  regar- 
dons comme  l'oeiivie  de  Dieurc'eff  pour  quoi  nous  dcclaiont 
Se  cenifioos  à  tous  Se  à  chacun  de  ceux  qui  ces  ptéfentcsvet- 
tont. 

I.  Que  nous  nous  fouvenon»  tous  très  bien ,  que  lad.  An- 
ne Auji,>er  a  ete  attaquée  de  d  paialyfie  fur  les  )ambes ,  dans 
l'Eglilè  de  notie  paroiQ'e  oii  elle  etoit  venue  en  bonne  lame , 
puut  affilier  à  l'Offiee  Divin  comme  nous,  le  iour  de  la 
tëie  de  tons  les  Saints  en  l'année  foï.  S<  que  cette  mala- 
die la  failit  \\  fuhitcmem  Se  ù  rudement,  qu'elle  eff  tom- 
bée tout  d'un  coup  comme  morte  far  le  p.ive  de  l'Eglilê 
en  ptelèiice  de  toute  raflcmblee  des  paroilficrs  Se  qu'il  a 
failli  aller  eheichei  ua  àae  £out  la  mettre  dcQ'us  Se  la  te- 
couduiic  chez  elle, 

1.  Que 


a 

decins  6c  Chirurgiciii  nu  l'iiia  lui  la  jnaïauie,  oc  qu'on  a  em- 
ployé tout  les  remèdes  qu'ils  on't  ordonné  pour  la  guérir ,  fans 
qu'on  ait  pu  y  reiiffir  en  aucune  forte. 

■3.  Que  dès  le  premier  jour  de  fa  maladie  ,  elle  a  perdu  le 
mouvement  des  jambes,  &  le  fentiment  cnviion  12.  jours 
après  tellement  que  plufieurs  petfonnes  pour  l'éprouver  y  ont 
enfoncé  des  épingles  &  des  doux,  fans  qu'elle  ait  donne  au- 
cun ligne  de  douleur  ni  de  fentiment. 

4.  Que  depuis  ce  tems-là  jufqu'a  celui  de  faguétifon,  elle 
a  toujours  été  couchée  fur  un  lit  ou  affife  dans  une  chaife  : 
qu'elle  n'a  jamais  pu  fans  le  fecours  de  quelque  perfoiine  fe 
coucher  ni  fe  lever,  ni  remuer  fes  jambes  pour  les  faire  chan 
ger  de  place;  &  que  pendant  les  22..  ans  qu'à  dure  fon  affli- 
ûion ,  elle  ne  s'eff  occupée  qu'à  filer  ou  à  inftruire  nos  en- 
fans  fur  le  catechifme. 

S-  Que  dans  les  11.  à  12.  premières  années  de  fon  infirmi- 
té ,  nous  lui  avons  vu  porter  2.  ou  5.  fois  pat  an  en  fa  mai- 
fon ,  notre  Seigneur ,  qu'elle  recevoir  couchée  ou  aliîfc  ,  par- 
ce qu'elle  ne  pouvoit  fe  mettre  à  genou.Xi&  dans  les  dernie- 
les  années  nous  avons  vu  qu'on  la  portoit  àl'Eglifedansune 
chaile  qu'on  lui  avoit  fait  fane  à  cet  effet  :&  loi  (qu'elle  vou- 
loit  communier  M.  le  Cure  ou  M.  le  Vicaiie  lui  portoit  no- 
tre Seigneur  à  fa  place  dans  la  Nef,  &  elle  le  recevoit  tou- 
jours affife  dans  fa  chaife. 

6.  Que  nous  l'avons  vue  plufieurs  fois  tomber  de  fa  chai- 
fe fur  le  pave  de  l'Eglife  pat  fa  grande  foiblefle  ,&  qu'il  ftl- 
lûit  l'aller   relever  &  la  remettre  dans  fa  chaife  comme  une 

Ferfonne  morte  :  lès  jambes  ne  lui  fervoient  de  rien ,  ni  pour 
empêcher  de  tomber ,  ni  pour  la  relever. 
,  7-  Qu'elle  eft  quelques  fois  tombée  ainfi  dans  fa  maifon 
étant  auprès  du  feu ,  &c  que  fans  le  fecours  de  quelques  per- 
fcnnes  fubites  &  fortes  qui  l'ont  retirée  habilement, elle au- 
loit  été  brûlée  entièrement;  fes  habits  l'étoient  déjà  en  par- 
tie. "^ 
^  8.  Que  pendant  les  12.  ans  qu'à  duré  fa  paralifie,  elle  a 
ete  affligée  d'autres  maladies  qui  l'avoient  réduite  à  une  foi- 
blefle extraordinaire,  &  fouvent  à  la  mort.  Elle  étoit  atta- 
quée de  tems  en  tems  d'une  efpece  de  mal  caduc,  qui  la  pri- 
voit  de  connoiflance  pendant  j.  ou  4.  jours,  pendant lefquels 
elle  ne  prenoit  aucune  nourriture:  elle  avoit  des  playes  en 
plufieurs  endroits  du  corps  caufees  par  fa  maigreur  extraor- 
dinaire, &  pat  la  néceflîté  d'être  toujours  dans  la  même  po- 
fture:  elle  avoit  auffi  nne  efpece  de  cancer  au  fein,  quia  com- 
mence il  y  a  environ  7.  à  8.  ans  par  un  coup  de  fabot ,  qu'un 
gueux  lui  donna  la  trouvant  (èule  en  fa  maifon  &  voulant  l'in- 
fulter,  6c  a  fini  entièrement  au  moment  même  de  lag'ieii- 
fon  de  la  paialifie.  Enfin  la  paralifie  s'etoit  étendue  fur  le 
bras  gauche ,  au  retour  du  voyage  qu'elle  fit  à  Reims  fin  une 
Charette  en  i-'2j.  dans  le  tems  des  0.  jouts  de  l'expofition 
du  corps  de  S.  Remy ,  fans  avoir  obtenu  fa  gucrilbn ,  que 
Dieu  avoit  refervee  au  jour  qu'elle  s'cft  fait  tranfporter  fur 
le  tombeau  de  M.  Roufiè. 

9.  Que  nous  avons  toujours  regardé  avec  tout  le  monde  fa 
paralifie  comme  incurable,  &  que  nous  favons  que  depuis 
la  première  année  qu'on  à  tâché  de  la  guérir  pat  toutes  for- 
tes de  remèdes ,  on  n'y  en  a  plus  fait  aucuns  fi  ce  n'eft  à  Ion 
bras  gauche ,  fur  lequel  on  en  a  applique  quelques  uns  lort 
que  la  paralyfie  s'en  eft  faifie ,  dans  l'cjpérance  de  pouvoir  le 
lui  fauver;  mais  on  n'y  a  pas  plus  réiiffi  qu'aux  jambes  à  la 
dittcrence  que  le  fentiment  n'a  pas  été  perdu  comme  aux 
jambes. 

10.  Que  nous  avons  une  connoiflance  parfaite  &  le  (ôuve- 
nir  ptefent  que  nous  ne  perdrons  jamais,  des ciiconftanccsfui- 
yantes  qui  ont  accompagné  le  voyage  que  lad.  Anne  Augier 
à  fait  a  Avenay  le  8.  Juillet  dernier,  jour  heureux  de  fa  gué- 
lifon.  Elle  a  été  mife  fur  un  âne  par  4.  ou  y.  perfonnes  :  on 
a  mis  là  chaife  portative  fur  un  des  panicis  de  l'âne  pour  lui 
fervir  à  appuier  fon  corps:  on  s'eft  fervi  de  grandes  napcs, 
qu'une  voifine  nommée  Mlle.  SaJmon  a  prêtées  pour  la  lier 
au  travers  du  corps  à  lad.  chaife  &  au  bât  de  l'âne.  Ilpleu- 
Toit  fi  fort  qu'il  a  fiiUii  lui  mettre  un  manteau  fur  la  tête , 
ce  qui  la  fit  beaucoup  fouffrir  le  long  du  chemin  ,  en  ce  que 
lapefanceur  de  ce  manteau  penétréJe  la  pluie  ,  lui  faifoit  plier 
le  corps  en  deux  n'ayant  pas  la.  force  d'en  Ibutenir  le  poids. 
Quand  elle  arriva  à  Avenay ,  elle  étoit  dans  un  tel  état ,  que 
les  perfonnes  du  bourg  qui  la  virent  s'étonnèrent ,  fe  diiant 
les  uns  aux  autres:  tjti'cft  irijm  ce-c!>  Où  cj!  ic  cju^nvainemr 
cuti  file  5><i'  femoet-i  II  ûllut  autant  de  tems  pour  Iciiidcen- 


opérj  fur  yfme  jfugkf. 


;.  Que  dans  lad.  année  on  itonfultè  les  plus  habiles Mé-     dte  de  HÏffîic  i«în»  «„>;i  «» -.en  t.  ^-- 

al  Eglile  de  la  paroiflè  dans  la  chapelle  dedie  à  Sie.  Anne , 
«  on  la  pofâ  fur  l'endroit  oii  eft  enterré  M.  Roiifl;.  Le  bruit 
,  ■  .  uS"':"'°"  S"'  a"'va  environ  nne  demie  heure  après, 
vint  bientôt  ,ufqu'a  Mareiiil  qui  n'eft  éloigné  d'Avenavquè 
dune  demie  lieuë  au  plus:  aufii-tôt  une  partie  des  habitlns 
y  courut  pour  voir  fi  ce  qu'on  difoit  étoit  vrai:  chaque  pet- 
Jpnne  qui  venou  la  faifoit  marcher  ne  voulant  s'en  èer  qu'à 
es  yeux:  le  concours  de  Mareiiil  &  des  lieux  voifins  àduié 
les  9.  lours  qu'elle  y  eft  reftee  pour  achever  fa  neuvaine 

11.  Que  depuis  le  i  r.  dud.  mois  de  Juillet  qu'elle  eftre- 
venue  dans  notre  paroiflè,  ayant  fait  les  deux  tiers  du  che- 
min a  pied,  nous  l'avons  vue  &  la  voyons  tous  les  jouts  al- 
ler &  venir  comme  les  autres ,  &  comme  (i  elle  n'avoir  ja- 
mais cefle  de  marcher!  ce  qui  caufe  ennousunétonnemcnt 
ûont  nous  avons  peine  à  revenir,  après  l'avoir  vue  comme  elle 
a  ete  pendant  22.  ans  ;  ce  que  nous  ne  pouvons  nous  empê- 
cner  de  regarder  comme  un  grand  miracle,  que  nous  croyons 
tous  que  Dieu  a  bien  voulu  faire  en  faveur  de  cette  pauvre 
fille  par  1  imerceffion  dud.  iVl.Rouflèquenous.ivonstouscon- 
"V""^""^  "«5-<*'g"e  P'être  qui  nous  a  édifiés  par  fa  1110- 

_ûeltie,  la  douceur.  Ion  humilité,  fa  charité  &  fa  piété  tou- 
tes les  fois  que  nous  l'avons  vii  dans  notre  paroiflè ,  ou  il  eft 
venu  fouvent  dire  lamefle,  particulièrement  pendant  les  deur 
années  qu'il  y  a  fait  les  fondions  de  Vicaire.  Ayant  con- 
noillance  de  plus,  que  lad.  Anne  Augier  ne  s'eft  fait  tranP. 
porter  aud.  lieu  d'Avenay ,  que  dans  la  confiance  en  ce  bon 
1  retre ,  &  dans  l'efpèrance  qu'elle  avoir  de  recevoir  quelque 
grâce  particulière  de  Dieu  par  fon  interceflion ,  &  quefagué- 
rilon  eft  arrivée  tout  d'un  coup  une  demie  heure  après  qu'el- 
le y  eût  fait  fa  prière.  i'  <;  qu  ci 

12.  Enfin  que  nous  ne  connoiflbns  aucune  perfonne  de  no-- 
tre  paroiflè,  qui  ne  foit  pleinement  perluadée  de  tous  les  faits 
ci-ccllus  rapportés ,  &  qui  ne  foit  prête  de  l'attefter  par  fa  fi- 
gnarure  &  lerment  ou  autres  témoignages.  En  foi  de  quoi 
nous  ayons  tons  figné  volontiers  &  avec  joie,  pour  rendre 
gloue  a  Dieu  de  fon  œuvre  ,  &  pour  édifier  les  perfonnes 
qui  en  auront  la  connoiflance. 

Nous  ne  voulons  pas  omettre  ici  un  événement  dont  nous- 
avons  aufli  connoiflance.  Savoir:  que  les  jambes  de  lad.  Anne 
Augier  s'ttoient  deflechées  d'une  manière  fi  extraordinaire  au 
bout  de  7.  à  8.  mois  de  la  première  année  de  fa  paralyfie, 
5h,^  ■"''"^  Salmon  femme  de  Pierre  Guiinbert,  aujour- 
d  hui  de  la  paroiflè  de  Fontaine  près  d'Avenay ,  qui  demcu- 
roit  pour  lois  en  notie  paroiflè  ,  les  ayant  confidérécs  trop 
artemivement  pendant  fa  grofliflè,  mit  au  monde  un  enfant 
qui  avoit  les  jambes  de  même  que  celles  de  cette  fille.  L'en- 
fant eft  mort  quelque  tems  après,  &  les  jambes  d'Anne  Au- 
gier qui  ont  toujours  été  deflechées  jufqu'au  joui  de  (a  gué- 
rifijn ,  (ont  revenues  au  même  état  qu'elle  les  avoit  avant 
qu'elle  fût  paralytique  ;  J/^nt  Antoine  Salmon,  Nicolas  Har- 
dy, Henry  Cartier,  J.  Bellot,  Simon  Baudouin,  Jean  Bel- 
lot,  Léger  Bafli ,  P.  Salmon,  F.  Hardy,  P.  Sarot  pour  ce 
dont  j'ai_  connoiflance ,  Catherine  Bonnaire,  P.  Salmon  le- 
jeune.  Colin,  P.  Baudouin,  Louis  Jacgnot,  Jeanla  Marie,' 
Louis  Michaut,  Criftophle  Robert,  Jean  Bouron,  P.  Maril- 
giiier,  Marguerite  Boudin,  Joachim  Fournier,  Anne  Leu- 
vie,  Sarot,  Anne  Honore  Louife  Colin,  Louife  PoncetSa- 
rot,  Marie-Anne  Colin ,  Jeanne  Henneguin,  Louis  Bellot, 
Claude  Baudouin,  Marguerite  Thcielè  Salmon , Nicole  Bel- 
lot,  Nicolas  Languet,  Antoine  Hardy,  Marie  Bellot, Jean- 
ne Bellot,  Jacques  Patron,  François,  Guillaume  Anceaux , 
Français  la  Marie,  Jean  Henry,  Simon  Robert  refident  à 
Piery ,  Guibal  Capitaine  aide  Major  du  Régiment  de  Cava- 
lerie d'Anjou,  Jeanne  Beflot,  Anne  Setatdet,  N.  Bouché, 
Hilaire  Hardy,  Pierret,  comme  vérité.  P.  Viletar,  Depet 
ger  Deguibal,  Marie  Anne  Pierret  de  Talange ,  Jeanne  Sal- 
mon, Marie  Claude  Salmon  ,  Marguerite  FrancoilèS'almon, 
Femiadan,  Jolèph  Hébert  .Pierre  Bellot  le  jeiinc,  Jean  Go- 
dan  ,  Magdelainc  Godait ,  Fiançoilè  Adam  ,  Frezein  Hébert , 
Nicole  Billecart,  Marie  S.ilraon  ,  Jeanne  ,'^almon  veuve  d'A- 
dam Salmon,  Anne  Salmon,  Hilaire  Gallant .  P.  Hazart, 
Jean  Jacgnot,  J.  Jacgnot,  JcanncHenry,  Marie  )eanneHer- 
mouville,  Nicole  Henry,  P.  Maiigniei ,  le  Fcvre,Jean  Li- 
gueue.  N.  Denizet,  Jean  Duval,  Pierre  Michaut  le  jeune, 
Marguerite  Denifc,  )ean  Thomas  Jacgnot,  Remy  Aubry,. 
Pierre  Labey,  Simon  Velin,  P.  Buudin ,  Claude  Billecart, 
Simon  Labey,  Salmon  le  jeune  Se  MarguiUier,  Satot  Re- 
A  5.  Cvveut 


4  Pièces  juftificati'ves  du  Miracle 

c(vear  de  neufchatel  &  dépendances,  le  Picard Dabbacourt , 
&  aiitics.  An  ccmmen^emrnt  de  tj  première  f-t^e  des Jî^natu' 
Tii  fft  éirit ,  moi  Tounîgaé  Claude  Bdlo;,  ai  rctiie  du  feu 
lad.  Au|iet,  ainfi  qu'il  eft  niarijué  ici  devant  à  l'article  7. 
figné  Claude  Rcllot..  EnCmie  dei  fignutnm  de  ljfe;md!p,i- 

ft  fp  écrit  :  Nous  Pierre  Robert  Lieutenant  en  la  jufticc  & 
revoté  de  Marciiil  fut  Ay ,  &  Jean  Joffrin  le  jeune  Procu- 
reur filcal  en  lad.  juflice,  certifions  à  tous  qu'il appaiiiendra 


C  E   R   T 


V. 
I   F 


I   C  A   T. 


que  les  fignatures  apcfecs  en  fi:i  du  procès  -  veibal  ci-deffus 
&  des  autres  parts  cctit ,  font  veittabics  ;  Se  que  le  contenu 
auj.  procès-retbal  cA  fincetc  8c  véritable  ayant  une  parfaite 
connoifl'ancc  de  la  vérité  d'icclui.  En  foi  de  quoi  nous  avons 
iîgnc  ces  ptéfentes,  &  iccUes  fait  Cgnei  pat  notre  GteSet 
oidinaire.  Fait  à  Mareiiil  ce  IQ.  Décembre  I7a'.  J/Vn?  Pier- 
re Robert,  Jofftin  ptocutcui  fircal,c5-  ?/«'  ij( yr^wtl).  Pièt- 
re Greffier. 

Enfttite  tji  é.rit  comiôlé  à  Paris  ce  1.  Juin  I7;4.  reçu  II 
fols,  Cgnc  Dubois  avec  paraphe.  An  dtjfoui  efl  éirii :  cetti- 
fié  veriiabic  figné  &  paraphe  au  délit  de  rAtXe  de  dépôt  pour 
minute.  Paflc  pat  devant  les  Notaiics  au  Chàreict  de  Paris 
fo.:flignés  ce  14  Juillet  1-54.  i^/^uc' Carre"  DE  Montoe- 
RON  avec  LoYsoN  &  Raymond  Noiaucj. 

IV. 

Ce  même  certijlcat  a  été  encore  figné  le  14.  Janvier 
1718.  par  fris  de  8o.  autres  perfonnci  ijiii  fefont 
«ffemblées  devant  les  mêmes  Officiers,  &>  ont  fait 
écrire  ce  qui  fuit  an  pied  de  la  minute  de  ce  pre- 
mier certifcat. 

AYant  apptis  que  la  préfente  déclaration  avoit  déjà  été  fi- 
gnte  de  pluliruts  pctfonnes  de  notie  patoillè ,  Se  ei.''nt 
audi  convaincus  que  nos  compattiotcs  de  la  vérité  des 
faits  qu'elle  contient.  Puifquc  Dieu  nous  a  donne  le  talent 
de  favoit  écrite ,  nous  ctoions  devoir  l'employer  aujourd'hui 
pour  at^eftct  avec  eux  une  metveilleaufli  éclatante  8c  anfli  in- 
comeftable.  j^/rm-  loffiin  âge  de  81.  aosancien jugedud  lieu 
&    Notaire   Royal,  P.  T.  Huchy,  Claude  Baudet,  Hilaire 

J.icgrot  René  Lpvin ,  Lonifc  Hardi  femme  de  maître  Jean 
ofttin  le  Jeune  Notaire  Royal  &  procureur  fifcaKHemy  la 
Marie,  P.  Labcy,  Louis  Bcllot  le  jeune,  Quencin  Pucin, 
Pierre  le  Maine,  Antome  Perot, Jacques Mea, Jacques Poi- 
rot,  Philippe  Baillet,  François  Cuan ,  Anne  Liegons,  |can 
Cocqueieaux,  N.  Lambert,  Nicolas  Bcllot,  Pienc  Hardy, 
Pierre  Thieny,  Pierre  Bcllot,  Ftançois  Robert,  Margueri- 
te la  Marie,  Jean  Baudouin,  Pliilippe  Chafane ,  A.  Robert , 
Antoine  Ga,  Didier   Aro  ,  Marguerite   Liazart  ,  Jean  Li- 

5ieiut,  Frezain  Baudin,  J.  Blondeau,  J.  Salmon,  Matie- 
canne  Hardy,  Antoine  Cartier,  Jacques  Patron,  Marie, 
Marguerite  Drout,  Nicolas  Haguinot,  Anne  Hardy, Gérard 
Haguinot,  Jeanne  Jacgnot ,  Rciny  Gctaid,  Nicole  Robett, 
Ponce  Jofeph  Caiiier,  Claude  Uacy,  Antoine  Salmon  le  tils, 
Jean  Jacgnot,  Matie  Salmon,  Claude  Coutan  Tapllfier  de 
Paris ,  Jeanne  Baudoiiic  ,  Piettc  Hcbert ,  François  Kolin , 
Jcaïuie  l'arron,  Gérard  Bellecart , Claude  Denilart, Jacques, 
"Henneguin,  Jacques  Guimbert,  Maiic  Guimbcit,  C'atlieti- 
BcCîUimbett, Philippe  Poirot  de  la  paroifle  de  Verfay, Jean- 
ne Ferat,  Geneviève  Durand  de  la  patoiiVe  d'Avenav ,  Pier- 
re Robert,  Ponce  Jofeph  Robett,  Jeanne  Robert  oc  la  pi- 
roifi'e  d'Avenay  Se  autres,  8cc. 

Nous  fouflignés  Lieutenant  en  la  jnftice  Se  prévô:c  de  Ma- 
rciiil &  Procureur  fifcal  de  lad.  juftice,ccrtifionsatousqu'il 
appaitiendra  que  les  fignatures  ci-delVus  Se  d'autres  part  t'ont 
véritables, ainli  que  le  contenu  au  proces-verbal  aufli  d'autte 
pati ,  Se  que  foi  doit  y  être  aioutce.  En  foi  de  quoi  nous 
avilis  lignes  ces  pnTentcs  8c  icelles  fait  lignet  pat  noue  Gtef- 
tier  oidinaire.  Fait  aud.  Mareiiil  ce  14.  janvier  l'iS.  H- 
/h'  Pierre  Robert  Lieutenant,  &  fini  bjs  Jî^ur  [oftiln  Pto- 
ciitcur  filial.  An  dr/Jiut  flfn/  Der.is  Pierre  Greilier:  J  tiié 
eft  ririt ,  contrôle  1  Paris  le  1.  Juin  1^54.  leçù  11  fols,^!'- 
fii'  Dubois.  En  m.fft  de  I.1  frrmitre  f,tg'  tji  éirit  certifie 
vciiiable  figné  8c  paraphe  au  dclir  de  l'.Acte  de  dépôt  pour 
minute,  palic  par  devant  les  N^itaires  au  Chateler  de  Paris 
louffignci  ce  14.  Juillet  1-54.  .S',; ../ C^akre' de  MoNroE- 
KON  avec  LoYioN  £c  Kaymonu  Noiaucj. 


De  Françoife  The'jeny ,  Claude  Salmon  ,  Qfi  Marie 
Landrin  ,  qui  ont  eu  la  charité  pendant  plufîeurl 
années  de  prendre  foin  d'Anne  Augier  alors  inca- 
pable de  fe  remuer. 


PAr  devant  moi  Jean  Joffrin  Notaire  Royal  au  Baillage 
d'Epcrnay,  reiident  a  M.nreuil  fur  Ay ,  prefcns  les  té- 
moins ci  aptes  nommés  fouifignez,  furent  préicntes  en 
leurs  pcrfonnes ,  Françoife  Theveny  femme  d'Antoine  Salmoa 
le  jeune  voimrier  par  eau  fur  la  rivière  de  Marne,  Claude 
Salmon  femme  de  Jacques  Henneguin  auBi  voimrier  par  eau 
fur  lad.  rivière,  ic  Marie  Lar.diin  fille  majeure  couturière, 
toutes  trois  demeutant  aud.  Maieiiil.  Lel^uelles  nous  ont 
dit  Se  déclaré  que,  defitant  contribuer  aurant  qu'il  eft  ea 
elles  à  la  gloiie  qui  eft  due  à  Dieu ,  pour  le  miracle  qu'il 
a  fait  le  8.  Juillet  dernier  en  la  chapelle  de  Ste.  Anne  de 
l'Eglife  patoiilîale  n'Avenay  fut  le  tombeau  de  feu  M.  Gé- 
rard RoulVe , vivant  Prêtre  Chanoine  dud.  lieu  a'Avenay.ea 
la  peifonne  8c  faveui  d'Anne  Augier  fille  âgée  de  47.  an«, 
habitante  de  lapatoilfedud.  Mateuil,déclaienr publiquement 
6c  certifient  à  tous  Se  un  chacun  de  ceux  qui  litont  ces  pté- 
fcntcs,  ce  qui  fuit,  dont  elles  ont  connoillance  patticuliere, 
pour  avoir  vu  8c  fréquenté  lad.  Anne  Augier  plus  que  pet- 
lonne  pendant  fon  infirmité,  à  l'effet  de  quoi  nous  auroient 
requis  de  rédiger  par  cctit  les  déclarations  de  chacune  d'elles , 
qu'elles  nous  ont  dictées  Se  par  nous  rédigées  cola  forme  fui- 
vante. 

De  la  part  de  lad.  Françoife  Thcvery  a  é:é déclaré, qu'el- 
le  a  prelque  toujouts  été  avec  lad  A.  Augier,  depuis  envi- 
ton  18.  ans  qu'elle  demeure  proche  la  maifon  où  elle  a  de- 
meuré pendant  qu'elle  a  ère  malade.  Pendanr  tour  ce  tems , 
elle  la  couchée  Se  levée  prefque  tous  les  jours  à  l'aide  d'autres 
peifonnes  qui  s'y  trouvoient  j  cai  quelque  fois  il  falloit  pins 
d'une  pcrfonne  pour  ce  faire:  qu'elle  la  fait  apporter  beaucoup 
de  fuis  chci  clic ,  ou  elle  reftoit  quelques  jours  de  fuite  ;  Se 
alors  elle  couchoit  avec  lad.  Theveny  :  qu'elle  a  fouvcnt  va 
examine  Se  touché  fes  jambes:  qu'il  n'y  avoit  nichait  ni  mol- 
let, les  os  couverts  feulement  d'une  peau  fechc  Se  livide,  fie 
toute  d'une  venue  comme  deux  bâtons:  que  quand  el.e  la 
couchoit ,  elle  la  prenoit  entre  lés  bras ,  Se  la  fourenant  elle 
fcntoit  fes  jambes  qui  pendoicni&  fiapoicnt  fut  fes  lupcs  com- 
me deux  morceaux  de  bois:  qu'elle  couchoit  lad.  Augierrn 
deux  fois,  d'abord  elle  raetioii  fon  cotps  fur  le  lit, puis  elle 
prenoit  fes  jambes  Se  les  portoit  pour  les  mc.rre  aulfi  fur  le 
iir:que  quand  elle  la  tranfportoit  a'une  place  à  une  autre,  8c 
que  les  jambes  touchoient  a  terre  ,  elles  croient  ttaineesapré* 
(on  cotps  comme  deux  pièces  de  bois  :  que  loifque  lad.  .Au- 
gier ctoit  feule  Se  qu'elle  vouloit  changct  de  place ,  elle  fai- 
foit  mouvoir  là  chaife  par  le  moyen  de  fes  bias,  puis  elle  pre- 
noit fes  jambes  l'une  après  l'autte  poui  les  mente  ou  elle  vou- 
loit: qu'elle  a  lad.  Theveny  temaïqueplulieuisfois  .que lor(^ 
qu'étant  couchée ,  lad.  Augier  s'abaifloit  dans  le  lit ,  fes  ge- 
noux reftoient  élèves  en  f\jtme  d'arcade,  8e  qu'ils  rclioietit 
toujouts  dans  la  même  lituation,  à  moins  que  quelqu'un  ne 
les  lui  abaiflat  ou  qu'elle  même  ne  le  Hi  comme  elle  pouvoit 
avec  les  mains,  ou  bien  en  fe  relevant  le  haut  du  corps;  a- 
lors  fes  jambes  tomboient  d'elles  mêmes  8e  fe  mettoient  de 
niveau  au  corps.  Se  le  fuivoient  comme  deux  morceaux  de 
bois  qui  y  auroiem  ère  attaches:  qu'icellc  Theveny  a  remai- 
que  que  les  orgies  de  k%  pics,  n'ont  point  crû  pendant  la  ma- 
ladie. 8c  qu'ils  ont  recommence  à  croître  atilVuôt  après  là 
gueiifon:  que  dans  le  cours  de  fes  maladies  les  intiimitcs 
etoient  li  gtandcs  Se  qu'elle  en  ctoit  tellement  accablée  ,  que 
lad.  Theveny  la  crut  ptcre  à  mourir  plus  de  cent  fois ,  8c 
qu'elle  lui  a  louvenr  dit:c^  f,r,t  tme  ffii  qmr  je  t'rnfrvcUrji. 
De  la  part  deld.  Claude  Salmon  S<  Matie  Landrin  a  cté 
déclare  qu'outre  les  faits  ci-dciVns  rapoiies,  dont  elles  difent 
avoit  une  entière  connoilVance ,  quoiqu'elles  n'ayentpasvù  li 
lonvent  lad.  Augier  pendant  fa  maladie,  que  lad.  Fiançoilë 
Theveny,  elles  cenifient  avec  lad.  Theveny,  que  depuis  la 
piemicic  annce  de  W  patalylic,  on  n'a  f^ii  aucun  rcincdc  aux 
ïambes  de  lad.  Au^'ier,  fàtce  qu'on  eixii  pciluade  qu'il  n'y 
en  avoir  aucmi  n.iiniel,  qui  piu  la  gnetit. 

(^l'elles  l'ont  vue  toutes  trois  plulieurs  fbif  tomber  ^  l'E- 
^ilc,  Se  i'ont  aidcc  a  le  relever:  que t'ilaiitvvit quelque  fois 

que 


opéré  fur  Anne  Augier 

eue  (on  livie  lui  tombât  rfes  mains,  le  moindre  mouvement 
qu'elle  faifoit  en  le  baiHàut  pour  le  reienir ,  la  raifoit  tomber , 
ix.  itouncr  lie  la  tête  li  ruiiement  fui  le  pavé ,  qu'elles  ont  wù 
plulîeurs  fois  qu'elle  en  mourtoit. 

Qu'elles  ont  auiFi  vii  lad.  Augier,  quelques  fois  après  qu'el- 
le t:oit  tombée  chez  elle  dans  l'on  feu  par  uu  lemblal)le  ac- 
cident, ont  aide  à  refaite  lès  habits  briiles,Sc  à  la  panier  de 
Quelques  plaies  de  brûlures  qu'elle  avoit  aubiasquiavoit  cie 
ans  le  feu. 

Qu'elles  l'ont  vue  dans  fon  mal  caduc  5.  à  4.  jours  fans  par- 
ler ni  raanscr,  &;  même  après  qu'elle  etoit  revenue  de  Ion 
mal,  elle  croit  encore  plufieurs  jours  fans  pouvoir  parler, 
&  qu'on  avoit  peine  à  la  faire  manger.  Ont  encore  décla- 
ré avoir  connoilfaucc  des  circonftances  qui  ont  donne  lieu 
à  lad.  Augier  de  fe  faire  conduire  à  Avenay ,  ou  elle  a  ete 
guérie,  &  même  de  li  guerifon,  de  la  quelle  déclaration  la 
teneur  s'en  luit. 

C'eft-à-favoir ,  qu'un  jour  Anne  Mignon  Veuve  de  Nico- 
las Blondcau,  appellée  vulgairement  la  grande  Nanette,  de- 
meurant à  Mareuil,enua  chez  lad.  Augier ,  lui  raconta  qu'el- 
le venoit  d' Avenay,  ou  elle  avoit  vu  M.  Rouflé  fort  mal, & 
qu'en  le  quittant  e  le  s'etoit  recommandée  à  les  prières,  ce 
qui  fit  dire  à  lad.  Augier,  qu'elle  auroit  bien  voulu  avoir  le 
même  bonheur,  regardant  cela  comme  un  bonheur,  par  l'c- 
ftirae  qu'elle  avoit  pour  led.  Sr.  Roufle  :  que  lad.  Tlievcny 
entra  chez  lad.  Augier  un  moment  après ,  à  qui  elle  fit  le 
récit  de  ce  que  la  grande  Nanette  venoit  de  lui  dire ,  &  lui 
communiqua  la  penfee. 

Deux  jours  aptes,  elle  apprit  la  mort  dud.  Sr.  Roufle.  Ce 
fiit  dans  ce  moment  que  lad.  Augiet  conçût  la  penlce  ic  le 
defir  de  pouvoir  être  conduite  fur  fon  tombeau  ;  qu'elle  di- 
foit  que  ce  léroit  la  même  chofe  que  li  elle  eut  ete  auprès 
de  lui ,  lorlqu'il  étoit  au  lit  de  la  mott,  poui  fe  recomman- 
der à  fes  prières:  qu'elle  le  dit  à  lad.  Theveny  danscetems- 
là,  &  elle  a  toujours  été  dans  ce  feniimcnt  jufqu'au  8. Juil- 
let dernier. 

Que  lad.  Augier  l'a  aulïï  communiqué  à  lad.  Landrin, 
qu'elle  l'a  aidée  a  lui  faire  e.tccuter  fon  dellèrn,  l'a  luivie&; 
accompagnée  dans  Ion  voyage ,  Se  a  été  témoin  du  miracle 
arrive  en  un  moment  vers  l'offertoire  de  la  meflo,  qu'elle  en- 
tendoit  erant  dans  fa  chaife  ,  lut  le  tombeau  du  dit  fieur  Rouf- 
fe:  que  c'eft  elle  qui  a  crie  tout  haut  dans  le  ttaniportd'ad- 
miiation  ou  elle  étoit ,  que  c'etoit  un  grand  miracle  que  Dieu 
venoit  de  faire  pat  l'interceffion  de  celui  qui  étoitentetreen 
ce  lieu. 

Qu'elles  pourroient  encore  raporter  beaucoup  d'autres  par- 
ticularités de  la  maladie  extraordinaire  de  lad.  Augier  ;  mais 
que  cela  léroit  trop  long.  Se  qu'elles  ctoyent  que  ce  qu'el- 
les en  ont  dit  ci-deflirs  ,  eft  fuffifant  pour  pcrfiader  les 
perfonnes  raifonnables ,  que  la  guetilon  d'une  telle  maladie, 
&  de  la  manière  qu'elle  eft  arrivée ,  ne  peut  qu'être  l'effet 
de  la  toute-puiflance  de  Dieu,  8c  pat  confequent  un  grand 
miracle , qu'elles  admirent  tous  les  jours  de  plus  en  plus, en 
voyant  lad.  Augier  marcher  auffi  librement  qu'elles,  &  com- 
me li  elle  n'avoit  jamais  été  paralytique;  ce  qui  les  porte  fans 
celle  a  en  loiier  Dieu ,  &  à  lui  tendte  grâces  de  ce  bienfait , 
accorde  en  faveur  de  lad.  Augier  leur  amie&co.iipagne,  dont 
de  tout  ce  que  defliis  lefd.  comparaniesontrequis  Arte  àmoi 
Notaire  fudt  prefens  lefd.  témoins,  5c  à  elles  accorde  ces  pré- 
iêntes  pour  fetvir  &  valoir  en  tems,5c  à  qui  ilapartiendra, 
ce  que  de  raifon.  Promettant  lefd.  comparantes  affirmer  en 
cas  de  befoin  Se  à  toutes  réquifitions ,  que  le  contenu  en  leuts 
ptéfentes  déclarations  eft  véritable ,  fut  peine  Sec.  Renonçant 
Fait  Se  palTé  aud.  Mareiiil  en  l'étude  dud.  JofFrin ,  l'.in  1 72S. 
le  2.1.  Avril  après  midi:  préfens  Denis  Pierre  Greffier  en  la 
(uftice  &  Prévôté  dud.  Mateuil  y  demeurant.  Se  de  Remy 
Adam  Maréchal  demeurant  aud.  lieu,  qui  ont  ligne  avec  nous. 
Et  quand  auxd.  Theveny  Salmcn  Se  Landtin,  ont  déclare  ne 
favoir  écrite  ni  figner,  cle  ce  interpellées ;lc£ture  faite,  aver- 
ties du  contrôle ,  iihtfi  ftgnc  en  fut  de  Li  rrinute  des  préfentes  ^ 
Denis  Pierre,  Remy  Adam,  &  JoSrin  avec f araphes ,& plus 


ce    14.   Juillet    1754.  figné  CaRRE'  DE  MONTGETION  avec 
LoYsoN  éc  Ray.mond  Notaires. 


C  E 


VJ. 
R  T  I  F 


I  C  A  T. 


De  M.  de  Truffon  Major  de  Marjal ,  Qp  des 
Dlles.  fes  fœurs. 

NOus  fouiTgncs  Chriftophle  de  TrulTon ,  Chevalier  Je 
l'ordre  de"S.  Louis  Major  de  MaifalSc  Louife  Se  Ca- 
therine de  Tiuflbn  demcurans  à  Chaalons ,  certifions 
à  tous  qu'il  aparticndra,que  nous  avons connoifl'ancc qu'An- 
ne Augier  fille  de  la  paroiflé  de  Mareiiil  .îgce  de  47. ans, a 
été  paralytique  des  jambes  depuis  l'an  1705.  jufqu'au  huitiè- 
me jour  de  Juillet  dernier,  qu'elle  a  été  guérie  fubitcment 
dans  la  chapelle  de  Sie.  Anne  de  l'Eglife  paroiffiale  d'.'Vve- 
nay,  fur  le  tombeau  de  M.  Rouflé,  vivant  Chanoine  dud. 
Avenay  mott  aud.  lien  le  neuvième  Mai  dernier;  que  pen. 
dant  les  12.  années  qu'a  duie  la  maladie  de  lad.  .\ugier  ap- 
pellée communément  dans  le  lieu  dud.  Mareiiil,  Nanon,  nous 
l'avons  vue  un  grand  nombre  de  fois,  notre  coutume  erant, 
lorlque  nous  étions  arrives  dans  notre  maifon  de  campagne 
fituce  aud.  lieu,  d'aller  voir  cette  paiiyte  fille  affligée,  pour 
la  confoler  Se  l'exhorter  à  la  patience:  que  nous  ne  l'avons 
jamais  vue  dans  d'autre  fuuation  que  couchée  fur  Ion  lit ,  ou 
alfilé  dans  une  chaife  portative  qui  lervoit  à  la  porter  à  l'E- 
glife,  lorfqu'elle  vouloir  y  faire  fes  dévotions. 

Que  nous  avons  vu  dès  le 'commencement  de  fa  paralyfie, 
des  pieuves  cerraines  qu'elle  avoir  perdu  entièrement  le  mou- 
vement Se  le  fentiment  des  jambes,  plufieurs  peifonnes  lui 
aj'ant  enfoncé  des  épingles  5c  des  doux  dedans, fans  qu'elle 
l'ait  fenti,  d'autres  l'ayant  reriree  du  feu  où  elle  etoit  tom- 
bée ,  ce  qu'elle  n'avoit  pu  éviter ,  le  feu  ayant  dejabriiie  uns 


I 


tas  efi  écrit:  contrôle  i  Ay  le  21.  Avril  1728.  pat  l'Efpine 
<jui  a  reçu  les  droits  de  contrôle. 

Délivre  pour  fimple  expédition  auxd.  comparantes  Se  re- 
queranres,  pour  leur  fervir  Se  valoir  ce  que  de  raifon,  par 
moi  Notaite  fuld.  fouffigné ,  les  jour  mois  Se  an  que  deniis. 
J/rac' Joffrin  avec  paraphe ietifiiiie  efi  écrit:  certifie  véritable, 
ligne  Se  paraphe  au  défit  de  l'.\i£le  de  dépôt  pour  minute, 
paflTé  par  devant  les  Notaires  au  Châtçlet  de  Paris  fouflignes  , 

1,  Demonfl.  Tom  IL 


partie  de  fes  habits,  patce  qu'elle  ne  pouvoit  pas  fe  fervir  de 
lés  jambes. 

Que  nous  l'avons  vue  plnfieuts  fois  communier  à  l'EgliCc 
auprès  de  notre  banc,  eu  M.  le  Cure  lui  apporroit  notre  Sei- 
gneur ,  qu'elle  recevoir  affile  dans  fa  chaife ,  parce  qu'elle  ne 
pouvoit  lé  mettre  a  genoux. 

Qtie  pendant  tout  ce  tems ,  outre  la  patalyfie ,  plufieurs  au- 
tres infirmités,  entt'autres  un  ulcère  au  fein ,  que  le  Sr,  Pier- 
rot Chirurgien  d'Ay  a  panfe  long-tems  comme  un  cancer, 
l'avoient  réduite  à  un  état  digne  de  compaffion  ;  de  fotte 
qu'on  croioit  de  tems  à  autie  qu'elle  alloit  mourir:  que  de- 
puis environ  2.  ans  la  paralyfie  s'etoitjettéefur  undelésbias. 
Se  l'avoir  rendue  impotente. 

Que  depuis  la  piemiere  année  de  cette  maladie,  dans  la- 
quelle nous  avons  aidé  avec  plufieutsperfonnes charitables,  à 
faire  ce  que  les  Médecins  5e  Chiiuigiens  cor.léilloient  pour 
la  guérir,  nous  avonstoujoursregardé  avec  tous  les  autres  cette 
maladie  comme  incurable  ;  de  forte  que  depuis  plus  de  20.  ans  , 
on  ne  lui  a  fait  aucun  remède ,  li  ce  n'ell  à  l'on  bras  paralyti- 
que il  y  a  2.  ans,  mais  auOlî  inutilement.  Tout  cela  à  fait 
que  nous  avons  été  très-fiupris  d'apprendre  la  guerifon  fubite 
de  certe  pauvre  fille.  Se  encore  plus  lorlque  nous  l'avons  vue 
marcher  librement.  Se  paifiitement  gueiie  de  toutes  les  in- 
firmités, fur  tout  lorlque  nous  avons  appris  les  circonftances. 
de  (i  guerifon  que  nous  n'.ivons  pu  nous  empêcher  de  re- 
garder comme  un  effet  miraculeux  de  la  toute-puiflance  de 
Dieu  accorde  à  l'interceffion  de  feu  M.  Roufle,  à  qui  elle 
a  eii  recours:  Se  nous  avons  encore  été  confirmés  dans  ce  fen- 
timent, lorfquc  nous  avons  vu  dans  le  mois  d'Août  dernier 
Marguerite  Hazatd  notre  fervame  pour  notre  mailôn  de  M.i- 
reiiil,qui  étoit  attaquée  d'un  ihumatifme  qui  la  faitfouffrir 
depuis  3.  ans  St  demi,  fans  lui  laillér  de  repos  ni  jour  ni 
nuit ,  Se  qui  a  été  guérie  tout  d'un  coup ,  pendant  une  neu- 
vaine  qu'elle  avoit  entreprife  pour  obtenir  de  Dieu  fa  gueri- 
fon, par  l'interceffion  dud.  M.  Ronfle. 

En  foi  de  tout  ce  que  defliis,  nous  ayons  figné  aud.   Ma- 
reiiil le  quatoizicme  jour  de  Novembre  1717.    STgtié  Trul^ 


fon  ,  Louife  Truflbn  Se  CatlierineTrulfon.  ^n  dcjfnus  efi  écrit 
contrôlé  à  Paris  le  2.  juin  1754.  reçu  17. fols  j'/^îjc'pubois 
avec  paraphe.  A»  defprns  efi  écrit  i  certifie  véritable,  figne  Se 
paraphé  au  défit  de  l'Aite  de  dépôt  pour  minute  paflè  pat 
devant  les  Notaires  au  Châtelet  de  Patis  fouffigiiés,  ce  14- 
Juillet  i7?4.  J/>wf' Carre'  de  Montgeron  avecLoïsoht 
&  Raymond  Notaires. 


VIT. 

CERTIFICAT, 

De  M.  de  Mongeoi  de  la  BoHtillerie. 


Pièces  jujlificatives  du  Miracle 

vement  de  tous  lis  membres  Itès  libre;  M  que  je  certifie  Té- 
ritjble.  Fait  aiid.  Ay  ce  i.  Oûobie  1717.  J^fn/ Pierrot, fc 
en  marge  eft  écrit:  connôlc  à  Paris  le  l.  ]uin  1734.  '*$■ 
11  lois,  Si^nc  Lacroix:  .i«  rfo<  rji  éiril ,  <^c. 


Jfc  Jacques  Chriftophlc  de  Mongeot  de  la  BcutiUctie ,  E- 
cuicr  Seigneur  d'Aguilcourt,  Ancien  Capitame  au  Régi- 
ment du  Roi,  ccnific  que  j'ai  vu  &  connu  depuis  ij.  ans 
Anne  Augier  native  de  Marciiil ,  attaquée  d'une  gtanue  pa- 
lalylîe.Sc  que  Dame  Marie  de  Paris  mon  epoufc,  a  eu  la  mê- 
me connoillincc  depuis  ce  tems-li ,  &  que  nous  l'avons  vue 
à  la  vandange  dernière  cntittement  gucrie  comme  lit  lie  n'a- 
Toit  jamais  eu  d'incommodité.  Fait  à  Reims  ce  20.  Mars 
I7Z8.  S!fni  Mongeot  de  la  lioutillerie  :  Marie  de  Paris.  Ah 
Jrjfoms  tjl  éir!i:  contrôle  à  Paris  le  2.  Juin  17 H-  "=î'î  "^ 
fols,  Signé  Dubois:  ju  d-^s  tft  étrit :  certifie  véritable  ,  ligné 
&  paraphe  au  dcfir  de  l'arte  de  dépôt,  pour  minute  pafle  par 
devant  les  Notaires  au  Châtelet  de  Paiis  foulTignes,  ce  14. 
Juillet  1754.  J/V«f  Carre'  de  Mostgeron  avec  Loyson 
&  Raymond  Notaires. 

VIII. 

CERTIFICAT. 

De  M',  de  Coujjy  des  Marets,de  M.  de  Cottfyfon 

fis,  de  la  D'.  le  Picard  d' Ablancour  fa  fille  ,&> 

de  la  femme  de  chambre  de  cette  Dame. 

NOu  s  IbulTignés  Marie  Chevalier  veuve  de  Pierre  de 
CoulTy  en  fon  vivant  Chevalier  Seigneur  des  Marets , 
Bury  &  les  Iftrcs,  Pierre  de  Couil'y  Lieutenant  au  Re- 
eimerit  de  Navarre,  Maiic-Marguerite  de  Coufly  epoule  Je 
Charles  le  Picart,  Chevalier  Seigneur  d'Ablancour,  Marie 
lacquotte  femme  de  chambre  de  Me.  de  CoulTy  ;  certifions 
que  nous  avons  toujours  regardé  comme  incurable  laparaly- 
(le  dont  Anne  Augier  de  la  patoilTe  de  MareuiUut  Ay  ,dio- 
céle  de  Reims ,  fa:  attaquée  il  y  a  environ  12.  ans  qui  la 
rendoit  impotente  des  jambes,  lui  en  ôtant  le  mouvement 
&  le  fentimcnt:  ce  qne  nous  avons  connu  pat  nous-mêmes, 
8c  que  nous  tenons  pour  miraculcufc  la  gutrifon  qu'elle  a  re- 
çue dans  l'Eglile  paroidiale  dud.  Avenay  ,  auflî  Dioccle  de 
Reims  au  mois  de  Juillet  dernier. 

En  foi  de  quoi  nous  avons  fignc  i  Ablancour  Dioccfo  de 
Chaalons  lieu  de  notre  demrure  aôuelle,  ce  ij.  Février 
1-28.  S!s''é  M.  Chevalier  de  CcnOy,  P.deCoully,  MM.de 
Coufly,  d'Ablancour,  Marie  Jacquottc.  y*«  rf^/Ti'"  rfi  éirit: 
contrôle  à  Pans  le  2.  Juin  l'H-  "î'i  '2-  'o's.  %«'  I^": 
bois.  Enflai!  rji  hrU:  certifie  véritable,  ligne  &  pataphe 
au  défit  de  l'arte  de  dépôt  pour  minute,  pafle  par  devant 
les  Notaires  au  Chàtelct  de  Paris  fouffigncs,  ce  14.  Juillet 
1734.  JiVm/ Carre'  de  Montceron  avec  Loyson  &  Ray- 
mond Notaires. 

IX. 

CERTIFICAT. 

"Du  fieur  Pierrot  Chirurgie». 

E  SoulTignc  maître  Chirurgien  au  Baillage  d'Epernay  & 


J 


Cnirurcîen  jure  aux  rapports  demeurant  a  Ay  ,  certifie  i      pui 


tous  qi.'il  apariieiidta  avoir  panfe  &  mcdicamenrc  Anne 
Augict  fille  demeurant  .1  Marcul  fut  Ay ,  d'une  bleflure  au 
feiif  en  Septembre  &  Octobre  I-'14.  Pendant IcJ.  tems,  j'ai 
leconnu  îc  remarque  que  lad.  Augier  etoit  paralytique  des 
parties  infciicutes  .depuis  les  os  ifcliion  ,enlotic  qiielescuif- 
fes  &  fes  jambes  ctoient  fansaucuii  mouvement  nifcntiment. 
Comme  elle  étoit  logée  pour  lors  dans  une  perite  mailonaud. 
Mareùil ,  ou  il  n'y  avoit  point  d'antre  ouverture  que  la  por- 
te de  lad.  maifon  .  cela  m'obligcoit  afin  de  voit  clair,  de  la 
tirer  de  Ion  lu  pont  découvrir  les  incommodités  poutlapan- 
fet ,  n'ayant  aucun  mouvement  dcfd.  parties.  Depuis  envi- 
ton  1.  mois  <Sc  demi ,  .lyant  a  faite  dans  led.  lieu  de  Ma- 
teuil,|e  tenconiiai  lad  fille  A  iigiet ,  maichant  dans  une  mai- 
fon ttts  libiement,  allant  8c  venant  pat  tout  ,&  dans  les  mes, 
te   qui  me  fuiptit  ttcs-f.itt,  ne  pouvant  m'imaginer  que  ce 

fût  cette  dite  fille Trois  fcmaines  en  luivant ,  lad.  Augiet 

fft  venue  a  Ay  me  voit  Se  me  temttciet  des  bonsfoimque 
j',«Tais  cil  pom  cUe,  ctaut  co  uis-bonu^ùntc.ayaiulcmuu- 


CERTIFICAT. 

De  M.  de   Keims  Médecin  du  Roi ,  &  du  S, 
Pierrot  Chirurgien  d'Ay. 

CE  jourd'hui  7.  jour  de  Novembre  1-2".  nous  foulîignù 
Jacques  de  Reims,  Coniciller,  Médecin  du  Roi  de- 
meurant a  Epctnay  ,&  Jean  Pictrot  Maître  Chirurgien 
Juré  demeiranr  à  Ay  ,  certifions  qu'.^nne  Augier  fille  dé- 
nommée d'autte  part  ,  eft  patfiiitcment  guétie  de  l'abcèt 
qu'elle  a  eu  au  fein  gauche  ,  âc  qu'elle  joiiit  préfentcment 
d'une  famé  patfaitc ,  ayant  l'ufage  de  tous  fes  membres  ;  ce 
que  nous  atfirmons  véritable.  En  h\  de  quoi  nous  avons 
drcfle  ce  prefent  certificat,  les  joui  8c  an  que  deflus ,  fign^ 
de  Reims,  Pieirot.  Ah  irjpini  rft  écrit:  contrôlé  k  Parii 
le  2.  Juin  1734.  reçu  12.  fols  Sl^né  Dubois  utec  pjr.Kht; 
enfmii  rfl  écrit,  certifie  véritable:  Cgne  8c  paraphe  au  défit 
de  l'Ade  de  dépôt  pour  minute  ,  paflè  pat  devant  les  Nc- 
taiies  au  Châtelet  Je  Patis  fouflignés,  cejouid'hui  I4.juil- 
let  1734.  .S^iV»;'-' Carre'  de  Montgerqn  avec  Loyson  6e 
Raymond  hîotaiies. 

XI. 

CERTIFICAT. 

De  M.  Leboiicg  Curé  de  Fromentieres. 

JE  fouffigné  Prêtre  8c  Cure  de  Fromentieies  au  Diocéfe  de 
Chaalons  fut  Marne,  certifie  que  des  le  tems  deraajeu- 
nefle,  8c  depuis  plus  de  20.  ans  ,  )'ai  utie  connoilfance 
certaine,  qu'.\nne  Augiet  fille  de  Mateiiil  fut  Av,  dont  je 
fuis  aulTi  natif,  a  ete  attaquée  d'une  paralyfie qui  lui  efttom- 
bee  fur  les  ïambes,  8c  qui  lui  en  a  fait  perdre  entièrement 
le  fentimcnt  8c  le  mouvement:  3c  qu'ayant  fait  les  fonctions 
de  Vicaire  dans  la  paroifie  dud.  Mareuil,  pendant  4.  ans  8c 
demi,  favoir  depuis  les  fêtes  de  Piques  de  l'an  1713.  juf- 
qu'à  la  S.  Rémi  de  l'an  i;"!-.  j'ai  reconnu  d'une  manière  i 
n'en  pouvoir  douter,  dans  les  fiequentes  vifites  que  j'ai  ten- 
dues a  lad.  Anne  Augiet,  pour  la  confoler  dans  fon  affliction, 
que  fa  maladie  croit  tics-reelle,  )'ai  toujours  vu  fes  jambes 
immobiles,  comme  fi  elles  euflem  été  mortes:  j'ai  toujoui» 
trouve  lad.  Anne  Augier,  dans  la  même  fimation,  couchée 
ou  alTife  dans  fa  chaife  ou  fit  l'on  lit,  dans  un  état  à  ne  pou- 
voir fe  temuer  ni  le  loutenir,  ne  pouvant  êfe  que  là  ou  on 
la  poitoit.  Je  me  Ibuviens  qu'elle  m'a  dit  plufieuis  fois,  les 
larmes  au.x  yeu.t,  8c  en  m'cxpofant  fa  mifere  8c  ki  peines, 
qiie  li  par  malheur  le  feu  ptcnoit  à  la  maifon  oii  elle  etoit , 
elle  ne  pourroit  pas  faite  un  feul  pas  pour  s'en  tetirer  ;  !( 
comme  dans  le  teins  que  j'ai  fait  les  fonèiions  de  Vicaite  dans 
cette  patoille.on  n'ctoit  point  dans  l'ufage  de poitci lad.  Au- 
giet a  l'Eglile ,  je  lui  ai  pottc  la  Ste.  &ichatirtie  deux  fois 
pat  an  :  elle  la  lecevoit  toutes  les  fois  aflife  dans  là  chailé ,  ne 
pouvant  fe  mettre  dans  une  poftute  plus  humble  ni  plier  (ti 
jambes  pout  fe  mente  à  genoux.  Je  certifie  de  plus ,  que  de- 
puis   10.  ans  8c  plus  que  je  fuis  dans  cette  paroilVe  de  Fro- 


mentietes  l'ai  tendu  encore  quelque»  vifites  a  lad.  Anne  Au- 
giet,  dans  les  voyages  que  j'ai  faits  aud.  liende  Matcutl,8c 
que  je  l'ai  toujouis'viie  d.ins  la  même  mifere  8c  dans  la  mi- 
me affliction  julque  au  il.  de  Juillet  dernier,  que  j'allai  i 
Avenay  fiir  la  première  nouvelle  que  j'apptis  de  fa gueiifon. 
La  chofe  me  parût  lî  incroyable ,  que  je  ne  crûs  point  de- 
voir ajoutet  foi  à  ce  qu'on  en  difoit  fi  je  n'etois  témoin  de 
la  guctifon  de  cette  fille  comme  je  Pavois  ete  tantdefoisde 
U  maladie.  Dès  que  lad.  Anne  Augiet  entendit  ma  voix 
dans  la  cour  ou  l'arrivois ,  elle  lottit  de  la  maifon  ou  elle  ctoit 
8c  vint  an  devant  de  moi,  ma  luiptife  fût  telle  que  le  ne  li- 
vois  fi  le  devois  en  croire  à  mes  yeux:  je  la  fis  marcher  plu- 
lîeurj  fi)is  devant  moi  pout  m'alVutei  de  la  vetite ,  8c  ayant 
demande  "i  cette  fille  comment  etoit  aitivé  un  changement 
fi  extraordinaire  8c  Ci  furptenant  ,elle  m'alfura  que c'ctoit  pât 
les  piiercs  8c  par  rinterccfiion  de  dcfunt  M.  Cierard  RoulVc 
i'rêtie  Chanoine  d'.Xvenay.  (^Jue  ne  doutant  point  qu'il  ne 
fût  devint  Dieu  aptes  tout  le  bien  qu'elle  en  avoit  toujours 

en- 


opéré  fur  Ame  Augier. 

entendu  dirî ,  elle  avoit  crû  qu'il  pouvoit  beaucoup  auprès  de 
Dieu  ,  que  c'était  ce  qui  l'avoir  portée  à  recourir  à  lui  dans 
fâ  mifere,  &  que  dans  la  confiance  entière  qu'elle  avoit  d'ob- 
tenir de  Dieu  par  les  prières  &  les  mérites  dud.  défunt  M. 
Roufle,  la  gueiifon,  ou  du  moins  du  fcalagement ,  elle  s'é- 
toit  faite  tranfpotrer  en  ce  lieu  d'Avenay  le  8.  dud.  mois 
de  Juillet,  &  qu'ayant  été  portée  dans  fa'chaife  &  mile  fur 
le  tombeau  dud.  M.  Rouffe ,  à  l'offerroiie  de  la  MelTe  qu'on 
célébroit  pont  elle,  elle  avoit  commence  à  lentit  de  la  dou- 
leur dans  {a  jambes;  qu'aulTuôt  elle  fe  jetta  à  genoux,  ce 
■  ■[  di      ■ 


glilè  de  la  paroifle  dud.   Aveua?  ,  (ùt  k 
Roufle.  ' 


7 

tombeau  de  M, 


Qjant  à  la  maladie  de  lad.  Anne  Augiet  ;  lorfque  j'arri- 
vai au  lieu  dud.  Mareiiil  ,  il  y  a  environ  ii.  ans,  pour  f 
faire  les  fonclioiis  de  Vicaire,  ce  que  j'ai  fait  pendant  lo. 
ans  conlecutift  ;  une  des  premières  chofes  que  j'appris  fôt 
qu'il  y  avoit  une  pauvre  tille  digne  de  corn  paillon,  par  le» 
maladies  dont  elle  etoit  attaquée  depuis  12.  ans,  p;in:ipa- 
lemcnt  d'une  paralifle  qui  l'avoit  privée  de  tout  m 


llî, 


u'elle  n'avoit  pas  fait  depuis  21.  ans:  que  dès  ce  moment 


choit  comme  je  voyoisrelle  m'ajouta  encore  que  depuis  5 
ins  pour  furcroit  de  mifere,  ayant  encore  perdu  l'ufage  d'un 
bras,  dont  elle  n'avoit  pu  fe  fervir  depuis  ce  tcms-là,  elle 
l'avoit  trouve  rétabli  &  lain  comme  l'autre làns  y  avoir  ie.\\- 
ti  aucune  douleur.  Je  certifie  de  plus  que  depuis  la  gueri- 
fon  de  lad.  Anne  Augier,  au  commencement  du  mois  SO- 
âobre,  6c  au  mois  de  Novembre  de  l'année  dernière, ayant 
feit  encore  z.  voyages  aud.  Mareiiil,  ou  j'ai  demeuré  3  ou 
4.  joins  chaque  fois,  j'ai  renconrré  plulieors  fois  lad.  An- 
ne Augiet  dans  les  rues,  je  l'ai  vue  tous  les  jours  agir  dans 
la  maiibn  où  elle  ctoir  ,  marcher  làns  le  lécoius  de  pe;- 
Ibnne,  ni  même  d'un  bâton,  aller  &  venir  comme  uneper- 
Ibnne  qui  auroit  toujours  eu  les  jambes  faines.  C'eft  le  té- 
moignage que  ma  confcience  m'oblige  de  rendre  à  la  véri- 
té ,  &  j'olé  prendre  à  témoin  le  Dieu  de  vérité ,  de  la  véri- 
té des  fiirs  que  j'ai  avancés  fans  craindre  de  me  tromper ,  ni 
d'être  démenti  de  perfonne,  puifqueje  n'avance  rien  dont  je 
n'aye  été  témoin  :  rien  que  je  n'aye  vu  ou  entendu  :  rien 
n'étant   fi   notoire  ,   Se   fi  public  comme   la  maladie  &  la 

fuétilbn  de  lad.  fille  :  enfoire  que  de  tous  les  habitans  de 
lateiiil ,  qui  eft  un  lieu  alTez  confiderable ,  il  n'y  en  a  pas 
un  feul  qui  ne  puille  en  rendre  un  remoignage  conftant  Sx. 
uniforme.  Je  luis  d'autant  plus  obligé  à  rendre  ce  témoi- 
gnage que  J'ai  éprouve  moi-même,  &  reflénii  les  effets 
du  pouvoir  que  M.  Roufle  a  aup:és  de  Dieu.  Dans  l'ad- 
miration ou  j'ai  ete  de  la  guérilon  de  lad.  Anne  Augier  , 
j'allai  à  l'Eglife  paroifliale  dud.  Avcnay,  ou  après  avoir  a- 
doré  le  S.  Sacrement  je  priai  M.  Roufle  à  la  porte  de  la 
chapelle  oii  tepofe  l'on  corps  ,  de  demander  à  Dieu  pour 
moi  les  grâces  dont  j'ai  bcfjin,  pour  remplir  les  devoirs  de 
mon  état ,  •&:  la  lante  pour  pouvoir  annoncer  les  vctites  du 
ftlut  à  mes  paroiffiens,  étant  incommode  &  languiflant  de- 
puis plus  de  2.  ans  d'une  fluxion  de  poittine  qui  m'avoit 
ote  la  voix  ;  de  lotte  que  je  ne  pouvois  chanter  ni  parler 
(ans  une  extrême  peine.  Dès  le  Dimanche  fuivant  qui  ctoit 
le  15.  dud.  mois  de  Juillet  172".  je  m'apperçus  que  ma 
voix  étoit  rétablie  telle  que  je  l'avois  eue  avant  lad.  incom- 
modité :  je  chantai  la  meflTe  de  paioifle  fans  peine.  Depuis 
cetems  j'ai  parle  avec  plus  de  facilité,  &  je  n'ai  point  Icn- 
ti  les  douleurs  continuelles  que  )e  fentois  auparavant  dans  la 
poitrine ,  quoique  je  n'ofe  pas  afl'urer  avoir  reçu  une  en- 
riere  guérilon  à  caulé  de  la  foiblefle  de  ma  lànre  ;  cepen- 
danr  je  fuis  obligé  de  déclarer  que  j'ai  reçu  un  foulagement 
confiJcrable  ,  dont  je  crois  cire  redevable  après  Dieu  ,  aux 
mérites  &  aux  prières  dud.  défjnr  M.  Roultè.  C'el^  en  fji 
de  rous  ces  faits  ,  que  j'ai  ligne  à  Fromenrieres  le  t.  jour 
de  Février  1-18.  f:gr,t  Leboucg  Curé  de  Fromenrieres.  Au 
deffùKS  cfl  nrît  :  contrôlé  à  Paris  le  2.  juin  1734.  reçu  12. 
lois ,  fgnr  Dubois  ;  enfmtt  fji  éirit  :  cerrifiè  véritable  figne 
&  paraphé  au  défit  de  l'acte  de  dépôt  pour  minute ,  paflé 
par  devant  les  Notaires  au  Chàtclet  de  Paris  Ibuffignez , 
ce-jour-d'hui  14.  Juillet  1754.  Signé,  Carre"  de 
MoNTGERON  ivec  LoYSON  &  RAYMOND  No- 
taires. 

XI  I. 

CERTIFICAT, 

He  M,  Roiert  Ambroife  Chanoine  d'Azen.ry  ,    ci- 
devant  Vicaire  de  Adareiiil.  Opéra  Dei  reve- 
lare  honorifîcum.  Tob,  12.  7. 

DA  N  s  cette  vue.  Je  foudignè  Prèrre  Chanoine  d'.*.ve- 
nay  ,   déclare   &   certifie  ,  que   j'ai  une   connoiflànce 
cerraine  de    la  maladie   d'Anne   Augier   fiile   narive 
&   habitante   de  la   paroifle  de   Mareiiil  ,   &   de   la  gucri- 
extiaordinaiie   aitivee  le   i.    )uillct  dctniei    en    TE- 


,. qui  l'avoit  privée  de  tout  mouvement 

&  lentiment  dans  les  ïambes  ,  ce  qui  m'obligea  de  l'al- 
ler voir  de  tems  en  tems,  pour  la  conlbler  &  lui  porter  les 
Sacremens. 

Sa  foiblefl.è  caufee  par  plufieurs  différentes  maladies,  éroic 
u  grande ,  qu'elle  étoit  Ibuvent  réduire  à  la  mort.  Une  f jis 
je  fus  appelle  pour  lui  adminiftrer  l'extièine  onction:  je  It 
trouvai  li  foible  que  je  crûs  devoir  commencer  pat  les  on- 
âions ,  de  peur  de  n'avoir  pas  le  tems  de  reciter  toutes  les 
prières.  Au  refte  j'ai  eu  toutes  les  preuves  qu'on  peut  a- 
voir,  que  la  paralifie  étoit  incurable  par  les  remèdes  natu- 
rels ,  ce  qui  a  fait  que  j'ai  été  plus  lîirpris  que  perfonne 
des  citconflances  de  là  guérilon  ,  dont  j'ai  été  un  des  pte- 
miers  témoins. 

Le  deflein  de  fe  faire  tranfporrct  fur  le  tombeau  de  M. 
Roufle ,  ayant  été  formé  par  cette  pauvre  fille  afliigèe ,  dan» 
i'Elperance  d'obtenir  de  Dieu  pat  les  priéies,  quelque  fou- 
lagement à  fes  maux;  &  le  jour  étant  piis  pour  cela,  elle 
me  fit  prier  de  dire  la  meflé  pour  elle  à  cette  fin ,  à  l'Au- 
tel de  la  cliapeile  ou  le  bon  Prèrre  eft  émette  j  mais  ne 
pouvant  pas  le  faireàcaufe  que  j'ctois  femeniet  en  l'Eglife  de 
rAbbaye,  je  fus  trouver  M.  Roberr  un  de  mes  Confrère» 
Chanoine ,  pour  le  prier  de  vouloir  dire  la  mefle  à  cet  Au- 
tel pour  une  pauvre  fille  iufirme,  qui  communieroit  à  cette 
meflè,  ce  qu'il  accepta  fans  connoitre  ni  la  fille  ni  fes  in- 
tentions. Ce  fat  devant  la  porre  de  ma  maifon  qu'on  dei^ 
cendir  cette  pauvre  fille,  de  defliis  l'âne  qui  l'avoir  amenée 
de  Mareiiil  a  Avenay  ,  d'où  on  la  porta  à  l'Eglife  dans  ù. 
chaile  pottative. 

Dès  qu'elle  le  fentit  guérie  au  milieu  de  la  mefle,  &que 
la  chofe  fut  connue ,  j'en  fus  aveiti  :  je  courus  a  l'Eglilè  , 
je  le  fis  dire  à  M.  le  Curé  dud.  Avenay  :  je  le  portai  i 
clianter  le  Te  Deim  en  actions  de  grâces  de  cet  événement 
que  je  tegardois  comme  miraculeux ,  ce  qu'il  ne  voulut  pas 
faire. 

_Le  bruit  de  cette  merveille  ayant  été  jufju'aux  oreilles  de 
Me.  l'Abbcflè  ,  elle  demanda  à  voir  la  fille:  je  l'accompa- 
gnai à  la  grille:  j'ai  ete  témoin  qu'elle  a  marche  dans  1« 
lalle  de  Ion  parloir  îc  s'efl  tenue  debout  devant  elle  ,  j'ai 
entendu  les  queflions  à  elle  faites  par  Me.  l'AbbelVe  Sx,  les 
reponics,  eiiti'autres  Me.  l'Abbeflè  lui  ayant  demande  quel- 
les avoicnt  é:è  les  inten:ions  dans  cette  demaiche  C  extiaor- 
dinaiie ,  la  fille  répondit  que  ç'avoit  été  de  prier  Dieu  par 
l'interceffion  de  M.  Ronfle  ;  &  fur  ce  que  Me.  l'Abbeflè 
lui  demanda  li  elle  n'avoit  point  eu  intention  de  prier  Ste. 
Bcrthe  &  S.  Guimbert  ,  la  fille  repondit  toujours  fiinple- 
ment  que  Ion  intention  avoir  ete  de  prier  M.  Roufle  ,  ce 
qui  fut  caufe  qje  Me.  l'Abbeflè  fe  reriia  fans  tien  dire  da. 
vantage. 

Lad.  Anne  Augier  revenue  chez  moi  ,  où  elle  démenti 
9.  jours  de  fuite,  pendant  lelquels  elle  alla  à  l'Eglife  de  la 
paroiffe  Sx  à  celle  de  l'Abbaye ,  jJour  remercier  Dieu  de  la 
faveur  fingulieie  qu'eUe  avoir  reçue  de  lui ,  par  les  prières  de 
fon  ferviteur,  là  faute  s'eft  rétablie  en  peu  de  tems,  de  ma- 
niete  qu'elle  eft  delivièe  de  toutes  les  infirmirés  dont  elle 
étoit  accablée  depuis  22.  ans,  &  qu'elle  eft  en  état  de  faire 
tous  les  ouvrages  d'une  petforme  de  fa  condirion.  En  foi 
de  tout  ce  que  deffus  ,  j'ai  Cgné  ce-jouid'hui  ly.  Mars 
1728.  Jigné  Robert  Ambroife  ,  Chanoine  à  Avenay.  An 
dejfotis  efl  écrit  ;  contrôle  à  Paris  le  7.  Juin  f^^.  reçu  12. 
fols,  /îg'ié  Dubois,  enfuiii  tfi  éirit  :  certifie  vctitable  ,  figné 
&  paraphé  au  défit  de  l'acte  de  dépôt  pout  minute  paflc 
pat  devant  les  Notaires  au  Chârelet  de  Paris  fouffignés  ce 
14,  [uillet  17^4.  Signe  Car  RI.'  de  MontgERON 
avec  LoYsoN  &  Raymond  Noutics. 


foa 


Bz 


xni 


Pièces  jujlificati'ves  du  miracle 


xin. 

CERTIFICAT. 

Du  même  Chanoine. 

JE  fouffieni  ,   Pré!te   &  Chanoine  de  l'Abbaye   Royale 
5: Àverav     déclare  &  ccit.fie  ce   qui  fu.t     Depuis   l'an- 
née    "i-.    iufqu-i    1-annee    1-27.  q"«    ""  ■''ïnnTAa 
Mateiiil  en   qualité  de  Vicaire,  j'ai  tou,ours   va  Anne  Au- 
5!c"";;àa"ee^:k  plufie."s  infirmitcs,  Se  P»"'^'^;^--'";„'^. 
ne  Piralilie  oui  lui  ôtoit  le  mouvement  des  ïambes ,  cnlor 
?e  que    'cto.s  ÔbUge  de  l'allet   voir  fouvent  pour  la  conter 
danTronaffliaion=k  de  lu.  poncr  notre  Se., ncur  cn^  mai- 
fon.    Quelques  jours  avant  de  le  &'[<=, '"°'l'0"'   dema^e^ 
elle  m^communique  l'intention  qu'elle  "•°'  ,  j=  f'^'^ans 
i  Dieu  pat  les   prières  de  M.  Roufle,  ^"5''!"' f,f  ^^a-d- 
fon  afflution:  elle  me  pria  de  dire  la  ™'«'j4"Vh.  dfre  à 
le  de    Ste.  Ame  ,  où    îl   eft  eutene  ;  ne  .l°^'f'\f"^l 
caufe  que  j'cto.s  pour   lors  en   fona.ne     >  "/?.f"'   ^^'^'^Se 
bert   nion   confrère,  a  vouloir   la  "''^''■'^/ i'°'tcrfon  on 
cet:e  pauvre,  fille  ,;"«■-„    A"  ^^Z^^  |èno'uTdT- 
Tint  m'avcr>jr:  j'allai  à  1  h-glile  is.  '^  """     ..     j*  ,,,.  1,  s 
dans   la  chapelle   de  Ste.  Anne:  de  la  eUe  f  ^  f  ;-';'yt>lc- 
Sacrement,  aidée  de   fes  <<="=' '«^P»?'"  ^?Lt"é  o^Ave- 
ment ,  enfuitc  on  la  mena  chez  moi.    .vie    1  A''»'-|'%° ^^f ^ 
nav  informée   de  l'événement     fit  ^?P<^' "  '^„,f  ^,1^°"  ,e- 
Toir,  je  l'accompagrai  à  la  g.iUe  au  P"  «'  .' °"  '4'  %,  ^, 
mnin  au'e'Ie  a  marche  en  prcfencc  de  Me.  l  .Abhciie.  /A(res 

i^tres.^En  foi  de  quoi  j'ai  figue  - /«'l'')' ".,'°";^^,S^„'J: 
Mars  i-^zi-MnéA.  Ambro.le.  ^'' '''^J" /^ 'Joubo  s  ■ 
V  à  Paris  le  2  luin  i-:4.  reçu  il-  lob.,  y7|nf  UuDois  , 
ît/:;'">%:wr:  cLifie  vcritable'.  «?-  f ^^  les^Kor'! 
de  l'aae  de  dépôt  pour  minuie  pafle  par  ^1"="'"  Uet  1 7  ?1 
res  au  Chàtelet  de  Paiis  loulfignes  ,  ce  .+  >'"'"«'.' 4; 
WCARRi-    UE     MONTGERON    aveC  L  O  Y  SO  N   {Sc 

R  A  Y  M  o  N  u  Notaues. 

XIV. 

Itttre  de   M.  Baudouin  BoBeur  de  Sorbonne  &> 

Vicaire  de  S.  Leu. 

Vous    m'avez  demandé  ,  Monfieur    «n  «"jfi"'  <J= 
tout  ce    que  j'avois  vu    &    entendu  a  '^'««^"'l  1"".'^ 
°y  ai  ete^l  v  a  S.  mois,  pour  ■"■"■f'i'"  ".  P»'  ^ 
même  ie  la  merveille  que  Dieu  "o.t  ope.ce  en  f.vcur  û  u 

V:  Zm  ^r;rndFave';  j^^f^-onf^c^mandt"' 
Tefiemn    jamais  de  plus  fince.e  &  J<=P'"'/.'^«-,'l"5;??"^ 
e  trou"e  une  cccafioN,    de   publier    e,  ■"''^•''f'V",^'' ,", 

3.f'm    Dieu,  comme  il  paroit  trop  clairement,  '>"^y^"'/"-;- 
fi  relevé  la  gloire  du  dcfcnlbur  de  la  vente,  que  pour  lagloi- 

"  fe'te^n^U  de  Cb-aalons  avec  mon  pcre,  «^  "°  »'Œt 
de-"  Reims  nommé  M,  Marlot ,  quand  raip^iyc^  '^'"^^^^^^^ 
U  IV  Août  1727.  Apreî  avoir  parle  ^  •l'«"7,\^^Xr;" 
du  villase  fur  le  fu|ct  .lu  miracle  arrive  Uir  la  peilonne 
ri^r.ne^A..g.er  habiuntede  lad.  paroilTe  ,  &  que.ousjnont 
:deTa  ~--- ■-"     ^  ""'  ' 


du  teins  tout  ce  qui  ttoit  nectfùire  dans  un  mcMgc,  &  eu 
effet  elle  me  parut  en  état  de  le  faire.  Cette  fiUe  me  dit 
même,  que  5.  ou  4.  jours  auparavant,  elle  avoit  pour  el- 
fayer  fes  forces  battu  le  grain  en  grange  pendant  1  elpace 
d'environ  un  quart  d'heure  ;  ce  qui  fut  reconnu  être  ttes- 
vciitablc  par  5.  ou  6.  perfonnes  que  je  trouvai  chez  M.  le 
Cure  &c.  .  .  .  Siin^,  Baudouin  Dodcur  de  Sotbonne  Se 
Vicaile  de  S.  Leu  a  Pans,  y»  ""'r, 'y?.'-"''  ■:  «  ?■  Av>il 
1-2S.  ^»  d-g-"  'fi  ""■'■•  contrôle  a  Pans  le  2.  Ju;0 
!-,♦,  reçu  12.  fols.  S:s,né  Dubois.  .  ..  Au  do<  ^J!  nut  : 
cerrifie  véritable  ûgne  Se  paraphe  au  défit  de  lacle  de  dé- 
pôt pour  mmute  parte  pat  devant  les  Notaires  au  Chite- 
let  de  Paris  foulfigncs  ,  ce  14..  Judlct  I7^4-„A.S"'  '-A*" 
RE'   DE   MONGERON  avCC    LoYSON  ic  RaYMONO 

ISotaiies. 

X  V. 

Déclaration    de   M.   de    Vailgency    Chanoine 
de  Ch.talons. 


J 


r  rnntc  de  la  même  manière,  &  qui  avoicnt  ctc  aufli  tous 
é*moin.  de  la  maladie  de  cette  fille  ,  8c  de  Oi. '"»'."' g»"'; 
fon  Comme  je  leur  témoigna,  le  -'^fi',  1"\r»r"'^i  ^^ 
celte  fille,  l'appris  d'eux  qu'elle  ctou  chez  M.  '«  f^  W,',;  L 
mètranfportai  donc  chez  M.  le  Cuic  de  Mareu.l.  fans  a- 
Tou  -honneur  d'être  cnnmi  de  lui:  l'y  vis  en  crtet  cette  fi- 
le iou  fiant  dîme  pa.fa.tc  fantc ,  Se  ayant  des  forces  ptopor- 
nonncc  S  Ion  ige  Je  a  fa  complexion.  El  e  ura  en  notre 
,tXicc  dcî'cau  au  puiu.  on  ^  d'il^'cUc  fa.l«u  depuis 


E  fouiriené.  Diacre  Licentie  en  Théologie  de  la  Faculté 
de  Paris,  Chanoine  de  TEglilc  de  Chaalons  en  Chani- 
raene ,  déclare   que  m'ctant  trouve   le  17.  JuiUct  1727. 
vêts  les  10.  heures  du  matm  au  Village  de  Mareuil  Diocefe 
de  Reims,  &  m'y  étant  arrête  quelques heutu,  )e  fiis  edihe 
de  la  jove  làinie 'répandue  dans  Icd.  lieu,  a  loccalion  de  U 
euetifon  miraculeufe  d'une  fille  paralytique,  qui  9.  |ours  au- 
paravant s'etoit  faite  tranfporter  de  Mareuil  a  Avenay,  bourg 
diftant  dud.  lieu  u'cnvitoii  une  bonne  demie  lieue ,  y  avoit 
fait  une  neuvaine  lut  le  tombeau  de  feu  M.  Roufle  1  rené 
Chanoine  dud    Avenay,  decede  depuis  quelque  mots,  y  a- 
voit  ete  fubicement  guetie  des  le  premier  )our  de  la  r.euvai- 
ne    cette  neuvaine  e.xpitce,  en  etoit  revenue  r  Mareuil  une 
grande  partie  du  chemin  à  pied  ,    led.  joui  1 7-  juiUe;  veri 
6.  heures  du  matin.  Quelques  habitans  de  Mareuil  m  ayant 
inftruit  des  utincipales  circonftanccs  de   l'inhrmitc  &  de  la 
euerilon  de  la  maladie ,  je  ctûs  voir  dans  la  manière  hnijplc 
Se  naive  avec   laquelle   ils  m'en    parlèrent  ,   une   pet  uafiot» 
intime  du  fait,  &  une  notoriété   coiilUnte.    Pour  m  anuret 
encore  davantage  ,    je    me   iranfporcai  chez  M.  le  Cure  de 
Mareuil,  i^ont'ie   n'avois  pas  l'honneur  dette  connu  Se  |  y 
reçus  de  la  bouche  Se  de  celle  d'un  Chanoine  d  Avenay  quj 
y  etoitalots,  la  confirmation   de   ce    qui  venoit  de  m'eire 
dir      l'eus  la  confolation  o'y  voit  la  pctfonne  guciie,  quife 
foutenoit  6c  marchoit:  elle  me  répéta  avec  beaucoup  de  can- 
deur tout  ce  que  je  vcnois  d'apprendre  ,    fayoït  que   durant 
22    ans,  elle  avoit  eu  une  paralihc   fur  les  (ambes,   qui  ne 
lui'  permettoit  ni  de  le  lever,  ni  de  le  foutenit,  m  de  mar- 
cher- que  cette  paraiifie  lui  avoit  fait  perdre   tout  fentiment 
dans    les   parties  attaquées.  Se  s'etoitmeine  depuis  quelques 
années,  étendue   fur    fon  bras  gauche.    Que   dans  Ton  affli. 
ain    du  moment  qu'elle  connut  M.  Roufie  Chanoine  d  .\- 
venav,  homme  d'une  clutite  Cms  bomes.clle  avoit  touiou.s 
eu  cbnfiance  en  lui  ,  pour   avoit   remarque  la  grande   piete 
avec   laquelle   il  cdebtoit  l'Office    Divm  a  Mareuil ,  ou   U 
vcnoit  de  tems  en  tems.    Qu'aptes  la  mon  de  ce  St.  tcclc- 
fiartique  ,    elle   avoit  aidemmcnt  fouhaiié   dal.er   pticr   lui 
fon  îombeau  :  qu'avant  enfin  vaincu  la  refillance  des  pcrlon- 
nes  de  qui  elle  dependoit  pout  cette  dcmaichc,  elle  seioit 
fait  conâuiie  à  Avenay,  liée  lut  un  aiie,  elle  lupplia  quon 
célébrât  la  méfie    à   fou  intention  dans  la  clupelle  ou  M. 
Roufie  eft   inhume.    Que  la  vue  n'eion   autic  que  de  ptiet 
M     Roufie   de   demander   poui  clic   a   Dieu  quelque  g.a- 
cc     Que   placée  à   fon  ordinaiie  fui   une  chaile  portative 
&   eniiadam  la   Sainte   mcfie   dans  ladite  cliapcde,   elle 
avoit   au    moment   de   l'offertoire  ,   lenii  un   frcmincment 
dans   fes   jambes  ,   accompagne  d'une   vive   douleur.    Qu  i 
l'inftant  ,    joignant  les   mains,  elle  s'ctoit  mile   a  genoux; 
ce  que   depuo  21.   ans  elle   n'avoit   pu  faire  ,    &  que  fe 
femint  guérie  'elle   s'etoit   ccticc  ;    S.;:,ijrmr   df  Dum  v.mt 

eu  dans  cittc  pofiure  la  Sainte  communion.  Ciie  Me.  1  Ab- 
bcfic  d'Avenarayant  à  l'heiue  même  ete  infGrmce  de  c« 
événement  &"  l'aVam  mandée  ^  Ab^^yî.-.f '^.r'^"  ~ 
l-cliralici  qui  conduit  au  pailoii  de  Me.  l'.Xbbcfie  ,  !c  jroit 
marc  ren    li   prelence.    Que  lad.  De.  lui  ayant   demande 


marche  en    fa   prciencc.    m"*  i«".   ■ '*•  ---   -/ —    --, 
qu'elle  avo.i  ete"  fon   intei^^.n    elle   lui    «V^''  -}-•;'"  4"? 
dm  un.que  intention  avant  Se  depuis  Ion  dcpXt  J'  M"*''   ; 
&  dmJi  U  Sauiic  «eUc  qu'eUc  vcuuu  d'oucuaic  ,  avou 


.,>.    ,      ,  r        ,  'opiré  fur  Anne  Juikr 

tté  (Timplorer  le  recours  des  pneres  de  M.  RoufTe ,  &  que     "        ' 

fur  ce  que  We.  l'Abbefle   dit  qu'elle   auroir  mieux  fait  V 

fe  recomi.ar..ier  i  St.  Guimbeït  &  à  Sce.  Be"épatron    du 

heu,  elle  n-avoit  rien  réplique  ;  après  quoi  lad.  Dame  s'éto 

retirée.  Sur  ce  récit  qui  me  fut  foit  plr  cette  perfonne  pieu- 

fe    aquelle  ,'ai  lu  depuis  s-appeilet  Anne  Augier,  je  lui^con- 

ieillai   ce  que  lar.s  coûte,  elle  s'etoit  déjà  dît  à  elle-même 

de  confetver  avec   foin  l'œuvre  de   Dieu   dans  les  lentiS 

d'une  vive  teconnoillance  &  d'une  humilité  profonde.    Tel 

eft  le  pieci^  fidèle   de  ce  que  l'ai   vu  &  entendu  a  Mireii" 

le  17.   Juillet   I7Z7.    &  tel  elt  le   témoignage   que  je  cro 

devoir  a    'importance   d'un  fait  fi  éclatant,    fen  foi  de  quô 

,;ai  fignelaprelente  déclaration  à  Chaalons  ce  6.  \vril  i^"s 

f£»e      de  Vaugency.    ^«   defc-.s  ef,   c.rU  :   contrôle  i  Pa- 

"'  .'^^-  J"'"    '■'H.,  reçu    11.    fols,  J7^,a  p^bois   eJhe 

fj'"Â  •■  .""'•''^   véritable  ,   hgne  &  paraphe    au  defir   de 

lafte  de  dépôt   pour  minute  ,   paAi   par   devant  les  Notai 

res   au   Chacelet   de   Pans   fouir.gnez'ce   14.   Inilet  .°u 

fe'"-  Carre    de  Montgeron  avec  Loyson  J^ 

Raymond  Notaires.  ^uisoincc 


xvr. 

CERTIFICAT. 

De  M.  Hemardd  Prêtre    Chanoine  de   Chaaiom. 

LE    bruit   s'erant  répandu  en  cette  Ville   d'un  miracle 
Z'm^^'T^'  i'?-  Jiii""^'  '-^7.  fur  le  tombeau  de 

bcs,  allant  &  venant,  &  ayant  un  ufage  libre  de  Ces  brTs 
Et  pout  m'affurer  de  la  nature  de  fa  ma'adie  Mfii>  l^^.'-. 
parlai  à  M.  Robert  Chirurgien  &  à  pliTem  au^ret^èr  b 
nés  dnd.  lieu  qui  me  déclarèrent  avoir  vu  lad.  Aune  Augier 
parahtique  des  jambes  l'elpace  de  -'7  :.nc  À,  ^ug'ei 
qu'elle  "^ne  pouviit  le,  foute^nit'nf Varche?  &lê"dërs 
Jeux  ans  cet.e  paralihe/etoit  étendue  fur  fônbr^  Juche 
dont  elle  ne  pouvoir  e  ervir  Fn  fiii  A^  ^„„-  ■•  .«'""■"f' 
prefent  certiécat  i  Chaaions  le  7  Avffl  TA' V^"u' 
maidel  Prêtre  Chanoine  de  l'Eglife  de  Chaa  ons'  ^'^'^  ^" 
cfi  «nV  contrôle  k  Pans  le  2.  1  un  1 7  r.  ,éca  , ,  '^,^''-''^^?' 
g-;D"bois  .„  ,,s  ,fi  ,r;n  caille  vVrttaMiiet'pf: 
raphe  au  dehr  de  l'adte  de  dépôt  pont  minute    pair>fp,r  K 

L"  RAV^^i'o^fJotaher"   "^  Montgbro.n  f^ec  LoYSot 

^  cité  efl  ecrh:  Icelle  led.  jour  reçu  6.  fols, 
m^nrf  .i?T"v^   ^i'^j  ?'?'"  ^""^'''="   ^o^me  dit  eft     à  II 
«n?^r.     I  f'.''"''^'"  '  '^  '°«  demeure  aud.  Raymond 
Notaire.    Led.  dépôt  fait  par  M.  de  Montgeron  CoiSr 
Juillet   1754.   le   tout  demeure  aud. 


au  Parlement   le    i 
Raymond  Notaire 


XVII. 


I>'jrertaUo„    e»  forme  de    Lettre   très   inliruBhe 

&  très  i>,têrejrante  de  M.  Souch.u   CiLZ. 

gien  de   M.  h  Prince  de   Conty. 


M 


O  N  s  I  E  U  R , 


tre'^%n"hi'i"n'\''°'"  ^°"' ?"   '^''"  '=  '«"  dans  vo're  let- 
îî^;a^,Ïen'nrî:/fi J«  '"  '^"'-  -  P^-  -  u^r"^ 

biumed^N;""'^"," /"">""  '='>°'""  qu'Anne  Auçier  ha- 
an     quelle  perdit  lut  le  champ  tout  mouvement"  &  gu^a°; 

aevenuesiidenechecs  qu'on  n'y  voyoit.m  chair  ni  mollet, 

/.  Vemonft.  Tome  II. 


&  qu'il  paroilToit  qu'il  n'y  reftoit  que  la  peau  colée  fur  W 
os;  qu'Anne  Augier  eft  reftée  pendant  plus^de  11    ans  dans 

l^ttt-u=fn-S:;r^^-^^=^ 

,^rqX","fi„'P""  'f'''°"'  '^'"-  --fl^u'  Ue'e  cfnlT 
Sh.r  n  ^"'•'^"  "  premier  jour,  elle  a  commence  à 
marcher:  que  3.  jours  après  elle  a  marche  librement  aue 
le  17.  du  même  mois  de  Juillet  1717    elle  a  ft  if  ni  V  ? 

Be  a  qui  il  ne  rcftetoit  precUemeni  que  les  os  &  h  n..^ 

ra-oirr-n '/"^'"^  '^'''  ™^^  nr'en"  t!:?pa  ':.     itt' 
iue "oÛ^s  %t^  To?^"  ^'^   ''^"-^  P^"'"  '^  ''"fc-ion 

Ss  t:  i-'c:si:îî?^^ik^?^5èiSil- 
vt;v:î:l^:ifâ^^''^^''^----'^'-m<^ra:ii%i:Ltl^'^- 

n'eV|5rafltt:?e""df  trar"  i"  P^"'"  ''^  """-"P' 
uns  fur  les   .InTt  u^^^'\^'°^  genre _entaflis  le- 


les 


çtoiflement  aux  parties,  les  autres  font  fiktees  &?epa  ce  d^ 
la  malle  du  laug  pour  fervir  à  des  ufages  particuUer  tuile» 
paiees,  fortent  hors  du  coips  pour  n'y  pius  rentrer 

Il  y  a  ou:re  cela  des  efpfits,  qui  après  avo"r  été  filtres  V 
fepares  par  le  cerveau ,  cculent  le  lone  des  fibCnnnnr  ? 

:s$r-fv^^i^.^-d-âiiS? 

Kfultent  les  duferens  aiouvemens  ^^ks^di^^ren^es  \Z 

lont  volontaires,  luvo  ontaires  &  mivt..c  '""5="2'«  qm 
c^.t  par  le  moyen  des  r..^.!:  ^^'^n  ilj^'t^^,^ 

Les  mufclcs  ne  font  autre  chofe,  que   des  malTes  nn  nn. 

n,efe.^p^^^^^^e£^^^ 

extrémités,   lavoir  par  leur  partie  fupérieure   &   i^nobl 
1.  quou  nomme  la  tè.e  ,   &   pat  leui'  partie  infoC"  qui 
^  eft 


Pièces  jujfijîcatk'es  du  miracJe, 


10 

eft  le  point  mobile  qu'on  appelle  le  tendon ,    ou  la  ijucùc 
du  mu(cle. 

Les  extrémités  du  corps  tant  fupéiicures  qu'infctieurei  , 
qui  font  les  bras  ,  les  cuiUes  &  les  jambes,  (ont  compolccs 
d'os,  de  corps  mufculeui  &  de  la  peau  qui  les  recouvre  : 
c'eft  par  les  corps  mulcjleui  que  le  font  les  raouveinens  qui 
dcBcnJent  de  notre  volonté.  .  .  . 

h  faut  obrcrvct  qu'il  y  a  dans  le  coips  murculeux  quatre 
pairies  remarquables.  .  .  . 

La  première  eft  celle  qui  fait  l'aclion,  ce  font  les  fibres 
charnues  qui  compofcnt  le  corps  du  mufcle. 

La  deuxième  eft  celle  faiis  laquelle  l'aâion  ne  (c  feioic 
pas ,  ce  (ont  les  ner  ft  Se  les  artères. 

La  troiûcme  eft  celle  pat  laquelle  l'aftion  eft  mieuï  fai- 
te ,  c'cft  le  tendon  ou  la  queiie  du  mulde. 

Enfin  la  quatrième  eft  celle  pai  laquelle  l'aélion  eft  coa- 
fetvee.  .  .  . 

Il  eft  à  obfervcr  premièrement  qu'on  remarque  de  deux 
fortes  de  mouvemens  dans  le  corps  mufculcux  lorfqu'il  agit  : 
celui  de  contraction,  &  celui  d'cxcenfion. 

Le  premier  le  fait  pat  le  racourcifliment  des  fibres  char- 
nues,  le  feccnd  par  l'allongemert  de  ces  mêmes  fibies.  Tou- 
te la  force  des  mulcles  dépend  de  la  multitude  ,  de  l'agilite 
&  de  l'étroite  union  de  ces  mêmes  fibres  qui  font,  comme 
on    la  déjà  dit ,  l'action. 

neuvièmement ,  que  les  mufdes  contiennent  des  vaifTeaux 
de  tout  genre  :  il  y  a  des  neifs ,  des  atteres  &  des  vaiflcaux 
limpha:iquc5. 

Les  nerfe  portent  l'etprit  animal  dans  les  fibres  char- 
nues pour  les  faire  agir,  &  les  artères  portent  le  fâng  ar- 
tériel qui  contient  des  parties  nourticietes  propres  à  repa- 
rer ,  noiurit  &  donner  l'accroifliimcnt  à  ces  mêmes  fi- 
bres. 

Le  mouvement  des  mufdes  dépend  tellement  de  ces  deux 
agcns,  que  fi  l'un  manque,  l'attion  ne  peut  abfolument  fe 
faite  i  pat  exemple ,  fi  on  aticte  le  coûts  des  efpriis  ani. 
maux  dans  un  membre,  ce  membre  n'aura  plus  de  mou- 
vement :  en  voici  la  preuve.  Si  on  fait  la  ligatute  duptin- 
cipal  cordon  des  nerf»  qui  fe  trouve  a  la  paitie  fupeiieu- 
te  des  membres,  comme  a  la  cuiflc  ou  au  bras,  la  partie 
irfciieure  de  ces  mêmes  membres  ,  reftcra  paralitique  & 
fans  action.  Cela  prcluppolc  ,  voici  ptclentement  quelles 
font  les  caufcs  ,  les  différentes  clpéces  &  les  eftcis  de  la 
pataliùe. 

Les  caufes  éloignées  font  la  mauvaife  qualité  des  alimens 
dont  on  ufe ,  leui  défaut  ou  même  leur  trop  grande  quan- 
tité ,  l'excès  des  pallions ,  fuitout  les  profonds  chagrins  j  en 
lin  mot  ,  tout  ce  qui  eft  capable  d'altcicr  les  levains  qui 
fervent  aux  ptemietes  digeftions.ou  d'occafionner  cette  gran- 
de diOipation  d'elprirs ,  d'où  il  ne  pcm  refultet  qu'un  chilc 
crû  &  indigefte ,  lequel  mêle  avec  tes  aiurcs  fluides  qu i  com- 
pofcnt la  maflc  du  (àng  ,  il  ne  peut  s'cnfuivrc  que  des  co- 
dions inipai  faites. 

De  CCS  caufcs  éloignées  ,  fuivent  les  caufes  picchaines  ; 
ces  coûtions  impaifàites  produilènt  des  humeius  vifqueul'es, 
grofTictes  ,  capables  d'irriter  ,  d'obftruer  &  boucher  les 
•uya'.ix  nerveux  ,  Ibit  dans  leur  principe  ou  dans  leur  rou- 
te i  ce  qui  caufc  la  dimuiution  de  l'écoulement  ,  Jc  quel- 
quefois même  la  ptivation  totale  de  l'cfptit  animal  dans  les 
paities. 

Ce  font  là  les  cau&s  ptochaines  ou  immédiates  de  la  pa- 
talifie,  \  quoi  il  faut  aioutcr  la  comprefTion  ou  les  dépôts 
qui  peuvent  fe  fane  fur  la  roule  des  ncifs. 

11  icfulte  de  tout  ceci  qu'il  y  a  deux  fortes  de  paraliiles, 
la  paralifie  complctte  &  la  paiâlifie  incomplctte  :  on  appel- 
le paralilie  complette  celle  ou  il  y  a  en  même  tems  priva- 
tion de  tout  nnjiivcmcnt  &  de  tout  fentlmem  dans  tou- 
te l'ctendue  de  la  partie  afBigce  de  la  paralilie  j  &  para- 
lifie ir.comiilcttc  ,  celle  ou  il  n'y   a  privation  que  de  Icnti- 

I -de  mouvement  ,    ii   celle  qui  ne  s'ctend  que 

<  ic   du  memlne  .iCligc  de  paialMic  :  la  paralilie 

;  peut  itie  guciie  quelquefois  p.u  le  fccours  du 
Kii.i  iX  do  icnicdcs  quoique  le  plus  (cuvent  ils  fuient  fans 
fucccs:   mais  la  paralifie  complette  cil  toujours  incurable. 

l'niir  en  I  ■  -  1;^  raifons,  il  oft  ncceflaite  de  lavoir 

>;  .'i!  y  a  i.  ncif. ,  dont    les  wv.  font    dilltihucs 

ii'.i  A  les  pj.  e<;    aux    mouvemens  ,    tels   font  ceux 

qui  le  rcuCLPiuiciit  daiis  tes  hhtcs   clutiuics  des  cotps  nmlcu- 
Iiioi,  lu  auuc*  (liai  diikibucs  dans  les  parues  qui  l'ctvcu 


aux  fcniations ,  comme  ceux  qui  fê  diftribuent  dans  le  tiOâ 
de  la  peau  &  ailleurs.  Or  la  paralifie  n'étant  aunre  chofe 
qu'une  ptivation  de  Pcfprit  animal  dans  les  parties  ,  occa- 
lionnee  par  l'obllmûion ,  la  compreihon  ou  même  quel- 
quefois le  dcflcchement  des  tuyaux  nerveux,  il  s'en  fuit  que 
Il  tous  les  nerfs  qui  fe  dilbibuent  dans  les  panies  oii  s'opè- 
rent les  mouvemens  &  les  fenlàtions  ,  font  obllrucs  ,  com- 
ptimes  ou  dcfliches  ,  il  y  aura  perte  de  mouvement  &  de 
Icntiment  conjointement;  mais  s'il  n'y  a  qu'une  portion  de 
ces  nerfs  affectée,  ou  l'aition  reftcra  tandis  que  le  fenti- 
mcnt  fera  perdu  ,  ou  l'action  elle-même  fera  perdue  fie  le 
fentiment  tefteta. 

11  cil  encore  bon  de  favoirque  laptéfënce  de  l'efprit  ani- 
trial  eft  neceflairc  non  feulement  pour  les  actions  &  les 
tentations  ,  mais  aulTi  pour  la  nourriture  &  l'embonpoint 
des  mêmes  parties.  On  en  peut  tiret  une  preuve  de  ce  qui 
ne  rnaiique  jamais  d'arriver  dans  la  paralilie  complene, 
Lortiqu'une  partie  eft  affligée  de  cette  maladie .  elle  tombe 
tlans  rauophie  ou  amaignflcment,  &  par  la  fuite  dans  le 
delTechemcnt  (quoiqu'elle  foit  encore  alfiftec  du  fang  arté- 
riel qui  y  circule.  )  La  caule  en  eft  facile  à  appercevoir: 
le  làng  artériel  ne  recevant  plus  cet  cfprit  capable  d'animer 
les  pattictiles  nourricières  qu'il  contient,  l'avion  des  par- 
ties fennentatives  des  fluides,  le  rrouvediminuce  aufli  bien 
que  la  chaleur  des  membres  ,  parce  que  toute  chaleur  pins 
ou  moins  gr.inde ,  n'eft  qu'un  effet  qui  rdulte  du  mouve- 
ment plus  ou  moins  grand.  Ce  même  fang  n'étant  donc 
plu»  qu'une  malT'e  languiflante  &  appauvrie,  n'eft  plus  ca- 
pable de  réparer  futSIainment  les  patties  dans  lel'quelles  il 
coule ,  ce  qui  fiit  indilpenfablemcnt  que  peu  à  peu ,  les 
corps  graiOeux  le  diftipent,  les  mufculeux  s'aft'aiflcnt  :  leiui 
fibres  charnues  perdent  leur  vertu  de  reflbrt ,  ic  par  la  fuite 
fe  dettuifent  &  s'effacent. 

11  eft  bien  aile  prelcntement  de  featir  pourquoi  la  parali- 
fie ineomplette  peut  quelquefois  être  guene,  i>c  pourquoi  la. 
paralifie  complette  eft  toujours  incurable. 

La  raifon  de  cène  différence  conlirte,  en  ce  que  dans  la 
paralifie  ineomplette,  les  nerf>  de  la  panie  affligée  ne  font 
pas  tous  obitrucs,  les  elprits  anirnaiLX  avant  toujours  leur 
cours  libre ,  ou  dans  ceux  qui  fervent  a  la  fenlârion ,  ou 
dans  ceux  qui  fetvent  aux  mouvemens:  ceux  mêmes  qui 
Ibnt  obftrues  ne  le  font  pas  dans  le  principe  commun  d'oii 
patient  tant  ceux  qui  fervent  à  la  fenfation ,  que  ceux  qui 
fervent  aux  mouvemens,  puifqu'en  ce  cas  l'un  Se  l'autre  le 
ttouveroicnt  également  perdus:  or  ces  nerfs  n'étant  pas  ob- 
ftrues des  leur  origine,  &  le  làng  artériel  étant  toujoius 
plus  ou  moins  anime  ,  par  les  efprirs  qui  Ibnt  portes  par  les 
neifs  non  obftrues,  on  peut  cfpeter  que  les  lemcdes,  foie 
extetieuts,  fbit  inteiicuis,  pouiront  diliipct  les obllmêlions; 
&  qu'ainfi  les  elptits  animaux  tecommen^ant  à  couler  le 
long  des  fibres  mufculeufes ,  avec  pleine  liberté  ,  redotme- 
ront  aux  patties  affligées  le  fentiment  ou  le  mouvement 
qu'elles  avoient  perdu  par  leur  abfcnce  :  il  n'en  pas  de  mè> 
me  de  la  paralilie  com.plc:ie. 

On  connoit  par  les  ert'eis  que  les  portions  des  netfs  qui  (è 
diftribuent  dans  les  organes  des  mouvemens  &  des  Icala- 
tions  font  abfcinment  obftiués  ou  bouches,  non  feulement 
dans  l'extrêmitc  de  lents  branches  mais  même  dans  toute 
leur  toute  &  julqu'à  leut  principe,  qui  eft  le  cerveau,  La 
moelle  allongée  ,  ou  la  mocUc  epinicrc  ,  lotique  tout 
mouvement  S:  tout  fentiment  fi:  trouve  entièrement  pei- 
du  dans  toute  l'rtendue  de  la  patrie  affligée  de  paiali- 
lie  ,  qife  cette  partie  eft  icftce  privée  de  chaleur  &  qu'el- 
le s'cft  attophicc  &  s'clt  dciVechce  a  la  fin;  parceque  peu 
lots  il  eft  clair  qu'elle  a  cte  entièrement  piivee  des  elpiirs 
animaux  ,  Se  fi  cet  ctat  a  dure  pendant  plulicurs  années , 
&  que  le  dcflcchement  paioilfe  entier,  aufli  bien  que  l'a- 
maigtifl'anent  de  tont  le  corps,  on  doit  conclure  que  Icî 
crps  mulculcux  non  reniement  font  affait]i:smais  que  Icuis 
fihics  charnues  li>nt  aitierement  dctiuites  aufli  bien  que  les 
tuyaux  iicivcux.  Etqu'amù  il  cit  impollibic  à  l'art  fc  à  to 
n.tiuie  de  leiablii  des  partie»  tcduitcs  en  cet  ctat. 

Tel  ctoit  M.  celui  ou  vous  me  maïqncz  qu'i  été  An- 
ne Augiet  pendant  plus  de  £i.  ans.  Vous  me  demandez 
n  les  jambes  (que  vous  me  d:;es  avoit  été  fans  aucun 
mouvement  ^c  lans  aucun  rci;t:incnt  pétulant  prcs  de  i:. 
ans  ,  Se  avoir  cic  même  delltchces  |>cndant  plus  de  îi. 
ans  )  ont  pii  namrcUeinent  fe  tanimer  dans  un  moment  , 
Ce  acquciir  tuut  d'ua  coup  la  fotcc  de  la  l'outuiii  à  genoux 


opère  fur  Anne  Âugter. 

fc  de  11  feire  mâicher.  C'efl  à  dire  cjua^ous  me  deman- 
dez fi  des  jambes  peuvent  marcher  (ans  mulcles  &  fans 
nerfs. 

Je  vous  repondrai  tout  fimplenient,  qu'il  eft  encoie  plus 
difficile  de  comprendre  qu'Anne  Augier  ait  pu  marcher  tout 
d'un  coup,  (es  jambes  étant  deflîchécs  depuis  zo  ans,  que 
de  croire  que  Dieu  lui  ait  en  un  moment  crée  des  corps  mut 
culeux  garnis  de  toutes  les  parties,  qui  etoient  abfoluraent 
néceflaiies  pour  l'aftion. 

Il  eft  vrai  qu'on  peut  liippofer  que  les  corps  niufculeux  fub- 
lïftoient  encore 


En  liippofant  l'état  où  vous  me  dépeignez  que  <és  jambes 
avoient  ete  pendant  plus  de  2.1.  ans,  elles  avoient  été  long- 
lems  dénuées  des  corps  charnus  ou  mufcukux;  en  un  mot 
tous  les  organes  qui  etoient  nècefiaires  pour  l'aftion  man- 
quoient  abfoltiment,  ainfi  en fuppofanttous vos  faits  vrais,  il 
ftudroit  nécellàirement  en  concluie,  qu'il  s'eft  fait  tout  d'un 
cùup  dans  fes  jambes  une  rcgénétation  nouvelle  des  fibres 
charnues,  &  des  vaifléaux  de  tout  genr»  capable  de  lent  por- 
ter les  flics  nourriciers  &  les  efpiits  pour  les  animer; il  au- 
roit  encore  fallu  pour  rétablir  la  fenfibilité ,  que  les  filets  des 
encore  en  partie  cans  les  fambes_ d'Anne  Augier,  nerfs  qui  fe  diftiibuent  dans  le  tiflu  de  la  peau  pour  la  pet- 
quoique  (1  fort  affaifles ,  qu'a  peine  pavoiflbient-ils, mais  il  ccption  des  objets  extéiienrs,  d'affaifles  &  d'effacés  qu'ils é- 
eft  certain  qu'en  cet  état,  il  n'etoient  nullement  capables  d'à-  toient  depuis  tant  d'années,  repriflént  leur  vie,  leur  force  Sc- 
ftion.  L'efprit  animal  ne  coulant  plus  depuis  2i.  ans  le  long  leur  vertu  d'élafticité.  Or  tout  cela  n'eft  point  poflible  ni  i 
des  nerfs,  ni  pour  les  mouvemens  ni  pour  les  fenfations , ce     la  nature  ni  à  l'art. 

qui  fe  prouve  puilque  depuis  ce  tems  tout  mouvement  Se  tout  II  n'y  a  que  Dieu  qui  fafTe  des  créations,  &  l'art  Sclana- 
ientiment  étoit  perdu,  &  le  fang  artériel  n'étant  plus  dans  ture  n'ont  nulle  reffource  pour  régénérer  des  parties  quifent 
ces  parties  qu'une  maflè  languiflante,  appauvrie  &  delUtuée     ablblument  détruites:  l'art   peut  bien  quelque  fois  augmen- 


des  efprits  qui  doivent  l'animer,  &:  n'étant  plus  pat  conlequetit 
capable  de  nourrir  fiifHfamment  les  parties,  il  en  reluire ne- 
ceflaireraent  la  confequence,  q^iie  pendant  un  frjon»  efpace 
de  tems,  toutes  ces  parties  fc  lont  atfaillees  6c  dellecnecs ,  & 
même  que  la  plus  grande  partie  en  a  eié  détruite.  En  cet 
état, tout  ce  qui  éioit  néceflaire  pour  l'action  manquant  ab- 
folument  dans  les  jambes  d'Anne  Augiet, comment fuppoler 
qu'elle  ait  pu  maicher  naturellement; 
J'ai  obléive  premièrement,  que  c'eft  par  les  fibres  char- 


ter le  mouvement  des  fluides  qui  coulent  dans  les  tuiaux, 
raminer  les  efprits  qui  s'etoient  comme  concentrés,  &  ai- 
der à  la  nature  à  déboucher  quelques  obftruétions.  La  na- 
ture par  le  moyen  des  liqueurs  &  des  efprits  animaux  en- 
tretient, nourrit,  augmente  même  fes  parties  &les  fait  croî- 
tre, &  réjoint  des  parties  divilees  en  rempliifant  levuideqi'i 
efi  entre  deux,  par  des  liqueurs  qui  acquièrent  de  la  folidi- 
te  &  forment  peu  à  peu  un  corps  ferme  qui  eft  ce  qu'on  ap- 
pelle une  cicatrice.    Mais   encoie  un  coup,  ni  la  nature  nr 


mes  qui  compofent  le  coips  du  miifcle  ,tjue  fe  faitTaélion  ;     l'art  ne  peuvent  point renouveller des paiticsquiontéteanéan- 

'  '  ''  '  ' '""  '     "  "'         "'  ''*"     tics.    Voila   M.  tout  ce  que  mes  études  &  mon  e.xpérience 

m'ont  appris  à  ce  iîijet. 

l'ai  l'honneur  d'être  avecbiendurelpeft  M.  votre  très  hum- 
ble &  très-obéilTant  lerviteur,  Slgiiir.  Souchai  Chirurgien 
Juré,  à  Paris  le  i.  Janvier  1754.  -^  c^é  eft  écrit:  contrôlé 
a  Paris  le  7.  Juillet  1754.  reçu  12.  fols  Signé  la  Croix.  E>r 
tête  de  1,1  première  pape  eft  écrit,  certifié  véritable,  figné  & 
paraphé  au  defir  de  l'acle  de  dépôt  pour  minute,  patTc  par 
devant   les    Notaires  au  Châcelet  de  Paris  fouQignes  ce   14. 


or  fuivant  ce  que  vous  me  matquez.  les  bbres  charnues  des 
ïambes  d'Anne  Augier  s'etoient  dilfipecs,  puilque  les  jam- 
kes  etoient  defl'échées  &:  qu'on  n'y  appetcevoitplus  de  chairs. 
J'ai  obfeivc  en  fécond  lieu  que  l'action  ne  fe  pouvoir  point 
faire  fans  les  miaux  nerveux  :  or  en  fuppofant  les  faits  que 
vous  me  matquez,  tous  ces  tuiaux  dévoient  être  affailles, 
ditfipés  &  même  détruits,  &  etoient  pat  confcquent  ablblu- 
ment incapables  de  porter  dans  ces  jambes  les  efprits  ani- 
maux, pour  les  raminer. 


J'ai  obferve  en  troifiéme  lieu,  que  le  tendon  eu  nécellai-     Juillet  1^54.    Sipié  Carre'  de  Montgeron,  LoysoN  Ôc 
le    pour   la  peifetlion  de  l'adion ,  c'eft  proprement  lui  qui      Raymond  avec  paraphes. 


l'achevé,  paice  que  quoique  l'aéiion  fe  fille  pat  les  fibres 
charnues  qui  compofent  le  corps  du  mufcle,  néanmoins  l'ans 
le  fecours  du  tendon  attache  à  l'extrémité  des  membres,  la 
texion  &  l'extenfion  de  ces  mêmes  membres ,  ne  poutroit 
s'accomplir  :ainû  par  e.xemplejfi  les  tendons  flechifleuts  des 
doigts  etoient  coupes ,  les  doigts  refteroient  étendus  Si.  ne 
pourroient  être  fléchis  ;  or  les  tendons  des  mufcles  des  jam- 
oes  d'Anne  Augier,  fans  doute  etoient,  non-feulement  tom- 
bés dans  l'afl-'aillèment,  mais  aufii  dans  le  roidiflément;  c'eft 
ce  qu'on  remarque  toujours  en  pareil  cas;  ainfi  ayant  perdu 
leur  vertu  de  rellbtt,refpiit  animal  ne  coulant  plus  le  long  des 
fibres  tendineufes,  &  leur  fuc  nourricier  étant  de  mauvailé 
qualité,  ces  mêmes  fibres  s'etoient  deflechees  depuis  long- 
tenis  ;  6c  il  eft  certain  que  dans  toutes  ces  circonflances ,  el- 
les etoient  incapables  d'aétion. 

J'ai  obferve  en  dernier  lieu,  que  l'aftion  des  mulcles  eft 
ccnfervée  par  leurs  membranes, ou  enveloppes  qui  conùlVnt 
en  une  toile  dont  la  fermeté  contribue  beaucoup  à  la  vigueur 
des  mufcles  ;  de  cette  toile  procedenr  une  quantité  de  filets 
membraneux  qui  s'entrelalfcnt  avec  les  fibres  charnues ,  les  lient 
&  les  alfemblent,  de  manière  qu'elles  ont  une  direction  à 
peu  près  petpendiculaite  à  la  direftion  des  tendons,  ce  qui 
contribue  beaucoup  à  la  force  des  mufcles ,  6c  par  confequent 
à  la  facilite  des  mouvemens  dont  cette  membrane  conlèive 
l'aftion.  Mais  fl  les  mufcles  eux-mêmes  font  affaifles,  C 
leurs  fibres  font  défiechées  Se  diflTipées ,  leur  membrane  de- 
vient tout  à  fait  inutile  pour  l'action. 

-  Cependant  M.  fuivant  que  vous  me  le  matquez,  les  jam- 
bes d'Anne  Augier  ont  été  ranimées  en  un  moment,  6c  dans 
ce  "moment  elle  s'eft  jettée  à  genoux  8c  elle  eft  reftee  plus 
d'nn  quart  d'heure  dansicette  lîtuation;  dés  ce  i.  jour  elle 
a  commencé  à  marcher,  5.  jours  aptes  elle  a  marche  libre- 
ment, le  9.  jour  elle  a  dit  plus  d'un  quart  deliciicàpied, 
&  en  peu  de  tems  elle  s'clt  trouvée  autant  d'agilité  &(.  de 
force,  qu'elle  en  avoit  eu  avant  fa  patalyfie. 

Eft-ce  ferieufement  que  vous  me  demandez  fi  celaapû ar- 
river naturellement. 

Je  nliefitcrai  point  à  vous  répondre  que  non.  Anne  Au- 
gier n^a  pu  faite  naturcllenient  tous  ces  mouvemens',  fans 
que  fes  jambes  ay«m  été  fouivueï  des  organes  iiéceflàiïcs  gom 
les  exécuter. 


XVIII. 

Differtatlon  de  M.  Cann^tc  Chirurgien  Major  de^ 

Gardes  ,aujp  frafante  Qp  décijive  que  celle 

de  M.  SoHcbai, 


M 


ONSIEUR-, 


La  m.miere  dont  vous  me  tiemandez  moii  avis  au  fiijet 
d'Anne  Augier  habitante  de  Mareiiil,  eft  troppieflintcpouc 
vous  refufer  cette  marque  de  mon  tefpedueux  attachemenr. 
&c. 

Vous  me  marquez  M.  que  lad.  Augier  fiit  fi  violemment 
attaquée  de  paialyfie  fur  les  jambes  le  t.  Novembre  i-o^". 
étant  alors  igee  de  20.  ans,  qu'elle  perdit  fur  le  champ 
tout  mouvement ,  6t  qu'au  bout  d'environ  rz.  jours  elle  y 
perdit  tout  lêntiment:  que  7.  ou  8.  mois  aptes,  fes  jambes 
font  devenues  fi  delfechees  qu'on  n'y  voioit  ni  chair  ni  mol- 
let, 6c  qu'il  paroiftbit  qu'il  n'y  reftoit  que  la  peau  côléefut 
les  os:  qu'Anne  Augier  eft  reftec  pendant  plus  de  11.  ani 
dans  cet  état  à  compter  depuis  le  i.  Novembre  foç.  jour 
de  fon  accident  jufqu'.iu  8.  Juillet  r7l7.  jour  de  fagueriforii 
fans  que  les  remèdes  qu'on  lui  a  donné  lui  ayent apporte  au- 
cun foulagement;  qu'enfin  la  paralyfie  avoit  gagne  lès  cuif^ 
fes ,  qui  de  même  avoient  perdu  tout  mouvement  Se  tout 
fentiment. 

Que  cependant  le  8.  Juillet  1717.  fes  jambes  s'etoient  (t 
bien  ranimées  dans  un  moment,  qu'elle  te  jetta  à  genouxv 
6c  s'y  tint  depuis  l'oftertoire  d'une  meflc  qu'elle  entendoic 
juiqu'à  la  fin:  que  des  ce  premier  jour  elle  a  commence  2. 
marcher:  que  5.  jours  après  elle  a  marche  librement;  que 
le  17.  du  mois  de  Juillet  1727.  elle  à  fait  plus  d'un  quart 
de  lieue  a  pied  ,  6c  qu'en  peu  de  jours  elle  a  eu  autant  de  for- 
ce 6c  d'agilité  dans  les  jambes  qu'elle  en  avoit  avant  là  paia>- 
lyfie. 

Voilà  l'expofé  que  vous  me  faites  l'honneur  de  me  faire.. 
Voici  ce  que  je  penfe  fur  ce  prodige  qui  a  de  quoi  étonnai 
également ,  la  Médecine  Se  la  Chirurgie. 

Je  commeiicetai  pit  vous  domiet  une  idée  dt  l'isconotnie 
C  2.  aaxg 


13 


animale  ;  elle  fera  fimple  &  courte ,  paice  qu'il  vous  fuSt 
de  l'ivoir  telle  pour  vous  fiirc  une  image  de  l'jtat  parfait 
de  nos  parties:  je  vous  ferai  connoitrc  cnfuite  ce  que  c'ell 
qac  la  paralylie  &  fes  effcrs  ;  enfin  je  voaî  dirai  ;v:c  liber- 
té ce  que  je  penlë,  fur  la  dimculte  de  guérir  ceue  ficheufe 
maladie ,  &  je  tâcherai  de  le  faire  de  façon  a  vous  faire  ju- 
ger de  mes  preuves,  &  de  mes  confequences. 

Et)  gênerai  Taclion ,  le  fentimcnt  &  la  vie  des  partiel  de 
notre  corps  dépendent  de  l'cquiUbre  des  deux  fubllances  qui 
le  couiçofenc.    Savoir  des  tiui.ics   &  des  folidcs. 

Les  lolidcs  doivent  avoir  des  proportions  dans  leur  ftru- 
fture  :  ils  Ton:  creux  ou  potcuit  pour  être  ttaverfes  librement 
£ar  les  diffcrens  fluides,  toit  pour  la  nourriture  &  l'accroil- 
Icracnt,  l'oit  pour  c:re  filtres  pour  des  uûges  particuliers  ne- 
«clTàiicmcut  utiles  i  l'animal,  foit  enfin  pour  eue  cliaflesSc 
fenarcs  au  dehors.  &c. 

Les  os  Icrven:  de  lourien  à  toutes  les  parties  du  corps.  Se 
la  peau  leur  Icrt  d'enveloppe  ;  mais  les  os  ni  la  peau  ne 
font  point  un  membre,  ni  ne  làiiroient  être  regardes  com- 
me des  organes  du  mouvement  jc'eft  aux  mulclcs  Iculsàqui 
certe  aftion  appartient. 

La  fubftance  Iblide  prife  gjncralemenr ,  à  tiois  fortes  de 
mouvemcns.  Savoir  :  de  volontaires  ,  d'involontaires  Se  de 
roilttcs;  Icfquels  font  produits  particulièrement  par  les  muf- 
cles ,  qui  for.t  les  fculs  organes  du  mouvement. 

Nous  ne  parlons  pas  des  mouvemcns  occaûoiineJ  par  le  fcul 
iciîbrt  de  certaines  parties, pat  le  choc,  ou  impulûon  exter- 
ne ,  ou  par  la  feule  pcfanteur  des  parties  mobiles. 

La  fubftance  fluide  a  des  mouvemcns  qui  lui  font  propres: 
les  Phificicns  les  compreaent  fous  trois  fortes:  Savoir,  ce- 
lui de  fluidité ,  celui  de  irurioQ,&  celui  de  fermentation.  C'eft 
pat  CCS  trois  forics  de  mcuvemens,  que  le  fang  cft  porte  par 
les  artères,  du  centre  à  la  cire onfcrence ,  &  repo:;c  de  la 
circonfcrcnce  au  centre.  &c. 

De  toitej  les  parties  ce  la  fibftance  foliùc  nous  ne  parle- 
ions  que  des  m  .fclcs,  qie  ne.-.i  ueïo-:s  regarder  Cvmme  les 
fculs  o.gancs  Jes  mcuvemens  .'c  cese  fubftaiice  :  nous  les  con- 
fiilc.ons  comme  des  raafl'^s  fibrc-d';iC3mpofecsi'c  filets  char- 
nus lufferemnienr  figures  &  etendui,  &  rec-jvetîs  d'une 
nK-:nl>:a!:e  ou  cnvcl'Jjir':  f!càc,ilit:c. 

Ces  malles  ou  ;  V       '  ;  fiLts  cha:nisor.îdireflort : 

ellcUbnt  cbftic  :t::  .-i  Is  ;Tc:.et:cntr.rrtent,  félon 

l'opinion  11   pfiis  f-.  ...  -  -.;  .t  animal  pour  les  feixe  agit: 
les  aitetcs  leur  portent  le  iHn^.  &c. 

Le  mouvement  des  mufcles,  dont  nous  écartons  le  détail 
phyfique,  dépend  pric;ipa:emcnt  de  ces  3.  chofcs,  l'tlaftici- 
te  des  fibres  charnues,  l'clprit  animal.  Se  le  ftng  artériel. 
Les  diffcrens  Crtcmei  des  iViccani;ier.s  fur  le  mouvement 
mufculairc  font  étrangers  à  noue  fujct,  d'ailleurs  il  n'en 
eft  point  qui  n'admertc  ces  3.  agens  comme  les  3.  caufes 
cll'entielles  du  mouvement  de  nos  parties  folides. 

Ces  notions  générales  une  fjis  établies. . .  Nous  allons  voie 
prefentemeut  quelles  font  les  caufes ,  les  différences  &  les  ef- 
f.:is  de  la  paralyfie  :  nous  examinerons  autant  qu'il  dépendra 
de  nos  lumières  &  de  notre  expérience,  celles  qui  font  in- 
curables &  celles  qui  peuvent  être  guéries;  enfin  nous  indi- 
qiierons  pourquoi  nous  pcnibns,  d'une  telle  manicte,  par 
rapport  aux  unes  &  aux  autres.  Sic. 

La  paralyfic  prilc  généralement  eft  de  deux  fortes,  l'une 
tompleltc  i!i  l'autre  incomplette. 

La  première  ei\  celle  dans  laquelle  il  y  a  en  me  nie  rems , 
privation  de  mouvement  Se  de  fentiment  dans  l'ctendue  de 
la  i>.uiic  affligée  de  paralyfie. 

La  deuxième  eft  celle  dans  laquelle  il  n'y  a  que  privation 
de  mouvement  ou  de  fentimcnt,  ou  diminution  de  l'un  & 
de  l'autre. 

Ces  dnix  par.-ilyfics  font  également  caufees  par  l'obftruaion 
des  nerfs  j  mais  on  lent  bien  qu'elles  dillcreat  eu  ce  que 
la  eompletie   dépend  de  l'obftmtlion  totale  du  principe  des 

I     ;'       c  dans  celle  quifuit  l'apoplexie,  oubiendel'ob- 

I  irone  |>tincip.il  du  ncif  de  la  par  ie  .itiligce;  au 

I  1  paralvlie   incomplcitc  a  pour  caulé  l'obllniclion 

de  quelque  branche  du  mcinc  tronc,  ou  l'on oblUuiiion par- 
lialc. 

Il    n'   '  '     'eux  que  rohftru:1ion  des  neifs  ne  foit  la 

cjiifc  .lire  Je  II  p41.1l.Mic,  l'expcricncc  le   con- 

firme .-  '  l'adnp;e  (><"■  di'hculc. 

Si  on  lie  ciioitcinem  le  cotdou  piiiicip.il  d'un  nerf  .la  par- 
tie tonibcta  daoi  l'impudlance   9c    daib   l'ainaigtiOcjncut  ; 


Pièces  jujlificativei  du  tn'irac7t 

qu'elle  en  eft  la  caufe,  fi  ce  n'eft  que  la  ligature  attéte  te 
cours  des  efpritsî  II  eft  donc  certain  que  la  paialvùe  eft  une 
fuite  de  la  privation  de  l'efprit  animal.  Et  dcU  ii  fuit ,  que 
fi  le  tronc  du  nerf  qui  le  diftribue  daus  une  partie ,  eft  ob- 
ftrue  totalement,  il  y  auua  enlêmble  pcr:e  entière  de  mou- 
vement &  de  fentiment:  au  lieu  qu'il  n'y  a'jra  que  perte  de 
l'un  ou  de  l'autre ,  dans  l'obllruàion  de  quelque  branche , 
ou  dans  l'obftruciion  paiiiale  du  cordon  principal. 

De  cet  expofc  que  l'expérience  aurorife,  on  doit  conclure 
ce  que  nous  avons  avance  dans  la  première  partie;  quel'ef- 
prit  animal  eft  le  mobile  qui  détermine  les  divers  mouve- 
mcns iSc  les  diftércmcô  lénlatiOiis;  mais  il  fa ir  plus.  Nous 
l'avons  déjà  indique:  il  ramine  &  vivifie,  il  fcrt  a  la  nour- 
riture Se  a  raccroillcmenr.  Se  on  en  peut  tirer  une  preuve, 
de  ce  qui  ne  manque  jamais  d'anivei  dans  la  paialylie  eom- 
pletie. 


Lotiqu'ur.e  partie  eft  affligée  de  cette  maladie  ,  elletombe 
dans  l'atrophie,  ou  amaigiifiemem:  la  caulé  en  ell  facile  à 
appercevoir.  Le  fang  artériel  ne  recevant  plus  cet  efctit  ca- 
pable d'animer  les  parties  nounicieres  qu'il  contient  ;raâion 
fermcntative  des  fluides,  lé  trouve  diminuée  aulTi  bien  que  la 
chaleur  des  membres.  Ce  même  lâng  ii'erant  plus  qu'un* 
malle  appauvrie ,  n'cft  plus  capable  de  réparer  fuiiïfamment 
les  parties;  les  corps  graiflcuxlêdiiripent;lcsmufculeuxs'af- 
faiflcnt  ;  leurs  fibres  charnues  perdent  leur  verw  de  teû'ort  ; 
Se  par-ia  deviennent  incapables  d'aucune  aciion. 

Ce  que  nous  avons  dit ,  nous  a  conduit  aux  eftéts  de  cet- 
te maladie:  nous  nous  renfermerons  ici  dans  le  pronoftique 
que  l'on  en  doit  faire.  Se  pour  éviter  un  détail  ou  ennuyeux, 
ou  inutile,  nous  ne  parlerons  que  de  celui  qui  regarde  les 
deux  cfpeces  de  paralyfies,  donr  nous  avons  parlé. 

Ce  pronoftique  le  prefente  de  lui-même;  la  diftinâiondc 
ces  deux  maladies  en  fait  la  difterence.  Nous  dirons  donc 
que  le  pronollique  de  la  paralyfie  comple'te  eft  toujours , 
qu'elle  eft  abl'olument  incurable' Se  que  celui  de  la  paralyfie 
incomplerre  eft ,  qu'elle  eft  rres-diScile  à  guérir:  la  raifun 
de  cette  difterence  confifte.en  ce  que  dans  la  première,  tous 
les  netfs  font  obftrues ,  au  lieu  que  dans  la  féconde  ils  ne  le 
font  qu'en  partie. 

Tous  les  nerft  étant  obftrues  dans  U  paralyfie  complette  la 
partie  affligée  fe  trouve  entièrement  dépourvue  des  efprits 
animaux  :ainfi  il  ne  refte  plus  aucune  rellburce:au  lieu  que 
dans  la  paralyfie  incompletiC  les  nerfs  n'eiant  oblbues  qu'en 
partie,  il  refte  des  efprits  animaux  dont  l'afiion  peut  s'au- 
gmenter, 8c  qui  peuvent  peu  à  peu  déboucher  les  obftm- 
elions,  &  ranimer  la  partie;  ce  qui  n'arrive  néanmoins  que 
rarement. 

Si  vous  fouhaitez  que  je  vous  e!tpliquepIusaulon^lesrai- 
fons  pour  lelqueUes  la  paralvfie  complette  eft  Béceftairemcnt 
incurable ,  il  me  fera  ailé  Je  vous  làtisfaire. 

Pour  la  pouvoir  guérir ,  il  fjudroit  pouvoir  diftipet  l'ob- 
ftruftion  des  neift,  fans  le  Iccoms  de  l'cfprit  animal,  qui 
n'cft  plus  dans  cette  partie:  or  c'eft  ce  que  ni  la  napjic  ni 
l'arr  ,  ne  peuvent  jamais  taire. . . . 

"  La  nature  à  la  vérité ,  peur  bien  quelque  fois  changer  la 
difpofitioii  des  humeurs,  d'oti  l'obftruc^ion  des  nerfs  a  pris 
(î  caulé;  mais  ces  nouvelles  humeurs,  quoique  d'une  meil- 
leure qualité  que  les  préceJenres,  ne  portent  pas  pour  cela 
les  efprits  animaux  dans  les  parties,  dont  tous  les  nefs  font 
obftrues;  pnilôue  la  route  desefpri:s  animaux,  qui  ne  cou- 
lent que  par  (es  neift,  eft  rotalement  barrée  p.ir  leurs  ob- 
ftriulions  ;  aulli  voit-on  que  même  dans  la  paialyfie Incom- 
plette ,  l'obftrurtion  des  nerfs  liibfifte  fouvenr ,  maigre  le  chan- 
gement avantageux  de  nos  liqueurs.  La  nanire  le  foulage 
quelquefois  par  des  évacuations  critiques,  ou  des  dci'otsde 
tianfpon  d'iuimeurs ,  d'une  partie  fur  une  autre.  Ces  tcf- 
Ibuices  e-ficaces  Ibnt  familières  à  la  namte  :  elle  peut 
avec  facilite  diiriper  des  enjorgemeis  Se  des  >'  .Luu 

des  vaidéaux  fa.^guins  Se  lymphatiques,  de  s  Je 

des  al>ces  dans  les  vifceres  S:  ailleurs;  m;...  ^,,,.,,,ci  de 
ces  elpeces  font  connus  en  Médecine  Se  en  Clurvirgie.  Se  l'on 
peut  en  expliquer  les  caufes  Se  les  moyens,  d'ure  m.miere 
latisfaifante:  mais  il  fuiTira  d'obfervcr ,  que  la  natuie  ne  fait 
tout  cela  que  par  l'action  même  des  efprits  animaux. 

L'obft:u;!ion   des  vaillV-   -  ' — •"-  .'•  1    ■■   •••    y-î,  Je 
de  même  celle  des  vjiflc;  dui- 

(cnt  des  cnjorgemeivs ,  di  '.i- 

turc  peut  quelquefois  dillipct  U'Ui  c<. 
anim.v.ix;  mais  tien8cpeu:fuplecià  U 
pariie.  1 . .  o- 


opéré  fur 

L'obftiuftiôll  des  netfs  ne  produit  pas  des  engorgemens , 
dcs_  inflanimaiions ,  des  abccs  dont  la  nature  peut  Te  dcba- 
laflev:  elle  produit  une  ceUaiion  d'aûion  &  ai  fentiment, 
d'eu  s'cti  fuit  l'atrophie,  raraaigrifleuient ,  &  le  déllcche- 
inent  des  parties:  comment  la  nature  fera-:-cUe  couler  des 
efprits,  dans  une  partie  dont  tous  les  nerfs  fomobftmcs,& 

?[ui  par-là  a  perdu  la  plus  grande  partie  de  fa  chaleur  Sx.  de 
a  vie  dans  cette  partie.  Ce  font  les  eiprits  par  l'artion  dcf- 
quels  la  nature  fe  foulage  &  le  debarraiVc  ;  i!c  ce  font  ces  el- 
prits  mêmes  qui  manquent ,  &  qui  manquent  entièrement 
dans  toute  l'étendue  de  la  partie  affligée  ;  quelle  rellource 
pourroit  donc  avoir  la  nature  î  Auffi  l'expérience  confirme  t'el- 
le  que  jamais  des  membres  qui  font  une  fois  tombes  en  pa- 
lalyfie  complette,  n'ont  repris  leur  attion  &  leur  mouve- 
ment. 

Mais  peut-être  croira-t-on  que  l'art  peut  difTiper  l'obftru- 
ûion  totale  des  nerfs  dans  une  partie. . . . 

L'art  ne  peut  teuflir ,  à  moins  qu'il  n'y  ait  une  difpofi- 
tion  dans  la  nature ,  capable  de  prohier  des  lemedes  ;  il  faut 
qu'elle  foit  en  état  d'obeit  aux  deietminatious  que  les  remè- 
des lui  impofent.  &c. .  . . 

Si  vous  me  demandez  préfentement,  M.  de  faire  l'appli- 
cation de  ces  principes  a  la  gutrifon  d'Anne  Augier,  elle 
kra  fort  aifce  :  il  eft  certain  que  fuivant  votre  expofe  ,  loil- 
gu'Anne  Augier  a  été  guérie  lans  remèdes  &  en  un  moment, 
il  y  avoir  plus  de  20.  ans  que  fcs  jambes  étoient  tombées 
dans  une  paralyfie  complette ,  puifqu'elle  y  avoit  perdu  eniic- 
lement  tout  mouvement  fc  tout  fentiment:  il  y  a  plus.  Ses 
jambes,  depuis  unfi  long-tems,  s'ctoient  delTechees au  point, 
de  faire  croire  aux  perfonnes  qui  les  voyoient ,  que  les  mul^ 
des  avoient  été  en  quelque  forte  anéantis  :  &  qu'il  ne  reftoit 
plus  à  ces  déplorables  extrémités,  que  la  peau  collée  furies 
os.  Mais  (ans  examiner  fi  les  fibres  charnues  qui  compofent 
le  corps  du  mufcle  ,  &  les  tuyaux  nerveux  par  lefquels  les  cl- 
prits  animaux  fe  communiquent ,  avoient  été  ou  non  effa- 
cés Se  diffipes  pendant  un  fi  long  e'pace  de  tems  ;  au  moins 
cft-il  certain ,  que  fuivant  ce  qu'il  relulie  néceflairemenr  de 
votre  expofé  ils  avoient  été  entièrement  affaifies  ;  or  cela  fuf- 
fît  pour  qu'il  fût  abfolument  impoffible ,  à  la  nauue  &  à 
l'art ,  de  rétablir  des  parties  réduites  à  un  pareil  état ,  &  de 
les  rendre  capables  d'aflion.  Depuis  le  long-tems  que  les 
tuyaux  nerveux  étoient  affailVes ,  ils  étoient  évidemment  del- 
fechés,  &  ils  étoient  devenus  par -là,  dans  toute  la  longueur 
de  leur  étendue  &  de  celle  de  toutes  leurs  branches ,  abfo- 
lument incapables  de  recevoir  les  efprits  animaux,  &  de  les 
faire  pafl'er  dans  ces  parties. 

Il  n'etoit  pas  feulement  queftion  pourguérir  Anne  Augier; 
de  déboucher  l'obftrutlion  des  nerfs ,  il  falloir  rendre  les 


Jnne  Jugier.  13 

tuyaux  nerveux ,  qui  c'roieBt  entièrement  afFàilTcs  Se  (lellc- 
ch'es ,  capables  de  recevoir  les  elprits  animaux  ,  &:  de  les  fai- 
re partir  jufqu'aux  extrémités  de  toutes  leurs  branches  &  dans 
routes  les  pairies  de  ces  membres  dctVtcliés  :  cela  ne  le  pou- 
voir qu'en  les  retablilîant  dans  leur  premier  et.it;  ce  qui  eft 
abfoUimeiit  impolfible  à  la  nature  ix  à  l'art:  il  fàiloit  aulfi 
rétablir  les  fibres  charnues  &  les  rendre  capables  de  force  Se 
d'elafticiic. 

En  un  mot,  tout  manqiioit  dans  les  jambes  d'Anne  .'\ugiet 
pour  l'action  Se  pour  le  lentiment  ;  le  tout  mauquoit  depuis 
pkis  de  zo.  ans,  pendant  lefquels  le  défaut  d'efpriis  animaux, 
de  chaleur  &  de  nourriture  fuifilànic ,  avoit  rendu  fa  guéri- 
fon  de  plus  en  plus  iinpolVible. 

Dans  cet  état  il  ell:  certain  qu'il  ne  pouvoir  jamais  y  avoir 
aucune  leflburce,  ni  du  cote  de  la  nature,  ni  du  côte  de 
l'art;  S:  que  cette  gucrifon  n'a  pu  être  opérée  que  par  le  Ctéa- 
reur  de  l'univers  qui  pour  exécuter  fes  volontés, n'a  pas  bc- 
foin  de  trouver  dans  la  nature ,  des  difpofitions  qui  y  l'oient 
proportionnées. 

Voila  M.  ce  que  je  penlc ,  fur  l'expofé  de  la  maladie  & 
de  la  guétifon  d'Anne  Augier ,  que  vous  m'avez  fait  l'iion- 
neut  de  me  faire.  Cette  guerifon  me  frape  (i  forr,  qu'elle 
ne  me  laiflé  pas  maître  de  vous  diffimuler,  quels  font  mes 
fentimens  a  cet  égard:  je  vous  les  communique  même  avec 
plaifir ,  pour  en  faire  tel  ufage  qu'il  vous  plaira ,  peut-être 
mes  réflexions  ne  feront-elles  pas  du  goût  de  tous  les  pliili- 
ciens  ;  principalement  de  ceux  qui  ne  conviennent  jamais  des 
choies,  mêmes  évidentes.  Au  lefte  M.  ma  dilTcrtation  n'cft 
point  pour  eux  ;  ce  feroit  une  trop  grande  entrepriie,  de  vou- 
loir perfuader  à  qui  ne  veut  pas  croire  :  mais  j'cfpérc  qu'el- 
le fatisfera  tous  ceux  qui  examinent  les  choies  fans  pieven- 
tion;  Se  qui  conlultent  leur  railbn  (8c  non  leur  caprice, 
lents  palfions  ou  leurs  intérêts  )  pour  former  leurs  jugemens. 

J'ai  l'honneur  d'être  avec  un  refpeftueux attachement Mon- 
fieur,  votre  ties-humble  Se  très  obeilTant  fetviteur.  Signé 
Cannac.  Â  cité  cfi  é^rit  ce  i8.  Février  1734.  An.  dcff^n 
eft  écrit  contrôle  à  Paiis  le  2?.  Février  I7;4.  reçu  12.  fols 
Sîgné  la  Croix  ;  en  marge  de  U  frcmiere  page  eft  écrit  :  certi- 
fie véritable,  figne  Se  paraphe  au  defir  de  l'afte  de  dépôt 
pour  minure,  pallé  par  devant  les  Notaires  au  Châtelet  de 
l'aris  fouflîgnez  ce  14.  Juillet  i"';4.  J(;c-«t'CAURE' deMoNT- 
GERON  avec  LovsoN  Se  Raymond  Noraites. 

Es  originaux  defd.  pièces  dépofces  comme  dit  eft  le  tout 
demeuré  aud.  Raymond  Notaire,  led.  dépôt  fait  par  Meflîrc 
Louis  Bazile  Carré  de  Montgeron  ConfeiUer  au  Parlement , 
le  14.  Juillet  I7!|4.  à  la  minute  duquel  lefd.  pièces  font  de- 
meurées annexées,  le  tout  demeure  au  dit  Raymond  No- 
taire ,  Signé  Loyibn  Se  Raymond  avec  paraphes. 


DECLARATION  DE  JOSEPH  MASSY  LUTHERIEN 

Cuèri  miracuhufement  en  preuve  que  les  Appel/ans  fitivent  fa  vérité:  Guerifon  que  "Dieu  à  fait  fervir 
lui  faire  abjurer  les  erreurs  dans  lefquelles  il  avoit  été  élevé,  à  lui  faire  embraffer  le 
parti  de  la  vérité,  &  à  s'y  attacher  de  tout  fon  cœur. 

PAr  devant  les  Confeillers  du  Roi  Notaires  au  Châte- 
let de  i^aris  foulTignes.  Fût  prcfent  Joseph  Massy  âgé 
de  près  de  vingt  ans,  Irlandois  de  nation,  fils  de  Jo- 
feph  Mafly  Maître  Tailleur  d'habits.  Se  de  Catherine  Mor- 
phy  (à  femme  fes  père  Se  mère  demeurant  à  Corke  en  Ir- 
lande, élevé  dans  la  religion  Luthérienne  qui  eft  celle  de 
fes  perc  Se  mère;  mais  dont  il  a  reconnu  l'erreur  depuis 
quelque  tems ,  Se  eft  prêt  d'en  faire  abjuration  folcmnelle  : 
étant  de  préfent  à  Paris  logé  tue  Poupée  paroiflè  S.  Severin. 
Lequel  dans  le  delir  de  rendre  gloire  à  Dieu  de  la  grâce  fin- 
guliere  qu'il  lui  a  faite  d'éclairer  fon  efprit  cnguerillàntlcin 
corps  par  un  miracle  évident,  a  requis  les  Notaires  foufli- 
gnes  de  recevoir  fa  déclaration  fuivante. 

Savoir  :  Qu'ayant  été  envoyé  à  Londres  par  fon  peie  pour 
fe  gerfeftionuer  dans  fon  métier  de  Tailleur ,  il  a  cû  la  cu- 
riohté  de  venir  à  Paris  pour  y  aprendre  les  modes  Se  le  goût 
François.  Qu'il  arriva  à  Paris  vers  le  ij.  Décembre  1750. 
&  fe  mit  à  travailler  chez  le  fieur  Donavant  Irlandois  Maî- 
tre Tailleur  demeuranr  dans  l'enclos  de  l'abbaye  S.  Germain 
des  Près:  que  led.  Donavant  eft  Catholique,  mais  très-pré- 
venu contre  les  Appel!ans,ce  que  le  comparant  reconnut  très- 
aifement  par  plufieurs  difcours  qu'il  lui  tint,  qui  lui  faifant 

/.  Demonlî.  Tom  IL 


appercevoit  qu'il  y  avoir  de  grandes  contcftations  parmi  les 
Catholiques,  lui  donna  encore  plus  d'eloignement  qu'il  n'a- 
voit  jamais  eu  pour  cette  religion  :  Que  cependant  au  com- 
mencement du  mois  de  Février  de  la  prefente  année  I7?7. 
étant  tombé  daugeieufement  malade  d'un  point  de  côté  ac- 
compagné d'une  groflé  fièvre  continue  avec  des  redoublemens, 
il  fe  fi?  porter  à  l'Hôtel-Dieu.  Qri'au  bout  de  7.  ou  S.  jours 
les  remèdes  qu'on  lui  donna  firent  palier  fon  poiiit  de  côté , 
mais  ne  purent  le  guérir  de  la  fievrej  ils  en  diminuèrent 
feulement  l'ardeur.  Et  qu'aufli-tôt  que  fon  point  de  côte  eût 
été  guéri,  il  lui  poufla  en  difterens  endroits  du  corps  uneet 
péce  de  lèpre  ou  galle  qui  formoit  des  plaques  de  couleur  ver- 
te, qui  s'etendoien;  chacune  de  la  largeur  d'une  pièce  de  24. 
fols  ou  environ,  qui  le  rclevoient  en  boflè  Se  étoient  ties- 
profondes  :  Se  qu'il  y  avoit  autour  Se  au  deflous  de  chaque 
plaque ,  une  efpece  de  bourlet  de  chair  d'une  grande  dureté. 
Que  d'abord  il  lui  vint  de  ces  plaies  aux  deux  mains, entte 
le  pouce  Se  le  premier  doigt:  qu'il  lui  en  poufla  cnfuiteauï 
cuifll'S,  aux  jambes,  aux  bras,  au  cou  Se  à  l'oreille  gau- 
che: Se  enfin  qu'il  lui  en  vint  fur  les  deux  mammelles,  qui 
lui  couvroient  précifement  le  milieu  de  chaque  mammeile, 
de  la  largeur  d'un  petit  écu  ou  environ.  Qwc  toutes  ces 
D  playes 


14 

plaves  lui  6ifoient  beaucoup  de  douleur  pour  peu  que  quelque 
chôle  ftotic  comte ,  &  pour  peu  qu'elles  fuilent  ccotchces , 
ou  lorfqi^cllcs  le  fcivloicnt ,  qu'alors  il  en  loitoit  un  lang 
fort  tougc,  ce  qui  lui  caufoit  une  cuiflbn  inlupportablc  : 
qu'il  fit  d'abord  quelques  remèdes  extericius  qu'on  lui  indi- 
qua; mais  qu'avant  éprouve  que  ces  remèdes  ne  faifoicnt 
qu'aigrir  encore  Ton  fang  &  enflammer  de  plus  en  plus  fes 
layes  ,   il   les   ccfli   cnticremcm   vers  la   hu   du   mors  de 

lais- 
Qu'aufli  -tôt  que  la  violence  de  fa  fievTC  fût  un  peu  di- 
minuée ,  la  religieufe  qui  avoit  foin  de  la  falle  ou  il  etoit 
lui  donna  un  livre  compofe  pat  M.  Pes-Mahis  qui  avoit 
cté  un  fameux  rainilhe  l^roteftant  :  &  qui  ayant  depuis  em- 
brafle  la  religion  Catholique ,  avoit  conipolc  ce  livre  pour 
prouver  que  cette  religion  etoit  la  véritable  :  que  la  lecture 
de  ce  livre  lui  fit  une  impreflîon  très -vive,  &  lui  donna  le 
deCr  de  s'iiirtruirc  plus  â  fond  de  la  religion  Chrétienne 
qu'il  n'avoir  fait  jufqu'alors.  Qu'ayant  déclare  les  nouveaux 
(cntimcits  qui  fe  fbrmoicm  dans  l'on  cœui ,  plulieuts  perlon- 
nés  s'offrirent  de  l'inftruirc  ,  Se  cntr'autres  M.  Macmahon 
Prêtre  Irlandois  qui  eft  en  office  a  l'Hôtel  Dieu  ;  mais  que 
ce  Prêtre  lui  parla  avec  encore  plus  de  force  contre  ceux  de 
fa  religion  qu'il  appelloit  Janlcniftcs  ,  que  contre  les  Lu- 
thériens, lui  dilant  qu'il  falloir  qu'il  prit  bien  gatde  de  le 
kiflet  feduire  par  ces  gens  la  qui  etoient  une  lecte  condam- 
née  par  le  Pape  &  par  prcfque  tous  les  Evéques  Catholi- 
ques :  que  plulieurs  autres  perlonnes  de  l'on  pays  loi  -  dilkns 
Catholiques  lui  tenoicnt  à  peu  près  les  mêmes  difcours,  6c 
paroiflbicnt  fort  animes  contre  ceux  qu'ils  appelloicnt  lan- 
fenilles.  Que  d'autre  part  un  Prctte  d'an  catactcrc  fort  doux 
&  foit  infinuant,  étant  venu  tous  les  jours  lui  expliquer  les 
dogmes  &  la  morale  de  la  religion  Catholique,  lans  lui  pat- 
Icr  contre  les  Janfcniftcs,  il  f:  doura  qu'il  pourroir  bien  en 
être  un ,  d'autant  plus  qu'il  lui  parloir  fouvcnt  de  la  neccl- 
fite  de  l'amour  de  Dieu,  &  de  la  Toute  puillance  de  fa  gta- 
ce;&  que  les  autres  Prêtres  lui  avoienr  dit  que  ceux  qu'ils 
«ppclloient  janllnilUs  étoient  outres  lur  ces  deux  points: 
que  lui  avant  demande  s'il  n'etoit  point  un  Janlenilte,  ce 
Ptctre  lui  dcdara  qu'il  etoit  un  AppcUant,  &  lui  expliqua 
les  motifs  pour  Icfquels  il  croyoit  être  oblige  de  rcjcrtet  la 
nouvelle  Conftitution,  qui  caufoit  tant  de  trouble  dans  l'E- 
elife  Que  le  comparant  fit  fort  fiche  de  voir  que  dans  la 
religion  Catholique  il  y  eut  tant  de  divilion ,  dont  il  avoit 
dcia  eu  quelque  connoiflancc  par  les  dilcours  que  lui  avoit 
tenus  ledit  licur  Donavant  :  que  fa  lituation  d'elptit  ctoit 
tfaurant  plus  cruelle ,  qu'il  en  favoit  déjà  allez  pour  voir 
avec  évidence  qu'on  r.'ctoit  point  dans  la  voie  du  lalut  dans 
la  religion  Protertante:  qu'il  fouhaitoit  de  toute  l'atdcur  de 
fon  coair  de  trouver  la  vérité  &  d'embtallér  la  religion  ou 
il  piit  fc  fauver ,  mais  qu'il  y  voyoit  un  obftaclc  qui  ctoit 
prefqu'infurmontable  à  les  yeux.  Que  d'une  pan  il  ne  fe 
l'entoit  pas  alfa  hardi  en  cmbraflant  la  religion  Carholiquc, 
de  concfamncr  en  mcme-icms  une  dccilicn  du  Pape  reçue 
par  ptclque  tous  les  Evcqucs  de  fa  communion  :  que  d'au- 
tre part  il  voyoit  avec  une  peine  extrême,  que  cctic  deci- 
lion  prolctivoit  àcs  propolitions  qui  lui  paroifloicnt  fane  le 
fondement  de  la  morale  Chrétienne:  mais  que  ce  qui  lui 
Êifoit  encote  plus  d'iinptcOion  en  faveur  des  Appellans 
dont  quelques  uns  venoient  l'exhorter  ,  etoit  qu'ils  allu- 
roier.t  que  Dieu  avjit  décidé  lui-même  pat  une  infini- 
té de  miracles  accordes  .i  l'imeicelHon  de  M.  de  Pans  , 
qui  etoit  de  leur   même    fentimcnt  ,   que   la  vtrite   ctoit 


fait   des  miracles  dans  cette 
leligion  depuis  fon   ctablifl'cmcnt,  au  lieu  qu'il  n'en  avoit 


de  leur  cote  :  que  comme  une 
le  plus  peifuaJe  de  b  vérité  de 
étoit  que  Dieu  avoit  toujouts 

leligion  depuis  fon   ctabliflcm-... , ,      . 

£ji;  aucun  dans  les  religions  qui  s'en  etoient  Upaices,  il 
lui  Icinblou  que  les  miracles  croient  une  preuve  incontefta- 
ble  que  la  vérité  etoit  du  côte  de  ceux  en  faveur  de  qui 
tjieu  les  f.iifoii  ;  mais  qu'il  avoit  peur  que  les  niitadcs 
4unt  les  Appellans  s'.iutotifoieiu  ne  fuflcnt  pas  vctitables , 
8c  qu'il  ne  |K)';v(iit  pas  concevoir  que  tous  les  CitholiQucs 
ne  fc  ranficadcm  pas  de  leur  cote  fi  ces  miracles  culTeiit 
cte  bien  ccitanis:  i|u'ctaiit  daiv.  tou.cs  ces  peines  d'cfptit  il 
fc  dchuil  «gaiement  de  tout  le  monde  &  ne  l'avoi;  de  quel 
tôle  fe  Heiermuict;  qu'il  lifoit  avec  avidiic  tous  les  livres 
,,  |.  lur    tu    contre,  mais    qu'il  n'oloit  s'en 

/,  c  dccilion,  î<  que  La  cuinte  qu'il  avoit 

lit  ., . jn  luici  ou  il  eioit  i^ucAion  de  l'cieiut- 


Dèclarat'ton  de  Jofeph  Majfy  Luthérien 

te  ,  lui  mettoit  le  ling  dans  un  mouvement  prodigieux  8c 
le  plongeoit  enluite  dans  une  ptofonde  triftcûé:  qu'en  cet 
état  tout  l'on  recours  croit  la  prière ,  mais  qu'il  fe  fenroit  fi 
indigne  des  grâces  de  Dieu,  qu'il  mouroitde  peux  qu'il  ne 
l'abandonnât  à  fes  tenebtcs  :  que  dans  cette  perplexité  il  é- 
coutoit  tout  le  monde ,  dilputoit  contte  chacun ,  fc  ne  ao- 
yoit  perfonne.  Que  'le  Jeudi  4.  Avril  dernier  on  lui  vint 
dire  qu'un  Confeiller  au  Parlcmenr  M.  de  Montce- 
R  o  N  le  demandoir ,  &  le  prioit  de  venit  dans  une  cham- 
bre ou  il  etoit ,  qu'il  ne  douta  point  que  ce  ne  fut  pour 
l'attirer  foit  d'un  coté  (bit  de  l'autre,  n'étant  pas  naturel 
qu'un  homme  de  cette  condition  qu'il  ne  coiuioilToit  point 
eut  a  lui  patler  :  que  craignant  que  ce  fut  une  tcducHon 
pour  lui,  il  tcfiifa  d'abord  d'aller  dans  la  chambre  ou  M- 
DE  iMoNTGERON  l'atteiidoit  ,  fc  que  ce  ne  fut  que 
comme  par  force  qu'il  confcntit  enfuitc  d'y  aller  fut  la  le- 
prel'enralron  que  lui  fit  une  religieufe ,  qu'il  etoit  mal-hon- 
nête de  tcf'jfcr  d'aller  trouver  à  quatre  pas  une  perfonne  de 
condition  qui  fouhaitoit  le  voir;  mais  qu'en  y  allaor  il  te- 
folut  de  fe  bien  tenir  en  garde  contre  tout  ce  que  ce  M, 
pouttoit  hii  dite. 

Qu'effectivement  M.  de  Montgeron  lui  patia  d'une 
maniete  fort  vive  pour  l'engager  a  le  ranger  du  cote  des 
Appellans:  qu'il  lui  dit  qu'ii  s'ctoit  fait  un  gtanj  nombre 
de  miracles  inconteliables  en  leur  faveur,  8c  que  lui-même 
avoit  cte  converti  le  premier  jour  qu'il  avoit  cte  au  tom- 
beau de  M.  de  Paris  qui  etoit  un  Appellant  reconnu  pour 
tel  par  les  deux  partis ,  &  a  l'intetccffion  duquel  Dieu  avoit 
accorde  les  miracles  dont  ilpatloit;  que  fon  difcours  ne  laif- 
fa  pas  de  taire  quelque  imprcdion  au  comparant ,  mais  qu'il 
ne  voulut  pas  le  lui  témoigner  &  qu'il  lui  dit  au  contraire , 
que  s'il  falloir  tant  que  de  quitter  la  religion  de  fespercs.cc 
feroit  pour  enrrer  dans  la  religion  Catholique  &  pour  s'unii 
au  Pape  Se  aux  Evcqucs.  Que  cette  reponfc  parût  piquer  fort 
M.  DE  MoNTGERON,  &  qu'il  Iclaill*  aulfitot  en  lui  difant 
que  tout  ce  qu'il  lui  reeommaiidoit  etoit  de  bien  pria  Dieu 
qu'il  lui  fit  Connoitre  la  vttite.  Que  quelques  jouts  aupara- 
vant un  M.  Irlandois  accompagne  de  >1.  Macmahon  , 
lui  avoit  ptopolc  de  le  mettre  à  lés  dépens  chez  un  Chirur- 
gien pour  le  faire  guérir  ,  lui  reprelcntant  qu'il  ne  gucri- 
roit  jamais  a  l'Hotcl  Dieu  tant  a  caulc  du  mauvais  air  qu'il 
y  relpiroit  ,  que  parce  qu'il  ctoii  tourmente  fans  celle  par 
ceux  qui  lui  pailoient  pour  &  contte  la  Coiiftitution  ;  Se 
que  depuis  ce  jour  Jeudi  jufqu'a  la  fin  de  la  Icmaine,  M. 
Macmalion  Se  ce  M.  Irlandois  lepiefl'crent  encore  plus  que  ja- 
mais o'accepter  ces  offres:  que  le  comparant  lui  même  louhai- 
toit  très  fon  de  fonit  de  l'H6:el  Dieu  Jfc  de  te  retuer  dans 
quelque  endroit  ou  il  fût  plus  uanquiUe,  mais  neanmoini 
qu'il  refijfa  ablblument  d'accepter  les  offies  qu'on  lui  fai- 
foit,  pour  ne  fe  livrer  à  aucun  parti ,  &  qu'il  icfolnt  de  fe 
retirer  chez  quelque  bonne  femme  qui  ne  prit  auctuic  auto- 
rite fur  lui ,  chez  laquelle  il  fut  en  paix  Ûc  ou  il  put  s'oc- 
cuoer  itniqucment  à  lite  tous  les  livres  pour  Se  contre  qu'un 
luî  avoit  donnes  ,  &  a  piiet  Dieu  de  l'cdaitcr ,  étant  bien 
plus  cmptcffe  de  connoiac  la  vcrire  que  de  fe  faire  guérir 
de  fes  maux:  fcutam  au  furpins  que  tant  que  fon  efptit  fe- 
roit aufii  agite  qu'il  l'etoit,  il  lui  ùroit  tout  à  fait  inutile 
de  tenter  d  eiiérifon.  Que  ne  voulant  pas  fe  livrer  emreles 
mains  de  iM.  Macmahon  ,  &  ne  lâchant  i  qui  s'aJtelfet 
pour  lui  chercher  quelqu'un  chez  qui  il  put  fe  letircr ,  il 
communiqua  Ion  dell'ein  le  Samedi  au  Prètie  Appellant  qui 
venoit  tous  les  jours  le  voir  :  que  le  Dimanche  matin  qui 
etoit  le  Dimanche  de  la  Pallton  7  Aviil,  ce  Prêtre  lui  dit 
qu'il  lui  avoit  trouve  un  endroit  pour  le  même  tel  qu'il  le 
fouhaitoit,  qu'il  s'habiilàt,  i>oui  le  fuivre.  Mais  que  dans 
le  tems  qu'il  s'habilloit  M.  Macmahon  vint  avec  uu  hom- 
me d'cpee  qui  difoit  avoir  un  ordre  pour  l'emmener;  qu'il 
rcfafa  conftamment  de  les  fuivre  Se  fe  déshabilla  au  plut 
vire,  en  leur  difant,  ce  qui  n'etoit  que  trop  %Tai ,  qu'il  i,'é- 
toit  pjint  eu  itat  de  marcher  ,  que  néanmoins  aulfi-to» 
que  M.  Macmahon  Je  la  pcifonnc  qui  etoit  avec  lui  le  fil- 
tent  retires  il  le  r-liabilla  Se  fut  trouver  le  Prêtre  Appellant 
qui  l'attendoit  dans  un  coin  de  l'Hotcl  Dieu  :  ^qr.'il  eût 
beauc 
ayant 


des   raifons    qui    l'avoit 
la    religion   Catholique 


I  altenuuil  oans  un  coin  ac  i  num  l/h.u  .  iji;  n  ^.u» 
coup  de  peine  à  marcher  tant  a  caufe  de  d  foi^lefle  , 
r    él/  fai^né  ^m.ifrxt  ftii  .1»  hr.ti    &    n  ..  ':i 


ftndjns  /.i  ri.t!.tdîf ,  qu'il  caulé  que  les  plaq. 
avoii  liir  le  corps  lui  fiifoient  beaucoup  de  . 
l'es  lubits  ftottoicnt  contre:  qu'en  chemin  !. 
lajit  lui  ayant  ptopolc  de  pallci  chez  M.  DX. 


guéri  miracuïeufement  en  preuve  de  la  vérité.  ïc 

y  conrentit.    Qu'aiiffî-tôt  que  M.  de  Mongerom  le  vit  il     te  femme  qu'il  étoit  rtfolu  de  commencer  une  neuvaine  à 
lui  tcinoigr:a  beaucoup  de  compaffion  de^  l'état  ou  il  le  vo-      M.  de  Pans  ,  6c  qu'il  voycit  bien  qu'il  faUoit  que  ce  faint 


1  cnvo)-er   Ion   Clnratgieii   pour  le      Appel.'ant  eût  grana  crédit  auprès  de  Dieu,  puifque  la  terre 
,  ,1  (^  ,.,,„,„, r    ,„.,.  ,.,,■,1  i„,  ,„       (]u,  avoir  touche  fou  tombeau  produifoit  de  fi  grands  eftets: 

que  cette  femme  parût  très-touclice  &  très-attendrie  des  dif- 
polttions  dans  Iciquelles  elle  le  voj-oit,  &  qu'elle  lui  dit  que 
s'il  vouloit  commencer  une  neuvaine,  elle  lui  donneroit  les 
prières  qu'il  falloir  qu'il  dit  pour  implorer  l'intercelllon  de 
M.  de  Pans,  qu'il  n'avoir  qu'a  les  dire  dans  fa  chambre  n'é- 
tant nullement  en  état  n'aller  lui-même  à  S.  Medûrd  ;  mais 
qu'elle  &  ion  mari  iroient  pour  lui  &  qu'ils  fe  joindroient 
de  tout  leur  cœur  à  fes  prières,  ce  qu'il  accepta  bienvolon- 


yoit 

panfer  chez  la  femme  où  il  fe  retireroit,  mais  qu'il  lui  rc- 
liondit  qu'il  l'en  lemercioit:  que  quand  à  prcfenr  il  ne  vou- 
loir nullement  longer  à  là  gucrilon  parce  que  lôneiprir  croit 
trop  agite:  qu'il  n'ctoit  pas  pollibleque  des  remèdes  pul- 
feni  avoir  aucune  tculfite  tant  qu'il  leroit  en  cette  cruelle  fi- 
tuation ,  &:  qu'il  ne  vouloir  d'aboid  fonger  qu'a  s'eclaircir 
de  la  vérire.  Que  comme  il  étoit  encore  chez  M.  de 
MoNTGERON  il  vuit  clicz  lui  une  troupe  de  payfans  &  de 
payfannes  pour  lui  demander  des  livres:  que  M.  de  iMont- 
GERON  fe  fervit  de  l'occafion  pour  lui  conter  que  la  lille 
d'un  de  ces  paylans  (  qui  etoient  tous  habitans  du  village 
d'Auteuil)  Se  qui  s'appcUoit  Marie- Anne  de  VilUers,  avoit 
cté  guérie  par  un  miracle  que  rous  ces  payfans  avoiem  vu 
s'opérer  fous  leurs  yeux  :  que  cette  fille  qui  avoit  7.  à  8. 
ans  ayant  eu  une  défcencc  dans  l'aine  qui  avoit  etc  négligée, 
la  galigrenne  s'y  croir  mile  &  avoit  pourri  les  chairs  &:  les 
boyaux ,  en  forre  qu'elle  avoit  fait  un  trou  dans  l'aîue  de 
cette  enfant  à  y  foiirer  un  œuf  de  poule  par  lequel  fes  ex- 
cremens  fortoienr;  que  certe  enfant  étant  réduite  en  cet  état, 
fa  maitieflé  d'école,  qui  ctoit  picfente  à  ce  récit  ,  Sx.  quel- 


tiers.  Qu'eftefirivement  certe  femme  &  l'on  mari  partirent 
fur  le  champ  pour  aller  à  Sr.  Medard,  après  que  fes  playcs  eu- 
rent Clé  panfees  une  féconde  fois  avec  de  la  terre  du  tom- 
beau ;  &  qu'il  refta  dans  fâ  chambre  à  dire  les  prières  qu'el- 
le lui  avoir  indiquées  qu'il  recita  avec  confiance:  que  cette 
femme  étant  revenue  de  S.  Medard  fût  avertir  M.  de  Mont-- 
GERON ,  qu'il  y  avoit  un  changement  confidérable  dans  le» 
playes  du  comparant,  &  qu'aulfitôt  M.  de  Montgeron 
vint  les  examiner:  que  le  matin  du  jour  fuivant  qui  ctoit  le 
Mccredi  10.  Avril,  ayant  pareillement  ôié  d'abord  le  lint;e 
qui  etoit  fur  fon  fein  gauche ,  il  vit  avec  une  admiration  qu'il 


ques  petlonnes  de  pitre  ,  avoient  fair  une  neuvaine  pour  el-  ne  fauroit  expiimer  que  ce  fein  éroit  cntieremenr  &  paifai- 
le  à  M.  de  Paris  ix  lui  avoient  mis  dans  fa  playe  de  la  ter-  tement  gucri  :  que  non  feulement  la  plaque  veitc  qui  etoit 
re  ramafiee  auprès   de  Ion  tombeau:  &  qd'en  peu  de  jours     li  cpaiûc  avoir  dilparu  fans  qu'il  en  lefiàt  aucun veiïife   pas 


?a 


cette  enfant  avoit  ete  guérie.  Que  rous  ces  payfans  &  pay- 
fannes  lui  certifièrent  rous  ces  faits  avec  des  termes  qui  fai- 
foienr  connoître  qu'ils  en  étoient  pénétrés  d'.idmiration ,  Se 
Ju'ils  ne  doutoient  nullement  que  M.  de  Paris  ne  fût  un 
aint  :  que  cela  commença  a  faire  quelque  impreflion  au 
comparant  ;  &  que  M.  de  Moi^tgeron  l'ayant  regardé 
avec  un  air  fort  animé  lui  dit:  ,,  Vous  me  paroillcz  rouché 
„  du  récit  de  ce  miracle  &:  je  vois  que  vous  cherchés  la  ve- 
„  rite  de  tout  votre  cœur.  Dieu  qui  a  mis  en  vous  ccsdif- 
„  pofitions  ne  refufeia  pas  de  vous  la  faire  connoitte.  Vous 
„  ne  fongés  pas ,  diics-vous ,  quant  à  préfent  à  la  guérilbn 
„  de  vorie  corps.  Mais  il  eft  digne  de  Dieu  qu'elle  pro- 
„  cure  celle  de  votre  ame.  Demandez-lui  votre  guerifon 
„  en  figne  pour  connoirre  fi  la  vérité  eft  du  côre  des  Ap- 
„  pellans:  demandez-la  par  l'intercelTion  de  celui  desAppel- 
1 —    —  Dieu   veur   glorifier  ;   fervez-vous   pour  panfer 


lans 


même  dans  le  linge  qui  la  couvroir,mais  que  le  bou:dece 
fein  avoit  repris  toutes  fes  couleurs  natuielles  fans  qu'i!  y  re- 
ftât  aucune  dureté,  inflamm,ition  ,  ni  même  aucune  rou- 
geur: qn'il  reconnur  aufTi-rôt  la  main  de  Dieu:  qu'il  décla- 
ra dans  le  moment  qu'il  etoit  Catholique;  qu'il  vouloit  vi- 
vre comme  les  Carholiques  vivoient  dans  cette  fainte  femai- 
ne ,  &  fe  réduire  à  ne  manger  que  des  fèves  ou  des  racines 
comme  il  voyoit  faite  aux  peifijnnes  avec  qui  ildemeuroit: 
qu'il  etpit  prêt  de  faire  fon  abjurarion,  &  qu'il  efperoic 
moyennani  la  grâce  de  Dieu  que  rien  ne  pourroit  jamais  le 
dei.iclier  du  parti  des  Appellans  pour  lefquels  Dieu  fe  decla- 
roit  d'une  manière  fi  fenfible  &  fi  évidente.  Ajoute  le  com- 
parant qu'il  fût  même  étonne  de  voir  qu'il  y  eût  danslare- 
Hgion  Catholique  des  gens  qui  s'obftinafiént  contre  les  deci- 
fions  de  Dieu  même,  &  tefufafiént  de  le  croire  lorfqu'il 
s'e.vpliqunit  par  des  miracles  fi  pofitifi.    Qu'il  examina  en- 


que  Dieu    veut   gloritier  ;    lervez-vous   pour  p.  _  ^       _      

„  vos  playes   de   la   rerre   lamafl'ee  auprès  de  fon  tombeau,  fuite  le' furpli'is  de  lés  playes  don't  il' troiiva"^ue  Ta  moi'tîe'o'u 

„  Et  je  fuis  perfuade  que  Dieu  vous  l'accordera.  _  Et  d'une  enviroji  etoit  aufli  parfaitement  guérie  que  celle  de  fon  fein 

manière  fi  fubite  &  (\  évidemment  miraculeule  que  cela  gauche ,  mais  qu'a  l'égard  de  l'autre  moitié  il  reftoit  enco- 


„  lèvera  tous  vos  doutes  !  " 

Déclare  ledit  MASSYquece  dilcours  l'étonna  d'abord 
plus  qu'il  ne  le  convainquit,  &  qu'il  trouva  que  l'alTurance 
avec  laquelle  M.  DE  Montgeron  lui  parloit  &  lui 
promettoit  fa  guerifon  ,  étoit  trop  hardie  :  qu'il  ne  lui  ré- 
pondit rien  &  le  retira  chez  la  femme  que  le  Prêtre  Appel- 
îant  lui  avoit  indiquée,  &  qui  étoit  venue  le  chercher  chez 
M.  DE  M  o  N  T  G  E  R  o  N  :  mais  que  cependant  le  refte  du 
jour  ;  &  même  pendant  la  nuit  qui  fuivit  5c  le  lendemain 
matin  le  difcouts  que  lui  avoit  fait  M.  de  Montgeron 
fe  prefenta  fans  ceflc  à  fon  elprit,  ce  qui  l'engagea  àretour- 
rer  le  voir  ce  jour   la  qui   étoit  le  Lundi  8.  Avril;  &  que 


re  quelques  rougeurs,  &  qu'il  y  avoir  qirelques  endroits  qui 
paroiflbienr  un  peu  écorches  qui  ne  rendoient  néanmoins 
point  de  fang ,  mais  feulement  un  peu  d'eau ,  Sx.  qui  etoient 
encore  doulouieux  au  toucher:  mais  qu'au  furplus  routes. les 
plaques  vertes  etoient  également  difpaïues  lans  que  le  com- 
parant en  trouvât  des  veltiges  dans  les  linges  qui  les  couvroient , 
&  qu'il  n'y  avoit  plus  nulle  part  de  dureté  ni  d'inflammation 
quoiqu'il  y  eût  encore  plulieurs  endroits  rouges:  que  cerre 
différence  qu'il  trouva  dans  la  guerifon  de  fes  playes  ne  di- 
minua rien  de  fa  foi,  érant  évident  qu',uiciine  n'auroit  pu 
guérir  d'une  maniete  fi  fubire  fans  un  miracle,  même  celles 
dont  la  guerifon  ne  paroifibit  pas  entièrement  paifaite:  qu'il 


M.  DE  M0NGER0N  lui  ayant   encore  répète  à  peu  près 'les     continua''a  panfer  avec  de  la  terre  celles  de  fes'playes    ou"  îî 

mêmes  paroles,  &  toujours  avec   une  confiance  qui  i'eton-      etoit  refte   quelqu'ecorcliure ,  &  que  des  l'apres-m'idi  il  eût 

noir,  il  fe  fentit  vivement  porté  à  luivre  le   confeil  qu'il  lui      le  bonheiu   d'aller  adorer  le  S.  Sacrement  dans  une  Eglife, 

donnoit  :  &  que  la  femme  chez  qui  il  étoit  lui  ayant  pro-      ou  on  donnoit  la  benediaion  avec  le  faint  Ciboire ,  &  de  le 

pofe  le  foir  de  lui  donner  de  la  terre  du  tombeau  de  iM.  de      remercier  de  toute  l'ardeur  &  i'efiufion  de  fon  cœur,  du  mi-- 

Pâris  pour  panfer  fes  playes,  8c  depanfer  elle  même   celles      racle  de  mifericorde  pai-  lequel  il  lui  avoit  fait  connoître  d'u- 

qui  etoient  dans   les  endroits  de  fon   corps  qu'elle  pourroit      ne  manière  fi  frapante  de  quel  cote  etoit  la  vérité.  Qiie  M. 

toucher  fans  immodcftie  ;  il  y  confentit,  en  mit  lui-même,      DE   Montgeron   vint  le  même  jout  examiner  la  guerifbii 

&  en  fit  mettre  fur  toutes   fes  playes  &  les  couvrit  avec  du      de   fes   playes  dont  il  fût  charme.    Que  le  comparant  trou-^ 

linge.    Que  le  lendemain  matin  qui  étoit  le  iV^ardi  9.  Avril  '     '      ' 

s'ctant  apperçu  dès  le  premier  linge  qu'il  ôra  qui  etoir  fur 

fon  fein   gauche  ,  que  la  plaque  veire   qui  couvioit  ce  fein 

ctoit  bien  moins  enflammée  qu'elle  n'avoit  éie  jufqu'alois, 

qu'il  n'y  avoit  plus  de  dureté  auiour  de   cetre  plaque,  il  ne 

douta  ptefque  point  qu'un   effet  fi  proint  ne  fut  lurnarurel  ; 

mais  que  craignant  néanmoins  que  le  mal  ne  fût  rentré   en 

dedans,  il  demanda  à  cette   femme  de  lui  donner   au  plus 

vite  à  boire  de  l'eau  ou  il  y  auroit  de   cette  terre ,  afin  de 

guérir  en  inêrae  tems  le  dedans  de   fon   corps  ;  &  qu'ayant 

vérifié  enfuite  que  toutes  fes  autres  playes  croient  bien  moins 

».ifiaiV.mées    &  que    la  chair   qui   ctoit  autour  etoit  moins 

dme  5i  œc-iris  enflée  qu'elle  nel.'ctoitla  veille, il  dit  3  cet- 


va  le  Jeudr  matin  que  tout  ce  qui  etoit  refte  unpeuccorché 
étoit  guéri,  Se  qu'rl  ne  reftoit  plus  que  quelques  rougeurs: 
mais  qu'elles  etoient  enrieremeni  feches  Sx.  ne  lui  faifoient 
plus  aucune  doulem  même  en  les  touchant  fortement,  a  l'ex-- 
ception  feulement  de  la  plaque  qui  avoir  été  entre  le  pouce 
&  le  premier  doigt  de  la  main  droite ,  ou  il  eft  refte  une 
démangeailbn  &  plufieurs  petits  boutor.s  en  foiine  de  dartre  . 
mais  lècs  &  fans  douleur  ;  ce  que  Dieu  n'a  apparemment 
laifté  que  pour  lui  remertrc  lans  celle  devant  les  yeux  le  fôu-- 
venir  du  mii.-;cle  fait  en  fa  faveur.  Que  dès  le  même  jour 
qui  étoit  le  Jeudi  de  la  Paflion  ii.  Avril  il  fe  fentit  une  for.' 
ce,  un  apetit,  &  une  vigueur  de  lànté  qui  étoit  d'autant  plus' 
adinuable  qri'il  avoit  été  falinî  jaù/Sf  /wj  d.:>n  fa  maladie ,. 
D  z  aii^ 


Dichrat'm  de  Jofepb  Mafy  Luthérien  ,  guéri  6?ci 

relie  Je  lc5  jours  unCitholique  pénitent,  humilié  \  U  vâe 


l6 

aiml  qu'il  l'a  dit  ci-deflus;  que  le  lendemain  il.  Avril  il 
fit  à  pied  à  S.  Medatd  faire  Ion  artion  de  grâces,  &  en  re- 
vint de  même  fans  en  rcll"cn:ii  aucune  fatigue  :  &  que  le  Lun- 
di fuivam  voulant  éprouver  davantage  les  forces,  il  fut  le 
matin  a  pied  au  Moni-Valciien;  qu'il  monta  avec  une  gran- 
de facilite  à  toutes  les  ftations  du  Calvaire ,  &  en  revint  pa- 
'leillcment  à  pied  fans  en  reflcntir  aucune  laiTitudc  ;  &  que 
depuis  ce  tems  là  fantc  a  toujours  continué  d'ctrc  parfaite, 
&  qu'il  a  même  obferve  qu'il  s'eft  ttcs-cngrailTc  depuis  le 
Samedi  de  la  femaine  de  la  PalTion  jufqu'a  la  fin  àc  la  fe- 
maine  fainte;  en  forte  que  l'on  vifage  s'cll  tout-i-fàit  rcm- 
li  dans   ce   peu  de  jours  &  a  repris  des  couleurs  de  famé  , 


t 


quoic 
que 

l"^"         ^         - 
teconnoiiîant  qu'il  a  grand 

mandant  de  tout  fon  coeur  à  Dieu  qu'il  lui  donne  le  coura- 
ge de  la  faire  ;  &  qus  1=  tendant  Catholique  il  le  falle  le 


de  fes  pèches  &  inviolablcnient  attadie  à  la  vérité. 

De  laquelle  déclaration  ci-deflus  Icd.  Joseph  Massy  quî 
l'a  ailirmee  véritable  es  mains  des  Kotaiies  fouflignes  ,  a 
requis  &  demandé  afte  aufdits  Notaires  pour  lui  fervii;  8e 
à  tous  qui  le  rcquereront  pour  rendre  juftice  &  témoignage 
à  la  vciiic  ;  ce  qui  lui  a  été  odroyé.  A  Paris  en  l'emde 
de  Sellier  l'un  des  Notaires  fouffignes  l'an  1737.  le  12.  Mai 
avant  midi,&  à  ligne  la  minute  des  préfcmes  demeurée  au- 
dit M.  Sellier  Notaire.  Sifnc,  Julliennbt  &  Sellier. 
Scellé  ledit  jour,  reçu  Cx  fols. 

Depuis  ce  miracle'  )ofcph  MaflTy  s'cfl  fait  inftmire  à  fond 
de  \i  religion  par  un  des   plus   habiles  Appellans,  &  a  ftit 
'"        '   uration   folemnelle  en  l'Eglife  de  Notre  Da- 
embre  1757.  ce  qu'on  n'a  pas  ofe   lui  refu- 
rofeltion  d'être  inviolablement  attache  à 
l'Ectitutc  fainte  &  de   la  tradition,  ex- 
pliquée par  les  Petcs  de  l'Eglilc,  &  fgutcnue  aujourd'hui 
pai  les  Appellans. 


MIKA. 


IwaDame  Stapart 

u  ^antlihi/Ui-  (ùfHa.(  Jnuuf  Jt/ieil i/uuJii- ,ifuif\ir  L'h.fbii^riu'  tfle  tU-tse^rh^m* 
\ih  turf(rjrbtp4/ctelrs  auires  ru/fs, amtf^ffiiu Ut hi/mrrf.le nunwrm  ft/f  sfftùnunt 

f u,t  /vv/.r  ftJ'unr /anihe,  st/ùitpi'ft-r à Ai'i-n.ii  Itil'MM  t-jSfwnr vi/tipL Trrl 
r  mJrrressu'  Jt Mrjli/us.tf .  L.  'tirc/a/r  ai>ec  Liifiull/-  fU/'f'rir  .turj^rnb'tnl'tini  /u 
rc/ui.a  .iu.>f',iér  ifu l'n lui n-fiisr  Lti<'ninmnu 'n  £Uf  .ce /Mt tr.iim^ r  JiUt.<  /Éçfàrc 
i/^.j- R<-Iu/uiUf.t  i'u  t •" lu li 'mntufUc-  i/^/'i 'UJ-  -r-. 'uA'ftHi'/'tir  J^erst 'tuuj  ■ 


etla;anihescrtit^cnni'u.f  cù  tmt  ce  fui  leur  étcnir  iieiessaire f'crur  aairZ.  ailreccni  - 
iTe  la  lumière,  la  sg?isilnlùe',  le  irunivetLe  maZde  lèie  et  tvut les  autres  nuuùvsantauen. 


9 


MIRACLE   OPERE 

L  A  D\  S  T  A  P  A  R  T 

PRIFE'E  depuis  plus  de  dix  ans  d'un  œrl  qui  avait  perdu  la  vue ,  la  [enfibilitélS 

le  mouvement  : 
ACC  A B LE" E  depuis  le  même  tems  d'une  violente  i^  continuelle  douleur  de  tête: 
PARA  LITIGE  d'un  bras  &"  d'une  jambe:- 
GUE' RIE   en  un  moment  de  la  manière  la  plus  parfaite  fur  le  Tombeau  i$  .par 

Vinterceffion  de  M.  Rousse  le  16,  Mai  .17I8. 

II.    DEMONSTRATION. 

RECIT    DE    CE    MIRACLE. 

TIRE'  DES   PIECES  JUSTIFICATIVES. 

Amais  Dieu  ne  fe  montre  plus  jaloux  de  fa  gloire  que  quand  les  hom- 
mes^ont  affez  aveugles  &  affez  téméraires  pour  vouloir  ctoufFer  l'éclat 


de  fes  oeuvres.  C'eil  pour  lors  qu'il  fe  plaît  davantage  à  confondre  leurs 
efforts ,  &  à  faire  éclater  la  magnificence  de  fa  voix  au  milieu  du  tu- 
multe 6c  du  bruit  des  pixffions  les  plus  animées. 

On  a  vil  dans  la  Démonflration  précédente,  que  le  rétablifîcment  fubit  à.c% 
membres  dclféchés  Ôc  pourrisd'AnneAugier,<:c  prodige  fl  capable  de  convertir  les 
incrédules ,  &  qui  en  effet  a  ouvert  les  yeux  de  plufîeurs  perfonnes  prévenues  j  on 
a  vu,  dis-je,  que  ce  miracle  n'avoit  fliit  qu'exciter  le  dépit  de  ceux  qui  ont  le  plus 
de  zèle  pour  la  Bulle ,  6c  qui  font  les  ennemis  les  plus  déclarés  des  faintcs  vérités 
aufquelles  M.  Rouffe  étoit  fi  fort  attaché. 

Les  menfonges ,  les  calomnies ,  les  blafphêmes  furent  leur  première  refTourcc 
contre  le  glorieux  témoignage  que  le  Tout  -  puiflant  venoit  de  rendre  en  faveur 
de  ce  St.  Appcllant.  Mais  à  quoi  pouvoit  leur  fcn'ir  de  nier  un  fait  attefté  par  des 
milliers  de  témoins?  Tous  les  cœurs  droits  avoient  été  trop  frapcs  par  l'éclat  d'une 
merveille  fi  clairement  marquée  au  fceau  de  la  Divinité  ,  pour  être  touchés  de  cqs 
vaines  déclamations  :  tout  un  peuple  de  témoins  élevoit  fans  ceffefa  voix  pour  en 
remercier  le  Seigneur,  pour  raconter  fes  prodiges,  6c  louer  fa  bonté  divine  qui 
avoit  daigné  le  vifiter. 

Il  n'en  falloit  pas  tant  pour  faire  perdre  patience  à  ceux  que  ces  miracles  cou- 
vrent de  confufion  en  canonifant  l'Appel.  FrémifFant  de  courroux  de  voir  que  leurs' 
premières  contradiétions  n'avoient  fei-vi  qu'à  manifefl:cr  leur  foiblcfîe'&:  leur  ira-j 
puifïïince  ,  on  a  vu  qu'ils  avoient  eu  recours  à  un  moyen  plus  efficace.  Ils  engage-* 
rcnt  les  Grands  -  Vicaires  de  M.  l'Archevêque  de  Reims  de  défendre  à  tous  les 
fidèles  fous  peine  de  l'excommunication  majeure  encourue  par  le  fcul  fait,  deve-' 
nir  chercher  le  remède  à  leurs  maux  fur  le  tombeau  où  le  Tout  -  puiflant  les  appel-  ' 
loit  lui-même  par  la  voix  des  miracles. 

//.  DeiHonJÎ.  -Tme  II.  A  Telles 


l 


z  DEMONSTRATION  DU  MIRACLE 

Telles  furent  hélas!  les  aélions  de  grâces  que  rendirent  à  leur  Dieu  des  hom^ 
mes  charges  de  \x  conduite  de  fon  peuple.  En  v.\in  le  Trcs-haut  nvoit-il  paru  fur 
ce  tombeau  par  fcs  bienfaits  les  plus  éclatans  ,  &  invité  par  là  les  fidèles  à  y  ve- 
nir avec  confiance  implorer  fa  miféricordc  :  fuivant  ces  miniftres  bien  dignes  de 
compaflîon,  c'étoit  un  crime  d'obéir  à  fa  voix  &  de  recevoir  des  marques  de  fa 
bonté.  Ils  ne  firent  paroitre  leur  zèle  &  n'employèrent  le  pouvoir  qu'ils  tiennent 
de  l'Epoul'e  de  nôtre  divin  Sauveur,  que  pour  éloigner  de  lui  fes  enfans ,  &  le- 
forcer  lui-même,  s'il  leur  eût  été  poffible,  de  refermer  le  fein  de  fx  miféricorde 
pour  eux.  Mais  que  peut  l'homme   pour  arrêter  le  bras  dit  Seigneur?  Le  foible- 
mortel  auroit-il  donc  le  pouvoir  d'empêcher  le  Tout-puifTant  de  manifcfter  fes 
arrêts?  Non,  qu'il  s*irrite,  qu'il  menace,  qu'il  perfécute,  qu'il  lance  fxns  mé- 
nagement les  foudres  de  l'excommunication;  il  pourra  bien  par  là  féduirc  les  igno- 
nms,  intimider  les  foiblcs,  engager  les  politiques  à  diflîmulcr  leurs  fentimens  : 
il  pourra  tenir  la  vérité  comme  captive  :  il  pourra  opprimer  fes  plus  fidèles  difci* 
pies  }  mais  tous  fes  efforts  empêcheront -ils  que   la  voix  divine  des  miracles  ne 
forte  du  fond  des  tombeaux  des  Appellans,  &  que  cette  dccifion  du  Très  -  haut 
n'anathcmatife  la  Bulle,  &  ne  déconcerte  fes  défenfeurs? 

Non>  &  nous  allons  voir  au  contraire  la  foi  d'une  panditiquc ,  que  la  crainte 
d'une  excommunication  injufte  5c  les  timides  confeils  de  celui  en  qui  cllcavoitlr 
lus  de  confiance  ,  ne  purent  arrêter:  nous  allons  voir,  dis-je,  fa  foi  inébranla- 
Ic  &  fa  pieufe  défooéifTance  obtenir  dans  le  même  moment  le  rétablifl'ement 
d'un  œil  perdu  depuis  plus  de  lo  ans,  la  guérifon  d'un  violent  mal  de  tête  qui 
ne  lui  avoit  donné  aucun  relâche  pendant  un  fi  long  efpace  de  tcms ,  &  le  libre 
5c  parfait  ufage  d'un  bras  &  d'une  jambe  accablés  fous  le  poids  d'une  paralifif 
complette,  qui  étant  l'effet  d'une  troifiémc  attaque  d'apoplexie,  étoit  im  funefie 
préfage  d'une  mort  prochaine.  Mais  le  fouvcrain  Médecin  ayant  fubitement  anéanti 
les  principes  de  tous  ces  maux  ,  &  rétabli  tout-à-coup  tout  ce  qui  avoit  été  dé- 
truit ,  rendit  à  la  malade  la  fnnté  la  plus  parfaite. 

Ce  fût  en  1717.  le  24.  Décembre  que  D*.  Marie-Jeanne  Gaulard  époufe  de 
M.  François  Stapart  Notaire  Royal  à  Epcmai  fût  pour  la  première  fois  frapéc 
d'apoplexie. 

Tout-à-coup  fcs  yeux  s'obfcurciffent  :  elle  en  perd  bientôt  entièrement  l'ufagc: 
fit  langue  s'épnifTit ,  la  parnlc  s'cmbarraffe  :  elle  ne  peut  plus  s'énoncer  qu'en  bé- 
gaiant,  mais  fon  état  lufSt  pour  faire  appercevoir  les  fymptômes  de  l'apoplexie 
qui  la  faifit. 

Le  cen'eau  (c  trouvant  inondé  par  une  humeur  gluante  qui  s*y  répand  i^vcc 
abondance  &  oui  y  caufe  de  pernicieufes  obitruclions,  la  malade  perd  bientôt  le 
mouvement ,  le  fentimcnt  &  la  connoiffiuicc.  On  s'empreffe  de  la  fccourir  :  un  célé-»- 
brc  Médecin  lui  fait  prendre  tous  les  fpécifiques  les  plus  propres  à  cette  maladie. 
Enfin  api'ès  trois  jours  de  combat  entre  la  vie  &  la  mort,  l'apoplexie  fc  termine 
à  une  paralific  qui  entreprend  tout  le  côté  gauche.  Mais  de  toutes  les  parties  af- 
fèftces  de  cette  triftc  maladie,  l'oeil  fut  celle  qui  en  reçût  Icsplus  funeltes  attein- 
tes; les  racines  du  nerf  optique  du  côté  gauche  furent  entièrement  enveloppées 
dans  l'ob'>ruftion  du  cerveau  >  &  comme  ce  nerfcft  l'organe  immédiat  de  la  vue, 
Vobftn  ô:on  qui   le  prive  de  toute  aftion  ,   rend  cet  a-il  abfolumcnt  incapable 
d'appercevoir  la  lumière.   En  même-tcms  les  autirs  nerfs  qui  fervoient  au  mc^u- 
vemcnt  &  procuroicnt  la  fenfibilité  tant  au  globe  de  l'oril  qu'aux  paupières ,  font 
pareillement  tout  à  fait  obftrués  :  ainfi  l'cril   &  les  paupières  pcrd'Ut  tout  fen- 
timcnt  Se  demeurent  immobiles.    Les  clprits  animaux ,  qui  ne  font  portés  que 
par  les  ncrfs,n'ayant  plus  de  routes  pour  couler  dans  cet  a-il,  il  tombe  en  p-rni- 

lifie 


OPE'RE'  SUR  LA  D',  STAPART.  > 

lifie  complette,  &  par  confégucnt  il  devient  inaccefîîble  à  tons  les  feCDUrs  de 
l'art  &  de  la  nature  :  &  fon  infenfibilitc  eft  telle  qu'on  avoit  beau  mettre  le  doi^t 
entre  les  paupières  &  toucher  le  globe ,  il  relloit  également  immobile  Se  fans 
douleur. 

Cependant  le  Médecin  Se  quatre  autres  Maîtres  de  l'Art  n'oublient  rien  pour  le 

foulagement  de  la  malade:  ils  mettent  en  œuvre  pendant  fix  à  fept  mois  tout  ce 

ue  leur  favoir  &;  leur  expérience  peuvent  leur  fuggcrer.  La  paralifie  du  bras  &; 


e  la  jambe  n'étant  alors  qu'incomplette,  leur  lailTe  rcfperance  de  faire  recou- 
vrer à  ces  membres  la  fenfibilité  6c  le  mouvement  ;  ils  parviennent  en  effet  à  dif- 
iîper  peu  à  peu  une  partie  de  l'engorgement  du  cerveau  :  les  nerfs  du  bras  6c  de  la 
jambe  fe  dégagent ,  reprennent  leurs  fonétions,  6c  rendent  à  notre  infirme  l'ula- 
ge  de  ces  membres. 

Ainfi  elle  fe  trouve  quitte  de  ce  premier  aflaut  pour  la  perte  d'un  œil,  que  les 
Maîtres  de  l'Art  jugèrent  dés  ce  tems  être  irréparable  :  pour  une  enflure  aux  jam- 
bes que  tous  les  remèdes  ne  purent  jamais  diffiper  ;  6c  pour  un  violent  mal  de  tête , 
qui  l'avertiffoit  continuellement  que  l'obllruftion  du  cerveau,  loin  d'être  entiè- 
rement diflipée,  s'étoit  fixée  en  pai-tie:  6c  qui  lui  faifoit  vivement  fentir  qu'elle 
portoit  dans  fi  tête  un  principe  d'apoplexie  6c  une  femence  de  mort  qui  la  mcna- 
çoicnt  des  accidens  les  plus  terribles. 

Cependant  à  force  de  régime  6c  de  précautions ,  elle  trouva  le  moyen  d'éloi- 
gner l'effet  de  ce  trilte  pronoftique  pendant  prés  de  dix  années}  mais  dans  le  tems 
quelle  y  penfoit  le  moins,  elle  eil  tout-à-coup  frapée  le  if.  Mars  1717.  d'une 
nouvelle  attaque  d'apoplexie,  qui  trouvant  tout  le  côté  gauche  déjà  affoibli,  le 
fait  une  deuxième  fois  tomber  en  paralifie. 

Les  maîtres  de  l'x'^.rt  s'empreffent  de  faire  ufage  de  tous  les  moyens  qui  leur 
avoient  réiiffi  à  la  première  attaque ,  6c  à  force  de  remèdes  ils  parviennent  à  la 
fin  à  faire  évacuer  encore  cette  fois  une  partie  de  l'obilniéVion  du  cen'eau  ;  les 
nerfs  du  bras  6c  de  la  jambe  fc  dégagent  encore ,  fortcnt  de  leur  atonie,  6c  repren- 
nent jufqu  à  certain  point  leur  vertu  de  reffort  6c  d'élafticité. 

La  D^.  Stapart  paroît  revenue  à  peu-près  au  même  état  où  elle  étoit  avant  cette 
deuxième  attaque  j  mais  la  nature  affoiblie  par  de  fi  violentes  fecouffes,  n'a  plus 
la  force  de  réfiller  aux  levains  funefles  que  tous  les  fpécifiques  n'avoient  pu  diffi- 
per: l'intervalle  entre  cette  deuxième  guérilon  6c  une  troifiéme  rechute  eût  à  peine 
le  tems  de  fe  taire  fentir.  A  peine  cette  convalefcente  ell-cUe  fortie  de  la  fati"-ue 
des  remèdes  :  à  peine  commcnce-t-elle  à  rcfpirer  6c  à  goûter  les  douceurs  d'une 
fanté  qui  paroît  vouloir  fe  renouveller  en  quelque  forte,  que  le  7.  Avril  1728. 
elle  eft  faifie  de  nouveau  par  une  troifiéme  attaque  d'apoplexie,  qui  cette  fois  la 
frape  fi  rudement ,  que  le  bras  6c  la  jambe  toujours  du  même  côté  ,  tombent  en 
paralifie  complette. 

En  vain  fon  Médecin  6c  les  quatre  autres  Maîtres  de  l'Art  auxquels  elle  a  re- 
cours, lui  fourniffcnr-ils  tous  les  fecours  6c  les  remèdes,  qui  les  deux  premières 
fois  lui  avoient  fait  recouvrer  ruflige  de  fa  jambe  6c  de  fon  bras,  c'eft  f.ms aucun 
fuccés  qu'ils  les  multiplient  coup  fur  coup}  les  plus  violens  fpécifiques  ne  peu- 
vent plus  faire  aucun  effet  fur  ces  membres  dans  lesquels  la  route  des  cfprits  ani- 
maux eft  entièrement  fermée }  6c  tout  au  contraire ,  bientôt  les  mufcles  6c  les 
tendons  totalement  privés  de  ces  cfprits  qui  en  quelque  forte  leur  donnent  la  vie, 
fe  defféchent  6c  fe  roidiffent  :  bientôt  la  main  gauche  de  la  malade  fe  ferme  mal- 
gré elle ,  enforte  qu'elle  ne  peut  l'ouvrir  qvi'à  l'aide  de  la  droite,  6c  que  dés  qu'elle 
en  lâche  les  doigts ,  ils  fe  précipitent  dans  la  paume  de  la  main  ,  où  ils  font  entrer 
leurs  ongles  :  bien-tôt  le  genou  ne  peut  plus  être  ployé  :  il  ne  rcfte  de  mouvement 

A  2.  qu'à 


».  9. 


4  DE'MONSTRATION    DU    MIRACLE 

qu'à  la  hanche ,  qui  ne  traîne  qu'avec  peine  une  jambe  impotente  &  dont  la  pa- 
ralifie  efl  lîcomplctte,  qu'on  appcrçoit  fenfiblcmcnt  que  Tes  chairs  dcpcrifTent, 
fe  fcclient  &  diminuent ,  ainfi  que  celles  de  la  main ,  quoi  qu'elle  (bit  toujours  enflée 
par  Teau  qui  Ta  gonfle. 

Les  Maîtres  de  l'Art  qui  vo'/cnt  que  tous  leurs  remèdes  ne  font  aucune 
impreflion  dans  les  membres  paralitiqucs,  &  ne  fervent  plus  qu'a  fatiguer  la  ma- 
lade en  pure  perte  ,  fe  voient  réduits  à  l'abandonner,  en  lui  déclarant  que  la  mé- 
decine n'a  plus  d'autre  reffource  pour  tenter  de  lui  rendre  l'ufige  de  fes  membres  >. 
que  certains  bains  chauds  &  dangereux  ,  &  les  eaux  minérales  ;  mais  la  paraliti- 
quc  regarde  avec  raifon  cette  dernière  tentative  ,  moins  comme  un  confcil  que 
ces  Meilleurs  lui  donnent ,.  que  comme  un  cfpoir  frivole  dont  ils  la  flattent  pour 
tâcher  de  la  confoler  de  ce  qu'ils  l'abandonnent  tous.  Ses  membres  qui  fe  deflc- 
chent  de  jour  en  jour,  lui  préfentent  une  preuve  dont  elle  ne  peut  douter,  que 
fon  état  cil;  incmédiable. 

Etant  donc  bien  convaincue  que  toutes  lès  refl^ourccs  humaines  n'étoient  plus 
capables  de  lui  procurer  aucun  (oulagement ,  elle  rappelle  en  fi  mémoire  le  rnir 
racle  opéré  fur  Anne  Augicr.  La  voix  du  Dieu  dé  toute  confolation  fc  fait  en- 
tendre à  fon  cœur,  èc  y  met  une  foi  vive  8c  une  pleine  confiance  en  l'intcrcefîîon 
de  M.  Rouflè  :  elle  fent  un  ardent  defir  de  fe  faire  porter  fur  fon  tombeau  pour 
y  foiliciter  la  bonté  du  Tout-puifllmt  par  l'cntremife  de  fon  ferviteur. 

Un  fongc,  qu'elle  prend  pour  un  avis  du  ciel,  la  fortifie  encore  dans  cette ré- 
folution.  Il  lui  fcmblc  pendant  la  nuit  avoir  été  tranfportée  fur  le  tombe.iu  dtf 
M.  Ronfle  ,  &  y  avoir  reçu  tout  d'un  coup  la  guérifon  la  plus  parfaite. 

Que  l'incrédule  aveuglé  par  fon  orgueil  ne  fe  prcflc  pis  de  tourner  en  ridicule 
la  fimplicité  avec  laquelle  nous  rendons  compte  de  ce  longe  :  qu'il  apprenne  au- 
paravant des  plus  illufl.rcs  auteurs  de  l'antiquité,  &  entr' autres  de  S.  Augullin,. 
que  quelquefois  Dieu  n'a  pas  dédaigne  d'annoncer  ainfi  fes  bienfaits,  il  trouvera 
au  chapitre  8.  du  Livre  XXII.  de  la  Cité  de  Dieu,  que  S.  Augullin  rapporte  de 
fcmblables  circonilances  qui  précédèrent  la  guérifon  que  quelques  malades  ob- 
tinrent à  l'invocation  de  S.  Etienne. 

Au  refle  fans  décider  abfolument  fur  la  caufe  de  cette  vifion,  l'effet  en  fût  trés- 
avantagcux  pour  la  De.  Stapart.  Un  fi  heureux  préfage  fit  fur  foncfprit  &  fur  fon 
cccurl'imprefiîonla  plus  vive.  Depuis  ce  moment,  il  ne  lui  fût  plus  poflible  de 
réfifl:er  à  l'impatience  où  elle  étoit  de  fe  faire  porter  fur  le  tombeau  du  Bien-hcu- 
rcux  Appellant. 

Elle,  communiqua  cependant  fon  projet  à  M.  Stapart  fon  beau- frcrc  Avocat  au 
Parlement  &  Bailli  d'Avenai,  en  qui  elle  avoit  une  grande  confiance. 

Mais  le  rcfpcft  ou  la  crainte  des  Puifl"ances  avoit  fi  fort  aflTijetti  fon  efprit  5c 
fes  lumières,  qu'il  fit  tous  fes  efforts  pour  détourner  fx  bellc-focur  de  fa  pieufeen- 
trcprife.  Il  lui  paroijjait  ^  difoit-il  fiiperftitieux  cT invoque)  un  homme  que  r£^/;/? 
n^  pas  reconnu  pour  fainf.  Comme  fi  le  témoignage  de  Dieu  même  manifeflé  par 
des  miracles  inconteflables  ne  valloit  pas  bien  celui  des  hommes?  Si  tejlimoniutn 
^-  bomininum  aaipimus^  tcjlimonium  Dei  majus  efl. 

Le  Bailli  infifloit  encore  beaucoup  fur  la  défcnfe  des  Gnnds  Vicaires,  &  l'ex- 
communication prononcée  ipfo  fario  contre  ceux  qui  iroient  en  pèlerinage  deman- 
der leur  guérifon  fur  le  tombeau  de  M.  Roufl'e }  mais  la  pieufc  paralitique  n'eût 
g.ardc  de  rcfiller  aux  infpirations  de  l'Efprit  faint ,  qui  la  pouflbit  à  aller  cherches 
la  lumière  ,  ta  force  &  la  fanté  fur  la  tombe  de  cet  Appellant. 

Aufli  rien  n'ébranle  fa  foi ,  rien  n'affbiblit  fon  courage.  La  grâce  qui  la  rc- 
inuc  la  rend  invincible  ï  tout  j  Se  malgré  les  confcils  5c  les  craintes  de  fon 

beau- 


OPE'RE'   SUR  LA  D'.    STAPART.  f 

beanfrere,  elle  fe  prépare  pour  partir  le  jour  même  de  la  Pentecôte. 

L'événement  a  appris  à  M.  le  Bailli  à  difcerner  la  voix  véritable  de  l'Eglife  de 
celle  de  les  minières,  lorfqu'il  eft  évident  qu'ils  agifFent  phr  prévention,  ^qu'ils 
abufent  d'une  puiflance  qui  ne  Icur'cft  confiée  que  pour  édifier  &  non  pns  pour 
détruire.  Cet  homme  fi  fournis  profitera  de  la  généreufe  réfiftance  avec  laquelle 
{a.  bclle-fœur  refufa  de  fe  rendre  à  fes  avis,  &  nous  le  verrons  bientôt  fixire  un 
facrifice  de  fa  prudence  pour  fe  ranger  lui-même  au  nombre  des  priacip.xux  té- 
moins du  miracle  qu'il  vouloit  empêcher. 

La  crainte  d'un  contradiéteur  encore  plus  refpcétable  obligea  la  D-.  Stapartdc 
faire  un  fecret  de  fon  deffcin  au  Pcre  Huart  Vicaire  d'Rpernai  direéteur  de  fa  con- 
fcience.  Cependant  ayant  refolu  de  fc  purifier  dans  le  bain  filutaire  de  la  péniten- 
ce, afin  de  fe  difpofer  à  recevoir  fon  Sauveur  dans  le  tems  même  qu'elle  lui  de- 
manderoit  la  grâce  qu'elle  efperoit  obtenir  par  le  crédit  du  bienheureux  Appellant, 
elk  fe  fit  traîner  à  l'Eglife  la  veille  de  fon  départ,  &  y  fit  appeller  le  P.  Huarr, 
à  qui  elle  confclTii  bien  fes  péchés ,  mais  non  pas  la  grâce  que  Dieu  lui  avoir  faite 
de  lui  mettre  vivement  dans  le  cœur  d'aller  implorer  fa  miféricorde  par  Tinter- 
cefiîon  de  M.  Roufie,  ne  doutant  point  que  ce  Père  ne  fût  dans  des  fentimens  qui 
l'obligeroient  à  faire  fes  efforts  pour  l'empêcher  d'exécuter  fon  pieux  dcffein. 
Crainte  qui  n'étoit  que  trop  bien  fondée,  fuivant  que  le  P.  Huart  l'a  déclaré  lui- 
même  dans  la  relation  trés-circonftanciée  qu'il  a  donnée  de  ce  miracle. 

Le  lendemain  16.  Mai,  jour  de  la  Pentecôte  ;  jour  autrefois  fi  fécond  en  mer- 
veilles, &  qu'on  peut  appeller  le  grand  jour  des  dons  vifiblcs  du  S.  Efprit  j  ce 
fût ,  dis- je ,  en  ce  faint  jour  que  la  D^.  Stapart  fe  fit  conduire  à  Avenai  accompa- 
gnée de  fa  fille  8c  de  deux  de  fes  amies. 

Arrivée  à  Avenai,  fes  deux  amies  la  prennent  entre  leurs  bras,  la  foutien- 
nent  &  la  traînent  comme  elles  peuvent  à  l'Eglife  paroiifrale  dans  la  Chapelle  de 
Ste  Anne  où  repofent  les  précieux  relies  du  corps  de  M.Roufle:  mais  en  vain  la 
malade  joint-elle  d'ardcns  ioupirs  à  fes  prières,  Dieu  qui  vouloit  éprouver  encore 
fa  foi,  ne  l'exauça  pas  dans  ce  moment. 

Cependant  une  de  fes  compagnes  va  prier  M.  le  Vicaire  de  lui  donner  la  commu- 
nion j  mais  ce  Prêtre fchifmatique  s'étant  douté  des  intentions  delaD^.  Stapart ,  en 
la-  voyant  accablée  de  tant  d'infirmités,  ne  pouvant  fe  foutenir  elle-même,  privée 
d'un  œil,  ôc  priant  Dieu  avec  tant  de  ferveur,  refufc  de  la  communier.  Cette  fille 
d'Abraham  toute  pleine  de  foi,  fouhaite  avec  empreflcment  le  gage  le  plus  précieux 
des  miféricordes  du  Seigneur;  &  l'ardeur  avec  laquelle  elle  pouiTe  fes  gémidemens 
vers  le  ciel ,  la  fait  traitter  comme  une  profime  &  comme  une  excommuniée. 

Ainfî,  le  recueillemervt  &  l'cfprit  de  prière  qui  font  les  fruits  de  la  foi,  de 
Pefpérance  &  de  l'amour,  font  aujourd'hui  une  des  marques  aufquelles  lesfchif- 
matiqucs  reconnoiflent  ceux  de  la  communion  defquels  ils  veulent  fe  féparcr , 
accompliflîmt  ainfi  à  la  lettre  la  vérité  de  cette  propofition  :  qu'il  n'arrive  que  trop  tio^.x^vi}, 
fowvcnt  que  les  membres  les  plus  fainîetnent  (^  lis  plus  étroitement  unis  à  PEglife ,  font 
r-egardés  i^  traittés  comme  indignes  d'y-être ,  ou  comme  en  étant  déjà  féparés  . . .  Ainfî 
on  refufc  le  pain  de  vie  aux  enfans  de  la  grâce,  dans  le  tems  qu'on  le  prodigue  à 
ceux  qui  n'ont  rien  de  Chrétien  que  le  nom  :  on  réduit  toute  la  Religion  aune 
obéiilance  aveugle,  8c  à  ce  que  les  Sacrcmens  ont  de  purement  extérieur  :  on 
abfout  fans  peine  &  fans  délai  les  pécheurs  les  plus  fcandaleux  ,  &  on  les  envoie 
à  la  fainte  Table  confommcr  leur  réprobation,  dans  le  tems  qu'ils  font  encore 
tout  fouillés  des  péchés  dont  l'amour  n'a  pas  ccfle  un  moment  d'être  dans  leur 
cœur;  &  par  les  principes  de  la  même  morale,  on  ofe  en  exclure  ceux  qui  font 
tout  brûlons  de  l'amour  de  leur  Dieu. 

A  3  La 


«  DEMONSTRATION  DU  MIRACLE 

La  D=.  Stapart  affligée  fans  aigreur  d'un  refus  fi  injufte,  fe  confolc  de  cette 
infulte  en  faifant  réflexion,  que  celui  dont  elle  vient  réclamer l'interccffionavoit 
été  ti-aitté  de  même  ,puifque  fon  Curé  avoit  réfolu  de  lui  refufer  les  Sacremens 
à  la  mort  -,  elle  fe  rappelle  encore  que  notre  divin  Sauveur  a  prédit  àfesdifciplei 
qu'ils  feroient  chaflcs  de  la  Sinagogue,  &  qu'on  leur  fcroit  toutes  foitcs  d'outra- 
ges à  caufe  de  lui>  &  elle  comprend  que  c'cil  une  excellente  préparation  pour 
s'attirer  les  faveurs  fmgulicrcs  que  la  vérité  accorde  à  quelques  uns  de  fes 
cnfans,  de  commencer  par  participer  à  fes  opprobres.  Auffi,  loin  de  fc  plaindre,  elle 
remercie  le  Dieu  des  vertus  de  ce  qu'il  l'a  jugée  digne  defoufFrir  cette  humiliation. 
Cependant  pcrfuadéc  qu'elle  ne  doit  point  fe  rebuter ,  elle  prie  fes  compagnes 
delà  ti-anfporter  dans  l'églife  des  religieufes,  où  elle  efpérc  trouver  la  confolatioa 
qu'on  lui  refufe  à  la  paroilTe. 

La  providence  qui  arrange  tous  les  événemens,  la  fait  arriver  dans  cette  égli- 
fe  précifément  dans  le  moment  qu'on  donnoi:  la  communion  aux  religieufes.  Les 
compagnes  de  la  D'.  Stapart  s'cmprclTent  de  la  tranfporter  au  plus  vite  jufqu'à  la 

frillcP'le  prêtre  à  qui  elle  fc  prcfente  pour  recevoir  le  pain  des  Anges,  la  voyant 
ors  d'état  de  fe  mettre  à  genoux  ,  la  communie  debout  foutcnuc  par  une  de  fes 
compagnes.  Amfi  le  Tout-puidant,  pour  augmenter  le  nombre  des  perfonnes 
qui  dévoient  lui  rendre  glaire  du  miracle  qu'il  avoit  réfolu  d'opérer  ,  voulut 
que  toutes  les  religieufes,  dont  la  grille  étoit  encore  ouverte,  fuiïcnt  à  por- 
tée de  s'appercevoir  que  cette  paralitique,  dont  la  moitié  du  corps  paroilfoit 
comme  morte,  avoit  outre  cela  un  œil  éteint  qui  reftoit  toujours  immobile. 

Celui  qui  donne  la  foi  ne  fût  pas  oifif  dans  le  cœur  qu'il  vcnoit  d'honorer  de 
(il  prcfence.  A  peine  y  fût-il  entré  qu'il  y  redoubla  encore  la  confiance  ,  5c  le  ren- 
dit capable  de  fupporter  en  paix  tous  les  rebuts,  5c  de  furmonter  tous  les obfta- 
cles.  En  vain  déclara-t-on  à  nôtre  impotente  que  ce  fcroit  inutilement  qu'elle 
retoumcroit  à  la  paroiflc,  que  la  chapelle  oîà  IVI.  RoufTc  étoit  enterré  étoit  fer- 
mée ,  5c  qu'elle  ne  pourroit  jamais  obtenir  qu'on  lui  en  ouvrit  la  porte  :  elle  ne 
craignit  point  de  s'expofcr  à  de  nouveaux  refus ,  elle  envoya  prier  le  maître  d'école 
de  lui  ouvrir  cette  chapelle  ;  5c  cet  homme  ayant  rejette  bien  loin  cette  proportion , 
cela  ne  l'empêcha  piis  de  fe  déterminer  à  le  faire  porter  à  l'Eglife,  efpérant  tout 
malgré  l'inutilité  de  fes  tentatives,  5c  avant  une  ferme  confiance, fans  s'aréter  à 
toutes  les  apparences  contraires ,  qu'elle  auroit  bien-tôt  le  bonheur  de  pofer  fes  mem- 
bres perclus  fur  les  os  de  l'homme  de  Dieu  ,  5c  qu'auJlî-tôt  elle  fcroit  guérie. 

O  foi  digne  de  tout  obtenir!  O  don  ineilimable  du  Dieudes  vertus  qu'elle  vc- 
noit de  recevoir  dans  fon  fein  !  Partez  fans  que  rien  vous  arrête,  héritière  de  la 
foi  d'Abraham:  partez,  vôtre  guérifon  elt  certaine.  Dieu  lui-même  vous  en  a 
donné  fa  parole  :  une  foi  qui  n'hélîte  point  ne  peut  manquer  de  réufllr. 

Elle  fe  fait  donc  encore  tranfporter  à  la  paroilfe  à  une  heure  après  midi  ;  mais 
les  Prêtres  fchifmatiques  de  cette  Eglife  avoient  eu  çrand  foin  de  fiire  fermer  la 
chapelle  où  repofc  le  tréfor  qu'elle  cherche ,  5c  la  taifoient  garder  à  vue. 

L'ancien  fcrpcnt  l'ennemi  de  tout  bien  craignant  que  nôtre  paralitique  n'ob- 
tînt le  miracle  qu'elle  dcmandoit,  faifoit  ainii  tous  fes  effoits  &  cmployoit  fes 
agcns  pour  multiplier  les  obftacles  ;  mais  Dieu  oppofe  aux  rulcs  de  ce  fort-armé 
la  {implicite  d'un  jeune  enfant,  qui  en  enfcignant  aux  compagnes  de  la  paraliti- 
que un  fccrct  pour  ouvrir  la  porte,  détniit  le  fucccs  des  artifices  du  fcrpcnt  ,5c 
rend  inutile  tout  ce  que  fa  malice  avoit  fuggeré. 

La  De.  Stapart  profite  à  lahute  de  ce  moment  favorable  peur  faire  fa  priera  fur 
le  tombeau  t:mt  déliré,  dans  l'appréhciiiionoùcUc  clldcfc  voir  bicu-tôt  chal?cc 
de  ce  lieu  de  bcncdiftion. 

£Uc 


OPE'RE'SUR  LA  D'.  STAPART.  y 

Elle  ne  (c  trompoit  pas.  A  peine  a-t-elle  commencé  fa  prière,  que  le  maître  d'é- 
cole ayant  éré  averti  fur  le  champ  que  la  paralitiquecft  fur  le  tombeau  de  M.  Rouflc, 
entre  dans  l'cglifc  tout  en  fureur  ,&  commence  par  décharger  fa  colère  &  fes  coups 
fur  Tinnoccnte  viétimc  quiavoit  fourni  le  moyen  d'ouvrir  la  chapelle. 

Ce  fût  précifémentdans  ce  moment  qu'il  plut  à  Dieu  de  venger  la  gloire  de  fon 
ferviteur  outragée  par  les  défenfes  des  Grands- Vicaires,  &  par  les  précautions 
qu'on  ofoit  prendre  pour  l'empêcher  defiire  des  miracles  :  ccfût,  dis-je  ,  dans  ce 
moment  qu'il  fit  fortir  une  fource  dévie  du  tombeau  du  Bien-heureux  A  ppcllant. 

Tout-à-coup  la  D-.  Stapartfe  trouve faific  d'untremblement  fifort, quelcsper- 
fonnes  qui  la  foutiennent  ont  peine  à  la  retenir ,  prélude  qui  annonce  aux  fpcétateurs 
queDieu  vafignalerfapuiflance.  A  cetremblementfe  joint  une  légère  douleur  dans 
les  jointures  de  la  main  gauche,  6c  auflî-tôt  cette  main  dont  les  tendons  &  lesmuf- 
cles  étoientfi  retirés  êcfi  deflech es, qu'ils  la  contraignoient  fans  ceffe  de  fe fermer 
avec  tant  de  force  que  les  ongles  entroient  dans  la  peau)  :  cette  main  fi  cftropiéc 
s'ouvre,  s'étend  ,  fe  déploie,  &  va  fe  joindre  à  l'autre  pour  conficrer  à  la  gloi- 
re de  fon  libérateur  le  premier  ufage  de  la  liberté  qui  vient  de  lui  être  rendue. 

La  Dï.  Stapart  reflcnt  dans  le  même  moment  une  pareille  douleur  à  la  jambe 
qui  lui  faitorelfcntir  qu'elle  eft  auffi  guérie:  ellecffiie  de  ployer  le  genou  :  elle  le 
fait  avec  aifance  :  elle  s'appcrçoit  que  fa  jambe  a  repris  tout  fon  mouvement  & 
toute  fa  force:  cUe  prie  la  pcrfonne  qui  la  foutenoit  de  la  quitter,  &  elle  (émet 
à  genoux. 

Mais  Dieu  neborncpaslà  fes  bienfaits;  une  vive  douleur  qu'elle  refient  dans 
ta  tête  l'avertit  qu'une  main  divine  y  rétablit  toutes  les  parties  qui  manquoif-nt 
à  l'oeil  perdu:  la  douleur  pafie  comme  un  éclair  ,  à  peine  a-t-clle  letcmsde  le 
faire  fentir  ,  &  dans  cet  inliant  l'œil  immobile  reprend  fon  mouvement ,  fa  fenfibi- 
lité  ,  fon  éclat ,  fa  vivacité  ,  6c  voit  clairement  tous  les  objets. 

Qui  peut  exprimer  la  joie,  l'amour  Se  la  recomioifiance  de  notre  miraculée, 
qui  d'un  moment  à  l'autre  pafl*c  des  infîr.mités  les  plus  incurables  à  la  finté  la 
plus  complette  v  Dieu  ayant  difilpé  en  même  tems  tous  les  levains  de  l'apoplexie  , 
fait  cefier  le  mal  de  tête  habituel ,  fait  difparoître  l'enflure  des  jambes ,  6c  ayant 
régénéré  tout  ce  qui  avoit  été  détruit  6c  defieché  dans  les  mufcles ,  les  tendons 
&  les  nerfs  du  bras  8c  de  la  jambe,  auflî  bien  que  dans  ceux  de  l'œil:  en  forte  que 
la  miraculée  fe  trouve  tout-à-coup  autant  de  force  6c  d'agilité  6c  une  fanté  aufiî 
parfaite  que  fi  elle  n'eût  jamais  été  frapée  d'apoplexie  ! 

Le  maîti'e  d'école  en  préfence  de  qui  fe  font  tous  ces  prodiges ,  doute  d'abord 
»'il  doit  en  croire  {ç.^  yeux  ;  cependant  intimidé  par  l'impreffion  de  la  Divinité 
qui  fe  fait  fentir  vrfiblcmcnt,  il  arrête  l'impétuofité  de  fa%reur.  Bien-tôt  même 
Be  pouvant  plus  douter  de  ce  qu'il  voit  ;  il  fe  trouble  :  il  recule  :  il  palpite  :  il  chan- 
celle :  il  n'ofè  plus  regarder  qu'avec  frayeur  le  tombeau  du  Bien-heureux  Appellant  : 
il  en  redoute  la  vertu  :  il  craint  que  l'odeur  de  vie  qui  en  fort  à  fes  yeux  ne  foie 
pour  lui  une  odeur  de  mort.  Venez.,  lui  crie  une  des  compagnes  de  la  D  .Sapartj 
venez  ,  incrédule  ,  voir  le  miracle  (jueDieu  a  opéré  par  fon  fer-vitcur.  Mais  ilfe  fauve 
tout  effrayé:  il  fuit  la  préfence  de  la  Divinité  qu'il  n'ofe  plus  foiitenir. 

Le  bruit  d'un  miracle  fi  fubit  &  fi  éclatant  fe  répand  aufiî-rôt  dans  tour  le 
hourg  d'Avenai;  chacun  s'cmprefie  d'en  être  témoin,  6c  l'Eglife  peut  à  peine 
contenir  la  foule  du  peuple  qu'une  merveille  fi  admirable  y  fait  accourir  de  tous 
côtés.  Les  uns  verfcnt  des  larmes  de  joie,  les  autres  crient  miracle-,  tous  ren- 
dent gloire  à  Dieu. 

Après  ces  premiers  tranfports ,  le  peuple,,  au.  défaut  des  prêtres- que  la  pré* 
mention,  l'entêtement  ou  la  crainte  tint  d'abord  ccaités,  s'unitiju  chœur  des  An»- 


8  DEMONSTRATION  DU  MIRACLE', 

ges,  pour  rendre  grâces  à  celui  qui  cftaiïîs  fur  le  Trône  &  à  l'Agneau.  Toute-lc- 
glifc  retentit  des  cris  d'allcgreire  de  ce  peuple  fidèle  :  tous  en  même-tems  élèvent 
leurs  voix  pour  chanter  le  Tf.  Deum  ,  tandis  que  notre  miraculée  profternéc  fur 
le  tombeau  de  fon  bicnfliitcur  ,  l'arroîc  d'un  torrent  de  larmes  que  la  reconnoif- 
Cmce  &  la  joie  tirent  de  fon  cœur. 

Lorfqu'cllc  CoTt^t^t  de  l'cglife  ce  fût  encore  un  nouveau  cri  d'admiration  en  la 
voyant  padcr  d'un  pas  ferme  &c  délibéré  à  travers  la  multitude  qui  rempliflbit 
tout  ce  fiiint  lieu.  On  la  fuit  comme  en  triornphe:  tous  les  autres  habitansdu 
bourg  attirés  par  les  acclamations  qu'ils  entendent ,  accourent,  fc  prcflcnt ,  fc 
précipitent  autour  d'elle,  pour  voir  marcher  avec  tant  de  force  6c d'aifance cette 
même  pcrfonne  qu'ils  avoient  vue  le  matin  ne  pouvoir  fe  foutenir. 

Ce  n'étoit  plus  ce  corps  paralitique  que  deux  perfonnes  trainoient  à  peine  ;  ce 
n'étoit  plus  cette  impotente  qui,  quoique  foutcnuc  par  des  mains  étrangères, 
chancelloit  fur  fes  jambes  enflées,  lune  defqucllcs  etoit  immobile:  ce  n'étoit 
plus  ce  bras  perclus  dont'la  main  deflechée  ne  pouvoit  s'ouvrir:  ce  n'étoit  plus 
enfin  ce  vifige  défiguré  par  un  œil  terni  &  immobile.  La  miraculée  s'avançoit  à 
grands  pas  au  travers  de  la  foule  étonnée:  fes  deux  yeux  également  vifs  &  ani- 
més f.iiloient  éclater  la  rcconnoifflincc  6c  la  faintc  joïe  dont  fon  cœur  étoit  tout 
rempli  :  fa  démarche  afTurée  &  légère ,  6c  r;igîlité  de  tous  fes  mouvcmens ,  étoient 
des  preuves  indubitables  de  la  perfection  de'fi  guérifon. 

Tout  le  peuple  la  voyant  marcher  avec  tant  de  vigueur  &  de  liberté,  ne  pou- 
voitfe  kfler  de  glorifier  l'auteur  d'un  prodige  fi  magnifique ,  6c  d'augmenter  en- 
core fa  vénération  pour  le  Bicji-heurcux  Appellant  par  le  crédit  duquel  on  obre- 
noit  de  fi  grandes  fincurs  du  Très-haut.  Il  ne  peut  s'empêcher  de  gémir  inté- 
rieurement de  la  dcfcnfe  téméraire  que  fes  fupcricurs  avoient  faite  de  recourir  à 
l'interceïïîon  de  ce  faint  Prêtre ,  dont  Dieu  lui-même  cauonifoit  la  vertu  6c  marù- 
feftoit  la  gloire  par  des  effets  fi  merveilleux  de  fapuifTancc.  Eit-cc-là  ,  difoient-ils, 
l'Eglifc  enfcignante?  Eil-ce-là  la  voix  de  l'Epoulc  de  Jekis-Chrirt  ?  Condam- 
ncroit-elle  ce  qu'il  autorife?  reprouverait -elle  ce  qu'il  glorifie?  A  qui  donc  croi- 
rons-nous?  L'oppofition  entre  la  dccifion  divine  6c  celle  de  ces  Meffieurs  cft  ici 
trop  clairement  marquée.  Mais  y  a-t-il  à  délibérer?  Leur  voix  n'ell  celle  de  la 
vérité,  qu'autant  qu'elle  eft  conforme  à  la  voix  de  Jefus-Chrifi:.  On  ne  doit  s'y 
foumettrc  que  lorfqu'clle  n  eft  pas  évidemment  contraire  à  ce  qu'il  déclare  lui- 
même.  Ce  font  les  miracles  qui  dans  le  commencement  ont  établi  l'Auroriré.  C'cft: 
par  réclat  des  miracles  que  Dieu  a  fut  rcconnoître  les  Apôtres  pour  des  miniftres 
qu'il  cnvoyoit  j  qu'il  a  fiiit  recevoir  l'Evangile  par  toute  la  terre,  &  qu'il  a  fondé 
Ion  Eglife.  Peut-il  être  pcnnis  aujour-d'hiii  à  des  Minières  de  cette  Eglifedefc 
rcvoltW.  contre  des  rniraclcs  évidemment  divins'  L'Autorité  leur  a-t-cUe  été  don- 
née pouï  combattre  la  voix  du  Très-haut?  Non  fans  doute.  Ainfi  en  refpcétant 
toujours  leur  Autorité,  nous  ne  pouvons  nous  difpcnfer  ^dc  déplorer  l'.ibus  vifi- 
'blc  qu'ils  en  font. 

Ces  réflexions  croient  trop  naturelles  pour  ne  f.\s  faifir  l'cfpritdcs  fidèles  qui 
fiiivoicnr  la  miraculée,  6c  qui  étoient  frapés  de  Timpreffion  delà  Divinité  gni- 
vcc  fur  fes  membres  en  quelque  forte  rcfrufcités. 

Les  plus  notables  du  lieu  fc  joignirent  bien-tot  .à  la  mt:ltitude  pour  admirer 
imc  fi  grande  merveill'^  ;  6c  pour  en  être  encore  plus  convaincus ,  ils  voulurent 
s'afliircr  de  la  guérifon  parfaite  de  l'œil  qui  avoit  été  paralitique.  L'und'cntr'eux 
bien  informé  (]u  •  la  D  .  Staparr  avoit  perdu  Tœil  gauche  depuis  plu ficurs  années, 
lui  ferme  l'œil  droit,  6c  lui  préfente  un  livre  où  il  y  avoit  deux  lignes  d'écriture 
non  iniprimcc^  la  D".  St.ipart  les  lit  coiuammcnt  ac l'œil  nouvellement  rétabli: 

toute 


OPERE'  SUR   LA    D-.  STAPART.  ♦ 

toute  l'afTcmblée  fût  fî  touchée  d'un  miracle  fi  évident,  que   malgré  toutes  les 
défenfes  on  en  drcfTe  un  procès-verbal  en  préfcnce  de  tout  le  monde. 

Cependant  la  miraculée  impatiente  de  manifeftcr  à  Ton  époux,  à  fa  famille, 
à  fa  patrie  le  prodige  que  Dieu  venoit  de  faire  en  fa  faveur,  fe  prefTe  de  retour- 
ner ce  même  jour  à  Epernai.  Avant  que  d'y  arriver  elle  fort  de  fa  voiture  :  elle 
entre  à  pied  dans  la  ville,  &  fait  voira  tout  le  peuple  par  la  vîteflc  &  la  liberté 
de  fa  dcmarchc  ,  Se  par  l'air  de  fanté  Se  de  joie  qui  brillent  fur  fon  vifage  &  dans 
les  yeux,  les  grandes  chofcs  quclc  Tout-puillant  vient  d'opérer  en  elle.  Tout  le 
monde  à  cette  vue  eftfrapc  d'etonnemcnt  &  d'admiration.  On  ne  fait  même  dans 
le  premier  moment  fi  l'on  doit  croire  ce  qu'on  voit.  Eft-ce  bien  là  ,difoit-on,  Ma- 
dame Stapart?  Oui  c'eft  elle-même.  Quelle  métamorphofc !  Quel  prodige!  On 
l'aborde,  on  l'inten-oge ,  on  h  aueftionne.  Elle  déclare  que  ce  changement  mer- 
veilleux que  la  droite  du  Très-naut  a  fait  en  elle ,  cil  l'effet  de  la  foi  qu'elle  a  eu 
en  l'intercefllon  de  M.  Ronfle. 

Lorfqu'elle  arrive  chez  elle  6c  que  fon  mari  l'apperçoit,  il  cil:  fi  frapé  d'admi- 
ration qu'il  en  demeure  interdit  Se  immobile,  comme  fi  la  paralifiedont  fa  femme 
vient  d'être  guérie  étoit  pàflec  dans  tous  fes  membres  :  il  eft  fi  faifi  à  la  vue  d'un 
prodige  fi  merveilleux,  qu'il  en  perd  pour  quelques  momens  l'ufige  de  la  parole. 
Se  qu'il  ne  peut  exprimer  les  tranfportsdefijoieque  poi-un  torrent  de  larmes  qui 
découle  de  fcs  yeux. 

Cependant  la  nouvelle  d'une  merveille  fi  furprcnante  vole  de  bouche  en  bou- 
che. Se  dans  uninftant  fe  répand  de  toutes  parts.  Aufii-tôt  parens  ,amis  ,yoifins, 
toute  la  ville  vient  en  foule  chez  la  De.  Stapart  pour  fe  perfuaderpar  fcs  propres 
yeux  de  la  réalité  d'un  miracle  fi  admirable.  On  la  voit  agir,  aller,  venir,  lire  de 
l'œil  qui  étoit  refté  immobile  pendant  tant  d'années,  6c  donner  les  preuves  les 
plus  fenfibles  6c  les  plus  inconteftables  d'une  guérifon  aufli  entière  &  auflî  par- 
faite qu'elle  avoit  été  fubite. 

Tous  font  convaincus,  font  pénétrés  d'admiration  ,  jufqu'aux  politiques;  juf- 
qu'à  ceux  mêmequi  s'étoient  îaifles  éblouir  par  le  f.mtôme  de  l'Autorité  reipec-yrop.ji»^, 
t.ible  dont  on  f.iit  un  fi  déplorable  abus.  On  loue  la  miraculée  de  fon  courage  : 
on  bénit  le  Bien-heureux  AppcUimt:  on  implore  avec  ardeur  fon  intercefllon  pour 
obtenir  les  grâces  du  Très-haut  :  on  forme  la  réfolution  de  s'expoferàtout,  de 
facrifier  tout,  de  tout  fouffrir  pour  la  vérité.  Et  nous  allons  faire  voir  dans  le 
caraftére  des  témoins ,  que  cette  éclatante  mer\'cille  fût  le  germe  de  plufieurs  au- 
tres miracles  qu'il  plût  a  Dieu  de  faire  furies  âmes.  Mais  avant  que  d'en  rendre 
compte ,  il  eft  bon  d'inftruire  encore  le  leéteur ,  que  cette  fanté  fî  pleine  6c  fî 
parfaite  que  Dieu  a  donné  dans  uninftant  à  la  miraculée,  a  été  fi  perfévérante  , 
que  depuis  cette  année  1728.  jufiju'à  préfent ,  elle  a  toujours  paru  inaltérable  jen 
forte  qu'il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  tout  fon  corps  a  été  renouvelle  5c  en  quelque 
forte  rajeuni  par  le  miracle  que  Dieu  a  opéré  en  elle ,  6c  qu'il  femblc  qu'elle  ait 
acquis  le  droit  de  n*êtrc  plus  fujette  à  aucune  incommodité,  du  moins  un  peu 
confidérable. 

CARACTERE    DES     TÉMOINS. 

POuR  fentir  toute  la  force  des  témoignages  nombreux  qui  fe  font  réiinis  pour 
attefter  le  miracle  obtenu  par  la  D~.  Stapart,  il  ne  faut  que  fe  rendre  atten- 
tif à  la  fituation  où  fe  trouvoicnt  prefque  tous  les  efprits  dans  l'Archevêché  de 
Re'ms  lorfqu'il  plût  à  Dieu  de  faire  cet  admirable  prodige. 

Le  miracle  éclatant  opéré  fur  Anne  Augier  avoit  d'abord  frapé  les  efprits  & 
//.  Demonji.  Tome  II.  B  tou- 


10  DEMONSTRATION  DU   MIRACLE 

touché  les  cœurs  d'une  infinité  de  perfonncs.  Mille  &  mille  cris  d'admiration 5c 
«i'aétion  de  çr-.iccs  s'étoicnt  d'abord  élevés  julqu'au  Ciel  ;  mais  les  menaces  des 
Puiflanccs  6c  la  crainte  de  l'excommunication  lancée  contre  tous  ceux  qui  vien- 
droicnt  reclamer  rintercclfion  du  Bicn-hcurcux  Appcllant ,  avoient  cnfuite  inti- 
midé le  peuple  6c  ictté  prcfquc  tout  le  monde  dans  le  trouble  Scia  conftemation. 
On  avoit  appris  que  les  Pui(T;incesEccléfîalliques&  Séculières  paroidoient  com- 
me liguées  enlemble  contre  les  œuvres  du  Très-haut,  que  la  Cour  de  France  & 
celle  de  Rome  n'étoicnt  pas  moins  indifpofées  contre  les  miracles  quelesGr.mds- 
Vicaircs  de  l'Archevêché  de  Reims  ,&  que  c'étoitnon  feulement  fc  fermer  la  por- 
te à  toutes  les  faveurs  du  fiécle,  mais  même  encourir  l'indignation  de  tous  les 
Grands  de  la  teiTC  ,  que  de  louer  Dieu  publiquement  des  miracles  qu'il  faifoit  à 
rinterceflîon  des  Appellans. 

Si  d'une  part  les  cris  de  fchifme  &  d';mathême  que  les  Jcfuites  ne  cefloicnt  de 
lancer  contre  tous  les  Appellans  &  même  contre  M.Rouflé,ne  faifoientpas  gran- 
de impreflîon,  d'autre  part  l'Autorité  des  Puiflanccs  fubjugoit  prefque  tout  le 
monde. 

Les  fimples  par  foiblefle ,  par  ignorance,  par  pufillanimité  croyoient  qu'il  ne- 
leur  étoit  pas  permis  de  juger  desdéfenfes  de  leurs  fuperieurs  ,  quoiqu'ils  ne  puf- 
fent  s'empêcher  de  voir  que  ces  défcnfes  étoient  manifeilcment  contraires  à  la 
décifion  de  Dieu  même.  Ils  s'imaginoient  leur  devoir  imc  obéifl^mce  aveugle, 
fans  faire  réflexion  que  par  cette  foumiflîon  mal  placée  ils  défobéilToient  à  celui 
à  qui  feu  1  il  n'cll  jamais  permis  de  défobéir.  Ils  avoient  oublié  cette  maxime  con- 
tre laquelle  on  ne  prefcrira  jamais  ;  qu'il  faut  obéir  à  Dieu  plutôt  qu'aux  hommes.. 
Le  Tout-pui/lant  avoit  déclaré  par  un  miracle  du  premier  ordre,  en  régénérant 
fubitcment  une  infinité  de  parties  détruites  dans  les  membres  d'Anne  Augier, 
qu'il  avoit  récompenfé  d'un  bonheur  étemel  les  vertus  &  la  pureté  de  la  foi  de 
M.  Roufle.  Apres  ce  jugement  rendu  dans  le  Ciel  Scmanitéllé  a  la  terre  par  un 
tel  prodige  ,  ctoit-il  donc  permis  de  douter  que  la  foi  de  cet  Appcllant  canonifée 
ainn  de  Dieu  même,  ne  fût  celle  de  l'Eglife  triomphante  ;  &  par  conféquent  celle 
de  l'Eglife  qui  combat  actuellement  fur  la  terre,  puifque  c'ell  la  même  Eglifc 

vTtam  lanBam ecclefiam?  Ne  voyoient-ils  pas  clairement  que  ceux  des  Mini- 

ilrcs  du  Seigneur ,  qui  fe  revoltoient  contre  cet  arrêt  qu'il  avoit  rendu  lui  mê- 
me ,  ne  le  ^ifoient  que  parce  qu'il  combattoit  leurs  préventions  &  qu'il  rcnver- 
foit  leur  idole  ?  pouvoient-ils  ignorer  que  ce  qui  fait  le  grand  crédit  de  cette  ido- 
le ,  à  laquelle  tant  de  Prêtres  lacrifient  leurs  lumières  &  leur  confciencc,  c'ell 
qu'aujourd'huy  on  ne  peut  plus  obtenir  les  grâces, les  faveurs,  les  bénéfices  8c 
toutes  les  autres  dignités  Eccléfiaftiques  fans  faire  nrofcfllon  de  lui  être  foumis  , 
fans  porter  fon  caraftére  fur  le  front  ou  à  la  main?  Croyoient-ils  au'il  leur  étoit 
permis  de  fe  laiflcr  ainfi  féduire  par  des  perfonnes ,  à  qui  des  intérêts  humains 
faifoicnt  fermer  volontairement  les  yeux  à  la  décifion  que  Dieu  venoit  de  pronon- 
cer par  un  Miracle  inconteftable. 

D'autres  perfonnes  plus  inftruites ,  ^  parla  plus  coupables,  s'cfforçoient  de  fe 
faire  illufion  &  de  fe  tromper  pour  ainfi  dire  elles-mêmes.  Elles  voyoicnt  que  les 
Appellans  &:  tous  ceux  qui  étoient  attaches  aux  miracles  &  à  la  vérité,  devcnoient. 
tous  les  jours  plus  odieux  à  toutes  les  Puifiances  ;  qu'ils  étoient  interdits  ,  prof- 
crits  ,  perfccutés  :  elles  croyoient  faire  encore  beaucoup  de  confei-ver  dans  le  fond 
de  leurs  coeurs  des  fcntimens  que  leur  bouche  n'ofoit  plus  déclarer  j  &  fouvent 
après  cette  première  infidélité,  lalumicre  que  les  miracles  leur  avoit  fiit  appercc- 
Toir,s'effaçoitpeu  à  peu.  Se  difparoifToit  enfin  à  leurs  yeux  ;  tant  il  cil  vra;  que  le 
caurabicntôtléduit  l'cfprit ,  &  que  l'intérêt  étouffe  les  fcnumcns  dclaconl'cience. 

TcUc 


OPE'RE'  SUR  LA   D".   STAPART.  tl 

Telle  étoit  la  difpofition  des  efprits  dans  l'Archevêché  de  Reims ,  où  un  très  grand 
nombre  de  perfonnes  intimidées  ou  furpriiesfelaiflbient  chaque  jour  entraîner  parle 
toiTcnt  de  la  féduftion.  C'eft  dans  de  telles  circonftances ,  c'eit  loifque  prcfque  toutes 
les  langues  font  devenues  muettes  Se  que  tout  paroit  alfen'i  fous  I^joug  des  perfon- 
nes prévenues,  qu'on  entend  éclatter  tout  à  coup  une  infinité  de  voix,  qui  toutes 
de  concert  s'emprefient  de  glorifier  Dieu ,  ôc  de  publier  un  nouveau  miracle  opéré  fur 
le  tombeau  dont  on  s'efforçoit  d'arrêter  ou  du  moins  de  cacher  la  vertu. 

Mais  d'où  vient  une  révolution  fi  fubitc  à  la  vue  de  ce  nouveau  prodige?  Qui 
a  pu  rendre  tous  ces  témoins  fi  fermes ,  fi  généreux ,  fi  intrépides ,  eux  qu'on  venoit 
de  voir  fi  timides ,  fi  lâches ,  fi  découragés  ?  Pourquoi  ne  craignent  -  ils  plus  l'ex- 
communication ,  les  interdits,  la  difgrace  des  Puiflances?  C'eft  que  le  Dieu  fort 
s'eft  levé  encore  une  fois,  qu'il  vient  d'étendre  de  nouveau  fon  bras  puifiant,  & 
qu'il  a  foudi-oyé  du  haut  desCieux  l'anathême  qu'on  avoit  ofé  prononcer  contre 
le  Tombeau  qu'il  glorifie.  C'cif  que  tous  ceux  qui  ont  eu  le  bonheur  d'en  être  té- 
moins, ont  été  fi  frapés ,  fi  ravis  d'admiration  a  la  vue  de  ce  nouveau  prodige, 
que  ni  le  cœur,  ni  la  bouche,  ni  la  main  n'ont  plus  été  maîtres  de  taire  ni  de 
ûiffimuler  l'imprcflîon  qui  les  animoit.  C'eil  que  Dieu  eft  le  maître  des  eipritsSc 
des  coeurs:  c'eft  qu'il  lui  a  plû  de  donner  à  la  D^  Stapart  &  à  fon  mari  afiez  de 
fermeté  pour  publier  hautement  ce  miracle  fans  s'cmbarrafier  des  perfécutions  qu'- 
une telle  démarche  pourroit  leur  attirer.  Enfin  c'eft  que  lorfque  le  Très-haut  pa- 
roit  par  quelque  coup  d'éclat  de  fa  puiilance,  la  préfence  remplit  de  force  6c  de 
courage  tous  ceux  à  qui  il  veut  en  fiiire  la  grâce.  Heureux  ceux  qui  confcrvent  bien 
ce  précieux  tréfor,  qui  ne  loufFrcnt  point  que  cette  divine  femence  leur  toit  enle- 
vée par  les  oileaux  du  Ciel ,  &  qui  ne  la  laiflentpas  dcflecherdans  leur  cœur,  ni 
étouffer  par  les  épines  ! 

Au  furplus  il  a  fiUù  que  ce  miracle  fut  bien  évident  pour  faire  une  imprefTion 
fi  vive  fur  tant  de  perfonnes  qui  vcnoicnt  de  donner  de  fi  grandes  marques  de  foi- 
blefîe,  8cmême  fur  des  Conftitutionnaires  déclarés,  comme  nous  allons  le  fiirevoir. 
Mais  comment  auroicnt  -  ils  pu  s'empêcher  d'être  pénétrés  d'admiration  à  la 
vue  d'un  miracle  où  une  guérifon  parfaite  prend  tout  à  coup  la  place  d'une  incu- 
rabilité  manifeife  ! 

L'état  où  étoit  la  D<^.  Stapart  avant  la  guérifon  ne  pouvoir  être  ignoré  deper- 
fomxc  dans  toute  la  Ville  d'F,pernai.  C'eit  pendant  plus  de  dix  ans  que  tout  le 
monde  lui  avoit  vu  un  œil  éteint  &  paralirique,  dont  les  paupières  étoient  aufiî 
immobiles  que  le  globe,  6c  qui  étoit  li  inlenfible  qu'on  y  mettoit  le  doigt  iansy 
cauferaucunc  douleur. 

Ce  n'étoit  pas  une  infirmité  qu'on  eut  pu  feindre  :  ce  n'étoit  pas  une  maladie 
interne  qui  ne  fût  bien  connue  que  par  les  Maîtres  de  l'Art.  C'étoit  un  état  fixe  £c 
permanent,  qui  dès  le  premier  jour  avoit  été  inacceflîble  à  tous  les  remèdes, 
6c  dont  l'incurabilité  abioluc  écoit devenue  évidente  parla  continuité  de  fa  durée. 
Le  retrccifiemcnt  des  muiclcs  qui  en  fe  racourciffans  avoient  forcé  les  doigts 
de  refter  collés  à  la  paume  delà  main,  6c  le  delféchcmcnt  dubras  6c  de  la  jambe 
étoient  encore  des  preuves  palpables  qu'il  n'y  avoit  que  le  Maître  de  la  nature  qui 
pût  rétablir  tout  d'un  coup  des  membres  fl  miierablcment  perclus. 

Cependant  l'on  voit  cette  impotente  recouvrer  en  un  moment  l'uftge  parfait  de 
tous  ics  membres.  Son  œil  perdu  eft  tout  à  coup  renouvelle.  Le  bras  6c  la  jam- 
•  be  acquièrent  en  un  moment  autant  de  force  6c  d'agilité  que  s'ils  n'avoient  ja- 
mais été  paralitiques.  Au  même  inilant  l'enflure  des  jambes  fe  diiTipe,  le  mal  de 
tête  cefie;  en  un  mot  tout  eit  fi  parfaitement  réparé  que  la  miraculée  paroît  com- 
me refondue  en  une  i>utre  perfonne. 

B  t  Toute 


V 


ri  DE'MONSTRATION    DU  MIRACLE 

Toute  la  ville  qui  avoit  connu  fcs  infirmités  Vient  admirer  un  changement  fî 
foudain  &  Ci  étonnant,  iufqu'aux  pcrfonnes  les  plus  prévenues  qui  ne  peuvent 
s'empêcher  de  reconnoître  que  cette  guérifon  efl;  un  miracle  incontcftablc. 

Auffi  n'étoit-il  pas  pcfTible  de  contredire  les  faits  qui  rendoient  ce  miracle  évi- 
dent ;  faits  qui  avoient  été  expofés  long-tcms  à  la  vue  de  tout  un  peuple  ;  faits 
arrivés  dans  une  Ville  où  tout  le  monde  fe  connoît,  6cdont  les  plus  confîdérables 
habitans  étoient  parens  ou  amis  de  la  miraculée. 

Mais  il  eft  tems  d'entrer  dans  le  détail  du  caraélére  particulier  de  quelques-uns 
de  nos  témoins ,  dont  il  y  en  a  tel  que  fon  feul  témoignage  devroit  fuffire  pour 
forcer  l'incrédulité  la  plus  obltinée. 

La  miraculée  mérite  bien  que  nous  commencions  par  elle.  At-on  vu  depuis  plus 
d'un  fiecle ,  une  foi  plus  ferme ,  plus  perfévérante ,  plus  humble  Se  plus  courageule  ! 

Défapprouvée  qu'elle  eft  par  celui  de  fa  famille  qui  a  le  plus  d'autorité ,  n'o- 
fant  déclarer  fon  dcficin  à  fon  direéteur  dont  elle  prévoit  l'oppofition ,  ayant  à 
craindre  les  cenfurcs  des  Grands- Vicaires  &C  la  colère  des  PuifTanccs,  enfin^yant 
»  redouter  les  fatigues  d'un  voyage  qu'elle  n'cft  pas  naturellement  en  état  de  fup- 
portcr  ,  rien  ne  l'arrère  ,  elle  part. 

Cependant  Dieu  l'éprouve,  ôc  diffère  de  lui  accorder  ce  qu'elle  lui  demande, 
pendant  que  les  hommes  la  rebutent,  l'humilient ,  &  lui  rcfufcnt  jufquà  la  com- 
munion >  mais  fcmblable  à  la  Cananée  rien  ne  peut  ébranler  fa  confiance.  Elle 
n'a  pour  tout  foutien  &  pour  toute  refTource  que  fi  foi,  mais  qu'elle  eft  vive  !  qu'- 
elle eft  éclairée!  qu'elle  eft  digne  que  Jekis-Chrift  lui  dife  enfin  du  haut  des  Cieux, 
après  qu'elle  aura  fouftcrt  tous  les  refus  &  toutes  les  humiliations  dont  il  l'é- 
Matik.  ïT.  prouve  :  O  femme ,  vôtre  foi  efl  grande  !  ^'H  vous  foit  fait  comme  vous  le  defrez: 
»••  La  D^  Stapart  ne  fe  rebute  de  rien,  non  plus  que  cette  femme  de  l'Evangile  : 

on  lui  repréfente  que  la  Chapelle  eft  ferm.ée  :  qu'elle  ne  poun^a  jamais  obtenir 
qu'on  la  lui  ouvre  :  on  le  lui  refufe  avcd  dureté  :  elle  efpcre  contre  toute  efpe- 
rance>  il  femblc  qu'elle  prévoie  que  la  providence  la  lui  fera  ouvrir  malgré  les  hom- 
mes :  elle  fe  fait  traîner  à  la  porte  de  cette  Chapelle  :  la  porte  s'ouvre  :  elle  en- 
tre :  elle  eft  guérie. 

Une  perfonne  à  qui  Dieu  à  donné  une  foi  fi  parfaite,  6c  qu'il  a  lui-même  ho- 
norée par  un  grand  miracle,  ne méritc-t-elle  pas  bien  que  nous  ayons  confiance 
en  ce  qu'elle  atteftc?  lorfqu'elle  a  encore  le  courage  conjointement  avec  fon 
époux,  de  dénoncer  à  toutes  les  Puifianccs  le  prodige  de  fa  guérifon,  pouvons- 
nous  croire  qu'elle  en  impofc  fur  un  fait  public  dont  elle  prend  toute  fa  Ville  à  té- 
moin, &  fur  le  quel  une  multitude  de  pcrfonnes  n'auroicnt  pas  manqué  delà  dé- 
mentir, .s'il  y  avoit  cû  la  moindre  exagération  dans  ce  qu'elle  déclare  ainfi  à  la 
face  de  tout  l'Univers? 

M.  Stapart  fon  mari  a  fiiit  voir  la  générofité  de  fcs  fcntimcns,  &  par  k  fcr^ 
xacté  de  (a  conduite,  qu'il  étoit  bien  digne  d'avoir  une  telle  énoufc. 

Nous  avons  déjà  rapporté  l'étonnement  prodigieux  dont  ilfutf.iifi  dans  le  pre- 
mier moment  qu'il  appcrçvjt  fa  femme  comme  reifufcirée.  Son  exxefiîvc  furprifc, 
fon  filcnce  énergique,  Ion  immobilité  fi  parlante,  l'abondance  des  larmes  qu'il 
répand,  dont  le  langage  eft  encore  plus  cloquent  que  les  exclamations  les  plus 
TÏves,  font  des  preuves  fcnfiblcs  &  drapantes  de  la  grandeur  du  prodige,  Redon- 
nent lieu  de  pcnfcr  que  fon  époufe  lui  avoit  cache  fon  dcficin,  ou  du  moins 
3u'il  n'en  cfpcroit  pas  un  fi  heureux  fucccs.  Mais  fi  fa  confiance  en  l'interccflîon 
e  M.  Rouffe  n'étoit  pas  bien  ferme  avant  que  d'avoir  vu  ce  miracle,  l'ardeur 
de  fa  reconnoifl^.mcc  &  l'intrépidité  de  fon  zélc  ont  tnfujtc  f.ùt  tomioîtrc  à  quel 
point  il  »voic  été  touché  de  cette  merveille. 

Dans 


OPERE'  SUR  LA  D^  STAPART.  i? 

Dans  un  tems  aufîî  malheureux  que  le  nôtre,  où  les  faveurs  de  Dieu  attirent 
les  difgraces  des  hommes ,  ce  qui  engage  la  politique  humaine  à  les  cacher ,  une 
ame  moins  généreufe ,  moins  Chrétienne ,  moins  détachée  de  tout  intérêt  que 
celle  de  M.  Stapart,  auroit  peut- être  regardé  la  guérifon  miraculeufedefafemme, 
moins  comme  un  bienfait  fignalé  que  comme  une  fourcc  d'infortunes  jdu  moins 
dans  les  circonftances  critiques  où  nous  vivons ,  bien  d'autres  auroicnt  ufc  de 
quelque  ménagement  envers  les  Puiflances.  Hélas!  combien  de  fois  la  crainte 
a-t-elle  étouffé  dans  un  filence  ingrat  les  effets  les  plus  admirables  de  la  puif- 
fance  &  de  la  bonté  de  Dieu?  Mais  M.  Stapait,  loin  d'écouter  cette  prudence 
Çufillanime  fait  tous  fes  efforts  pour  manifeiter  à  toute  la  terre  le  miracle  opéré 
lur  fon  époufe.  Il  comprend  que  ce  n'eft  pas  pour  elle  feule  qu'il  eft  fait,  mais  pour 
k  gloire  de  Dieu,  pour  l'utilité  de  fon  Eglile,  &  pour  le  foutien  des  vérités  qui 
y  font  combattues  8c  prelque  opprimées.  Il  regarde  cet  éclattant  prodige  comme 
une  décifion  du  ciel  qu'il  ne  lui  eft  pas  permis  de  cacher.  Il  fent"  qu'un  filence 
politique  dans  de  pareilles  circonftances  eft  une  foibleffe  criminelle.  Il  prend 
donc  toutes  les  voies  poffibles  pour  faire  éclatter  cette  merveille  dans  toute  la  Fran- 
ce :  il  foule  aux  pieds  tout  refpect  humain  :  il  impofe  filence  à  tous  les  murmures 
d'une  prudence  chamelle  :  il  s'expofe  à  tout  événement  :  il  met  toute  fa  confiance 
dans  le  Seigneur,  Se  lui  offre  le  iacrifice  de  fa  perfonne  £c  de  fa  famille. 

Non  content  de  rafiembler  les  preuves  de  ce  miracle,  il  en  infti-uit  lui-même  les 
Puiffances  dont  il  n'ignore  pas  les  préventions  :  il  en  écrit  les  circonftances  àplu- 
fieurs  Grands  du  Royaume , .  à  des  Evcques ,  des  Intendans  de  Pro\'incc  ,  des 
premiers  Magiflrats ,  &  jufqu'à  M.  le  Procureur  gênerai  &  à  M.  le  Chancelier, 
dans  ledefiein  fans  doute  que  M.  le  Cardinal  Miniftre ,  Se  le  Roi  lui  -même  en 
fuffent  inflruits  par  leur  canal.  Il  croit  avoir  droit  d'attendre  de  leur  zélé  pour 
le  fervicc  de  Sa  Majeilé,  qu'ils  fe  ierviront  de  l'avantage  qu'ils  ont  d'approcher 
d'EUe  pour  lui  faire  favoir  ce  qu'elle  a  un  fi  grand  intérêt  d'approfondir.  Enfin  il . 
fait  imprimer,  ou  du  moins  on  imprime  de  fon  confentement  ,  non  feulement 
tous  les  certificats  qui  prouvent  ce  miracle ,  mats  nTème  fespropres  lettres  6c  quel- 
ques unes  des  réponfes  qui  lui  ont  été  faites. 

Il  fuffit  de  lire  ces  lettres  pour  fentir-  que  la  Vérité  a  pu  feule  lui  donner  un  fi 
grand  courage,  &  lui  infpirer  les  fentimens  qu'il  y  fuit  paroître.  „  Dès  la  naif= - 
„  fance  (dit-il)  de  cet  événement  (^en  parlant  de  la  guérifon  de  fa  femme  dans 
une  lettre  qu'il  écrit  à  M.  l'Intendant  de  Bretagne}  „  ma  conduite  a  été  de  ren- 
„  dre  publiques  les  merveilles  du  Seigneur,  6c  de  les  annoncer  s'il  m'étoitpof- 
j,  fible  à  toute  la  terre  ,  afin  que  les  opérations  de  Ca  puifiance  Scde  ia  bonté  ne 
„  reflaffent  pas  renfermées  dans  un  petit  coin  delà  Champagne  dans  l'oubli  6c  le 
,5  filence ,  6c  inconnues  au  refte  des  humains.  „- 

,,  Très-fouvent  (dit-il  encore  en  parlant  de  plufieurs  autres  miracles  opérés 
„  depuis  fur  le  tombeau  de  M.RoufTe;  le  Seigneur  fait  paroître  fa  gloire  par. les 
5,  mérites  6c  l'interceillon  de  fon  fen'iteur;  néanmoins  ces  prodiges  reftcnt  enr 
„  fevelis  dans  les  ténèbres,  6c  celui  fait  en  faveur  de  ma  femme  auroit  eu  la 
5,  même  deitince  6c  n' auroit  point  paffé  les  bornes  de  ce  territoire,  fi  je  n'avois 
„  pris  toutes  les  précautions  néceffanxs  pour  empêcher  qu'il  ne  tombât  dims  l'oubli-, 
„  en  le  publiant  par  toute  la.  France,  6c  en  accept;mt  un  nombre  fuffifantd'attefla- 
„  tions  que  toute  la  Ville  m'offre  pourimmortalifer  un  événement  auffi  confidéra- 
„  ble  ,  non  feulement  pour  l'édification  des  fidèles,  mais  encore  comme  untémoi- 
„  gnage  que  je  dois  à  la  vérité  ,  6c  une  obligation  indifpenfable  de  reconnoiffancc 
„  envers  Dieu  6c  iVI.  Rouffc  par  l'intercefiion  duquel  ce  miracle  aété  opéré.  „  . 

Si  ce  miracle  n'av oit  par  été  inconteflable ,  les  Puiffances  dont  xet  oeuvre  de 

E  3-  Diem 


14  DEMONSTRATION  DU  MIRACLE. 

Dieu  blefTe  les  préventions  Se  condamne  h  conduite,  auroient  -  elles  laifTc  M, 
St.ip;u-t  comme  elles  ont  fait,  fuivre  impunément  toute  l'ardeur  d:  Ion  zclc,  ÔC 
publier  cette  merveille /)nr  toute  la  France,  comme  il  s'en  vante  lui-même? 

Qiii  peut  douter  que  s'il  eût  été  poffible  de  donner  quelque  atteinte  à  \x  certi- 
tude de  ce  divin  prodige,  les  Grands- Vicaires  à  qui  il  appartcnoit  d'en  informer, 
ne  fe  fuflcnt  pas  fervi  de  ce  moyen  pout  tâcher  de  l'obicurcir,  2c  de  cacher  fon 
évidence  par  quelques  nuages? 

Ce  miracle,  en  levant  h  foUemnellement  les  anathcmcs  qu'ils  avoient  eu  la  té- 
mérité de  prononcer,  les  couvrait  de  confulîon  j  6c  la  manifcilation  que  faifoit 
M.  Stapart  par  tout  le  Royaume  de  cette  dccifion  divine,  apprenoit  à  tout  le  mon- 
de qu'ils  avoiont  ofé  s'élever  contre  le  Très  -  haut ,  &  lancer  les  foudres  de  l'cx- 
communication  contre  ceux  qu'il  invitoit  lui-même  à  venir  implorer  f^  miféri- 
corde  fur  un  tombeau  qu'il  vouloit  combler  de  gloire,  fie  par  l'interceflion  d'un 
AppcUant  dont  il  vouloit  canonifer  les  fcntimcns. 

Cepcnd-.mt  les  Grands- Vicaires  demeurent  dans  un  morne  Se  trille  filence,  fans 
ofer  rien  oppofcr  à  la  vivacité  du  zék  de  M.  Stapart,  ni  au  miracle  qui  les  des- 
honore, 6c  qui  découvre  à  la  face  de  l'Univers  le  faux  de  leurs  préjugés,  l'abus 
qu'ils  font  de  leur  minillcre,  6c  l'injuftice  de  leurs  défenfes. 

Mais  n'y  avoit-il  donc  pas  dans  toute  la  Ville  d'Epcrnai,  des  politiques  qui 
chcrchancnt  par  tous  moyens  à  plaire  aux  Puiffanccs?  N'y  avoit-il  point  de 
Conllitutionnaircs  dévoués,  d'outrés  Moliniftes?  6c  ne  puuvoit-on  point  enga- 
ger toutes  ces  pcrfonnes  à  dépofcr  de  manière  à  jetter  du  moins  quelque  doute 
iur  ce  miracle?  Il  y  avoit  fans  doute  de  tous  ces  gens  là  dans  cette  Ville,  6c  nous 
en  allons  même  faire  voir  de  chaque  efpèce  au  nombre  de  nos  témoins;  mais 
quelque  envie  qu'on  en  ait,  comment  nier,  comment  même  obfcurcirdes  laits 
palpables,  connus  de  toute  une  ville? 

Convenons  néanmoins  qu'il  a  fallu  qu'ils  fuflcnt  bien  confiants  5c  d'une  notorié- 
té bien  avérée,  puifque  les  Grands- Vicaires  malgré  l'intérêt  preflîmt  qu'ils  en 
avoient,  n'ont  jamais  ofé  les  conteftcr  ni  les  contredire  ouvertement. 

Mais  paflons  à  un  autre  témoin,  dont  le  caractère  tout  différent  donne  égale- 
ment par  d'autres  raifons  une  force  infinie  à  fon  témoignage. 

M'.  Claude  Stapart  Avocat  au  Parlement  6c  Bailli  d'Avcnai,  qui  avoit  fait  tous 
fcs  efforts  pour  empêcher  la  bcUe-focur  de  fe  faire  traniporter  fur  le  tombeau  du 
fervitcur  de  Dieu,  voudra-t-il  bien  prendre  part  à  la  joie  de  fii  famille?  Refufera- 
t-il  encore  fcs  hommages  à  la  puiffance  d'un  Saint  dont  VEglifc ,  à  fon  avis,  n'a 
pas  reconnu  lafxintcté?  Craindra  t-il  encore  les  anathêmes  ?  Un  homme  fi  fage, 
un  politique  fi  circonfpect  ne  fe  rend  pas  aifément. 

Aufii  en  apprenant  la  guérifon  fubite  de  fa  belle-fœur ,  il  refte  tellement  incré- 
dule, qu'il  ne  daigne  pas  feulement  aller  chez  clic  pour  s'en  informer. 

„  A  ion  retour  (dit-il  dans  fil  déclaration  )  ayant  appris  qu'elle  avoit  recouvré 
„  une  parfaite  guérifon,  je  ne  pus  me  rendre  au  bruit  que  i'entendois d'un  pareil 
„  événement.  „  11  ne  peutfe  rendre  :  il  ne  peut  croire  cette  merveille,  6c cepen- 
dant il  ne  fait  aucune  démarche  pour  s'éclaircir  h  le  fait  cil  véritable  ou  ne  l'ell 
pas.  Il  craint  apparemment  qu'il  ne  foit  pas  de  fa  gravité  de  paroitrc  avoir  fait  cas 
d'une  crédulité  populaire.  Il  s'imagine  qu'il  cft  plus  digne  de  lui  de  mépriferfans 
examen  le  bruit  qui  fe  répand. 

Sa  femme  plus  faintement  curicufe  court  chez  fa  belle-  focur  :  elle  voit  ;  clic 
admire:  elle  cil  convaincue  :  elle  revient  au  plus  vite  dire  à  fon  mari  qu'il  peut 
fans  commettre  fa  réputation  «lier  examiner  une  nierveille  dont  l'évidence  <autc 
aux   yeux.  „  Frapc  d'étonncmcnt   (  dit -il.)  je  fus  chci  M''"'.  Stapart  (.que)  je 

„  trou- 


OPERE'  SUR  LA  D^    STAPART.  rf 

„  trouvai  agiffaiit  ,  comme  fi  elle   n'avoit  jamais  été  incommodée.  „ 

Se  rendra-t-il  enfin?  Pas  encore  ;  il  lui  fiiut  du  tems  pour  faire  fes  réflexions. 
„  Etonné  (dit-il)  de  ces  merveilles  fans  autrement  me  déclarer,  je  rentrai 
„  chez,  moi.  „  S.  Thomas  ne  crût  qu'après  avoir  vu }  mais  M.  le  Bailli  voit,  & 
doute  encore  s'il  doit  croire.  Car  enfin  pourquoi  ne  pas  faire  éclatter  des  ce  mo- 
ment fa  joie  &  fa  reconnoiflance?  C'eftque  les  intérêts  Se  les  craintes  chamelles  corn- 
battoient  encore  dans  fon  cœur  la  vérité  connue:  mais  enfin  la  grâce  triomphe  j 
il  fiicrifie  tout  refpcél  humain  à  l'évidence  du  miracle.  „  Je  n'ai  pu  (  dit-il  )  ré- 
„  fifter  à  une  vérité  extraordinaire  qui  me  frapoit,  non  feulement  par  la  gué- 
,,  rifon  de  fon  bras  ôc  de  fa  jambe  gauche ,  mais  bien  plus  par  celle  de  fon  œil  ,- 

„ d''autant   plus  que   je  voyois  dans  ù.  guérifon  l'efpace  d'un  moment ,  6c 

„  d'un  autre  côté  une  perfeftion  qui  ne  convient  qu'aux  miracles.  „ 

Que  de  peine  à  fe  rendre  !  Qu'il  lui  a  fallu  de  preuves  invincibles  pour  le  dé- 
terminer! Que  Dieu  eft  bon  de  fouffrir  ainfi  tant  de  réfiftance   de  la  part  de 
l'homme  fans  l'abandormer  à  la  dureté  de  fon  cœur!  Mais  le  Tout-puiffant fait 
la  tourner  à  l'avantage  6c  à  la  gloire  de  fes  œuvres.  Si  l'incrédulité  de  S.  Tho- 
mas a  plus  fervi,  fuivant  les  Pères  ,    à  conûater  la  réfurreftion  de  Jefus-Chrift 
que  la  foi  de  tous  les  autres  Apôtres,  la  répugnance  extrême  que  Àl.  Stapartle 
Bailli  a  eue  à  croire    ce  miracle,  fournit  un  argument  invincible  pour  prouver 
fon  évidence  ,  puifqu'elle  ell  venue  à  bout  de  terrafier  un  homme  fi  peu  porté  à 
y  ajouter  foy.  Un  témoin  d'une  trempe  fi  dure  qu'il  diff^ére  encore  à  confefier  la 
vérité  après  l'avoir  vue  &  comme  touchée  de  fes  mains  ,  un  témoin  quines'ell 
rendu  que  parce  qu'il  a  été  comme  accablé  par  fes  propres  réflexions ,  qui  ne 
lui  laiflbient  aucun  moyen  de  former  le  moindre  doute  ni  de  fe  tromper  foi-mê- 
me ,  doit  à  fon  tour  forcer  toute  incrédulité.  Mais  afin  que  laviftoire  delà  véri- 
té fût   plus  complette,  elle  Ta  oblige  d'être   lui-même  le  panégirillc  du  Bien- 
heureux dont  il  trouvoit  avant  ce  dernier  miracle  l'invocation  fuperjiiîieufe. 

Au  préjudice  des  cenfures  qu'il  avoit  tant  refpeélées ,  il  rend  dans  fon  certificat 
un  témoignage  glorieux  à  la  mémoire  de  ce  fiiint  Prêtre  qu'il  avoit  connu  à 
Avenai  dont  il  eft  le  premier  juge.  Il  déclare  qu'il  l'a  „  toujours  trouvé  d'une 
„  fimplicité  de  cœur  il  recommandée  dans  l'Evangile  ,  6c  d'une  charité  qui  ne 
„  lui  étoitpas,  pour  ainfi  parler,  permife,  à  cauie  du  petit  revenu  de  fon  bé- 
„  néfice,  (6c  qu'ayant)  fait  l'inventaire  des  effets  de  fa  fucceflîon  en  qualité  de- 
5,  juge  d'Avenai ,  (il  n'a)  trouvé  que  ce  que  les  faints  Prêtres  devroient  laifler 
jy  quand  ils  meurent.  „ 

C'cft  ainfi  que  d'un  politique  Dieu  en  a  fait  un  témoin  des  plus  intéreflans,, 
&  que  de  celui  qui  défapprouvoit  qu'on  eûtrecoursàrinterccffion  dece  laint  Ap- 
pellant,  il  s'en  eft  fervi  pour  publier  hautement  fes  vertus  6c  fa  gloire. 

Voici  un  autre  témoin  à  peu  prés  duméme genre,  mais  quia  encore  quelque- 
chofe  de  plus  frapant. 

La  D.  Stapart  le  lendemain  defaguérifon  fût  voir  le  Père  Huart  fon  direâeur 
Chanoine  régulier  6c  Vicaire  de  la  paroifle. 

11  ne  faut  pour  développer  parfaitement  fon  caraétéie,  ^  faire  fcntir  toute  la  for- 
ce de  fon  témoignage ,  que  rapporter  ce  qu'il  dit  lui-même,  6c  ce  qu'il  a  fait. 

Ce  Religieux  étoit  n prévenu  contre  les  miracles  opérés  par  l'intcrccifion  de- 
M.  Roufl'e,  6c  tellement  connu  fur  ce  pied,  que  la  D".  Stapart  eût  gnmd  foin- 
de  lui  cacher  fon  deflein,  6c  il  avoue  lui-même  ingénument  dans  la  rel-ation  qu'il! 
a  faite  de  cet  admirable  prodige ,  qu'il  n'eût  pas  manqué  de  la  détoumer  de  fe- 
fiiirc  porter  fur  le  tombeau  de  M.  Rouflie,  „  de  tels  pellerinages  (dit-il)  nonfeur- 
ii  lement  a'étant  pas  autorifés ,  mais  même  étant  expreflemcnt  défendus  parMon-^ 

3,,  feigneuiî- 


16  DEMONSTRATION   DU  MIRACLE 

„  fcigneur  nôtre  Archevêque.  „  Au  furplus  il  fe  fùifoit  gloire  ,  fuivaiu   qu'il 
s'en  vante  lui-même ,  de  n'être  pas  trop  crédule  à  l'égard  de  ces  fortes  de  prodiges. 

Se  fcroit-il  perfuadé  ce  Religieux  11  peu  crédule  à  l'égard  des  miracles  obtenus  à 
l'invocation  des  Appcllans ,  que  le  moment  approchoitoù  il  facrificroit  nvec joie 
fa  place  de  Vicaire,  Se  bcniroit  Dieu  de  loulfrir  une  interdiétion  générale  pourat- 
telter  un  miracle  obtenu  par  rmterccflîon  du  même  Appellant  dont  ilrcjcttoit  le 
culte?  Mais  quand  la  vérité  le  fait  voir  dans  tout  Ton  éclat  aux  yeux  d'un  cœur 
droit,  c'eftunfeuqui  l'échauffc  en  même-tcin,s  qu'il  l'éclairc. 

Ce  même  Religieux  qui  avoit  une  déférence  fi  timide  Se  fi  aveugle  pour  les  dc- 
cifions  injuftes  de  fcs  iupericurs ,  va  bien-tôt  fe  fentir  animé  d'un  courage  &  d'un 
zélé  que  la  vérité  feule  peut  donner  >  elle  va  en  faire  un  difciple  prêt  à  tout  quit- 
ter pour  fes  intérêts  j  elle  va  lui  faire  fouler  aux  pieds  tous  les  ménagemens 
d'une  politique  humaine,  &  s'expofer  courageufcment  à  l'indignation  defesfu- 
peiieurs  pour  s'acquitter  de  tous  les  devoirs  qu'elle  exigera  de  lui. 

Aufll  comment  eût-il  pu  réfiller  à  l'imprcffion  d'un  prodige  fi  merveilleux  ? 
La  miraculée  paroît  à  les  yeux  comme  une  perfonne  refiufcitée:  il  voit;  il  s'é- 
tonne :  il  admire  :  il  fent  par  un  heureux  contre-coup  la  vertu  du  miracle  s'em- 
parer de  fon  cœur,  &  le  remplir  d'une  vivacité  encore  plus  falutairc  que  celle 
qu'il  voyoit  animer  les  membres  de  fa  pénitente.  Ert-ce  bien  là,  fe  di(oit-il  en 
lui-même  ,  cette  impotente  qui  excitoit  fi  fort  ma  compailîon,  £c  que  j'ai  coa- 
fcflce  aflîfe  encore  avant-hier,  fxrce.c\\îil  ne  lui  étoit  pas  poffible  ^  dit-il  dans  fa  re- 
lation ,  de  fe  mettre  à  genoux  ,  ni  même  de  fe  tenir  debout  fans  être  foutenue par  une  ou 
deux  perfonnes}  Elï-cc  bien  \k  cet  œil  qu''elle  avoit  perdu  ï\  y  a  plus  de^;.v  ans?  U 
lit  :  il  eft  clair:  il  eft  beau.  Qiie  de  merveilles!  Et  qui  peut  s'empêcher  d'en 
bénir  le  Seigneur?  Mais  d'où  font  fortis  tous  ces  prodiges  ?  Du  fond  de  ce  tom- 
beau couvert  de  ces  anathêmes  qui  me  faifoicnt  tant  de  peur.  Cenfures  aveugles, 
anathêmes  impuifi^ms,  le  P.Huart  ne  vous  craint  plus!  Il  brave  les  menaces  Se 
les  cenfures  :  rien  ne  l'arrête  :  il  dreflc  une  relation  des  maladies  &  de  la  guéri- 
fon  de  la  D'.  Stapart  encore  plus  circonfianciée  qu'aucun  de  nos  témoins ,  fans 
en  excepter  celle  de  la  De.  Stapart  elle-même:  il  la  finit  en  déclarant ,  qu';7/<ï«^ 
ajfurément prendre plaiftr  à  s'aveugler  foi  même  pour  ne  point  reconnoitre  le  doigt  de  Dieu 
àins  une  guéri  fon  fi  miraculcufe.  A  quoi  il  ajoute  que /o«/f /^  Ville  d' Epernai  qui  a 
vu  h  De.  Stapart  dans  le  trijîe  état  oitfaparalifie  l'avoit  réduite  ^  y  qui  la  -voit  au- 
jourd'hui parfaitement  guérie^  en  attefie  la,  vérité  ^  Se  que  lui-»/fV«^  n'a  pu  refujer 
d^en  rendre  témoignage. 

Il  envoie  cette  relation  à  Reims,  Sc  en  reçoit  pour  récompenfe  une  interdic- 
tion qui  le  prive  de  toutes  les  fonctions  du  minillere  dans  l'étendue  de  tout  le 
Diocefe.  Mais  cette  perfécution  ne  met-t-cllc  pas  le  fceau  le  plus  autcntiijuc  à 
la  vérité  du  miracle  ? 

Comment  réfuter  de  croire  un  tel  témoin,  qui  quoique  Religieux  facrifie  de 
tout  fon  cœur  tout  fon  petit  établiflcmcnt  pour  le  fouticn  d'une  vérité  contre  la- 
quelle il  étoit  auparavant  fi  prévenu  ; 

Mais  nous  avons  un  autre  témoin  qui  l'étoit  encore  fanscomparaifon  davantage. 
C'efi  le  Père  SutaineCorrefteur  des  Minimes  d'Epcrnai,  qui  fuivant  qu'il eil  marque 
dans  le  recueil  des  pièces  jufiificatives  de  ce  miracle  imprimées  des  lanncc  171p. 
pag.  41 .  a  toujours  ététrh  Afolinijle,  c'efi-à-dirc  ,  imbù  de  la  prrnicicufe  doébrinc 
des  Jéfuitcs  ,  Se  par  conféqucnt  très-dévoué  à  la  ConlHtution,Scoppolé  par  prin- 
cipes à  l'Appel  Se  à  toute  la  doétrinc  des  Appcllans. 

Cependant  l'étonnemcnt  que  lui  caufa  la  guérifon  fubite  de  la  D^  Stapart  qu'il 
connoiflbit  depuis  long-tcnis,  le  frapa  à  tel  point,  que  fans  s'cnibarrallcr  du  tort 


I 


OPE'RE'  SUR  LA  D».  STAPART.  17 

Qu'il  alloit  faire  à  la  Bulle,  ou  fans  y  faire  réflexion,  il  écrivit  à  Reims  dès  le  len- 
demain de  la  guérifon,  ^'on  ne  peut  révoquer  ce  miracle  en  doute  ^  £3*  qtiileft  trep 
hienavéré-y  déclarant  dans  la  même  lettre,  qu'il  s'étoit  opéré  àAvenai  fur  le  tom- 
beau de  M.  RoufTe. 

Qiie  vôtre  vérité  efl  puiflante,  ô  mon  Dieu!  elle  furmontc  tousles  obftaclcs  ; 
elle  fait  fe  faire  rendre  hommage  par  ceux  qui  lui  font  le  plus  oppofés  :  elle  a 
même  le  fecret  de  fiire  difparoître  à  leurs  yeux  leurs  propres  intérêts  ;  car  il  y  a 
tout  lieu  de  préfumer  que  l'éclat  de  ce  miracle  avoit  fi  fort  ébloui  le  P.  Sutaine 
qu'il  ne  fit  pas  alors  attention  ,  qu'en  écrivant  ainfi,  il  portoit  un  coup  mortel  à 


pour  jamais  la  confiance  de  fes  fupérieurs.  Mais  s'il  ne  s'apperçût  pas  d'abord  des 
confé<|uences  qui  réfultoient  de  Ion  témoignage  ,  les  Grands- Vicaires  les  fenti- 
rent  àtnei-veilie ,  &  aufll-tôt  que  fa  lettre  eût  été  rendue  publique ,  ils  le  traitterent 
comme  le  Père  Huait,  &  l'interdirent  de  toutes  fonétions.  Punition  terrible 
pour  un  Moine  Mandiant  &  Molinifte.  Aufîi  le  Père  Sutaine  fit-il  tout  ce  qu'il 
pût  pour  fléchir  MM.  les  Grands- Vicaires  }  Mais  en  vain  leur  déclara -t- il, 
non  feulement  qu'il  avoit  pour  la  Bulle  la  foumiflîon  la  plus  entière  &  la  plus 
aveugle  ,  mais  même  qu'il  avoit  toujours  fait  profeflîon  d'un  parfait  dévouement 
ù  la  Société  des  Jéfuites,  &  qu'il  préferoit  leur  morale  à  celle  de  l'Evangile  i 
tout  cela  ne  fût  point  encore  iuffilànt.  MM.  les  Grands- Vicaires  lui  répondi- 
rent fans  doute ,  du  moins  dans  leur  cœur.  Nous  approuvons  vos  fentimcns , 
mais  nous  n'en  blâmons  pas  moins  vôtre  démarche.  Il  vous  ficd  bien  avec  vôtre 
probité  llupide,  6c  vôtre  imprudente  fincerité  de  fournir  des  armes  aux  Janfé- 
niiles.  Ceft  bien  là  comme  il  faut  s'y  prendre  {^ourfervir  la  Conftitution.  Il  s'agit 
biende  tendre  gloire  à  Dieu  d'un  miracle  opéré  par  l'interccffion  d'un  Appellant. 
Qiiand  vous  l'auriez  vu,  ne  pouviez -vous  pas  du  moins  vous  taire  ?  Tout  Moli- 
nille  que  vous  êtes  ,  vous  ferez  puni  comme  un  Janfénilte ,  &  vous  demeurerez  in- 
terdit pour  leur  caufe. 

Voilà  donc  le  Pcre  Sutaine  parmi  lesAppellans  perfécutés,  comme  Saiil  par- 
mi les  Prophètes.  Heureux  fi  ce  mauvais  traittement  eût  pu  lui  ouvrir  les  yeux  fur 
l'injuftice  èc  la  violence  dont  on  ufe  parmi  les  fiens  pour  foutenir  une  caufe  que 
Dieu  combat  par  des  traits  fi  marqués  de  fa  puiffance.  Heureux  £c  trop  heu- 
reux ,  fi  en  entrant  en  fociété  de  fouffrances  avec  les  amis  de  la  vérité ,  il  partageoit 
leurs  avantages,  &  qu'il  lui  fût  donné  comme  à  eux  de  fouffrir  avec  joie  tout  ce 
qu'ils  fouffrent  pour  elle. 

Oh  !  Père  Sutaine  ,  qu'allez-vous  devenir?  Vous  avez  trop  de  franchife, 
trop  de  droiture  pour  relier  Molinifte }  6c  trop  de  préjugés  contre  la  vérité  pour 
être  un  de  fescnfans.  Gardez  vôtre  fincerité  ■&  vôtre  bonne  foi ,  priez  beaucoup, 
6c  étudiez  bien  la  vérité,  elle  vous  éclairei-a  6c  vous  fera  enfin  avoir  part  au  bon- 
heur de  fes  difciples.  * 

Que  pourroit-on  oppolx;r  à  de  tels  témoignages  que  l'évidence  a  arrachés  à  l'in- 
crédulité malgré  tous  les  intérêts  du  cœur  ? 

Dira-t-on  que  ces  témoins  ont  pu  fe  laifler  féduire  par  quelque  faufie  apparen- 
ce? Mais  quel  moyen  de  foutenir  une  pareille  abfurdité?  Les  maladies  de  la  De. 
Stapartétoicnt-elles  équivoques?  Son  œil  paralitique  depuis  dix  ans  étoit-ilgué- 
//.  Demonfi.  Tome  II.  G  nlfa- 


*  On  7ie  trouvera  pas  la  letrre  du  Père  Sutaine  dans  les  pièces  ci- après,  farce  qu'elle.ne  m'a  pas  été  remife  en  origt 
nal,  &  que  je  n'ai  fait  imprimer  que  celles  que  j'ai  d^pofées  m'ii-même,  mais  on  la  trouvera  dans  1?  premier  recueil  Jei 
piécfs  juAificatives  de  ce  miracle  imprimé  dès  1" 
plus  fait  imprimer,  &  enir'autres  lo  ceriificjt  d< 
«e  Chaalons,  &  piuiuîrfs  leiires  de  M.  Siapati, 


piéCfS  juftificatives  de  ce  miracle  imprimé  dès  l'année  1719.  avec  plufuurs  astres  pièces  importâmes  que  je  n'ai  pas  non 
plus  fait  imprimer,  &  enir'autres  lo  certificat  de  M.  l'Abfce  de  Vaucieniie  aucienGrand-VicairedeM.dcNuaia     " 


pr: 
ieniie  aucienGraad-VicairtdeM.dcISIijailks  £vê9|Ue 


iS  DEMONSTRATION  DU  MIRACLE 

ridablc?  Cependant  la  guérifon  parfaite  de  toutes  fes  infirmités  nes'eft-t-elle  pay 
opcrce  en  un  moment?  Et  n'eft-ce  pas  la  vue  de  ces  m  cive  il  les  qui  a  forcé  ces  té- 
moins de  facrifier  leurs  intérêts  8c  leurs  préjugés  à  la  vérité  de  ce  miracle  qu'il  ne- 
leur  a  pas  été  poffiblc  de  fe  difîîmuler  ? 

Mais  enfin  fi  on  veut  fuppofer  que  ces  témoins  aient  pu  Ce  tromper  f.mtc  d^a- 
voir  bien  connu  la  nature  de  ces  maladies,  ou  d'avoir  affez  examiné  fi  la  guéri- 
fon en  étoit  réelle,  à  qui  peut  on  mieux  s'en  rapporter  qu'aux  Maîtres  de  l'Arc 
qui  ont  traitté  la  D^.  Stapnrt  pendant  tout  le  cours  de  fes  maladies,  &  qui  dès  le 
lendemain  de  fi  guérifon  font  venus  l'examiner  avec  toute  l'attention  que  méritoit 
un  prodige  qui  combattoit  les  préjugés  des  Puiflances ,  &  qui  ne  pouvoit  man- 
quer d'attirer  leur  difgrace  fur  tous  ceux  qui  le  certifieroient  ? 

M.  de  Reims  célèbre  Dofteur  en  Médecine  6c  le  fieur  Virard  Chirurgien  d'E- 
pcmai  ont  déclaré  dans  leur  rapport  fait  dès  le  lendemain  du  miracle,  que,,  l'œil 
gauche  (de  la  De.  Stapart  étoit)  refté  paralitique  8c  privé  de  toute  lumière 
fixns  cfpérance  de  guérifon  (depuis)  le  24.  Décembre  1717.  (jour  de  fa)  pre- 
mière attaque  d'apoplexie,  (jufqu'uu)  i(î.  Mai  1718.  (Qu'après)  la  troifié- 
me  attaque..  ..,  quoiqu'on  ait  pratiqué  les  mêmes  remèdes  (quiavoienteuun 
heureux  fuccès  par  rapport  au  bras  8c  à  la  jambe ,)  cependant  la  malade  (en 
étoit)  reftée  paralitique  jufqu'audit  jour  16.  Mai  1728.  jour  de  la  Pentecôte 
(qu'elle  s'étoit  foit  porter)  fur  le  tombeau  de  feu  M.  Rouffe,  (8c  que)  le 
lendemain  (17.  Mai)  après  l'avoir  examinée  ferupuleufement,  (ils  ont)  re- 
connu (  qu'elle  )  avoit  recouvré  d'une  manière  miraadeufe  l'ufage  ,  non  feule- 
ment de  fonbras  Scdefajambeparalitiques,  mais  encore  de  fon  œil  dont  elle  voit. 
^^  parfaitement  clair,  ne  lui  reliant  aucune  douleur  ni  foiblefle  dans  toutes  les 
„  parties  qui  ont  été  attaquées  de  paralifie  :  „  ce  qu'ils  ont  affirmé  véritable. 

Lorfque  des  Maîtres  de  l'Art  fi  portés  par  leur  profelîion  &  leurs  études  à  tout 
attribuer  à  la  nature,  8c  fi  bien  inftruits  de  toutes  fes  reflburces,  font  forcés  de 
convenir  qu'une  guérifon  eft  miraculeufe ,  il  faut  porter  l'incrédulité  bien  loin 
pour  les  en  dédire  :  mais  indépendamment  de  leur  jugement ,  n'cft-il  pas  de  la 
dernière  évidence  qu'une  guérifon  auflî  fubite,  auflî  parfaite,  auffi  entière,  une 
guérifon  qui  ne  laifle  aucune  foiblefle  à  une  perfonne ,  qui  le  moment  d'aupara- 
vant étoit  paralitique,  8c  qui  avoit  déjà  efluyé  trois  attaques  d'apoplexie ,  n'eft-il 
pas,  dis-je,  de  la  dernière  évidence  qu'une  pareille  guérifon  n'a  pu  être  opérée 
que  par  celui  qui  par  fa  feule  volonté  peut  anéantir  en  un  inftant  toutes  les  caufes 
êr  les  effets  des  maladies,  Se  régénérer  tout  d'un  coup  tout  ce  qu'elles  avoicnt 
détruit  ? 

Deux  autres  Maîtres  de  l^Art  dont  la  D^.  Stapart  s'ctoit  encore  fcn'ie  dans 
fes  maladies,  les  ficurs  de  Villers  8c  Berli ,.  ont  certifié  tous  les  mêmes  faits,  ^ 
cntr'autrcs  qu'ils  avoicnt  été  „  témoins  oculaires,  (que  lorfque  la  De  Stapart 
j,  fut  revenue)  d'Avenai  (où  elle)  avoit  été  le  jour  de  la  Pentecôte  prier  le  Sci- 
„  gncur  fur  le  tombeau  de  M.  RoulTe,  (8c  où)  elle  avoit  recouvré  fur  le  champ 
„  d'une  manière  furnaturelle  13  miraculeufe  l'ufage ,  non  feulement  de  fon  bras 
„  &  de  fa  jambe  pai-alitiqucs,  mais  encore  de  fon  œil  gauche  qu'elle  avoit  perdu 
„  depuis  plus  de  10.  ans,  il  ne  lui  (étoit)  reftc  aucune  foiblcUc  ni  douleur  dans 
„  toutes  ces  parties  j  qu'elle  voyoit  parfaitement  clair  de  fon  œil  (Sc  qu'il  y  a 
„  toute)  apparence  qu'il  (ne  lui  eft)  relié  aucun  Icfoùn  de  Ces  apoplexies.  „  Ce 
que  la  fuite  a  bien  confirmé,  puifqu'ellc  a  toujours  continué  depuis  ce  miracle 
jufqu'à  préfcnt  de  jouir  de   la  fantc  k  plus  pamite. 

Il  y  a  encore  un  cinquième  Maître  dc  l'Art,  le  licui'  Emcriqui  attcftc  pareille- 
ment les  mêmes  faits. 

Ajouf- 


OPERE' SUR  LA  D«.  STAPART.  i> 

Ajoutons  à  leurs  témoignages  ,  celui  d'un  fameux  Chirurgien  de  la  Cour.  M. 
„  Souchai  déclare  qu'  „  il  ell  de  la  dernière  évidence  que  la  paralifie  (du  bras  &: 
„  de  la  jambe)  qui  mivit  la  troifiéme  attaque  d'apoplexie  ,  fut  complette;  (puif- 
„  que)  les  mêmes  remèdes  qui  avoient  guéri  les  deux  premières  paralifies  ne  firent 
„  plus  aucun  effet,  d'oij  ilconcludque  cette  paralifie  étoit  incurable.   Mais  (dit- 
„  il)  quand  on  fuppoferoit  que  (cette)  paralifie  n'étoit  pas  entièrement  complettc, 
„  le  miracle  de  fa  guérifonfubite  n'en  feroitguéres  moins  éclattant,,,  parce  qu'une 
paralifie  ne  fe  peut  pas  guérir  parfaitement  en  un  moment ,  ce  qu'il  démontre  par 
des  principes  d'Anatomie.  Mais  quelque  admirable  que  foit  la  guérifon  du  bras 
&  de  la  jambe,  le  rétabliflement  fait  tout  à  coup  d'un  œil  paralitique  depuis  dix 
ans,  lui  paroît  un  miracle  où  l'opération  de  la  Divinité  eft  encore  bien  plus  fra- 
pante.    Il  fait  voir  en  expliquant  les  principales  parties  dont  l'œil  eft  compofé 
qu'il  y  en  avoit  d'eflentiellcs  qui  avoient  infailliblement  perdu  leur  fubfl;ance  5c 
leur  forme  pendant  le  long  cours  de  cette  paralifie  ;  d'oii  il  conclud  que  la  guéri- 
fon en  étoit  abfolument  impoflîble  à  toutes  les  reflburces  de  la  nature  8c  de  l'art 
&  que  ce  frodige  inconcevable  n'a  certainement  -pu  être  opéré  que  par  V Auteur  de 
la  nature. 

Après  de  pareils  témoignages  5cdes  preuves  fi  décifivcs ,  ilparoit  fuperflu  d'en- 
trer dans  le  détail  du  caraétere  des  autres  témoins.  Nous  nous  contenterons  donc 
de  faire  feulement  quelques  réflexions  fur  une  démarche  folemnellc  faite  par 
trente-huit  Curés  à  l'occafion  de  ce  miracle. 

Celui  qui  avoit  été  opéré  fur  Anne  Augier  avoit  déjà  excité  le  zélé  de  quel- 
ques uns  d'entr'eux  ,  5c  avoit  ouvert  les  yeux  à  plufieurs  qui  n'avoient  pu  s'empc- 
cherde  rcconnoîtrcla  voix  de  Dieu  dans  un  miracle  fi  inconteftable.  On  a  vu  que 
CCS  Curés  s'étoient  joints  enfcmblc  au  nombre  de  trente-deux,  &  avoient  prefenté 
une  requête  aux  Grands  -  Vicaires  le  2f.  Septembre  17x7.  pour  les  obliger  d'en 
faire  l'information. 

Cependant  par  la  fuite  quelques-uns  d'entr'eux  intimidés  par  les  menaces  des 
Puiifancesfe  retirent  du  camp  d'Ifracl,  ôcsenfcvelifllmt  eux-mêmes  dans  leur  lâche 
politique,  ne  donnèrent  plus  aucun  figue  de  vie  5  mais  Dieu  par  l'éclat  du  miracle 
opéré  fur  la  De.  Stapart  répara  avantageufemcnt  le  nombre  de  ces  defertcurs. 

Au  lieu  de  trente-deux  Curés ,  les  Grands-Vicaires  en  virent  paroître  trente-huit, 
dans  le  nombre  defquels  étoicnt  les  quatre  Curés  de  la  Ville  de  Reims ,  qui  les 
fommerent  juridiquement  le  2.5.  Août  1718.  de  faire  l'information,  en  même- 
tcms  du  miracle  que  Dieu  avoit  fait  fur  Anne  Augier,  ôc  de  celui  qu'il  venoit 
d'accorder  à  la  D-.  Stapart. 

,,  Il  eft  conftant  (leur  déclarent-ils  dans  cette  requête  )  êc  vous  l'avez  fins 
„  doute  appris,  MM.  que  la  D-".  Stapart  étoit  paralitique  ;  qu'elle  avoit  un  œil 
„  dont  elle  ne  voyoit  plus  abfolument  depuis  10.  ans,  &  qu'elle  a  été  parfai- 
„  tcment  guérie  de  cette  double  incommodité  le  jour  de  la  Pentecôte  fur  le  tom- 

„  beau  de  M.  RoulFe (Ce)  nouveau  miracle  (ajoutent-ils  plus  bas)  a  pour 

„  témoins  les  habitans  d'une  ville  entière. . . .  Les  merveilles  arrivées  à  Avc- 
„  nai ,  6c  fur  tout  celle  de  la  D=.  Stapart,  ont  fait  une  fi  grande  impreffion  dans 

„  le  public ,  C  que  )  les  fupplians  fe  trouvent  obligés de  vous  repréfenter 

5,  que  les  fidèles  ne  doivent  pas  être  abandonnés  plus  long-tems  à  un  état  d'in- 

„  certitude  fur  des  objets  de  cette  importance  pour  la  Religion Ceconfidé- 

„  ré,  MM.  il  vous  plaifc  donner  aéle  aux  lupplians  de  ce  qu'ils  vous  dénoncent 
„  les  guérifons  arrivées  au  tornbeau  de  M.  RouflélcsS.  Juillet  172,7.  &  16. Mai 
„  1718.  es  perfonncs  dAnne  Augier  8c  delà  D^.  Stapart  comme  miraculeufes 
„  &  furnaturellcs  :  en  conféqucnce  ordonner  qu'à  la  requête  de  M.  le  Promo- 

C  a  j,  tcur 


té  DE'MONSTRATION  DU  MIRACLE 

„  tcur  de  l'Archevêché ,  il  fera   procédé  à   l'information  (  defd.  miracles  )  aux 
„  offres  que  font  les  luppluins  d'adminillrcr  preuves  6c  témoins  fuffifans  j  &  vous 


ferez  bien.  „ 


MM.  les  Grands- Vicaires  n'eurent  garde  de  faire  droit  fur  cette  requête.  Ils 
ctoient  eux-mêmes  lî  pcrfuadés  de  la  certitude  6c  de  l'évidence  de  ces  deux  mi- 
racles,  qu'ils  défcfpercnt  entièrement  de  pouvoir  les  obfcurcir  dans  une  infor- 
mation. Ils  aimèrent  encore  mieux  qu'on  tirât  tout  l'avantage  qu'on  pourroit  de 
leur  filencc,  6c  du  refus  qu'ils  faifoient  d'informer  de  la  vérité,  que  de  fe  voir 
obliges  de  la  reconnoître  6c  de  prêter  leur  minillere  pour  la  conllatcr  eux-mêmes. 
Ainti  le  parti  qu'ils  prirent  fût  de  ne  répondre  que  par  des  menaces  6c  des  inter- 
dirions à  une  requête  qui  leur  mettoit  G.  vivement  leur  devoir  devant  les  yeux, 

O  vérité,  quelle  elt  votre  force!  Ceux  mêmes  qui  vous  combattent  vous  ren- 
dent témoignage  en  leur  manière ,  en  laiffant  appevcevoir  qu'ils  rcfufent  de  def- 
fcin  formé  d'ouvrir  les  yeux  à  la  lumière,  6c  qu'ils  ne  cherchent  au  contraire  qu'a 
étouffer  la  voix  de  Dieu. 

Mais  qui  peut  s'empêcher  de  reconnoître  qu'il  n'y  a  que  celui  qui  difpofe  de* 
cfprits  6c  des  cœurs,  qui  ait  pu  infpircr  à  ces  trente-  huit  Curés  de  s'cxpofer  ainfî 
à  toutes  les  difgraccs  que  pouvoit  leur  attirer  une  démarche  fi  généreui'e ,  6c  cela 
lans  autre  intérêt  que  de  rendre  un  témoignage  folcmncl  à  un  miracle  qui  con- 
damnoit  les  fentimens  précedens  de  quelques-uns  d'entr'eux.  Car  il  ell  bien  digne 
de  remarque  que  dans  le  nombre  de  ces  trente-  huit  Curés ,  il  y  en  avoit  quelques 
uns ,  non  feulement  qui  jufqu'au  moment  qu'ils  avoient  été  éclairés  par  la  lumière  des 
miracles  avoient  fait  profellîon  de  recevoir  la  Bulle  j  mais  même  qu'il  y  en  avoit  qui, 
cnfoukntaux  piedstoutrefpe6thumain,pouratteftercc  miracle-ci,  doutoicnt  en- 
core s'ils  ctoient  oblijgés  de  fe  rendre  à  cette  décifion  divine ,  6c  ne  le  ccrtifioicnt  que 
:omme  un  prodige  évident,  dont  ils  croyoient  qu'il  étoit  indifpenlable  de  rendre 

loire  à  Dieu,  fans  vouloir  tout-a-fait  convenir  des  conlequences  qui  en  réfultoienr. 
Aaffi  déclarerent-ils  dans  leur  requête  que  „  la  différence  des  fentimens  lur  les 

,  difputes  qui  agitent  l'Ealife,  n'a  pas  empêché  plufieurs  peribnnes  de  fe  réunir 
j,  pour  publier  que  la  gucrifon  de  cette  D'.  efl  furnaturelle.  „ 

Combien  a -t- il  donc  fillu  que  ce  miracle  fût  frapant  6c  fut  inconteftable  pour 

forcer  ainfi  la  conviélion  de  ceux  dont  il  reprouvoit  les  fentimens  6c  la  conduire? 

Qiicls  tcmoms  que  ceux  qui  terraffés  par  l'éclat  d'une  œuvre  divine,  dcpofent 

contre  eux-mêmes,  6c  facrifient  leurs  propres  intérêts  pour  foutcnir  une  vérité 

qui  les  condamne  ! 

PROPOSITIONS 

/  *■ 

SUR  LES  CELLES   CETTE   DEMONSTRATION  SERA  ETABLIE. 
PREMIERE    PROPOSITION. 

L  A  D'.  S  T  A  p  A  R  T ,  lorfqu'ellc  s'eft  fait  porter  fur  le  tombeau  de  M.  RouiTc 
k  i<î.  Mai  1718.  avoit  l'œil  gauche  depuis  le  i^.  Décembre  1717.  privé  de  tou- 
te lumière,  de  tout  mouvement  6c  de  toute  fcniibilitc  ;  ce  qui  étoit  l'effet  d'une 
attaque  d'apoplexie  ,fuivic  d'une  panlifie  complcttc  qui  avoit  rendu  cet  œilabi'o- 
Jumcnt  incurable. 

Un  m  a  l  de  tête  continuel  depuis  cette  première  attaque  jSc  une  enflure  aux 
jambes  qu'aucun  remède  ne  pût  jamais  diffipcr,  étoient  des  levains  funcllcs  qui 
M'crtilToicnt  la  D-.  Stapart  qu'elle  étoit  contuiucUcmcntcn  danger.. 

Enfih 


». 


OFE'RE   SUR  LA  D*.    STAPART.  it 

EfTFiN  une  troifiéme  attaque  arrivée  le  7.  Avril  1728.  avoit fait  tomber  le 
bras  &  la  jambe  du  même  côté  en  paralifie  cômplette, 

II.    PROPOSITION. 
L  A  D*".  Stapart  a  été  fubitement  &  parfaitement  guérie  de  toutes  Tes  ma- 
kdies  furie  tombeau  de  M.  Roufle  le  16.  Mai  1718. 

III.    6c    DERNIERE    PROPOSITION. 
La  guérifon  de  la  D^  Stapart  ne  peut  être  attribuée  qu'au  Tout-puifTant. 

I.     P  R  O  P  O  S  I  T  I  O  N. 

La  D*.  Stapart  ,  lorfqii'eUe  s'eji  fait  porter  fur  h  tombeau  de  M.  Roufe  le  i  6.  Mai 
Î728.  avoît  l'œil  gauche  depuis  le  24.  Décembre  ijlj.  privé  de  toute  lumière  j  de 
t-out  mouver/ienî  (s  de  toute  fenjibilité  ;  ce  qui  et  oit  P  effet  d'une  attaque  d'apoplexie, 
fuivie  d'une  par alifie  cômplette  qui  a'voit  rendu  cet  œil  abfolument  incurable. 

Unmal  de  tête  continuel  depuis  cette  première  attaque,  {5?  ««1?  enflure  aux  jambes 
qu'aucun  remède  fie  pût  difliper ,  étaient  des  levains  funeftes  de  cette  dangereufe  ma-- 
ïadie ,  qui  avertijfoient  la  D^.  Stapart  qiCelle  et  oit  continuellement  en  danger. 

Enfin  nue  troifiéme  attaque  arrivée  le  7.  Avril  1728.  avoit  fait  tomber  le  bras  £3* 
la  jambe  du  même  côté  en  par  alifie  cômplette. 

IL  Esr  bien  aifé  de  prouver  des  faits,  dont  Tes  principaux,  les  plus  impor- 
tans  &  les  plus  décififs  ont  été  exjpofés  pendant  une  longue  fuite  d'années  à 
la  vue  de  toute  une  ville  j  faits  qu'il  etoit  abfolument  impoffible  de  contrefaire, 
&  par  rapport  aufquels  perfonnc  ne  pouvoit  fe  tromper,  tel  qu'eft  un  œil  éteint 
&  immobile  pendant  plus  de  lo.  ansj  faits  par  conlëquent  qu'on  nauroit  jamais 
ofé  certifier  s'ils  n'avoient  été  conftans,  parce  qu'ils  auroient  été  auflî-tôt  démentis 
par  une  multitude  de  pcrfonnes  qui  auroient  été  charmées  de  foire  leur  cour  aux 
Puiflances  en  leur  découvrant  une  pareille  impofture. 

Ainfi  l'on  peut  dire  que  leur  feul  expofé  prouve  qu'ils  font  d'une  notoriété  pu- 
blique. Or  le  fait  de  l'œil  perdu  Screfte  dans- une  immobilité  continuelle  pendant 
plus  de  10.  ans ,  [en  y  joignant  celui  de  la  guérifon  fubire  &  parfaite  qui  a  été 
vue,  examinée  8c  admirée  par  toute  une  ville]  fuffit  toutfeul pour  rendre  ce  mi- 
racle inconteftable. 

Mais  néimmoins  que  le  Lefteur  ne  fc  difpenfe  pas  de  la  lc£ture  des  témoignages 
&  des  preuves  que  nous  allons  lui  rapporter  j  il  trouvera  une  fource  de  motifs 
d'admirer  la  grandeur  de  ce  divin  prodige ,  dans  le  détail  &  les  circonftances  de 
l'état  où  étoit  la  D^  Stapart  lors  de  faguérifonfubite,  &:  dans  les  preuves  invinci- 
bles que  nous  lui  fournirons  en  m  ême-tems  que  cet  état,  du  moins  la  perte  de  l'œil, 
ctoit  abfolument  irréparable.  Car  nous  joindrons  enfemble  les  preuves  des  mala- 
dies ,  &  de  leur  incurabilité. 

La  vie  n'^ft  fouvent  qu'un  tiffu  de  fouffrances,  il  ferrrblc  qu'on  ne  foit  dans 
l'exil  de  ce  monde  que  pour  fouffrir  6c  mourir.  C'ellla  punition  du  péché  impo- 
fée  à  tous  les  enfans  d'Adam  j  mais  la  vie  des  élus,  par  un  ordre  particulier  de 
la  providence ,  cft  fouvent  la  plus  pénible  j  la  croix  eil  le  chemin  qui  conduit  au  ciel", 
fuivant  que  nous  l'a  appris  nôtre  divin  Sauveur  qui  a  voulu  être  nôtre  modèle. 

La  D  .  Stapart  d'une  piété  diftinguée  eût  long-tems  à  fupporter  cette  rigou-- 
reufc  épreuve.   Elle  nous  apprend   dans  la  déclaration  qu'elle  a  faite  conjointe- 
ment avec  fon  époux,  ,,  Que  le  24.  Décembre  171T. . .  elle  fut  attaquée  d'apo-^ 
„  plexie  avec  plufieurs  rechutes  confécutives  qui  dégénérèrent  en  paralilie  fur  1» 
„  moitié  du  corps  du  côté  gauche,  „ 

C  j^  Lai 


55 


1^  DE'MONSTRATION  DU  MIRACLE 

La  D.'.  Huguet  de  Couitaumé  &  la  D  le.  Huguet  détaillent  dans  Iciir  dépo- 
sition les  circonftances  de  ce  premier  accident,  dont  elles  furent  d'autant  mieux 
inftruites  qu'il  arriva  en  leur  mailbnSc  en  leur  préfence.  ,,  Nons  certifions  (dilent- 
„  elles)  que  la  veille  de  Noël  de  l'année  1 717.  la  D-\  Stapart  étant  chez  nous  envi- 
„  ron  les  6.  à  7.  heures  du  foir,  clic  fc  plaignit  tout  d'un  coup  qu'elle  ne  voyoit 
„  plus  clair,  &  enfuite  en  bégayant  elle  dit  qu'ellefe  trouvoitmal,  Sctombaen 
„  apoplexie;  en  forte  qu'on  fût  obligé  de  la  ramener  chez  clic  dans  un  fauteuil, 
„  n'ayant  aucun  mouvement  ni  connoiflancc.  „ 

Cette  dépofition  nous  répréfente  tous  les  fimptômes  Scies  effets  de  l'apoplexie. 
Une  humeur  épaiffe  &  gluante  fe  répand  dans  le  cerveau  ;  elle  forme  un  engor- 
gement qui  enveloppe  les  racines  des  nerfs ,  en  bouche  les  conduits ,  &  les  met 
hors  d'état  de  fuccer  lalimphe  fubtile  :  ils  perdent  parla  toute  leur  aftion,  ce  qui 
fait  que  les  facultés  du  corps  font  auffl-tôt  altérées,  tous  les  organes  des fens font 
interdits,  la  malade  perd  l'ufage  de  la  vue,  2c  tombe  fans  connoiffance ,  fans 
mouvement  8c  fins  fcntimcnt. 

Les  Maîtres  de  l'Art  furent  appelles  au  plus  vîre.  On  fit  venir  M.  de  Reims  Mé- 
decin d'une  grande  réputation ,  les  ficurs  Virard  Se  Bcrli  Chirurgiens  &  le  ficur 
\''illers   Apotiquaire. 

Ces  MM.  n'oublièrent  rien  de  tout  ce  que  leur  habileté  8c  leur  expérience  pu- 
rent leur  fuggerer  ;  cependant  la  malade  refta  pendant  trois  jours  flottante  entre  la 
vie  &c  la  mort.  „  Nous  certifions  Mifcnt  M.  de  Reims  6c  le  fieur  Virard)  que  la 
De.  Stapart  a  eu  dans  l'Efpacc  de  10.  ans  Se  4. mois  trois  attaques  d'apoplexie, 
qui  en  trois  jours  ont  dégénéré  chaque  fois  en  paralifie  fur  la  moitié  du  corps 
du  côté  gauche,  favoir  k  première  attaque  le  14.  Décembre  1717.  „ 
Les  fleurs  Villers  8c  Bcrli  attcftent  également  les  mêmes  faits. 
Ainfi  il  efl  conilant  que  chacune  des  trois  attaques  d'apoplexie  à  été  fi  violen- 
te qu'elle  a  duré  pendant  trois  jours  p^r  plu/îeurs  rechutes  coriféciitivcs  ,  comme  le 
difcnt  la  D  .  Stapart  &  fon  mari,  &  que  des  la  première  attaque  la  moitié  ducorpt 
du  côté  gauche  cli  tombée  en  paralifie. 

Cependant  la  paralifie  du  bnis  &  de  la  jambe  n'étant  alors  qu'incomplcrte,  Se 
les  premiers  remèdes  ayant  eu  d'abord  quelque  ûicccs ,  ces  MM.  aulquels  oncn 
joignit  encore  un  cinquième  nommé  le  ficur  Emeri ,  continuèrent  leurs  remèdes 

f)endant  l'cfpace  de  6-  à  7.  mois,  Sc  enfin  parvinrent  au  bout  de  ce  temps  à  rendre  à 
a  malade  l'ulage  de  fcs  membres. 

M.  de  Reims  &  les  ficurs  Virard,  Villers  &  Bcrli,  déclarent  que  „  k  D*. 
,^  Stapart  n'a  pu  être  guérie  (  c'cil-à-dire  recouvrer  l'ufage  de  fon  bras  &  de  fa 
„  jambe)  qu'après  plulïcurs  remèdes  généraux  8c  fpécifiqucs  qui  lui  ont  été  ad- 
„  minillrés  pendant  l'efpace  de  6.  a  7.  mois;  (mais  qu'à  l'égard)  de  fon  œil  gau- 
„  che  il  cil  rcfté  paralitique  8c  pnvédetoutclumicrefansefpénncedcguérifon.  „ 

Ces  quatre  Maîtres  de  l'art,  ainfi  que  le  ficur  Emeri,  certifient  cnmcmc-tcms 
par  ce  qui  réfultc  de  leurs  rapports,  que  cet  oeil  cft  relié  en  cet  état  jufqu'au  16. 
Mai  1728.  puifqu'ils  attellent  que  dés  la  première  attaque,  il  étoit  j'aus  e/pérance 
de  guérifon^  8c  que  ce  n'a  pu  être  que  d'une  manicrc  miraculeufe  qu'il  a  été  guéri 
le  16.  Mai  171».  A  quoi  les  ficurs  Villers  8c  Bcrli  ajoutent  que  la  De.  Stapart 
«voit  perdu  cet  ail  depuis  plus  de  10.  aus  lorfqu'il  fût  fubitement  guéri. 

Mais  ce  même  fait  fe  trouve  encore  attelle  par  tons  nos  autres  témoins. 

Le  Pcre  Huart  qui  confclTa  la  D-.  Stapart  la  veille  du  miracle,  dédire  que  par 
la  première  attaque  d'apoplexie  „  elle  perdit  entièrement  l'œil  gauche,  dont  cUc 
j,  n'a  point  vu  jufqu'au  moment  de  fa  guérifon  miraculeufe.  „ 

^L  Stapart  le  Bailli  8c  k  D^.  fon  époulé,  après  avoir  dit  que  cet  „  œil  refla 

„  faiis 


OPERE'  SUR  LA  D^   STAPART.  rf 


;  après  avoir  déclare  que  „  h 
„  D-le.  Stapart  avoit  perdu  l'œil  gauche  par  la  première  attaque  (de  1717. 
„  certifient  pareillement  que)  tous  (cesj  accidens  lui  durèrent  jufqu'au  jour  de 
„  la  Pentecôte  1728. 

Il  eft  inutile  de  citer  un  plus  grand  nombre  de  témoins  pour  un  pareil  fait  qui 
étoit  dans  tout  le  pays  d'une  notoriété  publique,  &  qui  eft  déclaré  par  le  Père 
Sutaine  lui-même. 

„  Il  vient  (dit  ce  bon  Molinifte  dans  la  lettre  qu'il  écrivit  à  Reims)  de  fe  faire 
^  un  nouveau  miracle  à  Avenai  au  tombeau  de  M.RoufTcen  faveur  d'une  per- 
„  fonne  que  je  connois  . . .  qui  depuis  10.  ans  eft  privée  d'un  ceil.  „ 

Mais  il  eft  bon  d'obferver  que  cette  première  attaque  d'apoplexie  avoit  non: 
feulement  affefté  le  nerf  optique  qui  eft  l'organe  de  la  vue,  mais  que  les  racines 
de  tous  les  autres  nerfs ,  qui  lervoient  à  procurer  le  mouvement  &  la  fenfibilité 
tant  au  globe  de  l'œil  qu'aux  paupières,  avoient  été  pareillement  engorgées  dans 
le  cerveau  ;  en  forte  que  cet  œil  avoit  non  feulement  perdu  la  lumière  par  l'ob- 
ftruétion  du  nerf  optique,  mais  avoit  perdu  en  même-tems  toute  fenfibilité  6c 
tout  mouvement  par  l'engorgement  des  racines  de  tous  les  autres  nerfs. 

C'eft  ce  que  M.  de  Reims  Médecin ,  &  les  fieurs  Virard  &  Berli  Chirurgiens 
&  quelques  autres  témoins  expriment  en  dilant  que  cet  œil  ej}  rejîé  paralitique  ^ 
p-tvéde  toute  lumière  ;  ce  qui  comprend  deux  effets  differens,  dont  le  fécond  avoit 
été  produit  par  l'obftuftion  du  nerf  optique ,  &  le  premier  par  l'oblh-uftion  des 
autres  nerfs  j  fur  quoi  il  eft  bon  de  ne  pas  omettre  une  circonftance  rapportée 
par  le  Père  Huart ,  ce  témoin  fi  peu  fufpeét.  „  Elle  avoit  (dit-il)  tellement  pcr- 
„  du  l'ufage  de  fon  œil ,  que  lonqu  on  mettoit  le  doigt  dedans ,  la  paupière  ne 
^  branloit  pas.  „ 

Au  refte  „  cette  circonftance  (dit  M.  Souchai)  n'eft  que  l'effet  tout  naturel' 
„  de  la  paralific  complette  dont  cet  œil  étoit  atteint,  &  fe  trouve  comprife  &: 
„  fuppoféc  par  l'expreffion  dont  MM.  de  Reims  6c  Virard  fe  font  fervi  dans 
„  leur  certificat  par  lequel  ils  ont  déclaré  que  cet  œil  étoit  refté  paralitique.  ,,. 

AVANT  que  de  paifcr  aux  autres  fuitesqu'aeû  cette  première  attaque  d'apo- 
plexie ,  démontrons  au  Icfteur  par  des  principes  inconteftables  d'anatomic ,  qu'il  n'y 
avoit  nulle  reflburce  dans  la  nature ,  nul  être  créé  qui  pût  rétablir  cet  œil ,  qui  étoit 
entièrement  perdu  comme  le  difent  plufieurs  de  nos  témoins. 

Nous  n'aurons  befoin  pour  le  prouver  que  de  rapporter  quelques  extraits  delà: 
diflertation  que  M.  Souchai  a  fait  fur  ce  miracle. 

„  Le  nerf  optique  (dit-il)  eft  l'organe  immédiat  de  la  vue.  Ce  nerf  part  de  là'-- 
„  bafe  du  cei-veau  ,  6c  forme  en  s'epanouïflant  dans  l'intérieur  du  globe  de  l'œil , 
„  une  membrane  appellée  la  rétine  compofée  d'une  infinité  de  petits  filets  d'une- 
5,  finefle  6c  d'une  delicatefle  merveilleufe.. 

„  Il  n'eft  pas  douteux  (dit-ii  plus  bas)  que  le  nerf  optique  n'aie   été  obflrué 
„  dans  toute  fon  étendue ,  dans  l'œil  gauche  delà  D"'.  Stapart  des  fa  première- 
„  attaque  d'apoplexie  arrivée  le  24.  Décembre  17 17.  La  caufe  de  la  privation: 
„  de  toute  lumière  dans  cet  œil  n'eft  pas  incertaine  ;  elle  eft  la  fuite  d'une  apo- 
„  plexie  qui  avoit  attaqué  tous  les  nerfs  du  côté  gauche  dans  leurs  principes. .  . . 
y,  Auffitôt  la  faculté  de  voir  ceflli  entièrement  dans  cet  œil  qui  pendant  plus  dc' 
„  10.  ans  n'a  recouvré  aucune  lumière ,  ce  qui  prouve  que  toutes  les  parties  duî 
„  nerf  optique  avoient  été  obftruées. 

„  M;us  il  y  a  plus  (dit-il  encore;)  non  feulement  toutes  les  parties  du  nei-f  op*- 

,3.  tique? 


5» 


£4  DE'MONSTRATÎON  DU  MIRACLÏ^ 

„  tique  avoient  été  obftruécs,  mais  aufli  tous  les  autres  nerfs  qui  fefvoiènt  aux 
autres  lenfations  dans  le  même  œil,  &  tous  Ceux  auflî  qui  fcrvoient  auxmou- 
vcmcns  ont  été  pareillement  obllrués,  ôcc'eftcequi  arenducetœilparalitique, 
c'eli-à-dirc  fans  mouvement  &  fms  aucune  fenfibilité.  . . . 
„  Voilà  donc(conclut-il)  tous  les  nerfs  généralement  quckonques,  qui  por- 
toient  l'cfprit  animal  dans  cet  œil  obilmes  :  voilà  donc  cet  œil  privé  de  tout 
cfprit  animal)  puilque  les  efprits  animaux  ne  font  portés  dans  tous  les  mem- 
bres que  par  les  nerfs.  Voilà  donc  (ajoute-t-il  encore)  une  paralifie  complet- 
J,'  te  ,  &  par  conféqucnt  incurable.  ,,  Car  c'cft  un  principe,  que  la  nature  ne  pou- 
vant opérer  que  par  l'âétion  des  efprits  animaux,  toute  partie  du  corps  qui  cil  en- 
tièrement dépourvue  de  ces  ciprits  a  en  quelque  forte  perdu  la  vie,  &n'eftfufcc- 
ptible  d'aucune  guérifon. 

Mais  n  cette  paralific  de  l'œil étoit  incurable  par  fa  qualité,  parce  qu'elle  ctoit 
complettc  ,  fon  incurabUité  cft  devenue^  encore  bien  plus  palpable  Se  plus  évi- 
dente par  fa  durée  ,  parce  <iue  cette  durée  a  caufé  la  perte,  ou  du  moins  détruit 
la  forme  de  plufieurs  parties  clTentiellcs  que  l'art  &  la  nature,  ni  aucun  être  créé 
n'étoient  point  capables  de  rétablir. 

„  La  De.  Stapart  (continue  M.  Souchai)  rcfte  dans  cet  état  pendant  plus  de 
„  10.  ans.  Que  font  devenus  pendant  un  fi  long-tcms  ces  fibres  ou  filets  il  fins, 
„  fi  déliés,  fi  délicats  qui  compofcnt  la  rétine  &  qui  reçoivent  toute  leur  aétion 
„  de  l'cfprit  animal  que  leur  porte  le  nerf  optique?  N'clt-il  pus  évident  que  tous 
^,  ces  filets  ayant  été  prives  de  l'efprit  animal  pendant  un  fi  long-tems ,  fe  font 
„  affaiflcs  ôc  peut-être  racornis  ?  Comment  cette  membrane  rétine  a-t-ellc  pu 
„  être  rétablie  après  plus  de  lo.  ans  ? 

Qu'il  me  foit  permis  d'ajouter  à  cette  démonftrationd'anatomic  un  autre  prin- 
cipe que  i'ai  appris  de  M.  Gendronundes  plus  célèbres  Médecins,  &  le  plus  ha- 
bile OcuUile  qu'il  y  ait  au  monde  ,  qui  clique  des  que  l'arrangement  des  petits 
filets  dont  la  rétine  eft  compofée  le  trouve  détruit,  il  ne  peut  jamais  être  remis 
dans  fon  premier  état,  parce  qu'il  n'y  a  nul  remède  qui  puiflc  produire  cet  effet. 
Se  l'œil  par  conféquent  ne  peut  jamais  recouvrer  la  lumière  ,  ce  qui  fait  dire  aux 
Oculiftcs  ,  comme  un  principe  fondé  fur  l'expérience  de  tous  les  uéclcs,  que  pour 
peu  que  la  rétine  foit  offenfce  l'œil  eft  perdu  fans  reflburcc. 

Or  ici  les  filets  n'avoient  pas  feulement  perdu  leur  arrangement ,  mais  ayant 
été  pendant  plus  de  lo.  ans  fans  recevoir  l'efprit  animal  qui  les  humcétc  K  les 
nourrit ,  ils  s'ètoient  d'abord  deffèchés  >  &  il  n'cll  pas  même  pofllble  de  douter  qu'- 
enfin ils  n'aycnt  été  totalement  détruits  par  une  fi  longue  privation  de  nourriture. 
Ainfi  la  rétine  n'avoit  pas  feulement  perdu  fa  forme  &  l'arrangement  de  fes  filets  , 
mais  elle  ne  fubfiftoit  plus  ,2c  par  conféquent  l'organe  immédiat  de  la  vue  man- 
^uoit  entièrement  dans  cet  œil. 

Mais  le  nerf  optique  n' étoit  gucres  en  meilleur  état  que  la  rétine.  „  Comment 
„  le  nerf  optique  lui  même  (dit  encore  M.  Souchai,)  ayant  étéaffaiflc  pendiuit 
„  fi  long-tems,  (8c)  tous  fes  pores  (ayant)  été  Ci  long-tcms  bouchés,  eft-il  dc- 
„  venu  capable  de  recevoir  les  efprits  animaux  &  de  les  porter  dans  toutes  les  li- 
„  brcs  de  la  rétine!  „ 

Le  nerf  optique  privé  pendant  fi  long-tems  des  efprits  animauxqui  le  vivifient, 
s'ctoit  inrlubitablemcnt  aefleché  ,  &  avoit  perdu  par  l'affaificment  de  toutes  fc$ 
parties  les  porcs  ou  conduits  dans  Icfqucls  les  efprits  animaux  coulent.  Or  il  eft 
cncorejde  principe  qu'un  ncrfdeiïcché  ne  fej3cut  rétablir;  &:  que  lorfquc  fes  porcs 
ou  conduits  fc  lont  colles ,  8c  par  là  ont  ccflc  d'être  ,  rien  ne  peut  les  former  une 
féconde  fois. 

On 


OPERE'  SUR  LA  D\   STAPART.  24- 

On  en  doit  dire  autant  des  autres  nerfs  deftinés  pour  fervir  aux  mouvcmens 
8c  aux  fenfations  de  cet  œil,  qui  ont  été  également  privés  des  efprits  qui  leur 
donnoient  le  mouvement  &  la  vie. 

Ainfl  il  eft  incontellablc  qu'il  j  avoit  plu  (leurs  parties  cfTentielles  dans  cet  œil, 
dont  les  unes  avoient  perdu  leur  forme  ou  pour  mieux  dire  leurs  organes  Se  dont 
les  autres  ctoient  détruites. 

Concluons  donc  avec  M.  Souchai  qu'une  pareille  guérifon  étoit  abfolument  im- 
poffible  à  tout  être  créé  ,  &  qu'elle  ell  „  un  prodige  inconcevable  qui  n'a  ccrtai- 
jj  nement  pu  être  opéré  que  par  l'Auteur  de  la  nature.  „ 

Mais  non  feulement  cette  première  attaque  d'apoplexie  fit  perdre  l'œil  gauche  à  U 
D^.  Stapart,  elle  lui  laifla  encore  deux  dépôts  auffi  incommodes  que  dangereux. 

EUedéclareconjointcmentavccfonmari  „  que  depuis  l'attaque  de  1717.  il  lui  é- 
„  toit  relié  fans  difcontinuation  une  grande  douleur  de  tête  &  une  enflure  aux  jambes, 
„  &  que  tous  les  remèdes  qu'on  lui  a  fait  n'ont  pu  enlever  ce  levain  de  la  maladie.  „ 

Le  Père  Huart,  la  D-.  Huguet  de  CourtauméScla  D"^.  Huguet  déclarent  pa- 
reillement que  „  depuis  17 17.  ..  elle   avoit  toujours   cû  les  jambes  extrême- 
,y  ment  enflées.  „ 

M''»,  de  Bart  Baronne  de  Somme-Vefleêc  M''^  de  Villers  certifient  de  leur  parc 
„  Qiie  la  D"^  Stapart . . .  depuis  fi  paralific  de  1717.  s'eft  toujours  plainte  d'une 
„  douleur  de  tête  &  d'une  enflure  aux  jambes  qu'elle  leur  fiifoit  voir ,  ce  qui 
„  faifoit  qu'ellemarchoit  pefamment  avant  fa  dernière  attaque  où  elle  relia  paraliti- 
„  que  fins  pouvoir  agir.  „ 

Ces  deux  levains  d'apoplexie,  2c  fur  tout  le  mal  de  tête  continuel  formoient 
une  preuve  qui  n'étoit  que  trop  fcnfible,que  lesobftructions  du  cerveau  n'avoient 
pu  être  diflîpées  qu'en  partie  par  tous  les  remèdes  qu'on  avoit  employés  pendant 
6.  à  7.  moisj  5c  il  n'ell:  pas  douteux  que  les  humeurs  gluantes  qui  formoient  ces 
ob ftru étions ,  ne  fe  foicnt  épaifTies ,  durcies  &coalblidees  pendant  l'efpace  de  plus 
de  10.  ans  qu'elles  ont  relié  dans  ce  lieu  où  elles  s'étoient  répandues  i  d'où  il  fuit 
qu'il  n'y  avoit  plus  aucun  moyen  de  les  détruire ,  parce  qu'elles  ne  faifoient  plus 
qu'un  corps  avec  les  parties  aufquelles  elles  s'étoient  unies ,  6c  qu'elles  avoient 
acquis  une  folidité  que  tous  les  remèdes  ne  pouvoicnt  avoir  la  force  de  divifer  en 
parties  aflez  fines  pour  les  diflîper  par  la  tranfpiration. 

Auffi  tout  l'art  des  Médecins  ne  pût  rendre  des  lors  à  la  D_>.  Stapart  qu'une  fantc 
bien  imparfaite.  La  tête  accablée  par  des  douleurs  continuelles,  privée  d'un  œil  6c 
ne  fe  foutenant  qu'avec  peine  fur  fes  jambes  appefanties  par  l'humeur  qui  les  inondoit, 
elle  fe  voyoit  fans  cefle  pourfuivic  parla  mort  >  les  levains  d'apoplexie  qu'elle  fentoit 
fubfifler  en  elle-même  lui  donnant  lieu  d'appréhender  les  rechutes  les  plus  funelles. 

Dans  une  fi  trille  fituation  la  D^.  Stapart  n'oublia  rien  pour  reculer  du  moins  ua 
fi  terrible  pronoflique  j  mais  on  a  beau  prendre  des  précautions  en  pareil  cas  pour  fe 
garantirdcs  rechutes ,  onpeutbien  les  éloigner  pendant  quelques  années,  mais  l'ex- 
périence n'apprend  que  trop  qu'il  cil  impofilble  de  s'enprélerver  entièrement. 

Auiîî  „  le  if.  Mars  1727.  (difcnt  prefquc  tous  nos  témoins,)  la  D^.  Stapart. 
„  eût  une  féconde  attaque  d'apoplexie  qui  dégénéra  pareillement  en  paralifie  fui* 
j,  le  même  côté  gauche.  „ 

Cette  féconde  attaque  arrivée  le  if.  Mars  \'Jirj.  fuivant  que  le  certifient  M.  de 
Reims  &  le  fieur  Virard,eût  les  même fimp'omes Q^e\x  première  ,  c'ell-ù-dire  que 
l'apoplexie  dura  pendant  trois  jour  s  avec  des  rechutes  confécutives  ^  8c  que  ce  ne  fût 
qu'après  une  très  gi'andc  quantité  de  remèdes  que  la  D?.  Stapart  pût  recouvrer  l'ufx* 
gede  fon  bras  Se  de  fa  jambe  ,  quoique  les  remèdes  euflent  lait  quelque  effet  dès  les 
premiers  jours. 

//.  Dèmenjl.  l'orne  IL  D  Un*' 


i 


àÀ  DE'MONSTRATION  DU   MIRACLE 

Une  fi  violente  rechute  ne  pouvoit  manquer  d'affbiblir  encore  beaucoup  la  malade; 

,,  Il  n'arrive  prefcjue  jamais  (dit  M.  Souchai)  qvie  des  membres  qui  ont  été  pa- 
„  ralititiques  à  lafuite  d'une  apoplexie  reprennent  toute  leur  vigueur  ,  Cpnrce  que) 
„  les  filets  des  nerfs  qui  font  obftrués  s'aflRiiflcnt  8c  fe  racomiffent  lorfqu'ils  lonc 
„  pendant  quelauetems  prives  de  la  préfcnce  de  l'efprit  animal  ....  Ainfi  lorfquc 
„  les  nerfs  ont  déjà  été  affoiblis  par  une  attaque  d'apoplexie ,  s'il  en  fur\4ent  une 
3,  féconde,  fouvcnt  la  paraiifie  qui  la  fuit,  qui  loi-s  de  la  première  attaque  n'avoit 
5,  été  qu'incomplettc  ,  devient  complette  après  la  féconde  attaque.  Et  fi  cela 
j,  n'arrive  pas  à  la  féconde,  cela  arrive  prcfque  toujours  à  la  troifiéme,  p.arce 
j,  qu'encore  un  coup  chaque  paralifie  qui  cil  la  fuite  d'une  apoplexie,  laiffetou- 
„  jours,  quoique  guérie  en  apparence  ;  quelques  fibres  ou  filets  obftrucs,afFaifles 
„  Se  quelquefois  racornis  j  &  qu'ainfi  la  nature  ayant  moins  de  force,  &  les  nerfs 
„  fe  trouvant  déjà  en  partie  obftrués  à  une  féconde  ou  à  une  troifiéme  attaque ,  il  eft 
5,  tout  naturel  que  pour  lors  l'obûniftion  devienne  totale,  &  la  paralifie  complette.  „. 

Voilà  précifément  ce  qui  eft  arrivé  à  la  D-.  Stapart  ;  lu  nature  afFoiblie  une  fé- 
conde fois  par  un  coup  fi  violent,  ne  fût  plus  capable  de  fe  défendre  long-tems  con- 
tre les  levains  pernicieux  que  ces  deux  attaques  avoieat  laifles.  Aufiî  à  peine  une  an- 
née fut-elle  écoulée  depuis  ce  dernier  accident:  à  peine  la  malade  fut-elle  quitte 
des  remèdes:  à  peine  goutc-t-clle  les  fruits  d'une  foible  convalefcence ,  qu'elle  re- 
tombe en  une  apoplexie  qui  dura  trois  jours  comme  les  deux  précédentes,  &  qui 
lui  laifla  cette  fois  tout  le  côté  gauche  entrepris  par  une   paralifie   complette. 

Les  fieur  oc  De.  Stapart  &  prefque  tous  les  autres  témoins  déclarent  „  Que  le 
„  7.  Avril  1718.  elle  fût  encore  attaquée  d'apoplexie  qui  dégénéra  aulîî  en  parali- 
„  fie  fur  le  même  côté  gauche.  „ 

Quatre  Maîtres  de  PArt  furent  aufiî-tôt  appelles ,  ils  s'appcrçurentdcs  les  pre- 
miers jours  que  tous  les  remèdes  ne  faifoient  plus  aucun  effet  furies  membres pa- 
ralitiques. 

M.  de  Reims,  êc  les  fieurs  Virard,  Berli  &:  Villcrs  certifient  tous  quatre  dans 
leurs  rapports.  Qu'après  la  troifiéme  attaque  „  arrivée  le  7.  Avril  17^8.  quoi 
5,  (qu'ils  aient)  pratiqué  les  mêmes  remèdes  pour  lafoulager,  cependant  la  ma- 
^  ladc  eft  reliée  paralitique  da  bras  Se  de  la  jambe  gauche  jufqu'au  jour  de  h 
3,  Pentecôte  \6.  Mai  1718.  „ 

„  Le  7.  Avril  1718.  elle  eût  une  troifiéme  attaque  (dit  le  Pcre  Huart)  avec 
„  les  mêmes  fimptômcs,  auflîcmploya-t-on les  mêmes  remèdes  pour  lafoulager, 
„  mais  pour  cette  fois  ils  furent  inutiles.  „ 

Ces  remèdes  étoient  les  mêmes  que  ceux  qui  avoient  réufii  après  les  deux  prc- 
«ïiieres  attaques;  il  y  avoit  toujours  en  eux  la  même  force  &  la  même  vertu,  la 
différence  du  fuccès  ne  venoit  donc  que  de  la  différence  de  l'état  où  le  trouvoit 
la  malade.  Or  quelle  étoit  cette  différence  ?  C'eft  que  dans  les  deux  premières 
paralifies,  comme  dit  M.  Souchai,  Us  nerfs  vC  iio\ç.nx.  pas  entier  tment  ohfirués  ,  niai- 
folttment  bouchés  de  façon  quilnypaffàt  encore  quelque  peu  de  Vefprit  animal .  . . .  Pour 
lors  comme  il  coulait  encore  des  efp'its  animaux  dans  les  membres  attaqués ,  toute 
reffource  n  étoit  pas  perdue ,  £î?  les  remèdes  venant  au  fecours  de  la  nature  Va-v oient  aidét 
à  débarrajferles  obflruRions  qui  fe  rencontraient  feulement  dans  une  partie  des  filets  ou 
fbcs  qui  compofent  les  nerfs-,  au  lieu  que  dans  la  paralifie  qui  fût  la  fuite  delatroi- 
iîcmc  attaque  d'apoplexie,  la  portion  des  tierf s  attaquée  de  paralifie  étoit  entièrement 
tbflruée  ,cela  fi  vrai  que  les  remèdes  ne  faifoient  plus  aucun  effet  &  qu'il  y  avoit 
perte  totale  . ..  .de  mouvement  &f  de  fentiment . .  .  dans  les  membres  affligés .  . .  pour 
ioi  s ,  continue -t -il,  la  paralifie  ejl  abfolunicnt  incurable ^  parce  que  les  membres 
^0fit  tntiértmeHt  privés  de  i'cfprit  animal  j  Une  refic  plus  aucune  reJf«Hri(àla  nature  y 

(à 


I 


OPE'RE'  SUR  LA  D«.  STAPART.  i^ 

^parconféquent  il  n'en  peut  rejîer  à  V  art  qui  ne  peut  rien  qu'avec  V  aide  de  ta  nature, 
Auflî  les  quatre  Maîtres  de  l'Art  ayant  reconnu  que  tous  leurs  plus  violeng 
fpécifîqucs  ne  faifoicnt  qu'altérer  6c  fatiguer  la  malade  fans  pouvoir  procurer  au- 
cun foulagement  aux  membres  paralitiques  qui  étoient  entièrement  dénués  d'cf- 
prits,  jugèrent  très-fagement  au  bout  de  quelques  jours  qu'il  étoit  auflî  inutile 
que  dangereux  de  les  multiplier  davantage,  &  fc  retirèrent  tous  quatre  en  décla- 
rant à  la  malade  que  „  la  médecine  (n'avoir)  point  d'autre  reflburcc  pour  tenter 
„  de  lui  procurer  Tufagc  de  fes  membres ,  que  de  lui  confeiller  les  bains  d'ieblcs 
„  &  de  feuilles  d'aulne,  (qui  eft  un  remède  fort  dangereux)  ou  de  l'envoyer 
5,  aux  eaux  chaudes  minérales.  „ 

Au  reftc  il  paroît  clairement  par  les  termes  mêmes  que  nous  venons  de  rap- 
porter, que  cette  dernière  reiïburce  étoit  moins  un  confeil  que  ces  MM.  donnoient 
à  la  malade,  qu'une  foible  6c  vaine cfpérance qu'ils  vouloient  fimplement  lui laif- 
fer  entrevoir ,  afin  de  diminuer  la  peine  qu'elle  pouvoit  reflcntir  envoyant  qu'ils 
l'abandonoient  tous.  Ils  ne  lui  difent  point  qu'il  y  a  lieud'efpérer  que  ces  Sains 
&  ces  eaux  minérales  lui  rendront  l'ufage  de  fes  membres  ;  mais  feulement  qu'il 
n'y  a  plus  pour  elle  d''autre  rejfource  dans  la  ntédecitie  pour  tenter  de  fe  le  procu- 
Ter.  Mais  comme  le  principe  du  mal  refidoit  dans  le  cerveau ,  quel  effet  eufîcntpu 
produire  des  bains  6c  des  eaux  minérales  j 

Au  furplus  la  fuite  n'a  que  trop  fait  voir  que  cette  tentative  eût  été  tout  à  fait 
inutile }  la  paralifîe  n'a  pas  tardé  à  faire  connoîtrc  par  fes  plus  triftes  effets  qu'elle 
étoit  entièrement  complette,  6c  par  conféquent  inacccfîîble  à  tous  les  remèdes. 

La  De.  Huguet  de  Courtaumé  6c la  D"^Huguet  dépofent  que,-,  cette  fois  (la 
„  D".)  Stapart  reftaparalitique  du  bras  6c de lajambe gauche  fans  fentimcnt  6c fans 
„  mouvement.  [Ce  qui  caraétérife  eflentiellement  la  paralifîe  complette.]  En  forte 
5,  Cdifent-elles  encore)  que  pour  la  changer  de  place  il  falloir  pour  ainfi  dire  la  traî- 
-,,  ner,  laiflant  aller  le  bras  6c  lajambe  comme  s'ils  euffent  été  morts.  . .  ne  pouvant 
5,  en  aucune  manière  s'en  fervir,  „  difent  M.  Stapart  le  Bailli  6c  plufîeurs  autres 
témoins. 

Qui  peut  à  cette  defcripti on  nepas  appercevoîr  lesfîmptômes  de  la  paralifie  com- 
plette ,  qui  ne  confîfte  que  dans  la  perte;  totale  du  fenrimenr  6c  du  mouvement? 

Mais  ce  fait  paroîtra  encore  d'une  manière  plus  fenfîble  6c  plus  frapante  par  les 
effets  extérieurs  que  cette  paralifîe  produifît  dès  les  premiers  jours.  Les  nerfs  du  bras 
&  de  la  jam"be  gauche  fe  retirèrent ,  les  mufcles  fe  denécherent  prefque  à  vûed'œIL 
La  D"^  Marie  Huguet  de  Courtaumé  ,  laD"».  LcfTart  6c  la  D"'.  Stapart  fille 
de  la  malade  nous  apprennent  que  depuis  l'attaque  du  7.  Avril  1718.  „  la  main 
„  paralitique  (de  la  De.  Stapart)  étoit  toujours  fermée  fans  pouvoir  l'ouvrir.  „ 

Le  PereHuart  certifie  auflî  le  même  h\t.  La  De.  de  Courtaumé  6c  la  De.  An^» 
ne  Huguet  atteflent  que  „  fa  main  affligée  étoit  tellement  fermée  que  les  ongles 
„  commençoient  à  faire  imprefîîon  fur  la  peau.  „ 

„  Sa  main  gauche  paralitique  (dépofent  M"**,  la  Baronne  de  Somme- Vefîe  & 
„  M''*,  de  Villers)  étoit  tellement  fermée  que  îcs  ongles  commençoient  à  entrer 
„  dans  la  peau i  ce  que  nous  avons  remarque  (difent -elles)  lorfque  nous  l'ou- 
,,vrions  avec  effort.  „ 

Ainfi  cette  main  n'étoit  pas  feulement  paralitique,  les  nerfs  en  étoient  retirés 
&  racornis  >  les  mufcles  en  étoient  affaiffés  6c  defléchés. 

Ces  témoins  nous  apprennent  encore  que  le  Iras  6c  la  jambe  gauche . . .  dimi- 
nuoient  infenfihlement  de  grojfetir^  ce  qui  prouve  que  la  paralifîe  avoit  fait  autant 
d'imprefîîon  fur  la  jambe  6c  fur  le  bras  que  fur  la  main. 
Aulfî  le  Pcre  Huart  6c  plufîeurs  autres  témoins  certifient  qu'elle  ne  pouvoit />/<?•= 

D  z  '      ■      ^er 


if  DE'MONSTRATION  DU  MIRACLE 

ytr  Je  genou  gauche ,  ce  qui  fait  encore  connokre  que  les  mufclcs  en  étoicnt  dcfTé- 
chés  ainfi  que  ceux  delà  main. 

Le  dcflechcmcnt  des  muicles  efl:  le  dcmier  degré  de  la  paralifie  complettc,  & 
l'on  voit  que  dès  les  premiers  jours  la  paralille  en  queftion  croit  déjà  pai-venuc  à  ce 
dernier  degré.  Concluons  donc  avec  M.  Souchai,qu'  „  il  cft  de  la  dernière  éviden- 
j,  ce  que  la  paralifie  qui  fuivit  la  troificme  attaque  d'apoplexie  fûtcomplette.  Or 
„  (ajoute-t-il  plus  bas)  ce  n'eft  pas  une  cliofe  doutcule  que  les  paralifies  com- 
plcttcs  ne  foicnt  incurables.  „ 

Il  ne  nous  rcfte  plus  qu'à  prouver  que  ces  membres  réduits  à  un  état  incurable^, 
auflî-bicn  que  l'œil  perdu  depuis  fi  long-tems ,  &  dont  plufieurs  parties  cflenticlles  c- 
toient  détruites ,  ont  été  guéries ,  6c  que  les  parties  détruites  ont  été  régénérées  en  un 
moment  avec  une  perfecîion  qui  m  convient  c[h' aux  miracles ,  commedat  M.  Stapart 
le  Bailli. 

C'eft  ce  que  nous  allons  démcmtrcr  dVne  manière  inconteftable  dans  la  propo- 
fition  fuivante. 

IL     PROPOSITION. 

La  D^.  Sr\v\KT  a  éié  fubitement  6?  parfaitement  guérie  de  toutes  [es  maladies 
fur  le  tombeau  de  M.  Rouffe  le  i6.  Mai  1728. 

LE  Seigneur  n'abandonne  point  ceux  qui  mettent  leur  efpérance  en  lui.  Que 
tous  le  difent  en  adminmt  la  mifcricorde  qu'il  a  Faite  en  faveur  de  fa  Tenante. 

Qu'y  a-t-il  en  effet  de  plus  digne  d'admiration  que  de  voir  difparoitre  en  un 
moment  àe&  maux  démontrés  incurables!  que  de  voir  un  œil  cnfevclï  depuis  plus 
de  dix  ans  fous  les  plus  épaiiïcs  ténèbres,  &  dont  l'attitude  toujours  fixe  &  im- 
mobile ne  faifoit  que  trop  voir  qu'il  avoit  perdu  la  vie,  rcffulciter  tout  àcoupSc 
reprendre  tout  Ton  éclat!  3c  de  voir  danslemémcinftant  des  membres  déjà  à  demi 
dcfféchés  recouvrer  une  force ,  une  agilité ,  &:  une  vigueur  parfaites  ! 

C'eil  ainfi  qu'il  pliit  à  Dieude  couronner  la  foi  de  la  D'.  Stap;ut  enkdélivrant 
tout  à  la  fois  de  tous  Ces  maux. 

Cette  picufe  Dame  fenîant  fans  cefTe  en  elle  -  même  un  principe  de  mort  dont  elle 
avoit  déjà  éprouve  de  fi  terribles  atteintes ,  privée  depuis  long  -  tcms  d'un  œil ,  frapéc 
enfin  par  fa  troifiérae  attaque  d'apoplexie ,  d'une  paralifie  incurable  qui  lui  avoit  ôtc 
l'ufage  de  la  moitié  de  fcs  membres,  ne  traînoit  plus  qu'une  vie  mourante. 

Ses  infirmités  la  rendant  incapable  d'agir,  elle  (c  voyoit  obligée  de  relier  fiins 
ccfTc  d'ans  un  lit  ou  dans  fauteuil,  &  de  p.afl'er  ainfi  les  jours  lauguilîans,  fans 
avoir  aucune  efpérancc  d'être  délivrée  que  parla  mort, du  trille  état  quil'aecabloit. 
Déjà  les  Maîtres  de  l'Art  avoient  inutilement  épuife  fur  elle  tout  ce  que  Icurfi- 
voir  Se  leur  expérience  avoient  pu  leur  apprendre  j  les  remèdes  les  plus  forts,  les 
fbécifiques  les  plus  violcns  n'avoicnt  plus  pour  elle  qu'une  impuifilmcc  totale,  éc  ne 
faifoient  pas  plus  d'effet  dans  fcs  membres  paralitiques  qu'ils  en  feroient  dans  les 
membres  d'un  mort.  Aiifli  fon  Médecin,  fes  Chirurgiens  j  tout  l'abandonne. 

Le  Pcre  Hi:art,  ce  témoin  que  fon  interdiélion  5c  la  perte  de  fa  place,  qui 
ont  été  la  rccompenfe  de  la  gloire  qu'il  a  r-endue  à  Dieu  malgré  fcs  préventions 
préccdrntes ,  rendent  fi  recommandablc  &  fi  digne  de  foi ,  depoie  lui-même  ;  Que 
la  D'.  Stap.irt  fc  voyant  „  dans  ce  trille  état  abandonnée  des  Médecins ,  eût  recours 
„  ûu  Seigneur,  &  quefc  rappcUant  la  mémoire  du  miracle  qu'il  avoit  opéré  en  fa- 
„  veur  d'une  pauvre  fille  de  Marciiil  par l'interceGon  de  M.  Rouffe ,  elle  forma  le 
„  dtflcin  d'alLr  à  Avenai  fur  le  tombcaïU'dc  ccraiutliommcpourlc  prier  d'obtc- 
„  rùr  de  Dieu  la  gucrifon.  „ 
•^'  C'cil 


OPERE'  SUR  LA  D*.  STAPART.  2* 

j  C*eft  fouvent  lorfque  tout  eftdéfefpéré  du  côté  des  reflburces  humaines  que  Dieu 
iparle  plus  fortement  au  cœur. 

La  D^.  Stapart  déclare  qu'elle  mit  alors  toute  fon  efpérance  en  la  bonté  du  Seignenr 
&  en  VtnierceJJion  de  M.  Rouffe  en  qui  elle  avoit  une  vive  foi  £5?  une  grande  confiance , 
fâchant  qu'y/««(?  Âugicr  avoit  déjà  éprouvé  fon  potcvoir  auprès  de  Dieupar  la  guérifon 
^clattante  qu"* elle  avoit  obtenue  fur  fon  tombeau  le  8.  Juillet   ijij. 

Pénétrée  de  ces  fentimens,  elle  forma  la  réfolution  de  fe  faire  fOK^«/r<?  fur  cette 
tombe  falutaire. 

Un  fonge,  que  l'événement  peut  fliire  regarder  comme  furnaturel,  l'affermit  en- 
core dans  ce  deflein.  „  Quelques  jours  avant  la  Pentecôte  (dit  le  P.  Huart)  il  lui  avoit 
„  femblé  pendant  la  nuit  qu'ayant  été  au  tombeau  de  M.  Roufle,  elle  avoit  été 
„  parfaitement  guérie. ...  Si  vous  connoiffiez  (ajoute-il)  cette  Dame  comme  je 
jj  la  connois ,  vous  ne  douteriez  nullement  de  la  fijicérité  de fes  paroles.  „ 

Ce  fonge  de  quelque  nature  qu'il  puifîe  être  fervit  du  moins  à  la  fortifier.  îl 
lui  parût  un  gage  de  fa  future  guérifon  y  &  devint  pour  elle  un  heureux  pronoftic 
qui  lui  fit  une  impreffion  fi  vive,  que  rien  ne  fût  plus  capable  de  la  détourner  de  fon 
entreprife.  En  vain  M.  Stapart  le  Bailly  tâcha- 1- il  des'yoppoferjfes  raifons  qui 
n'avoientqu'unefaufle  apparence  de  lagefie,  firent  fi  peu  d'effet  fin- l'efprit  de  la  D". 
Stapart  que  dès  le  lendemain  elle  fe  difpofa  à  exécuter  fon- deflein. 

Son  premier  foin  fût  de  blanchir  de  plus  en  plus  fon  amc  dans  le  bainfacré  de  la- 
Pénitence.  „  Le  if .  Mai  veille  de  la  Pentecôte  ^ditlePere  Huart)  on  vint  me  prier 
y^.  de  la,  confcfier. . . .  Comme  il  ne  lui  étoit  pas  pcffible  de  fe  mettre  à  genoux ,  ni 
„  même  de  fe  tenir  debout  fans  être  foutenue  par  une  ou  deux  perfonncî,  je  la  fis 
j,  afleoir  &  je  l'entendis.  Elle  ne  me  parla  aucunement  de  fon  deflein;  elle  craignoit 
„  (ajoute-t-il  J  que  je  ne  l'en  détournafl'e ,  &  eftcélivement  je  n'auroispas  manqué 
.„  de  lefaii-e,  de  teispélerinagesctantexpreni'mentdéfenduspar  M.nôtre  Archc- 
„  vêque,  „.  ou  pour  parler  plus  exaélcmentparMM.  fes  Grands -Vicaires. 

Voilà  ce  même  homme  qui  depuis  a  fouffert  avec  joie  perfécutionpourla  jufti- 
ce,  ayant  facrifié  fans  regret  tout  intérêt  humain  pour  atteflcr  le  miracle  que  Dieu 
a  accordéenrécompenfedu  pèlerinage  que  ce  Religieux  trop  fournis  rcprouvoit 
pour  lors.  Mais  il  étoit  de  ces  gens  qui  ne  croient  qu'après  avoir  vu,  &:  qui  juf- 
ques  là  fiiivent  le  penchant  de  leur  cœur  qui  les  porte  à  une  obéifl'ance  aveugle, 
parce  que  c'eft  aujourd'hui  le  feul  moyen  pour  confcrver  la  paix  avec  le  monde, 
&:  l'unique  degré  pour  monter  aux  dignités  éccléfiaftiques.  Difons  mieux-,  le  mo- 
ment où  Dieu  devoit  l'éclairer  par  un  rayon  de  fa  grâce ,  étoit  rcfervé  pour,  cc-lui  oui 
il  verroit  de  fes  yeux  (x  pénitente  tnmsformée  en  une  autre  perfonne.  . 

Auflî  dès  qu'il  eût  vu, une  guérifon  fi  merveilleufe ,  ne  balança- 1- il  plus  j  il 
fentit  aufîî-tôt  qu'im  pareil  miracle  ne  pouvoir  avoir  que  Dieu  pour  Auteur,  & 
qu'ainfi  c'étoit  ic  révolter  ouvertement  contre  lui-même  6:-  cenfurcr  fa  conduite., 
que  de  défendre  aux  fidèles  daller  réclamer  fa  miféricorde  fur  un  tombeau  où  il  lui 
plaifoit  de  faire  écLitter  fa  Toute-puiflance,  de  diftribuer.fcs  fivcurs ,  &:  de  rendre  en 
même  -tems  des  arrêts  parlefquels  ilfaifoitconnoîtreà,fe.senfansque!s  étoientceux 
qui  leur  montroient  la  vérité,.  &  ceux  qui  leui^  prêdioient  l'erreur.  C'étoit  précifé— 
ment  ce  qui  bleffbitMM.  les  Grands- Vicaires;  mais  quelle  témérité  d'oter  s'en  prcn-- 
dre  à  Dieu  même .'  Quelle  folie  de  prétendre  l'empêcher  de  s-'cxpliquer  par  des  mira- 
cles? Quel  aveugle  ment  de  combattre  fes'décifions  à  force  ouverte  !  11  étoit  réfei'vé.à- 
nôtre  fiécle  de  voirde  pareilsexcès.  LesPhai-ifiensofercnt-bienchaflerdc  lafinago- 
gue  ceux  qui  reconnoiflbicnr  publiquement  Jcfus-Chrifl  pour  le  Meflâe,mais  ils  n'ofe— 
rcnt défendre  an  pcuplede  recourir  àluiouàfcs  Apôtres yourobtenir leur guériioHi. 

Le  16.  Mai  1718.  jourdelaPentecôte,  notre paralitiqucfe.fit  conduirea  Avcnai;. 

D"  3j  Gla-uàc- 


;«  DEMONSTRATION   DU  MIRACLE  i 

Claude  Coidelat  speffager  dépofe  que  ^  le  jour  de  la  Pentecôte  (il  a)  aide  à 
„  charger  la  D^.  Stapart  fur  fa  voiture  (qu'il  a)  vue  (dit-il)  affligée  de  paralific  ne  po*- 
„  vant  fe  feirir  de  fon  bras  &  de  fa  jambe  gauche,  &  ayant  perdu  l'œil  gauche.  „ 

,,  Elle  étoit  accompagnée  (dit-elle  elle-même)  de  D;.  Marie  Huguetde  Courtau- 
„  mé,  de  Catherine  Leflart ,  2c  de  Jeanne  Stapart  fa  fille.  „ 

Jean  Gaftin  Se  fa  femme,  chez  qui  elle  fût  dcfcendre  i  Avenai,  déclarent 
qu'ils  ont  „  aidé  avec  le  dit  Cordelat  à  defcendre  de  fa  voiture  ladite  De.  Stapart 
„  qui  ne  pouvoit  fe  fervir  de  fon  bras  6c  de  fa  jambe  gauche.  „  , 

„  Etant  arrivée  à  Avenai  (dit  le  Pcre  Huart)  elle  fe  fit  conduire  à  l'églifc  dc  f 

„  la  paroifTe,  ôc  elle  entra  dans  la  chapelle  où  eft  enterré  M.  RoufTe.  „ 

Ce  monument  fi  rcfpeélable  lui  infpire  encore  une  nouvelle  confiance  j  cepen- 
dant le  Seigneur  diffère  de  lui  accorder  l'accompliiTement  de  fes  voeux  j  il  la  fait 
feulement  puifer  fur  cette  tombe  une  furabondance  de  grâces  &  une  augmentation 
dc  ferveur  pour  la  difpofer  à  la  communion.  „  Le  moment  (dit  le  P.  Huart;  où  Dieu 
„  devoit  faire  fon  miracle  n'étoit  pas  encore  arrivé  j  il  vouloit  éprouver  la  foi  dc 
„  cette  parai  itiquc,  Se  il  falloir  peut-être  que  lui-même  l'augmentât  par  fa  pré- 
„  fcnce,  „  6c  qu'opérant  enfuitc  ce  miracle  loriqu'elle  feroit  retournée  fur  ce 
tombeau,  on  ne  pût  douter  que  ce  neffltlui  qui  en  fût  l'auteur ,  par  l'interceflioa 
de  celui  dont  il  vouloit  manifeftcr  la  gloire. 

„  Pendant  qu'elle  étoit  encore  dans  la  chapelle  (continue  le  Père  Huart)  elle 
„  pria  une  D"'.  qui  l'avoit  accompagnée  ,  d'aller  chez  le  Vicaire  pour  l'engager  à  vc- 
,,  nir  les  communier  toutes  les  deux  :  il  le  refufa.  Elle  revint  fort  trille  à  la  cha- 
),  pelle  où  M"'.  Stapart  étoit  encore  en  prières,  lui  (dire)  qu'il  étoit  inutile  d'atten- 
„  dre  plus  long-tems,  &  qu'on  ne  vouloit  pas  les  communier  dans  cette  églife.  „ 
La  D:.  Stapart  6c  fcs  trois  compagnes  atteflent  le  même  fait. 
C'cft  ainfi  que  l'cfprit  de  fchifmc  s'introduit  par  tout  au  vu  6c  aufûdesfupé- 
ricurs  majeurs,  6c  même  des  Puiïïances  qui  femblcnt  l'autorifer  en  quelque  forte 
par  leur  inaêtion  à  punir  des  excès  fi  crians. 

Mais  que  dis- je  ?  des  démarches  fi  fcandaleufes  loin  d'être  reprimées,  font  dans 
ce  tems  de  fcduélion  des  coups  de  maître,  qui  fouvcnt  fuppléent  à  tout  mérite, 
&  qui  élèvent  quelquefois  aux  plus  grandes  dignités  dcT Eglife.  Le  Vicaire  n'eût 
jamais  ofé  traitter  fi  indignement  des  perfonnes  dedillinétion  dans  une  petite  Ville, 
s'il  n'eût  été  affuré  d'être  autorifé  .6c  même  applaudi  dans  fa  conduite  par  ceux 
qui  font  en  place. 

Ce  refus  fi  outrageant  obligea  la  D*".  Stapart  8c  fa  compagne  d'aller  chercher 
ailleurs  le  pain  cclellc  qu'on  leur  refufoit.  „  Elles  réfolurcnt  i^dk  le  Pcre  Huart) 
„  d'aller  dans  (l'églife)  des  Religieufcs. . .  On  y  traîna  nôtre  paralitique  ,  „  qui 
y  arriva  prccifément  dans  le  moment  que  les  Religieufes  v-enoient  de  communier, 
&  que  leur  chapelain  n'étoit  pas  encore  remonte  a  l'autel.  La D*-".  Stapart  ,,trou- 
„  vant  l'occafion  favorable  crût  devoir  en  profiter,  (continue  le  Pcre  Huart) 
„  8c  reçut  la  communion  avant  d'avoir  entendu  la  faintcMclfc,  dc  crainte  que 
„  le  Vicaire  ne  vînt  empêcher  qu'on  la  lui  donnât.  „ 

O  tems  de  larmes  6c  de  gémiMcmens  où  les  entans  de  Dieu  les  plus  fidèles  font 
traittés  dansicfein  de  l'Eglifccommedcspaycns  6c  dcspublicains,  6c  cnpiuficurs 
Dioccfcs  ne  peuvent  recevoir  le  Sacrement  de  nos  Autels  que  comme  àladcrobcc 
&  par  furpiile,  tandis  qu'on  ne  ccfTe  de  le  profaner  en  lo  livrant  fans  difccmement 
à  ceux  qui  fouillent  publiquement  tous  les  jours  p.ar  une  vie  criminelle  l'augullc  ca- 
ractère de  Chrétien  ! 

O  tems  déplorable  où  la  plupart  des  Mifiîons  n'ont  fouvcnt  avec  tout  leur  éclat  8c 
Jcs  indulgences  que  quelques  Evcques  prodiguent  fi  libéralement,  n'ont,  dis-jc, 

pic»- 


OPE'RE'  SUR   LA    De.  STAPART.  ^r 

isrefquc  d'autre  cfFet  que  de  multiplier  les  facriléges,  en  pourtant  indifcrctcmcnt  à  la 
feinte  table  les  pécheurs  les  plus  invétérés  fans  leur  donner  le  tems  de  s'éprouver  eux- 
mêmes  ,  &  de  reconnoître  par  leurs  œuvres  quelles  font  leurs  véritables  difpofitiom  ! 

O  que  les  jugemens  de  Dieu  font  differens  de  ceux  des  hommes  !  Tandis  qu'il 
regarde  avec  indignation,  ôc  les  minirtres  qui  forcent  en  quelque  forte  des  pécheurs 
impénitens  à  recevoir  le  Saint  des  fiintsdans  leur confcience impure,  Scces  mal- 
heureux qui  fe  laiflent  ainfi  entraîner  dans  l'abîme:  en  même -tems  il  regarde  avec 
complaifance  ceux  à  qui  on  refufe  la  manne  divine  en  haine  des  vérités  dont  ils 
font  profefîîoni  il  les  communie  lui-même,  il  vient  habiter  dans  leurs  cœurs, 
&  y  répand  avec  profufion  une  furabcndance  de  grâces.  Qu'ils  le  lifent ,  qu'ils 
l'entendent  avec  joie  ces  petits  enf.ms  de  la  grâce  qu'on  veutaftoiblir  en  leurre- 
fufant  le  pain  de  vie.  O  vous  qui  fuivez  la  vérité  ,  &  qu'on  traite  à  caufe  d'elle 
de  Samaritains  ainfi  que  l'a  été  vôtre  divin  Maître!  loin  de  gémir  d'une  privation 
11  dure  &  d'un  traittement  fi  injurieux  ,  faites  réflexion  qu'en  vous  privant  du  Sa- 
crement des  faints ,  on  vous  fait  en  même  -  tems  communier  aux  humiliations  de 
vôtre  Dieu  :  ne  craignez  pas  que  les  hommes  puiflcnt  arrêter  les  grâces  qu'il  a 
réfolu  de  vous  faire  j  leurs  paflîons  ne  lui  fervent  pas  de  régie  >  il  a  promis  de 
vous  rendre  au  centuple  tout  ce  que  vous  quitterez  pour  lui,  Se  ce  que  les  hom- 
mes vous  refufcront  injuflement  ;  il  vous  récompenfera  avec  une  libéralité  divine 
de  tous  les  opprobres  que  vous  fouffrirez  pour  fa  caufe.  Songez  que  c'eft  fur  tout 
à  ceux  qui  foufFriront  pour  la  juftice  que  le  Royaume  du  ciel  eft  promis.  Qiic 
rien  ne  foit  donc  capable  de  vous  détacher  de  la  vérité,  dût -on  vous  refuler 
les  Sacremens  à  la  mort ,  6c  vôtre  récorapenfe  fera  certaine. 

Voici  ce  que  vous  a  promis  vôtre  Maître ,  vôtre  Sauveur  6c  vôtre  Dieu ,  qui 
en  parlant  à^  fes  difciples  a  parlé  aux  fidèles  de  tous  les  fiécles  Ils  vous  chajferant  J""  "vj. 
des  Jinagogues  :  (^  vous  ferez  haïs  de  tout  le  monde  à  caufe  de  mon  nom;  mais  celui  qui  i^'f  *"'* 
perfévérera  jufqu''à  la  fin  fera  fauve. 

Dieu  n'avoit  permis  le  procédé  fchifmatique  du  Vicaire  que  pour  en  tirer  fa 
gloire,  ôc  multiplier  les  admirateurs  de  fes  œuvres  en  expofant  les  infirmités  de 
la  D^  Stapart  aux  yeux  de  ceux  qui  la  virent  traîner  d'une  églife  à  l'autre ,  ôcfur 
tout  des  Religieufes  dont  „  la  grille  (dit  le  Père  Huart)  étoit  (encore)  ouverte 
),  (lorfque  la  D^.  Stapart  reçut  la  communion  ;  en  foite  que  toutes)  les  Religieufes 
ff  avec  l'Abbefle  furent  témoins  qu'elle  reçût  le  corps  de  Nôtre-Seigneur  debout 
3,  foutenue  par  une  perfonne  ,  tandis  qu'une  autre  tenoit  devant  elle  la  nape  de 
3,  la  communion.  Après  avoir  entendu  la  Méfie  6c  fait  fon  aétion  de  grâces  (con- 
j,  tinue  le  P.  Huart)  elle  fe  fit  reconduire  à  l'auberge,  (Une  de  lés  compagnes  lui 
^  dit)  que  quand  elle  n'obtiendroit  pas  de  Dieu  la  guérifon  de  fa  maladie  ,  il  ne 
„  faudroit  par  pour  cela  manquer  de  confiance  en  l'intercefllon  de  M.  Roufle. 
„  (Cette  reflexion  fi  fage  donna  lieu  à  nôtre  paralitiquedefaire  connoîtreledé- 
„  gré  de  foi  dont  elle  étoit  animée.)  Non,  lui  repondit-elle ,  quand  bien  même  on 
„  me  reconduiroit  à  Epernai  dans  l'état  où  je  fuis ,  je  n'en  croirois  pas  moins  fer- 
„  mement  que  Dieu  peut  me  guérir  par  foii  moyen.  Je  fuis  même  perfuadée  qu'il 
3,  me  guérira,  6c  j'ai  un  defir  ardent  d'aller  encore  une  fois  fur  le  tombeau  de  fon 
3j  ferviteur.  ,^ 

Tel  fût  le  fruit  de  fa  communion:  tel  eft  l'ordre  des  dons  de  Dieu  j  l'un  nous 
difpofe  à  recevoir  l'autre  ,  6c  en  devient  comme  un  gage  infaillible. 

Avant  que  de  lui  accorder  la  guérifon  qu'elle  demande.  Dieu  commence  par  lui 
donner  une  foi  parfiiite,  une  foi  humble  &  foumife,  6c  qui  en  même -tems  n'hé- 
fitepoint ,  6c  bannit  du  cœur  toute  timidité  6c  toute  défiance.  Dût-elle  s'en  retour- 
ner aiiffi  infirme  qu'elle  ell  venue,  elle  n'attribueroit  qu'à  fon  indignité  le  refus 

ëc 


it  DEMONSTRATION   DU  MIRACLE 

de  11  grâce  qu'elle  demande,  8c  elle  n'en  feroit  pas  moins  convaincue  du  crédit  de 
M.  Rouflc  auprès  de  Dieu.  En  mcmc-tenis  les  délais  que  ce  Dieu  de  bonté  lui  fait 
fouflrir ,  &  les  mauvais  traittemcns  des  hommes  ne  diminuent  rien  de  l'a  confiance. 
Malgré  toutes  les  épreuves  qu'elle  efluie,  clic  n'en  elt  pas  moins perfuadée  que  Dieu 
la  guérira  par  l'interceflion  de  fon  fervitetir ,  &  elle  fent  un  dejir  ardent  de  le  faire 
conduire  encore  urm  fois  fur  fon  tombeau. 

L'ennemi  du  genre  humain  s'effraye  de  pkis  en  plus  à  la  vue  d'une  foi  fi  vive 
5c  fi  parfaite.  Aétif  &  vigilant  il  n'oublie  rien  pour  fe  parer  de  l'affront  qu'il 
craint  de  recevoir  :  il  connoit  la  vertu  qu'il  plait  à  Dieu  de  donner  au  tombeau 
de  M.  Rouffe.  Le  ferpcnt  infernal  en  a  dejavû  les  effets  mer\xilleux  :  &;  appercc- 
vantdans  la  De.  Stapart  la  foi  qui  obtient  les  miracles,  il  en  appréhende  Icfuccés. 
11  le  rafiurc  cependant  en  fongeant  que  ce  facré  monument  eft  au  pouvoir  du  Philiffin  , 
à  qui  il  met  bien  dans  le  cœur  d'empêcher  qu'lfraël  ne  puiffe  davantage  en  approcher. 

En  effet  Jean  GalHn  dcpofe  que  la  De.  Stapart  ayant  „  defiré  qu'on  laconduifit 
„  f  une  féconde  fois]  fur  le  tombeau  de  M.  Rouffe  [il  fût]  chercher  la  clef  delà  cha- 
„  pelle  chez  le  Clerc  de  l'églifc  qui  la  lui  refufa  ;  ce  qui  obligea  M.  Stapart  à  dire, 
„  que  puifqu'clle  ne  pouvoit  être  conduite  fur  ce  tombeau,  que  du  moins  clleau- 
„  roit  la  confolation  de  faire  fa  prière  à  la  porte  de  la  chapelle ,  oii  elle  fut  conduite 
„  par  Me.  de  Courtaumc  &  par  une  autre  fille  qui  la  foutcnoit.  „ 

Ces  deux  perfonnes  cependant  font  en  vain  tous  leurs  efforts  pour  ouvrir  cette  cha- 
pelle. Dieu  relie  pend.uit  quelques  momcns  comme  ipcctatcur  du  combat}  la  pieté 
de  fes  fervantcs  d'une  part  &  la  malice  du  Démon  de  l'autre  font  l'objet  de  fon  atten- 
tion ;  mais  ilvabientôt  humilier  2c  confondre.refpritpervers. C'eût  été  lui  faire  trop 
d'honneur  que  d'employer  la  puiffanccde  fon  bras  pour  brifcrles  barrières  que  cet 
ennemi  de  tout  bien  oppofc  à  l'ardente  foi  de  nôtre  paralitique  ;  il  vcutié  fcrvir 
de  la  foibleffcmême  d'un  jeune  enfant  comme  d'un  autre  David  pour  abattre  Go- 
liath 6c  rendre  toutes  fcs  ruies  inutiles  6c  fans  fruit. 

'  Dans  le  tcms  que  les  compagnes  de  la  D-'.  Stapart  „  cherchoicnt  les  moyens 
„  d'ouvrir  cette  chapelle  (comme  elles  le  déclarent  elles-mêmes;  un  petit  garçon 
„  fe  préfcnta  qui  le  leur  apprit  £c  elles  conduifirent  aulîi-tot  la  malade  fur  Ictcm- 
„  beau  de  M.  Rouffe.  „ 

"Voilà  doncnôtrc  infirme  triomphante  ;  plus  ellca  trouve  d'obftacles,  plus  la  joie 
de  les  avoir  furmontés  eff  vive  6c  fcnfiblc. 

La  paralitique  ,  dit  le  Père  Huart,  entra  toute  joyeufe  àms  cette  chapelle. 

Quelle  confolation  en  effet  pour  elle!  Elle  regarde  cette  précieufe  tombe  com- 
me une  autre  fontaine  de  Siloc  qui  va  la  délivrer  dans  un  moment  de  toutes  fcs 
infirmités  ,  6c  lui  rendre  une  fanté  parfaite.  L'ardeur  de  fa  foi  p.iffedaui fes  priè- 
res, 8c  les  rend  d'une  ferveur  extrême. 

Cependant  l'ennemi  qui  prévoit  fa  défaite  entre  en  fureur  6c  redouble  Ces  ef- 
forts. Il  envoie  au  plus  vite  le  maître  d'école  chaffer  nôtre  infirme  de  ce  lieu  de 
bénédiftion ,  6c  tirer  vmgeance  de  l'enfant  qui  par  fon  innocent  artifice  a  rcn- 
verfé  tous  les  fiens.  „  A  peine  la  paralitique  (dit  le  P.  Huart)  avoit-elle  commen- 
„  ce  fa  prière  que  le  maître  d'école  ayant  appris  qu'on  avoit  ouvert  la  chapelle,  ac- 
„  courut  comme  un  furieux  pour  en  challerceux  qui  y  étoicnt,  6c  commença  à 
„  fraper  l'enfant    qui  en  avoit  facilité  l'ouverture.  „ 

La  malade  toute  tremblante  fe  hâte  par  fes  foupirs,  fes  gémiffemcns  5c  fcs  lar- 
mcsd'obtcnir  auplus  vite  fa  guérifon, avant  que  d'être  chaffec  delà fainte  pifcine 
dont  l'Ange  vient  de  troubler  l'eau.  Ses  fer\  entes  prières  ne  furent  point  inutiles. 
Ce  fut  dam  ce  moment  ^  continue  le  Perc  Huart,  y«f  le  miracle  j'ij/mi.  Le  ciel  s'ou- 
vre, le  S.  Efprit  avec  fes  dons  dcfccnd  fur  cette  tombe  pour  taureau  jour  de  cette 

nou- 


5> 

55 


OPE'RE'SUR  LA  D^  STAPART.  jl 

nouvelle  Pentecôte  un  de  ces  éckttans  prodiges  qui  dans  les  premiers  tems  établi- 
rent la  foi  par  toute  la  terre. 
„  La  D.  Stapart  (continue  encore  le  Père  Huart)  fût  faille  tout  d'un  coup  d'un 
tremblement  univerfcl  dans  tous  fes  membres,  &  s'apperçût  qu'il  le  pafloitau 
dedans  d'elle  quelque  chofe  d'extraordinaire.  En  même-temselle  fcntit  dans  les 
jointures  des  doigts  de  fi  main  paralitique  une  légère  douleur,  6c  cette  main  qui 
depuis  le  7.  Avril  ctoit  demeurée  fermée ,  s'ouvrit  à  l'inllant ,  6c  elle  la  joignit  à 
lauroite  :  une  pareille  douleur  fe fit  fentir  dans  la  jambe  gauche,  Se  ayant  cllayé 
„  de  ployer  le  genou  ,  elle  en  vint  à  bout&  pria  la  larme  à  l'œil  la  pcrfonncqui  la 
„  foutenoit  de  la  quitter.  Le  miracle  ne  fe  borna  pas  là  ;  Dieu  après  avoir  rendu  le 
j,  mouvement  à  fon  bras  &  à  fi  jambe  paralitiques ,  voulut  encore  lui  rendre  l'ufa- 
„  ge  de  l'œil  qu'elle  avoit  perdu  depuis  fi  long- tems.  „ 

Mais  écoutons  la  miraculée  elle-même  nous  rendre  compte  du  torrent  de  béne- 
diétions  qu'il  plût  au  Seigneur  de  verfer  iur  elle. 

„  A  peine  (dit-elle  avec  fon  mari)  fût-elle  pofée  furie  tombeau  de  M .  Rouf- 
fe,  [£c  eût-elle]  fait  une  prière  à  la  hâte,  pendant  que  le  clerc  de  l'Eglife  fra- 
poit  l'enfant  qui  avoit  facilité  l'ouverture  de  la  porte  de  la  chapelle ,  qu'elle  fcn- 
tit un  tremblement  univerfel  dans  tous  fes  membres ,  une  légère  douleur  dans  les 
jointures  de  la  main  &  de  la  jambe,  &une  douleur  plus  violente  dans  les  muf- 
cles  de  l'œil  ,&  qu'elle  s'apperçût  aufTi-tôt  qu'elle  avoit  le  mouvement  libre  d;m$ 
„  les  parties  affligées,  même  que  l'œil  paralitique  dès  1717.  avoit  entièrement  re- 
,,  couvre  la  lumière,  &  qu'elle  fe  trouvoit  en  état  de  revenir  à  pied  fansfecours.  „ 
Rapportons  encore  le  témoignage  des  D"".  Huguet  de  Courtaumé,  Catherine 
Leilart  5c  Jeanne  Stapart  qui  étoicnt  avec  la  miraculée  dans  la  chapelle. 
„  Pendant  que  le  clerc  de  l'églife  [difent-ellcs]  frapoit  l'enfant  qui  avoit  facilite 
,^  l'ouverture  de  la  chapelle  j  la  paralitique  fcntit  un  tremblement  violent  quidon- 
„  noit  de  la  peine  aux  comparantes  pour  la  foutenir  :  elles  s'apperçurent  qu'elle 
„  ouvroit  avec  focilité  la  main  paralitique  qui  étoit  toujours  fermée  fans  pou- 
„  voir  l'ouvrir,  êc  qu'elle  ployoit  aifément  le  genou  malade,  Se  enfuite  elle  leur 
„  dit  qu'elle  voyoit  parfaitement  clair  de  l'œil  gauche  paralitique  dès  1717. 

Mais  non  feulement  le  Seigneur  la  délivra  en  un  inltant  de  toutes  fes  maladies , 
il  en  détruifit  en  même  tems  la  caufe  Se  en  diilipa  tous  les  effets. 

Lesfieur  Se  D?.  Stapart  déclarent ,  „  Qiie  depuis  l'attaque  de  1717.  il  lui  étoit 
„  relié  fans  difcontinuation  une  grande  douleur  de  tête  Se  une  enflure  furies  jam- 
„  bes.  Se  que  tous  les  remèdes  qu'on  lui  a  fait  n'ont  pu  enlever  ce  levain  de  la  ma- 
„  ladie  }  mais  que  dès  que  le  miracle  s'eil  fait,  l'enflure  furies  jambes  6c  la  douleur 
5,  de  tête  fe  font  diflîpés  en  un  moment.  „ 

C'eft  ainfi ,  ô  mon  Dieu  !  que  vous  prodiguez  vos  faveurs  à  ceux  qui  mettent 
en  vous  toute  leur  confiance  &;que  rien  ne  peut  détacher  de  vôtre  vérité.  Vous  les 
répandez  à  pleines  mains  furcette  humble  icrvante  dont  la  foi  inébranlable  rend 
témoignage  à  la  fainteté  d'un  de  vos  Appellans.  Vous  la  faites  pafler  tout  d'un 
coup  des  maladies  les  plus  incurables  à  la  fimté  la  plus  parfaite.  La  nature  entre  vos 
mains  cftune  cire  molle  ,Sc  une  argile  obéifl-mte  qui  reçoit  toutes  les  empreintes 
que  vous  voulez  lui  donner  :  vous  commandez  à  ce  qui  n'eft  pas ,  &  vôtre  com- 
mandement le  fait  naître.  Quel  prodige  !  Qiielle  admn-able  métamorphofe  !  Un 
bras  Se  une  jambe  privés  de  vie  par  une  parahliecomplctte  reprennent  en  un  inftant 
toute  leur  force  !  On  voit  ce  bras ,  qui  ayant  perdu  tout  mouvement  pendoit  triile- 
ment  vers  la  terre,  fe  porter  avec  rapidité  vers  le  ciel  !  On  voit  cette  main  qui  étoit 
continuellement  forcée  de  relier  repliée  dans  cllc-mcmc  ,  6c  dont  les  nerfs  étoient 
retirés  Scies  mufcles  atrophiés,  avoir  autant  d'agilité  que  fi  les  nerf  6c  fes  muf- 
^ //.  Deinonjl.  T'orne  I L  ^  __  E  clcî 


55 


^4  DEMONSTRATION  DU  MIRACLE 

des  euflent  toû  jours  confen'c  leur  intégrité  !  Ce  genou,  dont  Icsmufcles  &  les  ten- 
dons applatis  &  dcHcchcs  ctoicnt  devenus  inflexibles,  acquiert  de  nouveau  le 
mouvement!  On  voit  cet  œil  éteint  depuis  fi  long-tems:  cet  œil  cloué  fous  une 
paupière  auflî  immobile  que  lui:  cet  œil  dont  la  rétine  n'exiftoitplus ,  6c  dont  le 
nerf- optique ,  Se  tous  les  autres  nerfs ,  s'il  en  reftoit  encore  quelque  débris,  n'é- 
toient  plus  que  des  filets  fecs  fie  racornis,  ayant  été  dcllitués  pendant  dix  ans  de  la 
limphe  fubtilc  qui  leur  donne  la  nourriture  &  la  vie,  &  n'ayant  plus  de  porcs  ni 
d'ouvertures  pour  la  recevoir  :  on  voit,  dis-je,  cet  œil  recouvrer  tout  àcouplalu- 
micre,  le  mouvement  fie  le  fentiment  ;  Se  par  conféquent  avoir  acquis  les  conduits 
&  les  organes  qui  avoient  été  deflcchés ,  effacés  fic  détruits  ! 

Dans  le  même  moment  ces  humeurs  corrompues,  qui  depuis  tant  d'années 
croupifloicnt  dans  ces  jambes  appcfanties,  fe  diflîpcnt,  s'évaporent  fic  difparoif- 
fcnt  !  Tous  les  principes  fic  les  effets  de  la  première  attaque  d'apoplexie, ces  dé-- 
pots ,  ces  oblbuélions,  qui  caufoient  une  douleur  continuelle  depuis  fi  long-tems 
dans  cette  tétc  cmbarrafice  ,  font  tout  à  coup  anéimtis  !  Dieu  parle,  fic  tout  ce  qui 


entière,  la  fanté  la  plus  complette  prend  la  place  dcl'incurabilité 

„  Le  maître  d'école  (dit  le  Pcre  Huart)étoit  préfcnt ,  fic  tout  hors  de  lui-même 
„  il  ne  favoit  s'il  devoit  croire  ce  qu'il  voyoit  de  fcsyeux.  „ 

Cependant  ce  prodige  lui  caufc  de  Pétonncment  fic  lui  donne  de  la  crainte  :  fon 
vifage  où  la  fiircur  eft  encore  peinte,  paroît  en  mémc-tcms  faifi  de  frayeur  fic 
d'effroi.  Venez,  \u\  dit  une  des  D^"".  qui  accompagnoient  la  D-\  Stapart ,  venez  , 
incrédule  :  lenez  voir  le  miracle  que  Dieu  a  opéré  par  foi  fervitenr. 

Cette  voix  eft  pour  lui  une  voix  de  tonnerre  qui  achevé  de  leterraflcr.  La  pré- 
fence  de  la  Divinité  imprimée  par  des  traits  fi  lumineux  fur  ces  membres  fubite- 
ment  réparés,  lui  reproche  le  crime  que  fon  aveuglement  ^(-x  fureur  viennent  de 
lui  faire  commettre.  Il  ne  voit  en  ce  Dieu  qui  répimdfes  bienfaits  afcs  yeux,  qu'- 
un Dieu  terrible  dont  il  redoute  la  colère.  Il  craint  que  la  terre  ne  s'entr'ouvre  6c 
ne  rcngloutiflc  comme  un  autre  Coré.  La  place  n'cft  plus  tenable  pour  lui  Ilfe  reti- 
re ,  dit  le  Père  Huart ,  to:tf  couvert  de  confufton. 

C'cft  ainfi ,  ô  mon  Dieu  !  que  dans  le  tems  que  vous  inondez  le  cœur  de  vos 
enfans  des  confolations  les  plus  fenfiblcs,  les  ennemis  delà  vérité  font  dans  la  con- 
fufion  fic  le  trouble.  L^i  feul  de  vos  regards  fuflît  pour  faire  trouver  à  vos  élus  plus 
de  bonheur  à  vous  fer\ir,  qu'à  joiiir  de  tous  les  vains  plaifirs  de  la  terre.  Vous 
paroiflczfic  vous  les  rcmplilTc/,  de  joie,  en  méme-temsque  vôtre  préfencc  ne  don- 
ne que  des  inquiétudes  fie  des  allarmes  à  ceux  qui  combattent  vos  dccifions. 

Tandis  qucle  maître  d'école  fefxuvc  tout  cftVayé  ,  la  miraculée  reffent  au  con-- 
traire  des  tranfports  d'une  joie  inexprimable  :  fon  cœur  pénétré  de  la  plus  vive  rccon- 
noiflance  s'abîme  tout  en  Dieu  :  ellearrofc  le  précieux  monument  de  mille  fic  mil- 
le larmes  que  l'amour  ic  la  tendrcffe  tirent  en  abondance  de  fcs  yeux  :  elle  fait  à 
Dieu  un  hommage  entier  del'ufagedcs  membres  qu'il  vient  de  lui  rendre:  elle  ne 
veut  plus  vivre  que  pour  fli  gloire ,  fie  pour  publier  fes  bienfaits. 

„  Opcndant  (dit  le  Pcre  Huart)  le  bruit  de  cette  guérifon  s'étant  rcp.andu  ,  on 
accourût  de  tout  le  Bourg  dans  l'églife.  C'étoit  un  Ipcftaclc  bien  touchant  de  voir 
les  uns  verfer  des  larmes  de  joie,  d'entendre  les  autres  crier  miracle ,  fie  tous 
rendre  grâces  à  Dieu  de  la  guérifon  de  la  D.\  Stapart.  „ 
„  Etant  arrivé  à  la  paroilTc  (dit  Claude  Cordelat)  je  vis  M""'*.  Stapart  guérie 
de  fcs  infirmités ,  cntourrcc  de  beaucoup  de  monde  qui  rcndoit  grâces  à  Dieu 

V.  du 


OPERE'   SUR  LA   D^    STAPART.  ?f 

^,,  du  miracle  qu'il  venoit  d'opérer  par  l'intcrceflioii  de   M.    RoufTe.  „ 

„  Le  bruit  s'étant  répandu  dans  le  Bourg  (dépofcnt  Jean  Gaftin  &  fii  femme) 
•j,  qu'il  venoit  de  fe  faire  un  miracle  furie  tombeau  de  M.  RouiTe  ;  nous  courûmes 
„  à  réglife  ,oîinous  trouvâmes  M"*"^.  Stapart  à  genoux  fur  le  tombeau  qui  remer- 
■„  cioit  le  Seigncui-  de  la  grâce  extraordinaire  qu'il  venoit  de  lui  accorder  par  l'in- 
5,  tercellion  de  M.  Roufîc.  Je  chantai  le  Te  Deum  (dit  le  mari)  avec  quelques 
„  perfonnesqui  étoient   accourues.  „ 

Ainfi  le  peuple  s'emprefle  de  rendre  gloire  à  Dieu  comme  il  f.iiioit  au  tems  de  J.  C. 
Il  ouvre  avec  plaifirfon  cœur  à  l'admiration,  à  la  joie  ,  à  la  reconnoiflance  :  toute 
réglife  retentit  de  fcs  chants  d'allegrefle  ,  tandis  que  les  JéluitesSc  autres  Prêtres 
Conftitutionnaircs,  loin  de  prendre  part  z  cette  bcnédiélion  commune,  s'irritoient 
-contre  la  lumière  qui  venoit  malgré  eux  les  éclairer  :  ils  fe  cachoient  dans  le  fond 
de  leurs  maifons  pour  ne  pas  laifTer  appercevoir  leur  dépit  6c  leur  confufion. 

Cependant  l'heure  de  Vêpres  étant  venue  ,  la  Iblemnité  du  jour  les  force  de  quit- 
ter leur  retraite  &  de  venir  mêler  leurs  chants  à  ceux  du  peuple;  mais  dans  le  tems 
que  les  prêtres  confternés  de  ce  qui  fiit  la  joie  publique  entonnent  trillement  le 
Magnificat  ^  la  miraculée  &  tous  les  fidèles  difent  au  fond  de  leurs  cœurs  avec 
elle  6c  pour  elle  :  Mon  ame  glorifie  le  Seigneur ,  (^  mon  efprit  treJfaïUe  de  joie  en  Dieu 
mon  Sauveur  ^  parce  qu'il  a  regardé  la  hajfejfe  ^  la  mifére  de  fa  fermante  ,  y  que  le 
l'ont -puiffant  a  fait  en  moi  de  grandes  chofes. . . .  il  a  déployé  la  force  de  [on  bras  :  il  a 
confondu  les  fuperbes  en  dijfipant  leurs  dejfcins. 

„  Après  Vêpres  (difent  Jean  GalHnéc  la  femme)  elle  fortit  de  l'églifc  à  pied 
,,  fins  aucune  aide,  accompagnée  du  peuple  qui  la  conduifit  jufqu'à  nôtre  mai- 
„  Ion,  étonné  de  lagucrifon  fubitedela  De.  Stapart,  qu'il  avoitvûc  auparavant 
„  Ç\  infirme  qu'on  avoit  de  la  peine  à  la  traîner.  ,, 

Qiielle  diftîjrence  en  effet  entre  fon  entrée  à  l'églife  6c  fa  fortie  !  L'infirm.ité  la 
plus  accablante  l'y  conduit  :  elle  ne  peut  faire  un  pas  que  par  un  fecours  étran- 
ger :  la  moitié  de  l'on  corps  accable  l'autre  :  tout  fon  coté  gauche  n'eft  qu'une 
mafie  immobile  ,  qui  loin  de  pouvoir  la  foutenir  ,  l'entraine  fins  cefic  vers  k 
terre  :  elle  épuife  bientôt  les  forces  des  perfonncs  qui  la  traînent  6c  qui  fupportent  le 
poids  de  fes  membres  paralitiqucs  :  fon  œil  immobile  Se  terni  annonce  à  tous  ceux 
qui  la  voient,  que  tout  fon  côté  gauche  n'a  preique  plus  de  paît  à  la  vie. 

Mais  au  retour  du  tombeau  ce  n'eft  plus  la  même  perfonne.  ,,  Elle  fortit  facile- 
,,  ment  à  pied  (dit  Claude  Cordelat)  accompagnée  du  peuple  qui  la  fuivit  juf- 
„  qu'à  la  maifonoii  elle  étoit  defcendue....  Elle  paffe  au  travers  de  tout  le  peuple 
,,  (dit  le  P.  Huart)  marchant  feule  d'un  pas  ferme  6c  afiuré.  „  La  vigueur  Se  l'agilité 
ont  fuccédé  tout  à  coup  à  la  plus  extrême  foibleffe  6c  à  l'impuifllince  la  plus  entière. 
Tout  le  peuple  pénétré  d'admiration  à  la  vue  d'un  fi  grand  miracle  la  fuit  en  foule, 
en  béniffant  le  Seigneur  d'avoir  encore  manifefté  par  un  fi  éclattant  prodige  la  (îiinte- 
té.deM.Roufle  :  il  s'indigne  desanathêmes  prononcés  contre  ceux  qui  viendroient 
fur  fon  tombeau  reclamer  fon  intercefiîon  :  il  voit  avec  évidence  que  ces  téméraires 
cenfures,  loin  d'être  ratifiées  dans  le  ciel ,  y  font  formellement  condamnées. 

„  A  peine  lad.  Dame  (difentjean  Gaftin  8c  fa  femme}  fut-elle  entrée  à  la  maifon 
5,  qu'il  y  fun'int  le  fieurSarot,  le  fieur  Merlin  6c  plufieurs  perfonncs.  Le  ficur  Sa- 
5,  rot ,  qui  avoit  appris  que  la  D  \  Stapart ,  outre  fon  bras  S:  Çx  jambe  gauche  parali- 
5,  tiques  dont  il  voyoit  qu'elle  étoit  parfaitement  guérie,  avoit  aufiî  perdu  l'œil  gau- 
„  che  plufieurs  années  auparavant  ;  pour  éprouver  "^i  la  guériion s'étoit  étendue  juf- 
jj  qu'au  recouvrement  de  l'œil,  prit  un  livre  où  il  y  avoit  au  deflus  du  titre  deux 
,)  ou  trois  lignes  d'écriture  non  imprimée,  6c  après  lui  avoirfermé  l'œil  droit.  Me. 
5,  Stapart  lut  hautement  de  fon  œil  gauche  les  deux  lignes  d'écriture  en  préfencc  de 

E  z  „  l'iis- 


^S  DEMONSTRATION    DU    MIRACLE 

„  l'aflTemblée  >  ce  qui  confirma  que  fagucrifon  ctoit  parfaite  &;  le  miracle  évident.  ,j 
„  Un  des  principaux  du  lieu  (dit  le  Père  Huarty  dreffii  lors  une  efpécc  depro- 
„  ces-verbal  de  ce  qui  s'ctoit  paHe.  „ 

Il  eft  vrai  que  je  n'ai  pu  avoir  ce  procès-verbal  ;  mais  fi  l'autorité  de  ceux  qui 
combattent  les  miracles  a  trouvé  moyen  de  le  fupprimcr,  elle  n'a  pu  empêcher 
les  particuliers  derendrc  témoignage  à  la  vérité,  ni  même  38.  Curés  tant  Ap- 
pcUans  que  Conftitutionnaircs  d'attcfter  ce  miracle  parla  démarche  laplusgéné- 
rcufe ,  la  plus  éclattantc  &  la  plus  autentique  ;  ayant  déclaré  dans  leur  requête 
qu'il  étoit  coi/lantècque  MM.  les  Grands- Vicaires  l'avoient  appris  eux-mêmes  $ 
Qiie  la  De.  Stapart  „  ctoit  paralitiquc,  qu'elle  avoitun  œil  dont  clic  ne  voyoit 
,,  plus  abfolument  depuis  dix  ans ,  &  qu'elle  a  été  partaitement  guérie  de  cette 
„  double  incommodité  le  jour  de  la  Pentecôte  fur  le  tombeau  de  M.  RoulTe,  „ 

Cependant  la  miraculée  prefTée  du  defir  d'annoncer  une  Ci  hcureufc  nouvelle 
à  fon  mari ,  à  fa  famille  6c  a  toute  la  Ville  d'Epernai ,  partit  auflî-tôt  que  le  pro- 
ecs-vcrbal  dont  on  vient  de  parler  eût  été  drcflc.  „  nous  partîmes  peu  de  teras 
„  après  (drt  le  voiturier)  &  approchant  d'Epernai  U  D-.  Stapart  defcendit  de 
„  la  voiture  &  entra  dans  la  Ville  à  pied  lans  aucun  fecours.  „ 

Qu'on  fe  repréfente  la  furprife  des  habitans  de  cette  Ville  qui  connnoiflbicnt 
routes  fes  infirmités,  de  la  voirainfi  marcher  feule  d'un  pas  agile  8c  ferme  ,  &  avec 
un  air  animé  que  la  joie  qui  remplilloit  fon  cœur,  Se  l'éclat  de  fon  œil  rcflufcité 
répandoient  fur  fon  vifage. 

,,  Environ  les  cinq  heures  après  midi  ('dépofent  la  D«.  de  Courtaumé,  Scia  De. 
„  Hugirct)  nous  vîmes  la  De.  Stapart  qui  entroit  à  pied  dans  la  Ville  marchant  for: 

librement  fans  aucun  fecours.  „  Un  prodige  fi  étonnant  ne  pouvoir  manquer  d'ex- 
citer leur  curiofité  ;  auflî  fc  prefl'erent  -  elles  de  le  voir  de  plus  près.  „  Nous  la  joi- 
„  gnîmes ,  (continuent  -  elles)  Se  elle  nous  dit  qu'elle  étoit  fort  bien  guérie ,  agif- 
„  faut  de  fon  bras  Se  de  fa  jambe  qui  étoient  paralitiques ,  comme  s'ils  n'euflcnt  point 
„  été  attaqués ,  Se  qu'elle  voyoit  parfaitement  clair  de  fon  œil  gauche. . .  Ce  que 
„  nous  avons  éprouvé  en  la  faifant  lire  de  l'œil  gauche  lui  fermant  l'œil  droit.  „ 

Le  rétabliffement  fubit  de  cet  œil  étoit  quelque  chofe  de  fi  incroyable  que  ces 
perfonnes  n'attendent  pas  qu'elle  loit  rentrée  chez  elle  pour  éprouver  fi  elle  avoit 
parfaitement  recouvre  la  lumière. 

Elles  déclarent  au(îî  qu'elles  ont  „  remarqué  que  l'enflure  fur  les  jambes  s'eft 
„  diflîpée  en  même-tems,  les  lui  ayant  trouvées  dans  leur  état  naturel.^.  On  voit 
encore  dans  leur  dépofition  que  fur  le  champ  la  De.  Stapart  leur  rendit  compte  de  la 
manière  fubite  dont  ce  miracle  s'étoit  opéré  fur  le  tombeau  de  AI.  Roiij[fe,  dentelles 
rapportent  elles-mêmes  toutes  les  circonrtanccs. 

L^n  récit  fi  intérellant,  accompagné  de  l'examen  public  que  la  D'.  de  Courtau- 
mé Se  la  D-\  Huguct  firent  en  pleine  luc  de  la  parfaite  guériibn  de  la  D-.  Stapart , 
ne  pouvoit  manquer  de  rafl'cmb  er  près  d'elle  bien  des  témoins,  auflî  le  fieur  Stap^art 
déclarc-t-il  dans  plufieurs  de  fes  lettres  que  tous  les  habitans  de  la  Ville  d'Epernai  ont 
admiré  la  guérifon  fubite  &  parfaite  de  (Ii  femme.  Se  lui  ont  tous  offert  delui  en  donr 
ner  leurs  certificats. 

Le  fieur  Langlicr  5c  la  De.  Vervin  fon  cpoufe  ne  furent  pas  moins  prcfles  ni 
moins  impatiens  que  les  deux  témoins  prccédcns,  d'examiner  (1  l'œil  rétabli  voyoit 
parfaitement  clair.  „  A  fon  retour  (difcnt-ils)  fur  les  cinq  heures  du  foir  du  même 

jour  (de  la  Pentecôte)  nous  l'avons  vue  entrer  dans  fa  maifon  à  pied  fans  aucun  fe- 


11 


cours,  guérie  de  toutes  fes  infirmités,  Sc  fe  fer\ant  de  tous  (es  membres  qui  é- 
toicnt  paraliticjucs  lors  de  fon  départ ,  avec  autant  de  facilité  que  s'ils  n'euflcnt 
point  été  malades,  ayant  recouvre  l'ufage  non  feulement  de  i.\  main  Se  de  fa  jambe, 


„  mais 


OPE'RE'  SUR  LA  D'.  STAPART.  ?7 


Après  avoir  pleinement  f.itisfait  la  pieufe  curiofité  de  ceux  qu'elle  rencontra  dans 
fon  chemin ,  elle  rentra  enfin  chez  elle. 

Son  mari  fut  fi  fi.irpris  de  lavoir  dans  un  état  fi  différent  de  celui  où  elle  étoit  le 
matin  du  même  jour,  qu'il  ne  pût  dit  le  VcrcYinurt  ^  -proférer  aucune  parole  ;  mais 
les  larmes  qui  coulaient  de  [es  yeux  en  difoient  ajfez. 

Une  joie  foudaine  laifit  fon  cœur  avec  tant  de  force  qu'elle  lui  ôte  le  moyen  ' 
de  s'exprimer  autrement  que  par  une  abondance  de  pleurs,  qui  en  pareille  circon- 
Itance  eft  un  langage  plus  vif,  plus  exprefîîf,  &  plus  cloquent  que  les  plus  magni- 
fiques difcours  j  mais  lî  dans  ce  premier  moment  il  ne  pût  foire  connoître  par  des  pa- 
roles les  fentimens  de  fa  tendre  reconnoiffance ,  on  le  vit  bien-tôt  après  devenir  le 
prédicateur  intrépide  des  merveilles  qui  lui  avoient  fiit  une  fi  vive  impreffion ,  &; 
pouffer  des  cris  qu'il  eût  voulu  faire  entendre  h  tout  ïuni'vers  ,  comme  il  ledit  dans 
fes  lettres,  pour  apprendre  à  tout  le  monde  les  décifionsde  Dieu,  &  le  bonheur  éter- 
nel des  Appellans   qui  ont    pratiqué  les  vérités  qu'ils  ont  foutcnues. 

Le  fieur  Vol  déclare  qu'il  étoit  „  led.  jour  de  la  Pentecôte  avec  le  fieur  Stapart 
„  enfa  maifon,  lorfque  lad.  Dame  entra  à  pied  librement ,  &  délivrée  entièrement  de 
„  fa  paralifie,  6c  fe  fei-vantde  fes  membres  qui  avoient  été  paralitiques  avec  autant 

de  facilité  que  s'ils  n'euflént  point  été  afHigés. 


Me.  de  Bart  Baronne  de  Somme- Vefle  Se  Me.  de  Villcrs  dépofentque  „  furie 
„  foir  du  jour  de  la  Pentecôte  le  bruit  s'étant  répandu  dans  la  Ville  que  Af '^.  Sta- 
„  part  étoit  revenue  d'Avenai  parfaitement  guérie,  (elles  furent)  lavoir,  (Se 
„  qu'elles  l'ont)  trouvée  agiflant  librement,  &  fe  fervant  de  fes  membres  qui 
„  avoient  été  paralitiques,  comme  s'ils  n enflent  jamais  été  incommodés,  „  & 
que  tous  fes  accidens ,  c'efî-à-dire  non  feulement  fa  paralifie  &  la  perte  de  fon  œil 
gauche,  mais  fa  douleur  de  tête  dont  elle  s  étoit  toujours  plaint^  6c  fon  enflure  fur 
les  jambes  ne  durèrent  que  jufqu''audit  jour  de  la  Pentecôte 


,,  Dès  le  foir  même  (dit  le  P.  Huart)  le  b mit  de  fa  guérifon  s'étant  répandu 

foule  la  vifiter,  6c  s'affurer  de  la  véritédu  miracle  opéré 


dans  la  Ville,  on  vint  aa  foule  la  vifiter,  6c  s'affurer  de  la  véritédu  miracle  ope 


„  en  fa  faveur 


La  miraculée  donne  à  tout  le  monde  des  preuves  de  fa  parfaite  guérifon  :  rien 
ne  put  la  lafîer  :  l'ardeur  de  fon  zèle  à  rendre  gloire  à  Dieu ,  6c  à  manifeflcr  la  fain- 
teté  6c  le  crédit  auprès  de  lui  du  puifllint  proteéVeur  par  l'interceifion  de  qui  elle  a 
obtenu  un  fi  grand  bienfait,  l'anime  6c  renouvelle  fans  ceffefa  vigueur  6c  les  for- 
ces. Mais  ce  ne  fût  pas  pendant  un  féal  jourqu'elleeûtàfatisfaire  ia  pieufe  curio- 
fité ou  la  défiance  incrédule  de  ceux  qui  venoient  l'examiner,  èc  devant  qui  il 
falloit  qu'elle  marchât,  qu'elle  agît  de  fon  bras,  6c  qu'elle  lût  de  fon  œil  qui 
avoient  été  paralitiques.  „  Toute  la  Ville  d'Epernai  (dit  le  Père  Huart)  qui  l'a 
„  vue  dans  le  trille  état  où  fa  paralifie  l'avoit  réduite,  6c  qui  la  voit  aujourd'hui 
„  parfaitement  guérie,  attefle  la  vérité  du  miracle.  „  C'étoit  donc  à  toute  une 
Ville  remplie  d'eiprits  èz  de  fentimens  differens  qu'elle  avoit  à  répondre.  Mais  its 
forces  fuffilént  à  tout  :  elle  fatisfait  fans  peine  depuis  le  matin  jufqu'au  foir  à  tou- 
tes les  épreuves  qu'on  exige  d'elle.  N'en  foyons  pas  furpris.  Des  membres  récem- 
ment rétablis  par  les  mains  de  Dieu  même-,  des  organes  fubitement  régénérés  par 
fa  Toute-puifTance  divine  font  infitigables.  Auffi  toute  la  Ville  s'eft-cllc  vue  for- 
cée de  reconnoître  en  cette  guérifon  fi  promte  6c  fi  parfaite  l'ouvrage  du  Créateur, 
&  attefle ,  die  le  Pcrc  Huart  ,  la  vérité  du  miracle. 

M..le  Bailli  qui  avoit  donné  à  la  D.  Stapart  des  confcils  qu'elle  fût-nheurcufc 

E  5  és: 


»•) 


}8  DEMONSTRATION  DU  MIRACLE 

de  ne  pas  fuivrc  ,  ne  viendra-t-il  point  s'unir  à  ceux  qui  rendent  gloire  à  Dicudn 
miracle  éclatant  opéré  fur  fa  belle -fccur  ?  On  a  déjà  vu  dans  le  caractère  des 
témoins  qu'il  parût  d'abord  n'ajouter  aucune  foi  au  récit  qu'on  lui  vint  faire  d'un 
événement  fi  mei-veilleux ,  qu'il  ne  daigna  pas  même  dans  le  premier  moment  aller 
iufqucs  chez  Ci  belle-fœur  pour  s'en  informer,  6c  qu'il  eût  enfuite  bien  de  la  peine 
à  en  croire  fes  propres  yeux.  Ne  lui  en  fâchons  pas  mauvais  gré,  puifqueDieus'eft 
fcrvi  de  fon  incrédulité  pour  donner  encore  plus  de  poids  à  fon  témoignage.  Se 
qu'enfin  l'évidence  l'a  forcé  à  ne  plus  rien  ménager  pouratteilcr  ce  miracle  delà 
manière  la  plus  forte,  &C  même  pour  rendre  témoignage  à  la  vertu  du  Bien-heu- 
reux Appellant  dont  les  Puiflances  reprouvent  le  culte. 

L'on  a  vil  aufiî  que  dès  le  lendemain  du  miracle,  le  fieur  Stapart  6c  fon  époufe 
firent  venir  M.  de  Reims  6c  le  fieur  Virard  qui  avoienttraittélaD'^.  Stapait  pen- 
dant toutes  fes  maladies,  &c  que  ces  MM.  dreflcrent  fur  le  champ  leur  rapport 
de  fa  guérifon  fubitc,  qu'ils  reconnurent  être  fi  parfiitc  6c  fi  entière,  ,,  qu'il  ne 
„  rcfioit  aucune  foiblefl'eni  à  l'œil  dont  elle  voy oit  (difent-ils)  parfaitement  clair, 
„  ni  dans  toutes  les  autres  parties  qui  avoient  été  attaquées  de  paralifie,  „  6c  qu'- 
ils n'héfitcrent  point  d'affirmer  que  cette  guérifon  étoit  viiraculeufe  :  ce  que  les 
Sieurs  de  Villers  6cBcrli  ccrtificrcnr  pareillement,  6c  ajoutèrent  qu'on  ne  trouvoit 
plus  même  aucune  apparence  qu'ail  lui  fut  rejté  aucun  levain  de  maladie. 

Ce  jugement  rendu  par  ces  maîtres  de  l'art  a  été  confirmé  par  l'événement,  d'une 
manière  qui  a  paflc  toute  crpérancc,  la  Dame  Stapart  aiant  joiii  depuis  ce  jour 
jufqu'à  prêtent ,  de  la  famé  la  plus  entière,  la  plus  pleine,  la  plus  parfaite:  ce 
qui  eft  une  preuve  fenfible  6c  frappante  que  lors  du  Miracle,  Dieu  ne  s'cll  pas  con- 
tenté de  rétablir  ce  qui  avoir  été  altéré,  de  régénérer  ce  qui  avoit  été  détruit  6c 
d'anéantir  tous  les  levains  de  la  maladie  :  mais  qu'il  a  même  en  quelque  forte  re- 
nouvelle tout  le  corps  de  la  Miraculée.  En  effet  n'a-t-il  pas  fallu  le  refondre  pouf 
ainfi  dire  tout  entier,  pour  donner  à  une  perfonnc  qui  depuis  fi  longtems  étoit 
infirme,  une  fanté  Se  une  vigueur  qui  paroifilnt  inépuilables,  6c  qui  fubfiitcnt  fans  al- 
tération depuis  déjà  plus  de  douze  ans?  Suivant  que  M.  ton  époux  me  la  m;mdc. 

Le  même  jour  de  ce  rapport,  c'efl-à-dire  le  lendemain  de  la  guérifon,  laD-. 
Stapart  fut  fc  montrer  au  PcrcHuart,  &lui  porter  la  preuve  fur  fes  membres  lel- 
fufcités ,  qu'elle  avoit  fort  bien  fait  de  lui  cacher  fon  dejfcin  ^  puifqaiil  convient  lui- 
même  avec  une  humble  fincérité  qu'il  n^  aurait  pas  mancjué^owr  lors  de  l'en  détourner. 

„  Elle  me  vint  voir  (dit  ce  fincere  Religieux  J  le  lendemain du  miracle 

„  opéré  en  fit  faveur....  Vous  pouvez  juger  (  continuc-t-il)  qu'elle  fùrmafur- 
„  prifc  lorfque  je  lavis  marcher  leule  ...  d'un  pas  ferme  6c  afliiré  (dit-il  plus  haut,'. 
„  l'eus  la  curiofité  de  la  faire  lire  de  l'œil  dont  elle  n'avoit  point  vu  depuis  i\ 
„  iong-tems. . .  LeSeigneurncl'apas  feulement  guérie  de  la  paralifie,  il  lui  en  a  cn- 
„  coieoté  lacaufe  :  elle  avoit  toujours  eu  les  jambes  extrêmement  enflées,  l'enflure 
„  s'eft  difiîpéetoutàcoupScnefubfifle  plus...  Il  fautabfolument  Cconcliit-il)  pren- 
„  dre  plaifir  à  s'aveugler  loi-même  pour  ne  pxsrcconnoîtie  ici|le  doigt  de  Dieu.  „ 
Nous  avons  déjà  rapporté  que  ce  bon  Religieux  fut  (\  iVappé  decemiiTiclequ'il 
ne  balança  pas  de  fe  facrifier  lui-même  pour  en  rendre  le  plus  éclatant  témoigna- 
ge :  que  le  Perc  Sutsine,  fans  néanmoins  quitter  fes  préventions,  nr  pût  s'empê- 
cher d'en  être  convaincu ,  ni  même  de  l'attefier  :  enfin  que  ^8.  Curés,  dontplu- 
fieurs  n'étoient  point  Appellans,  fe  font  cxpofes  avec  une  genérofitè  vraiment  Chré- 
tienne au  rclTentimcnt  de  leurs  fupéricurs  pour  les  forcer  eux -mêmes  d'en  conlla- 
ter  la  vérité  >  6c  que  MM.  les  Grands- \'icaircs  ont  été  fi  intimement  pcrfuades 
qu'il  ne  leur  étoit  pas  ponîblc  d'en  ébranler  la  certitude,  qu'ils  ont  mieux  aimé 
s  envelopper  dans  un  morne  filencc,  tjue  d'hazardcr  de  fc  voir  contraints  d'ouvrir 

les 


OPE'RE'   SUR  LA  D^   STAPART.  ^9 

les  yeux  a  la  lumière,  &  d'être  forcés  de  lui  rendre  eux-mêmes  témoignage. 

Mais  ont -ils  bien  fcnti  combien  le  parti  qu'ils  prenoient  étoit  pernicieux,  6c 
combien  leur  refus  blcfloit  les  régies  de  la  Religion? 

Il  ne  s'agifToit  de  rien  moins,  ainfi  que  les  38.  Curés  l'expofent  afiez  clairement 
dans  leur  requête,  que  de  laifler  tomber  une  grande  partiedes  peuples  de  ce  Dio- 
eefe  dans  la  fupcrilition  ou  dans  le  blafphême. 

Si  les  miracles  de  M.  Rouffe  étoient  faux,  ceux  qui  en  atteftoicnt  la  vérité,  qui 
en  béniflbient  le  Seigneur,  &  qui  en  conféquence  continuoient  malgré  les  defcn- 
fes  d'avoir  recours  à  l'interceffion  de  ce  faint  Appellant,  étoient  tout  à  la  fois  cou- 
pables d'une  fuperlHtion  criminelle ,  faux  témoins  contre  Dieu  ,  &  des  gens  féduits 
qu'on  ne  pouvoit  trop  tôt  détromper  ;  fi  au  contraire  les  miracles  font  vrais ,  ceux 
qui  publient  qu'ils  font  fuppofés ,  ou  qui  vont  même  jufqu'à  les  attribuer  à  la  malice 
du  démon  £5?  aux  enchantemens  de  la  magie  ^  ainfî  que  s'en  plaignent  les  38.  Curés 
font  des  impies  &  des  blafphémateurs ,  qui  attaquent  Dieu  jufques  dans  fa  gloire 
en  décriant  fes  Saints  6c  en  donnant  fes  oeuvres  ati  démon.  Peut-il  être  permis  ''d'aban- 
donner les  fidèles  à  cet  état  d'incertitude  fur  des  objets  de  cette  importance  pour  la  Re- 
ligion} comme  difent  les  38.  Curés. 

Encore  un  coup  il  a  fillu  qiie  la  certitude  du  miracle  opéré  fur  la  De.  Stanart 
ainfi  que  de  celui  fait  en  faveur  d'Anne  Augier  fût  bien  inébranlable  pour  oblio-er 
MM.  les  Grands-Vicaires  à  prendre  un  parti  fi  extrême,  6c  qui  donnoit  con- 
tr'eux  de  fi  grands  avantages.  Mais  ils  ont  dit  dans  leur  coeur:  Si  par  les  preuves 
qui  réfulteront  de  nôtre  information,  nous  nous  voyons  forcés  de  reconnoître 
les  miracles,  où  en  ferons -nous?  On  en  tirera  la  conféquence  contre  nous  que  la 
do£trine  des  Appellans  eft celle  des  Saints,  6c  que  leur  caufe  eft  celle  de  Dicu' 
même.  Ce  feroit  bazarder  de  faire  tomber  la  ConlHtution  dans  le  dernier  dccri; 
Il  vaut  mieux  tâcher  par  toutes  fortesde  voies  d'étouffer  l'éclat  de  ces  prétendus 
miracles  fans  en  approfondir  la  vérité. 

O  déplorable  aveuglement!  O  malheureufe  politique!  Les  miracles  en  font-ils 
donc  moins  vrais?  en  font -ils  moins  l'œuvre  de  Dieu,  pour  n'être  pas  conftatés 
par  l'autorité  de  ceux  qui  auroient  dû  le  faire?  Mais  ce  filence  même,  ce  refus 
obftiné  d'en  examiner  les  preuves,  n'en  eft-il  pas  une  de  leur  évidence  ?  Oui  la 
conduite  des  Grands- Vicaires,  6c  fur  tout  les  menaces  S^  les interdidions  qu'ils 
ont  fubllituées  à  la  place  d'une  information  canonique  ,  attellent  d'une  manière 
fenfible  la  vérité  de  nos  miracles  ,6c  protivent  encore  par  l'injuftice  de  la  perfécu- 
tion,  que  nôtre  caufe  eil  celle  des  difciplesdeJefus-Chrift,  àquiil  apréditqii'ils: 
feroient  dans  tous  les  temps  perfécutés  pour  fon  nom. 

Les  adverlaires  des  œuvres  de  Dieu,  loin  d'obfcurcir  la  vérité  ,  ne  font  donc 
que  la  rendre  plus  éclatante?  Loin  de  nuire  aux  vrais  difciplcs  de  J.  C,  ils  ne- 
font  que  leur  donner  occafion  de  mériter  des  recompenfes  éternelles:  ainfi  Ton- 
geut  dire  qu'ils  font  en  quelque  forte  femblables  au  Prophète  Balaam ,  qui  fc  vit: 
forcé  de  bénir  le  peuple  de  Dieu  dans  le  tems  qu'il  avoit  dcflein  de  le  maudire.. 

Après  avoir  feit  voir  que  les  faits  font  établis  d'une  manière  inrincible,  il  ne- 
nous  refte  plus  qu'à  préienter  au  lecteur  quelques  réflexions  pour  lui  prouver  de. 
plus  en  plus  que  cet  admirable  prodige  n'a  pu  être  opéré  que  par  le  Tout-puilKmt. . 

lïL     P  R  O  P  O  S  I  T  I  ON. 

La   gue'rison  de  la  D.\  Stapart  ne  peut  être  attribuée  qu au  Th<t-pm(Jant.. 

QUI  Dieu  feul  a  pu  opérer  la  guêrifon  de  la  D:.   Stapart.  Lui  feul  a  pfu 
rcndre_  la  lumière  à  cet  œil  terni  depuis  plus  de  io,.ans,.&  dont  les pîiî>- 


40  DE'MONSTRATION  DU  MIRACLE 

tics  les  plus  fines,  les  plus  délicates ,  &  en  même-tems  les  plus  efTenticllcs  pour  la 
vue  ctoient  détruites.  Lui  fcul  a  pu  briler  en  un  moment  les  liens  de  la  captivité 
fous  laquelle  cette  infirme  gcmilloit  depuis  Ion  dernier  accident.  Lui  fcul  enfin  a 
pu  la  tirer  avec  tant  d'éclat  du  Icin  des  infirmités  les  plus  incurable*;,  pour  la  ré- 
tablir tout  à  coup  dans  la  lanté  la  plus  vigourcufc  8c  la  plus  parfaite. 

Ici  le  Très  -  haut  apjit  à  découvert  èc  rend  fa  préfcncc  fenfiblc.  Tout  y  porte  les 
traits  d'un  Dieu  bon ,  d'un  Dieu  fige ,  d'un  Dieu  magnifique  Se  Touc-puilT!mt.  Tout 
y  rappelle  à  la  crc.iture  que  Dieu  feul  ell  grand,  que  lui  fcul  ell  à  craindre,  que 
c'ell  de  lui  feul  dont  nous  devons  tout  attendre,  &  qu'il  faut  toujours  lui  obéir 
préférablcment  aux  hommes. 

On  voit  ici  fa  bonté  qui  accorde  tout  avec  profufion  :  fa  figcfTe  qui  arrange  Sc 
proportionne  tout  fuivant  les  befoinsde  fes  élus  :  fa  fouverainc  puifiancc  qui  com- 
mande en  maître  à  la  nature,  Se   rétablit  tout  par  fa  feule  volonté. 

QUI  pourroit  méconnoîtrc  ici  la  bonté  d'un  Dieu,  fi  tendre  &  fi  compatifî^mtc 
qu'elle  va  au  devant  de  fa  créature,  8c  qu'elle  forme  elle  même  dans  fon  cœur  des  1 

défirs  8c  une  confiance  qu'elle  a  réfolu  de  couronner?  I 

La  D  .  Stapart  n'ayant  plus  qu'une  vie  mourante,  dont  l'impuiflance  8c  la  1 

langueur  étoient  les  compagnes  inféparables ,  fe  fcnt  tout  à  coup  infpirée  d'aller 
fe  jctter  aux  pieds  du  célcflc  Médecin,  8c  de  réclamer  pour  obtenir  fa  miféricor- 
dc  l'intcrccllîon  d'un  de  fcs  ferviteurs  dont  il  veut  faire  honorer  la  mémoire  mal- 
gré toutes  les  Puiffimccs  du  monde. 

Dés  cette  première  réfolution  on  doit  reconnoître  qu'il  n'y  a  que  Dieu  feul  qui 
ait  pu  donner  à  cette  infirme  une  foi  il  vive,  i\  éclairée  ,  fi  intrépide. 

Tout  étoit  contr'cUe.  Tout  condamnoit  fon  etsireprife.  Tout  iembloit  devoir 
éteindre  fa  confiance. 

En  effet  que  ne  pouvoient  point  naturellement  fur  la  timidité  de  fon  fexe, 
l'oppofition  déclarée  d'une  famille,  les  defenfes  preflentics  d'un  confcn'eur ,  la 
crainte  d'encourir  la  difgracc  des  Puifiances  8c  d'être  blâmée  de  tout  le  monde, 
êc  plus  que  tout  cela  le  foudroyant  anathéme  dont  elle  étoit  menacée  8c  qui  de- 
voit  la  fraper  au  tombeau  même  oii  elle  avoic  delTein  de  fe  faire  trani'porter? 
Néanmoins  une  femme  accablée  i'ous  le  poids  delà  foiblefleScde  l'infirmité,  fur- 
monte  courageufemcnt  de  fi  redoutables  obftacles.  Qui  pourra  s'empêcher  d'a- 
vouer qu'il  faut  un  autre  cfprit  que  celui  d'une  malade  débile  8c  languifTante , 
pour  parler  fi  puiflamment  au  cœur  8c  le  remuer  avec  tant  de  force? 

Cependant  ce  ne  font  pas  encore  là  toutes  les  épreuves  par  leiquellcs  il  plaît  à 
Dieu  de  la  faire  pafier.  Tranf^:>ortée  qu'elle  clt  fur  le  rcfpectable  tombeau ,  elle 
s'cmprcfic  d'accelcrcr  par  la  ferveur  ue  fes  prières  les  momens  de  la  délivnmcc  -, 
mais  Dieu  diffère  de  l'exaucer  8c  femble  lui  rcfufer  ce  que  fa  foi  lui  demande. 
Vous  les  formiez  cependant  vous-même,  ô  mon  Dieu!  ces  cris  du  cœur  que 
vous  paroiffiez  ne  pas  entendre;  mais  ce  délai  n'étoit  qu'un  faint artifice  de  vôtre 
amour  8c  un  effet  de  vôtre  tendreflc  pour  cette  afHigée  que  vous  vouliez  par  cette 
épreuve  rendre  encore  plus  digne  de  vos  dons  :  vous  exerciez  la  foi  pour  l'ac- 
croître de  plus  en  plus,  8c  vous  retardiez  vos  bienfliits  pour  les  rendre  plus  ccla- 
tans  par  les  circonftanccs  où  vous  aviez  réfolu  de  les  accorder. 

En  même-tems  les  ennemis  du  culte  du  bienheureux  Appellant  font  fentir  à 
cette  picufe  impotente  l'effet  de  l'injurte  anathcmc  prononcé  contre  ceux  qui 
viendroient  fur  l'on  tombeau  reclamer  fon  intcrccilîon:  on  l.i  repo^ifie  ignomi- 
nieufcmcnt  de  la  table  des  faints  mylléres:on  lui  fait  boire  le  même  calice  qu'au 
Bien-heureux  qu'elle  vient  invoquer:  on  lui  rclufe  le  pain  celélle  qu'on  jette  tous 
les  jours  à  des  chiens  :  8c  dans  le  tcms  qu'elle  va  chercher  ailleurs  cette  confola- 

cion , 


OPE'RE'  SUR  LA  D^  STAPART.  41 

tion  ,  on  ferme  l'entrée  du  tombeau,  on  y  place  un  garde  pour  lui  en  empêcher 
l'accès,  &  on  lui  déclare  qu'on  ne  lui  permettra  pas  d'en  approcher.  Mais  rien  n'é- 
branle Hi  confiance  j  femblable  à  une  ancre  battue  par  des  flots  agités  parla  tem- 
pête ,  elle  s'enracine  de  plus  en  plus  par  les  fecoufles  qu'elle  foutient  :  fii  foi  s'aug- 
mente encore  par  les  épreuves  :  elle  fe  fait  traîner  à  Tcntrée  du  fépulcrc  fans 
favoir,  pour  uier  de  l'expreflîon  de  l'Ecriture,  qui  fourra  lui  en  ôter  la  pierre,     k 

O  foi  capable  de  tranfporter  les  montagnes  !  O  don  mille  foi  plus  précieux 
que  la  faute  qu'elle  demande  !  Qui  ofera  méconnoître  la  bonté  de  Dieu  au  pre- 
mier de  tous  fes  dons  ? 

Mais  avec  quelle  libéralité ,  avec  quelle  magnificence  le  Tout-pui{r:mt  ne  récom- 
penfe-t-il  pas  cette  confiance  qu'il  lui  a  donnée  ?  G'eft  en  vain  qu'en  a  fermé  l'entrée 
ou  tombeau ,  la  chapelle  s'ouvre  à  fon  approche  ;  le  vigilant  Argus  commis  à  fa  gar- 
de a  beau  accourir  avec  fureur  pour  la  chafler  dece  fanétuaire  où  repofeuncanal  Je 
grâces,  il  eft  tout  à  coup  arrêté  par  l'iraprcffion  de  la  Divinité  qui,  en  rendant  ia 
préfence  fenfible  par  fes  oeuvres,  le  confond,  l'intimide  &  le  met  en  fuite.  Le 
Créateur  vient  de  fouffler  fur  les  membres  à  demi  morts  de  nôtre  impotente , 
&  les  voilà  qui  reprennent  dans  l'inftant  le  mouvement  &  la  vie  :  une  vigueur  tou- 
te neuve  fe  répand  dans  tous  fes  membres  :  l'œil  ténébreux  eit  poui-vu  de  nou- 
veau des  parties  qu'il  avoit  perdues ,  rcfrufcire  au  fpeâracle  de  la  nature  :  tout  k 
corps  acquiert  en  un  moment  la  fanté  la  plus  parfaite. 

C'ell:  ainfi  que  la  libéralité  divine  va  beaucoup  au  delà  des  defirs  de  la  miraculée  j 
êc  cequicft  encore  un  bien  fait  infiniment  fupérieur  à  fa  guérifon ,  Dieu  remplit  en 
même-tcms  fon  cœur  dela'plus  vive  reconnoiflance,  d'un  amour  ardent,  de  zélé  & 
de  courage  pour  publier  fans  crainte  fes  miféricordes  &  la  gloire  de  fon  ferviteur. 
D'oii  peuvent  venir  de  fi  grands  dons  que  du  Père  des  lumières  de  qui  provient 
toute  vertu?  L'ange  de  ténèbres  a-t-il  jamais  infpiré  l'amour  de  Dieu  Scla  recon- 
noiflance de  fes  bienfiiits  ? 

Mais  en  admirant  une  bonté  fi  magnifique  ,  ne  perdons  pas  de  vue  la  fagefle  qui  la 
dirige  ;  méditons  ks  circonfl:ances  où  il  plaît  à  Dieu  d'opérer  une  guérifon  fi  mer- 
veilleufe.    ' 

Ceux  qui  s'étoient  fentisbiefles  parles  premiers  miracles  que  le  Tout-puifl"atit 
avoit  fait  fur  le  tombeau  de  M.  Roufle  ,  s'étoient  flattés  qu'en  lançant  des  anathê- 
mcs  Se  en  employant  les  menaces  Se  les  violences ,  ils  parviendroient  à  en  amortir 
l'éclat,  &  à  empêcher  les  fidèles  de  recourir  à  fon  interceflîon.  Le  rcfpeél  toujours 
dû  à  l'autorité  des  Pafl:eursétoit  un  piège  que  l'on  tendoit  à  la  piété  des  fimples  qui 
ne  favoient  pas  difcerner  quand  le  Paileur  ks  conduit  dans  la  voie  de  Dieu ,  ou  au 
contraire  lorfqu'il  eft  évident  qu'il  les  en  écarte.  La  féduclion  &  la  crainte ,  les 
difgraces  avoient  refroidi  le  zélé  des  uns ,  8c  fait  chanceler  le  courage  des  autres  j 
êc  ceux  même  qui  étoient  les  plus  attachés  à  la  vérité ,  fembloient  n';n'oir  plus 
pour  partage  que  le  filence,  les  gémiflemensSc  les  larmes  ;  mais  le  Trcs  haut  par 
ce  nouveau  prodige  diflîpe  l'illuuon,  il  éclaire  les  ignorans,  il  fortifie  les  foiblesï 
il  fe  montre  &  parle  en  Dieu,  mais  avec  tant  de  de  force,  tant  de  mijcflic  ,  tanc 
de  grandeur  qu'il  porte  auQi-tôt  la  joie,  le  calme  &  la  paix  dans  ks  conscien- 
ces les  plus  craintives,  ôc  qu'il  ouvre  des  milliers  de  bouches  pour  publiée  fes 
merveilles. 

C'ell:  ainfi  que-  la  Sagefl'e  étemelle  triomphe  avec  éclat  de  ceux  qui  combattent; 
fes  œuvres.  En  vain  avoient-ils  prononcé  des  malédictions  contre  ceux  quivien-- 
droient  fur  le  tombeau  du  faintAppcllant  rendre  hommage  à  la  vérité ,  en  s'adref^ 
fantàluipour  obtenir  les  grâces  du  ciel  j  le  Très-haut  bénit  à  leurs  yeux  la  D'?, 
Stapart  qui  avoit  cû  une  foi  afl"ez  éclairée  pour  ne  pas- craindre  d'enfreindre  leurs; 
IL  Demenjî.  'tome  IL  F  dc&n»- 


41  DE'MONSTRATION  DU  MIRACLE 

défcnfes  :  il  l'en  récompcnfe  avec  une  magnificence  divine  :  il  la  comble  de  fes  faveurs 
ôc  lui  prodigue  fcs  bienfaits. 

Ce  jugement  dclccndu  ciel  fait  connoîtrc,  fait  comprendre  aux  plus  fimples  que 
le  S.  Efprit ,  à  qui  il  appartient  par  efTcnce  de  lier  6c  de  délier  ,  ne  (c  rend  jamais  le 
complice  de  l'iniullice  5c  de  raveuglcmcnt  des  hommes,  quclqu'éminens  qu'ils  foient 
en  dignité  ;  que  l'excommunicat  ■  on  ne  peut  nuire  que  quand  on  en  cil  frapé  légitime- 
ment, &  qu'elle  eft  au  contraire  une  occafion  d'obtenir  de  Dieu  les  plus  grandes  fa- 
veurs, loriqu'on  la  fouffrc  injuileraent  à  caufc  de  l'attache  qu'on  a  pour  la  vérité. 

Auflî  le  fidèle  qui  étoit  auparavant  affoibli ,  abattu,  conilcrné  ne  craint  plus  de 
fiire  éclatter  fa  reconnoifllince  envers  Dieu  ôc  fa  confiance  en  l'interceffion  du  Bien- 
heureux Appellant.  O.is'emprelTeplusque  jamais  de  venir  à  fon  tombeau  y  chercher 
la  guérifon  de  fon  ame  ou  de  fon  corps  :  on  le  regarde  malgré  les  anathémcs  com- 
me un  lieu  de  bénédictions  où  Dieu  fe  plaît  à  répandre  fes  faveurs  les  plus  fignalécs  : 
le  courage  &  la  force  rentrent  dans  tous  les  cœurs  :  plus  de  timidité  ,  plus  de  refpeét 
humain,  plus  d'autre  crainte  que  celle  de  captiver  la  vérité  fous  l'injuftice. 

Que  de  miracles  encore  plus  grands  que  ceux  que  Dieu  fait  fur  les  corps!  Le 
politique  oublie  les  intérêts  de  fa  fortune  Se  rend  hommage  à  la  vérité  :  l'indif- 
fèrent ceffe  de  l'être,  6c  ne  peut  s'empêcher  de  s'intércfTcr  à  un  événement  qui  le 
frape  à  tel  point  qu'il  le  foit  fortir  de  fon  indolence  :  le  plus  llupide  ouvre  les 
yeux  à  de  fi  prodigieufes  merveilles  ;  &  il  n'y  a  pas  jufqu'à  des  partifans  de  1» 
Bulle,  qui  touchés,  convaincus  par  une  guérifon  h  évidemment  miraculeufe  ne 
s'cxpofcnt  de  leur  plein  gré  pour  en  rendre  gloire  à  Dieu. 

Aufiî  quel  moyen  de  défendre  fon  cœur  des  imprefiions  d'un  prodige  où  le 
Très-haut  manifelle  fi  fenfiblcment  fon  opération  toute-puifiante  ?  Ne  faut-il  pas 
être  livré  à  un  aveuglement  inconcevable  pour  ne  pas  reconnoître  qu'il  n'y  a  que 
la  Divinité  qui  puiflc  difpofer  ainfi  en  fouveraine  de  toutes  les  loix  de  la  nature 
&  les  changer  comme  il  lui  phît  :  Se  qu'il  n'appartient  qu'au  fcul  Créateur  de  réfor- 
mer fcs  ouvrages  avec  autant  de  fiicilité  &  de  promtitude  qu'il  les  a  tirés  du  néant  ? 
Que  l'incrédulité  épuife  ici  tous  les  doutes:  qu'elle  ramallc  toutes  les  vrai-lem- 
blanccs  :  qu'elle  crcufe  tous  les  fecrcts  de  la  phifiquc:  qu'elle  approfondiffe  tou- 
tes les  rcfiourccs  qui  fe  peuvent  trouver  dans  la  nature  :  quelle  en  emploie  tous 
les  agens,  &  qu'elle  réunifie  enfcmble  la  force  6c  l'adrefle  des  hommes  &  des  Dé- 
mons: tous  cela  ne  fcroit  pas  capable  de  produire  les  merveilles  que  nous  allons 
développer  dans  ce  miracle.  Nous  ferons  voir  qu'il  ne  fuffiibit  pas  pour  l'opérer 
d'être  maître  de  la  matière,  de  la  pouvoir  modifier  ,  6c  en  changer  en  un  moment 
la  nature  &  la  forme,  ce  qui  n'appartient  qu'à  Dieu;  mais  qu'il  falloit  encore 
pouvoir  donner  un  nouvel  être  à  ce  qui  n'exiftoit  plus ,  ce  qui  cil  l'attribut  in- 
communicable du  Créateur. 

Nous  avons  déjà  démontré  plus  d'une  fois  que  la  guérifon  d'une  paralifiecom- 
plctte  n'ctoit  pas  pofiîblc  à  la  nature  ni  à  tout  être  créé  ,  i'ur  tout  lorfquc  cette 
paralifie  avoit  dcja  retiré  6c  rétréci  les  nerfs,  6c  qu'elle  avoit  commence  àdeiré- 
cher  les  mufclcs ,  comme  il  ctoit  arrivé  à  la  D  '.  Stapart  ;  6c  cela  parce  que  des 
membres  réduits  en  cet  état  font  totalement  privés  d'efprits  ,  6c  que  d'ailleurs  ces 
membres  ne  pourroicnt  être  rétablis  que -par  la  régénération  d'un  très  grand  nom- 
bre de  conduits,  d'organes  6c  de  petits  vaifl'eauxaftaifi'és  6c  détruits.  Ainfi  pour  ne 
point  trop  fatiguer  le  Icdlcur,  nous  nous  bornerons  ici  àlaguérifonfubitede  l'oeil, 
d'autant  plus  volontiers  que  ce  prodige  tout  feul  renferme  quantité  de  miracles. 
Ici  une  multitude  d'opérations  évidemment  divines  commencent,  fe  perfeûion- 
nent  &  s'achèvent  dans  un  fcul  inllant,  parce  qu'un  inllant  fufïitauToutpuilTanc 
j)our  anéantir,  régcncrcr  fie  rendre  l'étje. 

Nous 


OPE'RE'  SUR   LA    D^.  STAPART.  45 

Nous  nvons  ddja  prouvé  que  les  racines  du  nerf  optique  ^toierit  depuis  plus  de  dix  ans  totale, 
ment  obitruées  dans  le  cerveau  „  Il  n'eft  pas  douteux  (dit  iVl.  Souchai  )  que  le  nerf  optique  n'ait 
„  été  obltrué  dans  toute  fon  étendue  dans  l'œil  g?.uche  de  la  De  Stapart,  dès  fa  première  atta- 
„  que  d'apoplexie;  (  puifque  c'eft  cette  obftrudion  qui  fit  perdre J  auflitôtCàcec  œil)  la  faculté 
„   de  voir.  „ 

Voilà  donc  toutes  les  bouches  par  lefquelles  ce  nerf  puifoit  les  efprits  animaux  dans  le  cerveau  , 
qui  font  remplies  par  une  matière  i^rolTiere  &  gluante  qui  en  ferme  toutes  les  ouvertures  &  qui  en 
barre  l'entrée  à  cette  limphe  fubtile.  Voilà  donc  cet  organe  immédiat  de  la  vue  privé  pendant  plus 
de  dix  ans  de  cette  liqueur  fpiritueufe  qui  ell  toute  fa  nourriture ,  toute  fa  force  &  le  principe  de 
toutes  fes  fondions. 

Qui  peut  douter  que  pendant  un  fi  long  efpace  de  tems  il  ne  fe  foit  entièrement  defféché,  & 
qu'en  fe  rétrécilfant  dans  lui-même  faute  d'alimens,  il  n'ait  perdu  toutes  les  petites  routes  paroù 
ces  efprits  couloient  le  long  de  fes  fibres  pour  les  humefter,  &  pour  aller  porter  la  nourriture  à  la 
rétine,  qui  eft  la  queue  de  ce  nerf  qui  s'épanouit  en  un  nombre  innombrable  de  petits  filetsau  fond 
du  globe  de  l'œil ,  &  qui  tire  toute  fa  vie  des  efprits  que  ce  nerf  lui  fournit? 

Quel  autre  que  celui  qui  commande  à  la  nature  eut  pu  anéantir  en  un  indant  cette  matière  é- 
pailîe  qui  formoit  l'obllruflion  ,  que  tous  les  remèdes  donnés  dès  17 17.  pendant  fix  à  fept  mois  n'a- 
voient  pu  difîiper,  &  qui  depuis  ce  tems  s'étant  durcie  de  plus  en  plus  par  un  féjour  de  dix  an- 
nées ,  ne  faifoit  qu'un  corps  avec  les  racines  du  nerf  optique  aufquelles  elle  s'étoit  jointe? 

Mais  ce  n'étoit  point  alTez  de  la  détruire,  il  falloit  en  mêmc-tems  rendre  fa  première  forme  ,  tous 
fes  organes  &  les  conduits  au  nerf  optique  defféché  depuis  fi  long-tem?.  Or  „  il  n'y  a  que  l'Auteur 
„  de  la  nature  (  dit  M.  Souchai  )  qui ,  fans  s'affujettir  à  fes  loix ,  puide  rétablir  tout  d'un  coup  des 
„  nerfs  affaifiTés  &  dont  les  fibres  font  racornies.  ,, 

En  effet  quel  autre  que  le  Tout-puiffant  eût  pu  rendre  au  nerf  optique  toutes  les  parties  que  la 
privation  totale  de  nourriture  pendant  dis  ans  lui  avoit  nécelTairement  fait  perdre?  Qui  eût  pu  ré- 
tablir tous  Ces  pores  applatis,  collés,  effacés  par  le  defféchement?  Qui  eût  pu  creufer  de  nouvelles 
routes  entre  toutes  ces  fibres  pour  y  faire  couler  de  nouveau  les  efprits  animaux?  Si  la  gaérifon 
d'une  paralifie  complette  fur  des  membres  plus  greffiers  &  plus  robulks,  &  qui  paroUTentparcon- 
féquent  plus  fufceptibics  de  reffources,  ne  lailTe  pas  néanmoins  d'être  impoffible  à  tout  autre  Etre 
qu'à  celui  dont  le  pouvoir  eft  fans  bornes,  combien  cette  impoflîbilité  n'eft-elle  pa^s  encore  plus 
fenfible  &  plus  évidente  quand  il  s'agit  d'un  organe  dont  toutes  les  parties  font  d'une  délicateffe  & 
à'une  finelTe  inconcevables? 

Mais  ces  grandes  opérations  quelqu'adrairables  qu'elles  foient  ne  fuffifoient  point  encore  pour  ren- 
dre la  lumière  à  un  œil  qui  l'avoit  perdu  dépuis  fi  longtems.  Ce  n'étoit  point  aîTez  de  rétablir  le 
Herf  optique,  il  falloit  en  même-tems  rendre  l'être  i  la  rétine. 

Il  efl  évident  que  pendant  tout  le  tems  que  le  nerf  optique  avoit  été  obfirué  &  defféché,  il  n'a- 
voit  pu  porter  de  limphe  fubtile  à  la  rétine.  Or  cette  membrane  fi  délicate  qui  n'efl  entretenue  que 
par  cette  limphe,  ayant  été  pendant  tout  ce  tems  fans  nourriture  &  fans  vie,  s'étoit  infalliblcment 
détruite.  I!  falloit  donc  régénérer  en  un  inftant  la  multitude  infinie  de  filets  prefqu'imperceptibles 
dont  cette  admirable  membrane  ert  compofée  :  il  falloit  en  même  tems  donner  à  tous  ces  filets  une 
force,  une  vigueur,  une  vertu  de  reflbrt  Se  d'élafticité,  &  plufieurs  autres  qualités  occultes  que 
les  plus  grands  Philofophcs  n'ont  jamais  pu  bien  comprendre;  car  ,,  c'ell  fur  cette  rétine  (comme 
„  dit  M.  Souchai)  que  les  rayons  lumineux  qui  partent  des  objets  font  impreffion,  &  repréfentenc 
„  à  l'ame  la  figure  &  la  couleur  des  objets.  (Ce  qui  lui  fait  dire  que)  le  rétabliffement  du  nerf  op« 
„  tique  &  de  la  rétine  après  dix  ans  de  paralifie  (.ei\)  un  prodige  inconcevable  qui  (n'a,^  ccrtaine- 

„  ment  pu  être  opéré  que  par  l'auteur  de  la  nature Je  ne  puis  (ajoute-t  il  plus  bat)  qu'adnà- 

„  rer  une  guérifon  fi  fubite  &  fi  parfaite;  heureux  fi  la  connoiffance  de  ces  prodiges  fait  fur  moi' 
„  toute  l'impreffiou  qu'elle  devroit  faire  I  „ 

C'eft  un  Chirurgien  de  la  Cour,  c'efl;  un  des  plus  habiles  Anatomiftes  que  cette  merveille  frape 
&  faifit  d'une  admiration  qui  le  jette  dans  un  faint  tremblement,  &  lui  fait  faire  les  plus  falutaires 
réflexions  à  la  vue  de  la  majefié  d'un  Dieu  qui  rend  fa  préfence  fenfible  par  la  magnificence  de 
fes  œuvres.  Les  Maîtres  de  l'Art  tremblent  à  la  vue  d'un  C  grand  prodige  ;  par  quelle  fatalité  tanc 
de  Conftitutionnaircs  n'en  font-ils  point  ébranlés? 

Nous  ne  parferons  point  des  autres  nerfs  deftinés  aux   autres  fenfations  &  i  procurer  le  mouve- 
ment à  cet  œil,  qui  étoient  auflî  endommagés  que  le  nerf  optique,  &  peut-être  détruits  comme 
la  rétine.  11  n'en  coûte  rien  au  Tout-puiffant  pour  multiplier  fes  prodiges  :  il  a  dit,  &  dans  l'in- 
ftant  par  le  feul  mouvement  de  fa  volonté  tout  a  été  rétabli,  régénéré  ,  rendu-  parfait.  Di.\it.,  cr^C  c«,vi'ijj 
faùîafunt.  "•  !• 

Mais  la  manière  fubite  avec  laquelle  tant  de  merveilles  ont  été  exécutées ,  ne  fervira  telle  qu'à- 
nous  éblouir  fans  nous  éclairer  nous  mêmes  ?  Forcerons-nous  nôtre  e  "prit  à  raéconnoitre  nô're 
Dieu,  lorfqu'il  veut  bien  (e  dévoiler  à  nos  yeux  par  des  effets  fi  fenfibies  &  fi  frapans?  Ne  leper-- 
mettez  pas,  à  vous  dont  la  miféricorde  eft  infinie! 

Oui,  mon  Dieu!  nous  reconnoiffons  de  tout  nôtre  cœur  qu'il  n'y  a  que  vôtre  puifiSnce  fansbors 
Bcs  qui  foit  capable  de  rendre  en  un  initant  à  vos  ouviagcs   tout    ce  qu'ils  avoient  perdu  par  une- 
longue  fuite  de  dépénffeniens,  &  que  mille  &  mille  fibres  tiffues  avea  tant  J'art  &  rangées-  avec* 


44  DEMONSTRATION   DU  MIRACLE 

«nt  harmonie  fi  ad.riîr.ible  que  nous  ne  pouvons  en  concevoir  les  étonnantes  propriétés,  nepeo» 
Tjnt  être  regénérées  que  p:r  la  main  divine  qui  a  fû  d'abord  les  tirer  du  néant ,  pour  leur  faire 
produire  le  pics  beau  &  lé  plus  inexplicable  des  fens  que  vous  avez  donné  à  l'homme- 

Q--pendant  voici  que  le  démon  vûrre  ennemi  ofe  aujourd'hui  par  la  bouche  de  les  malheureux 
organi-s  fe  donner  la  gloire  de  vos  plus  brillans  ouvrages.  Nous  n'tn  devons  pas  être  furpris.  CcS 
efprit  qui  n'eft  qu'orgueil  conferve  toujours  dans  le  fein  même  de  la  mifére  la  plus  afFreufe,  l'au- 
dncicux  deirein  qu'il  avoit  d'abord  formé  de  s'égaler  à  vous,  ô  mon  Dieu!  &  dès  que  vôtre  juftt- 
cc  lui  abandonne  ceux  qui  l'ont  mérité  par  leur  acharnement  à  combattre  vos  vérités,  il  les  en- 
gage à  lui  faire  honneur  de  vos  œuvres,  &.  à  û'ofcurcir  aiofl  vos  décifions  par  une  noire  vapeur 
fortiede  l'enfer. 

Mais  quoi    oferont-ils  donc  foutenir  que  le  démon  également  comme  le  Fils  de  Dieu,  peut  dire 

Mircj.  41.  aux  maux  les  plus  incurables:  Je  U  vtux  ,  foyn.  guiris,  6i  qu'auffi-tôt  to«t  ce  quiavoit  été  détruit 
eft  régénéré?  Qu'il  peut  dire  à  un  fujet  ruiné  par  trois  attaques  d'apoplexie,  &  accablé  fous  une 

Matth.  ix.  paralifie  complette;  Vitre  foi  vous  a  jauvée,  &  qu'aufli-tôt  cette  impotente  palTe,  fans  aucun  inter- 

**•  vallf  de  convalefcenre,  de  la  plus  grande  infirmité  ,  de  i  iuipuiffance  la  plus  e.xtrême  ,  &  de  la  foi- 

blclle  h  plus  débile  à  la  force  la  plus  vigoureufe  &  à  la  fanté  la  plus  parfaite?  Enfin  qu'il  peut  dire: 

Wircvij.34.£^^,,j ,  c'e/i-àdirt  ouvrez-vout ,  à  un  œil  immobile  depuis  dix  ans,  &  dont  les  parties  les  plusdé- 
licates  &  les  plu5  elFenticiles  écoicnt  dilEpées,  effacées,  anéanties;  &  qu'auffi-tôt  cet  œil  recouvre 
la  lumière  avec  toutes  les  paities  qu'il  avoit  perdues? 
Dieu  n'a  pas  voulu  qu'il  pût  relkr  le  moindre  doute  â  cet  égard  dans  l'efprit  des  vrais  Chrétiens. 

JciB  10.  îi.La  quefiion  en  cft  faite  en  termes  formels  dans  l'Evangile.  L»  dcmon  ptut-il  ouvrir  les  yeux  dtt 
avtHgles?  Les  Pharilîens  n'ofcrent  alors  foutenir  l'affirmative.  Mais  il  y  a  aujourd'hui  des  gens  qui 
font  plus  harJis  que  les  Pharifiens.    Qu'ils  fongent  ces  téméraires  que  J.  C.  n'a  voulu  donner  lui- 

Ibid,  57.  &jx,j|jje  que  fgj  miracles  pour  preuves  de  fa  Divinité.  Si  je  ?:e  fais  les  au-^res  de  mon  Père,  difoit-il 
aux  Juifs  ,  n<  tni  croyet.  pas.  Mais  ji  je  les  fais ,  quand  vous  neme  voudriez  pOi  croire, croyez,  à  mes  œuvres. 
Les  miracles  fuivant  J.  C.  font  donc  la  preuve  des  preuves '1?  Jls  font  la  voix  furnaturclle  par  la- 
quelle Dieu  parle  lui-même  aux  hommes  &  leur  manifeiie  les  plus  grandes  vérités  ;  &  p.ir  conféquent 
ce  fi  une  impiété  de  foutenir  qu'il  veuille  permettre  au  démon  de  préfenter  à  des  Chrétiens  pour  le» 
féduire  les  mêmes  lettres  de  créance  que  lui,  &  de  faire  de  vrais  miracles  jufques  dans  fon  Temple  & 
fur  ceux  qui  ont  recours  à  fa  bonté  &.  qui  détefbent  le  démon  &  tous  fes  noirs  enchantemens. 

Mais  s'il  ell  certain  fuivant  les  régies  du  Chrillianifme ,  qu'en  général  tous  les  vrais  miracles  faits 
iu  nom  de  Dieu  &  en  faveur  de  ceux  qui  implorent  fa  miféricorde,  ne  peuvent  avoir  que  lui  pour 
auteur,  il  faut  étouffer  toutes  les  lumières  de  la  raifon  pour  s'empêcher  d'être  convaincu  qu'il  n'y 
a  que  le  maJtre  de  la  nature  qui  ait  le  pouvoir  de  faire  ceux  qui  ne  peuvent  s'opérer  que  par  des 
créations  ou  par  la  régénération  fubite  d'organes  qui  n'exilloient  plus. 

Comment  donc  eft  il  pollible  qu'il  y  ait  des  Chrétiens  qui  ofent  attribuer  de  pareils  miracles  &def 

bienfaits  fi  fenfiblesà  la  plus  méchante  de  toutes  les  créatures?  Quel  eft  donc  l'efficace  d'erreur  dt  le 

prodige  d'aveuglement  où  la  I>ulie  jette  ceux  qui  veulent  la  Jéfen<.i'e  contre  la  décifion des  miracles? 

Ah  Seigneur!  Quel  ell  donc  l'état  où  vôtre  Eglife  efl  aujourd'hui  réduite!  En  vain  parlez-vous 

Jfw  j.  f.  vous-même,  on  ne  veut  plus  vous  en  croire,  on  ne  veut  pas  même  vous  écouter.  En  vain  U  lie* 
mure  iun  dans  les  ténèbres,  les  ténèbres,  ne  l'ont  pat  £o/w/>r;/i,  parce  qu'elles  ne  veulent  pas  la  com- 
prendre ,  &  qu'elles  s'obftinent  à  prendre  pour  des  exhalaifons  infernales  les  rayons  de  clarté  que 
vous  envoyez  du  ciel.  Eh  !  qui  font  ceux  qui  prêtent  ainfi  leur  miniflere  à  l'ennemi  de  toute  véri- 
té &  qui  ofent  lui  faire  préfent  de  vos  œuvres?  Je  frémis  de  le  dire.  Ah  Seigneur!  Une  Société 
ambitieufe  a  répandu  fon  vecin  jufques  fur  vos  autels;  elle  a  engagé  dans  fa  querelle,  elle  a  fait 
adopter  fes  erreurs  &  fa  pernicieufe  dodrine  â  plulieurs  môme  de  ceux  qui  font  placés  fur  le  chan- 
delier! Ah  Seigneur  '■  il  elt  tems  de  venir  au  fecours  de  vôtre  époufe.  Vous  favez  quelles  font  vos 
promelTes:  la  vérité  ne  peut  périr.  Vous  nous  avez  annoncé  vous-même  que  lorfiju'elle  fera  cou- 
verte de  ténèbres  dans  le  fein  même  de  vôtre  Eglife,  vous  envolerez  un  Prophète  qui  rétablira  toa- 

Ma(tb.ZTij'  tes  chofes.  Elias  quidem  vtniurus  efl  cr  refiituit  cmnia. 

"'  Ah  Seigneur!  nos  maux  font  prcfque  à  leur  comble.  La  foi  difparolt  :  la  charité  s'évanouit.  On 

détruit  le  premier  article  du  Simbolc:  on  anéantit  le  premier  de  vos  commanîcmens  :  on  ofe  vous 
contefter  vôtre  Toutc-puiffance fur  les  cœurs:  on  o.e  combattre  jufqu'au  grand  précepte  de  vôtre 
amour:  on  réduit  tout  le  culte  qu'on  7ous  doit  i  un  hommage  purement  extérieur;  &on  traltte  de 
jébelles  &  de  feftaircs  dignss  d'anathêmes,  ceux  qui  étant  convaincus  de  leur  propre  foiblelTcat- 
lendent  tout  de  vôtre  fecours,  &  qui  foulant  aux  pieds  les  faux  biens ,  les  frivoles  honneurs  &  les 
fains  plaifirs  de  la  terre ,  élèvent  fans  celfe  leur  cœur  vers  vous  pour  vous  prier  de  le  remplir  de 
plu»  en  plus  de  vôtre  amour.  Voilà  ceux  qu'on  ell  prêt  de  retrancher  de  vôtrt  Eg'.ifc.  Venez  i  nôtre 
fecours,  ô  mon  Dieu!  hltez-vous  d'rnvoyer  Celui  qui  doit  répandre  par  tout  la  lumière:  qu  il  force 
lout  l'univers  d'ouvrir  les  yeux  i  la  vérité  :  que  toute  la  terre  vous  connoilTc ,  vou<i  adore  &  vous 
aime:  que  tous  les  hommes  cnfemblc  ne  fuient  plus  qu'un  cœur  &  qu'une  ame,  ft  qu'ils  s'unifient 

ff.  HT.  *."'"*  pour  vous  berWr  ^  chanter  vôtre  gloire  &  vos  bienfaits.  Otnr>n,ttrr»  adortl  $t  ,cr  fféllai  libif 
'  J-ialmiun  duat  tàroini  tui.  Auieu.  Awca.  Amca^ 

~  PIECES 


PIECES    JUSTIFICATIVES 

DU  MIRACLE  OPE'RF  SUR  LA  DAME  STAPART 


Déclaration  faJTée  de^j.rnt  Notaires  far  les  Sieur  &>  TDame  Stapart,  dans  laamUe  Us  rendent  compte 

des  maladies  de  lad.  Dame  &'  de  fa  ^uéri/o»  fuiite  &>  parfaite  opérée  le  16. 

Mai  1728.  fur  le  Tombeau  de  Aï,  Koujfe. 

enflure  fur  les  jambes ,  &  tous  les  remèdes  qu'on  lui  a  fàic 
noiit  pu  enlever  ce  levain  de  la  maladie^  mais  dès  que  le 
miracle  s'eftfair,  l'enflure  fur  les  jambes  &  la  douleur  de 
tête  le  lanc  diflipécs  en  un  moment. 


^:^  Ar  devant  les  Notaires  Royaux  au  lîail'age 
Il  m  ^  Prévôté  d'Epernaj;,  demeurant  en  lad.  Ville 
i/^  foulTignes  :  furent  prcfens  en  perlbnneM.  Fran- 
Ç^^   çois  Stap.ut   Notaire  Royal  en  la  même  Vil- 


Yr^i^  Çois  Stap; _^ 

fe^  '^  '  ^"'^"■■"  Eclievin  &  Afleffeur  en  l'HôLel 
v^sSS^d  commun  dud.  Epernav,  &  Demoifelle  Ma- 
rie-Jeanne Gaulard  Ion  epcufé  qu'il  amcrife ,  lefquels  pour 
la  manfeftation  de  la  veriie  de  l'événement  extraordinaire 
cpcre  en  la  pctfonne  de  lad.  Ganlatd  ;  ils  jugent  neceffaire 
de  rapporter  routes  les  circonftanccs  qui  ont  précédé  &  cel- 
les qui  ont  accompagne  cet  événement,  de  la  manière  qui 
iuit.  ^ 

I  9^1^  '^  24-  Pccembrc  171 7.  entre  S.St/.  heures  du  foir, 
lad.  Demoilelle  Gaulard  lots  âgée  d'environ  27.  ans  fiit  at- 
taquée d'apoplexie  avec  plulieuis  lechutes  confécutives ,  qui 
dégénérèrent  en  paralyfie  fur  la  moitié  du  coips  du  côte  gau- 
che ;  de  laquelle  paralylie  elle  fut  gneiie  après  l'efpacc  de 
6.  a  7.  mois ,  à  l'exception  de  fon  œil  gauche  qui  cft  re- 
lie paralytique  &  prive  de  toute  lumière. 

Qye  le  2y.  Mars  1^2^.  elle  eut  une  féconde  attaque  d'a- 
poplexie qui  dégénéra  pareillement  en  paralyfie  lur  le  même 
cote  gauche  de  laquelle  elle  fût  aufll  guérie;  &  que  le  7. 
Avril  1728  elle  fut  encoie  attaquée  ci'apope.xie  qui  dce- 
iiera  auffi  en  paralyfie  fur  le  même  côté  gauche.  Quoique 
Ion  ait  pratique  les  mêmes  remèdes  pour  la  foula^r  ce- 
pendant la  malade  refta  paialvtique  du  bras  &  de  l!  jambe 
gauches ,_  l'œil  gauche  étant  toujouis  refte  prive  de  la  lumiè- 
re &  inlenlible  depuis  la  première  attaque  de  1 717.  La  ma- 
lade étant  lalîee  a'avoir  «prouve  difterens  remèdes  inutile- 
ment, s'elt  entièrement  abandonnée  a  la  mifericorde  du  Sei- 
gneur ,  mettant  toute  fon  efperance  en  fa  puiflance  &  eu  fa 
bonté ,  &  penctiee  d'une  vive  foi  &  d'une  gtande  confiance 
en  1  intercellion  de  U.  Roufiè,  Prêtre  Chanoine  d'Avenay 
decede  le  9.  Mai  171-.  lut  le  tombeau  duquel  Anne  Au- 
gier. ..  .  avcit  dcja  éprouve  le  pouvoir  qu'il  avoir  auprès  de 
Uieu  pat  la  guerilon  éclatante  qu'elle  y  a  obtenue  1:8.  juil- 
j"  ,  T,  meine  année,  s'eft  fait  conduire  à  Avenay  le  joui 
de  la  Pentecôte  16.  Mai  dernier.  Qu'étant  accompa™ce  de 
Uemoifelle  Marie  Huguet  de  Couttaume  fille  m.ajeure  de- 
meurant aEpetnay,  de  Catherine  Leflirt  auffi  fille  majeure 
demeurant  enjad.  Ville  &  de  |e.inne  Stapart  fille  des  com- 
rirans  elles  le  rendirent  en  l'Eglife  paroiffialc  dnd.Avenav 
dans  elperance  par  Icfd.  Gaulard,  Huguet,  &  Jeanne  Sta- 
part d  y  communier:  ce  qu'on  leur  refufa.  Elle  f.irenrobli- 
^ees  de  fe  rendre  a  l'Eglife  de  l'Abbaye  ou  la  malade  fit  fes 
cevotions  debout  &  foutenue  par  lad.  Leflitt,  en  prefence 
des  Uames  Religieufes,  qui  avoient  leur  grille  ouverte:  & 
environ  une  heure  après  midi  elles  re:ouinerent  à  l'Eglife  de 
la  paroifle,  ou  M.  Rouflè  e(t  inhumé  dans  une  Chipelle, 
quelles  trouvèrent  fermée;  &  comme  elles  chetchcient  le 
moyeu  de  1  ouvrir  il  le  ptefema  un  petit  garçon  qui  leur  ap- 
ptit  la  inamere  d'ouvrir  la  porte  de  cette  Chapelle.  A  peine 
la  malade  y  fut  elle  conduite  &  pofee  fur  le  tombeau  de  M. 
>°","=.^f-"t."ne  pritre  \  la  hâte  pendant  que  le  Clerc  de 
lc.glile  frapoit  l'enfant  qui  avoir  facilite  l'ouverture  de  la 
i.liapelle  qu'elle  Icntit  un  tremblement  univerfel  en  tous 
les  membtes   une  légère  douleur  dans lesjointures  delà  main 

,  1  ,.'^^°^,!.,P^  ""'^  douleur  plus  violente  dans  les  muf- 
cles  de  1  oeil.  Elle  s'apperçùt  au|-ptôt  qu'elle  avoit  le  mcu- 
vement  libre  dans  les  parties  affligées,  même  que  l'œil  pa- 
ralytique des  1 717.  avoir  emicienient  recouvré  la  lumieie, 
«  le  trouvoit  par-la  en  état  de  tevenir  a  pied  fans  fecours. 
Ont  en  outre  declaté  que  depuis  l'attaquede  i  Ti -.  illuieioit 
Klte  lans  dilcontmuation  une  grande  douleur  detéte,&:ime 

il.  Demonjl.  Tome  11. 


Déclaration  pajjee  à  la  fuite  de  la  première  par  les 

Demoifelles  Huguet  de  Court aumé ,   Lejart ,  &> 

■  Stapart ,  lefquelles  ont  conduit  la  Dame  Stapart 

fur  le  Tombeau  de  M.  Koup,ëfl  ont  été  préfeU' 

tes  lors  que  le  miracle  s'efi  opéré, 

DEMOISELLES  Matie  Huguet  de  Courtaumé  fiUe  ma- 
jeure demeurant  à  Eperuay ,  Catlierine  Leflart  aufll  fil- 
en  ,'=,,"")«"'«  demeurant  en  lad.  ville,  &  Jeanne  S  apart 
hile  dcld.  Sieur  &  Demoifelle  Stapait  dénommes  dans  la  Dé- 
claration ci-deflus,  lefquelles  ont  dit  que  led.  joui-  10.  Mai 
jour  de  la  Pentecôte  dernière  ayant  accompagne  lad.  Demoifel- 
rfr-  r '^"'  Paralytique ,  en  fon  voyage  d'Avenay ,  fe  tendiient  à 
i  Eglile  patoifliale  dud.  lieu  ,  pour  par  lefd.  Huguet  &  Sta- 
part y  communier,  ce  que  l'on  leur  refufa  eu  forte  qu'elles 
Kirent  obligées  de  fe  retirer  à  l'Eglife  de  l'Abbaye, ou  eUes 
firent  leurs  dévotions;  &  enTiron  une  heure  après  midi  el- 
les  retournèrent  avec  la  malade ,  en  l'Eglife  de  la  paioifle 
ou  M.  Roulle  eft  inhume  dans  une  Chapelle  qu'elles  trôu- 
vetent  feimee  ;  &  comme  elles  cherchaient  les  moyens  de 
1  ouytir ,  un  pe:it  garçon  le  prefenta  qui  le  leur  apprit  :  eUes 
conduifireiit  auHuot  la  malade  fur  le  tombeau  de  Ai.  Riulfe 
L-e  Clerc  de  l'Egl.fe  arriva  enlaite,  &  pendant  qu'il  fiapoit 
1  enfant  qui  avoit  facilite  l'ouvetture  de  la  Chapelle ,  la  pa- 
ralytique lentit  un  tremblement  violent  qui  donnoii  aux  com- 
parantes de  la  peine  de  la  foutcnir,  elles  apperçurent  qu'el- 
le ouvrit  avec  facilite  fa  main  paralytique  qui  etoittoujouts 
terme  lans  pouvoir  l'ouvrir,  qu'elle  plioit  aifementlege.iou 
malade  &  enluite  qu'cUe  leur  dit  qu'elle  voyoit  parfii-e- 
ment  clair  de  t'œil  gauche ,  paralytique  dès  171  7.  Laquelle 
Déclaration  les  compa.antes  nous  ont  dictée  &  ont  a.-firme 
contcmr  vérité ,  &  offrent  de  l'atnrmer  telle  devant  qui  U 
appartiendra ,  requérant  afte  de  leiu-  Déclaration  &  amrma- 
tion  pour  lervir  en  tems  &  lieu  ;  ce  qui  fut  fait  &  pafli  à 
hpetnay  es  études  deld.  Notaires  fouffignes  l'an  i^-S  le-5 
Août  avant  midi,  ont  les  parties  figne  à  la  minute  des  pré- 
fentes reftees  à  FUiatret  l'un  defd.  Notaires,  à  l'excepfion 
de  lad.  Leflart  qui  a  déclare  ne  favoit  figner  ;  é-  pl.-s  Ls  t» 
«r;;  .-contrôle  a  Epernay  le  26.  Août  i-zi.  J,v„,- Robert . 
lequel  a  reçu  fes  droits  ;  ,i;,^7%„rFiiiatret  &  Lorinet  ^wc 
fcirjphis^  çnfuite  cft  écrit:  cetîifie  véritable  ligné  &  paraphé 
au  delir  de  l'Acte  de  dépôt  pour  minute,  paflc.par  dev'aut 
les  Notariés  au  Chitelec  de  Paris  foulTignes  ce  14  hiillet 
1754-  J««f, Carre'  de  MoNTCERONavecLoysoN^c  Ray- 
mond Notaires,  ^^ixni 

II. 

Rapport  fait  le  17.  Mai  1728.  par  M.  de  Reims  Do. 
ifeur  en  médecine  &>  le  Sieur  Virard  Chiruroiai  , 
dans  lequel  ils  rendent  compte  des  i.  attaqua  d'a- 
poplexie de  la  Dame  Stapart,  des  fuites  qu'elles 
ont  eu  &=  entr' autres  de  la  perte  de  fon  ccil  gau- 
che dès  1717,  &=  certifient  que  la  'veille  dud.  rap- 
port 16.  Mai  1728.  elle  aétéparfaitement guérie. 
NOus  Soufllgncs  Jacques  de  Reims  Oofteur  en  médc- 
cuic  &  ivlcdecin  Confeilkt  du  Roi  à  Epernay  &  Pierre 
\  irard  mai;re  Chirurgien  de  la  même  ville  y  demeu- 
^  laiK, 


I 


2  Pièces  jujlîficatk 

rant,  certifions  à  tous  qu'il  appartiendra  que  Marie  Jean- 
ne Gav:Iard  igce  rfc  ;3.  ans  ou  environ,  femme  de  Fian- 
çois  Stapart  Notaire  Royal  au  Baillage  d'Epernay  y  de- 
incuant ,  a  eu  dans  l'efpacc  de  dix  ans  &  quatie  mois  ;.  at- 
taques d'apoplexie  qui  en  5.  jours  ont  dcgeneie  chaque  fois 
en  paralvlie  fut  la  moitié  du  corps  du  cote  gauche.  Savoii 
la  ptemîere  attaque  le  r^.  Décembre  I7i7.  entre  les 6.  à  7. 
heutcs  du  foir.dont  elle  n'a  pi'i  être guctie qu'après plufieurs 
temedcs  généraux ,  &  fpeciliques  à  cette  maladie ,  qui  lui  on: 
ete  adminiftres  dans  l'clpacc  de  6.  à  7.  mois,  à  l'exception 
de  fon  ueil  gauclie  qui  ell  tcfte  paralytique  &  prive  de  toute 
lumière  fans  efpeiance  degucrifon.  La  deuxième  attaque  avec 
les  mêmes  fymptômes  cil  ariivce  le  15.  Mars  1-17.  dont 
on  l'a  tirée  heutcufement  avec  les  mêmes  fecours.  l.atroifie- 
me  qui  eft  la  dernière  arrivée  le  -.  Avril  I7z8.  quoiqu'on 
ait  pratique  les  mêmes  remèdes  pout  la  foulager ,  cependant 
la  malade  elt  reftce  paralytique  du  bras  &  de  la  jambe  gau- 
dtes,  jufqu'au  jour  de  la  Pentecôte  '6.  Mai  1  "18.  N'ayant 
point  d'autre  reflource  pour  lui  rendre  l'ulâge  de  les  mem- 
bres, que  de  lui  conleiller  les  bains  d'Iebles  Sx.  de  feuilles 
d'aulnes  cuites  &  amonies  dans  un  four  chaud,  ou  de  l'envoyer 
aux  eaux  chaudes  minérales.  La  .T.alade  étant  laflce  d'avoir 
éproift'c  diffcicns  remèdes  inutilemenr,s'eft  abandonnée  en- 
tièrement î  la  mifcricordc  du  Seigneur;  &  pour  cer  effet 
die  nous  a  dit  qu'elle  avoir  ete  à  Avenay  le  jour  de  la  Pen- 
tecôte dernière,  prier  Dieu  fut  le  tombeau  dcfcuM.Rouf- 
fe ,  Prêtre  Chanoine  dud.  Avenay  ,  dcccde  depuis  un  an  oa 
environ ,  &  que  dans  ce  moment  elle  avoir  recouvre  d'une 
m.iniere  miraculcufe  l'ufage  non  feiJcment  de  fon  bras  &  de 
ià  jambe  paialytiques ,  mais  encore  de  fon  œil ,  dont  elle  voit 
parfaitement  clair,  8c  qu'il  ne  lui  relie  aucuiie  douleur  ni 
fbibleflc  dans  routes  les  parties  qui  ont  ete  attaquées  de  i>a- 
lalylie.  Ce  que  nous  avons  reconnu  &  affirmons  vtritalne , 
après  l'avoir  e.samine  fcrupuleufement  le  Icndctnain  de  la  gue- 
iifon.    En  foi  de  quoi  nous  avons  drelVe  le  prtfcnt  Cctiiii- 


cat  pour   valoir  ainli  que  de  raifon.    Fait  à  Ëpernay  le  17 
Mai  \'7.%.  aînji  p.gHt  iz  Reims,  Virard  av:c  paraphes. 
JefoulTigne  Prêtre  Curé  de  Cumicrcs,  certifie  avoir  copie 


laprcfente  copie  mot  à  mot  de  l'original  qui  m'a  ete  mis  en 
main  par  la  Dame  Stapart  dénommée  dans  l'aciie  de  l'autre 
part:  en  foi  de  quoi  j'ai  ûgnc  G.  BiilauJet.  ^«  deffous  efi 
tcTÏt:  contrôlé  iPatis  le  2.  Juin  1754..  ^'^Ç'*  '^-  lo'^  S'S,"' 
Dubois;  .An  dus  efi  écrit:  Certifié  véritable,  figné  &  para- 
phe au  délit  de  l'aéle  de  dépôt  pour  minute  palïè  par  devant 
les  Noraircs  au  Chàtelei  de  Patis  foufljgncs,  ce  14.  Juillet 
1754.  J/jKt  Caure' de  MoNTGERON  avec LoïSON  ic  Ray- 
mond Noraircs. 

HT. 
Autre  rapport  fait  le  l.  Juillet  \yi^.  par  les  Sieuri 
de  Vil/ers  ëP  Ber/i  dans  lecjuel  ils  attefient  comme 
témoins  ocul.xires  tous  les  faits  portes  dans  le  rap- 
port précèdent ,  fif  y  ajoutent  tfii'  il  n'y  a  aucuns 
apparence  <ju'il  fait  rejlé  à  la  Dame  ètapart  au- 
cun levain  de  fes  apoplexies, 

NOf  s  foudlgncs  Jean  de  Villcrs,  maître  Apotiquaire 
demeurant  a  Epcrnay.Sc  Charles  Be>li,maiiie  Chi- 
rurgien en  lad.  Ville  ,  ccriifionç  avoir  ctc  appelle 
en  trois  (iilfcrcn<;  tcms  de  la  part  de  maître  François  Sra- 
fart  Notaire  à  Eperr.ay ,  pour  voir  Madcmoifcile  Marie  jesn- 
te  Gaulard  fon  cpoulc ,  agce  de  38.  ans  ou  environ,  pour 
lui  piocuret  les  fecours  qui  lui  étoient  ncceiraires,^:  qui  lui 
convcnoieni,  chacun  fuivant  norre  profÈfTion  ,fuivant  &  con- 
formément aux  ordres  de  M.  de  Reims,  Doûeur  en  méde- 
cine demcuranr  a  Epcrnay,  ddquels  fecours  nous  l'avons  ai- 
<ke  par  le  moyen  de  tous  les  remèdes  que  la  médecine  ju- 
jeo;!  lui  convenir  dans  là  maladie. 

Nous  certifions  aiiffi  en  inàin«-tcme,  ainfi  que  led«  fient 
>tc  Reims  &  Pierre  Virard  raaiac  Chirurgien  1  Ëpetnay  , 
ont  ci-devant  fait. 

Que  lad.  Demoifellc  Gmiatd  a  eft  trois  attaques  d'apoplexie  , 
OUI  au  bout  de  quelques  jours  ont  dcgcncices  en  paralylic 
chaque  fols  lut  la  iD'ii.ic  du  corps  du  co:e  gauche.  La  pre- 
micte  attaque  c(l  arrivée  le  24..  Décembre  I7i7.  dont  elle 
■■•a  pu  cite  guctie  qu'après  pluûeursremedesgéncrajx&fpc- 
ciHqucs  a  ce  re  maladie,  que  iiniis  lui  avons  .'tdminillrc  avec 
Skccs  pendant  6.  à  '.  mois,  a  rex..cpiion  toutes  fiLiidelbn 
«U^chc  >j^iic  Doui  ivoiis  ap^tu  ciic  telle  paralytique,  fc 


'es  du  miracle, 

piivé  entictcment  de  toute  lumière  fins  ePpéranM  de  gué 
tilbn.  La  1.  attaque  ell  arrivée  le  iç.  Mars  172.^.  dont  on 
l'a  guérie  hcureufement  avec  les  mêmes  fecours,  encore  à 
l'exceptiotî  de  fon  oeil  gauche  toujouts  paralytique  &  prive  de 
toute  lum  iete  ;  &  ta  3 .  &  deinicte  attaque  eft  arrivée  le  7. 
Avril  1718. 

Quoique  nous  ayons  pratiqué  les  mêmes  remèdes  que  les 
prcccdens  pour  la  foulager ,  cependant  la  malade  cil  reliée 
paralytique  du  bras  Se  de  la  jambe  gauches  jufqu'au  16.  Mai 
de  la  prefente  année.  La  médecine  n'ayant  point  d'autre  ref^ 
fbtucc  pout  tentet  de  lui  procutet  l'ulâge  de  les  membres,  qwe 
de  lui  confciller  les  bains  d'lcblts&  des  feuilles  d'Aulnes,  ou 
de  l'envoyer  aux  eaux  chaudes  Minérales:  La  malade  étant 
laflce  &  fatiguée  d'avoir  éprouve  difterens  remèdes  inutile- 
ment, s'ell  abandonnée  à  la  mifcricordc  du  Seignear  pour 
cet  effet.  Nous  avons  appris  avec  une  infinité  de  perfônnes 
de  ccrte  Ville  &  des  environs  dignes  de  foi  qu'elle  avoir  été 
à  Avenay  le  jour  de  la  Pentecôte  deniiere ,  prier  leSeigneui 
fur  le  tombeau  de  feu  M.  Roufl'e,  l'rêrrc  Chanoine  d*Ave- 
nay  ,  decede  depuis  un  an  ou  environ  ;  &  qu'après  fa  priè- 
re finie,  elle  avoir  recouvré  d'une  manière  furnaturelle  Se  mi- 
raculcufe fur  le  champ  l'ufage,  non  feulement  de  fon  bras  Se 
&  de  la  jambe  paralytiques,  mais  encore  de  fon  oeil  gauche 
qu'elle  avoir  perdu  depuis  plus  de  10.  ans,  donr  elle  voit  par- 
faitement clair ,  ne  lui  reliant  aucune  folbleffc  ni  douleur  dans 
toutes  les  parties  qui  ont  ete  attaquées  de  paralylic  ;c'ell  ce  que 
nous  avons  reconnu  Se  certifions  véritable ,  ayant  une  patl\ii- 
te  connoillànce  de»tous  les  faits  fufd.  comme  en  ayant  ete  les 
témoins  oculaires:  &  même  que  depuis  là  gucrilbn,  elle 
s'ell  toujours  portée  de  mieux  en  mieux,  fans  aucune  appa- 
rence qu'il  lui  foii  refle  aucun  levain  de  cette  maladie:  ea 
foi  de  quoi  nous  lui  avons  donne  notreprefcnt  certificat  con- 
tenant vérité.  Fait  à  Epeinay  le  i.  Juillet  i7iS.  Sifié  j.dc 
Villers,  Charles  de  Berly;,i;i  deffins  efi  éirit:  contrôle  a  l'a- 
ris  le  z.  Juin  1734.  reçu  II.  fols,  J/fw/ Dubois, enfu ire  efi 
éiri'i :  certifie  véritable,  ligne  Se  paraphé  au  defir  de  l'.Xéle 
de  dépôt  pour  minute  pafle  par  devant  les  Notaires  au  Chi- 
tclet  de  Paris  foulTignès,  ce  14.  Juillet  l"34.  Sifa- CarrV 
de  MoKTGERON  avcc  LoYSON  ^c  Raymokd  Nouitcs. 

IV. 

Pareil  rapport  fait  par  le  Sr.  Emeri. 

JE  foufligné  Geoffroy  Emcry  Apotiquaire  demeurant  en  Ij 
Ville  de  Verm,  certifie  que  l'ai  ete  appelle  pour  voir  Ma- 
deinoifclle  Maiie  Jeanne  Gaulard ,  femme  de  M.  Stapart 
Notaire  Royal  demeurant  à  Epetnay,  que  j'ai  trouvée  au  rc 
tout  d'une  attaque  d'apoplexie  le  16.  Décembre  ITI',  en- 
core paralytique  d'an  bras  &  d'une  jambe ,  Se  privée  de  la 
lumière  de  l'oeil  gauche  ;  que  pat  dillctens  remèdes  employés, 
le  bras  &  la  jambe  lé  font  parfaitement  rétablis,  mais  l'oeil 
efi  reflc  entièrement  prive  de  lumière  fans  elpcrance  de  guc- 
rilbn ;  que  je  l'ai  encore  vue  attaquée  d'une  Hemiflcgie  fur- 
tout  fur  le  bras  Se  la  jambe  le  16.  Mars  1727.  dont  pat  les 
diflctens  remèdes  genctaux  Se  fpecifiques ,  elle  a  encore  cté 
guurie  du  bras  Se  de  la  jambe,  l'oeil  reliant  prive  de  lumiè- 
re ;  enfin  la  troifitme  fois  que  j'ai  ete  appelle, efi  le  30.  A- 
vril  jour  auquel  la  malade  après  dillcrens  remèdes  employés 
prudemment  par  M.  de  Reiras  Ion  Médecin, Se  le  lieut Vi- 
rard Chirurgien   à  Epernay  comme  dans  les  attaques  ptccc- 
dentes,  efi  cependant  demeurée  fans  pouvoii  faire  ufàge  du 
bras  Se  de  la  lambc.  Se  privée  toujours  de  lumière  de  l'oeil 
gauche:  lui   ayant  propole  diffcrens  remèdes  avec  l'approba- 
tion   de    fbn  Médecin ,  la  maladie  me  dit  qu'elle  etoit  rcfo- 
lue  de  n'employer  aucun  remède ,  qu'elle  n  eût  eu  tecoiirs  ^ 
rinterccirion    de  feu  M.  Roulle  Prêtre  Chanoine  d' Avenay, 
qu'elle  s'abandonnoit  avec  confiance  à  la  Toute  puifl'anoe  >lc 
Dieu  Se  au  fecours  qu'elle  elpiroit  de  ce  dévot  moyen;  oc 
que  je  lais  certainement  lui  avoit  reulli  le  |out  de  là  Pente- 
côte, Se  qu'elle  cil  entièrement  guérie  du  bras  Se  de  la  jam- 
be, &  qu'elle  voit  de  l'ixil  gauche  qui  doit  prive  de  lumiè- 
re, comme  il  ell  dit  ci-devant,  ce  que  je  certifie  véiirablel 
Verni  ce  1^.  Septcmbte  l'iS.  Slfne  Emcry.    ><»  drjpmt  efi 
f,rit:  contrôle  à  Patis  le  1,  Juin  |7;^.  reçu  li.  fols,  Sltnt 
Dubois   enCmite  tfi  etrh  :  cettifie  vtoirable ,  ligne  Se  paraphé 
au   delîr  de  l'Aile  de  dtpôr  pour  minute,  palïc  pat  devant 
les   Notaires  au  Chà:clet  de  Paris  foiulignes ,  ce  14.  Juillet 
1-34.  JV'i/Carhi'  lie  MoNriJïRûNavccLoYJaîiScRAT- 
mon:>  Nutaircj. 

V. 


V. 


epêrè  fur  Madame  Stapart. 


Ktlittion  en  forme  de  Lettre  faite  par  le  Fere 
Hnart  Chanoine  Régulier  &  Vicaire  d'Efer- 
nay  ,  qui  contient  un  détail  fort  circonftanciè 
des  maladies  &  de  la  guéri/on  fubite ,  parfaite 
&  évidemment  miraculeufe  de  la  Dame  Stapart. 


M 


A  TRES  CHERE  MERE, 


Vous  me  demandés  une  relation  exafte  &  circonftanciée 
du  Miracle  opéré  en  faveur  de  Mademoifelle  Stapart  ,  il 
iii'eft  fort  facile  de  vous  làtisfaire:  je  luis  parfaitement  in- 
fttuit  des  circonftanccs  de  là  guciilbn ,  &  je  vais  en  taire 
le  détail. 

Il  y  a  près  de  lo.  ans  que  cette  Demoifelle  eut  une  atta- 
•que  d'apoplexie,  qui  en  trois  jours  dégénéra  en  patalillefur 
la  moitié  du  corps  du  côte  gauche;  après  6.  à  7.  mois  de 
temedes  elle  fût  guetie  &  les  membres  paralitiques  repri- 
rent leur  première  viguair,  à  l'exception  de  l'oeil  gauche 
qu'elle  perdit  entièrement,  &  dont  elle  n'a  point  vu  juf- 
qu'au  moment  de  fa  guerifon  miraculeufe.  En  1727.  elle 
tomba  dans  fon  premier  état ,  &  elle  fût  keureufement 
livrée  avec  les  mêmes  fecours  ;  mais  cependant  fans  recou- 
vrer l'œil  qu'elle  avoir  perdu.  Le  7.  Avril  1718.  elle  eût 
une  troilleme  attaque  avec  les  mêmes  Cmptômes,  aullicm- 
ploya-t-on  les  mêmes  remèdes  pour  la  foulager,-  mais  pour 
cette  fois  ils  furent  inutiles.  Dans  ce  trifte  erat  ,  abandon- 
née des  Médecins,  elle  eût  recours  au  Seigneur,  &  fc  rap- 
pellant  la  mémoire  du  miracle  qu'il  avoir  opeie  en  faveur 
d'une_  pauvre  fille  de  Marciiil  ,  par  l'mtercellîon  de  M. 
Roullè,  elle  forina  le  deûèin  d'aller  à  Avenay  fur  le  tora- 
beau  de  ce  Saint  homme,  pour  le  prier  d'obtenir  de  Dieu 
fi  guériion. 

Le  15.  de  Mai  veille  de  la  Pentecôte  elle  fe  fit  conduire 
dans  notre  Eglife:  on  vint  me  prier  de  la  confcflcr,  &  le 
dis  aux  perfonnes  qui  l'avoient  conduite  de  l'amener  dans  la 
Sacriftie:  elles  l'y  tiaînerent.  Comme  il  ne  lui  ctoit  pas 
çoflible  de  le  mettre  à  genoux  ni  même  de  fe  tenir  debout, 
fans  être  foutenue  par  une  ou  deux  perfonnes ,  je  la  ris  af- 
leoir,  &  je  l'entendis  dans  cette  liiuation  :  elle  ctaignoit, 
comme  elle  me  l'a  dit  depuis,  &  qu'elle  l'a  répète  a  plu- 
sieurs aurres  perfonnes,  que  je  ne  fen  deiournaflé,  &  ef- 
fectivement je  n'aurois  pas  manque  de  le  faue  ,  de  tds 
pèlerinages  non  feulement  n'étant  pas  autorifcs  mais  même 
étant  expreflèment  defténdus  par  Monfeigneur  notre  Arche- 
vêque. 

f'oubliois  à  vous  dire  ce  qu'elle  m'a  appris  Dimanche 
dcriiier,  c'eft  que  quelques  jours  avant  la  Pentecôte,  il  lui 
avoit  femble  pendant  la  nuit,  qu'ayant  été  au  tombeau  de 
M.Rouflè  ,  elle  avoit  ete  parfaitement  guérie,  &  que  les 
perfonnes  qui  l'accompagnoient  la  preflànt  de  remonter  dans 
la  voimre,  elle  leur  diloit  qu'elle  n'etoit  plus  paraliiique  , 
&  qu'elle  mareheroit  bien  jufqu'aEpernay.  Si  vous  connoil- 
liez  cette  Demoifelle  comme  je  la  connois,  vous  ne  doute- 
riez nullement  de  la  lincetite  de  les  paroles.  Quoiqu'il  en 
foit  de  ce  fonge,  il  paroit  que  Dieu  a  bien  voulu  lui  faire 
contioitre  ce  qu'il  avoit  deflein  d'opérer  en  fa  faveur.  EUe 
partit  le  Dimanche  jour  de  la  Pentecôte  de  grand  matin 
dans  une  charette  ,  accompagnée  de  trois  perfonnes  ;  étant 
arrivée  à  Avenay,  elle  fe  ht  conduire  à  l'Eglife  de  la  pa- 
roifle  :  elle  entre  dans  la  Chapelle  ou  eft  enterre  M.  Rouf- 
fe,  mais  le  moment  ou  Dieu  devoit  faire  fon  miracle  n'e- 
toit pas  encore  venu  :  il  vouloir  éprouver  la  foi  de  cette 
faialitique,  &  il  falloit  peut-être  que  lui-même  l'augmen- 
tât par  là  préfcnce.  Pendant  qu'elle  etoit  encore  dans  la 
Chapelle  ,  elle  pria  une  Demoifelle  qui  l'avoir  accompa- 
gnée, d'aller  chez  le  Vicaire  ,  pour  l'engager  à  les  venir 
communier  toutes  les  deux:  il  le  reful'a  ,  elle  revint  fort 
trifte  à  la  Chapelle  oti  Mademoifelle  Stapart  étoit  encore 
en  prière,  &  lui  ayant  dit  ,  qu'il  etoit  inutile  d'attendre 
plus  long-tems  ,  qu'on  ne  vouloit  pas  les  communier  dans 
cette  Eglife,  elles  rclblurent  d'aller  dans  celle  des  Religieu- 
fes.  On  y  traira  la  paralytique,  qui  trouvant  l'occaiion  fa- 
vorable ,  crût  devoir  en  profiter  &  reçût  la  communion  a- 
■»aut  que  d'avoir  entendu  la  Sainte  MelTe,  de  crainte  que  le 
VicaiiS  ne  vint  empêcher  qu'un  la  lui  donnât. 


/tl  Ç"""^  ''^^  Religieufcs  e'toit  ouvert*  ,   &  toutes  avec 
1  Abbclie  fiirent  témoins ,  qu'elle  reçût  le  Corps  de  Notre 
ieigr.eur  debout,  louteuue  pat  une  perfonnc,  tandis  qu'une 
autre  tenoit   devant  elle  la  nappe  de  la  commmiion.    Apres 
avoir   entendu   la  Mcile,  &  fait  fon  aftion  de  grâces  ,  elle 
le   ht   reconduire  'a  l'auberge  ou  elle  etoit  defcendue.    Pen- 
dant le  dîner,  la  Demoilelle  dont  je  vous  ai  déjà  patle  lui 
arant  dit ,  que  quand  elle  n'obtiendroit  pas  de  Dieu  la  gue- 
iilon  de  fa  maladie ,  il  ne  faudroit  pas  pour   cela  manquer 
de  toi  &  de  confiance  en  l'interceillon  de  M.  Roullc.  Non; 
lui  répondit  elle ,  quand  bien   même  on  me  reconduiroit  à 
fc-pernay  dans  l'état  oii  je  luis  ,   je  n'en  croirois  pas  moins 
termement  que   Dieu  i^eut   me   guctir  par  fon  raoven  ,  je 
luis  même  perfuadée  qu'il  me   gueiira,  fc  j'ai   un  defir  ar- 
dent d'aller  encore   une  fois  fur  le  tombeau  de  l'on  Servi- 
teur.   La  porte  de   la  Chapelle  ctoit  alors  fermée ,  Sx.  on 
leur   dit  dans  l'auberge   qu'elles   ne  pourroient   pas  obtenir 
qu'on  la  leur   ouvrit.    Elles   envoverent  cependant  ptier  le 
maître  d'école  de  leur  accorder   cène  grâce  ;  il  la  leur  rcfu- 
la.  Cela  n'empêcha  point  qu'elles  ne  le  lendiftènt  à  l'Efli- 
le  de  la  paioifie   ou  il  n'y  avoit  que  peu  de  perfonnes.   "La 
Demoifelle  qui  l'accompagnoit ,  fit  ce  qu'elle  pût  pour  ou- 
vrir  la  porte  de  la  Chapelle,  &  elle  en  vint  à  bout  avec  le 
ene     lecours  d'un  petit  garçon ,  qui  lui  apprit  comment  on  pou- 
ae-     voit    l'ouvrir.     La   paralytique   &   elle   y   entrèrent   toutes 
■ou-     joyeules,  &  la  première  s'etant  agenouillée   du   pied  droit 
fur  un  degré  de  l'Autel  au  bas  duquel  eft  enterré  M.  Roub- 
le ,  en  fe  tenant  fortement  à  une  perfomie  de  la  main  droi- 
te: pria  avec  ferveur  le  Setviteur  de  Dieu  d'avoir  pitié  d'el- 
le :  elle  avoit  a  peine  commence  fa  prière  ,  que  le  maitte 
d'école  ayant  appris  qu'on  avoit  ouvert  la  Chapelle,  accou- 
rut comme  mi  furieux  pom-  en   chalVer  ceux  qui  v  éroient 
&  commença  à  frapper  l'enfant   qui  en  avoit  facilite   l'ou- 
verture: ce  fût  dans  ce  moment  que  le  Miracle  s'opéra.  Ma- 
demoilelle  Stapart  fût  faiùe  tout  a'un  coup  d'un  tremblement 
univetlel  dans  tous  ùs  membres,  &  s'apperçùt  qu'il  lé  paObit 
au  dedans  d'elle  quelque  chofe  d'extraordinaire,-   en  même- 
teras  elle  feiitit  dans  les  joinmres  des  doigts  de  famain  para- 
lytique une  légère  douleur,  &  cette  main  qui,  depuis  le  7. 
Avril,  étoit  demeurée  fermée,   s'ouviit  à  l'inftant  ;  comme 
on  la  foutenoit  alors  elle  joignit  cette  main  à  la  droite,  & 
commua  fà_priete,-  une  pareille  douleur  fe   fit  fentir  dans  iâ 
jambe  gauciie ,  &  ayant  efiayé  de  plier  le  genou ,  elle  en  vint 
à  bout,  &  pria  la  larme  à  l'œil  la  perforne  qui  la  foutenoit 
de  la  quitter.    Le   miracle  ne  fe  borna  pas  U.     Dieu  après 
avoir  rendu  le  mouvement  à  fon  bras  &  à  fa  jambe  paialiri- 
ques,  voulut  encore  lui  rendre  l'ufage  de  l'œil  qu'elle  avoit 
perdu   depuis  (i   long-tems  :    elle  foufftit  alors  une  violente 
douleur  de  tête ,  &  ayant  porté  la  main  fur   fon   front  pour 
le  foulager,  elle  mit  le  doigt  fur  l'œil  dont  elle  voyoit  clair  , 
&  s'apperçùt  qu'elle  .avoit  recouvre  celui  qu'elle  avoit  perdu'. 
Le  maître  d'école  etoit  ptefent,  &  tout  hors  de  luimeme  il 
ne  layoit  s'il  devoit  croire  ce  qu'il  voyoit  de  lès  veux:  venez, 
lui  dit  la  Demoifelle  dont  j'ai  parlé,   venez  incrédule,  voir 
le  Miracle  que  Dieu  à  opère  par  Ion  Serviteur;   il  fe  retira 
tout  couvert  de  confufion.    Cependant  le  bruit  de  cette  gue- 
rifon s'etant  répandu ,  on  accoutiu  de  tout  le  Bourg  dans  l'E- 
glife,- c'etoit  un  Ipeclacle  bien  touchant  de  voir  les  uns  verlêr 
des  larmes  de  joye  ,  d'entendre  les  autres  crier  Miracle ,   & 
tous  rendre  gtacés  au  ciel  de  la   guerifon   de   Mademoiiêlle- 
Srapart      Elle  refta  dans  l'Eglife  jufqu'environ  la  fin  de  Vê- 
pres, d'oîi  elle  fortit,  paflant  au  travers  de  tout  le  peuple  Sc- 
iriatchant  feule  d'un  pas  ferme  &  allure.    Lorfqu'elle  fût  ar- 
rivée à  lôn  auberge,  un  des  principaux  du  lieu  vint  lui-mê- 
me l'interroger,  iic  dtelfa  un  efpéce  de   procès  verbal  de  ce 
qui  s'etoit  paflè.    Elle  remonta  dans  fa  voiture,  &  dès  qu'elle 
fut  airivce  a  la  porte  d'Epeinay ,   elle  en  delccndit  à  viot 
chez  elle  trouver  fon  mari,  qui  la  voyant  en  cet  état,  ne  pût 
profei'er  aucune  parole;  les  larmes  qui  couloient  de  lés  yeux 
en  difoient  aûez.    Dès  le  foir  même  le  bruit  de  là  guerifon 
s'etant  répandu  dans  la  Ville,   on  vint  en  foule  la  valter  & 
s'aflTurer  de  la  vérué  du  Miracle  opère  en  là  faveur.  Elle  mê- 
me me  vint  voir  le  lendemain,  &  vous  pouvez  juger  quelle 
fiu  ma  furprife,  lorfque  je  la  vis  marcher  feule,  &  taire  avec 
moi  plufieurs  tours  de  cloître.    Elle   me  raconta  naïvement 
tout  le  détail  de  fa  guetilon  ,   &  ce  fût  alors  qu'elle  me  die 
la  raifon  cour  laijuelle  elle  u'avoit  pas  jugé  à  proj-os  de  me' 
""" '""    '  "  lors  qu'elle  etoit  venue  à  confefle  ;  elle 


découvrit  fon  delleii 


etoitCQnveuue  avec  la  DemoUèUe  dont  j.'ai  dcja  gatle ,  Sx.  0^1^. 


J 


4  Pièces  jujiificathes  du  miracle 

je  corfcflai  aulTi  li  veille  de  U  Pentecôte,  de  ne  m'cti  rien 
d.tc.  J'eus  la  cutiolîce  de  foire  lire  MademoifeUeStapartde 
l'oeil  dont  elle  n'avoit  point  vu  depuis  fi  long-tems,  comme 
je  vous  l'ay  déjà  mandé.  J'ai  été  Dimanche  dernier  clicz 
elle  avec  un  Eccldîafliquc  qui  ctoit  bien  aile  de  la  voir ,  & 
je  l'ai  encore  tait  lire  du  incm;  œil;  il  ne  doute  non  plus 
que  moi  de  fa  guctifon  mitaculeulc  ,  Se  il  faut  afluréracnt 
prendre  plaifit  à  s'avcugict  loi-mcmc  pour  ne  pas  reconroîtrc 
ici  le  doigt  de  Dieu.  Vous  remarquerez,  s'il  vous  plait, 
qu'elle  avoit  tellement  perdu  l'ulâge  de  fon  œil,  queloilque 
l'on  mettoit  le  doigt  dedans ,  la  paupière  ne  branfoit  point. 

Le  Soigneur  ne  l'a  pas  feulement  guérie  de  fa  paralilie,  il 
lui  en  a  encore  ôie  la  caufe  :  elle  avoir  toûjouts  cù  les  jam- 
bes extrêmement  enflées  :  l'enflure  t'cft  dilfipee  tout  icoup , 
&  ne  fublifte  plus.  Voilà,  ma  tri:s-chcre  Mcrc,  Icdctailde 
fà  gucrifon  :  Je  ne  crois  pas  que  vous  doutiez  de  lavcritcdn 
miiacle  ;  toute  la  Viile  d'Epctnay  qui  l'a  vue  dans  le  trille 
érat  ou  (a  patalylie  l'avoir  réduite;  Se  qui  la  voit  aujourd'hui 
pa:fai:cment  guérie,  en  attelle  la  vc:i:e:  8c  moi-même  que 
vous  connoiflez  n'être  pas  trop  crédule  à  l'cgatd  de  ces  fortes 
de  prodiges,  je  ne  puis  rcfulcr  de  tendre  témoignage  à  la 
veiire.  Je  joins  a  cette  Relation  le  certiScat  du  Médecin  & 
du  Chirurgien  qui  l'ont  traitée  pendant  fa  maladie:  ce  font 
gens  d'une  probité  reconnue ,  Ix.  fut  la  parole  defquels  feule 
on  pourroit  s'en  rappor:er. 

Je  fuis  avec  le  plus  profond  refpecl ,  ma  chete  Merc.  Votre 
très  humble  fetviteut  &  fils  figné.  Frère  HuART  Cha- 
noine Régulier. 

yl  coir  ejl  nrtt:  je  IbulTigné  certifie,  que  la  prcfcnte copie 
eft  U  feule  à  laquelle  en  puifle  ajouter  foi.  S'il  s'en  ctoit 
glilVc  quelqu'autre  fous  mon  nom  qui  n'y  foit  pas  conforme, 
je  la  dcfavoue  /!^':é.  F.  Huart  C.  R.  Eiijmte  tfi  écrit  :  con- 
trôle à  Paris  le  z.  juin  1754.  reçu  11.  lois,  yî^n/ Dubois , 
En  tâe  de  U  fremicre  p.ijçc  cji  ccrlt:  certifie  véritable,  ligne 
&  paraphe  au  defir  de  l'acle  de  dépôt  pour  m  mute,  paflcpai 
devant  les  Notaires  au  Cliàtelet  de  Paris  fouflîgncs,  ce  14. 
Juillet  17^4.  y?»»t  Carre'  ue  Montgeron  a:cc  Loyson 
U  Ray.mond  Notaires. 


\r.  fols.yî^n/  Dubois  ;   ^n  li.-Jfcus  ej}  /ml:  copie  pont 
Huart;  aM  dos  tjl  écrit:  certifie  vétitable  ,  ligne  &  pa- 

de- 


raphe  au  délit  de  l'acte  de  dépôt  pour  minute ,  paUi:  par  de- 
vant les  Notaiics  au  Chàtelet  de  Paris  foufligncz  ,  ce  I4. 
Juillet  i--^\.  Ji^né  Carre'  de  Montgeron  avec  Loyson 
&  Raymond  Nctaiies. 

vir, 

Certijîcat  du  Verc  Huart  du    8.  Septembre  1728. 
FojUrieur  à  fon  interdiition. 

E  foudîgnc  ,  Prêtre  Chanoine  Régulier  de  l'Abbaye  de  S. 
M.irtin  d'Epcmay  ,  certifie  ce  qui  fuit.  Mademoifelle 
S:aparr  aflligee  de  paralilie  fut  la  moitié  du  corps  du  cô- 
te gauche  ,  s'cil  fait  conduire  le  IJ.  de  Mai  veiili  de  la 
Pentecôte  dernière  dans  la  Sacrillie  de  notre  Eglife  parMa- 
demuifclle  fa  fille  ,  oii  je  l'ai  confelVce  ailife,  ne  pouvant 
aucunement  fléchir  les  genoux.  Le  lundi  fuivant  f.  du  même 
mois  elle  m' cil  venu  voit:  j'ai  cte  fort  furpris  de  la  voir 
maichcr  feule,  &  lui  en  ayant  demande  la  railôn;  elle  m'a 
dit  qu'elle  s'etoit  fait  conduire  le  16.  Mai  jour  de  laPentc- 
cote  à  Avenay  fur  le  Tombeau  de  M.  Roufle ,  oii  elle  avoir 
été  parfaitement  guérie  de  fa  paialiiïe,  &  ou  elle  avoir  re- 
couvre l'œil  gauche,  qu'elle  avoit  petdu  depuis  10.  ans  par 
une  prcmieie  attaque  de  p.iralille.  En  foi  de  quoi  j'ai  ligue 
ce  8.  Septembre  1718.  /^5l^■  Frerc  Huatt  Chanoine  Régulier. 
jlii  liejjhns  rfl  écrit  :  contrôle  à  Paris  le  z.  Juin  I'?4-  "^" 
çà  II.  fols,  fyné  Dubois  enfiiiie  tji  écrit:  certifie  verirable, 
ligné  &  paraphe  au  defir  de  l'acte  de  dépôt  pour  minute, 
palfe    pat    devant  les  Notaires   au  Chatelet  de  Paris  foulTi- 


palie    pat 

gne; 

R  o  N  avec  L  o  Y  s 


gnez  ce  24.  juillet  1734.  ^^uc' (^  a  R  R  E'  ueMontge- 
o  N  &  R  A 


vr. 

Zdandementdes  Gr.tnds-Vicjiresde  "Keirmdu  î.  Juil- 
let 1728.  portant  interdiBion  du  P.   Huart. 

NO  u  s  fouflignes  Vicaires  Généraux  de  fon  AltelTe  Mon- 
feigneur  Atmand  Jules  Prince  de  Rohau ,  Archevêijue 
Duc  de  Reims,  premier  P.-iir  de  France  &c.  A  Frè- 
re Huatt  Prêtre  Chanoine  Régulier  de  la  Maifond'Epernay, 
&  Vicaire  de  la  patoiûc  dud.  Epeinay ,  falut.  Savoir  fàifons 
que  pour  caufes  i»  nous  connues  ,  &  dont  nous  iic  Ibinraes 
comptables  qu'à  Dieu  feul ,  nous  avons  révoqué ,  &  révo- 
quons par  ces  prcfemcs ,  tous  pouvoirs  qui  pourroienr  vous 
avoir  eié  accordes  ci-devant  pour  faire  les  fondions  de  Vi- 
caire dans  la  p.iioiflc  dud.  Epetnay  :  y  prêcher ,  y  confeller, 
y  adininiftrcr  les  Sacremens  de  l'Eglifc  &  geneialement  y 
feite  toutes  autics  forerions  Vicatiàles.  En  conlequence , 
nous  vons  avons  défendu,  &  défendons  de  plus  à  l'avenir 
vous  immiiccr  es  fondions  que  nous  vous  interdifons  dans 
toute  l'étendue  de  tout  noue  Diocefc:  &  afin  que  vous  ne 
p.ctendiez  caufe  d'ignoiance  de  notre  ptcfent  Manderiient  , 
voulons  qu'il  vous  l'oit  lignifie  &  notifie  ,  à  la  requête  du 
promoteur  de  l'Archevêché,  pour  que  vous  ayez  a  vous  y 
coufoiinet  fous  les  peines  de  droit;  ce  qui  Icia  exécute  de 
votre  patt  ,  nonobftant  oppofition  ou  appellation  quelcon- 
ques, &  fans  y  prejudicicr.  Donne  à  Reims  le  10.  Juillet 
1-28.  fyii:'  Langlois  Vicaitc  Général,  8c  le  Bègue  Vicaire 
Genaal.  Par  .\lM.  les  Vicaires  Généraux, /^«r  Iftattc  ie- 
cretaite  Subllitur ,  fcellc. 

L'an  172S.  le  12.  Juillet,  î  la  requête  de  M.  le  Promo- 
teur de  l'Archevêché  de  Reims  ).  Pierre  Cornette,  ^ipari. 
leur  en  l'OiTcialité  Cour  fpirituclle  8c  Métropolitaine  de 
Reims,  fouirignc.  Etant  à  F-i'ernay  exprès  ttanipoitc ,  aile 
contcruau  mandement  ci-defliis  copie,  ICi,  momie,  certifie, 
êc  diimcnt  fait  a  lavoir  a  ficie  Huart  Prêtre  Chanoine  Rc- 

gulicf  de  la  maifon  d'Epeir.ay ,  Se  Vicaire  de  la  paioillc 
ud.  Epeinay,  denieuiant  en  lad.  maifon,  en  parlant  à  la 
petirnne  du  fiCic  lluan  à  ce  qu'il  n'en  ignore  8c  air  a  i'y 
conformer  fou*  les  peines  de  droii ,  8c  ai  aud  ficrc  Huatt , 
en  patlant  comme  dcfluslaillc  la  pulenie  copie;  ,itv.  farj- 
fbi,  À  cité  ffi  éirii:  coouolc  à  Palis  le  2.  Juillet  I7}4.  tc- 


A  Y  M  o  N  D  Notaires. 
VIII. 
Certifeat  du  S.  Claude  Stafart  Bailli  d'Atienay 
&  de  la  Dame  fon  Epoufe  ,  lequel ,  maigre  ft 
répugnance  à  croire  au  miracle  fait  par  un  Ap- 
pelant ,  n'a  pli  i'empicher  de  reconnaître  que 
ladite  Dame  Stapari  avoit  été  guérie  en  un 
moment  ,  &=  avec  une  perfeûion  qui  ne  con- 
vient qu'aux  miracles. 

NO  u  s  foulTignés  Claude  Stapaii  ,  Avocat  à  la  Cour 
8c  l'ancien  au  Baillage  d'Epctnay ,  Bailly  des  rcrres 
8c  Seigneuries  d'.Xvenay  8c  Alutigny  ,  demeurant  en 
lad  Ville  d'Epernay,  8c  Françoife  V-ilfier  mon  epoufe; dé- 
clarons que  nous  avons  une  parfaite  connoiffance  de  trois 
attaques  de  patalifie  ,  que  Dcmoil'elle  Marie  Jeanne  Gau- 
lard,  cpoulé  de  M.  François  Stapart,  Notaite  en  cette  Vil- 
le ,  a  louftert ,  pour  l'avoir  vii  dans  ces  airaqucs ,  8c  qu'elle 
aete  guérie  des  deux  ptemieies  pat  lesrenicdesquc  lesChi- 
luigiens  &  Médecins  ont  empK>yes,  à  l'exception  de  l'œil 
gauche,  qui  eft  relie  fans  lumière  par  la  force  de  la  premiè- 
re attaque  ;  à  l'eg-nd  de  la  troificme  qui  e(l  furvenue  au 
commeuccmcnt  du  mois  d'.Aviil  dernier  ,  lad.  Dcmoilelle 
Stapart  cil  reliée  paralytique  du  bras  8c  de  la  jambe  gau- 
ches ne  pouvant  en  aucun  manière  s'en  fctvir ,  lefquclles  in- 
commodités ont  dure  julc]u'au  joui  delà  Pentecôte  i£.  Mai 
dernier  ,  de  forte  que  dégoûtée  des  différentes  tc.tativcs 
qu'elle  avoit  fait  pat  les  voycs  natuteUcs  pour  f;  ptocu- 
tei  là  gucrilôn  ,  elle  s'ell  abandonnée  à  la  mifericordc 
du  Seigneur,  8c  comme  je  dois  la  jullice  à  la  vente  indé- 
pendamment des  obligations  de  reconno illance  envers  Dieu 
8c  feu  M.  Roulli:  fon  ferviteur,  ce  Miracle  s'ctant  opère 
dans  le  fein  de  ma  famille,  je  la  dois  encore  cette  nuiue 
Jullice  en  q.ialiie  de  principal  juge  d'Avenav:  je  dirai  donc 
que  la  fuiveille  de  la  Pentecôte  MademoiléUe  Srapatt  dc- 
tetminee  de  faite  le  voyage  d'.Avcn-iy,  f  apj'cc  qu'elle  ctoit 
d'un  auue  piemier  Miracle  opère  en' la  pcilonne  d'une  fille 
de  .Mateuil  fur  \y,  vint  me  confulrcr  lut  Ion  dcifein  ;  fem- 

filoyai  deux  laifons  pour  l'en  détourner  ;  l'une  que  M.Jtoul- 
c  n'étant  pas  reconnu   pour  Saint  par  l'Eglile,  il  niic  pa- 
roillôit  luperiliîieux  de    l'aller   invoquer ,  l'autre  que  Mon- 
feigncur  l'.Vicheyêque  de  Reims  .lyaiii  iuteidit  ces  [v^ 
gcs ,  à  peine  d'excommunication,  ipft  /j<7»,  il  ne  I 

vctioit   point   d'aller   impudemment    expolet   la    foi 

ncinmoint  lad.  I):inoilcii;  Stap.ut    paiiii   le  matin  jour  de 
U  Pcutccôtc,  ïc  fc  fit  couduiit  fui  uuc  voituic  ,  avec  quel- 
ques 


ques  unes  de  fes  amies  ;  &  à  fon  retour  à  Epernay,  fut 
le  foij  ayant  appris  qu'elle  avoit  recouvré  une  paifaite 
guérilon  je  ne  pus  me  rendre  au  bruit  que  j'entendois 
rfun  pareil  événement  ;  mon  époufe  plus  curicufe  fût  la 
première  voir  la  belle  fœur,  &  me  rapporta  que  cet  évé- 
neirient  n'e'toit  pas  feulement  lingulier  ,  mais  qu'il  etoit 
vrai.  Frappe  d'etonncment,  je  fus  chez  Maderaoilelle  Sta- 
part  oir  je  trouvai  le  voituiier  &  autres  perfonncs  qui  l'a- 
voient  accompagné ,  &  la  DemoifcUe  Stapart  agiflànt, com- 
me fi  elle  n'avoit  jamais  été  incommodée.  Etonne  de  ces 
merveilles,  (ans  autrement  me  déclarer,  je  rentrai  chez  moi, 
&  après  in'ètre  inftruit  de  la  Demoifelk  Stapart  des  effets 
-r'A  ^P"^"""  .^uflî  furptenante  ,  je  n'ai  pu  dans  la  fuite 
refifter  a  une  vérité  extraordinaire  qui  me  frappoit,  non 
leulement  par  la  guerifon  de  fon  bras  &  de  fa  jambe  gau- 
ches mais  bien  plus  par  celle  de  fon  œil  du  même  coté. 
Ces  faits  merveilleux  m'engagèrent  à  réfléchir  fut  la  con- 
duite que  M.  Rouflé  avoit  tenue  pendant  que  j'ai  été  juge 
d'Avenay  de  fon  vivant,  &  il  m'cll  revenu  par  mes  réfle- 
xions: que  je  l'ai  toujours  trouve  d'une  fimplicité  de  cœur 
u  recommandée  dans  l'Evangile  ,  d'une  chante  qui  ne  lui 
etoit  pas,  pour  ainfi  parler,  perraife  a  caufe  du  peu  de  re- 
venu de  fon  petit  bénéfice  :  ces  réflexions  autorifees  pat  ma 
propre  connoiflance  ,  m'ont  fortifie  dans  la  certitude  d'un 
événement  aufll  fingulier,  d'amant  plus  que  je  vovois  dans 
la  guerilôn,  l'elpace  d'un  moment,  &  d'un  autre 'côte  une 
perfeûion  qui  ne  convient  qu'aux  Miracles.  Je  dois  encore 
due,  qu'en  cette  même  qualité  de  juge  d'Avenay,  j'ai  fait 
mventaire  des  effets  de  la  fucceffion  de  M.  Rouflé:  je  n'ai 
trouve  que  ce  que  les  Saints  Prêtres  devroient  laiiferqiiand 
il  meurent,  &  Ion  Teftament  que  j'ai  lu  ne  contenoit  que 
des  legs  faits  aux  pauvres  du  Heu  d'Avenay  ,  &  la  juftice 
qu'il  rendort  à  fes  neveux.  En  foi  de  quoi  nous  avons  fi- 
gné  ces  prefentes.  Fait  à  Epernay  ce  i.  Septembre  1728. 
fl>if  Stapart  avec  paraphe  ,  Vaflier  Stapart.  ^;.  ^cjjh„s  eft 
Çcr,(;  contrôle  à  Paiisle  z.  Juin  1754.  ■'eçû  n.  fols  ^c? 
JJubois;  en  marge  cfl  e'crh  :  certifie  véritable  ,  figné  2c  pa- 
raphe au  defir  de  l'a:ie  de  dépôt  pour  minute,  paflépar  de- 
vant les  Notaires  au  Châtele;  de  Paris  foulfignes,  ce  14. 
luillet  1754.  Sijiiié,  Carre'  de  Montgeron  avec 
LoYsoN  &  Raymond  Notaires. 

I  X. 

Certificat  de  Claude  Cordelat  Meffager  qui  condtii- 

duiftt  la  Dame  Stapart  a   Avenay ,  &>  la  rame- 

mena  à  Epernay  parfaitement  guérie. 

JE  foufligné  Claude  Cordelat,  Mellaget  d'Epernay  en  la 
Ville  de  Reims ,  demeurant  à  Epernav ,  déclare  que  j'ai 
vil  Mademoifelle  Stapart  aiïiigee  de  paralifie ,  ne  pou- 
vant le  fervir  de  fon  bras  &  de  fa  jambe  gauche,  avant  per- 
du l'œil  gauche  il  y  avoit  plufieurs  années  ,  &  ayant  été 
niande  chez  elle  le  15.  de  Mai  dernier  veille  de  la  Pente- 
cote,  elle  me  dit  de  lui  préparer  une  voiture  couverte,  & 
place  pour  quatre  perfonnes,  pour  partir  le  jour  de  la  Pen- 
tecôte, pour  aller  à  Avenay,  lequel  jour  de  la  Pentecôte 
des  4.  heures  du  matin,  j'ai  aide  à  charger  lad.  Demoifel- 
le  Stapart  fur  ma  voiture,  &  nous  arrivâmes  a  Avenay:  & 
environ  une  heure  après  midi  'étant  aile  ou  nous  étions 
delcendus  pour  favoir  le  tems  que  lad.  Demoifelle  fouhai- 
toit  de  revenir ,  l'on  me  dit  qu'elle  etoit  à  la  paroifle  fur  le 
toiTibeau  de  M.  Roufle  ou  étant  arrive,  je  vis  Maderaoi- 
lelle  Stapart  guérie  de  fes  infirmités,  entourrée  de  beaucoup 
de  monde  qui  rendaient  grâces  à  Dieu  du  miracle  qu'rlve- 
noit  d'opérer  par  l'interceffion  de  M.  Rouflé  ;  &  après  être 
relie  quelque  tems  dans  l'Eglife  ,  lad.  Demoilélle  Stipait 
Iprtit  facilement  a  pied  ;  accompagnée  du  peuple  qui  la 
luivitjufqu'a  la  maifon  où  elle  etoit  defcendue.  Nous  parti- 
mes  peu  de  tems  après  &  approchant  d'Epernay  ,  lad.  Demoi- 
lélle Stapart  delcendit  de  la  voiture  ,  &  entra  dans  la  Ville 
a  pied  fans  aucun  fecours  :  ce  que  je  certifie  véritable  & 
offre  de  l'affirmer  toutes  fois  &:  qtiantes  j'en  ferai  requis 
l'ait  a  Avenay  ce  i.  Juin  1728.  Claude  Cordelat  avec  pa- 
raphe. jiK  dejfciis  eft  écrit,  contrôlé  à  Paris  le  2. Juin  1754. 
î^î"-  '^;  '°'s,  figné  Dubois,  cnfwte  eft  écrit  certifie  vérita- 
ble ligne  &  paraphé  au  defir  de  l'afte  de  dépôt  pour  mi- 
nute,_  pané  par  devant  les  Notaires  au  CluteUt  de  Paris 


opéré  fur  Madame  Stapart 


N  Franc, 
la  Ma 


//.  Demonft,  Tom  II, 


foulTignés  ce    14.  Juillet  1754-    ^h"'   CiRRE'  DE  MONT- 
geron  avec  Loyson  Se  Raymond  Notaires. 

X. 

Certificat  de  la  Dame  Huguet  de  Courtattmé  &  de 
la  Demoifelle  Huguet  dans  lequel  elles  atteflent 
entr'autres  chofes,que  les  jambes  de  la  DameSta. 
part  avaient  toujours  été  enfe'es  depuis  1717.  ©» 
que  depuis  fa  dernière  attaque  ,  fa  main  était 
tellement  fermée ,  que  les  ongles  commençaient  à 
faire  impreffian  dans  la  peau.  Elles  ajoutent 
qu'elles  la  virent  entrer  a  pied  à  Epernay  le 
16.  Mai  1728.  marchant  fort  librement,  ©» 
voyant  parfaitement  clair  de  fon  œil  perdu  de- 
puis  10.  ans. 

O  u  s  foulTignés  Marie  Renneflon  ,  veuve  de  Ceur 
Fr;>nçois  Hiigiiet  de  Coiirtaumé ,  vivant  Exempt  en 
._  ...aièchauflee   d'Epernay  ,  &  Arme   Huguet  fille 
majeure  demeurant  en  lad.  Ville,-  certifions  à  tous  qu'il  ap- 
partiendra ,  que  nous  connoiflbns  depuis  plufieurs  armées  De- 
.moilelle  Marie  Jeanne  Gaulard  femme  de  iVlaitre  François 
Stapart   Notaire   Royal  en   cette  Ville;  que  depuis  10.  ans 
elle  eft  tombée    3.  fois   en  paralifie  ;    la  première  fois   la 
veiUedeNoèl  de  l'année  1717.  lad.  Demoifelle  Stapart  étant 
chez  nous  environ   les  6.  à  7-  heures   du  foir,  elle  lé  plai- 
gnit tout  d'un  coup  qu'elle  ne   voyoit  plus  clair,  &  enfuite 
en  bégayant  elle  du  qu'elle  le  uouvoit  mal  &  tomba  en  apo- 
plexie ,  cnforte  que  l'on  fiit  oblige  de  la  ramener  chez  elle 
dans  un  fauteuil,  n'ayant   aucun  mouvement  ni  connoiflan- 
ce.   Nous  l'accompagnâmes  en  cet  état  en  fa  maifon  qui  eft 
proche,  ou  nous  paflames  une  partie  de  la  nuit,  &  le  len- 
demain  ayant  recouvre   la  parole,  elle  tomba  en  paralyfie 
lur  la  moitié  du  corps  du   cote  gauche,  &  après  beaucoup 
de  remèdes ,  eUes  fut  rétablie  de  fa  paralifie  ,  a  l'exception 
de  Ion  œil  gauche   qui  refta  paralique  ,  &  duquel  elle  ne 
voyoit  point  clair.    La  féconde  fois   eft  arrivée  au  mois  de 
Mars  i-'27.  elle  tomba  en  apoplexie  ,  &  enfuite  en  parali- 
lie  Uir  le  même  côte  gauche,  dont  elle  fUt  encore  guérie  à 
l'exception  de  l'œil  gauche  qui  refta  toujours  fans  claite    & 
la  dernière  fois  qu'elle  eft  tombée  dans  la  même  maladie'au 
conmiencement  du  mois  d'Avril  dernier,  elle  refta  paraliti- 
que  du  bras  &  de  la  jambe  gauches ,  fans  fentiment  &  fans 
mouvement  dans  ces  parties,  fes  jambes  avoient  toujours  été 
enflées  depuis  171 7.    Mais  depuis  le  mois  de  Mars  17-' 7 
pour  la  changer  de  place  ;  il  falloir  pour  ainfi  dire ,  la  traî- 
ner, laiflant  aller   le   bras  &  la   jambe  comme   s'il  enflent 
ete  morts;  même   la   main   affligée  etoit  tellement  fermée 
que   les   ongles   commcnçoient   a   faiie  impreffion   dans  la 
peau.    Se  trouvant  dans  cet  état  ,  elle  piit  la  reiblution  de 
fe  faire  mener  a  Avenay,  fur  le  tombeau  de  M.  Rouflé  Cha- 
noine  de  l'Abbaye   d'Avenay,   fur   ce   qu'elle  avoit  appris 
qu'Anne   Augier  fille  demeurant  à  Mareuil:  qui  avoit  été 
long-tems   paralitique ,  avoit   été   guéiie  fur  fon  tombeau 
&  patfaitement  rétablie  de  fes  infirmités,  elle  excita  Marié 
Huguet  fille   de  moi  Marie   Renneflon  à  l'accompagner  en 
fon  voyage;  ce   qu'elle  accepta  avec  plaifir.    Elles  partirent 
le   jour   de   la  Pentecôte  16.  Mai  dernier  dés  4.  heures  du 
matin  dans  une  voiture  couverte ,  conduite  par  Claude  Cor- 
delat  Meflàger  d'Epernay  a  Reims,  avec  Ca:herine  Leflatt 
fille ,_  demeurant  dans   le  voifinage ,  &  la   fille   de  lad.  De- 
moifelle Stapart,  &  environ  les  j.  heures  après  midi,  nou3 
vimes   lad.  Demoifelle  Stapart  qui   entroit  à  pied  dans   la 
Ville,   &  marchoit  fort  librement  fans    aucun  fecours  ;  nous 
la  joignîmes  ,  &  elle  nous  dit  qu'elle  etoit  fort   bien  gué- 
rie ,  agiflant  de   fon  bras  &  de  fa  jambe  qui  etoient  para- 
litiques,  comme  s'il  n'euflent  point  été  attaques,  elle  nous 
dit  encore  qu'elle  voyoit  parfaitement  clair  de  fon  œil  gau- 
che ;  que  ce  Miracle  s'étoit  opère   fur   le   tombeau  de  M 
Roufle.  Qu'étant  pofee  fur  fon  tombeau  après  bien  des  dif- 
ficultés, après  une  courte  prière,  elle  avoit  refleuri  irn  grand 
tremblement   dans   toutes   les  parties  affligées  ;  une  douleur 
a  la  tête,  à  l'œil   gauche,  aux   joinmtes   de  la  main  &  de 
la  ïambe  paralitiques,  qu'elle  s'etoit  appercue auflîtôi  qu'el- 
le avoit  le  mouvement  libre  dans  toutes  les  parties  affligées 
&  que  l'œil  paralitique  avoit  recouvre  dans  le  même  tems 
B  U 


Pièces  jujlificatives  du  miracle 


U  daité:  ce  que  nous  avons  éprouve  en  U  fiifant  liie  de 
l'oeil  gauche,  lui  fermant  l'oeil  droit,  depuis  lequel  teras 
nous  l'avons  toujours  ficquemec,  ainfi  que  nous  faiùons  au- 
paravant ,  &  avons  remarque  qu'elle  s'cft  toujours  fortificc 
depuis  fa  gucrilon,  5c  que  l'cnHure  des  jambes  s'eft  diflïpec 
en  même  tems,  les  lui  ayant  nouvecs  dans  leur  ctat  natu- 
rel.  Laquelle  piefenre  Déclaration  nous  affirmons  véritable 
&  offrons  de  l'arfitinei  de  même  quand  nous  en  ferons  rc- 
quilès.  Fait  à  Éperojy  ce  I.  Septembre  i-li.  &  avons  li- 
gne. La  2.1.  ligne  de  la  première  page  qui  cft  rayée,  eft 
aprouvce  pour  rature, /^//r,  Marie  RenelTon  &  Anne  Mu- 
guet. ^«  itfJffHi  fft  /cm:  contrôle  à  Paris  le  1.  Juin  1-54- 
reçu  II  fols  ligne  Dubois;  enjmite  'ft  «r/r:  certifie  vérita- 
ble, Cgne  &  paraphe  au  delir  de  l'Acte  de  dépôt  pour  mi- 
nuttc  paflc  par  devant  les  Notaires  au  Châtelct  de  Paris  foulTi- 
gnes:  ce  14.  Juillet  1754.  fipié  Cakre"  ue  Montgeron 
avec  LoYSON  &  raymond  Notaires. 

XI. 

Certifiât  de  Jean  Gaftin  &>  fa  femme  cher,  tjui 
la  Dame  Siapart  fût  defcendre  en  armant  a  A- 
venay  le  16.  Mai.  1728.  &  qui  furent  témoins 
dtja  guèrifon  fubite, 

NOUS  fouflignes  Jean  Gaftin  Bourgeois  demeurant 
à  Avenay,  ôc  Marie  Jeanne  Brodier  ma  femme  dé- 
clarons ,  &  certifions  à  tous  qu'il  appittienjia  que 
le  jour  de  la  Pentecôte  deiniere  1".  ."^lai  ptclcnt  mois,  en- 
viron les  7.  heures  du  marin  ,  il  arriva  devant  la^  porte 
de  ma  maifon  une  voiture  couverte ,  conduite  par  Claude 
Cordelat  Medagcr  demeurant  àEpernay,  dans  laquelle  voi- 
ture étoit  Mademoifclle  Stapart  femme  de  M.  Siapart  No- 
taire à  Epernay  avec  (a  fille ,  Mademoil'elle  Courraume  & 
une  autre'  fille;  que  l'aidai  avec  Icd.  CorJclat  a  dekendte 
de  la  voinire  lad.  Stapart  qui  ne  pouvoit  le  fervir  de  Ion 
bras  ni  de  fa  jambe  gauches,  étant  attaq^uee  à  ce  aue  j'ap- 
pris de  paralilie ,  que  peu  de  tems  après  être  delcendue  ,  l'on 
la  mena  à  l'Eglife  des  Dames  d'.^venay,  ou  elle  fit  les  dé- 
votions, &  apies  eue  revenue  à  la  maifon  &c  environ  une 
heure  aptes  midi  ,  elle  dcfira  qu'on  la  conduifit  fur  le 
tombeau  de  M.  Roufl'e,  qui  ell  enterré  dans  une  Chapelle 
de  la  parroiffe  :  8c  comme  on  la  tenoit  exailement  fermée; 
j'allai  chercher  la  clef  chez  le  Clerc  de  cette  Eglile  qui 
me  la  refufa;  ce  qui  obligea  Mademoifclle  Stapart  à  dire 
que  puifqu'elle  ne  pouvoit  être  conduite  fur  ce  tombeau  ; 
que  du  moins  elle  aiuoit  la  confo'.ation  de  faire  fa  prière  à 
la  porte  de  la  Chapelle.  Elle  fiic  conduite  a  l'Eglife  par 
Mademoifelle  Courtaume ,  &  par  une  fille  qui  la  foure- 
noit,  &  peu  de  tems  après  le  bruit  s'ctant  répandu  dans  le 
Bourg  ,  qu'il  venoit  de  fe  faire  un  miracle  fur  le  tombeau 
de  M.  RoufTe  ,  nous  coutumes  à  l'Eglife  ou  nous  trouvâ- 
mes Mademoifelle  Stapart  à  genoux  fur  ce  tombeau  qui 
lemcrcioit  le  Seigneur  de  la  grâce  extraordinaire  qu'il  ve- 
noit de  lui  accotdcr  par  l'intcrcdlion  de  M.  Ronfle.  Je  chan- 
tai le  Te  Deum  avec  quelques  pcrfonnes  oui  Croient  accou- 
lues,  &  Mademoifelle  Stapatt  rcfta  dans  la  Ch.ipcilc  pen- 
dant les  vêpres  qui  fe  dirent  aulTitôt  ;  aptes  quoi  elle  Ibt- 
tit  de  l'Eglife  a  pied  fans  aucune  aide  ,  accompagnée  du 
peuple  qui  la  conduifit  jufqu'à  notre  maifon,  étonne  de  la 
gueiifon  fubite  de  lad.  Dcmoifelle  Siapart ,  qu'il  avoir  vue 
auparavant  fi  infirme  qu'on  avoit  de  fa  peine  à  la  traîner. 
A  peine  lad  Dcmoifelle  fut  elle  entrée  en  la  maifon ,  qu'il 
r  (uivint  le  Sieur  Sarrot  Bourgeois  d'Avenay ,  le  licur  Mer- 
.in  le  leune  fon  gendre,  &  pluficurs  autres  pcrfonnes,  lequel 
fieur  Sarrot,  qui  avoit  appris  que  lad.  Dcmoifelle  Stapart, 
outre  fon  bras,  *c  là  jambe  gauches  paralitiqucs ,  dont  il 
voyoit  qu'elle  e:oit  parfaitement  guérie ,  avoit  aulTi  perdu  l'ccil 
gauche  pluiîeurs  années  auparavant:  pour  éprouver  fi  la  gue- 
iifon s'etoit  étendue  jufqu'au  recouvrement  de  l'ocil,  prit  un 
livre,  ou  il  y  avoit  au  dcfl'us  du  titre  deux  lignes  d'ccriiure 
non  impiimce^,  4c  aptes  lui  avoit  ferme  l'oeil  droit,  Made- 
moifelle Stapart  lut  hautement  de  fon  ocij  gauche  les  deux  li- 
gnes d'ccrituie  en  prcfcnce  de  l'allémblce,  ce  qui  confirma 
que  la  gucrifon  etoit  paifaiie;  S<  le  miracle  évident.  Tout 
ce  que  defliis  nous  certifions  eue  véritable  .  pour  en  avoir  été 
jet  témoins  oculaires  ;  fnluite  de  quoi  ted.  fieiir  Sarrot  en  pre- 
frnce  des  mêmc^  perf  mnes ,  ayant  demande  i  lad.  Demoilellc 
iiapaxt  de  qu'cdc  manicie  cci  evénemem  cioii  unve,  elle 


l 


dit  qu'un  petit  garçon  ayant  montre  la  manière  d'ouvrir  U 
Chapelle,  elle  y  fut  conduite  &  poféc  fut  le  tombeau  de  M. 
Roullc,  S<  après  la  prière,  qu'elle  fit  aflez  promptement  de 
crainte  qu'on  ne  la  chaflàt,  li  on  la  ttouvoit  dans  cène  Cha- 
pelle, elle  femit  un  gtand  tremblement  dans  toutes  les  par- 
ties du  corps,  une  douleur  violente  a  l'œil  gauche ,  une  dou- 
leur plus  légère  dans  les  jointures  de  la  main  &  de  la  jambe 
paralytiques,  fentit  fon  genou  qui  avoit  du  mouvement;  ce 
qui  l'obligea  à  dire  à  la  fille  qui  la  foutenoit  :  Uchez-moi, 
je  me  foutiendrai  bien;  fe  mit  à  genoux.  Se  ouvrit  la  main 
gauche  facilement, &  s'appcrçùtaufli-tôtqu'ellevoyoit clair, 
ce  qu'elle  dit  a  Mademoilélle  Courtaume  &  a  la  fille  qui  la 
foutenoit,  à  laquelle  déclaration  faite  pat  lad.  DemoifcUe 
Stapart ,  nous  étions  ptelens.  En  foi  de  quoi  noirs  avons  figné 
ce  que  defliis ,  &  offrons  de  l'affirmer  véritable ,  quand  nous 
en  lirons  requis,  ainfi  que  nous  faifons  par  cette  prefenre, 
ce  jourd'hui  2?.  Mai  i:i8.  &  avons  figneainfi:  Gallin,  Ma- 
rie Jeanne  Brodier.  Au  dejfcm  tfi  éirit  contrôle  à  Paris  le 
2.  Juin  I7?4.  reçu  12.  fols.  Skné  Dubois;  .i»  dm  rfl  icrit : 
certifie  véritable,  figne  &  paraphé  au  defir  de  l'afte  de  dépôt 

fiour  minute,  palfc  par  devant  les  Notaires  au  Châtelet  de 
'aris  fouflignes,  ce  t  4.  Juillet  i-;4.  J.vjwr  Carre' de  MoNT- 
GERON  avec  LoYSON  &  Raymond  Notaires. 

XI  I. 

Certificat  du  fieur  Langlier  &  fa  femme  tjui  virent 
le  16.  Mai  1728.  la  Dame  Stapart  parfaitement 
guérie  &=  voyant  fort  bien  de  fon  œil  gauche  ,  ce 
qu'ils  vérifièrent  dans  le  moment  de  fon  retour. 

NOus  fouffigncs  François  Langlier  Huiflier  Royal  au 
grenier  a  Ici  d'Epernay,  demeurant  en  lad.  Ville,  & 
Maiie  Vetvin  ma  femme,  certifions  à  tous  qu'il  ap- 
parriendra  que  nous  avons  une  parfaite  connoiflànce  de  la  der- 
nière anaque  de  paralylie  dont  Mademoifelle  Stapart  a  été 
attaquée  au  commencement  du  mois  d'Avril  dernier,  de- 
meurant dans  une  patiic  de  fa  maifon;  Se  tous  les  jours  nout. 
avons  eie  voir  lad.  Demoilclle  pendant  là  maladie ,  de  laquel- 
le elle  etoit  reftee  paralytique  du  bras  8c  de  la  [ambe  gau- 
ches ,  fans  pouvoir  s'en  fervir ,  étant  obligée  de  le  faire  con- 
duire ou  elle  avoit  befoin;  leli]uelles  incommodités  ont  du- 
ré jufqu'au  jour  de  la  Pentecôte  prêtent  mois  qu'elle  s'eft 
fait  conduire  à  Avenay  dès  le  matin,  8c  à  fon  retour  fur  les 
J.  heures  du  loir  du  même  jour  nous  l'avons  vue  enucr  en 
a  maifon  a  pied  fans  aucun  fecours ,  guérie  de  toutes  les  in-- 
firmites  8c  le  fervant  de  tous  fcs  membres  qui  ctoicnt  para- 
lytiques lors  de  fon  départ ,  avec  autant  de  facilite  que  s'il 
ri'euflènt  point  ete  malades,  laquelle  nous  dit  que  ce  mira- 
cle s'etoit  opeie  à  Avenay  fur  le  rombeau  de  NI.  RoufTe ,  fut 
lequel  elle  avoit  recouvre  l'ufage  non  feulement  de  fa  main  8c 
de  là  jambe,  mais  encore  de  fm  oeil  gauche  paralytique, 
duquel  elle  voit  a  prélent  patfaiiement  clair ,  lui  ayant  pre- 
fcmc  dans  le  même  tems  de  fon  retour,  de  l'eciitute  qu'el- 
le a  bien  lue  de  l'œil  gauche  ,  lui  aj-ant  ferme  l'œil  droit. 
Ce  que  nous  certifions  véritable  ayant  été  les  témoins  de  là 
malatiie ,  8c  remarque  fes  membres  paralitiqucs  ,  8c  les  té- 
moins comme  elle  eft  revenue  le  jour  de  la  Pentecôte  entie^ 
rcment  guetie.  En  foi  de  quoi  nous  avons  figne  le  20.  Mai 
fl8.  J/r«f  Langlier  ,  Marie  Vervin  :  ,>■  dtffoKt  rft  <•'.'//.• 
contrôle  a  Paris  le  1.  Juin  i'';4.  reçu  12.  Ibis.  Sifné  Du- 
bois; cnfnhe  rji  r'irti  :  certifie  véritable  yTf ne'  à"  f^Jfhi  au 
defir  de  l'Acte  de  dépôt  pour  minute  palTc  par  devant  les 
Noraires  au  Châtelet  de  Paris  foulfignes  ce  14.  Juillet  I734' 
Slpir  Carre'  de  Montgeron  avec  L o  y  s 0 s  8c 
Raymond  Notaires. 

XIII. 

Certificat  de  Mr.  Legen.ire  Receveur  des  configna- 
lions  ,  &>  du  Sr.  Vol  qui  virent  la  Dame  Stapart 
parfaitement  guérie  aujfi-tôt  après  fon  retour. 

NOus  fouflignes  Pierre  Legendre,  Confeillet  du  Roi, 
Receveur  des  eonfienaiions  du  BailUge  d'Epernay  ,  de- 
meurant en  ladite  Ville,  8c  Louis  Vol,  Ikmigeois.  de- 
meurant aud.  Epernai  cerrifions  que  nous  avons  connoulànce 
de  la  dernière  attaque  de  parai ifie  dont  .Vlademoifclle Stapart 
a  cic   attaquée  au  cwouncucciBcni  du  mois  d'AvtU  dernier , 


K 


de  laquelle  attaque  elle  étoit  refte'e  paralitique  du  bras  Se  de 
la  jambe  gauche,  fans  pouvoir  s'en  letvir ,  ce  quiadurejuf- 
qu'au  i6.  Mai  jour  de  la  Pentecôte,  que  nous  avons  appris 
qu'elle  avoir  été  a  Avenay ,  Se  que  fur  le  tombeau  de  M. 
Koufle  elle  avoir  recouvre  l'ulage  de  fes  membres  paralitiques  ; 
ce  que  nous  avons  reconnu  véritable  ,  l'avant  vue  après  Ion 
retour  marchant  fort  librement  comme  (i  elle  n'eût  pas  été 
paralitique ,  Se  le  feivir  de  la  main  gauche  auffi  aifement  que 
de  la  droite  ,  ne  lui  patoiflant  plus  aucun  lefte  de  paialilie. 
Déclare  en  outre  moi  Vol  que  led.  jour  de  la  Pentecôte  j'etois 
avec  le  fieur  Stapart  (bn  mari  en  fa  mailon  environ  les  j.  heu- 
res du  foir,  lotfque  lad.  DemoifcUeentra  a  pied  librement  Se 
délivrée  entièrement  de  fa  paralilie,Sc  fefervant  de  fes  mem- 
bres qui  avoient  été  pataliiiques,  avec  autant  de  facihteque 
s'il  n'euflcnt  point  ete  affliges.  Lcfquelles  declaiations  nous 
affirmons  vérirables.  En  foi  de  quoi  nous  avons  (igné  le  lo. 
Septembre  1728.  Signé  Legendie  Se  Vol.  Andeffaiatji  éirit  : 
contrôlé  à  Paris  le  2.  Juin  1734. reçu  12. fols,  ^^«r'Dubois, 
enfxits  cji  ctrit :  certifie  véritable,  Jîpié  ér  p,ir^phé  au  dcllr 
de  l'afte  de  dépôt  pour  minute,  paflé  par  devant  les  Notaires 
au  Chârelet  de  Paris  fouflignes,  ce  14.  Juillet  n;^.  Si^tié 
Carre'  DE  Montgeron  avec  LoYSON  SeRAY- 
M  o  N  D  Notaires. 

XIV. 

Certificat  de  Madame  la  Baronne  de  Somme-mejle  &> 
de'  la  Dame  de  Vi/lers  qui  attefient  entr'atitres 
chofes  ,  ijiie  la  Dame  Stapart  avait  perdu  l'œil 
gauche  par  la  première  attaque  :  qu'elle  s'ejl  tou- 
jours plai>ite  depuis  ,  d'une  douleur  de  tête ,  0= 
d'Une  enflure  aux  jambes  qu'elle  leur  faifoit  voir  ^ 
©=  que  depuis  fa  dernière  attaque,  fa  main  étoit 
tellement  fermée  que  les  ongles  commençaient  à 
entrer  dans  la  peau  tous  lefquels  maux  lui  ont 
duré  jufqu'au  16.  Mai  1738.  qu'elles  l'ont  lûe 
parfaitement  guérie, 

NOus  fouffignés  Jeanne  de  la  Feuille,  époufe  de  Meflire 
Louis  de  liait  Chevalier ,  Baron  de  Sorame-vefle  & 
Chevalier  de  l'Ordre  Militaire  de  Saint  Louis,  demeu- 
rant à  Eperiiay ,  Se  Elilabeth  Roger ,  veuve  de  Maître  Clau- 
de de  Villers,  vivant  Gteffier  en  chefdesBaillageSePievôte 
d'Epcrnay  demeurant  en  lad.  Ville,  certifions  que  depuis  plu- 
iîeurs  années  nous  fréquentons  journellement  Demoilelle  Ma- 
rie-Jeanne Gaulard,  femme  de  Maître  François  Siapart,  dans 
toutes  les  maladies  qui  lui  font  arrivées  depuis  plus  de  12. 
ans  Se  notamment  les  attaques  de  paralifie,  lapiemieredef- 
quelles  lui  eft  arrivée  la  veille  de  Noël  de  l'année  i  - 1  7.  de 
laquelle  attaque  elle  avoir  peidu  l'œil  gauche  ,  n'eu  voyant 
nullement  clair;  Se  à  l'égard  de  la  deinieie  attaque  qui  lui 
eft  arrivée  au  commencement  du  mois  d'Avril  dernier,  elle 
refta  paralitique  du  bras  &  de  la  jambe  gauches  ,  fans  pou- 
voir s'en  fervir  ;lefquelles  parties  diminuoientinfenfiblement 
de  grolfeur.  Nous  remarquons  encore  que  depuis  fa  paraly- 
fie  de  1717.  elle  s'eft  toujours  plainr  d'une  douleur  de  tête 
&  d'une  enflure  fur  les  jambes,  qu'elle  nous  faifoitvoir;  ce 
qui  faifoit  qu'elle  marchoit  pefamment  avant  fa  dernière  ar- 
taque ,  où  elle  relia  paralitique  fans  pouvoir  agir.  Même  fa 
main  gauche  paralytique  etoit  tellement  fermée  que  les 
ongles  commençoient  à  entrer  dans  la  peau ,  ce  que  nous 
avons  remarqué  lorfque  nous  l'ouvrions  avec  effort.  Tous  lef- 
quels accidens  durèrent  jufqu'au  jour  de  la  Pentecôte  dernière  , 
que  nous  avons  appris  qu'elle  etoit  partie  des  le  matin  avec 
trois  perfonnes  pour  Avenay  ,  Se  fui  le  foir  du  même  jour  le 
bruit  s'etant  répandu  dans  la  Ville  que  Maderaoilelle  Stapart 
étoit  revenue  o'Avenay  parfaitement  guérie,  nousallàmes  la 
voir.  Se  l'avons  trouvée  effeftivement  dans  un  état  agiflant 
librement ,  Se  le  iervant  de  fes  membres  qui  avoient  ete  pa- 
ralytiques, comme  s'ilsn'euflènt  jamais  été  incommodés.  Elle 
nous  dit  que  cemiracles'étoirfaitfur  le  tombeau  de  M.  Rouf- 
fe ,  environ  une  heure  après  midi ,  après  im  grand  rremble- 
ment  Se  quelque  douleur  qu'elle  avoir  reflentie  à  la  tète ,  à 
l'oeil  ,  dans  les  jointures  de  la  main  Se  de  la  jambe  paraly- 
tiques. Se  depuis  ce  rems  nous  avons  remarque  que  falânté 
s'eft  toujours  fortifiée  de  plus  en  plus.  Ce  que  nous  certi- 
fions vétiiable  ce-joiud'hui  4.  Septembre  1728.  i'/gn/Jeanne 
de  la  Feuille  ,  Baronne  de  Somme-vefle ,  Roger  veuve  de 


opéré  fur  Madame  Siapart. 


Villers.  ^H  dcffuits  tfi  hr'tt  contrôlé  à  Parisie  T.Juin  1754. 
reçu  12.  fols  /(>«(■■  Dubois;  enfn'm  cJl  écrit  :  certifie  véritable  . 
Jîgné  ^  farafhé  au  defir  de  l'acle  de  dépôt  pour  minute, 
pafle  par  devanr  les  Notaires  au  Châtelet  de  Paris ,  fouflignes 
ce  14.  Juillet  1754.  J/jî;?' Carre'  de  Montgeron  avec 
LoYsoN  <5c  Raymond  Notaires. 

Es  originaux  defd.  pièces  dépofes  comme  dit  eft ,  le  tout 
demeure  aud.  maîtie  Raymond  Notaire:  led.  dépôt  faitpat 
Melfue  Louis  Batîle  Carre'  de  Montgeron,  ConfeiUer 
au  Parlement,  ce  14.  Juillet  17^4.  à  la  minute  duquel  lefd. 
pièces  font  demeurées  annexées.  Le  tout  demeure  aud.  maître 
Raymond  Notaire. 

XV. 

Differtation  faite  par  M.  Souchai,  Chirurgien  de 
Mr.  le  Prince  de  Conti ,  dans  laquelle  il  prouve 
par  des  démonjirations  d'Anatomie  ,  que  la  gué- 
rifon  de  la  Dame  Stapart  eji  un  miracle  qui  n'a 
pu  être  opéré  que  par  le  Maître  de  la  nature. 


M 


o  N  s  I  E  U  R , 


11  ne  me  fera  pas  forr  difficile  de  vous  fatisfaite  par  rapport 
à  la  qucllion  que  vous  me  propofez  ,  il  ne  faudia  pour  cet 
effet  que  vous  rappeller  quelques  uns  des  principes  que  vous 
avez  déjà  vu  dansja  diflertation  que  je  vous  ai  envoyée  par 
rapport  a  la  gucufon  fubite  de  la  paralifie  d'Anne  Augier, 
&  vous  mettre  fous  les  yeux  quelque  peiitdétailanatomiquï 
des  parties  dont  l'oeil  eft  compofe  ,  Se  ce  quicaufelaparalyfie 
dans  cet  oigane.  L'application  de  ces  principes,  Se  les  con- 
lequences  qui  refulteront  de  la  petite  diflertation  que  je  vais 
vous  faire  par  rapport  à  la  paralyfie  de  l'œil,  fe  feront fentir 
pour  ainfi  dire  d'elles  mêmes  Se  prouveront  invinciblement 
a  qui  ne  voudra  pas  s'aveugler  de  deflein  forme  ,  que  la  dou- 
ble guerifon  fubite  de  la  Dame  Stapart  de  fon  bras  Se  de  là 
jambe  gauches,  qui  etoient  tombes  en  patalyliecomplette de- 
puis plus  d'un  mois.  Se  fur  tout  de  fon  œil  gauche  qui  étoit 
en  paralyfie  complette  depuis  plus  de  10.  ans,  u'eft  pas  moins 
furnaturelle  que  celle  d'Anne  Augier. 

Vous  me  marquez  que  la  Dame  Stapart  fut  attaquée  d'a- 
poplexie  le  24.  Décembre  171  7.  qui  fût  fuivie  de  paralyfie 
fur  la  moitié  du  corps  du  côté  gauche  ,  fc'eft-a-dire  depuis  le 
vertex  jufqu'a  l'extrémité  du  pied  du  même  côte)  Se  que  fon 
oeil  gauche  devint  auHi  paralytique  Se  prive  de  totuc  lumière. 
Se  qu'il  eft  refte  dans  cet  état  depuis  ce  jour  24.  Décembre 
1717.  jufqu'au  16.  Mai  1728.  qu'elle  fût  guérie  en  un  mo- 
ment de  la  paralyfie  qu'elle  avoir  à  l'œil,  au  bras  Se  à  la  jam- 
be gauche. 

Vous   me   marquez  auffi  comme  une  circonftance  remar-  - 
quable  que  pendanr  rout  le  tems  que  l'œil  de  la  Dame  Stapart 
demeura  paralytique  il  avoit  perdu  toute  fenfibilite ,   Se  que 
fa  paupière  ne  branloit  pas ,  lorfqu'on  lui  touchoit  le  dedans  ■ 
de  l'œil  avec  le  doigt. 

Cette  circonftance  fur  laquelle  vous  appuiez  beaucoup,  n'eft 
que  i'efter  tout  naturel  de  la  paralyfie  compleue  dont  cet  œ-il 
etoit  atteint,  Se  fe  trouve  comprilé  Se  fuppolce  par  l'exprel-  - 
fion  dont  M.  de  Reims  Se  M.  Vitard  Chirurgien  de  ladite 
Dame  Stapart  fe  font  feivi  dans  le  certificat  que  vous  m'avez 
fait  voit,  par  lequel  ils  ont  déclaré  que  cet  œil  etoit  refté 
paralytique  l'ans  efpérance  de  guerifon  depuis  le  24.  Décembre 
1717.  jufqu'au  16.  Mai  1728. 

A  l'égard  du  bias  &  de  la  jambe  gauches  delaDameSta-  - 
part ,  vous  me  marquez  qu'elle  en   recouvra   d'abord  peu  3 
peu  l'ufage  en  l'année  17 18.  quoiqu'imparfaitement ,  par  le 
moyen  des  remèdes  qui  lui  furent  adminiftrés  ,    Se  que  fes 
jambes  demeuierem  enflées  jufques  au  16.  iMai  1728.  jour  de  - 
la  guerifon  fubite. 

Qu'environ  10.  ans  après  certe  première  attaque  ,  le  2e,' 
Mars  1 727.  elle  en  eût  une  féconde  qui  fut  encore  fuivie  de 
paralyfie  fur  le  même  côté  gauche  ,  qu'on  fe  fervit  encore 
des  mêmes  remèdes  qui  lui  rendirent  encore  l'ufage  de  fon 
bras  Se  de  fa  jambe  gauches. 

Et  qu'enfin  le  7.  Avril  1728.  elle  eût  une  troifiéme  attaque 
d'apoplexie  après  laquelle  tout  fon  coté  gauche  étant  encore 
tombe  en  paralyfie ,  les  remèdes  qu'on  lui  fit  n'eurent  plus 
aucim  fuccès.  Se  ne  lui  apportèrent  plus  aucun  foulageinent , 
fon  bras  Se  fa  jambe  gauches  étant  reftés  fans  aucun  mouvc- 
meut  &  CuM  aucun  femimem  comme  s'ils  étoicnt  morts, 

B  z  A- 


I 


8 

A  Tce.rd  de  l'acll  gauche,  vous  m'ivcz  obfcrve  p.us  luui 
que  depuis  la  première  atuque  d'apoplexie  arnvee  en  1,17. 
?1  c<oi?tou,our»  :eftc  paralytique  &  pi.vc  de  coûte  lum.ee 

Que  tel  etoit  Tecat  de  la  Dame  Stapart , lorfquc le  i6.  Mai 
jour  de  la  Pentecôte  elle  fc  fit  traîner  fut  le  tombeau 


Qu 
de  M 


Rouûc 


&  qu'en  un  moment  elle  y  recouvra  l'uÇige 
entier  &  partait  de  Von  œil  Se  de  tout  Ton  côte  gauche  Uns 
qu'  1  V  telUt  même  aucune  foiblefTe,  &  que  lut  le  champ 
?es  iiinbcs  le  ttouvcrcnt  defenflees,  &  vous  me  dema.ulcz 
fil  y  a  quelque  tefTouicc  dans  U  natute  qui  ait  pa  opérer 
un  pareil  changement.  ■  .    \/i  a.  1. 

len-uis  bien  peifuadé  que  vous  ne  doutci  point,  M. de  la 
leponfe  qu'on  doit  vous  faite,  &  je  ne  crois  pas  que  perloii- 
ne  en  ruiflc  doutct  de  bonne  foi  ;  mais  )C  comprends  q'.e  vous 
voulez  que  je  vous  développe  les  raifons  de  mon  avis;  encore 
un  comî  cela  me  fera  fort  aile  ,  les  ptinopes fut  efquelsjc  me 
fonde  étant  également  furs  &  cvidei.s,tantpat  lathcorieque 
parlaptarique  le  raifonnemcm  &  l'expeiiencesaccotdan.  ici 
ï  merveille.  Maispout  le  faire  avec  plus  de  netteie  :  le  vous 
rendrai  compte  d'abord  de  mes  oblcrvatiom  pat  rapport  1  la 
guerifon  du  bras  &  de  la  jambe  paralytique.,  «-);"'«: 
frai  enfuite  à  vous  rendre  compte  de  cdles  que  c  f^"',  P" 
rapport  à  la  guerifon  de  l'ouil  i  l'égard  de  laquelle  .1  faudra 
que  j'entre  dins  un  petit  détail  an^^ornique  de  cet  organe. 
^L  patalyf.e  eft  pour  l'ordinaire  la  lu.te  de  ppoplexie  :  on 
diRiniue  deux  fortes  d'.ipoplexic  ,  l'une  vraie  ^d'au-^efaufle. 

La  vrave  eft  celle  de  laquelle  les  malades  p^r.lTent  tou- 
i15«s.  pafce  que  non  feule.nent  elle  attaque  tous  les  nerfs 
dès  leur  principe,  qui  eft  le  cerveau,  le  cervelet  &c.  mais 
elle  eft  encore  accompaance  de  luftocation.  ■„„,„„, 

Les  malades  attaques  Se  la  faufte  apop  exie  ordinairement 
n'en  meurent  Point',  mais  aulT,  cette  maladie  eft  tou,ourslu.- 
vie  de  paralylie  ou  fut  la  moitié  du  corps, ou  fut  quelques 
unes  de  les  parties.  ,      

C'eft  un  principe  certain  que  toutes  les  parties  du  corps 
de  l'animal,  ne  font  fufceptibles  de  mouvcinent  &  de  fcnti- 
mcnt,  que  par  la  prcfcncc  de  l'elpiit  animal  qui  a  ete  filtre 
par  les  glandes  ou  filières  du  cerveau  ,  Se  quicoule  le  long  des 


Pièces  jujlificatives  du  miracle 

-  •  de   pavalvlîc ,  de   mouvement  :  pour  lors  cette  paralyfie  eft 

abfolume'nt  incurable ,  parce  que  les  membres  étant  entière- 
ment prives  de  l'elprit  animal  il  ne  refte  plus  aucune  re(- 
fourcc  a  la  nature ,  &  par  confcqucnt  il  n'en  peut  reftei  \ 
l'art,  qui  ne  peut  tien  faire  qu'avec  l'aide  de  la  naure. 

Mais  il   arrive  allez,  ordinaiiemcnt  qu'après  une  première 

attaque  d'apophxic,  la  paralyfie  qui  fuit  n'eft  qu'incomplet- 

te  quoiqu'elle  attaque  les  nerfs  des  leur  ptincipe  ;  parce  que 

filets   ou  fibres  qui  compofcnt  les  nerfs,  &  qui  laillerit 


nerfs,  lelqucls  le  depofcnt  dans  toutes  les  parties  du  corps. 

L'anatomie  nous  apprend  que  tous  les  nerfs  qui  le  diftri- 
buent  dans  toutes  les  parties  du  corps ,  partent  de  la  bazc  du 
cerveau  ou  moucUe  allongée  &  de  la  mouelle  cpin.ere. 

Il  V  a  dix  paires  de  nerf,  qui  partent  du  cerveau, dix neifs 
de  chaque  cote  qui  fe  difttibuent  ,tant  pour  les  mouvemens  , 
comme  ceux  qui  fc  vont  rendre  aux  rauleles  de  routes  les  par- 
ties,que  pour  les  fenfations, comme  ceux  qui  lervent  alor- 
ganè  de  la  vue,  de  l'oiiye ,  de  l'odorat,  du  goût,  &dutou- 

n  v  a  trente  paires  de  neifs  qui  fortent  de  la  moiielle  de 
l'cpinc  entre  les  vertèbres;  trente  de  chaque  cote  qui  fe  di- 
fttibuent pareillement  dans  les  parties  pour  le  mouvementé 
le  fentiment 


les  .  . 

enti'elles  des  cfpaces  qu'on  appelle  porcs  ne  lont  pas  entiè- 
rement obftrucs  ni  ablolument  bouches ,  de  façon  qu'il  n'y 
pafle  encore  quelque  peu  de  l'cfprit  animal,  ce  qui  fe  re- 
connoit  en  ce  que  le  mouvement  8c  le  fentiment ,  lont  feu- 
lement diminues  dans  les  mcmbtes,mais  ne  font  pas  entiè- 
rement perdus  ;  pour  lors  comme  il  coule  encore  des  efprits 
animaux  dans  les  membres  attaques,  toute  rcdoutce  n'eft  pas 
perdue ,  &  les  remèdes  venant  au  fecours  de  la  nature ,  peu- 
vent l'aider  à  debaraftct  les  obftructions  qui  fe  rencontrent 
feulement  dans  une  partie  des  filets,  ou  des  fibres  qui  com- 
polènt  les  neif>.  Au  furplus  comme  les  fil:ts  des  nerft  qui 
font  obftrucs, s'afVaiftent  &  fe  racorniflcnt  lotfqu'ils  font  pen- 
dant quelque  tems  prives  d»  la  prcfence  de  l'efpnr  animal , 
il  n'arrive  prcfqiie  jamais  que  des  membres  qui  ont  ete  pa- 
ralytiques a  la  Unte  d'une  apoplexie,  reprennent  toute  leur 
vigueur  ;ainfi  loifquc  les  nerfs  ont  déjà  cte  aftbiblis  pat  une 
première  attaque  d'apoplexie;  s'il  en  furvient  une  féconde, 
fouveut  la  paralylie  qui  la  fuit,  (qui  lors  de  la  première 
attaque  d'apoplexie  n'avoit  été  qu'incomplette ,  )  devient 
cjmplcttc  après  la  deuxième  attaque;  8c  fi  cela  n'arrive  pas 
à  U  féconde,  cela  arrive  prefque  toujours  à  la  tioilie-mc ,  pat- 
ce  qu'encore  un  coup ,  chaque  paralyfie  qui  eft  la  fuite  d'u- 
ne ap.ip'.exie,  laifte  toujours  quoique  guérie  en  apparence, 
quelques  fibres  ou  filets  obftrucs,  affailles  8c  même  quel- 
ques-fois racornis;  Se  qu'ainfi  la  nature  ayant  moins  de  for- 
ce, Se  les  nerfs  fe  trpuvant  déjà  en  partie  obftrucs  à  une  fé- 
conde ou  à  une  troifieme  attaque  il  eft  tout  naturel  que  pour- 
lots  l'obftruction  devienne  totale  &  la  paialylie  complette. 

Tel  etoit  l'état  de  la  Dame  Stapatt  lors  de  la  ?e.  attaque 
d'apoplexie.  Des  le  14..  Decerabie  171^.  elle  en  avon  eu 
une  première  qui  fut  fuivie  d'une  paralylie  mcomplette  lur 
le  bras  &:  la  jambe  gauches,  dont  elle  recouvra  peu  à  peu  l'u- 
fage  quoique  imparfaitement,  par  le  moyen  des  remèdes  qui 
lui  firent  adminiftrcs  pendant  l'efpacc  de  6.  à  7.  mois. 

Dix  ans  aptes  le  if.  Mars  nz''.  elle  en  eût  une  fé- 
conde qui  fut  encote  fuivie  d'une  paralyfie  mcomplette  lux 
les  mêmes  parties ,  8c  avec  les  mêmes  remèdes  elle  en  re- 
couvra encore  l'ufage ,  mais  avec  encore  moins  d'agiliie  8c 
de  force  que  la  première  fois;  8c  cela  ne  fc  pouvoi:  prel- 
que  pas  autrement 

Enfin  le  i''.  Avril 


Dans  la  patalyfie  vraye  toutes  les  paires  de  nerfs  lont  atta- 
quées dans  leur  principe,  c'eft  ce  qui  fait  qu'aun.tot  ou  elle 
eft  entièrement  formée  8c  que  tous  les  nerfs  lont  obftrue-s, 
le  malade  tombe  en  une  paralyfie  complette  &  iiniverlelle, 

laquelle  privant  fon  corps  de  '""V'''-"'  ^'f'"ù'  L„,r,,„lrir'     ràrvfie°"'la'Vrëmie'redëfq'uelles   avoir  ete  fi  longue  i  gue'tir 
cefrer  par-la  toutes  les  f'onehons,  le  tait  infa.Uiblement  périr.      'X;^,\;'^„P;^;;^"n^^^^       ^   qui  marque  que  la  plus  grande 

Mais   il   n'en   n'eft   pa,  de  même  da"s  l;apople_xie_fauire.     ^^'"'fdl^^Xes  qmœmpof^nt  les  nlift  ïvoient'e.e  o?ftrue_s 


„  t728.  elle  eût  encore  une  5e.  attaque, 

apiériaqiicilc  fon  bias  Se  fa  jambe  g.iuches  étant  encote  re- 
tombes en  paralylie,  les  remèdes  qu'on  lui  fit  n'aitcnt  plus 
aucun  fucccs .  Se  ne  lui  apottetent  plus  aucun  foulagement  ; 
Se  fon  bras  8c  fa  jambe  gauches  tefterent  lans  aucun  mouve- 
ment. U  eft  de  la  dernière  évidence  que  la  patalyfiequi  lui- 
vit  la  se.  att.iquc  d'apoplexie ,  fut  complette:  il  eût  ete  allez 
étonnant  qu'elle  ne  l'eût  pas  ete  aptes  deux  rechutes  en  pa- 


parce  que  comme  die  n'attaque  qu'ime  portion  des  nerfs  8c 
alTez  fouvent  tout  un  côte,  il  n'y  a  que  cette  portion  on  ce 
côté  des  nerf;  qui  fe  rrouvcm  prives  de  l'clprit  animal,  tan- 
dU  que  le  même  efprit  coule  fans  ohftadc  le  long  des  nerfs 
non  obftrues,  ce  qui  fuffit  pour  la  coulervation  de  la  vie. 

Les  paralvfics  qui  font  une  fuite  de  l'apoplexie  ont  en  gé- 
néral les  plus  difficiles  à  guérir ,  parce  que  l'apop  exie  aira- 
que  le  principe  des  nerfs,  8c  qu'ainli  les  nerft  oblUues  dans 
la  paralylie  qui  fuit  l'apoplexie,  le  font  ordinairement  des 
leur  principe;  au  lieu  que  les  paralflies  qui  ont  une  autie 
caufe  ne  font  fouvent  qu'une  obftruaion  dans  les  branches, 
ou  tout  au  plus  tUns  le  ttonc  principal  de  quelques  ncih ,  Se 
n'attaquant  que  quelque  paitie  3c  non  pas  tout  un  cote  des 
nerfs,  comme  fait  fouvent  la  paralvlie  qui  luit  l'apoplexie. 

Au  furplus  pour  favoir  en  qud  cas  cette  efpece  de  paraly- 
fie peut-être  guérie.  Se  en  quel  cas  die  eft  incurable  ,  il  ftut 
diftineuer  fi  elle  eft  complette  ou  mcomplette. 
$1   elle   eft   complette,  c'cft-i  dite,  fi  la  portion  des  ncifs 


des  cette   pteinieic   fois,  8c  la  féconde  patalyfie  n'ayant  pu 
l'être  que  bien  imparfaitement.  , 

Mais  ce  qui  décide  ablolument ,  c'eft  en  premier  lieu  ,  que 
les  mêmes  remèdes  qui  avoient  guéri  les  deux  premières  pa- 
ralylies,  ne  fiient  plus  aucun  effet  lut  la  se.  Se  ne  ptocute- 
rent  aucun  fouLigement  à  la  Dame  Stapartiuivant  que  le  Mé- 
decin Se  le  Chiiurgien  qui  les  ont  admiuiftrcs,  le  marquent 
precifcment  dans  leurs  certificats. 

Et  en  fécond  lieu ,  que  ces  membres  demeurèrent  privéf 
tout  enfemble  de  tout  mouvement  8c  tout  fentiment  fuivant 
qu'il  rcfulte  de  plufieuis  certificats  que  vous  m'avci  fan  voit  , 
ce  qui  cara;Urilc  precifcment  la  paralylie  complette  Ot  ce 
n'eft  pas  une  choie  douteufe  que  les  patalylicscomplettesne 
foicnt  incur.iblcs,  ainli  que  )e  ciois  l'avoir  démontre  dans 
une  autre  dillertation  que  je  vous  ai  envoyée  il  y  a  quelque 
tems  par  rapport  à  la  guetilon  d'Anne  Augier. 

Mais  quand  on  fuppoferoit  que  la  paralylie  qui  tut  la  lui- 
de   la    Se    attaque  d'apoplexie,  dans  laquelle  lad.  Dame 


attaques  de  paralyfie  eft  entièrement  obftruee ,  ce  qui  le  te-     te   ''"^   ',^„,,;;;  '^^f  ^;:\7:,sVc  oitpascnucieinemcom- 
CoMtMt  lorfqu'il  7  a  Ptrtc  tot»lc  dans  le»  membres  affliges     Stapatt  tomba  le  ;■  Avtil  i^.S.n  ctoitpascnuc  et»    ^^^^^^^ 


opère  fur  Madame  Stapart^ 


I 


plette,  le  miracle  de  &  guctifbn  fubke  n'en  feioit  gucrcs 
moins  édattant. 

On  ne  peut  au  moins  contefter  que  lors  de  faguétilbnfu- 
bire,  Ta  paralyfie  ne  fût  très  conilSeiable. 

Il  avoir  fallu  6.  ou  7.  mois  de  remèdes  après  (à  premiè- 
re paralyfie  pour  lui  rendre  l'ufage  de  Ion  bras  &  de  fa  jam- 
be, quoique  très-imparfaitement;  la  paralyfie  en  queftion 
étant  la  fuite  d'une  je.  attaque  S:  étant  une  5c.  chute, com- 
bien eût-il  fallu  de  tcms  &  de  remèdes  pour  lui  rendre  l'u- 
iâge  de  fes  membres!  Cependant  fuivant  que  vous  nie  le 
marquez,  elle  ell  guérie  en  un  moment  le  16.  Mai  1718. 
&  elle  l'eft  aufll  parfaitement  que  li  elle  n'avoit  jamais  eu 
de  paralyfie,  en  (orte  qu'il  ne  lui  refte  aucune  foiblefle  ni 
dans  le  bras  ni  dans  la  jambe,  &  même  fes  jambes fe trou- 
vent defcnflées. 

f  La  nature  n'opère  point  de  pareils  prodiges.  Des  nerfs 
obftruès  dès  leur  principe  &  dans  toute  lem'  route  &  toutes 
leurs  branches,  &  donr  une  partie  des  filets  font  aft'aiflcs  & 
lacotnis,  ne  fe  rétabliflent  point  tout  d'un  coup  dans  un  état 
parfait:  des  jambes  que  l'abfence  des  elprits  animaux  alail- 
le  inonder  par  des  humeurs  aqueufes  ne  fe  defenflent  poiijt 
tout  d'un  coup  :  ce  ne  peut  être  que  par  un  progrès  infenfi- 
ble  que  les  nerfs  obftruès  fe  debouchenr ,  &  reprennent  leur 
vertu  d'èlafticité  ;  des  humeurs  aqueules  infiltrées  qu'elles  font 
dans  les  parties,  ne  s'échappent  que  peu  à  peu,  foit  qu'une 
partie  (bit  repompée  par  les  vaiflcaux  qui  fervent  à  la  circu- 
lation ,  8c  que  l'autre  s'échappe  inleofiblement  à  travers  les 
pores  &  la  peau. 

Il  n'y  a  que  l'auteur  de  la  natiu:e,qui  (ans  s'affujettiràlès 
loix,puiflè  rétablir  rout  d'un  coup  des  nerfs  affaiffcs,  &  dont 
les  fibres  font  racornies ,  &  difliper  des  humeurs  en  un  mo- 
ment fans  qu'on  s'appcrçoive  ce  qu'elles  font  devenues. 

Mais  paflbns  prcfentement  àla  guerifon  fubite  de  l'œil  pa- 
ralytique qui  eu  encore  plus  furprenante. 

l'our  vous  faire  bien  comprendre  ,  Monfieur ,  combien  cet- 
te guerifon  eft  au  deflus  des  forces  de  la  narure,  il  ell  ne- 
ceflaire  que  je  vous  dife  un  mot  de  la  ftiutlute  du  globe  de 
l'oeil. 

L'oeil  eft  compofé  de  membranes,  de  mulcles,  de  vaif- 
féaux  Se  d'humeurs  &c. 

Les  membranes  en  forment  le  globe  :  les  mulcles  fervent 
à  fes  mouvemens:  les  vaiffeaux  font  de  4.  efpeces  :  les  nerfs , 
les  veines,  les  artères  &  les  vaiffeaux  lymphatiques. 

Il  y  a  3.  fortes  d'humeurs  contenues  dans  l'intèrieui  du  glo- 
be ,  la  vitrée ,  la  criftaline  &  l'aqucufe. 

La  vitrée  eft  ainfi  appellée ,  parce  qu'elle  reffemble  à  du 
verre  fondu:  elle  remplit  la  partie  pofterieure  de  l'intérieur 
du  globe  :  c'eft  elle  qui  donne  la  figure  fphérique  à  l'œil. 

La  criftaline  eft  ainfi  appellée, parce  qu'elle  efttranfparen- 
te,  &  qu'elle  eft  ferme  à  prefque  dure  comme  du  criftal: 
elle  eft  placée  vis-à-vis  la  prunelle  au  devant  de  l'humeur  vi- 
trée. 

L'aqueufe  remplit  le  furplus  du  vuide  de  l'intérieur  du 
globe. 

Mais  ce  qu'il  faut  que  je  vous  explique  plus  particulière- 
ment par  rapport  à  votre  objet ,  c'ell  qu'elle  eft  la  fonition 
des  netfs  dans  cet  organe. 

En  général  ils  fervent  comme  aux  aurres  parties  du  corps 
à  y  apporter  l'efprit  animal  pour  les  lènfations  £c  pour  les 
mouvemens. 

Mais  ce  qu'il  faut  obferver  principalement,  c'eft  que  le  nerf 
optique  eft  l'org-ane  immédiat  de  la  vue. 

Ce  nerf  part  de  la  baze  du  cerveau,  &  après  avoir  pafle 
par  un  trou  qui  fe  trouve  dans  le  fond  de  l'orbite ,  il  perce 
poftérieuremcnr  le  globe  de  l'œil  &  forme  en  s'épanouillant 
dans  l'intérieur  du  globe,  une  membrane  appellée  la  rétine,, 
compofée  d'une  infinité  de  petits  filets  d'une  fineffe  &  d'une 
délicateffe  merveilleufe  :  c'eft  fur  cette  tétine  que  les  rayons 
lumineux  qui  partent  des  objets,  font  imprelhon,  &  repré- 
fentent  à  l'ame  la  figure  &  la  couleur  des  objets,  ces  rayous 
«'étant  réfléchis  dans  U  criftalin  Se  la  viuee. 


11  n'eft  pas  douteus  que  le  nctf  optiqus,  n'ait  étéobftiué 
dans  toute  fou  étendue  dans  l'œil  gauche  de  la  Dame  Sta* 
part;  des  fa  première  attaque  d'apoplexie  arrivée  le  20.  Dé- 
cembre 1717.  Lacaulè  de  la  privation  de  toute  lumière  dans 
cet  œil  n'eft  pas  incertaine ,  elle  eft  la  fuite  d'une  apoplexie 
qui  avoir  attaqué  tous  les  nerfs  du  côté  gauche  dans  leur  prin- 
cipe ,  &  qui  avoir  laiflé  toutfon  côté  gauche  en  paralyfie; 
auflitôt  la  faculté  de  voir  cefla  entièrement  dans  cet  œil',  qui 
pendant  plus  de  10.  ans  n'a  recouvré  aucune  lumière  ,  ce  qui 
prouve  que  toutes  les  parties  du  nerf  optique  avoienr  été  ob- 
ftruees;  mais  il  y  a  plus.  Non  feulement  toutes  les  paities 
du  nerf  optique  avoient  été  obftruees ,  mais  aulfi  tous  les  au- 
tres nerfs  qui  fervoienr  .ulx  mouvemens,  ont  été  pareillement 
obfttues,  &  c'eft  ce  qui  a  rendu  cet  œil  paraly:ique,  c'cft- 
à-dire,  fans  mouvement  &  fans  aucune  fenfibilite;  cela  eft 
fi  vrai  que  fuivant  vos  certificats,  lotfqu'on  lui  mcttoit  le 
doigt  entre  les  paupières,  &  qu'on  lui  touchoit  le  globe  de 
l'œil,  on  ne  lui  faifoit  aucune  douleur,  &  la  paupière  ne 
branloir  pas,  dilènr  les  mêmes  certificats  ce  qui  prouveaufll 
la  paralyfie  des  paupières. 

Voilà  donc  tous  les  nerfs  généralement  quelconques  qui 
portoienr  l'efprit  animal  dans  cet  œil  obftruès:  voilà  donc 
cet  œil  prive  de  rout  elprit  animal:  voilà  donc  une  parali- 
fie  complerte  &  par  confequcnt  incurable  ,  &  la  Dame 
Stapart  refte  en  cet  é_tat  pendant  plus  de  lo.  ans.  Que  font 
devenus  pendantun  fi  long-tems,  ces  fibres  ou  filets  fi  dé- 
licats, fi  fins,  fi  déliés  qui  compofent  la  rétine  &  qui  re- 
çoivent, pour  ainfi  dire,  toute  leur  aftion  del'elprit  animal 
que  leur  porte  le  nerf  optique  dont  ils  ne  font  que  l'cpa- 
nouiflement  par  petits  filets  î  N'eft-ils  pas  évident  que  tous 
ces  filets  ayant  ete  prives  de  l'efprit  animal  pendant  un  fi 
long-tems,  fe  font  aftaiUès  &  peut-être  racornis?  Commeit 
cette  membrane  rétine  a-t-elle  pu  être  rétablie  après  plus 
de  10.  ans?  Comment  le  nerf  optique  lui-même,  affaifie 
pendant  un  fi  long-tems,  &  dont  tous  les  potes  ont  été  fî 
long-tems  bouchés  ,  eft-il  capable  de  recevoir  les  elprits 
animaux  &  de  les  porter  dans  toutes  les  fibres  de  la. 
rétine } 

Voilà,  Monfieur,  ce  qui  me  paroit  de  plus  incompréhen- 
fible  dans  cette  guerifon.  Qnand  les  autres  nerfs  de  l'œil 
n'auroient  pas  été  obftruès  :  le  rétablifièment  du  nerf  opti- 
que de  la  rétine  &  par  conféquent  de  la  vifion  de  cet  œil 
après  10.  ans  de  paralifie  du  même  nerf,  fcroit  toujours  un 
prodige  inconcevable ,  &  qui  n'auroit  certainement  pu  être 
opère  que  par  l'auteur  de  la  nature;  d'autant  plus  que  fui- 
vant que  vous  le  marquez ,  la  Dame  Staparr  à  fur  le  champ- 
lu  de  cerœil  des  écrituies  privées  avec  autant  de  facilité  qus 
fi  cet  œil  avoir  toujours  confervé  toute  fa  lumière,  il 

Je  ne  puis,  Monfieur,  qu'admirer  une  guerifon  fi  fubite 
&  fi  parfaite  :  Heureux  fi  la  connoiflànce  de  ces  prodiges 
fait  for  moi  toute  l'impreGîon  qu'elle  devioit  faite.  J'ai 
l'honneur  d'être  très  refpeftueulèment. 

MONSIEUR. 

Vôtre  très  humble  &  très-obéiflint  Serviteur ,  Jtpis  SoiJ-- 
CHAi  Chirurgien  Juré. 

>4  dté  tji  écrit:  A  M.  de  Montgeron  Confèiller  au  Par- 
lement :  ait  lierons  ej!  écrit:  contrôlé  à  Patis  le  7.  |uillet 
1734.  reçu  12.  fols  Si^'ié  Lacroix  :  en  marge  ejl  écrit:  cer- 
tifie vérirable,  Cgiié  &c  paraphé  au  dcfir  de  l'atie  de  dépôt 
pour  minute,  palfe  par  devanr  les  Notaires  au  Châtelet  de 
Paris  Souifignes,  ce  14.  Juillet  1734.  J:g>ié  Carre'  de 
Montgeron,  Loyson  &  Raymond  avec  pa- 
raphes. 

L'original  des  préfentes  dépofé  comme  dit  eft,  le  tout  de- 
meuré aud.  Raymond  Notaire  :  led.  dépôt  fait  par  Meflîre 
Louis  Bazile  Carre'  de  Montgeron  Confeilier  au  Par- 
lement le  14.  Juillet  1734.  à  la  minute  duquel  ledit  ori- 
ginal eft  demeuré  anne-xe.  Le  tout  demeiue.  audit  Ras i 
MOND  Notaire, 


//.  Bimonfl,  Tarn.  IL 


M  I  R  ^ 


I 


La  D"^Fourcroi 

ÎRtant en  comntftion  le i^lvnl i-S-x.  Cintj /ours aprcj  Icxanxcn  dcj  Chtnitxn- 
tetu.decolc  Icj  os  de  SL>n  pied  jcudé.<  a  ceiuv  de  la  fatnhc  Le  pied  iv prend 
J^a  foniic  netturelle  et  recourue  Jaiu  le  incniient  autant  de  souplcjjc,  de  vivaeitc' 
f et  de  force,  que  s  "il  nUvoit  famaui  ete  anehylose'  m  diffonnc  . 


MIRACLE   OPERE 

SUR 

MARIE  JEANNE  FOURCROY , 

GUE'RTE  fnbîteme'iit  par  rinterceffion  du  B.  François  de  Paris  le  i^.Jvril  ij-^z. 
d'une  anchylofe  ^  dont  r  humeur  corrofivc  ^  brûlante  avoit  depuis  plus  d'un  an  racorni^ 
retiré  £î?  dejféché  le  tendon  d'achilles  du  pied  gauche  :  avoit  fait  remonter  le  talon 
beaucoup  plus  haut  tju'ilne  devoit  être  :  avoit  renvcrfé  le  pied  quaft  fens  dejfusdef- 
fous  :  en  avoit  gonflé  i^  contourné  les  os  :  ^  en  cet  état  les  avoit  foudés  à  ceux 
de  la  jambe ,  ce  qui  rendait  ce  pied  d'une  difformité  hideufe  ,(^  en  avoit  fait  perdre 
Vufage  à  la  Dlle.  Fourcroy. 

TOtJT  à  coup  dans  une  convulfion^ces  os  fe  décollent  ^  fe  détachent  de  ceux  de  Is 
jambe.  Ils  [e  dégonflent  :  ils  feréduifent  à  leur  premier  état.  Ils  fe  retournent  :  ils  fe 
remettent  dans  leur fituaîion  naturelle.  Le  tendon  d'achilles  fe  ramollit ,  s'étend  fi?  de- 
'vient  fouple.  Le  talon  de  fcendl^  reprend  faplace .  Une  groffeur  confldérable  qui  étoit 
à  côté  delà  cheville  .^rentre  en  elle-même  13  difparoit.  'Tout  le  pied  qui  avoit  été  fi 
horriblement  contrefait  recouvre  en  un  moment  fa  première  forme  :  £jf  des  le  'même 
inftant  la  Dlle.  Fourcroy  retrouve  dans  ce  pied finouvelkment  rétabli  .^  toute  la  force 
i§  r agilité  qu'un  pied  peut  avoir. 

III.    DEMONSTRATION. 

RE'CIT ,  TIRE'  DES  PIE  CES  JUSTIFICATIVES ,  DE  CE  MIRACLE 

ET  DE  PLU:>IEURS  AUTRES  OPE'RL'S  SUR  LAD.  x\I.  J.  FOURCROY. 

^^3^i?^ELui  devant  qui  tous  les  évcnemens  futurs  font  éternellement  préfcns, 
***^  C  ^  prépare  fes  œuvres  de  loin ,  £c  arrange  toutes  chofes  félon  les  defleins 
^  yf  dit  miféricorde  ou  de  iuftice  qu'il  a  fur  fes  créatures. 
5K^]!^>?<  Marie-Jeanne  Fourcroy  fille  d'un  marchand  épicier  de  Paris,  com- 
mence àfentir  de  vives  douleurs  ,  &  a  être  accablée  d'infirmités  avant  que  de  fe 
connoître  elle-même.  Née  en  1706.  à  peine  avoit  elle  acquis  l'âge  de  cinq  ans,  qu'- 
elle devint  d'une  difformité  affreufe.  Elle  fût  dans  l'ordre  de  la  nature  un  prodi- 
ge de  difgraces  8c  de  maux,  parce  que  Dieu  vouloit  taire  éclatter  un  jour  fur  elle 
plufieurs  prodiges  de  fi  puiflance  6v  de  fi  miféricorde. 

„  En  l'année  171 1.  (dit-elle)  étant  lors  âgée  de  cinq  ans  ,  je  tombai  en  langueur 

j,  6c  en  chartre  ....  je  devins  extracrdinaircmcnt  nouée Tout  mon  corps 

„  devint  entièrement  contrcfiit  8c  tout  contourné.  L'épine  démon  dos  fe  courba 
„  8c  prit  la  forme  d'une  S,  ce  qui  me  rendit  extrêmement  boffuc  vers  l'épaule 
„  droite,  Seau  deffus  de  la  hanche  gauche  :  ces  deux  endroits  de  mon  corps  étant 
„  fort  élevés ,  8c  l'épaule  gauche  au  contraire  étant  renfoncée ,  8c  aiant  un  grand 

„  creux  vers  la  hanche  droite ,  attendu  que  les  faufles  côtes  étoient  renfoncées 

„  j'eus  toutes  les  clavicules  dérangées,  8c  matête  fe  trouva  placée  beaucoup  plus 

„  du  côté  gauche  que  du  côté  droit,  de  façon  que  mon  épaule  gauche  étoit  très- 

„  courte,  8c  que  la  droite  étoit  près  d'une  fois  plus  longue.   „ 

La  D"'.  Fourcroy  atoûjoursgardé  cette  figure  contrefaite  jufqu'après  le  miracle 

///.  Demonft.  Tome  II.  A  cch- 


X  DEMONSTRATION   DU  MIRACLE 

éclatant  de  la  gucrifon  fubitc  de  Ton  anchylofe  arrivé  le  14.  Avril  I75i.ainfi  qu'it 
cft  prouvé  par  le  rapport  de  la  configuration  mondrucufc  de  fcs  os  ,  f.iit  par 
un  célèbre  démonftratcur  le  2.  Avril  1732.  par  ceux  de  cinq  autres  fameux  Chi- 
rugicns,  &:  d'un  grand  Médecin  faits  les  9.  &:  if.  du  même  mois,  par  les  certi- 
ficats de  MM.  Gui  ôc  Simart,  &:  par  lanotorieté  publique  i  ce  qui  certainement 
auroit  dû  mettre  cette  fille  à  l'abri  des  calomnies  atroces,  que  ceux  qui  font 
blefTcs  des  œuvres  de  Dieu  ont  répandu  contre  elle:  maisdans  quel  excès  ne  peu- 
vent pas  tomber  ceux  qui  oient  attaquer  Dieu  même  dans  fes  oeuvres? 

Ce  fût  eii  vain  que  le  père  de  cette  fille  emploia  tous  fes  foins  pour  arrêter  le  pro- 
pres d'une  difformité  fi  humili;mtc.  En  vain  tenta-t-il  de  fiiire  plier  les  os  de  cette  en- 
fant fous  la  dureté  du  métail  le  plus  inflexible.  En  vain  s'aviia-t-il  de  l'habiller  de  fer, 
&  de  la  charger  d'une  dure  prifon  qui  lui  mit  tout  le  corps  à  la  gêne  :  cela  n'eût  d'au- 
tre effet  que  d'altérer  encore  fonfoible  tempérament,  &de  redoubler  fes  infirmités. 
„  A  l'àgc  de  7,  à  8.  ans  (dit-elle)  mon  père  me  fit  mettre  un  corps  de  fer,  mais 
„  il  ne  fcrvit  qu'à  me  fiirc  foufirir  fans  me  redrcffer.  Au  contraire  je  devins  de 
„  plus  en  plus  contrefaite  en  grandiflant,&  mon  vifxge  devint  même  tout  de  tra- 
„  vers,  &  ma  tété  panchéc  fur  l'épaule  gauche.  „ 

Cependant  une  cohorte  de  maladies  l'aHiége  de  toutes  parts.  „  Je  fus  affligée 
„  fans  difcontination  (dit -elle)  de  maladies  qui  fc  fuccedoicnt  les  unes  aux  au- 
„  très ,  &  dont  l'une  nepaflbit  point  qu'il  n'en  revint  une  autre. . . .  Entr'autrcs 
„  en  1716.  à  l'àgc  de  10.  ans,  je  fus  attaquée  d'un  fi  grand  mal  de  poitrine  & 
„  d'eitomac  que  je  crachois  le  fang  &;  vomiflbis  quelque  fois  jufqu'aux  matières 

fécales, 6^        '"     '    *"  --■>■■• 

être.  Ce 


un  tems  par  les  ditterens  remèdes  qu  on  m  adonnes  :  mais  lape 

n'ont  pas  ccfle  de  me  faire  de  la  douleur:  &  je  fuis  toujours  reliée  fans  appétit 

6c  fins  pouvoir  prcfquc  manger,  ôc  tout  cela  fans  aucune  interruption  depuis 

cette  année  ij\6.  jufqu'au  21.  Mars  17J2.  „ 

A  ces  douleurs  continuelles  &  ce  mortel  dégoût  fe  joignit  au  mois  de  Janvier 
175  I . . .  uucgroffe  fiéire  continue  avec,  des  redoubleiticns ,  ce  qui  la  réduifità  ne  pou- 
voir prefquc  plus  agir  fans  hafardcr  de  forcer  fcs  membres  extrêmement  débiles. 

Elle  en  fit  bien-tôt  dès  les  premiers  jours  de  cette  année  17^1.  laplustriilc 
expérience.  L'ennui  de  fa  fituntion  l'aiant  emporté  fur  fa  folbleOc,  elle  entreprit 
de  fe  lever  feule  pour  refaire  elle-même  fonlit.  \'^oulant  le  changer  de  place,  elle 
ranime  fon  coumgc  Se  foit  un  grand  effort  ponr  le  pouffer  avec  le  pied  gauche  ,  mais 
la  fccouffe  qu'elle  fe  donne,  trop  peu  proportionnée  à  fon  état  épuiié  par  de  con- 
tinuelles maladies ,  déboite  ce  foiblc  pied.  La  chair  s'enfle  :  les  mufcles  fe  gonflent: 
la  douleur  eft  fans  relâche:  elle  augmente  tous  les  jours  de  plus  en  plus  5c  devient 
bien-tot  fi  vive ,  que  pendant  i  f .  mois  Icfommcil  fuit  entièrement  de  fes  paupières. 
L'accablement  a  beau  être  exceflif,  la  douleur  le  furmontc  encore. 

„  Depuis  cet  accident  (dit-elle)  jufqu'au  21.  Mars  1-5;.  jcn'.ii  pas  dorn^iun 
„  fcul  moment,  monpiedn'aiant  pas  celle  de  me  faire  de  la  douleur  jour  &  nuit.  „ 

Des  fouflnmces  fi  continuelles  la  jettcrent  d;msun  tel  épuifcment  qu'elle  fe  vit 
réduite  à  recevoir  d'une  main  étrangère  le  peu  de  nourriture  que  fcs  infirmités  lui 
permettoicnt  de  prendre.  „  Je  devins  (^dit-elle)  comme  impotente  de  tous  mes 
„  membres,  n'aiant  pas  la  force  de  porter  ma  main  à  ma  bouche ,  de  forte  qu'on 
„  étoit  oblige   de  me  faire  manger  comme  l'in  enfant.  „ 

Son  pied  d'ailleurs  n'offroit  à  hi  vue  que  le  pronolliquc  le  plus  affligeant.  Al» 
bout  de  8.  jours  non-feulement  il  ne  lui  fut  plus  pollîble  de  marcher,  mais  même 
H.  ne  lui  fût  plus  permis  de  fc  fouicnir  fur  te  pied  le  moins  du  monde,  t;uic 

elle 


OPERE'  SUR  M.  J.   FOURCROY.  j 

elle  fouffroit  de  douleur  dans  \x  jointure  des  os  des  qu'elle  l'appuioit  à  terre. 

Une  grofTcur  qui  s'étoit  formée  au  dcfius  de  la  cheville  extei'ne  dans  le  moment 
même  de  l'accident ,  augmentoit  audi  lans  ceflc.  Mais  ce  qni  eflVaia  davantage ,  c'cib 
qu'on  s'apperçût  au  bout  de  iîx  iemaines  que  les  os  du  pied  le  contournoient ,  & 
fe  renverfoicnt  fens  dcflus  dcflbus  :  que  le  tendon  d'achilles  fe  racomilToit  :  Se 
que  le  talon  tiré  avec  force  par  ce  tendon  qui  fe  deflechoit  toujours  de  plus  en 
plus,  remontoir  dans  la  jambe. 

On  s'étoit  contenté  d'abord  d'appcllerun  garçon  Chirurgien  pour  panfer  le  pied 
de  la  malade  ,  mais  lorfqu'on  vit  quels  trilles  etlets  cet  accident  produifoit ,  on  eût 
recours  à  M.  Defvignes  Chirurgien  célèbre.  Cefùtenvain:  tout  fonfiv^oir  nepût 
apporter  aucun  foulagement  à  un  mal  qui  avoit  déjà  fait  de  fi  grands  progrés.  Il 
avoue  lui-même  dans  fon  rapport  que  tous  les  remèdes  qu'il  emploia  furent  fans 
fuccès ,  &  qu'il  eût  le  chagrin  de  voir  que  la  courbure  de  ce  pied  s'augmentoit  de 
plus  en  plus  malgré  tous  lés  foins ,  ce  qui  l'obligea  de  fe  retirer.  Il  déclara  en  mê- 
me-tems  à  la  malade fuivant  qu'elle  le  certifie,  que  tous  les  remèdes  qu'on  pourroit 
lui  Ç-Arc^n^aur oient  d'autre  ef'et  que  d'^irriter  encore  Phumeur,  &  qu'elle  n'avoic 
d'autre  parti  à  prendre  que  de  n'en  plus  faire  aucun  :  auquel  cas  elle  reiteroit  à  la  vé- 
rité eftropiée  le  relie  de  fcs  jours ,  mais  que  fes  douleurs  diminueroient  confidérable- 
ment,  lorfque  la  finovie  n'étant  plus  agitée  par  les  médicamcns  fe  feroit  entière- 
ment pétrifiée  ,  6c  que  la  fermentation  des  liqueurs  aigries  qui  cauloit  l'inflam- 
tion  &  la  douleur  fe  feroit  calmée. 

Avant  d'aller  plus  loin  il  ell  bon  d'apprendre  au  lecteur  ce  que  c'efl  que  la  fino- 
vie 6c  comment  elle  produit  l'anchylofc.  Nous  puiferons  tout  ce  que  nous  dirons  à 
ce  fujet  dans  une  favante  difiertation  faite  par  iVI.  GauUard  Médecin  du  Roi  par 
rapport  à  la  D""'.  Thibaut. 

La  fino'vie  tiï  vint  liqueur  mucilagineufe  6c  gluante,  (\ue  àcsglandes  qui/e  trouvent 
dans  toutes  les  jointures  (ont  couler  fans  cefle  dans  la  cavité  des  articulations  des  os 
four  en  faciliter  le  rnowcement  ^  l^  faire  ghfj'er  les  unes  fur  les  autres  les  têtes  de  ces  os, 

Lorfque  cette  liqueur^  dit  encore  M.  Gaullard,  „  toujours  verfée  dans  l'efpa- 
„  ce  qui  fe  trouve  à  chaque  articulation,  n'eil  point  diffipée  par  le  mouvement 

„  des  parties,  elle  s'épaillît  par  le   long  féjour  6c  par  la  chaleur  du  lieu en 

„  s'épaifillfitnt elle  colle  6c  fonde  l'une  à  l'autre  la  tête  de  chaque  os  qui  fe 

„  touche,  „  en  forte  que  ces  os  ne  font  plus  enfemble  qu'un  feul  corps,  6c  qu'il 
feroit  plus  aifé  de  les  brifer  que  de  les  détacher  les  uns  des  autres. 

Ainfi  le  leéteur  voit  que  l'épaifiiflement  de  la  finovie  6c  la  jonftion  qu'elle  fiiit 
des  os  les  uns  avec  les  autres ,  forme  une  anchylofe  qui  devient  un  malabfolumenc 
incurable  lorfque  la  finovie  s'cfl  entièrement  pétrifiée. 

La  D"^Eourcroy  ellropiée  ainfi  fans  rcfiburce  fuivant  le  jugement  d'un  desplus 
célèbres  Chirurgiens  de  Paris  fe  foumit  en  Chrétienne  à  tout  ce  qu'il  plairoit  à 
Dieu  d'ordonner  de  fon  fort:  elle  cefla  tous  les  remèdes,  6c  le  rélolut  à  relier  tou- 
te fil  vie  en  cet  état.  Cette  refoluiion  ,dit-c\\e  ,  me  coûtait  moins  quàunauire  ^  étant 
toute  accoutumée  à  ne  powcoir  fortir  de  mon  lit. 

Cependimt  le  talon  remonte  de  plus  en  plus  étant  tiré  fans  relâche  par  le  tendon 
d'achylles  ,  qui  pénétré  d'une  humeur  entîamméc ,  ne  cellbit  de  fe  déficcher  6c  de 
fe  rétrécir.  Ce  talon  fe  fixe  enfin  quelques  doigts  au  deflbus  du  mollet  :  le  tendon  tient 
tout  ce  pied  roidc  6c  étendu  perpendiculairement  au  bout  de  la  jaifibe  :  6c  la  même 
humeur  s'étantinfinuée  dans  les  os  du  pied,  les  gonfle  ,  les  contourne,  lesrenverfe. 

D'autre  part  la  finovie  aiant  rempli  le  vuide  que  le  déboitement  du  pied  avoit 
caufé  entre  les  os,  s'épaifiît  déplus  en  plus  par  fon  féjour  en  ce  lieu.  Bien -tôt 
après  elle  fc  pétrifie  :  elle  fonde  les  os  de  la  jambe  avec  ceux  du  pied  qui  étoient 

A  i  deve- 


4  DEMONSTRATION   DU   MIRACLE 

devenus  Çi  difFormes  :  &  tUc  rend  le  pied  immobile  èc  prefquc  retourné  fcns  des- 
lus  defTous ,  cnforte  qu'il  ne  peut  pofer  à  terre  que  fur  le  côté  Se  la  partie  fu- 
pcrieure  du  petit  doigt. 

Au  mois  d'Avril  de  la  même  année  1731.  Icsautrcs  maladies  de  la  D"'^.  Four- 
croy  ,  fa  fièvre  continue  &  fcs  douleurs  de  poitrine Scd'cftomac augmentèrent  en- 
core, Se  la  firent  devenir  hidropique. 

Un  autre  Chirurgien  que  M.  Dcfvignes,  tenta  la  gucrifon  de  cette  dernière  ma- 
ladie j  mais  ce  fût  aux  dépens  de  fa  vue.  Il  lui  donna  une  forte  médecine  qui  à  la 
vérité  lui  fit  évacuer  beaucoup  d'eaux:  mais  ce  dangereux  remède  agita  trop  vio- 
lemment les  liqueurs  acres  &  caulliques  qui  inondoient  le  fang  de  la  D '*.  Fourcroy 
ufé  par  des  maladies  fi  doulourcufes  6c  fi  longues,  ce  qui  fût  caufc  que  ces  hu- 
meurs irritées  fe  répandirent  aufiî-tôt  dans  les  yeux. 

Tout  à  coup  les  prunelles  s'obfcurcifl'cnt ,  8c  les  paupières  étant  rongées  par  l'a- 
creté  de  cette  humeur,  perdent  bien-tôt  tous  les  rcflorts  qui  leur  donnoicnt  le 
mouvement.  „  En  peu  de  jours  (dit -elle)  mes  paupières  fc  fermèrent  entiérc- 
„  ment,  de  façon  que  je  ne  pouvois  plus  les  lever  qu'avec  les  doigts:  mais  c'é- 
,.  toit  inutilement,  mes  pi-nncllcs  étant  toutes  troubles  &  ne  voiant  plus  du  tout, 
,,  pas  même  les  plus  gros  objets,  mais  feulement  la  lumière  comme  au  travers 
„  d'un  épais  brouillard. 

„  Le  même  Chirurgien  Mit-elle  encore)  me  donna  d'uneeau  pour  mettre  fur 
„  mes  yeux  :  mais  bien  loin  qu'elle  me  fit  aucunbien,  je  m'apperçus  à  n'en  pou- 
„  voir  douter  qu'elle  ne  fervoit  qu'à  en  augmenter  le  mal  :  6c  dès  les  premières 
,,  épreuves  je  ceflai  de  m'en  fcrvir.  „ 

La  D'"'.  Fourcroy  fut  plus  fenfiblc  à  cette  dernière  infirmité  qu"à  tom  fcs  au- 
tres maux  i  parce  qu'en  la  privant  du  plaifir  de  la  lecture,  elle  lui  raviiïbit  le 
moicn  dont  Dieu  s'étoit  fervi  jufqu'à  ce  moment  pour  lafoutenir.  Le  poids  de  fes 
fouffranccs  n'étant  plus  contrebalancé  par  la  douceur  des  confolations  qu'elle  pui- 
foit  dans  les  livres  de  piété  ,  elle  fût  prefque  renverfée  par  cette  dernière  épreuve. 
Elle  n'avoit  pas  afles  de  force  pour  s'élever  fans  ce  fecours  à  la  contemplation  des 
vérités  co:-.folantcs  que  la  religion  nous  fournit  dans  les  plus  grands  maux  :  elle 
fe  trouva  en  quelque  forte  abandonnée  à  clic  -  même  :  6c  elle  éprouva  que  des 
qu'on  v  efl:  abandonné,  on  n'eil  plus  que  foiblcfie  6c  qu'impuifTimce. 

„  Toute  ma  confolation  (  dit-elle  )  avoit  été  jufques  -  là  dans  la  Icélurc  des  livres 
„  de  piété.  Avec  ce  fecours  j'avois  fouffert  avec  quelque  patience  toutes  mes  au- 
„  très  incommodités,  les  regardant  comme  des  châtimcns  que  Dieu  me  fliifoit  dans 
5,  fa  miféricordc  pour  m.e  faire  fiire  pénitence  de  mes  péchés  :  mais  quand  je  me 
5,  vis  privée  abfolument  du  foutien  de  la  leéture,  je  me  laiflai  entièrement  ab.- 
y,  battre  parlafiliétion.  „ 

Auffi  faut-il  avouer  qu'il  eût  fallu  bien  du  courage  pour fefoutenir  dans  imcfi- 
tuation  fi  déplorable.  Tout  fcmbloit  de  concert  pour  épuiier  la  p:\tiencc.  Tour- 
mentée fans  ceflc  par  la  douleur:  aiant  la  plupart  des  membres  contrefaits,  eftro- 
piés  :  condamnée  à  relier  perpétuellement  dans  un  lit,  dont  le  repos  cruel  ne  fer- 
voit qu'à  lui  faire  goûter  fcs  fouffranccs  à  plus  longs  traits  :  fatiguée  par  des  in- 
fomnics  continuelles:  livrée  à  un  dégoût  général  :  confumée  par  une  névre  brû- 
lante :  le  corps  noie  par  Thidropifit-  :  enfin  les  paupières  i';uis  mouvement ,  6c  les 
yeux  prives  de  lumière.  Tel  étoit  l'état  de  cette  hllc  fi  affligée  lors  qu'il  plAt  au 
Dieu  des  miféricordes  de  s'attendrir  fur  fes  maux. 

La  providence  dans  l'ordre  des  caufes  qu'elle  dirige,  &  qu'elle  rapporte  toute? 
à  des  fins  dignes  d'elle,  jette  quelque  fois  les  premières  femcnces  de  fes  dons  les 
plus  prccitux  dans  des  leclurcs  de  piété,  dont  on  ne  connoit  bien  le  grand  avanta- 


GPE'RE'  SUR  M.  J.  FOURCROY.  f 

gc  que  dans  les  momens  marqués  pour  leur  faire  porter  tout  leur  fruit.  LaD"'.  Four- 
croy  heurcufement  pour  elle,  avoit  lu  pluficurs  foislavie  du  Taumaturgedenos 
jours.  L'accablement  oii  elle  eft,Scramertume  dont  fon  cœur  eft  pénétré  trouvent 
tout  à  coup  leur  confolation  dans  Pefpérance  quelle  forme  d'obtenir  la  proteftion 
du  B.  à  l'interceïïïon  de  qui  le  Seigneur  fait  aujourd'hui  tant  de  merveilles. 

„  Dans  cet  état  (  dit-elle  )  aiant  entendu  parler  des  miracles  que  le  Seigneur 
„  opéroit  par  l'interceflîon  de  M.  de  Paris,  dont  j'avois  médité pluficurs  fois  la 
„  folide  piété,  l'extrême  mortification,  &  l'attachement  infurmontable  àlavé- 
j,  rite,  aiant  lu  plufieurs  fois  la  vie  ,  je  fis  une  neuvaine  dans  mon  lit,  le  priant 
„  avec  infiance-  d'intercéder  pour  moi  auprès  de  Dieu  pour  qu'il  me  rendit  l'ufa- 
5,  ge  de  la  vue  &:  la  confolation  de  la  leéture.  „ 

Elle  fe  borne  à  demander  le  recouvrement  de  fa  vue,  fe  trouvant  encore  trop 
heureufe  de  fouffrir  tout  le  refte  de  fes  maux,  pourvu  que  par  fcs  Icétures  elle 
puifle  en  adoucir  la  rigueur.  Elle  efpére  par  ce  fecours  pouvoir  appliquer  fi  fort 
îbn  ame  aux  confolations  que  nous  donne  l'efpérance  de  jouir  un  jour  de  Dieu , 
que  cette  vue  faura  fufpcndre  le  fentimcnt  de  fes  fouffrances. 

Le  Pcre  des  miféricordes  exauça  fes  prières  au  delà  même  de  fcs  defirs.  Le  der- 
nier jour  de  fi  neuvaine  n'étoit  pas  encore  expiré  ,  que  fes  yeux  furent  fubitement 
&  parfaitement  guéris.  Tout  à  coup  fcs  paupières  reprennent  leur  élafticité  6c  leur 
mouvement:  elles  s'ouvrent  avec  facilité  :  tous  les  reflbrts  qu'elles  avoient  perdus 
font  à  l'inftant  régénérés.  Dans  le  même  moment  l'humeur  épailTc  6c  téncbrcufe  qui 
avoit  offufqué  8c  terni  {es  prunelles,  eft  entièrement  diffipee:  tout  le  fpcélaclcde 
la  nature  reparoit  à  fcs  yeux  delà  manière  la  plus  diilinfte  6c  bpluslumincufe.  Sa 
guérifon  fut  même  fi  parfiite  queues  le  premier  Jour  die  reprit ,  àit-cWe,  (oui  es  fes 
leEfures  fans  en  être  aucunement  fatiguée. 

Ses  defirs  ctoient  fatisfaits  aiant  obtenu  tout  ce  qu'elle  avoit  demandé  :  mais  le 
Seigneur  qui  eft  riche  en  miféricorde  fe  plaît  fouvent  à  furpafler  nos  vœux.  Quoi 
qu'elle  n'eût  ofé  l'en  prier  ,  il  la  foulage  en  même-tems  de  toutes  fes  autres  Maladies. 
L'hidropifie  diminue  confidérablement  ;  lafiévTc  n'aplusd^ardcur  :  les  maux  de 
poitrine  6c  d'ellomac  ne  font  plus  fi  vfolens  :  le  pied  anchylofé,  quoiqu'il  refte 
toujours  totalement  perclus  6c  défiguré,  ne  lui  caufe  plus  tant  de  douleur ,  Scelle 
peut  même  s'appuier  fur  la  furface  du  petit  doigt ,  le  pied  étant,  comme  on  la  dé- 
jà dit,  renverfc  6c  retourné  prefquc  fcns  defius  defibus. 

Me  trouvant  mêyne  .y  dit  nôtre  infirme  ,  un  peu  de  force  vers  le  milieu  du  mois  de: 
Décembre  de  cette  année  in,\.je  voulus  nie  faire  conduire  an.T'Qmbeau  de  M.  de  Pa- 
ris pour  y  faire  mon  aBion  de  grâce. 

„  Je  fus  (dit-elle)  fi  frapée  d'épouvante  des  cris  de  douleur,  6cdesefpcces  de- 
„  hurlcmens  que  j'entendis  faire  à  des  Convulfionnaires  dans  le  cimetière  6c  fous  le 
5,  charnier  que  je  penfai  m'en  aller  fans  approcher  de  la  tombe.  „ 

Il  faut  convenir  que  cet  extérieur  n'avoit  à  la  vérité  rien  que  d'eftVaiant,  rien  qui 
ne  fût  capable  de  rebuter  r  mars  ce  n'étoit  qu'un  voile  dont  Dieupcrmettoit  que 
fcs  opérations  fufient  cachées.  C'étoitun  miftere  d'humiliation  propre  à  choquer 
l'orgueil  ,  mais  aifé  à  pénétrer  par  ceux  qui  joignoient  une  humilité  vciitable  à 
une  foi  vive.  En  effet  tous  ceux  qui  ont  confideré  de  plus  près  ce  qui  fe  pafioit 
pour  lors  dans  la  plupart  des  Convulfionnaires,  ont  apperçu  qu'une  paix  intérieure 
ravifioit  leur  cœur  dans  le  fecret,  lors  même  que  les  plus  violentes  agitations 
troubloient  leur  fang  :  6c  que  leur  ame  étoit  fouvent  remplie  d'im  contentement 
inexprimable ,  malgré  les  vives  douleurs  qu'ils  reflcntoient  fouvent  dans  leurs  corps.. 
Aufli-eft  ce  une  chofe  qui  a  étonné  tout  le  monde ,  amis  6c  ennemis ,  que  l'avi- 
dité ôc  l'emprcflcmcnE  avec  lefquels  les  convulfionnaires  venoient  dans  ces  premiers. 

A  3  tcra& 


6  DEMONSTRATION  DU  MIRACLE 

tems  chercher  tous  les  jours  aux  pieds  de  l'illullrc  pcaitent  la  inclure  de  rouftVan- 
ces,  qui  ne  manquoit  pas  de  leur  être  diftribuée. 

Les  perfonnes  attentives  à  dilcerner  les  voies  du  Seigneur  n'ont  pas  cû  de  pei- 
ne à  découvrir  que  ce  fpe£taclefi  furprenant,  fuivi  de  gucriions  encore  plus  admi- 
rables ,  étoit  une  image  fenfiblc ,  une  peinture  furnaturellc ,  &  un  tableau  vivant 
que  Dieu  nous  mcttoit  fous  les  yeux,  pour  nous  apprendre  cnn'autrcs  cliofes , 
qu'étant  irrité  des  péchés  des  hommes,  il  ne  vouloit  guérir  les  maux  dont  l'Eglilc 
vifiblc  cil:  inondée,  qu'après  avoir  fait  paffer  fcsplus  chers enfans  pas  les  épreuves 
les  plus  humiliantes,  &  les  avoir  purifiés  par  le  feu  des  fouffrances:  mais  qu'il 
donneroit  des  confolations  fi  abondantes  à  tous  ceux  qui  auroient  le  bonheur  de 
fouffrir  pour  la  vérité ,  qu'il  leur  feroit  trouver  une  félicité  raviflantc  au  milieu 
même  de  leurs  tourmens. 

C'eft  aufli  ce  que  plufieurs  Convulfionnaircs  dont  quelques-uns  ne  favoient 
pas  lire  ont  déclaré  dans  des  difcours,  dont  la  plupart  ont  été  fi  beaux,  fi  tou- 
chans,  fi  fublimes,  qu'on  ne  peut  douter  qu'ils  n'aycnt  été  furnaturcls  ,  du  moins 
dans  leurs  parties  les  plus  brillantes  :  difcours  dont  Dieu  s'eft  fci-vi  pour  porter  la 
lumière  dans  les  efprits  &  le  feu  de  la  charité  dans  les  cœurs  :  difcours  qui,  en 
démontrant  que  la  Bulle  Uni^caitus  profcrit  des  maximes  circnticUcs  à  la  piété, 
ont  mervcillcufement  fortifie  &  affermi  nombre  de  ceux  que  les  clameurs  des 
Conllitutionnaiies,  qui  rcpréfentcnt  cette  fatale  Bulle  comme  une  décifionde 
l'Eglifc  univcricUc,  pouvoicnt  ébranler:  difcours  qui  en  fiiilant  connoître  Sc 
cmbraffer  les  vrais  intérêts  de  l'Eglifc  à  une  multitude  de  perfonnes  qui  les  ig- 
noroicnt  les  ont  réunies  à  l'Appel:  difcours  enfin  qui  ne  contenant,  du  moins  la 
plupart ,  que  le  langage  de  la  foi ,  rien  que  de  pur  dans  la  morale ,  rien  que  d'exa£t 
&  d'édifiant,  portent  manifcllement  les  caraéteres  delà  vérité  par  excellence. 
Qiii  n'admirera  la  bonté  de  Dieu  de  délier  ainfi  la  langue  à  des  enfans  que  leur 

f)cu  d'intelligence  retenoit  pour  ainfi  dire  à  la  mamelle ,  pour  leur  faire  développer 
es  vérités  les  plus  intérelTantcs  !  C'elt  ce  qu'on  a  vu  plufieurs  fois  dans  des  tems  d'ob- 
fcurité,  de  nuages,  de  pcrfécution:  tems  où  la  timidité  fermoit  la  bouche  à  ceux 
quiétoicnt  les  plus  capables  d'inllruire.  Auilî  dans  ces  tems  où  on  retient  la  vérité 
captive,  le  Tout-puilîant  le  plaît-il  à  faire  parler  les  pierres,  pour  confondre  lalà- 
lucv.v.!  cheté  des  fiivans,  6c  pour  humilier  les  grands  génies.  Car  dit  le  P.  Qiicnel,  Ix 
gloire  de  la  grâce  éclatte  d^  autant  plus ,  que  [es  injlruinens  font  fins  faibles  (y  Moins 
propres  à  Je  s  œuvres. 

Que  le  leétcur  ne  m'impute  pas  néanmoins  d'approuver  fans  exception  tous 
les  difcours  des  Convulfionnaircs.  Je  penfc  il  cft  vrai  qu'il  y  en  a  eu  beaucoup, 
fur  tout  dans  les  premiers,  dont  Tefprit  a  été  éclairé  par  une  lumière  furnatu- 
rellc qui  leur  découvroit  de  fort  grandes  vérités:  mais  aulTi  iùis-je  bien  pcrfuadé 
Sie  quelques-uns  de  leurs  difcours  n'ont  été  ,  du  moins  pour  partie,  quelaprodu- 
ion  d'une  imagination  échauffée.  Au  furplus  il  cff  évident  que  ceux  des  Augufii- 
niftcs  £c  des  Vaillantiftes,  faits  pourautoriler  leurs  erreurs,  n'ont  pu  être  l'effet  que 
de  l'égarement  de  leur  propre  cfprit ,  ou  de  la  fuggeftion  du  Dcmon. 

La  D"'.  Fourcroy  alors  peu  inllruite  de  ce  que  l'œuvre  énigmatiquc  des  con- 
vulfions  a  de  divin  ,  &  des  confolations  fenfibles  qui  furpafPcnt  infiniment  les  dou- 
leurs que  fouffrent  les  Convulfionnaircs  ,  fût  fi  effraiée  de  leurs  cris  &  de  leurs  agi- 
tations, dans  l'appréhenfion  de  tomber  dans  un  pareil  état,  que  laperfonnequi  l'ac- 
compagnoit  eût  bien  de  la  peine  à  l'engager  d'aller  fc  mettre  lur  le  tombeau. 

Peu  après  qu'elle  s'y  fût  afiifc,  cette  tombe  falutairc  commcn<^a  à  lui  faire  fen- 
tir  fa  puiffmce.,.  Après  y  avoir  relié  (dit-elle)  environ  un  quart  d'heure  en 
j,  prière,  je  reffcntij  tout  d'un  coup  des  douleurs  par  tout  le  corps,  îîc  il  me 

„  prit 


OPERE'  SUR  M.  J.  FOURCROY.  7 

„  prit  des  mouvemens  qui  firent  dire  à  tous  ceux  qui  étoient  auprès  de  moi  que 
jj  les  convulfions  m'alloient  prendre.  „ 

A  ce  mot  de  convulfion  l'effroi  s'empare  de  fon  ame.  Ni  fii  foumiflîon  auxdef- 
feins  de  Dieu  fur  elle,  ni  la  reconnoidance  pour  le  S.  Diacre,  ni  l'efpérance  du 
recouvrement  d'une  fanté  parfaite,  qu'elle  auroit  infiiilliblement  obtenue  par  ces 
préparations  douloureufes ,  rien  ne  pût  la  retenir.  „  Je  fus,  (dit-elle)  fi  vive- 
„  ment  faific  de  crainte,  que  je  donnai  de  l'argent  au  Suiflepour  me  faire  pafTagc 
„  pour  me  retirer:  &  cette  appréhenfion  d'avoir  des  convulfions  me  donna  mc- 
„  me  des  forces  qui  ne  m'étoient  pas  ordinaires ,  pour  fortir  au  plus  vite  de  ce 
j,  cimetière.  „ 

Une  antipatie  fi  marquée  pour  un  état  où  Dieu  mettoit  lui-  même,  &  qu'il 
récompenfoit  pour  lors  par  les  guérifons  les  plus  merveilleufcs ,  ne  manqua  pas 
d'être  punie:  mais  comme  c'étoit  plutôt  une  imprefiion  naturelle  &  une  erreur 
de  l'efprit  qu'une  oppofition  réfléchie  à  la  volonté  du  Très -haut,  il  ne  la  châtia 
qu'en  père ,  en  la  forçant  de  recourir  volontairement  au  remède  falutaire  dont 
elle  avoit  eii  tant  d'horreur. 

„  Je  fuis  pcrfuadée  (dit -elle)  que  Dieu  voulut  me  faire  connoître  d'une  ma- 
„  niere  fenfible  qu'il  me  punifToit  de  l'éloignement  que  j'avois  témoigné  pour  les 
„  convulfions.  Car  depuis  que  jefûsrevenucainfi  ducimeticredeS.Médard,  mon 
„  hidropifiequi  étoitprcfquc  palTée,  augmenta  de  jour  en  jour  :  Seau  lieu  de  la  fi  é- 
„  vre  lente  qui  ne  m'avoit  pas  quittée ,  il  m'en  prit  une  très-violente  avec  des  redou- 
,,  blemens ,  &  mêiiie  detems  en  tems  quelques  accès  de  tranfport  au  cerveau.  „ 

Ce  n'eit  plus  un  refte  de  fièvre  qui  ne  faifoit  que  l'affoiblir,  c'eilun  enibrafe- 
tncnt  du  fang  qui  porte  le  feu  5c  la  douleur  dans  tous  les  membres ,  &  qui  inter- 
rompt même  les  facultés  de  l'efprit. 

Peu  après  une  partie  de  fon  corps  devient  d'une  migreur  hideufe,  tandis  que 
l'autre  épouvante  par  fon  énorme  grofieur.  „  En  moins  de  deux  mois  (dit-elle) 
„  je  devins  étiquc  du  vifagc,  des  bras,  &  des  pieds,  de  façon  que  je  n'avois 
j,  que  la  peau  fur  les  os:  au  lieu  que  mon  ventre,  mes  cuiflès  6c  mes  jambes 
j,  etoient  d'une  grofl~eur  prodigieule.  ,, 

Cette  enflui-e  qui  croiflbit  tous  les  jours  monta  bien  tôt  jufqu'à  la  poitrine, 
Se  rendit  la  refpiration  fi  contrainte  &  fi  embarrafl^ée ,  que  quoique  la  faignéc  foit 
pernicieufe  dans  l'hidropifie,  on  fut  contraint  d'y  avoir  recours.  C'étoit  toujours 
un  délai  :  il  vaioit  encore  mieux  augmenter  Thiaropifie  que  d'étouffer. 

„  Dès  la  fin  de  F'cvricr  de  l'année  1732..  (dit-elle)  &  au  commencement  du 
„  mois  de  Mars,  ma  poitrine  commença  à  s'engager  au  point  que  je  ne  pouvois 

„  prefque  plus  refpirer ,  &  que  je  rCdois  continuellement ,  ce  qui  m'obligea 

5,  quoique  je  fûfic  très -bien  que  la  iaignée  étoit  très  -  contraire  à  mon  hidropi- 
„  lie  ....  de  me  faire  faigner  prefque  tous  les  jours ,  un  jour  du  pied ,  l'autre 
„  du  bras,  ne  pouvant  la  pliàpart  du  tems  refpirer lans  ce  fecours,  „  en  foiteque 
j''ai  été  faigiiée  depuis  le   commencement  de  mes  maladies  jufqu'au  18.  Aîais 

1731 I  fo.  fois  du  bras  ,  ^  45.  fois  du  pied. 

„  Ces  faignées  (ajoute- 1- elle)  me  mirent  dès  le  commencement  du  mois  de 
„  Mars,  dans  une  foiblefTa  fi  grande  que  je  fus  plufieurs  jours  fans  pouvoir  rien 
„  prendre ,  fi  ce  n'eft  un  peu  de  vin  pur  qu'on  me  faifoit  avaler  goûte  à  goûte. . . 

„  Enfin  le  18.  Mars,  comme  on  vouloit  (encore,)  me  faigner  on  ne  pût 

„  plus  trouver  de  fang,  Sc  il  vint  feulement  de  l'eau  >  ce  qui  obligea  à  refermer 
„  aufll-  tôt  la  veine. 

A  la  vue  d'un  danger  de  mort  fi  prcfl^int,  fes  amies  font  de  nouvelles  tenta- 
tives pour  l'engager  de  recourir  à  celui  qui  lui  avoit  donné  de  fi  grandes  preuves 

de 


I  Cor. 


8  DEMONSTRATION  DU  MIRACLE'; 

de  fa  bonté  pour  clic,  &  de  fon  crédit  auprès  de  Dieu  :  mais  rien  ne  peut  encore 
lui  faire  furmontcr  la  crainte  des  convulfions.  Elle  s'obilinc  à  refulcr  l'unique 
moicn  qui  pouvoir,  en  reparant  fa  faute,  lui  faire  obtenir  le  fecours  dont  clic 
avoit  tant  de  befoin. 

„  Il  y  avoit  déjà  long-tems  (dit -elle)  que  toutes  les  perfonnes  qui  s'intéref- 
„  foicnt  à  moi  rne  preubient  de  recourir  à  l'interceflîon  de  M.  de  Paris,  dont 
„  javois  éprouvé  une  protcftion  fi  fcnfible  dans  la  guérifon  de  mes  yeux ,  mais 
,,  je  ne  pouvois  vaincre  l'impreflîond'hoiTeur  que  m'avoient  fait  les  cris  desCon- 
„  vulfionnaircs  -,  de  fiçon  que  de  crainte  qu'il  ne  me  vint  des  convulfions ,  je  ne  vou- 
„  lois  point  avoir  recours  à  fon  intcrccfiion ,  5c  j'aimois  mieux  mourir  tranquille.  „ 
Elle  étoit  encore  alors  trop  prévenue  pour  s'appcrcevoir  que  cette  augmentation 
de  maladie  n'étoit  que  le  châtiment  de  l'averfion  qu'elle  confervoit  pour  un  œu- 
vre ,  que  la  juArice  divine  a  couverte  defombres  nuages  pout  êtreTécueil  de  lapré- 
fomptucufe  iagefre  du  fiécle ,  8c  une  lumière  inftmétivc  6c  fortifiante  pour  ceux 
qui  ne  rougiflent  jamais  de  la  folie  apparente  £c  de  l'ignominie  de  la  croix.  Elle  ne 
rcfléchiflbit  pas  même  que  fon  obllination  étoit  une  efpécedccenfure  de  la  con- 
duite que  Dieu  tenoit  pour  lors  dans  la  plupart  des  gucrifons  miraculeufes qu'il 
lui  plaifoit  d'accorder. 

C'elt  ainfi  que  l'orgueil  bumain  voudroit  préfcrire  au  Très -haut  le  plan 
6c  la  manière  dont  il  doit  fc  conduire  dans  fes  opérations  les  plus  furnaturellcs  ÔC 
qu'il  refufe  de  le  rcconnoîtrc  malgré  les  miracles  les  plus  éclatans ,  lorfque  les 
arangemens  de  fa  providence  ne  cadrent  pas  avec  les  idées  de  nôtre  fiiufrcfageiïe. 
Ce  qui  paroi  t  en  Dieu  une  folie  dit  S.  Paul,  e  fi  plus  fage  que  la  fagcjfe  de  tous  les 
hommes.  A  quoi  le  célèbre  auteur  des  réflexions  morales  ajoute  :  „  Dieu  cil  plus 
„  f.ige  dans  la  conduite  qui  puroit  la  plus  indigne  de  fa  fageflc,  que  tout  ce  qui 
„  paroit  de  plus  fage  à  l'ciprit  humain.  (Cependant  l'homme  cft  afics  témcrai- 
„  re  pour  vouloir)  reformer  la  conduite  de  Dieu  :  chacun  le  fiit  en  fa  manière 
„  &  plus  fouvent  qu'on  ne  pcnfe.  „ 

Ceji  pour  quoi  il  efl  écrit  ^  dit  encore  l'Apôtre  des  Gentils  qui  nous  fait  en  tant 
d'endroits  defcs  Epitres  la  peinture  6c  la  predicbionde  ce  que  nous  voions  aujour- 
d'hui ,yV  détruirai  la  fagejfe  des  [âges  ,6?./V  rejetterai  la  fcience  des  favans.  „  N'aions 
„  point  la  folle  préfomption  (dit  fur  ce  verfet  le  P.  Qucfncb  de  vouloir  reformer 
,,  les  defleins  de  Dieu  ,  d'en  changer  les  voies  (6c  de  prétendre)  les  accommoder 
„  à  la  portée  des  hommes.  „ 

La  D"'.  Fourcroy  pouffix  fon  obftination  jufqu'au  moment  où  elle  fe  trouva, 
commcc\\c\cà\tQ\\c-mèmc ^prête àrendreVame  :  mais  le  lo.  Marsaufoir,  fcntant 
que  la  mort  s'emparoitdéja  de  fes  membres ,  une  fccrctc  horreur  accompagnée  de 
remords,  la  réveille  enfin  de  l'anbupiflement  fatal  oii  fes  préventions  Tavoient 
fait  tomber  :  „  la  peur  (dit-elle)  de  la  mort  que  je  voiois  fi  proche  Fcmporta 
5,  enfin  fur  la  peur  d'avoir  des  convulfions.  Je  priai  qu'on  m'allàt  chercher  le  len- 
„  demain  de  la  terre  du  tombeau  de  M.  de  Paris,  pour  en  mettre  dans  le  vin 
„  dont  de  tems  en  tems  on  me  faifoit  -xYÛcr  quelques  goûtes  :  8c  je  déclarai  que 
„  fi  j'étois  encore  en  vie  ce  jour-là ,  je  commcncerois  une  ncuvame.  „ 

Cefl:  ainfi  que  la  bonté  divine  force  en  quelque  forte  cette  moribonde  à  fe  laiffcr 
conduire  par  des  voies,  qui  pour  être  moins  du  choix  de  la  créature,  n'en  étoient 
que  plus  conformes  aux  defleins  du  l"rc.ateur  ,  êcn'cnportoicntquc  nlusfenfiblc- 
ment  le  fccau  de  fa  main  Toute -puifiante.  Une  multitude  de  prodiges  de  tout 
genre  opérés  fur  ccttemourantcva  nien-tôt  en  convaincre  tout  lccl:cur  judicieux. 
„  Le  II .  (continue-t-elle)  on  me  fit  prendre  à  midi  quelques  goûtes  de  vin  où  on 
„  avoit  mis  de  la  terre,  £c  je  me  mis  en  prière  pour  commencer  ma  ncuvainc.  „ 

Cette 


OPE'RE' SUR  M.  J.  FOURCROY.  ^ 

Cette  prière  ne  tarda  pas  à  avoir  un  fuccès  qui  fîtparoîtrc  au  grand  jour  larai- 
fon  pour  laquelle  le  Seigneur  avoit  frapé  de  tant  de  maux  cette  obftinee  malade 
depuis  fa  fuite  du  f.xlutaire  tombeau.  L'effet  prodigieux  queproduifità  l'inftanc 
la  refpeftablc  pouffierc  qu'elle  venoit  d'avaler  dévoila  le  jugement  de  Dieu. 

„  Prefque  dans  le  moment  (dit-elle)  il  méprit  un  grand  friffbn,  &  peu  après 
„  une  grande  agitation  dans  tous  mes  membres  qui  me  faifoit  élancer  tout  mon 
„  corps  en  l'air,  &  me  donnoit  une  force  que  je  ne  m'étois  jamais  fentie  :  au  point 
„  que  plufieurs  perfonnes  enfemble  avoicnt  de  la  peine  à  me  retenir.  „ 

Ainfi  ce  corps  épuile  depuis  fi  long-tcms  par  prés  de  zoo.  faignées  6c  par  les 
maladies  les  plus  accablantes  ;  ce  corps  tout  mourant  s'élance  en  l'air  avec  une  force 
&une  agilité  qui  l'emporte  fur  celles  de  plufieurs  autres  *  filles  en  parfaite  fanté. 

Mais  comment  cette  agonifantc  eût-elle  pu  trouver  dans  fon  propre  fonds  l'a- 
bondance d'efprits  ncceffaires  pour  exécuter  des  mouvemens  fi  violens  POùauroit- 
clie  puifé  le  principe  de  vie  qui  ranime  tout  d'un  coup  des  membres,  dont  les  uns 
ctoient  noies  dans  l'hidropifie,  &  les  autres  fi  exténués  qu'ils  étoicnt  devenus  éti- 
■ques?  L'incrédule  ne  peut  ici  ni  foupçonner  de  fupercherie  ,  ni  donner  une  pareille 
force  aux  imprcflions  de  l'imagination.  Le  fumaturel  fe  montre  ici  tellement  à 
découvert  qu'on  ne  peut  le  révoquer  en  doute  :  &  les  guérifons  miraculeufcs  qui 
en  ont  été  les  fuites,  manifellcnt  quel  en  eflTauteur  à  quiconque  ne  cherche  pas 
à  s'aveugler.  D'ailleurs  qui  ne  fent  qu'il  n'y  a  que  le  Tout-puifiant  qui  ait  pu 
faire  naître  tout  à  Coup  tant  de  forces  danslefcin  del'épuifement  le  plus  déplora- 
ble ?  Tout  palTe  ici  les  rcflburces  de  la  nature  :  tout  y  préfente  l'empreinte  de  celui 
qui  n'a  qu'à  commander  pour  frire  produire  à  la  foibleffe  la  plus  débile  les  mou- 
vemens les  plus  rapides  &  les  plus  impétueux. 

Dans  le  cours  de  ces  mou-cemens  violens ,  dit  la  D"*.  Fourcroy ,  je  perdis  connoiffance. 

Ceux  qui  n'étoicnt  pasinllruits  de  l'effet  ordinaire  des  convullîons ,  s'attendoient 
que  lorfque  ces  agitations  fi  vives  feroient  ceffécs ,  elle  fe  trouveroit  dans  un  ab- 
battement  extrême,  ou  pour  mieux  dire  dans  un  anéantiffement  total.  D'autre 
part  ceux  qui  favoient  la  crainte  qu'elle  avoit  eu  des  convulfions,  penfoient  bien 
que  lorfqu'elle  feroit  revenue  à  elle-même,  elle  feroit  pénétrée  de  douleur  de  (c 
voir  fujette  à  cette  épreuve  qu'elle  avoit  appréhendée  plus  que  la  mort.  Mais  ce- 
lui dont  la  main  bien-faifante  venoit  de  lui  donner  des  mouvemens  fi  furnaturels 
cil  également  le  Maître  de  changer  les  loix  de  la  nature  Sc  la  difpofition  des  cœurs. 

La  violence  extrême  de  ces  agitations ,  qui  naturellement  n'étoient  propres  qu'à 
achever  de  détruire  un  corps  auflîfoible  ,  aufli  débile  que  celui  de  cette  fille,  fût 
non-feulement  un  baume  vivifiant  qui  remit  le  calme  dans  fon  fang  ,  &  lui  ren- 
dit la  force  Scia  fanté  ;  mais  en  même  tems  le  Maître  fouverain  des  coeurs  verfa 
jufques  dans  le  plus  intime  de  fon  ame  un  fleuve  de  délices;,  qui  la  remplit  d'une 
joie  fi  fenfible  qu'il  frudroitpour  pouvoir  en  donner  quelqu'idee,  enavoir  éprou- 
vé comme  elle  les  inexprimables  douceurs. 

„  Auflî-tôt  que  ces  mouvemens  furent  paffés  fdit-elle)  &  que  j'eus  repris  mes 
„  fens,  je  me  fentis  une  tranquillité  Se  une  paix  intérieure  que  je  n'avois  jamais 

„  éprouvée  &  que  j'aurois  bien  de  lapeincà  décrire Je  me  trouvai  mie  joie 

„  tranquille  qui  étoit  répandue  dans  tous  mes  fens ,  5c  qui  étoit  paffée  jufques  dans 
„  l'ame.  Il  me  fembloit  que  je  jouiffois  en  repos  d'une  fanté  parfaite,  dont  je 
„  reffentois  l'attrait  d'une  manière  vive  6c  fenfible  :  j'en  goutois  le  plaifir  firns  au- 
„  cun  trouble;  6c  toute  la  peine  qui  me  relloit  étoit  une  crainte  timide  que  cet 
„  état  ne  vint  bien-tôt  à  ceffcr.  „ 

///.  Demonjl.  l'orne  IL  B  Ainfl 

*  Elle  étO'tpour  loridaBsIaitiaifcB  extetieuredeStePelagleoù  elle  a  demeuré  p'ii(i,-i:rs  anr^.'s  en  dlfferen!»  fois  qu'elle 
t'y  »ft  teiirée,  pour  profiter  Jes  lumières  &  des  exemples  du  Dircûeur  &  de  la  Suj-érieure  de  cecte  mairon. 


«>  DEMONSTRATION   DU   MIRACLE 

Ainfî  toute  la  crainte  qui  lui  refte ,  c  eft  d'être  bien-tôt  entièrement  guérie  ,  . 
étant  inflmite  que  pour  lors  les  convulfions  fe  terminoicnt  ordinairement  par  la 
guérifon  des  maladies.  Quel  Changement  fubit  dans  fcs  fentimcns!  Hier  la  D"'. 


qu'elle  aime  autant  qu'elle  la  exceffivement  redouté.  „  S'il  mcrciloit  qucl- 
„  qu'appréhcnfion  (dit-elle)  c'étoit  de  voir  cefTer  bien-tôt  mes  convulfions  par  le 
„  rétablifTcment  entier  (Se  parfait  de  ma  fanté  que  j'apprchendois  qui  ne  vint  trop 
„  vue  ,  brûlant  du  dcfir  de  me  retrouver  dans  le  même  état  où  je  m'étoisfentieà 
„  à  la  fin  de  ma  (première)  convulfion.  ,, 

Qiiel  autre  que  celui  qui  difpole  des  coeurs  comme  il  lui  plait,  eût  pu  changer 
ainfi  tout  à  coup  une  forte  antipathie  &une  horreur  extrême  en  d'ardens  defirs  5c 
en  un  attrait  raviHant?  Nôtre  malade  juge-t-ellc  des  convulfions  fur  les  apparences 
extérieures,  tout  la  révolte:  les  éprouvc-t-clle,  tout  la  charme.  Tel  cit  le  carac- 
tère des  œuvres  de  Dieu.  Qiiiconquclcscenfurcneles  connoît  pas:  ce  ne  il:  qu'en 
les  approfondiflant  qu'on  en  reçoit  rintclligcncc. 

,,  Dès  ce  premier  moment  (dit  la  D''^  Fourcroy)  la  fièvre,  l'étouffemcnt , 
5,  l'oppreffion  &  la  douleur  que  j'avois  à  la  poitrine,  ccflerent  abfolument  &  cn- 
„  tiércmcnt,  &  ne  m'ont  pas  repris  depuis. 

Dans  le  même  inftant  l'hidropifie  diminue,  5c  difparoît  pour  la  plus  grande 
partie  :  les  forces  reviennent  :  les  couleurs  renaifTent  :  l'appétit  le  plus  vif  s'empreflc 
a  reparer  l'épuifement  Se  le  dégât  des  maladies.  „  Après  (dit-elle)  que  ce  état  d'une 

„  paix  &:  d'une  traquillité  parfaire,  que  je  crois  fumaturel fût  pafic,  je 

„  me  trouvai  un  grand  appétit  que  je  n'avois  pas  fenti  depuis  ma  première  enfan- 
„  ce.  Je  demandai  à  manger:  on  me  donna  une  loupe  que  je  mangeai  entière- 
5,  ment,  &  que  je  trouvai  excellente:  Se  quelques  heures  après  je  mangeai  encore, 
„  ne  pouvant  me  raflafier.  „ 

Dès  ce  premier  jour  fon  eftomaccfi:  parfaitement  rétabli.  Tout  ce  qu'il  avoitcû 
de  défcétueux  dès  fanaiffance  eft  réparé  :  tout  ce  qui  avoit  été  rongé  &  détruit  par 
les  humeurs  acres  6c  cauftiquesqui  l'avoient  fi long-tcms rempli,  eft  fubitement 
régénéré.  „  Le  changement  (dit-cllc)  opéré  dans  mon  tempérament  fût  même  fi 

„  confiderablc   que (dès  le  lendemain)  iz.  Mars comme  on  étoit  en 

„  carême,  je  voulus  cflaier  fi  je  pourrois  faire  maigre,  ce  que  je  n'avois  pu  faire 
„  de  ma  vie. .  .  &  aiant  fenti  qu'on  grilloit  des  harangs ,  je  voulus  abfolument  en 
„  faire  mon  diner,Sc  ils  ne  m'incommodèrent  en  aucune  fiiçon.  La  joie  tranquille 
„  que  j'avois  éprouvée  à  la  fin  des  convulfions  que  j'avois cû  la  veille,  &  le  réta- 
„  bliflement  de  ma  fanté  qui  s'ètoit  opéré  prefqu'cn  un  moment,  m'ôtoit  toute 
„  cfpcce  de  crainte  à  cet  égard.  „ 

Elle  fcfent  fous  la  main  de  Dieu,  &  fe  croit  par  là  en  état  de  tout  entreprendre 
£ins  aucun rifque.  Elle  continue  défaire  maigre  toutkrejie  du  carême^  &c  pendant 
ce  tems/o«  hidropifie  diminue  encore  de  jour  enjourprefau'à  vue  d'œtl  :  „  de  fa- 
„  çon  (dit-cllc)  que  le  ^i.  du  même  mois  de  Mars  ,  1  enflure  étoit  prcfqu'en- 
„  tiércmcnt  diflïpèe:  mes  couleurs  naturelles  éroicnt  revenues  :  monviiage  6c  mes 
„  bras  commencoient  à  fe  regarnir, de  chairs  :  &  je  me  trouvai  plus  de  force  &  ea 
„  meilleure  fanté  que  je  n'avois  encore  été  de  ma  vie. 

Voila  les  premiers  effets  que  les  convulfions  produifirent  en  elle.  Or  félon  U 
vérité  même,  on  doit  juger  de  l'arbre  par  fcs  fruits. 

Ce  même  jour  3 1 .  Mars  elle  alla  loger  chez  M*,  de  Fitriqui  fe  fit  un  plaifir  de 
prendre  avec  elle  une  perfonne  pour  qui  Dieu  avoit  opéré  un  miracle  aujfi  évident .  „Jc 
„  certifie  (dit  cette  D^.)  qu'aiont  appris  que  M"'.  Fourcroi,  dont  l'hidropifie 

avoic 


OPE'RE'  SUR  M.  J.  FOURCROY.  t^ 

-  ^,  avoît  n  fort  engage  la  poitrine  qu'on  avoit  été  obligé  de  lui  tirer  prcfque  tout 
„  fon  fangpour  lui  faciliter  la  refpiration. ....  avoit  été  prcfqu'cntieremcnt  gué- 

j,  rie  en  un  moment  le  ii .  Mars à  la  fortie  d'une  violente  convulfion 

,,  Je  fouhaitai  fort  l'engager  à  venir  demeurer  chez  moi, afin  d'avoir  le  bonheur 
j,  de  voir  fous  mes  yeux  la  perfeftion  defaguérifon. . .  Elle  y  vint  effcétivement 
„  le  31.  Mars,  n'aiant  plus  que  quelque  reilc  d'enflure  de  fon  hidropifie  qui 
5,  fe  diflîpa  absolument  en  3.  jours,  quoiqu'elle  s'obftinât  à  faire  maigre  ,  &qu'- 
„  il  parût  encore  évidemment  à  l'extrême  maigreur  de  fon  vifage  &  de  fesbrasy 
„  que  Phidropifie  dont  elle  venoit  d'être  guérie  avoit  été  fort  confidcrable.  En 
„  très  peu  tems  fon  vifage  6c  fes  bras  reprirent  chair ,  6c  je  puis  dire  qu'on  vo- 
,5  ioit  fa  fanté  fe  fortifier  tous  les  jours  a  vue  d'œil.  „ 

De  toutes  les  maladies  dont  cette  heureufe  convulfiornaire  avoir  été  prefqu'ac- 
cablée,  il  ne  lui  rcftoit  donc  plus  quel'anchylofe?  La  De  de  Vitri  certifie  ainfî 
que  plufieurs  autres  témoins,  o^e  fon  pied  gauche .  . ..  ctoit  renverfé  fcns  de  ffus  def- 
fous  y  de  façon  qu'elle  ne  pouvait  appuier  à  terre  que  le  dejjus  des  doigts  ,  le  talon  de- 
meurant élevé  en  Pair,  6?  la  plante  du  pied  paroijfant  prefque  retournée. 

La  providence  attentive  à  rendre  fes  oeuvres  manifelles  malgré  l'oppofition  des 
puifTances  ,  le  mépris  des  orgueilleux,  la  critique  des  beaux  efprits ,  êc  l'aban- 
don des  pmdens  du  fiecle ,  avoit  différé  de  guérir  cette  maladie  la  plus  irrémé- 
diable de  toutes ,  afin  d'en  faire  conltater  auparavant  l'exiftcnce  £c  l'incurabilité 
d'une  manière  à  ne  laifler  aucune  reflburcc  à  l'incrédulité  la  plus  obltinée. 

5,  Aiant  rémarqué  (dit  la  D.  de  Vitri)  que  dans  fes  convulfions. . .  fa  jambe 

j,  gauche  s'agitoit  avec  une  force  inconcevable ,  Se  frapoit  contre  tout  ce  qui  fc 

^,  rencontroit  près  d'elle,  je  lui  demandai  à  la  fin  de  fa  convulfion. . .  fîellenefe 

„  fentoit  point  bleflce  à  cette  jambe:  m'aiant  repondu  que  non,  &;  lui  aiant  rap- 

„  Dieu  vouloit 
LaD.Vi 

ftater  juridiquement  l'état  de  ce  pied,  &:  en  même-tems  les  autres diffrirmités du 
corps  de  la  D'^  Fourcroy  ,  perfuadéc  à  la  vue  des  prodiges  qui  s'opéroient  jour- 
nellement fous  fes  yeux ,  qu'on  pouvoit  tout  efpérer  de  la  bonté  d'un  Dieu  fî 
magnifique  en  miféricordes.  Elle  fait  venir  à  cet  effet  dès  le  z.  Avril  M.  de  Man- 
teville  ancien  Démonflrateur  en  anatomie,  &  alors  Prévôt  des  Chirur^fiens. 

A  l'égard  du  pied  il  ne  lui  fût  pas  difficile  de  reconnoître  que  l'articulation  en 
étoit  gonflée  13  déjettée  en  dedans  félon  qu'il  l'atte/le,  tant  dans  fon  premier  que 
dans  fon  fécond  rapport  :  que  ce  pied  ne  pouvoit  être  fléchi  aiant  perdu  [on  mouve- 
ment y  étant  anchylofé le  talon  étant  en  Vair,  i3  le  pied  trcs-éiendu ,  viaiî 

plié  fur  le  côté  en  dedans^  ce  qu'il  déclara  être  incurable. 

Il  certifie  en  même  tems  qu'  „  aiant  examiné  l'épine  du  dos ,  (  il  la  )  trouvée  en- 
,j  tiércment  déjettée,  fiiifantuneS.  Romaine  depuis  la  première  vertèbre  du  dos 
„  jufqu'à  l'os  facrum ,  enfortc  que  les  apophifes  épineufes  des  vertèbres  du  dos 

„  font  prefque  fous  la  bafe  de  l'omoplatte  du  côté  droit l'épine  fe  jette  en- 

„  fuite  furie  côté  gauche  à  l'endroit  des  lombes,  qui  font  à  leur  tour  une  bofîc 
j,  de  ce  côté,  6c  unvuidedu  côté  oppofé. 

Si  les  premières  vertèbres  de  l'épine  du  dos  fe  jettoient  fi  fort  du  côté  droit  qu'el- 
les étoient  prefque  fous  l'épaule ,  ainfi  que  ce  rapport  le  certifie ,  les  côtes  qui  for» 
toient  de  ce  côté  là  de  l'épine  ne  pouvoient  manquer  de  former  une  très  grofic 
boffe,  puifque  leur  étendue  naturelle  ne  pouvoit  trouver  fa  place  qu'en  s'élevant 
prodigieufcmcnt  en  cercle  :  6c  par  conféquent  il  n'eft  pas  poflîble  de  douter  aux 
termes  de  ce  rapport  que  la  D'ic.  fourcroi  ne  fut  pour  brs  très  boITue  à  l'épaule 

B  2  4roitc, 


-la  DEMONSTRATION  DU  MIRACLE 

droite.  Ce  même  rapport  ajoute ,  qu'au  delTous  de  cette  bofTc ,  l'épine  C^  jette  en- 
Juite  du  coté  gauche ,  ce  qui  formoit  une  autre  bojfe  de  ce  côté  là  au  deffiis  de  la  han- 
.che,  y  iinvuide  du  côté  àxo\x..  Ainfi  le  coi-ps  de  cette  fille  avoit  proprement  la 
figure  d'un  zigue-zague,  ou  comme  dit  M.  de  Manteville,  la  figure  d'une  S.  Ro- 
maine. Aufli  ces  deux  bolTes  étoient-elles  fi  apparentes  Se  fautoicnt-elle  Ci  fort 
aux  yeux  de  tous  ceux  qui  appercevoicnt  la  D"^.  Fourcroi  que,  quoique  dans  les 
certificats  de  nos  témoins  il  ne  fût  point  queftion  d'en  parler,  {c<:<.  certificats 
n'ayant  eu  pour  objet  que  de  rendre  compte  de  l'Anchylofc  que  cette  fiUc  avoit  au 
pied  gauche  &  de  "la  gucrifon  fubite  Sc  miraculeufe  que  Dieu  lui  en  avoit  accor- 
dée] néanmoins  deux  de  nos  témoins  parlent  de  ces  deux  bofies  parcequ'ils  avoient 
été  frapés  de  la  figure  choquante  de  cette  fille. 

M.  Gui  certifie  que  lorsqu'il  la  vit  chez  la  Dame  de  Vitri  au  commencement  du 

mois  d''J'vril  1731.  elle  avoit  alors  le  corps  tout  contrefait  étant  extrêmement 

bojfue  à  l'épaule  droite  13  "^'ers  la  hanche  gauche. 

M.  Simart  déclare  pareillement,  qu'au  premier  afpeïl elle  lui  parut  trèr 

contrefaite ,  ayant  le  vifage  de  travers ,  la  têtt  enfoncée  dans  les  épaules ,  dont  ta  droite 
formait  une  hoffe  confidérahk  ^  qui  était  accompagnée  cFune  autre  boffe  prèsquaujjî 
forte  vers  la  hanche  gauche. 

Qiielque  confidcration  que  j'ayc pour  MM.  les  Docteurs  Anti-fecouriftcs, je  ne 
puis  me  dirpcnfer  de  rapporter  ces  preuves,  que  cette  fille  a  eu  la  taille  très  dif- 
forme iufqu'en  1755.  parcequ'elles  fervent  à  démontrer  le  ridicule  §cla  faufTcté pal- 
pables des  énormes  calomnies  qu'on  a  publiées  contre  elle.  Mais  quoiqu'il  foit  très 
vrai  qu'en  1733.  ^^^  deux  bofics  ont  prefqu'entiérement  difparu ,  enforte  que  de- 
puis ce  tems  la  D'''^  fourcroi  ne  paroit  plus  du  tout  bofiue,  du  moins  lorsqu'on  ne 
la  voit  qu'habillée ,  néanmoins  je  n'infilterai  point  par  rapport  à  ce  prodige.  Com- 
me il  a  été  vifiblement  opéré  par  les  Tiolens  fecours  que  cette  fille  a  receus  en 
1733.  il  choque  étrangement  ces  MM.  Ainfi  pour  leur  épargner  la  peine  que  je 
fai  qu'ils  fe  donnent  pour  tâcher  de  prouver,  ou  que  la  D'''=  fourcroi  cft  encore 
usuellement  tout  aufli  bofiue  qu'elle  étoit  avant  173  3.  ou  bien  qu'elle  ne  l'ijamais 
été ,  car  cela  leur  eft  égal  &  ils  ramaficnt  en  même  tems  des  preuves  de  ces  deux 
faits  contraires,  je  veux  bien  ne  point  parler  de  ce  miracle,  qui  ne  m'ell  nulle- 
ment nécefiairc  pour  établir  aucune  de  mes  propofitions. 

Pendant  que  M.  de  Manterille  cxaminoit  encore  ce  pied  C\  étrangement  contre- 
fait, il  eft  tout  à  coup  interrompu  dans  fcs  obfervationsChirurgiques  parles  con- 
vulfions  qui  prennent  à  la  D'!'-'.  Fourcroy.  Il  fcinblc  que  ces  mouvemens  en  re- 
poufiluit  la  main  de  ce  Chirurgien,  foient  envoies  exprès  pour  confirmer  ce  qu'il 
venoit  de  décider  lui-même,  que  cette  cure  ne  nouvoit  être  opérée  ni  par  V effet 
d'aucun  remède  ^  ni  par  la  force  de  la  nature  ^  ainfi  qu'il  l'affirme  dans  U)n  fécond 
rapport:  ou  plutôt  le  fouverain  Médecin,  pour  le  rccompenfer  de  la  fidélité 
avec  laquelle  il  déclaroit  ce  quefon  art  lui  failoitconnoîtrcfi.,s  être  retenu  par  au- 
cun rcfpeét  humain  ,  a  voulu  le  rendre  témoin  du  moien  furn?.turel  dont  il  jugeoit 
à  propos  de  fe  fervir  pour  une  guérilbn  'îi  admirable. 

„  Nous  certifions  (dit  ce  célèbre  Chinngicn  dans  fon  premier  rapport) qu'ert 
„  nôtre  préfcnce  la  D''"-'.  Fourcroy.a  été  conhdérablement  agitée  de  mouvemens 

„  convulfifs CCS  mouvemens   (dit-il  plus  bas)  nous  ont  été  annoncés  pat 

„  un  poux  convulfif,  &:  qui  a  totalement  manque  un  inftant  avant  que  d'y  tomber.  „ 

Il  n'y  a  pcrfonne  qui  ne  fâche  que  le  poux  ne  peut  totalement  manquer  que  par 

la  ccŒuiondclacirculationdu  f.mg  ,  &  que  cet  état  eft  mortel  j>our  peu  qu'il  dure. 

Auffi  la  Dame  de  Vitri  déclare  t-clle ,  que  M.  de  Manteville parût  étonné 

it  voir  y  qu'après  lui  avoir  trouvé  u»£9Hx  (onviélfîf,  ilneluy  en  trouva  plus  du  tout. 

Cepcn- 


O'PE'RE'  SUR  M.  J.  FOURCROY.  i? 

•  Cependant  cette  intermption  de  la  circulation  du  fang  ,  qui  étoit  capable 
de  caufer  la  mort  ou  du  moins  qui  dcvoit  mettre  la  D"«.  fourcroi  hors  d'état  de 
fiire  aucun  mouvement ,  produit  en  elle  un  eftet  tout  contraire  :  fonfang  s'arrête 
tout  à  coup  ,  &  en  même  tems  fes  forces  augmentent.  Son  <:or/)5dit  M.deMan- 
teville,  s^eft  agité  avec- vxnt  de  violence  qiCelle  ne  pouvait  qu'avec  beaucoup  de  peine 
être  retenue  par  3.  ou  4.  perfonnes  aff'ez  fortes.  AufTi  cet  habile  anatomifte  ne  ba- 
lancc-t-il  point  à  déclarer  que  ces  convuljians  ....  font  au  dejfus  de  la  nature  i3 
des  connoijfances  humaines. 

Le  rapport  de  M.  de  Manteville  quoique  fi  bien  circonflancié  Se  fî  décifîf,  ne 
partit  pas  néanmoins  encore  fuffifiuità  la  D"''.  Fourcroy  pour  conftater  autant  qu'- 
elle le  défiroit  la  certitude  de  l'état  irrémédiable  oîi  étoit  fon  pied  anchy lofé.  Pleine 
de  confiance  en  celui  qui  lui  parloit  au  cœur,  &  qui  lui  donnoit  je  ne  fai  quelle 
fecrette  aflurance  de  fa  guérifon  prochaine,  elle  auroit  voulu  que  tous  les  plus 
grands  Chirurgiens  de  Paris  fuffent  venus  fe  convaincre  par  leurs  yeux  dcTincura- 
bilité  abfolue  de  ce  pied  tout  contrefait,  &  de  l'impofïïbilité  d'en  décoller ,  d'en 
réduire  6c  d'en  replacer  les  os.  Pour  la  fatisfaire  on  aflembla  le  p.  du  même  mois 
d'Avril  1731.  cinq  des  plus  fameux  Chirurgiens  dont  quatre  font  liés  parleurfor- 
tune  à  la  Cour,  &  qui  par  conféquent  ne  peuvent  être  fufpecls.  Le  Chirurgien 
Major  des  Gardes  du  Corps,  le  Chirurgien  Major  des  Hôpitaux  de  l'armée,  le  Ch;"- 
riirgien  de  M.  le  Prince  de  Conti,  le  Chirurgien  Majpr  du  Régiment  du  Roi ,  6c 
un  ancien  Prévôt  des  Chirurgiens. 

Ils  déclarèrent  tous   unanimement  fuivant  que  l'attelle  laD"'.  Fourcroy  ,•  que 

ctxttincommodité  n'était  point  dénature  à  pouvoir  jamais  être  guérie Ils  obfer* 

verent  [après  revoir  e  (fai  é  en  vain  à  plafcurs  reprifcs  de  faire  faire  quelque  mouvement 
à  ce  pied,  dit  M.  Simart,]  ^/^^/^/^of/f  ,  continue  la  D"'.  Fourcroy,  .f '^7  «7  f«///- 
rement  pétrifiée ,  ce  qui  avait  joint  enfembie  les  os  du  pied  avec  ceux  de  lajambe ,  dé 
façon  qu'ils  ne  faifoient  plus  qu'un  feul  corps  ;  ^  même  que  Vos  du  pied  étoit  tout  con-^ 
tourné  y  ^  qu'ainjî  comme  Un  y  avait  point  de  remède  qui  puiffe  changer  la  forme  des 
«j,  ni  les  disjoindre  quand  ils  font  foudés  enfembie  .^  ce  n' étoit  pas  une  maladie  dont 
la  guérifon  fût  propofable  :  à  quoi  ils  ajoutèrent  qu''il  n'' avait  pas  été  nécejfairedeles 
ajfembkr  en  fi  grand  nombre  pour  examiner  une  incommodité  à  laquelle  il  étoit  évident 
qu'on  ne  pouvait  apporter  aucun  remède. 

Ils  fc  fervirent  même  de  cette  raifon  pour  refufer  d'abord  démettre  leur  rapport 
par  écrit,  mais  néanmoins  en  aiant  été  preiles  par  laD"°.  Fourcroy  , ils dreflercrkt 
tous  cinqun  proccs-verbai ,  oii  ils  font  unedefcriptiondecepied  qui  confirme  tout 
ce  que  nous  avons  rapporté  ci-defllis,  fans  oublier  même  la  grefieur  extraordi- 
naire qui  étoit  audeflus  d'une  des  chevilles ,  6c  ils  ne  balancèrent  point  â  certifier 
que  cet  état  étoit  incurable. 

Je  remecs  à  rapporter  dans  ma  première  propofition  les  termes  de  cette  partie" 
de  leur  procès-verbal ,  en  aiant  befoin  pour  me  fcrvir  de  preuves  :  mais  je  puis 


autres  rappc 
6cauffi  "   ^ 

La  D"'.  Fourcroy  les  aiant  priécie  faire  auffi  mention  dans  leur  procès-verbal  de 
la  difformité  de  fon  coqis,  ils  y  certifient  qu''aiaKt  auffî  vifté  l'épine ,  nousPavons 
/ro«'ue'i?,difcnt-ils  ,  contournée  eu  forme  d'S.  Romaine  .^  les  vertèbres  fejettant  depuis  Pos 
facrum  de  droit  à  gauche  .,  13  de  gauche  à  droit  jufquaHx  vertèbres  du  cou-. 

Au  relie  le  lecteur  n'a  befoin  d'être  parfaitement  inltruit  que  de  l'état  du  pied 
gauche  :  or  à  cet  égard  on  ne  peut  rien  de  plus  précis  ni  de  nvicux  détaillé  que 
kurs  obfervations  :  il  en  refulte  que  les  os  étoient  rcnverfés  presque  fens  deflb^ 

B  5  dcf»' 


14  DE'MONSTRATION  DU  MIRACLE; 

dcfTous  ,  qu'ils  ctoicnt  gonflés,  contrefaits  Se  foudés  en  cet  état  à  ceux  de  la  jam» 
be  par  une  maladie  abfolument  incurable,  &  qui  étoit  devenue  un  état  fixe  8c 
permanent.  Qui  ofcra  réfuter  d'ajouter  foi  à  de  tels  témoins  ?  Ce  font ,  y  compris 
M.  de  Manteville,  fix  des  plus  fameux  Chirugiens  de  Paris,  qui  ont  drcfle  avec 
toute  l'attention  pofTiblc  des  procés-verbaux  de  l'cfïet  qu'avoit  produit  une  ma- 
ladie qui  cil  de  leur  reflort  8c  de  la  connoifTance  de  leur  art  :  pièces  autentiques 
qui  font  foi  en  juftice  :  rapports  faits  par  des  perfonncs  d'une  grande  réputation 
6c  d'une  probité  reconnue,  qui  bien  certainement  n'auroient  pas  cfé  attefter  un 
pareil  fait  s'il  eût  été  faux,  puifque  la  fauflcté  en  eût  été  vifible,  palpable,  & 
de  la  connoifTlince  de  tous  ceux  qui  avoicnt  vu  la  D"'.  Fourcroy. 

Le  fait  étant  incontertable,  l'incurabilité  cfl  évidente:  car  qui  ne  fait,  comme 
ces  Chirurgiens  le  dirent  à  laD''.  Fourcroy  8c  à  la  D-.  de  Vitri ,  fuivant  que  cette 
dernière  l'attelle  j  qu'il  n'y  a  point  de  remèdes  qui  puifTent  rétablir  des  os  qui  ont 
/>erd/t  leur  forme  naturelle,  qui  ont  été  tous  dérangés  £s?  tous  contournés  par  la  force 
6?  râcreté  de  l'humeur  qui  avoit  produit  cette  incommodité ,  ni  détacher  ces  os  les 
uns  des  autres  lorfqu'ils  ont  été  foudés  enfemble"par  une  finovie  pétrifiée? 

Mais  fi  jamais  maladie  ne  fût  plusautentiquemcnt  conftatée,  nifon  incurabilitc 
plus  évidente  Se  plus  incontcftable,  jamais  gucrifon  ne  fût  plus  fubite  8c  plus  parfaite. 

Le  1 4.  Avril  vers  le  foir,  cinq  jours  après  le  procès-verbal  des  cinq  derniers  Chirur- 
giens, Dieu  l'opératout  d'un  coup  dans  le  plus  fort  des  convulfions  de  la  D"'.  Four- 
croy ,  en  préfencc  de  plufieurs  perfonncs  ilont  la  plupart  en  ont  rendu  témoignage. 

Le  Très-haut  voulant  donner  aux  fpeftateurs  le  moicn  de  mieux  contempler  la 
merveille  qu'il  va  opérer  à  leurs  yeux,  envoie  à  nôtre  Convulfionnaire  une  forte 
convulfion  ,  dont  l'inlfinét  la  force  à  mettre  fon  pied  malade  à  nud.  Elle  prend 
delà  main  droite  cet  horrible  pied,  ce  pied  tout  renverfé  6c  d'une  roideur  inflexi- 
ble :  elle  paroit  vouloir  le  retourner  :  6c  dans  le  moment  la  finovie  pétrifiée  fe  fond 
fubitement ,  fc  diflîpe  6c  s'évapore?  les  os  foudés  à  ceux  de  la  jambe  s'en  détachent 
ôc  s'en  féparcnt  :  ces  os  gonfles ,  contournés ,  contrefaits ,  recouvrent  leur  première 
forme  6c  fe  rangent  à  leur  première  place  :  la  grofleur  cui  étoit  au  deflus  de  k 
cheville  s'évanouit  6c  ceflc  d'être:  le  talon  fe  remet  dans  hifituation:  tous  les  muf- 
cles  6c  les  tendons ,  dont  lesunsétoientdéflcchés,  retirés,  rétrécis,  6c dont  les  au- 
tres du  côté  oppofé  avoient  été  forcés  6c  étendus  beaucoup  au  delà  de  ce  qu'ils  dé- 
voient ,  reprennent  chacun  leur  jufte  grandeur.  En  un  mot,  ce  pied  fi  diftormcfc 
trouve  dans  l'inftant  revenu  à  une  figure  parfaite ,  à  fon  état  naturel. 

Dieu  voulut  en  même  tems  faire  connoître  d'une  manière  fcnfible  qu'il  lui  avoit 


peine  pouvoit-on  diftinguer  ce  pied  qui  échappoitprcfqu'àla  vue,  tantfon  mou- 
vement étoit  rapide. 


imi 

lente  ,       .  ^  ^  .  .        . 

qui  un  moment  auparavant  étoit  fi  contrefait,  avoit  été  rendu  à  fa  forme  naturel- 
le, leur  fiirprifc  fut  fi  grande  que  quelques-uns  voulurent  éprouver avccla main, 
lî  leurs  yeux  ne  les  trompoicnt  pas.  Mais  quel  fût  le  redoublement  de  leur  admira- 
tion en  touchant  ce  pied  8c  le  regardant  de  plus  près?  Non  feulement  ilsne  trou- 
vèrent plus  aucune  apparence  des  bofics ,  des  rides,  des  endroits  enfoncés  Se  de  la 
contorfion  qui  avoit  rendu  ce  pied  fi  diflormc  ,  mais  même  ils  fcntcnt  qu'il  cil  tout 
a  coup  devenu  aufli  fouplc,  &  qu'il  aune  auili  grande  liberté  de  flexion  en  tous  les 

fcns 


OPERE'  SUR  M.  J.    FOURCROY.  ij- 

fcns  que  s'il  n'eût  jamais  été  anchylofé.  Aufli  tous  nos  témoins  déclarent-ils  qu'ils  ne 
purent  retenir  leurs  larmes  dans  les  tranfports  d'admiration  &  de  joie  où  ils  fe  trouvè- 
rent. Hé  !  Quel  cœur  eût  pu  être  infeniible  à  la  vue  d'une  merveille  fî  frapante  ? 

Les  convulfîons  de  la  D''^.  Fourcroy  aiant  cefie  peu  après,  elle  ne  fût  p.is  moins 
étonnée  que  les  autres  de  trouver  fon  pied  parfaitement  guéri.  Son  premier  foin 
fût  de  fc  proilerncr  à  terre  pour  remercier  un  Dieu  fi  libéral  envers  elle.  Les  alîîllans 
pleurant  tous  de  joie ,  chantèrent  avec  elle  le  Te  Deum. 

Après  avoir  ainfi  fatisf;\it  aux  juftes  mouvemensde  fa  reconnôiflance ,  elle  fe  lève 
&  s'emprefl'e  d'eflaier  iufqu'à  quel  point  ce  pied  a  recouvré  fon  mouvcm.ent  &  fes 
forces.  Elle  marche  :  elle  court  :  elle  s'élance  en  l'air  le  plus  haut  qu'elle  peut,  5c 
retombe  fur  ce  pied  fi  fraîchement  guéri  fans  pouvoir  le  fatiguer.  Son  cœur  ardent 
pour  la  gloire  de  Dieu,  &cduB.  à  l'interceffion  de  qui  il  a  accordé  un  fi  grand  mira- 
cle, la  porte  aulîi-tôt  à  chercher  le  moiende  le  faire  éclatter&  de  le  rendre  inconte- 
flable.  Elle  charge  un  des  alîi flans  d'aller  au  plus  vite  annoncer  cette  étonnante  mer- 
veille à  tous  les  Chirurgiens  qui  avoient  examiné  ce  pied  fi  contrefait,  6c  qui  n'avoient 
pas  balancé  à  décider  que  cette  difformité  étoit  un  état  fixe  8c  abfolumenr  incurable. 

Dès  le  lendemain  ôc  le  fur- lendemain,  cinq  de  ces  Chirurgiens  s'cmprelTent  de 
s'afTurer  par  leurs  yeux  de  la  vérité  d'un  événement  qui  leur  paroit  incroiable.  La 
vue  augmente  encore  leur  furprife.  Non  feulement  ils  trouvent  que  ce  pied  a  repris 
fa  forme  naturelle,  &  qu'il  a  toute  la  force,  la  liberté  8c  l'agilité  qu'un  pied  peut 
avoir,  mais  ils  ont  beau  chercher  quelques  veiliges,  quelques  légères  traces  de 
tout  ce  qu'ils  avoient  vu  de  difforme  dans  les  os,  dans  la  peau,  dans  lesmufclesSc 
les  tendons,  tout  eft  fi  pleinement  réparé,  tout  efl  rétabli  dans  un  étatfî  parfait 
qu'ils  ne  peuvent  retrouver  aucune  indice  de  l'état  précèdent.  Leur  cœurne  peut 
tenir  contre  un  prodige  fi  admirable ,  6c  oii  l'opération  du  fouverain  Etre  leur  paroit 
fi  fort  à  découvert.  Ils  en  drelTent  chacun  leur  rapport  particulier ,  dans  lefquels 
quatre  d'entr'eux  déclarent  en  termes  formels  qu'une  pareille  guérifon  n'a  pu  s'opé- 
rer que  d'une  manière  fumaturcUe. 

Un  fameux  Médecin  vient  aulîi  dès  le  lendemain  de  la  guérifon  examiner  le 
miracle:  on  ne  fait  par  quel  motif.  La  D''».  Fouirroy  perfuadée  que  Dieu  refor- 
mera par  la  fuite  le  furplus  de  la  difformité  de  fon  corps  ,  fefertdel'occafion  pour 
le  prier  de  faire  un  procès-verbal  de  l'état  où  il  trouvera  l'épine  de  fon  dos.  Ce 
Médecin  y  confentSc  déclare  dans  fon  rapport,  prefque  dans  les  mêmes  termes  que 
les  fix  Chirurgiens:  que  V  épine  du  dos  était  contournée  en  façon  d'une  S .  Romaine  ^  (^ 
que  les  vertèbres  fe  jettoient  depuis  Vos  facrum  de  droit  à  gauche ,  6?  enfuite  de  gau- 
gauche  à  droite  jufqu  aux  vertèbres  du  fo« .  Au  furplus  ce  grand  Maître  de  l'art ,  après 
avoir  épuifé  tout  ce  qu'un  doute  fage  6c  éclairé  ,  mais  pouffé  aufîi  loin  qu'il  efl  pof- 
fible ,  peut  former  de  difficultés ,  6c  peut  exiger  de  preuves ,  fe  voit  enfin  forcé  de 
reconnoître  que  la  guérifon  de  l'anchylofe  eft  parfaite,  &  qu'une  télé. guérifon  jugée 
impraticable  par  Vart ,  était  d'autant  plus  éclatante  Cj?  fur  prenante ,  quelle  était  arrivée 
fubitement  :  ce  font  les  termes  de  fon  rapport. 

Que  fouhàiteroit  déplus  l'incrédule  pour  ouvrir  les  yeux  à  la  grandeur  d'une  telle 
merveille  ?  Si  la  notoriété  publique ,  qui  prouve  que  depuis  ce  moment  la  D'•^  Four- 
croy a  été  aufïï  agile ,  6c  qu'elle  a  marché  avec  autant  de  liberté  qu'elle  étoit  aupa- 
ravant impotente  6c  incapable  de  fc  foutenir  fans  être  aidée  de  quelqu'un:  {\  dis- 
jc,  cette  notoriété  ne  lui  fuffit  pas ,  à  qui  peut -il  mieux  s'en  rapporter  qu'à  des 
maîtres  de  l'art  au  defîus  de  tout  foupçon,  qui  peu  de  jours  avant,  6c  immédia- 
tement après  ce  miracle ,  ont  examine  l'état  de  ce  pied ,  en  ont  fait  dans  les  deux 
tems  la  defcription  la  plus  cxafte ,  6c  qui  malgré  l'intérêt  fenfible  qu'ils  avoient  de 
renfermer  dans  leurs  cœurs  l'impreffion  que  leur  faifoit  cet  admirable  prodige, 

n'ont 


i5  DEMONSTRATION  DU  MIRACLE 

n'ont  pu  s'empêcher  de  déclarer  que  cette  étonnante  guérifon  palîoit  toutes  les  for- 
ces ,  les  relTorts  &  les  agens  qui  font  dans  la  nature  ? 

Qui  Cl  l'incrédule  ne  veut  pas  s'en  rapporter  à  leur  dccifion,  du  moins  il  ne  peut 
rcfulcr  de  les  en  croire  fur  les  faits.  Qii'il  life  avec  attention  leurs  procès-verbaux  : 
qu'il  confulte  enfuite  fa  raifon:  &  il  fe  verra  forcé  de  devenir  lui-  même  ,  fi  non 
le   prédicateur  public ,  au  moins  l'admirateur  fecret  d'un  fi  grand  miracle. 

Au  refte  ce  n'a  pas  été  la  feule  merveille  qu'il  à  plu  à  Dieu  d'opérer  fur  la  D"*. 
Fourcroy  par  Taftion  des  convul fions.  Les  terribles  lecours  qu'elle  s'eft  fait  don- 
ner, principalement  depuis  le  mois  de  Mai  i7?2--  jufqu'à  la  fin  de  17^3.  ont  fi 
fort  applati  fes  deux  bofles  qu'elles  ne  paroiffcnt  plus,  du  moins  quand  on  ne  la 
voit  qu'habillée. 

Ce  fait  eft  fi  certain  que  deux  Notaires  de  Paris  n'ont  pas  craint  de  l'atteftcr 
dans  un  afte  qu'ils  ont  paffé  en  leur  qualité  de  Notaires. 

Le  lefteur  trouvera  dans  l'aéte  de  dépôt  que  la  D"'.  Fourcroifitle  ij.  Novem- 
bre 1755.  ^^^^  MM.  Lovfon  &  Raimond  Notaires,  des  pièces  qui  prouvent  la 
gucriibn  miraculeufe  de  fon  anchylofe,  qu'elle  y  déclare:  que  depuis  \x  relatioa 
par  elle  faite  de  ce  miracle  ,  dattce  du  7.  juin  17^2. . . .  //  a  plus  à  Dieu  d'opérer 
encore  en  elle  plufieurs  cbnngemens  dans  fa  figure  (^  dans  la  conftruclion  de  fes  os  ^ 
71'ctant  plus  boffue  comme  elle  Vétoit  alors  :  ainfi ,  difcnt  ces  deux  Notaires ,  qu'ail 
eft  apparu  aux  Notaires  foufjignés  par  Vinfpeilionde  fa  perfonne. 

Ces  deux  Notaires  auroicnt-ils  ofé  certifier  un  pareil  fait  expofé  journellement 
fous  les  yeux  du  public,  s'il  n'avoit  pas  été  véritable:  &  comment  ofe-t-oncon- 
tciler,  ce  qui  eft  encore  aujourd'hui  fous  la  vue  de  tout  le  monde  ? 

Mais  au  furplus  comme  ce  changement  de  figure  fait  en  1733.  à  grands  coup» 
d'une  groffc  pierre  de  Port-Royal ,  fouftVe  contradiction  de  la  part  des  Anti-te- 
couriftcs ,  6c  que  d'ailleurs  la  D"^  Fourcroi  n'a  fongé  à  recueillir,  ou  du  moins 
n'a  depofé  que  les  preuves  de  la  gucrifon  fubitc  de  fon  anchilofc ,  je  ne  vais  faire 
la  démonftration  que  de  ce  feul  miracle.  Je  la  commencerai  fuivant  mon^ufagc 
par  quelques  obfcrvations  fur  la  force  des  témoignages  par  Icfquels  cette  mer- 
veille ell  conll:atée,£c  principalement  fur  la  foi  qui  elt  due  aux  rapports  que  plu- 
fieurs fameux  experts  onr  fait  de  l'état  de  ce  pied ,  avant  £c  après  la  fubite  méta- 
morphafc. 

CARACTÈRE    DES    TEMOINS. 

LA  vérité  fc  fait  ferv'ir  pour  elle-même.  Loin  d'emprunter  aucun  fecours  de.s 
partions,  elle  les  immole  toutes  à  (1  gloire.  Elle  clcvc  l'homme  au  deflu?  de 
fa  foibleflc  :  clic  le  fait  triompherdesrcfiilanccsdefoncœur,  &:  lui  fait  fouleraux 
pieds  tout  intérêt  humain,  pour  avoir  le  bonheur  plus  folidedclui  rendre  témoi- 
gnage. 

C'eft  ainfi  qu'elle  a  contraint  par  fon  éclat  fept  des  plus  fameux  Chinirgicns  de 
Paris,  un  Médecin  célèbre,  &  plufieurs  autres  pcrfonncs  de  rifquer  leur  fortune 
pour  rendre  hommage  à  des  œuvres  divines  ,  qui  bleflcnt  les  préjugés  des  puilTan- 
ccs  écclefialliques  &  féculicres.     . 

Le  premier  de  ces  témoins  ell  M.  Defvignes  Chirurgien  d'une  grande  réputa- 
tion, qui  aiant  été  invité  des  le  commencement  de  l'année  1731-  de  donner  fes 
foins  pour  tâcher  d'arrêter  les  funeilcs  progrès  de  l'humeurbrûlantequi  r.ivagcoit 

le  pied  de  la  D''.  Fourcroy,  déclare  que  i'csrcmidcs furent  tous  fans  fuccés&C 

qu'après  avoir  cpuifé  toutes  les  reHourccs  de  l'art ,  /'/  trouva  que  la  courbure  étoit 
cenftdérablement  augmentée  malgré  les  remèdes  :  (c  qui  lui  dotuta  lie.t  de  juger  dci 

]o.s 


OPERE'  SUR  M.  J.  FOURCROY.  17 

lors  que  Varticîe  fe  foudercit  y  s' anchy loferait ,  auquel  cas  la  maladie  deviendroît  iti' 
curable  ^  &  ce  qui  lui  aiant  peu  après  fait  perdre  toute cfpérance  defoulagerla  ma- 
lade ,  le  força  de  l'abandonner  ,  Se  de  lui  confciller  comme  elle  l'attefte  elle-même, 
tïe  ne  plus  faire  aucun  rejnede  ^tx.enâi\ic\\\'''i\srf  auraient  d'autre  effet  que  d^irriter  enco- 
re V  humeur^  lui  déclarant  qu'cUcn'avoit  d'autre  jparti  à  prendre  que  de  fe  réfoudre  à 
refier  ainfi,  eflrapiée  tout  le  refle  de  fa  vie. 

Ce  même  Chirurgien  certifie  que  cette  maladie  qu'il avoit  jugée  furie  point  de 
devenir  incurable  des  le  commencement  de  173 1.  avoit  été  guérie  en  un  moment  le 
Lundi  de  Pâques  1732..  fuivant  que  la  D"^.  Fourcroy  le  lui  avoit  déclaré  &  qu'il 

l'avoit  vérifié  lui-même,  aiant  trouvé yô»  pied entièrement  guéri  &  aiant  tous 

les  mauvemens  libres. 

Les  deux  rapports  deM.de  Manteville ,  le  premier  fait  12.  jours  avant  la  gué- 
rifon,  &  le  fécond  peu  de  jours  après,  font  encore  plus  frapans  ;  voici  qu'elle  en 
fût  l'occafion. 

Il  plût  au  Seigneur  d'annoncer  par  un  prodige,  qu'il  alloit  bien-tôt  rendre  au 
pied  fi  difforme  de  la  D"*.  Fourcroy  fa  première  figure,  fon  mouvement  &:  fon 
agilité.  Apres  la  guérifonparfliitedefon  hidropifie,  la  jambe  au  bout  de  laquelle 
étoit  fondé  ce  pied  fi  contrefait ,  s'agite  par  des  mouvemens  convulfifs  d'une  force 
extraordinaire ,  &  cette  jambe  a  beau  fe  cogner  avec  une  impétuofité  extrême  contre 
tout  ce  qu'elle  trouve  près  d'elle ,  elle  n'en  cft  point  blefiee. 

La  D"'.  Fourcroy  perfuadéc  par  ce  prodige  que  Dieu  alloit  inceflamment  lui  ren- 
dre l'ufage  de  ce  pied ,  en  fit  examiner  l'état  par  M .  de  Manteville  alors  Prévôt  des 
Chirurgiens.  Cet  habile  anatomifte  ne  refufa  pas  d'en  faire  une  exaéte  defcription 
dont  il  délivra  fur  le  champ  fon  rapport,  dans  lequel  il  certifie  que  ce  mal  ctoit 
incurable. 

Douze  jours  après  ce  pied  eft  fubitement  guéri.  M.  de  Manteville  l' aiant  appris 
accourt  au  plus  vite ,  ne  pouvant  croire  une  telle  merveille  s'il  ne  la  voit  de  fes  yeux. 
Quellefût  falurprife,  fuivant  qu'il  le  déclare  lui  mêmedans  fonfecond  rapport,  de 
trouver  ce  pied  dans  Pétat  naturel  fans  aucun  gonflement. . . .  fans  aucun  vcfiige  de  l'anchy- 
îofe  qu'il  avoit  vue. . .  ^faifant  tous  les  mowUemens  poflîbles  dans  tousle^  fens  f  Un  mi- 
racle fi  inconte ilab le  le  touche  tellement ,  qu'il  ne  craint  point  d'attelter  à  la  face  de 
toute  la  terre ,  qu'une  pareille  l^  ftfubite  guàifon  n'a  pu  être  opérée  par  T  effet  d""  aucun 
remède.,  niparla  forcede  la  nature  .,  l^  qu' ainfi  elle  efi  évidemment  furnaturelle. 

Cinq  jours  avant  ce  miracle  ,  cinq  autres  Chirurgiens  avoient  encore  été  man- 
dés. M.  Leauté  Chirurgien  Major  des  Gardes  du  Corps  :  M.  Sivert  Chirurgien  Ma- 
jor des  Hôpitaux  de  l'armée  :  M.  Souchai  Chirurgien  de  M.  le  Prince  de  Conti  : 
M.  Granier  ancien  Prévôt  des  Chirurgiens  :  &  M.  de  Launai  Chirurgien  Major 
du  Régiment  Roial. 

Il  femble  que  la  providence  les  ait  choifis  tout  exprés  pour  faire  voir  qu'elle  dif- 
pofe  fouverainement  des  cœurs  ,  &  qu'elle  leur  fait  quand  il  lui  plaît,  facrificr  les 
intérêts  les  plus  fenfiblcs.  On  voit  par  les  qualités  de  quatre  de  ces  Chirurgiens 
qu'ils  font  dépendans  de  la  Cour,  de  qui  ils  tiennent  déjà,  6c  dont  ils  attendent 
encore  toute  leur  fortune.  Pouvoit-il  y  avoir  des  témoins  plus  au  dcfllis  de  tout 
foupçon  étant  queilion  d'attefler  un  miracle  qui  foudroie  le  funefte  décret  que  la 
Cour  appuie  de  toute  fon  pouvoir,  8c  qui  autorife  en  même  tcms  les  convulfions 
que  la  Cour  pourfuit  à  tout  outrance  ?  Cependant  les  quatre  premiers  n'ont  rien 
ménagé  pour  conftatcr  cette  décifion  divine. 

Le  p.  Avril  1731.  cesMM.  dreflent  tous  cinq  enfcmbleim  procès -verbal  de  l'af- 
freufe  difformité  de  ce  pied  tout  renverfé,  &  foudé  aux  os  de  la  jambe  dans  cet 
état  de  eontorfion ,  6c  ils  déclarent  que  cette  maladie  eft  incurable, 
III.   Demonfl.  l'orne  II.  C  C'cfl 


I»  DEMONSTRATION   DU  MIRACLE 

C'crt  le  14.  Avril  f.  jours  après  cet  aftc  autcntique  que  ce  pied  rcprcncTtout-à» 
coup  une  forme  miturelle,  &C  autant  de  force  &  de  vigueur  que  fi  fes  mufclesSc 
ics  tendons  n'avoient  jamais  été  rétrécis  ni  dcflcchcs ,  &  fes  os  gonfles  ,  contournés 
&  changés  de  figure. 

Un  de  ceux  en  préfence  de  qui  cet  admirable  prodige  s'exécute  en  un  moment, 
s'cmprclTc  d'aller  au  plus  vite  en  avertir  tous  les  Maîtres  de  l'art  qui  n'avoient  pas 
balancé  de  décider,  que  la  loudure  8c  la  difformité  de  ce  pied  étant  devenues  un 
état  fixe,  n'étoient  plus  fufceptiblcs  d'aucun  changement. 

„  Le  If.  Avril  (dit  M.  Souchai  dans  fon  fécond  rapport)  le  S.  Gui  mar- 
„  chand Bonnetier.  .  .  m'étant  venu  dire  que  l'anchylofe  que  cette  fille  avoit  au 
„  pied  avoit  été  guérie  en  im  moment  en  fa  préfence  ,  la  veille  Lundi  de  Pâques ,. 
„  je  me  tranfportai  auflî-tôt  chez  elle  avec  M.  Leauté  mon  confrère,  que  je  pris 
„  en  pafîant.  Nous  y  trouvâmes  MM.  Séron  &  l  eauté  Médecins:  8c  l'aiantexa- 
„  minée,  nous  vîmes  avec  une  fuiprife  extrême  que  l'anchylofe  qu'elle  avoit  au 
„  pied  s'ctoit  entièrement  diffipée  fans  qu'il  en  reliât  aucun  veîlige:  que  fon  pied 
„  avoit  pris  une  forme  8c  une  fituation  naturelle  ,  comme  s'il  n'eijt  jamais  été  in- 
„  commode  ,8c  qu'elle  avoit  tous  les  mouvcmcns  du  pied  libres  dans  tous  lesfens, 
„  le  pofant  à  plat  à  terre,  le  remuant  8c  s'en  fervant  avec  autant  defiicilité  que  de 
„  fon  pied  droit:  ce  qui  nous  parût  fumaturel,  n'y  aiant  pas  d'exemple  que  des  an- 
„  chylofcs  qui  ont  contourné  les  os  comme  avoit  fait  celle-là ,  aient  pu  être  guéries. 
Le  fécond  rapport  de  M.  Leauté,  celui  de  M.  Sivert,8c  celuideM.Granicrne 
font  pas  moins  exprcflifs.  Tous  ces  rapports  font  tels  qu'il  n'y  a  pei-fonne  qui  ne 
fente  en  les  lifant  que  ces  Maîtres  de  l'art  parlent  comme  des  gens  qui  n'ont  pu  fc 
fouflraire  à  rimpreflîon  que  kur  faifoit  l'opération  manifeile  de  la  divinité,  qui 
préfentoit  à  leurs  yeux  une  lumière  fi  brillante  ,  que  tous  les  intérêts  du  cœur  n'ont 
oféfe  révolter  contre  la  conviction  de  l'efprit.  Ils  n'ont  pas  ignoré  ce  qu'ils  ha- 
zardoient  en  rendant  le  témoignage  que  la  vérité  exigeoit  d'eux  :  mais  frapcs  d'u- 
ne admiration  qui  avoit  faifi  toute  leur  ame,  8c  fubjugué  toutes  leurs  pafTions, 
ils  ont  craint  le  Tout-puifTant  plus  que  toutes  les  puiflances  de  la  ten-c. 

Si  bien  loin  de  pouvoir  regarder  ces  témoignages  comme  fufpeéts,  on  eft  obligé 
d'avouer  quil  n'y  a  qu'une  pleine  conviélion  qui  ait  pu  les  engager  â  parler  com- 
me ils  ont  fait ,  que  pourront  oppofer  les  plus  incrédules  à  de  pareilles  dépolîtions? 
Elles  font  faites  par  des  pcrfonnes  en  place,  qui  n'ont piî parvenir  aux poftcs  ho- 
norables qu'ils  occupent  fans  avoir  auparavant  donné  bien  des  preuves  de  leur  ha- 
bileté. Ce  font  des  témoins  parfaitement  inftmits  de  l'effet  des  maladies  &  des 
reflbrts  de  la  nature:  ce  font  des  témoins  qui  ont  droit  de  décider  fur  ce  qui  re- 
garde ces  matières;  témoins  qui  ont  à  cet  égard  ferment  en  jullice,  8c  fui' la  foi 
'dcfqucls  les  Parlemens  rendent  plufieurs  de  Icius  atrêts. 

Mais  l'Eglife  elle-même,  précifcment  dans  le  cas  dont  il  eft  iciqucftion,  IT- 
glife  quand  il  s'agit  de  prononcer  fur  un  miracle,  ne  fe  détermine  que  fur  l'avis  de 
pareils  experts  pour  décider  que  la  guérifon  qu'on  lui  a  donnée  comme  miraculeu- 
Ic,  n'a  pu  être  opérée,  ni  parles  fecours  de  l'art,  ni  paricsrefiburcesde  la  natu- 
re. C'cft  fur  leur  décifionquelePape  8c  les  Evêques s'appuient  pour  déclarer  qu'- 
une maladie  étoitabfolument  rncuKiblc,  Se  qu'il  n'y  a  que  Dieu  qui  ait  pù-la  gué- 
rir. Auflj  dans  toutes  les  informations  qui  fe  font  par  l'autorité  de  l'Eglife  pour 
conftatcr  des  miracles,  les  rapports  des  experts,  leurs  procès-verbaux  Se  leure 
avis ,  font  regardés  comme  les  pièces  décifivcs  par  nippon  à  la  queftion  de  l'incura- 
bilitc  :  ninfi  l'on  peut  dire  que  c'eft  en  quelqu*;  forte  fui-  leur  jugement,  que  le 
Pape  8c  les  Evéqucs  conftatcnt  les  miracles. 
Klnis,  dira  - 1  -  on ,  les  Chirurgiens  en  qucftion  n'^nt  peint  été  requis  tri  par 

k 


OPERE'  SUR  M.  J.  FOURCROY.  r> 

îc  Pape  ,  ni  par  aucun  Evoque  de  donner  le  témoignage  qu'ils  ont  rendu.  Hclas  ! 
II  n'eft  que  trop  vrai:  mais  leur  déclaration  en  cft-elle  pour  cela  moins  forte, 
moins  décifive,  moins  capable  de  convaincre  ,  moins  digne-d'être  crde?  On  peut 
dire  au  contraire  que  s'ils  en  avoient  été  requis  par  de  fi  grands  peri'onnages ,  les 
incrédules  foupçonncroient  peut-être  que  le  dcfir  de  faire  leur  cour  à  ces  puif- 
fances,  auroitpû  influer  en  quelque  forte  dans  leurs  rapports.  Mais  ici  ces  Chirur- 
giens célèbres  n'ont  pu  avoir  d'autre  motif  que  de  plaire  à  Dieu  fouverainement 
ennemi  du  menfonge,  &  à  qui  on  ne  peut  devenir  agréable  que  parla  vérité.  U 
a  même  fiillu  que  ce  motif  fût  bien  puiïïlmt  en  eux  ,  pour  leur  faire  ainil  fermer 
les  yeux  fur  tout  autre  intérêt.  iVIais  qu'elle  force ,  quel  zcle,  quel  courage  ne  don- 
ne point  la  pleine  conviction  d'un  miracle  fur  lequel  il  n'elt  pas  poffible  de  for- 
mer le  moindre  doute  ?  Comment  ofer  fe  dlfpenfcr  de  rendre  gloire  à  Dieu  lorf- 
que  l'éclat  de  fes  œuvres  le  rend  en  quelque  forte  préfent  à  nos  yeux  ?  A  fon  afpeét  re^ 
doutable  ils  ont  été  faiiis  d'un  faint  tremblement  :  leur  cœur  s'ell  ému  :  leurs  paflîons 
n'ont  plus  ofé  faire  aucune  réfiftance  :  leur  volonté  ,  quoique  toujours  libre,  s'eft 
vue  comme  entraînée  à  s'expofer  à  tout  plutôt  que  de  manquer  à  rendre  hommage 
au  Tout-puifTant ,  perfaadés  qu'ils  étoient ,  que  comme  Chrétiens  ilneleurétoit 
pas  permis  d'enfevelir  dans  un  filence  ingrat  un  auiîî  grand  miracle  dont  le  Très- 
haut  les  avoit  rendus  témoins;  &  que,  quand  même  ils  n'auroient  été  que  des 
Philofophes,  ils  fcroient  coupables  félon  S.  Paul,  fi  après  avoir  connu  l'Etre  fu- 
prême  dans  fes  opérations  divines ,  ils  ne  leglorihoient  pas  comme  Dieu  ^  6c  s'ils  re- 
tenoient  la  vérité  dans  Pinjujîice. 

Mais  de  quelle  évidence  n'a-t-il  pas  fallu  que  fût  ce  miracle  pour  fiiire  uneim» 
prefi!îon  Ci  vive  fur  ces  MM.  qui  par  la  dépendance  où  ils  font  par  des  polies  qui 
font  toute  leur  fortune ,  avoient  un  intérêt  fi  preflant  d'éviter  de  iè  compyomeitre 
avec  les  puifTances. 

Auffi  cette  vive  imprefiîon  étoit-elle  fi  marquée  fur  leurs  vifiges,  qu'elle  for- 
ça un  grand  Médecin  auflî-tôt  qu'il  Tapperçût,  à  en  être  lui-même  ébranlé,  quoi- 
qu'il fût  naturellement  peu  porté  à  croire  de  pareils  prodiges  :  elle  l'obligea  eiiiliite 
à  examiner  les  preuves  de  ce  miracle ,  ce  qu'il  fit  avec  toute  l'attention  &  1  c's  précau- 
tions que  la  critique  la  plus  févére  peut  exiger:  Mais  plus  il  les  redoubla,  plus  la  vé- 
rité fc  montra-t-elle  à  fes  yeux  avec  une  évidence  qui  le  convainquit  lui-même 
pleinement. 

Je  parle  de  M.  Séron  Régent  de  la  faculté  de  Paris ,  Doéteur  de  celle  de  Montpel- 
lier,  Médecin  du  Roi  en  fon  aitillerie  ,  Médecin  ordinaire  de  l'Hôtcl-Dieu.  M'é- 
tznt  tranfpo/  té  ^ài\.-i\  en  fonrapport,  le  if.  jivfil  ij^i.  f/zlamaifon  oii  demeuroit 
la  D"*.  Fourcroy. . .  .en  entrant  dans  la  chambre  où  elle  était  j'ai  "jû  lafiirprife^  /'<?« 
tonnement  ^  V  admiration  peints  fur  le  rifage  de  tous  les  affîjfans ,  dans  le  nombre  def- 
<juels  éioïtnt plufieiir s  Maîtres  Chirurgiens  qui  Vaioient  i-ifitée  avant  fa  guérifon. 

Qiii  ne  reconnoît  à  ces  traits  les  fignes  les  plus  caracterifès  des  fcntimens  inti- 
mes de  l'ame?  C'elt  le  langage  de  la  nature  elle-même  :  ce  font  ici  les  exprefiîons 
du  cœur  inimitables  à  l'artifice  :  c'elt  le  premier  hommage  qu'une  ame  Chrétienne 
eft  forcée  de  rendre  à  l'impreflîon  que  lui  fait  la  vue  d'un  miracle  incontellabîe. 
Mais  par  qui  ce  témoignage  ell-il  rendu,  ce  témoignage  d'autant  plus  perfuafif 
qu'il  part  d'abord  du  cœur  fans  confultcr  la  volonté?  C'cil  tout  à  la  fois  par  une 
multitude  de  perfonnes  difi-erentcs  :  c'eil  par  tous  les  ajftftans ,  &  entr'autres  par  des 
Chirurgiens  de  la  Cour. 

Ce  premier  coup  d'œilne  fût  pas  néanmoins  lûfïifant  pour  Convaincre  le  déi- 
fiant Médecin:  il  veut  n'en  croire  que  fes  propres  lumières  :  il  commence  pars'afi- 
furer  de  l'état  où  avoit  été  le  pied  de  la  D' '.  Fourcroy  avant  le  changemcn;  qui 

C  i  yétoit. 


20  DE'MONSTRATION  DU  MIRACLE 

y  étoit  fubiremcnnirnivc.  Il  interroge  zvcc(om plu fieurs  de  ces  Chirurgiens qtiîa- 
lant  la  guérifon  aveient  été  confultés^^  avoient  en  conféqucnce  examiné  l'état  de  ce 
pied  ,  fdifant ,  dit-il ,  feu  d'attention  à  ce  que  difoicnt  le  refle  des  afjijlans.  „  Ces  Chi- 
„  rurgiens  (continiic-t-il)  m'atteftcrent  la  difformité  de  fon  pied  gauche ,  dont 
„  elle  ne  pouvoit  faire  aucun  mouvement  par  la  réunion  intime  des  os  anchylo- 
„  fés  de  la  jambe  du  même  côté ,  avec  ceux  du  pied  :  fen  forte)  que  ces  os  paroif- 
„  foicnt  confondus  ,  continus,  Z<.  ne  plus  faire  qu'un  fcul  corps,  ou  plutôt  un  feul 
„  os  :  (ils  m'ajoutèrent)  qu'ils  avoient  de  plus  obfervé  que  cette  réunion  des  os 
„  de  la  jambe  &  du  pied  gauche  étoit  accompagnée  d'une  tumeuraudeiïlisdela 
„  malléole  externe  grofTe  comme  une  noix  :  que  le  pied  gauche  étoit  renvcrfé  de 
„  manière  que  la  partie  interne  du  pied  s'étoit  tournée  vers  la  face  fupérieure ,  6c 
„  que  l'os  du  talon  rcmontoit  en  haut  parle  froncement  du  tendon  d'Achilles.  „ 
Apres  s'être  ainfi  bien  affuré  de  l'état  précédent ,  nôtre  Médecin  voulut  examiner 
lui  même  le  pied  ^ina-vecles  Chirurgiens  qui  étaient  préfens.  Mais  quercfulta-t-il 
de  cet  examen  fi  cxaét ,  fi  attentif ,  &  fait  conjointement  par  pluheurs  Maîtres  de 
l'art?  Nous  ne  trouvâmes^  dit  il,  aucun  i-cjlige d''anchylofe  dans  l'articulation  de  l» 
jambe  avec  le  pied,  dont  les  mowvemens  en  tout  fens  étaient  libres  13  faciles.  Nous 
trouvâmes  même  que  la  tumeur  au  de  (fus  de  la  malléole  externe  étoit  totalement  dis- 
fipée^  èc  que  le  pied  ai' oit  repris  une  figure  (^  une  Jituation  naturelles  r/ttiérement  con- 
formes à  celles  du  pred  droit. 

Il  nercftoit  plus  qu'à  éprouver  fi  la  D'-'.  Fourcroy  avoit  un  ufage parfaitement 
libre  de  ce  pied  fi  récemment  rétabli,  £c  dont  preique  toutes  les  parties  a- 
voienten  un  moment  changé  de  forme,  écfi  cellcsmême  qui  venoicnt  d'être  régé- 
nérées ,  a\oicnt  toute  la  force  &  la  folidité  qui  ne  s'acquiert  naturellement  que 
par  un  long  ufage  :  cette  épreuve  ne  fût  pas  oubliée. 

„  Je  déclare  (dit  encore  nôtre  Médecin)  que  lad.  M:u-ie-Jeanne  Fourcroy 
„  marcha  devant  tous  les  afiîltans ,  dont  j'en  etois  un  ,  avec  liberté ,  fans  boi- 
„  ter,  &:  d'un  pas  aufli  ferme  que  fi  elle  n'eût  jamais  été  incommodée  de  fajara- 
„  bc  &  de  fon  pied  gauche.  „ 

A  voir  ce  grand  Maître  de  l'art  agir  avec  tant  de  circonfpcéVion ,  n'avancer  qu'à 
mcfurc  qu'il  eil  pleinement  convaincu  d'un  premier  fait,  &  fe  conduire  ainfi  pas 
ï  pas  avec  toutes  les  précautions  que  la  défiance  poulVcc  auflî  loin  qu'il  cltpoflïble 
peut  faire  prendre  à  l'homme  le  moins  crédule,  ne  fcroit-onpoint  cxculabledc 
le  prendre  pour  un  envoie  de  la  Police,  mais  qui  d'ailleurs  a  eu  trop  d'honneur  Se 
de  religion  pour  déguifcr,  ou  même  pour  taire  une  œuvre  divine,  dont  l'Auteur 
s'ctoit  en  quelque  forte  manifellé  à  fes  yeux? 

Je  n'ai  point  fû  à  la  vérité  qui  avoit  fait  venir  là  M.  Séron  qui  n'étolt  pas  dans 
l'habitude  de  chercher  à  voir  des  prodiges  i  maisaianteû  l'eulcment  connoifiîincc 
de  l'examen  attentif  qu'il  avoit  fait  le  lendemain  matin  ,  du  miracle  opéré  la  veil- 
le au  foir  fur  la  D"*.  Fourcroy ,  je  l'ai  été  trouver  :  &  lui  aiant  reprélenté  vivement 
l'obligation  où  il  étoit  de  contribuer  de  fa  part  à  faire  rendre  gloire  à  Dieu  d'une  fi 
grande  men'eiile,  en  rendant  lui-même  témoignage  de  ce  qu'il  avoitvû  ,  &  de  ce 
que  la  connoifHmcc  qu'il  avoit  des  effets  que  l'art  &  la  nature  peuvent  produire, 
lui  en  avoient  fliit  juger,  il  n'a  pu  refulcr  de  m'en  délivrer  ion  rapport,  dans 
lequel  il  déclare  outre  les  faits  ci-delfus ,  ,,  que  cette  guériion  (lui)  parût  hore 
„  de  toute  atteinte  de  foupçon,  moins  par  le  témoignage  du  plus  grand  nombre 
„  des  affidans,  fouvent  trop  faciles  à  croire  fins  un  ex;unen  fuffifant  &  lansafTés 
„  de  connoifTancc,  que  parle  témoignage  que  rendirent  en  (fa)  prél'cnce  plu- 
„  ficurs  Maîtres  Chirurgiens  qui  avoient  vifité  (  la  D ''.  Fourcroy)  avant  fa  guc- 

„  rifon &  qui  l'avoicnt  afTuré ,  par  la  connoifTancc  que  leur  donne  Icuiart, 

jj  qu'elle 


OPE'RE'  SUR  M.  J.   FOURCROY.  iz 

qu  elle  ne  pouvoir  attendre  de  foulagement ,  ni  à  plus  forte  raifon  de  guéri- 
fon  des  fecours  de  la  médecine.  L-.i  capacité  Se  les  lumières  (dit-il  encore) 
que  ces  Chirurgiens  joignent  à  l'expérience  Se  à  la  réputation  qu'ils  ont  lé- 
gitimement méritée,  leur  honneur  &  leur  probité,  m'aflurerent  de  k  vérité 
„  d'une  guérifon  auffi  étonnante,  que  je  n'aurois  pu  croire  fims  des  garans  aufli 
„  certains.  „ 

A  quoi  il  ajoute  qu'aiant  examiné  lui  -  même  cette  D"^.  il  a  trouvé  „  qu'en 
„  toutes  Tes  circonftances  l'anchyloie  étoit  parfaitement  guérie,  Scquelaguéri- 
„  fon  qui  avoit  été  ju^^ée  impraticable  par  l'art ,  étoit  d'autant  plus  éclatante  6c 
5,  furprenante  quelle  etoit  arrivée  fubitement.  „ 

Après  la  conviéiiion  pleine  8c  entière  d'un  Médecin  fi  peu  difpofé  à  ajouter  foi 
à  de  pareils  miracles,  qui  pourra  s'empêcher  de  plier  fous  le  poids  des  preuves  qui 
l'ont  forcé  de  fe  rendre  ? 

Mais  n'en  déplaifc  à  ce  grand  Maître  de  l'art ,  n'a- 1- il  pas  pouffé  trop  loin 
la  féverité  de  fa  critique  &  l'étendue  de  fa  défiimce?  Le  témoignage  d'un  grand 
nombre  de  perfonnes  dune  probité  reconnue  ,  tel  que  celui  de  la  D-.de  Vitri,  de 
la  D"*.  de  Lunaque  fîUe  du  Chirurgien  de  la  maiibn  RoialedesGobelins,  du  S. 
Gui  &  autres,  dont  plufieurs  avoient  été  témoins  oculaires  de  la  guérifon,  feroit- 
il  donc  à  rejetter  ?  Ell-il  permis  de  taxer  aulH  facilement  qu'il  le  fait ,  tous  ceux  qui 
ne  font  pas  Maîtres  de  l'art ,  d'être  des  gens  trop  faciles  à  croire  fans  examen  fuff faut , 
6?  f(i»s  aff'ez  de  connoiJJ'ance  ? 

Ce  jugement  fi  défavantageux  qu'il  forme  de  la  trop  grande  crédulité  de  tant 
de  perionnes  qu'il  ne  connoît  pas  .  auroiteû  peut-être  quelque  prétexte,  s'ils'étoit 
agi  de  la  guériion  d'une  maladie  interne  &:  cachée  qui  n'auroit  pu  être  bien  con- 
nue que  par  les  Maîtres  de  l'art  :  mais  ici  il  étoit  quelHon  d'un  mal  très  apparent } 
d'un  état  fixe  &  invariable  d'une  anchylofe  qui  avoit  defféché  6c  racorni  lesmuf^ 
des  6c  les  tendons  du  pied  :  qui  en  avoit  enflé,  bouleverfé,  corrompu  les  os,  6c 
qui  les  avoit  liés  à  la  jambe  dans  l'attitude  contrefaite  à  laquelle  elle  les  avoit  ré- 
duits. Cependant  en  prcfence  6c  fous  les  yeux  de  ces  témoins ,  cette  affrcufc  dif- 
formité étoit  difparue  tout  à  coup,  6c  ce  pied  fi  hideux  avoit  recouvré  en  un 
clin  d'œil  une  figure  naturelle  !  Etoit  -  il  donc  nécelTaire  d'être  Expert  en  anato- 
mie  pour  juger  que  des  os  difformes  6c  contournés,  plufieurs  tendons  6c  plufieurs 
mufcles  retirés  6c  rétrécis ,  d'autres  forcés  Se  allongés  beaucoup  au  delà  de  leur  éten- 
due naturelle ,  6c  qui  avoient  été  confolidés  depuis  long-tcms  dans  cet  état ,  ne 
pouvoient  naturellement  être  rétablis  tout  d'un  coup  dans  l'ancienne  figure  qu'ils 
avoient  perdue  ?  Qiioi  !  Des  témoins  qui  avoient  eu  pendant  long-tems  fous  les^ 
yeux  la  difformité  choquante  de  ce  pied,  8c  qui  l'avoient  vu  le  foirdu  14.  Avril 
changer  fubitement  de  figure  :  des  témoins  qui  en  avoient  vu  les  os  gonflés 
8c  renverfés  contre  nature  ,  rentrer  dans  eux  -  mêmes  6c  fe  rcdreffer  :  une  grofTeur 
confidérable  difparoître;  des  tendons  racourcis  6c  devenus  arides  Se  immobiles, 
s'accroître  &  devenir  fouples  :  des  mufcles  trop  étendus  fe  réduire  à  la  propor- 
tion qu'ils  dévoient  avoir.  Ces  témoins,  dis -je,  n'étoient  -  ils  donc  pas  en  état 
de  certifier  le  miracle  en  queftion  j  ôc  avoient  -  ils  bcfoin  pour  cela  de  plus  gran- 
des connoijffances  que  celles  que  leur  donnoient  leurs  lumières  naturelles  6c  le  té- 
moignage de  leurs  fens  ? 

Au  refte  ces  lémoinshienloïn  d'élretrcp  faciles  à  croire  fans  un  examen  fnffifanf  y 
avoient  d'abord  été  fi  incrédules  dans  le  premier  moment  defurpriié,  qu'ils  n'a- 
voient  ofé  s'en  fier  à  leurs  yeux,  6c  qu'ils s'étoient  empreflës  d'éprouver  avec  la 
main,  s'il  étoit  vrai commeilslevoioient,  que cepiedeiitreprisfa place,  fonmou- 
vcment  6c  fa  forme  naturelle  :  ôc  après  s'en  être  convaincus ,  ils  avoient  encore  vou- 

C  5  la 


11  DEMONSTRATION  DU  MIRACLE 

lu  e(Taicr  s'il  avoit  recouvre  dès  ce  premier  moment  une  grande  vigueur,  une  eti- 
tiëre  foupleflc ,  &  une  parfaite  agilité.  De  tels  témoins  peuvent-ils  donc  être  accufcj 
d'être  trop  crédules,  &  de  n'examiner  pas  fufiirammcnt? 

C'cll:  pnncip:\lemcnt  par  la  voie  des  miracles  qu'il  aplii  à  Dieu  d'établir  la  Reli- 
gion par  toute  la  terre ,  &  de  détruire  l'idolâtrie.  Auffi  les  Paiens  dans  les  beaux 
liecles  d?  l'Eglifc,  le  convertilToient  -  ils  en  foule  à  la  viîe  de  ces  œuvres  divines. 
Ils  n'avoient  pas  befoin  pour  croire  une  guériion  miraculcufe,  qu'on  leur  prou* 
vat  qu'elle  avoit  été  prévue  quelques  jours  auparavant  :  qu'en  conféquencc  on 
aToit  aflemblé  pluiîeurs  Maîtres  de  l'art  d'une  grande  réputation,  pour  conftatcf 
préalablement  d'une  manière  juridique  l'incurabilité  de  la  maladie  dont  on  avoit 
cfpéré  la  guérifon:  qu'aufll-tôt  après  le  miracle  on  avoit  appelle  de  nouveau  les 
mêmes  Maîtres  de  l'art  pour  l'examiner  :  6c  que  l'évidence  manifeftc  8c  palpable 
du  prodige  les  avoit  forces  de  le  certifier  par  écrit,  malgré  l'intérêt  fenfible  qu'ils 
auroient  eu  de  ne  le  point  faire.  Mais  fi  alors  on  étoit  difpenlc  de  prendre  de  tel- 
les précautions  pour  atteftcr  les  miracles,  il  n'en  eft  pas  de  même  aujourd'hui.  11 
fcmble  à  la  plilpart  des  hommes  que  le  très  haut  cfl  obligé,  pour  leur  faire  ajou- 
ter foi  à  fes  merveilles  ,  de  s'aflujettir  à  leurs  caprices ,  6c  aux  règles  que  la  dureté 
de  leur  cœur  leur  fait  defirer. 

Mais  11  l'incrédulité  de  notre  ficcle  va  jufqu'àvouloir  exiger  des  preuves  de  cette 
efpece ,  n'eft  -  ce  pas  un  terrible  jugement  pour  ce  fieclc  infidèle ,  que  Dieu  veuille 
bien  quelque  fois  les  lui  donner,  6c  que  malgré  cela  il  ne  laifle  pas  de  fe  trouver 
encore  parmi  les  Chrétiens prefqu'autant de  contradiéteurs  de  ces  œuvres  divines, 

3ue  notre  divin  Sauveur  en  trouva  lui-même  au  milieu  de  Ton  peuple,  qui  en  punition 
c  cette  incrédulité  eft  rcilé  jufqu'àce  jour  dans  l'endurcificment  &  la  réprobation  ? 
Hclas  Seigneur  !  C'ell  en  vain  que  vous  multiplicrés  les  circOnllanccs  les  plus 
frapantes  6c  les  témoignages  les  plus  convaincans  ,  fi  vous  -  même  ne  touchés  les 
cœurs'  Le  défaut  n'eft  nullement  ici  dans  les  preuves,  mais  dans  les  préjugés,  dans 
rentêtcmcnt,  8c  dans  un  aveuglement  volontaire.  Y  eiit-il  encore  s'il  étoit  pof- 
fible  ,  une  évidence  plus  palpable  8c  plus  accablante ,  l'incrédule  fera  toujours  in- 
crédule fi  l'onétion  intérieure  de  vôtre  grâce  ne  change  fon  cœur  !  Mais  un  tel 
changement  eft  un  miracle  de  vôtre  droite  bien  au  defiiis  de  la  guérifon  des  ma- 
ladies les  plus  incurables  !  Ha  !  Dieu  de  bonté ,  dont  la  miféricorde  eft  toute  gra- 
tuite, daignes  accompagner  les  preuves  inconteftablcs  que  que  nous  allons  préfcn- 
ter  au  Icfteur  ,  d'une  lumière  fortic  de  vôtre  fcin ,  qui  éclaire  les  cfprits  &  em- 
brafe  les  cœurs!  Amen,  Amen. 

PROPOSITIONS 

S^I  SERONT  PROUFE'ES  DJNS  CETTE  DEMONSTRATION. 
PREMIERE    PROPOSITION. 

Une  anchylofc  complette  avoit  rendu  la  difformité  du  pied  gauche  de  la  D"'. 
Fourcroy  un  état  fixe  6c  invariable,  lorfqu'il  plût  au  Tout-puiïlant  de  luy  faire 
reprendre  tout  à  coup  une  forme  naturelle. 

II.    P  R  O  P  O  S  I  T  I  O  N. 

I  L  n'y  avoit  aucun  moien  au  pouvoir  des  êtres  créés,  qui  fut  capable  de  faire 
reprendre  fa  première  forme  au  pied  anchylofé  de  la  D'".  Fourcroy. 

III.    PRO- 


OPE'RE'  SUR  M.  J.  FOURCROY.  23 

III.    PROPOSITION. 

Le  pied  difforme  de  la  D'l^  Foiircroy  à  tout  d'un  coup  recouvré  une  figure 
naturelle  au  milieu  de  Tes  convlfions  le  14.  Avril  173  t.  6c  s'eft  trouvé  furie 
champ  dans  un  état  parfait. 

IV.    ET    DERNIERE     PROPOSITION. 

;d  de 

:  mouv  c- 

Topércr  ce  pi 


I.     PROPOSITION. 

Une  anchyhfe  complet  te  avait  rendu  la  difformité  du  pied  gauche  de  laDlIe.  Four- 
croy  un  état  fixe  £s?  invariable  ^  lorfiqu'il  plût  au  T'out-puiffant  de  lui  faire  reprendre 
tout  à  coup  une  forme  naturelle. 

Quoique  la  guérifon  fubite  &  parfîiite  de  l'anchylofe  qui  avoiteftropié  laD"*. 
Fourcroy  ne  foit  peut  -  être  pas  la  plus  grande  des  merveilles  que  Dieu  ait 
Elit  en  fa  faveur,  néanmoins  comme  elle  n'a  pris  foin  de  recueillir  des  té- 
moignages que  de  cette  guérifon  miraculeufe,  nous  nous  bornerons  à  fiire  feu- 
lement la  démonftration  de  ce  miracle. 

Ce  n'eft  pas  qu'il  n'y  ait  des  preuves  très  convaincantes  de  plufieurs  autres  mi- 
racles, tant  dans  fa  relation  que  dans  les  pièces  qu'elle  a  dépofces;  mais  comme 
ces  preuves,  dont  cette  D"^.  n'a  pas  eu  la  précaution  de  raflemblcr  la  totalité,  ne 
s'y  trouvent  qu'en  petit  nombre ,  &  feulement  par  occafion ,  nous  nous  contente- 
rons à  cet  égard  de  renvoier  le  leéleur  au  récit  que  nous  en  avons  fiiit ,  Seaux  piè- 
ces juftificatives  d'oii  nous  l'avons  tiré. 

Si  les  preuves  qu'il  y  trouvera  ne  font  pas  aflez  multipliées  pour  terrafTer  les  in- 
crédules ,  elles  feront  .du  moins  fuffifantes  pour  porter  tous  les  cœurs  droits  à  rendre 
gloire  à  Dieu  de  la  magnificence  avec  laquelle  il  rend  fon  opération  fenfible  ,  au  mi- 
lieu des  contradiélions  par  lefquellcs  il  permet  que  fes  œuvres  foient  combattues. 

Qui  peut  en  effet  refufer  de  le  reconnoîtrc  8c  d'adorer  fa  Toute  -  puiiïance  6cfîi 
bonté,  en  volant  une  hidropilie  monftrueufe  guérie  parfaitement  en  très  peu  de 
jours  avec  un  peu  de  terre?  En  volant  une  foibleffe  habituelle  de  plufieurs  années 
produite  par  une  multitude  d'infirmités,  portée  à  fon  comble  par  près  de  200. 
îkignées  6c  par  une  maladie  mortelle  qui  avoit  réduit  la  malade  à  la  dernière  extré- 
mité, fe  changer  fubitement  en  une  vigueur  fumaturelle  qui  rétablit  tout  d'un  coup 
6c  pour  toujours  les  forces  de  cette  agonifante  ?  En  volant  une  perfonne  très  boffue 
6c  toute  contrefaite  depuis  fon  enfance,  devenir  droite  à  vj .  ans,  par  des  moyens 
auffi  furprenans    qne  le   merveilleux  changement  arrivé  dans  fa  figure  ? 

Tous  ces  faits  font  conftans  :  ils  font  même  de  notoriété  publique.  Pènt-on. 
révoquei-  en  doute  que  cette  fille  n'ait  été  hidropique  depuis  le  mois  d'Avril; 
1731^  8c  qu'elle  n'ait  été  parfaitement  guérie  de  cette  maladie ,  finon  fubitement ,, 
au  moins  en  très  peu  de  tems,  à  commencer  au  11.  Mars  1732..  qu  étant  réduite: 
à  l'agonie ,  elk  eût  des  convulfions  pour  la  première  fois .'' 

Une  hidropifie  qui  rend  le  corps  d'une  grofîêur  prodigieufe  pendant  pres  d'uni 
an ,  eft  une  maladie  très  apparente  6c  très  vifiblc ,  d(Mit  il  n'cft  pas  poffible  de  fein- 
dre ou  fuppofcr  ni  l'exiftence,  ni  la  guérifon.  L'une  6c  l'autre  ont  eu  pour  té^ 
moins  un  très  grand  nombre  de  peribnnes ,  5c  entr'uutres  toute  la  communauté  des- 
Religieufes  de  S-«-  Pélagie.  La  De .  de  Vitri  qui  les  certifie ,  6c  chez  qui  la  D'"".  Four^ 
eroy  alla  loger  le  31.  du  même  mois  de  Mars,  6ctous  ceaox  qui  l'ont  vue  chez  elle- 

ii'"onî>- 


l 


Z4  DE'MONSTRATION   DU  MIRACLE 

n'ont-ils  pas  admiré  Ci-tte  guérilon  fi  pronite  5c  fi  complctte  ?  Les  Ciimrgiens  qui 
ont  cx:\;nin6r.-)aanciiylorj  -.wec  tant  d'utteiition  le  i.  &  p.  Avril  luivans  ont-ils  re- 
marqué qu'elle  ciât  aucun  rcftc  de  cette  hidropific  ? 

N'cll-il  pas  également  c.-rtain  que  des  le  premier  moment  que  cette  mourante 
eût  des  convulfions,  fon  corps  fi  débile  depuis  tant  d'années  reprit  une  vigueur 
étonnante ,  &  q}i'il  recouvra  fiir  le  champ  fes  forces  5c  fa  fanté  accompagnées 
d'un  appétit  inlktiablc  qui  lui  rendit  en  peu  de  jour?  fon  embonpoint,  amd  que 
le  dépolc  la  De,  de  Vitri  ?  Les  Chirurgiens  qui  examinèrent  cette  miraculée  les 
1.  ^  p.  Avril,  ne  lui  trouvèrent  -  ils  pas  une  famé  parfiiite,  à  l'exception  feule- 
ment de  l'anchylofp  qui  la  rcndoit,  non  pas  malade,  mais  eftropiéc? 

A  l'égard  de  la  difformité  choquante  de  la  taille  ,  peut-on  la  révoquer  en  dou- 
te ,  après  qu'elle  a  été  conftatée  en  1732.  par  les  rapports  de  plufieurs  Maîtres 
de  l'art,  5c  notamment  par  celui  de  M.  de  Mantevillc  ,  êc  qu'elle  fe  trouve  en- 
core prouvée  par  deux  certificats  d'autant  moins  fufpcfts  que  les  témoins  qui 
ont  fait  menti-m  des  deux  boffcs  de  cette  fille,  l'ont  fait  fans  aucun  dcficin,  Se 
n'en  ont  parlé  que  parce  que  fa  figure  contrefaite  leur  avoir  frappé  la  vue?  D'autre 
part  n'étoit-il  pas  d'une  notoriété  publique  que  depuis  1733.  elle  ne  paroîtplus 
:)ofrue,  du  moins  lorfqu'elic  e(t  habillée?  Comment  nier  une  chofe  qui  depuis 
plufieurs  années  effc  expoféc  à  la  vue  de  tout  le  monde,  5c  dont  chacun  elt  en 
état  de  fc  convaincre  encore  aujourd'hui  ? 

Mais  fi  tous  ces  faits  font  incontcflablcs,rcxi(lencc,rincurabilité  5c  laguérifon 
fubitc  Scmiraculeufe  de  fon  anchylofe  le  font  encore  bien  davantage.  Ils  font  por- 
tes à  un  tel  degré  d'évidence  Se  d'authenticité  par  les  aéles  dont  nous  allons  rendre 
compte,  que  les  plus  incrédules  ne  pourronty  réfillerdcbonnefoi ,  5c  quccemi- 
racle  feroit  capable  de  convertir  les  plus  prévenus,  foit  contre  l'Appel,  foit  contre 
les  convulfions,  fi  les  miracles  changeoient  les  cœurs  :  mais  helas!  Cette  voix  di- 
vine ne  parle  qu'aux  fcnsôc  à  la  railon  :  elle  ne  fait  qu'une  imprdiion  fuperficicUe 
fî  le  Créateur  des  vertus  ne  parle  en  même  tcms  au  cœur. 

Il  n'eft  pas  ici  quellion  d'une  de  ces  maladies  pallageres.Jont  l'origine  e(l  in- 
certaine, les  fimptômes  équivoques,  les  fuites  5c  les  effets  difficiles  à  diiccrner. 
L'état  oîiétoitla  D''.  Fourcroy  lorfqu'cUe  a  été  guérie  d'une  manière  lî  mcrveil- 
Icufe  ,  n'étoit  plus  une  maladie  >  c'étoit  une  diflormité  des  os  fixe  5c  permanente. 
L'origine  de  ce  mal  cft  connue ,  fes  fimptômes  font  fenfibles ,  fes  fuites  Se  fcs  effets 
ont  été  vifiblcs  5c  palpables  :  cnfortc  qu'il  n'a  fallu  que  des  yeux  pour  être  en  état 
de  juger  de  h  qualité  d'un  tel  mal.  Outre  cela  c'cll  à  la  lumière,  c'elt  fur  l'exa- 
men de  fix  des  plus  habiles  Chirurgiens  de  Paris  que  ce  mal  a  été  reconnu  pour 
une  anchylofe  complettc  5c  confomméc. 

Au  fimple  récit  de  l'accident  qui  en  fût  la  première  caufe,  on  commence  à  préf- 
fcntir  les  fuites  qu'il  pouvoit  avoir.  „  Au  mois  de  Janvier  1751.  (dit  la  D'''«. 
„  Fourcroy)  quoiqu'à  mes  autres  infirmités  ordinaires,  il  fe  fût  joint  une  grofTc 
„  fièvre  continue  avec  des  rcdoublcmens,  je  m'avifai  étant  feule  de  me  lever, 
„  5c  de  vouloir  refaire  mon  lit.  Pour  cet  effet  aiant  voulu  Icpoufler  du  picdgau- 
5,  chc,  je  fis  un  effort  beaucoup  au  dcfilis  de  mes  forces  ;  ccquifitenflcrmonpicd 
„  confidérablcmcnt  à  l'endroit  de  la  cheville,  5c  me  fit  beaucoup  de  douleur  lorf- 

„  que  je  voulus  m'en  fcn-ir  pour  marcher Dès  le  premier  jourde  mo  1  acci- 

„  dent,  il  vint  une  grofleur  à  la  cheville  de  mon  pied  en  dehors,  d'abord  grofle 
„  comme  le  pouce,  mais  qui  a  toujours  augmente.  Cependant  j'étois  fiennuiéc 
„  de  demeurer  toujours  au  lit,  que  je  m'obllinai  pend.mtT.  ou  8.  jours  à  vouloir 
5,  rcfter  levée  quelques  heures  de  la  journée  :  mais  mon  mal  au  pied  aiant  toujours 
„  augmenté  S\  ne  pouvant  plus  non  feulement  marcher,  mais  même  l'appuiera 

„   tClTC 


I 


OPERE'   SUR    M.   T.   FOURCROY.  If 

,,  terre  le  moins  du  monde  ,  je  fus  obligée  de  refterau  lit  fans  en  pouvoir  fortir  : 
„  de  façon  qu'on  étoit  obligé  de  me  porter  pour  me  mettre  dans  un  fauteuil ,  lorf- 
„  qu'on  vouloit  refaire  mon  lit.  „ 

Si  les  premiers  effets  que  produifit  cet  accident  :  11  le  déboîtement  du  pied  qui 
le  fit  enfler  confidérablcment  à  l'endoit  de  la  jointure  des  os  :  fi  l'épanchement 
de  l'humeur  finoviale  qui  forma  fur  le  champ  une  groffe  tumeur  au  dcflus  de  la 
cheville  :  fi  les  vives  douleurs  qui  augmentèrent  fans  cefle&  qui  forcei'ent  la  ma- 
lade de  laifier  continuellement  fon  pied  dans  un  repos  en  tel  cas  fi  dangereux ,  é- 
toient  les  voies  ordinaires  par  lefqucUes  fc  forme  l'anchylofe  ;  le  mauvais  effet 
des  remèdes  qui  ne  firent  qu'aigrir  le  mal,  bien  loin  de  le  guérir,  ôc  la  figure  dif- 
forme 6c  contrefaite  que  prit  bien-tôt  ce  pied,  en  furent  un  pronoftique  infaillible. 

„  On  fe  contenta  d'abord  (dit  la  D"*^.  Fourcroy)  de  me  faire  venir  un  gar- 
„  çon  Chirurgien  pour  panfer  mon  pied:  mais  loin  que  les  cataplàmes  &  autres 
„  drogues  qu'il  me  m it  fur  le  pied  m'apportaiîent  aucun  foulagement ,  je  m'apper- 
„  cevois  au  contraire  &;  fcnfiblement,  que  chaque  remedequ'il  y  mettoit ,  aigrif- 
„  foit  mon  mal  &  augmentoit  ma  douleur .  . .  Un  mois  ou  fixfemaines  après,  mon 
„  talon  commença  à  fe  retirer  6c  mon  pied  à  fe  tourner  en  dedans  fens  defllis  de- 
„  fous  :  8c  je  fentis  dans  mon  lit  queje  n'en pouvois  plus  faire  aucun  mouvement.  „ 

Voici  le  mal  bien-tôt  à  fon  comble:  &  ces  trois  derniers  carafteres  lèvent  en- 
tièrement toute  incertitude  fiir  fii  nature. 

I.  Les  remèdes  ne  font  qu'augmenter  la  douleur,  parce  que  l'humeur  finoviale 
s'étoit  déjà  trop  aigrie  6c  trop  épaiilie  dans  les  cavités  du  déboîtement  où  elles'é- 
toit  épanchée,  pour  que  les  remèdes  fuITent  capables  de  lui  faire  reprendre  une 
«qualité  douce  ,  onftucufe  6c  coulante. 

1.  Cette  humeur  devenue  au  contraire  cauftique  6c  corrofive  s'étoit  infinuée 
dans  les  mufcles  6c  dans  les  os  :  elle  avoit  déjà  defléché  6c  raconii  le  tendon  d'A- 
chilles ,  étant  de  la  dernière  évidence  que  c'eft  le  racourcifTementde  ce  tendon 
qui  faifoit  lemonter  le  talon  dans  la  jambe  :  elle  avoit  en  m ême-tems gonflé  les 
os  du  pied,  6c  peu  à  peu  elle  les  contournoit  fens  dcflus  deflôus,  &,  leur  faifoit 
changer  de  figure. 

3 .  Enfin  elle  s'étoit  déjà  fi  fort  coagulée  entre  les  os  de  l'articulation ,  que  la  ma- 
lade ne  pouvoit  plus  faire  aucun  mouvement  de  fon  pied. 

Dans  ce  trifte  état  la  D"^  Fourcroy  fit  prier ,  dit-elle ,  M.  Depvignes  Chirurgien 
de  réputation  de  la  'venir  voir.  ,,  Il  me  traitta  pendant  quelques  mois  (ajoute-t-elle  :) 
„  mais  les  remèdes  n'eurent  pas  plusdefuccès  que  ceux  que  m'avoit  donné  le  gar- 
„  çon  Chirurgien,  6c  je  lui  fis  même  obferver  que  mon  piedfe  toumoit  toujours 
„  de  plus  en  plus ,  £c  que  mon  talon  étoit  toujours  de  plus  en  plus  retiré  :  6c  lui- 
„  même  après  avoir  éprouvé  tous  les  remèdes  qu'il  pût  imaginer,  me  déclara  que 
„  mon  mal  étoit  abfolument  incurable  :  que  tous  les  remèdes  que  je  pourrois  faire 
„  n'auroient  d'autre  effet  que  d'irriter  encore  l'humeur,  6c  que  je  n'avois  d'au- 
„  tre  parti  à  prendre  que  de  n'en  plus  faire  aucun  ,  6c  de  me  réfoudre  à  fouffrir 
„  cette  incommodité,  dont  la  douleur  diminucroit  en  ccfHinttous  lesrem.edes.  „ 

Mais  écoutons  M.  Dcfvignes  s'expliquer  lui-même  fur  l'état  où  il  trouva  le 
pied  de  la  malade  ,  6c  fur  l'inutilité  de  tous  les  remèdes  qu'il  lui  fit.  „  Je  certifie 
5,  (dit-il)  que  ce  pied  étoit  tourné  en  dedans,  letcndond'Achilles  en  aiant  retiré 
„  le  talon,  6c  qu'elle  ne  pouvoit  appuicr  fon  pied  que  fur  la  partie  externe  S<. 

„  vers  le  petit  doigt Il  me  parût  lors  àcôté  de  la  malléole  externe  unetu- 

5,  meur  molle  :  je  lui  fis  faiie  plufieuvs  remèdes lefqucls  furent  tous  fins  fuc- 

„  ces,  6c  après  Icfqucls  je  trouvai  que  la  courbure  étoit  confidérablcment  aug- 
•  j,  mcntée  malgré  les   rcmtdcs:  ce  qui  me  donna  lieu  d- juger  que  l'arricle  fe 

///.  Demonjl.  Toîne  IL  D  „  feu- 


16  DE'MONSTRATION    DU    MIRACLE 

„  fouderoit  &  s'anchyloferoit,  auquel  cas  lu  maladie  devicndroit  incurable.  „ 

Voilà  donc  M.  DeiVi£;ncs  qui  attcrte  qu'il  trouva  le  pied  de  la  D'''.  Fourcroy 
déjà  prcfque  retourné  kns  dciïiis  dcflbus,  puifqu'cllc  ne  pouvoitplus  1  appuier  a 
terre  que  fur  la  furface  :  voilà  ce  célèbre  Chirurgien  qui  convient  humblement  qu'en 
vain  lui  fit-il  plufieurs  remèdes,  ils  furent  tous  fms  fuccès ,  &  qu'il  ne  pur  même 
empêcher  que  les  os  de  ce  pied  ne  fc  courbaiïcnt  de  plus  en  plus  malgré  tous-  fes 
médicamens  :  voilà  cet  habile  Maître  de  l'art  qui  juge  que  l'humeur  finoviale  s'étoit 
déjà  fi  fort  épaifiîe  que  l'articulation  du  pied  étoitfur  le  point  de  s'unchylofer. 

Il  fût  même  fi  convaincu  que  cet  accident  étoit  inévitable,  en  voiantque  tous 
fcs  remèdes  n'avoient  produit  aucun  bon  effet ,  qu'il  prit  le  parti  de  les  difconti- 
nuer,  ôc  de  déclarer  à  la  malade  que  fon  unique  refiource  étoit  de  n'en  plus  faire, 
de  fe  refoudre  à  reftcr  eftropiée  ,  6c  de  laiflcr  tranquillement  la  finovie  achever  de 
s'ofiîfier,  ce  qui  dimimieroit  confidérablcment  les  douleurs  qu'elle  fouffroit. 

La  D''*.  Foiuxroy  ayant  compris  par  ce  fagc  confeil  que  la  difformité  de  fon  pied 
étoit  devenue  irrémédiable,  ic  réfolut  fans  peine  à  cefler  des  médicamens  qui  n'a,- 
voicnt  d'autre  effet  que  d'augmenter  fcs  fouffrancts  fans  cmpêclier  le  progrès  du 
mal.  FJle  prit  volontiers  le  parti  de  laiflcr  fon  pied  dans  une  immobilité  continuel- 
le, n'afpirant  plus  qu'à  fc  procurer  par  ce  moicn  la  diminution  de  fes  douleurs. 
Qiii  peut  douter  que  la  finovie,  qui  des  le  tems  que  M.  Dclvignes  défefpénidc 
la  gucrifon,  étoit  déjatoute  prête  àfcpctrificr,  ne  l'ait  été  pendant  un  long  re- 
pos fi  propre  à  cet  effet  ? 

AufTî  ce  pied  prit-il  bien-tôt  une  figure  folide  ce  permanente:  fesoscoitrbés  & 
contournés  fe  fondèrent  à  ceux  de  la  jambe  :  le  talon  demeura  comme  enchaflc  un 
peu  au  delTous  du  mollet:  £c  le  pied  rcnverfé  relia  immobile  dans  cette  fituation 
contre  nature. 

II  y  avoir  déjà  près  d'un  an  que  ce  pied  étoit  en  cet  état,  lorfque  laD"'.  Four- 
croy réduite  à  l'agonie  par  une  hydropificmonllrucufe,  fût  tirée  des  portes  de  la 
mort  le  ii.  Mars  1732.  par  des  convulfions  pour  Icfquellcs  elle  avoit  eu  jusqu'à 
ce  moment  une  averfion  fi  marquée. 

Ces  convulfions,  qui  dans  ce  tems  étoicnt  fouvent  le  figne  aufTi  bien  que  le 
moien  de  la  guérifon  des  plus  grandes  infirmités ,  aiant  continue  après  la  gucrifon 

f)arfaite  de  l'hydropifie,  &  de  tous  les  autres  maux  qu'avoit  la  D"'.  Fourcroy,  à 
'exception  feulement  de  fon  anchylofc,  6c  aiant  agité  d'une  force  extraordinaire 
fa  jambe  cflropièe  ,  ce  qui  étoit  accompagne  d'une  cfpece  de  prodige,  cela  lui  fît 
concevoir  l'efpérance  que  Dieu  vouloit  ret.ablir  ce  pied  fi  difforme.  „  Comme 
„  l'on  me  dit  que  dans  mes  convulfions  (  déclare-t-ellc)  j'avois  des  mouvemens 
„  cxtrcmcmcnt  violens  dans  ma  jambe  gauche,  fie  qu'elle  frapoit  d'une  force  in- 
j,  croiablc  contre  tout  ce  qui  le  trouvoit  auprès  de  moi  fans  me  faire  aucun  mal , 
„  il  me  vint  dans  l'cfprit  que  Dieu  vouloit  apparemment  me  guérir  de  l'incom- 
5,  modité  que  j'avois  au  pied  gauche. 

„  Aiant  remarqué  (dit  laD^.  de  Vitri,  chez  qui  la  D"'.  Fourcroy  dcmcuroit 
„  alors  "i  que  fi  jambe  gauche  s'agitoit  avec  une  force  incroiable  ,  6c  frapoit 
„  tout  ce  qui  fc  rcncontroit  auprès  d'elle,  je  lui  demandai  à  la  fin  defaconvul- 
,5  fion,  C\  clic  ne  fe  fentoit  pas  blcffée  à  la  jambe  gauche  :  m'aiant  repondu  que 
,,  non,  6c  lui  aiant  rapporté  les  mouvemens  extraordinaires  qu'elle  en  fail'oit, 
„  6c  les  coups  qu'elle  donnoit  contre  tout  ce  qui  étoit  proche  d'elle  ,  elle  me  ré- 
„  pondit  que  ce  que  je  lui  difois  lui  fàifoit  grand  plaifir,6cque  c'etoit  un  figne 
„  que  Dieu  vouloit  la  guérir  de  l'incommodité  qu'elle  avoit  à  ce  pied  là. 

C'cfl  ici  l'époque  mémorable  du  degré  èmincnt  de  certitude  où  Dieu  a  voulu 
Bicttrc  la  diflorniit^  extrême  fie  l'état  vïûblcmcnt  incurable  011  ctoit  le  pied  de  cet- 
te 


OPERE'  SUR  M.  J.    FOURCROY.  zy 

te  fille  :  il  n'épargne  pas  les  prodiges  à  dcfTcin  de  fiiire  préflentir  qu'il  alloic  bien- 
tôt rendre  une  forme  nouvelle  à  ce  pied  fi  contrefait  :  il  le  rend  invulnérable  en 
même  tems  qu'il  l'ugite  par  les  plus  fortes  convulfions.  Tous  les  fpeétateurs  éton- 
nés de  cette  men-eille  en  conclurent  unanimement  qu'il  falloit  repreilcrde  faire 
onftater  l'état  de  ce  pied  par  les  nétes  les  plus  autcntiqucs. 

M.  de  Manteville  Prévôt  de  la  Compagnie  des  Chirurgiens ,  6c  Déraondrateur  en 
anatomie  eft  appelle  le  premier.  Il  certifie  dans  fon  rapport  du  i.  Avril  17^1.  que 
IfiDHe.  Fourcroy  ne  pou  voit /o/n-  à  terre  que  la  pointe  du  pied  gauche  ,  le  talon  étant 

en  l'air,  le  pied  très  étendu ,  mais  plié  fur  le  côté  en  dedans que  V articulation 

de  ce  pied  éio'it  gonflée  t^  dejettée  :  que /(î  malléole  externe  f ai  fait  en  dehors  une  bojj'if 
plus  conftdérahle  que  dans  l'état  naturel  :  &  que  ce  pied  ne  pouvoit  être  fléchi,  aiant 
perdu  fon  mouvement ,  étant  anchylofé  ;  ce  qu'il  déclare  être  incurable. 

Lep.  dumème  moisd'Avril  1752.  cinq  autres  Chirurgiens  de  marque  font  enco- 
re mandés  pour  examiner  tous  enfcmble  cette  hideufc  difformité.  Ce  furent  MM. 
Leauté,  Sivert,  Souchai,  Granicr  &  de  Launay,  Chirurgiens  dont  la  réputation 
cil:  également  étabhc  à  la  Cour,  à  la  Ville,  dans  les  Hôpitaux  &  dans  les  Armées. 

D'abord  ils  s'étonnent  qu'on  les  ait  affemblés  pour  leur  faire  voir  un  pied  con- 
-^trefeit ,  qui  aiant  pris  depuis  long-tems  une  confill:ance  fixe  &  folide  n'étoitplus 
fufceptibie  d'aucun  remède  à  cet  égard  ,  8c  ne  pouvoit  jamais  recouvrer  la  figure 
qu'il  avoir  perdue.  On  les  prie  cependant  de  faire  un  examen  très  ferieux  de  l'état  de 
ce  pied,  &  d'endreffer  tous  enfemble  un  procès- verbal.  Ils  fe  doutent  que  c'eft 
dans  l'efpérance  d'un  miracle  qu'on  leur  fiit  une  telle  prière  pour  une  convulfion- 
naire:  ils  fentent  de  qu'elle  conféquence  peut  devenir  pourcux-même  le  rapport 
qu'on  cxiged'eux  :  ils  favent  que  toute  leur  fortune  dépend  de  la  Cour  de  qui  ils 
tiennent  leurs  emplois  :  ils  n'ignorent  pas  fes  préventions  contre  les  convulfions. 
Peut-on  douter  qu'ils  n'ayent  apporté  à  cet  examen  toute  l'attention  poffib  le,  afin 
de  ne  rien  mettre  dans  leur  procès-verbal  qui  ne  fût  cxaélcmcnt  conforme  à  la  vé- 
rité ,  Se  à  ce  qui  étoit  de  la  connoifflince  de  tous  ceux  qui  avoient  examiné  ce  pied 
avant  eux?  Aulurplus  l'état  de  ce  pied,  fie  la  caufe  de  fi  difformité  ctoient  fi  vifibles 
&  fi  palpables  qu'il  n'étoit  pas  pofiible  de  s'y  méprendre,  n'y  deriendéguifer. 

Ils  certifient  dans  ce  proces-verbal  fait  le  9.  Avril  1731.  qu'aiant  „  vifité  ...  & 
„  examiné. . .  le  pied  gauche  (de  la)  D"^.  Fourcroy  (ils  ont)  trouve  une  anchy- 
„  lofe  à  l'articulation  de  ce  pied  avec  la  jambe  ;  (que  cette)  anchylofe  a  donné 
„  occafionà  une  contorilon  de  pied ,  de  fiçon  que  fa  pointe  fc  jette  en  dedans  &: 
„  (que)  la  partie  interne  du  pied  (eft)  retournée  vers  la  face fupérieure :  (que) 
,,  le  talon  retiré  par  le  tendon  d'Achilles  fait  que  le  pied  ne  peut  pofer  à  terre  que 
„  fur  fon  extrémité  6c  fur  la  furface  externe  6c  fupérieure,  qu'il  y  a  une  tumeur 
„  au  deffus  de  la  malléole  externe  groffe  comme  \\n  œuf  de  pigeon ,  occafionnée  par 
„  la  dilatation  de  la  cnpfule  deTarticuh^ion  :  (5c)  que  le  pied  ell:  abfolument  fans 
„  mouvement  (ce  qu'ils  déclarent)  être  incurable. 

Il  fiiUoit  que  cette  incurabilité  fût  bien  évidente  ^  bien  inconteftablepour  en- 
gager cinq  célèbres  Chirurgiens,  dont  trois  font  au  fcrvice  de  fa  Majcilié  à  le  cer- 
tifier ainfi  unanimement  dans  un  procès-verbal  qu'ils  prévoioient  devoir  faire  un 
grand  éclat,  s'il  plaiiôit  à  Dieu  de  rendre  a  cepied  fa  premia'e  forme,  ainfi  qu'il 
cil  amvé  cinq  jours  après. 

Aufll  ce  miraculeux  événement  ne  leur  fit-il  rien  rabatti'C  ,  non  plus  qu'à  M.  de 
Manteville,  du  jugement  qu'ils  en -avoient  portés.  L'intime  perfuafion  oi^i  ils  fu- 
rent que  Dieu  feul  avoit  pu  faire  une  telle  transformation  Ci  contraire  aux  loix  de 
la  nature,  leur  donna  un  courage  intrépide  pcurattcilerdc  nouveau  le  lendemain 
6clefur-lcndem;ùndu  mir.  cle,  l'état  où  ils  avoient  vu  ce  pied ,  6c  fon  incurabilité 

D  2  mani- 


î8  DEMONSTRATION  DU  MIRACLE, 

manifefte  &  pnlpable  :  ils  fcmblentmêmc  s'exprimer  dans  ce  fécond  rapport  avec 
encore  plus  de  force  &  d'énergie  que  dans  le  premier,  parcequeplulieurs  d*cn- 
tr'cux  y  entrent  dans  un  détail  plus  circonilancic. 

„  Nous  reconnûmes  (dit  M.  Leauté  dans  le  rapport  de  fa  vifite  du  if.  A- 
„  vril,  en  parlant  du  proccs-verbal  du  9.  du  même  mois)  que  la  D' ''.  Fourcroy 
„  avoit  le  pied  gauche  tout  contourné,  &  ne  pouvant  en  faire  aucun  mouve- 
„  ment... .  Qii'cUe  avoit  uncanchylofeà  l'articulation  du  dit  pied  gauche  avec  la 
„  jambe,  qui  en  avoit  foudé  les  os  cnfcmble,  de  façon  que  ces  os  ne  faifoienc 
„  plus  qu'un  feul  corps  ;  ce  qui  devoit  ôter  toute  efpérance  d'avoir  jamais  de  mou>-- 
„  vemcnt  dans  cette  articulation,  n'y  aiant  point  de  remèdes  d;uis  la  médecine  qui 
„  fût  capable  de  diflbudre  une  anchylofe  lorfque  la  finovie  s'cft  entièrement  pétrr- 
j,  fiée  au  point  qu'étoit  celle-là  :  nous  obfervâmes  même  que  cette  anchylofe 
„  avoit  produit  une  tumeur  au  defTus  de  la  malléole  externe  grofle  comme  une 
5,  noix ,  occafionnéc  par  la  dilatation  de  la  capfule  :  &  qu'elle  avoit  caufé  une 
„  contorfion  au  pied ,  de  façon  que  fa  pointe  s'ctoit  jcttée  en  dedans.  Se  quek 
„  partie  interne  du  pied  s'étoit  tournée  vers  la  face  fupérieure  :  6c  qucl'osduta- 
„  Ion  étoit  retiré  par  le  tendon  d'Achilles:  de  forte  que  cette  fille  ne  pouvoit  en 
„  aucune  façon  poierfon  pied  à  terre  que  fur  fon  extrémité,  &  fur  fa  face  externe 
,,  Se  fupérieure,  Se  que  s'appuicr  fur  le  côté  des  doigts  du  pied  :  8c  nous  lui  dccla- 
,,  rames  tous  qu'il  n'y  avoit  nuls  remèdes  à  faire  pour  une  pareille  incommodité,. 
„  qui  de  fa  nature  étoit  incurable. 

„  Je  certifie  (dit  pareillement  M.  Souchai  dans  le  rapport  de  ia  vifite  faite  le 
„  même  jour  if .  Avril)  que  le  p.  du  même  mois  nous  trouvâmes  que  la  D"'.  Four- 
„  croy  avoit  une  anchylofe  formée  à  l'articulation  des  os  du  pied  gauche  avec  ceux 
„  de  la  jambe  ,  de  façon  que  ces  os  étant  joints,  unis  Se  comme  incoi-porés  enfem- 
„  blc,  il  ne  Kii  étoit  pas  poflîble  d'avoir  aucun  mouvement  dans  l'articulation. 
,,  Nous  trouvâmes  aufîî  que  cette  anchylofe  avoit  donné  occafion  à  une  contorfion 
„  du  pied  :  fur  quoi  nous  fûmes  tous  d'avis  que  cette  incommodité  étoit  incurable. 

„  Nous  trouvâmes  (dit  M.  Sivert)  fon  pied  gauche  tout  contourné Qu'il 

.,  y  avoit  une  anchilofe  dans  l'articulation  du  pied  avec  les  os  de  la  jambe  fans  au- 
„  cun  mouvement Nous  lui  dimes  tous  que  fon  mal  étoit  mcurable. 

Peut-il  y  avoir  des  témoignages  plus  pofitifs  Se  donnés  par  des  perfonnes 
mieux  au  fait  de  ce  qu'ils  atteifent  ?  Ce  feroit  perdre  le  tcms  que  d'ajouter  encore 
d'autres  preuves  à  des  rapports  fi  décififs.  Non  feulement  ils  fufftfent  pour  perfua- 
der  pleinement  tous  ceux  qui  voudront  faire  ufage  de  leur  raiibn ,  mais  ils  font 
même  capables  de  défefpérer  l'incrédulité  la  plus  déterminée. 

Au  furplus  ,  quoique  tans  le  vouloir  j'aie  déjà  prouvé  l'incurabilité  de  cet  état 
en  mcmetems  que  fon  exillencc  ,  néanmoins  je  conjure  lelcfteur  de  ne  fe  pas  pri- 
ver delà  leélurc  de  la  propofition  fuivante.  Dans  un  fieclc  comme  le  notre,  où 
on  ofe  attribuer  à  fatan  jufqu'àdes  miracles  dignes  de  Tadmiration  de  tout  l'IUii- 
vcrs  ,  lors  même  que  l'opération  de  la  Divinité  cil  évidente  Se  fenfiblc  ,  il  devient 
néceflaire  pour  être  en  état  d'anéantir  toute  objeétion,  d'être  initruit  qu'il  n'y  a 
aucun  moien  dans  la  nature  capable  (par  exemple)  d'opérer  le  changement  mer- 
veilleux qui  cil  arrivé  tout  d'un  coyp  à  ce  pied  l\  contrefait  :  d'ailleurs  il  eit  bon 
«jue  le  kéteur  après  avoit  été  periuadé  par  la  décifion  des  Maitrcs  de  l'art  que  le 
mal  étoit  incurable  ,  foit  convaincu  par  fa  propre  raifon  que  cette  fubitcmctamor- 
phofe  étcit  au  defTus  du  pouvoir  de  tout  être  créé.  Les  fiiits  que  je  vais  relever 
jans  la  propofition 
yiront  de  bafc  aux 


I  fuivante,  &c  les  principes  importans  que  j'y  vais  établir  fcr- 
confcqucnces  qucj'cn  tirerai  dans  ma  4'.  propolicion. 


1 1. 


OPERE'  SUR  M.  J.  FOURCROY.  Z9 

IL     PROPOSITION. 

I L  n'y  avoit  aucun  moien  au  pouvoir  dts  êtres  créés ,  qui  fût  capable  de  faire  reprendre 
fa  preraiere  forme  au  pied  anchylofé  de  la  Dlîe.  Fourcroy. 

Quelque  hardie  que  cette  propofition  paroiffe,  je  puis  aflurer  avec  confiance 
que  la  démonllration  que  je  vais  en  feire  ieraporteei  un  tel  degré  d'éviden- 
ce, que  les  plus  prévenus  ne  pourront  jouïr  de  la  fatale  fatisfaclion  d'avoir  quel- 
que chofe  de  fpécieux  à  y  répliquer,  6c  qu'il  ne  reftera  pas  même  aux  plus  in- 
crédules la  moindre  ombre  de  prétexte  pour  en  contefter  la  vérité. 

Pour  l'établir  invinciblement  il  ne  s'agit  que  de  prouver  i°.  Qiie  la  finovie  étoit 
oflîfiée  dans  l'articulation  du  pied. 

2".  Qu'une  fînovie  oiîîfïée  ne  peut  jamais  recouvrer  fes  premières  qualités  par 
aucun  moien  qui  foit  dans  la  nature. 

A  quoi  j'ajouterai  encore  la  preuve  que  des  os  contournés  &  contrefiiits  ne  peu- 
vent point  non  plus  être  rétablis  dans  leur  premier  état,  du  moins  dans  uncper- 
fonae  d'un  âge  parfait. 

QUE  la  finovie  ait  été  oflîfiée  dans  l'articulation  du  pied  gauche  delà  D''^  Four- 
croy ,  c'ell  un  fiit  qui  fe  trouve  établi  de  la  m;micre  la  plus  décihve  dans  tous 
les  rapports  de  nos  Chirurgiens. 

Dès  les  premiers  mois  de  Tannée  1731.  M.  Delvignes  eût  beau  multiplier  les 
remèdes  intérieurs,  &  les  topiques  réiolutifs,  il  étoit  déjà  trop  tard.  Non  feule- 
ment la  finovie  avoit  déjà  commencé  à  s'épaiflir,  mais  elle  commençoir  même  à 
s'ofiifier.  Aufil  tous  les  médicamens  de  cet  habile'  Chirurgien  n'eurent- ils  qu'un 
trille  fuccès  :  il  reconnut  par  expérience  qu'ils  ne  faifoient  qu'aigrir  l'humeur  fino- 
viale  par  leur  fermentation ,  fans  avoir  aifez  de  force  pour  pouvoir  diflbudre  les 
parties  coagulées,  qui  malgré  tous  fes  effoits  s'accrochoient  enfemble  dcplusen 
plus.  C'eft  ce  quiluifit  juger  que  V article  fe  fouder oit  i^  5'«»r/&y/o/^;-o;V  infaillible- 
ment, &  que  n'étant  plus  à  tems  d'y  remédier,  il  devoir  confeiller  à  la  malade 
de  n'ufer  plus  d'aucun  remède ,  afin  de  diminuer  par  là  fes  foufi-r.mces  en  laiilanc 
la  finovie  s'endurcir  tout-à-fait. 

La  D'ie.  Fourcroy  aiant  fuivi  cet  avis,  &  en  conféquence  aiant  tenu  ce  pied 
douloureux  pendant  près  d'un  an  dans  une  immobilité  prefque  continuelle  ,  quand 
même  la-  finovie  n'eût  pas  été  dès  ce  tems  -  là  fur  le  point  de  fe  pétrifier ,  im  fi  long, 
repos  n'auroit  pii  manquer  de  produire  cet  effet ,  fuivant  que  l'attefte  le  célèbre 
M.  Gaulard  Aledecin  du  Roi,  dans  une  diflertation  qu'il  a  f ;ite  fur  les  anchyid- 
fes ,  produite  dans  mon  premier  tome. 

„  Toutes  les  articulations   (dit- il)  font  fujettes  à  cette  maladie  loi-fqu'cirrspie.-csmmt 
«  font  dans  un  Ions;  repos,  parceque  ...  la  finovie  ...  toujours  verfée  dans  l'ef-'^".'^''?'^^',' 
„  pace  qui  le  trouve  a  chaque  articulation  ,  n  étant  point  duiipee  par  le  mouve- ui:e.  tiù- 
„  ment  des  parties  ,  s'épaiffit  par  le  long  féjour  &  par  la  chaleur  du  lieu  :  RT-^is  en^'^'^^'^xy^- 
„  s'épaiffifllxnt  &  acquérant  une  confiftance  dure  &  folide  comme  du  plâtre,  elle 

'~'^'le  &  foude  l'une  à  l'autre  la  tète  de  chaque  os  qui  fe  touche.' 
-,'expcrience  nous 


)3 


co 


5> 


nous  apprend  (dit-il  ailleurs),  que  cette  liqueur,  quand  eliepieccjjïi.'Ko 
„.a.  commence  à  s'épaiflîr  &  à  fecoaguler  ,  à  moins  qu'on  n'apporte  fur  le  champ  Ju^t'^"'-- 
„  les  remèdes  nécefllures  pour  empêcher  le  progrés  du  mal,  ne  tarde  gucres  afh^ïer.^cnr,- 
j,  s'oflîfier,  A uiîî  éprouvons- nous  que  toute  anchylofe  qui  ell  un  peu  ancienne 5.^-  ^^^"• 
„  ne  peut  plus  être  guérie.  „ 

Ces  remèdes  néceffaires  furent  appliqués  par  M.  Defvignes  :  muisih  fetroiîve- 

D  X  renr>- 


'{o  DE'MONSTRATIOîSr  DU  MIRACLE 

rcnt  tous  fans  force  &  lans  vertu,  parce  que  la  finovie  s'ctoit  déjà  trop  cpaifTic. 
Cet  habile  Chirurgien  fe  vit  oblige  d'en  abandonner  la  cure ,  ôc  la  D"^  Fourcroy 
de  cciïer  tous  les  remèdes.  Elle  lailVe  Ton  pied  pendant  près  d'un  an  dans  une  iniic- 
tion  parfaite  :  comment  la  finovie  ne  fc  fcroit-cllc  pas  oflîfiée  ? 

Mais  nous  ne  fommes  pas  réduits  à  le  prouver  par  conjeftures  :  nous  en  rappor- 
tons les  prouves  Us  plus  politives  6c  les  plus  fortes  qu'on  puillc  fouhaiter.  Que 
le  lecteur  me  permette  de  lui  rappellcr  encore  ici  les  rapports  de  nos  Chimrgicns.  Jà/ 
trouvé,  dit  M.  Granier,  que  la  D'^  Fourcroy  a^'oit  le  ped  gauche  entièrement 
foudé  ai-ec  la  jambe. 

„  Nous  trouvâmes  (dit  M.  Siveit)  qu'il  y  avoit  une  anchylofc  dans  l'articu- 
„  lation  du  pied  avec  les  os  de  la  jambe  ,  fans  aucun  mouvement  comme  s'ils  a- 
„  voient  ctc  joints  Se  incorporés  enfcmble. 

„  Nous  reconnûmes  (dit  M.  Leauté)  qu'elle  avoit  une  anchylofc  à  l'articu- 
„  lation  du  pied  avec  les  os  de  la  jambe,  qui  en  avoit  foudé  les  os  enfemble,  de 
„  façon  que  ces  os  ne  tailbicnt  plus  qu'un  fcul  corps. 

„  Nous  trouvâmes  (dit  M.  Souchai)  qu'elle  avoit  une  anchylofc  formée  à 
„  l'articulation  des  os  du  pied  gauche  avec  ceux  de  la  jambe;  de  façon  que  ces 
„  os  étoient  joints,  unis  6c  comme  incorporés  enfcmble j  (à  quoi  il  ajoute  plils 
„  bas)  que  fes  os  étoient  contournés. 

Rapportons  encore  la  réponfe  que  ces  Chimrgicns  firent  aux  interrogations  de 
M.  Seron,  ce  grand  Médecin  fi  difficile  à  convaincre  en  fait  de  miracles:  il  at- 
telle qu'ils  lui  certifièrent  unanimement  que  la  D''^  Fourcroy,,  ne  pouvoir  faire  au- 

„  cun  mouvement de  fon  pied  gauche par  la  réunion  intime  des 

„  os  anchylofés  de  la  jambe  avec  ceux  du  pied  {?x)  que  ces  os  paroiflbient  confondus, 
„  continus,  6c  ne  plus  faire  qu'un  fcul  corps,  ou  plutôt  qu'un  fcul  os.  „ 

Si  les  os  contrefiits  du  pied  ont  été  fbudésj>zr  la  finovie,  à  ceux  de  la  jambe 
avec  lo/e  religion  fi  intime,  que  tous  ces  os  differens  étoient  yo;»/;,  tifiis,  confondus  , 
continus  u?  incorporés  enfemble  ....de  façon  qu'ils  ne  f ai  [oient  plus  qii  un  feul  corps ,  ou 
plutôt  ^«'««  yèw/ OJ  ,  la' finovie  qui  les  réunilToit  ainfi  ctoit  donc  oififiée  ?  Cela 
ibid.  cil  d'autant  plus  inconteftablc  que  fuivant  M.  GauUard  :  s'il  ne  refle plus  dutmtde 
moui-cmcnt  dans  une  articulation  anchylofée,  c'efî  une  preuve  que  la  finovie  s'ejl  en- 
tièrement offifiée.  Or  tous  nos  Chimrgicns  fans  exception  ont  attclié  aprcs  toutes 
leurs  différentes  expériences,  qu'il  ne  relloit  aucun  mouvement  dans  l'articula- 
tion du  pied  gauche  de  la  D'■'^  Fourcroy. 

C'ell  donc  un  fait  indubitable  que  la  finovie  ctoit  oflîfiée?  Reftc  à  établir  qu'il 
n'y  a  aucun  moicn  au  pouvoir  des  êtres  créés  qui  foit  cap.^blede  lui  faire  rcprcndi-e 
fes  premières  qualités,  lorfqu'cllc  a  ainfi  totalement  changé  de  nature  6c  de 
forme.  Nous  allons  d'abord  prouver  par  des  autorités  que  cclan'cll  jamais  arrivé; 
nous  prouverons  cnfuite  par  une  démonlhation  métaphifiquc  qu'il  n'y  a  que  Dieu 
qui  puillc  le  fiiire. 

„  Il  n'y  a  point  de  remèdes  dans  la  Médecine  (dit  M.  Leauté)  quiffltcapa- 
„  blc  de  di (foudre  une   anchylofc,  lorfquc  la  finovie  s'cll  entièrement  pétrifiée 
„  au  point  qu'étoit  celle  (de  la  D'''.  Fourcroy.) 
Uij.  „  Tous  les  Médecins  convicnrttnt  (dit  M.  GauUard'   que  lorfquc  l'anchylo- 

„  fc  cil  entièrement  formée,  elle  cil  abfolumcnt  incurable,  parccque,  lorfquc  la 
„  finovie  s'cft  non  feulement  épaiflie  6c coagulée,  mais  s'cll  olfifiér,  il  n'y  aau- 
„  cun  remède  ni  intérieur,  m  extérieur  qui  lui  puillc  faire  reprendre  fa  lluidité, 
„  8c  cctcc  foudure  qui  joint  les  os  enfcmble  cil  i'\  forte,  qu'on  brifcroit  les  os 
„  plutôt  que  de  les  disjoindre  à  cet  endroit  là  :  6c  clk'  dc\  icnt  fi  dure  que  les  to- 
„  piques  détruiroient  plutôt  les  tégumcns  qui  couvrent  r;uidhyloic  que  de  dé- 
truire la  finovie  ollihcc.  „  Ccll 


OPE'RE'  SUR  M.  J.  FOURCROY.  ;i 

Ceft  donc  une  expérience  de  tous  les  tems  fpuifque  tous  les  Médecins  en  con- 
viennent) qu'il  n'y  a  aucun  remède  capable  de  liquifier  une  finovieofîîfiée:  Scquc 
cette  fînovie  acquiert  une  conllftancc  encore  plus  folide  que  celle  des  os  qu'elle 
a  incorporés  entcmble,  puifqu'on  les  roniproit  plutôt  en  tout  autre  endroit  que 
diins  celui  de  leur  foudure  ? 

Mais  ce  n'eft  pas  aflez  que  le  fentiment  unanime  des  Médecins  de  tous  les  fic- 
elés pour  établir  ma  propofition  :  il  peut  y  avoit  desfpécifîques  dont  ils  aient  tou- 
jours ignoré  la  vertu.  D'ailleurs  je  me  fuis  non  feulement  engagé  à  prouver,  que 
"la  tranfmutation  d'une  lînovie  pétrifiée,  en  la  première  qualité  d'une  liqueur  dou- 
ée ôc  onélueufe,  ne  fe  peut  pas  faire  naturellement,  j'ai  aufiî  promis  d'établir  que 
cela  ne  peut  jamais  arriver  que  par  une  opération  Divine  ,  puifquc  je  foutiens  que 
cela  eft  au  deflus  du  pouvoir  de  tout  être  créé.  Mais  hcureufement  j'ai  ici  cet 
avantage  qu'il  ne  faut  pour  le  démontrer  que  préfenter  quelques  principes  demé- 
taphifique,  aufquels  je  prie  le  leéteur  de  donner  toute  fon  attention. 

Tout  fd* régit  dans  la  nature  par  les  loix  que  Dieu  y  a  d'abord  établies.  Toutes 
les  transformations  que  nous  y  volons,  ne  font  que  le  développement,  la  fuite  Se 
l'cfl^et  des  germes,  6c  des  difpofitions  que  le  Créateur  a  renfermé  dans  differens 
êtres  matériels  dès  le  premier  inftant  de  leur  exiilence:  mais  dès  que  la  transfor- 
mation à  laquelle  ils  font  deftinés  eil  une  fois  faite,  leur  matière,  qui  lorfqu'ellc 
change  totalement  de  nature  perd  toutes  fcs  qualités  précédentes ,  ne  peut  plus 
les  recouvrer  :  parce  que  Dieu  n'a  pas  mis ,  du  moins  dans  la  plupart  des  êtres 
corporels,  des  difpofitions  revcrfiblcs  pour  leur  faire  reprendre  leurs  premières 
qualités,  lorfqu'elles  en  ont  tout  à  tait  changé.  Un  exemple  qui  a  un  parfait  rap- 
port avec  celui  de  ranchylofc,  va  rendre  cette  vérité  palpable. 

Les  os  ne  font  produits  que  par  une  liqueur  à  peu-prcs  pareille  à  l'humeur  fi- 
noviale.  Dieu  a  mis  dans  cette  liqueur  une  difpofition  propre  à  s'offificr.  Pour 
cet  effet  fcs  parties  les  plus  fluides  s'évaporent  &  fediffipent  :  les  plus  fermes,  les 
plus  féches  &;  les  plus  groifieres  s'unifient,  6c  s'accrochent  cnfemble.  Cependant 
tant  que  les  os  font  encore  à  ce  premier  état,  ils  n'ont  que  très  peu  de  folidité, 
ainfi  que  font  ceux  des  enfans  nouveaux  nés  :  mais  bientôt  les  fucs  remplis  de 
fels  qui  fervent  à  la  nourriture  de  ces  os,  leur  fourniflcnt  des  parties  très  dures  qui 
fe  joignent,  fe  confondent  &:.fe  coniblident  avec  ces  os,  enforte  qu'ils  ne  font 
pius  avec  eux  qu'un  fcul  tout  de  la  même  efpece,  &  de  la  même  nature. 

Lorfque  les  os  ont  une  fois  acquis  leur  dernier  degré  de  con  fi  Itanccfic  de  folidité, 
il  n'y  a  aucun  moien  dans  la  nature  qui  foit  capable  de  leur  fiiire  reprendre  tou-- 
tes  les  qualités  de  la  première  liqueur  qui  les  a  d'abord  formes.   Cela  eft  même 
phifiqucment  impoflible,  parce  que  la  matière  de  ces  qualités  nefubfifteplur:  que  • 
Dieu  n'a  point  mis  dans  les  os  une  difpofition  propre  à  le  refondre  en  une  liqueur 
qui  ait  toutes  les  mêmes  qualités,  que  celle  par  qui  ils  ont  d'abord  été  produits  : 
&  qu'aucontraire  il  a  voulu  que  les  os  acquerafient  une  confiftancefécheôcdure, . 
qui  eil  d'une  nature  toute  oppofée  à  celle  de  cette  première  liqueur. 

Tout  ce  que  je  viens  de  dire  des  os  fe  doit  appliquer  également  à  une  finovie 
pétrifiée.  Cette  humeur  ne  peut  prendre  une  confilhmce  folide,  &.  même  encore - 
plus  dure  que  celle  des  os  ,  fans  prendre  toutes  les  particules  qui  la  renùoient  aupa- 
ravant liquide,. doute  6c.  onchieufe,  puifqu'elle  acquiert  en  le  pétri  fiant- des  quali-- 
tés  toutes  contraires.  Or  toute  liqueur  dont  les  premières  qualités  ont  été  anéanties  en  i 
prenantla  forme  d'un  corps  folide ,  ne  peut  plus  les  recouvrer,  parce  qu'elle  n'eft  plijs  ■ 
la  même  qu'elle  étoit ,  &  qu'elle  a  entièrement  changé  de  nature.  Sa  première  foiTUc 
ctant  totalement  pcnc:  en  vain  prétendroit  r  on  en  retrouver  la  matière  dans  la  for- - 
me  contraire  qui  lui  a  fuccedé  :   cette  matière  à  été  difiîpée  pour  la  plus  graln^- 
de  partie,  6c  le  furplus  a  totalement  changé  de  configuration  6c  d'tfpçcc- .    • 


ji  DE'MONSTRATION   DU   MIRACLE 

Mais  quand  on  fuppofcroitquc  le  Démon  çourroit  trouver  parmi  les  êtres  créé* 
quelque  difTolvant  capable  de  liquificr  une  linovie  ofllllée  &:  de  luy  rendre  en  mê- 
me tems  toutes  fcs  premières  qualités;  du  moins  ne  pourroit-on  pas  difconvenir 
qu'il  faudroit  que  ce  diflolvant  fut  d'une  force  extraordinaire  ,  &  même  que  fou 
aftiv^ité  fût  encore  augmentée  par  le  feu.  Il  eft  par  confcquent  de  la  dernière 
évidence  que  le  Démon  luy  même  malgré  toute  fon  induftric  ,  ne  pourroit  en 
faire  ufage  pour  guérir  imc  anchylofe  :  {-(uifqu'il  e ftvifiblc  qu'un  diifolvant  de  cette 
force  brûleroit  la  peau  £c  les  ch;urs ,  au  travers  dcfquelles  il  f\udroit  qucle  Démon 
le  fit  pafTcr  pour  luy  faire  atteindre  lafinovie  oflîtiéc:  ainfi  bien  loin  qu'un  tel  cau- 
ftique  procurât  laguérifon,  il  ne  pourroit  au  contraire  produire  d'autre  effet,  que 
de  détruire  les  membres  anchilofcs. 

Il  cft  donc  inconte Ilable:  il  cft  donc  démontré  qu'il  ne  peut  y  avoir  dans  la 
nature  aucun  moien  propre  à.  diflbudre  &  à  fure  reprendre  fcs  premières  qualités 
à  une  finovie  pétrifiée  dans  une  articulation  d'un  corps  vivant.  Or  nilcs  Anges, 
ni  les  hommes,  ni  les  Démons  ne  peuvent  rien  opérer  d'eux-mêmes  fur  la  matière 
par  leur  feule  volonté ,  &c  fans  trouver  dans  la  nature  des  moiens  capables  d'exé- 
cuter ce  qu'ils  veulent  faire:  ainfi  il  cil  donc  vrai  de  dire  que  la  fi;uérifondupied 
difforme  de  la  D"'.  Fourcrov,  palfoit  le  pouvoir  de  tout  être  crée  ? 

Au  furplus  pour  rendre  cette  guérifon  parfaite,  il  ne  fuffifoit  pas  de  changer 
de  nature  la  finovic  ofllfiée  :  il  y  avoit  encore  bien  d'autres  chofcs  à  faire. 

Des  le  mois  de  Janvier  173 1.  dés  le  premier  tems  que  la  D''<^.  Fourcroy  eût 
le  pied  déboîté  par  une detorfe,  les  vives  couleurs  qu'elle  y  fouffrit,  enHammcrcnt 
l'humeur  fiaoviale  qui  s'étoit  ép.inchée  dans  le  vuidc  qu'avoit  caufé  le  déboîte- 
ment de  l'articulation.  Bientôt  cette  humeur  aiant  acquis  une  fermentation  très 
violente,  pénétra  les  mufcles  8c  les  tendons,  &c  ne  tarda  pas  aies  dcilccher.  Elle 
fit  cnfuitc  im  eifctencorebicn  plus  fâcheux.  EUegonflales  osdupiedens'inCinuar.t 
entre  les  feuilles  dont  ces  os  font  compofés.  Elle  brifi  par  ce  gonllement  les  atta- 
ches avec  lefquellcs  ces  feuilles  font  liées  les  unes  aux  autres.  Apres  la  deilriiftion 
de  ces  attaches,  ces  feuilles  étant  agitées  déplus  en  plus  par  cette  humeur  quiac- 
qucroit  tous  les  jours  une  plus  grande  force,  elles  fc  bojleverfcrcnt ,  fe  dcrart- 
gerent  &  fc  confondirent  enfcmble,  ce  qui  changea  peu  à  peu  la  forme  des  os ,  & 
fit  retourner  tout  le  pied  prcfque  fens  dciïiis  dcflbus. 

M.  Dcfvigncs  déclare  lui-même  que  la  cotirbure  de  ce  Y>\'^à augmenta confîdéra- 
blcment  malgré  fcs  remèdes.  Les  aiant  tous  fait  ccfler,  les  os  de  ce  pied  déjà  rcn- 
verlcs  &:  à  demi  contournés,  fe  fondèrent  enfcmble  en  cet  état,  Se  cnfuite  à  ceux 
de  la  jambe,  par  la  pétrification  de  la  finovic.  La  figure  contrefaite  de  ce  pied 
devint  par  coméqucnt  un  état  fixe  <Sc  incom mutable.  Auflî  pluficurs  Chirugicns, 
qui  l'ont  examine  un  an  après,  ont -ils  certifié  qu'ils  avoient  trouvé  ce  pied 

f)refqu'entiéremcnt  rcnverfé,  Se  fondé  de  cette  façon  aux  os  de  la  jambe,  &  que 
es  os  du  pied  étoient  contournés  unis  i^  incorpores  enfewhL\  enforte  qu'ils  ne  fai- 
foient  plus  qu^un [eul  os  d'une  figure  monrtrueufe ,  ou  du  moins  très  difforme. 

A  t'on  jamais  imaginé  qu'il  y  ait  dans  la  nature  quelques  remèdes  poiu'  rendre 
leur  première  forme  à  des  os  contrefaits  dans  une  pcrfonne  de  z-.  ans?  Qiicl mé- 
dicament feroit  capable  de  rétablir  dans  leur  premier  état  toute;;  les  feuilles  de 
ces  os  qui  s'étoient  rcnverfécs,  mêlées  &  confondues?  Qiul  fpécifiquc  auroit-la 
vertu  de  leur  rendre  toutes  leurs  attaches  qui  avoient  été  brifécs,  détruites  6c 


anéanties? 


Il  cft  donc  doublement  démontré  que  le  rétablinemcnt  du  pied  de  la  D""^.  Four- 
croy ctoit  impofiible  à  toute  créature?  Nous  allons  prélentement  prouver  dans  la 
propofition  fuivanie  que  cejrétabliircment  au  JclTus  du  pouvoirde  tour  être  crée, 

s'clt  opéré  dans  un  inllaiu  au  l'ius  haut  degré  de  pcrkifcion  qu'on  ruille  imaginer. 

ù  1  1  jjj_ 


OPE'RE'  SUR  M.  J.  FOURCROY.  55 

Iir.     PROPOSITION. 

MuC  pied  difforme  de  la  Z)"«.  Fourcroy  a  tout  d'un  coup  recouvré  une  figure  naturelle  aa 
milieu  de  fes  convulfions  le  14.  Avril  1732.  ^  s'efi  trouvé  fur  le  champ  dans  uné- 

tat  parfait. 

LA  Sageflc  éternelle  proportionne  toujours  les  moiens  aux  difFerentes  fins  quVlIc 
fe  propofe.  Plus  les  œuvres  font  combattues ,  plus  elle  prend  foin  de  frapcrdc 
tems  en  tems  les  yeux  par  quelques  traits  lî  lumineux,  fi  vifs,  8c  fi  brillans  ,  qu'ils 
diffipenttoutes  les  obfcurités  en  faveur  de  ceux  qui  cherchent  de  bonne  foi  la  lu'nie~ 
re,  Se  qu'ils  rendent  incxcufibles  ceux  qui  s'obftincnt  à  refufer  de  la  voir.  Plus 
ce  miracle  né  dans  le  fcin  des  convulfions ,  &  opéré  fubitemcnt  par  des  mouvemens 
convulfifs  devoir  avoir  de  contradicteurs  ,  plus  la  providence  a  été  attentive  à  lui 
donner  le  plus  haut  degré  de  certitude  que  la  raifon  humaine  puiOc  dcfirer. 

Il  n'yavoitque  f.  jours  que  le  dernier  proccs-vcrbal  de  l'état  du  pied  de  laD"'. 
Fourcroy  avoit  été  fait  par  cinq  célèbres  Chirurgiens ,  loriqu'il  plût  au  Tout-puif- 
fant  de  manifefterfii  préfcnce  Se  fon  opération  dans  les  convulfions  de  cette  fille 
par  la  guérifon  fubite  &  parfaite  de  ce  pied  fi  contrefait. 

Il  ne  faut  que  la  defcription  que  font  ces  Chirurgiens  de  l'horrible  contorfioti 
de  ce  pied,  dont  tous  les  os  contournés  s'étoient  fi  intimement  réunis,  6c fi  fort 
confolidés  enfemble  par  la  pétrification  de  la  finovie  ,  qu'ils  ne  faifoient  plus  qu'- 
un feul  os:  il  ne  faut,  dis-je,  que  cette  defcription  pour  perfuader  toute  pcrfonne 
qui  f.iitulage  de  fa  raifon,  que  le  fcul  Maître  delà  nature  pouvoir  refondre  en  un 
inllant  cette  finovie  ofiîfiée,  &  tous  ces  os  contrefaits  :  faire  difparoîtrc  toutes  les 
difformités  de  ce  membre  eftropié  :  6c  en  remettre  toutes  les  différentes  parties  dans 
le  plus  grand  point  de  perfcétion. 

Le  moment  même  qui  précéda  ce  magnifique  .prodige  n'offroit  encore  aux 
yeux  des  fpcétateurs  qu'un  pied  renvcrfé  fcns  deflus  deflous ,  &;  qui  paroiâbit  cloué 
en  ligne  directe  au  bout  de  la  jambe  :  un  talon  prodigieufement  remonté,  8c  fixé  eti 
cette  place  par  un  tendon  tout  deiféchéSc  tout  racorni  :des  os  confondus  enfemble, 
6c  ^\  bien  incorporés  à  ceux  de  la  jambe ,  qu'ils  donnoient  à  ce  pied  l'immobilité  d'un 
rocher,  8c  l'inflexibilité  du  marbre  :  une  bofic  grofTe  comme  une  noix,  8c  dure 
comme  une  pierre  au  defilis  de  la  cheville  :  une  peau  tendue  à  l'excès  d'un  cô- 
té, 8c  du  côté  oppofé  une  multitude  de  rides  entafiees  les  unes  fur  les  autres. 

Tel  étoit  l'hideux  objet  à  qui  Dieu  redonne  tout  à  coup  une  forme  régulière: 
tel  étoit  ce  pied  qui  devient  en  un  inftant  plus  agile,  plus  ferme,  ^  plus  infa- 
tigable que  s'il  avoit  été  toujours  endurci  depuis  fit  naiflance  par  l'exercice  le 
plus  continuel. 


naiv( 

deur  8c  une  finccrité  inimitables  à  l'artifice,  des  mouv-emens  qui  fe  font  paf- 
fés  en  eux-mêmes,  perfuaderont  mieux  le  leéteur  que  tout  ce  que  nous  pourrions 
dire,  8c  commençons  par  rendre  compte  des  circonllanccs  fingulieres  dont  Dieu 
a  voulu  que  ce  miracle  fût  accompagné. 

„  La  D"*.  Fourcroy    dit  la   D"^.  de  Lunaque)  avoit  le  pied  gauche  anchy- 

„  lofé,  tout  fens  defllis  defibus je  l'examinai  avec  d'autant  pkrs   d'atten- 

„  tion,  que  comme  fa  jambe  gauche  s'agitoit  avec  i;ne  extrême  force  dans  des 
„  convxilfions  qui  lui  prenoient  tous  les  jours,  cela  lui  faifoit  efpérer  que  Dieu 
„  la  guériroit  de  l'incommodité  qu'elle  avoit  à  ce  pied.  l'ai  été  plufieurs  fois  té- 
3,  moin  de  fes  convulfions  :  elles  commcnçoient  par  un  trcmb.c  nent  univerfcl 

///.  Demonfi.  'tome  11.  E  „  dans 


Il-) 


54  DEMONSTRATION    DU  MIRACLE 

„  dans  tout  fon corps:  après  quoi  elle  ctoit  involontiurement  diins  de  fî  vîolen- 
„  tes  agitations  que  quatre  perfonnes  avoicnt  bien  de  la  peine  à  la  retenir.  Dans 
„  CCS  agitations  elle  cogucùt  Ta  jambe  gauche  avec  tant  de  force  qu'elle  auroit 
„  dû  naturellement  fc  la  calfer  plufleurs  fois. 

Que  les  plus  hardis  critiques  ne  fe  prcdent  pas  de  répandre  le  venin  de  leurs 
mordantes  fatircs  fur  ces  agitations  involontaires  :  qu'il  arrêtent  la  vivacité  de 
leur  bile,  en  confidérant  que  de  pareilles  convuHîons,  des  le  premier  jour 
que  Dieu  les  a  envoyées  à  la  D '*.  Fourcroy,  ont  été  le  moicn  dont  il  a  jugé 
à  propos  de  fe  fervir  pour  la  retirer  de  l'agonie  le  21.  Mars  17?  i-  qu'elles  ont 
fait  cej/er  abfoltiment ,tâ  cniiérement ^  ainfi  qu'elle  le  certifie,  ^^/^^•;•(? , fon //oa^i'- 
ment  ^  fon  oppyeJJIon^  &  fa  douleur  de  poitrine  qui  la  conduifoicnt  à  la  mort  : 
qu'elles  lui  ont  rendu  fur  le  champ /'^//'f///' ,  \cs  forces^  \-x  fauté  :  &:  qu'elles  Tont 
prcfquc  totalement  délivrée  de  fon  hidropifie ,  dont  l'énorme  étendue  parût  dès 
le  IcKdemain. . .  confidérablemcnt  diminuée  ,  quoi  ^«ffans  aucune  évacuation  naturelle. 

„  Le   14.  Avril  vers  les  7.  heures  du  foir  (ajoute  la  D"e.  de  Lunaque  )  la 

D''*.  Fourcroy   étant  dans  le  fort  de  fa  convulfion,  5c  paroiiïlint  évidemment 

,,  lans  connoiiTimce ,  fe  dcchaufTa prit  fon  pied  gauche. . .  .  de  la  main  droite 

„  . .  .  &:  fc  mit  à  le  remuer.  . .  Audî-tôt  ce  pied  qui  avoit  été  fi  long-temsimmo- 
„  bile  ,  s'agita  de  droit  à  gauche  &:  de  gauclic  à  droit  avec  une  rapidité  tout 
„  à  fait  extraordinaire,  8c  qu'il  ne  fcroit  pas  poilible  à  qui  que  ce  foit  d'imiter. 

\'"oilà  donc  la  finovie  pétrifiée  qui  devient  en  un  infiant  une  liqueur  coulante  : 
voilà  tous  les  os  contrefaits  ,  réunis  &  confolidcs  enfemble ,  qui  fe  trouvent  tout  à 
coup  rétablis  chacun  dans  fa  place  &  en  la  forme  naturelle  :  puiique  fins  cette 
admirable  métamorphofe  le  pied  n'eût  pas  pu  le  remuer: 

Mais  pour  quoi  Dieu  agite-til  ce  pied  d'une  manière  fi  finguliere,&:fivifible- 
mcnt  convulfive  ,  dans  ce  moment  où  il  rcndoit  fa  préicnce  fcnfible  par  un  fi 
grand  miracle  ?  Qiii  pourras'cmpêcher  de  rcconnoitre  que  le  Très-haut  à  vou- 
lu taire  voir  claircmcRt  par  cette  agitation  furnaturelle ,  qu'il  lui  avoit  pIû  d'o- 
pérer ce  miracle  par  le  mouvement  de  la  convulfion. 

„  Je  redoublai  mon  attention,  ainfi  que  les  autres  perfonnes  qin  étoicnt  pré- 
,,  fentes  (continue  la  D '^  de  Lunaque)  Se  aulfi-tôt  que  ce  mouvement  fi  vio- 
„  lent  fût  ccflc,  nous  touchâmes  tous  ce  pied  ,  &  nous  vérifiâmes  parnos  mains 
„  qu'il  avoit  repris  un  mouvement  libre  dans  tous  les  fens. 

L'n  tel  événement  ttoit  trop  extraordinaire  &:  caufoit  trop  de  furprifc  pour 
que  In  main  ne  fût  pas  aufiî  promteque  les  yeux  à  s'aflluer  d'un  fi  grand  prodige  : 
Il  ne  fhlloit  pas  moins  qu'une  pareille  expérience  pour  fe  convaincre  pleinement 
d'une  transformation  fi  étonnante.  Quand  un  objet  aufiî  frapant  que  la  vue  d'un 
membre  horriblement  conti'cfait,  qui  reprend  fubitcmcnt  une  figure  régulière  , 
paroît  à  nos  regards ,  on  a  peine  à  s'en  rapporter  au  témoignage  de  fcs  yeux  :  on 
veut  toucher:  6c  la  main  n'eft  pas  de  trop  pour  s'aflluer  de  la  réalité  d'une  telle 
mcvvcillc.  Qiii  ircuveroit  à  redire  à  cet  empr^lTcmcnt ,  ne  connoitroit  guéres 
quelle  cfl  l'impefiofité  des  premiers  mouvemens  que  caufe  la  furprife  d'un  pro- 
dige avifl"  grand  6c  auffi  fubit. 

„  Nous  vîmes  (ajortc  la  même  D''"". )  que  ce  pied  avoit  enmêmc  tcms  repris 
„  une  fituation  6c  une  forme  naturelle,  ik  qu'il  ne  rcftoit  plus  mtmc  aucune ap- 
„  parcncc  de  la  difformité  qu'il  avoit  eue. 

Qu'étoit  donc  devenue  cette  bofic  fi  dure  qui  écoit  au  dcfilis  de  la  cheville, 
ainll  que  le  certifient  tous  nos  témoini?  Comment  la  finovie  qui  avoit  formé  cet- 
te grofitur  en  s'emparant  de  cette  efpacc ,  Se  qui  s'y  étoit  pétrifiée  depuis  près  d'un 
an,  vt-cllcpû  s'évaporer  fie  difparoîtrc  tout  d'un  coup  fims  avoir  aucune  ifluc, 

&. 


OPERE'  SUR  M.  J.  FOURCROY.  j^- 

&  fans  kifler  aucune  trace  de  l'ctendue,  qu'elle  avoit  occupée.  Comment  ce  ten- 
don defTéché  &  extrêmcmoit  nicourci ,  &  qui  depuis  fi  long-tems  avoit  forcé  le 
talon  de  remonter  dans  la  jambe ,  s'efl-il  fubitement  ramolli,  s'eft-il  rallonge,  6c 
a-t-il  recouvré  toutes  les  qualités  qu'il  avoit  perdues  par  Ton  déflechement?  Com- 
ment les  os  8c  toutes  les  autres  parties  difformes  de  ce  pied,  ont-ils  pu  reprendre 
en  un  clin  d'œil  une  nouvelle  figure  fi  parfaite,  qu'il  n'eft  refté  aucun  vellige  de 
leurs  diffomiités  précédentes?  Qiiel  autre  que  celui  qui  crée  &c  qui  anéantit  tout 
ce  qu'il  lui  plait,  eût  pu  faire  un  pareil  prodige  ? 

Auffi  nos  témoins  nous  peignent-ils  par  les  expreflîons  les  plus  animées ,  par 
celles  qui  font  fournies  par  les  fcntimcns  du  cœur,  l'imprefllon  vive  que  leur  fit 
la  vue  d'un  fi  grand  miracle.  „  ]e  m'écriai  (dit l'un)  envolant  fon  pied  feredref- 

„  fer  tout  d'un  coup ,  &  reprendre  fa  fituation  naturelle ma  joie  ôcrna  fur- 

5,  prife  furent  extrêmes  après  ce  que  favois  entendu  dire  aux  Chirurgiens  cinq 
„  jours  devant:  qu'il  n'y  avoit  que  Dieu  qui  ptit  opérer  une  telle  merveille. 

,,  Nous  ne  pûmes  retenir  nos  larmes  (dit  le  S.  Gui)  dans  le  tranfport  de  joie  , 
„  &  l'étonnement  où  nous  nous  trouvâmes,  de  voir  en  moins  d'un  demi  quart 
„  d'heure  s'opérer  en  nôtre  préfcnce  une  fi  grande  merveille,  voiant  ce  pied  que 
„  nous  venions  de  voir  un  moment  auparavant  tout  contrefait ,  avoir  repris  une 
„  figure  naturelle. 

A  ces  premiers  mouvemens ,  témoins  fi  furs  &  fi  naïfs  de  la  grandeur  de  ce 
miracle,  fuccéderent  auifi-tôt  les  aftions  de  grâces.  ,,  Pénétres  d'admiration 
„  (dit  la  D^'"'.  de  Lunaquc)  d'un  prodige  auffi  évident  &c  auffi  frapant,  6c  pleu- 
„  rant  tous  de  joie  8c  de  faififlcment  nous  dîmes  tous  enfemble  le  T'e  Denm. 

Un  moment  après  l'admiration  8c  la  joie  de  nos  témoins  redoublèrent  encore , 
lorfque  la  D"*.  Fourcroy  étant  fortie  de  convulfion ,  leur  donna  les  preuves  les  plus 
fenfiblcs  8c  les  plus  fortes  de  la  perfcétion  de  fa  guérifon.  „  Elle  fût  aufll  étonnée 
„  que  nous  (dit  la  D""".  de  Lunaquc)  de  trouver  fon  pied  gauche  entièrement  guéri , 
&  en  même  fituation  que  s'il  n'avoit  jamais  été  incommodé.  . .  .  Son  premier 
mouvement  fût  de  fe  prollerner  à  terre  pour  en  rendre  grâces  à  Dieu  par  le  T'e 
Deum  qu'elle  nous  fit  recommencer  :  après  quoi  s'étant  relevée,  elle  fit  tous  les 
ufages  de  fon  pied  dont  elle  pût  s'aviier ,  8c  y  trouva  autant  de  force  8c  d'agilité 
„  que  s'il  n'avoit  jamais  eu  d'incommodité:  non  feulement  marchant  8c  courant 
„  fans  boiter  6c  fans  peine,  mais  auffii  le  frapant  contre  terre  8c  fautant  defl'us. 
Mais  écoutons  la  miraculée  nous  rendre  compte  elle-même  de  Ht  furprife,  ^ 
de  fa  reconnoiffiince.  „  Le  lundi  de  Pâques  14.  Avril  (dit-elle)  fortant  de  ma 
convulfion,  je  m'apperçus  que  mon  pied  gauche  étoit  entièrement  8c  parfai- 
tement guéri  :  qu'il  avoit  repris  une  fituation  6c  une  forme  natui-elle ,  toute  pa- 
reille à  celle  de  mon  pied  droit  :  que  je  le  pofois  à  plat  à  terre,  8c  le  rcmuois 
avec  une  entière  liberté  :  en  un  mot  qu'il  étoit  en  même  fituation,  8c  avec  les 
mêmes  mouvemens  8c  auffi  libres  que  s'il  n'avoit  jamais  été  incommodé:  une 
bofie  grofle  comme  une  noix  ,  qui  étoit  au  deffiis  de  la  cheville  du  pied  en  de- 
hors, aiant  même  entièrement  difparu  ,  fms  qu'il  en  rcftât  le  moindre  vciH- 
ge.  Le  S.  Gui,  le  S.  Simart,  la  D'*.  Lmraqire  èc  les  D"".  de  Gouge  qui 
étoient  avec  moi  pendant  ma  convulfion,  me  déclarèrent  que  le  changement 

que  je  voiois  à  mon  pied  ,  s'étoit  fait  à  leurs  yeux  dans  un  moment que 

dans  l'inftant  il  avoit  repris  une  figure  naturelle  ,  telle  que  je  voiois  :  8c  qu'- 
enfuite  ils  l'avoient  vu  remuer  cntousfens  avec  une  impetuofité  extraordinaire. 
Je  me  profternai  auffi-tôt  à  terre  pleine  d'admiration  Scdereconnoiffimce.  Je  me 
„  relevai  enfuitc  pour  faire  faire  à  mon  pied  toutes  fortes  de  mouvemens  :  je  mar- 
„  chai  fans  boiter  en  aucune  façon  8c  aufiî  ferme  que  fi  je  n'avois  jamais  étéin- 

E  i  "  55  corn' 


j<S  DE'MONSTRATION  DU  MIRACLE 

„  commodce  de  ce  pied  :  je  fautai  en  l'air  aufll  haut  que  je  pus,  6c  me  retins  en 
„  tombant  fur  mon  pied  gauche.  Je  ne  me  luis  jamais  trouvée  fi  alerte  :  ilmcfcm- 
„  bloit  que  laguérifon  fubitcqui  ctoit  amvcc  à  mon  pied  avoit  remis  de  nouveaux 
„  efprits  dans  tout  mon  corps. 

La  D.'.  de  Vitri  qui  étoit  dehors ,  tandis  que  le  Trcs-haut  paroiiïbit  dans  fa. 
maiibn  par  des  effets  fi  fenfibles  de  fa  Toutc-puillancc ,  en  fut  en  quelque  forte 
dédommagée  par  la  ravilVante  furprife  qui  lalaifit  fi-tot  qu'elle  rentra  chez  elle. 
„  On  me  dit  tout  en  entrant  i^dcclarc-t-cUc  que  le  pied  de  la  D"'.  Fourcroy 
„  ctoit  entièrement  guéri  &  avoit  changé  tout  d'un  coup  de  figure  dans  le  tcms 
„  qu'elle  étoit  en  convulfion.  Je  montai  au  plus  vite  dans  fa  chambre  pour  être 
témoin  d'une  fi  grande  merveille.  Elle  courût  àmoiaufll-tôt  qu'elle  m'apper- 
çût,&  mefitvoir  fon  pied  ,  que  j'avois  encore  vu  le  matin  tout  tourné, .qui  étoit 


51 
5> 

53 


alors  dans  la  même  fituation  qu'il  auroitdii  être  fi  elle  n'y  avoit  jamais  cii  d'in- 
commodité. Elle  le  remua  devant  moi  de  tous  Icsfens  :  marcha  ferme  ,  vite  6c 
fans  boiter;  fe  jctta  en  l'air,  6c  fe  retint  fur  le  feul  pied  gauche. 
Le  lefteur  eft  fans  doute  empreffé  de  voir  qu'elle  imprefiion  une  guérifon  fi 
meneilleufe  fit  lur  les  Maîtres  de  l'art  qui  l'avoicnt  déclarée  impofiîblc  :  il  faut  fc 
hâter  de  le  fatisfairc.  D'ailleurs  nous  devons  ne  point  épargner  nos  efforts  pour 
les  plus  incrédules.  Peut-être  que  s'ils  n'ont  pas  été  touches  de  la  candeur  6c  de 
la  fincérité  qui  cclatte  de  toutes  parts  dans  les  témoignages  dont  nous  venons  de 
rendre  compte,  leurs  préventions  ne  pourront  refillcr  aux  rapports  juridiques  6c 
unanimes  de  plufieurs  célèbres  experts  ,  qu'il  feroit  infcnfé  de  ioupçonner  d'igno- 
rance ou  de  miiuvaife  foi.  Si  de  telles  preuves ,  qui ,  viitoutes  leurs  circonlbinces , 
lont  tout  ce  que  la  raifon  pcutdefircr  de  plus  fort  pour  fe  convaincre  de  la  vérité 
d'un  fait,  ne  fuffifcnt  pas  encore  pour  taire  apperccvoir  la  lumière  à  ceux  qui  fc 
font  rangés  du  côté  des  ténèbres  ,  leurs  yeux  ne  font  pas  feulement  obfcurcis  ,leur 
ame  a  entièrement  perdu  la  vue. 

Comme  ces  rapports  font  très  importans  ,  j'efpère  que  le  IcéVcur  ne  trouvera 
pas  mauvais  que  je  les  lui  détaille  avec  un  peu  d'étendue. 

M.  de  Mantcville  certifie  qu'aiant^/i/ir/j  ^ite  la  Z)"«.  Fourcroy  étoit  guérie  de  Van- 
chylofe  qu'elle  aïoit  au  -pied  gauche:  pour  s''  a  (jurer  du  fait ,  il  s'emprefTa  de  l'aller 
„  voir.  Nous  l'avons  trouvée  debout  (dit-il)  marchant  aulîî  aifémcnt  qu'une  pcr- 
,,  fonne  qui  n'auroit  jamais  été  incommodée.  Aiant  examiné  fon  pied  gauche. .  . . 
„  nous  avons  été  furpris  de  le  trouver  dans  l'état  naturel,  fins  aucun  gonflement, 
„  faifant  tous  les  mouvemens  de  flexion,  d'extenfion  ,  d'adduârion,  6c  en  rond 
„  dans  tous  les  fens,  fans  aucun  vefiige  de  l'anchylofe  que  j'avois  vue. 

Ainfi  toute  ladifiormitcdecepied  ctoit  donc  fi  parfaitement  réparée  qu'il  n'en 
rrftoit  plus  aucune  marque  :  ainfi  toutes  fcsboflcs  6c  fcs  groficurs  :  tous  les  tendons 
dcHc-chés  :  tous  les  os  gonflés  6c  contrefaits ,  tout  avoit  changé  fubitement  de  figure. 
Aufiî  M.  de  Mantcville  en  fut-il  (\  pénétre  d'admiration,  qu'il  ne  craignit  point 
de  déclarer.  Qu'étant  obligé  de  rendre  témoignage  à  la  i-érité  ^  il  affirmoit  qu'une  pa' 
reille  l^  fi  fubite  guéri  fon.  n'a  pu  être  opérée^  ni  par  V  effet  d'' aucun  remède^  ni  par  la 
force  de  la  naiure^  (^  qu' ainfi  elle  efi  évidentment  fur  naturelle. 

Le  rapport  du  Chirurgien  Majgr  des  gardes  n'ell  ni  moins  frapant ,  ni  moins 
précis:  il  cil  même  encore  bien  plus  circonilancic.  „  Je  certifie  (  dit  M.Leauté) 
yf  que  <î.  jours  après  (notre  procès- verbal)  le  Mardi iuivant  if.  Avril,  M.  Sou- 
,^  chai  m'èuuit  venu  dire  qu'on  l'avoit  afllirè  que  cette  fille  étoit  parfaitement  gué- 
„  rie  de  fon  anchylofc,  je  quittai  tout  pour  aller  lavoiravcc  lui ,  ne  pouvant  croi- 
y^  rc  une  chofc  aulîî  fingulicre  à  moins  que  je  ne  le  vifle  de  mes  propres  yeux.  J'j 
yyy  trouvai  mou  neveu  6c  M.  Séron  Médecins,  6c  nous  fûmes  tous  convaincasp.ir 

„  nos 


OPE'RE'  SUR  M.  J.  FOURCROY.  jr 

„  nos  yeux  &  par  nos  mains  que  ion  anchyloie  avoit  été  entièrement  difîîpée  fans 
„  qu'il  y  reliât  aucun  vcftige  :  nous  trouvâmes  au  contraire  que  ce  pied  avoit 
„  repris  une  figure  ôc  une  fituation  naturelle  &  entièrement  conforme  à  l'on  pied 
„  droit:  qu'elle  le  remuoit  en  tous  iens,  s'en  fervoit  avec  autant  de  facilité  que  fî 
„  elle  n'en  avoit  jamais  été  incommodée ,  &  qu'on  ne  trouvoit  plus  même  de  veftige 
„  de  la  tumeur  qu'elle  avoit  au  defllis  de  la  malléole  externe.  Nous  luifimesre- 
„  muer  Se  nous  remuâmes  nous  même  Ion  pied  de  tous  côtés,  8c  la  fimes  marcher  de-  • 

„  vant  nous,  ce  qu'elle  fit  fans  boiter  en  aucune  manière Elle  nous  aflura  . .  . 

„  que  fa  guérifons'étoit  opérée  tout  d'un  coup  le  lundi  de  Pâques  14.  de  ce  mois  : 
,y  fon  pied  aiant  en  un  mcnnent  repris  la  forme  naturelle ,  &  recouvré  tout  fon 
„  mouvement,  &  la  tumeur  qu'elle  avoit  au  dcffus  de  la  cheville  du  pied  aiant  fur 
„  le  champ  entièrement  dii'paru,  fans  qu'il  y  en  reliât  aucune  trace:  &  cffeélivc-- 
„  ment  nous  ne  trouvâmes,  ainfi  que  je  l'ai  dit,  aucun  veftige  ni  de  cette  tumeur, 
„  ni  de  l'anchyiofe  ?  ce  que  je  ne  puis  m'empêcher  de  déclarer  n'avoir  pille  faire 
„  que  d'une  manière  furnaturelle.  „ 

Que  cette  façon  de  s'énoncer:  ce  ^m  je  71c  fuis  m'' empêcher  de  déclarer ,  exprime 
de  choies  !  Qiielle  caraftcrife  bien  la  perfuafion  la  plus  intime  ,  &  furtout  dans' 
la  perfonnc  d'un  Chirurgien  de  la  Mailbn  du  Roi  qui  tieirt  de  lui  toute  fa  fortu- 
ne !  Car  enfin  qui  le  force  à  faire  cette  déclaration  ?  Ce  n'ell  certainement  pas 
un  intérêt  humain,  puifqu'au  contraire  il  rifque  tout  pour  rendre  ce  témoignage. 
C'ell  donc  l'évidence  même  ?  C'ell  la  conviélion  la  plus  forte  qu'un  tel  prodige 
ne  peut  être  que  l'œuvre  de  Dieu  :  c'ell  la  crainte  de  l'ofiènfcr  en  retenant  la  vérité 
captive,  n'y  aiant  que  lui  pour  qui  on  puilîé  lacrihcr  de  fi  grands  intérêts,  qui 
s'oppofoient  de  toute  leur  force  à  une  démarche  fi  généreufe  &  fi  Chrétienne. 

Aîais  plus  cet  habile  Chirurgien  ell  verfé  dans  la  connoiflance  del'anatomie  & 
de  toutes  les  rcflburces  de  la  nature  8c  de  l'art,  8c  plus  il  voit  clairement  qu'il  n'y 
a  que  le  fouvcrain  Maître  de  la  nature  qui  ait  pu  opérer  une  pareille  transforma- 
tion. Voilà  ce  qui  l'oblige  malgré  tous  les  confeils  d'une  politique  humaine,  de 
rendre  hommage  à  la  vérité  :  il  ne  peut  refiller  à  l'aipccl  d'un  miracle  qui  le  mon- 
tre dans  un  fi  grand  jour:  qu'il  voit  de  fes  yeux:  qu'il  touche  de  les  mains:  8c 
qu'il  fent  fupérieur  à  toutes  fortes  d'objcétions. 

Le  Chirurgien  Major  des  Hôpitaux  des  armées  n'en  fût  pas  moinsfrapé  que  lui  r- 
auflî  n'en  rend-il  pas  un  témoignage  moins  décifif.  „  le  16.  dudit  mois  d'Avril 
5,  (dit  M.  Sivert  ;  je  fàs  mande  poin- aller  voir  lad.  Fourcroy ,  que  je  trouvai  mar-- 
„  chant  dans  fa  chambre  fans  boiter  ^  d'un  pas  ferme,  ce  qui  me  furprit  très 
„  fort.  Aiant  examiné  le  pied  gauche  qui  étoit  tout  contourné  8c  anchylofé,  js 
„  le  trouvai  guéri ,  Se  la  tumeur  qui  étoit  au  dcirus  de  la  malléole  diffipée'lans  qu'- 
„  il  en  reliât  aucun  veftige ,  je  trouvai  le  pied  dans  l'état  qu'il  doit  avoir  naturel -• 
„  lement ,  i^.  l'anchyiofe  entièrement  diffipéc ,  le  pied  aiant  tous  les  mouvemens 
5,  qu'il  doit  avoir  ...  ce  qui  me  parut  . . .  furnaturel.  „ 

Pour  ne  point  trop  fitiguer  le  lecteur  ,  je  paile  ici  fous  filence  le  rapport  de  Mi 
Séron  Doèteur  en  Médecine  £c  ceux  de  ÀIM.  Defvignes  8c  Granier  Chirurgiens 
&  je  vais  me  réduire  à  ne  plus  donner  qu'un  extrait  de  celui  du  Chirurgien  de  M; 
„  le  Prince  de  Conti.  „  Le  if.  Avril  (dit  M.  Souchai)  nous  vîmes  avec  une  fur- 
„  prife  extrême  que  l'anchyloie  qu'elle  avoit  au  pied  s'ètoit  entièrement  difllpce 
yy  fans  qu'il  en  reliât  aucun  veftige  :  que  fon  pied  avoit  pris  une  forme  8c  une  fitua- 
„  tion  naturelle,  comme  s'il  n'eût  jamais  été  incommodé  :  Sc  qu'elle  avoit  tous  les 
5,  mouvemens  du  pied  libres  dans  tous  les  fens ,  le  pofant  à  plat  à  terre ,  le  re- 
j,  muant  8c  s'en  fervant  avec  autant  de  ficilité  que  de  fon  pied  droit  :  ce  qui  nous 
y,  parût  furnaturel,  n'y  aiant  pas  d'exemples  que  des '.mchylofcs  qui  ont  contourné 

E  î  „  les; 


^8  DE'MONSTRATION  DU  MIRACLE 

„  les  os  comme  avoic  fait  celle-là,  aient  pu  être  guéries.  Je  l'ens  (ajoute- 1- il  plus 
,,  bas)  qu'on  aura  bien  de  la  peine  à  croire  une  gucrifon  auflî  furprcnantc  &:  aulli 
„  lurnaturellc  :  mais  je  n'ai  pu  rcfufcr  de  déclarer  une  vérité  que  j'ai  vue  de  mes 
„  yeux  ,  Se  que  fai  examinée  avec  une  attention  6c  des  précautions  qui  ne  peuvent 
me  laiiTer  aucun  doute.  „ 


•? 


Se  peut-il  un  témoignage  plusfrapant  &  de  la  certitude  de  ce  miracle,  £c  de 
l'incrédulité  étonnante  de  notre  lléclc  ?  D'où  peut  venir  à  ce  Maitrcde  l'art  qui  a 
lermcnt  en  iullicc ,  6c  qui  en  f;;it  de  rapports  ell  un  témoin  juridique  :  d'où 
lui  peut  donc  venir  cette  crainte  de  n'être  pas  ci-u,  quand  il  attelle  un  fait  dont  la 
certitude  ne  peut  pas  étreconteftée:  unfait  conftaté  parpluflcurs  procès -verbaux 
au  dcfl'us  de  tout  contredit  :  un  fait  qu'il  a  lui-même  vu  de  fcs  yeux  6c  qu'ilacxa- 
miné  avec  une  attention  &  des  précautions  qui  ne  peuvent  lui  laiff'er  aucun  doute  ? 

Quoi  !  Nicra-t-on  que  la  D  ''.  Fourcroy  n'ait  cii  pendant  près  d'un  an  le  pied 
gauche  tout  renverfé,  hidcufement  contrefait  6c  foudé  aux  os  de  la  jambe  par  une 
ancbvlofe  complctte?  Mais  c'eil  im  fait  qui  eil  de  la  connoilTance  de  tous  ceux  qui 
ont  vu  cette  fille  pendant  cette  année,  6c  qui  cinq  jours  avant  le  miracle  a  été  encore 
vérifié  p:u-cinq  célèbres  Chirurgiens,  qui  i'ur  le  champ  en  ont  drclle  leur  rapport. 
Niera  - 1  -  on  que  toute  la  diflx)rmité  du  pied  de  cette  fille  n'ait  tout  à  coup  difpa- 
nie  le  foir  du  la.  Avril  173  z  ?  que  les  os  6c  toutes  les  autres  parties  de  ce  pied  n'a- 
ient repris  dans  ce  moment  une  forme  régulière  6c  qu'il  n'ait  acquis  fur  le  champ 
toute  laforceôc  l'agilité  qu'un  pied  peutavoir?  Maisc'elUc  if .  Avril:  c'eft  le  len- 
demain de  ce  miracle,  que  M.  Souchai  voit  lui-  même  ce  pied  dans  l'état  le  plus 
parfait,  êc  fans  qu'il  relie  aucun  vellige,  aucunetracc,  aucune  indice  de  toutes  fes 
difformités  paflccs.  Cette  mei-veille  cil  en  même  tems  certifiée  par  pluficurs  autres 
Maîtres  de  l'art,  à  qui  l'admiration  qu'elle  leur  caufcn'a  p;is  permis  dercfuferd'cn 
rendre  témoignage.  Enfin  la  démarche  aiféc,  ferme  6c  légère  de  la  D'''.  Fourcroy 
depuis  cette  transformation  fi  admirable,  n'elt-elle  pas  une  preuve  palpable  & 
publique  de  la  perfeélion  de  fa  guérilon? 

Comment  donc  M.  Souchai  peut-il  craindre  qu'on  rcfufe  d'en  croire  àfon rap- 
port? C'elt  qu'il  voit  toutes  les  puilTances,  c'cll  qu'il  voit  prçfque  tout  le  monde 
ligué  en  ce  fiecle  contre  les  œuvres  de  Dieu,  6c  fur  tout  contre  les  convulfions , 
&  qu'il  fent  que  tous  ces  puiflans  adveiiaires  n'appercevront  dans  ce  miracle  qu'- 
une décifion  qui  condamne  leurs  fentimens,  6c  qui  par  conféqucnt  ne  peut  man- 
qucT  de  leur  être  odicufe. 
Ha  Scisneur  !  C 


'5 


"cft  en  vain  que  vôtre  lumière  frapera  les  yeux  fi  vous  ne  la  répan- 
des dans  les  cœurs  !  Qu'elle  foit  en  même  teins  une  tlamnicqui  no  is  éclaire  6c  un 
feu  qui  nous  embraie  !  Mais  afin  qu'elle  fille  pUis  d'imnidlion,  daignes  me  faire  prou- 
ver d'une  manière  fi  forte  que  ce  prodige  n'a  pu  être  fiit  que  par  vous,  que  tout  le 
monde  foit  forcé  de  vous  en  rendre  gloire ,  6c  de  vous  reconnoître  dans  toutes  vos 
œuvres!  C'eil  la  fin  que  je  me  propofe  dans  la  piopolition  luiv;mte  :  mais  tous 
mes  efforts  feront  inutiles  fi   vous  ne  daignés  les  bénir  ! 

IV.     PROPOSITION. 

L»  transformation  fubite  ^  6?  la  guéri fon  parfaite  de  la  difformité  dn  pied  de  la  D  '■' . 
Fourcroy ,  ne  peuvent  être  attribuées  qu'à  Dici ,  non  plus  <jue  Us  moicienuKS  cotivuljîfs 
par  le/quels  il  lui  a  plù  d'annoncer  y  d^pcrcr  ce  prodige. 

UE  de  mcn'cillcs  nous  prélente  cette  guérifon  mir.iculcufc  !  A  combien  de 
traits  la  Toutc-puilTance  nes'yell-cllepas  fait  connoitie?  QiicUe  multitude 
de  prodiges  fortis  tout  à  la  fois  des  mains  de  la  Divinité  !  Qiic  (.ropcrations  au 

de  il  us 


Q 


OPE'RE'  SUR  M.  J.   FOURCROY.  39 

âeffvis  du  pouvoir  de  tout  être  créé  113  falloit  -  il  pas  faire  pour  produire  cette  gue- 
rifon  avec  tant  de  perfection  Se  de  promtitude  ? 

II  fàlloit  d'abord  guérir  ir.iC  anchylofc  complette  :  &  voilà  que  tout  à  coup  I:i 
finovie  pétrifiée  dans  l'articulation  depuis  près  d'un  an,  cette  lînovie  qui  avoit  per- 
du toutes  fes  premières  qiuilirés,  &  qui  avoit  .icquis  encore  plus  de  dureté  que  les 
os,  fe  change  en  une  liqueur  douce,  coulante  £c  onctueufe  ! 

Il  filloit  rendre  leur  première  forme  à  des  os  gonflés ,  contournés,  èc  dont  les 
feuilles  s'étoient  dérangées  &  confondues:  à  des  os  réunis  &  confolidésenfemble 
d'une  manière  contrefaite  :  &  voilà  que  ces  os  fe  décollent  &  recouvrent  en  un 
inftant  leur  ancienne  figure  ' 

Il  falloit  fondre  8c  diiTîper  une  grofleur  confidérable  8c  très  dure  qui  étoit  au 
deflus  de  la  cheville:  Scvoilà  que  cette  groffeur  difparoît  en  un  clin  d' œil  !  La  fi- 
novie pétrifiée  qui  la  rempliflbit  ell  fubitemcnt  anéantie  ;  la  peau  dilatée  qui  la 
couvroit  eft  réduite  à  fa  première  étendue  :  Se  cette  bofle  en  cerfant  d'être ,  ne  laific 
aucune  ride,  aucune  marque,  aucune  trace  qui  puifîe  fiire  reconnoitre  la  place 
où  elle  avoit  été  ! 

11  falloit  rétablir  le  tendon  d'Achilles,  qui  aiant  été  brûlé  par  une  humeur  cor- 
rofive,  s'étoit  fi  deffëché,  i\  racorni  &  fi  excéflîvement  racourci  qu'il  avoit  forcé 
le  talon  de  remonter  dans  la  jambe  :  &:  voilà  que  toutes  les  parties  que  ce  tendon 
avoit  perdu  font  fur  le  champ  régénérées  !  Il  s'allonge:  il  s'étend:  il  fe  remue:  ilfe 
retrouve  avoir  tout  le  jeu,  tous  les  refibrts,  toute  la  vigueur  5c  toute  l'élafticitc 
qu'il  avoit  cû  avant  fon  defi'échement. 

Il  falloit  réparer  tous  les  mufcles,  dont  les  uns  av oient  été  forcés  bien  au  delà 
de  leur  étendue  naturelle  par  le  rcnverfcmcnt  du  pied  :&  les  autres  ayant  été  pref- 
fés,  comprimes,  &  afiaiOes  par  cette  contorfion,  étoienr  rentrés  en  eux-mêmes 
&  s'étoient  depuis  long-tems  fixés  dansée  racourciflcment  :  &  voilà  que  tout  eft  re- 
nouvelle ,  la  finovie ,  les  os ,  les  tendons  &  les  mufcles  dans  un  fi  grand  point  de  per- 
feétion ,  eue  ce  pied  non  feulement  reprend  toute  fi  fouplefTe  6c  fon  agilité  ;  mais  il 
acquiert  fur  le  champ  tant  de  force ,  qu'il  foutient  lans  peine  tout  le  poids  d'un  corps 
qui  s'élance  en  l'air,  &  qui  retombe  à  plomb  fur  toutes  ces  parties  fi  récemment 
régénérées ,  changées  de  forme  &  rétablies  dans  leur  état  naturel  ! 

Il  y  a  ici  tout  à  la  fois  anéantiifement ,  création,  tranfmutation  d'efpeces.  Or 
ce  feroit  un  blafphcme  d'attribuer  aucune  de  ces  trois  opérations  au  Démon. 

Non  feulement  Dieu  feul  peut  créer  &  anéantir,  mais  il  peut  feul  rendre  leur 
première  forme  à  des  parties  qui  ont  changé  de  nature,  parce  qu'il  peut  feul  pro- 
duire un  effet  qui  n'ell  contenu  dans  aucune  caufe. 

Le  Démon  ne  peut  agu-  fur  la  matière  qii'en  cm.ploiant  les  moiens  qu'il  trouve  dans 
la  nature  :  i!  ne  peut  rien  opérer  que  par  l'application  &  ia  vertu  des  caufcs  naturel- J',^'  ^''^' 
les  :  applicatione  a£fi-vornm pafjïvis ^  dit  S.Thomas  dans  fa  Somme  Théologique.       '^'^'f- 

AmTi  ce  fcavant  Père  de  lEglife  donne-t-il  pour  principe  que  „  tout  change- 
„  ment  de  forme  dans  les  corps,  qui  ne  peut  naître  des  caufes  naturelles ,  ne  peut 
„  fe  rapporter  en  aucune  manière  à  l'opération  des  Démons  : /r.-z«/»/«/i7//o»n(ror- 
poraliion  renim,  qua;  ■nonpojj'unt  virîntc  nature  fier  i  jinllomodo  opérât  ionc  chsmoniorum  i'>'<i  a  rit, 
fecundum  rei  yeritatem  ^perfici polj'iint .  „  Ainfi  (ajoute-t-il)  fi  les  Démons  paroiflent*'^''"  '"''" 
„  quelquefois  produire  de  tels  effets  ,  ce  n'eff  que  felori  de  trompeuies  apparences 
„  non  félon  la  vérité.  Et  fi  aliquando  aliquid  talc  opcratione  d.-e'moniorumficrividea-'^^''^'- 
fur,  hoc  non  eft  fecundum  rci  •veritatem  ,  fed  fiecundum  apparentiara  tantum. 

De  forte  ,  fuivant  ce  g-nnd  Théologien,  qu'on  doit  regarder  comme  un  prin- 
cipe inconteftable  que  toute  opération  merveilleufe  du  Démon ,  ou  n'efl:  qu':'.ppâren-' 
îc  :  fecundum  apparentiamîantum.  Ou  fi  elle  eil  réelle ,  ne  paffe  point  les  forces  delà. 


nature,. 


49  DE'MONSTRATION   DU  MIRACLE 

•«>y.  a>    nature,  ^lidqttid  facit  yingelus.. . .  dit -il  encore,  hoc  fctcit  fecundum  ordiHtmnH' 
■no.  Cf.    f,jy^  créât  if. 

On  doit  conclure  de  ce  principe  iî  chir,  li  précisée  fl  lumineux,  que  fi  le  Dé- 
mon a  p;iru  autrefois  &:  paroit  peut-être  encore  aujourd'huy  foire  quelque  elpece 
de  tranformations ,  ce  ne  font  que  des  prodiges  me.iteurs ,  comme  S.  Paul  appelle 
les  merveilles  que  fcmble  faire  cet  cfprit  impolteur.  Ce n'ellqu'illufion^:  qu'ar- 
tifice opérés  avec  encore  plus  d'adrclTc,  Se  une  plus  prompte  agilité  que  ne  font 
les  joueurs  de  gobelets ,  lorfqu'ils  paroifient  changer  tout  à  coup  leur  baguette 
en  un  fcrpent,  ou  en  quelqu'autre  chofe.  Ainfi  l'on  doit  croire  que  ces  transfor- 
mations n'ont  cffccrivement  rien  de  réel  8c  de  merveilleux,  que  la  fubtilité  avec 
laquelle  le  Démon  fubllitue  une  choie  à  la  place  d'une  autre,  ce  qu'il  fait  avec 
une  fi  prodigieufe  vitefle  que  les  yeux  y  font  trompes. 

Mais  quand  il  s'agit  de  rétablir  réellement  des  membres  eftropicsdans  un  corps 
vivant ,  toute  la  fubtilité  du  Démon  lui  ell  inutile  :  to'.is  lirs  artifices  font  impuillans, 
.parce  qu'un  tour  d'adrefle ,  ou  une  vainc  apparence  ne  fuffifent  point  en  pareil  cas. 

En  un  mot  il  ne  faut  p;is  perdre  de  vue  que  le  Démon  ne  peut  produire  aucun 
cftct  réel  que  par'dcs  moicns  naturels.  Dieu  feu! ^  dit  encore  S.  Thomas  en  plu- 
fieurs  endroits  de  fa  Somme  'i'Iiéologique  peut  faire  ce  qui  ejl  audejj'us  de  Vordre gé- 
néral de  la  nature.  D'où  il  fuit  encore  que  Dieu  Icul  peut  régénérer  d'une  manière 
iubite,  parce  qu'agir  de  la  forte  c'ell  s  élever  au  dclllis  des  régies  qu'il  a  établies, 
aiant  voulu  que  la  nature  n'opérât  rien  que  fuccelîivement ,  6c  avec  un  tems  pro- 
portionné à  l'effet  qu'il  lui  fait  produire 


part 

fe  comme  il  lui  plait  des  êtres.  Mais  h  celt  Dieu  qui 
teur  de  ce  miracle,  les  mouvemens  convulfifs  qui  l'ont  annoncé  ôc  qui  ont  con- 
couru à  fon  opération  ,  peuvent  -  ils  avoir  un  autre  Auteur  ? 

Le  Icétcur  à  déjà  viî  la  preuve  dans  les  faits  que  j'ai  rapportés,  que  ces  mou- 
vemens convulfifs  avoient  été  dès  leur  premier  infiant,  un  écoulement  delaver- 
\\x  que  Dieu  a  déjà  tant  de  fois  donnée  à  la  précicufe  poufiiere  du  Tombeau  de 
celui  qu'il  a  rendu  le  plus  illufire  des  Ap(>ellans  :  6c  que  le  Tout-puilfant  avoit 
.d'abord  emploie  ces  mouvemens  impétueux  pour  guérir  fubitement  la  D'''î  Four- 
cro.y  de  plulkurs  maladies  qui  l'avoicnt  réduite  à  la  drrniere  extrémité.  S'il  a  dif- 
féré de  la  guérir  en  même  tems  de  fon  anchylole,  l'événement  a  rendu  m.-.nifeilc 
qu'il  ne  l'a  fait,  que  parce  qu'il  a  voulu  qu'on  fit  auparavant  conllater  delà  ma- 
nière la  plus  autentique  la  difformité  extrême  2c  lincunibilite  palpable  de  ce 
pied  tout  contrefliit. 

Mais  de  quel  moicn  le  Très  haut  s'ell-il  fervi  pour  mettre  d.ins  le  cœur  de  la 
D'ie.  Fourcroy  rcmpreflcment  avec  leqiiel  elle  a  fait  faire  des  procès- verb.iux  de 
l'état  de  ce  pied  par  tant  de  célèbres  Chirurgiens.'  Câ  été  en  lui  cnvoiantunfig- 
ne  de  la  guerifon  prochaine  de  fon  cilropiment  :  figne  '  qui  la  remplit  d'une  confian- 
ce "il  parfaite  ou'cllc  rendoit  déjà  grâces  à  Dieu  de  la  guerifon  avant  de  l'avoir  ob- 
tenue, &  qu'elle  auroit  voulu  pouvoir  faire  affembler  chez  elle  tous  les  Chirur- 
giens de  P-iris  pour  leur  montrer  une  difformité  fi  hideufe,  Sc  les  convaincre  par 
leurs  propres  yeux  que  cet  état  ctoit  abfolument  irrémédiable  à  toutes  les  rcfibur- 
CCS  de  la  n.'iture  6c  de  l'art. 

Or  quel  à  été  ce  figne?  Il  a  confifi;é  en  des  convulfions  d'une  violence  extrê- 
me précifémcut  dans  la  jambe  au  bout  de  l.iquelle  ctoit  le  membre  eliropié.  Nos 
témoins  certifient  que  cette  jambe  frapoit  avec  tant  de  force  tout  ce  qui  fetrou- 
voil  auprès  d'elle ,  qiCi  ilc  auroit  dû  naturellement  Je  cajJhpUiJieursfois ,  5c  né;mmoins 

que 


OPERE'  SUR   M.  J.   FOURCROY.  41 

que  les  coups  qu'elle  s'y  donnoit  n'y  caufoient  pas  la  plus  legcrc  meurtrinurc. 

Qui  ofera  faire  honneur  de  ce  prodige  à  l'Ange  de  ténèbres?  Quoi!  Dieu 
lui  avoit  il  révèle  qu'il  vouloir  guérir  ce  pied  fi  contrefait  ?  Quoi  !  cet  efprit  in- 
fernal eft-il  donc  devenu  un  Ange  de  lumière,  enforte  que  brûlant  du  defir  de  con- 
tribuer à  la  gloire  de  Dieu  &  à  l'édification  des  hommes ,  il  ait  fiit  un  prodige  dans 
la  vue  défaire  prendre  à  la  D"''.  Fourcroy  Icsmoiensde  rendre  inconteftable  le  mi- 
racle qui  s'alloit  opérer  fur  elle  ?  Enfin  ceprodige  a  été  lafource  &  le  canal  de  la 
foi  vive  avec  laquelle  la  D"^.  Fourcroy  a  efpéré  ce  bienfait  de  Dieu:  l'opération 
du  Démon  feroit-cllc  naître  dans  les  âmes  la  foi  qui  obtient  les  miracles  ? 

Il  feroit  donc  d'une  abiurdité  palpable  d'attribuer  ce  prodige  à  fatan  ?  Et- 
n'eft-il  pas  au  contraire  d'une  évidence  manifefte  que  les  mouvemens  convul- 
fîfs  qui  ont  annoncé  ce  miracle  ont  eu  le  même  Auteur  que  le  miracle  même  ? 

Ce  n'cll;  pas  tout:  Dans  l'in  fiant  précis  du  miracle,  Dieu  a  voulu  marùfellcr 
encore  que  ces  mouvemens  étoient  fon  ouvrage.  Dans  le  tems  qu'il  dilfoud  la 
finovie  pétrifiée:  dans  le  moment  qu'il  rend  aux  os  leur  forme  naturelle,  dans  l'inf- 
tant  même  qu'il  fait  toutes  les  autres  merveilles  dont  nous  avons  parlé:  dans  cet 
infl:ant,  dis-je,  il  remue  ce  pied  de  tous  côtés  avec  une  fi  prodigieufe  vitefle  que 
(Il  figure  échappe  prefqu'à  la  vue. 

Qui  ne  voit  que  Dieu  a  voulu  emploier  ce  mouvement  convulfif  pour  ache- 
ver de  broier  &  de  liquifier  la  finovie  :  pour  allonger  les  mufcles  rétrécis  &  les 
tendons  racourcis  &  retirés  :  en  un  mot  poin-  mettre  le  dernier  degré  de  perfec- 
tion à  cette  guérifon  fi  merveilleufe  ?  OrleTout-puifiantn'apasbeioin  de  moiens 
pour  exécuter  ce  qu'il  lui  plait  de  faire  :  dès  qu'il  veut  tout  eftfait;  dixit  ^  fa&a 
Junt.  Donc  s'il  s'ell  fervi  de  ce  moien  ,  ce  n'ell  que  parce  qu'il  a  voulu  nous  faire 
connoître  qu'il  étoit  l'Auteur  furnatuel  de  ces  mouvemens  convulfifs,  puifqu'il 
les  emploioit  à  opérer  vifiblement  un  miracle. 

Au  refte  je  ne  prétens  nullement  conclure  de  cet  exemple  que  Dieu  foit  le 
principe  de  toutes  les  convulfions ,  ni  autorifcr  par  là  tout  ce  que  la  D''.  Four- 
croy a  pu  faire  ou  dire  en  cet  état.  Je  prétens  feulement  prouver  que  Dieu  agit 
dans  cette  œuvre.  Or  s'il  y  prend  part ,  ce  ne  peut  être  qu'en  Maître  abfolu  : 
s'il  manifefte  la préfence  dans  une  œuvre  fi  obfcure  &  fi  extraordinaire,  il  a  lans 
doute  de  grands  defi'eins  :  des  defleins  dignes  de  fa  haute  haute  fagefle ,  Se  de  la  profon- 
deur de  les  confeils  :  &  s'il  permet  aux  hommes  &  au  Démons  de  mêler  du  leur 
dans  cette  œuvre,  il  ne  le  permet  qu'autant  que  tout  ce  qu'ils  font  cadre  à  fes 
vues,  &  entre  dans  le  plan  qu'il  s'ell  propofe. 

Je  fuis  d'ailleurs  très  convaincu  que  les  Convulfionnaires  dans  l'état  ordinaire 
de  1cm"  convulfion  ne  font  point  totalement  privés  de  leur  liberté  :  qu'ils  ne  font 
nullement  exempts  de  fe  laiflèr  tromper  par  les  artifices  &  les  fuggellions  de  fii- 
tan,  Se  qu'ils  font  la  plupart  de  leurs  actions  par  la  détermination  de  leur  libre 
arbitre  :  mais  tout  cela  demande  une  trop  longue  explication  pourctredévclopé 
dans  la  propofition  que  je  traite. 

Ah  !  Qu'il  feroit  important  pour  le  Public  d'avoir  une  idée  jufle  de  cette  œu- 
vre ,  qui  nous  annonce  tout  :i  la  fois  de  grandes  miféricordes  &  une  grande  colè- 
re ,  de  grandes  grâces  Se  de  grands  châtimens  :  Sc  qui  par  fes  obfcurités ,  Se  par  la 
malice  des  hommes  Se  les  artifices  des  Démons ,  crt  devenue  une  pierre  d'acho- 
pement  Se  unfujet  de  fcandale  pour  un  fi  grand  nombre  de  perfonnes  :  A  quoi  ne 
m'expoferai  je  pas  de  tout  mon  cœur  pour  rendre  un  fi  grand  fervice  à  mes  frères. 
C'eft  vous  fans  doute ,  6  mon  Dieu  qui  formés  en  moi  un  defir  fi  généreux  !  Ha  ! 
fi  c'cft  vous,  fourniflcsmoi  donc,  je  vousfiipplic,  les  moiens  de  l'exécuter  >  Voui 
favcs  combien  j'en  luis  incapable  par  moi-mcme  :  vous  le  favés ,  je  ne  fuis  qu'erreur , 

///.   Dsmonjl.  Tome  IL  F  que 


I 


4i  DE'MONSTRATION  DU  iMIRACLE 

quefoiblefle,  £c  qu'ignorance.  Mais  quel  trait  de  lumière  me  f-ntes  vous  entrevoir! 
Vous  me  mettes  ious  les  yeux  l'exemple  de  l'aveugle  ne ,  qui  fit  paroître  au  grand 
jour  l'aveuglement  des  Doâreurs  par  la  lagcnc  de  fcs  reponfes ,  parceque  vous  les 
formâtes  vous  même  dans  Ion  cœur  &  dans  fon  cfprit.    Vous  me  faites  trouver 

lufl.  mor.  fous  la  main  cette  réflexion  fi  judicieufe  :  „  on  eft  bien  fort  quand  on  a  la  vérité 

'  '"*■  °'„  de  Ion  côte.  Un  ignorant  s'engage  à  difputer  contre  dcsfavans  èc  des  Doéteurs 
„  de  la  loi ,  &  les  confond  :  parce  que  la  vérité  combat  en  lui  ,  &  que  fcs  ad- 
„  verfiires  combattent  la  vérité.  „ 

Au.  !'i'.'"     -^ppoUon ,  quoiqu'il  ne  fût  que  Cathécumcne,  fût  emploie  par  l'Efprit  Saint  à 

V.  aj.       expliquer  la  i-oie  du  Seigneur. . . 

„  Qiiand  un  homme  eft  capable  de  faire  connoître  ....  la  vérité  Se  que  Dieu  lui 
„  en  préfente  l'occafionj  fon  talent  &  fon  zélé  font  voir  fa  vocation  en  ce  point, 
„  ne  fût-il  que  Laique  6c  que  Cathécumcne  comme  AppoUon.  Dieu  en  lufcite 
„  quelquefois  de  tels  dans  l'Eglife.  „ 

Qiiiconquc  marche  fous  l'étendart  de  la  vérité  eft  affuré  de  la  victoire  j  mais  par 
la  voie  des  hiHïiî  liât  ions  8c  des  fouffrances. 

Qiioi  Seigneur?  Voulés-vous  me  fiire  comprendre  en  me  montrant  ces  exem- 
ples ,  que  par  amour  pour  mes  frères  je  dois  entreprendre  un  ou^■ragc  fi  fort  au 
dcfius  de  mes  lumières ,  de  mon  courage  8c  de  mes  forces?  Mais  il  vous  eft  ordi- 
naire de  vous  fervir  pour  les  plus  grandes  chofcs  des  inftrumcns  les  moins  propres  : 
vous  voulés  tout  faire  de  rien,  afin  que  l'homme  nepuiilefc  rien  attribuer ,  8c  que 
toute  la  gloire  du  fucccs  vous  en  foit  rendue.  Si  vous  daignés  m'emploiera  cette  œu- 
vre, je  rcconnois  que  ce  n'eft  qu'à  titre  du  plus  incapable  8c  du  plus  indigne. 
Vous  le  f.n'cs,  tout  ce  qucjedefirc,c'eft  de  faire  vôtre  volonté.  Qu'ai  je  à  crain- 
dre de  ma  foiblcflc  ,  fi  vous  êtes  vous-même  ma  force  ?  Dois-je  me  défier  de  mes 
ténèbres,  fi  vous  êtes  vous  même  ma  lumière,  vous  fans  qui  nous  ne  pouvons  for- 
mer une  feule  bonne  penfée? 

Je  vais  donc  quitter  les  démonftrations  des  miracles:  je  vais  faire  tous  mes  ef- 
forts pour  donner  à  mes  frères  une  idée  véritable  de  l'œuvre  des  convulfions ,  8c 
de  l'état  des  Convulfionnaires.  Vous  me  faites  appercevoir,  ô  mon  Dieu!  Sans 
doute  pour  m'cncouragcr,  que  la  multitude  des  préjugés  differens  qui  ont  ébloui 
une  grande  quantité  de  pcrfonnes,  ne  font  fondés ,  du  moins  la  plApait,  que  fur 
deseiTcursde  fait  qu'il  eft  très  facile  de  détniirc:  qu'il  ne  fuit  pour  cela  que  leur 
montrer  la  vérité  toute  nue  :  8c  que  fon  éclat  fera  fuffifant  pour  faire  difparoîtrc 
la  plus  grande  partie  des  ombres ,  dont  les  hommes  8c  les  Démons  fefont  eft'orcés 
de  l'envelopper. 

Mais  avant  de  commencer  un  fi  grand  ouvrage,  finiiïbns  la  préfente  démonf- 
tration  par  quelques  réflexions  fur  la  force  du  témoignage  des  miracles  :  8c  tâchons 
de  faire  fcntir  à  mes  frères  de  quelle  conféquence  il  eft  de  ne  point  abandonner 
de  vrais  miracles  à  fatan ,  par  le  mépris  ^  la  haine  qu'on  a  pour  les  convulfions. 
Je  viens  de  rapporter  des  preuves  inconteftablcs  d'un  miracle  évidemment  divin, 
8c  qui  eft  fi  intimement  lié  à  des  mouvcmens  convulfifs  qu'il  n'eft  pas  pofllble  de  leur 
donner  un  difl-'crent  principe.  Dieu  déclare  donc  par  des  miracles  qu'il  agit  dans 
l'œuvre  des  convulfions?  Or  c'eft  une  efpcce  d'impiété  de  rcfiftcr  à  fon  témoignage. 
I/évidcncc  qu'un  miradevicnt  de  Dieu  fuftît  pour  lui  donner  le  plus  haut  degré 
d'autorité,  8c  pourrcndrcinexcuf.iblcs  tous  ceux  qui  rcfufcnt  de  fe  foumcttre  à  ce 
qu'il  décide.  En  effet  comment  ceux  de  Corofain  8c  dcBcthfaide  auroicnt-ils  mé- 
rité le  terrible  anathcmcqucj.  C.  prononce  contr'cux  dans  l'Evangile,  s'ils  n'avoicnt 
été  indifpenfabicmcnt  obligés  de  fc  rendre  aux  miracles  qu'ils  .ivoient  vus,  quoi- 
«juc  ces  miracles  fuflcnt  alors  combattus  par  tous  les  Chefs  de  k  Religion? 

LC5 


I.2I-  11< 


OPE'RE'   SUR  M.  J.  FOURCROY.  4$ 

Les  mînicles  font  le  langage  par  lequel  Dieu  parle  aux  hommes,  Se  par  lequel 
il  leur  manifefte  fa  préfence  &  la  volonté  de  la  manière  la  plus  frapante.     Aufli 
c'cft  par  la  perfuafion  qui  réfulte  des  miracles  qu'il  a  fait  recevoir  l'Evangile  par 
toute  la  terre  ^  predicaverunt  uhiquè^  Domino  coopérante ,  l^  fermonem  confirmai- Min.  \0. 
te  fequentibas  fignis.  **'' 

C'eft  donc  ébranler  le  fondement  principal  de  la  Religion  que  de  combattre  l'auto- 
rité des  miracles,  parce  qu'en  dernière  analife  l'unique  moien  extérieur  d'une 
conviétion  infiillible  par  rapport  aux  vérités  qui  paflcnt  l'intelligence  humaine 
fe  réduit  aux  miracles?  Nous  ne  nous  foumettons  aux  décifions  de  l'Eglife  que 
parce  que  nous  croions  en  J.  C.  Or  J.  G.  n'a  prouvé  fa  Divinité  d'une  manière 
vifible  que  par  des  miracles ,  les  Prophéties  ne  failant  preuve  qu'en  tant  qu'elles 
font  une  efpece  de  miracle. 

Si  les  miracles  font  le  fondement  de  la  Religion  :  fi  les  miracles  font  la  voix  de 
Dieu,  qu'elle  témérité  n'y  a-t-il  point  de  les  méprifer  ,  de  les  rejettcr  fxns  exa- 
men, ^  de  les  attribuer  au  Démon  lorfqu'ils  font  au  contraire  manifeitement  Di- 
vins ,  n'aiant  été  obtenus  que  par  la  foi  &  par  la  prière,  6c  n'aiant  pu  être  opérés 
que  par  le  fouverain  Maître  de  la  nature. 

Voilà  néanmoins  ce  que  font  aujourd'hui,  non  pas  feulement  des  Conftitu- 
tionnaires,mais  même  des  Doéteurs  Appellans!  MM.  les  Confultans  aiant  réfolu 
de  profcrire  les  Convulfionnaires,  6c  ne  fâchant  comment  fe  debarralTer  de  l'au- 
torité des  miracles ,  ont  oie  fins  avoir  examiné  les  faits ,  décider  que  toutes  les 
guérifons  furnaturcUes  fxites  avec  les  convulfions....  ou  par  le  miniftere  des  Convulfion- 
naires dévoient  être  attribuées  à  un  agent  fort  diftingué  de  Dieu .  Ces  M  M .  à  la  vérité 
n'ont  pas  ofé  nommer  le  Démon.  Aiant  peine  à  lui  ficrificr  ainfi  des  œuvres  di- 
vines, fon  nom  leur  a  fait  peur:  mais  ne  font-ils  pas  la  même  chofe  que  s'ils  le 
nommoient,  lorfqu'ils  le  déiigncnt  ? 

Quoi?  L'on  verra  s'opérer  tout  à  coup  les  merveilles  les  plus  admirables! 
l'on  verra  des  membres  contrefaits  changer  fubitement  de  figure  :  des  membres 
eftropiés  guérir  en  un  clin  d'œil  dans  le  plus  haut  point  de  pcrfeétion  :  ôc  quan- 
tité d'autres  miracles  tousaufli  évidemment  Divins  opérés  par  le  mouvement  de 
la  convulfion  ou  par  le  miniftere  des  Convulfionnaires:  6c  parceque  les  convul- 
fîons  ne  plaifent  pas  à  ces  MM.  non  plus  qu'aux  puiiTances  delà  terre,  il  fiudra 
{ans  examen  livrer  tous  ces  miracles  à  l'Ange  apollat,  &  le  regarder  dorénavant 
comme  un  fécond  maître  de  la  nature,  Se  comme  partageant  avec  Dieu  fa Toute- 
puiffance  &  fi  qualité  incommunicable  de  Créateur  ! 

Ces  MM.  y  penfent-ils  de  mettre  de  telles  armes  à  la  main  des  plus  grands 
ennemis  de  leur  Appel  ?  Comment  n'ont-ils  point  prévii  le  fatal  avantage  qu'on 
tireroit  contre  la  vérité  du  pas  qu'ils  ont  fait  d'attribuer  à  fatan  les  miracles  opé- 
rés en  convulfion,  &:  entre  les  mains  des  Convulfionnaires? 

Ces  miracles  font  tout  aulfi  grands ,  tout  aufli  éclatans ,  tout  aufii  marqués  au 
fceau  delaToute-puiflluicedc  la  Divinité  que  les  autres  miracles  opérés  fans  con- 
vulfions  à  l'interccflion  du  B.  Diacre:  ils  le  font  même  tout  autant  que  la  plu- 
part des  miracles  opérés  fur  les  tombeaux  des  plus  grands  Saints. 

En  convenant  que  les  miracles  faits  à  l'intcrccfiion  .de  ce  B.  Appellant,  ont 
le  Démon  pour  auteur  lorfqu'ils  font  accompagnés  de  convulfions,  quelques 
grands  que  puilfent  être  ces  miracles ,  &  quoi  qu'ils  foient  le  fruit  de  la  foi  5c 
de  la  prière,  comment  ces  MM.  pourront  -  ils  juRificr  que  les  autres  miracles 
faits  par  la  même  interceilion  ont  eii  un  auteur  différent? 

S'ils  fe  font  mis  en  quelque  forte  hors  d'état  de  le  prouver ,  quelles  funeftcs 
conféqucnccs  ne  rél"ukc-t-il   pas  d'un  fi  téméraire  aveu  ?  Si  c'cft  le  Dcmon  qui 

■     F  2  fait 


44  DE'MONSTRATION  DU  MIRACLE. 

f.ut  des  miracles,  dont  le  but  principal  cft  de  prouver  que  la  caufe  de  l'Appel eft 
celle  de  la  vérité  ,  la  caufe  de  l'Appel  eft  donc  celle  du  Dcmon?  Et  conféquem- 
ment  le  fiftcme  des  Moliniftes,  qui  eft  dirctStement  contraire  à  la  doctrine  des 
Appellans  ,  eft  donc  la  faine  doftrinc?  Cependant  les  Appcllans  ne  foutiennent 
que  ce  qu'ont  enfcigné  S-  Paul,  S.  Auguftin,  S.  Thomas  ,  Se  ce  qui  a  été  crû 
6c  pratiqué  par  tous  les  Saints  :  favoir. 
ir!>-  >•  4-      -^^  prédeftination  gratuite  :  c'eft  à  dire  que  Dieu  „  nous  a  élus  en  J-C.  avant 
"  s-         „  la  création  du  monde  par  l'amour  qu'il  nous  a  porté,  afin  que  nous  fuHîons 
„  faints  &  irréprehcnfiblcs  à  fes  yeux  :  nous  aiant  prédeftinés  par  un  pur  effet  de 
„  fa  bonne  volonté,  pour  nous  rendre  fes  enf;\ns  adoptifs  par  J.  C. 
ibid,  i.  s.      La  grâce  efficace  :  c  eft  à  dire  que  c^efi  par  la-  grâce  que  nous  fommes  fauves  en 
vertu  de  la  foi  ^  {5?  que  cela  ne  vient  pas  de  nous  .^  c'ejl  un  don  de  Dieu.  La  grâce  f^iit 
tout,  la  volonté  fixit  auffi  tout ,  l'une  &  l'autre  agiflant  par  une  opération  indi- 
vifible  :  mais  la  grâce  fait  tout  dans  la  volonté ,  Se  la  volonté  Ciit  tout  par  la  grâce  : 
ît.Berrara  totum(juidemhoc ,  {i?  totum  illa  :  fed  ut  totum  inillo  ^fic  totnmex  illâ.  La  grâce  ef- 
ficace loin  de  contraindre  la  volonté  ,  la  rend  bien  plus  libre  qu'elle  n'etoit  :  fon 
effet  eft  de  lui  faire  connoîtrc  les  véritables  intérêts  ,dc  les  lui  faire  aimer  ,  6c  de 
les  lui  faire  fuivre  par  (\\  propre  détermination.     Lorsqu'au  contraire  la  volonté 
n'eft  point  éclairée  par  une  grâce  efficace,  elle  fe  laifTe  entraîner  par  le  poids  de 
la  concupifcence ,  elle  cft  déréglée ,  aveugle,  infenféc  ,  &:  clic  s'enchaîne  elle-mâ- 
me  fous  le  joug  tiranniquc  des  pnffions. 

La  ncceffitc  de  l'amour  de  Dieu,  dont  le  Sacrement  de  Pénitence  ne  peut  difpcnfer. 
L'obligation  où  font  les  péclieurs  pour  obtenir  par  ce  Sacrement  la  rémiffion 
des  péchés  ,  d'en  avoir  un  véritable  repentir  &  une  réfolution  iînccre  Se  très  fer- 
me de  n'y    plus  retomber  :  ce    qu'il  cft  louvent  néccflairc  d'éprouver  pendant 
quelque  tems,  du  moins  par  rapport  aux  péchés  mortels. 

AINSI  fi  l'on  trouve  moiend'infinuer,  en  attribuant  au  Démon  les  miracles 
faits  en  faveur  de  l'Appel,  que  la  caufe  des  Appellans  eft  celle  del'cfprit  demen- 
fonge,  &:  qu'au  contraire  la  doftrinc  relâchée  des  Molinillcs  eft  celle  de  l'Efprit 
Saint ,  il  s'en  fuivra  que  S.  Paul ,  S.  Auguftin  ,  S.  Thomas  2c  tous  les  autres  Saints 
qui  ont  enfcigné  les  mêmes  vérités  que  ics  Appellans,  ont  tous  été  dansl'illufion, 
6c  quelques  miracles  que  Dieu  ait  fait  pour  canonifer  leur  foi,  &  confirmer 
leur  doctrine,  cela  ne  prouvera  plus  rien,  parce  qu'on  pourra  également  tuppofer 
que  c'eft  le  Dcmon  qui  a  opéré  tous  ces  miracles  pour  accréditer  les  erreurs  qu'il 
leur  avoit  fuggcrées,  &  qu'il  avoit  commencé  d'introduire  dans  l'EgUie  dès  le 
premier  tems  de  fon  établiffement. 

Ainfi  les  Moliniftes  &  leurs  adhérans  fe  trouveront  en  quelque  forte  autorifés 
à  livrer  au  Dcmon  ,  les  miracles,  les  Pères  de  l'Eglifc  ,  une  partie  confidérable 
de  la  tradition,  6c  même  jufqu'aux  Ecrits  de  S.  P.uil,  6c  (Ingulicrcment  fes  Epi- 
trcs  aux  Romains  6c  aux  Ephéflens,  comme  étant  diamétralement  oppolccs  au 
fond  de  leur  nouveau  fiftcme:  ^  il  faudra  dorénavant  regarder  Molina ,  San- 
chez,  Efcobart,  6c  les  autres  Auteurs  Jefuites  les  plus  relâchés,  comme  des  gens 
infpirés  par  le  S.  Efprit  pour  reformer  la  Religion  :  en  ouvrant  aux  pécheurs  imc 
voie  auffi  large  pour  panenir  au'bonheur  éternel  que  |.  C.  l'avoit  faite  étroite: 
en  déchargeant  les  Chrétiens  du  joug  trop  lourd  de  la  néccffité  de  l'amour  de 
Dieu  :  en  leur  apprenant  qu'ils  font  les  fculs  arbitres ,  6c  les  maîtres  uniques  8c 
abfblus  de  leur  falut:  en  leur  promettant  que  quelques  crimes  qu'ils  commettent, 
ils  auront  toujours  une  grâce  fuffifante ,  dont  Dieu  fera  oblige  d'augmenter  la  force 
à  mcfure  qu'ils  augmenteront  leur  concupifcence  ,  afin  qu  ils  foicnt  toujours  dans 
rtijuiUbrc,  £c  qu'avec  cette  grâce  commune  à  tous ,  ils  puiflcJ^t  en  tout  temsfc 

con- 


I 


OPERE'  SUR  M.  J.    FOURCROY.  4^- 

convertir  tout  d'un  coup  par  leurs  propres  forces:  en  reduifant  tout  ce  qu'on  doit 
à  Dieu  à  un  culte  purement  extérieur  &  à  la  réception  des  Sacremens,  fansgu'il 
foit  bcioin  d'y  apporter  la  plupart  des  difpofitions  que  les  Pères- de  l'Eglile  & 
plufieurs  autres  SS.  Docteurs  ont  décidé  être  nécefraires  :  &  en  enfeignant  qu'on 
doit  fur  le  champ  abfoudre  les  plus  grands  pécheurs  fans  s'cmbarrafler  de  leur 
faire  commettre  des  ftcriléges. 

Quelles  terribles  fuites  ne  peut  point  avoir  une  fuifle  démarche  !  Ha  !  Vé- 
nérables vieillards  retournés  au  jugement  :  6c  hatez,-vousderetra6ter  une  condam- 
nation û  inconfidérée  ! 

Mais  par  quelle  fttalité  ces  MM.  ont -ils  donc  hazardé  une  décifion  fi  perni- 
cieufe  !  C'eil  parce  que  lapliipartdes  Conlultans  n'aiant  point  vu  de  Convulfion- 
naires ,  on  leur  à  fait  confondre  ceux  dont  les  convulfions  font  marquées  au  fceau 
de  Dieu ,  avec  les  Auguftinifles  6c  les  Vaillantiiles,  qui  font  deux  fcéles  particu- 
lières formées  par  l'cfprit  de  mcnfonge:  6c  qu'on  a  répandu  tant  de  calomnies 
contre  les  Convulfionnaires  en  général,  6c  même  en  particulier  contre  quelques 
uns  de  ceux  qui  font  de  la  piété  la  plus  éminente,  que  ces  MM.  ont  regarde  tous 
les  Convulfionnaires  fans  exception  comme  des  pcrfonnes  d'une  conduite  très  luf- 
pefte.  Sur  quoi  je  dois  avertir  leLeélcur  que  fous  le  nom  de  MM.  les  Conlultans 
je  n'entendrai  plus  dorénavant  tous  les  ^o.  Dofteurs  qui  ont  foufcrit  la  confulta- 
tion,  dans  le  nombre  defquels  ie  fii  qu'il  y  en  a  plulieurs  qui  ne  l'ont  fait  que  fau- 
te de  connoître  l'œuvre  des  convulfions,  s'en  étant  malheureufement  rapportés  à 
la  faufle  idée  qu'on  leur  en  a  donnée:  je  fai  même  qu'il  y  en  a  quelques-uns 
qui  font  aujourd'hui  fichés  de  l'avoir  fignée. 

Je  ne  comprendrai  donc  fous  ce  nom  6c  fous  celui  d'Anti-convulfioniftes,  que  les 
véritables  auteurs  6c  promoteurs  de  la  confultation  ,  6c  ceux  qui  y  ont  donné  lieu, 
ou  l'ont  défendue  par  des  écrits  calomnieux,  tels  que  les  Auteurs  du  Journal,  des 
Siftêmes,  des  Vains-efforts,  des  libelles  contre  Charlote  Laporte,  du  Naturalif- 
me,  des  Examens  &:c. 

Je  reconnois  au  furplus  que  dans  le  nombre  de  ceux  qui  font  oppofés  aux  con- 
vulfions, il  y  a  piufieurs  perfonnes  très  refpeftables  ,  mais  qui  ont  eu  le  malheur 
de  s'être  laiflees  prévenir  par  les  affreufes  calomnies ,  6c  les  fables  impertinentes 
qu'on  a  débitées  contre  les  Convulfionnaires. 

Pour  donner  un  exemple  frapant  de  l'aveugle  fureur  avec  laquelle  on s'eft  dé- 
chaîné contre  les  Convulfionnaires,  il  ne  faut  que  rapporter  ce  que  le  [ournal  à 
eu  la  témérité  de  publiicr  contre  la  D"*.  Fourcroy  fous  le  nom  de  Roialie. 

Rcfalle,  enla  perfonrie  de  qui  ^  dit  cet  infâme  libelle,  on  a  prétendu  qu  il  s'était 
fait  unmiracle {^  qu'elle  avait  été  guérie  d''nne  achylofe  . .  .était  alors  ^i  S  te.  Péla- 
gie dans  la  mai  fan  de  force. 

L'Auteur  de  cet  'impudent  Journal  ofe  enfuite  avancer ,  qu'un  Curé  de  Paris 
qu'il  ne  nomme  point,  qui  eft  M.  le  Curé  dcS.  Severin  (car  à  nôtre  égard,  com- 
me nous  marchons  à  la  lumière  de  la  vérité,  6c  que  nous  ne  craignons  point  d'ê- 
tre démentis  ,  nous  nommons  tout  le  monde)  cet  Auteur  (dis-je)  avance  que  ce 
refpcftable  Curé  avoit  dit  que  ,  cette  Convulfionnaire  avoit  fut  pendant  bien  des 
„  années  le  métier  de  courtifane  fous  fa  paroifle,  6c  qu'au  bout  de  cetemsellefc 
„  mit  entre  les  mains  des  Chirurgiens  pour  être  guérie  d'un  malquielld'ordi- 
„  naire  la  fuite  d'une  telle  vie.  „ 

A  quoi  l'Auteur  du  Journal  ajoute  „  que  fon  état  aiant  rendu  la  maifon  defer- 
„  te,  elle  feignit  pour  fuppléer  au  défaut  de  fes  revenus,  d'avoir  une  maladie 
„  extraordinaire  .^. .  cet  artifice  lui  réuflit  :  les  aumônes  lui  vinrent  en  abondant 
„  ce,  6c  on  la  crût  fi  mal  qu'on  lui  fit  adminiftrerrExtrême-onftjon.  Quequel- 

F  5  „  que 


4(î  DE'MONSTRATION    DU   MIRACLR 

„  que  tems  après  elle  recommença  la  même  Icéne,  Se  M  ***.  Vicaire  de  kpa- 
,  roifle  très  relpcâic ,  &  qui  lui  avoit  dorme  l'Extréme-onftion  la  première  fois ,  lui 


,,  ce  dernier  Sacrement  à  cette  créature  qui  en  ctoit  bien  indigne. 

Voilà  iufqu'à  quel  excès  on  poudc  les  plus  noires  calomnies,  qu'on  s'efforce 
d'autorilcr  dans  le  public,  en  attribuant  à  des  perlbnncs  dignes  de  reipcd:,  des 
dilcours  fi  indignes  de  leur  carafterc.  Mais  le  public  ne  peut  manquer  d'en  être 
indigné,  quand  il  laura  quels  font  les  faits  dans  leur  exacte  vérité,  ôc  quels  font 
les  faux  prétextes  d'une  il  injurieuic  déclamation. 

La  D'".  Fourcroy,  qui  avoit  pafTc  fil  première  jcunciïe  dans  le  couvent  des 
Béncdiftines  de  Contlans,  Sc  dans  le  petit  couvent  de  S.  Cir,  fût  cnfuite  mifeen 
apprcntifage  chez  la  D'"-  Aboulard  ouvrière  en  dentelle,  qui  demeuroit  alors 
6c  demeure  encore  fur  la  paroilTeS.  Scverin.  La  D"^  Fourcroy  y  ell  reliée  pen- 
dant 3.  ans,  depuis  le  mois  de  Mai  1711.  jufqu'au  mois  de  Mai  1714.  C'ell:  de 
cette  époque  de  la  vie  dont  il  eft  ici  qucition,  puilqu'il  s'agit  du  tems  qu'elle 
a  demeure  fur  cette  paroifle. 

J'ai  été  moi-même  m'informcr  de  la  D''*.  Aboulard  qui  pafic  pour  Hvoir  une 
forte  de  piété,  lî  la  D""'.  Fourcroy  lui  avoit  donné  quelque  fujet  de  le  défier  de 
fa  conduite.  Elle  m'a  fait  réponic  que  cette  fille  avoit  prefque  toujours  été  ma- 
lade pendant  les  3.  ans  qu'elle  étoit  demeurée  cliez-elle;  qu'elle  nevoioit  qui  que 
ce  foit  :  &  qu'elle  ne  Ibrtoit  que  pour  aller  à  l'Eglife. 

Voici  préientement  quels  ont  été  les  trois  differens  prétextes  des  calomnies  du 
Join-nal. 

11  y  a  cû  fous  la  même  paroiffe  de  S.  Scverin  une  autre  D"^  Fourcroy,  belle, 
jirande,  très  bien  faite,  &  aimant  beaucoup  le  monde,  mais  néanmoins  de  qui 
on  auroit  grand  tort  de  parler  dans  les  termes  dont  fe  lert  l'Auteur  du  Journal. 
Cet  Auteur  ou  quelqu'un  de  fesadhérans  fit  entendre  à  M.  le  Curé  de  S.  Scverin 
que  la  Convulfionnaire  qui  avoit  été  miraculcufcment  guérie  d'une  anchylofe,  c- 
toit  la  belle  D'^".  L'ourcroy  :  fur  quoi  ce  Curé,  qui  apparemment  ne  connoilfoit 
de  réputation  que  celle-là,  dit  à  la  vérité  à  pluheurs  perfonnes,  qu'elle  avoit  de- 
meure bien  des  années  fur  fa  paroifle,  &  que  là  conduite  étoit  fort  fufpe.fte.  Ter- 
mes qui  ne  préfcntcnt  qu'une  vie  trop  mondaine ,  îîc  qui  font  très  differens  des 
difcours  aulîi  faux  qu'injurieux  qu'on  attribue  à  ce  refpcclable  Curé,  trop  pm- 
dent  &  trop  làge  pour  en  tenir  de  pareils  à  l'égard  de  perfonnes  telles  que  l'une 
èc  l'autre  des  D'ie*.  Fourcroi^ 

Au  furplus  le  lefteur  m'a  fans  doute  déjà  prévenu  £c  a  de  lui-même  fait  ré- 
fléxien,  qu'il  ell  fouvcrainemcnt  ridicule  de  fuppolér  qu'une  petite  bollue  toute 
contrefaite  ait  fait  pendant  bien  des  années  le  métier  de  courtifane. 

A  l'éiiard  du  difcours  qu'on  attribue  au  Vicaire,  il  regarde  eiVcftivcment  la  Con- 
vulfionnaire ,  &;  non  pas  la  belle  D'"-'.  Fourcroy  qui  a  toujours  joiii  d'une  très  bonne 
fantc  tandis  qu'elle  ctoit  fur  cette  paroifle.  Mais  voici  le  fiit  dans  fa  fimplicité. 

La  petite  oofliie  fc  croiant  bien  plus  malade  qu'elle  n'étoit,  le  fit  adminillror 
deux  fois  coup  fur  coup  l'Extréme-ondion  par  M.  le  V^icaire  de  S.  Scverin.  La 
deuxième  fois  ce  Vicaire  s'appercevant  qu'elle  n'étoit  point  du  tout  en  danger  de 
mort,  lui  repréfentàt  qu'il  n'étoit  pas  d'uiage  de  donner  fi  fouventrKxtrêmc-onc- 
tion  à  des  malades,  fur  tout  lorlqu'ils  n'etoicnt  point  en  un  péril  cmincnt ,  & 
lui  dit  qu  il  la  prioit  de  ne  plus  requérir  ce  Sacrement  des  mourans  à  moins  qu'elle 
n'eût  le  certifier  d'un  Médecin  qu'elle  ctoit  \ériiablemcnt  en  danger. 

Voilà 


\ 


OPE'RE'  SUR   M.  J.  FOURCROY.  47 

Voilà  comme  on  empoifonne  jufqu'aux  mouvemens  d'une  piété,  dont  le  dé- 
faut n'étoit  que  d'être  un  peu  trop  craintive. 

Au  relie  il  ne  faut  que  du  bon  fens  pour  être  convaincu  de  la  vérité  de  ce  que 
je  dis,  &  de  l'irnpofture  de  l'Auteur  du  Journal.  Un  ledeur  unpcufenfé  peut -il 
croire  qu'un  Prêtre  aulll  prudent  que  le  Vicaire  de  S.  Severin  ait  été  capable,  dans 
le  tems  même  qu'il  finiffbit  d'adminillrer  l'Extrême-on6bion  à  une  malade  de  décla- 
rer à  tous  les  alîîftans  que  la  pcrfonne  à  qui  il  venoit  de  donner  le  corps  adorable 
de  J.  C.  étoit  une  créature  qui  en  éîoit  bien  indigne"^.  N'eft-ce  pas  deshonorer  un 
Miniftre  du  Seigneur  que  de  l'accufer  d'avoir  tenu  un  tel  difcours  ? 

C'eft  ainfi  que  Dieu  permet  que  la  fureur  de  la  calomnie  aveugle  à  tel  point 
ceux  qui  en  font  pofledes ,  qu'elle  leur  fait  avancerdes  faits  dont  la  faufletéelt  pal- 
pable :  mentita  eft  iniqiiitas  Jîbi.  pr.  z6.  it. 

Je  ne  prétens  point  au  furplus  me  rendre  garant  de  toute  la  conduite  de  la  D"^ 
Fourcroy.  Je  fii  que  fon  frère,  qui  pafle  pour  avoir  toujous  eu  une  efpece  d'an- 
tipatie  pour  elle  ,  obtint  en  1730.  une  lettre  de  cachet  pour  la  foire  enfermer  dans 
la  maifon  de  force  de  Ste.  Pélagie:  mais  je  fai  auffi  que  tout  le  reftedefa  fimille 
s'y  oppofa  &  la  fît  révoquer. 

Au  refte  il  n'cit  point  vrai  que  la  D"^  Fourcroy  ait  été  un  feul  moment  dans 
la  maifon  de  force  de  Ste.  Pélagie.  La  Supérieure  &  le  rcfpeétable  Directeur  de 
cette  maifon,  m'ont  certifié  que  lorfqu'on  amena  la  D"'.  Fourcroy  pour  être  en- 
fermée dans  la  maifon  de  force,  la  Supérieure  fe  douta  en  voi;mt  la  figure  contre- 
faite de  cette  fille ,  que  l'expofé  fur  lequel  on  avoir  obtenu  cet  ordre  n'avoit  pas  été 
fort  fincere.  Elle  l'interrogea,  &  elle  fût  h  édifiée  de  (es  rcponies ,  que  dès  ce  mo- 
ment elle  la  retint  auprès^  d'elle  dans  la  communauté  extérieure  des  Religicufes , 
qui  eft  féparée  de  la  mailon  de  force. 

La  D-.  Cancelcre  femme  d'un  Contrôleur  des  rentes,  tante  6c  tutrice  delaD''«. 
Fourcroy  l'y  aiant  été  voir  peu  après,  voulut  l'emmener  chez-elle:  mais  la  D'i«. 
Fourcroy  qui  déjà  étoit  très  attachée  à  la  Supérieure,  pria  inftamment  fa  tante  de 
la  laifier  là ,  ce  qu'elle  obtint.  Cependant  quelque  tems  aprèsn'aiant  pu  refifteràux 
follicitations  6c  aux  ordres  réitérés  de  cette  tante,  elle  alla  enfin  dans  fa  maifon. 

La  D"^  Fourcroy  y  aiant  paffe  un  mois,  la  conjura  avec  tant  d'inftance  delà 
laifler  fe  remettre  fous  la  conduite  de  la  Supérieure  de  Ste.  Pélagie,  6c  fous  la  di- 
reftion  du  digne  Miniftre  qui  en  eft  le  confefleur,  qu'elle  en  obtint  la  pcrmiffion. 
Elle  y  refta  jufqu'après  la  guérilbn  de  fon  hidropifie,  qu'elle  alla  chez  la  D^.  de 
Vitri,  qui  l'aiant  defiréc  avec  ardeur,  la  reçût  avec  beaucoup  de  pie  :  elleyeût 
les  plus  vives  6c  les  plus  fortes  couvulfions ,  après  quoi  elle  voulut  encore  retourner 
à  Ste.  Pélagie ,  où  elle  a  refté  plufîeurs  années. 

Cet  emprelfemcnt  à  vouloir  toujours  vivre  ibus  les  yeux  d'une  Supérieure  fi  dig- 
ne de  gouverner,  6c  d'être  fous  la  conduite  d'un  guide  auili  éclairé  que  le  Directeur 
de  cette  maifon,  ne  marque  certainement  pas  un  cœur  corrompu. 

Mais  au  furplus  que  prétendent  donc  ces  MM.  en  débitant  tout  ce  fatras  de  li- 
belles diffiimatoires  contre  les  Convulfionnaires  !  Croient-ils  que  ce  foitlà  un  bon 
moien  pour  répondre  à  des  miracles  incontcftables  ?  Qiioi  !  Veulent -ils  donc  blâ- 
mer la  conduite  de  Dieu ,  6c  prouver  qu'il  a  tor4;  de  faire  des  prodiges  fur  des  per- 
fonnes  qu'ils  en  jugent  indignes?  . 

Qiiand  il  feroit  vrai  que  plufieurs  Convulfionnaires  auroient  eu  une  conduite  très 
rcpréhenfible  >  qu'en  pourroit-il  réfultcr?  Ces  grands  Doéteurs  ont  -  ils  donc  ou- 
blié que  la  rémijîon  des  péchés  eft  un  article  du  Credo  ?  Qiioi  !  Ne  fivent-ils  plus  que 
Dieu  fait  miféricordc  à  qui  il  lui  plaît ,  6c  qu'il  change  les  cœurs  dès  qu'il  lèvent? 

Qii'ils  ouvrent  l'Evangile  ôc  ils  y  trouveront  que  la  Samaritaine  eft  une  des  pre- 

mic- 


4»  DE'MONSTRATION  DU  MIRACLE 

R.  M.      miercs  à  qui  J.  C.  a  déclare  clairement  qu'il  étoit  le  Mdlîc.  Sur  quoi  le  célèbre  Au- 
J*"  ■*•      tcur  des  Réflexions  morales  obicrve  que  „J.C.  confond  les  Docteurs  orgueilleux, 
„  en  le  découvi-ant  à  cette  pauvre  femme  qui  eit  dans  l'erreur,  dans  le  fchifme , 
„  6c  dans  le  défordre,  plutôt  qu'aux  Hivans.  „ 

Mais  J.  C.  fait  encore  plus  :  il  fe  iert  de  cette  femme  pour  annoncer  aux  Samari- 
tains qu'il  cft  le  Chrifl h  Aleffic  ... .  le  Sauveur  du  monde  :  ils  vont  le  trou- 
ver, 6c  ils  apprcmicnt  ces  grandes  vérités  de  fa  propre  bouche. 

Si  J.  C.  avoit  pris  l'ai-is  de  quelqu'un  des  Auteurs  qui  ont  écrit  avec  tant  de  cha- 
leur contre  les  convul  fions,  6c  en  particulier  de  l'Auteur  des  Vains-efforts,  avec 
quelle  force,  avec  combien  d'éloquence  ce  gnmd  déclamateurncluiauroit-ii  pas 
déclaré  qu'il  n'étoit  pas  digne  de  lui  de  fe  fervir  d'une  telle  créature  pour  publier 
de  fi  grandes  6c  de  li  importantes  vérités  !  Mais  Dieu  juge  au  contraire  que  rien 
n'eft  plus  digne  de  fa  grandeur  6c  de  {x  fagelTe  que  d'emploier  aux  plus  grandes 
J«n4. 3?.  oeuvres  les  inlhumens  qui  nous  paroiflent  les  plus  vils.  „  Il  fait  voir  (dit  le  P.  Quef- 
„  nel)  en  fe  fcrvant  du  minillére  d'une  (telle  )  femme  pour  laconverfion  de  ces 
„  amcs  fi  éloignées  de  la  vérité,  que  tout  iniboiment  eft  égal  6c  mdifferent  à  celui 
„  à  qui  nul  n'eft  néccfîaire.  ,, 

Que  les  Samaritains  euflcnt  été  à  plaindre  fi  le  mépris  qu'ils  avoicnt  fujet  d'a- 
voir pour  le  canal  par  lequel  cette  vérité  leur  étoit  déclarée,  leur  cûtfervi  depré- 
ibu.  v.  4i.texte  pour  la  rejctter  fans  examen!  „  S'ils  l'avoicnt  rejette  (dit  encore  le  P.  Quef- 
„  nel)  quand  elle  leur  fiît  annoncée  par  cette  femme,  ils  ne  l'auroicnt  pas  entcn- 
Apo.  If.  J.  »  ^'^^  '^^  ^^  bouche  de  J.  C. ...    Dieu  (dit-il    ailleurs)  découvre  fcs  confeils  à 
„  une  foi  humble  6c  refpcftueufc  :  il  les  cache  à  la  raifon  orgueilleufe  6c  téméraire.  „ 

Ali  Seigneur  !  Qiie  notre  orgueil  6c  la  trop  grande  opinion  que  nous  avons  de 
nos  lumières,  ne  nous  fille  pas  oublier  que  vos  confeils  font  infiniment  au  dcfl'us 
de  notre  foible  intelligence,  6c  très  difterens  de  nos  foibles  penfécs! 

Ne  perdons  jamais  de  vue,  qu'il  eft  de  principe  que  la  raiibn  humaine  ne  peut 
découvrir  en  Dieu  que  les  décrets  néccflaires.  Qii'à  l'égard  des  décrets  libres  6c  pure- 
ment gratuits,  l'homme  n'eft  pas  capable  d'cnjuger  l'uivant  que  le  décide  S.  Tho- 
mas: 6c  que  ce  n'eft  que  par  la  comparailon  des  exemples  qu'on  trouve  dans  les 
jhc;ii.  5.  livres  SS.  qu'on  peut  en  pénétrer  quelque  chofe  :  ea  qu£  ex  fola  Dei  volunîate 
part.  9- 1-  ^proveniunt  J'upra  omne  debiîum  creatura ,  nobis  innotefcere  nonpojfunî ,  nifi  quatenui 
in  facra  firiptura  tradunîur. 

Ah  mon  Dieu  !  Que  vôtre  infinie  miféricorde  nous  délivre  de  cette  faufle  fagcP- 
fc  qui  veut  être  plus  fage  que  vous  ! 
Mat.i'5ii.     „  L'homme   tout  aveugle  qu'il  eft  (dit  le  P.   Qiicfncl)  fe  mêle  toujours  de 
„  trouver  à  redire  à  la  conduite  de  Dieu,  6c  de  juger  de  fcs  dcfieins  £c  de  fes  voies.  „ 

Ah  Seigneur  !  Donnés  nous  au  contraire  un  cœur  d'enfant  :  donnés-nous  cette 
fimplicitc  Chrétienne  que  vous  vous  plaifés  d'éclairer,  parce  qu'elle  cherche  avec 
humilité  la  lumière,  6c  qu'elle  ne  l'attend  que  de  vous  ! 

Je  n'ai  rien  à  vous  offrir,  ô  mon  Dieu!  que  l'aveu  de  mon  extrême  indignité, 
êc  de  mon  incapacité  notoire.  Qu'il  attire  fur  moi  vos  m  iféricordcs,  voslumieres, 
Je  vôtre  Efprit  !  C'cft  par  l'effet  de  votre  grâce  que  je  connoi^  mon  néant  :  j'cf- 
pére  que  cette  même  grâce  me /cndra  d'autant  plus  reconnoilîiint  de  vos  faveurs, 
que  je  m'en  fcns  plus  indigne.  Ainfi  foit-il. 


PIECES 


&®m 


^Cr 


PIECES  JUSTIFICATIVES 

DU  MIRACLE  OPE'RE'  SUR  LA  DEMOISELLE  FOURCROY. 

PREMIER  ACTE  DE  DEPOST. 


E  13.  jour  de  Novembre  1753.  après  midi 
eft  comparu  par  devam  les  Notaires  au  Châ- 
telct  de  Paris-fouirignes  ,  Marie-jeaniic  Fom- 
cioy  fille  majeure  demeurant  à  Paris  tue  des 
Gobelins  quartier  S.  Marcel  Paioifie  Saint 
Hipollitei  laquelle  craignant  que  les  pièces 
qui  conllatent  la  guerilon  miraculcufe  qu'il  a  plù  à  Dieu 
de  lui  accorder  le  14..  Avril  I7;2.  d'une  anchylole  qu'elle  a- 
voit  au  pied  gauche,  qui  fat  ce  jour  là  enricrement  diffipee 
en  un  moment,  ne  viennent  à  s'égarer,  a  dépofe  pour  mi- 
nute audit  Raymond  Notaire  douze  pièces. 

La  première  eft  la  déclaration  que  ladite  comparante  a 
faite  des  maladies  dont  elle  avoit  été  arteinie  julqu'audrt 
jour  14.  Avril  1737.  &  de  la  guerifon  fubite  arrivte  ledit 
jour,  de  l'anchylofe  qu'elle  avoir  au  pied  gauche;  laquelle 
déclaration  ou  relation  datiee  à  la  fin,  du  7.  Juin  de  ladite 
année  i"3i.  contient  quatre  pages,  &  environ  les  deuxriers 
delà  cinquième  page,  le  tout  entièrement  ecrir  de  la  main 
de  ladite  Comparaute  ,  ainfi  qu'elle  le  déclare,  &  par  elle 
Cgne  &i  ccnttôle  a  Paris  par  la  Croix,  le  14.  Novembre 
prefent  mois.  Declaiant  ladite  comparante,  que  depuis  le 
6.  juin  1731.  qu'elle  a  fait  ladite  déclaration,  il  a  p'.u  à 
Pieu  d'opeicr  encore  en  elle  plufieuis  changemens  dans  la 
figure  &  dans  la  conftiuftion  de  fes  os:  n'eranr  plus  bùlTue 
comme  elle  eroit  alors,  ainfi  qu'il  eft  appaiu  aux  Noraire» 
fouflignes  par  l'infpeâion  de  la  perlonne ,  &  aurres  change- 
mens qu'il  a  plu  a  Dieu  d'oj-erer  en  elle  par  le  recours 
qu'elle  a  toujours  eu  depuis  ledit  tems  a  l'interclfion 
du  Bien-heureux  François  de  Pâtis,  defquels  changemens 
elle  n'a  point  encore  drefl'e  la  declaiation  ,  &  n'en  a  point 
raflemble  les  preuves. 

La  féconde  eft  un  certificat  du  Sieur  Defvignes  Chimt- 
gien  entièrement  eciit  de  fa  main,  amli  que  ladite  Com- 
paranre  la  déclaré,  en  datte  duio.  Janvier  ae  la  prcleme an- 
née, figné  Defvignes,  &  conrtole  par  ledit  la  Croix  le  23. 
du  même  mois. 

La  troifieme  eft  un  autre  Certificat  du  S.  de  Manteville 
aufC  Chirugien  5c  Démonftiareur  en  Chirurgie,  pareille- 
ment écrit  de  fa  main ,  ainfi  que  la  Comparante  l'a  décla- 
ré,  eu  datte  du  27.  Decembte  173'.  Cgne  de  Manteville 
avec  paraphe.  Contrôlé  par  ledir  de  la  Croix  le  28.  Mars 
dernier. 

La  quatrième  eft  un  autre  Certificat  du  Sieur  Leaurc  Chi- 
rurgien Major, des  Gardes  du  Corps  du  Roi  aufli  entière- 
ment écrir  de  (à  main,  ainfi  que  la  Comparante  l'adcclaté, 
Tans  datte  figne  Leautc ,  avec  paraphe.  Courroie  par  ledit  la 
Croix,  le  19.  Janvier  dernier. 

La  cinquième  eft  un  autre  certificat  du  Sieur  Souchay  Pré- 
voft  en  charge  de  la  Communauté  des  Chirurgiens  ,  & 
Chirurgien  de  S.  A  S.  Monfeigneur  le  Prince  de  Conty , 
aufli  entièrement  écrit  de  la  mam  dudit  Souchay ,  ainfi  que 
la  Comparante  l'a  dcclaié,  en  datte  du  10.  Janvier  dernier, 
figne  Souchay.  Contrôle  par  ledit  la  Croix  le  24.  du  mê- 
me mois. 

La  fixiéme  eft  un  autre  Certific.it  du  Sieur  Sivert  Chi- 
rurgien major  des  Hôpitaux  de  l'Armée ,  entièrement  écrit 
de  fa  main,  ainfi  que  ladite  Comparante  l'a  déclare,  datte 
du  16.  Janvier  dernier,  figne  Sivert  avec  paraphe.  Contrôle 
par  ledir  la  Croix  le  19.  du  même  mois. 

La  fèpriéme  eft  un  autre  Certificat  du  Sieur  Granier  an- 
cien Prevoft  de  la  Communauté  des  Chirurgiens,  entière- 
ment écrit  de  fa  main ,  ainfi  que  la  Comparante  l'a  décla- 
ré ,  datré  du  16.  Janvier  dernier,  figne  Granier,  Conrrôle 
par  ledit  la  Croix  le  21.  Mars  aufli  dernier. 

La  huitième  eft  un  autre  certificat  du  Sieur  Séron  Méde- 
cin de  l'Arrillerie  &  de  l'Hôrel-Dieu ,  entièrement  écrit  de 
ù  main ,  ainfi  que  la  Comparanre  l'a  déclaré ,  du  2 J.  JuiU 

III,  Demonft.  Tome  IL 


1er  dernier,  figné  Séron  avec  paraphe.  Contrôlé  pat  ledit  de 
la  Croix  le  16.  Septembre  dernier. 

La  neuvième  eft  un  autre  certificat  du  Sieur  Guy  Mar- 
chand Bonnetier ,  entièrement  écrir  de  fa  main ,  ainfi  que 
la  Comparante  a  déclare  ,  du  14.  Janvier  dernier  ,  figue 
Guy ,  avec  paraphe.  Contrôle  par  ledit  de  la  Croix  le  2î. 
du  même  mois. 

La  dixième  eft  un  autre  certificat  du  S.  Simart  Libraire, 
entièrement  écrit  de  fa  main ,  amfi  que  la  Comparante  a 
déclare,  du  il.  Aoûr  dernier  ,  figné  N.  Simart.  Contrôlé 
par  ledit  de  la  Croix  le  14.  du  même  mois. 

La  onzième  eft  un  autre  certificat  de  la  Demoifelle  de 
Lunaque  fille  majeure ,  entièrement  écrit  de  fa  main ,  ainfi 
que  la  Comparante  a  déclaré ,  datte  du  premier  Mats  der- 
nier ,  figne  Lunaque.  Conrrôle  pat  ledit  la  Croix ,  le  28, 
du  même  mois. 

Et  la  douzième  &  dernière  eft  un  autre  certificat  donne 
par  la  Dame  Veuve  de  Vitry  Marchande  Teinruriere  da 
grand  &  bon  teint ,  entièrement  écrit  de  fa  main ,  ainfi  que 
ladite  Comparante  a  déclare  ,  datte  du  12.  Fevriet  dernier, 
figné  J .  B.  veuve  de  Vitry.  Contrôlé  par  ledit  la  Croix  le 
28.  Mars  auifi  dernier. 

Lefquelles  douze  pièces,  &c.  le  tout  demeuré  audit  Ray- 
mond Notaire. 

I. 

Re/ation  faite  par  la  Demoifelle  FouRCROY  ,  de 
fes  mal.idies  ôf  de  fes  giiévifons  S'  entr'autret 
de  la  guérifo>i  fitbite  &  parfaite  de  fon  Anchy' 
lofe  le  l^.  Avrtl  \-j-^i.  pendant  une  de  fes  convul- 
ftons.  Elle  rend  aiijjl  un  compte  très  intèreffant 
de  l'effet  que  firent  fur  elle  fes  convuljîons. 

JE  fouflignée  Marie  -  (eanne  Fourcroy  fille  majeure  âgée 
de  26  ans  &  quelques  mois.  Pénétrée  d'une  vive  re- 
connoiflance  des  miiaclcs  qu'il  a  plii  au  Seigneur  d'opé- 
rer en  ma  peifunne,  ai  fait  la  dédaiation  faivantc  pour  ren- 
dre gloire    a  Pieu  &  rcmoignage  à  la  vérité. 

En  l'année  i""!!.  étant  lors  âgée  de  cinq  ans  ou  envi- 
ron, je  tombai  en  langueur  &  en  chartre;  toutes  mes  dents 
même  tomberenr  &  je  devins  extraorrfinairement  nouée:  âc 
comme  je  ne  pouvois  plus  manger,  mon  pete  me  remit  ea 
nourrice. 

Tout  mon  corps  devint  entièrement  contrefait  &  tout  con- 
tourné ,  l'épine  de  mon  dos  fe  courba  &  prir  la  forme  d'u- 
ne S.  ce  qui  me  rendit  extrêmement  bolVue  vers  l'cpaule 
droite ,  Se  au  dcflirs  de  la  hanche  gauche ,  ces  deux  endroits 
de  mon  corps  étant  fort  élevés  ,  6c  l'epaulc  gauche  au  con- 
traire étant  renfoncée,  &  y  ayant  un  grand  ci  eux  vers  la  han- 
che droite;  attendu  que  les  fauflés  côces  étoient  renfoncées 
aufli.  De  plus,  l'os  de  macuifle  gauche  devint  toutcouibé, 
&  celui  de  ma  jambe  gauche  devint  en  arc:  j'eus  toutes  les 
clavicules  dérangées,  &  ma  rête  fe  trouva  placce  beaucoup 
plus  du  côte  gauche  que  du  co:e  droit;  de  façon  que  mo« 
épaule  gauche  étoit  très  courte  ,  5c  que  la  droite  ctoit  prés 
d'tme  fois  plus  longue. 

A  l'âge  de  fept  i  huit  ans  mon  pcre  me  fit  mettre  un 
corps  de  ftr ,  mais  il  ne  fervit  qu'à  me  faire  fouffrir  fans 
me  redreflér:  au  contraire  je  devins  de  plus  en  plus  contre- 
faite en  grandiflanr,  &  mon  vifage  devint  même  tout  de 
travers ,  &  ma  tête  panchee  fur  l'épaule  gauche  :  l'on  me 
mit  en  même  tems  une  bottine  de  fer  à  la  jambe  gauche, 
&  elle  fir  aufli  peu  d'effet  que  le  corps  de  fer.  Je  fus  ou- 
tre cela  affligée  fans  difcontinuation  de  quelques  maladies 
qui  fe  fiiccedoient  les  unes  aux  autres ,  &  dont  l'une  ne  p.il- 
loit  point  q[ii'il  n'eu  leviat  une  autre  ;  ce  qui  m'a  dure  juf- 
A  qu'au 


Pièces  jufiificatives  du  miracle 


qu*iu  11.  Mâts  17^1.  ioor  Al  (ommenccment  de  ma  gué-  après  je  devins  aveugle.  Le  mîme  Chirurgien  m:  dann» 

iilbn.    Emt'autrcs  maladies,  cii   \~i6.  à  l'âge  de  dix  ans  ,  d'une  eau  pour  mernelUrmciycui-.niaisbienloinqu'eUeme 

je  fus  anaq^ee  d'une  It  grande  mal.\dîc  de  poiuinc  Jcd'cflo;  fie  aucun  bien,  je  m'apper^ôs  à  ii'ca  pouvoir   douter  qu'elle 

mac ,  que  le  crachois  Te  Ung  &  vomilTois  quelquefois  iul-  ce  feivoic  qu'a  en  augmenrer  le  mal  :  &  des  les  premières 

qu'aux  marieres  fccalcs.îc  que  j'ctois  fouvent  plulicuis  jours  épreuves  je  ceflai  de  m'en  fervir 


uns  pouvoir  avaler  quoi  que  ce  put  être. 

Ce  mal  de  poitrine  &  d*cftoniaca  cependant  éic' quelque- 
fois foulage  pour  un  tenis  par  les  difurens  remèdes  qu'on 
m'a  donnes;  mais  la  poiuine  Se  l'cllcmac  n'ont  point  celle 
de  me  faire  de  la  douleur,  £c  je  (uis  toujoutt  relWe  fans  ap- 
pétit &  (ans  pouvoir  prefque  mange:  :  Se  tout  cela  fans  au- 
cune intcnuptioa  depuis  cette  atmee  1715.  juiqu' audit  jour 
11.  Mars  i';2. 


En  peu  de  jouis  mes  paupieics  fe  f^irmcfem  cmicrement , 
de  fa^on  que  je  ne  pouvois  plus  les  lever  qu'avec  les  doigts  : 
maisc'etoit  inutilement,  mes  prunelles  étant  toutes  aoubles 
&  Qc  voyant  plusdu  tout,  pas  même  les  plus  gros  objets,  mais 
feulement  la  lumière  comme  au  travers  d'un  épais  brouillard. 

Je  ne  m'adreffai  point  à  aucun  autre  Chiiurgieu,  eiaut  û 
rebutée  de  la  quantité  de  remèdes  que  j'avois  pris  inuilemew 
par  rapport  à  mes  autres  maladies,  que  j'avois  perdu  toute 


Au  mois  de   Janvier  I7;t.    quoi  qu'à  mes  autres  infitmi-  confiance  en  leur  ait,  &  que  j'etois  perfuadee  par  expeticnce 

tés  ordinaires  il  fe  fut  joint  une  gtolfe  tievie  continue  avec  que  j'etois  conl^imeedefa^on,  que  quand  ils  me  foulageoieiu 

des  redoublemens  ,    je  m'avifai  étant  feule  de  me   lever  &  dans  quelques  maladies,  il  ne  nunquoit  jamais  de  m'enre- 

de  vouloir  refaire   mon  lit.    l'ouï  cet  etîet,  ayant  voulu  le  venit  une  autre  plus  conlîderable  prefque  fut  le  cham;).    Je 

pouflcr  du    pied  gauche:  je  fis  un  effjrt  beaucoup  au  delTus  tombai  en  mcmetems  en  un  fi  grand  chagrin  que  tout  me 

de  mes  forces,  ce  qui  fit  enBer  mon  pied  conliJctablement  faifoit  peine:  &  j'avoue  avec  confjùon  que  jcnepùsfuppor^ 


l'endroit  de  la  cheville,  &  me  fit  beaucoup  de  douleut 
lorfque  j(  voulus  m'en  fervir  pour  marcher.  Cependant  j'e- 
tois fi  ennuyée  de  demeiuer  toujours  au  lit,  que  jem'oblli- 
lui  pendant'  lept  ou  huit  jours  à  vouloir  refter  levée  quel- 
ques heures  de  la  journée:  mais  mon  mal  au  pied  ayant 
toujours  augmente  &  ne  pouvanr  plus,  non  feulement  mar- 
cher, mais  même  l'appuyer  à  terre  le  moins  du  monde,  je 
f'\s  obligée  de  refter  au  lit  fans  en  pouvoit  Ibitir ,  de  fa^on 
qu'on  etoit  oblige  de  me  poitei  pout  me  mettre  dans  un  feu 


ter  ce  dernier  accident. 

Toute  ma  conlblation  avoit  été  julquc-là  dans  la  leâure 
des  livres  de  pie:e;  avec  ce  fccours  j'avois  fouifert  avec  quel- 
que patience  toutes  mes  autres  incommodités,  les  iejardai'.c 
comme  des  chàtimens  que  Dieu  me  faifoit  dans  (à  inileticor- 
de  pour  me  faire  faire  pénitence  de  mespechc;:  mais  quand 
je  me  vis  privée  abfolument  du  Ibutieu  de  laleâute,  jetnc 
laiflai  entièrement  abbattre  par  l'affliction. 

Dans  cet  état,  ayant  entendu  patletdcsmiraelesque  leSei- 


teuil  lorfqu'on  vouloit  tefàire  mon  lit;  ce  qui  n'attivoirque     gneur  operoit  pat  l'interccffion  de  M.  de  Paris;  dont  j'avois 


médite  pluùeurs  fois  la  ib'ide  pieté,  l'extrême  mortification, 
&  l'attachement  infurmontable  à  la  vérité ,  aiant  lu  plulieuis 
fois  là  vie.  je  fis  une  neuvaine  dans  mon  lit,  le  priantavec 
inlfance  d'intercéder  pour  moiaupièsde  Dieu  ,  pour  qu'il  me 
rendit  l'ufage  de  la  vue,  &  la  confolation  de  la  lecture. 

Le  Seigneur  eêt  egaid  à  l'interceûion  de  fon  ferviteut  ,  & 
ptécifemcnt  le  neuvième  jour  de  ma  neuvaine ,  pendant  la- 
quelle j'attefte  devant  Dieu  que  je  ne  (îs  aucun  remède  ,  mes 
yeux  qui  depuis  trois  femaines  etoient  tous  troubles,  &avec 
lefquels  en  les  ouvrant  avec  les  doigts  je  ne  pouvois  appercevoii 
les  plus  gros  objets,  s'ouvrirent  ÎSc  fe  ttouvetem entièrement 
guéris  au  point  que  j'en  vis  parfaitement  dés  le  prcmiei  joui, 
&  que  je  repris  auifuôt  toutes  mes  lec^res  fans  en  être  au- 
cunement fatiguée:  &  même,  quoique  je  n'cufl'eprie  M.de 
Paris  que  de  demander  pout  moi  à  Dieu  cette  guerilbn ,  je 
me  trouvai  dans  le  même  tems  foulagee  de  toutes  mes  autres 
maladies,  au  point  que  je  fus  en  état  de  me  lever  aucom- 
niencemcnt  du  mois  de  Décembre  ,  ne  pouvant  néanmoins 
me  fourenit  fans  douleur  fut  mon  pied  gauche  qui  ctoittou- 
jours  reltc  au  même  erat,  &  dont  je  ne  pouvois  pofer  a  terre 
que  l'extrémité,  Se  m'appuyer  que  fur  la  furface  Se  le  cote  du 
petit  doigt,  ce  pied  étant  tout  reiiverfe  Se  le  talon  tout  retire  , 
ainfi  que  je  l'ai  dcja  dit;  mais  au  futplus  il  me  faifoit  moins 
M.  Defvignes  Chirurgien ''de  réputation  de   me  vemt     de  douleur  depuis  que  je  n'y  faifois  plus  de  remèdes. 

Me  trouvant  même  un  peu  de  force  vers  le  milieu  du  mois 
Il  me  traitta  pendant  quelques  mois  :  mais  (es  remèdes  de  Décembre,  je  voulus  me  faire  conduite  au  Tombeau  Je 
n'eurent  pas  plus  de  liicces  nue  ceux  que  m'avoit  donne  le  M.  de  Pitis  pour  y  faire  mon  aélion  degrace.  Eianr  entrée 
garçon  Chirurgien,  8c  je  lui  fis  même  obfeivcr  que  mon  dans  le  Cimetière  de  Saint  Medatd  ou  eft  ce  Tombeau ,  avant 
pied  fe  toumoit  toujours  de  plus  en  plus,  &  que  mon  talon  la  tête  ercore  foible  du  rcfte  de  mes  maladies,  je  fù' lî  ftapee 
étoit  auffi  de  plus  en  plus  retiré:  &  lui-même  .ipics  avoir  d'épouvante  des  cris  de  douleur  &  des  efpeces  dehurlemens 
éprouvé  tous  les  remèdes  qu'il  put  imaginet  ,  me  declata  que  j'entendis  faire  à  des  Convullïonnaites  dans  le  cimetière 
que  mon  mal  etoit   abfolument    incutable:  que  tous  les  re-     Se  Ibus  le  Charnier;  que  je  penlàj  m'en  aller  làns  m'appro- 


tous  les  huit  jours ,  me  tiouvam  lois  fort  fatiguée  loilqu'on 
me  fottoit  de  mon  lit. 

Depuis  cet  accident  jufqu'au  11.  Mats  i^?i.  je  n'ai  pas 
dormi  un  feul  moment,  mon  pied  n'ayant  pas  cefle  de  me 
faire  de  la  douleui  joui  &  nuit;  je  devins  même  comme 
impotente  de  tous  mes  membies ,  n'ayant  pai  la  fotce  de 
poitei  ma  main  a  ma  bouche:  de  forte  qu'on  etoit  oblige 
de  me  faire  manger  comme  un  enfant. 

On  fe  contenta  d'abord  de  me  faire  venir  un  gaiçon  Chi- 
lurgien  pour  panier  mon  pied:  mais  loin  que  les  cataplaf 
mes  &  autres  drogues  qu'il  me  mit  fur  le  pied  m'apportal- 
fent  aucun  foulagement ,  je  m'appeicevois  au  contraire  Se  fcn- 
fiblement,  que  chaque  remède  qu'il  y  meaoit  aigrifloit  mon 
mal  &  augmentoit  ma  douleur. 

Des  le  premier  jour  de  mon  accident .  il  vint  une  grof- 
feui  à  la  cneville  de  mon  pied  en  dehots  :  d'abord  grofle 
comme  le  pouce  ,  mais  qui  a  toujoius  augmente  :  Se  un 
mois  ou  Cx  femaines  après ,  mon  talon  commença  à  le  re- 
tirer ,  &  mon  pied  à  fe  tourner  en  dedans  Icns  deflUs  def- 
fous  ,  &  je  fentis  dans  mon  lit  que  |e  n'en  pouvois  plus 
faire  aucun  mouvement.  Aptes  avoir  eptouvc  pendant  quel- 
que teras  que  toutes  les  drogues  que  ce  garçon  Chiiuigicn 
me  mettoit  ne  faifoicnt  qu'augmenter  mon  mal  ,  je  fis 
prier    "     t->./-.: ^>i.: :._     j.  : — 

voit 


medes  que  je  pourrois  faire  n'auroiem  d'auttë  effet  que  d'ir- 
titct  encore  l'humeur.  Se  que  je  n'avois  d'autte  parti  a  pten- 
dre  que  de  n'en  plus  faire  aucun.  Se  demetcfoudre  a  fuuf- 
frii  cette  incommodité,  dont  b  douleur  diminueroic  eu  cel- 
(int  tons  les  remèdes. 


cher  de  la  Tombe:    mais  la   perlbiine  qui  m'accompagnoit 
m'ayant  encouragée,  je  fus  m'alVeoir  deflus 

Après  y  avoir  lelle  environ  un  quan  a'heureenptiete ,  je 
refléntis  tout  d'un  coup  des  douleurs  par  tout  le  corps ,  Se  il  me 
piii  des  mouvcmens  qui  firent  dite  a  tous  ceux  qui  étoient  au- 


Sur  (on  avis  je  pris  mon  parti  de  quittet  abfolument  tous     prcs  de  moi,  i^ue  le»  convulfions  m'alloient  prendre.    A  ce 
les  remèdes  à  cet   cptd  ,  Se  de    me  rcloudre  à  icfter  ainli      mot  de  convuUion,  me  rappcllam  les  ciis  quei'avois  enten- 


cOiupiee  tout  le  telle  de  ma  vie.  Cette  téfolutiou  me  cou- 
foit  moins  ciu'a  un  autre  étant  toute  accoutumée  à  ne  pou- 
voir forti;  de  mon  lit.  8c  mes  autres  maladies  ayanr  enco- 
le  augmetué  deptns  le  mois  d'Avril  de  ceirc  année  i";i. 
Pepuis  ce  tems  j'etois  devenue  hidtopique,  mon  ventre  cn- 
floit  tous  les  jours  de  plus  en  plus,  ^  je  oe  pouvois  plus 
prendre  d'autre  nouriiturc  que  des  bouillons.  Quelque  teins 
aptes  que  .^1.  Defvignes  m'eût  abandonnée,  un  autre  Chirur- 
gien me  donna  une  médecine,  qui  à  la  vciitc  me  lit  éva- 
cuer beaucoup  d'eau ,  Se  me  ptocuia  un  loulagcincui  con(i- 
dtiible  p«i  lapport  ^  mon   hidiopi(îc,    mais  peu  de   loius 


dus  fous  le  Charnier  en  arrivant .  je  fus  failié  de  crainte  ,  5c  (i 
vivement  que  je  donnai  de  l'argent  au  Suillc  pout  me  faire 
faite  paOàge  pout  me  leiirer  :  S<  cette  apprehenfion  d'avoir 
des  convulfions  me  donna  même  des  fbicesqui  nem'eroieiv 
pas  oïdinaires.  pour  fortir  au  plus  vite  de  ce  Cimetière. 

)e  luis  peri'.iadce  que  Dieu  voulut  me  faire  connoUre  d'une 
manière  Icnfible  qu'il  ineiMinitlbir  de  l'eloignement  que  j'a- 
vois tcmoigiie  avoil  p<»ir  les  convulfions:  car  depuis  que  le 
fus  revenue  ainli  du  C'iincïicre  de  S.  Mcdard,  mon  hidro- 
piiic  qui  éroJt  pielque  palWe  augmenta  de  jour  en  J<>ur:  5: 
au  lieu  de  U  hevrc  lem«  qui  oe  m'avait  patquiuc.  il»v-n 

prit 


opéré  fur  Marie-yeame  Fourcroy. 


prit  une  ttts  violtnte  avec  cîes  redoubleinens ,  &  même  de 
tems  en  tems  quelques  accès  de  [lanlport  au  cerveau. 

En  moins  de  deux  mois  |C  devms  eiiquc  du  vilage  ,  des 
bras  &  des  pieds,  de  façon  que  je  n'avois  plus  que  la  peau 
fur  les  os;  au  lieu  que  mon  ventre  .mes  cuifles  &  mes  jam- 
bes ctoient  d'une  grcfleur  prodigieul'e. 

Dès  la  6n  de  février  de  l'année  1752.  &  au  commence- 
ment du  mois  de  Mars,  ma  poitrine  commença  a  s'engager 
au  point  que  je  ne  pouvois  prefque  plus  refpiret,  &  que  )e 
i,ilois  continuellement,  ce  qui  m'obligea  de  me  faire  faigner, 
quoique  je  fçufle  fort  bien  que  la  faigr.ee  etoit  trescontraiie 
à  mon  hydropiùe.  Et  comme  depuis  ce  tems  jufqu'au  21. 
Mars  ma  poitrine  s'engageoit  toujours  de  plus  en  plus,  )e  me 
vis  obligée  de  me  faire  fàigner  prefque  rous  les  jours,  un  jour 
du  pied",  Ik  l'autre  du  bras  ,  ne  pouvant  la  pliipait  du  tems 
relpirer  fans  ce  fecours. 

Les  faignées  que  j'ctoisainfi  forcée  de  me  faite  faire  prefque 
tous  les  jours  pour  me  donner  delà  relpiration,  me  mirent 
des  le  commencement  du  mois  de  Mars  dans  une  foiblcliè 
C  grande,  que  je  fus  plulieius  jours  fans  pouvoir  tien  prendre, 
iî  ce  n'eft  un  peu  de  vin  put  qu'en  me  failoit  avaler  goure  à 

foute  en  me  paffant  en  même  tems  le  doigt  le  long  du  cou. 
^nfin  le  18.  Mars,  comme  on  vouloir  me  faigner  pour  m'em- 
pécher  d'étouffer,  on  ne  pût  plus  trouver  defang,  &  il  vinr 
feulement  de  l'eau  ;  ce  qui  obligea  a  refermer  aulU-iôt  la  veine. 

Comme  le  tems  de  cette  faignce  a  ete  le  terme  ou  toutes 
mes  infirmités  ont  bientôt  aptes  celle,  ainli  que  je  vais  dite  , 
j'obferverai  ici  que  julqu'à  ce  jour  j'ai  ctc  laignee  cent  cin- 
quante fors  du  bras  ,  6c  quarante  lix  fois  du  pied. 

Il  y  avoir  déjà  long-rems  que  toutes  lesperfonnesquis'in- 
téicfloient  à  moi  me  preûbient  de  rccoiuir  àl'interccifîonde 
M.  de  Paris,  dont  j'avois  éprouve  une  proteftion  li  fenlible 
dans  la  gucrifon  de  mes  yeux  :  mais  )e  ne  pouvois  vaincre 
l'impreflion  d'horreur  que  m'avoicm  fait  les  cris  des  Con- 
vulfionnaires  ;  de  façon  que  de  crainte  qu'il  ne  me  vint  des 
convuliïons,  je  ne  v'oulois  point  avoir  recours  à  fon  intercel- 
ïion,&  l'aimois  micu.x  mourir  tranquille:  je  ne  faifois  pas 
même  la  reflexion  que  j'ai  faite  depuis:  que  je  n'etois tom- 
bée dans  cet  état  u'augmentation  de  maladie ,  qu'en  punition 
de  l'averfion  que  j'avois  témoignée  pour  les  Convuliïons  le 
jour  que  j'avois  ete  lut  le  Tombeau  du  S-  Diacte. 

Néanmoins  le  20.  Mars  au  foir,  me  lèntant  prête  à  rendre 
l'ame,  la  peur  de  la  mort  que  je  voyois  fi  proche  l'emporta 
enfin  fur  la  peur  d'avoir  des  convuliïons.  Je  priai  qu'on  ra'al- 
lât  chetchet  le  lendemain  de  la  tetre  du  1  ombeau  de  M.  de 
Pâtis  pour  en  mettte  dans  le  vin,  dont  de  tems  en  tems  on 
me  failoit  avalet  quelques  goûtes,  &  je  déclarai  que  fi  j'etois 
encote  en  vie  ce  jour-la,  je  commencerois  une  ncuvaine. 

Le  21.  on  me  fîr  prendre  à  midi  quelques  goûtes  de  vin 
où  on  avoir  mis  de  la  terre,  &  je  me  mis  en  prière  peut 
commencet  ma  neuvaine.  Prefque  dans  le  moment  il  me 
prit  un  grand  frilTon  &  peu  après  une  grande  agitation  dans 
tous  mes  membres  qui  me  faifoit  élancer  tout  mon  cotps  en 
l'ait;  &  me  donnoit  une  force  que  je  nem'eioisiamaisfcn- 
tie ,  au  point  que  pluiieuis  perfonncs  enlèmble  avoicnt  de  la 
peine  à  me  retenir. 

Dans  le  cours  de  ces  mouvemens  violens  ,  qui  étoicnt  de 
véritables  convuliïons  je  perdis  même  connoiflânce, 

Aufli-tôt  que  ces  mouvemens  furent  pafl'cs  &  que  j'eus  rc- 
ptis  mes  fens,  je  me  feniis  une  tranquillité  5t  une  paix  inté- 
rieure que  je  n'avois  jamais  éprouvée,  &  que  j'aurois  bien 
de  la  peine  à  décrire,  quoique  je  l'aie  refTntie  très  ibuvent 
à  la  fin  de  mes  convuliïons,  qui  grâces  à  Dieu,  n'ont  pas 
ceflé  depuis  de  me  reprendre  tous  les  jours  jufqu'a  prefent. 
■  Je  me  trouvai  une  certaine  joye  tranquille  quieroit  répan- 
due oans  tous  mes  lèns,  &  qui  etoit  palleejufque  dansl'ame  : 
il  me  fenibloit  qi;e  je  jouifiois  en  repos  d'iuie  fante_  paifai- 
te,  dont  je  tellentois  l'attrait  d'une  manière  vive  &  fcnfible  ; 
j'en  goutcis  le  plailïr  fans  aucun  trouble  ,  &  toute  la  peine 
qui  me  teftoit  eicit  une  ciainte  timide  que  cet  état  ne  vint 
■bien-tôt  à  ceflcr. 

Dès  ce  premier  moment  la  fièvre,  l'étouffement  ,  l'oppref- 
fion  &  la  douleur  que  j'avois  à  !a  poirrine,  ceflèrent  ablo- 
lament  &  entietement,  &  ne  m'ont  pas  repris  depuis. 

Après  que  cer  eta:  d'une  paix  6c  d'une  tranquillité  parfaite, 
que  je  crois  furnaturel ,  &  qui  ne  duia  qu'une  petite  demie- 
heure  d'une  manière  bien  fenfîble  fut  paffé,  je  me  trouvai 
un  grand  appérir  que  je  n'avois  pas  fenti  depuis  ma  première 
enfance.    ]e  demandai  à  mangei  :  on  hi«  tioiina  une  Ibupc 


que  )e  mangeai  entièrement,  &  que  je  trouvai  ejtcellenre: 
ôc  quelques  heures  après  je  mangeai  encore,  ne  pouvant  me 
rafl'alier. 

Dès  le  lendemain  21.  Mars  je  m'apperçus  que  mon  hi- 
diopifïc  étoit  conlïdérablement  diminuée ,  quoique  je  n'eul^ 
fe  fait  aucune  évacuation  naturelle;  &  je  me  trouvai  même 
en  fi  bonne  fante  &  avec  lant  de  fotces,  que  je  me  levai. 
Et  comme  on  etoit  en  Carême,  je  voulus  eflayer  (î  je  pour- 
rois  faite  maigre, ce  que  je  n'avois  pu  faire  de  ma  vie: car 
toutes  les  fois  que  je  le  voulois  faire  dans  le  tems  que  ma 
fante  etoit  moins  mauvailé,  j'etois  obligée  de  vomit  pteP 
que  fut  le  champ  tout  le  maigre  que  )'avois  mange. 

Le  changement  opété  dans  mon  tempérament  fut  même 
fi  confuieiable ,  que  ce  jour  22,  Mars  ayant  fenti  qu'on  gril-. 
loir  des  harangs ,  je  voulus  abiblument  en  faire  mon  diner, 
&  ils  ne  m'incommodèrent  en  aucune  façon. 

La  joye  rranquille  que  j'avois  éprouvée  à  la  fin  des  con- 
vuliïons que  j'avois  ei"i  la  veille  ,  &  le  tctablilièment  de 
ma  fanté  qui  s'etoii  opère  preiqu'en  unmcmenr:  m'ôtoient 
toute  efpece  de  crainte  à  cet  égard  :  &  s'il  me  teftoit  quel- 
que appreheufion ,  c'etoit  de  voir  ceiTer  bientôt  mes  con-* 
vulfions  par  le  tetabliirement  entier  &  parfait  de  ma  fanté 
que  j'apprendois  qui  ne  vinr  rrop  vite  ,  brûlanr  du  défit  de 
me  retrouver  dans  le  même  étar  ou  je  m'étois  fentie  la  veil- 
le a  la  fin  de  ma  convulfion:  ce  que  le  Seigneur  voulut 
bien  m'accotder  ce  jour -là,  &  m'a  accorde  encore  depuis 
très  fouvent. 

Au  furplus  je  ne  fiis  en  façon  quelconque,  comme  je  !'ai 
dcja  dit ,  incommodée  du  diner  que  j'avois  fait ,  &  je  con- 
tinuai à  faire  maigre  tout  le  refte  du  Carême:  ce  qui  non 
feulement  ne  me  fit  aucun  mal,  mais  même  mon  hidropi- 
fie  diminua  de  jour  en  jour  prefqu'à  vue  d'œil:  de  façon 
que  le  51.  du  même  nrois  de  Mars,  l'enflure  étoit  prel^ 
qu'entièrement  diilïpée:  mes  couleurs  namrelles  eroienr  re- 
venues: mon  vifageScmes  bras  conimençoient  àfe  regarnie 
de  chairs,  &  je  me  rrouvai  plus  de  force  à  en  meillciue  fau- 
te que  je  n'avois  encore  été  de  ma  vie. 

]e  fus  ce  jour  là  loger  chez  Madame  de  Vitry  tue  Gobe- 
lin,  qui  fe  fit  un  plaifir  de  ptendre  avec  elle  une  perlbnne 
pour  qui  Dieu  avoir  opéré  un  miracle  autfi  évident. 

Dès  les  deux  premiers  jours  du  mois  d'Avril  ,  ce  qui 
nie  reftoit  d'enflure  de  mon  hidropifie  fe  dillïpa  enriére- 
ment:  ainfi  de  toutes  mes  maladies  il  ne  me  tefta  plus  que 
l'incommodité  que  j'avois  au  pied  gauche ,  qui  étoit  tou- 
jouts  demeure  au  même  et.it,  &  que  je  ne  pouvois  polct 
à  tetre  que  lur  le  côté  du  petit  doigt,  ne  pouvant  même 
m'appuyer  defllis  un  peu  fort  fans  Ibutfrit  beaucoup  de 
douleur  :  de  façon  que  non  léiilement  je  ne  pouvois  mat- 
chet,  mais  je  ne  pouvois  même  me  tenir  debout  fans  me 
foutenit  fur  quelque  chofe  ,  ne  me  fetvant  pielque  pas  de 
ce  pied  gauche. 

Cependant  comme  l'on  me  dit  que  dans  mes  convulfions 
j'avois  des  mouvemens  exttêmement  violens  dans  ma  jam- 
be gauche,  &  qu'elle  frappoit  <'.'une  force  incroyable  comte 
tout  ce  qui  fe  trouvoit  auprès  de  moi  fans  me  taire  aucun 
mal,  il  me  vint  dans  l'elprit  que  Dieu  vouloit  appatem- 
ment  me  guérir  de  l'incommodité  que  j'avois  au  pied  g.iu- 
che,  je  le  dis  à  MadarnedeVury ,  qui  entrant  dans  mapen- 
fee  fût  d'avis  de  faire  auparavanr  conltater  l'etar  de  mon  pied 
gauche  par  quelque  Chirurgien  de  grande  réputation,  &  mê- 
me Petat  de  tous  mes  os,  ne  lui paroiûant  point  impolfible 
que  Dieu  voulut  aulTi  les  redreflèr. 

Elle  envoya  pour  cer  eftet  dès  le  2.  Avril  chercher  M. 
de  Manteville  qui  étoit  lors  le  Prevoft  en  charge  de  la  Com- 
pagnie des  Chirurgiens  de  Paris,  &  qui  étoit  depuis  long- 
tems  Dcmonftrateur  en  Chirurgie  :  il  vint  dès  le  même 
jour.  Elle  le  pria  d'examiner  la  conformarion  &  la  fitua- 
tion  de  mes  os:  mais  fur  tout  l'état  démon  pied  &  de  ma 
jambe  gauche,  &  de  lui  due  s'il  ne  lètoit  pas  polTible  de 
me  procurer  quelque  foulagement  qui  pi"it  me  donner  un 
peu  de  facilité  pour  marcher. 

Après  m'avoir  examinée  avec  grande  attention,  il  déclara 
que  l'articularion  de  ce  pied  etoit  anchylofee ,  ce  qui  avoit 
joint  &  foude  l'os  du  pied  à  celui  de  la  jambe  ,  Se  qu'il 
n'y  avoit  nul  remède  qui  pur  me  procurer  aucun  foulage - 
menr,  cette  incommodité  étant  abfclumcnt  incutable  lod- 
que  l'anchylofe  eft  entièrement  formée. 

Mes  convulfions  me  prirenr  devant  lui  coirime  il  fàiloil  lis 
obfetvatioDS  :  ii  lefta  jufqu'à  ce  qu'elles  fuli'ent  entièrement 


I 


Pièces  juflificativei  du  miracle , 


pilTcCS.  Et  l'jyant  ptiê  do  me  donner  fon  certificat  de  Tctat 
ou  il  m'avoii  truuvce,  &  de  la  nature  dc<  convullions  dont 
il  ivoi:  etc  le  témoin,  il  me  le  donna  d'alTez  bonne  grâce 
après  s'en  ctre  néanmoins  défendu  iquclquc  tems. 

Sut  le  compte  qu'on  me  rendit  que  la  violence  avec  la- 
quelle mon  pied  6c  ma  jambe  eauchc  etoient  agites  dans 
mes  convulùons ,  augmentoii  tous  les  jours,  je  ne  doutai  pi cf- 
que  plus  que  Dieu  n'eut  dcflcin  de  me  rendre  l'ufagc  de  ce 
.pied,  d'autant  plus  que  hors  de  mes  convulfions,  il  me 
cftoit  jour  &  nuit  un  mouvement  convullif  dans  cette  jam- 
be gauche  rculemcnt:  &  comme  j'en  patlois  avec  confian- 
ce aM.  Guy  Marchand  Bonnetier,  il  nie  remontra  que  ce 
n'ïtoit  pas  aflez  d'en  avoit  fiit  conftatcr  l'eiat  par  un  fcul 
Chirurgien,  &  me  propola  d'en  aflcmbler  cinq  ou  lix  de 
ceun  qui  etoient  en  plus  grande  tcpuutiontje  l'en  priai  avec 
inftancc. 

Il  fût  fur  le  champ  chez  plufieurs,  &  enfin  il  parvint  le  9. 
du  même  mois  d'Avril  i  en  ralTcmblcr  ci:iq  qui  furent  Mrs. 
Leaute  Chirurgien  Major  des  Gardes  du  Corps ,  Siveri  Chi- 
rurgien Major  des  Hôpitaux  d'Armées, Souch,iv  ("hiruigien 
de  M.  le  Prince  de  Conty ,  Granier  ancien  l'revoft  de  là 
Compagnie ,  &  de  Launay  Chirurgien  Major  du  Régiment 
du  Roi. 

On  fit  à  ces  Meflicurs  la  même  propofition  tju'on  avoit 
fait  à  M.  de  Mantcvijle,  d'examiner  s'il  n'y  avoir  point  de 
remède  qui  me  pût  procurer  quelque  facilité  pour  me  let- 
vir  de  mon  pied  gauche.  Après  l'avoir  examiné  touscnîem- 
ble ,  ils  me  déclarèrent  tous  unanimement  que  mon  incom- 
modité n'etoit  point  de  nature  i  pouvoir  jaiiiais  être  gué- 
rie, ni  même  fbulagee:  ils  obrcrvcrent  que  la  l'ynovie  s'e- 
toit  entiiiement  pctrificc,  ce  qui  avoit  loint  enfemble  les 
os  du  pied  avec  ceux  de  la  jambe ,  de  fa^oii  qu'ils  ne  fai- 
foient  plus  qu'i;n  fcul  corps  :&  même  que  l'os  dupiedttoit 
tout  contourné:  Scqu'ainfi  comme  il  n'y  avoit  pointde  remè- 
de qui  puifl'e  changer  la  forme dcsos,  ni  lesdisjoindre quand 
ils  lont  foud«s  cnîemble ,  ce  feroit  fort  inutilement  que  je 
tenterois  des  tcnicdcs  qui  ne  pouvoicm  avoir  jamais  d'autre 
effet  que  d'irriter  le  mal. 

)c  les  priai  de  me  donner  un  certificat  détaillé,  où  ils  ex- 
pliûuaflent  la  nature  de  mon  incommodité:  ils  en  firent  d'a- 
bord beaucoup  de  ditïicultc ,  dil'ant  qu'il  ne  falloir  pas  être 
fort  habile  dans  leur  art  pour  juger  en  me  voyant  que  mon 
incommodité  etoit  incurable,  ite  qu'il  n'avoit  pas  eic  nc- 
cefl'aire  de  les  atrcmblcr  en  fi  grand  nombre,  pour  examiner 
une  iiicommoditc  à  LiqucUe  il  etoit  évident  qu'on  ne  pou- 
voit  apporter  aucun  remède.  Ni.anmoins  comme  je  lespref- 
fai  de  me  donner  pat  écrit  ce  qu'ils  avoient  obfcrve ,  &  ce 
qu'ils  pcnloienr  de  mon  mal,  ils  me  le  donncieni  enfin  tous 
cinq  par  un  feul  Se  même  certificat. 

Cependant  cinq  jours  aptes  le  lundi  de  Piques  1 4.  du  mois 
d'Avril,  fortani  de  ma  convuUion,  je  m'appcrçus  que  mon 
pied  gauche  etoit  entièrement  &  parfaitement  gucri  :  qu'il 
avoit  repris  une  fmiation  ôc  une  forme  naturelle,  toute  pa- 
reille à  celle  de  mon  pied  droit  ;  que  je  le  pofois  à  plat  i 
terre  &  le  rcmuois  avec  une  entière  liberté:  en  un  mot  qu'il 
itoit  en  même  fitiiation  Se  avec  les  mêmcsmouvemcns.Sc 
auflï  libre  que  s'il  n'.ivoit  jamais  ne  incommode  ,  une  bode 
comme  une  noix  qui  etoit  au  dclfus  de  la  cheville  du  pied 
en  dehors,  ayant  même  cnticremcm  difparue  (ans  qu'il  en 
icftât  le  moindre  vertige 

Le  Sieur  Guy,  le  h'ieur  .Simarr,  la  Demoifellc  de  Luna- 
que.  Se  les  Dcmoifcllcs  Dcgougc  qui  etoient  avec  moi  pen- 
dant ma  convuJlion ,  me  déclarèrent  que  le  changement  que 
je  voyois  à  mon  pied  s'ctoit  fait  a  leuts  ycu.x  dans  un  mo- 
mem:  que  m'etant  mis  les  jambes  nues,  j'avoii  pris  mon 
pied  gauche  avec  nu  main,  que  je  l'avois  nianic  (jnclquc 
tems,  &  enfin  l'avois  tourne.  &  que  dans  l'inlhnt  il  avou 
repris  une  figuie  naturelle,  telle  que  je  le  voyois;  Se  qu'en- 
fuitc  ils  l'avoicnt  vu  remuer  en  tous  fcns  avec  une  impctuo- 
{»c  extraordinaire. 

Je  me  ptortcrnav  aurti  tôt  ^  terre  pleine  d'admiration  & 
de  reconnoiOàiicc ,  ic  je  icciiai  le  Tt  Dram  avec  les  pcrfonncs 
qui  eioicni  avec  moi. 

Je  me  relevai  enfuiie  pour  faire  faire  ^  mon  pied  toutes 
fortet  de  mouvomcns;  |e  marchai  fans  boiter  en  aucune  fi- 
fonj  &  aulfi  ferme  que  fi  |e  n'avois  jamais  cic  incomnto- 
die  de  ce  pied.  Je  fautai  en  l'air  aulTi  haut  que  je  pus ,  Se 
me  retins  en  loinbaiit  fur  mon  pied  gauche:  je  ne  me  liiis 
iaïuai»  aouviic  £  aluic  :  il  uic  Icmbloit  que  la  guctiloo  fu- 


bite  qui  étoii  arrivée  ^  mon  pietl  aTOtc  remis  de  nouveaux 
cfpriis  dans  tout  mon  corps. 

le  priai  le  Sr.  Guy  d'aller  chercher  au  plus  vite  les  cinq 
CKiruigicns  qui  m'avoient  eximi.iée  le  9.  du  même  moi» 
&  de  me  les  amener.  Dés  le  lendemain ,  Se  le  lur-lcnd»- 
main  ils  viiuent  rous  cinq  l'un  apiès  l'aurre. 

Il  feroit  diSicile  de  bien  peindre  qu'elle  fût  leur  extrême 
firprilc.  Ils  recoiu>aretTt  tous  que  la  guerilôn  de  mon  pied 
étoir  entière,  parfaite  8c  évidemment  lutnatutclle.  Se  obfcr- 
vcrent  même  chacun  en  leur  particulier  qu'il  n'etoit  refté 
aucune  aace  ni  de  l'anchylofc  m  de  la  bofle  qui  ctoit  au- 
dcHlis  de  la  cheville.  Se  que  l'os  du  pied  qu'ils  avoient  trou- 
ve tout  contourne  le  9.  du  même  mois, avoit  cha:ige  de  fi- 
gute,  &  avoit  repris  celle  qu'il  auroit  du  avoir  naturelle- 
ment: ils  s'écrièrent  chacun  qu'il  n'y  avoit  que  l'Auteur  de 
la  nature  qui  eut  pu  faire  un  pareil  changement,  &  ils  me 
promirent  de  me  donner  chacun  en  leur  parriculier  leur  cer- 
tificat, qui  contiendroit  la  defcription  exacte  de  l'état  ou  ils 
avoient  trouve  mon  pied  gauche  le  9.  Av.il 8c  celle  du  chan- 
gement eniicr,  même  dans  la  forme  des  os  qu'ils  y  avoient 
trouve  le  i  f   ôc  le  r6.  du  nicnic  mois. 

Comme  mes  convullions  ont  encore  continué  fans  inter- 
ruption depuis  la  gucrifon  pa  fài.e  de  rentes  mes  m.iUdies  8c 
de  l'incommodité  que  j'avois  au  pied  gauche ,  |e  ne  fais  au- 
cun doute  que  Dieu  ne  \euille  aulli  redrellét  rout  le  rcfte 
démon  corps; je  ne  fuis  pas  ail -z  iiilcnlce  pour  le  louhaiter 
pat  rapport  à  ma  figuie ,  m'embatiallant  tort  peu  grâces  i 
Dieu  de  reftcr  ou  ne  pas  relier  conire&ite:  rnais  je  facrifie- 
rcis  volontiers  ma  vie  p.ur  obtenir  cette  guctilbn  de  ia  mi- 
fcricordc ,  dans  l'efpetance  qu'un  miracle  aulfi  cciaiani  pour- 
roit  enfin  f.)rccr  les  incrédules  à  ouvrir  les  yeux  a  la  venté. 
Ainfi  foit-il.  Fait  à  Paiis  ce  7.  Juin  1732.  J/£»f  Marie- 
)eanne  Fourcrov. 

II. 

Rapport  du  Sieur  "Dépeignes  Chirurgien ,  <fui  a  trait- 

te  la  Demoifelle  Fourcroy  dès  le  commencement 

du  mal  qui  lui  furvint  au  pied  gauche. 

JE  fouflTigné  Chirurgien  Juré  à  Paris,  certifie  qu'en  I7}I. 
)'ai  ete  appelle  pour  voir  &t.  vifitcr  Marie  Jeanne  Four- 
croy au  lujct  d'une  indifpolition  qu'elle  avoit  au  pic  J  gau- 
che: que  ce  pied  étoit  tout  tourne  en  dedans,  le  tendon d'a- 
chille  en  ayant  reti  e  le  talon,  qu'elle  ne  pouvoii  appuyée 
fon  uied  que  fur  la  par.ic  externe  8c  vers  le  petit  doigt ,  & 
qu'elle  ne  pouvoir  marclier  fans  boiter  :  il  me  parût  lors  à 
cote  de  la  malléole  externe  une  tumeur  molle  de  la  grofleut 
d'un  oeuf  de  pigeon,  que  je  jugeai  être  faite  par  l'numcur 
finoviaic:  je  lui  hs  faire  plufieuts  remèdes  convenables  en  pa- 
reils cas,  lefqucls  furent  tous  fans  liic:ès,  8c  après  lefquels 
je  trouvai  que  la  courbure  etoit  confiJerable;ueiit  augmen- 
tée malgré  les  remèdes  ;  ce  qui  me  donna  lieu  de  juger  que 
l'article  fc  foudcroit  &  s'anchylofcroit  ;  auquel  cas  la  mala- 
die devicndioit  incurable,  je  cetiifie  de  plus  que  l'ayant  vue 
long-tems  après.  Se  enti'autres  vers  le  commencement  de  ce 
mois ,  elle  m'a  fait  voir  Ion  pied  que  l'avois  vu  incommo- 
de dès  litii.  entièrement  gucri ,  en  ayant  tous  les  muuve- 
niens  libres.  Se  qu'elle  me  dit  qu'elle  avoit  été  guérie  en 
un  moment  le  lundi  de  Pâo|ucs  l'?z.  En  foi  dequoij'ai  fi- 
gue le  prcfcnt  Certificat.  l'ait  à  Paris  le  10.  Janvier  17J5. 
S'inr  Desvignes. 

III. 

Rapport  du  Sieur  de  Manteville  ,dans  lequel  il  cer- 
tifie que  peu  de  jours  aprèi  avoir  donné  fon  pre- 
mier rapport ,  /'/  a  trouvé  le  pied  gauche  de  ladi- 
te Demoifellr  dans  fon  état  naturel  ,  &=  /r«- 
fant  toutes  fortes  de  nt.ouiemens  avec  facilité  , 
fV  affirme  qu'une  pareille  guérifon  eji  éwdem- 
ment  furnaturelle. 

NO'is  lôulTipne  Chirargicn    Juré  \  Paris,  Prévoft  en 
ChaiRC  de  îiotic  C'omp.igiiië.  ancien    Dcmonllrateur 
en  Chirurgie  ,    ccitifioiis  à  tous  qu'il    appartiendra  j 
que  le  deuxième  jour   d' .Avril  i-n.  nous  avons  ete    requis 
par  ta  Dcmoilcllc  Marie  Jeanne    Fourcroy   de  la  Tifiier .  fie 
de  lui  donnes  noue  ccnificat  fui  fcs  dilpoCtioia  Ion  ptéfen- 

ict: 


tes:  nous  le  lui  avons  délivré  le  même  Jour:  nous  y  rap- 
portons qu'enri'auires  infirmités  dont  la  Demoifelk  Four- 
croy  ctoit  incommodée  fc  que  nous  avons  conftatées ,  nous 
avons  remarqué  qu'elle  fe  tenoit  à  peine  debout  foutenue 
fous  les  bras  par  quelqu'un ,  ne  pouvant  pofer  que  la  pointe 
du  pied  gauche  fur  le  plancher,  le  ralon  reliant  en  l'air,  & 
le  même  pied  étant  très  étendu  &  plie  fur  le  côté  en  de- 
dans, l'articulation  en  étant  gonflce,  &  la  malléole  externe 
faifant  une  boflè  beaucoup  plus  confidérable  que  dans  l'ctat 
naturel;  &  ce  même  pied  ne  pouvant  être  fléchi  ayant  per- 
du fon  mouvement  &  étant  anchylofé.  Nous  avons  reconnu 
que  cette  incommodité ,  ainfi  que  toutes  les  autres  infiimi- 
tés  qui  font  détaillées  dans  notre  Certificat  du  jour  ci-deflus 
mentionné  ctoiect  incurables  ,  lequel  Cerrificat  nous  a  été 
repréfenté  en  une  expédition  délivrée  pat  Raymond  Notaire 
au  Châtelet;  chez  lequel  il  a  cté  dépofc  pour  minute  avec 
l'Acte  de  depoft  en  datte  du  14.  jour  de  Décembre  1732. 
J/fnc'  le  Gouftôc  Raymond,  &  nous  confirmons  en  tant  que 
bèibin  feroit  ce  même  Cerrificat. 

D'abondant  nous  certifions  à  tous  qu'il  appartiendra ,  que 
peu  de  tems  après  que  nous  avons  délivré  le  Certificat  ci- 
defliis  mentionné ,  nous  avons  appiis  que  la  Demoifelle  Four- 
croy  ci-deflus  nommée  étoit  guerre  de  l'anchylofe  qu'elle  a- 
voit  au  pied  gauche. 

Pour  nous  allurer  du  fiit,  une  pcrfonne  des  amis  de  la- 
dite Demoilelle  nous  a  conduit  dans  le  tems  en  la  maifon 
de  Madame  de  Vitry  file  rue  des  Gobelins ,  ou  nous  avions 
déjà  vifité  la  Demoifelle  Fourcroy.  Etant  monté  dans  fa 
chambre,  nous  l'avons  trouver  debout  mai'chant  auflî  aifé- 
ment  qu'une  perlbnne  qui  n'auroit  jamais  été  incommodée: 
ayant  examine  fon  pied  gauche  que  nous  avions  vu  ci  -  de- 
Tant  auchylofc  8c  dans  l'ctat  ci-deflus  rapporté ,  nous  avons 
été  furpris  de  le  ttouver  dans  l'état  natuiel  fans  aucun  gon- 
flement, fàifant  tous  les  mouvemens  de  flexion,  d'exicn- 
tion ,  d'adduâion ,  d'abduftion  &  en  rond  dans  tous  les  fens 
fans  aucim  veftige  de  l'anchylofe  que  j'avois  vue  ,  &  ci- 
devant  mentionnée:  ayant  demande  à  la  Demoifelle  Fonr- 
ctoy  fi  elle  avoit  fait  quelques  remèdes ,  quoique  nous  ful- 
fions  bien  peifuadés  qu'aucun  n'ei'it  pu  la  guérir ,  elle  nous 
a  repondu  qu'elle  n'en  avoit  point  fait  d'auttes  que  des  priè- 
res a  Dieu  pour  obtenir  fa  guérifon  par  l'interceiTion  de  dé- 
funt François  de  Paris  Diacre  enterré  en  laParroiffedeSaint 
Médard ,  &  elle  nous  a  ajouré  que  fa  guérifon  s'etoit  opérée 
tout  d'un  coup  le  Lundi  de  Pâques  14.  Avril  1752.. 

Etant  oblige  de  rendre  remoignagè  a  la  vérité  ,  ainfi  que 
la  Demoifelle  Fourcroy  nous  en  a  lequis,  nous  affirmons 
qu'une  pareille  &  fi  lubite  guérifon  n'a  pii  êtte  opérée  ni 
par  l'eftet  d'aucun  remède ,  ni  par  la  force  de  la  natute ,  & 
qu'ainfî  elle  eù  évidemment  furnaturelle,  en  foi  de  quoi 
nous  avons  figné  &  délivré  le  prefent  Certificat  3  la  De- 
moifelle Fourcroy  ci-dcfl'us  nommée,  pour  lui  fervir  Se  va- 
loir ce  que  de  raifon.  Fait  à  Paris  ce  27.  Décembre  1732. 
Jï^nr  De  MantEVILLE  nvcc  /'.îr.Tf/jc. 

IV. 

Second  rapport  du  Sieur  Leauie  dans  lequel  il  cer- 
tifie que  le  If.  Avril  il  trouva  que  l'a>7cbylofe 
en  queflion  e'toit  entièrement  dijftpce ,  Ofi  que  le 
pied  delà  Demoifelle  Fourchoy  avoit  repris 
tine  fgure  Qp  une  fiiuation  naturelles ,  ce  qui 
n'a  pu  fe  faire  que  d'une  manière  furnaturelle. 

Nota,  n^^ie  le  premier  rapport  fait  pur  les  Sieurs 
Leauié  ,  Souchay ,  Sivert ,  Granier,  Qp  de  Lau- 
nay  ,  efl  la  quartorzième  &  dernière  des  pièces 
imprimées. 

JE  foudîgné  Chirurgien  Juré  à  Paris,  certifie  que  le  9. 
Avril  dernier  je  me  rranfportai  en  une  maifon  lîfe  tue 
de  Lourfine  Faubourg.  S.  Marcel  à  la  requifiticn  d'une 
fille  nommée  Jeanne  Fouicroy,  âgée  de  25.  ans  Se  quatre 
mois  ,  pour  la  voir  &  vifiter  à  l'occaficn  d'une  di&culte 
qu'elle  avoir  de  marcher,  ayant  le  pie.i  gauche  tout  con- 
tourne, Sx.  ne  pouvant  en  ftite  aucun  mouvement  ;  que  je 
l'examinai  avec  les  Sieius  Souchay ,  Sivert  &  Granier  mes 
<"onfteres  qui  fe  trouvèrent  là  avec  moi,  &  avec  M.  de 
Launay  Chiiurgien  Major  du  Régiment  Royal  Infametie: 
que  nous  reconnûmes  qu'elle  avoit  une  anchyloiê  à  l'articu- 
lation dudit  pied  gauche  avec  la  jambe  qui  en  avoit  fondé 
Us  os  enfcmble  ,  de  façon   que  ces  os  ne  faifoient  plus 

111.  Demonft.  Tom  II. 


opirê  fur  Mark-Jeame  Fourcroy. 


qu'un  feul  corps,  ce  qtli  devort  ôtCt  toati;  efpérancê  d'avoir 
jamais  de  mouvement  dans  cette  articulation  ,  n'y  ayant 
point  de  remèdes  dans  la  Médecine  qui  fût  capable  de  dif- 
loudre  une  anchylofé  lorfquc  la  fynovie  s'eft  entièrement  pé- 
tiifiéc  au  point  qu'ctoit  celle  là:  que  nous  obfervâmes  mè- 
me  que  cette  anchylofé  avoit  produit  une  tumeur  au  deffiis 
de  la  malléole  externe ,  grollc  comme  une  noix ,  occafionnee 
par  la  dilatation  de  la  capfule ,  &  qu'elle  avoit  caufe  une 
contoifion  au  pied:  de  façon  que  fa  pointe  s'etoit  jettée  ea 
dedans ,  Se  que  la  paitie  inférieure  du  pied  s'etoit  tournée 
vers  la  face  fupérieuie ,  Se  que  l'os  du  talon  étoit  rétiré  par 
le  tendon  d'achille ,  de  lorte  que  cette  fille  ne  pouvoit  en 
aucune  façon  pofer  fon  pied  à  terre  que  fur  fon  extrémité 
Se  fur  fa  face  externe  Se  liiperieure,  Se  que  s'appuyer  fur  le 
côté  des  doigts  du  pied.  Et  nous  lui  déclarâmes  tous  qu'il 
n'y  avoit  nul  remède  à  faire  pour  une  pareille  incommodi- 
té ,  qui  de  là  natute  étoit  incmable.  Nous  remarquâmes 
auflî  que  le  ribia  de  la  même  jambe  formoit  un  arc  du  cô- 
te de  la  partie  inférieure  jufqu'a  la  fuperieure;  de  plus, que 
l'épine  de  fon  dos  étoit  contournée  en  forme  d'une  S.  Ro- 
maine, les  vertèbres  fe  jettant  depuis  l'os  factum  de  droit  à 
gauche,  &  enfuite  de  gauche  à  droit  jufqu'aux  vertèbres  du 
cou,-  de  tous  lefqucis  faits  nous  délivrâmes  tous  notre  Cer- 
tificat le  même  jour  neuf  Aviil,  elle  le  requérant  pour  lui 
fervir  ic  valoir  ce  que  de  raifon. 

Je  certifie  de  plus,  que  fîx  jours  après,  le  Mardi  fuivant 
quinze  Avril,  M.  Souchay  mon  Confrère  ,  m'étant  venu, 
dite  qu'on  l'avoit  afliiie  que  cette  fille  etoit  paifiitemenc 
guérie  de  fon  anchylofé,  je  quittai  tout  pour  aller  la  voit 
arec  lui  ,  ne  pouvanr  croire  une  chofe  auffi  finguliere  ,  à 
moins  que  je  ne  la  vifle  de  mes  propres  yeux:  j'y  troirvai 
mon  neveu  Se  M.  Séron  Médecins,  Se  nous  fûmes  tous 
convaincus  par  nos  yeux  Se  par  nos  mains  que  fon  anchylo- 
fé avoit  été  entièrement  diltipée  fans  qu'il  y  reftât  ailcun 
veftige  ;  nous  trouvâmes  au  contraire  que  ce  pied  avoit  re- 
pris une  figure  Se  une  fituation  naturelles,  Se  entiétement 
confjime  à  fon  pied  droit;  qu'elle  le  remuoit  en  tous  fens, 
Se  s'en  fervoii  avec  autant  de  facilite  que  fi  elle  n'en  a- 
voit  jamais  été  incommodée,  l<.  qu'on  netrouvoit  plus  mê- 
me de  veftige  de  la  tumeur  qu'elle  avoit  au  deffjs  de  la 
malléole  externe.  Nous  lui  fimes  remuer ,  Se  nous  remuâ- 
mes nous  mêmes  fon  pied  de  tous  côtés,  Se  la  fiincs  mar- 
cher devant  nous ,  ce  qu'elle  fit  fans  boiter  en  aucune  ma- 
nière,  ayant  les  deux  jambes  de  longueur  égale,  quoique  le 
tibia  de  la  jambe  gauche  fût  cambré,  Sx.  les  ayant  toutes 
deux  fort  courtes  Se  allez  grofles. 

Lui  ayant  demande  ce  qu'elle  avoit  fait  pour  fe  procurer 
une  guérifon  ii  extraordinaire  ,  elle^nous  allura  qu'elle  n'a- 
voit  fait  que  des  prières.  Se  que  la  guérifon  s'etoit  opérée 
tout  d'un  coup  le  Lundi  de  Pâques  quatorzième  de  ce  mois, 
fon  pied  ayant  en  un  moment  repris  la  forme  naturelle.  Se 
recouvré  rbur  (on  mouvement,  Sx  la  tumeur  qu'elle  avoit 
au  defiiis  de  la  cheville  du  pied  ayant  fur  le  champ  eiriere- 
ment  dilparu ,  lins  qu'il  y  en  reliât  aucune  trace  :  8c  ef- 
fectivement nous  ne  trouvâmes  aii:h  que  je  l'ai  dit,  aucun 
veftige,  ni  de  cène  mineur,  ni  de  l'anchylofe,  ce  que  je  ne 
puis  m'empêcher  de  déclarer  n'avoir  pu  fe  faire  que  d'une 
manière  fuinamrelle  :  en  foi  de  quoi  j'ai  figné  ce  certificat 
h  fa  requifition  pour  lui  fervir  Se  valoir  ce  que  de  raifon. 
S\in€  Leaute'  Chirurgien  Major  des  Gardes  de  Corps  du 
Roy  avec  ^.iraphc, 

V. 

Second  rapport  du  Sieur  Souchai ,  qui  certifie  pn- 
reillement  que  le  i  f .  Avril  il  trouva  l'anchylofe 
en  queflion  parfaitement  gue'rie ,  &=  que  la  'De- 
moifelle Fourcroy  avoit  tous  les  mouvemens  du 
pied  libres  dans  tous  les  fens,  ce  qui  lui  parût 
furnaturel. 

JE  fouffigné  Chirurgien  Juré  à  Paris,  Prévôt  en  Char- 
ge de  la  Compagnie  des  Chiruigiens Jures  de  Paris,  iic 
Chirurgien  de  S.  A.  S-  Monfeigneur  le  Prince  deCon- 
ty  ,  cerrifie  que  le  neuf  Avril  dernier  je  fus  appelle  avec 
Melfieurs  Leauté  ,  Sivert  Se  Granier  Maîtres  Chirurgiens 
Jurez,  Se  .M.  de  Launay  Chirurgien  Major  du  Régiment 
Royal  Infanterie,  à  la  requifition  de  Marie -Jeanne  Four- 
croy fille  âgée  de  26.  ans  ou  environ ,  pour  la  voir  Se  vifi- 
ter à  l'occafion  de  la  dimcuhc  qu'elle  avoit  lors  de  marcher, 
ayant  le  pied  gauche  tout  contourné  S:  fans  en  pouvo:i  fai- 
B  ce 


Pieees  jajlificati'ves  âa  itùrach 

&   peur  CQufultcr   cnrcm:.lc  C  elle     fc-icurc  ctoit  retournée  du  côté  de  la  fiCcTupérieure,  le  wlo» 


ic  aucun  mouvement  ., 

pojrtcit  li  cr  oi-.eUiu;  fccûuci  de  l'atr.  Que  l'ayant  exami- 
iicc-irnscnlimlil-,  nous  trouvâmes  qu'elle  avoii  une  ancliy- 
Ijfc  fo.nicc  à  l'articulation  des  os  du  pied  gauche  avec  ceux 
de  !a  jambe;  de  façon  ijue  ces  os  étant  joinu,  unis  Se  com- 
me incorr  jrcs  enfcmblc ,  il  ne  lui  étoii  pas  pofliblc  d'avoir 
aucun  rajuvcmc'it  dans  l'articulatron  :  nous  trouvâmes  aiilu 
q  te  cet:c  anclivlolc  avoir  donne  occafion  à  une  contotlion 
du  pied ,  de  façon  que  fa  pointe  fe  jectoit  en  dedans .  &  la 
pari:  inieirc  du  pied  etoit  tctoutncc  vers  la  face  rupcricu- 
ic,  *:  le  talcn  rctiic  par  le  tendon  d'achilles,  ce  qm  fjifoit 
«lue  le  pied  ne  pouvoir  pofcï  à  terre  que  fut  fon  cxttcmi:e 
&  fut  !i  fil. face  eïtcrnc  &  rupciicurc,  c'eft-à-dire  ,  pour 
m'expiimcr  en  termes  vulgaires,  qu'elle  ne  pouvoir  appuyer 
le  pied  à  terre  que  de  cô.c  Je  fur  les  doigts  (ans  pouvoir 
feire  aucin  mouvemenr  de  fon  pied ,  fur  quoi  nous  fumes 
tous  d'avis  que  cette  incoramodiic  ctoit  incurable,  n'y  ayant 
aucun  icuied;  capable  de  la  guérir  en  l'era:  ou  elle  etou; 
ce  don:  nous  lui  donnâmes  tous  notre  Ccaificat  datte  dudit 
jour  neuf  Avril  dernier:  nous  remarquâmes  auîTi  une  m- 
tncur  au  delTus  de  la  malléole  externe ,  vulgaiicment  due  la 
ciieviilc  du  pied.groOc  comme  un  auf  de  pigeon ,  occa- 
fionnic  par  la  dilatation  de  la  capfulc  ou  cnvcljppe  de  l'ar- 
ticubtion,  c;  qui  avoii  ctc  caufc  par  l'epanchcmcnt  de  la 
fynovie  dans  ce  te  cnvclopj^c,  c*eft-à-ditc  ,  par  l'humeur 
de  l'anchyiofc  qui  s'etoit  infiltrée  dans  cette  partie.  Nous 
remarquâmes  en  même  tems  que  le  tibia  de  (a  jambe  gau- 
che ctoit  cam'ré  du  cote  de  la  partie  interne  qui  formoit 
un  a:c  depuis  fa  partie  inférieure  jufqu'a  fa  partie  fuperieu- 
rc-  &  avant  examine  l'cpine  de  Ion  des,  nous  trouvâmes  P< 
qu'elle  ctoit  comcurncc  eu  façon  d'une  S.  Romaine,  les  ver-  L  ^J^t  .^„=  °°"""^ 
tebrcs  fe  jettant  depuis  l'os  facmm  de  la  droite  a  gauche,  quel.c  boitât  ,  elle 
&  cnfuitc  de  la  ga jctic  à  droi:  jufqu'aux  vertèbres  du  cou , 
ce  que  nous  énonçâmes  dans  noac  Cettifical. 

Le  Mardi  fuivânt  15.  Avril,  le  Sieur  Guy  Marchand 
Bonnetier  demeurant  au  haut  de  la  rue  S.  Jaques,  m'étant 
venu  dire  que  l'anchyljfe  que  cet:e  fille  avoit  au  pied  avoir 
été  guérie  en  un  m.^raent  en  fa  préfcr.cc ,  la  veille  Lundi  de 
Pâques,  je  me  traiifportai  au(ri-!0;ch:z  e.lc  avec  M.  Leauie 
mou  Confère  que  je  pris  en  paiTan:  :  nous  y  trouvâmes 
Mctîieurs  Séxoa  &  l.cautc  Médecins,  &  l'ayant  exaiTiinec, 
r.ous  vîmes  avec  une  futprife  extrême  que  l'anchylole  qi'cl- 


ctoi:  tetitc  pat  le  tendon  d'achilles ,  ce  qui  faifoitque  le  pied 
ne  pouvoir  pofcr  à  terre  que  fur  les  otteils  ou  doigts  du 
pied,  8c  de  cote:  il  y  avoic  une  anchylofe  dans  l'aiiicula- 
lion  du  pied  avec  les  os  de  la  jambe  fans  aucun  mouve- 
mciit,  comme  s'ils  avoient  été  joints  Se  inc.<rpo£és  enlcm- 
ble.  Nous  rema:quimes  aufll  une  tumeur  ajdcflus  de  U 
malléole  externe  ou  cheville  du  pied  ,  grofle  comme  un 
auf  de  pigeon,  occaùonnce  par  l'hum;ur  de  la  fynovie  qui 
s'etoit  infiluée  dans  cette  partie  :  nous  uouvàmes  le  tibia  de 
ladite  jambe  gauche  cambré  en  manière  u'aïc  du  côte  de  la 
partie  interne  depuis  fa  partie  fupéricure  jufqu'a  l'inférieu- 
re: cnfuite  nous  examinâmes  l'épine  du  dos  qui  ctoit  toute 
contournée  en  manière  de  S.  Romaine,  les  vertèbres  fe  jet- 
tan:  de  dtoi:  à  gauche,  &  de  gauche  à  droit  depuis  l'osfa- 
crum  julqu'aiix  vertèbres  du  cou.  La  dite  Fourcioy  nous  a- 
yanc  demande  quel  remède  nous  lui  ordonnerions  pour  ia 
giierifon  :  nous  lui  dimcs  tous  que  fon  mal  ctoit  incura- 
ble ,  &  que  de  la  part  de  l'art  ,  nous  ne  pouvions  tien  , 
comme  nous  lui  avons  mis  dans  le  rapport  que  nous  en  fi- 
mes  pour  lors  ledit  jour. 

Le  .Vlcrctedy  16.  dudit  mois  d'Avril  je  fus  mandé  pour 
aller  voit  ladite  Fourcroy,  que  je  -rouvai  marchan:  dans  la 
chambre   (ans  boiter  &  d'un  pas  fcimc,  ce  qui  rac  (urprit 
très  fotr:  ayan:  examiné  le  pied  gauche  qai  etoit  tout  con- 
tourné   &    anchvbfé,  je  le   trouvai    guéri; Se  la  mmeurqui 
droit  au  dcdus  de  la  malieole  externe  dilfitKe  lans   qu'il  y 
en  reflàt   aucun  vcftigc:  je  trouvai   le  pied  dans  l'ctat  qu'il 
c;re.  naturellcmenr  ,   &   l'aiichyblc   entièrement    dilTi. 
le   pied   ayant   tous   les  mouvemens  qu'il  doit  avoir, 
de   nouveau   fait    marcher  ,    je    ne  m'apperjài  pas 
maichoit    fort    vite  &  lil-cucut   lans 
peine  ;    ce    qui  me  paiùt  être  quelque  choie  de  furnatuicl, 
qu'en  lî  peu  de  tems  elle  eût  pii    guétir   de   fon  pied.    Je 
lui  demandai  de  qucj  remède  elle  s'etoit   fcrvie  pour  avoir 
été  (i  ptomptcmcnt  guérie  ,    elle  me  dit  qu'elle  n'en  av.)it 
point  fait  ,    &  que  le  LunJi  de  Pàqncj  dernier  fa  gicrifon 
s'e:oit  faite  tout  d'un  coup  Se  en  un  inilant;   ce  que  ded'us 
je  certifie  être  v.ritable  :    en    foi    de  quoi  je  donne  le  pré- 
fent  pour  fervir  Se  vjloir    ainfi    que   de    laifon.    Fait  à  Pa- 
ris, ce   16.  Janvier  1/53-  ^'i"'  SivERT.  avec  farapbc. 


doir 
pce 


le  avoir  aa  pied  s'éroir  cntictemeur  dilTipce ,  fa;is  qu'il  en 
reflàc  aucim  vcftigc  :  que  fon  pie.1  avoi:  pris  iiuc  fo.ine  & 
une  fituation  namreilc  comme  s'il  n'eût  lamais  éic  incom- 
mode ,  8e  qu'elle  avoi:  tous  les  mouvemens  du  pied  libres 
dans  toi;s  les  fens,  le  pian;  à  pla:  à  terre,  le  remuant  8c 
s'en  fervant  avec  autant  de  facilite  que  de  fon  pied  droir ,  ce 
qui  nous  pariir  fjma  urel  n'v  ayant  pas  d'exemple  que  des 
Bnchvlufes  qui  on:  coniournc  les  os  comme  avoit  fait  celle- 
Ja  avent  pu  cne  guéries,  8e  fut  tout  en  u;i  cfpace  de  tenis 
fi  court:  elle  noui  afTura  même  que  fa  guétilon  s'etoit  opc- 
lée  tout  d'un  coup  Se  en  un  moment.  En  examinant  fon 
pied  guéri  l'obfervai  que  fcs  deux  jam'jcs  éioient  fjrt  ceur- 
tes ,  &  que  quoiqu'il  v  en  eut  une  don!  le  tibia  ctoit  cam- 
bre, elles  croient  néanmoins  ég.ilcs  8c  qu'clle^matchojt  dans 


le  cen:re  de  g'avitc  ,  6c  ne  boiroit  en  nulle  façon.  Je  fens 
qu'on  aura  bcaucnip  de  peine  à  ctoirc  une  guciilon  aufTi 
Surprenante  Se  auffi  (uir.aturcllc  :    mais  je  n'ai  pu  refafer  de 


aucnip  d 

aufTi  lut:'.: 
déclarer  une  vérité  que  j'ai  vue  de  mes  yeux.  Se  q-jc  )'ay 
exaartince  av-c  une  attention  8e  des  précautions  qm  ne  peu- 
vent me  laille  auCLin  doute  :  en  foi  de  quoi  j'ai  fignc  Se 
délivré  le  p dcni  Certificat  à  la  tcquilitiou  de  ladite  Ma- 
lie -Jeanne  Fourcroy  pour  lui  valoit»  8c  le;vir  ce  que  de 
Mifon.  Fait  à  Paris  ce  dixième  joui  de  Janvier  1733.  > 
iné  S  o  u  C  H  A  Y. 

VI. 


Stcontl  rapport  du  Sieur  Sivert  ,    qui   ctrtife-  la 
mimti  f.titi   que  tes  fricidem  Chirurgiens. 

T  Chirurgien  Juré    à   l'.i                                le 

1  '  viil  17  ù    j'ai  ce  m,.                                 de 

^1    i  ^    ■■■' --cl  Pa;„ :-.    ■■■■i, 

il,  Foutctoy  fiiic  igce  de  1?. 

i  :  [   avec  Mvfiieu.'S  ,  Gtaiiict 

Il  .   >'x  M.  de  Lauiuy  Chiuitgicn 

ni  Inf.intciie,  îl  l'occdïon  de  lauif- 

f^  ■    •    .    I    •       '  .  icj   gau,.hc  que 

l^  il  cil  faite  AU- 

cujj  ....  :  u  paiiiciu- 


VII. 

Second  rapport  du  Sieur  Granier ,  qui  certifie  «»» 
cort  les  mîmes  faits. 

JE  fjulTigné  Maiitc  Chirurgien  Juté  ,  tt.  ancien  Prévoft 
de  S.  Ccfme ,  certifie  que  le  9.  jout  il'Avtil  de  l'année 
1751.  je  me  (uis  ttanfportc  rue  de  Lourû;iC  Fauxbourg 
Saint  Marcel ,  à  l'effet  de  voit  la  noiiunce  Marie  -Jeanne 
Fouicroy  fille  igcc  d'environ  25.  ans;  8c  l'ayant  vilitee,  je 
rrcuvai  qu'elle  avoit  le  pied  gauche  entièrement  Ibude  avec 
la  jambe;  maladie  que  Von  nomme  anchylcfc,  qui  ctoit  i 
ce  qu'elle  m'a  dit  la  luire  d'une  maladie  qu'elle  avoi:  eu  en 
cette  partie  :  le  pied  ctoit  tourne  en  dedans,  i>e  ne  poitoi: 
eu  marchant  que  fur  la  partie  antétieuie  Se  externe  ,  le  ta- 
lon étant  retire  par  le  tendon  d'achilks  :  delquellcs  indilpo- 
fitions  elle  demanda   noue  certificat   qui  lui  fût  dclivie   à 

l'iiilUnt.  ,         ,,.,,..,-.,. 

Et  le  Matdi  faivant  quinzième  duJit  Mo'S  d  Aviil  ,  le 
fus  d:  nouveau  piié  d'aller  revoir  la  fulhommec  Matie- 
J?.inne  Fourcroy,  pour  obl'crver  le  cha^igemcnt  qui  ctoitar- 
rivè  \  l'atlicularicn  du  pied  anchylofe.  Se  vis  à  mon  i;i.v  ,1 
etonnemem  que  cette  articulation  etoit  a'a(li  libre  qie  s  ;1 
n'y  avoi:  jamais  eu  de  mal:  en  foi  de  quoi  j'ai  dc.iv,«.  le 
pici'cnt  pour  fetvir  Se  valait  ce  que  de  raalon.  APacis  le  16. 
|Our  de  Janvici  i7;3.  AC"'  Gkanier. 
VIII. 

Rapport  de  AI.  Sèron  DoHeur  en  Médecine ,  dans 
lequel  il  certife  que  le  If.  Airil  1•■^l.  iiy.int  e.vj- 
mine  le  pied  gauche  de  la  Deinaifelle  Fourcroy  ,  il 
n'y  trouva  aucun  tcfiige  d\tnchylofe-,  ëfi  que  II- 
fitd  avoit  refrit  une  fgure  fâr»  une  fituation  na- 
turelles. 


E  (■.uiriRné  DoAeur  Régent  de  la  Faculté  de  Mcdccire  de 
Pans,  IKvlicuc  de  ia  Faculté  de  Mompcllicr,  <.:o,  le  ll.r 
Mc.lecin  oïdiiiauc  du  Roi  en  Ion  Ariillenc,  U  .\ 
oiduiauc  de  l'ilo-d  Dku.    Ayant  ttc  prie  ïar  M.  i: 


J 


opère  fur  Marte-Jeanne  Fourcrey, 

giron, Confeiller  au  Parlement,  de  déclarer  ce  que  je  livois 


des  infirinites  &  de  k  guérilbn  de  Marie-Jeanne  Fourcroy  , 
fur  ce  qu'il  étoit  venu  à  fa  connoilTance  que  j'avois  été  voir 
cette  fîLe,  déclare  &  certifie  gte  je  me  luis  tiaiifporté  le  i  j. 
Avril  1752.  rue  de  Louilîne  Fauxbourg  S.  Marcel,  en  une 
maifcn  pour  viCier  la  nommée  [viavie  Jeanne  Fourcroy  ,  & 
<lu'en  entrant  dans  la  chambre  où  ell;  étoit,  j'ai  vûlaliiipri- 
fe  ,  l'ctonnemcni  &  l'admiration  peints  fut  les  vifages  de  tous 
les  afliflans  qui  fe  tapportoient  niiiiuelkmeut  les  meiveilles 
qui  s'étoient  opérées  lùbiteiner.t  la  veille  aufoir  fiir  laditte 
Marie-Jeanne  Fourcroy,  dans  la  guérilbn  d'une  ditïiculté  de 
marcher,  dont  elle  fe  trouvoit  paitàiieinent  &  radicalement 
guérie  au  moment  que  je  la  voyois;  que  cette  guéàfoa, 
quoique  je  n'cirCé  pas  vifice  précedeinirrent  Marie  -Jeanne 
Feurcroy,  me  parût  hors  de  toute atteiute de foupçoii ,  moins 
par  le  témoignage  du  plus  grand  nombre  des  afiïrtansibuvcnt 
trop  faciles  à  croire  fans  un  examen luUifant ,  îclâns allez  de 
connoiflince ,  que  par  le  témoignage  que  tendirent  en  ma 
préfence  plufieurs  Maîtres  Chirurgrens  qui  l'avoieat  vilitee 
avant  fa  guérilbn ,  &  qui  avoient  été  confubés (ur  toues  lés 
infirmités  .principalement  fur  (à  diiKciilte  de  marcher ,  &  qui 
l'avoient  afiurée  oar  la  connoillance  que  leur  donne  leur  art, 
qu'elle  ne  pouvoir  attendre  de  foulagemcnt  ,  ni  à  plus  forte 
lailbn  de  guérilbn  des  fecours  de  la  Medecme. 

Que  la  ca-pacité  &  les  lumières  que  ces  Chirurgiens  joi- 
gnent à  l'expérience  Se  à  la  repiuation  qu'ils  ont  Icgitime- 
iiien;  meritce,  leur  honneur  &  leur  probiré  m'aftttrerent  de  la 
vetite  d'une  guérifon  aiiffi  étonnante, que  je u'aurois pu  croi- 
re fans  des  garans  auflî  certains. 

Que  j'appris  de  ces  Chi  urgiens  (faifant  peu  d'attention  à 
ce  que  ditoient  le  refle  desaî£ftans)quel'intinni:e principale 
de  ivlarie-jeanne  Fouraoy  ,  pour  laquelle  ces  Chirurgiens 
avoient  étc  principalement  confultes,  étoit  une  diiîtcuhé  de 
marcher  par  la  difFoririité  de  fon  pied  gauche,  dont  elle  ne 
pouvoir  faire  auarn  mouvement  par  laicunion  intime  des  es 
ancliylofes  de  la  jambe  du  même  côté  avec  ceux  du  pied , 
cnibrte  que  ces  os  paroiffoient  confondus  ,  continus ,  ô:  ne 
plus  faite  qu'un  fcul  corps,  ou  plutôt  rui  feul  os. 

Qu'ils  avoic.it  de  plus  obfervé  que  celte  reunion  des  os  de 
La  jambe  &  du  pied  g.iuche  ,  ou  cette  anchylofe ,  étoit  ac- 
compagiiée  d'une  tumeur  au  deffus  de  la  malléole  externe , 
grofle  comme  une  noix:  que  le  pied  gauche  etoit  renverfe 
oe  manière  que  la  partie  interne  du  pied  S'étoit  tournée  vers 
la  face  fupcricure:  que  l'os  du  talon  remontoir  en  haut  par 
le  froncement  du  tendon  b'achill:,  &  que  le  pied  nepofoit 
à  terre  que  fur  l'extérieur  des  orteils. 

Je  déclare  que  ladite  Marie-Jeanne  Fourcroy  marcha  de- 
vant tous  les  aflîftans ,  dont  j'en  crois  un  ,  avec  libené ,  làns 
boiter  &  d'un  pas  auflî  ferme  que  fi  elle  n'eut  jamais  eré 
incommodée  de  fa  jambe  &  de  fon  pied  gauche  :  c'éfl  en 
cette  partie  de  les  infiiraités  que  confifte  fa  "uérifon.     " 

Que  l'ayant  enfuite  exaininée  avec  les  Chituigiens  qui 
étcient  prélens ,  nous  ne  trouvâmes  aucun  veftige  d'anchyl'jfe 
dans  l'articulation  de  la  jambe  avec  le  pied  djnt  les  mouve- 
niens  en  tous  (êns  etoient  libres  &  faciles:  que  la  tumeur  au 
deflus  de  la  malléole  externe  etoit  totalement  difiipee  :  que 
le  pied  tvoit  repris  une  figure  &  une  lituatiin  naturelles  c;;- 
tiétement  conformes  à  celles  du  pied  droit,  qu'en  toutes fes 
circonftances  elle  étoir  paifaitement  guérie,  &  que  fa  guéri- 
fon qui  avoir  été  jugée  impraticable  par  l'art  etoit  d'autant 
plus  éclatante  &  fitrp'renante  qu'elle  etoit  arrivée  fubite;ncnt  : 
«jue  cependant  je  remarquai  que  la  jambe  gauche  fqrmoit  in- 
térieurement un  arc  depuis  (a  partie  lupcrieure ,  jufqu'à  l'in- 
férieure, fans  que  cette  jambe  fi:t  plus  courte  que  la  droite: 
que  l'épine  du  dos  étoit  contournée  en  façon d'uueS-  lomai- 
iie,  &  qiie  les  vertèbres  fe  jcttoient  depuis  l'os  factura  de 
droit  a  gauchs,  &  enfui- é  cle  gauche  à  droit  jufqu'aux  ver- 
tèbres du  cou.  Tous  lefquels  faits  je  certifie  véritables  :  en 
foi  de  quoi  j'.iy  figné  le  jréfent  pour  Icrvir  Se  valoir  ce  que 
de  raifon.    A  Paris  ce  zf.  juillet  1733.  Ji^néSERON,  avec 

I   X. 

Certijsc.1t  d:i  Sieur   Guy ,  qui  e'toit  fréfetit  da^s  le 
moment  que  cette  guérifon  fitbite  s'eji  opérée. 

JE  foulTigné  Jean  Guy,  Marchand  Bonnetier  à  Paris,  y  de- 
meurant me  &  Porte  S.  Jaques  ,  Paroilfe  Saint  Benoit, 
certifie  ctnn  hte  dès  1;  commencement  du  mois  d'Avril 
1732-  Matie-Jcanne  Feurcroy  fille  lors  âgce  à  ce  qu'elle  ine 
dit  de  15.  ans,  iacommoclée' de  pliUicms  maladies ,  ayant  le 


■ 


corps  rout  contrefait  depuis  la  tête  jufqu'aux  pieds,  extrême" 
ment  boflue  à  l'épaule  droite  &.  vers  la  hanche  gauche ,  ayant 
l'os  de  la  jambe  gauche  tout  en  arc  depuis  l'extrèmi;e  d'en 
bas  jufqu'au  genou;  enforte  qu'il  fembloit  fjrmer  le  mollet 
de  la  jambe  ;  le  pie.l  de  la  même  jambe  gauche  etoit  tout 
tourité  en  dedans,  de  façon  que  lorfqu'ellemarchoit  fon  talon 
demeuroit  en  l'air,  &  elle  n'appuyolt  que  fur  le  côté  du  pied 
dont  on  voyoit  le  delfous  lotf^u'elle  vouloir  l'appuyer  par  ter- 
re. En  cet  état  elle  boitoit  extraordinairement:  &:e!leav»tc 
d'autant  plus  de  peine  à  marcher,  qu'elle  avoit  les  deux  jam- 
bes fo.  t  courtes ,  &  une  gtoffeur  grolfe  comme  une  gvoflë 
noix  à  la  cheville  externe  du  même  pied:  que  pltifieurs  Chî- 
lurgiens  l'ayant  viùtée  en  ma  préfence  pour  confulter  s'il  ne 
feroit  pas  poffible  ..'apporter  quelque  loulagement  à  fou  état , 
ils  avoient  tous  dedate  que  fes  incommodités  étoientablblu- 
ment  incurables,  &  qu'il  n'y  avoit  dans  leur  art  aucuns  remè- 
des qui  puflènc  la  metue  en  état  de  mieux  marcher  Se  de  de- 
venir plus  droite. 

Que  cette  fille  ne  trouvant  aucun  fecours  du  côté  des  remè- 
des ni  des  hommes,  réfolut  pour  lors  de  demander  à  Dieti 
par  riiiterceflîon  de  M.  François  de  Paris  quelque  foulage  ■ 
ment  dans  fes  différentes  maladies  &  incommodités,  le  tout 
pour  la  manifeftation  de  la  vérité  &  pour  fa  gloire:  qu'ayant 
d'abord  été  guétie  en  peu  de  tcms  de  toiues  fes  maladies, 
elle  fût  pénétrée  d'une  fi  vive  foi  que  Dieu  lagueriroit  audi 
de  fes  autres  incommodités,  qu'elle  réfolut,  fi  elle  le  pou- 
voir, de  faire  confiater  l'eta:  de  fon  corps  &  de  fon  pied  d'une 
manière  qui  ne  pût  laiflet  aucun  doute,  fi  Dieu  jugeoit  à 
propos  d'opérer  quelques  merveilles  en  fa  faveur ,  que  m'ayaiit 
fait  communiquer  Ibn  deflein,  j'aflémblai  chez  elle  le  neuf 
Avril  de  l'année  dernière  cinq  Chirurgiens  les  plus  habiles 
que  je  connuflé:  fçavoir,  Mrs. Leaute_,Sivert,Souchay, Cra- 
mer &  de  Laimay',  par  lefquels  elle  fe  fit  viCter  en  ma  préfen- 
ce ,  &  leur  demanda  s'ils  ne  pouvoient  pas  lui  donner  quel- 
ques remèdes  qui  la  puirent  faire  marcher  plus  facilement: 
ils  répondirent  tous  unanimement  que  fon  incommodité  ii'c" 
toit  pas  de  na.ure  à  pouvoit  être  jamais  guérie  par  aucuns  re- 
mèdes humains  ,  &  qu'ils  ne  leur  etoit  [  as  plus  po'.fible  de 
lui  pouvoir  donner  aucun  foulagemear  ;  ce  dont  ils  lui  don- 
nèrent tous  leur  certificat.  Cinq  jours  après  ,  le  Lundi  des 
Fêtes  de  Pà-]aes  14..  Avril '1752.  cette  fille  entra  fir  les  fix 
heures  du  foir  en  convulfion:  elle  fe  mitennotrep  éfence  la 
tête,  les  jambes,  &  les  pieds nitds:  elle  prit  l'extrémité  des 
doigts  de  fbn  pied  gauche  malade  avec  fa  maindtjite.  Scie 
fit  plier  ,  &  au  bout  de  très  peu  de  teins  elle  le  tourna  de 
tous  fcns  avec  une  impéiuofite  extrême,  Se  mêle  pièlen;a  en- 
fuite:  je  pris  ce  pied,  &  lui  fis  faire  tous  les  raotivemeris 
qu'un  pied  peut  faire.  Nous  ise  pûmes  rereni:  1:0s  larmes 
clans  le  tranlport  de  joye,&  d'étontiemenc  ou  nous  nous  trou- 
vâmes de  voir  en  moiiis  d'un  demi  qiiait  d'heure  opéier  en 
notre  préfence  une  fi  grande  merveille;  vi^yant  que  ce  pied  que 
nous  venions  de  v^dr  un  moment  auparavant  tout  contrefait, 
avoit  repris  une  figure  naturelle;  nous  en  rendîmes  liir  le 
champ  nos  très  humbles  actions  de  grâces  à  Dieu  par  un  te 
Daim  que  no.is  lécitàmes  Auffi-iô;  qtie  fes  convulùons  fu- 
rent finies;  voyant  fon  pied  parfaitement  guéri,  elle  lepro- 
fterna  toute  étendue  par  terre,  Scn^  us  recommençâmes  avec 
elle  le  Te  D.am:  enfuite  nous  la  finies  marcher  les  pieds 5c 
les  jambes  nuds,  &  nous  admirâmes  de  nouveau  qu'elle  ne 
boitoit  nou  plus  que  fi  jamais  elle  n'avoit  ete  efttopiee.  Je 
fiis  trouver  les  Chirurgiens  qui  l'avoient  yifiee  le  neuf  du 
mois,  ik  avoient  déclare  en  ma  préfence  la  guérifon  impoflî- 
ble.  J'obtins  d'eux  de  la  venir  voir;  iSt  ils  f.ireut  tous  aufH 
étonnez  que  moi  :  ils  trouvèrent  fon  pied  libre  &  entière- 
ment guéri:  ils  la  firenr  marcher  pltifieurs  fois'devant  eux', 
&  leur  lurprife  leur  fit  dire  dans  le  tranlport  de  leur  admi- 
ration: ceci  cft  evideinm.ent  i'ccuv.e  de  Dieu,  n'y  ayant  que 
fa  Tonte-puilib:-.ce  qui  puilTe  opérer  une  pareille  merveilii. 
Tous  le(^.juels  faits  je  certifie  véritables:  en  foi  de  quoi  l'ai 
figné.    A  Paris  ie  14.  jour  de  janvier  i?;";.  Signi y  Gur. 

X, 

Certif.cat  dn  Sieur  St'm.irt,  qui  était  aujft  -^réfenf 
dans  le  moment  de  la  guérifon, 

JE  foufTignc   Nicolas  Simart   Libraire   à  Paris,  y  dem.nj- 
•  rant  rue  Saint  Jaques  x  l'enfeigne  du  Dauphin,  Paroilié 
Saint  Scverin;  certifie  que  le   neuvième   jour  du    nioiS 
d'.'Vvrii  de  l'aV.nce  i'5i.  j'ai  ete  prcfer.t  a  un  e.xamen  que 
firent  .Mrs.  Leautc,  Siverr,  Granicr,  .Souchay   Se  de    Lad- 
Bsy ,  tous  ChireraicDS ,  de  l'état  ptcfciu  de  Marie  Jamne 
B.2.  ïwui- 


-  Pièces  iufltfic.iù'vti  du  miracle 

^  -    /,  i,.-r\\,'  mr  picd-lj-  ie  vis  auffi  qu'il  y  ivolt une  grotTcur très  datftsuder- 

Fourcroy.  fiUc  igée  de  ^^  »«  «■^^"°"'^?,.4<=  Zk\^t  fÙ'  de  ù  chev.Ilc  :  V  V  ''«^S-a'  avec   d'au.am  plus 

dit  alors.     Au   picm.ci  afpea,  a^^nt  la   ulitc  ^«^  ^.'^""J  d'attention,  que  comme  &  jambe  gauche  s'agiroit   avec  une 
gicns,    elle  roc  patut  ""/''iiti'rfa.tc ,  ajant   le  vna  c  ac  ^        f    ^J  jjnj  des   convulfions  qui   lui  pienoiem  tous 

travcts  .   la  tête  .enfoncée  dans   les  «ri»"'";  f°"'  '^f  °,''=  les  You"    cela  lui  faifoit  efpciet   q.t?  D.cu  la  guc.toit  de 

agitations,  que  quatre  pcifonncs  avoient    bien   de   la  pcme 
Via   teenir  :    &    que    dans  ces   agitations  eUe  cognoit  (a 


a    la    teenir  :    «    qut    u.»:»   >-"    •&"- . — . 7  " , 

jambe  gauche  avec  tant  de  force  qu'elle  autou  dii  naturel- 
lement fc  la  carter  plufiems  fois.  -,    r   c 

Que  néanmoins  on  ne  voyoït  point  qu  il  le  ht  aucun 
changement  à  fon  pied:  qu'il  icftoit  dans  le  même  état  Se 
la  même  difformité  ,  &  fans  avoir  aucun  mouvement  or- 
dinaite  ,  mais  toujours  comme  li  fon  pied  âc  la  jambe 
euflcnt  été  d'une  même  piccc;  ce  qui  a  dure  jufqu'au  14. 
du  même  mois  d'Avril  vers  les  7-  heures  du  loir ,  que 
lad.  Fourctoy  étant  dans  le  foit  de  fa  convuliion  ,  &  ça- 
roirtànt  évidemment  être  fans  connoiflance,  fe  dechaulia  , 
&  q'ielque  tems  après  s'eîant  mife  en  fon  feant  ,    elle    prit 


quelle  boitoit  très   bas   du   pied  gauche     dont  elle  n'appu 

?oiti  terre  que  le  côte  externe  vers  le  bout,  enforte  qu'en 

'dedans  on  voyoït   la   plante   en  l'air   &   le  talon  ne  pofo. 

point   du  tout  :    pendant  l'examen  des  Çhiturgieiis ,  ayant 

confi  Jéré  attentivement  cette  jambe   gauche  ,   )c  vis  que  le 

pied  ctoit  contourné  en  dedans:  qu'a  la   cheviUc  esteii-e  1 

y  avoit  une  turaeut  de  la  gtortcut  d'un  oeuf  de  pigeon;  &. 

que  les  Chirurgiens  cffaycrent  en  vain  à   plufieu.s  lepri  es 

de   faire  faite  quelque  mouvement  a  ce  pied  quelle  dit  eue 

dans  cet   eut   depuis  quinze    mois    environ.    Les   Lnuur- 

rîe^s  déclarèrent  Vil^^o"   '"^'hylofe  :,   je  v,s  de  plus  que 

Pos  de  certe  même  jambe  etoit  cambre  du  -jo'^  ^e   a  P": 

tic  interne,  &  faifoit  comme  un  ave  depuis   la  cheville  |ul 

qu'au   genou  ,    incommodité   qu'elle   du   avoir  d^    on  cas  ,         ^5  ^^^^^  ^^,.^,„  .„..^  ^„  .„ „.  ,    ....    ^... 

h<^  ou  elle  s'eft  nouée,  au(r.  bien  que  celle  des  deux   bof-     ?  'l,^f'3"=  X  \  ^^^^^  fa  „,„,  gauche  fous  le  pied, 

fe-s  du  dos  que. les  Chirurgiens  f ''-^-J/^;'"^;  ^  ,       &  p?  lanf'e  la'mtin  droite  l'e.trêmi^  de  ce  même^pied 

que    "épine  etoit  contournée   en  S.  Romaine     Aptes  a\o>r  F  ^^^^  .    ^j,^   ^^   tournoit  &  rc- 

gien   elamine  tout,    ils  «"'"''^f J"  ifil^^f-fl^^^^  fournoit  avec  la  mam  droite    d'une    viterté  fans  e«le.    Ce 

ctrrîeu'f  %l  '"é°erfi  iTn?  y'a^r°drt^"mè?:e'[our  f-u  dans  ce  mouvement  qu'elle  remit  ion  pici  <L,s  fa  C- 
^'uTvel:  l^fin  du  m'ois  de  Vars  p/ecédent ,  e^ant  us  dan-  -i;--""  'd'eUe ,  nou.  n'eûmes  pas  de  peine  à  nou. 
lereufement  malade  e  le  avoir  eu  recours  a  I^euP^^^^^  appercevok  d"  n  changement  f.  fubit.' AulT.  -  tôt  ce  pied 
ttrceir.on  de  M.  de  Pans   enterre   dans   le   pe  it  Cimctie  e    ^FP""™  b        j         ^ile  ,   s'agita   de  droit  k 

de  S.  Mcdard:  qu'ayant  avale  de  la  terre  de  Ion  tombeau  q"'  g'°'-  ^"  j^  '°J.^^  ^  j^^,,  ^  ,,ec  une%apid,té  tout  i 
elle  avoit  depuis  ce  tems  li  des  Convullions  tous  les  |ou",  f,'"'7_  '  rdinaitf  &  qu'il  ne  feroit  pas  pkible  a  qui 
&  qu'elle  joâifloit  d'une  pa.faite  &nte ,  ,'a.  continu^  depu  s  f  a  t  ^|  j^^'^  l'^^^^j^^^ '^^  ^''.j.^blai  mon  a«ntfon  ainfi  que 
ce  ^our  à  la  voir,  &  j'ai  remarque  que  P^"-»"' '«  ^  •°"-  ?e"  autres  pefônnes  q.i  croient  ptefentes  ,  &  aulfi-tôt  que 
vt.lfions  fa  jambe  gauche  avoir  des  raouvcmensconvuUfs  '=/  "^'^'^J  P^";'°\,  ,„,,„£  f^^t  ^effe  ,  nous  le  touchâmes 
très  forts,  &  que  même  hors  de  fes  Convulfions  il  y  e-  "  "'°r^,"",.„-fiia,cs  par  nos  mains  que  ce  pied  avoit 
ftoit  un  petit  riouvement  convulfif    rcgic  &  continuel.    Le     ;°"  j'^  «„  ■'"'Jf^, ™,  U^  dans  tous  lesîens  ,  d  noi:s  vi- 

v;i  manier  les  jcurs  prcccdens.    Je  vis  au   bour  de   très  peu      _  1  «-netree  ;i,aJm^">V°",  "j'i    l,,  ^  ^,  fiiOffement  .    nous 


de  tems,  comme  elle  etoit  dans  cet  exercice,  fon  pied  e 
ledrefTet  tour  d'un  coup,  &  reprendre  la  fituation  naturel- 
le  fut  quoi  je  m'écriai  :  fon  pied  eft  remis.  Dans  le  mê- 
me inftant  tenant  ce  pied   par   le   bout    des  doigts,  elle  lui  _       _  _ 

fit  faire  tous  les  mouvemens  de  tous  fcns  avec  ""<=  /.vaciic  "•""■;'»  ^=  roCr  f^n  p  ed  gauche  entièrement  gueri  & 
extrême,  comme  s'il  n'eur  ,ama.s  ete  incommode  puis  q"'=  "?^'^  jf,J™^„"  °  ..iU'avoit  jainais  ete  incommode, 
s'ctam  ccriee:  je  fuis  guei.e,  elle  fit  exammer  fon  pied  par     '"(^"^Va,ne  de  iguerifon  ,    fon  premier  mouvement  fiit  de 

l^S  r$r^u-:ï'di^r ^"^  ^Ma  n;;^iiéT;^  r.  "^^^'^-^^^ .!?- -  ^^i.^-^  2!-  r.^::. 


l'enetree  ûaumiraiion  u  un  t-iuu.g.    .^^.    ■..— 

f.-apant  &  pleurant  tous  de   joyc  Ce  de  JaiQflemcnt  ,   nous 
dîmes  tous  enlcmble  le  Tt-  Dtum. 

Peu  aptes  fcs  convulfions  étant  6nies  ,  les  premières  pa- 
roles qu'elle  profera  ,  furent  mon  pied  eft  gueri  :  |>uis  le 
mettant  à  le  regarder  &  a  le  tarer  ,    elle  fat  aulTi   étonnée 


iove  fiirent  exnêmes:  &  recor.noinant  après  ce  que  i  avois 
entendu  dite  aux  Chirurgiens  cinq  jours  devant,  qu  i  n  y 
avoit  que  Dieu  qui  ei'it  pu  opeiet  une  pareille  racrveiUe,  |c 
lui  en  rendis  mes  très-humbles  aûions  de  grâces.  AulTi-tot 
que  fcs  convulfions  furent  finies  ,  &  qu'cl.e  fat  revenue 
«ans  fa  raifon  na'.urelle  ,  s'etant  apperçuc  de  fa  guerilon, 
elle  fc  proftcrna  contre  tertc,  Se  dans  cette  pofture  elle  ré- 
cita le  rf  Vcnm  avec  la  compagnie:  enfuite  layamfait 
marcher  dans  la  chambre,  je  vis  qu'elle  avoir  im  ulagc  li- 
bre de  fon  pied;  Se    qu'elle    ne   boitoit   plus.     Toutes  lc( 


Tf  Dinm  qu'elle  nous  fit  recommencer  ;  aptes  quoi  s  ctant 
relevée  ,  elle  fit  tous  les  ufages  de  fon  pied  dont  elle  put 
s'avifer  Se  y  trouva  au:ant  de  torcc  Se  d'agilitc  que  s  il 
n'avoit  jamais  eu  d'incûm.«odi;e:  non  feulement  marchant 
Se  couLint  fans  boiter  Se  fans  peine  ,  mus  auffi  le  frapant 
contre  rerre  Se  fautant  dcrtus.  .      /-i.-      -•-„,  „.,: 

Le  lendemain  Se  lur-lenderaam,  les  cinqChitutgiens  qui 
l'avoiem  vifitce  le  neuf  du  même  moij  ,  vinrent  la  voir . 
Se  furent  chacun  d'une  fuipiifc  extrême  de  voir  la  perte;tion 
de  fa  cucriIbn.Sc  de  ne  plus  trouver  aucune  trace  dune  in- 
^  ,  ■    .,!: «-    i*«  /se  Af  cf    ni(».4  .  &  les 


ht^^i^X^<^^^^  ^''^^^^    A    ^^^^  ^^.^^  q..ùl'aXientd,cla.e:SciU  .en, 
Piiis  ce  II.  Août  1733.  S;gr,é  N.  Si.siart  a-.tc  fjr^fU. 


X  I. 

Certijtat  di  la  Demoi/el/e  de  Luna<fiie  qui  ctoit  pa- 
ra/lement  prc fente  au  moment  de  la  guerifon. 

JE  feurtignce  Marie  Claude  de  Lunaquc  fille  majeuie  de 
Dominique  de  Lunaquc  Mairre  Chirurgien  Jure  de 
Samt  Corne,  Se  ordinaire  de  la  Maifon  Royale  desGo- 
belins ,  certifie  qu'au  commencement  du  mois  u'.\vriJ  dct- 
rier ,  je  vis  pie'ipie  tous  les  jouis  chez  Madame  de  Vitry, 
b  Dcmoifclle  Fouicroy  qu'on  difoir  avoit  ete  guérie  d'une 
Hidiopifie  qui   lui   avoit  engage    la   poitrine ,  Se  dont  elle 


nu'ilSL. 

dïrînt  tous  témoignage  qu'if  n'y  avoit  que  Dieu  qui  eit  pu 
optiet  un  pareil  prodige.  Tous  Ici  lueU  tai«  |c  certihe  c..e 
véii  ailles:  en  foi  de  quoi  l'aiccntie  ligue  le  preem  cenih- 
cit.  Fait  i  Paris  ce  premier.  Mars  1753'  A»/ LUNAQitE. 

X  I  T. 

Certifcat  de  U  "Dame  de  Vitry ,  qui  iint  dant  U 
(himbre  de  Ai  Demoi/el/e  Fourcroy  ,  d.tns  le  mo- 
ment qu'elle  zenoit  d'être  gucrie. 

JF  foiifflgnce  IeanneBjiiillciot,VcuveaeClaudcde  Vitty 
a 


March.ii'id  tciiif.iuet  du  giand  Se  bon  leint.certifie  qii'ayant 
j  appris  que  Madcmoilclle  Foutctoy  ,  doiitThidropilic  avoir 
fi  fo  t  eneasf  '»  ?<>'""'<:  qu'on  avoir  ete  oblige  de  lui  ruer 
i^  '.?.?,-._  K „.,,  i..i  fj.-,li'er  itei.irationfaupoi.'C 


opéré  fur  Marie-Jeame  Pour  cm. 

t  îl,  du  »3m«  Mois  \  la  fôrti*  d'une  violente  convuliioo 
qui  lui  avoit  pris  ce  jour -là,  qui  étoit  le  premier  d'une  neu- 
vainc ,  que  prête  à  rendre  l'ame ,  elle  avoit  commencé  à  iM 
de  Paris.  Je  fouhaitai  fort  de  l'engager  \  venir  demeurer 
chez-moi ,  afin  d'avoir  le  boniieur  de  voir  fous  mes  yeux  la  per- 
fedlion  de  fa  gue'tifon.  Elle  y  vint  efFeCtivement  le  3 1 .  Mars 
n'ayant  plus  que  quelque  relie d'enflui'e de fonliidropifie, qui 
fe  diffipa  abfolument  en  trois  jours  ,  quoiqu'elle  s'obftina  \ 
faire  maigre,  &  qu'il  parût  encore  évidemment  à  l'extrême 
maigreur  de  fon  vifage  &  de  fes  bras,  que  l'hidropilîe  dont 
elle  venoit  d'être  guérie  avoit  été  fort  confiderable. 

En  très  peu  de  rems  Ton  vifage  &  fes  bras  reprirent  chair  & 
je  puis  due  qu'on  voyoit  fa  fante  fe  fortiiiet  tous  les  jours  à  vue 
d'œil- 


Mais  fi  elle  fat  en  fi  peu  de  tems  entièrement  quitte  de  fon 
AidropiGe,  il  lui  refta  une  autre  incommodité  qui  l'obligeoit 
de  refter  prefque  roujouts  dans  fon  lit  ne  pouvant  prefque  faire 
aucun  ufage  de  fon  pied  gauche,  qu'elle  ne  pouvoir  appuyer 
à  terre  Uns  douleur,  &  qui  eroit renverfe fens delVus dcllous 
de  façon  qu'elle  ne  pouvoir  appuyer  à  terre  queledefliis  des 
doigts,  le  talon  demeurant  élevé  en  l'ait,  &  la  plante  du  pied 
paroiflant  prefque  retournée. 

Cependant  ayant  remarqué  que  dans  fes  convulfions  qui  lui 
prenoient  tous  les  jours  l'après  midi  avec  tant  de  violence  que 
quatre  perlonnes  avoient  de  la  peine  à  la  retenir ,  fa  jambe 
gauche  s  agitoit  avec  une  force  inconcevable,  &  frapoit  contre 
tout  ce  qui  Iç  rencontroit  près  d'elle,  je  lui  demandai  à  la  fin 
de  la  convullion  qu'elle  eût  chez  moi  le  premier  Avril  ,fi  elle 
ne  le  lentoit  pas  blefiee  à  la  jambe  gauche;  m'ayant  répondu 
que  non,  &  lui  ayant  rapporre  les  mouvemcns  extraordinai- 
les  qii'clle  en  faifoit ,  &  les  coups  qu'elle  donnoit  contre  tout 
ce  qui  etoit  près  d'elle  ,  elle  me  répondit  que  ce  que  je  lui 
dilois  lui  faifoit  grand  piaifir,  &  que  c'étoit  un  ligne  que 
IJieu  vouloit  la  guérir  de  l'incommodité  qu'elle  avoit  à  ce 
pied  la.  Je  lui  dis  qu'en  ce  cas  il  feroitbond'en  faire  con- 
Marer  auparavant  l'état ,  &  lui  propofai  d'envoyer  prier  M  de 
Manreville  Chirurgien  de  réputation  ,  &  Démonftrateur  en 
t^hirurgie  ,  de  venir  chez  moi  fous  prétexte  d'examiner  s'il 
n'etoit  pas  poffible  de  lui  procuier  par  quelque  remed-  le 
moyen  de  pouvoir  fe  fervir  de  ce  pied.  Elle  acccpra  la  pro- 
polition  avec  joye  ,  &  dès  le  lendemain  dcu-ï  Avril,  je  fis 
venir  M.  de  Manteville  chez-moi. 

Après  avoir  bien  examiné  fon  pied  ,  il  me  déclara  qu'il 
ny_  avoir  aucun  remède  à  y  faire,  parce  quclesosenavoicnt 
ete  loudes  avec  ceux  de  la  jambe  par  une  anchylofe  ,  &  qu'il 
ny  avoir  aucun  remède  dans  la  Médecine  qui  pût  détruire  cet- 
te loudure. 

Coinme  il  l'cxaminoit  encore,  fes  convulfions  lui  prirent- 
U  violence  de  les  mouvemens  parût  l'étonner,  d'autant  plus 
qu  après  lui  avoit  trouvé  un  poux convullîf,  il  ne  lui  en  trouva 
Plus  du  tour  II  refta  lufqu'à  la  fin  de  fes  convulfions  :  &  la 
L)empileUe  Fourcroy  l'ayant  prié  de  lui  donner  un  certificat 
de  letat  ou  1  avoit  trouvé  fon  pied ,  &  de  la  fituation  du  tefte 
de  les  os  qu  il  avoit  aulfi  examinés,  &  même  de  ce  qu'il  avoit 
glerve  dans  les  convulfions,  U  le  lui  donna  après  s'en  être 

Quelques  jours  après  le  fieut  Guy  nous  ayant  propofé  de  fai- 
te venir  encore  d'autres  Chirurgiens  tous  les  plus  habiles  qu'où 
pourroitranembler,  nous  l'en  chargeâmes,  &  effectivement 
le  neuf  du  même  mois  d'Avril  ,   il  alTembla  Mrs.  Leauté  . 
touchai,  Sivert,  Granier&  de  Launay. 
n„.  ?  î^'"'  '"?  M*",^  '°"'  ""animement  que  l'incommodité 
que  la  DemoifeUe  Fourcroy  avoit  au  pied  croit  incurable  .les 
os  du  pied  &  de  la  ïambe  étant  liés  enfemble  &  ne  faifant 
plus  qu  un  feul  corps  :    l'os  du  pied  ayant   perdu   fa   forme 
natureUe,  &  s'e_tant  tout  dérange  &  tout  contourné  par  la  force 
oc  iacretc  de  l'humeur  qui  avoir  produit  cette  incommodité 
lis  ne  vouloient  pas  même  donner  leur  confultation  par  écrit 
flilant   gue  c'ctoit  une  chofe  toute  vifible  &  toute  évidente  ' 
mais  néanmoins  comme  la  DemoifeUe  Fourcroy  perfifta  à  là 
JcHt  demander ,  ils  la  donnèrent.  '  ^ 

Le  pied  de  la  DemoifeUe  Fourcroy  refta  encore  cinq  jours 
au  même  état  lans  qu'il  parût  aucune  dipolîtion  à  fa  gueri- 
lOD.  tnhn  le  cinquième  qui  étoit  le  Lundi  de  Pâques  qua- 
-?"^  ''",,"î5™e  ,™ois.  en  revenant  le  loir  d'une  vifite  que 
J  etois  aile  faire  dans  mon  quartier,  on  medittouten  entrant 
que  le  pied  de  la  DemoifeUe  Foiicroy  étoit  entièrement  pué- 
n,  avoir  change  tout  d'un  coup  de  figure  dans  le  tcmsqS'el- 
le  etoit  enconvulfion.  Je  montai  au  plus  vite  dans  fa  cham- 
bre pour  être  rcmoin  d'une  fi  grancîe  merveille:  elle  cou- 
rut a  moi  aufli-tot  qu^le  m'appctçut,  c\  me  fit  voir  fon 

///.  Dmonfl.  Tome  IL 


pied  que  j'avois  encore  vu  le  matin  fout  tourné  ,  qui  étoit 
pour^lors  dans  la  même  fituation  qu'il  auroit  du  être  fi  el- 
le n  y  avoir  jamais  eu  d'incommodité.  Elle  le  remua  devant 
moi  de  tous  les  lens,  marcha  ferme,  vite,  &  fans  boiter; 
le  jetraen  l'air  &  fe  retint  fur  le  fcul  pied  gauche.  Elle  a- 
voit  même  fur  le  vifage  &  dans  les  yeux  une  gayetê  &  un 
certain  air  vif  dans  toutes  fes  aftions  que  je  ne  lui  ayois  ja- 
mais vu  a  ce  point  là  jufqu'à  ce  jour? 

Le  Sieur  Guy  qui  avoit  été  témoin  de  cette  guérifon ,  le 
ciiargea  de  faue  revenir  tous  les  Chirugiens  qu'il  avoir  ame- 
nés le  neuf  du  même  mois;  &  efteciivement  il  en  revinc 
trois  des  le  lendemain  ;  &  les  deux  autres  le  jour  d'enfuite, 
qui  tous  confeflcrent  que  cette  guerifon  éroit  évidemment 
luinaturelle ,  &  promirent  c'en  donner  chacun  en  leur  par- 
ticulier leur  certificat,  qui  contiendroitune  defcriptionexafte 
de  1  erat  ou  ils  avoient  vu  ce  pied  le  neuf  Avril ,  &  de  l'é- 
'-r  °"i  r  '■^''O'ent  trouvé  le  quinze  &  fciiedumême  mois, 
lous  lelquels  faits  j'airefte  devant  Dieu  être  exaftement  vé- 
ritables: en  foi  de  quoi  j'ai  ecrir  &  figné  le  prefent  certifi. 
cat,  &  protefte  d'eue  ptête  de  les  certifier  toutes  fois  & 
quantes  j'en  ferai  requife.  Fait  ce  12.  Février  1753.  nr„£ 
J .  13.  Veuve  ueVitry.  'jjj. 

If.  ACTE   DE  DEP  0  ST. 

Aujourd'hui  eft  comparue  par  devant  les  Notaires  au  Chà- 
telet  de  Paris  fouffignes ,  Marie-Je.\nne  Fourcroy 
r  .  ,™^'^"'^  demeuranr  à  Paris  rue  des  Gobelins  quar- 
tier 5.  Marcel  ParoiCTc  Saint  Hipolite.  Laquelle  a  depole 
pour  rninute  à  Raymond  l'un  des  Notaires  foulllgnts,  l'ori- 
ginal  d  un  Cerrificat  datte  du  deux  Avril  dernier,  Cmé  de 
ManrcyUle,  au  fujet  d'une  maladie  de  ladite  Comptante, 
cpntrole  le  27.  Août  aulfi  dernier  par  Blondelu;  lequel  ori' 
gmal  ecrir  en  quatre  pages  &  demie  de  papier  non  timbré 
elt  demeure  annexé  à  la  minute  des  prélentes, après  que  la- 
dite Comparante  l'a  certifie  véritable,  figné  6c  paraphe  en 
prclence  des  Notaires  foufllgnes,  fair  &  paflé  à  Paris  l'an  mil 
lept  cens  trente  deux,  le  quatoizieme  jour  de  Décembre  a- 
pres  midi,  îc  a  figné  la  minute  des  prcfemes  demcweeau- 
ûit  Raymond  Notaire. 

XIII. 

^'^t^"'^  /'"''^  ^«  '^eux   Avril  173  J,  p^r  Je  Sieur  de 

Manteville  ,  ancien  Démonftrateur  en  Anatomie  , 
&■  Prévôt  des  Chirurgiens  ,  de  la  forme  gp  de  l'é- 
tat des  os  de  la  DemoifeUe  Fourcroy,  &>  fur  tout 
de  ceux  de  fon  fied  gauche:  il  déclare  que  l'arti- 
culation en  eft  anchyhfée  ,  &  juge  que  cette  ma- 
ladie eft  incurable,  Qp  fait  auffi  le  rapport  de  fes 
convulfions  qui  lui  prirent  en  fa  préjence. 

NOu  s  foufligné  Chiruigien  Juré  à  Paris ,  Prevô:  en  Char- 
ge de  rioire  Compagnie,  ancien  Demonftiateur  en 
•  ^[""'■g'e,  Cerrifions  à  rous  qu'il  appartiendra,  que 
ce-)ourd'hui  deuxième  Avril  mil  fcpt  cens  trente  deux  , 
Nous  avons  été  mandé  dans  la  tue  des  Gobelins  Faubourg  Saint 
Marcel  près  Sainr  Hyppolite,  en  la  maifon  de  Madame  la 
Veuve  de  Vitry  reinturiere.  Nous  y  érant  tranfportc  ,  l'oa 
nous  a  conduit  dans  une  féconde  cour,  dans  un  corps  de  lo- 
gis fur  la  droite.  Etant  monté  d.ins  une  chambre  au  premier 
étage ,  nous  y  avons  trouvé  Mademoifclle  Marie  Jeanne  Four- 
croy fille  majeure  deJean-BaprifteFourcrovBoiiigeoisde  Pa- 
ns ci-devant  Marchand  Epicier;  &  de  Daine  Marie  Valen- 
tin  fes  pete  &  mcre ,  giflante  au  lit  ;  laquelle  Demoife.'- 
le  tourcroy  ci-dcflus  nommée,  nous  a  requis  de  l'enrcndre 
fia -fes  infirmirés  &  de  conftater  fon  état  prcfcnt:  y  ayant 
procccie ,  elle  nous  a  déclare  qu'à  l'âge  de  cinq  ans  elle  eft; 
tombée  dans  une  grande  mélancolie ,  parceque  M.  fon  peic 
l'empêchoir  de  foriir,&  la  gênoir  en  rout  par  letropdeten- 
drefte  &  d'atrention  qu'il  avoit  pour  elle, qu'elle  cfttombee 
dans  des  incommodités  de  toutes  les  parties  de  fon  corps- 
que  (pour  parler  le  langage  vulgaire  )  elle  eft  devenue  nouée  : 
qua  lage  de  dix  ans  elle  a  reliènti  un  grand  mal  de  poitri- 
ne &  d'eftomac,  faifant  très  mal  les  digeftions:quc  vers  ce 
tems-la  elle  crachoir  du  fang,  faignoit  du  nez  très  fouvent, 
&  vomiftbit  quelquefois  jufqu'aux  matières  fteicorales  ;  Icf- 
quclles  incommocfitcs  ont  dure  environ  fix  mois.  Dai;s  cet 
intervalle  ,  elle  a  été  neuf  jours  &  neuf  nuirs  fans  prendre  de 
nourrituie,  ni  folide  ni  liquide:  que  depuis  ce  rems  elle  a 
çtt  preîquc  toujouis  malade:  que  las  de  fei  i«jles  quifoit 
C  V*. 


10 


tenues  d'iffcz  bonne  heure ,  &  qui  ont  été  long-tcras  fufpcn- 
dues ,  elle  a  ci"i  une  jaunifle  pendant  un  mois ,  caufée  pat  Icui 
iLpptcllion:  ijue  pat  la  fuite  elle  a  é:c  pendant  quaueansun 
peu  moins  incommodée  par  les  remèdes  généraux  dont  elle 
a  ufc  :  que  pendant  fes  infirmités  elle  a  été  faignéc  cnvitoii 
cent  fois  du  btas ,  &  quaiante  l'ix  fois  du  pied  :  que  depuis 
dix  huit  mois,  elle  a  cte  impotente  de  tous  fes  membres  plus 
que  jamais  :  enforte  qu'elle  ne  pouvoit  porter  la  nourriture 
à  là  bouche,  &  que  l'on  étoit  obligé  de  h  faire  manger: 
que  vers  ce  tems-là ,  elle  a  perdu  la  vue  pendant  trois  femai- 
ncs ,  qu'ejle  l'a_rccouvrec  par  rintetceflTioude  défunt  M.  Fran- 
çois de     ■  .    «       ^   ......     . 


^ois  de  Paris  Diacre  enterre  en  la  Paroiffc  de  Saint  Medard, 
auquel  elle  a  foit  une  neuvaine.  Ayant  cnfuite  examine  la 
lùldite  Demoilelle  Fourcroy  :  nous  l'avons  fait  lever  de  fon  lit 
pour  voir  fa  démarche  :  nous  avons  remarqué  qu'elle  fc  tient 
a  peine  debout  loutenue  (bus  les  bras  par  quelqu'un;  qu'a- 
rec ce  recours  elle  peut  à  peine  mettre  un  pied  devant  l'au- 
tre, ne  pouvant  polcr  que  la  pointe  dii  pied  gauche  ,1e  talon 
étant  en  l'air.  Se  le  même  picJ  très  étendu,  mais  plie  fiit 
le  côte  en  dedans.  L'ayant  fait  remettre  au  lit  pour  exami- 
ner fon  corps,  nous  avons  trouve  la  jambe  gauche  contre - 
fcite;le  tibia  conliderablcmcnt  courbe  en  dedans ,  faifaiit  plus 
patticulicrement  une  porrion  de  cercle  dans  fa  paitie  moyen- 
ne; l'articulation  dn  pied  gonflée  Je  dejettée  en  dedans;  la 
malléole  externe  faifaut  cn'dchors  une  boflc  plus  confideta- 
ble  que  dans  l'ctat  naturel:  ce  même  pied  ne  peut  être  flé- 
chi, ayant  perdu  Ton  mouvement,  &  étant  anchylofé.  Ayaiu 
examine  l'epinc  du  dos,  nous  l'avons  trouvée  entièrement 
dejcttce,  failant  une  S.  Romaine  depuis  la  premietevcrte- 
bie  du  clos  julqu'à  l'os  làcram  :  enlone  que  lesapophilesepi- 
neufes  des  vcrtebics  du  dos ,  font  prcfque  fous  la  oafe  de  l'o- 
moplate du  côté  droit ,  l'épine  le  jette  enfuite  fut  le  côté 
gauche  à  l'endroit  des  lombes ,  qui  font  à  leur  tour  une  bof- 
le  de  ce  côte ,  &  un  vuide  du  côte  oppofe  :  enfuite  l'cpine 
letourne  dans  fon  milieu  à  l'endroit  cfcs  derniotes  vertèbres 
«les  lombes  pour  rejoindre  l'os  facrum  qui  eft  dans  là  fiiua- 
tion  naturelle.  Plus ,  nous  avons  trouve  l'os  de  la  cuifle  du 
côté  gauche  plus  courbe  intérieurement  qu'il  ne  doit  ëtte 
dans  l'état  naturel,  &  plus  que  celui  du  coté  droit,  les  deux 
os  radius  des  avant-bras  un  peu  courbes. 

Nous  certifions  d'abondant  qu'en  nottc  préfcnce  la  Demoi- 
Jëlle  Fciucroy  ci-deflus  nommée  à  été  conlîderablement  agi- 
tée de  mouvemens  convulfifs ,  qui  ont  commence  par  des 
baillemcns  &  un  tremblement  univerlcl:  fes  yeux  fe  font 
tournés ,  enforte  que  l'on  n'en  voyoit  que  le  blanc ,  les  muf- 
des  obliques  &  telcveurs  des  yeux  étant  en  contraiiion  :  le 
corps  s'cit  agité  avec  violence,  fe  pliant  Se  fc  repliant  dans 
tous  les  fens  aufli  bien  que  les  extrémités:  fe  roulant  de  tou- 
tes les  façons  fur  le  lit  fur  lequel  elle  ne  pouvoir,  qu'avec 
beaucoup  de  peine ,  être  retenue  par  trois  ou  quatre  (>erfon- 
ncs  allez  fortes.  Pendant  quelques  intervalles  ta  jambe  gau- 
che 8c  les  deux  bras  ont  frapé  violemment  Se  avec  précipi- 
tation fur  le  lu  oi»  elle  étoi:  étendue.  Tous  cesmouvcmcns 
diffetens  ont  diué  environ  un  bon  quart  d'heure,  pcnd-int 
lequel  rems,  elle  nous  a  paru  fans  connoi(îânce:puis  la  fut 
dite  DemoifeUe  Fourcrcy  eft  rentrée  fubitement  dans  le  re- 
pos Se  dans  fon  état  naturel.  Environ  un  demi  quart d'hcu- 
le  après,  clic  eft  retombée  en  noue  prefcncc  dans  les  mêmes 
motivcmcns  convulfifs,  qui  nous  ont  îte  annonces  par  un  poux 
sonvulfif ,  6c  qui  a  totalement  manque  un  inftaiu  avant  que 
d'y  retomber:  ces  dernières  agitations  ont  duic  cnvironautant 
de  tcms  que  les  premières. ... 

Nous  eftimons  que  la -maladiff  ci-dctTus  détaillée  eft  incu- 
rable ,  'i  que  les  convallions  d^^n:  la  Demoilelle  Fourctoy  ci- 
delTus  nommée  a  été  tourmemtc  en  notre  ptefciice,  loin  au- 
dertiis  de  la  nature  8c  des  connoillànccs  humaines  :  ce  que 
nous  certifions  véritable.  En  foi  de  quoi  nous  avons  figné 
&  délivre  le  préfcnt  certifirat  à  la  Demoilelle  Fourcroy  ci- 
drfHis  nommée,  ainfi  qu'elle  nous  en  a  requis,  pour  luifer- 
»ir  comme  de  raifon.  A  Paris  le  joui  Se  an  que  dcfl'us:  Ji- 

^nr  DE   MaNTEVILLE  avec  fariipht. 

1\\.    ACTE    D2    DEPOST: 

AUjoiiR  !>' H  i;  I  eft  comp.irue  par  devant  les  Notai- 
res au  Chiteict  de  Paiis  foullipici ,  Matie-Jeannc  Four- 
croy fille  niajcutc,  dciucui.iiii  aP.trisrue  ilesGobclins 
luartier  Saint  Marcel  Patcidc  5.iiiit  ilypçoliie.  L.iquclle  à 
cpofc  pour  minute  .»  Raymond  l'un  des  (Notaires  IbulTigncs, 
IJjiiginal  d'un  Certificat  da  te  du  neuf  .Avril  deinicr,  ligne 
Leaùte  ,  S  iichay,  .^^ivert,  (i:anict,  ^  de  Launay  Cliimtgicii 
V.a;ot  duRcgimcaiRo74luif.iDtcaCi  aufujct  ti'uiic  maladie 


Pièces  juflificathei  du  miracle , 

de  ladite  Fourcroy ,  Contrôlé  le  îp.  Mai  suffi  dernier  p^ 
Blondelu ,  lequel  original  écrit  fut  les  deux  premières  pages 
d'une  petite  feuille  de  papier  non  timbré ,  eft  demeuré  an- 
nexe a  la  minute  des  ptelèntes  aptes  avoir  été  par  ladite 
Fourcroy  certifié  véritable,  Cgné  Se  paraphé  en  ptélencc  des 
Notaites  fouflîgnés ,  &c. 

Fait  Se  parte  à  Paris  en  la  demeure  de  ladite  Fourcroy 
ci-defliis  dehgnée,  l'an  17^2.  le  19.  jour  de  Juin  aprèsmi> 
di.  Se  a  figne  la  minute  des  ptefcmes  demeuiec à Raymocûi 
l'un  des  Notaires  fouftigncs. 

Enfuite  la  tiniur  lindit  Eirii. 


l 


XIV. 
Rapport  fait  le  9.  Avril  i7}î.  pJr  Us  Sieur  Lian- 
te Chirurgien  Major  des  Gardes  du  Corps ,  Soh- 
chay  Chirurgien  de  Motifeigneur  le  Prince  de 
Conty ,  Siiert  Chirurgien  Major  des  Hôpitaux 
de  l'Armée ,  Granier  ancien  Frt'vôt  des  Chirur- 
giens ^  &•  de  Launay  Chirurgien  Major  du  Re'- 
gimcnt  Royal  Infanterie  }  de  l'état  oit  ils  ont 
irouié  ledit  jour  9.  Airil  173i.  le  pied  gauche 
de  la  DemoifeUe  Fourcroy  ,  dont  ils  déclarent  <jue 
les  os  étoient  tournés  en  dedans ,  Qp  foudés  avec 
ceux  de  la  jambe ,-  ce  qui  rendait  cette  maladi» 
incurable. 

NOus  fonfTignés  Chirurgiens  Jurés  à  Paris,  &  Chi- 
rurgien Major  du  Régiment  Royal  Infontetie  ;   certi- 
fions que  le  neuvième  jour  d'Avril  de  la  piefeme  an- 
née  1-52.   nous   nous  Ibmmes  ttanfportes  en  une  maifon 
fituee  rue  de  Lourfiae  Fauxboutg  Saint  Marcel,  à  la  requi- 
fition  de  Marie -Jeanne   Fourctoy,   fille  de  )ean-Baprifte 
Fourcroy,  ci-devanr  Marchand  à  Paris,  Se  de  preferu  dans 
les  Illes  de  la  Martinique;  Se  de  defume  Marie  Valentin  ; 
ladite  Marie-Jeanne  Fourcroy  igee  de  vingt-cinq  ans  quatre 
mois ,  pour  la  voir  &  vifitet  en   confcquence  d'une  dimcul- 
té  qu'elle  a  de  marcher.  L'ayant  viie  Se  examinée ,  nous  a- 
vons  trouvé  une  anchylofé  à  l'articulation  du  pied  gauche  a« 
vec  la   jambe  ;   laquelle  anchylofé  a  donne  occalion  à  une 
contorfion  du  pied  :  de  façon  que  fa  pointe  fe  jette  en  de- 
dans. Se  la  partie  interne  du  pied  eft  retournée  vers  la  fiice 
fuperieure ,  &  le  ralon   retire   par  le  tendon  d'achillcs  ,   ce 
qui  fait   que   le  pied  ne  peut  poler  à  rerre  que  fur  fon  ei- 
tiêmite  Se  fur  fa  furface  externe  8c  fuperieure.    Nous  avons 
remarque  une  tumeur  au  delTus  de  la  malléole  externe  gtoffc 
comme  un  oeuf  de  pigeon,  occalionnec  par  la  dilatation  de 
la  capGile  de  l'articulation;  enfoite  que  le  pied  eft  abfolu- 
ment  fans  mouvement:  nous  avons  aulTi  obfetvé  que  le  tibia 
de   la  même   jambe  gauche  eft  cambre  du  côte  de  la  pat- 
tic  interne.    Ayant   aufli  viliié  l'épine ,  nous  l'avons  uouvee 
contournée  en  façon  de  S  Romaine ,  les  vertebtes  fe  jcttatu 
depuis  l'os  facrum  de  droit  à  gauche ,  Se  de  gauche  à  droit 
julqu'aux  vertèbres  du  cou  ;  maladie  que  nous  appelions  Ra- 
kitis  ou  courbure  des  os,  laquelle  maladie  nous  auroit don- 
né occaCon  de  demander  à  ladite    Maiie-Jeanne  Fouicroy, 
depuis  quel  teins  elle   eft  attaquée  de   l'anchylofc  du  pied 
gauche.  Se  ce  qui  autoit  pu  y  donner   occalion:  elle    nous 
a  repondu  qu'elle  avoit  été  nouée  à  l'âge  de  cinq  ans:  que 
1  anchylofé  ne  lui  étoit  furvenue  que  dcpuisquinze  mois  pat 
un  dépôt  qui   s'étoit  fait  dans  l'articulation,  laquelle  etoic 
une  fuite  de  plulieurs  maladies  diflèremes  defquelles  elle  a- 
Toit  cte  attaquée  en  difl^ctens  tems  ;  d'où  s'ctoitenluivi  l'im- 
puiflancc  de   mouvoir   le  pied.    Selon   l'exaincn  que   nous 
avons  fait  de  cette  maladie,  nous  déclarons  qu'elle  ell  incu- 

'-  ~       fane.    En  foi  de 


table  far  l'art  ,  n'ayant  aucun  remède  à  y 

quoi  nous  avons  figné  Se  délivre  le  prclent  Certificat  pour 

valoit  Se  Icrvir  ce  que  de  taiibn.  A  Paris  ce  jour  Se  an  que 


1 
v. 

detfus 


fiînè  Lcaiûe  .  Souchay  ,  Siveri  ,  (iranier  ,  Se  de 
Launay  Chirureicn  Major  du  Régiment  Royal  Inlàntcrie, 
avec  paraphe.  En  marge  eft  écrit:  contiôle  a  Paru  le  19. 
Mav  i-;i  Reçu  douze  fols,  figné  lilondeUi  avec  paraphe: 
en  iiiaige  re:to  eft  cent:  certifie  vétitabic,  figne  Se  paraphé 
au  défit  Je  l'Ade  de  dej'ôt  pour  minute  parte  pat  devant  les 
Notaites  foulTignes ,  ce  |ourU'hui  19.  juin  17:1.  /ïfic'  Ma- 
rik-Jf.annf.  FouRCROif  ,  avec  Loyson  et  Ravmono 
Notaires  .tvit  rjrjthit.  _  . 

Et  rotiginal  dudit   Eciii  le  tout  demeuré  comme  dit  eft 
aanut,  ca  U  garde  Se  polTçilion  dudil  Ravmon.l  N.xaiie. 

OBSERVA- 


OBSERVATIONS. 

SUR 

LES    CONVULSIONS. 

PREMIERE     PARTIE 

IDE'E    DE    L' OEUVRE 

DES    CONVULSIONS. 

AVANT    PROPOS. 

5K^^5^E  n'est  jamais  fans  dcffein  que  l'Etemel  rend  fa préfence fcnfible aux 
^  r^  )^i  yeux  de  les  créatures  :  ce  n'a  point  été  fans  objet  qu'il  a  fait  éclatter 
^        yf  parmi  nous  un  fi  grand  nombre  de  prodiges. 

>N^]^^  Depuis  un  tems  le  Dieu  des  fieclcs  nous  parle  par  une  infinité  de 
merveilles.  Rendons -nous  donc  attentifs,  Se  tâchons  de  pénétrer  ce  qu'il  nous 
déckre.  Malheur  à  nous  fi  nous  négligeons  de  l'écouter,  &  fi  nous  méprifons fa 
voix,  fous  prétexte  que  les  raions  de  lumière  qu'il  nous  envoie,  fortent  d'un  nua- 
ge obfcur  dont  les  ténèbres  nous  rebutent. 

En  fe  plaçant  dans  le  vrai  point  de  vue  des  diffcrens  deffeins  de  Dieu  dans  l'œu- 
vre des  convulfions,  tout  s'éclaircit.  D'une  part  on  eft  éclairé  par  les  traits  les  plus 
lumineux  j  d'autre  part  on  entrevoit  les  motifs  pour  lefquels  il  a  permis  que  cette 
cemTC  fût  obfcurcie  par  les  plusfombrcs  nuages  :  on  a  toujours  devant  les  yeux  une 
trace  de  feu  qui  perce  Se  qui  brille  au  milieu  même  des  plus  épaifles  ténèbres,  6c 
qui  fuffit  pour  nous  faire  découvrir  ce  qui  nous  intérefle  davantage  dans  un  évé- 
nement fi  fingulier.  Mais  c'eft  la  feule  place  d'oii  il  eft  pollib le  de  démêler  la  vé- 
rité :  ainfî  rien  n'cft  fi  important  que  de  s'y  mettre. 

De  cette  place  on  apperçoit  Dieu  agiffant  dans  des  vues  de  miféricorde  par  rap-  • 
port  à  quelques  perfonnes  à  qui  il  lui  plaît  de  faire  grâce.  On  l'apperçoit  enmê- 
tems  laiflant  faire  à  l'homme  Se  au  Démon  une  multitude  de  chofes  qu'il  con- 
damne; mais  qu'il  permet  néanmoins,  parceque  fa  juftice  l'engage  d'abandonner 
à  leur  aveuglement  un  très-grand  nombre  de  perfonnes ,  &  de  leur  fournir  les  té- 
nèbres qu'ils  ont  mieux  aimé  que  la  lumière  :  Dieu  fera  pleuvoir  des  pièges  fur  les 
méchans ^  dit  le  Roi  Prophète:  pUiet  fuper  peccatores  laqueos.  P"  10.7, 

De  quelle  conféquencen'eft-il  pas  pour  tous  ceux  dont  les  defirs  tendent  vers  le 
bonheur  étemel ,  de  fe  joindre  au  petit  nombre  de  ceux  que  le  Très-haut  daigne 
éclairer  ,  Se  de  profiter  des  lumières  qu'il  leur  envoie  par  un  moyen  aulll  extraor- 
dinaire que  le  phénomène  qui  paroît  à  nos  yeux? 

N'eft-il  point  à  craindre  qu'une  nuit  toute  noire  ne  s'empare  bien-tôt  de  pref- 
que  tout  le  monde ,  félon  cette  prédiébion  des  tems  qui  précéderont  le  rappel  des 
Juifs  ?  Nous  attendions  la  lumière  ^  £5?  nous  voilà  dans  les  ténèbres  :  nousefpérionsun 
grand  jour  ^  13  nous  marchons  dans  une  nuit  fombre  :  nous  allons  comtne  des  aveugles  içi\e.  jf. 
le  long  des  murai  lies  :  nous  marchons  à  tâtons  comme  fi  nous  étions  fans  yeux.  "'  ?•  ^  "• 

Obfervat.     I.  Part.  Tome.  IL  A  Et 


2  lT>E-t  DE  V OEUVRE   DES  CONVULSIONS. 

Et  n*cft-il  pas  également  à  craindre  que  h  divifion  qui  eft  parmi  les  Appcllans 

au  fujet  des  prodiges  que  Dieu  opcrc  parmi  nous ,  ne  foit  l'accompliflemcnt  de 

ce  que  le  Saint  Efprit  a  prédit  par  labouche  du  premier  des  Apôtres:  Voici  le  tems 

«• '•"■H-  ot!  Dieu  va  commencer  fon  jugement  par  fa  propre  maifon:  mais  s'il  commence  par 

''"       nous  ^  quelle  fera  la  fin  de  ceux  qui  rejettent  fon  Ezangile? 

Que  ceux  qui  veulent  éviter  d'être  enveloppés  dans  ces  ténèbres  dangereufes  qui 
fe  répandent  aeplusenplus,  £c  qui  fuivant  toute  apparence  doivent  augmenter  enco- 
re, cherchent  donc  avec  emprcflement  à  profiter  de  la  clarté  qui  peut  les  en  garantir. - 

Le  Dieu  de  toute  miféricordc  n'a  pas  voulu  que  fon  plan  dans  l'événement  pro- 
tligiciLX  des  convulfions  fût  difficile  à  pénétrer  par  ceux  dont  le  cœur  feroit  droit,, 
les  intentions  pures ,  8c  l'amc  abaiffee  profondément  à  fes  pieds  ;  mais  s'il  donne  ici  fa 
grâce  aux  humbles ,  il  réfille  aux  fuperbes. 

Plufieurs  Convulfionnaires  ont  expofé  aiïcz  clairement  pour  les  perfonnes  fort 
attentives,  quel  étoit  le  double  deficindeDicu  dans  l'œuvre  des  convulfions:  quel- 
ques Auteurs  l'ont  laiffé  entrevoir  dans  leurs  écrits  ;  mais  il  m'a  paru  qu'on  ne  l'a 
pas  montre  au  public  d'une  manière  afTez  précifc  ni  afiez  marquée.  J'eipére  qu'en 
l'uivant  les  lumières  que  j'ai  puifées  dans  les  difcoursde  quelques  Convulfionnai- 
res ,  &  en  faifant  voir  que  le  fond  de  ce  qu'ils  ont  dit  à  cet  égard  eft  établi  dans  le 
nouveau  Teftament ,  &  qu'il  eft  conforme  aux  fentimens  que  Dieu  avoit  mis  dans 
le  cœur  du  Bien-hrureux  François  de  Paris  ,  je  pouii-ai  en  pcrfuadcr  tout  leâcur 
qui  cherchera  fincérement  la  vérité. 

On  s'étonnera  fans  doute  qu'un  laïque,  un  ignorant,  dans  le  tems  même  qu'il 
eft  captif,  enfermé,  gardé  à  vijc,  dénué  de  tout  fccours,  &  prcfque  ilms  aucun 
livre,  ofe  entixprendre  un  pareil  ouvrage.  Mais  lorfque  nôtre  divin  Sauveur 
cliafla  du  Temple  ceux  qui  faifoicnt  un  lieu  de  trafic  de  cette  maifon  de  prière, 
ce  fut  par  des  cntans  qu'il  fe  fit  rendre  témoignage,  par  des  aveugles  &  des 
boiteux  qu'il  guérit  à  l'heure  même:  tandis  que  plufieurs  Pi'êtrcs  &  quelques 
Dofteurs  le  calomnioicnt ,  méprifoicnt  fes  œuvres,  6c  attribuoieut  fes  miracles 
a  Béelzebub. 

L'intime  pcrfuafion  où  je  fuis  de  mon  extrême  incapacité,  me  fera  recourir 
fans  ceflc  à  l'Auteur  de  toute  lumière:  &  me  fera  obtenir  fon  fecours.  C'cft  pour 
la  vérité  que  j'écris  :  c'eft  la  vérité  qui  me  donne  le  courage  de  fouler  aux  pieds 
toute  crainte  6c  tout  intérêt  humain  :  j'efpére  que  la  vérité  fera  elle-même  le 
flambeau  qui  guidera  mes  pas  dans  la  carrière  oisfcure  où  je  vais  entrer. 

Au  refte  je  ne  fuis  pas  affez  préfomptueux  pour  croire  avoir  pénétré  tous  les 
ccfleins  de  Dieu  dans  une  œuvre  fi  extraordinaire,  ni  pour  m'imaginer  être  en 
état  d'éclaircir  tout  ce  qu'elle  renferme  d'obfcur.  Ceque  jeprétens,  c'eft  de  faire 
remarquer  ce  que  Dieu  veut  que  nous  y  voyions  j  ce  qu'il  eft  très-d;mgereux  pour 
le  falut  de  n'y  pas  voir,  &  cependant  ce  que  prcfque  pcrfonne  ne  voit,  parcc- 
que  la  plupart  ne  le  regardent  qu'avec  dédain,  &  que  les  autres  n'y  font  pas  aflcz 
d'attention.  Je  n'ofe  même  entieprendrc  de  parcourir  toute  cette  mer  de  prodi- 
ges où  on  trouve  tant  d'écueils:  je  me  contenterai  de  cotoicr  le  long  des  rivages , 
&  je  ne  m'appuycrai  que  fur  des  faits  ,  ou  connus  de  tout  le  monde ,  ou  dont  je 
produirai  des  preuves  inconte ftables.  Ce  qui  a  été  expofé  à  la  vue  de  tout  le  Pu- 
blic fuffit  ici  pour  faire  pénétrer  jufqu'à  un  certain  point  les  dclTcins  de  Dieu  à 
ceux  qui  cherchent  de  bonne  foi  à  les  connoître. 

Voici  lapropofition  à  laquelle  fc  rapporten  tout  ce  que  j'obfcrvcni  dans  cette 
première  partie  de  mon  ouvrage.  . 

PRO- 


JDÈ'E  D3  VOEU  F  RE  DES  CO  NFULS  lONH.  5 

PROPOSITION. 

DE    CETTE    PREMIERE    PARTIE. 

!DiEU  Préf.de  à  Vœw^rc  des  con'vul fions  :  Elle  font  même  en  partie  fan  ouvrage  j 
tnais  elles  entrent  toutes  dans  fes  v  fies  pour  deux  fins  bien  différentes  :  V une  de purt 
tniféricordc ,  r autre  de  jujlice  à?  de  vengeance. 

E  lefteur  entrevoit  que  j'iivance  par  cette  propofition,  que  Dicuopci-c 
lui-même  dans  l'œuvre  des  convullîons  par  des  defleins  de  miréricor- 
de,  6c  que  d'autre  paft  il  y  fouffre  par  lesconfeils  de  fajufticedescho- 

fes  qui  obfcurcinent  fon  ouvrage.    JVIais  avant  de  pouvoir  développer 

ce  que  cette  oblcure  propofition  renferme  de  très-intéreflant  pour  ceux  qui  pré- 
•ferent  leur  falut  à  toutes  chofes,  il  faut  nécefTairement  que  je  préfente  au  Icfteur 
un  tableau  fidèle  de  ce  qui  s'cft  paflë  de  principal  dans  cette  œuvre  fi  extraor- 
dinaire ,  afin  qu'étant  inftruit  de  la  vérité  des  faits ,  il  puiffe  fentir  la  juftcfle  des 
eonféquences  que  j'en  tirerai. 

Pour  prendre  une  idée  juftc  des  convulfions,  la  première  chofe  qu'il  faut  con-       î. 
iîderer  c'efirle  lieu  de  leur  origine,  les  merveilles  que  Dieu  leur  a  d'abord  faitpro-  "^«^^"s"*- 

j     •  o      1  •        •  o         î  1  '  1,    1         j  '  r  ge     lie    M. 

duire,  ce  le  premier  jugicmcnt  que  tout  le  monde  en  d  abord  porte.  i'Ev?4u»<1o 

Tout  véritable  Chrétien,  tout  amateur  de  la  vérité  recevra  avec  une  pleine pOTÎ^ined'éj 
confiance  &  écoutera  avec  un  profond  refpcét  le  témoignage  que  je  vais  lui  en<^o"vuiû- 
préfenter.  C'efl;  celui  d'un  grand  Evêque  encore  plus  illuftre  parles  vertus  émi-prêm}^™^?. 
nentes  dont  le  Très-haut  l'avoit  orné  ,  que  par  les  lumières  fupérieures  qu'il  lui.*""'  ^  '^ 
avoit  données  :  c'eft  celui  d'un  grand  Saint  dont  Dieu  canonife  la  vie  &  les  fentimens 'on  en  Ti'V- 
■par  un  grand  nombre  de  miracles.  Je  vais  copier  ce  témoignage  dans  une  Lettre ''"'''  P"'"" 
de  feu  M.  L'Evêque  de  Senez,  qu'on  peut  regarder  comme  une  Inftnictions Pa- 
iloralc  pour  preferver  les  fidèles  de  la  féduétion  où  la  Confultation  des  trente 
Docteurs ,  &  l'Ecrit  intitulé  fains  efforts  pouvoient  les  précipiter.  Le  morceau  que 
je  vais  en  donner  au  Public  doit  lui  être  d'autant  plus  précieux  j  que  cette  Lettre 
toute  éclatante  de  lumière  6c  toute  remplie  del'Efprit  de  Dieu,  n'a  point  été  im- 
primée par  confidération  pour  Mrs.  les  Dofcciu's  Confultans  &  pour  l'Auteur 
des  vains  efforts. 

Ce  Prélat  digne  des  premiers  fiecles  voyoit  avec  douleur  que  tous  ceux  dont 
le  buteft  de  décrier  l'œuvre  des  convulfions,  diflîmulent  dans  leurs  Ecrits,  &:  tâ- 
chent par  ce  moien  de  faire  oublier  tout  ce  qui  a  d'abord  imprimé  fur  cette  œu- 
vre im  cara£tere  diftinftif,  où  la  main  de  fon  Auteur  s'eft  gravée  par  des  traits 
que  rien  n'ell  capable  d'effacer. 

„  A  juger  des  comailfions  parle  portrait  qu'ils  en  font,  {s""  écrie  ce  tresrefpe-j^^^^^^^^^^^ 
table  Prédicateur  de  la  vérité)  qui  ne  croiroit  qu'il  s'agir  d'un  phénomène  ifo-  M.i-E-.-ant 


,  dj  Seitez.  ,^n- 


„  lé,  qui  ne  tient  à  rien,  qui  n'a  nul  trait  aux  ati'iircs  deTEglife,  &  quia  paru, ;j/j'^^^y^X 
„  tout  d'un  coup  dans  le  monde  fans  origine  certaine?  '•'î'™  f" f,^ 


„  Puisqu'on  fait  toutes  fortes  d'efforts,  dit -il  plus  i^^y,  pour  diilraire  î'attcn-  raim'efru. 
tion  des  hommes  des  objets  qu'ils  ne  doivent  jamais  perdre  de  vue ,  de  notre  côté 
n'ayons  pas  moins  de  zèle  pour  confcrver  la  mém  oirc  de  ces  menées  faits ,  £c  pour 
les  rétablir  dans  toute  leur  fimplicité,  leurs  circonllanccs  &  leurs  effets. 
„  Rappelions  le  fouvcnir  de  ce  fpeftacle  dont  le  petit  cimetière  de  St.  Médard 
fût  le  'Théâtre  en  1751.  &  qui  Jura  plus  do  fix  mois  fans  interruption  fo\is  les 
yeux  de  quiconque  voulut  en  être  le  fpeéVatcur. 

„  Du  haut  de  cette  montagne  où  la  Providence  m'avoit  placé  comme  en  fen- 

A  i  55  tincl' 


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IDE'E  DE  VOEUFRE  DES  CONVULSIONS.. 
tinelle,  je  fuivois  attentivement  les  oeuvres  de  Dieu,  Se  j'obfcrvois  tous  les 
differens  effets  de  fa  protection  fur  fon  Eglifc. 

„  Diverfes  pcrfonnes  de  mérite  voulurent  bien  me  mettre  au  fait  de  tout  ce  qui 
fe  piffoit ,  comme  étant  les  témoins  oculaires  d'un  événement  (î  merveilleux. 
„  Je  fai  que  ces  pcrfonnes  n'ont  pas  toutes  marché  fur  la  même  ligne,  &:  que 
pluficurs  ont  depuis  fuivi  des  routes  différentes  &  pris  des  partis  très  oppoles  : 
mais  je  fai  aulTi,  6c  je  ne  l'oublierai  jamais ,  que  tous  ces  témoins  uniformes 
dans  le  compte  qu'ils  me  rcndoient  des  faits  ,nc  l'étoicntpas  moins  d'abord  dans 
le  jugement  favorable  qu'ils  en  portoient. 

„  De  quel  poids  n'eft  point  un  pareil  témoignage,  rendu  par  des  pcrfonnes  éclai- 
rées ,  attentives ,  pleines  de  probité  :  rendu  avec  tant  de  liberté  &;  d'uniformité  : 
rendu  dans  un  tcms  où  la  vérité  feule  ouvroit  les  bouches ,  &  où  les  paffions  humai- 
nes ,  comme  fufpendues  par  la  nouveauté  &  le  merveilleux  du  fpeclacle ,  n'avoient 
point  encore  eu  le  loifir  de  confulter  leurs  intérêts  &  de  forger  des  fillêmes? 
„  Tous  ces  témoins  s'accordoicnt  à  me  faire  les  peintures  les  plus  touchantes 
de  cette  multitude  de  malades  &  d'infirmes  de  toute  efpece  qu'on  apportoit, 
ou  qui  fc  traînoientde  tous  les  quartiers  de  la  Ville  2c  des  campagnes,  &  qui 
répandus  &  couchés  dans  l'Egliie,  dans  les  charniers,  ou  dans  le  petit  cime- 
tière ,  en  attendant  le  moment  heureux  de  pouvoir  être  placés  fur  le  tombeau  du 
Serviteur  de  Dieu  Se  d'y  avoir  des  convuUions,  rctracoient  une  vive  image  de 
cette  piicine  falutaire  dont  parle  l'Evangile  :  avec  cette  différence  que  la  venue 
de  l'Ange  étoit  rare.  Se  ne  profitoit  chaque  fois  qu'à  un  fcul  malade,  aulieu 
,,  qu'au  tombeau  du  S.  Diacre  il  n'y  avoir  gucreS  de  jours  qu'on  ne  vie  un  ou 
„  plufieurs  malades  recouvrer  une  parfaite  fauté ,  ou  recevoir  du  moins  un  fou- 
„  lagement  confidérable. 

„  Ces  mêmes  témoins  ne  pouvoicnt  fe  taire  fur  le  concours  prodigieux  de  per- 
„  fonncs  de  tout  rang,  de  tout  âge,  de  tout  Pais,  de  toute  Religion,  que  la  piété 
„  ou  la  fnnple  curiolîté  attiroit  à  S.  Médard.  Us  admiroicnt  que  ce  concours, 
„  qui  devoit  naturellement  occafionner  le  trouble  Se  la  confufion  ,  ne  fcrvoit  au 
,,  contraire  qu'à  rendre  plusfenfible  Se  plus  touchant  le  bon  ordre,  la  modeftie, 
„  le  recueillement,  l'efprit  de  pieté  Se  de  prière  qui  regnoit  au  tombeau  de  l'hom- 
„  me  de  Dieu.  La  pfdmodie  presque  continuelle  n'y  étoit  interrompue  que  par 
,,  la  joye  Se  l'admiration  que  caufoicnt  les  ccuvrcs  mei-veillcufes  dont  on  ctoic 
„  témoin.  Les  hommes  les  moins  fenfibles  aux  iniprcffions  de  la  piété  avouoient 
„  qu'ils  icfentoientfaifis  de  rcfpcét&  d'un  religieux  tremblement  en  entrant  dans 
„  ce  faint  lieu.  On  y  voyoit  de  toutes  parts  des  pcrfonnes  humiliées  Se  proller- 
„  nées ,  qui  fembloient  parler  à  Dieu  comme  s'ils  l'euffent  vu  de  leui-s  yeux  prc- 
„  fent,  agiffiint  Se  répandant  à  pleines  mains  fcs  faveurs. 

„  Mais  l'objet  qui  frappoit  davantage  Se  qui  tenoit  plus  continuellement  les 
5,  yeux  arrêtes  Se  l'efprit  diUisTétonnement,  c  étoit  le fpeétaclc  des convulfionsSc 
„  des  agitations  violentes  qui  prenoient  aux  malades  fi-tot  qu'on  les  mettoit  fur 
„  le  tombeau,  qui  ccffoicnt  à  l'inllant  même  qu'oncles  en  retiroit ,  8equirevc- 
„  noient  au  moment  qu'ils  touchoient  de  nouveau  la  tombe.  Ces  malades  étoicnt 
„  preiquc  toujours  entourrés  d'un  grand  nombre  de  Médecins  Se  de  Chirurgiens 
„  habiles  Sc  de  grande  réputation  ,  qui  obfervoient  Se  étudioient  ce  phénomène 
„  avec  toute  forte  d'attention  Se  d'afliduité.  Toujours  en  garde  contre  la  fur- 
„  prifc  ,  l'impollure  Se  l'imagination  ,ils  ufoicnt  de  toute  la  liberté  qu'ils  avoicnt 
„  de  faire  mille  expériences  pour  découvrir  la  fource  Se  le  principe  d'.icitations 
„  (î  extraordinaires.  Ils  conferoient  cnfemble  fur  tout  ce  qui  fc  paffoit  (ous  leurs 
„  yeux  :  ils  fc  commuuiquoicnt  mutucllcmcat  leurs  vues  Se  Icms  rcHcxions:  & 

ù. 


n 


IDE'E  DE  nOEUFRE  DES  CONVULSIONS.  f 

„  fi  l'on  en  excepte  quelques  uns ,  dont  le  dévouement  à  k  Conllitution efl  con- 
„  nu,  le  jugement  uniforme  des  autres  &  le  relultat  de  prefque  toutes  leurs  dé- 
„  libérations ,  étoit  qu'on  ne  pouvoit  s'empêcher  d'attribuer  ces  mouvemens  à 
„  une  opération  iurnaturcUedeDieu,  &  à  la  vertu  du  tombeau  dont  ils  paroiffbienc 
„  fî  évidemment  fortir  &  avec  lequel  ils  avoient  des  liaifons  fi  marquées. 

„  Telles  furent  les  premières  ôc  profondes  imprefllons que  produifitun  événe- 
„  ment  qui  fe  paflbit  au  plus  grand  jour,  à  la  vue  de  tous  ceux  qui  vouloicntcn 
„  être  les  témoins  :  qui  foutenoit  la  lumière  des  yeux  les  plus  pénétrans  &  des 

„  examens  les  plus  rigoureux £<:  qui  domptoit  la  fierté  de  l'incrédule  jus- 

„  qu'à  le  forcer  de  frapper  fa  poitrine  ,  &  de  confefîer  la  préfence  de  celui  au- 
„  quel  il  avoit  toujours  refiilé.  „ 

La  fuite  de  cette  admirable  Lettre  étant  trop  étendue  pour  être  copiée  ici  tout 
au  long,  je  vais  me  contenter  de  donner  un  extrait  des  principaux  faits  qu'attelle 
cet  intrépide  deffcnfeur  de  toute  vérité  &  des  confequences  qu'il  en  tire. 

„  Les  convulfions ,  dit-il ,  ne  prirent  d'abord  qu'à  des  perlbnnes  malades  ou 
„  affligées  de  quelque  infirmité  :  ces  convulfions  fe  faifoient  principalement  Se 
5,  même  uniquement  fentir  dans  les  membres  perclus.  „ 

C'cft  ce  qui  cauibitle  plus  d'étonnement  aux  Maîtres  de  l'art,  de  voir  des  mem- 
bres eftropiés,  paralitiques  &  delîéchés  ,  dans  lefquels  les  organes  du  mouvement 
avoient  été  détruits  depuis  long-tems ,  fe  remuer  avec  violence  dès  qu'ils  étoient 
pofés  fur  ce  tombeau  fi  fécond  en  merveilles. 

„  Les  convulfions  ,  ajoute  le  S.  Prélat ,  ne  prenoient  pas  feulement  à  de  grandes 
„  perfonncs ,  mais  encore  à  des  enfans  de  l'âge  le  plus  tendre  8c  avec  toutes  les  mè- 
„  mes  circonftances:  ce  qui  paroît:  {continue-t-il)  digne  de  la  plus  gnmde  attention.  „ 

En  effet  n'ell:  ce  pas  une  chofe  qui  détruit  abfolument  toutfoupçon  d'impofturc 
&  d'opération  Diabolique,  de  voir  que  lorsqu'on  apportoit  fur  cette  tombe  falutaire 
de  petits  enfans  malades ,  ces  pauvres  innocens  y  étoient  auifi-tôt  agités  par  des  mou- 
vemens convulfifs  qui  leurs  donnoient  une  force  vifiblementfuperieure  à  leur  âge  ? 

„  Il  s'opéra  durant  tout  ce  tems  (ajoute  ce  généreux  Prifonnier  de  J .  C.  qui  a 
5,  fouffert  avec  tant  de  joie  perfécution  pour  lajuftice)  quantité  de  guérifons  rai- 
„  raculeufes  de  toute  efpece  par  la  voie  &  avec  le  concours  des  convulfions. 

Or  les  miracles  opérés  foit  parle  moien  des  convulfions ,  foit  fans  convulfions, 
ne  doivent-ils  pas  être  également  un  fujet  fingulier  deconfolationsScd'aétionsdc 
grâces  pour  tous  ceux  qui  font  véritablement  attachés  à  la  vérité  ?  Ils  font ,  dit 
le  Saint  Evêque ,  le  flambeau  que  la  bonté  Divine  nous  met  à  la  main  pour  nous 
conduire  dans  ce  tems  d'objcurcijfement.  Ils  font  la  voix  de  Dieu  :  ils  moirifellcnc 
fa  préfence:  ils  caracterifent  fes  œuvres. 

Aulîî  l'illuftre  Captif  pour  la  vérité  attefle-t-il,  que  lorfque  les  convulfions  com- 
mencèrent au  petit  cimetière  de  S.  Médard ,,  on  fût  généralement  porté  à  les  pre:':dre  en 
bonne  part ,  6?  que  ceux-mêmes  qui  étoient  les  plus  dévoués  à  la  Conftitution  enpA^ 
rurent  étonnés  {5?  déconcertés. 

„  La  penfée  (ajoute-t-il)  que  ces  convulfions  étoient  feintes  iSc  volontaires 
„  dans  tous  ceux  qui  les  éprouvoient ,  fût  regardée  alors  comme  une  prétention 
„  abfurde  ôc  extravagante.  La  circonftance  des  plus  jeunes  enfans  qui  avoient 
„  de  femblables  convulfions  fur  la  tombe,  &  la  remarque  que  firent  à  une  in- 
„  finité  de  rcprifcs  les  Médecins  6c  Chirurgiens,  que  le  pouls  fc  troirvoit  con- 
„  vulfif  dans  tous  ceux  qui  avoient  ces  tremblemcns  ou  agitations  ,  leur  paru.- 
„  rent  feules  &  indépendamment  de  toutes  autres  confidérations,  des  preuves  dé- 
j,  cifives  contre  le  volontaire  de  ces  mouvemens. 

„  La  i^iaiiTance  incontellable  des  convulfions  fur  k  tombeau.  Se  leurliaifon.  évi- 

A  3  deutc 


5^ 
»> 

55 
55 


I3E'E  DE  VOEUrRE  DES  CONVULSIONS 
dente  avec  ce  tombeau  prouvée  par  un  nombre  innombrable  d'expériences^ 
convainquit  dans  ce  tems  là  prelque  tout  le  monde  que  ces  convulilons  avoient 
la  mémo  origine  que  les  miracles,  c'eil-a-dire,  qu'elles  naifloient  du  tombeau 
mcmc  par  la  vertu  toutc-puilTantc  de  Dieu. 

,,  La  multitude  des  miracle;  qui  avoicnt  précédé,  &  le  grand  nombre  de  ceux 
qui  accompagnèrent  &  fuivirent  les  convulilons ,  furent  encore  jugés  autant 
de  prcuve>  invincibles  de  cette  unité  de  principe  &  d'origine. 
„  Les  premières  convnlfions  piroilToient  tclicment  marquées  au  coin  du  fur- 
naturel  divin,  que  M.  Fouillou,  malgré  l'inclination  qu'il  avoir  dès  lors  à  les 
„  donner  à  la  nature ,  c'ell-a-dirc  à  la  force  de  l'imagination  où  des  paflîons , 
„  fe  vit  obligé  de  referver  à  Dieu  toutes  celles  qui  étoient  accompagnées  ou  fui- 
„  vies  de  gucriions  miraculeufes. 

„  La  co'.rcfpondance exacte  de  ces convulfions avec pluficurs  guérifcn.-;,  Scieur 
„  proportion  merveilleufes  avec  le  rétablilTement  des  parties  malades  frapa  encore 
„  très  fmguliérement.  Il pa(fa pour  confiant^  dit  M.  Fouillou,  quec'étoit  Dieu 
„  qui  agijoit  d'une  manicre  particulière  dans  ces  opérations  fi  furprenautes  (^  fi  mer- 
„  z-eilL'ufes.  L'on  fe  Cent  oit  comme  forcé,  dit-il  encore ,  de  recourir  à  D:eu  cor/t- 
j,  tf-eà  h  caufe  iy/imédiate  d'effets  fi  fingulicr  s  13  fi  inouis. 

.,  Enfin  le  doigt  de  Dieu  fe  mor.tioit  fi  évidemment  dans  le  concours  de  ces 
„  convulilons  avec  les  miracles,  que  deshommes  très  connus  qui  faifoient  profel- 
„  ilon  d'incrédulité, rendirent  les  ..rmes  à  ce fpeclacle ,  fe  fournirent  au  jougfa- 
„  lutairc  de  la  foi ,  éc  font  devenus  depuis  des  modèles  conftans  de  pénitence  & 
„  de  vertu  Chrétienne.  „ 

De  tous  ces  laits  le  S.  Prélat  en  tire  la  confcquence.  „  Que  voilà  fans  contredit 
„  l'événement  le  plus  mémorable  qui  foit  arrivé  depuis  plufieurs  (lecles  dans  l'or- 
„  dre  de  la  Religion ,  du  moins  en  genre  de  prodiges.  11  faut  remonter  bien  haut 
„  dansThilloirc  de  rEglil'e,pour  rencontrer  un  aufïl  grand  nombre  de  miracles  réu- 
„  nis  dans  un  efpace  de  tems  aufll  court  :  il  faut  fe  tranfportcr  jufqu'aux  tombeaux 
„  des  M  artirs  &  de  quelques  autres  Saints  de  l'antiquité ,  pour  trouver  cette  foule  de 
„  malades  agités  de  convulilons,  qu'on  a  vu  au  petit  cimetière  de  S.  Médard. 

„  Tout  a  concouru  ,  di:-il  encore  ,  à  donner  la  plus  grande  célébrité  à  cetévé- 
5,  nement,  &  c'cll  vouloir  s'aveugler  que  de  n'y  pas  rcconnoître  le  delTeindcDieu. 
C'eft  dans  la  Capitale  du  Royaume  que  ces  faits  fe  l'ont  pafles,  c'eft-à-dire, 
d-.ms  une  Ville  prodigieufement  peuplée,  qui  cil  l'abord  continuel  de  toutes  les 
provinces  &  d'une  multitude  d'étrangers  de  toutes  les  nations,  &  qui  depuis 
plus  de  8o.  ans  ellle  théâtre  principal  de  la  guerre  faite  à  toutes  les  vérités  prof- 
crites  par  la  Bulle  Vnigenitus  ,  6c  à  tous  ceux  qui  ont  pris  hautement  la  delfcn- 
fe  de  ces^'érités.  C'eil  fur  le  tombeau  d'un  Saint  Ecclcfiallique  qui  s'ell  ren- 
du volontairement  viélimc  de  la  pénitence  pour  les  intérêts  de  l'Eglife,quia 
vécu  6c  eft  mort  dans  le  fcin  de  l'unité,  qui  a  reccu  les  derniers  Sacremcnsdes 
mains  de  (on  propre  Palleur  ,  quiaeu'des  funérailles  comblées  d'honneur  &:  de 
gloire,  qui  a  fini  fes  jours  précieuxfousl'Epil'copat  d'un  Cardinal  Arche\cquc 
„  plein  dcvéncration  pour  famémoire,  quoiqu'il  l'ut  parfaitement  8c  qu'il  fut  de 
„  notoriété  publique,  que  cet  illullre  pcmtent  avoit  pcrfévéré  juiqu'au  derniQr 
j,  ioupir  de  la  vie  dans  fon  oppofition  à  la  fignature  pure  Se  fimple  du  Formulaire, 
„  6c  à  la  Conllitution  Unigenifus  dont  il  ctoit  Appellant  8c  Rcappellant.  Ccft 
„  après  un  grand  nombre  de  miracles  éclatais  opérés  durant  l'cl'paccde  quatre  an- 
„  nées  fur  fon  tombeau  ,  te  dont  quelques  uns  avoient  été  dcja  vérifiés  juridiquc- 
,,  ment  par  les  ordres  de  ce  Cardinal,  que  l'urvient  l'événement  des  convulfions, 
8c  ce  tbnt  des  centaines  de  malades  qui  en  ont  été  agites,  6c  grand  nombre 

5,  ^11" 


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5» 


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ÏDE'E  DE  VOEU r RE  DES  CONFULSION.<r.  j 

,',  qui  ont  été  guéris  en  tout  ou  du  moins  en  partie  par  cette  voye  aufîl  cxtraor- 
„■  dinaire  que  vifiblement  miratuleufe  !  „ 

Que  peuvent  répondre  à  des  faits  fi  décififs  ceux  des  Dofteurs  Appellans  ^ui      ir. 
réprouvent  toutes  les  convullions  fans  exception?  Ils  s'unifient  à  M.  L'Archevê-if';^"'''^  .^ 
que  Sens  pour  foutenir  que  ces  premières  convulfions  ont  été  une  punition  de  la  ob»ei;'tK>n'" 
témérité  avec  laquelle  ces  malades  font  ve-jus  demander  des  miracles.  mnvu'îuoni. 

Une  multitude  de  railbns  .plus  fcîrtes  le?  unes  que  les  autres  démontrent  toutes"»""- 
le  faux  d'une  telle  fuppofition  :  Se  elle  ne  rr.ériteroit  pas  de  réponfc ,  fî  toute  abfurdc 
qu'elle  eft  ,  elle  n'avoit  pas  été  faite  6c  acoptée  par  de  (î  grands  perfonnages. 

Qiioi  Dieu  par  un  grand  nombre  de  miracles  ne  cefToit  point  d'inviter  ces  ma- 
lades d'aller' chercher  leur  guérifon  fur  ce  tombeau,  Dieu  marquoit  par  des  fa- 
veurs extraordinaires  6c  chaque  jour  multipliées  avec  plus  de  magnificnce,  qu'il 
fe  plaifoit  à  exaucer  les  vœux  de  ceux  qui  y  vendent  implorer  fa  miféricorde,  6c 
lui  demander  quelques  grâces  par  l'intercefllon  du  Bien-hcurcux  Appcllant  dont 
il  vouloit  canoniferles  fentimens  d'une  manière  éclatante,  6c  l'on ofeluppofer  qu'il 
ait  puni  ceux  qui  font  accourus  avec  foi  au  fignal  qu'il  élevoit  lui-même  ?  Au- 
roit-il  donc  aum  fait  tomber  les  traits  de  fi  colère  fur  de  petits  enfans  qui  n'avoient 
pas  encore  afTez  d'intelligence  pour  favoir  pourquoi  on  les  mettoit  fur  ce  tombeau? 

D'ailleurs  les  convulfions  ont  pris  par  la  fuite  à  quelques  -  uns  de  ceux  qui 
y  font  venus  remercier  Dieu  des  guérifons  qu'ils  y  avoient  auparavant  obtenues 
fans  conyulfîons  ,  6c  même  à  quelques  perfonnes  qui  ne  demandoicnt  que  leur 
converfion ,  ou  d'autres  grâces  fpirituelles.  M.  l'Archevêque  de  Sens  6c  fes  ad- 
hérans  en  ce  point,  oferont  -  ils  donc  prétendre  qu'il  y  ait  de  la  témérité  à  de-  ' 
mander  à  Dieu-  fa  converfion,  ou  à  le  remercier  de  fes  bienfaits  ? 

Mais  pour  tméantir  entièrement  cette  fuppofition,  qui  quelque  dénuée  qu'cl-" 
le  foit  de  boii  fcns,  eft  néanmoins  la  bafe  &  le  fondement  du  fiftême  de  la  plû-  " 
part  de  ceuX  qui  ofent  attribuer  au  Démon  tout  le  furnaturel  des  convulfions 
je  vais  rapporter  des  preuves  incontellables  qu'une  perfonne  agitée  par  les  plus 
violentes  convulfions  fi-tôt  qu'elle  étoit  furie  miraculeux  tombeau,  a  été  ex-' 
citée  à  s'y  mettre  par  un  inllinét  furnaturel ,  dont  U  eft  évident  que  Dieu  feu!  ' 
pouvoit  être  l'Auteur. 

Le  miracle  éclatant  dont  ces  convulfions  ont  été  le  figne,  le  berceau  Scpèut-  ' 
être  le  moien  phyfique,  renferme  encore  plufieurs  autres  faits  qui  juftifient  que  ' 
les  convulfions  ont  d'abord  été  l'ouvrage  de  Dieu  ,  qui  eft  un  des  points  que 
j'ai  deflcin  de  prouver,  ce  qui  m'obligera  de  rapporter  avec  aiTez  d'étendue  les 
circonftances  de  ce  miracle,  dont  le  leéteur  trouvera  toutes  les  pièces  iuftifica- " 
tives  imprimées  à  la  fin  de  cette  première  partie  de  mes  Obfervations.^ 

II  s'agit  en  ce  miracle  de  la  création  fubite  d'un  organe  dont  Catherine  Bigot,  -  m.^ 


k"    1  '     *  1  .-.,-.  -    1      ,•,  ,     ,         .  '  1     -Bigot. 

démontrerons,  que  les  parties  mteneures  de  i  organe  de  1  ouïe  n'avoient 

point  été  formées. 

Dans  l'jnftant  qu'on  la  met  fur  le  tombeau  le  2,7.  Aouft'  17^1.  à  y.Ticures  du  ^ 

matin  ,  fon  vifage  devient  pâle  comme  celui  d'un  mort:  elle  tombe  en  défaillant  " 

ce  :  6c  uOi  moment  après ,  il  lui  prend  des  mouvemens  d'une  fi  grande  violence  " 

qu'on  a  peine  à  la  retenir.  Elle  témoigne  par  fon  air  6c  fes  geftes  qu'elle  fouffre  ■ 

les  plus  vives  douleurs  dans  la  tête,  les  oreilles  6c  la  gorge  :  fi  tête  tourne  ^  fg  •" 

porte  de'  droit  à  gauche  6c  de  gauche  à  droit  avec  tme  fi  prodigieufe  vîtefie  qu'on  ^ 

ne  diftingue  plus  fes  traits,  6c  que  la  couleur  de  fa  bouche  paroittr'averfer toute  ^ 

^«  largeur  de -fon  vifagç.  Lèr'^    - 


S-  IDE'E  DE  VOEUFRE  DES  CONVULSIONS 

Les  femmes  qui  l'avoient  conduite ,  étonnées  d'un  tel  fpeftacle  auquel  on  n'c- 
toit  point  encore  accoutumé,  la  retirent  de  deflus  le  tombeau:  mais  la  fourde  & 
muette  fait  connoîtte  un  moment  après  qu'elle  veut  y  être  remife. 

Elli;  n'y  cft  pas  plutôt  que  fes  agitations  accompagnées  des   plus  vives  dou- 


âion,  &  toutes  les  trois  fois  elle  témoigne  par  fes  geftes  l'empreffement  qu'elle 
a  d'aller  chercher  la  douleur  fur  un  tombeau  dont  elle  ne  pouvoit  connoîtrc  la 
vertu  par  aucune  voie  naturelle  :  fa  furdité  totale  l'aiant  mife  hors  d'état  d'être  in- 
formée des  guérifons  miraculeufes  que  Qieu  fe  plaifoit  a  y  opérer  par  un  moicn 
aufli  furprenant  que  des  agitations  convulfîves. 

Cependant  chaque  fois  qu'elle  approche  de  ce  marbre  fi  vénérable,  on  eft  é- 
toané  de  voir  que,  quoiqu'on  ne  lui  en  eût  fait  aucun  figne,  clic  le  baifc  avec 
toutes  les  marques  de  relpeél,  de  dévotion  ,  d'amour  &  de  confiance  que  la  per- 
fonne  la  mieux  inllruite  êc  la  plus  touchée  auroit  pu  donner. 

Tous  ces  préludes  de  la  main  Divine  aboutifient  enfin  dès  le  matin  du  31. 
Aoull  à  lui  former  l'organe  de  l'ouie  avec  toute  la  fineflc  6c  la  perfection  que  cet 
organe  peut  avoir. 

Tout  à  coup  la  fourde  Se  muette  entend  &  parle  :  le  pîaifir  qu'elle  a  d'enten- 
dre lui  fait  répéter  depuis  le  matin  jufqu'au  foir  tout  ce  qu'on  dit  auprès  d'elle: 
elle  imite  même  tous  les  fons  différons  qui  parviennent  à  les  oreilles  :  il  fcmblc 

Qu'elle  veuille  fe  dédommager  du  trille  iilencc  qu'elle  avoir  gardé  pendant  plus 
c  2(5.  ans:  elle  ne  cefle  de  faire  ulage  de  l'organe  de  la  parole  pour  copier  tous 
les  bruits  qu'elle  entend:  &  elle  n'en  entend  aucun,  difent  la  plupart  de  nos  plus 
illuftres  témoins,  „  que  cela  ne  lui  donne  un  mouvement  de  vivacité  Se  un  air 
„  de  contentement  fur  le  vifage  Se  dans  les  yeux.  „ 
1*^-  Un  fi  grand  miracle  fait  accourir  tout  Paris  pour  le  venir  voir.  Auffi,  quoique 

d«  T^moi-cc  miracle  ait  été  fait  par  convulfion,  avons  nous  pour  le  prouver  les  témoigna- 
«•  ges  des  perfonnes  les  plus  rcfpcftables ,  qui  en  ont  été  fi  frapécs  qu'elles  n'ont 

pas  craint  de  l'attefter  à  la  fice  de  tout  la  terre. 

Telle  cfl:  Me.  Dagueffcau  fœur  de  Monfieur  le  Chancelier,  veuve  de  feu  Mon- 
fieurlc  GuerchoisConfeillcr  d'Etat.  Tout  Paris  admire  les  vertus  de  cette  illuilre 
Dame.  Elle  n'a  pas  ignoré  qu'en  attcftant  un  miracle,  fur-tout  opéré  par  con- 
vulfion, elle  s'cxpofoit  à  la  plus  foitc  critique  de  ce  que  IcRoiaumcadeplusref- 
pcétablc:  n'eft-il  pas  évident  qu'il  n'y  a  que  le  dcfir  de  plaire  au  Dieu  de  toute 
vérité  qui  ait  pu  la  déterminer  à  faire  une  telle  démarche  ? 

Si  Monfieur  l'Abbé  Boifot  Prêtre  Docteur  de  Sorbonne  ,  Abbé  du  Mont  de 
Sainte  Marie,  Se  frcrc  de  Monfieur  le  premier  Préfident  du  Parlement  de  Be- 
fançon  ,  fi,  dis- je,  cet  Abbé  très  ellimé  à  la  Cour,  Se  qui  joint  à  la  nobleficdc 
fa  naiffance  toutes  les  qualités  naturelles  propres  à  le  faire  parvenir  aux  plus  gran- 
des dignités  de  l'Eglifc,  n'eût  confulté  que  les  intérêts  temporels,  le  trouvcroit- 
il  au  nombre  de  nos  témoins?  Le  facrifice  des  plus  flattcufcs  efuérances  qu'il  fait 
en  rcnd.ant  ce  témoignage  ,  prouve  combien  il  a  été  touché  de  la  grandeur  de  ce 
miracle  :  difons  mieux  ,  le  Dieu  des  coeurs  en  difpofe  comme  il  lui  pLiit  :  rccon- 
noifibns  le  à  fon  pouvoir  fur  la  volonté  libre  des  hommes  :  il  n'y  a  que  lui  qui 
dans  de  telles  circonftanccs  puifie  fe  donner  de  pareils  témoins. 

La  piété  émincntc  de  feu  Monfieur  L.ibbé,  ce  C'uré  de  S.  André  fi  ilignc  de 
l'être ,  rend  pareillement  fon  témoignage  bien  rcfpcclable  :  la  bonne  odair  de  fes  ver- 
tus fcrt  encore  aujourd'hui  de  contrcpoiibn  à  pluficurb  de  les  paroilliens  pour  Icsga- 

rwitir 


IT>E'E  DE   L'OEUF  RE   D  E  S  CO  N  FULS  IONS.  9 

Tantir  de  l'air  contagieux  qui  depuis  fîi  mort  s'eft  répandu  dans  fa  paroifîc  :  fon 
extrême  candeur  &  fa  fimplicite  évangeliquc  ennemie  déclarée  de  toute  duplicité 
.&  de  tout  déguitcment ,  le  mettent  à  couvert  de  tout  foupçon  d'avoir  rien  avan- 
cé dans  fon  témoignage  qui  ne  fût  pas  dans  la  plus  exaéle  vérité. 

La  fermeté  de  M.  l'Abbé  de  la  Monnoixe Prêtre  habitué  de  la  paroi ffe  de  S.  Afé- 
■dard. . .  .y  faifant pour  Ion  les  fonElions  de  Sacriftain.. .  à  la  place  de  M.  Defroches  , 
^ui  était  pour  lors  exilé  pour  avoir  fuivi  tout  ion  zélé  à  publier  les  miracles,  méri- 
te bien  qu'on  en  fallc  auffi  quelque  mention.  Semblable  à  un  brave  foldat  qui 
prend  fans  trembler  la  place  de  fon  compagnon  qu'un  coup  mortel  vient  d'àbbat- 
tre,  M.  l'Abbé  de  la  Monnoirc  remplit  celle  d'un  exilé  :  &s'cxpofant  de  tout  fon 
cœur  au  feu  de  la  même  perfccution,  il  attelle  les  œuvres  de  Dieu  avec  le  même 
courage  qui  a  fait  exiler  fon  prédecelTcur. 

Mais  afin  que  le  miracle  en  qucfi:ion  eût  des  témoins  de  toute  efpece,  la  pro- 
vidence nous  H  fourni  dans  la  perionne  de  M.  Seblon  un  Prêtre  de  la  congréga- 
tion de  la  Million  très-zéic  conllitutionnairc,  qui  a  néanmoins  certifié  un  fait 
fort  important  relatif  à  ce  miracle  ,  &  pafié  i  Véruiilles  ou  il  étoit  alors  habitué. 

Il  feroit  trop  long  d'entrer  dans  le  détail  du  caraétere  de  chacun  de  tous  nos 
autres  témoins  :  d'ailleurs  il  y  en  a  dont  le  nom  fcul  fait  l'éloge.  On  y  voit  cn- 
rr'autresplufieurs  Magiftrats.  M.  de  Voigni  Préfident  enla  Cour  des  Aides:  M. 
Clément  Confeiller  au  Parlement.  M.  de  Mcrri  greffier  en  Chef  de  la  prévôté 
de  l'Hôtel,  quiavoit  eu  fouvent  la  lourde  &  muette  fous  les  yeux  pendant  les 
4.  ans  qui  on  précédé  l'a  guérilbn,  parce  que  c'étoit  cette  fille  qui  balayoit  fon 
ireffe  de  FcrfaiUes  :  &:  comme  ilfçavoit  qu'elle  étoit  fourde  Sc  muette  denaifance 
Une  lui  comrnandoit ^  dit-il,  rien  que  par  Jignes. 

Quoique  je  fois  du  nombre  des  Magiftrats  qui  ont  certifié  ce  miracle,  je  n'ai 
ofé  néanmoins  me  citer  moi-même.  Cependant  les  grâces  que  Dieu  m'a  fait  mal- 
gré mon  extrême  indignité,  &  la  fituation  même  où  je  luis  actuellement  ,  ne 
doivent-elles  pas  donner  quelque  poids  à  mon  témoignage  ?  Tout  le  monde  icait 
que  loriqu'il  plût  au  Dieu  des  mùericordes  le  7.  feptembre  173 1.  d'éclairer  tout 
à  coup.,  au  pied  du  tombeau  fi  fertile  en  miracles ,  mon  efprit  plongé  depuis 
plus  de  20.  ans  dans  le  nair  abîme  du  Déifrae,  de  me  donner  de  l'horreur  des 
ordures  qui  avoient  fait  mes  délices  jufqu'à  ce  moment ,  Se  de  changer  en  un 
feul  jaur  tous  les  fentimens  de  mon  cœur ,  &  les  difpofitions  de  mon  ame ,  je  jouïs- 
fois  pour  lors  avec  abondance  de  tous  les  plaifirs  qui  font  l'objet  des  defirs  de  la 
cupidité.  Quel  autre  que  le  Maître  des  cœurs  eût  pu  changer  ainfi  entiéi-ementlc 


ne  rien  épargner  pour  obtenir  (x  miiericorde?  J'ofe  dire  que  depuis  ce  jour,  je 
n'ai  plus  eu  d'autre  bût,  du  moins  d'autre  bût  principal  que  de  tâcher  de  lui  plaire. 
L'ouvrage  que  je  fais  aétuellcment  pour  expliquer  &  QciFcndre  l'œuvre  desconvul- 
fions  clt  une  preuve  autenrique  de  mes  fentimens.  Je  n'ignore  pas  quelle récom- 
penfe  je  puis  en  eipérer  dans  ce  monde  :  cependant  malgré  ma  foiblefTe  6c  ma 
lâcheté  naturelles,  Dieu  me  fût  la  grâce  de  n'en  être  point  effrayé  :  j'attens  en' 
paix  dans  les  liens  de  la  captivité  tout  ce  qu'il  me  faudra  fouffrir;  &  lefçai  que 
d'autre  part  je  vais  m'attirer  le  mépris,  la  haine,  &  la  plus  violente  critique 
non  feukment  de  tous  les  gens  du  monde,  &  de  tous  les  Conftitutionnaircs, 
mais  même  d'une  grande  partie  des  Appellans.  Ainfi  je  puis  dire  qu'en  me 
facrifiiuit  moi-même,  je  kicrifie  en  mêrne-tcms  ma  réputation.  Qiiel  autre 
motif  que  l'amour  de  mon  Dieu,  &  le  dcfir  d'être  utile  a  mon  prochain  en 
Obfervat.    J.  Part.  'Tomi  IL  B  ren*-. 


•  TO  IDTL'E  DE  VOEUFRE  DES  CONFULSIONS. 

.    r-ndant  témoignage  à  toute  vérité,   pourroit  me  faire  faire  de  tels  facrifîces? 

On  trouve  aufTi  dans  le  nombre  de  nos  témoins  deux  Chirurgiens  de  la  plus 
grande  réputation  :  l'un  de  la  Cour  l'autre  de  Paris.  On  en  trouve  encore  un 
troifiéme  avec  le  Curé  &c  tous  les  principaux  bnbitansdu  bourg  de  Couture ,  où 
la  fourdc  6c  muette  eft  née ,  &:  où  elle  avoit  pafle  chez  (ii  mère  iufqu'à  l'âge  de 
22,.  ans  ,  que  le  fieur  Hogu  fon  oncle  Concierge  des  priions  de  Vcrfaillcs  la  reti- 
ra chez-lui  en  1717. 

La  foi  intrépide  de  cet  oncle  efl  un  don  de  Dieu  trop  précieux  pour  l'cnfevelir 
entièrement  lous  le  filcnce.  Cet  homme,  dont  toute  la  fortune  confiée  dans  fon 
emploi  de  Concierge  des  prifons  de  Vcrfailles,  n'ignoroit  pas  les  préventions  de 
la  Cour  contre  les  miracles  :  cependant  c'eft  le  plus  cmprefTé  de  tous  nos  témoins. 
Peu  de  jours  après  le  miracle ,  il  va  le  premier  chez  un  Notaire ,  où  il  fait  la 
déclaration  la  plus  circonftanciée  de  tous  les  faits  qui  conftatent  cette  œuvre  di- 
vine. Il  fçait  qu'il  rifque  tout  6c  qu'il  n*eft  pas  un  homme  que  les  puiffanccs  donc 
il  dépend ,  6c  lous  la  main  dcfqucUcs  il  eft  daignent  ménager.  Mais  il  met  en 
Dîcu  toute  fa  confiance  ,  ce  il  ne  croit  p:is  pouvoir  jamais  trop  facrifier  qu.uid  il 
cil  queftion  de  lui  rendre  gloire. 

Outre  tous  ces  ténioins  nous  en  produifons  encore  un  aflez  grand  nombre  d'au- 
tres, tant  de  Paris  que  de  Verfaillcs.  Dieu  fe  fait  des  témoins  par  tout  où  il  lui 
plaît ,  fans  qu'aucun  motif  humain  puifle  les  retenir. 

Qiicl  fait  pourra  déformais  mériter  la  créance  des  hommes,  fi  une  multitude 
de  pareils  témoins  ne  fuffit  pas  pour  afllircr  des  faits  pofitifs  fur  lefquels  il  n'a 
pas  été  poflîble  de  fe  tromper.*  Catherine  Bigot  étoit  fourde  6c  muette  denaif- 
lancc  :  Catherine  Bigot  entend  6c  parle  :  fit  furdité  étoit  fi  entière  qu'il  eft  évi- 
dent que  l'organe  intérieur  de  l'ouïe  ne  lui  avoit  point  été  donné  lors  de  la  for- 
ination  de  fon  corps  :  les  expériences  qu'on  en  a  f;iit  pendant  2.6.  ans  ne  peuvent 
laiflcr  aucun  doute  à  cet  égard.  Cependant  tout  à  coup  elle  entend  mieux  que 
perfonne:  elle  entend  jufqu'au  moindre  bruit,  6c  elle  imite  avec  fi  bouche  tout 
ce  qu'elle  entend:  Par  confcqucnt  l'organe  del'ouic,  dont  elle  avoit  été  privée 
dés  fa  naiiTance  ,  liù  a  été  rendu  dans  un  état  parfait.  L'art ,  la  nature,  ni  le  Dé- 
mon ne  peuvent  point  créer  des  organes  que  Dieu  n'a  pas  voulu  faire  naitrc  ;  6c 
il  eft  incontertablc  qu'il  n'y  a  que  lui  qui  vingt  fix  ans  après  fa  naillance  puifle 
tout-à-coup  les  former. 

Tous  ces  faits,  &C  toutes  les  conféqucnces  qui  en  réfultent,  font  à  la  portée  du 
plus  fimple  comme  du  plus  habile  :  ainfi  pour  donner  à  ce  miracle  le  dernier  de- 
gré de  certitude,  il  fuftxra  de  rapporter  la  preuve  de  ces  faits. 
V.  Ce  fiit  en-i70f.  que  Catherine  Bigot  naquit  dans  le  bourg  de  Couture. 

ci'-T'BiKo't     Marie  Hogu  fa  mcrc  déclare  „  que  de  fon  manage  avec  feu  Denis  Bigot ,  cn- 
etoit  Sourde      tt'autrcs  eufaus,  elle  a  eu  une  fille  nommée  Catherine  Bi^ot ,  qui  depuis  fa  naif- 

<c  muette  de"    r  ■    '  r         i      o  i    ■  ^  ■  j    °       ,- 

sïiiLnce.  55  lance  a  etc  lourde  ce  muette  :  ne  lui  ayant  jamais  entendu  proférer  aucune  paro- 
„  le,  ni  (être)  fcnfible à  quelque  bruit  qu'on  ait  pu  lui  faire.  „ 

Le  fieur  Dubois  maître  Chirurgien  du  Bourg,,  certifie  que  Catherine  Bigot  na- 
„  tivc  de  Coulure  eft  née  fourde  6c  muette.  „ 

Le  même  Chirurgien  avec  i  f.  autres  des  principaux  6c  plus  anciens  habitans ,  dans 
le  nombre  dcfquels  il  y  a  dcuxperfonncs  de  condition,  affirment  devant  un  Notai- 
re que  C'athcrinc  Bigot , qu'ils  onteufous  leurs  yeux  peruiant  il.  ans  „  depuis  le 
„  jour  de  fa  naidlmce  julqu'cn  1717.  qu'elle  fortit  du  pais  pour  aller  demeurera 
„  Vcrfailles  chez  le  fieur  Hogu  fon  oncle,  (a  toujours  été)  fourde  6v  muette,  n'a- 
5,  yant  jamais  articulé  aucune  parole,  ni  donné  aucun  fignc  d'entendement.  „ 

Le  fieur  Hogu  qui  la  prit  chez  lui  en  1717.  certifie  „  qu'il  fçavoit  parfaitement 


IDE'Ë  DE   L'OEUrRE  DES  C ONP'CJ LSIONS.  ii 

j,  (qu'elle  étoit  )  lourde  Se  muette  de  naifflince  ....  (&)  que  depuis  le  dit 
„  tems  il  a  gardé  lad.  Catherine  Bigot  toujours  lourde  8c  muette:  n'entendant" 
j,  point  quand  on  l'appelloit  fi  haut  que  l'on  parlât ,  ôc  ne  (  proférant  jamais) 
j,  aucune  parole.  „ 

Mais  ne  nous  contentons  pas  des  expreflîons  générales  de  la  plupart  de  nos  té- 
moins; prélcntons  des  faits  qui  emportent  forcément  la  conviftion  des  plus  in- 
crédules. 

Voici  d'abord  ime  décifion  du  Curé  de  Verniilles,^-:  du  Chapelain  des  prifcns, 
rendue  dans  des  circonftances  qui  ne  peuvent  laifler  aucun  doute  que  cette  fille  ne 
fût  effeétivement  fourdc  &  muette  de  naiflance. 

3,  Je  me  refibuviens  parfaitement  (dit  M.  Scblon  lors  Chapelain  des  prifons  de 
,)  Verfaillcs)  qu'en  l'année  1718.  la  nièce  du  Sieur  Hogu  Concierge  des  prifons 
„  de  Verfailles  nommée  Catherine  Bigot,  entièrement  fourde  8c  muette,  étant 
),  malade  à  l'extrémité,  je  fus  appelle  pour  lui  donner  les  derniers  facremens  :  je 
J,  me  trouvai  fort  embarrafle. . ..  Etant  queftion  deluiadminiftrerl'Euchariftic, 
5,  je  crus  qu'il  étoit  bien  délicat  de  juger  fur  des  fignes  équivoques  qu'elle  efit 
„  compris  que  Jefus-Chrill  étoit  dans  l'Euchariftie,  d'autant  plus  que  cette  fille 
„  ne  paroifloit  pas  avoir  aucune  intelligence.  Je  m'informai  à  fon  oncle  8c  à  la 
),  tante  li  elle  avoit  reçu  quelque  inftruétion  dans  fajeunefie:  mais  ils  m'avoue^ 
„  rcnt  qu'étant  fourde  &  muette  de  naiflance,  on  ne  l'avoit  pii  inftmireqae  par 
„  fignes.  J'allai  trouver  M.  Bailli  Curé  de  la  paroiflc  à  qui  je  propofiii  madifficuî- 
5,  te  ;  lui  faifant  obferver  que  cette  fille  ne  m'avoit  point  alTez  fait  connoitre  par 
„  les  fignes  qu'elle  m'avoit  donnés,  qu'elle  conçut  bien  un  fi  grand  miilérc.  Sur 
„  quoi  il  fût  du  même  avis  que  moi,  qu'il  ne  lui  fiiUoit  donner  quel' Extrême- 
5,  onétion,  8c  non  le  faint  Viatique  :  ce  fût  le  parti  que  je  pris.  „ 

M.  Bailli  Curé  de  Vcrffilles,  8c  M.  Scblon  ne  font  pas  des  perfonnes  fufpeétes 
aux  Conftitutionnaires  j  ainfi  il  n'y  a  pas  jufqu'aux  partifans  les  plus  outrés  de  la 
Bulle  qui  ne  peuvent  refuferde  croire  le  fiiit  attefté  par  M.  Seblon,  qui  rapporte 
en  même  tems  la  décifion  de  M.  Bailli.  Ce  même  fait  fe  trouve  encore  certifié  par 
le  Sieur  Hogu  8c  fa  femme,  8c  une  autre  perfonne  de  Verlailles.  Or  fi  dans  une 
pareille  circonllance  le  Sieur  Hogu  8c  la  femme ,  quelque  dcfir  qu'ils  enflent  que 
leur  niccc  reçût  le  faint  Viatique  avant  de  mourir,  furent  néanmoins  forcés  d'a- 
vouer à  M.  Seblon  qu'elle  étoit  fourde  8c  muette  de  naiffimce  ,  quoiqu'ils  vif- 
fent  bien  que  cela  alloit  le  déterminer  à  lui  rcfufcr  ce  Sacrement  >  qui  pourra 
révoquer  en  doute  que  la  déclaration  que  firent  alors  le  Sieur  Hogu  8c  fa  femme 
ne  fût  trés-fincere? 

Mais  ce  n'cft  pas  afl'ez  de  prouver  que  Catherine  Bigot  étoit  fourde  8c  muet- 
te de  nailfimce  ;  allons  encore  plus  loin  :  démontrons  par  des  faits  décifift  qu'elle 
étoit  abfolument  privée  de  l'organe  intérieur  de  l'ouïe. 

La  femme  du  Sieur  Hogu  certifie  qu'elle  „  a  oui  dire  à  la  mère  de  ladite  Bi- 
,,  got,  8c  à  tout  les  habitans  du  Bourg  de  Couture....  que  la  dite  Bigot..-.. n'en- 
5,  tendoit  pas  même  le  plus  grand  bruit,  Sc  qu'on  avoit  fouvent  éprouvé  qu'en 
„  failant  du  bruit  à  les  oreilles  ou  derrière  fa  tête,  elle  ne  faiibit  aucun  mouve- 
„  ment,  8c  ne  donnoit  aucun  figne  qu'elle  entendit.  ,, 

A  quoi  elle  ajoute  conjointement  avec  la  femme  du  nommé  Beaufils  poftillon 
du  Roi,  „  quelles  ont  fouvent  éprouvé,  8c vu  éprouver  par  d'autres  perfonnes, 
„  fi  on  pourroit  la  furprcndre  en  hiilant  quelque  grand  bruit  derrière  elle  donc 
5,  elle  ne  pourroit  fe  douter  j  mais  qu'elle  n'en  branloit  pas.  „ 

Voici  encore  un  autre  témoin  de  Verfaillcs  qui  rapporte  un  fait  qui  lui  eft  per- 
fonnel.  Ayant  „  remarqué,  (dit  le  Sieur  IDarragon;  qu'elle  ne  dilbit  jamais  une 

B  2  5,  feule 


I 


12  IDE'E  DE  VOEUFRE  DES  CONFULSIONS. 

„  feule  parole,  mais  feulement  qu'elle  remuoit  les  lèvres,  lorfquellc  voyoit  par» 
„  1er.  . . .  j'ai  eu  une  fois  la  curiofitc  de  me  mettre  derrière  elle,  6c  de  faire  tout 
„  d'un  coup  un  grand  cri  à  fcs  oreilles  pourvoir  fi  elle  retourneroit  la  tête  ;  mai» 
„  elle  ne  remua  en  aucune  façon.  „ 

Pour  ne  point  trop  fatiguer  le  Icfteur,  je  ne  rapporterai  plus  qu'un  foit ,  mais 
ce  dernier  mettra  dans  la  plus  grande  évidence  la  vérité  que  je  veux  prouver. 

Le  fieur  Sabi  principal  locataire  de  la  maifon  oii  Catherine  Bigot  fût  conduite 
à  Paris  dans  le  deffcin  de  la  faire  mettre  fur  le  tombeau  du  Bien-heureux  M.  de 
Paris,  ayant  vu  après  que  le  miracle  eût  été  opéré,  i^ue  cette  filte  entendoit parfai- 
tement clair  -,  mais  néamnoins  qu'elle  ne  répétait  pas  coireRement  les  mots  qu'on  lui 
difdit ^  cela,  lui  donna  quelques  foupçons.  Il  s'imagina  qu'on  vouloit  en  impofcr  au 
public.  Il  va  tout  exprès  chercher  des  perfonnes  de  Verfailles  de  fa  connoilTance 
pour  s'informer  „  s'il  ctoit  vrai  que  cette  fille  avoit  toujours  été  fourde  &:  muette 
„  pendant  tout  le  tems  qu'elle  avoit  refté  dans  cette  Ville.  Je  trouvai  (dit-il)  plu- 
„  fieurs  perfonnes  qui  la  connoinbient ,  qui  m'aiîurerent  tous  unanimcnt  qu'elle 
„  n'entcndoit  rien  du  tout;  6c  plufieurs  d'entr'eux  me  contèrent  différentes  cx- 
„  périenccs  qui  en  avoient  été  faites  ;  6c  entr'autrcs  qu'elle  n'avoit  pios  mcme 
„  entendu  un  coup  de  piilolet  qu'on  avoit  tiré  derrière  fcs  oreilles  ,  n'ayant  pas 
,,  fait  le  moindre  mouvement  :  ils  m'affurerent  audî  en  même  tems  qu'ils  n'avoicnt 
„  jamais  entendu  un  fcul  mot  fortir  de  fa  bouche  -,  mais  feulement  qu'elle  rc«- 
„  muoit  les  lèvres  fans  en  faire  fortir  aucun  fon,  loriqu'elle  voyoit  parler:  6c 
„  leur  ayant  dit  qu'elle  entcndoit  prcfcntemcnt  fort  bien  ....  plulieurs-dentr'cux 
„  font  venus  la  voir,  6c  ont  témoigné  une  llirprife  extrême  de  l'entendre  rcpc- 
„  ter  ce  qu'ils  lui  diloient.  „ 

La  femme  du  fieur  Sabi  certifie  de  fit  part  qu'elle  a  été  témoin  de  l'extrême 
furprife  qu'ont  témoigne  tous  ces  habitans  de  Verfailles ,  6c  qu'elle  a  „  entendu 
„  plufieurs  ....  d'entr'eux  répéter  à  (fon)  mari  les  expériences  qu'ils  avoient 
„  fiiitcs  pendant  que  cette  fille  étoit  a  Verfailles,  par  lefquciles  on  avoit  (difoient- 
„  ils  )  reconnu  qu'elle  n'entendoit  abfolument  rien  du  tout ,  6c  qu'il  falloir  que 
„  fcs  oreilles  fuflcnt  entièrement  bouchées,  ou  qu'elles  n'euflent  point  les  paitici 
„  qui  font  ncceflaires  pour  entendre. 

Il  cft  en  effet  de  la  dernière  évidence  que  fi  le  timpnn  ou  tambour  de  l'oreille 
eût  été  formé,  auffi  bien  que  les  nerfs  finguliers  propres  à  tranfmettre  par  leurs 
divers  ébranlcmcns  la  vibration  des  dift'érens  fons  jufqu'au  cerveau,  ime  aufli 
grande  commotion  de  l'air  que  celle  que  fait  un  coup  de  piilolet  tiré  près  des 
oreilles,  auroit  néccflaircment  ébranlé  ce  timpan  6c  ces  nerfs  :  il  cft  même  cer- 
tain que  quand  l'ouverture  des  orcillcs auroit  été  entièrement  bouchée,  celan'au- 
roit  point  empêché  un  auffi  grand  mouvement  de  l'air,  de  fiire  impreflion  fur 
le  timpan  6c  fur  les  nerfs  dertinès  à  faire  diftinguer  les  fons,  fi  ce  timpan  6c  ces 
nerfs  cuffcnt  cxifté.  L^n  air  fi  vivement  agité  entre  par  tous  les  pores  j  6c  quand 
même  il  n'aûroit  pu  trouver  de  palTiigc  par  les  trous  des  oreilles,  il  ne  pouvoit 
lïianqucr  de  pénétrer  parle  nez  &  par  la  bouche,  jufqu'au  timpan,  8c  jufqu'à 
ces  nerfs  ,  de  retentir  dans  ce  tambour,  6c  de  faire  remuer  ces  nerfs  s'il*  avoiciu 
été  formés  dans  la  tète. 

C'ell  ce  qui  arrive  à  tous  ceux  qui  fons  devenus  fourds  par  accident ,  par  ca- 
ducité ou  par  maladie,  à  moins  que  le  tambour  de  l'oreille  aufii  bien  que  les 
nerfs  fitits  pourTufage  de  l'ouïe,  n'aient  été  totalement  détruits.  On  voit  même 

Î|ue  des  fourds  de  naiffance ,  lorfque  leur  furdité  ne  vient  que  de  lamauvaifeccn- 
ormation  de  l'organe  fans  qu'ils  aient  été  entièrement  dèpounùs  du  timpan  6c 
àsi  nerfs  dont  rèbrAnlcmcnt  fait  difccmcr  les  fons:  ou  voit,  dis -je,  que  ces  fourds 


ÎDE'E  DE  L'OEUVRE  DES  CO NFU LS IONS.  15 

de  naifirmcc,  quoiqu'ils  n'entendent  point  un  bruit  ordinaire,  entendent  néanmoins 
ks  coups  d'armes  à  feu  tirés  près  d'eux,  &  mêmes  des  bruits  bien  moins  violens , 
îorfqu'ils  font  faits  près  de  leurs  oreilles. 

Puilque  Cathcrmc  Bigot  n'entendoit  pas  même  des  coups  de  piftoict  tirés  àfcs 
oreilles ,  il  n'eft  donc  pas  poiïïblc  de  révoquer  en  doute  qu'elle  ne  fut  entièrement  pri- 
vée des  parties  néccjfaires  pour  entendre  ^  comme  difoient  ces  perfonncs  de  Verlaillcs. 

Il  ne  nous  refte  donc  plus  pour  faire  une  démonftration  complette  de  ce  mira- 
cle ,  que  de  prouver  que  ces  parties  ont  été  formées  à  26.  ans  pafTés,  dans  la  tête 
de  Catherine  Bigot  fur  le  tombeau  du  Bien-heureux  Appellant. 

Nous  ne  pouvons  mieux  commencer  cette  preuve  que  par  la  réflexion  fi  chré-      vi. 
tienne  que  nous  trouvons  dans  le  certificat  commun  de  la  femme  du  conciero-e'>circonr!an. 
des  priions  de  Verfailles,  6c  de  celle  du  poftiUon  du  Roi.  Elles  déclarent  „  queeUcs&'Ca 
„  le  refus  que  M.  Seblon  avoitfaitd'adminiftrerrEuchariftie  à  cette  fille,  quoi-'*'*^^"'''": 
„  qu'on  la  crût  prête  d'expirer,  leur  fit  fiitde  trilles  réflexions  fur  l'état  de  cette  "nV'Vr'écéJé 
„ -fille  d'autant  plus  qu'il  paroiflbit  abfolument  lans  remède.  Mais  qu'avant  en-'l  ',?'"""'' 
„  tendu  parler  en  173 1.  des  miracles  qui  s  operoicnt  lur  le  tombeau  de  M.  de<i2  ■''^"^e. 
„  Paris,  elles' crurent  qu'il  ne  falloit  pas  manquer  l'occafion  d'éprouver  fi  Dieu 
„  ne  voudroit  point  faire  la  grâce  à  cette  pauvre  malheureufe  de  la  mettre  eri 
„  état  de  le  connoitre?  qu'il  y  avoit  déjà  quelques  jours  qu'elles  étoient  occu- 
5,  pées  de  cette  penfée  ,  loi-fque  le  if.  Aouft  1731.  le  Sieur  Chevalier  vint  voir 
„  le  Sieur  Hogu  ;  qu'elles  lui  déclarèrent  la  penlec  qu'elles  avoient  ;  6c  que  le 
„  Sieur  Chevalier  leur  ayant  fait  ofi^i-e  de  prendre  cette  fille  chez  lui ,  &  de  la 
„  garder  à  Paris  pendant  qu'on  feroit  une  neuvaine  pour  elle  . . .  elles  acceptèrent 
„  la,  propofition  avec  bien  de  la  joie.  „ 

Le  Sieur  Chevalier  déclare  de  fii  part  „  qu'ayant   été  voir  le  Sieur  Hoo-u  à 

„  Verfailles  à  la  fête  de  S.  Louis la  femme  du  Sieur  Hogu  lui  témoio-na 

„  qu'elle  avoit  envie   d'envoier  fa  nièce  à  Paris ,  afin  de  la  faire  mettre  fur  lé 

3,  tombeau  de  M.  de  Paris ,  &  de  faire  faire  une  neuvaine  pour  elle pour    ' 

„  obtenir  de  Dieu  la  guérifon  d'une  infirmité  aulTi  fâchcufe  .\ . .  qu'il  lui  offrit 
5,  de  recevoir  cette  fille  chez  lui,  &  de  la  faire  conduire  par  fa  femme  tous'  les 
5,  matins  fur  le  tombeau  de  M.  de  Paris  :  &  que  dès  le  lendemain  z6.  Aouft  il 
„  mena  cette  fille  chez  lui  à  Paris  avec  la  femme  du  Sieur  Hogu  ,  &:  celle  du    ■ 
.5,  nommé  Beaufils  poftiUon  du  Roi.  „ 

La  femme  du  Sieur  Chevalier  certifie  la  même  chôfe  ainfi  que  les  femmes  des 
Sieurs  Hogu  8c  Beaufils ,  à  quoi  elles  ajoutent  „  que  dès  le  lendemain  27.  Aouft 
„  <"  elles  )  ^conduifirent  Catherine  Bigotà  S.  Médard,  &  qu'aulTi-tôt  que  (  cette  " 
„  fille)  fût  fur  le  tombeau  de  M.  de  Paris,  elle  tomba  comme  évanouis,  &  que 
5,  fon  vifage  fe  couvrit  fi  fort  de  fueurqueles  goûtes  d'eau  en  découloicnt  grofles 
„  comme  des  pois  :  êc  qu'il  lui  prit  enfuite  des  mouvemens  d'une  violence  épouvaii- 
3,  table, ce  qui  les  furprit  extrêmement ,  (n'aiant^  encore  jartais  rien  vft  deparcil. ,, 

Pierre  Guilbert  Suifle  de  S .  Médard  attefte  auffi  le  même  fait.  „  Dans  le  moment 
„  (dit-il)  que  j'eus  fiit  placer  cette  fille  fur  le  tombeau ,  fon  vifage  thangea-,  6c 
„  devint  pâle  com.me  la  mort,  &  tout  couvert  de  fueurrmai^un  moment  après     " 
j,  elle  s'agita  avec  des  mouvemens  d'une  violence  fi  extraoï^^inaire  ,  qu'on  licnou-   ~ 
„  voit  la  retenir.  „ 

Les  femmes  des  Sieurs  Hogu&  Beaufils  obfervenc,  „  quelle  parbifToitfouffTir  ■ 

5,  principalement  dans  la  tête  qu'elle  remuoit  d'une  fi  prodigieufe  vîtefTe ,  qu'oa  -* 

„  ne  reconnoifToit  plus  fes  traits,  •&  qu'il fcnvbloit  mx'. ïû  bouche  fût  de  toutdla  -^ 
3,  largeur  de  fa  tête.  „    • 

La.  Dame   Chevalier  certifie  pareiMemient;- ainfî  qaé  îe  Sieur  HôgUy^jV^quW'^ 

B  ^  „  voîcrr*' 


14  IDE'E  DE   VOEUFRE   DES  CQNrULSIONS. 

„  voioit  à  fes  geftes  qu'elle  fouftroit  infiniment  dans  la  tête ,  dans  les  oreilles  , 
„  dans  la  gorge,  y  portant  la  main  avec  violence ,  ôc  que  fa  tête  étoit  Ci  agitée 
,,  c.M'on  ne  fçavoit  ce  que  c'ctoit.  „ 

Crell  ainfi  qu'une  main  invifible,  avant  d'opérer  le  miracle  qu'elle  avoir  rcfo- 

In  Je  faire,  prcparoit  pour  ainfi  dire  la  place  ;  &  brifoit  par  ces  agitations  doulou- 

reutes,  tous  les  obllacles  que  la  nature  Icmbloit  avoir  mis  à  cette  régénération. 

C'elt  fouvent  par  la  douleur  que  Dieu  fait  en  quelque  forte  aclictcr  fcsbicnfait^. 

Les  plaifirs  nous  corrompent:  les  fouffrances  nous  purifient  ,&  obligent  la  julli- 

ce  divine  de  faire  place  à  la  miiericorde. 

Mais  voici  une  autre  circonilance  où  l'opération  toutc-puiflante  de  la  Divinité 
paroît  d'une  manière  bien  plus  évidente. 

Le  SuilTe  de  S.  Médard  rend  compte  ainfi  que  pluficurs  autres  témoins ,  que  „ 

„  les  femmes  qui  étoient  avec  (la  fourde  8c  muette)  la  retirèrent  deux  ou  trois 

,  fois  de  defllis  le  tombeau;  mais  qu'à  chaque  fois  elles  le  prièrent  un  moment 

j,  après  de  l'y  remettre:  cette  fille  paroilT-int  le  defirer:  &  (que)  toutes  les  fois  ... 

„  fes  asitarions  recommencèrent  avec  plus  de  force  qu'auparavant.  „ 

Les  Dames  Hogu  2c  Beaufils  dépolent  ainfi  que  le  Sieur  Hogu,  qu'après  que 
Catherine  Bigot  eut  cû  fes  premières  agitations,,  elle  retomba  comme  évanouie, 
j,  ce  qui  les  engagea  de  la  faire  ôter  de  delfus  ce  tombeau ,  &  de  la  faire  porter 
dans  le  erand  cimetière?  mais  qu'aufll-tôt  qu'elle  fut  un  peu  revenue  ,  elle  don- 
„  na  à  comioître  par  fes  fignes  qu'elle  vouloir  qu'on  la  remît  fur  le  tombeau.  Que 
„  dans  le  moment  qu'on  l'y  remit,  fes  grandes  agitations  recommencèrent,  & 
„  plus  fortes  encore  qu'auparavant,  qu'on  l'en  ota  une  féconde  fois  comme  malgré 
„  elle:  ce  qu'aiant  fait  connoître  par  fes  geftes,  on  l'y  remit  encore  une  troifierac 
„  fois  :  êc  qu'elle  y  eût  encore  des  agitations  plus  fortes  que  les  premières.  „ 

Le  récit  de  la  Dame  Chevalier  ell  encore  plus  circonllancié  &c  plus  frapant. 
Elle  déclare  ,  „  qu'elle  fût  fort  étonnée  de  voir  faire  à  cette  fille  qui  cftnaturel- 
„  Icment  fort  tranquille  des  mouvemens  fi  violens  qu'il  étoit  bien  évident  qu'ils 

„  ne  pouvoient  être  naturels QLi'après  ces  mouvemens  convulfifs  elle  demeu- 

„  ra  iur  le  tombeau  fans  connollfancc  comme  évanouie:  que  œla  obligea  les  afîî- 
„  ilans  de  la  porter  (hns  le  grand  cimetière,  où  étant  fevenue  à  elle,  elle  fit  fig- 
j,  ne  qu'elle  vouloit  retourner  fur  le  tombeau. . .  Qii'clle  n'y  fût  pas  plutôt  que 
„  ces  mouvemens  convullifs  lui  reprirent  avec  encore  plus  de  force  qu'auparavant  : 
„  que  fon  air  même  faifoit  peur,  ayant  le  vilage  £c  le  regard  d'une  pcrfonne  à  l'a- 
,,  gonic  qui  fe  combat  avec  la  dernière  violence  contre  la  mort.  Qii'ayanteûpeur 
qu'elle  ne  mourût  cfFccStivement ,  clic  la  fit  encore  ôter  comme  de  force  de  dcf- 
„  fus  le  tombeau;  mais  que  cette  fille  ayant  fiiit  connoître  par  fes  mouvemens 5c 
„  fon  a£tion  qu'elle  vouloit  qu'on  la  remit  fur  ce  tombeau,  (cela  lui  fit  faire) 
„  réflexion  que  tout  cela  étoit  l'ouvrage  de  Dieu ,  Se  que  loin  de  la  faire  mou- 
.,  rir,  cela  lui  procureroit  apparemment  fa  guénlbn,  i,ce  qui  rengagea  de)  l'y 
'„  faire  reporter  prefqu'aufTi-tôt.  „ 

Qiii  a  pu  mettre  dans  le  cœur  de  cette  f  nirde  6c  muette  un  dcfir  fi  ardent  de 
fc  livrer  aux  plus  violentes  agitations  &  d'aller  chercher  les  plus  vives  douleurs 
fur  un  tombeau  dont  elle  ne  pouvoit  avoir  appris  la  vertu  falutairc? 

Le  Dcmon  ne  peut  remuer  nos  cœurs  que  par  les  rcilorrs  de mStrc propre con- 
cupifcence  :  il  excite  bien  dans  nous  le  goût  des  plaifirs  6c  des  voluptés,  l'amour 
des  richefics  &  des  grandeurs ,  le  defir  de  l'honneur  &  de  la  "loire  ;  mais  il  tic 
peut  vaincre  que  p.ir  des  moyens  puiles  d.ins  nôtre  propre  fond,  l'horreur ScTé- 
loigncment  que  la  nature  nous  infpire  pour  les  tourmens 6c la  douleur.  Jlnyaquc 
Pieu  fcul  qui  puifl'c  fiiirc  rechercher  les  fouffrances  fans  aucun  motif  humain, 

paicc 


IDE'E  DE  VOËUFRE  DES  CONVULSIONS.  if 
parce  quil  n'y  a  que  Dieu  feul  qui  difpofe  des  cœurs  comme  il  lui  plaît  6c  qui 
Ibit  maître  d'y  produire  des  fentiraensfupérieurs  àceux  delanature.  Sic'ellDieu 
qui  a  domié  iurnaturcllement  à  cette  fourde  &  muette  le  defîr  d'aller  chercher 
fur  ce  tombeau  ces  mouvemens  convulflfs  quoiqu'ils  lui  caulalTent  des  douleurs 
très  violentes,  on  ne  peut  fans  impiété  attribuer  ces  mouvemens  au  Démon.  Quoi 
donc  le  Saint  des  Saints,  le  Dieu  de  toute mifcricordeengageroit- il  fes créatu- 
res par  un  inftinct  qu'il  leur  iafpireroit  lui-même,  à  fe  livrer  à  leur  ennemi  qui 
cil  l'objet  de  fon  exécration?  fi  on  n'ofe  le  dire,  on  eft  donc  forcé  de  convenir 
que  Dieu,  qui  feul  a  pu  faire  naître  dans  le  cœur  de  cette  fille  l'inllinct  qui  l'a 
portée  à  fe  plaire  fur  un  tombeau  où  elle  foufFroir  une  eipece  de  martire ,  lans  qu'- 
elle pût  preffentir  quelle  en  feroît  l'heureufe  iflue,  ei\  également  l'Auteur  de  ces  dou- 
lourcufcs  convuUîons  qui  étoient  le  gage  de  la  grâce  qu'il  avoit  rcfolu  de  lui  faire. 

Le  Souverain  Maître  des  cœurs  nous  a  encore  donné  une  autre  preuve  quel'in- 
iHnÛ  qui  faifoit  alors  agir  la  fourde  &  muette  ne  pouvoit  venir  que  de  lui. 

Les  Dam.es  Hogu  &  Beaufils  certifient,  „  qu'âuffi-tôt  qu'on  Peut  approchée 
5,  du  tombeau ,  elle  en  baila  le  marbre  avec  un  air  empreflé  fans  qu'on  lui  en  eût 
„ -fait  aucun  fîgne ,  8c  qu'elle  parût  fort  aife  qu'on  la  mît  deffus.  „ 

„  Je  remarquai,  (dit  le  Suiflc  de  faint  Médard)  que  toutes  les  fois  que  je  la 
„  mettois  fur  le  tombeau,  elle  le  baifoit  avec  une  grande  dévotion.  „ 

De  qui  pouvoit  venir  ce  vif  fcntiment  de  piété  ,  &;  ce  goût  pourbailcr  un  tom- 
beau qui  devoit  naturellement  lui  paroître  un  inftrument  defupplîce?  ceux  qui 
font  agités  par  le  Démon  ne  peuvent  fouifrir  qu'on  leur  filTe  toucher  des  relîq^ucs. 

D'ailleurs  cet  Ange  apoftat  ne  peut  infpîrer  de  véritables  fentimens  de  dévo- 
tion. Cet  empreflement,  ces  fentimens  de  vénération  Se  de  confiance  que  la  four- 
de £c  muette  avoit  pour  le  miraculeux  tombeau ,  quoiqu'elle  n'y  eût  encore  éprou- 
vé que  de  violentes  fouffrances ,  ne  pouvoient  être  naturels  :  on  ne  peut  les  attri- 
buer au  Démon  :  n'héfitons  donc  point  à  recdnnoître  qu'ils  étoient  formés  par 
l'Auteur  de  toute  vertu. 

•  Après  que  Catherine  Bigot  eût  éprouvé  pour  ktroifiémefois  les  plus  violen- 
tes agitations,  elle  relia  comme  morte ,  difent  les  Dames  Hogu  6c  Beaufils,,  elles 
„  refolurent  avec  la'  Dame  Chevalier  d'envoier  quérir  un  fiacre  ,  6c  de  la  rame- 
„  ner  chez  la  Dame  Chevalier  :  ce  quelles  firent  fans  que  la  dite  Bigot  revint  à 
„  elle  pendant  tout  le  chemin.  „ 

Le  Sieur  Chevalier  déclare  „  qu'il  fût  fort  furpris  lorfqu'elles  arrivèrent  chez  lui 
„  de  voir  que  plufieurs  perfonnes  portoient  cette  fille  qui  étoit  fans  connoifilmce 
„  &  dans  des  agitations  épouvantables:  que  quoiqu'elle  n'eût  rien  pris  du  jour, 
5,  il  ne  fut  pas  poffiblc  de  lui  rien  faire  prendre  jufqii'à  9.  heures  du  foir  que  fes 
„  convulfions  la  quittèrent.  Qii'il  fût  d'autant  plus  lurpris  de  ces  convuUîons  qu'-^ 
„  il  fçavoit  que  cette  fille  étoit  d'une  fort  bonne  fanté,  6c  (qu'elle  feportoîtpar- 
„  faîtement  bien  le  matin  lorfqu'elle  partitpour  allerà  S.  Medard  :  que  craignant 
„  qiie  cette  fille  nemourût,  il  fût  chercher  le  Sieur  Tripier  Chirurgien  qui  la  vint' 
„  voir  fur  les  7.  heures  du  foir  :  que  ce  Chirurgien  la  trouva  fans  connoifiiince^ 
„  mais  fans  fièvre,  cc  avec  un  pouls  exceffivcmcnt  convulfif ,  5c  qu'aiantoblen'e 
„  qu'elle  n'avoit  aucune  autre  maladie  que  fes  convulfions  ,  il  lui  dit  qu'il  n'y- 
5,  avoit  rien  à  lui  faire.  „ 

Les  Dames  Hogu  6c  Beaufils  ajoutent  „  que  ce  Chirurgien  leur  dit  que  cet 
5j  état  étoit  furnaturel  :  qu'il  n'auroit  aucunes  mauvaifes  fuîtes  :  qu'elles  pouvoient: 
„  demeurer  tranquilles,  6c  que  c'étoit  un  figne  que  la  dite  Bigot  guériroit ,  cc 
„  que  qu.'lques  autres  perfonnes  qui  la  virent  en  cet  état  dirent  pareillement  lui-^ 
vaut  que  le  rapporte  le  Sieur  Sabi principal  locataire  de  la  maiion  où  demeuroitle 
Sieui-  Chevalier.  -^^ 


16         IDE'E  DE  VOEU  F  RE  DES  CONFULSIOMS. 

En  cfrct  dans  ce  premier  ccmsde  l'originedes  convulflons ,  elles  ont  étéd'aborï 
un  pronofiic  prefqu'-.illuré  de  gucrifon:  elles  étoicnt  même  la plùp.irt  le  moicnphi- 
iique  dont  Dieu  ic  fervoit  pour  opérer  fcs  miracles,  ainfi  qu'il  tùtrccinnvi  pour  loi* 
p-,v  M.agnmd  nombre  de  Médecins  Se  Chirurgiens  qui  vinrent  examiner  ces  mer- 
veilles. 

.  U\-  lî  CCS.  premières  convuUions  étoientlc  figne,  le  gage,  le  pronoilique,  le 
moicn  phifique  des  faveurs  que  Dieu  avoit  rélolu  d'accorder  iurcc  tombeau,  doit- 
on  croire  que  l'Auteur  des  miracles  le  loit  icrvi  de  l'opération  de  faran  pour  les 
annoncer  ôc  les  promettre  en  fon  nom?  la  vertu i'urnaturelle que  Dieu  faifoit  for- 
tir  de  ce  tombeau  n'étoit-clle  pas  également  la  lource  des  convulfions  &  desgué- 
rifons  miraculeufcs ,  qui  pour  lors  en  ctoient  le  fruit  ?  doit-on  féparer  le  moien  de 
l'effet  ?  cll-il  permis  de  les  partager  entre  Dieu  ôc  le  diable ,  qui  en  ce  cas  auroicnt 
concouru  à  la  même  fin,  ce  qu'on  ne  peut  dire  fans  blafphême  ? 

Mais  voici  encore  un  autre  pliénoraéne  quijulHfic  de  quel  principe  venoient 
les  convulfions  de  la  fourde  S\.  muette. 

„  Apres  que  la  dite  Bigot  (difent  les  Dames  Hos;u&;  Bcaufils)  eût  refté  dans. 
„  cet  état  jufqu'à  ç.  heures  du  foir,  elle  revint  tout  d'un  coup  à  elle,  «Scelle  n^pa- 
„  rût  point  fatiguée,  ni  de  les  violentes  agitations,  ni  de  fon  évanouiflement  qui 
„  avoit  duré  fi  long-tems ,  &  pendant  lequel  il  fût  impoffibledc  lui  faire  rifnava- 
„  1er  ,1a  dite  Bigot  n'aiant  rien  pris  depuis  la  veille  jufqu'à  p.  heures  dti  foir.  „ 

,,  Elle  refta  ainfi  jufqu'à  9.  heures  du  foir,  'difent  les  Sieurs  Sabi  &  i\\  femme  ,) 
„  ôc  ce  qui  nous  furprit  fort-fùt  que  lorfqu'elle  fût  revenue  à  elle,  elle  ne  fe  trou- 
5,  va  point  du  tout  fatiguée  :  elle  avoit  au  contraire  l'air  fort  gai ,  5c  fort  alerte, 
.„  &  elle  mangea  de  fort  bon  apétit.  „ 

Dans  quel  abattement  extrême ,  dans  quel  anéanti flcmcnt  total  n'auroit  pas 
dû  être  imc  perfonne  épuifée  par  une  inanition  de  24.  heures,  6c  qui  depuis  7. 
heiuTS  du  matin  jufqu'à  p.  heures  du  foir  avoir  été  fucccffivemait  £c  fans  relâche 
tourmentée  par  les  mouvemens  convulfifs  les  plus  impétueux,  Scaffoiblie  parles 
langueurs  d'un  évanouifiement  très-long. 

Qiii  a  donc  pu  rendre  fi  fubitement  les  forces  à  une  perfonne  dont  l'épuife- 
ment  ne  pouvoit  manquer  d'être  excelïïf  ?  qui  a  pu  faire  celfer  dans  un  inli:anc 
l'afîbibliflemcnt  général  qu'avoient  dû  lui  caufer,  une  diète  fi  long-tems  proloa- 
gée,  des  mouvemens  fi  précipités  &  fi  violens,  une  défaillance  C\.  entière  &:  fi  lon- 
gue ?  qui  a  pu  joindre  à  ce  rctablilTement  fi  prompt ,  l'air  vif,  fatistàit,  animé, 
qui  a  caufé  l'admiration  de  nos  témoins. 

Reconnoiflons  à  ces  traits  celui  dont  la  volonté  produit  les  êtres  :  celui  qui  frapc 
Scquiguciit  tout  à  la  fois  :  celui  qui  peut  faire  fuccéder  fans  intervalle  le  calme  dc 
la  paix  à  l'agitation  la  plus  violente,  la  force  &  la  vigueur  à  l'anéantiflcment  des 
plus  longs  cvanouifl'emens ,  la  gaieté  &:  la  joie  aux  douleurs  les  plus  cxcelîîvcs. 

Le  Maître  fouverain  de  la  nature  n'a  pas  befoin  d'y  trouver  les  agens  qu'il  a 
deilcin  d'emploier:  fa  volonté  donne  l'être  à  ce  dont  il  veut  fe  fervir:  &  fans 
épuifcr  Ça  créatures,  il  leur  fait  faire  tous  les  mouvemens  qu'il  lui  plait,  parce 
qu'il  leur  fournit  en  mênic-tems  toute  l'.ibondance  d'efprits  nécellaires  pour  exé- 
cuter tout  ce  qu'il  veut. 

J-e  lendemain  matin  fût  encore  marqué  parunc  autre  preuve  queJefu^-Chrill  don- 
na lui  même  en  perfonne ,  qu'il  étoit  l'Auteur  des  convulfions  de  la  lourde  &  muette. 

La  Dame  Chevalier  dcpofe  que  le  lendemain  i8.  Aoult,  aiant  d'abord  été  cit' 
tendre  la  me[l'e  à  S.Mcdnrd  avec  la  femme  ilu  Sieur  Hogu,  celle  du  Sieur  Beau- 
fils,  8c  Catherine  Bigot  „  les  convulfions  avoicnt:  pris  à  cette  fille  d.in^  TEglifc, 
„  quelque]  tcms  Avaiw  i'clcvation  avec  une  violence  épouvantable  >  de  façon  qu'el- 

„  les 


IDKE    DE  VOEUP-RÊ  DES  CONFULSIONS.  17 

Ci  les  avoicnt  été  obligées  de   k  foire  tenir  pendant  le  refte  de  la  mefîe.  „ 

Ainfi  la  préfence  du  Maître  produit  le- même  effet  que  le  tombeau  du  fervi- 
teur.  Jefus-Chriil:  paroit  voilé  fous  les  efpeces  qui  le  couvrent  ;  &  afin  qu'on  ne 
puiflc  douter  que  les  convulfions  qui  fortoient  du  tombeau  du  Bien-heureux  Appel- 
lant  ne  fuffent  cnvoiées  par  lui,  il  veut  que  fa  préfence  en  donne  de  pareilles. 

Les  Dames  Ho,2;u  Se  Beaufils  certifient  comme  la  Dame  Chevalier,  que  le 
2.8.  Aouft  Catherine  Bigot  eût  ,,  des  agitations  toutes  auffi  vives  que  la  veille, 
„  qui  commencèrent  dans  l'Eglife  de  S.  Médard  pendant  qu'elles  entendoient  la 
„  mefle  avant  qu'on  l'eût  menée  dans  le  cimetière.  „ 

Le  Sieur  Chevalier  déclare  pareillement  que  ce  Jour  îei  convulfton:  prirent  (Ta- 
lord  à  Catherine  Bigot  avec  la  dernière  violence  au  milieu  de  la  mejje  ,  que  les  per- 
fonnesqui  la  conduifoient ,  avoicnt  ^ahord  été  entendre  dans  l'Eglife  de  S.  Médard. 

On  la  fit  enluite  mettre/?^'  le  tombeau ,  dit  le  Sieur  Hogu ,  ok  elle  fe  laijjfa  mettre 
"volontairement ,  i3  comme  faroijj'ant  U  foubaiter. 

Elle  parût  fort  aifc  eju^on  la  mît  deffiis  /?  tombeau ,  difent  les  Dames  Hogu&c 
Beaufils  :«f^«»«/«5  auff.-tôt  qu'elle  y  fût  fes  agitations  devinrent  fi  furienfes  que  per - 
fonne  ne pouvoit plus  la  retenir.  Oneiît  toutes  les  peines  poffibles  à  la  ramener  dans 
une  voiture  chez  la  Dame  Chevalier  j  C>  tout  le  long  de  la  journ-ée  jufqiià  p.  heu- 
res du  fcir  y  elle  eût  de  pareilles  agitations. 

„  Elle  refla  encore,  (dilent  le  Sieur  Sabi  &  i^\^ femme  ,  )  fans  connoiflancc 
5,  jufqu'à  5.  heures  du  foir  ;  mais  s'agitant  avec  encore  plus  de  violence  qu'elle 
„  n'avoit  fait  le  jour  précédent  :&  cependant  lorfqu'elle  fût  revenue  à  elle ,  elle 
„  parût  auflî  fraiche,  aufli  tranquille,  &  fc  portant  auiTi-bien  que  fi  ce  n'avoit 
j,  pas  été  elle  qui  eût  eu  ces  furieufcs  agitations.  „ 

Auffi  les  Dames  Hogu  &  Beaufils,  déclarent-elles  „  que  le  jour  d'enfuite  qui 
„  étoit  le  ip.  Aouft  ,  quoique  cette  fille  eût  été  fi  violemment  agitée  la  veille  de- 
„  puis  7.  heures  du  matin  julqu'à  p.  heures  du  foir,  elle  leur  parût  fi  fraiche, 
„  n  tranquille  6c  fi  peu  fatiguée ,  quelles  réfolurent  avec  la  Dame  Chevalier  de 
„  la  mener  à  pied  à  S.  Médard.  ,, 

La  Dame  Chevalier  certifie  pareillement  „  que  le  lendemain  ip.  cette  fille 
„  s'étant  trouvée  trés-fnùche  ,  &  nullement  fatiguée  de  fes  convulfions  de  laveil- 
„  le,  elles  partirent  toutes  quatre  à  pied  pour  fe  rendre  .^  S.  Médard.. .  où  aiant 
„  d'abord  été  entendre  la  mefle,  les  convulfions  a\'oicnt  commencé  à  prendre  à 
„  cette  fille  avec  la  dernière  violence  au  même  endroit  de  la  mefle  qu'elles  lui 
„  avoient  pris  le  jour  précédent.  Que  l'aiant  fait  mettre  fur  la  tombe,  elles  ■ 
„  avoient  encore  augmenté  d'une  manière  horrible  jmais  que  ce  jour  elles  avoient 
„  ceffé  auffi-tôt  que  cette  fille  avoit  été  ôtée  de  defllis  la  tombe.  „ 

Le  Jeudi  les  convulfions  de  lafourde  &  muette  furent  bien  moins  fortes  que  les     vît. 
jours  précédens.  Preuvfs  a« 

C]c  fut  le  lendemain  5 1 .  Aouft  qu'il  plût  au  Maître  de  la  nature  de  faire  éclat-do  ï-^àànt 
ter  fon  ouvrage.  ''^  ''"""' 

Aulli-tôt  qu'on  l'eût  mife  fur  le  tombeau,  elle  tomba  en  une  efpecc  d'extafc.  ,,  Elle 
„  tomba  comme  en  létargie,  paroifllmt  fins  mouvement  &  fans  fentiment  (dit  ic 
„  Suiffe  de  S.  Médard.)  Après  qu'elle  eût  refté  aflcz  long-tems  de  cette  façon,  la 
,,  femme  qui  étoit  avec  elle  la  tira  par  le  bras  pour  la  faire  fortir  de  dcfliis  le 
„  tombeau  en  lui  difant:  allons.  Cette  fille  ouvrit  les  yeux,  leva  la  tête  &  lui  ré- 
„  péta  le  même  mot  :  ce  qui  fit  faire  une  grande  exclamation  à  la  pcrfonne  qui 
„  la  tiroit  par  le  bras.    Auffi-tôt  plufieurs  perfonncs  fe  mirent  à  crier  :  miracle. 

IjX  Dame  Chevalier  dépofe  pareillement.  „  que  le  31.  Acuft  l'aiant  fait  mettre 
„  fur  la  tombe ,  elle  y  eût  une  efpece  d'évanouiffcment  qui  dura  aflcz  long-tems , 

Ohjn^cat.     Ptirt.  2.   Tome  IL  C  & 


i 


i8  IDE'E  DE  LOEUVRE  DES  CONFULSIONS 

„  &  que  l'aiant  tiicc  par  le  bnis  êc  lui  aiant  dit:  allons ,  allons  }  voulant  la  faire 


fortir  de  dcflus  la  tombe  ,  elle  entendit  cette  fille  qui  lui  répéta  tout  haut  le 
,,  mot ,  allons  j  ce  qui  la  furprit  fi  fort  qu'elle  relia  tout  hors  d'clle-mcinc  ;  que 
„  cependant  pluficurs  pcrfonncs  qui  fçavoicnt  que  cette  fille  ctoit  lourde  & 
„  muette  de  naiflancc,  fc  mirent  à  crier:  miracle.  „ 

C'ell  ainfi ,  ô  mon  Dieu  !  qu'après  nous  avoir  fait  pafTer  par  de  douloureufes 
épreuves,  vous  nous  donnez  tout  à  coup  des  marques  fenfibles  de  votre  bonté. 

Vous  nous  avez  appris  vous  même  que  c'eft  par  les  fruits  qu'il  fiait  juger  de  1% 
qualité  des  arbres:  fi  c'crtpar  les  effets  qu'il  faut  juger  delà  caufe  qui  les  produit, 
à  qui  devons  nous  attribuer  des  convulfions  que  vous  couronnés  par  une  œuvre 
de  votre  droite  ,  où  votre  bonté  &  votre  Toute-puifiixnce  fe  montrent  à  découvert.^ 

En  effet  à  quoi  aboutiflcnt  au  bout  de  quatre  jours  les  convulfions  de  la  fourdc 
Se  muette?  à  un  miracle  du  premier  ordre,  qui  ne  peut  être  l'ouvrage  ciuc  de 
celui  qui  fcul  fait  entendre  les  fourds ,  ôc  parler  les  muets  :  quifcul  peut  créer  des 
organes  qu'il  avoit  refufés  lors  de  la  naiflance.  C'cll;  dans  letems  même  que  cct- 
tc'^fiUe  cil  dans  un  évanouifiement  de  convulfion  que  ce  miracle  s'opère  i  ce  mi- 
racle annoncé  par  les  foulfranccs  des  plus  violentes  convulfions,  en  eil  en  quel- 
que forte  la  récompcnfe  :  ainfi  ce  miracle  Se  ces  convulfions  ne  font  proprement 
qu'un  feul  tout  :  les  convulfions  fervent  de  préparation  au  miracle ,  le  miracle 
en  eft  le  fruit. 

„  Je  la  pris  par  le  bras  (dit  le  Suifie)  pour  lui  fiiire  faire  place ,  6c  la  mener 
„  à  la  facriltie  faire  fa  déclaration:  je  la  prefentai  à  M.  Graflart  notre  Vicaire  à 

,,  qui  plufieurs  pcrfonnes  déclarèrent  que  cette  fille étoit  fourdc  &  muette 

,j  de  naiflancc.  M.  Graftart  lui  dit  en  la  regardant  :  mon  Dieu  !  &  fur  le  champ 
^  elle  lui  répéta  les  mêmes  mots.  M.  delà  Monnoirc  Sacriftain  lui  dit  auflî  qucl- 
„  qucs  mots,  qu'elle  répéta  pareillement.  „ 

Mais  écoutons  M.  l'Abbe  de  la  Monnoire  nous  rendre  compte  lui-même 
de  cet  événement.  „  Je  certifie  (dit-il)  que  le  31.  Aouft  ly^i.taifant  les  fonc- 
„  tions  de  Sacriftain  dans  la  paroiflc  de  S.  Médard  à  la  place  de  M.  Defroches 
,,  qui  étoit  pour  lors  exilé,  plufieurs  perfonnes  vinrent  en  foule  à  la  facrillic 
„  dire  qu'une  fille  fourde  6c  muette  de  naiffance  venoit  d'entendre  6c  de  par- 
,,  1er  étant  fur  la  tombeau  du  Bien-heureux  François  de  Paris  :  qu'on  préfenta 
„  un  moment  après  cette  fille  ii  iVl.  Thomas  Grafiart  Vicaire  de  S.  Mcdard  en 
„  ma  préfcnce:  que  les  femmes  qui  l'accompagnoicnt  lui  dirent  qu'elle  s'appel- 
„  loit  Catherine  Bigot ,  6c  qu'elle  étoit  nièce  du  Sieur  Hogu  Geôlier  des  pri- 
„  fons  de  Verfailles.  Que  M.  Graffart  aiant  voulu  éprouver  s  il  étoit  vrai  qu'cl- 
„  le  entendit  6c  qu'elle  parlât,  lui  dit  ces  mots  :  mon  Dieu,  qu'elle  répéta  furie 
„  champ  fort  dillinctement:  je  lui  dis  cnfuitc  ces  mots:  mon  Perc,  qu'elle  rc- 
„  péta  auflî.  Et  comme  les  femmes  qui  étoient  avec  avec  elle  nous  aflurcrent 
„  qu'elle  n'avnit  jamais  rien  entendu  ,  pasmcrac  le  plus  grand  bruit,  je  pris  une 
„  note  d'un  miracle  aulfi  éclattant.  „ 

Qu'oppoferont  à  un  tel  miracle  les  incrédules,  les  Confiitutionnaircs,  &  ceux 
des  Appcllans  qui  attribuent  tout  le  furnaturcl  des  convulfions  au  Démon?  Ofe- 
ront-ils  dir?  qu'une  privation  d'organes  depuis  la  naiffance  puiife  être  réparée 
par  le  Démon?  Il  cil  ici  queflion  d'organes  qui  n'avoicnt  jamais  cxillé,  &  par 
conféqucnt  d'une  création  nouvelle.  Auront-ils  donc  le  front  de  foutcnir  que 
Dieu  donne  à  la  plus  détcllable  de  fes  créatures  le  pouvoir  de  créer ,  qui  cil  le 
caraftcre  cfrentècl  Se  incommunicable  de  la  Divinité?  Ceferoit  un  blaiphcmc,  ou 
du  moins  une  grande  erreur.  Il  ne  leur  relie  donc  d'autre  parti  que  de  nier  les 
faits.  Rapportons-cnqui  foicnt  encore  plus  frap.uis,  Sc  accablons  tous  les  adver- 

fairci 


I 


IDE'E  DE  VOEUVRE  DES  CONFULSIONS.  19 

{aires  des  œuncs  de  Dieu  par  le  poids  d'une  multitude  de  témoignages  ,  dont  il 
y  en  aura  de  fi  refpeftables  qu'ils  n'oferont  fe  fouftraire  à  leur  autorité. 

La  D"*.  Chevalier  étant,  dit-elle  „  accablée,  .de  la  foule  du  monde  qui  cnviron- 
,^  noit  la  miraculée,  ne  fongea  qu'à  gagner  au  plus  vite  ia  maifon avec  cette  fille." 
„  Auflî-tôt  qu'elle  y  fut  de  retour,  aiant  dit  à  fon  mari  tout  ce  qui  venoit  d'arriver, 
„  fon  mari  parla  à  cette  fille  qui  lui  répéta  prefque  toutes  les  paroles  qu'il  lui 
„  dit:  ce  qui  la  mit  dans  un  C\  grand  étonncment qu'elle  en  étoit  toute  faifie.  „ 

Le  Sieur  Chevalier  déclare  pareillement,  „  que  fa  femme  lui  aiant  raconté 
„  cela  toute  tranfportcc  dans  le  moment  qu'elle  fût  de  retour  chez  lui ,  il  dit 
„  quelques  mots  à  cette  fille  aflez  haut  ,  6c  qu'il  fût  aufli  frapé  d'admiration 
„  que  fa  femme, quand  il  entendit  que  cette  fille  lui  répéta  les  mêmes  mots  du 
„  même  ton  :  qu'il  lui  en  dit  encore  d'autres  aflez  bas ,  qu'elle  répéta  de  même  , 
„  ...  ce  qui  étoit  une  preuve  inconteitable  qu'elle  avoit  entièrement  recouvré 
j,  dès  ce  jour-là  l'uf.ige  de  l'ouïe  qu'elle  n'avoit  jamais  cû  auparavant.  „ 

Le  Récit  du  Sieur  Sabi  &  de  fa  femme  a  quelque  chofe  de  \\  naturel ,  &  en 
même-tems  défi  bien  circonilancié  par  rapport  à  cet  événement  ,  que  nous  croi- 
ons  ne  pouvoir  mieux  fiiirc  que  de  le  rapporter  prefque  tout  au  long. 

5,  Le  31.  Aouft,  (difent-ils  )  la  Dame  Chevalier  un  moment  après  qu'el- 
„  le  fût  arrivée  .  . .  entra  dans  notre  appartement  avec  un  air  tout  efïaré ,  &: 
„  nous  dit  paroiiïlint  toute  hors  d'elle-même  ,  que  nous  vinfiions  voir  au  plus  vite  : 

„  que  Catherine  Bigot  entendoit  &  parloit nous  y  courûmes  avec  empref- 

„  fement le  Sieur  Chevalier  lui  dit  devant  nous  plufieurs  mots  qu'elle  ré- 

„  péta  >  mais  un  peu  imparfaitement,  mangeant  fouvent  la  fin  des  mots.  Nous 
,,  lui  dîmes  aufil  chacun  plufieurs  mots  qu'elle  répéta  paflablement-bien  :  £c 
„  nous  étant  avifez  de  lui  dire  les  mots  fyllabe  à  fyllabe ,  nous  entendîmes  avec 
„  plaifir  qu'elle  répétoit  la  plupart  des  fyllabes  auiîi  parfaitement  que  nous-mê- 
„  mes,  y  en  aiant  néanmoins  quelques  autres,  fur-tout  lors  qu'il  y  avoit desR. 
„  qu'elle  avoit  delà  peine  à  prononcer ,  ayant  encore  la  langue  fort  épaifle.  Mais 
„  nous  pouvons  aflurcr  que  dès  ce  premier  jour  elle  entendoit  aufil  parfaitement 
„  que  l'on  puifie  entendre.  Le  bruit  de  ce  miracle  s'étant  en  peu  de  tems  foit 
„  répandu,  il  vint  une  infinité  de  perfonnes  de  tout  état,  &:  de  toutes  condi- 
„  tions  pour  la  voir  dès  ce  premier  jour-là  &:  les  jours  fuivans  pendant  plus  d'un 
„  moisi  &  d'abord  que  quelqu'un  fe  prélentoit  à  elle,  elle  répétoit  ce  qu'il  lui 
„  difoit  ne  refufmt  perfonne  ;  &  quand  on  ne  lui  difoit  plus  mot  elle  répétoit 
„  ce  qu'elle  entendoit  dire  derrière  elle  au  monde  qui  étoit  dans  la  chambre, 
„  ou  imitoit  le  mieux  qu'elle  pouvoit  tous  les  fons  qu'elle  entendoit,  parlant 
j,  prefque  fans  cefiej  mais  à  la  vérité  ne  prononçant  les  mots  qu'imparfaite- 
„  ment,  parce  qu'elle  ne  fçavoit  point  ce  qu'ils  vouloicnt  dire,  6c  ne  répétant  que 
„  le  bruit  :  ce  qu'elle  faifoit  continuellement ,  paroiiTant  y  avoir  un  véritable  plai- 
„  fir;  6c  d'abord  que  quelqu'un  cognoit  à  la  porte,  elle  étoit  toujours  la  pre- 
„  miere  à  l'entendre  6c  à  montrer  la  porte  du  bout  du  doigt,  ^  fi  elle  enctoit 
5,  proche  elle  l'ouvroit  au  plus  vite.  „ 

Epargnons  au  leéteur  une  plus  grande  quantité  de  pareils  témoignages ,  qu'il 
trouvera  dans  les  pièces  jiiftificatives  :  bornons-nous  à  celui  dont  les  témoins  font 
fi  refpeftables  que  qui  que  ce  foit  n'ofera  refufer  de  les  croire  :  il  eft  rendu  par 
Madame  Dagucffeau  de  Gucixhois  fœur  de  M.  le  Chancelier:  par  M.  L'Ab- 
bé Boifot,  par  feu  M.  Labbé  Curé  de  S.  André,  par  M.  le  Préfident  de 
Voigni,  par  M.  Clément  Confeillcr  au  Parlement  6c  plufieurs  autres  perfon- 
nes rccommandablcs.  „  nous  attcilons ,  (difent-ils)  que  dans  le  mois  de  fcp- 
„  tembrc  173 1.  aiant  oui  dire  qu'une  fille  fourde  6c:  muette   de  naiflance  nom- 

C  z  mec 


zù         IDE'E  DE  VOLVVRE  DES  CONVULSIONS. 

,  „  mce  Githciinc  Bigot  nicce  du  Sieur  Hogu  Concierge  des  priions  de  Vciniillcs, 

„  avoit  recouvert  riiHigc  de  l'ouïe  5c  de  la  parole  le  31.  du  mois  d'Aoult  pré- 

„  cèdent  fur  le  tombeau  de  M.  de  Paris,  nous  avons  été  la  voir.  . .  Qiie  nous 

5,  avons  trouve  que    cette   fille  entendoit  fort  bien,  Se  même  qu'elle  répétoit 

„  quoiqu'imparfiitement  la  plupart  des  mots  que  chacun  lui  difoit.  Qii'^^i  lavé- 

„  rite  il  lui  rclloit  une  épaiflcur  dans  la  langue  qui  l'empcchoit  de  bicnpronon- 

,,  cer  certaines   fyllabes  -,  mais  qu'il  y  en  avoit  plufieurs  qu'elle  répétoit  afTcz 

„  exaélcmcnt.    Qii'au  furplus  elle  ne  difoit  aucun  mot  d'elle  même,  6c  qu'on 

„  voioit   bien  par  fes  repétitions,  qu'elle  ne  comprcnoit  point  la  lignification 

„  de  ceux  qu'elle  difoit  :  ce  qui  f^ifoit  afiez  connoitrc  que  ce  n  étoit  que  depuis 

„  peu  qu'elle  commençoit  à  entendre.  Qiie  cela  fe  voioit  encore  par  l'empref" 

j,  femcnt  qu'elle  avoit  à  répéter  tout  ce  que  chacun  difoit,  ôc  même  quelque- 

„  fois  à  imiter  le  mieux  qu'elle  pouvoit  avec  fa  bouche  les  bruits  qu'elle  entcn- 

„  doit,  8c  le  plus  fouvcnt  à  marquer  de  la  main  Se  des  yeux  d'où  vcnoit  ce  bruit , 

„  n'en  entendant  aucun  que  cela  ne  lui  donnât  un  mouvement  de  vivacité  Se  un 

„  air  de  contentement  fur  le  vifage  5c  dans  les  yeux.  „ 

D'où  venoit  à  cette  fille  ce  mouvement  de  vivacité  5c  cet  air  de  contentement  fur 
le  vifage  5c  dans  les  yeux  fitôt  qu'elle  entendoit  quelque  bruit  ,  fi  ce  n'cil  du 
plaifir  qu'elle  avoit  à  entendre,  qui  étoit  pour  elle  un  plaifir  tout  nouveau?  Pour- 
quoi ne  comprenoit-elle  point  la  fignification  des  mots  qu'elle  répétoit.  Il  ce 
n'eil:  parcequ'cUe  avoit  été  jufqu'à  l'âge  de  16.  ans  fans  les  avoir  entendus  ?  ^infî 
le  témoignage  authentique  qui  attelle  tous  ces  faits,  prouve  en  mcme-tems  ,  5c 
que  cette  fille  entendoit  parfaitement,  5c  que  cen''étoit  (^ue  depuis  peu  qu'elle  coni' 
?i:ençoit  à  entendit^  fuivant  que  tous  ces  rcfpcétables  témoins  l'ont  jugé  cux-mc- 
mcs  en  la  voiant. 

Qui  ofera  révoquer  en  doute  qu'il  n'y  ait  que  l'Etre  des  êtres  qu-i  ait  pu  rendre 
ainfi'  l'organe  de  l'ouïe  après  l'âge  de  z6.  ans  à  une  perfonne  qu'il  en  avoit  privée 
lors  de  la  formation  de  Ion  corps.''  C'cll:  donc  ici  un  miracle  incontcft.ablc  dont 
on  ne  peut  fins  impiété  rcfufcr  de  rendre  gloire  à  Dieu.  C'ell  un  miracle  pa- 
reil à  l'un  de  ceux  que  Jefus-Chrift  donne  en  preuve  aux  difciples  de  S.  Jean 
Mt.  II.   de  fa  qualité  de  Fils  de  Dieu.  ^Ikz,  dit-il,  racontez  à  Jean  ce  que  "Joiis  ai'ez 

4-^  s-      ^.^ jg^  fourds  entendent ,  les  muets  reffufcitent. 

Vin.        Mais,  dira-t-on,  pourquoi  Dieu  a-t-il  laific  tant  d'cpailTeur  dans  la  langue  de 
«ix'obKa!*  "ïïc  fi'^c  5  qu'elle  l'empêche  de  bien  prononcer  une  grande  partie  des  mots  ?  Pour- 
ons    qu'on  quoi  nc  lui  a-t-il  pas  donné  l'cfprit  de  comprendre  le  lens  de  ce  qu'elle  entend? 
""j'Dieu  ne  fiait  pas  des  miracles  en  vain:   cependant    ce  miracle  qu'on  nous  vante 
tant,  pnroit  prcfque  entièrement  inutile  à  cette  fille.  Deux  témoins,  la  femme 
d'Hogu  5c  celle  de  Beaufils  déclarent  même,  qu'étant  venues  la  revoir  quelque 
tcms  après,,  elles  ont  remarqué  qu'elle  ne  fait  que  foit  peu  de  progrés,  commen- 
,,  çant  feulement  à  dire  quelques  mots  d'elle-même,  à  nommer  les  choies  les  plus 
,,  néccnaircs  à  la  vie,  5c  A  dire  :  au  nom  du  Pcre,  du  Fils,  5c  du  S.  Efprit.  Mais 
,,  d'ailleurs  qu'elle  a  perdu  la  vivacité  qu'elle  avoit  d'abord  ,  5c  le  plaifir  qu'on 
„  voioit.  qu'elle    avoit  de  répéter  ce  que  chacun  difoit,  5c  qu'elle  cil  devenue 
„  plus  timide  qu'elle  n'avoit  jamais  été  de  fa  vie  ,  5c  qu'elle  a  un  air  trille,  étonné 
j,  cC  cmbarralTc,  qui  vient  apparemment  de  ce  qu'elle  a  peine  de  voir  qu'elle  nc 
„  comprend  point  ce  que  chacun  dit  :  ce  qui  la  rend  toute  farouche.  „ 

A  quoi  on  peut  encore  ajouter  que  cet  air  farouche,  trille,  timide , étonne, 
cmbarralTc  lui  cil  demeuré  jufqu'à  prefcnt  depuis  qu'elle  s'ell  appcrçuc  qu'elle 
n'a  pas  la  facilité  qu'ont  toutes  les  autres  pcrfonnes  de  comprendre  tout  d'un  coup 
'x  fcns  de  ce  qu'on  dit.  Eu  forte  qu'il  n'y  a  préfcntcmcnt  que  ceux  avec  qui  clic 


f»ie     contre 


'IDE'E  DE  VOEUFRE  DES  CONVULSIONS.  zi 

cft  la  plus  familière  qui  puiflent  tirer  quelque  parole  d'elle,  &  qu'elle  demeure 
le  plus  fouvent  avec  les  autres  dans  un  morne  &  trille  fdence,  qui  la  fait  paroî- 
tre  prefque  imbécile}  êc  qu'au  fond  elle  a  ii  peu  d'intelligence  qu'à  peine a-t-on 
pu  l'inftruire  des  premiers  élémens  de  la  Religion,  6c  qu'elle  pargît  incapable  de 
rien  apprendre  au  delà. 

Or,  dira-t-on,  fi  Dieu  avoit  voulu  faire  un  miracle  en  faveur  de  cette  fille, 
ne  l'auroit-il  pas  fiit  d'une  manière  plus  parfaite  &  plus  digne  de  lui?  N'auroit-il 
pas  pu  en  lui  rendant  l'ouïe,  lui  ôter  en  même  tems  la  difficulté  qui  lui  refte  à 
prononcer  certains  mots ,  Se  lui  donner  plus  d'intelligence  pour  la  rendre  capable  de 
mieux  profiter  d'une  fiiveur  qu'on  repréfente  comme  fî  finguliere  Se  iî  admirable  ? 

Tel  eil:  l'égarement  de  notre  fieclc.  Qui  fom  mes -nous  donc,  ô  mon  Dieu, 
pour  vous  prefcrire  des  règles  dans  la  manière  dont  vous  devez  opérer  vos  mer- 
veilles! Qui  fommcs-nous  pour  ofer  décider  à  la  lueur  de  nos  lumières  téné- 
breufes  de  ce  que  vous  auriez  dû  faire  ! 

Il  n'y  a  que  Dieu  qui  puiflc  rendre  des  organes  à  une  perfonequi  ena  été  dé- 
pourvue ennaiffant.  Le  Tout-puiflant  pouvoit  fans  doute  diminuer  en  même  tems 
i'épaifleur  de  la  langue  de  la  miraculée:  il  pouvoit  éclairer  fon  efprit  d'une  maniè- 
re furnaturelle,  ou  du  moins  lui  donner  beaucoup  plus  d'intelligence  Se  de  péné- 
tration qu'elle  n'en  avoit  eu  jufqu'à  ce  moment.  Mais  parcequ'il  n'a  pas  jugé  à 
propos  de  faire  ces  deux  autres  miracles,  en  eft-il  moins  l'auteur  du  premier  ? 

L'intention  de  la  Dame  Hogu  en  faifmt  mettre  la  nièce  fur  le  tombeau  de  iVîv 
de  Paris  n'étoit  que  de  demander  à  Dieu  par  l'interceffion  de  ce  Bien-heureux 
Appellant  de  faire  la  grâce  à  cette  fauvre  malbeureufe ,  de  la  mettre  en  état  de  h 
cownoiîrc  :  ce  font  fes  termes. 

Dieu  lui  a  accordé  tout  ce  qu'elle  demandoit  :  il  a  rendu  à  fa  nièce  Torgane 
de  l'ouïe.  Se  par  ce  moyen  il  l'a  mife  en  état  d'apprendre  les  principaux  points 
de  la  Religion:  il  l'a  mife  à  portée  de  le  connoître  Se  de  l'aimer.  Cette  grâce  lî 
importante  pour  le  falut  éternel,  n'ell-cUe  donc  pas  allez  précieufe  ?  Et  parcetjue 
Dieu  n'a  pas  accompagné  ce  miracle  de  tout  l'éclat  qu'il  auroit  eu ,  s'il  avoit  ea 
même  tems  donné  à  cette  fille  une  plus  grande  facilité  de  parler  Se  de  compren- 
dre le  fens  de  tous  les  mots  qu'elle  entendoit ,  eft-il  permis  de  dire  qu'il  n'a  rien 
fait  pour  elle ,  Se  que  ce  miracle  lui  eft  prefqu'inutile. 

Au  furplus  fi  cette  fille  avoit  aifément  comprisla  fignification  des  mots,  les  ad- 
vcrfaires  des  miracles  n'auroient  pas  manqué  d'en  conclure  que  c'étoit  une  preuvs 
évidente  qu'elle  les  avoit  entendus  dès  fa  jeuneffe.  Peut-être  Dieu  a-t-il  voulu 
leur  ôter  ce  prétexte  d'incrédulité ,  en  kilTant  une  preuve  toujours  fubfiftantê 
que  cette  fille  n'avoit  jamais  rien  entendu  jufqu'au  31.  Aouft.  173 1.  puisqu'elle  a 
cû  depuis  tant  de  peine  à  comprendre  le  fens  des  mots  quoiqu'elle  en  entendit  fort 
bien  le  fon.  Mais  ce  qif  on  ne  peut  révoquer  en  doute  c'eft  que  cette  fille,  après 
avoir  été  26.  ans  f\rs  entendre,  pas  même  le  plus  grand  bruit,  pas  même  des  coups 
d'armes  à  feu  tirés  à  fes  oreilles,  à  tout  à  coup  entendu  auffibien  qu'on  puifle  en* 
tendre  :  ce  qui  démontre  que  l'organe  de  l'ouïe  lui^aété  rendu  dans  le  dé<jré  le  plus 
parfait.  Or  que!  autre  que  le  Créateur  eût  pu  former  cet  organe?" 

Il  ne  me  relie  plus  qu'à  répondre  à  une  autre  cfpecc  dobjcctiorî.; 

On  m'a  mandé  qu'un  des  plus  gnmds^  adverfaircs  des  miracles,  qui  vient  d'avoir' 
le  malheur  de  fe  fiiire  Evéque  à  force  de  blafphêmes }  avoittàchéd'obfcurcir  l'é- 
clat de  ce  miracle,  en  avançant  que  l'hiftoire  prophane  fournit  trois  exemples 
d'cvénemens  qui  lui  paroilfent  prefque  femblables  à  celui-ci:  d'ocr  il  conclut 
qu'il  a  pu  arriver  fans  miracle,  Mais'  outre  que  ce  téméraire  Auteur  n'ofc  donner' 
pour  certains  les  faits  q^u'il  i>af  porte,  étant  lui-même  obligé  de  convsuii:  que  les= 

C  3  Pere»> 


it  IDE'E  DE   VOEU  F  RE  DES  CONVULSIONS. 

Pcres  de  l'Eglife  ont  reproclié  aux  Paicns  d'avoir  fouvent  fer^é  de  pareils  faits  qui 
n'avoient  d'être  que  par  le  menfonge  ,  quand  même  on  fuppoieroit  ces  trois  exem- 
ples comme  conftans,  il  fuffir  d'en  comparer  les  faits  avec  le  miracle  en  qucftion 
pour  en  fentir  toute  la  diftcrence. 

Le  premier  des  exemples  rapporté,  dit -on,  par  DomLatafte  dont  je  n'ai  point 
lu.  les  ouvrages,  eft  celui  de  trois  lourds  de  nailTmcc,  &  qui  par  uiic  fuite  nc- 
ceflaire  étoient  relies  fans  parler,  à  qui  un  homme  ,  à  force  de  foins  Se  d'indulbie 
avoit  fait  comprendre  le  fcns  des  mots,  leur  avoit  même  appris  à  écrire  6c  à  pro- 
noncer pluficurs  paroles. 

Quand  il  feroit  vrai  qu'un  homme  fort  inventif,  très-attentif  &  très-patient, 
auroit  trouvé  le  moien  de  faire  comprendre  à  des  fourds  la  fignifi cation  de  plu- 
fieurs  mots,  en  les  leur  montrant  par  écrit  &  leur  fiilunt  remarquer  en  même 
tems  les  chofes  qu'ils  lîgnitîcnt ,  6c  qu'il  auroit  eu  le  talent  de  leur  faire  prononcée 
quelques  paroles,  en  leur  failant  imiter  le  mouvement  de  la  langue,  des  dents  6c 
des  lèvres?  quel  rapport  toute  cette  ingénieufe  mécanique  a-t-ellc  avec  un  mira- 
cle par  lequel  le  Tout-puiiïimt  rend  tout  à  coup  l'organe  de  l'ouïe  dans  un  degré 
parfait  à  une  perfonne  qui  en  avoit  été  privée  lors  de  la  formation  de  fon corps? 
J^'homme  cité  par  Dom  Latalle  n'a  pas  prétendu  avec  toute  fon  indurtric  pou- 
voir donner  la  faculté  d'entendre  aux  fourds  qu'il  inllruifoit:  il  s'efl:  appliqué 
au  contraire  à  leur  faire  comprendre  le  fens  des  mots  quoiqu'ils  n'en  cntcndifîent 
pas  le  fon.  Il  n'y  a  jamais  eu  qui  que  ce  foit  aflez  peu  fenfé  pour  s'imaginer  pou- 
voir rétablir  des  organes  à  une  perfonne  qui  en  eft  dépourvue.  Qiiand  même 
un  fourd  de  naifîance  n'auroit  pas  été  totalement  privé  du  timpan  des  oreille? , 
5c  que  la  iurdité  ne  vicndroit  que  de  la  mauvaife  conformation  de  ce  tambour, 
l'expérience  de  tous  les  lîecles  ne  laiffepas  douter  ,  que  des  organes  mal  conftruits 
ne  le  rctabliffcnt  jamais ,  &:  que  tous  les  dél^autsdanscequi  forme  eflcntiellemcnt 
l'organe  comme  cil  le  timpan  de  l'oreille,  font  ablblument  irrémédiables.  Auflî 
jamais  la  médecine  n'a-t-elle  ofé  tenter  d'y  apporter  aucun  remède  :  il  n'y  a  que 
celui  fcul  qui  fait  les  organes  qui  puilfe  reformer  Ion  ouvrage. 

Le  fécond  exemple  cité  par  Dom  Lataftc  ell  celui  du  fils  du  Roi  Crccfus  qui  étoit 
muet  de  nailTance  ,  mais  qui  n'étoit  pas  fourd  ,  puifqu'il  fçavoit  parfaitement  ce  que 
tous  les  mots  llgnifloient.  Ce  Prince  voiantun  foldatprct  àtuer  fon  père,  fit  un  lî 
grand  effort  de  la  langue  qu'il  cria;  ayrête^  ce  qui  lui  fît  recouvrer  la  faculté  de 
parler. 

Il  ell:  évident  que  le  fils  de  Crœfus  n'étoit  muet  que  parce  que  le  mouvement  de 
fa  langue  étoit  arrêté  par  quelques  filets ,  qui  furent  tout  à  coup  brifés  par  le 
violent  effort  qu'il  fît. 

Il  ne  falloit  point  créer  d'organe  pour  lui  donner  la  facilité  déparier.  Le  terme 
d'organe  ne  convient  mémo  proprement  qu'à  ce  qui  eft  eflcnticl  a  la  perception 
des  cinq  lens.  Or  la  faculté  de  parler  n'en  eft  point  un.  Au  furplus  le  fils  de 
Crccfus  avoit  toutes  les  parties  néceffaires  pour  parler  :  la  langue  etoit  feulement 
cmbarrafféc  par  quelque  empêchement  aifc  à  rompre  :  mais  s'il  avoit  été  fourd 
de  naifllmce,  tous  les  efforts  poflîbles  n'auroicnt  pu  former  les  parties  qui  luiau- 
roicnt  manqué  pour  entendre. 

Il  en  eft  de  même  du  troifiémc  exemple  qui  eft  celui  d'un  athlète  muet  6c  non 
pas  lourd,  à  qui  Tcffort  de  la  colère  dégagea  la  langue. 

Ces  trois  exemples  recherchés  avec  tant  de  loin  jufqucs  dans  l'antiquité  la  plus 
reculée,  jufques  dans  les  livres  des  idolâtres  fi  fouvent remplis  de  fiiblcs  ,  neprou- 
vcnt  donc  autre  chofe  que  l'inutilité  des  efforts,  que  ceux  qui  cherchent  à  Icfou- 
llraire  auxdccifions  des  miracles  font  pour  tâcher  d'en  diminuer  le  poids. 

Dieu 


IBE^'E  DE  VOEUFRE  DES  CONFULSIONS.         25 

Dieu  nous  parle  par  des  miracles  :  Dieu  nous  parle  par  des  prodiges  :  mais  on 
ne  veut  pas  l'écouter.  On  affefte  de  décrier  les  prodiges  :  on  s'efForce  d'éluder  fcs  ** 

miracles.  Hélas ,  Seigneur  !  En  vain  nous  parlerez-vous  fi  vous  ne  nous  donnez 
vous-même  des  oreilles  pour  entendre.  La  plupart  des  Chrétiens  font  devenus 
fourds  à  vôtre  voix.  Ha!  formez  vous-même  en  nous  tout  ce  qu'il  faut  pour  la 
faire  retentir  jufqu'au  fond  de  nos  cœurs ,  avant  que  le  tems  des  vengeances  vous 
engage  à  nous  punir  de  notre  furdité  volontaire. 

Le  miracle  dont  je  viens  de  rapporter  les  preuves,  avoit  non  feulement  été 
annoncé  par  de  doulourcufes  convulfions  auxquelles  la  fourde  &  muette  n'avoit 
pu  fe  livrer  avec  empreffement  que  par  un  inftinét  furnaturel  que  Dieu  fcul  pou- 
voit  lui  donner  :  mais  ce  miracle  ell  né  dans  lefeinmêmcde  la  convulfion,  Dieu 
aiant  voulu  l'opérer  pendant  le  tems  d'un  évanouiflement  convulfif.  Ainfi  il  neft 
pas  polfible  de  refufer  de  fentir  la  liaifon  qu'il  y  a  eu  entre  les  convulfions  de  cette 
fille  &  le  miracle  qui  en  a  été  pour  ainfi  dire  le  couronnement. 

Mais  fournilTons  encore  au  lecteur  des  preuves  plus  fenfiblcs  6c  plus  frapantcs  ,     ix. 
que  dans  les  premiers  tems  des  convulfions,  il  y  en  a  eu  plufieurs  que  Dieu  a  unies  1^"  ""on""'" 
lui-même  d'une  manière  fi  marquée  à  des  miracles,  quelles  ontétévifiblementle'^'''2''°f'' '« 
moien  phifique  dont  il  lui  a  plii  de  fe  fervir  pour  les  opérer.  ^e'"^a'r"'i'^ 

C'eft  ce  qui  a  été  publiquement  reconnu  par  quantité  de  Médecins  &  de  Chi-'i'""' ^^'"'^  » 
rurgiens,  qui  dans  ces  premiers  tems  venoicnt  enfouie  examiner  ces  prodiges,  mê-lSrades!' 
me  par  quelques-uns  de  ceux  qui  étoient  envoies  par  la  Cour. 

Tous  ces  maîtres  de  l'art  ne  pouvoient  alors  fe  laffer  de  dire  que  s'ils  avoient 
le  pouvoir  de  difpofer  à  leurgre  de  l'action  des  efprits  animaux  5  de  les  fiire  obéir 
à  tous  leurs  commandcmensi  de  les  envoier  déboucher  tous  les  canaux  oblhués 
divifer  les  matières  groffieres  qui  s'étoient  fixées  &  épaiflies ,  chaflcr  toutes  les 
liqueurs  corrompues ,  réchauffer  les  parties  froides ,  ranimer  les  languiflantcs  & 
leur  faire  faire  toutes  les  autres  opérations  que  le  mouvement  de  la  convulfion 
leur  fiiifoit  exécuter  à  leurs  yeux  -,  il  n'y  a  prefque  pas  de  maladies  qu'ils  ne  trou- 
vafient  le  moien  de  guérir  très  promtement. 

Ils  prétendoient  même  dans  ce  tems-là  que  les  convulfions  opéroient  lesguéri- 
fons  d'une  manière  en  quelque  façon  naturelle ,  en  proportionnant  le  mouvement 
des  efprits  animaux  aux  différens  effets  qu'il  falloit  leur  faire  produire  pour  guérir 
les  maladies. 

Ces  fiiits  ont  été  trop  publics  pour  pouvoir  être  démentis.  Feu  M.  l'Evêquc de 
Montpellier  dont  le  témoignage  eit  fi  refpcélable ,  du  moins  pour  tous  ceux  qui 
n'ont  pas   pris  la  vérité  en  haine,  attefle  lui-même  qu'  „  un  grand  nombre  des 
„  plus  habiles  maîtres  de  l'art  qui  avoient  étudié  ce  phénomène  avec  une  appli-    in^.  r,({. 
„  cation  infatigable ,  reconnoifloicnt  hautement  que  les  convulfions  étoient  pour''"  ^♦•^""'^ 
„  plufieurs  un  moien  phifique  de guérilbn.  Lemoien  (continue-t-il)leurparoifibitpfio"/'"^* 
„  tellement  afibrti  6c  proportionné  qu'ils  avouoient  ingénument  qu'ils  n'auroient 
„  pu  s'y  prendre  autrement  que  la  main  invifible  dont  ils  admiroient  l'opération, 
5,  s'il  leur  avoit  été  dônnné  d'opérer  au  dedans  du  corps  humain ,  6c  de  fe  faire 
„  obéir  par  les  efprits  vitaux.  „ 

Mais  il  n'y  a  pas  jufqu'au x  plus  grands  antagonifles  des  convulfions,  qui  n'aient 
reconnu  ces  faits.  Feu  M.  Fouillou  Auteur  du  libelle  diffamatoire  contre  Charlotc 
la  Porte  Convulfionnaire  d'une  très  grande  piété  ,  en  étoit  lui-même  convenu 
dans  un  petit  écrit  qu'il  publia  lorfque  les  convulfions  commencèrent  àparoîtrc. 

L'Auteur  des  Examens  quoique  fi  horriblement  prévenu  contre  les  convul- 
fions, rapporte  lui-même  page  izi,  (\\.\c  les.  Médecins  ...  aclrfiirotent  la  proportion 
quifc  trouvait  entre  le  mouvement  des  efprits  envoies  par  la  convulfion,  (J  le 

réta' 


14  IDE'E  DE  VOEUFRE  DES  CONrULSIONS 

rétahUJfement  des  parties  a  fêlées,  l'ouïes  les  règles  de  T  art ,  continue-t-il ,  leurypét^ 
rciffoieut  merveille iifement  obfcrvées  ^  (^  . . .  ils  avouaient  que  s'ils  avoie^it  été  mai' 
très  de  diriger  le  cours  des  efprits  ,  ils  n'y  procéderaient  pas  autrement. 

Au  refte  je  pouiTois  démontrer  cette  vérité  par  plufieurs  faits  dont  l'induc- 
tion ell  11  fcnfiblc  &  fi  fnip.mtc  qu'il  ne  feroit  p;is  ponibled'"  la  contredire.  Mais 
comme  cela  dcmandcroit  un  très -long  détail  &  un  fort  grand  nombre  de  pièces 
juilificativcî,  je  crois  devoir  me  contenter  d'en  citer  ici  un  exemple  dont  tou- 
tes les  preuves  font  déjà  fous  les  yeux  du  public.  C'eft  celui  de  la  guérifoQ 
fubitc  de  la  D '^  Hardouin,  S',  démonlbation  de  mon  premier  Tome. 

Cette  D"',  avoit  depuis  fix  ans  les  deux  jambes  pcrclufc';   par  une  paralific 


*^"."™''''°'"ir,curable.   Pendant  ces  fix  années  elle  avoit  été  fr.ipéc  périodiquement  par  un 

goer  llii'rfs  ,  ,  ,.  .,  .'^'».  '  ri 

ic  u  D.  e  grand  nombre  d  attaques  d  apoplexie  qui  luy  avoicnt  luccciiivcmcnt  fait  perdre 
HarJouiD.  p^fJ^ge  ^ç  prcfque  tous  fes  membres  :  enfortc  qu'elle  étoit  devenue  comme  une 

.v^.i<T%   ;  1-.-1  m /^l-,  ;  1 /i    ,<?.-   ;i->rr.nnmi'       mur   Çnn  rnvrx:   f-t\r\r  nrp'nnVnriprpmpnr  ri^iirtiirvA 


e 


maffe  immobile  Se  infenfible,  tout  fon  corps  étant  prefqu'cnrieremcnt dépourvu 
des  efprits  vitiux  qui  procurent  le  mouvement  &:  la  feniibilité. 

Cependant  à  peine  fut-elle  pofcc  lut  le  tombeau  du  S .  Di.icre ,  que  frs  membres  dé- 
nués depuis  fi  long-tcms  de  tout  ce  qui  leur  ctoit  nécen-iire  pour  faire  le  moindie 
mouvement ,  furent  aufli-tôt  agités  par  les  plus  violentes  convulfions ,  qui  fe  terminè- 
rent prcfque  fur  le  champ  par  une  guérifonaiifll  parfaite  qu'elle  avoit  été  fubite. 

11  cil  de  la  dernière  évidence  que  les  fccoudes  \\  violentes  que  fes  convulfions 
donnoient  à  fes  membres,  n'ont  pu  être  produites  par  un  corps  auifi  épuifé , 
au!!!  languiflant ,  aufll  inanimé  que  celui  de  la  D  ".  Hardouin,  fans  que  Dieu  y 
ait  fiit  naitrc  d'une  manière  furnaturellc  une  grande  abondance  d'efprits  vitau.K 
capables  d'exécuter  ces  mouvemens. 

Le  cerveau  de  la  D'''.  Hardouin  prefque  obllmé  de  tous  côtés  par  les  humeur.^ 
cpaides  qu'un  très  i^rand  nombre  d'attaques  d'apoplexie  y  avoient  de  plus  en  plus 
répandues  &  coagulées,  n'étoit  certainement  pas  capable  de  former  en  un  mo- 
ment cette  abondance  d'efprits  de  vie.  Ce  cerveau  débile  n' avoit  au  contraire 
confervé  que  fi  peu  de  chaleur  Se  de  force,  qu'il  laillbit  prcfque  tout  ion  corps 
dans  un  froid  mortel  ficune  entière  infenfiblité,  f.iutc  de  pouvoir  lui  fournir  des 
efprits  qui  Icranimaflent.  Par  quelle  vertu  nouvelle  auroit-il  donc  pu  en  produi- 
re tout  à  coup  une  quantité  prodigicufe? 

Il  n'y  a  que  le  Créateur  des  êtres  qui  ait  pu  faire  naître  ces  efprits  de  feu  dans 
le  fond  d'un  cerveau  glacé  par  une  obilruclion  prdque  tot.de,  £c  leur  fiircaulîl- 
tôt  exécuter  les  mouvemens  les  plus  impétueux. 

Mais  pour  produire  ces  mouvemens,  ce  n'étoit  point  encore  afTez  de  crécï 
cette  multitude  d'efprits  vitaux  :  il  falloit  en  même  tems  ouvrir  à  ces  efprits  une 
route  nouvelle  tout  le  long  des  nerfs  pour  les  faire  couler  depuis  le  cerveau  juf- 
qucs  d.\ns  les  membres  paralitiques. 

Les  nerfs  qui  aboutiflcnt  aux  jambes  de  la  D'^  Hardouin,  aiant  été  plufieurs 
années  fans  être  humcftés  par  ces  efprits  de  vie,  s'étoicnt  infailliblement  deifé- 
chés  ,  d'où  il  réfulte  que  tous  les  petits  conduits  par  où  ces  efprits  palTent,  avoient 
été  détruits:  en  effet  n'cft-il  pas  évident  que  le  délVcchcmcnt  de  ces  nerfs  pen- 
dant fi  longtcms,  les  avoit  cxccnîvcment  rcfferrés,  6c  par  conféqucnt  qu'il  avoic 
comprimé,  collé,  efiRicétous  les  cm.iux  par  où  ces  efprits  coullcnt. 

Qiicl  autre  que  le  Tout-puiflantciu  pu  creuferdenouvc.iu  tous  ces  petits  con- 
duits dam  des  nerfs  racornis  ,  dcflcchcs  &  rétrécis  ?  Or  Ci  Dieu  fcul  a  pu  rétablir 
tout  ce  qui  étoit  néccfTiire  pour  exécuter  ces  mouvemens,  qui  peut  douter  que 
ec  ne  foit  lui  qui  'es  ait  produits? 

Mais  oa  cd  fera  encore  plus  conv;ùncu  en  voiant  qu'il  lui  à  plà  de  fc  fervird- 

ces 


IDE'E  DE    L'OEUFRE  DES  CO NFU LS IONS.  if 

ces  mouvemens  convulfifs  pour  procurer  enfuite  à  la  D"*.  Hardouin  tout  ce  qui 
lui  étoit  encore  néceiraire  pour  être  parfaitement  guérie  de  fa  paralific. 

Lorfqiie  les  efprits  vitaux  apportés  par  les  nerfs  fe  répandirent  dans  les  membres 
paralitiqucs  de  cette  impotente ,  ils  trouvèrent  infailliblement  tous  les  partages 
fermés  pour  entrer  dans  les  mufcles  par  le  gonflement  desquels  ils  opèrent  les 
mouvemens  ;  tous  les  tuiaux  de  ces  mufcles  étant  reftcs  durant  plufieurs  années- 
fans  avoir  été  traverfés  par  ces  efprits,  s'étoient  néccflairement  applatis  5c  col- 
lés ,  ou  avoient  été  remplis  par  des  matières  qui  s'étoient  épaiilîes  par  le  lonç 
féjour  qu'elles  avoient  fait  dans  ces  tuiaux  immobiles.  M-.iis  on  voit  tout  à 
coup  ces  efprits  qui  accourant  en  foule,  frapent  avec  impétuofité  toutes  les  ou- 
vertures de  ces  tuiaux  :  brifent ,  écartent ,  dilîbudent  toutes  les  matières  qui  leurs 
en  fermoient  l'entrée.  C'eft  pour  lors  que  les  Médecins,  apperçevant  l'aélion 
de  ces  efprits  qui  rouvrent  de  toutes  parts  les  tuiaux  des  mufcles  dans  des  mem- 
bres perclus  &  à  demi  deflechés,  &  les  voiant  gonfler  ces  mufcles,  qui  le  mo- 
ment d'auparavant  étoient  applatis  ou  engorgés,  s'écrient  remplis  d'admiration 
à  la  vue  de  cette  opération  évidemment  divine  :  que  s'ils  pouvoient  difpofcr 
ainfi  du  cours  des  efprits  &  leur  faire  exécuter  tout  ce  qu'ils  voudroient ,  ils 
guériroient  facilement  les  plus  grandes  maladies  ;  &  qu'ils  reconnoiffent  haute- 
ment que  de  pareils  mouvemens  convulfifs  font  des  moicns  infaillibles  de  guéri- 
fon  ,  emploies  par  une  main  invifible  &  toute-puilFantc. 

Ainfi  il  cil  donc  vrai  de  dire  que  les  convulfions  de  la  D"-.  Hardouin,  & 
toutes  les  autres  femblables,  ont  été  doublement  marquées  au  fçeau  du  Tout- 
puiilant.  I.  parcequ'clles  n'ont  pu  être  produites  que  par  la  création  fubitc 
d'une  infinité  d'efprits  vitaux,  &  par  le  rétabliflement  de  tous  les  conduits  des 
nerfs  S<.  des  mufcles  deflechés  :  or  il  n'y  a  que  le  maître  de  la  nature  qui  ait  pu 
exécuter  de  pareilles  opérations ,  &  par  conféquent  elles  font  elles-mêmes  de 
véritables  miracles,  t.  parccqu'il  a  été  vifible  que  Dieu  s'eft  enfuite  iervi  de  ces 
mêmes  mouvemens  convulfifs  pour  aioùter'à  ces  premières  opérations  miraculeu- 
fes  ,  tout  ce  qui  étoit  encore  néceflliire  au  rétabuifement  parfait  des  membres 
perclus  qu'il  guériflbit  parce  moien. 

Ainfi  ces  fortes  de  convulfions  guériflantesont  du  leur  être  à  des  opérations  que 
Dieu  feul  apii  faire,  &  toutdefuiteontétéparluiemploiéesàrachcvertoutcequi 
manquoit  encore  à  la  perfcftion  des  guérifons  qui  ont  été  des  miracles  inconteilables. 
Ne  faut-il  pas  fe  fermer  obflinémcnt  les  yeux  pour  ne  pas  voir  qu'elles  ont  fait  en  ce 
cas  partie  de  l'opération  par  laquelle  il  a  plù  au  Très- haut  d'exécuter  ces  miracles  j 
&  par  conféquent  que  l'Auteur  des  miracles ,  l'a  été  de  ces  fortes  de  convulfions. 

Aufli  feu  M.  de  Montpellier  donne-t-il  pour  règle  que  „  les  convulfions  (qui)  ini-i"»*."}» 
„  ont  contribué  à  des  miracles  de  guérifon ,  doivent  être  attribuées  en  premier  W'-s^""^' 

„  à  la  même  caufe    qui  a   opéré  les  guérifons C'eft  (dit-il)  le  jugement ^''•'"'• 

,,  que  nos  Pères  ont  porté  conflamment des  convulfions  qui. .  .  accompa- 

„  gnoient  les  guériibns  miraculcuies ,  (opérées  autrefois  aux  t-Tmbea.ux  de  plu- 
„  ficurs  Saints. . .  leur  ingénient  doit  fiiire  notre  règle.  Vérité  qu'il  i-lmt  foutc- 
„  nir  pour  ne  point  défarmer  TEglilc,  en  la  mettant  hors  d'état  de  répondre  aux 
„  objections  des  hérétiques.  „ 

„  La  liaifon  (dit-il  plus  bas)  de  ces  convulfions  avec  les  miracles,  ell  une  cin-  5.  Rtg!e> 
„  quiémc  vérité:  qu'on  ne  pouvoit,  da.ns  les  premiers  t':ms,  Çq  dilTîmuIcr  :  dont 
„  on  ne  peut  conféquem ment  aujourd'hui  renverfr  les  fôndcmens,  &  que  tout 
5,  le  monde  ,  amis  &  emicmis  reconnoifient  encore,  à  l'exception  d'un  très  petit 
„  nombre  d'Appcllans,  qui  en  jugeoient  eux-m.êmes  prefque  tous  dans  les  pre- 
.,,  miers  tems  comme  le  refte  des  hommes.  „ 

Ob[er-vat.     1.  Part.  Tome.  IL  D  Au» 


atf      ^  IDE'E  DE  VOEUVRE  DES  CONVULSIONS. 

Auflî  dans  le  nombre  de  ceux  qui  font  aujourd'hui  les  plus  prévenus  contre  les 
convuifions,  tous  ceux  qui  ont  confervé  du  rcfpcft  pour  les  miracles,  fc  font  vus 
forces  de  féparcr  des  autres  convuifions  les  convullîons  guériflantcs ,  &derecon- 


ont  publiquement  déclaré  qu'ils  étoient  de  ce  fcntimcnt 

Mais  Ç\  l'on  ne  peut  raifonnablcment  contefter  que  les  convuifions  gucriffàntes 
n'aient  Dieu  pour  auteur  dans  le  genre  merveilleux,  pourquoi  des  agitations  tou- 
tes femblables  ,  qui  ont  pris  dans  le  méme-tems  6c  fur  le  même  tombeau  à  d'au- 
tres perfonnes,  qui  venoient  avecMa  même  foi  demander  pareillement  leurguéri- 
fon  ,  feroient-elles  d'une  efpece  toute  contraire,  lorfqu'ellcs  n'ont  par  elles-mê- 
mes rien  de  différent  de  celles  dont  il  a  plû  au  Très-haut  de  fe  feiTir  pour  opérer 
des  guérifons  miraculeulcs? 
^   X'-  ,  ^     Le  Dieu  de  toute  miféricorde  a  prévu  que  quelques  perfonnes  de  piété  qui  fe 
c.'.nvHif:rr.$  font  laiflécs  prévenir  contre  les  convuifions,  quoiqu'elles  n'aient  pas  perdu  lere- 
J^^j'""\'','fpcct  qu'elles  doivent  aux  miracles ,  s'autoriferoicnt  de  cette  dillinftionpourpou- 
f.ntei   &  voir  rcjetter  k  plupart  des  convuifions  fins  donner  atteinte  aux  miracles  :  fa  oon- 
d^iuVrev'ud-'^^  infinie  l'a  porté  à  leur  découvrir  le  faux  de  cette  vainc  diilinction,  &  à  leur 
riions,  qui  montrer  très  clairement  qu'il  étoit  également  l'auteur  des  premières  convuifions 
r.e'&tsau-gui  paroifloicnt  contraires  à  la  guérifon  ,  comme  ill'étoit  des  convuifions  guci-if- 
tics,  fviiwe-fantes.  Pour  cet  eflet  il  a  voulu  que  dans  les  mêmes  perfonnes,  les  mêmes  con- 
miuciii'eu-  vulfions  fulfcut  quclqucfois  gucriflantes  par  rapporta  certaines  maladies,  &:cvi- 
''■'•  demmcnt  contraires  à  la  guérifon  de  quelques  autres:  &  il  a  guéri  cnméme-tems 

ces  différentes  maladies  dans  le  cours  des  mêmes  convuifions. 

ycw  fournirai  un  exemple  bien  frapant  :  je  le  choifirai  comme  le  précédent 
dans  les  miracles  dont  j'ii  produit  les  preuves  dans  mon  premier  Tome,  afin  d'ê- 
tre difpcnfé  de  faire  imprimer  de  nouvelles  pièces  jultificatives. 
ro^r"f,<ms     *^'^*^  '■*  guérifon  de  la  D"'.  Duchcnc,  4(.-.  Démonftration.  Cette  D"'.    étoit 
liuériffaiiî'e!  accablcc  depuis  plufieurs  années  de  tant  de  maladies ,  que  les  Médecins  ne  pou- 
8;con:rairctponvoicnt  couccvoit  Comment  elle  pouvoit  continuer  de  vivre, 
griérifontde     luitr  autrcs  elle  ctoit  lujctte  depuis  trois  ans  a  un  vomilTemcnt  de  fang  jour- 
'.jjf„ç''^'''nalier  par  la  rupture  de  plufieurs  veines  confidérablcs  dans  l'eftomac  &  dans  la 
poitrine,  qui  n'avoient  jamais  pu  être  rejointes ,  ce  qui  lui  faifoit  perdre  tous 
les  jours  une  grande  quantité  de  fang  qui  fortoit  par  la  bouche. 

Elle  fembldit  toute  prête  d'être  îuftoquée  par  une  hidropi fie  généiwle  qui 
avoir  rendu  tout  fon  corps  d'une  groficur  prodigieufe  ,  &  qui  lui  lailfoit  à  peine 
la  refpiration. 

Enfin  tout  fon  côté  gauche  étoit  tombé  enparalifie,  &  le  bras  du  même  côté 
avoit  entièrement  perdu  toute  fcnfibilité  ,  £c  tout  mouvement. 

Dès  le  premier  moment  qu'elle  fût  fur  le  tombeau  ,  tous  fcs  membres  furent 
agités  d'une  force  inconcevable  :  il  finit  avouer  que  rien  n'étoit  plus  oppofé  que 
ces  violentes  agitations  à  la  réunion  des  veines  qui  étoient  rompues  dans  fa  poi- 
trine &  fon  eftomac.  Cependant  c'efl:  au  milieu  decesfecouffes  impétueufes qu'il 
plait.au  Tout-puiffiint  de  les  rejoindre,  de  lui  rétablir  en  même  tcms  l'eftomac 
&  la  poitrine,  &:  de  faire  ccflcr  pour  toujours  fcs  affrcufcs  hémoragies. 

Si  le  Très-haut  n'eût  fait  que  ce  miracle  en  faveur  de  cette  malade,  on  eût 
été  en  quelque  forte  cxcufable  d'attribuer  à  un  autre  agent  que  lui ,  les  convui- 
fions gui  l'avoicnt  agitée  avec  t.int  de  force  &  qui  fenililoient  C\  contraires  à  fa 
guérilon  :  mais  après  ce  premier  miracle ,  Dieu  fe  fcrt  de  ces  mêmes  agitatioa*; 

con- 


IDE'E  DE  UOEUFRE  DES  CONVULSIONS.         27 
convulfîves  pour  opérer  plulleurs  autres  miracles   fur  la  même  pcrfonne. 

Après  h  réiinion  de  fes veines,  fes  agitations  devenues  encore  plus  violertes, 
débouchent  tout  à  coup  &  ouvrent  tous  fes  pores:  une  fue'ur  prodigieufc  coule  de 
tous  fes  membres  qui  ctoient  d'une  monilrueufe  grofleur  :  ils  fe  dcfenffent  en 
un  moment  à  la  vue  d'une  infinité  de  peifonncs  qui  relient  comme  im.mobilcs  de 
lurprifc,  d'ctonncmcnt   &  d'admiration. 

Mais  voici  une  autre  gucriibn  où  l'aélion  de  la  convulfion  paroît  encore  d'u'ne 
manierebien  plusmarqucc  :  c'cil  dans  la  guérifon  de-f^paralifie,  6cfur-tout  defon 
bras  qui  avoit  entièrement  perdu  tout  mouvement  6c  tout  fcntimcnt.  On  voioit  les 
nerfs  &  les  mufclcs  de  ce  bras  s'agiter  fous  la  peau  avec  une  vivacité  tout  à  fait 
extraordinaire:  on  appercevoit  vifiblement  l'action  des  efprits,  qui  par  une  vive 
impulfion  débouchoit  toutes  les  obftniftions  qui  avoient  rendu  ce  bras  également 
immobile  &  infenilble  :  &  la  convulfion  y  mcttoit  tant  de  force  que  pluficurs 
perfonnes  qui  la  tenoient  avoient  de  la  peine  à  rcfîiler  à  fes  fccoufles.  Auflil'ef- 
îet  de  cette  convulfion  fût  non  feulement  de  diflîper  entièrement  cette  parali- 
fie  ;  mais  dès  le  lendemain  la  D"".  Duchêne  fe  trouva  d'une  fanté  parfaite,  Se 
d'une  vigueur  infatigable,  qu'elle  conferve  encore  aujourd'hui.  On  trouvera  la 
preuve  de  tous  ces  faits  dans  les  pièces  produites  dans  mon  i.  Tome. 

Voilà  donc  fuccefiîvement  dans    la  même  pcrfonne  des  mouvcmens  convul-     xu!. 
fifs  très  contraires  à  une  première  guérifon,  &  les  mêmes  mouvcmens  emploiésD^ra^a  ïté 
enfuitc  par  le  Tout-puifiant  pour  la  guérir  de  deux  autres  maladies.  Si  l'on  ne'''"'"^'^''.  ''" 
peut  fe  difpenler  d'attribuer  à  Dieu  les  mouvcmens  convulfifs  dont  il  s'cft  fei-vigùeriiianus. 
pour  guérir  cette  fille  de  fon  hydropifie  ôc  de  (-.x  paralyfie,  parcequ'ils  ont  été 
vifiblement  le  moienphifique  par  lequel  il  lui  a  plû  d'opérer  ces  deuxguérifonsmi- 
raculeufes }  ne  feroit-il  pas  fouverainement  ridicule  d'attribuer  à  un  agent  tout 
différent  les  premières  agitations  produites  par  la  même  convulfion  dans  la  même 
pcrfonne ,  &:  qui  étoient  précifément  les  mêmes  que  celles  dont  le  Très-haut  a 
voulu enfuite  fe  fervir  ?   MM.  les  Confultans  fi  oppofés  au  mélange ,  voudroient-ils 
en  iinaginer  un  û  contraire  au  bon  fens  ?  Si  ces  premières  agitations  étoient  na- 
turellement contraires  à  la  réunion  des  veines  rompues,  qui  ne  fçait  que  dans  les 
mains  de  Dieu  tout  devient  moien ,  même  ce  qui  paroît  le  plus  oppolé  à  l'effet 
qu'il  lui  plaît  de  produire  ?  Loin  de  s'appuier  fur  ce  prétexte  pour  méconnoitre 
les  opérations  de  la  divinité ,  difons  avec  le  célèbre  Auteur  des  Réflexions  mo- 
rales :  „  O  profondeur  adorable  de  la  conduite  de  Dieu  !  qui  fait  les  œuvres.  . .    p-  Q?"' 
,,  tantôt  par  des  voies...  vifiblement  proportionnées,  tantôt  par  des  voies.  .  .  i,'.''î"!'  ** 
„  qui  paroifient  contraires  :  „  &  reconnoilfons  que  le  Très-haut  a  voulu  nous  fai- 
re voir  par  cet  exemple  &  quelques  autres  pareils, que  les  premières  convulfions 
nées  fur  le  tombeau ,  ctoient  également  fon  ouvrage ,  foit  qu'elles  ferviflent  à 
procurer  des  guérifons  miraculeufes,  foit  qu'elles  n'y  fervident  pas. 

Je  ne  prétens  pas  néanmoins  pour  cela,  que  ces  premières  convulfions  qui  ne     xiv. 
confiftoient  pour  lors  que  dans  de  fimples  mouvcmens  convulfifs,  doivent  être    '""„?" 
regardées  comme  un  don-,  mais  leulcment  comme  im  état  lurnaturel  ou  DieuconvuiLts. 
mettoit  le  corps  de  certaines  peribnnes  qu'il  attachoit  en  même  temp  à  la  véri- 
té: état  qui  par  lui-même  n'a  rien  que  d'humiliant  j   mais  que  Dieu  a  d'abord 
favorifé    par  des   guérifons  miraculeufes  ,  &  auquel   dans  la  leconde  époque  des 
convulfions  dont  nous  rendrons  compte  dans  un  moment,  il  a  joint  affcz  com- 
munément pluficurs  dons  extérieurs. 

Au  furplus  il  ell  évident ,  il  efl  décidé  par  des  miracles ,  que  ces  premières 
convulfions  venoient  de  Dieu,  puifque  plufietu's  ont  été  le  moien  phifique  donc 
il  a  voulu  fc  fervir  d'une  rnamere  vifiblc  pour  opérer  des  guérifons  miraculeufes. 


iS  JT>EE  DE   VOEUFRE   DES  CONVULSIONS. 

C'cft;  le  Trcs-haut  lui-même  qui  parlant  en  Dieu  a  déclaré  par  ces  miracles  que 
CCS  mouvemens  convulfifs  étoient  fon  ouvrage,  du  moins  entant  qu'ils  étoient 
fumaturcls  &  que  la  volonté  des  convulfionnaires  n'y  mcttoit  rien  du  fien.  Ofer 
le  cont-cftcr  c'cft  rcfuier  d'en  croire  fon  témoignage.  „  C'eft  fermer  l'oreille  à  la 
s''j«r"7!»  ^''^'^  ^'^  Dieu,  (dit  le  rcfpcftable  Auteur  que  j'ai  déjà  cité,)  que  de  ne  pas 
a+-  j,  fe  rendre  aux  miracles  par  lefqucls  Dieu  feu)  peut  parler  aux  hommes.  „ 

Il  n'y  a  qu'une  feule  exception  à  faire  dans  cette  première  époque  des  convul- 
fions  :  c'eft  qu'il  ne  faut  pas  croire  que  toutes  les  pcrfonnes  qui  fe  font  imagi- 
nées en  avoir,  en  aient  eu  véritablement.  11  a  été  aifé  de  reconnoître  qu'il  y  en 
a  eu  quelques  unes,  dont  l'imagination  frapée  par  le  fpcélaclc  des  convulfions, 
&  animées  par  le  dcfir  d'obtenir  par  cette  voie  Li  guérifon  de  leurs  maladies,  fe 
font  fauflcment  pcrfuadccs  qu'elles  en  avoicnt,  6c  en  ont  imité  les  mouvemens 
autant  qu'elles  ont  pu.  Il  ne  feroit  pas  jufte  de  confondre  les  convulfions  véri- 
tables avec  celles  qui  n'avoient  d'autre  principe  qu'une  imagination  échauffée,  ni 
d'attribuer  aux  convulfions  fumaturcUcs  que  Dieu  envoioit,  ce  qu'on  a  remar- 
qué de  répréhenfiblc  dans  ces  f.uifTes  convulfions. 

Au  reftc  il  n'a  pas  été  fort  difficile  d'en  faire  la  diflinélion.  i°.  L'effet  des 
mouvemens  convulfifs  que  Dieu  envoie  a  prefque  toujours  été  de  répandre  une 
tranquillité  parfiitc  dans  le  fang  des  convulfionnaires  des  l'inftant  que  leurs  agita- 
tions cefTent  j  en  forte  que  loin  d'être  fiitigucs  des  mouvemens  violens  qu'ils viciï- 
ncnt  d'éprouver,  il  fe  trouvent  plus  de  fanté,  de  force,  de  vigueur  qu'ils  n'en 
avoicnt  auparavant:  la  plupart  même  ne  font  point  du  tout  échauffés  dans  le  tems  mê- 
me que  leur  corps  efl  agité  par  les  mouvemens  les  plus  impétueux  ;  au  lieu  que  les 
perfonncs  dont  les  convulfions  font  l'effet  de  leur  imagination,  ibnt  ordinairement 
tout  en  nage  dans  le  tems  de  leurs  agitations ,  Se  font  enfuite  très  épuifécs. 

t°.  Les  premières  convulfions  qui  ont  pris  fur  le  tombeau  du  Bienheureux  Appellant 
a  des  malades  ou  à  des  eftropiés,  ont  prefque  toutes  été  fuivies  d'une  guérifon  plus 
ou  moins  prompte  par  rapport  aux  maladies ,  &  de  quelque  changement  avanta- 
geux plus  ou  moins  grand  par  rapport  aux  membres  perclus  :  au  lieu  que  les  fauf- 
fes  convulfions  n'ont  jamais  produit  aucun  bon  effet. 
XV.         Mais,  dit-on,  la  plupart  des  cflropiés  qui  ont  eu  des  convulfions ,  même  ceux 
,.„^,'"j^''^""dont  les  violentes  agitations  ne  les  fatiguoient  point   6c  qui  leur  prenoient  juf- 
eiifnns  im- qucs  daus  Ics  mcmbrcs  perclus  6c  incapables  de  mouvement,  n'ont  point  étébicn 
piitii:ts.     gi,^.,-i5    S'il  cfl:  arrivé  quelque  changement  dans  leurs  membres;  ce  léger  change- 
ment n'a  point  produit  le  retabliffcment  entier  de  ces  membres ,  6c  les  a  laifTés 
prclqu'aufn  contrefaits  qu'ils  étoient  auparavant.  Or ,  ajoute-t-on ,  Dieu  ne  peut 
rien  faire   d'imparfait;  cela  ne  feroit  pas  digne  de  lui:  ainfi  on  ne  doit  point  le 
croire  auteur  de  pareilles  gucrifons  ,  qui  n'étant  fliitcs  qu'à  demi ,  lont  pour  ainfi 
dire  des  miracles  manques.  Un  tel  ouvrage  marqué  d'un  caractère  d'impuifîancc  , 
ne  convient  qu'à  l'Ange  apoftat.  D'où  l'on  va  jufqu'à  conclure  ,  que  comme  on  doit 
lui  attribuer  les  guérifons  imparfaites  opérées  par  convulfions  fur  le  tombeau  de 
M.  de  Paris,  il  faut  parcillenient  lui  attribuer  les  autres  guérifons  plus  parfaites 
opérées  fur  le  même  tombeau  p.ar  de  femblables  convulfions,  paiccquc  ccsguéri- 
fons  ont  toutes  la  même  fourcc  5c  le  même  moien  phifique. 
ïTT.        Voilà  dans  toute  la  force  à  quoi  fc  réduit  tout  ce  qu'on  a  dit  de  plus  fcduifant 
h"  impir-^''"^''^  ^"  ïTfiiiacles  opérés  par  le  mouvement  des  convulfions. 
uiiM  font      Comme  je  fuis  perf'uadé  qu'il  faut  d'abord  pour  ne  point  s'égarer  prendre  pour 
»!»!•""""  P"'"^  j^^ç  ^  jjyç  ^^^^  ççj  miracles  ont  cû  au  contraire  Dieu  pour  auteur,  ileftné- 
fcfTairc  avant  de  continuer  mon  récit ,  d'anéantir  entièrement  cette  objcûion, 
ce  qui  ne  fera  p.vs  difficile. 

Je 


ILË'È  DE  rOEUFRE  DES  CONFULSIONS.         19 

Je  conviens  qu'il  y  a  cû  plufieurs  cftropiés,  dont  les  membres  difformes  n'ont 

été  rétablis  que  d'une  manière  imparfaite,  entr'autres  M.  l'Abbé  de  Bccheran, 

Charlote   la  Porte  &  Catherine  Turpin,  que  je  cite  plutôt  que  d'autres,  pdrccque 

les  preuves  de  leur  guérifon  imparfaite  font  entre  les  mains  du  public. 

Alais  je  nie  très  fort  que  de  pareilles  guérifons  ne  doivent  pas  être  attribuées 
à  Dieu.  Rien  n'eft  imparfait  à  ies  yeux  que  le  péché.  Il  eft  le  Créateur  des  êtres 
qui  nous  paroiffent  les  moins  parfaits,  comme  il  l'cft  de  ceux  qui  ont  le  plus  de 
perfeétion  &  de  beauté.  Sa  fîigeffe  eil  bien  différente  de  celle  des  hommes:  fes 
vues  font  infiniment  élevées  au  dcffus  de  nos  penfées:  illuieft  libre  de  faire  tout 
ce  qu'il  veut,  6c  de  ne  piis  achever  ce  qu'il  a  commencé  :  il  a  fouvent  des  motifs 
que  nous  ne  pénétrons  pas ,  &  qui  font  même  au  deffus  de  notre  foiblc  intelligen- 
ce. Il  ne  nous  appartient  donc  point  de  juger  de  ce  qui  eft  digne  de  lui;  Se  c'eft 
ofer  donner  des  bornes  à  fa  puiffance,  &  tomber  même  précifément  dans  l'erreur 
des  Manichéens ,  que  de  décider  que  tout  ce  qui  nous  paroît  imparfait  n'ell  pas  fon 
ouvrage.  Aufîî  dans  différens  écrits  a-t-on  prouvé  par  quantité  d'exemples ,  que  Dieu 
a  fait  plufieurs  guérifons  imparfaites  fur  les  tombeaux  des  plus  grands  faints. 

On  ne  peut  nier  qu'il  n'y  ait  eu  fur  celui  de  M.  de  Paris  des  guérifons  fubites 
&  parfaites  de  maux  naturellement  incurables  ,  qui  étoient  par  conféquent  de 
très  grands  miracles  opérés  par  des  mouvemensconvulfifs  comme  moienphifique. 
De  pareils  miracles  ne  peuvent  être  attribués  fans  impiété  à  un  autre  aiient  que 
Dieu  :  ainfi  au  lieu  de  dire  qu  il  faut  faire  préfent  de  ces  miracles  éclatans  à  l'Ange 
apoftat,  fous  prétexte  qu'on  doit  le  regarder  comme  l'auteur  des  guérifons  im- 
parfaites ,  il  faut  dire  au  contraire  que  Dieu  étant  évidemment  l'auteur  de  plu- 
fieurs miracles  complets,  opérés  par  l'aébion  de  la  convulfion  fur  le  tombeau  de 
M.  de  Paris ,  il  l'eil  également  des  guérifons  moins  parfliites  opérées  fur  le  mê- 
me tombeau  parle  même  moien. 

Mais  je  veux  encore  aller  plus  loin ,  8c  prouver  qu'indépendamment  de  la  liaifoa 
indiffoluble  que  ces  guérifons  imparfaites  ont  avec  de  fort  grands  miracles ,  elles 
font  par  elles-mêmes  des  miracles  inconteflables  qui  n'ont  pu  être  opérés  que  par 
le  Maître  de  la  nature. 

Toutes  les  guérifons  imparfaites  qu'ont  obtenu  un  aflcz  grand  nombre  d'ellro- 
piés  fur  le  tombeau  de  M.  de  Paris  par  le  mouvement  des  convulfions,  ont  pro- 
duit un  changement  évidemment  furnaturcl  dans  la  forme  de  leurs  os. 

Il  eft  conflaté,  par  exemple,  jufques  dans  les  procès -verbaux  faits  par  ordre 
de  la  Cour  dans  la  vue  de  décrier  le  miracle  opéré  fur  M.  Pz'^bbé  de  Bécheranj^j^^^f •   '^' 
qu'il  y  a  eu  un  changement  confidérable  dans  les  os  de  fon  pied  Sc  de  fa  jambe,  m.  iic  sens, 
quoiqu'il  y  rcfle  encore  quelque  difformité. 

Il  eft  prouvé  par  la  première  requête  que  Charlotte  la  Porte  a  prefentée  au 
Parlement  &  par  les  rapports  des  Médecins  joints  à  cette  requête,  que  cette  vieille 
fille  née  le  16.  février  1681.  avoit  encore  à  l'âge  de  plus  de  cinquante  ans  l'é- 
pine du  dos  tournée  en  zigue-zague  :  &  qu'au  lieu  de  jambes  &  de  pieds  elle 
n'avoit  que  des  morceaux  de  chair  molaffc  qui  n'étoient  point  grandis  depuis  fon 
plus  bas  âge,&  qui  pendoient  inutilement  au  bout  de  fes  genoux  n'ayant  ni  con- 
fiftence,  ni  fenfibihté ,  ni  mouvement. 

Mais  a  peine  ces  lambeaux  auffi  hideux  qu'informes  furent -ils  pofés  fur  le 
tombeau  de  M.  de  Paris,  qu'ils  devinrent  auffi-tôt  animés  &  furent  acitcs  ixir 
des  convulfions.  Depuis  ce  moment  ils  fe  font  allongés  prcfqu'à  vue  à'oeil,  &:  ils 
ont  été  metamorphofés  en  des  jambes  &:  des  pied?  proportionnés  au  furplus  du 
corj)s.  On  a  même  fenti  les  os  s'y  former  6c  acquérir  en  peu  de  tems  une  foli- 
dite  parfaite.    Néanmoins  il  jr  a  de  la  defeduofité  dans  ces  membres  nouvclle- 

D  3  ment 


In  ft.  part. 


p  IDE'E  DE   UOEUFRE  DES  CONFULSIONS. 

ment  régénérés ,  &  Charlotte  la  Porte  ne  peut  prefque  en  f^ire  uGigc. 

Voilà  donc  une  merveille  manifcllcmcnt  divine  puifqu'elle  équipole  àunc  créa- 
tion, qui  vcilc  cependant  inparfaicc.  Qu'elle  impiété,  ou  du  moins  quelle  erreur 
nV  auroit-il  point  à  fiippolér  que  c'eit  le  Dcmon  qui  a  donné  l'être  à  la  multi- 
tude innombrable  de  vaifleaux  &  autres  parties  qu'il  a  fallu  tirer  du  néant  pour  for- 
mer CCS  nouveaux  membres  à  cette  vieille  fille. 

En  même  tcms  l'épine  de  fon  dos  s'efl  redreiïce,  ce  qui  n'a  pu  encore  fe  faire 
fims  que  Dieu  ait  opéré  dans  toutes  les  cotes  un  changement  auiîi  prodigieux 
qu'inconcevable. 

En  effet  il  ell  évident  que  lorfquc  l'épine  étoit  contournée,  les  côtes  qui  for- 
toient  du  côté  où  cette  épine  s'étoit  entièrement  jettéc,  ctoicnt  très  courtes, Sc 
que  celles  qui  étoient  au  côté  oppofé  ctoient beaucoup  plus  longues,  puifqu'elles 
tr.tverfoient  prefque  toute  la  largeur  du  dos.  Or  l'épine  n'a  pu  ic  icdrcfler  £c  re- 
prendre fa  place  naturelle  ians  que  les  côtes  qui  étoient  vis-à-vis  les  unes  des 
autres  ne  ibient  devenues  de  longueur  égale ,  &  par  confcquent  il  a  fallu  que  cel- 
les qui  étoient  très  courtes  s'allongcafrcnt  pour  fuivrc  l'épine  qui  vcnoit  fe  repla- 
cer au  milieu  du  dos  ,  &  qu'en  même  tems  celles  qui  travcrfoient  preique  toute 
la  largeur  du  dos  fe  racourciffent.  Y  eût-il  jamais  un  changement  dans  la  forme 
des  os  plus  étonnant  &  plus  admirable  > 

Il  elt  pareillement  établi  par  la  requête  de  Catherine  Turpin,  que  depuis  le 
moment  qu'il  lui  a  pris  des  convullîons  fi:r  le  tombeau  de  JVl.  de  Paris,  il  eft 
arrivé  dans  les  os  de  cette  fille  extraordinairemcnt  contrefaite ,  des  changcmens 
de  toute  efpcce  :  les  os  de  fon  cou,  de  fcs  bras  î^:  de  fcs  cuifics  le  font  très confi- 
dérablement  allongés.  Ceux  de  fes  épaules  ont  changé  de  forme  &  fe  font  abaif- 
fcs  :  ceux  de  fes  hanches  fe  font  diminués  de  plus  de  moitié  :  ceux  de  fes  jambes 
fe  font  redrefîcs  en  partie.  Se  cette  monilrucufe  nine  a  grandi  en  moins  d'un  an 
de  7.  a  b'.  pouces  étant  alors  âgée  de  plus  de  17.  ans. 

On  trouve  dans  ces  requêtes  la  preuve  de  tous  ces  faits  attelles  au  Parlement 
par  des  perfonnes  qui  font  déjà  dans  les  liens  ,  Se  qui  n'auroicnt  pas  eu  par  con- 
fcquent la  témérité  de  les  aviuicer  fous  les  yeux  de  leurs  Juges,  fi  la  preuve  n'en 
eût  pas  été  certaine. 

Il  ell;  vrai  que  MM.  de  la  grande  Chambre  ont  pris  le  parti  de  refufer  d'en 
faire  une  information  juridique,  apparemment  pour  n'être  pas  forcés  dcconila- 
ter  juridiquement  des  miracles,  &  de  les  publier  par  des  arrêts.  Mais  il  cil  évi- 
dent que  fi  ces  faits  n'eulfent  pas  été  d'une  certitude  incontellablc ,  la  grande 
Charnbrc  chargée  par  la  Cour  de  faire  le  procès  à  ces  deux  convulfionnaires, 
n'eût  pas  manqué  d'en  conllaterrimpollurc.  Auilî  en  lifant  ces  requêtes  £c  les  preu- 
ves qu'elles  contiennent,  cft-il  impolîîblc  de  douter  de  la  vérité  de  tous  ces  faits. 
C'eft  néanmoins  de  pareils  prodiges  que  M.  l' Archevêque  de  Sens  ofe  appellerdcs 
miracles  miférables,  des  miracles  honteux,  des  miracles  marqués  à  un  caniûerc 
dimpuiffance,  qui  découvre  qu'il  n'y  a  que  le  Dcmon  qui  puillc  en  être  l'auteur. 

C'ell:  d'abord  convenir  de  là  part,  que  tous  ces  prodiges  n'ont  pu  arriver  d'une 
manière  naturelle.  En  effet  y  a-t-il  quelqu'un  qui  ignore  mic  lorfquc  les  os  ont 
acquis  toute  leur  confillnnce  &  leur  dernier  degré  de  Iblidité,  ils  derneurent 
dans  un  état  fixe,  ôc  que  rien  ne  peut  plus  en  changer  la  forme  fans  la  détruire; 
rareeque  la  matière  dont  ils  font  compofés  eff  par  fa  nature,  dure,  lechc,  mriexi- 
ble?  Cela  cil  fi  notoire  que  M.  l'Archevêque  de  Sens,  quoique  fi  fertile  en  dé- 
noumens,  n'a  pu  jufqu'à  préfent  imaginer  defecrct,  pour  allonger,  racourcirou 
diminuer  les  os  contrefaits. 

Auffi  ce  n'clt  point  à  la  nature  ou  à  l'art  que  ccPrclat ,  uni  en  ce  point  à  ceux 

des 


IBE'E  DE   L'OEUVRE  DES  CONVULSIONS.         51 

des  Appelions  qui  ofent  profcrire  les  miracles  faits  par  l'aftion  de  la  convulfion, 
s'efForce  d'attribuer  ces  guérifons,  c'eft  au  Démon;  fous  prétexte  que  la  plupart 
des  membres  difformes  de  ces  eonvullîonn;ures  n'ont  pas  été  totalement  refondus 
ni  rétablis  dans  un  état  entièrement  parfait. 

Mais  les  changemens  fi  évidemment furnaturels  qui  y  font  arrivés,  en  font-ils 
moins  pour 
contraire  qu' 
à  chacun  dcfquels 
communiqué  une 

le  pouvoir  de  créer  des  pieds  Se  des  jambes ,  6c  de  changer  jufqu'à  la  forme  des 
os,  qui,  de  toutes  les  métamorphofes  que  Dieu  peut  faire  dans  un  corps  vivant, 
cft  une  des  plus  admirables  6c  des  plus  contraires  aux  loix  qu'il  a  établies  dans 
la  nature?  Depuis  quand  cet  Ange  apoftat,  devenu  comme  il  lefouhaitoitcgal 
en  quelque  forte  au  Créateur,  partage-t-il  avec  lui  le  droit  de  difpofcr  ainfi  de 
nos  corps ,  6c  d'y  former  6c  réfornier  ce  qu'il  lui  plaît  par  une  puiflance  fouverai- 
ne  qui  s'élève  au  deffus  des  loix  que  Dieu  a  impofées  a  toute  la  nature  lorfqu'il 
l'a  fait  fortir  du  néant  ? 

J'ai  déjà  prouvé  tant  de  fois  qu'une  pareille  fuppofition  eit  auffi  infcnfée  qu'- 
elle eft  impie  ,  qu'il  feroit  fuperflu  de  s'étendre  davantage  à  ce  fujet,  d'autant 
plus  que  je  vais  prouver  qu'une  de  ces  guérifons  irnparfiites  a  été  précédée  de 
plufieurs  miracles,  où  l'opération  de  la  divinité  a  paru  avec  la  dernière  évidence. 

On  y  va  voir  l'Etre   des  êtres  rétablir, régénérer,  recréer  dans  une  pcrfonne    xvir. 
de  50.  ans  plufieurs  de  fes  membres,  qui  aiant  été  fracafîes  dès  l'âge  de  3.  ans"^'"-'"  ^ 
avoient  perdu  jufqu'à  leur  figure ,  6c  dont  quelques-uns  n'étoient  plus  que  dcsxenird" 
oflemens  fecs  &  contrefaits,  6c  qu'une  mafle  aride,  informe  ^  fans  vie. 

On  y  appercevra  le  Maitre  de  la  nature  guérir  des  anchylofes  complettcs  èc 
très  invétérées,  6c  redonner  une  forme  régulière  6c  naturelle  aux  os  d'un  ge- 
nou qui  l'avoient  entièrement  perdue. 

On  y  découvrira  l'aétiondu  Créateur  de  toutes  chofes  ,  régénérer  tous  lesmuf- 
cks,  les  tuiaux  6c  les  vaifleaux  d'un  bras  totalement  décharné,  6c  y  former  de 
nouveau  tous  les  os  de  l'articulation  du  coude ,  qui  avoient  été  écraiés  6c  anéan- 
tis il  y  avoit  plus  de  z6.  ans. 

Enfin  on  y  reconnoîtra  l'opération  de  celui  dont  la  \^olonté  produit  les  êtres ,  fiire 
fortir  une  main  toute  entière  d'un  monceau  confus  de  matière  aride  6c  inanimée. 

Plus  ces  faits  font  incroiables,  plus  la  providence  a  pris  foin  de  nous  en  four-    -^'^'Hf- 
nir  des  preuves  aufquelles  il  n'eft  pas  pofilblc  de  réfifter.  les  itmyiut 

D'une  part  l'état  déplorable  de  la  pauvre  païfane  en  faveur  de  qui  Dieu  a  fait 
tant  de  merveilles,  préfentoit  à  la  viie  un  objet  trop  affreux  pour  n'être  pas  re- 
marqué. D'autre  parties  métamorphofes  ,  les  régénérations,  les  créations  que 
le  Tout-puiffant  a  jugé  à  propos  de  faire  de  ces  membres  cftropiés  6c  anéantis  y 
n'ont  pas  été  cachés  dans  l'obfcurité  d'une  chambre.  C'eft  fur  le  tombeau  dit 
B-H.  Appellant  qu'elles  ont  paru:  c'eft  avec  l'éclat  du  fpeélacle  des  plus  violen- 
tes convulfions  :  c'eft  en  préfence  d'une  multitude  depcrfonnes  :  c'eft  à  lit  face  des 
efpions  de  la  police  :  c'eft  à  la  vue  des  Chirurgiens  chargés  par  la  Cour  de  dé- 
mêler les  artifices  dont  on  foupçonnoit  alors  les  convulfionnaires.  Mais  par  une- 
providence  qui  expofe  au  grand  jour, que  Dieu  agit  également  en  maître  furies 
efprits  6c  furies  cœurs ,  ainfi  que  fur  les  corps,  quelques-uns  de  ces  Chirurgiens» 
députés  par  la  Police  nous  ferviront  eux-mêmes  de  témoins. 

On  trouvera  à  la  fin  de  cet  ouvrage,  dans  les  pièces  juftificatives  des  miracles 
opérés  fur  cette  pa'jiane,  julqu'au  témoignage  de  M,  le  Dran,  qui  non-feulemenc 

X  étc 


51  ID^E  DE  VOEUFRE  DES   CONFULSIONS. 

a  été  emploie  p.ir  l-.i  Cour  pour  examiner  les  convulfionnaircs  à  S.  Médard  ,  mnis 
qui  ell  mcme  le  plus  fameux  des  Chirurgiens  qui  ont  ilgné  les  procès-verbaux  de 
la  Baftille  ,  faits  dans  le  dcllcin  qu'on  avoit  d'abord  formé  de  faire  paHcrlescon- 
vuUionnaires  pour  des  impolleurs.  Ony  trouvera  les  rapports  de  M.  Mouton  an- 
cien Prévôt  des  Chirurgiens, de  M.Sivert  Chirurgien  major  des  Hôpitaux  des  ar- 
mées du  Roi,  de  M.  Souchai  pour  lors  Prévôt  en  charge  de  fa  compagnie,  & 
de  M.  de  Mantcville  auflî  alors  Prévôt  en  charge  &  ancien  Dcmonllrateur  en 
iinrtoniie  ;  &  on  verra  que  ces  cinq  célèbres  Chirurgiens  ont  cié  11  frapcsd'ad- 
miration  à  la  vue  de  ces  opérations  évidemment  divines ,  qu'iis  n'ont  pu  s'em- 
ptcher  de  déclarer,  du  moins  d'une  manière  équivalente,  que  les  transformations, 
les  régénérations,  &  les  créations  arrivées  dans  les  membres  cftv  pies  &  anéan- 
tis de  cette  fille,  n'ont  piî  z-enir  que  de  la  main  toutc-puijfante  de  Dieu,  dit  en  pro- 
pres termes  M.  Mouton  à  la  fin  de  Ion  npport. 

Quel  témoignage  pourra  terrafler  l'incrédulité  de  notre  fieclc,  fi  ceux-ci  ne 
le  font  pas?  En  général  tous  les  Chirurgiens  Ju'-és  ont  ferm-nt  en  jullice  pour 
tout  ce  qui  concerne  l'anatomie  :  leurs  rapportsfont  foi ,  &  les  Juges  nj  balancent 
p.is  d"y  prendre  une  entière  confiance.  Mais  ici  ce  ne  font  pas  feulement  des  Chi- 
-ïxrgiens  jurés,  ce  font  les  Chefs  de  la  compagnie:  gens  d'une  '"xpcricnce  con- 
fommée,  £c  par  conféqueut  très  inllruits  de  tout  ce  que  la  natm-c  eil:  capable  de 
faire:  ce  font  de  gnuids  maîtres  en  anatomie,  fciencc  de  démonftration  qui  a 
des  principes  cctains  j  8c  par  confcquent  ce  font  ces  juges  pnfqu'inhiilliblcsdc 
■la  quelliop  de  fçavoir  fi  un  état  ell  ou  non  abfolunieataucurable,  &  h  une  opéra- 
tien  eft  ou  non  poflible  à  la  nature. 

Ce  font  donc  ici,  non  feulement  des  témoins  dont  on  ne  peut  rccufcr  le  té- 
moignage -,  mais  ce  font  les  juges  naturels  de  la  qucition  dont  il  s'agit  :  juges 
dont  la  dccifion  ell  d'autant  plus  digne  de  la  plus  entière  confiance,  qu'il  n'y  a 
qu'une  grâce  émanée  du  fein  du  Père  des  lumières  6c  des  vertus  qui  ait  pu  les 
engager  à  la  donner. 

En  efi"et  dans  quelles  circonftances  ces  fameux  maîtres  de  l'art  rendent-ils  ici 
gloireàDieu?  Ils  font, du  moins  quelques-uns  d'entr'eux,choifis  par  la  Cour  pour 
examiner  les  convullîonnaires  avec  la  plus  févcre  attention:  ik  n'ignorent  pas 
dans  qu'elle  intention  on  les  emploie,  &  qu'on  n'a  defi'ein  que  de  trouver  dans 
leurs  rapports,  des  moicns  ou  du  moins  des  prétextes  de  condamner  les  con- 
vulfionnaires ,  &  de  deshonorer  les  convulfions.  Qui  ne  fçait  avec  quelle  rigueur 
la  Police  pourfuit  ces  inllrumens  de  Dieu ,  qu'on  reprouve  6c  qu'on  perlécutc 
avec  d'autant  plus  d'animofitc  ,  qu'on  voit  qu'ils  font ,  indépendamment  de  leur 
volonté,  chargés  par  un  état  furnaturel  de  décrier  la  Bulle,  &  d'annoncer  des 
vérités  qui  irritent  le  formidable  parti  qui  a  fu  infcétcr  de  fa  pernicicufe  morale 
la  plupart  des  puiOances ,  &  s'attirer  leur  proteélion  déclarée  ? 

C'ell  dans  cette  fituation  critique  que  ces  Chirurgiens  ont  le  courage  d'attef- 
tcr  que  Dieu  autorifc  les  convulfions  &  favorife  les  convulfionnaires  par  des 
miracles.  On  les  envoie  pour  maudire  les  convulfionnaires ,  6c  Dieu  les  force 
à  les  bénir  en  faifant  une  imprefîion  fi  vive  fur  leurs  cfprits  &  fur  leurs  cœurs 
par  la  magnificence  de  fcs  œuvres,  qu'ils  ne  peuvent  y  relîller  ni  refufcr  de  lui 
rendre  témoignage  !  N'cll-il  p.is  de  la  dernière  évidence  qu'il  n'y  a  que  lapcrfua- 
Con  la  plus  entière,  &  la  plus  intime  qui  ait  pu  les  engager  à  laire  une  telle  dé- 
marcher Difons  plus:  il  n'y  a  que  la  piéfcncc  de  la  Divinité  rendue  fenlîble  par 
la  toute-puiff.mce  de  fcs  opérations  ,  qui  ait  pu  leur  faire  facriher  ainfi  tout  in- 
térêt humain,  &  les  déterminer  à  ne  le  point  ménager  eux-mêmes  p  mr  rendre  té- 
moignage aux  œuvres  de  Dieu  :   la  prudence  ch.uiuUe  n'a  pu  fe  faire  écouter, 

piuco 


IDE'E  DE  VOEU  F  RE  DÈS  CO ISTFU  LS 10  NS.  ?5 

^arcc  que  la  fugefTe  qui  vient  d'en  haut  tonnoit  jufqu'au   fond  de  leurs  coeurs 

Au  relie  les  faits  dont  il  ci\  ici  qucftion  n'avoient  pas  befoin  du  témoignage 
de  fçavans  experts  pour  être  invinciblement  prouvés.  Il  ne  s'^xgit  pas  ici  de  ma- 
ladies dont  l'incuriibilité  foit  équivoque:  il  s'agit  d'os  fracafîés  dès  la  plus  tendrî 
enfince,  qui  depuis  ce  tems  avoient  perdu  leur  première  forme,  ôc  dont  plu- 
iieurs  étoient  totalement  anéantis  :  il  s'agit  de  membres  déllechés  :  il  s'agit  de  l;i 
création  totale  d'une  main  qui  ne  fubfiftoit  plus.  Pour  pouvoir  être  en  état  de 
rendre  compte  de  pareils  faits  avec  la  plus  parfaite  exaélitudc,  il  n'efl:  nullement 
néceflaire  d'être  habile  en  anatomie?  il  ne  faut  que  les  avoir  vus.  Ainfi  ceux  qui 
ont  vu  qu'une  grande  partie  des  membres  de  cette  pauvre  fille  étoient  les  uns 
difloqués,  les  autres  contrefaits,  quelques  uns  deflechés ,  d'autres  même  anéan- 
tis ,  hc  les  perfonncs  fous  les  yeux  de  qui  Dieu  a  fait  les  prodigieux  changemens 
&  les  créations  qui  ont  rétabli  6c  régénéré  ces  membres ,  ont  été  en  état  d'en 
rendre  un  témoignage  qui  eit  prefque  d'un  aufli  grand  poids  que  les  rapports  des 
plus  grands  maîtres  de  l'art. 

Entr'autres  la  déclaration  faite  devant  tni  Notaire  de  Brai- fur- Seine  par  la 
veuve  Tenard  mère  de  Jeanne  Tenard  qui  cft  la  miraculée,  mérite  une  entière 
confiance  par  trois  confidérations. 

1.  Les  principaux  fiÎTsdont  elle  rend  compte,  c'cft-à-dire  la  defcription  qu'elle 
fait  de  l'état  affreux  oià  étoient  tombés  les  membres  défit  fille  dès  l'âge  de  3.  ans, 
avoient  été  expofés  dans  ce  païsaux  regards  de  tout  le  public  pendant  26.  ans.  Or 
il  n'eft  pas  pomble  de  préfumer  qu'elle  eût  eu  le  front  de  les  attcller  publique- 
ment par  im  acte  authentique,  s'ils  avoient  pu  être  démentis  par  tous  ceux  qui 
avoient  vu  fa  fille  depuis  la  première  enfance.  Avec  quel  emprcflement  une  mul- 
titude de  perfonnes  ne  l'auroient-ils  pas  convaincue  d'impoilure  dans  un  lieu  qui 
dépendant  de  T  Archevêché  de  Sens,  eit  préfentement  tout  rempli  d'ennemis  dé- 
clarés des  convulfions  8c  des  miracles? 

2.  Sa  déclaration  fe  trouve  autorilce  par  la  préfence  Se  confirmée  par  ra\'eudc' 
deux  Curés  voifins:  témoins  d'autant  plus  dignes  de  foi  qu'il  n'y  a  qu'une  grâce- 
bien  efficace  qui  ait  pu  les  déterminer  à  l'être.  La  charité  de  M.  Acier  Curéde 
Fontaine,  6c  de  M.  Morru  de  Fourronne  Ciu'c  de  Courceaux  ,  les  avoit  portés 
depuis  pluficurs  années  à  donner  des  fccours  fpiritucls  &  temporels  à  la  pauvre 
cftropice  fur  qui  il  a  plu  à  Dieu  de  faire  éclater  fa  puiifance.  Lorfqueces  Mrs.- 
curent  appris  l'cnchaincment  de  merveilles  que  Dieu  avoit  opéré  à  Paris  fur  cette 
fille  fi  horriblement  contrefaite,  ils  accompagnèrent  eux-mêmes  fimereahezlc 
Notaire,  oij  elle  fit  une  déclaration  très  circonltanciée  de  l'état  oii  avoit  été  fa 
fille  depuis  I70f  .jufqu'cn  173 1.&  ils  eurent  le  courage  de  fervir  eux-mêmes  de 
témoins  au  bas  de  l'aéfe  fims  fc  mettre  en  peine  de  ce  que  M.  l'Archevêque  de 
Sens,  dont  ils  dépendent,  pourroit  faire  contr'eux.  Qiiels  témoins,  fuivant  la 
penfée  de  M.  Pafcal,  que  ceux  qui  ne  craignent  point  de  voir  rcnverfer  toute 
leur  fortune,  de  perdre  leur  établifiement ,  6c  de  fe  lacrifier  eux-mêmes?  De 
qu'elle  grâce  ne  faut-il  point  qu'ils  foient  animes!  Ceux  qui  s'immolent  ainfi  pour 
la  vérité,  voudroient-ils  fe  perdre  par  le  menfonge? 

3 .  Les  faits  les  plus  frapans  &  les  plus  décififs  de  cette  déclaration  fe  trouvent 
également  certifiés  à  Paris  par  pluficurs  autres  témoins  oculaires.  Se  même  par 
M.  Sivert  Chirurgien  major  des  Hôpitaux  des  armées  du  Roi,  Se  pur  M.  le  Dran 
Chirurgien  choifi  par  la  Cour  pour  l'examen  des  convulfionnaires. 

Le  témoignage  de  la  veuve  de  Brai  eit  encore  plus  important  que  celui  de  la 
mère  de  Jeanne  Tenard,  puifqu'elle  a  vu  s'opérer  fous  fcs  yeux  tous  les  prodiges 
ç[uc  Dieu  a  fait  fucccfîivcment  fur  cette  pauvre  fille.  Cette  veuve  n'clt  qu'une 
'  Ohfervat.    I.  Part.  l'orne  IL  E  mar- 


54         IDE'E  DE   UOEUVRE  DES  CONVULSIONS. 
marchande  de  grains  ;  mais  fa  vertu  doit  faire  prendre  une  grande  confiance  co-. 
ce  qu'elle  dépofc. 

J.  Tenard  dont  les  membres  préfentoient  à  la  vue  ce  que  la  mifére  bumainc 
peut  avoir  de  plus  hideux  ,  étant  venue  à  Paris  fans  y  avoir  aucune  connoiiïancc  , 
&  n'ayant  d'autre  rcflource  que  dans  la  providence  divine  qui  n'abandonne  ja- 
mais ceux  qui  mettent  en  elle  toute  leur  confiance,  fût  recueillie  par  la  veuve  de 
Brai.  Elle  la  prit  chez  elle  avec  joie,  Se  en  eût  foin  comme  fi  elle  avoit  ctéfon 
enfant ,  jufqu'à  la  veiller  les  nuits  à  caufe  de  fcs  convulfions.  Une  charité  fi  gé- 
néreufc  ,  fi  attentive  &  fi  vifiblementfupcricure  aux  fcntimcns  naturels,  ne  meri- 
tc-t-elle  donc  pas  qu'on  ait  quelque  eftime  pour  la  perfonne  qui  la  pratique  ? 
La  charité  cft  un  don  de  Dieu,  elle  a  fa  fource  dans  ion  fcin,  elle  eft  un  écou- 
lement de  fon  amour  6c  de  celui  qu'on  a  pour  lui.  Lorfqu'il  la  met  dans  un  cœur 
à  un  fi  haut  degré,  il  ne  permet  pas  ordinairement  que  la  perfonne  à  qui  il  a  fait 
un  préfcnt  fi  précieux,  foit  capable  dans  le  même  tems  de  faire  un  mcnfongc 
fiicrilégc  de  deflein  formé.  Se  de  rendre  un  fxux  témoignage  contre  lui-même, 
en  lui  attribuant  ce  qu'il  n'a  pas  fait.  Dieu  efl:  la  vérité  par  excellence  :  fon  amour 
infpire  néceffliiremcnt  l'horreur  du  menfonge. 

Mais  fi  l'incrédule  ne  veut  prendre  confiance  qu'en  des  gens  confidérables  aux 
yeux  de  la  chair,  il  trouvera  prcfque  tous  les  mêmes  fiits  dans  le  certificat  de  M. 
de  Chantepie  Seigneur  d'un  très  grand  nombre  de  terres,  fuivant  qu'il  paroîtpar 
£cs  qualités  qui  font  en  tête  de  fon  certificat. 

Je  n'entrerai  p;is  davantage  dans  le  détail  des  circonftanccs  qui  rendent  recom- 
mandables  les  dépofitions  des  autres  témoins.  J'ai  même  crû  n'en  devoir  faire  pa» 
roître  qu'une  partie.  J'ai  entre  les  mains  50.  pièces  qui  conftatent  les  faits  dont 
il  s'agit  :  cependant  je  n'en  ai  produit  que  i  j.  en  ce  compris  4.  rapports  Se  deux 
lettres  de  chirurgiens:  parcequc  la  longueur,  la  dépcnfe,  5c  les  rifques  de  l'im- 
prciîion ,  joints  encore  à  quelques  autres  confidérations  m'ont  déterminé  à  n'en 
taire  imprimer  que  ce  nombre.  Les  17.  autres  font  en  lieu  fur.  Se  verront  le  jour 
s'il  eft  néceflaire.  J'obferverai  feulement  que  parmi  ces  17.  pièces  ily  aplufieurs 
certificats  donnés  par  de  fidèles  minillres  du  Seigneur,  qui  malgré  l'éclat  de  leur 
vertu ,  font  néanmoins  encore  en  place  j  mais  ça  été  pour  moi  une  raifon  de  plus, 
de  ne  pas  fiire  paroîtrc  leur  témoignage,  n'aiant  pas  du  les  expofer  fans  aucune 
néccfiité,  puifquc  j'avois  d'ailleurs  des  preuves  plus  que  fuffifantcs.  M.  de  Bre- 
vignan  Trcforicr  de  l'Eglifc  Collégiale  de  Brai-iiir- Seine,  elHefculdont  j'ai  pro- 
duit le  certificat,  parcequ'il  m'a  paru  être  moins  en  prife  qu'aucun  autre  aux 
traits  de  l'animadverfion  de  Monfieur  l'Archevêque  de  Sens. 
j,j  Mais  ne  différons  pas  davantage  de  préfentcr  les  preuves  de  l'état  où  étoit  J.Tc-- 

ïrtmiiTfnard  lorfqu'il  plût  au  Dieu  des  miféricordes  de  faire  éclater  fur  elle  tantd'admi- 
Tf'^'je  /. râbles  prodiges.  Sa  mcrc  déclare  „  qu'en  I70f .  un  tourbillon  de  vent  enlevaj.  Te- 
TfBwJ.  ^^  nmj  f^  f^iic  cadette  quin'étoit  lors  âgée  que  de  ^.  ans,  Se  la jetta  fi i\idemcnt par 
„  terre  fur  le  côte  droit ,  qu'elle  eût  ce  cote-là  de  fon  corps  tout  moulu  :  qu'- 
„  elle  fût  plus  de  6.  femaines  fims  pouvoir  aucunement  fe  foutenirnife  grouiller:. 
„  Se  que  quand  elle  commença  à  fc  foutenir  un  peu  ,  elle  s'appcrçut  que  tout  for\ 
„  côte  droit  depuis  latcte  juiqu'au  bout  du  pied  ctoit  comme  mort.  (Elle ajoute) 
„  que  les  os  de  fongenoudroit ,  qui  avoicnt  été  tous  brifés  de  cette  chûte-là,  font 
„  reftés  liors  de  leur  place,  laifi'.mt  des  boffcs  à  coté  du  genou:  ccquiluia  tour- 
„  né  ce  genou  ,  &  la  jambe  droite  en  dedans ,  Se  l'iV retirée  en  arrière  ;  ce  qui  lui  a 
„  ôté  autiîtout  mouvement  dans  le  genou,  n'aiant  pu  depuis  ce  tems  porter  fa  jam- 
„  bc  droite  que  tout  d'une  pictc  depuis  k  hanche  jufqu'au  pied,  ce  qui  la  fait 


„  boiter.  „ 


n 


ÏDE^E  DE  VOEUVRE  DES  CONFULSIONS.  ?f 

II  a  été  tout  naturel  que  les  os  tendres  du  genou  de  cetLx  enfant,  niant  été 
"mis  en  pièces  par  un  coup  fi  violent  n'aient  pu  recouvrer  tout-à-fkit  leur  première 
forme,  ni  leur  fituation  naturelle  :  6c  qu'en  reprenant  de  la  con  fi  ftance,  'Sclbréunif- 
fant  au  fiirplus  des  os  de  la  cuifie  Se  de  la  jambe,  ils  les  aient  foudés  enfemblc. 
C'efi:  ce  qui  a  fait  que  ces  os  ainfi  collés  les  uns  aux  autres  n'ont  plus  Elit  que  com- 
me un  ieul  corps,  &  font  reftés  toujours  fixes  dans  l'attitude  contrefaite  où  les 
parties  inégales  de  ces  os  brifés  les  avoient  contraints  de  fe  placer. 

La  merc  dépofeen  fécond  lieu:  „  que  fon  épaule,  fon  bras  6c  fa  main  droite  fc 
5,  font  défiechés ,  &  ont  toujours  relié  dans  cet  état  (depuis  l'âge  de  3.  ans) 
„  fans  croître  ni  grandir  ...  (8c  que  ce)  petit  bras  qui  n'uvoit  ni  figure,  nimou- 

3,  vement,ni  fentiment ne  paroifibit    qu'un  fcul  os  courbé  en  rond,  fans 

„  qu'il  parût  rien  qui  marquât  le  coude  :  le  tout  couvert  d'une  peau  entre  noire , 
5,  rouge ,  &  bleuâtre. 

Ce  récit  fournit  la  preuve  que  les  os  qui  compofoient  l'articulation  du  coude, 
aiant  été  encore  plus  fracafles  que  ceux  du  genou ,  ont  entièrement  perdu  leur 
figure  5c  leur  confiftancc ,  &  n'ont  plus  été  qu'un  tas  de  parties  divifées ,  qui 
s'étant  joint  8c  confolidé  avec  les  relies  des  os  du  bras  8c  de  l'avant-bras,  lésa 
réunis  enfemble  :  enforte  que  tous  ces  os  n'en  ont  plus  fait  qu'un  fcul ,  fans  avoir 
rien  confervé  de  la  figure  du  coude:  l'os  qui  depuis  ce  tems  a  occupé  toute  l'é- 
tendue depuis  l'épaule  jufqu'au  poignet,  s'étant  au  contraire  courbé  en  rond. 

A  quoi  il  faut  ajouter  qu'en  même  tems  les  mufcles ,  tant  de  l'épaule  que  du 
bras,  ont  été  fi  excefilvcment  meurtris,  qu'ils  n'ont  pu  fe  rétablir  }  que  la  plus 
grande  partie  en  eft  tombée  en  fupuration  8c  en  pourriture,  8c  que  le  rcfte  s'ell 
délFéche ,  aiant  perdu  les  vaifieaux  qui  lui  fourniffbicnt  fa  nourriture. 

Enfin  la  mère  déclare ,  qu'à  l'égard  de  fa  main  droite ,  elle  fût  prefquc  anéan- 
tie ,  n'étant  plus  relié  à  fa  place  „  qu'un  petit  vilain  morceau  de  chair  tout  ri« 
„  dé  8c  tout  couvert  de  terre,  au  bout  duquel  il  y  avoit  f.  autres  petits  mor- 
„  ceaux  de  chair  . . .  tout  ratatinés  dans  le  fond  du  premier  morceau  :  ce  qui  n'a- 
„  voit  pas  plus  de  groficur  ni  de  longeur  que  la  moitié  de  fa  main  8c  de  fes 
„  doigts  du  côté  gauche ,  fans  qu'il  y  eût  dans  tout  cela  ni  os ,  ni  nerfs ,  ni  ongles  ; 
„  de  fiçon  que  cela  ne  fiiifoit  que  comme  une  petite  boule ,  laquelle  ctoit  re- 
„  tournée  en  dedans  au  bout  de  fon  petit  bras.  „ 

Cette  hideufe  defcription  qui  fera  confirmée  ainfi  que  les  précédentes,  par 
plufieurs  témoins  au  nombre  defquels  on  trouvera  jufqu'aux  Chirurgiens  qui  al- 
loient  examiner  les  convulfionnaires  à  S.  Médard,  nous  fait  connoitre  que  gé- 
néralement toutes  les  parties  qui  compoloient  la  main  de  cette  enfant,  ont  été 
fi  brifées ,  fi  moulues ,  ?>:  fi  broïécs  qu'elles  ont  entièrement  perdu  leurs  qua- 
lités 8c  leur  forme  :  la  fubllance  des  os  8c  des  ongles  fracaflee  ^  mife  en  pièces, 
s'eft  confondue  avec  celle  de  la  peau,  des  chairs,  des  vaifieaux,  8c  des  autres 
parties  molles  qui  avoient  été  totalement  écrafées,  lacérées  8c  déchirées:  8c  tout 
cela,  mêlé  confufément  enfemble,  n'a  plus  fitit  qu'une  mafie  informe  8c  fans  or- 
ganes ,  qui  ne  recevant  plus  de  nourriture  s'eft  entièrement  défîcchéc. 

A  peu  prés  dans  le  même  tems  que  la  mère  faifoit  la  déclaration  devant  le 
Notaire  de  Brai-lur-Scinc  ,  fa  fille  interrogée  à  Paris  par  deux  Chirurgiens  l'un 
après  l'autre,  M.  Souchai8c  M.  de  Manteville,  leur  cxpolatous  les  mêmes  faits. 

Elle  „  nous  a  déclaré,  (dit  M.  de  Manteville,  )  qu'à  l'agc  de  3.  ans  elle  avoit 
„  été  renverfée  par  un  tourbillon  de  vent  :  qu'étant  tonibce  par  terre  elle  s'étoit 
„  fentie  toute  brifée  du  côté  droit.  (Qu'à  la  fuite  de  cet  accident)  fa  jambe 
„  droite  s'étoit  retirée,  8c  le  genou  du  même  côté  s'étoit  tourné  entièrement 
„  en  dedans  n'aiant  aucun  mouvement  :  en  forte  qu'elle  ne  pouvoit  remuer  la 

E  i  cuifie 


^6  IDE'E  DE  rOEUFRE  DES  CONVULSIONS 

„  cuiflc  6c  la  jambe  que  tout  d'une  pièce Qiic  la  cuiffe  &  fa  jambe  étoient 

„  (devenues)  d'une  grande  maigreur,  toujours  froides,  6c  plus  courtes  que  la, 
„  cuific  6c  la  jambe  gauches.  (Qiie)  Ion  épaule  droite  ctoit  (reliée)  plusbalTe, 
,,  plus  étroite,  6c  plus  maigre  que  l'épaule  gauche.  Qiie  fonbras  du  même  côté 
,,  ctoit  refté  prefquc  tout  déflechc  6c  fans  fentimcnt  :  qu'il  n'avoit  prcfquc point 
„  allongé  ni  groflî  :  6c  que  la  peau  collée  fur  les  os  étoit  d'une  couleur  violette. 
„  Qiie  tout  fon  bras  ne  lui  fembloit  qu'un  feul  6c  même  os  qui  formokundemL 
„  cercle  qui  remontoit  en  devant,  6c  qu'il  n'y  avoit  ni  pointe  ni  grolTcur  au  coude, 
,,  qui  lui  paroiObit  d'une  feule  pièce.  (Enfin)  que  fa  main  du  même  côtén'étoit 
„  que  de  la  grandeur  de  celle  d'un  très  petit  enfant.  Qu'elle  n'y  fcntoit  ni  nerfs  , 
„  ni  veines,  tant  dans  la  main  que  dans  des  efpeces  de  doigts  fans  ongjcs ,  6c 
„  qui  étoient  recroquevillés  dans  le  fond  de  fa  main, ce  font  les  termes  (dit M. 
,,  de  Manteville)  fans  qu'il  parût  aucun  nccud  à  aucun  endroit  des  doigts  qui 
„  étoient  fans  jointures.  „ 

M.  Souchai  rapporte  également  les  mêmes  fliits ,  dont  les  principaux  foatat- 
teftés  par  tous  nos  témoins. 
XX.  Jeanne  Tenard  étoit  rcftée  dans  cet  état  depuis  l'âge  de  3.  ans  jufqu'à  près  de 
Yil'..!VpaVii3^*  ^o^'s  qu'au  mois  d'Octobre  175 1.  aiant  entendu  parler  „  d'un  nouveau  Saint 
kidevio-.,  (dit  f\  mère)  nommé  M.  de  Paris  dont  on  racontoit  de  grands  miracles  ... 
vû'.r"ns'^ùisî»  elle  voulut  abfolumcnt  aller  à  Paris  fur  l'efpérance  que  Dieu  lui  accorderoit 
q  .-elle  !e  met  ^^  pcut-étre  Ic  mouvemcnt  libre  de  fa  jambe  droite,  6:  peut -être  même  lui  rc- 
b.-iu.    '     J5  formeroit  fon  bras  6c  fa  main  par  l'interccflîon  de  (ce;  nouveau  Saint.  „ 

Sa  mère  la  fit  accompagner  par  une  autre  ck  fes  filles  ..  .pour  avoir  foin  d^elle  ^ 
6c  la  laiffa  ainfi  partir  à  la  garde  de  Dieu. 

Ces  z.pellerines  arrivèrent  à  Paris  le  dernier  Oélobrc,  6c  n'y  connoilTimt  quique 
ce  fait,  elles  allèrent  fe  réfugier  à  l'Hôpital  de  Ste.  Catherine. 

Le  lendemain  dés  la  paintc  du  jour  J.  Tenard  ne  manqua  pas  d'aller  au  cime- 
titre  de  S.  Médard^  6c  tout  en  arrivant  elle  fe  mit  fur  le  /'owi'i?/î«oîielleefpéroic 
trouver  la  refuj-reétion  de  les  membres  perclus ,  déiféchés ,  6c  anéantis. 

A  peine  y  fût -die  „  qu'aufli-tôt  Celle)  fcntit,  (dit-cUe  à  la  veuve  de  Brai ,  ) 
„  tout  fon  corps  s'élever,  6c  s'élancer  en  l'air  6c  s'agiter  malgré  elle  avec  une 
„  violence  infinie:  (ce  qui,  dit-elle,  la  iurprit  très  fort  >  )  mais  aiant  remarque 
„  qu'elle  ne  fe  fliifoit  pomt  de  mal  en  retombant  fur  le  tombeau,  cela  lui  avoir 
„  perfuadé  que  c'étoit  Dieu  qui  l'agitoit  ainfi.  „ 

La  veuve  de  Brai  qui  le  trouva  préfcnte  à  ces  convulfions,  „  s'étant  (dit-elle) 
„  apperçuc  que  cette  fille  avoit  le  bras  droit  tout  dcllcchc  6c  d'un  tiers  plus 
„  court  que  l'autre,  6c  lui  étant  venu  dans  l'efprit ,  que  puifque  Dieu  lui  en- 
„  voioit  de  fi  violentes  convulfions,  il  y  avoit  tout  lieu  de  croire  qu'il  ranime- 
„  roit  quelque  jour  ce  bras  qui  étoit  comme  mort  ....  s'attacha  à  la  regarder 
„  avec  grand  foin,  (6c  à  la  fin  de  fes  convulfions  aiant)  remarqué  avec  admira- 
,,  tion  qu'elle  devint  tout  d'un  coup  fraîche  6c  tranquille,  (elle s'informa"!  de  fou 
„  nom  6c  du  détail  de  fcs  incommodités  :  „  6c  dès  le  lendemain  elle  la  prit  chez  elle. 
J .  Tenard  décLu'c  elle-même ,  que  dés  qu'elle  fût  „  revenue  à  elle  j  elle  fe  trouva 
„  très  fraîche,  fe  portant  mieux  qu'elle  n'avoit  jamais  fait,  6c  ne  fc  femant 
„  nullement  fatiguée.  „ 

Je  ne  relèverai  que   cette  circonflancc  de  fes  convulfions,  parce  qu'elle  doit 

être  fuffifaruc  pour  réconcilier  avec  elles  ceux  dont  les  préjugés  n'ont  piaibufFrir 

qu'avec  princ  le  récit  des  agitations  impétucufes  qu'elle  éprouva  dès  qu'elle  fuc 

fur  le  tombe.iu. 

Quel  prodige  de  voir  des  membres  cftropics,  arides,  inauiipésfc  remuer  avec 

tant 


IDE'E  DE  VOEUFRE   DES  CONVULSIONS.  37 

tant  de  force  !  De  voir  un  corps  accable  d'infirmités  fe  trouver  tout  d'un  coup 
après  de  fi  vives  fccoufles,  auflî  frais,  aufiî  tranquiie  que  s'il  avoit  joui  du  plus  doux 
repos!  Le  Démon  a-t-il  donc  le  pouvoir  d'opérer  de  telles  merveilles?  Mais 
quand  même  on  oferoit  le  fuppofcr,  les  convulfions  de  J.  Tenard  aiant  été  ac- 
compagnées &  fuivics  de  plufieurs  guérilons  évidemment  miraculeufes,  que  dis- 
je  ?  aiant  été  le  fignal  de  la  transformation  des  os  d'un  genou  brifé  ,  de  la  régé- 
nération des  mufcles  d'un  bras  défleché ,  &  de  la  création  d'une  main  détruite  j 
pouflera-t-on  la  témérité  jufqu'à  prétendre  que  Dieu  ait  voulu  le  fenirdc  Satan 
pour  en  faire  le  héraut  chargé  d'amiocer  de  fi  grands  miracles,  6c  d'inviter  les 
îpeélatcurs  à  s'y  rendre  attentifs  ? 

Il  femble  que  ce  feroit  ici  le  lieu  de  commencer  à  rendre  compte  des  opéra- 
tions merveilleufes  que  le  Tout-puiffant  a  fait  fur  les  membres  hideux  de  cette  fil- 
le: mais  il  faut  auparavant  prouver  d'une  manière  fi  inconteftable  l'état  oîi  étoient 
fcs  membres,  que  l'incrédule,  ôc  même  le  conilitutionnairc  le  plus  prévenu  ne 
puifle  le  révoquer  en  doute. 

D'ailleurs  fi  nous  rapportions  tout  de  luite  la  multitude  de  prodiges  que  Dieu 
a  fait  coup  fur  coup  i'ur  cette  convulfionnaire ,  leur  éclat  trop  multiplié  pourroit 
éblouir  le  leébcur.  Divifons  donc  le  récit  de  ces  merveillespar  l'apport  aux  mem- 
bres difi'érens  fur  Icfquels  elles  ont  été  opérées,  Sc  préfentons  le  furplus  de  nos 
preuves  fous  trois  propofitions. 

/.     PROPOSiriON. 

Les  os  d:i  renou  de  J.  Tenard  aiant  été  fracajj'és  à  Page  de  3..  a7is  ^  ont  perdu  leur 
forme.,  £>  n'ont  pu  reprendre  leur  fituation  naturelle  :  s' étant  néanmoins  réuriis  tout 
brifés  qu'ils  étoient ,  à  ceux  de  la  cuijfe  5?  de  lajanihe.,  ils  ks  ont  fondés  enfemble 
dans  une  attitude  contre  nature. 

Cet  e'tat  s'étant  confolidé .,  ^  aiant  fubfijîé  adnfi  depuis  ijo<ç.  jusqu'en  173 1. 
et  oit  abfolumenî  irrémédiable  à  tout  autre  être  qu'à  celui  qui  difpofe  en  maître  de 
la  nature .,  ^  qui  peut  changer  quand  il  lui  plait  jufqii'h  la  forme  de  nos  os. 

Cette  admirable  mer'veiUe  a  été  opérée  par  le  Tout-puiffant  en  la  perfonne  de  J ,- 
Tenard.  Les  os  de  la  jointure  de  [on  genou  ont  été  reconflruits  ,  Ci?  /*  ^«(^^  ^  y<?- 
jambe  ont  été  rétablies  dans  un  état  parfait.- 

LOrsqlte  la  veuve  de  Brai  prit  chez  elle  J.  Tenard ,  fon  premfer  fi)in  fûc 
d'examiner  avec  grande  attention  l'état  où  l'accident  qui  lui  ctoit  arrivé  iv 
l'âge  de  3.  ans  avoit  réduit  fcs  membres. 

Elle  déclare,  „  qu'elle  vifita  (x  ciiifie  &  fi  jumbe  droites,  qu'elle  trouva  ex-     ^xr.. 
5,  traoriinaircment  maigres  ,  Sc  que  les  os  du  genou  étoient  tous  déboîtes,  tour-  Preuve  is- 
„  nés  en  dedans  &  hors  de  leur  place  :  ce  qui  lui  faifoit  porter  la  jambe  en  dc-te'abi'iiTe-  "^ 
„  dans,  &:  ce   qui  la  retiroit  en  même  tcms  en  arrière:  qu'elle  n'avoit  aucun """"^"  S"* 
„  mouvement  dans  le  genou  dont  les  os  paroilioient  colles  eniemble  ,  deraçon 
„  que  fa  cuifie  &  fi  jambe  reHoient  toujours  en  même  crar  j  dr  forte  que  quand 
„  elle  étoit  afnfe,fi  j-ambe  droite  avançoit  en  devant  comme  une  jambe  de  bois.. \.- 
„  cette  jambe  reliant  toujours  en  même  fituation....  fans  qifelle  pût  lar  plier  ni 
„  l'étendre  davantage  j  ce  qui  la  faifoit  paroitre  plus  courte  de  2.  0113-.  pouces 
„  que  la  jambe  gauche,  6c  fiifoit  qu'elle  ne  pouvoit  s'appuierque  fur  la  pointe" 
J,  du  pied ,  qui  etoit  tout  tourné  en  dedans  auflî  bien  que  la  jambe^  „ 

Plufieurs  autres  témoi/is  nous  attellent  les  mêmes  faits.  „  Je  certifie,  ;dit  M.  dc- 
„  Chantcpie,)  qu'elle  avoit  la  jambe  Scie  pied  droits  tout  iTtoiU'nés  en  dedans  y. 
J,  Se  qu'elle  portoit  fa  jambe  &  fa  cuiûc  tout  d'une  pièce-,  -j 

E    5  '  59-1^- 


5?  IDE'E  DE  VOEUFRE  DES  CONFULSTONS 

„  Je  confidérois  cette  pauvre  fille,  (dit  le  Sieur  Hurtatit,)  qui  boïtoit  de  la  jambe 
„  droitequictoit  retirée....  le  genou  étant  démanché  Se  tourné  en  dedans.  „ 

Mais  prélentons  au  lecteur  un  témoignage  qui  le  force  ,  fùt-il  Conllitutionnai- 
re,  de  convenir  de  la  vérité  de  ce  premier  ftit  Ce  l'era  le  rapport  de  M.  Sivert 
Chirurgien-major  des  Hôpitaux  cies  armées  du  Roi  ,  qui  n'étant  point  alors 
occupé  damleswmces,  exuminoit  avec  attention ,  comme  i\  le  déclare  lui-même, 
les  convuliîonnaires  rians  le  cimetière  de  S.  MédArd :  &  qui  aiantvijque  J-  Tcnard 
cxo'it  agit  ce  des  plus  violentes  convulfions  ,  s'attacha  ;i  l'exiiminer  avec  grand  foin. 
„  J'obfei-vai,  (dit-il,)  que  fa  jambe  droite  relloit  toujours  tournée  en  dedans, 
„  &  un  peu  retirée  en  an-icre  :  &;  que,  quoiqu'elle  fît  des  mouvemens  très 
„  violens  avec  cette  jambe  ,  tous  les  mouvemens  partoient  de  la  hanche  &  de 
„  l'articulation  du  pied  ;  la  jambe  au  furplus  reftant  toujours  dans  la  même  figure 
„  (lins  qu'il  y  eut  aucun  mouvement  dans  l'articul.ition  du  genou  :  &  l'aiant  vu 
„  marcher  lorfque  l'es  convulfions  furent  pafiees,  jem'appercus  qu'elle  boïtoitdc 
„  cette  jambe  :  qu'elle  la  trainoitSc  la  portoit  tout  d'une  pièce,  comme  li  c'eût 
,,  été  une  jambe  de  bois.  „ 

Ce  n'cll  pas  une  chofe  qu'on  puifTe  révoquer  en  doute  qu'un  pareil  état  ne  fût 
abfolument  incurable.  11  n'eft  pas  ici  quellion  d'une  maladie  paflagere  >  mais  de 
membres  eftropiés  des  l'enfuice,  &:  dont  les  os  s'étoicnt  confolidés  d'une  manière 
fixe  &  permanente;  &  cela  depuis  16.  ans.  Il  s'agit  d'os  brilésdcs  i7Cf.  Se  dont 
les  morceaux  divifés  d'une  manière  inégale,  loin  d'avoir  repris  leur  place  naturel- 
le n'avoient  fervi  qu'ùfouder  enfemblc  le  fui-plus  des  os  de  la  cuifle  ôc  de  la  jam- 
be dans  une  attitude  contrefaite. 

Si  une  enchylofe  complette  &  invétérée  ,  qui  ne  confifte  que  dans  l'épaifllfTe- 
ment  d'une  liqueur  qui  colle  enfcmble  le-s  os  d'une  articulation  ,  eft  de  l'aveu  de 
tous  les  Médecins  un  mal  au  deiïus  de  toutes  les  reflburces  de  l'art  6c  de  la  natu- 
re ,  à  combien  plus  forte  raifon  une  loudure  des  os  formée  par  le  brifemcnt  de  leurs 
têtes,  qui  en  fe  guériffant  fe  font  réiinis  enfcmble  dansuncfituation  contre  nature, 
crt-elle  d'une  incurabilité  manifefte?  Il  ne  s'agilToit  pas  Amplement  ici  de  rendre  cou- 
lante une  liqueur  pétrifiée  :  il  falloit  refondre  tous  les  os  du  genou  de  J- Tcnard  pour 
le  rendre  capable  de  mouvement  :  il  falloit ,  en  féparant  ces  os  en  deux  parties ,  redon- 
ner à  la  tête  de  chacun,  la  forme  fingulicre  qu'elle  avoit  perdue  lorfqu'elle  avoit  été 
fracaflee  à  l'âgée  de  j .  ans.  Ofera-t-on  attribuer  une  pareille  opération  dans  un  corp> 
vivant  à  quelqu' autre  être  qu'à  celui  dont  la  puiflancc  ell  fans  bornes. 

Il  ne  relie  donc  plus  pour  remplir  tout  le  titre  de  cette  propofition  que  de 
prouver  que  cette  inconcevable  merveille  ell  effcélivcment  arrivée. 

La  veuve  de  Brai  déclare  qu'elle  fit  „  coucher  (J.  Tcnard)  dans  un  petit  lit.... 
„  proche  du  fien,  (pour  être  plus  à  portée)  d'examiner  avec  grande  attention.  . . 
„  les  changemens  qui  pourroient  arriver  (dans  fes  membres  ellropiés ,  6c)  qu'- 
„  elle  s'apperçut  d  abord  que  prefque  tous  les  jours  il  fe  faifoit  des  changemens 
dans  fon  genou  droit,  dont  les  os  reprirent  leur  place  Se  leur  figure  naturelle.  . . 
Qiie  fa  jambe  Se  fon  pied  fe  retournèrent  tout  à  fait  en  dehors.  . .  Que  peu  de 
jours  après  (au)  commencement  de  Décembre  (17^1.  elle  recouvra)  dans  le 
genou  un  mouvement  entièrement  libre,  &  que  fa  jambe  &fa  cuîfTe  fe  regar- 
nirent de  chairs  préfqu'à  vue  d'oeil.  „ 

Tout  le  monde  l'a  vue  depuis  ce  tems,5c  la  voit  encore  tous  les  jours  marcher 
avec  autant  de  facilité,  de  force  6c  de  légèreté  que  fi  elle  n'eut  jamais  été  boï- 
tcufc  :  ce  n'ell  donc  pas  un  fait  qu'on  puilTc  révoquer  en  doute.  Ainfi  bornons- 
nous  aux  rapports  des  Chirurgiens  qui  ont  cNaminc  en  nv.iitres  de  l'art  les  mer- 
veilleux changemens  faits  dans  ces  membres  difformes. 

Voici 


IL'^E   DE  VOÊUFRË  DES  CONVULSIONS.  ^p 

Voici  d'abord  le  rapport  de  M.  Sivert.  „  J'ai  examiné  ,  (dit-il,)  la  longueur 
y,  de  Tes  cuifles  &  de  fcs  jambes  que  j'ai  trouvé  égales  :  j'ai  trouvé  que  fa  jambe 
„  droite  avoit  repris  la  fituation  qu'elle  dcvoit  avoir. . ,  Qiie  Ton  genou  droit  n'é- 
„  toit  plus  tourné  en  dedans  :  que  la  rotule  étoit  à  fa  place  :  que  l'articulation  de 
,.  cette  jambe  avec  la  cuifTe  étoit  dans  fon  état  naturel ,  &  qu'elle  avoit  dans  le 
„  genou  tous  les  mouvemcns  libres  y  cnforte  que  la  guérifon  de  cette  partie  eft 
„  entière  &  complette.  „ 

Une  décifion  fi  précife  n'a  pas  befoin  de  commentaire.  Voilà  donc  les  os  d'un 
genou  écrafés  6c  mis  en  pièces  dès  l'âge  de  3.  ans,  qui  depuis  lyof.  avoient 
foudé  enfcmble  ceux  de  la  cuifle  6c  de  la  jambe ,  &  qui ,  par  l'inégalité  de  leurs 
cfquilles ,  leur  avoient  fait  prendre  une  figure  difforme  6c  une  fituation  contre" 
nature:  les  voilà  qui  ont  eux-mêmes  recouvré  une  figure  régulière:  les  voilà  qui 
forment  une  ariiculatisn  qui  atout  fon  jeu  6c  tous  les  mouvemens  libres.  Voilà  un 
genou,  une  cuifle  6c  une  jambe  eftropiés  depuis  la  plus  tendre  enfance,  dont  la 
guérifon...  eft  entière  £3*  complette^  dit  M.  Sivert. 

Un  fi  grand  prodige  mérite  bien  la  peine  que  nous  préfentions  encore  au  lec- 
teur deux  autres  rapports  de  Chirurgiens.  M.  Souchai alors  Prévôt  de  fa  compa- 
gnie certifie  qii'aiantvifi.tê  les  jambes  de  J.  Tenard  ,  il  a  reconnu  ,  „  que  l'arti- 
„  culation  de  la  jambe  di-oite  avec  la  cuifle  étoit  dans  fon  état  naturel,  de  même 
„  que  la  rotule,  alant  tous  les  mouvemens  de  flexion  6c  d'extenfion  libres. . .  fans 
„  qu'il  reftàt  aucun  vellige  de  contorfion.  „ 

Ce  rapport  quoique  plus  court,  n'cfl:  ni  moins  décifif  ni  moins  frapant  que  ce- 
lui de  M.  Sivert,  puis  qu'il attefl:e  j  non-feulement  que  l'articulation  étoit  dans  un 
état  parfait ,  mais  qu'il  n'étoit  pas  même  demeuré  aucun  veftige  de  k  difformité 
que  ces  os  avoient  eii  pendant  tant  d'années. 

Il  ne  reftoit  plus  qu'à  déclarer  qu'il  n'y  avoit  queleTout-puiflantquipût  fiiirc' 
un  pareil  ouvrage.  Cefl;  ce  qu'a  fait  M.  de  Manteville  célèbre  démonllrateur  cn= 
anatomie.  Nous  avons  trouvé .,  dit-il  dans  fon  rapport,  que  les  extrémités  inférieu- 
res... depuis  les  hanches  jufqu'' aux  orteils ,  c'cft  à  dire  les  cuifles,  les  genoux,  les 
jambes&les  pieds,  tantdu  côté  droit  que  du  côté  gauche,  font  „  également 
'„  bien  conformées,  fiiiflxnt  parfaitement  tous  les  mouvemens  naturels  à  ces  par- 
„  ties. . . .  Nous  eftimons ,  (ajoûte-t-il  plus  bas  ,j  que  ces  heureux  changcmcns 
„  arrivés  depuis  le  mois  de  Novembre  17^1.  aux  parties  affeétées,  n'ont  pu  être 
„  opérés  par  le  fecours  de  l'art,  ni  par  les  forces  de  la  nature. 

En  effet  quel  autre  que  le  Créateur  peut  ainfi  difpoferde  nos  corps ,  8c  repaî- 
trir  fuivant  la  volonté  la  fubllance  dont  il  les  a  faits  ?  Quel  autre  peut  reparer  une 
difformité,  qui  a  été  pendant  z6.  ans  une  partie  vivante  de  nous-mêmes  PQiicl 
autre  peut  donner  après  un  fi  long-tems  une  nouvelle  forme  à  nos  os,  6c s'élever 
ainfi  au  deffus  des  loix  qu'il  a  impofées  à  la  nature? 

Avions-nous  même  ici  befoin  du  témoignage  d'un  maître  de  l'art  pour  con- 
ïîoitre  qu'un  tel  ouvrage  n'a  pu  être  fiit  que  par  celui  qui  tient  tous  les  êtres 
dans  fa  main ,  6c  qui  en  fait  tout  ce  qu'il  lui  plaît  ?  Non  :  il  ne  faut  que  du  bon 
fenspour  le  décider  auffi  furement  que  les  plus  habiles  anatomiftcs.  La  lumière 
qui  eft  donnée  a  tout  homme  qui  vient  dans  le  monde,  fuflît  ici  pour  porter  un 
jugement  auffi  jufte  ,  auflî  lur,  auflî  infaillible  que  celui  des  plus  favans  experts. 
Mais  c'eft  pour  confondre  les  vains  prétextes  de  ceux  qui  s'obftinent  à  ne  pas 
voir  ,  que  Dieu  fe  fait  rendre  ainfi  témoignage  par  ceux  qui  font  les  mieux  inf-- 
truits  de  toutes  les  opérations  que  peut  faire  la  nature. 

Voilà  donc  un  premier  miracle  inconteftable,  qui  eft  au'  bout  d'un  mois  k 
première  récompenfe  deS'  convulfions  de  J,  Tenard  :  voilà  une  guérifon  entière 


j^.-i  IDE'E   DE   UOEUP^RE    DES  CONVULSIONS. 

Se  complcttc  d'un  état  manifertcmcntincuniblc.  Qu.indleTrcs-H:\ut  n'-.uiroitfnic 
que  ce  Icul  prodige  en  faveur  de  cette  convuliîonnaire,  il  s'enlliivroit  toujours, 
que  fcs  convuUlons  auroicut  été  le  moien  que  Dieu  auroit  choilî  pour  lui  accor- 
diT  une  grâce  aulli  finguliere  que  le  rétablifTemcnt  parfait  d'un  genou  ,  d'une 
cuifle  &  d'une  jambe  cltropiés  depuis  V-igc  de  3.  ans.  Mais  le  Tout-puifiant  ne 
s'cll  pas  borné  à  cette  merveille  j  &  nous  allons  en  voir  encore  de  bien  plus 
grandes  dans  les  deux  propofitions  fuivantes. 

//.    PROPOSITION. 

L'e  p  a  V  l  p.  y  fout  le  bras  droit  de  J.  Tenard  ont  été  fracajfés  en  ï'^année  IJOf. 
mais  fur  fout  les  os  dri  coude  ont  été  mis  entièrement  en  pièces. 

Les  efquilks  de  ces  os  brifés  s' étant  réunies  au  fu-rplus  des  os  de  a  bras  ,  les  ont  fou- 
dèsenfemble  :  en  forte  que  tous  ces  os  ti'ont  plus  fait  qu''un  feul  corps  ,  quia  occupé 
toute  l'étendue  depuis  f  épaule  jufqu' au  poignet ,  Çff  qui  s'ejl  courbé  en  cercle  fans 
avoir  rien  confcrvé  de  la  figure  des  os  du  coude. 

Ex  métne-icnis  V épaule  s'eji  prefque  totalement  dé (féchée  .^  ^  le  bras  qui  avait  en' 
core  plus  fouffert  que  V épaule  a  perdu  tout  mouvement  (^  tout  fcntiment  :ile(l  dt~ 
meure  dans  la  petite  [fe  oii  il  était  alors ,  ^  il  a  été  fi  dépouillé  de  fes  chairs ,  {§  des 
•vai  (féaux  quelles  contenoient  ^  qu'il  ne  par  oiff oit  plus  y  être  reflé  qti'un  os  aride  cou- 
•vert  par  une  peau  féche  £5?  pleine  de  terre. 

Une  multitude  de  démonfirations  anatomiques  fe  préfentent  ici  tout  à  la  fois^  pour 
prouver  que  des  membres  réduits  à  un  pareil  anéanttjfement .,  nt peuvent  être  rétablis 
que  par  celui  qui  les  à  créés  :  mais  h  s  faits  font  ici  fi  frapans  qu'ils  emportent  par 
eux-mêmes  la  pleine  conviction  de  l'incurabilité  d'un  tel  état ,  du  moins  dans  tef" 
prit  de  tous  ce  us  qui  font  ufage  de  leur  raifon. 

C'est  donc  évidemment  le  Créateur  de  toutes  chofes  qui  a  produit  dans  ces  membres 
décharnés  les  prodigieux  changemens  dont  nous  allons  rapporter  les  preuves. 

Non  seulement  les  osdel'épaule  déjféchée^  (^  qui  était  bienplus  mince.,  plus  baffe 
ij  plus  étroite  que  l'autre  épaule ,  ont  repris  la  grandeur  qu'ils  dévoient  avoir  ,  i^ 
Pépaule  a  en  mé?ne  tems  recouvré  toutes  les  autres  parties  qu'élis  avoit perdues  de- 
puis fi  long-tcms  :  mais  Dieu  a  rendu  aux  rejles  hideux  dubrasprefqu'ané.mti  ^tous 
les  mufcles  (3  les  vaiffeaux  de  toute  efpect  dont  ils  étaient  dépourvus  :  6?  //  a  ral- 
longé très  confidérable/ncnt  ^  l^  repaitri  T os  qui  fubfifloit  encore ,  (^  luia  fait  un  nou- 
veau coude  auquel  il  a  donné  une  articulation  parfaite. 

XX"-    T"^^^  Faits  fi  inconcevables  6c  fi  difficiles  à  croire  ont  bcfoin  d'être  prou- 
Preuv»  de  |^^  ycs  d'uuc  manicrc  qui  force  la  perfuafion  malgré  toutes  les  rcfiitances  de 
1/ 'r"(;<n^,-a- rcfprit  6c  du  cocur.  Mais  auOî  d'autre  part  ce  font  des  faits  palpables  :  des  faits, 
tion  de  l'-fiii-  Icfqucls  il  n'a  ras  été  polîîblc  de  fcirompcr  :  des  faits,  qu'aucun  témoin  n'au- 
&  de  lafor-  roit  ole  ccttificr  s  us  n  avoicnt  pas  etc  vrais,  parccqu  u  n'auroit  pas  manqued  e- 
"'iu^coLdc! frc  convaincu  d'impofture  par  les  Chirurgiens  chargés  d'examiner  les  convul- 
"fionnaircs  à  S.  Médard.  Les  plus  incrédules  &  les  nlus  prévenus  contre  les  mira- 
cles de  notre  tems  oferont-ils  bicncnaccufer  jufqu'a  ces  mêmes  Chirurgiens  em- 
ploies par  la  Cour?  Je  leur  annonce  d'avance  qu'il  ne  leur  reliera  néanmoins  que 
ce  fcul  parti  pour  coutelier  cette  oeuvre  divine. 

Mais  commençons  par  le  témoignage  de  la  charitable  veuve  qui  a  examiné 
avec  tant  de  foin  les  membres  difformes  de  ).  Tcnard ,  &  qui  a  vu  s'opérer  jour- 
nellement fous  fcs  yeux  le  progrés  de  leur  renouvellement.  „  Je  remarquai  (dit- 
„  elle)  qu'elle  avoit  l'épaule  droite  prcfquc  toute  défTéchcc,  &  beaucoup  plus 
„  balle  que  la  gauche  :  qu'elle  paroilloit  toute  diiloquéc ,  les  os  en  étant  écartés 

»  l'un 


IBE'-E  DE  L'OEUrRE  DES  CONFULSIONS.  41 
^,  l'un  de  l'autre ,  8c  l'os  de  l'omoplate  faifant  faillie  6c  fortant  extrêmement  en 
5,  dehors,  &  maigre  comme  une  planche:  que  le  bras  qui  pendoit  à  cette  épaule 
„  étoit  extrêmement  dcfleché  &  ini'enfible  ,  &  n'étoit  pas  plus  gros  ni  plus  long 
„  que  celui  d'un  enfant  de  8.  ans:  qu'il  ne  confiftoit  qu'en  un  feul  os  rond  Se 
„  un  peu  plat  couvert  d'une  peau  très  rude,  noire  &  violette ,  remplie  déterre^ 
„  Se  féche  comme  du  parchemin:  que  cet  os  étoit  courbé  en  rond,  mais  plié 
„  vers  le  milieu ,  fans  qu'on  apperçût  la  forme  des  os  qu'on  a  ordinairement  au 
5,  coude.  .  cet  os  étant  lans  aucune  groffeur  depuis  l'épaule  jufqu'au  poignet.  „ 
Il  n'efl  guéres  poflîble  de  faire  une  delcription  plus  exafle  &  mieux  circonftanciéc. 
On  voit  que  c'eft  l'ouvrage  d'une  peribnne  qui  dans  l'efpérance  des  prodiges  que 
Dieu  a  en  effet  opérés ,  avoit  examiné  ces  membres  hideux  avec  la  dernière  at- 
tention ,  comme  elle  le  déclare  elle-même. 

Joignons  d'abord  à  ce  témoignage  celui  de  M.  de  Chantepie.  C'eft  un  Seigneur, 
c'eft  un  homme  de  condition.  Ces  qualités  extérieures  font  fouvcnt  celles  qui  font 
le  plus  d'impreflîon  fur  la  plupart  des  gens  du  monde.  „  Je  certifie  (  dit-il  ) 
5,  que  fon  bras  droit  étoit  tout  décharné  depuis  l'épaule  jufqu'au  poignet  :  qu'il 
5,  etoit  même  dcfleché  :  qu'il  n'avoit  que  la  peau  attachée  fur  l'os  ;  &:  que  ce  bras 
j,  n'étoit  pas  plus  long  que  celui  d'un  enfant  de  ^.  ou  4.  ans  :  que  -ce  bras  étoit 
,,  en  demi-cercle  n'aiant  qu'un  pli  au  milieu,  fans  qu'on  y  diftingàt  aucun  des 
„  os  qui  forment  le  coude.  „  Ce  témoignage  quoique  plus  court  eft  du  moins., 
iuiffi  frapant  que  celui  de  la  veuve  de  Brai. 

„  Ce  bras,  (dit  le  Sieur  Bertrand,)  n'étoit  qu'un  os  encore  bien  mince  & 
„  bien  petit ,  fur  lequel  il  y  avoitcomme  une  cfpéce  de  vieux  parchemin  de  cou- 
„  leur  de  terre.  „ 

„  Le  bras  droit  (dit  le  Sieur  Hurtaut  )  étoit  de  moitié  ou  environ  plus  court 
„  que  l'autre...  ce  bras  jufqu'à  l'épaule  étoit  tout  démanché  ,  fans  mouvement, 
„  n'aiant  point  pris  de  nourriture,  d'une  couleur  brune,  tout  delléché,toutren- 
„  verfé  en  dedans.  „ 

Mais  pour  forcer  jufqu'aux  Conflitutionnaires  les  plus  prévenus,  de  convenir 
malgré  eux  de  l'état  évidciiiment  inciu'able  où  étoient  ces  membres  deflcchés, 
préfentons  leur  des  témoins  que  ceux  qui  combattent  les  œuvres  de  Dieu  nous 
ont  eux-mêmes  fournis,  du  moins  en  partie  :  mettons  fous  leurs  yeux  les  témoi- 
gnages des  Chirurgiens  qui  ont  vifité  l'épaule  6c  le  bras  droit  de  J.  Tenard  dans 
le  cimetière  mêioe  de  S.  JNÎédard,  dans  le  tems  qu'ilsy  examinoient  lesConvul- 
fionnaires  ;  Se  commençons  par  celui  de  M.  le  Dran  emploie  parla  Cour,  non- 
feulcmcnt  dans  le  célèbre  cimetière, mais  même  aux  procès-verbaux  delà  Baftille. 
„  Son  bras  (  dit-il  )  deflccî-ié  6c  paralitique  me  frupa.  Je  l'inferrogcai ,  6c  elle 
me  dit  quelle  en  étoit  eftropiée  depuis  l'âge  de  5.  ans  ...  je  trouvai  fon  bras 
droit  de  près  d'un  demi -pied  plus  court  que  l'autre,  en  le  mefurant  du  moi- 
gnon de  l'épaule  (  jufqu'à  l'avant-bnis  ;  l'épaule  étoit  plus  baffe  que  l'autre  : 
les  inulcles  de  l'omoplate  étoient  autli  comme  defféchés  6c  fans  aélion. . .  L'a- 
„  vant-bnis  aufll  defl'éché  que  le  bnts,  étoit  à  demi  plié  fans  que  je  le  puffe 
„  plier  davantage  ni  l'étendre,  la  jointure  s'étant  anchylofée  . .  la  couleur  de  la 
„  peau  de  tout  le  bras  jufqu'à  la  main  . .  brune  6c  tcrreule  . .  Je  ne  vous  dirai 
„  point  minuciérement  (aioute-t-il)  l'irrégularité  de  toutes  ces  parties  :  il  eft 
„  aifé  de  fentir  que  le  fuc  nourricier  y  a  manqué  prefqu'cntiérement,  6c  ne  s'y  eft 
„  porté  qu'autant  qu'il  le  falloit  pour  qu'elles  ne  tombaffent  pasen  cangréne.  „ 

Qiioique  cette  defcription  ne  ibit  pas  tout- a -fait  aulîi  circonftanciée ,  par 
rapport  à  certains  points ,  que  celle  des  témoins  préccdcns,  elle  contient  cepen- 
dant tous  les  principaux  faits.  Il  eft  aifé  de  fentir  par  la  mamere  même  dont  M. 
Ohferiat.     I.  Fart.   Tome  II.  F  le 


4Z  IDE'E  DE  VOEUFRE  DES  CONVULSIONS. 

\c  Dnn  a  tourné  ce  qu'il  a  crû  ne  pouvoir  diffimulcr ,  que  dans  la  fituation  cm- 
barrafiantc  où  il  fe  trouvoit,  il  a  été  bien  plus  porté  à  diminuer  qu'à  augmenter 
les  circonilanccs.  Mais  ne  voulant  néanmoins  rien  dire  que  de  vrai ,  il  a  pris  le 
parti  de  s'envelopper  autant  qu'il  a  pu  dans  des  exprcfllons  vagues  &  générales, 
trouvant  de  tous  côtés  trop  d'inconvénient  ^^  àcixiWcx  minuciérement V inégularitê 
de  toutes  ces  parties.  Il  fcroit  trop  dur  de  lui  en  favoir  mauvais  gré.  N'eil-cepas 
encore  beaucoup  pour  un  Chirurgien  célèbre  en  qui  la  Cour  avoit  mis  fa  confian- 
ce pour  démêler  les  impollures  prétendues  des  Convulfionnaires,  d'atteilcr  des 
faits  qui  fuffifent  pleinement  pour  démontrer  que  l'état  d'une  Convuliîonnaire , 
avant  le  miracle  opéré  fur  elle,  étoit  abfolument  incurable.  Car  qui  ne  fait  que 
l'art  n'a  nul  remède,  la  nature  nulle  refTource  pour  régénérer  des  membres  dcf- 
fjchés,  rétablir  des  jointures  depuis  long-tcms  ancbj'lolécs ,  ni  pour  allonger  un 
bras  qui  étoit  rcftc  fans  prefque  grandir  depuis  l'âge  de  3.  ans  jufqu'à  2p.  pafles. 
Si  M.  le  Dran  a  crû  n'être  pas  obligé  de  particularifer  certains  faits  qui  fer\'ent 
a 
dit 


pei 

croître  à  tout  âge  julqu'à  des  os  arides  ôc  totalement  décharnés. 

Quoique  le  rapport  de  M.  Sivert  entre  encore  moins  dans  le  détail  au  fujet 
de  ce  bras  que  le  témoignage  de  M.  le  Dran,  il  renferme  néanmoins  plufieurscir- 
conlbinccs  trcs  frapantcs.  „  J'obfervai  (dit-il,^  qu'elle  avoir  l'épaule  droite  beau- 


qu  a  i'arncuiation  uc  1  cpauic,  «x  q 
„  furplus  un  demi-cercle  ,  le  poignet  reliant  toujous  en  l'air  &:  remontant  jufqu'- 
„  au  dclfus  de  lamammclle  droite:  &  que  malgré  l'impétuoli  té  des  mouvemcns  de 
„  tout  fon  corps  que  pluficurs  pcrfonncs  avoicnt  bien  de  la  peine  à  retenir,  le  de- 
„  mi-cercle  que  décrivoit  fon  bras  droit  confervoit  toujours  la  même  figure  fms 
„  s'étendre  ni  fléchir  quoiqu'on  la  tirât ,  6c  qu'on  la  retînt  par  ce  bras  pour  l'em- 
pcchcr  de  fe  brifcr  le  corps  contre  terre. 

Ce  fcroit  fatiguer  le  lecteur  en  pure  perte  que  de  lui  préfentcrdefavantcs  dif- 
fcrtations  pour  lui  prouver  que  des  membres  en  cet  état  font  incui-ables.  He  !  qui 
pourroit  en  douter.''  Bornons-nous  donc  à  faire  quelques  réflexions  fur  l'ouvrage 
du  Tout-puiflaat,  en  même  tcnis  que  nous  en  fournirons  les  preuves. 

Si  l'épaule  droite  de  J.  Tenard  toute  deff'échée. . .  £5?  toute  ^///o^/z/tf,  dit  la  veuve 
de  Brai  :  fi  cette  épaule  dont  les  mufcks  de  roinoplate  et  oient  auffi  comme  dé£'cchés  (^ 
fans  aHion  dit  A'I.  le  Dran  :  fi  cette  épaule  beaucoup  plus  haJJ'e  ^  plus  menue  que  Is. 
gauche.,  dit  M.  Sivert  :  fi  cette  épaule  dont  les  os  n'avoicnt  pu  prendre  leur  croifllin- 
ce  pendant  plus  de  x6.  ans  ,  tant  parcequ'ils  avoient  été  briles  dcslage  de  j.  ans  , 
que  par  ce  qu'ils  n'avoient  pu  trouver  dans  des  muiclcs  arides ,  applatis  6c  prcfqu'- 
anéantis  le  fuc  nourricier  dont  ils  avoient  befoin,  ce  qui  avoit  rendu  cette  épaule 
fi  petite,  fi  mince  &  fi  balfc.  Si,  dis-je,  cette  ép.iules'cfl:  regarnie  en  peu  de  tcms 
de  toutes  les  parties  qu'elle  avoit  perdues  des  l'amiéc  lyof .  £c  fi  les  os  de  cette 
épaule  ont  ircouvré  toute  l'étendue  qu'ils  dévoient  avoir,  en  forte  qu'elle  eft  de- 
venue autfi  haute  que  l'épaule  gauche  &  qu'elle  a  acquisla  facilité  d'exercer  libre- 
ment toutes  fortes  de  mouvemens:  qui  pourra  s'empêcher  de  rcconooitre  l'opé- 
ration de  l'Etre  fouvcrain  dans  un  tel  prodige? 

Si  en  même  tcms  cchras  qui  n'était  qu''un  os  fur  lequel  il  y  az'oit  comme  uneefpéce 
et  vieux  parchemin  de  couleur  de  terre  ^  dit  M.  Bcrir.md  :  fi  ce  bras  qui  n étoit  pas 

plus 


IDE'E  DE  L'OEUTRE  DES  CON f^ULS  10 NS.  4; 
pJus  long  que  celui  d'un  petit  enfant  de  3.  eu  4.  ans  . .  fans  qu'on  y  difingât  aucu)t 
des  os  qui  forment  le  coude ,  dit  M.  de  Chantcpie  :  fi  ce  bras ,  dont  les  os  qui  iwoient 
perdu  leur  forme  naturelie  décrivoicnt  un  dcnn-ccrclc  qui  confer'-joit  toujours  Ici 


même  figure  ^  ôcLi  M.  Sivert:  '^i  c(i  hras  défféché  (:c\>x\%co\\v(:xt  £\xnzpeaubrurie{^ 


de  173 1.  s'efl;  en  peu  de  tems  regarni  de  chairs ,  fi  les  nerfs,  les  tuyiuixo:  les 
vaifleaux  de  toute  efpcce  qui  avoient  été  détruits  dès  l'âge  de  3.  ans  lui  ont  été 
rendus  :  fi  fes  os  ont  repris  dins  toute  l'étendue  du  bras  6c  de  l'avant-bras  prcf- 
qu'autant  de  longueur  que  ceux  du  bras  gauche  :  enfin  s'il  s'eft  formé  une  nou- 
velle articulation;!  la  place  desosbrifés  ,  dont  les  efquilles  avoient  réuni  enfem- 
ble  le  furplus  des  os  du  bras  &:  de  l'avant-bras  :  qui  pourra  rcfufer  dcbcnir  l'Au- 
teur de  la  nature  de  s'être  ainfi  montré  fi  à  découvert  parmi  nous! 

Voilà  cependant  les  faits  que  vont  nous  atteller  jufqu'aux  examinateurs  d'of- 
fice emploies  par  la  Cour:  mais  commençons  par  le  témoignage  de  la  pcrfonnc 
qui  a  été  continuellement  attentive  à  ces  opérations  du  Tout-puifFant,  5c  qui  par 
ce  moien  en  a  été  la  plus  particulièrement  inllruite.  , 

Vers  le  milieu  du  mois  de  novembre  173 1.  dit  la  veuve  de  Brai  les  os  deV  épaule  as. 
J.  Tenard  j'^_^//«y»/ (^.'?;2i  «^fj  fo/rjz/ //?(?;«  particulières ,  dont  cette  charitable  veuve 
rapporte  les  circonftances  qui  font  fort  fingulieres,  &;  propres  à  faire  connoître 
aux  perfonnes  attentives  que  Dieu  emploioit  ces  convulfions ,  pour  foire  pafler 
par  des  fccoufies  réitérées  une  grande  multitude  d'efprirs  animaux  dans  les  muf- 
des dcflcchés  de  cette  épaule,  &  qu'il fc  fervoit  de  ces  cfprits  pour  rétablir  ces 
mufcles  applatis,  inanimés  ^  prefqu'anéantis ,  6c  pour  fiire  entrer  une  fi  grande 
quantité  de  fucs  nourriciers  dans  les  os  arides  6c  rétrécis  de  cette  épaule,  qu'en  peu 
de  tems  ces  os  recouvrèrent  toute  la  longueur  Zl  la  groficur  qu'ils  dévoient  avoir, 

„  En  même  tems  (dit  cette  veuve  Chrétienne)  la  peau  de  cette  épaule  qui 
„  étoit  auparavant  defiechée  6c  qui  rcflcmbloit  tant  potir  la  couleur  qu'au  tou- 
„  cher,  à  un  morceau  de  vieux  parchemin  qui  auroit  été  collé  fur  des  os,  s'adou- 
„  cit  au  toucher  6c  reprit  une  couleur  de  chair  naturelle,  6c  l'épaule  s'enaraifTIi 
„  prefqu'à  vue  d'œil.  (A  quoi  elle  ajoute  plus  bas)  que  dans  les  premiers^ jours 
„  du  mois  de  Décembre,  étant  à  la  regarder  fous  les  charniers,  elle s'appèrçût 
„  avec  admiration  qu'elle  levoit  fon  coude  jufqu'à  la  hauteur  de  fou  épaule,  ce 
,,  qui  lui  fit  comprendre  que  les  os  de  cette  épaule,  qui  étoit  C  dit-elle  plus 
„  haut)  toute  didoquée  6<: beaucoup  plus  bafie  que  la  gauche,  avoient  rcpns  leur 
„  place  naturelle  ;  ce  qui  lui  ht  cfpérer  que  dans  peu  J .  Tenard  auroit  un  mouve- 
„  ment  libre  dans  cette  ép;iule ,  ce  qui  effectivement  arriva  ainfi  peu  de  join-s 
„  après:  cnforte  que  cette  épaule  fe  trouva  guérie,  6c  toute  pareille  à  l'épaule 
„  gauche  à  la  fin  du  mois  de  Décembre  173 1.  à  l'exception  feulement  qu'elle 
n'étoit  pas  encore  tout-à-fait  aufli  groffe. 

„  Qii'aufll-tôt  que  cette  épaule  eût  coram.encé  à  s'engraifier,  le  haut  du  bras 
,  droit  commença  aufiî  peu  a  peu  à  reprendre  une  couleur  naturelle  Se  à  fe  rem- 
plir de  chairs,  ce  qui  gagnoit  tous  les  jours  un  peu  le  long  du  bras  :  6c  qu'auf- 
fi-tôt  que  ce  bras  fe  fût  rempli  de  quelques  chairs....  les  os  du  coudecommcn- 
cercnt  à  fe  former. 

„  Qii'clle  fe  refiouviendra  toute  (îi  vie  qu'une  nuit,  à  la  fin  de  Novembre,  on 
„  au  commencement  de  Décembre  173  i.J.  Tenard  la  reveilla  pour  ..lui  direqu- 
„  il  lui  étoit  pnufié  un  os  en  pointe  aii  milieu  du  br;\s  à  l'endroit  où  dev^oit  être  le 
„  coude  :  qu'elle  y  tâta  auîfi-tôt ,  6c  "qu'elle  trouva  que  l'angle  du  coude  venoic 
„  de  fe  former.  F  z  „  Qiie 


44  IDE'E  DE  LOEUFRE  DES  CONVULSIONS. 

„  Qiic  dans  le  courant  du  reftc  du  mois  de  Décembre  les  autres  os  du  coude  fc 
„  formèrent  aufll  l'un  aprcs  l'autre  ;  de  façon  que  ce  bras  qui  n'avoit  point  de  coude 
„  ni  de  marque  de  jointureau  mois  de  Novembre  1731 . . .  eneiit  unfi  bien  forme 
,j  avec  les  jointures,  l'ant;le  6c  IcsgrofTcusquifont  ordinairement  à  côte  à  la  fin  du 
,,  mois  de  Décembre  de  la  même  année,  que  J.  Tcnard  commença  à  fefervirdc 
„  cette  jointure,  êc  à  pouvoir  étendre  un  peu  ce  bras  &:  à  le  plier.  „ 

M.  de  Chantepic  certifie  pareillement  que  le  bras  droit  de  J.  Tenard  s'ejl rani- 
mé (^  regarni  de  chairs  (y  fi  confidérahlement  allongé  i^  groJJÏ .,  qu'il  ejl  fréfentement 
prefqiî'aHJji  long  13  J>re [qu'au JJi  gros  que  fon  bras  gauche.  A  quoi  le  fleur  Bertrand 
ajoute  qu'il  a  remarque  qu'en  même  tcms  les  os  de  fon  coude  s'étoient  formés. 

Mais  ne  prenons  plus  pour  témoins  de  faits  par  eux-mêmes  fi  incroiables,  que 
des  Maîtres  de  l'art  qui  aient  fcnti  toute  la  force  Scia  conféquence  du  témoignage 
qu'ils  rendoient  :  ne  préicntons  plus  au  leéleur  que  de  célèbres  Chirurgiens  qui 
inftruits  par  leur  art,  aient  parfaitement  connu  l'impofTibilité  phifique  qu'il  y  a 
que  la  nature  rcproduifc  la  multitude  infinie  de  vaifleaux  qui  étoicnt  détmits  dans 
ces  membres  deflcchés  :  qu'elle  fific  croître  des  os  qui  étoicnt  reliés  pendant  t6. 
i^ns  fans  prendre  leur  grandeur  naturelle  :  6c  qu'elle  forme  de  nouveau  une  arti  - 
culation  dans  des  os,  qui  aiant  été  fracafies  avoient  perdu  leur  première  figure, 
&  dont  les  efquilles  s'etoicnt  anchylofés  6c  foudés  cnlemble  dans  la  fituation  de- 
rangée  où  leur  brifemcnt  les  avoit  mis. 

Commençons  par  le  Chirurgien  qui  déclare  lui-même  avoir  examiné  notre 

cdropiéc  avec  attention fous  le  charnier  du  cimetière  de  S.  Médard.    J'ai 

„  d'abord  vifité  fon  épaule  droite  (dit  M.  Sivert)  que  j'ai  trouvée  placée  com- 
„  me  elle  doit  être,  6c  de  hauteur  égale  à  la  gauche.  „ 

Qiiand  nous  n'aurions  prr  rapport  à  l'épaule  que  ce  témoignage,  joint  à  celui 
de  la  veuve  de  Brai,  il  devroit  luffire  pour  convaincre  pleinement  que  les  os  de 
cette  épaule  ont  repris  toute  leur  étendue  6c  leur  groffeur  ,  puifqueM.  Siveit, 
qui  déclare  dans  le  mêmerap}X)rt  qu'il  avoit  d'abord  trouve  cette  épaule /^^,?«rort^ 
;plus  haffe  ^  plus  menue  que  la  gauche ,  certifie  que  dans  une  autre  vifitc  il  l'a  trouvée 
placée  comme  elle  doit  être  (^  de  hauteur  eç^/c  à  l'autre  épaule.  Or  fi  les  os  n'en  cuf- 
fcnt  pas  recouvré  la  grandeur  qu'ils  dévoient  avoir  ,  comment  cette  épaule  fi  bafle , 
fi  mince  6c  fi  petite,  feroit-cUc  devenue  aufli  haute  que  l'autre  épaule  qui avoi'. 
toujours  cû  fi  grandeur  naturelle?  mais  pour  ne  lailTer  aucun  doute  à  cet  égard 
joignons  à  ce  premier  article  du  rapport  de  M.  Sivert,  le  témoignage  de  quatre 
autres  Chirurgiens. 

Voyons  d'abord  ce  que  M.  le  Dran  n'a  pu  s'empêcher  de  déclarer.  J'avoue  , 
dit -il  dans  fa  2c.  Lettre,  que  le  jeu  de  l'épaule  eft  entièrement  libre.  Il  eft  bort 
d'obfcrvcr  qu'il  ctoit  convenu  dans  fa  ic  lettre  que  vers  la  fin  du  mois  de 
Novembre  173 1.  Il  avoit  vu  J.  Ternard  dans  fa  convulf  on  lever  le  coude  à  la  hau- 
teur de  V  épaule  ,  ce  qu'elle  ne  pouvoit  faire,  dit-il,  les  premiers  jours. 

Apres  avoir  avoue  dans  fa  z°.  lettre  que  cette  épaule  avoit  recouvré  un  mou- 
vement parfait,  il  ajoute  que  cette  épaule  a  repris  chair  y  étant  prefqu'aufî  formée  (^ 
tharnue  que  le  côté  gauche  ,  y  que  la  peau  qui  la  recouvre  a  perdu  fa  couleur  terreu- 
ft  13  fa  féchercjfe. 

Quoique  ces  deux  aveux  ne  s'expriment  pas  nommément  fur  tous  les  points, 
ils  les  comprennent  néanmoins  tous  par  les  conféquences  qui  en  réfultent.  M.  le 
Dr.in  convient  que  le  jeu  de  l'épaule  cil  entièrement  libre.  Or  comment  l'au- 
Toit  -il  été  fi  les  os  n'en  euficnt  pas  été  rétablisdans  une  forme  parfaite  ?  Au  fur- 
plus  il  avoue  encore  que  cette  cp.aule  deflcchée  depuis  fi  long-tcms  a  repris  chair; 
qu'elle  eft  prcfquaulfi  clurauc  quç  celle  du  côté  gauche  6c  que  fa  peau  aride  6c 

remplie- 


IDË'E  DE   L'OEUrRE  DES  CONVULSIONS.  4r 

remplie  de  terre  a  perdu  flifécherefle;  d'où  il  fuit  que  fesmufcles,  qui  avoient  été 
pendant  tant  d'années  prcfqu'entiérement  anéantis  auflî  bien  que  le  nombre  in- 
nombrable de  vaifleaux  de  tout  genre  qui  fourniffent  la  nourriture  aux  mui'cles, 
avoient  été  régénérés  à  l'âge  de  30.  ans.  N'eft-ce  pas  làavoirtirc  de  M.  le  Dran 
plus  qu'on  n'en  dcvoit  nat'lîrellement  attendre? 

Joignons  à  ce  témoignage  fi  peu  fufpcéi  celui  de  trois  autres  Chirurgiens  qui  at- 
tellent encore  plus  clairement  que  les  os  fi  petits  6c  fi  étroits  de  cette  épaule 
avoient  acquis  toute  l'étendue  qu'ils  dévoient  avoir. 

„  Je  trouvai  (dit  M.  Mouton)  que  lesdcux  omoplates  étoient  égales que  la 

„  peau  avoit  perdu  fa  couleur  violette ,  &  qu'elle  avoit  repris  fa  couleur  naturelle.  „ 

Les  deux  épaules  nous  ont  paru,  dit  M.  de  Manteville,  à  feu  près  égales  ,  faisant 
tous  les  wowvemens  propres  à  ces  parties  très  librement ,  leurs  articulations  étant  bien 
conformées. 

On  fent  la  conféquence  qui  réfulte  de  ces  deux  rapports.  Comment  les  deux 
omoplates  cuflent-elles  été  égales?  Comment  l'épaule  nouvellement  rétablie  eût- 
elle  f\iit  librement  toutes  fortes  dcmouvemens?  Comment  les  os  de  l'articularion 
cufîent  -  ils  été  bien  conformés ,  fi  tous  les  os  de  cette  épaule  n'eufient  pas  recouvré 
leur  grandeur  naturelle  ? 

Mais  voici  encore  un  témoignage  plus  précis.  „  J'ai  reconnu  (dit  M.  Souchai) 


pu  relier  quelque  doute  furlaqueftiondclavoirfiles  os  de  cette  épaule 
avoient  acquis  ou  non  toute  l'étendue  qu'ils  dévoient  avoir  ;  ce  dernier  rapport 
fait  difparoître  jufqu'à  la  moindrcombre  d'incertitude.  Tous  les  autres  iefuppo- 
foient }  mais  celui-ci  l'exprime  dans  les  termes  les  plus  clairs. 

Il  efi:  donc  prouvé  inconteflablement  par  tous  ces  rapports  unanimes  que  l'é- 
paule en  quellion  a  été  renouvellée  &  mife  dans  un  état  parfait  :  que  fes  os  ont 
repris  autant  de  grandeur  que  s'ils  n' étoient  pas  reliés  fins  prcfque  grandir  depuis 
l'âge  de  3.  ans,  6c  que  fes  mufcles  ont  été  régénérés  avec  tous  lesvailTeaux  ,  les 
nerfs ,  6c  les  tuiaux  nécelîaires  pour  leur  apporter  toute  la  nourriture  dont  ils 
avoient  bcfoin  pour  s'entretenir  dans  un  état  parfait,  pour  leur  fournir  la  lym- 
phe fubtile,  6c  pour  exécuter  tous  les  mouvemens  dont  les  mufcles  font  fufcep- 
tibles.  Auflî  depuis  fon  admirable  rétabliflement  cette  épaule  a-t-elle  eu  (on  je» 
tntierement  libre  ,  fuivant  que  M.  le  Dran  l'avoue  lui-même.  Voilà  donc  encore 
une  gucrifon  entière  6c  parfaite. 

Reprenons  préfentcmcnt  la  fuite  du  rapport  de  M.  Sivert,  qui  en  nous  met- 
tant fous  les  yeux  l'opénuion  de  la  Divinité  fans  comparaifon  plus  fenfible  dans 
la  régénération  du  bras  que  dans  celle  de  l'épaule,  nous  frapera  d'une  admira- 
tion encore  bien  plus  grande.  „  J'ai  enfuite  (déclare-t-il)  vifité  fon  bras  . . .  que 
,,  j'ai  trouvé  rallongé  très  confidérablement  :  6c  en  aiant  prislamefure  ...  j'ai 
„  trouvé  que  ce  bras  (y  compris  la  longueur  de  la  nouvelle  main,  dont  nous  par- 
5,  lerons  dans  la  propofition  fuivante)  avoit  z.  pieds  ï .  pouce  7.  lignes  :  ^  aiant  aulfi 
,,  mcfuré  la  longueur  de  fon  bras  6c  de  fa  main  gauche ,  j'ai  trouvé  qu'il  avoit  x. 

,5  pieds  4.  pouces  i.  ligne de  façon  qu'il  n'y  avoit  que  z.  pouces  &  demi  de 

5,  différence  entre  la  longueur  de  fon  bras  droit  6c  celle  de  fon  bras  gauche  .... 
3,  ce  qui  ne  me  peut  laiflcr  aucun  doute  que  depuis  le  mois  de  Novembre  1731... 
„  les  os  de  fon  bras  droit  ...  ne  fefoient  allongés  très  confidérablement  :  ce  que 
î»  je  "e  puis  m'empécher  de  dire  être  au  defilis  des  forces  de  la  nature  ,n'v  aiant  point 
.,,  d'exemple  qu'après  l'âge  de  zf.  ans,  des  os  fefoient  allongés.  „ 

S'il  n'y  pas  d'exemple  que  des  os  fefoient  allongés  après  ï'àgc  de  if  »  ans,  quel 

F  3  prodige 


46  IDE'R  DE    VOEUVRE    DES  CONVULSIONS. 

prodir^c  n'cll  ce  point  que  des  os  décharnés,  des  os  d' -mouilles  depuis  z6.  ans  de 
preiqù  .•  tous  les  vaifleaux  qui  leur  auroient  du  fournir  la  nourriture  :  des  os  quj 
par  conféqucnt  s'étoicnt  endurcis ,  rétrécis  &  defTcch-s,  le  ibicnt  ibudainement 
accrus  à  l'âge  de  p.  ans  ? 

Deux  autres  Chinirgicns  ont  encore  vérifié  ce  prodige.  M.  Souchai ,  après 
avoir  rapporté  les  mefures  qu'il  avoit  prifes  des  deux  bras  de  la  miraculée,  àé- 
c\xvc  c\x':'  K'y  apas préfenteme-'it  ^.ponces  de  différence  entre  la  longueur  de  fcs  de:m 
br-ii.  AI.  de  Mantcville  déclare  la  même  choie,  à  quelques  lignes  près. 

Cependant  avant  le  miracle  ce  bras,  dit  le  Sieur  Hurtaud,  ctoit  ^?  moitié  ou 
environ  plus  court  que  l'autre .  Ce  bras ,  dit  M .  Sivert ,  était  plus  d'un  tiers  plus  court 
que  le  bras  gauche.  Ce  bras  indépendamment  de  la  pctitefle  de l'avant-bras  éio\X. dt 
près  d'un  demi-pied  plus  court  que  T autre ,  dit  M.  le  Dran. 

Le  Icfteur  cft  Tins  doutccurieuxde  voir  comment  M.  le  Dran  fe  tirera  d'affaire 
p.ir  iT.ppoit  à  l'allongement  fi  évidemment  furnaturel  des  os  d'un  bras,  dont  lui- 
même  avoit  certifié  l'extrême  .petitelîe. 

Voici  fa  réponfe  à  laqucftion  que  ic  lui  ai  fliite,  s'il  n'avoit  pas  reconnu  que  les  os 
du  bras  Se  de  l'avant-  bras  de  J-  Tcnard  avoient  trcs  cxtraordinairemcnt  augmenté 
de  longueurdcpuis  les  premiers  jours  qu'il  avoit  examiné  ces  membres  cftropiés  :  y« 
}.'i  peux ,  dit-il  dans  fi  i.'.  Lettre ,  déftgner  par  des  mefures  ki  degrez  d^accroiffement 
que  ces  parties  ont  acouifes  .  parceque  j;  li'en  ai  jafnais  pris  la  mcfure. 
.  Si  M.  le  Dran  ne  fpécifie  pas  de  combien  les  os  du  bras  en  qucflion  s'étoient 
allonges,  du  moins  convient-il  bien  pofitivemcnt  qu'ils  fc  font  etFeftivement al- 
longes d'une  manière  fi  vifible  qu'il  n*a  pu  s'empêcher  de  l'appcrccvoir.  Ce 
n'ct!: ,  fuivant  lui,  que  faute  d'en  avoir  pris  une  exacte  mcfure  avant  un  évé- 
nement \\  incfpcré,  qu'il  n'cft  pas  en  état  de  defigaer  par  des  mefures  ']uilcslesde- 
grez  d'accroijfc'ment  que  ces  p.irties  ot'i  .icjuifes.  N'elt  ce  pas  là  avouer  formellement 
que  ces  parties  ont  acquis  des  degrez  d'accroiiïcment  fenfibles  &  palpables  ? 

Au  relie  non-feulement  les  os  de  ce  bras  dcflcclié  ic  font  allongés  -,  mais  les 
mufcles  ,  les  nerfs  &  les  vailleaux  dont  il  avoit  été  fi  long-tems  dépouillé  fc  font 
régénérés  à  vàe  /œil,  comme  le  déclare  la  veuve  de  Brai,  ce  qui  fe  trouve  aufïï 
conilaté  par  les  rapports  de  nos  Chirurgiens. 

„  Au  furplus  (dit  M.  Sivert)  ce  bras  droit  commence  à  fe  bien  regarnir  de 
„  chairs  aiant  préfentement  7.  pouces  £c  7.  lignes  de  grofieur,  Sc  l'avant  brasf. 
„  pouces  6c  f .  lignes.  „ 

AI.  lo  Dran  lui-même  eil  convenu  que  tout  le  bras  6?  l*  aïoitié  fupérieurede^^t- 
■vant-bras  ont  repris  chair,  étant  prcfque  au  [fi  formés  £jf  charnus  que  le  côté  gauche ,  &: 
que  la  peau  qui  les  couvre  a  perdu  fa  coulrur  terrcufe  £<?  fa  fécherefj'e. 

S'il  n'a  pas  pris  la  mefurc  de  l'étendue  proJuite  par  cette  adminible  régénéra- 
tion, d'autres  Chirurgiens  ont  eu  l'attention  de  la  prendre.  M.  Souchai  &  M.  de 
Manteville  déclarent  tous  deux  également ,  chacun  dans  Ion  rapport ,  qu'il  ont  trou- 
lé  que  ce  bras  .  . .  avoit  préfentement  7.  pouces  7.  ligi:es  de  gro/fcur  . . .  o  favant- 
bras  ^.pouces  f .  lignes  :  ce  qui  eft  entièrement  conforme  au  rappoit  de  M.  Siveit. 

S'il  n'eft  pas  poiTiblc  de  révoquer  en  doute  un  fait  aullî  exaftcmcnt  vérifié  par 
pluficurs  rapports  unanimes  faits  par  des  Chirurgiens  de  la  première  réputation  , 
qui  pourra  s'cmpccher  d'y  rcconnoitrc  l'opération  du  Cré  itcur.  Qiioi  !  ce  bnis 
qui  rcficmbloit  aux  membres  de  ces  momies  d'Egypte  qui  ne  fe  conlcrvent  que 

1->ar  leur  dcd'échcment  :  ce  brwt  tout  décharné  depuis  Pépaule  juiqu'aù  poignet  :  ce 
iras  qui  étoit  mcnie  dcfféché  (^  qui  n'avoit  que  la  peau  attachée  fur  F  os  dit  M.  de 
Chantcpic  :  ce  bras  qui  ne  toit  qu'un  os  . . .  fur  lequel  il  y  avoit  comme  une  rfpéce  depar- 
(bcmin  de  couleur  de  terre,   dit  le  S.  Bcnrand  :  ce  bnis  a  été  h  bien  regaini  de 

chairs 


IDE-'E  DE  VOEVVRE  DES  CONVULSIONS.         47 

chairs  qu'il  a  -.  pouces  &  7.  lignes  de  tour  à  fa  partie  fupéricurc  &f  .pouces  r. 
lignes  a  l'autre  partie? 

Les  chairs,  autrement  dit  Icsmufclcs,  font  compofés  ou  du  moins  remplis  d'un 
nombre  innombrable  de  nerfs,  de  tuiaux,  ôc  devaideaux  qui  leur  font  néccflaires 
pour  leur  conferv^ationSc  leurs  u' âges  i  les  nerfs  pourlssrendiefeniîblcs:  les  tuiaux 
pour  leur  faire  exécuter  tous  les  mouvemens  :  les  vadîeaux  pour  leur  fournir  la 


ipent  ce  s  aneantnlent ,  les  derniers  s  afraiflcnt  &  fe  collent  enforte 
que  leur  cavité  ccfle  d'être ,  au  moien  de  quoi  ces  muiclcs  ne  font  plus  qu'une 
mafle  aride  5c  fans  organe.  Mais  ici  ce  n'eft  pas  proprement  le  deffechement 
du  bnis  qui  a  produit  peu  à  peu  la  deftraftion  de  fes  nerfs,  de  fes  tuiaux  &c  de 
fes  vaifleaux.  C'eit  au  contraire  la  deUmélion  fubite  de  tout-js  ces  parties  fracaf- 
fées  ,  brifées,  déchirées  en  l'année  I70f.  qui  a  caufé  le  d': Téchement  du  bras. 
Toutes  ces  parties  mifes  en  pièces  par  la  chute  que  fit  à  l'âge  de  5.  ans  [.  Teinrd 
enlevée  par  un  tourbillon  de  vent  6c  précipitée  avec  violence  contre  terre  ne 
purent  fe  rétablir.  Aiant  été  meurtries ,  divifécs  &  lacérées  ,  elles  font  pour  la 
plus  grande  partie  tombées  en  pourriture,  &  le  furplus  s'ell  totalement  defte- 
ché  :  &  il  n'elt  refté  de  ce  bras,  que  les  os  couverts  d'une  peau,  qui  bien-tôt  eft 
devenue  féche  êc  refîemblante  à  de  la  terre  foute  d'être  humectée  par  les  vaif- 
feaux  ,  qui  aiant  cefle  d'être  ne  lui  fournifToient  plus  les  liqueurs  dont  elle  avoit 
bcfoin  pour  fe  nourrir. 

C'eft  après  que  ce  bras  cH  demeuré  x6.  ans  dans  cet  état,  qu'il  plaît  au  Tout- 
puilTant  de  lui  rendre  toutes  les  parties  qu'il  avoit  perdues  depuis  fi  lono--tems. 
Ofera-t-on  donner  la  gloire  d'une  régénération  fi  miraculeufe  au  malheureux  au- 
teur de  tout  mal  ?  Cnx  il  n'eft  pas  polîlble  de  l'attribuer  à  la  nature ,  qui  pendant 
tant  d'années  Se  pendant  tout  le  tems  qu'elle  a  fiiit  croître  le  refte  du  corps ,  clt 
demeurée  à  cet  égard  dans  l'inaélion,  &  dans  une  impuiffance  totale.  La  nature 
n'eft  pas  un  être  diftingué  de  Dieu  :  elle  n'ell  autre  chofe  que  l'ordre  commun 
que  Dieu  a  d'abord  établi,  &  félon  lequel  il  agit  ordinairement.  Or  des  membres 
defféchés  qui  ont  perdu  une  infinité  de  parties,  font  dans  une  entière  impoffibili- 
té  de  les  régénérer  fuivant  les  loix  que  le  Maître  de  la  nature  lui  a  données  en- 
fermant la  matière.  Il  a  donc  fallu  que  Dieu  agit  d'une  manière  extreordinaire 
d'une  manière  furnaturelle  fc  par  conféquent  miraculeufe  pourrenouveilcr  cette 
multitude  de  tuiaux,  de  vaifleaux  ,  8c  de  nerfs  qui  ne  fubfiftoient  plus.  Quel- 
le impiété  ne  feroit-ce  point  d'en  faire  honneur  à  fonmiférable  ennemi  '  Qiiel  au- 
tre que  celui  qui  eft  la  Sagefie  infinie ,  la  fçiencc  univerfelle ,  la  piiifTance  fins 
bornes  ,  eut  pu  donner  un  nouvel  être  à  cette  quantité  prodigieuie  de  peti- 
tes parties  fi  fines,  fi  déliées,  fi  délicates,  &  leur  faire  avoir  a  chacune  ,  ou  la  for-- 
ce  &  le  reffort  ,  ou  la  moUeffe  Se  la  flexibilité  dans  le  degré  précis  qui  leurcon-- 
riennent  ? 

Mais  cet  admirable  prodige  a  été  accompagné  d'un  autre  prodige  encore  plus- 
grand.  Ce  coude  écrafé  a  l'âge  de  5.  ans  a  été  rctabh  dans  un  état  parf ut  :  ce" 
coude  dont  tous  les  os  fracaftes  &  réduits  en  efquiiles  n'avoicnt  plus  fenà  que 
comme  d'un  ciment  qui  avoit  fondé  enfemble  le  furplus  des  os  du  bras&del'a-- 
vant-bras.  C'eft  au  milieu  de  ces  os  fi  étroitement  réunis  qu'ils  ne  faifoient  plus- 
qu'un  feul  cot^ç^^^  fans  qu'on  y  difttngât  aucun  dei  os  qui  forment  le  coude,  dit' 
M.  de  Chantepie;  c'eft  au  milieu  de  ce  bras  qui  ne  conf:fiû:t  qu'en  un  fcnl  os,-. 
fans  qu^on  y  apperçût  la  forme  des  os  qu^on  a  ordinairement  au  coude ,  cet  os  étant-' 
jtms  aucune  gtyjjeur  depuis  Vépaule  jufqu  au  poignet-,  dît  h  charitable  veuve:  c'eft  ^ 

dis-jp-- 


4S  IDEE  DE  VOEUFRE  DES  CONVULSIONS. 

tiis-jc,  ;iu  milieu  de  cet  os  décharné,  qu'il  a  plu  à  Dieu  de  compofcr  une  joi»' 
turc  toute  neuve,  giUT.ie  de  toutes  fes  emboiturcs! 

Quel  miracle  que  de  former  une  nouvelle  articulation  au  milcu  d'un  os  dcf- 
fcché  !  de  divifcr  cet  os  en  deux  parties,  &  de  conllruirela  tête  de  chacune  avec 
des  proportions  li  julles,  qu'elles  foyent  toutes  deux  capables  de  s'emboîter  l'une 
d.xns  l'autre  comme  les  crans  d'une  charnière,  &  de  rouler  en  tous lens  fans  em- 
barras dans  leur  cavités  réciproques!  Avec  quelle  prodigalité  Dieu n'a-t-il donc 
pas  mukipHé  les  merveilles  dans  l'œuvre  des  convulfions?  Nous  avonsdéjà  rap- 
porté les  preuves  de  l'état  où  a  été  ce  bras  depuis  iTOf .  jufqu'à  la  fin  de  1731. 
nous  avons  produit  des  témoins  oculaires  qui  ont  certifié  avoir  vu  les  os  de  cette 
articulation  le  former  fous  leurs  yeux  :  il  ne  nous  rcfte  qu'à  prouver  par  des  rap- 
ports d'experts  que  cette  articulation  a  été  rétablie  d'une  manière  parfaite.  C'cft 
ce  que  nous  allons  faire. 

„  Cette  fille  (dit  M.  Sivert  dans  fon  rapport  déjà  tant  de  fois  cité)  m'a  aufli 
„  fait  voir  qu'elle  a  préfcntement  du  mouvementdans  l'articulation  de  l'avant-bras 
„  droit  avec  le  bras  ;  elle  a  le  mouvement  de  flexion  entièrement  libre  ;  mais  elle  n'a 
„  pas  celui  d'extenfionjufqu'au  degré  où  il  doit  être  naturellement,  le  tendon  du 
,^  ir.ufcle  biceps  n'obéiflant  point  allez  :  elle  levé  le  brxs  au  dcflùs  de  la  tête.  ôcc. ,, 

Cette  obfcrv^ation  de  M.  Sivert,  qu'il  y  a  un  tendon  dans  les  mufclcs  qui 
n'obéit  point  aficz,  ne  dit  pas  que  cette  articulation  formée  par  un  fi  merveil- 
leux prodige  ne  fut  pas  entièrement  libre  :  elle  l'étoit  puifque  J.  Tenard  ou- 
vroit  &  fermoit  le  bras  &  en  faifoit  toutes  fortes  de  mouvemens.  Ce  défaut  de 
fouplefié  du  tendon  d'un  mufclc  qui  empcciic  qu'un  mouvement  n'ait  toute  fon 
étendue ,  ne  prouve  nullement  que  le  mouvement  de  l'articulation  ne  Ibit  pas 
parfùt.  C'eft  ce  qu'un  autre  célèbre  Chirurgien,  qui  a  auflî  examiné  cette  arti- 
culation miraculcufcmcnt  rcnouvcUée ,  va  nous  décider  de  manière  à  ne  laifler  au- 
cun doute.  ,,  L'articulation  du  coude  (dit  M.  Mouton)  fait  les  deux  mouve- 
„  mens,  celui  de  flexion  parfaitement  >  mais  celui  d'extenfionn'eft  par  parfait  à 
„  caufe  de  la  tenfion  du  tendon  du  biceps  :  (ce  qui  ne  l'empêche  pas  de  certi- 
fier que)  cette  articulation  qui  cil  irrite  par  charnière ,  cil  parfaitement  libre.  „ 

Aufli  iM/*lc  Dran  a-t-il  avoué  dans  fa  ic.  lettre,  que  prcfcntemcnt  f.  Ténard 
porte  fon  bras  cJc  tous  côtés  très  facilenient  ^  quoiqu'elle  eût  de  la  peine  à  l'étendre 
jufqu  au  dernier  degré. 

Deux  autres  Chirurgiens  ont  encore  vérifié  ce  prodige.  M.  de  Mantcville  déclare 
qu'il  a  trouvé  que  préfcntement  J.  Tenard  fléchit  libreinent...  le  bras  droit...  mais 
qu'elle  ne  peut  retendre  toiit-à-fuit. 

M.  Souchai  certifie  que  J.  "Tenard  „  a  étendu  Se  fléchi  ce  bras  en  fa  préfcncc 
„  à  difterentcs  rcprifcs  :  (que)  cependant  elle  n'a  pas  étendu  l'avant-bras  entié- 
„  icment,  les  tendons  fléchilTcurs  n'aiant  pas  allez  de  fouplcife  pour  pouvoir 
„  obéir  jufqu'à  l'extcnfion  parfaite.  „ 

La  conformité  de  tous  ces  rapports  fait  voir  avec  qu'elle  attention,  &  quelle 
cxaditudc  ces  Chirurgiens  ont  hut  leur  examen  chacun  en  fon  particulier.  Or  il 
en  iéfult«  clairement  qu'il  n'y  a  aucun  défaut  dans  l'articulation  nouvellement 
formée  ,  &  qu'elle  a  tout  fon  jeu  &  toute  la  liberté  qu'une  articulation  peut 
avoir:  car  encore  un  coup  le  manque  de  fouplcflc  du  tendon  d'un  mufcle  n'in- 
flue point  d.ms  l'articulation,  &  n'empêche  point  qu'elle  n'aie  de  là  part  une 
agilité  p.irfaite,  quoique  fon  aéVion  fe  trouve  arrêtée  après  une  certaine  étendue 
par  le  déf.uit  de  louplclle  d'un  tendon. 

Qiic  de  merveilles  déjà  opérées  fur  J.  Tenard  !  Qiii  fcroit  aflc/.  aveugle 
ou  allez  téméraire  pour  rcfulcr  de  rccounoitrc  l'action  de  Djcu  durs  toutes  ces 


tnuis- 


iDE'E  DE  VOETJFRE  DES  CONVULSIONS.  49 
transformations  de  membres  difloqués,  rappetifles ,  contrefaits,  &:  même  d'oHemcr.s 
arides  qui  depuis  z6.  ans  n'étoient  plus  couverts  que  d'une  peau  féche  !  Dieu  a 
changé  ces  membres  eilropics,  Se  jufqu'aux  reiles  hideux  de  ceux  qui  avoient 
été  presqu'entiéremcnt  détioiits  ,  en  des  membres  entiers ,  en  des  membres  fains, 
en  des  membres  agiles  :  &  il  les  a  de  nouveau  revêtus  de  toutes  les  parties  donc 
ils  avoient  été  privés  pendant  tant  d'années. 

Les  maîtres  de  l'art  étonnés  n'ont  pu  s'empêcher  d'yreconnoître  fon  ouvrage. 
Entr'autres  M.  Souchai  déclare  ^{■x  fin  de  fon  rapport:  „  premièrement  que  nous 
„  n'avons,  dit-il,  aucune  obfervation  d'un  pareil  exemple  :  fecondemcnc  qu'en 
„  confultanc  la  ftructure  du  corps  humain ,  il  ne  paroît  pas  poflîble  qu'une  mala- 
„  die  de  cette  nature  arrivée  en  bas  âge  en  conféquence  d'une  chute  d'où  s'efl; 
„  enfuivi  la  contorfion  des  membres ,  la  perte  de  leur  action  &  l'atrophie  ou  mai- 
„  greur  des  parties ,  qui  a  duré  l'efpace  de  if .  ans  :  il  n'cft  pas ,  dis- je ,  poflîble 
„  à  la  nature  de  réhabiliter  ces  membres  Scde  leur  redonner  leurfubllance,  leur 
„  aélion ,  leur  fituation  naturelle  6c  qu'à  l'âge  de  30.  ans  il  fe  falîe  pour  ainli 
„  dire  une  nouvelle  création  d'os  ,  de  tendons,  de  ligamens ,  de  mufcles  ,,  &c. 

Si  toutes  les  admirables  métamorphofcs  arrivées  aux  membres  de  J.  Tcnard 
à  l'âge  de  30.  ans  ou  environ  n'ont  pu  fe  faire  iuivant  les  principes  del'anatomie 

3ue  par  tme  nouvelle  Création  d'os  ,  détendons.,  de  ligamens .,  de  mufcles  ^c.  qui  peut 
outer  qu'elles  ne  foient  autant  de  miracles?  Qui  fcroit  aflcz  impie  pour  attri- 
buer au  Démon  le  pouvoir  de  créer,  qui  eft  le  propre  caractère  &  la  qualité  in- 
communicable de  l'être  des  êtres  j  Mais  nous  allons  encore  fournir  les  preuves 
d'une  autre  merveille  ,  où  la  création  d'une  infinité  de  parties  eit  bien  plus  mani- 
feile ,  plus  fenfible  6c  plus  palpable ,  quoiqu'il  n'ait  pas  plu  à  celui  dont  les  con- 
leils  font  impénétrables  à  nos  foibles  lumières,  de  donner  à  cet  étonnant  prodi- 
ge tout  le  degré  de  perfeélion  qu'on  auroit  pu  fouhaiter. 

///.    PROPOSITION. 

La  main  tendre  i3  délicate  de  Jeanne  Tenard  aiant  été  tout  h  fait êcrafée  par  la 
chute  quelle  fit  en  ijof.  n""  étant  alors  âgée  que  de  ^.ans  .,  toutes  les  parties  dont 
cette  main  et  oit  composée  furent  fràcaffées  (^  tnifes  en  pièces  :  les  efqmUes  des  os  fe 
carnifierenî  {5?  fe  confondirent  avec  les  débris  de  la  peau  ,  des  chairs  ^  des  antres 
parties  qui  avoient  été  entièrement  meurtries  (3  déchirées. 

Tous  c^S débris  mêlés enfembk  ne compoferent plus  qu' une  maffeconfufe^  fansorganes 
qui  fe  deffécha  totalement  :  cette  petite  malfe  inanimée  fe  plaça ,  non  pas  au  bout  du  poi' 
gnet  du  bras  defféché.,  mais  au  de  fous  ^  y  forma  une  efpéce  de  boule  de  la  groffèur  d'une 
groffé  noix,  quirenfertnoit  en  elle-même  ^.petits  bouts  de  je  ns  fai  quelle  matière  qui 
navoit  ni  ongles,  ni  os,  ni  nerfs  ,  non  plus  que  le  rejle  de  cette  hideufe  houle. 

C'est  de  cette  maJJ'e  informe  dont  il  a  plu  au  Créateur  défaire  fortirune  maintoute 
entière  ,  qui  ejî  auffi  grande  que  la  main  gauche ,  qui  a  des  doigts  fort  bien  formés , 
i3  t  otites  les  autres  parties;  mais  qui  néanmoins  ,  quoique  très  bien  faite  (y  d'une 
belle  couleur  de  chair,  n'a  cependant  que  fort  peu  de  force  ,i^  refie  à  demipanchfe 
tiu  bout  du  poignet. 

DIeu  nous  parle  aujourd'hui  par  les  plus  étonnans  prodiges  ;  mais  il  nous 
parle  en  paraboles:  on  diroit  qu'en  le  découvrant  il  affecte  en  m.êmc-tcms 
de  fe  cacher:  il  laifle  toujours  quelque  nuage  qui  paroît  ternir  la  lumière  dont 
il  nous  fixit  préfent  :  il  femble  vouloir  par  un  jugement  terrible,  fournir  lui-mô- 
me des  voiles  pour  obfcurcir  fes  œuvres  à  ceux  qui  fe  complaiient  dans  la  fe- 
duélion  de  leur  cfprits ,  6c  dans  les  illufion  de  leur  cœur. 

Obfervat.     I.  Part.  Tome  II.  Q  Rien 


fo         ILTE  DE  VOEUVRE  DES  CONVULSIONS. 

Rien  de  plus  admirable  que  la  création  d'une  main  dans  une  performc  de  ^O, 
ans.  Rien  de  fi  furprenant  que  de  voir  que  Dieu  laille  une  fi  grande  mer\'eillc en 
quelque  forte  imparfaite.  Alais  avant  de  pouficr  plus  loin  nos  réflexions  com- 
mençons par  prouver  les  faits. 
ïxiii.  _      j,  Je  certifie  (  dit  M.  de  Brevignan  Tréforier  de  l'Eglifc  Collégiale  de  Notre- 
iîT/Venoit,,  Dame  de  Brai-fur-Scinc)  que  J.  Tenard.  .  .  âgée  d'environ  ^o.  ans,  paflant 
pïuiiia  r:«-jj  par  cette  ville  de  Brai  fur  la  fin  du  mois  d'Oftobre  1731.  m'aiant  dit  qu'elle 
droite  JeVc-,,  alloit  à  Paris  pour  implorer  le  Iccours  de  Dieu,  6c  lui  demander  fa  guérifon 
'"■""n^eu"''''  P^^  l'interceffion  du  Bienheureux  M.  de  Paris,  au  tombeau  duquel  elle  avoit 
marirre  fc-,,  OUI  dire  qu'il  le  faifoit  beaucoup  de  miracles ,  me  montra  fa  main  droite  qui 
vltLts^'"\')  me  parût. . .  d'une  couleur  tcrreufe  ,  renverfce  au  dcfl*ous  du.  . .  bout  d'un  bras 
„  .  . .  tout  deflcchc.  . .  les  doigts  fans  aucune  articulation  ,  6c  qui  ne  paroifibicnt 
,,  point  avoir  d'os  &  n'avoient  point  d'ongles  ,  Sc  qui  n'étoient  pas  plus  gros  que 
„  le  tuiau  d'une  plume  à  écrire:  le  tout  rentrant  en  cercle  dans  la  paume  de  la 
„  main,  fans  pouvoir  les  rcdreflcr  :  enforte  que  fes  doigts  &  fa  main  n'avoient  l'air 
„  que  d'une  boule  de  terre,  groflc  comme  une  grofic  noix  avccfonécorcc.  „ 

Si  cette  hidcufc  peinture  faite  à  Brai-fur-Scinc  par  imepcrfonne  rcfpcftable  eiï 
toutfens,  contient  déjà,  du  moins  par  confcqucnce  ,  les  preuves  de  ce  que  nous 
avons  avancé  dans  la  première  partie  de  cette  3'.  Propofition,  voici  encore  une  au- 
tre dcfcription  plus  circonllanciéc  qui  doit  achever  d'en  convaincre  le  Iccbeur. 

,,  Au  bout  du  poignet  de  J.  Tenard,  dit  la  veuve  de  Brai,  il  y  avoit  une 
„  efpéce  de  main. ..  qui  ne  paroifibit  avoir  ni  os,  ni  nerfs,  ni  veines,  &  fem- 
„  bloit  un  morceau  de  chair  informe  couverte  de  terre,  &:  étoit  toute  repliée 
■„  en  dedans  du  bras ,  le  poignet  étant  entièrement  courbé.  A  cette  main  il  y 
„  avoit  cinq  petits  morceaux  de  chair . . .  qui  ne  paroilToicnt  ni  plus  gros  ni  plus 
„  longs  que  les  doigts  d'un  enfant  de  3 .  ans.  A  ces  doigts  qui  étoient  renfer- 
„  mes  au  dedans  de  la  main ,  il  n'y  avoit  ni  os  ,  ni  nerfs  ,  ni  ongles  :  mais  cha- 
„  que  doigt  paroiflbit  un  morceau  de  chair  tout  d'une  pièce  fans  aucune  jointure: 
„  les  trois  gnmds  doigts  étoient  d'une  matière  aflcz ferme,  3c  étoient  cmu-bcs 
„  en  rond  lans  aucun  ongle ,  6c  rentroient  dans  la  main  lans  qu'on  pût  les  ou- 
„  vrir. .  .  A  l'égard  du  pouce  Se  du  petit  doigt  ,  ils  n'avoient  point  de  dureté  ni 
„  de  fermeté  j  mais  ils  étoient  comme  des  morceaux  de  chair  morte  Se  molle  qu'- 
„  on  rcnvcrfoit  6c  qu'on  plioit  comme  on  vouloit.  ,, 

On  ne  peut  gueres  fouliaiter  un  détail  mieux  circonfiancié  :  on  voit  bien  qu'il 
:([  fait  par  une  perfonne  qui  a  examiné  plus  d'une  fois  l'objet  difforme  dont  elle 
fait  une  defcription  fi  exaéte.  Voici  cependant  un  troifiémc  portrait  de  cette 
efpéce  de  main ,  qui  efl;  peut-être  encore  plus  frapant  que  les  deux  précédens. 
„  Je  certifie  ,  dit  M.  de  Chantepie ,  qu'au  lieu  de  main  il  n'y  avoit  au  bout  de 
„  ce  bras  qu'un  morceau  de  quelque  chofe  couvert  de  terre  fort  difforme  y 
„  fans  qu'on  pût  dire  ce  que  c'écoit,  8c  fans  qu'on  fentit  ni  os,  ni  nerfs  ,  ni  rien 
„  qui  pût  faire  prendre  cela  pour  une  main:  qu'il  y  avoit  pourtant  des  figures 
,,  de  doigts  extrêmement  menus  Se  très  courts,  fans  jointures  &  fans  ongles  ,  qui 
„  étoici.t  plies  cnrond  dans  ce  morceau  difforme  6c  que  le  tout  enfcmble  qui 
„  étoit  ;out  en  un  tas  6c  rond  prcfque  comme  une  boule,  n'étoit  pas  plus  gros 
„  qu'une  groflc  noix,  6c  étoit  recourbé  en  dedans  fous  le  poignet  qui  etoit tout 
„  renvrrlV -,  cnfortc  que  cette  boule  étoit  comme  collée  au  dcflbus  du  bout  de 
„  ce  bras    icfl'éché.  ,, 

Ces  irni'  tableaux  font  C\  bien  peints  d'après  nature,  qu'il  fcmble  fupcrflu  de 
fatiguer  le  icftcur  par  un  plus  grand  nombre  de  témoignages  -,  fur  tout  pour  un 
iait  qui  a  été  cxpofc  aux  yeux  de  tout  le  public  pendant  z6.  ans,  fie  pendant 

plus 


c 


TI>E'E    DE  VOEUFRE  DES  CONFULSIONS.  ft 

plus  d'un  mois  à  l'examen  des  Chirurgiens  envoies  parla  Cour  dans  le  cimetière 
de  S.  Médard,  &z  aux  regards  critiques  des  cfpions  de  la  Police  :  fait  par  confé- 
quent .  par  rapport  auquel  aucun  témoin  n'auroit  ofc  avoir  la  hardiefic  d'en  im- 
pofcr.  Ainfi  je  crois  luffilant  d'ajouter  à  ces  trois  témoignages ,  un  extrait  du 
rapport  de  M.  Sivcrt. 

„  J'oblcrvai  :  (dit-il  )  que  la  main  ctoît  comme  collée  à  la  partie  interne  de  l'a- 
5j  vant-bras,  l'articulation  du  poignet  étant  entièrement  fléchie. . .  que  cette  main 
„  étoit  toute  informe. . .  que  ces  doigts  rcftoient  toujours  fermés  &  rentrés  dans 
„  la  paume. .  fans  qu'il  parût  aucune  articulation  à  ces  doigts  ,  qui  étoient  très 
„  courts  &  très  menus,  que  les  os  de  cette  petite  main  5c  de  ces  petits  doigts 
,,  étoient  carnifiés.  „  Plus  bas  il  ajoute  encore;  qu'^«  mois  de  Novembre  173 1. 
il  a  vu  que  les  os  de  cette  mai»  étoient  carnifiés  ,  fans  forme  ^  fans  confifance. 

Voilà,  comme  l'on  voit,  tous  lesprincipaux  fiits ,  tous  les  faits  décilîts  avan- 
cés par  nos  témoins ,  bien  conllatés  dans  ce  rapport.  A  l'égard  de  M.  le  Dran, 
il  a  pris  le  parti  de  ne  parler  de  l'état  de  cette  cipéce  de  main  avant  fa  régéné- 
ration, que  d'une  manière  un  peu  fuperficiclle,  s'étant  contenté  d'avouer  que 
„  la  main  étoit  à  proportion  (encore)  plus  dclTéchée  que  le  bras  ;  (que)  cette 
„  main  fléchie  entièrement ,  faifoit  l'angle  aigu  avec  l'avant-bras  contre  lequel 
„  elle  fembloit  prefque  collée,  fans'  que  je  pufle  (dit-il)  la  faire  étendre,  Se 
,,  que  les  doigts  très  grêles  5c  mal  conformes  étoient  collés  dans  la  main,Ians 
5,  pouvoir  être  étendus.  ,, 

Tout  cela  n'a  rien  de  contraire  au  rapport  de  M.  Sivert,  êc  à  la  dépofitioiî 
de  tous  nos  témoins.  Ce  qui  manque  feulement  dans  les  aveux  de  M.  le  Dran, 
c''ei^  qu'ils  n'entrent  pas  aflcz  dans  le  détail ,  ce  qui  caufe  l'omilîion  de  plufieurs 
circonftances.  Aufli  avertit-il  de  bonne  foi  qu'il  n'a  pas  jugé  à  propos  dedétail- 
1er  miniiciéremtnt  VirrégMlarité  de  toutes  ces  parties.  Il  y  a  cependant  un  petit  ar- 
ticle oLi  il  n'eft  pas  tout-à-fait  d'accord  avec  le  rcfte  de  nos  témoins  :  il  ajoute 
à  ce  que  nous  venons  de  rapporter,  que  cette  ni'xmnêtdxt  pas  plus  grande  ni 
plus  groffe  que  celle  d'une  fille  de  10.  ans.  On  ne  peut  reprocher  à  M.  le  Dran 
d'avoir  rien  dit  de  faux  à  cet  égard  ?  car  il  efl  très  éxaétcment  vrai  que  cette 
main  n'étoit  pas  plus  groflc  que  celle  d'une  fille  de  10.  ans:  mais  ileilenmêmetcms 
très  certain  qu'elle  l'étoit  beaucoup  moins ,  félon  que  tous  nos  témoins  l'ont  décla- 
ré. M  Mouton  Chirurgien  de  la  plus  grande  réputation  va  même  jufqu'à  dire  dans 
fon  rapport,  que  cette  main  étoit  fi  petite  qu'elle  lui  a  paru  a  peu  près  co;r.me 
celle  (Vun  enfant  de  7.  mois.  Mais  il  y  a  toute  apparence  qu'à  cet  égard  le  coup  d'oeil 
6c  de  M.  Mouton  &  de  M.  le  Dran  n'ont  pas  été  tout-à-fait  iuftcs:  ou  plutôt 
que  les  deux  comparaifons  dont  ils  fe  font  fcrvis,  n'ont  été  ni  l'une  ni  l'autre 
d'une  exactitude  géométrique  ;  l'une  rcpréfentant  l'objet  comme  trop  petit ,  6c 
l'autre  comme  trop  grand:  ce  qui  ne  doit  pas  paroître  fort  étonnant,  attendu 
que  ces  fortes  de  comparaifons  qu'on  fiifit  fans  beaucoup  de  réflexion  dans  les 
premières  figures  que  l'imagination  préfente, ne  font  prefque  jamais  parfaitement 
exaftcs.  Au  furplus  il  eft  fort  indifterent  pour  la  grandeur  du  miracle  que  ce  refl:e 
informe  de  main  fût  un  peu  plus  grand  ou  un  peu  plus  petit  :  ce  qui  elt  ici  déci- 
fif,  c'cfl.  que  cette  main  étoit  toute  informe .,  ainfi  que  l'attcile  M.  Sivcrt ,  èc  en- 
core plus  de  [féchée  que  le  bras ^  comme  l'avoue  M.  le  Dran:  que  tous  (es os  auflî 
bien  que  ceux  de  fe  s  petits  doigts  étoient  carnifiés.,  fans  forme  l^  fans  con  ft fiance  ^ 
dit  M.  Sivert;  6c  (\ue  fes  doigts  très  grêles  &"  mal  conformés  .^  félon  M.  le  Dran, 
n'avoient  aucune  articulation .^  ajoute  M.  Sivcrt. 

Qui  peut  douter  que  des  os  qui  ontété  carnifiés  ï  l'âge  de  ^.  ans,  6c  qui  depuis 
ce  tems  iontrefkés  fans  confifiancei^  fans  forme  ]\.\((\n' à  làge  de  30.  ne  peuvent  être 


z  rege- 


fi  IDE'E  DE  VOEUFRE  DES  CONVULSIONS 

régénères  que  par  l'Auteur  de  la  nature?  Qui  ofcra  conteller  que  des  articula- 
tions qui  ne  fubfiilent  plus  en  aucune  forte ,  ne  peuvent  recouvrer  leur  figure 
finguliére  ,  aue  par  l'opération  de  celui  qui  rcpaîtrit  quand  il  lui  plaît  lesoiqu'iL 
nous  a  donnes  ?  Q.ui  pourra  s'aveugler  jufqu'au  point  de  ne  pas  voir  que  les  reftes 
informes  &z  deneches  d'un  membre  qui  a  perdu  toutes  fcs  principales  parties  , 
ne  peuvent  reprendre  un  nouvel  être ,  ni  s'organifer  une  féconde  fois  que  par 
Tiiction  du  Créateur  ?  Il  ne  me  relie  donc  qu'à  prouver  que  tous  ces  prodiges, 
font  arrives.  C'cil  ce  que  ]c  me  hâte  de  faire. 

Commençons  par  le  témoignage  de  celle  qui  a  reçu  J.  Tenard  chez  elle. 

xiiv.        La  veuve  de  Brui  déclare  que  „  vers  les  fêtes  de  Noël  173 1.  fi  petite  main 

u'ilZJln  ^I"-"  ^^^'^^  renvcrfce  fous  le  moignon  qui  lui  fcrvoit  de  poignet,  commença  à  fe 

,...ntma.>;d(-j,  làchcr  pcu  à  pcu. .  . .  quc  la  couleur  de  cette  petite  malîe  de  chair  s'éclaircit 

.^Lic  roain.  ^^  ^^  mémc  tcms  s'ctant  toute  pelée  ,  6c  devint  beaucoup  plus  mollette  qu'elle 

„  n'étoit  auparavant;    6c  que    comme  elle  la   tâtoit  trèsfouvent,  elle  fentit 

„  au  mois  de  Jimvicr   1752..  qu'il  s'étoit  formé  de  petits  os  fort  menus  &  fort 

„  minces  dans  cette  main  au  deflous  des  f.  doigts qu'en  même   tems  il  fe 

„  forma  de  petits  os  à  la  partie  de  chacun  de  fcs  doigts  qui  touchoit  à  fa  main ,, 
„  &  que,  (peu  après  elle  remarqua  que  ces  petits  os   étoicnt  conftruits  de  fi- 
çon  qu'ils  faifoient  chacun  une  jointure ,  ou  pour  mieux  dire  une  articulation) 
avec  ceux  qui  s'etoicnt  d'abord  ibrmés  dans  la  main  :  cl-  qu'elle  appcrçûtnon 
„  feulement  a  la  vue ,  ces  jointures  faiflmt  l'angle.  . .  .  m;us  auOî  au  toucher ,. 
,5  ces  jointures  lui  aimt    donné  la  facilité  de  faire  remuer  ces  doigts.     Que 
,j  les  3.  doigts  du  milieu  prirent  Li  forme  de  doi^t  beaucoup  plus   vite  que 
„  le  pouce  6c  le  petitdoigt,  qui  relièrent  encore  long-tems  tout  à  fait  mollalfcs, 
comme  de  la  chair  morte,  quoi  qu'ils  euffcnt  déjà  chacun  un  petit  o.sprcsdc 
la  main.  Qu'elle  appercût  aulli  dans  le....  mois  de  Février  . . .  qu'ils'étoit  formé 
des  nerfs  &  des  veines  dims  cette  petite  main.  . . .  Que  comme  la  miiin  de  J. 
Tenard  étoit  encore  dans  cet  état,  on  vint  à  fermer  le  petit  cimetière,  Se  que 
le  bruit  s'étant  répandu  qu'on  alloit  enfermer  tous  les  ConvuUîonnaires  elle  lui 
confeilla  de  s'en  retourner  chez  lii  mère;  ce  qu'elle  fit  le  z6.  février  1732.. 
„  Qii'clle  ne  refla  dans  Ion  païs  que  jufqu'au  25).  Mars  qu'elle  revint  à  Paris. 
(Qiie  pendant  ce  tems  la  main  ne  fit  prefqu'aucun  progrès)  mais  qu'aullî-tôt 
après  fon   retour.  Dieu  lui   fit  regagner  bientôt  le  tems  perdu Qu'cl- 


5» 


n 

y» 
55 


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le  remarqua  que  (a  main  6c  fes  doigts  fe  formoicnt ,  s'allongeoient  6c  ic  rem- 
pliiroient  de  chairs  d'une  manière  fi  ienlible  qu'on  en  appcrcevoit  la  elii}ércnce 
d'un  jour  à  autre.  Que  les  os  qui  manquoient  encore  à  fes  doigts  furent  for- 
mes en  très  peu  de  jours,  6c  que  fa  main  6c  ics doigts,  qui  n'étoicntp.is  enco- 
„  re  plus  longs  que  la  main  6c  les  doigts  d'un  entant  de  4.  ou  f.  ans  ,  quand  elle 
„  revint  de  ion  p.Vis  le  ip.  Mars  1732.  devinrent  enfuite  dans  l'efpacc  de  deux 
„  mois  ou  environ ,  tout  auflî  longs  que  la  main  6c  les  doigts  du  côté  gauche  :. 
„  de  façon  que  la  main  6c  fur-tout  les  doigts,  criuent  pendant  ce  tcms-là  de 
,,  plusque  le  double  de  ce  qu'ils  étoicnt  auparavant.   „ 

Joignons  d'abord  à  ce  témoignage  celui  de  M.  de  Chantcpie  qui  quoiqu'- 
liomme  de  condition,  ne  dédaignoit  pas  de  venir  voir  très  fouvent  J.  Tenard, 
pour  être  témoin  des  merveilles  que  Dieu ,  qui  du  haut  de  fa  gloire  fe  plaît  à  jctter 
des  regards  de  miféricorde  fur  les  créatures  qui  paroilfent  les  plus  viles  aux 
yeux  cnarnels,  opcroit  journellement  fur  cette  pauvre  païlane  à  qui  il  avoit  don- 
né des  con\ulfions.  „  je  certifie  (dit-il)  qu'au  lieu  du  petit  bout  de  matière 
„  difTorme  qui  étoit  recourbé  fous  fon  poignet  ...  il  s'elt  peu  à  peu  formé  une 
„  maia  £c   uc  véritables  doigts,  qui  ont  toutes  les  p.utics  qu'une  main  6c  des 

„  doigts 


/2)E'E  DE  VOEVFRE  DES  CONVULSIONS.  f^ 
,,  doigts  doivent  avoir,  aiant  préfentemcnt  des  os,  des  jointures,  des  nerfs, 
„  des  ongles  j  en  un  mot  tout  ce  qui  forme  une  main  6c  des  doigts  :  cette  main 
5,  &  ces  doigts  étant  même  préfentement  auffi  longs  que  fa  main  &  fes  doigts 
„  du  côté  gauche.  Et  comme  Dieu  m'a  fait  la  grâce  de  me  faire  voir  &  admirer 

5,  une  fi  grande  merveille,  qui  eft  évidemment  une  création j'ai  crû  être 

„  obligé  en  confciencc  de  donner  le  préfent  certificat  pour  rendre  témoignage  à 
5,  la  vérité  :  attellant  devant  Dieu  que  je  n'y  ai  rien  mis  dont  je  n'aie  une  entière 
j,  connoifiance.  „ 

Le  Sieur  Hurtaut ,  qui  venoit  aufll  examiner  afiez  fouvent  un  aufiî  grand 
prodige  attefte  pareillement  que  „  l'on  fentoit  de  jour  en  jour  les  os  fe  former , 
j,  les  ongles  poufler,  la  peau  peler  ôc  changer  de  couleur:  car  on  peut  dire  que 
„  c'eft  à  préfent  une  main  toute  nouvelle,  qui  eft  bien  plus  belle  &  plus  blanche 
j,  que  l'autre  avec  de  petits  trous  comme  la  main  d'un  jeune  enfant.  „ 

M.  Bertrand  déclare  auill  qu';V  lui  eft  lenu  des  os  ^  des  nerfs  ...  ^  des  ongles. 

Ajoutons  à  toutes  ces  preuves  la  dépofition  d'un  témoin  dont  nous  n'avons 
pas  encore  parlé.  „  Je  certifie  (dit  M.  Sauvage  Echevin  de  la  Ville  de  Paris )■ 

5,  avoir  vu  auprès  du  tombeau  du  S.  Diacre  F,  de  Paris la  nommée  J.  Te- 

„  nard Je  remarquai  qu'elle  avoir  le  bras  droit  extrêmement  court  &  défie- 

„  ché,  êc  qu'au  bout  il  y  paroifibit  une  efpéce  de  moignon  ,  au  deflbus  duquel- 
•„  pendoit  un  morceau  de  chair  d'un  violée  couvert  de  terre,  quin'étoit  pasplus- 
„  gros  qu'une  grofie  noix. . .  Depuis  aiant  appris  que  fon  bras  &  fi  main  avoient- 
„  repi'is  vie  . . .  j'ai  retourné  la  voir:  j'ai  trouvé  . . .  que  ce  vilain  petit  morceau 
„  de  chair  informe  que  j'avois  vii  au  deflbus  de  fon  moignon,  avoit  grandi  Sc' 
„  groflî  de  plus  de  moitié,  &:  avoit  pris  la  forme  d'une  main ,  &  avoit  prcfcn- 
„  tement  des  doigts  prefqu'aufil  grands  que  ceux  de  la  main  gauche:  ce  qui  eft 
„  une  véritable  création. .  .  6c  un  miracle  évident,  qui  n'a  pu  être  opéré  que 
„  par  la  Toute-paifiancedeDicu.  „ 

M.  de  Chantepie  Se  M.  Sauvage  ne  font  pas  les  feuls  qui  ont  hautement  re- 
connu que  cet  admirable  prodige  ctoit  une  véritable  création ,  dont  on  ne  pouvoir 
par  coniéquent  fans  impiété  refufer  de  rendre  gloire  au  Créateur  :  tous  nos  Chi- 
rurgiens fans  exception  en  ont  porté  le  même  jugem-cnt,  quoiqu'ils  ne  fe  foienî» 
pas  tous  expliqués  avec  la  même  énergie. 

,,  J'aiaufli  obfcrvé  (dit  M.  Sivert)  que  les  os  de  la  main  droite  que  i';ivois  vu 
5,  au  mois  de  Novembre  173 1.  caiTiifiés  ,  fans  forme  6c  lans  confift:ance,  avoient 
„  pris  leur  forme  6c leur  dureté  naturelles  aufii-bien  que  leur  étendue. .  .fes  dcu:s 
5,  mains  étant  de  préfent  de  longueur  égale. .  .  ce  qui  n'a  pii  s'opérer- dans  uno 
„  fille  de  cet  âge  par  les  forces-  de  la  nature ,  ni  par  aucun  remède. . . .  EUecom-» 
„  raence  à  fe  fcrvir  de-  fa  main  droite:  je  lui  ai  vu  remuer  les  doigts:  mais  néan» 
,,  moins  le  poignet  demeure  toujours  fléchi ,  6c  la  main  à  demi  courbée.  (  Au 
„  furplus)  cette  main  a  repris  fa  croifiance  6c  l'étendue  qu'ctk  devoit  avoir..., 
„  ce  que  je  ne  puis  m'cmpêch'^r  de  dire  être  au  deflus  des  forces  delà  nature.,, 

Tout  ce  qui  cil  au  dcfllis  des  forces  de  la  nature  eft  conféqueinment  au  deflu» 
de  la  puifiance  de  tout  être  créé  -,  parce  qu'encoi-e  un  coup  la  nature  n'cft  autra^ 
chofe  que  l'ordre  que  Dieu  a  d'abord  établi,  qu'aucun  être  que  lui  ne-pcut  dés 
ranger,  ni  fe  difpcnfer  des  loix  qu'il  a  prefcrites.    L'art  ne  fait  que  fournir  de« 
moiens  à  la  nature,  ou  la  débarraflbr  de  ce  qui  lui  fiit  obllacle:  mais  ilnepeuv 
rien  exécuter  que  par  les  refibrts  qu'il  y  trouve,  qu'il  tiîchc  de  mettre  cnaci:ion< 
]1  en  eft  à  peu  près  de  même  du  Démon  :  il  ne  iauroit  opérer  fans  moiens  :  !]> 
ne  peut  que  fe  fervirde  ce  qu'il  trouve  dans  la  nature  ,  6c  le  mettre  en  mouve-"- 
anent;  mais  il  n'a  pas  le  pouvoir,  ni  de  créerce qui  manque,  ai  de  f&foullraire  à- 

G  5^  aucunsi 


f4         IDE'E  DE  VOEUFRE   DES  CONVULSIONS. 

aucune  des  loix  que  Dieu  .i  impofccs  à  lu  matière ,  ni  de  lui  faire  rien  produire  au  delà 
des  propriétés  que  Dieu  lui  a  donnés.  Ici  quels  moicns,  quels  rciForts,  quelles 
qualités  propres  à  exécuter  un  tel  prodige,  auroit-il  pil  trouver  dans  unemafîc 
informe  ,  inanimée  &  defTéchéc  ?  Ofera-t-on  attribuer  à  cette  miférable  créatu- 
re la  puiffancc  fuprémc  u^  transfigurer  une  pareille  matière,  pour  en  conltruirc 
tous  les  os  diffcrcns ,  les  mufcles  ,  les  tendons ,  6c  une  infinité  d'autres  parties  qui 
entrent  dans  la  compofition  d'une  main,  aulTi-bien  que  cette  multitude  innom- 
brable de  nerfs  ;  de  ligamcns,  de  tuiaux,  6c  de  vaiflcaux  de  toute  cfpécc  qui  font 
clTenticlS  pour  procurer  l'action  Scia  confcrvation  des  membres?  Il  n'y  a  que  Dieu 
qui  peut  créer  :  6^  c'ell  une  véritable  création  de  faire  fortir  d'une  maffc  aiùde 
une  infinité  de  parties  dont  elle  ne  renferme  point  le  germe.  Quoique  Dieu  ait 
pris  un  peu  de  terre  pour  former  le  corps  du  premier  homme,  il  ne  l'a  pas  moins 
crée  que  tous  les  autres  êtres,  qui  à  fa  parole  font  fortis  du  néant. 

Aufll  M.  le  Dran  lui-même ,  en  voiant  la  régénération  de  la  maindeJ.Tc- 
nard  ,  n'a  pu  s'empêcher  d'y  reconnoître  l'œuvre  de  Dieu  ,  quoique  cette  main 
fût  reftéc  dans  une  forte  d'imperfeétion. 

,,  La  main  (  dit-il  )  n'eft  pas  encore  au  point  où  font  les  autres  parties  que 
5,  je  viens  d'énoncer.  Les  quatre  doigts  font,  ce  qui  m'étonne,  formes  ic  pref- 
„  que  au  point  où  font  ceux  de  l'autre  main  :  cependant  ils  n'ont  p.is  un  jeu  li- 
„  bre.  . .  Mais  il  y  a  lieu  de  croire  6c  d'efpérer  ,  que  celui  qui  a  commencé  fa 
„  guéri fon  l'achèvera.  ,, 

"Tous  ces  termes  à  la  vérité  font  ménagés  avec  bien  de  la  circonfpection  : 
néanmoins  il  en  réfultc  toujours ,  qu'il  ne  balance  pas  à  regarder  Dieu  comme 
étant  incontcftablcment  l'auteur  de  cette  furprenante  merveille. 

M.  de  Mantcvillc,  après  avoir  déclaré  que  la  main  droite  àc  ] .Tcn^yà  .^  quoique 
plus  maigre  i^  de  figure  différente  :  :iXtcnà.\i  qu'elle  eft,  ainfi  que  le  certifie  le  S. 
Hurtaut ,  plus  belle  que  l'autre ,  lui  a  paru  à  peu  près  de  même  grandeur  que  la 
gauche  .f  ajoute  pareillement  à  la  fin  de  fon  rapport,  que  cet  heureux  cba>igemeiit  n"a 
pu  être  opéré  par  le  fecours  de  l'art  ni  par  les  forces  de  la  nature. 

M.  Souchai  aiant  dit  fimplement,  que  cette miin  à  pré fentemoit  toute  la  longueur 
qu'elle  doit  avoir  •■,  prouve  à  la  fin  de  fon  procez-vcrbal  qu'il  eji  impoffiblc  au.x  feules 
forces  de  la  nature  d'opérer  un  événement  auffi  prodigieux. 

Mais  voici  un  rapport  plus  détaillé  que  les  trois  précédens,  6c  où  le  célèbre  Chi- 
rurgien qui  le  fait  ne  cr.iint  point  de  lailTcr  cchapcr  les  fentimcns  d'admiration 
qu'une  merveille  fi  évidemment  divine  a  fut  naître  dans  ion  cœur.  „  La  main  6c  les 
„  doigts,  dit  M.  Mouton,  font  de  la  même  grandeur  6c  grollcur  que  fa  main 
„  gauche  :  cette  main  qui  n'étoit  pas  plus  groilir  que  celle  d'un  enfant  de  -. 
,,  mois ,  6c  dont  les  petits  doigts  étoicnt  caches  6c  collés  fous  le  poignet  fléchi , 
j,  font  aujourd'hui  auflî  grands  6c  aulfi  gros  que  ceux  de  l'autre  main,  avecmou- 
„  vcmcnt  dans  toutes  les  articulations  des  phalanges  des  doigts  :  mais  le  pouce 
„  quoique  bien  formé  n'a  pas  fcs  mouvcmcns  libres,  ne  pouvant  fe  rclc\-cr  à 
,,  caufc  de  la  tenfion  du  mufcle  fléchificur.  (A  quoi  il  ajoute)  jcnc  puis  m'cm- 
„  pécher  de  dire  que  tout  ce  qui  s'eft  opéré  en  faveur  de  cette  pauvre  fille  nr 
„  peut  venir  que  de  la  main  toute-puiflante  de  Dieu  ,  cette  création  ct.mt  au 
„  dcfilis  de  la  nature  £c  des  remèdes  humains.  En  foi  de  quoi  je  lui  ai  délivré  le 
„  préfent  certificat  pour  rendre  témoignage  à  la  Vérité,  6c  à  Dieu  l'honneur  6c 
„  la  gloire  q\ii   lui  font  dûs.    „ 

Cette  admirable  régénération  d'une  main  toute  entière  à  l'âge  de  p.  ans,  cil 
donc  une  véritable  f;V<î//o«  dont  on  doit  rendre  gloire  à  Dieu.  F,n  effet  ce  n'cll  p.is 
fewlcJTXcnt  ici  un  accroinement  6c  un  changement  de  figure  d -ms  des  os  reliés  pen- 

d.Ult 


IDÉE    DE    VOEVVRE    DE  S    CO  NVUL  S 10  KS.  ff 

dant  plus  de  3  6.  ans  dans  iine  forme  contrefaite  &  rappetifTée  ,  comme  étoit  l'os  du 
bras  delTeché  :  c'eft  une  reproduction  totale  de  tous  les  os  qui  entrent  dans  la  com- 
poiition  d'une  mmn.  Dès  l'âge  de  3.  ans  ces  osavoient  été  carnifiés,  félon  l'expres- 
fion  de  M.  Sivert  :  ils  avoient  par  conféquent  changé  de  nature  :  leur  fubftance  avoit 
donc  totalement  perdu  fès  premières  qualités. 

Au  furplus  ce  n'étoit  point  encore  afîèz  de  créer  des  os  pour  reproduire  cette 
main:  toutes  fes  autres  parties  manquoient  également.  Non  feulement  il  a  fallu  que 
Dieu  donnât  un  nouvel  être  à  toutes  les  parties  les  plus  groffiéres  &  les  plus  apparen- 
tes, comme  font  les  os  ,  les  mufcles  ,  la  peau  &  les  ongles:  mais  qui  pourroit  con- 
çe\'oir  le  nombre  innombrable  de  parties  qui  entrent  nécelfairement  dans  la  conllxuc- 
don  d'une  main  )  Quelle  prodigieufe  multitude  de  nerfs  n'a-t-il  pas  fallu  produire  pour 
y  porter  de  toutes  parts  la  lymphe  fubtile  )  En  combien  de  différentes  touffes  n'a-t-il 
pas  été  néceffaire  de  partager  l'exti'émité  de  ces  nerfs  pour  rendre  la  peau  fenfible  > 
Combien  de  vaiflèaux  de  mille  eQ^éces  différentes  pour  faire  couler  dans  cette  main 
toutes  les  liqueurs  de  diverfes  qualités  qui  étoient  néceffaires  pour  en  nourrir  &  en  hu- 
meder  toutes  les  différentes  parties  >  Combien  d'artères  &  de  veines  ?  Combien  de  fi- 
bres ôc  de  tendons  ?  Mais  H  eft  inutile  d'entier  diins  ce  détail  anatomique.  Le  démon 
ne  peut  créer  un  fèul  atome  :  &  il  n'en  coûte  pas  plus  au  Créateur  de  donner  l'être  à 
une  infinité  de  parties  de  figures  toutes  différentes  ,  que  de  le  donner  à  une  feule.  II 
parle,  Sctout  eft  fait:  il  veut,  &  tout  eft  exécuté. 

Mais  dira-t-on ,  étoit-ii  digne  de  fa  Toute-puifPance  de  ne  former  toutes  les  parties 
de  cette  main  que  fucceffivement  ôc  peu  à  peu  ,  &  de  la  laillèr  enfuite  panchée,  lan- 
guifïànte  &  fans  forces  > 

.  Sans  doute  qu'il  n'a  tenu  qu'à  lui  de  la  créer  en  un  moment,  de  la  faire  paroître     '^^^'■. 
tout  à  coup  à  nos  yeux,  &  de  lui  donner  toute  l'acte  &  la  vigueur  qu'une  main  i'ob)?a."!f-^ 
peut  avoir.    Mais  il  ne  l'a  pas  voulu  puifqu'il  ne  l'a  pas  fdt,  peut-être  parce  que  les  ''"/V'"'"d" 
blafphémateurs  de  fes  œuvres  méritent  d'êne  livrés  au  défir  de  leur  cœur ,  &  que  par  fa"r«atîon  de 
un  terrible  Jugement  ,  il  a  voulu  leur  fournir  un  prétexte  firivole  d'attribuer  à  Satan  ""'  '"^''" 
jufqu'à  des  créations.    Ne  perdons  pas  de  vue  que  dans  l'œuvre  des  Convulfions  fà 
julïce  marche  à  côté  de  fa  miféricorde.     Ce  nouveau  Phénomène  avec  les  prodiges 
qui  l'accompagnent  eft  deftmé,  comme  je  le  prouverai  dans  la  fuite,  à  ouvrir  les  yeux 
des  uns  &  à  les  fermer  aux  autres.    AuiTi  a-t-il  un  rapport  fingulier  avec  la  colomne 
de  feu  que  Dieu  plaça  entre  le  camp  des  Ifraëlites  Se  celui  des  E^priens.     Cette  co-  ^xod  xiv. 
lomne  myftérieufe  fournit  au  Peuple  de  Dieu  une  lumière  brillante  qui  fervit  à  l'éclairer  '°^^'^- 
pendant  la  nuit, tandis  qu'elle  fut  pour  les  enneinis  une  nuée  fombre  Se  ténébreufe  qui 
les  aveugla  même  en  plein  jour.     C'eft  le  double  effet  que  produit  encore  aujourd'hui 
l'œuvre  limbolique  des  ConvuUions.     Elle  édifie  les  uns  en  leur  donnant  de  grandes 
lumières  dans  la  nuit  obfcure  où  nous  fommes  :  elle  fcandalife  les  autres  qui  n'y  voient 
que  des  ténèbres  malgré  le  grand  jour  que  répandent  les  Miracles. 

Mais  par  quelle  régie  Dieu  eft-il  obligé  de  donner  lans  exception  à  chacun  de  iès 
Miracles  toute  la  perfèéHon  poffible  ?  Quoi  !  N'eft-il  pas  auifi  Ibuverainement  libre  dans 
Fordi-e  merv-cilleux  que  dans  l'ordi-e  naturel  ?  On  voit  continuellement  dans  l'ordre  or- 
dinaire ,  qu'il  ne  diltribue  que  comme  par  mefure  la  perfèélion  plus  ou  moins  grande 
fuivant  qu'il  le  juge  à  projX)s.  N'eft-il  pas  également  maître  de  ne  donner  à  (es  mer- 
veilles que  le  degré  de  perfeélion  qui  convient  à  iès  diflférens  delTèins  de  miféricorde 
&  de  juftice  >  Qui  fommes-nous  pour  trouver  à  redire  à  fes  œuvres  )  N'y  a-t-il  pas  une 
témérité  extrême  d'ofer  décider  par  nos  goûts  Se  nos  propres  {Tenfèes ,  fans  confulter 
d'autre  règle  que  les  lumières  obfcures  de  notre  foible  raifon ,  de  ce  qui  eft  ou  n'eft 
pas  digne  de  Dieu  ;  5c  de  porter  notre  jugement  fui"  ce  qu'à  peut  ou  ne  peut  j^as  ? 
D  peut  tout  ce  qu'il  veut:  Se  tout  ce  qu'il  veut  eft  toujours  iniinin^ent  lage  ,  quoique 

t'C 


56  IDKE    DE   L'OEUTRE    DES    CONVULSIONS. 

ce  qu'il  fait ,  paroi{Tc  quelquefois  contraire  aux  lumières  trompeufes  de  notre  fàufïè 
fagelfe.  Y  a-t-il  donc  lieu  derrc  furoris  que  fouvcut  nous  ne  piiillions  point  pénétrer 
la  profondeu^de  fes  vues  &  de  les  dcifeins  ?   Ne  nous  a-t-il  pas  djclaré  liu-même  que 

irsij  LV.  3.  la  dùbnce  de  fes  penfées  aux  nôtres  eft  inrinic?  Mes  penfées  ne  [ont  pai  vos  pen- 

*  '•  fées ,  dit  le  Sei<^neur  :  mais  autant  que  les  deux  'ont  élevés  au  deffui  de  la  terri  ^ 
autant  mes  voles  font  élevées  au  def[us  de  vos  voies,  &  mes  penfées  au  de ff us  de 
vos  penfées. 

Ce^iendant  quoique  Dieu  foit  incompréhenfible  daas  la  fublimité  de  fes  conlèils ,  il 
ne  s'enfuit  nullement  qu'il  foit  impénétrable  dans  les  merveillGs  de  la  pulillince  :  &  bien 
loin  qu'il  nous  dil]Tcnfe  d'y  être  attentifs,  il  nous  l'ordonne  exprellément.  Aufli  toutes 
lès  œuvres  brillent-elles  par  certains  tr^ts  fi  lunineux ,  &  ix)rtent-elles  toujours  quel- 
ques caratléres  de  Di\inité  fi  diltinctifs,  que  l'on  ell  inexcufable  chaque  fois  qu'on 
les  méconnoît.  Comme  c'eft  pour  notre  inftnidion  qu'il  fait  des  NÎracles  &  des 
Prodiges ,  il  veut  que  nous  les  conlidénons  attentivement  :  qu'à  l'éclat  de  leur  lumiéfe 
nous  énidions  fa  conduite  à  notre  égard  :  &  que  nous  faJTions  tous  nos  eflfbrts  pour 
décou\Tir  dans  le  fecret  de  fes  delïèins  ce  qu'il  nous  eft  important  d'en  appercevoir. 

Luc.x1l.56.  C'eft  ce  qui  paroît  par  ce  reproche  que  Jéfus-Chrift  fit  aux  Juifs:  Hipocrites  que  vous 
êtes,  vous  [avez,  fi  bien  reconnaître  ce  que  préjugent  les  diverfes  apparences  du 
ciel  ^  de  la  terre  :  comment  donc  ne  reconnoijez-vous  pas  ce  tcms  ci  ?  Malheur 
à  ceux  qui  n'ont  pas  de  difcemcment  pour  les  lignes  des  tems  &  des  vnfites  du  Sei- 
gneur, &qui  ne  font  point  d'attention  à  fes  œuvres!  Jcnifalem  a  été  détruite  de 
fond  en  comble  pour  n'avoir  pas  reconnu  ce  qui  pouvoir  lui  a}')porter  la  paLx.  Airffi 
Jéfus-Chrift  ayant  déclaré  à  cette  Ville  ingrate  ,  rebelle  &  }^rtide  tous  les  fléaux  qui 
dévoient  fondre  fur  elle,  lui  dit-il  enfuite:  Tes  ennemis  ne  te  taifjeront  t>as pierre jur 
*id.  XIX. //Vrr^ ,  parce  que  tu  n'as  pas  connu  le  tcms  auquel  l<ieu  t'a  vifitee.    Mais  com- 

*>*>■  ment  difcemer  fes  œuvres  >  Quel  moyen  de  les  diftinguer  des  preftiges  du  démon  ? 

C'eft  d'y  faire  une  férieulè  attention  ,  &  d'être  néanmoins  intimement  com'aincu  que 

1  Cor  n  II  ^"^  ^  connaît  ce  qui  efl  en  Dieu  que  l'eiprit  de  Dm* :  c'ell  -de  s'abailTèr  proibndé- 
ImI  I.  4.  "^^"t  aux  pieds  de  celui  qui  eft  la  lumière  des  hommes  &  de  lui  demander  avec  in- 

Um.ni'iy.  ft^ce  une  participation  de  fon  efprit  de  \^érité  :  c'eft  de  mettre  humMement/<î  bmtcbe 
'  dans  la  poufftére ,  afin  d'obtenir  cette  grâce  ,  &  non  pas  de  s'éle^'er  par  un  vol  au- 
dacieux julqu'à  prétendre  juger  le  Très-haut  lui-même ,  ou  vouloir  décider  arbitraire- 
ment qu'une  chofe  eft  indigne  de  lui  parce  qu'elle  ne  cadre  pas  avec  notre  prétendue 
fagelTè,  toujours  fauftè  ,  orgueilleufe  &  téméraire  ,  li  elle  n'eft  dirigée  par  cdui  qui 
eft  vraiment  le  feul  Sage. 

RE'PRESENTATION  SUCCINCTE  DE  CE  QUI  S'EST  PAS- 
SE' DANS  LA  PREMIE'RE  E'POQUE  DES  CONVULSIONS. 

LOrfque  Dieu  fit  éclorre  l'œinTe  myftérieufe  des  Convulfions,  cette  œu\Te  fi  fin- 
guliére  qu'il  avoir  deCbnce  par  fes  décrets  étemels  a  être  dans  notre  fiécle  une 
étoile  propre  à  conduire  quelqiies-uns  au  falut  * ,  &  une  pierre  d'achoppement  jx)ur 

quao- 

•[11  eft  évident  que  par  ces  termes  l'Auteur  n'en-  foiir  <\ae  ttttt  cewjrt  iu  Srigntur  i\ui  ^  unt  ftUt 

tend  point  (dans  la  1 .  Edition  ,  non  plus  que  dans  fcitr  Ui  uns  O*  «n  fcanJalt  four  Iti  luurii ,  fait  ptur 

ccllc-ci)  que  l'oeuvre  des  Convullions  loit  «Bf  no»!-  noui  un  monn  U'cfrrer  notre  JlniHi/ieMtion.     M.  cte 

itUt  flirte  Ju  cri,   ainli  que  le  Nouvcllille  l'en  a  Montgcron  ,   d'un  bout  à  l'autre  de  les  Oblcrva- 

acculc  par  fa   Feuille  du  ;o.  Septembre  1741.  M.  tiens  ,  reprcfente  l'oeuvre  myftérieufe  des  Con- 

«le  Monti;eron  n'a  prétendu  rien  dite  de  plus  que  vullions  coirtme  une  oeuvre  SiiTibolic]uc  qui  nous 

ce  que  diloit  tcu  M.  Colbert  Ev£que  de  Montpei-  annonce  la  proxin.ite  des  grands  Evenemcns  pre- 

licr  ,  que  nous  devons  Jen»fr  toutt  notre  ntitntitn  dits  par  les  anciens  Prophètes  ,  par  S.  Paul  ,  par 

Je- 


I 


l-DE'E    VE    rOEVrRB    DES    CONrUlSIONS.  5-7 

-Quantité  d'autres,  il  commença  par  y  manitèfter  fa  préfence  de  la  manière  la  plus 
,  claire  8c  la  plus  briUanta 

■_  Ce  fut  d'abord  pai-  de  très  grands  Miracles  ,  par  des  guérilbns  fubites  &  parfeites 
de  maux  notoirement  incurables,  qu'il  fit  connoître  qu'il  agitTolt  dans  cette  œuvre 
&  que  les  ConvToliions  étoient  ion  ouvTage  ,  ayant  voulu  opérer  ces  guérilbns  Mira- 
culeufès  par  des  mouvemens  con\'ulfifs ,  qui  en  étoient  viliblement  le  moyen  phylî-. 
que,  8c  qui  prouvoient  par  conféquent  qu'il  en  étoit  lui-même  le  moteur. 

Mais  comme  cette  œuvre  ei\  ime  œuvre  reprélèntative,  une  œuvre  de  fignesSc 
de  Simboles  :  après  que  le  Très-haut  eût  fait  ces  premiers  Miracles ,  qui  étoient  un 
emblème  fenfible  de  la  Converfion  pleine  8c  entière  de  quelques  grands  pécheurs , 
dont  dans  ce  même-tems  il  changea  tout  à  coup  les  fentimens ,  le  cœur  ce  l'ame  ;  il 
voulut  enfuite  figurer  ,  par  la  longueur  8c  l'imperfedUon  du  moins  apparente  d^  j)iu- 
fieurs  autres  guérifons  opérées  par  les  mêmes  mouvemens  convuHlfs ,  la  lenteLir  du 
cdmmun  des  Converfions  ,  qui  le  plus  fouvent  ne  fe  font  que  par  dégrès  8c  par  deâ 
convuHions  de  l'ame  qui  ne  guérilTent  pas  toujom-s  tous  lès  maux. 

Si  cependant  toutes  les  Converfions  véritables,  quoiqu'elles  ne  foient  pas  entière- 
ment parfaites ,  n'en  font  pas  moins  l'ouvrage  de  Dieu  ;  de  même  les  guérifons  de 
maux  corporels  ,  lorfqu'elles  n'ont  pu  le  faire  que  par  un  pouvoir  au  delfus  de  tous 
les  reflbrts  8c  de  tous  les  agens  qui  font  dans  la  nature  ,  n'en  font  pas  moins  Miracu- 
kufes,  quoi  qu'eUerne  foient  pas  entières  Se  fubites. 

Bien-tôt  après  Dieu  voulut  nous  faire  comprendre  que  dans  fes  profonds  confeilj 
les  Convulfions  avoient  une  autre  fin ,  un  autre  objet  bien  plus  grand ,  plus  magni- 
fique 8c  plus  intèrellànt  que  la  délivrance  des  maux  du  corps.  Polu"  nous  en  aver- 
tir il  envoya  des  Comoilfions  à  plufieurs  perfonnes  qui  joulifoient  d'une  fanté  parfai- 
te ,  8c  qui  ne  fe  tenoient  profternées  au  pied  du  célèbre  Tombeau  que  pour  y  pui- 
1èr  des  grâces  lî^irituelles.  Ainfi  ces  Convuliions  fiarent  la  fuite  8c  l'erfèt  de  leurs  fer- 
ventes prières ,  au  milieu  defquelles  ces  perfonnes  fe  trouvèrent  agitées  de  mouvemens 
cônvulfifs  dans  le  tems.  même  qu'elles  répandoient  leur  cœur  devant  Dieu  en  lui  ex- 
polànt  les  miféres  de  leur  ame,  qu'elles  le  conjuroient  de  les  conduire  lui-même  au 
port  du  làlut  par  les  voies  qu'il  lui  plairoit  de  choilîr  ,  8c  qu'elles  imploroient  l'inter- 
ceffion  du  Bienheureux  AppeUant  dont  le  Très-haut  fe  plaifoit  à  manifefter  le  crédit 
par  une  multitude  de  Miracles. 

Pendant  toute  cette  première  époque  des  Convulfions  qui  dura  fix  à  fept  mois  ,  le 
(pedlacle  admirable  de  tant  de  Men.?eilles  que  le  Tout-piuflànt  opèroit  coup  fur  coup 
Ibit  par  des  mouvemens  convuUifs,  foit  fans  Convulfion,  frappa  d'une  elpèce  de 
llupeur  tous  les  Conftitutionnaires,  leiu-  fauteurs  8c  adliérans. 

Quoiqu'ils  flillènt  outrés  de  dépit  contre  ces  Décifions  du  Souverain  Juge  ,  ils  le 
lèntirent  néanmoins  comme  forcés  de  céder  à  la  crainte:  l'effroi  les  iaifit  malgré 
eux  :  la  terreur  s'empara  même  des  chefs  de  leurs  guerriers.  Le  Dieu  des  armées  les 
contraignit  de  refter  dans  Finadion  :  fa  préfence  fenfible  dans  le  célèbre  Cimetière 
ayant  répandu  le  trouble  8c  l'épouvante  dans  le  camp  ennemi ,  tandis  qu'elle  com- 
bloit  d'une  joie  inexprimable ,  d'une  vive  reconnoiiTànce  8c  d'une  admiration  remplie  du 
plus  profond  refpeèt ,  tous  ccllx  qui  étoient  attachés  à  toute  Vérité.  Aulïi  prioit-on 
dans  ce  faint  lieu  avec  la  ferveur  la  plus  ardente  ;  8c  la  vue  des  Merveilles  que  Dieu 

opé- 

Jefus-Chrift  même.  A  quoi  il  ajoute  que  les  ex-  cheurs  ont  déjà  été  convertis.  En  même  tems 
iiortations  des  Convulhonnaires  à  s'y  préparer  ,  il  ne  dilTimulc  aucun  des  voiles  ténébreux  dont 
font  d'autant  plus  utiles  Se  plus  frappantes  ,  que  Dieu  a  permis  que  cette  œuvre  fût  en  partie  cou- 
leurs Difcours  l'ont  très  fouvent  accompagnés  de  veite.  Au  refte  il  fe  juftifie  dans  le  Tome  111. 
grands  Prodiges  &  de  Miracles  proprement  dits,  contre  les  imputations  du  Nouvellifte  &  de  Ion 
à  la   vue  defquels   nombre  d'incrédules  &  de  pé-  Confeil.   Hôte  de  l'i.dittHr.'] 

Obfervat.  I,  Part.  Tome  II,  H 


5-8  JDE'E    DE     L'OEUVRE    DES    CO  NFULSIONS. 

opcroit  prcfque  continuellement  failbit-elle  fondre  en  larmes  la  dureté  des  cœurs  de 
quantité  de  pécheurs  ,  fubjuguoir-elle  des  c:|'rits-forts  ,  renverfbit-ellc  des  Dciftes, 
&  terralToit-elle  des  Athées.  Les  faints  cantiques  qu'on  y  recitoit  fans  ceflè ,  la  piété 
qui  y  brilloit,  l'édification  qui  y  re^noit,  tout  j^ortoit  les-ames  à  s'élever  vers  Dieu, 
tout  excitoit  les  cœurs  à  lui  offrir  des  vœux,  &  tout  paroilîbit  de  concert  à  lui  de- 
mander par  Jéfus-Chrift  &  j-)ar  l'interceffion  de  fon  fcrviteur  ,  que  ceux  qui  combat- 
toient  la  Vérité  reftalTent  immobiles  comme  une  pierre  :  Fiant  immobiles  quaft  lapis. 

Mais  d'autre  part  ces  Converfions,qui  attachoient  journellement  à  l'Api^el  des  per- 
fonnes  de  tout  état ,  dont  plufieurs  ne  connoilTbient  auparavant  ni  la  véritable  piété 
ni  l'cfprit  de  la  Religion ,  ne  firent  qu'augmenter  le  chagrin  &  le  dépit  que  les  Ad- 
verfaires  de  la  Vérité  avoient  déjà  conçii  contre  les  Miracles  &  les  Convullions  :  ils 
(buhaitoient  de  tout  leur  cœur  que  d'épaiilès  ténèbres  vinfïènt  bien-tôt  obfcurcir 
ks  traits  de  lumière  répandus  par  les  Miracles ,  &  ils  briiloient  d'impatience  de  fà- 
risfaire  leur  animolité  contre  les  foibles  Inftrumens  fur  lefquels  le  Très-haut  agilTbic 
viliblemenL 

Dieu  dans  fa  colère  n'a  que  trop  exaucé  leurs  défirs,  mais  ce  n'a  été  que  dans 
les  tems  arrêtés  par  fes  confeils.  Car  il  entre  dans  l'ordre  ordinaire  de  fa  Providence 
que  la  Vérité  paroifTe  dans  tout  fon  jour,  avant  qu'elle  Ibit  couverte  de  voiles:  &  ce 
n  eft  qu'après  que  les  hommes  fe  font  rendus  abfolument  indignes  de  la  connoître , 
qu'il  déchaîne  tout-à-fait  le  dragon  infernal ,  &  qu'il  lui  permet  de  faire  fortir  du 
puits  de  l'abîme  les  noires  vajxurs  qui  répandent  une  eiîicace  d'erreur ,  ôc  qui  font 
écliplèr  prefqu'entiérement  la  lumière. 

C'eft  ce  qui  el^  arrivé ,  mais  fucceflTivement  &  feulement  par  degrés  dans  la  fécon- 
de éjxxjue  des  Convullbns  à  laquelle  nous  allons  palier. 


P' 


IL    EPOQUE    DES    CONVULSIONS. 

^Endant  tout  le  tems  marqué  dans  les  décrets  étemels  ,  Celui  qui  infpire  les  de- 

lirs  (Se  les  prières  des  humbles,  &  qui  les  exauce  autant  que  cela  cadre  à  fes 

dellèins,  fufpendit  la  malice  de  leurs  Adverfaires.  Mais  le  moment  de  les  lailTcr  agir 
étant  enlin  venu ,  ils  le  failirent  avec  avidité. 

Voyiint  que  lei  Miracles  de  punition  étoient  très  rares ,  ils  s'enhardirent  &  s'animè- 
rent mutuellement.  Ayant  refufé  d'ou\Tir  les  yeux  à  la  lumière  ,  Dieu  les  laiilà  s'en- 
foncer de  plus  en  plus  dans  les  ténèbres.  Elles  devinrent  li  èpaillès  pour  eux,  que 
s'imaginant  }X)Uvoir  faire  fléchir  l'oix-ration  divine  fous  l'autorité  &  par  les  armes  des 
PuilTances  de  la  terre,  ils  n'épargnèrent  ni  follicitadons  ni  faux  expofés  pour  les  in- 
duire à  déclarer  aux  Convullionnaires  une  guerre  ouverte,  &  à  interdire  l'entrée  du 
refpeèbble  Cimetière  où  Dieu  le  plaifoit  à  faire  èclatter  fes  Merveilles. 

Bientôt  à  force  de  calomnies  ils  les  engagèrent  à  ix)urfui\Te  les  Comoilfionnaires 
avec  une  extrême  rigueur,  &  à  en  faire  mettre  pluiieuis  à  la  BalUlle.  C'ert  ainlî 
qu'on  ef}")èroit  par  la  violence  faire  difparoître  cette  œu\Te  en  {">cu  de  tems.  En  etièt 
c'en  eût  été  un  moyen  intaiUible  11  les  Convullions  n'avoient  {xis  été  fumaturelles: 
mais  ce  Phénomaie  venant  du  ciel ,  quel  moyea  de  l'anèiintir  )  Aulfi  plus  les  Con- 
vullionnaires ont-lis  été  maltraites  ,  plus  leur  nombre  s'eft-il  accru.  Comment  ceux 
qui  les  i")erfècutait  encore  aujourd'hui  avec  tsuit  d'acharnement,  quoiqu'ils  voient  que 
les  plus  rudes  traitemcns  ne  produifent  d'autres  effet  que  d'engager  Celui  qui  }x;ut 
tout ,  à  en\-oycr  des  Convullions  à  plus  de  pcrfonnes ,  ne  font-ils  point  d'attention 

A  A  V.  i«.  ^^^  ce  confcil  de  Gciraaliel  ?   Si  cette  œuvre  vient  des  bom'ws,  elle  fe  détruira. 

«c  39.  '      J^vf  /;  elle  iiicrit  de  Dieu,  vous  ne  fattrtef:>ia  détruire ,  O"  "x-'ous feriez,  même  en 
danger  de  combattre  contre  Dieu. 

^  Apres 


IDE'E  DE  VOEUFRE  DES  CONFULSIONS.  fr> 

Après  ce  premier  coupd'éclat  les  adverfalres  de  la  Vérité  obtinrent  de  ceux  qui 
difpofent  de  l'autorité  duRoi,  uneordonnanceen  date  du  17.  Janvier  172  z.  ornée 
du  nom  refpcétablcdefa  Majellé,  pour  faire  condamner  &  murer  les  portes  du  pe- 
tit cimetière  de  S.  Médard,  &  elle  fût  exécutée  dés  le  ip.  avec  un  appareil  tout  à 
fait  terrible,  avec  un  grand  bruit  militaire,  comme  fi  on  eût  voulu  en  impolcr  à 
cdui^ui  fcul fait  les  merveilles ,  ou  qu'on  eût  craint  quelque  révolte  de  la  part  àe^^'  "''  '*' 
fes  ferviteurs.  Vaine  précaution!  Les  feules  armes  dont  devrais  chrétien'!  font 
ufage  contre  les  Puiffances ,  font  d'ardentes  prières  à  Dieu ,  une  parfaite  confiance 
en  la  providence,  une  entière  refignation  ù  la  volonté  :  &  en  confcquence  une 
paix  inaltérable  dans  la  pérfecution ,  une  humilité  profonde  dans  les  outrages 
une  patience  invincible  dans  les  maux. 

Rien  ne  paroîtfi  foiblc  que  ces  armes  à  des  yeux  charnels  :  mais  c'eft  pour  cela 
•même  que  Dieu  leur  donne  une  force  &;  une  vertu  qui  jadis  a  fubjugué  prcfque 
tout  le  monde ,  &  qui  dans  tous  les  fiecles  rendra  la  ^'érité  triomphante,  qucl- 
qu'opprimée  qu'elle  puifle  être. 

En  effet  qu'cll-il  réfulté  de  toutes  les  violences  que  ceux  qui  combattent  lc«T.™^!f:  ^ 
œuvres  de  Dieu  ont  exercées?  A  peine  eut-on  interdit  l'entrée  du  S.  lieu  que'-s  convun,: 


Dieu  paroiflbit  avoir  choifi  pour  y  opérer  fes  prodiges,  qu'il  les  multiplia  plusm"!'""^'""" 


>  mence   d' 


que    jamais.  treaccompa. 

Un  peu  de  terre  recueillie  auprès  de  l'illuHre  tombeau  fit  éclattcr  les  plus  mer- n"s&Vprf- 
veillcuics  guérifons  dans  tous  les  quartiers  de  Paris ,  6c  jufques  dans  les  Provinces. '^'•^"• 

Des  convulfions  bien  plus  furprenantes  que  toutes  celles  qui  avoicnt  paru  juf- 
qu'à  lors  prirent  tout  à  coup  à  une  multitude  dcperfonnes:  La  plupart  furent  ac- 
compagnées de  quantité  de  prodiges  admirables:  plufieurs  miraculés  qui  n'en 
avoient  pas  eu  au  tombeau  ,  en  furent  faifis  dans  l'Egîife  de  S.  Médard  où  ils  ren- 
doient  grâces  à  Dieu  de  leurs  guérifons  :  d'autres  qui  les  redoutoientfi  fort  qu'ils 
n'ofoient  invoquer  le  B.  Diacre  pour  être  délivrés  de  leurs  maladies ,  furent  guéris 
comme  malgré  eux  par  les  convulfions  :  grand  nombre  en  reçurent  en  récompenfe 
des  prières  qu'ils  lançoicnt  vers  le  ciel  ."^Dieu  en  cnvoiaméme  à  des  enfans  de  l'âge 
le  plus  tendre.  On  a  vu  jufqu'a  de  petits  innocens,  qui  quoiqu'encore  à  la  ma- 
melle, avoient  néanmoins  des  agitations  convuUIves ,  qui  les  faifoient  tomber 
dans  des  extaics  d'une  beauté  raviflantc. 

Parmi  cette  multitude  deperfonncs  agitées  tout  àcouppardesmouvcmenscon-p^^^^^'^'i^-. 
vulfifs  accompagnés  de  prodiges,  il  y  en  eût  quelques-unes  très  rcfpedlables  cnii  u  piûfarc 

tout  fens,  comme  je  le  prouverai  en  fon  lieu.  Mais  il  faut  convenir  qu'en  général  onna'ir7s'da- 
Dieu  a  choifi  les  Convulfionnaires  dans  le  commua  du  peuple:  que  de  jeunes  en- "?."■'« c"o- 
fans  ,  principalement  des  filles ,  en  ont  compolé  le  plus  grand  nombre  :  que  prcf-  ç^^^e'^   " 
que  tous  avoient  vécu  jufqucs-là  dans  l'ignorance  &  l'obfcurité  :  que  plufieurs  é- 
toient  très  diigracics  de  la  nature  :  qu'il  y  en  avoit  qui  hors  de  leur  état  furna- 
turcl  paroidbient  même  imbecillcs. 

Telles  ont  été  la  plupart  des  perfonnes  dont  Dieu  s'c fi:  fcrvi ,  6c  fcfert  encore 
actuellement  pour  fiire  cclattcr  à  nos  yeux  la  puidance.  Non  leulemcnt  il  a  voulu  les 
éclairer  fur  le  champ  par  le  moicn  des  convulfions  :  r  lais  encore  faire  en  elles  2c  par 
elles  des  prodiges  lans  nombre  6c  de  grands  mirac'^s.  Cette  conduite  du  Très-haut 
ne  lurprendra  pas  ceux  qui  aiant  appris  dans  les  Ecritures  qu'il  s'cft  toujours  plû  à 
confondre  l'orgueil  des  hommes  ,  réfléchiront  <"  a'il  a  fouvcnt  choifi  les  petits  pour 
en  fiiire  les  inîtrumcns  de  fes  œuvres.  Il  ram  Je  parmi  le  peuple  ceux  en  qui  il 
trouve  de  l'humilité,  tandis  qu'il  humilie  lui-même  l'œil  altier  des  fuperbes  :  tu 
populum  hutnllem  ftilvum  fecics^  &?  ccuhs  fuptrhoritm  hionlliabis.  C'eft  ce  quiapa-  "  '7-  »  • 
ru  dans  touslcstcms:  6c  fi  iîngulicrement  lors  de  l'établificmcnt  du  Chrillianifme, 

H  z  fclon 


do        TDE'E  DE   LOEUFRE  DES    CONVULSIONS. 
félon  ce  que  l'Apôtre  des  Gentils  écrit  à  l'une  des  Eglifes  qu'il  avoit  (armées  confi- 
i.Ctr.i.ie.iie'rés  ,  mes  frères,  ceux  cV  entre  i-otis  tjtie  Dieu  a  appelles  :  il  y  en  a  peu  de  fages  félon 
la  cbair,  peu  de  puiffans  ^peii  de  nobles.    Aufll  voions-nous  que  dans  la  multitude 
innombrable  de  ceux  qui  embrafTcrcnt  la  toi ,  parmi  lefquels  une  grande  quantité 
de  pcrfonnes  furent  favorifécs  de  dons  fumaturels,  ce  ne  fût  quafi  que  fur  une  po- 
pulace fouveraincmcnt  mcprifée  par  les  grands  du  monde  &  les  Docteurs  de  ce 
tcms-là,  que  le  S.  Efprit  jugea  à  propos  de  répandre  fes  dons. 
XXVIII.       Mais  ce  qui  cft  bien  digne  de  remarque,  6c  qui  mérite  même  une  attention  fîn- 
rf'"r-c'V:'tgulicrc  ,  c'cil  que  Dieu  en  envoyant  des  convullîons  à  tant  de  pcrfonnes,  laplû- 
fi.?-.ra"r7s"&P^'''^  fi  peu  inftruites  qu'elles  n'avoicnt  aucune  idée  du  moins  diftincVe  des  trou- 
lïs»  rendusbles  qui  agitent  TEglife,  leur  a  tellement  ouvert  l'efprit  aux  chofcs  qui  la  con- 
SlI^Appd^cernent  ,  que  ces  Convulfionnaires  ont  eu  aufli-tôt,  du  moins  pendant  leurs  cx- 
tafes  &  leurs  dilcours,  l'intelligence  de  fes  véritables  biens,  &  delà  grandeur 
de  fes  maux.  En  même    tems  le  Dieu  des    vertus    les  a  fi  fort   attacht-s  à  la 
caufe  de  l'Appel,  qu'il  en  a  fait  autant  de  prédicateurs  infatigables.  Remplis  dans 
Vinftant  d'un  courage  qui  paroît  intrépide,  qui  cfl:  très  réel  dans  quelques-uns, 
5<:  qui  dins  les  autres  eft  une  belle  repréfcntation  qu'ils  fe  icntent  comme  forcés  de 
faire  par  une  imprelllon  furnaturcUe  ,  ils  ont  commencé  à  publier  hautement,  & 
continuent  encore  d'annoncer  malgré  la  guerre  qu'on  leur  fait,  les  plus  fortes  £c 
les  plus  importantes  Vérités  qu'ils  n'ont  pu  apprcndi'e  aiiflî  fubitement  que  de 
celui  qui  éclaire  furnaturellement  qui  il  lui  plaît. 

Tout  à  coup  on  a  vu  cette  troupe  d'idiots  rcpouffer  avec  force  tout  ce  qui 
.s''éleve  contre  la  Vérité.  On  les  a  entendus  avec  joie  ôc  furprife  parler  magnifi- 
quement fur  tout  ce  qui  intérefic  la  pureté  de  la  foi  qu'on  s'efforce  d'obfcurcir , 
5c  prononcer  des  difcours  véhémcns  dans  lefquels  ils  ont  fut  fentir  par  les  traits 
les  plus  vifs,  &  de  k  manière  la  plus  claire,  l'importance  des  Vérités  con- 
damnées par  la  Bulle.  Ils  ont  peint  par  des  images  frapantes  cette  Société  de 
fcducleurs ,  dont  le  Dragon  infernal  ne  ccflé  de  fc  fcrvir  pour  fcmer  des  erreurs 
de  toute  cfpece  fie  fans  nombre  dans  le  fein  de  l'Egtife.  On  a  vu  cette  mul- 
titude d'cnfans  ,  d'ignorans  &  d'imbéciles  s'écrier  de  toutes  parts,  plulîeurs  dans 
un  ftile  fublime  6v  figuré,  rempli  de  paffagcs  6c  d'expreflions  de  l'Ecriture  fain- 
tc.  Ah  Seigneur!  de  nouveaux  Juifs  ont  envahi  vôtre  héritage:  de  nouveaux 
Pharificns  fe  font  emparés  de  vôtre  Temple.  Une  troupe  de  faux  Doéteurs,  exacts 
obfcrvateurs  de  l'extérieur  de  la  loi  6c  les  plus  redoutables  ennemis  de  fon  efprit, 
aféduit  la  plupart  des  Princes  des  Prêtres,  6c  jufqu'au  Souverain  Pontife.  Elle 
leur  a  fait  rendre  inutile  le  premier  de  vos  commandemcns,  le  grand  précepte 
de  votre  amour,  en  leui'  fiilant  adojitcr  fes  traditions  relâchées.  Elle  les  a  hiic 
déroger  au  premier  article  du  Symbole.  Elle  leur  a  fait  mettre  le  libre  arbitre 
à  votre  place.  Suivant  ces  nouveaux  Dofteiu-s  vous  n'êtes  plus  fon  maître,  vous- 
n'êtes  plus  le  Tout-puiffant ,  vous  n'êtes  plus  fon  Dieu  :  vous  n'êtes  que  fontré- 
forier,  chargé  de  lui  fournir  fcrvileraent  vos  propres  tréiors ,  dont  il  hiit  tel  ufa- 
rc  qu'il  veut.  Ce  n*efl:  plus  vous,  c'eff  lui  feul  qui  forme  à  fon  gré  votre  Chrift  . 
c'efl  lui  qui  difpoié  fouvcraincment  des  membres  de  votre  Fils,  6c  lui  doimc  ceu.x 
qu'il  lui  plaît. 

O  Vérité  incamée!  qu'êtes -vous  donc  venu  faire  fur  la  terre?  N'clt-cc  pas 
pour  vcus  faire  un  peuple  d'adorateurs,  qui  animés  de  votre  grâce  loicnt  tou.o- 
brûlans  de  votre  amour?  Qiioi!  n'avez-vous  pas  réprouve  vous-même  ceux  qui 
ne  vous  honorent  que  des.  lèvres,  mais  dont  le  cccur  cil: bien  loin  de  vous  :  aufl]- 
»Mi.  »o,  j.bien  que  ceux  qui  ne  cunnoi [feint  pas  la  jiijiice  tjui  vient  de  ioks  ,  s'efforcent  d'établir 
leur  propre  juflicc  ^  qu'ils  attendent  de  leurs  propres  forces. 

De 


IDE'E  DE  L'OEUFRE  DES  C ONFU LSIONNS.  6t 
Délivrez-nous,  Dieu  Tout-puilTant,  des  pièges  que  tendent  de  tous  côtés 
ces  faux  Apôtres,  qui  ne  font  de  la  Compagnie  de  Jefus  que  comme  Judas  pour 
trahir  la  Vérité.  Délivrez-nous  de  ces  hypocrites  dont  le  maintien  modclle  cache 
fouvent  le  cœur  le  plus  corrompu  :  pieux  par  oftentationj  fimplcs  par  artifice  y 
humbles  par  orgueil;  détachés  de  tout  en  apparence,  &  ambitieux  à  l'excès  i 
pauvres  à  l'extérieur,  &  riches  fans  mefure;  ne  délirant  rien,  &  dérobant  tout. 
Et  ce  qui  eft  bien  digne  de  tels  gens:  corrupteurs  de  toute  morale,  ennemis  de- 
toute  Vérité  ,  perfécuteurs  de  toute  vertu. 

Les  Convulfionnaires  ont  fait  en  même  tems ,  &  continuent  de  faire  les  ta- 
Meaux  les  plus  touchans  de  l'état  oîi  l'Eglifc  eft  préfentement  réduite  ,  &  ils  ont 
annoncé  les  reffources  que  Dieu  a  préparées  pour  rétablir  toutes  chofes.  Par  tous  ces 
traits  accompagnés  d'un  grand  nombre  d'autres  prodiges,  ils  ont  rendu  le  petit 
peuple,  lesplus  fimplcs,  les  plus  ignorans,  aufii-bien  qu'un  nombre  très  confidé- 
rable  d'autres  pcrfonnes,  attentifs  à  quantité  de  grandes  Vérités,  dont  la  pliipart 
n'avoient  qu'une  connoiffimce  très  fuperficicUe  &  fort  imparfiiite:  en  forte  qu'on  peut 
dire  que  par  leur  moien  V Evangile  a  été  annoncé  aux  pauvres.  ^^'  "  ^" 

Mais  afin  que  le  lefteur  ne  puiife  me  foupçonner  de  lui  préfenter  une  fauffe    xxix. 
idée  du  furnaturel  de  cesdifcours,  &  des  autres  prodiges  qui  ont  accompagnérur"'i'-expo're- 
les  convulfions,  je  vais  lui  en  prouver  la  Vérité  par  l'expofé  de  la  Confukationj!*'*  '^°'^- 
même  des  50.  Doéteurs  faite   exprés   pour  les  décrier.     Je  îe  prie   feulementjo!    dqû^ 
de  ne  point  perdre  de  viic,  que  commecctexpoféaétédrefle  avec  beaucoup  d'art^""* 
dans  le  defiéin  formé  de  condamner  les  convulfions,  non  feulement  on  y  a  exa- 
géré à  l'excès  tout  ce  qu'on  a  crû  capable  de  les  rendre  odieuies>  mais  qu'on  n'a 


qui 
quoiqu'il  fut  connu  de  tout  le  monde. 

Cependnnt  malgré  toute  la  partialité  avec  laquelle  MM.  les  Confultans  onc 
fait  cetexpofé  ,  la  Vérité  a  eu  ici  tant  de  force  :  elle  a  fi  bien  percé  les  voiles  donc 
ces  MM.  ont  tâché  de  la  couvrir,  qu'ils  en  ont  encore  avoué  affcz  pour  prouver 
invinciblement  le  contraire  de  ce  qu'ils  avoient  deflein  d'établir. 

10.  La  prétendue  pcrionne  qui  confulte  les  30.  Doétcurs  pour  leur  donner  oc— 
cafion  de  rendre  un  jugement  général  contre  toutes  les  convulfions,  expofe  d'a- 
bord   qu'elle  a  z'û  naître  ces  convulfions  il  y  a  quelque  tems. 

Mais  où  les  a  t-elle  vues  naître?  C'eftcequeces  MM.  ne  jugent  pas  à  propor 
de  lui  faire  déclarer.  Etoit-il  donc  permis,  en  voulant  s'aiToger  le  droit  de  con- 
damner une  œuvre  oi^i  Topérationdivine  eft  marquée  à  plufieurs  traits ,  de  diflimuler  ■ 
que  cette  œuvre  avoit  d'abord  pris  nniiTance  fur  un  tombeau  que  Dieu  illuftroit 
en  même-tems  ptirles  plus  éclattans  miracles?  Que  diroit-on  d'un  Juge  qui  dans 
le  deflein  de  fiire  paroître  criminelles  des  pcrfonnes  qu'il  auroitrcfoludccotidam* 
ner,  fupprimei-oit  les  principales  pièces  de  leurs  déffenfes. 

20.  Le  pcrfonnage  emprunté  fous  le  nom  duquel  ces  MM.  font  Texpoféde  leur 
confultation  déclareenfuite  :  qu'ila  <?«i  dire  qu'il  s'était  fait  far  des  malades  phcfiems 
miracles  auxquels  il  paroi Ifioit  que  ces  convulfions  avoient  contribué'.,  l^  qu'il  s'en  éioit' 
fait  même  quelques-uns  par  le  minifierc  y  par  l'intervention  des  Convulfionnaires. 

Je  prie  le  leftcur  de  remarquer  avec  quel  art  6c  quelle  adrefie  cet  expofé  cS: 
tourné.  C'étoit  ici  le  point  abfolumenrdécifif.  Dieu  ne  peut  aatorifer les  œuvras- 
du  Démon  par  des  miracles.   Suivant  M.  Pafcal,  les  miracles  difcernent  aux  cBir-'^'^"^^"ï-*%i' 
fes-  doiiieufa  :  ils  ont  l'autarité  fuprême  pour  décider  les  choies- obfcurc? ,  prcc'^'* 

H.  %  qu'ilsi. 


61  IDE'E   DE   rOEUf^RE   DES  CONVULSIONS. 

D>\i.  p.  149. qu'ils  Tont  le  témoignage  de  Dieu  même  qui  ne  peut  induire  en  erreur.  Mais  plus  ce  tc- 
moignage  divin  étoitdécifif,  plus  MM.lesConfultans  i'e  font  trouvés embaiTaH es. 

D  une  part  ils  ont  lenti  que  s'ils  alloient  jufqu'à  avancer  qu'il  n'étoit  pas  vrai 
que  Dieu  eut  opéré  plulicurs  miracles  parle  mouvement  même  des  convulfions, 
6c  plufieurs  autres  par  le  minillcre  des  Convulfionnaires,  ils  rcvokeroient  tout  le 
monde  :  n'y  aiant  prefqu:  pcrfonne  qui  n'ait  connoillancc  de  ces  miracles  :  en- 
ibrte  que  les  plus  grands  ennemis  de  l'Appel  n'oient  eux-mêmes  le  mer  d'une  ma- 
nière précité. 

D'un  autre  côté  ils  ont  bien  vu  que  s'ils  convcnoient  formellement  de  la  Vérité 
de  ces  miracles  ,  il  ne  leur  rcllcroit  plus  d'autre  parti  pour  condamner  les  con- 
vulilons,  que  de  fe  joindre  à  Dom  la  Talte,  &  d'adopter  tous  les  blafphcmcs 
pnr  lefquels  il  a  donné  à  l'Ange  apollàtun  pouvoir  égal  en  quelque  iorte  à  celui 
de  Dieu:  ce  qui  ne  manqueroit  pas  de  rendre  leur  Conlultationtrèsodieufe. 

Le  pas  ctoit  glilVant.  Que  falloit-il  faire  pour  s'en  tirer?  Comment  franchir 
ime  telle  barrière  fi  capable  d'arrêter  une  délibération  proiettéc  ?  Qiicl  confeil 
pouvoit  fuggérer  une  prudence  toute  humaine  !  C'étoit  de  laitier  la  chofc  dans 
le  doute,  £c  de  ne  la  rapporter  que  comme  un  oui-dire.  C'cft  aullî  le  parti  qu'- 
ont pris  MM.  les  Confultans.  Mais  fi  le  fait  principal  qui  auroit  dû  former  leur 
dccifion  leur  a  paru  audi  peu  afluré  que  l'cll:  un  oui-dire-,  quel  poids  peut  avoir 
un  Jugement  doéVrinal  dont  l'unique  fondement  ell  l'incertitude? 

^^.  MM.  les  docteurs  font  avouer  cnfuitc  à  la  pcrfonne  qu'ils  fuppofent  les  con- 
fulter  qu'f//^  a  entendu  plufieurs  fois  des  difcours  qui  lui  ont  paru  fort  au  dcJJ'us  de 
ia  portée  13  de  Vàge  de  ceux  y  celles  qui  les  faifoient. 

Étoit-il  permis  à  ces  MM.  de  palier  lous  filencc ,  ou  du  moins  de  ne  laiiïcr 
anpcrcevoir  que  par  quelques  mots  comme  échappés ,  que  ces  difcours  iî  beaux 
6c  il  lumineux  avoient  pour  but  de  prouver  l'cxaétitudc  de  la  doétrrinc  des  Ap- 
pellans,  la  canonicité  de  l'Appel,  le  devoir  indipenfable  de  s'attacher  inviolablc- 
ment  à  la  Vérité,  8c  de  Çc  foumcttrc  volontiers  aux  humiliations  dont  elle alloit 
être  couverte   encore  plus  que  jamais  ?  Etoit  il  convenable  de  ne    faire  entre- 
voir qu'avec  une  féchercflc  de  termes  fi  villblement  aftcctcc,  que  ces  difcours  fi 
pleins  de  force  &  d'onction  étoient  des  trompettes  éclatantes,  dont  le  Très-haut 
s'clt  fervi  pour  faire  retentir  de  tous  cotés  les  miracles  &  les  prodiges  p.ar  lefquels 
il  canonifoit  hautement  la  pureté  de  la  foi  du  B.  Appellant  :  pour  iairc  publier 
la  ncceflîté  d'imiter  fon  exemple  ce  de  tâcher  de  fléchir  lacolcrc  divine  par  lapc- 
nitcncc,  les  gemiffcmens  &  les  larmes  :  enfin  pour  taire  annoncer  qu'il  ctoit  tcms 
«.le   hâter  par  l'ardeur  des  dcfirs ,  Se  les  prières  les  plus  ferventes ,  la  venue  du 
Prophète  qui  doit  rétablir  toutes  cliofes,  &  faire  triompher  la  Vérité  par  toute 
la  terre?  Qiioi!  Etoit  -  il  donc  conforme  à  la  droiture  ,  qui  doit  être  l'amc  de 
tous  les  jvigemens ,  de  taire  de  fi  beaux  traits,  pour  avoir  plus  de  liberté  de  con- 
damner ce  qu'on  avoit  pris  en  averlîon  ?  Cependant  malgré  une  affectation  fi  mar- 
quée, les  aveux  de  celui  qui  a  dreflié  la  Confultation,  fi  imparfaits  qu'ils  loient, 
fuffifent  encore  pour  fiirc  fentir  le  faux  de  la  dccifion  des  Confultans:  carcll-il 
poflible  de  douter  que  des  difcours  fort  au  defj'us  de  la  port  ce  (J  de  i'à^e  de  ceux  13 
celles  qui  les  faifoient  n'cuflent  quelque  chofc  de  furnaturel,  à  n'en  ju"er  même  que 
fur  cet  expofé  ?  Or  ce  furnaturel  dans  des  difcours  dont  l'effet  a  étc  de  porter  U 
lumière  dans  les  efprits  &  le  feu  de  la  charité  dans  les  cœurs,  peut-il  eue  attribué 
au  Démon?  Mais  combien  ce  furnaturel  auroit-il  paru  avec  plusd'ccbt,  fi  com- 
me on  le  dcvoit ,  on  eût  fait  ajouter  au  perfonnage  parabolique  qui  a  requis  la 
Confultation,  ce  qui  cft  de  la  connoiffiuice  de  lous  ceux  oui  ont  luivi  i'auvre, 
qu'il  y  a  un  très  grand  nombre  de  difcours  d'une  bcaulc  parfaite  :  que  ccua  ik 

ccl- 


f 


IDE'E   DE   L'OEUFRE   DES   CONVULSIONS.  6^, 

celles  qui  les  faifoient  étoicnt  pour  la  plupart  des  perfonnes  fans  éducation, f-ins 
étude  ,  fans  aucun  talent  naturel  :  &  que  dans  ce  nombre  même  il  y  a  eu  des  en- 
fans  de  15.  14.  6c  If. ans,  qui  ont  fait  pendant  fort  long-tcms  fans  manquer  unfeul 
jour,  des  difcours  quelquefois  très  profonds ,  très  frapansSctrèsfublimes  qui  du- 
roient  fouvent  plus  d'une  heure ,  fur  des  points  très  intcreffans  ? 

Ce  feroit  une  mauvaife  défaite  de  recourir  ici  à  un  imagination  échauffée.  //  ejl 
impojfible  que  V  'nnagijw.tion  difoit  feu  M.  de  Montpellier,  puijfe  pro)duire  de  ft  belles 
cbefes.  L'imagination  peut  bien  fournir  quelques  traits  à  une  perfonne  fans  fcicn- 
ce:  mais  il  n'eft  pas  pofîîblc  qu'elle  lui  fournifle  régulièrement  tous  les  jours  pen- 
dant un  fort  long  -  tems  des  difcours  d'une  heure  êc  plus ,  auffi  fuivis  que  le  font 
ceux  d'un  grand  nombre  de  Convulfionnaircs.  On  ne  peut  donc  s'empêcher  de 
reconnoîtrc  qu'il  a  fdlu  néccffairement  que  ces  Convulfionnaires  aient  été  éclai- 
rés de  quelqu'illumination  fupéricure.  Aufll  MM.  les  Confukans  confentent- ils 
far  rapport  à  ces  difcours  de  recourir  à  un  agent  furnaturd  ^  pourvu  qu'il  foit  fort^^f.'  ^^^ 
difiingué  de  Dieu. 

Mais  comment  cft-il  poffible  que  des  Appcllans  lai/Tcnt  entrevoir  qu'ils  font 
difpofés  à  foutenir  cjue  c'eft  le  Démon  qui  a  lî  bien  inflruit  cette  troupe  d'enfans  , 
d'ignorans  &  d'imbéciles,  plutôt  que  d'attribuer  à  Dieu  ce  qu'on  a  vu  de  plus 
édifiant  dans  les  convulfions  ?  Quoi  !  oferoicnt  -  ils  donc  convenir  que  c'eft  cet 
cfprit  de  mcnfonge  qui  leur  a  fait  découvrir  le  venin  de  la  Conftitution ,  prou- 
ver la  jufticc  5c  la  nécclTité  de  l'Appel,  8c  inftiiiire  le  peuple  de  toutes  les  Vérités 
eflcntiellcs  au  falut  profcritcs  par  cette  Bulle  ! 

Qii'il  eil  digne  au  contraire  de  la  grandeur  &  de  la  figeffc  de  Dieu,  tandis  que 
plufieurs  de  ceux,  qui  autrefois  défendoientla  Vérité  avec  tant  d'éclat,  font  de- 
venus muets  pour  elle,  ou  n'en  parlent  plus  qu'en  bégaïant:  êcqui  dans  la  crain- 
te de  déplaire  aux  puilTances  de  la  terre,  n'ofcnt  même  tirer  avantage  des  mira- 
cles que  la  bonté  divine  prodigue  pour  Autorifer  leur  Appel:  Qu'il  cft  digne, 
dis-je,  de  la  juftice  du  Très-haut  &  de  fa  puifl'ance  ,  de  laiffer  là  les  timides  qui 
n'ont  plus  la  fainte  audace  de  foutenir  fa  caufej  ôc  de  faire  parler  des  pierres, 
en  ouvrant  la  bouche  à  des  enfans,  à  qui  il  donne  en  même  tems,  du  moins  à 
plufieurs  d'entre  eux,  un  zélé  &  un  courage  que  rien  ne  peut  ébranler  ! 

40.  La  prétendue  perfonne  qui  femble  confulter  déclare  :  ap.'elle  était  touchée 
d" entendre  ces  Convulfionnaires  parler  de  la  venue  d' Elle  ^  6?  de  la  converfion  pro- 
chaine des  Juifs ,  du  renouvellement  de  l'Eglife  ^  (^  de  la  nécejftté  de  fe  préparer  par 
la  pénitence  k  ce  grand  éiénement. 

Mais  par  qui  ces  prédiftiuns  fi  intéreflantcs  Sc  fi  dignes  de  toute  notre  attention: 
font-elles  faites  !  Par  une  multitude  de  perfonnes  que  Dieu  iufcite  tout  à  coup  ^ 
dont  la  plupart  ne  favoicnt  feulement  pas  le  moment  d'auparavant,  qu'ilyavoit  ^^^^ 
un  Prophète  que  Dieu  avoit  refervé  pour  rétablir  toutes  chofes.  t.  si. 

C'eft  par  ces  ignorans  que  Dieu  nous  fait  expliquer  les  prophéties,  5c  en  même 
tems  il  leur  donne   des  talens  dignes  d'admiration  pour  exhorter  à  la  pénitence- 
de  la  manière  la  plus  patétique  6c  la  plus  touchante,  6c  leur  en  fait  pratiquer  li- 
eux-mêmes  de  fi  auftercs  5c  de  fi  cxceÛives  qu'elles  paroiflcnten  plufieiu's  fur— 
pafler  les  forces  de  la  nature. 

fo.  Cette  perfonne  apocriphe  déclare  à  la  place  de  MM.  les  Confulcans  :  qu'- 
tlleles  a  vues  (les  Convulfionnaires)  dans  une  efpéce  d'e.rtafe  adrejfer  à  Dieu  desprierei^ 
très  vives  ^ faire  à  ceux  qui  étaient préfens  ydes  exhortations  très  belles  ^  trè  f  fervent eU- 

L'extafe  eft  un  état  furnacurel  qui  ne  peut  venir  que  de  Dieu  ou  du  Démon. 
Mais  peut-on  croire  que  ce  foit  fatan  qui  f-àlt  adrejèr  à  Dieu  des  prières  très  vives,- 
&  {ùt  faire  aux  hommes  des  exhortations-  irèj  belles  G"  très  ferverJes Csxis  mélange- 

d'aaa- 


6±  IDE'E  DE  VOEUP'RE  DES  CONFULSIONS. 
d'aucune  erreui?  Exhortations  dont  Dieu  s'eft  Icrvi  pour  éclairer  &;  convertir 
quantité  d'incrédules  6c  de  pcchcurs.  Ccquiclt  fî  public  que  M.  Poncet  ne  craint 
7  tmrc.  point  d'atteilcr  :  qu'il  y  a  aujourd'htiy  un  grand  nombre  de  perfonnes ,  qw,  n'ont  été 
'''^'  '  '  ■  injîruitcs  que  par  les  convulfions ,  ou  qui  n'ont  été  touchées  qu'à  leur  occafion ,  que  Vefprit 
v.m.-x\\M.dc  Dieu  a  conduit  dans  la  retraitepour  y  mener  une  "vic  pénitente  :  ce  quiellmêmc 
I».  19-      avoué  par  les  ennemis  les  plus  déclarés  de  l'œuvre  des  convulfions. 

Depuis  quand  l'Ange  de  ténèbres  devenu  tout  à  coup  un  véritable  Ange  de 

lumière,  travaillc-t-il  avec  tant  d'efficace  à  faire  connoître  la  Vérité,  &à  faire 

cmbrafTcr  la  pénitence  ?  Comment  au  contraire  ne  pas  recoanoitre  ici  l'opcra- 

jc«n  ;.  8.  j.jp[^  jg  l'Efprit  f.iint  qui  fou ffi<  où  il  "veut ,  qui  fait  annoncer  la  Vérité  par  quiii 

hii  plaît ,  Se  qui  feul  convertit  les  cœurs  ? 

6^.  Cette  pcrfonne  parabolique  déclare  :  c[VLellea  entendu  prédire  des  événemens 
futurs  tj-ès  inicrcffans  quelles  figuroient par  des  nmrcemens  i3 p^r  des  avions  qui  y 
avcient  une  efpece  de  rapport. 

Mais  clic  auroit  dû  ajouter  que  dans  le  nombre  de  ces éi-énemens  futurs,  iljea 
a  eu  pluficurs  de  publics,  qui  quoiqu'ils  fuilcnt  pour  lors  contre  toute  apparence, 
font  néanmoins  arrivés  avec  toutes  les  circonftanccsannoncécspar  les  Convulfion- 
naires,  ainfi  que  ^e  le  prouverai  par  la  fuite. 

70.  Elle  ajoute  qu'o«  lui  a  dit  que  ces  Ccnvulfionnaires  fe  regardent  i^  font  -regar- 
àces  par  pluficurs  perfonnes ,  comme  defiiiiées  de  Dieu  peur  prédire  13  pour  figurer  parce 
quelles  difenî  i^  par  ce  qu'elles  font ,  ce  qui  doit  arriver  incefamment  à  VEglife  ,  £5? 
qu'elles  font  comme  autant  de  tableaux  anifnés  (^  parlans  qui  repréfentent  de  grandes 
chofes  dont  le  tems  cfl  prochain. 

Ce  caracbere  e 11  vrai  par  rapport  à  plufieursConvulfionnaires  dans  certains  états 
Gii  les  mettent  leurs  convulfions,  6c  clt  fouvcnt accompagné  de  grands  prodiges: 
mais  il  s'en  faut  beaucoup  qu'il  convienne  généralement  à  tous  lesConvuUîonnai- 
rcsj  y  en  ayant  même  quelques-uns  que  le  Démon  a  féduit,  6c  dont  il  fc  fert 
pour  obfcurcir  la  Vérité  8c  répandre  des  nuages  fort  épais  fur  l'œuvre  de  Dieu, 
ce  que  j'expliquerai  dans  la  fuite. 

80.  Elle  déclare  qu'f//f  en  a  fû  quelques-unes  repréfenter  dans  leurs  convulfions 
divers  mifiéres  de  Nôtre  Seigneur  J.  C.  fes fouffrances ,fon  agonie,  fa  mort. 

La  pcrfonne  à  qui  le  rôle  de  confulter  a  été  dévolu,  auroit  du,  pour  mettre 
les  Doétcurs  à  qui  elle  s'addrcfTe  en  état  de  porter  leur  déciilon  en  connoiflancc 
de  caufe ,  leur  expliquer  un  peu  dav;mtage  la  plupart  des  chofes  qu'elle  fcntoit 
ne  pouvoir  fe  difpenfcr  de  leur  cxpofcr.  Par  exemple  ces  reprcfentations  dont  elle 
parle,  n'étoient-elles  que  de  fimples  figures  froides  6c  inanimées?  n'étoient  elles 
fas  au  contraire  fouvcnt  accompagnées  de  caraétcres,  non-feulement  dignes  d'être 
remarqués,  mais  même  évidemment  furnaturels  !  Ne  falloit-il  pas  expliquer,  en 
rapportant  ces  fimboles  fi  édifians,  qu'une  ni;iin  invifiblc  imprimoit  fur  les  corps 
de  certains  Convulfionnaires  à  la  vue  de  tous  les  fpcélatcurs  les  marques  exté- 
rieures des  fouffranccs  de  J.  C.  Qii'on  voioit  d'abord  tous  les  fimptomes  d'une 
vive  douleur  fe  peindre  fur  le  vifagc  de  ceux  par  qui  il  fiiifoit  repréfenter  fa  paf- 
ficn:  qu'on  à  vu  dans  le  creux  des  mains  de  quelques-uns  fe  former  peu  à  peu 
des  tiaccs  précifément  aux  endroits  011  les  clous  avoicnt  percé  les  mains  dcnotre 
divin  Maître,  6c  que  ces  endroits  étoient  dans  prcfquc  tous  les  Convulfionnaires 
en  cet  état,  d'une  fcnfibilité  extrême:  que  dans  le  moment  qui  rcpréfcntoit  i'a- 
conic,  leurs  yeux  s'étcignoient  d'une  manière  l'enfiblc,  6c  dcnuuroient  fixés  6c  à 
demi  fermés:  qu'cnfuitc  une  pi'ilcur  mortelle  couvroit  tout  leur  vifagc,  6c  que 
leur  tête  ne  p  uvant  plus  fc  Ibutcnir  tomboitde  foibicfle  fur  leur  poitrine?  Ces  re- 
prcfentations fi  touchantes  le  font  faites  journellement  pendant  afiéz,  long  tems 

p.a- 


IDÈ'E   LE  rOEUFRE  DES  CONVULSIONS.  6j 

par  plus  de  cent  perfonnes,  &  ont  été  vues  par  un  nombre  innombrable  de  té- 
moins qui  y  ont  reconnu  les  mêmes  traits  qu'on  lit  dans  la  vie  de  quelques 
"Saints  des  derniers  fiecles. 

Scroit-ce  aujourd'hui  le  Démon  qui  s'efForccroit  ainfi  de  nous  remettre  vive- 
ment fous  les  veux  tout  ce  que  le  Sauveur  a  bien  voulu  fbuffrir  pour  nous  retirer  des 
fuppliccs  éternels  de  l'enfer?  Seroit-cedonc  cet  efprit  tentateur  qui  en  nous  at- 
tendriflknt  par  des  images  fi  frapantes  ,  nous  feroit  concevoir  une  horreur  extrême 
du  péclié ,  que  Dieu  a  voulu  punir  d'une  manière  fi  effrarante  jufques  fiir  Ion  propre 
Fils,  parce  qu'il  avoit  voulu  le  charger  des  nôtres?  Les  larmes  que  les  atîiltans 
répandoient  fur  eux-mêmes,  excites  parles  réflexions  qu'un  fpeâ:aclc  fi  touchant 
leur  faifoit  fliire  ,  venoicnt-elles  donc  des  imprefilons  de  l'Ange  apoflat  ? 

po.  MM.  les  Conùiltans  qui  fe  confultent  eux-mêmes  conviennent  par  l'aveu 
de  la  perfonne  qu'ils  font  parler  qu'elle  a  vu  d'autres  Convulfionnaires  q^ni  fai- 
Çoient  le  difceritemenî  des  reUqries  ^  qui  révélaient  des  chofcs  cachées  .y  même  le  fecret 
des  cœurs. 

Le  dernier  de  ces  caractères  auroit  dû  feul  fuffire  pour  pcrfuadcr  MM.  les. 
Confultans  que  Dieu  agilToit  dans  cette  œuvre.  Ignorent-ils  donc  ces  ÎSlaîtres  en 
Ifraël  qui  veulent  s'attrilîucr  le  droit  de  condamner  une  oeuvre  oîi  l'aftiondeDicu 
eft  marquée  à  tant  de  traits  ,  ignorent-ils  qu'il  n'y  a  que  lui  feul  qui  pénétre  le 
fecret  des  cœurs,  comme  il  nous  l'a  déclaré  lui  même?  £or  hominis  infcrutabile  .,^ 
guis  cûgriofcet  illud.  Ego  Dominus  fcrutans  corda.  Si  Dieu  feul  connoît  le  fecret 
des  cœurs ,  lui  feul  peut  le  révéler. 

Je  ne  rapporterai  point  ici  les  prétendus  caraftercs  defavantageux  fur  lefquels 
ces  MM.  tâchent  de  s'appuier  pour  étaier  leur  décifion  ,  cela  demande imc  dif- 
cufiîon  trop  grande  qui  fera  im  des  principaux  objets  des  trois  autres  parties  de  cet 
Ecrit  :  j'obferverai  feulement  en  pafl'ant  que  c'cli  une  erreur  de  fait  démentie  par 
une  infinité  de  preuves,  de  croire  que  les  Convullionnaircs  ne  jouifiént  point  du 
tout  de  leur  liberté  pendant  tout  le  tcms  que  dure  leur  convulfion.  Je  prouverai 
iiii  contraire  dans  la  2.?.  partie  de  cet  ouvrage  que  la  plupart  des  chofcs  qu'ils  font 
en  cet  état,  ne  font  point  produites  par  une  imprcfiîon  de  leur  convulfion  qui  les 
contraint  forcément  de  les  foire,  ou  qui  les  leur  fait  foire  fons  connoillance,  fi 
ce  n'ell:  dans  leurs  extafes  &  autres  états  finguliers  :  qu'ordinairement  elles  font 
feulement  une  fuite  d'une  imprcflion  furnaturelle,  à  laquelle  leur  volonté  con- 
court librement  &  y  mêle  fouvent  du  fien  :  &  même  qu'ils  font  &  difent  plu- 
fieurs  chofcs  qui  ne  partent  que  de  leur  propre  fond,&  qui  quelquefois  ont  leur 
principe  dans  leurs  paflions  :  enfin  que  dans  les  choies  mêmes  où  ils  femblent  n'a- 
gir que  par  Pimpullion  de  la  con^•ulfion,  ils  confervent  encore  le  plus  fouvent 
quelque  forte  de  liberté  :  attendu  que  l'inftinct  de  leur  convulfion  les  détermine 
bien  plus  communément  qu'il  ne  les  force. 

11  fuit  de  cette  Vérité  de  foit  que  l'expérience  rend  inconteftable  ,  que  c'cftla 
plus  mauvaife  méthode  dont  on  puifie  fe  fervir  pour  juger  des  convulfions,  que 
d'attribuer  à  l'inilinct  de  la  convulfion  tout  ce  que  le  Convulfionnaire  peut  foire 
ileTTpréheniible  en  cet  état.  11  fout  au  contraire  prendre  bien  garde  de  ne  pas 
confondre  ce  que  foit  le  Convulfionnaire  par  le  mouvement  de  fa  propre  volonté, 
ou  même  par  les  iuggcftions  du  Démon ,  avec  ccqucrinilinétou  le  mouvemcni 
forcé  de  fir  convulfion  lui  fait  faire. 

Ceux  qui  veulent  exclure  l'Auteur  de  tout  bien  &;  de  toiit«  bonne  penféc  de 
tout  ce  qui  elt  furnaturcl  dans  les  convulfions,  fe  foiulent  principalement  fur 
quelques  aébions  repréhenfibles  qui  ont  été  faites  par  quel^jues  Convulfionnaires, 
mais  il  faut  ici  diftingucr  l'aétion  de  Dieu  des  fautes  de  l'homme ,  &  des  féduc- 

Obfervat.     I.  Part.  Tome  II.  1  tiens 


t6  IDEE  DE   VOEUVRE  DES  CONFULSIONS. 

tions  de  l'efprit  tentateur  :  6c  ne  pas  condamner  7.  ou  800.  pcrfonncs  ,  parmi leP 
quciS  il  y  en  a  pluficurs  d'une  très  grande  vertu,  fur  k  fondement  qu'il  y  en  a 
quelques  unes  dont  la  conduite  eft  blâmable. 
M.pi-r.  3.      Qiron  me  permette  à  cette  occafion  de  faire  tifagc  de  la  réflexion  d'un  Au- 
i^jT&^i  -  - .  ^^^'' •  ^^^'^  '"'^  parufi  belle  Scfijuilcqueie  ncpuis  m'empcchcr  de  la  rapporter  ici 
en  entier.  Voici  comme  il  parle  :  „  On  attribue  au  Dcmon  tout  ce  qui  cmbarrafle 
„  avec  une  facilité  Se  un  mépris  qui  me  font  peur  :  on  ne  fait  attention  ni  au 
„  nombre  ,  ni  à  la  qualité  des  pcrfonncs,  ni  à  la  réunion  de  tant  de  merv'cilles, 
,,  ni  à  l'origine  de  ces  évcnemens.     Il  luHît  d'avoir  remarqué  des  défauts  dans 
„  (certains)  Convulfionnaircs  pour  attribuer  au  Démon  tout  lefumuturel,quel- 
„  que  grand,  quelque  multiplié  qu'il  foit.  On  ne  mefure  point  fes  forces:  il  pour- 
„  ra  tout  :  il  s'emparera  de  ceux  qui  vont  invoquer  Dieu  dans  la  fimplicitéde  leur 
„  cœur  :  il  ira  fe  placer  fur  un  tombeau  oii  Dieu  même  avoit  établi  fon  trône 
„  pour  faire  miiericorde  :  il  profitera  d'un  concours  que  des  miracles  fignalés  y 
„  (avoient)  attiré  pour  féduire  avec  plus  de  facilité:  il  imprimera  fur  un  grand 
„  nombre  de  Convulfionnaires  le  fceau  facré  de  la  Croix  de  J.  C.  il  deviendra  le 
,,  prédicateur  de  l'Appel  &  l'adverfaire  de  la  Bulle:  il  unira  aux  Appellans  tous 
„  ceux  dont  il  fc  fera  faifi  :  il  infpirera  du  refpcél:  6c  de  la  vénération  pour  les 
„  reliques  des  Saints,  6c  pour  tous  ceux  qui  auront  dcifendu  la  Vérité  avec  plus 
„  de  zélé:  il  fera  fur  la  confiance  en  Dieu  ,  fur  fon  amour,  fur  fa  Toute-puifllm- 
,,  ce,  6c  fur  les  autres  Vérités  importantes  de  la  Religion,  les  plus  beaux  dif- 
„  cours:  il  fera  des  prodiges  pour  rendre  fenfiblc  ^obligation  de  faire  pénitence 
„  pour  fléchir  la  colère  de  Dieu  :  il  réiiiîîra  à  la  faire  embraficr  à  un  très-grand 
„  nombre  de  perfonnes.  . .  Enfin  il  fera  des  miracles. 
*c*nVui-     Voilà  jufqu'à  quelexcès  quelques  Appellans  fe  font  portés  , pour  pouvoir cxc- 
lins  ff  i.nicuter  le  dcflcin  qu'ils  avoient  formé  de  condamner inditlinftement  toutes  lescon- 
'°n"emis"'^cVulfions.  Ils  fc  fout  unis  en  ce  point  aux  plus  grands  adverfaires  de  l'Appel,  6c 
lAppçipoïraux  PuilTanccs  qui  veulent  faire  régner  la  Bulle.  Cependant  ces  PuilTances  ne  fe 
ïon'ï'oitwn-'font  irritécs  contre  les  convuHîons,  6c  n'ont  pouriuivi  les  C'onvulfionn;ures  avec 
"»"«»•       tant  de  rigueur,  que  parcequ'ils  font  attaches  par  état  à  la  caufe  de  l'Appel,  6c 
que  Dieu  s'ell  fervi  d'eux  pour  inftruire  une  multitude  de  perfonnes  de  toute 
condition  de  l'importance  des  Vérités  que  la  Bulle  condamne. 
xxxi.        Ces  PuilTances  regardent  avec  raifon  les  Convulfionnaires  comme  les  plus  rc- 
»aiÉ;onna'ir""sdoutablcs  dcs  AppclIans.  C'eft  par  eux  que  Dieu  a  renverfé  le  grand  projet  qu'el- 
fo:.i  1rs  ad- les  avoicut  formé,  de  faire  bien-tot  évanoiiir  tous  les  fruits  de  l'Appel,  6c  d'en 
plu»  redou- anéantir  en  peu  de  tcms  tous  les  plus  lalutaires  errcts,  en    mtcrdilant  lun  aprts 
îo.'eî  "^^  ''l'autre  tous  les  Eccléfiaftiques  attachés  à  la  doélrine  de  l'Evangile  6c  des  SS. 
Pcres.  Elles  efpéroicnt  qu'en  fermant  ainfi  la  bouche  à  tous  ceux  qui  étoient  ca- 
pables d'inflruirc  les  fidèles,  les  Vérités  profcritcs  par  la  Bulle  ceflcroient  bien-tot 
d'être  ccHinucs.  Elles  avoient  réiolu  avec  prelquc  tous  les  Evcques  duRoiaume, 
de  ne  prendre  plus  pour  Minillres  des  Autels  que  descarcailcs  quin'auroient  pc-uu' 
ame  que  l'intérêt  ou  l'ambition  ,  6c  pour  mouvement   qu'une  foumifiion  aveu- 
gle. Elles  fe  flattoicnt  que  par  ce  moicn,  n'y  aiant  plus  perlônnc  qui  fit  con- 
noîtrc  au  public  le  danger  de  prendre  la  Conllitution  pour  règle  de  la  foi,  cette 
fatale  Bulle  rcgneroit  paifiblcmcnt  dans  toute  l'Eglile.  Mais  que  peuvent  tous  les 
efforts  de  la  prudence  humaine  contre  les  décrets  du  Tout-puilfant.  I-e  Saint- 
Efpritaditpour  cetems  aufîî-bienquc  pour  celui  de  J.  C.  par  la  bouche  de  David 
»f  1  I  fci.&  celle  de  S.  Pierre:  Pourquoi  les  nations  fe  font-elles  émues  ;  pourquoi  les  peuples 
k'1',s*"  '-ott-ili  formé  de  v.iius  d-fj'eins  :  les  Rois  de  ta  terre  fc  font  élei-és^  6?  les  Princes  fc 
ftnl  unis  cnfpible.  Mais  le  Seigneur  qui  exauça  la  prière  des  Apôtres  Se  des  fre- 

»» 


IDE'E   DE  rOÊUFRE  DES   CONFULSIONS.  67 

TCS  affemblés,  a  auflî  écouté  la  nôtre.  Il  a  donné  à  ks  ferviteurs  la  force  (Pa;mon-  ^^-^  4  »♦• 
cer  fa  farole  avec  um  entkre  liberté  j  8c  il  a  étendu  fa  main  pour  faire  des  guérifons    '  *"" 
miraculeufes  ^  des  prodiges  13  des  merveilles  au  nom  de  ion  faint  Fils  Jefus  ,pari'in- 
terceffion  du  S.  Diacre  &  autres  Appellans. 

Dans  le  tems  même  que  les  plus  grands  ennemis  de  l'Appel  s'applaudifloient  au 
fond  de  leur  cœur  d'avoir  enfin  trouvé  un  moien  infaillible  de  le  faire  bien-tôt 
difparoître  de  deflus  la  terre  ,  tout  à  coup  deux  ou  trois  cent  bouches  s'ouvrent 
au  milieu  de  ce  peuple  à  qui  on  avoit  commencé  de  ravir  la  lumière,  &  elles 
s'ouvrent  d'une  manière  vifiblement  furnatu relie ,  8c  accompagnée  de  quantité 
d'autres  prodiges.  Dans  tous  les  quartiers  de  Paris  le  venin  que  renferme  la  Bulle 
cft  découvert  par  des  traits  plus  frapans  qu'il  ne  l'avoit  encore  été,  Se  les  Vérités 
qu'elle  condamne  font  publiées  avec  plus  d'énergie ,  font  expofées  avec  plus  de 
force  8c  de  clarté,  font  développées  d'une  manière  plus  fenfible  que  jamais.  Celles 
même  qui  jufqu'alors  ne  paroiflbient  point  à  la  portée  du  peuple,  deviennent  par 
ce  moien  nouveau  fimilieres  aux  plus  fimples.  Pénétrés  d'admiration  de  les  en- 
tendre expliquer  par  leurs  propres  enfans ,  par  leurs  frères  ,  par  leurs  fœurs ,  par 
des  perfonnes  qui  leur  font  entièrement  femblables ,  &  qui  n'avoient  pu  les 
apprendre  ainfi  tout  à  coup  8c  d'une  manière  fi  parfaite  que  par  une  voie  furna- 
turelle^  ils  écoutent  ces  grandes  Vérités  avec  empreflement  :  ils  les  reçoivent  avec 
avidité  dans  leurs  coeurs  :  8c  cette  heureufe  difpofition  ouvre  leurcfprit,  Scieur 
donne  une  intelligence  pour  les  comprendre ,  bien  au  delà  de  ce  qu'on  auroit  cru 
■qu'ils  en  eufient  été  capables.  C'eft  ainfi  que  l'Auteur  Tout- puiflant  d'une  fi  gran- 
de merveille  touche  leurs  cœurs  en  même  tems  qu'il  éclaire  leurs  efprits.  Aufli 
quoique  les  Convulfionnaires  publient  les  maximes  les  plus  contraires  à  la  cupi- 
dité ,  la  plupart  de  ceux  qui  les  écoutent ,  loin  d'en  être  rebutés,  fentent  une 
onétion  qui  coule  jufqu'au  fond  du  cœur,  qui  les  attendrit,  qui  les  touche,  8c  qui 
leur  fait  goûter  avec  plaifir  la  plus  pure  morale  de  l'Evangile,  quoiqu'elle  bleffc 
fi  fenfiblement  l'intérêt  de  toutes  les  pafiions. 

Cependant  l'éclat  5c  l'imprcfiion  que  fait  ce  prodige  fe  répandent  de  tous  côtés  : 
la  renommée  le  publie  jufqu'aux  extrémités  de  la  terre.  Pour  lors  le  public  com- 
prit mieux  que  jamais,  que  les  troubles  qui  agitent  l'Eglifc  ne  font  pas  des  quef- 
tions  fpéculatives  qui  n'intéreifent  que  les  Théologiens  ,  mais  que  la  plupart  des 
propofitions  condamnées  par  la  Bulle  font  eflentiellement  l'ame  de  la  Religion, 
8c  que  tous  ceux  qui  portent  avec  foi  le  nom  de  Chrétien  font  obligés  de  s'yinté- 
reffer  plus  encore  par  le  cœur  que  de  toute  autre  manière.  Dès-lors  une  grande 
multitude  de  perfonnes  furent  convaincues  par  les  difcoursdes  Convulfionnaires , 

3ue  la  pénitence,  l'humiliation  ^  la  refignation  la  plus  entière,  dévoient  faire 
eformais  le  partage  de  ceux  qui  défiroicnt  fincercment  leur  bonheur  éternel  j 
que  la  croix  Sc  les  foufirances  ctoient  l'appanage  des  vrais  difciples  de  la  Vérité  cru- 
cifiée, 8c  qu'il  falloit  aujourd'hui  pour  marcher  dans  la  voie  du  falut,  non-feu- 
lement renoncer  à  tout  crédit  ^  à  toute  efpérancc  de  fortune,  mais  même  être 
difpofé  à  fc  voir  dépouillé  de  tout. 

Qiii  n'admirera  que  des  Vérités  qui  paroiflbient  fi  dures  à  la  nature  corrompue, 
8c  qui  font  aujourd'hui  fi  peu  cnfeignées  Se  fi  mal  pratiquées  par'une  grande  partie 
•des  plus  fivans  Théologiens  chargés  par  état  d'en  inltruire  les  autres:  qui  n'ad- 
mirera qu'elles  foient  devenues  le  pain  quotidien  dont  une  multitude  de  perfon- 
nes fc  font  nourries  avec  joie  par  les  mains  des  ConvuHionnaires? 

Il  n'eft  pas  étonnant  que  les  ennemis  de  l'Appel,  aiant  appris  que  ces  inftni- 
mens  de  la  bonté  divine  diltribuoicnt  de  toutes  parts  une  fi  excellente  nourriture , 
aient  pris   la  réfolution  de  les  periccuter  à  toute  outrance-:  mais  qui  peut  voir 

I  i  fans 


tfg  IDE'E  DE  VOEU  F  RE   DES  CONrULS  10  N^. 

fans  la  plus  vive  douleur,  des  Appellans  féconder  cette  violence  par  leurs  écrits 
Se  leurs  calomnicufes  dénonciations  ?  Qiioi  ceux  qui  devroient  être  les  protec- 
teurs ^  les  pères  de  ces  innocentes  victimes ,  qui  s'cxpofent  ainli  pour  h  caufe  donc 
ces  Appellans  fe  font  honneur  ,  font  eux-mêmes  les  premiers  à  les  décrier  6c  à  au- 
torifcr  par  leurs  fuffragcs  &  leurs  cenfures  tém<;rHires  tout  ce  qu'on  leur  faitfouf- 
frir  en  haine  de  la  Vérité  ! 

Auflî  tout  le  poids  de  la perfécution  eft-il tombé  furlesConvulfionnairesScfur 

ceux  qui  les  protègent ,  tandis  que  ceux  des  Appellans  qui  les   condamnent  par 

leurs  écrits  rentrent  en  grâce  auprès  des  Grands  du  fieclc,  qui  les  laiflent  jouir 

tranquillement  de  la  paix  de  ce  monde.  Mais  helas!  que  cette  paix  leur  coûte 

cher!  Feu  M.  l'Abbé  Duguet  en  expliquant  les  paroles  de  J.  C.  dans  l'admirable 

^''»''- ^' '* tcrmon  qu'il  fit  après  la  Cène,  lui  fait  tenir  ce  difcours  :  C'efl  un  fnncjle  préju- 

«h.  4.  a  z  gé  contre  mes  difciples  fi  mes  ennemis  les  laijfent  en -paix.  Et  ce  divin  Sauveur  dit  lui- 

Mst.'iô.ij."'"^"^c:   Celui  qui  xoudra  faU^cer  [ci  vie  ^  la  perdra. 

Le  caraftere  de  publier  hautement,  êc  d'annoncer  fans  aucune  crainte  les  Vé- 
rités importantes  au  falut ,  lorfqu'elles  font  ouvertement  combattues  par  les  Puif- 
fanccs  de  la  terre,  clt  décUîf  pour  fliire  connoitre  quel  cft  l'cfprit  qui  fait  agir. 
Comment  donc ,  lorfque  ce  carafterc  paroît  vifiblcment  en  une  multitude  de 
ConvuUîonnaires ,  peut  -  on  s'obilincr  à  ne  pas  voir  que  Dieu  donne  prefquc  fans 
ceflc  des  preuves  de  fon  opération  dans  cette  œuvre?  s'il  n'y  a  qu'un  petit  nom- 
bre de  Convulfionnaires  qu'il  ait  gratifiés  par  une  grâce  permanente  d'un  coura- 
ge à  toute  épreuve,  du  moins  fe  fert-il  de  !a  plupart  pour  faire  retentir  publi- 
quement la  Vérité  de  tous  côtés. 

•  Il  cil  manifelle,  il  eil  vilîble  que  pluficurs  Convulfionnaires  font  forcés  parunc 
imprelllon  furnaturcUc  de  dévoiler  au  public  les  égarcmcnsoii  la  Bulle  peut  préci- 
piter, &  d'y  répandre  la  connoidance  des  Vérités  qui  font  condamnées  par  ce 
funeftc  Décret.  Mais  ce  qui  ell  bien  digne  de  remarque,  l'inilinétde  leur  con- 
vulfion,  en  éclairant  leur  efprit ,  forme  en  méme-tcms  les  fentimens  de  leur 
cœur,  du  moins  pour  te  moment  où  ils  reçoivent  la  lumière,  &  dans  plufieurs 
ces  fentimens  demeurent  dans  toute  leur  force.  Non-i'culement  de  jeûnes  enfans 
oui  à  peine  lavoicnt  les  premiers  élemens  de  la  Religion,  &  qui  n'étoient  nul- 
lement au  fait  des  combats  qu'on  livre  à  la  Vérité  dans  le  fein  même  de  l'Egli- 
fe ,  s'en  font  trouvés  tout  à  coup  parfaitement  inllruits  dans  le  moment  que 
i'inilinftde  leur  convulfion  leur  a  tait  prononcer  leurs  diicours  :  mais  ils  fe  font  en 
méme-tcms  fcntis  attachés  furnaturcllemcnt  à  la  caufe  de  l'.'lppel  d'une  manière 
vive  ôc  durable:  &  ce  qui  cil  encore  plus  furprcnant  &  plus  merveilleux,  la 
même  cliofc  cil  arrivée  à  d'autres  perfonncs ,  qui  avant  d'avoir  cû  des  couvulfions 
ctoient  dans  des  fentimens  tout  contraires. 

.  C'eil  un  fait  d'une  notoriété  publique  que  quiconque  devient  Convulfionnaire, 
fe  trouve  auflî-tôt  intimement  lié  à  la  caufe  de  l'Appel  parunc  impreilion  furna- 
turcUc de  cet  état:  cnfortc  que  s'il  étoit  auparavant  Conllitutionnaire,  fescon- 
vulfions  dès  le  premier  moment  changent  à  cet  égard  tous  les  faux  préjugés  au'il 
avoit.  Se  les  mauvais  fcntimois  qui  en  ctoient  la  fuite}  parccqu'en  répandant 
dans  fon  cfprit  des  lumières  qu'il  n'avoit  pas,  elles  donnent  à  fon  cœur  des  affec- 
tions toutes  différentes  de  celles  dont  fes  préventions  étoicnt  la  fource.  Auflî  des 
au'on  entend  dire  que  quelqu'un  vient  d'être  fiifi  par  des  convulfions,  on  ne 
oute  point  que  fur  le  champ  l'F.fnrit  de  Vérité  ne  l'ait  rendu  très- oppofé  à  la 
Bulle,  quclqu'élnignc  qu'il  eût  été  julqu'alors  du  ianduaire  de  IWppcl.  Ce  fcn- 
timcnt  général  cil  fondé  fur  l'expérience  qui  ne  s'ell  jamais  démentie,  qu'on  n'a: 
¥Û  aucun  vrai  Convulfiounaire  qui  dans  l'inllant  que  lc$  convulfions  l'ont  pris, 

n'aie 


I 


IDE'E  DE  L'OEUF  RE  DES   CONVULSIONS.  69 

n'ait  été  d'abord  fincérement  attaché  à  toutes  les  Vérités  que  la  Conftitution  con- 
damne ,  quoique  plufieurs  d'entr'eux,  &  même  des  plus  confidérablcs,  fuflciit 
fournis  H  ce  Décret  avant  l'heureufe  époque,  où  devenus  l'objet  du  mépris  du 
mon  Je  6c  des  Conlultans,  ils  ont  commencé  à  partager  avec  les  petits  les  lumières 
que  Dieu  donne  par  le  moien  des  convuliîons. 

On  en  voit  entr'autres  un  exemple  bien  marqué  en  laperfonne  de  M.  Fontaine 
ci-devant  Secrétaire  du  Roi,  6c  chargé  des  placets  qu'on  préfente  à  Sa-Majefté. 
Des  fa  plus  tendre  jeuneflc  il  eût  beaucoup  de  piété  :  mais  indruit  p;  r  des  per- 
fonnes  perfuadces  qu'on  doit  une  foumiffion  entière  à  tout  ce  qui  ell  décoré  du 
nom  toujours  refpeftable  du  Souverain  Pontife,  &  ébloui  de  l'accord  apparent 
du  très -grand  nombre  des  Evêques  à  recevoir  la  Conftitution ,  il  crût  qu'une 
obéiflancc  aveugle  étoit  due  à  cette  Bulle.  Dieu  ne  l'abandonna  pas  à  un  fentiment 
fi  dangereux  dans  les  circonftances  préfentes  :  il  lui  cnvoia  des  convulfions  qui 
le  détrompèrent.  En  même  tems  qu'elles  éclairèrent  ion  efprit  d'une  vive  lumiè- 
re ,  elles  embraferent  fon  cœur  d'un  feu  fi  ardent ,  qu'elles  le  détachèrent  auffi- 
tôt  de  tout  ce  qui  ell  périflable  >  enforte  qu'il  en  ell  venu  au  point,  non -feule- 
ment d'abandonner  un  emploi  qui  lui  rapportoit  6000.  livres  d'appointcmcns  ;. 
mais  encore  de  fe  dépouiller  de  fes  biens  pour  mener  une  vie  fi  auilére,  que  les- 
jeûnes  qu'il  fait  paffent  quelquefois  les  forces  de  la  nature. 

On  a  vu  aufïï  plufieurs  Déillcs,  qui  aiant  été  iaifis  de  convulfions,  ont  été 
dans  l'inilant-même  inftruits  6c  perfuadés  de  toutes  les  Vérités  de  la  religion  fo- 
ndement convertis ,  6c  remplis  de  zélé  pour  la  caufe  des  Appellans.  "Tel  étoit 
par  exemple  M.  le  Chevalier  Folard,  qui  avoit  acquis  une  fi  grande  réputation 
dans  les  armées,  où  il  s'étoit  rendu  également  rccommandi-.ble  paria  valeur,  fon 
expérience,.  6c  fes  oavrages  fur  l'art  de  la  guerre,  mais  qui  fivoir  ctî  le  malheur 
de  fe  laiHér  féduire  par  les  lophifmes  des  prétendus  efprits-forts  :  au  moins  étoit-il 
devenu  d'une  fi  grande  indifférence  fur  la  religion  qu'il  n'en  faifoit  depuis  long- 
tems  aucun  aclc,  6c  qu'il  avoit  même  oublié  jufqu'aux  prières  les  plus  communes. 
Dans  cet  état  il  à  plaît  à  celui  qui  lauve  quand  il  lui  plaît,  ôcdontlamiféricorde 
cil  toute  gratuite  ,  de  dillîper  en  un  moment  toutes  fes  erreurs  ou  fes  ténèbres , 
en  lui  envoiant  les  plus  violentes  convulfions  :  de  le  guérir  d'une  partie  des  incom- 
modités incurables  que  lui  avoient  caufé  plufieurs  blclîures  ;  6c  de  mettre  tant  de 
perfeéhon  dans  les  fentimens  de  fon  cœur,  qu'il  a  facrifié  fans  balancer  toutes  les 
cfpérances  de  fortune  que  lui  donnoient  l'éclat  £c  la  longueur  de  fes  fervices,  aux 
clpérances  plus  élevées  que  lui  donne  la  vie  humble,  mortifiée  6c pénitente  qu'il 
mène  depuis  ce  tcms-là. 

Un  moien  fi  efficace  qui  éclaire  1  efprit,  qui  convertit  les  cœurs,  6c qui  atta- 
che à  la  Vérité  tous  ceux  fur  qui  il  agit,  fcroit-il  donc  une  opération  de  Saran? 
Quoi!  feroit-ce  le  ténébreux  Prince  de  l'a'  * 


l'abîme  qui  difliperoit  ainfi  tout  d'un  coup- 
l'aveuglement  des  Déifies ,  qui  les  convaincroit  en  méme-tcms  de  toutes  les  Vé- 
rités de  la  religion,  qui  les  feroit  entrer  dans  le  fein  de  la  lumière,  6c  quichan— 
geroit  tellement  leurs  difpofitions ,  qu'ils  mépriferoient  auffi-tût  tous  les- faix:" 
biens  de  la  terre,.  6c  deviendroient  les  deffenfeurs  les  plus  intrépides  de  la  Vérité? 

Les  plus  ardcns  Conltitutionnaires  qui  ofent  bienferoidir  contre  la  décificndes 
miracles,-  pourroient  peut-être  le  foutenir:  mais  feroit  -il  polfible  que  des  Ap-- 
pell.iiis  en  vinflcnt  au  point  de  nefentir  aucun  remords  d'une  telle  hipothefe  ?  MM.. 
•les  Confultans  font  priés  de  fe  conlûlter  fur  cette  quellion.  Un  cas  fi  impor-- 
tant,  quin'auroit  pas  dû  être  omis  dans  leur  jugement  doèhinal,  mérite  bien.,. 
lUie  Confiiltation  nouvelle. 

Rien  de  plus- admirable  que  le  zèle  que  font  éclatter  plufieurs  de  ceux  que  les-. 

1  5,  coite- 


70  IDE'E  DE  VOEVVRE  DES  CONFULSIONS. 

convulfions  ont  rendu  difciplesde  l'Appel.  Chaque  jour  on  les  voit  marcher  d'ua 
pas  ferme  vers  la  Croix  où  leur  état  iurnaturcl  les  conduit  :  ils  favent  qu'il  n'eft 
plus  pour  eux  dans  ce  monde  ni  fortune,  ni  repos,  6c  qu'une  guerre  violente 
leur  ert  déclarée  par  les  PuilTances  dont  ils  dépendent.  De  tcmsen  tems  quelque 
expédition  nouvelle  avertit  fans  cefle  ceux  qui  n'en  font  point  encore  l'objet ,  que 
leur  tour  ne  tardera  pas.  Déjà  plufieurs  perlonnes  de  mérite  de  l'un  &  de  l'autre 
fcxe  ont  foutcnu  de  grandes  épreuves:  déjà  des  enfins,  de  jeunes  filles  d'une 
piété  exemplaire,  ou  du  moins  de  la  plus  grande  fimplicitéde  mœurs, ont  paffc 
nombre  d'années  dans  des  prifons  rigoureufes,  y  font  encore  retenus,  fans  qu'on 
fachc  quand  ni  comment  leur  captivité  finira.  La  paix  dont  la  plupart  jouiflent 
n'eft-cUc  donc  pas  évidemment  un  don  de  Dieu,  qui  les  foutient  lui-même  dans 
la  pénible  carrière  où  fa  main  les  a  fiiit  entrer. 

Mais  c'en  eft  allez  fur  ce  lujct,  qui  ne  peut  manquer  de  fe  préfenter  encore 
dans  la  fuite  de  cet  Ecrit.    Paflbns  à  ce  qu'il  peut  y  avoir  de  plus  intércflant  pour 
les  fidèles  dans    l'œuvre  des  convulfions,  6c  à  ce  qui  peut  leur  fiure  découvrir 
quel  en  ell  le  but  6c  l'objet  principal  dans  les  dcfieins  du  Très-haut. 
xxxii.       La  plupart  des  Convulfionnaires  après  avoir  fait  dans  leurs  premiers  difcoui-s  des 
rld^cTiorT tableaux  frapans  de  l'extrémité  des  maux  de  l'Eglife,  prédirent  que  lorfquc  la 
desconvui- V'érité  feroit  profcrite  de  toutes  parts,  6c  que  les  plus  zélés  dcffcnfeursTcroient 
fionnaire».  j-^^.  j^  p^jj^j.  j'ètrc  chaflcs  comme  des  hérétiques  de  la  communion  de  l'Eglife  vi- 
W»rc.9.ii.fible,  Dieu  envcrroit  le  Prophète  Elie  qu'il  a  refervé  pour  rétablir  toutes  chofes: 
ils  firent  en  même  tems  des  exhortations  très-belles  £>  très-ferventes,  ainfi  que  l'a- 
vouent MM.  les  Confultans,  où  ils  montrèrent  la  nécciîlté  de  fe  préparer  par  la 
pénitence  à  ce  grand  événement. 

La  prédiction  d'un  événement  fi  peu  attendu  par  le  très-grand  nombre  des  Ca- 
tholiques, quoiqu'il  foit  fi  clairement  marqué  dans  les  Ecritures,  6c  annoncé  par 
la  Vérité  même  dans  l'Evangile,  ne  pouvoit  manquer  de  faire  des  imprefiions  dif- 
férentes fuivant  ladifpofition  des  cœurs.  La  plupart  de  ceux  qui  l'entendirent  la 
regardèrent  comme  une  rêverie,  mais  les  autres  faifant  attention  à  la  promeflcde 
J.  C.  à  l'état  préfent  de  l'Eglife,  6c  aux  prodiges  qui  avoient  accompagné  cet- 
te prédicbion  ;  confiderant  d'ailleurs  avec  étonnement  que  les  difcours  magnifi- 
ques 6c  fublimcs  où  elle  venoit  d'être  faite  en  plus  de  loo.  endroits  diffcrcns  par 
une  multitude  de  perfonnes  prefquc  toutes  fans  lettres,  fans  art,  6c  fans  talcns, 
étoient  eux  mêmes  des  prodiges:  6c  n'oubliant  pas  d'autre  part  que  les  Com-ul- 
fionnaires  qui  parloient  ainfi ,  n'avoient  ni  caraétcre  ni  autorité,  crurent  que  le  par- 
ti le  plus  fage  étoit  d'être  attentifs  à  tout,  perfuadés  que  Dieu  peut  fc  fer\'ir  de 
qui  il  lui  plait  pour  nous  donner  les  avertiircraens  les  plus  importans  ,  comme  il 
fc  fcrvit  autrefois  de  Jcfus  fils  d'Ananus  pour  annoncer  la  ruine  de  Jéruhdcm. 

Cependant  TElprit  de  Vérité  aiant  en  même  tems  fait  prédire  à  plufieurs  Con- 
vulfionaircs  nombre  de  chofes,  dont  l'événement  arriva  peu  après  a  nos  yeux: 
on  eût  encore  plus  d'attention  qu'auparavant  à  ce  qu'ils  avoient  ci-devant  annoncé, 
xxxiii.  Il  cil  vr.ii  qu'alors  plufieurs  perfonnes  éblouies  par  la  julteflc  de  quelques  pré- 
Vita'u."""  dictions  particulières  dont  elles  venoicnt  devoir  l'accomplillcmcnt,  curent  la  té- 
méraire fimplicitéde  coniijlter  les  Convulllonnaircs  fur  lavenir,  6c  de  les  inter- 
roger fur  ce  qu'elles  defiroient  (avoir.  Dieu  punit  enfcmble  &  l'indifcrete  curiofité 
des  uns,  6c  laprcfomptiondcs  autres  qui  avoient  ofc  donner  leurs  propres  idées 
pour  des  tfpcccs  de  révélations:  toutes  leurs  réponfcs  fe  trouveront  fuiiles.  Il 
Icmble  même  que  ces  imprudentes  tonfultations,  6c  les  rcponfes  téméraires  que 
plufieurs  Convulfionnaires  y  firent,  leur  aycnt  porté  malheur.  Depuis  ce  mo- 
ment on  appcrçut  dans  leurs  difcours  bien  plus  de  faullcs  enonciations  qu'il  n'y  en 

avok 


IT>E'E   DE   VOEVrKE    DES    C  0  N  W  L  S  1 0  N  S.        Jl 

avoît  eu  d'abord:  car  il  faut  convenir  que  même  dans  les  premiers,  il  s'y  en  étoit 
quelquefois  glilTé  quelqu'une. 

Au  refte  cen'efl:  pas  un  motif  fufïifant  pour  juger  qu'on  ne  doit  faire  aucune  attention  à 
tout  ce  qu'ils  amx)ncent.  On  n'en  peut  tirer  une  telle  conféquence  que  faute  d'être  au  fait  de 
la  dilïèraice  des  imprelTions  qu'ils  reçoivent  en  faifmt  leurs  difcours.  Il  eft  vrai  que  quelque- 
fois ils  les  prononcent  comme  des  automates,  leur  bouche  formant  leurs  paroles  fans  que  leur 
intelligence  ni  leur  volonté  y  aient  aucune  part.  Mais  le  plus  fbuvent  au  contraire  leur  elî-irit 
eft  feulement  éclairé  par  une  lumière  fumaturelle  qui  leur  fait  appercevoir  tout-à-coup  des 
Vérités  qu'ils  ignoroient ,  des  faits  dans  l'avaiir  qu'ils  n'auroient  pu  deviner ,  &  des  figures 
fimboliques  dont  ordinairement  Us  ne  favent  pas  eux-i%êmes  l'expUcation  :  &  comme  les  ter- 
mes ne  leur  font  pas  toujours  didlés ,  en  ce  cas  étant  obligés  d'exprimer ,  8c  d'expliquer  à  leur 
façon  les  choies  qu'ils  viennent  d'apprendre  ou  de  voir,  ce  qu'ils  en  difent  peut  aifément  fè 
reflèntir  de  leur  ignorance ,  de  leurs  préjugés ,  ou  même  des  fantômes  que  leur  imagination 
peut  en  même  tems  leur  préfenter.  Enfin  même  quelquefois  les  lumières  qui  leur  font  données 
n'éclairent  leur  efprit  d'une  manière  bien  vive ,  bien  lumineulè  &  bien  fènfible  que  pendant 
un  infiant  rapide ,  après'  lequel  il  leur  femble  que  ces  lumières  s'écliplènt  juiqu'à  certain  point, 
ôcfè  confondent  avec  leurs  propres  idées,  enforte  qu'ils  ont  alors  bien  de  la  peine  aies  dif- 
cinguerles  unes  des  auu-es  :  auffi  en  ce  cas  leur  arrive-t-il  fouventde  s'y  méprendre ,  &  de 
joindre  leurs  conjectures  &  les  penfées  de  leur  efprit  aux  connoifTances  furnaturelles  qui 
ne  leur  ont  apparu  que  comme  un  éclair. 

L'aveu  des  Gonvulfionnaires  &  l'expérience  qu'on  en  a  eu ,  nous  aiant  donc  appris  qu'ils 
mêlent  quelquefois  du  leur  quoique  fans  le  vouloir,  avec  les  lumières  furnaturelles  qu'ils 
reçoivent ,  cela  futiit  pour  prouver  parfaitement  qu'ils  ne  font  pas  des  Prophètes ,  &  que  ce 
qu'ils  difent  ne  doit  point  êffe  regardé  comme  intaillible  :  mais  loriqu'on  voit  d'autre  part 
que  ces  mêmes  Gonvulfionnaires  ont  fait  plufieurs  prédicHons  de  chofes  qui  n'avoient  aucu- 
ne apparence ,  8c  qui  néanmoins  font  arrivées  avec  toutes  les  circonftances  prédites ,  enfor- 
te qu'il  eft  évident  que  ces  faits  n'ont  pu  leur  avoir  été  révélés  que  par  Celui  (èul  à  qui  l'ave- 
nir eft  préfènt  de  toute  éternité,  n'y  auroit-il  pas  une  témérité  bien  dangereule  de  rejetter  avec 
dédaintout  ce  qu'ils  ont  annoncé:  fur-tout  lorlqu'un  inftinduniformeleurafait  prédire  la 
même  chofè  généralement  à  tous,  &que  ces  diicoiu's  font  évidemment  furnaturels& pai- 
ent manifeftement  la  portée  de  ceux  qui  les  font  ) 

s  S'il  eft  manifeftequeles Convullionnaires  parlent  quelquefois  par  l'efprit  de  Dieu,  ne 
doit-on  pas  craindre  de  méprifer-ce  qui  vient  de  lui?  &  s'il  nous  eft  d'une  extrême  confé- 
quence de  ne  nous  pas  méprendre  par  rapport  aux  grands  événemens  que  tous  les  Convul- 
iionnaires  nous  annoncent,  n'eft-il  pas  bien  plus  prudent  de  nous  tenir  attentifs,  de  tout 
examiner,  &de  pefer  tout  au  poids  du  Sandluaire? 

Mais  comme  cette  queftion  qui  eft  très  importante,  demande  une  aflèz  longue  difcuffion, 
fur-tout  pour  expliquer  en  détail  toutes  les  différentes  manières,  tantôt  forcées  &  tantôt  li- 
bres, dont  les  Gonvulfionnaires  font  leurs  difcours,  je  reniets  à  en  rendre  compte  dans  la 
iècondc  Partie  de  mes  Obfervations  :  &  je  vais  feulement  rapporter  deux  de  leurs  premières 
prédidUons,  parce  qu'elles  entrent  ici  naturellement  dans  le  fil  de  mon  récit 
-    Quoique  ces  deux  prédiilions  fulTenr  contraires  à  toute  vrai-femblance ,  qui  que  ce  foit   ^^^ty- 
ne  pourra  nier ,  ni  qu'elles  ayent  été  faites ,  ni  qu  elles  n'ayent  été  confirmées  par  l'événement.  dr"1'fvé'-"* 
Toutes  deux  ont  été  publiés  chacune  dans  leur  teins  par  prelque  tous  les  Gonvulfionnaires  "='"^'"'"<^ 
tout  à  la  fois,  aiiifieUes  ont  cû  des  témoins  lans  nombre:  &  par  rapport  à  la  première  on  en^"^'"' 
trouve  des  preuves  ou  du  moins  des  indices  dans  prefque  tous  les  premiers  Ecrits  pour  & 
contre  les  Gonvulfions,mêmeiufques  dans  la  première  dècifionquefeu  M.  l'Abbé  Duguet 
lit  contre  cette  œuvre  de  prodiges. 

MM.  les  Gonfultans  qui  reprouvent  aujourd'hui  fans  diftincTion  tous  les  Gonvulfionnai- 
res, nedèlavouerontpasquedcs  I732.tems  des  premiers  difcours,  lorfquc  prefque  tous 
ceuxqui  étoicnt  attachés  à  la  Vérité ,  Itapiiès  par  l'éclat  des  nou\'caux  prodiges  qui  s'étoient 

joints 


j%         IDE'E    DE    L'OEUVRE    DES    CO  NVULS  IONS. 

joints  aux  convulfions,  ne  témoigiioient  que  trop  de  confidération  auxperfonnesqui  en 
étoient  les  inftrumens:  lors  qu'aucun  desAppellans,  du  moins  à  Paris,  ne  paroilîbieni 
douter  que  celte  œuvre  n'eût  en  pi-emier  Dieu  ix>ur  Auteur;  ces  MM.  ne  difconviendront 
pas,  dis-jc,  que  prelque  tous  les  Convuliionnaires  annoncèrent  qu'un  nombre coniidéra* 
ble  de  ceux  des  Apix:llans  qui  avoient  acquis  le  plus  de  réputation ,  alloient  bien-tôt  les 
traiter  avec  le  dernier  mépris,  ainfiqu'avoicnt  fait  les  ennemis  les  plus  déclarés  de  la  Véri- 
té :  qu'ils  emploieroient  leurs  talens  pour  lâcher  do  couvrir  d'opprobres  ceux  fur  qui  Dieu 
oj->éroitdeschofesmen.-eilleufes:  qu'ils  fe  déchaîneroient  contr'cux  :  &  qu'ils  les  repréferb 
teroient  comme  des  gens  ai  délire  déjà  en  quelque  foite  livrés  au  démon,  A  quoi  ils  ajourè- 
rent qu'il  n'y  auroit  que  ceux  qui  aiment  la  Venté  \>ow  elle  même  &  dans  £ès  plus  grandes 
humiliations,  qui  prendroientleurdeBènfè. 

Tout  le  mondefait  que  dans  letcms  que  cette  prédicHon  générale  fut  faite,  elle  révolta 
quantité  de  peribnnes,  qui  nepouvoient  le  pcrfuader  alors  qu'aucun  des  AppeUans  diftingués 
en  \înt  au  point  de  reprouver  fans  refei^ve  uneœuvre  fi  liée  aux  miracles ,  &  qui  en  eft  elle» 
même  toute  éclatante:  de  deshonorer  par  des  imputations  odieuics  les  inftrumcns  dont  il 
plaifoit  à  Dieu  de  fe  fervir  :  de  les  profcrire  fans  dii  tinclion  ;  &  de  juflifier  par  cette  condam- 
nation, les  jx^rfécutions  que  ceux  qui  combattent  la  Vèité  leur  font  fouHrir.  Cependant 
IV   •  •  ..„..,,  ,.  .•       ^  •.    , 


qui 

puiiqu'U  nous  déclare  lui-même  qu'il  n'appartient  qu'; 
Ifiie  A^-^-:'  j)écouvrez,-nous  ce  qiù  doit  arriver  À  l'avenir-,  &  -aous  j aurons  que  vous  êtes  des 
Dieux  ^  fait -il  dire  à  fon  Prophète  :  Annunciate  qux  ventura  j'unt  m  futur um^  CT 
fciemus  quod  Dti  ejiis  vos.  S'il  n'y  a  que  Dieu  qui  puiiïè  pénéu-er  &  faire  prédire  un 
avenir  qui  n'eft  pas  vrai-femblablc ,  ofera-t-on  attribuer  à  t»n  autre  agent  que  lui ,  une  pré* 
didion  fi  contraire  aux  idées  des  hommes  lorfqu'ellc  a  été  faite? 

Ce  qui  peut  en  quelque  forte  nous  confolcr  de  l'accomplilTement  fi  complet  d'une  fi  trifte 
prédittion,  c'ert  queles  Convuliionnaires  ont  dit  en  même  tems,  que  la  plus  grande  parrie 
des  AppeUans  quifeporteroient  à  les  condamner  ainli  fans  iniféricorde ,  reconnoîtroient  un 
jour  leur  erreur,  (Sclbuttnroient  avec  joie  pour  la  deifenlê  des  Vérités  qu'ils  auroient  eux- 
mêmes  combattues.  ^  ^     .  -• 

Si  cette  première  prédiéHon  fi  jieu  vraifemblable  quand  elle  a  été  faite  a  eâ  une  cxf^ 
cution  11  publique,  li  marquée  5c  fi  littérale;  en  voici  une  deuxième  dont  l'événement 
n'a  été  ni  moins  f;icheux ,  iii  moins  déplorable ,  ni  moins  connu. 
.  Preique  tous  les  Convuliionnaires  annoncèrent  tout  à  coup  en  i  7  3  3.  que  dans  pai  Dieu 
alloit  faire  ennr'eux  un  difcememait  terrible  :  que  ceux  qui  abufoient  le  plus  de  fcs  dons ,  al- 
loient eue li\rés aux  illufions de  fatan :  &  qu'ils  de\-iendroient  les  pnncipaux inftrumens 
dont  cet  Efprit  de  ténèbres  fe  iêrviroit  ix)ur  oblcurcir  la  Vérité  ^  \X)ux  couvrir  des  voiles  les 
plus  épais  les  prodiges  que  le  Très-haut  oi^ére  parmi  nous ,  &  même  les  dcslionorer  auxyeux 

des  hommes.  ,  •     ,    ,        r 

Di  etîct  cet  Ange  apoflat ,  voyant  qu'une  grande  multitude  de  pcrfonnes  embral  loient  la 
Vérité  à  la  viie  des  prodigesqui  accomjxignoient  les  convulùons ,  &  craignant  que  les  lu- 
mières que  tant  de  merwiUes  répandoieiu ,  ne  d  juuililTent  le  fruit  qu'il  tiroii  de  la  Coiîilitu- 
tion,  lit  les  derniers  étions  pour  ivrvemr  pluiicurs  Convullionnaii-cs, 

11  en  a\  oit  déjà  féduit  quelques-iuis  en  leur  perfuadant  que  tout  ce  que  leur  imagi- 
nauon  leur  préiêntoit,  ou  ce  qu'il  leur  fuggèroit  lul-nùmie ,  étoient  d-i>  inl]nrations  di- 
vines: ce  qui  le;  avoit  enflés  d'orgueil,  les  avûit  raîjus  indjciles ,  &  leur  avoit  faic 
commettre  quelque  indécence  fans  fcrupule. 
XXXV         P<-'u  après  la  prédiction  que  je  \ieas  de  rapix)rtct  parut  le  nommé  Frère  Augufiin, 
Aiiiuiiinif.  qui  fe  donna  pour  un  fécond  S.  Jean,  &ixjur  k  précurleur immédiat  du  Prophète  Elie. 
L"i!fic?''        Plufieurs  jîerfonnc-;  ai  qui  j'avois  alors  luie  pleine  conliance,  m'ont  allure  que  ce  Frè- 
re Augaùui  dons  la  vin;  de  suiura  des  dJciplcs  Ck  de  fe  faire  chct  de  paru,  a\'oit  ré- 
digé 


IVE'E   DE  L'OEUVRE   DES  CONVULSIONS.  73 

digé  en  un  fiftême  fui\a  tout  ce  que  l'orgueil  faifoit  penfer  à  ceux  des  Convulfionnai' 
res  qui  vouloient  vivre  dans  l'indépendance  &  faire  prendre  toutes  leurs  fantaifies  pour 
des  inftinds  qui  venoient  de  Dieo.  Elle  m'ajoutèrent  même  que  non  feulement  il  ap>-> 
prouva,  mais  qu'il  augmenta  encore  leur  préfomption  en  leur  donnant  pour  principe, 
que  Dieu  étoit  l'auteur  immédiat  de  tout  ce  qu'Us  penfbient  &  faifoient  pendant  tout  le 
tems  que  duroient  leurs  Convulfions.  Enfin  on  a  publié  de  tout  côté  qu'en  fe  fondant  fur 
cette  maxime  pernicieufe,  il  les  avoitautorifésà  commettre  de  très  grandes  immodefties, 
Ibus  le  frivole  prétexte  quelles  étoient  des  figures  que  Dieu  leurinfpiroit  derepréfenter. 

Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'efique  dans  les  premières  années  où  le  Frère  Auguftin  parut, 
ce  dételkble  liftême  infeâa  l'efprit  &  le  cœur  de  pkiTieurs  Convuliionnaires  &  autres 
perfonnes,  &  qu'adueUenient  il  y  en  a  encore  quelques-unes  qui  en  font  imbues. 

Au  refte  il  y  a  tout  lieu  de  croire  qu'on  a  beaucoup  exagéré  dans  ce  qu'on  a  débi- 
té d'abord  contre  les  Auguftiniftes.  La  calomnie  n'a  pas  épargné  les  Convuliionnaires 
qui  \Tvoient  avec  une  grande  piété  :  peut-on  préfumcr  qu'elle  ait  traité  fiworablement 
ceux  qui,  comme  les  vrais  Auguftiniltes,  donnoiait fur  eux  dettes  grandes  prifes? 

A  l'égard  du  Frère  Auguftin ,  j'ai  une  elpéce  de  preuve  que  du  moms  il  n'a  pas  tou- 
jours perlifté  à  foutenir  les  erreurs  dont  on  accufe  les  Augudiniftes.  Car  les  fontimens 
que  depuis  quelques  années  il  dit  avoir  fur  l'état  des  Convuliionnaires,  font  bien  plus 
fupportables  &  moins  dangereux  pour  les  mœurs  que  ceux  que  cette  fsileavoit  dans  fon 
origine.  Il  avoue  que  les  Convuliionnaires  en  Convulfion  peuvent  dans  certains  mo- 
mens,  où  ils  ne  font  point,  dit-il,  remués  &  conduits  par  l'efprit  de  Dieu,  agir  parleur 
propre  efprit,  &  qu'ils  font  même  alors  capables  de  fe  lailTèr  furprendre  par  toutes  les 
mauvaifes  impreffions  que  Satan  peut  faire  dans  leur  imagination  &  dans  leur  cœur:  enfin 
il  fe  vante  de  publier  lui-même  de  toutes  fes  forces,  qu'il  faut  conduire  les  Convuliion- 
naires par  les  régies,  attendu  l'incertitude  où  l'on  elt  quelquefois  fi  les  inftmîls  qu'ils 
croient  avoir ,  viennent  de  Dieu  ou  noa 

J'ignore  fi  cette  déclaration  eft  bien  fincère,  mais  au  moins  elle  eft  publique  parmi 
ceux  qui  le  fuivent:  ainfi  il  ne  feroit  pas  jufte  de  les  regarder  tous  comme  étant  empoi- 
fonnés  par  la  première  erreur,  qui  a  d'abord  été  la  bafedu  fanatiline  complet  qu'on  ap- 
le  l'Auguftinifme.  Il  faut  au  conti'aire  diftinguer  trois  différentes  clalTès  parmi  eux. 

■  La  première  eft  de  ceux  qui  font  encore  perfuadés  que  pendant  tout  le  tems  qu'un 
Gonvulfionnaire  ell:  en  Convulfion,  il  ne  celle  point  d'être  ibus  la  motion  immédiate  de 
Dieu;  &  qui,  s'appuyans  fur  cette  fmlTè  fuppolition ,  adorent  comme  des  opérations  di- 
vines &  des  paroles  prophétiques  tout  ce  que  leurs  Convuliionnaires  font  &  difent  en  cet 
état.  Ces  fanatiques  ont  même  dans  les  premiers  tems  pou  (Té  li  loin  ce  pernicieux  principe , 
qu'il  les  a  conduit  iufqu'à  divimfer  ce  que  leurs  Convuliionnaires  faifoient  de  plus  blâmable , 
&  jufqu'à  prendre  leurs  imaginations  erronées  pour  des  régies  infiiillibles  de  croyance  &  de 
conduite.  Voilà  jufqu'à  quel  excès  certains  Auguftiniftes  le  font  égarés  :  mais  à  préfent 
il  n'y  en  a  prefque  plus  qui  penfent  de  cette  façon. 

La  féconde  clalîc,  qui  elt  bien  plusnombreufe,  eft  compofée  de  ceux  qui  s'étoient 
d'abord  laiflés  éblouir  par  le  faux  préjugé  qu'il  ne  peut  point  y  avoir  de  mélange  dans  une 
œuvre  où  Dieu  manifelte  fa  préfence  par  des  Prodiges  &  des  Miracles.  Mais  depuis  ils  ont 
eux-mànes  reconnu  par  un  grand  nombre  d'expériences,  que  fouvent  leurs  Convulfion- 
nçdres  agilToient  par  leur  propre  mouvement,  quoiqu'en  Convulfion,  &  même  qu'ils  fui- 
voient  quelquefois  ce  que  leur  didoicnt  leurs  paffions,  ou  que  leur  fuggéroit  l'Efprit  tenta- 
teur. Ceux-là  le  vantent  aujourd'hui  d'être  attachés  aux  régies ,  &  conviennent  que  les  Con- 
vull  ionnaircs  pouvant  fc  tromper  ou  être  féduits  dans  certains  momais ,  on  ne  doit  pas  fuivre 
à  l'aveugle  tout  ce  qu'ils  difent,  quoiqu'ils  reftentd;ins  une  forte  de  Convulfion ,  mais  que 
c'eft  par  les  règles  qu'on  en  doit  juger. 

Ennn  la  trouiéme  claife  eft  de  ceux  qui  n'ont  jamais  donné  dans  aucune  des  illufions 
pernicieufes  qui  ont  d'ab  3rd  été  dans  cette  fecle ,  éc  qui  prennent  pour  des  calomrucs  géné- 

Obj'ervi.u.  I.  Fart.  Tome  II,  K  raie- 


74        I  D  E'E    DE    L'OEU  FRE   D  ES  CONVULSIONS. 

ralement  tout  ce  qu'on  a  publié  contre  les  Auguftiniftes.  L'eftimc  qu'ils  onr  du  Frère  AuguP 
dn  &  de  tous  fes  adhérans ,  leur  fait  croire  que  rien  de  cela  n'eft  ixjfTible  ;  &  les  difciplej>  de 
ce  Convoilfionnaire  qui  dans  les  premiers  tems  font  tombés  dans  quelque  illulion ,  n'ont 
garde  de  les  defàbuler. 

A  l'égard  de  ces  derniers  il  faoit  très  injufte  de  les  regarder  comme  des  fanatiques.  Leur 
erreur  qui  ne  confifte  qu'à  trop  eftimer  le  Frère  Auguftin ,  n'eft  proprement  qu'une  erreur 
de  fait ,  qui  par  elle-même  n'a  rien  de  criminel ,  mais  qui  j^at  leur  être  très  pernicieufè ,  fi  le 
Frère  Augullin  n'a  i'>as  réellement  les  derniers  lèntimens  que  j'ai  rapportés.  Je  crois  auiîi 
qu'en  général  on  doit  juger  favorablement  des  perfonnes  de  la  (ccondc  claflè.  Il  n'appartient 
qu'à  Dieu  de  lire  dans  le  fond  des  cœurs  :  &  il  fuffit  qu'une  perfonne  qui  a  été  dans  quelque 
erreur,  déclare  bien  nettement  qu'elle  n'y  eft  plus,  pour  qu'on  doive  l'en  croire,  à  moins 
qu'on  n'ait  des  preuves  très  fortes  de  fa  dilîimulatioa 

Ainfi  je  déclare  que  fous  le  nom  d'Auguftiniflcs ,  je  ne  parle  que  de  ceux  de  la  pre- 
mière clalfe,  &  que  je  crois  qu'il  n'y  a  proprement  que  ceux-là  par  rapport  auxquels  on 
peut  décider  avec  une  pleine  connoillance  de  caufè ,  qu'ils  font  de  \Tais  fanatiques. 

Peu  après  que  les  premières  erreurs  de  ce  dangereux  fanatifine  le  furent  répandus  dans 
Paris,  ce  qui  fer\it  de  moyen  au  père  du  menfonge  pour  décrier  dans  l'efprit  de  quantité 
dej-^ofonnes  l'œuvre  entière  des  Con\'ulfions,  il  anploya  encore  d'autres  artifices  pour 
jetter  un  voUe  ténébreux  fur  l'objet  principal  de  cette  œuvre.   Ce  rufé  Serpent  fentant  que 
fon  principal  intérêt  étoir  détourner  en  ridicule  la  prédidïon  générale  qui  venoit  d'être 
Maïc  IX.  1 1.  faite  parprefque  tous  les  Convullionnaires,  que  le  grand  Prophète  qui  doit  venir  rétablir 
toutes  chofes ,  alloit  bien-tôt  paroître  :  n'en  trouN'a  point  de  meilleur  mo}en  dans  lès  noires 
profondeurs,  que  de  préfcnter  comme  étant  ce  Prophète,  un  homme  qui  ne  l'étoit  nullement. 
Pour  cet  effet  il  infpira  à  deux  payfanes  d'auprès  de  Troues,  foi-difantes  Convulfionnaires, 
de  publier  dans  Paris  (en  17.^+).  que  M.  Vaillant  étoit  le  Prophète  Elle.  Trois  ou  quatre 
Convulfionnaires  à  qui  ces  deux  hUes  firent  entendre  qu'ils  étoient  deftinés  à  être  fes  pre- 
miers Apôtres ,  fe  joignirent  à  elles,  &  féduifirent  d'abord  plufieurs  autres  perfonnes.  Mais, 
grâces  à  Dieu,  ce  lànarifme  ne  fubiilleplus,  M.  Vaillant  ayant  déclaré  par  écrit  &  très 
prècifémcnt,  qu'il  n'étoit  ix)int  du  tout  le  Prophète  F.lie,  &  qu'il  ne  prètendoit  pas  mê- 
me le  repréfenter  en  aucune  manière.  i 
XXXVI.       Cei->endant  M.  l'Archevêque  de  Sais ,  Dom  la  Tafte  (ou  M.  de  Bethléem)  MM  les  Doc- 
putVtîonsdes  ^^^''^  Confultans  8c  généralement  tous  ceux  qui  réprouvent  toutes  les  ConvuKions  fansnul- 
/<i.iicor.»ui.  le  dillindtion  ni  rélerve,  ont  bâti  leur  fauxSillêmc  fur  la  fuppolirion erronée  qu'il  falloir 
fiomCcs.      confondre  enfemble  tous  les  Convulfionnaires,  fans  vouloir  féparer  des  autres  lesAuguf 
tinififcs  ni  les  Vaillanriftcs.  > 
Corfuita-       MM  les  :;o.  Docteurs  commencent  même  leur  Décifion  par  dire ,  qu'ils  efHment  „que 
-"jj'n^i'c/"  n  pour  fe  former  une  idée  jufte  des  Convulfions,  ileft  nècelfairede  les  envifager  dans  leai 
•73Î.          „  tout,  &deconiidérerqueles  dirtërentes patries  qui  les  compofcnt  concourent  toutes  à 
„  former  une  feule  &  unique  œuvre.  Et  quoique  îespartifansde  cette  œuvre  (difent-ils) 
„  fe  foient  divifés  en  pluiieurs  branches,  &  qu'il  y  en  ait  même  une  qui  doit  être  fon  dii- 
„  ringuée des  autres  parceque  ceux  qui  y  riennent,  reconnoilfant  du  divin  dans  les  Con- 
„  vuU  ions, font  profdiion  de  condamner  tous  les  excès  qui  s'y  rencontrent,  on  ne  yeux  néan- 
„  moins  admettre  les  dilHncHons  &  les  réfer\'cs  qu'ils  voudroicnt  foire:  attendu  que  les 
f,  traits  les  plus  marqués,  &  les  caraâères  les  plus  elîèntiels  font  communs  à  tous  les(>on- 
„  vullionruires.  Ils  font  unis  cntr'eux  par  les  liens  d'unefociétèpaniculièrequialemcmc 
y,  langage,  les  mêmes  vues,  les  mêmes  fonClions:  ils  (è  regardent  &  veulent  qu'on  les  re- 
„  garde  comme  une  troupe  fufatéee.xtraordinaii"cmcnt  de  Dieu  pour  une  même  lin,  com- 
„  me  chargée  d'un  même  minillèrc,  comme  dellinèe  à  annoncer  de  concatles  dcllcins 
„  de  Dieu  llir  fin  Fglife,  à  en  reprclcnter  y^x  leurs  aclions  ik  en  prédire  \^  leurs 
y,  dilcours  uniformes,  les  malheurs  prochains,  &  les  reiTburces  qui  doivent  les  reparer. 
y,  Ils  fc  traitent  de  !•  rires  »!5c  d;:  Sœurs  :  ils  le  rendant  témoignage  les  uris  aux  aut  res 

«  d'être 


IDE'E   DE   L'OEUFRE   DES   CONFULSIONS.  7f 

,)  d'être  animés  de  l'Efpric  de  Dieu,  &  de  parler  en  Ton  nom  :  ils  adoptent  réci- 
„  proquement  ce  que  les  autres  ont  dit  &  fiiit  de  fingulier  :  ils  enprenent  hautc- 
„  ment  la  dcffcnfc.  „ 

J'avoue  que  je  ne  puis  comprendre  comment  on  peut  expofer  fi  hardiment  à 
la  face  de  toute  la  ten-c  des  faits  dont  le  contraire  eft  fi  connu  ?  Quoi  !  cft-il 
vrai  que  ceux  des  Convulfionnaires  qui  font  profeiîîonde  ne  tenir  qu'à  la  Vérité, 
rendent  aux  Auguftiniftcs  &  aux  Vuillantiftcs  \c  témoignage  d'être  animés  de  V Ef- 
frit  de  Dieu ,  i^  de  parler  en  fun  nom  ?  Eil-il  vrai  qu'//;  adoptent  ce  qiî'ih  difent 
^  font  de  fingulier  ^  c'eil-à-dirc  les  erreurs  qu'il  débitent,  les  aétions  mauvaifes 
qu'ils  peuvent  faire?  Eft-il  vrai  qu'/'/^  en prenent  hautement  la  défcnfe  ?  N'efl;-il 
pas  au  contraire  d'une  notoriété  confiante ,  qu'ils  condamnent  hautement  tout 
ce  que  les  Auguiliniftes  &  les  Vaillantiftes  difent  &  font  de  repréhenfible  ? 

Il  y  a  même  une  oppofition  fi  marquée  entre  ces  deux  Seétes  6c  prefque  tous  les 
Convulfionnaires  qui  font  attachés  à  la  Vérité,  qu'à  peine  ceux-ci  peuvcnt-il» 
foutenir  la  rencontre  des  autres ,  ni  refter  tranquilles  dans  un  lieu  oîi  ils  en  trou- 
vent. Quelques  uns  même  des  meilleurs  Convulfionnaires  reconnoificnt  les  Au- 
guftiniltes  &;  les  Vaillantiftes  par  un  preflentiment  d'horreur  qui  les  faifit  lors 
;  qu'ils  envoient,  £c  qui  leur  f\it  deviner  ce  qu'ils  ibnt,  quoi  qu'ils  ne  les  connoif- 

;  fent  pas.  Enfin  il  y  en  a  qui  les  fentent  de  loin  avant  que  de  pouvoir  lesapper- 

cevoir. 

Quantité  de  gens  font  témoins  de  ces  fiiits  ;  je  l'ai  été  moi-même  de  plufieurs. 
J'ai  vu  entr'autres  une  bonne  Convulfionnaire  fouftrir  tout  à  coup  une  peine  ex- 
trême, parcequ'elle  fentoit,  dit-elle,  qu'un  Auguftinifte  approchoit  de  la  cham- 
bre où  elle  étoit.  Une  perfonne  préfente  étant  aufiltot  fortie  pour  voir  fi  quel- 
qu'un de  cette  feftc  p.ifibit  eft^ectivement  prés  de  cette  chambre ,  en  trouva  un 
bien  connu  pour  tel,  qui  étoit  encore  à  plus  de  dix  pas ,  &  qui  n'avoit  pu  être 
vu  par  la  Convulfionnaire. 

Voici  un  autre  fait  encore  plus  marqué,  dont  j'ai  auffi  été  témoin.  Le  frère 
Amable,  que  les  Vaillantiftes  regardent  comme  leur  premier  Apôtre,  étant  en- 
tré dans  la  chambre  d'une  Convulfionnaire  de  laquelle  il  n'étoit  nullement  con- 
nu :  dès  qu'elle  l'apperçût  elle  s'écria  avec  un  air  d'effroi  peint  fur  fon  vifigeSc 
vivement  repréfenté  par  fes  geftcs,  qu'on  em.pêchât  cet  homme,  qu'elle  mon- 
troitau  doigt,  d'approcher  d'elle,  déclarant  qu'elle  voioit  un  Demoh  fortirde  fa 
bouche.  Le  frère  Amable  aiant  néanmoins  voulu  avancer ,  elle  redoubla  fi  fort  fes 
cris,  qu'il  fût  obligé  de  fortir  tout  couvert  de  confufion. 

Voilà  quelle  eft  l'union  qui  fe  trouve  entre  ces  Convulfionnaires  ^\  diamétrale- 
ment oppofés  de  fcntimens.  Au  furplus  il  eft  arrivé  un  fi  grand  nombre  de  pareils 
faits,  qu'il  n'eft  guércs  pofiible  qu'ils  foient  entièrement  ignorés  de  ceux  qui  ont 
du  connoitre  à  fond  l'état  des  chofes,  avant  de  juger  &  de  condamner. 

Comment  donc  ofe-t-on ,  dans  le  tems  que  Dieu  lui-même  paroit  avoir  mis  une 
oppofition  marquée  par  des  im  préfixons  furnaturelles  entre  ces  differens  Convulfion- 
naires afin  qu'on  ne  pût  s'y  méprendre;  comment  ofe-t'on  publier  qu'ils  font  fi  étroi- 
tement unis  cnfemblc  ,  qu'ils  forment  uyi  tout  dont  les  différentes  parties  fe  réunij/ent 
comme  celles  d'un  anneau^  ainfi  que  le  difent  MM.  les  Confultans .'' 

Comment  !  tandis  que  ceux  qui  ne  font  attachés  qu'à  l'Appel,  déclam.ent  avec 
tant  de  force  contre  tout  ce  que  difent  &  font  de  repréhenfible  les  Auguftiniftes 
6c  les  Vaillantiftes ,  ofe-t'on  faire  imprimer  dans  un  Ecrit  qu'on  donne  pour  une 
décifionautentiquc,  que  tous  les  Convulfionnaires  adoptent  reciproq^uernent  ce  que 
les  autres  ont  dit  ^  fait  de  fingulier  ? 

Comment  !  lorfque  les  premiers  difent  anathêmc  à  ceux  qui  font  dans  l'illu- 

K  i  Coa 


^6        IDE'E  DE  VOEUFRE  DES    CONFULSIONS. 

fion,  6c  qu'ils  blâment  ouvertement  tout  ce  qu'il  y  ade  mauvais  dans  leursdifcours 

5c  dans  leurs  aftions,  ofc-t'on  déclarer  au  public  qu'ils  enprenent  hautement  la  deffenfe? 

Comment?  pendant  qu'ils  déclarent  par  des  difcours  publics  que  les  Augufli- 
niilcs  &  les  Vaillantiftes  font  les  principaux  inrtrumens  dont  le  Démon  fe  fcrt 
pour  couvrir  la  Vérité  d'un  voile  d'opprobres,  5c  pour  déshonnrer  aux  yeux  des 
hommes  julqu'aux  prodiges  que  le  Très-haut  opère,  ofc-t'on  avancer  qu'/Vj  r?»- 
dent  ténidignage  à  ces  fanatiques  qu'ils  font  unimés  de  VEfprit  de  Dieu ,  13  qu'ils 
parlent  en  [on  nom  ? 

Comment  enfin  ofe-t'on  s'appuier  fur  des  faits  aufll  publiquement  faux,  pour 
rcpréfenter  tous  ceux  des  Convulfionnaires  qui  ne  tiennent  qu'à  la  Vérirc  ,  com- 
me complices  6c  folidairement  refponlables  de  tous  les  cxeés  qu'ils  détcitent , 
dont  ils  gcmiflènt  avec  larmes,  6c  qu'ils  fout  les  premiers  à  reprocher  aux  Augu- 
lliniftes  &  aux  Vaillantiftcs? 

Ce  fût  ainfi  qu'autrefois  les  Juifs  &  les  Paiens,  pour  décrier  les  premiers  Chré- 
tiens, leurs  attribuoient  à  tous  ce  que  certaines  fectcs  d'hérétiques  failoicnt  de 
J|'^'j,^";plus  condamnable.  „  Comme  tous  ces  hérétiques  (dit  M.  l'abbé  Fleuri)  prc- 
„  noient  le  nom  de  Chrétiens,  les  extravagances  qu'ils  cnfcignoient,  rcndoienc 
„  le  Chriftianifme  méprifablc,  6c  les  abominations  qu'ils  commettoient,  Iç  ren- 
„  doicnt  odieux  :  car  les  Paiens  n'examinoient  pas  aflez  pourdiftinguer  les  vrais 
„  Chrétiens  d'avec  les  taux.  De  là  vinrent  ces  calomnies  qui  étoient  alors  ftuni- 
„  vcrfellemcnt  reçues.  ,, 

N'eft-ce  pas  encore  aujourd'hui  par  le  même  artifice  que  ceux  qui  ont  pris  en 
haine  les  convulfions,  ^  qui  les  combattent  avec  tant  de  chaleur,  ont  trouvé  le 
raoicn  de  les  rendre  odicufes  à  ceux  qui  ne  font  pas  inftruits  des  faits?  mais  n'ou- 
vriront-ils pas  les  yeux  fur  une  injuftice  aulTi  criante  que  celle  de  condamner  in- 
diilinétemcnt  fcpt  à  huit  cent  perfonncs ,  dans  le  nombre  defquclles  il  y  en  a 
plufieurs  d'une  grande  piété,  6c  cela  fous  le  fcul  prétexte  qu'elles  ont  le  nom 
de  Convulfionnaires,  également  comme  d'autres  perfonnes  dont  les  fentimcns 
font  très  difFcrens  des  leurs,  6c  dont  la  conduite  de  quelques-uns  l'eft  encore 
davantage  ?  „ 

Tout  leétcur  judicieux  fera  pcrfuadé  au  contraire,  que  pour  fe  former  une 
idée  jufte  des  convulfions  que  Dieu  favorifc  par  des  dons  qui  ne  peuvent  venir 
que  de  lui,  6c  qu'il  autorifc  même  par  des  miracles,  il  faut  les  diftinguer  à.ç% 
convulfions  infcclées  par  l'cforit  d'illufion,  telles  que  celles  des  Auguifinilles  & 
des  Vaillantiftes:  6c  qu'il  ne  faut  pas  non  plus  confondre  les  convulfions furnatu- 
rcUcs,  avec  certaines  agitations  volontaires  qui  n'ont  d'autre  caufe  qu'une  ima- 
gination trop  échauffée. 

On  doit  cependant  convenir  que  dans  le  nombre  des  vrais  Convulfionnaires  qui 
ne  fuivent  aucune  feéle  6c  même  parmi  ceux  que  Dieu  avoit  ornés  de  dons  fur- 
naturels,  il  y  en  a  eu  quelques-uns  dont  la  conduite  n'a  pas  été  fort  régulière  ,'5c 
quelques  autres,  mais  en  très  petit  nombre,  que  Dieu  paroit  avoir  comme  aban- 
donnés aux  féduftions  du  Démon,  apparemment  pour  les  punir  des  fautes  qu'ils 
avoicnt  faites.  Il  faut  avouer  encore  que  quantité  de  bons  Convulfionnaires  ont  con- 
fcrvc  nombre  de  défauts  6c  d'imperteétions  qu'ils  mêlent  quelquefois  jufques  dans 
les  chofes  que  l'inilinét  de  leur  convulfion  leur  fait  faire:  car  la  fragilité  humai- 
ne eft  telle  ,  que  les  dons  extérieurs ,  fufient-ils  joints  à  celui  des  miracles,  ne 
fanâifier.t  point  par  eux-mêmes.  Mais  s'il  ell  vrai  que  les  convulfions  n'ont  pas 
toujours  fait  naître  des  vertus  réelles  6c  permanentes  dans  les  cœurs  de  tous  les 
convulfionnaires  que  Dieu  a  di flingues  p;u-  des  faveurs  gratuites ,  il  ell  certain  au- 
fii  que  parmi  eux  il  y  en  a  Jiombrc  qui  font  parvenus  à  une  piété  cmincnte. 

L'Au- 


IT>^E  DE   rOEUFRE  DES  CONFU LSIONNS.         77 

L'Auteur  des  Vîiins-eff»rts  ,  fuivant  en  cela  les  traces  de  M.  l'Archevêque  de 
Sens ,  de  Dom  la  Tafte ,  &  des  Docteurs  Confultans ,  repréfente  en  général  tous 
les  Convulfionnaircs  comme  une  troupe  d'infenfés  &  d'impudiques,  qui  font  un 
nombre  inF.nl  d'aSîions  honteufes  &  extravagantes.  Cependant,  qui  le  croiroit  ?  ^^s-  ?• 
dans  cet  endroit  de  Ton  ouvrage,  il  ne  rapporte  pour  toute  preuve  d'une  im- 
putation fi  flétriflante  pour  tant  de  perfonnes,  qu'une  defcription  très-infidele  des 
convulfions  d'une  Vaillantifte.  C'eit  néanmoins  fur  un  tel  fondement  qu'il  dé- 
crie par  les  injures  les  plus  atroces  une  multitude  d'innoccns  ,  parmi  Icfquels  il  y 
en  a  plufieurs  dont  les  vertus  5c  la  pénitence  extraordinaire,  font  des  images  vi- 
vantes de  ce  qui  paroît  prefque  incroyable  dans  la  vie  des  Saints. 

Je  remets  à  détruire  pleinement  dans  la  le.  &  3e.  partie  de  cet  Ecrit,  toutes 
les  calomnies  dont  on  a  tâché  de  noircir  fans  diftinétion,  la  totalité  des  Convul- 
fionnaires  :  j'efpére  y  convaincre  tout  Icfteur  raifonnablc ,  non-feulement  que 
toutes  les  fuppofitions  générales  qu'on  a  faites  font  évidemment  fliufTcs ,  mais  mê- 
me fouverainemcnt  ridicules  ?  &  qu'elles  choquent  prefqu'autant  le  fens  com- 
mun,  qu'elles  blcflent  la  Vérité.  Mais  afin  de  ne  point  trop  charger  mon  récit, 
je  me  contenterai  maintenant  de  rapporter  des  fûts  fi  publics ,  qu'ils  ne  pourront 
être  conteftcs  :  ils  fuffiront  pour  faire  voir  que  plufieurs  de  ceux  que  l'on  déchire 
fi  calomnieufcmcnt ,  devroient  être  l'objet  de  l'admiration  de  leurs  calomniateurs. 

Qiioique  Dieu  ait  choifi  dans  le  plus  bas  étage  le  très-grand  nombre  de  ceux 
à  qui  il  a  envoie  des  convulfions ,  il  n'a  pas  laiiîé  néanmoins  d'en  donner  à  une 
afiez  grande  quantité  de  perfonnes  dilHnguées. 

Le  ieftcur  ne  s'attend  pas  lans  doute  que  j'aie  l'imprudence  de  mettre  ici  le  ca-  xxxvm, 
taloguc  de  leurs  noms  &  de  leurs  qualités  :  il  y  en  a  plufieurs  dont  les  convulfions  ont  fi''il^Ma. 
fi fort  éclatté  que  toutlcpublic  en  aété  inilruit,  cequifuffit  pour  juilifierce  que  je'-"'i''n"5   à 
viens  d'avancer  :  mais  il  y  en  a  un  bien  plus  grand  nombre  dont  les  convulfions  ne  font  ro"nn«"  dT 
connues  que  p.ar  des  perfonnes  attachées  de  tout  leur  cœur  à  toute  Vérité.  dimoaiou. 

Ce  feroit  une  indifcrétion  incxcufiible  de  les  cxpofer  à  une  perfécution  que  la 
Providence  a  voulu  leur  épargner  jufqu'à  préfent  :  leurs  convulfions  font  un  ie- 
cret  de  Dieu  qu'il  découvrira  lui-même  dès  qu'il  le  jugera  à  propos  :  iln'cfipas 
permis  de  prévenir  fes  momens.  Je  dois  donc  me  contenter  d'arfurer  le  leéteur  que 
dans  ce  nombre  ,  il  y  a  des  gens  d'une  grande  diftinélion  de  l'un  &  de  l'autre  fexe  : 
il  y  a  même  deux  filles  d'une  Princefl'e.  Je  connois  particulièrement  des  fils  6c 
des  frères  de  grands  MaQiftrats,  qui  depuis  qu'ils  ont  des  convulfions  font  devenus 
de  la  piété  la  plus  émincntc,  &  d'une  charité  ians  bornes:  il  y  a  enfin  plufieurS 
Miniftrcs  du  Seigneur,  la  plupart  perfccutés  pour  avoir  pris  contre  la  Bulle  le 
parti  de  la  doctrme  de  l'Evangile,  &:  qui  joignent  à  une  vie  humble  &  retirée,  la 
pénitence  la  plus  aufterc. 

Quelques  refpeélables  que  foicnt  ces  Confcfieurs  intrépides  de  la  Vérité  ,  néan- 
moins l'Auteur  des  Vains  efi^orts  com.prend  fans  diftinftion  tous  les  Convulfionnai- 
rcs ,  ainfi  que  je  l'ai  déjà  dit ,  fous  la  défignation  générale  d'une  troupe  de  gens  fans 
pudeur  qui  commettent  im  nombre  infini  d'avions  honteufes  ^  extravagantes. 

Si  cet  Auteur  n'étoit  pas  un  Appcllant,  cela  ne  devroit  pas  beaucoup  furpren- 
drc  ,  puifquc  fuivant  une  obfcrvation  de  feu  M.  l'Abbé  Duguet  qu'il  a  puiféc 
dans  les  prophéties  que  nous  a  fait  la  Vérité  incarnée  :  „  tous  les  véritables  dif-  p^^     ^^ , 
„  pies  de  J.  C.  .  .  feront  traités  de  fous  &  d'infenfés  par  les  figes  du  fiecle,  quiPÎfl'T.  8.?. 
„  ne  comprendront  rien   dans  leur  patience  ,  dans  leurs  humiliations ,  dans  leur'''* 
„  détachement  &:c.  C'eft  être  réellement  infcnie  (ajoutc-t-ilplus  bas)  que  d'être 

5,  fage  iclon  l'opinion  des  gens  du  monde il  faut  leur  paroîtrc. . .  .  fou,  pour  rag-  !33> 

3,  être  véritablement  fagc  aux  yeux  de  Dieu.  „ 

K  3  Auffi 


yS         IDE'E  DE   VOEUFRE  DES  CONVULSIONS. 

Aufll  les  annales  Eccléfiaftiques  nous  fouiniflcnt-ellcs  quantité  de  preuves  qu'on 
a  traité  ainfi  dans  tous  les  tems  pluficurs  de  ceux  à  qui  Dieu  avoit  donné  les  ver- 
tus les  plus  extraordinaires.   Mais  convci:oit-il  à  des  Appellans  d'être  eux-mêmes 
les  calomniateurs  de  leurs  frères?  N'auroient-ils  pas  dû  être  frapcs  de  ce  qui 
En  s.  Jcarell  dit  dans  les  réflexions  morales,  que  Dieu  confondra  toujours  ceux  quientrepreit^ 
'*•"•      dront  d'humilier  fcs  Elus. 

Mais  ne  nous  arrêtons  pas  aux  feuls  Convulfionnaircs  que  Dieu  a  choifi  dans 
un  état  dirtingué  aux  yeux  du  fieclc.  Ne  confidcrons  que  les  vertus  fans  avoir 
égard  à  la  condition  des  perfonnes  :  ne  jugeons  pas  des  hommes  ainfl  que  fonr 
les  amatcun  des  biens  terrcftrc-s ,  qui  ne  font  frapcs  que  du  faux  brillant  des 
avantages  mondains ,  qui  ne  font  aucun  c;xs  de  la  piété  la  plus  éminente  lorfqu'- 
elle  ell  placée  dans  Icsliuniiliations  de  la  pauvreté,  êc  chez  qui  le  mépris  qu'ils  ont 
pour  tous  ceux  qui  font  d'une  condition  baflc,  paflejufqu'à  leurs  vertus.  Ces  or- 
gueilleux cnfans  de  la  terre  devroient  cependant  favoir  que  J.  C.  nous  a  déclaré 
en  termes  formels ,  que  c'ell  principalement  aux  pauvres  que  le  Roiaume  du  Ciel 
cil  dellinc.  Ils  auroicnt  dû  apprendre  dans  l'Evangile  que  c'cft  parmi  les  fimples 
fie  les  petits,  &  non  parmi  les  grands  du  iîccle,  ni  parmi  les  do(£teurs,quc  la  fa- 
geffe  éternelle  a  choifi  fes  Apôtres,  ^  prcfque  tous  fes  diiciples. 
DtrsiaKCt.C'eJ}  peu  de  c/jofe  aux  yeux  du  monde  .^  dit  l'Auteur  des  réflexions  morales  ^/<'««  fé- 
^'  3*'  7»oigHage  de  gens  fi  méprijablcs  en  apparence  :  mais  c'ejl  ce  qui  fait  la  gloire  de  Dieu , 
de  îe  fervir  d'inflrununs  fi  foibles.  Ccft  la  marque  de  fon  cfprit..  ..  qu'un  grand 
nombre  de  miracles  qui  autorifent  \.\  parole  qu'il  fait  annoncer,  un  courage  intrépide 
dans  les  m^vumtn^  dont  il  fc  fcrtjts'  une  patience  à  toute  épreuve  au  mÙien  des  en- 
nemis les  plus  puijfians. 

Ainfl  pour  prouver  toujours  de  plus  en  plus  que  Dieu  agit  dans  l'œuvre  des 
convulfions,  ne  négligeons  pas  de  rendre  compte  des  vertus  qu'il  donne,  ou  du 
moins  qu'il  fait  paroîtrc  dans  le  plus  grand  nombre  des  Convullionnaires. 

Je  dis,  qu'il  fait  paroitrc  :  car  il  faut  avouer  que  les  fcntimens  héroïques  du  plus 
parfait  Chrillianifmc  qui  brillent  fi  fouvent  non  feulement  dans  les  difcours,  mais 
même  dans  tout  l'extérieur  d'un  très  grand  nombre  de  Convulfionnaircs,  ne  font 
pas  dans  tous  des  qualités  permanentes.   Je  conviens  avec  l'Auteur  des  Nouvelles 
N».  Fceié.  Eccléfiaftiques ,  que  dans  la  plupart  ils  ne  font  que  les  repréfentations  i^  les  fimbo' 
*'•     '""'/fi  des  plus  éniinentes  -vertus  .^  Sc  que  tous  n'en  ont  pas  la  réalité. 
''''**'  Mais  fi  ces  vertus  fublimes  ne  iont  prefquc  que  des  figures  dans  le  commun  des 

Convulfionnaires,  elles  n'en  font  pas  moins  pour  cela  manifellement  l'œuvre  de 
Dieu.  Qiii  ofera  révoquer  en  doute  que  cenefoit  l'Auteur  de  tout  bien,  qui  nous 
prcfcntc  ces  fimboles  fi  inftruclifs,  li  frapans,  fi  proportionnés  à  nos  bcfoins,  & 
fi  propres  à  nous  humilier ,  en  nous  montrant  dans  un  grand  jour  les  vertus  qui  nous 
manquent ,  Se  en  nous  donnant  lieu  de  comparer  la  toiblellc  de  notre  foi  6c  notre 
lâcheté  pufillanime,  avec  la  foi  vive  &  le  courage  intrépide  dont  il  nous  fait  voir 
de  fi  brillantes  peintures?  Qu'elle  imprudence  n'y  a-t-il  donc  pas  à  décrier  fans 
ménagement  &  fans  rcferve  l'œuvre  entière  des  convulfions,  5c  a  vouloir  détour- 
ner les  fidèles  de  fpcélaclcs  d  édifians,  6c  que  Dieu  forme  lui-même  pour  l'inftru- 
étion  de  ceux  qui  les  voycnt  ? 

Que  ce  fpc<ftaclc  eft  digne  de  fa  grandeur!  Qiie  ce  prodige  eft  admirable,  & 
qu'il  mérite  notre  rcconnoifl'ance  !  Tandis  qu'un  nombre  innombrable  de  Catho- 
liques fédiiits  pur  de  nouveaux  Pelagicns  rctufcnt  à  Dieu  l'honneur  de  le  reconnoî- 
trc  pour  l'Auteur  de  toutes  les  vertus,  cc  mettent  en  quelque  i'orte  à  cet  égard  le 
libre  arbitre  à  fa  place,  ce  Dieu  Tout-puiffant ,  non_ feulement  prouve  par  les 
convcrfions  éclatantes  &  fubites  qu'il  a  opérées  en  pluficurs  Convulfionnaircs  pir 

l'imprcf- 


/i)5'5  T>E  VOEUFRE  DES   CONVULSIONS.  79 

l'impreflîon  de  leur  convulfion,  que  c'eft  lui  qui  forme  les  vertus  dans  les  cœurs 
par  tels  moiens  qu'il  lui  plaît ,  mais  il  nous  démontre  auffi  par  des  images  animées , 
vivantes  Se  parlantes,  que  même  fans  donner  de  véritables  vertus,  il  les  fait  pr.i- 
quer  quand  il  veut  dans  le  degré  le  plus  fublime.    Il  nous  fait  voir  dans  une  mul- 
titude de  Convulfionnaires  peu  parfaits,  une  foi  qui  paroît  fi  ferme,  qu'elle  leur 
fait  publier  les  Vérités  qui  bleflent  le  plus  les  Puiffimccs  de  ce  fiecle,  fans  rien 
craindre  dans  ce  moment  de  tout  ce  qu'on  peut  leur  faire  foufFrir.    Il  leur  fait  vi- 
vement fentir  pendant  le  tems  que  dure  cette  imprcfllon  de  leur  convulfion,  l'a- 
vantage ineftimable  qu'il  y  a  d'être  perfécuté  pour  la  juftice.     Il  leur  fait  compa- 
rer le  paiïïige  fi  court  des  fouffrances  de  cette  vie  avec  l'éternité  du  bonheur  divin 
qui  en  fera  la  récompcnfe.  Il  met  pour  cet  infiant  dans  leur  cœur  un  ardent  defir 
d'endurer  des  outrages  &c  des  tourmens  pour  la  caufe  de  la  Vérité  :  &  ce  defir  n'cft 
pas  feulement  exprimé  par  leurs  paroles  pleines  de  feu ,  mais  il  eft  peint  fur  leur 
vifage  6c  dans  leur  yeux,  dans  leur  attitude  &  dans  tous  leurs  geftes.     Il  femble 
que  leur  cœur  brûlant  d'emprefiement  de  s'envoler  dans  le  ciel ,  afpire  après  la 
croix  comme  étant  le  chemin  qui  y  conduit.  Ah  !  Dieu  des  venus  fiites  que  ces 
tableaux  fi  touchans  que  vous  mettes  fous  nos  yeux  faflcnt  une  imprefiîon  perfé- 
verante  dans  l'ame  de  tous  les  fpeclateurs  &  de  tous  les  Convulfionnaires  par  qui  vous 
faites  faire  de  fi  belles  repréicntations. 

Au  relie  fi  ces  vertus  ne  font  qu'apparentes  dans  beaucoup  de  Convulfionnai- 
res, ou  pour  mieux  dire,  fi  elle  ne  font  à  leur  égard  que  l'effet  momentané  d'un 
infiiinét  furnaturel,  qui  fouvent  trop  fcmblable  à  un  éclair  fe  difiîpc  &  s'évanouit 
fans  laifler  aucune  trace  de  la  grande  lumière  qu'il  vient  de  faire  paroître  :  ces  mê- 
mes vertus  au  contraire  fubfiftent  8c  continuent  d'être  dans  les  meilleurs  Convulfion- 
naires d'une  manière  très  réelle  &  très  permanente.  L'Auteur  des  Nouvelles  en 
convient  lui-même  dans  l'article  où  il  critique  cet  endroit  de  mon  premier  Ecrit, 
oîi  j'avoue  qu'il  m'étoit  échappe  de  marquer  la  diftinftion  des  inftinéVs  paflagers 
d'avec  les  imprcflîons  perfévérantes. 

En  effet  qu'elle  foi  ne  remarque  t-on  pas  dans  quantité  de  Convulfionnaires,  xxxviti. 
5c  quel  courage,  quelle  confiance,  quelle  intrépidité  cette  foi  ne  leur  donne  t-elle^y^'j^^^P'^yj'. 
point  presqu'égalemcnt  lorfqu'ils  font  rendus  à  leur  naturel,  quelorfqu'ilsfontenfunnaires. 
convulfion?  ils  fwent  qu'ils  font  à  toute  heure  cxpcfcs  à  cîretraînés  igominieu- 
fement  dans  les  prifons  :  qu'ils  font  en  bute  à  toutes  les  Puifiances,  dont  la  pliipart 
les  regardent  avec  indignation  :  qu'ils  font  l'objet  de  la  critique  d'une  infinité  de 
perfonnes  qui  fe  font  ime  efpece  de  fiux  honneur  de  les  décrier  par  les  plus  noi- 
res calomnies,  5c  dont  quelques-unes  font  encore  toutes  prêtes  à  fervir  de  témoins 
contr'eux  au  Parlement,  de  faits  qu'elles   même  ont  imaginés,   ou  qu'elles  ont 
cû  l'art  d'envenimer  avec  une  malice  infernale. 

Dans  une  fituation  Ci  affligeante  qu''elle  paix  ne  confcrvent  ils  point  ?n'eil-il  pas 
évident  qu'il  n'y  a  que  le  Créateur  des  vertus  qui  puiflc  leur  donner  un  fi  grand 
courage?  D'ailleurs  les  germes  qui  font  croître  de  plus  en  plus  leur  foi  le  dé- 
montrent manifeftement.  C'eft  d'abo'-d  un  feu  furnaturel  qui ,  quand  ils  font  en 
convulfion,  éclaire  leur  efprit  6c  échauffe  leur  cœur  :  ce  font  en  même  tems  plu- 
fieurs  autres  prodiges  que  la  bonté  divine ftit  fur  leur  corps,  finguliérement en 
le  rendant  tout-a-coup  invulnérable  aux  coups  les  plus  meurtriers:  enfin  ce  font 
les  guérifons  miraculcufcs  que  le  très  haut  opère  quelquefois  par  leur  miniftere. 
Tous  ces  prodiges  8c  ces  miracles  étant  des  preixves  fenfibles  8c  frapantes  de  la 
vérité  de  la  Religion ,  leur  rappellent  continuellement  les  grandes  promeffes  qu'elle 
fait  à  ceux  qui  feront  perfecutes  pour  fa  caufe.  Aufii  loin  de  craindre  de  fouft'rir  pour 
h  Vérité  6c  la  juftice,  plufieui's  en  attendent  les  momens  avec  une  forte d'impa- 

tieuce. 


So  IDE'E  DE  VOEUVRE  DES  CONTULSIONS 

tience.  Et  quoiqu'ils  lâchent  qu'on  les  pouifuitde  tous  côtés  comme  des  crimi- 
nels, 1:1  plupart  ne  fc  cachent  point,  tant  ils  font  animés  par  l'efpérancc  que  ce- 
lui pour  qui  ils  hafardent  fi  volontiers  leur  liberté,  fera  lui-même  kur  force  ôc 
leur  confolation. 

Mais  fi  l'on  veut  quelques  exemples  particuliers  de  cette  conftancc  à  toute  é- 
preuvc,  qu'elle  fermeté  n'a-t-on  pas  remarque  dans  Charlotte  la  Porte,  &!  la 
plupart  de  celles  qu'on  a  traitées  avec  le  plus  d'ignominie,  &  qu'on  ad'ab)rd 
renfermées  dans  la  maifon  de  force  de  la  falpctriere  avec  les  créatures  les  plus 
méprifables  &  les  plus  corrompues?  Tranquilles  parmi  de  telles  pcrlonncs,  ÔC 
portcdant  leur  ame  dans  la  patience  au  milieu  d'un  affront  (1  déshonorant ,  elles 
emploioicnt  toutes  leurs  journées  5c  fouvent  une  partie  des  nuits  à  remercier  le 
Dieu  de  toute  confolation  de  la  paix  qu'il  mettoit  dans  leur  cœur ,  &  de  les  avoir 
jugées  dignes  de  fouffrir  des  opprobres  pour  J.C.  6c  pour  fa  Vérité.  QL''ons'en 
informe  à  la  fupcricurc  de  cet  endroit ,  elle  déclarera  qu'elle  a  été  frapce  d'ad- 
miration de  leur  vertu,  de  leur  douceur,  de  leurs  prières  prcfquc  continuelles, 
&  des  pénitences  auftcres  qu'elles  ajoutoicnt  aux  peines  5c  aux  mortifications  in- 
féparablcs  d'un  tel  état.  Elles  font  encore  aujourd'hui  dans  les  fers,  où  elles  con- 
tinuent leur  vie  pénitente  }  fans  que  tant  d'années  de  prifon  paroiflcnt  avoir  en- 
core altéré  ni  même  diminué  la  paix  5c  la  joie  qui  régnent  dans  leur  ame. 

Le  lecteur  comprend  fans  doute  qu'il  n'eil  point  ici  queihoa  de  la  le  Fcvrc  : 
elle  fe  trouve  dans  une  de  ces  cfpéces  fingulicres  dont  je  ne  fais  aucune  mention 
dans  cet  Ecrit. 

On  a  vu  d'autre  part  il  y  a  déjà  plufieurs  années  deux  jeunes  enfans,  Jeanne 
Mouler  &:  fon  petit  frère,  être  remplis  de  joie  6c  bénir  hautement  le  Seigneur 
lorfqu'on  les  conduifoit  à  laBaftiUe,  où  ils  ont  confervé  toute  la  tranquillité 
pofiîble  pendant  tout  le  tcms  qu'ils  y  ont  été  captifs,  6c  y  ont  rendu  témoignage 
à  toute  Vérité  devant  M.  Hérault  avec  un  courage  intrépide,'  fur  les  interroga- 
tions que  ce  Lieutenant  de  Police  a  voulu  leur  faire.  A  la  fin  de  1737.  lafccur 
aiant  été  renfermée  pour  la  féconde  fois ,  n'a  pas  témoigné  moins  de  force  qu'à  la 
première.  Armée  d'une  Croix  qu'elle  avoir  à  la  main ,  on  l'a  vîîe  Çc  préfcnter  elle- 
même  aux  fatcUites  chargés  de  l'enlever,  6c  donner  toutes  les  marqnes  qu'elle  ac- 
ceptoit  avec  joie  cette  nouvelle  part  aux  ignominies  de  fon  divin  Maitrc.  Ce  fait 
connu  de  tout  Paris  eft  arrivé  au  milieu  d'une  nombrcufc  affcmblée,  chez  une 
pcifonne  encore  plus  refpc(ftable  par  l'émincnce  de  fa  piété,  que  par  la  dillinclion 
de  fon  illuftre  naiflancc. 

Qiic  ceux  qui  témoignent  un  fi  fourerain  mépris  pour  tous  les  Convulfionnai- 
res,  interrogent  eux-mêmes  leur  propre  cœur,  6c  qu'ils  y  examinent  devant  ce- 
lui qui  en  cil  le  fcrut.atcur,  s'ils  le  fentcnt  aulll  difpofés  que  ces  pcrfonncs  qu'ils 
jugent  fi  méprifables,  à  facrifier  leur  liberté  avec  joie,  6c  à  s'cxpofcr  à  toutfouf- 
frir  pour  rendre  témoignage  à  la  Vérité  .-* 
x\xix        Voici  un  autre  caraftérc  dont  les  fens  font  encore  plus  frapés ,  6c  que  l'on  voit 
r/n„cr'cci dans  la  plupart  des  bons  Convulfionnaires,  c'cll  l'attrait  fingulier  que  TinllinCr 
io'nna'itV."  '^'-'  1^"'"  convulfion  Icur  donne  pour  les  aullerités  les  plus  rigoureufes  de  la  péni- 
tence. On  en  voit  de  tout  âge,  même  déjeunes  filles  fe  livrer  à  des  macérations 
dont  le  fcul  récit  fait  frémir.    Il  n'cll  point  de  moicns  dont  elles  ne  .s'avifcnt  pour 
mortifier,  pour  abattre  ,  pour  affoiblir  leur  corps.     Pluficui-s  depuis  qu'elles  ont 
des  convulfions  ne  font  prcfque  plus  d'ufage  de  leur  lit  :  elles  fe  couchent  toutes 
habillées  Hiver  5c  Eté,  enveloppées  feulement  d'une  couverture,  les  unes  fur  des 
planches,  les  autres  à  plate  terre:  d'autres  fur  des  bûches,  quelques-unes  fur  des 
chcncu  ou  des  barres  de  fer,  ou   fur  d'autres   inllrumcns  qui  paroilîcnc  plu- 
tôt 


IDE'E   DE  VOEUFRE  DES  CONFULSIONS.  8r 

tôt  un  fupplice  qu'une  fituation  où  l'on  puifTe  prendre  quelque  repos. 

Il  eft  vnii  que  dans  le  grand  nombre  de  ceux  qui  pratiquent  ces  incroyables  pé- 
nitences ,  il  y  en  a  quelques  uns  qui  ne  le  font  que  machinalement  par  une  impul- 
fion  fi  forte  de  leurs  convulfions  qu'elle  leur  ôte  la  liberté.  Il  y  en  a  même  qui  dès 
que  cette  impreffion  cefle,  murmurent  de  la  douleur  que  leur  caufcnt  ces  macé- 
rations qu'ils  fe  font  faites.  Il  eft  clair  qu'à  l'égard  de  ces  derniers,  ces  péniten- 
ces ne  font  nullement  méritoires.  Mais  nous  devons  les  regarder  comme  un  pro- 
dige qui  mérite  toute  notre  attention,  étant  manifefte  que  Dieu  l'opère /z^  utilita- 
tcm  ecckfia ,  pour  nous  mettre  vivement  fous  les  yeux  le  befoin  que  nous  avons 
aujourd'hui  de  fléchir  fa  jul'tice  par  une  pénitence  extraordinaire. 

Il  en  eft  de  même  de  leurs  jeûnes.  Quelques  Convulfionnaires  font  forcés  d'en 
faire  de  très  grands,  non  feulement  pendant  que  dure  leur  convulfion,  mais  mê- 
me de  les  continuer  lorfqu'ils  font  dans  leur  état  naturel.  Dès  qu'ils  veulent  man- 
ger, leur  bouche  tourne  ou  ie  ferme  malgré  eux ,  ou  s'ils  y  rhettent  quelque  cho- 
ie ,  il  leur  eft  impoflîble  de  l'avaler.  C'eft  ce  que  j'expliquerai  plus  au  long  dans  la 
féconde  partie  de  mes  Obfervations ,  en  rendant  compte  de  l'état  des  Convul- 
fionnaires. Je  mets  feulement  icy  celle  petite  note,  afin  qu'on  ne  me  reproche 
point  de  donner  les  jeûnes  de  tous  les  Convulfionnaires  comme  le  fruit  de  leur  vo- 
lonté &  de  leur  am.our  pour  la  mortification. 

Au  rcfte  comme  la  plupart,  après  s'être  impofés  ces  jeûnes  par  des  paroles  que 
leur  Convulfion  leur  fait  prononcer  ians  liberté ,  les  exécutent  enfuite  avec  joye 
dans  leur  état  naturel ,  il  eft  de  la  dernière  évidence  que  ces  jeûnes  font  pour  eux 
une  vertu,  puisqu'ils  font  une  foumiffion  volontaire  à  un  ordre  de  Dieu  ,  qui  quel- 
quefois paroît  bien  rigoureux.  Car  fouvent  ces  jeunes  font  lî  cxceflîfs  qu'ils  fem- 
blent  paflrr  les  bornes  de  la  nature. 

Il  y  a  par  cxeinple  des  Convulfionnaires  qui  pendant  tout  le  Carême  ne  man- 
gent que  les  Dimanches  Sc  les  jeudis.  Un  autre  depuis  fept  années  ne  mange  pen- 
dant ce  faint  tems  que  tous  les  huit  jours  :  beaucoup  jeûnent  tous  les  jours  au 
pain  &  à  l'eau  tant  que  dure  ce  tems  de  pénitence ,  ne  fiiifant  qu'un  repas  à  fix 
heures  du  foir.  J'ai  une  parfiite  connoiflance  qu'il  y  a  une  convulfionnaire,  qui 
pendant  tout  un  carême  n'a  mangé  chaque  jour  pour  toute  nourriture  qu'un  pa- 
nais cru,  fe  refufant  jufqu'au  pain. 

Mais  bornons-nous  au  récit  d'un  fait  dont  le  lurnaturel  eft  évident.     C'eft  la     xr.. 
privation  continuelle  de  toute  nourriture  qu'a  fouffcrte  pendant  40.  jours  de  fnite,j.^^^''j'^^^" 
M.  Fontaine  ci-devant  Secrétaire  du  Roi,  ce  qui  a  été  précédé  d'un  préliminairejoa"  Jî  m. 
non  moms  lurnaturel,  que  par  conlequent  je  ne  dois  pas  omettre.  de  ce  qui  la 

Forcé  par  fii  convulfion  de  iortir  du  lieu  de  fon  domicile  le  Lundi  p.  Mars  1739.  pr«>-eae. 
fins  pouvoir  y  retourner  quelques  efforts  qu'il  pût  faire,  il  alla  par  l'effet  de  la 
même  impulfion  qui  l'avoit  chafle  de  fa  retraite,  chez  un  de  fes  amis  qui  mène 
une  vie  fort  pénitente. 

Le  lendemain  matin  il  fût  contraint  d'annoncer  que  tout  le  reftcdu  Carême, 
excepté  les  Dimanches,  il  ne  prendroit  qu'un  repas  par  jour,  qu'il  feroit  au  painêc 
à  l'eau  à  fix  heures  du  foir  :  ce  qu'il  ne  manqua  pas  d'exécuter  très  ponétuellement. 

Après  Pâques  il  fût  encore  reilraint  au  pain  &  à  l'e.iu  fans  pouvoir  faire  autre-' 
ment,  avec  la  liberté  néanmoins  de  manger  à  midi  6c  au  foir:  &  d'y  joindre  quel- 
quefois II.  olives:  ce  qui  dura  jufqu'au  19.  Avril,  que  l'imprcfiion  de  fi  convul- 
fion lui  fit  déclarer  forcément  qu'il  pafîeroit  40.  jours  de  fuite  fins  prendre  aucune 
nouiTiture,  mais  fans  fpécificr  quand  commencerojt  ce  terrible  jeûne. 

L'impofiîbilité  où  il  fe  vit  dcsle  lendemain  lundi  20.  Avril  de  pouvoir  rien  por- 
ter à  fa  bouche ,  non  plus  que  les  jours  fuivans  malgré  toutes  fes  tentatives,  lui  fit 

Oh/ef-jat.     J.  Part.  Tome  IL  L  ju- 


gi  IDEE  DE   VOEUVRE  DES  CONFULSIONS. 

juger  que  le  tcms d'exécuter  ce  grand  jeûne  étoit  déjà  venu:  mais  ilfe  trompa j 
celui-ci  qui  ne  dura,  que  i8.  jours,  n'en  ctoit  que  la  préparation.  Cependant  fi 
l'on  fait  attention  à  tout  ce  qu'il  a  été  forcé  de  taire  dans  ce  jeune  fi  fin^ulier,  on 
vaira  qu'il  cft  aufli  fiirnaturel  que  celui  de  la  quanuitaine,  6c  qu'il  a  étébien  plus 
rigoureux  par  rapport  aux  effets. 

Non-iciilement  JVI.  Fontaine  à  été  privé  de  toute  nourriture  2c  boiffon  pendant 
ces  i8.  jours, mais  en  même  tcms  il  travailloit  tout  le  jour  à  un  ouvrage  des  mains, 
auffi  pénible  qu'appliquant:  il  ne  l'interrompoit  que  pour  réciter  les  otfices  aux. 
heures  canoniales:  &  il  étoit  forcé  de  pafler  les  nuits  prelqu'cntieres  à  prier  6c  à 
reciter  des  Pfeaumes  jufqu'à  deux  heures  qu'il  difoit  matines  avec  fon  compagnon 
de  retraite:  enfiùte  de  quoi ,  toujours  entraîné  par  une  impulfion  contre  laquelle 
fcs  rcfiftances  étoicnt  vaines,  il  étoit  oblige  d'aller  à  une  melîe  qui  le  dit  à  quatre 
heures  du  matin  à  l'Eglile  de  S.  Euftache  dont  il  étoit  aflcz  éloigné. 

Mais  ce  qui  l'a  le  plus  épuifé,  c'eft  un  très  étonnant  gargarifine  auquel l'inftinét 
défit  convulfion  l'a  oblige  dès  le  f.  jour  de  fon  jeûne,  quelques  fois  avec  du  vi- 
naigre très  fort  6c  tout  pur,  qui  lui  enlevoit  la  peau  de  la  bouche  &  de  la  langue  : 
ce  que  néanmoins  il  fut  forcé  de  continuer  prefque  fans  relâche  le  jour  6c  la  nuit 
jufqu'au  i8.  joiu'  de  ce  jeûne,  oii  il  ne  lui  reiloit  plus  qu'un  fouffle  de  vie. 

Ce  gargarifme  dont  il  n'avaloit  jamais  une  feule  goûte,  faifoit  faire  à  fon  go- 
fier  precifément  l'effet  d'une  pompe  foit  cxaéte,  qui  tire  continuellement,  6c  ne 
laiffc  rien  tomber. 

Si  ce  tuant  exercice  fe  fût  terminé  à  l'afl'oiblir  beaucoup,  en  \t  dégageant  avec 
effort  des  eaux  acres  6c  dés  fcrofités  de  la  tête,  de  la  poitrine,  de  l'cllomac,  6c  à 
le  débaraffcr  de  la  bile,  des  glaires,  des  humeurs,  6c  des  mauvais  levains  qu'il 
pouvoit  avoir,  on  n'en  auroit  été  ni  ilirpris  ni  allarmé  :  mais  ce  gargarifme  meur- 
trier a  bien  produit  un  autre  effet.  11  a  pompé  6c  expulfé  de  fon  corps  tout  ce  qu'il 
y  avoit  d'humide  ic  d'onctueux  :  il  en  a  difiipé  les  efprits  :  il  a  détruit  tout  ce  qui 
y  donnoit  de  la  vigueur:  il  a  abforbé  la  fubilance  la  plus  fpiritucufe  du  fimg:  il 
a  confumé  jufqu'à  la  moelle  des  os,  fuivant  que  l'afluroit  le  Convulfionnaire.  Et 
après  lui  avoir  ôtc  toutes  fes  forces ,  6c  l'avoir  réduit  à  une  féchereflc  extrême ,  il 
r.i laiffé  prefque  fans  mouvement  5c  fans  \ie. 

Tant  de  pertes  6c  de  fatigues  jointes  à  une  privation  totale  de  nourriture  6c  de 
boiffon  l'exténuèrent  enfin  tellement ,  que  dès  le  4.  Mai ,  i  f .  jour  de  fon  jeune  il 
étoit  d'une  maigreur  affreufe.  Déjà  l'ardeur  du  feu  qui  dévoroit  fcs  cntniilles  avoit 
prcfqu'entiérement  confumé  le  peu  de  chairs  qui  lui  étoicnt  reliées.  11  paroiffoit 
n'être  plus  qu'un  fquelette  :  fa  peau  féche  6c  livide  étant  collée  fur  fes  osenrepré- 
fcntoit  toute  la  forme.  On  l'eût  pris  volontiers  pour  une  de  ces  momies  d'E- 
giptc  qui  ne  fe  confervent  que  par  leur  entier  dcfléchement. 

Depuis  ce  jour-là  il  baiflbit  à  vue  d'oeil.  Néanmoins  le  lendemain  f.  Mai  il 
voulut  à  fon  ordinaire  aller  à  la  meffe  de  quatre  heures , comme  il  avoit  encore  fait 
la  veille.  Son  ami  le  voiant  fi  foible,  ne  voulut  point  f  abandonner  dans  une  Ci  pc- 
rillcufe  entrcprifc.  Ils  partirent  enfemble  avant  trois  heures  6c  demie  du  niatm,6c 
ne  rentrèrent  qu'à  plus  de  8.  fans  avoir  pu  faire  que  la  moitié  du  chemin  de  leur 
wnifon  à  S.  Eullache.  A  peine  avoient-ils  fut  10.  pas  que  M.  Fontaine  étoit  obli- 
gé de  s'affcoir  où  il  pouvoit.  Avant  que  le  jour  fût  venu  il  pria  deux  fois  fon  con- 
dufteur  de  lui  ramaflcrdaiis  le  ruiffeau  de  l'ôau  bourbeufe  6c  croupie  avec  laquelle 
il  fe  gargarila.  Lorfqu'pn  commenc,'oit  à  ouvrir  les  boutiques,  il  entra  dans  une 
oii  l'on  vcndoit  lie  la  bicrre  ,  6c  en  demand.i  pour  fe  gargarilcr.  Le  maîtixT 
voiant  qu'il  la  rcjcttoit  {\  tôt  qu'elle  écoit  dans  fa  bouche,  frape  de  i'a  figure 
«tique  6t,de  vou'  qu'il  ne  pouvoit  prefque  fc  foutcnir  ni  piuler,  le  prit  pour  un 

ivro- 


IDE'E  DE  L'OEUFRÈ  DES   CONFULSIONS.  %\ 

rvrogne  &  le  chafTa  honteufcment  malgré  les  repréfentations  de  fon  ami. 

On  n'aura  pas  de  peine  à  croire  qtie  celui-ci  fit  tout  ce  qu'il  pût  pour  engager 
le  Convulfionnairc  ;i  reprendre  le  chemin  de  leur  maifon  afin  d'éviter  de  pareils  af- 
fronts :  mais  fil  convuliîon  le  contraignit  malgré  lui  d'entrer  encore  dans  4.  au- 
tres boutiques,  à  deux  defquelles  on  le  traita  à  peu  près  de  même. 

Dans  cet  état  forcé  il  coniervoit  une  entière  liberté  d'efprit  qui  lui  fiifoit  vive- 
■mentfentir  toutes  les  inlultes  que  fon  ami  partageoit  avec  lui.  On  comprend  de 
refte  combien  de  telles  fccnes  font  humiliantes  pour  des  perfonnes  qui  ont  tenu  un 
certain  rang  dans  le  monde.  Mais  J.  C.  qui  leur  préfcntoit  cette  portion  de  fon 
calice ,  la  leur  fit  boire  avec  la  douceur  &  la  paix  qui  conviennent  fî  fort  aux  di- 
fciplcs  de  celui  quia  dit:  apprenez  de  moi  que  je  fuis  doux  ^  humble  de  cœur  .y  i^Mut.u.ip. 
lious  trouverez  le  repos  de  vos  âmes. 

M.  Fontaine  de  retour  chez  fon  ami  ,  ne  pût  plus  fortir  :  à  peine pouvoit-ilfc 
tenir  fur  fes  jambes.  Je  fuis  ^  difoit-il,  m\\ç  araignée  défj'échée  ^  aufjï  niavie  ne  tient- 
t-elle  plus  qu'à  un  fil.  Mais  quelqu'effraiant  que  fût  l'état  oùilfe  trouvoit,  il  n'en 
étoit  point  ébranlé.  Cependant  le  lendemain  6.  Mai ,  17°.  jour  de  fon  jeûne ,  il  pa- 
rût réduit  à  la  dernière  extrémité,  fans  qu'il  fût  pofllble  de  lui  faire  rien  avaler 
du  tout.  Tous  ceux  qui  le  voioient  ne  trouvoicnt  plus  aucun  milieu  entre  la  mort 
&  un  miracle:;  lui  feul  confcrvoit  un  calme  8c  une  fécurité  parfeitc  qu'il  faifoit 
connoître,  non-feulement  par  fon  air  content  &  tranquille,  mais  auflîparces  p.i-pc  ,j 
rôles;  non  moriar,  fed  vivam^  les  feules  qu'il  pût  pour  lors  articuler. 

11  les  dit  encore  en  balbutiant  le  7e.  Mai,  18'.  jour  de  fon  jeûne,  à 7.  heures 
du  matin.  Mais  peu  après  il  tomba  dans  une  défaillance  fi  complette,  fie  un  tel 
anéantilfement  qu'on  croioit  à  tout  moment  qu'il  alloit  pafler.  Plus  de  parole  : 
prefque  fans  mouvement  &  fans  poux  :  un  vifage  totalement  défait ,  des  yeux 
éteins:  un  râle  avant-coureur  de  la  mort:  tout  annonçant  qu^'elle  étoit  proche, 
5c  qu'il  alloit  rendre  le  dernier  foupir.  Lorfqu'on  n'en  efpéroit  plus  rien,  les  per- 
fonnes qui  le  gardoient  la  nuit ,  &  quidetemsen  tems  lui  mettoient  dans  la  bouche 
quelque  liqueur  qu'il  rcjettoit  auffi  tôt,  s'apperçurent  que  tout  à  coup  le  pafTage 
•etoir  devenu  entièrement  libre. 

Dès  le  lendemain  fon  direébeur  lui  ordonna  de  fc  mettre  entre  les  mains  d'un 
Médecin,  6c  d'en  exécuter  tous  les  avis:  il  s'y  fournit  avec  une  humble  obéiflan- 
ce.  Mais  ce  moien  n'étoit  pas  celui  dont  Dieu  vouloit  fe  fervir  pour  le  retirer 
des  bras  de  la  mort.  Auflî  les  ordonnances  du  Médecin  n'eurent-elles  pas  un  heu- 
reux fuccez.  Les  bouillons  5c  les  médecines  ne  fervirent  qu'à  lui  donner  un  mor- 
tel dégoût  &  un  dcvoîment  prefque  continuel,  à  lui  faire  enfler  prodigicufe- 
ment  les  pieds  &  les  jambes ,  ôc  à  lui  rendre  le  vifage  tout  bouffi ,  fans  rétablir  les  for- 
ces, ni  diminuer  l'hideufe  maigreur  qui  avoit  fi  exceilîvemcnt  exténué  fon  corps, 

Mr.  Fontaine  eft  reilé  dans  cet  état  jufqu'au  2z.  Juin,  que  l'inftinft  de  fi 
convulfion  lui  fit  déclarer  qu'il  alloit  ce  jour-là  commencer  fon  gnmd  jeûne  an- 
noncé le  ipj.  Avril,  &  que  pendant  cette  privation  totale  de  nourriture  durant 
40.  jours  de  fuite ,  fa  fanté  6c  fes  forces  fe  rétabliroient  entièrement. 

En  effet  à  peine  fût-il  entré  dans  cette  féconde  carrière  d'inanition ,  que  fes 
pieds  6c  fes  jambes  dcfenflcrcnt  à  vue  d'oeil,  fon  devoimcnt  cefTi,  fes  forces 
revinrent  de  jour  en  jour.  La  fanté  reparût  avec  tous  fes  attraits,  6c  lui  donna  une 
gaieté,  qui  dans  le  cours  d'un  jeune  fi  prodigieux,  eft  peut-être  aufîî  étonnante 
que  tout  le  refle. 

Je  ne  puis  en  fournir  de  meilleure  preuve  au  lecteur,  que  de  tralifcrire  ici 
l'extrait  d'une  lettre  qu'il  m'écrivit  le  17.  Juillet.  1^59. 

„  Je  fuis  cher  frère  (me  mande-t-il)  aflez  prêt  d'arriver  au  terme  d'uiide  mes 

L  z  „  plus 


84  IDE'E  DE  VOEU f^ RE   DES  CONFULSIONS. 

„  plus  grands   évcncmens  :  c'efl:  aujourd'hui   le    j6-'.  jour Ma  fanté  qui 

„  Fait  une  partie  très  intércflante  de  mon  état  prêtent,  eil  Dieu  merci  très  bon- 
„  ne  ....  au  commencement  de  ce  jeûne,  je  n'ctois  point  du  tout  remis  de  Vc- 
„  puifTcment  où  j'étois  tombé  par  celui  qui  l'avoit  précédé.  J'avois  toujours  ks 
„  jambes  très  enfîécs  &  très  foibles ,  &  un  devoîment  continuel.  Tout  cela  ma 
,,  ccflc  dans  un  moment.  //  faut  a'vouer  que  la  dictte  efi  un  excellent  remède.  Mais  il 
„  f.iut  avouer  aufli  qu'il  faut  qu'elle  foit  ordonnée  fie  dirigée  par  un  aulliexccl- 
„  lent  Médecin.  „ 

Qui  peut  douter  qu'un  pareil  jeûne,  commencé  lorfque  le  corps  ctoit  déjà  dans 
un  épuifemcnt  total,  5c  qui  a  été  exécuté  dans  les  plus  excefllves  chaleurs  de 
l'Eté,  ne  foit  furnaturel?  L-e  fait  ne  peut  être  révoqué  en  doute:  plufieurs  per- 
fonncs  fous  les  yeux  deiquellcs  il  s'ell  paflc ,  font  prêtes  d'en  rendre  témoienage. 
D'ailleurs  la  probité  &  la  vertu  de  M.  Fontaine  connues  de  tous  les  gens  de  bien 
le  mettent  à  couvert  du  foupçon  d'impofture.  Celle-ci  feroit  des  plus  crimi- 
nelles: or  qui  feroit affez  téméraire  pour  l'en  accufer  gratuitement? 

Mais  dira-t-on  à  quelle  fin  Dieu  fait-il  de  pareils  prodiges?  LaiÏÏbns  nu  cé- 

T.   Q.ts.lébre  auteur  des  réflexions  morales  à  répondre  à  cette  queftion.  „  Dieu,  dit-il, 

iiirc.  I.  É.      Jonne  ordinairement  des  exemples  extraordinaires  de  pénitence  dans  le  tcms 

„  de  la  plus  grande  corruption  j  pour  réveiller  les  pécheurs  ôc  confondre  la  lâche- 

,,  té  des  hommes  fenfuels. 

Qii'il  cft  digne  de  la  Majeflé  du  Très-haut,  dans  ce  fieclc  où  la  pénitence  eft 
devenue  fi  rare  parmi  le  commun  des  Catholiques,  dans  ce  fiecle  où  la  plupart 
pouffent  fi  loin  le  relâchement ,  de  fiire  paroitre  tout  à  coup  une  multitude  de 
prédicateurs  d'une  nouvelle  efpcce,  qui  en  même-tems  qu'ils  nous  excitent  à 
la  pénitence  parles  plus  vives  exhortations,  l'exécutent  eux-mêmes  à  nos  yeux 
jufqu'à  im  point  qui  pafle  de  beaucoup  les  forces  de  la  nature,  pour  nous  foire 
voir  d'une  manière  fenfible  que  Dieu  fecourt  par  une  protection  marquée  ceux 
qui  ne  s'épargnent  point  dans  le  dcfir  de  lui  plaire!  Mais  en  même-tems  qu'il 
cft  digne  de  la  bonté  de  Dieu  de  nous  manifefter,  en  leur  confervant  la  vie  d'une 
manière  miraculeufe  &:  en  les  nourriilant  de  fon  efprit  &  de  fa  grâce ,  que  ceux  qui 
préch?nt  ainiî  la  pénitence  agificnt  par  fon  mouvement  &  fuivant  fes  ordres  ! 

Je  ne  fai  point  à  la  vérité  qu'il  y  ait  eu  aucun  Convulfionnaire  qui  ait  fait  un  jeune 
fi  prodigieux  :  mais  il  y  en  a  plufieurs  qui  ont  pallc  des  p.  lo.  fie  1 1.  jours  fins 
boire  ni  manger,  pendant  Icfquels  on  les  gardoit  à  vue:  fie  quoiqu'ils  aient  fouf- 
fert,  du  moins  pour  la  plupart,  toutes  les  rigueurs  d'une  foif  brûlante  fie  d'une 
faim  qui  les  dévoroit ,  néanmoins  on  remarquoit  avec  admiration  que  leurs  for- 
ces n'en  étoient  point  diminuées ,  fie  que  leur  fanté  n'en  Ibuffroit  aucune  altération. 
Au  reftc  un  affez  grand  nombre  de  Convulfionnaires  pratiquent  encore  beau- 
coup d'autres  jeûnes  dont  je  ne  dis  rien,  parceque  je  n'en  fuis  pas  ailes  inllruit  : 
je  ne  parle  pas  même  de  tous  ceux  dont  j'ai  connoillance,  afin  de  ne  point  hiti- 
"guer  le  Icéleur  par  un  trop  long  détail  :  il  iùHit  de  lui  dire  qu'outre  les  jeûnes  ex- 
traordinaires ,  la  plupart  le  nourriffcnt  pendant  tout  le  cours  de  l'année  d'une 
manière  ^\  fimplc ,  ii  frugale,  ^  fi  dure  j  qu'on  peut  dire  avec  Vérité  que  leur 
vie  cft  un  jeûne  prefque  continuel. 

Si  on  joint  à  cela  les  inftrumens  de  fer  hériffés  de  pointes  dont  plufieurs  cou- 
vrent une  partie  de  leur  corps,  fie  tant  d'autres  pénitences  qu'ils  mettent  enulage, 
fe  peut-il  qu'on  ne  reconnoifl'e  là  le  même  efprit  quia  anmié  tant  de  Saints  donc 
les  auftcritcs  nous  fcml.loient  prefqu'incroiables ,  avant  que  Dieu  eut  mis  fous  nos 
yeux  la  vie  fi  mortifirc  de  ceux  des  ConvuUionnaires  qu'il  favorife  davantage? 
Il  y  a  même  des  filles  qui  fe  donnent  de  violcns  coups  de  pierre,  prccifcmcnt 

fui 


\ 


IDE'E    DE   rOEUFRE  DES   CONFULSIONS.  Sf 

fur  les  endroits  de  leurs  corps  où  font  placés  ces  inftrumens  de  pénitence  :  cnfor- 
te  que  toutes  les  pointes  ne  peuvent  manquer  d'entrer  dans  leur  chair.  Il  elt 
vrai  que  c'eft  en  convuUîon  qu'elhs  fe  donnent  ces  coups  :  mais  elles  ne  Tentent 
pas  moins  dans  leur  état  naturel  la  rigueur  de  toutes  ces  pointes,  qui  étant  ref- 
tées  dans  la  chair ,  y  enveniment  (ims  cefTe  la  multitude  des  petites  plaies  qu'el- 
les y  ont  faites.  Cependant  on  en  voit  plufieurs  dans  le  temsde  leur  liberté  fouf- 
frir  cette  efpece  deiupplice  avec  une  joie  qui  fe  peint  fur  leur  ^àftge,  parce  qu'el- 
les font  perfuadécs  qu'elles  fuivent  en  cela  l'ordre  de  Dieu.  Et  loin  de  murmurer 
des  vives  douleurs  qu'elles  reffentcnt,  elles  le  beniflent  du  courage  qu'il  leur 
donne.  Se  le  fupplient  avec  inftancc  de  vouloir  unir  leurs  fouflPrances  à  celles  de 
nôtre  divin  Sauveur  feul  capable  de  donner  du  mérite  à  ce  que  nous  faifons ,  puif- 
que  fans  lui  nous  ne  pouvons  rien  faire  :  Il  n'y  a  de  véritables  vertus  que  celles 
dont  il  cil  le  principe  &  la  fin. 

Eft-ce  pour  expier  leurs  crimes  que  Dieu  porte  ainfi  les  Convulfionnaires  à 
des  macérations  fi  étonnantes?  On  ne  le  peut  dire  de  ceux  de  l'àgc  de  12.  à  13, 
ans,  qui  aiant  été  élevés  dans  la  piété ,  ont  toûjoui-s  vécu  d'une  manière  inno- 
cente :  encore  moins  de  plufieurs  d'une  jcuneflc  encore  plus  tendre.  Le  fuppofer 
de  ceux  de  qui  la  conduite  a  paru  de  tout  tems  régulière,  édifiante,  irréprocha- 
ble ,  ne  feroit-ce  pas  commettre  une  grande  injuliice  à  leur  égard  ?  Le  dire  de 
quelques  filles  qu'un  corps  contrefait  &  une  figure  hideufe,  ont  mis  dans  l'hcu- 
reufe  néceflité  de  fe  féparer  de  tout  commerce  du  monde  pour  ne  penfer  qu'aux 
choies  du  falut  6c  à  ce  qui  rappelle  à  l'éternité,  feroit  encore  une  injuftice  plus 
criante  !  Qu'elle  eft  donc  l'extrême  témérité  de  ceux  qui  confondent  tout  ?  Qj.ici 
fera-t-il  permis  de  déchirer  la  réputation  de  telles  pcrfonnes  malgré  leur  inno- 
cence ,  parccqu'elles  ont  des  convulfions  qu'on  a  pris  en  haine  ,  &  qu'on  mépri- 
fe  tous  ceux  à  qui  Dieu  en  donne. 

Si  l'on  vouloit  une  bonne  fois  fe  dépouiller  de  fes  préventions  pour  exajniner 
les  chofes  de  fang  froid  ,  &  les  pcfer  au  poids  du  fanftuaire  ,  l'on  verroit  que  s'il 
y  a  des  Convuliionnaires  qui  ont  eu  le  malheur  de  tomber  dans  le  fonatifme,  6c 
peut-être  par-là  dans  le  dérèglement ,  6c  quelques  autres  dont  la  conduite  n'a 
pas  été  entièrement  exempte  de  choies  repréhenfibles,  il  y  en  a  d'autre  part  un  af- 
lez  grand  nombre  qui  ont  toujours  vécu  dans  une  grande  pureté  de  mœurs ,  ^ 
plufieurs  autres  qui  paroiflent  bien  convertis  depuis  qu'ils  ont  des  convulfions  : 
&  l'on  ne  fe  boucheroit  pas  les  yeux  pour  s'obflriner  à  ne  pas  voir  que  Dieu  nous 
manifefte  par  une  multitude  de  prodiges ,  qu'il  lui  a  plu  de  choifir ,  non  feu- 
lement ceux  qu'il  a  préfervés  de  la  corruption ,  mais  auffi  ceux  qu'il  en  a  reti- 
rés ,  pour  leur  fiiire  publier  jufques  fur  les  toits  la  néccflîté  delà  pénitence  6c la 
prêcher  encore  plus  par  leurs  exemples  que  par  leurs  difcours.  N'eft-ce  pas  une 
merveille oii  le  doigt  de  Dieu  eft  marqué  par  des  traits  qui  portent  l'augufte  ca- 
raétere  de  fa  bonté  ,  6c  de  fi  Toute-puilTlince ,  que  tout  un  peuple  de  Convulfi- 
onnaires remués  par  une  imprefiionfurnaturelle ,  crient  publiquement  à  tout  le  mon» 
de,  6c  même  à  ceux  qui  font  aj/is  dans  la  région  des  ombres  de  la  mort.  ..  faites 
■pénitence  parcequc  le  Royaume  du  ciel  efl  proche.  Prépares  vous  à  recevoir  la  grande  uîn.  iV/ 
îumicre  qui  va  bientôt  paroitre ,  6c  qui  diflipera  les  ténèbres  de  tous  ceux  que  ki'"  '''•  ^'* 
grâce  aura  difpoies  à  cet  effet  ? 

Mais  s'il  elt  évident  que  c'eil:  Dieu  qui  les  fiiit  parler,  combien  ne  doit-on 
pas  gémir  fur  l'endurciffement  de  notre  ficelé,  de  voir  qu'on  fefoit  fi  fort  achar- 
né à  décrier  tous  les  Convulfionnaires  en  général  :  6c  qu'on  ait  réulfi  par  ce  moien 
à  engager  p.  Docteurs  à  les  condamner  fansconnoidance,  fans  examen,  fansdi- 
itinftion.?  Peut-on  ne  pas  frémir  à  la  vue  des  impertinentes  fables  publiées  coa- 

L  5  u-c 


86  IDE'E  DE   DOEUVRE  DES  CONVULSIONS. 


que  Ion  corps 
niitrcfois  difVorme  avant  les  guénfons  miraculeufcs  qu'il  lui  aplùde  lui  accorder? 
Comment  fes  calomniateurs  n'ont-il  pas  été  touchés,  lorfqu'ils  ont  fû  que  cette 
picufe  fille  ajoutoit  encore  la  plus  auftere  pénitence  aux  peines  qu'elle  ne  peut 
manquer  de  Ibuftrir  dans  les  dures  priions  où  elle  e(l:  depuis  fi  long-tems  renfermée! 
■«Li.         Il  feroitfans  doute  trop  long  d'entrer  dans  le  détail  de  toutes  les  vcitus  que  Dieu 
j^p'imî'ufs^  mis  dans  le  coeur  d'un  grand  nombre  de  Convulfionnaires  :  de  leur  amour  pour  la 
convuiûon-  pauvreté  :  de  leur  entier  &  partait  détachement  de  toutes  choies  :  de  la  vie  retirée  de 
"""■        pluiieurs  qui  ne  s'occupent  qu'à  prier  Dieu.  Mais  je  ne  puis  me  dilpenfer  de  parler 
du  caraélere  qui  diftingue  le  plus  furement  les  bons  Convulfionnaires  d'avec  les 
autres.  C'cll  l'humilité,  qui  dans  plufieurs  paroît  portée  à  un  digré  très  parfait. 
Nous  avons  dit  plus  haut  que  dans  les  premiers  tcms  oh  l'admiration  des  nou- 
veaux prodiges  qui  s'étoient  joints   aux    convul fions,  ne  faifoit  témoigner  que 
tnp  deconiidération  aux  Convulfionnaires,  plufieurs,  dont  la  plupart  ont   de- 
puis fiiivi  le  frerc  Auguilin,  s'étoient  perdus  par  l'orgueil  :  mais  il  iemblc  qu'ils 
devroient  tous  être  bien  guéris  de  ce  vice ,  préicntcmcnt  que  fuivant  leurs  pre- 
mières prédiétions,  pluiîeurs  Appcllans  Icfont  joints  à  M.  l'Archevêque  de  Sens, 
à  Dom  la  Tallc,  6c  à  tous  les  plus  furieux  Conllitutionn.iircs  poirr  les  décrier  par 
les  imputations  les  plus  odieulcs  :  6c  que  ces  fables,  quelques  ridicules  qu'elles 
foicnt ,  ont  néanmoins  produit  l'effet  de  couvrir  tous  les  Convulfionnaires  en 
général  d'un  tel  opprobre  ,  que  la  plupart  des  gens  ne  les  regardent  que  comme 
des  extravagans  dignes  du  dernier  mépris. 

Qui  ne  croiroit  qu'un  état  fi  humiliant  5c  fi  méprile  parle  grand  nombre, 
auroit  dû  les  guérir  de  la  maladie  conragicufe  de  l'orgueil?  Cependant  il  faut 
convenir  que  tous  n'ont  pas  encore  profité  de  l'humiliation  cxceilivc  où  la  provi- 
dence a  permis  qu'ils  foient  tombés  ,  6c  qu'il  y  en  a  encore  quelques-uns  qui  fe 
roidiflcnt  contre  les  opprobres  dont  on  les  couvre  -,  qui  veulent  fuivre  toutes  leurs 
fantaifies  qu'ils  s'imaginent  venir  de  Dieu,  6c  qui  affcéteut  une  indépendance  qui 
ne  peut  que  les  jetter  dans  de  dangereux  précipices.  Auflî  quelques-uns  d'cntr'cux 
ont-ils  eu  des  convulfions  qui  paroifient  venir  du  Démon.  Mais  le  nombre  de  ceux-là 
n'efl  pas  fort  grand ,  iur  tout  depuis  que  les  ignominies  ic  iont  multipliées  lùr 
leur  tête,  &  ce  petit  nombre  doit  être  préfentcmcnt  regardé  comme  taiiant  en 
quelque  forte  une  cipecc  particulière,  qui  ne  doit  point  déranger  l'idée  qu'on  a 
lieu  de  fe  former  de  tous  les  bons  Convulfionnaires  en  générai. 

Il  faut  encore  avouer  qu'il  y  en  a  quelques  uns  qui  ,  quoiqu'ils  fafîcnt  paroîtrc 
l'humilité  la  plus  profonde  dans  des  dilcours  magnifiques  qu'ils  font  en  convullion 
n'ont  pas  néanmoins  une  conduite  qui  réponde  toujours  a  ces  fcntimens  :  cnlorte 
que  ces  diicours  fcmblent  n'être  que  des  avcrtifTcmcns  que  Dieu  leur  donne,  flc 
dont  ils  ne  profitent  que  foiblcmcnt  :  mais  leur  nombre  cil  fort  petit ,  6c  ce  n'ell 
point  d'eux  dont  je  vais  parler. 

A  l'cgard  du  grand  nombre  dans  qui  l'humilité  cft  une  vertu  habituelle  ,  on 
appcrçoit  fcnfiblcment  que  plus  les  hommes  les  accablent  d'outrages ,  plus  Dieu 
fe  plait  à  les  bénir.  Ils  faveur  qu'on  les  mépriic,  qu'on  les  décrie,  qu'on  les  noir- 
cit injuftement  aux  yeux  des  Puiflances  6c  du  monde  :  comment  ic  vengent-ils 
de  leurs  ennemis,  6c  de  leurs  calomniateurs  ?  Ils  prient  pour  eux,  6c  le  conten- 
«.  Rn.i  i«.tcnt  de  dire  dans  leur  cœur,  6c  à  ceux  qui  connoillant  leur  innocence  ,  prennent 
II.  k  11.  p^^j,  ^  leurs  peines:  lai(f'éi-\i:s  faire  ^laifJ'ésAci  nous  nniiidnc  :  petiS-ctre  que  h  Seig- 
neur regardera  aotre  ajfiiiïion j  qu'il  nou^  fera  quelque  bien  four  <o  titaUàtUtom 

qnc 


IDE'E  DE  VOEUFRE    DES  CONFULSIONS.  ^y 

que  nous  recevons.  Auffi  eft-il  manifefte,  que  plus  on  les  charge  d'injures ,  plus 
le  Très-haut  augmente  leur  vertu.  En  faut-il  une  plus  grande  preuve  que  de  voir  que 
plufieurs  d'entr'cux ,  de  ceux  même  qui  dans  les  premiers  tems  qu'ils  ont  eu  des  con- 
vulfîons  paroifToient  avoir  moins  de  piété,  ont  acquis  une  patience  qui  leur  Eutfup- 
porter  fans  peine  la  plus  violente  perfécution  &  les  ignominies  les  plus  flétrillantes  ? 

Je  ne  prètens  pas  néanmoins  que  tous  les  Convulfîonnaires  attachés  à  la  Vérité, 
«Se  quifouffrent  fans  murmure  les  humiliations  qui  font  à  préfent  comme  les  fui- 
tes inféparables  de  la  fituation  où  Dieu  les  a  mis,  foicnt  pnur  cela  devenus  par- 
faits. Je  (îii  au  contraire  qu'il  y  en  a  encore  plufieurs  parmi  eux  qui  font  fujets 
à  de  grands  défiiuts  :  mais  fi  quelques  uns  n'ont  fait  que  peu  de  progrès  dans  la 
piété  ,  malgré  les  moiens  de  fan6tification  que  leur  état  leur  fournit ,  cela  doit-il 
nous  faire  fermer  les  yeux  fur  le  degré  de  vertu  où  beaucoup  d'autres  font  parvenus? 
Jie  dois  ce  témoignage  à  ces  derniers,  qu'il  y  en  a  plufieurs  dont  la  vertu  m'a  fl 
fort  édifié,  que  je  crois  leur  être  redevable  de  bien  des  grâces  que  Dieu  m'a  fai- 
tes ,  en  me  mettant  dans  le  cœur  de  les  prendre  pour  mes  modèles ,  quoique  je  ne 
les  imite  que  très  imparfaitement:  Se  que  c'eft  parmi  eux  &  ceuxsqui  fontaffez 
humbles  &  aflez  détachés  de  toutes  chofcs  pour  leur  rendre  iei-vice,  queî'ai  vuk 
pratique  la  plus  cxafte  de  tous  les  préceptes,  &  même  des  confeils  de  l'Evangile. 

Ceux  qui  les  fuivent  avec  le  plus  de  régularité  font  aifés  à  reconnoître.  Ce 
font  précifément  les  mêmes  que  Dieu  a  marqués  au fceau  de  l'humilité  la  plus  pro- 
fonde :  ce  font  ceux  qu'on  voitfe  rabaifier  encoreplus  qu'on  ne  les  humilie ,  &  qui 
paroifient  entièrement  ignorer  les  vertus  dont  Dieu  embellit  leur  ame.  Je  me 
contenterai  de  rapporter  im  fcul  trait  de  l'humilité  de  quelques-uns  :  Il  fuffira 
pout  faire  juger  à  quel  point  celui  qui  répand  fes  grâces  fur  qui  illui  plaît,  leur 
a  donné  cette  vertu. 

On  n'a  pas  manque  de  rapporter  à  plufieurs  les  calomnies  atroces  qu'on  publioif 
contre  eux,  &  tous  les  contes  ridicules  que  l'efprit  dcnîenfonge  avoit  forgé  pour' 
les  rendre  méprifables ,  ainfi  que  toutes  les  immodellies  honteulcs  &lesdifcours  im- 
pertinens  qu'on  leur  attribuoit.  Car  ce  font  plufieurs  de  ceux  Se  de  celles  qui  ont  ^ 
une  vertu  plus  digne  d'admiration  qu'on  calomnie  avec  plus  d'acharnement. 

Qui  n'auroit  pas  été  fenfible  à  des  traits  fi  perçans,  fur  tout  dans   la  circon- 
llance  où  ils  fe  trouvent,  d'être  en  butte  à  toutes  les  puiflances  qui  faififTent  les- 
moindres  prétextes  pour  les  traiter  avec  la  dernière  ignominie  ?  Cependant  des- 
impoftures  fi  outrageantes  n'ont  nullemement  altéré  la  paix  de  leurs  âmes.  Ils  of=- 
frent  à  Dieu  de  tout  leur  cœur  le  facrificede  leur  honneur  Se  de  leur  réputation 
aufli-bien  que  celui  de  leur  liberté  Se  de  leur  vie:  Sc  loin  de  fe  plaindre  de  ceux 
qui  les  noircifient  d'une  manière  fi  inhumaine  ,  dans  le  tems  qu'ils  font   pourfui-  ■ 
vis  de  toutes  parts  Se  qu'on  ne  cherche  que  le  moien  de  les  perdre  ,  on  les  a  vus  - 
fe  proftcrner  le  vifage  contre  terre  en  apprenant  ce  qu'on  publioit d'eux,  conju- - 
rer  le  Seigneur  avec  inftance  de  les  faire  bien  profiter  de  cet  excès  d'humiliation 
qu'ils  regardent  comme  un  avantage,  en  ce  que  cela  leur  donne  lieu  d'imiter 
en  quelque  fiiçon  le  divin  Sauveur  du  monde  qui  s'eft  fournis  volontairement    k- 
fouffrir  les  outrages  les  plus  fanglans.  Enfin  on  les  a  vus  prier  Dieu  de  tout  leur" 
cœur  pour  ceux  qui  les  couvrent  d'opprobres  6c  qu'ils  regavdenten  quelque  forte 
comme  leurs  bienfaiteurs. 

Ces  fiiits  font  fi  ailés   à  vérifier,  qu'il  n'y  a  q^e  des  écrivains  opiniâtrement'" 
déterminés  à  fermer  les  yeux  à  la  lumière  quipuiflènt  les  nier.  Que  ces  hommes" 
fî  prévenus  fe  donnent  la  peine  d'aller  entr'autres  prifons  à  la  Conciergerie,  ils  y^ 
trouveront  deux  innocentes  vierges  ,  fur  l'une  defqucliesla  malignité  laplusnoi-- 
rc.a  principalement  répandu  le  ppifoa  des  calomnies  les  plus- envenimées  !  Qu'ils- 


le?%. 


88  TDE'E  DE  VOEVVRE   DES  CONVULSIONS. 

les  interrogent  :  6c  loin  d'nppcrcevoir  dans  leurs  réponfes  le  plus  léger  vcflige 
d'impatience  ou  de  refTentiment ,  ils  ne  pourront  s'empêcher  d'être  édifies  de  Is 
paix  qui  rcgne  dans  leur  cœur  ,  de  leur  patience  à  toute  épreuve,  Scde  leur  cha- 
rité fincere  pour  tous  leurs  pcrfccutcurs. 
jtr  i.  4. y.  ,1  L^  patience  parfaite  cft  la  perfection  du  Chrillianifme  (dit  le  P.  Qucfnel  ) 
„  parccqu'clle  foumct  le  Chrétien  à  tout  ce  qui  cft  de  la  volontés  des  ordres  de 
„  Dieu,  &  qu'elle  lui  facrifie  tout.  La  vraie  fligeflc  d'un  Chrétien  (dit -il  plus 
„  bas)  eft  de  lavoir  louffrir:  mais  la  fagelTceft  un  don  de  Dieu,  &  ce  don  un  fruit 
„  de  la  prière,  mais  d'un  pricre fervente,  humble,  pcrféverante  „  Aufll  les  Con- 
vulfi  innaires  à  qui  Dieu  a  fait  le  don  précieux  d'une  patience  fi  humble  &  d'une 
fagefic  fi  Chrétienne,  le  prient-elles  prcfquc  fiuis  cefTe  avec  une  ardeur  qui  porte 
le  feu  jufque  dans  le  cœur  de  ceux  qui  en  font  les  témoins. 

Voilà  en  particulier  les  peribnnes  qu'on  outrage  fans  mefure.  Voilà  en  général 

quels  font  ceux  dont  on  voudroit  fiire  regarder  l'état  furnaturel,  comme  un  accès 

1.  Cir.  .V' de  folie.  Mais  ils  ont  la  confolation  de  pouvoir  dire  avec  l'Apôtre  :  „  nousfom- 

10.  II.  13.^^  j^^^^  £-çjyj  pour  l'amour  de  J.  C on  nous  pcrfécute,  &  nous  le  fouffrons  : 

„  ou  nous  dit  des  injures,  &  nous  répondons  par  des  prières:  nous  fommes  devc- 
,,  nus  comme  les  ordures  demondc,  comme  les  balaieurcs  qui  t'ont  rejettéesdc  tous. 
Qiic  MM.  les  Docteurs  me  permettent  de  les  confukcr  fur  cette  quelHon  ; 
qui  font  ceux  en  qui  l'Efprit  de  Dieu  p:'roit  agir,  ou  dans  ceux  qui  décrient  par 
d'odieufcs  calomnies  des  perfonncs  attachées  à  la  Vérité,  lorfquelcs  Puiflances  du 
monde  en  haine  de  cette  Vérité,  ne  cherchent  que  des  prétextes  pour  les  oppri- 
mes 5c  les  accabler  d'outrages,  ou  dans  ceux  qui  fupportent  toutes  ces  calomnies 
auffi  bien  que  toutes  les  autres  perfécutions  qu'on  leur  fait  fouffrir,  avec  une  pa- 
tience Se  un  paix  que  rien  ne  peut  altérer  >  5c  qui  dans  le  tems  même  qu'ils  font 
dans  les  fers,  ne  cetFent  de  prier  pour  leurs  calomniateurs? 
i.Ep.àTim.     En  attendant  leur  décifion,  voici  celle  que  je  trouve  dans  S.  Paul.  „  La  fin 
i.r.j.  .7.^^  ^^^  commandcmens  eft  la  charité  ....  dont  quelque -uns  fe  détournant  fe  font 
j,  égarés  en  de  vains  difcours  -,  voulant  être  les  Docteurs  de  la  loi ,  £cne  fâchant 
„  ni  ce  qu'ils  difent  ni  ce  qu'ils  affurent  fi  hardiment.  „ 
XLir.         Mais  quel  a  donc  c^té  le  motif  qui  a  pu  porter  d'illuftrcs  Appcllans  à  décrier 
Motifs  de  jçs  perfonnes  d'une  finguliere  piété ,  6c  d'une  patience  'î\  extraordinaire  ?  C'ell  dit 
peiun»  pouf  l'un  d'cux  qu'il  n'eft  pas  i-rai-femhlable  que  Dieu  donne  le  don  viiraciilcux  des  giié- 
tn"vuùoi"*'^f'^"^  ^  '^^^  perfonnes  qui  lui  femblcnt  fi  viles  6c  fi  mcprifablcs  :  c'eft  ditl'.\utcur 
Biire5.       desVains-ciForts  ,  qu'elles  font  indignes  de  faire  des  miracles. 

En  effet  qui  n'eut  pas  cru  que  Dieu,  pour  opérer  d'éclatantes  merveilles,  au- 
roit  pliitôt  choifi  de  grands  perfonnages  6c  des  Doéteurs  célèbres,  que  de  pau- 
vres filles  la  plupart  contrefaites ,  qui  p.uoificnt  à  des  yeux  mondains  le  rebut  8c 
la  b.i'aieure  du  monde?  Mais  la  foi,  l'humilité  6clacharitc  ne  vont  pas  toujours 
de  pair  avec  la  fcience  &c  les  grands  talens  :  l'eftimc  des  hommes  n'attire  pas 
toujours  celle  de  Dieu  :  il  ne  fait  cas  que  des  vertus,  6c  fouventillcs  place  avec 
une  libéralité  digne  de  lui,  dans  des  perfonnes  dont  l'extérieur  n'a  rien  que  de 
jic  a.  s-  méprilable.  Dieu  n  a-î- il  pas  choifi  .,à.\x.  l' Efprit  Saint  ,ff//.v  qui  étaient  pauires  dans 

le  monde  pour  les  rendre  riches  dans  la  foi  ? 

E:rp.  dci»     •)•>  Qu'elle  différence  (dit  M.  r.'\bbé    Duguct  en  parlant  des  aveugles  6c  des 

Taiï.T  I  p-„  boiteux  qucj.  C.  guérit  dans  le  temple)  qu'elle  différence  mit  aloi-s   la  foi 

^'■'^'         „  entre  ces  aveugles  6c  ces  boiteux  fi  méprifables  félon  le  ficelé,  fi difgraciés de 

„  lan.iture,  Cx  négligés  en  apparence  par  la  divine  providence  julqu'à  ce  mo- 

„  ment  :  6c  Ls  Princes  des  Prêtres  6c  les  Doéteurs  de  la  loi,  ù   diilingues  par 

„  leur  rang  ,  par  leur  crédit  6c  par  l'opinion  que  le  monde  avoit  de  leur  ha'oir? 

Au 


IDE'E   DE   L'OEUFRE   DES   CONVULSIONS.  ?p 

Au  furplusles  Doéleursles  plus  oppofcs  aux  convulfions  n'ofent  nier  que  Dieu    j-Ltir. 
n'ait  efieétivement  opéré  plufieurs  miracles  entre  les  mains,  ScparleminifteredesLcsadverrii- 
Convulfionnaires  :  ils  font  même  quelquefois  forcés  d'en  convenir  ex prefTé ment,  vulût^sn-"- 

MM.  les  Confultans  eux-mêmes  n'ont  pas  cru  pouvoir  fc  difpenfer  de  fùre'"'^"' "'"i"» 
déclarer  au  perfonnage  parabolique  qu'ils  ont  emploie  à  faire  Pexpofé  de  leurii^nnairM  ' 
confultation :  ciu'il  avoit  oui  dife  qu'il  s'était  fait.. .  .  quelques  miracles.  .  .  .  parls^y^V}}  *V' 
mimjtere  cs»  par  r intervention  des  Convulftonnaires. 

M.  Fouilloux  quoi  qu'un  des  plus  prévenus,  l'avoue  d'une  manière  encore  plus 
formelle  jufques  dans  fon  libelle  diffamatoire  contre  Charlote  la  Porte ,  qui  ell 
une  de  celles  par  qui  Dieu  en  a  fait  un  plus  grand  nombre. //«f/««/^^j-«'o/r(f,  dit- 
il,  que  ces  filles  fajfent  des  jniracles  toutes  les  feisqu'elksfe  mettent^  ou  qu'elle  s  font 
mifes  en  mouvement  pour  opérer. 

Raifonner  ainfi,  n'eft-ce  pas  convenir  précifement  que  fi  les  Convulfionnaircs 
ne  font  pas  des  miracles  toutes  les  fois  qu'elles  fe  mettent  ou  qu'' elle  s  font  mifes  en  mou- 
'vement  pour  en  opérer .,  du  moins  elles  en  font  quelquefois? 

Ce  qu'elles  font  .^  dit -il  plus  haut ,  p9ur  opérer  fur  les  corps  des  guérifons  mervsil- 
leufes. ..  .  ne  réujfit  pas  toujours.  Donc  de  ion  propre  aveu,  ce  qu'elles  font  opère 
quelquefois  des  guérifons  merveillcufes. 

Mais  quoique  ces  MM.  fe  voient  hors  d'état  de  nier  que  Dieu  fefoit  efFeftivc- 
ment  fervi  de  plufieurs  Convulfionnaircs  pour  faire  de  miracles,  ces  miracles 
aiant  eu  trop  de  témoins  pour  pouvoir  être  révoqués  en  doute  ,  cela  ne  les  empê- 
che pas  d'inmiuer  dans  leurs  écrits,  que  néanmoins  cela  ne  peut  pas  être,  par 
l'unique  raifon  que  fuivant  eux  cela  n'cfl:  pas  digne  de  Dieu. 

Feu  M.  l'Abbé  Duguet  en  parlant  des  Doéteurs  de  la  loi  dit  qu'  „  ils  prcfcri-  Expi.  dt  la 
5,  voient  à  Dicuce  qu'il  devoit  foire  pour  fa  propre  gloire.  ...  ils  s'ctabliffbient7^a';^'^:''p.* 

„  fon  confeil ils  prétendoient  favoir  mieux  que  lui  ce  qui  convenoit  ou  cci^'*"^?- 

„  qui  ne  convenoit  pas  au  plan  qu'ils  s'étoient  fait  de  la  religion.  (Sur  quoi  il 
„  s'écrie)  :  aveugles  &  infenfés  qui  ne  favoient  pas  que  les  penfées  de  Dieu  font 
„  plus  éloignées  de  celles  des  hommes,  que  le  ciel  ne  Tell;  de  la  terre:  que  fes 
„  jugemcns  font  un  abîme  impénétrable:  &  que  quiconque  ofe  fonder  fa  Ma- 
,,  jellé,  eft  accablé  par  le  poids  de  fa  gloire  ? 

Cette  réflexion  fî  judicieufe  d'un  Auteur  fi  renommé  n'a  pas  empêché  plufieurs 
Doéteurs  de  décider,  qu'il  ne  convenoit  pas  à  la  majefté  de  la  SagefTe  divinedc 
choifir  pour  opérer  de  fi  grandes  merveilles,  des  peribnnes  qui  paroiffent  à  ces 
MM.  fi  viles  &  fi  méprif'ables.  Ainfi  le  Très-haut  avant  de  faire  des  miracles 
par  le  miniftere  des  Convulfionnaircs,  a  eu  grand  tort  de  ne  pas  confulter  MM. 
les  Dofteurs  :  ils  lui  auroient  appris  ce  qui  eft  digne  de  lui  :  Se  foute  par  lui  de 
l'avoir  fait,  ou  de  ne  les  avoir  pas  choifis  eux-mêmes,  ils  le  déchaînent  contre 
les  œuvres  de  fa  Toute-puiflance.  Ils  ontétéjufqu'à  of'cr  attribuer  des  miracles 
inconteffables  à  un  agent  fort  di flingue  de  Dieu^  s'il  n'cll  paspofiible,  difent-ils, 
d'en  chercher  le  principe  dans  la  nature. 

Qui  auroit  jamais  pu  croire  que  des  Appellans  en  feroient  venus  jufqu'au  point 
d'attribuer  au  Démon  des  miracles  opérés  à  l'interceffion  du  B.  Appellant  dont 
Dieu  fe  plaît  à  canoniier  la  foi  par  tantdc  merveilles?  Dans  quelles  ténèbres,  ô 
mon  Dieu!  l'eiprit  des  plus  grands  hommes  ell-il  donc  capable  de  tomber  fitôt 
que  vous  l'abandonnés  ;i  lui-même! 

„  Quelque  vifiblc  que  loit  le  doigt  de  Dieu  (dit  le  Père  Qiiefnel)  le  monde  ^^'  ■♦•  ^* 
„  n'a  point  d'yeux  pour  le  rcconnoitre.  Ne  voit-on  pas  tous  les  jours  (dit-il  euLuc. ,,.  ,j. 
„  un  autre  endroit)  que  par  des  jugemens  téméraires  &  aveugles ,  on  attribue  à 
„  l'efprit  malin  ce  qui  eft  de  l'efprit  de  Dieu.  Etrange  état  (dit«il  ailleurs)  de 

Où/ervat.     I.  Part,  Tome  IL  M  uc 


po  IDE'E   D  E  VOEU  F  RE  DES  CONVULSIONS. 

Aa.4.v,i<."  "^  pouvoir  réfifter  à  l'cvidence  des  preuves  d'un  miracle.  ...  &  de  continuer 
„  de  combattre  les  Vérités  6c  lesperfonnesque  Dieu  veut  autorifer  par  ce  mo- 
„  ien  !  .  .  .  Mon  Dieu  délivrés  nous  d'un  tel  endurciflemcnt  de  cœur  !  Faites 
„  nous  aimer  tout   le  bien.  .  .   par  qui  que  ce  foit  qu'il  fe  fafle!  Préfervés-nous 
„  des  paflîons ,  des  engagemens  6c  des  préventions  qui  ferment  les  yeux  &  les  oreil- 
„  les  à  la  Vérité.  „ 
c^'r'^tn-  ^  Qiiand  il  n'y  auroit  en  faveur  des  Convulfionnaives  que  les  miracles  qu'il  a  plû 
«tid.i  mira- à  Dieu  d'opérer  par  leur  mains,  ce  feroit  fe  révolter  contre  le  témoignage  de 
paVifTnt-JDieu  même  que  d'ofer  attribuer  toute  cette  œuvre  à  l'opération  du  Démon.  Les 
cIptTvLif."   niiracles  font  la  voix  de  Dieu  :  les  miracles  difcerncnt  aux  chofes  douteufcs  :  les 
njirti.     "miracles  font  une  preuve  fî  incontellablc  que  J.  C.  pendant  lli  vie  n'a  point  voulu 
en  cmploicr  d'autres  pour  prouver  fa  Divinité  ?  Lesœuires  ^uej'e  fais  au  nom  de 
'^'^^^°'-^n:onPcre^  dit-il,  rendent  témoignage  de  moi. 

Auflî  le  célèbre  Auteur  que  je  ne  me  lafle point  de  citer,  va-t-il  jufqu'àdirc, 

rQ^fi.jcan^^  que  ceux  qui  neveulentpointreconnoitre  aujourd'hui  la  voix  des  miracles 

ibij.11.4S.,,  font  en  cela  dignes  fucceffeurs  des  Juifs  incrédules.  (Il  déclare  que)  fe  re- 
„  volter  contre  le  témoignage  des  miracles,  qui  marquent  évidemment  l'ap- 
„  probation  de  Dieu  . . .  (c'eil  le  plus)  effoiable  exemple  des  extrémités  où 
„  conduifent  infenfiblement  la  prévention,  l'entêtement,  l'envie,  &  l'amour 
„  de  la  gloire  humaine.  (Il  dit  encore)  :  il  n'y  a  qae  l'Auteur  de  la  nature  qui 
jran.  j.  50.,,  puiffc  la  rcparcr,  6c  s'affranchir  de  fcs  loix  ordinaires.  „  D'où  il  fuit  que  c'eft 
une  impiété  d'attribuer  de  véritables  miracles  au  Démon. 

Que  Dieu  ait  opéré  pluficurs  miracles  par  les  mains  des  ConvulHonnaircs,  c'eft 
un  tait  d'une  notoriété  h  publique  que  feu  M.  l'Evêque  de  Montpellier,  dont  le  té- 
moignage cft  d'un  fi  grand  poids,  ne  craint  pas  d'avancer  comme  une  Vérité  incon- 
inft  Pa.i  autcflablc,  que  ,,  depuis  le  jour  que  l'accès  du  tombeau  a  été  interdit  à  la  pieté  des 
i/jsf"""'  5»  fidèles,  Dieu  n*a  pointceflcjufqu'aujourd'hui  d'opérer  parmi  nous  desguérifons 
„  rairaculeufcs  ,  6c  pluficurs  même  par  le  miniftere des Convulfionnaires,  Vérité 
„  (ajoute-t-il)  également  propre  à  confondre  les  ennemis  de  l'appel,  à  confoler  au 
„  milieu  des  plus  affligeantes  contradiétions,  6c  à  fei-vir  de  flambeau  au  travers 
„  des  nuages  épais  dont  Dieu  a  permis  que  fcs  oeuvres  fufient  couvertes.  „ 

Servons-nous  donc  de  ce  flambeau  pour  nous  conduire  dans  le  chemin  de  la  Vé- 
rité :  6c  comme  il  peut  y  avoir  quelques  Icétcurs  qui  n'aient  pas  été  fuffifamment  in- 
ilruirsde  ces  miracles,  rapportons-en  quelques-uns,  afinquc  perfonne  ne  puifle 
douter  que  Dieu  n'ait  rendu  ce  témoignage  décifif  en  faveur  des  convulfions. 
XI.V  Je  m'attacherai  principalement  à  celui  qui  fût  opéré  le  i.  Juin  1733.  fur  Ma- 

J!^"fur'*'J'r!cdame  Loifel  dite  de  Stc.  Clotilde  Religicufc  du  Calvaire,  parcequeles  pièces  ju- 
Rtr^ifufe  ûificatives  en  font  entre  les  mains  du  public. 

pr'<dii'7»'*  Dans  le  tcmsque  cette  Dame  eft  dévorée  par  une  fièvre  continue,  dont  les 
ontconvi:!  rcdoublcmcns  journaliers  embrafent  6c  exténuent  de  plus  en  plus  fon  Corps  : 
faii.àfa prie- dans  le  tems  quelle  elt  opprciicc  par  une  nuxion  de  poitrine  qui  a  déjà  li  tort 
*•*  corrompu  tout  fon  fang  qu'il  a  entièrement  perdu    les  qualités  6c  jufqu'à  fa 

couleur  :  dans  le  tems  que  l'inflammation  de  fes  poulmons  annonce  leur  dc- 
flruftion  prochaine  :  dans  le  tems  qu'après  avoir  épuifé  prcfquc  tout  fon  fang  par 
7.  faignées  confécutivcs  qui  ne  lui  ont  apporté  aucun  foulagcmcnt ,  clic  fe  voie 
réduite  à  la  folblcffe  la  plus  extrême,  6c  à  une  forte  d'anèantilTemcnt  qui  prc- 
difcnt  fa  dernière  heure  ;  dans  le  tems  enfin  qu'elle  fe  prépare  à  recevoir  les 
Sacremcns  des  mourans  qu'on  cil  fur  le  point  de  lui  adminillicr,  il  paroît  une 
Convulliormairc  qui  aptes  avoir  fait  pluficurs  prières  6c  lui  avoir  donné  à  boi- 
re de  l'eau  de  hprécicufc  terre  pnfc  au  tombeau  du  B.  Appellaiit,  lui  comman- 
de 


qui     pr 

ventcc  mi» 


IDE'E  DE  VOEUFRE  DES   CONVULSIONS.  91 

de  au  nom  du  Seigneur  de  fortir  du  lit  de  mort  où  clic  eft  comme  enfevélie. 

Dans  l'inflant  k  fièvre  ccfle ,  l'opprefllon  fe  diflipe,  les  poulmons  embrafcs 
reprennent  leur  fraîcheur  naturelle  :  un  fang  nouveau  auquel  Dieu  donne  l'être,  fc 
répand  dans  toutes  les  veines  :  la  moribonde  recouvre  tout  à  coup  une  fanté  par- 
faite :  elle  fe  levé  avec  fiicilité  Se  va  à  la  tribune  chanter  folemnellemeut  le  Te 
Deum  avec  les  autres  Religieufes. 

Son  Médecin  curieux  de  voir  fi  elle  efi:  encore  en  vie,  8c  s'il  ne  pourra  point 
trouver  moien  de  la  lui  prolonger  de  quelques  momens ,  fe  préfente  à  la  porte 
du  Couvent.  Mais  quelle  eft  fi  furprife  !  Il  voit  fa  malade  qui  ne  l'eft  plus ,  accou- 
rir au  devant  de  lui  avec  une  démarche  ferme  i<i  un  vifage  où  brille  la  fanté  :  il 
lui  tâte  le  pouls:  il  le  trouve  aufli  bien  réglé  6c  auffi  fort  que  fi  tout  fon  fang  n'avoit 
point  été  corrompu  par  une  maladie  fi  violente,  ni  épuifé  par  tant  de  fiiignées. 
frappé  d'adnjiration ,  il  ne  peut  refufcr  de  rendre  hommage  à  un  miracle  fi  évident.    Fu^cV'de» 

Tous  ces  faits  font  prouvés  par  tant  de  témoignages  fi  refpeétablcs  que  les  plus  "'T°''K"^6e« 
incrédules  ne  pourront  fans  renoncer  à  leur  rai fon  refufcr  d'y  ajouter  foi.  Ils  font  vent ''""'" 
atteftés  par  28.  Religieufes  témoins  oculaires,  à  la  tête  defquelles  fe  trouvent  la'"'' 
Prieure ,  la  Soupricure  &  la  perfonne  guérie  ,  qui  toutes  n'ont  pas  craint  de  les 
certifier  à  la  face  de  toute  la  terre  par  un  acte  padé  devant  Notaire  dès  le  lende- 
main de  la  guérifon  fubite  de  la  Dame  de  Ste.  Clotilde:  ils  le  font  par  Mde.  de 
Vinx  veuve  d'un  Lieutenant  général  des  armées  du  Roi ,  qui  commandoit  les 
Moufquetaires ,  laquelle  en  qualité  de  bienfaitrice  de  ce  Couvent  s'y  étoit  retirée 
depuis  quelques  iours,  £c  qui  certifie  avec  fes  femmes  au  pied  de  l'aéte  pafiepar 
les  Religieufes,  qu'elles  ont  une  parfaite  connoijjance  de  la 'maladie^  guérifon  fithiîg 
de  la  Dame  de  Ste.  Clotilde  :  ils  le  font  par  Mde.  de  Couefquen  Supérieure  Générale 
de  la  Congrégation  du  Calvaire ,  qui  avoit  été  informée  de  l'extrémité  où  cette 
Rcligieufe  étoit  réduite  :  Se  qui  aiant  appris  fa  guérifon  évidemment  miraculeufe 
alla  auffi-tôt  s'en  aiTurer  par  les  yeux;  ils  le  font  enfin  par  M. Reneau me  Méde- 
cin célèbre,  Se  par  M.  Sauré  Chirurgien  d'une  grande  réputation,  qui  tous  deux 
ne  partent  point  pour  être  trop  crédules  en  fiiit  de  miracles,  &  qui  néanmoins 
ont  été  fi  frapés  de  celui-ci,  qu'ils  n'ont  pas  balancé  dès  le  lendemain  du  miracle 
de  donner  leurs  rapports  de  l'extrémité  de  la  maladie  &  de  la  guérifon  parfaite 
opérée  dans  un  inftant. 

Croira  - 1  -  on  que  toute  une  Communauté  de  Stes.  filles  confacrces  à  Dieu  fc 
foit  concertée  pour  forger  une  impofture  ?  Mais  quel  fruit  pouvoient  -  elles  en 
efpérer  dans  ce  monde?  11  étoit  queftion  d'un  miracle  que  Dieu  venoit  d'opérer 
dans  l'inftant  même  qu'il  avoit  été  demandé,  prédit  &:  déclaré  par  une  Convul- 
fionnairc.  Perfonne  n'ignore  à  quel  point  le  public  eft  prévenu  contre  les  convul- 
fions,  &  que  c'eft  fe  livrer  de  gaieté  de  cœur  à  fon  mépris  que  d'atteftcr  des  faits 
décififs  en  faveur  des  Convulfionnaires.  Quelle  étoit  donc  la  récompcnfc  que  tou- 
tes ces  Stes.  filles  avoient  lieu  d'attendre  du  témoignage  autentiquc  qu'elles  ren- 
doicnt  à  un  miracle  qui  blefle  fi  fort  les  préjugés  du  fiécle  où  nous  vivons.  D'ê- 
tre blâmées,  critiquées ,  méprifées,  non-feulciuent  par  les  gens  du  monde,  mais 
même  par  une  partie  des  Appellans  :  defc  mettre  en  butte  à  tous  lesConftitution- 
naires  ennemis  des  convulfions  par  état  &  par  intérêt,  &  qui,  piqués  contre  ce 
miracle  ,  ne  manqucroient  pas  de  chercher  les  moiens  de  renverfer  la  Communauté 
qui  avoit  ofé  en  rendre  témoignage.  Enfin  elles  dévoient  s'attendre,  comme  il 
vient  d'arriver  effeclivement ,  que  les  plus  grandes  PuifTances  Ecclcfiaftiques  & 
féculieres  fe  joindroient  enfemblc  pour  les  opprimer. 

*=  11  eft  donc  évident  que  cette  Communauté  n'a  pu  avoir  d'autre  motif  que  celui 
de  plaire  à  Dieu  en  fe  facrifiant  ainfi.  Or  qui  ne  fait  qu'on  ne  lui  plaît  point  par 

M  z  l'im- 


■fit         IDE'E  DE   VOEUFRE  DES  CONFULSIONS. 
rimpofture  6c  le  mcnfongc?  Tous  ceux  qui  n'attendent  leur  récompenfe  que  dans 
l'autre  vie,  ne  l'attendent  que  de  la  Vérité. 

D'ailleurs  dans  une  Communauté  compolced'efpritsdifïerens,  fi  ces  faits  n'euf- 
fcnt  p;is  été  inconteftables  :  difonsplu3>  Si  toutes  les  Rcligicufes  qui  en  ont  cer- 
tifie la  vérité,  n'y  cuflcnt  pas  été  en  quelque  forte  forcées  parla  vive  lumière  avec 
laquelle  ce  miracle  avoit  éclairé  leur  cfprit  &  échauffé  leur  cœur,  fc  feroient- 
cUcs  toutes  déterminées,  quelques -unes  mêmes  contre  leurs  premiers  préjugés, 
à  s'expofer  ainfi  aux  contradiétions  £c  aux  travcrfcs  qu'un  pareil  témoignage  ne 
pouvoit  manquer  de  leur  fufciter? 

Penfera-t-on  aiilTî  qu'une  pcrfonne  de  la  condition  de  Mdc.  de  Vinx  ,  dont 
tout  Paris  connoit  le  mérite  à  La  pieté,  fe  fut  portée  à  atteller  un  pareil  fait  s'il 
n'eût  pas  été  véritable? 

Ofera  -  t  -  on  avancer  que  Mdc.  de  Couefquen  dont  la  vertu  efl  fi  éclattante  &:  les 
lumières  fi  fupérieures,  6c  qui  vient  encore  d'en  donner  de  fi  grandes  preuves,, 
ait  été  capable  d'entrer  dans  un  complot  facrilegc  qui  ne  pouvoit  que  lui  attire? 
la  pcrfécution  qu'on  lui  fuit  fouffrir?  Et  fi  la  Vérité  n'étoit  pas  le  flambeau  qui  la 
conduit,  Dieu  la  fouticndroit-il  comme  il  fiit  d'une  manière  fi  marquée? 

Enfin  prétendra- 1- on  qu'on  a  trouvé  le  moien  de  féduirc  un  Médecin  6c  ua 
Chirurgien  qui  ont  autant  de  réputation  que  M.  Rcneaume  6c  M.Sauré?  Quel 
autre  motif  que  la  vive  impreflîon  que  l'opération  de  la  Divinité  a  fait  dans  leur 
ame  à  la  vue  d'une  fi  grande  merveille,  eut  pu  les  engager  à  fournir  eux-mêmes 
les  preuves  d'un  pareil  miracle,  qui  choque  fi  fort  les  préventions  du  public  dont 
ils  ont  tant  d'intérêt  de  mérutger  la  bienveillance  ? 

La  Vérité  feule  a  la  force  de  convaincre  entièrement  les  efprits ,  defubjugucr 
en  mcme-tems  les  cœurs,  6c  de  fc  faire  rendre  témoignage  malgré  tous  les  in- 
térêts humains:  mais  aulîî  lorfqu'on  voit  qu'elle  a  produit  de  tels  effets,  il  n'cfb 
pas  permis  de  rcfufcr  de  la  rcconnoître. 

Tous  les  principaux  fiits  dont  je  vais  rendre  compte,  font  appuicspar  la  dé~ 

pofition  de  ces  témoins.  Leurs  certificats  fontimprimés  6c  répandus  depuis  long- 

tems  entre  les  mains  du  public  j  ainfi  j'ai  lieu  d'éfpérer  que  le  leftcur  prendra 

confiance  aux  extraits  que  je  vais  en  rapporter. 

TLvii.        Des  le  mois  de  Février  17^3.  une  jeune  pcnfionnairc  du  Couvent  du  Calvaire 

»rJd7aion'  ^voit  eu  des  convulfions  dans  Icfquelles  elle  avoit  été  fort  occupée  de  la  Dame  de 

et  la  en-  Ste.  Clotilde.  Elle  lui  annonça  acs  le  mois  d'Avril  que  J.  C.  alloit  bien-tôt  la 

""''"""'"''faire  boire  dans  fon  calice:  qu'elle  auroit  une  maladie  très dangereufc,. mais  que 

cette  maladie  feroit  pour  la  gloire  de  Dieu ,  6c  fcrviroit  à  faire  éclatter  fa  puifTancc. 

La  De.  de  Ste.  Clotilde  fe  fcntant  dans  une  faute  parfaite  ne  s'inquiétoit  pas 
beaucoup  de  cette  prédiéVion  qui  étoit  fuc  de  tout  le  Couvent ,  6c  demandoit  fou- 
vent  à  la  jeune  Convulfionnaire  /<  ce  feroit  birn-iôt. 
TLvni.       „  Le  14.  Mai  elle  fe  trouva  attaquée  d'un  rhume,  avccunc  touxconfidérabley, 
r'c'xu/m.fj  >i  î'^qu'^l  ^^  joignit  un  grand  mal  6c  opprcffion  àc  poitrine,  qui  augmenta  de  jour 
dfii  ma.a   ^^  en  jour  „  fuivant  que  l'ont  déclaré  toutes  les  Rcligicufes  dans  l'aétc  pan*é  iep. 
Juin,  qui  efi:  le  lendemain  du  miracle. 

Pendant  aflcs  long-tems  la  De.  de  Ste.  Clotilde  ne  voulût  faire  aucun  remède,, 
apparemment  parccqu'elle  avoit  appris  que  la  Convulfionnaire  rcjfentoit  une  gran- 
de partie  de  fcs  maux ,  aiant  une  toux  [iche  y  continuelle^  6c  un  grand  mal  à  la  jpoir 
trine  y  difcnt  les  Religieufes. 

Ccp  ndant  le  Mccredi  3.  Juin  une  fièvre  brûlante  s'ctant  jointe  à  l'inflamma- 
tion ce  la  poitrine,  rcduifit  la  De.  de  Ste.  Clotilde  à  une  fi  grande  folblcffc  qu'elle 
n'cûl  plus  la  force  de  fc  mettre  à  fon  féant  dans  foti  lit  ^  fuivant  qu'elle  le  déclare 
avec  toutes  les  Rcligicufes.  ^  Se 


4>e. 


IB'E'E  DE  VOEUFRE  DES  CONVULSIONS.  s>3 

Se  volant  en  cet  état  elle  fe  détermina  enfin  ^  fe  faire  faig/îer  :  nins'ûya.ton- 
te  apparence  que  dès  ce  jour  le  mal  étoit  déjà  venu  à  un  point  où  il  n'y  avoit  plus 
de  rem  éde .  Cette  première  faignée  n'aiant  fait  aucun  effet  ^  on  en  fit  une  féconde  le  lende- 
main qui  n'aiant  pas  cû  plus  de  fuccès  que  la  première,  on  envola  chercher  le  foir  AI. 
Reneaume  Médecin  célèbre  qui  ordonna  une  ^e.  faignéeen  cas  de  redoublement . 

„  Je  la  trouvai,  dit  ce  grand  Médecin  dans  fon  rapport ,  avec  fièvre,  difficulté 
„  de  refpirer,  toux  fréquente  &  féche.  Elle  avoit  déjà  été  faignée  deux  fois  : 
y,  fon  fang  étoit  coineux  &  d'une  couleur  grife,  tel  qu'on  le  tire  dans  les  difpo- 
5,  fitions  inflammatoires.  Je  la  fis  refiigner  les  jours  fuivans  6c  le  fang  étoit  tou- 
„  jours  de  plus  en  plus  mauvais.  „ 

Ainfi  des  les  premières  faignées  fon  fang  avoit  déjà  perdu  fes  qualités  &  fa  cou- 
leur, étant  dès  lors  coineux  6?  d'une  couleur  grife.  Depuis  ce  moment  il  eH  toujours- 
devenu  de  plus  en  plus  'mauvais^  dit  M.Renéaume.  Que  le  leéteur juge  lui-même 
à  quel  point  il  étoit  coiTompu  dans  les  derniers  jours. 

Àuffi  le  Vendredi  f.  Juin,  M.  Reneaume  étant  revenu  le  foir  voir  la  malade, 
„  ordonna  une  4?.  faignée  pour  le  lendemain:  ce  qui  fût  exécuté  par  M.  Sauré 

„  Chimrgien qui  trouva  (la  malade)  en  très  grand  danger  :  ajoutant  qu'il  étoit 

„  abfolument  néceflaire  d'envoier  chercher  le  Médecin  pour  qu'il  vit  le  fang  qu'il' 
„  vcnoit  de  tirer.  ,, 

Ce  jugement  de  Ivl.  Sauré  efi;  trop  important  pour  ne  pas  joindre  les  termes 
de  fon  rapport  au  témoignage  des  Religicufcs.  „  Je  fouffigné,  dit-il ,  certifie  que 
„  le  Samedi  6.  jour  de  Juin  173^.  j'ai  été  mandé  pour  fiigner  Me.  Loifcl  de 
5,  Ste.  Clorilde,  que  je  trouvai  avec  une  fièvre  continue,  une  opprefiion  de  poi- 
„  trinc  (&  autres  fimptômes)  d'une  inflammation  dans  le  poulmon ,  de  laquelle  elle 
„  avoit  déjà  été  faignnée  3.  fois  du  bras  fans  avoir  reçu  aucun  foulagement.  Te 
„  la  faignai  pour  la  4'.  fois ,  &  lui  tirai  un  fang  coineux  inflammatoire  :  ce  qui 
„  m'engagea  à  dire  qu'il  falloit  promtement  faire  avertir  le  Médecin,  attendu 
„  que  la  malade  m'a  paru  en  très  grand  danger.  „. 

A  la  vue  de  ce  lang  coineux  inflammatoire  qui  portoit  avec  lui  des  preuves  d' une- 
inflammation  dans  le  poulmon^  le  Médecin  ne  fût  pas  moins  convaincu  que  le 
Chirurgien,  que  l'état  de  la  malade  dénotoit  une  mort  prochaine.  Il  fût  étonné  ^ 
difent  les  Religicufes,  devoir  du  fang  ft  mauvais  ^^  ordonna  une  cinquième  faig-- 
fiée pour  le  foir  du  même  jour:  mais  en  même  tems-  il  fe  crut  obligé  d'avertir 
la  malade  de  fc  conduire  comme  s'il  y  avoit  du  danger. 

Tout  le  monde  fxit  ce  que  fignifient  ces  termes  dans  la  bouche  d'un  Médecin  ^ 
qui  dans  la  crainte  de  trop  effraier  une  malade,  adoucit  toujours  fes  expreflions. 
Aufil  la  Dî.  de  Ste.  Clotilde  comprit-elle  fort  bien  la  valeur  de  celles  de  M.  Re- 
neaume: en  eonféquence  elle  fe  confefia,  dès  le  même  jour  ;  6c  après  cette  fala- 
taire  précaution,  elle  fût  faignée  le  foir. 

Mais  tant  de  ftignées  réitérées  coup  fur  coup  avoient  lî  fort  épuifé  fon  fang ,  3c 
cllefût  fi  foible  à  cette  f^.f.ùgnéequ'on  ne  pût  en  tirer  que  deux  paletes^àitM.R.c- 
neaume.  Cependant  comme  les  indications  fuhfifîoient .,  continue-t-il,  j  ordonnai 
qt'.t  fi  le  redoublement  revenoit  ^  on  r^héfttât  point  à  faire  uîie  rt?.  faignée. 

Le  lendemain  Dimanche  7.  du  dit  mois  h  Médecin  ^  difent  les  Religicufes,  Ttî/^»/ 
irauvén  cncorcplus  mal,  il  ordonna  qu'on  fit  cette  6e.  faignée  ,  qui  fut  faite  fur  les  6. 
heures  du  foir  :  13  étant  revenu  peu  après  la  dite  faignée ,  il  en  ordonna  une  7-.  pour  ■ 
ie  même  jour. 

5,  L'étant,  venu  vifiter  après  cette  6e.  faignée  (dit-il  lui-même)  je  la  trouvai' 
„  très-opprefl'éc  ,  ne  crachant  point ,  fon  fang  extrêmement  coineux  6c  plus  mau- 
„  vais  qu'à  l'ordinaire  :  la  foiblelfe  me  fit  héfiter  fur  cequej'avoisàiàire.  Cepen- 

M  i  „  dànt: 


P4        IDE>E  DE  VOEUFRE  DES    CONFU LSIONS. 

,,  dant  comme. ...  le  pcril  me  paroifloit  évident ,  je  me  determimi  à  faire  faire 

„  une  7e.  faignce  fur  les  10.  heures  du  foir.  „ 

y,  Après  cette  fcptiéme  faignée  (difent  les  Religicufcs)  elle  tomba  dans  un 
„  état  de  foiblcfTc  qui  dura  près  de  4.  heures.  „ 

Le  trifte  fpeélacle  d'une  fi  longue  défaillance  peu  différente  de  l'agonie  ,ai:'jit 
fait  connoître  qu'il  ncrciloit  prefque  plus  de  iang  à  la  malade,  6c  que  toutes  fcs 
forces  étoicnt  anéanties,  il  ne  fût  plus  qucition  de  nouvelle  faignée.  Lorfqu'ellc 
fut  revenue  de  cette  cfpccc  d'évannuinenicnt,cllc  comprit  aulfi  bien  que  toutes 
les  Religieufcs  qui  l'environnoicnt ,  qu'il  n'y  avoit  plus  aucune  rcflburcc  pour 
elle  dans  le  fccours  des  hommes.  Cette  pcnfée  lui  fit  demander  de  Veau  mêlée  ■xvtc 
de  la  teiTe  du  tombeau  de  M.  de  P;"' ri  s:  &cnaiant  pris  une  cueillerée^elle  demeura 
tranquille^  cette  précieufe  poullicre  aiant  calmé  pour  quelque  tems  tous  les  maux  : 
mais  elle  n'empêcha  pas  ^  difent  les  Rcligieufes,  que  /i;  lendemain  La«///' 8.  du  dit  mois 
fur  hj  ^.heures  du  mati;:  l:  redoublement  de  fièvre  ne  la  prit  avec  de  grandes  agitations. 

„  Le  Médecin  vint  fur  les  p.  heures  du  matin  &  la  trouva  trop  foible  pour 
„  rifquer  une  8-\  fiignée  quoi  qu'il  en  comprit  le  bcfoin.  „ 

yf  5.  heures  après  tnidi .,  aiant  eu  encore  un  fécond  redoublement  ^  ^  étant  tom- 
bée dans  une  extrême  foiblejj'e. .  . .  [on  ConfeJJeur  &  les  Rcligieufes  crurent  qu'il  ne 
ftlloit  plus  différer  delui  faire  recevoir  les  Sacrcmens.  Oal'avertit  de  s'y  difpoier ,  8c 
on  fe  prépara  pom-  les  lui  adminiftrcr  après  le  falut.  Sans  doute  dans  l'appréhcn- 
fion  où  on  étoit  qu'elle  ne  patTùt  pas  la  nuit. 

Depuis  le  Jour  que  la  D'.  de  S  te.  Clotilde  s'étoit  alitée,  difent  les  Rcligieufes, 
la  CoHvulfiorinaire.  ...  s'étoit  trouvée  fans  coNvulJion....f{  ce  n'ejl  qu'cllcuvoïi  conti' 
nue  de  paroître  avoir  une  grande  partie  des  maux  de  la  malade. 

Mais  le  8-\  Juin  à  3.  heures  précifcs  ^Axr\%  le  même  moment  que  k  D  ■.  dcSte. 
Clotilde  eût  {ow  fécond  redoublement  &:  fût  réduite  a  la  plus  extrême  foible ffe. .  .\\ 
ConvuUîonnaire  qui  étoit  dans  une  chambre  fort  éloignée  de  l'infirmerie  des  Re- 
ligieufcs, tomba  en  convulfion:  Se  après  avoir  prié  aflc?.  long-tems  avec  beaucoup 
d'ardeur^  elle  annonça  ce  qui  allait  arriver;  fuiv.ant  que  l'ont  certifié  la  Prieure  du 
Couvent,  &  k  Maîtrefl'e  des  pcnfionnaires. 
XLTX.  5,  Non  ma  chcrc  fœur  (difoit-ellc  en  parlant  de  la  D.-.  de  Ste.  Clotilde)  ne 
stc.^nitpi-  craiencs  point  :  le  Seigneur  ne  vous  rejettera  pas. . .  ha ,  Seigneur ,  que  vous  êtes 
cnnvuiGon-,,  bon  dc  traiter  ccttc  lœtir  dans  votre  milcncorde  !  Seigneur  que  vos  delTeins 
,,  font  grands.  ...  ha  chère  fœur  ne  perdes  point  courage!  Dieu  vous  fait  boire 
„  dans  fon  calice.. .  vous  voilà  d.ms  l'amertume. .  ..  mais  ...  ne  craignes  point 
„  redoublés  (feulement;  vos  prières.  „ 

VA\c  fe  (raine  cnfuitc  hors  de  fi  chambre,  fans  fivoiroii  cUealloit.  0«  va  votre 
enfant^  Seigneur!  difoit-elle,  elle  ne  le  fait  pas.  CQ\iQ\M\.ir\t  en  priant  t  oui  ours  cWc 
arriva  à  la  galerie  de  l'infirmerie:  5c  quoi  qu'elle  ignorât  dans  qu'elle  ch.imbre étoit 
la  vialade.,  elle  l'a  trouva  néanmoins  i3  fe  préfenta  à  la  porte.  Sa  prière  finie  elle 
entra  à  grands  pas  avec  un  air  de  majefté  qui  fit  impreffion   aux  perfonnes  pré  fentes. 

Elle  fe  mit  à  genoux  les  bras  en  croix  ,  difent  toutes  les  Religicufcs,/!'  releva  en- 
fuite.,  s'aprocha  du  litdc  k  malade:  Un  mit  en  main  une  croix  de  bois  de  la  couche  de 
M.  de  Paris  &  lui  fit  boire  à  plufieurs  reprifes  dc  feau  dans  laquelle  on  mit  de  U 
terre  du  tombeau ,  recommandant  à  la  malade  de  prier  Disu  avec  confiance^  l'aflu- 
rant  que  certainement  Dieu  l'exauccroit . 

Auflî  dès  ce  moment  la  main  Divine  commença  pour  ainfi  dire  à  préluder  la 
guérifon,„&k  malade  (^difent  les  Rcligieufes)  Icnrit  tellement  k  confi.mce 
„  naître  dans  fon  cœur  ,  qu'elle  n'héfiia  point  dc  prier  la  mcrc  infirmicrc 
„  d'apporter  fcs  habits ,  dans  l'cfpérancc  d'aller  chanter  le  7e  Deum  au  chœur 


aiire. 


IDKE  DE  L'OEUFRE  DES  CONVU LSIONNS.        95- 
),  en  aftion  de  grâces  „  dans  le  moment  qu'elle   feroit  guérie. 

Les  prières  de  la  Convulfionnairc  entre-mêlées  de  la,  leUure  àc phfteurs  endroits 
de  r Evangile  ij'  de  la  récitation  des  Pfcanmes  durèrent  depuis  3.  heures  ^àcmï... 
jufqu'à  environ  7.  heures  du  foir:  pendant  lequel  tems  la  mzhdc  (ommença  à  feniir 
fa  poitrine  fe  dégager ,  i^ ....  [es  forces  revenir:  &  même  vers  Ics(5.  heures  &  demie 
toutes  fes  douleurs  ceffcrent.  Ellefeynit  àfonféant  dans  fon  lit  .^ce  qu'elle  n  avait  pu 
faire  pendant  fa  maladie^  elle  demanda  auffi  plufieurs  fois  de  fe  mettre  à  genoux 
fur  fon  lit,  &  enfuite  de  fe  lever.  Mats  la  Convuljionnaire  répondit  que  le  moment 
nen  et  oit  pas  encore  venu.  En  effet  ce  commencement  de  guérifon  n'étoit  encore 
comme  on  la  dit,  qu'un  prélude  par  lequel  le  Tout  -  puiffant ,  pour  augmenter 
k  confiance  &  les  prières  de  la  malade,  lui  annonçoit  les  merveilles  qu'il  etoit  fur 
le  point  d'opérer. 

Vers  les  7.  heures  la  Convulfîonnaire  aiant  redouble  fes  prières,  fe  mettant      ^• 
k  tête  fur  le  carreau  ,  elle  fe  fent  tout  à  coup  animée  par  un  inftinftqui  n'a  pùia'^gurrïron 
provenir  que  de  celui  qui  fi^it  les  miracles.  Elle/^  relevé:  elle  déclare  à  la  malade '^^■''''."''''f 
que  fa  guérifon  va  s'opérer  dansuninftant.  Courage^  ma  chère  fœur ,  lui  dit-elle rcrotiidc 
efpérés  le  moment  approche.  Elle  s'adrefle  àl'Auteur  de  tout  bien.  Seigneur  Jefus^ 
s'écrie-t-elle  :  dites-lui  une  parole  ^  faites  vous  entendre  comme  vous fites  à  Lazare. 
Commandez.  6c  vous  fer  es  obéi  :  dites-lui  :  levés-vous  je  vous  le  commande.  Elle  fe 
tourne  enfuite  vers  la  m^alade  avec  un  air  plein  de  majefté  :  Allés .,  ma  chcre  fœur, 
lui  dit-elle ,  le  Seigneur  vous  le  dit  :  levés  vous  donc  au  plutôt  ^  fortes  de  ce  lit  de 
mort  où.  vous  êtes  ? 

Dans  l'inflant  les  poulmons  font  rétablis  dans  toute  leur  intégrité ,  le  feu  qui 
les  dévoroit  ceffe  tout  à  fait  d'être:  tous  les  dégâts  qu'il  avoitcaufé  font  répares: 
k  fîevre  s'éteint  totalement  :  un  fmg  nouvellement  créé  Se  tout  rempli  d'efprits  de 
vie,  s'empreffe  de  porter  la  force  dans  tout  le  corps.  Il  va  être  prouvé  par  une  mul- 
titude de  faits  que  dès  ce  moment  Dieu  lui  rendit  toute  la  vigueur  de  kfiintéU 
plus  parfaite. 

Aufîî-tôt  que  la  Convulfionnairc  lui  eût  dit  de  fe  lever  .^  elle  s'habilla  avec      Lr. 
une  grande  facilité,  difent  les  Religieufes,  elle  „  vint  au  milieu  de  1'^' chambre ''//f"^'o„^j*' 
„  où  elle  fe  mit  à  genoux  auprès  de  la  Convulfionnairc  fans  aidedeperfonne. . .  .cecie^gueri- 
„  enfuite  la  Convulfionnairc  la  prit  par  la  main  avec  de  grands  tranfports  de  joie, ^''°^"'""" 
„  Se  la  mena  devant  le  S.  Sacrement,  où  elles  fe  tim-ent  à  genoux  toutes  deux.. 
„  . . .  enfuite  elle  la  conduifît  à  la  tribune. . .  où  elle  demeura  debout  pendant 
„  le  'te  Deum  qui  fût  chanté  folemnellement  en  aftion  de  grâces  :  elle  entendit  en- 
j,  fuite  le  falut  6c  monta  après  au  parloir ,  d'où  elle  defccndit  avec  vîteffe  pour 
„  aller  au  devant  du  Médecin  qu'elle  reçût  elle  même  à  la  porte  „  du  Couvent. 

L'état  où  le  Médecin  la  trouva  efl  fi  bien  circonflancié  dans  fbn  rapport  fait  des 
le  lendemain  y  que  nous  ne  pouvons  trop  priei*  le  leéleur  de  n'en  pas  perdre  ua 
feul  mot. 

„  Le  I^undi  8.  du  même  mois  étant  revenu ,  dit  M.  Réneaurrre ,  fur  les  7:  heu- 
„  res  trois  quarts  du  foir  pour  la  voir ,  je  fus  fort  furpris  quand  on  m'ou\Tit  la: 
„  porte,  de  la  voir  fur  fes  pieds  avec  un  bon  vifage ,  une  voix  ferme  :  6c  lui  aiant 
„■  tâté  le  pous  je  le  lui  trouvai  vigom-eux  ,  avec  très  peu  de  vîteffe  par  rapport 
5,  à  tout  le  mouvement  qu'elle  s'étoit  donné.  Elle  me  conduifît  dans  une  cham- 
,,  bre  haute,  cù  \t  l'examinai  une  2e.  fois.  (Cette  chambre  étoir  la  même  dont: 
elle  étoit  defcendue  avec  tant  de  vîteffe  fuivant  le  témoignage  des  Religieufes,) 
,,  Je  trouvai  (continue  M.  Rencaume)  que  le  même-  état  fe  foutenoit  parfaite- 
„  ment.  Je  n'apperçois  aucune  caufe  naturelle  à  laquelle  je  puilfc  attribuer  um 
j,.  pareil  changemcm;.  „. 

Yoiia 


P(Ç  IDE'E  DE   VOEU  F  RE  DES   CONVULSIONS 

Voilà  cette  pcrlonnc  dont  le  fang  étoit  déjà  tout  corrompu  lorfqu'oa  lui  fit 
les  premières  fiiignces  !  Le  Icfteura  vu  que  pi-u  après  ce  lang  avoit  perdu  toutes 
fcs  qualités,  £c  qu'il  portoic  il  vifiblcmcnt  avec  lui  les  fimptômes  d'une  mort  pro- 
chaine ,  que  M.  Saurc  crut  qu'on  ne  pouvoit  trop  le  prcitcv  de  faire profnptcment 
avertir  le  MéJeci»^  attendu  ^iX\i-'\\^que  la  malade  lui  paroilloit  f  ;/  trh  grand  danger. 


ou  ,  .  „     ,  .       .  . ,  -  ■    , 

Voilà  cette  perlbnne  dont  toutes  les  forces  étoicnt(îcntiéK;ment  anéanties  ^w'- 


d'un 
uourcaui 


2.  heures  après  midi  etoitcncore  tomoce  aansune/6';i^/fyf  UfA-^rfWf ,  qu 
ne  devoir  pas  différer  davantage  de  lui  donner  les  Sacremens  desmourans. 

Cependant  à  l'inlbiat  même  que  la  ConvuUlonnaire  lui  ordonne  pu  nom  du 
Sei"ncurdcquittcrlclitdcmort,  ou  depuis  plulîcurs  jours  l'accablement  la  tcnoit 
comme  enchainée  ,  elle  le  levé  fans  aucune  peine  >  elle  marche  d'un  pas  airurc: 
clic  s'cmprcfle  d'aller  à  l'Eglife  où'elle  reile  fort  long-tems  en  prières,  tantôt 
debout,  tantôt  à  genoux.  Elle  va,  elle  vient,  elle  monte,  elle  dcfcend  avec  vi- 
te Je  d'une  chambre  haute:  elle  court  avec  légèreté  pour  aller  recevoir  elle  même 
fon  Médecin  à  la  porte  du  Couvent. 
LIT.         Si  fon  corps  fut  reilé  prcfqu'enticrement  vuidc  de  Hing-,  Se  fi  le  peu  qui  étoit 
yn'  K""'-(lci-ncuré,  eût  encore  été  coineux  inflammatoire  ^  &  il  corrompu  qu'il  étoit  devenu 
&"fi  pariaîte^'a?;^  couktir  grlfe  ;  comment  auroir-elle  pu  fc  donner  tout  ce  inouvement  ?  Toute 
^^*P"J*p^';pcrfonne  qui  a  perdu  prcfque  tout  fon  fang,  a  perdu  prcfqiie  toutes  fcs  forces, 
it  créieion^c  ne  pcut  Ics  l'ccouvrer  qu'à  mefurc  qu'un  f.ing  nouveau  ,  qui  ne  fe  forme  que 
[u."^  fucceflîvement  par  l'ufage  de  la  nourriture,  les  reparc  peu  à  peu. 

Il  a  donc  fallu  aécefluirement ,  pour  donner  tout  d'un  coup  tant  de  vigueur  & 
d'agilité  à  cette  moribonde,  que  Dieu  ait  remis  dans  fon  corps  tout  le  lang  qui 
y  manquoit.  Il  ell  inconteilable  que  ce  lang  nouveau  tout  rempli  d'eiprits  vitaux 
n'a  pu  fc  régénérer  ainfi  fubitcment  que  par  une  voie  furnaturelle.  Encore  un  coup 
le  fang  ne  peut  être  produit  naturellement  que  peu  à  peu  &  par  le  moicn  de  la 
nourriture.  Or  la  malade  depuis  la /c/^/e^T*  extrême  où  elle  étoit  encore  tombée  à 
trois  heures  du  même  iour,n'avoit  pris  que  de  l'eau  &  de  la  terre  j  6c  il  cil  évident 
que  les  jours  prccedcns ,  l'accablement  où  elle  étoit  réduite,  l'ardcurde  laficvrc 
6c  l'opprefllon  de  fa  poitrine ,  ne  lui  avoicnt  pas  permis  de  prendre  aucune  nour- 
riture lolidc:  le  fang  nouveau,  qui  tout  à  coup  a  ranimé  fon  corps  a  donc  été 
créé-,  puifqu'il  cil:  phifiqucmcnt  impoflîble  qu'il  ait  été  formé  par  aucun  moicn 
naturel  fans  le  fccours  de  la  nourrirure  ,  6c  en  fi  peu  de  tems  ? 

Mais  nous  trouvons  dans  le  rapport  du  Médecin  des  preuves  encore  plus  frapan- 
tcs,  que  dans  le  premier  moment  qu'il  vit  la  miraculée,  un  fang  nouvellement 
forme  avoit  déjà  rempli  toutes  les  veines- 

Il  déclare  premièrement  qu'il  a  trouvé  la  De.  dcSte.  C\ox\\àc  avec  an  bon  vtf.i9f. 
Cette  même  perfonne,  qui  4.  heures  auparavant  étoit  réduite  à  la  dernière  ex- 
trémité 6c  à  la  tbiblclTe  de  l'agonie,  n'a  pu  recouvrer  tout  à  coup  un  bon  vifagé, 
à  moins  qu'un  fang  pur  6c  vermeil  n'ait  rendu  des  couleurs  à  fon  tcin  !  Or  quel 
autre  que  le  Maître  de  la  nature  a  pu  remplir  ainliliibitement  toutes  fes  veines  d'un 
fang  d'une  belle  couleur  6c  tout  animé  d'cfprits,  à  la  place  du  fangcoincux^c  de 
couleur  crife  qui  y  étoit  relié. 

Il  oblcrve  en  Iccond  lieu  qu'il  lui  a  trouvé  une  voix  feni:c. 
Non -feulement  cette  circonllancc  prouve  lerétablillemenc  de  fcsfvivcs  ,mais 

elle 


IDE'E  DE  VOEUVRE   DES  CONTULSIOMS.  p/ 

elle  prouve  en  même  tems  le  retabliffcment  total  de  les  poulmons  ,  que  le  feu  qui 
les  confumoit  n'avoit  pu  manquer  d'altérer  très  conlldérabiemcnt.  Or  quel  autre 
que  le  Tout-puiffant  eût  pu  rcnouveller  en  un  moment  &  remettre  dans  un  état 
parfait  des  poulmons  ulcérés  par  une  inflammation  violente? 

Enfin  il  certifie  que  lu^ ayant  tàté  le  ■pouls  il  l'a  trouvé  vigoureux  :  Se  ce  qui  cfl 
encore  bien  digne  de  remarque ,  avec  très  peu  de  viteffe  par  rapport  à  tout  le  mouve- 
ment qu'elle  s'était  donné ^  &  qu'elle  fe  donna  encore  fur  le  champ  en  le  faifant 
monter  avec  elle  dans  une  chambre  haute  ^ou  il  l'examina  une  2.^.  fois ,  ôc  où  il  trou- 
va que  le  même  état  fefttitenoit  parfaitement . 

Ce  n'eft  que  par  une  grande  abondance  de  fing  que  le  pouls  peut  être  vigou- 
reux fans  être  agité  ,  parccquc  fi  fa  force  ne  vient  poiatde  rimpétuofité  du  mou- 
vement, elle  ne  peut  provenir  que  de  la  quantité  &de  la  bonne  qualité  du  fing, 
Ainfi  M.  Reneaume  en  certifiant  qu'il  a  trouvé  fon pouls  vigoureux  quoique  fon 
fang  ne  coulât  c[\i'avec  très  peu  de  vîtejfe ,  fournit  une  preuve  incontertablc  que 
toutes  fes  veines  étoient  pour  lors  remplies  de  iang  ,  qui  couloit  avec  une  abon- 
dance qui  lui  donnoit  beaucoup  de  force.  Or  de  qui  tout  ce  fang  formé  en  un  inf- 
tant  avoit-il  pu  recevoir  l'être. 

Tout  le  mouvement  quelle  s'était  donné  ^  Ait  encore  ce  Médecin  ,  fans  que  fon  fang 
en  ftit  plus  agité ,  fournit  encore  une  autre  preuve  de  l'abondance  de  ce  fang. 
Le  moindre  mouvement  épuife  une  perfonnc  qui  en  a  beaucoup  perdu,  parce- 
■qu'il  faut  que  le  peu  de  fang  qui  lui  relie  s'agite  avec  rapidité  pour  qu'elle  puifle 
faire  la  moindre  aélion.  On  ne  peut  remuer  im  corps  avec  un  petit  filet  d'eau, 
fans  faire  couler  ce  petit  filet  d'eau  avec  beaucoup  d'impétuofité  :  au  lieu  qu'un 
ruificaii  confidérable,  quoiqu'il  ne  coule  que  lentement,  remue  aifement  un 
corps  par  la  force  que  lui  donne  la  quantité  de  fes  eaux  :  il  en  eft  de  même  du 
fang.  Rien  ne  prouve  mieux  qu'une  perfonne  en  eft  pourvue  au  degré  d'abondan- 
ce qui  procure  la  fanté  parfaite ,  que  lorfque  les  mouvemens  qu'elle  fait  n'y  caufent 
point  d'agitation,  parce  qu'en  ce  cas  ileil  vifiblc  quec'eft  l'abondance  de  fon  fang 
qui  par  elle-même  lui  donne  des  forces,  fans  que  cette  perfonne  foie  obligée  de 
fe  les  procurer  en  l'agitant. 

Il  eft  donc  prouvé  avec  la  dernière  évidence  par  plufieurs  faits  qu'on  ne  peut 
nier ,  &  par  des  dcmonftrations  d'anatomic  d'autant  plus  inconteftables  qu'elles 
font  plus  fenfibles,  que  Dieu  pour  guérir  la  De.  de  Ste.  Clotilde  aufiî  fubitement 
&  aufil  parfaitement  qu'elle  l'a  été ,  a  fait  naître  fur  le  champ  dans  fes  veines  une 
grande  abondance  de  fang,  en  même  tems  qu'il  a  rétabli  fes  poulmons ,  6c qu'il 
a  anéanti  les  humeurs  corrompues  qui  caufoient  la  fièvre. 

Si  ce  miracle  n'a  pu  fe  ftire  fans  une  création ,  qui  fera  aflez  téméraire  pour 
en  donner  l'honneur  à  la  plus  méchante  de  toutes  les  créatures .''  Qui  oiera  attri- 
buer à  cet  impofteur  le  pouvoir  de  créer  ce  dont  il  a  bcibin  pour  exécuter  fes 
defleins,  qui  ne  peuvent  être  que  mauvais  ? 

Mais  comment  notre  divin  Sauveur  lui  auroit-il  permis  de  prendre  fa  place  2c 
d'agir  fous  fon  nom.'  N'eft-ce  pas  à  J.  C.  à  qui  la  Convulfionnaire  a  demandé 
ce  miracle?  N'eft-ce  pas  en  fon  nom  qu'il  a  été  izxt'?  Seigneur  Jefus^s'écric-t- 
elle  par  un  inftinét  dont  l'événement  prouve  le  principe,  dites-lui  une  parole  cf 

faites-vous  entendre  comme a  Lazare  ....  dites-lui^  levez-vous  je  vous  le  ce7n- 

7nande  :  &  dans  l'inftant  le  miracle  fe  fût  ! 

Qelque  grande  que  foit  la  témérité  avec  laquelle  on  ofe  aujourd'hui  attribuer 
au  Démon  les  œuvres  de  Dieu ,  il  n'y  a  pas  d'apparence  qu'on  fe  porte  jufqu'à 
prétendre  que  le  Démon  puifle  faire  des  miracles  au  nom  de  J.  C.  une  telle  impiété 
feroit  horreur, 

Obfervaî.     I.  Part,  Tome  IL  N  Mais 


9f  IDEE  DE  DOEUFRE  DES  CONFULSIONS. 

ttii.  Mais  n  ce  miracle  ne  peut  être  attribué  qu'à  Dieu,  la  prédiction  qui  en  a  été 
rijieu7d/u faite  par  la  ConvuUîonnaire  plus  d'un  mois  avant  la  maladie,  a-t-elle  pu  avoir 
Fuçrifon ,  il y„  autrc  auteur?  Le  Dcmon  ne  fliit  point  l'avenir:  il  ne  peut  que  le  deviner  à  la. 
préjiaions  faveur  des  circonltances  qui  lervent  a  le  lui  raire  pénétrer.  Mais  comment  au- 
c^'" ^2"^' roit-il  pu  prévoir  cette  guérilon  miraculeufe  dans  le  tems  que  la  De.  de  Stc. 
•iifc.        Clotilde  jouifToit  encore  de  la  fanté  la  plus  parfaite. 

D'ailleurs  les  miracles  n'entrent  point  dans  l'ordre  commun  >  ainfi  Satan  ne 
peut  les  deviner.  Le  Très-haut  lui  auroit-il  donc  fait  confidence  long-tems  avant 
l'événement,  d'une  merveille  qu'il  avoit  dcfl'ein  de  faire  ?  11  n'y  a  pas  d'appa- 
rence qu'on  avance  une  telle  abfurdité. 

Il  elt  donc  confiant  que  la  prédiétion  de  ce  miracle  n'a  pu  être  fliite  que  par 
rEfprit  de  Dieu.  Si  Dieu  eft  l'auteur  de  cette  prédiftion ,  il  opère  donc ,  du  moins 
en  quelques  occafions  dans  l'OEuvre  des  convuHionsPIl  y  opère  dans  le  genre  fumatu- 
rcl  :  &  des  lors  la  Confultation  &  les  autres  Ecrits  où  on  bannit  l'opération  divine  de 
tout  le  fumaturel  des  convulfions,  tombent  tous  enfemble  dans  le  puits  de  l'abîme, 
te  demeurent  convaincus  d'avoir  attribué  au  Démon  ce  qui  efl:  de  Dieu? 

Cette  même  prédiction  a  encore  été  renouvcUée  parla  Convulfionnaire,  dans 
tin  tems  dont  les  circonltances  n'étoient  nullement  propres  à  faire  deviner  à  l'ef- 
prit  de  ténèbres  l'événement  merveilleux  qui  alloit  arriver. 

La  jeune  penfionnaire  n'avoit  point  cû  de  convulfion  parlante  pendant  tout  le 
tems  de  la  maladie  de  la  De.  de  Ste.  Clotilde:  mais  le  Lundi  8.  Juin  (i  3.  beuret 
précifes  du  foir ,  dans  le  même  inihmt  que  la  malade  tombe  dans  une  foibkjfe  fi 
(xtrcmc  qu'on  croit  devoir  fe  prcfTer  de  lui  fiirc  recevoir  les  Sacremcnsdrsmou- 
rans,  la  jeune  penfionnaire  tombe  de  fon  côté  en  convuUion:  &  après  plufieurs 
prières  très  ferventes ,  elle  annonce  avec  luie  pleine  confiance  que  la  moribonde 
va  être  guérie  d'une  manière  miraculeufe. 

Ma  chère  fœur  ^  dit -elle  en  parlant  de  la  D-'.  de  Ste.  Clotilde:  ne  craignez 

foint ne  perdez  peint  courage  :  demandez  iculement  au  Seigneur  ejn'il  augmen- 

^       te  votre  foi  ...  &  redoublez  vos  prières ha  Seigneur,  que  vous  êtes  bon  de  traiter 

cette  fœur  dans  votre  miféricorde  !  Seigneur,  que  vos  de  (feins  font  grands  !  Elle  recom- 
mande enfuite  à  la  vialade  de  prier  Dieu  avec  confiance ,  l'alfurant  que  certainement 
Dieu  P  exaucer  oit  :  &  elle  l'avertit  enfin  du  moment  précis  où  le  miracle  va  fe  faire. 
Courage ,  ma  fœur  :  efpérez^  dit-elle,  le  moment  approche  :  6c  effcéciveraent  l'inftant 
d'après  la  Toute-puifl'ancc  divine  exécute  ce  miracle. 

Scroit-ce  le  Démon  qui  auroit  fuggéré  ainli  à  la  Convulfionnaire  d'exciter  la 
malade  à  augmenter  fa  foi,  fa  confiance  en  Dieu  &  l'ardeur  de  fes  prières  ,  en  lui 
annonçant  que  le  moment  approchoit  où  Dieu  alloit  faire  éclater  ia  miféricorde 
fur  ellci'  Satan  s'cmploier  pour  redoubler  la  foi,  l'cfpérance,  £c  pour  animer  les 
prières  du  feu  de  l'amour  divin ,  en  promettant  un  miracle  que  le  Très-liaut  accor- 
de en  effet  dims  le  moment  !  Il  faudroii  pour  le  f;ùrc  croire  prouver  préalablement 
que  le  Diable  s'cfl  converti. 

Mais  non  feulement  la  Convulfionnaire  prédit  ce  miracle  prccifément  lorfque 
la  guérifon  paroit  la  plus  défcfpéréc,  elle  elt  en  mcme-tcnis  l'inftrumentdont  il 
plaît  au  Tout-puiffant  de  fe  Icrvir  en  quelque  forte  pour  l'opérer. 

La  malade  avoit  eu  recours  la  veille  au  Bien -heureux  M.  de  Paris.  Elle  avoit 
pris  de  l'eau  &  de  la  terre  :  elle  en  avoit  été  foulagée  pour  quelques  momens; 
mais  après,  elle  étoit  retombée  dans  le  même  état  qu'auparavant,  fans  doute  par- 
ce que  Dieihvouloit  que  le  miracle  qu'il  avoit  dcllein  de  faire,  fût  accompagné 
des  circonll.mccs  que  révéncmcnt  nous  a  manifellc  être  entrées  dans  le  plan  de 
iSis  confcib.  La  Coavulfiomuirc  intervient  :  la  Convullionuairc  prie:  la  Convul- 

fionu;ùrc 


I 


IBE'E  r>E  L'OEUFRE  DES  CONFULSIONS.  09 

fîonnaire  demande  le  miracle  à  f.  C.  le  miracle  femble  accordé  en  quelque  forte 
à  fa  prière,  puifque  J.  C.  l'opère  dans  l'inftant  même  qu'elle  le  lui  demande. 


aire,  mi- 
es    C'j>n- 


I 


Il  n'y  a  pas  d'apparence  néanmoins,  que  ce  foit  pour  honorer  cette  Convul-     tAV. 
fîonnaire  en  particulier,  que  J.  C.  a  voulu  faire  ce  miracle  dans  le  moment  précis^?-  '""^'^'*. 
de  fa  prière.  Dieu  nous  a  marqué  par  trop  de  traits  qu'il  ne  vouloit  point  qu'onpo'jr"'')"'!'- 
eiàt  un  refpeél  cxceflîf  pour  les  Convulllonnaires  parle  minifteredequi  ilopéroitc^s'clnvure- 
des  miracles,  ni  qu'on  prit  en  eux  une  entière  confiance.  Il  nous  a  fait  connoître?"",^' 
par  quantité  de  faits  qu'il  ne  les  cmployoit  que  comme  de  fimplcs  inftnmiens.'v^uifio 
Quelquefois  même  il  a  choifi,  pour  en  fiire  les  miniftres  de  quelques-uns  de  fess««>«"^- 
miracles  ,  précifément  ceux  qui  paroifloient  les  moins  dignes  defcsdons ,  &  il  les 
à  laifTés  tomber  enfuite  dans  de  grandes  fautes.  Peut-être  a-t-il  voulu  par  cette 
conduite  fî  éloignée  de  nos  peniecs,  nous  rendre  ces  deux  Vérités  plus  fcnfibles: 
la  première  que  tous  fes  dons  &  finguliérement  les  dons  extérieurs,  font  tout-à- 
fait  gratuits,  &  que  nos  mérites  précédens,  quoiqu'ils  ne  viennent  pareillement 
3ue  de  lui,  n'en  font  pas  toujours  la  caufc  :  la  féconde  que  les  dons  extérieurs  ne 
onnent  point  la  jullice  par  eux-mêmes:  que  le  don  même  des  miracles  ne  fup» 
pofe  qu'une  foi  qui  n'hélîte  point,  6c  qu'il  n'exige  pas  nécelTiiirement  aucune  au- 
tre des  vertus. 

Mais  fi  Dieu  n'a  pas  eu  defl'ein  d'honorer  en  particulier  cette  jeune  Convul- 
lîonnaire  par  ce  miracle,  il  n'a  pu  avoir  d'autre  vue  en  l'opérant  avec  toutes  les 
circonftances  que  je  viens  de  rapporter,  que  de  nous  donner  des  preuves  incon- 
teftablcs  qu'il  agit  furnaturellemcnt  dans  l'OEuvre  des  convulfions  &  qu'il  dirige 
quelquefois  les  aétions  6c  même  les  paroles  des  Convulfionnaircs  pour  des  fins 
dignes  de  lui ,  telles  que  font  les  miracles. 

Les  Auteurs  les  plus  prévenus  contre  les  convulfions  n'ont  pas  ofé  nier  ce  mi- 
racle, ni  les  circonuancesdont  il  aplû  à  Dieu  de  l'accompagner.  Le  témoignage 
de  z8.  Religieufes  dont  la  piété  eft  des  plus  exemplaires,  a  été  une  barrie'repar 
defllis  laquelle  ils  n'ont  pas  cru  pouvoir  paffer.  Mais  ils  s'y  font  pris  de  deux  au- 
tres façons  pour  tâcher  de  cacher  leur  défaite ,  6c  d'obfcurcir,  s'ils  pouvoient ,  cette 
œuvre  5c  cette  décifion  divines. 

Ils  ont  d'abord  exercé  la  plus  mordante  critique  fur  la  mmiere  contraire  ^  di- 
fent-ils,  à  la  bienféance  ^  dontl'inftinét  delaconvulfioa  a  conduit  cette  jeune  pen- 
fionnaire  à  la  chambre  de  la  malade. 

Par  quel  motif  ou  quel  caprice  ces  MM.  ont-ils  donc  été  fi  choqués ,  de  ce  que 
la  convulfion  de  cette  petite  fille  l'a  portée  à  le  proftemer  à  terre  6c  à  s'y  traincr 
pendant  quelque  tems ,  tandis  qu'elle  profcernoit  fes  prières  encore  plus  que  fa 
perfonne  aux  pieds  de  la  Majcfté  Divine,  peur  lui  demander  avec  inftance  la  guéri- 
fon  miraculeufe  que  Dieu  a  effectivement  orérée  Cette  pofture  humiliée  qui  en  foi 
n'a  rien  d'indécent ,  du  moins  lorfqu'elle  n'a,  comme  ici,  que  des  Religieufes  pour 
témoins,  avant  été  accompagnée  de  prédictions  qui  n'ont  pu  venir  que  d'cnhaut, 
&  aiant  enfuite  été  couronnée  par  un  miracle  f^it  par  leminiilcrc  de  cette  Convul- 
fionnaire,  n'auroit  pas  du,  ce  me  femble,  paroître  fi  rcpréhenfible  à  ces  MM. 

Un  fcandalc  fi  mal  fondé  ne  peut  donc  fervir  qu'à  faire  connoitre  que  lafigeflc 
humaine,  qui  eft  d'autant  plus  ténébreufe  qu'elle  croit  avoir  plus  de  lumières, 
n'eft  guéres  propre  à  difcerner  les  voies  de  Dieu.  L^ne  action  d'humilité  ne  peut 
bleflcr  que  les  efprits  fuperbes,  or  Dieu  n'a  promis  d'éclairer  que  les  humbles. 

„  Qiic  ceux  qui  refuicnt  de  reconnoître  le  bras  duTout-puiflant,  s'applaudif- 
„  fcnt  dans  leur  fagcfle  :  je  veux  être  de  ces  infcnfcs  qui  croient  que  Dieu  fcul 
„  peut  faire  parmi  nous  de  il  grandes  chofes.  „  difoit  le  grand  Evêque  de  Montpellier 
dans  une  lettre  qu'il  écrivit  à  ce  fujel  le  16.  tuin  17?  î .  aux  Relieicufcs  du  Calvaire. 


N   i  „  Heu- 


100         IDE'E  DE  VOEUrRE  DES  CONVULSIONS. 

„  Heureux  le  Paftcur  (s'écric-t-il  encore)  qui  fcroir  pour  la  guérilbndesames^ 


?» 
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55 


ce  que  votre  petite  pcnfionnairc  a  fait  pour  la  guérilbn  de  fa  malade.  Elle  s'cft 
chargée  de  fcs  langueurs  6c  de  fcs  infirmités.  Elle  a  pleuré  amèrement.  Elle  a  prié 
avec  ardeur.  Elle  a  pris  la  pofturc  du  pécheur  atterré  devant  Dieu.  Elle  en  a  éprou- 
ve [.?  agitations  (Se  le  trouble. ..Son  humiliationeft  devenue  le  principe  dcficon- 
fi.mcc  ...  EUccft  entrée  dans  la  chambre  de  la  malade  avec  un  air  de  majcfté  ,qui 
reprélcntoit  la  gloire  de  celui  au  nom  duquel  elle  alloit  fiiirc  des  prodiges.  Elle 
a  invoqué,  elle  a  prié  avec  inftance  le  Saint  qui  devoit  lui  attirer  le  fecours  d'cn- 
haut.  Ses  reliques ,  la  terre  de  fon  tombeau  font  les  fculs  remèdes  qu'elle  ait  em- 
ploies. EUca  redoublé  fcs  prières  &:fesgemiflemens.  Elle  a  excité  la  foi  de  celle 
qu'elle  vouloit  guérir.  Elle  la  nourrie  du  pain  de  la  parole  de  Dieu.  Enfin  elle 
a  marque  le  moment  où  fes  forces  alloicnt  lui  être  rendues.  Elle  a  dit  :  levez 
vous,  5c  à  l'inftant  la  malade  s'ell  levée.  Elle  la  conduite  avec  des  tranfpoits  de 
joie  dans  le  temple  du  Seigneur  pour  lui  rendre  hommage.  Où  trouver  dans 
toutes  CCS  circonltances  le  fujet  de  fe  mal-édifier?  il  me  Icmblc  qu'un  infidèle 
qui  auroit  été  préfent,  n'auroit  pu  s'empêcher  de  s'écrier  que  Dieu  habite  vé- 
'^  ritablcment  au  milieu  de  nous.  Qiii  de  vous  dans  ce  moment  n'eût  eu  horreur 
,,  d'attribuer  au  Démon  le  prodige  qu'elle  voyoit  :  moment  décififoù  la  Vérité 
„  fc  montre,  où  Dieu  parle  au  cœur,  où  les fcns fe taifent ,  où  l'homme  s'oublie, 
„  pour  ne  s'occuper  que  de  la  grandeur  5v  de  la  puiflancc  de  celui  feul  qui  fait 
„  des  chofcs  admirables.  „ 

Quelques-uns  des  plus  grands  adverfaires  des  convulfions,  ont  cnfuitc  ofé  ré- 
pandre l'amertume  de  leur  fatirc  juiqucs  fur  la  pcrfonnc  de  la  petite  Convulfionnai- 
re,  &  fur-tout  ils  lui  ont  fait  un  crime  d'une  prétendue  faulfe  prédiction,  qu'ils 
avancent  qu'elle  a  fait  quelque  tcms  après  ce  miracle. 

Mais  tout  ce  qu'ils  ont  tâche  d'infinucr  qui  Ibit  capable  de  donner  quelque  foupçon 
contre  fes  mœurs,  a  été  démenti  par  le  témoignage  avantageux  de  fa  conduite, 
qu'ont  rendu  5c  que  rendent  encore  toute  la  rcfpccVablc  Communauté  des  Reli- 
gicufes  où  elle  demeure,  £c  le  Directeur  d'un  mérite  diilingué,  par  les  avis  de 
qui  elle  fe  conduit  depuis  pluileurs  années. 

Il  ne  refte  donc  d'objet  a  leur  ci-itiqueque  la  prétendue  prédiction  fiiuflc  qu'- 
ils difcnt  qu'elle  a  fait  de  la  guérilbn  lubitc  d'un  autre  malade. 

Je  n'en  ai  pas  été  informé  :  mais  en  fuppolant  la  vérité  du  fait,  toute  la  con- 
fèqucncc  qu'on  en  devroit  tirer,  ce  fcroit  que  cette  jeune  perfonne,  en  annonçant 
une  guèrifon  miraculeufc  qui  n'elt  point  arrivée ,  auroit  pour  lors  parlé  par  fon 
propre  efprit ,  6c  qu'elle  auroit  pris  pour  une  efpecc  de  révélation,  ce  que  fon 
imagination  lui  prefentoit.  Au  relie  cette  méprifcnc  feroit  nullement  capable  de 
donner  aucune  atteinte  ni  au  miracle,  ni  aux  circonltances  qui  l'ont  accompa- 
gné: &  n'cmpêchcroit  point  qu'il  n'en  rcfultât  une  preuve  évidente  que  Dieu  agit 
ruelqncfois  furnaturellcment  fur  les  Convullïonnaiies,  qu'il   leur  tait  faire   des 
prédictions  qui  ne   peuvent  venir  que  de  lui,  6c  qu'il  s'en  fcrt  comme  d'inltru- 
mens  pour  opérer  des  miracles  par  leur  minillère.  Qiioi?  L'erreur  de  cette  jeune 
perfonne  qui  a  pu  prendre  pour  un  inltmct  de  ta  convuliion  une  fauflc   idée  qui 
«'clt  prèfcntée  à  fon  efprit,  auroit-clle  donc  un  effet  rétronètif  pour  détruire  des 
merveilles incontcftablement  divines  dont  clic  avoit  été  auparavant  l'inltrumcnt? 
.,  V.        Perfonne  ne  fouticnt  quclesConvuUlonnairesfoient  infaillibles.  Tout  le  monde 
ifiCoMui  convient  au  contraire  qu'ils  font  très  capables  défaire  des  fautes,  6cmême  dctrc,s 
^!'nt'*p'l "grandes,  l<  que  dans  le  cours  de  leurs  convulfions  ils  agillcnt  &  parlent  très  fou- 
inf«iiiik>»  yçf^j  par  leur  propre  efprit.  Plufieurs  déclarent  eux-mêmes  quelcDcmonles  tente 
îJl»ï!'J»r;"trcs  tortcmcni  dans  «et  état:  qu'il  tâche  de  leur  faire  acioirc  que  tout  ce  qm 

s'oftrc 


/D^'JE  DE  VOEUFRE  DES  CONFULSIONS.  loi 
s'offre  à  leur  imarïinarion  vient  de  Dieu:  qu'il  les  excite  même  à  aj  uterplufieiirs 
chofcs  aux  lumières  que  leurs  convulfions  leur  préfententquelqucs-f  is  :  er.  unmot 
qu'il  fait  tous  fes  efforts  pour  les  tromper  &  les  faire  tomber  danscuelqiie  piège. 

D'ailleurs  les  lumières  qui  leur  font  données  pendant  leurs  co::vulf ori'>  ,  ne,   ^,'*^.' 
les    éclairent    pas   toujours   d'une  manière    affez   vive,  affcz    marque '.*  ,  aucZcM.'4"'rfn- 
diftinfte  pour  qu'il  lïur  foit  facile  de  difcerner  avec  certitude  les  penfées  de  leur"**' ,-' '"  *^""" 
propre  efprit,  d'avec  les  connoifTances  qui  leur  font  découvertes  par  un  inftinctfontpjsiou- 
furnaturel.  Dans  une  telle  fituation  il  faudroitune  opération  de  Dieu  continuelle^'""  ''''^'°' 
dans  le  genre  merveilleux  ,  pour  empêcher  que  les  Convulfionnaires  ne  fe  trom- 
paflent  jamais  :  mais  parce  qu'il  leur  envoie  quelquefois  des  lumieresfurnaturelles, 
il  n'a  pas  promis  pour  cela  de  les  éclairer  furnaturellement  pendant  tout  le  cours 
de  leurs  convulfions.  Ainfi  il  n'ert  nullement  étonnant  qu'ils  ne  diflingucnt  pas 
toujours  ce  qui  vient  de  leur  propre  efprit,  d'avec  ce  qui  vient  de  PEfprir  de  Dieu. 
Auiîi  aftuellement  prcfque  tous   font-ils  à  l'égard  des  prédirions  que  l'inflincl: 
de  la  convulfion  leur  prcfentc,  dans  une  difpofition  toute  contraire  à  celle  où  ils 
étoient  en  1731.  1733.  Se  1734.  La  plupart  ont  aujourd'hui  fi  grande  peur  de 
prendre  les   rêveries  de  leur  imagination  pour  des  lumières  furnaturellcs  qu'ils 
s'obllinent  à  ne  point  déclarer  les  chofcs  que  Dieu  leur  découvre:   il   faut  pré- 
fcntement  qu'ils  y  foient  forcés,  &  encore  ne  le  font-ils  qu'en  tremblant  Se  avec 
une  extrême  répugnance. 

Je  remets  à  traiter  cette  queftion  d'une  manière  plus  étendue  dans  la^î.  partie 
de  cet  écrit,  oiî  je  prouverai  entr'autres  chofes  ,  que  prcfque  tous  les  Saints  depuis 
les  premiers  ficelés  de  l'Eglife,  &cn  particulier  tous  les  miftiques  à  qui  Dieu  a 


Mais,  difcnt  les  Anticonvulfionnillcs,  il  eft  impoffible  que  l'Efprit  de  Dieu  fe  lvit. 
communique  à  des  perfonnes  en  délire,  qui  ont  des  mouvemenshontcux,  qui  font  ^^t^'^f'^ 
des  aftions  criminelles  j  ôc  Qii'il  fe  ferve  de  leur  minillcre  pour  fliire  des  miracles ol!'Jûion^d« 
5c  des  prédirions.  a.iveri.,tcs 

c  ferai  voir  dans  la  i'.  5c  y.  partie  de  cet  ouvrage ,  que  ce  prétendu  dclirc  ScGons. 
■  le  honteux  prétendu  de  ces  mouvcmcns ,  ne  réfident  que  dans  l'imagination  des 
advcriaires.  Quant  aux  aftions  criminelles  que  ces  MM.  reprochent  à  tous  les  Con- 
vulfionnaires en  général ,  il  eit  certain  que  prcfque  tous  ces  prétendus  crimes  ne 
font  que  des  inventions  de  la  mauvaife  humeur  de  ces  MM.  C'elt  unfiit  public 
que  quelques-uns  d'cntr'eux,  pour  s'empêcher  dercconnoître  que  Dieu  opère  dans 
l'œuvre  des  convulfions ,  quoique  cela  foit  démontré  par  des  miracles  inconteftablcs 
&  par  une  infinité  d'autres  preuves,  n'ont  pu  trouver  de  meilleur  fecret  que  de 
noircir  les  Convulfionnaires  par  toutes  fortes  de  faufics  imputations ,  de  pures  ca- 
lomnies ,  8c  de  fables  ridicules  ou  indécentes  qu'ils  ont  affeftéde  répandredc  tous 
côtés.  Mais  il  me  femble  qu'avec  un  tel  artifice  on  ne  fait  que  jettcr  delà  poudre 
aux  yeux  de  ceux  qui  ne  font  point  attentifs  aux  pièges  qu'on  leur  tend ,  6c  qu'on 
ne  prouve  rien  du  tout  à  ceux  qui  font  uiage  de  leurs  lumières  &de  leurrailbn. 

En  effet  quand  tous  les  faits  imaginés  par  les  ennemis  des  œuvres  de  Dieu  fe- 
roient  auffi  réels  qu'ils  font  fauffemcnt  fuppofés,  quelle  conféquencc  en  réfulte- 
roit-il.^  Qui  ne  fait  que  le  S.  Efprit,  dont  les  divins  rayons  ne  font  jamais  fouilles 
quelque  part  qu'ils  fe  répandent,  fouffle  où  il  veut,  &  dillribuc  fes  dons  à  qui  il 
lui  plaît ,  ians  les  ^çcompagii  r  toujours  de  vertus  intérieures  ?  L'Ecriture  Ste.  n'ap- 
prend-cllc^pas  à  tous  les  Chrécicns,  que  Dieu  a  flùt  faire  des  miracles,  &  de  gran- 
des prophéties  à  des  ];  crfonnes  très  vicicufes ,  tels  que  Judas  jCaïphejBulaam  &c? 

N  5  J.  C\ 


loi        IDË'E  DE  VOEVFRE   DES  CONVULSIONS. 

J.  C.  a  voulu  nous  inftruire  lui-même  qu'il  y  aurades  ouvriers  d'iniquiré  dat« 
le  nombre  de  ceux  qui  prophétifcront ,  &  qui  feront  des  miracles  en  Ion  nora:  il 
M«.  7.  SI. déclare  qu'-.iu  jour  du  jugement  pluileurs  lui  diront:  Seigneur,  n avons-nous pm 
"  -  >■  prophétisé  en  votre  nom  ?  N'  aïons-fious  pas  fait  plufieurs  miracles  en  votre  nom  ?  Et  qu'- 
il leur  répondra  :  7'e tirez-vous  de  moi  ouvriers  i'ini<{uité. 

C'eil  donc  en  vain:  c'cft  en  pure  perte  que  quelques-uns  de  ceux  qui  veulent 
attribuer  tout  le  lurnaturel  des  convuUions  au  Démon,  ont  forge  tantd'impoilu- 
rcs  contre  les  Convulfionnaircs  -,  puifque  quand  même  tout  ce  qu'ils  débitent  con- 
tr'eux  fcroit  vrai ,  il  ne  s'cnluivroit  point  encore  que  Dieu  n'auroit  pu  fcfervir  de 
cc<:  pcrlonnes  pour  faire  par  leur  minirtèrc  des  miracles  &  des  prédictions:  pourvu 
néanmoins  que  ces  prédictions  8c  ces  miracles  foicnt  dirigés  par  tout  ce  qui'les 
caractérire  ,  à  une  fin  digne  de  l^icu,  à  laconnoiflancedc  la  Vérité  ,  à  l'infpira- 
tion  de  la  charité,  à  la  réformation  des  mœurs,  êcc. 

C'ell  prendre  le  change  que  de  chicaner  fur  le  caraétcrc  des  perfonncs  que 
Dieu  emploie,  fur  ce  qu'elles  font  par  l'ciprit  &parle  cœur  :  fur  leurs  fentimens 
particuliers ,  ou  fur  leurs  vices  :  au  lieu  de  confidércr  l'œuvre  racrveilleufe  en  elle- 
même,  diuis  fes  caraftères  5c  fes  effets. 

Nous  lifons  dans  l'Evangile  que  le  traitre  Judas  a  eu  le  don  de  faire  des  mi- 

iif.  10.  I. racles  auflî  bien  que  les  autres  Apôtres,  puifqu'il  y  eft  dit  quejefus donna- 

puiffance  à  fes  douze  Difciplcs  fur  les  efprits  pour  les  chajfer ,  ^  pour  guérir  toutes 
fortes  de  maladies  tîf  d'infirmités. 

Balaam ,  ce  fcelerat  à  qui  l'avarice  infpire  le  plus  iniu^e  dejfein  contre  Ifraè'l , 
fcrt  d'organe  au  Très-haut  pour  annoncer  1rs  plus  magnifiques  prédictions  en  fa- 
Nonib.  i+.  veur  de  ce  peuple  :  VEfprit  du  Seigneur  fe  fat  fit  de  lui  &  Dieu  lui  met  dans  la  bou- 
che ce  qu'il  doit  dire.  C'eil:  pourtant  ce  Balaam  que  la  vulgate  appelle  xiadevin  un 
augure^  £c  que  prefque  tous  les  interprètes  anciens  &  modernes  prennent  pour  une 
efpéce  de  magicien,  pour  un  organe  Se  agent  de  Satan,  que  l'imprelîîon  pafla- 
gcre  de  l'Efprit  divin  ne  rendit  ni  moins  aveugle  ni  moins  méchant. 

Saiil  cfl:  agité  &  comme  habituellement  pofiedé  par  le  Deraon  ,  qui  opère  fcn- 
fiblement  les  plus  violens  mouvemcns  dans  fon  corps  ôc  diuis  fon  amc.  Cependant 
l'Efprit  du  Seigneur,  l'Elprit  Saint  qui  agifToit  dans  Samuel  ôc  dans  D;ivid, 
s'empare  de  Saiil  dans  une  occafion  particulière  :  l'Efprit  de  Dieu  mec  fon  corps 
en  de  violentes  convulfions  qui  le  font  rouler  parterre  &  en  mè-Tietems  il  éclaire 
fon  amc:  il  lui  fait  chanter  les  louanges  de  Dieu  Se  prédire  les  grandeurs  futures 
de  David  qu'il  pourfuivoit  avec  tant  d'nnimolîté.  Ce  court  intervale  qui  fufpend 
les  opérations  de  Satan  &  les  fait  céder  à  celles  de  la  divinité,  ne  change  rien  dans 
l'état  habituel  de  Saiil,  6c  fon  malheureux  état  n'cltpointunobllaclea  lafaintctc 
des  opérations  divines. 

Ciïphc  ne  penfe  qu'à  ii-.fpircr  aux  autres  les  noires  fureurs  de  fa  cruelle  politi- 

3ue  :  il  ouvre  la  bouche,  &  voilà  que  l'efprit  Saint,  l'ciprit  prophétique  s'empare 
e  l'efprit  &  de  la  langue  de  Caïphe,  pour  lui  faire  exprimer  cette  admirable 
prophétie  qui  eft:  le  fondement  inébranlable  de  la  confiance  de  tous  les  Elus.  Les 
mêmes  paroles ,  dit  le  P.  Quefnel ,  ont  un  fais  impie  (à  facrikge  dans  l'intention  de  ce 
fcelerat  :  l^  un  fens  religieu.^  ^  falutaire ,  Gf  tout  divin  dans  Vintcntion  du  St.Efprit. 
Ces  exemples,  fans  parler  des  fongcs  miftcricux  &:  fumaturels  d'.^bimelec,  de 
Pharaon,  de  Nabuchodonofor  qui  étoient  des  idolâtres:  ces  exemples  font  voir 
que  Dieu  peut  fc  fcrvir  de  qui  il  lui  plaît  &  même  de  perfonncs  (cduites  par  l'er- 
reur ,  ou  corrompues  par  le  vice ,  pour  opérer  fis  merveilles  :  quil  faut  donc  exa- 
mi:ier  les  prodiges  dans  leur  être  propre,  dans  leur  origine  &:  dans  leur  fin, 
indcpcndcmmcnt  des  qualités  des  inllrumcns  qui  y  font  employés:  &:  que  tout 

effet 


IiyE'E  DE  VOEU  F  RE  DES  CONVULSIONS.  loj 
effet  fumaturel  doit  être  regardé  comme  venant  de  Dieu  ,  lorfqu'il  tend  au  bien 
par  toutes  les  circonftances  qui  lui  font  propres  &  les  effets  qu'il  produit. 

Quelle  eft  donc  rérrange  manière  de  raifonner  des  adverfaires  des  convulfions? 
Comment  ofcnt-ils  loutenir  que  Dieu  ne  peut  pas  faire  des  miracles  6c  des  pré- 
dirions par  des  perfonncs  telles  que  les  ConvuUîonnaires ,  parmi  lelquels  il  y  en 
a  plufîeurs  qui  font  d'une  grande  piété,  tandis  qu'il  eft  prouvé  par  ks livres  SS. 
qu'il  en  a  fait  par  le  miniilèrc des perfonnes  les  plus' criminelles?  Leur raifonnc- 
ment  eft  même  d'autant  plus  faux,  qu'ils  n'ofcnt  nier  ouvertement  les  fhits.  Se 
que  toute  leur  adrefle  &  leur  reflburce  ne  confiftcnt  qu'à  tâcher,  pardesimpofli- 
biiités  chimériques  6c  qui  n'ont  d'être  que  dans  leur  idée,  de  faire  douter  de  la 
réalité  de  ces  miracles,  &  de  la  vérité  depkifieurs  prédiélions  dont  l'événement 
a  déjà  juA-ifié  que  Dieu  en  étoit  l'auteur.  Mais  fi  les  faits  font  certains,  s'ils  font 
prouvés  par  une  multitude  de  témoignages ,  à  l'autorité  defquels  il  n'cft  pas  pof- 
fîble  de  rcfifter ,  comment  ces  MM.  ne  fentent-ils  pas  que  c'eft  une  abfiirdité  , 
d'oppofer  de  prétendus  défauts  de  vraifemblance  à  la  certitude  d'événemensattef- 
tés  par  une  infinité  de  perfonnes  dignes  de  foi  ?  Ignorent -ils  donc  que  c'eft  un  axi- 
ome inconteftablc  que  rien  ne  prouve  tnieux  la  pojfibilité  que  Pexiflence  'in-hne  du  fait. 
Ab  aSlu  adfojfe  -valet  confequentia.  D'ailleurs  comment  u'ont-ils  pas  appris  par 
cent  paflages  de  l'Ecriture,  que  c'eft  une  folle  témérité  à  de  foibies  mortels  de  s'i- 
maginer qu'ils  ont  afiez  de  lumières  8c  figefie  pour  difcerner  fùrement  ce  qui 
eft  digne  de  Dieu,  ôc  pour  pouvoir  décider  de  ce  qu'il  peut  &  de  ce  qu'il  ne  peut 
pas?  Il  peut  encore  aujourd'hui  comme  autrefois,  fa^-cdes  prédiclions  &:  des  mi- 
racles par  des  perfonnes  très  imparfaites  :  Se  il  eft  fi  certain  qu'il  le  peut ,  qu'il  s'cft 
effeélivement  fervi  du  miniftère  de  deux  Convulfionuaires ,  qui  d?puis  ont  été 
des  plus  décriées ,  pour  opérer  deux  miracles  inconteftablcs ,  l'un  illuitré  parla, 
convcrfion  d'un  Prêtre  frappé  d'étonncnnent  d'entendre  la  Convulfionnairc  par 
les  mains  de  qui  ce  miracle  venoit  d'être  fait ,  lui  découvrir  tout  ce  qui  fe  pafToit 
de  plus  fecret  dans  fon  ame;  l'autre  accompagné  dcplufieurs  prédiétions  qui  tou- 
tes ont  été  accomplies  avec  la  plus  parf\nte    exaélitudc. 

Le  premier  de  ces  miracles  eft  arrivé  le  17.  Janvier  173?.  fur  Anne  Dcflbs,    i.7i|i. 
dite  Dubois,  par  le  miniftère  de  la  Convulfionnairc  nommée  Duflon.  cm'wgIu*^ 

Quoique  la  Dubois  eût  du  refpcél:  pour  M.  de  Paris  Se  qu'elle  crût  les  mi-P"  le  raini- 
racles  opérés  par  fon  interceflîon,  néanmoins  elle  avoit  été  fi.  prévenue  contre  IcsûjObn/    * 
Convulfionnaires  qu'elle  avoit  fait  tous    fes  efforts  pour    faire  chaflerlaDuffon 
de  la  maifon  où  elle  demeuroit  avec  elle,  Se   qu'elle  avoit  même  été  prier  le 
Commiffaire  du  quartier  de  la  délirrer  de  cette  Convulfionnairc. 

Admirons  combien  les  confeils  de  Dieu  font  profonds  Se    combien    fi  mifé^ 
ricorde  eil  gratuite  L  C'eft  par  les  mains  de  cette-  Convulfionnairc  qu'elle  per- 
fécute ,  qu'il  a  réfolu  de  l'arracher  d'entre  les  bras  de  là  mort ,  Se  par  ce  moicn  de  luii 
faire  refpecter  une  œuvre  qu'elle  ne  méprife,  que  parce  qu'elle  ne  la  connoit  pas. 

La  ruit  du14.au  if.  Janvier  173^.  la  Dubois  reflent  dans  tout  fon  corps  les- 
douleurs  les  plus  vives  auec  un  fi  grand  étouffement  qu'elle  ne  peut  rcfpirer.. 
Sur  les  onze  heures  du  matin  il  lui  prend  une  fièvre  fi  violente  qu'elle  lui 
caufe  le  tranfport  au  cersxau.  On  fait  venir  le  Maître  garçon  de  M  Lombart 
Chirurgien  qui  la  faigne  auili-tôt  du  bras  Se  lui  ordonne  de  boire  beaucoup ,  ce 
qu'elle  exécute  d'autant  plus  volontiers  qu'elle  fent  dans  fes  entrailles  un  feu' 
qu'elle  ne  peut  calmer.  Cependant  la  fièvre  ,  l'opprcffion ,  les  douleurs ,  Se  l'ac- 
cablement augmentent  de  plus  en  plus. 

Le  lendemain  16.  Janvier  la  malade  devient   froide  comme  un  marbre  :  elle" 
reile  même  les  dents  ferrées  Se  fans  connoiffance  pendant  une  dcmlehcure,  lans- 

que: 


104  IDE'E  DE  VOEU  F  RE  DES  CONruLSIONS. 
que  le  vinaigre  &  le  fcl  d'Angleterre  qu'on  lui  met  dans  l.i  bouche  puilTcnt  la 
faire  revenir.  Le  garçon  Chirurgien  accourt  Se  déclare  qu'il  n'y  a  d'autre  remède 
que  de  la  faigner  du  pied,  mais  que  comme  il  y  a  tout  lieu  de  craindre  qu'elle 
ne  pafle  pendant  cette  laignée,  il  taut  auparavant  lui  faire  recevoir  tous  fes  S:,- 
crcmcns.  On  fait  vaiir  une  Prêtre  qui  la  confciTc  le  mieux  qu'il  peut  &  on  va 
avertir  M.  Sabartés  fécond  Vicaire  de  St.  Jaques  de  la  bouclierie,  Parollfe  de  la 
malade.  Il  la  trouve  fi  mal  qu'il  précipite  (c^  prières  dans  la  crainte  de  n'avoir 
p.xs  le  tcms  de  lui  adminirtrer  le  S.  Viatique  6cl'Extrcme-on6tio:i. 

Cette  falutaire  précaution  prife ,  on  lafaigne  le  foir  du  pied  :  elle  paroît  d'abord 
en  être  un  peu  foulagée,  mais  la  nuit  l'opprelllon  s'augmente  encore  plus  que  ja- 
mais ,  6c  le  lendemain  17.  depuis  fix  heures  du  matin  cette  opprclîîon  devient  û 
forte  que  !a  malade ,  quoique  dévorée  par  une  foif  ardente ,  ne  peut  plus  nean? 
moins  avaler  une  feule  goutte  d'eau  ;  aullî  tombe-t-cllc  dans  une  foibleHc  extrê- 
me :  bien-tôt  fon  corps  perd  tout  fcntiment ,  &  elle  croit  à  chaque  infiant ,  audî-bica 
que  toutes  les  perfonnes  qui  cntourrent  fon  lit, qu'elle  va  rendre  le  dernier  fou- 
pir.  M.  Lombart  vient  lui-même  la  voir,  mais  la  jugeant  hors  de  toute  efpé- 
rance,  il  s'en  retourne  fins  lui  rien  faire. 

Elle  relie  en  cet  état  julqu'à  midi  Se  demi  que  la  Duflon  en  cxtafc,  les  yeux 
fixés  vers  le  ciel,  entre  dans  lachambrc  de  cette  agonifante.  Se  lui  crie  :  As-U>.  de 
la  foi!  as  tu  confiance  au  Bien-heureux  François  de  Paris!  ta  foi  efî  elle  ajfez  forte 
pour  boire  ce  que  je  te  vais  donner  ?  la  moribonde  aiant  répondu  :o«/.  LaConvul- 
fionnaire  verfe  quelques  goûte»  d'eaudansungobclît,y  met  delà  precieufe  terre 
ramaflce  auprès  du  miraculeux  tombeau  ,  Se  la  lui  fait  boire.  Dans  l'inftant  la 
malade  s'apperçoit  que  fa  poitrine  s'eft  tout  d'un  coup  dégagée,  la  Convulfionnai- 
rc  lui  aiant  auflltôt  demandé  fi  elle  fouffroit  encore  du  tnal?  Je  me  fcns  bien, 
rcpnnd  la  malade.  Je  n'ai  plus  d'oppreffion  à  la  poitrine,  mais  j'en  ai  encore  au 
dcfibus  de  l'eftomac.  Joins  tes  prières  aux  miennes  ,  réplique  la  Convulfionnaire: 
elle  lui  fait  eniuite  boire  encore  un  peu  d'eau  remplie  de  terre,  Se  lui  demande 
y?  elle  efi guérie,  [c  n'ai  plus  d'opprcflîon  ni  de  douleurs,  repond  la  malade:  je 
fens  feulement  que  mon  cœur  eji  encore  enveloppé  ^  mais  une  petite  purgation  em- 
portera cela,  ^oi  tu  veux  donc  rendre  l'ouvrage  de  Dieu  inutile  ,  s'écrie  la  Con- 
vulfionnaire en  fondant  en  larmes  ?  ^uoi  après  les  merveilles  que  tu  viens  ^d'éprouver 
tu  veux  te  fervir  de  remèdes  !  Si  tu  f  en  fers  turetemberasi^  tu  mourras.  La  ma- 
lade ayant  promis  qu'elle  ne  prendroit  aucune  médecine,  la  Convulfionnaire  lui 
donne  encoie  un  peu  d'eau  Se  de  terre ,  en  lui  difant  :  bois  cela ,  c'e/l  la  médecine 
que  tu  dois  prendre.  A  peine  l'a-telle  prife,  que  tous  fcs  maux  font  entièrement 
difîîpés  ,  Se  qu'elle  fe  trouve  en  une  fanté  aulfi  parfaite  que  fi  elle  n'avoit  jamais 
é;é  malade  y  if!!0!(fue  la  fupprej/îon  cniiAvoit  éiéh\->rcmic\t  caufedc  fa  maladie,  con- 
tiuue  encore  plufieurs  jours  après  fa  gucrifon  parfaite ,  ainfi  qu'elle  le  certifie 
dans  fa  Relation. 

Des  ce  moment, 'elle fc  levé,  elles'h.abillc  :  elle  fentmêmcaufTi-tôtun  fi  grand 
appétit  qu'elle  mange  tout  de  fuite  un  bifcuit,  une  Ibuppe,  Se  un  morcc.ut  de 
pain,  elle  qui  depuis  fix  heures  julqu'à  midi  Sc  demi  n'avoit  pu  avaler  une  feule 
goûte  d'eau,  quoiqu'elle  fût  tourmentée  par  une  foif  infupport.ablc.  Elle  dcf- 
ccnd  enfuite  dajis  la  boutique  de  fon  hotc  pom-  fe  faire  voir  aux  perfonnes  que 
le  bruit  de  ce  miracle  venoit  d'y  attirer:  elle  remonte  dans  û  chambre  où 
d'autres  perfonnes  l'attcndoient  :  clic  vaau  fécond  étage  remercier  la  Convulfion- 
naire; clic  cfl  fans  rcffc  en  mouvement  fms  en  reficntir  avtrune  fatigue:  mais  elle 
fait  bien  plus  :  elle  fort  à  pied  accompagnée  de  pluficur.s  perfonnes  qu  ne  ic 
laflbicnt  point  de  la  voir  agir  ainfi  :  clic  va  chez  M.  Lombart  pour  le  rendre 

tcmom 


IDEE  DE   L'OEUFRE  DES  CONVULSIONS.        lo; 

témoin  de  fa  fubitc  &  parfaite  guérifon;  elle  ne  le  trouve  pas:  mais  à  fi  place 
<3ès  que  le  garçon  chirurgien  qui  l'avoit  faignée  du  pied  la  veille  au  foir,  l'ap- 
perçoit  marchant  librement  &  avec  un  air  de  fanté ,  il  en  paflit  6c  il  s'é- 
crie tout  tremblant,  qu'une  telle  guérifon  n'a  pu  fe  faire  que  par  un  grand  m- 
racle.  Il  s'empreflc  de  défaire  la  bande  qu'il  avoit  mis  au  pied  :  il  en  trouve  la 
plaie  fi  folidement  refermée  qu'il  ne  juge  pas  à  propos  de  l'y  remettre ,  Se  il 
déclare  que  tout  ce  qu'il  voit  par  rapport  à  cette  foudaine  guérifon  eil  incom- 
prchenfible. 

La  miraculée  dont  l'appctit  efl:  infatiable ,  envoie  chercher  un  pain  chez  le 
premier  boulanger,  &  en  mange  un  fort  gros  morceau  avec  une  telle  avidité 
qu'elle  furprcnd  tous  les  aflillans. 

Aiant  ainfi  repris  de  nouvelles  forces,  elle  entreprend  un  fécond  voiage  encore 
plus  long  que  le  premier  :  elle  va  à  pied  avec  fi  compagnie  à  S.  Jacques  de  la 
boucherie,  qui  cil  loin  de  chez  M.  Lombart  pour  y  chercher  M.  Sabartcsqui 
la  veille  lui  avoit  adminiftré  les  derniers  ficremens.  On  ne  peut  exprimer  qu'elle 
fut  la  furprife  de  cet  Ecclefiaftique  :  il  ne  pouvoit  croire  que  ce  fût  la  mcmcper- 
fonne  qu'il  avoit  vu  la  veille  à  la  dernière  extrémité  ,  &  qu'il  \'oioit  alors  avec 
tout  l'air  de  gaieté  que  domie  une  fanté  parfaite.  Non  content  du  témoignage 
de  tous  ceux  qui  l'accompagnoient  il  va  interroger  le  lendemain  matin  tous  les 
voifins  de  la  miraculée,  &  il  s'informe  avec  grand  foin  de  toutes  les  circonftan- 
ccs  du  miracle  :  mais  tout  ce  qu'il  en  apprend  ne  fert  qu'à  augmenter  fa  conviéiiion. 
Ne  pouvant  plus  douter  de  faélion  de  Dieu,  fa  confcicnce  lui  reproche  auilî- 
tôt  d'avoir  trahi  la  vérité  en  fignant  le  Formulaire  &:  en  acceptant  la  Conllitution 
pour  recevoir  les  faints  Ordres.  Cependant  la  vue  de  ce  miracle  ne  lui  donne  d'a- 
bord que  des  remords  ciiifaKS ,  mais  fans  le  convertir,  dit-il  lui-même,  dans  fon 
certificat ,  ou  il  fait  une  confeflion  fi  édifiante  Se  fi  humble.  Le  Seigneur ,  ajou- 
te-t-il,  aiant  "voulu  que  le  même  rnoien  dont  il  s'était  fervi  pour  opérer  le  miracle 
de  la  guérifon  de  la  Dubois  fi'.t  aujji  celui  de  ma  ccnverfion  . . .  minfpira  dès  le 
famedi  au  foir  un  grand  defir  de  voir  la  Dujfon  dans  [es  convulfians  . .  .  /allai  à  cet 
effet   chez  elle  le  dimanche  i8.  Janvier. 

Elle  le  prit  enfuite  en  particulier,  lui  développa  tout  ce  qui  fe  paffbit  dans 
fon  amc,  &  lui  reprocha  la  refiflance  aux  faints  mouvemcns  que  la  grâce  formoic 
dans  fon  cœur. 

„  Le  Seigneur,  dit-il,  m'inftruifant  par  la  bouche  de  cette  fille,  Toulut  accom- 
„  pagner  les  paroles  qu'il  lui  infpira  pourmaconverfion ,  de  l'infuf  on  intcricu- 
„  re  de  fon  ciprit  dans  mon  cœur.  Elles  devinrent  par  la  grâce  des  paroles  defii- 
„  lut  6c  d'onétion,  des  paroles  efficaces,  des  paroles  pleines  de  force  6c  depuif- 
„  f\nce  qui  me  percèrent  de  la  plus  vive  douleur  :  6c  me  firent  prendre  la  reio- 
5,  lution  de  chercher  dans  une  liumble  pénitence ,  6c  dans  une  conduite  oppo- 
„  fée  à  celle  que  j'avois  tenu  juiqu'alors  des  remèdes  convenables  à  mes  prevari- 
„  cations  6c  à  mes  infidélités  pafl'écs.  Ce  fut  dans  ce  moment  que  feniant  mon 
„  indignité  6c  tout  le  poids  de  mon  crime,  je  pris  le  parti  de  me  feparer  de 
„  l'autel  &  des  fondions  du  miniftère.  „ 

Dés  le  lendemain  il  fut  trouver  le  Curé  dont  il  étoit  fécond  Vicaire.  Il  lui 
rendit  compte  du  miracle  &c  des  autres  merveilles  qui  lui  avoient  fait  impres- 
fion  :  il  lui  déclara  qu'il  voudrait  de  tout  fon  cœur  pouvoir  expier  par  Veffufion  de 
tout  fon  fang  le  crime  qu'il  avoit  commis  d'avoir  accepté  la  Conflitution,  6c  qu'il 
étoit  refolu  de  s'abjienir ,  du  moins  pendant  un  tems  des  fonclions  du  facerdoce. 

Au  lieu  des  pièces  juftificativcs  de  ces  taits  qu'il  feroit  bien  long  de  flaire  im- 

Ohfervat.     L  Pdrt.  Terne  II.  O  pri- 


jôg  /DE'E  DE  VOEUFRE  DES  CONVULSIONS. 
v«y-'fT«- primer,  je  vai  à  leur  place  prefentcr  au  ledeur  le  jugement  que  le  faint  Evéque 
^'t.nrii  ^,  de  Scnez  à  porté ,  tant  des  convulfions ,  que  de  la  guerifon  miraculeufe  de  la  Dubois 
Ruaùins^  ^^  &  dc  k  Couvcrfion  de  M.  Sabartcs.  Il  eft  écrit  dans  une  lettre  de  ce  fiiint  Pré- 
fuiT.commtht  du  20.  Avtil  1733.  rapportée  dans  la  feuille  des  Nouvelles  du  x6.  Mai  fuivant. 
lie  pr<i!i'/**  51  Tous  les  ttiits  (dit-il)  qui  paroifTent  venir  de  la  main  de  Dieu  dans  l'afFai- 
^"'&f  •  »  ^^  '^^  '^  Duffbn  ,  j'entends  la  guerifon  foudaine  &  bien  prouvée  de  la  Dubois  , 
ij  uiv.^^  ^^  prcdict:ion  dite  à  l'oreille  touchant  l'état  intérieur  du  ficur  Sabartès,  fa  promp- 
„  te  converfion  par  un  généreux  retour  à  la  vérité ,  ne  pourront  jamais  être  des  ou- 
„  vrages  du  Démon  ni  de  l'Epidémie.  „ 

Cette  lettre  contient  au  furplus  des  fcntimcns  fi  édifians ,  des  réflexions  (î 
confolantcs ,  5c  des  traits  fi  propres  à  nous  éclairer  dans  ce  tems  où  on  répand 
de  toutes  parts  tant  de  nuages  pour  faire  éclipfer  la  lumière,  que  quiconque 
cherche  la  vérité  de  tout  fon  cœur  fera  charmé  que  j'interrompe  le  fil  de  moa 
récit  pour  lui  en  donner  la  Icéture. 
Lftr.  Je  M.  Que  puis-je  dire  (s'écrie  le  faint  Prélat;  fur  le  tonnerre  qui  vient  de  gronder  (l'Or- 
ssnei'juio.îî  donancc  du  17.  Février  contrelesConvulfionnaircs)  finon  qu'il  faut  redoubler 
A\ù\  Ï733-,,  nos  gemifîèmens  fur  ceux  qui  nous  hailTcnt,  Se  notre  fidélité  pour  le  Seigneur 
„  qui  veut  nous  éprouver.  J'avoue  que  l'épreuve  eft  des  plus  humiliantes ,  par 
„  les  caraftères  infiimansdonton  defigne  l'œuvre  de  Dieu.  Mais  il  y  a  long-tcms 
,,  que  le  monde  eft  ennemi  de  Dieu,  Se  il  ne  rendra  juftice  aux  gens  de  bien 
„  que  quand  le  démon  fe  fera  Chrétien.  Je  plaindrois  tant  d'ames  qui  font  à 
j,  Dieu ,  fi  elles  fe  laiflbicnt  afFoiblir  par  les  plus  indignes  menaces  ,  ou  même 
„  par  les  plus  rudes  coups.  Mais  celui  pour  qui  elles  parlent  &  pour  qui  elles 
„  fouffrcnt ,  faura  bien  les  confolcr  par  fa  grâce  &  les  fortifier  dans  leurs  af- 
„  fliétions.  Je  fuis  plus  fenfible  aux  leurs  qu'aux  miennes ,  &:  en  effet  les  mien- 
„  nés  font  des  carefics  en  comparaifon  des  leurs.  Mais  Dicu-merci  jemefensdif- 
„  pofé  à  être  mis  à  l'épreuve  qu'il  voudra,  Se  je  m'cftimcrai  trop  heureux  d'c-- 
„  trc  affocié  aux  fouffrances  des  amis  du  Seigneur  Se  à  celles  des  dignes  compa- 
„  gnes  de  fa  croix.  Il  y  a  déjà  quelque  tems  que  vous  ne  nous  avez  rien  envoie 
j,  touchant  leurs  aff"aii-cs  qui  font  les  nôtres  parla  difpofition  de  nos  cœurs ,  qui 
„  fera  immuable  s'il  plaît  à  Dieu.  „ 

Quelle  eft  l'œuvre  que  le  fiiint  Evéque  appelle  l'œuvre  de  Dieu  ?  Il  eft  incontcfta- 
ble  que  c'cft  l'œuvre  des  convulfions.  Qui  font  ces  a7nis  du  Seigneur  Se  ce»  com- 
fagnes  de  fa  croix ,  aux  fou  ffrances  de  qui  ce  faint  auflî  humble  que  charitable  s'eftime- 
ro//,  dit-il,  trop  heureux  d'être  ajfoxié.  On  ne  peut  révoquer  en  doute  qu'il  ne 
parle  des  Convulfionnaires.  Mais  il  eft  bien  digne  de  remarque  que  cette  let- 
tre eft  poilericure  de  4.  mois  à  ladécifion  de  M.  l'Abbé  d'Asfeld  Se  des  dix  au- 
tres Doéleurs  qui  conjointement  avec  lui  vcnoicnt  de  condamner  les  grands  fecours , 
Se  de  juger  que  tous  les  Convulfionnaires  qui  fe  les  faifoient  donner  étoient  tris 
toupablcs.  Cependant  le  faint  Prélat ,  non  feulement  ne  les  excepte  point  dans  l'é- 
loge qu'il  fait  des  Convulfionnaires  en  général,  mais  il  femble  au  contraire  qu'il 
les  a  principalement  en  vue,  puisque  ce  font  précilbment  ceux  que  la  Cour  &  la 
police  pourfuivoicnt  des  lors  avec  le  plus  de  chaleur,  parcequc  le  fpeéVacle  des 
grands  fecours  eft  ce  qui  a  donné  le  plus  d'éclat  à  l'a^uvre  ucs  convulfions ,  6c 
ce  qui  y  a  attiré  un  plus  grand  nombre  de  fpcétateurs ,  dont  pluficurs  frappés 
d'admiration  à  la  vue  âa  (urprcnans  prodiges  que  les  fecours  les  plus  terribles 
leur  mettoicnt  fous  les  yeux,  ont  été  convertis.  Se  fe  font  unis  aux  Appellans. 
Bt.f?,r,*ni.-  Le  fécond  miracle  que  j'ai  dit  ci-defius  avoir  été  accompagné  de  prcdiélions^ 
>icuiiuic  ats'cft  opéré  en  cette  mcmc  aimcc  1753.  par  le  miniflcrc  de  Virginie  fur  iSL-.Maf- 

foa 


\ 

I 


IDE'E  DE  VOEU  F  RE  DES  CONFULSIONS.         107 
foiî  dite  de  Ste  Pélagie  religieufede  S.  Nicolasde  Pontoifc.  Au  PrinternsdecetteP^'^'^'"' 
année  cette  vieille  religieufc  alors  âgée  de  f/.  ans,  vint  à  Paris  pour  chercher m',niVta-Vde 
quelque  foulagcment  à  un  cancer  qui  luidévoroit  le  fein  du  côté  droit.  Elle  fc^'fg'^'S' 
mit  entre  les  mains  de  M.  Boudou  ce  fameux  Chirurgien  de  l'hôtel-Dieu,  qui 
lui  déclara  qu'il  n'y  avoit  point  d'autre  moien  de  la  guérir ,  que  de  lui  extirper 
entièrement  lamammellcqui  étoit  toute  remplie  de  ce  funelle  poifon,  &  lui  dit 
nettement  qu'il  n'y  avoit  pas  de  tems  à  perdre:  mais  d'autres  perfonnes  l'en  dé- 
tournèrent croiant  qu'il  n'étoit  plus  tems  ,  ôc  que  Ton  mal  étoit  parvenu  au  point 
que  cette  cruelle  opération  ne  feroit  qu'avancer  fa  moit,  &  lui  dirent  qu'il  ne  lui 
rcftoit  plus  d'autre  parti  à  prendre  que  de  fupportcr  fon  mal  ch  patience,  5c  à.(t 
tâcher  feulement  de  l'adoucir  par  des  remèdes  anodins. 

Tel  étoit  le  trifte  état  de  cette  religieufe,  lorfqu'une  Dame  chez  qui  elle  (c 
trouva ,  lui  propofa  de  la  mener  voir  les  convuliions  de  Virginie ,  qui  avoit  pour  lors 
une  forte  de  piété,  6c  qui  étoit  chez  des  perfonnes  de  bien  qui  par  leurs  exemples 
augmentoient  en  elle  ces  bons  fcntimcns.  La  religieule  accepta  volontiers  la  pro- 
pofition  parle  feul  motif  d'une  pure  curioilté.  Cependant  dans  le  moment  que 
cette  D  .  ^  la  religieufe  fonnercnt  à  la  porte  delà  maiibn  où  étoit  Virginie,  cette 
Convulfionnaire  qui  ne  pouvoit  en  avoir  été  inllruitc  par  aucun  moien  naturel , 
déclara  à  plufieurs  perfonnes  préfentes ,  que  celle  qui  fonnoit  à  la  porte  ctoic 
une  religieufe  que  Dieu  lui  envoioit  pour  la  guérir.  EUecourut  même  au  devant 
d'elle  :  lui  déclara  la  miffion  qu'elle  venoit  de  recevoir  de  la  panfer  :  découvrit  fon 
afFreufe  mammellequi  étoit  couleur  de  pourpre ,  dure  conime  une  pierre  ,  Se  ou- 
verte par  une  profonde  plaie  qui  exhaloit  une  odeur  infupportable  :  fucça  ce  trou 
fi  infeét ,  en  avala  le  pus,  &:  y  vcrfa  enfuitc  de  l'eau  mêlée  de  la  terre  du  aiiracu- 
leux  tombeau. 

En  moins  de  if.  jours  l'efFroiable  ouverture  qu'avoit  fait  le  cancer,  fut  entiè- 
rement remplie  par  des  chairs  faines  8c  couverte  d'une  peau  nouvelle.  Cependant 
la  Supérieure  du  couvent  de  Pontoife  aiant  mandé  à  la  religieufe  qu'elle  lui  or- 
donnoit  de  revenir,  la  Convallîonnairc  lui  dit  qu'il  falloit  obéir ,  qu'elle  conti- 
nueroit  de  la  panfer  en  fon  abfcnce,  &  elle  l'afTura  que  Dieu  acheveroit  de  k 
guérir  lorfqu'elle  feroit  retournée  dans  fon  couvent. 

En  effet  Virginie  continua  de  la  panfer  par  repréfentation,  en  fiiifant  les  mê- 
mes geftes  Se  prenant  les  mêmes  attitudes  que  fi  elle  la  panfoit  effcftivcmcnt. 
Mais  ce  qui  ell  bien  digne  de  remarque,  c'eit  que  Virginie  détailloit  chaque  jour 
le  progrès  que  faifoit  la  guérifon,  5c  même  les  petits  accidens  qui  fembloieut 
quelquefois  la  retarder. 

Une  perfonne  de  diftinétion  voulant  éprouver  fi  ce  que  difoit  la  Convulfionnai- 
re étoit  vr.ù,  prit  la  précaution  d'écrire  à  la  religieule  pour  la  prier  de  lui  man- 
der chaque  jour  ce  qui  lui  arriveroit ,  &;  vérifia  chaque  fois  par  les  lettres  de  la 
religieufe,  que  tout  ce  qu'avoit  déclaré  la  Convulfionnaire  étoit  dans  la  plus  e- 
xafte  vérité. 

Enfin  la  Convulfionnaire  aiant  annoncé  la  guérifon  parfiùte  du  fein  de  la  reli- 
gieufe pour  un  jour  marque,  l'effet  confirma  la  vérité  de  la  prédiétion  qu'elle  en 
avoit  fixité. 

Quelque  honte  8c  quelque  danger  qu'il  y  ait  aujourd'hui  à  rendre  témoigna- 
ge aux  vérités  qui  prouvent  que  Dieu  agit  dans  l'œuvre  des  convulfions,  cepen- 
dant la  perlonnc  qui  étoit  en  relation  avec  la  religieufe  6c  qui  m'a  envoie  le  dé- 
tail de  tous  les  faits  figné  de  fa  main,  ma  affuré  qu'elle  étoit  prête  de  les  certifier, 
comme  en  aiant  une  entière  6c  parfaite  connoifiance. 

Au  furplus  les  principaux  ,  tels  que  la  prompte  guérifon  du  trou  profond  que 

O  z  .  le 


ïo8  IDE'E  DE  VOEUFRE  DES  CONFULSIONS 

le  cancer  avoit  déjà  fliit ,  ont  eu  tant  de  témoins ,  qu'on  eft  en  droit  de  les  rappor- 
ter comme  étant  de  notoriété  publique. 

Pcrionnc  n'ignore  qu'il  n'y  a  aucun  remède  qui  puifle  guérir  un  cancer  ou- 
vert ,  ni  même  en  refermer  la  plaie,  qui  s'augmente  fans  cefle  par  le  poifon  dé- 
vorant dont  un  cancer  abbreuvc  tous  les  endroits  dont  il  s'eftemparc.  Ainfile  mi- 
racle cil  évident. 

Cependant  2.  ou  3.  ans  après  la  Convulfionnaire  qui  en  a  étérinflrument,s'c{l 
(1  fort  dér.ingéc  que  fi  ce  qu'on  m'en  a  rapporté  cft  véritable,  il  faut  la  placer  tout 
à  la  tête  de  l'exception,  c'efl;  à  dire  du  petit  nombre  de  celles  dont  la  conduite  cft 
devenue  très  rcpréhenfiblc  ,  &  dont  les  convulfions  ont  été  parla  fuite  marquées 
à  des  traits  qui  donnent  lieu  de  croire  que  le  démon  cft  préfentement  l'agent,  du 
moins  le  plus  ordinaire,  de  leurs  convulfions;  quoique  d'abord  leurs  premières 
convulfions  vinflent  de  Dieu.  Au  refte  cft-il  étonnant  que  le  Très-haut  donne 
quelque  pouvoir  à  fatan  fur  des  Convulfionnaircs,  fnit  en  punition  des  fliutcs 
qu'ils  auront  comniifes,  ou  pour  d'autres  raifons au  defllis  de  notre  intelligence.'' 

Mais  fi  celui  dont  la  fagcflc  cft  infiniment  élevée  au  defTusde  nos  penlées,  a 
voulu  quelquefois  pour  opérer  des  miracles  fe  fervir  du  miniftere  de  quelques 
Convulfionnaircs  dont  la  piété  n'étoit  bâtie  que  fur  le  fable,  ce  font  ordinaire- 
ment ceux  &  celles  qui  joignent  la  vertu  la  plus  folide  à  l'inimilité  la  plus  pro- 
fonde, 6c  à  une  vie  extrêmement  pénitente  ,  qu'il  lui  a  plù  d'emploier  à  de  pa- 
reilles œuvres. 

Par  exemple  Cliarlote  Laportc  ,  cette  ame  C\  pure  qui  pendant  plus  de  fo.  an? 
n'avoit  eu  qu'un  corps  à  demi  formé  :  cette  pieuic  fille  à  qui,  par  une  impoflurc 
diabolique,  on  a  attribué  les  plus  impertinchs  dilcours  forgés  par  d'impudens 
calomniateurs,  6c  qui  dans  les  fers  ne  ccfic  de  gémir  pour  eux  :  cette  vertueufe 
priibnnicrc  de  Jefus-Chriil ,  qui  depuis  plufieurs  années  édifie  les  prifons  par  la 
paix  qui  règne  dans  fon  ame ,  par  la  douceur  que  rien  ne  peut  altérer,  par  fe,s 
mortifications  6c  fes  prières  prefque  continuelles,  eft  une  de  celles  par  le  minif- 
tere de  qui  Dieu  a  guéri  un  plus  grand  nombre  de  perfonncs ,  fouvent  en  lui  fiii- 
fant  fuceer  les  trous  d'écrouellcs  Se  les  autres  plaies  invétérées  6c  incurables  qui 
avoicnt  pourri  les  membres  de  ces  malades,  6c  en  lui  faihmt  avaler  tous  ces poi- 
fons,  dont  l'odeur  infupportablc  infcctoit  l'air  6c  faifoit  manquer  le  cœur. 

Il  fcroit  trop  long  d'entrer  dans  le  détail  de  toutes  les  gucrifons  miraculeufes 
qu'il  a  plû  à  Dieu  d'opérer  par  le  minifière  de  cette  pieufc  fille.  Ainfi  je  me  con- 
tenterai d'inviter  le  Icébcur  à  lire  fi  Requête  en  forme  de  plainte,  où  il  trouvera 
les  preuves  de  quelques-uns  de  ces  miracles. 

Mais  fi  ce  récit  par  rapport  à  elle  feule  ne  pourroit  (c  faii-c  fins  fc  livrer  à  une 
difcuffion  d'une  très  grande  étendue,  quel  travail  ne  feroit-ce  point  que  de  rap- 
porter les  différentes  circonfl:ances  6c  les  preuves  de  toutes  les  autres  guérifons  mira- 
culeufes que  Dieu  a  faites  par  les  mains  de  quantité  d'autres  Convulfionnaircs? 

Si  le  fait  en  général  étoit  abfolumcntcontcfté,  je  ne  m'épargnerois  paspouren 
fournir  des  preuves,  aiant  moi-même  été  témoin  de  quelques-uns  de  ces  miracles 
qui  fe  font  opérés  âmes  yeux  fous  les  mainsdcsConvulfionn-aircs,  après  avoir  pris 
la  précaution  de  faire  examiner  la  nature  des  maladies  par  des  Ciiirurgiens  de  la 
plus  grande  réputation,  6c  avoir  été  afTuré  par  eux  qu'elles  étoicntabfolument  in- 
curables. Maispuifquc  ceux  qui  font  les  plus  oppofés  aux  convulfions  n'ofcnt  cux- 
jnêmts  nier  qu'il  y  a  eu  plufieurs  guérifons  évidcmmcntfumaturcllcs,  faites  par  le 
minifièrc  6c  l'aébion  des  Convulfionnaircs,  je  craindrois  de  liflcr  la  patience  du 
1cél;cur ,  fi  je  m'êtendois  beaucoup  pour  prouver  des  faits  dont  on  ne  contefte 
point  en  général  la  rciilitc  j  ainfi  je  crois  devoir  me  réduire  à  rapporter  encore 

iculc- 


IDEE  DE   L'OEUFRE  DES  CONFULSIONS.         109 

feulement  les  circonftanccs  de  pluficurs  miracles  opérés  fur  une  perfonne  de  condi- 
tionnent la  piété  devenue  éminente  rend  fon  témoignage  au  defflis  de  toute  critique. 

M.  le  Chevalier  Deydc  Capitaine  reformé  de  Cavalerie  m'a  envoie  lui-même      lï. 
un  récit  très  circonftancié  écrit  de  fa  main  &  figné  de  lui,  de  fesaffreufesmala- *''/"'",**' 
dies,  &  de  la  manière  auflî  finguliere  qu'admirable  dont  il  en  a  été  guéri.  C'eil '•':.!«  che- 
dans  ce  récit  que  je  vais  prendre  tous  les  faits  que  je  rapporterai ,  dont  il  fera  par  je.'"  ^"" 
conféquent  garand  envers  le  public  aufli  bien  que  moi. 

Dès  la  tendre  jeunefleil  avoit  reflenti  quelques  petits  mouvemensépileptiques: 
mais  en  171  f.  après  la  guérifon  de  deux  blefTures  qu'il  avoit  reçues  au  lîége  de 
Barcellone,  cette  terrible  maladie  fe  déclara  tout  à  fait  par  des  attaques  complè- 
tes, où  il  perdoit  connoiiTance ,  tomboit  à  terre  ,  s'agitoit  avec  violence,  6c  ecu- 
moit  prodigieufement  par  la  bouche. 

Ce  fût  en  vain  qu'il  confulta  les  plus  grands  Médecins  du  Roiaume  :  tous  les 
remèdes  qu'ils  lui  indiquèrent  ne  purent  le  guérir. 

Outre  ces  attaques  complètes ,  011  il  ne  manquoit  jamais  de  tomber  une  ou 
deux  fois  par  mois,  il  en  avoit  fouvent  d'incomplètes. 

A  cette  épouvantable  maladie  fe  joignirent  bientôt  une  grande  palpitation  de 
cœur  auffi-tot  qu'il  marchoit,  un  mal  d'eftomac  continuel,  &  des  vapeurs  d'une 
force  extraordinaire  accompagnées  de  maux  de  tête  d'une  violence  infupportable 
qui  lui  rendoient  fouvent  tout  le  vifigc  bouffi. 

Il  n'étoit  foulage  de  fes  maux  que  par  deviolensvomiflemensoù  ilrendoitunc 
quantité  prodigieufe  de  bile,  &  de  glaires.  ,,  Dans  ce  miférable  état  par  rapport 
„  au  corps  (dit-il  dans  fon  récit)  j'etois  encore  dans  une  plus  triile  fituationpar 
„  rapport  à  l'ame.  Bien  inftruit  dès  mon  enfance  des  principes  de  ma  religion, 
„  j'agiflbis  comme  11  je  n'en  avois  eu  aucune:  je  croiois  un  Dieu,  Se  jen'yfon- 

j,  geois  pas A  ma  honte  6c  à  ma  confufion  j'avouerai  que  depuis  plufîeurs 

5,  années,  je  ne  difois  pas  feulement  un  Pater. 

Il  y  avoit  dcià  18.  ans  que  M.  le  Chevalier  Deydé  étoit  dans  un  état  n  déplo- 
rable de  toutes  façons,  lors  qu'en  1733.  un  procès  l'obligea  devenir  à  Paris. 

En  cette  année  il  lui  lurvint  encore  une  nouvelle  maladie,  qui  l'attaquant  plu.ç 
fouvent  que  l'cpilcpfîe,  lui  paroilToit  encore  plus  infupportable.  Il  devint  i'ujct 
journellement  à  de  fî  grands  étourdiflemens ,  qu'il  lui  fembloit  que  tout  tournoit 
'autour  de  lui,  6c  auffi-tôt  il  étoit  prêt  à  tomber. 

Cependant  tous  ces  coups  redoublés  ne  lui  fxifoicnt  point  fonger  à  l'éternité. 
Semblable  aux  animaux ,  il  n'étoit  touché  que  de  ce  qui  frappe  les  fens  j  Se  quoi- 
qu'il ait  beaucoup  d'efprit,  il  n'en  faifoit  aucun  ufigepourfe  rappeller  fes  inté- 
rêts éternels:  il  ne  s'en  fervoit  au  contraire  que  pour  fufpendre  le  vif  fentiuient  de 
fes  maux  par  de  frivoles  amufemens. 

Le  Dieu  de  toute  miféricorde  jetta  enfin  fur  lui  des  regards  de  compaffion.  L'ex- 
cès de  fes  miféres  lui  parut  unfujet  propre  àfiire  éclater  la  gratuité  de  fes  faveurs. 
Il  le  conduifit  comme  par  la  main  chez  quelques  Convullionnaires ,  où  il  lui  iît 
trouver  la  guérifon  de  tous  fes  maux. 

La  fœur  Angélique  appelée  communément  Liquctte,  fut  la  première  qui  îui 
annonça  fa  guérifon  future  dans  une  extafe  qu'elle  eut  le  17.  Octobre  1733. 

Auffi  tôt  elle  lui  mit  fur  l'ellomac  des  reliques  du  Bien-heureux  M.  de  Paris., 
6c  elle  lui  fit  boire  de  l'eau  avec  de  la  teire  de  fon  célèbre  tombeau  :  6c  à  la  fia  de 
fon  extafe,  elle  tomba  dans  une  attaque  d'épilepfie  incomplète,  6c  fit  enfuite  une 
prière  pour  lui  fî  magnifique,  fi  touchante  6c  qiù  convcnoit  fi  parfaitement  à  l'en- 
tât où  étoit  fon  corps  6c  fon  ame  dont  elle  ne  pouvoit  naturellement  avoir  de 
connoiffance ,  qu'il  ne  put  retenir  fes  larmes, 

O  j  Ce 


,10  IDE'E  DE  DOEUFRE  DES  CONFULSTONS. 

Ce  n'ctoit  pas  néanmoins  du  minitlère  de  cette  Convulfionnairedont  Dieu  avoit 
rcfolu  de  fc  feivir  pour  opérer  le  miracle  qu'il  lui  avoit  fait  prédire.  Les  panfc- 
mens  qu'elle  lui  fit  pendant  quelque  tems  en  lui  donnant  à  boire  de  l'eau  Se  de  la 
terre  ,  &  en  fuifant  pour  lui  de  fort  belles  prières  en  extafe,  ne  lui  procurèrent 
que  quelques  petits  loulagcmcns  fans  le  guérir  d'aucun  de  fes  m:iux  :  5c  elle  lui 
nt  connoître  elle-même  par  un  figne  qu'il  feroit  guéri  par  deux  autres  Convulfion- 
naires      Peu  après  elle  alla  à  la  campagne,  &  il  la  perdit  entièrement  de  vue. 

La  providence  le  conduifit  cnfuirc  chez  la  petite  fœur  Jeanne  Mouler ,  qui 
ai.mt  pris  fes  étourdifferaens,  lui  annonça  avec  une  pleine  affurance  le  z,'.  ou  je. 
Décembre  de  cette  même  année  1753-  qu'il  n'en  auroit  plus  à  l'avenir  ;  &  en  effet 
depuis  ce  jour  là  il  cri  fut  entièrement  délivré. 

On  croira  f.ms  peine  qu'.iprcs  avoir  éprouvé  une  guérifon  qui  s'étoic  opérée  fur 
lui-même  par  un  moien  auili  admirable  &  fi  évidemment  miraculeux ,  il  ne  man- 
qua pas  d'aller  trcs-rcguli-remeut  chez  cette  jeune  Convulfionnairc,  fille  très 
fimple  .  d'une  grande  innocence  &  d'une  tendre  piété,  &  dont  Dieu  s'efl:  fouvent 
fervi  pour  faire  plufieurs  prédictions,  &  des  difcours  fort  cdifians  &  quelquefois 
même  très-fublimes  :  mais  il  ne  jugea  pas  à  propos  de  l'emploier  à  guérir  le  Che- 
valier Deydé  de  fes  autres  maladies,  aiant  dcffcin  que  ce  fécond  miracle  fervît  à 
fiire  éclater  la  gloire  d'un  autre  Appellant  que  M.  de  Paris. 

Dans  le  tcms  que  M.  le  Chevalier  Deydé  ailîlloit  aux  convulfions  de  la  foeur 
Jeanne ,  il  vit  venir  chez  clic  la  fœur  de  la  Croix ,  Convulfionnairc  qui  joint  beau- 
coup de  piété  &  d'iiumilité  au  détachement  le  plus  complet ,  Se  par  le  minillcrc 
de  qui  Dieu  a  fait  plufieurs  miracles  à  l'invocation  du  Bien-heureux  M.  Dcfangins 
Curé  de  Calais  &  chafië  de  fa  Cure  à  caufc  de  fon  attachement  à  l'appel.  C;r 
cette  vertucufe  fille  n'efl  pas  Convulfionnairc  de  M.  de  Paris ,  mais  de  ce  faint  Cu- 
ré qui  a  été  Confeficur  du  fiint  Diacre. 

Elle  avoit  un  bras  dcfi*éché  5c  une  main  fi  horriblement  contrefaite,  êc  dont 
les  doigts  étoicnt  fi  eftropiés  qu'elle  ne  pouvoit  en  faire  ufage.  En  cet  état  étant 
alors  âgée  de  39.  ans,  elle  fait  plufieurs  prières  fur  le  tombeau  du  Bien  heureux 
M.  Defangins  à  S.  Severin,  oîi  il  lui  prit  des  convulfions  qui  furent  bien-tôt  fui- 
▼ies  du  rétabliflement  parfait  de  fes  membres  perclus. 

En  peu  de  jours  fon  bj'as  defieché  fe  garnit  de  chairs:  fa  main  fi  difforme  & 
dont  les  os  étoient  tous  contrefaits  reprit  une  forme  naturelle  ;  en  forte  que  depuis 
ce  tems  elle  s'en  fcrt  très-adroitement, &:  qu'il  n'y  cil  pas  même  rcfté  de  vciligcs 
de  la  figure  hideufc  qu'elle  avoit  avant  d'être  guérie. 

Tous  ceux  qui  ont  vu  cette  fille  avant  fa  guérifon  font  témoins  de  ce  miracle; 
le  deflecliement  de  fon  bras  &:  la  difformité  extrême  de  fa  main  étant  des  objets 
trop  frapp.ins  pour  n'avoir  pas  été  appcrçus.  Je  citerai  entr' autres  témoins  M.  Pcy- 
rat  Accoucheur  de  la  Reine.  Cet  iiluftre  Chirurgien  dont  les  lumières  6c  la  pro- 
bité font  généralement  cflimées  à  la  Cour  &  à  la  ville,  aiant  connu  cette  fille 
dans  le  tems  qu'elle  étoit  ellropice,  fut  fi  étonne  de  fi  guérifon  qu'il  ne  put  alors 
s'empêcher  de  rcconnoîtrc  qu'elle  étoit  un  miracle  incontcllahle, n'y  aiant  jamais 
eu  d'exemple  que  des  membres  dilloqués,  contrefaits  6c  dciféchés  depuis  long- 
tems  fe  foient  rétablis  &  aient  repris  une  figure  régulière  que  par  mirnclc. 

Cette  pieufc  fille  alloit  dans  la  maifon  de  la  fœur  Je.mne  pour  y  panier  le  petit 
Mouler  fon  frerc  alors  âgé  de  14.  ans,  dont  tout  le  corps  étoit  clfroiablemcnt  con- 
trefait. Il  étoit  bolTu  dev.Mit  &  derrière  :  il  avoit  les  jambes  toutes  tournées  :  il  ne 
pouvoit  presque  faire  aucun  ufage  de  les  bras ,  fie  il  ne  m;u"choit  que  fur  les  genoux. 

J'obfcrvcrai  en  paflant  que  M.  le  Chevalier  Deydé  a  eu  le  bonheur  d'être  tc- 
fll^uvn  du  miracle  opéré  fur  ce  jeune  g.uçoii ,  dont  tous  les  membres  fc  rétablirent, 

de 


IDE*E  DE  L'OEUVRE  DES  CONVULSIONS.  m 
&  les  os  fe  redreflcrent  pendant  le  cours  des  panfemens  que  lui  fit  la  fœur  de  la  Croix 
avec  des  reliques  du  Bien-heureux  M.  Defangins.  C'eft  ce  petit  Mouler  qui  quel- 
que tems  après  fa  guérifon  aiant  été  mis  à  la  Baftille  avec  fa  fœur  Jeanne,  rendit 
un  témoignage  fi  intrépide  du  miracle  que  Dieu  avoit  fait  en  fa  faveur ,  en  répondant 
à  M.  Hérault  qui  l'interrogeoit  dans  cette  prifon  en  préfencedeplufieurspcrfonnes. 

Ce  fut  par  le  miniftère  de  cette  fœur  de  la  Croix,  qu'il  plut  au  Tout-puiffiint 
de  guérir  M.  le  Chevalier  Deydé  de  tout  le  relte  de  fes  maux.  Elle  lui  déclara  en 
convulfion  le  1 1.  Décembre  1733.  quelefaintDiacreM.  de  Paris,  aprèsavoir  de- 
mandé à  Dieu  de  le  délivrer  de  fes  étourdiflemens  journaliers ,  le  renvoioit  au  faint 
Prêtre  M.  Defangins  pour  obtenir  par  fon  interceflîon  la  guérifon  du  furplus  de 
toutes  fes  maladies  :  Se  que  le  Bien-heureux  M.  Defangins  favoit  chargée,  quoi- 
que la  plus  indigne  des  Convulfionnaires ,  de  le  panfer  avec  fes  reliques ,  ôc  avec 
de  la  terre  prife  auprès  de  fon  tombeau. 

Ce  panfement  coûta  cher  à  la  fœur  de  h  Croix,  mais  fins  en  être  attriftéc. 
Elle  prit  généralement  toutes  les  maladies  de  M.  le  Chevalier  Deydé,  dont  elle  eut 
tous  les  limptômes  :  entr' autres  elle  tomba  plufieurs  fois  en  épilepfie  complète. 
Tous  fes  membres  fe  roidiffoient  de  la  même  façon  que  ceux  du  Chevalier.  Elle 
écumoit  par  la  bouche  d'une  manière  prodigieufe,  Se  n'étoit  foulagéc  non  plus 
que  lui,  que  par  des  vomiffcmens  d'une  violence  extrême  qui  lui  faifoient  jetter 
une  quantité  prodigieufe  de  bile  &  de  glaires.  Cependant  loin  d'être  affligée  des 
maux  effroiables  qu'elle  fouftroit  ainfi  pour  lui,  elle  en  beniffoit  Dieu  par  des 
prières  d'une  beauté  magnifique;  le  Père  des  lumières  lui  aiant  donné  de  faire  eu 
convulfion  des  difcours  très  touchans,  &:  quelquefois  fi  élevés,  qu'ils  font  extrê- 
mement au  delfus  de  fa  portée  dans  fon  état  naturel. 

Cette  vertueufe  fille  fit  même  de  fon  propre  mouvement,  je  veux  dire  fans  y 
être  pouffce  par  l'inftinft  de  la  convulfion,  un  jeûne  de  neuf  jours  au  pain  &  à 
l'eau,  pour  obtenir  par  l'interceflîon  du  Bien-heureux  M.  Defingins,  non  feule- 
ment la  gucrifor  parfaite  du  Chevalier  Deydé ,  mais  encore  qu'il  plût  au  Créateur 
des  vertus  d'augmenter  de  plus  en  plus  par  l'efficace  de  fa  grâce  les  impretfions 
qu'il  avoit  déjà  commencé  de  faire  fur  fon  ame  Se  dans  fon  cœur. 

Seroit-il  permis  de  demander  à  ceux  qui  jugent  les  convulfions  8c  tous  les  Con- 
vulfionnaires dignes  du  plus  grand  mépris,  s'ils  fe  fentent  autant  de  zèle  &  dç 
courage  qu'eux,  pour  s'impoier  de  très-rigoureufes  pénitences  Scpourfefoumcc- 
tre  volontairement  à  tout  ce  que  des  maladies  affreufes  ont  d'humiliant  &  de  pé- 
nible, afin  d'en  obtenir  la  guérifon  pour  des  malades  avec  qui  ils  ne  feroient  unis 
que  par  les  liens  généraux  de  la  charité? 

La  fœur  delà  Croix  obtint  du  Tout-puiflanttoutce  qu'elle  luidemandoirpoiu' 
le  Chevalier  Deydé.  Il  recouvra  la  fanté  la  plus  entière,  la  plus  parfaite  &  même 
la  plus  robufte ,  ainfi  qu'il  paroît  par  la  grande  pénitence  qu'il  a  fait  depuis  ce 
tems  là  fans  en  être  incommodé. 

Qu'elle  multitude  de  mci-veilles  ne  trouveroit-on  pas  dans  cette  guérifon ,  fi  on: 
entroit  dans  le  détail  de  l'opération  phyfique  qu'il  a  fallu  que  Dieu  fafle  dans  le 
corps  du  Chevalier  Deydé,  pour  en  changer  de  qualité  toutes  les  liqueurs  dont 
la  plupart  depuis  long-tems  n'étoient  plus  proprement  que  des  poifons  :  pour  y  ré- 
parer tous  les  ravages,  les  dégâts  &  les  brèches  que  ces  poifons  avoient  fait  dans 
les  fohdes  pendant  tant  d'années  :  ôc  pour  le  guérir  ainfi  parfaitement,  en  anéan- 
tifiant  tout  ce  qui  étoit  corrompu-,  en  rétabliflant  tout  ce  qui  ctoit  altéré,  2c  ciï 
donnant  un  nouvel  être  à  tout  ce  qui  avoit  été  entièrement  détruit?  Mais  il  rnc 
paroît  prefque  fuperflu  d'entrer  dans  une  fi  grande  difcnflîon.,  parce  qu'il  n'y  a 
perfoûne  qui  ne  fâche  que  l'épilepfîe  lorfqu'clle  cft  complète ,  &  fur  tout  (ju'elle 


nr        IDE'E  DE  VOEUVRE  DES  CONFULSIONS. 
cft  invctcric ,  cil  une  malidic  abfolumcnt  incurable  ;  &  qu'ainfi  perfonne   i\c 
pourra  contcllcr  que  la  gucrifon  parfliitc  d'une  pareille  maladie,  ne  foit  un  mi- 
racle, &  même  un  fort  grand  miracle. 

Mais  en  voici  un  fécond  bien  plus  grand  aux  yeux  de  la  foi.  M.  le  Chevalier 
Dcydc,  quiavoit  été  pendant  toute  fa  vie  fi  peu  (enfible  aux  vérités  de  la  religion, 
a  été  fi  vivement  touche  de  tout  ce  qu'il  avoit  vu  d'édifiant  parmi  les  bons  Convul- 
fionnaircs  ,  fi  frappe  des  prodiges  dont  cette  œuvre  cft  toute  remplie,  fi  pénétré 
d'adminuion  des  miracles  opérés  à  fes  yeux  ôc  iur  lui-même,  &  a  convaincu  de 
la  néccllîté  de  changer  de  vie,  qu'il  a  renoncé  tout  à  fait  au  monde  :  qu'il  a  dif- 
tribué  aux  pauvres  une  grande  partie  de  fon  bien  ;  6c  qu'il  s'eft  retiré  dans  une  cf- 
péce  d'hermitage  à  la  Verune  auprès  de  feu  IVI,  l'Evcque  de  Montpellier,  où  de- 
puis ce  tems  il  continue  de  vivre  dans  une  pénitence  fi  au ft ère  qu'elle  égale  pres- 
que celle  des  anciens  anachorètes. 

Ainfi  lesConvulfionnaires  n'ont  pas  été  feulement  les  miniftres  des  miracles  que 
le  Tout-puiflant  a  opérés  pour  la  guérifon  de  fon  corps,  mais  elles  ontétél'oc- 
cafion  ,  &  en  quelque  forte  le  canal  des  grâces  infiniment  plus  précicufes  que  ce 
Dieu  de  bonté  lui  a  prodiguées ,  £c  p.ir  lefquclles  ill'afait  parvenir  en  peu  de  tems 
à  un  haut  degré  de  vertu. 

Si  les   convulfions  n  ctoicnt  qu'un  fpcftacle  d'impudicité ,  fuivant  qu'on  ofc 
l'avancer  par  une  calomnie  fuggcrce  par  l'ennemi  Je  tout  bien,  ce  fpcétacle  pro- 
duiroit-il  de   pareils  effets?  Le  fiint  des  faints,  le  Créateur  de  toute  pureté, 
le  Dieu  des  vertus  y  répandroit-il  de  pareilles  faveurs  Se  une  bénédiction  fi  mar- 
quée? Voudroit-il  î'autorifcr  par  des  prodiges  de  toute  efpcce  fur  les  âmes  6c 
fur  les  corps? 
F.n  S.  Mire.     C'cft  Une  maxime  inconteftable  ,  dit  le  Perc  Quefnel ,  que  Dieu  ne  peut  fa'vorifcr 
une  illufton  par  des  miracles.  „  Ce  qui  cft  fondé  fur  ce  principe  immobile  que  Dieu 
pjnf.  fur  les ^j  ne  peut  induire  en  erreur  (dit  le  célèbre  M.  Pafcal) . .  .  ce  qu'il  feroit  néanmoins 
""■   ■  *'■  „  s'il  permettoit  que  dans  une  queftion  obfcure ,  il  le  fît  des  miracles  du  côté  de  la 
„  faufleté  .  .  .  D'abord  donc  qu'on  voit  un  miracle  il  faut ,  ou  le  foumettre  ,  ou 
„  avoir  d'étranges  marques  du  contraire.  ,,  Et  les  feuls  motifs  que  cet  illuftrc 
auteur  croit  légitimes  pour  refufer  de  rcconnoître  l'opération  de   Dieu  dans  un 
miracle,  c'eft  lorfque  celui  qui  le  fait  nie  un  Dieu,  ou  J.  C.  Sc  l'Eglife. 

Si  dès  qu'on  voit  des  miracles  certains,  indubitables,  demandes  5c  obtenus  au 
nomdeJ.C.  on  doit  en  conclure  que  Dieu  eft  là  &  que  c'eft  lui  qui  y  opère:  com- 
ment donc  refufer  de  voir  le  doigt  du  Très-haut  dans  une  oeuvre,  nonfculement 
accompagnée  de  miracles,  mais  dont  les  miracles  font  cncntiellcment  partie? 
Qiie  ceux  qui  ofent  s'attribuer  le  droit  de  décider  parleurs  foiblcs  lumières  de 
ccquieftdigne  de  la  fagefle  divine  ,fairent  réficxionfur  ces  paroles  deS.Paul.^w» 
^'    '■*■  '  '  connoit  l' El  prit  du  Seigneur  ,  iy  (j  ni  petit  Pin/Iruirc  y  le  coiifeiller  ?  N'aions  point  la 
folle  préfomption  de  nous  croire  capables  de  pénétrer  toutes  les  différentes  vues  de 
la  providence  ,  6c  défions  nous  de  notre  propre  fageffe ,  qui ,  fi  Dieu  l'abandonne  i 
elle-même ,  ne  peut  que  nous  égarer  :  car  Ai  fagcjj'e  de  ce  monde  efi  une  folie  devant 
.j.j9.Z)/>«,  dit  le  même  Apôtre. 

En  vain  fc  revolte-t-on  contre  les  preuves  qui  réfultcnt  des  miracles  :  en  vain 
rcfufe  t-ondcreconnoitre  IcTout-puiffant  dans  les  œuvres, fous  prétexte  que  les 
grands  efprits  ne  les  trouvent  pas  dignes  de  lui  :  cela  ne  fait  que  mettre  d:ins  un 

J)lus  grand  jour  cette  vérité  aullî  humiliante  pour  les  génies  fupérieurs,quccon- 
blantc  pour  les  petits:  que  les  fimples  dont  lame  cft'humblc  ,  dont  le  cœur  cft 
droit,  &  qui  ont  recours  à  la  prière,  pcnfcntfouvent  d'une  manière  plus  juftc  par 
npport  aux  œuvres  de  Dieu,  que  ne  font  Icsfavans  qui  fc  hiiffcnt  éblouir  par  leurs 
fauffcs  lumières,  AulVi 


ÏDE'E  DE  VOEXJVRE   DES  CONFULSIONS.         Ï15 

Auflî  l'Auteur  des  Réflexions  morales  donne-t-il  pour  maxime,  que  „  c'cfl:  de  la""-  "5-  ""'^' 
„  bouche  du  fimple  peuple  que  Dieu  tire  la  louange  de  les  œuvres ,  plutôt  que  de 
,3  celle  des favans.  Les  chofes  de  Dieu  (dit-il  encore)  font  plus  d'impreflîonfurleibii.  v.  t. 
„  cœur  d'un  peuple  peu  éclairé  ,  que  fur  des  Docteurs  enflés  de  leurfciencc. 

En  efi"et  c'eft  précifément  par  rapport  à  l'impreflion  que  doivent  faire  les  mira- 
cles, &  aux  conféquences  qu'on  en  doit  tirer  que   notre  divin  Sauveur  s'é- 
crie :  Je  vous  rends  gloire ,  mon  Père  ,  Seigneur  du  ciel  £5?  de  la  terre ,  de  ce  que  vousm^^^-n^  ly, 
avez  caché  ces  chefes  auxfages  ^  auxprudens  ^  que  vous  les  avez  révélées  aux  ftmples 
6f  aux  petits. 

S'\  à  la  preuve  auflî  invincible  que  refpeétable  qui  réfuke  des  miracles ,  opérés 
d'abord  par  le  mouvement  delà  convulfion comme moienphyfique  ,  &eniuitepar 
le  miniftèredesConvuliîonnaires  ,on  joint  encore  la  preuve  qui  fe  tire  deplufieurs 
prédissions,  dont  la  juftefle  de  l'événement  a  déjà  fait  connoitreque  les  Convul- 
fîonnaircs  qui  les  ont  faites  n'avoicnt  pu  les  apprendre  que  de  celui  qui  de  toute 
éternité  a  arrangé  tous  les  évenemens ,  &  qui  voit  par  avance  à  quoi  fe  détermine- 
ra la  volonté  libre  des  hommes  ;  comment  pouvoir  ne  pas  reconnoître  que  Dieu 
opère  furnaturellement  dans  l'œuvre  des  convulfions  ? 

Les  preuves  que  j'ai  rapportées  fufiîfent  pleinement  pourne  laifler  aucun  doute 
fur  la  vérité  des  miracles  :  il  ne  me  relie  plus  qu'à  ajouter  quelque  faits  par  rapport 
aux  prédiétions.  Je  craindrois  néanmoins  de  rebuter  le  leétcur  fi  je  luicnrappor- 
tois  un  grand  nombre',  d'autant  plus  que  je  ne  fuis  pas  en  fituation  d'en  recueillir 
des  preuves  par  écrit  pour  les  lui  fournir:  mais  qu'il  me  permette  du  moins  d'en 
citer  deux  qui  me  fontperfonnelles,  6c  qui  ont  cû  beaucoup  de  témoins. 

Marie  Sonnet  dite  la  falamandre .,  contre  qui  M.  le  Doéteur  A.  vient  de  faire  pr^]^'o„, 
une  fi  mordante  fatire ,  quoique  Dieu  l'ait  guérie  par  miracle  en  lui  envoyant  qui  me  fonc 
des  convulfions ,  &  qu'il  y  ait  fouvent  fait  paroître  des  preuves  fenfibles  de  fon  ope-  F//.  °°"^'* 
ration  toute- puifl'ante,  eft  une  de  celles  par  qui  il  a  fait  faire  les  prédirions  les 
plus  marquées  à  fon  coin:  puisque  plufieurs  évenemens  qu'il  lui  a  fait  prédire 
font  arrivés  avec  des  circonltanccs  incroyables  qu'elle  avoit  annoncées.  En  voici 
un  exemple  bien  frappant.  Elle  voyoit  fouvent  une  boule  blanche  dans  Ton  feu. 
Elle  déclaroit  devant  tous  ceux  qui  aflîftoient  à  fes  convulfions  que  cette  boule 
ctoit  à  moi,  &  qu'elle  m'avoit  été  donnée  par  l'interceflion  du  Bien-heureux. 
C'ell  ainfi  qu'elle  nommoit  M.  de  Paris,  dont  elle  me  faifoit  l'honneur  de  m'a- 
pellerle  fils ,  parce  que  j'ai  été  converti  au  pied  de  fon  tombeau.  Elle  difoit  que  dans 
l'intérieur  de  cette  boule,  qu'elle  voioit  de  tems  en  tcms  s'ouvrir  en  deux,  elle 
apperçcvoit  de  l'écriture  dont  il  fortoit  plufieurs  traits  de  lumière.  Je  rcconnoif- 
fois  à  n'en  pouvoir  douter  que  cette  boule  ctoit  le  livre  que  je  compoi'ois,  dont 
certainement  la  Convulfionnaire  ne  pouvoit  avoir  aucune  connoifiance ,  ôc  dont 
néanmoins  elle  parloit  ^\  clairement,  que  fouvent  j'avois  peur  que  d'autres  per- 
fonnes  que  moi  ne  comprificnt  ce  que  fignifioit  cette  boule  blanche. 

Quelques  jours  avant  que  M.  Hérault  eut  découvert  6c  fixit  fiiifir  le  lieu  011  je 
faifois  imprimer  mon  premier  Tome,  elle  s'écria  en  préfence  de  plufieurs  perfon- 
nes  avec  un  air  d'effroi  peint  fur  fon  vifagc  :  Mon  Bien-heureux  ^  venez  dont  vite  : 
voilà  les  Exemts  qui  prennent  la  houle  blanche  de  votre  fils.  Elle  prononça  enfuitc 
dans  une  efpècc  d'extafe  :  ils  l'auront  fous  les  yeux  fjf  ne  la  voiront  point  :  ils  Vaw 
r ont  fous  leurs  mains  ^  ne  la  prendront  pas. 

Quantité  de  gens  favent  que  cette  prédiétion  a  eu  un  accompliflement  com- 
plet 6c  qu'elle  a  même  été  excç,v}tée  par  un  événement  fi  peu  naturel  que  l'a- 
ction de  Dieu  y  eft  toute  vifible. 

Lorfqu'on  faifit  mon  imprimerie,  on  ne  manqua  pas  d'y  mettre  le  fcèlé,  ainfi 

Obfervat.     I.  Part,  Tome  IL  P  qu'à 


•  hinnt 
Uoala. 


tt4        IDE'E  DE  VOEXJVRE  DTS  CONTULSTONS: 

qu'à  tous  les  lieux  qui  en  dépcndoient ,  fans  oublier  une  chambre  où  étoient  mej 

minutes  êc  un  grand  nombre  de  feuilles  imprimées. 

Le  tems  de  lever  ce  fcclé  étant  venu,  le  Commi(ÎIiircRegnard  avec  l'ExemtDu- 
but  6c  autres  fatellites,  s'y  tranfportcrent  à  cet  effet.  Le  nom  feul  de  ces  deux 
hommes  fi  avides  de  captures ,  parce  qu'ils  le  font  du  profit  qui  leur  en  revient , 
fait  aflcz  juger  avec  qu'elle  ardeur,  quelle  rufe,  &  quelle  attention  ils  fouillèrent 
partout.  iVlais  une  preuve  que  Dieu  les  aveugla  en  cette  occafion,  c'eft  qu'après 
avoir  tout  mis  fens  dcflus  deflous  pour  faire  leur  exafte  recherche,  ils  rendirent 
la  clef  de  la  chambre  où  étoient  mes  minutes  &  les  feuilles  imprimées  ,  comme 
n'y  aiant  rien  trouvé. 

L'Epicier  principal  locataire  de  lamaifon  aiant  reçu  d'eux  la  clef  de  cette  cham- 
bre ,  y  en voia  un  de  les  garç  ons  ranger  les  meubles  bouleverfés  par  les  perquifiteurs. 
Quel  fut  l'étonnement  de  celui  qui  y  alla,  d'y  trouver  mes  manufcrits  Se  tous  les 
imprimés,  que  par  confequent  les  Exemts  n'avoient  point  vus  !  Il  fe  faifit  auflî- 
tot  des  minutes  qu'il  m'apporta  chez  moi ,  où  il  arriva  encore  tout  pâle  & 
tout  interdit  de  fa  furprife.  '  ~ 

Le  démon  ne  peut  deviner  l'avenir  que  par  conjefture.  Certainement  il  ne  lui 
étoit  pas  poflîble  de  prévoir  que  le  CommilTairc  &  les  Exemts  ne  verroient  point 
mes  minutes  quoiqu'elles  fuiïent  fous  leurs  yeux ,  &  ne  les  prendroient  pas  quoi- 
qu'elles fuflent  fous  leurs  mains.  On  ne  peut  pas  non  plus  attribuer  au  hazard  l'ac- 
compliffement  fi  littéral  d'une  prédiftion  fi  claire  &  fi  contraire  à  toute  apparence. 

Il  efi:  donc  évident  qu'elle  n'a  pu  être  diétée  que  par  celui  qui  a  prévu  de  toute 
éternité  les  évenemens  les  moins  vraifemblables ,  parce  qu'il  les  a  ordonnés  lui  mê- 
me ,  &  qu'il  difpofe  de  tout  comme  il  lui  plaît  ? 

Auflî  des  amis  particuliers  de  M.  le  Gros  m'ontils  écrit,  qu'ayant  été  infor- 
mé à  Utrecht  de  cette  prédiftion,  il  enavoit  regardé  l'accompliflement comme 
un  véritable  miracle  ,  &  qu'il  avoit  dit,  qu'on  ne  pouvoit  en  attribuer  la  pré- 
diction qu'à  Dieu.  Us  m'ont  même  ajouté  que  c'eît  fingulierement  cette  prc- 
diélion  \\  étonnante  &  fon  exécution  fi  complette  que  M.  le  Gros  a  eu  en  vue 
dans  r yivcrîijfetnent  qu'il  a  fait  mettre  en  tête  de  l'Edition  d'Utrecht  de  mon 
premier  Tome,  lorfqu'il  y  dit  ,  qu'il  parott  qu'une  providence  particulière  a  faci- 
lité  l'éxecution  de  mon  projet  par  des  circonjlanccs  fort  extraordinaires  dont  quel' 
ques-unes  font  de  irais  miracles. 

La  féconde  prédiétion  qui  me  concerne ,  n'efl:  guéres  moins  frappante  que  la  pre- 
mière. Je  prie  le  lefteur  de  s'y  rendre  attentif. 

Une  jeune  Convulfionnaire  *  ,  qui  fouventa  fiiit  pour  différentes  perfonncs  des 
difcours  très-beaux ,  dans  lefqucls  elle  leur  a  quelquefois  développe  tout  l'inté- 
rieur de  leur  ame  ,  en  a  fait  auffi  pour  moi  quelques-uns ,  fur  tout  dans  le  tcms  que 
j'étois  fur  le  point  de  préfenter  mon  livre  au  Roi. 

En  voici  un  extrait  où  ilfemble  qu'elle  me  parle, d'abord  au  nom  del'Eglife, 
«nfuite  au  nom  de  Jcfus-Chrifl;  ;  quoiqu'il  en  (oit,  ce  difcours  contient  pluheurs 
prédiftions  que  l'événement  a  rendu  trés-claires. 

„  Ma  !  (dit-elle)  ne  remettez-plus Approchez:  venez  petit  enfant  :  préfcntet 

,,  votre  offrande  à  votre  Maître....  Paffez  au  milieu  de  ce  peuple  incrédule.  Ilsn'o- 
„  feront  mettre  la  main  fur  vous,  parce  que  le  Très-haut  cltavcc  vous.  Levez  vos 
„  armes  :  levez  vos  yeux  j  &  confidérez  celui  qui  ell  dans  les  cicux  oui  prend  votre 

„  défcnfe....  Cependant hàtoz-vous  de  dcfcendre  dans  le  lieu  de  ma  demeu- 

„  re  :  hâtez-vous  de  vous  rendre  dans  cette  fombrc  cellule.  Vous  y  recevrez  toute 
„  forte  de  bcnédidions.  Ils  vous  tiendront  long-tems  dans  les  prifons  :  mais  le  con- 
„  folatcur  feraayccvous  :  hàtcz-vous,  mon  entant  :  ne  craignez  point. .  .vous  êtes 

„  atuchc 


IDÉE    DE    L'OEUVRE    DES    CONVULSIONS.  llf 

"  attaché  &  fcèlé  à  mes  entrailles  :  vous  êtes  un  fruit  de  la  croix  de  mon  Epoux. 
•   Que  votre  cœur  demeure  fans  celle  élevé  vers  moi.    Cet  Epoux  eft  avec  moi:  il  efl; 

pour  moi:  il  ell  au  dedans  de  moi.  .  .  C'ell:  pourquoi  ne  craignez  poiiit.  Toutes 
j,  leurs  injures  ne  vous  feront  point  perdre  votre  confiance  :  je  vous  la  confèrverai 

^  moi-même La  joie  des  opprobres  &  des  fouffrances  fera  peinte  fur  votre  vifà- 

^  ge C'eit  moi  qui  vous  préfenterai  à  mon  Epoux,  &  qui  vous  oHiirai  à  lui 

„  comme  une  vi61ime  que  je  lui  ai  préparée...  *Ce  jour  heureux  pour  toi  eft  bien  *  Ce  qui  fuit 
„  prêt  d'arriver . . .  Les  fruits  de  ton  travail  vont  paroître  entre  tes  mains  :  ces  fruits  te  en  iL"  f°!'& 
^  reconcilieront  entièrement  avec  moi."  d'un  air  tout 

Il  n'eft  pas  dilîicile  de  reconnoître  que  ce  Difcours  avoit  pour  objet  de  m'inviter  à  Tucux.""'*^'" 
préfenter  au  plutôt  mon  Livre  à  Sa  Majefté.     Cependans  il  eft  certain  que  cette  Con- 
vulfionnaire  ne  pouvoit  avoir  connoiftànce  de  ce  projet ,  que  je  tenois  très-fècret. 

Mais  il  y  a  plus  :fon  Difcours  annonce  d'abord  très-clairement  que  je  ne  fèrois  point 
arrêté  en  préfentant  mon  Livre  au  RoL  Pajfez ,  dit-elle ,  an  milieu  de  ce  peuple 
incrédule  :  ils  fi  o fer  ont  mettre  la  main  fur  vous. 

Tout  le  monde  à  été  très  étonné ,  qu'un  des  grands  Seigneurs  de  la  Cour  m'ait  in- 
troduit dans  la  chambre  du  Roi ,  fans  me  connoître  :  qu'on  m'ait  laifTé  approcher  très 
près  de  Sa  Majefté  :  que  le  Roi  le  foit  arrêté  pour  écouter  mon  Difcours  :  que ,  quoi- 
qu'il en  parût  furpris ,  il  ait  reçu  le  Livre  que  je  lui  préfentois  :  que  M.  le  Cardinal  de 
Fleuiy  ,  ayant  fur  le  feul  titre  de  ce  Livre  donné  ordre  de  m'arrêter ,  on  ne  l'ait  pas 
fait  fur  le  champ,  quoique  je  ne  me  cachalTe  point,  ceux  qui  étoient  chargés  de  fe 
làifir  de  ma  perlbnne,  ayant  palfé  à  côté  de  mon  caroflè  fans  s'appercevoir  que  c'étoic 
moi;  &  que  la  Providence  m'ait  ainlî  fourni  le  moyen  de  revenir  à  Paris  faire  pendant 
le  refte  du  jour,  tous  les  arrangemens  dont  j'avois  belbin.  Comment  le  démon  auroit- 
il  pu  conjedurer  cette  chaîne  d'évenemens  11  contraires  à  toute  apparence? 
.,  Le  même  Difcours  m'exhorte  enfuite  à  me  rendre  volontairement  dans  la  prifon 
qu'on  me  deftineroir.  Cependant ,  dit  laConvulfionnaire ,  hâtez-vous  de  vous  ren-^ 
are  dans  cette  [ombre  cellule. 

■  ,  C'étoit  bien  en  effet  ma  réfolution.  Dieu  l'avoit  mife  dans  mon  cœur  dès  le  pre- 
mier moment  qu'il  m'inlpira  le  deiïèin  de  rccueilHr  les  preuves  des  Miracles ,  d'en  taire 
les  Démonftrations  &  de  les  préfenta:  au  Roi.  Auffi  l'ai-je  exécuté  très  poniluelle- 
jnent,  ayant  attendu  fort  trimquiUement  dans  ma  maifon  les  ordres  qu'il  lui  plairoit  de 
lïie  donner.  Satan  pouvoit-il  prévoir  que  Dieu  me  donncroit  mi  zèle  li  inébranlable 
pour  pro.u\'er  par  la  fermeté  de  ma  conduite  aulTi  bien  que  par  mes  Ecrits  ,  la  vérité 
des  Miracles  que  j'ai  atteftés  ? 

.  Le  furplus  de  cette  Prédiction  fe  vérifie  encore  tous  les  jours.  Je  puis  afTurer  a-\'ec  vérité , 
que  de  ma  vie  je  n'ai  été  fi  content  que  je  le  fuis  :  que  je  n'ai  jamais  eCrune  fanté  fi  parfaite 
que  celle  dont  Dieu  me  fait  jouïr  depuis  qu'il  m'a  mis  en  captivité  pour  &  caule;  oc  quek 
fcnfible  confolation  qu'il  daigne  répandre  dans  mon  cœar  ,  me  rend  fans  comparailbri 
plus  heureux ,  que  je  ne  l'ai  été  pendant  tout  le  tems  que  j'ai  paffé  dans  le  monde. 

Au  refte  cette  jeune  iille , qui  hors  de  Convulfion  m'a  paru  d'une  grande  f implicite, 
a  fiîit  quantité  d'auti-es  Difcours,  la  plupart  fort  touchans,  quelques-uns  même  très  fu- 
blimes:  &  fes  Convulfions  ont  été  illuftrées  par  de  U'ès  graiids  Prodiges,  &  même  par 
des  Miracles;  Il  eft  de  ma  connoifTance  qu'elle  a  été  pluiieurs  fois  l'inlfrument  dont  le 
ToQt-puilïIint  s'eft  lervi  pour  opérer  des  guérifbns  Miraculeufes  dans  les  corps  (Se  dans 
les  âmes.  Il  a  encore  fait  en  1742.  un  grand  Miracle  fur  elle  môme.  Ayant  été  en 
1 735).  renfermé  à  la  Salpétriére  par  ordre  du  Roi  ,1e  Chirurgien  de  cette  prifon  l'avoit 
faignée  avec  tant  d'excès,  pour  faire  celfcr  fes  Convullions,  qu'elle  étoit  devenue  h)-- 
dropique.  Dès  j..  741.  fon  enflure  étoit  monftrueufe.  Anfti  au  commencement  de  1 742. 
ctok-elle  réduite  à  une  telle  extrémité  ,  qu'on  s'attendoit  à  tous  moaiens  qu'elle  alloit 

P  -  H'i'Oiirir. 


II(Î  IDE'E    BE    L'OEVrRE    DES    CONVULSIONS. 

mourir.  Mais  le  l  f.  Février,  tandis  qu'on  récitoit  autour  de  fon  lit  les  Prières  des 
Agonilans  ,  elle  met  fur  fon  ell:omach  des  Reliques  de  M.  de  P;iris  ,  &  elle  demande 
une  cucillerée  de  la  prccieule  teiTC  ramalTée  {:irès  de  fon  Tombeau.  Djs  qu'elle  l'a  ava- 
lée, elle  eft  aulTitôt  guérie;  &  tous  les  AlTlrtans  immobiles  de  furprife,  voient  tout  à 
coup  (es  pieds,  i^i^  jambes,  fon  ventre  &  fon  ellomach  dimiiiiier  de  grolTèur  avec  u- 
ne  11  prodigieuiè  promptitude  ,  qu'en  moins  d'une  heure  il  ne  relie  plus  aucun  vertige 
de  leur  énorme  enflure  ! 

L'œuvre  des  Convulfions  illufîrée  d'un  côté  par  des  dons  furnaturels ,  des  prédic' 
tioHS,  des  Conver fions j  des  Prodiges  &  des  Miracles-,  &  de  l'autre  avilie  par 
les  artifices  du  démon  ,  a  nécefjairement  dans  les  confeils  de  Dieu  quelque  grand 
objet  que  tout  Chrétien  a  un  intérêt  Jenfible  d'approfondir. 

•L\\\. 

Ditu  prffidc 
a  l'oeuvre  des 
Convulfions 

df-n' j'rîuT  naturellement  dansl'osuvre  des  Comoilfionb^on  en  doit  tirer  la  conféquence  que  fa  û- 
'"""  *  "'*  gcllc  y  prélide  pour  des  fins  dignes  d'elle  :  que  s'il  a  permis  au  démon  de  fe  mêler  dans 
cène  œuvre  ,  &  de  féduii-e  plul  leurs  Convulfionnaires  ,  il  le  traite  en  efclave  ,  &  ne 
lui  lailTc  fîiire  que  ce  qui  cadre  à  les  dolTèins ,  auxquels  il  fuit  tout  lèiTir  ,  jusqu'aux 
nuages  dont  il  permet  que  fcs  propres  opérations  foient  quelquefois  convertes  :  jufqu'aïuc 
choies  défedueufès  oc  même  mauvailès ,  que  les  Convullionnaires  {leuvent  y  mêler  de 
leur  propre  fond  ;  ôc  jufqu'aux  artifices  de  fEfprit  jx;rvcrs,  qui  par  les  efforts  mène 
qu'il  fait  pour  traverfer  les  delTeins  de  Dieu ,  fert  toujours  ù  leur  accomplilTèment. 

Mais  failbns  en  même  tems  réflexion  que  lorfque  le  Très-haut  donne  plus  de  puis- 
fancc  qu'à  l'ordinaire  à  cet  ennemi  du  genre  humain  ,  c'eft  prelque  toujours  ix)ur  pu- 
nir les  hommes  qui  ont  mérité  de  l'être.  Si  les  œuvres  de  Dieu  font  des  efièts  de  fà 
miféricorde,  les  opérations  diaboliques  nous  meruicent  de  fa  jullica 

Nous  voyons  ici  une  œuvre  qui  prife  dans  fon  tout  n'a  jiimais  eii  d'exemple  :  une 
œuvTe  où  le  furnaturel  éclatte  de  toutes  parts;  6c  qui  d'un  côté  eft  éclairée  par  quan- 
tité de  dons  &  d'eflcts  merveilleux,  jxir  un  grand  nombre  de  miracles,  &  p;ir  plul  leurs 
prédi<flions  que  Dieu  feul  a  pu  révèlen  Cej^ndant  d'un  autre  côté  elle  eft  oblcurcie 
par  les  prcftiges  de  Sat.in  ,  par  des  prédi£Uons  taulfes ,  6c  par  beaucoup  d'autres  cho- 
ies qu'on  ne  peut  attribuer  à  Dieu  :  <Sc  nous  voyons  tout  à  la  fois  plus  de  800.  perfon- 
nes  qui  tombent  tout  à  coup  dans  l'état  furnaturel  d'où  nalifent  tant  de  différens  prodi- 
ges, &  qui  par  leur  état  même  font  attachées  à  l'Apiiel. 

Il  n'eft  pas  polTible  qu'un  événement  fi  étonnant  &  fi  fin^ulicr  ,  n'ait  des  fuites  con- 
fidérables  dons  les  delTcins  du  Toiit-pui liant.  Il  n'a  pas  ojxiié  &  iiermis  pour  rien  une 
cholè  fi  extraordinaire  ,  dans  laquelle  il  agit  lui-même  en  Dieu  d'une  nviniére  mai-quée 
pr  les  plus  grands  o-aits.  Ses  projets  tels  qu'ils  foiait,  ne  ixuvcnt  manquer  d'être  très- 
intérellans  pour  nous. 

Quelle  eft  donc  la  témérité  de  ceux  qui  rejettent  toute  cette  œu\Te  avec  un  mépris 
dédaigneux,  fans  fe  mettre  en  peine  des  fuites  qu'elle  {■«uta\'oir,nides  motifs  qui  ont  poné 
Celui  qui  ne  lait  rien  fans  des  vues  d.gnes  de  lui,  à  o;x.4-cr  toiit  de  Mer\nlle'<? 

(;;cne  infeniibilité,  cette  léthargie  fpirituelle,  ce  mépris  fi  téméraire  des  chofo  où 
k  Touie-puilTàncc  divine  éclatte  le  plus  viliblement,  lèroient  cux-mènes  une  efiiécc 
de  prodige,  fi  Dieu  n'y  avoit  pour  ainli  dire  donné  lieu  jxir  les  conlcils  de  fa  jus- 
tice C^ai-  il  paroît  évidemmenr  que  le  Très-haut ,  par  un  jugement  d'autant  plus 
terrible  qu'il  cl t  fecret,  a  voulu  que  les  Convullinns,  les  Piédictions,  les  Prodiges  & 
même  de  grands  Miracles  fliflènt  avilis  aux  )cax  de;  hommes ,  |x)ur  les  punir  de  leiu* 
orgueil  &  de  leur  jjicrédulitc.    Mais  .plus  cgt  crlét  de  Ui  colore  cil  caclxî ,  jiJus 

now 


IDKE  DE  VOEVVRE  BES  CONVULSIONS.  117 
nous  avons  un  intérêt  effentiel  de  le  connoître ,  pour  tâcher  de  nous  en  garantir 
&:  de  ne  pas  tomber  entre  les  mains  de  fa  jullice. 

Si  Dieu  avoit  fuit  faire  par  de  faints  Ëvêqucs,  par  exemple  par  feu  MM.  de 
Senez  &  de  Montpellier,  cette  quantité  de  miracles  qu'il  lui  a  plu  d'opérer  par  les 
mains  de  quelques  Convulfionnaires,&plufieurs  prédirions  dont  l'événement  eût 
manifellé  qu'il  en  étoit  l'auteur,  qui  auroit  pu  s'empêcher  d'être  frappé  de  l'éclat 
qu'auroicnt  eu  ces  merveilles  divines?  Mais  il  plaît  à  celui  dont  la  fageflc  eft  infi- 
niment élevée  au-deffiis  de  nos  penfées,  de  choifir  pour  faire  fcs  œuvres,  de  petites 
filles  la  plupart  pauvres,  ignorantes,  contrefaites, quelques-unes  prefqu'imbécil- 
les,  &  dont  l'extérieur  n'a  rien  que  de  très  méprifable  aux  yeux  de  la  chair;  &  le 
mépris  qu'on  fait  de  ces  perfonnes  pafle  jufqu'aux  miracles  que  le  Très-haut  opère 
par  leurs  mains ,  &  jufqu'aux  prédirions  qu'il  fait  par  leur  bouche. 

C'eft  ainfi  que  très-fouvent  Dieu  a  caché  fcs  œuvres  les  plus  merveillcufcs  fous 
une  baflefle  apparente  pour  humilier  l'orgueil  des  hommes ,  &  ne  fe  lailFer  décou- 
vrir que  par  ceux  qui  font  humbles  de  cœur.  Et  pour  citerle  plus  grand  des  exem- 
ples ,  qu'il  me  foit  permis  de  préfcnter  celui  du  Meflîe ,  mais  uniquement  dans  la 
vue  de  prouver  en  général  cette  conduite  de  Dieu,  6c  fans  prétendre  en  ftire  ici 
aucune  application. 

Lorfque  la  fagefle  éternelle  a  pris  un  corps  parmi  nous ,  elle  a  voulu  vivre  dans 
une  pauvreté  oui  obfcurcît  tout  l'éclat  de  les  miracles  :  elle  a  choifi  pour  établir  k 
religion ,  non  des  Doéteurs ,  des  perfonnes  éloquentes ,  des  gens  refpeétablcs  dans 
le  monde;  mais  de  pauvres  pêcheurs,  des  gens  fimplcs:  &:  ce  n'eft  que  par  les 
miracles  que  ceux  à  qui  Dieu  en  a  fait  la  grâce ,  ont  apperçû  le  fçeau  de  la  divi- 
nité caché  fous  des  apparences  qui  fembloient  fi  viles. 

Mars  ici  le  Très-haut  ne  s'eft  pas  contenté  de  choifir  des  perfonnes  la  plupart 
d'une  condition  très-bafle,  il  en  a  laiffé  tomber  quelques-unes  dans  des  fi^utcs  qui 
en  les  deshonorant,  ont  fait  rejaillir  l'opprobre  dont  elles  fe  font  couvertes  jufques 
fur  le  miniftère  auquel  elles  avoient  été  employées.  Il  a  permis  que  des  Appellans 
aient  imputé  ces  fautes  perfonnelles  à  tous  les  Convulfionnaires  en  général ,  ôc  fe 
foient  fervis  de  ce  moicn  pour  décrier  tous  les  inftrumens  dont  il  jugeoit  à  propos 
de  fc  fervir.  Enfin  il  a  «n  quelque  forte  lâché  la  bride  au  démon,  tant  pour  féduirc 
des  Convulfionnaires,  que  pour  cmploier  une  infinité  d'artifices  &  fiiirc  méprifer 
par  la  plupart  des  gens  du  monde  les  prodiges  les  plus  furprenans ,  des  prédictions 
évidemment  révélées,  6c  des  miracles  inconteftables. 

Il  eft  vifible  que  le  dellein  de  Dieu,  en  foufFrant  que  fes  miracles,  fes  prodiges, 
Se  les  prédirions  qu'il  a  fait  faire,  fuficnt  ainfi  avilis  aux  yeux  des  hommes,  n'a 
pu  être  qu'un  confeil  de  juftice,  un  projet  de  vengeance,  une  punition  d'autant 
plus  terrible  qu'elle  conduit  aux  ténèbres,  6c  dans  l'endurciflement.  Ainfi  tous 
ceux  qui  n'ont  pas  encore  perdu  tout  fentiment  de  religion,  doivent  frémir,  doi- 
vent trembler  jufqu'au  fond  des  entrailles ,  en  voiant  que  Dieu  eft  fi  irrité  contre 
nous,  qu'il  ne  nous  préfente  plus  la  lumière  que  cachée  dans  de  fombres  nuages,, 
qu'aujourd'hui  il  cnfevclit  lui-même  fous  des  voiles  épais  les  merveilles  6c  les  vé- 
rités qu'il  nous  laifie  encore  entrevoir  ;  6c  que  les  éclairs  dont  il  frappe  nos  yeux  ^ 
fe  perdent  auflî-tôt  dans  d'épaifles  ténèbres. 

En  cet  état  nous  ne  pouvons  trop  redoubler  nos  prières  pour  tâcher  d'obtenir  de 
fa  miféricorde  d'être  du  nombre  de  ceux  qui  fontdeftinés  à  difcerner  la  vérité  mal- 
gré la  nuit  obfcure  où  elle  eft  comme  enfevelie,  ni  trop  redoubler  nos  efforts  pour 
pouvoir  découvrir  cette  lumière  que  le  Très-haut  ne  nous  montre  plus  préfente- 
ment  qu'à  demi. 

Afin  de  pouvoir  aujourd'hui  nous  conduire  au  travers  de  ces  nuages  qui  nouR 

P  i  car 


ii8  IDE'E  DE  VOEUFRE  D ES  CO NTULS ÏO  NS. 
environnent,  il  faut  profiter  des  grands  éclats  de  lumière  que  Dieu  nous  avoit 
d'abord  fait  voir.  Pour  cet  effet  il  faut  faire  attention  que  l'œuvre  des  convulfions 
fait  une  partie  conGdérable  des  merveilles  de  toute  efpèce  que  Dieu  opère  conti- 
nuellement par  l'interccflion  du  Bienheureux  M.  de- Paris  :  merveilles  qu'on  doit 
regarder,  en  les  réuniflant  toutes  cnfemblc  ,  comme  une  feule  œuvre  que  Dieu  a 
comrr,  ncé  de  former  fur  le  tombeau  de  ce  Bien-heureux  AppcUant. 

Ce  Dieu  de  miféricorde  a  d'abord  paru  fur  ce  tombeau  par  les  miracles  les  plus 
éclatais.  Quimtitc  de  maladies  incurables  ont  été  guéries  tout  à  coup  fous  les  yeux 
d'une  multitude  innombrable  de  témoins.  On  a  vu  par  exemple  des  hydropiques 
dont  les  membres  étoient  monftrueux  perdre  fubitement  leur  énorme  enflure,  ècfe 
trouver  en  un  inftant  réduits  à  leur  état  naturel. 

Cependant  de  fi  grandes  men'eilles ,  où  l'opération  de  la  divinité  fe  montroic 

avec  tant  d'évidence  ,  n'ont  fait  qu'irriter  la  plupart  des  adverfaires  de  l'Appel. 

ir.ft.  Part.,,  Les  premiers  miracles  (difoit  le  grand  Evêque  de  Montpellier)  n'ouvrent  pas 

>^7j6*«^i»i»>  ^^^  y^"'^  •'  Dieu  fort  de  fon  fecrct ,  6c  on  ne  veut  pas  l'entendre. .  . .  L'aveugle- 

„  ment  pénal  va  fuivre.  Déformais  la  miléricorde  ne  marchera  plus  feule:  les  ef- 

„  fets  de  la  jullice  marcheront  à  fes  côtés.  „ 

En  effet  des  mouvemcns  convulfifs  8c  douloureux  ont  enfuite  faifî  une  grande 
partie  des  malades,  Se  ont  été  d'abord  le  moien  phyfique  par  lequel  Dieu  guérif- 
ibit  vifiblement  les  maladies  8c  rétabliffoit  les  membres  elfaopics.  Les  premières 
guérifons  qu'il  a  faites  par  ce  moien  ont  été  affés  promptes  jmais  bien  tôt  il  vou- 
lut que  la  plijpart  de  ceux  qu'il  opcroit  par  l'aftion  de  la  convulfion ,  ne  fe  fiffent 
que  d'une  manière  trcs-lente ,  8c  même  que  quelques-unes  reftaffcnt  imparfaites. 

Peu  après  il  a  envoie  des  convulfions  à  quantité  de  perfonnes  qui  n'avoient  au- 
cune maladie  8cquinevenoient  lui  demander  fur  ce  tombeau  que  des  grâces  fpiri- 
tuellcs ,  ouïe  remercier  des  guérifons  qu'elles  avoicnt  obtenues  fms  convulfion. 
Et  comme  ces  mouvemcns  convulfifs  paroiffoient  plutôt  une  épreuve  qu'une  fa-» 
veur  ,  ne  voulant  pas  cependant  qu'on  les  prît  pour  une  punition,  il  les  accom- 
pagna la  plupart  de  dons  furnaturcls,  fur  tout  depuis  le  moment  que  Dieu  ou- 
vrit la  bouche  à  une  multitude  d'enfans  8c  de  perfonnes  ignorantes  :  qu'il  leur  fit 
prononcer  tous  les  jours  des  difcours  magnifiques  :   qu'il  leur  fit  découvrir  au 

fjublic  l'état  préfent  de  l'Eglifc  vifiblc,  &c  l'importance  des  vérités profcrites  par 
a  Bulle  }  5c  qu'il  leur  fit  faire  plufieurs  prédictions ,  dont  la  plupart  des  pre- 
mières ont  été  d'une  jullcffe  parfaite.  En  mcme-tems  il  découvrit  à  quelques- 
uns  d'entr'eux  l'intérieur  le  plus  caché  des  confcicnccs.  11  dicta  à  quelques-au- 
tres des  difcours  en  langue  inconnue  ou  étrangère  :  il  fit  faire  à  plufieurs  des 
repréfentations  de  la  paffion  de  J.  C.  5c  des  fuppliccs  des  Martyrs,  ce  qu'il  a  fou- 
vent  accompagné  de  différens  prodiges,  dont  un  des  plus  étonnans  a  ctédcren- 


A&-  i-  >> 


ons 

que  tout  cela  ne  tait  enicmble  qu  une 
feule  5c  même  œuvre  de  prodiges  ,  qui  ont  toujours  eu  entr'cux,  fpéciiUcmcnt 
avec  les  miracles,  la  liaifon  la  plus  marquée >  puifquc  les  guérifons  miraculcu- 
fcs  ont  d'abord  été  produites  par  les  convulfions  comme  moien  phyfique  ,  Sc 
qu'elles  ont  enfuite  été  opérées  par  les  Convulfionnaircs   comme  inltrumcns. 

Toutes  ces  merveilles  n'ont  pas  été  faites  pour  rien.  Dieu  ne  prodigue  point  ain- 
,  n  le  furnaturel  inutilement  :  /'/  nous  parle  dans  tous  les  pands  é^cticmem ,  dit  le  P. 
Qucfncl ,  Gf  nous  y  veut  dire  quelque  chofepour  notre  injîrutlion.  L'cruvrc  du  tombeau 
du  Bienheureux  Diacre,  dont  celle  des  convuliions  fait  partie,  a  donc  nccefljiiiTmcnt 
ctc  formée  poui  quelque  tia?  £c  puifquc  Dieu  a  vouluy  manitcllcr  vifiblement 


IDÉ'E  DE  VOEUFRE  LES   CONrULSIONS.  ï!> 

fon  'Opération  par  quantité  de  miracles ,  elle  a  donc  certainement  des  objets  dignes 
de  lui ,  foit  de  fa  miféricorde ,  foit  de  fa  juftice,  foit  de  toutes  les  deux  enfcmble  ? 

Pour  pouvoir  parvenir  à  pénétrer  fes  vues  de  miféricorde,  6c  les  confeils  de  i.xnr. 
fa  iuftice ,  il  faut  d'abord  examiner  fi  cette  œuvre  ne  nous  préfente  point  à  décou-  '-''*'";"''" 
vert  quelque  grand  objet,  quelque  objet  gênerai  auquel  elle  parome  fe  rapporter, '"""««  '» 
&  pour  lequel  elle  femble  faite.  ^        ^  P^pLe" 

Dieu  ne  nous  l'a  pas  caché  :  il  nous  a  déclaré  une  grande  partie  de  fes  defleins^''** 
par  des  prédiélions  faites  tout  à  coup  6c  de  tous  côtés  généralement  par  tous  lès 
bons  Convulfîonnaires ,  ou  du  moins  par  prefque  tous,  &  par  la  plupart  avec  des 
circonftances  évidemment  furnaturelles.  Il  nous  a  découvert  d'une  manière  fi 
claire  5c  fi  marquée  quel  eft  l'objet  auquel  toute  cette  œuvre  fe  rapporte ,  que;  ceux 
qui  font  les  plus  prévenus  contre  les  convulfions ,  n'ont  pu  s'empêcher  de  l'apper- 
cevoir.  On  n'a  qu'à  lire  la  confultation  des  50.  Doéteurs,  on  y  trouvera  que  ces 
MM.  l'ont  eux-mêmes  fort  bien  démêlé. 

Apres  avoir  dit  dans  l'expofé  de  leur  confultation  que  la  perfonne  qu'ils  fuppo- 
fent  les  confulter,  a  entendu  plu  fleurs  Convulfîonnaires /«ir^  des  dlfcours  qui  lui  ont 
paru  fort  ati-dejfus  de  leur  portée  {5?  de  leur  âge ,  8c  qu'elle  et  oit  touchée  de  les  entendre 
parler  de  la  venue  d'Elie ,  de  la  converfion  prochaine  des  Juifs ,  du  renouvellement  de 
fEglife  ,^  de  la  nécejfité  de  fe  préparer  par  la  pénitence  à  ce  grand  événement  :  ils  dé- 
clarent eux-mêmes  dans  le  corps  de  leur  confultation,  que  dans  les  plus  beaux  {^ 

les  plus  fameux  difcours en  y  trouve  un  fifiéme  propre  aux  Convulfîonnaires  ... 

c'eft  que  la  venue  d'Elie  eft  très-prochaine. 

„  Ils  font  unis  entr'eux  (difent  encore  MM.  les  confultans)  parles  liens  d'une 
„  focièté  particulière,  qui  a  le  même  langage,  les  mêmes  viies,  les  mêmes  fonc- 
„  tions.  Ils  fe  regardent  6c  veulent  qu'on  les  regarde  comme  une  troupe  fufcitée 
5,  extraordinairement  de  Dieu  pour  une  même  tin,  comme  chargée  d'un  même 
„  miniftère ,  comme  dellinée  à  annoncer  de  concert  les  deffeins  de  Dieu  fur  fon 
„  Eglife,  à  en  rcpréfenter  par  leurs  aurions,  6c  à  en  prédire  par  leurs  difcours 
„  uniformes,  les  malheurs  prochains  6c  les  relTources  qui  doivent  les  reparer.  „ 

Voilà  donc,  fuivant  MM.  les  confultans,  une  troupe  de  plus  de  800.  perfonnes 
qui  tout  à  coup  entrent  dans  un  état  évidemment  furnaturel,  qui  font  aufîi-tôt 
unis  entr''eux  par  une  main  invifible  qui  leur  donne  à  tous  le  même  langage^  les  mê- 
fnes  vues ,  les  mêmes  fonSlions  :  qui/?  regardent  ^  qui  veulent  qu''on  les  regarde  com- 
me une  troupe  fufcitée  extraordinairement  de  Dieu  pour  une  même  fin ,  comme  char- 
gée d'un  même  miniftère ,  comme  deftinée  à  annoncer  les  defj'eins  de  Dieu  fur  fon  £"■//- 
je  .^  à  en  repréfentcr par  leurs  aflions^  ^  à  en  prédire  par  leurs  difcours  uniformes  les 
malheurs  prochains  ^  6?  les  reffources  qui  doivent  les  réparer. 

Un  événement  fi  extraordinaire  n'a-t-il  donc  rien  qui  mérite  notre  attention? 
Mais  ce  n'eft  pas  afîez  de  favoir  que  l'œuvre  des  convulfions  a  vifiblement  été  for- 
mée pour  annoncer  la  venue  du  Prophète  Elle ,  il  faut  auiïï  favoir ,  pour  pénétrer 
tout  le  plan  de  Dieu,  que  cette  œuvre  eft  en  mêmc-tems  deftinée  à  couA'rir  d'un 
voile  d'ignominie  la  miffion  de  ce  Prophète, 6c  à  le  faire  rejctter  par  la  Gentilité 
malgré  tous  les  prodiges  par  lefquels  il  doit  prouver  fa  mifîlon. 

Dieu  dans  fa  miféricorde  a  emploie  les  Convulfionnaires  à  avertir  de  la  venue 
de  ce  Prophète  ceux  qu'il  a  deftinésàlereconnoîtreauffi-tôtqu'ilparoîtra.  Mais 
en  même  tems  Dieu  dans  (x\  juftice  a  voulu  qiie  l'œuvre  des  convulfions  répandit 
des  nuages  ténébreux  fur  la  perfonne  même  dvi  Prophète ,  6c  qu'elle  fût  une  pier- 
re de  fcandale  qui  fervît  à  le  faire  méconnoître  parles  cœurs  fuperbes,  ^  par 
tous  ceux  qui  font  prévenus  contre  la  vérité.  Il  a  voulu  que  cette  œuvre  avilît  fi 
fort  à  leurs  yeux,  6c  les  miracles ^  6c  les  plus  étonnans  prodiges,  quelorlque  le 

Pro. 


ito        IDE'E   DE  VOEUFRE  DES  CONTULSIONS. 
Prophète  viendra  ,  ils  le  méprifent  &  le  rejcttem  quelque  merveille  qu'il  f-iffc. 

Pour  cela  Dieu  a  pennis ,  comme  nous  l'avons  déjà  dir,  que  l'œuvre  des  con* 
vulfions  fût  en  quelque  forte  fouillée  par  la  conduite  repréhenfible  de  quelques 
Convulfionnaircs,  &  que  la  calomnie  olât  atribucr  àtous  lesConvuHîonnaircsen 
général  les  vices  de  quelques  particuliers.  Il  a  même  permis  que  le  démon  eût  de 
fon  côté  des  Convulfionnaircs,  ou  du  moins  qu'il  en  féduifit  pluficurs ,  dont  il  a 
fait  deux  différentes  fentes,  lesAuguftiniftes6clesVaillantifl.es,  que  ce  rulc  fcduc- 
teur  à  fait  agir  de  façon  que  toutes  leurs  démarches  ont  contribué  à  faire  regarder 
comme  une  illufion  &c  une  folie  la  venue  prochaine  dufaint  Prophète  promis  par 
Jefus  Chrift. 

D'abord  le  tentateur  a  fuggéré  dans  la  profondeur  de  fa  malice  au  chef  de  la 


f>rcmiere  fcfte,  de  fe  donner  pour  le  précurfeur  du  Prophète:  8ccnmcme-tcms  il 
ui  a  fait  publier  pluficurs  erreurs,  &  autorifer  ouvertemer 
difties ,  fous  le  prétexte  infcnfé  qu'elles  étoicnt  des  figures. 


autorifer  ouvertement  de  honteufesimmo- 


Ce  fcrpcnt  plein  de  rufes  empoifonnées  a  enfuite  engagé  quelques-autres  Con- 
vulfionnaircs a  publier  qu'un  Prêtre,  dont  la  conduite  inégale  a  toujours  donné 
lieu  de  fe  défier  de  fon  jugement ,  etoit  ce  Prophète  admirable  deftiné  par  les 
décrets  éternels  à  renouvcUer  la  jeunefle  de  l'Eglife. 

Cette  application  du  prince  des  ténèbres  à  prévenir  les  efprits  par  tant  d'artifices 
contre  la  venue  du  véritable  Prophète,  fait  connoître  que  cet  efprit  fi  pénétrant  a 
lui-même  reconnu  par  l'état  de  l'Eglife,  que  l'avènement  de  celui  par  qui  Dieu 
a  promis  de  rétablir  toutes  chofes  ne  pouvoit  être  fort  éloigné  ;  ce  qui  lui  a  fait 
faire  toutes  fortes  d'efforts ,  Se  emploicr  toutes  les  rufes  dont  il  cil  capable  pour 
répandre  un  voile  de  ridicule  fur  l'efiièrance  de  l'arrivée  de  ce  Prophète ,  5c  pour 
le  décrier  par  avance  avant  qu'il  p;iriit  à  nos  yeux. 

Enfin  Dieu  a  permis  que  de  grands  Doftcurs  Appellansfe  rangeafPent  du  côté 
des  Conftitutionnaires  pour  réprouver  en  général  toute  l'œuvre  des  convulfions  Se 
la  couvrir  d'opprobre ,  en  contondant  avec  les  Convulfionnaircs  du  démon ,  6c  avec 
le  petit  nombre  des  autres  qui  ont  eu  une  conduite  repréhenfible  ,  ceux  que  Dieu 
conduit  lui-même  :  ceux  à  qui  il  révèle  l'avenir  6c  le  fecret  des  cœurs  :  ceux  par 
les  mains  de  qui  il  opère  fouvcnt  des  miracles:  ceux  en  un  mot  par  qui  il  fait  an- 
noncer la  venue  prochaine  du  Prophète,  qu'il  a  déclaré  lui-même  tant  dans  l'An- 
_^.  .  cicn  que  dans  le  Nouveau  Teftament  avoir  defiiné  pour  adoucir  fa  colère  par  des 
"*  ''^'jugcmens  que  ce  Prophète  excercera  au  tetns  pi-efcrit ,  pour  réunir  les  cœurs  des 
feres  à  leurs  en/ans ,  £3*  pour  rétablir  les  tribus  d  Jfraël. 

Il  cft  ailé  de  reconnoître  dans  tout  cela ,  que  Dieu  aiant  réfolu  par  un  con- 
fcil  de  fa  jufticc  de  voiler  fi  bien  la  mifllon  de  ce  Prophète  que  la  Gentilité  fc 
portât  à  le  rcjctter,  il  ne  pouvoit  guères  permettre  des  choies  plus  propres  à 
donner  lieu  à  ce  terrible  jugement. 

Ainfi  pour  prendre  une  idée  juftc  des  deffeins  de  Dieu  dans  l'œuvre  des  con- 
vulfions, il  faut  joindre  cnfcmblc  deux  vues  très-différentes  6c  quifemblcnt  en 
quelque  forte  contraires. 

Dieu  dans  fi  miféricordc  a  formé  l'œuvre  des  convulfions  pour  annoncer  la 
venue  du  Prophète  Elic. 

Dieu  dans  fa  jufticc  a  permis  que  l'œuvre  des  convulfions  fût  deshonnorèc  par 
une  infinité  de  diftèrentes  circonllances,  cnforte  qu'elle  fcrvit  par  ce  moicnàfairc 
mèprilcr  les  mir;icles,  les  prodiges,  les  prèdiétions  ;  6c  que  cl- mépris  formât  une 
difpofiiion  dans  les  cTprits  qui  fit  rcjctter  le  Prophète  p;n-  prcl()uc  toute  la  Gcnti-  I 

litc  malgré  toutes  Ub  merveilles  par  lefquellcs  [\\  million  lu  a  autorifce.  I 

Ce  fynt  Jeux   vérités   bieu  intèrcffantcs  ,   dont  je  vais  prékntcr  au  lefteur  f 

des 


IDEE  DE  L'OEUFRE  DES  CONFULSTONS.         l'ir 

des  preuves  capables  de  convaincre  tous  ceux  qui  cherchent  de  bonne  foi  la  lu- 
mière. 

PREMIERE    VERITE'. 

'  Dieu  dans  fa  miféri corde  a  fermé  l'œuvre  des  convuJfcns  pour  annoncer 

la  venue  du  Prophète  Elle. 

L 'Avènement  du  Prophète  Elie,  que  Dieu  a  promis  d'envoier,  lorfque  la  mo-    lkiv. 
raie  de  l'Evangile  fera  prefqu'entièrcment  renverfée,6cquelesfondemens  ^^^YÂ^xlix^^xx 
la  piété  folide  feront  prcfque  totalement  détruits  au  milieu  mcmcderEglirc,eni'a«nemeLc 
un  mot  lorfque  toutes  chofes  auront befoin  d'y  être  rétablies,  laconverfion  fubi-'^^'"" 
te  de  tout  le  peuple  Juif  par  le  miniftère  de  ce  Prophète,  &  l'ctabliflement  de  la 
religion  par  toute  la  terre  par  la  prédication  des  Juifs,  font  des  vérités  révélées 
de  la  manière  la  plus  claire  &  la  plus  formelle}  non  feulement  par  les  Prophètes, 
maisauffi  dans  le  Nouveau  Teftament.  „  Je  vous  envolerai  le  Prophète  Elie  (dit. 
„  l'Efprit  faint  parlabouche  de  Malachie)  avant  que  le  grand  &  l'épouvantable  Mai.  iv  j. 
5,  jour  du  Seigneur  arrive  :  &  il  réiinira  le  cœur  des  pères  avec  leurs  enfans ,  Ôc*^" 
„  le  cœur  des  enfans  avec  leurs  pères.  „     Jefus-Chrift  nous  déclare  lui-même 
Q^il  eft  vrai  qu'Elie  doit  venir  ^  &  qu'il  rétablira  toutes  chofes.  Mat.  xvii. 

.    S.  Paul  nous  aflure  que  le  rappel  des  Juifs  fera  pour  le  mende  entier  un  retour  de  ^^^^  y^^^ 
la  mort  à  la  vie.   Et  voici  jufqu'à  quel  point  il  nous  apprend  que  leur  converfiontj. 
fera  entière  6c  parfaite. 

„  Il  viendra  un  tems,  dit  le  Seigneur,  où  je  ferai  une  nouvelle  alliance  avec  laHci».  viii. 
^,  maifon  d'Ifraël  &  la  maifon  de  Juda:  non  félon  l'alliance  que  j'ai  faite  avec^-s-  ^°-  & 
„  leurs  pères  au  jour  que  je  les  pris  par  la  main  pour  les  faire  fortir  de  l'Egypte  :  "' 
„  parce  qu'ils  ne  font  point  demeurés  dans  cette  alliance  que  j'avois  faite  avec 
,j  eux }  &  c'eft  pourquoi  je  les  ai  méprifés ,  dit  le  Seigneur. 

„  Mais  voici  l'alliance  que  ferai  avec  la  maifon  d'Ifracl  après  que  le  tems  fera 
55  venu,  dit  le  Seigneur  :  j'imprimerai  mes  loix  dans  leur  efprit,2c  je  les  écrirai 
„  dans  leur  cœur,&  je  ferai  leur  Dieu,  &  il  feront  mon  peuple  :  &c  chacun  d'eux 
j,  n'aura  plus  befoin  d'enfeigner  fon  prochain  &  fon  frcrc  en  dilant  :  connoiflez  le 
5,  Seigneur ,  parce  que  tous  me  comioîtront  depuis  le  plus  petit  jufqu'au  plus 
5,  grand.    „  ^      ^ 

■  Mais  quoique  CCS  vérités  foicnt  fî  clairement  exprimées  dans  les  faintes  Ecritu- 
res &  que  les  Pères  de  l'Eglife  en  aient  été  fort  occupés,  néanmoins  depuis  long- 
tems  elles  paroiflbient  ignorées  ou  comme  oubliées  prefque  par  tout  le  monde,  ou 
tout  au  moins  par  le  très-grand  nom.bre. 

Le  Bien-heureux  Diacre  François  de  Paris  dont  la  mémoire  eft  illuftrée  par    ,i-xv.  ' 
tant  de  miracles ,  a  été  un  des  premiers  dans  cette  lie  des  fiéclcs ,  à  qui  le  Pcre  des  j/IuTbI"*- 
lumieres  a  fait  fiire  une  fèricufe  attention  fur  les  prédiélions  qui  fe  trouvent  dans^^"?^"?^* 
les  Prophètes  fur  l'état  préient  de  l'Eglife,  6c  les  promeffes  qui  y  font  faites  de  fonu  vécue 
renouvellement.  On  voit  par  plufieurs  mémoires  écrits  de  ia  main  qu'il  avoit  f^^é:^i°f,^ôtùit 
pendant  fa  vie  très-attentif  à  méditer  ces  prophéties,  qu'il  lifoit  dans  les  langucsEUc. 
originales  qu'il  avoit  apprifcj  pour  cet  effet.  On  trouve  dans  fes  manufcrits  qu'il 
voioit  l'état  digne  de  larmes  où  (c  trouve  aujourd'hui  l'Eglife,  peint  au  naturel 
dans  les  lamentations  de  Jeremie,  6c  dans  plufieurs  autres  Prophètes.  L'Eglife  de 
nos  jours  lui  paroifloit  cette  Sion  autrefois  dans  la  gloire  6c  dans  l'éclat,  maîtres-.         ' 
fe  des  nations  6c  riche  en  toutes  fortes  de  venus  ;  prélentement  aflcrvie  lous  la  ty-- 
ranie  de  l'orgueil ,  avilie  par  les  relûchemens  les  plus  outrés,  aflaillie  par  une  in^i 
■finité  d'erreurs,  foulée.aux  pieds  par  les  Do&eurs  du  menfongc.  Mais  ce  qui  fai-j 
...Qifervai.     I.  Fart.  'Tome  II.  Q,  foit 


nz  IDE'E  DE  VOEUVRE  DES  CONVULSIONS. 
foit  fa  confolation ,  c'eft  que  les  prcmellcs  les  plus  magnifiques  fc  trouvent  jointes 
dnns  les  prophéties  à  la  peinture  de  l'extrémité  des  maux.  Il  fentoit  que  ceux 
d'aujourd'hui  font  trop  grands  pour  être  durables  :  &  que  la  fituation  déplorable 
de  l'Eglife  vifible  eft  trop  extraordinaire  pour  pouvoir  être  guérie  que  par  des  re- 
mèdes aufli  extraordinaires  que  ion  état.  Eniin  il  découvroit ,  tant  dans  l'ancien 
que  dans  le  nouveau  Teftamcnt,  que  la  détrefTc  lamentable  où  la  vérité  fe  trouve 
réduite  ,&;  l'opprcflion  générale  de  tous  fcs  dcfcnfeurs ,  annoncent  très-clairement 
la  venue  du  Prophète  qui  doit  rétablir  toutes  chofes. 
Vie  impri-  ^^  i\  croioit  voir  dans  toute  l'œuvre  de  laConftitution  (dit  le  premier  auteur  de 
xrîes  eo"  „  fa  vic)  l'apoitaile  prédite  par  S.  Paul,  6c  plus  anciennement  prédite  &  figurée 
•■'''•  P-  „  dans  les  anciens  livres:  mais  il  croioit  aufli  qu'un  mal  fi  extrême  préparoit  au 
„  renouvellement  prédit  par  le  même  Apôtre  ôc  par  les  Prophètes ,  lorfque  Dieu 
„  rappellera  le  peuple  Juif,  ôc  que  par  ce  rappel,  il  fera  palfer  tout  à  la  fois  le 
„  monde  entier  comme  d'un  état  de  mort  à  celui  d'une  vie  rcffuicitée,  en  inon- 
,,  dant  les  hommes  d'un  déluge  de  grâces  félon  l'exprcfiion  d'Iia'ie.  „ 

Au  furplus  ces  vues  importantes  n'ont  pas  été  pour  le  fùnt  Diacre  une  ftcrilc 
fpéculation  :  il  en  étoit  fi  pénétré  qu'il  en  faiibit  la  nourriture  de  fon  ame,  l'objet 
de  la  tendre  piété ,  le  principal  motif  de  fa  pénitence  extraordinaire  :  parce  que  la 
même  lumière  qui  éclairoit  fon  efprit,  faifoit  fentir  à  fon  cœur,  que  d'une  paît 
tant  d'outrages  faits  à  l'efprit  de  vérité  &  de  faintcté  par  le  fcandalc  de  la  Bulle 
&  de  tout  ce  qui  en  a  été  la  funelle  fuite,  dévoient  être  expiés  par  l'humilLition, 
les  larmes  &  la  plus  auilcre  pénitence  :  &  que  d'autre  part  les  grandes  promefles 
de  la  miiericorde  divine,  qui  mettront  fin  à  tant  de  maux,  dévoient  être  obte- 
nues 6c  hâtées ,  pour  ainfi  dire ,  par  l'ardeur  des  défirs ,  6c  par  les  gémifTemens  d'un 
cœur  contrit  6c  humilié, 
i-xvt.        Dieu  s'cft  en  mcmc-tems  fervi  de  feu  M.  l'Abbé  Duguet  cet  auteur  fi  célèbre, 
^c'm'^i- Abr  pour  nous  avertir  p;u-  un  livre  imprimé  en  172S.  avec  approbation  des  Doftcurs 


„  a  été  l'occafion  de  la  miféricordc  que  les  Gentils  ont  reçue,  aufli  l'incrédulité 

„  des  Gentils  fera  l'occafion  de  la  miféricorde  que  les  Juifs  recevront.    (Et  après 

f4M-       avoir  fiiit  la  peinture  de  l'état  où  l'Eglife  cil  aujourd'hui  réduite:)  „  ces  déclins 

„  (dit-il)  qui  deviennent  fort  rapides  . . .  font  craindre  que  notre  tems  ne  foit  pro- 

f.  +,8.       5,  che,  ou  plutôt  nous  font  efpèrcr  que  celui  des  Juifs  n'ell  pas  éloigné.  Je  par- 

t^^!-      „  le  (continue-t-ilj   du  retour  des  Juifs  à  la  foi,  comme  d'un  bonheur  que  nous 

,,  devons  efpérer Car  il  eit  cxaètement  vrai   (dit-il  plus  bas)  que  l'elpérance 

„  de  l'Eglilc  ert  étroitement  ôc  inféparablement  urne  à  l'attente  où  nous  lommes 
j,  du  retour  des  Juifs.  „ 

Il  c\\  étonnant  qu'après  des  termes  aufll  précis,  MM.  les  confultans  qui  citent 
M.  l'Abbé  Duguet  avec  tant  de  compkifancc,  aient  ofé  avancer  <\uc\c  fiftcms 

propre  aux  Convulftonnaires  que  la  -venue  d^Elie  eji  très  prochaine eft  aujfi 

irioui  dans  l'Eglife  qu'il  eft  hardi  éf  téméraire.  Ce  filbême,  ou  pour  mieux  dire, 
l'efprit  de  ce  grand  événement  n'eft  il  donc  p.is  fondé  fur  Us  termes  précis  des 
Prophètes  6c  de  J.  C.  même?  Les  Pcrcs  de  l'Eglife  dans  tous  les  tems  n'ont-ils 
pas  regarde  cette  prediftion  comme  la  reffourcc  promife  à  l'Eglife  dan  fa  vicillcs- 
fc,  peur  la  rajeunir  comme  l'aigle?  Enfin  l'illullrc  Appell.int  dont  la  gloire  eft 
manifcllée  à  la  terre  par  tant  de  prodiges,  6c  le  fivant  Abbé  Duguet,  n'ont-ilt 
pas  déclare  hautement  que  l'état  prcfcnt  de  l'Eglife  vifiblc  ctoic  une  preuve  con- 


IBL'E  DE   L'OEUVRE  DES  CONFULSIONS.        it? 
vainquante  que  le  tems  de  ce  grand  événement  s'avançoit  à  grands  pas?  Par 

3uelle  fatalité  l'efperance  de  cette  rellburcc  à  l'extrémité  de  nos  maux  paroît-ellc 
onc  inouïe  à  MM.  les  Confultans?  Mais  voici  quelque  chofe  qui  augmente  en- 
core la  furprife.  Avant  que  les  Convulfionnaires  publiaflent  de  tous  côtés  ce  que 
l'inftint  de  leur  Convulfion  leur  a  fait  dire  à  cet  égard ,  plufieurs  de  ces  MM.  en 
étoient  eux-mêmes  perfuadés  &  s'en  entrctenoient  avec  plaifîr  :  quelques-uns  mê- 
me d'entre  eux  ont  cnfeignés  dans  des  conférences  publiques  ce  qu'ils  en  penfoient 
alors.  Quelle  eft  donc  la  force  de  l'antipathie  qu'ils  ont  pris  pour  les  Convul- 
fîons,  puifqu'elle  va  jufqu'à  leur  faire  abandonner  des  vérités  efTentielles ,  parce- 
qu'elles  fortent  avec  éclat  de  la  bouche  des  ConvuUîonnaires. 

Au  reftc  cela  prouve  que  les  lumières  que  Dieu  avoit  données  fur  un  point  fî 
intéreflant  au  faint  Diacre ,  &  au  célèbre  Théologien  que  je  viens  de  citer ,  n'avoient 
pas  jette  de  profondes  racines  dans  beaucoup  d'efprits ,  encore  moins  dans  les  coeurs. 
Aufli  les  manufcrits  de  M.  de  Paris  font-ils  connus  de  bien  peu  de  perfonnes ,  & 
les  ouvrages  de  M.  l'Abbé  Duguet  ne  font  pas  à  la  portée  des  fimples  :  ils  ne  font 
pas  même  afles  répandus.    Or  pour  rendre  populaires  ces  grandes  vérités,  8c  les 


fe  fi  fort  au  30.  Doéteurs  6c  à  tous  les  ConlHtutionnaircs. 

Le  Tout-puilTlint  fufcite  tout  à  coup  une  multitude  de  perfonnes ,  la  plupart  Lxvir. 
fans  inftruftion  :  il  ouvre  la  bouche  à  un  grand  nombre  de  petites  filles,  dont  quel-' rquéffE)'- 
ques-unes  ne  fivoient  pas  lire,  &  il  leur  fait  annoncer  dans  les  termes  les  plus  ma-«"  ""'^'  »"- 
gninques  ;  que  les  tems  lont  arrives  ;  qu  on  va  voir  dans  peu  d  années  paroitreresm  u  vi.-- 
le  Prophète  Elle i  qu'il  fera  méprifé  &  traité  avec  outrage  par  les  catholiques;""^  du  fr«. 
qu'il  fera  même  mis  à  mort,  ainfi  que  plufieurs  de  ceux  qui  l'auront  attendu,^  ' 

Î'ui  le  reconnoîtront ,  le  fuivront  2c  s'attacheront  à  lui  ;  que  Dieu  cependant  fe 
ervirade  ce  Prophète,  pour  convertir  tous  les  Juifs;  que  ce  peuple  lui-même 
lorfqu'il  fera  éclairé,  ira  enfuitc  rempli  de  zèle  porter  la  lumière  dans  toutes  les 
nations ,  rétablira  le  chriilianifme  par  tout  le  monde ,  prêchera  la  morale  de  l'E- 
vangile dans  toute  fa  pureté ,  Se  fera  triompher  la  vérité  par  toute  la  terre. 

En  même  tems  cette  troupe  d'ignorans  animée  par  un  feu  qui  les  élevé  au  def- 
fus  d'eux-mêmes  fait  engager  fes  auditeurs  par  les  exhortations  les  plus  touchantes 
&  les  plus  pathétiques,  à  fe  préparer  par  la  pénitence  à  ce  grand  événement;  5c 
comme  elle  ne  parle  que  pour  des  élus ,  elle  ne  craint  point  de  leur  annoncer  des 
foufirances  &  des  fupplices. 

Il  y  a  dans  tout  cela  quelque  chofe  de  fi  extraordinaire  6c  en  méme-tems  de  fi 
grand ,  qu'il  faut  fe  fermer  volontairement  les  yeux  pour  n'y  pas  rcconnoître  le 
doigt  de  Dieu.  Qii'il  eil  digne  de  lui  !  Qu'il  eft  digne  de  fafagcfle ,  defa  grandeur, 
de  fa  tovite-puifiance ,  de  délier  ainfi  la  langue  à  des  enfms ,  à  des  perfonnes  fimples 
&  groflîeres  ;  6c  d'emploier  une  voie  fi  abrégée  pour  pcrfuader  tout  d'un  coup  à 
une  grande  multitude  de  perfonnes,  les  plus  grandes  6c  les  plus  terribles  vérités! 

Aufll  eit-il  certain  que  le  fpectacle  des  convulfions  a  plus  converti  de  perfon- 
nes, 6c  que  les  difcours  des  Convulfionnaies  en  ont  plus  attaché  à  l'Appel,  8c 
mieux  inllruit  de  toutes  ces  vérités,  que  n'auroient  pu  faire  les  plus  favans 
Ecrits. 

Comment  refufer  de  reconnoîtrc  l'opération  de  la  divinité,  envolant  ime  mul- 
titude de  perfonnes  la  plupart  fans  fcience,  fans  capacité,  6c  même  une  très-grande 
quantité  de  filles  fans  éducation  ôc  prefque  fans  intelligence,  nous  annoncer  d'aufii 
gr^jl^^  C.hQfe5.dont  elle  n'avoient  auparavant  aucune  connoiffancc  :  6c  le  faire 
A-à  -    "  Q^i  par 


ti4  IDE'E  DE  VOEUVRE  DES  CONFULSiONS 

par  les  expreflîons  les  plus  magnifiques  :  y  joindre  beaucoup  d'autres  vérités  ren- 
dues Icnfibles  par  les  images  les  plus  brillantes ,  2c  par  les  traits  les  plus  capa- 
bles, de  faire  impreffion? 

Que  le  Icâreur  me  permette  de  lui  rapporter  ici  deux  ou  trois  de  ces  difcour? 
qui  prédifcnt  la  convcrfion  prochaine  des  Juifs. 

Le  premier  a  été  fait  par  un  Convul donnai rc  qui  vit  dans  une  grande  pieté 
&  une  très  auftère  pénitence ,  «5c  qui  a  le  don  de  fc  rellbuvenir  mot  pour  mot 
hors  de  convulfion,  de  tout  ce  qu'ila  dit  même  en  extafc. 

„  voier 

«  ^^"^^ 

„  ces  cadavres  dont  l'ame  n'a  point  encore  reçu  la  vie,  mais  en  taveur  de  qui 

vous  faites  entendre  aujourd'hui  parmi  nous  le  fon  éclatant  de  vos  trompettes  ! 
„  Mais,  mon  Dieu,  ne  permettez  pas  que  ces  trompettes  nefoicnt  elles-mêmes  que 
des  airains  ionnans!  Animez-les  de  votre  ibuffle ,  6c  ouvrez  les  oreilles  de  ceux 
j,  qui  les  entendent! 

„  RcjouiOcz -vous,  Perc  Abraham:  reiouifTcz-vous,  Ifaac  :  rejouiflez-vous, 
„  Jacob.  Voici  les  tems  de  l'accomplifremcnt  des  promelTes  qui  vous  ont  été  fifo- 
^,  lemnellemcnt  jurées.  Vous  l'aviez  bien  compris.  Père  Abraham  ,  qu'une  petite 
„  portion  de  la  terre  ne  pouvoit  être  l'objet  des  promcffes  d'un  Dieu  magnifique 
„  &  tout-puiffant ,  ni  des  défirs  de  ceux  à  qui  le  cielne  pourroit  fufiîre,  fi  celui 
„  qui  en  cil  le  maitre  ne  s'y  donnoit  lui-même.  Auffi  dans  cette  tene  figurative 
„  qui  vous  étoit  promile,  n'avez-vous  poficdé qu'un fépulcre  ,  pour  nous  aprcn- 
„  drc  que  toute  la  terre  n'eft  en  effet  qu'un  tombeau,  où  font  enlévélies  avec  les 
„  corps  toutes  les  vaines  efpérances  de  ceux  qui  n'ont  aimé  que  le  monde.  Vous 
„  Taviczbicn  compris,  hommes  pleins  de  foi,  quelcsrécompenfcspromifes  par  un 
„  Dieu  ne  pouvoicnt  le  borner  qu'a  lui-même,  <k  qu'il  étoit  par  conlequcnt  lui- 
„  même   la  vérité  de  la  promcfle.  Vos  enfans  félon  la  chair  n'ont  point  ouvert 
„  leur  coeur  à  ces  grandes  vérités  :  fc  d'autres  enfans  qui  leur  ont  été  fubftitués 
„  6c  à  qui  le  Pcrc  des  lumières  avoit  d'abord  révélé  fonlécrct ,  font  enfin  dcvc- 
TI4I.1;.  „  nus  eux  mêmes  fans  intelligence.  Après  avoir  été  élevés  en  honneur  6c  en  gloi- 
re: ils  fe  font  dégrades:  ils  fe  font  enfin  rendus  femblables  aux  b  êtes  qui  ne 
„  vivent  que  pour  mourir. 

„  Voici  le  tems  que  vos  enfansfclonlachair  vont  reprendre  leur  place,  6c  vont 
devenir  vos  enfans  félon  la  promelTe.  Saints  Patriarches,  alfociez-nous  à  votre 
„  joie  !  Mais  que  dis-ie,ô  mon  Dieu  !  Comment  nous  réjouir  d'un  événement  qui 
„  cft  infcparablc  de  la  condamnation  déjà  prononcée  contre  nous?  Oui,  Pcre 
„  Abraham,  votre  joie  doit  être  la  nôtre,  puifque  dans  notre  condamnation, 
„  elle  eft  notre  unique  rellburce.  „ 

Mais  fi  un  tel  dilcours  ne  paroit  pas  manifcftement  furnaturel  ,  aiant  étéf-uc 
par  une  perfonnc  capable  de  le  faire ,  qui  peut  s'empêcher  de  reconnoitre  6c 
d'admirer  l'œuvre  de  Dieu,  en  entendant  une  très  jeune  Convulfionnairc  en 
cxtafe  6c  en  convulfion  d'enfance ,  prononcer  le  difcouri  fuivant  au  milieu  de 
pluficurs  vifions  manifcllcmcnt  fimboliqucs,  de  la  plupart  dcfquelles  la  con- 
vulfion fie  fon  état  d'enfance  ne  lui  permettent  de  rendre  compte  qu'en  langue 
inconniic  ou  avec  un  langage  enfantin:  vifions  qui  lui  font  aulurplusditlcrentcs 
imprcfilons  f\  vives  qu'elles  font  marquées  fur  fon  vh'agc ,  d;ms  les  yeux,  dan$ 
,fcs  gcfies,  6c  toutes  les  attitudes  de  fon  corps. 

„  Enfans  crr.ins  par  toute  la  terre  ,  (s'écrie-t-ellc  de  toutes  fcs  forces)  peuple 
„  mort  j  celui  qui  cft  U  refuuc»^ion  va  vous  rendre  \x  vie.    Le  Seigneur  va 

foi- 


"  IDE'E  DE  VOEUFRE  DES  CONVULSIONS.  iij- 
^  faire  éclater  la  vérité  de  fes  promefTes.  Vous  n'êtes,  ô  Jerufalcm,  qu'une  cam- 
„  pagne  couverte  d'oiïemens  arides ,  mais  l'elprit  va  foufflcr  fur  vous. 

„  Ecoutez,  ô  Ifrael  :  la  juftice  va  faire  place  à  la  mifericorde  pour  vous.  Vo- 
„  tre  délivrance  eft  proche,  votre  retour  cft  prêt  d'arriver,  votre  falut  eit  à  la 
„  porte.  Ouvrez  les  yeux  que  vous  tenez  fermés  depuis  fi  long-tems.  Ouvrez 
„  les  yeux  ,  ces  yeux  qui  n'ont  point  encore  connu  la  lumière,  ces  yeux  qui 
„  n'ont  vu  que  des  ombres  &  des  figures  ;  ouvrez-les  6c  voiez  ce  que  le  Sei- 
„  gneur  fait  dès  aujourd'hui  en  votre  fiiveur.  Entendez  avec  emprefiemcnt  le  ré- 
„  cit  des  merveilles  dont  nous  fommes  les  trompettes  ôc  les  fpcftateurs,  mais 
j,  qui  ne  font  faites  que  pour  vous  :  Dieu  les  defline  à  vous  éclairer ,  tandis 
„  qu  elles  aveuglent  une  multitude  de  mauvais  Chrétiens  :  il  veut  qu'elles  fer- 
j,  vent  à  vous  inftruire  6c  à  les  confondre  >  à  vous  faire  connoitre  la  vérité ,  6c  à 
j,  la  voiler  à  leurs  yeux. 

■  „  Peuple  maudit,  peuple  Déicide,  peuple  l'horreur  de  toutes  les  nations ,  mais 
„  moins  coupable  que  les  mauvais  Chrétiens,  vous  allez  à  leur  place  être  com- 
„  blé  des  faveurs  de  mon  Dieu.  J'entends  fa  voix  qui  vous  appelle.  Accourez; 
„  hâtez-vous:  venez  le  fcrvir  en  enfins,  ne  foiez  plus  de  vils  efclaves.  Mais- 
„  Seigneur,  venez  les  chercher  vous  même.  Je  les  vois  répandus  dans  cette 
5,  campagne  qui  ont  encore  tous  un  bandeau  lur  les  yeux  :  ils  ont  encore  un 
„  cœur  de  pierre:  mais  j'apperçois  une  grande  lumière  qui  defccnd  du  ciel  & 
„  qui  les  environne.  Ah!  divin  Soleil,  venez  forcer  leurs  yeux  de  voir.  Ovous 
„  qui  êtes  un  feu  dévorant ,  venez  fondre  la  grâce  de  leurs  cœurs  :  c'eft  à  vous 
„  ftul  qu'il  appaiticnt  de  leur  fliire  entendre  une  voix  alfcz  forte  pour  les  réveil- 
„  1er  de  leur  afioûpHrement  mortel.  Ouï,  Seigneur,  vous  allez  abolir  leurs  vains 
J,  facrifices,  S<.  vous  leur  ferez  immoler  pour  votre  gloii-e  un  cœurnouveauquc 
„  vous  formerez  en  eux.  Vous  allez  leur  donner  un  cfprit  de  feu,  un  elprit  de 
jj  force,  de  fciencc  6c  d'intelligence. 

„  Ouvrez  vos  portes,  ô  Jerufalem,  pour  recevoir  les  véritables  cnflms  du 
„  père  de  famille,  les  enfans  de  la  promeflé  :  Dieu  s'efl:  enfin  fouvenu  d'eux, 
„  parce  que  ia  mifericorde  cil  éternelle:  je  l'entends  qui  prononce  en  leur  fa- 
;,  veur  une  fentencc  de  vie  6c  de  grâce.  Mais  helas  I  je  tremis  d'effroi;  j'eh- 
j,  tends  un  autre  arreft  bien  terrible. 

Elle  parle  enfuite  en  langue  inconnue. 

Mais  voici  un  autre  difcours  d'autant  plus  frappant  qu'il  ne  fiiit  que  rapporter 
les  propres  paroles  des  Prophètes  :  6c  il  mérite  d'autant  plus  toute  notre  atten- 
tion, qu'en  même  tems  qu'on  y  trouve  la  prédiâiion  de  la  venue  d'EIie,  du 
rappel  des  Juifs,  6c  de  la  punition  d'une  grande  partie  de  la  Gentilité  chrétienne- 
que  le  Seigneur  ^f^dle  Jm  peuple ,  on  y  voit  que  les  Prophètes  ont  fait  laprc- 
difti'on  de  l'étonnant  phénomène  que  nous  voions  de  nos  yeux,  6c  qu'ils  ont: 
clairement  annoncé  qu'il  arriveroit  dans  le  tems  de  tous  ces  grands  événemcns.  ''* 

„  Dans  les  derniers  tems,  dit  le  Seigneur,  je  répandrai  mon  ef'prit  fur  tonte  ^a„  x?. 
„  chiiir:  vos  fils  6c  vos  filles  prophetiferont ,  vos  jeunes  gens  auront  des  vi-'?.  is- 
„  fions,  6c  vos  vieillards  feront  inuruits  par  des  fonges. 

„  Alors  je  répandrai  mon  efprit  fur  mes  ferviteurs  6c  mes  fervantes ,  6c  ils 
„  prophetiferont. 

„  Ils  feront  agités  de  convul fions ,  6c  de  douleun  :  ils  fouffriront  des  raaux,r,ie5j,î. 
3,  comme  une  femme  en  travail;  ils  fe  regarderont  avec  étonnementi  6c  leurs»- 
,j  vifagcs  feront  comme  s'ils  avoient  été  dans  le  feu. 

■    5,  Voici  le  jour  du  Seigneur  qui  va  venir;  le  jour  cruel,  plein  d'indignation ,  j^-j 

Q>i  «  de 


116       IDE'E  DE  VOEUFRE  DES    CONFULSIONS. 
„  de  colère  6c  de  fureur,  pour  dépeupler  la  terre  6c  réduire  en  poudre  tous  les 
„  méchans. 
iv.d.  ti.        )î  Les  étoiles  du  ciel  les  plus  éclatantes  ne  répandront  plus  leur  lumière. 
Amosix.        j,  Te  ferai  mourir  par  l'épce  tous  ceux  de  mon  peuple  qui  s'abandonnent  au 
■••  „  péché  -,  tous  ceux  qui  difcnt  :  Ces  maux  qu'on  nous  prédit  ne  viendront  pas 

„  jufqu'à  nousv  ils  n'arriveront  jamais. 
M.îtch.  ni.     11  Mais  ceux  qui  craignent  le  "Seigneur  ont  tenu  dans  leurs  entretiens  un  autre 
><•  „  langage:  le  Seigneur  s'eft  rendu  attentif  à  leurs  paroles:  il  les  a  écoutées  ; 

,,  &:  il  a  fait  écrire  un  livre  qui  doit  fcrvir  de  monument  en  faveur  de  ceux  qui 
„  craignent  le  Seigneur,  &  qui  s'occupent  de  la  grandeur  de  fon  nom. 
Wii.  n.        „  Et   dans  le  jour  où  je  dois  agir,  dit  le  Seigneur,  ils  feront  le  peuple  que 
„  je  me  refervc:  8c  je  les  traiterai  avec  indulgence  ,  comme  une  perc  traite  Ion 
„  fils  qui  le  fert. 
nii.iv.f.    n  Je  vous  envolerai  le  Prophète  Elle,  avant  que  le  grand,  l'épouvantable 
„  jour  du '-Seigneur  arrive. 
„  Et  il  réunira  le  cœur  des  pères  avec  leurs  enfans ,  Sclecccurdesenfànsavcc 
ib.i.  c.     ^^  leurs  pères. 

,v        ,»  En   CCS  iours-U  ic  relèverai  la  maifon  de  David  qui  cft  ruinée.  Je  m'en 
II.  „  vai  hure  des  mn-aclcs  tous  nouveaux:  ils  vont  paroitre  ce  vous  les  verrez, 

'i*^!^^^"''     11  Lorfque  vous  ferez  dans  les  eaux,  je  ferai  avec  vous,  &  les  fleuves  ne  vous 
xbid.  1.     ^j  fubmcrgeront  point.     Lorfque  vous  marcherez  dans  le  feu,  vous  n'en  ferez 
„  point  brûlés,  &  la  flamme  fera  fans  ardeur  pour  vous.  „ 

Comment  n'eft-on  point  cmû  en  voiant  dès  aujourd'hui  une  partie  de  ces  pré- 
diétions  s'exécuter  à  la  lettre  par  des  prodiges.  Tout  Paris  n'a-t-il  pas  vu  nom- 
bre de  fois  GabricUe  Mouler  fe  mettre  toute  habillée  dans  l'eau  pendant  le  plus 
grand  froid  de  l'hiver,  fans  en  foufi^rir  aucune  incommodité:  Marie  Sonnet  fc 
coucher  dans  le  feu  6c  fur  les  braficrs  les  plus  ardens,  lims  que  les  flammes  fis- 
fent  aucune    imprellion  ni  fur  fon  corps,  ni  mc.ne  lur  le  drap  dout  elle  étoit 
enveloppée  :  plufieurs  autres  Convulfionnaires  manger,  f.ms  fe  brûler,  les  char- 
bons les'plus  allumés  j  6c  aftucllement  n'y  en  a-t-il  pas  qui  fe  plongent  le  vi- 
fage  dans  les  flammes  &z  au  milieu  d'un  très  grand  feu,  fans  en  rien  foufFrir, 
6c  fans  que  leurs  cheveux  en  reçoivent  même  aucune  atteinte. 
iTriTi.       Au  refte  la  converfion  du  peuple  Juif ,  6c  la  venue  du  Prophète  par  qui  le  Tout- 
h'"nue"'puiflant  doit  l'opérer,  ne  font  pas  les  feules  vérités  que  ce  Dieu  de  bonté  a  fait 
«tPrn-h<;e,publicr  aux  Convulfionnaires  jufqucsfurles  toits.  Il  leur  afaiten  même  temsdc- 
vranuvui  clarcr  la  caufe  de  la  réprobation  de  la  plus  grande  partie  de  la  Gentilité:   il  leur 
de  rEgiiff,^  fait  faire  les  tableaux  les  plus  vifs  des  maux  de  l'Eglifc  :  il  leur  a  fait  développer 
^a'ntcX'c  de  la  manière  la  plushimineufc  Timport-uice  des  vérités  condamnées  par  la  Bulle. 
d'oiwci  IC-     Q^  jçj  ^  ^«,5  repréfcnter  par  les  expreflions  les  plus  énergiques  le  prince  des 
**  *        ténèbres  fc  fervant  de  cette  Bulle  pour  faire  rejctter  ces  vérités  divines,  6c  les  faire 
attacher  à  la  croix  oti  les  Juifs  ont  fait  mourircelui  qui  eft  venu  les  apporter  d.ins 
le  monde.    On  les  a  vus  quelquefois  les  yeux  baignes  de  pleurs,  déplorer  de  la 
manière  la  plus  tendre  6c  la  plus  touchante  l'abus  énorme  qu'on  fait  aujourd'hui 
des  Sacrcmens.  Ils  mettoient  pour  ainli  dire  fous  les  yeux  des  fpcdateurs pu- une 
vive  peinture  ,  le  corps  vivant  de  J.  C.  livré  entre  les  mains  de  Prêtres  facriléges, 
qui  en  difpofcnt  à  leur  gré,  qui  le  jettent  dans  la  gueule  d'une  troupe  de  chiens 
excités  par  ces  minières  téméraires  à  venir  le  dévorer  au  pieds  des  autels,  lors  mê- 
me que  ces  animaux  imnondcs  font  encore  infcdés  de  la  puanteur  de  leurs  cri- 
mes. Les  Convullionnaircs  effraies  des  images  terribles  qui  leur  eu  étoiait  prélcn- 

tces , 


\ 


IDE'E   DE   L'OEUVRE   DÉS  CONVULS 10  N  S.        127 

tées,  |è  proftemoient  à  terre  conjurant  avec  larmes  tous  les  fpedateurs  de  fè  met- 
tre le^Tlàge  dans  la  pouifiére,  &  de  s'anéantir  en  efprit  aux  pieds  de  notre  divin 
Sauveur ,  pour  expier  autant  qu'il  étoit  en  eux  les  outrages  qu'on  lui  fait  dans  fon 
Eglife,  &  tâcher  pai  de  dignes  fruits  de  pénitence,  d'appailèr  la  colère  d'un  Dieu 
vangeur,  fi  juftement  irnré  de  voir  traiter  ainfi  l'objet  de  toutes  fes  complaifànces. 

Quelle  impreifion  de  pareils  difcours  n'ont-ils  pas  fait  fur  la  plupart  des  audi- 
teurs ,  fur  tout  quand  ils  ont  vu  les  Cracifixs  au  pied  delquels  on  faiibit  ces 
prières  ,  répandre  tout  à  coup  un  fang  liquide  par  les  f.  ouvaiures  marquées 
pour  repréfenter  les  f.  plaies  de  Jéfus-Chrift  ? 

Cet  étonnant  Prodige  eft  arrixé  déjà  plus  de  cent  fois;  Se  il  y  a  dans  Paris 
nombre  de  Témoins  de  toute  forte  de  conditions,  qui  l'ont  vu  de  leurs  propres 
yeux:  plulieurs  même,  entre  Icfquels  font  des  Eccléliaitiques  refpeclables ,  ont  re- 
cueilli dans  des  linges  le  fang  qui  fortoit  de  ces  Caicifixs.  Il  n'y  a  aucun  lieu  de 
douter  du  furnatLirel  de  ce  Prodige  ,  après  toutes  les  précautions  qu'on  a  prifes 
ix)ur  s'en  alïïirer  :  &  ce  n'eft  pas  feulement  les  Crucilixs  d'ivoire  ,  de  buis,  de 
bois  ,  de  fonte ,  de  cuivre  &  autres  pareils ,  dont  on  voit  ainfi  couler  du  fang  ; 
on  a  vfi  même  plulieius  fois  des  images  de  Jéfus-Clirift  cruciiié  verier  pareillement 
du  fang,  à  l'endroit  qui  figure  les  clous  qui  percent  les  mains  &  les  pieds  de  ce 
Divin  Sauveur. 

Comment  ne  fremit-on  pas  jufqu  au  fond  des  entrailles ,  en  voyant  que  Jéfus-Chrifi; 
fait  de  fi  fiuprenans  Prodiges  ,  pour  nous  déclarer  qu'aujourd'hui  un  grand  nom- 
bre de  Catholiques  le  crucifient  pour  ainfi  dire  de  nouveau  >  Ah  !  conjurons-le 
avec  les  plus  vives  inftances,  que  la  grâce  nous  falïè  être  du  nombre  de  ceux 
qui  profiteront  du  prix  de  fon  fang ,  &  qu'il  ne  permette  pas  que  nous  foyons  de 
ces  profanateurs  qui  le  font  répandre  pour  leur  condamnation! 

Mais  fi  les  Convulfionnaires  nous  efitaient  par  des  difcours  accompagnés  d'un 
tel  Prodige  ,  quelle  confolation  ,  quelle  efpérance  ne  nous  donaent-ils  pas  ,  lors 
qu'on  les  voit,  le  vilage  &  les  yeux  animés  d'un  feu  qui  paroît  tout  divin,  nous 
annoncer  une  pluie  abondante  de  bénédic5tions ,  dont  le  Dieu  de  miféricorde  va 
dans  peu  innonder  toute  la 'terre  par  le  miniftère  des  Juifs  ?  Qui  peut  s'empêcher 
d'être  fàifi  d'admiration  en  les  entendant  prononcer  avec  un  air  majeflueux: 

„  Peuples,  foyez  attentifs;  toi.  Terre,  prêtes  l'oreiMc!  Que  tout  le  monde  écou- 
„  te  les  Merveilles  que  Dieu  va  bientôt  opérer  parmi  nous! 

„  G  vous  rejettons  d'iui  peuple  maudit,  d'un  peuple  mort  avant  que  de  naître, 
„  &  qui  depuis  long-tems  ne  \Ai  plus  que  dans  le  fein  de  la  mort  &  dans  les  ténèbres  . 
y,  de  l'enfer  ,  ou\Tez  vos  coeurs  à  l'efpérance,  vous  allez  refiufciter!  Vous  allez  vi- 
„  vre  de  la  \ie  de  Jéfiis-Chrifi  !   Vous  allez  devenir  iks  Apôtres  !  Dans  peu  vous 
„  répandrez  par  toute  la  Terre  la  connoiiTance  &  l'amour  de  fon  nom! 

„  Levez-vous ,   Jerufahm  ,  recevez,  la  lumière  :  car  voilà  que  votre  lumière  ifaïeLX.  i, 
„  éji  venue  ,  lé"  que  la  gloire  du  Seigneur  s'ejî  levée  fur  vous. 

„  Lorique  les  ténèbres  couvriront  la  terre  é"  qif'une  nuit/ombre  enveloppera    ibid.  2. 
,,  les  peuples ,   le  Seigneur  fe  lèvera  fur  vous  &  l'on  verra  fa  gloire  éclater  ait 
,,  milieu  de  vous. 

„  Alors  vous  verrez,  clair  ^  vous  ferez,  dans  une  abondance  de  joie  :  votre    im.  r. 
„  cœur  s'étonnera  (j' fe  répandra  hors  de  vous-même. 

„  Je  ferai  venir  vos  enfans  de  l'Orient,  &  je  vous  rafièmblerai  de  l'Occident.        itid.  xliil 
;    „  Je  dirai  à  l'Aquilon,  rendez-moi  mes  enfans;  &  au  midi,  ne  les  empêchez  p^  ^'\b\à.  c. 
„  de  venir. 

„  Faites  fortir  hors  des  ténèbres  un  peuple  qui  étok  aveugle,  quoiqu'il  eût  des    ibiJ-  ^ 
„  yeux;  qui  éroit  fourd,  quoiqu'il  eût  des  oreilles. 

„Que 


i:8        IDE'E  DE   LOEUVRE  DES   CONVULSIONS. 

ibij.  9.        ^j  Que  toutes  les  nations  fe  réunilïent  &  que  tous  les  peuples  s'alTèmblent. 

„  Que  les  Cieux  trelTaillent  d^  joie!  Que  la  terre  bondllTè  comme  un  fan!  Que 
„  tout  ce  qui  exifte  admire  &  publie  la  grandeur  &  la  magnificence  des  niilcricor- 
„  des  du  Seignair!"  &c. 

Quelle  farisladlion  pour  nous  d'apprendre  par  une  voie  fi  vifiblement  furnaturelle, 
que  bientôt  ce  ^"«uple  rétablira  la  Religion  dans  tout  le  monde:  &  qu'en  y  prêchant 
la  plus  pure  Morale  ,  il  formera  par  le  iecours  tout-ixiilTant  de  la  grâce  ,  des  adora- 
teurs en  efprit  &  en  vérité  ,  dont  les  cœurs  animés  par  l'cfpérancc  brûleront  du  feu 
de  l'amour  di\-in  >  Quelle  joie  ne  ra\it-elle  pas  en  meme-tems  nos  cœurs  ,  lorfque  le$ 
Con\-ulfionnaircs  préfentent  vivcmait  à  nos  yeux  les  récompenfes  étemelles  qui  font 
promilès  à  tous  ceux  qui  pendant  ce  tems  d'épreuve  demeureront  in\-iolablcment  at- 
tachés à  la  Vérité  ,  feule  voie  qui  conduit  à  la  vie  ?  De  quel  courage  ne  nous  fen- 
tons-nous  pas  animés ,  loriqu'en  nous  exhortant  à  lui  rendre  témoignage  aux  dépens 
de  tout,  ils  nous  jx^igncnt  avec  des  traits  de  lumière  qui  portent  le  feu  dans  nos  a- 
mcs ,  le  bonlici'-r  imnienlè  de  ceux  qui,  après  avoir  un  peu  fouflèn  fur  la  terre,  fe- 
ront dans  le  ciel  éiernellemcnt  enchantés  de  la  plus  vive  admiration  ,  &  pour  jamiûs 
embraies  du  plus  ardent  amour  ,  en  voyant  dans  une  lumière  incflaçable ,  fims  limi- 
tes &  fans  fin ,  les  j-)eifections  infinies  de  Celui  qui  connoît  tout ,  qui  dirige  tout  dans 
l'univers ,  &  qui  a  promis  ds  combler  d'une  béatitude  divine  &  d'un  ravilTèment  in- 
exjorimable  tous  ceux  qui  lui  auront  facrifié  toutes  choies? 

Si  de  pareils  difcours  taits  régulièrement  tous  les  jours  par  des  perfonnes  la  plû- 
pait  fans  éducation  ,  fans  efprit ,  fans  talens  ;  difcours  néanmoins  qui  chaque  jour 
Ibnt  remplis  de  traits  nomeaux  ,  tous  les  jours  ornés  d'images  les  plus  frappantes,  & 
prononcés  dans  un  état  évidemment  fumatu'-el,  qui  fouvent  donne  au  corps  des 
Con\-ulfior.n. lires  une  force  fi  fupérieure  à  celles  de  la  nature  ,  qu'il  ne  p^aavent  être 
bleiîés  par  les  coups  les  plus  alTbmmans:  fi  ,  dis-je,  tout  ce  concours  de  Prodiges  ne 
paroît  digne  que  de  mépris  ,  &  qu'on  palTè  de  là  jufqu'à  rejetter  les  Miracles  par  le?r- 
quels  Dieu  lui-même  a  rendu  témoignage  qu'il  agillbit  dans  ceuc  œuvre ,  je  ne  crains 
jx)int  de  le  dire  ,  je  doute  que  l'cndurciiTement  des  hommes  puillè  guéres  aller 
plus  loin. 
LXix.  Mais  dira-t-on  :  tout  le  monde  convient  que  les  Convuifionnaires  ont  fait  quanti- 
Rcpcnfe  i  yjji  (jc  prédicHons  faullès;  or  il  n'en  faut  pas  davantage  mur  les  rendre  indignes  de 

dcufiuflcte  toure  créance  ,  lur  tout  lorfquil  cit  qucltion  de  la  prédiction  devencmcns  aulli  ex- 

''"rs'fà'i'iVs  traordinaires  &  aulfi  incroyables  que  ceux  qu'ils  annoncent. 

f'a'r  icsCon-     J'avoue  qu'un  allez  grand  nombre  de  Convulilonnaircs  ont  fait  de  faulTès  prédic- 

vuiiiouuai-  çJQj^j  .  j^^jjjj  jj  j^Y>n  cft  pas  moins  vrai  que  pluiîeurs  ont  prédit  des  évencmcns  qui  n'é- 
toient  nullement  \raiicmblables ,  que  le  démon  par  conféquent  ne  pouvoit  dex'iner, 
&  qui  cependant  font  amvés  avec  toutes  les  circonlbnces  que  ces  Convoihionnair 
res  avoient  prédites. 

Dis  que  le  démon  ne  pouvoit  prévoir  ces  évcnemçns  qui  dépcndoient  d'une  mul- 
titude de  rirconltancesdificrcntes,  &  du  pani  qu'il  falloit  que  prillcnt  per- 
fonnes, quoique  ce  parti  fût  contraire  à  celui  qu'elles  auroicnt  d il  prcn...c  .....j.relle- 
mcTit  :  il  ell  incontcfiab.e  que  les  Convuifionnaires  qui  ont  prédit  de  j-^eils  évene- 
mens  avec  une  jullellè  parfaite  ,  n'ont  pu  en  être  infiiints  que  par  ;!  di- 
\-ine.  Or  litot  qu'il  cil  certain  que  les  Convaillionnairos  ont  q'.;^  ,  ,  ,c  i^ar 
l'Efprit  de  Dieu,  il  s'enfuit  qu'on  ne  doit  pas  rejetter  indiliëremmcnt,  liuis  cxiunai  & 
làns  difiinc"Uon ,  tout  ce  qu'ils  difent  :  mais  qu'il  faut  fuivn:  îi  leur  égaixi  ce  que  pres- 
crit S.  Paul  i:il]nré  iX)ur  inllruiro  la  Genulite. 

'  Il  jïiroît  clairement  i">ar  lès  Ej-àtrcs  que  Ijtirs  de  la  fonTi;irion  de  l'Rglifè ,  un  grand 
nomlîrc  de  nou\cuux  CliréùciVi  avoient  en  quelque  ai^iruvrc  le  don  de  propliétic, 

UUli 


IDE'E  DE  VOEUFRE  DES    CONFULSIONS.  itp 

îtiais  la  plupart  dans  un  degré  très-imparfait  :  qu'il  y  en  avoit  qui  prcnoicnt  quel- 
quefois ce  que  leur  imagination  leur  préfentoit,  pour  des  révélations  de  l'Efprit 
Saint  :  Se  que  cela  obligea  l'Apôtre  d'avertir  les  fidèles  d'éprouver  tout  &  de  dif- 
ccrner  par  la  lumière  des  vérités  révélées,  fî  ce  que  difoienc  ceux  qui  parloicnt 
comme  infpirés,  venoit  ou  non  de  l'Efprit  de  Dieu. 

On  voit  même  que  ceux  qui  avoient  le  don  de  prophétifer  Se  de  découvrir  le  fe- 
cret  des  cœurs ,  en  faifoient  quelquefois  un  ufage  aflez  indifcret  &  fort  peu  décent. 
Saint  Paul  leur  reproche  que  ceux  qui  étoient  infpirés  . . .  pour  révéler  les  fecrets 
de  Dieu  ^  parloient  plufieurs  enfembledans  leurs  aflemblées,  aufîl  bien  que  ceux 
qui  avoient  le  don  des  langues  :  ce  qui  ne  pouvoit  manquer  de  troubler  V ordre  ^  Sc 
de  bleffer  la  hienféance.  11  leur  donne  pour  régie  qu'il  n'y  en  ait  point  plus  de  deux  t.  cor.  14; 
ou  trois  qui  parlent  . . .  qu'ils  prophétifent  Pun  après  Pautre  . . . .  ^  que  les  autres-^'  ^  '*• 
jugent  fi  ce  qu'ils  difent  vient  de  l'Efprit  de  Dieu. 

„  N'éteignez  pas  l'Efprit  (dit-il  ailleurs)  ne  méprifez  pas  les  prophéties.  E-iToiTr. 
„  prouvez  tout,  6c  approuvez  ce  qui  ell  bon:  abllenez-vous  de  tout  ce  qui  a^^ '''''* 
„  quelque  apparence  de  mal.  „ 

Puifqu'il  falloit///^<?r,puifqu'il  falloit  éprouver ^W.  efl  évident  qu'il  y  avoit  donc 
quelquefois  du  mélange  dans  les  prophéties  des  nouveaux  chrétiens.  Cependant 
l'Apôtre  défend  de  les  méprifer.  Il  veut  qu'en  s'abltenant  de  tout  ce  quia  quelque  ap~ 
farence  de  mal^  cela  n'empêche  point  cV approuver  ce  qui  ejt  bon  ^  parce  que  tout 
bien  vient  dé  Dieu.  Il  déclare  que  c'eft  vouloir  éteindre  les  opérations  du  faint 
Efprit  que  de  méprifer  . . .  les  prophéties  à  caufe  du  faux  que  ceux  qui  ont  des  ré-  - 
relations  y  peuvent  mêler,  6c fous  prétexte  qu'on  leur  peut  reprocher  quelque  ap- 
farence  de  mal. 

Sur  quoi  l'auteur  célèbre  que  nous  avons  déjà  cité  tant  de  fois  fiit  cette  judi- 
cieufe  réflexion.  ,,  C'eft  vraiment  éteindre  le  iaint  Efprit  que  de  s'oppofer  aux,bij. 
,,  defleins,  aux  œuvres,  aux  inllruclions  qui  vont  à  l'édification  de  l'Eglife  .... 
„  8c  d'étoulFer  la  voix  des  miracles.  Dieu  fouffre  plutôt  une  humble  crédulité 
„  moins  éclairée,  qu'une  lumière  orgueiilcufe  &  méprif.uite  qui  veut  juger  de 
5,  tout,  &  même  des  œuvres  &  de  la  conduite  de  Dieu.  „ 

Qiiediroit  ftint  Paul  s'il  venoit  parmi  nous  de  voir  qu'on  méprife  aujourd'hui 
des  dilcoiu^s  fublimes  remplis  de  la  morale  \x  plus  pure  &  des  vérités  les  plus  im- 
portantes du  chriftianifme,  quoique  ces  difcours  foient  prononcés  avec  un  zèle 
plein  de  feu  par  des  ignorans  que  Dieu  éclaire  d'une  manière  évidemment  furna- 
turelle,  6c  qu'ils  foient  accompagnés  de  prodiges,  de  miracles,  6c  de  prédiélions 
dont  l'événement  a  déjà  juftifié  qu'il  y  en  a  plufieurs  qui  n'ont  pu  être  faites  que 
par  l'efprit  de  Dieu  ? 

Si  de  fon  tems  c'eût  été  une  témérité  trcs-crimincllc  de  décider  que  les  dons 
furnaturels  dont  les  premiers  chrétiens  étoient  favorites  ne  venoient  pas  de  Dieu, 
parce  qu'ils  en  faifoient  quelquefois  u'.age  contre  les  régies  du  bon  ordre  6c  de  la 
hienféance,  6c  qu'ils  mêloient  quelquefois  ce  que  Icin- propre  efprit  leur  fuggé- 
roit,  aux  révélations  qui  leurs  étoient  faites,  comment  excuferla  témérité  avec 
laquelle  on  ofe  rcjctter  aujourd'hui  totalement  une  œuvre  dans  laquelle  l'opéra- 
tion du  Tout-puiflant  paroit  par  tant  de  traits .'' 

Si  les  Convulfionnaircs  ont  fiit  quelquefois  des  prédiétions  faufl'cs,  tout  ce 
qu'on  en  doit  conclure,  c'elt  qu'il  ne  faut  pas  pr  ndre  une  confiance  entière  à  ce 
qu'ils  difent ,  6c  qu'il  faut  fuivre  à  leur  égard  l'avis  que  donne  faint  Paul  aux 
chrétiens  de  tous  les  tems,  fcs  Epitres  aiant  été  infpirécs  pour  l'inllruclion  de 
tous  les  fidèles.     Il  faut,  dit  le  faint  Eprit  par  la  bouche  de  cet  Apôtre,  y«- 

ger  éprouver  ....  approuver  es  qui  eft  bon  ....  s'abllenir  de  tout  ce  qui  tt 

OhfcrvȔ.     I.  Part.  Tome  IL  R  quel- 


ijo        IDE'E  DE  VOEUFRE   DES   CONVULSIONS, 
quelque  apparence  de  mal:  mais  fous  ce  prétexte  ne  méprifcr  pas  les  prophéties'. 

Au  iurplus  on  doit  taire  une  grande  diflérencc  entre  des  prcdiftions  particuliè- 
res, dont  chacune  n'a  été  faite  que  par  un  fcul  Convulfionnairc  qui  a  pii  très  aifc- 
ment  fe  tromper  en  prenant  les  pcnlécs  de  fon  propre  efpric,  ou  les  fantômes  de 
fon  imagination ,  pour  des  révélations  divines  ;  &  une  prédiélion  générale  faite  ea 
mémc-tems  par  tous  les  Convulfionnaircs ,  ou  du  moins  par  prefque  tous,  &  qui 
paroît  vifiblement  un  des  principaux  objets  pour  Icfqucls  Dieu  a  formé  l'œuvre 
des  convulfions. 

Qu'on  méprife  fi  l'on  veut  les  prédiftions  particulières  des  Convulfionnaircs: 
Dieu  n'a  pas  fut  de  miracle  pour  les  autorifer,  du  moins  la  plupart:  il  a  peiTnis 
au  contraire  qu'ils  fe  foient  fouvent  trompés  lorfqu'ils  en  ont  fait  de  pareilles, 
parce  qu'il  n'a  pas  voulu  qu'on  les  prît  pour  des  Prophètes  ni  pour  des  perionncs 
qui  en  convulfion  parleroient  toujours  par  fon  efprit,  &  parce  que  fa  juftice  l'a 
engagé  à  fournir  des  ténèbres  à  ceux  qui  haïroicnt  la  lumière  &  qui  ne  cherche- 
roient  que  les  mpicns  de  l'obfcurcirj  mais  Dieu  a  fiit  quantité  de  miracles  pour 
autorifer  en  général  l'œuvre  des  convulfions  par  rapport  à  certains  points  princi- 
paux, 6c  pour  nous  manifcfter  qu'il  agit  lui-même  dans  cette  œuvre.  Or  s'il  y 
agit  lui-même  vifiblement,  elle  renferme  donc  de  grandes  chofes?  Elle  contient 
donc  de  grands  objets  dans  fes  décrets  éternels  ?  On  ne  doit  donc  pas  la  méprifcr 
quoi  qu'en  difent  MM.  les  Confultans? 

Car  enfin  puifque  le  Très-haut  s'eft  montré  à  découvert  par  des  miracles  dans 
une  œuvre  aulîl  extraordinaire  &:  aufiî  mêlée  que  celle  des  convulfions,  il  eil  cer- 
tain que  ce  n'a  pas  été  fans  de  grandes  vues,  &  que  cette  œuvre  fcrt  à  des  def- 
fcins  dignes  de  l'immenfité  de  fa  lagefic.  Or  quel  eit  le  principal  objet  auquel  tou- 
te cette  œuvre  fe  rapporte,  ce  font  vifiblement  les  grandes  prédiètions  fiites  uni- 
formément par  prefque  tous  les  bons  Convulfionnaircs?  Auffi  puifque  Dieu  nous 
fiit  connoître  par  quantité  de  miracles  qu'il  agit  furnaturellcment  dans  cette  œu- 
vre, n'ell-ce  pas  nous  déclarer  clairement  que  la  fin  principale  pour  laquelle  elle 
cil  formée  entre  dans  le  plan  de  les  confcils.''  N'ell-ce  pas  nous  dire  qu'il  autori- 
fe  par  ces  miracles  les  grandes  prédictions,  les  prédictions  unanimes  qui  font  l'a- 
mc  de  cette  œuvre.  Se  le  motif  pour  lequel  il  paroît  manifellemcnt  qu'elle  cft 
fiitc  ? 

Je  ne  prétenspas  néanmoins  que  préientement  l'onfoit  encore  obligé  de  croire 
comme  un  fait  infaillible  que  la  venue  d'Elie  eft  proche  fur  la  feule  autorité  des 
prédictions  uniformes  des  Convulfionnaircs. 

Je  crois  qu'on  peut  encore  fufpcndrc  fon  jugement  pourvu  qu'on  le  faffe  avec 
la  droiture  &  la  fimplicité  d'un  cœur  qui  défirc  finccrcment  la  lumière  &  qui  la 
Aâ.  17.  lî. cherche  avec  foin,  comme  ceux  dont  il  efi:  écrit  qu'ils  exami noient  tous  les  jours 
les  Ecritures ^  pour  l'oirfi  ce  qu'on  leur  difoit  était  '■véritable.  Mais  je  fuis  très  pcr- 
fuadè  qu'il  y  a  une  témérité  très  grande,  très-dangereufe  &  qui  peut  avoir  des 
fuites  funeftes  pour  le  falut,  à  rcjctter  avec  mépris  un  avcrtiflcment  qui  peut  de- 
venir fi  intérefilmt  &  qui  cil  accompagné  de  tant  de  choies  où  le  doigt  de  Dieu 
fe  montre  vifiblement.  Je  crois  qu'un  tel  avcrtilVemcnt  doit  du  moins  nous  enga- 
ger à  faire  nous-mêmes  nos  réflexions  fur  l'ét.at  de  l'Eglilc  :  6c  que  fi  nous  en  tal- 
ions de  bien  juftes,  de  bien  folidcs  &c  de  bien  profondes,  elles  nous  conduiront 
elles-mêmes  a  être  auffi  convaincus  que  le  Bienheureux  pénitent  dont  Dieu  autori- 
fc  les  fcntimcns  par  tant  de  miracles,  &  à  croire  comme  feu  M.  l'Abbé  Duguct, 

3u'il  y  a  tout  lieu  de  craindre  que  le  tems  de  la  répiobation  de  la  plus  grande  partie 
c  laGentilitè;/!?  l'oit prtche ^ou plutôt c^uW  y  a  tout  \'\c\\d'efpcrcr  que  celui  du  rappel 
des  Juifs  iCefl  pas  éloigné  :  ce  qui  nous  obligera  à  nous  tenir  prêts  a  tout  cvencmeni . 


IDE'E    DE  VOEUFRE  DES  CONFULSIONS.         rji 

II  n'y  a  nul  danger  pour  le  falut  à  être  attentifs  5c  à  nous  préparer  à  tout  par  la 
prière  &  la  pénitence,  fuivant  que  les  Convulfionnaircs  nous  j  exhortent  :  mais 
il  peut  y  en  avoir  beaucoup  à  fc  laiffer  prévenir  contre  la  venue  du  Prophète  par  le 
mépris  téméraire  qu'on  fait  d'une  œuvre  oii  Dieu  manifelle  fa  préfence  par  des 
miracles,  Ôc  quantité  d'autres  prodiges. 

C'eft  très-mal  à  propos  qu'on  objefte  qu'il  n'efi:  pas  naturel  de  penfer  que  Dieu     lxx. 
ait  voulu  fe  fervir  de  petites  créatures  aum  méprifables  que  la  plupart  des  Convul-i^ft^^n  j°'^* 
fionnaires  pour  annoncer  des  évenemens  auffi  grands,  auffi  importans  ,  auffi  peu''='f^''"':'*«  u 
vraifemblables  que  le  retour  du  Prophète  Elie ,  la  réprobation  de  prefque  toute  c^uîcta- 
la  Gentilité ,  le  rappel  des  Juifs ,  la  converfion  de  toute  la  terre.  riMeu 

A  cela  trois  réponles.  i  °.  Dans  le  nombre  des  Convulfionnaires  il  y  a  des  Prêtres, 
qui  ayant  eu  toute  leur  vie  une  très-grande  piété,  vivent  depuis  qu'ils  ont  des  con- 
vulfîons  dans  une  profonde  retraite ,  où  ils  ne  s'occupent  qu'à  la  prière  :  il  y  a  des 
perfonnes  de  diftinébion  ,  qui  depuis  ce  moment  ont  embraffé  une  vie  extrême- 
ment pénitente  :  8c  fi  la  plupart  des  autres  font  des  perfonnes  de  plus  bas  étage , 
combien  dans  ce  grand  nombre  ,  y  en  a-t-il  que  Dieu  a  fait  parvenir  à  une  très 
grande  piété?  J'en  puis  parler  avec  aflurance,  aiant  étudié  avec  application  les 
grâces  que  Dieu  a  faites  à  plulîeurs.  Combien  de  fois  pénétré  d'admiration  de 
leurs  vertus ,  ai-je  élevé  mes  yeux  vers  le  ciel  pour  prier  celui  qui  les  leur  a  don- 
dées  de  me  faire  profiter  de  fi  grands  exemples  que  je  fuis  fi  éloigné  d'imiter.  Com- 
bien leur  humilité  profonde  qui  leur  iait  fupporter  fans  peine  les  calomnies  dont  on 
les  noircit,  les  opprobres  dont  on  les  couvre ,  les  perfécutions  dont  on  les  accable, 
êc  qui  leur  fait  en  mêmetems  ignorer  toutes  leurs  vertus;  ne  m'a-t-clle  pas  fait 
honte  des  mouvemens  de  vanité  qui  s'élèvent  malgré  moi  dans  mon  cœur,  quoi- 
que le  fouvenir  de  majeuneflediàt  fi  fort  m'humilier!  Combien  leurs  pénitences 
qui  font  incroiablcs  6c  la  joie  avec  laquelle  ils  fouffrcnt  les  macérations  dont  ils 
crucifient  leurs  corps,  ne  m'ont-elles  pas  fait  rougir  de  ma  délicateffe  ,  démon 
immortification,  de  mon  impénitence  !  Combien  leuramour  pour  la  croix,  leur 
efprit  de  ficrificeSc  leur  ardent  défir  de  fouftnrpour  la  vérité,  ne  m'ont-ils  pas 
reproché  ma  tiédeur,  ma  lâcheté,  mafoiblcfle! 

La  vertu  qui  rend  les  hommes  dignes  de  pofieder  Dieu  même,  cfl  leur  vérita- 
ble grandeur  :  toute  autre  aux  yeux  du  Très-haut  n'eft  que  vanité ,  n'eft  que  néant. 

On  ne  doit  donc  pas  regarder  tous  les  Convulfionnaires  comme  étant  indignes 
d'être  les  inftrumens  dont  Dieu  le  fert  pour  manifeftcr  fes  arrêts? 

Il  eft  vrai  qu'il  s'en  faut  beaucoup  que  tous  les  Convulfionnaires  foient  par- 
venus au  même  degré  de  vertu,  6c  qu'il  y  en  a  même  quelques-uns  qui  ont  paru 
en  tout  fens  très-peu  dignes  d'être  les  inftrumens  de  Dieu.  Mais  qui  peut  pénétrer 
tous  les  confeils  du  Très-haut? 

Ce  qui  paroît  à  nos  yeux  ,  c'eft  que  Dieu  ,  pour  préparer  fes  plus  fidèles  fervi- 
teurs  aux  grandes  épreuves  qu'il  auront  à  efluyer,  a  voulu  leur  faire  connoître, 
non  feulement  par  des  difcours  dont  le  furnaturel  eft  évident  ,  mais  aufiî 
par  des  peintures  animées  Se  des  tableaux  vivans,  l'état  oîi  l'Eglife  vifible  eft 
aujourd'hui  réduite  :  leur  apprendre  les  moyens  qu'il  a  refolu  d'employer  pour 
en  produire  le  renouvellement  -,  8c  leur  faire  efperer  que  s'ils  foufFrent  pour  la 
vérité,  il  remplira  leur  ame  d'un  courage  qui  foutenu  par  une  vive  efpérance, 
les  comblera  de  joie  dans  le  fein  même  de  la  douleur.  Or  pour  rcpréfcntcr  tou- 
tes les  différentes  figures  qui  entrent  dans  fon  plan ,  il  lui  a  plu  de  prendre  des 
perfonnages  de  toutes  fortes  d'étals  8c  de  ciu^aéteres ,  8c  de  ne  leur  pas  fiiire  les 
mêmes  faveurs  également  à  tous.  Il  y  en  a  un  certain  nombre,  qu'il  a  élevés 
eu  fort  peu  de  tems   à  une  très-grande  vertu:  plufieurs,  à  qui  leur  état  a  été 

R  i  fort 


Luc  I9«  S». 


iji        IDE'R    DE  LOEUFRE  DES  CONFULSIONS. 
fort  utile.  Se  le  devient  tous  les  jours  de  plus  en  plus:  enfin  quelques-uns,  dont 
la  conduite  n'en  cil  pas  moins  reprehcnfiblc  depuis  leur^    convulfions  ,  &  qui 
font  même  fârhés  d'en  avoir.  Cependant  il  les  a  tous  Attaches  à  la  caufe  de  l'Ap- 

Î'el  ;  &  lorfqu'ils  font  eu  convulfion  ,  il  leur  donne  à  prefque  tous  les  dehors  de 
i  pieté. 

2.O.  C'eft  ne  pas  connoître  les  voies  de  Dieu  que  d'ignorer  qu'il  fe  plaît  (bu- 
vent  à  faire  annoncer  les  plus  grandes  vérités  par  des  pcrfonnes  qui  paroifTcnt  vi- 
les &  mépriflibles. 

L'homme  qui  ne  peut  fe  diffimuler  entièrement  fon  impuiflance,  fa  foiblcflc  & 
fon  néant,  cherche  à  fe  relever  par  des  choies  extérieures,  ce  qui  lui  fiit  fouhait- 
tcr  que  tous  ceux  qui  agiffent  cnfon  nom  ,  aient  quelque  chofe  d'impofant  6c  qui 
brille  au  yeux  des  hommes.  Le  Très-haut  tout  au  contraire  affcéte  fouvcnt  de  ca- 
cher l'extérieur  de  fcs  plus  grands  delTeins  &:  de  fes  plus  profonds  confcils ,  fous  des 
apparences  trcs-baflcs  ,  &  emploie  fouvent  pour  exécuter  fcs  plus  grandes  oeuvres, 
des  pcrfonnes  que  les  eiprits  fuperbes  ne  jugent  dignes  que  de  mépris. 

Quatre  réflexions  du  Père  Qiicfncl  vont  faire  l'application  de  ces  principes  à  l'cf- 
péce  dont  il  s'agit.  Cet  auteur,  dont  les  ConvuHîonnaires  foulienncnt  la  caufe, 
paroît  de  fon  côté  danspluiîeurs  endroits  de  fcs  écrits  avoir  été  delliné  de  Dieu 
pour  les  défendre  par  avance  ,  quoique  les  convulfions  n'aient  paru  que  long-tcms 
après  fon  ouvrage;  mais  il  y  a  quelque  lieu  de  prcfumer  que  celui  quiTéclairoit  , 
6c  à  qui  l'avenir  eft  éternellement  préient,  a  voulu  qu'on  trouvât  dans  fes  écrits 
de  quoi  défendre  ceux  qui  feroient  perfécutés  pour  fa  caufe. 
.  ,,  Dieu  fe  plaît  (dit-il)  à  figurer  les  plus  grands  defleins  par  les  chofes  les  plus 
„  viles  &  les  plus  baffes. . .  L'œuvre  de  Dieu  etl:  une  oeuvre  d'humilité  :  cette 
„  vertu  doit  être  aufli  le  caraétèrc  des  ouvriers  qu'il  daigne  y  cmploier. 
Ad.  4.  11.     V  P'"5  on  eft  rejette,  méprifé  ,  perfecuté  du  monde,  plus  on  ell propre  pour 

„  les  œuvres  de  Dieu, 
jbid.  7. 3j.     j^  C'eft  ainfi  que  Dieu  a  coutume  de  préparer  par  l'humiliation,  Se  les  rebuts, 

„  ceux  dont  il  veut  fe  fervir  pour  fcs  œuvres, 
loid  21,  5.     ^^  Dieu  donne  quelquefois  à  des  filles  humbles,  fidelles,  délmtcreflecs,  qui  lui 
„  lont  confacrécs  par  la  pureté  du  cœur  6c  du  corps ,  6c  animées  d'amour  6c de 
„  zèle  pour  J.  C.  pour  fa  parole,  pour  fon  Eglife  ,  des  lumières  qu'il  ne  donne 
„  pas  à  des  Prêtres  6c  à  des  Doéleurs.  „ 

Dieu  eft  le  maître  de  fes  dons ,  S<.  conduit  fes  œuvres  par  des  voies  toutes  diffé- 
rentes de  nos  pcnfées.  Ilfe  fertdc  qui  il  lui  plaît  pour  annoncer  fes  plus  grands  def- 
feins  j  6c  l'on  trouve  même  des  exemples  qu'il  y  a  quelquefois  emploie  des  per- 
fonnages  qui  fembloient  fort  indignes  d'être  fes  inftrumens. 

Jefus  fils  d'Ananus  cet  ancien  Convulfionnaire  de  Judée,  qui  courut  fans  ceffe 
pendant  7.  ans  en  criant  jour  6c  nuit:  malheur  à  Jcyttfalc7n  ^  paroiffoit  n'avoit  aucun 
ufagc  de  fi  raifon.  Se  fembloit  par  là  ne  mériter  aucune  créance.  Cependant  l'é- 
vénement a  prouvé ,  6c  les  auteurs  Eccléfiaftiques  conviennent  tous ,  que  Dieu  s'é- 
toit  fcrvi  de  cet  homme  pour  annoncer  la  deftruélion  tic  cette  ville.  Quel  malheur 
pour  les  Juifs  d'avoir  rejette  cette  prédiélion  avec  mépris  !  Et  qui  ofcralesexcu- 
fer  aujourd'hui  de  n'avoir  pas  fait  réflexion  que  l'état  de  cet  homme  étant  évi- 
demment furnaturel,  méritoit  qu'on  fît  gr.mae  attention  à  ce  qu'il  annoncoit? 

La  baffclTc,  les  imperfections,  les  défauts  même  des  inftrumens,  ne  doivent 
donc  point  nous  faire  rejctter  ce  qui  paroît  d'ailleurs  venir  de  Dieu,  fur  tout  s'il 
y  a  lieu  de  croire  qu'il  l'autorife  par  des  miracles. 

Dans  le  tcms  que  toute  la  nature  eft  cnfevelie  dans  les  ténèbres.  Dieu  fait 
fortir  unclumicrc  brillante  du  corps  d'un  petit  vcrmifTcau  :  mais  fous  prétexte  que 

tout 


IDE'E  DE  L'OEUFRE  DES  CONVULSIONS.  t^ 
tout  le  corps  de  cet  infcfte  n'cft  pas  luifant ,  &:  qu'il  nouspnroît  trcs-pcu  digne 
que  Dieu  lui  donne  un  pareil  éclat  ,■  devons-nous  refufer  de  voir  la  lumière  que 
Dieu  lui  a  effectivement  donnée  8c  par  laquelle  il  nous  éclaire?  Ainfi  dans  le 
tems  que  di  fombres  nuages  obfcurcinent  de  toutes  parts  le  flambeau  de  la  vérité, 
6c  que  rhoramc  ennemi  Fait  tous  fes  efforts  potu"  l'éteindre,  il  plaît  au  Père  des 
lumières  de  nous  en  découvrir  de  très  grandes  par  des  inftrumens  d'autant  plus 
propres  aux  deffeins  de  fa  Sagcfle,  qu'ils  font  moins  conformes  aux  fentiraens  de 
notre  orgueil. 

Profitons  de  ces  faveurs  du  Tout-puilTant  au  lieu  de  chercher  des  prétextes 
dans  les  imperfcétions  desfujets,  pour  méprifer  les  prodiges  les  plus  étonnans ,  6c 
jufqu'à  des  miracles  inconteftables. 

30.  11  ne  faut  pas  perdre  de  viie  que  le  deffein  de  Dieu  dans  l'œuvre  des  con- 
vulfions,  n'a  pas  feulement  été  de  faire  annoncer  la  venue  d'Elie  à  ceux  qu'il  de- 
ftine  à  le  rcconnoître  ,  mais  qu'en  même-tems  (a  juftice  l'a  engagé  de  traiter  la 
plupart  des  hommes  fuivant  le  délîr  de  leur  cœur ,  &  de  fournir  des  ténèbres  à 
ceux  qui  feroient  affez  malheureux  pour  en  fouhaiter. 

N'étoit-ce  pas  une  fuite  toute  naturelle  de  ce  plan  de  lajuftice  divine,  défaire 
entrer  dans  l'œuvre  des  convulfions  quelques  perfonncs  qui  paroilTent  très -indi- 
gnes d'être  fes  inftrumens,  &C  de  choiiîr  la  plupart  des  autres  dans  une  condition 
baffe  ,  afin  que  l'orgueil  des  cfprits  fuperbes  en  fût  blcflcSc  refufât  d'y  prendre 
confiance? 

Mais  d'un  autre  côté  y  a-t-il  rien  où  l'opération  de  la  divinité  éclate  avec  plus 
d'évidence ,  que'  de  frire  faire  régulièrement  tous  les  jours  des  difcours  d'une 
beauté  magnifique  ,  à  de  petites  filles  6c  à  d'autres  perfonnes  élevées  dans  les  om- 
bres de  la  pauvreté  6c  dans  la  crafle  de  l'ignorance  ;  6c  de  leur  faire  prédire  ces 
grands  événemens  dans  des  difcours  fub limes,  dont  le  furnaturel  eft  d'autant  plus 
marqué  quelles  iont  plus  incapables  de  les  faire? 

.  Y  a-t-il  rien  de  plus  digne  de  la  bonté  d'un  Dieu,  quineméprifenilcs  pauvres 
ni  les  petits  6c  qui  fouvcnt  les  préfère  aux  grands  du  monde,  que  de  leur;uinon- 
çer  des  prédiélions  très-importantes,  6c  en  même-tems  d?  les  inftruire  des  maux 
de  l'Eglife  ainfi  que  des  plus  grandes  vérités  de  la  religion,  Sc  tout  cela  par  des 
perfonnes  qui  étant  de  leur  état ,  font  à  leur  portée  ? 

Enfin  y  a-t-il  un  moien  plus  court  pour  répandre  tout  à  coup  de  toutes  parts  la 
prédiélion  de  ces  grands  événemens  ? 

Si  ces  inftruélions,  d'autant  plus  admirables  qu'elles  font  faites  par  des  igno- 
rans,  n'ont  pas  produit  tout  l'effet  qu'elles  auroient  dû  naturellement  produire, 
c'eft  que  Dieu  eft  irrité  contre  les  hommes  qui  fe  font  rendus  très-indio-ncsdefes 
grâces  :  c'eft  que  l'œuvre  des  convulfions  eft  encore  plus  une  œuvre  de  juftice  qu'- 
une œuvre  de  mifericorde  :  c'eft  qu'elle  eft  encore  plusdeftinée  à  voiler  la  mifllon 
du  Prophète,  qu'à  annoncer  fa  venue. 

C'eft  la  z°.  vérité  qui  me  refte  à  prouver  &  qui ,  en  développant  de  plus  en 
plus  le  plan  de  Dieu,  fournira  peut-être  des  preuves  encore  plus  frappantes  que 
toutes  celles  que  j'ai  rapportées  jufqu'ici,  q_u'il  y  a  tout  lieu  de  pcnfcr  que  la 
venue  du  Prophète  ne  peut  être  fort  éloignée. 


R  5  SE- 


154        IDE'E  DE  VOEUFRE   DES  CONVULSIONS. 

SECONDE    VERITE'. 

Le  vie  pris  qt^  on  fait  nujourtïhui  des  convul fions ,  des  prodiges  ^  ta  même  des  miracle  i 
<r/?  une  difpofiîion  des  efprits  trbs-extraordi>:aire .  Il  efl  vif.hle  que  Dieu  Pa  permis 
dans  fa  juflice  pour  faire  rejetter  le  Prophète  par  prefque  toute  la  communion 
catholique. 

î'ï^'r'(?jT-T  ^  Verbe  fut  chair  nous  a  prédit  lui-même  que  lorfqu'Elic  viendra  rétablir 
a.oncJej.c.  I  Joutes  chofcs .,  il  fouffrira  beaucoup.,  i^  fera  rejette  aiec  le  même  mépris  qu'il  a  été 
t^nll7  écrit  que  le  fils  de  t homme  le  doit  être. 

icschrë    ^     Rien  ne  paroît  plus  étonnant  que  cette  prophétie  de  J.  C.  En  effet  comment 
i'Abordin"'"  concevoir  qu'un  aufli  grand  Prophète  qu'Elie,  un  Prophète  dont  la  venue  cil  an- 
•onccTabie.  nonccepar  la  Vérité  incamée ,  un  Prophète  qui  paroiflant  tout  à  coup  parmi  nou<;, 
prouvera  fa  million  par  les  plus  grands  miracles  te  les  mer/eilles  les  plus  furprc- 
nantes,  fera  néanmoins  rejette  avec  exécration  parles  principaux  chefs  de  l'Eglife, 
par  le  très-grand  nombre  des  Prêtres  Se  des  Do£lcurs,  par  prefque  toute  la  com- 
munion catholique  -,  &  qu'on  fe  portera  jufqu'à  cet  excès ,  de  le  condamner 
comme  un  impoileur,  &  de  le  faire  mourir  dans  les  fuppliccs  comme  un  fcélerar. 
Cette  prédiftion  elt  d'autant  plus  incomprchenfible  qu'il  n'y  a  aucun  bon  ca- 
tholique qui  ne  doive  être  pcrfuadé  de  l'avencmcnt  futur  de  ce  Prophète.     Les 
termes  dont  T-  C.  fe  fert  pour  nous  le  déclarer,  ne  peuvent  être  plus  précis:  il 
hu-.xj.M.pii  ..jy^i  qji'  £iji,  doit  z'cnir ,  (^  qu'il  rétablira  toutes  chofcs ,  Elï  as  quidem  l'etiturus  efl  , 
é?  reftituet  omni.x.  Aullî  les  Percs  de  l'Eglife  nous  ont-ils  entretenu  de  lîèclc  cr» 
fiècle  de  la  venue  de  ce  Prophète  &  de.-  effet.,  merveilleux  qu'elle  doit  produire 
dans  tout  l'univers. 

Dieu  même  ne  celfe  de  nous  la  prouver  par  une  merveille  toujours  fubfiftantc 
depuis  XVII.  ficelés.  Je  parle  de  la  confervation  du  peuple  Juif  depuis  la  def- 
truétion  ds  Jérufalem.  Ce  peuple  eft depuis  cetemsf.ms  états,  fins  armes,  fms 
foutien,  fans  fccours.  Il  ell  haï,  méprii'é,  pcrfécuté  par  toute  la  terre:  Scilfub- 
fifte  toujours  quoique  drfpcrfc  parmi  les  nations  qui  le  dédaignent,  qui  le  mal- 
traitent &  qui  l'outragent,  tandis  que  tous  les  autres  peuples  qui  pofledoient 
des  roiaumes  dans  le  tcms  que  Jérulalcm  fut  détruite, £c  même  les  Romains  qui 
ctoient  alors  les  maîtres  du  monde,  ont  difparu  de  dcdus  la  terre. 

Tout  change  de  face  lous  les  cieux  :  les  plus  puiffans  empires  ne  durent  qu'un 
tcms  limité  >  chaque  nation  dans  le  cours  de  peu  de  ficelés  fe  mêle  &:  fe  confond 
avec  d'autres  peuples  :  elle  perd  {c:%  coutumes,  fa  langue,  fon  nom  ;  &:  l'on  n'en 
trouve  plus  de  traces  que  dans  les  livres.  Les  leuls  Juifs ,  quoiqu'crransde  tous 
côtés  depuis  XVJI.  fièclcs ,  6c  dénués  de  toute  force  &:  de  tout  appui,  fe  confcr\'ent 
malgré  tout  ce  qui  auroit  dû  cent  mille  fois  les  détruire.  Il  eft  vifiblc  que  Dieu  rc- 
ferve  ce  peuple  afin  d'exécuter  un  jour  le<  grandes  promclTes  qu'il  lui  a  faites. 
Auflî  les  mêmes  Prophètes  qui  ont  prédit  l'état  aufiim.ilhcurcux  que  fingu lier  où 
ce  peuple  fe  trouve  réduit  depuis  tant  d'années,  ont  en  mcmc-tcms  préciit  fa 
converiion  &  fon  rappel  dans  les  derniers  tems,  qui  fera,  nous  dit  S.  Paul,  un 
retour  de  la  mort  à  la  -vie  pour  le  monde  ,&qui  doit  être  le  fruit  de  la  venue  d*E- 
lie  ,  fuivant  les  anciens  Prophètes,  la  tradition  de  l'Fglifc,  &  la  promeflc  for- 
melle qu'en  a  fiite  J.  C.  Il  n'y  a  donc  que  des  incrédules  qui  puiiTcnt  le  révo- 
quer en  doute  ! 

Mais  s'il  c(l  certain  ,  s'il  cfi  de  foi  que  ce  Prophète  doit  venir  un  jour  r/tal/lir 
Joutes  chofes,  comment  peut-on  comprendre  que  prefque  toute  la  communion  c.itho- 
liquc  le  méprifcra  &  le  traitera  ainfi  que  Icsjuifs  ont  traité  le  Sauveur  du  monde? 


IDE'E   DE  VOEVVRE  DES  CONVULSIONS.        i^y 

Il  eft  fans  doute  que  cette  prédiftiondevoit  paroître  contraire  à  toute  vraifem- 
blance ,  avant  que  ce  que  nous  voions  de  nos  yeux  fut  arrivé  :  mais  pour  peu  qu'on 
faffe  attention  à  l'état  préfent  de  l'Eglife  vifible  ,  il  eft  aifé  de  s'appercevoir  que 
prcfque  toute  la  catholicité  cil  aujourd'hui  difpofée  à  méconnoître  cet  envoie  de 
Dieu,  &  même  à  le  condamner  à  mort , quelques  miracles  que  Riflcle  Très-haut 
pour  autorifer  fa  miilîon:  &  il  eft  manifefte  que  l'œuvre  entière  des  mei-vcillcs 
commencée  liir  le  tombeau  du  Bienheureux  M.  de  Paris ,  ôc  finguliernnent  l'œuvre 
des  convullioHs  qui  en  fait  partie,  a  fait  éclore,  ou  du  moins  a  augmenté  ces 
funeites  difpofitions,  en  portant  la  plupart  des  catholiques  à  méprifer  les  prodi- 
ges &  les  miracles  par  les  diff"érentes  circonftances  qui  les  ont  accompagnés. 

Il  n'eft  pas  douteux  que  le  Prophète  que  Dieu  doit  envoler  pour  rétablir  toutes 
chofes,  ne  prêche  la  plus  pure  morale  du  chriftianifme  ,  qu'en  conféquence  il  ne 
foudroie  la  Bulle  ,  &  qu'il  ne  condamne  comme  des  prévaricateurs,  ou  du  moins 
comme  des  pcribnncs  fédilites ,  tous  les  fiuteursSc  adhérans  de  ce  fatal  décret.  Or 
ce  fera  un  moien  intaillible  de  révolter  contre  lui  prefque  tous  les  chefs  de  l'Egli- 
fe, &  tout  le  gros  de  la  communion  catholique. 

Depais  long-tems  la  Cour  de  Rome  a  pris  pour  principe  invariable  delà  con-  Di^p^i^ao» 
duite,  de  ne  jamais  revenir  fur  fes  pas.  Se  de  foutenir  toutes  fesdécilions,  quel-''*  '»  i-"»"' 
ques  iiiites  qu'elle  puiiïent  avoir,  avec  une  inflexibilité  à  laquelle  elle  eft  difpofée 
de  ficrifier  tout.  Rien  ne  lui  eft  fi  précieux  que  le  privilège  divin  d'être  infail- 
lible, qu'elle  a  ofé  s'attribuer.  Ainfi  fon  parti  eft  prisincommutablement  par  rap- 
port à  laConftitution,  quelque  chofe  que  Dieu  fafte  pour  déclarer  qu'il  reprouve 
cette  pernicieufe  Bulle.    Auffi  c'eft  en  vain  que  le  Tout-  puiflant  a  déjà  fait  un 
nombre  infini  de  miracles  à  l'interccllion  de  pluficurs  Appellans,  6c  principale- 
ment  à  celle  du  Bienheureux  M.  de  Paris.  La  facrée  congrégation  des  Inquifitcurs  nacrer  de 
généraux-  a  déjà  prononcé  en  conféquence  de  Tordre  exprès  au.  Pape  Clément  XII.ju  moi'j''de' 
que  le  Bienheureux  Diacre,  dont  Dieu  publie  la  gloire  éternelle  par  tant  de  pro- f«v.  1759. 
diges ,  eil  un  hérétique  (^  un  fchifmatique  ;  elle  a  profcrit  fans  examen  tous  les 
miracles  que  le  Très-haut  a  opèi-ès  à  fon  interceflîon  >  clic  a  fiiit  brûler  publique- 
ment mon  premier  Tome  qui  en  contient  plufieurs  preuves,  auxquelles  cepen- 
dant il  n'eft  paspodibleni  derépondre,  ni  de  rèfiiler  de  bonne  foi. 

Cette  lacréc  congrégation  aura-t-clle  plus  de  rcfpcct  pour  un  Prophète,  qui 
lui  reprochera  à  elle-même  l'iniquité  de  ce  jugement ,  qui  donnera  ,  à  leur  chère 
Bulle  tous  les  noms  qu'elle  mérite,  &  qui  publiera  toute  vérité  avec  une  intrépi- 
dité inébranlable  ? 

La  Cour  de  Rome  s'eft  eng.agée  p.ar  une  telle  démarche  d'anathématifer  tous 
les  miracles,  tels  qu'ils  puificnt  être  ,qui  porteront  avec  eux  la  condamnation  de 
la  Bulle.  La  Cour  de  Rome  ne  recule  point.  Le  procès  eft  donc  déjà  fait  au  Pro- 
phète! Sa  condamnation  cil  déjà  prononcée  quelques  merveilles,  quelques  pro- 
diges, quelques  miracles  qu'il  pu iile  faire.  S'il  réprouve  la  Conftitution, s'il  blâ- 
me les  décifions  de  la  Cour  de  Rome  ,  s'il  veut  reformer  tous  les  abus  qui  fe  font 
introduits  dans  l'Eglife  t<.  fingulièremcnt  parmi  fes  chefs,  comme  il  ne  peut 
manquer  de  le  fiiire  puiiqu'il  fera  envoie  pour  cela,  on  le  traitera  fans  doute 
d'impoftcur:on  déclarera  qu'il  eft  un  hérétique,  encore  mille  fois  plus  dangereux 
que  le  Bienheureux  François  de  Paris  :  on  le  condamnera  comme  le  plus  pernicieux 
de  tous  les  ennemis  qu'ait  jamais  eu  l'Eglife  :  &  l'on  croira  qu'en  'ne  peut  trop  fe 
preftér  d'en  purger  la  terre,  &  d'arrêter  par  là  le  cours  de  toutes  fes  cntreprifcs. 

Tous  les  dift'ercns  nuages  qui  ont  obfcurci  l'œuvre  des  convulfions  ferviront 
encore  de  prétexte  à  ce  terrible  jugement.  Il  y  atout  lieu  de  croire  que  plufieurs 
des  meilleurs  ConvuUiomiaires  par  qui  Dieu  a  fiùt  annoncer  ce  Prophète,  s'em- 

pref- 


1^6  IDE'E  DE  VOEUrRE  DES  CONVULSIONS. 
prcfl*eront  de  le  fuivre  auflî-tôt  qu'il  paroitr.i ,  &  que  le  Prophète  tout  brûlant  de 
charité  les  recevra  comme  fes  cnfans.  Il  n'en  faudra  pas  davantage  pour  faire  re- 
garder cet  envoie  de  Di'^u  comme  un  chef  de  fanatiques,  &  pour  le  rendre ref- 
Îjonfable,  fuivant  la  maxime  de  la  Confultation,  de  toutes  les  erreurs  &  de  tous 
es  crimes  où  ont  pu  tomber  les  Augultinirtcs  Scies  Vaillantifl.es,  &  généralement 
de  tout  ce  que  le  démon  a  pu  joindre  du  ficn  à  l'œuvre  des  convulfions  prifecn 
fa  totalité,  &  iln'eit  pas  hors  d'apparence  que  le  tribunal  de  l'inquifition  ncpuif- 
fe  fe  lailTcr  éblouir  par  toutes  les  calomnies  qu'on  débitera  à  cette  occafi on  con- 
tre le  faint  Prophérc ,  &  que  cela  ne  lui  ferve  de  fondement  pour  le  condamner 
comme  un  impoitcur,  &  comme  un  fauteur  d'héréfies. 

La  décifion  de  la  Cour  de  Rome,  telle  qu'elle  puilTc  être,  entraine  avec  elle 
aujourd'hui  celle  de  prefque  toutes  les  puiflances  Ecclefiailiques  &  feculiercsdc 
tous  les  Roiaumes  catholiques,  fpécialement  celle  du  très  grand  nombre  des 
Evêques,  &  Rome  cit  en  état  par  ce  moicn  deperfuader  tout  ce  qu'illuiplaità 
prefque  toute  la  catholicité.  Nous  en  voionsunterribl''  exemple  dans  l'acceptation 
devenue  en  peu  de  tems  prefque  générale  de  la  fiitale  Bulle  qui  caufe  t:mt  de 
maux  dans  l'Eglifc.  Qiioique  ce  décret  ait  excité  contre  lui  le  cri  général  de  la  foi 
auflî-tôt  qu'il  a  paru,  &  de  la  tradition  profcnte  par  cette  Bulle antichrétiennc, 
néanmoins  la  crainte  de  déplaire  à  la  Cour  de  Rome  s'étant  jointe  à  tous  les  au- 
tres motifs  d'intérêts  &  d'ambition  ,  a  bientôt  fubjugué  prefque  tous  les  minières 
des  autels.  La  plupart  même  des  Prélats,  qui  d'abord  s'étoient  récriés  contre  la 
condamnation  de  la  morale  Evangelique    portée  par  cette  Bulle,  fe  font  depuis 
laides  emporter  au  torrent  de  la  réduction. 
ixxT'i        Nous  ne  fommes  plus  dans  ces  premiers  ."lècles  de  l'Eglife  où  le  plus  grand 
Birpotiiiin  nombre  des  Evêques  étoit  prêt  de  tout  ficrificr  pour  la  vérité:  nous  ne  fommes 
nombr^dosPl^sdans  cetemsdebénédiftion,où  on  choififlbit  pour  premiers  Pail:eurs,dciaints 
ifiqun.     folitaires  qu'on  arrachoit  malgré  eux  de  la  retraite  où  ils  s'étoient  enfevclis  ,  qui 
continuoient  à  la  tête  de  leurs  diocéfes  la  vie  humble,  auftèrefic  pénitente  qu'ils 
avoient  menée  dans  le  défert ,  èc  qui  n'avoient  d'autre  ambition  que  d'acquérir 
des  âmes  à  Dieu ,  &  de  confen'cr  au  prix  de  leur  fang  le  dépôt  de  toutes  les  vérités 
confltcrécs  par  la  tr.idition.  Cependant  l'Evangile  n'a  point  changé:   fes  régies 
J»an  10.  i.font  toujours  les  mêmes.     En  i-érité  en  vérité  je  veus  le  fiis  ^  nous  a  déclare  le 
Sauveur  du  monde:  celui  qui  n'entre  point  par  la  bergerie  des  brebis^  mais  qui  y 
monte  par  un  autre  endroit  eft  un  voleur  (^  un  larron. 

Entrer  par  la  porte,  c'efl  n'cmbraflcr  l'état  Ecclc(î:'.fl:iquc,  &  ne  fe  charger  des 

emplois  de  l'Eglifc  ,  que  par  le  mouvement  de  l'Efprit  faint ,  qui  fcul  peut  donner 

une  vocation  véritable  :  c'cftne  s'y  dcllincr  que  par  des  motifs  qi'i  tendent  tous  à 

la  gloire  de  Dieu  :  c'cll  n'y  porter  d'autres  vues  que  le  f.Uut  des  amcs  :  c'efl  ne  s'y 

prcfcnter  qu'avec  une  volonté  déterminée  de  ne  rien  ménager  p'^urconfervcrdiins 

it>,j.  II.     toute  fon  intégrité  la  pureté  de  la  morale  duchrillianilme.  Lcbcn  PafieurÇu'wAnt 

que  J.  C.  le  déclare,  doit  être  prêt  adonner  fa  vie  pour  fes  brebis.  Si  un  Padenr  entre 

dans  la  bergerie  fins  avoir  ces  fcntimcns,  fie  fi  fon  intérêt  pcrfonncl  a  été  Icprin- 

ili.d  1 1.      cipal  de  fes  motifs ,  il  ell  un  mercenaire ,  dit  la  V  crité  incarnée.  L'auteur  du  connnen- 

Tri.ic  it%^  taire  imparfait  fur  S.  Mathieu ,  quiapaffé  long-tems  pour  S.  Cbrifofome^ii'it  M .  N  ico- 

l'd'ù  juKtm  le  ^ifouticnt  m  émc  que  ceux  qui  briguent  des  Evichés  ne  croient  point  !c jugement  de  Dieu  ; 

ti.  i- 1- i  i7  ■  c''ejl  à  dire  que  félon  lui.,  la  foi  du  jugement  ne  peut  fubftfter  avec  ta  y  c  cherche  ambi' 

tieufe  des  dignités  de  lEglife.  Ainfi  tou.-.  ceux  quialpireni  aux  dignités dcl'Eglifo 

par  le  dcfir  de  fe  procurer  un  grand  érablilfenient  d.T!is  le   monde,  &  géi\éralc- 

ment  tous  ceux  qui  y  ont  apporté  des  vûrs  d'intérêt  îk  d';imbi;ion,  iont  trcsfiii- 

pcéVs  de  n'avoir  tj^uc  bien  peu  de  fci,  ou  du  moins  ils  ne  font  que  des  mcrcetui- 

jcs  fuivant  la  dcciiiou  de  }.  C.  Dan 


ÏDE'E  DE  L'OEUP'RE  DES  CONFULSIDNS.  1^7 
Dans  cette  lie  des  fîècles  où  il  n'cft  que  trop  vifiblc  que  le  très  grand  nombre 
des  Evcques  n'entrent  point  dans  la  bergerie  par  la  porte,  c'ell:  à  aire  parla  vo- 
cation &  dans  l'Efprit  de  Jefus-Chrift,  font-ils  bien  propres  chacun  en  particu- 
lier, à  devenir  les  organes  de  l'Elprit  Saint,  &  les  oracles  de  la  vérité?  Et  fi 
Dieu  s'eft  engagé  d'alTîiler  toujours  le  corps  paftoral,  lorfque  dans  l'unanimité 


gligent  notoirement  les  moicns  prefcrits  par  les  loix  divines  8c  humaines  pour 
connoître  la  vérité,  5c  que  la  plupart  ne  donnent  même  leur  décillon  que  par 
des  motifs  purement  humains  ? 

11  n'eft  donc  pas  fort  étonnant  que  dans  ce  fiècle  déplorable ,  où  la  foi  eft  fi  foi- 
blc  ,  &  la  charité  fi  refroidie,  Dieu  ait  permis  que  le  très-grand  nombre  des  pre- 
miers Paftcurs  aient  abandonné  le  parti  de  la  vérité  pour  le  ranger  fous  les  étcn- 
dans  de  la  Bulle,  en  voiant  qu'elle  ell:  appuiéepar  l'autorité  de  toutes  les  Puiflau- 
ces.  Or  après  une  telle -démarche  la  plupart  de  ces  Prélats  feront-ils  bien  difpo- 
fés  à  rcconnoîcre  le  Prophète?  Voudront-ils  fe  brouiller  avec  la  Cour  de  Rome  5c 
avec  les  PuilTlmces  féculieres  dont  ils  dépendent ,  pour  avouer  à  la  face  de  toute 
la  terre  qu'ils  s'étoient  laifles  féduire  lorfqu'ils  ont  reçu  la  Conilitution  ?  Les 
grands  miracles  que  fera  le  Prophète  leur  donneront-ils  aficz  de  vertu  pour  fa'ire 
une  démarche  fi  généreufe  Se  fi  humble,  ôcaflcz  de-courage  pour  s'expofer  de  gaie- 
té de  cœur  à  toutes  lesdifgraces  qu'un  pareil  aveu  ne  manqueroit  pas  de  leur  atti- 
rer? Sans-doute  que  tout  cela  eit  très  facile  à  l'efficacité  de  la  grâce  du  Tout- 
puiffant  :  mais  il  n'y  a  qu'elle  qui  puifle  les  y  déterminer.  Ainfi  tous  ceux  que  Dieu 
abandonnera  à  leur  propre  foiblefle  ne  manqueront  pas  de  fe  joindre  au  grand 
nombre ,  qui  ne  cherchera <iue  de  fauflcs  couleurs  pour  décrier  le  faint  Prophète  en 
le  confondant  avec  tous  les  Convulfionnaires  bons  &  mauvais,  en  le  chargeant 
par  ce  moien  de  toutes  les  erre^irs  6c  déroutes  les  actions  criminelles  des  Augufii- 
niftes  6c  des  Vaillantiftes  ,  6c  en  le  deshonorant  par  toutes  les  calomnies  dont  on 
a  tâché  de  noircir  tous  les  Convulfionnaires  fans  exception. 

Si  les  Confultans  ont  prétendu  rendre  les  meilleurs  Convulfionnaires  garans  de 
tout  ce  qu'ont  pu  fiirc  de  mauvais  ceux  qui  font  tombés  dans  le  finvatilmc  ,  mal- 
gré la  diftinétion  vifible  que  Dieu  a  mife  entre  les  uns  6c  les  autres ,  &  l'efpècc 
d'antipathie  des  premiers  contre  les  finatiques,  qui  éclate  par  tant  d'effets  furna- 
turels  ;  combien  les  partifans  de  la  Bulle  auront-ils  encore  un  plus  grand  intérêt 
d'accufcr  le  fiiint  Prophète  d'autorifer  par  fon  union  avec  plufieurs  Convulfionnai- 
res, toutes  lesinfimies  6c  les  fentimens  hérétiques  qu'on  reproche  à  ceux  qui  ont 
été  féduits  par  le  démon  ? 

Si  la  Ceurde  Rome  6c  prefque  tous  les  Evcques  reprouvent  l'envoie  de  Dieu,  Lxxrv 
fera-t-il  mieux  accueilli  par  kmultitude  mnombrable  de  Conllitutionnaircs  6c  dcj^'^^niu" 
Moliniftes  qui  inondent  aujourd'hui  l'Eglife  ?  Le  Prophète  fera  envoie  précifément  tutionnaire»; 
pour  dévoiler  6c  pour  combattre  toutes  leurs  erreurs  :  &  il  y  a  toute  apparence  qu'il  (i",'dts  aux 
ne  les  ménagera  point ,  lui  qui  fera  dévoré  par  le  zèle  de  la  maifon  de  Dieu.  Les-'^'"''»'"^'' 
Conftitutionnaires  6c  les  Molinilfes  fe  laiffcront-ils  ainfi  décrier  fi;ns  en  conce-'^""""*' 
voir  aucun  rellentiment,  6c  lans  faire  aucun  effort  pour  en  repouffer  l'injure? 

Non  feulement  dans  ce  nombre  ilv  a  une  quantité  prodigieufc  de  perfonnes  que 
des  engagemcns  humains, le  point  d'honneur,  la  honte  de  reculer,  6c  différente? 
vues  d'ambition  6c  d'intérêt  attachent  à  la  fortune  de  la  Conilitution ,  auifi  bien  qu'à 
la  morale  relâchée  de  la  Société  antichrétienne:  mais  il  yaencore  une  grandemulti-. 
tude  de  fiuix  dévots ,  dont  le  zèle  amer ,  fondé  lur  la  plus  profonde  ignorance  du  vé- 
ritable cfprit  de  la  religion ,  prend  la  Bulle  pour  l'Evangile  ,  Se  en  tait  un  des  princi- 

'  Obferviit.    /.  Part.  Tçnie  II.  S  paux 


,58         TDrE  DE  VOEUFRE  DES  CONVULSIONS. 

eaux  objets  de  fon  culte.  Or  les  fi\ux  dévots  ignorons  ne  reviennent  prefque  jam^s 
de  leurs  préjugés  :  ce  font  ordinairement  les  plus  entêtés  de  tous  les  hommes. 

Mais  ce  qui  c(l  encore  plus  déplorable  ,  c'eftquc  dans  la  plupart  des  païs  fou- 
rnis àl'Inquifuion,  à  peine  y  connoît-on  la  morale  du  nouveau  Teftament.  Pref- 
quc  toute  la  religion  s'y  réduit  à  un  culte  pharifaïquc  &  purement  extérieur  :1a 
foumidîon  la  plus  aveugle  à  tout  ce  qui  émane  de  la  Cour  de  Rome^  y  fliit  l'el- 
fentielle  partie  de  la  pieté:  ainiî  n'cft-il  pas  évident  que  le  Prophète  y  pafTcrapour 
un  hérétique  ? 

La  France  eft  le  Roiaume  où  Dieu  aconfci-vélcplusdelGmieres  :  mais  l'amour 
de  la  vérité  n'en  fuit  pas  toujours  laconnoilfance.  C'eft  dans  ce  Roiaume  Se  fur- 
tout  dans  fa  capitale  que  le  Très-haut  a  déjà  fait  éclater  une  grande  multitude  de 
miracles  ,  qui  étant  tous  opérés  à  l'interccflion  d^Appellans ,  prononcent  du  haut 
du  ciel  la  condamnation  de  la  Bulle.  Qui  n'auroit  cru  que  tant  de  merveilles  au- 
roient  fait  triompher  l'Appel  par  tout  le  Roiaume  ?  Car  enfin  qu'elle  témérité  n'y 
»-t-il  pas  à  fe  révolter  contre  la  décifion  de  Dieu  même?  Cqjcndant  ces  miracles 
nont  ouvert  les  yeux  qu'à  un  petit  nombre  de  pcrfonnes ,  en  comparaifon  de  ceux 
qui  fe  font  obftinésà  les  fermer  :  pluficurs  même  ont  poutTé  leur  zèle  impie,  juf- 
qu'à  noircir  de  calomnies  ceux  dont  leTout-puifl-mt  manifelle  la  gloire.  Scmbla- 
A  6  blés  à  la  bête  de  l'Apocaliple,  ils  ont  ofé  ouvrir  la  bouche  pour  blafphêmer  contre 

*°'  '^  ceux  qui  habitent  dans  h  ciel.  Auront-ils  plus  de  retenue  à  l'égard  da  Prophète  Se  de 
fes  miracles  !  Avec  quel  emprelTcment  ne  chercheront-ils  pas,  pour  cJmcrlccride 
leur  confciencc ,  dont  les  miracles  du  premier  ordre  que  fera  l'envoie  de  Diai ,  trou- 


Notre  cfprit  n'clt  que  trop  fouvcnt  le  vil  complaifant  de  notre  cœur:  au  lieu 
de  reformer  fes  préjugés  &  de  combattre  fes  paffions ,  il  ne  cherche  fouvent  que 
le  moiendclcsjuil:iher,delesfoutenir,dclesautorifer  :  il  en  faiiît  avec  ardeur  le 
prétexte  le  plus  frivole.  Et  comme  la  plupart  des  œuvres  divines  ont  leurs  nuag«, 
que  Dieu  permet  dans  fa  juflice  pour  fournir  des  ténèbres  à  ceux  qui  défirent  il'en 
trouver ,  quand  notre  cfprit  cherche  en  pareil  cas  à  fe  tromper  lui-même ,  il  ne  man- 
oue  point  de  moiens  de  le  faire  :  il  réalife  la  moindre  ombre:  il  fe  faitunmonftre  de 


prit  &  n'en  pratiquent  que 

-mêmes?  Qii'il  ell  à  craindre  que  leurs  préventions    ne  leur  faflcnt  prendre  le 

Prophète  pour  un  fauteur  de  flmatiqucs  ,  de  fchifmatiqiies  &  d'hérétiques ,  mal- 

Evé  la  grandeur  des  miracles  par  kfquels  il  prouvera  qu'il  eft  l'homme  de  Dieu. 

Lxxv.        Mais  la  communion  catholique  n'eil  p:is  feulement  infccléc  parune  infinité  de 

r.fpoti'wn  pharificns,  qui  n'ont  prefque  confcrv'é  qtie  les  dehors  de  la  religion:  clic  l'cll 

4«  /rpVi!'." encore  par  une  multitude  innombrable  dcSadducéens,  qui  n'ont  de  chrétien  que 

*"'"•         le  nom.  Ces  incrédules,  ennemis  déclarés  de  tout  furnaturcl ,  ont  recueilli  avec 

une  extrême  avidité  tout  ce  qu'on  a  débité  contre  les  miracles  &  lesconvulfions. 

L'œuvre  du  tombeau  du  Bienheureux  Diacre ,  Liouelle  renferme ,  tant  les  miracles 

tclatans  quilont  commencée,  que  les  prodiges  &  les  figues  fumaturels  qui  ont  fuivi, 

&  dont  la  venue  du  Prophète  leraraccompHilcmcnt  :  cette  œuvre  fi  extraordinaire 

eft  untiflu  de  merveilles  prefque  fans  exemple:  mais  ces  merveilles  ont  été  obfcur- 

cies,  contredites,  &  combattues  par  une  multitude  d'hommes  à  qui  les  dignités 

8c  la  réputation  donnent  un  très-grand  crédit  :  &  enfin  elles  ont  étéprofcritcspar 

les  plus  grandes  Puiffanccs  du  monde  chrétien  ,  p.n-  la  Cour  de  RoHie  ,  &  la  Cour 

de  ri.incc    II  n'en  a  pas  fallu  davantage  pour  autorifcr  les  prétendus  efprits  forts 

à  rc- 


IDE^E  DE  VOEUFRE  DES  CONFULSIONS.         t?^ 

à  révoquer  en  doute ,  non  feulement  tous  ks  prodiges  de  notre  fîèclc  ,  mais  auffî 
tous  ceux  des  fiècles  précédens  Ils  ne  répondent  plus  aux  preuves  tirées  des  mi- 
racles que  par  un  ris  moqueur.  Qu' El ie  vienne  donc  au  milieu  de  nous ,  Sc  qu'il 
prouve  fon  mini ftere par  les  merveilles  les  plus  évidemment  divines,  leur  réponfc 
'cft  toute  prête.  Quoi  toujours  des  miracles  ?  Ces  derniers  font-ils  plus  fûrs  que  les 
précédens?  Les  gens  en  place,  les  perfonncs  les  plus  refpeélables  ,  les  Dcéteurs  , 
les  princes  des  Prêtres  5c  les  plus  grandes  Puiflanccs  de  la  terre,  croient-ils  en  ce  nou- 
veau faifeurde  prodiges?  Tous  ces  prétendus  miracles  tels  qu'ils  foient,  ne  méritent 
donc  que  d'être  auffi  méprifés,  que  ceux  que  la  canaille  fmatique  des  Convulfion- 
naires  &:  des  Convulfionnifl.es  publioient  il  y  a  peu  de  tems  avec  tant  de  bruit?" 

Il  feroit  naturel  de  penfer  que  du  moins  tous  les  Appellans  reconnoîtront  le 
Prophète  ^  fe  joindront  à  lui  avec  empreflcmcnt  :  mais  il  y  aura  peut-être  par- 
mi eux  bien  des  retranchemens  à  faire:  ils  fontafluellement  divifésen  plufieurs 
clafl*es,  Dieu  veuille  que  par  la  fuite  ils  n'en  fiflent  plus  qu'une  bonne  ! 

Qiii  auroit  jamais  pu.  croire  que  dans  le  nombre  de  ceux  qui  ont  pris  le  titre  lxxvt. 
d'Appellans,  il  y  en  eût  qu'on  pourroit  juftcment  nommer  demi  efprits  foits  ?dafl>rdp« 
Qiielques-vms  d'entr'eux  s'étant  habitués  à  vouloir  tout  décider  parleurfoiblelu-^PP'""'- 
miere  ,  en  font  venus  au  point  d'égarement  de  méprilcr  les  témoignages  de  la  tradi- 
tion ,  les  fentimens  des  Pères,  ^  l'autorité  même  des  livres  faints.  Ils  ont  pris  occafion 
du  décri  des  convulfions  pour  débiter  impunément  une  multitude  d'erreurs ,  qui 
prefque  toutes  ont  leur  racine  dans  l'incrédulité  :  &  entre  autres ,  malgré  la  parole 
précife  de  J.  C.  ils  ont  ofé  avancer  auflî  hardiment  qu'auroient  pu  faire  les  Soci- 
niens  les  plus  déterminés,  que  l'efpérance  de  l'avénemcnt  futur  d'Elie,  efl:  une 
puérilité  imbécille  &  qu'il  n'y  a  que  des  efprits  foibles  2c  des  fanatiques,  tels  que 
les  ConvulfioniiTies  5c  les  refpeélables  Docteurs  qu'ils  appellent  figurilles ,  qui  foient 
capables  de  s'occuper  d'une  telle  penféc.  Ils  auroient  dû  ajouter,  tels  encore  que  le 
Bienheureux  François  de  Paris,  Sc  feu  M.  l'Abbé  Duguet  :  cax  ils  favent  fort 
bien  que  c'étoit  leur  fentiment  &  leur  efpérance.  Ils  n'ignorent  pas  non  plus  que 
lcs,'Peres  de  l'Eglife  ont  regardé  le  retour  de  ce  Prophète  dans  les  derniers  tem.s 
comme  une  vérité  révélée  dont  il  n'elt  p;is  permis  de  douter,  la  promelTe  en 
étant  faite  tant  dans  l'ancien  que  dans  le  nouveau  Tefl:ament  de  la  manière  la 
plus  claire  &;  la  plus  formelle  :  mais  nulle  autorité  n'arrête  ces  fuperbes  efprits. 
Ce  qui  eft  bien  déplorable  c'eft  qu'ils  ont  déjà  répandu  de  tous  côtés  le  poi- 
fon  de  leurs  maximes  Pyrrhonienes,  qui  tendent  direétement  à  refufcr  de  croire 
tout  ce  qui  paffe  notre  intelligence  fans  être  un  des  articles  fondamentaux  de  la 
foi,  ou  à  atribuer  à  de  prétendus  refiorts  inconnus  ce  qui  eft  le  plus  évidem- 
ment furnaturel.  Cependant  l'autorité  publique  les  a  laiffesdogmatifer  tant  qu'ils 
■ont  voulu  ,  parce  qvi'cn  même-tems  ils  parloient  fortement  contre  les  convul- 
fions. Comment  ces  demi-mécreans,  ces  railleurs  de  profellîon  qui  tournent  ea 
ridicule  tout  ce  qui  ne  fimpathife  pas  avec  leur  foible  raifon  &  leurs  lumières 
très-courtes  &  très-bornées ,  jugeront-ils  de  celui  qui  fe  déclarera  le  Prophète 
Elie  ?  Son  nom  feul  fera  pour  eux  une  preuve  incontcfl:able  du  fanatifmc  le  plus 
complet:  &  quelques  éclatans  que  foient  les  miracles  qu'il  fera,  leurefprit  in- 
ventif ôc  très-porté  à  l'incrédulité,  trouvera  toujours  quelque  mauvais  prétexte 
pour  les  révoquer  en  doute. 

Ce  qui  nous  confole,  ce  qui  nous  raflure  par  rapport  à  MM-lcsConfultans, 
-  &à  tous  les  partifans  de  leur  dccifion  Doctorale,  c'eltque  les  mêmes  Convulfion- 
naîies  qui  ont  prédit,  lorfque  cela  n'étoit  nullement  vraifemblable,  qu'un  grand 
nombre  d'Appellans  des  plus  diftingués,  deviendroient  encore  plus  acharnés  que 
les  Conititutionnaires  à  les  décrier ,  à  les  calomnier ,  à  les  pcrfécuter ,  ont  en 
même-tems  annoncé  que  la  plupart  reviendroient  à  la  Vérité  ,&  qu'ils  reconnoî- 

S  1  troienî 


140  TDE'E  DÉ  VOEUVRE  DES  CONVULSIONS 

troicnt  le  Prophète.  Il  faut  néanmoins  avouer  que  dans  le  moment  prclent  l.i  fé- 
conde partie  de  cette  prédiction  n'aguéres  plus  d'apparence  que  n'en  avoir  là  pre- 
mière. Si  de  tout  tcms  1rs  grands  eiprits,  &  fur  tout  les  fçavans&lcs  Dofteurs, 
ont  eu  une  peine  extrême  à  fe  réfoudre  de  confeficr  humblement  qu'ils  s'étoienc 
trompés,  combien  cela  fera-t-il  encore  plus  difficile  dans  ce  fiècle  d'orgueil  êc 
d'entêtement,  dont  un  des  caraftcrcs  fniguliers  cil:  que  la  plupart  des  hommes  , 

Îour  peu  qu'ils  foient  recommandablcs,  veulent  fe  donner  pour  infaillibles  ?■ 
,cs  partifans  de  la  Confultation  fe  font  emportés  à  des  excès  incroiables  contre 
les  Convulfionnaires  6c  contre  les  convuifions.  Ces  perfonncs  qui  d'ailleurs  font 
refpecftablcs  par 'oicn  des  endroits,  n'ont  épargné  ni  fauffes  maximes,  ni  fauflcs 
citations,  ni  artifices  ,  ni  calomnies,  pour  prévenir  le  public  contre  cette  oeuvre. 
qu'ils  ont  prife  en  avcrfion.  Il  fera  bien  dur  pour  des  Docteurs  d'être  obligés  de 
fc  dédire  après  des  démarches  fi  outrées  &  fi  publiques.  Quelques  prodiges  que 
faiTe  Elle,  comme  il  ne  manquera  pas  de  prendre  la  dcfenfe  des  bons  Convul- 
fionnaires êc  conféquemment  de  blâmer  la  Confultation,  les  partifans  les  plus 
outrés  de  cette  pièce  feront-ils  tous^  allez  humbles  pour  rcconnoîti-e  leur  ci- 


reur? 


Quoique  MM.  les  Confukans  foient  convenus  eux-mêmes  dansl'expofc  de  leur- 
jugement  Doftoral ,  que  les  convuifions  ctoient  accompagnées  de  plufieurs  chofcs 
évidemment  furnaturelles ,  &même  de  guérifons  miraculeufes ,  néanmoins  ces 
prodiges  Se  ces  merveilleufcs  guérifons  ne  leur  ont  fait  aucune  impreflîon.  Ils  n'ont 
pu  dèfavouer  qu'  il  s' était  fait  fur  des  malades  plu  fienvi  miracles  ^aufquels  il  par  oijf oit 
f«e  les  coHVul  fions  axaient  contribué^  ^  qu'il  s'en  était  fa.it  mcrne  quelques-uns  par  le 
TKiniftère  des  Convulfiennaires.  Cependant  qucile  cil  la  conclufion-qu'ils  en  ont  tiré 

•JL  la  fin  de  leur  Confultation  ?  C'eft  que  ce  prodige  de  nos  jours d^it  être  livré- 

à  tout  le  mépris  qu'il  ruérite. 

Méprifcr  des  prodiges  reconnus  pour  tels  !  Méprifer  Jufqu'à  des  miracles  opérés 
à  l'interceflîon  du  Bienheureux  Appellant  dont  Dieu  canonife  ainfi  la  foi  !  Qui  au- 
roit  jamais  penfé  que  des  Doéteurs  quife  font  illuftrés  par  leur  Appel ,  auroienf 
été  capables  de  prononcer  un   tel  jugement  ? 

Quand  il  n'y  auroit  fimplement  que  des  prodiges  &  qu'on  miroit  tout  licude- 
croire  que  le  Démon  en  feroit  l'auteur,  cela  devroit  encore  nous  rendre  attentifs 
pour  tâcher  de  pénétrer  les  motifs  qui  auroicnt  pu  porter  le  Très-haut  adonner 
tant  de  pouvoir  a  l'Ange  apoftat,  finguliercmcnt  fur  des  pcrionncs  que  Dieu  au- 
roit en  même  tems  attachées  à  l'Appel  par  un  inÛinér  furnaturci,  6c  dont  il  en' 
auroit  fait  pai-venir  plufieurs  à  de  trcs-gnindes  vertus  :  mais  ce  fumatuirl  eil  ac- 
compagné de  plufieurs  miracles:  ce  furnaturci  paroît  fait  exprès  pour  nous  an- 
nonccr'lcs  plus  gnuids  évcnemcns  :  8c  la  manière  dontccscvenemcnsfi  intérelfans 
font  annoncés  cil  elle-même  fumaturclle.  Cependant  on  ofc  dire  qu'il  faut  livrer- 
ce  prodige  de  nos  jours  ....à  tout  le  mépris  qu'il  mérite. 

Eft-il  croiable,  cil-il  naturel  que  des  Théologiens  Appellans  aient  ofé  tenir  un 
tel  langage  ?  Ignorent-ils  donc  ces  grands  Dofteurs  en  Ifracl  que  la  voix  des  mi- 
racles eft  la  VOIX  de  Dieu ,  &  qu''ainfi  toute  œuvre  autorifée  en  partie  par  de  vé- 
ritables miracles  mérite  certainement  grande  attention,  quelques  nuages  qu'il 
puiflc  y  avoir  d'un  autre  côté? 

Qu'il  eft  à  craindre  que  quelques-uns  de  ceux  quiréprou\"cnt  gcnénlemcrrt  l'œu- 
vre des  convuifions  avec  tant  de  mépris,  ik"  rejettent  pareillemcnr  le  Prophète! 
Mxvn.       Ct  enfin  ciuc  pourra-t-il  faire  dont  on  ne  trouve  quelque  exemple  chez  les  Con* 
t;»<)u-Eiitvulfionnairesr  Fcr.>-t-il  Us  difcours  les  plus  fublimcs?  Mais  on  en  a  entendu  de 
jXtfntilu'tcls  faits  par  des  cnfans  &  des  perfonncs  fans  intelligence,  ce  qui n'.i  pas  empêché 
iu  pi.  «  »,  Q.^ç  Ttcuvrc  des  convuifions  ne  tombât  dans  le  dernier  dccri. 
^  Peut- 


IDE'E  DE  rOEVVRE  DES   CONVULSIONS.        141 

Pénétrera-t-il  le  fond  des  cœurs  &  les  peniees  les  plus  fecretes  ?  Mais  plu lîeurs  qu'on  a  vu 
Ctmvulfionnaircs  ont  eu  ce  don  juiqu'à  certain  point.  d«*'«t"ïiu- 

P.irlent-t-il  toute  forte  de  langues  ?  Mais  on  voit  un  afîez  grand  nombre  de  Con-  iJons. 
vulflounaires  fiire  de  longs  difcours  en  langue  inconnue ,  8c  l'un  d'entre  eux  entendre 
en  françois  ce  qu'on  lui  dit  en  quelque  langue  que  ce  foit  &  y  répondre  très-jufte. 

Enfin  fera-t-il  de  très  grands  miracles  &  convertira-t-il  un  grand  nombre  d'in- 
crédules 6c  de  pécheurs?  Mais  Dieu  s'eft  fervi  du  miniilère  de  pluficui-s  Convul- 
fîonnaircs  pour  faire  des  guérifons  évidemment  miraculeules  :  8c  le  furnaturel  qui 
éclatte  de  la  manière  la  plus  frappante  8c  la  plus  fenfible  dans  les  convulilons  a  cer- 
tainement converti  plus  d'incrédules  8c  de  pécheurs  endurcis,  que  n'avoient  ja- 
mais fait  tous  les  Ecrits  des  Confultans. 

La  différence  cffentielle  qu'il  y  aura  entre  ce  que  fera  le  Propliéte  8c  ce  que  font 
les  Convulfionnaircs,  c'eft  que  le  Prophète  aura  les  plus  grands  dons  dans  un 
degré  très-éminent  :  au  lieu  que  les  Convulfionnaircs  n'en  ont  prefque  aucun  qiifc 
dans  un  ordre  fort  bas;  de  façon  qu'ils  paroifient  en  quelque  forte  n'avoir  reçu 
ces  dons  que  pour  les  faire  méprifer;  8cn\ivoir  mêmeété  lesinftrumcns  dont  Dieu 
s'eft  fervi  pour  faire  des  miracles,  que  pour  avihr  fes  miracles  mêmes  aux  yeuxdc 
la  plûpait  des  hommes,  qui  font  venus  au  point  de  regarder  ces  merveilles  divi- 
nes avec  une  infenfibilité  incompréhenfible?  Eft-ce  donc  parce  qu'elles  font  au*- 
iourd'hui  fi  communes,  qu'ils  s'imaginent  ne  devoir  plus  en  être  touchés? 

Queles  Conftitutionnaires  conduits  par  leurs  préjugés  àrejettertous  les  miracles 
qui  canonifent  l'Appel,  réprouvent  en  même-tems  ks  Convulfionnaircs  chargés 
par  état  d'annoncer  que  le  Prophète  fera  rentrer  leur  Bulle  dans  les  ténèbres  ;  ils 
agiflent  conféqucmment  aux  principes  qu'ils  fe  font  faits.  Que  les  Puiflances 
qui  protègent  cette  Bulle ,  pcrfécutent  les  Convulfionnaires  qui  ne  ceflent  de  la  dé- 
crier 8c  d'inftmire  les  fimples  par  des  difcours  dont  le  furnatureleft  évident,  de 
l'importance  des  grandes  vérités  que  cette  Bulle  condamne  j  ces  Puiflances  fui- 
vent  en  cela  les  engagemens  que  leur  politique  leura  fait  prendre.  Mais  que  des  Ap- 
pellansfe  joignent  aux  Conftitutionnaires  les  plus  outrés  pour  profcrire  avec  eux 
les  Convulfionnaircs  que  Dieu  a  attachés  à  l'Appel  d'une  manière  fi  vifiblement  fur- 
naturelle-:  qu'ils  frappent  d'un  coup  fi  cruel  grand  nombre  d'innocens ,  dont  ils  au- 
raient dû  prendre  la  défenfe:  que  par  cette  démarche  ils  autorifent  les  Puiflances  à 
ks  perfécutcr  :  enfin  qu'ils  fe  portent  jufqu'à  cet  excès  d'attribuer  au  Démon  les  mi- 
racles que  Dieu  faitparleminiftère  des  inftrumens  qu'il  lui  aplûdechoifir,  rien  ne 
découvre  plus  clairement  le  jugement  terrible  qu'il  eft  fur  le  point  de  rendre  con- 
tre prefque  toute  la  Gentilité  :  rien  ne  fait  mieux  voir  qu'elle  eft  toute  difpofée  ,  par 
l'efficace  de  la  même  erreur  qui  lui  fait  aujourd'hui  méprifer  les  miracles  8c  condam- 
ner les  œuvres  de  Dieu,  à  méconnoîtrc  8càrejetîerleProphèteEliejquoiqueJ.C~. 
nous  ait  prédit  lui-même,  qu'il  doit  venir  rétablir  toutes  chofes. 

5,  L'efprit  de  contradiétion ,  de  haine  8c  d'envie  (  dit  le  P;  Qucfnel)  peut-il ii»:Mi.ii. 
„  aller  plus  loin,  que  d'aimer  mieux  donner  au  Démon  qu'à  Dieu,  l'honucur" 
5,  d'une  ceuvre  qu'on  eft  forcé  de  reconnoître  pour  miraculeufe  !  „ 

Qîie  ceux  des  Appellans  qui  réprouvent  l'œuvre  entière  des  convulficns,  {ans 
vouloir  faire  aucun  difcernemcnt ,  me  permettent  de  leur  demander  quelle  preu- 
ve plus  grande,  plus  décifive  que  les  miracles,  ilsauroient  voulu  que  Dieu  leur 
donnât,  pour  leur  perfuader  qu'il  préfide  dans  cette  œuvre,  8c  que  par  rapport  à 
certains-  objets-les  convulfions  font  fon  ouvrage? 

A  en  juger  par  leurs  Ecrits  ils  répondront,  qu'ils  auroient  fouhaité  que  Dieu  n'eût 
pas  permis  qu'il  fe  mêlât  dans  cette  œuvre  une  infinité  de  chofes  indignes  de  lui. 

G'cft-donc  à  dire  qucfuivant  eux  Dieu  ne  peut  point  agir  dans  l'ordre  merveil- 

S  3  leuxi. 


141  IDE'K  DE   DOEUFRE  DES  CONFULSIONS. 

Icux,  à  moins  qu'il  n'écarte ,  ou  qu'il  ne  rectifie  toutes  les  imperfcârions  dcsfujetsfuf 
Icfqucls,  ou  parle  minillèredciquelsil  lui  plait  d'opérer  fcs  merveilles?  Mais  une 
telle  hipothéle  cit  démentie  par  une  multitude  de  fi\its  de  l'Ecr  turc  Sainte. 

Dieu  a  fait  faire,  comme  \c  l'ai  déjà  dit ,  de  très-grandes  Prophéties  par  des 

Î)crfonncs  très  criminelles,  entre  autres  par  Balaam  ,  qui  n'en  a  pas  moins  parlé  par 
a  motion  immédiate  de  l'Efprit  Saint,  puis  qu'il  parloit  forcément.  Dieu  peut 
autli  laiflcr  agir  les  fuggcftionsdu  Démon  fur  la  même  perfonnc  fur  laquelle  il  vient 
M«T.  \6\6  d'agir  furnaturcllemcnt  lui  même.  J.  C.  rcprochâC  à  S.  Pierre  qu'il  étoit  un  fatan 
Se  par  conléqucnt  qu'il  parloit  par  fon  inlligation,  prefque  dans  le  moment  où  il 
venoit  de  lui  déclarer,  que  la  conteffion  qu'il  venoit  de  faire  qu'il  étoit  le  Chrill 
lui  avoit  été  révélée  par  ion  Pcre.  Tout  le  mélange  qui  fc  trouve  dans  les  convul- 
. fions,  n'cil  qu'un  mélange  de  concomitance  qui  n'eft  nullement  incompatible  avec 
l'opération  divine.  Dieu  ne  refond  pas  toujours  l'ame  6c  le  cœur  de  ceux  fur  qui 
il  agit  d'une  manière  furnaturcUc,  &  dont  il  fc  fert  pour  fes  deflcins. 

Ainlî  quand  même  les  calomnies  qu'on  a  publiées  contre  les  Convulfionnaircs 
fcroient  vraies,  quand  toutes  les  fuppoHtions  par  Icfqucllcs  on  a  tâché  de  défigu- 
rer généralement  toute  cette  oeuvre ,  fcroient  aulTi  réelles  quelles  font  mal  imagi- 
nées, tout  cela  ne  fcroit  point  encore  un  motif  fuffifant  pour  la  rcjctter  entière- 
ment, lorfque  d'ailleurs  l'opération  de  Dieu  y  ell  conftatéc  par  des  miracles. 

Cependant  ces  miracles  n'ont  point  retenu  les  partilans  de  la  Confultation  :  plu- 
ficurs  d'entre  eux  les  ont  méprifés  avec  une  audace  qui  fait  trembler.  Y  a-t-il  lieu 
de  fe.flatter  que  Dieu  les  convertira  tous  à  la  vue  de  ceux  que  fera  le  Prophète? 
Nous  devons  le  fouhaitci-  avec  .ïrdeur,  &  l'en  prici'  avec  inllance  j  mais  nous  ne 
pouvons  nous  empêcher  de  craindre  que  quelques-uns  d'entre  eux  ne  difcnt,  en 
parlant  du  véritable  Elie  :  Tous  les  prodiges  que  fait  ce  nouveau  venu,  ne  font  dilî*é- 
rcns  que  du  plus  au  moins  de  ceux  qu'ont  déjà  fiitlcsConvullionnaires  >  ces  derniers 
prodiges  font  la  fuite  des  autres,  &  il  eil  manifefte  qu'ils  ont  tous  le  mcmc  agent. 
Or  cet  agent  cllfort  dijiingué  de  Dtcu.  D'ailleurs  cet  inconnu  devient  rcfponf  ible  de 
toutes  les  erreurs ,  de  tous  les  crimes ,  de  toutes  les  opérations  diaboliques  qui  fe  font 
trouvées  dans  quelques  Convulûonnaries  que  ce  foit,puifqu'ils  s'unit  à  l'ceuvre,  & 
qu'en  général  ùs  conviil/îons  foym^fii  un  tout  ^  dont  les  dtffcrcntes  parties  fe  réunijferft 
comme  celles  d' un  anneau  ^àxx.  la  Confultation,  dont  cet  étrange  paradoxe  ell  la  baie 
•ôc  le  grand  motif  de  décifion.  Ce  prétendu  Prophète,  conclurront-ils  rcut-ètrc, 
mérite  donc  tout  l'opprobre  dont  les  homiètes  gens  Se  les  pcrfonncs  fcnfèes  jugent 
■que  les  convullîons  font  couvertes. 

Pu- qui  l'envoie  de  Dieu  fera-t-il  donc  reconnu?  Par  un  petit  nombre  d'Ap- 
pell.ins  attachés  à  toutes  les  auvrcs  divines  m.nlgrè  tout  intérêt  humiiin  ;  par  une 
foule  de  fimples  &  de  petits,  que  le  Pcrc  des  miléricordes  éclairera  par  la  lumière 
éclatante  des  miracles  que  fera  le  Prophète,  ou  pour  mieu.x  dire,  par  tous  ceux  à 
qui  Dieu  en  fera  la  grâce  par  une  miféricorde  toute  gratuite. 
Lxxvni.     J'ajouterai  ici  qu'une  infinité  de  circonflances  faifmt  Bianifeftcmcnt  connoîtrc 
,i',oJ,c,'j°n'qu  une  partie  des  vues  de  Dieu  dans  l'œuvre  des  convulfrons  a  été  qu'elle  fcrvit  à 
itt  que  1(1  fiiirc  méprifcr  les  prodiges  &  les  miracles,  &  à  faire  rejettcr  cnfuite  le  Prophète 
jmfni'cnt  "  P'^r  prcfquc  toute  la  Gentilité,  il  y  a  tout  lieu  de  prcfumcr  que  les  voiles  s'èp;ufli- 
«Kcr*.       ront  toujours  de  plus  en  plus  jui'qu'au  moment  que  le  Prophète  paroîtra:  que 
Dieu  irrité  contre  ccu.x  qui  refufcnt  do  le  reconnoître  à  fes  miracles,  leur  en  four- 
nira des  prétextes  toujours  plus  plaufibks,  &  (]u'il  ne  leur  épargnera  pas  les  té- 
nèbres qu'ils  ont  eux-mêmes  recherchées  avec  tant  d'avidité. 

Comme  je  ne  fuis  plus  à  portée  depuis  ma  captivité  de  favoir  ce  qui  fc  parte 
dans  l'oeuvre,  peut- être  dans  le  tems  que  j'ccris  ce  que  j'ai  vu  ,  les  nu.agc3  font-ils 
déjà  bien  plus  épais  qu'ils  n'ètoient  d'abord.  Je 


IBEE  DE  VOEU  F  RE   DES   CONFULSTONS.         14-} 

Je  prévois  par  exemple  que  l'étvit  d'enfance,  avec  ks  petiteflcs  Se  puérilités  ap- 
parentes dont  il  cil  accompagné,  deviendra  furnaturcUement  le  caraélère  com- 
mun de  la  plupart  des  ConvuHîonnaires  de  tout  âge,  même  des  plus  férieux ,  &z 
de  ceux  qui  ont  une  plus  grande  piété  :  préciiement  parce  que  toutes  ces  préten- 
dues balTefles  choquent  étrangement  les  beaux  efprits,  5c  qu'il  ell  vilîble  qu'il  en- 
tre dans  le  plan  des  confcils  éternels  que  l'œuvre  tombe  dans  un  abandon  prefque 
général,  6c  qu'elle  devienne  IVoiet  du  plus  fouvcrain  mépris  de  tous  ceux  qui, 
dans  ce  tems  où  la  vérité  doit  être  humiliée,  confervcront  un  efprit  fuperbe. 

Je  crains  auffi  que  les  faufies  prédirions  6c  beaucoup  d'autres  qtii  paioîtront 
telles ,  ne  fe  multiplient  Gins  mefure  :  que  Dieu  en  augmentant  prodit^ieufement  le 
nombre  des  Convulfionnaires,  n'en  foflc  entrer  dans  cette  œuvre  plùficurs  qui  la 
deshonorent  :  qu'il  n'y  en  ait  qui  ioicnt  très-fâchés  de  leur  état ,  &:  à  qui  les  con-- 
vulfions  deviennent  une  pieiTC  deicandale  &  de  chute:  que  d'autres  au  contraire 
ne  s'autorifent  des  dons  qu'ils  recevront  pour  s'enfler  d'orgueil,  6c  pour  vouloir 
fous  ce  prétexte  fe  conduire  eux-mêmes,  vivre  dans  l'indépendance  6c  fims  fou- 
miflîon  pour  les  guides  qui  doivent  les  conduire:  qu'uTi  grand  nombre  ne  prenne" 
occafion  des  prodiges  que  Dieu  fera  fur  eux  pour  mener  une  vie  diflîpée,  une  vie  ' 
prefque  fans  prière,  fuis  humilité,  fans  recueillement  :  que  d'autre  part  plufieurs 
ne  fe  dégoûtent  des  humiliations  attachées  à  leur  état ,  ou  qu'ils  n'aient  pas  le  cou- 
rage de  foutenir  les  perfécutions  qu'ils  auront  à  fouftVir. 

Enfin  je  tremble  qu'en  punition  de  toutes  ces  fautes,  6c  de  quantité  d'autres- 
qu'ils  pourront  commettre  ,  Dieu  ne  lâche  la  bride  à  fàtan  pour  obféder  de  toutes 
façons  le  plus  grand  nombre  des  Convulfionnaires.  Peut-être  même  lui  permettra- 
t-il  de  tourmenter  leurs  corps  ,  &z  de  leur  faire  différentes  imprefîlons ,  comme  il  lui 
a  autrefois  permis  de  frapper  celui  de  Job  ,  d'agir  fur  ceux  de  plufieurs  Anachorètes 
6c  autres  Saints,  8c  notamment  fur  nombre  de  Myftiques. 

Tout  cela  peut  cadrer  à  l'arrangement  des  defleins  de  celui  dont  la  juftice  6c  la 
miféncorde font  également  impénétrables,  fans  que  l'œuvre  des  convulfions  celfe 
d'être  la  fienne,  6c  fans  qu'il  difcontinue  de  protéger  un  grand  nombre  de  Con- 
vulfionnaires, à  qui  toutes  ces  fàchcufes  humiliations  peuvent  être  une  occafion  de 
mériter  en  faifant  pénétrer  jufqu'au  fond  de  leurs  cœurs  l'abbaiirement  d'une  hu- 
milité profonde  qui  manquoit  à  la  plupart. 

Cependant  fi  toutcela  arrive ,  combien  ceux  qui  ont  pris  cette  œuvre  en  averfion  , 
ne  trouveront- ils  pas  de  moiens  très-frappans  de  ladécrier  de  plus  en  plus .''  Com- 
bien même  de  perfonnes  qui  d'abord  y  étoient  attachées ,  ne  s'en  dégoûteront-elles  • 
pas?  Lxxfx, 

Mais  il  faut  que  ccu:;  qui  ne  voudront  pas  abandonner  la  lumière  que  Dieu  leur  a^jifi'fjl,'^*^ 
d'abord  montrée,  ne  perdent  jamais  de  vue,  qu'il  a  paru  dans  cette  œuvre  par  des^V"'^  ?"" 
traits  qui  ont  manifellé  fa  préfence  6c  fon  opération  d'une  manière  inconteftable.     po!nt»ïCB- 

II  faut  qu'ils  fe  rappellent  fans  cefle  qac  cette  œuvre  eft  née  dans  le  fein  des  mira- so- 
cles, furun  tombeau  dontDicuavoit  fait  un  fim£tuaire  de  bénédiétion  :  que  les  pre- 
mières convulfions  n'ont  d'abord  été  que  des  mouvemens  furnarjrels,  parlefquels 
Dieu  opéroit  vifiblement  des  guérifons  miraculeufes,  6c  par  conféqucnt  que  ces 
mouvemens  faifoicnt  partie  de  ces  miracles  dont  ils  étoient  le  moien  phifique  :  que 
il  CCS  mouvemens  ont  bien-tôt  cefie  d'être  emploies  à  cet  effet ,  6c  fi  Dieu  y  a  joint  : 
à  la  place  quantité  d'admirables  prodiges,  6c  entre  autres  celui  de  rendre  le  corps 
de  plufieurs  Convulfionnaires  en  certains  momens  d'une  force  infiniment  au  deflus 
de  celles  de  la  nature,  6c  incapable  d'être  bleflé  par  les  coups  les  plus  violens ,  c'a  été    m.  d». 
pour  nous  inftruire  que  les  convulfions ,  ainfi  que  Icdéclare  l'Illuftre  Evêque  à  qui  Mon.p.iii  ». 
le  Très-haut  avcit  donné  tant  de  Uunicrcs ,  c'a  e:c ,  dis-jc ,  pour  nous  apprendre  çue  AÙi/ïr*,*'. 

leî 


,44        T3E'E  DE  VOEUFRE  DES    CONFULSK^NS. 

les  convulfions  a'.'cient  dans  ledcj/l'inde  Dieu  une  dejîinatiùnplus  étendue  i^ plusintêref' 
faute  que  la  Jimple  giiérifon  des  malades. 

.11  faut  qu'ils  tlinent  attention  que  ces  delTeins  du  Très-haut  fc  lontmanifeftés 
par  une  grande  quantité  de  difcours  d'une  admirable  beauté ,  qu'il  a  mis  tout  à  coup 
a  labouche  d'une  multitude  d'cnfans  Se  dcpetitcs  filles ,  fuivant  la  prophétie  de  Joël. 
Jb<1i.  ï8-  Dans  les  derniers  te?»s,  dit  le  Seigneur ,  fos  fils^  'vos  filhs  propbéti  feront. 

Il  faut  quils  fc  remettent  devant  les  yeux  que  par  ces  difcours  Dieu  a  fait«»«£)»- 
Ma;.  ix-.  5-cer  V Evangile  aux  pairjres:  qu'il  leur  a  découvert  l'état  del'Eî^life,  &:  l'impor- 
tance des  vérités  condamnées  par  laBulle,  qu'il  afait  publier  julques  fur  les  toits 
qu'il  altoit  envoler  le  Prophète  Elie  qui  rétablira  toutes  chofes  ;  mais  qu'auparavant 
ce  Prophète  feroit  méprifé  Se  rejette  aulTi-bien  que  l'œuvre  delHnée  a  l'annoncer, 
5c  qu'il  falloit  fe  préparer  à  ccgrand  événement  par  la  pénitence ,  pour  obtenir  de  fa 
miféricordc  d'être  du  nombre  de  ces  relies  précieux  qu'il  devoit  unir  à  fon  Prophète. 
Il  fiiut  qu'ils  n'oublient  pas  qu'en  raéme-tems  Dieus'ell  fcrvi  du  miniftèrcdes 
mêmes  Convullîonnaires  pour  faire  des  miracles ,  afin  qu'il  fut  évident  que  les  Coni- 
vuHlonnaires  agîflbient  quelquefois  par  fon  mouvement,  &  qu'ils  étoient  des  in- 
flrumens  qu'il  cmploioitpour  fes  oeuvres  les  plus  merveilleufes  :  6c  qu'afin  que  fon 
opération  fût  marquée  à  plus  de  traits,  ila  répandu  fur  plufieurs  de  ces  Convulfion- 
naires  difïcrens  dons  qui  ne  pouvoicnt  venir  qucde  lui ,  tels  que  celui  de  pénétrer  le 
fccret  des  cœurs,  &  de  faire  plufieurs  prcdiétions.  d'évcnemcns  qui  étoient  contre 
toute  apparence,  &;  qui  font  néanmoins  arrivés  avec  toutes  les  circonflanccs  prédites. 
■Qiiefi  Dieu  a  permis  au  Démon  d'agir  de  fon  côté  dans  cette.œuvrc  ;  s'il  a  per- 
mis qu'ils'y  mêlât  beaucoupde  choies  qui  fervent  à  la  déshonorer;  s'il  a  permis 
que  MM.  les  Confultans  la  condaninaFcnt  fans  diftinclion  ,  c'eil  qu'en  cette  œu- 
vre fa  juftice  marche  à  côté  de  fii  miféricordc. 
Cette  œuvre  ell  fcmblablc  à  cctte.nuée  my  fi.érieufe,qui  d'un  côté  éclairoit  les  Ifraë- 
lites ,  6c  de  l'autre  répandoit  les  plus  profondes  ténèbres  fur  les  fuperbes  Egyptiens. 
.'Hà!  Plaçons-nous  du  côté  delà  lumière  ,  Scnefuivons  pas  ccux.qui..ne  cher- 
chent 6c  qui  ne  voient  que  les  ténèbres. 

"Si  d'une  part  les  nuages  font  très  épais,  de  l'autre  la  lumière  eft  trcs-brillantc  : 
mais  malhcureufcment aujourd'hui  le  furnaturel ,  les  prodiges,  les  miracles  mê- 
mes ne  touchent  prefque  plus.  C'efl;  ce  qui  devroit  nous  glacer  d'effroi! 
--p  Quttn  5^  Rien(ditlecèlèbrc  Auteur  que  je  cite  fi  fouvent  :)  rien  ne  découvre  davantage 
jjq.  j.  lo.  jj  la  corruption  du  fiècle,  6c  ne  doit  plus  faire  craindre  la  colère  de  Dieu  que  d'y 
5,  voir  croître  l'oppofition  à  la  lumière  à  mefure  que  Dieu  la  répand  avec  plus 
„  d'abondance.  Malheureux  ceux  qui  l'obfcurciflent  par  les  .taièbrcs  de  l'er- 
„  rcur  ou  de  la  calomnie  !  ,, 

Quoi  ?  Des  Chrétiens  qui  font  pcrfuadcs  qu'après  cette  vie,  ou  nous  jouirons  à  ja- 
mais du  bonheur  de  Dieu  même,  ou  nous  fouffrirons  des  tournicns  aflrrcux6c  éter- 
nels: dcsChrétiens  ofcnt  rejctter  avec.dcdain  des  prodiges  qui  rendent  fenfible  la  prc- 
fenccde  ladivinité  !  Ofent  mépriferfavoixqui  fc  ftit  entendre  par  des  miracles  ! 

Une  difpofitiori  fi  étonnante  6c  fi  peu  naturelle  n'a  pu  fe  former  que  par  le  concours 
d'une  infinité  dccirconfianccs ,  que  Dieu  n'a  pas  permis  pour  rien.  Cetcndurcifie- 
ment,  cette  infenfibilitè  léthargique  font  eux  mêmes  les  preuves  frappantes,  que  la 
venue  du  Prophète  n'cft  pas  éloignée,  puifquc  la  plupart  des  efprits  font  aujourd'hui 

f «revenus  au  pointqu'il  n'y  aura  plus  lieu  d'être  furpris  lorfqu'ils  le  mcprifcront,qu'ils 
e pcrfècuteront 6c  le  feront  mourir,  quelques  preuves  qu'il  donne  de  fa  million. 
Tout  cftdifpofé  :  tout  efi:  prêt  pour  exécuter  l'étonnante  Piophétie  que  J.  C. 
notis  a  faite,  6c  par  conféqucnt  il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  le  tcms  tic  fon  ac- 
.  compliflcmcnt  cil  proche. 

PIECES 


€&€&«&€fS®€& 


PIECES  JUSTIFICATIVES 

DU  MIRACLE  OPE'RE'  SUR  CATHERINE  BIGOT. 

I. 

'Déclaration pajfée  devant  Notaires  le  i\.  Septemlre  1731,  parle  S.  Hogu  Concierge  des  prifont 
de  Versailles  ■,  oncle  de  lafourde  &  muette. 


UjouRD'HUi  eft  comparu  devant  les  Confeil- 
Urs  Notaires  du  Roiau  ChâteletdeParisfoul^ 
lignes  en  l'Etude  de  Scilicr  l'un  d'eux,  Sieur 
!  Joftph  Hogu  Concierge  desprifonsde  Verfail- 
les  y  demeurant  étant  ce  jour  à  Paris,-  lequel 
a  requis  les  dits  Notaires  de  recevoir  là  décla- 
ration fuivante ,  qu'il  leur  a  diâée.  C'eft  à  favoir  ;  que  de- 
puis le  decés  de  Denis  Bigot  laboureur  en  la  paroiQe  de  Cou. 
ture  Diocefe  du  Mans,  mari  de  Marie  Hogu  foeur  du  com- 
parant: le  dit  décès  arrivé  il  y  a  9.  à  10.  ans,  lui  compa- 
rant qui  n'avoit  aucun  enfant,  a  fuccefTivement  pris  chez  lui 
4^.  des  8.  enfans  que  le  dit  Bigot  avoit  laide  lors  de  fondé- 
ces  :  &  ce  pour  foulager  fa  fœur  veuve  &  hors  d'état  de  nour- 
rit commodément  fa  femille  :  &  entt'autres  qu'il  piit  il  y  a  4. 
ans  Catherine  Bigot  l'une  des  dits  enfans  lors  âgée  dezi.à 
21.  ans ,  qu'il  favoit  parfaitement  être  lourde  &  muette  de 
naillànce  l'ayant  vue,  plufieurs  fois  chez  fa  Ibeur  qu'il alloit 
voit  de  tems  en  tems. 

Que  depuis  le  dit  tems,  il  a  gardé  la  dite  Catherine  Bi- 
got toujours  fourde  &  muette ,  n'entendant  point  quand  on 
l'appelloit  fi  haut  que  l'on  parlât,  8c  ne  pouvant  lui  tien  fai- 
re entendre  que  par  lignes:  qu'il  ne  lui  a  jamais  entendu 
proférer  aucune  parole  :  que  tous  les  habitans  de  VerlàillesSc 
autres  perfonnes  qui  la  connoillbient  ne  lui  patloient  jamais 
que  par  lignes,  &  qu'elle  ne  leur  repondoit  que  par  lignes; 
ce  dont  les  Officiers  auquels  leurs  charges  donnent  accès  dans 
les  dites  prifons  de  VcrlaïUes,  peuvent  rendre  témoignage. 

Que  le  S.  Chevalier  fon  ami'.ci-devant  Concierge  du  fort 
l'Eveque  à  Paris  demeurant  rue  de  Grenelle  paroilfe  S.  Eu- 
ftache,  étant  venu  le  voir  à  Verfailles  à  la  fête  de  S.  Louis 
dernière;  lui  comparanr  &  fa  femme  déclarèrent  au  dit  Che- 
valier qu'ils  avoientdefieindemenercettefi  leàParis&dela 
faire  conduire  au  tombeau  de  M.  dePàrisaS.  Medard  ,&d'y 
faire  une  neuvaine  pour  obtenir  de  Dieu  fa  guerifon.  Que 
le  dit  Sieiu-  Chevalier  lui  ayant  déclare  que  lui  &  fa  femme 
s'en  chargeroient  volontiers ,  le  Dmianche  26.  Août  dernier, 
la  femme  du  dit  S.  comparant  avecuneautrefemmedeVer- 
lailles  nommée  Catherine  le  Merle,  femme  de  Bc.iufilspo- 
ftillon  chez  le  Roi  &  le  S.  Chevalier  amenèrent  la  dite  Ca- 
therine Bigot,  chez  le  dit  S.  Chevalier,  ou  elie  eft  encore 
aûuellement:  que  le  Sieur  comparant  a  oui  dire  à  fa  fem- 
me, à  celle  du  S.  Chevalier  &  à  celle  du  S.  Beaufils,  que 
dès  le  lendemain  ri.  Août,  elles  conduifirent  la  dite  Bigot 
à  _ pied  à  l'Eglife  de  S.  Médard,  &  au  tombeau  de  M.  de 
Pâtis:  qu'auQi-tôt  que  cette  fille  fût  fiu  le  tombeau,  elle 
tomba  dans  des  convulfions  effroyables  accompagnées  d'une 
grande  fueur ,  témoignant  par  fes  geftes  qu'elle  fouffroit  prin- 
cipalement dans  la  tête,  dans  les  oreilles,  ii  dans  la  gorge: 
qu'après  fes  convullions,  elle  demeura  comme  motte;  de 
façon  que  l'on  fût  obligé  de  l'ôtet  de  defliis  le  tombeau  & 
de  la  traniporter  dans  le  grand  cimetière  ;  qu'ayant  mi  peu 
repris  fes  lens ,  elle  donna  à  connoîrre  par  des  lignes  qu'elle 
fit,  qu'elle  fouhaitoit  qu'on  la  remît  fur  le  tombeau,  ce  qu'on 
exécuta:  qu'aulTi-tôt  lés  convullions  la  reprirent  avec  plus  de 
violence  qu'auparavant:  qu'on  l'en  ôta  une  féconde  fois  pour 
ia  laiflet  lefpirér  fous  les  charniers ,  d'où  on  laconduifitpour 
la  troiliéme  fois  fur  le  tombeau  pour  latisfaiie  à  l'emprelTe- 
ment  qu'elle  témoignoit  d'y  retourner.  Que  fes  convulfions 
lui  ayant  encore  repris ,  on  fut  obligé  d'envoyer  quérir  un 
carroffe  pour  la  remener  en  la  maifon  du  S.  Chevalier  où  lés 
convulfions  lui  durèrent  jufqu'a  9.  heures  du  foir:que  néan- 
moins le  lendemain  28.  Août,  les  mêmes  perfonnes  la  firent 
tranfporter  dans  une  roulette  à  S.  Mèdard,&  la  remirent  fur 
le  tombeau  oii  elle  fe  laiflà  mettre  volontaitement,&  com- 
me paroiflant  le  fouhaitcr  :  qu'elle  y  elTuya  les  mêmes  con- 

Obfervat,  1.  Part, 


vulfions  que  le  jour  précédent ,  &  que  de  retour  chez  le  S. 
Chevalier ,  elles  lui  durèrent  jufqu'à  la  même  heure  du  loir  : 
que  le  lendemain  19.  fes  convulfions  fiirent  bien  moins  for- 
tes: que  la  femme  du  S.  Beaufils  Se  celle  dudit  S.  compa- 
rant retournèrent  à  Verfailles,  &  laiflérent  la  dite  Bigot  en- 
tre les  mains  de  la  Dame  Chevalier  qui  lui  a  dit,  qu'elle 
avoit  continué  de  la  menet  fur  le  tombeau:  que  le  30.  8c  51. 
elle  fût  fort  tranquille,  8c  que  dès  le  dit  jour  31.  qui  étoit 
le  5.  de  fa  neuvaine, la  dite  Dame  Chevalier  voulant  s'en  re- 
tournet  8c  lui  ayant  dit  fans  réflexion:  allons,  allons:  elle 
fût  fort  furprife  que  la  dite  Bigot  lui  répéta  le  même  mot: 
allons.  Et  l'ayant  préléntée  à  M.  le  Vicaire  de  S.  Médard , 
il  lui  fit  repeter  ces  deux  mots:  mon  Dieu;  déclare  en  ou- 
tre que  jamais  il  n'a  pris  aucune  convulûon  à  cette  fille  pen- 
dant les  4.  ans  qu'elle  a  été  chez  lui:  qu'il  n'a  point  oui 
dite  qu'il  lui  en  eiît  jamais  pris  auparavant,  &c  qu'il  nes'é« 
toit  point  apperçu  que  fes  deux  infirmités  lui  caulàflent  au- 
cune douleur:  qu'il  l'a  toujours  vue  d'une  très-bonne  8c  par- 
faite faute  à  l'exception  d'une  fièvre  très-confidéiable  dans  la- 
quelle elle  fût  adminiftreeduSacremenr  derextfême-onftion 
feulement:  patceque  les  Prêtres  jugèrent  qu'étant  fourde  8c 
muette,  elle  n'avoit  pas  allez  de  dilcernement  pour  recevoir 
le  S.  Viatique  ainfi  qu'ils  le  déclarèrent  au  dit  Sieur  compa- 
rant 8c  à  la  femme;  laquelle  maladie  lui  arriva  il  y  a  5.  ans, 
?<.  dura  environ  3.  femaines.  Déclare  en  outre  qu'étant  venu 
chez  le  dit  Sieur  Chevalier  le  8.  du  prclént  mois  pour  voir 
la  di:e  Bigot,  il  la  trouva  entendant  parfaitement,  8c  repé- 
rant les  fyllabes  ii  quelques  uns  des  mots  qu'on  lui  diloit  : 
de  laquelle  déclaration  dictée  par  le  dit  Sieur  Hogu  com- 
parant ,  aux  Notaires  foufiignés ,  8c  qu'il  a  certifiée  contenir 
vérité  8c  affirmé  en  fon  ame  Se  conicience,  il  a  requis  afte 
aux  Noraires  fouffignès,  8c  qu'il  en  loir  délivre  expédi- 
tion  à  qui  le  requerera  :  ce  qui  lui  a  ete  accorde.  A  Paris 
en  l'Etude  du  dit  Me.  Sellier  Notaire  l'an  1751.1e  21  Sep- 
tembre après  midi  8c  a  figné  la  minute  des  prcfentes  demeu- 
rée au  dit  Me.  Sellier  l'un  des  Notaires  foiuTignés. 

II. 

Déclaration  pajfée  devant  Notaires  par  le  Sieur  CIh- 
valier  Bourgeois  de  Paris ,  chez  qui  on  mena  la 
fourde  Qp  muette  pour  la  faire  conduire  fur  le  tom- 
beau du  B.  M.  de  Paris. 

ET  le  7.  Février  i-;i.  après  midi,  eft  compam  devant 
les  Notaires  à  Paris  fouffignès,  en  l'Etude  du  dit  Sel- 
lier  l'un  d'eux.  Sieur  Antoine  Chevalier  Bourgeois  de 
Paris  y  demeurant  me  des  Auguftins  paioillé  S.  André  des 
arts;  lequel  a  requis  les  dits  Notaires  de  recevoir  fa  decla. 
ration  (tiivante  qu'il  leur  a  didée.  C'eft  à  lavoir:  que  dc« 
puis  4.  ans  ou  environ  il  connoit  Catherine  Bigot  ptéfente- 
ment  âgée  de  27.  ans  ou  environ,  nièce  du  S.  Joléph  Ho- 
gu Concierge  des  oiifons  de  Verfailles ,  pour  l'avoir  vue  plu- 
fieurs fois  chez  le  dit  Sieur  Hogu  chez  qui  ellelogeoit:  quil 
favoit  que  cette  fille  etoit  lourde  8c  muette  de  nailVance , 
l'ayant  oui  dire  au  dit  Sieur  Hogu  8c  à  tous  ceux  qui  la  con- 
iioiftoient  comme  une  chofe  noroire;  Se  que  quand  il  la 
voyoii  chez  le  dit  Sieur  Hogu ,  il  ne  lui  parloir  que  par  li- 
gnes, 8c  qu'il  étoit  évident  qu'elle  n'entendoit  que  pat  lignes 
ce  qu'on  lui  vouloir  faite  entendre  ,  qu'elle  ne  le  faifoit  non- 
plus  entendre  que  par  fignes,  8c  qu'il  a  oui  dire  à  ceux  qui 
la  connoiflbient  qu'on  ne  lui  avoit  jamais  entendu  pronon- 
cer aucune  parole,  ayant  outre  fafurdite,  quelque  empê- 
chement dans  la  langue  qui  faifoit  qu'elle  ne  pouvoir  atti- 
culet  aucune  fyllabe. 

A  Qu'afam 


_  •  Pièces  jujiificattves  du  miracle 

Qu'avait  été  voir  le  dit  S.  Hogu  i  Verfaillcs  à  la  fetc  de 
S  Louis  dcinicre,  Pemoilclle  Angélique  Chauvcau femme 
dudit  Situi  Hogu  lui  témoigna  qu'elle  avou  envie  d'envoyer 
fa  nicce  a  Paris ,  afin  de  la  faire  même  fur  le  tombeau  de 
M.  de  Pâtis,  &  de  faire  faire  une  neuvaine  pour  elle  à  S. 
Médard  pour  obtenir  de  Dieu  la  guerilon  d'une  infirmité 
aulTi  ftcheufeiquc  ledit  Sicurcomparant  la  confirma  fort  dans 
ce  (leflein  ,  &  lui  offrit  de  recevoir  cetrc  fille  chez  lui ,  &  de 
la  faite  conduire  par  fa  femme  tous  les  maiias  fur  le  tom- 
beau de  M.  de  Paris. 

Que  des  le  lendemain  16.  Aoiit,  il  mena  cette  fille  chez 
luiî  Paris  avec  la  femme  du  dit  Sieur  Hogu  &  celle  du 
nomme  Bcaufils  poftillon  du  Roi:  que  le  lendemain  17.  ces 
deux  femmes  avec  celle  du  dit  comparant ,  menèrent  cette 
fille  à  S.  Medard  :  &  après  avoii  entendu  la  mcflc  en  cette 
'  Eglife,  elles  la  firenr  metne  fur  le  tombeau  de  M.  de  Paris 
Qu'elles  lui  ont  toutes  trois  rapporté  qu'aufli-tot  que  cette  fil- 
le fut  fur  le  rombeau ,  il  lui  ptit  des  convullions  fi  violen- 
tes, que  ceux  qui  la  voyoient  la  croyoicnt  pofledee:  qu'on 
l'ota  trois  fois  de  deflus  le  tombeau,  ces  femmes  ayant  peur 
que  ces  convulfions  ne  la  fiflént  expirer.  Qu'enfin  elles  fir- 
renr  obligées  d'envoyer  quérir  un  carrofTc  pour  la  ramener 
chc7.  lui:  qu'il  fi'it  fon  furpiis  loirqu'ellesarrivcrent  chez  lui , 
de  voir  que  plufieurs  pcrlonnes  portoiem  cette  fille  qui  etoit 
fans  connoiflance  dans  des  agitations  épouvantables  :  que  quoi- 
qu'elle n'eût  rien  pris  du  jour ,  il  ne  fur  pas  poOible  de  lui 
lien  faire  prendre  jufqu'a  9.  heures  du  loir  que  les  convul- 
lions  la  quittèrent  :  que  le  dit  compaiam  fût  d'autant  pliislui- 
pris  de  ces  convulfions,  qu'il  lavoit  que  cette  fille  etoit d'u- 
ne forr  bonne  fante ,  &  qu'elle  fe  portoit  parfaitement  bien 
le  matin  lorfqu'clle  partit  pour  aller  prier  a  S.  Médard ,  que 
craignanr  que  cette  fiile  ne  mourût  il  fût  chercher  le  Sieur 
Tripier  Cliimrgicn  du  fort  l'Evêque  qui  la  vint  voir  fur  les 
fcpt  heures  du  foir  ;  que  ce  Chirurgien  la  trouva  fans  con- 
noiflance ,  mais  lans  hevre  &  avec  un  pouls  exctflivcraent 
convulfif ,  &  qu'ayant  obfctve  qu'elle  n'avo'-  aucu-c  autre 
maladie  que  fes  convulfions ,  il  dit  au  dit  comparant  qu'il  n'y 
avoit  rien  a  y  faire  ,  &  fe  retira 

Que  depuis  neuf  heures  du  loir  jufqu'au  lendemain  matin 
28.  cette  fille  ayant  paflè  la  nuit  allez  tianquillement  ,1a  fem- 
me dudit  comparant,  celle  dudit  S.  Hogu  Sx.  celle  du  dit 
Beaufils,la  remenerent  à  S.  Medard  dans  une  brouette: que 
ces  trois  femmes  lui  ont  rapporte  qu'ayant  d'abord  ete  en- 
tendre la  méfie  dans  l'Eglil'e  de  S.  Medard ,  les  convulfions 
avoienr  commence  à  reprendre  à  cette  fille  avec  la  dernière 
violence,  dans  ladite  EgUl'e  au  milieu  de  la  mefle,aprcs la- 
quelle elles  l'avoienr  fait  meure  fur  la  tombe ,  ou  (es  con- 
vulfions avoicnt  encore  augmente ,  &  qu'elles  eurent  toutes 
les  peines  du  monde  a  la  fjire  revenir  chez  lui  dansia  brouet- 
te ,  oii  il  avoit  fallu  avoir  toujours  une  pcrlonne  pour  la  te- 
nir: qu'on  la  porta  dans  fa  chambte  au  même  ctatouonl'a- 
voit  apportée  la  veille,  &  que  ces  convulfions  lui  dutetent 
pareillement  ce  jour-la  juCqu'a  neuf  heures  du  foir ,  Uns  qu'on 
pût  lui  rien  faite  prendre  jufqu'a  cette  heute  Ik. 

Que  le  Mecrcdi  29.  clic  fut  encore  à  S.  Medard  avec  les 
trois  mêmes  perfonnes  qui  lui  rapportèrent  que  les  convulfions 
lui  avoicnt  pris  à  la  meflc  comme  le  jour  prcccdcnr,  8c  a- 
voiem  ete  extrêmement  violentes  lar  la  tombe  ,  mais  qu'el- 
les avoicnt  cède  aulTi-tot  qu'elle  avoit  ete  hors  de  deflus  la 


ce,  encrent  miracle,  St  la  eonduifitent  à  U  facriftie  où  le 
Vicaire  de  S.  Medard  lui  fir  repeter  les  mots:  Mon  Dieu, 
&  mon  Pcrc.  Que  la  femme  du  dir  comparant  lui  ayant  ra- 
conté cela  toute  rranfporree  dans  le  moment  qu'elle  fut  de  re- 
tour chez  lui  avec  cette  fille,  il  dit  quelques  mots  a  cette 
fille  aflez  haut.  Se  qu'il  fût  aulTi  fiape  d'admirarion  que  fa 
femme,  quand  il  enrcndit,  que  cette  fille  lui  répéta  les  mê- 
mes mots  du  même  ton,  qu'il  lui  en  dit  encore  d'autres al^ 
fez  bas  qu'elle  repéra  de  même:  qu'à  la  vérité  il  y  avoit  plu- 
fieurs mots  qu'elle  prononçoit  aflez  mal ,  lui  étant  relie  une 
grande  épailTeur  Se  di-licultc  dans  la  langue  ;  mais  qu'elle 
tepetoit  aflez  bien  les  fyllabes,  au  moins  b  plupart,  quoi- 
qu'on lui  en  dit  aflez  bas,  ce  qui  etoit  une  preuve  inconre- 
Itable  qu'elle  avoit  entiêtement  recouvert  dès  ce  jour-là  l'u- 
iàge  de  l'ouie  qu'elle  n'avoit  jamais  eu  auparavant. 

Que  le  bruit  de  ce  miracle  s'ctant  répandu,  quantité  de 
perfonnes  de  toutes  conditions  l'etoient  venu  voit  dès  ce  jour- 
là  S:  les  jouis  faivans,Sc  qu'elle  repetoit  prefquetoutccque 
chacun  lui  difoit;  mais  impaifaitcment,  à  l'exception  des 
fyllabes  qu'elle  prononçoit  beaucoup  mieux  que  les  mots: 
que  dans  les  premiers  jours  le  plailir  qu'elle  avoir  d'enteiir 
dre  &  de  repeter  ce  qu'on  lui  difoit,  failoit  qu'elle  ne  le 
laflbit  point ,  &  ètoit  toujours  prête  à  repeter  tout  ce  que 
chacun  difoit  depuis  fon  retour  cfe  S.  Medard  jufqu'_au  foir. 

Qu'au  liirplus  la  femme  du  dit  compatant  ayant  continué 
de  la  mener  tous  les  matins  à  S.  Medard ,  afin  qu'il  plût  à 
Dieu  aptes  lui  avoir  donne  l'ouie,  de  lui  augmenter  la  li- 
berté de   la   langue  &  la  facilite    de    la  prononciation,  elle 


tombe,*:  qu'on  la  ramena  ce  jout-la  chez  lui  fort  tranquil- 
le- ce  qui  cngaeca  la  femme  dudit  S.  Hogu  S:  celle  dudit 
5.  Bcaufils ,  de  ?etourrer  a  Verfailles  dès  le  lendemain  ma- 
tin 30  Aoûr,  &  de  laiflèr  cette  fiUe  aux  foins  du  dit  com- 
parant &  de  fa  femme. 

Qiie  le  Jeudi  30.  la  femme  du  dit  compatant,  mena  cet- 
te fille  à  S.  Médard  &  la  fit  mcttie  (ur  la  tombe  ,  & 
qu'elle  lui  a  rapporte  à  fon  retour,  Que  cette  fille  avoit  eu 
encore  quelques  convulfions ,  mais  qu'elles  avoient  ete  moins 
forres  que  les  jours  prcccdcns. 

Que  le  Vendredi  u-  q"'  etoit  le  cinquième  lourde  la  pre- 
mière neuvaine.  la  femme  du  dit  compatant  l'ayant  encore 
menée  au  même  lieu:  elle  lui  rapporta  à  fon  ictout,  que 
cette  fille  étant  fur  la  tombe  y  ctoii  tombée  dans  une  clpe- 
cc  d'cvanouirtement  ou  d'aflbupiflcmcnt  profond  jcc  qui  lui 
ayant  donne  quelque  inquiétude,  elle  la  tita  pat  le  btas  en 
lut  dilànt:  allons:  allons,  voulant  la  retirer  de  defliis  la  tom- 
be, &  qu'elle  fût  bien  furpiilè  que  cette  fille  ouvrant  les  yeux 
lui'iepcia  le  même  mot:  allons.  Qu'aufT  to!  plufieuis  pcr- 
foQiJcs  qui  favoicnt  qu'elle  Ctoit  four  Je  îc  muette  de  naiflan- 


n'eùt  plus  de  convulfions  julqu' au  dernier  jour  de  la  premiè- 
re neuvaine,  qui  etoit  le  4.  Septembre  qu'elles  lui  repri- 
renr,  en  la  maifon  du  dit  comparant  à  4.  heures  après  mi- 
di, par  des  mouvemens  d'une  violence  exuaordioïite  quia- 
gitoient  en  même-tems  tout  fon  corps. 

Que  depuis  ce  jour  les  convulfions  ne  lui  ont  repris  que 
6.  fois:  lavoir,  le  10.  Se  le  16.  Septembre,  la  veille  Se  le 
joui  de  la  "Touflâins;  la  veille  &  le  jour  de  S.  André, tous 
lefquels  jouts  (es  convulfions  ont  été  très  violenres  tant  i 
l'eglife,  fur  la  tombe,  que  dans  la  mailbn  du  dit  compa- 
rant ,  ou  il  l'a  vue  dans  des  agirarions  fi  violentes  de  tout 
fon  corps,  que  cela  faifoit  ftcmir,  après  quoi  elle  tomboit 
comme  pimce,  fans  mouvement  8c  fans  connoiflance.  Elle 
revenoit  Se  s'agitoit  plus  vivement  encore  qu'auparavanr ,  Se 
enfuite  elle  devenoit  tout  à  fait  ttanquille. 

Déclare  le  dit  comparant  que  depuis  que  la  dite  Bigot  a 
rccouvcu  l'ulâge  de  l'ouie.  Se  que  la  curioCte  de  ceux  qui 
l'occupoient  entièrement,  acte  un  peu  paflèe,  il  s'eft  appli- 
que lui  Se  fa  femme  a  tàchei  de  lui  faire  comprendre  la 
telijgion ,  Se  de  lui  apprendre  à  parler  S:  à  comprendre  les 
différentes  fignifications  des  mots  :  qu'elle  fait  ptcfentemcnt 
le  ligne  de  la  croix  8c  dit  aflez  bien:  au  nom  du  Père,  du 
Fils, 8c du  S.  Efprit:  qu'elle  prononce  plufieurs  autres  mots: 
qu'elle  commence  à  connoitte  toutes  les  lettres ,  &  à  com- 
prendre la  lignification  de  diffetens  motsj  ce  qui  fe  petfc- 
cUonnc  en  elle  tous  les  jours. 

De  hquelle  déclaration  le  dit  S.  Chevalier  a  requis  aôe 
aux  dits  Notaires  foulfignés,  8c  qu'il  en  foit  délivre  expé- 
dition à  qui  le  requierera:  ce  qui  lui  a  été  accorde.  A  Pa- 
ris en  l'Etude  du  clit  Sieur  Sellier ,  les  dirs  jouts  8c  an ,  8c 
a  figne  la  minute  dès  prefcntcs  étant  enluite  de  celle  dont 
expédition  cft  des  autres  parts:  le  tout  demeure  au  dit  Maî- 
tre Sellier  Notaire. 

I  I  r. 

De'chr.ition  de  Ja  Femme  du  S.  Chev.itier  /.tjue/U 
condiiifoit  I.1  fourde  ^  muette  fur  fe  tombe ju  du 
B.  M.  de  Paris,  &>fût  témoin  de  fet convulfions 
G»  de  fa  guérifan  le  cinquième  jour, 

ET  le  même  jour  le  feptieme  Février  l'tl;  après  midi 
eft  comparue  devant  les  Notaires  à  Paris  foullignes  en 
l'K.tude  du  dit  Sellier,  Margueiitc  Harlay  fcmine  dudit 
S.  Antoine  Chevalier,  Bourgeois' de  l'ati$,y  dcmeuiantruc 
des  Auguftiiis  natoiflè  S.  André  des  arts:  laquelle  a  requis  le» 
dits  Notaires  de  recevoir  fa  déclaration  qu'elle  leur  a  diàee 
ainll  qu'il  luit.  C'cft  à  l'avoir;  que  le  î6  Août  dernier  le  du 
S.  Chevalier  fon  mati  amena  cheziui  enro-enantdeVetfail- 
lcs,  la  Femme  du  nomme  Bcaufils,  portillon  du  Roi  Se  celle 
du  S.  lloRii,  Concierge  des  priions   j.  Vctfaillcj,  avec  la 

Niccc 


opéré  fur  C.  Bigot 

Kiece  du  dit  S.  Hogii  appellée  Catherine  Bigot ,  âgée  de  z6. 
iz'. ans,  qu'elle  favoic  écie  foutde  5c  muette  de  naifl'ancc  , 
l'aiant  vue  plufîeiu-s  fois  à  Verûilles  chez  le  ditS.  Hogu  ami 
de  Ibii  dit  mari  :  qu'auflî-tôt  qu'Us  furent  arrives ,  le  ait  Che- 
valier lui  déclara  qu'il  avoir  fait  venir  cette  tille  chez  lui ,  pour 
qu'elle  la  menât  tous  les  matins  à  S.  Medard  fur  le  tombeau 
de  M.  de  Pâtis,  &  qu'elle  y  fit  une  neuvainc  pour  elle  pour 
tâcher  d'obtenir  de  Dieu  par  l'interceflion  de  M.  de  Paris 
qu'il  lui  donnât  l'ufage  de  l'ouie  &  de  la  parole ,  dont  elle 
n'avoit  jamais  joiii  depuis  fa  naiflance:  qu'elle s'ottat  volon- 
tiers à  la  mener  &  à  faire  cette  neuvaine. 

Que  dès  le  lendemain  z'.  Août  la  dite  comparante  avec  la 
femme  du  dit  St.  Hogu  &  celle  du  dit  Beaufils,  menèrent 
cette  fille  àS.  Médaid:  qu'elles  commencèrent  par  y  entendre 
la  meffe,  après  laquelle  aiant  fait  mettre  cette  fille  lût  le  tom- 
beau de  M.  de  Pâtis,  elles  fiirenr  fort  étonnées  de  voir  faire 
à  cette  fille  qui  namrellement  eft  forr  tranquille ,  des  mouvc- 
mens  fi  violens  qu'il  étoit  bien  évident  qu'ils  ne  pouvoient 
être  naturels:  qu'on  voyoit  a  fes  geftes  qu'elle  IbutFtoit infi- 
Dimenr  dans  la  tète ,  dans  les  oreilles  Se  dans  la  gorge ,  y  por- 
tantjes  mains  avec  violence ,  &  fa  tête  étant  li  agitée  qu'on 
ne  favoit  ce  que  c'etoit  :  que  ces  mouvemcns  etoient  li  ex- 
traordinaires, que  quelques  perfonnes  qui  etoient  prefentes 
leur  demandèrent  li  elle  n'ctoit  pas  polledee  :  qu'après  ces 
mouvemens  convulCft  ,  elle  demeura  fur  le  tombeau  fans 
connoilTance  comme  évanouie:  que  cela  obligea  les  affillans 
de  la  porter  dans  le  grand  cimetière  ou  étant  revenue  à  elle , 
elle  fit  ligne  qu'elle  vouloit  terouruer  liir  le  tombeau  :  que  la 
dite  comparante  l'y  aiant  ramenée,  elle  n'y  fût  pas  plutôt  que 
Tes  mouvemens  convuhifs  lui  reprirent  avec  encore  plus  de 
force  qu'auparavant:  que  fon  air  même  fàifoit  peur  aiaut  k 
vilage  &  le  regard  d'une  peifonne  a  l'agonie  qui  fe  combat 
avec  la  dernière  violence  contre  la  mort:  que  la  dite  compa- 
rante aiant  eu  peur  qu'elle  ne  mouiùt  effectivement  ,  la  fit 
encore  ôtet  comme  de  force  de  deflus  le  tombeau  &  la  fit 
porter  fous  les  charniers  ;  mais  que  cette  fille  aiant  fait  con- 
noitrc  par  fes  mouvemens  &  fon  adlion,  qu'elle  vouloir  qu'on 
la  remit  fur  le  tombeau,  la  dire  comparante  qui  fit  réflexion 
que  tout  cela  etoit  l'ouvrage  de  Dieu,  &  que  loin  de  la  faire 
mouiir  cela  lui  procureroit  appatemment  la  guerilbn,  l'y  fit 
reporter  prelqu'aufli-tôt  :  que  fes  convuUions  loin  de  dimiuuei , 
ne  firent  encoie  qu'augmentet  5  ce  qui  embairaflà  beaucoup 
la  dite  comparante  aufli  bien  que  les  deux  femmes  qui  etoient 
avec  elle,  ne  fâchant  comme  elles  pourroient  faire  pour  la 
ramener  en  leur  maifon  cjui  étoit  lors  dans  la  rue  de  Gre- 
ne'Je  près  l'Hôtel  de  Soijlons  :  qu'elles  prirent  le  parti  d'en- 
voier  quérir  un  carrofié  de  place,  dans  lequel  elles  la  mirent 
avec  elles  :  qu'elle  refta  dans  ce  carrofle  fans  connoifiance  Se 
arriva  ainfichez  ladite  comparante,  de  façon  qu'on  fut  oblige 
de  la  porter  fur  fon  lit  ou  les  convuUîons  lui  duterenr  jufqu'a 
9.  heures  du  foir,  pendant  lequel  rems  elle  demeura  prefquc 
toujours  lans  connoilTance  &  lans  qu'il  futpoffibledeluirien 
faire  prendre.  Que  le  maii  de  la  dite  compatante  volant 
qu'elle  ne  tevenoit  point,  eût  à  la  fin  peur  qu'elk  ne  mou- 
rût en  cet  état,  &  fut  quérir  le  S.  Tripier  Chirurgien  qui 
la  vint  voir  fur  les  7.  hemes  du  foir,  &  qui  ayant  obfervé 
qu'elle  n'avoit  aucune  autre  maladie  que  les  convultious  qui 
la  rendoient  aintî  fans  connoifTance  ,  leur  dit  qu'il  n'y  a- 
voit  tien  à  y  faire.  Qu'a  y.  heures  du  foir  la  connoilTance 
lui  revint ,  &  qu'elle  demeura  jufqu'au  lendemain  allez  tran- 
quille. 

Que  ce  jour  qui  éroit  le  18.  Août,  la  dite  comparante  avec 
la  femme  du  dit  Sr.  Hogu  &  celle  tiu  dit  Beaufils  envoietem 
de  grand  matin  quérir  une  brouette  dans  laquelle  elles  mirent 
cette  fille  &  la  menèrent  ainfi  à  S.  IVlédatd:  qu'aiant  d'abord 
été  entendre  la  mefle  comme  elles  avoient  fait  le  jour  précé- 
dent ,  les  convulfions  avoient  ptis  à  cette  fille  dans  l'Eglife  quel 
que  rems  avant  l'élévation  avec  une  violence  épouvantable,  de 
façon  qu'elles  avoient  été  obligées  de  la  faite  tenir  pendant  le 
refte  de  la  meHè  pat  le  broiieteur  qui  l'avoir  amenée  ;après- 
quoy  ils  la  fircnr  porter  fur  la  tombe  ,  ou  fes  convulfions 
augmentèrent  encore  de  façon  qu'elles  firrent  aufTi  violentes 
que  le  joiu  précèdent;  qu'après  l'y  avoir  lailTée  aflcz  long- 
tems ,  ils  la  firent  remettre  dans  la  btouctte  poui  la  ramenet  ; 
mais  qu'elle  s'y  agitoit  fi  violemment  qu'elles  eurent  petit 
ju'elle  ne  s'y  cafsàt  la  tête  ;  de  façon  que  la  dite  comparante 
e  mit  d'abord  dans  la  broUette  avec  elle  pouf  la  tenit ,  mais 
que  n'en  aiant  pas  la  force,  elle  pria  le  S.  Saby  fils  d'un  tail- 
leur qui  demeoioit  dans  leur  même  maifon ,  Se  qui  fe  trouva 


?e 


fourde  fjf  muette.  3 

là,  de  le  mettre  dans  la  broiiette  avec  elle  pour  la  tenir,  ce 
qu'il  voulut  bien  faire  :  qu'elle  arriva  dans  leur  maifon  au 
même  état  qi'eile  avoir  e:e  la  veille  ,  ïc  refta  pareillement 
jufqu'a  9.  heures  du  foir  fans  manger,  agitée  prefque  lins  celle 
par  f;s  conrallions ,  &  prefquc  toujours  fans  connoilTance. 

Que  le  lendemain  29.  cette  fille  s'etanttrouvèerrèsfiaiche 
&  nullement  fatiguée  de  les  convulfions  de  la  veilli  ,  elles 
partirent  toutes  quatre  à  pied  pour  fe  rendre  à  S.  Medard;  mais 
que  quelque  petit  commencement  de  convulùon  ayant  pris 
a  cette  fille  lut  le  quai  des  Auguftins ,  elles  fe  tiouvetent 
obligées  de  prendre  un  carrolTe  qui  les  mena  à  S.  Medard, 
ou  ayant  d'abord  été  entendre  la  melTe  ,  les  convulfioni 
avoient  commencé  à  ptendie  à  cette  fille  avec  la  dernière 
violence  au  même  endroit  de  la  melTe  qu'elles  lui  avoient 
pris  le  jour  précèdent:  que  l'ayant  fait  mettre  fur  la  tombe, 
elles  avoient  e:icoie  augmente  d'une  nianiete  hoiribleimais 
que  ce  jour  elles  avoient  celle  aulTi-tôt  que  cette  fille  ayoit 
été  ôtée  de  delFas  la  tombe;  de  façon  qu'elle  avoit  été  en 
état  de  venir  avec  ell:  à  Sainte  Geneviève,  à  Njtre  Dame 
&  dans  leur  maifon,  ce  qui  donna  la  liberté  à  la  femme  du 
dit  Sieur  Hogu  &  à  celle  du  dit  Sieur  Beaufils ,  de  retour- 
ner a  Veifailles  dès  le  lendemain  matin  qui  etoit  le  ^o.  Août 
8:  de  lailTet  à  la  dite  comparante  le  foin  de  cette  fille. 

Que  le  dit  jout  50.  Août,  elle  la  mena  à  S.  Medird  & 
fur  la  tombe  comme  les  jours  prccedcns;  mais  qu'elle  n'y 
eût  que  des  convuUions  beaucoup  moins  fortes  que  les  pré- 
cédentes. 

Que  le  51.  Août  qui  étoit  le  y.  jour  de  la  première  neii- 
vaine ,  l'ayant  fait  mettre  fur  la  rombe ,  elle  y  eût  ime  elpè- 
ce  d'evanouifiement  qui  dura  allez  long-tems ,  &  que  l'ayant 
tirée  par  le  bras  &c  lui  ayant  dit  :  allons  allons ,  voulant  la  fai- 
re fortir  de  deflus  la  tombe ,  elle  entendit  cette  fiile  qui  lui 
répéta  tout  haut  le  mot:  allons,  ce  qui  furprit  11  fort  la  dite 
compatante  qu'elle  relU  toute  hois  d'elle  même:  quecepen- 
dant  plufiems  perfonnes  qui  etoient  prefentes ,  &  qui  layoient: 
que  cette  fille  etoit  fourde  &  muette  de  naiflance,  fe  mi- 
renr  à  crier  :  miracle,  &  la  conduifirenr  â  laSacriflie  oîilc 
Vicaire  de  S.  MeJard  dit  à  cette  fille  les  mots:  mon  Dieu: 
qu'aulTi  -  tôt  elle  répéta  :  qu'il  lui  dit  enluitc  les  mors  :  mon 
Père,  qu'elle  répéta  pareillemenr ,  &c  que  comme  la  dite  com- 
parante etoit  accablée  aulTi  bien  que  cette  fille  de  la  foule 
du  monde  qui  les  envitonnoit,  elle  ne  fongea  qu'a  gagner 
au  plus  vite  fa  maifon  aveccette  fille  :  qu'aulU-tot  qu'elle  y 
fût  de  retour,  ayant  dit  à  fon  mati  tout  ce  qui  venoit  d'ar- 
river, fon  mari'  parla  à  cette  fille,  qui  lui  lepeta  prefque 
toutes  les  paroles  qu'il  lui  dit,  ce  qui  mit  la  dite  compa- 
rante dans  un  fi  grand  etonnement  qu'elle  en  etoit  toute 
laine  :  que  d'autres  perfonnes  étant  venues  dans  leur  cham- 
bre ,  firenr  aulTi  repeter  à  certe  fille  les  mots  qu'ils  lui  di-. 
foient,  fur  tout  les  mots  courts  Se  les  fyllabes,  y  ayant  plu- 
fieurs  mots  qu'elle  ne  prononçoit  pas  fort_  bien ,  mais  qu'au 
furplus  elle  ne  demandoit  qu'a  repeter,  ne  lelalTant  poinrdans 
les  premiers  jours  de  repeter  tout  ce  que  chacun  lui  dilbit, 
quoiqu'elle  fût  accablée  de  monde  de  toutes  conditions  qui 
venoient  la  voir. 

Que  comme  il  étoit  relié  à  cette  fille  une  afTez  grande 
difficulté  de  prononcer  certains  mots,  fa  langueetant  fort 
epaiile,  &  qu'elle  n'avoit  encore  aucime  connoifiance  de  ce 
que  les  mots  (ignifioicnt ,  elle  a  continue  de  la  menet  preC 
que  rous  les  matins  à  S.  Medard  pour  qu'il  plûr  à  Dieu  de 
lui  donner  la  facilité  de  la  prononciation  ,  &  l'intelligence 
pour  comprendre  le  fens  des  mots ,  afin  qu'elle  pût  appien- 
tlre  fa  religion  ,  qu'elle  n'a  plus  eu  de  convulfions  que  7. 
differens  jours:  favoir  le  4.  Septembre  ,  dernier  jour  de  la 
première  neuvaine,  qu'elles  lui  prirent  dans  leur  maifon  i 
4.  heures  du  foir  avec  une  violence  épouvantable,  &  dure- 
tenr  julqn'a  1 1 .  heures  du  lendemain  matin  avec  des  mou. 
vemens  &  des  convulfions  de  tout  le  corps  fi  épouvantables 
que  cela  fiifoit  trembler:  qu'il  lui  en  prit  encoie  le  10. 
Septembre  pareillement  l'aprés  midi  à  la  maifon,  qui  lui 
durèrent  jufqu'au  lendemain  matin:  qu'il  lui  en  ptit  le  16. 
à  S.  Medard ,  la  veille  &  le  jour  de  la  Touflàins ,  la  veil- 
le  Se  le  jour  de  S.  André ,  qui  furent  toutes  très  fortes  tant 
fur  la  tombe  que  de  retoui  à  la  mailbn  :  que  dans  fes  con- 
vulfions elle  s'agitoit  d'une  raaniete  C  furiculè  que  perfon- 
nenepouvoit  la  tenir:  qu'elle  tomboit  enfuite  comme  pâmée 
fans  donner  aucun  figne  de  connoifiance ,  après  quoi  la  vio- 
lence de  fes  mouvemens  recommençoit  :  mais  qu'aulTi  -  tôt 
que  fes  convulûons,  qui  lui  duroient  «dinaiieinent  prerque 
A  2  touc 


Pièces  jufttficati'vei  ^t*  miracle 


X 


tout  le  jour ,  &  quelquefois  même  une  partie  de  la  nuit  & 
d'aunes  fois  la  nuit  entière ,  étoicnt  paflces  ,  elle  patoiflbit 
«n  fon  bon  leos  Se  fort  tranquille. 

Que  ladite  comparante  fait  ce  qu'elle  peut  pour  lui  appren- 
dre la  religion:  quVllc  ptononce  déjà  affez  bien:  au  nom 
du  Père  du  Fils  Jt  du  S.  Elptit ,  &  plulicurs  autres  mots  : 
qu'elle  connoit  toutes  les  lettres:  que  tous  les  jouis  on  tà- 
àie  de  lui  apprendre  la  Cgnification  de  quelque  mot:  qu'el- 
le a  l'ouie  paifaitenient  bonne,  &  qu'il  ne  lui  manque  plus 
que  de  comprendre  la  lignification  des  mots  Se  de  les  pou- 
voii  répétée  plus  cortc^teinem ,  à  quoi  elle  le  petfcctionne 
tous  les  jours. 

De  laquelle  déclaration  la  dite  comparante  a  requis  afte 
aux  dits  No'uâires  loulfignes,  fie  qu'il  en  l'oit  délivre  des  ex- 
péditions à  qui  le  requierera  ;  ce  qui  lui  a  etc  accoidc. 
A  Paris  en  l'Etude  du  dit  Sieur  Sellier  les  dits  jour  &  ari , 
&  a  déclare  ne  favoir  êciire  ni  ligner ,  de  ce  interpellée 
fuivant  l'ordonnance,  ainli  qu'il  eft  dir  en  la  minute  des 
prefentes ,  étant  cnluitc  de  celle  dont  expédition  eft  ci-def- 
fus  :  le  tout  demeure  au  dit  M.  S  E  L  L  i  E  R  l'un  des  Notai- 
i«s  Ibuffignés, 

IV. 

'Déclaration  de  Marie  Hogu  Veuve  Bigot ,  mère 
de  la  fourde  &P  muette, 

ET  le  14.  Février  nsz.  eft  comparue  devant  les  No- 
taires à  Paris  Ibulljgncs  en  l'Etude  de  Sellier  l'un  d'eux, 
Marie  Hogu  veuve  de  Pénis  Bigot  labouieur  en  la  pa- 
roifle  de  Courure  Diocéle  du  Mans,  demeurant  ordinaire- 
ment au  dit  Coutuic  étant  de  prcfcnr  à  Paris  logcc  rue  des 
grands  Aiiguftins  a  l'Horel  de  Btiflàc  paroifle  S-  André  des 
ans:  laquelle  a  déclare  que  de  Ton  mariage  avec  le  dit  De- 
nis Bigot  enti'autrcs  enfjns  ,  elle  a  eu  une  fille  nommée 
Catlieiine  Bigot,  qui  depuis  fa  naill'ance  a  cte  fourde  &  muet- 
te ,  ne  lui  avant  jamais  entendu  proférer  aucune  parole,  ni 
fcnfible  au  fon  de  la  voix,  même  à  quelque  bruit  qu'on  ait 
DÛ  lui  6ire.  Qii'il  y  a  4.  ans  &  demi  que  le  Sieur  |ofeph 
Hogu  Concierge  des  priions  de  Vetfailles  frère  de  la  dire 
comparante ,  a  bien  voulu  pour  la  foulager  retirer  avec  lui 
la  dite  Catherine  Bigot,  lots  âgée  de  ii.  à  11.  ans.  Que 
fur  l'avis  qui  lui  a  cte  donné  que  depuis  6.  mois  ou  environ 
h  dite  fille  avoit  recouvert  la  faculté  de  les  organes  par  l'in- 
tetcclTionde  M.  de  Paris  inhume  à  S.  Medard,  elle  eft  venue 
la  voir ,  Se  s'eft  confirmée  par  elle  -  même  que  fa  fille  en- 
tend Se  parle  réellement,  lui  ayant  parle:  qu'elle  l'a  enten- 
due Se  lui  a  répété  plufieurs  mots  qu'elle  lui  a  profères  : 
&  pour  d'autant  plus  aflurcr  l'état  précèdent  de  fa  tille,  elle 
a  requis  le  dit  Sellier  Notaire  d'annexer  à  la  minute  des 
piefentes  le  certificat  du  dit  précèdent  état  de  là  fille  don- 
ne par  nombre  des  habitans  du  Bour"  de  Couture  ,  de- 
vant Boulier  Notaire  &  Tabellion  au  dit  lieu  le  11.  Octo- 
bre i";i.  contrôle  le  même  jour,  au  bas  Se  en  marge  du- 
quel eft  le  certificat  du  S.  ("lairion  Cure  du  dit  Couture 
uns  datte,  mais  contiôlc  a  Paris  le  7.  Février  I7?2.  pat 
Blondclu ,  ce  qui  a  cte  accordé  à  la  dite  Bigot  après  qu'el- 
le a  eenifie  vcri'ablc  le  dir  certificat  ,  dcmcitrc  joint  à 
la  minute  des  prtfentes  ,  qui  a  été  fignie  feulement  des 
Notaires  foulfigncs,  attendu  que  la  dite  veuve  Bigot  leur  a 
déclaré  ne  favoir  ligner,  dont  Se  desquelles  déclarations  Se 
dépôt  ci-deflus,  elle  a  requis  Se  demandé  aûe  aux  Noiai- 
its  fouflignés,  qui  lui  ont  oittoie  le  prefcnt.  A  Paris  en 
l'Etude  les  dits  joui  8c  an ,  Se  a  la  dite  Marie  Hogu  dé- 
claré ne  ftvoir  écrire  ni  ligner,  de  ce  faire  interpellée  fui- 
vant l'otdonnance  ,  ainfi  qu'il  eft  dit  en  la  minute  des  pré- 
fenies  étant  enfiiiie  de  celle  dont  expédition  eft  des  auites 
pans ,  le  tout  dcniciué  au  dit  M.  SeiUct  l'un  des  Notaires 
joulTigncs. 

V. 

Déclaration  des  principaux  hahitant  du  Bourg  de 

Couture  ,    oii   ej}   née   la  fourde  ft»  muette  ,  ëfi 

où  elle  avait  demeuré  jufqu' à  l'âge  de  il.  ans. 

PA  R  devant  nous  Jofeph  Boutier  Noiaite  Se  Tabellion 
de  la  haute  juftice  de   Couluie  y  demeurant   bas  Ven- 
dominuis  Diocife   du    Mans   fuudignc ,  font   cumpaïus 
en  pcifuaoes ,  Julcp h  DuUiis  M.  Chuuigica ,  Jean  Vcuaiil 


direfteut  du  bureau  de  la  pofte  du  dit  Couture,  Michel 
Dclfctre  menuillcr  Se  findic  de  la  dite  patoilfe,  Martin 
Coupé  Procureur  de  la  fabrique  du  dir  Coutute,  Vincent 
Chaivau  menuificr,  Louis  Cnefner  Cordonnier,  René  Brée 
matéchal  de  forge,  Julien  Durier  aulTi  maréchal,  Dame 
Catherine  Bigot  veuve  ,  Claude  le  Moine  Sieiu  de  la  Chaula 
fce,  Demoifclle  Elifabeth  de  Sanee,  le  Sieui  Jaques  Pillan 
Bourgeois ,  François  de  Barte  M.  d'Ecole ,  8c  Léonard  Chet 
neau  laboureur,  ruus  habirans  du  Bourg  8c  Paroifle  de  Coutu- 
te; lefquels  aneftent  8c  affirment  à  tous  qu'il  appartiendra 
connoitre  Catherine  Bigot  fille  âgée  environ  de  là.  ans, 
ilfue  de  defjnt  Denis  Bigot  Se  de  Matie  Hogu ,  native  de 
cette  patoifle  ,  Se  que  depuis  le  jour  de  fa  uaiilance,  ils 
l'ont  toujouis  vue  fourde  Se  muette  n'ayant  jamais  articulé 
aucune  parole ,  ni  donné  aucun  ligne  d'entendement  jufqu'à 
l'âge  de  zt.  à  zz.  ans.  qu'elle  eft  partie  de  ce  pais  poui 
aller  demeurer  a  Vetlàilles  chez  le  Sieur  Hogu  Ion  oncle, 
dont  Se  de  laquelle  déclaration,  après  que  les  dits  habitans 
l'ont  aifitmé  veiitable  devant  nous  fufJiis  Notaires  âc  les  té- 
moins (bulTigncs,  les  en  avons  jugé,  fait  Se  paflé  au  Bourg 
du  dit  Coutute  en  notre  Erude  en  prelcnce  de  M.  J  ;>ph 
Renon  grener  de  la  juftice  du  dit  Couture ,  demeurant  (,a- 
roifle  de  S.  Eflàids ,  Se  d'Antoine  Fteniblay  teiflîer  demeu- 
rant au  dit  Couture ,  témoins  à  ce  requis  Se  appelles  ;  & 
ont  les  dits  habitans  ligne  avec  nous  Notaite  Se  tes  dits  té- 
moins foufljgnes  21.  Oclobre  1751.  avant  midi,  aiiili  fi- 
gne  M.  Couppc ,  C.  Bigot ,  de  la  Chauflee  ,  M.  Delferre  fin- 
dic, Elifabeth  de  Sanee,  J.  Veiiard,  V.  Charvau  ,  M.  Co- 
lo,  de  Barte  ,  Pillan,  J.  Dubois  Chiiuigien,  certifie  que 
Catheiine  Bigot  native  de  Coutute  eft  née  fourde  8c  muet- 
te. Se  qu'elle  l'a  eie  jufqu'a  fon  départ  pour  Vetfailles:  ce 
que  j'amtme  véritable  ).  Dubois,  Dutier ,  L.  Cheli-.eau  , 
R.  Bree,  L.  Chenier ,  Aiitoine  Franblay  ,  Renon,  avec  Bou- 
tiet  Notaiie.  En  m^r^e  eft  r^rii  :  contrôle  à  Coutuic  le  2.1. 
Octobre  1731.  ligne  Boutier  ;  c-  "•>  dtjJiHi,  Sec. 

VI. 
CERTIFICAT 

De  M,  Clairion  Curé  du  Bourg  de  Couture. 

NOvs  Gérard  Clairion  Piètre  Curé  de  Couture  Ibuf. 
ligne ,  certifions  qu'après  avoir  lu  l'acte  ci-deflus  Se 
de  l'autre  part,  8c  vii  les  fignatures  de  plufieurs  de 
nos  paroilfiens,  qui  atîirmeni  le  fjit  véritable  concernant  l'é- 
tat de  lourde  8c  muette  dans  lequel  la  furnommee  Cathe- 
rine Bigot  a  vécu  parmi  eux  julqu'a  l'àgc  de  iz.  ans  , 
qu'elle  eft  partie  de  notre  paroifTe  pour  aller  refider  i  Vet- 
failles, nous  nous  croyons  oblige  d'aflurer  que  nous  avons 
fouvent  oui  parler  de  la  dite  Catheiine  Bigot  depuis  4.  ans 
qu'il  y  a  que  nous  fommesCurc  de  cette  paioiflo ,  Se  qu'iui 
grand  nombre  de  nos  habitans  nous  ont  fouvent  alfuté 
qu'elle  etoit  fourde  8c  muette,  Se  qu'elle  étoit  parrie  en  cet 
état  pour  aller  a  Vetfailles:  en  foi  de  quoi  nous  avons  (i- 
gne ,  Clairion  Cure  de  Courute:  à  cote  eft  encore  écrit: 
conttôle  à  Patis  le  7.  Février  l'^z.  fignc  Blondclu,  Se 
en  marge  :  cerrifie  véritable  ,  figne  Se  pataphe  au  delTouj 
de  l'aitc  de  déclaration  8c  dcpot  de  ce-joutd'hui  24.  Fe- 
vtict  i~7z.  fignc  H<;erne  8c  Sellier  Nuuucs  ,  kellé 
le  dit  jour. 


V  I  I. 

Déclaration  de  la  femme  du  S.  Hogu  Concierge  des 
prifons  de  Ver f.ii lies  ,  Çfde  celle  de  Charles  Beau- 
fis  Pojlillon  du  Roi  ,  lefyuelles  ont  conduit  la 
fourde  ^  muette  fur  le  tombeau  du  B.  A/,  de 
Paris,  ô»  ont  été  témoins  de  fes  premières  con- 
vuljions. 


les 

,uc 


ET  le  21.  janvier  i'5+;  lont  comparus  pat  devant  1 
Kotaites  i  Patis  foulTigncs  ,  Demoifelle  Angeliqi 
Chauveau  femme  du  S.  Joléph  Hogu  concieige  i< 
prifons  de  Verliilles  y  demeurant  étant  ce  )0ur  à  Paiis,  Se 
Demoifclle  Catherine  le  Meile  fèmine  du  S.  Charles  Beau- 
fils  portillon  chez  le  Roi ,  demeuranr  au  dit  Vetfailles  étant 
aulfi  ce  dit  jour  à  Paris.  lelquclles  pour  rendre  rcmoignage 
i  la  vciitc,  ont  lequis  les  Nouucs  l'uulligiics ,  de  lecevoit 

Icats 


opère  fur  C.  Bigot  four  de  Cjf  fnuette  *- 

leurs  declaraaons  far  lefqueUes elle,  leur  on.  attefté  ôc  affir-  de  pareil,  que  cecce  fil,;  ^.ançoir  tout  fo„  corps  en  l-air  l 
De  la  part  de  la  dite  DemoifeUe  Hogu  ,  qu'elle  connoît  qui  tous^.^î'v  n" ■"°"'''""" /'  ^'°1=>1'&  û  extraordinaires 
h  dite  Caiherine  Bigot  nicce  de  fon  i4i,  Wis  î'anneê  quelque  un?dâï,.n1°""'  P"''"'  '"  ^""'"  '""^P"^'  ^^  q"' 
I7Z7.  qu-U  la  prifc  chez  lui,  &  que  comme  k  |  Ho^u  Se  Zfi  eUe  .orî^hnifTT'''''"'^  '"'""'=  '^"^  "°'^ 
fon  nian  a  des  vignes  dans  la  pa?oi(le  de  Couture  dont  il  louffiï  DHnr  ô,!»  =°'"°°"  ^"  "î^^f  '"a!:  qu'elle  paroilToic 
eft  or  ginaire;  &  que  Marie  H^gu  fa  fœurvëÙve  de  De  Prod  éic'uirvfte  lî  "' ■ '^'"'  ''  '"'  'î";'"'^  •emuoit'^d'une  fi 
nis  B.got  &  mère  de  la  dite  Catherine  Bigot,  a  toujours  T^illmMoi  ou.V?  h^"  !,"  '1!^°™°'"°"  P'"'  '""  "»*"'& 
demeure  dans  la  dite  pato.nè  ,  la  compaîante  qu"'y  a  t^"e  q  'aprè  s^'êuea.S /".M.'''  '°'''l  '"  '^'^^"^  '^'  '"^ 
«e  de  tems  en  rems  depuis  quelques  années,  a  oui  dite  t  évanoiiie  cf  nn^  ,nL  ^ ,  "^  retomba  encore  comme 
la  mère  de  la  due  BigoV.  &*  à  tius  les  habi  ans  dt^  b"^'  deTaÛs'la  tolnie  ^"|^?^t  '" .^'^Parantes  de  la  faire  ôrer 
de  Coutuie  avec  qui  elle  en  a  parle,  que  la  dite  Bigot  é-  ^ete  mai.  Snr  ,^  ^  f  u"?-  P°""  ''""^  '^S""'*  ^■''"«- 
to.t  fourde  &  muette  depuis  fa  naiiTa^ice  :  qu'e  le  n'fnten-  na  à  connoît?.  ?,..  ri?  V^"'"'  '^'„""  P'"  '"'""=>  ^1-=  don- 
doit  pas  même  le  plus  grand  biuit,  &  qu'on  avoitfouvent  fur  le  ton  h.^,^  ^^  a  '"§","  ^"^"^  ^°"'°''  1"'°"  '^  r^'"'' 
éprouve  qu'en  failint  dS  bruit  à  ks  orimes  ou  dér  kre  lï  grandes  ài^at^onf^.?'"'  ''  moment  que  l'oS  l'y  remit  fes 
tête  elle  ne  faifoit  aucun  mouvement,  &  ne  do^Ôït  au-  SpLaSnr  n  - f  P^'"^'"'"^"!- ^  P'"''  ^''"^  «"'°'e 
cun  figne  qu'elle  entendit  ,  &  qu'elle  n'avoi?  ianV^is  o?n  me  X  r.^  .  'î'' '^'V':^"  °'^  l^^-^  féconde  fois  comme  mal- 
ITlZr^'T''  '  ""f"  q'elle^entendohrfèureirn-t  Î^:^Ù^!Z^^:^/^J°T^1^J^  ^[^^^^'^^  Vy.^n.. 
par  lignes  ,  &  donnoit  de  même  à 
vouloir. 


Et  de  la  part  de  la  dite  DemoifeUe  Beaufils,  elle  a  certi- 
he  &  attefte  qu'étant  des  ainies  imimes  de  la  dite  Demoi- 
R  J;.  °^^"'  f\f  ^  "'-  ^""^'  "^"^  ^"^  '^  '!'«  Catherine 
tT.l^,^  3m  '  i"  ""''  P'^*?"^  '°"^  '"  i°""  Pei'i^nt  tout 
le  tems  qu'elle  a  demeure  clîez  la   dite  DemoifeUe  Hoeu 

uÂVoT  ^"""  '°""  '  '^'•"'  '^'"^^  ^^  '^"^  DemoilélI 
Et  ont  les  dites  Demoifelles  Hogu  &  Beaufîls  déclaré  & 
attefte  con)ointement,  que  pendant  tout  le  tems  que  la  dke 
Catherine  Bigot  eft  demeurée  chez  la  dite  Demoifeile  Ho- 
gu. la  dite  Bigot  eft  toujours  reftee  entièrement  fourde  & 
muette,  &  quelles  ont  même  fouvent  epiouvé  &  vti éprou- 
ver   pat    d'autres    DCrfnnrps  r,   ^n    „„„„„:.   i.    r >;t""" 


.tendojt;  l.ui;i^;;r    ?--û.;^tioH^'ë^;r?^"ÛXr:tr^ôi^der:r^ 
entendre  ce  qu'elle     --^^1- foues  que  les  premLs'!:i^.è:^lfX'e"e1"ft^; 


coirvme  morte. 

Qjie  les  comparantes  fe  trouvèrent  plus  embatraflees  qu'el- 
les n  ont  jamais  cte  de  leur  vie,  ne  Lhant  quel  par  Pprar- 
va  iêr  d'I"  '"^"  '^'"  ''^"^T"'  ^^"  '■'  ''«^  I^emoil-elle  C:he- 

eotrevi,  -Su  '"''".'  "  1"^'"  ^''""^  ^^"'  q"=  la  due  Bi- 
got tevmt  a  elle  pendant  toiu  le  chemin,  étant  reftee  tou- 
)ours  évanouie:  qu'elle  demeura  encore  e'n  cet  é  a  depuis 
Zfo  t""'  '."T'  '''""  '^^'"'  DemoifeUe ChevalieiVl? 
llL  fL.  ''r  '?"•■  1"=  "'^  "^  '^'""■1  Pa5  i  la  fin  de 
cherche  ,fn'rh"'^'" '"'"il""'"  ''"^'^"^  CheVaiier,  qui  fût 
auelerh?n  .^  '7?''"  ^'«".S"''!  vit  ce  qu'il  falloit  lui  faire: 
que  le  Chirurgien  lu,  ayant  tite  le  pouls  leur  dit  que  ceteiat 
etoitfurnaturel.  &  nn'il  n-,,,,-^;.  „f„..,.  .„ /  Mu'-.'-eteiai 


,  ,-  .!«  ^j.vj  vjiiL  jiiciiic  luuvcnu  éprouve  ce  va  cnron  niip  f»  f^  hji-i.p^:»^  i    ■                 ,---...  — -j"  .^^.myi^  ,ui  iduc; 

ver   pat  d'autres  petfonnes  C  on  pourroit  la  furpienuFe  e,^  «oit  fhmat3     V      %^"'  "'"-'"  ^""''''"^  ^'"  l"'^  ^««^'^ 

fai  ant  quelque  grand  bruit  derrière  elle,  donr  el  e  ne  pour  les  con.ni^^^^^^^^^^    ^  "î" ''  "?"™"^  ^'-"^''^  niauvaif?  fuke  :  que 

roit  fe  douter ,  .r.ais  qu'elle  n'entendoit  rien  du  tout  :  E  m  1?^  f  Z    /dï^^^lV  '  ^'="'"'"-  "^l^il^"  '  &  1^^  c'etoit 

''„^!/'  ! /"-.«S."  ^""-^  ''°""5  (--e,  &  que  depuis  ,?d- e  QÙ^k^'c  ,t  1  ".'?.!!""  ^°" 


,.ft.    11 ;„;  ."  ,,1"  ^''>-  "<.i"i-imuii  lieu  au  tout:  qu'au 

lefte  elle  paroilToit  d'une  bonne  faute,  &  que  depuis  iJdite 

vrh-n„f  •  '"f'î"'"  '■^-  ^?"'  '7?i.  qu'elle  eiit  des  con- 
u:Ikons  pour  la  première  fois  de  fa  vie:  elle  n'a  jama  s 
ete  malade  qu'une  leule  fois  qui  fàt  en  l'année  1728  oii 
elle  eut  une  hevre  li  confiderable  que  les  comparantes  du- 
rent qu'elle  n'en  reviendroit  pas,  qu'elle  f.it  même  f,  mil 
que  M.  Seblon  Prêtre  de  la  paroilVe  de  Notre-Dame  de 
Verfailles  lui  admmiftra  l'Extrême -onftion,  mais  que  s'e 


Uu  après   que  la  dite  Bigot  eût  refté  dans  cet  état  lufqu'à 
9.  heures  du  loir,  ellerevim  tout  d'un  coup  a  cUe  &au'elt 

dltlT  ^'"'r-  ''"^'^-  "'  ^^  '"  ^'"''^"«^  agitations  ni 
de  Ion  evarouificmenc  qui  avoit  duré  fi  long-tenis,  &  pen- 
dant lequel  II  fût  implffible  de  lui  rien  faire  aiakr*^  "a 

ies'du'f^r.°'^'°'  "'"  P"'  ''"''"''  '^^  ^""=  '"'"^"'•'  9-  heu- 


tant  informe  fi  on  lui  av^iTXn le  quelque  co^noil^ane  de"  ^Srs"d",.^n^'"'ru'''nr''"  '"  comparantes  accompa- 
a.religion  .  &  qu'ayant  juge  qu'il  n'a^voit^pas  été  podib  e  de  dan  une  broi^er  '"'  if '''^'^'i"  '^  '"'""^"^  ^  S.  iMeda^d 
"'  ^f:^'^^^'  P-  "S""  nos  princip'au..   m^rcs,  1       v      qu^la  ve    f  n^f  t"'„,^"LtlJt!"!i'?"=  '"f"  -#  vl 


,„:   ..=—--> —  -J"";'""  )"B<.  4uii  11  avoir  pas  ete  polhble 
ui  taire  comprendre  par  fignes  nos  principau.v   milk-rcs      il 
ne  voulut  jamais  lui  adminiftier  l'Euchaiiftie  ,  &qi'il  ftten 
conférer  avec  M.  le  Cure  de  la  dite  paroifie  ^m  fut  demé" 
me  lentiment  que  lui.  1      i  ^  uv  un. 

Que  quelque  tems  après  la  dite  Bigot  revint  en  parfaite 
,A^'T"  ,.T'u''-î'f"'  1"=  ^'^-  S=^bIon  avoir  fait  de  lui 
admmiftrer  l'fcuchanftie,  quoiqu'on  la  crût  prête  d'expi  ei 
leur  fit  faire  de  triftes  réflexions  fur  l'état '^de  cette '^fit 
le ,  d  aut.ant  plus  qu'il  paroiiToit  être  abfolument  fins  remè- 
de; mais  que  2  ou  5.  ans  après  ayant  entendu  parler  en 
dopJ  'f."^'^''  1"'  s'operoier.t  fur  le  tombeau  de  M. 
de  Pans,  elles  cmrent  qu'il  ne  falloir  pas  manquer  l'occa- 
fion  d  eprotiyer  fi  D.eu  ne  voudroit  point  Vaue  la  grâce  à  cet?e 
pauvre  malheureule,  de  la  mettre  en  état  de  le  connoîtte 
H.^'„  ^  avoitden  quelques  jours  qu'elles  étoient  occupées 
de  cette  penlee,  Iprfiiue  le  jour  de  fa  S.  Louis  17,,.  Is 

W  rh.'T'  '?"  ''  r  ""g"'  1'^'^""  déclarèrent  au  dii 
Sieur  Chevalier  la  pcnfee  qu'elles  avoieur,  &  que  le  dit  S 

£  k'J";.'""  ?/'•"  °*'f  <*=  P'^^"'*re  cette  fille\liez  lu    & 

îue    Ir."  '     "'"  P'"'^='°'  "5"'°"  f"°"  ""<=  neuvainepou^ 

tt  defe  ^dî^^pi^:  'ftmrs:  tLSiîV.: 


fition  avec   bien  dV  ,   i^t,    ï'        •  ^'^'^^P'"™'  '^  propo-     cette  fille  fût  fur 


^^<?  ^.l   /^i"''  T'  <^°"""encerent  même  dans  l'Eelife 
de  S,  Medaid  pendant  que  les  comparantes  entendoient  la 
raefle  avant  qu'on  l'eût  menée  dans  le  cimetière 
Quaufli-tor  qu'on  l'eût  approché  du  tombeaLi  elle  en  bai- 

amnn'Znf  t""'  ""„"''  ^"^^'f^  '"^"'  qu'on  lui  eu  eût  fait 
auLun  figne,  &  quelle  parût  fort  aife  qu'on  la  mit  deflîis; 
que  néanmoins  aufll-tot  qu'elle  y  fût  les  agitations  devin- 
rent fi  furieules  que  perfonne  ne  pouvoir  plu?  la  retenir  ce 
qui  obligea  les  comparantes  de  la  faire  remetite  dans  la  bro- 
uette pour  la  ramener,  mais  qu'elle  s'agitoit  fi  fort  dans 
cette  brouette,  qu'il  fallut  qu'il  lèmit  un?  petfonne  dedans 
avec  elle  pour,  la  tenir,-  &  que  tout  le  long  de  la  journée 
uqua  9_  heures  du  foir  elle  eût  de  pareilles  agitations  étant 
toujours  lans  connoiflance. 

r.^^u"  '°"'  ''r^'"';^  "1"'  "°"  '^  -9-  Août;  quoique 
cette  hlle  eut  ete  fi  violemment  agitée  la  veille  depuis'  7 
heiires du  matin  jufqu'à  9.  heures  du  foir ,  elle  leur  parût  fi 
fraîche,  fi  tranquille,  h  peu  fitiguée,  que  les  comparante, 
refolurent  avec  la  Demoilelle  Chevaliei- de  la  mènera  pied 
a  i  Medaid  ;  mais  que  les  agitations  ayant  commence  à 
la  prendre  en  chemin  et.ant  lots  fur  le  quai  des  Auguftins  , 
elles  furent  obligées  de  prendre  un  caroiiè;  &  que^lorfime 
cette  fille  fut  fur  le  tombeau ,  elle  eût  des  mouvemens  encore 


n.,^  Vii;  1  1  j  ■  "  '•""  *•""  leaitùieurCheva  er. 
Ch^^Ii^  J  ,  ''"''^"^^'"  ^7.  Août  la  femme  duditSietu 
Sotl'".  Médarr^''""'"'  ^°"'^""""""  '^  'ii'^Catliermc 

àe%^f"jâ\'^''i  la  dite  Bigot  fût  fur  le  tombeau  de  M. 
de  lans    elle  tomba  comme  évanouie,  &  que  fonvaiaefe 

iî:^dr™^if^?e^:^ôu?e^;!,  i^,  ^'c^îîXnt^sr 


.  '  "-  •--•-  ~i"^  i««j  »,i.u,-^  i.iiii  s:ii:icnt 

pouvoientluAreala  retenir  ,&  qu'elle elan- 

coit  h  fort  tout  ion  corps  en  l'air  &  fi  haut,  qJe  cela  naf- 
loit  toutes  les  forces  de  la  nature:  m.;is  que  ce  jour-là  fcs 
agitations  ceflerent  aulîi  -  tôt  qu'elle  fût  dcliors  de  dclfus  le 
tombeau,  &  qu'eUes  la  ramenèrent  à  pied  étant  très  tran- 
quille &  même  qu'elles  fuient  avec  elle  à  Sainre  Geneviève 
ce  a  INotrc-Dame. 

Que  comme  les  comparantes  cmrent  qu'elle  oourroit  avoir 

encore  long  -  tems  de  pareilles  agitations  avant  qu'il  plût  à 

Dm  de  la  guetii,  &  qu'elles  avoicm  à  faire  chez  elles. 

B  d- 


Pietés  jujîificatïves  du  miracUf 


tWci  prirent  le  patii  et  jout  -  là  de  la  lainfer  entre  les  mains 
de  la  DcmoifcUc Chevalier  &  de  retourner  a  Verfailles,ou 
elles  appiircm  ;.  ou  4.  jours  aptes  que  le  ;i.  du  même 
mois  d'Août  au  matin,  les  oteilles  de  cette  tille  s'etoient 
tout  d'un  coup  débouchées  pendant  qu'elle  ctoit  fur  le  tom- 
beau, &  fa  langue  s'ctoit  en  partie  déliée,  enferre  qu'elle 
e;itcndoit  très  clairement,  &  qu'elle tcpctoit  mcincplullcurs 
des  mots  qu'on  lui  difjit. 

Que  les  comparantes  ayant  une  connoi (Tance  paifaite  de  la 
futilité  entière  dont  cette  fille  a%'oit  toujours  cte  affligée  juf- 
qu'à  ce  jour-li,  rendirent  gloire  à  Dieu  d'un  fi  grand  mi- 
racle, &  qu'aufli  -  rot  que  leurs  affaires  le  leur  permirent, 
elles  vinrent  à  Paris  pour  la  voit  chez  la  DiMnoilélle  Clic- 
valier. 

Qu'elles  trouvèrent  qu'elle  en:endoit  aufli  parfaitement  Se 
aufli  clair  que  il  elle  n'avoit  jamais  ctc  fourJe  ,  entendant 
même  fon  bien  quand  on  lui  pailoit  allez  bas,  mais  qu'el- 
le ne  comprenoit  encore  rien  du  tout  aux  chofes  qu'on  lui 
demandoit,  &  qu'elle  ne  failoit  que  repeter  imparfaitement 
ce  qu'on  lui  difoit,  ce  qu'elle  paroiflbit  pout  lots  faire  avec 
grand  plailir. 

Qu'elle  trouvèrent  aulTi  que  ladite  DcmoifcUc  Chevalier 
avoit  commencé  à  lui  apprendre  à  connoître  les  lettres,  & 
qu'elle  difoit  alfez  bien  qu'elle  etoit  la  lettre  qu'on  lui  mou- 
troit,  à  l'exception  de  quelques-unes  qu'elle  avoit  bien  de  la 
peine  à   prononcer   ayant  encore  la  langue  fort  epailTe. 

Qu'elles  font  revenues  depuis  la  voir  enfcmble  &  qu'elles 
ont  remarque  qu'elle  ne  fait  que  fort  peu  de  progrès,  com- 
mençant leulement  à  dire  quelques  mots  d'elle-même,-  à 
nommer  les  chofes  les  plus  ncccltàires  a  la  vie  &  adiré:  au 
nom    du  Père  ,  du   Fils  &  du  Saint  Efprit:  mais  d'ailleurs 

Î[u'elle  a  perdu  la  vivacité  qu'elle  avoit  d'abord,  &  le  plai- 
ir  qu'on  voyoit  qu'elle  avoit  de  repeter  ce  que  chacun  di- 
foit, &  qu'elle  ell  devenue  plus  timide  qu'elle  n'avoit  ja- 
mais ete  de  la  vie,&  qu'elle  a  un  air  trille  , étonne  &  em- 
bariafle  qui  vient  apparemment  de  ce  qu'elle  a  de  la  peine 
de  voir  qu'elle  ne  comprend  point  ce  que  chacun  dit,  ce 
qui  la  rend  route  farouche:  mais  qu'au  relie  elle  entend  tou- 
jours aulfi  clair  qu'on  peut  entendre,  ce  que  les  comparan- 
tes  ont  éprouvé  bien  des  fois  en  lui  partant  aflcz  bas ,  iSc  que 
quelqu'un  ayant  cogné  fort  doucement  à  la  chambre  oii  c- 
toient  les  comparantes,  elle  fut  celle  qui  entendit  le  mieux: 
elle  fe  leva  &  fut  fut  le  champ  ouvrir  la  porte.  Tous  lef- 
quels  fairs  les  dites  comparantes  ont  certilie  &  attelle  vérita- 
bles &  en  ont  requis  aûe,  ce  qui  leur  a  étc  oclroyépar  les 
Notaires  foulîlgnes.  Fait  &  pafle  a  Paris  en  l'Etude  de  Sel- 
lier l'un  des  dits  Notaires  foulligncs,  ledit  jour  zi.  Janvier 
I7?4.  &  ont  ligné  la  minute  des  prtfenres  étant  enlùite  de 
celle  des  aftes  <^s  autres  parts  ;  le  rout  demeuré  au  dit  Maî- 
tre Sellier  Notaire.  Slpié  Huerne  Se  Sellier,  jt  coté 
tjl  ivn'r  :  fccllc  ledit  joiu ,  1C9U  6.  lois, 

VIII. 

ACTE     DE     D  E'  P  0  S  T. 

Fait  chez  Maître  Sellier  Notaire  à  Taris  par 
Catherine  Bigot  ci-devant  fiurde  fy'  muette ,  la- 
quelle a  elle-même  requis  ce  Notaire  d'annexer 
a  la  minute  de  fon  atte  de  comparution ,  8.  pie- 
ces.  ,.,  tfu'elle  lui  a  apportée  Qp  lui  a  déclaré 
ne  /.noir  écrire  ni  Jîgner. 

ET  le  huit  Février  audit  an  ITH-  '^  compatuc  devant 
les  Notaiies  fourtignes,  Catherine  Bigot  hlle  majeure 
demeurant  a  Pans  en  appteniiifaec  chez  Demoifelle 
Jeanne  Margiierire  Duiillicux  maitreflc  lingete  rue  de  la  Ca- 
landre pics  Te  Palais  paroilfe  S.  Germain  le  viel,  alTiIlce  de 
la  Demoifelle  Dutillieux  a  ce  prefentej  laquelle  a  apporte  à 
Sellier  l'iind'eux  S<  l'a  requis  d'annexer  il  fa  minute desprc- 
fenies  huit  pièces. 

La  première  cft  une  lettre  miiTive  addrelfcc  à  M.deyont- 
ccion  Confeiller  au  Parlement,  pat  M.  Seblon  Prêtre  delà 
Coneregarion  de  la  MilTioii  demeurant  aux  invalides  datée 
en  tête  du  premier  du  prcfcnt  mois. 

La  Seconde  ell  une  autre  lettre  milfive  addreflce  audit 
Sieur  de  Mon-geron  pat  M.  de  Metry ,  que  ladite  r>einoi- 
fellc  Duiillicux  dcclaie  (iretScr  en  chef  de  la  Prévoie  de 
l'Hâtcl,Uditc  Ictuc  ûoi  dite.  LclqucUci  4cui  Ictucsùdiia 


Demoifelle  Duiillieu»  a  dit  avoir  été  lemilcsàladite  Bigot 
pat  le  dit  S.  de  Montgeton. 

La  Troifiéme  ell  un  certificat  ligné  par  )aques  Saby  mai? 
tre  tailleur,  &  Marie  Anne  CampaignoUc fa  femme  en  da- 
te du  1.  de  ce  mois. 

La  quatrième  ell  un  autre  certificat  du  4..  de  ce  dit  mois 
ligne  du  S.  Datagon  marchand  mercier  à  Verliilles. 

La  cinquième  ell  un  auttc  certificat  lîgnc  A.  de  la  Mon- 
noirc  Prêtre  habitué  de  la  paroiflc  S.  Medatd  date  du  pte? 
micr  dudit  prcfcnt  mois. 

La  fisicme  ell  un  certificat  donné  le  même  jour  premier 
de  ce  mois  par  le  S  Antoine  Moincty  ancien  Sindic  des  ten- 
tes de  l'Hôtel  de  viUc ,  &  ancien  Marguilliet  de  la  patoillc 
de  S.  Medard. 

La  fcptiemeellun  certificat  domié  le  même  jour  pat  Pièt- 
re Guilbert  Suilfe  de  l'Eglife  de  S.  Medard. 

Et  la  huitième  cft  un  certificat  en  date  du  18.  Janvicc 
dernier  donne  par  M.  l'Abbc  Boilbt,  M.  Labbe  Cure  de  S. 
André,  Madame  DagucITau  de  Guerchois  fœut  de  M.  la 
Chancelier,  M.  le  Prefident  de  Voigui.  MM.  de  .Vlontgc- 
lon  &  Clément  Confcillcts  au  Parlement ,  &.  autres  peifon- 
nés  y  dénommées. 

Les  huit  pièces  contrôlées  à  Paris  le  6.  de  ce  mois 
par  la  Croix,  lequel  annexe  a  été  à  l'indant  fait,  aptes  que 
les  dites  pièces  ont  été  certifiées  véritables  ,  fignees  &  para- 
phées par  ladite  Demoifelle  Dutillieux  en  prefence  des  dits 
Notaires  foufligncs ,  8c  par  la  dite  Bigot  qui  a  déclare  ne  fa- 
voir  figner. 

Donr  Si  de  quoi  IcIHits  Notaires  ont  donne  afte  lùr  le 
requilitoirc  de  ladite  Demoifelle  Dutillieux.  fait  &  pafle  à 
Pans  en  l'Etude  les  dits  jours  &  an;  ladite  Demoifelle  Du- 
tillieux a  figne ,  &  la  dite  Bigot  a  déclare  ne  favoir  écrire 
ni  figner  de  ce  interpcUcc  ,  ainû  qu'il  eft  dit  en  la  minute 
des  préfentes ,  étant  enlùite  de  celle  de  la  déclaration  dont  ex- 
pédition cil  des  autres  parts ,  le  tout  demeure  au  dit  Sel- 
lier   Notaire. 

Enfuite  la  tencm   dit    .innexci, 

I   X. 

Lettre  écrite  par  M.  Seblon  Prêtre  de  la  Congre' 
gation  de  la  Mijfion  ,  qui  avoit  refufé  en  1718. 
d'adminiftrer  le  S.  Viatique  à  la  fourde^  muet' 
te  y  qui  était  pour  lors  a  l'extrémité  ,  fous  pré- 
texte que  trayant  jamais  rien  entendu  y  elle  ne 
pouvait  être  fûffifamment  injiruite. 

Du  I.  Février  17J+. 

E  me  reflouviens  parfaitement  ,  Monfieur  , 
nec  l'iS.  la  nièce  du  S.  Hogu  ("oncictgc 
de  Vcriaillcs  ,  nommée  C?atherine  Bigot  ,  eniieioment 
fourde  *c  muette,  ct.int  malade  à  l'extrémité,  je  fus  appel- 
le pour  lui  donner  les  detnieis  Sacremens:  je  me  trouvai 
fort  embarraflc  :  j'avois  rcyu  fa  conf.lfion  autant  qu'elle 
avoir  pu  me  faite  entendre  par  figncs  les  fautes  qu'elle  cro- 
yoir  avoir  fiites,  mais  étant  quellion  de  lui  adminillret 
l'E  icharillie,  je  crus  qu'il  ctoit  bien  délicat  de  juger  llic 
des  lignes  équivoques  qu'elle  eût  compris  que  Jcfus-Chrill 
ctoit  dans  l'Euchanllic ,  d'autant  plus  que  cette  Hlle  ne  pa-- 
roiflbit  pas  avoir  aucune  intelligence.  Je  m'informai  à  Ion 
oncle  &  a  fa  tante  lî  elle  avoit  reçu  quelque  injlrucHon 
dans  fi  jeuneH'e,  mais  ils  m'avouèrent  qu'étant  lourde  & 
inucrtc  de  naillàncc,  ou 
gnes.    J'allai  trouver  M 


J 


r: 


en  l'an-, 
priions 


ne  l'avoir    pi  inllruire  que  par  lî- 

j  .  _.  Bally  Cure  de  la  patoilVc  ;k  qui  je 

propofii  ma  diUiculté,  lui  obfcrvant  que  cenc  fille  ne  m'a- 
voit  point  alfez  fait  conno'ittc  pat  les  figncs  qu'elle  in'avoit 
donnes  qu'elle  conçût  bien  un  fi  grand  millerc  ,  furquoi 
il  fût  de  même  avis  qiic  moi,  qii'il  ne  falloii  lui  donner 
que  l'Exttêmc-onilion  «  non  le  S.  Viatique:  ce  fût  le  pat- 
II  que  je  pris.  J'ai  l'honneur  d'être ,  Monlicut,  avec  un  pro- 
fond rcfpCLl.  Votre  ttcs  humble  &  très-obciflant  fcrviicur. 
Jîfii/  H.. Seblon  Prêite  de  la  Congrégation  de  la  Million  de- 
meurant .»  l'Hotcl  des  invalides.  'L'.iJJrtJJi  cft  à  MM.  de 
Montgeton  Coafcillct  au  Parlement  à  Pain. 


X 


Lettre  écrite  par  M.  de  Merry  Greffier  en  chef  de 

JaFrévôté  de  /'Hôtel  qui  avait  viifouvent  lafouf 

de  Çy  muette  avant  fa  guérifoit. 

MONSIEUR  tout  ce  que  je  peux  rcpondie  à  la  lettre  que 
vous  me  faites  l'honneur  de  m'ectire  ,  eft  que  j'ai  vii 
1j  nièce  du  nomme  Hogu  Concierge  des  priions  de 
Vetlailles  depuis  l'année  1727.  ou  environ,  julqu'a  la  fin  du 
mois  d'Août  1731.  lourde  &  muette,  &  qu'on  me  dit  l'ê- 
tre de  naiflànce.  Comme  elle  balayoit  mon  greffe  de  Ver- 
lailles,  je  la  voyois  Ibuvent  6c  ne  lui  commandois  rien  que 
par  fignes,  &  ne  lui  ai  jamais  entendu  prononcer  aucune 
parole.  J'ai  depuis  oui  dire  qu'elle  avoit  recouvcrr  l'ufa- 
j;e  de  l'ouie  &  de  la  parole  le  31.  Août  1751.  mais  je 
n'en  ai  aucune  connoiffance  par  moi-même.  J'ai  l'hon- 
neur d'être  très  refpcdueurement ,  Moniieur ,  votre  très  hum- 
ble &  très  obeifiant  lirviteur ,  S'ipié  de  Meiry  :  mi  dejfms  efi 
écrit.  Monfieur  de  Montgeton  Confeiller  au  Parlement  L'j- 
dnjfi  eji  a  Monfieut  de  Montgeton  Confeillei  au  l'aile- 
menc  rue  S.  André  des  Ans  à  Paris. 

X  r. 

Certificat  du  S.  Sahy  &>  de  fa  femme  principaux  lo- 
cataires de  la  maifon  ou  la  fourde  &'  muette  fût 
menée  à  Paris  pour  être  conduite  fur  le  tombeau 
du  B.  M.  de  Paris ,  &  qui  ont  été  témoins  de  fa 
guérifon. 

NOus  Cjufligncs  Jaques  Saby  maître  tailleur  &  Marie 
Anne  CampaignoUe  femme  du  dit  Saby  demeurans 
rue  de  Grenelle  paroiffe  S.  Euftache;  certifions  &  at- 
teftons   tous  les  faits  qui  fuivent  pour  lendie  gloire  a  Dieu 
&  témoignage  à  la  vérité. 

Le  12.  Août  fu.  le  S.  Chevalier  qui  avoir  lors  un  ap- 
partement dans  notie  maifon  revint  de  Veifailles  ou  il  etoit 
allé  voir  le  S.  Hogu  fon  ami  &  ramena  avec  lui  la  femme 
du  S.  Hogu ,  une  aurrc  femme  de  Verfailles ,  &  la  nièce  de 
ce  Sieur  Hogu  nommée  Catherine  Bigot  :  il  nous  dit  en  at- 
rivant  que  cette  fille  étoit  fourde  &  muerte  de  nailTance ,  & 
qu'il  l'avoit  amenée  à  Paris  afin  de  la  faire  mettre  (ûr  le  tom- 
beau de  M.  de  Paris,  cfpérant  que  peut  eue  Dieu  voudroit 
bien  lui  accorder  par  l'intercelTion  de  ce  Bien-heureux  la  gué- 
rifon d'ime  fi  fâcheufe  infirmité. 

Le  lendemain  dés  le  grand  matin,  la  femme  du  Sieur  Che- 
valier, celle  du  Sieur  Hogu,  &  une  autre  femme  de  Ver- 
failles  conduifirent  cette  fille  à  S.  Medard  dont  elles  ne  re- 
vinrent que  fur  les  II.  heures  dans  un  fiacre. 

Nous  les  entendîmes  faire  des  cris  en  arrivant  &  nous  vî- 
mes qu'elles  avoient  l'air  fort  eploté ,  mais  nous  fûmes  nous- 
mêmes  bien  furpris  loifque  nous  vîmes  retirer  de  dedans  le 
fiacre-  Catherine  Bigot  qui  nous  fembla  être  morte  n'ayant 
aucun  mouvement. 

Le  Fiacre  la  chargea  fur  fês  épaulés,  &  une  autre petfon- 
ne  la  foutint  par  les  jambes,  &  on  la  porta  comme  un  corps 
mort  le  long  de  notre  elcalier ,  6c  on  fût  la  coucher  fut  un 
lit  chez  la  Dame  Chevalier:  nous  ne  doutâmes  point  d'a- 
bord qu'elle  ne  fût  morrc  fubitement,  mais  nous  étant  ap- 
prochés, nous  vîmes  qu'elle  n'étoit  qu'évanouie:  &  comme 
nous  la  regardions ,  elle  fe  mit  tout  d'un  coup  à  s'agiter  avec 
beaucoup  de  violence  fur  ce  lit ,  fans  cependant  paroitre  a- 
voir  aucune  connoiffance. 

Les  femmes  qui  l'avcient  menée  à  S.  Medatd  nous  con- 
tèrent qu'aufli-tôt  que  cette  fille  avoit  été  fur  le  tombeau  de 
M.  de  Paris,  elle  étoit  tombée  comme  évanouie  ,&  que  fon 
vifage  étoit  tout  couvett  de  fueur  ;  mais  qu'un  moment  après 
elle  s'éroit  agitée  avec  des  mouvemens  fi  violens  qu'on  ne 
pouvoit  la  retenir;  qu'on  l'avoit  trois  fois  ôtée  de  deffus  le 
tombeau;  mais  que  toutes  les  trois  fois  elle  avoit  fait  figne 
qu'elle  vouloit  qu'on  l'y  remît,  &  que  depuis  ce  tems  elle 
étoit  toujouts  demeurée  fans  connoiffance  dans  l'état  où  nous 
Ja  voyons,  tantôt  comme  évanouie,  &  tantôt  s'agitant  avec 
la  dernière  violence. 

Chacun  difoit  là  deffus  fon  fentiment  :  les  uns  que  cela 
c'appclloit  des  convuHîons ,  &  que  c'étoit  un  ûgne  qu'elle 
guétiioitilesauttes  au  contraire  ctoioienc  que  c'etoit  quelque 


Opère  fur  C.  Bigot  fourde  iâ  muette.  7 

gtande  maladie,  &  qu'il  y  avoit  très-fort  à  craindre  qu'ello 
ne  mourût  dans  cet  état-la. 

Le  S.  Chevalier  voyant  que  cela  ne  fe  paffoit  point  fût 
cherchet  u:i  Chirurgien,  qui  dit  que  cet  état  là  n'etoit  pas 
naturel,  6c  qu'il  r.'y  avoit  rien  a  lui  faire.  Cependant  elle 
rcftaainfi  juique  fur  les  neuf  heures  du  loir;  Se  ce  qui  nous 
furprit  foit ,  fut  que  lotfqu'elle  fût  revenue  à  elle ,  elle  ne  fe 
trouva  point  du  tout  fatiguée:  elle  avoit  au  contraiie  l'air 
fort  gay  Sx.  forr  alerte ,  &  elle  mangea  de  fort  bon  apetit. 

Le  jour  d'enfuire  qui  étoit  le  28.  Août,  notre  fils  voulut 
les  accompagner,  à  quoi  nous  confêntîmes:  elles  revinrent 
de  meilleure  heure  que  la  veille,  &  elles  ramenèrent  Ca- 
therine Bigot  dans  une  brouette,  dans  laquelle  elle  s'agitoit 
fi  fort,  que  notre  fils  fut  obligé  de  fe  mettre  dans_  la  brouet- 
te avec  elle  pour  la  tenir  &  l'empêcher  de  fe  brifcr  la  tête. 
On  fût  oblige  de  la  porter  comme  la  veille  pour  la  montet 
chez  le  S.  Chevalier:  &  elle  refta  encore  fans  connoiffance 
jufqu'à  neuf  heures  du  foir  ;  mais  s'agitant  avec  encore  bien 
plus  de  Violence  qu'elle  n'avoit  fait  le  jour  précédent:  & 
cependant  lotlqu'elle  fût  revenue  a  elle ,  elle  parût  auffi  fraî- 
che &  auffi  tranquille,  6c  le  portant  auffi  bien  que  û ce  n'a- 
voir pas  éré  elle  qui  eût  eu  ces  furieufes  agitations. 

Les  29.  ;o.  6c  31.  Août  elle  revint  à  pied  de  S.  Médard 
avec  la  Daine  Chevalier  étant  en paifàite connoiffance; mais 
ce  jourji.    Août  un  moment  après  qu'elle  fût  arrivée,  la 


Dame  Chevalier  entra  dans  notre  appartement  avec  un  air , 
tout  éftàté ,  6c  nous  dit  paroiffant  toute  hors  d'elle-même , 
que  nous  vinffions  voit  au  plus  vite,  que  Catherine  Bigot 
entcndoir  6c  patloit  ;  qu'elle  lui  avoit  rcponSu  étant  encore 
fur  le  tombeau  :  qu'elle  avoit  répète  dans  la  facrillie  ce  que 
lui  avoit  dit  M.  le  Vicaire  de  S.  Medard ,  6c qu'acbrellement  ' 
elle  repetoit  ce  que  le  Sieur  Chevalier  lui  dilbit. 

Nous  y  courûmes  avec  empreffenrent:  quand  nous  entrâmes' 
dans  la  chambre,  elle  fe  tourna  auffi-tot  de  notre  coté,  le 
Sieur  Chevalier  lui  dit  devant  nous  plufieurs  mots  qu'elle 
répéta;  mais  un  peu  imparfaitement,  mangeant  fouvent  la 
fin  des  mots  qu'elle  répéta  paffablement  bien;  6c  nous  étant 
avilès  de  lui  dire  les  mots  fyilabe  à  fyllabe,  nous  entendî- 
mes avec  pîaifir  qu'elle  repetoit  la  plupart  des  fyllabes  auffi 
parfaitement  que  nous-mêmes,  y  en  ayant  néannïoins  quel- 
ques autres ,  futrout  lorlqu'il  y  avoit  des  R.  qu'elle  avoit  de- 
la  peine  à  prononcer  ayant  encore  la  langue  fort  épaiffe  ;  mais 
nous  pouvons  affûter  que  des  ce  premier  jour,  elle  enten- 
doir  aulîî  paifaitement  que  l'on  puiffe  entendre. 

Le  btuit  de  ce  miracle  s'ctant  en  peu  de  tems  fort  répan- 
du, il  y  vint  une  infinité  de  perfonnes  de  tout  état  &  de  tou- 
tes conditions  pour  la  voir,  dès  ce  premier  jour-la  6c  les 
jours  fuivans  pendant  plus  d'un  mois,  6c  d'abord  que  quel- 
qu'un fe  préîèntoit  à  elle,  elle  repetoit  ce  qu'il  lui  difoit, 
ne  refirfanr  perfonne;  6c  quand  on  ne  lui  difoit  plus  mot, 
elle  repetoit  ce  qu'elle  entendoit  dire  derrière  elle  au  mon- 
de qui  étoit  dans  la  cliambre,  ou  imitoit  le  mieux  qu'elle 
pouvoit  tous  les  fons  qu'elle  entendoit,  parlant  prefque  (ànr 
ceffe:  mais  à  la  vérité  ne  prononçant  les  mots  qu'imparfai- 
tement ,  p.iicequ'elle  ne  lavoir  point  ce  qu'ils  vouloient  di- 
re, 6c  qu'elle  ne  repetoir  que  le  biuit,  ce  qu'elle  failbit  con- 
tinuellement, paroiflànt  y  avoir  un  véritable  plaifit;  6c  d'à- - 
bord  que  quelqu'un  cognoit  à  la  porte ,  elle  étoit  toujours 
la  première  à  l'entendre  6c  à  montrer  la  pottedu  doigt;  6c 
li  elle  en  étoit  proche ,  elle  l'ouvroit  au  plus  vî'-e. 

A  quoi  moi  Jaques  Saby  ajouterai  que  voyant  que  cette 
fille  entendoit  li  parfaitement  clair ,  6c  que  néanmoins  elle 
ne  repetoit  pas  coireilement  les  mots  qu'on  lui  difoit,  cela 
me  donna  quelque  foupçon  ;  ce  qui  m'engagea  d'aller  trou- 
ver quelques  perfonnes  de  Verfailles  que  je  connois  pour  leur 
demander  s'ils  avoient  vu  à  Verfailles  Catherine  Bigot ,  & 
s'il  étoit  vrai  que  cette  fille  avoit  toujours  été  lourde  «muet- 
te pendant  tout  le  tems  qu'elle  avoit  été  en  cette  ville.  J'en 
trouvai  plufieurs  qui  la  connoiflbient,  qui  m'affurcrent  tous 
imanimement  qu'elle  n'entendoit  tien  du  tout,  ^  plufieurs 
d'entt'eux  me  contèrent  différentes  expériences  qui  en  avoient 
été  faites,  6c  entt'auttes  qu'elle  n'avsit  pas  même  entendu 
un  coup  de  piltolet  qu'on  avoit  tire  derrière  les  oreilles , 
n'ayant  pas  fait  le  moindre  mouvement:  ils  m'affurerent auffi 
en  même  tems  qu'ils  n'avoient  jamais  entendu  un  feul  mot 
fortir  de  la  bouche  ;  mais  feulement  qu'elle  remuoit  les  lèvres 
fans  en  faire  fortir  aucun  fon ,  lorfqu'elle  voioit  parler  :  6c 
leur  ayant  dit  qu'elle  entendoit  préfenteraent  fort  bien ,_  6c 
qu'elle  repetoit  ce  qu'on  lui  difoit,  plufieurs  d'eiiti'eu.t  font 


g  Pièces  jttflificatrjes  du  miracle 

venus  11  voir ,  Se  ont  témoigné  une  furprili  extrême  de  l'cn- 
ttndre  rcpctcr  ce  qu'ils  lui  dilbient.de  lai^ucUc  liirprifc  moi 
femme  iiaby  j'ai  aufli  ctt  témoin,  &  |'ai  cmcndii  pluficuis 
d'entt'cux  répéter  i  mon  nuri  les  cxptricnccs  qu'ils  avoicnt 
faites  pendant  que  cette  fille  ctoit  à  Vetliiilcs ,  par  lelcjue!- 
Ics  on  avùit  reconnu  qu'elle  n'cutendoit  abfolument  tien  du 
tout,&  qu'il  falloit  que  les  otciUcs  fiillcnt  entièrement  bou- 
chées ou  qu'elles  n'ciillciit  point  les  paitics  qui  (ont  nccel- 
faites  pour  enten.ltc.  Tous  lefquels  faits  nous  afliitons  & 
atSrmons  derechef  être  vetitablcs:  en  foi  de  quoi  nous  eii 
avons  dtcflii  le  prefent  certificat,  que  moi  femme  Saby  ai 
ecfit  de  ma  msin.  Fait  a  Patis  ce  i.  Février  1734.  Si^né 
Marie  Aune  Cainpaignollc,  âc  Saby. 

XI  I. 


XIV. 

Certificat  de  M.  Moinery  tjiii  etoit  k  la  facrifiie  dé 
S.  Aiedard  lorjtjii'on.y  mena  Catherine  Bigot  dans 
le  moment  qu'elle  venait  de  recouvrer  l'organe  de 
l'oiiie. 

JE  foulTigné  Antoine  Moinery  ancien  Sindic  des  rentes  de 
l'fHôtel  de  Ville,  ancien  Marguilliet  8c  ancien  Conimil^ 


Certificat  du  S.  Daragon  Marchand  à  Ver  failles  ^ 
qui  a  éprouvé  la  furdité  entière  de  Cathe- 
rine Bigot. 

JE  foulTigné  Jean-Uaptiftc  Datagon  Marchand  Mercier  à 
Verfailles  place  du  marche ,  ceitifie  avoir  vu  fouvcnt  de- 
puis l'année  t'ij.  julqu'au  mois  d'Août  1751.  chez  M, 
Hogu  Concierge  des  priions  de  Verfailles,  la  nommée  Ca- 
theiine  Bigot  la  niccc  que  l'on  dilôit  Ctie  foutde  &  muette 
de  naiffancc,  Se  effectivement  je  rematquai  qu'elle  ncdilbit 
jamais  une  leulc  parole ,  mais  feulement  qu'elle  remuoit  les 
Icvres  loifqu'elle  voyoit  parler  ,&  qu'elle  ne  donnoit  aucune 
marque  qu'eile«cnte'ndit  quand  on  ptononçoit  fon  nom,  en- 
forte  qu'il  falloit  cae  à  fa  viie  pour  lui  faire  entcndie  que 
c'ctoit  à  elle  à  qui  l'on  patloit  ;  8c  même  j'ai  cû  une  fois  la 
cutiolîtc  de  me  mettre  dcitierc  elle ,  8c  de  faire  tout  d'un 
coup  un  grand  cii  à  fes  oreilles  pour  voir  fi  elle  tetoume- 
roit  la  tête;  mais  elle  ne  remua  en  aucune  façon. 

]e  certifie  de  plus  avoir  oui  dire  que  cette  fille  avoit  re- 
couvert tout  d'un  coup  l'ouic  &  même  en  quelque  façon  la 
ficultc  de  parler  le  31.  Août  fji.  fur  le  tombeau  du  B. 
François  de  IMis,  ce  qui  cil  un  gtand  miracle,  puilqu'a- 
vant  ce  jour-là  il  cft  certain  qu'elle  n'emendoit  riendutqut, 
ce  que  je  certifie  véritable.  En  foi  de  quoi  j'en  ai  dreflclc 
ptcfeiu  certificat,  fait  ce  4.  Février  1731.  .î/g«i:' Daragon. 

XIIJ. 

Ifcat  de  M.  l'Abbé  de  la  Monnoire  qui ,  lorf- 
que  Catherine  Bigot  recouvra  l'organe  de  l'ouie 
fur  le  tombeau  du  B,  M.  de  Paris ,  faifoit  les 
fon&ions  de  facrijlain  a  S.  Mèdard  a  la  place 
de  M.  Befroches  lors  exilé, 

JE  foufligiic  M.  Auguflin  de  la  Monnoire  l'rétrc  habitué 
de  la  pareille  de  S.  Mcdaid  ,  certifie  que  le  3 1 .  Août  i  -  3 1 . 
faifant  dcs-lots  les  fonctions  de  Sacrilbin  dam  la  paroif- 
fc  de  S.  Médard  à  la  place  de  M.  Defrochcs  qui  étoit  pour 
lors  exile ,  plufieurs  petfonnes  vinient  en  foule  h  la  làcrirtic 
dire  qu'une  fille  fourde  8c  muette  de  naifiàncc  venoit  d'en- 
tendte  8c  de  parler ,  étant  fur  le  tombeau  du  Bien-heureux 
François  de  1  àtis;  qu'on  ptcfenta  un  moment  aptes  cette 
fille  'à  M.  Thomas  vicaire  de  S.  Mcdatd  en  ma  prefence: 
que  les  femmes  qui  l'accompagnoicnt  lui  dirent  qu'elle  s'ap- 
pclloit  C'aclxcrine  Bigot,  8c  qu'elle  etoit  nicce  du  S.  Hogu 
Geôlier  des  pnfons  de  Vetlàillcs:  que  M.  Thomas  Gtaffatt 
ayant  voulu  eptouvet  s'il  ctoit  vrai  qu'elle  entendit  8c  qu'elle 
parlât,  il  lui  dit  ces  mois:  mon  Dieu,  qu'elle  répéta  fur  le 
champ  fort  dillinâcment:  je  lui  dis  ciifuite  ces  mots;  mon 
Peic,  qu'elle  icpeia  aufli  ;(<  comme  les  femmes  qui  ctoicnt 
avec  clic  nous  atTuictcnt  ou'cllc  n'avoit  jamais  lien  entendu  , 
p.ii  nicme  I:  plus  gtand  bruit,  je  ptis  une  note  d'un  mira- 
cle aurti  (.datant.  )e  l'ai  depuis  icnconttce  au  fortir  du  fa- 
lut  des  Cqjdclicrs.cllc  me  reconnut  foit  bien  8c  médit  quel- 
ques mois  trts  fignificaiifs:  tous  lefquels  faits  je  certifie  vt- 
iiiables.  En  foi  de  quoi  j'en  ai  dicfTc  le  prefent  acte ,  fiiii 
"i  l'atis  ce  picnuci  (cviict  1734.  Sl^né  A.  de  la  Monnoire 
Ptiuc, 


Certlfi 


faire  des  pauvres  de  la  paroifle  deS  Mcdard  ,  certifie  que 
le  31 .  Août  1731.  ciant  dans  la  facriftie  de  S.  Medard  où 
j'étois  tous  les  jours ,  on  y  amena  une  fille  qu'on  dit  avoii 
été  fourde  8c  muette  de  naidance,  &  avoir  recouvert  dans  le 
moment  l'ufagc  de  l'ouie  Se  de  la  parole  fur  le  tombeau  du 
Bien-heureux  Hiacre  François  de  Pâtis:  j'entendis  M.  Grafiàtt 
Vicaire  de  ladite  patoifl'e  lui  dire  cesmots,  mon  Dieu,  qu'el- 
le repéra  aufli-tot:  8c  M.  de  la  Monnoire  failint  les  fon- 
dions de  Sacriftain  lui  dit  aulTi  quelques  mots  qn'elle  répé- 
ta pareillement.  Je  m'infoimai  du  nom  8c  de  la  demeure 
de  cette  fille ,  &  j'appris  qu'elle  s'appelloit  Catherine  Bigot  : 
qu'elle  étoit  nièce  du  Geôlier  des  piifons  de  Verfailles ,  8c 
qu'elle  dcmeuroit  rue  de  Grenelle  chez  un  nommé  Cheva- 
lier. Je  l'ai  vue  depuis  plufieurs  fois,  8c  j'ai  remarqué  qu'el- 
le entendoit  parfaitement  bien,  8c  qu'elle  rcpetqit  tout  ce 
qu'on  lui  difoit:  mais  peu  cotrectcinent.  Tous  lefquels  faits 
je  certifie  véritables:  en  foi  de  quoi  j'en  ai  dreiTc  lepiélcot 
aile  fait  ce  ptcmier  Février  1734.  J/fne  Moineiy. 

X  V. 

Certificat  du  Stiijfe  de  S,  Médard,  qui  a  été  té' 
moin  des  convulfions  &  du  miracle. 

JE  foufligné  Pierre  Guilbert  Suiflc  de  l'Eglife  de  S.  Mé- 
dard,  certifie  que  le  17.  Août  173 1.  quelques  femmes 
m'ayant  pué  de  faire  mettre  fur  le  tombeau  de  M.  de 
Pàtis  une  gtolTc  fille  qu'elles  avoient  avec  elles:  comme 
ceite  fille  n',avoit  pas  du  tout  l'air  d'être  malade ,  je  leur  de- 
mandai quelle  incommodité  elle  avoit ,  à  quoi  m'ayant  le- 
pondu  qu'elle  ctoit  fourde  8c  muette  de  nailTance,  cela  me 
donna  une  grande  attention  pour  elle  ,  Se  fit  que  tant  qu'elle 
vint  au  tombeau  du  B.  je  ne  la  perdis  prefque  pas  de  vite , 
étant  extrêmement  cutieux  de  voir  li  elle  gueritoit  d'une  pa- 
reille incommodité. 

Dans  le  moment  que  j'eus  fait  placer  cette  fille  fut  le  tom- 
beau ,  fon  vilàge  changea  8c  devint  pâle  comme  la  mort  8c 
tout  couvert  de  fiieur ,  8c  elle  parût  lans  connoidancc  8c  lâns 
mouvement  comme  fi  elle  ctoit  tombée  en  letargie ,  mais 
un  moment  aptes  elle  s'agita  avec  des  mouvemcnsd'une  vio- 
lence a  extraordinaire  qu'on  ne  pouvoit  la  tetenir. 

Les  femmes  qui  ctoicnt  avec  elle  la  letiterentdeu-t  ou  trois 
fois  de  deflus  le  rombeau  ;  mais  à  chaque  fois  un  moment 
après  elles  me  prièrent  de  l'y  remettte ,  cette  fille  paioiflànt 
le  (lelircr:  8c  toutes  les  fois  que  je  la  remis  fiit  le  tombeau , 
fes  agitations  tecommenceicnc  avec  plus  de  force  qu'aupa- 
ravant. 

Le  lendemain  8«  le  fut-lendemain  ces  mêmes  femmes  la 
tamcneteut  encore  ;  mais  ces  deux  jouts-là  elle  s'agita  avec 
tant  de  violence  que  pcifonnc  ne  pouvoit  la  retenir,  ce  qui 
fit  que  les  femmes  qui  la  menoient  ne  l'ylaiflcientpaslong- 
tcms.  Je  rematquai  que  tomes  les  fois  que  je  la  mettois 
fur  le  tombeau,  elle  le  baifoit  avec  une  giandc  dcvofion. 

Le  30.  8c  le  3 1 .  du  même  mois  les  convulfions  fiitcnt 
bien  moins  violentes  pour  les  agitations:  mais  lurtout  le  31. 
aptes  quelques  petits  mouvcmens ,  elle  tomba  comme  en  lé- 
tarjgic ,  paioillant  fans  mouvement  Se  fans  fcmimem,  8c  le 
vilage  li  p.ile  qu'on  eût  dit  qu'elle  Otoit  mette. 

Aptes  qu'elle  eût  teftc  allez  long-tcms  de  cette  façon,  ta 
femme  qui  etoit  avec  elle  la  tita  "pat  le  bras  pout  la  faire 
Ibitii  de  deflus  le  tombcan,  en  lui  difanti  allons.  Cette  fil- 
le ouvrit  les  yeux,  leva  la  tête,  8c  lui  te(>etale  mèmemot, 
ce  qui  fit  faire  une  exclamation  a  la  femme  qui  la  tiroit 
pat  le  bias.  Aufli  tôt  pluliouts  petfonnes  le  mitent  \  crict 
miracle:  ce  que  voyant  je  la  ptis  pat  le  btas  pout  lui  faire 
faite  place,  à  la  mener  à  la  laciiltie  faite  là  dcclatation.  Je 
la  ptilcmai  à  M  Gtatfatt  notre  Vicaire  qui  le  trouva  i  la 
facrirtie,  à  qui  plufieurs  pctionnes  declareient  que  cette  fil- 
le s'appelloit  Caiheiinc  Bigot:  qu'elle  ctoit  nicce  d'un  nom- 
me llogu  Gcolici  de  la  coDCieigcric  de  Veifaillc$,8cqu'cl- 


le  étoit  (burde  &  muette  de  naiflance.  M.  Giaffart  lui  dit  en 
la  regardant:  Mon  Dieu:  &  fur  le  champ  elle  lui  répéta  les 
mêmes  mots.  M.  de  la  Monnoire  qui  faifoit  lors  les  fon- 
dions de  Sacriftain  lui  dit  aulH  quelques  mots  qu'elle  répé- 
ta pareillement,  enfuite  de  quoi  quand  on  eût  pris  à  la  là- 
ctiftie  la  déclaration  de  Ion  nom ,  de  fon  incommodité ,  & 
de  fa  guerifon,  je  l'accompagnai  pour  lui  douner  le  moyen 
de  Ibrtir  de  l'Eglife. 
Depuis  ce  tems-la  je  l'ai  vue  plufieurs  autres  fois  revenir 

^      Ct        j\/1^J>-.J      SI»      J^ni-     la    narit-     /•!  tTï  oT-i  oro  .      Xr     i^111n.-1     i  i»     lui     -il 


opéré  fur  C.  Bigot  fourde  6?  muette. 


roiile  S.  Euftache,  Marie-Madelaîne  Moflaron  demeurant 
fufdite  rue ,  Marie  Labbe  demeurant  tue  du  cimetière  &  pa^. 
roiflè  S.  André  ,  Robert  Mareft  demeurant  lued'O.lcanspa- 
roiflc  S.  Euftache,  Jacques  Saby,  demeurant  rue  de  Gte- 
nelle  paroifle  S.  Euftache. 

Arteftons  à  qui  il  appartiendra,  que  dans  le  mois  de  Sep- 
ternbre  173 1.  ayant  oui  dire  qu'une  fille  foiudeSc  muette  de 
naiflance  ,  nommée  Catherine  Bigor  nièce  du  S.  Hogu  Con- 
cierge  des  prifons  de  Verfailles ,  avoir  recouvert  l'ufage  de 


à  St.  Médard  &  dans  le  petit  cimetière:  &  quand  je  lui  ai  l'ouie  &  de  la  parole  le  51.  du  mois  d'Août  précédent,  fijc 

dit  quelques  mots,  au  lieu  de  me  repondre,  elle  nr'a  repe-  le  tombeau  de  M.  de  Paris,  nous  avons  été  la  voir  chez  le  S. 

té  les  mêmes  mots  que  je  lui  difois  ;  ce  qui  fait  voir  que  du  Chevalier  qui  deraeiiroit  lois  rue  de  Grenelle  près  la  rue  S. 

moins  fi  elle  ne  fait  pas  parler  d'elle-même,  elle  entend  bien  Honoré. 

ce  qu'on  lui  dit,  puifqu'elle  le  répète.  Que  nous  avons  trouvé  que  cette  fille  entendoit  fort  bien: 

>■  J'attefte  tous  les  dits  faits  véritables,  &  je  déclare  que  je  fuis  &   même   qu'elle  repetoit,  quoiqu'imparfaitement,  la  plû- 

pret  de  les  affirmer  toutes  &  quantes  fois.    Fait  ce  preiniec  part  des  mots  que  chacun  lui  difoit  :  qu'à  la  vérité  il  lui  re 


Fevtier  1734.  Si^né  Pierre  GuUbert 
XVI. 

Certificat  de  M.  l'Abbé  Boifot  BoBeitr  de  Sorbonne 
&  Abbé  du  Mont  de  Sainte  Marie ,  de  fett  M. 
Labbé  Curé  de  S.  André, de  M'.  Dagueffeau veu- 
ve de  M.  le  Guerchois  Conseiller  d'Etat ,  Qf  fœur 
de  M.  le  Chancelier ,  de  M.  le  PréfidentdeVoi- 
gni ,  de  MM.  de  Montgeron  &  Clément  Con- 
feillen  au  Parlement ,  de  M.  de  Manteville  lors 
Prévôt  en  charge  des  Chirurgiens ,  de  M.  Sou- 
chai  Chirurgien  de  M.  le  Prince  de  Conti ,  de  M. 
Mojfaron  Agent  des  affaires  de  M.  le  grandDuç 
de  Tojcancy  Qp  de  cinq  autres  perfonnes. 

NOus  fouffignés  Jean-Claude  Boifot  Prêtre  Dofleur  de 
Sorbonne  Abbe  du  Mont  de  Sainte  Marie  en  Franche- 
Comre  demeurant  rue  du  Bacq  paroifle  S.  Sulpice: 
Jaques  Labbe  Curé  de  S.  André  des  Arts:  Madelaine  Da- 
guelîeau  époufe  de  Mre.  Pierre  le  Guerchois  Confeiller  du 
Roi  en  tous  les  Confcils  &  en  fon  Confeil  d'Etat,  demeu- 
rant rue  &  paroifle  S.  André;  Jean-Louis  de  Voigni  Con- 
feiller du  Roi  en  rous  fcs  confeils  Préfident  en  la  Cour  des 
Aides,  demeurant  tue  des  Poulies  paroifle  S.  Germain  l'Auxer- 
lois:  Louis-15alile  Carré  de  Montgeron  Confeiller  au  Parle- 
menc  demeurant  rue  du  Cimetière  &  paroifle  S.  André  : 
Alexandre  Clément  Confcillei  au  Pailement ,  demeurant  rue 
Chriftine   paroifle   S.  André  :  Marie-Antoine  de  Manteville 


Itoit  une  épaifléur  à  la  langue  qui  l'empéchoit  de  bien  pro- 
noncer certaines  (yllabes  ;  mais  qu'il  y  en  avoit  plufieurs  qu'el- 
le repctoit  aflez  exaftement. 

Qu'aux  furplus  elle  ne  difoit  aucun  mot  d'elle-même,  Se 
qu'on  voyoit  bien  par  les  répétitions  mêmes  qu'elle  ne  com. 
prenoit  point  la  fignificaiion  de  ceux  qu'elle  difoit,  ce  qui 
failbit  affez  connoître  que  ce  n'étoit  qne  depuis  peu  qu'elle 
commençoit  à  entendre;  que  cela  fe  voyoit  encore  par  l'em- 
prcflTement  qu'elle  avoit  à  repeter  tout  ce  que  chacun  dilôit, 
es:  même  quelquefois  à  imiter  le  mieux qu'ellepouvoitavec 
fa  bouche  les  bruits  qu'elle  entendoit,  &  le  plus  fouvent  à 
marquer  ae  la  main  ïc  des  yeux ,  d'où  venoit  ce  bruit ,  n'en 
entendant  aucun  que  cela  ne  lui  donnât  un  mouvement  de 
vivacité ,  &  un  air  de  contentement  fui  le  vilâgc  &  dans  les 
yeux. 

Tous  lefquels  faits  nous  certifions  être  véritables:  en  foi 
de  quoi  nous  avons  figne  le  préfent  certificat.  Fait  à  Paris 
ce  15.  Janvier  1734. 

Au  ncjfom  cjl  écrit  :  j'ai  vu  chez  moi  les  faits  énoncés  ci- 
deflus,  Sf^rié  J.  Labbe  Curé  de  S.  André:  Signe  Souchîi , 
Carré  de  Montgeron,  de  Manteville,  Clément,  M.  Labbé, 
Marie  Guillier  Bachelier ,  Dagueflcau  le  Guerchois ,  Voi- 
gni, Saby,  M.  A.  CampagnoUe,  Saby,  Mareft ,  Moflaron  , 
M.  Moflaron.  vî«  dcjfaui  cjl  emorc  écrit  :'\'i\  vu  tous  les  faits 
ci-defliis  chez  M.  le. . . .  où  l'on  avoit  amené  ladite  Bigot , 
ce  qui  a  été  vu  par  toute  la  maifon ,  Signé  l'Abbé  Boiibt. 
Enfuite  en  rn.nge  de  ch.unnc  ihfdltes  lettrei  ô-  certificats 
eft  écrit:  contrôlé  à  Paris  le  6.  Février  1734.  reçu  iz.  (bis, 
Signé  la  Croix. 

Certifie  vé|jtable  ,  figné  &  paraphé  au  défit  de  l'aûe  de 


Chirurgien  juré  Prévôt  en  charge,  demeurant  rue  Contref^  dépôt  paflfé  devant  les  Notaires  foulTignés ce  8.  Février  i^ji. 
carpe  paroifle  S.  Audré:  François-Guillaume  Souchai  Chi-  étant  enfuite  d'une  déclaration  paflcedevantSellier  l'un  d'eux 
rurgien  jure  ancien  Prévôt  &  Chirurgien  de  S.  A.  S.  Mon-  le2.i.Scp:embre  1731.  Ji.j»«  J.  M.  DuTiLLiEUxavecHuER- 
fêigneur  le  Prince  de  C'onti ,  demeurant  rue  Gucnegaud  pa-  KE  &  Sellier  Noraires.  A  cité  eft  écrit:  fcellé  le  dit  joui 
roifle  S  André:  Charles  Moflaron  agent  des  affaires  de  S.  A.  reju  6.  fols. 
R.  le  Gland  Duc  de  Tolcane ,  demeurant  rue  Vivienne  pa- 

PIECES  JUSTIFICATIVES 

DES  MIRACLES  OPE'RE'S  SUR  JEANNE  TENARD. 

déclaration  pajjee  par  devant  Notaire  à  Bray  fur  Seine ,  par  Anne  Mortier  veuve  Tenard  &  mère 

de  Jeanne  Tenard  en  préfence  de  M,  Acier  Curé  de  Fontaine ,  &  de  M,  Aisrru 

de  Fouronne  Curé  de  Courceaux. 


P.\r  devant  Auguftin  Lcgendre  Notaire  &  Tabellion  de 
Bray  fur  Seine  ,  de  ViUuis ,  Babi ,  Noyen ,  Villiers 
fur  Seine,  Grily,  Vernoy,  &  autres  lieux  fouflîgné, 
fût  préfeute  en  perfonne  Anne  Mortier  veuve  d'Edme 
Tenard  vigneron  demeurant  au  PlelTis  -  Dumée ,  laquelle  a 
déclaré  &:  attelle  qu'en  170^.  un  tourbillon  de  vent  enleva 
Jeanne  Tenard  une  de  fes  filles  cadete,  qui  n'etoit  lors  âgée 
que  de  trois  ans,  &  la  jetta  fi  rudement  par  terre  fur  le  côté 
droit,  qu'elle  en  eût  ce  côte-là  de  fon  corps  tout  moulu ,  & 
qu'elle  fût  plus  de  fix  femaines  fans  pouvoir  aucunement  fe 
loutenir ,  ni  fe  gtouillier.  Que  quand  elle  commença  à  fe 
Ibutenir  un  peu,  la  comparante  s'apperçùt  que  tout  fon  côté 
droit  depuis  la  tête  jufqu'au  bout  du  pied  étoit  comme  moit, 
n'ayant  aucun  fentiment  ni  mouvement:  que  fa  fille  a  été  très 
lon'g-tems  fans  pouvoir  revenir  de  cet  accident,  &  que  tout 
Je  monde  a  cru  pendant  tout  ce  tems  qu'elle  ne  vivioit  pas  : 

Obfervat,  1.  Part, 


néanmoins  qu'elle  s'eft  à  la  fin  rérablie  à  l'exception  (êule- 
ment  que  fon  épaule,  fon  bras,  &  fa  main  droites  fe  (ont 
defleches,  &  ont  toujours  été  dans  cet  état  fans  aoître  ni 
grandir,  &  fans  avoir  aucun  mouvement,  fi  ce  n'eft  de  l'é- 
paule. Les  os  de  fon  genou  droit  qui  avoient  été  tous  brifés 
de  cette  chute  là  font  teftes  hors  de  leur  place ,  laillint  des 
bofles  à  côté  de  (on  genou ,  ce  qui  lui  a  tourné  ce  genou 
&  la  jambe  droite  en  dedans ,  &  la  retitée  en  arrière ,  ce 
qui  lui  a  ôté  aufli  tout  mouvement  dans  le  genou ,  n'ayant 
pu  depuis  ce  tems  porter  fa  jambe  droite  que  d'une  pièce 
depuis  la  hanche  julqu'au  pied  ce  qui  la  faifoit  boiter  ,  & 
n'ayant  de  mouvement  de  ce  côté  là  de  fon  corps ,  que  dans 
l'épaule,  Ja  hanche  &  le  pied,&  à  l'exception  aulTi  qu'à  l'é- 
gard de  fa  main  droite, c'etoit  feulement  un  petitvilaiii  mor- 
ceau de  chair  tout  ride  &  couvert  de  terre ,  au  bout  duquel 
il  y  avoit  cinq  autres  petits  morceaux  de  chair  figure  de  doigts 
C  ions 


lo 


tons  ratatines  dans  le  fond  du  premier  morceau,  &  qui  n'a- 
voit  pas  plus  de  grofleut  ni  de  longueur  que  la  moitié  de  fa 
main  &  de  fcs  doigts  du  côté  gauche,  fans  qu'il  y  eut  dans 
tout  cela  ni  os,  ni  neifs,  ni  ongles:  de  façon  ^uc  cela  ne  fài- 
foit  que  comme  une  petite  boule,  laquelle  etoit  retournée 
en  dedans  au  bout  de  fon  petit  bias ,  qui  n'avoit  ni  figure, 
ni  mouvement ,  ni  fentiment  non  plus  que  !c  tcfte  du  btas 
qui  ne  paroiflbit  qu'an  feul  os  courbé  en  tond ,  fans  qu'il 
parût  rien  qui  marquât  le  coude,  le  tout  couvert  d'une  peau 
entre  noir,  rouge  &  bleuâirc. 

Qu'elle  a  tou|OUis  vu  fa  fille  en  cet  eut  julqu'i  la  fin  da 
mois  d'Oftobie  de  l'année  1751.  qu'elle  voulût  abfolumcnt 
aller  à  Patis  fut  l'efpeiacce  que  Dieu  lui  accorderoit  peut- 
être  le  mouvement  libre  de  fa  jambe  droite ,  8c  pcut-ctte 
même  lui  reformeroit  fon  bras  ôc  fa  main  droite  par  l'intcr- 
cclîion  d'un  nouveau  î>.  nomme  M.  de  Pâtis,  dont  on  la- 
contoit  de  grands  miracles.  Qu'une  autre  des  filles  de  la  com- 
parante nommée  Nanon  l'y  accompagna  pour  avoir  foin  d'el- 
le par  les  chemins,  &  qu'elle  (ont  toutes  deux  reftees  à  Pa- 
ris jufqu'au  19.  Février  1751.  qu'elles  font  revenues  chez  el- 
les: que  lotfqu'elles  furent  atrivees  elle  examina  avec  gran- 
de attention  lad.  Jeanne  Tenard  pour  voir  U  elle  croit  bien 
euerie.  Qu'elle  trouva  en  premier  lieu  que  les  os  de  fon  genou 
droit  s'étoient  refotmes  &  remis  à  leur  place  naturelle,  en- 
Ibrte  qu'ils  étoient  pour  lors  de  la  même  figure  que  les  os 
de  fon  genou  gauche,  &  que  fa  jambe  droite  s'ctoit  aiUfi 
retournée  en  dchots,  Se  allongée  aulfi  longue  que  la  gauche. 
Qu'elle  trouva  en  fécond  lieu  qu'elle  avoit  le  mouvement 
libre  dans  le  genou  droit,  &  qu'elle  ne  boîtoit  plus  du  tout 
de  cette  jambe,  &  que  cette  jambe  Se  cette  cuifle  avoient 
confidcrablcment  rcgtofli.  Qu'elle  trouva  en  troificme  lieu 
que  fon  épaule  droite ,  qui  avoit  toujours  ete  depuis  fon  ac- 
cident beaucoup  plus  petite,  plus  maigre  &  plus  baflc  que 
l'épaule  gauche,  ctoit  prefentemcnt  auRî  haute  &  aulfi  gtof- 
fe ,  &  que  les  os  qui  en  poudbient  en  dehots  pat  derrière 
elle  ,  étoient  rentrés  en  leur  place.  Qu'elle  trouva  en  qua- 
trième lieu  que  fon  bras  droirctoit  allonge  Scgrofll;  mais  qu'il 
s'en  falloir  encore  beaucoup  qu'il  ne  fût  au0î  long  &  aufli 
gros  que  fon  btas  gauche.  Qu'elle  trouva  en  cinquième  lieu 

?u'il  s'ctoit  formé  un  coude  au  milieu  de  ce  bras  ,&  qu'elle 
ouvroit  &  le  fermoir  un  peu  ;  mais  qu'elle  ne  pouvoit  pas 
encore  l'étendre  beaucoup.  Enfin  qu'elle  trouva  que  fa  petite 
main  avoit  bien  plus  l'air  d'une  main  qu'elle  n'avoit  aupa- 
ravant :  que  fcs  doigts  s'ctoicnt  dégagés  du  dedans  de  cette 
main ,  Se  s'etoicnt  un  peu  allonges  ;  &  que  la  main ,  les 
doigis,  &  tout  le  tcfte  du  bras  a'voient  changé  de  couleur, 
&  en  avoient  pris  une  natuicUe  ;  mais  que  1*1  qu'elle  pût 
faite  aucun  ulage  de  fa  nouvelle  main  pour  travailler,  elle 
ne  pouvoit  toucher  à  rien  avec  cette  main  que  cela  ne  lui  fit 
du  ma),  cette  main  auffi  bien  que  les  doigts  étant  devenus 
ejttrémement  fcnliblc!. 

Certifie  &  attelle  de  plus  que  pendant  environ  un  mois 
qu'elle  eft  rcftce  chez  elle,  depuis  le  19.  Février  1^31.  juf- 
que  vers  la  fin  du  mois  de  Matsfuivant,  il  prit  tous  les  jours 
à  fa  fille  des  mouvemcns  extrêmement  violcns,  comme  fi 
elle  eût  tombé  du  haut-mal  ce  qui  furprit  ttcs  fort  la  com- 
patante:  mais  nue  voyant  qu'aulTi-tôt  que  ces  mouvemens 
étoient  paflïs,  la  fille  étoit  aulTi  tranquille,  aulfi  fraiche,  6c 
fe  portoit  aufll  bien  que  fi  elle  ne  les  avoit  pas  eû,clles'ac- 
coytqma  bientôt  à  les  voir  fans  aucune  peine,  d'autant  plus 
que  li  fille  l'adiita  que  c'ctoit  par  ces  mouvemcns  fi  cxtiaor- 
dinaires  que  Dieu  la  gucriflbit.  Mais  que  deux  petfonties 
mal  intentionnées,  foupijoniiant  mal  de  ces  mouvemens  vio- 
lens,  maigre  l'évidence  du  changement  arrive  îi  lad.  Tenard, 
la  menacèrent  de  la  faite  enlever  fi  elle  ne  fortoit  au  plus 
»îie  du  [ais,  ce  qui  obligea  lad.  fille  à  for:ir  de  chez  elle 
une  féconde  fois  vers  la  fin  de  Mars  1731.  depuis  lequel 
lems  elle  ef>  toujours  rcftée  à  Paris,  fans  que  la  comparan- 
te  l'air   vue,  mais  a  feulement  oui  dite  que  fon  bras  &  là 

main  droites  fe  formoient  &  grandiflôient  i  vue  d'oeil ,  & 
(à  fille  lui  ayanr  fait  dite  qu'elle  la  prioit  de  lui  envoyer  à 
Paris  un  certificat  tout  le  plus  citconftancié  qu'elle  pourroit 
de  l'état  dans  leouel  clic  l'avoir  vue  depuis  l'âge  de  ttois  ans 
jufqu'a  la  fin  d'iWnhic  i''n-  qu'elle  partit  laptcmierc  fois 

pour  aller  à  Patis,  (c  des  changement  qu'elle  avoit  remar- 
ques s'être  faits  dans  Tes  mcinbtcs  eftiopiés  loifqu'elle 
ïU  revenue  au  pals  au  mois  de  Février  l'iî.  Ladite  cotn- 
rantc   nous  a   requis  de   tecevoii  lad.  déclaration  qui  a  été 

(cdigéc  fiu  lu  fnu  pu  cUc  dcd^tcs ,  lefijucU  Um  «Uc  uk- 


Pièces  jujtificative!  des  Miracles 

l\z  devant  nous  ;  de  laquelle  déclaration  elle  noiu  1  ttqwa 
acte  ce  que  nous  lui  avons  oc1t()j-c  pour  lui  fervir  6c  valoir 
ce  que  de  raifon.  Fait  &  paife  Uir  la  terre  &  fcigneurie  de 
Villuis  le  2".  Juin  17;^.  prefcns  MeiTire  Jean  Acier  Prétie 
&  Cufé  de  Fontainc-Fouiche  y  demeurant  ,&  .Mclfue  Etien. 
ne  Motru  de  Fouronne  Prêtre  Cure  de  Courceaux  auffi 
y  demeurant,  témoins  qui  ont  figné  for  la  minute  des  pié- 
fentes  avec  le  Notaire  fourtigiié:  &  quant  à  ladite  Anne 
Mortier  comparante,  a  dcclaté  ne  favoii  fignet,  de  ce  re- 
quife  fuivant  l'ordonnance.  El  flui  h.ts  fur  ta  minuit  ej!  tir!i: 
conrrôle  à  Bray  le  2.  Juillet  1753.  par  Mangin  Commis  qui 
a  reçu  12..  fols,  Jigné  en  fin  Mangin  avec  [arapkt ,  figné  Lf 
feindre  Notaire  aiet  parafki. 


Déclaration  paffee  par  devant  Notaires  à  Paris  par 
la  leuve  de  Brai,qui  a  pris  chez-e/le  f.  Tenard, 
Qp  a  111  s'opérer  fous  fes  yeux  tes  changemens , 
régénérations ,  Qp  créations  arrivées  dans  les  meni' 
brss  ejlropiés  &»  dejfechès  de  cette  fille, 

AUlouRD'HUi  eft  comparue  par  devanr lesConlciUersda 
Roi  Notaires  au  Cnàielet  de  Patis  foulTignes,  Marie 
Gautard  veuve  de  Pierre  de  Btai  Maitre  grenetiet  à  Pa- 
ris ,  y  demeurant  rae  de  la  Mortellctie  patoifle  S.  Gervais; 
laquelle  a  certifié  8c  atteftc  que  le  jourdelaTouflaint  f7;i. 
étant  allée  de  giand  matin  au  cimetière  de  S.  Medard ,  elle 
y  vit  fur  le  tombeau  de  M.  iz  Pàrisunepaifanne qui  lui  pa- 
rût âgée  de  ?o.  ans  qui  ctoit  agitée  des  plus  violentes  con- 
vulfions  qu'elle  eût  encore  vu.  Qu'elle  clançoit  tout  fon  cotps 
en  l'air  avec  tant  de  foice,  qu'il  s'clevoit  ttés-haut  «quoi- 
qu'elle fût  couchée,  ic  fe  rerournoit  Se  s'agitoit  avec  tant  de 
violence,  que  pluficurs  perfonnes  qui  la  renoient  pour  l'em- 
pêcher de  te  brilér  contre  le  marbre  de  ce  tombeau  ,nepou- 
voicnr  prclque  fa  retenir,  8c  qu'elle  les  fatiguoit  li  fort  qu'ils 
étoient  tout  en  nage ,  &  étoient  obligés  de  fe  relayer  l'ut» 
l'autre  à  rout  moment. 

Qu'elle  s'attacha  à  la  regarder  avec  grand  foin.s'éram  ap- 
pcrçuc  que  cette  fille  avoit  le  bras  droit  tout  dclfcché  Se  près 
d'un  riers  plus  court  que  l'autre,  8c  lui  étant  venu  dans  l'cf- 
prit  que  puilque  Uicu  lui  envoyoit  de  li  violentes  convul- 
fions ,  il  V  avoit  tout  lieu  de  croire  qu'il  ranimeroir  quelque 
jour  fon  bras  qui  étoit  comme  morr:Sc  lui  redonneroirune 
forme  n.iturelle.  Que  pleine  de  cette  idée  elle  fût  bien  aile 
de  s'infotmcr  plus  patticuliciement  de  fon  état:  8c  qu'ayant 
attendu  à  cet  effet  juliju'à  ce  que  ks  convulfions  fulfcnt  fi- 
nies,  cette  fille  s'étant  retirée  fous  les  charniers, elle  l'yfui- 
vit  S<  vit  avec  admiration  qu'elle  devint  tout  d'un  coup  frai- 
che 8c  tranquille,  8c  lui  ayant  demande  fon  nom  8c  le  dé- 
tail de  fcs  incommodités ,  cette  fille  lui  dit  qu'elle  s'appel- 
loit  Jeanne  Tenatd  :  qu'elle  ctoit  de  la  paioilTe  du  Plelfis- 
Dumcc  diccefe  de  Sens, 8c  qu'elle  étoit  âgée  de  ptèsde  50.. 
ans.  Qu'en  170T.  n'ayant  lors  que  5.  ans.  Un  tourbillon  de 
venr  l'avoir  renveifee  contre  terre  avec  tant  de  violence, 
qu'elle  en  eût  tout  le  côte  droit  brifc;  que  depuis  ce  tems 
tout  ce  côté  n'avoit  preique  pas  pris  de  nourritute:  8c qu'ou- 
tre le  bras  Se  la  main  droite  que  la  comparanre  lui  voyoit 
tout  deflcchcs,  elle  avoit  eu  encore  le  genou  droit  tout  bri- 
fc ;  8c  que  les  os  n'en  ayant  pas  bien  lepris.  ce  genou  s'c- 
toit tourne  en  dedans,  8c  lui  avoir  tctitc  la  jambe  en  arriè- 
re, ce  qui  la  falloir  boiter:  qu'elle  eioir  néanmoins  venue 
de  fon  pais  i  pied  avec  fa  (œur  dans  l'efperance  d'êrrc  gué- 
rie au  rombeau  de  M.  de  Paris,  ou  tout  le  monde  dilbit 
qu'il  s'ctoit  fait  une  fi  grande  quanritc  de  mitacles:  qu'elle 
ctoit  attirée  la  veille  au  (bit.  8c  que  n'ayant  auaine  cotw 
noiflancc  a  Patis; elle  avoit  cté  couchci  avec  fa  (crut i l'hô- 
pital Ste  Catherine:  que  dés  la  pointe  du  jour  elle  croit  ve- 
nue au  cimetiete  de  S.  Mcdatd  8c  s'ctoit  mife  fur  le  tom- 
beau :qu'aul1i-iât  qu'elle  y  avoit  ctc  couchée  elle  avoit  l'en- 
ti  tout  fon  corps  s'cicver  8c  s'clancet  en  l'air  ,8c  s'agircr  mai- 
gre elle  avec  une  violence  infinie:  que  cela  l'avoir  d'abord 
forr  lîirprife,  mais  qu'ayanr  remarque  qu'elle  ne  fe  faifoit 
point  de  mal  en  retombant  fut  le  tombeau ,  cela  lui  avait 
petfuadc  que  c'ctoit  Pieu  qui  t'agitoit  ainfi  :  qu'elle  avoit 
Icnti  dans  le  fott  de  les  agitations  qu'elle  petdoit  connoif- 
fancc:que  depuis  qu'elle  ctoit  icvenue  â  elle  elle  fe  ttouvoit 
ttésfiaiche,  ttès  tranquille:  feponanr  m  ieux  qu'elle  n'avoit  ja- 
mais fait ,  8c  ne  lé  (entant  nullement  fiti);ucc  :  que  néanmoins 
cUe  ne  t'affei(CYQit  pou»  qu'il  fût  cocotc  atiivc  aucun  chan- 

getuect^ 


cpêrés  fur  Jeanne  Tenard. 

îfment  à  (on  bras  ni  à  Ton  gei)ûu  liioit,  &  gii'U  lui  paroif- 
loit  que  tout  ce  côte  de  fon  corps  etoic  toujouts  au  raème 
tut  qu'il  eioit  avant  les  violeiis  inouvemens  qu'elle  venoit 
d'éprouver,  (jue  la  comparante  lui  dit  qu'il  talloit  qu'elle 
redoublât  là  foi,  fa  confiance,  &  les  prières: qu'au  relie  les 
mouvemens  qui  l'avoient  agitée  &  qui  l'etonnoient  fi  fart 
s'appelloient  des  convullions:  que  c'etoit  un  ligne  que  Dieu 
vouloir  la  gutrir,  &  qu'il  y  avoir  bien  d'autres  peilbnnes 
qu'elle  qui  en  avoient  ce  qui  loin  de  s'en  effrayer  eu  remer- 
cient Dieu. 

Que  le  lendemain  matin  qui  étoit  le  jour  des  morts  i. 
Novembre  1731.  elle  la  trouva  encore  au  même  lieu  avec 
les  mêmes  convullions ,  &:  que  quand  elles  furent  finies  ayant 
fait  refle.\ion  que  cetre  fille  ne  pouvoir  pas  relier  toujours  à 
l'iiôpital  Ste.  Catherine  Sx.  qu'elle  ne  làuroit  que  devenir, 
elle  lui  propofa  de  la  retirer  chez.-eUe  avec  fa  fœur ,  ce  qu'el- 
les^ acceptèrent  avec  grand  plailîr ,  &  qu'elles  vinrent  le  jour 
même  demeurer  chez  la  comparante;  ou  elles  font  reftces 
jufqu'au  26.  Février  1731.  qu'elles  font  parties  pour  retour- 
ner en  leur  pais. 

Qu'aufli-tor  que  la  dite  Tenard  fût  dans  la  maifon  de  la 
comparante  j  elle  vifita  tout  fon  côte  avec  une  grande  atten- 
tion, afin  d'être  en  état  de  mieu.x  reconnoître  les  change- 
mens  que  Dieu  voudroit  faire  en  elle.  Qu'elle  remarqua 
qu'elle  avoir  l'épaule  droite  prefque  toute  dellecliee  &.  beau- 
coup plus  balle  que  la  gauche:  qu'elle  paroiflbit  toute diflo- 
quee,les  os  en  e;ant  écartes  l'un  de  l'autre  :&  l'os  de  l'omo- 
plate failànt  lâillic  &  fortant  extrêmement  en  dehors  &  mai- 
gre comme  une  planclie  ;  Sx.  qu'auûl  elle  n'avoir  aucune  lin- 
libilite  dans  cette  épaule. 

Que  le  bras  qui  pendoit  à  cette  épaule  étoit  aufTi  entiére- 
inent  deifeché  &  infenfible,  &  n'etoit  pas  plus  gros  ni  plus 
long   que  celui  a'un   eii£int  de  3.    ans:  qu'il  ne   confiltoit 
qu'en   im  feul   os  rond  &  un  peu  plat  couvert  d'une  peau 
très  rude  ,    noire  &  violette  ,   &  remplie  de  terre  6c  fcche 
comme   un  parchemin:  que  cet   os  ctoit  courbe  en  rond  , 
mais  plie  vers  le  milieu   làns   qu'on  apperciit  la  forme  des 
os  qu'on  a  ordinairement  au  coude  &  au  poignet,  cet  os  e- 
tant  fans  aucune  gtofleur  depuis  l'cpaule  jufqu'au  poignet,  & 
ayant  tout  l'air  d'un  moignon  ,   rant  au   pli  qui  lui  tenoit 
lieu  de  coude   qu'au   bout   ou  devoir  être  le  poignet:  qu'au 
bout  de  ce  poignet   il  y  avoit  une  efpece  de   main   près  de 
moitié  plus  petite  que  la   main  gauche  qui  ne  paroillbir  a- 
voir  ni  os ,  ni  nerfs ,  ni  veines ,  &  lèmbloic  un  morceau  de 
chair   informe   couverte  de  terre,  &  etoit  route  repliée  en. 
dedans  dii  bras  ,  le  poigner  étant  entièrement  courbe  :  qu'a 
cette   main   il  y  avoit  5.  petits  morceaux   de   chair  qui  fer- 
voient  de  doigts,  beaucoup  plus  courts  que  ceux  de  la  main 
gauche,  &  qui   ne   paroiflbient  ni  plus  gros  ni   plus  longs 
que  ceux  d'un  enfant  de  3.  ans:  qu'a  ces  doigts  qui  etoient 
renfermes  au  dedans  de  la  main ,  il  n'y  avoit  ni  os  ni  neifs 
ni  ongles ,  mais  que  chaque  doigt  paroilToit  un  morceau  de 
chair  tout  d'une  pièce  fans  aucune  jointure:  que  les  3.  grands 
doigts  étoienr  d'une  matière  alfez  ferme,  &  etoient  courbés 
en  rond  fans  aucun   ongle,  &  remroient  dans  la  main  fans 
qu'on  pût  les  ouvrir  :  qu'elle  l'cflaya  dès  les  premiers  jours , 
mais  que   voyant  qu'ils   ne   prêtoieni  point,  elle  ne   voulut 
pas  les  forcer  de  crainte  de  les  caffer  :  qu'a  l'égard  du  pouce 
«  du  petit  doigt,  ils  n'avoient  point  de   dureté  ni  fermeté, 
mais  etoient  comme  des  morceaux  de  chair  morte  &  mol- 
le qu'on  renverfoit  &  qu'on  plioii  comme  on   vouloir,  fans. 
que  Jeanne  Tenard  le  fentîr. 

Qu'elle  vifita  aulïï  fa  cuiffe  Se  fa  jambe  droites  qu'elle 
troiiva  extraordinairement  maigres ,  &  que  les  os  du  genou 
etoient  tous  déboîtés  &  tournés  en  dedans  &  hors  de  leur 
place,  ce  qui  fàifoit  porter  la  jambe  en  dedans,  &  ce  qui 
la  retiroit  en  même. rems  en  arrière  :  qu'elle  n'avoir  au- 
cun mouvement  dans  le  genou  dont  les  os  patoiifoient  col- 
les enfemble ,  de  façon  que  fa  cuifle  Sx.  fa  jambe  reftoient 
toujours  en  même  état;  de  forre  que  quand  elle  étoit  affile 
la  jambe  droite  avançoit  en  devant  comme  une  jambe  de 
bois,  ce  qui  faifoit  qu'elle  ne  pouvoir  rien  rerenir  fut  fes 
genoux  ,  (à  jambe  droite  reliant  toujours,  en  même  fi- 
tuation  ,  moitié  pliée  &  moitié  étendue  fans  qu'elle  pût 
1^  plier  ni  l'étendre  davantage  ,  ce  qui  la  faifoit  paroîtte 
plus  courte  de  deux  ou  trois  pouces  que  la  jambe  gauche, 
«  faifoit  qu'elle  ne  pouvoir  s'appuyer  que  fur  la  poinre  du 
pied  qui  «toit  toute  touince  en  dedans  aufli  bien  que  la 


XI 

Que  pendant  tout  le  rems  que  le  petit  cimetière  de  S. 
Medatd  fit  ouvert,  certe  fille  ne  manqua  pas  d'y  aller  tous 
les  jours  le  matin  invoquer  M.  de  Paris,  &  n'en  revenoit 
qu'a  4.  ou  5.  heures  du  loir  fans  avoir  bû  ni  mangé  depuis 
la  petite  pointe  du  jour  qu'elle  etoit  levée  :  que  dans  les 
pre:nicrs   jours  fes   convullions  ne   lui   prenoieiit  que  lorl^ 


|ainbc, 


quelle  le  mettoit  fur  le  tombeau  tout  en  arrivant,  mais 
qu'enfuite  elles  lui  continuoicnt  fous  les  charniers  julqu'au 
loir,  &  que  pendant  tour  ce  tems  elle  avoit  les  mouvemens 
les  plus  violcns,  &  lafToit  une  infinité  de  petfonnes  l'une  a- 
pres  l'autre  qui  avoient  la  charité  de  la  renir. 

QH'=  1«s  premières  guerilbns  qui  s'opérèrent  en  elle  furent 
d'abord  de  la  jambe,  &  de  fon  cpaule.  Que  la  comparante 
qui  avoit  glande  attention  à  examiner  les  changemens  qui 
pouvoient  arriver  en  elle,  &  qui  pour  cet  effet  la  failoit 
coucher  dans  un  petit  lit  qu'elle  avoit  mis  proche  le  fien  . 
s'apperçiir  d'abord  que  prefque  tous  les  jours  il  fe  faifoit  des 
changemens  dans  Ion  genou  droit ,  dont  les  os  rcprirenr  leur 
place  &  leur  figure  naturelle  avant  que  le  mois  de  Décem- 
bre fut  fini  :  que  fa  jambe  &  fon  pied  s'allongèrent  &  fc 
retournerenr  rout  à  fait  en  dehors ,  Se  que  peu  à  peu  il  lui 
vint  du  mouvement  daps  le  genoux,  de  forte  qu'au  com- 
mencement de  Décembre  elle  commença  à  pouvoir  plier  un 
peu&étendie  fa  jambe,  &  en  eût  enfuite  peu  de  jours  après 
le  mouvement  entièrement  libre;  &que  cette  jambe  &  cet- 
te cuifle  fe  regarnirent  de  chairs  prelqu'à  vue  d'œil. 

Qu'en  même  rems,  c'eft-à-dire  vers  le  milieu  de  Novem- 
bre ks  os  de  Ion  épaule  droite  s'agitèrent  dans  des  convul- 
fions  particulières  qui  lui  priient  la  nuit,  &  qui  lui  ont  du- 
re lix  femaines  de  fuite  ,  pendant  lefquelles  la  comparan- 
te fût  obligée  de  la  veiller  pour  lui  donner  du  fecours.  Qiic 
pendant  ces  convullions  nouvelles  qui  duroicnt  prelque  rou- 
te la  nuit,  les  os  de  cette  cpaule  le  cognoient  l'un  contre 
l'autre.  Se  faifoient  precilement  le  même  bruit  que  font, 
des  cliquenes,  c'elV'a-dire  de  perits  morceaux  de  bois  qu'on 
cogneioir  dans  les  doigts  l'un  contre  l'autre  ce  qui  fuiprit 
fort  la  comparante.  Mais  que  non -feulement  les  os  de 
cette  épaule  le  cognoient  ,  mais  qu'il  y  avoit  dans  tout  le 
dedans  de  l'épaule  un  mouvement  étonnant;  Se  que  la  com- 
parante qui  mettoit  fouvent  la  main  defllis,  fentoit  fous  la 
main  comme  des  nerfs  qui  s'elevoient  &  fe  baiflbient  fous 
la  peau  ,  Se  qui  paflbient  Se  repaflbient  avec  beaucoup  de 
vivacité. 

Que  l'os  de  l'omoplate  qui  faifoit  d'abord  beaucoup  de 
(aillie  en  dehors  &  reftoit  toujours  en  même  Ctuation ,  re- 
muoir  pour  lors  avec  bien  de  la  force  Se  le  replaquoi't  de 
rems  en  tems  contre  fes  côtés.  Se  aufli  tôt  aptes  revenoit 
en  dehors,  mais  qu'à  la  fin  il  cft  demeuré  joignanr  les  cô- 
tés comme  il  doit  être  naturellement  fans  s'en  écarter  ,  & 
que  le  furplus  des  os  de  l'cpaule  s'eft  relevé  dès  le  com- 
mencemenr  de  Décembre  à  la  hauteur  à  très  peu  de  choie 
près  de  l'épaule  gauche. 

Qu'en  même  tems  la  peau  de  cette  épaule  qui  étoit  au- 
paravant deflecliée  Se  qui  reflembloit,  tant  pour  la  couleur 
qii'au  toucher  à  un  morceau  de  vieux  parchemin  qui  au- 
roiteté  colle  fur  des  os,  s'adoucit  au  toucher  Se  reprit  une 
couleur  de  chair  naturelle,  Se  que  cette  épaule  s'engraifla  à 
vue  d'œil. 

Que  quoique  ces  nouvelles  convulfions  qui  duroient  preP 
que  route  la  nuit  duflenr  bien  fatiguer  Jeanne  Tenard  ,  el- 
le n'en  alloit  pas  moins  le  lendemain  matin  au  tombeau 
Se  que  fes  convullions  du  jour  qui  lui  agitoient  lors  en  mê- 
me tems  8c  l'cpaule  droite  Se  tout  le  corps,  n'en  etoient 
ni  moins  fortes  ni  moins  longues ,  Se  que  cependant  elle 
n'en  paroiffoit  point  du  tout  fatiguée  aufli -tôt  qu'elles  é- 
toient  finies. 

Que  la  comparante  qui  admiroit  les  opérations  que  Dieu 
faifoit  en  elle,  la  fuivoit  à  S.  Mcdard  très  fouvent.  Se  tou- 
tes les  fois  que  les  forces  le  lui  ont  permis.  Que  la  com- 
parante avoue  qu'à  fon  égard  elle  s'efl:  fentie  quelque  fois 
très  fatiguée  ,  mais  néanmoins  qu'il  s'en  faut  beaucoup 
qu'elle  ne  le  fût  autant  qu'elle  devoit  naturellement  l'être , 
Si  qu'elle  a  regardé  comme  quelque  chofe  de  merveilleus 
de  ce  qu'elle  le  trouvoit  en  état  de  foutenir  cette  fatieue  à 
Ion  âge. 

Que  dans  les  premiers  jours  de  ce  mois  de  Décembre,  é- 
tant  a  la  regarder  Ibus  les  charniers ,  elle  s'apperçût  avec  ad 
miration  qu'elle  levoit   fon   coude  jufqu'à  la  hauteur  de  fon.' 
épaule ,  ce  qui  lui  fit  comprendre  que  les  os  de  cette  épau- 


Ï2 


le  avolent  repris  Init  place  naturelle ,  &  lui  fit  elpcicr  que 
dans  peu  Jeanne  Ten.iril  auioU  un  mouYcmcot  libre  dans 
cette  epi'.ile  ,  ce  qui  effcaivemem  atiiva  ainli  peu  de  jours 
après ,  cnfone  que  cette  cpaule  le  trouva  entièrement  guérie 
&  toute  pareille  i  l'épaule  gauche  à  la  fin  de  ce  mois  de 
Décembre  irji.  ï  l'exception  l'eulemcnt  qu'elle  n'etoit  pas 
encore  tout  à  fait  aufli  grofle.  ^ 

Qu'aufli-iôt  que  cette  cpaule  eût  commence  a  s  engiaiUcr, 
le  haut  du  bras  droit  commença  aufli  peu  à  peu  à  prendre 
une  couleur  natureUe  &  à  fc  remplir  de  chair ,  ce  qui  ga- 
gnoir  tous  les  jours  un  peu  le  long  du  bras  :  &  qu'aulli- 
tôt  que  fon  bras  fe  fût  rempli  de  quelques  chairs,  ce  qui 
avançoit  bien  plus  vite  &  bien  davantage  au  haut  du  bras 
qu'au  bas ,  les  os  du  coude  de  ce  bras  commencèrent  a  le 
former.  ^      .         .  •    .   ,     c- 

Qu'elle  fe  reflbuviendra  toute  fa  vie  qu  une  nuit  a  la  hn 
de  Novembre  ou  au  commencement  de  Décembre  i  "  51. 
leanneTcnard  la  reveilla  pour  lui  dire  qu'il  lui  croit  pouffe 
un  os  en  pointe  au  milieu  du  bras  i  l'endroit  ou  devoit  être 
le  coude,  qu'elle  y  tàta  auffi-tôt,  &  qu'eUe  uouva que  l'an- 
gle du  coude  venoit  de  fe  former.  _ 

Que  dans  le  courant  du  refte  du  même  mois  de  Décem- 
bre ,  les  aunes  os  du  coude  fe  formèrent  aufli  l'un  après  l'au- 
tre ,  de  façon  que  ce  bras  qui  n'avoir  point  encoie  de  coude 
ni  de  marque  de  jointure  au  mois  de  Novembre  175 1.  mais 
dont  l'os  ctoit  feulement  plie  à  l'endroit  ou  dcvoit  être  le 
coude ,  en  eût  un  G  bien  forme  avec  les  jointures ,  l'angle 
&  les  gtoflcurs  qui  font  ordinairement  à  cote  a  la  fin  du 
mois  de  Décembre  de  la  même  année,  que  Jeanne Tenard 
commença  à  fe  fer>-ir  de  cette  joinmre ,  &  a  pouvoir  eren- 
drc  un  peu  ce  bras ,  à  le  plier  quand  elle  le  vouloir ,  uii  peu 
plus  qu'il  ne  l'etoit  ordinairement. 

Que  dans  le  même  mois  il  fe  forma  aufli  de  petites  che- 
villes à  fon  poignet ,  &  que  fon  bras  allongea  très  conlide- 
rablemcnt.  , 

Qu'aptes  que  ces  opérations  furenr  commencées ,  c  cft-a- 
dire  vers  les  fêtes  de  Noël  175 1.  fa  petite  main  qui  é- 
toir  extrêmement  renvctlee  (bus  le  moignon  qui  lui  1er- 
voit  de  poignet,  commença  à  fe  lâcher  peu  à  peu,  de  fa- 
çon que  tous  les  jours  la  courbure  de  fon  poignet  fe  deicn- 
doit,  ce  quipoita  la  comparante  H  eflayer  li  les  troisdoigrs 
du  milieu  qui  croient  comme  colles  &  enfonces  dans  le 
fond  de  fa  petite  main ,  pouvoicnt  aulîi  s'étendre ,  &  qu'el- 
le les  ouvrit  d'abord  un  peu  &  tous  les  jours  enfuite  de  plus 
en  plus;  8c  qu'elle  apperçùt  que  le  bout  de  ces  trois  doigts 
avoir  fait  trois  creux  au  milieu  de  la  petite  maffe  de  chair 
qui  lui  fcrvoit  de  main. 

Que  la  couleur  de  cette  petite  maflc  de  chair  s'cdaircit 
en  même  rems,  s'etaïutou.e  pelée,  &  devint  beaucoup  plus 
mollette  qu'elle  n'ctoit  auparavant .  &  que  la  comparante  qui 
la  titoit  tics  fouvent  fcntit  au  mois  de  Janvier  iT?i.  qu'il 
i'êtoit  forme  des  petits  os  fort  menus  Se  fort  minces  dans 
cette  main  au  deflbus  des  cinq  Joigts. 

Que  dans  le  couranr  de  ce  même  mois  de  Janvier  il  lui 
vint  un  gros  vilain  bouron  blanc  au-bcut  de  chacun  de  ces 
0$,  qui  paroiflbit  tout  rempli  de  matière,  8c  qui  fupu- 
loit  continuellement  une  el'pecc  de  pus  qui  fcntoit  extrême- 
ment mauvais.  . 

Qu'en  raême-tems  ilfe  fjrma  de  petits  os  à  la  partie  de 
chacun  de  fes  doigts  qui  touchoit  a  fa  main,  8c  que  lorf- 
Qiie  ces  boutons  blans  furent  léchés,  elle  apperçùt  la  join- 
ture qui  s'ctoit  formée  de  ces  petits  os  avec  ceux  qui  s'c- 
toient  d'abord  formes  dans  la  main,  ce  qu'elle  apperçùt  , 
non  feulement  a  la  vue  (ces  jointures  faifant  l'angle  ,  au  lieu 
qu'auparavant  que  les  boutons  eiillcnt  pouffe  ,  la  main  8c  les 
doigts  ctoicm  plies  en  rond  )  mais  auffi  au  toucher ,  ces 
joinnucs  lui  ayant  donne  la  facilite  de  lui  ftire  branler 
fes  trois  doigts  du  milieu,  qui  auparavant  la  guciifon  des 
boutons,  avoient  toujours  ctc  comme  tout  d'une  pièce  avec 
la  main. 

Qu'au  mois  de  Fcviietil  lui  pouffa  encore  de  pareils  bou- 
tons au  bout  du  piemict  os  qui  s'ctoit  formé  dans  les  trois 
doigts  du  milieu  ,  Se  que  ces  trois  doigts  ivaiKcrent  8c 
prirent  la  forme  de  doigts,  beaucoup  plus  vite  que  le  pou- 
ce 8t  le  peut  doigt  ,  qui  reftcient  encote  long-iem;  tout 
i  fait  motlaffes  comme  de  la  chair  morte,  quoiqu'ils  eul- 
fem  dcia  chacun  un  petit  os  près  de  la  main,  mais  fi  min- 
ce qu'on  ne  pouvoit  le  fcmu  qu'en  y  liuat  avec  grande  at- 
tcutioo. 


Pièces  jujlificatives  des  miracles 

Qu'elle  apperçùt  aufli  dans  le  même  tems  qu'il  s'ctoit  for- 
me des  ncifs  Se  des  veines  dans  cette  pente  main  ,  &c.  que 
cette  main  allongea  aufli  bien  que  les  trois  doigrs  du  mi- 
lieu, mais  peu  conlidcrablemcnt  ;  de  façon  que  la  main  8c 
les  doigts  n'etoicm  pas  encore  gueres  plus  longs  que  ceux 
d'un  enfant  de  4.  ou  y.  ans. 

Que  néanmoins  à  la  fin  du  même  mois  de  Février,  il 
commença  à  lui  pouflcrdc  petits  ongles,  tout  à  l'extrémité 
de  CCS  doigts,  lelquels  petits  ongles  paroiffoient  comme  at- 
taches au  bout  des  doigrs ,  fans  paffer  prefque  par  deffus  le 
bour  des  doigts  ,  comme  ils  font  ordinairement,  8c  com- 
me ils  font  devenus  depuis  ,  ayant  gagne  pat  dcfliis  les 
doigts  tx.  ayant  repris  la  place  que  des  ongles  ont  ordinai- 
rement. 

(Juc  comme  elle  ctoit  en  cet  état  on  vint  à  fermer  le  pe- 
tit cimetière,  8c  que  le  bruit  s'etant  répandu  qu'on  alloit 
enfermer  toutes  les  convullionnaires ,  la  comparante  lui  con- 
(èilla  de  s'en  retourner  chez  fa  mère,  ce  qu'elle  fit  étant 
fortie  de  chez  la  comparante  le  10.  du  même  mois  de  Fé- 
vrier 1752. 

Qu'elle  ne  refta  dans  fon  pais  que  julqu'au  zp.  Mars 
qu'elle  revint  à  Paris,  8c  qu'elle  alla  demeurer  chez  le  S. 
Meufnier  Maître  menuifier  qui  l'avoir  fuivic  avec  grande  at- 
rention,  depuis  que  le  Seigneur  eût  commence  à  opérer  des 
changemcns  fi  merveilleux  dans  les  parties  de  fon  corps  qui 
avoient  été  julque  là  fi  difformes. 

Que  la  comparante  l'alla  voir  avec  grand  empreffement 
auflT-tôt  qu'elle  apptir  qu'elle  etoit  de  retour  à  l'aris,  étant 
fort  ecvieufe  de  voir  fi  la  création  de  Ion  bras,  de  (à  main, 
8c  de  fes  doigrs  s'etoit  avancée  pendant  qu'elle  etoit  dans 
fon  pais:  que  l'ayant  examinée,  tout  le  changement  qu'elle 
y  trouva,  tùr  que  les  ongles  de  fa  maindroire  a 'oient  gran- 
di,  Se  avoient  commence  a  couvrir  le  bout  de  les  doigts, 
ayant  avance  dans  la  chair.  Mais  qu'au  fuiplus  il  lui  parût 
que  fes  doigts,  fa  main  8c  fon  bras  n'avoient  ni  grandi  ni 
groffi;  mais  qu'auiVi-tôt  aptes  fon  retour.  Dieu  lui  fit  rega- 
gner bientôt  le  tems  perdu  :  que  quoi  qu'elle  fût  logée  fort 
loin  de  la  compar.inre,  cela  n'empêcha  pas  la  comparante  de 
venir  la  voir  très  fouvent,  8c  toujours  avec  une  nouvelle  (à- 
tisfaction ,  remarquant  que  fon  bras ,  fa  main  8c  fes  doigts 
fe  formoicnt,  s'allongeoient  8c  fe  rempliffoient  de  chair  d'u- 
ne manière  fi  feufibie ,  qu'on  en  appercevoit  la  différence 
d'un  jout  à  l'autre. 

Que  les  os  qui  manquoient  encore  \  fes  doigts  furent  for- 
mes en  très  peu  de  jours,  8c  que  (à  main  8c  les  doigts  qui 
n'ctoient  pas  encore  plus  longs  que  la  main  Scies  doigts  d'un 
enfant  de  4.  ou  ç.  ans  quand  elle  revint  de  fon  pais  le  19. 
Mars  1752.  devinrent  enluite  dans  l'efpacc  de  deux  mois  ou 
environ  ,  tout  auffi  longs  que  la  main  Se  les  doigts  du  côté 
gauche  ;  de  façon  que  la  main  8c  fur  tout  les  doigts  crurent 
pcndanr  ce  rems -la  de  plus  que  le  double  de  ce  qu'ils  c- 
toient  auparavant;  que  (on  bras  s'allongea  aulfi  confijctable- 
menr,  mais  non  pas   néanmoins  d'une    manière  fi  frapante 


que  les  doigrs ,  d'autant  pli;s  qu'elle  ne  peut  pas  encote  reten- 
dre entièrement ,  6c  que  Ion  poignet  eil  eiKore  relie  affez 
courbé,  au  lieu  qu'elle  etecd  librement  fes  nouveaux  doigts 
de  toute  Iciu  longueur. 

Tous  lelquels  faits  la  dite  compatante  anefte  être  de  là 
parfaire  connoiflance  8c  entièrement  conformes  à  la  Té- 
rité:  8c  Icdure  ^  elle  faite  très  [Kifcmenr  du  prefent  ceni- 
ficat  rédige  à  loifit  fur  les  faits  par  elle  déclares,  elle  a  de- 
rechef  alîirme  que  tous  les  diis  fjiis  Ion  verirables  8c  en  a 
requis  acte  aux  Notaires  fouffigncs,  qui  lui  om  oclroic  le 
prcfcnt  pour  lèrvir  U  valoir  cn'tems  Se  lieu  ce  que  de  rai- 
fon.  A  Paris  en  l'Emde  de  Raimond  l'un  des  Notaires  CovS- 
figncs.  L'an  1735.  le  huitième  jour  de  |uiller  après  midi, 
8c  a  déclare  ne  lavoir  écrite  ni  figner,de  ce  faite  interpellée 
fuivant  l'ordonnance,  ainfi  qu'ireft  dir  en  la  minurcdcspre- 
fentes  demeurée  au  dit  Raymond  Noraire: /ïfn/  Le  Court 
8<  RAY.MOND  aiii  fmjfhti.  A  côté  cft  éoit  fcelle  le  dit 
joui  icçû  8.  (bis. 

ACTE     DE      DE'P05T. 

AUJOURD'HUI  cil  comparu  pat  devant  les  ronfeillcrsdu 
Roy  Notaires  1  l'aris  fouffigncs,  fieur  Charles  Lajus 
ancien  olKciet  de  la  maifon  du  Roi  demeurant  à  Pans 
rue  de  la  Calandre  paroiflè  S.  Germain  le  Vieux.  Lequel  a  ap- 
poac  à  Dclanglaid  l'un  d'cuiOnie  pièces.  La  pienuctc&ç. 


'fpérés  fur  Jeanne  Temrd. 


r-5 


IL 


Certifcat  de  M.  de  Chantepie. 

JE  (biirtigne  l\iaitre  Anne-Emmanuel  de  Pennard  Cheva- 
lier Seigneiu  de  Chantepie  ,  Gand-lemes,  Le  Bois  lu- 
bcxuf,  Courbns,  La  Reiniere:  Seigneur  Châtelain  des 
Châtelknies  de  Lamboult  ,  FoulTay  ,  iSc  des  Fieft  &  Sei- 
gneuries de  la  Boiffiete,  le  ChatcUcr,  Jagu,  le  Vaupieton, 
la  Petchaye ,  la  Renaudicre,  Oyc,Si_lly,  Lânerie  &  Aver- 
ton  :  &  Seigneur  fondateur  de  l'eghfe ,  S.  Martin  de  Lon- 
fougere  demeurant  rue  &  paroifl'e  S.  Louis  ille  Notre-Da- 
me. Certifie  a  tous  qu'il  appartiendra  avoir  vii  environ  les 
premiers  jours  de  Novembr.;  de  l'année  I7JI.  la  nommée 
Jeanne  Tenaid  native  de  la  paroifl'e  du  Pleliis  -  Di;raee  dio- 
céfedeSens  venir  au  rombeau  du  Bien-heuteux  Diacre  Fran- 
çois de  Paris,  pour  demander  à  Dieu  par  fon  mterccffion 
i'ulâge  détour  le  côté  droit  dont  elle  etoit  eftropiee. 

Comme  fon  état  etoit  aftVeux,  je  fus  charme  d'avoir  oc- 
cafion  de  m'edifier  &  de  foiiitîei  ma  foi  par  la  vue  d'une 
pareille  guerilôn:  ce  qui  m'a  engage  à  l'examiner  avecfoin, 
&  à  la  voir  le  plus  louvent  qu'il  m'a  ete  poinble. 

Je  Certifie  que  dans  les  premiers  jours  que  |e  lavis,  fon 
bras  droit  étoit  tout  décharné  depuis  l'épaule  jufqu'au  poi- 
gnet :  qu'il  étoit  même  delTeche:  &  qu'il  n'avoit  que  la 
peau  attachée  fur  l'os,  &  que  ce  bras  n'etoit  pas  plus  long 
que  celui  d'un  enfant  de  ?.  ou  4.  ans:  que  ce  bras  etoit 
en  demi  cercle  n'ayant  qu'on  pli  au  milieu  fans  qu'on  y 
diftingât  aucun  des  os  qui  forment  le  coude  :  qu'au  heu  de 
main   il   n'y  avoit  au   bout   de   ce  bras  qu'un  morceau  de 

Quelque  chofe  couvert  de  terre  fort  difforme,  fans  qu'on  pût 
ire  ce  que  c'etoit  &  fans  qu'on  y  fcntit  ni  os  ni  nerfs  , 
ni  rien  qui  put  faire  prendre  cela  pour  nne  main:  qu'il  y 
avoit  pturtant  des  figures  de  doigts  extrêmement  menus  & 
très  courts  fans  jointures  &  fans  ongles,  qui  étoient  plies 
en  rond  dans  ce  morceau  difforme ,  &  que  le  tout  enfemble 
qui  croit  tout  en  un  tas  &  rond  prefque  comme  une  bou- 
le ,  n'etoit  pas  plus  gros  qu'une  grofle  noix ,  &  etoit  recour- 
bé en  dedans  fows  Con  poignet  qui  etoit  tout  tenvetfé,  de 
ibtte  que  cette  boule  étoit  comme  coUie  au  deflbus  du  bout 
du  btas  delTechc. 

Je  certifie  auifi  qu'elle  avoit  la  jambe,  &  le  pied  droit 
tout  tournés  en  dedans,  &  retirés  de  forte  qn'elle  ne  s'ap- 
puyoii  que  fur  la  pointe  du  pied  en  dedans ,  &  qu'elle  por- 
toit  fa  jambe  &  la  cuiflé  toute  d'une  pièce.  Je  certifie  de 
plus  que  depuis  que  j'en  ai  fait  la  rencontre  au  tombeau  du 
Bien-hcuieux  François  de  Pâtis  jufqu'à  ptefênt,  je  l'ai  prel- 
que  roujours  trouvée  avec  des  convullions  exttêmemeut  vio- 
lentes: que  j'ai  vu  que  dans  les  premiers  mois  fa  jambe s'é- 
toit  entièrement  gtierie ,  de  forte  qu'elle  s'appuyoit  Itir  fon 
pied  droir  à  plat  fans  boiter ,  6c  que  depuis  fcn  btas  droit 
s'eft  ranime  &  regarni  de  chairs  &  fi  confiderablement  al- 
longe &  grofC  ,  qu'il  eft  prcfentement  presqu'audi  long  8c 
preuju'auUi  gros  que  fon  bras  gauche ,  &  qu'au  lieu  du  pe- 
tir  bourde  matière  dilïcime  qui  y  etoit,  il  s'eft  peu  à  peu 
forme  une  main  &  de  véritables  djigts  qui  ont  toutes  les 
patries  qu'une  main  &  des  doigts  doivent  avoir ,  ayant  pré- 
fentement  des  os  ,  des  jointures,  des  nerfs,  des  ongles,  en 
un  mot  tout  ce  qui  forme  une  main  5c  des  doigts,  cette 
main  &  ces  doigts  étant  même  prelcnteminent  aufïi  longs 
&  prefqu'auffi  gros  que  fa  main  Cx  fes  doigts  du  côte  gau- 
che. Et  comme  Dieu  m'a  fait  la  grâce  de  me  faire  voir 
*c  admirer  une  fi  grande  merveille  qui  eftevidemment  une 
création  ,  laquelle  eft  d'autant  plus  étonnante  que  cette  fille 
a  prcfentement  près  de  31.  ans  fiiivant  fon  extrait  batiftai- 
re  que  j'ai  vii ,  j'ai  ctû  être  obligé  en  confcience  de  don- 
ner le  prcicnr  ceirificat  pout  rendre  témoignage  à  la  vérité , 
atteftant  devant  Dieu  que  je  n'y  a  rien  mis  donr  |e  n'aye 
une  entière  connoifi'ance  ,  ayant  toujours  vu  cette  fille  de 
tems  en  tems  depuis  la  première  fois  que  je  la  ttouvai  à  S. 
Médard:  En  foi  nequci  j'ai  figne  le  prciènr  Fait  ce  2.2. 
Juin  I7;r  awfî  Ppué  DE  ChANTEPIE.  ^i!  rlrffh:!s: 
contrôlé  à  Paris  lé  4.  Juillet  1733.  reçu  12.  fols,/c?(t  LA 
C  R  O  1  X  ,  &C. 


Obfervat.  1,  Part. 


Certifcat  de  M.  'Rrévigiitn  TrèCorîer  de  PEgtife  cot' 
coHegi.iU  de  Bray  fur  Seine. 

JE  fouflignc  Fiacre  Brevignan  Prêtre  Treforier  &  Cha- 
noine ue  l'Eglife  Collégiale  de  Notre  Dame  de  BraV 
fur  Seine,  ceitifie  avoir  vu  la  nommée  Jeanne  Tenard 
mie  de  feu  Edme  Tenard ,  &  d'Anne  Mortier  de  la  paroif^ 
(c  du  PlelTis-Dumce ,  âgée  d'environ  30.  ans  paflant  par  cet- 
te ville  lur  la  fin  du  mois  d'oaobrede  l'année  it^i.  laquel- 
le m'ayanr  dit  qu'elle  alloit  à  Paris  pour  implorer  le  (è- 
cours  de  Dieu  &  lui  demander  fa  guerifon  par  l'interceffion 
du  B.  iM.  de  Paris  au  tombeau  duquel  elle  avoit  oui  dire 
qu'il  fe  faifoit  beaucoup  de  miracles,  me  montta  fâ  main 
droite  qui  me  parut  une  fois  plus  petite  que  la  gauche  fans 
mouvement  &  d'une  coideur  terreufe,  renverfee  au  deflous 
du  poignet,  les  doigts  fans  aucune  articulation,  &  qui  ne 
paroifloient  poinr  avoir  d'os  &  n'avoient  point  d'ongles.  Se 
qui  n'eroient  pas  plus  gros  que  le  tuyau  d'une  plume  à  écri- 
re ,  le  tout  rentrant  en  cercle  dans  la  paume  de  la  main  , 
fans  pouvoir  les  redrefler  ni  allonger,  enforte  que  fes  doigts 
&  là  main  n'avoient  l'air  que  d'une  boule  de  terre  groSe 
comme  un  grofle  noix  avec  ton  ecorce  &  néanmoins  plus 
applatie:  le  bout  du  bras  que  je  vis  feulement  8c  la  main  : 
ctant^  tous  delfechcs.  En  foi  de  quoi  j'ai  figné  le  piefent 
certificat  pour  fervir  à  ce  que  de  raifon.  A.'  Bray  fur  Sei- 
ne le  vingt -deuxième  joui  de  Mai  1733.  Signé?.  Iîre'- 
V  I  G  N  A  N  ,    &c. 

III. 

Certifcat  de   M.  Sflwjage  Marchand  en  gros  ,   G» 
Echevin  de  la  ville  de  Parti, 

JE  (bufligné  Marchand  de  mouflTeline  en  gros,  demeurant 
à  Paris  rue  de  l'Kgnillerie  paroillè  Sainte  Oportune ,  cer- 
tifie à  tous  qu'il  appartiendra  avoir  vii  auprès  du  tom- 
beau du  S.  Diacre  François  de  Paris  à  la  fin  d?  l'année  i';i. 
la  nommée  Jeanne  Tenard  qui  m'a  dit  êttc  native  duPlef^" 
us-Dumce  diocefe  de  Sens ,  laquelle  étoit  pour  lors  en  con- 
vulfion  8c  paroiflToit  foufftit  beaucoup.  Je  remarquai  qu'el- 
le avoit  le  bras  droit  extrêmement  court  6c  defllche  ,  & 
qu'aubout  il  y  paroifToit  une  efpece  de  moignon  au  delTous 
duquel  penJoit  un  morceau  de  chair  d'un  violet  couvert  de 
terre  qui  n'etoit  pas  plus  gros  qu'une  groHe  noix,  tout  ra- 
tatine en  rond,  8:  que  Çùn  état  me  fit  beaucoup  de  pitié. 
Que  depuis  ayant  appris  que  fon  bias  6c  fà  main  avoienc 
repris  vie,  8c  qu'il  y  avoit  un  changement  fjit  conlldéra- 
ble,  j'ai  retourne  la  voir-,  8c  que  j'ai  trouve  que  fon  bras 
droit  s'etoit  confiderablement  allongé  Se  s'étoit  garni  de  chairs, 
8c  que  ce  vilajn  petit  morceau  de  chair  informe  que  j'a- 
vois  vu  au  deflous  de  fon  moignon  avoir  giandi  6c  grofli  de 
plus  de  mciitie,  &<.  avoir  pris  la  forme  d'une  main  6c  avoit 
même  prélenteraenr  des  doigts  prefqu'aulfi  grands  que  ceux 
de  la  main  gauche,  ce  qui  eft  une  véritable  création  vu  l'e- 
tat  diffeient  ou    elle  etoit  à  la  fin  de  l'année  1731.  ce  que 


je  certifie  être  un  miracle  évident  qui  n'a  pu  être  opéré 
que  par  la  Toute-puiflànce  de  Dieu  ,  qui  l'a  accordé  parl'in- 
terceflion  du  S.  Diacre  François  de  Paris  à  qui  elle  s'ad- 
drelibir  continuellement,    Fait  à  Paris  ce  zo.  Mai  1733.  yf- 


lat  uiin.iv.iit  vjw    cm.  cLuii   a  la  im    tic  i  auuee    1/31.  te  que 
je  certifie  être  un  miracle   évident  qui   n'a   pu   être   opéré 

.-jue  par  la  Toute-puiflànce  de  Di" •  "■ ''  — -■•- 

terceflion   du  S.  Diacre   Françoi; 
drelibir  continuellement     ^■-  "- 
int  Sauvage,  8cc. 

IV. 
Certifcat  du  Si'.ur    'Bertrand. 

TE  fbufligné  |ean-Baptifte  Bertrand  Receveur  de  Mon- 
feigneur  le  Grand  Prieur  de  France  à  la  Commandcrie 
de  Launay,  demeurant  prcfentement  au  Château  de  la 
paroiflè  de  Vinneuf  diocele  de  Sens  ,  de  préfent  à  Paris. 
Pour  rendre  gloire  a  la  Toute  -  puilfance  de  mon  Dieu,  je 
déclare  dans  toute  la  fîncetité  de  la  vérité,  qu'étant  aile  à 
Paris  pour  mes  affaires  environ  la  fin  de  Novembre  1^53. 
je  fus  à  S.  Medard  pour  y  voir  les  merveilles  que  Dieu  y 
operoit,  8c  pour  lui  demander  ma  conveifion  par  l'intercet 
fion  du  Bien  -  heureux  Diacre  :  ou  étant  frappe  autant  pat 
les  miracles  qui  s'y  operoient  qu'édifie  par  la  grande  cliari. 
té  qui  s'y  exerçoit,  Se  par  l'onction  des  prières  qui  s'yicci- 
toient;  j'éprouvai  moi-même  la  force  de  la  grâce  qui  méfie 
voir,  aimei, vouloir, &  pratiquer  ce qu'aupavaraot  non-feu- 
D  Je, 


j  ,  Pièces  jujîificatives  des  miraéïes 

Jeraent  ie  ne  tiroU  pas,  mais  encore  ne  pouvois  le  faite 
fluoique  je  le  lus  8c  que  je  le  vis.  Après  ina  pncre  je  fus 
ftus  les  charniers  pour  y  voit  ceux  qui  étoicnt  agites  de 
convulfions,  &  pour  leur  pictet  du  fccours:  j'y  remarquai 
eoti'autres  une  fille  qui  me  parut  âgée  de  ;o.  ans,  &  dont 
Je  bias  droit  etoit  extrêmement  dclleche  Sx.  reflembloit  à 
la  patte  d'un  chapon  rôti ,  &  dont  les  agitations  etoicnt  ter- 
liblcmem  violentes,  ce  qui  m'obligea  de  demander  d'où  el- 
le ctoit.  Sa  fœur  prit  la  parole  &  me  dit  qu'elles  s'appcl- 
Joient  Tenatd ,  &  qu'elles  ctoient  du  PlelTis  -  Dumec  dioce- 
jê  de  Sens ,  ce  qui  m'attacha  plus  paniculiexement  à  l'e- 
xaminer ,  &  à  lui  porter  du  Iccours  étant  du  même  pais. 
Elle  m'ajouta  qu'il  y  avoit  déjà  plufieurs  jours  qu'elles  c- 
toicnt  à  Taris  ,  Sx.  que  Dieu  s'ctoit  déjà  manifclle  fur  la 
futur  qui  auparavant  ctoit  boiteufe  n'ayant  aucun  mouvement 
dans  le  gcnoudroit  depuis  l'âge  de  3.  ans,  &  ayant  la  jam- 
be du  mime  c6:c  rciirce  &  tournée  en  dedans  :  &  que 
depuis  le  commencement  du  mois  qu'elles  ctoient  venues  à 
S.  Médard  Ton  genou  s'ctoit  deflbuJc,  &  fa  jambe  s'etoit 
allongée  :  de  façon  qu'elle  marchoit  pour  lots  lans  prelquc 
boiter. 

Comme  je  lui  prctois  fecours  dans  fes  convultions  ,  )e 
m'occupai  à  examiner  fon  bras  dans  les  intervalles  de  fes 
agitations  ;  je  vis  qu'il  reflembljit  plutôt  "a  un  petit  mor- 
ceau de  bois  crochu  au  bout  duquel  etoit  comme  un  petit 
fouchon,  qu'.i  un  bras  Se  une  main.  Ce  bras  n'etoit  qu'un 
os  encore  bien  mince  &  bien  petit  ,  fur  lequel  il  y  avoir 
sonjine  une  crpccc  de  vieux  parchemin  de  couleur  de  tctre 
oui  le  couvroit:  au  bout  de  ce  bras  il  y  avoit  une  efpece 
de  morceau  de  chair  de  la  même  couleur  que  ce  bras,  rout 
informe  &  ou  il  paroinoit  de  petits  doigts  foit  couits  qui 
stoicnt  colles  enfcmble,  &  tenvetfts  dans  ce  morceau  de 
chair ,  &  qui  n'eioienr  pas  plus  gros  que  de  gros  fourchons 
de  fourchettes  :  le  bout  en  etoit  courbe  en  dedans  au  dedous 
de  l'cndtoit  ou  auroit  dii  être  le  poignet ,  &  plufieurs  per- 
ibnnes  elTayetent  devant  inoi  fi  on  pourroit  detaclier  ces  elpe- 
ces  de  doigts  de  dedans  cerre  efpece  de  main  pour  les  exa- 
miner davantage,  mais  on  ne  put  en  venir  a  bout  quoiqu'il 
n'y  eut  aucune  fcnfibilite  ,  tout  ce  bras  ne  prenant  aucune 
Bourriture  &  étant  fec  comme  un  itTotceau  de  bois. 

Enfin  j'afluic  qu'au  bout  d'un  mois  ou  environ  que  je 
teftai  à  Paris,  je  m'appcrçus  qu'il  s'etoit  fait  de  grands 
changemens  à  ce  bras:  au  lieu  qu'il  étoit  de  couleur  de  ter- 
le  quand  je  le  vis  la  première  fois,  il  prit  d'abord  unecou- 
Jcnr  violette  &  enfuite  prit  peu  à  peu  une  couleur  dechair, 
ce  qui  me  fit  juger  qu'il  alloit  (è  ranimer. 

Quelque  tems  apr(;s  étant  de  retour  au  pais  l'on  me  dit 
^ucla  dite  Tcnard  ctoit  revenue  chei  e;le,&  qu'elle  y  a- 
voit  de  fi  grandes  convulfions  que  le  dellctvant  de  I.1  pa- 
loillc  la  dcfoloit  &  fembloit  vouloir  commander  à  l|œu- 
«e  de  Dieu  en  lui  défendant  d'enrrer  à  l'Eglifc,  &  lui  di- 
fant  de  finir  fes  agitations ,  fi  non  qu'il  la  feroii  prendre  , 
&  qu'elle  fcandalifoit  toute  fa  paroUlc  avec  fa  prétendue 
gucrifon.  ... 

Il  fit  fibien  par  les  difcours  que  les  pcrfonncs  qui  ctoient 
dans  l'habirude  de  donner  quelques  fecours  à  la  Mère  de  la 
dite  Tenard,  ceflcrent  de  l'artilter;  de  façon  qu'elle  fc  vit 
abandonnée  de  tout  le  monde,  5c  tomba  avec  (es  filles  dans 
une  extrême  pauvreté.  L'avant  appris  je  fus  les  voit,  tant 
poux  Vj.  conliiler  ,  que  pour  connoitre  fi  la  gutrilon  du 
bras  de  la  dite  Tenard  | etoit  avancée  depuis  que  je  ne  l'a.- 
*ois  vue:  je  la  trouvai  au  lit ,. parce  que  fes  convulfions  c- 
toient  G  fortes  &  C  fréquentes  qu'elle  ne  pouvoit  (e  tenir 
de  bout  ,  n'»ya;it  pas  du  monde  fjffifâmmant  pout  la  te- 
nir. Je  vis  fa  Mcre  Se  fes  foeurs  auprès  d'elle  qui  ne  ccf- 
li'ient  de  louer  &  de  remercier  le  Seigneur,  &  qui  dans 
l'abandon  total  ou  elles  ctoient ,  mettoicnt  toute  fcui  cga- 
fiance  en  Dieu. 

La  Mère  i  qui  je  demandai  depuis  quand  fa  fille  avoit 
ite  incommodée  ,  me  dit  que  c'cioit  depuis  l'.ige  de  trois 
ans, &  me  confirma  ainfi  que  bien  d'autres  me  l'avoient  dit, 
au'elle  .ivoit  la  cuill'c  &  la  jambe  droites  ptcfque  deflè- 
c>iees .  8c  les  os  du  genou  tout  contournes ,  8c  ce  genou  3c 
la  jambe  tournrs  en  dedans  8t  reiitcs  en  atticre  avant 
que  d'aller  à  Paris,  8c  qu'elle  en  ctoit  revenue  parfaiicmcnt 
gucric  a  cet  cg;id.  j'examinai  Ion  bras,  fon  poignet  8c  i<% 
auig;i  ou  |e  trouvai  un  fi  grand  progrès  que  je  ne  pouvois 
collet  d'en  louer  le  Seigneur.  Je  vis  'que  ce  bras  s'ctoit  ga^- 
Ai  de  ctuiu  &  lue  U  couJcui  co  ctoit  dcvcaue  picfq^u'c* 


gale  à  celle  de  fon  bras  gauche ,  &  qu'il  étoit  confidérable» 
menr  gtofii  Se  allonge  :  que  les  os  de  fon  coude ,  8c  de  fon 
poignet  s'etoieni  formes  Se  mis  en  place  oii  ils  dévoient 
etic,  8c  que  fes  doigts  s'ctoient  ouverts  i<  dégages  de  de- 
dans fa  main ,  8c  que  fa  main  Se  fes  doigts  s'etoicnt  for- 
mes de  façon  qu'ils  avoient  pour  lors  l'air  d'une  main;  au 
lieu  qu'auparavant  on  ne  favoit  ce  que  c'ctoit,  tant  tout  é- 
toit  difforme. 

le  vis  même  qu'il  lui  étoit  venu  des  bouts  d'ongles  à  l'ex- 
trcmitë  du  bout  des  doigts  qiii  ctoient  encore  extrêmement 
courts,  quoi  qu'ils  debordaflem  le  bourdes  doigts,  mais  qui 
avoient  prefque  leur  largeur:  au  lieu  qu'au  mois  de  No- 
vembre prccedent  il  n'y  avoit  point  d'apparence  qu'il  vint  ja- 
mais des  onç;les  au  bout  des  petits  morceaux  de  chair  qui 
lui  tenoient  lieu  de  doigts. 

Je  vis  de  plus  qu'elle  commençoit  à  avoit  quelque  mou- 
vement dans  le  bras  qu'elle  ctend'oit  un  peu ,  ce  le  replioit, 
8c  même  qu'elle  commençoit  à  s'en  fervir  ,  lui  ayant  vu 
prendre  une  chailc  avec  ce  bras,  après  quoi  il  lui  prit  de- 
vant moi  de  lî  terribles  convulfions,  que  |e  fus  obligé  de 
prêter  la  main  à  fes  fœurs  fans  pouvoir  la  tenir  qu'avec  une 
très  grande  peine  :  fes  agitations  etoient  ft  violcrues  que  -fi 
vis  fa  gorge  s'enfler  extraoïdinairement,  de  façon  que  les 
veines  de  Ion  cou  ctoient  de  la  grolVcur  d'un  doigt ,  îc  tous 
fes  nerfs  ctoient  extrêmement  rendus.  J'ai  fù  que  peu  après 
elle  revint  à  Paris  ,  depuis  lequel  tems  je  ne  l'ai  plus 
vue  que  le  zi.  Juin  1753.  qu'étant  lors  à  Paris,  8c  ayant 
fù  ou  elle  etoit,  je  l'ai  été  voit  avec  grand  empreflcnient. 
J'ai  trouvé  que  fon  bras  s'ctoit  très  conlidcrablcment  allon- 
ge, fortifie  8c  groffi:  de  façon  qu'il  eft  prefentement  ptef- 
qu'aulTi  long  5c  auflî  gios  que  l'autre.  Sa  main  âc  iès  doigrs 
le  font  entieteinent  formes  ,  allonges ,  accrus  Se  grolTis  de 
plus  d'un  riers  qu'ils  n'etoient  lors  que  je  la  vis  la  deuxiè- 
me fois  dans  fon  pais.  Il  lui  eft  venu  des  os  8c  des  nerf», 
de  façon  que  c'cft  prefentement  une  vctitable  main  qui  eft 
même  audi  longue  que  l'autre,  mais  pas  tout  à  fait  li  grof- 
le.  Elle  a  le  mouvement  beaucoup  plus  libre  qu'cUe'n'i- 
voit  dans  le  bras  mais  fon  poignet  eft  encore  courbe  quoi 
qu'il  le  foit  beaucoup  moins  qu'il  n'ctoit.  Tous  lefquels 
faits  j'attefte  devant  Dieu  vctitables  Se  fincetes  ce  que  je 
me  crois  oblige  ,  en  confcicnce  de  publier  toutes  fois  Se 
quand  bcfoin  fera.  En  foi  de  quoi  j'ai  drefle,  écrit  Se  fi- 
gue le  prelènt  certificat.  Fiit  à  Paris  ce  2i.  juin  1753.^»" 
(flé  J.  IJ.  Bertrand,  Sec. 


Certifcat  du  S.  Heurtaut. 

E  certifie  très  Vcritable  le  recii  fuivant.  Le  jour  de  U 
fête  de  tous  les  Saints  en  l'année  1^52.  Je  fus  à  S.  Mer 
dard  fur  les  11.  heures  du  matin.  Enconlidcrantlegrand 
nombre  de  Convulllonnaires  qu'il  y  avoit  Ibus  les  chainiets , 
«'attachai  à  voir  une  pauvre  fille  de  la  c 


J 


le 


campagne  qui  av 
de  ttès  fortes  convulfions)  qui  avoit  fa  loeui  avec  elle  à  qoi 


le  demandai  d'où  elle  ctoft.  Elle  me  du  qu'elle  etoit  du 
Pleflis-Dumce  diocefe  de  Sens:  elle  fe  nommoit  Jeanne  Te- 
nard; je  lui  demandai  oii  elles  avoient  couche,  8c  (a  fœur 
lue  dit  qu'elles  avoient  etc  à  l'hôpital  de  Ste.  Caihetine 
n'ayant  aucune  connoiilance  à  Paris,  &  n'ayant  rienpourvir 
vre,  8c  qu'elle  avoit  accompagne  fa  focur  qui  avoit  voulu 
venir  à  Paris  au  tombeau  du  Bicn-hcutcux  de  Paris,  dont 
elle  avoit  entendu  parler  dans  fon  pais  :  8c  même  elle  me  cTit 
qu'elle  avoit  commence  à  moitié  chemin  à  tencmitdesconr 
vulfions,  8c  que  cela  ne  l'avoit  pas  empêche  de  m  archet: 
mais  que  dès  ce  premier  jour  qu'elle  s'ctoit  mile  fut  la  tomr 
bc  du  B.  P.  elles  lui  avoient  teJoublc.  Elle  etoit  du  nom- 
bre de  celles  qui  en  avoient  des  plus  violentes.  Elle  prioit 
ceux  qui  la  tenoient  de  la  mener  fut  la  tombe  8c  quand  elle 
y  etoit  elle  n'en  vouloir  pas  lortir.  Je  confidcrois  cette  pau» 
vre  fille  àgce  d'environ  xo.  ans  qui  boitoit  de  la  jambe 
droite  qui  etoit  retiîtc,  8c  le  bras  îlioit  de  moitié  ou  envi- 
ton  plus  court  que  l'autre.  Sa  focur  me  dit  que  depuis  l'ige 
de  5.  ans  il  n'avoir  point  ptoHic  :  que  c'ctoit  un  toutbillon 
qui  Pavoit  tenvcifccSc  bicflëe  de  la  forte.  Son  bris  iufqu'à 
Icpaule  etoit  tout  démanche  lans  mouvement  n'ay.int  point 
pris  de  noutrituie;  d'une  couleur  brune,  tout  delVcche ,  Se 
tout  tenvetlc  en  dedans.  Sa  main  ou  pout  mieux  dite  fon 
moignon  ,  car  cela  n'avoit  [loint  forme  de  main .  tons  le» 
petite  tluigts  ctuknt  coUc»  l'un  coauc  l'aïuic  iua  forme  de 

tloigtl 


^-  opérés  fur  feanne  Tenar^ 

re  le  neit,     6a  iœur  me  raconta  comment  cela  lui  étoit  ar- 

Quvil<?f ,>  T""'^  '\'"  '''^"■^  '™'  fo"  "«  droit  Ôuo- 
qu  elle  fut  Tur  un  oreiller,  ne  IVmpéclioit  pjs  de  crrer  tant 
elle  «nentoit  de  dcaleur.  C'eft  pourquoi  elle  a  etéobl.'re 
de  demander  fa  v,e  dans  fon  pars,  n'ayant  pas  du  bien  pSur 

Je  la  laiflài  à  S.  Medard.le  lendemain  fe  l'ai  trouvée  à  la 
f;onsle'"lnn:T\'"''"'"i  ^^  S'  M^^^^d 'ayant  des  convu  ! 
fous  les  bris  1  f  "7"  K^T~^"^°"""  ^hiritables  la  tenant 
lous  es  bras  Je  parlai  à  la  Iœur  qui  me  dit  qu'elle  cher- 
chou  l-,mage  Ste  Geneviève  du  petit  jardinet:  ]e  lui  mon- 
trai la  porte  ou  demeuroit  Mademoifelle  de  Brai  marchan- 
avoit  n^n.'V"h  '^l'  '"'""'?;'  'I"  '^  ^^"'^  à  S.  Medard  qu'eUe 
le  lésT.M    '"''''  r".'"=  '"  '^'"""""^  toutes deur &Vel- 

suerl  bif    n  ,'.°".  ^"'^'-^   "  1"'"  P'^'''=  ^  Dieu  d'acheter  fa 
guenion    que    ai  vue  augmenter  de  jour  en  iour     Car  Hr 
meurant  fur  le  Pont-Mari?,  je  pan'ois'  très  IbJvTn^paT-    .   |e" 
In     l'^"f  P^^"^'  tems  après  fa  jambe  s'eft  allongée  :1e  gi 
nou   étant  tout  démanché  &  tourne  en  dedans,  s-?ft  fortifie 

pa£ne'es''de'  .nnf  ,r "'°"l  '""  ''?  grandes  douleurs  accom- 
pagnées de  convuUions,  &  peu   de  tems  après  elle  ne  boî- 

elle  ntvoif  n  '"","  ?"^  '"'"""  ^"^  ^"''"  ^  S  Medard: 
heurëuv     Fili  '  '°/'  "^u'  ''""''  fur  la  tombe  du  Bien- 

neureux.    Elle  partoit  a  huit  heures  du  matin  avec  fa  fœur 

fvol^lT"  P"f?"""  ''""'^Wcs  quilaconduifoient,cardï^ 
ven?  r  n,.rr™"!°"'  """'  K  ''^"S  '^^  chemin, &  euè  ne  re- 
vulfiÔn  ^^1  n'i'f  ff  ■'^7"'  heures  du  foir.  toujours  en  con- 
Se  X;r  '  "^  ^'1'°"  ''■"  P"'^'"  "'  ^^  """"g"  "i  de  boire: 
elle  alloit  a  ,eun  &  revenoit  de  même.  Ce  qu'il  v  avoitdé 

a^^s^Convuî-  '''"'■'"''  P^""-^  fille,  commîdan's  JouTlt 
ro  nr   f"™""'»™^"-"  que  fai  vu.c'eft  qu'on  ne  la  voyoit 

grandes  peines:  ce  qui  fait  croire  qu'ils  reflèment  une  «race 

inteueure  gui  la  leur  fait  aimer,  tar  je  lui  ai  entendu  dî- 
mes V.'^"''  ^^  "'^'"  dans  des  douleurs  qui  tiroicnt  leslar- 

Ms  elle  in".''  f"  f^'"''  1"'^"  ""l'eu^de  tomes  ces  pei- 

Rnvf      ^    '  P'"'  '  '  '^'^  1"^  dans  la  poniûion  de  tous'^les 

CS  d'abori^r"'''-  '"'i  '"  ^°"^  ^%'  ^=S'"  defaguerifon 
ni;,!  H   ,r,  ,. '°°  'P^"^  1"'  ^'^^  retournée  en  prenant 

mer    fn^   h""  ''  n"^  ^roffir  jufqti'au  coude,  la  chai  fefor- 
fcmmS  v-^"/  s-allonger.    Dans   fes   convulf.ons  nous  nous 
lonimes  vus  douze  perlonnes,  f,x  de  chaque  côte   la   rirer 
ce  qui    u,  fa^foit  plailir  &  lui  faifoit  allonger,  toujours  dans 

es  douleurs.  On  a  vu  la  chair  fe  former  ,na  peau  blanchir 
éninble  f?V"'-  'f  P""^,do.gts  qui  ctJient  "attachés  toÛ 
four  en  i'n,fr  [""'  '^"f^P  '""  "P^"  '■^""^'  l'""  fentoitde 
celer  l  'Tn  "  T  "  ^""">  '"  °"g'"  P"""",  la  peau 
nrirJn,  '2''  ''^  ""'^"'^'  "'  1'°"  peut  dire  que  c'eft  à 

Dlus  hLn"h  "'^'"..'"«^  "°"velle,  qui  eil  bien  plis  belle  & 
pus  blanche  que  l'autre,  avec  des  petits  nous  cotf^me  la  mahï 
a  un  ,eune  enfant,   Le  jour  de  S.  Matthias  de  l'annce  ,^5- 


3^ 


l'on,  prit   le  parti  d^la  renv^ye^à'^  pais^le  l'a'iVouYo'urs     t^'  ^°T'?  ^"<=  "-^'^  '"^  "^^^^ 

Pere?d''e''.a'n''";'"'  ^"  T"^^''-  ="=  ^'ete  dans  h  rue  di       e  lôn'bras  l^'îf  ^  '  ""/'"  P'"^  ""''S''-    J'^  ^"^^^"^ 
mes  de  la  ^Doctrine,  enfuite  rue  de  la  Mortellerie  à   H.,"     '!_,?".'",''?  ^^  '^  '"3'"  droite,  que  l'ai  trouve  rallonges  très 


Perp.  hV  I,  r.^ V  'evcuue:  elle  a  eie  dans  la  rue  des 

,nJ  •  i?„P''<^^""e,  enfuite  rue  de  la  Mortelleiie  à  deux 
endroits  difterens.  L'on  a  été  encore  obligé  de  la  chanc^èl 
fait  la  Pr','/."!,.-'"^'°'"    °^'^  ^■^'  ^°"J'"'='  D.eu  m'ayin 


que  le  bras  gauche  &  que  l'avanf-bras  qu'elle  laiffbit  à  dé- 
couvert; etoit  prefque  delleche  &  avoir  la  peau  de  couleur 
violet.e:quece  bras  n'avoir  de  mouvement  qu'a  l'articulation 
de  1  épaule  &  qu'il  fotmoit  au  furplus  un  demi  cercle  ,  le 
f^TZ  r  T>T'  ^"  ''""  ^"  remontant  jufqu'au  def- 

|ous  de  la  mamelle  droite ,  &  que  maigre  l'impetuolîté  des 

b^enTfrn'^'  ""''  '°"  '"'P^  queplufie^uxsperfo^nnesavoient 
b  !  dro  t  .^  r^  a  retenir,  le  demi  cercle  que  décrivaitfon 
b  as  droit  conlervoit  tou,ours  la  même  figure  fans  s'étendre 

nar  ce  hr''  '^"'"  T''"V'"^'  &  l"'»"  la  retint  quelquefoil 
par  ce  bras  pour  1  empêcher  de  fe  brifer  le  corps  conrre  ter- 

de  '\  ""'  '"}''r'^  "eu  que  la  main  qui  eto.r  au  bout 
de  ce  bras  eto.t  de  la  même  couleur  quel'aVant-bras,cW 
bf,  ?Z"  T"  ^'^"'^eollee  à  la  partie  interne  de  i'avant- 
n'I  'i  '  1  '°"  ""^  poignet  et.,nt  entièrement  fléchie, fans 
â  rinn    ^i'"'^"  ^igitations  fiflènt  aucun  changement  à  fa  ^- 

ës  S,.  1^"'  ""'  ""'"  -î"'  "°"  '°"'=  '"f°'"^e  Je  dont 
me  'l"  ,S'f„f;'"euro,ent  rou,ours  fermés  &  rentres  dans  la  pau 
me  netoit  pas  plus  grolle  que  celle  d'un  enfant  de  7.  à 
».  ans,  ians  qu  il  parut  aucune  articulation  à  fes  doi«ts  oui 
etoient  très  courts  .Sc  très  mince.:  ce  qui  me  fit  ju»er  q^uè- 

mfi^  Infin'  P''r'  ""'"  Se  de  ces  petits  doigts  eiëientcT,! 
nihes.    Enfin   )'oofervai  que  la    ambe  droite  etoit  toujours 

quele  fit  des  mouvemens  très  violens  avec  cette  jambe  que 
tous  ces  mouvemens  parroient  de  la  hanche  &  de  l'anicuh- 
tion  du  pied      a  |ambe  au  furplus  reftant  toujours  en  même 

ee^ou  V  l"?"''  ^  ^."^^"""J  mouvemens  en  l'articulatSu 
genou:  &  l'ayant  vue  marcher  loifjue  fes  convuUions  furent 
pallees,  je  m'apperçiis  qu'elle  boîtoir  de  cette  j.-uiibe  qu'eî- 
îe  la  ttainoit  &  qu'elle  la  portoit  toute  d'une  pièce  comine 
fi  -c'eut  ete  une  jambe  de  bois.  comme 

Je  certifie  de  plus  que  M.  de  Momgeron  Confeiller  a» 
Parement  m'etanc  venu  voir  le  30.  Mai  i-„    m'adem-n 
de  11  ,e  me  rellouyenois  d'avoir  v'ù  fous  les  charniers  dë'3 
Medard,  une  pailane   dont   le   bras  droit  etoit  defleche  t 
beaucoup   plus   court  que  le  bras  gauche,  &  dont  la  jambe 
du  même  cote  etoit  retirée  &  recourbée  en  dedans -que  lui 
9)anr  du  que  )e  m'en  refiouvenois  fort  bien,  il  me  pronafa 
de  me  mener  la  voir,  m'alfurant  que  fon  bras&iamam^ 
toient  confidérablement  allonges,  &  que  fa  jambe  du  me"m; 
cote   s-etoit  remife  dans  fon^erat  natiel  :  &  étant  con^nu 
aveclui   d'y  aller  le   lendemaui,  il   m'eft  venu  prendr^ce 
our-la    31.   Mai   à  deux  heures  dans  fon  carofle.&rX", 
mené   dans   la  rue  des  Boulangers  Faubourg  S.  Viâor    o^: 
il  m'a  fiiu  entrer  chez   un   menuilîer  nomme  Me'mTe'r  m' 
premier  étage  ou  ,'ai  trouve  cette  même  paiûne  que.'avô^ 
vue  au   njois   de  Novembre  175 1.  fous  les  charniers  de  S 
Medard,  laquelle    fai   fort  bien  reconnue,  &  qui  m?a  dit 
sappeller  Jeanne-Tenard  native  du  Pleffis-Dumee^  JiÔëefedc 
tens.    Jai   q'abord   v.hte   fon   épaule  droite  que  j'ai  trouvé 
pacee   comme  elle  doir  être  &  de  hauteur-  égale'à  lagau 
che ,  mais  feulement  un  peu  plus  maisre.     l-,i  .n.T,;-!  ?T,t 


.  7      - — •-^^•"w'M  uti  oeuvres  meiveiueuJes  qu'il  a 

uperees  depuis   plufieurs  années  fous  nos  yeux,  &  en  parri-  ^n,. '  T""  ■"".""  f"""'  ""   l:'o"cc   lept  lignes,  lavoir 

«  Iffie  ;^  f  "'  P""""  ^"='  -î"^  '■^'  '"""^"'^  'ùivie!do'nT  e  Tte  cL°,v"  f  "°f  '■^?"  ''^P""  '^  rebordVupedeu;  de  ^t' 

cerrifie  le  temoimaop  iT„=  ,..;i„i,i.    r.:'.  i  n.  r_  ""i '^  flite  cavité    glenoide    lufqu'à    l'e.'itrêmire  dp  l'.il...-r4„«     A. 


,-„„(-  j      II  -•""■■  vxiv^ni. ,  4UC    ai  trouve  ra  longes  très 

confidérablement,  &  en  ayant  pris  la  mefure  avec  des  ban- 
pes  de  papier ,  ;  a;  trouvé  que  ce  bras  depuis  le  rebord  fu.- 
peneur  de  la  cavité^  glenoide  jufqu'à  l'eitaêmite  du  do  »t 
nn,f±".•/<,™.l:''^'lLP'^=^."■'   P<'"'^.=   %l  l'gnes,  favoTt 


«•/.rr;*;,  I    . —  f '  M""^    ■*'  toujours  mivie  ,  dont  ii 

«mbre  !-=TT''?'>  «"J"«^ble.  Fau  à  Pans  ceZ4.  De 
££mbte  1/39.  ^'£>':  Jean  Heurtant  &:c.  ^ 

VI. 

i^port  fait  par  M.  Si-vert  Chirurgie»  major  des 
Hôpitaux  des  armées ,  qui  a  examiné  J.  Tenard 
dans  le  cimetière  de  S.  Medard,  &  depuis  a  vé. 
ripe  Us  chavgemens  ,  régénérations,  &>  créations 
que  Dieu  a  fait  dans  fes  membres. 

JE  fouffigné  Chirurgien  jute  à  Paris  &  Chirurgien  Major 
des  Hop.raux  des  armées  du  Roi,  certifie  qu'au  mois  de 

tiere  dTs^^M  /^r-  ''=  "°'V'  '""^  '"  eharn/ers  dû  dme! 
î<  à  ,0  '^l^^dard,  une  perfonne  qui  me  parût  .rgee  de 
fions  r.'niil"!!!.'  "î"'  "°",^S"ee  des  plus  violentes  convul- 
va]  û'u'eîll      "^"pgea  3  l'examiner  avec  attention,   l'oblèr- 

«XI vil"  '  'P',"'l  '^'°'l'  ''^^"'""P  P'"^  baffe  que  la 
gauîhe ,  qu  elle  avwt  le  bias  dtgic  près  dUia  ii«s  p)uicomt 


nnn.^ff  ■°p"°"'^'"'^"'f  l'e-'<"èmite  de  l'olecràne ,  fe^ 
pouces  huit  lignes  depuis  la  partie  fuperieure  de  l'olecr/,'^ 
(ufqu'a   l'articulation  du   poignet,  &  L  pouces  huit  hgn '! 

miL^i  S^""""  ''"  ^?'8"^'r  '"'^1"'^  l'e.xtrêmite  du  doig?  du 
milieu  :  &  ayant  aulîl  mefure  la  longueur  de  fon  bras  Sl 
de  la  main  gauche,  j'ai  rrouve  qu'il  y  avoir deu^rpiedsqua* 
tre  pouces  une  ligne  depuis  le  rebord  fupérieur  de  ladite  cl- 
vite  glenoide  ,ulqu'à  l'e.mêmite  du  doigt  du  milieu;  de  fa.  " 
çon  quil  ny  a  pins  que  deux  pouces  &  demi  de  differenca 
entre  la  longueur  de  Ion  bras  droit  &  celle  de  fon  bras  gau- 
che :,e  dis  entre  ia  longueur  de  fes  bras,  car  la  diifererice 
au.  fe  rencontre  n'eft  qu'entre  la  longueur  de  fes  bras  &  a.ïnt. 
bras,  fes  deux  mains  étant  de  prefem  de  longueur  e-alè  ce 
qui   ne  peur  me  lailfer  aucun  doute- que  depuis  le  mois' de 

ï^t^'c^  '"''!"■'  "  r"^-''-  ^^'  '^n-  les  os  de  fonbra" 

iëde  P,r?     Tn-'"'f"i:"   1'"=  '=  "e  puis  m'empêchei- 
d'!-..^„i         "  ''■'"v/-  des  forces  de  la  nau.Te,  n'v  avant  pas  , 
difxeinple  qij'apres  l'âge  de  z^.  ans  des  os  fe  Ibicm  àUonLies. 


Plecei  juftifiatives  des  miracles 


ï6 

J'ii  auiTi  oblcrv^  que  iM  OS  de  la  main  droiie  que  l'avois 
Tiis  au  mois  de  Novembre  I7?i.  carnifics,  fans  forme  Se 
lâns  conlîrtance,  avoient  pris  leur  forme  &  leur  durerc  na- 
turelle aulTi  bien  que  leur  étendue  i  ce  qui  n'a  pu  encore  s'c- 
percr  dans  une  fille  de  cet  âge  ,  pat  les  forces  de  la  nature 
ni  par  aucuns  rcmeJes.  Au  (utplus  ce  bras  droit  commence 
à  fc  bien  regarnit  de  chairs, le  bras  ayant  prcfentement  Icpt 
pouces  l'ept  lignes  de  groffeur  Se  i'avant  -  bras  cinq  pouces 
cinq  lignes.  Cette  fille  m'a  aulTi  fait  voir  qu'elle  a  prefen- 
tem-nt  du  mouvement  dans  l'articulation  de  i'avant-bras  droit 
avec  le  bras.  Elle  a  le  mouvement  de  flexion  cnticremcnt 
libre,  mais  elle  n'a  pas  celui  d'cxtcnûon  julqu'au  degré  ou 
il  doit  être  naturellement,  le  tendon  du  niulcle  biceps  n'o- 
bcifiànr  pas  alTcs.  Elle  levé  le  bras  au  defiiis  defaiêcc,  mais 
pour  le  porter  de  bas  en  arrière ,  le  tendon  du  grand  pecto- 
jal  le  trouve  tics  tendu  de  empêche  une  giande  partie  de  ce 
nioiivement.  Elle  commence  suffi  à  fe  fcrvir  de  fa  main 
droite.  Je  lui  ai  vu  icmucr  les  doigts,  mais  néanmoins  le 
poignet  demeuie  toujours  fléchi,  &  la  main  à  demi  recour- 
bée vers  la  partie  interne  de  l'avant-bras,  mais  non  pas  au 
point  ou  je  l'avois  vu  au  mois  de  Novembre  175  t.  lors  du- 
quel tems  la  petite  main  informe  qu'elle  avoir  ctoir  entic- 
icmcnt  recourbée  fous  I'avant-bras  ai'  lieu  que  prcfenrcmcnt 
que  cette  main  a  repris  fa  conCftance  &  l'crendue  nacutelle 
<)u'cl!c  doit  avoit  peut  être  femblable  à  la  gauche ,  elle  n'ell 
çlus  qu'à  demi  flcchie.  Enfin  j'ai  examine  la  longueur  de 
les  cuilfes  &  de  fcs  jambes  que  )'ai  trouvées  égales,  &  que 
la  jambe  droite  avoit  repris  la  fituation  qu'elle  devoit  avoii 
pout   eue  pareille   à  la  gauche  :  que  Ion  genou  droit  n'ctoit 

flus  tourne  en  dedans  :  que  la  rotule  ctoit  à  la  place  :  que 
articulation  de  cette  jambe  avec  la  cuifle  etoit  dans  Ion  ctat 
nati;rel ,  &  qu'elle  avoir  &  dans  le  genou  &  dans  le  pied , 
tous  les  mouvemens  libres  enloite  que  la  guorilon  de  cette 
partie  eft  cniicre  &  parfaite.  Tous  Iclqucls  faits  je  certifie 
ettc  véritables  en  foi  dequoi  j'ai  fait  îc  déhvte  le  prcfent 
cctiiâcat  fait  à  Paiis  ce  4.  Juin  I7;3.  iT^^nc  Siveit  &C. 

V   I   I. 

R.ipfort  de  lA.  Mouton  ancien  "Prévôt  de  la  corn- 
rnunautè  1  dei  Chirurgiens .,  Cjui  a  iû  y.  Tenard 
fur  le  tombeiju  de  Ai.  de  P.îrij ,  Qp  a  depuis  exa- 
miné le  rétahlijfement  fip  la  création  que  Dieu  a 
fait  de  fes  membres  eJlropJès'bu  anéantis. 

JE  l'oufligne  Chirurgien  juie  à  Paris  &  ancien  Prévôt  de 
ma  Communauté  certifie  qu'au  mois  de  Novembre  de 
l'année  1731.  j'ai  vu  fur  le  tombeau  de  M.  l'.Abbc  de 
l'iris,  qui  eft  dans  le  petit  cimetière  de  la  paroifTe  de  S. 
Medard,  la  nommée  Jeanne  Tcnard  fille  âgée  d'cnvironî". 
à  28.  ans,  native  du  Pleffis  -  Dumcc  dioccfe  de  Sens,  agi- 
tée pat  de  violentes  convulfions.  Je  m'arrêtai  pour  exami- 
ner cette  pauvre  fille:  l'appcrçus  qu'elle  avoit l'avanr-bras at 


fept  mois ,  &  dont  les  petits  doigts  étoient  cachas  8c  eoU^a 
fous  le  poignet  flcchi ,  lont  aujourd'hui  auffi  grands  &  aufli 
gros  que  ceux  de  l'autte  main,  ave-  mouvement  de  toutes 
les  articulations  des  phalanges  des  quatre  doigts:  le  pouce 
quoi  que  bien  forme  n'a  pas  les  mouvemens  libres,  ne  pou- 
vant le  iclcvei  à  caufe  de  la  tenfion  du  mulcle  flechilfeu 
Se  du  tenatd  ,  n'ayant  pas  encore  fa  flexibilité  Se  fa  lon- 
gueur ordinaire:  il  ell  tenu  rappi(x:hc  dans  la  paume  de  la 
main.  Je  ne  puis  m'cmpccher  de  dire  que  tout  ce  quis'eH 
opère  en  faveur  de  cette  pauvre  fille  ne  peut  venu  que  de 
la  main  Toute  - puilfanie  de  Dieu,  cette  création  étant  au 
delTjs  de  la  nature  &  des  remèdes  humains.  En  foi  de 
quoi,  je  lui  ai  délivré  le  prefent,  cenificat  pour  rendre  té- 
moignage à  la  veri;e  de  à  Dieu  l'honneur  Se  b  gloire  qui 
lut  Ibni  dus.  A  Pairs  ce  u.  Juillet  n'i'^- fignt.  Mou- 
ton, &c. 

VIII. 

Lettre  de  Aï.  Le  Dran  Chirurgien  chargé  fMr  la 
Cour  d'examiner  les  Convul/tonnaires.  Il  rend 
compte  a  Ad.  de  Adontgeron  de  l'état  oit  etoit 
Jeanne  Ten.trd  lors  qu'il  l'examina  dans  le  ci' 
metiére  de  S.  Aiedara. 

MONSIEUR.  Vous  me  faites  UD  lënfible  plaifîr  de 
me  donnei  des  nouvelles  de  |eanne  Tenait!.  L'état 
pitoyable  ou  j'avois  vu  fon  bras  a  S.  Mtdard  m'a- 
voit  fait  l'ouhaiter  ardemment  de  la  voir  guérir  :  Se  fa  fbi 
vive  me  l'avoir  fait  efpcret.  L'ayant  petdue  de  vue  lotfque 
le  Roi  fit  fermer  lecimcticte,  j'en  avois  demande  des  nou- 
velles à  nombre  de  perlonnes,  mais  inutilement.  C'cll  poui 
cela  que  je  pris  la  liberté  de  m'addretlér  a  vous  la  lemaine 
paflce:  mais  il  ne  me  tutlit  pas  de  lavoit  qu'elle  e(l  beau- 
coup mieux ,  Se  je  me  flatte  que  vous  vouilres  bien  litis- 
faite  ma  curiolite  en  me  la  failint  voir  puilqu'elle  eft  à  Pa- 
lis. Il  cfl  julle  que  de  mon  côte  je  fatisfadc  à  ce  que  vous 
me  demandes  dans  votte  lettre.  Se  que  je  vous  marque  l'é- 
tat ou  je  l'ai  vue.  La  pteiuiete  fois  que  j'allai  à  o.  Me- 
dard ,  )e  fus  comme  tour  le  monde  étonne  des  convulfions 
que  j'y  vis,  Se  peu  de  jours  après  je  me  ttouvai  engage  d'y 
aller  autant  que  mes  aftaites  le  pcimettoient  pout  en  tecon- 
noitre  la  nature  Se  les  caufcs  s'il  ecoit  poUible.  Ainfi  j'y 
failbis  toutes  les  feinaines  au  moins  une  vilite,  m'aitachant 
à  diflinguet  les  convulfions  ve^tables,  des  contoifions  pat 
lefijueiles  on  pouvoit  les  iniiiet.  De  plus  je  ne  m'attachois 
à  examiner  que  ceux  dont  les  maladies  croient  du  reflort 
de  la  Chirurgie ,  ou  du  moins  fiappoient  la  vue  Se  ne  pou- 
voicnt  être  feintes  J'y  sis  le  jour  de  la  Toufl'aint  f;i, 
la  dite  Jeanne  Tcnard  dont  le  bras  dclVcche  Se  paraly.iquc 
me  fi^appa.  Je  l'interrogeai  Se  elle  me  dit  qu'elle  en  etoit 
eltropiee  depuis  l'âge  de  trois  ans,  ainfi  qu'elle  l'avoit  appris 
de  les  parens:  que  pour  lors   elle  en  avoit  50.  ou  enviion  : 


ttophié,  &  la  main  très  "pètiic  à  peu  ptes  comme  celle  d'un     q'i'clle  etoit   d'auprès  de  Sens  en  Bourgogne  demeurant  au 
entant  de  fept  mois.  Se  la  peau  de  couleur  violette,  le  poi-     Village  du  PlclTisDumte:  qii'elle   n'en  etoit  atrivcegue  de 


gnct  Se  l'articulation  du  coude  flcchie:  ce  bras  formoit  un 
angle  aigu  fat::  aucun  mouvement  dans  les  articulations. 

Plus  je  certifie  que  ce  jour  10.  Juillet  i"3  3.  )'ai  vu  à  la 
icquifiiion  de  M.  de  ."vlonigeron  Coniciller  au  l'aileinent, 
lacf.  Jeanne  Tcnard  chci  le  nomme  Meufiiict  m.iitre  mcnui- 
lier  rue  des  boulangers  fuibourg  S.  Victor,  laquelle  j'ai  re- 
connue pour  l'avoir  vue  dans  le  petit  cimetière  de  S.  Me- 
dard comme  j'ai  dit  cidcfl'us.  J'examinai  Ion  bias  :  je  ttou- 
vai que  la  peau  avoit  perdu  fa  couleur  violette .  Se  qu'elle  3- 
voit  repris  ta  couleur  naturelle  femblable  a  celle  du  bras  gau- 
che ,  les  deux  omoplates  cg.\les:qiie  la  tète  de  l'humérus  ou 
l'o;  du  bras,  le  incui  en  tous  Uns  avec  facilite,  hors  celui 
en  arrière  qui  eft  encore  un  peu  gcnc  pat  le  tendon  du  grand 
pectoral ,  qui  n'a  pas  encore  Ion  étendue  Se  la  longitcui  or- 
dinaire: l'avant -bras  s'cft  garni  de  chair.  Se  a  gtoifi  confi- 
dcrablcmeni:  l'aiiiculaiiun '•lu  coude  fait  les  deux  mouve- 
mens, celui  .le  flexion  p.irfaitcmeni,  mais  celui  d'extcnfion 
n'en  pas  paifait  à  caufe  de  la  tenfion  du  tendon  du  biceps: 
cette  aiticulaiion  qui  efl  faite  pat  gingiimc  ou  cliatiiiete, 
paifaitemen*  liSrr. 

Lr  •  flichi ,  mais  avec  mruvement 

dans  A:  les    doigts  bien  formes,  de 

la  nu.i.v  ^  u...  ..  vx  L...,  Liii  que  la  main  gauche.  (  ctte 
Kiain,  qui  n'ctoit  pat  plus  giolle  que  celle  d'un  cntaM  de 


la  veille  de  ce  jout ,  Se  qu'elle  vcnoit  demander  à  Dieu  la 
guerilbn.  fc  le  etoir  alors  avec  une  autre  paifanne  que  ("ai 
vue  tou:es  les  fois  avec  elle.  Je  trouvai  ton  bras  d.oit  de 
près  d'un  demi  pied  plus  court  que  l'autre ,  en  le  nielù  ant 
du  moignon  de  l'épaule,  ('e  bras  etoit  pielquc  delléclicSc  là 
maigreur  commenjoit  dès  l'e(iau;e  qui  etoit  plus  baflè  que 
l'autre ,  les  inulcles  de  l'omoplate  erani  aulli  comme  detlè» 
chcs  Se  laiis  adion.  La  maigreur  de  ce  bras  ctoii  telle  , 
qu'il  cioit  au  moins  de  moitié  plus  menu  que  le  bras 
gauche  i  l'avant -btas  suffi  defllchc  que  le  bras  eioit  a  de- 
mi plie,  fans  que  je  mille  le  pliet  davantage  ni  l'etendte  , 
la  i.nnture  s'ctant  anchylolce  ,  Se  je  ne  m'en  étoniui  pas 
puilque  les  mulclcs  flechilf.-urs  Se  cxrenleuis  n'avoicnt  ci 
aucun  jeu  depuis  d  tendre  jeuncife  ;  la  main  «oit  à  pro- 
portion plus  dcfllchee  que  le  btas  Se  l'avant  -  bras ,  ii'eunt 
pas  plus  j'.rande  ni  plus  grolVe  que  celle  o'un  enfimi  de  10. 
ans.  De  plus  cei:e  inain  flcchie  entièrement  failoit  l'an- 
gle aigu  avec  l'avant  -  bras  contre  lequel  elle  l'emolou  pref- 
que  collée ,  lans  que  je  pufl'e  la  faire  étendre;  Se  les  doigrs 
1res  grêles  Se  mal  conforincs  étoicnt  colles  dans  la  m«m 
fans  pouvoir  être  étendus  Je  ne  vous  ditai  point  minuçic- 
tcinent  l'irrégularité  de  tontes  ces  parties:  il  ell  aile  de  lén- 
lit  que  le  liic  noiuiicier  y  ayant  manque  ptclqu'entiete. 
incni,  Se  ae  s'y  ciam  pun<  qu'autaac  qu'il  le  falloii  pout 

qu'cl- 


€pèrés  fur  Jeanne  Tenard.  iy 

T^flw  e^  AT^5^?M??'  '"  ^"S''f  ■■  '"  i'^^H?^"^^"^  refpeauculemen. ,  Monficut .  Votre  &c.  //»/  L  E  D  R  A  «. 

Sui  sy  eft  fait  en  crpiûam  un  peu  depuis  fon  accident  à  ^  (i.V.-  ce  premier  luiliec  I7î?    &c 
etc  très  léger  &  très  itreguJier.    Vous  inc  paries  dans  votre  ^  "^  " 

lettre   de  la  jambe   qui  etoit   eftiopiee  &  paralytique  :  je 


VOUS  dirai  de  bonne  foi  que  la  décence  du  lieu   ne  m'a  pas  „                ,      ,  . 

pcimis  de  l'examiner  en  Chirurgien  ;  tout  ce  que  j'ai  vu  AJpport  de  M.  Souchay  Prévôt  en  Charge  des  Cht. 

ceit  qu  elle  ne  s'en  fervoit  pas  aufli  librement  que  de   l'au.  riirgiem   ,    gp    Chirurgien    de    Monfeiemur    le 

tte:  &  ,e   me  fouviens   qu'elle  me  dit  alors  a.e  fa  iaml,.  Pri»ce  de  Conti ,   de  l'ét.n  des  me>,,bres  réublis. 


I 
( 


;  quelle  ne  s'en  letvoit  pas  aum  Ubiement  que  uc  i  ^u. 
tte:  &  je  me  fouviens  qu'elle  me  dit  alors  que  fa  jambe 
ctoit  aufll  lin  peu  malade ,  mais  non  comme  (on  bras.  Les 
premières  fois  que  je  la  vis,  elle  n'avoit  point  de  convul- 
.lions,  mais  au  bout  de  quelque  tems  je  lui  en  vis  3c  alors 
elle  le  plaignoit  de  fenùr  de  grandes  douleurs  dans  l'épaule 
&  dans  tout  le  bias:  je  la  vis  mùmc  dans  la  convullion  le- 
ver le  coude  i  la  hauteur  de  l'épaule ,  ce  qu'elle  ne  pouvoir 
taire  les  premiers  jouis.  Au  bout  de  quelque  tems  j'apper- 
cus  que  la  couleur  de  la  peau  de  tout  le  bras  jufqu'a  la 
main  qui  ctoit  brune  &  terreufe  s'eclairciûbit,  &  il  main 
Je  deracha  de  l'avant-bras  ou  elle  ecoit  collée  auparavant  & 
je  pu^  l'étendre  un  peu  avec  un  léger  effort.  Cette  e,\ten- 
lion  le  fat  pat  degrés  &  arriva  jufqu'i  pouvoir  dcctire  une 
ligne  droite  avec  l'avant  -  bras ,  mais  elle  n'ctoit  pas  volon- 
taire, c'eft-a-dire  que  ce  n'etoit  pas  les  mufclesextenfeurs 
delà  main  qui  la  failoient,  mais  l'effort  que  je  faifois  moi 
même,  auquel  effort  que  je  faifois,  fes  mulcles flechiflcurs 
auparavant  racourcis  &  tendus,  cedoient  fans  peine  &  repre- 
noient  le'jr  premier  ctat  dès  que  je  ceflois  de  faire  l'exten- 
fion.  La  roideur  des  doigts  fléchis  céda  prefqu'en  même 
tems  que  ceUe  du  poignet,  &  je  pus  les  étendre  par  deçre 
Je  ne  puis  vous  dire  h.  pendant  trois  mois  que  je  l'ai  fou- 
vent  examinée, ce  membre  prit  chair  ou  non:  s'il  en  prit 
c'e:oic   û   peu  de   choie  que   \z   ne  m'y  arrêtai  pas.    e  fou- 


régénérés  fip  recrées  de  Jeanne  Tenard. 

JE  foufligne  Chirurgien  jute  i  Paris,  Prévôt  en  charge. 
Chirurgien  de  Son  .Alteffe  SereniiTimc  Monfcigneur  le 
Prince  de  Conti. Certifie  que  le  i8.  Mai  1 75  ?.  j'ai  ete  requis 
par  M.  de Monrgeron Confeiller  au  Parlement,  de  metraiif- 
porter  rue  des  Boulangers  fauxbourg  S.  Victor  chez  le  nom- 
me Meufnier  maître  menuiiîer  ,  pour  y  voir  &  vifiter  la 
nommée  Jeanne  Tenard  native  du  Plelïïs-Dumee  diocéfe  de 
ozn%.  Y  étant  j'y  ai  trouve  cette  fille  qui  m'a  dit  qu'elle  c'- 
toit  âgt-e  de  50.  ans  ou  environ  :  qu'en  1705-.  à  l'â^e  de 
trois  ans  un  tourbillon  de  vent  l'avant  tenveifee  par° terre 
lui  avoit  btife  tout  ie  côté  droit,  'de  façon  que  depuis  ce 
tems  jufqu'au  mois  de  Novembre  i  -  j  ■-.  'elle  avoir  la  jam- 
be droite  retirée  &  le  genou  entièrement  retourne  en  de- 
dans, n'ayant  aucun  mouvement  dans  ce  genou  ,  eu  forte 
qu'elle  ne  pouvoit  remuet  fa  jambe  &  fa  cuifle  que  tout 
d'une  pièce,  &  que  fa  jambe  &  fa  cuilfe  etoieut  reftes  juf- 
qu'audit  mois  de  Novembre  i-?;!.  d'une  grande  maigreur 
toujours  roides  &  plus  courtes  que  fa  cuifle  &  fa  ,ambc' 
gauches  Elle  m'a  enfuite  ajouté:  que  depuis  le  mois  de 
Novembtc  1751.  la  jambe  droite  s'éioit  étendue:  qu'elle 
s'etoit  fenti  le  mouvement  du  genou  libre:  qu'elle marchoit 


^iteiois  de  voir  i^'^^^'^^ ^^^^i ^  ;;:;^;t;m^;'(- ;^[^r& ^i^-^rii^iirqiïfi^'l^/r^S 

ceux  qui  voudioient  l'entendre.  ^  voudrois,  Monfieur  pou-     jamais   été  incommodée  de  cette  jambe  ,V  même  que  fa 


-__..  -j —  ^ — ......  ,  ..i.i^..^»,.  j^  vuuuiois,  ivioniieur  pou- 
voir vous  en  rendre  un  compte  plus  exact,  &  le  fetois  li  je 
ne  l'avois  perdue  de  vue  à  la  fetmetute  du  cimetière  Si 
vous  voulez  bien  me  procurer  le  plaifir  de  la  voir,  le  chan- 
gem.cnt  qu'il  peur  y  avoir  me  frappera  d'autant  plus  qu'il  y 
a  plus  de  ij.  mois  que  je  ne  l'ai  vue.  J'atteiis  de  vous 
cette  grâce  &  la  juftice  de  me  croire  très  refpeftueuleinent 
Monfieur,  Voue  .  &c.  S!^ne  Le  D  R  an.  Ce  1 5.  luia 
1735.  Sec.  '   ■' 

I  X. 

Seconde  Lettre  de  M.  le  Br/in  à  M.  de  Montge- 
ron ,  dans  laquelle  il  avoue  qu'il  s'eji  fait  plu- 
fleurs  changemens  ,  ô=  accroijfemens  dans  les 
membres  efiropiés  &  dejéchés  de  Jeanne  Te- 
nard.  -^ 

MONSIEUR.  L'jfiiduité  avec  laquelle  j'ai  été  pen- 
dant uois  mois  de  huit  jours  en  huit  jours  voir 
Jean.^c  Tenard  au  tombeau  de  M.  de  Pâtis,  eil 
moins  une  preuve  de  curiofite  que  l'envie  que  j'avois  de  la 
voir  guctir  :  6c  les  légers  progrès  que  j'y  avois  vu  me  fai- 
loient  elpcrer  qu'ayant  ete  i  ^.  mois  fans  la  voir  je  la  trou- 
verois  guette,  ce  qui  n'eft  pas  encore.  J'avoue,  il  eft  vrai, 
qu'elle  eft  mieux  que  je  ne  l'avois  laifll-e:  qu'elle  porte  fon 
bras  de  tous  les  côtes  très  facilement,  c'cft  i  diie  que  le  jeu 
de  l'épaule  eft  entièrement  libre:  que  cette  épaule,  tout  le 
bras  ,  &  la  moitié  iupcrieute  de  i'avant-bras  ont  repris 
chair,  étant  prefqu'auili  formes  &  charnus  que  le  côte  gau. 
che  :  que  la  peau  qui  les  tecouvte  a  perdu  fa  couleur  tei- 
reule  &  la  lechereae;  mais  la  moitié  mfcrieure  de  l'avant- 
bras  &  la  mam ,  quoi  qu'ils  Ibient  plus  formes  qu'Us  n'é- 
toicnt  ne  lont  pas  cncoie  au  point  ou  font  les  autics  parties 
que  le  viens  d'énoncer:  les  quatre  doigts  font,  ce  qui  m'e- 
tonne,  formes  &  prefqu'au  point  ou  font  ceux  de  l'auire 
main  ;  cependant  ils  n'ont  pas  un  jeu  libre  ce  qui  ne  pour- 
ta  être  tant  que  la  main  &  l'avant -btas  Iciont  au  point  ou 
lis  lont   aujourd'hui.    Je   ne   puis  defignet  par  des  mefures 

carc^°n„5l';'"n!'^'""'^°-  '^"^-  '""?"  ',"  ^'^'""  °"'  acquifes,  joinmre;  de  taçon  que  les  doigts  &  la  main  ne  fonnoient 
f  ?,  n„;^r  '  •  ,  ^-  '^î'^^"  P"'-  '"^  ''''''"  ''^'  «'^«^«'■e  q"'""«  «I'"'-'  de  boule  tonde  qui  fe  trouvoit  couchée  &  re. 
au  point  ou   )c  les    ai   vues   ces   jouis  paffcs,  on  ne  peut  la      courbée  ai.  bonr  A,-  fnn  hro«    f^u,^■  r^„^n.1.nr  a„.,..:.  t.    _    •_ 


dite  guérie  i  mais  il  y  a  lieu  de  croire  &  d'cfpcrer  que  ce- 
lui qui  a  commence  la  guerifon  l'achèvera,  le  le  fouhaite 
<1  autant  plus  que  je  n'ai  pas  encore  ete  aûcz  heureux  pour  voir 
guérir  parfairement  aucun  des  malades  aufquels  je  m'etois 
attache  pour  fuivre  leur  guéiifon.  J'ai  l'iioaneur  d'eue  très 

Obfervat,  I.  Part, 


cuilie  Se  la  jambe  avoient  repris  chair,  &  qu'elle  me  priait 
de  vérifier  fi  préfentement  fes  deux  cuifles  &fes  deux  jam- 
bes etoient  égales  ,  3c  d'examiner  fi  les  os  du  genou  de  Ii 
jambe  .droite  etoient  places  dans  leur  fituation  naturelle,  âc 
li  elle  avoir  tous  les  mouvemens  libres. 

Surquoi  l'ayant  vifitée  couchée  dans  fon  lit  à  plat  fur  Iç 
dos  &  lui  tirant  les  jambes  dans  la  ligne  de  diredion,  j'ai 
oblervé  que  les  deux  jambes  &  fes  deux  cuifles  etoient  d't- 
galelongucur:  que  l'articulation  de  la  jambe  droite  avec  la 
cuifle  etoit  dans  fon  état  namrel  de  même  que  la  rotule 
avant  tous  les  mouvemens  de  flexion  &  d'extenlion  libres  au! 
flî  bien  qu'au  pied ,  fins  qu'il  rcftât  aucun  veftige  de  la  con- 
torfion  qu'elle  m'a  dit  avoir  eu  au  genou;  &  j'ai  feulement 
obferveqneja  cuifle  &  jambe  droites  etoient  moins  ■JroUés 
que  la  cuifle  &  jambe  gauches,  ce  qui  fait  conaoîtiê  que 
l'extièmite  inférieure  droite  a  ete  affettee  de  quelqu'ancien. 
ne  maladie. 

Elle  m'a  enfuite  déclaré  que  le  même  tourbillon  de  vent 
lui  avoit  encore  plus  eftropié  le  bras  droit  que  la  jambe  : 
que  depuis  l'âge  de  ttois  ans  jufq-r'au  mois  de  Novembre 
1731.  lôn  épaule  droite  avoit  ete  beaucoup  plus  baflè,  plu» 
étroite  âc  plus  maigre  que  l'épaule  gauche,  &  que  fon  bras 
du  même  cote  etoit  refte  prefqu'entierement  defleclie  Si 
lâns  aucun  fentiment:  qu'il  n'avoit  prelque  pas  allongé  ni 
giofll ,  &  que  l'os  avoit  été  feulement  couvett  d'une  peau 
violette:  qu'elle  n'y  avoit  même  fenti  pendant  tout  ce  tems 
qu'un  feul  &  même  os  qui  tenoit  tout  fon  bras  &  formoit 
un  demi  cercle  qui  remonioit  eu  devant,  (ans  qu'il  y  eût 
aucune  pointe  ni  aucune  grolTeur  au  coude,  Se  qu'au  bout 
de  ce  bras  elle  n'y  avoit  eu  pendant  tout  ce  tems  qu'u- 
ne efpece  de  petite  main  de  longueur  de  20.  lignes  &  de 
largeur  de  ij.  qui  n'avcit  ni  os  ,  ni  veines,  ni  nerfs  (ce 
font  fes  termes)  qui  n'etoit  compofee  que  d'une  même  fub- 
ftance  toute  de  la  même  qualité,  avec  des  elpeces  de  petits 
doigts  qui  n'avoient  non  plus  ni  os,  ni  veines,  ni  nerfs,  & 
qui  etoient  courbes  8c  teaoquevilles  dans  la  main,  fans  q'u'il 
parut  aucun  nœud ,  ni  au  bout  de  la  main ,  ni  en  aucun  au- 
tre endroit  des  doigts  ,  qui  n'avoient  aucune  apparence  de 
jointure;  de  façon  que  les  doigts  &  la  main  ne  fonnoient 
qu'une  efpece  de  boule  tonde  qui  fe  trouvoit  couchée  &  re- 
courbée au  bout  de  fon  bras.  Que  cependant  depuis  le  mois 
de  Novembre  i"3i.  ce  bras  &  cène  main  avoient  repris 
vie  ôc  fentiment  :  que  fon  épaule  droite  s'etoit  remontée 
&  étoit  devenue  femblable  à  la  gauche  :  que  fon  bras  s'e- 
toit très  confideiablement  allonge  ,  &  avoit  reptis  chairs  • 
&  qu'il  s'etoit  forme  peu  à  peu  des  os  ,  des  veines  ,  des 
£•  oeift. 


>8 


Piecei  juftiflcaiives  des  Miracles, 


nerK,  de  la  diaif,  &  He  la  peau  dans  (à  pente  main  & 
dans  fcs  ctoigrs,  qui  s'ctoient  garnis  d'ongles  &  qui  s'ctoicnt 
11  fort  allonges  auQi-bien  que  le  lefte  de  la  main ,  que  cette 
RiaJnluiparoilToit  prifentemeni  aufTi  longue  qiie  fa  main  gau- 
che: qu'elle  y  avoir  auianr  de  fcnfibilitc  qvie  dans  la  gauchcj, 
4c  qu'elle  cominençoit  même  à  en  avoir  un  ufage  aDcz  libre. 
Et  elle  m'a  requis  d'examiner  fon  épaule  droite  pour  eon- 
Boitre  fi  elle  ctoit  en  fa  place:  de  prendre  les  niclutes  delà 
longueur  &  de  la  grolTeur  de  (i:s  deux  bias  &  de fes mains, 
&  d'exannner  fi  elle  avoir  une  fcnfihiliré  parfaite  au  bras  Se 
à  la  main  droite:  fi  les  os  avoicnt  leur  forme  naturelle  fe 
6  la  peu  &  la  chair  avoient  leur  couleur  &  leurs  qualités 
ordinaires.  Surquoi  l'ayant  vifirce  avec  grande  attention  , 
j'ai  reconnu  que  Ion  épaule  droite  ctoit  placée  ou  elle  doit 
être  &  tout  auûî  elevce  que  l'épaule  gauche  ,  &  que  la 
conformation  des  os  eft  égale  ^  celle  de  l'cpaule  gauche.  Et 
ayant  tncfuié  fes  deux  bras  &  fes  deux  mains  avec  des  ban- 
des de  papier  j'ai  trouve  que  Iba  bras  droit  depuis  le  rebord 
fujpérieur  de  la  cavité  glenoide  de  l'omoplate  jufqu'a  l'ex- 
iremite  fupcrieurc  de  l'olectânc,  avoir  onze  pouces  8c  trois 
lignes  de  longueur:  &  le  bras  gauche,  les  niefutes  prilcs 
dans  les  mêmes  endroits,  treize  pouces  moins  uJie  ligne. 
Que  l'avaiu-bras  droit  depuis  La  partie  fupérieure  de  l'olc- 
ciane  jiifqu'à  l'articulation  du  poignet,  avoir  fcpt pouces  huit 
lignes:  &  l'avant-bras  gauche  neuf  pouces  moins  une  ligne, 
enlbrtc  qu'il  n'y  a  pas  prcfcntcment  trois  pouces  de  difteren- 
ee  entre  la  longueur  de  fes  deux  bras.  Et  à  l'cgard  des  deux 
mains,  j'ai  rrouvé  que  la  main  droite  depuis  l'articulation 
du  poignet  avec  l'avant-bras,  julqu'à  l'extrémité  du  doigt  du 
milieu  avoii  Cx  pouces  fept  lignes  de  longueur :fayoir , trois 
pouces  fcpt  lignes  depuis  l'articulation  des  os  du  poignet  avec 
ceux  de  l'avant-bras ,  julqu'à  l'articulation  du  ptcinier  os  du 
doigr  du  milieu  avec  le  métacarpe  ;  &  trois  pouces  depuis 
cette  articulation  jufqu'à  l'cxtrcmite  dudit  doigt,  de  fajon 
^uc  cette  main  a  prelcnreracnr  toute  la  longueur  qu'elle  doit 
avoir  .paroidant  même  d'une  ligne  ou  deux  plus  longue  que 
la  gauche ,  fuivant  la  racfure  esaôtc  que  j'en  ai  prrfe.  Et 
m'ayant  lequis  de  prendre  la  mefure  de  la  groll'eur  de  fou 
bras  droit,  j'ai  trouvé  que  ce  bras  qu'elle  m'a  dit  avoir  été 
delTcché  pendant  plus  de  2J.  ans  avoitprcfentcmcnt  fept  pou- 
ces fept  lignes  de  grolTeur  en  le  mcliirant  fur  le  ventre  du 
mufde  biceps, &  que  l'avant-bras  dans  fon  milieu  avoir  cinq 
pouces  cinq  lignes  de  grollVur.  Elle  m'a  fait  aufli  obferver 
qu'elle  a  prcfentement  quelques  mouvemens  dans  toutes  les 
articulations  du  bras  dioir ,  fc  elle  a  étendu  &  fléchi  ce  bras 
en  ma  prcfencc  à  diffeientcs  réprifes:  cependant  elle  n'a  pu 
étendre  l'avant  bras  entièrement,  les  tendons  des  flcchilléuis 
Se  fur  tout  du  mufcle  biceps  ii'.yant  pas  ailes  de  Ibuplcflc  pour 
pouvoir  obéir  jufqu'au  point  qu'il  cA  neccllaitcpourl'cxten- 
lion  patfaite.  J'ai  de  plus  remarque  qu'elle  peut  néanmoins 
lever  le  même  bras  au  dcfliis  de  fa  teic ,  &  même  le  por- 
ter derrière  elle  de  haut  en  bas;  mais  à  l'cgaid  de  ce  der- 
nier mouvemenr  die  ne  le  peut  faire  entièrement  en  corift- 
quencc  de  la  renfion  du  tendon  viu  grand  pcftoral.  Selon 
rcxamen  que  j'ai  fait  de  l'ctat  actuel  de  ladite  Jeanne  Te- 
nard  &  félon  l'expofé  qu'elle  fair  de  celui  dans  lequel  elle  a 
été  depuis  fa  chiite  arrivce  en  1705.  à  l'âge  de  ?.  ans,  elle 
m'a  requis  de  lui  déclarer  fi  le  changemenr  qu'elle  annonce 
qui  s'ch  f.xir  depuis  le  mois  de  Novembic  1731.  julqu'à 
litefcnt  dans  fon  cpaule  droite ,  fon  bras ,  fa  main ,  fon  ge- 
nou 8c  fa  jambe  au  même  cote,  fans  s'être  fervic  d'aucun 
lemedcs  ni  avoir  eu  recours  à  l'art  ;  fi  ce  changement  a  pu 
fc  fiire  d'une  manière  natuielle  8c  par  les  forces  feulcsdcla 
nature.  Je  déclare  premicreiricnt  que  nous  n'avons  aueuties 
oblcrvations  d'un  pareil  exemple:  (ccondcmcnr  qu'en conful- 
Unt  la  ftruituie  du  corps  humain  il  ne  paroît  pas  polTible 
qu'une  maladie  de  cette  nature  arrive  en  bas  àgc  en  conlc- 
qiience  d'une  chute  d'où  s'eft  enfuivi  la  contorlion  des  mem- 
bres, la  perte  de  leur  aftion ,  &  l'atrophie  ou  maigreur  des 
parties  qui  a  duré  l'cfpace  de  15.  ans:  il  n'cft  pas,  dis-je, 
polTible  A  la  nature  de  réhabilite:  ces  membres,  8c  de  leui 
donner  leur  (ubfiftancc,  leur  aftion,  leur  ulage,  8c  leur  ii- 
niarion  naturelle;  8c  qu'à  l'Sge  de  ?o.  ans,  il  fe  fàllc  pout 
ainfi  dite  une  nouvelle  création  d'os,  détendons,  de  liga- 
mcns,  de  mufdes  Sec.  La  taifun  en  c(\  évidente  {c'cft  qu'à 
ers  Iges  toutes  les  parties  du  corps  ont  pris  leur  accioillc- 
meni.foU  dans  l'tiar  contre  njtutetc'etl-àdite  que  des  mem- 
bres qui    fe  trouvent  contournes  ou  crtnipics  des  le  bas  âge 

f«ii  l'u  cbùtc ,  couf^,  OU  auucmcoi ,  8c  qui  oui  icOctlaïucti 


état  jufqu'à  l'igc  de  50.  ans  on  enTÎfOB,  les  fibres  qui  en- 
trent  foir  dans  la  compofition  des  os ,  des  membranes ,  muC 
des,  tendons,  ligamens  &c.  font  affaiflés  de  façon  qu'elles  ont 
perdu  abfoliunenr  leur  vertu  de  rellbrt  ;  par  eonfequenr  elles 
ne  font  plus  eu  état  ni  de  pouvoir  être  multipliées  au  point 
de  redonner  aux  parries  leur  nombre ,  grandeur ,  figure , 
8c  fituatioo ,  qui  (ont  les  conditions  abfoîumcnt  nécellàires 
à  toutes  les  parties  organiques  de  norre  corps  :  d'ailleurs  les 
Cics  noiuriciets  qui  circulent  dans  les  vaiffcaux  dans  un  âge 
avancé,  ne  font  pas  capables  non  plus  de  communiquer  aux 
mêmes  parties  ces  mêmes  conditions.  Pourquoi;  C'eft  que 
ces  incmes  lues  font  d'une  qualité  à  ne  pouvoir  pas  fe  figer 
Se  fe  mouler  aux  parries  folides  pour  l'accroiffemenr ,  atten- 
du que  les  rncmes  parties  folides  étant  dans  l'aflailTement , 
ayant  été  divifeesoudilaceréesparrapportauxaccidcnsfafdits, 
les  Huides  ou  fucs  nourriciers  n'y  peuvent  faire  aucune  im- 
prefiîon  ;  d'où  je  conclus  qu'il  eft  impolTible  aux  feules  for- 
ces de  la  nature  d'opérer  un  événement  aufli  prodigieux  fans 
le  fccours  de  l'atr,  lequel  feroit  toujours  très  mcerrain  en  pa- 
reil cas  8c  dans  un  âge  fi  avance.  Kt  comme  ladite  Jeanne 
Tenard  m'a  requis  de  lui  donner  le  prcfent  certificat,  je  le 
lui  ai  délivré  poiu  lui  fervir  8c  valoir  à  ce  (tue  de  raifon. 
Fait  à  Paii^  les  joui  U  an  que  deUus,  Si'ini  Soucbay  8cc. 

XI. 

Rapport  de  M,  de  Manteville  des  régénérations ,, 

Qp  créations  opérées  dans  les  membres  de 

Jeanne  Tenard. 

NOus  foudigné  Chirurgien  jure  à  Paris ,  Prévôt  en  char- 
ge de  notre  Compagnie  8c  ancien  Demonflratetir  eti 
Chiriugie, certifions  à  tous  qu'il  appartiendra,  que  le 
28.  Mai  17??.  nous  avons  eré  requis  par  M.  de  Montgc- 
lon  Conleillei  du  Roi  en  fà  Cour  de  Parlement  de  Pans, 
de  nous  rranfportet  rue  des  Boulangers  près  la  communauté 
des  filles  Angloifes  faubourg  S.  Victor, où  il  nous  a  accom- 
pagné dans  Ion  carrofle,  8c  étant  entres  en  binaifon  du  Sieur 
Meulbier  martre  mcnuifîer  dans  une  chambre  au  premier 
étage  ,  M.  de  Montgeron  nous  a  prefêncé  la  nommée 
Jeanne  Tenard  native  du  PleflisDumce  diocefede  Sens  âgée 
d'environ  50.  ans  couchée  dans  fon  lit ,  8c  il  nous  a  requis 
de  la  vifttcr.  Y  ayanr  procède ,  nous  avons  examine  les  ex- 
trémités fupeticures:  les  deux  épaules  nous  ont  paru  à  peu- 
près  égales  failànt  tous  les  mouvemens  propres  à  ces  parties 
très  libiement ,  leurs  articulations  érant  bien  conformées. 
Nous  avons  trouve  le  bras  droit  plus  coun  8c  plus  maigre 
que  le  gauche,  la  Tenard  ci-delliis  nommée  le  fîéchininr'li- 
brement  à  l'endroit  du  pli  du  bras ,  mais  ne  pouvanr  l'etenilrc 
tout  3  faitila  main  du  même  côte  nous  a  paru  auffi  plus  inaL- 
gre,le  poignet  fléchi  en  dedans  fans  pouvoir  l'étendre  ;  aj-aut 
cependant  un  peu  de  mouvement  de  flexion  8c  d'extention, 
les  doigts  faifant  ces  mouvemens  à  peu  près  de  même ,  en- 
fortc  que  ladite  Tenard  peiK  faire  un  peu  ulàgedc  fa  main: 
le  carpe  ou  dos  de  la  main  eft  un  peu  plus  arrondi  8c  moins  plat 
que  la  m.iin  gauche.  Nous  .ivons  poufTc  notre  examen  plus  loin  ; 
nous  avons  coupe  des  b.indes  de  papier  avec  Icfquellcs  nous 
avons  mefure  les  parties  de  rextrcmitcfupcrievue  droite  pout 
en  faire  le  parallelleavecl'exrrêmitefupericuregauchc.  Nous 
avons  uouve  que  le  bras  droir  mefure  depuis  la  partie  fupé- 
rieure de  la  cavité  glenoide  de  l'omoplate  jufqu'a  l'extrcmi- 
tc  de  l'oleciânc  avoit  onze  pouces  trois  lignes  8c  fept  pou- 
ces fept  lignes  de  grolfeur  mefure  prilt  fur  le  ventre  du  muf- 
cle biceps:  8c  le  bras  g.iuchc  mcfuic  fur  les  mêmes  endroits 
s'eft  rrouve  avoir  treize  pouces  de  longueur  fur  huit  pouces 
onze  lignes  de  grollcur:  l'avant-bras  dtoit  depuis  l'extrémi- 
té de  Polecrânc  julqu'au  pli  du  poignet  en  delfous,  s'eft 
trouve  de  la  longueur  de  fcpr  pouces  huit  lignes,  fut  quattc 
pouces  cinq  lignes  de  groiVcur  meliireptilèfurla  paitie  moyen- 
ne: 8c  l'avant-bras  g.iuche  mefuie  fur  les  mêmes  endroits, 
avoir  huit  pouces  huit  lignes  de  longiieiu  fur  lcp<  pouces  huit 
ligues  de  gtoflcur.  La  main  droircquoique  plus  maigre  8c 
de  figure  différente ,  nous  a  paru  à  peu  ptés  de  la  même 
glandent  que  îa  main  ga:Khe.  Toutes  proportions  teliimécs 
iV  compaiees  il  s'eft  trouve  que  le  bras  droir  eft  plus  court 
d'un  pouce  neuf  lignes  i<c  plus  menu  d'un  pouce  quatre  lignes 
que  le  gauche  :  l'avant-bias  droir  plus  court  d'un  pouce  Itoii 
lignes,  8c  plus  menu  de  deux  pouces  rrois  lignes  que  le  gal^■ 
(hé.  Nous  avtfiu  culuiK  (w.  coudici  U  maUJc  lui  le  ven- 
us 


«le  peur  examiner  Iss  extrémités  inférieures  depuis  les  han- 
ches jufqu'aux  orteils:  nous  avons  trouve  la  diuiteicU gau- 
che égalemeut  bien  conformées  failânt  parfairemcnt  tous  les 
mouvemens  naïuiels  à  ces  parties  :  rextrémrre  inférieure  droi- 
te depuis  la  hanche  jufqu'aux  orteils  étant  lèjlemem  un  peu 
plus  margrc  que  la  gauche ,  &  le  cou  du  pied  du  côte  dioit 
nn  peu  plus  arrondi  &  moins  plat  que  le  pied  gauche.  No- 
ne  examen  a  cte  plufieurs  fois  interrompu  par  des  mouve- 
mens violens,  dont  la  dite  Teuard  a  cte  tourmentée  dans 
toutes  les  parties  de  fon  corps  en  notie  prelênce ,  &  qui  nous 
ont  paru  convulCft.  Dans  les  inteivales  de  ces  mouvemens 
ladite  Tenard  nous  a  déclare  qu'en  i7oy.  étant  alors  âgée 
de  5.  ans,  elle  avoir  été  renvetfee  pat  un  tourbillon  de 
vent:  qu'étant  tombée  par  tetie  elle  s'etoit  iêntie  toute  bri- 
fée  du  côté  droit:  que  depuis  jurqu'au  mois  de  Novem- 
bre 1^51.  fa  jambe  droite  s'etoit  retirée  &  le  genou  duraê- 
me  côte  s'etoit  tourne  entièrement  en  dedans  n'ayant  au- 
cun mouvement,  enlbrte  qu'elle  ne  pouvoit  remuer  la  cuif- 
fe  &  la  jambe  que  tout  d'une  pièce;  ce  font  fes  termes. 
Que  (à  cuifle  &  fa  jambe  etoient  très  maigres,  toujouis 
roides  &  plus  cou.  tes  que  la  cuifle  &  la  jambe  gauches, 
Elle  a  ajoure  que  depuis  le  moisde Novembre  17; i.fajam- 
be  droite  s'etoit  allongée:  qu'elle  avoit  fenti  les  mouvemens 
de  la  cuilTe  &  de  la  jambe  libres,  &  qu'elle  marchoit  aulH 
aifement  que  fî  elle n'avoit  jamais  été  incommodée:  que  cette 
partie  avoir  repris  chair.  Elle  nous  a  dit  de  plus  que  là  chute 
ci-defliis  mentionnée  l'avoit  beaucoup  plus  eiiropiee  du  bras 
droit  :  que  depuis  l'âge  de  ? .  ans  que  l'accident  lui  etoit  arrivé ,  Janglatd  J 
fon  épaule  etoit  plus  balfe,  plui  etioite  &  plus  maigre  que  phii  &e. 
l'épaule  gauche;  que  k  bras  du  misai  côté  etcit  telle  prêt  ' 


opérés  fur  Jeanne  Temrâ.  j^ 

que  tout  deffcché  &  /ans  (intiment:  qu'il  n'avoit  prefque 
point  allonge  ni  groffi,  &  que  la  peau  collée  fur  les  os  e- 
toit  d  une  couleur  violette:  que  tout  fon  bras  ne  lui  fembloit 
qu  un  leul  &  même  os  qui  formoit  un  demi  cercle  qui  re. 
montoit  en  devant:  qu'if  n'y  avoir  ni  pointe  ni  grofleur  au 
coudequi  lui  paroifloit  d'une  feule  pièce  :  que  fa  main 
du  même  coteétoit  très  petite  &  delagtonèur  decelled'un 
très  petit  enfant:  qu'elle  n'y  fentoit  ni  os,  ni  ncrft,  ni  vei- 
nés  tant  dans  la  main  que  dans  des  cfpeccs  de  doigts  fars 
ongle  &  qm  etoient  recroquevilles  dans  le  fond  de  iSmain, 
ce  ont  les  termes,  fans  qu'il  partit  aucun  nœud  en  aucutî 
endroit  des  doigts  qui  etoient  (ans  jointures,  enfotte  que  la 
main  &  les  doigts  ne  formoient  qu'une  cfpece  de  boule  . 
&  que  Ion  bras  la  main  &  fes  doigts  etoient  reftés  dans  cet 
état  jutqu'au  mois  de  Novembre  1T51. 
,  Nous  eftimons,  fuppofe  la  déclaration  de  Jeanne  Tenard 
ci-(leflus  mentionnée  veriiable  ,  que  les  heureux  changemens 
arrives  depuis  le  mois  de  Novembre  17^.  aux  parties  af- 
teaees,  n  ont  pu  être  opères  pat  l'art  ni  par  la  nature.  Nous 
elt.mons  auffi  que  les  affections  reliées  &  qui  font  aftuel- 
lement  aux  parties  ne  peuvent  être  guéries  par  ces  mêmes 
lecours  :  ce  que  nous  certifions  véritable ,  en  foi  de  quoi 
nous  avons  figne  &  délivre  le  prefent  certificat.  A  Paris  ce 
L  n'ïr-'/""  A^'"'J'^  Manreville  az-u  paraphi.  A  iité 
&c._paire  devant  les  Notaues  fouffignes  ce  19.  .Mars  i'i6 
Af«.LAjusavec  TouvENOT  &  DeLanglarÙ 
^  V'J\^  .°"S'™"x  des  preiêntes  demeures  au  dit  Dc- 
langlaM  Notaire  Ugne  Touvcnot  8c  DdangUid  ««  ^ara- 


Et 


SECON- 


I 


I 


OBSERVATIONS. 

SUR 

LES   CONVULSIONS. 

DEUXIE'ME      PARTIE 

IDE'E   DE    L'ETAT   DES 

CONVULSION  N  AIRES 

Du  moiris  jtifqu'au  ts>.  juillet  1737.  ^que  V  Auteur  ayant  perdu  fa  liberté^ 
ti'a  pu  continuer  de  les  i-oir. 

AVANT     PROPOS. 

->>s-:^^5?<OrTF.s  Içs  œuvres  de  Dieu  qui  ont  une  grande  étendue,  paroifTent  en       i. 
i^  "p  V^J  quelque  façon  mêlées  de  pluficurs  chofcs  qui  ne  viennent  point  de  lui.^"^™,"  ^l' 
'^         ^  Comme  il  fait  marcher  d'un  pas  égal  farailéricorde&fajuftice,  &  que  du  Dieu  qui  ont 
î^^^^   mal  il  en  iait  tirer  le  bien,  il  fait  entrer  d;uis  le  plan  de  Tes  profonds é"nju7p''a- 
confeils  jufqu'aiLX  volontés  qui  lui   font  les  plus  rebelles.  Non  feulement  il  fouf-.'''^'^'="=  "=- 
fre  eue  le  Démon  emploie  tous  fes  artifices  à  tâcher  de  traverfcr  les  projets  de  fes 
mifericordes  :  non  feulement  il  endure  que  la  plupart  des  hommes  fuiventles  pen- 
chans  corrompus  de  leur  cœur:  mais  il  permet  même  qiic  ceux  qu'il  emploie 
dans  fes  defTeins,  joignent  quelque  fois  leurs  propres  vues  a  celles  qu'illcur  infpire 
6c  les  mouvemens  de  leurs  paffions  à  ceux  qu'il  leur  imprime. 

La  plus  grande  de  toutes  fes  œuvres,  celle  à  laquelle  toutes  les  autres  fe  rap-      ^^• 
portent ,  c'cll  la  formation  de  ion  Chriil:  ,  8c  par  conféquent  de  l'Eglife  ,  qui  com-  r/dT/'ahuî 
prend  tous  ceux  qu'il  a  prédeftinés  à  être  les  membres  de  fonfils ,  &  à  former  avec  l^J'^  ^'"^ 
lui  le  Chrift  entier  qui  doit  être  à  jamais  le  très-heureux  adorateur  de  fes  per- l'adminiAr"! 
ferions  infinies.  gu?e  wû'bf.: 

Cependant  combien  l'œuvre  de  la  formation  de  l'Eglife  du  ciel  ne  fe  trouve- 
t-clle  pas  mêlée  de  chofcs  indignes  de  Dieu  dans  l'Eglife  viuble  qui  eftfur  la  ter- 
re ?  Combien  d'erreurs  8c  de  paffions  dans  l'efprit  8c  dans  le  cœur  de  pluheurs  de 
ceux  qui  en  font  les  cliefs  Sc  les  principaux  minirtres!  Dès  letcmsdes  Apôtres  il 
y  avoir  dcja  de  fuix  Docteurs  qui  altéroicnt  la  pureté  de  la  morale  chrétienne  :  il 
y  avoit  même  parmi  ceux  que  Dieu  emploioit  à  établir  la  Religion,  des  perfon- 
nés  qui  m.éloient-7?;  cfprit  dépique  £>  de  jaloufiel  un  fi  St.  minifterc,  te  qui  en  pré- Philip.  1. 17. 
chant  l'Evangile ,  le  faifoient  avec  la  maligne  intention  d'aggraver  par  là  les  liens 
de  S.  Paul.  Mais  qi'!' importe  ,  dit  ce  grand  Apôtre  ^pourvu  que  J.  C.foit  annoncé...  ^^''^'  ^'  '*' 
ye  ni' en  réjouis.^  £5?  />  m'en  réjouirai  toujours. 

L'Hiiloire  Eccléfiaftiqucne  nous  fournit  que  trop  de  preuves  que  depuis  lès  pre- 
miers fiécîes  de  l'Eglil'e  ,  l'ambition,  le  fiifte8c  l'orgueil  ont  pris  la  place  chez  la 
plupart  des  Prélats  ,  du  détachement  général,  dclamodeftc  fimplicité,Sc  de  l'hu- 
milité fi  édifiante  des  Apôtres  8c  de  ïeurs  premiers  fucceflxurs:  auffi  plufieurs  de 

Obferx-at.     IL  Part.  Tome  //.  -A  ccilx 


2  IDEE  DE  VETAT  DES  CON VU LSIO NN AIRES. 
ceux  qui  après  ce  premier  tcms  font  devenus  les  chefs  de  l'Eglifc  vifible,  dégéné- 
rants de  plus  en  plus  de  la  vertu  de  leurs  prédccefîcurs ,  ont-ils  été  bien  plus  atten- 
tifs à  s'attirer  la  faveur  des  Puifflmces ,  qu'à  faire  régner  les  vertus  dans  leurs  dio- 
céfes:  ils  ont  préfère  l'amitié  des  Rois  de  la  terre,  a  celle  du  Roi  des  Rois  dont 
ils  étoient  les  miniftrcs.  Qiiile  croiroit?  Celacilvcnu  jufqu'à  ce cffroiable  excès 
que  lorfqucles  Souverains  font  tombés  dans  quelque  hcrcfie  ,  la  phlpart  des  Evê- 
qucs  de  leurs  états  ont  embraffé  leur  erreur,  facrifiant  ainil  jufqu'à  leur  Religion 
pour  fe  confervcr  leurs  bonnes  grâces.  Pluficursmcme  de  ces  Prélats  font  enluitc 
devenus  les  plus  ardens  pcrfécutcurs  de  ceux  qui  demcuroicnt  inviolablcment  at- 
tachés à  la  doélrine  do  l'Evangile  &  à  toutes  les  vérités  tranfmifes  par  la  tradition. 
Avant  que  ces  héréiics  cud'ent  été  condamnées  par  des  Conciles  généraux,  les 
Prélats  qui  les  foutenoient  n'en  étoient  pas  moins  les  premiers  minillrcs  de  l'Eglife. 
Mais  pour  quoi  Dieu  a-t-il'fouffert  que  plulîcurs  des  principaux  chefs  de  fon 
Eglife,  pluficurs  de  ceux  qui  par  leur  lacre,  paroiflcnt  avoir  été  choifis  parlui- 
mcme  pour  être  les  organes  de  la  Vérité^  fe  foient  égarés  jufqu'à  ce  point ,  ôc 
foient  devenus  les  fauteurs  6c  les  partilàns  des  fuggcftions  du  Dcmon  !  Il  ell  làns 
doute  que  Dieu  ne  l'a  permis  que  pour  le  bien  de  les  Elus.  Tout  ce  qui  arrive  dans 
le  monde  tourne  toujours  à  leur  avantage ,  par  la  puifTance  fuis  bornes  de  celui 
qui  a  arrangé  avant  les  ficelés  tous  les  événcmens  par  rapport  à  eux. 

J.  C.  nous  a  prédit  que  fesplus  fidèles  difciplcs  foulï"!  iront  perfécution  :  il  nous 
a  fait  déclarer  par  l'Apôtre  qu'il  a  inftfuit  de  la  manière  la  plus  viiîblement  fur- 
j^,^  ,  naturelle  ,  que /û«j  cens  qui  veulent  vivre  avec  piété  en  J.  C.  feront  perf édités.  Il 
»!•  faut  pour  raccompliiTcmcnt  de  cette  prophétie  qui  regarde  tous  les  fiécles  qu'-. 

une  partie  des  Puilfances  EccléfialHqucs  &  féculicrcs  embraflcnt  de  tems  en  tcms 
le  parti  de  l'erreur,  parce  qu'il  faut  que  les  plus  fidèles  Chrétiens  fouffrent perfé- 
cution pour  la  juflice. 

Dieu  ne  peut  jamais  être  l'Auteur  du  mal:  mais  il  laifTc  agir  les  payions  des 

hommes  &  la  malice  des  Démons  :  &;  contre  leurs  intentions,  il  les  hût  fer\'ir  à 

la  fanétification  de  ceux  qu'il  a  choifis  pour  être  les  membres  de  ion  fils.    L'Eglift 

Mit.  ii.îf.tf  toujours  été  pcrfécutée  dans  tous  fes  Ages  ^  dit  l'Auteur  des  réflexions  morales,  qui 

étoic  fi  bien  inlbuit  des  annales  de  l'Eglife  :  i^  il  s\y  ejî  toujours  trouvé  des  mini- 

fires  corrompus  qui  ont  eu  la  plus  grande  part  à  la  perfécution. 

Voici  encore  une  forte  de  mélange  bien  plus  furprcnant  :  la  profanation  des 
choies  faintes  change  pour  ainfi  dire  leur  dcllination.  Notre  divin  Sauveur  de- 
vient lui-même  lefceau  de  la  réprobation  des  pécheure  téméraires  qui  ofent  le  re- 
cevoir indignement.  Combien  les  abus  qui  font  prcfentcment  fi  communs  dans 
l'adminiftration  du  Sacrement  dePénitcncc  ,  fout  -  ils  iouvcnt  trouver  la  mort  dans 
k  fource  même  de  la  vie  ! 

Mais  tous  les  abus  qui  fe  font  de  plus  en  plus  introduits  dans  l'adminiftration 
de  l'Eglife  vifible,  £c  qui  comme  une  ivraie,  en  couvrent  aujourd'hui  prefquc  tou- 
te la  fin-face ,  n'empêchent  point  qu'elle  ncfoit  l'œuvre  de  Dieu  ,  5cle  feul  champ 
où  il  forme  5c  où  il  fait  croitre  les  Elus. 

C'efi  donc  un  raifonncment  très  fiuix  de  foutenir  qu*une  oeuvre  ne  doit  point 
être  attribuée  à  Dieu,  parce  qu'on  y  apnerçoit  des  choies  qui  ne  peuvent  venir  de 
lui.  C'cft  mcllirer  lafublimité  &  la  profondeur  de  ics  conicils,  l'ur  la  pctitefie  des 
deffeins  &  des  œuvres  de  l'homme.  Gardons  nous  bien.,  dit  le  Perc  Quesncl ,  de 
Mat  ii.i'j.'vouloir  juger  de  Dieu  ,  de  fes  dejfcins  ,  de  fes  auvres,  par  la  feule  raifon  ;  ccft  le  dé- 
grader de  l'infinité  de  fon  E.tre  .,{3  de  VincompréhcnjUnlitc  de  fa  grandeur.  „  Sa  Tou- 
Aft      iJ  "  ïc-puiffance  (dit-il  encore)  cclattc  dans  l'exécution  de  les  dclicins  juiqu'à  (y)  faire 
'  ^    ,,  lervir..,.  les  créatures  les  plus  corrompues  &  les  plus  criminelles,  6càacc<implir 
„  fc>  volontés  faintes  paries  volontés  les  plus  rebelles.  L'hoci- 


IB^E   DE   L'ETJT  DES   CON FULS 10 NNJIRES.      5 

L'homme  foible  &  impuiiTant  n  befoin  pour  pouvoir  réuffir  dans  fes  projets,  que 
tous  ceux  dont  ilfeiert  pour  un  ouvrage  qu'il  veut  faire,  fc  conduiicnt  par  les 
vues,  &n'agi{rent  tous  que  conformément  à  fcs  dcficins.  Ainiiun Architeftequi 
veut  bâtir  une  maifon,  ne  pourroit  en  venir  à  bout  fi  tous  Icsdiffcrens  ouvriers  qui 
y  travaillent ,  ne  fuivoient  pas  Ton  plan  ,  êc  s'il  y  en  avoit  une  partie  qui  fiircnt  mal 
leur  ouvrage  ,  de  d'une  manière  toute  oppofée  aux  ordres  qu'il  leur  auroit  donné. 

Il  n'en  eil  pas  ainfi  de  Dieu  :  il  fait  faire  fervir  à  fcs  defleins  tout  ce  que  le  Dé- 
mon fait  pour  les  traverfer  ,&  même  ce  que  les  hommes  qu'il  emploie  font  contre 
fes  ordres.  Rien  ne  peut  jamais  empêcher  le  fuccés  de  fes  œuvres  :  il  forme  fou 
Eglife ,  &:  il  la  perfeftionne  au  milieu  des  plus  grands  abus  :  il  la  conduit  6c  la 
gouverne  félon  fes  décrets  éternels,  fous  la  direftion  même  des  plus  mauvais mi- 
niftres ,  &  des  prédicateurs  de  l'erreur  :  Ht  fouverainc  puifflince  fiit  tout  tourner 
au  bien  de  fes  Elus,  Se  leur  fait  tirer  avantage  de  tous  les  obftacles,  les  tentations, 
les  traverfes ,  &  les  perfécutions  aufquelles  il  permet  qu'ils  Icicnt  expofés. 

Ce  feroit  très  mal  à  propos  qu'on  répondroit  que  la  conduite  de  Dieu  fur  fes 
Elus,  qui  font  la  partie  eflentielle  de  l' Eglife  viable,  n'eilpas  une  œuvre furna- 
turelle  dans  le  genre  merveilleux.  La  plus  grande  de  toutes  les  merveilles  que  Dieu 
opère ,  c'cft  la  formation  de  fon  Chrifb ,  &  par  conféqucnt  de  Tes  memJorcs.  D'ailleurs 
la  même  figefle  qui  conduit  les  œuvres  qui  font  fimplement  furnaturelles  ,  conduit 
également  celles  qui  font  dans  la  clafle  des  prodiges.  Cette  fageflc  n'a  pas  deux 
différentes  mefures  ,  fes  principes  font  toujours  les  mêmes  ^  parce  qu'elle  ne  peut 
recevoir  de  diminution  ni  d'accroiffcment.  Mais  pour  ne  laifler  aucun  prétexte  à 
cette  objeéîrion,  citons  l'exemple  d'une  autre  œuvre  divine,  qui  foit  entièrement 
dans  le  genre  merveilleux,  &  à  laquelle  néanmoins  Dieu  ait  permis  que  les  hom- 
mes aient  joint  bien  des  chofes  rcprchenfibles. 

Je  parle  de   l'œuvre  perfonnelle  du  S.  Efprit ,  c'efl  à  dire  de  l'efFufion  des      m. 
dons  furnaturels  qu'ils  répandit  fi  communément  dans  les  deux  6c  trois  premiers fj"'"/Jf  "" 
fiécles  de  l'Eglife  fur  ceux  qui  embraffbient  la  foi.  vre  dei-effa- 

Nous  voions  par  les  Epitres  de  S .  Paul ,  que  des  les  premiers  tems  plufieurs  de  ceux  du"  s"  ^u- 
qui  avoient  reçu  ces  dons  divins,  en  faifoient  quelque  fois  un  ufige  très  indifcret  :  p"'* 
par  exemple  ils  parloient  tous  à  la  fois  jufque  dans  l'Egliie,  ce  qui  ctoit  fort  indécent. 

Si  toute  une  Eglife  étant  ajfemhlée  en  un  lien  ,  dit  ce  grand  Apôtre,  tous  parlent  di-  ,  cor.    14. 
lerfes  langues^  y  que  des  ignorans  ou  des  infidèles  entrent  dans  cette  ajfemhlée  ^  ne-l- 
diront-ils  pas  que  "vous  êtes  des  infenfés  ? 

Sur  quoi  il  leur  ordonne  de  ne  parler  que  Pun  après  l'autre,  6c  qtie  tout  fe fajfe Mi.  7.  t-. 
d.ins  la  bienféance  (y  avec  ordre.  45- 

Ce  don  des  langues  venoit  certainement  du  S.  Efprit  :  l'indifcrétion  avec  laquelle 
plufieurs  Corinthiens  ufoient  de  ce  don,  étoit  un  m.ëlange  repréhenfible  qui  venoit 
de  l'homme,  &  qui  cependant  fetrouvoit  intimement  joint  à  Tufige  de  ce  don. 

Ceux  qui  avoient  reçu  le  don  de  prophétie  tomboient  encore  dans  de  plus  gran- 
des fautes ,  puisqu'ils  méloient  quelquefois  ce  qui  venoit  de  leur  propre  eiprit  aux 
choies  qui  leur  avoient  été  divinement  révélées.  Ce  qui  obligea  l'Apôtre  d'ordon- 
ner qu'on  jugeât  de  ceqvi'ils  difoient  par  les  règles  delà  foi.  Pour  ce  (jui  ejl  ^«^  ibid.  t.  i  j. 
des  Prophètes^  dit-il,  qiïiln'y  en  ait  point  plus  di  deux  ou  trois  qui  parlent  ,1^  que 
les  autres  en  jugent. 

Nous  trouvons  dans  les  plus  anciens  monumcns  dcl'hiftoire  Eccléfiaftiquc  ,que 
depuis  le  premier  fiécle  de  l'Eglife,  il  fe  glifïïi  encore  de  bien  plus  grands  abus 
dans  l'ufage  de  ces  dons.  Ces  abus  étoient  contraires  à  l'Efprit  de  Dieu  j  mais  néan- 
moins ils  paroiflbient  en  quelque  forte  réunis  à  fon  opération:  ils  étoient  des  nua- 
ges, des  ombres  &  des  taches,  qui  daiis  un  ccitainfcns,  fembloient  fiiire  partie' 

Ai  de 


4      IDE'E  DR  VET  AT  DES  CONFULS 10  NNA  IRES. 
de  l'œuvre  générale  de  l'cffufion  des  dons,  parce  qu'ils  les  accompagnoient.  Diea 
n«  permit  tout  cela ,  &  en  général  il  ne  permet  au  Démon  detraverfcr  toutes  fes 
oeuvres  que  parce  qu'il  fait  en  tirer  fa  gloire,  l'avantage  de  fes  Elus,  Se  qu'il  fait 
tout  fervir  à  fes  dcffeins. 

Tl  cft  vifible  que  le  phénomène  extraordinaire  qui  paroît  aujourd'hui  dans  l'E- 
glife ,  auquel  on  a  donné  ailes  improprement  le  nom  de  convulfions ,  fur  le  fon- 
dement unique  des  premiers  fimptônies  par  Icfquels  il  a  commencé  à  fe  faire  voir: 
il  eft  vifible,  dis-je,  que  ce  phénomène  a  de  grands  rapports  avec  l'œuvre  de 
l'cfFufion  des  dons  du  S.  Efprit,  quoi  qu'il  foit  dans  un  degré  beaucoup  plus  bas 
Se  bien  moins  parfait  que  cette  œuvre, 
vv.  Je  crois  pouvoir  le  définir  un  état  furnaturcl ,  accompagne  fouvcnt  de  prodiges, 

iV,'louyu\-^^  un  grand  nombre  de  pcrfonncsque  Dieu  a  toutes  attachées  à  la  caulcdcTAp- 
ton*.         pel ,  fc  trouvcnten  certains  tems ,  fans  cependant ,  du  moins  la  plupart ,  perdre  en- 
tièrement leur  liberté,  ni  l'ufagc  de  leur  raifon.  Ci  ce  n'cil  dans  des  états  fingu- 
licrs  6c  extraordinaires ,  dont  je  rendrai  compte  en  faifant  le  détail  de  tous  les  dif- 
fcrens  états  ou  les  convulfionnaires  pafTent  fuccéHîvement. 

Un  an  ou  deux  après  que  Dieu  eût  joint  à  cet  état  pluficurs  prodiges ,  qui  attirè- 
rent d'abord  l'admiration  de  quantité  de  pcrfonnes  ,  il  permit  au  Démon  deféduirc 
quelques  Convulfionnaires,  dont  il  forma  les  deux  iectcs  des  x'\uguil:iniiles  &  des 
Vaillantiftes.  Mais  ce  n'efl  point  de  ces  fortesde  Convulfionnaires  dont  je  parle 
dans  cet  ouvrage  ,  ni  de  quelques  autres  qui  femblent  encore  avoir  été  pervertis 
par  le  Démon ,  ou  fur  lefqucis  Dieu  lui  a  donné  quelque  pouvoir  particulier.  Je  ne 
me  fuis  attaché  qu'avoir  les  Convulfionnaires  qui  publient  toute  vérité  fiins  y  mê- 
ler aucune  erreur,  &  dont  les  convulfions  font  illuftréespardes  prodiges  ;  ce  qui 
fîiit  certainement  le  très  grand  nombre  des  Convulfionnaires.  Comme  je  n'ai  exa- 
miné que  ceux  là,  je  ne  puis  rendre  compte  qucdeleur  état,  &nondc  celui  des 
Convulfionnaires  qui  font  dans  des  fcctes,  où  même  dans  des  cfpeces  finguliercs.. 
T.  En  retranchant  du  nombre  des  vrais  Convulfionnaires,  les  Auguilinillcs  6c  les 

J,"'j^4""c^'^-^'''^"ïi'^'^s,  qui  font  chacun  une  clafie  à  part  vifiblemcnt  féduite  parle  De- 
iiticonvM  fi  mon  :  &  en  fcparant  du  furnaturel  des  convulfions  tout  ce  que  les  Convulfionnaires- 
qui*  ne  fa^foHt  cn  cct  ctat  dc  Icur  propre  mouvement  Se  par  leur  pure  volonté ,  6c  tout  ce  que 
r<.ini  pa:tif]c  Dcmou  a  pû  v  "liffcr  par  féduccion  ou  autrement  (ce  qu'il  clljultede  retnm- 
witrt  defti  cncr  attendu  que  tout  cela  ne  fait  pomtvcntablemcnt  partie  de  1  œuvre  des  con- 
"J^°^',n'"^.vulfions  dans  fa  première  defiination)  il  ne  refte  plus  en  ce  clis  que  l'œuvre  de  Dieu  : 
«ontcftibje.  ainfi  en  regardant  l'œuvre  des  convulfions  fous  ce  point  de  vue,  il  n'y  a  nulle 
Œîiit    ivi-  jjif^cuif^  ^  jj,,(;  qj^jç  fctte  œuvre  vient  de  lui. 

■^■'-  Mais  même  en  donnant  au  terme  d'œwcre  des  convulfions  l'idée  la  plus  étendue, 

vrc'pauiiuir. on  pcut  cncorc  dire  dans  un  fens  très  véritable,  que  cette  œuvre  cfl.  l'œuvre  de 
>i"''uj'eun''^''^"  ■  P-irce  nue  fon  origine  vient  évidemment  dc  lui:  qu'il  y  opère  vifiblemcnt 
ju'.è  rf»p  un  grand  nomore  d'effets  :  qu'elle  entre  dans  fes  confeils  pour  des  fins  dignes  delà 
^J^'Jp^J' grandeur  dc  fi  miféricordc  Sc  de  la  Icvcrité  de  fijullicc:  6c  qu'il  fait  fervir  tout- 
ce  qui  V  arrive,  à  l'exécution  de  fes  projets. 

I".  11  n'efl  pas  douteux  qiic  l'origine  des  convulfions  ne  vienne  de  Dieu:  elles- 
font  nées  fur  un  tombeau  ou  il  manifelloit  fiprcfcncc  p-ar  fes  bienfaits,  Scprèci- 
fémcnt  dans  le  îcms  qu'il  y  a  fait  les  plus  éclaltans  miracles:  il  y  a  plus  encore.  Non 
feulement  elles  ont  été  elles-mêmes  accompagnées  de  guèrifons  miraculeufcs  dans 
leur  orii^inc,  mais  pluficurs  ont  été  le  moicn  phifiquc  dont  Dieu  s'ell  fcrvi  poul- 
ies opérer. 

Z'\  On  ne  peut  pas  non  plus  contcfler  raifonnablcment  que  Dieu  n'opère  un, 
grand  nombre  d'effets  p.u-  le  minilluc  de*  Convulfionnaires,  puifqu'U  fait  des  gué- 

xifc^os 


IDE'E  DS  VET JT  DES  CO NFULS 10  NNJ I RE  S.       f 

rifons  évidemment  miraculeufes  par  les  panfemens  furnaturels  qu'il  leur  hix.  faire  j 
qu'il  leur  découvre  l'intérieur  des  confcicnces  6c  lefecret  des  cœurs,  6c  qu'il  leur 
a  fait  faire  pUifieurs  prédirions  très  circonftanciées  6c  contraires  à  toute  vrai-fcm- 
blancc,  dont  les  événemens  ont  pleinement  juftifîé  qu'il  en  étoit  l'Auteur. 

90.  Les  pcrfonnes  les  plus  attentives  ont  reconnu  manifcflement ,  que  cette 
oeuvre  a  pour  fin.  m.  d'annoncer  la  venue  du  Prophète  Elie  à  ceux  que  Dieu  dcf- 
tine  à  le  reconnoître,   6c  de  les  engager  à  fe  préparer  à  ce  grand  événement  par  la 

Eénitence  6c  la  prière,  io.  qu'elle  eu:  deftinée  à  répandre  d'avance  d'épaiflcs  téné- 
res  fur  les  miracles  6c  les  prodiges  par  lefquels  ce  Prophète  prouvera  fi  miffion, 
afin  d'aveugler  de  plus  en  plus  ceux  qui  méritent  de  l'être ,  6c  de  porter  la  Genti- 
lité,  en  punition  du  mépris  qu'elle  aura  fait  des  miracles  6c  des  autres  œuvres  de 
Dieu  ,  à  rejetter  ce  grand  Prophète,  6c  à  le  faire  mourir  comme  un  impolleur. 
Qiii  peut  douter  que  des  objets  fi  grands  ne  foient  dignes,  les  uns  de  la  bonté  ic 
les  autres  de  la  juftice  de  Dieu? 

Enfin  il  eft  vifible  qu'il  foit  fervirto\it  ce  qui  arrive  dans  cette  œuvre,  ou  même- 
par  rapport  à  elle,  à  ces  deux  difi'ereiis  projets  de  miféricorde  6c  de  vengeance. 

Mais  en  donnant  au  terme  <X œuvre' des  con-vuljions  unfens  Ci  étendu  qui  comprend 
tout  ce  que  les  Démons  6c  les  hommes  y  ont  joint  à  l'action  de  Dieu  ,  il  cil  évident 
qu'en  ce  cas ,  cette  œuvre  ne  doit  point  être  regardée  comme  une  opération  indi- 
viducle,  ni  même  comme  un  tout  compofé  de  parties  qui  tendent  par  elles-mêmes 
directement  à  une  même  fin:  mais  on  doit  au  contraire  la  confidcrer  comme  une 
multitude  d'effets  produits  par  des  principes  fort  differens  :  à  laquelle  œuvre  pré- 
fide  néanmoins  le  Maître  de  tous  les  êtres  qui  fait  entrer  dans  les  confc ils  foitde' 
miféricorde,  foitde  juftice,  non  feulement  tout  ce  qu'il  opère  lui-même  dans  cette 
teuvre,  mais  auflî  tout  ce  que  les  liommes  6c  le  Démon- y  joignent  de  mauvais. 
Les  de  [feins  des  hommes^  dit  le  P.  Qiiefnel ,  quoique  contraires  à  ceux  de  J-C.daMSf^^^ 
leurs  intentions  ,  en  font  pourtant  les  moiens  pm  fa-  fowveraine  fagejfe.  44, 

C'eft  donc  une  erreur  manifeilede  foiiienir,  comme  font  MM',  les  Confialtans 
que  les  convulfons  forment  un  tout ,  dont  les  différentes  parties  fe  réuniJJ'ent  comme 
eelles  d'un  anneau.  Car  ces  MM.  ne- manquent  pas  de  ralTembler  dans  la  peinture 
qu'ils  font  de  l'œuvre  des  coavuliîons ,  tout  ce  que  les  hommes  ou  mcmc  les  Dé- 
mons y  ont  mis  du  leur. 

Cette  pernicieufe  erreur,  fondée  fur  la  faufTc  maxime  que  dans  un  même  évé> 
nement  il  ne  peut  y  avoir  divers  agens  6c  différentes  cauîcs  cflicientcs ,  a  été  la. 
fource  des  deux  differens  égaremens  oiï  font  tombés  j  MM.  les  Confultans  d'uns. 
côté,  6c  les  Augufliniites  de  l'autre. 

Les  uns  6c  les  autres  en  fe  fondant  fur  le  même  principe, .en  ont  tiré  des  con^ 
féquences  dianîétralernent  oppoiees. 

MrvI.  les  Confultans  ont  dit:  l'œuvre  des  convulfions  forme  un  feul tout  dont; 
toutes  les  parties  concourent  enfemble  à  une  même  fin,  à  peu  prés  comme  une. 
montre  dont  toutes  les  pièces  font  tellement  aflorties  les  unes  aux  autres ,  qu'elles 
contribuent  toutes  enfemble  à  leur  mouvement  général  :  ainfi  cette  œuvre  nepeut 
avoir  qu'un  fcul  6c  même  principe.  Or  il  eit  clair  qu'on  y  trouve  bien  clés  chofcs. 
-videmment  repréhcnfibles  6c  doM  Dieu  ne  peut  être  l'Auteur:  par  conicqucnt  il' 


e 


,  ^  .  .     ,  ^    .    "Pc         

la  même  fuppohtion,  ont  dit  au  contraire:  nous  foutenons  ainfi  queMM.  lei 
Confultans  que  l'œnivre  des  convulfions  eft  une  œuvre  indivifible  dont  toutes  les 
pmies  font  intimement  liées  cntr'elles.  Mais^c'cft  une  impiété  uuuifeiic  d'olbcdi- 

A  3^  KL- 


6  IDE'E  DE  L'ETAT  DES  CO NFULS 10 N NJ IRES. 
rc  que  Dieu  n'agit  point  d;uis  cette  œuvre  ,  puisqu'il  y  paroit  avec  éclat  par  des 
miracles  inconteilables  :  les  attribuer  à  Bcelzébut  c'cft  renouveller  leblalphcmc. 
des  Pharilîens.  Or  puifquc  dans  les  convuliions  il  y  adcscaraftercsincontellable- 
mcnt  divins,  ôcque  cette  ixuvre  ne  peut  avoir  qu'un  feul  Auteur,  on  doit  attribuer 
tout  ce  qu'on  y  voit  à  l'opération  furnaturellc  &  immédiate  de  la  Divinité,  jufqu'- 
aux  chot'cs  qui  paroiircnt  les  plus  choquantes  &  même  jufqu'à  celle*  que  la  loi  de 
Dieu  obligcroit  de  condamner  dans  toute  autre  circonltance. 

C'cll;  ainfi  qu'un  faux  principe  produit  des  conléqucnces  toutes  contraires,  5c 
qui  font  également  nulles. 

Revenons  à  la  Vérité.  L'oeuvre  des  convulfions,  fi  on  en  féparct»ut  ce  que  les 
liommes  &  les  Dcmons  y  ont  joint,  &  qu'on  ne  comprenne  fous  ce  terme  que  le 
luvnaturel  que  Dieu  y  opère  ,  elt  purement  une  œuvre  divine.  Si  au  contraire  on 
entend  par  ce  terme,  tour  ce  que  les  Convulfionnaircs  font  ou  difcnt  en  cet  état, 
fans  examiner  par  quel  principe  ils  agiflent,  &  fans  en  faire  la  différence  :  pour  lors 
cette  œuvre  n'ell  autre  chofe  qu'une  multitude  d'opérations  qui  ont  des  principes 
très  difîerens,  mais  que  Dieu  par  fi  fouverainc  puillancc  fait  fervir  tous  à  les 
dcllcins. 

C'eft  ce  qui  paroîtra  d'une  manière  encore  plus  frapante  par  l'expofition  que  je 
vais  f\ire  du  véritable  état  du  très  grand  nombre  des  Convulfionnaircs,  du  moins 
pendant  tout  le  tcms  que  j'ai  fuivi  cette  œuvre.  Mais  je  ne  puis  me  lallér  d'avertir 
que  je  ne  parle  que  de  ceux  dont  les  convulfions  font  marquées  à  quelques  earac- 
tcres  qui  font  connoître  qu'elles  viennent  de  Dieu,  &  qui  ne  font  point  tombés 
dans  les  erreurs  des  Augullinites  &  des  Vaillantiiles. 

Comme  je  ne  me  fuis  attaché  qu'à  ceux  en  qui  j'ai  cru  voir  quelques  traces  des 
dons  de  l'Éfprit  Saint ,  je  ne  puis  rendre  compte  que  de  ceux  là  :  mais  même  parmi 
eux  je  n'ai  pas  lailTé  de  remarquer  bien  des  chofcs  qui  m'ont  paru  n'avoir  pour 
principe"  que  leur  pure  volonté,  6c  même  quelque  fois  les  artifices  de  Satan. 

Avant  néanmoins  que  j'entre  dans  ce  détail ,  je  prie  le  lecteur  de  me  permettre 
de  lui  préfenter  quelques  rèfiéxions  de  diffcrcns  Auteurs  qui  mç  paroiilént  avoir 
ici  l'application  la  plus  hcurcufc.  J'ai  tout  lieu  d'efpércr  qu'elles  éclaireront 
par  une  lumière  vive  Se  brillante  les  laits  fingulicrs  que  j'ai  à  rapporter,  &:lcsob- 
fcrvations  que  j'aurai  à  f^iire. 

REFLEXIONS  DE  DIFFERENS  AUTEURS  PROPRES 
à  répandre  la  lumière  fur  Pœuz-re  des  convulfions ,  (^  à  écarter  la  plupart  des  nuages 
dont  cette  œuvre  paroit  couverte. 

or«  ia  /^^Eux  (dit  le  favant  Theodoret)  qui  connoifllMcnt  bien  la  bonté  &  l'amour 
*?•  '•  ^  y  que  Dieu  a  pour  les  hommes,  &  comme  il  ordonne  tout  par  rapporta  leur 
lalut,  trouveront  occafion  de  le  louer  de  cela  même  que  les  autres  mèpri- 
fcnt Voiant  que  les  paroles  ne  faifoicnt  aucune  imprdlîon  fur  les  hom- 
mes, à  caufe  qu'ils  croient  alfoupis  par  une  lètargic  invétérée,  il  s'ell  fcrvi  de 
fimbolcs  pour  figurer  les  choies  futures  :  &  il  a  emploie  des  fignes  dontla nou- 
veauté fîit  capable  d'attirer  leur  attention. 
lib.fi.Jeco-  Le  même  Auteur  dit  dans  un  autre  endroit.  „  \'otre  hardiciTc  Se  votre  folie 
"rum°'tfr,,  font  extrêmes  ,  fi  vous  vous  croies  plus  fagcs  que  la  fa^cfic  elle-même  qui  a 
«'i«"-        j,  fait  toutes  choies ,  &  Ci  vous  défaprpuvés   ce  qu'elle  a  tait. 

liC;  s»  ^^  fiéclc  (dit  l'Auteur  de  Irtv'ic  de  S.  Thomas)  cil:  rempli  d'hommes  char- 
nels, qui  ne  goûtent  que  ce  qui  touche  les  l'cns  ,  ou  de  faux  fpiritucls ,  dedc- 
mi-fcavans  pleins  d'orgueil  &  prcfqu'idoiàtres  de  leurs  fcntimens  particuliers. 
Les  premiers  iclon  rcxprcflion  de  l'Apotrc,  ne  ion t  point  capables  ilcschofa 

de 


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■>■> 

5) 
Î5 


5» 
55 


IDEE  DE  L'ETJT  DES  C  ONFU  LSIONNNJ  IRE  S.  7 
,,  de  rEfprit  de  Dieu  :  elles  leurparoifient  une  folie  :  ils  ne  peuvent  lescompren- 
„  drc  parce  que  c'eft  par  une  lumicrefpirituelle  qu'on  en  doit  juger.  Les  derniers 
„  font  profeflîon  de  décider  de  tout  félon  leur  caprice ,  &  de  condamner  fans  exa- 
„  men  tout  ce  qui  n'étant  p-as  dans  les  voies  ordinaires,  fe  trouve  au  deflus  des 
„  règles    qu'ils    fe  font  faites.  „ 

Malheur  aux  efprits  fuperbes  qui  prétendent  juger  des  œuvres  de  Dieu  par  la 
feule  lumière  de  l'efprit  humain.  Ce  n'eft  que  par  les  humbles  6c  non  par  les  plus 
grands  génies  que  Dieu  laifTe  pénétrer  fes  defleins .  C'eft  lorfque  les  confeils  de  fa  figef- 
fe  font  les  plus  profonds ,  que  les  charnels  ne  les  trouvent  dignes  que  de  mépris. 

Les  fer  formes  de  bon  fens ,  dit  M.  Nicole  par  rapport  à  l'état  de  Ste.  Tcrefe  très^""  ^^  "'°''' 
femblable  à  celui  des  Convulfionnaires  d'aujourd'hui,  auront  bien  de  la  peine  à  fe'iio.' ^' ^^' 
ferfuader  . . .  que  Dieu  ait  voulu  joindre  tant  de  faits  tniracnleux  à  des  illuftons 
fhantafiiques. 

„  Il  faut  avoir  grand  foin  (dit  M.  l'Abbé  de  S.  Cyran)  de  bien  confcrver  tous 
„  les  prodiges,  les  miracles ,  les  prédirions  Se  les  autres  effets  extraordinaires  que 
„  Dieu  fiit  paroîtrc  de  tems  en  tems  dans  fon  Eglife  pour  l'inftruire ,  &  la  préparer 
„  à  des  choies  plus  grandes:  en  cela  confifte  une  grande  partie  de  notre  piété.  „ 

Quelle  eft  donc  la  témérité  de  ceux  quiméprifent,  &  même  qui  décrient  par  des 
impoftures  tous  les  prodiges  de  nos  jours?  Il  eft  vrai  que  Dieu  par  les  confeils  de 
fa  juftice  a  voulu  fatisfaire  le  defirde  l'incrédulité  :  il  a  traité  l'infcnië  félon  fa  fo- 
lie: il  a  fourni  des  ténèbres  à  ceux  qui  les  préferoient  à  la  lumière:  il  a  lui-même 
tendu  des  pièges  à  ceux  qui,  au  lieu  des'abaifierà  fes  pieds,  levoientinfolcmment 
la  tête ,  8c  prétendoicnt  mefurer  toute  l'étendue  de  Ç-à  fagcffc  avec  leurs  vues  fi  cour- 
tes &  fi  bornées.  Pendant  qu'ils  promènent  ainfi  leurs  regards  téméi-aires  fur  les  abî- 
mes impénétrables  de  fa  profonde fageffe  fi  différente  de  la  leur,  leurs  pieds  s*em-. 
barraffcnt  dans  des  filets  d'où  il  ne  peuvent  plus  fe  tirer. 

C'efi  aux  fimples  que  Dieu  fe  communique ,  dit  le  reipcétable  Auteur  des  réflexions  "arc.  10. 
morales.  '''■' 

„  O  mon  Dieu!  (s'écrie  M.  l'Abbé  Duguet)  qu'il  eft  digne  de  votre  miféri- Exp.  de  u 
„  corde  de  vous  manifefter  ainii  aux  humbles  &  aux  petits ,  pendant  que  vous  vous  ^'^p''  ^^g*" 
„  cachés  aux  fuperbes ,  afin  que  ceux  qui  ne  voient  point  voient ,  £s?  que  ceux  qui  voient  Ji^n-  9-  î»» 
3,  deviennent  aveugles  f  „ 

„  C'eft  pourquoi  il  eft  écrit,  dit  S.  Paul,  je  détruirai  la  fageffe  des  fages  &  je,,  cir.   i. 
„  rejetterai  la  fciencedesfavans.Qiie  font  devenus  les  fages  ?  Que  font  devenus  les  '?•  '■"' 
„  Doâreursdelaloi? . . .  Dieu  n'a-t- il  pas  convaincu  de  folie  la  fageffe  de  ce  monde?,. 

Car  le  Seigneur  connaît  que  les  penfées  des  hommes  m  font  que  vanité  ^  dit  le  Roipr.  39.  n. 
Prophète. 

Cependant  malheur  à  qui  s'enfoncera  dans  les  ténèbres!  Malheur  à  qui,  ens'en- 
durciffant  contre  les  merveilles  que  Dieu  fut  fous  nos  yeux,  méritera  d'être  livré 
à  l'efprit  d'erreur!  Malheur  à  qui  s'accoutumera  fi  fort  à  regarder  avec  m  épris  ce 
qui  eft  furnaturel ,  qu'il  ne  fera  plus  touché  de  celui  qui  autorifcra  la  roiliîon  du 
Prophète  qui  doit  rétablir  toutes  chofes  ! 

Si  c'eft  par  les  fruits  qu'on  doit  juger  de  l'arbre,  fuivant  que  nous  l'avons  ap- 
pris de  la  bouche  de  J.  C.  que  le  letSeur  confidére  ce  qu'à  déjà  produit  l'œuvre 
des  convulfîons. 

Il  eft  certain  que  Dieu  s'eft  fervi  6c  fe  fert  de  cette  œuvre  pour  fiire  publier, 
eonnoître  6c  aimer  la  vérité  avec  un  fucccs  bien  autrement  plus  confidérable  quen'a- 
yoient  fait  tous  les  meilleurs  Ecrits  des  Appellans  :  Une  très  grande  multitude 
de  perfonncs  de  tout  état  6c  de  toute  condition ,  qui  n'avoicnt  jamais  bien  con- 
*u  le  véritable  efprit  du  Chriftianifmej  5c  qui  av oient  le  mallicur  de  vivre  en 

paLs 


6  IDE'E  DR  VET  AT  DES  CO  NFU  LS 10  N  NJ  F  RES. 
paix  dans  les  ténèbres  de  leur  ignorance,  ontappcrçiidansles  dilcours  desConvul- 
lîonnaires  des  traits  brillans  de  lumicre  qui  les  ont  il  vivement  frapécs,  qu'elles 
le  font  au  plutôt  adreflees  à  des  guides  éclaires  capables  de  les  conduire  dans  les 
voies  du  falut  :  quantité  d'incrédules  le  font  convertis  à  la  vue  des  prodiges  que 
Dieu  a  fait  &  opère  encore  dans  cette  oeuvre.  Combien  de  mondains  &  de  pé- 
cheurs dont  la  foi  étoit  prefqu'ctcinte  ,  n'ont-ils  pas  été  convaincus,  touchés,  at- 
tendris, &  vivent  maintenant  dans  les  rigueurs  de  la  pénitence! 

Auilî  quels  efforts  le  Démon  ne  fait-il  point  pour  détruire  une  oeuvre  quiluicft 
fi  contraire?  11  fou  levé  prcfque  tout  contr'elle  :  les  amateurs  du  monde  la  regar- 
dent avec  le  plus  fouverain  mépris  :  les  Conftitutionnaircs  la  détellent  parce 
qu'elle  découvre  leurs  erreurs  :  les  Confultans  ne  peuvent  la  fouffrir,  quoiqu'elle 
fouticnne  fi  efficacement  la  caufe  de  leur  Appel  :  quelques  Appcllans  ont  même 
publié  les  calomnies  les  plus  atroces,  non  feulement  contre  les  ConvuHîonnaires 
dont  la  conduite  peut  en  avoir  fourni  quelque  prétexte  ,  mais  même  contre  plu- 
fieurs  de  ceux  qui  vivent  dans  une  grande  piété.  Enfin  les  puiflances  de  l'air 
femblcnt  liguées  avec  celles  de  la  terre  pour  periccuter  ceux  que  Dieu  a  placé 
dans  cette  œuvre:  on  les  traîne  à  Bicccrc,  à  laSalpétricre,  dans  les  prifons  :  on 
les  y  retient  fans  nulle  forme  de  jullice ,  du  moins  la  plupart:  c'ell  encourir  la 
difgracc  de  la  Cour  que  de  jullifier  leur  innocence  :  on  ne  leur  laific  aucun  moicn 
légitime  de  recouver  leur  liberté  :  on  leur  fait  entrevoir  que  ce  n'cll  qu'en  abju- 
rant la  Vérité  qu'ils  pourroicnt  l'obtenir.  Des  prifons  on  en  transfère  à  l'Hôpital: 
on  les  y  dépouille  de  leurs  habits:  on  les  revct  de  ceux  des  mandians  :  on  les 
traite  comme  des  fcelcrats:  on  leur  fait  fouffrir  toute  ibrte  d'ignominie:  &  afin 
qu'il  ne  trouvent  aucun  fccours  fur  la  terre,  on  pouffe  la perfécution  jufquecon- 
trc  ceux  qui  leur  donnent  quelqu'affillance.  Mais  la  violence  ne  peut  pas  vaincre  la 
charité,  lorfqu'il  plait  au  Dieu  des  vertus  de  la  bien  enraciner  dans  le  coeur. 

Si  celui  fans  la  pcrmiffion  de  qui  rien  n'arrive,  fouffrc  qu'on  traite  les  Convul- 
fionnaircs  avec  tant  d'inhumanité  parce  qu'il  les  a  attachés  à  l'Appel,  parce  qu'il 
s'en  fert  pour  faire  des  miracles ,  &  qu'il  les  rend  quelque  fois  forcément  des  trom- 
pétcs  qui  font  retentir  de  toutes  parts  l'importance  des  vérités  condamnées  p.ir  la 
Bulle,  il  fiiura  bien  les  récompcnfercn  Dieu  de  tout  ce  qu'ils  endureront  pourfa 

w  j  .caufe.  J.  C.  lui  même  Icurcn  adonné  fa  parole.  Bien- heureux  ^  dit  ce  divin  Sauveur, 

£€ux  qui  fouffrcnt  perfécul ion  pour  la  jiifiice  ^  parce  que  le  Roiaumedu  Cieleft  hetix  ! 

Quelle  preuve  plus  grande  peut-on  defircrquelcs  ConvuHîonnaires  font  fcsinf- 

tiTjmcns ,  que  de  voir  la  perfécution  qu'ils  éprouvent  en  haine  des  vérités  qu'ils 

publient  par  une  impreffion  furnaturelie  à  laquelle  ils  ne  font  pas  maîtres  de  réfiller  ? 

Aâ.  7.  îf.      „  C'eir  ainfi  que  Dieu  fditle  P.  Qiiefnell  a  coutume  de  préparer  par  l'humilia- 
tion 3c  les  rebuts,  ceux  dont  il  lé  veut  fervir  pour  fcs  œuvres,  foit  les  plus  gran- 

ibid.  4.  II.  Jpg  ^  Çç^\j^  içj  p|u5  petites.  Plus  on  elt  rejette,  méprifé  2c  pcrlccuté  du  monde, 
,^  plus  on  c'a  propre  pour  les  œuvres  de  Dieu,  dit-il  plus  haut.   „ 

Aullî  n'eii  ce  pas  d'aujourd'hui  que  Dieu  fe  plait  àfe  fervir  d'inlbumcns  mépri- 
fablcs  aux  veux  dt  la  chair  :  il  a  quelquefois  infpiré  des  cnfans  fans  intelligence  :  &  il 
fcmble  que  fa  gloire  &  le  merveilleux  de  fon  opération  en  éclattent  encore  da- 

I#jt.ii.iy.vanta2;e.  Les  eafans  oui  crioient  dans  le  temple:  hofanna  falut  t^  gloire  an  fils  de 

^  '*•        David  ^  étoicnt  ca-taincment  infpirés,  puifque  J.  C.  lui-même  nous  a  apprisquc 

rr.  8.  3.  c'ell:  d'eux  dont  le  Roi  Prophète  avoit  dit:  vous  avés  tiré  la  louange  la  plus  par- 
faite de  la  bouche  desrufans,  (^  de  ceux  qui  font  encore  à  lama>/jel.'e.  Surquoi  S.Chri- 

Hom.  «7-  Vofiomc  fait  cette  réflexion.  „  C'ell  parler  très  jullede  dire  de  la  bouche  :  car  ce  n'è- 
„  toit  point  l'intelligence  de  ces  enfans  qui  leur  faifoit  prononcer  ces  paroles ,  mais  la 
„  vertu  de  Dieu  qui  dirigcoit  leurs  langues  qui  n'èioient  pas  encore  déliées.  ,, 

Dieu 


IBE'E  DE  VET  AT  DES  CON  FU  LS 10  NN  J  IRES.  > 
Dieu  peut  donc  infpirer  des  cnfans  qui  n'ont  point  encore  Tufage  de  la  raifon? 
il  peut  leur  faire  déclarer  les  plus  grandes  Vérités,  &  s'en  fervir  pour  les  révéler 
aux  autres.  Après  cette  preuve  tirée  du  Nouveau  Teftament,  il  n'eft  pas  permis 
de  foutenir,  connme  font  quelques-uns  des  adverfaires  des  convulfions ,  qu'oa 
ne  peut  pas  parler  par  l'Efprit  de  Dieu  lorfqu'on  eft  fans  intelligence. 

Au  refte  ce  n'eil  point  là  l'état  général  des  Convulfionnaires,  puifquc  la  plu- 
part ne  confervent  que  trop  de  liberté  dans  la  plus  grande  partie  des  dilcours  qu'ils 
prononcent ,  ainfi  que  j'en  rapporterai  des  preuves  infurmontables  :  mais  c'eft  néan- 
moins un  des  principaux  prétextes  dont  ceux  qui  font  les  plus  acharnés  à  décrier 
les  convulfions ,  fe  font  fervis  pour  prétendre  que  les  Convulfionnaires  ne  parloienc 
jamais  par  l'Efprit  de  Dieu.  Ces  MM.  fe  font  vus  réduits  à  fuppofercontrela  Vé- 
rité que  les  Convulfionnaires  faifoicnt  tous  leurs  difcours  fans  aucune  intelligen- 
ce, parce  qu'ils  n'ont  trouvé  que  ce  moien  pour  tâcher  de  fe  débarrafier  de 
l^induétion  accablante  quiréfultoit  du  furnaturel  évident  de  ces  difcours,  quel- 
que fois  ti-ès  fublimes  &  très  fuivis,  8c  prononcés  avec  feu  ,  avec  nobleiTe  6c 
dignité  par  des  enfins  &  des  perfonnes  dont  la  plupart  n'avoicnt  nulle  fcience  , 
ni  aucun  talent  naturel. 

Il  y  en  a  à  la  vérité  de  "bien  plus  inftruits  :  car  parmi  les  Convulfionnaires,  il  y 
a  pour  ainfi  dire  des  perfonnes  de  toute  efpece.  Non  feulement  il  y  a  des  gens  de 
condition,  il  y  a  même  des  miniilres  du  Seigneur,  qui  avoient  déjà  le  bonheur 
d'être  perfécutés  pour  fa  caufe. 

Mais  il  faut  convenir  que  Dieu  a  choifi  la  plus  grande  partie  des  Convulfionnai- 
res dans  l'état  le  plus  bas  ;  ce  qui  ne  peut  les  rendre  fufpc(Sts&  méprilables,qu'à  ^ 
ceux  qui  ne  connoifient  pas  les  voies  de  Dieu.  Ce  ne  fut  point  aux  Grands  du 
monde  :  ce  ne  fût  point  à  des  Doéteurs ,  à  qui  J.  C.  manifella  d'abord  fon  incai"- 
nation:  ce  ne  fût  qu'à  de  pauvres  bergers. 

Pendant  que  toute  la  nature  étoiî  dans  les  ténèbres,  une  lumière  divine  les  ^«-luc,  i.  > 
vironna^  dit  l'Efprit  Saint. 

„  Pourquoi  J.  C.  (dit  le  P.  Quefuel  fur  ce  verfet)  fe  manifefte  - 1 -il  aux 
„  fimplcs  &  aux  pauvres  plutôt  qu'aux  favansSc  aux  riches,  finon  pour  nous  ap-    ''■^■'  •' 
„  prendre  qu'il  vient  confondre  l'orgueil  des  riches  &  la  vanité  des  favans  ?  Sa 
„  gloire  (dit-il  plus  bas)  éclattc  d'autant  plus  que  les  inllrumens  font  plus  foibles 
5,  &  moins  propres  à  fcs  œuvres.  „ 

„  Pendant  que  les  Doélcurs  (dit -il  encore)  s'endurciiïènt   contre  Févidencei,,., 
„  des  miracles  &  attribuent  au  Démon  les  œuvres  du  S.  Efprit ,  le  peuple  feul  en 
„  elî:  touché:  6c  du  milieu  de  ce  peuple,  une  femme  élève  fivoix  ,  ôcrend  té- 
55  moignage  à  la  vérité.  „ 

Ce  n'ell  n'eft  pas  d'aujourd'hui  que  ceux  qui  fe  croient  de  grands  génies  ont 
voulu  juger  des  œuvres  de  Dieu  par  la  vanité  de  leurs  penfccs ,  &;  qu'ils  ont 
prétendu  mefurcr  fa  lagefie  fur  la  leur.  II  y  a  eu  dans  tous  les  âges  du  monde  des 
gens  qui  ontméprifé  &  traité  d'infcnfcs  la  plupart  des  perionncs  diftinguées  par 
des  grâces  furnaturellcs  ;  parceque  le  Très-haut  dans  la  vue  d'humilier  l'orgueil 
des  hommes ,  a  fouvent  permis  que  ceux  qu'il  favoriioit  par  des  dons  du  S.  Ef- 
prit, confervaflent  en  eux  des  chofes  qui  paruflcnt  baflcs  &  puériles  aux  yeux  deS 
Grands,  des  beaux  efprits,  des  charnels  ,  &  des  amateurs  du  fiécle. 

Nous  voions  par  exemple  que  parmi  les  Juifs  ,  ceux  que  l'Ecriture  appelle  enfani  4'P^3'S-  ^t• 
des  Prophètes  ,  étoient  très  méprifes ,  fur  tout  par  les  Grands ,  quoi  qu'ils  eufient  des 
dons  furnaturels,  &  que  Dieu  les  cmploiât  quelquefois  à  de  grandes  œuvres ,  ap- 
paremment parce  qu'il  y  avoit  en  ces  perfonnes  quelque  chofe  d'extraordinaire 
dans  leur  maintien,  leurs  manières  ,  ou  leur  façon  d'agir  ou  de  parler.  Un  de  ces 
Ohjh-jat.     II.  Part.  T'ume  II.  '       B  enfan* 


10  IDI?E  DE  UETJT  DES  CON  rU  LS 10  NNJ  IRE  S. 
cnfans  des  Prophètes  efl:  envoie  par  Elifcc  à  Ramoth  poury  facrcrjéhu  Roi  d'If- 
raël.  Le  jeune  homme  minijlre  de  ce  Prophète  ^  lelon  que  le  qualifie  l'Elprit  Saint, 
y  va  &  trouve  Jchu  avec  les  principaux  officiers  de  l'armcc.  Il  entre  avec  lui 
dans  une  chamÇre  fecrete  &lui  déclare  que  le  Seigneur  le  choifit  pour  régner  fur 
fon  peuple,  6c  pour  exterminer  Joram  Roi  d'Ifraëlavcc  toute  lamaifon  d'Achab. 
En  conicquencc  il  répand  l'huile  lainte  fur  la  tête,  l'inibuit  de  ce  qu'il  doit  faire, 
ouvre  la  porte  &;  s'enfuit.  Jehu  rentre  oij  ctoient  les  autres  Seigneurs,  ils  lui  font 
une  queftion  qui  prouve  manifcftemcnt  ainfi  qucfaréponfe,  le  cas  qu'ils  font  tous 
Kc.i.  9.  de  celui  dont  Dieu  vient  dcfcrvir.  ^'ejl-ceque  ce  fou  là  vous  eji  venu  dire  ;  lui  de- 
*•  "  mandent-ils.  Vousconnoijfésle  -perfor.nage ^  repond  Jéhu.  C'cllainfi  quc".ccs  Grands 
&  Jéhu  lui-même  mépriicnt  l'envoie  du  Prophète,  6c  le  traitent  d'extravagant. 
Mais  qu'arrive- t-il  un  moment  après?  Le  Trcs-haut  agit  fur  leurs  coeurs  :Jèhu 
rapporte  ce  qui  vient  de  fc  paffcr  :  6c  les  grands  Seigneurs  apprenant  de  fa  bouche 
que  celui  qu'ils  regardoient  comme  un  infenfè,  l'a  lacrè  Roi  d'Ifraël,  tous  le  rc- 
connoillcnt  pour  leur  Souverain,  touss'emprcncnt  de  lui  rendre  hommage,  tous  le 
fuivent  avec  joie.  Heureux  ceux  qui  abandonnent  ainfi  leurs  faux  préjugés,  ôcfc 
foumettent  à  la  voix  du  Tout-puiflunt  dès  qu'elle  fc  fait  entendre  .' 

Mais  les  plusgrands  Prophètes  eux-mêmes  ont  fouvcntété  regardes  comme  des 
Wd.   i+.  fous  par  les  beaux  cfpritsdeleur  tems    Je  fuis  devenu^  dit  Jércmie,  r  objet  de  leur 
tf.  7-  8.     'ifioqucrie  pendant  tout  le  jour. .  .  La  parole  du  Seigneur ejî  devenue  pour  moitinfu" 
jet  d'opprobre. 

Enfin  les  Apôtres  n'ont-ils  pas  été  traité  de  gens  ivres,  lorfquele  Saint  Efprit 

a:\.  1.  is-ètoit  vifiblement  fur  eux?  Les  uns  étoient  daas  r  admiration  .y  dit  l'Ecriture  •.mais 

'^'        les  autres  s'en  moquoient,  (^difoient.  C'efi  qu'ils  font  ivres  l^ pleins  de  vin  nouveau. 

Apres  cela  on  ne  doit  plus  être  furpris  que  l'Auteur  des  Vains  efforts ,  ait  oie  dire 

qucquclques  unsdes  SS.  miiliqucs,  quoi  qu'il  foient  fanoniièsparl'Eglife,  6c  que 

p""»!,"^'"' -Dieu  ait  opéré  des  miracles  parleurs  mains  ou  à  leur  intcrccllion ,  avoient  fait /« 

extravagances  les  plus  déclarées  :  ni  à  plus  forte  raifon  qu'il  ait  traité  les  ConvuUîon- 

naircs  avec  un  mépris  encore  plus  injurieux  qu'il  ne  traite  les  Saints. 

Apoe./.ij.     Souvent  les  perfonnes  favorifées  de  Dieu  0;//  été  fur  la  terre  .,  ditlcP.QvicfncI, 

méprifées^  abandonnées  .,  regardées  comme  des  fous..  .  ^tclle  différence  entre  le  juge' 

ment  de  T)ieu ,  13  celui  du  monde  ! 

jforiesjug':»     •>-,  Phis  Ics  moicns  dont  Dieu  s'eft  fervi  (dit  M.  de  Sacii  paroifl'cnt  à  ces  faux 

ij-  »»•      j,  fiigcs,  rabaifics  6c  cxtravagans,plus  ils  doivent  s'accufcr  eux  mêmesd'cxtrav.a- 

„  gance ,  6c  reconnoître  la  foiblcHc  de  leur  efprit ,  puifque  les  chofes  les  plus  mc- 

„  prifables  deviennent  toutes  puifTantes  entre  les  mains  du  Tout-puillant  :6c  que 

„  c'ell  même  pour  la  confufion  de  leur  orgueil  qu'il  a  emploie  fouvent  dans  fes 

„  plu-;  grands  ouvrages,  ce  qui  choque  davantage  leur  foiblc  railbnnemcnt.  „ 

C'efl  un  principe  qu'il  ne  faut  point  perdre  de  vue ,  que  les  chofes  les  plus  mé- 
prifables  deviennent  toutes puiffxntcs  entre  les  mains  du  Tout-puif/ant  :  car  je  ne  prétcns 
nullement  canonifcr  par  les  autorités  que  je  viens  de  citer,  toutes  les  avions  des 
ConvuUîonnaircs:  je  fuis  au  contraire  très  pcrfuadè  qu'ils  en  font  plufîeursencon- 
vulfion,  qui  partent  de  leur  volonté  propre,  6c  non  de  l'inllinét  de  leur  état  fur- 
naturel  ,  ainfi  que  je  le  prouverai  d'une  manière  incontellable. 

M.iis  c'cll  un  principe  très  faux  de  prétendre  que  l'opération  de  Dieu  de  l'or- 
dre furnaturel  ne  puilTc  jamais  fc  trouver  au  milieu  de  circoniVances  dont  il  ne 
peut  être  l'Auteur.  Nôtre  indignité  n'empêche  pas  toujours  les  opérations  ni  de 
fa  grâce ,  ni  de  la  puiilance.  Le  Saint  Kfprit  foufHc  où  il  veut ,  6c  non  pas  toujours 
où  il  nous  fembleriMt  convenable  qu'il  le  fît. 

Des  le  tcms  des  Apôtres,  il  s'ècoit  mêlé  plulkius  abus  dans  l'ufagc  des  don* 

fur- 


IDE'E  DE  VET JT  DES  CO NFU LS ÏO NN  J IRE  S.  ir 
furaaturels.  Par  exemple  il  y  avoir  des  femmes  &  des  filles  qui  prophétifoient  la 
tête  nue,  ce  que  S.  Paul  reprend  comme  une  grande  indécence.  Il  n'enconclud- 
pas  néanmoins  qu'elles  ne  parloient  point  par  l'impulfion  de  l'Efprit  Saint  :  il  le 
îuppofe  au  contraire:  ce  qui  eft  une  preuve  incontellable  que  la  prclencedcrEf- 
prit  de  Dieu  peut  donc  compatir  avec  des  abusrcpréhenfilîles.  Auffi  la  maxime 
que  donne  S.  Paul  ell-elle:  qu'il  ne  faut  pas  méprifcr  les  dons  à  caufe  des  abus, 
ni  autorifer  les  abus  à  caufe  des  dons  :  n'éteignes  pas  refp7-it ,  dit-il,  neméprifés  pas  '  "^^"^  f- 
les  prophéties  :  éproui-és  tout-.,  approuvés  ce  qui  efi  bon:  abftenés  vous  de  tout  ce  qui  11.''°'  *'' 
a  ^apparence  du  mal. 

j,  Par  ces  prophéties  (dit  Eftius  fur  ces  paroles  de  S.  Paul)  l'Apôtre  entend 

„  en  général  tout  difcours  infpiré  de  Dieu,  6c  proféré  par  fon  mouvement 

j,  Or  il  ne  veut  pas  qu'on  méprife  ôc  qu'onrcjctte  généralement  ces  fortes  de  dif- 
j,  cours,  de  peur  qu'on  n'étouffe  &  qu'on  n'éteigne  l'Efprit  :  &  il  aprend  par  là 
„  à  ne  p;\s  rejcttcr  ni  méprifer  généralement  &  fans  dillinftion  les  révélations 
,,  particulières.  „ 

Je  ne  puis  mieux  terminer  ces  réflexions  préliminaires,  que  par  un  paflage  de 
S.  Auguftin  qui  détruit  de  fond  en  comble  tout  le  fiftcme  de  ceux  qui  ont  avancé 
que  tous  les  difcours  faits  par  les  Convulfionnaires,  ainfi  que  tous  les  autres  in- 
ftinds  de  leurs  convulfions ,  ne  pouvoient  venir  de  Dieu,  6c  cclafur  Icfeul  fonde- 
ment qu'ils  n'avoicnt  pss  toutes  les  qualités  des  Prophètes.  En  particulier  le 
monltrucux  écrit  de  l'Auteur  des  Vains  efforts  paroit  n'être  fondé  que  fur  ce  faux 
principe  que  tous  ceux  qui  n'ont  pas  toutes  les  qualités  des  Prophètes  ,  ne  peu- 
vent parler  par  l'Efprit  de  Dieu  dans  un  état  furnaturel.  Cet  Auteur  ne  connoît 
que  deux  degrés  pour  toutes  clpcces  de  révélations  :  ou  le  degré  fublime  où  font 
élevés  les  Prophètes  par  état  :  ou  de  fimples  inlHncts  qui  ne  font  accompagnés 
d'aucune  connoidance  ,  ainfi  qu'en  eurent  les  foldats  qui  partagèrent  les  vêtemens 
de  J.  C.  6c  tirèrent  fa  robe  au  fort.  S.  Auguftin  reconnoît  au  contraire  qu'il  y  a 
une  infinité  de  degrés  differcns  dans  la  manière  dont  l'Efprit  de  Dieu  peutfe  com- 
muniquer aux  hommes ,  6c  que  Dieu  ell  libre  de  diftrilDuer  fes  dons  en  fi  petite 
mcfure  qu'il  lui  plait. 

„  Les  impreffions  de  l'Efprit  de  Dieu  fdit-il)  ne  font  pas  les  mêmes  fur  tous  ^J  (ïmpiïc. 
„  ceux  fur  qui  il  agit.  On  peut  être  infpiré  iîms  le  favoir ,  fmsmêmelefoupçon- i'."io-.°' '' 
„  ner ,  fans  pouvoir  le  difcerncr.  On  peut  avoir  des  vifions  8c  des  fonges  pro- 
„  phétiques  fans  favoir  ce  qu'ils  fignifient  ni  même  s'ils  fignifient  quelque  chofc 
„  6c  fans  s'en  fouvenir  comme  Nabuchodonofor.  On  peuten  avoir  dans  des  exta- 
„  fes  oîi  l'on  ell  totalement  aliéné  des  fens,  6c  dans  le  fommcil,  oîi  l'on  eft  fans 
„  l'ufage  libre  de  la  raifon.  Tous  ces  degrés  de  l'cfprit  prophétique  peuvent  être 
„  communiqués  fcparément ,  8c  font  tous  inférieurs  au  don  de  prophétie  propre- 
„  ment  dit.  On  n'eft  fenfé  avoir  reçu  le  don  de  prophétie  proprement  dit,  que 
„  lorfqu'on  en  ufe  avec  liberté  ,  qu'on  fait  ce  qu'on  dit,  que  l'on  en  a  l'intelli- 
„  gence ,  ^  que  l'on  eft  affuré  que  ce  que  l'on  a  reçu  nous  vient  de  la  part  de  Dieu. 

Après  ces  réflexions  préliminaires,  encore  plus  propres  à  écarter  lesobjeclions 
qu'à  faire  concevoir  quel  eft  l'état  des  Convulfiomiaires ,  tâchons  de  le  dévelop- 
per aux  yeux  du  lefteur. 


B  2  OBSER- 


Ï2 

OBSERVAT  IONS 

SUR    L'ETAT    DES 

CONVULSIONNAIRES. 

POUR  pouvoir  en  donner  une  idée  plus  cxaftc  ,  il  n  è  faut  pas  confondre  leurs 
états  diffcrens  :  il  faut  au  contraire  diftinguer  d'abord  leur  état  ordinaire 
en  convulfion,  des  extafcs  qui  font  des  états  fingulicrsoii  ils  tombent  affés  fou- 
vent  :  &  il  faut  encore  faire  une  claflc  à  part  d'autres  états  extraordinaires ,  oiî 
quelques-uns  font  tombés  quelquefois ,  tels  que  les  états  de  mort ,  êc  les  étatJ 
d'enfance.  Je  traiterai  dan>  cette  propofitiondetous  ces  differens  états,  en  com- 
mençant par  l'état  ordinaire. 

J'obfcrvcrai  d'abord  que  c'cft  une  erreur  de  s'imaginer  que  tout  ce  que  font  les 
Convulfionnaires  en  convulfion  foit  furnaturcl  :cVll  à  dire  que  c'eft  fe  tromper  de 
croire  que  pendant  tout  le  tcms  que  les  Convulfionnaires  font  en  convulfion ,  ils 
foicnt  continuellement  dirigés  par  une  pu i fiance  fupérieure,  qui  les  remue  com- 
me des  machines  fans  leur  laifler  aucune  liberté,  j'ai  reconnu  au  contraire  par 
beaucoup  d'expériences,  qu'une  pirtie  de  ce  que  font  les  Convulfionnaires  en 
convulfion  n'a  d'autre  principe  que  leur  propre  volonté. 

Il  eil  vrai  qu'il  y  a  vifiblcmcnt  bien  du  furnaturel  dans  la  plupart  desconvul- 
fions  véritables  :  mais  il  s'en  fuit  beaucoup  que  tout  ce  quis'vpaOe  ne  le  foit.  Une 
grande  partie  des  actions  des  Convulfionnaires  dépendent  de  leur  libre  arbitre  :  &C 
j'ai  même  remarqué  qu'ils  gardent  dans  leur  convulfion  toutes  leurs  inclinations 
bonnes  &  mauvaii'cs,  &  qu'excepté  à  certains  égards ,  &:  dans  certains  états  que  j'ex- 
pliquerai, ils  confervcnt  prefqu'cmicremcnt  leur  liberté:  d'où  l'on  doit  conclure 
qu'on  y  doit  rapporter  tout  ce  qu'ils  font  où  il  n'v  a  rien  de  furnaturel ,  à  moins 
qu'on  n'ait  d'ailleurs  quelques  preuves  que  ce  n'elt  pas  alors  leur  volonté  qui  agit. 

Ainfi  je  fuis  bien  éloigné  du  fcntiment  de  quelques  pcrfonnes,  qui  ont  écrit 
contre  les  convulfions,  apparamment  fans  en  avoir  vu  ,  &  qui  paroifient  pcnfcr 
que  les  Convulfionnaires  lont  continuellement  comme  des  automates  qui  n'agif- 
ftnt  que  machinalement  fims  favoir  ce  qu'ils  font. 

Jl  y  a  deux  erreurs  oppofécs  qu'il  faut  également  éviter  pour  fe  former  une  idée 
véritable  de  l'état  des  Convulfionnaires. 

Les  gens  du  bel  air,  qui  ne  jugent  des  convulfionsquepar  les  préjugés  de  leur 
efprit ,  qui  les  portent  à  ne  vouloir  rien  reconnoître  dcfin-naturel ,  prennent  le  par- 
ti d'attribuer  à  la  force  de  l'imagination  tout  ce  que  les  Convulhonnairesfont  de 
plusfurprcnant.  Mais  quand  ils  parlent  ainfi,  favent-ils  bien  ce  que  c'ell  que  l'i- 
magination? Point  du  tout:  &  c'efl  précifénient  parce  qu'ils  n'en  ont  point  d'i- 
dée diftinfte,  qu'ils  lui  attribuent  ainfi  une  efpéce  de  pouvoir  fans  bornes. 

L'imagination  n'cll  autre  chofe  qu'une  vue  de  l'ame,  qui  apperçoit  des  images 
qui  fe  préfcntentà  elle  à  l'occafion  des  traces  formées  dans  le  cerveau  indépendam- 
ment de  fil  volonté  :  ou  bien  c'efi  l'ame  qui  fe  rappelle  les  imprcrnons  que  les  objets 
extérieurs  ont  fait,  ou  peuvent  faire  fur  elle  par  le  moicn  des  fcns ,  &:  qui , en  s'en 
rappcllint  le  fouvenir,  remue  &  ébranle  quelques  fois  les  organes  de  ion  corps. 

Voihi  prérifémcnt  ce  que  c'elt  que  l'imagination.  Suivant  cette  définition  qu<r 
je  crois  exacte,  je  les  prie  de  me  permettre  de  leur  demander ,  comment  ils  conçoi- 
vent que  cette  vue  ou  ce  fouvenir  de  l'ame  j peut  donner  aux  corps  des  Convulfion- 

iviircs 


IBEE    DE  VETJT  DES  CONFU  LS  lONNyîIRE  S.      i? 

naires  une  force  prodigieufement  fupérieureà  toutes  celles  de  la  nature,  &  les  ren- 
dre en  quelque  forte  invulnérables?  Comment  ces  affeftions  de  l'amc  peuvent  faire 
faire  tous  les  jours  pendant  plus  d'une  heure  les  difcours  les  plus  fublimes,  &  les 
mieux  fuivis  à  des  perfonncs  ignorantes?  Par  quelle  vertu  auffioculte  qu'incompré- 
henfible  ,  elles  leur  donnent  le  pouvoir  de  pénétrer  lefecretdes  cœurs,  de  guérir  des 
malades  d'une  manière  évidemment  miraculeufe,  &  de  faire  plufieurs  autres  cho- 
fes  dont  le  furnaturel  eft  évident  ? 

Mais  fi  d'une  part  il  eft  abfurde  d'atribuer  à  la  force  prétendue  de  l'imaginati- 
on toutes  les  choies  vifiblement  furnaturelles  que  font  les  Convulfionaires ,  d'autre 
part  ce  n'eft  pas  une  moindre  erreur  de  regarder  comme  furnaturel  tout  ce  que 
font  les  Convulfionnaires  pendant  qu'ils  font  en  convulfion.  L'inftinétdeleurcon- 
vulfion  ne  les  anime  pas  toujours:  6c  lorfque  cet  inilinétne  les  excite  à  rien  faire  j 
Se  que  la  convulfion  ne  produit  aucun  mouvement  ni  dans  leur  corps  ni  dans  leur 
îime  ,  ils  font  prefque  comme  dans  leur  état  naturel ,  quoi  qu'ils  ne  ceflent  pas 
entièrement  pour  cela  d'être  en  convulfion,  parce  que  dans  cet  état  tranquille, 
leur  ame  continue  toujours  d'être  plus  dégagée  des  fcns  qu'elle  n'eft  dans  l'état 
naturel  ,  §c  qu'il  refte  dans  leur  corps  ime  difpofition  prochiùne  à  être  remue 
par  la  convulfion; 

Il  faut  néanmoins  obferver  que  quelquefois  l'imprcfilon  furnaturelle  qu'ils  reçoi- 
vent en  convulfion  ,  les  met  dans  certaines  difpofitions  qui  font  une  fuite  de  cette 
première  imprefilon.  Par  exemple  après  qu'ils  iont  tombés  en  état  d'enfance,  6c 
que  dans  cet  état  ils  viennent  de  faire  un  difcours  ou  quelqu'autre  chofe vifible- 
ment furnaturelle ,  il  leur  arrive  afiez  fouvent  de  fiire  des  badinerics  auxquelles 
ils  Ibnt  portés  par  les  affections  6c  les  goûts  enfmtins  que  cet  état  leur  a  îaifTés. 
Ces  puérilités  à  moins  qu'elles  ne  foient  des  figures ,  ne  doivent  pas  être  regar- 
dées comme  une  chofe  furnaturelle,  mais  feulement  comme  une  fuite  du  gniit 
que  leur  a  donné  leur  état  d'enfance.  Excités  par  la  difpofition  qu'ils  fentent 
encore  en  eux-mêmes,  ils  fe  portent  volontairement  à  faire  ces  niaiferics  qu'ils 
ne  feroient  pas  néanmoins  s'ils  avoient  repris  l'ufage  entier  de  leur  raifon  :  ainfi 
elles  font  bien  l'eflFet  de  leur  volonté ,  mais  d'une  volonté  déterminée  par  une 
diipofition  formée  par  la  convulfion. 

En  mettant  à  part  ces  fortes  de  difpofitions  qui  entraînent  la  volonté  des  Con^ 
vulfionnaires  quoiqu'elles  ne  la  forcent  pas  entièrement,  6c  ce  que  le  véritable' 
inltinét  de  leur  convulfion  leur  fait  faire,  quelquefois  forcément,  mais  le  plus 
fouvent  en  y  déterminant  leur  volonté  ,  je  puis  dire  que  dans  l'état  ordinaire  de 
la  Convulfion  les  Convulfionnairi's  jouiflcnf  d'une  liberté  prelqu'cntiere  :  6c  je: 
prouverai  même  qu'ils  coniervent  quafi  toujours  quelque  iorte  de  liberté  ,  jufqucs 
dans  les  chofes  les  plus  furnaturelles  que  l'initinét  de  leur  convulfion  leur  fait  faire. 

Or  il  eit  inconteilablc  qu'il  faut  mettre  fur  le  compte  des  Convulfionnaires  tout- 
ce  qu'ils    font  par  leur  pure  volonté-,  6c  même  tout  ce  que  leur  imagination,, 
qui  peut  iouvent  être  trompée,  leur  fait  prendre  mal  à  propos  pour  un inftin£t 
de  leur  convulfion:  6c  qu'on  ne  doit  attribuera  la    convulfion  que  ce  que  le 
Convulfionnaire  fait  par  une  impreffioniurnaturelle,  ou  par  la  violence  extérieure- 
de  la  convulfion. 

Je  vais  même  encore  plus  loin,  6c  je  dis  que  dans  les  chofes  que  l'inftînft  de- 
là convulfion  fait  faire  aux  Convulfionnaires,  ils  y  mettent  fouvent  du  leur.  Or" 
tout  ce  qui  part  de  leur  volonté,  doit  leur  être  généralement  attribué,  6c  non  à 
l'inltinct  de  la  convulfion,  qui  n'a  avec  ces  choies  qu'une  liaifonde  concomi-- 
tance,  mais  non  pas  une  union  intime  6c  réelle.  Lorfque  Dieu  envoyé  qucl- 
qu-'indlind  à  un  Convulfionnaire,   il  ne  f empêche  pas  toujours  de  joindre  à  ce- 


14  IDEE  DE  VETJT  DES  CO  N  TU  LS 10  N  N  A  I  RE  S. 
que  cet  inftinct  lui  fa.it  faire  ,  des  chofcs  qui  partent  de  fa  propre  volonté  6c  qui 
peuvent  être  dcfeftueufes.  Il  en  cft  de  cela  à  peu  près  comme  des  f.iutcs  qu'on 
commet  quelques  fois  en  faifxnt  une  bonne  œuvre.  On  peut,  par  exemple, 
relient ir  un  mouvement  de  vanité  en  fatfarit  une  aumône  conlldcrablc,  quoiqu'on 
ne  la  fiilc  néanmoins  qu'en  vue  de  plaire  à  Dieu:  or  quoique  ce  mouvement  de 
vanité  naifTc  à  l'occafion  de  la  même  action  que  la  grâce  a  fait  faire,  il  n'a  ce» 
pendant  aucune  union  véritable  avec  cette  grâce. 

Ainfi  pour  juger  fainement  des  convulfiohs ,  je  fuis  perluadé  qu'il  faut  rcfpec- 
ter  le  doigt  de  Dieu  dans  tout  ce  qui  en  porte  le  caractère:  lui  rendre  glaire  com- 
me Auteur  immédiat  de  tout  fumaturel  qui  fc  trouve  marqué  à  fon  coin:  lui  rendre 
grâce  comme  Auteur  de  tout  bien  ,  par  rapport  à  tout  ce  qui  ell  bon  &  qui  n'ell  pas 
au  dcffus  de  l'ordre  ordinaire  :  donner  à  la  nature  tout  ce  qui  eft  dans  la  fpherc 
d'activité  :  attribuer  à  l'homme  tout  ce  qui  eil  péché  ,  ou  qui  peut  y  tendre  :  fe 
défier  du  Démon  comme  pouvant  avoir  reçu  plus  de  pouvoir  fur  les  ConvuHlonnai- 
rcs  que  fur  le  commua  des  hommes,  parce  qu'il  cil  afles  ordinaire  que  Dieu  lui 
en  donne  davantage  fur  ceux  qui  font  dans  un  état  fumaturel  :  mais  ne  rccon- 
noitrc  cet  efprit  ennemi  de  tout  bien  pour  Auteur  de  quelque  effet  fumaturel, 
qu'autant  que  cet  effet  tend  viliblemcnt  à  établir  quelque  erreur,  à  corrompre  le 
coeur  ,  ou  à  faire  quclqu'aurre  péché  :  &  au  furplus  fufpendrc  fon  jugement  toutes 
les  fois  que  la  caufe  immédiate  d'un  effet  qui  paroit  fumaturel ,  ne  nous  ell  pas 
clairement  marquée  par  quelque  caraétére  déciiîf. 

11  cil:  évident  que  li  Dieu  permettoit  communément  aux  Démons  d'agir  fur 
nos  corps  d'une  manière  fcnfiblc  &  qui  ]\uut  furnaturelic  ,  ils  uferoient  de  ce 
pouvoir  bien  plus  fouvent  qu'ils  ne  font.  Ils  ne  celîént  de  nous  tenter  parcequ'il 
entre  dans  les  arrangemens  de  î\  providence  de  leur  en  accorder  ordinairement 
la  pcrmiffîon  :  mais  il  cil  rare  qu'il  leur  donne  celle  de  produire  aucun  effet  vifi- 
ble.  Ils  ne  peuvent  pas  même,  à  moins  que  Dieu  ne  juge  à  propos  de  leur  en 
laifler  la  puiflance,  difpofer  du  corps  du  moindre  des  animaux:  à  plus  forte 
raifon  n'ont -ils  aucun  empire  fur  celui  des  hommes,  fuis  une  permilîîon  fpé- 
ciale  &  fingulierc,  que  Dieu  ne  leur  accorde  point  à  moins  que  cela  ne  cadre 
à  quelqu'un  de  fes  dcffcins. 

Il  n'y  a  perfonne  qui  ait  été  mieux  en  état  de  nous  apprendre  jufqu'où  peut 

s'étendre  le  pouvoir  du  Démon,  que  S.  Antoine  que  les  Démons  combattoicnt 

vifiblcment  &  à  force  ouverte.  Quoi  qu'ils  euTent  reçu  de  Dieu  plus  d'une  fois 

le  pouvoir  de  frapper  fon  corps,  cependant  on  voit  dans  fa  vie  écrite  parle  grand 

Vie  Je  S. S.  Athanafe,  &  traduite  par  M.  Arnaud  d'Andilli  ,  que  S.  Antoine  répetoit  fans 

Ancoine.     ^^çç^.  ^  j^j  djfciples  ,  quc  Ics  Dcmous  ne  l'ont  que  foibleffe,  C/  que  tout  leur pou- 

>■   !'•     voir  fe  réduit  à  des  menaces. 

Voici  ce  qu'il  ajoute  encore  dans  cet  admirable  difcours  qu'il  fit  à  fes  difciplcs, 

p.  ^1.     exprés  pour  leur  faire  connoitrc  ^«f //f  eft  rimpuifancedes  Dénions.  „  Lorfque  notre 

„  Seigneur  Mit-il)  eft  venu  au  monde,  il  a  tcrralVé  cet  ennemi  de  notre  falut  ; 

&  toutes  fes  forces  ont  été  détruites.  Ainfi  ne  pouvant  plus  rien  maintenant  ... 

tout  leur  pouvoir  fc  réduit  à  nous  menacer.  S'ils  en  avoient  de  nous  mal  fiiire, 

il  n'y  a  rien  qu'ils  ne  tcntaffcnt  pour  cela  ,  leur  volonté  étant  toujours  portée  à 
P    w-     \\  nuire  aux  hommes...  S'ils  avoient  quelque  puiflance,  ils  ne  laiircroient  pasen 

„  vie  un  fcul  des  Chrétiens S'ils  avoient  quelque  puiirancc  ils  ne  riendroicnt 

„  point  en  troupes,  ils  ncnous  préfenteroient  point  des  fantômes  Scilsncfetranf- 
„  figurcroicnt  pas  pour  tâcher  de  nous  tromper  j  mais  leur  pouvoir  fécondant  lem- 

volonté,  ils  le  contentcroient  de  noui  attaquer  fculs  :  car  ceux  qui  ne  manquent 

pas  de  force  ,  ne  fc  fervent  point  d'illufion^  ni  de  bruits  pour  nou»  épouvanter  : 

„  mais 


51 


3» 

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/DTE  DE  VETJT  DES  CO NFU LS ION NJI RES.      if 

mais  fans  emploier  tous  ces  artifices,  ils  ufentfoudain  de  leur  puiflance pour 
exécuter  leurs  delTeins.  Les  Démons  au  contraire,  à  caufe  qu'ils  ne  peuvent  rien, 
fcmblent  jouer  lur  un  théâtre,  changeant  de  figure  comme  pour  étonner  des 
enfans  par  la  multitude  de  tant  de  tantômcs  Se  de  vifions  i  ce  qui  témoignant 
leur  extrême  foibkire  ,  nous  oblige  encore  davantage  aies  mcprifer.  Qiielqu'un 
me  dira  peut-être  en  m'allcguant  l'exemple  de  Job  :  comment  elt-ce  donc  que 
le  Démon  lui  a  pu  faire  tout  le  mal  qu'il  a  voulu?  ...  Je  répons  que  ce  pouvoir  P-  fi- 
n'eft  pas  procédé  du  Démon,  mais  de  Dieu  qui  lui  a  permis  de  traiter  Job  de  la 
forte,  afin  d'éprouver  la  vertu:  car  ne  pouvant  rien  de  lui-  même,  il  lui  de- 
manda &  obtint  cette  permiffion  :  ce  qui  fait  encore  voir  plus  clairement  que 
cet  ennemi  mortel  de  notre  falut,  ne  peut  faire  aucun  mal  aux  juftes  quelque 
defir  qu'il  ait  de  leur  nuire  :  car  s'il  avoit  ce  pouvoir  il  ncledemanderoit  pas  : 
au  lieu  que  l'aiant  demandé,  non  feulement  une  fois,  mais  diverfes  fois  :  il  fait 
afles  connoîtrc  quelle  eft  fa  foiblefle  &:  fon  impuiflance.  Or  il  ne  faut  pas  vous 
étonner  qu'il  n'ait  rien  pu  de  lui  même  contre  Job  ,  puifqu'iln'afû  nuire  à  un 
feul  des  animaux  qui  lui  appartenoient  ,  qu'après  que  Dieu  le  lui  eut  permis.  Sa 
puiffance  ne  s'étend  pas  feulement  fur  les  pourceaux  :  car  ne  lifons-nous  pas 
„  dans  l'Evangile ,  que  les  Démons  fupplioient  notre  Seigneur  en  lui  difant  : 
„  fermettés-nous  d'entrer  dans  ce  troupeau  de  pourceaux.  Qiie  s'ils  n'ont  aucun luc  s.  31. 
„  pouvoir  fur  les  bêtes,  à  combien  plus  forte  raifon  n'ont-ils  point  d'empire  llir 
„  l'homme  qui  eft  créé  à  l'image  de  Dieu  ? 

Ce  ne  peut  donc  être  que  par  un  préjugé  très  faux,  que  quantité  de  pcrfon- 
ncs  font  aujourd'hui  portées  à  attribuer  les  eifcts  iiirnaturcls  au  Dcmon  avant 
que  de  les  avoir  bien  exam.inés ,  comme  fi  ce  miferable  forçat  enchuîné  par  la 
jurtice  divine  avoit  un  libre  pouvoir  d'agir  fur  les  corps?  C'efb  démentir  ce 
que  S.  Antoine  un  des  mieux  inftruits  de  tous  les  hommes  à  cet  égard,  nous 
en  a  appris  :  C'eft  méprifcr  le  fentimcnt  de  S.  Athanafc,  qui  a  lui  même  rap- 
porté ce  difcours  de  St.  Antoine  pour  l'inftruélion  des  fidèles  de  tous  les  fiecles 
&  pour  fervir  à  nous  éclairer  fur  ce  fujet.  Qu'elle  témérité  de  préférer  ainfi  fcs 
propres  idées  aux  lumières  de  cet  illuftre  Père  de  l'Eglife,  qui  étoit  la  mer-z'eillsi-'<^<^-  fur '« 
de  [on  fié  de  (3  que  Dieu  a'uoit  montré  à  S.  Paul  premier  hermite  ^  comme  le  défen-''^^\'il^  ^ 
feur  invincible  de  la  foi,  ^  le  fuccefTeur  des  travaux  i^  du  grand  courage  del'Âpôtri 
S.  Paul,^  dit  M.  Arnaud  d'Andilli. 

Il  ne  faut  donc  pas  fuppofer  aifément  &  fans  preuves  que  ce  fnit  le  Démon 
qui  agit,  lorfqu'on  voit  un  effet  furnaturel  qui  a  quelque  chofe  de  réel  ;  Sic'cll 
une  erreur  dangereufe  d'attribuer  à  Dieu  ce  qui  fa-oit  opéré  par  leDemon,  quelle 
impiété  n'ert-cc  point  d'attribuer  au  Dcmon  l'opération  de  Dieu  ? 

Il  eft  fans  doute  que  Dieu  ne  peut  être  caufe  directe  &  furnaturclle  de  ce  qui 
eft  mauvais,  de  tout  ce  qui  eft  faux,  en  un  mot  de  tout  ce  qui  eit  péché  :  mais 
avant  de  recourir  au  Démon ,  je  crois  qu'il  faut  attribuer  à  la  nature  tout  ce  qui 
n'eft  pas  au  dclTus  de  fcs  forces;  ou  pour  mieux  dire  il  faut  attribuer  tout  ce  qui 
eft  mauvais  l;ms  être  furnaturel ,  à  la  corruption  de  l'homme  mife  en  oeuvre  par 
la  fuggcftion  du  Démon,  non  comme  opérant  furnaturellcmcnt,  mais  feulement 
comme  tentateur. 

Au  rcftc ,  afin  qu'on  ne  m'objeéle  point  des  faits  dont  je  n'ai  pas  eûconnoiflance  y 
Je  crois  devoir  répeter  encore  ici,  que  je  ne  parle  point  dans  cet  écrit,  ni  des 
Auguftiniftcs  ,  ni  des  Vaillantiftes,  ni  de  quelques-autres  Convulfionnaires  donc 
les  convulfions  font  dans  des  efpeces  fingulieres  ôcfufpcâres ,  &  encore  moins  de- 
ceux  dont  les  prétendues  convulfions  ne  font  marquées  par  aucun  effet  furnaturel  ^ 
êc  qui  peut-être  ne  font  agités  que  par  leur  imagination.  Ledétailoù  ilfaudroit: 

entrer 


tS  /DTE  DE  VETjr  DES  CO  N  FU  LS 10  KN  J I RES. 
entrer  pour  développer  toutes  ces  efpcccs  différentes  eft  une  mer  toute  pleine  d';i- 
bimes,  ou  je  ne  pourrois  que  hxire  naufrage  :  encore  un  coup  je  neprctens  rcprc- 
fcntcr  que  l'état  général  des  Convulfionnairesaui  font  attachés  à  la  vérité,  qui  n'y 
mêlent  les  erreurs  d'aucune  feétc,  &  dont  la  réalité  des  convulfions  cil  maniteftée 
par  des  prodiges. 
I.  Je  ne  trouve  que  trois  différences  bien  marquées  entre  l'état  ordinaire  des  Con- 

^]f,''.JJ!,'i'|j"j"vulfionnaires  en  convulfion ,  &  leur  état  naturel. 

convuifion-     La  première ,  qu'en  convulfion  leur  ame  ell  bien  plus  dégagée  des  fcns ,  que 
"""•       dans  l'état  naturel. 

La  féconde,  qu'ils  font  fujets  à  éprouver  dans  leur  mcmtrcs,  des  agitations  in- 
volontaires. 

La  troifiéme ,  qu'ils  ont  differens  inftinéts,  qui  les  portent  vivement  à  faire 
certaines  chofes.  Leur  ame  étant  plus  dégagée  des  fcns  lorfqu'ils  font  en  convul- 
fion que  dans  leur  état  naturel ,  elle  a  communément  bien  plus  de  pénétration  &: 
d'intelligence  que  dans  fi  fituation  ordinaire.  C'eft  ce  que  je  vais  d'abord  prouver. 
A  l'égard  des  agitations  involontaires  que  les  Convulfionnaires  éprouvent  dans 
leurs  membres  >  comme  c'ell  là  le  principal  fujet  de  la  critique  de  MM.  les  Con- 
fultans,  &  de  tous  ceux  qui  réprouvent  lesconvulfions,  &  que  cette  explication 
demande  un  affcs  grand  détail,  j'cmploirai  toute  la  5^.  partie  de  cet  Ecrit  à  faire 
mes  obfervations  fur  ce  qu'on  doit  pcnfer  de  ces  agitations  forcées. 

A  l'égard  des  inllinéts  des  Convulfionnaires,  le  plus  extraoï-dinaire  eft  celui 
qui  les  porte  à  demander  avec  de  vives  inftances  qu'on  les  frappe  avec  grande 
force  :  ce  qui  a  donné  lieu  aux  i'ecours  violens  qu'on  a  très  mal  à  propos  appelles 
meurtriers,  puifquc  loin  de  leur  faire  aucun  mal,  ils  leur  font  très  fouvcnt  ne- 
ceffaircs  pour  leur  foulagement,  6c  que  dans  leur  extrême  violence  ils  font  pro- 
portionnes à  l'état  furnaturel  où  fc  trouvent  alors  les  Convulfionnaires.  I\Iais 
comme  la  dcfcription  de  cet  inconcevable  prodige  m'obligera  de  traitter  en  mê- 
me tems  plufieurs  queftions  très  importantes,  je  remets  à  le  fiire  dans  laqua- 
triém.e  partie  de  mes  Obfervations ,  qui  fera  employée  toute  entière  à  examiner 
ce  qu'on  doit  juger  des  fecours  les  plus  terribles. 

il  vais  préfentcment  rendre  compte  du  furplus  des  principaux  infiincts  des  Con- 
vulfionnaires après  que  j'aurai  fiit  voir  qu'ils  ont  en  convulfion  bien  plus  d'efprit 
que  dans  leur  état  naturel. 

Je  parlerai  cnfuitc  de  leurs  extafes,  ^  en  mcme-tems  de  leurs  difcours,  &  de 
quelques  dons  qui  ont  quelque  fois  accompagné  ces  extafes. 

Enfin  je  ferai  mes  remarques  fur  les  états  de  mort ,  &  les  états  d'enfance ,  où  beau- 
coup font  tombés  &  tombent  encore  allés  fouvent. 

Après  avoir  ainfi  fait  une  exaéte  analifc  de  l'état  véritable  des  Convulfionnai- 
res ,  il  me  fera  aifé  de  faire  voir  la  faufletc  de  ce  qu'avance  l'Auteur  des  Vains  ef- 
forts, en  difantquclcs  Convulfionnaires  font  dans  une  cfpece  de  fureur,  dans  la 
démence ,  dans  une  véritable  folie  :  le  lecteur  convaincu  par  des  faits  incontelta- 
blcs,  fcntira  lui-même  que  cette  fuppofition  n'cll  qu'une  pure  calomnie,  égale- 
ment dénuée  de  fondement,  de  vrai-femblance  ,  Se  de  tout  prétexte. 

C'eft  un  malheur  que  prefquc  tous  ceux  qui  ont  écrit  contre  les  Convulfionnai- 
res, l'aient  fait  par  pure  prévention,  8c  aient  icfufc  obllinément  d'examiner  leur 
état:  mais  ce  malheur  n'cft  proprement  que  pour  ces  Auteurs  téméraires.  Qu'ils 
font  à  plaindre  d'avoir  publié  tant  de  calomnies  contre  des  innocen<  (ans  avoir 
voulu  les  voir  ni  les  entendre.  Ellimons  au  contraire  heureux  ceux  qui  étant  dé- 
criés i\  injuftement,  le  fouffrent  en  patience  dans  la  paix  6c  lach;u-ité  de  J.  C 
qu'ils  ne  ccflcnt  de  prier  pour  leurs  calomniateurs. 


/!)£'£  DE   L'ETJT  DES  C  0  NFU  LS  lONNNJ  IRE  S.    ly 

Il  eft  de  notoriété  publique  que  les  Convulfionmiircs  en  général,  ont  ordinaire-      ir. 
ment  beaucoup  plus  d'cfprit ,  de  pénétration  &  d'intellieence  lorfqu'ils  font  en  \)^   '^°'' 
convuliion,  que  dans  leur  état  naturel.    Chi  voit  juiqu'a  de  ieuncs  filles  extre-on  cimmu- 
mcment  timides,  dont  le  fond  n'eft  qu'ignorance  &  llupidité,  qui  dès  qu'elleSd.'^,'Jl°,"^ '''^'' 
font  en  convuliion  parlent  néanmoins  avec  exactitude,  avec  feu,  avec  élégance, con^u'^on 
tantôt  de  la  corruption  de  l'homme  par  le  péché  orginel  :  de  la  nécefîîtè  de  la?"ur  /«"ni- 
grâce  du  Sauveur  pour  s'en  garcntir,  &  faire  faintementfes  actions  :  del'impor-'"'!- 
tance  qu'il  y  a  de  demander  a  Dieu  cette  grâce,  toute  gratuite  de  Çx  part  :  de 
l'obligation  indifpenlablc  de  fiirc  toutes  nos  œuvres  en  vue  de  lui  plaire:  dube- 
foin  que  nous  avons  de  reparer  par  de  dignes  fruits  de  pénitence,  celles  qui  font 
mortes  par  le  defiut  de  ce  principe  :  de  toutes  les  autres  Vérités  de  la  foi  6c  de  la 
morale  chrétienne  condamnées  dans  la  Bulle,  &  combattues  parle  grand  nombre: 
tantôt  du  miftere  d'iniquité  qui  s'opère  au  milieu  de  l'Eglife  à  la  faveur  de  cette 
conflitution  :  enfin  de  tout  ce  qui  concerne  6c  intérefle  la  religion.  Auffieil-on  cha- 
que fois  nouvellement  furpris  :  non  feulement  d'entendre  parler  de  tel  les  perfonncs 
avec  énergie ,  dignité,  élévation  6c  d'une  manière  tout  à  fiit  touchante  5  mais  en- 
core de  la  façon  pleine  de  piété  6c  de  lumière  dont  elles  répondent  fouvcnt  auxque- 
llions  qu'on  leur  fiit.  Sont  cc-là  des  traits  de  fureur,  de  démence,  de  folie? 

Auflî  M.  Poncet  qui  elt  un  de  ceux  qui  ont  fuivi  les  Convulfionnaires  avec  le+e.  iet.r.6+. 
plus  d'attention,  déclare  t-il  qu'il  en  a  „  vii  un  grand  nombre  (6c  qu'il  les  a)  exa- 
,,  minés  (avec  grand  foin.)  Je  n'en  ai  point  vu  (  dit  il  )  pendant  fes  convulfions; 
„  qui  ne  m'ait  paru  élevé  au  dcfllis  de  fon  état  naturel  :  qui  ne  m'ait  paru  avoir 
„  plus  d'efprit  ,  raifonner  avec  plus  de  fuite  ,  6c  faire  des  réflexions  dont  je  crois 
„  qu'il  aaroit  été  incapable  hors  de  convulfion.  „ 

Mais  ce  fait  n'eft  pas  feulement  de  notoriété  publique.  Soit  que  l'on  confultc 
l'autorité,  la  r.iifon,  ou  fa  propre  expérience,  tout  nous  apprendra  qu'il  a  dû  être 
néceiïiiirement  une  fuite  de  l'état  furnaturel  où  font  les  Convulfionnaires. 

On  ne  peut  pas  nier  quel'ame  d'une  perfonne  en  convulfion  ,  nefoit  plus  déga- 
gée des  fens  que  dans  l'état  naturel:  il  y  a  même  pluficurs  Convulfionnaires  dont 
les  membres  deviennent  alors  prefqu'infenfibles,  parceque  leur  ame  eft  jufqu'à 
certain  point  diftraite  par  rapport  à  fon  corps.  L'infenfibilité  dans  l'état  "naturel 
n'eft  jamais  produite  que  par  l'abience,  ou  le  défaut  de  mouvement  des  efprits 
animaux  :  mais  il  en  eit  tout  au  contraire  de  l'infenfibilité  qui  naît  de  la  convul- 
fion. Celle-ci  eft  fouvent  accompagnée  d'une  affluence  excefiîve  des  efprits  ani- 
maux qui  coulent  avec  impétuofité  dans  les  membres,  ce  qui  donne  quelquefois 
à  quelques  uns  d'cntr'eux  une  force  tout  à  fait  extraordinaire.  L'infenfibilité 
qui  vient  de  la  convulfion  ne  provenant  donc  pas  de  l'inaction  des  clprits  ani- 
maux, elle  ne  peut  avoir  pour  caufe  que  le  dégagement  plus  ou  moins  grand  où 
l'ame  eft  des  fens,  qui  fait  qu'elle  n'eft  que  très  peu  fcniiblc  à  leur  imprcfilon. 

Il  eft  donc  inconteftable  que  Tame  eft  moins  vivement  frapée  en  convulfion 
que  dans  l'état  naturel  par  l'imprefiion  que  les  fens  font  ordinairement  fur  elle? 
Or  l'autorité  des  hommes  les  plus  fivans  6c  des  plus  grands  Théologiens ,  les  lumiè- 
res de  la  raifon  6c  notre  expérience  perfonnelk  ,  concourent  enfcmblc  à  nous  in- 
ftruirc,  que  plus  l'ame  elt  débarraflee  de  l'impreffion  des  choies  extérieures, 
plus  elle  a  d'a£tivité;_plus  elle  eft  propre  à  former  des  pcnfées:  plus  elle  cftfuf- 
ceptiblc  de  lumières. 

Philon  pofe  poiu*  principe  que  ïanK:  eft  d' autant  fins  à  elle  ^  qu'elle  eft  plus  Lbre 
i^  plus  dégagée  des  fais. 

S.  Thomas  donne  pour  maxime  que  dans  rabftraBion  des  feus  ^  V  ame  eft  plus  à 
portée  de  recevoir  les  iùftuences  des  efprits. 

Obferi-at.     IL  Part.  Tome  IL  C  Au 


i8      IDEE  DE   DETAT  DES  CON  FU  LS 10  N  N  A  IRES. 

Au  relie  notre  raifon  feule  fuffit  pour  nous  faire  concevoir  que  lame  eft  d'au- 
tant plus  à  elle-même,  que  l'impreflion  que  lui  font  les  objets  qui  l'environnent 
cft  diminuée  :  que  pour  lors  elle  cfl  plus  en  état  de  s'élever  à  une  pénétration 
plus  grande ,  de  former  des  penfées  6c  de  les  développer ,  parce  qu'elle  n'en  eft 
plus  détournée  par  les  diftraftions  que  fes  organes  &  fcs  fcns  lui  caufent  prefquc 
fans  ceflc  :  qu'étant  moins  abforbée  dans  h  matière  ,  elle  reprend  fon  activité  na- 
turelle, fe  trouve  par  là  plus  de  lumière,  &  des  connoiflanccs  plus  claires  que 
lorfqu'elle  étoit  plus  occupée  par  fes  fcns  :  &:  que  comme  alors  elle  conçoit  d'une 
manière  plus  nette  &  plus  diilincte  toutes  les  idées  qui  lui  viennent  d'en-haut ,  il  eft 
naturel  qu'elle  les  exprime  d'une  façon  plus  vive ,  plus  exaéte  &  plus  lumineufc. 

Mais  au  moins  rapportons-nous  en  à  notre  propre  expérience.  Qui  clH'homme 
qui  n'a  pas  éprouvé  lui-même  que  lorfquc  l'on  veut  approfondir  quelque  pcnfée, 
on  fc  porte  naturellement  à' faire  tous  les  efforts  pour  débarrafler  fon  ame,  autant 
qu'il  eft  en  foi,  de  Pimprcflîon  des  fcns?  On  ferme  les  yeux  :  on  voudroit  s'il  étoit 
pofîible,  oublier  fon  corps  pour  le  tems  auquel  on  s'applique  profondément  à  pé- 
nétrer ce  qu'on  a  dcflcin  d'eclaircir  :  ôccn  parvient  par  là  à  former  des  idées  plus 
dégagées  ,  plus dilHnéVes ,  plus  claires,    êc  on  les  explique  avec  plus  de  juilefre. 

Ce  qu'on  ne  fiiit  dans  l'état  naturel  qu'en  s'efforçantdelefaire,  la  convulfion 
le  produit  elle  même  dans  les  Convulfionnaires.  Son  efïctcft  de  rendre  quelque- 
fois le  corps  qualî  infenfible,  &  prcfque  toujours  de  donner  à  l'ame  une  péné- 
tration extraordinaire  6c  de  la  rendre  capable  de  former  les  plus  gi-andes  idées. 
Mais  il  eft  à  obferver  que  cet  état  n'affoiblit  pas  toujours  les  pallions,  parcequ'il, 
n'ôte  point  la  liberté  :  6c  par  conféquent  il  ne  rend  point  les  Convuliîonnaires 
incapables  de  pécher,  ni  même  de  mêler  les  defiuts  de  leur  propre  efprit  avec 
les  lumières  furnaturcUes  que  l'inftinél:  de  leur  convulfion  leur  donne  quelquefois. 

Je  pourrois  rapporter  une  multitude  de  faits  qui  prouvent  invinciblement  que 
l'effet  ordinaire  de  la  convulfion  eft  de  donner  à  l'ame  plus  de  lumières,  d'aéti- 
vité  6c  de  facilite  à  concevoir  les  chofes ,  même  les  plus  élevées  :  mais  pour  éviter 
un  trop  grand  détail,  je  mécontenterai  de  citer  l'exemple  de  Madelaine  Durand  , 
par  rapport  à  laquelle  ce  fait  eit  certifié  par  plufieurs  grands  Magillnits,  6c 
quantité  d'autres  perfonnes  au  delTus  de  tout  foupç^on. 

Ils  ont  entendu  ainfi  que  moi  cette  jeune  Convullionnaire,  de  labouchedc  qui 
fortoit  un  cancer  affreux,  dont  elle  a  été  guérie  dans  le  cours  de  (a  convulfions 
par  des  opérations  auffi  étonnantes  6c  aufli  évidemment  furnaturellcs  que  la  gué- 
rifon  miraculeufe  qui  en  a  été  la  fuite,  fiirc  de  très  beaux  difcours  dont  elle  ctoit 
naturellement  tout-a-fait  incapable.  J'en  rapporterai  le  fait  6c  les  preuves  dans  la 
quatrième  jxirtie  de  mes  Obfervations. 

Cette  jeune  enfant  hors  de  convulfion  étoit  d'abord  fi  timide  6c  fi  farouche  qu'- 
on ne  pouvoir  tirer  d'elle  une  feule  parole,  6c  qu'elle  paroifloit  prefqu'imbecile. 

Cependant  auflî-tot  qu'elle  étoit  en  convulfion,  ellercpondoit  à  tout  avec  tant 
de  juHefle  :  elle  fembloit  avoir  tant  de  pénétration ,  qu'on  l'eiàt  prife  pour  une  per- 
fonne  qui  auroit  cû  de  grands  talens  naturels,  6c  l'éducation  la  plus  parfaite. 

Prcfque  tout  ce  qu'elle  difoit  étoit  rempli d\ine  pieté  li  tendre,  qu'elle enchan- 
toit  les  fpcéf  ateurs  :  fa  morale  étoit  (x  pure  &  fiexaftc  que  ceuxquinela  voioienc 
qu'en  cet  état,  la  croioient  très  inilruite  de  fi  religion.  Néanmoins  on  reconnut 
peu  après,  que  hors  de  convulfion  elle  ne  favoit  fculemcn't  pas  fonCatèchifme, 
flc  l'on  fût  obligé  de  le  lui  faire  apprendre.  Quoique  fon  vifage  fit  horreur,  l'air 
pieux  6c  modellc  qui  accoinpagnoit  les  paroles,  faifoit  oublier  la  figure:  onfuppor- 
loit  volontiers  l'extrême  puanteur  qui  fortoit  de  fa  bouche  ,  pour  avoir  la  fatisfa«Eli- 
€>u  de  ^entendre  p.uler.  Car  non  feulement  elle  prcnoitoccalion  de  prefquc  toutes 

les 


IDE'E  DE   L'ETJT  DES   CO N FULS lONN AIRES,    ip 

îcs  quellions  qu'on  lui  ftifoit  pour  dire  des  chofcs  fi  belles  8c  fi  édifiantes  qu'on  en 
ctoit  toujours  étonné  ,  mais  même  plufieursfois  par  jour  elle  élevoitfcs  regards  & 
fes  mains  vers  le  ciel ,  ou  fc  proftcrnoit  le  viflige  contre  terre  :  6c  en  cette  fituation 
elle  faifoit  des  difcours  qui  duroient  quelquefois  près  d'une  heure,  &  qui  étoient 
remplis  de  pcnlees  très  fublimes,  ainfi  que  d'images  très  vives  8c  très  frapantcs. 
Mais  quoique  les  Convulfionnaires,  au  moins  la  plupart,  aient  bien  plus  de  lu- 
mière en  convulfion  que  dans  leur  état  ordinaire  ,  cette  lumière  n'eftpas  toujours 
furnaturelle  :  fouvcnt  elle  n'ell  l'effet  que  de  l'aftivité  de  refprit  qui  s'augmente  à 
mefiire  que  l'ame  cft  plus  dégagée  des  fens.  Il  y  a  même  quelques  exemples 
que  des  Convulfionnaires  fe  font  lérvis  de  la  fijperiorité  d'efprit  qu'ils  avoient  en 
convulfion ,  pour  faire  des  mémoires  qui  ne  regardoient  que  des  affaires  tempo- 
relles. Aufii  cette  lumière  ne  iubjugue-t-clle  pas  toujours  leurs  paffions ,  ainfi 
que  je  l'ai  déjà  obfervé  :  8c  je  fuis  même  perfuadé  qu'ils  peuvent  quelquefois  en 
faire  un  mauvais  ufagc. 

Non  feulement  les  Convulfionnaires  confervent  de  la  liberté  dans  l'état  ordi-      i  n. 
naire  de  leurs  convulfions ,  mais  ils  en  confervent  même  dans  les  chofcs  où  ils  fem- con'v'u'iw 
blent  n'agir  que  par  l'impulfion  de  la  convulfion,  8c  par  des  impreflîons  furnaturel- "■*''"• 
les.  C'eft  ce  que  je  vais  prouver  en  rendant  compte  des  diffcrens  inftincls  que  leurs 
convulfions  leur  donnent. 

Ces  inftinéls  les  portent  principalement  lo.  à  panfer  des  malades  lo.  àfiiire  dif-      t  v. 
fcrcntes  repréfcntations.  50.  à  s'impofer  des  pénitences  très  rigoureufes.  d«^"'iujes' 

Ils  panfcntlcs  malades  de  deux  laçons  différentes.  Qiiclque  fois  c'eft  fimplement 
en  faifant  pour  eux  des  prières,  en  leur  appliquant  des  reliques  du  B.  M.  de  Paris, 
8c  leur  faiiànt  boire  de  l'eau  oli  ils  mettent  de  la  terre  prife  auprès  du  tombeau  de 
ce  S.  Appellant  :  mais  le  plus  fouvent  la  convulfion  les  porte  outre  cela  à  fuc- 
cer  les  plaies  les  plus  dégoûtantes,  &  quelquefois  elle  leur  fait  prendre  fur  eux-mê- 
mes les  fimptômes  extérieurs  des  maladies  dont  ils  demandent  à  Dieu  la  guériibn. 

Comme  la  première  manière  de  panfer  les  malades  n'a  rien  par  elle-même  où 
le  furnaturel  foit  marqué  d'une  manière  bien  frapante ,  8c  qu'au  furplus  j'en  ai 
déjà  tiré  les  conféquenccs  dans  la  première  partie  de  cet  Ecrit ,  je  ne  m'y  arrêterai 
point  ici  :  je  me  bornerai  à  faire  mes  remarques  iur  les  circonftances  étonnantes 
dont  la  convulfion  accompagne  fouvent  ces  panfemens,  en  leur  faifant  fuccerlcs 
plaies ,  ou  recevoir  fur  leur  corps  les  fimptômes  des  maladies. 

Ces  panfemens  ont  été  fi  fréqucns,  8c  vus  par  un  fi  grand  nombre  de  pcrfon- 
nes ,  qu'ils  n'ont  nul  befoin  d'être  prouvés,  ainfi  je  mécontenterai  à  cet  égard  de 
rapporter  feulement  le  témoignage  de  celui  qui  a  fùivi  8c  examiné  les  Convulfion- 
naires avec  plus  de  foin. 

„  Ils  pimient  (dit  M.  Poncet)  des  ccrouelles  ouvertes,  pleines  de  pus  8c  hor- 
„  ribles  avoir.  Ils  les  lèchent  :  ils  en  attirent  le  pus  avec  la  langue  :  ils  lesfuccent[*J',''  •'"  '" 
„  jufqu'à  ce  qu'ils  aient  parfiitcment  nétoié  les  plaies  :  ils  l'avalent  fansenrcce- 
„  voir  aucune  incommodité:  ils  lavent  les  linges  qui  ont  fcrvi  de  compreffc  dans 
„  de  l'eau  qu'il  boivent  enfuitc.  Il  y  en  a  pluiieurs  qui  avant  que  d'entreprendre 
„  ces  horribles  panfemens,  en  ont  toute  l'horreur  que  nous  en  aurions  nous- 
„  mêmes  fi  nous  étions  condamnés  à  les  faire  (mais)  .  . .  cette  horreur  paffeau- 
„  fiî-tôt  qu'ils  font  déterminés  à  obéir.  „ 

Il  faut  ajouter  à  cet  article  ce  que  le  même  Auteur  rapporte  plus  haut  par  rap- 
port aux  fimptômes  des  maladies. 

„  Y  a-t-il  rien  (dit-il)  de  plus  furprenant  8c  de  plus  évidemment  furnatu- 
„  rel,  que  de  prendre  la  maladie  d'une  autre  pcrfonne ,  8c  d'en  avoir  tous  les 
,5  fimptômes?  Y  a  - 1  -  il  uo  plus  grand  prodige  quand  on  ell  affui"é  des  faits ,  8c 

Ci  „  qu'on 


10    IDE'E  DE  L'ETJT  DES  CONVULS 10  NN  AIRES. 
„  quon  eft  certiiinde  ne  pouvoir  être  trompé  comme  on  l'cft  ouand  on  voit  que 
„  cela  arrive  à  zod.  pcrfonnes  . . .  qui  portent  ce  caradere  par  état,  Se  en  qui  on 
„  le  remarque  tous  les  jours  &  à  toutes  heures? 

„  Il  arrive  fouvent  aux  Convulfionnaires  (ajnutc-t-il  plus  bas)  de  prendre  les 
„  maladies  kins  favoir  fi  les  çerfonncs  font  malades,  ni  la  nature  de  leurs  maux  : 
„  ils  en  font  inlhuits  par  le  Icntimcnt  de  douleur  qu'ils  éprouvent  dans  les  mêmes 
5,  parties.  Il  iuffit  quelquefois  de  leur  dire  de  prier  pour  des  pcrfonnes  mabdcs 
„  fans  leur  dire  qui  elles  lont  ...  on  les  voit  fur  le  champ  reprcfenter  l'état  de 
„  ces  pcrfonnes,  &  deviner  quelle  cil  leur  incommodité. 
tH-  '44-  M  Ou  voit  fouvent  (dit-il  cncorcj  les  malades  dont  les  Convulfionnaires  prcn- 
„  ncnt  les  maladies,  perdre  le  fcntiment  de  tous  leurs  maux  dans  le  tems que  les 
„  Convulfionnaires  les  éprouvent.  ,, 

Si  de  pareils  faits  dont  je  pourrois  rapporter  quantité  d'exemrplesainfi  que  fait 
M.  Poncet  ,  n'étoicnt  pas  arrivés  iournellcment  pendant  plufieurs  années,  &  s'ils 
n'avoient  pas  été  vijs  par  une  multitude  innombrable  de  pcrfonnes,  ils  ne  feroicnt 
pas  croiablcs:  £c  peut-être  ceux  qui  vicndaront  après  nous  ne  pourront-ils  fc  les 
perfuadcr;  mai<s  on  ne  peut  les  révoquer  en  doute,,  fur -tout  à  Paris ,  où  petits2i 
grands,  gens  de  tout  efpece  en  ont  été  témoins. 

Mais  quelques  extraordinaires  que  foicnt  ces  panfemens ,  quelques  contraires 
qu'ils  loient  à  la  dclicatcfle  des  répugnances  les  plus  naturelles,  î^:  quoiqu'il  y  ait 
dans  tout  cela  un  furnaturel  évident,  je  ne  balancerai  jwint  à  dire  que  lesConvul- 
lionnaires  font  la  plupart  de  ces  panfemens  avec  une  forte  de  liberté.  Je  n'ai  bc- 
loin  pour  en  convaincre  pleinement  le  Icftcur,  que  de  le  prier  de  faire  lui-même 
attention  aux  figues  extérieurs  de  tout  ce  qui  fe  pailc  poui-  lors  dans  l'ame  dc3 
Convulfionnaires. 

Rapportons  en  un  exemple  bien  caraftcrifé  ,  ^  que  le  leéleur  daigne  y  Paire  fes 
réflexions:  pour  peu  qu'il  confulte  fa  propre  raifon,  il  fera  bientôt  tout  aulfi  pcr- 
fuadé  que  moi ,  que  les  Convulfionnaires  agiflcnt  en  cela  avec  liberté,  au  moins 
jufqu'à  certain  poiut. 

On  apporte  aux  pieds  d'une  Convuliîonnairc  une  petite  fille  pale,  étiquete  qui 
iroît  moribonde.  Aulfi-tôt  que  la  Convulhonnairc  l'appcrçoit,  la  joie  fc  pcmC 
ur  fon  vifigc:  elle  ell  intériciu-ement  inilruitc  par  l'inllinétdeficonvulfion,  que 
cette  jeune  fille  a  une  jambe  pourrie  pardcsécrouellcs:  elle  le  déclare  aux  anillans 
6c  clic  remercie  le  Seigneur  avec  de  vives  aélions  de  gr.ices  de  ce  qu'il  lui  com- 
mande de  la  panfer.  „  N'ell-il  pas  juile  ô  mon  Dieu!  (s'écric-t-cllc  tout  haut 
„  dans  le  tranfport  qui  l'imime)  n'ell-il  pasjuftc  qu'étant  dellinés  à  être  tous  en- 
j,  femblc  les  membres  de  votre  fils  nous  prenions  part  aux  maux  les  uns  des  autres  ^ 
j,  Non  mon  Dieu,  je  ne  crains  point  de  prendre  fur  moi  une  partie  du  venin  qui 
„  confomnie  cette  enfant ,  &:  qui  a  déjà  pourri  un  membre  de  fon  corps  1  Ne  fuis- 
„  je  pas  trop  heurcufc  que  vous  daigniés  m'cniploicr  à  cette  œuvre  de  milcricor- 
5,  de  ?  Vôtre  puifllmcc  fins  bornes  ne  tardera  pas  à  nous  guérir  toutes  deux,  poiur. 
„  faire  éclatter  qu'elle  cft  vôtre  bonté  fur  tout  ceux  qui  mettent  en  vous  leur. 
„  cfpérancc.  ,,. 

Elle  prend  avec  cmprcfTcmcnt  la  jambe  de  cette  petite  fille  :  clic  ôte  toutes  les  ban- 
des dont  elle  efl.  enveloppée:  elle  levé  enfin  un  linge  tout  imbibé  d'un  pus  rougea- 
tre  &  gluant,  qui  découle  fans  ccfic  d'un  grand  nombre  de  trous  qui  percent 
cette  jambe  de  tous  les  côtés.  Plufieurs  de  ces  trous  font  fi  larges  &:  fi  profond.^ 
«qu'ils  tout  apperccvoir  Vos,  do»it.  Li  noirceur  cil  un  fignc  certain  qu'il  cit  aufii 
corrompu  que  les  chairs.  Aufll-tôt  tout  l'air  de  la  chambre  cil  infeftc  d'une  puan* 
tcur  inlupporcablc.  Le  coeur  de  tous  ceux  qui  yfoatfc  foulcve  :  cette  jambe  leur 

jaroit 


l 


IjDE'K  de  LETJT  des  CONFULSIONNJIRES.      Il 
paroît  plutôt  celle  d'un  cadavre  à  demi  pourri  que  d'un  corps  vivant. 

La  Convulfionnairc  pâlit  elle-même  à  la  vue  d'un  objet  fi  affreux  &  fi  dégoû- 
tant. Elle  ne  peut  s'empêcher  de  reculer  d'horreur.  Tout  ion  corps  frémit  &  trem- 
ble lorfqu'clle  penfe  qu'il  lui  eit  ordonné  de  fiiccer  toutes  ces  plaies.  Elle  paroît 
incertaine  fi  elle  pourra  fe  refoudre  d'obéir.  Ses  yeux  verfcnt  des  pleurs  :  fon  amc 
ell  toute  troublée  :  tous  fes  mouvemens  font  connoîrre  le  combat  qui  fe  paiTe  dans 
fon  cœur.  Enfin  élevant  fes  regards  vers  le  ciel,  elle  s'écrie.  „  Venés  à  mon  fc- 
„  cours,  ô  mon  Sauveur,  dont  la  grâce  eft  toute  puifllinte!  Vous  voiez  qu'elle  eft 
„  ma  foiblcflc  !  je  vous  beniflois  de  m'avoir  deftinee  à  panfer  cette  jeune  fi  lie  fi  dig- 
„  ne  de  compafiîon  :  maisàlavûedefes  plaies,  l'ardeur  qui  m'imimoit  s'cil  tout  à 
„  coup  éteinte.  Jcfcns  que  le  cœur  me  manque?  Tout  mon  courage  s'eft  évanoui. 
„  Ha  !  Si  vous  m'ordonnez  une  chofe  pour  laquelle  j'ai  tant  de  répugnance ,  don- 
„  nez-moi  donc  en  même  tems  la  force  de  l'exécuter.  Ha  Bien-heureux  Péni- 
„  tent  !  Hàtez-vous  d'être  mon  intercefleur.  Je  fuis  une  de  vos  fervantes  :  je 
„  porte  vos  livrées:  votre  nom  eft  gravédansmoncœur:  obtenez  du  Tout-puif- 
„  lant  que  la  force  de  fi  grâce  furmonte  ma  foiblcfle.  „ 

On  voit  dans  ce  moment  le  vilagc  de  la  Convulfionnaii-e  reprendre  fes  couleurs- 
naturelles  :  le  calme  paroit  avoir  fuccédéau  trouble  qui  l'agitoit  :  elle  s'approche 
de  la  jambe  infefte  dont  les  chairs  tombent  en  poun-iturc  :  elle  y  préfente  fa  bou- 
che, mais  aufli-tôtelle  la  retire  :  elle  n'ell  point  encore  maîtrefie  de  fon  cœur  :  elle 
aencorebefoin  de  jetter  quelques  regardavcrsle  ciel.  Enfin  pour  forcer  la  réfiilan- 
ce  qu'elle  fent  en  elle-même ,  elle  prend  tout  à  coup  le  parti  de  précipiter  fa  bouche 
ouverte  fur  la  plus  large  de  ces  plaies.  Des  qu'elle  a  commencé  une  première  fois 
à  la  fuccer,  elle  paroit  n'y  avoir  plus  de  peine:  &  fes  prières  ne  font  plus  que 
des  aétions  de  grâces  de  ce  qu'il  a  plû  au  Seigneur  de  lui  faire  vaincre  fafoiblefic. 

Qui  ne  voit  ici  un  combat  entre  le  mouvement  de  la  convulfion  &  celui  del.i 
nature  qui  y  refiile.  La  Convulfionnairc  loin  d'être  privée  de  toute  liberté ,  fent  en 
elle  même  deux  volontés  contraires  :  la  loi  delà  chair  s'oppofe  à  celle  de  l'efprit , 
&ce  n'cftquepar  la  prière  que  la  Convulfionnairc  obtient  la  force  de  vaincre  en- 
fin fes  répugnances. 

Loin  que  les  combats  intérieurs  qui  fe  pafient  afies  fréquemment  d'ans  Pâme  dès- 
Convulfionnaires ,  &:  dont  il  eftaifé  de  s'appercevoir  par  les  fignes  extérieurs  qu'ils-^ 
en  donnent,  doivent  faire  croire  qu'ils  n'ont  pour  lors  aucune  liberté,  ilsmeparoif- 
fcnt  au  contraire  une  vive  image  de  la  manière  dont  la  grâce  opère  dans  les  cœurs.. 
Elle  y  fait  d'abord  naître  de  faintsdefirs:  elle  excite  enfuite  la  volonté  à  les  exé- 
cuter: elle  la  détermine  lans  la  contraindre  :  elle  triomphe  des  refiftanccs  de  la 
nature- fins  les  détiuire:  Se  tout  cela  ,  à  ce  qu'il  me  fcmblc,  à  peu-prés  de  ln- 
même  manière  que  fiiit  ici  l'infiinél  de  la  convulfion. 

La  petite  fille,  après  avoir  été  panfée  de  cette  façon  pendant  quelque  tcms,^»*, 
été  enfin  parfaitement  guérie  de  fes  écrouelles. 

Ceux  gui  font  tous  leurs  efi^orts  pour  décrier  les  Convulfionnaires,  n'ont  ofe- 
nier  ces  faits  :  ils  font  trop  publics.  Le  parti  qu'ils  ont  pris  a  été  de  s'en  moquci:,, 
de  les  traveftir  &  de  les  repréfcnter  avec  un  mafque  ridicule.. 

Mais  quel  eft  l'aveuglement  dans  lequel  leur  prévention  les  précipite?  Quoi!' 
Ces  grands  Théologiens  ignorent-ils  donc  que  ce  n'ell  pas  d'aujourd'hur  que- 
Dieu  a  fait  des  miracles  accompagnés  dcfemblables  circonrtaHces,'6cque  ces  mi- 
racles font  depuis  long-tcms  confacrés  par  la  vénénition  des-  fidèles.?  N'ont-iis- 
donc  jamais  lu  les  vies  des  SS.  miftiques,  ôclesBulles  des  Papes  qui  ontmanifef- 
tc  leur  gloire  ?  S'ils  les  ont  lues ,  par  quelle  fatalité  ont-ils  doncoublié  que  de  pa- 
reils faits  ont  été  cuioniféspar  les  Souverains  Pontifes  duxQnfentement  de  teute^ 

C  3,  l^Er- 


-ir  IDE'E  DE  VET JT  DES  CONf^ULSTONNAIRES. 
l'E^liic  ?  Je  pourrois  en  produire  quantité  de  preuves ,  mais  il  fuffit  d'en  citer  ua 
rouf  exemple:  il  eft  appuyé  d'un  telle  autorité  qu'il  n'en  faut  pas  davantage  pour 
confondre  toutes  les  oDJeftions  que  font  à  cet  égard  les  advcrl'aircs  ,  6c  pour  con- 
vaincre de  témérité  toutes  leurs  vaines  déclamations, 
v-edeusre  L'Autcur  dc la  vie  de  Stc.  Madelaine  de  Pazzi  rapporte  „  qu'un  matin  après 
'■  ^**'  „  qu'elle  eut  communié,  étant  ravie  en  cxtafe,  elle  courût  au  lit  dc  la  mère  Or- 
,,  landi  dangereufcment  malade  d'une  efpccc  de  leprc. . .  qui  occupoit  particulie- 
„  renient  la  tête.  D'abord  qu'elle  y  fût ,  elle  leva  les  linges  qui  couvroicntfatétc 
„  &  la  Iccha  toute  entière ,  6c  particulièrement  les  oreilles ,  s'arrétant  aux  lieux 
„  les  plus  infeéts ,  ôc  icmbhmt  en  vouloir  tirer  avec  fa  langue  tout  le  venin.  Cct- 
„  te  grande  aélion  de  la  plus  ardente  charité  plût  fi  fort  à  J.  C.  qu'il  rendit  en 
„  peu  de  jours  la  lanté  à  cette  pauvre  affligée  ,  qui  toute  pleine  de  rcconnoiflancc 
„  pour  fa  bienfaitrice  ,  en  a  donné  ladépofition  en  jullice,  6c  a  confirmé  par  fcr- 
„  ment  qu'elle  devoit  ce  grand  miracle  à  l'interceflîon  de  l'incomparable  fœur 
„  Madelaine.  „ 

Le  Pape  Clément  X.  a  cru  que  ce  miracle,  quoiqu'il  ne  fût  pas  fubit,ctoit  fi 
digne  de  la  grandeur  6c  de  la  fageffc  de  Dieu,  par  la  circonllance  de  la  charité 
extraordinaire  qui  en  avoit  été  l'inlbument ,  qu'il  n'a  pas  balancé  dc  le  propofcr 
aux  fidèles  dans  la  Bulle  de  canonifation  de  cette  Sainte,  comme  un  objet  capa- 
ble d'édifier  leur  foi,  d'animer  leur  piété,  6c  dc  leur  faire  vivement  fentir  com- 
BuUedïCie- bien  une  charité  fi  hcroïqueavoit  plu  à  celui  qui  l'avoit  infpirée.  „  Elle  rendit 
«""'  *•  „  (dit  ce  Pape)  la  fanté  à  la  ibcur  Bénigne  Orlandi  qui  étoit  malade  d'une  galle 
„  qui  la  pourrifloit  :  6c  elle  fit  cette  gucriibn  en  léchant  avec  la  langue  le  pus  qui 
„  fortoit  de  fcs  plaies.  „ 

LamêmeBuUc  fait  encore  mention  de  deux  autres  miracles  faits  par  cette  Sainte 
ix-XTitaliénée  de  fcs  feus  comme  les  Convulfionnaircs,  l'un  fur  la  /à-wr  Foi  malade 
d'un  retirement  de  nerfs  ,  l'autre  fur  la  fœur  Chérubine  de  Rabatha  qui  avoit  un 
horrible  ulcère  à  la  tête. 

Le  Pape  obferve  encore  dans  un  autre  endroit  de  la  Bulle  que  „  l'ardeur  dck 
„  charité  avec  laquelle  elle  fervoit  les  malades  étoit  iî  grande ,  qu'il  arriva  une 
„  fois  qu'elle  netoia  avec  fa  langue  la  pourriture  6c  les  vers  de  deux  plaies  horri- 
„  blcs:  6c  comrrte  elle  Icchoit  les  cavités  de  cette  plaie  qui  étoit  toute  pourrie,  elle 
„  s'écria.  O  que  Jefus  a  beaucoup  plus  fouffert  que  nous  !  Une  autre  fois  elle  le- 
„  cha  de  même  avec  fa  langue  les  croûtes  d'une  horrible  galle  que  la  focur  Barbe 
„  dc  Baflls  avoir  fur  fon  corps,  6c  qui  n'ctoit  pus  fort  diftcrcntc  dc  la  Icpre.  „ 
Le  Pape  ne  dit  point  que  ces  deux  panfcmens  aient  produit  la  guériionnides 
deux  plaies  horribles,  ni  de  cette  horrible  galle.  Il  ne  rapporte  ces  deux  derniers 
faits  que  comme  des  preuves  d'une  ardente  charité,  qui  n'avoit  pu  être  infpirée 
que  par  celui  qui  ell  le  principe  de  toute  vertu. 

11  fcmblc  que  le  Saint  Efprit  qui  a  prévu  de  toute  éternité  qu'on  traiteroit  aujour- 
d'hui avec  le  plus  fouvcrain  mépris  de  pareilles  aftions ,  maigre  les  prodiges  6c  les  mi- 
racles dont  elles  font  fouvent  accompagnées,  ait  voulu  profcrire  par  avance,  6c 
condamner  par  cette  Bulle  tous  les  vains  prétextes  dont  on  cherche  à  s'autorifcr. 

On  ofe  tourner  en  ridicule  des  guérilbns  évidemment  miraculcul'es,  prccilc- 
mcnt  parce  qu'elles  font  faites  avec  les  mêmes  circonilances  que  Stc.  IVladelainc 
de  Pazzi  a  opéré  la  guérifon  de  la  focur  Orlandi  :  S-c  voilà  que  Ir  Pape  Clément  X. 
relevé  cette  action  de  la  Sainte,  comme  une  vertu  digne  de  l'admiration  de  tous 
les  ficelés,  6c  qui  aiant  été  canonifce  de  Dieu  mcmc  parle  miracle  qui  en  a  été  en 
quelque  forte  l'ctTct,  doit  faire  l'objet  de  la  vénération  de  tous  le.s  (Chrétiens. 
Ce  qu'on  a  objecté  dc  plus  Ipccicux  aux  Convulfionnaircs  par  rapport  à  ces 

p;mfc- 


IDrE  DE  VETâT  DES  CONFULS ION NJIRES.      25 

panfemens,  c'cft,  comme  difoit  M.  Fouillou,  que  ces  panfemens  neréuffiffent  pas 
toujours  :  &  voila  que  le  Pape  rapporte  dans  fa  Bulle  de  pareils  panfemens  faits 
ptir  une  Sainte  qui  ne  paroiflent  pas  avoir  été  fuivis  d'aucune  guérifon  :  ce  qui 
n'empêche  point  le  Pape  de  regarder  comme  un  grand  préfcntdu  ciel ,  Vardeur 
de  h  charité  qui  les  lui  a  fait  faire. 

Si  cette  Sainte  n'a  pas  toujours  obtenu  de  Dieu  la  guérifon  des  maladies  qu'il  lui 
mettoit  au  cœur  de  panfer  d'une  manière  fi  étonnante,  quoique  ce  fût  une  grâce 
fumaturelle  qui  lui  donnoit  la  force  de  vaincre  ainfi  toutes  les  répugnances  de  la 
nature ,  on  ne  doit  p;xs  être  furpris  qu'il  traite  de  même  les  Convulfionnaires ,  6c 
qu'il  ne  leur  accorde  pas  toujous  la  guérifon  des  maladies  que  l'inftinâ:  de  leur 
convulfion  les  porte  à  panfer. 

Celui  qui  refifte  aux  fujjcrbcs  &  qui  ne  donne  fa  grâce  qu'aux  humbles ,  a  fou- 
vent  permis  que  ce  qu'il  faifoit  faire,  même  à  des  SS.  6c  dans  l'ordre furnaturcl , 
fût  obfcurci  par  quelque  defliut  apparent,  pour  laiffer  aux  efprits  bouffis  de  leur 
faufle  fagclTe  ,  des  prétextes  de  les  dédaigner.  Aufîî  plufieurs  des  SS.  miftiques 
ont-ils  étcméprifés  pendant  leur  vie  par  les  beaux  elprits  de  leur  tems. 

Si  Dieu  a  voulu  qu'il  y  eût  quelques  nuages  qui  dérobaflent  aux  âmes  alticres  l'é- 
clat des  vertus  des  SS.  miftiques ,  peut-on  s'étonner  qu'il  permette  qu'il  s'en 
répande  encore  davantage  dans  une  œuvre  mêlée  de  miféricorde  6cdciulHce,  de 
lumières  6c  de  ténèbres ,  telle  que  celle  des  convullîons  ?  Il  s'cltfervi  des  Convul- 
fionnaires pour  opérer  plufieurs  gucrifons  miraculeufcs ,  afin  que  tous  les  cœurs 
droits  reconnuficnt  qu'il  agit  dans  cette  œuvre  :  il  n'a  pas  toujours  guéri  tous  ceux 
qu'il  a  fait  panfer  par  les  Convulfionnaires  d'une  manière  furnaturelle  ,  parce  qu'il 
entre  dans  fcs  deffeins  que  cette  œuvre  foit  contredite,  qu'elle  foit  méprifée , 
qu'elle  foit  foulée  aux  pieds. 

Ah  Seigneur  que  ce  ne  foit  pas  par  nous  !  Ne  permettez-pas  que  nousfuivions 
des  guides  aveugles,  qui  ne  voiant  que  ténèbres  où  brille  votre  éclatante  lumière,, 
ne  pourroient  que  nous  foire  tomber  !  Que  les  œuvres  de  vôtre  miféricorde foient 
toujours  le  flambeau  qui  conduife  nos  pas  ,  quelques  nuages  que  vous  y  répandiez 
par  des  deffeins  de  votre  juftice  !  Préfei-vez-nous  de  deux  écueils  également  dan- 
gereux ;  de  rejettcr  ce  qui  eft  bon,  qui  ne  peut  venir  que  de  vous  :  ou  d'approu- 
ver ce  qui  eft  mal,  qui  ne  peut  venir  que  d'un  principe  pervers!  Donnez  nous 
des  yeux  fi  purs  que  nous  puiiTîons  éviter  la  malédiction  de  votre  Prophète  ! 
„  Malheur  à  vous  qui  dites  que  le  mal  eft  bien  6c  que  le  bien  eft  mal;  qui  don-""-  ;•  îo^ 
5,  nez  aux  ténèbres  le  nom  de  lumière  &  à  la  lumière  le  nom  de  ténèbres.  „. 

,,  Quiconque.  .  .  (dit  le  P.  Qiiefnel)  ne  tient  qu'à  Dieu  par  un  pur  amour  dc'-*^'"'-^-'?' 
„  fa  loi ,  juge  lainement  des  choies  de  Dieu.  (Et  ailleurs  il  dit'i  Qiii conque  rougit 
„  de  la  Vérité  humiliée  dans  ce  monde,  fera  confondu  6c  humilié  devant  la  Vérité 
„  même  gloricufe  6c  triomphante  dans  le  ciel. 

Qiii  peut  douter  que  l'inftinâ:  qui  porte  les  Convulfionnaires  à  panfer  les  mala-- 
des,  ne  vienne  de  Dieu  lorfqu'on  voit  qu'il  en  a  donné  de  femblables  à  des  Saints., 
D'ailleurs  n'eft-il  pas  viable  que  les  Convulfionnaires  qui  prennent  lur  eux  pen- 
dant quelque  tems  les  maladies  de  ceux  qu'ils  guériflcnr,  reprèfaitent  une  figure 
littérale  6c  très  frapante  de  cette  grande  Prophétie  d'Iiaie  qui  regarde  notre  divin 
Sauveur:   //  a  pris  fur   lai  nos  infirmités  6?  il  s'^ejl  chargé  de  nos  maladies-.  Maisirair^/j^. 
quand  on  ne  jugeroit  de  ces  inftinéts  que  parleurs  effets,  leur  fource  n'en  fe-^'  '^■ 
roit  pas  moins  évidente.  On  ne  peut  nier  qu'ils  ne  foient  formés  par  une  impref- 
fion  furnaturelle,  puifqu'iîs  font  manifeftement  contraires  aux  répugnanccs^  de- 
là nature  ,  6c   que  louvent  ils  font  accompagnés  de  prodiges ,  tels  que  celui  de  ■ 
prendre  les  ûmptômes  extérieurs  des  maladies  d'une  manière  apparente  6c  vifible. 

o 
Ci! 


H    IDE'E  DE   VETAT  DES   CON  VU  LS 10  NN  A  IRE  §. 

Si  cet  inltinâ:  cil  furnaturcl ,  il  ne  peut  venir  que  de  Dieu  ou  du  Dcmon.  Or  \ 
quoi  porte  cet  iiidinct?  A  faire  une  acbion  de  chririrc  qui  paOe  les  bornes  des 
vertus  ordinau'cs,  &  que  Dieu  canonilc  Ibuvcnt  lui-même  par  des  guérilbns  mi- 
raculeufes  de  maux  évidemment  incurables.  Ofcra-t-on  rendre  le  Dcmon  tout  à 
Irï  Kfis  auteur  des  miracles  &:  des  vertus? 

La  grâce  qui  fait  vaincre  à  plufieurs  Convulfionnaires  les  répugnances  les  plus 
naturelles  pour  leur  faire  fuivre  les  bons  mouvemens  de  leurs  convulllons ,  n'ell- 
cllc  pasvihblcmcnt  un  don  de  Dieu,  qu'ils  n'obtiennent  même  ordinairement  que 
parla  prière?  Quoi!  Dira  t-on  que  c'eft  fatan  qui  exauce  les  prières  qu'ils  adres- 
fent  à  Dieu ,  &  que  ce  monrtre  infcmal  devenu  le  maitre  de  difpofer  comme  il  lui 
plaît  des  cœurs,  leur  fait  vaincre  U  rclîilance  de  la  nature  pour  leur  faire  faire  une 
action  de  la  plus  éminente  charité  ?  Cette  miférable  créature  n'a  que  le  funefte 
pouvoir  de  nous  tenter  par  notre  propre  concupifcence  :  mais  il  n'y  a  queleTout- 
puillant  qui  foit  le  maitre  de  nos  cœurs.  Si  c'eft  Dieu  qui  fouvent  donne  vifible- 
mcnc  fa  grâce  à  plufieurs  ConvuUîoimaircs  pour  leur  faire  exécuter  ce  à  quoi  les  por- 
te l'indintSt  de  leur  convulfion ,  qui  peut  douter  que  cet  initinft  ne  vienne  de  lui  ? 

Oui  Seigneur,  c'eft  vous  qui  par  dcsfiits  fi  fingulicrs  &  fi  frapans,  avez  vou- 
lu nous  mettre  vivement  fous  les  yeux  jufqu'à  quel  point  peut  aller  la  charité,  afin 
de  nous  faire  honte  durcfroidilTcment  de  la  nôtre,  de  nous  fiirc  condamner  nôtre 
dureté  pour  nos  frères ,  5c  de  nous  faire  prendre  a  l'avenir  plus  départ  que  nous  ne 
faifions  à  leurs  maux  fpirituels  6c  corporels  !  Mais  fi  c'eft  vous  qui  nous  parlez  par 
ces  emblèmes ,  combien  ne  devons  nous  pas  plaindre  ceux  de  nos  frères  qui  trai- 
tent avec  tant  de  mépris  les  perfonnes  dont  vous  vous  fervcz  pour  nous  peindre 
ainfi  les  vertus ,  8c  qui  loin  de  vous  en  bénir ,  s'en  fcandalifent  au  contraire.  Se 
en  font  un  de  leurs  prétextes  pour  couvrir  d'ignominie  les  inftrumcns  que  vous 
daignez  employer  à  ce  miniftere  d'édification. 

Car  il  ne  faut  pas  croire  que  tous  les  ConvuHîonnaircs  n'aient  aucun  mérite  de- 
vant Dieu  en  fucçant  comme  ils  font  les  plaies  les  plus  infeftes ,  Se  en  fe  chargeant 
avec  joie  de  prendre  i'ur  eux-mêmes  une  partie  des  maladies  les  plus  cruelles  Se 
les  plus  dégoûtantes  ,  pour  en  guérir  les  perfonnes  qui  en  font  atteintes. 

Ce  n'cft  pas  un  prétexte  fuflîlant  pour  leur  en  ôtcr  tout  le  mérite,  de  dire  qu'ils 
font  forcés  de  le  faire  par  l'inftinct  de  leur  convulfion.  Cela  cft  vrai  par  rapport 
à  quelques  Convullionnaires  ,  mais  celancreft  pas  par  rapport  à  tous. 

Premièrement.  Je  viens  de  prouver  au  contraire  que  louvcnt  la  convullîonnefait 
que  les  y  exciter  vivement,  mais  qu'elle  ne  les  y  contraint  pas  toujours,  du  moins 
entièrement ,  ce  qui  eft  fi  vrai  qu'on  a  vu  quelquefois  les  Convulfionnaircs  s'obftincr 
contre  l'inftinét  de  leur  convulfion ,  5c  refufcr  dcfucccr  les  plaies  qui  leur  faifoicnt 
trop  d'horreur,  quoique  l'inftind  de  leur  convulfion  le  leur  commandât  expref- 
fément,  fuivant  qu'ils  le  décluoient  eux-mêmes. 

Secondement.  Comme  les  ConvuHionnaires  confci-vcnt  prcfque  toujours quel- 
qu'ufagede  leur  raifon  i  quand  on  fuppoferoit  que  leurs  convulfions  les  forceroient 
abfolu'ment  à  panfer  certains  malades,  ils  feroicnt  encore  capables  de  mériter  par 
l'acceptation  volontaire  de  ce  que  Dieu  leur  fcroic  taire  ,  5c  par  la  (oumillîon  avec 
laquelle  ils  ficrificroient  leurs  répugnances  n.iturellcs.  Pourquoi  ne  mériteroicnt- 
ils  pas ,  puifquc  quelques-uns  d'entr'cux  font  fans  doute  une  faute  lorl'qu'ils  mur- 
murent contre  le  commandement  qu'ils  reconnoilTent  leur  être  fait! 

Troiliémement.  Les  Convullionnaires  qui  panlcnt  les  nial.ides,  conlervent  l.i 
plupart horsde convulfion,  la  vive  affeclion  que  cet  état  leur  a  donné  pour  eux. 
Quoiqu'ils  fouffrcnt  quelque  fois  pendant  allés  long-tems  5c  même  fans  être  en 
convulfion,  de  très  grandes  incommodités  des  maux  dont  ils  ont  pris  les  iîmp- 

tômcs 


IDE'E  DE  DETjr  DES  CON  FUL  S 10  NNJ I RES.  zf 
tomes  auprès  de  ces  malades ,  cela  ne  les  empêche  nullement  de  leur  témoigner 
une  tendre  amitié  aufll  bien  dans  leur  état  naturel  que  lorfqu'ils  font  enconvul- 
ilon,  &  de  bénir  Dieu  de  ce  qu'il  les  emploie  à  les  guérir.  C'eft  de  quoi  font  té' 
moins  tous  ceux  qui  ont  fuivi  les  Convulfionnaires. 

Mais,  dira-t-on,  c'eft  la  vanité  quiefl  le  principe  de  ces  fentimcns.  Ils  font  fi 
charmés  de  faire  des  guérifons  qui  paroiflent  miraculeufes ,  qu'ils  ne  regardent 
pas  ce  qu'il  leur  en  coûte. 

On  elt  à  préfent  fi  porte  à  calomnier  les  Convulfionnaires ,  qu'il  n'ell  pas  éton-- 
nant  qu'on  leur  prête  de  mauvaifes  intentions  jufquc  dans  ce  qu'ils  font  de  plus  é- 
difiant.  Mais  de  quoi  leur  fcrt-il  aujourd'hui  d'être  les  inllrumens  dont  Dieu  fc 
fert  pour  faire  des  miracles  ?  Cela  portc-t-il  ceux  qui  les  perfécutent  ou  qui  les 
décrient,  à  les  ménager  davantage?  Tout  au  contraire.  Avoir  été  guéri  par  mi- 
cle  ,  ou  être  emploie  à  en  fiire  ,  c'eft  précifémcnt  ce  qui  excite  encore  plus  con- 
tre un  Convulfionnairc  les  pourfuites  de  la  Police,  &  les  impoftures  de  ceux  qui 
font  le  plus  oppofés  à  l'œuvre.  N'a-t-on  pas  forgé  les  difcours  les  plus  ridicules 
&  les  plus  propres  à  attirer  le  mépris ,  pour  les  attribuer  à  Charlote  Laporte ,  afin  de 
la  couvrir  d'un  voile  d'ignominie:  &  cela  quoiqu'il  foit  d'une  notoriété  publique  qu'il 
a  plû  à  Dieu  de  fe  fervir  d'elle  pour  opérer  un  grand  nombre  de  guérifons  des  plus 
admirables  ?  L'en  a-t-on  moins  renfermée  à  la  Salpctriere  avec  les  créatures  les 
plus  débordées?  En  a-t-elle  moins  étédénoncécau  Parlement  par  quelques  calom- 
niateurs? Dans  ce  fiecle  de  réprobation,  dans  ces  jours  de  colère.  Dieu  permet 
que  fes  dons  deviennent  des  fources  d'humiliation  ôc  d'opprobres.  Aufll  loin  que 
les  Convulfionnaires  prétendent  tirer  avantage  d'être  emploies  à  faire  des  guérifons 
miraculeufes  :  loin  de  chercher  à  en  fiire  parade  :  loin  de  defircr  par  aucune  vue 
humaine  que  cela  foit  divulgué,  ils  ont  au  contraire  un  grand  intérêt  de  le  tenir 
fecret,  aujourd'hui  qu'on  les  en  punit  comme  d'un  mal:  aujoud'hiù  que  les  fiveurs 
du  Très-haut  font  devenues  des  crimes  en  ceux  qui  en  font  les  objets  :  aujour- 
d'hui qu'elles  leurs  attirent  l'envie,  la  calomnie  ,  &  la  pcrfécution. 

Il  eft  donc  clair  que  le  fcul  motif  qu'ont  les  Convulfionnaires  lorfqu'ils  entre- 
prennent volontairement  de  pareilles  guérifons  ,  eft  de  faire  des  œuvres  d'une  gran- 
de charité  ,  dont  ils  efpércnt  la  rccompenfe  du  Dieu  des  miféricordes  qui  en  eft 
l'Auteur. 

S'IL  eft  évident  qu'ils  confervent  quelque  forte  de  libeité  dan^  le  panfemcnt       v. 
des  maladies,  il  eft-  encore  plus  manifefte  qu'ils  en  confervent  dans  la  plupart  de ^'' P^'=''«'!t** 
leurs  reprelcntations. 

Il  eft  vrai  qu'ils  en  font  quelques-unes  dans  leurs  états  d'extafe  ,  6c  qu'alors 
leur  ame  paroit  prefqu'entiércment  abforbée  dans  la  contemplation  des  grands 
objets  qui  l'occupent.  Mais  il  eft  vifibleque  danslaplûpart  des  autres,  ils  ontjuf- 
qu'à  certain  point  l'ufage  de  leur  raifon  &  de  leur  liberté.  Cela  même  a  fervide 
prétexte  à  l'Auteur  des  Vains-eff'orts ,  d'infinuer  au  public  que  les  rcpréibntations 
des  Convulfionnaires  n'avoicnt  rien  de  furnaturel.  11  fiut  pour  ofer  le  ibutenir, 
n'avoir  vu  aucune  de  celles  qui  font  les  plus  dignes  de  remarque.  S'il  y  en  a  plu- 
fieurs  dont  le  furnaturel  n'eft  pas  frapant ,  il  y  en  a  beaucoup  d'autres  où  il 
éclatte  Svfe  manifefte  avec  la  dernière  évidence. 

L'objet  le  plus  ordinaire  de  ces  repréfentations  eft  de  nous  mettre  fous  les  yeux 
une  vive  image  de  tout  ce  que  nôtre  divin  Sauveur  a  bien  voulu  foufFrir  pour 
nous:  mais  cet  objet  n'cft  pas  le  feul.  Plulîeurs  Convulilonnaires  exécutent  en 
quelque  forte  &  jufqu'à  certain  point  fur  leurs  corps ,  tous  les  diftcrens  fuppliccs 
qu'ils  aimoncent  qu'on  fera  fouffrir  r.ux  difciples  du  Prophét  *Elie.  Or  dans  l'u- 
ne 6c  l'autre  de  ces  reprél'entations ,  6c  fur  tout  dans  la  dernière,  il  y  afouvent 

Ohfer-jal.     IL  Part.   Time  JI.  D  plu- 


z6    IDE'E  DE  VETJT  DES  CONFULS 10 NNJ I RE  S. 
plufieurs  chofes  où  le  furnaturcl  cft  marqué  d'une  manière  fi  palpable  5c  fi  fenfî* 
blc ,  que  les  incrédules  les  plus  endurcis  en  font  frapcs  lorfqu'ils  le  voient. 
VI.  Commençons  par  rapporter  quelques  traits  de  la  peinture  fi  touchante  des 

jc/fÔX"  foufFrances  de  Jeius-Chrill. 

ceide'i.  c.     H  cll  bon  d'obfervcr  qu'il  arrive  quelquefois  que  les  Convulïïonnaires  ,  avant  de 

^j'Jé'^''o"c£,'fraper  les  fcns  par  ces  images  fi  édifiantes,  font  d'abord  des  difcours  admirables 

ton.  2^  tr^-s  patétiques,  qui  prononcés  avec  une  onétion  pleine  de  force,  ébranlent  les 

cfprits  6c  touchent  tellement  ks  cœurs  les  plus  durs  qu^ils  en  fondait  la  glace. 

On  en  a  vu  par  exemple,  montrant  un  crucifix,  parler  de  cette  forte. 

„  Regarde  pécheur  quelle  el\  l'énormité  de  ces  crimes  ,  puifqu'il  a  fallu  qu'un- 
„  Dieu  s'incarnât  &  fouffrît  un  fi  cruel  fupplice  pour  t'en  obtenir  le  pardon.. 
„  Ecoute  ton  Maître,  ton  Sauveur  6c  ton  Dieu  te  dire  du  haut  de  fa  Croix:  Je  fuis  la 
„  Sageffb  éternellement  engendrée  dans  le  fein  du  Pcre  :  je  fuis  la  fplendeur  con- 
„  fubftantielle  de  fa  gloire  :  c'eft  en  moi  qu'il  fc  voit  lui-même  :  c'eft  par  moi  6c 
„  pour  moi  qu'il  a  tout  créé. 

,,  Sa  juftice  l'obligeoit  à  vous  punir  tous  par  des  fupplices  étemels  :vousn'é- 
„  tiés  tous  que  les  rejcttons  corrompus  d'une  maffc  intcclée  par  le  premier  6c  le 
,,  plus  grand  des  crimes  :  6c  combien  d'autres  péchés  n'avcs-vous  pas  commis  vous 
„  mêmes?  Mais  ma  compafiion  pour  vous  m'a  fait  prendre  un  corps  comme  le 
„  vôtre  pour  fatisfaire  à  vôtre  place. 

„  C'eit  pour  toi  méprilable  impudique  que  j'ai  voulu  fouffrir  les  plus  cruelles 
„  doulcui's:  mais  profite  de  mon  lang  en  prenant  part  àmesfouffranccs.  En  fouf- 
„  frantpour  toi  je  n'ai  pas  prétendu  te  difpenfer  de  IbufFrir  :  ce  n'cit  pas  à  des  là- 
„  ches6cà  des  impénitens  à  qui  j'ai  promis  mon  Roiaume.  J'ai  voulu  fculcmcnr 
„  donner  un  mérite  infini  aux  travaux  de  la  pénitence ,  6c  à  tout  ce  qu'on  pourroit 
„  endurer  pour  me  plaire  ,  pour  me  fervir  6c  pour  fatisfaire  à  ma  jullice.  J'adopte 
„  toutes  les  foutfrances  de  mes  membres  :  joies  unis  aux  miennes ,  6c  je  les  préiente  à 
„  mon  Pcre  comme  étant  celles  de  fon  propre  fils.  Que  cela  te  fade  fentir  le  grand 
„  intérêt  que  tu  as  d'endurer  en  cette  vie  des  fouffrances  que  je  rendrai  d'un  fi 


de 
les 

pécheurs  impénitens.  Tu  ne  peux  aujourd'hui  fupportcr  fans  impatience  la 
„  moindre  douleur:  quel  fera  donc  l'excès  de  ton  affreux  défefpoir,  lorfque  tu  te 
„  fentiras  dévoré  pas  ces  flammes  qui  te  feront  éprouver  tout  à  la  fois  les  douleurs 
„  les  plus  cuifintcs  dans  toutes  les  parties  de  ton  corps  !  Quelle  fera  tarage  defir- 
voir  qu'un  fi  cruel  fupplice  n'aura  jamais  de  fin ,  jamais  un  moment  de  relâche  ? 
Ha  !  acpêche  toi  de  profiter  de  mon  fmg  :  il  en  elt  tems  encore  :  tu  peux  encore 
éviter  ce  châtiment  fi  terrible.  Je  tetens  les  bras  du  haut  de  ma  Croix  :embrarre 
la  avec  ardeur  6c  avec  confiance:  porte  la  toi-même  avec  empreffcment.  C'eft 
l'inflrument  de  ton  lalut  :  c'eft  le  prix  de  ta  délivrance  :  mais  il  faut  pour  en  pro- 
fiter que  tu  t'en  charges  à  ma  fuite.  Mets  ton  vilage  dans  la  poufllere,  mais  lève 
_.    __  • ^ ^ j i_  _•   1     i/--    1..  „i_: i-,..,.  :•,.  ;„,,:-  .  „.,  u.i.,»:»...j«' 


»■> 
5» 

„  en  même  tems  tes  regards  vers  le  ciel.  Vois  la  gloire  dont  j'y  jouis  :  ma  béatitude 
„  égale  ma  Toute-puillance.  C'eft  à  cette  félicité  fuprcme  que  je  t'invite  d'afpirer.. 


Je  t'offre  de  t'unira  moi-même  :  je  t'offre  de  te  prendre  pour  un  de  mes  mem- 
bres :  je  t'offre  de  te  faire  participer  à  mon  bonheur ,  à  ma  gloire ,  6c  en  quelque 
forte  à  ma  Divinité.  Je  te  comblerai  d'une  félicité  immuable,  éternelle  6c  divi-- 
ne.  Méprilc  donc  pour  y  parvenir  ces  vains ,  ces  frivoles ,  ces  infimes  plaiflrs  ,, 
qui  fcdifllpcnt,  nui  s'évaporent ,  qui  s'évanouiffcnt  dès  le  premier  inftant  que  tu 
commence  à  les  llntir  :  longe  qu'il  n'y  a  de  bonheur  véritable  que  celui  qui  ne 
ccflera  jamais  d'être  .,  C'cil 


IDEE  DE  VETJT  DES  CONFU LS  lONNATR  E  S.  27 
„  C'eft  pour  toi  av:ire  inienfc  que  j'ai  voulu  être  ainfi  dépouillé  de  tout.  Je  fuis 
„  le  Roi  de  l'univers  :  je  fuis  le  Maître  de  toute  la  terre  :  tout  m'appartient  :  tout 
j,  eft  à  moi.  J'aurois  pu  même  créer  un  million  de  mondes,  Scies  remplir  de  juiles 
,j  qui  auroient  été  fans  celle  profternésàmes  pieds  pour  m'adorer.  Mais  en  ce  cas 
5,  toute  kpoltérité  d'Adam  feroitpérie  lansreflburce  :  j'aimieuxaimé  venir  dans 
,)  ce  monde  6c  y  naître  vivre  &;  mourir  dans  la  pauvreté,  pour  te  faire  connoître 
„  combien  les  richelîes  de  la  terre  font  méprifibles.  Conçois  donc  qu'elle  eft  ta  folie 
,5  de  préférera  un  bonheur  éternel,  de  faux  biens  que  tu  vas  être  forcé  de  quitter 

4,  dans  un  moment.  Miférable  !  Ne  fais  tu  pas  que  tu  n'emporteras  rien  avec  toi 
„  de  CCS  vaines  richefles  où  tu  places  tout  ton  amour  ?  Pourquoi  fi  tu  les  aimes ,  veux 
„  tu  les  laifler  dans  une  auberge  où  tu  ne  dois  refter  que  fi  peu  de  tems?  As-tu 
j,  donc  oublié  que  tues  entré  tout  nud  dans  le  monde,  8c  que  tu  en  fortiras  de 
„  même?  Songe  que  tu  n'avois-pashierccs  faufiesrichcfles  aufquclles  tu  fiicrifie 
„  un  bonheur  infini:  fonge  que  tu  ne  les  auras  plus  demain,  8c  vois  qu'elle  eft  ton 
,j  extravagance,  de  te  perdre  toi-même  en  t'y  attachant  aujourd'hui  pour  unmo- 

5,  ment.  Les  vrais  biens  font  la  foi  qui  dédaigne  les  honneurs  du  monde,  l'efpé- 
„  rancequi  méprilc  les  plaifirs,  la  charité  qui  diftribue  avec  joie  les  biens  pafiagers 
„  8c  périfflibles.  Si  tu  veux  confervcr  toutes  tes  richefles,  mets  les  entre  mes  mains 
5,  en  les  fiiifiint  pafler  dans  celles  de  mes  membres  qui  en  ontbeibin  :  je  telesren- 
„  drai  au  centuple.  Elles  te  rachèteront  de  la  miiere  univerfelle  ,  alFreufe ,  éternelle 
„  où  tu  courois  te  précipiter  :  elles  deviendront  de  véritables  tréfors  qu'on  ne  pourra 
j,  jamais  te  ravir  :  elles  te  feront  pai-venir  à  un  bonheur  qui  n'aura  jamais  de  fin.^ 

„  C'eft  pour  toi  homme  vain  8c  tout  bouffi  d'orgueil  que  j'ai  voulu  fouftrir  défi 
,,  grandes  lumiiliations  :  mais  il  faut  y  participer  fi  tu  veux  avoit  part  à  ma  gloire. 
„  Superbe  que  tu  es,  tu  rougis  des  opprobres  dont  on  couvre  aujourd'hui  mes 
„  œuvres.  En  même  tems  que  je  parle  à  ton  cœur,  ta  vanité  y  combat  ma  grâce. 
,j  Tu  crains  d'être  enveloppé  dans  le  mépris  dont  on  déshonore  mes  cnfans:  tu 
„  voudrois  bien  me  fervir  fi  tun'appréhendois  d'être  blâmé  des  hommes.  Infenfé! 
„  Quel  vaut-il  mieux  à  ton  avis,  d'être  méprifé  ou  des  hommes,  ou  de  ton  Dieu? 
„  Je  t'avertis  que  les  orgueilleux  feront  punis  par  des  humiliations  éternelles  : 
„  qu'ils  feront  à  jamais  les  vils  elclavcs  des  Démons  :  qu'ils  deviendront  pour  tou- 
„  jours  un  objet  d'exécration  8c  d'horreur  fans  pouvoir  ie  fouftrir  eux-mêmes. 
5,  Vois  d'autre  part  quelle  fera  l'incomparable  8c  brillante  fortune  de  ceux  qui 
„  fouffi-iront  des  mépris  8c  des  outrages  pour  ra'avoir  iervi  aux  dépens  de  tout. 
„  Les  humiliations  d'ici-bas  font  des  fources  de  gloire ,  qui  réjailhifent  jufquc 
„  dans  la  vie  éternelle.  Je  recevrai  dans  mon  fein  ceux  qui  en  auront  fouftert  pour 
„  mon  nom  ;  ils  ne  feront  qu'un  avec  moi  :  ils  jouiront  de  ma  propre  gloire  :  ils 
„  brilleront  comme  des  foleils  dans  leRoiaume  de  mon  Père:  ils  feront  l'admira- 
„  tion  des  Anges ,  parce  que  les  rayons  de  ma  iplendcur  divine  les  entoureront 
„  de  toutes  parts.  „ 

Non  feulement  de  jeunes  Convulfionnaires  prononcent  de  tels  difcours  avec  di- 
gnité ,  mais  ils  repréfentcnt  delà  manière  la  plus  vive  8c  la  plus  frapante  ,fur  leurs 
vifiges ,  par  leurs  geftes  8c  toute  leur  attitude ,  les  diftcrens  fentimens  qui  font 
contenus  dans  leurs  difcours.  L'air  de  majeftéfait  bientôt  place  à  l'air  de  compaf- 
fion  :  une  impreflion  d'horreur  8c  d'eff'roi,  lorfqu'ils  parlent  des  fupplices  des  re- 
prouvés ,  le  fait  voir  dans  leur  maintien.  Dans  l'inftant  une  joie  qui  paroît  avoir 
quelque  chofe  de  celefte,  brille  iur  leur  tein  8c  dans  leurs  yeux,  lorfqu'ils  annon- 
cent le  bonheur  infini ,  dont  jouiront  ceux  que  le  fils  de  Dieu  doit  unir  à  lui-même. 

Souvent  après  de  pareils  difcours ,  le  Convulfionnaire  devient  lui-même  le  por- 
trait vivant  de  la  paillon  de  J.  C.  il  tient  fes  bras  en  croix  d'une  manière  immobile 

D  2,  pen- 


difcours    à         JLCS 
«Icje:.         péché, 


z8      IDE'E  DE   VET JT  DES  CONFULS lONNJ I RES. 
pendant  tout  le  tcms  que  dure  cette  repréfentation ,  &:  toute  l'attitude  de  fon  corps 
prend  celle  d'un  crucifix. 

Une  douleur  vive  Se  tendre,  fupportée  avec  k  patience  la  plus  héroiquc,  & 
la  réfignation  k  plus  parfaite  ,  fc  peint  avec  les  traits  les  plus  caraAerifés  fur  fon  vi- 
ivige  devenu  plombé ,  dans  fes  yeux  mourans ,  &  dans  les  treflaillemens  de  fon  corps. 
Apres  être  reftélong-tcmsdans  cet  état,  la  pâleur  de  la  mort  couvre  entièrement 
fon  vifage  :  k  couleur  de  fes  lèvres  defféchées  devient  noirâtre  :  fes  yeux  à  demi  fer- 
més paroiflent  tout  à  fait  éteins  :  fa  tête  ne  pouvant  plus  le  foutenir  tombe  fur  fa  poi- 
tiine ,  6c  i'cn  ai  même  vu  une ,  dont  k  langue  s'ctoit  fi  fort  retirée  dans  le  gofier,  qu'on 
n'en  appercevoit  plus  aucune  partie  dans  la  bouche  quiétoit  reftée  entrouverte.  A 
quoi  il  fiut  ajouter  qu'onta  vu  pluficurs  Convulfionnaires ,  dans  les  mains  defquels  le 
font  formées  fous  les  yeux  des  perfonnes  préfentes ,  des  rougeurs  ou  d'autres  marques, 
précifcment  aux  endroits  où  les  mains  de  J.  C.  ont  été  percées  par  des  clous. 

Il  eft  vrai  que  tous  ces  differcns  fimboles  ne  fe  trouvent  pas  dans  toutes  lesre- 
préfentations  de  k  paflîon  que  font  les  Convulfionnaires  :  mais  il  fuffit  qu'ils  s'ap- 
pcrçoivcnt  dafts  quelques-unes  pour  qu'on  ne  puriîe  contefter,  qu'en  général  il 
n'y  ait  dufurnaturel  dans  plufieurs  de  ces  repréientacions. 

Au  reite  le  furnaturel  y  eft  encore  bien  plus  marqué  &  plus  frap.mt,  dans  lea 
vîi.  '.  tableaux  vivans  qu'ils  mettent  fous  nos  yeux,  des  fupplices  que  doivent  endurer 
^md«rup-  pluficurs  des  difciples  du  Prophète  :_  tableaux  qui  ne  l'ont  gucres  moins  propre» 
tiicfs  dis  j  édifier  notre  piété,  que  ceux  des  fouffrances  de  notre  divin  modèle. 

'  s  premiers  excitent  en  nous  la  componétion ,  Se  nous  donnent  de  l'horreur  dii 
f ,  en  nous  fiiifiint  voir  une  image  fenfible  de  tout  ce  que  nôtre  divin  Sauveur 
â  fouftcrt  pour  nous  délivrer  des  fupplices  de  l'enfer,  2c  en  nous  faifant  réfléchir- 
combien  le  péché  déplaît  à  Dieu,  puifqu'il  l'a  puni  d'une  manière  fi  rigoureufe 
jufque  fur  fon  propre  fils  l'objet  de  toutes  fes  complaiiances,  qui  a  bien  voulu  fa- 
tisfaire  pour  nous  à  k  iulHcc. 

Les  fcconds  nous  encouragent,  nous  fortifient,  nous  confolent  ;  ils  raniment 
r.otrc  foi  Se  nôtre  confiance,  en  nous  mettant  fous  les  yeux  avec  quelle  profufiot> 
Dieu  prodia;uc  les  merveilles,  pour  nous  afllarer  qu'il  fera  lui-même  lefoutien  de 
ceux  qui  fouffriront  pour  la  "Vérité,  6c  qu'il  leur  fera  trouver  leur  bonheur  dans 
les  foufirances  mêmes,  par  la  vive  efpcrance  de  la  félicité  fuprêmc  qui  en  fera 
cternellcmewt  la  récompenfe.  C'eft  par  d'admirables  prodiges  encore  plus  que  par 
les  difcours  que  Dieu  touche  nos  cœurs,  6c  qu'ilnous  fait  dire  par  le  miniftcre  6c 
k  bouche  des  Convulfionnaires. 
LM.ii  3:.  ,y  Ne  craignéi-point petit  troupeau^  refte  de  laGentilitérefervéparmiféricordc  - 
„  ne  craignes  point ,  car  il  a  plù  à  votre  Père  de  vous  donner  fon  Roiatime.  11  vous  a 
„.  aimé  d'un  amour  éternel  :  il  vous  aime  de  ce  même  amour  dont  il  aime  fon  pro- 
„  pre  fils,  parce  qull  vous  deiline  à  faire  partie  de  ce  fils  unique,  6cà  jouir  con-- 
„  jointemcnt  avec  lui  de  la  gloire  6c  de  fon  bonheur.  Mais  il  veut  que  vous  le  fui- 
„  vies  auparavant  fur  le  calvaire.  N  'appréhendés  point  votre  foiblcflc  ,  J.  C.  fera  lui- 

„  même  vôtre  force.  Ne  craignes  point  ceux  qui  tuent  le  corps lescbtveux  même 

ibid.T.  47.^^  ^^  ^.^ij.g  ^^fg  i^g^if  fg,^^  comptés .  Dites  avec  le  Roi  Prophète  :  k  Seigneur  ejî  ma  lumic' 
rr  ifi  1  -.  "  ''*'  ^  mon  faht^ii  craindrai- je.  Le  Seigueur  efi  le  déjenfeur  de  ma  vie ,  qui  pourra  me 

*»  s'    '  *  >»  /"^'■^  trembler  f ^and  des  armées  fer  oient  campées  contre  moi.  ^  mon  cœur  n'en 

yj  ferait  point  effrayé. 

y,  C'eft  pour  augmenter  vôtre  confiance  que  ce  Dieu  Je  bonté  étale  tant  de  mer- 
„  veilles  u  vos  yeux.  Confidércs  avec  quelle  alTurance,  avec  quelle  intrépidité  nous 
,,  nous  mettons  au  milieu  des  Hammcs  fans  en  fcntir  aucune  imprclllon  :  nousnous 
„.  f.ufoQs  ttranglcr  comme  û  nous  étions  pendus  àdcs  gibets  :  nous  nous  failbns  at- 

-.y.  ta-- 


ÎDE'E  DE  VETJT  DES  CONFULS lONNJ IRES.      19 
y,  tacher  comme  fî  nous  étions  fur  la  roue  &  l'on  nous  donne  les  coups  les  plus  aflb- 


>3 


73 


„  fomans  f;;ns  que  nous  enrecevionsaucuneatteinte.Dieu  veut  vous  apprendre  par 
„  tous  ces  prodiges,  qu'il  ne  les  épargnera  pas  pour  ceux  qui  mettent  en  lui  toute 
„  leur  confiance:  regardés  avec  quelle  magnificence  il  les  prodigue  fous  vos  yeux 
„  pour  vous  inûruire  de  cette  Vérité  &  pour  vous  donner  l'afllirance  qu'il  viendra  à 

vôtre  fecours. 

„  Ce  n'eft  pas  néanmoins  fon  deflein  devons  épargner  entièrement  les  fouffrancesr 

votre  facrifice  importe  à  fa  gloire  ,  &  eft  néceffiure  pour  votre  falut  :  il  faut  que 
„  vous  rempliillés  votre  vocation.  Mais  il  vous  déclare  par  ces  prodiges  que  vous 
„  poflederés  votre  ame  dans  k  patience ,  &  que  la  vivacité  de  votre  efpérance  vous 
5,  y  fera  trouvervotrcbonhcur.  C'eftfaprovidence  quiregle  &quiarrangc  tous  les 
„  événemens  :  les  hommes  ne  font  que  d'impuiflantes  macliines ,  qui  renferment  une 
5,  ame  qui  n'a  en  propre  que  fa  volonté ,  laquelle  fait  fes  mérites  &  fcs  crimes  : 
j,  mais  elle  ne  peut  rien  exécuter  que  par  l'aftion  de  Dieu.  C'eft  Dieu  feul  qui  opé- 
„  re  tout  le  mouvement  dans  l'univers  :  il  ne  permettra  pas  que  vous  foies  tentés  oli 
„  delà  de  vos  forces  :  vous  ne  pouvés  fouftrir  qu'autant  qu'il  le  voudra,  &  qu'il  l'exé- 
,•,  cutera  lui-même  :  il  connoît  votre  foibleiïê  :  il  mcfurera  le  degré  de  vos  fouffran- 
„  ces  précilement  audegré  de  gloire  qu'il  vous  a  préparé ,  &  au  degré  de  force  qu'- 
„  il  vous  donnera.  Ne  craignes  donc  point  petit  troupeau  :  hâtés  au  contraire  cet 
,5  heureux  moment  par  vos  defirs  les  plusempre{îes&  les  plus  ardens.  Ne  craignes 
„  point:  vous  pouvez  tout  en  celui  qui  vous  fortifie  :  vous  êtes  foibles  à  la  Vérité ,  £c 
„  bien  plus  foibles  encore  que  vous  ne  penfés  :  mais  Dieu  eft  infiniment  plus  puii- 
„  fant  que  vous  n'êtes  foibles.  Ne  craignes  point  ^vonsâxt-W^parcequeicvousarra-  iraïe.  43. 
„  chetés ,  ne  craignes  point ,  ^  la  flamme  fera  fans  ardeur  pour  vous  parce  que  je  fuis  "'  ''  '* 

„  ïe  feignear  votre  Dieu^'jous  êtes  à  moi Lorfque  vos  marcherés  dans  le  feu ,  vousvCio.v,  16. 

„  n'en  feres  point  brûlés  .^  Dites -lui  donc  avec  une  ferme  confiance  :  vous  êtes  mon 
3,  Dieu ,  mon  fort  eft  entre  vos  mains  :  vous  me  lauverés ,  parce  que  j'ai  mis  en  vous 
j,  mon  efpérance  :  jeneierai  point  confondu,  parce  que  je  vous  ai  invoqué. 

„  Quel  pouvoir  ceux  qui  combattent  la  Vérité  pourroient-ils  avoir  furies  Elus, 
^  eux  pour  qui  le  Tout-Puiflant  a  fait  le  ciel  &  la  terre ,  &  en  faveur  de  qui  il 
„  a  arrangé  tous  les  événemens?  s'ils  vous  frapent  ,  fongés  que  ce  n'cft  que 
„  par  la  permifiîon  de  celui  qui  veut  vous  en  recompenfer  avec  une  libéralité- 
„  divine  :  regardés  les  coups  qu'ils  vous  portent  comme  des  pierres  prétieuics 
„  qu'ils  attachent  à  votre  couronne:  ne  perdes  pas  de  vue  que  la  recompenfccn 
„  fera  éternelle.  Chaque  iniirant  de  fouffrances  produira  un  furcroit  de  bonheur 
„  ic  de  gloire  qui  ne  finiront  jamais.  Ah!  Seigneur  !' avec  quelle  magnificence 
5,  repandés-vous  vos  faveurs  fur  vos  Elus  !  une  éternité  pour  un  moment  ! 

„  Ceux  qui  mettent  lair  confiance  dans  le  Seigneur  feront  inébranlables  comme  la  mon-  pr.  1 14.^  i»  • 
j,  tagnede  Sion,  dit  le  Roi  Prophète.  Celui  dont  les  defirs  tendent  avec  ardeur  vers  le 
„  bonheur  infini  de  jouir  éternellement  de  Dieu  même,  ne  iTgardcrp  ceux  qui  le- 
„  fraperont  que  comme  des  inilrumens  de  la  miféricorde  deDieu,  qui  le  fera  par' 
„  ce  moien  profiter  du  mérite  des  fouffrances  defon  fils.  Sans  fa  grâce  le  moindre 
3,  péril  vous  renverferoit  ■  avec  fa  grâce  dans  les  plus  grands  vous  fcrésinvincible^.^ 
,,  Elle  vous  ell  i"iécefiaire  pour  vous  foutcnir  contre  la  moindre  attaque  :  elle  vcas" 
„  fuffit  pour  triompher  des  plus  violentes.  C'efl:  principalement  dans  les  plus  grands; 
„  dangers  que  le  Tout-puillant  fc  plait  à  fortifier  ceux  quin'efpérent  qu'en  lui,, 
„  parce  que  c'eft  pour  lors  que  lapuilTiincedelagraccéclattc  avec  plus  de  gloire.. 

„  ^giflés  donc  avec  courage  (3  fortifés-vous  dans  votre  confiance  :  m  foie  s  point  émus  D«ar.-  jj  ;  jf . 
,5  de  fraieur  à  la  vue  de  vos  ennanis ,  parce  que  le  Seigneur  votre-  Dieu  eft  vôtre-  ccr.'- 

„  duUeur  ^  if!  quil  m-  vras-abandeantrafas h  Seigwur-vôty^DieH  eft  au  ?^-i\Ai.-i.w.ti,- 

5,  lieitdevous.  D  5  '    ,yLe-: 


M 


Ztcb.  2.  >-. 


30      IDE'E  DE  VET  AT  DES  CONFULS  ION  N  AIRES. 

tf  4f.  II.     ,,  Le  Seigneur  des  années  ejl  avecuous  :  le  Dieu  de  Jacob  cjl  notre  défenfeur.  Je  ferai 

„  moi-même  ,  dit  le  Seigneur  .^  un  mur  de  feu  qui  vous  environnera  de  toutes  parts. 

Qiiand  vous  verriés  l'abimc  ouvert  fous  vos  pieds ,  ne  craignes  donc  point  :  jetrés- 

vous  hardiment  entre  les  bras  de  votre  Dieu,  il  ne  le  retirera  point  pour  vous  laif- 

fer  tomber:  il  vous  recevra  fur  fa  main;  il  vous  délivrera  }  il  vous  fauveraj  car 

votre  ficrificc  fera  votre  filut  :  votre  mort  fera  votre  vie  :  votre  mort  fera  une 

fourcc  d'immortalité  dans  le  fein  de  Dieu  même.  Le  ciel  Sc  la  terre  p.iflcront  :  mais 

les  paroles  par  lefquelles  il  a  promis  avec  ferment  de  ne  point  abandonner  tous 

„  ceux  qui  efpérent  en  lui,  ne  palîeront  jamais. 

„  Voies  jufqu'à  quel  point  il  fait  aujourd'hui  éclattcr  fa  miféricordc:  il  va  ramaffcr 
„  le  pauvre  dans  la  pouilîerc  :  il  va  le  chercher  jufque  dans  le  fumier,  &:  il  le  comble 
de  fes  dons.  Confidcréscc  qu'il  fiit  pour  nous  :  nousnefommes  la  plupart  que  des 
trompétcs  retenti  (Tantes:  nous  ne  fommes  que  des  airains  fonans;  cependant  c'eft 
dans  ccsinftmmens  vuides  de  toute  vertu  qu'il  lui  plaît  de  mettre  une  confiance  fi 
„  parlaite  en  fon  fccours ,  qu'elle  nous  rend  la  plupart  inébranlables  à  toutes  les  mc- 
„  naces  des  hommes.  Nous  fommes  à  toute  heure  expoies  à  être  enfermés  dans  les 
„  plus  trilles  prifons ,  <5c  nous  nous  y  attendons  fans  en  refientir  aucune  peine:  nous 
„  lavons  que  plufieurs  d'entre  nous  iont  delHnés  à  la  mort,  &  nous  nous  y  prépa- 
rons fans  aucune  crainte.  Un  foufflcde  votre  bouche ,  0  Dieu  Tout-puilTant  fuffit 
pour  nous  donner  une  intrépidité  que  rien  n'ébranle,  parce  que  vous  nous  avés 
appris  que  votre  force  fe  plait  à  paroitre  dans  notre  foiblelTe  ,  &  à  foutcnirleplus 
humble  rofcau ,  le  plus  foible  &c  le  plus  fragile  contre  les  vents  les  plus  impétueux, 
tandis  qu'un  fouffle  vient  d'abbattre  plufieurs  des  Cèdres  du  Liban ,  peutêtre  par- 
„  ce  qu'ils  avoicnt  mis  leur  confiance  dans  leurs  propres  forces. 

„  Ha  mes  frères!  Ne  celFés  point  d'être  bien  convaincus  de  vôtre  foiblciTe:  plus 
„  vousfcrés  pénétrés  de  ce  fentiment,  plus  vous  ferés  forts  :  celui  qui  ne  met  iacon- 
,,  fiance  que  dans  le  fecours  du  Tout-puiOant ,  trouve  une  lource  intarilTable  de  for- 
,,  ces  dans  la  perfuafion  de  fon  propre  néant ,  parce  qu'il  rend  gloire  par  là  à  la  bon- 
„  té  &  à  la  puilTance  de  celui  dont  il  attend  le  fecours.  Aulfia-t-il  folemnellement 
,,  juré  que  quiconque  mettra  en  lui  feul  toute  fonefpérance,  fera  fur  de  vaincre  les 
„  hommes,  les  Démons,  &;  la  mort. 
If.  fa.  I  5?  QP^  pourries -vous  donc  avoir  à  craindre  ;  lehras  de  Dieu  efl-il  donc  racourci , 
„  6?  ne  peut-il  pins  vousfauver ,  lui  qui  fait  éclatter  tant  de  merveilles  fous  vos  yeux, 
„  pour  vous  donner  des  gages  de  l'on  fecours  &  de  fa  protection  déclarée  ?  N'appré- 
„  hcndés  donc  plus  leshommes  :  Dieu  ne  cefle  de  verfer  l'huile  de  les  confolations 
„  dans  un  vafe  préparé  par  la  refignation  Scia  confiance.  Nous  lommcs  indignes  de 
„  les  grâces ,  mais  fon  amour  n'attend  pas  nos  mérites:  il  n'a  fa  fource  que  dans  fon 
„  élection  toute  gratuite  :  c'e 11  lui  q^ui  met  en  nous  les  mérites  qu'il  y  veut  aimer  : 
„  c'eft  dans  lui-même,  c'cil  dans  le  tond  infini  de  la  bonté  qu'il  trouve  lesmotiftqui 
Eccif.i.  1;.  îî  le  portent  à  exercer  fur  nous  fv  miféricordc.  Malheur  à  ceux  qui  manquent  de  cœur  ^ 
▼•  »•         „  qui  ne  fe  fient  peint  à  Dieu ,  y  que  Dieu  par  cette  rai  fon  ne  protège  point.  Efpérés  au 

„  Seigjieur  (^  il  vous  fera  miféricorde.,  &  fa  miféricorde  fera  votre  joie. 
I.  mkc.  i.     5,  A^<^  cTAignés  pas  les  paroles  i^  les  menaces  d'un  homme  pécheur .,  parce  que  fagloire 
éj.  &  6j.  ^^  fi'gji  qng  f{f  l'ordure  (J  la  pâture  des  vers.  Il  s'élève  aujourd'hui  (s/  il  difparoltra 
„  demain  ;  parce  qu''il  fera  retourné  dans  la  terre  d'oit  il  ejl  venu ,  ^  que  toutes 
„  fes  pcnfées  feront  évanouies. 
ir«.  8.  11.       „  Ne  craignes  donc  point  les  menaces  des  hommes  6?  m  vous  en  épouvantés  point. 
„  N'appréhendés  que  de  déplaire  à  Dieu:  comme  il  veut  être  feul  l'objet  de  vôtre 
«poe.i4.7.>j  îi"ioui'  il  veut  aufli  être  feul  l'objet  de  vôtre  crainte.  Craignes  le  Seigneur  ^  rendes 
„  lui  gloire  ....  i^  adorés  celui  qui  a  fait  le  ciel  î^  la  te/rc. 

„  Son- 


55 


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55 
51 

■>> 


IBE'E  DE  VET  AT  DES  CONFU  LS  ION  NJI RES.      u 

5,  Songes  qu'il  vous  a  choifis  pour  vous  unir  éternellement  à  fon  fils  :  ne  foies  plus 
„  de  ce  monde:  habités  déjà  dans  le  ciel.  Soies  déjà  par  votre  foi,  votre  efpéran- 
„  ce  &  votre  amour  les  citoicns  dekmêmccitéquc  les  Saints.  Neperdés  point  de 
5,  vue  que  Dieu  vous  y  prépare  une  félicité  vraiment  digne  de  fa  bonté  qui  eft  infinie, 
„  de  fa  puifTancc  qui  n'a  point  de  bornes,  de  la  grandeur  de  fa  magnificence  qui 
5,  cft  au  dcfitis  de  toute  cxprefîîon. 

„  Ah  quel  éclat  delumiere!  Levés  touslatête:  levés  lesyeux  auplusvîtc:  regardes 
„  lescieux  quis'entr'ouvrent:  n'yvoiés-vous  pas  vôtre  divin  Sauveur  tout  brillant 
„  de  gloire  qui  vous  regarde  avec  complaifance  :  voies  comme  il  vous  tend  les  bras. 
„  Ecoutés  il  vous  appelle  :  c'eft  à  vous  à  qui  il  dit  :  confcfles  toute  Vérité  devant  les 
„  hommes ,  &  je  vous  confeiTerai  devant  mon  Père  :  ne  craignes  point  des  douleurs 
„  d'un  moment  :  hatés-vous  de  venir  jouir  avec  moi  de  ma  félicité  divine.  „ 

QUELLE  impreflîon  ne  doivent  point  faire  de  pareils  difcourslorfqu'ilsfetrou-j,^^^Jf'J;j_ 
vent  autoriies  parles  plus  étonnans  prodiges  ?  Un  volume  ne  fuffiroit  pas  pour  les  t>r.n  du  fup- 
rapporter  tous.  D'ailleurs  comme  la  plupart  de  ces  prodiges  font  partie  de  ceux''''"''"^'"'' 
qui  ont  donné  lieu  aux  fecours ,  que  j'examinerai  dans  la  4'.  partie  de  cet  Ecrit,  je 
me  contenterai  de  rapporter  ici  la  repréfentation  du  fupplicc  du  feu,  que  je  choi- 
fis préférablement  à  tout  autre  ,  parce  que  j'en  trouve  la  preuve  dans  l'Ecrit  de 
l'Auteur  des  Vains-efforts,  qui  en  voulant  fiiire  regarder  ce  fpeéiracle  comme  une 
chofc  indécente  Se  condamnable,  fournit  en  même -tcms une  preuve  complette,- 
qu'il  y  a  eu  un  furnarurel  évident  dans  cette  repréfentation. 

Voici  la  defcription  qu'il  fait  des  fçenes  fcandalenfei^  dit-il,  qu'a  donaées  à  tant- 
de  reprifes  différentes  la  Sonnet  dite  la  falamandre . 

Au  furplus  comme  ce  récit  ell  envenimé  de  toute  la  malice  que  la  critique  l^forTs.'p!i-*a! 
plus  mordante  peut  inventer,  &  que  la  circonftance  la  plus  frapantey  cft  omifc,i7t-  N"'"- 
le  leéteur  me  permettra  de  relever  par  quelques  remarques  le  défaut  d'exaétitude 
qui  s'y  rencontre,  Se  de  paiTer  les  circonftanccs  inutiles  ou  apocriphes  ,  qui  n'ont 
cté  forgées  par  l'efprit  ennemi  des  œuvres  de  Dieu  que  pour  tâcher  de  deshonorer 
s'il  pouvoir  les  plus  grands  prodiges. 

„  La  Sonnet  (dit  cet  Auteur)  paffbit  dcrriereunctapiflcricoùon  ladeshabilloic 
„  jufqu'à  la  chemifc  Se  une  petite  camifole  exclufivemenr  :  &  fans  doute  qu'elle- 
„  avoit  alors,  non  des  valets  de  chambre,  mais  des  femmes  de  chambre.  Enfuirc 
„  on  l'enveloppoit  dans  un  drap  que  l'on  attachoit  avec  de  fortes  épingles.  „ 

Il  n'eft  point  vrai  que  fous  le  drap  qui  l'enveloppoit  de  toutes  parts,  ellcn'ciîr 
que  fa  chemife  {5?  une  camifole  exch'.fivement.  Elle  gardoit  un  corcet  ,  un  jupon  8c 
des  bas.  L'aftcétation  maligne  avec  laquelle  on  a  mis  fans  «^w;/^  pour  laificr  le  leéteur 
dans  uneefpcce  d'inccrtinidc  fi  c'étoient  des  hommes  ou  des  femmes  qui  la  dcsha- 
billoient ,  fait  voir  quel  eft  l'efprit  qui  a  préfidé  à  la  redaftion  de  ce  récit ,  qui 
bien  certainement  n'eft  pas  celui  de  Dieu.  La  Sonnet  n'a  point  cefle  pendant  îcS' 
convulfions  de  demeurer  avec  fa  mère,  &  c'a  toujours  été  elle  qui  la  deshabilloit: 
dans  une  efpece  de  petit  cabinet  qui  étoit  caché  derrière  une  tapiflerie. 

„  Ainfi  légèrement  emmaillotée  (continue  le  récit)  elle crioit tabous,  tabous,, 
„  ce  qui  vouloir  dire  tabourets  :  &:  auffi-tôt  deux  frères  portoicnt  près  de  lâche— 
„  minée  oii  il  y  avoit  bon  feu,  deux  tabourets  fur  lefquels  onpolbit  la  Sonnet: 
„  qui  de  cette  opération  avoit  reçu  le  nom  de  Salamandre.  „ 

Il  femble  à  en  juger  par  les  termes  de  cette  relation  ,  qu'on  ne  plaçoirlcs  tabou- 
rets que  vis  à  vis  le  feu.  Or  c'cft  un  fait  qui  a  été  vu.  peut-être  plus  de  cent  fois*" 
par  des  perfonnes  fans  nombre,  &  de  toute  condition ,  parconféquentc'eftunfait: 
qu'on  ne  peut  révoquer  en  doute,  qu'à  chaque  repréfentation  ces  deux  tabourets,,, 
qui  étoient  de  fer  àrexccption  de  deux  planches  fur  lefqucUcs  la  Sonnet  apjuioit  fa; 


ji  IDE'E  DE  L'ETAT  DES  CON FU LS 10  NN A fRES. 
tète  &  fespicds,  ctoient  mis  dans  la  cheminée  des  deux  côtésdufeu,  enlbrtc  qwc 
lorfque  cette  fille  fe  inettoit  deffus,  elle  étoit  précifément  au  defTus  des  flammes , 
6c  que  quelque  grand  feu  qu'il  y  eût:,  non  feulement  elle  n'en  fouffroit  aucune  in- 
commodité ,  mais  même  le  drap  dans  lequel  elle  étoit  enveloppée  n'a  jamaisété 
endommagé,  ni  feulement  roufll ,  quoiqu'il  fut  quelque  fois  dans  la  flamme. 

Comme  ce  fait,  quoique  public  ,  ne  manquera  pas  de  paroître  incroiable  à  ceux 
qui  n'ont  pas  vu  les  prodiges  qite  Dieu  opère  fur  lesConvulflonnaires,  leleftcur 
ne  trouvera  pas  mauvais  que  pour  en  aflurer  la  vérité  d'une  manière  inconteflable, 
je  rapporte  ici  une  cfpccc  de  procès- verbal  qui  en  a  été  Riitpar  onze  pcrfonnes , 
d<int  la  plupart  font  d'une  condition  Se  d'un  mérite  qui  ne  peuvent  laiffcr  aucun  dou- 
te fur  la  vérité  de  leur  témoignage.  Ony  trouvera  entr'autres  un  Mildrd  Anglois, 
qui  a  été  converti  parles  miracles  6c  le  furnaturel  évident  des  convulfions. 

„  Nous  foullîgnés  François  Defvernays  Prêtre  Doéteur  en  Théologie  de  h 
„  inaifon  8c  fociété  de  Sorbonne,  Pierre  Jourdan  licencié  de  Sorbonne  Chanoine 
„  de  Baycux ,  Milord  Edouard  de  Rumond  de  Pcrtli ,  Louis  Bazilc  Carré  de 
„  Montgeron  Confeiller  au  Parlement,  Armand  Arouet  Tréforier  de  la  Cham- 
„  brc  des  Comptes,  Alexandre  Robert  BoindinEcuier  Sieur  de  Boibellin  ,  Pierre 
„  Pigeon  Bourgeois  de  Paris,  Denis  Villot  Bourgeois  de  Paris,  Jean  Baptiltc 
,»  Cornet  Bourgeois  de  Paris,  Loiiis  Antoine  Archambault,  6c  Amablc  François 
,,  Pierre  Archambault  fon  frerc  E,cuiers  :  certifions  que  nous  avons  vu  ce  jour- 
„  d'hui  cntrcS. 6c  i  o.  heures  du  foir  la  nommée  Marie  Sonnet  étant  cnconvulfion, 
,,  la  tête  fur  un  tabouret ,  6c  les  pieds  fur  un  autre  ,  lefdits  tabourets  étar.t  entiére- 
„  ment  dans  les  deux  côtés  d'une  grande  cheminée  6c  fous  le  manteau  d'iccUc, 

cnforte  que  fon  corps  étoit  en  l'air  au  defllis  du  feu  qui  étoit  d'une  violence  ex- 

55 


„  trême  ,  ^  qu'elle  cil  reftéel'cfpacede  3<î.  minutes  en  cette  fituation,  en  quatre 
,,  différentes  reprifes ,  fans  que  le  drap  dans  lequel  elle  étoit  enveloppée  n'aiant 
,,  pas  d'habits,  ait  brulc  quoique  la  flamme  paflVit  quelquefois  au  deflus  :  ce  qui 
„  nous  a  paru  tout  à  fait  furnaturel.  En  foi  de  quoi  nous  avons  figné  ce-jourd'hui 
„  iz.  Mai  \r]6.  ,,  Signé  DeiVcrnavs,  Jourdan ,  E.  D. Rumond  dePerth,  Carré 
de  Montgeron,  Armand  Arouet,  Boindin,  P.  Pigeon,  Denis  Villot,  J.  B.  Cor- 
net, L.  A.  Archambault,  A.  F.  P.  Archambault. 

„  Plus  nous  certifions  que  pendant  que  l'on  fignoit  le  préfent  certificat,  ladite 
,,  Sonnet  s'cll  rcmife  fur  le  feu  en  la  manière  cy  deflus  énoncée ,  6c  y  eil  reliée  pen- 
,,  dant  p.  minutes,  paroiflant  dormir  au  deflus  du  brafier  qui  étoit  très  ardent,  y 
5,  niant  eu  i  f  .bûches  6c  un  cottcret  de  brûlés  pendant  Icfdites  deux  heures  6c  quart. 
„  Fait  ledit  jour  6c  an  que  deflus.  „  Signé  Defvernays,  Jourd.m  ,  E.  de  Rumond 
de  Perth,  Carré  de  Montgeron,  Armand  Arouet,  Boindin,  P.  Pigeon,  D  Villot, 
L.  A.  Archambault,  A. F.  P.  Archambault.  Et  plus  bas  cfl:  écrit:  contrôlé  à 
Paris  le  il.  Mars  1740.  reçu  11.  fols  figné  Pipereau. 

Quelle  étoit  la  violence  extrême,  queïle  étoit  l'ardeur  dévorante  d'un  feu  qui 
en  deux  heures  a  pu  réduire  i  f.  bûches  en  cendres  !  Qiiel  prodige  qu'une  pcrfon- 
jic  fc  couche  fans  cminte  immédiatement  au  defllis  d'un  feu  li  ardent  :  qu'elle  y  relie 
lî  tranquille  qu'elle  femble  y  dormir:  6c  que  l'on  drap  qui  étoit  dans  les  flam- 
mes 6c  même  au  deflus  duquel  les  flammes  pafloicnt  quelque  fois,  y  ibitrelté  fans 
en  recevoir  aucune  atteinte  ?  Mais  quel  autre  prodige  encore  plus  grand  ,  qu'il  y 
ait  des  gens  qui  loin  d'être  frapés  d'une  telle  merveille,  foicnt  capables  de  la 
tourner  en  ridicule  ! 

Au  relie  cette  Convulfionnairc  demcuroit  quelque  fois  dans  le  feu  bien  plus  long- 
tcms  qu'elle  n'y  ell  reliée  le  jour  que  ce  procès-verbal  à  été drefl'é:  l'Auteur  des 
Vains-cfforticn  rend  lyi-uiêmc  lémoigiuge  :  il  déclare  dans  la  relation,  qu'ordi- 


naire- 


IDE'E  r>E  VETJt  DES  CO NFU LS ION N AIRE  S.  ?? 
■nairement  la  Convulftonnaire  demeuroit  expofée  au  feu  le  tems  néceJJ'aire  pour  faire 
rôtir  une  pièce  de    mouton  ou  de  veau. 

Quoi  ?  Cet  auteur  convient  que  la  Convulfionnaire  demeuroit  aflezlong-tems 
expofée  au  feu  pour  que  fon  corps  fût  entièrement  pénétré  par  les  pointes  brûlan- 
tes des  flammes  ,  au  même  point  que  le  font  des  viandes  rôties,  dont  lafubftance 
change  de  qualité  :  il  convient  en  même-tems  eue  la  Convulfionnaire  n'en  rcfTen- 
toit  aucune  impreffion,  &  que  le  drap  qui  l'enveloppait  n'a  point  été  pendant  un 
fi  loîîg-tems  entamé  par  les  flammes  v&  cependant  un  tel  prodige  ne  lui  paroit 
digne  que  de  mépris  !  Quel  eft  donc  le  llèclc  de  fer  dans  lequel  nous  vivons  ?  Quel- 
le eft  donc  aujourd'hui  la  dureté  des  cœurs  ?  Quelle  ell  l'infcnfibilité  léthargi- 
que des  âmes  ? 

Quels  eflPets  n'ont  point  produit  autrefois  des  prodiges ,  dont  la  plupart  étoient 
bien  moins  frappans?  Lorfque  Pierre  Ignée  pafîli  entre  deux  bûchers  ardens  en 
1067.  à  la  vue  de  toute  la  ville  de  Florence  pour  prouver  que  Pierre  de  Pavie 
Evêque  de  cette  ville  étoit  entré  par  la  fimonie  dans  l'épifcopat ,  Dieufefervit 
de  ce  prodige  pour  convertir  fi  bien  cet  Evêque  qu'il  fe  fitÀIoine  dans  le  cou- 
vent de  Pierre  ïgnée. 

Aujourd'hui  Dieu  nous  prodigue  des  merveilles,  qui  fotis  certain  point  de  vue 
font  encore  plus  étonnantes  :  ce  n'cll  pas  feulement  entre  deux  braficrs  quepafle 
une  Convulfionnaire,  mais  elle  demeure  au  delîus  d'un  bralier  très  ardent  pendant 
un  tems  confidérable  :  elle  relie  tranquille  au  milieu  des  flammes  ;  &  les  flammes 
perdent  à  fon  égard  toute  leur  chaleur:  leur  vivacité  n'a  plus  même  la  force 
de  faire  aucune  impreflîon  fur  le  linge  dont  elle  eft  couverte.  Cependant  non 
feulement  cela  ne  convertit  point  d'Evêque ,  ce  qui  cil:  une  des  plus  grandes 
oeuvres  de  la  droite  du  Tout-puiflant  :  mais  des  Appellans  traitent  avec'le  der- 
nier méprisées  prodiges  faits  en  faveur  de  l'Appel  !  En  1067.  le  Pape  admira  la 
foi,  le  zèle  ,  6c  l'intrépidité  de  Pierre  Ignée,  &  le  fit  Cardinal:  en  1737.  des 
Appellans  oient  qualifier  de  fç'ènesfcaiidaleufesï^s  merveilles  que  Dieu  opère  pour 
-augmenter  notre  zèle,  &  notre  confiance. 

II  eft  bon  d'ajouter  ici,  pour  éviter  toute  contradiftion  par  rapport  aux  faits, 
que  la  Convulfionnaire  dont  parle  l'auteur  des  Vains  efforts ,  r/a  pas  chaque  jour 
repréfenté  le  fupphcedu  feu  de  la  même  manière,  6c  que  lorfqu'cllc  l'a  fait  d'une 
façon  dift^érente,  le  prodige  n'a  pas  été  accompagné  des  mêmes  circonftanccs.  [e 
l'ai  vue  par  exemple  f .  ou  6.  fois,  uutfi  bicnqu'une  multitude  d'autres  pcrfonncs, 
fe  mettre  les  deux  pieds  chauffés  au  milieu  d'un  brafier  ardent  :  pour  lors  le  feu 
ne  refpcétoit  point  Icslouiieis,  ainn  qu'il  paroiffuit  avoir  refpeété  l'on  drap  :  les 
fouliers  s'embraloicnt  5  la  flamme  y  prenoit,  fie  la  femelle  fe  reduifoit  en  cendres, 
fans  que  la  Convulfionnaire  rellcntît  aucune  douleur  à  les  pieds,  qui  relloicnt  un 
tems  confidérable  au  milieu  du  feu.  J'ai  eu  même  une  fois  ou  deux  la  curiofité 
d'examiner  fi  les  femelles  de  l'es  bas  étoient  brûlées  ainfi  que  l'es  fouliers  :  la  femelle 
tomba  en  poufiîerc  aufii  tôt  que  j'y  touchai,  enfortc  qu'une  partie  dudcffous  de 
fon  pied  reila  nud. 

Qiioique  ce  prodige  d^avoir  ainfi  les  pieds  dans  le  feu  ne  paroiffe  peut-être  pas 
auffi  frappant  que  d'avoir  tout  le  corps  dans  l's  flammes,  néanmoins  en  le  coniî- 
derant  avec  attention  il  n'ell  pas  moins  adnurable  :  fie  leurs  différentes  circon- 
ftances  réunies  manifeilent  de  plus  en  plus  que  le  Tout-puiffant  a  pu  feul  être 
l'auteur  de  l'un  fie  de  l'autre.  Dans  le  premier,  les  flammes  fe;n!->lcnt  avoir  chan- 
gé de  qualités  &  avoii  perdu  toute  leur  force,  puitqu'elles  ne  font  p.is  même  au- 
cune imprcflîon  iur  le  linge.  Dans  le  fécond  au  contraire,  le  feu  conferve  toute 
la  vivacité  de  fon  action ,  puil'qu'il  brûle ,  enflamme  6c  coiilume  les  foUlicrs  6c  les 

Qhfcf-jat.  H.  Part.  Tunn  IL  E  bas: 


34     IDE'E  DE  VEtJT  DES  CO NFULS TO  NNJIRES. 
bas  :  mais  a'cft-ce  pas  une  merveille  que  celui  feul  qui  le  dirpenfc  quand  il  lui  plaît 
des  loix  qu'il  a  impolc  à  la  nature,  peut  exécuter,  qu'en  même  tcms  ce  feu  ne 
caufe  pas  la  moindre  douleur  8c  ne  porte  pas  la  moindre  atteinte  ni  à  la  peau  ni  à 
la  chair  des  pieds  qui  font  11  délicates  &  îi  fenfihles  ? 
IX.  CE  n'eil  pas  ainlî  que  raifonnc  M.  le  Docteur  A,  dans  la  LcMre  fatiricinc  qu'il 

^ctvedu'*    a  fliite  contre  cette  Convulilonnaire.  Mais  il  me  fera  aifé  de  convaincre  le  lecteur 
UuiteurA.  quc  tout  y  cft  également  luppofé,  £c  la  plupart  des  faits  outrageux  qu'il  avance 
contre  cette  fille,  &  les  deux  prétendus  principes  de  Théologie  fur  Icfquels  il  fc 
fonde  pour  prouver  que  les  convuUlons  venoient  du  démon, 
tfrt.da        II  rapporte  lui-même  qu'elle  ne  recevoit  aucune  atteirite  ia  feu  ttu  milieu  des 

DoA.  A,    flammes  t3  étendue  fur  les  brafiers  les  plus  ardens  : qu'après  avoir  pofé  f  épine  de 

*"'  ''  fon  dos  fur  un  pieu  «igu ,  on  lu:  laijfàt  tomber  en  fuite  fur  le  "jentre  du  haut  du  plan- 
cher une  pierre  du  poids  de  cinquante  livres ,  c'étoit  un  foulagement  pour  elle  :  .  . . 
gu'on  lapreffat  de  toutes  les  forces^  plufieurs  hommes  à  la  fois  ^  avec  des  broches  de 
fer ,  les  pointes  appliquées  contre  fa  gorge  ou  contre  fa  poitrine ,  ces  parties  de  fon  cirps 
ti'en  étaient  aucunement  entamées. 

Il  convient  encore,  qu'elle  s'efl  fait  admirer  par  fes  belles  prières ^  par  fcs  pré- 
dirions^ par  fes  difcours,  par  fes  extafes.  A  quoi  il  auroit  du  ajouter  que  Dieu 
s'eil:  fcrvi  plus  d'une  fois  de  toutes  ces  merveilles  pour  convaincre  des  incrédules, 
5c  pour  toucher  des  pécheurs. 

Cependant  malgré  tout  cela  M.  le  Docteur  K.  a  conçu  de  fi  hautes  idées  du 
pouvoir  de  démon,  qu'il  ne  relient  aucune  peine  à  lui  faire  honneur  de  tous  ces 
merveilleux  prodiges.  Mais  malheureufcment  pour  ce  grand  Docteur,  fes  prin- 
cipes de  Théologie  ne  font  pas  plus  vrais  que  les  faits  pas  Icfquels  il  prétend  en 
faire  l'application  aux  convulfions  de  Marie  Sonnet  ;  &  je  vais  prouver  qu'il  faut 
que  fes  préventions  contre  les  cmvulfions  l'aient  totalement  ébloui,  pour  avoir 
compolé  6c  fiit  paroître  dans  le  Public  une  Lettre  telle  nue  la  fienne.  Mais  ce 
qui  me  paroît  encore  plus  étonnant  que  tout  le  refte,  c'ell  le  ton  d'afiurance  avec 
lequel  il  m'attribue  à  moi-même  le  principe  erroné  fur  lequel  il  bTitit  principale- 
ment tout  fon  fyiléme. 
X.  Fous  établi fjez pour  principe.,  me  dit-il  dans  fa  Lettre  fiitiriquc  qu'il    lui   plaît 

ccr'cft      jg  m'addreflcr,  que  lorfqu'il  s'agit  de  prononcer  fur  l'état  divin  oh  diabolique  oii  fe 


ruru'rs  des  tYOUvcroit  unc  pcrfonne  ...  on  doit  fe  décider  . . .  fur  tout  par  les  circonfiances  iiui 
^°^^"'ul°,\;-f^rtrr/f«/  les  mœurs ,  la  bonne  ou  mauvaife  conduite.  î 

rioit  'iécia     A  Dieu  ne  plaife  que  j'aie  jamais  avancé  une  propofition  fi  faudc.     Mais  bien 


fotn;  par 
mccurs  des 

'^°"'"''^"°\yegardent  les  mœurs ,  la  bonne  ou  mauvaife  conduite. 

io'convui-  loin  de  l'avoir  f7<îW;V  dans  mon  fécond  Tome,  comme  il  ledit,  je  la  combats  au 
fioni.  contraire  de  toutes  mes  forces  par  grand  nombre  d'exemples  6c  d'autorités  que 
^'^'         j'y  rapporte. 

i'»/»fr.  n.  Le  leétcur  a  déjà  vu  qu'à  l'article  LVH.  de  la  \.  partie  de  mes  Ohfervations  j'y 
i.viK  pp.  fouticns,  ainfi  que  j'avoit  fait  dans  la  i .  édition,  que  quand  tous  les  faits  imaginés  par 
Icsenncmis  des  ConvuUionnan-es  (croient  auHi  vrais  qu  ils  (ontraullcment  luppolcs, 
il  n'en  réfulteroit  aucune  conicqucncc  pour  attribuer  leurs  convulfions  au  démon. 
„  Qiii  ne  fait  (m'écriai-je)  que  le  faint  El'prit,  dont  les  divins  rayons  ne  font 
„  jamais  fouillés  quelque  part  qu'ils  fc  répandent ,  foufflc  où  il  veut  &  dillribue 
„  fes  dons  à  qui  il  lui  plait,  (ans  les  accomp.igner  toujours  de  vertus  intérieures? 
„  L'Ecriture  faintc  n'apprend-cllc  pas  à  tous  les  Chrétiens  que  Dieu  a  fait  faire 
,,  des  miracles  Se  de  grandes  prophéties  à  des  perfonncs  tics  vicieulcs,  tels  que 
„  que  judas,  Caïphe,Balaam,  6cc. 

„  Jcfus-Chrill  a  voulu  nous  inllruirc  lui-même  qu'il  y  aura  des  ouvriers  d'ini- 
„  quitc  dans  le  nombre  de  ceux  qui  prophctifcront ,  Se  qui  feront  des  minicles 

„  en 


IDE'E  DE  VErjT  DES  CO N FUL  S 10 NNJIRES.      ^y 
^,  en  fon  nom  :  il  déclare  qu'au  jour  du  jugement  plufieurs  lui  diront  ;  Seigneur^^i^^ 
„  n'ai-ons-nouspas  prophétiféen  votre  noyn  ?  N''a-vons-nous  pas  fait  pinfîeurs  miracles^  l'j-  *  ^^ 
„  en  votre  nom?  Et  qu'il  leur  repondra:  retirez-vous  de  moi  ouvriers  d'iniquité. 

„  C'eft  donc  en  vain,  c'ell  en  pure  perte,  que  quelques-uns  de  ceux  qui  veulent 
„  attribuer  tout  le  furnaturel  des  convulfions  au  démon,  ont  forgé  tant  d'impo- 
„  ftures  contre  les  Convulfionnaires  j  puilque  quand  même  tout  ce  qu'ils  debi- 
„  tent  contre  eux  feroit  vrai ,  il  ne  s'enluivroit  point  encore  que  Dieu  n'auroit 
5,  pii  fe  fervir  de  ces  pcrfonncs  pour  faire  par  leur  minilfère  des  miracles  &  Aes 
„  prédiârions  :  pourvii  néanmoins  que  ces  prédirions  &  ces  miracles  foient  di- 
„  rigés  par  tout  ce  qui  les  caraétérife,  à  une  fin  digne  de  Dieu,  à  la  connoiffiin- 
„  ce  de  la  Vérité,  à  l'infpiration  de  la  charité,  à  la  réformation  des  mœurs,  6cc. 

„  C'ell  prendre  le  change  que  de  chicaner  fur  le  caraftère  des  perfonnes  que 
„  Dieu  emploie,  fur  ce  qu'elles  font  parl'efprit  &  parlecœur,  fur  leurs  fentimens 
„  particuliers,  ou  fur  leurs  vices  :  au  lieu  de  conlidérer  l'œuvre  mcrveillcufe  en 
„  elle-même,  dans  fes  caraélères  6c  fes  effets.  ,, 

Je  prouve  enluite  par  les  miracles  faits  par  Judas,  &  par  les  prédictions fii- 
tes  par  Balaam ,  Saiil  6c  Caïphe,  que  Dieu  peut  fe  fervir  de  qui  il  lui  plaît  8c 
même  de  perfonnes  féduites  par  l'erreur  ou  corrompues  par  le  vice  ,  pour  exé- 
cuter fes  merveilles  :  qu'il  faut  donc  examiner  les  prodiges  par  eux-mêmes  , 
dans  leur  origine  &  dans  leur  fin,  indépendemmcnt  des  qualités  des  inftrumens 
qui  y  font  employés  -,  &  que  tout  effet  merveilleux  doit  être  regardé  comme 
venant  de  Dieu,  lorfqu'il  tend  au  bien  par  toutes  les  circonftances  qui  lui  font 
propres,  6c  les  effets  qu'il  produit. 

De  crainte  d'ennuyer  le  lecteur,  je  ne  répéterai  point  ici  ce  qu'il  a  vu  que 
j'ai  obfervc-par  rapport  aux  miracles  &  aux  prédiftions  de  ces  quatre  malheu- 
heux  :  je  me  contenterai  de  faire  la  remarque ,  qu'à  juger  de  leurs  prédiétions 
par  le  taux  pricipe  qui  faitlabafe  du  iyflême  du  Docteur  A.  il  s'enluivroit  que 
ces  prédiélions  ne  pourroient  avoir  Dieu  pour  auteur.  Ainfi  on  fe  trouveroit 
obligé  d'en  donner  le  démenti  à  fEcriture  lainte. 

En  effet  Balaam  étoit  un  fcélerat,  &  par  coniequcnt  fi  c'ed  par  les  mœurs 
qu'o»  doit  Je  décider  fur  Pétat  divin  ou  diabolique  oîi  fe  trouveroit  une  perfonne  ^ 
les  prophéties  qu'il  a  faites  forcé  par  une  imprtflîon  furnarurelle  à  laquelle  il 
ne  pouvoit  réfilter,  ne  peuvent  être  attribuées  qu'à  l'cfprit  pervers,  £c  il  n'a 
pu  convenir  à  la  iagefle  divine  de  ie  fervir  d'un  tel  organe. 

Saiil  étoit  un  réprouvé,   habituellement  agité  par  des   convulfions  diaboli- 
ques: donc  celles  qu'il  eut  à  Naïoth  près  Ramatha,  oi^i  il  fe   dépouilla   lui-7nè- 
me  de  fes  habits.  .  .  demeura  nud par  terre  tout  le  jour  (^  toute  la  nuit .  . .  i^ prû-\'  f'°^^'^^' 
fhétifa  devant  Samuel.,  ne  pouvoient  \'enir  de  Dieu. 

Caiphe  étoit  un  monftre  d'orgueil,  (\  livré  à  fitan  que  ce  prince  des  fupcr- 
bcs  luiavoit  inlpiréla  réfoiution  de  faire  mourir  Jeùis-Chrill;  îfc  par  conféquent 
il  n'ell:  pas  polfible  que  dans  le  tems  qu'il  ne  cherchoit  qu'à  exécuter  cette  hor- 
rible injuftice,  lefaint  Elpritait  voulu  parler  par  ia  bouche. 

Telles  font  les  conléqucnces  qui  naiiTcnt  du  prciencu  principe  de  Théologie 
fur  lequel  fe  fonde  le  Docteur  A.:  principe  qui  lui  paroît  cependant  fi  certain 
&  fi  lumineux  qu'il  le  répète  prefque  à  chaque  page.  Or  rien  ne  prouve  mieux  la 
faufleté  d'un  principe,  que  lorfqu'il  en  rélmte  des  confcqucnces  fi  infouten.bles. 

Mais  comment  ce  Docteur  a  t-il  donc  ofé  avancer  que  f  établi  (J'ois  ce  princi- 
pe dans  mon  fécond  Tome.  11  faut  de  necelîité  que  l'éblouilicment  ait  été  îi  fort, 
qu'il  ait  pris  à  contrefens  ce  qu'il  y  liipit. 

Voici  au  contraire  les  régies  quej'ypropolepourjuger  de  la  nature  des  prodiges. 

E  z  lo,  Lorf- 


56      IDE'E  DE  VE'rjT  DES  CO  NFULS 10  NN  A  IRE  ^. 

lo.  Lorfqu'un  prodige  eft  fi  grand  qu'il  cft  certain  qu'il  n'a  pu  être  opéré  que 
par  le  rcnvcrfement  des  loix  fuivant  Iclqucls  Dieu  a  voulu  que  les  êtres  maté- 
riels fufTcnt  régis  ,  pour  lors  on  ne  peut  l'attribuer  qj.rà  lui  :  parce  qu'il  n'y 
a  que  lui  qui  puifTc  s'affranchir  de  l'ordre  univcrfcl  qu'il  a  établi  dans  le  monde 
lorfqu'il  l'a  fait  fortir  du  néant. 

Ce  principe  quoique  copié  d'après  S.  Thomas,  cft  fi  oppoféàla  Théologie 
du  Docteur  A.  qu'il  lui  paroit  une  erreur.  Il  avance  au  contraire  avec  une  con- 
jjg.j. fiance  merveillcufe,  que  c'ell  un  fcntiment  univerfellcmcnt  établi.  ..  qn^il  cfi  au 
pouvoir  du  démon  .y  lorfque  Dieu  le  lui  permet,  de  cor/imu>iiquer  à^rtomme  des 
degrés  de  forces  qui  l'oient  au  dessus  des  forces  de  la  nature.  Et  que  l'onne 
dife  pas  ^  ajoute-t-ii ,  que  Dieu  ne  le  permettra,  jamais  :  Vexemple  de  la  Sonnet . . . 
ejl  à  ce  fujet  un  exemple  fans  réplique  :  (^  cet  exemple  feul  fuffit ,  dit- il  ,  pour  con- 
vaincre en  ce  point  mon  Ecrit  d''erreur. 

Avant  de  ra'accufer  ainfi  d'eireur,  il  auroit  fallu  répondre  aux  paflliges- des  Pè- 
res que  j'ai  cités,  &  qui  contiennent  précifémcnt  la  même  doârrine  que  je  fou- 
tiens:  ce  que  le  Doétcur  A.  n'a  pu  ignorer,  puifqu'il  n'cll  pas  poflible  qu'il  n'aie 
pas  lu  ces  citations  tant  dans  mon  premier  que  dans  mon  fécond  Tome  qu'il  s'a- 
vife  de  critiquer,  &  entre  autres  dans  la  Demonllration  du  miracle  opéré  fur  la 
Dcmoifelle  Fourcroy  j  où  je  rapporte  que  S.  Thomas,  non  feulement  donne 
pour  régie  d;ins  fa  Somme  théologique  que  Dieufeiil  peut  faire  ce  qui  efi  au  de  [jus  de 
r ordre  général  de  la  nature,  mais  ajoute  que  le  démon  ne  peut  agir  fur  la  raa- 
•uzif.Tio.  tiere  que  par  l'application  des  moyens  qu'il  y  trouve,  applicatione  aEiivorum  pas- 
a  .1.  incjrp.yj^.;;^  5c  même  que  les  Anges  ne  peuvent  rien  faire  que  félon  l'ordre  établi  dans 
;ViH.  a.  4.  ^  nature:  quidquid  facit  Angélus.  ..  hac  facit  fecundum  ordinemnatura  creat£. 

C'eft  au  contraiie  le  Docteur  A.  qui  avance  encore  ici  une  fauflc  propofition 
qui  cft  même  très  dangercufc  ,  en  luutenant  que  le  démon  peut  donner  à  l'hom- 
me des  forces  qui  [oient  au  dejfus  de  celles  de  la  nature.  JMais  comme  cette  «|ues- 
tion  eft  très  importante,  6c  que  je  m'ccartcrois  trop  de  mon  objet  actuel  fi  je 
la  traitois  ici  à  fond  ,  je  remets  à  le  taire  dans  V Avant-propos  de  ma  IV.  Partie 
où  je  prouverai  en  même  tcms  que  l'objeéVion  que  ce  Dofteur  empiointe  des 
Rituels  n'eft  qu'une  pure  équivoque.  Les  Rituels  ne  parlent  que  d'une  force 
extraordinaire,  mais  il  eft  de  principe  qu'il  n'y  a  que  Dieu  feul  qui  puifie pro- 
duire des  merveilles  qui  foient  véritablement  au  deiïiis  des  forces  qu'il  a  mifes 
dans  le  monde.  Au  furplus  les  opérations  ne  manquent  jamais  d'être  accompa- 
gnées, par  d'autres  caraélèrcs  qui  ne  conviennent  qu'à  lui:  &  fi  un  prodige  avoir 
pour  fin  de  porterau  péché  ou  d'autorifer  quelque  erreur,  par  exemple  s'il  por- 
loit  à  l'idolâtrie,  il  n'y  auroit  aucun  doute  que  ce  prodige  quelque  merveilleux 
qu'il  parût  ne  feroit  qu'une  illuCon  de  fatan. 

io.  Lorfiiue  les  prodiges  font  d'un  ordre  inférieur,  c'eft  à  dire  lorfqu'il  n'cft 
point  imprniblc  qu'ils  aient  été  opérés  par  des  moyens  naturels,  &  qu'ainfi  il 
peut  y  avoir  du  doute  fur  leur  auteur,  pour  lors  il  faut  principalement  exami- 
ner à  quelle  occafion  ils  font  nés,  quel  elt  le  but  que  s'elt  propofé  l'être  qui  les 
•père, 'v  quels  effets  ils  ont  produits. 

Voila  les  principes  que  les  Pères  nous  ont  enfeigné  fur  ce  fujet,  6c  non  pas  de 

décider  de  l'auteur  des  prodiges  par  les  qualités  perionnellcs   de   ceux  lur  qui , 

ou  par  le  miniftere  de  qui,  il  les  fait. 

j  T.        AU-kIvSTF,  fi  M.  le  Docteur  A.  n'cd  pas  fort  exaét  dans  (^:i  principes  de 

M.  1»  Doc-Thcologic .  il  i'eit  encore  moins  dans  le  récit  des  fiiits  qu'il  rapporte. 

yoinr  rijft     Ricn  n  clt  plus  affreux  que  le  portrait  qu  il  fait  de  Marie  bonnet.     L  amertu- 

j'/iw'-g",',™'^  de  foQ  zclc  ic  porte  julqu^à  duc  qu'elle  ctoit  um  mijhable  hypacritt,  dont  on 

tappori*.  nP 


IDE'E  DE  VE'fjr  DES  CONFULSIONNJIRES.      ^j 

ne  doit  parler  qu'avec  les  fe>itimens  d'horreur  13  (l'indignation  que  mérite  un  fiijet  ^^    ^ 
dont  fat  an  a  fait  rinflrument  le  plus  marqué  de  fcs  noirs  artifices. 

Qui  oferoiten  dire  autant  du  plus  grand  des  l'célerats  ?  Cependant  voici  encore 
un  trait  bien  plus  terrible. 

l'eue  ^'/?,  telle  fin!  s'écrie-t-il.  La  Sonnet  pendant  quelle  a  vécu^  a  joué  Dieu  (Si?  p,-  . 
îa  Religion  :  elle  meurt  en  iffipie. 

Peut-on  lire  ces  elfraiantcs  paroles  fans  en  frémir,  Se  fans  être  pénétré  de  dou- 
leur de  voir  qu'elles  ioient  forties  de  la  bouche  d'un  Dofteur  qui  fe  dit  attaché  à 
f  Appel?  Quel  jugement  en  porte Jefus-Chrift  dans  le  ciel,  lui  qui  nous  défend 
fi  pofitivcment  de  juger  perfonne?  ,,  Ne  jugez  point  (nous  dit-il)  afin  que  vous  Mat:h.  v:i. 
„  ne  foyez  point  jugés.  Car  vous  ferez  jugés  félon  que  vous  aurez  juge  les  au-  ''  ^' 
„  très ,  6c  on  fe  fervira  envers  vous  de  la  même  mefure  dont  vous  vous  ferez  fer- 
„  vi  envers  eux.  „ 

Ce  pacage  de  l'Evangile  n'auroit-il  pas  dû  arrêter  la  main  du  Dofteur  A.  lorf- 
qu'il  a  écrit  la  fentence  de  réprobation  qu'il  ofe  prononcer  contre  Marie  Sonnet.' 

Mais  fur  quels  faits  cet  impitoiable  jugement  cft-il  donc  fondé.  Pour  les  dé- 
gager de  la  confufion  où  ce  Docteur  les  préfente ,  je  vais  les  ranger  fous  4.  époques. 

La  première  contiendra  les  faits  qu'il  rapporte  concernant  les  moeurs  de  cette 
fille  avant  fes  convuHlons. 

La  féconde ,  ceux  que  fon  imagination  lui  a  fait  croire  à  l'occafîon  du  miracle 
de  guérilon  opéré  fur  cette  fille  à  la  naiflance  de  fes  convulfions. 

La  troifiémc ,  ceux  qu'il  exagère  à  l'égard  de  la  conduite  pendant  fes  con- 
Tulfions. 

La  quatrième,  ceux  qu'il  fuppofe  par  rapport  à  fa  dernière  maladie  &:  à  fa  mort. 

I.  Epoque.  M.  le  Doéleur  A.  prétend  que  la  Sonnet  avant  fes  convulfions, 
avoit  été  renfermée  en  la  maifsn  de  fiorce  à  l'Hôpital^  ij  quelle  ne  fiai  fait  que  de 
fortir  de  celle  du  Sauveur. 

A  cet  égard  j'avoue  que  je  ne  fuis  pas  afîez  inftruit  pour  lui  répondre,  n'ayant 
commence  à  connoitre  cette  fille  qu'à  l'occafion  de  la  grande  maladie  qui  pré- 
céda fes  convulfions  ;  6c  depuis  ce  tems  ne  m'étant  jamais  bien  informé  de  la 
conduite  qu'elle  avoit  tenue  auparavant.  J'ai  feulement  ouï  dire  que  fa  mère  l'a- 
voit  fait  mettre  à  S.  Sauveur  j  mais  je  croi  que  c'eft  plutôt  pour  lui  avoir  man- 
qué de  refpeâ:  que  pour  avoir  eu  des  mœurs  corrompues.  Ce  qui  me  le  fait  pcn- 
fer,  c'eft  que  pendant  près  de  deux  ans  que  je  l'ai  régulièrement  fuivie,  je  ne 
lui  ai  jamais  connu  aucun  penchant  pour  l'impureté  :  auflî  M.  le  Dofteur  À.  ne 
rapporte-t-il  aucun  fait  qui  ait  rapport  à  ce  vice  depuis  que  cette  fille  a  eu  des 
convulfions.  Au  rcfte  elle  étoit  pulmonique  de  naifiiince,  petite,  fort  noire,  af- 
fez  laide,  &  avant  fes  convulfions  elle  tomboit  du  haut  mal  ;  ainfi  il  s'en  falloit 
beaucoup  que  ce  fût  un  objet  tentant. 

A  cette  occafion  je  ne  puis  m'empêcher  de  relever  jufqu'à  quel  excès  ce  Do- 
fteur  s'ell  laifle  prévenir  contre  les  Convulfionnaires.  Tout  ce  qui  leur  arrive 
lui  paroît  impofturc,  jufqu'aux  accidms  de  maladie  qu'il  ne  feroit  pas  pofiîblc 
de  contrefaire,  6c  même  jufqu'aux  prodiges  dont  le  furna'urel  eft  manifcfie. 
Par  exemple  il  reproche  à  Marie  Sonnet  comme  un  artifice  de  ce  qu'avant  fes 
convulfions^////^  roulsit  far  le  plancher  comme  un  fierpcnt .,  elle  écumoit  comme  unetag.  f, 
furieufie ,  eïle  ?nordoit  comme  uncbiei.  Cet  habile  Dofteur  fait-il  quelque  fccret 
pour  écumer  ainfi  par  fiélinn?  Et  s'il  n'avoit  pas  été  c'MouY  par  fes  préjugés, 
n'auroit-il  pas  reconnu  que  c'ctoient  là  des  accès  très  réels  d'épilepfie?  Bien  plus. 
En  parlant  d'une  autre  Convulfionnaire  nommée  Dcnife,  il  rapporte  entre  au- 
tres chofes,  c^M'dvec  de  grojj  es  pierres  on  lui  déchargeoit  finr  h  poitrine  ks  coups  lesn^.  ,, 

L  3  plus 


r-g 


38  IDE'E  DE  VE'Tjr  LES  CONFULS TONNJ TRES, 
plus  capables  d'affommer  . . .  fans  qu'il  parût  en  arriver  d'accident  -,  &  il  veut  que 
nous  croioni  bonnement  que  tout  cela  n'a  été  de  la  part  de  cette  fille  quimpollu" 
re  y  que  jeu.  Ainfi  c'étoitpar  forme  de  récréation  que  les  coups  les  plus  allom- 
mms  ne  1  aflbmmoient  pas,  8cque  les  plus  horribles  coups  de  pierre  . ..  donnés  di 
toutes  les  forces  fur  la  poitrine  ne  lui  faifoient  aucun  mal! 

On  ne  mérite  plus  aucune  confiance  quand  la  prévention  cft  capable  de  faire 
tomber  dans  de  tels  écarts.  Mais  quand  il  feroit  vrai  que  la  Sonnet  auroit  été 
dans  la  première  jeunefl'e  telle  que  ce  Doélcur  le  veut  faire  accroire ,  en  ce  cas  il 
ne  peut  nier  que  les  convuUions  ne  l'aient  à  cet  égard  totalement  changée  :  ainli 
ce  ne  feroit  nullement  une  preuve  que  le  démon  en  étoit  l'auteur. 

II.  Epoque.  La  maladie  à  l'occafion  de  laquelle  cette  fille  eut  des  convul- 
Cons,  étoit  très  confiderable.  M.  le  Docteur  A.  convient  lui-même  qu'elle  avoit 
..para  fericufe,  pui  [qu'on  lui  avoit  adminifré  les  Sacr  émeus. 

Cette  maladie  confilloiten  un  abcès  qu'elle  avoit  au  foie,  qui  lui  donnoit  de 
tcms  en  tems  une  fièvre  violente,  &  qui  avoit  occafionné  une  tumeur  au  côte 
qui  lui  faifoit  de  fi  vives  douleurs  qu'elle  vouloit  abiblument  qu'un  Chirurgien  lui 
ouvrit  cette  tumeur.  La  cuifle  6c  la  jambe  du  même  côté  tombèrent  en  même 
tcms  en  une  efpèce  de  paralyfie  qui  leur  ôtoit  prefque  entièrement  le  mouve- 
ment. Lorfqu'on  lui  eut  déclaré  que  cette  cruelle  incifion  qu'elle  fouhaitoit  fî 
fort,  ne  lui  apporteroit  aucun  foulagement,  &  qu'il  ne  lui  relloit  d'autre  parti 
que  de  fouffrir  fon  mal  en  patience ,  elle  penfa  tomber  dans  le  defefpoir.  Mais  il 
parut  que  Dieu  eut  pitié  d'elle.  Son  defefpoir  fe  convertit  tout  à  coup  en  con- 
fiance, &  elle  conjura  avec  larmes  quelques  perfonncs  de  pieté  qui  s'eft'orçoicnt 
de  la  confoler,  de  commencer  avec  elle  une  ncuvaine  au  Bienheureux  M.  de  Pa- 
ris pour  obtenir  de  Dieu  qu'il  diminuât  fes  foutîVances,  puifqu'cUe  n'avoit  p.\s  la 
force  de  les  fupporter. 

A  peine  laneuvainc  fut-elle  commencée  qu'il  lui  prit  de  violentes  convulfions 
qui  la  portèrent  d'abord  à  taire  des  pénitences  extraordinaires,  malgré  l'cxtrèn-c 
foiblcflc  où  fa  maladie  l'avoit  réduite-,  entre  autres  elle  fe  couchoit  lur  les  bar- 
res de  bois  de  fon  lit.  Elle  fe  mit  peu  après  les  pieds  dans  le  feu,  fins  en  rclTen- 
tir  aucune  atteinte  :  6c  au  bout  de  quelques  ]ours  elle  le  trouva  parfaitement  gué- 
rie de  fon  abcès  au  foie ,  de  latumeur  qui  la  faifoit  tant  fouffrir,  6c  de  la  païa'yfic. 

Le  lendemain  ou  le  l'ur-lendemain  étant  venue  chez  moi  fans  becquille,  6c 
marchant  même  très  librement,  M.  le  Docteur  A.  qui  le  vit  ou  à  qui  on  le 
dit ,  publia  aullîtot  que  cette  fille  étoit  une  fourbe  6c  que  la  maladie  n'.ivoit 
été  qu'impoilure. 

On  eut  beau  lui  repréfenter  que  cette  guériibn  étoit  un  miracle  évident,  il 
s'écria  qu'une  telle  créature  étoit  indigne  que  Dieu  fit  des  miracles  en  la  fa- 
veur -,  6c  qu'ainfî  puifqu'elle  prércndoit  avoir  été  guérie  par  fes  convulfions 
d'une  maladie  naturellement  incurable,  il  falloit  en  conclurre  que  la  maladie 
n'avoit  été  qu'artifice. 

Voila  précifément  la  même  Théologie  qu'on  retrouve  dans  la  Lettre  de  ce 
Doéteur  :  il  n'a  point  ch.ingé  de  principes.  Mais  étoit-cc  donc  là  un  légitime 
fondement  pour  révoquer  en  doute  cette  maladie,  quoiqu'auparavant  le  mira- 
cle elle  cin  paru  fcricufe .,  ainfi  qu'il  en  convient? 

En  cftet  les  fymptômes  n'en  étoiini-ils  pas  vifibles,  même  très  apparens  ? 
N'ya-t-il  pas  eu  quantité  de  perfonnes  qui  ont  vu  luili  bien  que  moi,  cette 
malade  prcfqve  réduite  à  l'extrémité'  l'ouvoit-ellc  feindre  quelle  avoit  uncvio- 
Icntc  fièvre?  La  grod'cur  qui  paroilloit  à  Ion  côté  étoit-ellc  un  artifice?  Etoit- 
cc  par  plaifir  qu'elle  prioit  avtc  les  plus  vives  inllances  qu'un  Chirurgien  lui 
pcrt.it  cette  grolltur?  M.iis 


TDE'E  DE  VETjr  DES  CONFULS ION NJ IRES.     ?p 

Mais  fi  la  maladie  étoit  réelle,  le  miracle  eft  inconteliable.  Qiiel  autre  que 
le  Tout-puilTant  eût  pu  la  changer  en  fi  peu  de  tems  en  une  fanté  parfliite  ? 
N'c(l-il  pas  certain  qu'en  très  peu  de  jours  cette  maladie  a  totalement  ccflc 
d'être,  que  la  tumeur  au  coté  a  dilparu,  que  la  cuifie  &  la  jambe  paralytiques 
ont  tout  à  coup  recouvré  tout  leur  mouvement,  &  qu'en  même  tems  Marie 
Sonnet  s'cft  trouvée  rétablie  dans  une  parflùte  ianté  j  6c  tout  cela  fans  aucun 
remède  humain. 

M.  ie   Doéteur  A.  convient  lui-même  que  quantité  de  gens  furent  perfuadés 
du  miracle.    Combien  de  pcrfonncs .,  dit-il,   y  furent    trompées?  Eh!   qui   étoientfa^  $■■ 
toutes  ces  perfonnes  ?  Tous  ceux  qui  avoient  été  témoins  de  la  maladie  &  de 
la  guérifon. 

Ce  que  je  dois  à  Dieu  ^  à  la  Religion  (continue  le  Dofteur  A.)  ne  mù pennit pas 
de  me  taire.  Je  parlai  fi  haut  que  le  miracle  efî  demeuré  dans  un  entier  oubli. 

Je  ne  l'ai  cependant  pas  oublié ,  non  plus  que  bien  d'autres  perfonnes  :  mais 
comme  on  n'en  fit  point  fur  le  champ  de  relation  &  qu'on  n'en  recueillit  point 
les  preuves  par  écrit,  j'avoue  qu'il  n'a  pas  fort  éclaté  dans  le  Public.  Mais 
elt-ce  là  un  prétexte  fufiifant  pour  en  contefter  aujourd'hui  la  réalité?  Et 
peut-on  entendre  fins- peine  le  Doéleur  A.  emploier,  comme  il  foit,  les  noms 
facrés  de  Dieu  &  de  la  Religion.,  pour  combattre  les  oeuvres  de  Dieu  Se  les  pré- 
fens  qu'il  fait  à  la  Religion  en  lui  rendant  fa  prélence  Icnfiblepar  des  miracles? 

Le  Icftcur  va  être  encore  bien  plus  convaincu  de  la  témérité  de  ce  Doéteur, 
lorfque  je  lui  aurai  rendu  compte  des  preuves  fur  lefquelles  U  s'appuie  pour  taxer 
ce  miracle  d'impollure. 

Voici  l'unique  qu'on  trouve  dans  fi  Lettre.   Deux  Prêtres  dignes  de  foi,  me^'s**' 
dit-il,  vous  l'ont  atteflé  dans  le  tems  comme  témoins  oculaires  :  y  l'un  deux  me  le 
certifia  de  nouveau  Vété  dernier  en  préfence  de  plu  fleurs  perfonnes  refpeHables. 

Comme  perfonne  ne  m'a  jamais  attelle  ce  fait,  je  ne  favois  d'abord  de  qui 
il  vouloit  parler:  mais  je  viens  d'apprendre  que  c'eit  de  MM.  Frémi,  ainfi  qu'il 
l'a  déclaré  à  la  plupart  de  ceux  à  qui  il  a  fait  préfent  de  fa  Lettre. 

Quel  va  être  l'ctonnement  du  Icfteur,  lorfqu'il  faura  que  ces  deux  Prêtres  très 
dignes  de  foi  nient  pofitivement  tous  les  faits  dont  ce  Doéteur  les  prend  à  témoin. 

Une  perfonne  curieufe  d'approfondir  fi  le  miracle  opéré  fur  Marie  Sonnet  étoit 
véritable,  ou  fi  ce  n'étoit  qu'une  impoflure,  ainil  que  le  Doéteur  le  qualifie,  a 
envoie  fi  Lettre  imprimée  à  MM.  Frémi,  8c  les  a  priés  de  lui  mander  s'il  étoit 
Yjai  qu'il  euffent  été  témoins  oculaires  des  faits  qui  y  font  rapportés. 

Voici  leur  réponfe  dont  on  m'a  donné  copie. 

„  Monfieur  Ilcftfaux  i  o.  que  nous  ayons  été  témoins  oculaires  du  fiiit  dont  l:i 
„  Lettre  veut  nous  rendre  garants,  ni  que  nous  l'aionsattefté  comme  tel  à  M. 
„  de  Montgeron.  Il  eft  faux  zo.  que  l'un  de  nous  l'ait  certifié  l'été  dernier  à 
„  l'auteur.  Ce  qu'il  y  a  de  vrai  fur  ce  point ,  6c  ce  dont  nous  nous  fouvenons 
„  bien,  c'eft  que  ladite  Sonnet  fut  en  effet  accufée  d'être  montée  aifément  6c 
„  fans  becquilles  le  degré  de  la  mailon  où  elle  demcuroit  pour  lors,  aufiî  bien 
j,  que  celui  de  M.  de  Montgeron  ;  mais  ftns  avoir  aflez  de  preuve  pour  pou- 
j,  voir  l'aflurer*,  bien  loin  de  pouvoir  l'atteiler  comme  témoins  oculaires.  „ 

Loin  donc  que  MM.  Frémi  aient  été  témoins  de  vifu  d'aucune  fupcrcherie 
de  la  part  de  la  Sonnet,  tout  ce  qu'ils  favent  c'eft  qu'on  l'en  a  accufée.  Mais 
qui  a  été  fon  accufatcur?  On  n'a  pas  de  peine  à  le  deviner,  il  ne  fe  découvre 
que  trop  lui-même:  M.  le  Doéleur  A.  convient  que  dès  qu'on  parla  du  miracle 
opéré  fur  cette  fille,  il  cria:  yf  Pimpofiure;  6c  il  ne  défavouera  pas  qu'il  publia 
de  tous  côtés ,  que  fa  prétendue,  guérifon  miraculeufe  ne  devoit  être  regardée 


40  idt:e  lu  vEtjr  des  confulsionnjtres. 

que  comme  une  preuve  que  fa  maladie  n'avoit  été  qu'artiiîce.  Il  n'en  falloit  pas 
davantage   pour  que  cela  ic  répandît  dans  tout  Paris ,  où  la  prévention  cft  (i 

générale  contre  les  convulfiotis  &  les  Convulfionnaires.  Tout  ce  qu'on  y  dé- 
ite  contre  eux  y  ^^ft  l'cçu  avec  avidité  par  la  plupart  du  monde.  Aulîi  le  Doc- 
teur A.  a-t-il  eu  le  plaiiir  de  voir  fes  injulles  foiipçons  voler  bientôt  débouche 
en  bouche  ;  ainfî  il  n'f  il  pas  étonnant  que  MM.  Frémi  aiant  ouï  dire  à  quel- 
qu'un que  la  Sonnet  ctpit  loupçonnée  de  fourberie,  l'aient  rapporté  au  Doftcur 
A.  fans  f  '•  ->ir  que  c'cr  iit  lui  qui  étoit  l'auteur  de  tous  ces  faux  bruits.  Et  voila 
ce  qui  fai'  aujourd'hui  toute  fa  preuve. 

Au  furpius  qu'cil-cc  que  MM.  Frémi  ont  entendu  dire?  Que  d;;ns  le  tems 
qu'on  croyoit  e-  zc  e  :ette  fille  paralytique  on  l'a  vue  tnonter  aij'é»::nt  y  fans 
becquilles  le  dr  -vu.  de  fa  n  nifon  &  l'elcalicr  de  la  mienne.  La  folution  de  ce  tait 
n'ell  pas  difficile  :  c'eil  que  pour  lors  elle  venoit  dctre  miraculeufemcnt  gué- 
rie. Car  ce  tait  que  le  Doéteur  A.  donne  encore  aujourd'hui  pour  preuve  de 
l'impofture  de  la  Sonnet,  eit  fans  doute  le  même  qui  arriva  le  jour  que  ce  Doc- 
teur fit  tant  de  bruit,  qui  étoit  le  lendemain  ou  le  fur-lendcmain  du  muMcle. 
Mais  quand  même  on  fuppoferoit  que  la  maladie  de  la  Sonnet  n'auroit  été  qu'un 
artifice,  il  feroit  encore  contre  le  bon  fens  d'imaginer  qxie  cette  fille,  dans  le 
tems  qu'elle  auroit  voulu  continuer  de  fe  faire  croire  p.ualytiquc ,  fijt  fortie 
dans  les  rues  fins  becquilles  &  fut  venue  chez  moi  en  cet  état.  Ce  huiaucon- 
tniire  n'eft  propre  qu'à  juftifier  que  dans  ce  moment  là  elle  fe  prétendoit  gué- 
rie, 8c  par  conféqucnt  il  ne  peut  jamais  fervir  de  preuve  à  l'impofture  dont  le 
Dofteur  l'accufc.  Ainfi  il  cft  évident  que  de  toutes  façons  cette  accufationbitlTe 
la  raif«n  auiîî  bien  que  la  vérité. 

AuiTi  M.  le  Dofteur  A.  a-t-il  été  fort  picqué  de  voir  que  les  deux  rcfpecta- 
bles  Prêtres  qu'il  s'étoit  avifé  de  citer  comme  témoins  oculaires,  avoient  fait 
une  déclaration  qui  renvcrfe  toutes  les  preuves  de  l'acculation  qu'il  avoit  fi  lé- 
gèrement intentée.  Il  a  d'abord  voulu  foutenir  la  gageure,  i?c  pour  cet  eft'ct  il 
a  engagé  M.  Souchai  fameux  Chirurgien,  qui  depuis  quelque  tems  fe  prête  à 
l'excès  contre  moi  à  MM.  les  Docteurs  Antifecouriftes,  de  déclarer  de  tous  cô- 
tés que  M.  Frémi  l'aîné  lui  avoit  attelle  le  même  tait  qu'on  trouve  dans  la  Let- 
tre du  Docteur  A.  comme  l'ayant  vu  de  fes  yeux. 

Ce  digne  Curé  l'aiant  appris  a  écrit,  qu'il  n'avoit  aucune  mémoire  d'avoir  ja- 
mais parlé  de  ce  fait  à  M.  Souchai,  mais  qu'au  i'urplus  il  ne  peut  pas  lui  avoir 
dit  qu'il  en  avoit  été  témoin  oculaire,  puifque  dans  le  tems  de  la  maladie  &  de  la 

{jucrifon  de  Marie  Sonnet  il  n'étoit  point  à  Paris,  ^  qu'il  en  étoit  même  pour 
ors  éloigné  de  foixante  lieues.  Cela  efi  clair,  net  &  précis,  ^  no  peut  fouftrir 
de  réponfe.  Ainfi  M.  le  Docteur  A.  le  trouve  dcdit  par  fes  ceux  uniques  té- 
moins, l'un  defquels  étoit  à  l'oixantc  lieues  de  Paris  dans-  le  tems  qu'il  le  donne 
comme  un  témoin  clevifa. 

Voila  cependant  les  fculs  témoignages  fur  lefquels  ce  D<  ércur  le  fondcpour 
nier  un  miracle  reconnu  pour  tel  p;.r  tous  ceux  fous  les  veux  de  qui  les  faits 
fc  font  paflcs,  Se  pour  accufer  d'une  uifigne  impolluiv  la  CtMnuUionnaire  fur  qui 
il  a  plu  à  Dieu  de  l'opérer.  Plaignons- le  de  prendre  ainfi  les  foup(,'ons  téméraires 
pour  des  preuves  réelles  ,  &  fes  taufles  opinions  poin-  des  prince*  de  Théologie. 

III.  Epoque.  La  mémoire  du  Do£teur  A.  n'a  pas  cie  plus  bcureufc  à  l'égard 
des  hiits  qu'il  rapporte  conccrnans  la  conduite  de  la  Sonnet  j^enJant  fes  con- 
vulfions,  que  par  rapport  à  ceux  que  fon  imagination  lui  a  piclcntes  à  l'occa- 
fion  de  fa  guéufon  miiaculcufc. 

Il  n'y  a  qu'un  fcul  fait  bien  cifconftancié  dont  ce  Docteur  r.:ccmc  rhidoirc. 

Tout 


IBE'E  DE  VETJT  DES  CONFULS lONN AIRES.  41 
Tout  le  furplus  de  ce  qu'il  débite  contre  cette  fille,  fe  réduit  prefque  à  des  in- 
veâives. 

Voici  d'abord  ce  grand  fut  dont  le  Do(3:eur  conclud ,  que  les  circonftances  tvi^K*  s  j 
font  Ji  graves  qu'elles  font  capables  de  dijjîpcr  les  plus  éhlouijfans  préjugés. 

„  Je  ne  vous  diflîmulerai  pas  (me  dit-il  dans  fi  lettre)  qu'apprenant  tous  le  P»ie  i< 
5,  jours  le  funefte  fucccs  avec  lequel  cette  créature  féduifoit  les  efprits ,  je  la 
j,  fis  fuivre  &  examiner  de  près  :  &  cela  afin  de  pouvoir  vous  détromper  fur  ce 
5,  que  vous  penficz  à  fon  fujet.  La  Providence  me  lervit  comme  je  pouvois  le 
55  defirer.  Je  fivois  déjà  qu'elle  entretenoit  des  liaiions  avec  les  Auguftiniftcs , 
j,  êc  quelle  en  recevoit  de  l'argent.  Vous  nepouviez  le  croire,  &  il  falloit  vous 
„  le  prouver.  Et  quelle  preuve  ne  vous  en  donnai-je  pas  en  apprenant  l'infignc 
5,  impofturc  qu'elle  venoit  de  pratiquer?  Je  viens  au  fait. 

„  Vous  veniez,  Monfieur,  de  lui  donner  une  robe  toute  neuve.  Elle  oublie 
J,  qu'elle  fc  dit  paralytique  ,  elle  prend  fur  elle  un  mauvais  habit  6c  met  cette 
..  robe  dans  fon  tablier.  Elle  prie  une  perfonne  d'aller  avec  elle.  D'un  pas  léger 
„  elle  va  chez  une  Dame  Auguftinilte  „  (  Madame  Simart ,  fuivant  que  M. 
le  Dofteur  A.  l'a  déclaré  ,  comme  on  me  l'a  écrit.  )  „  CetteDanielui  témoigns 
„  fa  peine  de  la  voir  fi  mal  vêtue.  Madame,  lui  repond  la  Convulfionnaire,  je 
„  n'ai  pas  le  moyen  de  me  mettre  mieux.  Je  veux  ma  fille,  continue  la  Dame 
„  te  donner  une  robe,  &  il  fout  en  chercher.  En  voila  une,  pourfuit  la  Son- 
„  net ,  qu'on  veut  me  vendre ,  &  clleefl:  faite  comme  pour  moi.  On  eflaie  cette 
„  robe.  La  Dame  charmée  de  voir  qu'elle  va  fi  bien  à  la  taille  de  notre  four- 
,,  be,  lui  demande  combien  on  la  veut  vendre.  Un  Louis  de  vingt- quatre  francs, 
„  lui  répond-elle.  On  reçoit  les  vingt-quatre  livres,  &  l'on  va  le  divertir.  „ 

A  ce  récit  le  Dofteur  ajoute  plufieurs  autres  particularités  dont  le  long  dé- 
tail ne  manqucroit  pas  vraiicmblablcment  d'ennuier  le  lefteur.  Mais  je  ne  puis 
lui  épargner  la  principale  de  celles  dont  ce  Doéteur  a  jugé  à  propos  de  me  pren- 
dre à  témoin  :  lavoir ,  que  cette  hypocrite  démafq^uée  cf  confondue  . . .  me.  fit  à  moi- 
même  l'aveu  forcé  de  fes  impoflures. 

Croiroit-on  bien  que  dans  tout  ce  récit  fi  fort  chargé  de  circenftances ,  il 
n'y  a  pas  un  feul  mot  de  vrai. 

La  feule  chofe  dont  je  me  refibuviais  qui  y  ait  quelque  rapport,  c'eft  que 
ce  Doftcur  m'a  jadis  raconté  une  hiftoire  prefque  pareille  qu'il  mcttoit  alors  lîir 
le  compte  d'une  autre  Convulfionnaire:  ainfi  toutel'exculcque  je  puis  lui  four- 
nir, eft  que  l'infidélité  de  fa  mémoire  lui  a  fait  en  cette  occafion  prendre  une 
Convulfionnaire  pour  l'autre. 


que  c  etoit  une  pi 

Mais  dans  le  récit  même  de  ce  Docteur  il  y  appuie  très  fort  fur  une  circon- 
ftance  dont  la  faudeté  cil  palpable,  ôc  qui  choque  toute  vraifcmblance.  Ilfup- 
pofe  que  la  Sonnet  fe  difoit  encort  paralytique ,  ïoû(\\i'c\\t  ini  d'un  pas  lîger  chez 
la  Dame  Auguitinifte,  mais  qu'elle  l'avoit  oublié.  Or  il  eil certain  que  pendant 
tout  le  tems  que  la  Sonnet  a  été  paralytique,  elle  ne  pouvoir  faire  un  pas  lans 
becquilles  >  &  qu  elle  n'a  ctc  connue  de  Madame  Simart  qu'à  l'occafion  du  fpec- 
tacle  de  fes  étonnantes  convulfions  que  tout  Paris  venoit  voir,  &  qui  n'ont  fait 
ce  grand  éclat  que  plus  d'un  mois  après  qu'elle  a  été  miraculeufcment  guérie. 

A  l'égard  du  reproche  qu'il  lui  fait ,  ([w'elle  recevait  de  V argent  ...  des  Aw 
guflnijies^  il  elt  bien  vrai  que  les  Auguftmiftes  frappés  du  brillant  de  fes  con- 
vulfions ont  fait  tout  leur  polllble  pour  l'attirer  dans  leur  parti  j  mais  il  efl:  de 

Obfciiat.  II.  Part,  tome   IL  F  note- 


^4*      /i>£'£  DE  UETJT  DES  CON TULS 10 NNJIRES. 
notoriété  publique  que  loin  de  fe  ranger  de  leur  coté ,  elle  a  toujours  public 
hautement  qu'ils  étoient  dans  l'erreur;  d'où  il  fuit  qu'elle  a  été  inébranlable  à 
toutes  leurs  foUicitations. 

PuHons  au  fcul  titre  d'accufation  qui  a  quelque  efpccc  de  fondement ,  mais  que 
ce  Doélcur  exagère  à  l'excès. 
Uj»  }.  Elle  confer-joit  touiours  (  dit-il  )  un  fonds  d" a-ver fion  pour  fa  mire ,  averf.on  qu^eîle 

faifo'U  éclater  par  les  parties  les  plus  oittrageufes. 

Il  eft  vrai  que  cette  fille  a  plus  d'une  fois  manque  de  refpeét  à  fa  mère,  fbît 
par  des  p-aroles  peu  mefurccs,  foit  par  des  lignes  &  des  mouvemens  d'impatient- 
ce,  lorfqu'clle  la  voioit  agir  mal-adroitement  ou  avec  trop  de  lenteur-,  mais  je 
ne  l'ai  jamais  entendu  lui  dire  aucune  parole  outrageufe  ,  &i'ai  mêmedcs  preu- 
ves qu'elle  avoit  au  fonds  de  fon  ame  une  vraie  eftime  pour  elle,  &  qu'elle  la 
regardoit,  difoit-clle,  comme  une  faintc.  Cependant  c'eft  moi  feul  que  M.  le 
Doârcur  A.  prend  à  témoin  de  ce  fonds  d'/iver/îon,  ic  àc  ces  paroles  les  plus 
outrageufes  dont  il  prétend  que  je  lui  ai  fait  confidence  !  Ne  feroit-ce  pas  que 
comme  ce  Doélcur  voit  avec  un  microscope  les  défauts  des  ConvuKionnaires , 
il  entend  au  bout  d'une  trompette  tout  ce  qu'on  lia  dit  de  dcfavantageux  à  leur 
fîijet? 

Mais  quand  même  cette  fille  vive  jufqu'à  l'excès,  feferoit  emportée  jufqu'à 
dire  des  injures  à  fa  mère,  en  réfultcroit-il  que  Dieu  n'auroit  pas  pà  faire  un 
miracle  fur  elle,  &  que  les  admirables  merveilles  qu'on  voioit  s'opérer  toits  les 
jours  dans  fcs  convullions  n'étoient  pas  des  effets  de  la  routc-puifTmce  divinq? 
Tous  les  malades,  les  ellropiés,  les  aveugles  que  fefus-Chrill  a  guéris  font-ils 
donc  devenus  des  faints?  Et  parce  que  plu iieui's  font  peut-être  demeurés  tout 
auffi  grands  pécheurs  qu'ils  étoient  auparavant ,  les  Pharifiens  auroicnt-ils  été  eu 
droit  d'en  conclurrc  que  les  miracles  que  Jcfus-Chrilb  avoit  fait  fur  eux  n'é- 
toient pas  véritables,  fous  prétexte  que  ces  pécheurs  étoient  indignes  que  Dieu 
Icm-  fît  une  tcUe  laveur?  Jt  iérois  bien  malheureux  fi  Dieu  ne  faifoit  jamais  de 
grâces  à  des  indignes. 

Il  ne  refte  plus  à  répondre  qu'aux  invcélivcs  du  Doéleur.  Il  ne  les  épargne 
pas  :  il  ne  cédé  d'appellcr  cette  ConvuHîonnaire  fourbe  . . .  vialheiireufe ,  infigne 
hypocrite.  Mais  comme  il  ne  cite  aucun  autre  fait  que  ceux  dont  j'ai  parlé  ci- 
dcfTus,  la  meilleure  réponfc  que  je  puiffe  y  donner  ,  c'cll  de  rapporter  exaéte- 
ment  quel  étoit  le  caraétere  de  cette  fille ,  6c  quelle  a  été  la  conduite  dans 
fcs  convulfions. 

Son  principal  défaut  étoit  d'être  exceffivcment  vive,  &  très  portée  à  l'im- 
patience :  &  c'eft  ce  qui  étoit  caiife  qu'elle  manquoit  aile?,  louvcnt  de  refpcéb 
a  fa  merc ,  qui  eft  une  vieille  femme  d'une  lenteur  extraordinaire  dans  toutes 
f<"s  aétions  &  jufque  dans  fon  parler.  Mais  lorfqu'il  lui  étoit  échappé  quelque 
«larque  d'impatience,  ou  quelque  terme  peu  convenable,  elle  huen  demandoit 
excufe  i  ôc  fouvent  fa  convulfion  la  forçoit  de  fe  condamner  elle-même  à  des 
pénitences  très  rigoureufcs.  Au  furplus  dès  qu'elle  avoit  commis  quelque  faute 
confidérable,  fcs  convullions  difcontinuoicnt  ;  &  Dieu  lui  envoyoit  auffitot  une 
maladie,  qui  étoit  le  plus  fouvent  une  violente  attaque  de  pulmonie  accom- 
■pagnéc  de  fièvre.  Qiielqucfois  elle  s'impaticntoit  d'ab<>rd  contre  fa  maladie, 
&  p-^ur  lors  U  maladie  ne  manquoit  pas  d'.uit;mentcr ,  &  ovdjnaircmcnc  ne  le- 
gucrifloit  point  que  cette  fille  n'eût  confcllc  humblement  fcs  fautes  devant 
tout  le  monde,  qu'elle  n'eût  fupplié  ceux  qui  la  vcnoicnt  voir  de  prier  pour 
<llc.,,  &:  qu'elle  n'eût  fait  quelque  pénitence  cxtriorduiaire  :  elle  le  mcttoit  par 
txcroplc  fur  le  corps,  toute  malade  qri'cUc  étoit  ^  une  haire^  un  ci  lice  ,  un 

cccur 


IDEE  DE  rSTJr  DES  CONFULSIONNAIRES.  4^ 
cœur  &  une  ceinture  garnis  de  pointes.  Enfin  chaque  maladie  finiffbit  parle 
retour  de  fes  convulfions  qui  lui  rendoient  tout  à  coup  une  fanté  parfaite. 

De  telles  convulfions ,  qui  fe  retirent  dès  qu'on  fait  quelque  faute  notable , 
qui  ne  reviennent  que  quand  on  s'en  eft  publiquement  humilié  5c  qu'on  en  a 
fait  une  grande  pénitence ,  feroient-cUes  donc  l'ouvrage  du  démon  ? 

Au  retour  de  fes  convulfions  elle  paroilîbit  d'abord  pendant  quelque  tems 
avoir  de  la  pieté,  même  hors  de  convulfion.  Pour  lors  elle  employoit  toute  fa 
journée ,  dès  que  fes  convulfions  la  laifibient  libre  ,  à  travailler ,  à  lire  de  bons 
livres  &  à  faire  beaucoup  de  prières.  Mais  cette  vie  fort  occupée  l'ennuyoit 
bientôt;  &  dès  qu'elle  difcontinuoit  de  travailler,  de  lire  &  de  prier,  la  pieté 
s'évanouï{roit,les  mouvemens  d'impatience  rcprenoient  le  deflus.  Auffitôt qu'el- 
le avoit  fait  une  certaine  quantité  de  fautes,  ou  quelque  faute  confidérable, 
les  convulfions  ne  revenoient  plus,  &  il  furvenoit  une  maladie  qu'elle  reconnois- 
foit  elle-même  &  qu'elle  déclaroit  publiquement  être  une  punition  de  Dieu. 

Voila  fa  vie  :  &  quoique  je  ne  prétende  en  aucune  façon  excufer  fes  défauts ,  je 
puis  dire  que  l'aélion  de  Dieu  fur  elle  étoit  marquée  même  hors  de  convulfion. 
Il  fembloit  que  la  grâce  combattoit  contre  le  penchant  naturel  de  cette  fille , 
&  qu'elle  le  ibumettoit  de  tems  en  tems  :  qu'enfuite  ellefe  retiroit ,  &  qu'après 
l'avoir  laiflee  à  elle-même,  elle  revenoit  en  prendre  pofl'effion:  ce  qui  me  pa- 
roiffbit  un  fimbole  qui  répréfentoit  vivement ,  que  dès  que  la  grâce  celfe  de  nous 
foutcnir  nous  ne  fommes  plus  capables  d'aucun  bien. 

Comment  le  Doéteur  A.  peut-il  accufer  une  perfonned'un  tel  caraétèrc  d'être 
une  infigne  hypocrite'?  Qiioi!  parce  que  cette  fille  a  eu  une  vie  fort  inégale, 
une  vie  qui  étoit  une  akernatirc  de  fautes  8c  de  pénitences,  de  maladies  6c  de 
convulfions  ;  peut-on  conclurre  que  la  pieté  qu'elle  faifoit  paroître  de  tems  en 
tems,  n' étoit  hypocrifie  ?  Si  ce  n'eût  été  qu'impofturc,  elle  eût  affefté  d'en 
conferver  toujours  les  apparences ,  ce  qu'elle  ne  faifoit  point.  C'étoit  une  per- 
fonne  trop  vive  pour  difiîmuler  aucun  de  fes  fentimens.  Au  furplus  qui  a  donc 
donné  à  ce  Doéleur  le  droit  de  juger  ainfi  du  fonds  des  cœurs  ?  Cependant  ce 
jugement,  quelque  téméraire  qu'il  foit,  n'ell  encore  rien  en  comparaifon  de 
celui  qu'il  ofé  porter  par  rapport  à  la  mort  de  cette  fille . 

IV.  Epoaue.  Marie  Sonnet  eft  morte  à  l'Hôtel- Dieu  de  la  pulmonie  dont 
■elle  avoit  été  traitée  plufieurs  fois  dans  cette  maifon  depuis  fa  première  jeunefie. 
Mais  avant  que  de  s'y  faire  porter,  comme  elle  eut  peur  que  les  Prêtres  de 
cette  maifon,  la  plupart  Irlandois  &  ConlHtutionnaires  outres ,  ne  la  tourmen- 
laflent  pour  lui  faire  déclarer  quelque  chofe  contre  fa  confcience  ,  5c  que  fur  fes 
refus  ils  ne  lui  refufaflent  les  Sacrcmens ,  elle  prit  la  fagc  précaution  de  fe  les 
faire  adminiftrer  par  un  Prêtre  de  S.  Severin  ia  paroifle.  C'ell  un  fait  public 
que  le  Doéteur  A.  ne  pourra  nier.  Au  furplus  l'a  mcre  engagea  une  peribnnc 
d'une  grande  pieté  à  venir  l'exhorter  pendant  fa  maladie  ;  il  y  vint  très  régu- 
lièrement avec  la  mère,  8c  il  certifie  &:  a  même  déclaré  par  écrit  que  Marie 
Sonnet  pnroijjoit  bien  recevoir  les  exhortations  ôc  les  lectures  de  pieté  qu'il  lui  fai- 
foit ,  ^  que  pendant  tout  le  tems  qu'eUe  a  été  à  l' Hôtel-Dieu  elle  étoit  en  bonne 
intelligence  avec  fa  mère. 

Voila  les  faits  tels  qu'ils  font  atteftés  par  cette  perfonne  de  pieté.  Voici  au 
contraire  ceux  qu'a  imaginés  M.  le  Doéteur  A. 

„  Pendant  cinq  femaines  qu'à  duré  (dit-il)  la  maladie.  . .  de  cette  infigne  hy-pjgj..fe  g. 
„  pocrite.  .  .  non  feulement  clic  ne  donne  pas  le  moindre  figne  de  pieté:  non 
„  feulement  au  grand  fcandale  des  Religieuics  6c  des  autres  perfonnes  qui  l'ap- 
„  prêchent,  _ellc  continue  de  traiter  la  merc  avec  la  dernière iiidignité  ,clle  ne 

Fa  .,  veut 


1  Co 
IV.  S 


44  IDE'S  DE  VETJT  DES  CO N FU LS FONNJ TRES. 
„  veut  pas  même  entendre  parler  de  Dieu. .  .  Mais  telle  vie  ,  telle  fin  !  La  Son- 
j,  net  pendant  qu'elle  a  vécu  a  joué  Dieu  &  la  Religion:  elle  meurt  en  impie.  „ 
Ne  frcmit-on  pas  en  entendant  fortir  de  la  bouche  d'un  Picire  un  fi  ter- 
rible anathême  ?  Qui  lui  a  donc  révélé  que  cette  fille  efl  morte  de  la  mort  des 
impics  ?  Quelle  preuve  en  rapporte-t-il  ?  Aucune  autre  que  les  noires  idées 
que  fes  préventions  ont  forgées  :  fauiïcs  idées  qui  font  détruites  par  le  té- 
moignage précis  de  ceux  qui  ont  aflîfté  cette  fille  à  la  mort.  Mais  quand  il  (c- 
roit  vrai  que  cette  moribonde  trop  attentive  à  fes  mau.\ ,  n'eût  pas  toujours 
écouté  avec  tout  le  recueillement  défirable  les  IcéturcsSc  les  exhortations  qu'on 
lui  flùfoit  :  quand  il  feroit  vrai  qu'elle  auroit  laiflc  échapper  quelque  marque  de 
mauvaife  humeur  lorfqu'elle  fcntoit  redoubler  fes  fouffrances ,  feroit-ce  donc  là 
un  prétexte  fuffifant  pour  prononcer  qu'elle  eft  condamnée  à  des  fupplices  éter- 
nels ,  ainfi  que  le  font  ceux  qui  meurent  en  impies  ? 
rînth.  ,,  Ne  iugez  point  avant  le  tems  (s'écrie  S.  Paul:)  ne  jugez  point  iufqu'àcc 
„  que  le  Seigneur  vienne,  qui  produira  à  la  lumière  ce  qui  eft  caché  dans  ks 
„  ténèbres ,  &  découvrira  les  plus  fccrettes  penfées  des  cœurs. 
Rom.  II.  1.     „  C'cft-pourquoi ,  ô  homme  qui  que  vous  foyez,  qui  condamnez  les  autres, 

„  vous  vous  rendez  inexcufable. 
ibii.  XIV.      51  Qpi  ctes-vous,  pour  ofer  ainfi  condamner  la  ferviteur  d'autrai  ?  „ 
♦•  Sur  quoi  le  Père  Quefnel  fait  cette  judicieufe  reflexion  .'  „  Qu'il  eft  dange- 

„  reux  de  vouloir  fe  rendre  le  juge  de  la  confcicncc  des  autres.  C'cft  entreprcn- 
„  dre  fur  les  droits  de  Dieu  ,  fcul  juge  aufii  bien  que  feul  maître  de  tous.  „ 

Mais,  dira-t-on,  vous  convenez  que  la  Sonnet  avoit  de  grands  défauts.  Pour- 
qaoi  Dieu  l'auroit-il  choifie,  &:  pluficurs  autres  Convulfionnaires  tout  aufli  im- 
parfaits qu'elle ,  pour  fliire  fur  eux  des  prodiges  éclatans  ,  pour  les  rendre  de<) 
trompettes  qui  fiflcnt  retentir  de  toutes  parts  les  plus  importantes  vérités  ,  & 
pour  opérer  par  leur  miniftère  des  miracles  Ôc  des  convcrfions?  N'étoit-il  pas 
bien  plus  conforme  à  la  fagcfi'e  du  Très-haut,  ôc  plus  digne  de  fi  majefté di- 
vine, d'employer  à  de  fi  grandes  œuvres  les  célèbres  Doébeurs  dont  il  s'ctoit 
deia  fcrvi  pour  foutenir  l'Appel  ? 

Je  trouve  la  rcponfe  toute  prête  dans  plufieurs  difcours  de  Convulfionnaires 

faits  dès  1735.  Il  y  en  a  un  fur  tout  qui   me    paroît  mériter  grande  attention  ; 

mais  les  expreftions  en  font  fi  fortes  &  les  traits  fi  perçans,  que  je  croi  devoir 

cn  fupprimer  \x  plus  grande  partie. 

xir.         „  Dieu  veut  montrer  qu'il  eft  Dieu  (s'écrie  un  Convulfionnaire.)  II  veut  faire 

r>ifcour«  fur^    ^.^:^^  c^vCW  n'a  befoin  de  perfonncs.  Il  veut  fc  paflcr  de  tous  ceux  qui  fc croient 

»,fuTf2"'„  nécefTiircs  à  fa  caufe  :  &  c'cft  du  fein  de  la  miferc  dont  il  va  tirer  ceux  qu'il 

*^nM,Ttt  11  lui  plaira  d'employer.  Les  Appellans  qui  fe  parent  du  titre  honorable  d'amis 

fcw  opffcr^^  de  la  Verifé ^  ne  fentent  point  aflcz  toute  la  force  des  vérités  qu'ils  ont  dé- 

df.prodi-   ^'^  fendues,  &  ne  s'en  font  point  à  eux-mêmes  l'application  :  Dieu  veut  les  leur 

„  faire  éprouver  par  leur  propre  expérience.     Ils  ne  font  point  aflcz  pénétrés  de 

„  la  gratuité  de  la  miféricordc  &  de  la  puiH'ance  de  kigracc.     Dieu  pour  les  en 

,,  convaincre  veut  aujourd'hui  prendre  pour  défendre  fa  caufe  ce  qui  y  eft  le 

.,  moins  propre:  il  va  choifir  ce  qui  en  paroît  plus  indigne  aux  yeux  des  hom- 

y,  mes.  Il  veut  confondre  lafageflc  des  fagcs  qui  s'imaginent  être  prcfque  infiiil- 

„  liblcs.  Dès  à  préfcnt  il  permet  qu'ils  d^écidcnt  cofitVe  fes  œuvres,  £c  bicntÔ3 

„  il  permettra  qu'ils  s'obilinent  cnfuite  dans  leurs  fentimens  arec  une  pnllion 

„  qui   éclatera  comme  un  vent  impétueux.   Il  veut  qu'ils  reconnoilîcnt  un  jour 

„  le  monftrc  qui  ctoit  caché,  fans  qu'ils  le  fuiîcnt,  dans  le  fond  de  leurs  cn- 

„  traillcs.. .. 

^  Lor- 


5> 


IBE'E  DE  L'ETJT  DES  CONFULS lONN AIRES.  4^ 
5,  L'orgueil  a  été  de  tout  tems  le  vice  le  plus  univerfel.  Plufieurs  le  portent 
dans  leur  fcin  fans  qu'ils  s'en  apperçoivent ,  jufqu'à  ce  que  quelque  occafion 
„  faflc  paroître  au  grand  jour  l'énorme  enflure  que  les  piqueures  de  ce  ferpent 
ont  caufée  dans  leur  ame.  Pour  lors  ce  monflre,  fortant  des  fombres  brouil- 
lars  d'une  humilité  affcftéc  qui  le  rcndoient  prefque  invifible,  paroit  tout  à 
découvert  :  on  le  voit  qui  agite  leurs  cœurs,  qui  remue  leurs  paffions,  quidi- 


55 

5,  rigc  tous  leurs  mouvemcns 


„  Dieu  ne  veut  pas  les  perdre  tous,  mais  il  veut  guérir  cette  mortelle  en- 
5,  flure  par  une  humiliation  profonde  ,  &  par  tout  ce  qui  peut  le  plus  les  ra- 
„  baiffer  un  jour  à  leurs  propres  yeux  :  6c  jufque-là  il  veut  fe  fervir  à  leur  pla- 
ce d'inftrumens  qui  paroifîcnt  tout  à  fait  indignes  de  cette  faveur.  Illeschoi- 
fit  ainfi  tout  exprès  afin  que  le  mépris  du  mondelesforçant  de  devenir  hum- 
bles ,  ils  acquierrent  par  la  conviélion  de  leur  foiblefîc ,  toute  la  force  né- 


3J 

„  cefliiire  pour  vaincre  le  fort  armé.  C'elt  ainfî  que  Dieu  manifefte  fur  les  uns 
,',  la  iuftice  de  fes  jugeraens,  fur  d'autres  la  force  toute-puifTante  de  fa  grâce, 
,',  fui-  tous  la  gratuité  des  miféricordes  qu'il  leur  a  faites.  „ 

On  ne  doit  donc  pas  être  furpris  que  celui  dont  la  profondeur  des  confeils  eft 
impénétrable,  choififle  des  fujets  très  imparfaits  pour  opérer  fur  eux  6c  par  eux 
les  prodiges  qu'il  veut  faire  :  &  par  confequent  ce  n'eft  point  par  les  qualités  des 
personnes  qu'on  doit  juger  du  principe  de  leurs  convulfions,  ou  pour  mieux  dire 
des  prodiges  qui  les  accompagnent:  c'eft  pai"  leur  origine,  par  la  fin  que  s'cft 
propofée  leur  auteur ,  6c  par  les  effets  qu'ils  ont  produit ,  qu'on  doit  fe  déterminer. 

A  juger  des  convulfions  de  Marie  So)inet  fuivant  ces  principes  qui  font  ceux  '^  xm. 
des  Pères ,  on  ne  peut  douter  qu'elles  ne  viennent  de  Dieu.  Lagranoeur 

Si  d'abord  on  confiderc  la  grandeur  des  prodiges  qui  en  naiffent,  ([ui  ne  voitjoims^u'l" 
que  le  feul  maître  de  la  nature  peut  ainfi  en  renverfer  toutes  les  loix  ?  îl  ne  faut^j""j;"]i.',°'" 
pour  s'en  convaincre  que  lire  fans  prévention  le  récit  qu'en  tait  le  Doftcur  A.  ce^™^"  ma- 
témoin  à  cet  égard  fi  peu  fufpea.  S.Toit 

On  lui  Uijfe  tomber  fur  le  ventre  du  haut  du  plancher  ,  dit-il  lui  même,  une  pkr-^'^^^^'^^- 
re  du  poids  de  fo.  livres  tandis  que  tout  fon  corps  renverfé  en  arc  n'eft  foutenu  °^'^'' 
que  fur  la  pointe  d'un  pieu  aigu  placé  fous  l'épine  de  fon  dos  :  cependant  loin  d'en 
être  écrafée  6c  que  ce  pieu  perce  fon  corps,  c'efl  un  foulagement pour  elle. 

En  faut-il  davantage  pour  perfuader  tout  lefteur  judicieux,  qu'il  n'y  a  que  la 
volonté  toutè-puifiante  de  Dieu  qui  puifle  opérer  un  tel  prodige,  puifqu'iln'a  pu. 
s'exécuter  que  par  le  renverfement  des  loix  qui  régifTcnt  toute  k  nature? 

Mais  plus  on  fait  d'attention  aux  circonftances  de  cette  merveille ,  plus  l'opé- 
î'ation  de  la  divinité  s'y  manifefte  avec  évidence. 

Ce  n'efl:  pas  une  feule  fois,  c'eft  chaque  jour  cent  fois  de  fuite,  qu'on  élcvoit 
à  force  de  bras  cette  groffe  pierre  avec  une  poulie  jufqu'au  haut  du  plancher,  6c 
qu'on  la  laiflbit  enfuite  retomber  tojut  d'un  coup  fur  le  ventre  6c  l'eftomac  de  cet- 
te Convulfionnnire. 

Cette  pierre  à  la  vérité  ne  pefoit  que  fo.  livres,  mais  en  tombant  de  très  haut^ 
fon  poids  s'augmentoit  fans  mcfure  par  l'impétuofité  avec  laquelle  elle  fe  précipi- 
toit ,  dès  qu'on  lâchoit  tout  d'un  coup  la  corde  qui  la  rctenoit  en  l'air.  Auflî  les 
côtes  de  la  Convulfionnaire  plioient -elles  fous  ce  poids  énorme,  elles  s'affaiflbient 
confidérablcment  6c  fon  ventre  s'applatifioit  fi  fort  que  la  pierre  fcmbloit  en  avoir 
pris  toute  U  place.  Cependant  loin  que  cela  lui  fit  aucun  mal,  elle  en  étoit  fou- 
îagée,  ainfi  qu'en  convient  le  Dodeur  A. 

Il  avoue  aufli  que  le  corps  de  la  Convulfionnaire  renverfée  en  ai'c  la  tète  6c  les; 
f  ieds  en  bas ,  n'étoit  foutenu  que  fur  la  pointe  aiguë  d'un  pieu  qui  ctoit  droit  fous; 

F  5  "^  i£S. 


46  IDE'E  DE  VE'TJTDES  CO NFULSIO  MNJIR  ES 
fes  reins ,  Se  placé  perpendiculairement  au  deflbus  de  l'endroit  où  devoit  tomber 
h  pierre.  L'impétuofité  de  la  chute  de  cette  pierre  n'étoit  donc  arrêtée  que  par 
la  pointe  de  ce  pieu ,  le  corps  de  la  Convulllonnaire  entre  deux  :  ainfi  toute  1» 
force  du  coup  le  raflembloit  vis  à  vis  de  cette  pointe.  Avec  quelle  violence  un 
coup  de  cette  force  ne  preifoit-il  pas  la  pointe  aiguë  de  ce  pieu  de  percer  la  peati 
6c  les  chairs  qui  étoicnt  immédiatement  au  defius  d'elle?  Auili  le  pieu  paroiffoit- 
il  s'enfoncer  dans  le  corps  iufqu'à  certain  point.  Cependant  la  peau  &  les  chairs 
n'en  rccevoicnt  pas  la  moindre  atteinte,  éc  n'en  fouffroient  pas  la  moindre  dou- 
leur! Le  plus  fragile  rameau  de  leurs  plus  petites  veines  n'en  a  jamais  été  brifcl 
La  plus  délicate  de  leurs  petites  glandes  n'a  pu  en  être  écrafée  !  L'épidcrme  de 
la  peau  n'en  a  pas  feulement  été  effleurée  !  Et  tout  l'effet  de  coups  fi  terribles 
qui  faifoient  pâlir  d'effroi  la  plupart  des  fpeélateurs  &  trembler  tout  le  plancher 
de  la  chambre,  s'cft  toujours  terminé  à  procurer  un  foulagrivent  réel  à  la  Con- 
vulfionnaire ,  en  la  guériOlmt  quand  elle  étoit  la  malade,  ou  en  fortifiant  fa  fan- 
té  ,  fans  lui  avoir  jamais  fliit  aucune  impreflîon  nuifible  ! 

Comment  ofc-t-on  refufer  de  reconnoitre  l'opération  de  Dieu  dans  un  effet  fî 
manifcllemcnt  contraire  à  toutes  les  loix  de  la  nature,  6c  fi  fupérieur  au  pouvoir 
de  tous  les  êtres  créés? 

Pour  l'opérer  il  a  fallu  donner  aux  chairs  6c  à  la  peau  de  cette  Convulfionnai- 
re,  c'ell  n  dire  à  des  p.inies  très  tendres 6c très  molles,  6c  à  une  multitude  in- 
nombrable de  veines,  d'artères  tSc  d'autres  petits  vaifTcaux  d'une  extrême  délica- 
tcffe,  dont  la  peau  éc  les  chairs  font  travcrfés  de  toutes  parts,  plus  de  force  que 
n'en  ont  les  corps  les  plus  durs. 

Il  efl  certain  par  exemple,  qu'une  barre  de  fer,  en  la  pinçant  en  l'air  fur  une 
pointe,  comme  étoit  le  Corps  de  la  Convulfionnaire ,  auroit  été  calféc  par  le 
poids  immcnfc  d'une  pierre  de  fo.  livres  tombant  à  plomb  de  très  haut:  cepen- 
dant ce  qu'il  y  avoit  de  plus  délicat  6c  de  plus  tendre  dans  la  chau-  de  cette  fille, 
n'en  a  rien  fouffert  ;  6c  par  conlequent  il  a  eu  dans  ce  moment,  pour  réillterà  ■ 

de  tels  coups,  plus  de  confiftance  6c  de  foliditc  qu'une  barre  de  fer.   Or  cette  II 

folidité,  cette  confiflancc  dans  des  parties  très  délicates  6c  très  molles,  n'étant  ■' 

point  dans  la  nature ,  étant  même  diamétralement  oppofce  à  fes  loix ,  n'a  pu  être  ' 

produite  que  par  une  volonté  particulière  de  Dieu ,  Se  contraire  à  l'ordre  univer- 
fel  qu'il  a  établi  dans  le  monde,  ordre  dont  lui  feul  peut  fe  difpenfer. 

Quel  avocat  du  diable  fera  alfcz  hardi  pour  foutenir  que  ce  malheureux  apo- 
ftat  a  le  pouvoir  de  forcer  les  loix  par  lefquelles  Dieu  a  voulu  que  tout  l'univers 
fût  régi  depuis  Çx  création  ?  Si  on  ne  peut  le  dire  fms  une  efpece  de  blafphêmc, 
il  n'efl  donc  pas  permis  de  lui  attribuer  un  prodige  qui  n'a  pu  s'opérer  ians  un 
Tcnverfemcnt  de  ces  loix. 
tiii  7-  Le  Dofteur  A.  rapporte  encore  que  pîufteurs  hommei  k  la  fois  prejftitnt  cette 
Convulfionnairc  de  toutes  leurs  forets  avec  des  hrocbes  de  fer  ^  les  pointes  appliquées 
contre  fa'gorgc  eu  contre  fa  poitrine  i  6c  que  ces  partis  s  de  fon  corps  n'en  étaient  au- 
cunement entamées. 

Quoi  !  n'efl-il  pas  de  la  dernière  évidence  que  pour  rendre  la  peau  &  la  chair 
impénétrables  jufqu'à  un  point  (1  prodigieux,  il  a  fallu  leur  donner  une  maniè- 
re d'être  furnaturclle:  ce  qui  équipoUe  à  une  création,  6c  que  Dieu  ftul  peut  taire? 

M.  le  Doftcur  A.  imagine-r-il  quelque  rcHort  dans  les  matières  lolidcs,  ou 
«juclque  vertu  occulte  dans  les  liquides,  capable  de  produire  des  qualités  lî  in- 
compréhcnfiblcs  8c  fi  contraires  aux  règles  de  la  nature?  Si  la  raifon  détend  de 
le  fuppofer,  comment  ce  Doétcur,  qui  doit  favoir  qiie  le  démon  ne  peut  rien 
faire  que  par  des  moyens  naturels,  ofc-t-il  foutenir  qu  il  cfl  Tauccurdc  tels  pro- 
diges: ^C" 


IDE'E     DE    L'E'TAT  DES   CO  NVULS 10  NN  A I  RE  S.       4.7 

"  Cekii  qui  a  paru  le  plus  admirable  à  ce  Dodleur ,  mais  qu'il  donne  néanmoins  au 
diable  aiilfi  bien  que  toutes  les  autres  merveilles  qui  ont  éclaté  dans  les  convullions  de 
Marie  Sonnet,  celui,  dit-il,  qui  l'a  rendue  bien  plus  fameufe  que  tous  les  autres 
Co7tvHlfiormatresi,  c'ejî  le  privilège  [pécial  .  .  .  de  n'avoir  reçu  aucune  atteinte  du 
feu  au  milieu  des  flammes  (^  étendue  fur  les  br  a  fier  s  les  plus  ardens. 

Mais  comment  ce  Dodeur  a-t-il  pu  penfer  que  le  démon  ait  le  pouvoir  de  donner 
une  telle  invulnérabilité  à  des  corps  vivans  ? 

Le  feu  eft  de  tous  les  êtres  matériels  celui  dont  l'adHon  efl:  la  plus  vive:  &  il  ne 
peut  même  fubfifter  un  feul  inllant  fans  un  mouvement  continuel. 

Pour  en  garantir  une  per{bnne,loric[u'elle  eft  au  milieu  des  flammes  (^  étendue  fur 
les  brafiers  les  plus  ardettsfA  faut  ou  faire  perdre  à  cet  élément  lespropriétés  qui  con- 
ftituent  elîèntiellement  fon  être  ,  &  par  conféquent  il  faut  le  changer  alors  de  nature  ; 
ou  il  faut  donner  au  corps  de  cette  peribnne  &  même  à  fes  habits,  des  qualités  très 
furnaturelles.  Car  en  pareils  cas  il  n'y  a  point  d'autre  moyen  de  les  mettre  en  état  de 
réfifta  à  la  violence  dévorante  d'un  feu  qui  les  enveloppe  de  tous  côtés ,  &  qui  leur 
lance  fans  celle  des  traits  ardens. 

Or  de  tels  prodiges  étant  diredement  contraires  aux  régies  continuelles  qui ,  félon 
l'ordre  de  Dieu ,  régilïènt  l'univers  matériel  depuis  fa  création,  il  ert  de  la  dernière 
évidence  qu'ils  paiTènt  le  pouvoir  des  démons. 

Si  M.  le  Dodeur  A.  avoit  pris  la  peine  de  lire  ce  que  les  Pérès  de  l'Eglife  6c  les 
plus  célèbres  Théologiens  enfèignent  fur  ce  fujet,  il  y  auroit  appris,  non  feulement 
que  les  démons,  mais  même  les  Saints  Anges,  ne  peuvent  rien  exécuter  que  par  les 
moyens  qu'ils  trouvent  dans  la  nature. 

Entr'autres  grands  Dodeurs,S.  Thomas  l'Ange  de  l'Ecole  ne  fe  lallè  point  de  répé- 
ter en  vingt  endroits  de  lès  Ouvrages,  que  „tout  ce  qui  i">eut  être  tait  par  les  démons 
„  ne  peut  s'opérer  que  par  la  vertu  de  quelques  caufes  naturelles:  ^^  poffunt  fieri 
per  dxmones  .  .  .  fiunt  virtute  aliquarum  caufarum  -naturalium.  „  A  quoi  il  a-^j""  '■?»«• 
^  joute  que  même  tout  ce  que  fait  un  Ange  par  fa  propre  force ,  ou  toute  autre  créa-wu  4'.'°' 
^  ture  que  ce  foit,  ne  fêtait  que  conformément  à  l'ordre  de  la  nature:  £luidqmd  facit 
Angélus  uel  quxcumque  alia  creatura  propriâ  virtute  ,  hoc  fit  fecundum  ordinem 
nature  créât &. 

'C'cft  aulli  ce  que  décide  exprefTément  le  (avant  Alphonlè  Toftat ,  Evêque  d'Avila. 
„  Tout  ce  que  les  Anges  (dit-il)  optèrent  parmi  nous  fur  les  chofes  corporelles,  n'eft  3.„f*"'°''' 
„  que  NATUREL.     Car  ils  n'ont  point  dans  eux-mêmes  le  pouvoir  de  rien  changer  cap.  t.'  i.  %, 
„  dans  ces  chofes,  &  ils  ne  peuvent  erre  en  elles  le  principe  d'auctm  ellèt  que  par  l'ap- 1^  ^59- 
f,  plicarion  des  cauiès  atlives  &  naturelles  ,  capables  de  le  produire  fur  des  corps  pro- 
„  près  à  recevoir  cette  impreffion:  Omnes  qutdem  acîus,  quos  inter  nos  exercent  An- 
gehci  Spiritus  fuper  res  corporales,  . .  funt  naturali  S;  quotiiam   nullam  in 
ipfis  habent  virtutem  immutativam  harum  corporalium  rerum,  nec  in  eis  aliquam 
aciionem  naturalem  principiare  poffunt  ^  nifi  applicando  aéîiva  naturalia  aliis  na~ 
tur aliter  ad  paffionem  difpofttis. 

Ajoutons  encore  ici  un  Palfage  de  S.  Jean  Chryfoflome  ,  dans  lequel  il  donne  pour 
principe ,  que  les  démons  ne  font  que  de  faux  prodiges ,  qui  ne  font  proprement  qu'u- 
ne ombre  &  un  vain  fimulachre  des  prodiges  véritables. 

„  Si  Dieu  (dit-ii)  a  quelquefois  accordé  (aux  démons)  la  pcrmiflion  de  faire  de    ."^.ChtyC 
„  FAUX  prodiges  ce  n'a  été  qu'aiin  de  relever  davantage  la  grandeur  des  vrais.     C'elf  |!^r"o!V.'s{ 
„  pour   cela   qu'au  tems  des  Prophètes  &  des  Apôtres  ,    il  a  permis  qu'il  parût  ''<^7(<-  Hom. 
„  de  faux-Apôires  &  de  taux  -  Prophètes  ,   pour  nous  apprendre  que  les  prodiges  o.'i'au"'^' 
„  de  l'Enfer  qui  ne  font  qu'une  apparence  &  qu'une  ombre,  ne  peuvent  en 
f,  aucune  ibne  obfcurcir  les  brillantes  Merveilles  qu'il  fait  lui-même:  Ideo  interdiim 

FALSA 


4.8       IDE'E    DE    L'E'TAT   DES    CO  NVUL  SIO NM A tîiE S 

F  A  L  s  A  fieri  Deui  ftgna  concejjtt ,  ut  abundantiùs  vera  monjiraret  :  proptereà,  ^ 
Pfeudû-prophetas  tempore  Prophetarum  ,  &  Pfeudo-apOjhlos  cu?n  Apoi}olis  appare- 
re  permifit ,  ut  difceres  quia  fplendentes  ejns  ubiqt'.c  Hrtutes  nequaquÀm  obfcurare 
tofet  fimilitudo  &  timbra  quidam  virtutum. 

Selon  cas  Textes  &  nombre  d'autres  que  le  Leâeur  a  vu  ci-delTus  d;ins  ma  Differ- 
tation  fur  l'autorité  des  Miracles  ,  c'ert  donc  un  prindj^  incontef  table  qu'il  n'y  a 
que  le  Nlaîtrc  de  la  nature  qui  puifTe  faire  des  prodiges  réellement  furnaturels.  Or  le 
prodige  qui  a  prélen-é  Marie  Sonnet  de  recevoir  auc(^»e  atteinte  du  feu  au  milieu  des 
flammes  &  étendue  fur  les  br  a  fiers  les  plus  ardens,  étoit  incontcrtablement  fupérieur 
aux  loLx  qui  gom^ement  la  nature;  &  par  conféquent  il  n'a  pu  être  exécuté  que  par  la 
ruilTance  fans  bornes  de  Celui  qui  opère  tout  ce  qu'il  veuL 

La  féconde  manière  dont  la  Sonnet  reprefaitoit  le  fupplice  du  feu  ,  n'eft  pas  moins 
mcrveilleufe  que  lapreniiérc:  &  il  eft  également  évident,  qu'il  fcroit  abfolument  im- 
poffible  au  démon  de  fliiie  rien  de  pareil.  En  e.lèt  par  quelle  adrellè,  par  quel  artitî- 
ce,  par  quel  moyen  nauirel  pourroit-il  empêcher  que  les  pieds  d'une  perfonne  ne  ftis- 
fcnt  brûlés  dans  un  grand  feu  ,  tandis  que  ce  feu  confumeroit  fes  fouliers  &  réduiroit 
en  cendres  jufqu'à  la  femelle  de  les  bas  ? 

Au  fuiplus  ces  prodiges  étant  joints  à  plufieurs  autres  que  f  ai  démontré  ci-ddlus  n'a- 
voir pu  s'opérçr  que  par  un  boulcverfement  des  loix  naturelles  ,  &  qu'en  donnant  à  la 
peau  &  à  la  chair  des  qualités  furhumaines  que  certainement  le  démon  n'a  pas  le  pou- 
voir de  créer,  quel  doute  peut-il  refter  à  cet  égard  au  plus  incrédule  pourvu  qu'il 
faite  ufage  de  fa  raifon  ? 
XIV.  Mais  oublions  fi  l'on  \'eut  pour  un  moment,  la  grandeur  de  ces  Men'eilles,&  n'exa- 

fotigincd  «minons  les  convulfions  de  Marie  Sonnet  que  par  les  régies  que  les  Pérès  nous  ont 
dria"soT  données  pour  juger  des  prodiges  où  la  Toute-puilfance  di\-uie  ne  fe  manifelte  pas  avec 

net,  Tubict    .      ^  d'éclat. 

t/uî'&  ks'  Quelle  a  été  l'origine  des  Comoilfions  de  cette  fille  >  Accablée  par  des  maux  dont 
UioTfô-  elle  ne  peut  fupporter  la  rigueur,  elle  a  recours  à  desperfonnes  attachées  à  la  Vérité; 
àm°°\îol'  elle  les  fupplie  de  commencer  une  neuvaine  avec  elle,  pour  obtenir  de  la  miféricordc  de 
vcnôilm'de"  Dieu  quelque  foulagement  dans  fes  foutirances  par  l'interceiîion  du  Bienheureux  Ap- 
bTc^"    '  pellant  en  l'honneur  de  qui  il  fe  plaît  à  faire  tant  de  Men'eilles. 

Les  pnéres  que  la  clwité  de  ces  perfonnes  les  engagent  de  faire  ,  montent  jufqu'au 
thrône  de  Dieu  ;  &  pour  faire  voir  à  la  tciTe  qu'il  a  daigné  les  entendre ,  il  envoie  à 
la  malade  les  plus  violentes  convulfions  accompgnées  du  prodige  de  fe  mettre  les 
pieds  dans  le  feu  fans  en  fouftrir  aucun  mal. 

Le  Dodeur  A.  pretcnd-il  que  Dieu  a  livTé  cette  malade  à  des  convulfions  diaboli- 
ques   parce  que  des  perfonnes  de  pieté  le  prioient  pour  elle? 

Mais  à  quoi  ces  convulfions  ont-elles  \>on^  la  malade  .>  A  faire  d'étonnantes  péniten- 
ces mïJgré  fon  excdllve  foiblelTe  Quel  a  été  leur  erfct  ?  De  la  guénr  Miraculeufe- 
ment  de  fon  abcès  au  foie,  de  fa  tumeur  au  côté,  &  de  fa  paralylie. 

Examinons  préfcntcment  quel  a  pu  êffc  l'objet  que  s'elt  propolé  l'auteur  de  ces  con- 

Il  cft  d'abord  de  la  dernière  évidence  que  les  grands  prodiges  qui  les  ont  accompagnés 
font  fimboliques.  K'efl-il  pas  vif  îble  par  exemple ,  que  le  l]x.'^kclc  de  cette  Convulfionnaire 
au  milieu  des  flammes  qui  loin  de  la  brûler  la  guéniTont  &  la  forriliait,  nous  met  fous 
l'es  yeux  que  le  plus  grand  feu  de  la  perfécution  ne  jxjurra  détruire  la  Vérité,  &  qu'au 
contraire  elle  en  recevra  plus  de  force  ?  Il  ai  ell  de  même  des  couj  s  de  pierre  capa- 
bles de  brifer  le  fer,  qu'elle  fupixjnc  fans  aucune  peine,  &  des  broclies  qui  ne  ix;u- 
vcnt  percer  fa  ixau.  Enfin  remprcircment  avec  lequel  elle  fe  li\'re  à  tous  ces  genres 
de  fuppliccs,  uns  ai  avoir  aucune  crainte,  ne  fignifie-l-il  Y'Xi  clairement  que  ceux 
'  qui 


7D£'5  DE  D^TJT  DES  CONFULS lONNJlRES.  4;> 
'iqui  s'offriront  à  la  mort  pour  la  défcnfe  de  la  Vérité,  feront  foutenus  par  une 
grâce  qui  leur  fera  affronter  tous  les  tourmens  avec  joie  ? 

Au  furplus  quel  effet  tous  ces  prodiges  ont-ils  produit?  Ils  ont  augmenté  la 
foi  des  fpeftateurs ,  leur  confiance  en  Dieu ,  leur  amour  pour  lui  :  ils  ont  con- 
vaincu des  incrédules,  &  converti  des  pécheurs.  J'en  ai  vu.  moi-même  fondre 
en  larmes  à  l'afpcâ;  de  toutes  les  merveilles  que  Dieu  opcroit  fur  cette  Con- 
vulfionnaire. 

A  fon  égard  les  convulfions  lui  ont  auflî  toujours  été  falutaircs.  Elles  l'ont 
d'abord  guérie  d'une  maladie  très  douloureufe ,  &:  qui  la  conduifoit  à  la  mort. 
-Elles  lui  ont  même  donné  de  tems  en  tems  une  forte  de  pieté.  M.  le  Doéteur  A. 
convient  lui-même,  cruelle  s'ejl  fait  admirer  par  fes  belles  prières^  par  fes  prédi-iig^' 
nions,  par/es  di/cours ,  par/es  extafes  ...  èc  quelle  s'eft  difiinguée  par  fa  charité 
h  panfer  les  malades,  par  fon  courage  à  fuccer  le  pus  des  écr Quelles  ^  des  ulcères. 

Il  eft  vrai  qu'elle  s'eft  plus  d'une  fois  dégoûtée  de  fon  état,  Se  de  toutes  les 
bonnes  œuvres  que  fes  convulfions  lui  faifoient  faire:  mais  auffi-tôt  les  convul- 
fions ceffoicnt,  &  il  furveiwit  une  maladie  qui  ne  fe  guériffoit  que  par  la  péni- 
tence ,  l'humiliation  6c  les  prières  qui  faifoient  revenir  les  convulfions. 

Si  c'eft  fatan  qui  pendant  près  de  deux  ans  n'a  ceffc  prefque  tous  les  jours  où 
^ettc  Convulfionnaire  n'étoit  pas  malade,  de  faire  fur  elle  d'admirables  prodi- 
ges, quoiqu'il  vît  que  l'effet  qu'ils  produifoicnt  ctoit  d'accroître  la  foi,  la  con- 
fiance &  l'amour  des  afiîftans,  de  redoubler  leur  courage  6c  leur  attache  à  la  Vé- 
rité, de  faire  cmbraffer  la  pénitence  par  des  gens  qui  jufque-là  avoient  vécu  dans 
Je  defordrc  6c  l'incrédulité,  enfin  de  forcer  pour  ainfi  dire  la  Convulfionnairc  à 
faire  des  aétions  de  pieté  prefque  malgré  elle  j  il  faut  afoucr  que  ce  rufc  fcdu- 
■éleur  eft  devenu  bien  imbécile. 

Eft-ce  dans  la  logique  ou  dans  fa  Théologie  que  M.  le  Doéteur  A.  a  puifé  les.    '^'^• 
principes  qui  conduifent  à  de  telles  confcquenccs?  C'eft  fins  doute  dans  la  mcmeiiorsde  De- 
iburce  que  celle  où  il  a  pris  ce  qu'il  dit  d'une  autre  Convulfionnairc  dont  il  par-"ctiiet"""' 
Je,  nommée  Dcnifc  j  qui,  fuivantlui,  n'a  jamais  eu  de  convulfions  réelles,  6cquiP-'S«'- 
cependant  fe  raiioit  écarteler  ...  pendre  ...  étrangler  ...  ajfoyumer  ...à   coups 
de  grofi'es  pierres  qu'on  lui  déchargeait  de  toutes  les  forces  fur  la  poitrine ,  le  tout  par 
jeu,  par  irupojîure S<:  pouv Con  bon  plaifir,  fans  néanmoins  qu'il  en  arrivât  d''acc!' 
-dent,  parce  que  le  démon,  par  compaffion  pour  elle,  venoit  empêcher,  quoi- 
xju'à  fon  infçu,  que  tout  cela  lui  fît  aucun  mal. 

Je  ne  croi  pas  que  le  Icéteur  exige  de  moi  que  je  m'amufe  à  répondre  à  de  fi  é- 
trangcs  paradoxes  :  ce  fcroit  fe  battre  contre  des  chimères.  Il  lui  iuffira  fans  dou- 
te que  je  lui  donne  des  preuves  invincibles  de  la  réalité  des  convulfions  de  cette  fille. 

Elle  ctoit  née  paralytique  de  tout  le  côté  droit.  Tout  ce  côté  depuis  la  moi- 
tié de  la  tête  jufqu'iUi  bout  du  pied,  avoit  toujours  été  infcnfiblc,  prefque  fans 
mouvement,  6c  plus  qu'à  demi  dcffeché.  Sur  tout  le  bras  6c  la  jambe  ne  paroif- 
foicnt  que  des  os  couverts  d'une  peau  noire  6c  tcrreufe,  à  peu  près  comme  les 
membres  d'une  momie:  le  bras  étoit  renverfé,  la  main  toujours  fermée,  le  pied 
retourné  en  dedans. 

On  la  mit  en  cet  état  au  mois  de  Décembre  173 1.  fur  le  tombeau  de  M.  de 
Paris:  auifitôt  il  lui  prit  des  convulfions  qui  mirent  en  mouvement  jufqu'aux 
membres  paralytiques  6c  deffechés.  Au  bout  de  quelques  jours  ces  membres  pa- 
rurent reprendre  pour  ainfi  dire  une  nouvelle  vie;  ils  fe  garnirent  peu  à  peu  de 
chair:  leur  peau  noire  6c  aride  devint  bientôt  blanche  6c  fraîche:  la  main  com- 
mença à  s'ouvrir,  6c  le  pied  à  fe  placer  dans  une  fituation  naturelle.  Mais  ces 
merveilleux  changemens  ne  continuèrent  que  pendant  quelques  mois.     Dès  que 

Obfer-cat.  H.  Part.  Time  IL  G  De- 


jo      IDEE  DE  VE'TJT  DES  CON rULSTONNJIRE'S. 
Denife  fe  vit  prefque  guérie,  elle  en  conçut  de  la  vanité:  elle  voulut  plaire  au 
monde,  &  ccfla  de  faire  la  plus  grande  parcie  de  fes  prières.  Dieu  l'en  punit  d'u- 
ne manière  vilîble  ;  Ton  bras  &  l'a  jambe  retombèrent  prci'que  entièrement  dans 
leur  premier  état,  &  elle  devint  quafi  imbecille. 

Elle  ctoitdans  cet  état  lorfqu'un  jour  M.  le  Doéteur  A.  l'étourdit  Ti  fort  par 
la  véhémence  de  fes  difcours,  &  l'effraya  tellement  parla  violence  de  fes  mena- 
ces ,  qu'il  lui  fit  convenir  que  les  convulfions  n'avoient  rien  eu  de  réel,  fie  qu'el- 
les n'etoient  qu'une  fourberie.  Mais  fitôt  qu'elle  fut  hors  de  fii  préfcnce,  elle  fe 
plaignit  du  mcnfonge  qu'il  lui  avoit  fait  faire. 

Tel  cil  l'unique  fondement  fur  lequel  ce  Doéteur  s'appuie,  pour  foutenir  que 
cette  fille  avoit  trouvée  le  merveilleux  fecrct  de  fe  faire  ajfûmmer  à  coups  de  pierre 
fans  en  rien  ibuffrir,  de  fe  faire  étrangler  fans  que  cela  lui  fit  aucune  douleur,  en 
un  mot  de  fe  faire  tuer  fans  en  mourir  ! 

Comment  clt-il  poflible  qu'on  fe  prévienne  jufqu'au  point  d'imaginer  que  des 
convulfions  qui  ont  d'abord  produit  le  commencement  d'une  guérifon  des  plus  in- 
contcflablement  miraculeufes,  &  qui  étoicnt  tous  les  jours  accompagnées  de  pro- 
diges que  l'artifice  ne  pourvoit  jamais  imiter,  n'aient  été  v^c  jeu  &  c^impojlure? 
Mais  qui  peut  donc  avoir  aveuglé  ce  Doéircur  jufqu'àun  exccsquiparoît  fi  in- 
compréhcnfible?  C'efl  qu'd  veut  abfolument  juger  par  fes  préventions  d'une  œu- 
vre qu'il  ne  connoit  pas. 

EN  effet  il  ignore  tellement  ce  qui  fe  paiïè  dans  cette  oeuvre,  qu'il  s'efl  ima- 
s'.rokïie"  ginéquc  la  Sonnet  étoit  la  feule  Convulfionnaire  qui  avoit  été  prefervéc  de  l'a- 
TrcTc*«u  ^ivite  du  feu,  tandis  que  tout  Paris  en  a  vu  &  en  voit  encore  nombre  d'autres 
par  quatre   fut  qui  Ic  même  prodige  arrive. 

CuiûonMi-'     Le  lecteur  ne  fera  pas  fâché  que  je  lui  en  rapporte  quelques  exemples.     Il  doit 
«««  prendre  d'autant  plus  de  confiance  au  récit  que  je  lui  en  ferai,  que  tous  les  faits 

en  font  conllatés  par  des  proccs-verbaux ,  fignés  par  quantité  de  témoins  oculai- 
res bien  dignes  de  foi,  puifqucla  plupart  font  des  pcrlonnes  dont  tous  les  défirs 
ne  tendent  qu'au  ciel,  ôc  qui  par  conféquent  font  bien  éloignés  de  vouloir  atteller 
une  fauflcté.     Les  fbldats  de  la  Vérité  font  l'.s  ennemis  du  mcnfonge. 

Dés  le  commencement  de  1733.  Denife  Régné,  appellée  communément  Ni- 
fettc,  mettoit  un  monceau  de  charbons  ardens  au  milieu  de  fa  chambre,  &  (e 
faifoit  tenir  en  l'air  couchée  au  de/lus  de  ces  charbons  julqu'à  ce  qu'elle  parût 
morte.  En  effet  au  bout  de  quelque  tems  la  pâleur  Se  pluficurs  autres  fymptô- 
mes  de  la  mort  défiguroient  fou  vifage ,  &  tous  fes  membres  devenoient  aufli  roi- 
des  que  ceux  d'un  cadavre.  JVIais  après  être  refiée  environ  un  quart  d'heure  en 
cet  état,  on  la  voyoit  changer  iubitemcnt  de  figure:  une  couleur  vive  £c  animée 
prcnoit  tout  d'un  coup  la  place  de  la  pâleur  j  fes  yeux  fixés  vers  le  ciel,  bril- 
loicnt  d'un  feu  extraordinaire;  elle  paroifToit  jouir  d'un  contentement  inexpri- 
mable i  fon  corps  en  treflai  lloit  de  joie  i  quelquefois  il  s'élançoit  en  l'air,  6c  par 
fon  attitude  il  fembloit  prêt  à  s'y  envoler. 

Un  fimbole  auffi  frappant  n'a  pas  bcfoin  d'explication.  Qui  ne  voit  qu'elle  re- 
préfcntoit  la  moi  t  d'un  Martyr,  &:  le  bonheur  au  dcfl'us  de  toute  cxpveiîion  qui 
en  cfl  la  récompenfe  ? 

Souvent  clic  mangeoit  auffi  des  charbons  ardens,  quelquefois  jufqu'à  zo.  tout 
de  fuite.  Elle  les  (ouffloit  pour  les  allumer  encore  davantage  ;  iC  lorfqu'ils  é- 
toient  bien  enflammés,  elle  les  mettoit  dans  fa  bouche  ,  les  biifoit  fous  fes  dents, 
£c  les  avaloit  encore  tout  rouges  avec  l'air  d'une  joie  fi  vive  qu'à  moins  de  l'avoir 
vu  l'imagination  ne  peut  la  rcpréfcntcr. 

Mais  voici  un  fprftaclc  encore  plus  étonnant.     Pcnd;mt  les  fccours  aufîî  admi- 
rables 


IDE'E  DE  VETjr  DES  CONFULS  ION  NOIRES,  fr 
tables  que  prodigieux  que  fe  faifoit  donner  Gabrielle  Mouler,  on  allumoit  un 
très  grand  feu  :  il  falloit  pour  la  contenter  que  tout  le  foyer  de  la  cheminée  fût 
plein  de  bois  bien  flamboyant.  Après  s'être  tait  donner  la  bénédiéfcion  par  un 
Prêtre,  elle  prenoit  de  l'eau  benîte,  en  faifoit  prendre  aux  aflîftans,  &  en  jet- 
toit  dans  le  feu.  Elle  fe  mettoit  enfuite  tout  debout  fous  le  manteau  de  la  che- 
minée vis  à  vis  le  milieu  du  feu.  Deux  perfonnes  placées  aux  deux  piliers  de  la 
cheminée  la  tenant  chacune  par  une  main  Se  fe  prêtant  aux  mouvemens  qu'elle 
vouloit  faire,  elle  fe  baiffbit  précipitamment  tout  le  corps  dans  les  flammes  la 
tête  la  première,  en  forte  quefa  tête  plongcoit  quelquefois  fi  avant  dans  le  feu  qu'el- 
le frappoit  contre  les  charbons  8c  les  tifons  embrafés.  Une  perfonne  qui  étoit  der- 
rière elle  lafaifoit  relever,  en  la  tirant  par  une  lifiere  attachée  pour  cet  effxît  i 
fes  reins.  Mais  fitôt  qu'elle  étoit  redrcflee,  elle  lançoit  de  rechef  fa  tête  dans  les 
flammes  j  de  fiiçon  que  pendant  plus  d'un  quart-d'heurc,  &  quelquefois  plus 
long-tems,  elle  ne  difcontinuoit  point  de  la  précipiter  ainfi  dans  le  feu  dès  qu'el- 
le en  étoit  retirée.  Même  de  tems  entems  elle  ne  vouloit  pas  qu'on  l'en  retirât- 
&  pour  lors  au  lieu  de  fe  relever,  elle  portoit  fa  tête  de  côté  6c  d'autre  au  deflus 
des  flammes. 

Cependant  la  vue  de  ces  flammes  qui  entroient  dans  fes  yeux  &  dans  fa  bouche, 
Tembarrafloit  fi  peu,  que  pendant  qu'elle  y  étoit,  elle  chantoit  le  Feni  creator 
du  ton  majeftueux  dont  on  le  chante  dans  les  fêtes  les  plus  folemnelles  :  elle  chan- 
toit le  Fexilla  d'une  voix  fi  touchante  qu'elle  attçndrilfoit  les  fpeftateurs  ;  êc 
lorsqu'elle  avoit  fini,  elle  leur  feifoit  chanter  le  cantique  des  trois  Entans  dans  koame!  j. 
fournaife.  Après  cela  comme  pour  fe  repofer,  elle  fe  couchoit  à  terre  le  long  du 
feu,  &  plaçoit  fa  tête  dans  la  cheminée,  quelquefois  fur  l'un  des  chenets  qui  é- 
toient  fi  chauds  qu'on  ne  pouvoit  y  toucher  fi  légèrement  que  ce  fût  fins  fe  brû- 
ler: fon  vifage  tourné  vis  à  vis  du  feu,  n'en  étoit  éloigné  que  de  quatre  pouces. 
Pendant  ce  tems  elle  prenoit  quelques  charbons  des  plus  ardens,  les  mettoit  dans 
fa  bouche,  les broioit  dans  fes  dents,  &  les  avaloit  tout  rouges  en  s'écriant  :  ha, 
que  cela  eft  bon  !  Et  après  avoir  ainfi  repris  fon  repos,  fourent  elle  recommençoit 
'tout  ce  que  je  viens  de  rapporter  ci-deflus. 

On  me  mande  qu'il  y  a  aéluellement  deux  autres  Convulfionnaires,  qui  depuis 
■quelques  mois  font  très  fouvent  cette  même  repréfcntation  avec  prcfque  toutes 
les  mêmes  circonftances  que  Gabrielle:  à  quoi  l'on  ajoute,  qu'on  a  fait  l'épreu- 
ve de  faire  cuire  des  pommes  &  durcir  des  œufs  en  les  attachant  à  leur  cou. 

L'Hiftoire  eccléfiaftique  fournit  très  grand  nombre  d'exemples,  qu'une  des 
merveilles  que  Dieu  a  opéré  afl'ez  fouvent,  a  été  de  préfcrver  de  la  violence 
du  feu. 

Sans  parler  des  trois  Enfans  dans  la  foUrnaife ,  de  S .  Jean  l'Evangé'ifte,  &  de  nom* 


içoit  pas  a  crou-e  que 
Dieu  qui  les  en  avoit  garantis  :  6c  cependant  il  faut  avouer  que  ceux  quifefoumet 
toient  volontairement  à  cette  épreuve ,  paroifibient  tenter  Dieu. 

Aufll  par  la  fuite  ces  épreuves  ont-elles  été  prohibées.     Mais  ce  feroit  très  mal    xvir. 
à  propos  qu'on  voudroit  fe  fcrvir  de  ce  prétexte  pour  blâmer  les  repréfentations  ^^f-  à  l'obJ 
faites  par  les  Convulfionnaires.     C'eft  par  de  très  juftes  motifs  que  l'Eglifc  a  dé-if'a'dJféat 
"fendu  de  faire  ces  épreuves ,  mais  ces  motifs  ne  peuvent  jamais  avoir  d'application  ^^  '^"«'pfes! 
aux  repréfentations  dont  il  s'agit.  L.es  juges  qui  ordonnoicnt  ces  épreuves  6c  qui*^'' 
condamnoient  des  perfonnes  qui  n'étoient  que  fnupçonnées ,  à  p afier  par  le  feu 
pour  juftificr  qu'elles  étoient  innocentes ,   étoîent  eux-mêmes  très  coupables. 

G  z  C'cîoiS 


f2    IDE'E  DE  VETAT  DES  CONFU  LS 10  NKAIRES\ 

C'ctoit  de  leur  part  tenter  Dieu  de  la  manière  l.i  plus  formelle,  que  de  lui  pre^ 
fcrire  ainfi  en  quelque  forte  de  faire  un  miracle  s'il  vouloit  fixuver  la  vie  à  des  in- 
noccns,  pendant  que  les  juges  étoicnt  eux-mêmes  obliges  par  le  droit  naturel  ôc 
les  plus  anciennes  loix,  de  rcnvoier  les  accufcs  abfous  dès  qu'ils  ne  pouvoicnr 
trouver  des  preuves  fuffi famés  pour  les  condamner.  AulU  Dieu  ne  faifoit-il  p»s 
toujours,  ni  même  très  fouvent  les  prodiges  que  ces  juges  téméraires  cxigeoicnt 
de  lui,  éc  lorfqu'il  ne  les  accordoit  pas,  ces  malheureux  juges  fe  trouvoient  for- 
cés par  leur  premier  jugement  de  punir  des  pcrfonnes  qui  n'ctoient  pas  coupables. 
Ainfi  l'Eglifc  ne  pouvoit  condamner  trop  tévére-ment  une  telle  prévarication. 

Mais  quelle  application  peut-on  faire  de  ce  fagc  jugement  de  l'Eglife aux  reprc- 
fcntations  des  Convulfionnaircs,  qui  n'agilîcnt  point  en  cela  par  la  détermination 
libre  de  leur  volonté,  mais  par  une  imprefllon  qui  eft  évidemment furnaturelle  ? 
Il  ell  même  aflez  ordinaire  que  quand  ils  commencent  ces  fortes  de  rcpréfentations 
ils  tombent  en  cxtafe ,  ou  du  moins  dans  un  état  d'aliénation  des  fens  bien  plus 
forte  Se  bien  plus  marquée  que  dans  l'état  ordinaire  de  leurconvulfionr  &  quoique 
pour  lors  ils  ne  perdent  pas  l'intelligence,  ils  font  fi  fortement  occupés  des  objets 
^ue  l'inilinét  de  leur  convuliîon  leur  prélentc,  qu'à  peine  s'appcrçoivent-ils  de 
tout  ee  qui  les  environne.  Leurs  regards  font  pour  lors  prclque  toujours  fixés  vers 
le  ciel  :  leur  air  &  leur  attitude  reprcfentcnt  un  cœur  qui  brûle  d'y.  voler  :  ce  qui^ 
f.iit  connoîtrc  quel  cit  l'objet  qui  les  occupe. 

Mais  non  feulement  l'Eglile  n'a  nullement  prétendu  condamner  lés  imprcflîonT 
d'un  genre  merveilleux  que  Dieu  pourroit  donner  dans  un  état  furnaturel,  tel  que 
celui  des  Convulfionnaircs,  ni  les  prodiges  qu'il  fcroit  en  conféquence  :  ce  ieroit 
même  une  abfurdité  de  foutcnir  qu'elle  auroit  condiimné  les mouvemcns  contraircî 
aux  régies  communes ,  que  l'Eipritdc  Dieu  donne  quelquefois  dans  un  état  ordi- 
naire. Sa  volonté  cil  la  loi  fouveraine  :  on  ne  peut  jamais  t-aillir  en  la  fuivaiit  :  touc 
le  point  eonlillc  à  ne  s'y  pas  méprendre.  Auili  malgré  la  défcnfc  fi  précité  des  épreu- 
ves, le  Pape  Lcon  X.  n'a-t'il  pas  balancé  de  regarder  comme  des  marques  ligna- 
lées  dclainteté  &  d'une  protcAion  particulière  de  Dieu,  deux  preuves  de  ce  genre 
que  S.  François  de  Paulc  avoit  données  qu'il,  agillbit  pari' Efprit  de  Dieu  ,  &  qu'it 
mar<:hoit  dans  fa  voie.  Ce  Pape  a  même  crû  devoir  les  inférer  dans  la  Bulle  de  ca- 
nonifation  de  ce  Saint  2i  les  propofcr  aux  fidèles  comme  des  merveilles  dont  ils  doi- 
vent bénir  Dieu  ,  &  qui  étoicnt  propres  à  faire  croître  leur  confiance  8c  leur  foi  :  il' 
rapporte  dans  fa  BuHe,  qu'««  Religieux  nommé  Atitoitje  blâmoit publiquejsent  Fran- 
çois de  Paule  de  ce  que  n  ci  f.nî  qiC  un  fiiti-ple  laiqiie  i^  fans  lettres  ^  il  avoit  Teffronteiie 
de  promettre  la  fanté  aux  -malades  par  le  vioien  de  quelques  herbes...  Aiant  été  chargé 
par  les  autres  frcres  de  foncowjcnt  de  l'aller  trouver  ...pour  lui  faire  des  reproches  fut- 
fa  conduite  ....  il  le  chargea  d'injures  ^  lui  reprochant  fa  groffîéreté  i^  fa  pareffe. 
JWhcmriie  de  Dieu  demeura  dans  fa  tranquillité  ordinaire  kfouffrir  avec  une  estréme 
f  aliénée  tous  ces  mépris:  comme  font  aujourd'hui  les  Convulfionnaircs.  Maiss'appro- 
ehant  du  feu,  il  prit  entre  fes  mains  da  tifons  ardens . .  Pour  lors  Antoine  valant . .  que  tout 
Cl'  que  faifoit  cet  homme  était  l'effet  de  la  grâce  (J  d'une  foi  très  animée ,  dit  le  Pape  dans 
fa  Bulle,  il  fe  jet  ta  à  fes  pieds. . .  Cif  lui  demanda  très  humblement  pardon^  (^  il  v-,* 
toulut  p$int  fe  lever  que  le  Bienheureux  Père  ne  lui  eût  donné  fa  bénédidion  Et  il  ar- 
riva que  cet  homyne  qui  auparavant  chargeait  l'homme  de  Dieud'unatuultitude  d'inju- 
fes  y  confeffa  fon  erreur. . .  (j  lui  donna  les  louanges  qu'il  méritait , 

Les  coeurs  n'étoicnt  pas  pour  lors  endurcis  au  point  qu'ils  le  font  aujourd'hui. 
Des  que  l'opération  de  la  divinité  paioifloit  pir  quelque  prodig(S,^lcs  pluslupcr- 
bcs  s'humilioicnt  :  les  plus  prévenus  reconnoilVoicnt  leur  erreur  ,  Scl'on  rcgardoit 
<:«  merveilles  commr  un  fignc  ccruinqnc  Dieu  protégeoit  ceux  eafavcur  de qin 

lî 


iDE'n  DE  VET  JT  DES  CONFU  LS  ION  N  JIRE  S.  fj 
n  avoir  la  bonté  de  les  faire.  Il  étoit  refeivé  à  notre  fiécle,  non  feulement  d'être 
infenfîble  aux  plus  grands  prodiges,  mais  même  d'ofer  les  traiter  avec  un  fouvc- 
rain  mépris  dans  des  écrits  publies'. 

La  féconde  épreuve  dont  parle  Léon  X.  dans  fa  Bulle,  eft  un  autre  prodige  de 
la  même  efpéce.  Paul  II. ,  dit-il ,  informé  du  hruit  que  faifoient  .  ...  les  miracles  ds 
S.  Francçois  de  Panle .,  envola  un  de  fes  Cameriers  à  Pirrhus  Archevêque  pourle  char- 
ger d'examiner  ces  miracles  . .  Le-Camerieryalla  lui  même  autorifé par  V  Archevêque. 
...  I^  faii.t  homme  ...s'approcha  du  feu ,  t^  prit  entre  fes  mains  fans  fe  hràler  .,des  char- 
Ions  ardens ,  y  dit  au  Canierier  :  toutes  chofes  obeiffent  à  ceux  qui  fervent  Dieu  de 
ieuî  leur  cœur.  Le  Camerier  épouvanté  retourna  vers  le  Ptntife,  à  qui  il  raconta  les 
miracles  dont  il  avoit  été  témoin: 

Voilà  donc  deux  Papes  ,Paul  IL  &  Léon  X.  à  qui  l'événement  de  ces  deux 
prodiges,  quoique  tentés  contre  les  régies  ordinaires,  à  paru  une  preuve  certaine 
que  S.  François  de  Paule  étoit  très  tavorifé  de  Dieu  :  &  par  conféqucnt  il  eft  cer- 
tain que  l'Eglife  en  condamnant  les  épreuves,  n'a  point  prétendu  défendre  de  fui- 
vre  tous  les  mouvcmens  que  l'efprit  de  Dieu  peut  deuner.  Et  quoique  l'évcnenicnt 
du  prodige  ne  foit  pas  toujours  une  régie  infaillible,  c'eft  néanmoins  une  des  plus 
fùres  que  nous  aions  pour  juger  dans  ces  fort  es  de  cas,  fi  c'eft  ou  non  l'efprit  de  Dieu- 
qui  a  fait  agir. 

Mais  encore  un  coup  les  repréféntatiods  des  ConvulfioiiHaires  font  dans  une' 
efpéce  toute  difterente ,  6c  où  la  défenfe  des  épreuves  ne  peut  jamais  avoir  d'ap- 
plication, parce  qu'il  eft  inconteftable  qu'ils  font  leurs  repréfcntations ,  du  moins- 
la  plupart,  par  une  imprefllon  furn-aturelle  >  &  par  exemple  lorfqu'ils  fe  mettent 
dans  le  feu  fans  en  avoir  la  moindre  crainte,  il  eft  vifible  qu'ils  agiflent  par  un 
inftinâ:  qui  eft  au  dcffus  des  fentimensde  la  nature  :  quelques-ims  même  y-  fonc 
farces  par  l'impreflionde  leur  convulfion,  Se  lorfqu'ils  y  réllftent,  ils  fentent 
tout  à  coup  de  vives  douleurs. 

Au  refte  ce  n'cft  pas-feulement  de  notre  tems  que  Dieu  donne  de  tels  fpeétacles  à    xvTn. 
fon  Eglife.  On  trouve  des  exemples,  principalement  de  la  répréfentation  de  laprJfJmV-'^** 
paffion,  dans  les  vies  de  plufieurs  Saints  fur  tout  dans  celles  des  Saints  Myftiques^'O"'  faites 
qui  ont  tant  de  rapport  aux  Corrvulfionnaires.  ft^^nes!  "''' 

Entre  autres  on  voit  dans  la  vie  de  Sainte  Madeleine  dé  Pazzi ,  qu^'tlle  eut  fouvent 
des  extafes  ou  ellerepréfentoit  les  myfiéres  de  la  paffion  :  elle  en  eut  um  particulière  ^  où  ' 
yC.  lui  imprima  fesfacrécs  plaies  aux  pieds  .^au  mains  i3  au  côté.,d''une  manière  invifibh. 

L'auteur  de  la  vie  de  S.  Elifabeth  de  Spalbeck  rapporte  que  ,  „  toutes  les  fois 
'„  qu'elle  corn  munioit,  elle  ne  manquoitpasde  tomber  en  extafe  . . .  fon  corps  pre=^ 
„  noit  une  attitude  très  furprenante  &  très  propre  à  infpirer  une  grande  dévotion. 
5,  ...  il  fcmbloit  qu'elle  repréfentoit  toute  la  paflîon.-. .  Dieu  aiant  voulu  donner' 
5,  au  monde  cette  nouvelle  image  de  ...  ce  que  J.  C.a  fouffert,  ila  (dit  cetau-- 
,,.  tcai-)  choifi  une  vierge  humble ,  &  d'une  complexion  très  délicate ,  afin  qu'on  ' 
35  reconnût  qu'un  tel  état  étoit  au  dcftus  des  forces  humaines.    „ 

La  fcqur  Marguerite  du  S.  Sacrement  ne  repréfentoit  pas  feulement  les  tour- - 
mens  de  notre  divin  Sauveur,  elle  figuroit  auffi  les  fupplices  des  Martyrs,  &  l'au- 
teur de  fa  vie  ne  fe  laiTe  point  d'en  faire  des  dcfcriptions* 

„  J'en  ai  vu  une  (dit  le  Cardinal  de  Vitri  au  rapport  de  S.  Antonin)  en  qui  s-  -iftî'-.oiij 
„.Dieu  agifîoit  d'une  manière  fi  merveilleufe  . . .  qu'elle  fejettoit  quelquefois  dans  j.TiJ"!.''." 
y^  le  feu,  &  d'autres  fois  pendant  l'hiver,  elle  demcuroitunterasconfidérable  au**- 
j,.  milieu  de  l'eau  glacée.    „ 

S .  ^Antonin  qui  rapporte  ces  faits-  fur  la  foi  du  Cardliîal  de  V-itri  qui  çd  avoit  été  ■ 

C- 5  '  îé-- 


5-4  IDE'E  DE  VET  AT  DES  CONrU  LS 10  N  N  AIRES. 
témoin,  n'hélîtepas,  non  plus  que  ce  Cardinal  à  les  regarder  comme  des  mervcîî- 
Ics  de  la  puiirdncc  divine  ,  &  à  juger  que  la  perfonne  fur  qui  elles  ont  été  opé- 
rées ctoit  Cngulicremcnt ,  à\(ent-\\s.y  favorilée  de  Dieu. 
XIX.  En  effet  ces  repréfentations  étant  évidemment  fnrnaturelles ,  il  faut  ncccffai- 
i«'tffe"q'V  nient  les  attribuer  à  Dieu  ou  au  démon.  Orn'y  auroit-il  pas  de  l'extravagance, 
if  furrjmrtifjnauliercmcnt  par  rapport  aux  principales  repréfentations  faites  parles  Convul- 
fcntanont,  lioonanes ,  ûcprctcnare  queceleroit  le  démon  qui  augmcnteroit  amli  notre  amour 
Biw'''  ^  notre reconnoiflancc  pour  J.  C.  en  nous  faiiant  repréfenter  vivement  tout  ce 
qu'il  afouffcrt  pour,  nous  '■  Que  ce  feroit  cetefprit  pervers  qui  nous  auroit  fait  con- . 
ccvoir  une  grande  horreur  de  nos  péchés,  en  nous  rappellant  d'une  manière  fenfi-  • 
ble  6c  frappanccpar  quel  fanglant  fao-ificc  notre  divin  Sauveur  les  a  expiés  pour 
nous  racheter  de  l'enfer?  Qiie  ce  feroit  ce  pcrc  du  menfonge  qui  nous  inftruiroit 
de  vérités  fi  importantes  par  la  bouche  des  Convulfionnaires ,  &  nous  exhorteroit 
Jfi  puiflammcnt  a  la  pénitence?  Queccfcroit  cet  Ange apoftat  qui opéreroit tant 
de  mervcillcspouraugmciiternotre  confiance  en  Dieu,  6c  qui  parce  moien  auroit 
donné  réellement  à  pluficurs  d'entre  nous ,  de  la  force  à  notre  foi ,  de  l'ardeur  à 
notre  efpérancc  ,  du  feu  à  notre  charité!  Enfin  que  ce  feroit  ce  prince  des  incrédu- 
les ,  qui  par  tant  d'admirables  prodiges  répétés  prefque  tous  les  jours  ,  auroit  con- 
verti un  grand  nombre  de  Déifies  &:  de  pécheurs  qui  vivent  aujourd'hui  dansune 
très  rude  pénitence  î  Le  doigt  de  Dieu  cil:  fi  marqué  à  tant  de  traits  dans  lapliî- 
part  de  ces  fpcétacles  ,  qu'il  faut  être  entièrement  aveuglé  parfes  préjugés  6c  fes 
paflions  pour  ne  l'y  pas  rcconnoître.  A  mon  égard  ^e  puis  attefter  à  toute  la  terre 
<^uc  c 
dont 


qu  il  ma  ûoimc  de  courage  ce  de  rorcc  :  qu  elles  ont  cte  le  canal  des  pnncipi: 
grâces  qu'il  a  bien  vouhnne  faire  malgré  mon  extrême  indignité,  depuis  qu'il 
m'a  retiré  des  profondes  ténèbres  oii  j'avofs  été  fi  long-tcms  enfevéli.  • 
XX.  Ce  n'cft  pas  feulement  par  ces  effets  fi  falufaires  de  la  miféricorde  divine  qu'il 

Aj;ret  ^  prouvé  Quc  Ic  fumaturcl  de  ces  repréfentations  a  Dieu  pour  auteur:  tout  y 
lefurnarurcimanitcltc  unc  puiflancc  qui  nappartient  qu'au  Icul  Maître  de  la  nature. 
frn"io?/^  Une  première  circonftance  digne  de  remarque,  c'eft  que  fouvent  ce  furnaturel 
viçrt  de  s'opère  tout  à  coup  dès  que  les  Convulfionnaires  le  fouhaitent.  Or  il  n'y  a  que  Dieu 
^""*  qui  puiffc  faire  de  fi  grandes  merveilles  dès  le  premier  inifant  que  fes  créatures 
le  défirent. 

Unc  perfonne  de  difiiiruftion  accompagnée  d'im  fijrand  cortège  vient 
chez  une  Convulfionnaire  dans  le  dcfir  de  voir  des  prodiges,  pour  fe  con- 
vaincre par  fis  yeux  que  Dieu  le  déclare  vifiblement  en  faveur  ds  l'Appel.  La 
Convulfionnaire  alors  dans  ion  état  naturel  fe  met  aullitôt  en  prières.  Dans  le 
moment  elle  tombe  en  convulfion,  elle  devient  invTilnerable ,  6c  elle  demande 
qu'on  la  frappe  à  coup-s  de  bûche  fans  aucun  ménagement  par  tout  où  on  voti- 
dra.  On  le  fait:  elle  crie  fans  ceiTc:  plus  fort.  On  lui  donne  enfin  des  coups  hor- 
ribles, des  coups  capables  d'affommer  un  bœuf  :  mais  on  a  beau  en  augmenter 
de  plus  en  plus  la  violence ,  on  a  beau  les  précipiter  fur  fon  corps  avec  tant  de 
force  6c  d'impctuofité  que  le  plancher  de  la  cnambrc  ai  tremble,  ils  ne  lui 
font  aucune  imprefl'ion.  Pluficurs  des  affifians  qui  n'avoicnt  jamais  vu  dcpareik 
fecours ,  reculent  d'horreur  6c  pâliffent  d'clfroi,  d'autres  en  font  touches  juf- 
qu'aux  larmes-,  la  perfonne  de  dilbnftion  txjnfefic  hautement,  qu'il  n'y  a  que 
celui  qui  jadis  par  un  grand  nombre  de  merveilles  tira  les  llracliccs  de  la  cap- 
tivité d'E,gyptc,  qui  puiffe  aujourd'hui  fiirc  de  tels  prodiges  pour  retirer  qui  il 
lui  plaît  de  la  captivité  de  Teneur.  ^ 


IDE'E  T>n  VR'TJT' DES  CONrVLSIONNJIRES.  ff 
'■  '  Il  n'eft  pas  étonnant  que  celui  qui  a  prévu  de  toute  éternité,  Scquivoit  conti- 
nuellement à  quoi  fe  déterminera  dans  le  tems  la  volonté  libre  de  hommes,  & 
qui  eft  toujours  le  maître  de  tourner  leur  volonté  comme  il  lui  plaît  j  opère  fes  pro- 
diges dès  le  premier  moment  que  les  Convulfionnaires  paroiffcnt  le  vouloir.  Il 
n'a  pas  befoin  pour  les  faire  de  s'y  préparer,  fa  feule  volonté  les  opère  dans  l'in- 
ftant  même  qu'il  le  veut. 

Il  n'en  eft  pas  ainfi  du  démon.  Ce  monflre  infernal  n'étant  pas  le  maître  de  nos 
volontés  :  ne  pouvant  même  les  prévoir  que  par  conjectures,  ni  faire  fes preftiges 
ïwns  fe  lervir  de  moiens ,  &  fans  emploier  le  tems  nécefTaire  pour  les  raiîèmbler 
&  les  mettre  en  œuvre,  il  ne  lui  feroit  pas  polSble  en  pareil  cas  d'exécuter  ainli  - 
tout  d'un  coup  la  volonté  des  hommes. 

Mais  faut-il  d'autres  preuves  de  l'opération  de  la  divinité  dans  ces  fpeélacles 
fi  capables  de  faire  croître  notre  foi ,  que  la  grandeur  même  des  merveilles  que  Dieu 
y  a  exécutées  ;  puisqu'il  a  fallu  pour  les  faire ,  donner  aux  corps  des  qualités 
qui  ne  font  point  dans  la-  nature  ? 

Quel  autre  que  le  Tout-puiffhntpourroitainfi  s'élever  audefliisdesloixqu'ily 
a  établies  &  fuivant  lefquellcs  il  a  lui-même  fait  toutes  chofes  ?  Qjiel  autre  que  lui , 
auroit  le  pouvoir  de  foire  devenir  i m paffib les  des  corps  auffi  aifés  à  blcfîer  ,  aufli 
fujets  à  la  douleur  que  font  les  nôtres  ?  Quel  autre  feroit  le  maître,  en  les  chan- 
geant tout  à  coup  de  nature ,  de  les  rendre  capables  de  foutcnir  les  coups  les  plus 
violens  fans  en  fouffrir  aucun  mal ,  fans  en  reflentir  la  moindre  atteinte?  Il  faut 
pour  cela  donner  à  ime  multitude  innombrable  de  petits  vaiffeaux  d'une  fincffe  & 
d'une  délicateffe  extrême  ,  dont  nos  chairs  font  traverlées  de  toutes  parts,  plus  de 
force  que  n'en  ont  lès  corps  les  plus  durs  ,  les  plus  ferrés  Scies  plus  fermes.  Or  ce 
feroit  une  véritable  impiété  d'attribuer  un  tel  pouvoir  au  démon.» 

De  vrais  chrétiens  oferoient-ils  donc  foutenir  que  ce  malheureux  fcrpent  foit  le 
maître  de  donner  à  nos  corps  des  qualités  infiniment  fupérieures  à  celles  qu'il  a  plu 
au  Très-haut  de  leur  donner  en  les  formant  ?  Ignorent-ils  donc,  ou  feignent-ils 
d'ignorer  que  cet  efprit  de  ténèbres  n'eil  proprement  capable  que  de  faire  illufion 
par  de  vains  preftiges  :  que  du  moins  il  ne  peut  rien  faire  fans  y  emploier  des 
moiens  proportionnés ,  8c  que  comme  il  n'y  a  point  dans  nos  corps  de  refiorts  aflez 
forts  pour  produire  un  tel  effet,  il  lui  feroit  impoiîiblede  l'exécuter?  Il  s'agit  ici 
de  qualités  furnaturelles  très  fupérieures  à  celles  que  Dieu  a  mis  dans  la  matière: 
iront-ils  donc  jufqu'à  fuppofer  que  cet  efprit  impur  a  le  pouvoir  de  leur  donner 
l'être?  Il  faut  cependant  ou  qu'ils  -.ùllent  jufque  là,  ou  qu'ils  reconnoiflènt  qu'il 
n'y  a  que  Dieu  qui  puiffe  rendre  des  corps  comme  les  nôtres ,  impaffibles  ôi 
invulnérables. 

C'eft  ce  que  je  développerai  avec  plus  de  force  Sc  d'étendue  dans  la  4e.  partie  de 
cet  écrit,  6c  ce  que  je  prouverai  de  manière  à  ne  pouvoir  laiffcr  lieu  àla  réplique,- 
parce  que  j'y  emploierai  entre  autres  moiens,des  démonftrations  anaîomiqucs,  aux^» 
quelles  il  ne  peut  y  avoit  de  bonnes  réponfes. 

Si  donc  tout  s'accorde,,  tout  concourt  à  nous  faire  connoître  que  le  furnaturel     xxt; 
qui  paroît  dans  les  répréfentations  des  Convulfionnaires  vient  de  Dieu ,  &  la  mag-  J''"'*''."^  . 
nificence  des  prodiges,  &  la  toute-puiflance  qui  les  opère  ,  6c  les  impreffions  ciuevLîûonùiïir 
ces  merveilles  font  fur  les  fpeftateurs  :  quelle  témérité  n'y  a-t-il  pas  de  qualiher 
àcfçèKcs  fcandakîifes  ces  fpcélficles  que  Dieu  nous  donne  dans  ce  tems  de  féduèlioii 
pour  augmenter  en  lui  notre  confiance  ?  Ne  faut-il  pas  être  d'une  audace  extrê- 
me, ou  être  bien  mal  informé  des  faits,  pour  ofer  traiter  de  prévaricateur  s.  pu- 
blics ,    les  inftrumens  dont  Dieu  l"e  fert  pour  nous  faire  cette  mifèricorcte ,  en 
opérant  fur  eux-ôe  par  eux  des  prodiges  qui  nous  rempliffent  d'admiration? 

Quel 


-    ^     IDE'E  DE  Vrrjf  LES  CÙNruiSlôNNA IRE^: 

Quel  front  ne  faut-il  pas  avoir  pournous  accufer  nous  mêmes  Ôl  cireàts  coupable: ^ 

pour  avoir  profité  avec  cmprefTeraent  des  grâces  que  le  Dieu  des  vertus  nous  a 

accordées  par  ce  moien. 
La  pofl-erité  pouira-r- elle  le  croire,  qu'il  y  ait  des  Appellans  &  même  des 

Docteurs  renommés ,  qui  fe  foicnt  portés  à  de  tels  excès  ?  Mais  dit  le  Père  Qucfncl , 
Jein  7.  46.  quand  Dieu  penne  t  que  le  cœur  Ce  ferme  à  la  vérité ,  la  lumière  naturelle  devient  mêm$ 

un  obflacle  ^13  on  ne  voit  rien  que  d'' humain  dans  les  chofes  qui  font  vifiblemtnt  de  Dieu. 
ibid.f.jj.      „  Ceux  qui  ne  veulent  pas  croire,  oublient  Scies  miracles  &  toutes  les  preuves 

„  qui  autoriicnt  la  vérité ,  pour  ne  s'attacher  qu'à  ce  qui  paroit  la  combattre. . .  Pour 
mj.  s.  17.^^  profiter  de  la  connoiflance  des  œuvres  de  Dieu,  il  faut  descceursdc  difciplcs, 
humbles,  fournis,  dociles:  non  des  cfprits  envieux,  6c  orgueilleux  qui  s'éri- 


5» 


„  rigcnt  en  juges  de  fes  œuvres,  &  qui  les  combattent.  „ 

Auflî  voions-nous  aujourd'hui  des  Déifies  &:  des  pécheurs,  qui  font  éclairés , 
qui  font  convertis  à  la  vue  des  prodiges  que  Dieu  fait  dans  l'œuvre  des  convul- 
fions,  tandis  que  des  DoiTceurs  Appellans  les  mcprifcnt,  les  critiquent,  lescalom- 

J"n9-i9-  nient.  Mais  c'ell  la  fuite  6c  l'exécution  de  cette  parole  dcj.  C.  Je  fuis  venu  dans 
ce  monde  pour  exercer  unjugement ,  afin  que  ceux  qui  ne  vtient  point  voient ,  ^  que  ceux 

r  QueroeL  ?"^  "^"'^"^  deviennent  aveugks .  Surquoi  l'Auteur  que  le  S.  Efpritadeftinépour  être 

A\i.  en  même  tcms  dans  ce  fiècle  une  lumière  5c  une  pierre  defcandale,  fait  cette  réfle- 
xion. „  Adorons  avec  fraieur  ce  jugement  terrible  de  Dieu il  aveugle  les  fa- 

„  vans  orgueilleux  en  les  lai  (Tant  dans  leurs  ténèbres.  Se  en  leur  annonçant  .... 
„  des  vérités  qu'ils  rejettent  par  la  dureté  de  leur  cœur  :  6c  il  éclaire  les  humbles 
„  ignorans, en  leur  communiquant  fa  lumière.    „ 

Mais  afin  que  le  leéteur  ne  croie  pas  que  j'en  impofe^  en  rapportant  les  termes 
outrageans  dont  quelques-uns  de  ceux  qui  reprouvent  les  Convulfionnaircs  fefont 
fervis  en  parlant  de  leurs  repréfentations,  voici  ceux  de  l'auteur  des  Vains-efforts. 

p»ge  173.  Nous  fommes  en  droit  ^  dit-il ,  de  regarderies  Convulfionnaires  qui  fe  font  donnés  e» 
fpeElacle  ,  comme  des  prévaricateurs  publics  ^  6cc.  Plus  bas  il  qualifie  l'admiraolepro- 

r'f«.^'°'  <^ig^  "T-'C  Dieu  opère  fur  leur  corps,  en  les  rendant  invulnérables  d^opérations  les 
plus  fcandaleufes. 

f»E«  '♦)■•■  „  Au  lieu  (dit-il  dans  un  autre  endroit)  de  fe  tenir  pour  bien  averties  par  les 
„  aftions  folles  i$  indécentes  qu'elles  avoient  commifcs  dans  le  tems  de  leur  con- 
„  vulfion,  que  leur  état  ne  pouvoit  être  f^w' un  état  honteux  S^  humiliant  ^  elles  fe 
„  préparoient  avec  joie  à  y  rentrer.  Loin  donc  qu'il  foit  permis  de  les  exculcr  .. .  . 

Tige  140.  ,,  elles  font  trh  coupables  Ce  ne  font  pas  feulement  (ajoutc-t-il)  les  Convultion- 
„  naircs  quiiont  coupables ,  tous  ceux  qui  ont  continué  d'afTillcr  à  de  tels  fpcûaclcs 
j,  font  peut-être  encore  plus  coupables. 

^xxu.        He  !  Qiii  font  ces  perfonnes  qu'il  ju"e  5c  qu'il  condamne  fi  dcfpotiquemcnt  ? 

«Vx qui' al-' Ce  font  félon  lui  cinq  ou/tx  cens  Convulfionnaircs,  Se  3.  o«  4.  mille  hommes  ,  y 

"Xl'(\"t  P^^^-^'^^'^  ^^  double. 

ti/.n!."'"  Qiie  le  lecteur  rac  permette  d'interrompre  bu  moment  mon  récit  pour  rc- 
^«Â'^s-  pondre  à  l'injurtc  critique  que  l'Auteur  des  Nouvelles  a  fait  de  cet  endroit  de 
mon  fécond  Tome  dans  fa  feuille  du  11.  Janvier  1741.  art  IV.  H  m'y  accufc 
d'y  avoir  fauflement  fuppofé  f«'/7  y  avait  cinq  ou  Jix  cens  Convulfionnaires  à  qui 
on  donnoit  des  fecours  violens ,  ce  qui  occa/ionnoit  des  aj/emblées  nombreu/'cs ,  Çj  trois 
iu  quatre  mille  hommes  {^  peut-être  le  double  perpétuellement  occupés  à  fervir  eu  à 
»ffifitr  à  ce  fpcflacle.  Il  ioutient  au  contraire  que  depuis  le  commenoemcnt  des 
convulfions  à  peine  cotnpteroit-t-on  en  tout  trente  Convaljionnaires  à  fecours. 

io.  A  1»  page  que  citcect  Auteur  de  la  première  édition  de  mon  fécond  To- 
me, je  n'y  ai  dit  d:  tout  ce  qu'il  m'impute,  que  ce  que  le  Icétcur  vient  de  voir 

ci- 


IDKE  DE  L'ErJT  DES  CGN FULS 10 NN AIRES.  S7 
ci-deffus,  &  je  n'ai  fliit  en  cela  que  rapporter  ce  qu'attefle  l'Auteur  des  Vains- 
efForts ,  fans  me  rendre  en  aucune  forte  garant  de  l'exaétitude  de  fon  calcul. 
S'il  y  a  quelque  exagération ,  celui  de  l'Auteur  des  Nouvelles ,  qui  réduit  au  nom- 
bre de  trente  tous  les  Convulfionnaires  à  fecours  depuis  le  commencement  des 
convul  fions,  s'éloigne  encore  bien  plus  de  la  vérité.  Apparemment  qu'il  s'eft  ima- 
giné qu'il  n'y  a  que  ceux  qu'il  connoît  qui  fe  font  donner  des  fecours  :  &:que  com- 
me il  n'en  a  vu  que  très  peu,  &  qu'étant  obligé  de  fe  tenir  fort  caché,  il  n'a 
de  relation  qu'avec  un  très-petit  nombre  de  perfonnes  qui  n'en  ont  peut-être  pas  plus 
vu  que  lui ,  il  n'ell:  point  du  tout  inftruit  de  ce  qui  fe  paffe  chez  les  Convul- 
fionnaires. Cependant  il  eft  d'une  notoriété  fî  publique,  qu'il  y  en  a  un  bien 
plus  grand  nombre  qu'il  ne  dit,  qui  reçoivent  d'étonnans fecours ,  quec'eftune 
chofe  inconcevable  qu'il  l'ait  ignoré:  M.  Poncet  en  comptoit,  de  fa  connoif- 
fance,  en  1^36.  foixante  ou  quatre-vingts.  Au  furplus  avant  que  de  me  dénon-^"''''^!!^ 
cer  au  public  comme  coupable  d'une  exagération  que  le  calcul  de  l'Auteur  de/'  ^' 
Nouvelles  fiiit  paroîtrc  fi  énorme ,  n'auroit-il  pas  du  s'informer  de  la  vérité  des 
faits  ?  J'avoiie  que  je  fuis  d'autant  plus  fenfible  aux  traits  qu'il  me  lance .  que 
j'ai  pour  lui  l'amitié  la  plus  tendre  &  la  plus  parfaite  eftimc. 

20.  En  cet  endroit  de  mon  Ecrit  il  n'y  efl:  point  queftion  en  particulier  des 
grands  fecours,  mais  du  fpeébacle  général  des  Convulfions  êc  de  toutes  les  dif- 
férentes repréfentations  que  font  de  tous  côtés  une  multitude  de  Convulfion- 
naires. Ainfi  de  toute  façon  cet  Auteur  n'a  pas  eu  le  moindre  prétexte  de  me 
reprocher,  comme  il  fait,  que  j'y  fuppofe  qu'il  y  a  f .  ou  600.  Convulfionnaires 
à  qui  on  donne  des  fecours  violens,  &  3.  ou  4000.  hom.mes  perpétuellement 
occupés  à  fervir  ou  à  affifter  au  fpeftacle  de  ces  fecours.  Ce  n'eft  pas  là  le  feul 
article  o'j  je  me  fuis  apperçu  que  cet  Auteur  lorfqu'il  a  fait  la  critique  de  mon 
fécond  Tome  par  fa  feuille  du  zi.  Janvier,  ne  l'avoit  parcouru  que  très  fuper- 
fîciellement.  C'eft  fans  doute  ce  qui  eft  caufe  qu'il  m'impute  ainfi  ce  que  je  ne 
dis  point,  Se  que  fur  un  fondement  auîlî  fauffement  imaginé,  il  m'accufe  à  la 
face  de  toute  la  terre  d'une  exagération  fi  exceffive. 

Mais  en  voila  plus  qu'il  n'en  faut  pour  me  laver  de  ce  reproche.  Reprenons 
au  plus  vite  le  fil  de  mon  récit. 

Quelle  efl:  cette  multitude  de  perionnes  que  l'Auteur  des  Vains-efForts  traite  de 
coupables.  Ce  font  ceux  de  qui  la  foi  paroît  la  plus  vive  ,  Se  qui  foulant  aux  pieds  tout 
intérêt  humain ,  s'expcfent  avec  une  réfignation  parfiite  au  mépris  des  gens  du  mon- 
de ,  à  la  critique  des  Confultans,  à  la  perfécution  des  Puifiances ,  pour  profiter  des 
grâces  que  Dieu  verfe  dans  le  cœur  de  ceux  qui  afiiitent  à  ces  fpeâacles,  oii  fa 
puifîance  5c  la  bonté  éclatent  à  l'envi  l'une  de  l'autre. 

Ce  font ,  dit- il  lui-même,  des  perfonnes  de  tout  ordre  l^  de  toute ccnditioti.,  foit^-  'h*    J 
far  leur  état  {ff  leur  cara'Eii're .,  feit  par  leur  mérite  t^  par  leur  nom.  ""'"' 

Ce  font  fuivant  un  avitre  célèbre  Théologien  qui  à  cû  le  malheur  d'adopter  les 
fentimens  de  l'Auteur  des  Vains-efforts  ,  des  hemnies ,  des  femmes  de  toute  condition  , 
des  Mdgifrats  ,  des  Prêtres  ^  des  Religieux. 

Mais  quelles  font  ces  perfonnes  de  condition?  Ce  font  des  gens  que  Icurgran* 
de  naiflance  ne  rend  que  plus  humbles,  Se  qui  fe  voient  avec  joie  confondus  dans 
ces  Ipectacles  vraiment  chrétiens ,  avec  les  moindres  du  peuple  qui  font  profefiîon 


cotes. 


ble  ,  d'ccrc  pendant  toute  l'éternité  unis  à  Jcfus-Chrift. 

Quels  font  ces  Magiftrats?  Ceux  qui  font  les  plus  attachés  à  la  Vérité  ;  ceux 
■     Oyfervat.  H.  Part.  Terne  II.  '  H  qui 


^2  IDEE  DE  VET  Af  DES  CONVU  LSIONN  AIRES 
qui  ont  facrific  avec  ioie  toutes  les  crpéranccs  de  fortune  qu'ils  pouvoient  avoir 
dans  le  ficclc:  ceux  qui  n'ont  plus  d'autre  ambition  que  de  plaire  à  Dieu.  Voilà 
prccifcmcnt  quels  lont  les  Magiilrats  chrétiens  qui  ne  rougiiïcnt  point  d'aller  à 
ces  fpeclacles  pour  s'y  édifier  ^  y  puifer  de  nouvelles  forces  i  &y  obtenir  par  d'ar- 
dentes prières  de  h  bonté  divine  qui  les  a  éclairés,  lagracc d'être difpofés à fouf- 
frir  avec  confiance  les  exils  Se  les  autres  psrfécutions,  plutôt  que  de  manquera 
foutcnir  de  tout  leur  pouvoir  la  Vérité  qu'ils  ont  eu  le  bonheur  de  connoître. 

Quels  font  ces  Prêtres?  Ceux  qui  pourfuivre  J.  C.  ont  tout  quitté;  ceux  qu'- 
on a  dépouillés  6c  chafl'és  de  leurs  bénéfices  ;  parce  que  l'éclat  de  leur  vertu ,  la  pu- 
reté de  leur  morale,  leur  fermeté  à  prêcher  toutes  les  vérités  évangcliques,  leur 
confiance  inébranlable  u  refufer  de  foufcrire  :\  rien  de  ce  qui  pouvoity  donner  la 
moindre  atteinte ,  blcfToit  les  yeux  des  Conftitutionnnircs  &  de  la  Cour  :  en  un 
mot  ce  font  ceux  qui  ont  déjà  fouflert  perfécution  pour  la  juftice,  qui  dans  l'ar- 
dent défir  de  profiter  de  toutes  lesfiiveurs  de  leur  Dieu  s'emprefTcnt  d'afliileràecs 
picufes  repréfentations,  dont  l'effet  eft  d'augmenter  encore  dans  leur  cœur  l'efprit 
de  facrifice,  qui  les  rend  prêts  à  tout  foufïi-ir  en  témoignage  des  grandes  vérités 
pour  Iclquclles  ils  ont  déjà  tout  abandonné. 

Quels  font  ces  Religieux  ?  Ceux  que  la  Vérité  éclaire  :  que  la  grâce  foutient  ; 
que  le  torrent  de  la  féduction  ne  peut  ébranler:  6c  qui  étant  expoles  à  tous  mo- 
mens  à  fubir  toutes  les  rigueurs  de  la  dureté  monacale,  accourent  à  ces  fpeéta- 
clcs  d'édification  pour  s'y  pénétrer  encore  davantage  du  vrai  bonheur  de  fouffrir 
pour  Jefus-Chrift. 

A  tant  de  perfonnes  fi  refpcdables  fe  font  joints  plufieurs  folitaires ,  qui  après 
s'être  féparés  du  monde  6v  avoir  diflribué  aux  pauvres  prefque  tous  leurs  biens ,  fc 
font  retirés  dans  des  greniers  pour  y  vivre  daas  la  plus aullère pénitence 6v  vôtre 
inconnus  des  hommes:  mais  qui  aiant  entendu  parler  des  miracles  de  nos  jours,  n'héfi- 
tent  point  de  paroitre  àces  affcmblées  édifiantes  où  il  plait  à  Dieu  de  prodiguer 
fes  merveilles.  On  les  y  voit  tous  remplis  d'admiration  à  la  viie  des  prodiges  que 
le  Tout-puiffant  ne  ceffe  d'opérer  à  nos  yeux  :  on  les  y  voit  prier  d'une  manière  an- 
gclique ,  qui  édifie  6c  embrafe  les  cœurs  :  on  les  y  voit  bénir  le  Très-haut  6c  lui  ren- 
dre grâces  avec  unenrdeur  qui  pénétre  jufqu'au  fond  dcsamcs,  de  ce  qu'il  daigne 
fe  manifcfler  au  milieu  de  nous  pour  augmenter  le  courage  de  ceux  qu'on  oppri- 
me i  de  ce  qu'il  fait  annoncer  par  tant  de  bouches  notre  délivrance  prochaine ,  qui 
doit  être  fuiviede  la  rédemption  d'Ifracl  6c  delà  converfion  du  monde  entier > 
6c  de  ce  qu'il  conlblc  ceux  qui  fbuffrcnt  pour  fon  nom  ,  par  une  promcfle  dont 
l'accomplifTement  comblera  d'une  joie  ineffable  tous  ks  fervitcurs  de  f.  C. 

Obligé  de  rendre  gloire  à  mon  Dieu  de  toutes  les  faveurs  que  j'en  ai  reçues,  je 
dois  ici  déclarer  qu'entre  tant  de  grâces  qu'il  m'a  faitcsdepuis  ma  converfion,  celle 
de  m'avoir  donnélaconnoiflancede  ces  faintspénitcns,  n'cll  pas  une  des  moindres. 
Sa  bonté  s'eft  l'ervie  de  l'exemple  de  leurs  éminentes  vertus  pour  me  rabbaillcr  à  mes 

Fropresyeux  jufqu'à  lapoufTiere,  en  me  faifant  comparer  ma  molle  délicatcfrc  .à 
auflcrité  de  leurs  pénitences ,  ma  foiblcfTe  à  leur  force  ,  m.\  lâcheté  àl'cl'prit  de 
fiicrifice  dont  il  font  animes,  6c  mon  orgueil  à  leur  humilité  profonde. 

Ha!  Dieu  des  vertus,  faites  moi  profiter  de  'î\  grands  exemples  mieux  que  je 
n'ai  fait  jufqu'a  prêtent  !  Qii'au  moins  je  les  f'uive  de  loin!  J'avoue,  Seigneur, 
que  je  fuis  tout-à-fait  indigne  d'arriver  au  degré  où  vous  les  faites  atteindre!  Ce 
font  des  cnfansqui  vous  ont  toujours  aimé,  parccquc  vous  les  avez  toujours  ché- 
ris !  Mais  fi  j'ai  perdu  par  mescrniiesle  droit  d'être  appelle  votre  fils  ,ne  retuiez  pas 
de  me  traiter  comme  un  de  vos  ferviteurs  !  Que  du  moins  je  profite  des  miettes 
qui  tombent  de  la  table  de  vos  culans  !  Vous  m'avez  étroitement  uni  avec  eux  :  plu- 
fieurs 


IDE'E  DE  L'Erjr  DES  CONVU LS lONN AIRES.  f!) 
iîeurs  ont  la  charité  de  vous  prier  pour  moi ,  &  ils  me  font  la  grâce  de  m'aimer. 
Que  leurs  exemples,  ô  mon  Dieu  !  continuent  de  plus  enplus  am'humilier  :  mais 
qu'en  même  tems  ils  m'animent  &  me  portent  à  les  imiter  de  mon  mieux  ! 

Voilà  en  général  quels  font  ces  quatre  mille  hommes  que  l'Auteur  des  Vains  ef- 
forts juge  être  encore  plus  coupables  que  des  prévaricateurs  publics. 

Comme  ce  font  prefque  tous  des  difciples  de  Jefus-Chrift ,  qui  portant  tous  leurs 
défirs  vers  le  ciel  ne  regardent  qu'avec  dédain  les  bien  paflagcrsqui  font  l'amour 
du  monde,  il  n'cft  pas  étonnant  que  le  monde  critique  5c  méprife  ceux  dont  les 
fentimens  font  fi  contraires  aux  fiens.  Mais  que  des  pcrfonnes  qui  ont  fait  autre- 
fois une  profeflïon  éclatante  d'être  attachés  à  la  Vérité,  oublient  les  maximes  de 
l'Evangile  jufqu'au point  d'adopter  tous  les  fentimens  des  enfans  de  la  terre,  ôc 
que  fous  le  frirole  prétexte  que  les  Convulfionnaires  éprouvent  quelquefois  des 
mouvemens  convuUîfs ,  ils  préfentent  à  l'imagination  de  leurs  leéVeurs  de  très 
falcs  images  qui  n'ont  de  réalité  que  dans  leur  propre  efprit,  voilà  ce  qui  devroit 


nous  faire  verfer  des  larmes  de  fang. 


Croient-ils  donc  ces  cenfeurs  téméraires  qu'il  ne  refte  plus  de  pudeur  que 
parmi  eux ,  qu'en  l'Auteur  de  l'infamc  Journal ,  en  ion  copiite  Dom  Latalle  ,  6c  en 
quelques  autres ,  qui  à  leur  imitation  déchirent  tous  les  Convulfionnaires  fins  au- 
cune retenue?  Peuvent-ils  donc  pcnfer  qu'une  infinité  de  perfonnes  qui  ont  tout 
ficrifié  pour  fe  conficrer  entièrement  à  la  piété  ,  &  juiqu'à  des  Prêtres  &  des  Re- 
ligieux de  la  plus éminente  vertu,  vouluflent  afiîitcr  à  des  fpeélacles  fouillés  des 
plus  grandes  immodeilies,  fclon  que  ces  calomniateurs  s'efforcent  de  les  faire  en- 
vifager  parles  traits  malins  &  lesodieufes  épithétes  qu'ils  fément  de  toutes  parts 
dans  leurs  Ecrits  ?  Je  leur  paflerois  fans  peine  d'avoir  cette  opinion  de  moi  .-il  n'y 
auroit  proprement  à  cela  qu'une  fmte  de  chronologie. 

Je  conviendrai  volontiers  avec  eux  qu'avant  ma  converfion,je  n'étois  qu'un 
monltre  d'impudicité.  Je  puis  cependant  les  afiiu-cr  que  Dieu  parunemifcricorde 


_  ipan 

aufiî  je  confens  qu'ils  penfent  de  moi  tout  ce  qu'il  leur  plaira.  Mais  comment 
pourront-ils  jamais  fe  laver  devant  Dieu  6c  devant  les  hommes,  d'avoir  ré- 
pandu de  pareils  fuopçons  fur  une  multitude  de  perfonnes  de  la  piété  la  plus 
ex-emplaire  ,  qui  dans  la  vue  de  fortifier  de  plus  enplus  leur  foi,  ranimer  leur  cf- 
pérance,  6c  embrafer  leur  cœur  du  feu  de  la  charité  ,  fe  font  taits  un  devoir 
de  religion  d'alfilter  à  ces  repréfentations  pour  être  témoins  des  merveilles  du 
Tout-puillant  ? 

,,  Ne  jugeons  pas  facilement  les  gens  de  bien ,  (dit  le  P.  Qiiefnel)  quoiqu'ils  nousJean  4.  ^7. 
„  femblcnt  faire  quelque  chofe  contre  la  bienféance.  On  ne  rifque  rien  en  fufpen- 

„  dant  fon  jugement On  hazarde  beaucoup  en  s'expofant  à  violer  la  jullice  6c 

j,  la  charité  par  un  jugement  précipite  6c  téméraire.  ,, 

Mais  qui  a  donc  établi  ces  MM.  pour  être  les  juges  déroutes  les  perfonnes  en 
qui  on  voit  les  plus  grandes  vertus?  Qui  leur  a  donné  le  droit  de  condamner  ainfi 
&  de  deshonorer  par  des  Ecrits  publics  un  grand  nombre  de  gens  de  condition  , 
des  Maoiitnus ,  des  Prêtres,  des  Religieux  ,  qui  iont  prccifément  ceux  qui  font 
tous  prêtsàiéfacrifier  eux-mêmes  pour  la  Vérité,  6c  qui  portent  julque  fur  le 
front  tous  les  caraélcres  des  Elus? 

Qiie  répondra  l'Auteur  des  Vains-efforts  à  l'Apôtre  S.  Jaques ,  qui  Tintcrroi^e  6c 
lui  demande  dans  fon  Epitreadreflee  à  tous  les  fidèles  :  ^i  étes-vous  pour  juger'^^-^'V.f'' 
ainfi  votre  prochain  ?  Tu  qui  s  es  .y  ejù  judicas  proximum? 

Hz  Que 


^o     IDE'E  DE  UETjr  DES  CO N FU LS 10 NNAIRES. 

Que  cet  Auteur  auroit  bien  mieux  fait  de  fuivrcle  confeil  que  lui  donne  cet  Apô- 
tre !  Si  vous  avez  ciit-il ,  un  zèle  amer  &  un  cœur  rempli  de  critique  ,  ne  vous 
eh.  3.  V.  14.51  en  glorifiez  pas,  &  ne  mentez  point  contre  la  vérité.  Sizelum  amarum  bahetit 
i^  content iones  fmt  in  cordibus  vejîris ,  noHtcgIcriari  {5?  mendaces  ejfc  adverfus  verita- 
»•  »^'  tem.  „  La  fagefle  qui  vient  d'en-haut,  c'cft  à  direde  Dieu  qui  elt  charité  &  bonté, 
„  en  porte  lecaraétcrc  &  en  produit  les  fruits,  „  dit  le  P.  Quefnelfur  leverfct 
fuivant.  O  charité  !  que  devrent-on  quand  on  vous  a  abandonnée?  Dans  quelles 


,  ces  lampes  éteintes  en  qui  on  ne  trouve  plus  ni  la. lumière  de  la  vérité,  ni  la 
„  chaleur  de  la  charité!  „  dit-il  ailleurs. 

Helas,  Seigneur  !  Les  plus  brillantes  étoiles  font  tombées  du  cicl,Scparoi{rent 
avoir  perdu  toute  leur  lumière  !  Ne  permettez  pas  qu'elles  fe  précipitent  dans  l'a- 
bîme' Faites  que  ce  ne  foit  qu'un  éblouiffemcnt  paflager  !  Rendez-leur  leur  plaça 
£c  leur  éclat  !  Eelairez-les  vous-même,  ô  mon  Dieu  !  Diûlpczlcs  ténèbres  quilcj 
empéchentdevoir  qui  font  ceux  qu'ils  condamnent,  qu'ils  outragent,  qu'ils  ca- 
lomnient, qu'ils  diffament  !  Faites  qu'ils  s'abbaiflent  à  vos  pieds  avec  une  véritable 
componftion  !  Pour  lors,  Seigneur,  vous  Icsrclcvercz  vous-même,  &  vous  les  fe- 
rez monter  par  les  ailcsde  l'humilité  encore  plus  haut  qu'ils  n'étoient.  C'elt  à  l'hu- 
milité à  qui  vous  accordez  le  plus  fouvent  la  foi  la  plus  éclairée  !  C'cA:  cette  foi 
que  l'Efprit  Saint  met  lui-même  dans  le  cœur  de  ceux  qui  ié  prosternent  dans  la 
poufllcre  !  C'ell  cette  foi  qui  perce  les  voiles,  fidjui  développe  les  lignes  !  C'eftclle 
qui  y  découvre  l'efpritêc  la  vie  qui  y  font  cachés!  O  humilité  par  qui  l'on  reçoit 
tant  de  grands  biens ,  foiez  notre  vertu  ?  Vous  fcul ,  ô  Tout-puillant ,  pouvez  nous 
La  donner!  Qui  ne  confulte  quefon  orgueilleuiéraifon  ,  n'en  reçoit  fouvent  qu'u- 
ne rcponfe  ténébvcule  qui  ne  peut  conduire  qu'à  l'erreur  &  qu'à  la  mort. 

A  l'égard  desConvulfionnaires  qui  ibnt  l'objet  principal  des  calomnies  ;  j'ai  déjà 
dit  que  quelques-uns,  mais  en  fort  petit  nombre,  ont  très  mal  profité  des  grâces 
extérieures  qu'ils  avoient  reçues  :  &  que  le  plusgrand  nombre  mêle  encore  bien  de^ 
défauts  à  leurs  vertus  :  mais  je  certifie  qu'il  y  en  a  pluficurs  qui  me  paroiffent 
parvenus  à  la  piété  la  plus  éminente,  &  dont  je  ne  me  crois  pas  digne  de  délier  les 
foulicrs.  C'cft  même  la  très-grande  opinion  que  j'ai  de  ces  derniers,  qui  fait  que  je 
m'cxpofc  volontiers  à  tout  pour  les  défendre  :  parce  que  j'cfpére  qu'ils  m'obtien- 
dront par  leurs  prières  ardentes  ,  le  fccours  de  celui  en  qui  je  mets  toute  mon 
efpcrancc.  ^  ^ 

Au  refte  il  eft  à  obferver  que  les  brillantes  vertus  que  font  paroîtrc  quantité 
de  Gonvulfionnaircs ,  ne  font  pas  toujours  réelles.  Quelquefois  ce  n'efl:  qu'une 
belle  figure  que  leur  convulfion  leur  fiiit  faire.  Mais  dans  la  plupart  ces  vertus, 
repréfentativcs  leur  font  une  forte  d'imprefiîon  plusou  moins  grande ,  ciui  paflc 
iufqu'à  leur  cœur  :  &  plufieurs  en  ont  enfin  acquis  la  réalité  à  force  de  les  avoir. 
Tcprcfcntécs  comme  machinalement.  Il  y  en  a ,  par  exemple ,  un  certain  nombre  qui 
font  parvenus  à  avoir  dans  leur  état  naturel  tout  le  zclc  &  le  courage  donr 
leurs  convulfions  font  les  fimbolcs.  Généralement  pariant  les  convulfions  font 
pour  eux  un  moien  dcfaniStification  :  mais  toutes  les  pcrfonncs  qui  ont  fuivi  cette 
«cuvrc  avec  l'attention  qu'elle  mérite,  ont  rtconnu  qu  il  n'y  a  ordinairement 
que  les  Gonvulfionnaircs  humbles  &  parfaitement  fournis  à  la  volonté  de  Dieu 
qui  retirent  un  grand  profit  de  leurs  convulfions  1  qu'il  n'y  a  que  ceux  qui  bien 
convaincus  de  leurs  mifcics,  bien  pcrfundé,-,  qu'ils  fimt  très-indignes  d'être  les 
inftrumcns  du  Très-haut,  &  bien  pénétres , de  rcconnoiUancc  de  la  mifericorde 

toujc 


IDE'E  DE  VETJT  DES  CONVULS lONNJIRE S.  Si 
toute  gratuite  qu'il  leur  a  faite ,  fe  profternent  &  s'anéantiflent  prcfque  conti- 
nuellement à  fes  pieds.   Tu  populum  humilem  falvum  faciès. 

Au  furplus  ce  n'cft  point  de  leurs  qualités  perfonnelles  dont  il  eft  véritablement  '  ''''  ^  ' 
quertion  dans  les  Ecrits  de  ceux  qui  réprouvent  les  convuHions:  ce  n'eft  point  la  per- 
fonncdes  Convulfionnaires,  c'eli  leur  état  furnaturel  que  l'Auteur  des  Vains-efforts 
attaque,  ainlî  que  font  pareillement  tous  fes  fauteurs  &  adhérans.  Si  ces  Auteurs 
relèvent  les  foutes  de  certains  Convulfionnaires  :  s'ils  les  exagèrent  à  l'excès  :  s'ils 
adoptent  fins  nul  examen  toutes  les  calomnies  qu'on  a  forgées  contre  quelques- 
uns  d'entre  eux,  il  cil  évident  par  les  conféquences  qu'ils  en  tirent,  qu'ils  ne  font 
tout  cela  que  pour  en  faire  retomber  la  honte  fur  les  convulfions  en  général.  C'eft 
à  l'œuvre  même  qu'ils  en  veulent,  ainfi  que  les  Puiffances  quifefententbleflees 
par  les  prodiges  qu'elle  renferme.  C'eil  toute  cette  œuvre  qu'ils  s'efforcent  de  dé- 
crier, fans  vouloir  faire  aucune  dift'érence  des  chofes  furnaturelles  oii  l'aétion  de 
Dieu  paroît  d'une  manière  évidente,  de  celles  qui  ne  peuvent  jamais  lui  être  attri- 
buées. Ce  n'eiVquc  pour  pouvoir  peindre  cette  œuvre  d'odieufes  couleurs,  qu'ils  af- 
feébent  de  confondre  ce  que  font  les  Convulfionnaires  par  leur  propre  volonté ,  avec 
toutes  les  merveilles  que  le  Très-haut  allées  aux  convulfions.  Gen'ellquepour  en 
donner  de  l'horreur  qu'ils  font  ce  qu'ils  peuvent  pour  la  repréfentcr  comme  un  feul 
tout.  Auffi  ell:  ce-toute  l'œuvre  en  général  que  la  Cour  détcfte,  prircc  qu'elle  tend 
vifiblement  à  faire  tomber  la  Conititution  dans  le  dernier  décri,  &  qu'elle  a  dé- 
couvert au  peuple  tout  le  venin  de  cette  pièce  infortunée.  C'ell  néanmoins  cette 
même  œuvre  que  MM.  les  Confultans  &  l'Auteur  des  Vains-efforts  traitcntavcc  le 
plus  fouvcrain  mépris.  Ce  font  en  général  toutes  les  chofes  furnaturelles  que  font 
les  Convulfionnaires,  que  cet  Auteur  qualifie  d'aâ:ions/t?//ey,  honteufes  l^  indécentes..^ 
fans  en  foire  aucune  dil'rinètion  du  moins  clairement  marquée.  C'eft  leur  état  qu'il 
appelle  un  état  honteux  i^  huîniliant.  Ceft  pour  avoir  fait  leurs repréfentations  en 
préfense  des  gens  de  bien  dont  j'ai  parlé,  qu'il,  décide  qu'ils  Çont  àcsprévarica^ 
ttiirs  publies , 

Qui  auroit  jamais  penfé  qu'on  e  ûtofé  donner  pour  des  ^ff/Vw  folles^  parexem* 
pie ,  ces  difcours  fi  touchans ,  fi  pathétiques  8c  quelquefois  fi  fublimes?  Diicours  par 
lefquels  des  enfans  évidemment  éclairés  d'une  lumière  iurnaturelle,  ont  mis  d'une 
manière  fi  claire  fous  les  yeux  des  fpeftateurs,  les  vérités  de  la  religion  aujour-- 
d'hui  les  plus  combatues  &  les  plus  obfcurcies  :  difcours  qui  ont  inftruit  une  mul- 
titude d'ignorans ,  ont  remue  tant  de  cœurs ,  &  ont  fait  fi  fouvent  treflaillir  nos 
entrailles  par  la  joie  d'entendre  expliquer  auxplusfîmples  de  fi  grandes  vérités  î 
Des  avions  folles  portent-elles  de  tels  caraâères  ? 

Qiii  pourroit  fe  perfuaderqu'ily  auroit  des  gens  aflez  téméraires  pour  compren- 
dre 'lous  le  nom  d'aSions  indécentes ,  ces  pieufes  repréfentations  dans  lefquelles  les 
fouffranccs  de  notre  divin  Sauveur  font  peintes  par  des  traits  fi  vifs?  Repréfen- 
tations qui  n'aui-oicnt  jamais  pu  fans  une  impreflîon  furnaturelle,  figurer  {i  par^ 
faitement  ces  fouffrances  fi  touchantes,  fur  le  vifage,  dans  les  regards,  6c  dans 
toute  l'attitude  des  Convulfionnaires  :  repréfentations  où  Dieu  rendoit  même  quel- 
quefois fon  opération  tout  à  fait  fenfible,  en  formant  tout  à  coup  dans  les  mains 
des  Convulfionnaires  une  image  vifible  des  plaies  de  fon  divin  Eils  :  repréfentations 
enfin  que  le  Père  des  miféricordes  a  fouvent  acompagnées  d'une  pluie  abondante 
de  grâces  ,  qui  fe  répandant  dans  les  cœurs  des  afllilans,  les  faifoient  quelquefois 
fondre  en  larmes.  Sont-cc  là  des  avions  indécentes?  Des  actions  indécentes pro- 
duifent  -  elles  de  tels  effets  ? 

Qui  pourroit  croire  qu'on  voudroit  faire  regarder  comme  un  état  honteux,  \e 
prodige  admirablç  par  lequelil  a  plu  au  Tout-puiffiuat,  de  rcndi'e  detems  «a 

H  3  temss 


et  IDE'E  T>E  VETAt  DES  CO NFU LS 10 NNJ I RES. 
tems  pluficursConvuUîonnaires  invulnérables  à  la  plus  Grande  ardeur  des  flammes, 
Se  aux  coups  les  plus  meurtriers  ?  Prodige  dont  il  s'ell  fcrvi  pour  éclairer,  toucher 
ôc  Convertir  nombre  de  Déiiles  ou  d'incrédules;  pour  accroître  nôtre  foi,  fortifier 
notre  courage  6c  augmenter  notre  confiance  dans  fonlccours,  en  nous  faifant  voir 
avec  quelle  profufion  il  prodigue  les  merveilles  pour  afTurer  de  {■iprotcftion  divi- 
ne tous  ceux  qui  combattent  pour  fa  caufc.  Scroit-ce  donc  là  un  étai  honteux? 
Comment  elt-il  pollible  que  cefoit  aux  yeux  de  ces  MM.  un  étathumillant ,  que 
la  grâce  fingulicrc  que  Dieu  a  faite  à  plufieurî  Convulfionnaircs,  de  les  prendre 
pour  minières  des  guérifons  miraculcufes  qu'il  vouloir  opérer;  5c  quelquefois  de 
leur  faire  faire  ces  guérifons  par  des  panfemens  qui  ne  font  p.is  moins  furnaturels 
que  les  miracles  mêmes?  Panfemens  qui  nous  marquant  de  la  manière  la  plus  frap- 
pante jufqu'a  quel  point  Dieu  veut  que  nous  nions  de  la  charité  pour  nos  frères, 
nous  ont  mtérieurcment  reproché  notre  peu  defcnfibilité  poureux,  ôcnous  ont 
f:\it  prier  celui  qui  donne  les  vertus  de  brifor  la  dureté  de  nos  cœurs,  ou  pour  mi- 
eux dire  d'en  creei  en  nous  de  nouveaux  !  Quels  veux  que  ceux  qui  voient  ;.';;  f7(î/ 
/'*»;.7/«r/ dans  l'emblème  de  la  plus  parfaite  chanté!  N'y  auroit-il  point  ici  qucl- 

Mit.  10.  i/.q^jç  rapport  à  ces  paroles  de  notre  divin  Maitrc  !  Vôtre  œil  eji-il  mauvais  ^parce  q.a 
je  fuis  bon  ? 

N'cft-ce  pas  s'en  prendre  à  Dieu  même  que  d'avoir  la  hardieHe  de  qualifier  de 
frévaricaieurs  py.ùlics ,  les  inflrumens  dont  il  jugea  propos  de  le  fcrvirpour  faire 
éclater  fa  puifiance  &i  i\\  bonté  par  des  prodiges  &  des  miracles  ?  N'ell-ilpasvifi- 
blc  que  les  merveilles  que  le  Très- haut  opère  par  les  Convulfionnaircs  fervent  à 
convertir  des  incrédules,  des  Déiilcs,  des  libertins  :  à  dévoiler  laféduction  qui 
nous  afliége  de  toutes  parts  :  à  empêcher  qu'une  infinité  de  fimples  £c  de  cœuvs 
droits  ne  fe  laillcnt  emporter  à  cette  féduétion  d'autant  plus  terrible,  qu'elle  fc 
couvre  du  voile  de  l'autorité  la  plus  refpcctable  :  à  affermir  dans  la  Vérité  ainfi 

•  que  dans  l'œuvre  de  Dieu  ceux  qui  en  font  inllruits:  6c  à  nous  préparer  à  fouf- 

frir  avec  joie  6c  rcconnoiflancc ,  toutes  fortes  de  pcrfécutions ,  pour  la  gloire  de 
fon  nom  ? 

Enfin  quelle  témérité  n'y  a-t-il  pas  de  nous  condamner  tous  comme  des  cou- 
pables,  pour  avoir  voulu  profiter  de  ces  faveurs  de  nôtre  Dieu? 
ïxiTi.        JE,  ne  m'étendrai  pas  beaucoup  par  rapport  aux  grandes  pénitences  qui  font  com- 

.  o''''"'»-  mandées  aux  Convulfionnaires  par  l'inltinâ:  de  leur  convulfion,  parce  que  j'en  ai 

lions  lur  Ici  ,  ,  ,  ,  ,  i  i       r     r»         •       J  t--       • 

jeniienct»  parlc  avcc  quclquc  étendue  dans  la  1.  fartic  de  cet  tcnt. 

iV.??"'"'^'     Te  me  réduirai  donc  à  obfen'er  que  dans  la  plupart  de  ces  pénitences,  il  y  entre 
1.  rirtie    du  furnaturel  6c  du  volontaue,  amfi  que  dans  les  autres  choies  que  les  Convul- 
fu'îr.*''"  ^  fionnaires  font  par  l'imprefllon  de  leur  convulfion-,  &  que  l'inilinél  qui  les  porte 
à  faire  ces  pénitences  i\  extraordinaires,  vient  évidemment  de  Dieu. 

L'abllinence  terrible  qu'a  gardé  M.  Fontaine  pendant  40.  jours  de  fuite  dans  le 
tems  des  plus  grandes  chaleurs  de  l'été,  ôclorfquc  fon  corps  étoit  déjà  totalement 
exténue  par  un  jeûne  précèdent,  cft  fi  vifiblemcnt  furnarurcUe  ,  qu'il  ne  faut  que 
cet  exemple  pour  prouver  qu'il  y  a  un  bns  tout-puillant  quiconferve  6c  même 
répare  la  lanté  des  Convulfionnaires  au  milieu  des  étonnantes  pénitences  qu'il  leur 
fait  faire. 

Il  cft  vrai  que  je  ne  fai  point  qu'il  y  ait  eu  d'autre  Convulfionnairc  à  qui  Dieu 
ait  ainfi  fait  imiter  le  jeûne  de  ].  C.  mais  il  ycnapluficurs  à  qui  il  cft  fouvcnt  or- 
donné de  taire  6^%  nèuvaines  pendant  Icfqucllcs  il  leur  cft  détendu  de  rien  boire 
ni  de  rien  manger:  6c  quoique  la  plupart  fcuftVcnt  toute  la  douleur  dévorante  de 
la  faim,  &  toute  l'ardeur  brûlante  de  la  foif,  néanmoins  leurs  forces  ne  dimi- 
nuent point:  lUfc  trouvent  en  état  mieux  que  jamais  de  vaquer  à  tous  leun  tra- 
vaux 


P' 


I 


IDÉE  DE  VET JT  DES  CONFULSIONNJIRES.  6; 
vaux  ordinaires ,  6c  ils  jouifTent  pendant  ce  tems  de  la  fanté  la  plus  p;irfaitc. 
Dieu  à  la  vérité  ne  leur  épargne  point  la  fouffrancc,  du  moinsà  la  plupart,  pour 
ne  pas  leur  en  ôter  le  mérite  :  mais  il  les  excmte  de  toutes  les  fuites  que  dcsabf- 
tinences  fi  longues  dcvroient  naturellement  avoir  :  8c  il  fait  que  ces  jeûnes  fi  fore 
au  dcfllis  des  forces  de  la  nature,  ne  dérangent  rien,  ni  dans  leur  finté  ,ni  dans 
leur  travail.  Cela  cil;  arrivé  à  tant  de  Convuliîonnaircs ,  6c  cela  eft  connu  d'un  lî 
grand  nombre  de  perfonnes,  qu'on  ne  peut  le  révoquer  en  doute. 

Voici  comme  en  parle  M.Poncet.  „  Y  a-t-il  rien  de  plus  extraordinaire  quece?-  Lettre 
„  que  nous  volons  aujourd'hui  fous  nos  yeux  ,  6c  qui  foit  plus  fcnfiblement  fur-^'^'  ''*' 

„  naturel? de  voir  peut-être  cent  ou  cent  cinquante  perfonnes  de  tout  âge , 

,,  de  tout  fcxe,  de  toute  condition,  faire  des  jeûnes  affreux,  ....  les  faire  comme 
„  contraints  par  une  puiflunce  fupérieure,  6c  avertir  en  même  tems  que  ce  qu'ils 

„  font  obliges  de  faire,  eil  un  prodige  de  la  part  de  Dieu pour  annoncer 

„  que  la  pénitence elt le feul  moien  d'éviter. ...  fa  colère.  „  (A  quoi  ilajoute  plus 

bas)  „  qu'il  n'y  a  point  de  Convulfionnaire  qui   foit  incommodé  par  les  péni-pj,,  ,.y 

j,  tenccs  auxquelles  ils  font  ainiî  forcés  par  leur  convulfion.  „ 

Jl  eft  remarquable  qu'on  trouve  précifément  toutes  les  mêmes  circonftances 
dans  laviedepluficurs  Saints  myftiques,  je  pourrois  en  rapporter  nombre  d'exem- 
ples, mais  deux  fuffiront  ici. 

Le  Cardinal  de  Vitri  attefte  dans  la  vie  de  la  Bien-heurcufe  Marie  d'Oignics, 
dont  il  avoit  été  le  confeilcur,  que  cette  fainte  fille  „  étoit  quelquefois  plulieurs 
„  jours  fans  prendre  aucune  nourriture. . .  Ce  qui ,  dit-il ,  doit  paroitre  très  furpre- 
„  nant,  c'eft  que  cela  ne  lui  faifoit  aucun  mal  :  elle  étoit  auffi  forte  6cauflî  agif- 
„  fante  le  dernier  jour  de  jeûne  que  le  premier.  „ 

L'Auteur  de  la  vie  de  Sainte  Madeleine  de  Pazzi  rapporte  que  „  ce  qui  caufoit  de 
„  l'admiration  à  tout  le  monde,  c'eft  que  bien  loin  qu'elle  en  devînt  plus  foible 
,,  par  fes  excefilvesauftèrités,  il  fembloit  que  la  grâce  voulant  l'emporter  fur  la 
,,  nature,  lui  donna  plus  de  force  6c  de  courage.  „ 

Tous  les  Auteurs  qui  ont  parlé  de  cettte  proteétion  fi  vifible  de  Dieu,  fur  ceux  àçs 
myftiques  qui  fiiifoicnt  des  pénitences  extraordinaires,  l'ont  regardée  comme  un 
prodige  admirable,  qui  ne  pouvoir  venir  que  de  celui  qui  tient  dans  fa  main  6c  la 
vie  6c  la  mort.  Mais  s'il  faut  quelque  chofe  de  plus  que  le  fentiment  de  ces  Auteurs, 
voici  la  décifion  d'un  chef  de  l'Eglife. 

Le  Pape  Clément  X.  dans  la  Bulle  de  canonifation  de  Sainte  Madeleine  de 
Pazzi,  n'héfitc  point  en  parlant  de  fes  grands  jeûnes  de  dire  :  qu'elle  foutenoit fa 
"vie par  miracle  au  milieu  d'un  jeûne  fi  furprenant. 

Mais  s'il  eft  évident  qu'il  y  a  eu  du  furnaturel  dans  ces  prodigieufes  pénitences , 
pendant  le  cours  delquelles  Dieu  confcrye  aux  Convulfionnaires  comme  aux  Saints 
myftiques  toutes  leurs  forces  6v  leur  famé,  il  eft  encore  plus  vifible  que  la  volonté 
de  la  plupart  des  Convulfionnaires  concourt  à  les  exécuter,  puifqu'ils  continuent 
ces  longs  jeûnes  également  hors  de  convulfion,  comme  en  convulfion.  Surquoi  il  y 
a  néanmoins  quelque  diftinétion  à  faire  :  car  il  y  en  a  quelques-uns  dont  les  péni- 
tences font  entièrement  forcées,  6c  à  qui  la  bouche  tourne,  ou  fe  ferme  malgré 
eux,  lorfqu'ils  veulent  y  porter  quelque  chofe  avant  le  jour  ou  l'heure  qu'il  leur  eft 
permis  de  manger,  ou  qui  après  l'avoir  mis  dans  la  bouche,  ne  peuvent  l'avaler, 
quelque  liquide  qu'il  foit ,  6c  quelques  efforts   qu'ils  foffent. 

_  On  en  a  même  vu  pleurer  de  dépit  de  ce  qu'il  ne  leur  étoit  pas  poffible  de  boire 
ni  de  manger,  quoiqu'ils  fouffriflcnt  toutes  les  rigueurs  de  la  faim  8c  de  la  foif. 

Mais  la  convulfion  laiffe  la  plupart  des  Convulfionnaires  maîtres  d'exéc.iter  ou 
dp  n'exécuter  pas  les  rigoureufes  pénitences  qu'elle  leur  a  impofées ,  8c  ne  les  cxem- 

te  pas 


64      IDE'E  DE  DErjr  DES  CO NTULS lONNJIRES. 
te  pas  d'être  quelauefois  très  violemment  tentes  de  rompre  leurs  jeûnes.  Il  y  en  a 
même  gui  y  ont  luccombé  :  mais  ordinairement  lorfqu'ils  commettent  cette  faute, 
ils  en  lont  punis  dans  le  moment  par  quelque  accident  qui  leur  arrive  aufll-tôt. 

J'en  ai  vu  une  qui  dans  le  cours  d'une  neuvaine  qu'elle  devoir  padcr  fans  man- 
ger, fccognala  tête  par  mcgarde  en  rentrant  dans  la  chambre  ,  &  s'y  fit  uneboflc 
confidérablc.  Elle  déclara  fur  le  champ  qu'elle  ne  doutoit  point  que  cet  accident  ne 
fût  une  punition  de  Dieu,  parce  qu'en  palfant  devant  la  boutique  d'un  boulanger 
elle  venoit  d'être  fi  vivement  tentée  de  manger  un  petit  pain,  qu'elle  n'avoitpas 
eii  la  force  d'y  réfifter  :  qu'elle  l'avoir  acheté  ,  &  qu'elle  Tavoit  mangé  dans  une 
allée.  Ce  qu'elle  confelfa  à  tous  les  alfillans  avec  une  profonde  humilité,  en  les  con- 
jurant de  prier  Dieu  pour  elle. 

Au  reile  ces  exemples  de  fragilité  font  rares  parmi  ceux  des  Convulfionnaircs  que 
l'indinéi:  de  leur  convulfion  charge  de  faire  les  pénitences  les  plus  dures  &  les 
plus  extraordinaires:  la  plupart  s'y  portent  avec  une  joie  qui  eft  peut-être aufli 
admirable  que  leurs  plus  grandes  abllinenccs. 

Il  y  a  encore  uncchofe  très  fingulicre  ,qui  arrive  communément  à  ceux  qui  ac- 
ceptent le  plus  volontiers  les  pénitences  qui  leurfont  impofécs  parleur  convulfion. 
C'cft  quclorfquc  leur  perc,  mère,  dtrettcur,  ou  autres  perfonnes  qui  ont  autori- 
té fur  eux,  veulent  les  forcer  à  rompre  leurs  jeunes ,  Se  qu'ils  s'y  foumettent  par 
obéifnince&.  contre  leur  gré,  alors  il  ne  manque  presque  jamais  de  fe  faire  quel- 
que prodige  qui  les  empêche  vifiblcment  de  pouvoir  exécuter  ce  qu'on  leur  com- 
mande :  leur  goficr  par  exemple  ié  rcfferrc ,  &:  fe  ferme  de  telle  forte  qu'il  ne  leur 
ell  pas  poflîblc  d'y  fiire  entr  r  une  feule  goutc  d'eau. 

Tous  ces  faits  font  fi  finguliers  &  fi  peu  croiables ,  que  je  n'aurois  pas  ofé  les  rap- 
porter fi  cela  n'étoit  pas  arrivé  une  infinité  de  fois  :  mais  ces  expériences  ont  été  réi- 
térées fi  fouvent  Se  par  tant  d  perlonnes,  qu'il  n'y  a  que  ceux  qui  ignorent  tota- 
lement ce  qui  arrive  tous  les  jours  à  une  multitude  de  Convulfionnaircs  qui  puif- 
fent  en  douter. 

Au  furplus  on  trouve  encore  des  exemples  de  ce  dernier  fait  dans  les  vies  des  Saints 
myftiques.  Le  Pape  Clément  X.  rapporte  dans  fa  Bulle  de  canonifatien  de  la  mê- 
me Sainte  Magdelcine  de  Pazzi,  que  ,,  ceux  qui  la  conduifoient  voulurent  éprou- 
5,  ver  fi  c'étoit  par  l'ordre  de  Dieu  qu'elle  fe  mortifioit  par  un  fi  grand  jeûne  ,  &: 
j,  qu'ils  lui  ordonnerentde  prendre  une  meilleure  nourriture  :  mais  elle  trouva  une 
„  a  grande  difficulté  à  l'avaler,  qu'elle  penfa  en  être  futfoquée.  „ 

Les  Convulfionnaircs  n'ont  pas  moinsimité  les  Saints  myiîiques  dans  leurs  autres 
auftèrités  que  dans  leurs  grands  jeûnes.  Les  inllrumens  de  fer  herrilTés  de  pointes 
dont  jufqu'à  de  jeunes  cnfims  couvrent  leur  corps,  le  déchirent  &:  le  mettent  en 
fang ,  ont  quelque  chofc  qui  frappe  encore  davantage ,  &  qui  paroit  plus  cffr.û.tnt 
que  leurs  jeûnes  les  plus  prolongés. 

La  foumifilun  avec  laquelle  ils  crucifient  fi  volontiers  leur  corps  par  des  péni- 
tences fi  dures  dans  le  dcfirde  pLiircàDieu,  elUncontellablcmcntunc  vertu:  or 
toute  vertu  vient  de  lui. 

L'Evangile  nous  ordonne  de  juger  du  principe  par  les  effets  qu'il  opcrc:  voilà 
la  régie  que  J.  C.  nous  prefcrit.  Or  quels  effets  falutaircs  n'ont  point  produit  ces 
étonnantes  pénitences,  &  fur  quantité  de  Convulfionnaircs,  6c  fur  plufieurs  de 
leurs  fpcctatcurs.'' 

Qui  peut  douter  qu'elles  ne  foient  un  moicn  de  falut  pour  les  Convulfionnai- 
rcs qui  s'^  foumettent  volontairement  .' 

Ces  pénitences  font  même  quelquefois  accompagnées  d'une  humiliation  bien 
propre  à  guérir  le  plus  incurable  de  nos  maux.  Il  cil  arrivé  par  exemple ,  à  de 

griuids 


ÏDE'E  DE  VEtJT  DES  CON FUL  S 10 NNJ  1RES.      6f 
•grands  pécheurs  que  leurs  convulfionsavoient  commencé  de  convertir,  que  quoi- 


reconnoifToienr  très  indignes:  8c  même  après  qu'ils  écoinit  entrés,  ils  ne  pou- 
voient  pafler  au  delà  du  bénitier  ou  du  premier  pilier  quelques  efl'orts  qu'ils 
fificnt  :  ce  qui  en  quelques-uns  a  duré  jufqu'à  ce  qu'ils  aient  été  intimement 
Convaincus  de  leur  indignité  extrême ,  &  qu'ils  aient  eu  aflcz  d'humilité  pour 
confefîer  publiquement  l'humiliation  qu'ils  avoicnt  ibuffcrte. 

Il  eft  encore  bien  digne  de  remarque  que  dans  pluficurs  la  rigueur  cxccfTive  des  pé- 
nitences que  l'inftinft  de  leur  convulfion  leur  avoit  impolees,  a  été  confidérablcment 
diminuée,  &  quelquefois  même  a  totalement  cefle  ,  dujour  qu'ils  ont  reçul'ab- 
folution ,  pourvu  qu'ils  f«  ioient  addrelTés  à  des  guides  éclairés  qui  les  aient 
éprouvé  fuffifamment  avant  qne  de  leur  accorder  le  fceau  de  la  réconciliation. 

Ces  faits  font  certifiés  par  les  principaux  direéVcurs  des  Convulfionnaircs,  5c 
on  en  trouve  même  des  preuves  dans  la  grande  lettre  du  très  refpeûablc  M.B. 
dont  plufieurs  perfonnes  ont  des  copies. 

Qui  ne  rcconnoît,  en  voyant  cette  conduite  qui  ne  peut  venir  que  de  Dieu, 
qu'il  veut  aujourd'hui  nous  rappeller  le  fouvenir  des  régies  qu'on  iiiivoit  dans  lu, 
primitive  Eglifc ,  &  que  le  relâchement  exceffif  qui  s'eil  depuis  introduit,  a 
tellement  abolies  qu'elles  font  prefquc  totalement  oubliées  ? 

il  ell:  vrai  que  Dieu  ne  fait  pas  à  tous  les  Convulfionnaircs  la  grâce  de  les  for- 
cer ainfi  par  des  prodiges  à  pratiquer  les  ftintcs  régies,  mais  il  fuffit  qu'il  la 
fiifie  à  quelques-uns  pour  qu'on  doive  en  conclurrc  que  fa  miiericorde  agit  vifi- 
blement  dans  l'œuvre  des  convulfions,  6c  par  conféquent  qu'elles  font  par  leur 
première  defiination  une  voie  propre  à  conduire  au  fiilut,  quoique  tous  les  Con- 
vulfionnaircs n'en  profitent  pas. 

Au  Tcfbe  ce  n'eft  pas  feulement  à  de  gi-ands  pécheurs  que  Dieu  a  fait  faire 
des  pénitences  extraordinaires,  c'cftaufiî  à  de  très  jeunes  perfonnes  ,  qui  avoicnt 
toujours  vécu  dans  l'innocence  telles  par  exemple  que  Gabridle  Mouler  j  Se  ce 
font  même  celles  qui  les  exécutent  avec  plus  de  joie,  parce  que  c'eft  un  amour 
pKis  pur  qui  les  leur  fait  exécuter. 

A  l'égard  de  ceux  qui  en  font  les  fpeélateurs,  combien  de  pécheurs  ,  d'ama» 
mateurs  des  plaifirs  &  du  monde  qui  avoient  d'abord  été  ébranlés  par  les  difcours 
des  Convulfionnaircs,  ont-ils  été  tout  à  fitit  touches  à  la  vue  de  leurs  incroi- 
ables  pénitences  :  fur  tout  lorfquc  ces  Convulilonnaires ,  poufles  par  une  géné- 
rofité  que  Dieu  leur  avoit  infpirée,  leur  ont  offert  de  faire  pour  eux  les  péni- 
tences les  plus  rudes,  non  pour  les  exemter  d'en  faire  eux-mêmes,  mais  pour 
leur  en  donner  l'exemple  &  leur  en  obtenir  la  grâce.  Aufli  y  a-t-il  aélucUement 
à' Paris,  &  fuivant  que  Tattefte  M.  Poncet,  un  très  grand  nombre  de  perfon- 
nes qui  converties  par  les  exhortations,  5c  les  grandes  aullérités  qu'ils  ont  vu 
pratiquer  aux  Convulfionnaircs,  vivent  prcfentement  dans  une  très  grande^  pé- 
nitence. 

Ofcra-t-on  attribuer  au  démon  la  charité  plus  qu'humaine,  qui  a  porté  6c  qui 
porte  tous  les  jours  un  très  grand  nombre  de  Convulfionnaircs  à  macérer  leurs  corps 
6c  à  taire  les  jeûnes  les  plus  rigoureux  poin-  engager  des  mondains  à  fe  convertir, 
6c  po'ur  ob-tenir  de  Dieu  qu'il  leur  flifie  mifencorde? 

Quoi  !  Ne  rougira- t-on  pas  de  donner  l'Ange apollat  pour  auteur  des  vertus  qui 
paroiilcnt  les  plus  héroïques,  6c  des  converfions  les  plus  parfaites? 

Qiielle  différence  entre  les  imprefiions  qu'ont  reflcnties  ceux  qui  s'édifient  des 
Ohfervaî.  IL  Part,  Tome  il.  1  ad« 


46      /DTE  DE   VETJf  DES  CO  N  T'ULS  10  NN  J  IRE  S. 
admirables  vertus  dont  IcsConvulfionnnircsfontau  moins  les  figues,  &  celles  dc« 
pcrfonncs  qui  s'en  fcandalilent  &  les  décrient  ! 

„  HcurcuK  ,  dit  S.  Aug.irtin,  ceux  à  qui  la  bonne  odeur  donne  la  vie  !  Mais  y 
„  a-t-il  unplusfunellc  malheur  que  celui  des  perfonncs  à  qui  la  bonne  odeur  cau- 
Trift. 8  i" ,,  te  1^  mort  ?  Felices  qui  beno  odore  v'rjunt  ?  j^tjid  autem  iafelictus ,  qui  hono  odore 
jpinn  7  moriuntur?  Aimez-vous,  continue  ce  grand  Docteur,  le  bien  dans  quiconque 
„  le  fait?  N'êtes-vous  attentifs, qu'à  ccbicn?  Croiez-vous  que  l'intéiêidevôtrc 
„  frcre  efl:  le  vôtre?  Dcs-lorsk bonne  odeur  de  fes  avions  vous  donne  la  vie  ?  Etcs- 
„  vous  au  contraire  bleHes  de  l'approbation  qu'on  lui  donne?  Cherchez-vous  avec 
„  malignité  de  quoi  obfcurcirou  Ton  aftion  ou  fes  motifs?  Alors  la  bonne  odeur 
„  de  fon  parfum  vous  tue ,  en  convertiffant  pour  vous  en  poifon ,  ce  qui  fait  la  joie 
„  &  la  confolation  des  autres.  „ 

C'eft  en  fuivant  ces  principes  que  le  favant  Abbé  Duguet  fait  cette  judicieufc 

ri?i.  de  'aréfléxion  :  „  Plufieurs ,  dit-il,  qui  fc  croient  remplis  de  zèle  condamnent  fouvent 

p>(r.  I.  p.    ^^  jgj  ^Qj^j  ^j.  Dieu.  .  .  tout  ce  qui  eft  au  de  là  des  bornes  étroites  de  leurs  lumières 

'*  *         „  ou  de  leur  cara£tcrc  perlonnel,  leur  paro'it  une  fingularitc  vicieufc,  une  igno- 

„  rancc  des  régies. . .  Ils  ne  fivent  pa.s  que  leur  cfpritqui  ell:  très  limité  ,  ne  peut 

„  être  le  juge  de  ce  que  TEfpritdc  Dieu  qui  cil  infini,  cil  capable  d'infpirer  à  fes 

„  ferviteurs  :  &  ils  oublient  ce  que  S .  Paul  nous  a  étroitement  recommandé  :  de  ne 

5,  point  entreprendre  déjuger  les  ferviteurs  de  Dieu.  „ 

XTTV.        APRES  avoir  fait  mes  obfervationsfur  les  principaux  inllincls  que  les  convulfions 

donnent  aux  Convulfionnaires ,  il  entre  dans  l'arrangement  que  je  me  fuis  prefcrit , 

de  rendre  compte  de  leurs  extafes,qui  eilenmcme-temslcplus  commun  Scie  plus 

digne  de  remarque  des  états  extraordinaires  où  ils  tombent  quelquefois. 

"^Pour  n'avoir  point  de  contradicteurs  fur  la  définition  de  l'extafe,  jela  prendrai 

dans  l'Ecrit  des  Vains-efforts.  ^ 

v«ns  ff-        L'extafe,  dit  cet  Auteur  après  S.  Thomas,  eft  un  état  où  l'ame  entraînée  par 

«»fcjp. 5<5.  ^^  une  force fupérieurc,  fortpourainfi  dire  d'elle-même,  &  devient  étrangère» 

„  tous  les  objets  extérieurs  qui  l'environnent ,  pour  s'occuper  des  objets  qui  font 

„  préfcntés  à  fon  imagination. 

„  Cet  état,  continue  cet  Auteur ,  fuppofe  l'aliénation  desfcns:  mais  qui  a  une 
„  autre  caufc  que  le  fommeil.  Cette  aliénation  deslcns  peut  être  parfaite  ou  im- 
„  parfaite.  Elle  cil  parfaite,  lorfque  tous  les  fens  font  fans  aucun  exercice  :  impar- 
,,  faite,lorfque l'homme confcrve encore  l'empire  fur  fes  fens,  mais  fans  pouvoir 
„  difcerner  pleinement  les  objets  extérieurs  qu'il  appcrçoit,  de  ceux  qu'il  voit 
„  par  l'imagination.  „ 

Cette  dernière  efpcce  d'extafe  où  l'aliénation  des  fens  n'eft  qu'imparfaite,  & 
où  ceux  qui  font  dans  cet  état  appcrçoivcnt  en  même  tems  les  objets  réels  qui  le» 
environnent,  &  ceux  dontun  être  fupéricurpréfeme  les  images  à  leurs  yeux  ou  à 
leur  imagination,  eft  prccifément  l'état  où  (ont  les  Convulfionnaires  dans  la  plu- 
part de  leurs  extafes. 

Mb  voient  ordinairement  les  perfonncs  préfentes  :  ils  leur  parlent ,  îc  ils  enten- 
dent même  quelquefois  ce  que  ces  pcrfonncs  leur  difcnt,  quoique  d'ailleurs  leur 
amc paroirfcpnrque abforbcc  dans  la contemplationdcsobjct;»  qu'une puiiVaace fu- 
périeurc leur  fait  voir. 

Il  y  a  néanmoins  une  autre  efpécc  d'cxtafes,  qu'on  appelle  communément  é- 
tatdcmort,  où  plufieurs  Convulfionnaires  lont  tombes.  11  eft  vrai  que  dans  cet 
état  ils  perdent  entièrement  ou  prefqu'entièrcmcnt  l'ufagc  de  tous  leurs  fens,  mc- 
«nc  quelquefois  pendant  des  deux  ou  trois  jours  fans  interruption  :  mais  ce  n'cll 
foiiit  de  celle  clpccc  d'cxiafcs  dont  je  vais  prcfcntcmcnt  parler.  Je  remets  à  en  ren- 
dre 


IDE'E  DE  VErjT  DES  CONFULSIONNJIRES.  6y 
dre  compte  après  que  j'aurai  fait  mes  obfervations  fur  leurs  cxtafes  ordinaires , 
qui  ne  font  proprement  que  des  ravilTemcns,  &  fur  les  chofes  les  plus  remarqua- 
bles, particulièrement  fur  les  dilcours  qu'ils  font  fouvent  en  cet  état. 

Dans  ces  extafes ,  celles  du  moins  qui  font  marquées  aux  traits  les  plus  propres  p  ^^^\ 
à  faire  juger  du  principe  qui  les  produit ,  les  Convulfionnaircs  font  frappés  tout  à"'^'""' 
coup  par  rafpcét  imprévu  d?  quelque  objet  dont  la  vue  les  ravit  ordinairement  de 
joie,  lis  dardent  avec  avidité  leurs  regards  &  ils  élèvent  leurs  mains  vers  le  ciel; 
ils  femblent  vouloir  y  voler.  A  les  voir  abforbés  cnfuite  dans  une  contemplation  pro- 
fonde avec  un  contentement  inexprimable,  on  diroit  qu'ils  admirent  la  beauté 
divine.  Leur  vifigeeft  animé  d'un  feu  vif  &  brillant,  Scieurs  yeux  qu'on  ne  peut 
leur  faire  fermer  tant  que  dure  l'exrafc,  demeurent  toujours  immobiles,  ouverts 
8c  fixés  fur  ce  qui  les  occupe.  Ils  font  en  quelque  forte  transfigurés:  ils  paroiflent 
tout  autres.  Ceux  mêmes  qui  hors  de  cet  état  ont  quelque  chofe  en  eux  de  bas  8c  de 
rebutant,  changent  fi  fort  qu'à  peine  font-ils  reconnoiiîables  :  mais  leur  éclat  n'a  ri- 
en qui  n'édifie,  rien  qui  n'inlpire  de  la  piété,  rien  qui  ne  porte  à  Dieu  :  puifque  cet 
état  furnaturelrepréfente  vivement  une  ame  dégagée  de  tout  ce  qui  n'eft:  que  terref- 
tre  8c  pafiager,  une  ame  qui  s'élance  avec  amour  vers  la  Divinité,  une  ame  qui  n'af- 
pire  qu'à  la  béatitude  cclefte,  une  ame  qu'on  diroiten  jouir  déjà,  8c  qui  nousfiit 
appercevoir  une  image  fenfible Se  frappante  d'un  bonheur  infiniment  fupérieur  à  tous 
les  plaifirs  de  la  terre.  Auffi  ne  fe  lafie-t'on  point  de  confidérer  un  fpcftaclc  fi  pieux: 
il  femblc  que  quelques  raions  de  la  félicité  fublime  que  l'on  croit  voir  dans  le 
Convulfionnaire,  réjailliflent  fur  les  fpeétateurs  attentifs,  qui  touchés ,  attendris 
8c  pleins  de  ferveur,  fe  trouvent  élevés  8c  comme tranfportés  hors  d'eux-mêmes. 
Mais  il  faut  en  même  tems  convenir  que  ces  extafes  fi  belles,  8c  où  les  Con- 
vulfionnaircs paroiflent  fi  remplis  de  Dieu  ,  ne  font  pour  la  plupart  que  com- 
me un  fonge  magnifique,  dont  plufieurs  ne  confervent  même  aucun  reflouvenir. 

C'eft  cependant  afiez  fouvent  pendant  ces  extafes  que  plufieurs  Convulfion- 
naircs font  leurs  plus  beaux  dilcours,  8c  leurs  principales  prédiélions  :  qu'ils 
parlent  des  langues  étrangères:  qu'ils  découvrent  les  fecrets  des  cœurs:  ^  mê- 
me qu'ils  font  quelquefois    une   partie  de  leurs  repréfentations. 

L'x'^utcur  des  Vains-efi-orts ,  MM.  les  Confultans,  Se  les  autres  qui  ont  écrit    xjrvi. 
contre  les  convulfions,  pour  foutenir  que  ces  difcoursScces  prédiftions  ne  pou- ^^^e^de^àn' 
voient  venir  de  Dieu,  fe  font  principalement  fondés  fur  ce  que  les  plus  beaux  dif-'''<=™»'''f'o- 
cours  &  les  principales  prédictions  des  Convulfionnaircs  étoient  faits  en  extafes.    "'*^"' 

L'Auteur  des  Vains-efforts  ofe  avancer  avec  fa  confiance  ordinaire  ,  „  quelesSS. 
„  Pcres  en  écrivant  contre  les  Montaniftcs ,  ont  convaincu  leurs  prophéties  d'être 
„  fiiufies ,  parce  qu'ils  parloient  dans  l'extaie.  „ 

MM.  les  Confultans  donnent  pour  principal  motif  de  leur  dccifion  par  rap- 
port aux  prédiiftions  Se  aux  difcours  des  Convulfionnaircs,  que,,  c'cfi  dans  des  a- 
„  liénations  Se  des  tranfports  qui  ne  laiflent  pas  à  ces  filles  le  libre  ufage  de  la  rai- 
„  fon  Se  des  fcns,  qu'elles  font  leurs  prédirions  8e  leurs  découvertes.  Or,  dit  la 
5,  Confultation  c'eft  une  vérité  établie  dans  toute  la  tradition,  que  pour  être  mis 
„  au  rang  de  ceux  qui  parlent  par  l'efprit  de  Dieu,  il  îwx  être  maître  defoncf- 
„  prit  8e  de  fes  fens.  En  effet  qui  pourroit  concevoir  que  Dieu  pour  communi- 
„  quer  fon  cfprit,  dégradât  des  créatures  raifonnables ,  8c  les  rcduifiten  unétat 
5,  de  délire  8c  de  folie .^  „ 

Quoique  je  ne  fois  qu'un  ignorant,  il  ne  me  fera  pas  difficile  de  démontrer  que 
ce  grand  motif  de  leur  décifioneft  contraire  en  tous  les  points  au  fait  particulier,  au 
droit  général,  au  fcntiment  des  SS.  Pérès,  Seaux  régies  qu'ils  ont  établies  fur 
cette  matière  :  Se  qu'un  tel  jugement  n'a  pu  avoir  pour  caufe  qu'un  éblouiffemcnt  fu- 

1  i  bit 


'65  IDE'E  DE  VETjr  DES  CONFUL  SIO  NNJIRES^. 
bit  qui  a  caché  à  ces  MM.  ce  qu'ils  ne  pouvoicnt  ignorer  :  en  forte  qu'il  paroîtra 
clairement  que  Dieu  a  voulu  nous  faire  connoîtrc  par  un  eftet  fi  vifible  &z  U  palpa- 
ble  de  fii  providence,  que  lorfque  ces  grands  Théologiens  ont  pris  la  réfolution 
de  profcrire  fins  dilHnàion  tous  les  ConvuUionnaircs  &;  toutes  leurs  prédictions^ 
leur  cfprit  s'cll:  trouvé  tout  à  coup  enveloppé  des  plus  épailfes  ténèbres. 

Premièrement ,  il  cil  contre  le  boa  lens  de  donmr  les  extafes  des  ConvuUîonnai- 
res  pour  un  état  iie  (délire  ^  de  folie  :  puifque  leurs  extafes,  dans  lesquelles  ils  ref- 
tent  le  plus  fouvent  immobiles  les  yeux  fixés  vers  le  ciel,  dans  une  contempla- 
tion'très  profonde  ,  très  paifible  6c  dans  la  joie  de  l'ame,  font  entièrement  f<  m- 
blables  n  celles-  qu'ont  eu  un  grand  nombre  de  Saints  &  en  particulier  les  faints 
mylliques. 

'Secondement,  il eft encore  plus  abfurdcdc  donner  en  général  les  extafes  pour 
état  où  l'homme  foit  dégradé  ,  fous  prétexte  qu'il  ne  jouit  pas  alors  du  libre  u- 


un 


fément  l'état  où  Dieu  a  fouvent  mis  les  plus  grands  Prophètes  pour  fe  communi- 
quer à  eux  :  entre  autres  S.  Paul,  qui  dansfes  extafes  a  ctéinlli-uitdc  Dieu  même 
des  plus  grandes   vérités  de  la  religion. 

Auflî  les  plusgrands  Théologiens  ont-ils  regardé  toutes  les  extafes  qui  n'étoicnt 
point  marquées  à  quelqiicsm.uivais  caractères ,  comme  des  opérations  du  S.  Hiprit  : 
&  les  Papes  dans  les  Bulles  de  canonilat ion,  en  ont-ils  fait  louvent  mention  com- 
me de  fliveurs  fingulicres  que  Dieu  avoit  faites  aux  Saints  qu'ils  canonifoient. 

Le  Pape  Clément  X.  rapporte  dans  dans  fa  Bulle  de  canonilation  de  Sainte  Rofe , 
ou'  „  on  l'a  fouvent  vue  dans  fon  enfance  étendue  par  terre,  les  yeux  élevés  vers 
„  le  ciel  qu'elle  régardoit  avec  un  air  de  joie,  comme  fi  elle  fentoitdéja  qu'elle 
„  étoit  étrangère  fur  la  terre,  Scqu'elledemandàt  par  un  filencc  fi  éloquent  d'être 
„  au  nombre  des  citoiens  de  la  Jcrufalem  célelle.  ,^ 

Le  Pape  Paul  V.  rapporte  dans  fa  Bulle  de  cmonifation  de  S.  François  Xa- 
vier, „  qu'il  étoit  quelquefois,  tellement  ravi  en  cxtafc,  que  fon  corps  étoit  éle- 
vé de  terre  par  une  force  divine ,  pendant  qu'il  avoit  les  yeux  élevés  &  arrêtés 
vers  le  ciel.  Son  vifiige  paroifioit  alors  tellement  enflammé  qu'il  rcpréfentoit  par- 
faitement l'amour  dont  brûlent  les  Anges.  Et  comme  il  ne  pouvoit  contenir 
„  en  lui-même  l'ardeur  de  fil  charité  il  s'écrioit  fouvent  :  cejî  ajfez  Seigneur: 
„  fVy?  a£ez. 

Mais,  dira- t-on,  s'il  y  a  desvifions  &  des  extafes  qui  viennent  de  Dieu,  il  y 

en  a  auflî  que  fiitan  trouve  le  moicn  de  procurer.  U  eft  vrai  ;  mais  quelle  eft  la  régie 

eue  tous  les  Théologiens  nous  ont  donnée  pour  taire  ce  difccmemcnt  ? 

T^e»  V.'»  .     ■>■>  ^'  l'el'ptit  ell  d'abord  troublé ,  mais  que  la  crainte  fe  diil'ipe  auflî-tôt ,  2c  que 

If  irLucAVj,  Tame  rentre  dans  fon  calme  ordinaire  ,  la  vifion  ell  véritablement  divine  :  mais 

**  fi  la  crainte  &  le  trouble  croiiTent  de  plus  en  plus ,  c'ell  une  marque  que  la  vifion 

"  vient  du  démon.  „  Ce  font  les  termes  de  Théophilaûe,  qui  font  conformes 

au  fentiment  de  tous  les  autres  Théologiens. 

Mais  citons  un  Auteur  dont  le  témoignage  ait  quelque  chofc  qui  foit  encore 
plus  frappant:  citons  un  Saint  que  Dieu  a  louvent  élevé  à  cet  état:  un  faint  fur  oui  il 
a  fouvent  permis  au  démon  d'exercer  la  malice  &:  fa  rage  :  un  fiiint  envers  lequel  cet 
efprit  pervers  a  eu  la  liberté  de  faire  tous  fes  efforts  pour  le  tromper  par  fcs  prelli- 
gcs  &  (es  illufions. 

Voici  qu'elles  font  les  réî^les  que  S.  Antoine  donne  à  fes  difciples  pour  leur  ap- 
prendre à  dilUncucr  les  vifioiu  cnvoiccs  de  Dieu  6c  formées  pai-  le  miiiillère  des 

bonj 


IDE'E    DE   VETâT  DES   CO NFU LS ION N AIRE  S.     6^ 

Bons  Anges  ,  d'avec  celles  qui  font  préfentées  par  fatan. 

„  Il  eft  facile  avec  la  grâce  de  Dieu ,  dit  ce  grand  faint ,  de  difcerner  les  uns  des  vic  de  z. 
„  auLres.  Car  la  vue  des  bons  Anges  n'apporte  aucun  trouble.  . . .  mais  leur  pré-  "*" "'"^  =. 
„  fcnce  cil  iî  douce  Se  fi  tranquille  qu'elle  remplit  foudain  l'ame  de  joie,  decon-6o^  ■^^' 
„   tentemcnt  6c  de  confiance,  parce  que  le  Seigneur  qui  eft  notre  joie  &;  lapuiflan- 
„  cède  Dieu  ion  Pcre  eft  avec  eux  :  Scies  penlecs  qu'ils  nous  infpirent  étant  tran- 
„  quilles  &  fims  aucun  trouble,  ils  illuminint  de  telle  forte  ceux  à  qui  ils  appa- 
„  roiflent  qu'ils  peuvent  lans  peine  confidérer  ces  bienheureux  cfprits  :  ôc  ils  leur 
„  donnent  un  tel  amour  pour  les  chofes  divines  6c   futures,  qu'ils  voudroicnt 
„  s'unir  étroitement  à  eux,  6c  fouhaiteroient  de  les  pouvoir  fuivrc  dans  le  ciel.  „ 

Ne  diroit-onpasque  S.  Antoine  ait  voulu  pemdre  par  avance  l'air  6c  l'attitude 
des  Convulfionnaires  en  extafe  ? 

„  Au  contraire ,  continue  ce  faint,  la  furprife  6c  l'afpeft  des  mauvais  Anges ,  rem- 

„  plit  l'ame  de  trouble porte  refprit  dans  le  découragement ,  dans  la  triftefte. 

„  . . .  Ainfi  lorfqu'il  nous  arrive  des  vifions  qui  nous  étonnent  ;  fi  cette  cminte  pafTe 
j,  foudain ,  6c  qu'une  pic  extrême  lui  fuccede  ....  cette  joie  6c  cet  état  de  notre 
„  ame,  eft  une  marque  de  la  fainteté  de  l'efprit  qui  nous  apparoît.  „ 

Cette  régie  donnée  par  S.  Antoine  pour  dilccrner  les  vifions  qui  viennent  de 
Dieu,  de  celles  qui  font  des  illufions  du  démon,  a  d'autant  plus  de  poids  qu'elle 
eft  rapportée,  6c  autorifée  par  conféquent ,  par  S.  Athanafe  une  des  plus  brillantes 
lumières  de  l'Eglife,  6c  une  colomnc  inébranlable  de  la  Véiité. 

A  juger  p.ir  cette  régie  des  extafes  des  Convulfionnaires ,  dans  lefqucUcs  ils  par 
roifient  jouu-  d'un  contentement  inexprimable,  comment  douter  de  l'efprit  qui  les 
produit? 

MM.  les  Confultans  ont-ils  quelques  régies  à  nous  propofcr  plusfiàres  que  cel- 
les données  par  S.Antoine?  Croient-ils  avoir  plus  d'expérience  que  ce  grand  faint 
fur  de  pareils  états  où  il  avoit  fi  fouvent  pafle  lui-même  ?  Et  peniei;t-ils  être  de  plus, 
grands  Théologiens  que  S.  Athanafe? 

Nous  avons  déjà  rapporté  quel  eft  le  fondem.ent  fur  lequel  ils  s'appuient  pour 
prouver  que  les  extafes  des  Convulfionaires  ne  peuvent  avoir  Dieu  pour  auteur. 
G'efl  que  les  Convulfionaires  parlent  en  cet  état.  Or  fuivant  ces  MM.  on  ne  peut 
point  parler  par  refprit  de  Dieu  quand  on  n'cft  pas  maître  de  [on  efpritj^  de  [es  feus... 
... .  l'efprit  des.  Prophètes  ejî  fournis  aux  Prophètes ,  ainfi  que  le  dit  S.  Paul.  Ce  qui 
de  quelque  manière^  qu'on. Pentefide,  difent  ces  MM.  'montre  également  que  ceux  que- 
le  S.  Efprit  fait  parler  detneurent  maîtres  d^eux-mé;ncs. 

„  Surquoi  l'Auteur  des  Vains-eftorts  s'écrie.  ,,  N'eft-cepas  choquer  vifiblc-- 
„  ment  l'idée  de  l'être  fouverain  6cpleindemaiefté  qui  a  établi  parmi  leshommïs 
„  un  ordre  de  conduite  qui  tend  à  les  rendre  conformes  à  fon  image ,  que  de  fuppofer 
„  que  Dieu  puilTe  lui-même  renverfer  cet  ordre,  6c  changer  les  hommes  en  des~ 
„  el'peces  d'automates  couverts  de  la  honte  de  leurs  aétions,  6cen.raême-tems  ré— 
„  pandre  fur  eux  les  faveurs  les  plus  furnaturcUes  ?  „ 

Toute  cette  pompeufe  déclamaticwi  tend  vifiblcment  àinfinuer ,  ainfi  que 'fait  la* 
Confultation,  que  l'extafe  eft  un  état  oi^i  l'homme  eft  dégradé,  6c  que  n'aiant  plus- 
pour  lors  le  libre  ufage  de  fes  fens  6c  de  fa  raifon,  il  eft  changé  en  une  cfpécc 
d'automate.  Or  fuivant  cet  Auteur,  il  ne  feroit  pas  digne  de  la  Majcfté. de  Dieu 
de  fe  communiquer  à  des  hommes  qui  fcroient  réduit  en  cet  état.. 

Je  crois  avoir  déjà  fufiîfamment  prouvé  que  l'extafe  eft  fouvent  au  rontraire  une" 
faveur  divine,  6c  non  pas  une  dégradation  de  l'homme  :  il  ne  me  refte  qu'à  fiiirc: 
Voir  que  lorfqu'on  parle  dans  une  extafe  ,  cela  ne  prouve  nullement  qu'elle  nefoit: 

I  3_  ^ASi 


xxii.  is-   Pierre 

&    i.0. 


70     /i)r£  DE  VE'-rjr  DES  confulsionnaires. 

p;\s  divine:  5c  que  dans  cet  état  pluficurspcrfonnes,  &  mcmcles  plus  grands  Pro- 
phétesont  quelquefois  parlé  par  l'Efprit  de  Dieu. 

Pour  préfcnter  d'abord  au  lefteur  une  preuve  au  dcfTus  de  tout  contredit ,  que 
ce  n'eft  point  une  circonftance  qui  ait  en  foi  rien  de  lufpeét,  de  parler  dans  une 
extafe  ;  je  n'ai  eu  befoin  que  d'ouvrir  le  nouveau  Tellament.  On  y  trouve  que  S. 
parla  dans  l'cxtafe  qu'il  eut  à  Joppc,  où  Dieu  voulut  le  préparer  par  une 
vifion  à  aller  prêcher  la  foi  aux  Gentils;  Sc  que  S.  Paul  parla  aufli  dans  celle 
qu'il  eut  dans  le  Temple  de  Jeruftlcm. 

Il  cil  bien  étonnant  qu'après  de  tels  exemples  qui  font  fous  les  yeux  de  tous  les 
fidèles ,  on  ofc  infinuer  qu'une  extafe  ne  vient  point  de  Dieu  lorfqu'on  parle  dans 
cet  état,  6c  qu'on  en  faflc  un  moien  pour  reprouver  celles  des  Convuluonnaires. 
Comment  de  grands  Théologiens  ont-ils  pu  oublier  de  pareils  traits  d'hilloire 
rapportés  dans  les  Aftes,  Ôc  auflifrappansquelcsextafcsdeS.Picrrc&:  deS.Paul. 

Il  eft  donc  inconteftable  que  ce  n'efl;  nullement  un  caraélère dclavantageux de 
parler  dans  une  extafe.  Cela  même  ne  peut  manquer  d'arriver  fouvcnt,  parce  que 
l'aliénation  des  fcns  n'étant  pas  totale  dans  la  plupart  des  extafcs,  ceux  qui  font 
cians  cet  état  ne  font  pas  ordinairement  privés  delà  faculté  de  parler  :  6c  il  eft  tout 
naturel  qu'ils  enfaffcnt  ufige  pour  exprimer  les  fcntimens  lubits  dont  ils  fe  fentcnt 
pénétrés,  ou  pour  rendre  compte  des  lumières  nouvelles  qui  le prcfcntcnt  à  leur 
efprir. 

Mais  non  feulement  on  peut  parler  dans  les  extafes  divines  par  fon  propre  efpritj 
on  peut  aufli  parler  par  l'Efprit  de  Dieu  ;  6c  cela  cil:  fouvent  arrivé. 
3.Ro;sch.-.  Il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  Salomon  étoit  en  extafe  lorsqu'il  fit  cette  mag- 
nifique prière  rapportée  dans  l'Ecriture  :  il  cil  du  moins  certain  qu'il  étoit  aliéné 
de  fes  fens ,  6c  néanmoins  que  fon  amc  avoit  intelligence  6c  liberté ,  puifque 
Dieu  loué  6c  récompenfe  fix  prière. 

On  ne  peut  douter  que  S.  Jean  ne  fût  en  extafe  lorfqu'il  écrivit  l'Apocalipfe. 
Or  fi  l'Efprit  de  Dieu  peut  faire  écrire  en  extafe ,  il  peut  également  faire  parler. 

On  a  confervé  précieufement  le  difcours  que  S.  Pacômefitcn  extale,  6c  que  (es 
diciples  écrivirent  pendant  qu'il  le  prononçoit  en  cet  état. 

S.  Cyprien  rapporte  que  de  fon  tenis  il  y  avoit  des  cnfans  à  qui  Dieu  fiiifoit  pré- 
dire en  extafe  la  perfècution  qui  étoit  prête  d'arriver. 

Prefque  tous  les  difcours  des  faints    myftiqucs  ont  été  fiiits  en  extafe. 

Enfin  les  SS.  Pères  nous  apprennent  que  les  Prophètes  même  du  premierordrc 
ont  quelquefois  prononcé  leurs  prophéties  étant  en  cet  état. 

Entre  autres  S.  Ambroifcle  fuppofc  comme  une  chofc  d'une  notoriété  conftante. 
"Voici  fes  termes  dans  fon  commentaire  fur  ces  paroles  du  Roi  Prophète:  Heureux 
V  homme  qui  ne  s'eft  point  attaché  à  la  vanité ,  fjf  qui  n'a  point  donné  dans  des  folies  plei- 
inTC.  s>- «^j  (/e  mcnfonge.  „  Le  Pfilmiile  (dit  cePcre)  donne  à  entendre  qu'il  y  a  d'autres 
„  folies  pleines  de  vérités ,  ou  fi  l'on  veut  de  fagcs  folies  :  &  ce  font  peut-être  celles 
j,  d^s  Prophètes  qui  prophétifoient  en  extafe  tî?  dans  le  ravijfement  de  Vefprit ,  étant 
5,  tellement  remplis  de  cslui  du  Seigneur  qu'ils  paroijjoient  à  pluficurs  comme  feus  (J 
,,infenfés.  „ 

Les  Convulfionnaircs  auroient  grand  tort  de  fe  plaindre  que  MM.  les  Conful- 
tans  les  accufcnt  d'être  dans  le  délire,  puifque  du  tems  des  Prophètes,  les  beaux 
cfprits  les  prenoicnt  pour  des  fous  6c  des  inlenfès. 

S.  Hilaire  n'eft  pas  moins  précis  pour  afllncr  que  l'cfprit  de  Dieu  fait  quelquc- 

lB?r.  118,  fois  parler  en  extafe  ,  6c  même  les  plus  grands  Prophètes.  ,,  Lorfquc  par  une  o- 

iitt.  II.     ^^  pération  divine,  dit  ccPérc,  l'homme  fe  trouve  élevé  au  dcllus de  fes  propres 

j,  pcnfccs  j  6c  comme  enlevé  hors  de  la  fphfrc  de  l'cfprit  humain,  fa  langue  ne 

le 


o. 


Ï5 


IDE'E  DE  UETJT  DES  CO NFU LS lONNJIRES.  71 
5',  le  fert  plus  au  défir  de  f;i  volonté:  mais  refprit  qui  s'ennùfit,  &  qui  en  ufe 
„  comme  d'un  infiniment  qui  lui  eft  propre ,  la  meut  comme  il  lui  plaît ,  &:  parle 
„  lui-même  par  notre  bouche  en  proférant  par  elle  fes  oracles  divins.  „ 

11  n'y  a  que  des  Prophètes  par  état  de  qui  l'on  puifTe  dire  proprement  que  Dieu 
parle  farXcnx  bouche^^\>roicrepar  elle  fes  oracles  (:/m«.f.  Ainfiluivant  S.  Hilairelcs 
plus  grands  Prophètes  ont  donc  quelquefois  prophétifé  en  extafe  ? 

Si  les  plus  grands  Prophètes  ont  quelquefois  prononcé  leurs  prophéties  dans  le 
tems  que  leurs  fens  étoient  aliénés,  qui  peut  douter  que  Dieu  ne puifle  communi- 
quer quelque  lumière  furnaturelle  à  d'autres  perfonnes  pendant  qu'elles  font  pareil- 
lement dans  l'aliénation  des  fens,  &  qu'il  ne  puifîe  leur  Hiire  déclarer  en  cet  état 
ce  qu'il  leur  a  fait  connoîtrc  ?  Et  par  quelle  raifon  ceux  à  qui  Dieu  donne  dans  cet 
état  quelque  connoifTance  de  l'avenir,  ne  fe  ferviront-ils  pas  fur  le  champ  de  la 
faculté  qu'ils  ont  de  parler  pour  dire  ce  qu'ils  viennent  d'apprendre. 

11  eil:  vrai  que  les  difcours  prononcés  en  extafe,  même  par  des  Prophètes,  n'ont 
pas  une  entière  autorité  pour  aflujettir  notre  créance,  parce  qu'il  faut  que  le  Pro- 
phète foit  maître  de  fes  fens  &  de  fon  efprit  lorfqu'il  déclare  qu'il  eil  afluré  que  ce 
qui  lui  a  été  révélé  vient  de  l'efprit  de  Dieu. 

Les  Pérès  de  l'Eglife  &tous  les  autres  Théologiens  nous  ont  marqué  ladiflinc- 
tion  qu'on  doit  faire  à  cet  égard  ,  entre  la  réception  de  la  révélation ,  6c  le  tems 
dans  lequel  le  Prophète  publie  de  la  part  de  Dieu  &  avec  autorité  ce  qu'illui  a  or- 
donné de  dire.  A  l'égard  de  la  révélation  ,  Dieu  la  fait  aflez  fouvent  pendant  l'a- 
liénation des  fens ,  foit  aux  Prophètes ,  foit  à  d 'autres  perfonnes  ;  étant  le  maître  de 
révéler  tout  ce  qui  lui  plaît  à  qui  bon  lui  femble.  Mais  pour  avoir  l'autorité  de 
déclarer  au  nom  du  Seigneurie  comme  parlant  de  fa  part  ce  qui  a  été  révélé  il 
faut  être  rendu  à  foi- même  :  &  il  n'y  a  que  les  Prophètes  par  état  qui  aient  ce  droit- 
&  lorfqu'ils  font  une  telle  déclaration  en  fon  nom  ,  ils  doivent  pour  lors  avoir  l'u- 
flige  entièrement  libre  de  leur  efprit  &  de  leurs  fens,  &  c'eil;  précifément  à  quoi 
s'applique  fui  vaut  tous  les  Théologiens  le  paflage  de  S.  Paul  :  refprit  des  Prophète  s  1.  cor 
eft  fournis  :î«a.- P;-o/>/;f/c.f  ;  lequel  partage  ne  regarde  que  renonciation  prophétique  »*■. 
c'eil-à-dire  la  déclaration  que  fait  le  Prophète  de  la  part  de  Dieu  ,  de  ce  qu'il  lui 
a  ordonne  de  dire. 

Lorfqu'au  contraire  quelqu'un ,  foit  un  Prophète  foit  une  autre  perfonne,  fait  une 
prédiétion  étant  en  extafe,  comme  il  y  en  a  quantité  d'exemples }  pour  lors  ce  que 
dit  cette  perfonne ,  fut-il  un  Prophète  par  état ,  n'a  pas  une  entière  autorité.  Encore 
un  COUJ3  il  fout  pour  nous  obliger  à  nous  foumettre  avec  une  pleine  foi  à  une  pré- 
diftion  faite  en  extafe  par  un  Prophète  ,  que  ce  Prophète  après  avoir  repris  tout 
l'ufige  de  fon  efprit  &  de  fes  fens,  déclare  que  ce  qu'il  a  dit  en  extafe  luiaètèinf- 
piréde  Dieu,  ou  qu'il  le  répète  librement  au  nom  du  Seigneur.  Mais  tout  ce  qui 
fuit  de  ceprincipe,c'ellquetoutce  qui  eft  dit  en  extafe  &  pendant  l'aliénation  des 
fens,  fur  tout  par  une  perlonne  qui  revenue  à  elle-méne  n'eft  pas  afflirèe  que  ce 
qu'elle  a  dit  lui  ait  été  donné  de  Dieu ,  ne  doit  être  reçu  qu'avec  précaution ,  qu'a- 
vec examen ,  &  n'a  pas  l'autorité  d'une  prophétie  divine ,  quoique  ce  qu'a  dit  cette 
perfonneaitpû  lui  avoir  été  révélé  par  le  S.  Efprit.  En  un  un  mot  il  rèfulte  feule- 
ment de  là  que  les  perfonnes  qui  font  les  prédirions  en  extafe  &  à  qui  il  n'eft  pas 
donné  de  les  répéter  au  nom  du  Seigneur ,  quand  elles  font  revenues  à  elles-mê- 
mes, n'ont  pas  l'autorité  ni  les  caraftcres  qui  conviennent  aux  Prophètes  par  état  : 
mais  il  n'en  réfulte  nullement  que  les  révélations  qu'ont  eu  ces  perfonnes  ne  foicnt 
pAs  venues  de  Dieu. 

^Ces  principes  fontfi  communs  parmi  les  Théologiens,  fi  clairs  &  fi  fortàla  por- 
tée de  tout  le  inonde,  qu'il  eft  inconcevable  quêtant  de  DodeursrenoBamés,les 

wcnt 


7i  IDE'E  DE  VET Jt  DES  CONFU LS 10  N l^JIRES. 
aient  tont  à  coup  oubliés,  précifément  dans  le  tcms  qu'ils  s'ingcrent  à  porter  une 
dccifioniur  cette  matière  pour  condamner  &:  profcrire  une  infinité  deperfonnes. 
Que  cette  cfpcce  de  prodige  nous  fafle  reconnoitre  avec  humilité  que  toute  lumière 
vient  de  Dieu  ,  5c  que  les  plus  grands  efprits,  Scies  plus  favans,  ne  font  que  ténè- 
bres des  que  Dieu  leslaifTe  à  cux-mcmcs. 
Txvti.  Ccn'ell  donc  point  un  caraftcrc  dcf;\vorablc  de  parler  en  cxtafc  :  on  peut  au  con- 
u-gJt'în-*"  traire  y  parler  parl'cfpritde  Dieu  :  &  la  joie  cclcftcqui  brille  fur  le  vifage  des  Con- 
cviunuc  oa  vulfionnaircs  pendant  qu'ils  font  dans  cet  état ,  cil  une  preuve  que  leurs  extafes  vien- 
ncnt  de  lui  :  mais  cette  preuve  nelt  pas  lalcule.  Pour  les  parcourir  il  ne  raut  qu  - 
examiner  ce  que  Tinflinâ:  de  leur  convullîon  leur  fait  faire  en  cet  état.  J'ai  déjà 
rendu  compte  de  leurs  réprcfentations  ;  je  vais  préfcntcmcnt  faire  quelques  obfer- 
vations  fur  les  difcours  en  langue  inconnue  ou  étrangère  qu'ils  font  quelquefois 
dans  le  plus  fort  de  leurs  extafes ,  &  lorfque  leur  amc  paroît  fi  abforbce  par  les 
grands  objets  qui  la  frappent,  qu'ils  ne  s'apperçoivent  plus  de  tout  ce  qui  fepaifc 
auprès  d'eux. 

Je  paiierai  cnfuitc  du  don  que  plufieurs  ont  cû  de  découvrir  les  fccrets  des 
cœurs:  &  enfin  des  difcours  fublimes  dans  lefquels  leurs  principales prédièlions 
font  ordinairement  contenues. 

LA  PLUPART  de  ceux  qui  ont  écrit  pour  ou  contre  les  convulfions,  ontat*- 
telle  ou  avoué  que  plufieurs  Convulfionnaires  parlent  en  cxtafe  des  langues  incon- 
nues Se  étrangère,'? ,  dont  il  cil  vifible  qu'ils  comprennent  alors  le  fens. 

Entre  autres  l'Auteur  de  la  Recherche  delavérité  furl'ccuvre  des  convulfion;:, 
cet  Auteur  fi  exaftdans'toiis  les  faits  qu'il  avance,  5c  qui  joint  la  plus  févere  criti- 
que des  chofes  qui  lui  paroilTcnt  reprèhenfibles ,  à  l'admiration  qu'on  doit  à  celles  où 
l'opération  divine  eft  marquée,  donne  comme  un  des  caraètcrcs  avantageux  d'un 
affcz  grand  nombre  de  Com'ulfionnaires ,  de  parler  des  langues  inconnues. 
?ig«  n:  L'Auteur  des  Vains-efforts  en  rapporte  lui-même  quelques  preuves,  aufiî  bien 
que  de  plufieurs  autres  dons,  6c  entre  autres  de  la  décowjerte  des  fecretsdes  cœurs. 

Mais  comment  fe  defcnd-il  de  l'induètion  qui  réfulte  de  faits  fi  décififs?  Les 
nie- 1- il?  Il  n'oferoit-,  il  fcnt  bien  qu'il  fcroit  démenti  par  un  très  grand  nom- 
bre de  témoins  oculaires.  Il  n'y  donne  pour  tout  coutredit  que  des  injures,  5c  une 
déclamation  auffi  vaine  que  fiilueufe:  il  s'avife  même  de  comparcrdcfon  propre 
mouvement  ces  dons  à  ceux  des  premiers  chrétiens ,  6c  il  s'écrie  auffi-tôt  :  „  Qui 
„  ne  rougiroit  de  penfer  que  l'Eglifc  dans  fa  naiflance  ,  ornée  de  tous  les  dons  a- 
,,  poftoliques,  eût  pu  être  une  affemblée  de  pcrfonnes  aliénées  de  l'efprit  6c  des 
„  fens ,  mêlant  le  faux  avec  le  vrai  dans  leurs  prédictions  5c  leurs  difcours ,  accom- 
„  pagnant  leurs  prophéties  d'une  irfinitéd'aélionsbaiïcs  cruelles  5c  honteufcs  ?  „ 
Il  entend  apparemment  par  ces  derniers  termes  les  rcpréfcntations  5c  lexfecouis. 

Voilà  en  quoi  confiile  toute  fa  rèponfe,  du  moins  par  raport  aux  difcours  en 
lan^c  inconnue  ou  étrangère. 

Avant  d'examiner  fi  le  parallèle  des  dons  des  premiers  chrétiens,  avec  ceux  <ic 
plufieurs  Convulfionnaires  peut  avoir  quelque  conformité, il  faut  commencer pai" 
établir  le  fait. 

J'ai  déjà  obfervé  quec'cfl  dans  le  plus  fort  de  leurs  ext.ifcs,  que  plufieurs  Con- 
vulfionnaires font  ces  difcours  en  langue  inconnue  ou  étrangère:  je  dois  nj^titcr 
<iuc  la  plupart  ne  conçoivent  eux-mêmes  tout  ce  qu'ils  fignificnt  que  dans  l'in- 
Itant  5c  à  mefujc qu'ils  les  prononcent,  5c qu'ils  ne  s'en  rcifouvicnncnt  plus,  du 
moins  que  d'une  manière  générale ,  des  qu'ils  ont  ccfië  de  parler.  Il  y  en  ace- 
pendant  quelques-uns  qui,  après  que  leurs  difcours  font  finis ,  répètent  cn-fran- 
çois  ce  qu'ils  ont  dit  en  langue  étrangère. 

A  l'é- 


Sj.  40. 


rȣ.  t,x. 


IDE'E  DE  L'ETJT  DES   CONTU LS lONNJIRES.      7j 

A  l'égard  des  autres,  la  feule  preuve  que  nous  aions  qu'ils  les  entendent lorf- 
qu'ils  les  prononcent,  c'eft  que fouvent  ils  expriment  de  la  manière  la  plus  vive 
tous  les  difFérens  fentimens  contenus  dans  ces  difcours ,  non  feulement  par  leurs 
geftes,  mais  même  par  l'attitude  queprcnd  leur  corps,  Se  par  l'air  de  leur  vifîge, 
fur  lequel  ces  différens  fentimens  fe  peignent  tour  à  tour  par  les  traits  &  les  carac- 
tères les  plus  frappans  :  enforte  qu'on  eil  en  état  de  pénétrer  jufqu'à  certain  point, 
quels  font  les  fentimens  qui  les  remuent}  &  qu'il  a  été  facile  à  ceux  qui  ont 
examiné  avec  attention  tous  leurs  divers  mouvemens  &  leurs  diftcrcns  geftes, 
d'y  reconnoître  que  la  plupart  de  ces  difcours  font  des  prédiâ:ions  détaillées  de 
la  venue  du  Prophète  Elle,  desfupplices  qu'on  lui  fera  fou  ffrirainiî  qu'à  fes  dif- 
ciples,  de  la  converlîon  des  Juifs,  oc  enfin  de  l'établiflcment  de  la  religion  par 
toute  la  terre  :  il  n'a  fallu  pour  découvrir  que  ces  dilcours  en  langue  inconnue 
étoient  la  plupart  des  prophéties  de  ces  grands  événemens  ,  que  confronter  les 
différentes  impreffions  qu'on  a  vu  furie  vifage  des  Convulfionnaires  en  faifant  leurs 
difcours,  &  les  gelles  dont  ils' les  ont  accompagnés,  avec  des  imprcdîons  fem- 
blables  &  des  mouvemens  pareils  qu'on  avoit  rémarqués  en  eux  lorfqu'ils  pro- 
noncoient  des  difcours  françois,  oi^i  ils  avoient  annoncé  les  mêmes  événemens  : 
ce  qui  a  été  confirmé  par  la  déclaration  de  plufieurs  Convulfionnaires,  qui  après 
leurs  difcours  fe  font  reffouvenus  en  général,  qu'ils  y  avoient  parlé  de  la  venue 
dufaint  prophète,  &:  de  ce  qui  en  fera  la  fuite  ,6c  encore  plus  particulièrement  par 
ceux  quife  rappellent  tout  ce  qu'ils  ont  dit  Se  qui  le  répètent  en  langue  françoife. 

Au  furplus  ces  difcours  en  langue  inconnue  ou  étrangère  ,ont  étéaccompai^nés 
de  chofes  très  remarquables  dans  quelques  Convulfionnaires.  Par  exemple  il  efl  de 
notoriété  publique  que  M"^  Lordelotfceur  d'un  Avocat  du  Parlement,  qui  de- 
puis fa  naiflance  a  toujours  eu  une  allez  grande  difficulté  de  parler,  prononce  né-» 
anmoins  fés  difcours  en  langue  inconnue  avec  toutes  les  grâces  &:  la  facilité  pos- 
fible,  malgré  nombre  d'afpirations  &  de  mots  tellement  difficiles,  que  d'autres 
perfonnes  ne  pourroient  les  articuler  qu'avec  beaucoup  de  peine  :  &  quoiqu'elle 
n'ait  point  du  tout  de  voix,  elle  chante  très  melodieufen^ent  des  cantiques  en 
cette  langue. 

M"^.  Dancogné  dont  les  convulfions  font  fi  intéreflantes ,  &  qu'on  fait  aufîi 
n'avoir  jamais  eu  de  voix,  chante  de  même  parfaitement  bien  des  cantiques  en 
langue  inconnue  &  d'une  mufiquc  extraordinaire,  qui  fait  l'admiration  de  tous 
ceux  qui  Pentendent  :  mais  ce  qui  furprend  encore  davantage ,  il  lui  arrive  fou- 
Vent  dans  certains  temsde  fesextafes,  d'entendre  le  fens  de  tout  ce  qu'on  lui  dit 
en  quelque  langue  qu'on  lui  parle  ,  &  de  répondre  à  tout  d'une  manière  très  julle , 
c'eft  ce  que  quantité  de  peribnnes  ont  éprouvé. 

FaifoHs  maintenant  la  comparaifon  de  ces  difcours  en  langue  étrangère,  avec 
ceux  que  prononcoient  les  premiers  chrétiens  par  un  don  du  S.  Efprit  fuivanc 
que  S.  Paul  nous  l'apprend. 

Il  ne  faut  que  jetter  les  yeux  fur  le  chapitre  14.  de  fa  première  Epitre  aux  Co- 
rinthiens pour  y  reconnoître  clairement  que  plufieurs  de  ceux  à  qui  TEfprit  Saint 
faifoit  prononcer  des  difcours  prophétiques  en  langue  inconnue ,  ne  les  enten- 
doient  pas. 

5,  Celui  qui  parle  une  langue  inconnue,  dit  ce  grand  Apôtre,  ne  parle  pas  aux'  Cor.  141 
„  hommes,  mais  à  Dieu:  puifque  perfonne  ne  l'entend,  Se  qu'il  p-.,rlc  en  efprit  ^' 
5,  des  chofes  cachées.  C'eif  pourquoi  que  celui  qui  parle  une  langue  inconnu:;, < 3.  &  iv 
j,  demande  à  Dieu  le  don  de  l'interpréter.  Car  fi  je  prie  en  une  langue  inconnue, 
j,  mon  cœur  prie:  mais  mon  efprit  &  mon  intelligence  efl  ians  fruir.  „ 

]1  efl  doncinconteflablcfuivant  cetémoign.ige  de  S.  Paulj  que  parmi  les  fidé- 

Obfervat.  IL  Part.  Tome  IL  K  ks 


74    J'DE'E  DE  VEtAt  DES  CO NFULS 10 NNJ I RES. 


«,  ij. 


fcrieurà  celui  dcsConvuUlonnaùxs,  puifquc  ces  derniers,  du  moins  la  plupart, 
paroiflcnt  entendre  le  fcns  de  leurs  prédictions  dans  le  tems  qu'ils  les  prononcent, 
&;que  quelques-uns  même  le  reflouviennent  parfaitement  de  tout  ce  qu'ils  ont  dit. 
Il  eft  vrai  que  la  plupart,  dès  que  leurs  ditcours  en  langue  étrangère  font  fi- 
nis, n'en  confervent  que  des  idées  vagues,  &:  même  que  ^plufieurs  n'en  ont  plus 
aucune  mémoire  :  mais  cette  circonftimce  n*a  rien  de  décilif.  De  tout  tcms  il  a 
été  aflez  ordinaire  que  ceux  qui  parlent  en  cxtafe  ne  fe  reflbuviennent  point  de 
ce  qu'ils  y  ont  dit,  ni  même  de  ce  qu'ils  y  ont  vu  :  Sainte  Thérefe  le  déclare 
formellement  d'elle-même, 
lib.ii.  de  S.  Auguftin  en  parlant  despcrfonnes  en  cxtafe  qu'il  avoit  lui-même  examinées 
ecn.adiicier.jjj.  ^^  jA^  ^j  ^,^  ^^j  parloicut  avec  ceux  qui  étoicnt  véritablement  devant  eux 
„  fie  qui  parloient  en  niême-temsavec  despcrfonnes  abfentes  comme  fi  elles é- 
„  toient  réellement  préfentes  :  5c  après  qu'ils  font  revenus  à  eux ,  il  y  en  a  qui 
j,  rapportent  ce  qu'ils  ont  vil,  &  d'autres  qui  ne  s'en  refibuviennent  point.  „ 

Bailleurs  il  eft  évident  que  le  même  motif  qui  acngagé  celui  dont  les  confcils 
font  fi  fort  au-deflus  de  nos  penfées ,  à  f\ire  prononcer  ces  prédirions  aux  Convul- 
fîonnaircs  en  langue  inconnue ,  pour  en  fouibaire  la  connoiiïance  à  ceux  qu'il  n'avoit 
pas  deftinésà  en  être  inftruits,  le  porte  en  même  tcms  a  enôterlc  fouvcniraux 
Convulfionnaires,  afin  qu'ils  ne  puiflcnt  les  leur  expliquer ,  du  moins  dans  un  cer- 
tain détail. 

Mais  dira-t-on  :  à  quoi  peuvent  fcrvir  des prédiétions  que  pcrfonne  n'entend.' 
Quelle  fin  Dieu  pourroit-il  avoir  pour  opérer  un  prodige  qui  paroit  tout  à  fut 
inutile  ? 

Ce  fera  S.  Paul  qui  répondra  lui-même  à  cette  queftion,  en  parlant  de  pareils 
M.difcours  que  faifoient  les  Corinthiens.  „  11  eft  dit  dans  l'Ecriture  ,  dit  ce  grand  A- 
,,.„  pôtrc:  je  parlerai  à  ce  peuple  en  des  langues  étrangères  &  inconnues.    Auflî 
cet  Apôtre  nous  apprend-il,  que  ces  difcours  étoient  un  figne  qui  n'ctoit  que 
pour  les  infidèles. 

Mais  que  fignific  ce  figne?  Iln'eft  que  trop  vifiblcquec'eftun  fignc  de  colère: 
c'cftun  figne  par  lequel  Dieu  manifeftc  aux  hommes  qu'il  a  réfolu  de  cacher  fous 
unfçeau  prefque  impénétrable  les  vérités  qu'il  leur  fait  annoncer,  parce  qu'ils  fe 
font  rendus  indignes  de  les  connoître  :  c'eft  un  fignc  que  Dieu  veut  traiter  aujour- 
d'hui la  plus  grande  partie  de  la  Gentilité  comme  ilfaifoit  autrefois  les  liraclites. 
iip.  de  la     II  étoit  commandé  aux  Prophètes ,  dit  feu  x\I.  l'Abbé  Duguct ,  de  cacher  les  vé- 

pai'p.  ;îi.^^  ^fj^5  importantes  fous  des  obfcurités Haie  reçût  ordre  de  fermer  le  livre 

'^^'      „  oùilécrivoitcequ'il  voioit ,  afin  qu'il  n'y  eût  que  les  dilciplcs  privilégiés  qui 
„  en  euffcnt  l'intelligence Dieu  découvrit  au  même  Prophète  à  quel  petit 


4,  Cor. 
■  a. 

ir.  li 


nombre  feroicnt  ré'duits  lesrcftesd'Ifracl  qui  ne  fe  laifleroient  pas  entraîner  par 

l'incrédulité  générale:  il  les  lui  rcpréfentoit  comme  quelques  olives  éch-apècs 

\\  à  la  recherche  de  ceux  qui  avoient  fait  tomber  les  autres. 

'«»•  m-'      ^^  Mais  en  même-tems  il  lui  étoit  expreffcment  défendu  de  parler  fans  énigfne  . . 

„  ...  &  il  eut  ordre  de  mêler  tant  de  chofes  ohfcurcs  à  quelques  traits  fort  hrillans^ 

qu'il  eft  ohligé  de  s''écrier  :  Envérité ^Seigneur^ious êtes  un  Dieu  bien  attentif  à 


„  vous  cacher. 


Ce  n'cft  donc  pas  une  chofe  nouvelle  que  Dieu  faffe  faire  les  prédirions  les 

plus  importantes  ,  &  qu'il  les  couvre  en  mèmc-tcms  dans  fa  colère  paruncobf- 

"■  '^'  '*■  curité  qui  en  dérobe  la  vue?    //  seft  caché  dans  les  ténèbres  ^  dit  le  Roi  Prophète, 

des  nuées  ohfcurcs  l'ont  enveloppé  de  toutes  parts.  Des 


IDE'E  DE  VET  AT  B  ES  C  ON  FU  LS 10  NNJIRES.  jf 
•î  Des  Com'ulfiol-maires  à  la  vérité  ont  expliqué ,  déclaré ,  développé  dans  des  dif^ 
•cours  François  la  plupart  d'une  beauté  furprenante  ,  les  mêmes  prédiftions  qu'ils 
avoient  faites  en  langue  inconnue:  ils  les  ont  publiées  jufque  fur  les  toîts  :  leur 
voix  s'eft  fait  entendre  de  toutes  parts }  &  perfonne  n'ignore  ce  qu'ils  ont  annoncé. 

Mais  le  décri  ou  on  a  fait  bien-tôt  tomber  leurs  perfonnes  a  réjailli  jufaue  fur  leurs 
prédiétions,  &  a  été  un  fécond  voile ,  qui  pour  bien  des  gens  cil  tout  a'ufïï  capable 
de  leur  cacher  la  Vérité  ,  que  lorfque  les  Convulfionnaircs  ont  parle  en  langue  in- 
connue. Par  les  mêmes  préjugés ,  le  mépris  que  ces  perfonnes  vont  avoir  pour  moi 
parce  que  j'aurai  pris  la  défenié  des  ConvuHlonnaires ,  ou  pour  mieux  dire  que  j'au- 
rai expliqué  l'œuvre  des  convulfions  d'une  manière  très-différente  de  la  faufle  idée 
qu'ils  s'en  font  formée,  fera  peut-être  caufe  que  toutes  les  ventés  que  je  metslbus 
leurs  yeux,  ne  leur  feront  aucune  impreflion. 

VOICI  cependant  un  autre  caractère  qui  a  accompagné  les  extafes  de  plu- „^^^"^- 

r  /^  M~  •  1  1  A  -i/^.P,.-,-^'/  Découverte 

heurs  Convulùonnaires,  lequel  ne  peut  être  attribue  qu  a  celui  ieul  qui  pénètre  des  recre« 
les  fecrets  des  cœurs ,  Se  à  qui  les  fentimcns  les  plus  intimes  de  notre  aine  ne  peu-  ""  '"""• 
vent  être  cachés. 

J'ai  déjà  obfervédansma  première  Propofition  que  MM.  les  Confultansétoienti.  Part.  p. 
eux-mêmes  convenus  dans  l'cxpoié  de  leurConfultanon,  qu'il  y  avoit  des  Convuifio-  *^"  ^'^' 
Toaires  qui  révéloient  des  chofes  très  cachées ,  même  les  fctreîs  des  cœurs  ,  &  il  m'a  été 
facile  de  faire  voir  que  cette  circonltance,  fût-elle  toute  feule,  feroitdécifivepour 
prouver  que  Dieu  agit  dans  l'œuvre  des  convulfions,  parce  qu'il  n'y  a  que  luifeul 
qui  puifTe  découvrir  ce  qui  fe  paflb  dans  le  fond  du  cœur,  à  moins  que  quelque 
ligne  ne  l'ait  donné  à  connoître. 

Je  pourrois  rapporter  des  fiits  qui  me  font  perfonnels,  &  qui  démontrent  que 
Dieu  a  révélé  à  des  Convulfionnaircs  des  chofes  c|ui  me  regardent,  &  quin'étoient 
fues  que  de  liai:  mais  comameje  ne  pourrois  en  produire  d'avitrcs  preuves  que  mon 
feul  témoignage,  il  fera  plus  convainquant  de  citer  celui  de  quelques  Auteurs  qui 
ojit  écrit  fur  les  convulfions  avec  connoiffiince  de  caufe. 

M.  Foncer  doit  certainement  être  mis  de  ce  nombre.  L'Auteur  des  Vains-efforts 
dit  de  lui:  (^'\\  a  écrit  pour  ^  centre  les  convulf.ons.  Ccc^i-x  donné  ■çr'mc\Yi^\eraQX\t  pag.  iji, 
lieu  à  ce  bon  mot,  c'eft  la  fincérité  parfaite  de  M.  Poncet  dans  le  récit  des  faits, 
loit  contraires,  foit  frvorables.  Comme  il  n'a  rien dilîimulé  de  ce  qu'il  croioitdé- 
favantageux,  on  ne  peut  l'accufer  d'avoir  exagéré  fur  ce  qui  eft  en  leur  faveur. 

Voici  cependant  de  quelle  manière  il  s'exprime  dans  fa  réponfe  à  l'Auteur  des 
nouvelles  obfervations ,  en  parlant  de  la  découverte  du  fecret  des  cœurs  que  font 
plufieurs  Convulfionnaircs  „  Vous  auriez ,  dit-il ,  bien  moins  de  difficulté ,  fi  vous  lj^  _ 
,,  aviez  été  témoin  des  faits. . .  Si  étant  chezunConvulfionnaire,  il  vous  eût  dit  129!" 
„  les  penfées  les  plus  fecretes  de  votre  cœur  :  qu'il  vous  eût  averti  d'une  faute 
„  confidérable  où  vous  feriez  tombé  :  qu'il  vous  eût  marqué  uneoccafion  précife 
„  oii  vous  auriez  négligé  de  prendre  le  meilleur  parti,  celui  que  votre  confciencc 
„  vous  indiquoit ,  pour  lui  en  préférer  un  qui  convenoit  moins ,  mais  qui  étoit  plus 
5,  félon  votre  goût  :  s'il  vous  eut  prefcrit  d'y  revenir,  &  que  votre  confciencc  vous 
„  eût  répondu  intérieurement  que  le  Convulfionnaire  avoit  raifon.  Si,  dis-je,  ce 
„  fait,  qui  eft  arrivé  auflî  bien  que  plufieurs  autres  aufîî  circonftanciés  ,  étoit 
„  arrivé  à  vous-même,  vous  en  feriez  demeuré  bi^-n  étonné:  vous  en  auriez  été  ren- 
^,  verfé ,  &:  vous  n'auriez  pu  vous  empêcher  de  reconnoître  qu'un  pareil  avér- 
j,  tiflementvenoirde  Dieu,  &  étoit  l'effet  d'une  grande  miféricorde  fur  vous.  ,, 

Comment  en  effet  peut-on  s'aveugler  au  point  de  ne  pas  reconnoître  à  de  tels 
traits  celui  dont  la  lumière  univerfçlle  perce  jufque  dans  les  replis  les  plus  profonds 
de  nos  confciences .''  Quoi  donc  ofera-t-on  attribuer  au  démon  une  pénétration  fi 

K  2.  intime 


<j6      IDE'E  DE  VETJT  DES  CONVULS lONNJIRES. 
intime  êc  fi  parfaite  de  nos  fenti mens  les  plus  fccrets?  Le  regardcra-t-on comme 
l'Apotrc  dont  Dieu  fe  fera  fcrvi  pour  donner  des  avis  falutaires? 

S.  Paul  ne  donnc-t-il  pas  la  découverte  du  iecrct  des  cœurs  pour  une  preuve 

que  Dieu  ell  véritablement  parmi  ceux  qui  font  gratifiés  de  ce  don  ?  „  Si  tous  pro- 

»c*f-  '+•„  phctifent,  dit  cet  organe  du  S.  Efprit,  6c  qu'un  infidèle  ou  un  ignorant  entre 

*■*'      ^^'  „  dans  votre  allcmblée  ,  tous  le  convainquent ,  tous  le  jugent.  LeYecret  de  fo» 

„  cœur  cil:  découvert  :  de  forte  que  fe  proftcrnant  le    vifage    contre  terre  il 

„  adorera  Dieu,  rendant  témoignage  que  Dieu  ell:  véritablement  parmi  vous.  „ 

Ce  n'ell  p:is  feulement  en  quelques  occafions  particulières ,  ou  à  un  fort  petic 
nombre  de  Convulfionnaires  que  Dieu  a  révélé  des  choies  cachées  dans  l'intérieur 
des  âmes. 

L'Ecclefiaftiquede  province  qui  a  examiné  les  Convulfionnaires  avec  tant  d'at- 
tention, &  qui  fait  un  détail  fi  exaft  Se  fi  fcrupulcux  de  tout  ce  qu'il  a  remarque 

foit  d'admirable  foit  de  choquant,  iXtc^e  qu'il  y  a  des  exetnples  fans  nombre que- 

pluficurs  Convulfionnaires,,  découvrent  les  fecrcts  des  cœurs  dans  le  plus  grand 
„  détail.  Dire  par  exemple  :  En  tel  tems  de  votre  vie  vous  avez  flxit  telle  chofe  :  dé- 
„  couvrir  à  des  perfonnes  que  depuis  tant  de  tems  elles  font  dans  de  telles  difpofi- 
„  tions,auxqucllcsclles  a' avoient  jamais  fait  attention.  Dire  à  quelqu'un  :  Aéiuel- 
„  Icment  vous  avez  une  penféc  d'orgueil;  à  un  autre  :  Vous  avez  dit  telle  chofe 
„  avant  de  venir  ici ,  &c. 

Le  très  favant,  le  très  pieux,  &  très  rcfpeétable  Théologien,  fm- les  obferva- 

conpd'œii  tions  dc  qui  on  a  compote  le  Coup  d'œil,  dit  „  que  dans  plufieurs  diicours   de 

P- *■         „  Convulfionnaires   le  furnnturcl  &  le  divin  fc  manifeftent  par  des  fignes  indubi-- 

j,  tables.  Ces  figncs-font  plufieurs  prédiftionsjullifiées  par  l'événement,  l'intérieur 

„  des  confcienccs  manifellé  pluficurs  fois,ô:c. 

L'Auteur  de  la  Recherche  de  la  vérité ,.  cet  Auteur  fi  attentif  à  pcfer  fcrupuleufe- 
mcnt  tous  les  caraftères  favorables  ou  defavantageux  qu'il  remarquoit  dans  les 
Convulfionnaires ,  donne  pour  un  de  ceux  où  l'opération  de  ladi\inité  paroît  avec 
plus  d'évidence,  la  m.xnijcjiation  qu'ils  font  dcspenfées  ^  la  dccowjerts  des  chofa 
fecretes. 

Mais  il  feroit  fupcrflu  de  multiplier  davantage  les  témoignages  pour  attcflerun 
fait  dont  tout  le  monde  convient,  jufqu'aux  adverfaires  les  plus  déclarés  dcscon- 
vulfions.  Il  n'ont  même  trouvé  aucun  autre  m.uien  d'y  répondre ,.  que  dc  faire 
l'honneur  à  fatan  dc  le  proclamer  auteur  de  ces  révélations ,  quoique  la  plupart 
foipnt  fi  importantes  pour  le  falut;:  ôc  cela  fous  le  frivole  prétexte  que  plufieurs 
Convulfionnaires  fe  font  quelquefois  trompés  dans  les  chofes  qu'ils  ont  déclarées. 
Mais  rien  n'ell  ^\  foiblc  que  cette  réponfe  :  pcrfonne  ne  prétend  que  les  Convuliion- 
naircs  parlent  toujours  par  l'Efpritdc  Dieu;  Sclorfqu'ils  parlent  par  le  leur,  il  cil 
tout  naturel  qu'ils  fc  trompent. 

Plufieurs  ont  découvert  des  chofes  oui  n'étoient  connues  que  de  Dieu  fcul,  & 
par  conféquent  ils  n'ont  pu  les  apprendre  que  de  lui  i  d'où  ilrcfultc  incontcftablc- 
ment  qu'ils  parlent  quelquefois  par  fon  Efprit  :  Sc  c'cll:  tout  ce  que  nous  foutenons. 

Il  n'y  a  que  Dieu  qui  connoiHc  L'intérieur  des  hommes  Se  qui  lifcdans  leurs 
penfées  :  c*eft  heurter  les  principes  les  plus^  incontellablcs  que  d'attribuer  un  tel 
pouvoirau  démon ,  a  moins  que  les  penfées  ne  fe  foicnt  manifcftces  piuquclquc  fi- 
gne  fenfiblc.  Mais  il  ne  s'enfuit  pas  dc  ce  que  Dieu  découvre  dc  temscntcms  les 
chofes  les  plus  cachées  aux  Convulfionnaires,  qu'il  les  mette  par  là  hors  d'état  de 
iè  tromper  cux-mcmcs,  &  dc  prendre  quelquefois  pour  une  révélation  dc  la  part  , 
ce  qui  nait  dc  leur  propre  fond. 

Les  plus  gr^ds  Théologiens  ont  au  contr.ùrc  adopté  comme  un  principe  que 

l'cx- 


»«?•  »;• 


JDE'E  DE  L'EtJTDES  CONFULS lONNJIRE S.  77 
l'expérience  rend  indubitable,  que  les  perfonnes  qui  font  accoutumées  à  recevoir 
des  révélations  fans  être  élevées  à  l'état  des  Prophètes,  font  fujetes  à  s'imaginer 
que  des  chofes  qui  ne  viennent  que  de  leur  propre  efprit  leur  ont  été  révélées.  M. 
Poncet  a  cit.;  un  grand  nombre  d'autorités  qui  démontrent  que  cela  eft  arrivé  très 
communément  à  de  grands  Saints ,  &  à  prefque  tous  les  myftiques  :  ce  qui  n'a  point 
empêché  que  les  plus  brillantes  lumières  qui  étoient  alors  dans  l'Eglife ,  Se  même 
les  Papes  dans  leurs  Bulles ,  n'aient  reconnu  que  la  plupart  des  chofes  contenues 
dans  le?  difcours  que  les  Saints  myftiques  aroient  faits  en  ext?ic ,  venoient  de 
l'impreffion  de  l'Efprit  de  Dieu. 

C'eft  donc  un  raifonnement  très  faux  de  foutenir  que  les  Convulfionnaires  ne  par- 
lent jamais  par  l'Efprit  de  Dieu ,  fous  prétexte  qu'ils  parlent  quelquefois  par  le  leur. 
L'imagination  échauffée  d'un  Convulfionnaire ,  qui  flatté  de  ce  que  Dieu  lui  a  dé- 
couvert des  chofes  très  fecretes ,  croit  qu'atout  moment  il  va  l'éclairer  par  une  lu- 
mière lurnaturcUe,  ne  fuffit-elle  pas  pour  lui  faire  hafarder  de  dire  ce  qu'il  n'ap- 
perçoit  que  dans  fes  propres  idées.  Mais  cela  empcchc-t-il  que  lorfque  ce  même 
Convulfionnaire  découvre  une  chofe  qui  n'étoit  fûe  que  Dieu,  il  ne  foit  évident 
que  c'eft  par  fon  opération  qu'il  en  a  été  inftruit  ? 

Cette  évidence  va  paroître  encore  dans  un  plus  grand  jour  par  les  obfervations- 
que  je  vais  fiire  fur  lei>  difcburs  françoisdcs  Convulfionnaires,  queje  crois  la  par- 
tie la  plus  importante  de  l'œuvre  des  convulfions. 

VOICI  la  deicription qu'en  fiitl'Ecclefialtique  de  province,  qui  acxaminécet^ 
te  œuvre  avec  tant  d'attention,  &  qui  rnarqueavec  tant  d'exaétitude  tout  ce  qu'il  ob'erva- 
a  trouvé  de  rcpréhcnfible  dans  les  Convulfionnaires,  auffi  bien  que  tout  ce  qu'il  a.'j°,"'"^  •'' 
vu  d'admirable  dans  les    convulfions.  „ 

„  Difcours  fur  la  religion ,  les  plus  vifs ,  les  plus  touchans ,  les  plus  profonds  y  pj^^  ,  g,. 
,.,  énoncés  avec  une  éloquence  &  une  dignité ,  dont  nos  plus  grands  maîtres  ne 
„  pourroient  approcher ,  fie  avec  des  gcftes  Se  des  grâces  que  l'on  ne  trouve  point 

j,  dans  les  plus  habiles  aéleurs Il  y  en  a  qui  développent  les  plus-  grandes. 

„  vérités  de  la  religion:  celles  qui  enfont  l'ame,  l'efprit  &  le  cœur:  comme  les. 
„  vérités  de  la  confiance,  de  h  grâce,  de  l'amour  de  Dieu,  avec  une  profondeur 
,,  une  folidité  ,  une  netteté,  &  une  élévation  qu'on  n'a  encore  vu  nulle  part. 
3,  Une  de  celles  qui  font  les  beaux  difcours,  n'a  que  ij;.  ans  fie  demi  :  fie  la 
„  pliipart  font  abiolument  incapables-de  faire  de  pareils  difcours  infiniment  au 
„  defius  de  leur  portée.  „ 

L'Auteur  de  la  Rfcherche  de  la  vérité  n'a  pas  été  moins  frappé  que  l'Ecclefiafti-- 
que  de  province  ,  du  furnnturel  que  tout  le  monde  a  apperçu  dans  les  premiers  dif- 
cours qu'ont  f  lit  les  Convulfionnaires  ,  furtout  lorfqu'ils  ont  parlé  en  extafe.  Cet 
Auteur  convient  qu'on  trouve  dans  ces  difcours- „  la  fublimitédes  pcnfées,  ladé- 
„  licateile  des  fentimens,  la  nobleife  des  tours,  l'énergie  des  ex  prelfions,  fied'au- 
5,  très  caraétcres  femblabies,  qui  paroiflent  fort  au  deifus  de  la  portée  de  ceux  qui 
5,  font  ces  difcours.  „ 

En  effet  qui  font  les  fameux  orateurs  qui  ont  fait  journellement  des  difcoui* 
d'une  fi  grande  beauté?  La  plupart  font  des  enfans,  de  petits  garçons  fie  de  peti- 
tes filles  élevées  dans  l'obfcure  poulliere  de  la  pauvreté  :  èc  qui  hors  de  leurs  con- 
vulfions ne  font  que  timidité,  itupidité,  ignorance.  Voilà  les  grands  perfonnages 
que  tout  Paris  à  vus  prononcer  régulièrement  pend;mt  plufieurs  années- des  oiG- 
cours  tous  les  jours  diftérens^  fie  chaque  jour  fur  un  fujetnouveaa  :  difcours  plus.- 
fublimes,  plus  pathétiques  .  plus  folides,  plus  touchans  les  uns  que  les  autrcj-. 

Auffi  le  grand   Colbeit  Evcque   de  Montpellier  ne  balança-t-il  p.is  ày  re— 
connoître  le  doigt  de  Dieu.  Voici  dans  une  de  fes  Lettres,  le  jugement  qu'U  sx 

K  3  porté- 


P=ge  i>* 


jS     IDTE  DE   UEtJiT  DES  CON FU LS 10 N NJ IRES. 
porté  entre  autres  des  difcours  d'un  jeune  enfant.  Je  joindrai  ici  un  allez  grand 
extrait  de  cette  Lettre  qui  contiendra  quelques  autres  objets,  perluadé  que  ja 
fuis  que  ceux    qui  cherchent  la  vérité  de  tout  leur  cœur,  feront  bien  aife  d'y 
trouver  la  juile  idée  qu'on  doit  avoir  de  l'œuvre  des  convulfions ,  d'y  ;ip perce- 
voir des  traits  propres  à  (c  décider  fur  tout  ce  qui  caufe  les  difputes  parmi  les 
AppcUans,  6c  d'y  apprendre  quelles  font  les  marques   extérieures  par  lefqucllcs 
on  peut  difcerner  le  parti  le  plus  fur  par  rapport  au  falut. 
Xftr.DCix.     „  Les  Extraits  des  difcours  dont  vous  me  parlez  ,  m'ont  été  envoyés  (écrie 
b'rfd'.j  t'  )»  ^^  grand  Prélat  à  Madame  de  Coctquen.  )  Je  les  ai  lus,  &  j'en  ai  été  frappé. 
Février      ^  Lcs  exprclTions  CH  font  nobles,  les  vues  grandes,  la  Théologie cxaéle.  Ilelt 
''''■        „    impofllble  que  l'imagmation ,  &  fur  tout  l'imagination  d'un  entant ,  puifTc 
„  produire  de  h  belles  chofes.  Le  fublime  plein  d'onétion  y  règne  par  tout. 

5,  J'avoue  que  les  nuages  qu'il  a  plu  à  Dieu  de  jettcr  fur  les  convullîons, 
„  m'ont  fait  lufpcndrc  mon  jugement  jufqu'à  un  certain  point.  Il  y  avoit  des 
„  chofes  qui  me  faifoient  de  la  peine,  &  quoique  je  fcntifle  que  le  doigt  de 
„  Dieu  étoit  dans  cette  œuvre ,  néanmoins  je  voulois  voir  s'il  ne  fe  montrcroic- 
,,  pas  plus  clairement.  Lcs  nuages  fe  diffipent ,  6c  les  miracles  opérés  par  les 
,,  ConvuUîonnaires  nous  apprennent  à  ne  pas  juger  témérairement  de  l'œuvre 
„  du  Seigneur. 

„  Elle  eft  une  folie  pour  les  uns,  un  fcandalc  pour  les  autres.  Qiicllc  foie 
j,  pour  nous  un  moien  pour  opérer  notre  fanétification.  Je  trois  voir  d'une 
„  manière  très  claire  que  Dieu  veut  aveugler.  Il  a  desdcflcins  de  mifcricordc; 
„  mais  ils  n'éclatteront  fur  les  uns  qu'en  laiflant  agir  fur  les  autres  fa  jullice dans 
,,  toute  (à  rigueur.  Ce  qui  m'attriilc  le  plus,  eft  qu'il  y  ait  parmi  nous  des  fe- 
„  mences  de  divi(ion,  dont  les  fuites  peuvent  être  très  funeftes.  Je  ne  crains 
„  point  pour  la  vérité,  mais  je  crains  pour  plufieurs  qui  l'ont  défendue  avec  le 
„  plus  de  courage  ;  8c  en  craignant  pour  eux,  je  ne  puis  qu'être  l:\ifidcfrayeur 
,,  pour  moi-même  ï'cfpére  néanmoins  que  Dieu  ne  permettra  pas  que  je  le  mé-: 
„  connoillé.  Le  voile  qui  le  dérobe  aux  yeux  de  tant  de  perfonnes,  ne  m'em- 
„  pêche  point  de  le  voir.  Je  laifTfe  le  coté  obl'cur,  6c  j'entre  dans  fon  fmétuanc 
„  par  l'endroit  lumineux.  Heureux  celui  qui  ne  prendra  point  de  ce  qu'il  ren- 
„  contre  d'obfcur,  un  fujet  de  Icandale! 

„  Il  V  a  bien  de  l'apparence  que  dans  peu  la  marque dillinétivc  de  Appcllans, 
„  fera  de  ne  pas  rougir  de  ce  que  le  monde  appelle  fanatifme.  On  laifléra  tran- 
„  quilles  ceux  qui  s'uniront  avec  les  ennemis  de  la  vérité  contre  les  con- 
,,  vulfions:  préjugé  deiavantngcux.  Je  n'aimerois  pas  à  être  en  paix  avec  ceux 
„  qui  font  en  gucVrc  contre  Dieu.  QiianJ  la  vérité  ell  attaquée  6c  la  pcrfécu- 
„  tion  ouverte  ,  je  ne  vois  rien  de  plus  prudent  que  de  fe  jctter  du  cote  des  op- 
„  primés:  c'eft  là  ou  eft  la  force,   8c  où  la  victoire  fera  infailliblement.  „ 

Le  mei-veillcux  des  difcours  des  Convulfionnaircs,n;crveilleux  h  frappant  qu'il 
a  caufé  de  l'admiration  à  un  aufli  grand  cfprit  que  M.  Colbert ,  a  été  un  fait 
fi  public  que  l'Auteur  des  Vains-cftoits  n'a  ofé  le  nier,  8c  qu'au  contraire  le 
parti  qu'il  a  pris  a  été  de  s'efforcer  d'en  faire  une  el'péce  d'argument  contre  les 
convulfions.  11  donne  comme  une  régie  générale  que  la  fréquence  des  réyélat'ions  ^ 
Put  i8+.  ç{\  u„  fjfrg  pour  les  regarder  comme  fufpcties.  Voici  la  conclufion  qu'il  en  tire. 
,  Q.ue  pcnlcr  donc,  dit-il,  des  Convuliionnaircs,  qui  pendant  des  années  entiè- 
res chaque  jour,  8c  plufieurs  fois  dans  le  jour,  fe  prétendent  infpirées  pour  pro- 
noncer des  "difcours  fublimes,  préJire  dés  cvencmens  futurs,  découvrir  le  fc- 
„  crct  des  cœurs,  parler  des  langues  inconnues,  faire  des  miracles  ,8cc? 

C'eft  là  au  moins  avouer  les  f.iits  bien  polîtivcmcnt ,  8c  on  doit  lui  favoir  gré 

d'une 


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IDE'E  D-E  L'EtJT  DES  CON FU LS TONNJ IRES.  75 
d'une  telle  lîncéritéi  Suivant  lui-même  toute  la  qucftion  neconfifte  qu'à  exami- 
ner quel  eft  l'auteur  de  tous  ces  prodiges.  Mais  s'il  y  a  des  miracles  joints  à  une 
infinité  d'autres  merveilles,  ainfi  qu'il  en  convient  auffi  bien  que  MM.  les  Con- 
fultans,  quel  poids  peut  avoit  toute  leur  vaine  critique  qui  ne  roule  10.  que  fur  des 
calomnies,  qui  ne  regardant  que  quelques  particuliers,  ne  pouiToient  porter  au- 
cune atteinte  à  une  oeuvre  auiîl  étendue  :  20.  que  fur  de  prétendues  régies  la  plu- 
part contraires  aux  fentimcns  des  plus  grands  Théologiens ,  ou  qui  ne  préfentcnt 
que  de  fimples  préjugés  qui  peuvent  être  en  quelque  façon  défavorables ,  mais  qui 
font  abfolument  infuffiians  pour  fc  déterminer,  quand  de  l'autre  côté  on  voit  ces 
miracles  incontellables  ? 

Quoi  !  Ces  Meflieurs  ont-ils  donc  oublié  que  les  miracles  font  le  témoignage  de 
Dieu?  Qiie  les  ?niyacks ^(mv^nx.  M.  Pafcal ,  difcernent aux  cbofes  do/i(eufes :  p^xr é- ?eniéis  r,.r 
xemple  entre  les  calomnies  l^  les  calomniateurs?  les  miraccs 

Efl-ce  que  Dieu  autoriferoitlafuperfiitionpar  des  miracles  ;  dit  le  favant  Auteur  Va!  5.'+». 
des  iR.éflexions  morales. 

Au  furplus  les  miracles  n'ont  pas  été  le  feultémoignagc  par  lequel  le  Très-haut 
a  déclaré  en  Dieu  qu'il  agiffoit  dans  l'œuvre  des  convuliîons  :  la  découverte  de  ce 
qui  fe  pafTc  dans  rame,&  piuiieurs prédirions  particulières  très  circonllanciécs, 
dont  on  a  déjà  vu  l'accompliflcment,  ne  peuvent  non  plus  être  atribuées  qu'à  lui. 

Les  difcours  même  dont  il  s'agit  dans  cet  article  ,  ont  été  canonifés  jufqu'à  cer- 
tain point  par  une  multitude  de  circonllanccs  où  le  doigt  de  celui  qui  léul  donne 
la  gnice,  fe  trouve  marqué.  Leur  iuniaturel  évident  n.  convaincu  ,  a  converti  des 
incrédules  &  des  pécheurs;  Dieu  s'enelt  fervi  pour  inftruire  une  grande  quantité 
de  perfonncs  des  vérités  les  plus  eifentielles  au  falut,  furtout  de  celles  qui  font 
aujourd'hui  les  plus  combattues  :  il  a  fait  icntir  par  ces  difcours  d'une  manière  fî 
vive  &  fi  touchante  lanécefiîté  de  la  pénitence ,  qu'il  la  faite  embrafier  à  un  grand 
nombre  deperfonnes.  Quoi!  fatan  feroit-il  donc  l'auteur  de  toutes  ces  conver- 
iîons,de  toutes  ces  fitveurs  divines,  de  toutes  ces  vertus? 

A  l'égard  des  prédictions  générales  qui  ibnt  la  partie  la  plus  intérefllxnre  de  ces,  ^■^^: 
difcours,  quelle    témérité  n'y  a-t-il  pas  de  fe  hâter  de  les  accufer  de  fiinatifmeaiLf/grn'e'- 
dans  le  tcms  qu'elles  font  appuiées  du  moins  en  quelque  façon,  par  un  grand  nom-"' "tQ.tj"',' 
bre  de  miracles  6c  de  prodiges  de  toute  efpéce  ?  bous  c  n- 

Ces  importantes  prédictions  étant  vifiblcment  la  fin  8c  l'objet  principal  de  l'œu-re"  (on',r!b. 
vre  des  convuUIons ,  l'on  doit  conclure  que  toutes  les  merveilles  qui  éclatent  dans  'f'  ''^  '■'^^- 
cette  œuvre,  ne  font  faites  que  pour  nous  y  rendre  attentifs.  vu^dJuir"' 

Les  miracles  lorique  Dieu  les  multiplie  avec  une  prodigalité  extraordinaire, 
font  fouvent  par  eux-mêmes  un  fignal  par  lequel  il  nous  avertit  qu'il  va  bien-tôt 
arriver  des  é^-éncmens  très  intérelîans.  Ce  n'eft  pas  envain  que  Dieu  s'approche 
ainfi  de  nous  ,  6c  qu'il  nous  manifelle  fa  préfence  d'une  manière  fi  lenfible.  Les^^^  ,j  ^^ 
marques  infaillibles  du  tems  de  falut ,  ce  font  les  miracles ,  dit  le  P.  Qiiefnel .  Ceux  de 
J.  C.  qui  n'ont  pu  forcer  l'incrédulité  des  Juifs,  ont  étéen  même  tems  le  pronoi- 
tique  de  leur  réprobation  prochaine  &  de  la  vocation  des  Gentils:  prenons  garde 
que  ceux  de  nos  jours  ne  foicnt  tout  enfemble,  ôcpournotre  ruine  &  pour  la  ré- 
conciliation du  peuple  de  Dieu. 

Dès  que  je  vois  par  des  miracles  certains ,  5c  par  plufieurs  autres  merveilles  ,  que 
Dieu  agit  dans  l'œuvre  des  convulfions,  je  dois  êtreperfuadé  que  fa  fagciïeades 
vues  dignes  d'elle  ;  6c  même  qu'elle  fait  tout  fervir  à  fes  deficins ,  foitdc  miiericor- 
de  foit  de  juftice,  jufqu'aux  nuages  dont  ellcpermet  que  fes  opérations  foient  cou- 
vertes, julqu'aux  chofes  défcétucuies  6c  même  mauvaife^ ,  qu'elle  fouffrequc  les 
Convulfionnaires  mêlent  de  leur  propre  fond, aux  différeiis inftinéts  que  leurcon- 
vulfion  leur  donne.  Je 


8o      IDE'E  DE   L'ETAT  DES  CO NVU LS lONN AIRES 

Je  dois  même  être  perfuadc  qu'une  œuvre  fi  extraordinaire  &  où  l'opération  du 
Tout-piiîïïvmt  paroît  par  tant  de  traits ,  en  même  tcms  qu'il  permet  que  cette  œu- 
vre foit  t^éfiî^urcc  par  pluficurs  choies  qui  ne  peuventvenir  de  lui  :  je  dois, dis- je, 
être  perfuadé  qu'une  œuvre  fi  grande  &  fi  finguliere ,  ne  peut  manquer  d'avoir  une 
fin  digne  des  confeils  profonds  de  fa  fagefle  infinie. 
TXXT;        Je  vois  en  même-tems,  &  je  vois  avec  douleur,  que  le  tableau  que  les  Convul- 
giiîèviab.u  fionnaires  nous  font  de  Tctat  de  l'Eglife,  n'ell  que  trop  véritable  :  je  la  vois  pref- 
que  toute  in'-'ndéc  de  dogmes  pervers  que  l'on  débite  hardiment  par  tout  avec  im- 
punité: je  vois  une  morale  nouvelle  prendre  la  place  de  l'ancienne,  morale  relâ- 
chée qui  ne  conduifant  que  dans  une  voie  large,  ne  mène  qu'à  la  perdition:  je 
vois  que  la  plupart  des  chrétiens  n'honorent  plus  Dieu  que  des  lèvres,  &quel'ef- 
prit  dcpnèrcs'cll  prcfque  entièrement  éteint  dans  leur  cœur  :  jcvois<)uelafource 
de  ce  malheur  vient  de  ce  qu'on  les  a  pcrfuadés  qu'ils  font  les  maîtres  de  leur  fort, 
&  que  quelqu'  s  cri  ncs  qu'ils  commettent  ils  ne  ceflcront  jamais  d'avoir  une  grâce 
fuffiiantc,  avec  laquelle  ils  fe  convertiront  quand  il  leur  plaira  :  je  vois  que  cro- 
iant  n'avoir  nul  bcfoin  d'un  fecours  particulier  de  lagrnce,  ils  ne  prient  plus  que 
pour  la  forme:  je  vois  qu'on  réduit  prefque  toute  la  religion  à  un  culte  purement 
extérieur  :  je  vois  que  l'amour  de  Dieu  qui  en  efl:  l'amc ,  l'cfprit  &  la  vie ,  n'eft  plus 
regardé  comme  nccélTaire  au  falut  par  une  infinité  de  catholiques  :  je  vois  toute 
l'Eglife  en  proie  à  une  troupe  de  cafuillcs  antichréticns ,  qui  introduifcnt  toutes  for- 
tes de  rclùchcmcns  :  je  vois  une  nuée  ténébrcufc  d'hommes  que  S.  Paul  nous  dé- 
4."  3."«C4..  figne  très  clairement  fous  \c  nom  d' Ufie  foiik  de  docteurs  (\n\àoi\cx\t  dans  les  dernitrs 

tems  combattre  la  faine  do6lrine qui  doivent  flatter  les  hommes  ^  ^  Ibus 

*■  ^*     une  apparence  de  piété  en  ruiner  la  -vérité  (^  Pefprit  :  je  les  vois  fe  dire  de  la  com- 
pagnie de  Jefus,  tandis  qu'ils  s'efforcent  de  détruire  toute  la  morale  de  fon  Evan- 
}■   t.    gile:  je  vois  ces  hommes  amoureus  d'eux-mêmes  ^a'cares  ^  fuperbcs  ^  glorieux  ^  mé- 
*'       difans  . . .  ces  hommes  corrompus  dans  l'cfprit  i^  pervertis  dans  la  foi ,  dit  cet  Apôtre , 
faire  de  plus  en  plus  une  guerre  cruelle  à  toute  vérité ,  6c  perfccuter  à  force  ouverte 
tous  ceux  qui  s'oppofent  à  leurs  erreurs  :  je  vois  les  maux  eflProiables  que  cesdc- 
ftrufteurs  de  tout  bien  ont  fait,  font  &  feront  dans  l'Eglife,  dans  les  royau- 
mes, dans  le   monde  entier:  je  vois  déjà  arrivé  le  tems  prédit  par  le  même 
lUê.  4.  3.  _Apôtre,  où  les  hommes  ne  pouvant  plus  fouffrir  la  faine  dotlrine  &  aiattt  une  e.v- 
trême  démangeaifon  d'^entendre  ce  qui  les  flatte  „  ont  ré-cc/ov  à  cette  foule  de  Docteurs 
propres  à  fatis  faire  leurs  deflrs  :  je  vois  que  la  pernicieufe  doctrine  de  ces  cor- 
rupteurs, d'abord  profcrite  par  pluficurs  Papes,  mais  avec  trop  de  ménagement, 
eft  à  prefcnt  autorifée  par  un  grand  nombre  des  premiers  Pafteuis  6c  tolérée  par 
prcfque  tous  les  autres  ;  je  vois  l'abus  du  Sacrement  de  pénitence  porté  jufqu'au 
dernier  excès:  je  vois  qu'au  lieu  d'être  pour  les  pécheurs  une  planche  qui  les  fauve 
du  naufrage ,  il  eft  devenu  pour  eux  un  piège  qui  en  précipite  une  multitude  énor- 
me dans  des  facrilégcs  horribles,  par  le  défaut  des  difpolitionsrequifcs:  jevoislc 
corps  adorable  de  notre  divin  Sauveur  livré  aux  plus  indignes,  lofqu'onlc  rchife 
avec   une  dureté  inconcevable  à  ceux  en  qui  habitent  avec  l'cfprit  de  Vérité 
ks  vertus  les  plus  émincntes,  &  que  Dieu  a  préfcrvés  Je  la  contagion  générale: 
je  vois  que  non  feulement  on  leur  ravit  cette  divine  confolation  à  la  mort ,  mai» 
même  qu'on  refufc  à  leur  corps  la  fépulturc  ordinaire  à  tous  les  enfans  de  l'E- 
glilc  :  je  voiiilc  fchifme  s'avancer  à  grand  pas  dans  fonfcin,  &  mettre  tout  en  œuvre 
pour  challtr  de  l'Eglife  vifible  ceux  qui  en  font  la  partie  la  plus  vivante  &  la 
plus  faine  :  mais  que-   fait-on  par  ces  vains  efforts  ?  Ignorc-t-on  qu'en  voulant  ré- 
parer d'elle  l'cfprit  &  la  vie,  on  s'en  fépare  foi-mémc?  Je  vois  que  pour  le  très 
grand  malheur  de  la  Gc'ntilitc,  ce  ravage  déplorable  fait  continuellement  de  nou- 
veaux 


ir>E'E  DE  VKTAt  DES  CO NFULS lONNJIRES.  8r 
"veaux  progrès  ;  je  vois  le  terrible  jugement  que  le  tribunal  de  l'Inquifition  vient 
-de  porter  fur  lui-même,  en  fulminant  fes  anathémes  avec  une  témérité  qui  fait 
frémir,  contre  le  Bienheureux  Appellant  dont  Dieu  raanifelle  fi  hautement  Ix 
gloire ,  6c  contre  des  miracles  qu'il  a  opérés  oc  qu'il  continue  de  foire  briller  à 
nos  yeux  par  fon  intercefllon  :  je  vois  enfin,  ce  qui  paroît  devoir  mettre  bien- 
tôt le  comble  à  nos  malheurs  êc  qui  les  rendroit  en  effet  irrémédiables  fi  le  Très- 
haut  ne  venoit  à  notre  fecours  par  des  coups  extraordinaires  de  ia  puiflance,  je 
vois,  dis-je,  qu'il  a  permis  au  prince  des  ténèbres  de  difpofcr  fi  bien  de  pref- 
quc  tous  les  elprits  ,  qu'on  ne  peut  quafi  plus  devenir  miniftre  des  autels,  fi 
l'on  ne  commence  par  accepter  le  fiital  décret  qui  condamne  les  Vérités  les  plus  ef- 
ientielles  à  la  religion,  fi  l'on  ne  renonce  à  la  plus  pure  morale  du  Chriftianifme, 
6c  fi  Tonne  fait  un  fuix  ferment,  cnfignant  le  Formulaire,  les  vms  enconnoifian- 
ce  de  caufe  malgré  les  remords  de  leur  confcience  ,  les  autres  fiins  fovoir  ce  qu'ils 
font,  &  tous  ou  par  crainte,  ou  par  foibleflc,  ou  par  ignorance,  ou  par  ambi- 
tion. Mais  Dieu  laurafe  fuicitera  toujours  des  miniftres  hdélcs,  qui  feront  des 
défenfeurs  intrépides  de  toute  Vérité. 

Si  tous  les  paftcurs  abandonnoient  fa  caufc ,  s'ils  n'étoient  plus  que  des  merce- 
naires £c  des  voleurs  qui  ne  conduifificnt  leurs  ouailles  que  dans  des  pâturages  em- 
poifonnés,  que  deviendroient  les  promefies  fliites  à  l'Eglife?  Aulli  Ci  d'un  côte 
je  vois  la  défection  de  la  Gcntilité  prédite  par  S.  Paul  prefque  générale,  &  nos 
prévarications  prcfqu'à  leur  comble  >  je  vois  de  l'autre  imerellburceaflurée  à  tous 
-nos  maux  :  heureux  qui  en  profitera  î  J'ouvre  l'Evangile,  j'y  cherche  fi  J.  C  ne 
nous  a  point  promis  un  remède  à  des  maux  fi  extrêmes,  6c  j'y  trouve  que  ce  di- 
vin Sauveur  nous  à  déclaré  lui-même  ce  que  nous  annoncent  les  Convulfionnaires  : 
„  Elie  'nous  dit-il)  doit  venir  ,  8c  il  rétablira  toutes  chofes  Elixs  quidc-iwcenturits  Manii.  17, 
efl  i§  refiituet  omn'ui  "• 

Mais  dcmandcra-t-on,  quand  cela  doit-il  arriver?  La  réponfe  fe  trouve  toute 
faite  dans  la  prédiction  de  J.  C.  ce  fera  lorfque  toutes  chofes  auront  bcfoin  d'ê- 
tre rétablies. 

Comment  des  Docteurs  Appellans  qui  connoifi'ent  l'état  où  ell:  aujourd'hui 
l'Eglife  6c  qui  en  gémiflcnt,  peuvent-ils  rejetter  avec  mépris  une  prédiélion  qui 
fitit  toute  leur  refiburce  6c  qui  doit  être  l'objet  de  leurs  vœux ,  de  leurs  prières 
8c  de  leur  efpérance  s'ils  pcrfillent  dans  leur  Appel?  Faut-il  que  le  mépris  qu'ils 
■ont  des  inltrumcns  dont  il  a  plû  au  Très-haui  de  fe  i'ervir  pour  prononcer  leur 
délivrance  6c  le  rctablifTement  de  toutes  choies,  leur  en  faffc  dédaigner  la  pro-  p-  Quefn^i 
méfie?  Qj-i'ils  faficnt  réflexion  avec  celui  qu'ils  refpeftent  comme  nous:  o^n'ilf^^i^^^l^' 
ne  faut  point  regarder  ceux  qui  nous  enfeignent  les  vérités  ,  mais  les  vérités  qu'' ils  nous 
en  feignent ,  6c  que  fouvent  Jefus-Cbrifi  a  choif,  les  Jim  fies  ^  les  pauvres  pour  leur 
confier  ....  les  tréfors  de  la  grâce  Ci?  du  [alut-,  xx.Yir. 

Mais  dit  l'x^uteur  des  nouvelles  obfervations  contre  les  convulfions,  doit-on ^uJfo.s''"dô" 
regarder  les  difcours  des  Convulfionnaires  comme  divins?  mélange 

La  réponfe  n'efi  pas  difficile.  Il  n'y  aproprcment  que  l'Ecriture  Sainte  qui  foitcourV"e/" 
un  livre  divin  :  il  faut  faire  une  grande  différence  entre  une  chofe  divine  en  foi  6c  convu'fion- 
à  tous  égards ,  &  une  autre  où  l'opération  du  Saint  Efprit  a  fimplement  influé.  Les  ""^"' 
Evangéliites,  les  Apôtres  ,  les  Prophètes  ibnt  fon  organe  >  il  eil  de  foi  que  leurs 
écrits  jufqu'à  la  moindre  fyllabe,  font  la  parole  de  Dieu.  Tout  au  contraire  les 
prédiélions  faites  par  pluficurs  Saints  depuis  l'établiflement  de  l'Evangile  ^  ont  fou- 
vent  été  mêlées  des  idées  dont  leur  efprit  étoit  préocupé:  6c cependant  il  y  a  des 
chofes  dans  ces  prédictions  qui  ont  été  jugées  par  le  conientement  unanime  de 
l'Eglife,  avoir  été  inljpirèes  de  Dicu.^A  l'égard  des  Convulfionnaires,  ilcllrecon- 

Obfervat.  H.  Part.  'Tome  IL    *'"  L  nu 


ÎCi      IDEE  DE  VETJt  DES  CON FU LS lONNJ I RES. 
nu  même  par  ceux  qui  font  les  plus  prévenus  en  leur  faveur,  que  quelquefois  lis 
joignent  aux  lumières  furnaturcllcs  qui  leur  font  données,  fans  même  s'cnapper- 
cevoir,  plullcurs  chofes  que  leur  propre  efprit  ou  leur  imauination  leur  prefen- 
tcnt.  Mais  pour  cclaircir  ce  point  qui  cil  très  dclicat  &  très  un  portant,  je  crois 
néccfTairc  d'entrer  dans  le  détail  des  trois  différentes  manières  dont  les  Convul- 
fionnaires  font  furnatui'ellemcQt  éclairés,  Se  dont  ils  prononcent  leurs difcours ÔC 
xxxTîr.  leurs  prédictions. 
„?"»"'« lé's     Communément  les  paroles  ne  leur  font  pas  diétécs:  il  n'y  a  que  les  penfées  qui 
penicfj  qu.foicnt  préfcntécs  à  leur  efprit  par  un  inrtinct  furnaiurel,  auquel  cas  il  faut  qu'ils 
^tZxuéTti"'^  expriment  eux-mêmes  ces  pcnfces  par  des  termes  qu'ils  font  obligés  de  prendre 
dans  leur  propre  génie,  ce  qui  fait  que  même  dans  quelques-uns  de  leuis  plus 
beaux  difcours ,  il  y  a  des  expreflîons  impropres  &  peu  exa£bes&  qu'il  y  a  quel- 
quefois des  phrafes  obfcures  &  très  mal  tournées,  enforte  que  la  beauté  de  plufieurs 
de  ces  difcours  ne  confiile  prefque  que  dans  le  fond  des  penfées ,  dans  la  grandeur  des 
fujcts  qu'ils  traitent,  dans  la  nobleflc  des  images,  &  non  dans  la  manière  dont 
cela  cft  rendu,  où  il  y  a  quelquefois  beaucoup  de  défauts,  quoiqu'on  y  trouve 
en  mcme-tems  des  traits  d'une  grande  beauté  ,  &  les  idées  les  plus  fublimes. 

Il  cfl  évident  q  e  lorfqu'ils  font  ainfî  chargés  du  foin  de  rédiger  les  idées  qui 
leur  ont  été  données,  ils  font  les  maures  d'y  ajouter  ce  qu'ils  veulent:  auflî  la 
plupart  ont-ils  déclaré  qu'ils  fentent  avoir  fouvent  le  pouvoir  de  mêler  leur  pro- 
pres idées ,  à  celles  qui  les  fxififlcnc  d'une  manière  furnaturclie.  Se  dont  leur  ef- 
prit fe  trouve  tout  à  coup  fortement  occupé  :  Se  qu'ils  lont  même  obligés  d'avoir 
une  grande  attention  pour  tâcher  de  ne  point  confondre  leurs  propres  penfées 
avec  ces  idées  dont  ils  font  frappés  furnatureilement ,  £c  qu'ils  connoiffcnt  jufqu'à 
certain  peint  leur  être  données  par  une  intelligence  fupérieure. 

Mais  ce  difccrnement  leur  cil  fouvent  très  difficile,  parce  que  l'imprefiionlu-- 
mincufe  qui  fert  à  leur  faire  connoitre  que  certaines  idées  leur  font  données  fur- 
naturellement,  n'cft  pas  toujours  dans  le  même  degré  de  clarté:  quelquefois  elle 
leur  femble  fe  mêler  avec  d'autres  penfées:  ou  bien,  après  leur  avoir  fait  con- 
noitre certaines  vérités,  elle  difparoit  comme  un  éclairi  quelquefois  même  ils 
ont  de  la  peine  à  fe  rappeller  ce  qui  vient  de  leur  être  montré  ;  &  dans  tous  ces 
cas  ils  font  fort  embarraffés  pour  bien  diicerner  les  idées  qui  leur  ont  étépréfen- 
tées  ,  d'avec  celles  que  leur  propre  efprit  a  pu  en  même  tcms  former. 
Q^^^J^Ài  II  arrive  auflî  aflcz  fouvent  à  plufieurs,  que  les  termes  leur  font  diélés  inté- 
)t«  termes   rieurcmcnt,  fans  qu'ils  foient  néanmoins  alors  forcés  de  les  prononcer,  niempê- 

Irjr    Ion         I    '       1.  •        .  »i  11'  ' 

Adiis.        ches  d  y  ajouter  ,  s  ils  en  avoient  la  volonté. 
XXXV.        Enfin  à  l'égard  de  certains  objets,  par  exemple  lorfque  la  lumière  qui  lesfr.ip- 
Oufiqutfoispg  Jcs  oblige  d'annoncer  le  retour  du  Prophète  Elle,  &  tout  ce  qui  a  rapport  à  ce 
fortement,  grand  événement  :  lorlquclle  leur  commande  de  iuçcr  les  ulcères  les  plus  degou- 
tans,  ou  de  faire  certaines  rcpréfentations  :  lorfqu'ellc  leur  enjoint  de  s'impol'er 
des  jeûnes  6c  des  pénitences  extraordinaires,  Se  qu'elle  les  force  de  le  déclarer  d'a- 
vance, afin  qu'on  fâche  qu'ils  y  font  obligés,  qu'on  les  avertifrcdc^es  faire  quand 
ils  font  res'cnus  à  leur  état  naturel,  &  que  ceux  dont  ils  dépendent  les  leur laif- 
fent  exécuter  :  pour  lors  il  leur  arrive  fouvent  que  leur  bouche  prononce  une  fui- 
te de  paroles  indépendamment  de  leur  volonté  :  enforte  qu'ils  s'écoutent  eux-mê- 
mes comme  font  les  aflîllans,  &  qu'ils  n'ont  de  connoiflancc  de  ce  qu'ils  difcnt 
qu'à  mcfure  qu'ils  le  prononcent. 

Il  arrive  même  quelquefois  que  d.ins  la  durée  d'un  même  difcours,  ils  éprou- 
Trnt  fuccefTivcment  ces  trois  différentes  manières  d'être  conduits  dans  ce  qu'ils 
doivent  divc,  lis  commencent  pai-  exemple  un  dilcours  dans  b  feule  vue  défaire 

parc 


IDl'E  LE  LETjr  DES  CO NFULS ION NJIRES.  8? 
part  aux  perfonnes  préfentes  des  idées  qui  viennent  de  les  faifir  d'une  manière 
•qu'ils  Tentent  être  furnaturelle  :  mais  après  avoir  exprimé  pendant  quelque  mo- 
ment ces  idées  le  mieux  qu'ils  ont  pu,  en  cherchant  les  termes  dans  leur  efprir, 
tout  à  coup  les  expreffions  leur  font  didlées  intérieurement  pendant  quelque  tcms, 
après  quoi  ils  fe  voient  derechef  abandonnés  à  leur  génie  :  ôcpeu  après  ils  s'éton- 
nent de  fentir  que  leur  bouche  parle  fans  confulter  ni  leur  volonté  ni  leur  intelli- 
gence, ce  qui  ne  dure  ordinairement  qu'un  intervale  affcz  court  ;  enfuitc  de  quoi 
ils  font  encore  quelquefois  rendus  à  eux-mêmes,  pour  exprimer  à  leur  manierclc 
furphis  des  penfees  qui  leur  ont  été  données. 

Ce  prodige  d'être  forcés  de  prononcer  des  paroles  dont  ils  ne  comprennent 
le  fens  qu'à  mcfure  qu'ils  les  difent ,  a  eu  de  tout  tems  des  exemples,  non  feule- 
ment parmi  les  Prophètes  par  état,  mais  même  parnii  ceux  qui  n'ont  que  des 
illullrations  pafTixgéres,  &  dont  Dieu  s'eil  quelquefois  fervi  pour  foire  desprè- 
diftions ,  fans  leur  donner  néanmoins  toutes  les  qualités ,  ni  l'autorité  des  Prophètes. 
Le  célèbre  Toftat  fait  mention  de  ce  prodige  comme  d'une  chofe  aflcz  ordinaire 
5c  qui  le  trouve  également  dans  les  Prophètes  &  dans  les  autres  perfonnes  par 
qui  Dieu  fait  faire  quelquefois  des  prédiftions.  „  De  même,  dit- il,  que  Dieucii.ic.aii. 
-,,  par  fa  lumière  prophétique  éclaire  notre  entendement  malgré  nous,  il  peutauffij("^  '"^ 
,,  remuer  nos  lèvres  pour  nous  obliger  de  publier  les  chofes  que  nous  connoillbns.ftion  7. 

„  Et  de  même  que  ceux  qui  font  véritablement  Prophètes  peuvent  quelque- 

-5,  fois  être  forcés  de  prononcer  les  chofes  qui  leur  font  révélées ,  ceux  aufii  qui  ne 
„  font  pas  proprement  Prophètes  . . .  font  quelquefois  contraints  de  dire  les  clio- 
^,  Ces  qu'ils  ont  conçues.  „ 

La  différence  elleiuiellc  qui  eft  entre  les  Prophètes  &  ceux  qui  n'ont  que  quel-  xxxvr. 
eues  lumières  momemanées ,  qui  quoique  furnaturcUes  ne  leur  donnent  aucune  ^Jj^^iyfjj'ï"^'''^ 
autorité,  n'eft  pas  proprement  dans  la  différente  manière  dont  Dieu  peut  éclairer  fn^f^  '•« 
les  uns  éc  autres,  Se  les  faire  parler  l'oit  librement  foit  forcément:  cette  diffè- &'cfux'q^ 
rence  confilte  principalement,  ainfi  que  l'a  prouvé  M.  Poucet  par  les  ientimens "'""^^'i"^, 
des  plus  célèbres  Théologiens,  en  ccquele  Prophète  rendu  à  lui-même,  non  feu- tnms  fani- 
lement  fe  reflbuvient  parfaitement  de  ce  que  Dieu  lui  a  fiiit  voir,  mais  qu'il  efc™"""' 
pleinement  affuré  par  l'Efprit  iaint  que  c'cft  lui-même  qui  lui  a  révélé  les  chofes 
qui  fe  font  préfentécs  à  fon  efprit ,  ce  qui  donne  à  ce  Prophète  l'autorité  de  le  dé- 
clarer de  fa  part,  &  comme  parlant  en  fon  nom  :  au  lieu  qu'une  perfonnequi  a  eu 
quelques  révélations  fans  être  Prophète,  fouvent  ne  fe  relTouvient  pas  après  fon 
extale,  du  moins  que  d'une  manière  générale,  des  lumières  qu'elle  a  eu  en  cet 
état,  ni  de  ce  qu'elle  a  dit:  quand  même  elle  s'en  reflbuviendroit  parfaitement  , 
comme  cela  arrive  à  pluficurs  Convulfionnaires,  elle  n'a  pas  pour  cela  d'alTurance 
pofitive  ,  que  ce  qu'elle  trouve  alors  dans  la  mémoire  lui  ait  été  révélé  par  l'El^ 
prit  de  Dieu. 

C'ell  cette  pleine  aflurance  qui  fait  le  caractère  propre  des  Prophètes  :  c'eil:  cette 
affurancequi  leur  donne  une  autorité  qui  eft  incompatible  avec  le  mélange  du  vrai 
&  du  faux  ,  parccque  Dieu  qui  ordonne  de  les  croire  le  rend  lui-même  garant  de  ce 
qu'il  difent:  au  lieu  que  lorfqu'il  ne  donne  aucune  autorité  à  des  perfonnes  à  qui 
il  fait  quelques  révélations,  il  n'eii  pas  caution  qu'elles  n'ont  point  mêlé  leurs  pro- 
pres idées  aux  lumières  qu'il  leur  a  envoièes  :  fouvent  même  il  permet  qu'elles  le 
faflent,  parce  que  fouvent  fa  mifèricorde  pour  les  uns  efb  accompagnée  de  fa 
juflice  pour  les  autres  ,  &  qu'il  entre  dans  fes  confeils  que  les  faveurs  qu'il  fiit 
aux  humbles,  foient  une  occafion  de  chute  pour  les  fuperbes.  Pour  cet  effet  il 
iouffre  que  fes  oeuvres  foient  prcfque  toujours  obfcurcies  par  quelques  nuages.  Il 
a  niis  lui-même  des  obfcurités  rcfpeâables  jufquc  dans  les  livres  facrés.  C'cllun 

L  2,  des 


54  IDE'E  DE  VET'JT  DES  CO N VU LS 10 N NJ  1RES. 
des  c.ir.ictcrcs  des  opcrations  de  fa  profonde  lageffe,  d'être  propres  à  humilier 
l'homme,  d'éclairer  les  aveugles  &  d'aveugler  ceux  qui  croient  voir:  d'être  à  la 
portée  des  petits,  5c  d'être  rc)ettccs  par  ceux  qui  ne  confukcnt  que  leurorgucil- 
Icufe  raifon.  11  ne  peut  jamais  être  l'auteur  du  faux ,  mais  il  peut  le  permettre  &  le 
fige  i+j.  faire  fcrvir  à  fes  defleins.  „  Dieu  ne  peut  jamais ,  dit  l'Examinateur  de  la  Confulta- 
„  tion,  proférer  le  menfongc  ,  vouloir  le  mal,  m  autorifer  le  péché  :  mais  nul  ne 
„  fait  jufqu'à   quel  point  h  providence  peut  le  tolérer  &  le  permettre,  Sec. 

Après  ce  que  nous  venons  de  rapporter  des  trois  différentes  manières  fouvent 
fticccflîves  ,  aontlcs  Convulfionnaircs  font  conduits  dans  la  prononciation  de  leurs, 
difcours  ,  on  fent  qu'il  cil  tout  naturel,  que  lorfqu'ilsfe  trouvent  dans  lancceffité 
de  rédiger  eux-mêmes  à  leur  façon  Icspenfées  qui  leur  font  prcfentées  par  une  lu» 
niicre  fupérieure  ,  ils  mêlent  quelquefois  leurs  propres  idées  dans  leurs  dilcours,. 
&:  que  fouvent  ils  ne  dillingucnt  pas  même  ce  qui  vient  de  leur  propre  fond, 
d'avec  les  connoiffances  furnaturellcs  qui  our  éclaii-é  leur  cfprit.  Caria  plupart 
ne  font  pas  volontairement  ce  mélange:   ils  prennent  même  garde  le  plus- qu'ils 
peuvent  i  ne  rien  ajoutei  du  leur  aux  lumières  extraordinaires  dont  ils  iéfcntenc. 
irappés  :  mais  ce  difcernement  leur  eft  quelquefois  très  diflicile  ,  ainfi  que  je  l'ai 
déjà  obfervé  ,  ce  qui  ne  doit  pas  furprcndre,  puifque  la  même  chofe  clt  arrivée. 
à  de  grands  Saints  à  qui  Dieu  donnoit  pareillement  des  connoiiïlinces  furnaturellcs,. 
fuis  néanmoins  leur  donner  le  don  de  difcerner  d'une  manière  fùre  6c  précife, 
ce  qui  étoit  né  de  leur  propre  cfprit ,  d'avec  ce  qui  IciU'  ctoit  donné  par  une  lu- 
mière divine, 
xxxvii.      On  en  voit  un  exemple  bien  frappant  dans  la  pcrfonncdu  grand  S.  Cyprien  „ 
K  y  icu-nc,ui  aiant  été  indruit  par  pluficurs  révélations  divines,  que  l'Eglile   alloit  fouf- 
^ntè  oan?  rir  unc  grande  perfécution ,  joignit  à  cette  prédiétion,  celles  de  la  venue  pro-- 
les  P'éJitii-j,v,.^jpç  ^j.  l'Antechrift  Scdelafin  du  monde,  qu'il  prit  dans  l'opinion  où  les  chré- 
qui  n-(-;o-  ncns  ctoicnt  alors  allez  communément  que  cela  alloit  bien  tôt  arriver. 
Broph"»."     îï  Puifque  le  Seigneur  ,  dit  cet  illuftre  Evêque  dans  une  de  fes  inlbuétions 
Ep;:re  xs.  ,,  pallorales ,  uous  tait  la  gracc  de  nous préchcr  fi fouvcnt  £c de  uous avertir ,  il  cil. 
„  jufte  que  nous  vous  falllon.s  part  des  avertidèmcns  qu'il  nous  donne.  Vousfau- 
„  rez  donc,  mes  frères ,  Ôc  vous  devez  le  tenir  pour  très  aHuré,  que  le  jour  de  la. 
„  tribulation  efl  déjà  tout  proche  de  nous ,  &  que  l'orage  de  la  perlccution  cil  déjà 
„  forme furnos  têtes  :  &  déplus  que  la  fin  du  monde,  6c  que  le  tems  de  l'Anté- 
,,   chrill  approche. .  .  Voilà  ce  qui  nous  eil  fouvent  montré  :  ce  qtie  Dieu  nous. 
5,  révèle  en  mille  manières.  Se  à  quoi  vous  devez  vous  attendre.  „ 

Si  Dieu  a  permis  qu'un  auffigrand  fxint,  un  célèbre  martyr,  unc  des  grandes  lu-- 
micresdcrEglife  ait  confon.'.u  dans  ("on  propre efprit  le  préjugéoù  il  ètoitquela. 
vcnuedel'Antéchrill  6c  la  fin  du  monde  étoient  proches ,.  avec  la  révélation  que 
Dieu  lui  faifoit  de  la  perfécution  qui  étoit  fur  le  point  d'arriver,  6c  qu'il  lui  ait 
lailTè  prédire  tout  cnlcmble  à  fon  peuple  ces  trois  evénemens  comme  lui  aiant  été 
également  révèles,  comment  MM.  les  Confultansofcnt-ils  donner  pour  une  ma- 
xime générale  oucdans  tous  les  f.écki. .  .une  feule  prédiction  faiifje  a  parufiiffifante.... 
pour  taire  rcjetter  pour  toujours  fans  autre  examen. .  .  ceux  qui  s' ingèrent  de  prédire 
J'at-enir  ?  Cette  maxime  peut  être  vraie  par  rapport  à  ceux  qui  fe  donnent  pour  des 
Prophètes  par  état  ;  ma:selle  ell  d'une  faudètè  notoire  par  rapport  à  tous  ceux  qui,, 
fans  avoir  la  qualité  de  Piophète,  ont  cù.  quelque  révélation. 

M.  Poncct  dans  fa 6  .  lettre  contre  les  Vains-ellorts  prouve  par  un  grand  nom- 
bre d'exemples  6c  d'autorités,  que  prefque  tous  les  Saints  qui  depuis  la  forma- 
tion de  l'Eglifc  ont  eu  des  révélations  y  ont  quelquefois  mêlé  du  faux  qui  ne  ve- 
noit  que  de  leur  propre  cfprit  ;  il  fait  voir  q,u;  la  „  prétcniioa  de  MM.  les  Con- 

fui- 


99- 


IDE'E  DE  VETjr  DES    CONFULS lONNJ IRES.     8f 

■;,  fultans,  qu^an  ne  doit  faire  aucun  cas  des  révélations  de  perfonncs  qu'on  pourra^^^^  ,j. 
„  convaincre  de  s' être  trompées  dans  qudiues-uncs  eft,  contraire  fà  ce  que]  di- 
,,.  fent. .  .  tous  les  Auteurs  généralement,  &  que  fi  ce  principe  etoit  vrai,  on 
„  feroit  obligé  d'abandonner  prefque  toutes  les  révélations  qui  ont  été  faites 
5,  aux  Saints  depuis  les  Apôtres  6c  les  hommes  Apolloliques.  Il  s'en  trouvera 
„  très  peu,  ajoute-t-il,qui  n'aient  mêlé  quelque  faulîeté  parmi  les  chofes  qu'ils 
„  croioient  tenir  de  la  révélation.  „ 

Mais  il  ne  fliut  qu'ouvrir  l'Ecriture  fainte  pour  y  trouver  des  preiives  invinci- 
bles, que  la  fuppofition  de  l'impoflîbilité  du  mélange  de  la  part  de  l'homme  dans 
la  manière  dont  il  rend  les  choies  qui  lui  été  découvertes  par  l'Efprit  de  Dieu, 
cil  une  erreur  manifefte  :  fuppofition  néanmoins  que  MM.  les  Confultans,  6c  pref- 
que tous  les  autres  Auteurs  qui  fe  font  acharnés  à  décrier  les  prédictions  des  Con- 
vulfionnaires,  ont  pris  pour  un  principe  fur  lequel  ils  fe  font  eflentiellement  fon- 
dés. Je  vais  en  prouver  le  faux  par  des  faits  fi  décififs6c  par  des  autorités  fi  fortes, 
qu'il  ne  foudra  que  des  yeux  pour  s'en  convaincre  :  mais  avant  d'entrer  dans  cet- 
te difcuffion,  il  me  reflc  à  citer  encore  un  trait  d'hiftoire  de  S.  Cyprien,  qui  con- 
vient très  fort  aux  queftions  que  je  traite. 

Il  rapporte  que  lorfque  la  pcrfécution  qui  lui  avoit  été  révélée ,  étoit  prête  à 
fondre  fin-  l'Eglife,  Dieu  pour  y  préparer  les  fidèles,  ftiibit  tomber  de  jeunes  en- 
fvms  en  cxtafe  :  que  dans  cet  état  il  peignoit  à  leurs  yeux  l'image  des  maux  où  les 
chrétiens  alloient  être  livrés,  &  les  leur  foifoit  prédu-c.  „  Dieu  ne  celle  point,  difEpitre  j,- 
5,  ce  grand  fiint,  dcnous  reprendre  jour  6c  nuit  :  car  outre  les  vifions  nocturnes,  le 
„  jour  même  les  enfa.ns  innoccns  qui  font  avec  nous ,  fontremplisdu  S.  Efprit  : 
„  ils  voient  en  extafe  de  leurs  yeux,  6c  entendent  6c  difent  leschofes  dontleSei-- 
„  gneur  à  la  bonté  de  nous  avertir.  „ 

On  voit  que  S.  Cyprien  étoit  bien  éloigné  de  méprifcr  les  extales  de  ces  cn- 
fans  :  il  regardoit  ce  qu'ils  difoiept  en  cet  état  comme  des  avertiflemens  du  Sci-- 
gneur ,  dont  il  vouloit  qu'on  profitât.  Cet  événement  lui  paroifloit  donc  un  efirt 
de  la  bonté  de  Dieu.  11  n'eft  donc  pas  indigne  de  fa  lagcflc,  quoiqu'en  difent  les 
Doéteurs  Confultans ,  d'infpircr  6c  de  faire  parler  dans  l'aliénation  des  fens  ,  ceux 
qu'il  lui  plaît,  quand  il  lui  plaît,  6c  en  la  manière  qu'il  lui  plaît.  Ces  MM., 
voudroient  ils  qu'on  préférât  leurs  fentimens  à  ceux  de  ce  célèbre  martyr  ? 

Il  eft  de  la  dernière  évidence  que  ces  jeunes  cnfans  étoient  de  véritables  Con-- 
vulfionnaires  entièrement  femblablcs-à  un  grand  nombre  de  ceux  que  nous  voions: 
de  nos  jours. 

Ce  n'eft  donc  pas  une  chofe  nouvelle  dans  l'Eglife  que  Dieu  fiuTc  prédire  en' 
extafe  par  de   jeunes  enfans,  les  grands  événemens  qui  lontlur  le  point  d'arriver  , . 
ni   qu'il  permette    que  ceux  à  qui  il  envoie  quelques  révélations  fins  les  élever  à 
la  qualité  de  IVophétes,  mêlent  fins  qu'ils  s'en  apperçoivent  .leurji  propres  idées-" 
aux  révélations  qu'il  leur  a  faites. 

Mais  on  trouve,  ainfi  que  je  viens  de  l'avancer,  des  preuves  de  ce  dernier  fait  xxxviir:. 
dans  les  livres  diètes  par  le  S.   Efprit.    Tout  ce  qui' cil  écrit  dans  ces  livres  fa-  f''™""  .  , 
crés ,  l'a  été  pour  l'inllruftion  de  tous  les  fiécles.  „  Toute  Ecriture  qui  elt  inlpirée-nèiange  a- 
5,  de  Dieu  eft  utile  pour  inilruire  ,pour  reprendre ,  pourcorriger ,  6c  peur  condui-c-Y/urV^  '^" 
j,  re  à  la  piété  6c  à  la  juftice.  „  i.Tini..îj. 

Dieu  a  prévu. de  toute  éternité  ce  qui  devoir  arriver  dans  tous  les  tems:  il  a  '^* 
connu  tous  les  befoins  de  lumière  qu'auroienttous  leshommesdanrlesdifFérentes- 
circonftances  où  il  les  plact  roit  :  6c  il  a  voulu  que  l'Ecriture  fainte  en  fût  la  fource- 
intariflable.  C'eit  donc  principalement  dans  ce  tréfor  divin  qu'il- faut  puifer  notre" 
inftriiètion ,  qu'il  faut  cliercher  l'éclairciiTement  de  tous  nosdoutcs>ôc  h  réponict 
à' toutes  les  difficultés. .  L  j^  L-'ao*- 


cL.  1  ; 


85    IDE-E  DE  VETAT  DES  CONFÛLS lONNJ IRES. 
J/.incicn  5c  le  nouveau  Tcftumcnc  nous  fourniflcnc  des  preuves  inconteftablcs, 
que  Dieu  à  foutïcrc  que  ceux  à  qui  iltaitbit  quelques  révélations  fans  leur  donner 
l'autorité  des  Prophètes  par  état ,  fiflent  un  mélange  de  ce  qui  naiflbit  de  leur  pro- 
pre fond,  avec  les  chofes  qu'il  leur  avoit  révélées. 

Tous  les  Pcrcs  conviennent  que  dans  les  difcours  infultans  qu'Eliu  fit  à  Job ,  il  y 
a  des  prophéties  qui  lui  étoient  infpirées  par  l'Efprit   fiiint. 

Voici  entre  autres  de  quelle  manière  s'exprime  le  commentaire  fur  Job  qui  fc 

f^,, g,, trouve  dans  les  ouvrages  de  S.  Jérôme.   „  Eliu  a  auflî  l'efprit  de  prophétie, 

mais  comme  je  crois ,  il  ne  l'a  pas  cû  de  la  même  manière  ou  dans  le  même  genre 

de  don  que  les  Saints  Prophètes  :  c'cll  pourquoi  Dieu  dit  à  Job  en  parlant  de  lui 

T/iieTi  celui-là  qui  tnéle  des  fsntences  avec  des  difcours  inconftdérés  ^  ignorans  ?  Ce 


'     *  „  qui  fignifie  quclefcns  prophétique  de  fes  difcours  étoit  mêle  avec  des  paroles  in- 


juricufcs  fie  des  difcours  inconfidércs.  Dieu  ne  reprouve  pas  tout  ce  que  dit  Eliu  ; 
"il  reprend  feulement  ce  qu'il  avoit  dit  mal  à  propos. . .  Mais  fi  quelqu'un  cft 
choqué  que  cet  Eliu  prédife  plufieurs  chofcs  qui  regardent  le  tems  de  [.  C.  que 


„  cœur,  parce  qu'en  cela  il  a  parlé  par  fon  propre  cfprit.  „ 

Peut-il  jamais  y  avoir  un  mélange  plus  marqué  d'une  révélation  divine  jointe 
à  ce  que  la  pcrfonne  infpirée  y  ajoute  de  fon  propre  fond  ?  Eliu  rempli  du  Saint 
Efprit  qui  l'anime,  qui  l'éclairé,  qui  lui  fait  une  i  m  prej/:  on  ïi  vive  qu'il  ne  peut, 
dit-il,  y  r<f/;7?«-,fait  des  prophéties  qui  regardent  la  venue  du  Sauveur  du  monde: 
6c  en  même-tcmsdans  le  même  difcours ,  Eliu  s'abandonnant  à  les  préjuges  con- 
tre Tob,  porte  le  jugement  le  plus  téméraire  de  ce  grand  fcivitcur  de  Dieu! 

Il  eft  bien  remarquable  qu'Eliu  ell  en  quelque  forte  contraint  de  parler 
par  une  imprtilîon  furnaturelle,  qui  paroit  toute  femblable  au  mouvement  in- 
térieur qui  force  quelquefois  les  Convulfionnaircs  à  faire  leurs  difcours  6c  leurs 
prédiétions. 

j.b.;i.  8.      „  ]e  vois,  dit-il,  que  c'efl:  l'Elprit  de  Dieu  qui  agit  dans  les  hommes,  5c  que 

lit.  &  15.  ^^  j,'£.jj.  l'infpiration  du  Tout-puiflant  qui  donne  l'intelligence. . .  Je  fuis  tout  rem- 
5,  pli  de  paroles  qui  font  effort  pour  fortir:  fie  je  fciisùnns  mes  entrailles  un  efprit 
„  qui  me  contraint  de  parler.  Mon  ventre  en  cii:  tout  plein  comme  d'un  vin  nou- 
„  veau  ,  qui  n'aiant  point  d'air,  rompt  les  vaillcaux  qui  le  contiennent.  „ 

Cependant  l'Efprit  faint    qui  le  force  d'ouvrir  la  bouche  pour  lui  faire  décla- 

ib.d.  -8.  i.rcr  plufieurs  vérités  fublimcs,  ne  l'empêche  pas  d'y  joindre  des  dtfcours  inconfi- 
di.rés  iy   ignorans. 

S.  Grégoire  dans  le  portrait  qu'il  fait  d'Eliu  décide  encore  une  autre  queftion 

contre  le  fiftcme  de  MM.  les  Confultans.     Cet  illullre  Pcre  de  l'Eglife  étuMit 

comme  une  maxime  incontertable  :  qu'on  peut  être  rempli  de  l'elprit  de  prophc- 

M'^f.  fur  tie,  quoiqu'on  ait  de  grands  défauts.  „  Eliu, dit-il,  nous  repréfcntc  certains  Doc- 

jcbi./.  13.^^  x.cx.\xs  entre  les  fidèles,  quifont  arrogans  fie  préfomptueux  :  mais  pour  bien  juger 
„  de  fcs  paroles  il  faut  confidércr  celles  dont  le  Seigneur  fcfert  cnluitepour  Icrc- 
„  prendre  ,  lorfqu'il  lui  dit  :  J^/  eft  celui-ci  qui  mêle  des  l'eut cnces  f  ami  des  difcours 
„  impcrti/ie/is  .' .  . .  Ainfi  Eliu  qui  n'éioit  pas  moins  prciompiucux  que  favant ,  fait 
„  quelquefois  des  difcours  comme  tous  parfumés  de  la  bonne  odeur  de  la  vérité  : 
„  &  il  en  fiit  quelquefois  d'autres  tous  hcrilVés  d'épines  piquantes...  Il  faut  éviter 

„  avec  gr.ind  loin  cet  efprit  d'orgueil  qui  peut  nous  blclîcr Et  il  n'y  a  pas 

„  lieu  de  s'étonner  qu'un  fuperbe  comnime  lui,  ait  pu  être  rempli  de  l'c'.prit  de 
„  prophétie,  puifquc  nous  voions  bien  un  Saiil  parmi  les  Prophètes.  „ 

Le 


IDE'E  DE  VET jr  DES  CONFU LS 10 NNJIRES.      Sj 

Le  Prêtre  Philippe ,  ce  célèbre  difciple  de  S.  |erôme  avance ainfi  que pliificurs 
autres  Théologiens,  que  non  feulement  Llin  ,  mais  auffi  les  autres  amis  de  Job 
onttouseûrefprit  de  prophétie  :  &  qu'ils  ont  tous  mêlé  leurs  préventions  contre 
Job  ,  aux  révélations  que  leur  faifoit  l'EfpritdeDieu.  „  Les  amis  de  Job  ,  dit-il  ,Com.  in  joi.' 
„  ont  prophétiie  quand  ils  ont  été  remplis  de  l'elprit  de  prophétie  :  &  ils  ont  dit  •'"'''''■  *^" 
„  des  choies  mauvailes  &  vaines  par  leur  propre  efprit,  lorlqu'ils  ont  fait  des  re- 
„  proches  au  fiint  homme  Job.  „  Et  ce  qui  ell  bien  digne  de  remarque,  c'cll 
que  tout  cela  fc  trouve  confondu  dans  les  mêmes  difcours. 

iS.  Grezoire  &  les  autres  ^héoloviens  ^  dit  le  Cardinal  Bona ,  têmeiment  que  la  Difcermî-  ; 
ré^élation  qui  fut  jatte  a  Ltipbas ,  qui  etoit  un  des  amis  de  Job ,  fut  véritable ,  maiSfùis.  ch.  7. 
f«V/  en  abufa.  i-n-^   _ 

Après  de  tels  exemples  que  l'Efprit  faint  nous  met  fous  les  yeux  dans  un  livre 
qu'il  a  difté  lui-même,  &:  qui  par  conféquent  eft  un  flambeau  qui  doit  nous 
éclairer,  que  devient  la  grande  maxime  des  Anticonvulfionniiles  :  que  le  moin- 
dre mélange  doit  faire  rejetier  toute  prédi^ion  ? 

Les  préjugés  de  ces  MAL  les  éblouiflent  fi  fort  qu'ils  leur  font  prendre  pour 
principe  inconteftablc ,  que  Dieu  ne  peut  pas  faire  ce  que  toute  la  tradition ,  fondée 
fur  des  faits  qu'on  trouve  dans  les  livres  Saints,  a  reconnu  qu'il  a  fait. 

Au  furplus  quelque  décififs  que  foient  ces  exemples  pour  prouver  que  Dieu 
permet  quelquefois  que  ceux  qu'il  éclaire  d'une  manière  lurnaturelle,  joignent 
ce  qui  vient  de  leur  propre  fond  aux  révélations  qu'il  leur  fait  5  on  en  trouve  des 
preuves  peut-être  encore  plus  frappantes  dans  le  nouveau  Tcft.tment. 

Il  n'eil  pas  poffible  de  lire  le  chapitre  14.  de  la  première  Epitrc  deS.Paul  aux 
Corinthiens,  fans  y  reconnoître  que  cet  Apôtre  étoit  convaincu  que  ceux  des  Co- 
rinthiens ,  qui  avoicnt  fouvent  des  révélations,  y  raéloient  quelquefois  du  leur  : 
mais  comme  j'ai  déjà  emploie  cette  preuve,  je  n'ajouterai  ici  qu'une  feulcrél^C" 
xion  que  j'appuierai  de  quelques  autorités. 

Il  ell  inconteftablc  que  le  don  de  prophétie  qui  étoit  très  commun  parmi  les 
Corinthiens,  venoit  de  l'efprit  de  Dieu.  Cependant  S.  Paul  étoit  fi  convaincu 
qu'ils  pouvoient  mêler  les  eireurs  &  les  préventions  de  leur  propre  efprit  avec 
ce  qui  leur  avoit  été  révélé  par  l'Efprit  faint,  qu'il  ordonne  qu'on  examine  ce 
qu'ils  difoicnt ,  &  qu'on  en  juge  en  le  confrontant  avec  les  règles  &  les  maxi- 
mes du  chriilianifme.  Pour  ce  qui  efl  des  Prophètes^  dit  ce  grand  Apôtre,  qu'il '-(^or:  i+i- 
ny  en  ait  point  plus  de  deux  ou  trois  qui  parlent  ^  (^  que  les  autres  en  jugent.  ^^' 

„  C'étoit,  dit  Eilius,  pour  examiner  &  éprouver  fi  les  chofes  que  difoicnt 
„  ces  Prophètes  dons  le  tcras  de  leurs  prophéties  étoient  vraies  6c  conformes  à. 
„  la  fiine  doétrine. 

,,  C'étoit,  dit  Fromond,  pour  conftater  6c  vérifier  s'il  n'y  avoit  rien  d'erroné': 
5,  qu'ils  y  eufient  mêlé  ,  ou  par  l'illufion  de  leur  propre  efprit,  oup^ut-êtrepar' 
„  la  féduélion  6c  l'opération  de  l'efprit  de  menfonge.  „ 

„  C'étoit,  comme  on  le  lit  dans  une  note  qui  fe  trouve  dans  la  Bible  de  Sacr,  dé" 
„  peur  que  l'efprit  de  menfonge  ou  l'eiprit  humain,  nemélalTent  dans  ces  fortes.; 
5,  de  difcours,  des  chofes  fiiufTes  ,  vaines  6c  contraires  à  l'efprit  de  l'Evan.o-ile.  „. 

S.PauU'appréhendoit  :  il  étoit  donc  convaincu  que  cela  étoit  très  poflîble?  Ce- 
pendant cet  Apôtre  défend  àzméprifer  /w /)J'(;/)/:'é//fj- ,  de  crainte  d'en  éteindre  l'ef-  î.T.'tî.  ?.-- 
frit  :  il.  veut  qu'on  éprouve  2foa^  ,  6c  qu'on  approuve  ce  qui  eft  bon..  "•  -°'^ 

C'eft  ici  l'Efprit  fiint  qui  nous  avertit  par  la  bouche  de  S.  Paul,  que  commet'' 
les  hommes  peuvent  mêler  du  leur  avec  la  lumière  iurnaturelle  qu'il  leur  envoie,, 
on  ne  doit  recevoir  qu'avec  précaution  £c  avec  difcemeraent  les  prédidions  faites^ 
parles  perfonnes  qui  n'onfm  le  caradère  yjii  ràutorité  des  Prophètes  parctar:: 

aaaiià 


88      IDE'E  DE  VEtAT  DES  CONFULS 10  NNJ  IRE  S. 
mais  qu'il  ne  faut  pas  néanmoins  rcjcttcr  leurs  révélations  fans  les  examiner,  fui - 
tout  quand  elles  font  illullrées  par  quelque  l'uraatuiol ,  parce  que  Dieu  parle  par  la 
bouche  de  qui  il  veut,  &  qu'il  peut  fe  fervir  de  qui  il  lui  plaie  pour  nous  donner 
les  avcrtiflcmcns  les  plus  ellcnticls.  Mais  lî  cclaelt  vrai  cngcnéral ,  qu'elle  témé- 
rité n'y  a-t-il  point  de  dédaigner  d'une  manière  outragcufe  des  prédictions  accom- 
pagnées d'une  multitude  de  prodiges  ôc  de  miracles,  qui  fe  trouvent  cadrer  à  une 
vérité  révélée  par  Jefus-Chrilt  même  ? 
XXXIX.       Cette  témérité  cit  d'autant  plus  inexcufablc  que  depuis  les  derniers  fîècles,  l'E- 
lî-cWi  mi  q\[îq  x  eû  fous  les  yeux  un  aiiéz  grand  nombre  de  ncrfonnes  en  qui  elle  a  vu  tout 
ir'^jifcrurs  ce  qu  il  y  a  de  plus  linguiier  d-ans  les  convullions:  que  pluiieurs  deccsperlonncs 
^'jî,"/^^^'"ont  fait  comme  les  Convulfionnaires,  des  difcours  5c  des  prédirions  en  extafc  :  quf 
ss.  myfli.  la  manière  dont  elles  ont  rendu  ce  qu'elles  avoient  appris  par  la  révélation  di- 
^''""         vinc,  n'a  pas  toujours  été  cxenne  de  mélange  :  Se  que  néanmoins  l'Eglife  a  porté 
un  jugement  à  leur  égard  diamétralement  oppofc  a  celuidcMM.lesConfultans, 
Lc  lecteur  me  prévient  avunt  que  j'explique  de  qui  j'cntcns  parler:  il  »  déjà 
compris  que  c'ell  des  Saints  My  ftiques ,  qui  pour  m'exprimcr  fuivant  le  langage  du 
tcms ,  ont  été  la  plupart  de  véritables  Coû\  uUionnaires.  S'ils  paroilToicnt  aujourd'- 
hui parmi  nous ,  à  quelle  marque  MM.  les  Confultans  les  diltingueroient-ils  des  au- 
tres? Ce  ne  pouiroit  être  que  par  leur  grande  piété  :  mais  ne  trouve-t-on  pas  parmi 
les  Conrulfionnaires ,  plufieurs  exemples  d'une  vertu  qui  imite  de  bien  prcs  la  leur  ? 
Prouvons  d^tbord  que  les  difcours  &  les  prédiétions  de  ces  Saints  ont  eû  précilc- 
ment  les  mêmes  déhiuts,  &  ont  été  accompagnés  delà  même  forte  d'aliénation 
qu'on  reproche  aux  ConvuUîonauircs  comme  une  dégradation  honteufc.  Les  Bul- 
les de  c.tnonifation  de  ces  Mylliques  &  le  fentiment  commun  des  plus  grands 
Théologiens,  manifelteront  enfuitc  le  jugement  que  l'Eglife  a  porté  de  leurs  ré- 
vélations ôc  de  leut  état. 

Sainte  Théréfe  déclare  en  termes  formels,  qu'elle pouvoit  aifémentfc  tromper 
dans  les  révélations  qu'elle  croioit  avoir,  6c  y  mêler  fes  préjugés.  Elle  fait  con- 
noître  par  plufieurs  traits  de  Çw  vie,  qu'elle  fedéfioit  extrêmement  d'elle-même, 
récardant  néanmoins  lans  héfitcr  lesextafcs  oîi  elle  tomboit  comme  un  état  oii 
Dieu  la  mettoit,  mais  dans  lequel  elle  n'étoit  pas  cependant  à  couvert  des  illufi- 
ons  du  démon  ,  ni  de  celles  de  fon  propre  efprit. 

Les  plus  célèbres  Théologiens  ont  penfé  à  fon  égard  ,  ce  qu'elle  en  pcnfoit  elle- 
même.  La  prédiétion  qu'elle  a  faite  que  les  Jefuites ,  qu'elle  défigne  à  ne  pouvoir 
s'y  méprendre,  rcndroient  un  jour  un  grand  fervicc  à  l'Egliie:  prédié^tion  qui 
ne  peut  être  vraie  que  dans  le  fcns  que  Dieu  tire  le  bien  du  mal ,  &  que  la  Conlli- 
tution  qui  cft  le  plus  grand  ouvrage  de  ces  féduclcurs  a  réellement  été  caufc 
qu'une  infinité  de  perfonncs  fe  font inftrui tes  de  la  Vérité,  qu'elles  ne  fe  fcroient 
pas  cmprcflecs  d'approfondir,  fi  les  points  les  plus  eOcntiels  de  la  religion  &dcla 
morale  chrétienne  n'avoicnt  pas  été  vifiblcmcnt  profcrits  par  cette  Bulle  :  cet- 
ce  prédiction,  dis-je,  n'a  pas  empêché  les  Tiiéologiens  de  croire  que  pluficursde 
les  révélations  venoient  de  Dieu. 

Entre  autres  M.  Nicole,  ce  Théologicnfi  judicieux,  dit  dans  un  endroit  de  fes 
ouvrages,  en  parlant  des  principales  révélations  faites  à  cette  Sainte,  &  de  îcs 

Eff.Jc  mcr.plus  célébres  vi  fions  ;  queles  perfonmsdcbon  feus auront  de  la  peine  à  Je  pcrfua- 

T  *••••'  f  dcr  .-■■  (jiie  Dlataiti-oulu  joindre  tant  de  fait i  iniraculcux  à  des  iH» fions  pbantafii'jues. 
Et  le  même  .Auteur  déclare  dans  une  autre  endroit  :  que  des  gens  d'un:  grande  piété 
(.  i?t  ia  1-.  f<f  de  grand  cfprlt ,  très  affrEltonnés  à  Sainte  Tberefe  étaient  pcrj'uadc  s  que  parmi  fes  ré- 
'""*■        'délations ,  il  y  en  arjoit  de  fauffes. 

Aulll  fuivant  cet  Auteur  à  qui  Dicuavoit  donné  des  lumières  fi  fûres,  les  per- 

foH- 


IDEE  DE    VETAt  DES  CONFULS lONNJIRES.     8j> 

fsmes  de  bon  fens  doivent  d'une  part ,  reconnoître  que  les  principales  révélations 
de  Sainte  Théréfe  ont  cû  Dieu  pour  auteur ,  ce  qu'il  nous  a  manifefté  lui  même  en 
les  autorifant  en  quelque  forte  par  des  effets  miraculeux  :  mais  qu'en  même-tems 
cela  n'empêche  pas  que  dafts  le  grand  nombre  de  (ts  vifions ,  il  n'y  en  ait  quelques- 
cnes  de  faufles,  ce  qui  ne  doit  pas  fervir  de  prétexte  pour  rejetter  celles  qui  pa- 
roiflent  marquées  au  coin  de  Dieu. 

Papcbrockn'héfitepasà  croire  que  Sainte  Magdeleine  de  Pazzi  &  Sainte  Brigi-  vit.  ss. 
te  ontfouvent  mêlé  les  idées  de  leur  propre  efprit  avec  les  révélations  qui  leur  ont""''  •"?• 
été  faites  en  extafe  par  l'Efpritfaint:  il  prétend  même  que  cela  eft  aflcz  ordinaire  dans  **'^"  **  ' 
ces  forces  des  révélations,  &  il  fait  fes  efforts  pour  expliquer  comment  arrive  ce 
mélange,  „  Il  faut ,  dit-il,  quej'explique  ici  une  chofe  ;  c'eft  comment  il  eft  poffiblc 
,,  d'un  côté  que  les  raviffemcns  de  ces  deux  Saintes ,  aient  été  fumaturels  &:  di- 
„  vins  quant  à  ce  qui  faifoit  le  fond  de  ce  qui  leuravoit  été  révélé:  &  comment 
j,  de  l'autre  ces  vifions  ont  pu  être  déterminées  par  des  impreffions  qui  fe  trou- 
„  voient  dans  les  efprits  de  ces  Saintes ,  de  manière  qu'elles  fc  trouvent  mêlées  de 
„  chofes  non  feulement  incertaines ,  mais  même  faufles.  C'eft  que  ces  fortes  d'er- 
jj  reurs  n'étant  pas  contraires  à  la  fin  qne  le  S.  Efprit  fe  propofoit,  il  les  alaif- 
jj  fées  agir  à  cet  égard  :  „  d'où  Papebrock  conclud  que  (dans  ces  fortes  de  ré- 
vélations) il  s'' y  mêle  beaucoup  de  chofes  de  la  fiature,  que  Dieu  n'empêche  pas  d'a- 
gir ,  conformément  aux  idées  dont  elle  eft  prévenue. 

En  ne  perdant  pas  de  vue  que  dans  l'œuvre  des  convulfions  Dieu  a  dcsdeffeins 
de  miféricordc  &  de  jufticc,  &  que  cette  œuvre  eft  deftinée  à  éclairer  les  uns ,  & 
à  aveugler  les  autres,  on  comprend  fort  aifément  que  Dieu  ,après  avoir  fait  faire 
d'abord  à  plufîeurs  Convulfionnaires  quelques  prédiétions  particulières ,  dont  l'évé- 
nement arrivé  dans  toutes  les  circonftances  prédites,  fitauffi-tôt  une  grande  im- 
preflîon  fur  l'efprit  de  bien  des  gens,  il  ait  enfuitelaiffé  faire  aux  Convulfionnaires 
plufieurs  prédictions  fauffes  pour  amortir  ce  grand  éclat ,  &:  diminuer  cette  im- 
preffion  qu'il  ne  vouloit  laiffer  fubfiftcr  que  dans  le  cœur  de  certaines  perfonncs. 
Ici  fon  motif  eft  bien  plus  facile  à  pénétrer  que  par  rapport  aux  Saints  Myftiques , 
qu'il  fembloit  n'avoir  deftinés  qu'à  donner  de  l'édification  :  mais  il  entroit  dans  la 
profondeur  de  fes  confeils  qui  ont  en  vue  tous  les  tems  ,'qu'il  y  eût  quantité  d'exem- 
ples dans  l'Eglife,  qui  condamnaflent  la  témérité  de  ceux  qui  oferoient  avancer, 
comme  on  fait  aujourd'hui ,  qu'une  feule  prédiction  fauffe  doit  fuffirepour  faire 
Fejetter  toutes  les  autres  fans  examen. 

Ubertin  cité  par  Joanncs  Chimencis,  en  parlant  des  révélations  faites  à  quelques 
fainîs  des  derniers  tems ,  y  fuppofe  ce  que  j'ai  dit  ci-dcffus  de  celles  faites  aux  Convul- 
fionnaires, qu'une  des  principales  caufes  du  mélange  qui  s'y  rencontre  eft  que 
dans  la  plupart  de  ces  révélations ,  les  termes  ne  font  pas  dictés  continuellement 
par  le  S.  Efprit,  qui  quelquefois  n'éclaire  même  ceux  à  qui  il  les  fait  que  par 
des  vues  générales  :  auquel  cas  ceux  qui  ont  ces  révélations ,  étant  obligés  de  les 
rédiger  à  leur  manière,  ilsfont  fujets  a  y  mettre  du  leur  &:  à  y  joindre ,  fms  même 
s'en  appercevoir,  ce  qu'ils  trouvent  dans  leur  propre  efprit. 

5,  L'efprit  de  prophétie,  dit  Ubertin,  ne  touche  Se  n'éclaire  fouvent  celui  de 
„  quelque  Prophète ,  que  pour  lui  découvrir  &  lui  montrer  dans  l'avenir  des 
„  chofes  &  des  idées  générales,  &  le  laiffeenfuite  comme  travailler  fur  ces  vues 
j,  par  une  opération  qui  lui  eft  propre.  En  quoi  il  peut  arriver  par  une  fuite  delà 
„  foibleffe  humaine,  qu'il  fe  mêle  quelque  fauffe  opinion,  ou  que  quelque  erreur 
5,  fe  gliffe,  fans  que  la  lumière  qui  vient  de  l'infpiration  puiffe  être  pour  cela,  ni 
„  fauffe,  ni  erronée.  ,i 

Obfervat.  II.  Fart,  l'orne  IL  M  Mais 


*!•«•  «+• 


S)D    IDE'L  DE  VEtjr  DES  CONVU LS lONN AIRES. 

Mais  pour  ne  pas  allonger  mon  ouvrage  à  un  excès  qui  pourroit  rebuter  le  lec^-. 
tcur ,  je  vais  me  réduire  à  ne  lui  préfenter  plus  qu'un  exemple  qui  a  une  rcflemblan-  - 
ce  lî  parfiiite  avec  ce  qui  Te  paiïe  dans  les  convulfions,  que  les  Anticonvirifioniftes  . 
eux-mêmes  ont  été  forcés  de  l'avouer.  •• 

Plufieurs  de  ces  MM.  font  convenus  que  l'état  fumaturcl  de  Sainte  Catherine 
de  Sienne,  6c  le  mélange  vifible  qui  fc  trouve  dans  fes  difcours,  font  fort  fem- 
blablcs  à  l'état  &  aux  difcours  des  Convulfionnaires  d'aujourd'hui.  Voions  donc 
quel  ell  le  jugement  que  les  plus  célèbres  Auteurs,  6c  même  le  chef  de  l'Eglife, 
ont  porté  des  difcours  de  cette  Sainte. 
Cron.  tit.  „  Catherine  de  Sienne,  dit  S.  Antonin,  avoitfortàcœurlacompofitiond'un  . 
j,  livre  qu'elle  diéloit  fous  l'impreffion  du  S.  Efprit:  6c  elle  avoit  prié  ceux  qui 
„  ccrivoicnc  d'chferver  le  tems  où  félon  fi  coutume  elle  étoit  aliénée  de  (es 
„  fens  ,  afin  d'écrire  exaétement  tout  ce  qu'elle  diftoit  pour  lors  ,  6cc'elHquoi 
„  ils  s'aDpliquoient  :  6e  par  ce  moien  ils  ont  recueilli  un  livre  rempli  de  grandes 
„  6c  d'importantes  vérités,  que  Dieu  lui  a  révélées  6c  qu'elle  diéloit  de  vive  voix. 
„  Il  y  eut  cela  de  fmgulier  6c  d'admirable  dans  la  compofition  de  ce  livre,  que 
„  tout  ce  qu'elle  diéloit  ne  fut  prononcé  que  lorfqu'elle  étoit  en  extafe ,  6c  que 
„  tous  fcs  fens  étoient  privés  de  leiu-s  fonélions.  „ 

Voilà  bien  l'état  des  Convulfionnaires:  cet  état  d'extafe  6c  d'aliénation  des  fens  -. 
qu'on  rcprélente  comme  une  dégradation  de  l'humanité,  6c  qui  tout  aueontnure  ■ 
paroît  à  S.  Antonin  ime  chofe  auffi  admirable  que  finguliere. 

Il  ne  faut  pas  croire  néanmoins  que  quoique  S.  Antonin  ait  été  pcifuadé  que 
Sainte  Catherine  de  Sienne  ctoit  fous  Timpreffion  du  S.  Efprit  dans  le  tems  qu'elle 
parloit  en  extafe,  il  ait  crû  pour  cela  que  le  livre  qu'elle  a  dicté  en  cet  état  fût  en- 
tièrement expmt  de  mélange  :  on  voit  au  contraire  que  cemêmcfaint,  en  parlant 
dans  un  autre  endroit  des  révélations  de  cette  Sainte,  6c  de  celles  de  Sainte  Brigite , 
fiit  aflcz  connoitre  qu'il  eft  convaincu,  ainfi  que  prefque  tous  les  autres  Théologiens, 
qu'il  y  a  des  chofes  dans  les  révélations  de  ces  deux  Saintes  qui  ne  pouvoient  ve- 
nir de  TEfprit  de  Dieu,  6c  qui  s'cx.oxcnt  formées  dans  leur  imagination.  Il  donne 
pour  maxime  fur  ce  fujetque  lesperfonncs  àqui  Dieu  faiti'ouvent  des  révélations , 
croient  quelquefois  qu&  c\'ft  l' Efprit  ck  prophétie  qui  leur  découvre  certaines  chofes  (sf 


Cron.psr  3t 
c:C.  14. 


:que; 
f :>is  confondu  les  propres  penfées  ou  les  vilîons  que  fon  imagination  lui  avoit  préfcn  ■ 
cées ,  avec  les  lumières  furnaturelles  qu'elle  avoit  reçues ,  il  n'en  étoit  pas  moins  pcr- 
ftiadc  qucc'étoit  Dieu  qui  lui  avoit  révélé  les gra>fdcs  (^  importantes  vérités  dont  fon 
livre  é:oit  rempli. 

Cç  fentiment  par  rapport  au  mélange  qui  fc  rencontre  d;ms  les  révélations  de 
cette  S.iinte,  acte  l'opinion  unanime  de  tous  les  Théologiens.  Les  uns  à  la  vérité 
plus  :"'ortés  à  admirer  qu'à  examiner  à  la  lumière  d'une  fevere  critique,  des  dif- 
cours fiits  dans  un  état  dont  le  furnaturcl  étoit  évident,  ont  paru  comme  S.  An- 
tonin, r.voir  été  bien  plus  frappés  des  traits  de  lumière,  que  des  grands  défauts 
qui  fc  trouvent  dans  les  difcours  de  cette  Sainte.  Mais-  quoiqu'ils  aient  rendu 
hautcmcn:  gloire  à  I^icu  des  grandes  vérités  qui  font  répandues dajis  ces  difcom'S 
comme  cri  "^aiant  été  l'auteur  dans  le  genre  merveilleux ,  ils  n'ont  pu  cependant 
s'empêcher  de  convenir  qu'il  s'y  étoit  glilTc  plufieurs  chofes  qui  ne  pouvoient  lui 
être  attribuées.  Les  autres  plus  portes  au  contraire  à  la  critique  qu'à  l'admiration, 
'-^Dt  relevé  'c  peu  d'exactitude  6c  même  les  cl:ofts  évidemment  t-iullcs  qui i'c  trou- 
vent 


fDWE  DE  VET Jr  DES  CONFU LS ION NJIRE  S.    n 

Tcnt  dans  ces  difcours,  quoique  prononcés  en  extafe  :  mais  ils  n'ont  eu  garde  d'en 
conclure,  comme  font  MM.  les  Anticonvulfionniiles,  qu'il  falloit rcjetter  toutes 
ces  révélations  avec  mépris  :  ils  font  au  contraire  convenus ,  du  moins  la  plupart , 
qu'il  n'étoit  point  contre  les  régies  d'attribuer  à  Dieu  toutes  les  vérités  qui  brillenc 
dans  CCS  difcours  :  ils  ont  feulement  prétendu  qu'on  ne  devcit  les  recevoir  qu'avec 
examen,  6c  que  les  Saints  qui  parloient  en  extafe  n'étoient  pas  exemtscn  cet  état 
de  confondre  leur  propres  idées  avec  les  lumières  furnaturelles  qui  leur  étoient 
données. 

Rapportons  le  fentiment  de  deux  des  plus  célèbres  critiques  :  il  fervira  à  afTu- 
rer  que  les  difcours  que  cette  Sainte,  prononçoit  en  extafe,  n'étoit  nullement 
cxemts  de  mélange  :  nous  prouverons  enfuite  quel  eft  leiueement  qu'en  a  porté  le 
chef  de  l;Eglife. 

Lencicius  foutient  oue  dans  les  difcours  de  cette  Sainte  „  il  s'y  mêloit  beaucoup 
55  de  chofes  qu'elle  difoitde  fon  propre  efpritôc  félon  fon  fentiment  particulier. .  .^p,"'^\[p^* 
„  Car  il  Elut  favdir,  continue-t-il ,  que  lorfque  de  Saintes perfonnes  prononcent"-  p-  43.* 
5,  des  difcours  étantaliénécs  de  leurs  fens  ,  fouvent  elles  parlent  par  leur  propre 
5,  efprit ,  &  tonibent  dans  des  méprifes.  C'eft  une  chofe  très  certaine ,  que  recon- 
j,  noiffent  tous  ceux  qui  ont  Texpérience  de  ces  fortes  de  chofes,  &  qui  d'ailleurs 
„  eft  inconteftabîe  par  des  hiftoires  authentiques.  Je  pourrois  nommer  des  Saintes 
„  canonifées,  dontj'ai  lu  les  difcours  6c  les  écrits  qu'elles  avoientfeits  en  extafe... 
„  qui  font  remplis  de  fl  grandes  méprifes ,  qu'on  n'a  pas  permis  qu'ils  fuffent  im- 
^,  primés:  6c  c'eft  ce.û^u'on  doit  dire  qui  eft  arrivé  plus  d'une  fois  à  Sainte  Catheri- 
jj  ne  de  Sienne. 

Sibillanus  avance  pareillement  que  „  fi  oftconfîdére  avec  attention  fes  écrits, 
5,  on  y  trouve  foitdansce  qu'elle  dit,  foitdans  la  manière  de  le  dire,  des  chofes 
„  fans  goût ,  d'autres  quiparoiffentpeuraifonnables ,  d'autres  enfin  qui  font  con- 
„  traires  à  la  vérité. . .  Il  peut  cependant  arriver,  dit-il  plus  bas ,  que  Dieu  pour 
„  fuppléer  à  la  négligence  des  Ordinaires,  6c  pour  leur  caufer  une  plus  grande 
„  confufion,  ait  fufcité  6c  fufcite  encore  quelquefois,  des  femmes  qu'il  éta- 
j,,  blit  au  milieu  de  fon  peuple,  comme  des  Docteurs  6c  des  Prophétefles, 
j,  ainfi  qu'il  paroît  qu'il  a  fait  dans  l'ancien  peuple ,  où  l'on  voit  des  Prophètes 
„  des  deux  fexes.  „ 

Ainfi  ces  grands  critiques ,  non  feulement  ne  fe  font  pas  avifés  de  penfer  com- 
me MM.  les  Confultans ,  qu'il  fût  indigne  de  lafageiîe  de  Dieu  de  faire  parler 
des  perfonnes  en  extafe  j  mais  même,  quoiqu'ils  ne  parufient  que  trop  frappés  du 
mélange  qu'ils  avoient  remarqué  dans  les  difcours  de  Sainte  Catherine  de  Sienne, 
auffi  bien  que  dans  quelques  autres  difcours  pareillement  faits  en  extafe  par  des 
Saintes  canonifées,  ils  n'ont  pas  cru  que  ce  mélange  fût  une  preuve  dècifive  que 
les  grands  traits  de  lumière  qui  éclatent  en  même  tems  dans  ces  difcours  ,  ne  ve- 
noient  pas  de  Dieu.  Ils  femblent  au  contraire  le  fuppoier  en  quelques  endroits  de 
leurs  écrits ,  quoique  dans  d'autres  ils  paroiflent  affeèter  de  le  laifler  indécis ,  n'aiant 
véritablement  porté  de  jugement  formel  que  fur  l'univerfalitè  de  ce  qui  fe  trouve 
dans  ces  difcours  ,  ôcaiant  feulement  décidé  que  tout  ce  que  ces  difcours  con- 
tiennent ,  ne  devoit  pas  être  regardé  comme  indubitable ,  ni  comme  venant  du 
Saint  Efprit.  Car  il  eft  évident  que  ce  n'eft  que  de  cette  fiçon  qu'on  peut  ex- 
pliquer raifonnabkment  les  contradidions  apparentes  qu'on  trouve  dans  leurs  rai- 
lenncmens. 

Mais  fi  les  critiques  les  plus  hardis,  jufqu'à  ceux  à  qui  tout  furnaturel  paroît 
fiifpect,  n'ontpasofé  décider  pofitivcment  qu'il  n'y  avoit  rien  dans  ces  difcours 


j,i     JDE'E  DE  VETAT  DES  CONVULS ION N AIRES. 

qui  vînt  de  l'Efprit  de  Dieu ,  les  plus  grands  Théologiens ,  les  Saints  8c  les  Pâ» 
pcs  n'ont  pas  balance  à  reconnoîtrc  que  ces  difcours  contcnoient  des  révélations 
jcrpc£tablcs ,  quoique  ceux  qui  les  avoient  prononcés  y  cuflent  quelaucfois  mê- 
le du  leur:  au  moins  tous  font-ils  convenus  unanimement  que  ce  mélange  étoit» 
très  poflible. 

Voici  d'abord  le  jugement  que  le  Pape  Pie  II.  à  porté  des  difcours  de  Saint© 
Catherine  de  Sienne.  Quoique  les  grands  critiques  y  aient  trouvé  tant  de  chofcs 
à  reprendre,  cela  n'a  pas  néanmoins  empêché  ce  Souverain  Pontife  de  décider» 
formellement  dans  la  Bulle  de  canonifation de  cette  Sainte,  que  fa  fcience n^étoit 
pas  acqitife ,  mais  infufe  :  ce  qui  ne  peut  avoir  d'application  qu'à  fes  révélations ,  que: 
ce  chef  de  l'Egliie  juge  par  confequent  avoir  ete  généralement  parlant  l'ouvrage 
duS.Efprit.  Il  z\ô\x\.t  qu'elle  parut  maîtrejje  av^nt  que  d'avoir  été  difciple  :  ce  qut> 
fuppofe  qu'elle  avoit  été  éclairée  par  une  lumière  furnaturelle.  Enfin  il  rapporte 
comme  une  faveur  fingulierede  'Dveu^qu elle  avoit  de  fréquens  ravïjftmem. .  .dans. 
Icfquels  elle  et  oit  tellement  aliénée  de  fes  fens  ^qu'elle  étoit  abfolument  privée  de  tout fen-, 
timcnt.  . .  ce  qui  Ini  arrivait  fouvent  lorfqu''elle  recevait  la  divine  Eucharijlie. 

Suivant  ladécifion  de  ce  Pape,  on  doit  donc  regarder  comme  h  production, 
d'une  lumière  furnaturelle  les  grands  traits  qu'on  apperçoit  dans  les  difcours  de. 
cette  Sainte,  quoiqu'ils  foient  accompagnés  de  chofes  defeducufes  ?  Et  bien  loin, 
que  les  extaies,  l'aliénation  des  fcns  6c  la  privation  de  tout  fentiment  foient  une. 
dégradation  de  l'homme,  c'eft  au  contraire  un  état ,  où  la  préience  réelle  de  J.  C. 
reçu  dans  la  divine  EucharilHe,  met  quelquefois  les  Saints  pour  les  éclairer  alors, 
d'une  manière  furnaturelle.  Combien  les  principes  de  cette  Bulle  &  de  beaucoup 
d'autres  femblablcs  qui  ont  canonifé  la  vic^  6c  par  confequent  jufqu'à  certain 
point  le  gros  des  aécions  6c  des  difcours  de  plufieurs  Myftiques  ,  font-ils  différcns 
des  f  mflcs  maximes  lur  Icfquellcs  fe  font  fondés  les  adverfaires  des  convulilons  ? 
Comment  après  un  tel  jugement  rendu  plufieurs  fois  par  plufieurs  Papes  avec 
l'approbation  de  l'Eglifè  univerfelle,  MM.  les  Confultans  &  l'Auteur  des  Vains - 
efforts,  ont  ils  ofé  rcprcfentcr  l'aliénation  des  fens  comme  un  état  fouveraine- 
ment  mcprilable ,  îk  dans  lequel  il  ell:  indigne  de  la  fagcfle  de  Dieu  de  fc  com-, 
muniqucr  à  l'homme? 
JVlais  pour  ne  pas  nous  écarter  dil  point  qui  fait  notre  objet  dans  cet  article,, 
scr^.mens  bornons -nous  à  rappoiter  les  fentimcns  des  Papes,  des  SS.  Pères  6c  des  Auteurs 
.i?s  Auteurs  £cclcfialtiqucs ,  feulement  par  rapport  au  mélange  qui  s'ell  trouvé  très  fouvei.t' 
f"rVp^?i  joint  aux  révélations  que  TÉfprit  de  Dieu  a  fait  à  quantité  de  Samts  6c  en  parti— 
ju  nwunge.culier  aux  Saints  Myiliqucs.  La  comparaifon  de  ces  Myftiques  avec  les  meilleurs' 
Convulfionnaircs  eft  d'autant  plus  frappante,  que  plufieurs  de  ces  Saints  ont  éprouve- 
les  mcmcs  chofes  qu'eux  ^  6c  ont  eu  précifémcnt  les  mêmes  dons  avec  la  plupart 
des  mêmes  défauts. 

Benoit  Hœpthcne  rapporte,, que  félon  S.  Thomas,  qui  le  dit  d'après  S.  Grc- 
„  goire,  ceux  qui  font  accoutumés  à  recevoir  des  révélation/  mêmes  véritables. . . 
„  difcnt  quelquefois  par  leur  propre  efprit  des  chofes  qu'ils  foupçonnent  venir  de- 

„  l'cfprit  de  prophétie &  qu'ils  croient  connoître  par  révélation,  ce  qui  n'en;. 

„  en  eux  quune  opinion  6c  la  fuite  de  leur  raifonnemcnt.  „ 

S.  Ifidorc  de  Scville  avance  comme  une  chofe  que  l'expérience  rend  incontcf- 


r.r.  î.  fftit. table,  que  „  quelquefois  les  vifions  font  mêlées  :  cju'il  y  en  a  une  partie  qui  vient, 
c.<.  D.  6.    ^^  j^  notre  propre  efprit,  6c  Taijtre  ...  de  la  rêvcLition  divine.  „ 

Théophile  Raynaud  prouve  par  plufieurs  exemples,  que,,  la  même  pcrfonne 

Kfiffod.  j,  peut  avoir  des  vraies  révélations,  ,6c  prendre  eniuitc  (es  propres  opinions  pour 

rp.r.  f.  %.u^^  j^j  révélations.  „  ¥ruf 


IDE'E  DE  VETJT  r>E^  CONrULSTONNJIRES.     55 

François  Pic  de  la  Mirandolepofe  pour  maxime,  que,,  les  perfonnes  qui  (fonOoeprinote. 
^.  des  prophéties  (font)  conduites  par  un  inftinft  quelquefois  certain  &  quel-"* '■*■»• 
j^.quefois  douteux,  enibrte  qu'ils  ne  difcernent  pas  fi  c'eft  par  (leur;  propre  ef- 
^.  prit  cupar  rEfprit  de  Dieu  qu*îls  (ont)  eu  une-peni'ée:  &  cette  forte  d'inf- 
j^  tin6t,  ajoute-t-il,  eft  comme  leditS.  Thomas,  quelque  chofe  d'imparfait  dans 
„  le  genre  prophétique.  „ 

Le  célèbre  Gerfon  dit  qu'il  cil  poiîible  que  les  mêmes  perfonnes  reçoivent  Deorn«m 
tantôt  des  révélations  véritables,  &que  d'autrefois  elles  foient  fatiguées  ou  ten-['"^,'.^"  ""^'' 
tées  par  de  faufles  illufîons  •.poffibileejî  eandemperfonam  tune  veris  revelattonibus  vi~  ' 
fitari  ,  nunc  fatigari ,  vel  tentari  faîjls  illufionibus.    Auffi  trouvc-t-on  dans  les 
difcours  de  telles  -  perfonnes ,  plufieurs  chofes  fauffes  ou  mal  expliquées,  quoi^ 
qu'on  en  trouve  un  grand  nombre  de  divines  8c  de  très  fublimes  :  intaJibus  quippe 
plurimn  fape  repmmus  aut  fcilfa,  a-ut  maie  explicata,..  q^uamquam  in  multis  di- 
'vitia  aîtijji^naque  fmt. 

M.  Bâillet  en  parlant  des  révélations  de  Sainte  Catherine  de  Sienne  dit  :  „  nous  vie  de  sie. 
5^  nous  croions  obligé  de  laiffcr  toutes  ces  faveurs  qu'elle  a  reçues  du  ciel,  telles  ^^'''•'^"Si. 
„  qu'il  a  plû  à  Dieu  de  les  lui  départir,  fans  prétendre  développer  ce  qui  eft  vc- 
),  nu  de  lui,  d'avec  ce  que  l'efprit  d'erreur  Se  de  menfonge  a  pu  y  ajouter.  „ 

Le  Cardinal  Bona  donne  pour  principe,  „  qu'il  arrive  quelquefois  qu'il  fc  mêle  ou  dir«ro. 
,j  des  erreurs  &  des  défauts  dans  les  infpirations  faintes  &  divines,  ou  par  ]e''"j'^P_'^-7- 
„  vice  de  la  nature,  ou  par  la  tromperie  du  démon:  tout  de  même  que  notre  ef- 
,j.  prit,  tire- quelquefois  de  fauffes  concluions  de  principes  qui  font  véritables.  „ 

Au  refte  ce  neft  pas  dans  ce  feul  paffage  que  ce  Cardinal  fait  cette décifion. 
Tout  fon  livre  Du  dilcernement  des  efprits  eft  rempli  de  maximes  £c  de  réflexions 
qui  font  connoître  qu'il  étoit  pleinement  convaincu,  que  le  mélange  qui  fe  voit 
prefque  en  toutes  chofes  dans  l'ordre  ordinaire,  peut  fe  trouver  affcz  communé- 
ment dans  les  chofes  qui  tiennent  à  l'ordre  fumaturel.  Ce  favant  Cardinal  ne  fait 
même  prefque  aucune  différence  à  cet  égard  entre  ces  deux  ordres,  &il  applique 
également  aux  chofes  qui  dépendent  de  l'ordre  fumaturel ,  ôc  à  celles  qui  font  dans 
l'ordre  ordinaire ,  toutes  les  régies  qu'il  donne  pour  apprendre  à  difcerner  ce  qui 
vient  de  l'Efprit  de  Dieu ,  de  ce  qui  naît  de  la  corruption  de  l'homme  6c  de 
ce  qui  peut  être  l'effet  des  artifices  de  fatan.  Ainfi  tout  l'ouvrage  de  ce  grand 
Auteur  eft  un  contredit  perpétuel  des  faux  principes  de  MM.  les  Confultans. 

Finiffons  parlefentiment  de  M,  Nicole  ce  Théologien  célèbre,  dont  les  ouvra- 
ges lumineux  répandus  entre  les  mains  des  fidèles ,  lont  fi  généralement  eftimés 
parmi  les  gens  de  bien.  „  C'eft  une  vérité  importante  à  l'Egi"'^  que  celle-ci  (dit  ^"-  ♦^* 
„  cet  Auteur)  que  Dieu  permet  qu'il  fe  méledefàuffes  imr-^îîons  dans  les  lumié- 
„  res  véritables. . .  &  qu'ainfi  il  faut  tout  examiner-  -^  11e  pas  conclure  que  qui 
„  a  tort  en  un  point ,  ait  tort  en  tout. 

5,  Tous  ceux,  dit-il  ailleurs,qui  ont  de  véritables  impreffions  qui  viennent  de  Dieu,  ^"-  3-*-*- 
;,  en  ont  prefque  toujours  de  fauffes  qui  font  mêlées  avec  les  véritables.  Ainfi  la  fauf- 
5,  fêté  reconnue  d'une  impreflîon ,  ne  conclud  rien  du  tout  à  l'égarddcs  autres.  „ 

Il  réfulte  de  ces  autorités  6c  d'un  grand  nombre  d'autres  t^u'il  feroit  aifé  de 
rappuiicr,  que  les  plu3  grands  Théologiens  ont  reconnu  que  c'eft  une  chofe  affez 
ordinaire  que  les  perfonnes  à  qui  l'Efprit  faint  donne  des  lumières  fumaturelles, 
fans  les  élever  à  la  qualité  des  Prophètes ,  mêlent  quelquefois  leurs  propres  idées 
aux  révélations  qu'elles  ont  reçues:  d'où  l'on  doit  conclure  que  c'eft  une  véritable 
erreur  d©  foutenir ,  qu'il  faut  rejetter  toutes  les  révélations  de  tous  ceux  qu'on 
pouiTa  convaincre  de  s'être  trompés  dans  quelques-unes.  Si  ce  principe  étoit  vrai, 
il  faudroit  abandonner  prefque  toutes  les  révélations  que^Dieu  a  faites  depuis  la  fin 
dupreœicr  fiècle  derÈglile.  M  3  '  C'eft 


5)4      IDE'E  DE  VEtAT  DES  CONVULS lONN AIRES. 

C 'cil  une  chofc  qui  pavoît  inconcevable,  que  le  zélc  contre  les  convulfions  ait 
ctc  capable  d'uvcuglcr  des  perlonnes  aufli  éclairées  que  MM.  les  Confultans 
iufqu'à  leur  faire  avancer  comme  une  maxime  incontertable ,  ce  qui  iroit  à  dcshono- 
Vcr  un  très  grand  nombre  de  Saints  6c  à  les  faire  pafler  pour  des  perfonnes  qui  ne 
méritent  aucune  créance.  Suivant  ces  MM.une  feule  jpréiiicliûnfaujefuffxt  pour  iàire 

rejetter  pour  toujours  fans  autre  examen quiconque  fe  mêle  de  prédire  Pavenir. 

^lais  cette  régie  qui  avoit  lieu  dans  l'ancien  teftament,  n'aiant  été  f;ute  que  pour 

difccmer  les  Prophètes  du  Très-haut  d'avec  les  faux  qui  fe  donnoient  pour  des 

Prophètes  par  état,  c'cft  en  fiiire  un  abus  manifefte  que  de  l'appliquer  à  toutes  les 

perfonnes  qui  peuvent  recevoir  quelques  révélations  particulières,  fans  néanmoins 

qu'elles  prétendent  en  aucune  forte  être  élevées  à  la  qualité  de  Prophètes. 

XLi.         Suivant  tous  les  Théologiens,  il  faut  faire  une  très  grande  difrcrcnceentreles 

DifFérenceJnfpirations  des  Prophètes  par  état ,  dont  toutes  les  paroles  ont  été  néccffairement 

.^u'iin'dtsdirigées  par  l'Efprit  Saint,  Scies  connoifTances  furnaturelles  communiquées  à  des 

prophstcs&perforincs  fans  caraûère,  auxquelles  l'Efprit  Saint  laifTe  fouvent  le  foin  de  les 

cdl«d«au.^,  ,.     __   ,    ,    ____  ^ T-»'    .1_? : '^rt-l U  Ar-  r»;^„    .^.î.^„.  J-„-l--/-- 


vél: 


apable  de  confondre  fcs  prop 
préfentées.  Tout  ce  que  difent  les  premiers  doit  fervir  de  règle  :  c'cil  par  les  ré- 
gies qu'il  faut  jugerde  toutce  que  difent  les  féconds.  Les  premiers  font  de  vrais 
Prophètes  qui  parlent  au  nom  du  Seigneur  :  les  féconds  lont  des  perfonnes  fans 
aucune  autorite  ,  à  qui  l'Efprit  fiint  qui  fouffle  où  il  veut ,  peut  néanmoins  révéler 
des  chofcs  très  importantes,  6c  en  toutes  les  différentes  manières  qu'il  lui  plaît, 
mais  à  qui  il  peutaufil  fuivantla  diveriité  de  fesdefl'eins,  ne  leur  donner  quelque- 
fois qu'une  efpéce  d'inilinft  qui  ne  leur  préfente  pas  une  lumière  afTez  vive  ni 
allez  marquée,  pour  leur  faire  toujours  diftinguer  d'une  manière  fûre  ce  qui  leur 
ell  montré  par  cette  illumination  fumaturellc,  d'avec  ce  qui  vient  de  leur  propre 
cfprit;  d'où  il  fuit  qu'il  eft  tout  naturel  qu'elles  fe  trompent  q^uelquefois;  mais  c'eft 
une  confèquencc  très  foulTc  d'en  conclure  que  toutes  leurs  révélations  ne  viennent 
pas  de  l'Elprit  de  Dieu. 

L'unique  raifon  qui  nous  afTure  pleinement  que  les  Prophètes  par  état  font 
infaillibles ,  c'efl  l'autorité  que  Dieu  leur  a  donnée  qui  le  rend  en  quelque  forte 
reiponfable  de  ce  qu'ils  nous  ont  dit  de  fipart  :  mais  à  l'égard  de  toute  autre  per- 
cnne  fimpleinent  dans  un  état  furnaturcl  qui  ne  lui  donne  aucune  autorité.  Dieu 
en  l'éclairant  poui  Jes  momens  rapides ,  ne  fe  rend  point  garant  de  toutes  les 
paroles  qu'elle  peut  av-e.  Le  mélange  qui  fe  rencontre  dans  l'ordre  ordinaire  de  la 
grâce  ,  peut  fe  trouver  claire  ces  perfonnes  :  ainfi  c'cll  par  le  concours  de  toutes 
les  circonftances  diftérentes  qu'.  accompagnent  ce  qu'elles  ont  dit,  qu'on  doit  ju- 
ger du  principe  qui  les  a  fait  parler. 
Lw^iui       ^^^  P'"^  habiles  Théologiens  ont  tous  été  convaincus  qu'il  n'y  avoit  rien  de  fi 
grtndsThé-difficile  quc  de  faire  ce  difccrncmeni  d'une  manière  iVire  :  6v  plufieurs  ont  mc- 
p"Squ-,i™c  ppnfè  qu'on  ne  le  pouvoit  faire  avec  une  pleine  aQurance  que  par  un  don  du 

eft  trài  dif-S.    tfprit. 

feu  d'r«l-  S.  lîonaventure  dit  qu'„il  y  a  de  grandes  précautions  à  prendre  par  rapport  à 
Ticment  de  ^^  tous  Ics  gcurcs  de  rèvèlatious  6c  de  vifions ,  pour  empêcher  qu'on  ne  fe  méprenne, 
de  ?Efp'c!t"',,  6c  qu'on  ne  confonde.  ...  ce  qu'on  doit  recevoir  dans  ces  vifions  6c  ces  rcvé- 
*'Tr^i't7'du  '>  lotions,  avec  ce  qu'on  doit  reprouver..  .  Il  n'y  a,  ajoulc-t-il ,  que  le  faint 
progrès  de  „  EfpHt  qui  puiflc  par  le  don  du  dilcerncmcnt  des  cfprits,  éclairer  les  hom- 
i1m'iïc'i^l'5>  ï"cs  6c  leur  taire  difcerner  avec  aflurancc,  ce  qu'il  faut  recevoir  dans  les  ré- 
11.chj.76.  ,j  vcla* 


IDE'E  I>E  L'ETAT  DES  CONFULSIONNJIRES.      pf 

jj  vcktions,  ce  qu'il  faut  rcjcttei-,  6c  In  manière  dont  on  en  doit  ufer.  „ 

L,e  Bienheureux  Jean  d'Avila  donne  pour  principe  que  „  comme  il  n'appar- 
\f,  tient  pas  à  tous  de  prophétifer  ,  ou  d'opérer  de  femblablcs  miracles,  mais  qu'il 
„,  n'appartient  qu'à  ceux-là  feulement  qui  ont  reçu  ces  grâces  parla  volonté  duS. 
5,.  Efprit  :  de  même  il  n'appartient  pas  à  l'cfprit  humain ,  quelque  grand  qu'il 
j,  puiffe  être,  déjuger  avec  certitude  de  la  différence  des  efprits,  à  moins  qu'il 
3j.  ne  s'y  trouve  quelque  chofe  qui  contredite  vifiblement  l'Ecriture,  ouquicom- 
„  .batte  manifeftement  la  Sainte  Eglife  de  Dieu  :  6c  pour  cela  il  eil  toujours  befoin 
j,  de  la  lumière  du  S.  Efprit,  qui  s'appelle  dans  les  lettres  facrées  le  dilcerne- 
„  ment  des  efprits.   „ 

Or  c'eft  par  une  prière  humble  qu'on  obtient  ce  difcernement  :  Se  non  pas  par 
un  orgueil  dédaigneux.    Ainfi  de  la  façon  dont  s'y  prennent  MM.  les  Conful- 


tans,  il  n'y  a  nulle  apparence  qu'ils  aient  reçu  ce  don. 

Le  Cardinal  Bona  rapporte  que  S .  Auguftin  étoit  auflî  très  perfuadé  que  ce  dif-  s.' AÙg°'c  * 
ccrnement  étoit  fort  difficile.  „  Je  fouhaiterois  defwoir,dit  cet  illuftre  Père  de  ^«  p."  " 


Cl- 


5,  l'Eglife,  comment  on  doit  dillinguer  ces  vidons  dont  onfe  moque  touvent  par  «rnsment 
J,  erreur,  ou  par  impiété,  lorfqu'on  en  rapporte  de  femblablcs  à  celles  qui  font^_"  ^[^^'''"^ 
„  arrivées  à  des  faints.  „ 

MM.  les  Confultans  fe  croient  apparemment  bien  plus  habiles  que  S.  Auguftin  ^^^^JJJ.-  ^ 
oC  tous  les  plus  grands  hommes  de  l'antiquité  :  car  ils  ne  trouvent  aucune  difficul-desAn'ticon* 
té  à  décider  une  telle  queftion.  Il  leurfufîlt  d'avoir  remarqué  dans  les  Convulfion-'^'^j'™",'j"" 
naires  quelque  caractère  qui  les  choque,  ou  de  favoir  que  pluiîeurs  d'entre  eux  fe  non  ftuie- 
font  trompés  dans  quelques  prédiétions  particulières,  pour  rejetter  indiiHn6le-^,e'j'iû"r,s 
ment  toutes  les  révélations  que  Dieu  peut  avoir  faites  à  chacun  des  ConvuUion-'J^co'ivui- 
naires  en  particulier  cC  à  tous  en  général,  quoique  leurs  difcours  foient  évidem- mairaunl 
ment  furnaturels ,  du  moins  pour  la  plus  grande  partie ,  6c  qu'ils  foient  autorifés  lf^^\^  ^" 
en  quelque  forte  par  des  miracles,  par  une  multitude  de  prodiges,  6c  par  des  niques,  & 
prédictions  très  circonftanciées ,  dont  l'événement  a  déjà  juftifîé  que  Dieu  en gf,;"'",^"'''' 
étoit  l'auteur.  pas  été  in 

L'Auteur  des  Vains-efforts  va  même  encore  bien  plus  loin.  Comme  lacom-^'^°^ 
paraifon  de  fétat  6c  des  difcours  des  Convulfionnaires ,  avec  l'état  6c  les  difcours 
de  plufieurs  Saintes  6c  Saintes  Myftiques  eftfi  jufte  éc  fi  frappante  qu'il  n'a  pu 
en  difconvcnir,  il  a  pris  le  parti  de  traiter  ces  Saints  avec  prefque  autant  de  mé- 
pris qu'il  fait  les  Convulfionnaires.  Ne  feroit-cepoint  là,  félon  S.  Auguftin,  une 
erreur  &  une  impiété  ? 

Mais  ce  n'eft  pas  feulement  des  Saints  Myftiques,  dont  cet  Auteur  flétrit  la 
mémoire,  fes  principes  tendent  également  à  ternir  celle  de  S.  Cyprien ,  6c  de  tous 
les  autres  Saints  à  qui  le  S.  Efprit  a  fait  quelques  révélations  fms  leur  donner  l'aiïto- 
rité  ni  l'infaillibilité  des  Prophètes ,  6c  a  qui  il  a  feulement  montré  quelques  vé- 
rités dans  l'avenir,  en  leur  laiftant  le  foin  de  les  exprimer  }  puifque  ces  Saints  en 
les  rédigeant,  ont  pu  y  ajouter  quelquefois  lespenféesde  leur  propre  efprit ,  fxns 
même  s'en  appercevoir. 

Les  Pères  de  PEglife  nous  ont  tranfmis  que  le  don  de  prophétie  doit  toujous  y  ^-ÎVJv 
fubfifter. 
glife ,  il  ait  pu 
Dieu  a  communie 
fonnes  fans  leur 

mérité  n'y  auroit-il  donc  pas  de  rejetter  généralement  toutes  les  révélations,  les"«- 
vifions  &;  les  difcours,  où  l'on  peut  craindre  qu'il  fe  foit  mêlé  quelque  cliofe 
d'étranger  qui  ait  eu  fa  fource  dans  l'imagination,  ou  dans  les  propres  pcnfées  de 

ceux 


•ères  de  PEglife  nous  ont  tranfmis  que  le  don  de  prophétie  doit  toujous  y  cJ^Valx 
r.  Cependant  nous  ne  voions  point  que  depuis  la  fin  du  premier  fiècle  de  l'E-  prmcipe  ra- 


PS      IDE'E  DE    VETJT  DES  CONrULSJON'NArRES 

ceux  à  qui  l'Efprit  faint  a  laifle  rendre  compte  à  leur  manière  des  rcvélatîona 
qu'il  leur  avoit  faites?  Il  cft  évident  que  ce  feroitôtcr  à  l'Eglife  une  des  marques 
qui  doit  fervir  à  la  faire  rcconnoîtrc,  puifquece  fcroitlui  ravir  entièrement  toute 
la  preuve  qu'elle  a  que  ce  don  a  toujours  fubfifté  dans  fon  fein. 

Tous  ceux  qui  ont  écrit  contre  les  hérétiques,  n'ont  pas  balancé  àfoutcnirque 
ce  don  n'a^'oit  jamais  ccfl'é  d'être  dans  l'Eglifc  :  mais  ils  n'ont  pu  prouver  qu'il 
avoit  continué  dans  les  cinq  derniers  (icclcs ,  qu'en  citant  les  révélations  faites 
aux  Myftiqucs  ,  qui  font  prcfque  les  feuls  qui  paroiflcnt  depuis  ce  tems  avoir  câ 
quelque  portion  du  don  de  prophétie.  Tous  ces  Controveriiiles  n'ont  pas  ignoré, 
que  généralement  parlant  les  difcours  des  Myftiques  n'étoient  pas  exemts  de  mé- 
lange :  mais  ils  ont  été  p£rfuadés  que  cela  ne  dcvoit  pas  empêcher  de  les  citer  en 
preuve.  Dieu  n'a  pas  promis  de  continuer  toujours  le  don  de  prophétie  dans  l'E- 
glifc d'une  manière  parfoite  :  il  dillribue  fes  dons  en  tel  dégre  6c  en  fi  petite  me- 
lure  qu'il  lui  plaît  :  &  tous  les  Controverfiiles  ont  crû  avec  railbn ,  qu'il  fuffifoit 

?ue  les  Myftiques  euiïent  fait  plufieurs  prédiétionsquils  n'avoientpû  favoir  que  de 
)icu,  pour  qu'il  en  refultât  une  preuve  invincible  que.  le  don  de -prophétie  étoit 
toujours  relie  dans  l'Eglife  ,  quoixjue  la  plùpartdc  ces  Myftiques  le  fulfent  trom- 
pés en  quelques  occafions  ,  &  eulfent  pris  quelquefois  leurs  propres  penfées  pour 
des  révélations  divines, 
corc.s.ad     Cc  HC  pcut  être  que  des  Myftiques  dont  le  Cardinal  Bcllarmindit  :  qu'il  pour- 
d°"ono'pro-*r°'t  nommer  un  très  grand  nombre  de  perfonncs  qui  dans  les  cinq  derniers  ftkits. .-. 
fbïiiit.      ont  eu  des  vi fions  13  des  révélations  admirables:  (^  ce  qui  efi  encore  plus  ftiblime  ^  qui 
ont  reçu  le  don  de  connaître  les  fecrets  des  cœurs.  D'où  cc  Cardin.^l  conclud  contre  nos 
frères  errans ,  que  le  don  de  prophétie  n'a  jamais  ccjfé  dans  l'Eglife  6c  c^Wfubftfie  de 
notre  tems  comme  dans  les  fiècles  pajfés. 

MM,  les  Anticonvulfionniftcs  veulent-ils  donc  fc  joindre  à  cet  égard  aux  héré- 
tiques,  pour  foutenir  conjointement  avec  eux,  que  depuis  plufieurs  fiècles  ce  don 
a  totalement  difparu  parmi  nous?  Veulent-ils  contefter  à  l'Eglifc  la  glorieufe pré- 
rogative d'avoir  toujous  eu  dans  fon  fein  ce  don  ,  qui  cft  un  des  plus  brillans  ca- 
ractères qui  doit  la  diftingucr  dans  tous  les  tems  de  toutes  les  feftcsqlii  font  dans 
l'erreur?  Sans  doute  que  ces  MM.  n'ont  pas  de  telles  intentions  :  cependant  voilà 
où  conduiroit  leur  principe,  puifqu'en  faifant  rejetter  toutes  les  révélations  faites 
aux  perfonncs  qui  ont  pu  quelquefois  fe  tromper,  on  mcttroit  l'Eglifc  dans  l'im- 
poflîbilitè  de  prouver  qu'elle  a  confervé  ce  don. 

Que  CCS  MM.  me  permettent  encore  de  leur  demander  en  quelles  perfonncs 
ils  prétendent  que  ce  don  fubfiftc  aujourd'hui?  S'imaginent-ils  en  être  gratifiés 
eux-mêmes  ?  Ou  ofcroient-ils  dire  qu'il  cft  chez  les  Conltitutionnaires  6c  les  Moli- 
niftes ,  pendant  qu'ils  inondent  toute  f  Eglifc  de  Dieu  par  un  débordement  de  fiiux 
dogmes?  Ce  don  ne  peut  être  que  du  coté  de  ceux  qui  foutienncnt  6c  défendent 
toute  vérité.  Comme  il  forme,  ainfi  que  les  miracles,  un  des  caraètères  qui  doit  à 
jamais  diftingucr  le  parti  de  ceux  dont  la  foi  fera  toujours  demeurée  pure,  fur 
tout  dans  un  tems  de  trouble  où  les  maximes  de  l'Evangile  font  attaquées,  ce  don 
ne  peut  manquer  d'être  parmi  les  Appcllans.  Or  y  a-t-il  au  milieu  ue  nous  quel- 
ques autres  perfonncs  que  les  Convulfionnaires  qui  aient  des  révélations  ?  Dieu 
les  a  unis  6c  attachés  à  l'Appel  d'une  manière  furnaturcUe  par  l'état  même  où  il 
les  a  mis:  il  s'en  fert  pour  faire  des  prodiges  6c  des  miracles.  N'eft-il  pas  égale- 
ment maître  de  s'en  fervir  pour  nous  tawe  prédire  les  grands  évèuemens  auxquels 
il  veut  que  nous  nous  préparions  par  la  pénitence,  par  la  prière,  6c  par  l'ardeur 
de  nos  dcfirs?  l'^t  n'cft-cc  pas  un  très  fort  préjugé  que  le  Tics-haut  les  a  choifis 
pour  cela,  de  cc  qu'il  leur  fait  faire  ces  prcdiétions  par  des  dilcoursla  plupart  fi 

tou- 


IDE^E  DE   DETJT  DES  CON FU LS ION N AIRES. 


97 


tôùchans  &  il  fublimes,  que  fouvcnt  il  elt  vifiblc  qu'ils  n'en  font  que  les  orea- 
nes,  ou  du  moins  qu'ils  lont  pour  lors  éclairés  par  une  lumière  très  Yupérieure  à 
leurs  talons  naturels. 

S'il  a  permis  que  plufieurs  Convulfionnaires  fe  foient  quelquefois  trompés  par     xr.v. 
rapport  à  des  prédiélions  particulières,  l'induftionla  plus  forte  qu'on  enpuilleti-  °''^'''^'^' 


mer 
tions 

que  les  prédirions  q„.  ..^...„^.. -„..,..   .„„...,,^„  ^u    pcupiC  JUir,:cs générale 

&  le  renouvellement  de  l'Eglife  :  prediéhons  qui  tout  à  coup  ont  éclaté  de  toutes""^"'  ■'" 
pans  dans  les  premiers  dilcours  :  prédiaions  qui  ont  été  publiées  par  un  nombre co^V?Kr|« 
d'enfans,  qui  iufque  là  n'avoient  jamais  entendu  parler  de  ce  Prophète-  nréHir  '''"  ■="■""- 
tions  qui  ont  ete  prononcées  torcement  par  une  multitude  de  Convullionnaircs  dont  namrt.ict. 
une  puifTance  fuprcme  remuoit  la  langue  &  les  lèvres ,  lans  que  leur  volonté  ni 
leur  intelligence  y  euïïent  aucune  part,  eniorte  qu'ils  ne  comprenoient  ce  qu'ils 
difoient  qu'à  mefure  qu'ils  le  prononçoient  :  prédictions  enfin    qui   font   évi- 
demment un  des  principaux  objets  que  Dieu  a  eu  en  vue  dans  l'œuvre  des  con- 
vulfions  qu'il  a  fi  remplie  de  prodiges ,  &  qu'il  a  accompagnée  de  tant  de  mi- 
racles fpirituels  8c  corporels. 

Les  fautes  dans  lefquelles  quelques  Convulfionnaires  font  réellement  tombés 
6c  toutes  les  calomnies  qu'on  a  répandues  contre  un  grand  nombre  d'autres    ne 
peuvent  fcrvir  de  prétexte  pour  rejetter  ces  prédiètions  générales. 

Si  parmi  les  Convulfionnaires  il  s'en  trouve  quelques-uns  de  qui  la  conduite 
foit  véritablement  repréhcnfible,  il  y  en  a  un  bien  plus  grand  nombre  que  Dieu  a 
ornés  de  vertus  qui  dans  plufieurs  font  d'autant  plus  grandes  qu'elles  font  accom- 
pagnées d'une  profonde  humilité.  Ces  perfonnes  fi  méprifées  &  fi  avilies  par  les 
charnels,  à  caufe  des  calomnies  dont  on  les  noircit ,  des  opprobres  dont  on  les 
couvre  ,  &  des  perfécutions  qu'elles  efluient}  font  d'autant  plus  chères  au  Très- 
haut  .  Se  plus  elHmables  aux  yeux  de  la  foi ,  qu'elles  fouffrent  pour  la  iuftice. 
Auflî  eft-ce  prècifémcnt  par  ces  bons  Convulfionnaires  vrais  difciples  de  la  croix 
de  J.  C.  que  ces  importantes  prédictions  ont  été  prononcées  de  la  manière  où  le 
furnaturel  étoit  le  plus  évident  &  le  plus  marqué. 

Au  refte  c'ell  un  principe  inconîeiVable  fondé  iur  plufieurs  exemples  de  l'Ecri- 
ture, que  le  don  de  prophétie  ainfi  que  toute  autre  grâce  que  les  Théologiens  ap- 
pellent gratuite ,  peut  fe  trouver  dans  les  -méchans ,  parceque  ces  fortes  de  grâces ,  dit  le  Ler.  -,  rcS- 
favant  Dominicus  ,  n'  ont  pas  pour  fin  principale  ^  intrinféque  lafanElification  de  ceux  7-  chap."}'." 
qui  les  reçoivent  ^  (3  qu'elles  font  accordées  pour  l'utilité  i3  lafanBification  des  autres. 
C'cft  donc  une  vraie  puérilité  de  dire  qu'il  ne  feroit  pas  digne  de  Dieu  de  fc 
fervir  de  pareils  inllruraens  pour  taire  d'importantes  prédictions,  puifque  les 
divines  Ecritures  fourniflent  des  preuves  du  contraire  ?  Balaam  a  fiit  les  plus 
lublimes  prcdiélions  de  la  venue  de  Jefus-Chrift.  La  lumière  divine  ,  non  plus 
que  celle  du  folcil ,  ne  contraèle  aucune  feuillure  en  quelque  lieu  qu'elle  fe  répande. 

Il  ne  refte  plus  qu'une  feule  objeftion  par  rapport  aux  prédiclions  générales    xLvr 
qui  puifiè  valoir  la  peine  qu'on  y  réponde.  Ceux  qui  font  de  vains  eftoris  pour  les  Reponfe  à 
décrier,  afi-eftent  de  reprèiçnter  comme  un  caractère  extrêmement  déiavorab le, li^'j^Jd^dT- 
que  la  plupart  des  Convulfionnaires  au  fortir  de  leurs  extafcs,  ne  fe  reflbuvien-'^"- ''"'uù- 
nent  plus  de  ce  qu'ils  ont  dit  j  &  ils  infinuent  que  cettte  feule  circonfcance  doit""''" 
fuffire  pour  faire^rcjcttcr  toutes  leurs  prédictions,  &  en  attribuer  tout  lciurn.\tu- 
rel  à  l'efprit  de  féduètion. 

Il  me  fera  aifé  de  détruire  cette  objeétion  par  le  foit  Sc  par  le  droit. 
Obfervat.  IL  Part.  Tome  II.  N  "ï>i-c. 


5.8      IDE'E  DE  VETjr  DES   CON rULS lONNJIRES. 

Prcmicrcmcnt  il  cft  de  notoriété  publique  que  ce  caiaétcrc  n'eft  point  général 
parmi  les  Convuirionnaircs,cc  qui  cil  fi  certain  que  les  adverlaires  les  plus  décla- 
rés des  conxulfions  n'ont  oie  l'avancer. 
xLVii.        Tous  ceux  qui  ont  luivi  cette  oeuvre  lavent  par  expérience  qu'il  y  a  grand  nom- 
cLnluuion- bre  de  ConvuHîonnaircs ,  &  tous  des  meilleurs ,  qui  ne  perdent  jamais  la  prcfence 
niiresrerer-(j'cfp,.i[  pendant  tout  le  cours  de  leurs  convuHions ,  &  qui  le  rcilbuvienncnt  par- 
parfiircmenifaitcmcntde  tout  cc  qu  ils  ont  tait  ùC  de  tout  ce  qu  ils  ont  dit ,  loriqu  ilsiont  re-- 
cou'r??or!'^^'^^'''"5  à  leur  état  naturel  :  enfortc  que  lorlqu'on  a  écrit  leurs  diicours  pendant 
«nème.)u-i:squ'ils  Ics  faifoient ,  ils  corrigent  après  leur  convulllon  finie,  les  tantes  qu'on  pu 
"Zc'/s  !^''' i'i'irc  ceux  qui  ont  écrit  avec  précipitation  ce  qu'ils  diloient ,  £c    ils  rcmpHifent 
ïxufo.       if.3  lacunes ,  que  la  vîtefie  avec  laquelle  ils  prononcent  ordinairement  leurs  dii- 
cours, oblige  louvcnt  d'y  laificr.  11  y  enamême  plufieurs  ,  qui  lorfque  leursdil- 
cours  n'ont  pas  été  écrits,  le  rappellent  prcfque  de  luite  ce  qui  y  étoic  contenu, 
avec  autant  ou  plus  de  facilité  que  pourroit  le  faire  toute  autre  pcrfonne  qui  n'au- 
roit  point  parlé  enextafe .  &  ils  le  refibuvicnnent  tnêmc  très  diltinétcment  des  en- 
droits de  leurs  diicours  qu'ils  ont  prononcé  forcément,  &  dont  ils  n'ont  conçu  le 
lens  qu'à  mefure  qu'ils  le  prononcoient ,  en  écoutant  eux-mêmes  leurs  propres  pa- 
roles, comme  fi  c'étoit  un  autre  qu'eux  qui  parlât. 

Entre  autres  M.  Fontaine,  cet  illullrc  Convulfionnaire,  qui  eftun  de  ceux  qui 
a  fiit  les  plus  beaux  diicours  fur  l'étst  prêtent  de  l'Eglife  ,  fur  la  venue  prochaine 
du  Prophète  Elie,  fur  la  converfion  desjuifs,  &  fur  le  renouvellement  delà  reli-. 
f^ion  Se  d'une  véritable  piété  par  toute  la  terre  >  qui  prononce  d'une  manière  forcée 
ïa  plus  grande  partie  de  fes  difcours,  de  façon  qu'il  lent  qu'une  puiflancc  fupéri- 
cure  remue  fii  bouche  Se  forme  les  paroles  fans  que  fa  volonté  ait  belbin  d'y  con- 
tribuer: M.  Fontaine,  dis-je,  ne  ceife  jamais  dé  conferver  toute  fa  prcfence 
d'efprit  dans  fes  convuHions,  &  pendant  "tout  le  tems  que  durent  fcs  cxtafesril 
a  même  une  mémoire  furprcnantc  qui  le  fait  pleinement  rcifouvenir  de  tout  cc  qu'- 
il y  a  dit,  enforte  que  lorfqu'il  ell  forti  de  convulfion,  il  fe  trouve  en  état  de 
répéter  prefque  mot  pour  mot  tous  les  diicours  qu'il  a  fait. 

Cette  mémoire  prodigieufe  ne  lui  ell  pas  tout  à  tait  particulière:  il  y  a  encore 
quelques  autres  ConvulVionnaires  qui  ont  le  même  avantage.  Ccpend.mt  il  faut 
avouer  que  la  plupart  de  ceux  qui  confcrvcnt  toute  leur  intelligence  pendant  leur 
convulfion  n'ont  pas  un  fouvcnir  parfait  de  ce  qu'ils  ont  dit,  fur  tout  lorfqu'ils 
ont  parlé  en  cxtafc:  ils  le  rcllbuvicnnent  à  la  vérité  fort  bien  de  ce  qu'il  yavoit 
de  principal  dans  leurs  difcours,  mais  fouvent  ils  ne  peuvent  s'en  rappcUerd'un 
bout  à  l'autre  tous  les  termes:  il  faut  pour  cela  qu'on  leur  rcpréfente  leurs  dif- 
cours par  écrit,  cc  qui  aidant  leur  mémoire,  les  met  en  état  d'en  corriger  ics 
fautes  &  de  remplir  les  lacunes.  11  ell  encore  vrai  qu'il  y  en  a  aulTi  plufieurs  qui 
ne  le  refl'buviennent  du  tout  que  du  fond  des  chofes  &  non  pas  des  figures  ni 
des  autres  beaux  traits  dont  leurs  difcours  étoient  ornés  :  en  lorte  que  lorlquils 
veulent  répéter  après  leur  convulfion  finie  ,  ce  qu'ils  ont  dit  en  extalc,  ils  ne  peu- 
vent le  fiircque  d'une  manière  tort  fimple  ,  quelquefois  même  allez  grofiicre, 
&  fouvent  un  peu  confufe  :  ce  qui  paroit  bien  dilVéïent  dos  difcours  magnifiques 
&  fublimes  qu'ils  ont  quelquefois  faits,  mais  qui  cependant  contient  au  fond  les 
mêmes  véritt-s  dénuées  cependant  de  toutes  les  grâces  &  de  l'énergie  avec  les- 
quelles ils  les  avoient  exprimées.  Enfin  il  faut  convenir  que  ceux  des  Convul- 
fionnaircs  dont  l'aliénation  des  fens  ell  prefque  totale  lorfqu'ils  font  en  cxtalc,nc 
confcrvcnt  1i  plupart  que  fort  peu  d'idées,  Cfc  feulement  de  ce  qu'il  y  avoit  de 
plus  importun  d.mi  ce  qu'ils  ont  dit  en  cet  état,  Se  même  que  quelques-uns  ne 
s'ca  rcirouvicnncni  point  du  tout.  Mais  il  fuffit  que  cc  détauidc  louvemrnefoic 

pas 


I 


IDE'E  DE  nETjr  DES  CON  FU  L  S  lONNJlRES.      99 

pas. général  pour  qu'on  n'en  puilîc  pas  tirer  d'induftion  contre  les  prédirions 
qu'ils  font.  Car  fi  les  Anticonvullionniftes  prétendent  que  ce  caraétèrecfttrcs 
défavorable  ,  &  qu'il  doit  rendre  fufpeâes  toutes  les  prédictions  faites  par  ceux 
qui  après  leurs  convuUions  ne  s'en  fouviennent  plus,  ils  feront  forcés  de  con- 
venir par  les  mêmes  raifons  qu'ils  auront  cmploiées  pour  le  prouver,  que  le 
caraélcre  oppofé  ellune  prérogative  confidérable  ,  &  qui  mérite  qu'onaitbcau- 
Goup  de  confiance  aux  prédictions  laites  par  les  perfonncs  qui  font  en  état  de  les 
répéter,  quand  même  ils  les  ont  faites  en  extafc:  &  dans  la  vérité,  quoique  ce 
ne  ibit  pas  un  caraétère  qui  foie  fuffifant  pour  donner  aucune  autorité  à  ceux 
qui  n'ont  ni  miffion  marquée,  ni  certitude  entière  d'avoir  parlé  prr  l'Efprit  de 
Dieu,   cVll  néanmoins  une  des  qualités  des  Prophètes.     Or  les  mêmes  prédi- 
rions de  la  venue  d'Elie,  &  de  tout  ce  qui  doit  la  précéder  &  la  fuivre,  ont 
été  également  foites,&:  par  ceux  qui  confervantenextafetoutclapréiencedeleur 
cfprit,  le  reflouvicnnent  parfaitement  de  tout  ce  qu'ils  y  ont  dit  ,&  par  ceux  qui 
ne  s'en  fouviennent  point ,  ou  du  moins  que  d'une  manière  générale  ,  &  qui  dans 
leur  cxtafe  font  dans  une  aliénation  des  fcns  prefque  totale.  Ainfienfuivantùcet 
égard  les  principes  des  AnticonvuHîonnillcs,  fi  on  ne  doit  pas  ajouter  foi  à  la  pré- 
diélion  de  la  venue  d'Elie  quand  elle  eft  faite  p.ar  ceux  qui  revenus  à  leur  état  na- 
turel ne  font  pas  capables  de  rendre  compte  de  tout  ce  qu'ils  ont  dit  enextafe, 
on  doit  en  conféquencedes  mêmes  principes  être  très  frappé  de  cette  même  pré- 
diétion,  parcequ'elle  a  été  faite  par  des  perfonnes  dont  l'efprit  pendant  leur  ex- 
tafc a  conierve  toute  fon  intelligence,  fes  opérations  &  fcs  lumières  naturelles, 
quoiqu'il  fût  en  même-tems  éclaire  par  une  illumination  extraordinaire  :  &  que 
ces  perfonnes  rendues  à  elles-mêmes,  ontcû  une  connoiflance parfaite ,  Scie  fou- 
venir  très  préiènt  de  tout  ce  qu'elles  y  avoient  dit. 

Secondement:  il  y  a  non  feulement  plufieurs  Convulfionnaires  qui  fe  rcflbu-  ^^^ç^2}l' 
viennent  parfaitement  de  tout  ce  qu'ils  ont  dit  en  extafe  :  mais  ily  en  a  mêmeunconvuifion- 
aflez  grand  nombre  en  qui  les  lumières  furnaturelles  qu'ils  ont  reçu  en  cet  état  "ervem'^drns 
ont  été  un  don  permanent:   en  forte  que  toutes  les  grandes  vérités  qu'ils  ont '""■  «'""'^- 

for     r  1  '  1  ■  •  '1-  •-  1  .-      •       turel  toutes 

en  extale  font  demeurées  depuis  ce  tems  toujours  preientes  a  leur  eiprit ,  les  lumière» 

foit  étant  en  convulfion,  foit  dans  leur  état  naturel.  5"';''  °^^ 

On  a  vu  plufieurs  perfonnes  de  l'un  5c  de  l'autre  fexe,  qu'on  fivoit  n'avoir  au- ex^ft. 
cune  teinture  de  Théologie,  être  tout  à  coup  remplies  par  rinftinét  de  leur  con- 
vulfion, d'une  fcience  profonde  par  rapport  à  la  religion  &  à  la  morale  de  l'E- 
vangile: d'une  connoiflance  très  exaéte  de  l'état  préfent  de  l'Eglifevifible,  de  ce 
qui  à  été  lacaufe  des  faneftes  progrés  que  l'yvraie  a  fait  dans  le  champ  du  Sei- 
gneur, &  du  remède  qu'il  a  rcfolu  d'y  apporter,  digne  de  toute  la  grandeur  de 
fa  miféricorde  6c  de  ia  puiflance. 

Qii'on  interroge  hors  de  convulfion  le  Frère  Hilairc  ,  le  Frère  Pierre ,  IcFrcrc 
Noël,  la  Sœur  Catherine,  &  nombre  d'autres,  l'on  fera  étonné  des  lumières 
qu'ils  ont  fur  tous  ces  points  ,  lumières  qu'ils  n'ont  point  acquifes  par  leurs  foins, 
mais  qui  leiir  ont  été  infufcs  pendant  leurs  cxtafcs.  Se  qui  dès  ce  moment  leur 
font  devenues  propres  6c  pcrfonnelles. 

Combien  de  grands  Théologiens  ont  été  d'une  furprife  extrême  d'entendre 
de  petites  filles  &  tant  d'autres  perfonnes  fans  étude,  fans  aucune  fcience,  la  plu- 
part même  fins  talens  naturels,  développer  d'une  manière  fcnfible  6c  frappante 
les  vérités  les  plus  importantes  du  Chriltianifme,  fur  tout  celles  qui  en  font  Ta- 
me ,  fpécialcment  tous  les  dogmes  précieux  que  la  Bulle  paroît  condamner  ôc 
que  l'Appel  revendique  :  rendre  compte  avec  des  exprcflîons  auffi  touchantes 
que  lumineufcs  de  la  profondeur  des  JViyfLéres  de  la  naiiiance ,  de  la  vie ,  delà  pas- 

N  2.  fion 


8J8UOrH£CA 


100  IDE'E  DE  VETJT  DES  CON FU LS 10 N N AIRES. 
lion  &  de  la  mort  de  Jcfus-Chrift  :  rcprélenter  par  exemple  la  grandeur  de  fa 
croix,  dont  une  extrcmitc  tenant  à  la  terre,  &  l'autre  s'clevint  au  tlirône  de  la 
gloire,  a  porté  l'Adorable  Victime  qui  s'cll  chargée  de  réconcilier  le  Dieu 
du  ciel  avec  les  cnfans  de  la  terre  :  parler  avec  énergie  de  la  hauteur  de  cette 
croix  qui  pénétre  iufquc  dans  le  fein  du  Père  éternel,  pour  forcer  fa  jufticc 
de  céder  à  (x  clémence  >  de  fa  profondeur  qui  dcfcend  julqu'aux  enfers  pour  en 
retirer  les  âmes  des  juftes  ;  de  fa  largeur  qui  s'étend  dans  les  deux  extrémités 
du  monde,  pour  inviter  tous  les  peuples  de  l'univers  à  fe  jetccr  entre  les  bras 
étendus  de  leur  divin  Sauveur:  dévoiler  le  plan  du  Très-haut  dans  l'œuvre  des 
convullîons  avec  une  onftion  qui  ravit  &  qui  touche  tous  les  auditeurs  ;  décou- 
vrir &  expliquer  quelles  font  les  véritables  caufes  de  la  terrible  colère  de  ce  Dieu 
irrité,  qui  pour  fe  venger  du  mépris  formel  qu'on  a  fait  de  la  morale  de  l'Evan- 
gile, permet  que  prefque  tous  ceux  qui  portent  le  nom  de  Chrétiens  fe  préci- 
pitent aujourd'hui  dans  les  ténèbres  :  ranimer  notre  confiance,  &  nous  confoler 
en  nous  faifant  voir  que  ce  fera  dans  le  fein  même  de  notre  pauvreté ,  dans  l'excès 
de  nos  miféres ,  &fous  les  coups  les  plus  rigoureux  delà  jultice  du  Seigneur  ,  que 
fa  miféricorde  nous  fera  trouver  une  rellburce  qui  mettra  fin  à  tous  nos  maux  i 
reflburce  qui  devant  être  pour  l'Eglilc  un  rajeuniflcment ,  la  rendra  plus  belle, 
plus  riche,  plus  brillante  &  plus  étendue  qu'elle  ne  fut  jamais.  Combien  de  cé- 
lèbres Théologiens  de  la  vertu  la  plus  folide,  n'ont-ils  pas,  dis-je,  admiré  le 
doigt  de  Dieu  en  entendant  de  fi  belles  choies  dites  par  de  telles  perfonncs  ? 
11  ne  faut  pas  confondre  le  don  d'une  intelligence  habituelle  dont  plufieurs 
ConvuHionnaires  de  l'un  &  de  l'autre  fexe  ont  été  gratifiés  jufqu'à  certain  point, 
avec  d'autres  opérations  fimplementfurnaturcUesqui  nelaiflcnt  aucune  impreflîon 
dans  l'efprit  6c  dans  le  cœur.  Ce  don  ell  un  don  proprement  dit  :  ce  qui  cil  fi 
ï.Cor.  II.  vrai  que  S.  Paul  compte  au  nombre  des  dons  du  S.  Efprit  celui  de  parler  avec 
*'  fcience  des  chofes  de  Dieu. 

Mais  fi  ce  donft  étonnant  dans  des  perfonnes  qui  n'ont  fiùt  aucune  étude  par- 
ticulière de  la  religion,  Se  même  dans  des  perfonnes  du  fexe  ,  ne  peut  être  at- 
tribué qu'au  foufflc  du  S.  Efprit,  Icsconvulfionsquicncntété  le  canal,  peuvent- 
elles  avoir  un  autre  principe  ?  Seroit-ce  donc  le  prince  des  ténèbres  qui  auroit  répan^ 
du  de  fi  gnmdcs lumières  ,  qui  ont  inrtruit ,  touché ,  converti  im  très  grand  nombre 
de  perfonnes,  &  qui  ont  fait  annnonccr  l'Evangile  aux  fimples  6c  aux  pauvres? 

Au  furplus  fi  le  défaut  de  fouvenir  cil  fuivant  les  adverfaircs  des  convulfions 
UQ  caradtcrefi  défavorable,  combien  lo  don  d'uiîe  lumière  permanente  6c  continu- 
elle doit-il  être  un  caraétère  décifif  ? 
TLix.        Troifiémement  :  il  s'en  faut  beaucoup  que  ledéfiiut  de  fouvenirfoit  un  caraèlc- 
l^ll'^^YJ ^/' rc  auflî  défavantageux  que  ces  JVlefficurs  le  fuppofent.  N'en  déplaife  à  ces  grands 
pj!  rf(iimvt-Théologiens,cc  fcroit  un  principe  très  faux  que  ae  prétendre  que  toute  vifion ,  tou- 
r»c'r«'ex?a-  ^c  révélation,  toute  prédiètion  dont  onnefefouvient  pas,  nefont  pas  vcnucsdc  la 
fcjdfcequ'-part  de  Dieu  :  le  contraire  fe  trouve  formellement  prouvé  dans  rÉcriture  Sainte. 
j„'"°""'Ccs  MM.  n'oferont  pas  fans  doute  coutelier  que  la  célèbre  vifion  qu'eut  Nabu- 
O"'«^=''î-chodonofor,  par  laquelle  Dieu  lui  caraèlèrifa  l'état  6c  lui  marqua  la  rcvolutioa 
des  quatre  grands  Empires,  ne  fù.t  une  révélation  divine.  Cependant  ce  Prince 
qui  en  avoit  été  extrêmement  frappé,  ne  lailla  pas  d'oublier  totalement  ce  qu'il 
avoit  vu,  lans  que  nul  dans  fon  Roiaumc  pût  lui  en  rappeller  le  fouvenir,  finon 
le  Prophète  Daniel  à  qui  le  Très-haut  en  révéla  tout  le  détail  pour  le  dire  au  Roi,. 
Se  lui  en  donner  rèclaircidement. 

A  la  lumière  d'une  telle  preuve  que  fournit  l'ancien  Tellament ,  le  principe  de  ces 
MM.  qui  y  cil  dircélcmcnt  contraire,  difpaioit  comme  une  ombre:  par  con- 

lé- 


I 


( 


IBE'E  DE  VETJT  DES   CONFULS lONNJ IRES.      ici 
féqucnt  il  ne  mérite  pas  qu'on  s'arrête  davantage  à  combattre  une  telle  chimère. 

Mais  il  cil  même  fi  peu  vrai  que  le  défaut  de  fouvenir  après  les  extaics  lof t  un 
caraftcre  extrêmement  défectueux ,  que  c'a  été  le  caraftère  le  plus  ordinaire  de  cel- 
les des  Saints  Myrtiques  que  nous  refpcctons  le  plus. 

C'étoit  entre  autres  celui  desextafes  de  Sainte  Thérefe,  qui  leplusfouvent  nefc 
reflouvenoit  pas  desviiions  qu'elle  y  avoiteûes,  ni  decequ'elle  y  avoit  dit.  Cette 
illuftre  Sainte  étoit  même  fi  perfuadée  que  ce  caraétère  étoit  prefquc  général ,  qu'el- 
le avance  comme  une  chofe  ordinaire  :  „  que  lorfqu'uneameefl  revenue  à  elle  après 
„  un  ravificment,  elle  ne  fauroit  rien  raconter  aux  autres  de  ce  qu'elle  a  vu,  ni 
„  en  conferver  elle-même  qu'une  connoifllince  confufe  6c  générale.  „ 

Si  une  perfonne  à  qui  Dieu  a  fait  des  faveurs  auffi  finguliéres  qu'à  Sainte  Théréfe , 
ne  confcrvoit  pas  le  fouvenir  de  ce  qu'  elle  avoit  vu ,  ni  de  ce  qu'elle  avoit  dit  dans 
la  plupart  de  fcs  extafes ,  comment  ofc-t-on  repréfemer  ce  caraélère  comme  extrê- 
mement fufpeél,  &  tout  à  ftit  défovorable  ?• 

Ce  n'eft  pas  le  jugement  qu'en  a  porté  Sj  Augufiin.  Il  dit  en  parlant  de  ceuJC 
qui  ont  des  extafes  &  des  vifions  qui  peuvent  venir  d'un  bon  principe,  qu'il  en  a 
vu  lui-même,  qui  après  qu'ils  font  revenus  à  eux  rapportent  ce  qu'Us  ont  l'/J,  ^  Degen. ad' 
cV autres  qui  m 's' en  fûuviennent  pas  :  &■  il  ne  donne  nullement  ce  défaut  de  fou-'"-  '•'-•^p- 
venir  comme  une  des  marques  qui  puifie  ièrvir  à  dillingucr    les  vifions  qui  nezs.^'ji  "* 
viennent  pas  de  Dieu. 

Le  Cardinal  Bona  dit  pareillement, ,,  qu'il  arrive  fouvent  après  les  extafes  qu'on  ne 
„  fc  fouvient  pas  de  ce  qu'on  a  vu,  &  qu'il  n'en  demeure  qu'une  idée  confufe.  „ 

Le  Cardinal  de  Vitri  qui  a  écrit  lui  -  même  la  vie  de  la  Bienheureufe  Marie 
d'Oignies ,  dont  il  avoit  été  le  confelLur ,  déclare  que  „  lorfqu'elle  revenoit  à  elle 
„  &  qu'elle  fe  réveilloit  de  cette  efpéce  d'ivrelle  dont  elle  avoit  été  faifie  ,  ou 
„  elle  ne  fe  reiTouvenoit  de  rien  de  ce  qu'elle  avoit  dit  . .  .  ou  fi  par  hafard  elle 
„  fe  reflouvenoit  de  quelque  chofe  . . .  (elle  étoit)  toute  étonnée  de  ce  qui  lui - 
„  étoit  arrivé.  „ 

Mais  bornons-nous  à  rapporter  des  exemples  par  lefquelsil  paroifie  que  quel- 
quefois Dieu  a  lui-même  ôté  lurnaturellement  le  fouvenir  de  ce  qu'il  avoit  révélé; 

Il  ell  rapporté  dans  la  vie  de  la  Vénérable  Mcre  de  Ponfonas ,  que,,  très  fou- 
„  vent  elle  pénétroit  l'intérieur  des  pcrfonncs:  Scieur  diiant  ce  qu'ellefavoit  de 
„  leurs  propres  pcnfées  ....  elle  les  furprenoit  fi  étrangement ,  qu'elles  n'avoienc 
,,  pas  la  force  de  lui  défavou?r  l'état  de  mort  dans  lequel  elles  vivoient.  Elle  ra- 
,,  mena  par  ce  moien  pluficurs  perlonncs  à  la  pratique  des  confeilsévangéliques, 
„  &:  entre  autres  im  Prêtre  qui  fous  l'apparence  d'une  piété  difiîmuléecommet- 
,,  toit  les  derniers  excès  ;  &c  des  femmes  allez  quafifiées,  dont  les  crimes  étoicnc 
,,  horribles. . .  Mais  ce  qu'il  y  avoit  en  cela  de  plus  merveilleux,  c'eftque  comme 
5,  elle  ne  révéloit  ces  myftéres  d'iniquité  que  par  une  lumière  extraordinaire,  6c 
,,  par  une  impulfion  de  l'Efprit  de  Dieu,  lorfque  cette  lumière  étoit  diflîpée  6c- 
,,  que  ce  mouvement  étoit  pafle,  il  ne  lui  relloit  aucune  idée  des  chofes  qu'elle 
„  avoit  dites  :  enforîe  que  quand  on  les  lui  redifoit  6c  qu'on  lui  montroit  même  les' 
„  lettres  où  elle  les  avoit  écrites ,  elle  en  étoit  extrêmement  étonnée ,  6c  à  peine  en: 
,,  pouvoit  -elle  croire'  fes  oreilles  6c  fes  yeux.  „ 

11  eft  évident  que  l'Efprit  faint  qui  les  lui  avoit  révélées,  les  lui  Faifoit  Oublier' 
en  effaçant  lui-même  dans  le  cerveau  de  cette  Sainte  les  traces  des  connoifiances  de 
l'intérieur  des  confcienccs  qu'il  lui  avoit  découvert  :  parce  qu'il  étoit  de  l'avanta^cr'^ 
dé  cette  Sainte  que  ces  traces  ne  refl:afrent  imprimées  dans  fa  mémoire,  qu'autant  de 
tenis  qu'il  le  falloit  pour  qu'elle  en  fit  le  laint  uiage  pour  lequel  il  les  lui  avoit  données . 

Il  eft  dit  pareillement  dans  la  vie  de  la  Bienheureufe  Marie  dcl' Incarnation  fon*- 

N  3  datrice- 


IC2  IDE'E  DE  VET  AT  DES  CON  rULSIONNJ  IRE  S. 
diitiice  des  Caimclitcs,  vie  approuvée  par  trois  Evèques  ,  &;  par  conl'cqucnt  par 
tous  les  Théologiens  qui  formoient  leur  confcil,  que  „  Dieu  lui  a  iouvent  don- 
„  né  la  connoillance  des  plus  iccretes  penlecs,  lui  a  révélé  i'état  le  plus  cache 
„  des  confciences  . . .  mais  que  quand  Dieu  lui  donnoit  de  telles  lumières,  après 
„  qu'elle  les  avoit  déclarées  aux  pcribnnes  qu'elles  regardoient,  elle  en  perdoitcn- 
„  tiércment  le  louvenir.  „ 

La  différence  qu'il  y  a  entre  ces  deux  exemples,  6c  ce  qui  arrive  à  ceux  des  Con- 
vuliionnaires  qui  oublient  ce  qu'ils  ont  dit  en  extalc,  coniillc  principalement  en 
ce  que  dans  ces  exemples  on  voit  clairement  que  c'elt  Dieu  lui-mèinc,  qui  par 


éclairé  par  les  lumières  extraordinaires  qu'il  a  cû  en  extafe ,  &  qu'il  retombe  dans 
fon  état  naturel ,  il  ne  conlcrve  qu'une  idée  conFule  îc  générale  de  ce  qu'il  a 
vu  CJi  cet  état:  &  je  crois  que  ce  n'eilquep-arune  faveur  iinguliérc  de  Dieu  que 
plufieurs  d'entre  eux  le  reffouviennent  li  parfaitement  de  tout  ce  qu'ils  y  ont  dit. 
Qiioiqu'il  en  loit  :  des  qu'il  ell  certain  que  Dieu  tait  quelquefois  oublier  lui- 
même  ce  qu'il  a  tait  connoître  dans  des  cxtalcs,  on  ne  peut  plusfoutenir  que  le 
défaut  de  ibuvcnir  Ibit  une  preuve  que  ce  qu'on  a  apperçu  en  cet  état  ne  Ibit  pas 
venu  de  lui.  Dieu  diibibue  ics  dons  comme  il  lui  plaît:  il  n'eit  pas  obligé  de  trai- 
ter de  la  même  façon  tous  ceux  à  qui  il  découvre  quelques  vérités  dans  l'avenir  : 
il  peut  avoir  en  cela  des  vues  au-dclî'us  de  notre  intelligence.  Les  Convulfionnaircs 
ne  font  que  des  inlhumens  dont  il  fc  iért  en  différentes  manières  pour  nous  révt-- 
Icr  ce  qu'il  veut  nous  taire  annoncer  :  ils  ne  font  que  des  timbales  retentillantes, 
comme  ils  le  difent  fi  fouvent  eux-mêmes.  Mais  de  ce  qu'il  ne  leur  donne  pas  à 
tous  la  même  prérogative,  dcfereffouvenir  exaétement  detout  ce  qu'ils  difent  en 
extafe  ,  tout  ce  qu'on  en  doit  conclure,  c'eit  qu'il  n'entre  pas  dans  l'ordre defes 
confeils  qu'ils  s'en  reffouvicnnent  tous  d'une  manière  parfaite. 

Au  rcltc  ceux  des  Convulfionnaircs  à  qui  il  ne  tnit  pas  cette  faveur  n'ont  pas 
fujet  de  s'en  attriller,  ni  de  s'inquiéter  de  la  critique  qu'on  fiit  à  celujctdelcur 
état ,  puifqu'ils  ont  laconfolation  de  favoir  que  c'elt  uncaraétère  qui  leur  ell  com- 
mun avec  Sainte  l'hértfc,  &  plufieurs  autres  Saints  Mylliques. 
X..  Avant  de  finir  cet  article,  ic  crois  néceffaire  de  taire  encore  une   obfcrvation 

i^llV^lT?^^'  l'^^ppo't  ^ux  f^iuffes  prédictions  de  quelques  Convuliionnaires. 
<i1a,oiii'"*       J'ai  reconnu  à  n'en  pouvoir  douter  que  quelques-unes  de  ces  prédirions,  n'é- 
ia«nes.       toient  fauffes  que  d.ins  l'application  que  les  Convuliionnaires  en  avoient  faites  à 
certaines  perfonnes ,  6c  dans  les  interprétations  qu'ils  s'étoicnt  avifés  de  donner 
aux  vilîons  qu'ils  avoient  eues. 

Par  exemple  il  ell:  révélé  à  un  Convulfionnairc,  qu'il  doit  arriver  à  une  perfon- 
ne  qui  ne  lui  ell  pas  marquée,  un  accident  qui  lui  ell  développé  dans  le  plus 
grand  détail:  en  même-tems  le  Convulfionnairc  lent  intérieurement  qu'il  lui  ell 
ordonné  de  déclarer  aux  ailîllans  ce  qui  vient  de  lui  être  montré,  afin  que  cette 
pcrlbnne  reconnoiffc  la  main  de  Dieu  dans  l'accident  où  elle  tombera:  qu'elle  lâ- 
che que  cet  accident  cil  un  avertillément  de  fa  part  qu'elle  doit  beaucoup  :i  la  juf- 
ticc:  qu'il  s'en  faut  bien  qu'elle  ibit  parvenue  au  degré  de  vertu  où  elle  s'imagine 
être:  que  la  pénitence  qu'elle  tait  n'elt  pas  fuffifante  i  6c  qu'elle  ne  peut  trops'hu- 
nulicr  aux  pieds  de  Jefus  -  Ciirill,  ni  trop  implorer  fa  milcricorde. 

Mais  en  ménic-tcms  queleConvulfionnairc  reçoit  cette  rével.ition  ,  ion  propre 
cfprit  lui  fait  imaginer  qu'elle  regarde  une  certaine  pcrfonnc:  6c  en  rapportant  la 
vilion  qu'il  a  tûc  ,  il  k  nomme  ou  la  déligne  contormémcnt  à  fon  idée. 

La 


IDE'E  DE   VE'tJT  DES  CONFULSIONNJIRES.     loy 

La  prédiction  n'a  point  lieu  fur  la  pcrfonne  defignéc,  &  tous  ceux  qui  en  ont 
connoillance  demeurent  convaincus  qu'elle  eft  fauO'e.  Cependantelles'exécuteiur 
un  autre,  à  qui  l'accident  arrive  avec  toutes  les  circonllances prédites.  Cette  pcr- 
icnnc  voiant  ians  en  pouvoir  douter  que  Dieu  a  envoie  cette  révélation  pour  elle, 
quoi  que  le  ConvuUionnaire  ié  foit  trompé  dans  l'application  qu'il  en  a  faite ,  fe  fent 
extrêmement  touchée:  elle  gémit,  elle  s'humilie,  &  profite  de  tous  les  avis  qui  ont 
accompagné  la  prédiction,"  Ians  ie  mettre  en  peine  de  l'erreur  du  Convulfionnaire 
ni  que  cela  l'empêche  de  reconnoître  le  doigt  de  Dieu. 

Il  arrive  encore  afiez  fouv;nt  qu'un  Convulhonnaire  voit  en  extafe  certaines 
images,  &  que  pendant  qu'il  les  confidére,  fon  efprit  s'ingère  d'interpréter  cette 
vifion  qu'il  explique  luivant  les  idées  :  quelquefois  même  il  ne  le  contente  pas  de 
rendre  compte  de  ce  qui  lui  a  étémontré,  ilyjoint  encorefes  réflexions.  Ortou- 
tcs  les  fois  qu'un  ConvuHîonnaire  £iit  de  fon  propre  efprit  l'interprétation  de  ce 
qu'il  a  vu,  elle  n'elt  jamais  jufte:  par  ce  moien  la  fauffeté  de  fon  interprétation 
donne  une  faufle  idée  de  la  vifion,  qui  a  un  objet  tout  différent  de  celui  que  le 
Convulfionnaire  apenfé.  Car  ,  comme  dit  S.  Thomas  :  „  Le  S.  Elprit  peut  agir  fi.ir    e?-  ""'« 
„  la    connoiflance ,  en  donnant   en  méme-tems  l'intelligence  de  ce   qu'il   fait^f^^.^' "" 
„  voir,  &  Ians  donner  cette  intelligence. ..  Or  il  ellelîcnticl  pour  être  Prophète 
„  deconnoître  ce  qu'on  voit,  ce  qu'on  dit,  &  ce  qu'on  fait:  & lorfqu'on  ne  le 
,,  connoît  p:'.s,  on  n'cft  pas  véritablement  Prophète:  on  participe  iculcmentà. 
„  l'ordre  de  la  prophétie.  „ 

Au  furplus,  comme  il  n'arrive  rien  qui  ait  rapport  à  la  fauflc  application  du: 
Convulfionnaire  fur  ce  qu'il  a  vu  ,  on  regarde  cette  vifion  comme  un  pur  effet  de 
fon  imagination,  &  quelques  perlonnes  en  prennent  occafion  de  méprifcr  toutes 
CCS  ibrtcs  de  révélations  :  cependant  ilfurvient  un  événement,  qui  loriqu'on  le 
compare  à  ce  que  le  Convulfionnaire  a  vu ,  6c  qu'on  en  fépare  fon  interprétation , 
cadre  à  merveille  à  fa  vifion,  qui  paroit  fenfiblement  en  avoir  été  irae  peiutiue 
toute  naturelle. 

Dans  tous  ces  cas^,  dont  on  a  plufieurs  exemples  très  frappans ,  je  crois  nouvoir  • 
dire  que  la  révélation  eft  très  véritable  lors  même  qu'il  paroit  que  la  prédiction  ne 
l'eiL  point ,  parce  que  la  faufietc  ne  vient  que  de  la  faulfe  application  ou  interpré- 
tation qu'à  fait  le  Convulfionnaire  de  ce  qui  lui  avoit  été  révélé. 

Aurclte  je  neprétens  nullement  juitificr toutes  les  prédicirions particulières  des- 
Convulfionnaires.   Si  j'en  ai  reconiiu  beaucoup  de  vraies ,  j'en  ai  encore  plus  trouve 
qui  ne  l'étoient  en  aucune  forte  ,  &  qui  par  conféquent  ne  venoicnt  que  de  leur  - 
propre  efprit  :  j'obfcrverai  feulement  que  toutes  les  v-irédiètions  totalement  fiiufiès  . 
dont  •■  ■      " 


tca:    iie.^ 


enext 

celles   qui  ne  ic  loni  que  aans  i  application  ou  i  inicrpretationq 

COM  M  E  je  ir.e  fuis  extrêmement  étendu  par  rapport  aux  difcours  des  Convul-  -      ^' 
fionnaires  &fur  leurs  prédictions  générales  faites  en  extale,  parce  que  le  fécond 
de  ces  objets  qui  eit  lié  au  premier  ,  m'a  paru  trop  intéreflant  pour  ncpasemplo- 
ier  tous  mes  foins  à  en  approfondir  les  véritables  difficultés ,  à  en  écarter  les  mau-  - 
vailes  objections,  6c  a  tâcher  d'en  pénétrer  la  vérité  :  6c  que  jem'appcrcoisquc 
mon  ouvrage  devient  d'une  longueur  qui  pourroit  rebuter  le  ledeur  ,  je  m'étcn-- 
drai  peu  fur  l'état  de  mort  6c  lur  celui  d'enfiince,  qui  ibnt  deux  états" cxti-aci^i— 
nairesoii  plufieurs  Convulfionnaires  font  quelquefois  tombés. 

L'état  de  mort  eit  une  efpéce  d' extafe  où.le  Convulfionnaire,  dont  l'amc  (c  trou-- 
Ve  comme  entièrement  abfoibée  par  quelque  vifion,  perd  quelquefois  totale- 
ment l'uiage  de  tous  fes  fens ,  6c  d'autres  fois  feulement: en  partie, 

Quel-- 


tc4    rDE'R  DE  VETAt  DES  CO  NFU  LS 10  N  NJ  IRES. 

Quelques  Convulfionnaires  font  relies  deux  ou  mcmc  trois  jours  de  fuite,  les 
veux  ouverts  fans  aucun  mouvement,  le  vifiige  trcs  pùlc,  tout  le  corps  in- 
ienfiblc,  immobile,  S<.  roide comme  celui  d'un  mort,  &  pendant  tout  ce  temsils 
ne  donnoient  aucun  autre  figne  de  vie  qu'une  refpiration  très  foible  &  prefque  im- 
perceptible. Mais  la  plupart  des  Convulfionnaires  n'ont  pa«  eu  ces  fortes  d 'ex tafcs 
d'une  manière  fi  forte:  pluficurs,  quoiqu'ils  rcllaflcnt  immobiles  pendant  plus 
d'un  jour  ,  n'ont  pas  continuellement  celle  de  voir  ni  d'entendre,  &  n'ont  pas 
perdu  entièrement  toute  fcnfibilité  :  ôc  quoique  leurs  membres  devinficnt  fort 
roides  dans  certains  momcns ,  quelquefois  peu  après  ils  ne  l'étoicnt  prclquc  plus 
ou  point  du  tout. 

Je  ne  ferai  point  de  réflexions  fur  cet  état  :  je  me  réduirai  feulement  à  prouver 
que  Dieu  y  a  mis  piufieurs  Saints ,  fie  à  rapporter  ce  qu'ont  dit  fur  pareils  états 
le  Cardinal  de  Vitri,  S.  Antonin,  le  Clergé  de  France,  &  deux  Papes. 

Cet  état  dans  toute  fa  forceétoit  fi  connu  de  Sainte  Thérefe,  que  voici  la  def- 
cription  qu'elle  en  tait ,  citée  fie  par  conlcquent  adoptée  par  le  Cardinal  Bona. 
„  L'ame  dans  le  raviflement  (dit  cette  Sainte)  fcmble  n'avoir  plus  fon  corps  ,  fie  ne 
l'animer  plus  :  la  chaleur  manque  :  la  reipiration  cefle ,  eniortc  qu'on  ne  fau- 
ruit  plus  apperccvoir  le  moindre  foufflc  ,  ni  le  moindre  mouvement.  Tous  les 
membres  deviennent  roides  Se  froids ,  le  vifagc  pâlit ,  fie  on  ne  voit  plus  que  des 
apparences  d'un  corps  mourant  oudeja  mort.  „ 

Blofius  fait  à  peu  près  la  même  peinture  des  extafcs  où  tomboit  très  fouvcnt 
très  fainte  fille  Eliftbeth  de  Spalbecx  :  il  rapporte  qu'elle  étoit  dans  cet  état 
fansfentimcnt ,  fans  mouvement,  pas  même  celui  de  la  refpiration  :  fon  corps 
étoit  tellement  roide  ,  qu'on  ne  pouvoit  en  remuer  une  partie  que  tout  le  relie 
du  corps  ne  luivit.  „ 

Il  cil  dit  dans  la  vie  de  la  Sœur  Marguerite  du  S.  Sacrement,  qu'elle  „devenoit 
quelquefois  roide  comme  un  corps  mort,  en  forte  qu'on  ne  lui  pouvoit  remuer  le 
bout  du  pied  G\ns  remuer  tout  fon  corps.  „ 

Cette  vie  a  toute  l'autorité  qu'on  peut  défirer.  M.d'Attichi  Evêque  d'Autun 
excité  par  le  bruit  des  miracles  que  Dieu  fiifoit  à  l'interceflîon  de  cette  lainte 
fille  ,  fe  tranfporta  à  Beaunc  dans  le  couvent  des  Carmélites  où  elle  avoitvécu, 
fit  une  information  juridique  de  fa  vie  fie  de  fes  miracles,  reçut  lui  même ladé- 
pofition  des  témoins,  fie  approuva  enfuite  la  vie  de  cette  fainte  fille  ,  compofée  par 
le  Pcrc  Amelote,  déclarant  qu'il  l'avoit  trouvée  conforme  à  l'information  qu'il 
en  avoit  faite. 

Mais  ne  citons  plus  que  des  exemples  qui  foicnt  accompagnés  du  jugement 

que  des  perfonnes  de  l'autorité  la  plus  rcfpeclablc,  ont  porte  fur  des  états  pareils. 

Le  Cardinal  de  Vitri  en  parlant  de  pluficurs  faintes  perlonnes  à  qui  il  arrivcit 

de  fon  tems  précifément  toutes  les  mêmes  chofcs  qu'on  voit  aujourd'hui  dans  les 

T.tt.  de  «  Convulfionnaires,  dit  qu'  „  il  y  en  en  avoit  quietoient  ravies  hors  d'elles-mêmes, 

îî"'''"i<t    »  P^r  ""<^  fiinte  ivrefl'e  que  leur  caufoit  l'abondance  de  l'Efprit  de  Dieu Elles 

p.rs.  Ar,(o-j^  dcmcuroicnt  (  ajoute-t-il  j  fans  voix  Sc  fans  aucun  femiment  par  rapport  aux 

p«t'.  ""tic  M  cliofcs  extérieures  :  la  paix  du  Seigneur  qui  les  remplilToit  cnfeveliiroit  tellement 

ly.cb.  11.  ^^  leurs  fcns  ,  qu'il  n'y  avoit  point  de  bruit  capable  de  les  réveiller,  fie  qu'elles 

„  ne    fentoicnt  point  les  blefiures  qu'on  leur  faifoit,  ni  les  coups  qu'on  leur 

„  donnoit.  „ 

La  même  chofe  cfl:  arrivée  à  quelques  Convulfionnaires ,  qu'on  piquoit  en  cet 
état  d'une  manière  très  inliumainc,  lans  qu'ils  le  fentifient. 

(^icl  jugement  le  Cardinal  de  Vitri,  fie  S.  Antonin  oui  rapporte  fon  témoi- 
gnage, ont-ils  fait  de  cet  état?  ils  déclarent  qu'ils  le  rcgiruoicnt  comme  tiiicfahite 
iirejjc  caulce  par  l'abcndan.t  ck l'Efprit  de  Dieu  ?  L'ai- 


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ÏDE'E    DE  DUT  AT  DES  CONSULS  lOUN  AIRE  S.   lOf 

L'aflemblce  du  Clergé  de  France  a  pcnlë  comme  eux.  On  voit  dans  la  lettre 
qu'il  écrivit  en  corps  au  Pape  Innocent  X.  pour  lui  demander  la  canonifation  de 
la  vénérable  Marie  de  l'Incarnation  fondatrice  des  Carmélites  en  France ,  qu'il 
relève  comme  une  grande  faveur  de  Dieu  que  cette  fainteperfonne  ait  mené  pen- 
dant 30.  ans  une  vie  fi  élevée,  que  fouvent  dans  fes  extafes  „  on  eût  cru  quelle 
„  ctoit  morte ,  pendant  que  fon  ame  toute  ravie  en  Dieu ,  qui  l'avoit  choifie  6c 
5,  auquel  elle  étoit  finguliércmcnt  agréable,  recevoit  l'impreflion  des  chofes 
5j  divines.  „ 

Les  Papes  n'ont  pas  été  à  cet  égard  d'un  autre  fentiraent  que  le  Clergé  de  Fran- 
ce :  voici  un  jugement  authentique  que  deux  de  ces  chefs  de  l'Eglife  vifible,  ont 
porté  de  ces  états. 

Il  eft  dit  dans  la  vie  de  Sainte  Magdeleine  dePazzi,  (\\\' elle  to'ûihoit  parterre^ 
tiemeuroit  des  6.  heures  erJiéres  dans  une  efpéce  de  léthargie.  Mais  quelquefois  cet 
état  lui  duroit  bien  plus  long-tems  ,  puifque  le  Pape  Clément  X.  dansfi  Bulle  de 
canoniiation  de  cette  Sainte  dit ,  qu'cw /'<«««/^  \^%<^.latrhfainte  'Trinité  lui  fit 
mie  faveur  tris  fingulicre  :  car  depuis  la  'veille  de  la  Pentecôte  ^  elle  fût  aliénée  de  fes 
feris  pendant  8.  nuits  de  fuite. 

Le  Pape  Benoit  XIII.  déclare  dans  celle  de  la  canonifation  de  Sainte  Margue- 
rite de  Cortone,  qu'  „  elle  a  été  rendue  participante,  comme  elle  l'avoit  défiré 
„  ardemment,  des  douleurs  de  J.  C.  étant  aliénée  de  fesfens,  &  pai-oiflant quel- 
„  quefois  comme  fi  elle  étoit  véritablement  morte.  „ 

Ces  deux  Souverains  Pontifes  ont  donc  regardé  ces  fortes  d'états ,  l'un  comme 
une  faveur  très  fînguliere  de  la  fainte  Trinité:  l'autre  comme  une  participation  ^é"/ 
douleurs  de  Jefus-Chrifl? 

A  L'EGARD  de  l'état  d'enfance:  je  crois  qu'il  faut  bien  diftinguer les  petitefles,     lit. 
les  badineries  que  de  jeunes  Convulfionnaires  peuvent  faire  de  leur  propre  mou-  Eiatd'es- 
vement,  où  même  les  puérilités  que  des  Convulfionnaires ,  dont  quelques-uns  font  '""' 
d'ailleurs  fort  graves,  font  en  convulfion  par  une  fuite  du  goût  enfantin  que  leur 
laifie  l'imprefTion  qu'ils  ont  reçue  en  cet  état,  d'avec  plufieurs  chofes  qui  paroif- 
fent  enfantines  &  néanmoins  qu'un  inftinét  furnaturel  leur  fait  faire.  Car  il  eft 
certain  qu'il  y  a  un  état  furnaturel  d'enfance  où  la  convulfion  a  mis  afiez  fou- 
vent  plufieurs  Convulfionnaires,  même  ceux  qui  font  d'un  âge  très  mûr  8c  d'un 
caraftere  fort  férieuxj  6c  il  ell  manifelle  qu'elle  leur  a  fait  faire  6c  dire  en  cet 
état,  plufieurs  chofes  par  une  imprefiion  furnaturelle. 

Cela  ne  peut  être  révoqué  en  doute  que  par  ceux  qui  n'ont  gueres  vu  de  Con- 
vulfionnaires ,  parce  que  dans  la  plupart  le  furnaturel  eil  marqué  par  des  traits 
que  l'artifice  ne  peut  jamais  imiter.  On  voit  un  air  enfantin  fe  répandre  tout  à 
coup  fur  leurs  vifxges ,  dans  leurs  geiles ,  dans  le  ton  de  leur  voix  ,  dans  l'atti- 
tude de  leur  corps ,  dans  toutes  leurs  fiçons  d'agir  :  6c  quoique  l'inftinél  de  leur 
convulfion  leur  fafle  foire  alors  des  raifonnemens  à  la  manière  des  enfans,  par 
rapport  aux  termes  dont  ils  fe  fervent,  ôc  à  la  façon  fimplc,  innocente  6c timi- 
de avec  laquelle  ils  énoncent  leurs  penlecs  ,  néanmoins  cet  initinét  leur  fait  lou- 
vcnt  dire  tout  bonnement  des  vérités  très  fortes ,  très  haixiies ,  très  frapantes , 
&  fort  inftruclives  fur  tout  ce  qui  fe  paffe  aujourd'hui  dans  l'Eglife,  6c  même 
parmi  les  Appelîans.  Souvent  dans  cet  état  ils  ont  befoin  des  fecours  les  plus 
violens  6c  les  plus  terribles ,  ce  qui  prouve  que  leur  corps  cil  dans  ce  tems-li 
révétu  d'une  force  furnaturelle  6c  miraculeufe,  qui  ne  peut  venir  que  de  Dieu, 
ainfique  j'eipére  le  démontrer  dans  la  IV.  Partie  de  cet  Ecrit.  C'eli;  auifi  en  cet 
■  état  que  plufieurs  Convulfionnaires  ont  été  inltruits  furnaturellement  du  fecret 
des  confçiences  ,  6c  qu'ils  ont  pris  à  part  des  pcrlbnnes  qu'ils  ne  connoiflbicnt 

Qbfervaî.  II.  Fart.  Tome  II.  O  p.;s, 


io6  IBE-E  DE  VETÂt  DES  CONFU LS 10  N N AIRES. 
pas,  à  qui  ils  ont  développé  les  replis  les  plus  profonds  de  leur  intérieur,  & 
leur  ont  tous  donné  les  avis  les  plus  lalutuircs  avec  leurs  exprelîions  naïves  ,  8c 
leurs -tons  de  voix  enfantins.  Enfin  c'eft  en  cet  état  que  quelques  Convulfîonnai- 
res  ont  f;iit  des  prédiélions  particulières  qui  n'avoicnt  aucune  vraifemblance,  & 
dont  la  jullcflc  parfaite  de  l'événement  a  prouve  que  Dieu  en  étoit  l'auteur. 

Il  n  ell  donc  pas  permis  de  foutenir  qu'il  n'y  a  rien  dans  cet  état  qui  vienne  de 
Dieu,  puifqu'il  n'y  a  que  lui  qui  connoiirc  intérieurement  le  fccrec  des  cœurs,  8c 
qui  puilfe  révéler  l'avenir,  au  moins  dans  un  certain  détixil  ? 

Si  cet  état  cft  iurnaturel,  il  ell  de  la  dernière  évidence  qu'il  eftfimbolique,  5c 
qu'il  renferme  d'importantes  leçons ,  Dieu  ne  faifant  pas  inutilement  &  Tans  de 
grandes  vues  une  multitude  de  prodiges  fi  finguliers. 

La  Sagcfle  éternelle  qui  a  voulu  s'incarner,  &  paroîtredanscc  monde  ré  vétuc 
de  foibleire,  &  même  de  celle  de  l'enflmce ,  fe  cache  fouvcnt  fous  des  voiles  pour 
fe  dérober  à  la  vâe  de  ces  efprits  altiers  qui  Te  confient  dans  leurfcicnce,  leurs 
talens  ôc  leur  prétendue  fagefle,  tandis  qu'elle  brille  aux  yeux  des  humbles  &des- 
fimplcs ,  qui  s'édifient  6c  profitent  des  traits  lumineux  &  di\ins  qui  fe  font  jour  au 
travers  des  nuages  où  il  lui  plaît  de  s'envelopper  :  tachons  d'en  découvrir  quelquc- 
uns ,  &  Q*ctre  du  nombre  de  ceux  qui  en  tirent  du  fiuir. 

Un  état  d'enfance  formé  par  une  impicflion  furnaturellc  ,.cft  fans  doute  une  in- 
ftruftion  que  Dieu  donne  aux  petits  &  en  mcme-tems  une  pierre  d'achoppement  oh 
l'orgueil  des  fuperbes  va  fe  heurter.  Il  me  paroît  étrcuncrepréfentationfenfiblede 
l'enfance  fpirituelle  dans  laquelle  il  fiiut  être  aujourd'hui  pour  comprendre  quelque 
chofc  aux  œuvres  de  Dieu;  6c  une  imat^e  parlante  que  le  Très- haut  trace  à  nos 
yeux  pour  nous  inftruire  de  la  néccflîté  d'être  petit, afinde  profiter  de  la  vue  des 
merveilles  qu'il  opère  au  milieu  de  nous.  iM'eit-il  point  auifi  un  tableau  vivant 
dans  lequel  il  nous  peint,,  par  la  petitefle  des  aitions  que  font  des  perfonnes  dans 
cet  état  furnaturcl,  le  vuideôclc  néant  des  occupations  des  hommes  qu'il  a  placés 
aux  plus  hauts  rangs?  La  vue  de  l'Eternité  dont  les  Convulfionnaires  nous  par- 
lent li  fouvent,  fuffit  feule  quand  nous  y  fommes  attentifs  ^pour  nous  faire  réfié- 
chir  que  ce  que  les  Puillances  de  la  terre  regardent  comme  leurs  plus  importantes- 
affaires  ,  font  aux  yeux  de  la  Vérité  par  excellence  ,  lorfque  Dieu  n'en  cil  pas  le 
principe  6c  la  fin,  des  jeux  d'entans,.  des  niaifcries  beaucoup  plus  grandes,  6c  des 
petiteflcs  bien  plus  rccllcs  que  tout  ce  qui  choque  davantage  les  beaux  efprits  dans 
l'état  d'eniance  des  Convulliomiaires.  Par  rapport  aux  derniers  ,  cet  état  ne  ic- 
roit-il  point  aulli  une  leçon  que  leur  donne  la  Sagcfle  Divine,  de  former  leur  caraété- 
re  fur  la  fimplicité  ,  la  douceur,  la  ibumiflion,  l'humilité  des  enf.uis?  Ncferoit- 
cc  point  un  avis  auxfpeétaicurs  de  fiiire  attention  que  le  tems  approche,  où  pour 
parvenir  au  bonheur  étemel  il  faudra  n'avoir  non  plus  d'attache  aux  biens,  aux" 
grandeurs  6c  à  l'ellime  des  Iiommes,  que  n'en  paroill'ent  avoirles  Convulfionnaires 
dans  leur  état  d'enfance?  Enfin  le  prodige  par  lequel  ils- reçoivent  alors Icscoups 
les  plus  terribles  6c  les  plus  afTommans,  ne  nous  annonce -t-il  point  que  le  Tout- 
puifiiint  a  réiblu  de  fe  fcrvir  de  ce  qui  paroit  le  plus  foible  6c  le  plus  mcprilable  au.K. 
yeux  charnels,  pour  faire  éclater  la  force  de  fa  grâce,  qui  fera  triompher  un  grand 
nombre  de  petits  par  une  patience  invincible,  de  toutes  les  violences  qu'une  per- 
Iccuiion  montée  à  fon  comble  pourra  exercer  ? 

Les  Convulfionnaires  nous  ont  explique  ce  fimbolc  de  toutes  ces  diftcrcntca 
manières ,  6c  y  ont  encore  ajouté  plulieurs  tr.iits. 

„  Pourquoi,  Seigneur  (s'écrie  l'un  d'eux)  imprimez-vous  furnous  les  fimptô— 
«,  mes  de  l'ciifancc  ?  C'elt  afin  de  qous  apprciidrcque  nos  ccturs  ne  feront  guc- 
,,  ris  de  leur  mortelle  cxillure  que  quand  uac  humble  fimpliciic  nous  aura  ren- 

rt   dus 


ÏT>rE  DE  HETJT  DES  CONFULSIONNJIRES.      107 

5,  dus  vils  aux  yeux  du  monde  &  petits  ;\  nos  propres  yeux.  Pourquoi  nous  fai- 
5,  tes-vous  porter  l'extérieur  de  la  foibleffe  &  les  apparences  de  la  folie  ?  C'efl 
5,  parce  que  nos  efprits  ont  été  autrefois  follement  fages ,  6c  que  vous  voulez 
5,  les  purifier  de  cette  fagefle  infenfée  par  la  folie  de  la  Croix;  qui  nous  rendant 
„  meprifables  aux  fages  de  la  terre,  nous  attirera  de  fi  grandes  humiUations 
,}  qu'elles  feront  capables  de  nous  faire  parvenir  à  une  gloire  éternelle.  „ 

Mais  pour  donner  une  idée  jufte  de  l'enfance  myftericufc  dont  il  s'agit,  je 
crois  qu'il  convient  mieux,  au  lieu  d'extraire  des  penfces  brillantes,  que  je  nie 
rcftraigne  à  rapporter  quelques  morceaux  de  difcours  faits  par  des  Convulfion- 
naires  en  cet  état. 

5,  Mon  cher  Papa  (dit-une  d'entre  elles  à  Dieu)  puisque  je  fuis  un'enfant ,  donnez- 

„  moi  donc  la   foumiffion,  la  docilité,  la   fimplicité  d'un  enfant un  petit 

,5  enfant  le  lailTc  condun-e  :  il  va  partout  où  on  le  mené:  il  met  toute  fa  con- 
„  fiance  en  fonPapa;  il  lui  dit  avec  la  joie  du  cœur  :  Papa  ,  ménez-moi.  Et 
„  où?  ou  vous  voudrez:  je  ferai  bien  avec  vous  par  tout.  Pourvu  que  vous  ne 
-j,  me  quittiez  pas  ,  c'eil  tout  ce  qu'il  me  faut.  Je  ne  connois  que  vous.  C'eft 
„  vous  qui  me  donnez  tout  :  c'eildc  vous  feul  que  j'attends  tout . . .  Ha,  Papa  î 
-,,  voiez,  voiez  ce  grand  Prophète,  comme  il  regarde  avec  compaiîion  ce  petit 
,,  enfuit  qui  eft  mort.  Ha,  Papa  !  il  fe  couche  fur  le  corps  de  ce  petit  enfant: 
„  voiez  comme  il  met  fa  bouche  fur  la  ficnne,  comme  il  rapetifie  tout  fon  corps 
5,  pour  fe  mettre  fur  cet  enfant.  Ha,  Papa  !  que  cela  eft  beau!  voila  cet  enfant 
j,  qui  eft  rellùfcité  !  Voiez  comme  il  eft  bien  aife:  quelle  joie  brille  dans  fes 
„  yeux?  Mais,  Papa,  pourquoi  ce  grand  Prophète  ne  relTufcite-t-il  qu'un  petit 
5,  enfant?  pourquoi  ne  reffufcite-t-il  pas  auftî  ces  cadavres  de  grands -hommes 
5,  que  je  vois  là  bas  ?  Vous  dites  que  c'eft  pour  nous  apprendre  que  ce  Prophète 
„  ne  viendra  apporter  la  vie  qu'à  ceux  qui  feront  auffi  petits  que  des  enfans. 
5,  Ha,  Papa!  que  je  devienne  donc  toujours  de  plus  petite  en  plus  petite,  afin  que 
„  j'aie  part  à  cette  vie.  Vous  m'avez  dit  que  le  chemin  du  ciel  eft  étroit,  &  que 
5,  la  porte  en  eft  petite,  il  faut  donc  être  petit  pour  y  entrer.  Mais  que  de- 
„  viendront  donc  ces  grands  hommes ,  qui  vous  méprifeat  tant?  Ils  font  les  fa- 
5,  ges  ,  ils  font  les  grands  doétcurs,  6c  ils  ne  fivent  feulement  pas  que  c'eft  bien 
3,  gentil  d'être  petit!  Ils  veulent  juger  tout  parleurs  lumières,  ils  veulent  tout 
„  conduire  par  leur  efprit  :  mais  moi  je  veux  ne  rien  faire  de  moi-même,  6c 
„  que  ce  foit  vous  qui  me  conduifiez  comme  il  vous  plaira.  Ils  fe  haufient ,  ils 
5,  fe  redreflcnt ,  ils  le  relèvent  tout  le  plus  qu'ils  peuvent  :  comment  pourront- 
5,  ils  entrer  par  cette  petite  porte?  J'entens  une  voix  qui  leur  crie:  Je  l'ous 
„  dis  en  vérité  que  fi  vous  ne  vous  converti  ffez,,  (s'  fi  l'ous  ne  devenez  femblabks  i^'^'  ' 
„  à  de  petits  enfans^  vous  h'' entrerez  pas  dans  le  Royaume  des  deux.  „ 

L'Evangile  eft  toute  pleine  de  cet  avcrtiflemcnt. 

Depuis  que  le  Verbe  s'eft  abaifie  julqu'à  fe  revêtir  de  notre  chair  ,  il  (e  plaît 
à  jetter  des  regards  favorables  fur  les  petits  &  fur  les  humbles. 

Notre  Sauveur  s'étant  fait  petit,  ce  n'eft  qu'en  imitant  fon  abaifiement  qu'on  peut 
monteràfa  grandeur  :  cen'eftqueparl'humiliation  qu'on  peut  parvenirà  la  gloire. 

Dieu  relevé  ceux  qui  fe  profternent  ;  il  rabaiffe  ceux  qui  s'élèvent. 

Trois  des  Evangeliftes  rapportent  que  Jefus-Chrift  a  déclaré  que  le  Royaume 
eu  Ciel  efl  pour  ceux  qui  rcjficmhlent .  .  .  .  aux  petits  enfans.  Mais  préfcntement 
que  les  hommes  n'écoutent  plus  l'Evangile,  préfcntement  qu'ils  font  enfcvelis 
dans  un  iommcil  léthargique,  pour  les  en  tirer  Dieu  fait  un  prodige:  il  leur 
reprèfcnte  cette  rsicmc  vérité  en  l'imprimant  fur  des  figures  vivantes  6c  par- 
lantes,  6c  prefque  tous  regardent  ce  prodige  avec  dédain! 

O  i  Au 


io8      IDE'E  DE   VET JT  DES  CONFULS lONNJIRES: 

Au  furplus  ce  phénomène  aujourd'hui  fi  mcprile  par  l'orgueil  humain,  a  déjà 
paru  dans  l'Eglifc.  On  trouve  dans  les  vies  de  plufieurs  Myftiqucs  très  refpectables 
que  Dieu  les  a  fait  tomber  furnaturellement  dans  des  états  d'enfance  tous  pareils 
à  ceux  des  Convulfionnaires  d'à-prcfent. 

Il  ell  dit  entre  autres  dans  celle  de  la  Bienheureufe  Marie  de  l'Incarnation, 
cette  pcrfonncàqui  Dieu  avoit  accorde  plufieurs  dons  fiirnaturels,  iîcquiétoit  fi. 
généralement  ellimée,  que  le  Clergé  de  France  a  demande  en  corps  fa  canonifii- 
tion  au  Pape  Innocent  X.  il  eil,  dis- je  ,  rapporté  dans  fa  vie  approuvée  par  trois 
it^tisj.  Evêqucs,  qu'elle  reçut  la  „  grâce  de  l'enfance  fpirituelle  ,  dans  un  ravifTement 
„  qu'elle  eut  en  \6o6.  qui  dura  près  de  trois  jours.  ..  Elle  revint  à  elle  avec  la- 
„  douceur  &:  l'innocence  d'un  enfant  de  6.  ou  7.  ans  &  demeura  quelques  heures 
„  toute  étonnée  comme  une  perfonne  qui  feroit  revenue  de  l'autre  monde.  Je  n'ai 
„  point  vu  d'enfant,  continue  l'Auteur  de  fa  vie,  au  vil^ige  &  aux  petits  geftes 
,j  dcfquels  parût  une  fi  grande  innocence.  „ 

La  vie  de  la  Sœur  Marguerite  du  S.  Sacrement  écrite  par  le  Père  Amelote^ 
j_j.^^  contient  mille  chofes  qui  pavoiflent  tout  à  fait  puériles,  qu'elle  Ç\tdam  une  con- 
' vuljîon  d'enfance. .  .  qui  dura  pendant  3.  mois  prej'que  fans  aucune  interruption. 

On  en  trouve  encore  davantage  dans  la  vie  de  Sainte  Magdeleine  de  Pazzi. 

En  général  il  efl  certain  que  plufieurs  Myliiqucs  très  révérés,  Se  dont  quelques- 
uns  ont  été  canonifés ,  font  de  tems  en  tems  tombées  dans  des  états  d'enfance  ,  où  ils 
Ut.  :  p.as-  ont  fait  Se  dit  bien  des  chofes  qu''on  regarderait  aujourd'hui  cortme  une  folie ,  dit  M. 
Poncet.  Aufîi  ne  craint- il  pas  d'avancer  en  parlant  de  fainte  Magdeleine  de 
Pazzi,  c^tWt  a'-joit  h  petit ,  le  choquant  qu'ion  remarque  dans  nos  Convulfionnai" 
res  ,  i^  il  y  en  a  certainement ,  ajoute-t-il ,  oii  on  en  trouve  moins. 

Ainfi  ce  n'ert  donc  pas  feulement  iur  les  Convulfionnaires,  c'ell  auflî  fur  ks  Saints 
Myrtiques  que  tombent  les  mordantes  fixtircs  que  plufieurs  Auteurs  ont  fait  de  ce 
qui  fe  pafle  dans  les  convulfions  d'enfance.  Dieu  a  marqué  par  des  prodiges,  6c 
même  quelquefois  par  desmiraclcs,la  préfence  jufqu'à  certain  point  parmi  les  Con- 
vulfionnaires qui  font  en  cet  état,  ainfi  qu'ilavoit  fait  parmi  les  Myitiques.  C'efl 
donc  en  vain  que  ces  Meffieurs  s'écrient  :  qu'il  cft  indigne  de  la  (ageflc  éc  de  la  ma- 
jefié  de  Dieu  de  mêler  fon  opération  avec  tant  de  petitcifes  &  de  niiifcrics,  puil- 
"que  dans  le  fait  ces  prétendues  petiteflcs  font  fou  vent  accompagnées  de  plufieurs 
effets  merveilleux,  qu'on  ne  peut  attribuer  qu'à  lui?  Enfin  quelle  témérité 
n'y  a-t-il  pas  de  reprèfenter  cet  état  comme  une  folie  réelle,  6c  comme  un  dé- 
lire honteux  ,  tandis  que  plufieuis  Saiats  y  font  tombés  par  une  imprefiîon  fur- 

I  aturcllc  ? 

Mais,  dira-t-on,  eft-on  obligé  de  regarder  tout  ce  que  ces  Saints  ont  fait  en 
cet  état,  comme  des  opérations  de  l'Elprit  de  Dieu? 

J'avoue  que  je  ne  crois  pas,  6c  qu'il  ne  me  paroît  point  du  tout  impoffiblc 
que  les  Myftiqucs,  ainfi  que  les  Convulfionnaiixs ,  aient  fait  en  cet  état  pluficiu-s 
puérilités  par  leur  mouvement  naturel ,  y  étant  portés  par  une  luite  de  l'im- 
prefTion  que  leur  avoit  fait  l'état  furnaturcl  qui  les  avoit  réduits  à  la  figure  re- 
préicntative  d'un  enfant.  Tout  ce  que  font  les  Convulfionnaires  en  convulfion^ 
n'cll  pxs  toujours  furnaturcl:  il  cfl;  au  contraire  d'une  expérience  palpable  qu'ils 
font  en  cet  état  plufieurs  chofes  par  le  pur  mouvement  de  leur  volonté  :  il  ell  mê- 
me vifiblc  que  rimprcflîon  que  leur  fait  leur  convulfion,  ell  tantôt  plus  forte  6c 
tantôt  moindre.  Je  crois  qu'il  en  a  été  de  mérac  des  Mylliques  :  6c  il  y  a  toute  ap- 
parence qu'ils  n'ont  pas  été  entièrement  privés  de  leur  liberté  en  leur  état  d'en- 
fance, puifquc  cet  état  étoitmanifellement  tout  fcrablable  à  celui  des  Convulfion- 
joaiics  d'à-préfcnt.  Mais  parce  que  ces  Samts  ont  pu  faire  d;uis  leurs  convulfions. 

en- 


IDE'E  DE  r  Et  AT  T)  ES  CONFULS  lONNJIRES.  lor, 
cnfimtincs  deschofesqui  ne  venoient  pas  de  l'Efprit  de  Dieu ,  rnais  feulement 
de  la  difpofition  où  les  mettoitleur  état  d'enfance  ,  cela  autoriferoit-il  à  jui^erque 
leur  état  étoit  une  folie  réelle,  un  délire  honteux  ?  Il  faudroit  même  encore  al- 
ler plus  loin  pour  pouvoir  décider  que  Dieu  n'avoit  aucune  part  à  leur  état  :  car 
comme  cet  état  ell  évidemment  furnaturel ,  il  faudroit  nécenairement  en  attri- 
buer la  première  caute,  ou  à  l'Auteur  de  tout  bien,  ou  à  l'efprit  pervers.  Mais 
qu'en  a  jugé  l'Egliie  ?  Elle  a  déjà  manifcfté  plus  d'une  fois  qu'elle  penfoit  que  cet 
ctat  venoitde  Dieu:  elle  acanoniféplufieurs  Saints  &  Saintes  qui  yavoicnt  pafle; 
elle  a  regardé  leurs  convullions  comme  des  faveurs  divines,  ainfi  qu'il paroit par 
des  Bulles  de  canonifation  dont  j'ai  déjà  rapporté  quelques  extraits. 

Après  un  jugement  d'une  telle  autorité,  quelle  infigne  témérité  n'ya-t-ilpas 
de  regarder  comme  une  folie,  ou  d'attribuer  au  démon,  un  état  entièrement  fem- 
blable ,  lorfquc  les  difficultés  qu'il  renferme  font  également  levées  par  plufîeurs 
prodiges  &  autres  merveilles  qui  ne  peuvent  avoir  que  Dieu  pour  Auteur 

J'ajouterai  qu'il  n'ell  pas  même  fans  exemple  que  l'Efprit  de  Dieu  ait  fait  faire 
à  des  Saints  des  chofe?  capables  de  choquer  notre  ténébreufefageflc.  Je  n'emploie- 
rai point  ici  les  exemples  d'Ifaïe  6c  d'Ezéchiel,  qui  prouvent  beaucoup  au  delà 
de  lapropofition  que  j'ai  feulement  deflèin  d'établir  :  je  neveux  citer  que  des  faits 
qui  foicnt  plus  à  notre  portée. 

C'étoit  certainement  par  un  principe  d'humilité  que  S.  Philippe  de  Néri,  par 
les  mains  de  qui  Dieu  faifoit  plufîeurs  miracles,  afteétoit  de  faire  l'imbécile,  & 
qu'il  avait  coutume  de  fauter  devant  tout  le  monde  ,{îf  même  en  préfence  des  Cardi- 
naux :  il  ell  marqué  dans  fa  vie  c^  il  [e  fit  faire  la  barbe  d'un  côté  feulement ,  i^  fcrtit 
ainfi  en  public  pour  fe  rendre  l'objet  du  mépris  y  de  Urifje  du  peuple.  Dieu  a  fi  hau- 
tement juftifié  ce  faint  ,  l'ornant  «'.?  tous  les  dons  firnaturels  . . .  de  celui  de  prophétie, 
du  difcernement  des  efpnts ,  de  la  comioifiance  du  fecret  des  cœurs  Sc  de  celui  des  miracles:, 
qu'il  faudroit  être  bien  hardi  pour  décider  que  fon  humilité  extraordinaire  n'avoit 
pas  (x  fource  dans  la  grâce  de  l'Auteur  de  toute  vertu. 

Mais  fi  ce  faint  agilîbit  en  cela  par  un  mouvement  de  la  grâce ,  Dieu  peut  donc 
être  le  principe  d'aftions  qui  nous  paroiflent  pleines  de  folie,  parce  que  nous  n'en 
jugeons  que  par  les  dehors  !  Nous  paiTons  pour  des  infenfés ,  difoit  S.  Paul  :  '•  Cor.  +. 
nos  flulti  propter  Chriflirm.  Leur  vie  nous  fembloit  une  folie,  diront  un  jour  lcs'°' 
fages  de  la  terre  avec  un  affreux  délefpoir  :  vitam  illorum  afiimabamus  iiifaniam.  Sap.  ;.  4. 

Si  Dieu  peut  être  auteur  dans  l'ordre  de  la  grâce  d'aétions  qui  paroilîént  in- 
fenfées  aux  grands  efprits  du  monde,  il  le  peut  pareillement  dans  l'ordre  mervcilr 
leux  :  il  eft  également  libre  dans  l'un  &;  l'autre  de  ces  deux  ordres ,  &  fcs  confcils  y 
font  également  au  defius  de  nos  penfées.  Sa  fagefiedont  la  profondeur  nous  cil  im- 
pénétrable, n'a  pas  deux  différentes  mefurcs,  l'une  pour  leschofesfpirituelles ,  îk 
l'autre  pour  celles  qui  font  au  deifus  de  l'ordre  commun-. 

Finifîbns  cet  article  par  un  exemple  pris  dans  l'ordre  du  genre  prophétique- 
rapporté  dans  l'Ecriture  Sainte. 

Nous  voions  dans  l'hilloire  facrée  que  David  contrefit  le  fou  pour  fe  fauver  des  iRoL-crrv 
mains  d'Achis  Roi  de  Geth. 

Suivant  S.  Auguftin  &  les  autres  Percs  de  l'Eglife,  cette  folie  apparente  étoit''' ^'^^  ''" 
myftérieufc  &  prophétique  :  elle  fervoit  à  prédire  que  le  monde  feroit  fauve  par 
la  folie  de  la  croix.  Ce  fût  donc  par  infpiration  que  David  eut  recours  à  ce  moyen 
pour  conferver  fa  vie,  ainfi  qu'il  cil  prouvé  par  le  Pfeaume  XXXIil.  qu'il  fit 
en  reconnoiffance  d'avoir  été  délivré  du  péril  oij  avoit  été  fa  vie  ?  Ainfi  cette  folie  ap- 
parente étoit  vme  fuite,  un  effet,  une  exécution  de  l'impreflîonde  l' Eiprit  faintr- 
&  elle  appartenoit  comme  prophétique  ,  à  l'ordre  du  genre  furnaturel, 

O  3  Sî 


110    IDE'E  DE  VEtAT  DES  CONFU LS lONN J I RES. 

Si  l'Elprit  de  Dieu  peut  quelquefois  faire  faire  des  aftions  qui  ont  le  dehors  de  la 

folie,  quelle  témérité  n'ya-t-il  point  de  la  part  des  fameux  Confiiltansà  décider 

doftoralemcnt  qu'un  état  d'cnflmce,  quoiqu'illullré  par  des  prodiges ,  ne  peut 

avoir  Dieu  pour  auteur,  parce  qu'il  choque  la  gravité  de  cesMeflleurs? 

r~-  Quoi!  ert-il  donc  impolîible  que  le  Très- haut  ait  des  motifs  au  deflus  de  notre 

foiblc  intelligencePQuoi!  ces  Meflieurss'attribucroient-ils  le  privilège  qui  n'a  jamais 

été  donné  à  aucune  créature,  excepte  à  l'humanité  de  J.  C.  de  pénétrer  dans  la 

profondeur  de  tous  les  confeils  de  Dieu?  Croient-ils  donc  être  en  droit  de  mcfu- 

rcr  fi;  fagcfle,  &  dclareftraindre  fur  la  très  petite  étendue  de  la  fligefle  humaine? 

u-tuci/bn      APRES  avoir  fait  un  détail  exaft  de  tous  les  diftércns  états  où  tombent  lesCon- 

ic\i  tiuiTe  vuliîonnaires ,  il  ne  me  fera  pas  ditHcilc  de  prouver  quec'cll  une  pure  fuppofition 

rÀutrtVdes  ou  polir  mieux  dire  une  véritable  calomnie,  de  foutenir  comme  fait  l'Auteur  des 

J''j"'^'^°^'*  Vains-efforts  j  que  l'état  des  Convul  lîonnaires  eft  une  ^raie  folie ,  une  folie  réelle ,  une 

co.ivMmns.foi.'c  complète ,  uneefpécede  fureur  :  ce  font  les  exprcflions  dont  ilfe  fert  en  pluficurs 

fj;i>^  jj'/- endroits  de  fon  libelle  diftamatoire. 

Qui  croiroit  que  pour  ofer  avancer  un  paradoxe  auûî  révoltant ,  &  qui  tend  à 
flétrir  un  très  grand  nombre  de  pcrfonne.-  parmi  lefquelles  il  y  en  a  beaucoup  de 
très  rcfpectablcs  en  tous  fens ,  cet  Auteur  n'auroit  d'autre  appui  que  de  fuppofer 
contre  la  notoriété  publique  &  contre  la  propre  connoilîancc ,  que  tous  les  Difccr- 
^       nans,  c'cil-à-dire  tous  ceux  qui  ont  reconnu  du  divin  dans  l'œuvre  des  convul- 
lions,  conviennent  eux-mêmes  que  les  Convulfionnaires  font  dans  l'état  desho- 
norant qu'il  lui  plait  de  leur  attribuer? 
D  iTe^wilee       Le  fecrct  qu'il  a  trouvé  pour  pouvoir  faire  une  fuppofition  fi  hardie,  ça  été  de 
rntrerjiie-  confoudrc  l'aliénation  de  l'cfprit  &  des  ftns,  avec  une  folie  véritable  &  réelle. 
}/nJ""„f"       Ainfi  pour  pulvérifer  tout  d'un  coup  une  grande  partie  de  fon  ouvrage,  Se  eu 
de  l'eiprit    f^jj-g  ér\'aporer  tous  les  pompeux  raifonnemens  comme  une  fumée  qu'un  feu  clair 
&  '*  ^'*-  (JiHlpe  auffi-tôt  qu'il  paroît,  il  ne  faut  quediilinguer  ce  qu'il  affecte  de  confondre. 
Le  terme  d'aliénation  des  fens  n'exprime  que  la  ful'penfion  de  leur  ufage. 
Celui  d'aliénation  de  l'efprit  dans  fa  fignificationla  plus  naturelle,  marque  feu- 
lement un  ame  diflraite  par  rapport  aux  objets  préfens  :  ce  qui  arrive  lorfqu'elle 
cit  fort  occupée  de  quelque  pcntee  ou  de  quelque  vifion  ,  6cl'ur-tout  lorfqu'il  plaît 
à  l'Efprit  faint  de  la  remplir  lui-même  fi  totalement  qu'elle  ne  s'ap perçoit  plus 
des  objets  qui  environnent  fon  corps,  ou  m  êmequi  frappent  fes  fens.  C'cll  ce  qu'ont 
fouveiit  éprouvé  les  plus  grands  Prophètes,  mais  ians  que  cela  caufàt  aucun  dé- 
ranf^ement  dans  les  fibres  de  leur  cerveau  :  ce  que  S.  Thomas  explique  par  ces  ter- 
mes: que  Tabjîra^ion  des  fens  doit  être  fans  aucun  dérangement  delà  nature. 

La  folie  au  contraire  confillc  dans  un  dérangement  réel  &  effectif  des  fibres  du 
cerveau,  qui  font  pour  ainfi  dire  les  organes  par  Icfquelsrame  exerce  fes  facultés,  Sc 
reçoit  les  imprcflions  que  les  objets  extérieurs  font  iur  les  fens  du  corps  qu'elle 
anime. 

Lorfquc  tous  ces  fibres  font  dérangés ,  pour  lors  la  folie  eft  continuelle  &:  com- 
plète :  quand  au  contraire  il  n'y  en  a  qu'une  partie ,  en  ce  cas  la  folie  ne  paroît  que 
par  accès, 6c  feulement  lorfquc  l'ame  le  fert  ou  reçoit  quelqu'impreflîon  des  fibres 
4]ui  font  en  deforJre. 

Ainfi  outre  pluficurs  autres  différences  très  confidérablcs  entre  la  folie  &  l'a- 
liénation d'cfprit ,  il  y  a  celle-ci  qui  cil  eOcnticUe  :  que  la  folie  elt  une  maladie 
véritable  dont  le  principe  ne  ccffe  point  de  fubfiller  quoique  les  accès  n'en  foient 
pas  continuels,  maladie  qui  ne  peut  être  guérie  que  par  des  remèdes,  6c  qui  ne 
l'eft  que  très  rarement  :  au  lieu  que  l'aliénation  île  l'cfprit  n'cll  qu'un  état  mo- 
mcnt;iné,   qui  n'altérant  point  l'intégrité  du  cerveau  ^  ne  caufant  aucun  dc- 

ran- 


IDE'E  DE  L'ETJT  DES   CONFU LS lONN^IRES.       m 

rangement  dans  Tes  fibres ,  n'y  laifTe  nulle  mauvaife  imprcffion. 

J'ai  déjà  obfervé  que  les  ConvuUîonnaircs  dans  l'état  ordinaire  de  leur  convul- 
fîon  font  dans  une  forte  d'aliénation  des  fens,  quiconfiilc  en  ce  que  généralement 
parlant  leurs  fens ,  quoiqu'ils  reçoivent  les  imprcffions  des  objets  extérieurs ,  en 
font  moins  émus  que  dans  leur  état  naturel  :  ce  qui  occupant  moins  l'ame ,  lui  don- 
ne plus  de  facilite  pour  concevoir  les  objets  intelleétuels. 

Il  cil  d'abord  évident  que  cet  état  qui  procure  à  l'efprit  plus  de  pénétration  que 
lorfqu'il  ell  plus  abiorbé  par  les  fens,  na  nul  rapport  à  la  folie.  Cette  forte  d'a- 
liénation des  fens  a  même  été  regardée  en  plufieurs  Saints  comme  un  don  deDieu. 

Le  Pape  Paul  V.dansfaBuUedecanonifationdeS.  François  Xavier  relève  com- 
me une  chofe  digne  d'admiration  ,  que  „  pendant  qu'il  difoit  la  Mcfle  il  arrivoit 
5,  très  fouvcnt  qu'il  étoit  dans  une  telle  aliénation  de  fes  fens ,  que  ceux  qui 
^  lui  répondoient,  ne  pouvoient  le  rappeller  à  lui  qu'après  un  très  long-tems, 
„  quoiqu'ils  le  tiraflent  fortement  par  les  habits.  „ 

On  rapporte  comme  une  faveur  de  Dieu  très  finguliérc  que  S.Thomas  „  avoir 
„  lo  privilège  de  pouvoir  s'aliéner  de  fes  fens  toutes  les  fois  qu'il  le  vouloit ,  en- 
„  forte  que  lorfqu'on  devoit  lui  faire  quelque  opération  douloureufe  ...  on  le 
„  trouvoit  dans  une  telle  abftraétion  qu'il  ne  fentoit  abiolument  rien  de  tout  ce 
j,  qu'on  lui  faifoit.  „ 

A  l'égard  de  l'aliénation  de  l'efprit  qui  confifle  dans  une  forte  aplication  cfc 
l'arae  qui  la  diilrait  par  rapport  aux  objets  extérieurs,  &  qui  produit  par-îà  iuf- 
qu'à  certain  point  la  fufpcniion  de  l'imprefiîon  des  lens ,  cet  état  eit  précisément 
celui  des  extafes.  Or  n'y  a-til  pas  une  témérité  fans  égale  de   donner  cette  forte 
d'aliénation  pour  une  vraie  folie  ,  tandis  que  les  plus  grands  Saints  y  l'ont  tombes? 
Lorfque  S.  Paul  fut  ravi  jufqu'au  troiiîéme  ciel  fans  fivoir  il  ce  fût  avec  fon  corps , t.  cor.  ch, 
n'étoit-il  pas  dans  cette  ibrte  d'aliénation  de  l'efprit?  S.  Pierre  n'y  étoit -il  pas' -• 
lorfqu'il  s'écria  lur  le  Thabor  :  „  Maître,  nous  fommes  bien  ici  :  fliifons-y  trois  ten- Marc.  g.  ^. 
„  tes ,  une  pour  vous ,  une  pour  Moïic  ,  &  une  pour  Elie  :  car  il  ne  ftvoitce  qu'ili- 
„  diioit,,  luivant  que    le  S.  Elprit  nous  l'a  déclaré  lui-même? 

S.  Auguftin  nous  apprend  que  Dieu,  quand  il  veut  fe communiquer  auxhom-- 
mes,met  quelquefois  leur  cfprit  dans  l'aliénation  Se  le  dégage  des  fens  du  corps,  a- 
fin  qu'étant  comme  enlevé  par  l'Efprit  faint  il  foit  plus  en  état  de  donner  toute 
fon  application  aux  images  qu'il  veut  lui  faire  voir.  Cum  fit  mentis  alknatio  à  fenfi-  v.h.  aJ. 
bus  corporis,  ut  fpiritus  hominis  a  divaSfirituaJfumptus  ^  capiendis atque  iutuencUs^^'^^''^^'^/ 
imaginibus  i-acet.  p- 1^^- 

Ainfi  cet  état  loin  d'être  une  dégradation  de  la  nature  humaine  ni  un  état  hoQ-- 
tcux  (Se  humiliant ,  fiùvant  que  l'Auteur  des  Vains-efForts  le  qualifie ,  eft  au  contraire  ' 


Dieu  a  fait  fimplement  quelques  révélations  paiticuliéres,  c'a  été  l'état  le  plus  oi"- 
dinaire  des  Prophètes  lorfqu'ils  ont  reçu  la  comnmmcarion  de  l'Efprit  fainr. 

Théodoret  en  parlant  des  anciens  Prophètes  s'exprime  ainfi.  „  La  grâce  de  lâ^""-  ^°^- 
„  prophétie  en  fe  iaifiOant  tout  d'un  coup  de  leurcfprit,  lesféparoit  de  toutes  les 
j,  chofes  humaines  ,  &  les  préparoit  par  là  à  fervir  aux  difcours  prophétiques.  „. 

Cela  étoit  même  fi  notoire  parmi  les  Juifs  que  c'eft  l'idée  qu'ils  ontconfervée 
de  leurs  Prophètes:  voici  de  quelle  manière  en  parle  Philon,  un  des  plus  anciens 
&  des  plus  autonfés  de  leurs  auteurs.  ,,  Lorfque  la  lumière  divine  fe  montre,  celle-'iiiiop.ff«;-- 
j,  de  l'homme  fe  cache:  fie  elle  ne  rcparoît  que  lorfque  celle  de  Dieu  fe  cache. 
„  C'eit  ce  qui  a  coutume  d'arriver  aux  Prophètes:  car  leur  eipîitfort  pour  ainfî 

dira; 


112    IDE'E  DE    VET  AT  B  ES  CONVULS  ION  N  AIRES. 

„  dire  d'eux-mêmes  lorfque  l'Elpiit  de  Dieu  arrive,  &:  il  n'y  rentre  que  lorfque 

„  celui-ci  fe  retire.  „ 

Cela  même  a  donne  lieu  à  quelques  Juifs  charnels  de  regarder  autrefois  leurs 
Prophètes  comme  des  fous ,  parce  que  l'elprit  de  ces  Prophètes  étant  entièrement 
occupe  par  les  objets  qui  leur  ètoient  divinement  montrés,  ils  paroiflbient  tout  à 
fiiit  dUVraits  par  rapport  aux  objets  extérieurs  :  ce  qui  leur  faifoit  quelquefois  dire 
des  chofcs,  ou  faire  des  geftes,  qui  n'aiant  point  de  rapport  aux  objets  préfens  , 
fcmbloient  deliituès  de  niifon. 
Serm.  io+.      Aufli  S.  Augullin  obfei-ve-t-il  que  „  du  tems  qu'Elifèe  étoit  en  Judée  ,  ni  lui 
„  ni  les  autres  Prophètes  n'étoient  point  refpectès  par  la  plus  grande  partie  du 
„  peuple,  &  qu'on  les  regardoit  comme  des  infenfés.  ,, 
Surifch.+'-     îf'dorus  Clarus  dit  que  ,,  les  méchans  appelloient  les  Prophètes  fous  Se  infen- 
',"  «'■!''"•„  fés ,  parce  que  fouvcnt  ils  ètoient  privés  de  fcntiment  ,& qu'ils  n'appcrccvoicnt 
„  pas  ce  qui  iè  pafToit  autour  d'eux.  „  Carolus  Maria,  qu  „  on  regardoit  autre- 
„  rois  comme  un  des  cavaftèrcs  des  Prophètes  ,   d'être  hors  d'eux-mêmes  6c 
„  peu  à  eux  ,  lorfqu'ils  ètoient  faifis  de  l'Efprit  de  Dieu.  „ 

Antoine  Fonfèca  remarque  que  „  ceux  qui  ètoient  infpirés  par  le  bon  cfprit  dif- 

„  couroient  des  chofcs  divines,  &  accompagnoient  leurs  difcours  de  hgnes  6c 

„  d'a£tions  qui  les  faiibicnt  paflcr  pour  tous  aux  yeux  des  hommes  charnels.  „ 

Aufli  voit-on  dans  l'ancien  Tellament  que  les  amis  &  les  voifins    d'Ezèchiel, 

choques  des  gelles  qu'il  tailbit ,  le  prirent  pour  un  fou  ,  &  le  lièrent  avec  des  cordes. 

Trî-.ré  du      Su«]uoi  ]5om  Martianai  fait  cette  réHexion  que  ,,  les  Prophètes   que  Dieu 

canon  dos        choififloit  Dout  êttc  commc  des  lignes  &  des  prodiges  à  la  maifon  d'ifraël , 

écr.t.  p.  I.   "  ..  r  O  j       r  o      j         r  •  ■ 

ch.  I.  „  ont  louvcnt  pafle  aux  yeux  de  ce  peuple  pour  des  tous  &  des  tananques,mais 
„  que  ce  qui  étoit  une  folie  aux  yeux  des  hommes  étoit  lafagelTc  de  Dieumê- 
„  me,  renfermée  dans  des  myfteres  6c  des  emblèmes,  dont  le  développement  à 
„  toujours  été  très  funcfte  aux  incrédules.  „  paroles  bien  menaçantes  &  qui 
méritent  une  grande  attention. 
Tiifoi.mîxt.  „  La  grâce  furabondante  del'ivrcflefpirituelle  (dit  Henricus  Arphius)  fe  fait 
'•  *■  '^'  »■  „  jour  au  dehors  par  des  geftes  extérieurs  en  différentes  mimières  :  dans  les  uns  par 
„  des  cantiques  divins  :  dans  d'autres  par  de  grands  gémiffemens  &  une  grande 
„  abondance  de  larmes:  dans  les  autres  par  des  cris ,  des  voix  Se  des  tons  extra- 
„  ordinaires  de  toute  efpéce.  Il  y  en  a  qui  tremblent  de  tous  les  membres;  Se  d'au- 
„  très  qui  ne  fentent  des  agitations  que  dans  quelques-uns,  mais  fi  grandes  qu'el- 
„  les  les  obligent  de  courir  ou  de  l'.iutcr  :  les  autres  frappent  des  mains.  ..D'au- 
„  très  éprouvent  des  chofes  Icmblables,  maisdiverfificesen  mille  manières  ditfc- 


„  rentes,  qui  toutes  marquent  l'abondance  de  l'Efprit  dont  ils  font  remplis.  „ 
T..  É.  ftc.fi.      „  Ceux  qui  font  enivres  du  divin  amour  (dit  Dominicus)  deviennent  des  fous 
"'  *■        „  pour  le  monde  6c  pour  les  mondains  :  ou  plutôt  ils  font  des  chofes  qui  Ibnt 
,,  telles,  qu'elles  font  crcîire  qu'ils  le  font.  „ 

11  y  a  donc  eu  dans  tous  les  tems  des  pcrfonncs  qui  ont  traité  de  folie  l'état  d'a- 
liénation où  met  l'Efprit  de  Dieu  lorfqu'il  s'empare  des  amcs  !  Il  ne  faut  cepen- 
dant qu'une  légère  attention  pour  fentir  laditlcrcncc  extrême  qu'il  yacnlre  cet 
ctat  6c  une  folie  réelle  :  mais  Dieu  p.ir  un  confcil  terrible  de  fa  juftice,  permet 
que  ceux  qui  font  allez  téméraires  pour  repudcr  avec  dédain  les  prodiges  qu  il 
opère,  confondent  cnfcmble  deux  états  fi  diftèrens,  &  même  fi  oppofès. 

Que  l'Auteur  des  'Vains-efforts  me  permette  de  lui  demander  à  quels  traits  il  a 
donc  reconnu  que  l'état  général  des  Convulllonnaircs  cjî  une  i-raie  folie  ^  une  fo- 
lie réelle^  &Cc. 

Ilcft  vrai  qu'il  y  a  quelques  Convulfionnaircs  parmi  les  Augulliniftcs  5c  les 

'Vail- 


IDE'E   DE  VETjr  DES  CONFUL S TONNJ  1RES.     115 

Vaillantiltes  qui  difent  pluficurs  chofcs ,  Se  font  des  aftions  véritablement  ex- 
travagantes ,  mais  quelle  injufticc  n'y  a-t-il  pas  de  vouloir  faire  retomber  fur 
les  Convulfionnaires  qui  ne  font  point  dans  leurs  erreurs ,  les  folies  que  le  démon 
fait  foire  à  cette  autre  efpéce  de  Convulfionnaires,  &  qu'il  foit  agir  ainfi  lui-mê- 
me exprès  pour  deshonorer  8c  décrier  ceux  qui  font  les  inftrumcns  de  Dieu  ? 
C'eft  favorifer  les  noirs  projets  de  ce  féduéteur  ,  c'eft  fervir  à  fesdefîeins  ,  que 
de  confondre  enfemble  des  perfonnes  entre  qui  Dieu  a  mis  lui-même  une  op- 
pofition  fi  marquée  ;  oppofition  qui  s'eft  même  manifeftée  dans  plufieurs  bons 
Convulfionnaires  par  un  preflentimcnt  fumaturel  d'horreur  oui  leur  fait  connoître 
les  Auguftiniftes  5c  les  Vaillantiftes,  £c  fait  même  qu'ils  les  fentent  de  loin  fans 
les  voir,  ainfi  que  je  l'ai  prouvé  dans  la  I.  Partie  de  cet  Ouvrage.  C'cfl:^3l,- i.pMt. 
néanmoins  fur  ce  faux  planque  la  Confultationaété  dreflee,  6c  qu'on  a  fait  pref-p-  is- 
que  tous  les  Ecrits  qui  attaquent  lesconvulfions.  Mais,  je  ne  puis  trop  le  répéter, 
ce  n'eft  point  de  cette  forte  de  Convulfionnaires  féduits  par  le  démon  dont  je  parle  : 
ce  n'eft  pas  même  de  ceux  dont  les  convulfions  paroiflent  alternatives,  &  en  qui 
onapperçoit  detems  entems  des  chofcs  évidemment  furnaturelles ,  qui  néanmoins 
ne  peuvent  venir  d'un  bon  principe  :  enfin  je  ne  parle  pas  non  plus  du  petit  nom- 
bre de  ceux  ,  dont  les  convulfions  ont  d'abord  été  marquées  à  des  caractères  divins , 
mais  dont  la  mauvaife  conduite  fcmble  avoir  éloigné  l'Efprit  de  Dieu.  Jelaifie  à 
part  toutes  ces  efpéces  particulières  :je  ne  prends  la  défenfeque  des  Convulfionnai- 
res en  général  qui  ne  donnentpoint  dans  l'erreur,  &  parmi  Icfquels  il  yen  a  quan- 
tité dont  la  piété  ell  très  édifiante.  C'eft  par  rapport  à  ces  Convulfionnaires  qui 
font  le  très  grand  nombre,  que  je  demande  à  l'Auteur  des  Vains-efforts ,  quel 
prétexte  il  peut  avoir  de  les  accufer  de  folie. 

J'ai  rendu  compte  de  tous  les  étatsdans  leiquels  ils  tombentdans  une  forte  d'alié- 
nation d'efprit,  de  leurs  extafcs  ou  ravifiemens,  de  leur  états  de  mort,  &  de  leur  étatg 
d'enfance.  A  l'égard  de  leurs  extafes  ou  ravifiemens  pendant  lefquels  ils  font  le 
plus  fouvent  les  plus  beaux  difcours,  comment  cet  état  pourroit-il  être  regardé 
comme  une  preuve  de  folie,  puifqu'un  des  caraélcres  efientiels  de  la  folie  eft  de 
faire  parler  les  hommes  fins  fuite  ,  fons  ordre  8c  fans  railon  ?  Mais  comment  ofe-t-on 
faire  tant  de  vains  efforts  pour  décrier  cet  état,  après  que  Dieu  l'a  fouvent  déco- 
ré par  des  traits  de  lumière  ,  où  fon  aétion  s'eft  foit  voir  avec  évidence,  tels  que 
font  les  miracles,  les  prédiélions  véritables,  la  découverte  du  fecret  des  amcs.'' 

Il  eft  vrai  que  comme  les  Convulfionnaires  font  entièrement  ou  prel'que  entiè- 
rement privés  de  l'ufage  de  leurs  fens  dans  leur  état  de  mort ,  leur  efprit  devient 
pour  lors  incapable  de  toute  fonétion  extérieure;  mais  il  y  atout  lieu  de  croire 
qu'il  eft  intérieurement  très  occupé  :  8c  il  paroît  même  que  ce  n'cft  que  la  force  de 
l'imprcffion  que  lui  font  les  grands  objets  dont  il  eft  rempli ,  qui  réduit  fon  corps 
ù  cette  fituation  inanimée.  Au  furplus  loin  que  cet  état  ait  aucun  r.ipport  à  la 
folie,  on  doit  le  regarder  comme  une  efpéce  de  prodige,  d'autant  plus  que  plu- 
fieurs Saints  Myrtiques  y  font  tombés  ainfi  que  les  Convulfionnaires. 

Enfin  à  l'égard  de  l'état  d'enfance,  il  eft  évident  qu'il  eft  en  lui-même  furnatu- 
rcl,  fimboliquc  8c  repréfcntatif  Auffife  trouve-t-il  fouvent  accompagné  de  cho- 
fcs merveillculcs  :  8c  il  eft  im  de  ceux  dont  il  y  a  pluficurs  exemples  parmi  les  My- 
iliques  les  plus  refpeélés. 

Je  ne  puis  m'cmpêchcr  àcefujet  d'obfervcr  encore,  qu'on  trouve  dans  les  vies      ^'^- 
de  quelques  uns  de  ces  Saints  Myftiques  plus  de  chofcs  capables  de  blefler  une  or- pius  dèl-ho- 
gucillcuie   délicateflc,  qu'on  n'en  voit  en  quantité  de  Convulfionnaires ,  'ii'ifi[^^j  j'^^'^'j"'"" 
que  l'atteftc  M.  Poncet.  Cependant  les  Papes,  les  Evêques  Scies  grands  Théo- vi."  de pu- 
iogiens  n'ont  pas  balancé  pendant  f.  fièclcs  de  décider  que  l'état  furnatureldejjy""'*^-,"'*. 

Obferi'at.  IL  Part.  Tome  II.  P  ces 


114      IBE-E  DE  VETAT  DES  CONFULS FO NNJ IRE  S: 
ftm\  Ici    ccs  Snints  vcnoit  de  Dieu ,  quoique  dans  cet  état  plufieurs  de  ces  Saints  aient 
cJnvu'fion-  quelquefois  fait  ou  dit  des  cbofes  qu'il  fcroit  bien  difficile  de  pouvoir  lui  attribuer, 
"k"'  s        Après  un  jugement  auffi  uniforme  de  toute  l'Eglifc  pendant  plufieurs  lîccles, 
'n'efl-ce  pxs  une  cntrcprife  trop  hardie  d'imaginer  à  prcfcnt  d'autres  principes  que 
ceux  que  l'Eglifc  a  fuivi  pendant  tant  de  tcms  :  de  nous  donner  ces  nouveaux 
principes  pour  des  régies  dont  il  n'eft  pas  permis  de  s'écarter  :  ôc  de  vouloir  nous 
contraindre  de  réprouver  aujourd'hui  le  même  état  que  l'Eglifc  a  canonifé  tant  de 
fois?  Il  n'y  a  pas  même  jufqu'àdes  chofcsquc  MM.  les  Coniultans,  s'ils  les  voioi- 
cnt  faire  à  des  Convulfionnaircs ,  ne  manqucroient  pas  de  leur  reprocher  comme  des 
preuves  décifivcs  de  la  folie  la  plus  complète ,  que  le  Pape  Clément  X.  n'ait  cru 
devoir  relever  dans  la  Bulle  de  canonifation  de  Sainte  Madeleine  de  Pazzi.  Il  y  ob- 
fcrve  quV//f  couroit  avec  une  agilité cxtraordtnairc par  toute  la  ■maifon:  qu'elle  dé- 
chirait fes  bahits^  {5?  jet  toit  de  côté  ^  d'autre  ce  qu  elle  rencontrait  fous  fa  main.  Ce- 
pendant ce  chef  de  l'Eglife  décide  :  que  cette  aliénation  d'efprit  étoit  un  état  très 
heureux,  Se  qu'il  étoit  par  conféquentun  donde  l'Auteurde  tout  bien.  Z,6r/^«V//* 
étoit ,  dit  ce  Saint  Père ,  rei-enue  à  elle  de  cette  bienbcureufe  abfence  d'efprit  izc.  A  fcli- 
cijftmo  mentis  exilio  regreffa. 

Ce  qui  a  fans  doute  déterminé  ce  Souverain  Pontife  à  porter  ce  jugement,  c'cft 
que  Dieu  a  honoré  cet  état  par  des  merveilles ,  où  fon  opération  paroifl'oit  avec  évi- 
dence. C'eft  dans  le  cours  de  pareilles  aliénations  qu'il  s'eft  fervi  de  cette  Sainte  pour 
opérer  trois  guérifons  miraculeufes,  &  qu'il  lui  a  fait  prédire  au  Cardinal  de  Mé- 
dias qu^il  ferait  Pape^  mais  que  le  tans  de  fcn  pontificat  fcroit  très  court  :  cequiar-- 
riva  en  effet,  ainfi  que  Clément  X.  l'attelle  dans  fa  Bulle. 

L'aliénation  d'cfprit  où  tomboit  cette  Sainteétoit  certainement  des  plus  fortes,. 
&C  n'étoit  que  trop  capable  de  choquer  la  fuperbe  fagede  des  grands  efprits.  Cepen- 
dant c'eft  précifément  dans  le  tems  que  cette  Sainte  eften  cet  état,  que  Dieu  fait 
trois  miracles  par  fon  miniftcrc,  êc  qu'il  lui  fiiit  faire  des  prédiétions  trèscirconftan- 
eiées  dont  elle  n'avoit  pu  être  inftruitc  que  par  une  lumière  infufe  de  l'Efprit  faint. 

Qiic  les  jugcmens  de  Dieu  font  différcns  de  ceux  des  hommes  !  Que  fescon- 
fcils  font  éloignés  de  nos  penfccs  !  Qiic  fa  fagelTe  eft  élevée  audefilis  de  nos  foiblcs  . 
lumières  !  Malheur  à  qui  veut  juger  des  chofes  de  Dieu  par  l'orgueil  de  fes  propres 
fentimens,  fans  être  arrêté  par  les  caraélcrcs  éclatans  où  le  fçeaude  la  Divinité  fe 
trouve  imprimé!  L'Ange  fuperbe  méconnut  Jcfus-Chrift  même  à  caufe  de  fes 
humiliations,  parcequ'il  ola  mefurer  la  lagelTe  divine  fur  fon  propre  orgueil. 

Le  même  Pape  obferve  dans  fa  Bulle  de  canonifation  de  Sainte  Rofe  ,  qu'elle' 
étcit  fouvent  attaquée  par  des  convulfions ,  6c  qu'elle  avoir  fouvent  des  extafes ,  dans 
lefquellcs  elle  failoit  des  chofes  qui  paroifloient  bien  enfantines:  parexcmplc  de 
jouer  avec  ]cfus-Chrift,  ce  que  l'Auteur  des  Vains-cfForrs  reproche  à  un  Convul- 
flonnaire  comme  le  comble  del'cx-tra'vagance.  Cependant  Clément  X.  ne  craint  point- 
de  qualifier  les  états  où  tomboit  cette  Sainte  du  nomaugufte  de  donscélcjles. 

Le  Pape  Pie  II.  atterte  dans  fa  Bulle  de  canonifation  de  Sainte  Catherine  de  Sien-  - 
ne  ,  que  pendant  qu'elle  étoit  dans  fon  état  d'aliénation,  elle  a  prédit  bcaucoupde 
chofes  avant  qu'elles  nrrivaffent ,  Ï3  révélé  des  chofes  très  cachées.  Entre  autres  elle  fit  ■ 
connaître  au  Pape  Grégoire  XI.  qu^elle  avait  découvert  par  une  lumière  fur  naturelle  le  • 
vau  qu'il  avoit  fait  de  retournera  Rome.,  qui  n'étoit  connu  que  de  lui  ^  de  Dieu.  Ce- 
pendant  cette  Sainte  eft  une  de  celles  dans  la  vie  de  qui  on  trouve  plus  de  chofes 
extraordinaires,  ôc  qui  peuvent  même  paroître  choquantes. 

Il  fcmblequcla  providence,  à  qui  tous  les  tcmsont  toujours  été  préfens,  ait  vou- 
lu confondre  par  avance  les  critiques  outrées  qu'elle  a  prévu  qu'on  feroit  dans  ce 
fièclc  d'incrédulité ,  de  l'état  des  Convulfionnaircs.  Elle  a  permis  que  les  mêmes  ob- 

fcurités  , 


IDE'E  DE  VE'TJT  DES  CO NFU LSIONNJ IRES,    iiç 

fcurités,  difons  plus,  les  chofcs  mêmes  les  plus  viiiblement  défectueufes  qui  fc 
trouvent  dans  les  bons  Convulfionnuircs ,  fe  rcncontraflcnt  également  dans  plullcurs 
Saints  Myiliques.  Il  y  a  une  conformité  fi  entière  entre  les  uns  &  les  autres,  que 
les  yies  de  nombre  de  Myftiques  femblent  une  hiiloire  faite  par  avance  de  ce  que 
nous  voionstous  les  jours  dans  nos  meilleurs  Convulfionnaires.  Ceux  qui  ont  écrit 
ces  vies  n'étoient  pas  des  Prophètes  :  cependant  il  y  ont  peint  avec  un  fi  parfaite 
exaditude  ce  qui  fe  paiîé  aujourd'hui  fous  nos  yeux,  qu'il  n'y  a  pas  un  feul  trait 
qui  y  manque.  Une  chofe  fi  finguliérc  n'a  pu  êtrel'eflx^t  duhazard.  Ileffc  vifible 
qu'une  intelligence  fuprème  a  arrangé  en  ces  différens  tems  ,  des  faits  conformes 
pour  les  foire  tous  fcrvir  à  fes  defîeins  :  il  eft  manifcfte  que  le  même  efprit  qui  a 
préfidé  à  l'état  des  Myiliques,  Se  qui  a  permis  que  plufieurs  chofes  choquantes,  ôc 
même  évidemment  mauvaifes,  telles  que  les  prédiétions  faufles ,  accompa^naffent 
les  merveilles  dont  il  a  illuilré  cet  état ,  préfide  encore  aujourd'hui  à  celui  des  bons 
Convulfionnaires:  ÔC  il  eft  démontré  parle  fiiit,  qu'avant  de  faire  paroître  ces 
derniers ,  ce  même  efprit  a  voulu  que  plufieurs  des  Myftiques  fuflcnt  canonifés  &  ré- 
vérés comme  de  grands  Saints  par  toute  l'EgHié,  afin  de  prémunir  les  cœurs  droits 
contre  les  mordantes  fatires  qu'on  fait  en  nos  jours  d'ua  état  tout  pareil  à  celui 
de  ces  Saints. 

L'Auteur  des  Vains-efi'orts  ne  nie  pas  lui-même  la  conformité  frappante  qu'il  y  a 
entre  l'état  de  plufieurs  Saints  Myftiques  6c  celui  des  bons  Convulfionnaires.  ,,r3g?  177. 
„  C'eft  ,  dit-il ,  aux  états  finguliers  de  quelques  Myftiques  que  les  Mélangiftes  ont 
jj  recours  pour  établir  la  compatibilité  de  finfpiration  divine  avec  l'aliénation  de 
„  l'efprit  ôc  le  dérèglement  des  iens ,  avec  le  mélange  du  vrai  6c  du  fiiux,  6c  avec  ce 
„  concours  d'aétions  fcandaleufcs  qu'on  reproche  avec  fondement  aux  Convul- 
„  fionnaires.  „ 

Loin  que  cet  Auteur  contefte  la  juftice  du  parallèle,  voici  au  contraire  comme 
il  y  répond.  „  Rien  n  eft  moins  raifonnable,  dit-il ,  que  de  iaifir  l'obfcuricé  ou  Page  i8». 
„  l'incertitude  des  états  des  quelques  Myftiques ,  ou  les  extravagances  les  plus 
5,  déclarées  de  quelques  autres,  pour  combattre  les  principes  établis  cl.ùremcnt 
,j  dans  la  tradition.  „ 

.  Lorfqu'un  Auteur  eft  afiez  hardi  pour  traiter  ainfi  des  Saints  révérés  par  tou- 
te FEglife,  6c  qu'il  ne  craint  pas  de  les  deshonorer  par  les  injures  les  plus  ou- 
trageantes, qu'elle  confiance  de  vrais  chrétiens  dont  la  foi  eft  fimple  6c  le  cœur 
humble  ,  doivent-ils  prendre  en  les  Ecrits  ?  Mais  quels  font  donc  ces  principes 
établis  clairement  dans  la  tradition  ,  qui  ont  été  néanmoins  ignorés  dans  l'Eglife  6c 
par  les  Papes  qui  ont  canonifé  ces  Saints  6c  qui  ont  décidé  que  leur  état  fur- 
naturel  venoit  de  Dieu  ?  J'en  vais  produire  un  échantillon  qui  lùffira  pour  faire 
connoitre  le  cas  qu'on  doit  faire  des  principes  que  l'Auteur  des  Vains-cff'orts 
nous  donne  pour  des  régies  fondées  fur  la  tradition. 

J'ai  déjà  oblervé  que  cet  xA.utcur  n'aiant  aucun  moien  pour  prouver  fit  téméraire 
propofition,  o^ucPétat  des  Convulfionnaires  était  une  folie  réelle^  avoit  eu  le  front 
d'infinuer  que  tous  les  Dilcernansl'avoicnt  eux-mêmes  reconnu,  cependant  com- 
me ces  MM.  font  fimplement  convenus ,  que  les  Convulfionnaires  étoicnt  quelque- 
fois dans  une  forte  d'aliénation  de  l'efprit  Cic  des  fenspar  rapport  aux  objets  cxté- 


que  toute  eipece  d'aliénation  d'elprit  ctoit  une  vcntable  tolie  :  6c  ce  qui 
eft  d'une  témérité  inconcevable,  il  a  ofé  donner  une  aufli  faufle  maxime  pour  le 
femiment  des  Pères  de  l'Eglife. 

Il  It  fait  a  iui-niême  l'objection;  que  les  feints  Doreurs  n'' ont  pas  prétendu  exclure  dcix^  ,4. 

P  i  /'/■». 


ii6    IDEE  DE  VErjr  DES  CO N FU LS lONN AIRES. 
rinfpiration  divine  toute  aliénation  de  Te/prit.  Surquoi  il  prononce  comme  s'il  étoit 
un  oracle  in'.\iiUible  :  que  les  F  ères  n'ont  point  connu  cette  vaine  dijlin&ion  :  ils  ont  ^ 
ajoute-t-il,  exclu  fans  aucune  exception  ni  rejîri^ion  ,  toute  aliénation  de  Pefprit  en 
quelque  degré  qu'elle  pût  être  ,  de  l'infpiration  divine  ,  6cc. 

Il  cllailëdes'apperccvoir  qu'il  s'enfuivvoit  de  ce  principe  erroné,  que  rEfprit 
de  Dieu  ne  le  Icroitjamais  communiqué  dans  des  extales  :  ce  qui  obligcroit  de  rc- 
jcttcr  l'Apocalipfe,  Scies  plus  fublimes  révélations  de  S.  Paul;  étant  incontcfta- 
ole  que  dans  les  extafes ,  l'erpritcil:  dans  une  forte  d'aliénation.  Voilà  un  des  prin- 
cipes que  cet  Auteur  donne  pour  une  régie,  dont  on  ne  peut  s'écarter  fans  tomber 
dans  l'erreur  des  Montanilles.  Car  cet  Auteur  pour  donner  du  poids  à  ce  qu'il  lui 
plaît  d'avancer,  le  décore  du  nom  rcfpcélable  de  régie,  ainil  que  tous  les  autres 
faux  principes  que  MM.  les  Confultans  ont  hazardés.  Auffi  tous  ces  MM.  dès  qu'on 
ne  fuit  pas  aveuglément  leurs  fentimcns,ne  manquent-ils  pas  de  fe  récrier  qu'on 
blefle  les  régies. 

Enfin  cet  Auteur,  qui  flmte  d'avoir  de  bonnes  armes ,  fait  flèche  de  toutes  fortes 
de  bois ,  s'ellencorcavifédedonnerpour  des  preuves  de  folie,  les  repréfentations 
fimboliquesque  font  les  Convulfionnaires,  les  terribles  fccours  qu'ils  fe  font  quel- 
quefois donner ,  £c  leurs  agitations  involontaires.  A  l'égard  de  leurs  repréfentations 
il  y  en  a  de  fi  belles  &  fi  édifiantes ,  il  y  en  a  qui  font  marquées  à  des  traits  fi 
lumineux, enfin  il  y  ena  qui  font  accompagnées  d'un  furnaturcl  li  évidemment  di- 
vin, que  je  ne  faurois  croire  qu'un  véritable  chrétien  en  oui  la  foi  n'eft  pas  éteinte 
puilTe  les  méprifer  toutes  fansdiilinétion.  Or  fi  l'on  eit  force  d'en  rcfpeéter  plufieurs, 
quelle  témérité  n'y  a-t-il  pas  de  chercher  à  couvrir  les  autres  d'un  mafque  ridi- 
cule fous  le  prétexte  frivole  que  leur  fignification  ne  nous  ell  pas  connue. 

Pour  ce  qui  regarde  les  fccours  violens,  les  Convulfionnaires  ne  les  demandent 
&  ne  font  en  état  de  lesrecevoir,  que  lorfque  leurs  membres  fc  trouvent  dans  un 
degré  de  force  prodigieufement  au  defius  de  celle  des  corps  ordinaires.  Or  il 
n'y  a  que  Dieu  qui  puifie  leur  donner  des  qualités  fi  lupérieures  &  fi  contraires 
aux  loix  qu'il  a  d'abord  établies  dans  la  nature.  C'ell  ce  que  je  prouverai  dans 
la  IV.  Partie  de  cet  Ouvrage:  il  me  fuffit  ici  de  demandera  l'Auteur  des  Vains- 
efforts,  quel  rapport  il  trouve  que  des  qualités  fi  vifiblement  furnaturelles  peu- 
vent avoir  avec  la  folie? 

Ce  n'cll;  pas  non  plus  ici  le  lieu  de  parler  dans  un  certain  détail  des  agitations 
involontaires  :  je  remets  à  en  examiner  le  principe  dans  la  II 1.  Partie  d;  cet  Ecrit. 
Mais  où  cet  Auteur  a-t-il  pris  que  des  mouvemens  furnaturels  imprimés  parune 
puifiance  fupérieure,  ou  formes  machinalement  par  une  atfluence  fubitc  des  ef- 
prits  animaux,  quife  fliitfansla  particip.ation  de  la  volonté,  fuffent  des  preuves 
de  folie?  Quel  rapport  ces  mouvemens  forcés  ont-ils  avec  les  opérations  de  l'ef- 
prit ,  qui  n'y  a  aucune  part  ?  Si  Pefprit  n'y  contribue  en  rien  ,  ik  fila  volonté  ne 
peut  ni  les  faire  naître  ni  les  arrêter,  comment  font-ils  des  preuves  de  folie,  puif- 
qu'elle  confifte  cnentiellementdans  le  dérangement  des  opérât  ions  de  l'efprit  ,  & 
dans  le  dérèglement  de  la  volonté,  qui  produiient  des  aétions  cxtr.ivagantcs  ? 

Ce  feroit  "perdre  mon  tems  que  de  m'arrètcr  davantage  à  combattre  à  cet  égard 
les  raifonncniens  de  cet  Auteur ,  qui  ne  font  qu'une  pure  déclamation  :  ou  propre- 
ment il  ne  rapporte  d'.uitres  preuves  de  la  folie  qu'il  lui  pl.ut  d'attribuer  aux  Con- 
vulfionnaires, que  les  injures  gratuites  qu'il  leur  dit.  Ncferoit-cc  p.as  fatiguer  le 
lecteur  en  pure  perte  ,  que  de  continuer  à  lui  démontrer  que  des  perfonncs  à  qui 
Dieu  fait  faire  des  difcours  également  fublimes,  pathétiques  &  touchans:  à  qui  il 
révèle  la  comoiilance  de  l'.ivenir,  les  fecrcis  des  cœurs  &  l'intérieur  des  confci- 
coccs:  dw's  pcrfo;i:ies  dont  il  fefertpjui"  faire  des  niiniclcs  îîv  des  convcrfions  tcla- 

tan- 


çufaîiins  de 
des 


IDE'E  DE  VErJT  DES   CONFULS 10 NNJIRES.      117 
tantes ,  ne  font  pas  des  fous  pofledés  par  un  efprit  de  vertige  ? 

Ce  fera  S.  Paul  qui  répondra  lui-même  au  furplus  des  objeftions  qu'on  leur  fait. 
5,  L'homme  charnel ,  dit-il ,  ne  connoît  pas  les  chofes  qui  font  de  rEfpnt  de  Dieu,'-Cor,2  14,. 
„  elles  lui  paroiflcnt  une  folie  ,  £c  il  ne  les  peut  comprendre  :  parcequc  c'cft  par 
,,  une  lumière  fpirituelle  qu'on  en  doit  juger.  „  Mais  qui  font  ces  hommes  char- 
nels donc  parle  l'Apôtre  ?  Et  qui  font  au  contraire  ceux  à  qui  Dieu  donne  une 
lumière  fpirituelle  pour  difcerner  les  chofes  qui  viennent  de  lui  ? 

„  Pour  (en)  mériter  l'intelligence,  il  faut  s'humilier  (dit  lecélébre  Auteurdcs  p.  a'^i-Cn." 
„  Réflexions  morales  :  &  un  peu  plus  haut.)  La  foi  humble  &  docile  des  pauvres  \"2  V.  !o." 
„  d'efprit  leur  applanit  toutes  les  difficultés  ;  la  confiance  préfomptcufe  des  maî-iï>''J-  <:h-  7- 
„   très  de  la  loi  ,  les  aveugle.  L'humilité  &  la  fimplicité  (dit-il  plus  bas)  ouvrent'"''' 
5,  l'efprit  6c  le  :oeur  aux  vérités  divines ,  comme  l'orgueil  £c  l'enflure  de  l'efprit  le 
5,  ferment  â  toutes  preuves,  6c  y  endurcifl'ent  le  cœur.  „ 

C'eft  dans  le  nouveau  Teftamenr  que  cet  Auteur  a  puifé  ces  principes ,  qui  font 
fi  contraires  à  nos  préjugés.  Ce  livre  divin  nous  apprend  en  cent  endroits ,  que  c'ell 
la  fimplicité  6c  l'humilité  qui  iont  les  qualités  les  plus  propres  à  recevoir  d'cn- 
haut  la  lumière  qui  fait  difcerner  les  œuvres  de  Dieu  ;  c'elt  aux  fimples  i3  'Jî/fMat.  n.iy. 
■petits  à  qui  Jefus-Chrill:  déclare  que  fon  Pcre  ré'véle  fes  œuvres,  en  même  tcms 
qu'il  les  cache  aux  fages  (j'  auxprudens  ;  fur  quoi  le  Père  Queincl  s'écrie:  „  Saçes  du 
„  monde,  craignez  d'être  abandonnés  à  vos  propres  ténèbres  pendant  q'ue  les 
j,   humbles  marcheront   à  la  lumière  de  Dieu.  „ 

Que  le  leéteur  me  permette  de  faire  encore  une  obiervation ,  avant  de  finir  cet-  l  y  r. 
te  IL  Partie.  L'Auteur  des  Vains-efforts  qui  n'épargne  pas  les  faufles  fuppofi-pu'j^", 
tionsa  repréfente  tous  les  Convulfionnaires  en  général  comme  une  troupe  de'/;-' '^"'' 
fous ,  d'impudiques ,  de  furieux.  Pour  étaier  une  déclamation  fi  injurieufe  ,  ilûar'* 
affeâre  d'abord  de  confondre  les  meilleurs  Convulfionnaires  avec  les  AugulHni- 
lles  6c  les  VaiUantilles  :  mais  ce  n'eft  pas  à  ceux  -  ci  à  qui  il  en  veut  :  il 
emprunte  feulement  d'eux  de  quoi  tâcher  découvrir  tous  les  autres  d'opprobres: 
6c  c'eft  enfuite  contre  ceux  6c  celles  qui  ont  la  plus  émiuentc  piété,  qu'il 
témoigne  le  plus  d'acharnement. 

Voici  par  exemple,  qui  font  les  deux  Convulfionnaires  contre  qui  il  exerce  fa  plus 
mordante  critique.  Le  premier  qu'il  appelle  Frerc  Pierre  ,eft  un  homme  qui  s'é- 
tant  livré  entièrement  des  l'a  jeuneifeàdes  études  profanes ,  avoit  conçu  pour  el- 
les une  pafiîon  qui  lui  devenoit  de  jour  en  jour  plus  nuifible  :  il  en  a  été  heu- 
reufcment  dégoûté  par  fes  convulfions,  dans  lefquclles  inftruit  par  un  meilleur 
maître  il  a  appris  que  les  vérités  du  falut  dévoient  faire  toutes  les  délices.  Ja- 
mais il  n'en  avoit  fiiit  d'étude  particulière  :  il  avoit  même  très  peu  lu  les  li- 
vres qui  en  traitent.  Cependant  Dieu  lui  a  fait  faire  en  convulfion  un  nombre 
prodigieux  de  difcours  magnifiques,  qui  font  répandus  entre  les  mains  de  tout 
le  monde,  6c  qui  font  l'admiration  de  tous  ceux  qui  les  lifent. 

Voici  néanmoins  de  quelle  manière  en  parle  l'Auteur  des  Vains-efforts  :„  Frère  p.  i  fi  note» 
„  Pierre  un  des  Convulfionnaires  les  plus  renommés ,  cff  auffi  un  de  ceux  qui ,  je 
„  crois,  a  fait  le  plus  de  folies  :  (6c  plus  bas)  Quand  il  eit  qucftionde  folies  6c  ''^'  °''" 
„  d'extravagances ,  perfonnc  n'en  fournit  plus  d'exemples  que  Frerc  Pierre.  „ 

Pour  tacher  de  le  perfuader  au  public,  cet  Auteur  fait  des  dcicriptions  aulH  fauf- 
fes  que  ridicules  de  quelques-unes  de  fes  convulfions,  6c  de  fes  repréfentations 
fimboliques ,  6c  pour  décrier  fes  difcours  il  en  détache  quelques  mots  auxquels 
il  joint  des  exprefiions  baffes  6c  boufonncs ,  ce  qu'il  accompagne  des  traits  les  plus 
malins.  Avec  une  pareille  méthode  il  n'y  a  rien  qu'on  nefoit  en  état  de  tourner  en 
ridicule  :  mais  quoi  qu'il  fafle,  feseiïbrts  feront  toujours  vains  :  il  n'effacera  jamais 

P  3  l'im- 


.nS     IDE>E  DE  VETJT  DES  CONVU LS 10 N NJIREs. 
rimprdîîon  que  les  difcours  ont  fl\it  dans  l'eiprit  &:  le  cœur  de  tous  ceux  qui 
en  ùivent  goûter  la  beauté  6c   la  Ibliditc. 

Le  deuxième  qu'il  paroît  avoir  plus  d'envie  de  décrier,  &  qui  efl  mort  depuis 
peu  en  odeur  de  n\intcté,s'appclloit  M.  Aufroi.C'étoit  un  homme  de  bonne  famille, 
qui  avoit  un  bien  contiderable  :  mais  qui  marchant  l'ur  les  traces  du  Bienheu- 
reux Appellant  que  Dieu  honore  par  tant  de  miracles  ,  joignoit  la  pénitence  la 
plus  au  litre  à  mie  humilité  très  profonde,  cC  à  une  charité  fans  bornes. 
r.  Si.  tous  L'Auteur  des  Vains-efforts  dit  lui-même,  en  parlant  de  feu  M.  Aufroi:,,  Il 
„  jeûne  beaucoup  ,  couche  fur  la  dure  ,  mange  à  terre  dans  fa  propre  maifonj  6c 
„  uniquement  d'un  pain  très  groflicr ,  pendant  que  la  table  ell  honnêtement 
„  fcrvie.  „  Mais  pour  le  tourner  en  ridicule ,  cet  Auteur  s'avife  de  lui  attribuer  un 
fait  rapporté  dans  une  lettre  de  M.  Poncct  qui  regarde  une  perfonne  toute  dif- 
férente qui  faifoit  quelques  pénitences  forcées,  &;  qui  étoit  enmême-tems  très 
fâchée  de  les  faire.  Enfin  cet  Auteur  lui  donne  le  nom  injurieux  de  Juif -errant  ^ 
ce  qui  n'a  d'autre  fondement  qu'un  pèlerinage  fait  en convuliîon,  5c  les  fréquen- 
tes retraites  que  ce  laint  pénitent  alloit  ibuvcnt  faire  hors  de  Paris  :  entre  au- 
tres endroits  dans  ma  terre  de  Treignv,  pour  chercher  le  Père  Terraflbnpar  les 
confeils  de  qui  il  fc  conduiioit.  Feu  M.  de  Montpellier  ellimoit  tant  cet  hum- 
ble pénitent ,  qu'il  l'avoit  chargé  de  îx  procuration  :  &  néanmoins  l'Auteur  des 
Vains-efforts  le  repréfentc  comme  un  extravagant ,  un  fou ,  un  infenfé.  De  la 
part  de  M.  Auffroi  pour  toute  réponfc  à  ces  injures  ,  il  difoitavec  S.  Jérôme  : 
"^'"^'f*'^'  Nous  fofinnes  devenus  fous  four  V  amour  de  Jefus-Cbrifi  .y  mais  la  folie  de  ceux  qui 
/co. "'^  foft  à  lui furpajfe  toute  la  fagejfe  humaine. 

Finiffons  cette  II.  Partie  par  un  trait  qui  fiifTe  connoîtrc  jufqu'à  quel  point 
Tun^l'ie  l'Auteur  des  Vains-efforts  porte  les  préventions  contre  les  Convullionnaircs.  Per- 
rrxcès  lieiafonne  n'ignore  l'étonnant  prodige  par  lequel  Dieu  fit  continuellement  annoncer 
îe  "Au'furaux  Juifs  pendant  pluficurs annécs  la  ruine  dejerufalem.  Plus  de  fept  ans  avant 
ir'  Vains-  jg  fiége  de  ccttc  Ville  dans  le  tems  que  ce  peuple  étoit  dans  une  profonde  paix , 
un  llmple  païlan  nomme  Jcfus  fils  d'Ananus,fut  tout  à  coup  frappé  par  uneim- 
preffion  divine  qui  lui  fit  crier  avec  une  force  plus  qu'humaine  :  inalhcur  au  tem- 
ple ^  ?>ialbeur  à  y érufalem  ^ècc.Dc\iuh  ce  prcm'iev  moment  cet  homme  ne  ccffa  de 
crier  lans  ceffe  jour  &  nuit,  malheur  fur  jérufaleni ,  jufqu'à  ce  que  cette  ville  eût 
été  alTiégée  par  les  Romains  :  dès  le  commencement  du  fiège  il  prédit  fa  propre 
mort, aiant ajouté  à  fes  cris  ordinaires  malheur  auffi  fur  moi  ^  &  il  tut  écralédans 
l'inilant  par  une  pierre  l.incée  par  les  afliégcans. 

Dieu  réduifit  cet  homme  à  l'état  d'un  fimple  automate  pour  le  rendre /^Pro- 
fhétedes  fnalhenrsde  Jérufakm ,  ainfi  que  l'appelle  1?  célèbre  AI.  Bolïïiet  Evêquedc 
.Meaux  :  il  ne  fepLiignoit  point  de  ceux  qui  le  battoicnt  :  il  ne  rcmcrcioit  point 
ceux  qui  lui  donnoicnt  à  manger  :  6c  les  Magiltrats  l'aiant  fait  touettcr  d'abord 
très  cruellement  pour  le  forcer  à  lé  taire,  il  parut  infenfibleà  tous  les  coups  qu'or» 
lui  donna:  6c  même  pendant  qu'on  le  frappoit  avec  une  extrême  violence,  il  ne 
ceila  point  de  crier  :  malheur  fur  Jérufaletn. 

Lorfqu'on  vit  qu'on  ne  pouvoit  venir  à  bout  de  le  f;iire  taire  ,  on  prit  le  parti 
de  lemeprifcr  ,  6c  de  regarder  ce  prodige  comme  une  pure  lolie.  Cependant  après 
l'événement ,  lorlque  Jerullilem  eutètc détruite  de  fond  en  con^blc,  les  Juifi; re- 
connurent, mais  trop  tard,  que  la  voix  de  Dieu  s'ètoit  tait  entendre  parle  canal 
de  cet  homme  pour  les  avertir  de  leur  perte  prochaine ,  6c  qu'ils  avoicnt  cCi  grand 
tort  d'avoir  meprifé  cet  avertiffement. 

Que  leur  incrédulité  ,  leur  témérité,  Se  leur  malheureux  fort  ,  Ici  vent  aujour- 
d'hui ànous  inllruii'c.  Les  prodiges  que  nous  avons  fous  les  Ntux  lont  lans  com- 

pa- 


IDE'E  DE  UErjr  DES  CONVULS ION NJIRES.  iiff^ 
panifon  plus  frappans  que  celui  dont  les  Juifs  fe  font  fi  fort  repentis  de  n'avoir 
pas  profité.  Cen'eftpas  par  unfeul  homme  que  Dieu  nous  avertit,  c'eft  par  une 
multitude  de  peifonnes  de  toute  condition ,  fur  qui  &  par  qui  il  opère  des  merveil- 
les detouteefpcce.  Ce  ne  peut  être  fins  de  grandes  vues  qu'il  en  fait  un  fi  grand 
nombre.  „  Dans  tous  les  grands  événcmens,  ditlePéreQuefnel,  nous  devrions  Aa.  2.  n,; 
„  nous  dire  à  nous-mêmes.  . .  Que  veut  dire  ceci  ?  Car  Dieu  nous  y  parle,  £c 
„  nous  y  veut  dire  quelque  chofe  pour  notre  inftruction.  „  Les  nuages  dont  il  per- 
met que  ces  prodiges  foient  enveloppes ,  loin  de  nous  fervir  de  prétexte  pour  les  mé- 
prifer,  doivent  au  contraire  redoubler  notre  attention  &  notre  crainte.  Ces  nua- 
ges font  les  miniftres  de  ia  jufl:ice  :  il  ne  nous  dérobent  la  lumière  que  parce  que 
nous  nous  fommes  rendus  indignes  de  la  voir:  ils  renferment  un  tonnerre ,  dont  le 
bruit  redoutable  menace  de  briferles  têtes  fupcrbes  qui  ofcront  regarder  avec  dé- 
dain les  éclairs  qu'il  fait  paroîtrc  avant  de  tomber. 

L'Auteur  des  Vains-efforts  qui  ofe  avancer,  non  feulement  qu'on  peut  impu- 
nément, mais  même  qu'on  doit,  méprifer  les  prodiges  que  nous  voions  aujourd'- 
hui ,  quoiqu'il  ne  puiffe  nier  que  les  Juifs  n'aient  été  b-ès  impnidens  de  n'avoir 
fait  aucun  c;is  des  prédirions  faites  par  Jcfus  fils  d'Ananus  dans  un  état  fur- 
naturel,  prend  le  parti  de  relever  ce  malheureux  Juif  fort  au  dcfllis  de  nos 
Convulfionnaires.  Après  avoir  obfervé  lui- même  qu'il  étoit  un  Juif  rehllc  à 73^.  sj. 
l' Evangile  èc  un  enfant  de  la  Sinagogue  réprouvée  :  il  le  trouve  néanmoins  malgré 
tout  cela  encore  moins  indigne  que  les  Conuulfionnaires  d'être  fonsritnpreffîon 
prophétique  du  S.  Efprit  . . .  Je  fus  fils  d'Jnanus^  dit-il,  n''avoit  aucun  des  vices  ^^^^'  '"' 
des  défauts  ft  communément  répandus  dans  les  Convulfionnaires  yil  ne  parlait  pas  dans 
l'aliéna  tien  dg  Pefprit,.&cc. 

Auflî,  fclon  cet  Auteur,  les  Convulfionnaires  font  encore  plus  indignes  d'être  les 
inftrumens  de  Dieu,  qu'un  Juif  de  la  Sinagogue  réprouvée  :  Scl'alicMiationde  leur ' 
efprit  eft  bien  plus  marquée,  qu'elle  ne  l'étoit  dans  ce  Jefus  fils  d'Ananus.. 
Quoi!  Ce  malheureux  Juif  que  Dieu  réduit  à  n'être  plus  qu'une  pure  machi- 
ne, dépourvue  de  tout  fentiment  &  de  tout  ufage  de  raifon,  paroit  à  cet  Au-- 
teur  n'être  pas  dans  une  aliénation  d'efprit  aufil  forte  que  les  Convulfionnaires.  - 
Qiiand  la  prévention  aveugle  à  un  tel  excès,  on  eft  capable  de  tout  dire:  mais^ 
an  ne  mérite  plus  aucune  créance. 


TROISIEME' 


1rs  très  in 
térofTiEi. 


OBSERVATIONS. 

SUR 

LES    CONVULSIONS. 

TROISIE'ME     PARTIE 

IDE'E   DES   MOUVEMENS 

CONVULSIFS. 

X^/ç:5ï<;Es  agitations  involontaires  qui  procèdent  purement  de  la  con'ailfion, 
^  j  ^i  ne  font  pas  des  péchés,  &  ne  portent  point  au  péché. 
^  "*  ^^  Ces  mouvemcns  forcés  ne  peuvent  pas  néanmoins  être  regardés  com- 
L«5  /gi!»'i-  ^^^  ^'^^  ^^  ^'^'^  •  '^  femblcnt  pliitôt  être  une  cfpécc  de  pénitence.  Ils  n'ont 
ons  furnatu- p^j.  cux  -  mêmcs  ricu  que  d'humiliant  :  mais  ils  font  partie  d'un  état  fumaturel, 
coniuifion  qul  Ic  plus  Ordinairement  vient  de  Dieu.  Ils  ont  d'abord  étélcmoicn  phifique 
3"T 'b"  dont  il  s'cll  fervi  à  la  vue  d'une  multitude  innombrable  de  perfonnes,  pour 
opérer  des  guérifons  miraculcufcs  :  il  les  a  cnfuite  accompagnés  de  differens 
dons:  £c  fouvcnt  ceux  qui  ont  été  les  plus  tourmentés  par  ces  violentes  agita- 
tions ,  ont  en  même  -tcms  été  éclairés  par  une  lumière  furnaturelle  :  enfin  Dieu 
nous  a  déclaré  par  quantité  de  prodiges,  que  les  bons  Convulfionnaircs  font  en 
cet  état  fous  fa  protection.  Mais  encore  un  coup  ces  mouvcmens  par  eux-mê- 
mes, &  en  les  confidérant  indépendamment  des  grâces  finguliéres  qui  fouvcnt 
les  accompagnent  ,  font  plutôt  une  épreuve  qu'une  faveur.  Difons  mieux  :  ils 
font  des  fimboles  très  intcrc  flans  pour  ceux  qui  comprennent  bien  tout  ce  qu'ils 
fignifient,  &  qui  font  affez  humbles  pour  vouloir  en  profiter. 
Premièrement ,  ce  fimbole  ne  feroit-il  par  dcfliné  à  nous  remettre  fous  les 
Petirp.  du  ycux  ccttc  grande  vérité  que  la  plupart  des  hommes  paroilTent  avoir  oubliée: 
î 73/.^""'"  qu'on  ne  pafTc  pas  ordinairement  de  la  mort  du  pèche  à  la  vie  de  la  grâce  fans 
de  grandes  convulfions  du  cœur  :  ne  fcroit-ce  point ,  dis-je ,  pour  nous  rcpré- 
fentcr  une  image  vivante  de  cette  importante  vérité,  que  Dieu  a  voulu  fiiirc 
précéder  plufieurs  guérifons  miraculcufcs  par  des  agitations  d'une  violence  ex- 
trême ? 

La  plus  grande  plaie  de  l'Eglife  eft  aujourd'hui  la  profanation  fi  commune  des 
facremens  Se  la  condamnation  de  fit  morale  qui  s'efïorcoit  dV  mettre  quelque  frein. 
On  abfout  tout  d'un  coup  les  pécheurs  les  plus  fcandaleux,  f.uis  leur  avoir 
donné  feulement  le  temps  de  fentir  le  poids  de  leurs  crimes  :  on  les  endort  dans 
la  mort,  en  leur  faiiant  accroire  qu'ils  vivent  ,6c  on  les  engage  à  recevoir  le 
Saint  des  faints ,  dans  le  temps  qu'ils  font  encore  des  cadavres  pourris  d'ordures. 
Pécheurs,  ne  vous  flattez,  pas  de  vivre,  avant  d'avoir  commencé  daimer  :  les 
guides  aveugles  qui  vous  en  aiïurent,  font  eux-mêmes  privés  de  vie.  C'ell  or- 
dinairement la  crainte  qui  d'abord  remue  le  cœur  de  ceux  qui  retournent  vers 
Dieu ,  c'clt  cnfuite  l'amour  qui  les  jultific     Mais  comment  les  pécheurs  paflc- 

roient- 


I.ct.  de  M 

Pe 

I 


IBE'E   DES  MOUFEMENS  CONFULSIFS  m 

feroient'ils  par  ces  dégrés?  Ils  font  ablbus  des  qu'ils  le  préfentent .'  C'eflainfî 
que  la  plupart  des  Miniftres  des  Autels  s'étant  reqdu  aujourd'hui  les  agens  du 
prince  des  ténèbres,  enfevelilTent  ces  malheureux  dans  un  fommeil  léthargique, 
dans  une  paix  trompeufe  6c  dans  un  calme  meurtrier. 

Il  eft  vrai  que  Dieu  change  tout  d'un  couple  cœur  de  très  grands  pécheurs: 
on  en  a  vu  nombre  d'exemples  arrivés  au  pied  du  célèbre  tombeau,  6c  furtout 
par  le  moyen  des  convulfions.  Mais  en  ce  cas  les  eiïets  prouvent  manifeftement 
ces  prodiges  de  la  miféricorde  divine.  On  voit  ces  cadavres  fortis  de  la  pourri- 
ture de  leurs  fépulchres  à  la  voix  du  Tout-puiflant ,  donner  à  tous  momens  des 
fîgnes  dévie  :  on  les  voit  s'emprefTer  de  faire  pafler  leurs  biens  dans  les  mains  des 
pauvres,  pour  couvrir  la  multitude  de  leurs  péchés  :  on  les  voit  quitter  leurs 
vanités  frivoles ,  pour  vivre  dans  l'humiliation ,  la  retraite  &  la  pénitence.  C'efl 
de  cette  fxçon  que  Dieu  opère  de  véritables  converfions  dignes  d'être  couron- 
nées par  des  Sacremens  qui  portent  la  vie  dans  les  âmes ,  &:  y  détruifent  le  pé- 
ché :  au  lieu  que  l'abfolution  précipitée  des  Miniftres  facrileges,quifemblables 
au  bouc  émiftaire  font  chargés  des  crimes  du  peuple  ians  pour  cela  l'en  délivrer, 
laifient  fouvent  le  cœur  des  pécheurs  tout  auftî  corrompu  qu'il  l'étoit.  A  quoi 
fert  l'abfolution  quand  il  n'y  a  aucun  changement  dans  une  ame  livrée  à  fatan 
par  le  péché  mortel  ?  Dans  l'ordre  ordinaire ,  fa  converfion  ne  fe  fait  pas  tout 
d'un  coup  :  ibuvent  Dieu  remue  long-tems  par  des  fecouftcs  violentes  le  cœur 
de  ceux  qu'il  veut  retirer  de  la  mortj  &  c'cft  peut-être  ce  qu'il  a  voulu  nous 
peindre  dans  les  agitations  des  Convulfionnaires  qu'il  a  enfuite  guéris  d'une  ma- 
nière miraculeufe.  Aufll  plufieurs  Convullîonnaires  fe  font-ils  écriés:  „  Votre 
„  juftice.  Seigneur  ,  apénétrèjufques  dans  nos  os,  pour  les  guérir  de  leur  corrup- 
„  tion  :  elle  les  remue  ,  elle  les  agite ,  elle  les  boulleverfe }  elle  détruit  la  léthar- 
„  gie  funefte  qui  les  tenoit  engourdis  ;  mais  c'cll  pour  leur  rendre  la  vie,  lafor- 
,,  ce  Se  la  fantè.  Frappez ,  mon  Dieu ,  je  m'y  ibumets  de  tout  mon  cœur  ! 
„  trop  heureux  de  pouvoir  dire  avec  le  Roi  Prophète:  Nonejlpax  ojjlbus  mcis  rr. 
3,  a  facie  peccatorum  meornm. 

Secondement ,  rien  n'eft  plus  humiliant  que  les  mouvemens  convulfifs  ;  ils  expo- 
fcnt  tous  ceux  qui  les  ont  à  la  riféc  du  peuple ,  à  la  haine  des  Conftitutionnaires ,  au 
mépris  des  mondains,  aux  railleries  des  efprits  forts,  à  la  critique  des  Confultans , 
à  la  perfécution  des  Puiflances.  Mais  c'eft  par  l'humiliation  de  la  croix  que  Dieu 
veut  fiuvcr  les  reftes  de  la  Gentilitè.  Les  convulfions  font  un  chemin  hèriffé 
d'épines,  par  lequel  la  juftice  conduit  à  la  miféricorde. 

La  Vérité  chaflee  des  Palais ,  pourfuivie  dans  les  tribunaux,  foulée  aux  pieds 
dans  les  places  publiques,  profcrite  dans  prefque  tous  les  fanftuaires ,  bannie 
de  tous  les  lieux  oii  elle  devroit  régner,  s'eit  réfugiée  dans  la  pouffiere.  Elle  y 
n  ramafle  un  certain  nombre  de  perfonnes  à  qui  elle  fait  fouffrir  des  humiliations 
de  tout  efpèce,  pour  les  mieux  marquer  à  fon  coin.  C'eft  même  préciiement 
par  ce  qu'elles  lui  font  attachées,  c'eft  parce  qu'elle  leur  fiit  publier  forcément 
toute  Vérité  que  les  enfans  de  la  terre  les  perlecutcnt  à  toute  outrance. 

Tout  cela  ne  fuffit-il  pas  pour  fiire  appercevoir  à  ceux  dont  tous  les  défirs 
tendent  vers  le  ciel,  que  l'œuvre  des  convulfions  eft  l'œuvre  de  la  Vérité,  qui 
par  un  terrible  conleil  de  la  juftice  veut  être  de  plus  en  plus  humiliée  en  fes 
membres  par  fes  adverfaires. 

Or  en  ce  cas  eft-il  douteux  que  cette  œuvre  myfterieufe  ne  foit  un  avcrtifle- 
ment  pour  nous ,  que  les  humiliations  font  aujourd'hui  la  feule  voie  du  falut } 
&  qu'il  faut  confentir  d'être  rejettes,  profcrits,  couverts  d'opprobres  avec  la 
Venté ,  n  l'on  veut  avoir  part  à  fa  gloire. 

Obfcrvat.  IIL  Part.  Tome  IL  Q,  Troifîe- 


Tzz  IBE'E  D2S  MOUFEMENS  CONVULSIFS 

Troiriémcmcnt,  voici  un  prodige  bien  digne  de  remarque.  Il  eftde  notoriété  pu- 
blique quelaloufFrance  cft  h  compagne  ordinaire  des  agitations  comvuUlves.  Celles 
qui  prcnoient  fur  le  tombeau  du  Bienheureux  Appcllant ,  caufoient  les  plusvi* 
vcs  douleurs.  Cependant  tout  Paris  a  vu  que  tous  les  Convulfionnaircs  avoienc 
une  ardeur  extrême  de  puifcr  leur  portion  de  fouflrances  fur  cette  tombe  mi- 
raculeufe ,  que  la  plupart  ne  manquoient  pas  d'y  revenir  tous  les  jours ,  2c  que 
des  qu'il  y  avoit  place  fur  ce  tombeau  qui  fembloit  être  Imllrument  de  leur 
fupplice ,  ils  s'cmprcffoicnt  de  s'y  mettre.  Les  douleurs  ont-elles  donc  quelque 
choie  d'aimable  6c  d'attirant  ?  non  certes,  ^1ais  celles  des  Convulfionnaircs  lonc 
accompagnées  d'une  certaine  conlblation  intérieure,  &  d'une  forte  de  joie  ma- 
nifcftcment  iurnaturelle  ,  qui  eft  fupérieure  à  leurs  foufiPrançcs ,  Se  qui  les 
leur  tait  fouhaiter.  Un  effet  auflî  contraire  aux  loix  qui  régifTent  la  nature, 
ne  prouvc-t-il'pas  l'aélion  de  Dieu?  Lui  feul  peut  faire  aimer  la  douleur,  lui 
fcul  peut  la  rendre  une  fource  de  fatisf-iftions  &:  de  douceurs  fpirituelles. 

Mais  que  cette  figure  eft  aimable  .'  Qiiclle  ellr  confolantc  pour  nous  !  Elle  eft 
au  furplus  fi  claire  qu'elle  eft  à  la  portée  de  tout  le  monde.  -Qiii  ne  voit  que 
I>ieu  fait  ce  prodige  exprès  pour  nous  aflurer  qu'il  foutiendra  par  des  confo- 
lations  fi  abondantes  cçuy.  qui  auront  l'avantage  de  fouffrir  pour  fi  caufe ,  qu'il 
leur  fera  trouver  une  forte  de  plaifir  dans  le  fcin  même  de  la  douleur. 

Sa  juftice  n'eft  rigoureufe  qu'à  l'égard  de  ceux  qui  ne  l'aiment  pas.  Le  pé- 
cheur endurci  boit  dés  ce  monde  le  vin  de  fa  colcrç  jufqu'à  la  lie  :  rien  n'adoucit 
fcs  afflictions  :  rien  ne  guérit  fcs  plaies  :  la  douleur  eft  pour  lui  un  mal  tout  pur 
5c  fans  mélange,  qui  ne  le  porte  qu'à  l'impatience  &:  au  defefpoir.  Mais  les  dif- 
ciples  de  la  croix  n'éprouvent  pour  ainfi  dire  que  les  apparences  &  le  dehors  de 
la  douleur  :  la  grandeur  de  leur  efpcrance ,  furtout  lorfqu'ils,  fouffrent  pour  la 
Venté,  leur  fait  goûter  des  confolations  qui  calment  toutes  leurs  peines,  6c  qui- 
émouflcnt  toutes  les  pointes  de  leurs  foaffrances. 

C'cft  ce  qui  fait  dire  à  S.  Pierre:  qu'on  eft  heureux  lorfqu'on/ô//^;r  des  tnju'^ 
res  ^  des  diffamations  pour  le  mm  de  Jcfus-Chrifi  ;  parccqn:  Phofineur  ^la  gloire  y 
l^y""'''la  vertu  de  Dieu,  l^  J on  efprit -repaient  fur  ceux  qui  les  endurent. 

Aufiî    veut -il   qu'on  les  accepte  avec    joie   comme  une  faveur  très  pré- 
cicufe. 
ibii.  ij         „  Réjouiftez-vous,  dit  il ,  de  ce  que  vous  participez  aux  fouffrançcs  de  Je- 
„  fus-Chrift,  afin  que  vous  foyez  aufil  combles  de  joie  lors  de  la  manifcftatioa 
„  de  fa  gloire.  „ 

Qiiellc  eft  donc  ,  ô  mon  Dieu  ,  le  mente  &  la  dignité  qu'il  vous  plaît  de  dnn- 
?.  Quefn.    nerù  ces  fortes  de  fouffrances?  Elles  nous  unijfent  à  Jefus-Cbrijl  fotiffrant  ,  (die 
*'"^'         fur  cet  article  le  Père  Qiiefnel  :)  elles  nous  font  entrer  dans  [on  facrifice,  (j'arve- 
air  avec  lui  une  même  vicHme. 

Mais  quelle  eft  la  grandeur  inconcevable  de  leur  rccompcnfe?  Elles  nous  af- 
focicnt  à  la  gloire  de  Jefus-Chrift  &  à  f i  qualité  do  Fils  unique  de  Dieu.  Elles 
nous  feront  paiticipcr  à  la  joie  ineffable  de  la  divinité  pendant  toute-  rcternité 
Mittij.  i;.  jç.5  fiécles  :  Intra  in  gaudium  Doniini  tai. 

Qiîc  de  fi  mas^nifiqucs  promclfes  nous  fafTcnt  donc  plus  d'imprcffion ,  ô  mon 
Dieu  !  Mettez  î^ins  ccftc  devant  nos  yeux  l'étcrni-té  de  la  béatitude  divine  dont 
vous  comblerez  vos  faints!  Chaque  moment,  chaque  degré  de  fouffrances  feront 
rccompcnfcs  par  un  furcroît  de  bonheur  nu  dcflus  de  toute  pcnfce,  puiiquc 
ce  fera  une  participation  &  un  écoulement  du  bonheur  de  Dieu  même  :  puil- 
qtie  ce  fera  une  félicite  digne  d'être  le  chef-d'œuvre  de  k  libéralité,  de  la  mag- 

âitliccnce  6c  de  l.v  toute-puiQancc  divines  î 

Mais. 


■».  Pierr»  .-,. 


ÏÎ)£'EDES  MOUFEMENS   CONFULSIFS.  I^î 

^lais  quel  en  eft  le  chemin  ?  On  ne  peut  y  parvenir  qu'en  qualité  de 
înembre  de  Jefus - Chriil: ,  qu'en  l'imitant,  Se  qu'en  le  fuivant  jufque  fur  la 
croix. 

„  Votre  croix,  Seigneur,  (dit  le  frère  Pierre  dans  fon  difcours  furccfujct) 
„  eft  plantée  fur  l'Appel ,  appuïeé  fur  vos  miracles ,  environnée  des  prodiges 
5,  myfterieux  que  votre  œuvre  des  Convulfions  renferme.  Voilà  notre  croix , 
,  Seigneur:  quiconque  s'en  écarte,  s'éloigne  de  la  lumière  Se  de  la  vie.  Je  l'ai- 
,  me,  je  l'honore,  jedéfire  de  m'y  voir  attaché  par  les  fouffranccs  que  les  ennc- 
,  mis  de  la  Vérité  nous  deftinent.  Qu'elle  foit  un  fcandale  pour  les  fauxfages, 
,  un  fujet  de  raillerie  pour  les  mondains ,  un  objet  d'horreur  pour  vos  advcr- 
,  faires  ;  les  contradiétions  des  uns ,  le  mépris  6c  la  fureur  des  autres  ne  m'en 
,  dégoûteront  pas.  Plus  \c  l'a  verrai  perfecutéc,  plus  je  la  regarderai  comme 
,  ma  gloire  Se  le  centre  de  mon  bonheur  !  Heureux  ceux  qui  y  font  déjà  atta- 
,  chés  :  hcureufcs  ces  viélimes  qui  font  déjà  liées  aux  cornes  de  l'autel,  fur  le- 
,  quel  mon  Sauveur  va  bientôt  fiire  dcfcendre  le  feu  de  fon  holocaufte!  Qu'ils 
,  font  aimables  ces  tendres  agneaux,  qui  doivent  accompagner  la  principale  vi- 
,  étime,  Se  qui  doivent  être  offerts  avec  elle  !  ...J'unirai  mes  cantiques  aux 
leurs.  Se  je  publierai  avec  eux  les  grandes  merveilles  démon  Dieu:  je  chan- 
,  terai  fes  œuvres:  j'inviterai  toutes  les  créatures  à  louer  avec  moi  mon  Sau- 

,  veur Souffrons,  Sc  mourons  pour  notre  Dieu.    V^oilà  notre  cantique , 

,  ô  mon  Dieu ,  rendez-nous  dignes  de  le  chanter.  „ 

Si  ce  font  là  les  fentimens  d'un  grand  nombre  de  Convulfionnaires,  ne  doit-on 
pas  dire  avec  S.  Pierre  ,  que  la  vertu  de  Dieu  ^  fon  efprit  repofenî  fur  eux, puis- 
que dès  à  préfent  ils  ont  déjà  le  bonheur  de  fouffrir  des  injures  (^  des  diffa- 
mations en  haine  des  Vérités  que  l'inftinâ:  de  leurs  convulfions  leur  fait  publier. 
Tout  Icfteur  non  prévenu  eft  fans  doute  bien  perfuadé  que  les  agitations  con- 
vulfives  dont  je  parle  dans  cet  Ecrit,  font  très  dift'érentes  des  mouvemensob- 
fcênes  qui  ont  l'impureté  pour  caufe  ou  pour  fin.  Il  eft  évident  que  ces  mou- 
vcmens  honteux  font  produits  par  la  concupifcence,  fource  infcélée  qui  n'a  au- 
cun rapport  avec  les  convulfions  furnaturellcs  :  du  moins  avec  celles  que  Dieu  au- 
torife  par  des  marques  fenfibles  de  fx  préfence. 

Je  ne  parle  pas  non  plus  desmouvemens  que  les  Convulfionnaires  peuvent  faire 
librement ,  Se  qui  par  conféquent  peuvent  avoir  leur  principe ,  foit  dans  une  imagi- 
nation trop  vive ,  foit  dans  une  volonté  déréglée ,  foit  dans  les  fuggeftions  du 
démon. 

Je  ne  traite  en  cette  Partie  de  mon  Ecrit ,  que  des  agitations  forcées  qui  procè- 
dent de  convulfions  qui  d'ailleurs  font  marquées  à  des  caraétères  qui  ne  peuvent 
être  attribués  qu'à  l'Auteur  de  tout  bien.  Car  je  n'ai  fuivi  que  les  convulfions  de 
cette  cfpéce  :  Se  ce  n'eft  que  de  ces  fculs  Convulfionnaires  dont  je  prens  la  défenfe. 
Il  ne  s'agit  donc  ici  que  des  mouvcmensfurnaturels  Se  involontaires,  caufés  par 
des  convulfions  illuftrées  d'ailleurs  par  quelque  trait  divin:  mouvcmens  qui  font 
phifiqucment  produits  par  des  fecouffes  inégales,  impétueufcs  Se  contre  natiu-e 
des  efprits  animaux,  lefquelsfe  précipitent  tumultueufcment  dans  les  mufclcsdcs 
bras  Se  des  jambes  ,  quelquefois  dans  ceux  de  la  tète ,  Se  quelquefois  aufli  dans 
ceux  de  tout  le  corps. 

Plufieurs  leéVeurs  regarderont  cette  obfcr\'ation  comme  bien  fiipcrflue  :  elle      n. 
ne  manquera  pas  de  leur  paroître  un  hors-d'œuvre  fort  inutile:  elle  eft  cependant  j^s  vITns- 
très  néccffaire,  par  la  raifon  que  le  grand  adverfaire  des  convulfions,  l'Auteur  de  •"^"j'^^'^'™^* 
l'Ecrit  intitulé  Vains-eftorts,  emploie  toute  fon  adreffc  Se  la  fubtilitc  de  fon  ef-  i,ur  en  ioi 
prix  à  faire  prendre  à  fon  lecteur  les  mouvcmens  furnaturels  qui  naifient  de  l'-^  j^'^jont^jn!" 


Ç^z.  con- 


u 


Ï24  IDE'E  DES  MOUVEMENS  CONFULSITS. 

jreîMaRît»-  convulfion  ,  pour  des  faillies  d'impureté,  ou  du  moins  à  lui  faire  confondre  en- 
iiï«"«"''fcmble  deux  chofes  fi  différentes.  Pour  cet  effet  cet  Auteur  ne  parle  jamais  des 
dtsmouïf-  agitations  convulfives,  qu'en  les  accompagnant  d'épithctes  qui  préfentcnt  àl'imaci- 
puit!<.       nation  les  plus  fales  images  ;  enlorte  qu  a  en  juger  par  les  expreflions,  il  femblc 
d'abord  qu'il  veuille  parler  des  mouvemcns  impurs  produits  par  la  concupifcen* 
ce.  Ce  n'eft  pas  là  néanmoins  l'objet  de  fa  critique  :  ce  font  au  contraire  toutes 
les  agitations  involontaires  des  Convulfionnaires ,  fans  en  excepter  celles  dont 
Dieu  s'ell  vifiblcment  fervi  pour  opérer  des  guérifons  miraculeufes,  que  cet  Au- 
teur appelle  des  mouvemens  honteux ^  indécens ^  extravagatis  :  6c  ce  lont  même 
fingulieremcnt  les  mouvemens  convuHîh,  qui  ont  pris  d'abord  fur  le  célèbre 
tombeau  aux   malades  qui  alloient  y  demander  leur  guérifon,  que  cet  Auteur 
apoftrophe  par  les  qualifications  les  plus  odieufes.  C'eft  en  parlant  de  ce  rcfpcfta- 
Psg.tS.r.o  ble  tombeau  qu'il  dit:  „  C'eft  là  en  effet  que  les  indécences  ont  commencé. .. . 
"•  „  Prefque  toutes  les  convulfions  du  tombeau  étoient  accompagnées  de  mouve- 

„  mens  ou  affreux,  ou  indécens  ;  mais  une  telle  origine  (ajoute  t-il)  ne  les  rend  ni 
j,  moins  honteux,  ni  moins  condamnables.  „ 

C'eft  donc  le  tombeau  même  que  Dieu  a  illuftré  par  tant  de  prodiges  &  de  mi- 
racles, que  cet  Auteur  donne  à  fes  leéteurs  pour  un  théâtre  où  fatan  faifoit  com- 
mettre par  une  impreffion  fumaturelle  des  aélions  honteufcs,  indécentes,  extra- 
vagantes ?  Car  il  n'cft  pas  douteux  que  les  mouvemens  convulfifs  qui  prenoient 
forcément  fur  le  tombeau,  jufquc  dans  des  membres  qui  depuis  long-tems  étoient 
totalement  dénués  d'efprits  de  vie ,  dans  des  membres  paralitiqucs ,  difloqués  &  def- 
féchés ,  ne  fuffcnt  furnaturels.  Ainfi  on  ne  peut  les  attribuer  qu'à  Dieu  ou  au  démon. 
Quoi  donc  ?  Ofcr  rcpréfentev  ce  tombeau  fur  lequel  le  Très  -  haut  avoit  établi 
un  thrône  de  fcs  miféricorJes,  6c  dont  le  fpeftacle  édifiant  6c  tout  brillant  de  mer- 
veilles a  converti  tant  de  pécheurs  6c  d'incrédules:  ofer  dis-je,  le  repréfenter 
comme  un  fpcéiaclc  d'infamie,  6c  nous  peindre  les  convulfions  qui  y  agitoientles 
malades  comme  des  fçenes  d'une  honteufc  obfcénité  !^ 
iDft.pan.au     Je  laifle  à  M.  de  jMontpellicr  à  répondre  à  une  telle  déclamation  fi  injuricufeau 
»4.  Anùt  Bienheureux  que  Dieu  glorifie.  Il  y  a ,  difoit  cet  illuftre  Prélat ,  autant  d'impiété  que 
prl.^n.i'io  de  folie  ^à  faire  du  lieu  faint  oit  repofe  \tcorp  du  Bienheureux  M.  de  Paris  le  Jié- 
'  ^  ^"-     ge  de  fatan. 

1 1 1.         C'eft  même  en  parlant  des  mouvemens  convulfifs  qui  faififfoicnt  les  malades  dans 

Sentiment  ^e  fanftuaire  de  bcncdiftion  que  ce  grand  Evêque  s'écrie.  „  Les  favans  n'étoient- 

MonVciiier,,  ils  pas  d'accord  avec  le  peuple  pour  rcconnoitre  qu'une  vertu  divine  préfidoic 

^xm^vV  »  «^^"s  ce  faint  lieu,  6c  y  opéroit  les  oeuvres  admirables  qu'on  y  voioit? 

mcD.  con.     j,  Qiiel  eft  celui  des  pécheurs  converti  au  tombeau  de  M.  de  Paris  qui  n'ait  dit 

jrlf  r.ft.  n.  j)  le  Seigneur  eft  vraiment  en  ce  lieu ,  6c  je  ne  le  favois  pas  !  En  voiant  les  fourds  , 

110.  14c.  jj  les  boiteux,  les  paralitiqucs  agités  de  convulfions,  ils  ne  difoient  pas  :  ce  font  des 

„  hommes  que  Dieu  livre  au  démon. . .  Mais  la  multitude^  des  guérifons  qu'ils 

„  voioient  arriver  à  la  fuite  des  convulfions  ...  les  portoit  à  dire  :  Que  ce  lieu  cfl 

„  terrible!   c'eft  vraiment  la  maifon  de  Dieu  6c  laportc  ducicl. . .   Mais  les  mê- 

„  mes  convulfions  qui  ont  été  pour  les  uns  une  odeur  de  vie,  font  devenue» 

„  pour  les  autres  une  odeur  de  mort  „  dit-il  plus  bas. 

Voici  quelques-unes  des  régies  que  ce  Prélat  donne  cnfuite  pour  juger  des 

mouvemens  convulfifs. 
V.  117.  4-      „  Les  premières  convulfions,  dit-il,  qui  ont  pam  de  nos  jours,  ont  eu  incon- 
"'•''•        „  teftablcmcnt  la  même  origine  que  les  miracles.  Je  veux  dire  le  tombeau  de  M. 
„  de  Paris  &  la  vertu  de  ce  tombeau. 

Indépendamment  de  l'unité  dcprincipc  6v  d'origine,  les  premières  conyul- 

„  lîoas 


IBE'E  DES  MOVVE MENS CONFULS IFS.  iif 

„  fions  qui  n'ctoicntaue  de  fîmples  mouvemensconvulfifs,  ont  été  étroitement 
„  &  favorablement  liées  par  plus  d'un  endroit  avec  les  miracles  de  guérifon, 
„  Nées  au  milieu  des  miracles  &  dans  le fein  mêmedes  miracles,  ellesontcom-^'  '**' 
„  mencé  dans  plufîeurs  malades  en  même-tems  que  la  ^uérifoncommencoit,  & 
„  cefle  au  moment  même  que  la  guérifon  étoit  achevée.  Laconvulfionfefaifoit 
j,  uniquement  ou  principalement  lentir  dans  la  partie  affligée  :  &  d'ailleurs  un 
„  grand  nombre  des  plus  habiles  maîtres  de  l'art  qui  avoient  étudié  ce  phénomène 
„  avec  une  application  infatigable,  reconnoiflent  hautement  que  les  convul- 
j,  fions  étoientpour  plufieurs  unmoien  phifique  de  guérifon.  Le  moien  leur  pa- 


„  de  fe  faire  obéir  par  les  efprits  vitaux.  La  liaifon  de  ces  convuHîons  avec  les 
„  miracles  eft  donc  une  vérité  qu'on  ne  pouvoit  alors  diffimukr ,  dont  on  ne  peut 
„  conféquemment  aujourd'hui  renverfer  les  fondemens ,  &  que  tout  le  monde  a- 
„  mis  &  ennemis  reconnoiflent  encore,  à  l'exception  d'un  très-petit  nombre  d'Ap- 
,  pellans ,  qui  en  jugeoient  eux-mêmes  prefque  tous  dans  les  premiers  tems  com- 


>    _  -    _ 

„  me  le  refte  des  hommes. 


X 

n; 
émis 


C'ell  au  furplus  une  chofe  bien  finguliere  que  dans  le  tems  que  les  convulfions     iv. 
ne  confiftoient  que  dans  des  agitations  violentes  qui  prenoient  fur  le  tombeau,'^'?"'  "'."' 
tous  ceux  qui  étoient  attachés  à  la  Vérité,  &  même  tous  ceux  qui  n'y  étoientpaî'ènnè'in 
pas  oppofés ,  regardoient  fans  héilter  ces  agitations  comme  aiant  Dieu  pour  Au- ''^ '"""1" 

*  '  ,11^-  1    r-  11  •  ,  -^  ,    r        '    „"    ont  regardé 

teur ,  parce  qu  elles  étaient  pour  plufieurs  malades  ,  un  moien  pbijique  de  gue'rifon  :<i'i^ord  les 
ainfi  que  le  déclaroient  hautement  une  multitude  de  Médecins   &  de  Chirur-oinTu^i^r/s"' 
giens  :  6c  que  c'a  été  feulement  depuis  qu'on  a  vu  les  mouvcmens  convulfifs  ac-"-"'"^"^^  *=• 
compagnes  de  dons  évidemment  furnaturels,  que  MM.  les  Confultans  6c  tous  Dieu  ''' 
leurs  adhérans  ont  changé  d'avis. 

Pour  en  convaincre  le  leéteur  ,  je  vaisexpofer  au  grand  jour  quels  ont  été  les  pre- 
miers fentimens  des  deux  plus  grands  adverfaires  de  l'œuvre  des  convulfions ,  de  M. 
l'Abbé  d'Asfcld  Se  de  M.  Fouillou.  C'eft  le  faint  Evêque  de  Senez  qui  en  in- 
ftruira  lui-même  le  leéteur  par  fa  grande  Lettre  que  j'ai  dcja  citée  au  commen- 
cement de  la  L  Partie  de  mes  Obïervations. 

Il  y  rapporte  qu'à  la  fin  de  l'année  173 1 .  un  célèbre  Doétcur  en  afl'emblachez 
lui  plufieurs  autres,  pour  conférer  enfemble  fur  l'événement  des  convulfions  qui 
devenoit  tous  les  jours  plus  furprenant. 

Voici  de  quelle  façon  M.  l'Abbé  d'Asfeld  parla  dans  cette  Afi*cmblée,  ainfi 
qu'il  ell  porté  drns  le  Mémoire  qu'on  en  di-cffa  pour  lors. 

„  Dieu,  dit-il,  fait  ici  comme  un  peintre  qui  commence  fon  tableau  par  ^fj- Lettre  de  m 
„  coups  de  crayon  qu'il  paraît  jctter  au  Lazard  de  coté  13  d'autre.  Les  étourdis  croient  ^^  pa"" 
„  que  ce  n'eft  qu''un  barbouillage  -,  les  gens  fenfés  attendent  que  V ouvrage  fait  plus 
j,  avancé  :  mais  les  connoifj'enrs  découvrent  dans  ces  premiers  traits  des  marques  de 
jj  rhabilcté  de  V ouvrier  ,  ^  des  préjugés  de  la  beauté  future  du  tableau. 

„  On  peut  même  dire ,  continua- 1- il ,  qu'il  y  a  plus  ici.^  ^  qu'on  apperçoit  dans 
5,  ce  qui  fe  pajfe  des  cara^cres  qui  font  reconnaître  clairement  la  main  pleine  de 
5,  fageffe  qui  a  préftdé  à  F  ouvrage.  Ce  font  comme  des  morceaux  du  grand  tableau, 
„  qui  dans  leur  genre  (^  dans  leur  enceinte  font  déjà  finis ,  ou  du,  moins  très  voifins 
„  de  leur  perfeUion. 

„  Pour  mieux  foire  fentir  ce  qu'il  diil.it,  il  rem  arqua  (continue  le  faint  Prc- 
5,  lat)  <\\\'  ordinairement  dans  les  guérifons  miraculeifes  on  ne  voit  pas  ^  à  parler  avec 
5>  j^^fl^U'^-)  t" opération  de  la  main  de  Dieu.  On  a  vu  Vétat  d'oii  elle  a  tiré ,  on  voit 

Q.  3  „  i'état 


ri?  TDE'E  DES  MOUFEMENS  CQNFULSIFS. 

„  Vctat  quelle  y  fait  fuc  céder  :  7naislc  pajfage  d'un  état  à  l'autre  ,  efl  [ouventSunt 
rapidité  qui  fait  que  perfonne  ne  peut  dire  l'avoir  vu  ,  ni  par  conféqucnt  avoir  vu 


îj 


„  le  miracle  qui  confifle  proprement  dans  ce  pajfage.  Ici  ^  difoit  avcccomplaifiincc 
„  M.  l'Abbé  d'Asfeld ,  Dieu  fe  met  pour  ainfi  dire  à  fon  attelier,  y  invite  les 
„  hommes  à  Je  venir  voir  travailler.  On  voit  fon  opération  fe  développer  peu  à  peu 
j,  y  en  détail  :  ^  ce  qu''il  y  a  d'extraordinaire  fert  à  tirer  les  hommes  de  leur  af- 
5,  foupijfcment ,  (^  à  les  rendre  attentifs.  On  dit  :  je  vais  à  S.  Médard  voir  Popé- 
„  ration  de  la  main  toute-puijfante  de  Dieu;  je  la  verrai  pendant  deux ,  trois ,  qti*- 
„  ire  ,  cinq^  ftx  heures  .^  (^  j'examinerai  tout  avec  une  attentionfuivie.  On  ledit, 
5,  (j?  la  chofe  s'exécute  de  point  en  point  comme  on  Pavoit  projette. 

,,  Le  démon  a  fes  théâtres  ouverts ,  oit  il  donne  fes  fpeàacles  à  des  jours  6?  à 
5,  des  heures  marquées  à  ceux  qui  le  fervent.  Dieu  veut  auffi  avoir  aujourd'hui  par- 
5,  mi  nous  un  théâtre^  £s?  donner  à  fes  enfans  un  fpeElacle  digne  de  lui.  Ce  n'ejl  point 
„  à  des  jours  {jf  à  des  heures  réglées  :  c'ejl  chaque  jour  ^  à  toute  heure.  En  al- 
,,  lant  à  S.  Alédard,  on  efl  aJJ'uré  au  inoment  qiCony  arrive  (Py  voir  la  main  de 
„  Dieu  agir  fenfiblement  ^  opérer  des  merveilles  ^  les  variera  l'infini. 


„  prifc  de  la  nouveauté?  Non:  il  eil  évident  que  c'efl:  rcxprcflîon  naturelle  d'un 
„  coeur  tranfportc  de  joie  à  la  vue  des  merveilles  dont  on  a  été  témoin  ;  c'eft 
„  le  tribut  de  louange  qu'une  vive  rcconnoifTance  fe  hâte  de  paiera  une  bonté 
„  toutc-puiflante  qui  vient  fe  manifefterj  c'clHe  témoignage  plein  de  candeur , 
„  d'une  ame  qui  d'elle-même  5c  fans  nul  effort  fe  livrcà  une  juile  admiration. 
„  D'où  pourroit  procéder  en  cflct  ce  témoignage  que  d'un  goût  naturel  du 
5,  vrai,  qui  a  C.vfi  fon  objet  ,  6c  qui  n'a  point  encore  été  altéré  par  la  ccntra- 
„  diélion?  D'où  pourroit- il  venir  que  d'une  lumière  pure,  qui  cil  préfente,  &: 
„  qui  n'a  point  encore  été  ofFufquée  par  le^  nuage  des  niifonnemcns  &:  des  fi- 
„  ftémcs  humains?  Or  fur  quoi  porte  ce  témoignage?  C'eft  lans  doute  fur  les 
„  miracles,  mais  beaucoup  plus  fur  les  convulfions.  „ 

J'ai  fans  doute  fait  plaifirau  leéteur  de  lui  copier  après  le  témoignage  de  M. 
d'Asfeld,  celui  que  rend  tout  de  fuite  le  très  fiint  Evéque  de  Scne?,  par  rapport 
aux  convulfions  du  tombeau.  Qii'il  me  foit  préfentcmcnt  }icrmisde  faire  quel- 
ques réflexions  fur  la  première  imprcdion  que  les  convuUIons  ont  faites  à  M. 
l'Abbé  d'Asfeld,  Se  fur  le  jugement  qu'il  en  d'abord  porte. 

Il  les  appelle  l'opération  de  la  -main  toufe-puiffante  de  Dieu  .  .  .  un  fpeHach  digne 
de  lui  qu'il  donne  à  fes  enfans.  Il  dit  qu'on  y  voit  la  main  de  Dieu  agir  fenflle- 
tnent ,  opérer  des  merveilles  (3  li:^  varier  à  l'infini.^ 

Par  rapport  aux  fpeélateurs  il  donne  la  préférence  aux  guérifons  miraculcu- 
fes  produites  par  dégrés  6c  d'une  manière  lucccfiivc  par  les  convulfions  comme 
moien  phifique,  fur  les  autres  miracles  que  Dieu  a  fait  tout  d'un  coup:  par- 
ce que  dans  les  guérifons  fubites  P opération  de  la  mai,i  de  Dieu  efl^  fouvcnt  d'une 
trop  grande  rapidité,  pour  être  vifiblc  j  au  lieu  que  dans  les  guérifons  opéréej 
parles  mouvemens  de  convulfions,  il  invite  les  hommes  à  le  venir  voir  travail- 
ler. 6c  qu'en  effet  on  y  voit  fon  opération  fe  développer  peu  à  peu. 

Mais  comment  un  audi  grand  génie  que  M.  l'Abbé  d'Asfeld,  après  avoir 

connu  &  fi  fort  admiré  l'aélion  de  Dieu  d;ms  les  convulfions,  a-t-il  pu  p.idcr 

tout  d'un  coup  du  blanc  au  noir? 

Feu 


IBE'E   DES  MOUVEMENS  CONFULSIFS.  127 

Feu  M.  Fouiilou  a  été  le  premier  mobile  d'un  changement  (î  lurprenant.  J'en 
rapporterai  l'hiftoire  tout  nu  long  :  mais  avant  que  de  le  faire,  il  faut  que  je  com- 
mence par  établir  quel  avoit  d'abord  été  le  fentiment  de  M.  Fouiilou.  C  cil 
encore  le  ftint  Evêque  de  Senez  qui  nous  en  foin-nira  la  preuve  par  les  Extraits 
des  L/Cttres  de  ce  Dofteur  qu'il  rapporte  dans  la  ficnne. 

Voici  d'abord  l'idée  générale  que  M.  Fouiilou  donne  des  convulfions  dans  une 
kttre  du  4.  Novembre  173 1.  écrite,  ainfi  que  la  plupart  des  iuivantes,  à  M. 
Pctitpàed  retiré  pour  lors  en  Hollande. 

„  Je  n'entreprendrai  point  (dit-il)  de  vous  foire  le  détail  de  tous  les  miracles^^TeJ^M 
j,  nouveaiLX.     C'ell  une  continuation  de  guérifons  de  tous  les  maux  qu'on  peut^'^xo''"  '^ 

„  imaginer de  paralitiques ,    d'hidropiques,   de^ boiteux,  d'ellropiés,  de'^î'-' 

3,  fourds  &  muets  ...  tous  avec  de  grandes  convulfions.  „ 

Voilà  donc  les  convulfions  qui  de  fon  aveu  font  liées  à  une  multitude  de  mi- 
racles :  auffi  dans  le  fui-plus  de  cette  lettre  les  appellc-t-il  conjointement  avec  les 
miracles  les  œirjycs  dn  Seigneur. 

Mais  voici  dans  une  autre  de  fes  lettres ,  une  preuve  invincible  que  les  convulfions 
font  produites  par  une  opération  fumaturelle  de  Dieu.  Il  y  obferve  que/fjiV//-f.e'tce  jj 
dedns  (^  Chirurgiens  font  obligés  de  convenir  .  . .  que  par  les  rnouvemens  convulJifs'^<^'^^'i-'7' 
ks  efprits  font  pouffes  dans  des  nerfs  qui  n'avoient  aucune  lie.  °^'  ''^^" 

En  effet  on  a  vu  les  membres  deflechés  de  plufieurs  paralitiques  &  d'eflro- 
piés,  s'agiter  avec  une  violence  extrême  dès  qu'ils  étoient  fur  le  tombeau.  Or 
des  nerfs  defiechcs  &  privés  de  vie  ne  peuvent  jamais  être  rétablis  dans  leurpre- 
mia-  état,  6c  devenir  une  ieconde  fois  propres  à  former  des  rnouvemens ,  que 
par  un  miracle  que  Dieu  ieul  peut  foire. 

Des  nerfs  privés  de  vie  ont  perdu  les  mer\'eilleufes  qualités  qui  les  rendent 
capables  de  produire  toutes  les  différentes  ienlations  du  corps.  Lorfqus  de  pa- 
reilles  qualités  font  détruites ,  quel  autre  que  le  créateur  peut  les  faire  naître  de 


iTouveau  ^ 


Des  nerfs  defféchés  ne  font  plus  que  des  filets  fans  organes:  ils  n'ont  plus  les 
refîbrts  par  le  moyen  defquels  les  efprits  animaux  opèrent  leurs  admirables 
effets  :  ils  n'ont  plus  même  les  conduits,  par  où  ces  efprits  coulent  depuis  le  cer- 
veau jufqu'aux  extrémités  des  membres.  Qiiel  autre  que  le  maître  de  la  nature- 
auroit  le  pouvoir  de  donner  un  nouvel  être  à  tous  les  différcns  relforts  des  nerfs , 
qui  font  nécefiaires  pour  la  diverfité  des  opérations  des  efprits  ?  Qiiel  autre  que 
lui  pouvoir  trouver  le  moyen  de  creufcr  de  nouveau  dans  toutes  les  branches 
d'une  multitude  de  nerfs  dcfTéchcs,  le  nombre  innombrable  de  petits  pafîagcs 
dont  les  efprits  animaux  ont  beioin  pour  remuer  les  nerfs  en  tous  les  fens  .^ 

S'il  a  fallu  que  Dieu  fît  plufieurs  opérations  manifeftement  furnaturclles,  pour 
rendre  capables  de  mouvement  des  nerfs  arides  &  privés  de  vie ,  les  agitation^ 
convulfives  de  ces  nerfs  ne  peuvent  donc  venir  qnc  de  lui. 

Auffi  M.  Fouiilou  ajoute-t-il  dans  la  même  lettre,  qu'il  en  fut  alors  parlé  à 
la  Faculté  de  Médecine ,  &  que  plufieurs  Médecins  dirent  qu'ils  et  oient  prêts  d'at- 
tefîer  que  ces  rnouvemens  co;rculfifs  s'opéraient  d'une  manière  fumaturelle.. 

Il  obferve  encore  à  la  fin  de  la  même  lettre,  que  depuis  un  tcms  les  convul- 
fions ont  toujours  précédé  les  guérifons  i3  en  font  comme  des  gages.  Et  fur  tout  cela- 
il  fait  cette  judicieule-  réflexion,  que  f aveuglement- des  Sulpiciens  fur  ces  miracles 
fait  peur. 

Voici  préfentement  des  aveux  de  fix  part  que  Dieu  emploie  les  convulfions  a 
guérir  les  âmes  comme  les  corps. 

Dans  une  lettre  du  i<5.  Septembre  175 1.  il  dit  que  cz  qui  eff  plus  confolattt ^ 


iiS  IDE'E  DES  MOUFEMENS  CONFULSIFS. 

^^fi%Y. '■^fi  «/«''V  paraît  que  Dieu  7i"agit  pas  moins  fur  Va-ûic  que  fur  le  corps. 

Dans  une  autre  du  9.  Décembre:  Il  y  a,  dit-il,  un  Cbei-alier  Folltird  ancien 

rVc"/"?'*^-^^'"  '  '^"'  ^  '^^  ^  ^'  ^^^^^^^'  '^  ^  ^^^  convulftons  comme  les  autres  ...  il  trouve 

"'  ^''^''du  fo:iIagemcnt  dans  fa  fur  dite  13  dans  des  plaies  mal  fermées.  Mais  ce  qui  eft  bien 

fhts  ffimable^   ccfl  que  n'aiant  jamais  eu  de  Religion,  il  eft  très  touché  de  Dieu. 

Dnns  une  troifiémc  du  30.  du  même  mois,  voici  ce  qu'il  ajoute  en  parlant 

Lrttr.^du  îo.cncore  du  Chevalier  Follard  :  „  11  entend  aifémcnt ,  quoiqu'auparavant  il  fut  fî 

■  „  fourd  qu'il  fliUoit  lui  crier  aux  oreilles  pour  lui  faire  entendre  quelque  chofc. 

X/I„:„    1 l 1    _.; 1-    r^'n    '.     t  ■     .      .-        ^         ^ 


„  Mais  le  plus  grand  miracle  C'eft  que  cet  homme,  qui  de  l'on  propre  aveu  a 
immi"  "  ^^^  'durant  3f .  ans  à  chercher  une  Religion  qui  fût  de  fon  gou: ,  paroit  très 
obi!"  65.  îî  touché  de  Dieu.  „ 

Ainfi  les  convulfions  ne  font  donc  pas  feulement  un  moicn  pliifique,  par  le- 
quel Dieu  opère  quantité  de  guéiilbns  miracuk-ufcs:    mais  il  lui  a  plû  de  les 
rendre  encore  un  canal  de  fuictification  à  l'égard  de  pluficurs  perfonncs ,  Se  il 
cil  vifible  que  c'eft  leur  principale  deftination  par  rapport  aux  ConvuHionnaires. 
Enfin  ce  Théologien  ,  ce  Doclcur,  fournit  lui-même  des  preuves  manifelles 
que  les  convuliionsnc  peuvent  pas  être  attribuées  à  l'imagination  &:  à  la  fourberie. 
L«r.  des  19.     Dans  deux  lettres  des  19.  6c  13.  Décembre  il  rapporte  que  des  enfans  qu'on 
17'!!°""  ^'^°''  *".'s  f"'"  îc  tombeau,  y  avoicnt  cû  des  convulfions  :  d'oii  il  tire  lui-même 
la  conféqucncc  c\u  il  eft  impojfible  d'attribuer  de  telles  convulfions  à  la  force  de 
rimngination  ou  à  la  violence  des  pafftons. 

Dans  une  autre  du  f .  Janvier  1751.  il  dit  qu'o»  ne  peut  foupçonner  les  Conrul- 
^'ïyjïDï'^^"'^^"  ''-^  de  la  moindre  impofture ,  puifque  ceux  qui  ont  eu  des  convulftons  ont  été 
I7Î1.        guéris  ou  font  en  train  de  Vétre:   Et  dans  une  autre  du  vj.  du  même  mois  il  s'é- 
crie :  Comment  ne  pas  regarder  comme  miraculeufes  ^  furnaturelles  les  convulfions 
qui  ont  été  accompagnées  ou  fuivics  d'une  guéri  fon  qui  paraît  être  au  deffus  des  for' 
ces  de  la  nature. 

Terminons  ces  Extraits  par  celui  d'une  lettre  du  11.  Février,  où  M.  Fouil- 

lou  fait  une   réflexion  qui    nous  apprend  que  Dieu  lui  avoit  fait  appercevoir 

juiqu'à  certain  point  le  plan  fui\'ant  lequel  il  a  formé  l'œuvre  des  convulfions. 

p'"rier"  ""      "  J*^  regarde , dit-il ,  comme  très  convenable  aux  circonftances  préfentes  ,  où  il 

'731'        îî  y  a  des  hommes  fi  rebelles  à  la  Vérité  qu'ils  méritent  d'être  aveuglés,  que 

„  s'il  plaît  à  Dieu  de  fortir  de  fon  fccret,  ce  foit  par  des  figncs  qui  étant  fuffifans  pour 

„  confolcr  6c  fortifier  fcs  ferviteurs ,  6c  même  pour  éclairer  ceux  qui  ont  de 

„  la  droiture  6c  de  la  fincérité,  ne  le  font  pas  à  l'égard  de  ceux  quilahaïnent.  „ 

Mais  comment  de  fi  grandes  lumières  qui  avoient  d'abord  éclairé  ceDoârcur, 

ont-elles  pu  fe  convertir  en  ténèbres.'' 

Voici  ce  qui  paroît  en  avoir  été  Toccafion,  S<:  pour  ainfi  dire  la  première  cau(c. 
Il  eft  connu  de  tout  le  public,  que  dès  1752,.  dans  le  tems  des  premiers  dif- 
cours ,  on  entendit  tout  à  coup  une  multitude  de  Convulfionnaircs  prédire  de 
tous  côtés  :  que  Dieu  alloit  faire  un  difcerncmcnt  parmi  les  Dotlcurs  Appel- 
lans:  qu'ils  fe  croioient  la  plupart  néceffaires  pour  ladcfenfc  de  fa  caufe  :  qu'ils 
s'applaudiiïbicnt  de  leurs  écrits  6c  de  leur  talcns ,  &z  qu'ils  regardoient  les  lu- 
mières dont  il  les  avoit  gratifiés ,  comme  fi  elles  étoicnt  des  fruits  de  leur  pro- 
pre fond  :  qu'il  alloit  difcontinuer  pendant  quelque  tcms  de  leur  en  donner  de 
jicuvcllcs ,  6c  que  pour  faire  connoîtrc  à  toute  la  terre  qu'il  n'avoit  aucun  be- 
foin  d'eux  ,  6c  qu'entre  fcs  mains  tout  inftrument  étoit  égal,  il  ramafleroit  dans 
la  poufiiere,  dans  l'ordure,  dans  les  ténèbres ,  ceux  dont  il  vouloit  le  fei"virpour 
annoncer  la  venue  du  Prophète  qui  doit  rétablir  toutes  choies,  pour  prédire  les 
autres  grands  èvcncmciu  qui  alloient  arriver,  6c  pour  exhorter  les  fidèles  à  s'y 

préparer 


IDE'E  DES  MOUrEMENS  CONFULSIFS  rip 

préparer  par  la  prière  &  la  pénitence  :  que  Dieu  n'éclairant  plus  ces  Dofteurs 
par  de  nouvelles  lumières,  ils  fe  trompcroient  dans  le  jugement  qu'il  porteroienc 
de  fes  œuvres  :  que  la  honte  de  reculer  leur  feroit  enfuite  tout  ofer  pour  fou- 
tenir  leurs  déciuons ,  &  qu'en  conféqucnce  ils  deviendroient  les  contradi6teurs 
de  fes  plus  merveilleux  prodiges ,  6c  les  cenfeurs  des  inftrumens  qu'il  emploieroir. 

Ils  ajoutèrent,  qu'il  y  avoit  même  pluficurs  d'entre  les  Dofteurs qui n'étoient 
attachés  qu'au  brillant  de  la  Vérité  :  qu'ils  s'étoient  volontiers  réjouis  à  fa  lu- 
mière, mais  qu'ils  l'abandonneroient  dès  qu'ils  la  vcrroient  fe  couvrir  d'un  voile 
&  tomber  dans  le  mépris  :  qu'ils  l'avoient  fuivie  avec  joie  quand  l'éclat  de  fes 
premiers  miracles  lui  attiroit  la  vénération  du  public  ,  mais  qu'aufli-tôt  qu'elle 
feroit  l'objet  des  infultes  6c  des  railleries  d'Herode  6c  de  toute  fa  Cour  ils  fe  ran- 
geroient  eux-mêmes  du  côté  des  mocqueurs  :  qu'ils  fe  porteroient  enfuite  jufqu'à 
fe  rendre  les  perfécuteurs  des  trompettes  de  la  Vérité  ,  &  à  les  décrier  par  tou- 
tes fortes  de  faufTcs  imputations. 

Il  y  eut  quelques  Doéteurs  6c  quelque  Théologiens  célèbres  qui  profitèrent 
humblement  de  ces  avertiHcmcns ,  6c  qui  ,  fuivant  le  confeil  desConvulfonnai- 
res,  eurent  recours  à  la  prière  6c  à  la  pénitence  pour  détourner  de  deflus  leurs 
têtes  ces  flots  de  la  jullicc  de  Dieu,  6c  pour  obtenir  de  fa  miféricorde  d'c'trc 
de  ces  enfans  de  la  grâce  qui  fuivroient  la  Vérité  avec  une  conllance  inébran- 
lable dans  les  plus  grandes  humiliations. 

De  ce  nombre  fut  entre  autres  M.  Poncet.  C'eft  un  témoignage  que  je  lui 
rends  avec  joie,  quoique  fon  changement  de  fentiment  par  rapport  aux  grands 
fecours  l'ait  fait  devenir  un  des  plus  ardens  contradiéteurs  de  mon  fécond  To- 
me. Un  de  fes  amis  m'écrit  qu'il  lui  a  dit  plufieurs  fois  que  les  reproches  des 
Convulftonnaires  l'avoient  fort  irrité  d'abord,  mais  qu'y  aiant  réfléchi  il  avoit  trou- 
l'é  qu'on  y  avoit  donné  lieu,  y  qas  ce  ne  pouvoit  être  que  Dieu  qui  fit  donner  de 
tels  averti Ifcmens.  Car,  difoit-il,  de  ces  Convulfionnaires ,  ki  uns  ne  nous  connoif- 
fent  pas ,  les  autres  nous  refpe^ent  trop  pour  nous  parler  d'eux-mêmes  comme  ils  nous 
parlent.  Ce  ne  peut  pas  être  le  démon  qui  les  infpire  :  il  n'y  a  que  Dieu  qui  puiffe  nous 
exhorter  à  Phumilité ,  à  la  pénitence,  à  la  prière .  Ce  mêmelThéologien  afouventafTu- 
ré  que  ces  reproches  qui  avaient  éloigné  nombre  de  gens  des  convulfions^Vy  avoient  attaché. 

Le  parti  que  prirent  au  contraire  la  plupart  des  Doétcurs  qui  fe  font  depuis 
donné  le  nom  de  Diicernans ,  futdeméprifercesavertifTemens&cesprédiétions, 
fans  cependant  cefl'er  alors  d'être  encore  attachés  à  l'œuvre  des  convulfions. 
Mais  ils  jugèrent,  en  fe  conduifant  par  les  lumières  de  leur  dilcernement ,  que 
les  Convulfionnaires  n'aiant  ni  caraètère  ni  autorité,  leurs  remontrances  ne  mè- 
ritoicnt  pas  qu'on  y  fît  attention  :  d'autant  plus  que  la  prédiètion  qu'ils  joi- 
gnoient  à  leurs  exhortations,  que  plufieurs  célèbres  Docteurs  alloient  bientôt  fe  join- 
dre contre  eux  aux  ennemis  de  la  Vérité ,  devenir  eux-mêmes  leurs  accufateurs ,  les 
noircir  par  des  calomnies,  (^  attribuer  l'œuvre  des  convulfions  au  démon ,  étoit 
manifeftement  fauffe. 

En  effet  rien  ne  paroiiïbit  alors  plus  contraire  à  la  vi  aifemblance  ,  que  d'ima- 
giner que  des  Doèteurs  qui  avoient  foutenu  l'Appel  avec  tant  de  courage  6c  qui 
publioient  les  miracles  avec  tant  de  zèle,  fe  rendroient  dans  peu  les  contra- 
dièteurs  d'une  œuvre  née  fur  le  tombeau  de  l'illullre  Appellant  pour  qui  ils 
avoient  une  vénération  Anguliére ,  d'une  œuvre  unie  intimement  6c  de  toutes 
façons  aux  miracles,  d'une  œuvre  qui  avoit  d'abord  excité  leur  admiration  6c 
leur  reconnoiffimce  envers  Dieu,  enfin  d'une  œuvre  dont  le  caraètère  fingulier 
étoit  de  lier  à  l'Appel  6c  d'attacher  à  toutes  les  Vérités  défendues  par  les  Ap- 
pelons tous  ceux  fur  qui  elle  répandoit  fes  influences.  Cependant  l'événement 

Obfiervat,  JII.  Part.  J'orne  II.  R.  n'a 


ip  IDL'E  DES  MOUFEMENS  CONFULSIFS. 

n'a  que  trop  juftifié  que  cette  prcdidion  ctoit  d'une  parfaite  exaftitudc. 

A  peine  fut-elle  répandue  de  toutes  parts,  que  nombre  de  Doftcurs  s'em- 
prefTerent  de  l'accomplir.  Loin  d'ctre  touchés  des  avcrtilTcmcns  &  des"  mena- 
ces des  Convulfionnaircs ,  ils  s'irritèrent  contre  eux ,  ils  ne  voulurent  plus  rc- 
connoîtrc  que  Dieu  ctoit  l'Auteur  de  leurs  convulfions ,  ils  formèrent  la  rcfo- 
lution  de  réprimer  par  tous  moicns  les  exhortations  piquantes  qu'ils  avoierit  la 
hardicfTc  de  leur  faire. 

Il  convient  bien  (difolent  quelques-uns  d'entre  eux)  à  de  petites  créatures, 
à  des  filles  fans  éducation,  fans  elprit ,  fans  intelligence  Se  prcfque  fans  con- 
noiOance  de  la  Religion,  de  vouloir  faire  la  leçon  aux  plus  habiles  Dofteurs. 
Il  leur  ficd  bien  de  prétendre  ainfi  pénétrer  jufquc  dans  le  fond  de  nos  coeurs, 
&  de  découvrir  à  tout  le  public  les  jugemens  téméraires  qu'elles  forment  de  nos 
fentimens  les  plus  fecrets.  Cette  licence  effrénée  eft  une  preuve  manifcfte  que 
les  convulfions  ne  viennent  pas  d'un  bon  principe.  N'eft-il  pas  de  la  dernière 
évidence  que  ce  ne  peut-être  que  latan  qui  leur  infpire  de  tels  difcours,  puif- 
que  ces  difcours  ne  font  propres  qu'à  faire  perdre  au  peuple  fidèle  la  confiance 
qu'il  a  en  nous  ?  yf  de  tels  caraBcres  on  tCefl  plus  excufable  de  prendre  ■part  aune  telle 
œuvre  viftbkmetit  réprouvée  de  Dieu. 

Néanmoins  la  liaifon  manifelle  des  convulfions  avec  les  miracles,  &  le  fur- 
naturel  évident  de  ces  difcours  remplis  de  traits  magnifiques ,  &c  prononcés 
journellement  la  plupart  par  de  petites  filles  qui  en  étoicnt  abfolument  incapa- 
bles, cmbarralTercnt  ces  Mcflieurs.  Auffi  fe  partagerent-ilsendeux  claflcs.  Quel- 
ques-uns fe  portèrent  jufqu'à  cet  excès  d'attribuer  tout  le  merveilleux  des  con- 
vulfions, fans  s'cmbarrafler  des  miracles,  à  un  agent  tout  à  fait  dijîingné  de 
Dieu.  Les  autres  confcrvant  du  refpcét  pour  les  miracles,  même  pour  ceux 
opérés  par  convulfion  8c  par  le  minillère  des  Convulfionnaircs,  s'aviferent  de 
l'expédient  de  féparcr  les  miracles  d'avec  les  convulfions,  malgré  leur  intime 
liaifon:  de  donner  les  miracles  à  Dicuj  6c  de  foutenir  que  tout  le  furplusdcce 
qui  paroiflbit  furprenant  dans  les  convulfions,  n'étoit  que  l'effet  naturel  d'une 
maladie  extraordinaire  ,  ou  le  jeu  d'une  imagination  extrêmement  échauffée. 

Ce  fut  ce  dernier  fyftême  qu'embrafla  M.  Fouillou,  ainfi  qu'il  paroit  par 
fon  Ecrit  intitulé  :  Obfervations  fur  l'origine  Ci?  le  progris  des  Convulfions  :  ou- 
vrage qu'il  compofa  dans  le  courant  de  l'année  1751.  après  les  lettres  dont  j'ai 
donné  les  extraits. 

Cet  Ecrit  ne  fit  pas  fortune.  Auflî  eil-cc  une  chofc  très  finguliére,  qu'il  y 
rend  compte  de  quantité  de  faits  qui  prouvent  invinciblement  tout  le  contraire 
de  la  propofition  qu'il  a  dcffcin  d'établir,  &  qu'il  fe  fuit  à  lui-même  des  ob- 
jections qu'il  ne  lui  ell  pas  pofliblc  de  retondre  :  en  forte  qu'un  lecteur  judicieux 
qui  lit  fcs  Obfervations  avec  attention ,  demeure  perfuadé  de  la  tbèt'c  diamé- 
tralement oppoféc  à  celle  que  ce  Doéteur  fouticnt. 

Pour  en  convaincre  mon  Icfteur,  je  n'ai  bcfoin  que  de  lui  en  rapporter  un 

extrait,  que  je  trouve  dans  la  lettre  du  f.iint  Evêquc  de  Scncz. 

cbffrv.  fcr     „  C'cft  unc  pcnféc  (dit  M.  Fouillou)  dans  laquelle  on  cil:  entré  dans  lecom- 

if,  o.i.iuT.^^  mcncement  des  convulfions  que  des  mouvemcns  fi  extraordinaires,  fi  varies, 

*  )>  fi  inouis  ,  &  qui  fe  faifoient  fcntir  principalement  dans   les  parties  malades 

„  (  fufrcnt-clles  entièrement  dcfféchées)  étoient  furnaturcllcs  daiis  leur  principe. 

,,  11  étoit  évident  qu'ils  n'étoicnt  pas  feints. . .  On  n'a  pu  féricufcment  Icsre- 
„  garder  de  la  forte,  &  il  ne  fallo-it  que  venir  au  cimcticrrc  de  S.  Mèdard 
„  pour  fc  defabufcr.  . .  |c  n'avois,  comme  tout  le  monde,  que  de  l'indignation 
„  contre  les  faifcurs  dc'libclles  qui  vouloicnt  faire  croire  à  tout  Paris  que  ce  qu'il 

„  voyoit 


IDÉE    DES   MOVrÈM'Èï^i   ^bJ^PVLSÎFS.  131 

„  voyoit  de  fes  propres  yeux  à  S.  Médard  n  etoit  que  jeu  &  fourberie  ... 

„  Or  il  fuffifoit  prefque  à  la  plupart  (ajoute  plus  bas  M.  FouiUou)  dëtre  afluré  que 
„  lés  convLiliions  n'étoient  point  des  fourberies ,  pour  fuppofer  qu'elles  étoient  fur- 
^  naturelles.  Des  perfonnes  éclairées  &  qui  font  fort  attentives  à  ce  qui  fe  palîc  danj 
„  lEglife,  s'en  étant  formé  cette  idée  ,  il  étoit  fort  naturel  qu'elles  n'en  demeuras- 
^,  fent  pas  là  ,  &  que  regardant  les  convulilons  conune  niiraculeufcs  ,  elles  les  re- 
„  gardalTent  en  même  tems  comme  des  effets  myftérieux  par  lefquels  Dieu  fîgni- 
^  toit  des  chofès  importantes  &  convenables  à  l'état  préfent  de  l'Eglife  -,  .  .  J'a- 
„  voue  que  dans  ces  commencemens  je  fuivis  afïèz  le  torrent.  Ce  que  j'entendois 
^  dire  de  men-eilleux  de  ces  mouvemens  qui  avoient  tous  les  jours  grand  nombre 
„  de  Médecins  &  de  Chirurgiens  pour  témoins  &  obfervateurs,  &  encore  plus  ce 
„  qu'on  diibit  des  effets  qu'ils  produiibient ,  me  mettoit  dans  une  fituation  où  je 
„  me  lailTois  aller  fans  peine  à  porter  le  même  jugement  que  prefque  tout  le  mon- 
„  de  en  portoit.  Les  Chirurgiens  les  plus  habiles  étoient  diuis  l'admiration  à  la  vue 
j,  de  ces  mouvemens  extraordinaires  :  ils  y  trouvoient  une  proportion  merveilleulè 
„  avec  le  rétabliiTèment  des  parties  malades  :  les  régies  de  l'art  leur  y  paroilToient 
^  parfaitement  obfervées;  &  il  étoit  ordinaire  de  leur  eiuendre  dire  que  s'ils  étoient 
„  les  maîtres  de  diriger  le  cours  des  efprits  &  de  produire  de  pareils  mouvemens, 
y,  ils  ne  procederoienc  point  d'une  autre  manière.  Ce  jugement  des  Maîtres  de 
„  l'ait  devint  le  jugement  commua  U  pafTa  pour  confiant  que  c'étoit  Dieu  qui 
„  agillbit  d'une  manière  particulière  dans  ces  opérations  11  fuiprenantes  &  fi  mer- 
„  veilleufes.  C'étoit  en  fuivant  cette  imprelfion  générale  qu'un  Auteur  renommé  di- 
„  foit:  Dieu  n'opère  la  plupart  des  guérifons  que  que  par  degrés:  il  fuit  l'ordre 
j,  de  la  nature  [urnaturellement.  Il  agit  comme  ferait  u?t  habile  Chirurgien 
,,  qui,  s'il  étoit  affez,  puifjant  pour  cela  ,  donnerait  un  nouveau  cours  au  fang, 
„  ferait  couler  infenfiblement  les  efprits  animaux  dans  les  nerfs  qui  étoient 
„  morts  ér  fdfis  mouvement  :  de  lÀ  ces  grandes  douleurs  &  ces  violentes  con^^ 
„  vulfwns. 

„  Ce  qui  a  fait  entrer  communément  dans  la  penfée  que  les  convulfions  étoient 
„  fumaturelles  (dit  encore  M.  Fouillou)  &  ce  qui  y  affènnit  encore  aujourd'hui, 
„  c'eft  que  l'on  a  vu  qu'elles  étoient  jointes  à  des  guèrilbns  que  l'on  ne  croyoit 
„  pas  pouvoir  douter  qu'elles  ne  fulfent  miraculeufes  .  .  .  Voilà  la  grande  preuve 
„  fur  laquelle  des  perfonnes  de  mérite ,  qui  en  ont  entraîné  bien  d'autres ,  ont  ju- 
„  gé  que  les  convuliions  étoient  furnartirelles  &  en  ont  parlé  en  ces  termes.  On 
^  a  vu  d'un  côté  des  guérifons  miraculeufes,  de  l'autre  des  convuliions  ....  Le 
„  miraculeux  des  guèrilbns  a  tellement  faili  les  efprits  que  fans  réfléchir  davantage , 
y,  on  l'a  attaché  à  des  convuliions  dont  tout  ce  qu'on  en  favoit  c'eft  qu'elles  s'é- 
„  toiait  rencontrées  dans  des  perfonnes  fur  lefquelles  il  avoit  plû  à  Dieu  de  ligna- 
„  1er  là  puiflànce  en  les  guériilànt. 

„  Ce  qui  a  auffi  contribué  beaucoup  à  faire  regarder  les  convulfions  comme 
„  fumaturelles  ,  &  ce  qui  en  effet  devoit  faire  une  grande  imprefïion ,  c'étoit  de 
„  voir  des  effets  des  plus  étonnans,  dont  il  ne  pai'oillbit  pas  qu'on  pût  affigner  au- 
„  cune  caufe  naturelle.  Les  mouvemens ,  les  agitarions  violentes'  de  toute  d]Tèce 
„  qu'on  voyoit  dans  les  malades ,  dans  des  enfans  même  allez  jeunes ,  mou\-emens 
„  qiù  duroient  autant  de  tems  qu'ils  étoient  fur  la  Tombe  ,  &  qui  celToient  lors- 
„  qu'on  les  en  retiroit,  palFoient  toute  imagination;  &  l'on  fe  fentoit  comme  forcé 
„  de  recourir  à  Dieu ,  comme  à  la  caufe  immédiate  d'effets  fi  linguliers  &  li  inouïs , 
„  &  dont  on  cherchoit  inutilement  des  exemples." 

Après  de  telles  preuves  que  M  Fouillou  rapporte  lui-même  ,  &  auxquelles  il  ne 
répond  point ,  comment  a-t-il  pu  douter  du  fumaturel  des  convuliions  >  Mais  dans 

R  2  quel- 


i;i  IDE'E    DES    MOUVEMENS    CONFULSIFS. 

quelles  ténèbres  notre  efprit  ne  tombc-t-il  pas  ,   ô  mon  Dieu ,  dès  que  vous  celTèz  t'e 
l'éclairer  ! 

D.ms  le  tcms  que  ce  Théologien  achevoitde  compolcr  fon  Ecrit,  il  lui  \Tnt  en  penfée 
qu'un  des  meilleurs  moyens  de  l'accréditer  étoit  d'engager  M.  l'Abbé  d'Asfcld  dans 
(on  fcntiment.  Il  l'invita  pour  cet  eHèt  à  un  grand  dîner ,  où  il  lui  repréfenta  vive« 
ment  que  ks  Convulfionnaircs  féduits  par  leur  imagination  ne  cefïïient  de  décrier  ' 
par  leurs  dilcours  les  Docleurs  les  plus  refpedables.  Il  pofa  pour  principe  que  ces 
Dodeurs  étant  les  foutiens  de  la  Vérité  &  les  colomnes  de  rApi:)el  ,  il  étoit  du  bien 
de  l'Eglifè  de  leur  confèrver  l'ertime  &  la  vénération  publiques  ;  &  que  pour  cela  il  ne 
reftoit  d'autre  parti  que  de  ruiner  abfolument  la  conliance  que  bien  des  gens  commen-» 
çoient  à  prendre  dans  les  dilcours  des  Convulfionnaires. 

Il  lui  Ht  une  telle  imprelFion  par  la  véhémence  de  fes  paroles ,  que  depuis  ce  mo^ 
ment  M  d'Asfeld  changea  entièrement  fur  l'œuvTe  des  ConvuUions ,  8c  que  dans  les 
Conférences  que  plulieurs  Théologiens  tinrent  {X)ur  examiner  ce  qu'il  falloit  penfer  de 
cette  œuvre,  il  ne  cclTà  point  de  déclamer  contre  les  Convullionnaires.  Un  jour  en- 
tr'autres  il  fit  un  violent  dilcours  ,  où  il  prétendit  que  cette  œuvre  admirable  n'étoit 
qu'impureté  ,  meurtre  dr  menfonge  :  8c  il  termina  fa  déclamation  ,  par  cette  phrafe 
qui  fe  répandit  aulfitot  dans  tout  Paris ,  qui/  falloit  faire  rentrer  cette  canaille  (de9 
Convullionnaires)  dans  la  pouijtére  doit,  elle  étoit  [ortie. 

Ces  dernières  paroles  ont  été  bien  rélevées  dans  plufieurs  beaux  difcours  de  Con^ 
vullionnaires ,  non  [xjur  s'en  plaindre  ou  pour  y  ré|X)ndre ,  mais  ils  s'en  font  (oyis 
pour  fc  mettre  encore  plus  bas  que  ce  grand  homme  ne  les  rabaiiroit.  .  .'|  ^■ 

Je  ne  rapporterai  point  ici  la  Lettre  de  M.  Petltpied  du  i  f.  Janvier  1752.  je  tntf 
contenterai  do  citer  feulement  ce  qu'en  dit  le  Bienheureux  E\-cque  de  Scnez  dans  Ll 
fienne.  • 

Lf t«.  Je  M.  „  Perfonne  n'ignore  (dit  ce  fùnt  Prélat)  que  ce  célèbre  Dofleur  a  depuis  change 
de  Scr.cî.  j.  ^  jg  fentiincnt  &  retradé  publiquement  fa  Lettre  :  mais  en  la  retraitant  il  n'a  \K)\^t 
^""'  „  détruit  les  folides  raifons  fur  lefquelles  il  avoit  fonné  fon  premier  jugement ,  &  cc'S 

„  raifons  conlerveront  à  jamais  la  lumière  &  la  force  qui  leur  font  propres  indèpen- 
„  damment  de  fon  approbation  ....  " 

„I1  s'agit  ici  (ajoute  plus  bas  M.  de  Senez)  deflfitsqui  (è  font  palTés  à  la  plus  grande 
„  kuïiièro,  qui  ont  été  vus  tous  les  jours  j-cndant  fix  mois  entiers,  qui  ont  eii  des 
„  milliers  de  Témoins,  8c  qui  ont  été  examiiiés  par  les  yeux  les  plus  )X;rçans.    Or  on 
^  comprend  alfez  que  des  tiiiis  qui  font  de\'enus  l'objet  de  la  contradicdon  des  Puis- 
^  fances ,  ont  pu  être  obfcurcis  8c  perdre  leur  notoriété  par  l'intérêt  qu'on  a  eu  de  les 
y,  taire  ou  de  les  déguiler.  Mais  (cela  ne  peut  détruire)  les  preuves  de  la  vive  8c  prcf- 
^  fonde  imprdfion  que  lit  fur  toute  forte  d'cfprits  la  vue  de  cet  étonnant  (peclada 
•    Mais  helas  !   cette  prarùére  miprclTion  fut  bientôt  prcfque  ertàcée  par  des  impres^ 
fions  contraires  ,  dans  le  cœur  de  bien  des  gens.     Combien  y  en  eut-il  à  qui  la 
crainte  d'encourir  quelque  difgrace,  tir  changer  de  fenrimcnt  par  rapix)rt  aux  con- 
vulllons,  d^s  qu'ils  virent  qu'elles  étoient   devenu   l'objet  principal  de  la  haine,  des 
mépris  affectés  oc  de  la  ixjfècution  des  grands  de  la  teiTe  ? 
V.  Pendant  plus  de  fix  mois   l'autorité  des  Puilfanccs  demeura  dans  l'inadion  par 

E»enenicnj  rapport  u'xx  convullioas  :  cet  admirable  Phéaomei;e  leur  caulli  d'abord  une  furprilè 

qui  ont  en-         '•',,•■11  ' 

gjje  bien    qui  les  Tendit  comme  munobiles. 

chlf'eTfur       E^   ^'^f^  ^'^   P^"s  grands   ennemis  de  la  Vérité  étoient-ils  piqués  jufôu'au  vif, 

ie^Mmiui-   ^e  ce  que  Dieu   ne  ccllbit  point  de  fiiirc  fur  le  Tombeau  de  M.  de  Paris  "u[ie 

**""•  multitude  de  miracles  par   l'impétuolité   convulfive  des  efprits  animaux,  qui  fous 

les   yeux  de  tout  le   monde   opéroient   ces   guènfons   miraculeui'es  :  en   vaui   leur 

fureur  xed jubloit-cUe  en  voyant  que  ce  fi^ecUcic  attiroit  tous  les  jours  un  plus 

grand 


i 


IDE'E  DES  MOUFEMENS  CONFULSIFS.  ijj 

rand  nombre  de  perfonnes  de  toute  condition,  qui  venoicnt  admirer  une  cho- 
e  fi  extraordinaire  :  en  vain  les  plus  zélés  Conllitutionnaircs  étoient-ils  outrés 
de  dépit  de  voir  leur  chère  Bulle  flétrie  jourrcDcment  lur  la  tonr.bc  d'un  Ap- 
pellent par  des  merveilles  fans  nombre,  qui  découvroient  à  tout  le  public  que 
Dieu  profcrivoit  cette  Conftitution  fatale:  ils  avoient  beau  en  frémir  de  rage, 
quel  moien  de  pouvoir  arrêter  les  opérations  du  Tout-pui0ant  ?  Ils  fe  flattèrent 
néanmoins  à  la  fin  d'y  réuflir  par  une  voie  que  leur  infpira  le  perc  du  menfonge. 
Ils  noircirent  l'œuvre  de  Dieu ,  &  à  force  de  faux  expofés  ils  engagèrent  l'au- 
torité fouveraine  à  faire  fermer  le  cimetière  où  rcpofe  le  faint  Diacre,  6c  à  faire 
mettre  plufieurs  Convulfionnaires  à  la  Bailille.  Vains-efForts  !  Des  qu'on  com- 
mença à  perfécijtcr  les  Convulfionnaires,  les  convulfions  fe  multiplièrent  plus 
que  jamais:  elles  privent  de  tous  côtés  à  un  grand  nombre  de  perfonnes  qui  n'a- 
voient  point  de  maladie:  8c  Dieu  les  accompagna  de  différens  dons,  &  les  il- 
luflra  par  quantité  de  prodiges. 

Ce  fut  alors  qu'il  ouvrit  la  bouche  à  une  multitude  d'enfans ,  &  de  perfonnes  Am- 
ples 6c  ignorantes;  6c  qu'il  leur  fit  faire  journellement  des  difcours  d'une  gran- 
de beauté. 

Il  leur  fit  développer  le  poifon  renfermé  dans  la  Bulle ,  déplorer  les  maux  de 
l'Eglife  ,  annoncer  que  fa  jeunefle  feroit  bien-tôt  rénouvellée  comme  celle  de  l'ai- 
gle, par  la  venue  du  prophète  Elie  :  mais  qu'avant  ce  tems  les  enfans  delà  Vé- 
rité feroicnt  perfécutes  à  toute  outrance,  6c  même  que  plufieurs  Appellans re- 
nommés fe  joindroient  aux  adverfaircs  de  l'Appel  pour  décrier  l'œuvre  des  con- 
vulfions 6c  couvrir  d'opprobres  les  Convulfionnaires.  Enfin  il  leur  fit  déclarer 
que  le  tems  de  la  réprobation  de  la  plus  grande  partie  de  la  Gentilité  appro- 
choit,  6c  que  tous  ceux  qui  demcureroicnt  attachés  à  la  Conftitution  éprouve- 
roient  de  terribles  effets  de  la  colère  de  Dieu. 

Toute  lafureur  des  Conftitutionraires  fe  tourna  pour  lors  contre  ces  foiblesin- 
ftrumens ,  devenus  forcément  des  trompetes  retentifiantes  de  la  Vérité  :  il  ne  fut 
plus  défendu  d'être  Appellant,  pourvu  qu'on  fe  prêtât  à  deshonorer  les  convulfions. 
Toute  la  politique  des  partifms  de  la  Bulle  s'emploia  à  faire  méprifer  les  Convul- 
fionnaires par  tout  le  public  ,  6c  à  les  faire  tomber  dans  le  dernier  décri  :  6c  le  prin- 
ce de  l'abime  ne  manqua  p  sde  féconder  leurs  projets  par  toutes  fortes  d'artifices. 
Mais  ce  qui  devr.it  nous  faire  verfer  des  larmes  de  fang,  quelques  Appellans 
diftingués  joignirent  peu  après  leurs  voix  à  celles  des  plus  ardens  Conftitutionnai- 
res  ,  6c  ne  témoignèrent  pas  moins  de  zèle  à  flétrir  les  convulfions  qu'en  avoient  les 
ennemis  les  plus  déclarés  de  l'Appel. 

Les  uns  ôc  les  autres  niant  cherché  quelque  moien  de  décrier  généralement  tou- 
tes les  convulfions  fins  aucune  exception  .n'en  trouvèrent  point  de  meilleur  que  de 
repréfenterlesmouvcmensconvulfifs,  quoiqu'ils  euficnt  été  d'abord  des  inftrumens 
de  miracle,  comme  la  chofe  du  monde  la  plus  honteufe,  la- plus  immodefte  6c 
la  plus  condamnable. 

L'Auteur  des  Vains-efForts  a  même  été  jufqu'à  cet  excès  defuppoferqueceux 
qui  ont  de  pareilles  agitations,  font  plus  indign.^s  d'être  les  inftrumens  de  Dieu, 
que  le  plus  criminel  des  déicides.  On  avoir  o'^-jecté  que  c'étoit  en  vain  qu'on  faifoit 
tant  d'efîorts  pour  déshonorer  les  Convulfionnaires,  puifquc  quand  même  tout  ce 
qu'on  leur  rcprochoit  feroit  conforme  à  latérite  ,  cela  ne  décideroit  point  encore 
que  Dieu  ne  pourroit  p.is  s'en  fervir  pour  annonc  r  d'importantes  vérités  :  on 
avoit  obfervéquel'Efprir  fùnt  a  déclaré  lui-même  qu'il  fouffle  où  il  veut.  Ff  pour 
prouver  qu'il  parle  quelquefois  par  la  bouche  d?s  perfonnes  les  plus  criminelles, 
on  avoit  cité  qu'il  efi  dit  dans  l'Evant^'U"  que  Qi\-çh.Q  prophétifa  parles  pn-olcs 

R  3  même» 


154  IDEE  DES  MOUFEMENS  CONFULSIFS. 

mcmes  par  Icfauellcsil  voulut  pcrfuadcrau  confeil  dcsjuifs  qu'ilfalloit  fairemcm- 
lir  Jcfus-Chrilt ,  & qu'ainfi  en  proférant  ccs^parolcs  il  avoit ,  maigre  la  noiceur  dc- 
tellable  de  fon  intention,  fervi  d'organe  au  S.  Efprit.  C«}//;f,  repond  froidement 

Pijf  I5.     l'Auteur  des  Vains  efforts,  n'avait  point  de  convulfions fon  corps  n^  et  oit  point 

agité  par  des  cont  or  fions  indécentes, 

Ainfi  fuivant  cet  Auteur ,  les  agitations  convulfives  font  un  état  qui  rend  les  per- 
fonncs  qui  les  éprouvent ,  plus  indignes  &  plus  incapables  de  recevoir  rimprcffion 
de  l'Efprit  faint ,  que  le  crime  de  vouloir  par  envie  faire  crucifier  le  fils  de  Dieu! 
Lorfque  la  pafTion  aveugle  à  un  tel  excès,  elle  devient  une  efficace  d'erreur  qui 
fait  voir  les  chofes  tout  différemment  de  ce  qu'elles  font. 

Il  faut  néanmoins  convenir  que  les  agitations  convulfives  ont  quelque  chofc  de 
fort  choquant:  mais  c'eft  un  principe  Manichéen  de  prétendre  que  tout  ce  qui 
choque  les  fens  efl  indigne  de  Dieu.  Qiiclqucs  dcfagreablcsque  ces  mouvemens 
furnaturcls  nous  paroiflcnt ,  cela  n'empêche  point  que  Dieu  ne  puifle  en  être 
l'Auteur  dans  l'ordre  merveilleux  :  d'autant  plus  qu'ils  peuvent  être  unfimbo- 
le ,  6c  pour  ainfi  dire  un  voile  dont  fc  couvre  la  Vérité  ,  qui  veut  peut-être  par 
ce  moien  réduire  fcs  enfans  à  une  grande  humiliation,  &  fe  faire  méconnoîtrc 
&  méprifer  elle-même  de  ceux  qui  veulent  juger  des  chofes  de  Dieu  par  la 
prudence  de  la  chair  &  en  décider  fuivant  le  goût  de  leur  orgueil. 

La  multitude  de  prodiges  qui  accompagne  les  convulfions  ,  donne  tout  lieu 
de  croire  qu'elles  ont  un  objet  confidcrable  dans  le  plan  de  Dieu.  Qui  fait  fi 
les  Convulfionnaires  ne  font  point,  ainfi  qu'ils  le  difent,  les  avant- coureurs  du 
Prophète  que  Dieu  a  promis  d'cnvoicr  rétablir  toutes  chofes.  Si  ce  grand  évé- 
nement arrive ,  malheur  à  ceux  qui  fe  feront  endurcis  dans  un  funeftc  préjugé , 
par  le  mépris  qu'ils  auront  fait  des  inftrumens  par  qui  il  le  fait  annoncer: heu- 
reux au  contraire  ceux  qui  auront  pénétré  dans  ce  myftere  des  humiliations  de 
la  Vérité,  £c  qui  lui  feront  demeurés  fidèles  aux  dépens  de  tout  ! 

Il  eft  vrai  que  l'extérieur  de  convulfions  ne  montre  fouvent  que  des  mouve- 
mens dcfigréablcs,  des  agitations  choquantes,  &  de  violentes  douleurs  :  mais  ce 
n'cll  point  par  ce  dehors  qui  ne  frappe  que  les  fens,  c'eil  par  des  caraétcrcs^C 
des  circonllances  capables  d'éclairer  l'cfprit,  qu'on  en  doit  ju^er. 
y-  La  régie  que  les  Pères  nous  ont  donnée  pourdifcerncr  quel  elt  le  principe  des 

«iir«mtr"kchofes  furnaturellesdans  Icfquellcs  il  y  a  quelquefois  de  grandes  obfcuricés,  c'eft 
p^"'^''P»^^"d'examiner  quelle  en  a  été  l'origine  ,  quel  effets  elles  ont  produits,  8c  defedéter- 
tureit  qui  mincrpar  ce  qui  cil:  clair,  fans  prétendre  pouvoirpénétrcr  tout  ce  qu'on  y  trouve 
°';V'|'''"'''^d'obicur,  écarter  tous  les  nuages  Se  lever  toutes  les  difficultés.  Or  la  première 
origine  des  mouvemens  convulfifscll  toute  faintc:  ilsfontnés  fur  un  fombeau  où 
Dieu  par  d'éclatans  bienfaits  rendoit  lapréfencc  fenfible.  Encore  aujourd'hui  les 
reliques  de  M.  de  Paris  ou  des  autres  Saints  font  fouvent  tomber  les  Convulfionnai- 
res en  convulfion.  Le  premier  effet  de  ces  mouvemens  à  été  la  guérilonmiraculeu- 
fe  de  plufieurs  malades:  les  principales  circonllances  qui  les  ont  enfuite  accom- 
pagnées, ont  été  différens  dons  &  plufieurs  prodiges  que  Dieu  a  emploies  ù  inf- 
truire  une  infinité  de  perfbnnes  de  vérités  très  importantes  au  falut,  à  les  unir  à 
l'Appel ,  à  leur  perfuader  la  néccfllté  de  la  pénitence ,  &  à  convertir  un  grand  nom- 
bre de  pécheurs  &  d'incrédules.  Mais  ce  qui  doit  décider  &  qui  eft  d'une  clarté  fi 
brillante  qu'il  n'efl  pa,s  polTible  qu'on  n'en  foit  frappé,  à  moins  que  de  fermer 
obflinémcnt  les  yeux  à  la  lumière  ,  c'elt  cjue  les  premières  agitations  convulfi- 
ves, qui  ctoient  de  la  même  nature,  Se  navoicnt  par  elles-mêmes  aucune  dif- 
férence avec  celles  qui  ont  fuivi ,  ont  été  un  moien  dont  Dieu  s'cll  vifiblcmcnt 

fcrvi  pour  opérer  des  miracles. 

Le 


IBE'E  BES  MOUFEMENS   CONFULSIFS  15^ 

Le  fait  ne  peut  être  révoqué  en  doute.  Une  multitude  de  Médecins  5c  deChi-, 
rurgiens  ,  en  préfence  d'un  nombre  innombrable  d'autres  perfonnes,  ont  vu  par 
exemple  pluueurs  fois,  &  toujours  avec  une  fiirprife  extrême,  le  Créateur  de 
tous  les  êtres ,  donner  tout  à  coup  un  mouvement  impétueux  à  des  membres  defTé- 
chés  ou  tombés  depuis  plufieurs  années  en  paralifie  complète.  Ces  maîtres  de  l'art 
ne  pouvoicnt  ignorer  que  tous  les  nerfs  de  ces  membres  inanimés ,  aiant  été  prives 
pendant  long-tems  des  efprits  animaux  qui  les  humeétent  &  les  vivifient,  s'é- 
toient  par  conféquent  reflerrés  6c  rétrécis ,  6c  qu'ils  avoient  perdu  tous  les  con- 
duits qui  fervent  de  pafTage  à  ces  efprits.  Ils  favoient  que  pour  faire  couler  ces 
efprits  dans  ces  membres  arides,  il  avoit  fliUu  ainfi  que  je  l'ai  déjàobiervé, 
que  le  Tout-puifîant  leur  formât  de  nouvelles  routes  tout  le  long  de  ces  nerfs 
racornis  6c  retirés.  Ils  ne  pouvoient  donc  révoquer  en  doute  que  Dieu  n'eût 
déjà  fliit  plufieurs  opérations  miraculeufes ,  avant  que  d'agiter  par  des  mouvc- 
mens  convulfifs  des  membres  qui  depuis  long-tcms  étoient  devenus  incapables 
de  toute,  aftion  ?  Comment  auroient-ils  pu  douter  que  ces  agitations furnaturcl- 
les  n'euffcnt  Dieu  pour  auteur  ,  puifquellcs  n'avoient  pu  être  exécutées  que  par 
des  miracles  ,  qui  avoient  commencé  à  rétablir  ces  membres  perclus.''  Mais 
leur  admiration  redoubloit  encore  lors  qu'ils  appcrcevoient  enfuite  ces  efprits 
animaux  conduits  avec  une  juftefl'e  merveilleufe  par  une  main  toute-puifnmtc 
faire  dans  des  bras  6c  des  mains  deflechées  toutes  les  opérations  nécefiaires 
pour  leur  procurer  leur  parfait  rétabUifement  ,êc  qu'ils  remarquoicnt  qu'en  mê- 
me tems  Dieu  y  régéneroit  fubitement  tout  ce  que  la  maladie  y  avoit  détruit. 
Attribuer  en  pareil  cas  les  miracles  à  Dieu,  6c  les  mouvemens  convulfifs  aif 
démon ,  ceferoit  faire  coopérer  le  Très-haut  avec  l'ange  apoftat ,  pour  fiirc  con- 
jointement avec  lui  des  guérifons  miraculeufes,  ce  qu'on  ne  pourroit  foutenirians 
impiété.  Faire  préfcnt  à  Béelzebut  de  tous  les  miracles  accompagnes  de  mouve- 
mens convulfifs ,  quoique  dans  le  nombre  de  ces  miracles  il  y  en  ait  qui  n'ont  pu 
s'opérer  que  par  la  création  de  plufieurs  parties  détruites,  ce  icroit  renouvellerle 
blafpbême  des  Pharifiens.  Vouloir  imaginer  une  différence  entre  les  agitations 
convulfivcs  dont  Dieu  s'eft  fcrvi  pour  exécuter  des  guérifons  miraculeufes  6c 
d'autres  agitations  toutes  pareilles ,  6c  qui  font  phifiqucment  les  mêmes ,  du  moins 
dans  toutes  lesconvulfions  que  Dieu  a  marquées  à  fon  fçeau  par  quelques  traits, 
ce  feroit  une  abfurdité. 

Aufli  feu  M.  de  Montpellier  nebalancc-t-il  pas  à  donner  pour  régie  que /fjco^-Snft  v^n. 
^:ul fions  qui  ont  contribué  aux  miracles  de  guéri  fon ,  doi-vent  être  attribuées  en  premier'^'^'^^-^"'^" 
à  l'Auteur  des  miracles.  A  quoi  'û-^]outc, que  Js  au  contraire  les  con'i-ulfions  étoient  lU'',uî\y. 
propres  par  leur  nature  à  empêcher  la  guéri f on  ^  elles  la  rendent  plus  merveilleufe  y 
relèvent  V opération  de  Dieu  loin  de  l'obfcurcir.  En  eftct  il  eft  uniquement  réfcr- 
vé  à  la  fouveraine  puiflance  de  faire  fervir  des  moiens  contraires  aux  effets  qu'il 
lui  plaît  de  produire. 

Sur  quoi  le  Prélat  attefle  que  r'^7?  le  jugement  que  nos  pères  ont  porté  conjïamnient 
des  convul fions  qui  précédaient  les  miracles  o«  quiles  accompagnoient.  A  quoi  il  faut 
ajouter  que  c'ell;  aufiî  les  jugement  que  plufieurs  Papes  ont  fait  des  afTitations 
convulfivcs  de  plufieurs  Saints  Myfl,iques,  quoiqu'elles  ne  fuiîcnt  point  accom- 
pagnées de  guérifons  miraculeufes. 

Ce  qu'on  objcéte  de  plus  fpécieux  contre  ces  agitations  furnaturelles ,  c'cd  qu*-     ^if. 
elles  peuvent    être  caufe  de  grandes  immodeftics  dans  les  perfonnes  du  fexe.       robièaion 

La  réponfe  eft  que  non  feulement  les  Convulfionnairesfont  obligées  de  prendre  i"f  '"  '?'■ 
toutes  les  précautions  poffibles  pour  empêcher  que  cela  n'arrive;  mais  même  que  ieme"'e.-<V,>- 
les  perfonnes  de  leur  fexe  qui  fe  trouvent  auprès  d'elles,  doivent  y  avoir  une  trcs*""'!^ 
grande  attention.  Au^i""^ 


jj(5  IDE'E  DES  MOUrEMENS   CONFULSIFS. 

Au  furplus  fi  dans  les  premiers  tems  quelques  Convulfionnaires  n'ont  pas  toU- 
joui-s  eu  toute  la  prévoiance  ncceflairc  pour  prévenir  ce  fâcheux  inconvénient ,  on 

f )cut  dire  avec  vérité  que  dans  la  fuite  la  plupart  d'entre  elles  ont  pouffé  à  cet  égard 
curs  précautions  jufqu'au  dernier  fcmpule.  Non  feulement  elles  fe  font  tait  faire 
des  robes  qui  les  couvrent  jufqu'au  haut  de  la  poitrine,  mais  elles  mettent  encore 
unmouchoiipardciïbus  qui  remonte  jufqu'au  cou.  Non  feulement  la  plupart  ont 
des  jupes  Se  des  jupons  qui  defcendent  prelquejufqu'à  terre,  mais  plufieurs  d'entre 
elles  les  lient  avec  des  cordes  au  dcffus  de  leurs  pieds  dès  qu'elles  fentent  qu'elles  vont 
être  violemment  agitées,  ou  qu'elles  vont  avoir  befoin  de  quelques  fccours  qui  les 
obligeront  de  fc  mettre  à  terre.  Auflî  puis-je  attefter  que  quoique  j'aie  vu  un  afTez 
grand  nombre  de  Convulfionnaires  dans  leurs  plus  grandes  agitations,  je  n'ai  pref- 
quc  jamais  appcrçû  le  bas  de  la  jambe  d'aucune,  du  moins  depuis  la  fin  de  1752. 
qu'elles  ont  commencé  à  prendre  bien  plus  de  précautions  qu'elles  n'en  prenoient 
auparavant.  Il  m'a  même  paru  en  quelques  occafions  queDieu  leur  accordoità 
cet  égard  une  proteftion  finguliére,  en  aiant  vu  qui  s'étoient  trouvées  iurprifes 

f)ar  un  mouvement  fubit  qui  Icsavoit  précipitées  tout  d'un  coup  à  terre  :  6c  pour 
ors  j'ai  chaque  fois  admiré  que  tous  leurs  vétemensfc  tiennent  fi  parfaitement  co- 
lés  a  leurs  pieds,  qu'on  n'apperçoit  jamais  le  bout  de  leurs  jambes:  cequin'eft  pas 
fims  exemple,  l'hilloirc  Ecclefiailiquc  nous  fourniffiint  des  preuves  que  furies 
tombeaux  des  Martyrs ,  les  énerguménes  étoicnt  quelquefois  enlevés  en  l'air  &  ren- 
verfés  la  tête  en  bas  parle  démon,  6c que  pour  lors,  fi  c'ctoient  desperfonncs  du 
fexc,  leurs  jupes  fe  tenoient  comme  coufues  à  leurs  jambes  par  un  prodige  qui  ne 
pouvoit  veiiir  que  de  Dieu.  Mais  il  n'a  pas  été  néceflaire  qu'il  fit  Ibuvent  de  tels 
prodiges  en  faveur  des  Convulfionnaires ,  aiant  mis  dans  le  cœur  de  prefque  toutes 
de  prévenir  ces  fâcheux  accidcns  par  toutes  les  précautions  poflîbics. 

Voilà  néanmoins  le  principal  prétexte  dont  fefont  fervisles  adverfaircs  les  plus 
outrés  des  convulfions,  pour  infinuer  dans  l'efprit  de  leurs  Icéteurs  toutes  les 
idées  obfcénes  que  leur  propre  imagination  leur  avoit  fixit  concevoir.  Voilà  le 
principal  fujet  de  leurs  déclamations,  aufli  indécentes  qu'elles  font  peu  conformes 
a  la  vérité. 

L^Auteur  des  Vains-cfïbrts  n'efl  pas  néanmoins  lepremier  qui  fe  foit  avifé  de  pré- 

fcntcr  à  fon  leéteur  toutes  ces  falesimages  :  il  n'a  fait  que  les  copier  d'après  les  In- 

llruétionspalloralesdeM.  l'Archevcqu:  de  Sens, les  lettres  du  nouvel  Evêque  Dom 

La  Tafte  ,  le  calomnieux  journal,  6cc.  Mais  il  efl  étonnant  qu'après  la  réponfe  que 

feu  M.  l'Evcque  de  Montpellier  avoit  faite  à  M.  de  Sens ,  ont  ait  ofé  faire  rcparoî- 

tre  de  nouveau  ces  fcandaleux  tableaux ,  qui  n'ont  d'être  que  dans  l'imagination  de 

leurs  peintres. 

inft.p.ft.du     Feu  M.  de  Montpellier  avoit  reproche  à  ce  Prélat  que  la  critique  odicufc  qu'il 

14-AQuii.   faifoit  des  agitations  involontaires  qu'éprouvent  les  infirmes  au  tombeau  de  M.  de 

parf  nn?'  Pâris ,  cu  Ics  qualifiant  de  culbutes  hontcufes  6c  d'infâmes  indécences ,  étoit  préci- 

1C7.  108.  fjîmcnt  la  même  que  les  hérétiques  6c  les  libertins  avoient  faites  autrefois  d'agita- 

'"*'  lions  toutes  pareilles  qui  avoient  précédé  ou  accompagné  quantité  de  miracles,  que 

Dieu  avoit  opérés  fur  le  tombeau  de  plufieurs  Saints>  6c  qu'ainfi  c'étoit  imiter,  rc- 

nouvcller,  6c  autorifer  les  infultes  que  les  plus  grands  ennemis  de  l'Eglife avoient 

faites  àlaRcH^ion. 

Il  avoit  oblei-vé  qu'il  étoit  prouvé  par  des  miracles  multipliés  de  fièclc  en  fièclc , 
6c  par  un  jugement  conlVant  de  h  tradition,  que  les  miracles  accompagnés  des 
mouvcmciis  convulfifs  les  plus  violens  n'en  avoient  pas  paru  moins  divms,  non 
plus  que  ces  mnuvcmens  qui  en  étoient  comme  le  prélude ,  quoiqu'on  ne  pût  nier 
quL-  de  parcillci  -.igitations  n'cullcnt  cxpolc  les  pcrlbnncsdu  fexc  à  de  grandes  im- 
mode- 


ÏX>rEDES  MOUVEMENS  CONFULSIFS.  t]y 

modefties,  fî  Dieu  n'avoit  en  m é me-tems  infpiréù  des  femmes  aufli  attentives  que 
charitables ,  d'avoir  foin  d'empêcher  cet  accident. 

Ce  Prélat  avoit  lui-même  rapporte  le  fait  de  plufieurs  miracles  opérés  avec  ces 
circonftancesfur  le  tombeau  de  S.  Guillaume  :  &  entre  autres  la  gucriion  parfaite 
d'une  femme  aveugle  de  naiflance ,  qui  étant  allée  prier  au  tombeau  de  ce  fiint  fut 
faifie  de  convnlfions  qui  la  renverferent  plufieurs  fois  furie  pavé  de  l'Eglifc.  Sur- 
quoi  il  efl:  bien  digne  de  remarque  que  ce  fut  précifément  dans  le  tems  que  ces 
mouvemensconvulfifs  l'agttoient  avec  tant  de  force  qu'ils  la  précipitoient  par  terre, 
que  Dieu  forma  dans  fcs  yeux  tout  ce  qui  leur  manquoit  pour  voir.  „  Que  M.  de  ibij.  «;, 
„  Sens  (difoit  feu  M.  de  Montpellier)  péfe  bien  toutes  les  circonllances  de  cet'"''* 
,,  événement:  tremblement  dans  tous  les  membres  de  la  femme  aveugle  :  extafe 
5,  qui  lui  ôte  la  connoifTance  de  ce  qu'elle  éprouve  dans  fon  corps  :  convulfions  fi 
„  violentes  que  tantôt  elle  efl:  jettée  par  terre,  tantôt  elle  efl:  remifefurfes  pieds 
5,  en  battant  des  mains  d'une  flrçon  extraordinaire.  Ce  n'efl:  ni  une  ni  deux  fois 
„  qu'elle  efl:  renverfée,  mais  par  des  fréquentes  alternatives.  Le  miracle  efl:  du 
„  nombre  de  ceux  que  M.  de  Sens  reconnoît  pour  manifeftement  divins  :  il  s'a- 
„  git  de  la  guénfon  d'une  aveugle  de  naifllince.  Prions-le  de  nous  dire  à  quel  a- 
„  gent  il  faut  attribuer  les  convulfions  qui  l'ont  précédé.  „ 

Dieu  efl:  celui  qui  frappe  y  qui, guérit ,  dit  l'Efprit  Saint  ;  cependant  „  on  nci''-'''f-  ?»■ 
,,  peut  douter  (ajoute  plus  bas  cet  illuftre  Evêque)  quelesperibnnesdufexedans''"''^'"'"''' 
5,  de  pareilles  agitations  qui  n'étoient  pas  libres ,  n'euflent  été  expofées  à  des  ii-N 
„  décences,  s'il  n'y  avoit  eu  perfonne  pour  arrêter  leurs  habits,  &  veiller  à  ce 
,,  que  la  modefl;ie  ne  fût  point  bleflee.  „  Mais  il  n'efl:  point  difficile  à  celui  qui 
efl:  •préfent  à  tout,  qui  opère  tout  dans  dans  l'univers,  qui  a  tout  prévu  &  tout  arrangé 
dansfes  confeils,  de  parer  aux  inconveniens  d'une  chofe  qu'il  lui  plaît  de  faire. 

C'efl:  donc  fuivant  le  fentiment  de  feu  M.  de  Montpellier,  une  abfurdité  de 
prétendre  que  Dieu  ne  peut  être  auteur  furnatUTellement  6c  par  miracle  d'agita- 
tions violentes ,  fous  prétexte  qu'elles  pourroient  être  caufe  de  dangereufes  immo- 
defties  s'il  ne  mettoit  en  même-tcms  dans  le  cœur  de  quelques  perfonncs  d'avoir 
attention  à  les  prévenir?  Difons  plus  :  c'efl:  un  erreur  de  Manichéen  de  foutenir 
que  Dieu  ne  peut  pas  fiire  une  chofe  parce  qu'elle  feroit  naturellement  fufceptiblc 
de  fâcheux  inconveniens  ,  puifqu'il  ne  tient  qu'à  lui  d'en  empêcher  l'efi^et. 

„  Pour  impofer  filence  à  M.  de  Sens  (ajoute  M.  de  Montpellier  au  mêmeen- 
„  droit)  citons-lui  encore  d'autres  exemples  de  convulfions  qui  naturellement  de- 
„  voient  expofer  à  des  indécences. 

„  Dans  la  tranflation  de  S.  Gotard  Evéqucd'Hildesheim,  unefemmemxiette, 
j,  dont  le  fils  étoit  aveugle  ,  étant  venue  pour  prier  devant  le  faint  coips  pour  elle  6c 
„  pour  fon  fils,  tomba  tout  d'un  coup  comme  en  extafe,  &  le  roula  par  terre  l'ef- 
„  pace  d'une  heure  :  quelque  tems  après  la  langue  fe  délia,  Scfon  fils  recouvra  la 
„  vue.  Une  femme  en  extafe  fe  rouler  par  terre  durant  une  heure  !  Qu'il  y  a  là 
„  (continue  le  Prélat)  de  quoi  exercer  le  talent  d'un  homme  fait  comme  M.  de 
„  Sens  pour  la  déclamation  ! 

„  Une  fille  affligée  d'une  contraétion  de  tous  les  membres  va  implorer  le  fecoure 
„  de  S.  Riquicr. . .  Elle  -efl:  faifie  d'un  tremblement  dans  tous  les  membres  :  elle 
„  fe  jette  &  s'étend  parterre:  enfin  elle  recouvre  une  fmté  parfaite.  Voilà  encore 
5,  des  convulfions  qui  jettent  6c  qui  étendent  une  perfonne  par  terre.  N'y  avoit-iï 
„  rien  à  craindre  pour  la  modefl:ic,  fi  on  l'eût  laiflee  feule  6c  fins  ufer  de  précaution. 

„  Au  7,  fiécle  une  Dame  porta  à  l'Eghfe  du  monallcrcde  S.  Gai  fa  fille  unique 
„  aveugle  de  naiflance,  6cla  mit  devant  l'autel  du  faint  Abbé.  Tandis  qu'elle  prioit 
„  avec  beaucoup  de  dévotion  ,  tout  à  coup  fa  fille  fe  roula  à  droit  6c  à  gauche  fur 

Obfervat.  III.  Part.  Tome  IL  S  k 


15»  IBE'E  DES  MOUrEMENS  CONVULSIFS 

„  le  pavé  de  l'Eglife  en  jettant  des  cris  lamentables,  Scelle  recouvra  la  vue.  ,y 
Enfin  une  femme  „  fourde,  muette  &  boiteulc  de  naifTance  fut  guérie  au  tom- 
„  beau  de  S.  Auguftin  de  Canrorberi,  à  la  fuite  de  convulfions  qui  la  faifoient 
^,  tomber  tantôt  fur  le  dos,  tantôt  fur  le  vifage,  écumer&grincei- des  dents.  N'y 
„  avoit-il  rien  en  tout  cela  de  choquant  &  qui  fût  capable  de  faire  peine? 

Ce  n'eft  donc  pas  une  chofe  nouvelle  dans  l'Eglife,  que  Dieu,  dont  les  confcils 
font  fi  éloignés  de  nos  penfccs,  ait  voulu  de  fiècle  en  fiècle  accompagner  par  de 
pareilles  circonftances  les  miracles  qu'il  lui  aplûde  faire?  Mais  iufqu'àpréfentil 
n'y  avoit  eu  que  des  hérétiques  6c  des  gens  fans  religion  qui  avoient  ofé  répandre 
fur  de  pareils  faits  le  venin  d'une  mordante  fatire.  Ç^'il  ell  trille  de  voir  aujour- 
d'hui,  non  feulement  des  Evéqucs  Conftitutionnaires,  mais  même  des  Doéicurs 
Appellans  les  imiter  en  ce  point. 

Nous  ne  pouvons  trop  refpeélcr  la  dignité  des  premiers  ,  ^  nous  eftimons  les  ta- 
lens  6c  la  fcience  des  autres  :  mais  nous  ne  devons  pas  nous  lailTer  éblouir  par  les 
qualités  de  ceux  qui  ofcnt  critiquer  la  conduite  6c  les  œuvres  de  Dieu.  Pour  trou- 
ver notre  fureté  nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  de  fuivre  avec  fimplicité  la  foi 
des  Pères  de  l'Eglife  ,  que  le  grand  Evêquedc  Montpellier  nous  a  tranfmife  à  cet 
égard.  EmbraObnsdonc  avec  confiance  le  fentimcnt  de  ce  digne  défenfeur  de  tou- 
te vérité,  qui  fe  conformant  à  la  conduite  des  Pères  6c  s'appuiant  fur  les  exemples 
de  ce  que  Dieu  a  déjà  fait  tant  de  fois  fur  le  tombeau  de  plufieurs  Saints,  décide  fi 
judicieufcment  que  ,  non  feulement  les  agitations  convulfives  dont  le  Très-haut  fe 
fert  quelquefois  pour  opérer  des  miracles,  mais  même  celles  par  lefquclles  il  les 
H.  tiy.r^  fait  précéder  ou  accompagner  ,  doivent  lui  être  attribuées,  6c  que  c*c(iuncvérité 
*  '  '°*  qu'il  faut  foutcnir ,  pour  ne  point  defarmer  PEglifc ,  en  la  mettant  hors  iétat  de  répon- 
dre aux  objc&ions  des  hérétiques. 
V-  111.  •  „  Les  Auteurs  Ecclélîalliques. ..  chacun  dans  leur  fiècle  (dit  encore  ce  grand 
„  Evêque)  voioient  dans  les  convulfions  qui  précédoient  la  guérifon,  la  main  de 
„  Dieu  qui  frappoit  ,  mais  qui  confoloit  en  même- tenis.  Ils  ne  trouvoicnt  point 
„  indigne  de  Dieu  qu'il  annonçât  par  les  douleurs  6c  les  contorfions  des  malades, 
j,  le  mirach'  qu'il  alloit  faire.  La  juftice  préparoit  la  voie  à  la  miféricorde:  ôclcs 
),  convulfions  fcrvoient  à  y  rendre  plus  attentifs.  „ 

Qiiel  prétexte  légitime  peut-on  avoir  prcfentcment  de  s'écarter  du  jugement 
qu'ont  autrefois  porté  nos  Percs  demouvcmcns  convulfifs  entièrement  femblables 
à  ceux  qui  de  notre  tems  ont  pris  naidance  fur  un  tombeau  ,  où  Dieu  fignale  fa  pré- 
fence  par  un  grand  nombre  de  miracles. 

Maispourne  Inidcr  aucun  doute  au  lcél:cur  fur  les  fcntimens  des  Percs  à  ce  fu- 

jet,  qu'il  me  permette  de  tranfcrire  ici  ce  qu'en  attelle  M.  Poncet,  qui  a  fait 

tant  de  recherches  pour  s'inllruire  à  fond  de  ce  que  la  tradition  nous  a  tranfmis 

à  cet  égard. 

R.fltx.  far      j,  Tous  les  Pères  fins  exception,  dit  cet  Auteur,  ont  reconnu  une  opération  de 

p  ^' '"'"'■),  Dieu  dans  routes  les  convulfions  qu'on  a  vu  arriver  dans  chaque  fiècle. .. .  fur 

„  les  tombeaux  des  Saints. 
EiTai  de  5,  C'cfl  dans  Ic  <îc.  fiècle,  dit-il  ailleurs,  qu'on  doit  placer  l'époque  du  tems  où 
•âdpag.  70.^^  les  Auteurs  Eccléfiaftiques  ont  commencé  à  parler  des  guérifons  miraculcufes 
„  précédées 6c accompagnées  de  convulfions.  Il  yen  a  une  multitude  prodigieufe 
„  qui  font  mention  de  ces  guérifons  j  6vleur  témoignage  forme  une  tradition  non 
„  interrompue  depuis  S.  Grégoire  inclufivement  julqu'a  nréfent.  Les  faits  ont  tou- 
„  te  la  certitude  qu'on  peut  défircr  :  ce  font  des  faits  publics  qui  fe  font  pafies  à  la 
„  vue  de  tout  un  peuple  ,  &  dont  il  y  a  cû  un  grand  nombre  de  témoins.  Ces  faits 
„  font  de  nature  '.]u'il  clt  impofllblcdc  s'y  méprendre  6c  de  les  rapporter  autrc- 

„  ment 


IDPE   DES  MOUFEMENS  CONFULSIFS.  t?* 

„  ment  qu'ils  fe  font  pafles.  Ceux  qui  les  rapportent  en  ont  eux-mêmes  été  té- 
,)  moins:  ils  racontent  ce  qu'ils  ont  vu  eux-mêmes  de  leurs  yeux:  ils  le  font  dans 
„  un  tems  où  ils  auroient  pu  être  démentis  par  un  million  de  perfonnes,  s'ils  a- 
„  voient  voulu  en  impofer.  Il  y  en  a  une  fuite  de  ce  caraétère  pendant  mille  ans; 
„  il  y  auroit  de  la  folie  à  fuppofer  que  tous,  ou  ont  été  trompés ,  ou  ont  voulu 
^,  tromper.  ...  Le  jugement  de  tous  ces  difFércns  Auteurs  eft  uniforme  pendant  dix 
„  fiècles. . .  Il  n'y  enapasun  feul  qui  donne  le  plus  léger  prétexte  de  penfer  qu'il 
„  réprouve  les  convulfions,  qu'il  les  attribue  ou  au  démon,  ou  à  une  caufe 
„  naturelle  ?  Aucunn'en  eft  embarafle  :  Se  la  plupart  les  regardent  comme  le  moien 
„  dont  Dieu  fe  fervoitpour  opérer  les  guérifons.  „ 

Si  les  mouvemens  convulflfs  ont  été  un  moien  que  Dieu  a  fouvent  emploie  pour 
faire  des  miracles  ,  il  eft  inconteftablequedu  moins  dans  cette  circonftance  ilena 
été  l'Auteuren  fonnom.  Quelle  audace  n'y  at-il  donc  pas  de  les  repréfcnter  en 
général  par  les  épithétes  les  plus  Hétrifflintes  comme  des  fçènes  d'une  horrible 
indécence,  fous  prétexte  d'accidens  qui  ne  peuvent  jamais  arriver,  à  moins  que 
Dieu  ne  le  permette  par  un  confeil  de  iajuftice  contre  ceux  qui  ont  mérité  d'être 
livrés  à  ce  fcandale. 

Au  refte  depuis  que  l'accès  du  tombeau  du  Bienheureux  M.  de  Paris  a  été  inter- 
dit ,  &  que  les  Convulfionnaires  ont  ufé  de  plus  de  prévoiancc  que  dans  les  premiers 
tems,  il  eft  devenu  inutile ,  pour  répondre  aux  inconveniens  de  leurs  agitations ,  de 
recourir  aux  exemples  de  ce  qui  s'eft  paffe  fur  les  tombeaux  des  Saints,  parce  que  les 
précautions  que  prennent  depuis  plufieurs  années  les  Convulfionnaires  dont  les 
convulfions  font  marquées  au  bon  coin ,  &  même  les  Vaillantiftes  &  la  plûpaix 
des  Auguftiniftes,  les  mettent  à  couvert  de  tout  accident  à  cet  égard  j  cnforte  qu'- 
elles n'ont  plus  befoin  de  l'attention  des  perfonnes  de  leur  fexe  pour  en  prévenir 
les  inconveniens. 

Le  dernier  retranchement  des  advei-fiiires  des  convulfions  a  été  de  dire,  que  du     vrir. 
moins  il  eft  certain  que  de  pareilles  agitations  blcftent  la  bienféancc,  d'où  ils  ont  i^obiesion 
conclu  que  les  Convulfionnaires  étoicnt  obligés  de  fe  dérober  à  la  vue  de  toutleq"^''-sag''- 
monde  pendant  tout  le  tems  que  duroient  leurs  convulfions.  vuicvescho^ 

Il  faut  fiiire  une  grande  difterence  entre  les  chofes  qui  font  réellement  oppofécsg!'"^  '* 
aux  bonnes  mœui"s  ,   6c  qui  tendent  direétement  au  péché  ,  d'avec  celles  qui  ne  ""' 
font  que  choquer  une  certaine bienféance  ,  quia  fon principe  dans  les  régies  d'une 
politefle  établie  par  les  hommes.  On  doit  {ans  doute  dans  l'ufage  ordinaire  fuivre 
ces  régies  de  bienféance:  mais  Dieu  n'eft  peint  obligé  de  s'y  afluiettir,  ôcilen 
difpenfe  qui  il  lui  plaît,  lorfque  cela  convient  aux  confeils  de  fa  iagefle. 

La  volonté  de  Dieu  connue  eft  la  première  de  toutes  les  régies  ,  &  celle  qu'il 
faut  toujours  préférer  à  toutes  les  autres  telles  qu'elles  foient.  On  ne  doit  donc 
pas  balancer  de  méprifer  les  régies  de  pure  bienféance  ,  lorfque  Dieu  fait  manife- 
uement  connoîtreque  telle  eft  fon  intention.  Or  on  ne  peut  raifonnablcment  dou- 
ter que  la  volonté  de  Dieu  n'ait  été  que  l'état  furnatiirel  où  il  a  mis  les  Convulfion- 
naires ,  fût  vu  Se  connu  de  beaucoup  de  perfonnes  :  il  a  fouvent  illuftré  cet  état  par 
de  grands  prodiges:  il  n'a  pas  fait  toutes  ces  merveilles  pour  qu'elles  fufient  cnfe- 
velies  dans  l'obfcurité  &  ignorées  de  tout  le  monde.  Dieu  a  fans  doute  fes  defieins 
dans  une  œuvre  auflî  extraordinaire,  &  où  le  furnaturel  éclate  de  toutes  parts; 
eft-il  donc  permis  de  fe  fouftraire  aux  defieins  de  Dieu,  &  de  refufer  d'être  fcs 
inftrumens  ? 

Je  ne  dis  pas  que  dans  certaines  circonftances.particulieres,  quelques  Convulfion- 
naires ne  faflent  bien  de  fe  renfermer  dans  la  retraite  ;  mais  il  eil  évident  que  ce 
u'eft  pas  là  communément  la  volonté  de  Dieu,  nuifqu'auconcraire  il  a  voulu  fc 

S  i       '  fer- 


Î40  IBE'E  DES  MOUFEMENS   CONFULSIFS. 

fervir  fumaturellcment  d'un  très  grand  nombre  de  Convulfionnaires,  pour  iri^" 
truire  une  infinité  de  pcrfonnes  de  vérités  très  importantes  au  fa!ut:  qu'il  en  a  em- 
ploie plufieurs  à  faire  des  guérifons  miraculeufcs  :  &  que  les  merveilleux  prodiges 
qu'il  a  fait  fur  leurs  corps,  ont  été  le  canal  de  fes  grâces  pour  convertir  quantité 
d'incrédules,  6c  pourtoucherun  grand  nombre  depecheurs.  C'efl:  doncuneinfigns 
témérité  de  prononcer  avec  emphafe,  que  tous  les  Convulfionnaires  en  général  doi- 
vent fe  cacher  à  la  vue  de  tout  le  monde ,  &  que  tous  ceux  qui  fe  donnent  en  fpc» 
ftacle  font  des  prévaricateurs  publics ,  puilqu'au  contraire  il  cil  vihble  que  Dieu  a 
voulu  fe  fervir  d'eux  pour  opérer  de  très  grands  biens  ?  C'clls'oppoferàfes  miféri- 
cordes  :  c'eft  décider  contre '.fa  volonté  très  clairement  manifeftée  par  des  effets 
également  fumaturels  &  bien-faifans  :  c'cil  préférer  les  foibles  lueurs  de  notre 
fauflc  fagefTe,  aux  lumières  infaillibles  de  la  fagefle  divine; 

li  n'y  a  guéres  d'erreur  plus  dangereufc  en  matière  de  religion,  que  de  vouloir  ju- 
ger de  ce  qui  eft  digne  de  Dieu  parles  idées  do  l'cfprit  humain ,  8c  par  les  régies  de 
pure  bienicance.  C'eft  cette  erreur  qui  a  fait  méconnoître  le  Meffie  par  les  Dofteurs 
delà  loi,  qui  ont  entrainé  avec  eux  le  gros  de  la  nation  Juive.  C'eft  une  pareille 
erreur  qui  a  trompe  jufqu'aux  démons,  6c  qui  leur  a  fait  croire  que  tout  ce  qu'il* 
remarquoient  d'humiliant  dans  la  perfonne  de  Jcfus-Chrift  ne  pouvoit  convenir 
au  Fils  de  Dieu. 

Ne  donnons  pas  dans  une  erreur  qui  eut  jadis  dés  fuites  fi  fiineftes  pour  ceux  qui 
y  tombèrent,  &  qui  a  fa  fource  dans  l'orgueil,  la  plus  incurable  8c  la  plus  invé- 
térée des  plaies  de  l'homme.  Ne  nous  y  trompons  pas:  l'empire  de  l'orgueil  n'a  pu 
ètTcvaincu-quepar  les  humiliations  d'un  Dieu  ;  8c  ce  quia  été  le  remède  nécc/Tairc 
dfc  cette  pcrnicieufe  gangrène,  fera  le  fcul  vraiment  efficace  jufqu'à  la  confomma- 
tiondesfièclcs.  La  volonté  du  Très-haut  eft  telle,  il  ne  nous  reftequ'ànousyfou- 
mcttre  en  adorant  fes  fecrets.  Au  lieu  donc  d'avoir  la  témérité  de  contredire  fes  mi- 
racles,de  critiquer  fes  œuvres,  de  prétendre  les  juger  au  tribunal  de  notre  raifon 
ténébrcufeêc  fragile,  humilions  aies  pieds  noscfpritsalticrs  8c nos  cœurs bouffi.A 
C'eft  lefeulmoicn  d'éviteraujourd'hui  le  piège  terrible  oîi  les  Juifs  font  tombés.  Ils 
s'en  relèveront  néanmoins ,  8c  peut-être  plutôt  qu'on  ne  penfe:  Icspromeffes  pour 
eux  y, font  formelles  ;  mais  ce  ne  fera  que  par  une  foi  humble  ,  fimplc  8c  loumife. 
Dieu  veuille  que  lors  qu'ils  abandonneront  la  vanité  de  leurs  pcnfèes ,  nous  ne  de- 
venions pas  les  héritiers  de  leur  révolte  :  8c  qu'aucontraire  nous  embrallions  avec 
eux  les  humiliations  du  Sauveur,  fous  quelque  forme  qu'il  lui  plaife  de  les  cacher 
dans  fes  membres. 
1%.  La  proteétion  fumaturelle  que  Dieu  accorde  à  ceux  qu'il  agite  par  dcsmouvc- 

^"*'Dl',u''mens  convulfifs,  eft  encore  une  preuve  fcnfibleque  ces  mouvemens  viennent  de 
»iit  en  f».  lui.  Il  eft  par  exemple  de  notoriété  publique  que  lorfquc  les  Convulfionnaires  fe 
cw.-ui'fior,.  blcffent  par  quelque  accident  caufé  par  leurs  violentes  agitations ,  ils  en  font  prefque 
in.iei.  fontfu,-  le  champ  "uèris  avec  de  la  teiTcdu  tombeau  ,  quckuics  confidérnblcs  que  foicnt 

une  preuve    ,  •■,...''-'•.      i>    .       -  i  i.  .-    •       i>  •'.-•ni  r 

SU*  leuri  leurs  blefTures.  Je  1  ai  vu  arriver  plus  d  une  fois  d  une  manière  fi  vifiblcmcnt  iuma- 
»K'r*Dèm'de ^"relle ,  quc  Ics  plus  incrèdulcs  ne  rouvoient  s'cmpèchcr  d'en  être  frappés,  Voi- 
Uii  ce  entre  autres  un  fait  qui  a  eu  nombre  de  témoins  rclpci^ablcs. 

Un  jeune  Convulfionnairc  étant  chez  une  perfonne  de  diftinébion  dans  une 
chambre  très  cirée,  tomba  en  arricrcfinidement  qu'ilfe  fit  un  trou  fort  confidéra- 
ble  à  la  tète.  Le  parquet  fut  aufifi-tôt  couvert  d'une  plaque  de  fang  :  il  s'en  répan- 
dit aufTi  beaucoup  iiir l'habit  8cle  lingedu  Convulfionnairc.  On  fe  prefla  de  rem- • 
piir  fa  plaie  avec  de  ta  terre  du  célèbre  tombeau ,  8c  on  lui  b;\nda  la  tére.  t'ne  per- 
fonne d'un  rang  diftingué  arrivée  peu  après  aiant  appris  cet  accident,  fut  curiculd 
d'examiner  la  profondeur  dclableflurc.  Le  Convulûonnairc  aiant  défait  fon  bai> 

dcau  j 


TDKE  DES  MOV FE MENS  CONFULSIFS.  141 

dcair,  quelle  fut  k  furprifc  de  tous  ceux  qui  avoicnt  vu  cette  plaie!  Le  trou  en 
étoit  fi  parfaitement  rebouché  ,  &  la  peau  fî  bien  rejointe  fans  la  moindre  cicatrice 
qu'il  ne  leur  fut  pas  poflible  de  reconnoîtrcpar  aucune  marque  l'endroit  où  avoit 
été  la  blefTure  ,  la  terre  qu'on  y  avoit  mife  étant  aulfidifparue.  Et  quoique  la  per- 
fbnnequi  ne  venoit  que  d'entrer  vît  le  fang  qui  étoit  encore  fur  le  parquet ,  fur  le 
linge  6c  fur  l'habit  du  Convulfionnairc  ,  elle  laifla  entrevoir  qu'elle  avoit  peine  à 
croire  ce  qu'on  difoit ,  &  que  tous  les  afiîllans  avoient  vii. 

C'eft  encore  un  fait  conliant  qu'il  y  a  pluficurs  Convulfionnaires  qui  n'ufcnt 
d'aucun  autre  remède  que  de  cette  terre ,  non  feulement  pour  les  bleflurcs  qu'ils  fe 
font  quelquefois  en  convulfion  ,  mais  auflî  pour  toutes  les  maladies  qui  leur  arri- 
vent dans  leur  état  naturel  &  qu'ils  en  font  ordinairement  guéris  d'une  manière 
fort  prompte. 

Mais  ce  n'eft  pas  feulement  fur  le  corps  des  Convulfionnaires  que  Dieu  exerce  fa      x. 
miféricorde  ,  c'èft  principalement  far  leurs  âmes.  Sitous-n'ontnas  profité  de  leur/"^","' 
état ,  du  moms  y  en  a-t-il  un  très  grand  nombre  dont  la  piete  scfl  beaucoupi^o  i^it" 
augmentée  depuis  le  premier  moment  qu'ils  ont  été  agités  par  des  mouvemcns  con-convuuion- 
vulfifs:  &  plufieurs  autres  dont  la  converfion  a  commencé  en  même-tems  que  leurs  "■'''■"?';'."'' 
convulfions ,  6ç  s'-eft  depuis  perfeélionnée  de  plus  en  plus.  '  efu-A^urar 

La  paix  8c  le  contentement  qui  eclarent  fur  levifogc  de  la'pliipart,  dans  le''','';'"":°=i- 
tems  même  que  leur  corps  eft  tourmenté  avec  plus  de  violence  6c  qu'il  paroît^"'"'"^ 
fouffrir  quelquefois  les  plus  vives  douleurs,  font  des  fiits  publics,  qui  pour  être 
répétés  tous  les  jours  depuis  pluficurs  années,  n'en  font  que  plus  admirables  & 
plus  vifiblement  furnaturcls.  Leur  joie  dans  les  fouffrances  :  leur  réfif^nation  à 
tout  ce  qu'il  plaît  à  Dieu  ordonner:  leur  entière  confiance  en  lui-:  leur  intrépi- 
dité par  rapport  à  tout  ce  qu'ils  ont  à  craindre  :  leur  patience  inébranlable  qui 
leur  fait  fupporter  fans  peine  l'humiliation  extrême  ou  ils  font  réduits,  èc  qui 
leur  fiiit  dire  avec  S.  Paul  :  Nous  nous  glorifions  dans  les  affligions. . .  par  l'efpé-Knm.-  u  tt- 
ranee  de  la  gloire  desenfans  de  Dieu  ;  ne  font- ils  pas  des  dons  de  l'Auteur  de  tou- 
tes les  vertus  ?  On  ne  peut  difconvenir  que  ces  dons  aujourd'hui  fi  rares    même- 
parmi  les  Appellans,  ne  fe  trouvent  en  plufieurs  Convulfionnaires. 

Enfin  c'eft  un  fait  inconte ilab le  que l'inllinét  qui  ac-compagnc  les  mouvcmerrs; 
convulfifs  attache  à  la  caufe  de  l'Appel  tous  ceux  qui  font  agités  par  ces  mou-- 
vemens  de  quelque  fentiment  qu'ils  aient  été  jui'qu'alors. 

Les  convulfions  remuent  en  même-tems  le  corps,  le  coeur  6c  l'amc.  Ellésfontv 
un  moien  de  falut  :  mais  elles  ne  détruifent  pas  le  fond  de  concupifcence  que  • 
nous  apportons  en  naifiant,  6c  elles  n'empêchent  poirrt  ordinairement  le  démon; 
d'emploier  fes  artifices  pour  perdre  les  Convulfionnaires.  L'inftinéi:  deleurcon-- 
vulfion  les  éclaire  fur  leurs  péchés  6c  fur  leurs  devoirs,  les  reprend,  les  humi- 
lie: mais  cet  inftinét  n'cft  le  plus  fouvent  qu'une  grâce  deçombat  ;  il  leurfour-- 
nit  des  armes  pour  fe  défendre  contre  les  attaques  du  démon,  mais  il  ne  les  en'- 
garantit  pas  toujours. 

Au  reftc  la  lumière  qu'il  répand  dans  leurs  âmes  ^ell' quelquefois  très  vive:  ils 
y  a  même  plufieurs  Convulfionnaires  dont  l'efprit  s'eft  trouve  infiruit  de  la  Vé- 
rité d'une  manière  vifiblement  furnaturelle  dès  le  prem ier> moment  qu'ils  onrctit 
des  convul'fioîTs ,  &  dont  le  cœur  a  tout  à  coup  change  entièrement  de  fcnti-- 
ment:  mais  dans-  l'ordre  ordinaire  l'inftinét  de  la  convulfion  combat  les  pafiîons  • 
pendant  afiez  long-tems,  avant  que  de  les  furmonter  j  6c  alors  le  démonfaittousc 
les  efforts  pour  dégoûter  les  Convulfionnaires  de  leurs  convulfions?,  pour  leur' 
en  donner  de  la  défiance  6c-  leur  fiiire  fouhaiter  de  n'en  plus  avoir.'  S'ilnVréuf-- 
fit  pas,  il  eft  vaincu:  6c  l'on  voit  communément  que  les  GonvulfîonnaiEcs-cn— 

S   5  tjô-- 


I4t  FDE^E  DES  MOUVEMENS  CONFULSIFS. 

tiércmcnt  fournis  à  la  volonté  de  Dieu»  &  qui  acceptent  de  tout  leur  cœur  le» 
humiliations  de  leur  état,  parviennent  en  peu  de  tems  à  une  piété  eminente. 
Lorfqu'au  contraire  fatan  trouve  le  moicn  de  leur  faire  prendre  leurs  convul- 
fions  en  averfion,  £c  de  leur  faire  défirer  &  prier  d'en  être  délivrés,  fi  Dieu 
par  le  confcil  de  la  juftice  leur  accorde  ce  qu'ils  fouhaitent ,  ainlî  qu'il  a  fait  i 
plufieurs,  leur  chute  tnalheureufe  ne  nous  a  que  trop  appris  que  pour  lors  le 
démon  fc  rend  bientôt  le  maitre  de  leur  cœur.  Mais  il  ell  déjà  arrivé  plus  d'u- 
ne fois  que  Dieu,  après  les  avoir  laiiïes  s'égarer  pendant  quelque  tems,  les  a 
rappelles  à  lui  en  leur  rendant  des  convullions  plus  fortes  &  plus  efficaces  que 
les  premières. 

Les  exemples  ne  me  manquent  pas,  pour  prouver  ce  que  je  viens  d'avancer  t 
mais  afin  de  ne  point  trop  allonger  mon  Ecrit,  je  me  contenterai  d'en  rappor- 
ter un  de  chaque  crpccc. 

On  verra  dans  le  premier,  les  convulfions  changer  en  un  moment  tous  lesferk- 
timcns  d'un  homme  de  Ccur,  éclairer  fon  efprit,  détruire  toutes  (es  préven- 
tions ,  toucher  puifTamment  fon  cœur,  le  détacher  de  tout ,  6c  en  faire  depuis  ce 
tcms-là  un  humble  pénitent,  dont  le  cœur  tout  brûlant  d'amour  s'élance  fans 
ccfle  vers  le  bonheur  éternel. 

On  verra  dans  le  fécond,  une  Dcmoifelle  fort  répandue  dans  le  monde,  con- 
vertie tout  à  coup  par  des  convulfions  :  mais  qui  cependant  effiiic  les  premiers 
jours  de  terribles  combats.  On  la  verra  aux  pnfcs  avec  fatan,  qui  emploie  d'a- 
bord fes  artifices  pour  lui  donner  du  dégoût  de  cet  état ,  en  lui  faifant  vivement 
fcntir  les  humiliations  auxquelles  il  l'cxpofe ,  5c  en  réveillant  dans  fon  cœur 
l'amour  des  biens  Se  des  plaifirs  dont  cet  état  va  la  priver  :  on  admirera  les  puif- 
fans  fecours  que  l'inftinét  de  fa  convulfion  lui  fournit:  on  verra  enfuite  l'ange 
de  ténèbres  lui  infinuer  que  fes  convulfions  ne  font  qu'une  fource  d'illu- 
fion ,  &  qu'ainfi  loin  de  fe  livrer  à  leurs  imprcflîons,  elle  doit  faire  les  efforts 
pour  y  rcfilter  :  on  tremblera  pour  elle,  en  la  voiant  prefquc  fcduite  par  cette 
tentation  :  on  bénira  Dieu  de  ce  qu'il  la  châtie  en  père,  &  qu'il  lui  fait  parce 
moicn  voir  tout  à  découvert  les  rufes  du  ferpcnt.  Enfin  quelle  confolation, 
quelle  édification  ne  recevra-t-on  pas,  en  voiant  cette  Demoifclle  parvenue  peu 
après  à  une  vertu  d'autant  plus  grande  qu'elle  eft  accompagnée  d'une  humilité 
profonde  ! 

Le  troifiéme  exemple  eft  celui  d'un  favant ,  d'un  homme  de  lettres,  qui  après 
avoir  effuié  pendant  neuf  mois  le  combat  intérieur  que  l'inilinét  de  fes  convul- 
fions livroit  au  penchant  de  fon  cœur,  fut  privé  de  fes  convullions  ainfi  qu'il 
le  fouhaitoit.  Mais  dans  quel  abime  ne  fe  precipita-t-il  pas,  fitôt  qu'il  fut  rendu 
à  lui  même!  Dieu,  quoiqu'il  eût  cependant  fur  lui  de  grands  dcilcins  de  mifc- 
ricorde,  le  laifla  ainfi  s'égarer  pendant  plus  d'un  an  &  demi,  afin  qu'il  n'oubliât 
jamais  ce  que  c'eil  que  l'homme  lorfqu'il  n'ell  pas  foutcnu  par  une  grâce  effica- 
ce. Au  bout  de  ce  tems ,  celui  dont  la  miféricorde  eft  toute  gratuite ,  le  retira 
de  cet  état ,  en  lui  renvoiant  des  convulfions  qui  le  firent  auffitôt  devenir  un  pé- 
nitent ,  dans  le  cœur  de  qui  l'humilité  dilpute  avec  l'amour  à  qui  le  rendra  plus 
agré.ible  à  Dieu. 


x\.  La  grâce  toute-puiflante  qui  dès  le  premier  moment  que  M.  Fontaine  eut  de 

^*J'J'^^'' convullions,  fit  defcendrc  une  lumière  célelle  dans  fon  ame,  diflipa  tous  les  pré 


des 

pré- 

'**  M.  Fon- jugés  de  fon  efprit,  &  s'empara  entièrement  de  fon  cœur,  a  cû  un  fi  grand  éclat 

'*'"'■        que  je  ne  puis  mieux  faire  pour  prouver  le  premier  fait  que  j'ai  avancé,  que  de 

rapporter  les  faveurs  infignes  6c  lubitcs  dont  Dieu  u  gratifié  ce  Secrétaire  du 

Roi  par  le  caïul  des  convulfiom. 

Ce 


IDE'E    DES  MOVVEMENS  CONFULSIFS  14^ 

Ce  fut  dans  le  tems  que  M.  Fontaine  étoit  en  faveur  àla  Cour,  où  il  exer- 
çoit  avec  un  applaudiflement  général  la  commiffionaufli  honorable  que  lucrative 
de  recevoir  les  placets  qu'on  préfente  au  Roi  :  ce  fut ,  dis-je ,  dans  ce  tems  que  Dieu 
éclaira  fon  efprit ,  Se  toucha  fon  cœur ,  en  agitant  fon  corps  par  les  convulfions  les 
plus  extraordinaires.  Tant  qu'il  n'eut  point  de  convulfions,  les  préjugés  qu'il  a- 
voit  fuccés  avec  le  lait,  &  que  fon  éducation  avoit  toujours  fortifiés  de  plus  en 
plus,  le  rendoient  un  zélé  Conilitutionnaire  :  mais  fitôt  qu'il  eut  des  convul- 
fions une  lumière  divine  lui  fit  connoître  que  la  Bulle  étoit  la  condamnation  de 
la  morale  de  l'Evangile  ,  des  fentimens  des  Pères ,  &  de  la  voie  qu'avoicnt  fuivi 
les  fiints  :  &  que  pour  être  dans  leur  communion  il  falloit  s'unir  à  l'Appel,  ou 
du  moins  fuivre  dans  la  pratique  les  vérités  eflcntielles  que  les  Appellans  défen- 
doient.  Il  y  a  plus  :  jufqu'à  ce  jour  fes  préventions  lui  avoient  fait  regarder  les 
Réflexions  morales  du  Père  Quefncl  fur  le  nouveau  Teftament ,  comme  un  livre 
qu'il  n'étoit  pas  permis  de  lire.  Mais  Dieu  avoit  au  contraire  arrêté  que  la  leftu- 
re  de  ce  livre  feroit  le  canal  par  lequel  il  répandroit  dans  fon  efprit  les  plus  vives 
lumières,  6c  par  lequel  il  embraferoit  en  même  tems  fon  cœur  du  feu  d'une  ar- 
dente charité  :  6c  afin  que  fon  opération  divine  fût  manifefte,  il  voulut  que  cette 
leéture  fût  accompagnée  de  convulfions  aufli  étonnantes  que  finguliéres. 

En  1733-  M.  Fontaine  étant  à  Paris  dans  une  maifon  on  on  l'avoit  invité  à 
dîner  avec  une  grande  compagnie ,  fe  fentit  tout  à  coup  forcé  par  une  puiflance 
invifible  de  tourner  fur  un  pied  avec  une  vîtefle  prodigieufe  fans  pouvoir  fe  re- 
tenir, ce  qui  dura  plus  d'une  heure  fans  un  feul  inftant  de  relâche.  Dès  le  pre- 
mier moment  de  cette  convulfion,  un  inftinét  qui  vcnoit  d'enhaut  lui  fit  deman- 
der qu'on  lui  donnât  au  plus  vite  un  livre  de  piété.  Celui  qu'on  trouva  le  pre- 
mier fous  la  main  6c  qu'on  lui  prélenta,  fut  un  tome  des  Réflexions  morales  du 
Pcre  Quefnel.  Quoique  M.  Fontaine  ne  cefTât  pas  de  tourner  avec  une  rapidité 
éblouifTante,  il  lut  tout  haut  dans  ce  livre  tant  que  dura  fa  convulfion  tournan- 
te, avec  une  facilité  parfaite,  6c  un  contentement  inexprimable,  qui  pénétroit 
iufqu'au  fond  de  fon  cœur,  &  qui  édifioit  tous  ceux  qui  étoient  préi'ensj  6c  dès 
ce  moment  toutes  fes  anciennes  préventions  s'èclipferent  comme  une  ombre  qui 
fuit  6c  cefl"e  d'être  dès  que  la  lumière  paroît  :  il  le  fentit  convaincu  de  toutes  les 
grandes  vérités  condamnées  par  la  Bulle  6c  revendiquées  par  l'Appel  j  6c  même 
il  fe  fentit  difpofé  à  tout  facrifier  pour  leur  rendre  un  éclatant  témoignage. 

Cette  convulfion  fi  étonnante  dans  fa  forme  6c  fi  admirable  dans  fes  effets ,  fc 
répéta  depuis  ce  jour  pendant  plufieurs  mois,  ^  a  été  vue  par  un  nombre  in- 
nombrable de  perfonnes  de  toute  condition.  Elle  fe  fixa  même  régulièrement  à 
deux  fois  par  jour,  6c  elle  n'a  quitté  M.  Fontaine  que  le  6.  Août  1733.  dès 
qu'il  eût  achevé  de  lire ,  en  tournant  toujours  d'une  force  prodigieufe ,  les  8. 
Tomes  des  Réflexions  du  Père  Qiiefnel  iur  le  nouveau  Teftament  :  ce  que  M. 
Fontaine  accompagnoit  de  plufieurs  élévations  de  fon  cœur  vers  Dieu. 

La  convulfion  tournante  du  matin  lui  prenoit  tous  les  jours  précifément  à  neuf 
heures ,  6c  duroit  une  heure  6c  demie  ou  deux  heures  tout  de  fuite.  Celle  de  l'après- 
midi  commençoit  à  trois  heures  ,  6c  duroit  autant  que  celle  du  matin.  Tous  les 
jours  M.  Fontaine  fe  trouvoit  en  fe  levant  une  fi  grande  foiblefie  dans  les  jambes 
qu'il  ne  lui  étoit  pas  poflible  de  fe  foutenir,  ce  qui  continuoit  jufqu'à  neuf  heu- 
res que  fa  convulfion  tournante  le  faififloit.  Pour  lors  fon  corps  fe  pofoit  fur  une 
de  fes  jambes,  qui  pendant  l'heure  6c  demie  ou  les  deux  heures  que  duroit  le 
tournoiement,  ne  quittoit  pas  le  centre  où  elle  avoit  été  placée,  pendant  que 
l'autre  jambe  décrivoit  un  cercle  avec  une  rapidité  inconcevable ,  fe  tenant  pref- 
que  toujours  en  l'air,  £c  pofant  néanmoins  quelquefois  tros  légèrement  à  terré, 

mais 


144  IDE'E  DES  AfOUTEMENS  CONrXJLSTFS. 

mais  fans  rien  perdre  de  l'impctuofitc  de  Ton  mouvement.  Le  tournoiement  de 
tout  le  corps  le  failoit  avec  une  vîteflc  11  prodigieule  qu'un  grand  nombre  de 
perfonnes  ont  compté  jufqu'à  foixantc  tours  dans  une  minute;  enforte  que  fui- 
vant  le  calcul  de  leurs  obfcrvations ,  l'étendue  de  tous  les  tours  que  failoit  une 
des  jambes  de  M.  Fontaine  pendant  une  de  fes  convulfions  tournantes,  paflbit 
la  longueur  de  deux  ou  trois  lieues,  tandis  que  l'autre  jambe,  qui  ne  pofoit  que  fur 
la  pointe  du  pied,  portoit  durant  ce  tems  tout  le  poids  de  fon  corps. 

Après  que  laconvullîon  tournante  du  matin  étoit  finie  ^  M .  Fontaine  fe  trouvoic 
en  état  de  fe  foutenir  un  peu  fur  fes  jambes:  mais  elles  nercprcnoicnt  toute  leur 
vigueur  qu'après  celle  de  l'après-midi  :  6c  pour  lors  ilfe  fcntoit  dans  une  force  6c 
une  lanté  parfaites  jufqu'au  lendemain  matin. 

L'cftet  que  l'inftinct  de  cette convulfion  fit  furfoname,fut  ainfi  que  je  l'ai  déjà 
dit,  de  changer  tout  d'un  coup  tous  fes  fentimens  par  rapport  à  l'Appel  :  de  lui 
faire  connoître  la  Vérité,  de  la  lui  faire  voir  clairement  &  del'y  attacher  parles 
liens  les  plus  foits  ;  de  lui  faire  regarder  les  Réflexions  inorales  comme  une  fourcc 
de  lumière  &  de  bénédictions,  &;  de  le  détacher  entièrement  de  toutes  leschofcs 
de  la  terre  :  de  le  porter  à  remettre  fa  commiffion  :  de  lui  faire  donner  des  aumô- 
nes confidérables  :  de  fe  dépouiller  de  tout  jufqu'à  fe  réduire  à  l'état  de  pau- 
vre, pour  vivre  dans  la  retraite,  l'humiliation  6c  la  pénitence  la  plus  auftère: 
enfin  d'élever  fon  ame  vers  le  ciel ,  où  fes  xiéfîrs  fe  portent  fans  celle ,  6c  toujours 
avec  plus  d'ardeur. 

Voilà  ceque  toutParis  avû:  voilà  des  faits  qui  ont  des  témoins  fans  nombre, 
£c  qui  par  conféqucnt  ne  peuvent  être  contellés. 

Au  relie  la  pieté  de  M.  Fontaine,  fon  humilité,  fon  efprit  de  pénitence  & 
de  ficrifice,  acquièrent  encore  tous  les  jours  de  nouveaux  accroiflcmens ,  depuis 
v.Mficî-de  qu'il  s'ell  renfermé  dans  une  profonde  retraite  où  il  ne  s'occupe  que  de  Dieu,  6c 
r*v>-''  o'^^'^'^  ^^^  convulfions  illuftrécs  de  pluficurs  dons,  ont  pris  une  forme  ordinaire. 
r.g.  si.  &  Jelus-Chrill  nous  dit  lui-même  qu'on  doit  juger  de  la  qualité  de  l'arbre  parles 
Jj"'^**^'"  **'fn.uts  qu'il  produit:  des  agitations  convulfives  que  Dieu  a  inondées  d'une  telle 
pluie   de  bénédiébions ,  doivent-elles  donc  être  attribuées  à  l'efprit  pervers? 
XTi.  ^       Quoique  les  grâces  que  Dieu  a  faites  à  la  Sœur  H.  que  je  vais  prendre  pour 
^n^""n ''preuves  du  fécond  fait  que  j';ii  avancé  ,  ne  paroiilcnt  pas  d'abord  aufll  fortes  6c 
delà  Sœur  aufïï  brillantes  que  celles  dont  il  a  tout  d'un  coup  inondé  l'ame  de  M.  Fontai- 
ne, cependant  en  confidérant  les  merveilleux  effets  qu'elles  ont  enfin  produit, 
elles  ne  font  pas  moins  dignes  d'admiration. 

Cette  Sœur  cil  une  fille  de  bonne  famille  qui  aimoit  beaucoup  le  monde, 
&  qui  méprifoit  fort  l'œuvre  des  convulfions.  Ce  fut  cependant  par  ce  canal 
cjue  Dieu  voulut  lui  faire  quitter  la  vie  mondaine  qu'elle  ménoit,  6c  pratiquera 
la  place  une  très  grande  pénitence. 

Dans  le  tems  qu'elle  s'y  attcndoit  le  moins ,  elle  eft  f.iifie  par  des  mouvcmens 
convulfifs  qui  profternent  fon  efprit  aullî  bien  que  fon  corps  au  pied  de  la  croix.  La 
vue  de  l'éternité  frappe  aufli-tôt  fon  amc,  6c  y  porte  la  teiTCur.  Tous  les  pé- 
chés qu'elle  a  commis,  fe  prèfcntcnt  en  foule  à  fes  yeux.  Elle  croit  voir  l'en- 
fer ouvert  fous  les  pieds.  Sîiféricorde  ^  mi[(yicorcle  ^  è  mon  Dieu!  s'écrie-t-cllc 
toute  hors  d'elle-même  >  6c  dès  ce  moment  elle  forme  la  rèfolution  de  quitter 
tous  les  divcrtiflemcns  6c  les  compagnies  pour  qui  elle  avoit  tant  d'attrait,  8c 
2c  de  mener  dorcnavavant  une  vie  de  retraite  ,   de  pénitence  ?:C  de  prières. 

Pénétrée  de  ces  fentimens,  elle  fc  met  fous  la  conduite  d'un  Directeur  desplus 
éclairés,  à  oui  elle  rend  compte  de  fon  eut  précédent  6c  des  projets  de  con- 
vcrûon  que  la  grâce  a  rais  dans  fon  cœur. 

Ce- 


IDE'E    DES   MOVVEMENS    CONPVLSIFS,  145" 

Cependant  le  démon  écumant  de  rage  de  voir  ainfi  échapper  fa  proie,  em- 
ploie tous  fes  artifices  pour  lui  faire  abandonner  fès  bons  del&ns.  Il  remue  le 
fond  de  concupifcence  qu'il  trouve  encore  dans  fon  cœur ,  &  il  s'en  fert  iX)ur  lui 
fuggérer  les  plus  dangereufes  réflexions. 

Que  vas-tu  devenir  ?  (fe  difoit-elle  intérieurement  à  elle-même.)  Tu  vas  te  ren- 
dre la  fable  du  public  &  l'objet  des  railleries  de  toutes  tes  connoillances  ,  dès 
qu'on  faura  que  tu  as  des  Convulfions  8c  que  tu  veux  vivre  déformais  dans  la  pé- 
nitence &  la  Iblitude.  Mais  crois-tu  avoir  allez  de  courage  pour  pouvoir  exécu- 
ter un  tel  deflèin  ,  &  le  foutenir  pendant  long-tems  )  Jeune  comine  tu  es  ,  auras- 
tu  aflèz  de  confiance  pour  t'enfevelir  ainfi  dans  la  retraite  tout  le  refle  de  tes 
jours  ?  Tu  vas  te  couvrir  d'un  mafque  ridicule  qui  te  fera  perdre  toute  efpéran- 
ce  d'établifîèment  :  il  n'y  aura  plus  pour  toi ,  ni  fortune ,  ni  plaillrs ,  à  efpérer  dans 
le  monde;  &  lorfque  tu  auras  tout  perdu  ,  le  dégoût  &  l'ennui  inféparables  de  la 
trifle  vie  que  tu  prétens  embraflèr  ,  te  feront  retourner  dans  le  monde  qui  te  raé- 
prifèra  à  fon  tour  encore  plus  que  tu  n'auras  paru  le  mépriièr. 

Mais  aufTitôt  l'inftbit  de  fà  Convulfion  lui  fait  fè  répondre  à  elle-même  :  Quoi 
donc ,  malheureufe  que  je  fuis  ,  je  vois  que  Jéfus-Chrift  me  tend  les  bras  &  je  re- 
flifè  d'aller  à  lui  !  ISTefl-il  pas  évident  que  c'eft  ce  divin  Sauveur  qui  tout  à  coup 
m'a  ouvert  les  yeux ,  pour  me  fiire  connoître  l'état  funefte  où  j'ètois  plongée  > 
N'efl-ce  pas  lui  qui  a  formé  dans  mon  cœur  les  fàintes  rèiblurions  que  mon  or- 
gueil &  ma  corruption  combattent.  Eh  !  qu'eft-ce  que  ces  vains  plailirs  dont  je 
regrette  tant  la  {lerte ,  en  comparaifbn  du  bonheur  étemel  où  cette  j^erte  me  fera 
parvenir  ?  Quelle  proportion  entre  un  moment  &  une  éternité  ?  Quelle  prodigieu- 
îè  ditiérence  entre  ces  amulèmens  fîivoles  que  tôt  ou  tard  il  me  faudra  bientôt 

Quitter,  &  la  joie  inetïable  de  la  di\Tnité  dont  je  jouirai  éternellement  dans  le  fèin 
e  Jéfus-Chrift  ?  Qui  peut  douter  que  la  béatitude  du  ciel  ne  foit  inlinimcnt  fu- 
périeufè  à  tous  les  plailirs  de  la  terre  ?  En  vain  la  lâcheté  de  mon  cœur  me  fait- 
elle  craindre  de  ne  pas  perfévérer  !  Eft-ce  donc  fur  mes  forces  &  mon  courage 
que  je  dois  compter  ,  pour  pouvoir  fuivre  Jéfus-Chrift  ?  C'eft  lui-même  qui  m'a}> 
pelle  :  dois-je  être  lourde  à  fa  voix ,  aveugle  à  fi  lumière ,  infènfible  à  fes  faveurs  ? 
Il  me  fèmble  que  je  le  vois  fior  la  Croix  ,  les  mains  ouvertes  pour  répandre  fur 
moi  fes  dons,  pour  me  conduire  dans  fès  voies,  pour  me  protéger  par  fa  puilTan- 
ce:  refufèrai-je  de  me  prêter  aux  deflèins  de  miféricorde  qu'il  a  fur  moi  )  C'eft 
lui  qui  me  met  dans  un  état  furnaturel,  qui  par  l'humiliation  de  fa  Croix  me  con- 
duira fans  doute  dans  la  gloire  ,  fi  j'accepte  avec  fbumiirion  les  douleurs  &  les 
mépris,  les  jTeines  &  les  dangers  attachés  à  cet  état.  Un  tel  facrifice  qu'il  me  de- 
mande, ne  me  fèra-t-il  pas  ,  pouu'û  que  je  le  failè  de  bon  cœur  ,  un  fur  garant 
qu'il  ne  m'abandonnera  point  ?  N'eft-ce  pas  fa  grâce  qui  aduellement  m'invite  à 
en  former  la  réiblution  )  N'eft-ce  pas  elle  qui  me  la  tèra  exécuter  .>  Jéfus-Clirift 
ignore-t-il  que  je  ne  fuis  que  foiblelTe  ?  Puifqu'il  me  recherche  dans  le  teins  que  je 
fuis  fi  indigne  d'une  h  grande  miféricorde ,  &  qu'il  me  choilit  po'jr  porter  les  li- 
vrées de  fes  humiliations  ,  je  dois  efpérer  qu'il  achèvera  fon  ouvrage:  je  dois  mê- 
me n'en  pas  douter ,  pourvu  que  je  ne  le  forre  point  de  m'abandonner  par  mes 
infidélités.  Quelle  feroit  donc  ma  déplorable  folie  de  commencer  par  refufer  la 
grâce  qu'il  me  fait,  dans  la  crainte  qu'il  ne  continue  pas  de  m'en  faire!  Ce  fèroit 
au  contraire  en  la  refufant ,  que  j'aïu'ois  tout  lieu  d'appréhender  qu'il  me  reprou- 
vât ix)ur  toujours.  Infcnfée  que  je  fuis ,  veux-je  donc  bazarder  de  me  perdre  po.ir 
toute  l'éternité  )  Ne  le  jxrmettez  pas  ,  ô  mon  Dieu  !  je  me  Ibumcts  à  tout  :  mais 
ne  m'abandonnez  pas  un  feul  moment  à  ma  fbiblelTe  ,  &  faites-moi  pro/iter  de 
tout  par  la  force  toute-puilTante  de  votre  grâce; 
Obfervat.  III.  Part.  Tome  II.  T  P<-n- 


'      1^6  IDE'E    DES   MOVVEMENS    CONFULSIF  5. 

Pendant  quelques  jours  ces  fentimens  régnèrent  a(Tèz  paifiblement  dans  (on  coeur; 

ils  y  étoicnt  Ibutcnus  par  de  ferventes  prières  où  elle  trouvoit  une  confolation  len- 

fible  ,  qui  la  dédommageoient  abondamment  des  amufcmcns  mondains  qu'elle  avoit 

quittés.     EUlc  poulToit  cependant  jirefque   fans  celTe  de  profonds  foupirs  ,  dont  la 

plûj'^rt  à  la  vérité  s'élevoient  vers  le  ciel ,   mais  dont  quelqucs-iuis  néanmoins  s'é- 

chapixjient  encore  vers  la  terre. 

i.Le-t.ccm-     ^ans  cct  état  elle   commence  en  ConvulTion  une  Lettre  qu'elle  avoit  iiuention 

h'sH'ipcùr  d'envoyer  h.  M.  N.  fon  Direi'teur ,  &  qu'elle   lui  a  remile  depuis.     „  Monlieur  (y 

Du'dc'u°?    >'  ^'^"''  ^^^  "^"  "'^'^  l^'"-'^  capable  de  fure  connoître  que  les  Convullions  viennent 

^  de  Dieu  ,  que  mon  état.    J'étois  dans  un  abîme  eiîroiable  de  péché  ,  quand  el- 

„  les  m'ont  pniès.    Dieu  s'en  eft  fer\a  pour  me  faire  connoître  combien  j'etois  hor- 

„  rible  à  fes  yeux  .  .  .  Mais,  iiifenfée  que  je  fuis,  au  lieu  de  m'abailTèr  fous  votre 

„  main  falutaire,  ô  mon  Dieu,  &  plutôt  que  d'accepter  l'humiliadon  ,  dans  laquel- 

„  le  vous  voulez  me  réduire"  ,  .  .  Elle  s'arrête  tout  à  coup  à  ces  derniers  mots 

iîms  finir  la  phralc,  parce  que  le  démon  lui  préfente  l'idée  que  les  Convullions  ne 

font  j-^ut-être   que  1  effet  de  fon  imaginarion  ,  ou  une  fuggeftion  de  Satan.     Elle 

difcontinue  ià  Lettre:  elle  s'occupe  volontairement  de  cette  pernicieulè  penfée,  qui 

favorilè  le  pcnichanr  naturel  de  fon  cœur.    La  ConvuUion  la  quitte:  rendue  à  die- 

même,  cUc  fe  dit: 

Qui  m'alfurera  que  les  Convulfions,  qui  me  portent  à  m'enterrer  ainfi  t6ufe  vi- 
ve ,  viennent  de  Dieu  ?  Si  j'en  crois  une  grande  partie  des  Miniftres  de  l'Eglifè, 
elles  ne  \iennent  que  du  démon,  ou  elles  ne  font  qu'une  maladie  Non  feulement 
tous  les  Conftitutionnaires ,  mais  même  plufieurs  Doaeurs  Appellans,  l'ont  formelle- 
ment décidé.  Si  quelques  Docteurs  refj-icclables  en  ont  d'abord  pris  la  défenfe, 
prefque  tous  depuis  un  tems  femblent  les  abandonner:  ils  publient  eux-mêmes  que 
l  état  des  Convullionnaii-es  ell:  très  dangereux  8c  très  fujet  à  l'iUufion ,  &  que  tous 
ceux  qui  fe  font  donner  les  Secours  prodigieux  que  cet  état  fait  forcément  de- 
mander ,  font  criminels.  Qu'allois-je  donc  laire  ?  Me  priver  de  tout ,  renoncer  K 
tout ,  jx>ur  me  mettre  au  nombre  de  gens  que  prefque  tout  le  monde  regarde  conK 
me  des  fanatiques.  N'eft-il  pas  bien  plus  prudent,  &  par  conféquent  plus  confor- 
me à  l'ordre  de  Dieu,  que  je  cache  avec  grand  foin  mes  Convulfions ,  &  que  je 
le  prie  de  m'en  délivrer? 

Dieu  exauÇj-a  i^endant  quelque  tems  cette  fatale  prière  :  les  Convulfions  ne  re\'in- 
rent  plus.  Mais  qu'arriva-t-il  ?  Cette  fille  qui  dqiuis  le  commencement  de  fes  Con- 
vulfions avoit  goûté  dans  la  {-«riére  des  confolarions  très  fenlibles ,  devint  aufîitôt 
prefque  entièrement  incapable  de  tout  ce  qui  a  rapport  à  la  piété. 
î.Lct:rede  Voïci  unc  l.cttre  qu'elle  écrivit  en  cet  état  à  Ion  Diredeur.  „  Je  vous  ai  dit 
iM^N."'  ^  q'-i'il  y  ^^'oit  huit  jours  que  j'étois  fins  Convulfions,  &  que  depiùs  ce  tems-là 
„  j'étois  prefque  faas  aucun  goût  p-our  tous  mes  dc\-oii-s.  Je  ne  puis  \-ous  cxypn- 
^  mer  combien  il  faut  que  je  me  lalTè  de  violence  pour  m'acquiter  de  mes  de- 
„  voirs  les  plus  indifjxjifables.  Je  ne  puis,  ni  j^icr,  ni  liia  Le  tems  auquel  je  ne 
„  puis  m'en  difjienfeT,  m'ennuie  extraordinairement.  Si  je  poin^ois  ne  point  alla  à 
„  i'Eglifc  ,  je  le  fcrois  .  .  .  Vous  m'avez  ordonné  de  demander  la  délivrance  de 
„  cet  état  par  le  B.  Paris:  je  n'ai  encore  pu  m'y  réfoudre;  il  femble  qu'il  y  a  qucl- 
y,  que  chofe  en  moi  qui  me  détourne  de  le  faire.  J'ai  bien  lieu  de  cr;iindre  que, 
„  Il  Dieu  ne  xicnt  promptement  à  mon  fecours,  je  ne  retombe  dans  quelque  fiiute 
„  confidérablc." 

Il  ne  fut  pas  difficile  au  Direâclir  de  convaincre  fa  pénitente  que  cct  état  étott 
vn<.-  {xjnirion  de  Dieu  ,  parce  qu'elle  s'étoit  volotitairement  livrée  à  lu  fètUi(;:1ion  tfc 
Suiou  en  écoutant  8c  eix  rccevauL  ckiis  foa  cœur  les  ^xuiùciciLK  coi;feils  qu'il  lui 

avoit 


IDE'E    T>ES   MOUVEMENS  CONFULSIFS.  147 

av'olt  donnés.  Comment,  lui  dit-il,  ne  vous  êtes  vous  pas  apixrçue  que  cetoitcet 
Elpnt  iëduéleur  qui  vous  fuggéroit  le  faux  jugement  que  vous  a\ez  poité  de  vos 
Convulfions  >  N'a\aez-vous  pas  reconnu  auparavant  qu'elles  font  évidemment  la 
voie  par  où  Dieu  veut  vous  conduire  au  fàlut  ?  N'eft-ce  pas  à  la  grâce  qui  a  ac- 
compagné vos  Comoillions  que  vous  êtes  redevable  des  réflexions  falutaires  qtii 
vous  ont  déterminé  à  changer  de  \ae  ?  Ne  m'avez- vous  pas  déclaré  vous  même, 
que  tous  les  bons  mouvemens  que  Dieu  a  produit  dans  votre  ame  ,  ont  toujours 
été  précédés ,  accompagnés ,  ou  fuivis  de  mouvemens  convulllfs ,  &  que  cet  état 
humiliant  a  été  \ifiblement  le  canal  des  grandes  miféncordes  que  Dieu  vous  a  lai- 
tes )  Enfin  n'éprou\-ez-\'ous  pas  aduellement  que  depuis  que  Dieu  vous  a  ôté  \'0S 
Convuliions,  tout  le  goût  que  vous  aviez  potu:  la  piété  s'eft  é\'anoui  ) 

H  lui  coriîeilla,  fi  elle  ne  {X)uvoit  plus  faire  aucune  prière  iluvie,  de  fè  pirollemer 
au  pied  de  la  CroLx,  afin  d'expofer  ]X)ur  abfi  dire  Ton  extrême  rnilére  aux  regards 
de  celui  qui  ell  fi  riche  en  mifericorde  :  &  il  lui  fit  efpérer  qu'après  qu'elle  auroit 
été  pendant  quelque  tems  en  cette  humble  pofture  ,  Jéfus-Chrilt  lui  mem-oit  lui- 
même  dans  le  cœur  ce  qu'il  vouloit  qu'elle  lui  demandât. 

Elle  luivit  ce  confèil  ,  &  l'efiét  en  fut  très  heureux:  une  abondance  de  lannes 
fît  bientôt  fondre  la  glace  de  fon  cœur,  &  le  fit  fortir  de  l'iniénlibilité  léthargique 
où  il  étoit  comme  enlê\'eli  depuis  que  les  Convuliions  avoient  celTé.  Elle  lé  re- 
proche vivement  à  elle-même  l'ingratitude  qui  lui  a  fait  méconnoître  les  faveurs  de 
fon  Dieu,  &  repoufTer  fa  main  bienfailante.  Elle  reconnoît  humblement  que  les 
mauvailès  raifons  que  Satan  lui  a  fuggéré  pour  la  féduire ,  ne  lui  ont  fait  tant  d'im- 
prefîîon  que  parce  qu'en  la  détachant  de  fes  Convulfions ,  elles  favorifoient  les  pen- 
chons de  fon  cœur  que  l'inftincl  de  fa  Convullion  réprimoit,  &  qu'elles  la  détour- 
noient d'embrallèr  la  vie  pénitente  à  laquelle  cet  infnnc}  la  portoit  malgié  la  ré- 
pugnance de  fon  amour  propre.  Dans  ce  moment  elle  a  recours  à  l'intercdrion 
du  fàint  Diacre.  Elle  le  conjure  avec  les  plus  fortes  inftances  de  demander  à  Dieu 
qu'il  lui  renvoie  fès  Convuliions.  Elle  déclare  qu'elle  fè  Ibumet  à  tout  :  trop  heu- 
reufè  d'obtenir  mifericorde  par  quelque  moien  que  ce  puillê  êtreî 

AtiiFitôt  fes  Convulfions  lui  font  rendues ,  &  elle  écrit  en  cet  état  le  Difcours 
fuivant. 

y,  O  mon  Dieu  !  Que  ne  puis-je  effacer  julqu'aux  moindres  velliges  de  toutes  Dif.-.  de  \x 
„  les  intidélités  que  i}i'a  fait  commettre  mon  incrédulité  !  Que  je  ferois  heureofe ,  '''*'"  "• 
„  fi  je  pôuvois  réparer  tous  mes  blafphémes  contre  votre  œuvre  ,  &  verlèr  jufqu'à 
^  la  dernière  goûte  de  mon  fang  pour  lui  rendre  témoignage  !  Que  ne  puis-je  pu- 
„  blier  jufques  fur  les  toits,  qu'elle  vient  de  \"ous:  que  \'ous  Icul,  ô  mon  Dieu, 
„  pouvez  être  l'autetir  de  chofes  fi  falutaires  :  que  c'ell  vous  qtii  les  donnez ,  quand 
„  vous  voulez  &  à  qtii  \-ous  voulez  .  .  non  fuivant  les  mérites ,  mais  pas  votre 
„  feule  bonté ,  qui  fait  mifericorde  à  qui  i!  lui  plaît  !  ...  Oh  !  donnez-m'en  tou- 
,,  jours ,  6  mon  Dieu  ;  mais  faites  que  j'y  fois  à  l'avenir  plus  ridelle  par  vou-e  gra- 
j,  ce  !  Vous  m'aviez  retirée  du  bourbier  où  j'étois  enfoncée  depuis  il  long-tems, 
^  &  j'ai  dit  que  ce  n'étoit  pas  vous.  H  eft  bien  jtifle  qu'une  telle  uigradtude  foit 
.,,  ptmic,  &  que  je  fente  que  c'ell  vous  fèul  qui  pouvez  anêrer  ce  déluge  d'iniqui- 
j,  tés  dont  mon  cœui'  ell:  inondé.  Mais  ,  mon  Dieu,  faites  que  déformais  une  é- 
„  teraelle  reconnoillance  répare  mon  incrédulité  ,  qui  me  rend  plus  horrible  à  vos 
„  yeux  que  toutes  les  miféres  dont  je  fuis  chai-gée.  Quelle  ingratiaide  de  ne  p;;s 
„  reconnoitre  votre  œuvxe  ,  parce  qu'elle  m'humilie ,  parce  qu'elle  me  force  à  dé- 
^  clarer  tous  ces  jTéchés  que  je  voudrois  moi-même  ne  pas  voir  !  Ah  !  qu'au  con- 
„  traire  toute  la  terre  connoiiTe  la  grandeur  de  ma  rnifére  ,  pour  vous  raidi-e  gra- 
„  ces  de  votre  mifericorde!" 

T  2  Quel 


148  IDE'E    DES    MOVrE  MENS    CONVULSIFS. 

Quel  changement  !  Quelle  heureufe  méumorphofe  !  Quelle  difierence  entre  cet- 
te arae  troublée,  languitTantc ,  abbatuc,  iitôt  que  fcs  Convulfions  l'ont  quittée;  8c 
le  zèle,  le  courage  &  l'humilité  de  cette  même  polbnne,  des  que  les  Convullions 
xiennent  la  ranimer  ! 

Mais  depuis  ce  jour  quel  progrès  n*a-t-elle  point  fait  dans  la  vertu  !  D  y  a  déjà 

Lett.  de  M.  quelques  années  que  M.  N.  fon   Diredeur  a  rendu  témoignage  que  „  depuis  près 

^"  „  de  cinq  ans  (cette  Demoifclle)  mène  la  vie  la  plus  aultère  ,  &  qu'elle  eft  tou- 

„  jours  intimement  convaincue  qu'elle  n'a  encore  rien  f;iit  pour  expier  fès  péchés..; 

„  Elle  jeune  tous  les  jours  (  ajoute-t-il  :  )  elle  ne  mange  que  des  légumes  ou  des 

„  œufs  :  elle  porte  tous  les  jours  le  cilice  ,  &  y  ajoute  fou\-ent  la  haire.     Elle  ne 

„  couche  jamais  que  fur  une  planche  :  elle  ne  dort  que  quatre  ou  cinq  heures  au 

„  plus  :  elle  fe  lève  tous  les  jours  à  deux  ou  trois  heures  pour  dire  fon  Office, 

„  &  ne  fe  recouche  jx)int." 

i!.  i,ett.  de      CCj'^ndant  elle  fe  reproche  encore  ce  repos  indifi'ienfable.     Je  ne  me  mortifie 

k  Saui  H.  pQiyif  jujr  le  fommeil ,  écrit-elle  à  fon  Diredeur  ,  moi  qut  ai  pajjé  tant  de  nmti 

dans  des  ajjemb/ées  criminelles  .  .  .  Helas  !  quel  repos  pourrois-je  goûter  ,  0 

mon  Dieu ,  fi  j'étais  touchée  de  mes  crimes  ?   Je  n'en  trouverais  qu'à  vous 

demander  miiériccrde.     Brifez  mon  cœur  ,   que   mes  larmes  étouffent  ma  voix  y 

(jr  que/les  fajfent  connaître  combien  Je  fuis  coupable. 

^^"h'      „  Soiez  perfuadé  (écrit-elle  encore)  qu'il   n'y  a  pcànt  de  pénitence  trop  auftère 

"*'"    ■  „  jxjur  moi  ...  Je  voudrois  qu'il  me  fût  |iermis  de  ne  vi\Te  que  de  pain  &  d'eau. 

„  Je  me  reproche  tout  ce  que  je  prends  de  plus.     Car  je  fuis  (i  miférable  que  je 

„  de\Tois  être  privée  de  tout  ...  Si  ce  n'étoit  l'obéiffance  que  je  vous  dois  ,   je 

„  n'attend  rois  pas  votre  perrmffioa  ....   Je  voudrois  avoir  mille  vies  pour  les  fà- 

„  criher.  " 

Ce  brûlant  defir  que  fa  vie  {bit  immolée  pour  la  Vérité  ,  fè  manifefte  très  fou- 
vent  par  un  prodige  que  chacun  peut  voir  quand  il  veut.  Toutes  les  fois  que 
quelqu'un  lui  parle  Azs  cruelles  &  fanglantes  perfécutions  que  les  Convullionnaires 
difent  que  ceux  qui  fuivront  le  Prophète  Elic  auront  à  elUiyer ,  auffitôt  la  joie  la 
plus  vive  fe  peint  fur  ion  vilage  &  dans  lès  yeux,  IcMt  qu'elle  foit  en  Convulfion, 
Ibit  qu'elle  n'y  fbit  pas. 

Des  Conviilfions  qui  font  naître  de  tds  {èntimens ,  &  où  Dieu  rend  vifibles  & 
palpables  les  q-)érations  de  la  grâce,  font-elles  donc  l'ouvrage  du  démon? 

Le  L.e^iteur  va  voir  encore  un  ExaTiple  fenlible  de  leurs  falutaires  effets,  dans 

le  troilicme  que  j'ai  promis  ô<:  rapporter. 

XIII.  L'hcsnme  de  lettres  dont  je  veux  parler ,  étoit  très  inftruit  de  la  Vérité  :  mais 

?:onïuinons  ^  ^^  ^^^i^  tjjen  plus  uni  par  les  lumières  de   l'efprit  ,  que  par  les  mouvemens  du 

duF.cic      cœur.     Uniquement  occupé  d'études  toutes  profanes,  à  peine  fe  donnoit-il  le  tems 

•'■  de  fonger  à  Dieu  &  de  penfèr  à  fon  falut  ;  fa  curieufe  Bibliothèque  étoit  fon  ido- 

k  ,   &  le  délit  d'acquérir  une  grande  réputation  parmi  les  gens  de  lettres  étoit  (à 

paillon  dominante. 

Au  commcnccmciit  de  17?^.  un  inltincl ,  qui  fans  doute  vcnoit  de  Dieu  ,  le 
porta  à  aller  voir  quelques  Con\-ullionnaircs.  Il  fut  vi\-cmcnt  touclié  de  la  beau- 
té de  leurs  Dicours,  ik  des  Prodiges  qui  les  accompagnoiemt.  La  prélènce  de 
Dieu  rendue  lènllble  à  les  yeux  par  la  gi;indeur  de  toutes  ces  Meiveilles,  lui  rap- 
pela le  Ibuvenir  de  l'étemiré,  <Sc  lui  lit  tiiire  des  réflexions  làlutaircs  fur  la  léth;irgie 
îi'nntudlc  dans  laquelle  il  croupilfoit  depuis  fa  première  jeunelîè.  Il  rélblut  enfin  de 
oerrandcr  à  Dieu  là  ("o^sverlion  ;  &  fe  jugcint  indigne  de  l'obtenir ,  il  voulut  ii> 
ti^rtnèr  en  fa  ta\'eur  ceux  que  l'amour  de  la  Vérité  avoit  rempli  de  l'efprit  faint. 
Pour  t«  Ciict  au  mois  d'A\ril  de  cette  mcmc  année  1733.  :il  fut  à  Port  Roval 

des 


IDE'E  DES  MOXJVEMENS  COKVULSIES.  i^p 

des  Champs  (où  le  Bienheureux  Diacre  alloit  quelquefois)  fe  profterna  fur  les  ivir 
nés  de  cette  fainte  Mailbn,  &  pria  les  feivireurs  &  les  lèrvantes  de  Dieu  qui  y  a- 
\'oient  reçu  tant  de  grâces  ,  de  demander  miiericorde  poior  lui  ôc  de  conjurer  le 
Père  des  lumières  de  le  conduire  dans  la  voie  du  falut  par  tels  moyens  qu'il  lui 
plairoit. 

■:  Sa  prière  fut  exaucée  :  &  à  peine  fut-elle  finie  que  Dieu  pour  réponfè  lui  eiv 
voya  des  Convulfions  ,  dans  le  tems  qu'il  étoit  encore  le  vifage  dans  k  poufTiére 
de  ce  lieu  de  bénédi6"tion. 

/  Le  Frère  Jean  Baptifte  (c'eft  le  nom  de  ce  Convulfionnaire)  ayant  fait  quelques 
jours  après  une  neuvaine  au  Bienheureux  M.  de  Paris,  {es  Convulfions  augmentè- 
rent confidérablement  de  toutes  façons ,  prècifèment  dans  l'inftant  qu'il  venoit  de 
faire  une  œuvre  de  charité,  dont  il  ne  peut  être  qu'utile  de  rendre  compte. 

n  demeuroit  avec  de  jeunes  Ecclèfiaftiques  à  qui  un  Appellant  fort  connu 
foumifToit  tout  ce  dont  ils  avoient  belbin.  Cet  Appellant  étant  lié  avec  des  per- 
fonnes  oppolees  foit  aux  Convulfions  foit  aux  grands  Secours,  fe  trouva  engagé 
de  défendre'  à  ces  jeunes  Ecclélialiiques  d'aller  voir  les  Convulfionnaires  ;  leur  dé- 
clarant que  ceux  qui  refuferoient  de  le  faire,  n'avoient  qu'à  fe  retirer  &  chercher 
à  fe  placer  où  ils  pourroient.  Deux  d'entre  eux  lui  répondirent  qu'ils  avoient  é- 
prouvé  que  la  vue  des  Convulfionnaires  étoit  pour  eux  une  fource  de  grâces: 
que  le  merveilleux  prodige  que  les  grands  Secours  rendoient  vifible,  avoit  fer\i  à 
faire  croître  leur  foi,  &  à  leur  doni:ier  plus  de  zèle  poui*  la  Vérité  :  qu'ils  ne  cro- 
yoient  pas  pouvoir  en  confcience,  confenrir  à  fe  priver  du  canal  par  où  il  plaifoit 
à  Dieu  de  répandre  ces  précieux  dons  dans  leur  ame;  &  que  quoiqu'ils  ne  lùiîènt 
que  devenir  fi  on  les  renvoyoit  de  la  maifbn  où  on  leur  donnoit  retraite ,  ils  ai- 
moient  mieux  entièrement  s'abandonner  à  la  Providence  que  de  renonça  aux  mi- 
féricordes  que  Dieu  leur  fiiilbit  par  ce  moyen. 

Cette  réponfe  fit  deux  efi:èts  fort  différens.  Elle  irrita  le  célèbre  Appellant,  qui 
fur  le  champ  chaffa  ces  deux  Ecclèfiaffiques  pleins  de  fol  Elle  édifia  celui  dont 
j'écris  l'hiftoire,  qui,  quoiqu'il  ne  fût  gueres  en  état  de  fouteiiir  une  telle  dépenle, 
leur  ofiiit  aulfi-tôt  de  les  recevoir  chez  lui  &  de  partager  avec  eiLX  fon  modi- 
que revena 

A  peine  ces  deux  nouveaux  hôtes  furent-ils  dans  fon  appartement ,  qu'il  eut  des 
Convulfions  plus  fortes  ,  plus  puiiTàntes  &  plus  intérellantes  que  les  précédentes 
n'avoient  été.  Jufqu'à  ce  moment  elles  n'avoient  prefque  conlifté  que  dans  des- 
agitations &  de  vives  douleurs  ,  que  la  grâce  qui  accompagnoit  les  Convulfions 
lui  faiibit  fbuffiir  avec  patience ,  mais  néanmoins  ians  calmer  toutes  les  inquiétudes 
qui  troubloient  fon  cœur.  Ses  nouvelles  Convulfions  lui  firent  reprèfcnter  divers 
Simboles  &  faire  des  Dilcours  magnifiques  ,  quelquefois  même  forcément ,  fur  les 
maux  de  l'Eglilè  &  les  remèdes  exti-aordinaires  que  Dieu  étoit  prêt  d'y  apporter. 
On  l'entendoit  par  exemple  ,  prier  le  Père  des  milèricordes  de  taire  bien-tot  def- 
cendre  du  Ciel  cette  admirabh  lumière  qui  viendroit  luire  dans  la  ténèbres  y 
éf  éclairer  ceux  qui  étaient  affis  dans  la  région  de  la  mort.  „,  O  vous  ,  Pro- 
„  phéte ,  Envoyé  de  Dieu  ,  vous  qui  bmlez  d'un  feu  cèlefte  ,  paroifTez  pour 
„  conjurer  le  Seigneur  de  taire  tomber  fur  la  terre  ,  depuis  fi  long-tems  frappée 
„  de  malèdidions  ,   cette  pluie  falutiiire  de  la  grâce  qiu  peut  ieule  la  tan'e  gcr- 

D'autres  fois  fès  difcours  n'étoient  que  des  exhortations  humiliantes,  ôc  de  feve> 
re  réprimandes  que  fa  Comoillion  le  tbrçoit  de  fe  faii'e  à  lui-mcnia 

Mais  l'effet  fpiriaiel  que  ces  Convuliions  produillrent  en  lui,  cil;  encore  plus  di- 
gne de  remarque.    Dons  fon  ame  ,  c'étoit  de  lui  runertre  fans  ceilc  rcvc^Viiié  de- 

T  3  vant 


I5-0  IT>t:è    des  MOVyEMENS    CONTULSIFS. 

vanr  les  yeux  :  dans  Ion  efpnt  ,  de  l'huralicr  à  !a  vue  prefque  continuelle  de  (es 
péchés:  dans  fon  cœar,  d'y  faire  naître  l'elprit  de  pnéres  ,  &  avec  ces  armes  \i- 
tlorieufo  de  lui  faire  furmonter  les  palfions.  Elles  erolent  vaincues,  rmâs  noii  pas 
éroarfees.  Elles  revenoieiir  à  la  char^  après  leui-s  détaires ,  ôc  lui  Ûvroient  de  nou- 
\-eaux  combats.  Elles  l'emj'^êchoient  mém:  quelquefois  d'exécuter  ce  que  l'inltmcl 
de  fa  Con\ailiion  l'excitoit  à  taire:  par  exemple,  il  ne  put  jamais  fe  rélbudre  pour 
lors  h  vendre  fa  Bibliothèque,  quoique  Tiaftinct  de  fà  Gonvuilion  ne  ceiïat  de  te 
lui  conleilier. 

A  la  iin  du  mois  d'Août  de  cette  année  i~7,^.  cet  infhnét  le  porta  à  aller  à 
la  Chaife-Dieu  pour  découvrir  l'état  de  fon  ame  au  faint  E\'êque  de  Senez,  ôc  lé 
coiifulter  fur  ce  que  Dieu  demandoit  de  lui  par  fes  Convullions  pour  la  réforme 
de  fon  cœur:  du  moins  il  partit  bien  relblu  d'accomplir  ce  falutaire  projet.  Il  fui 
examiné  avec  grande  attention  j^ar  un  très  habile  Médecin  attaché  à  M.  de  Se- 
ne?:,  8c  qui  trompa  dans  ce  qui  fe  pallbit  pendant  les  mouvemens  convukifs,  plu- 
fleurs  choies  contraires  â  l'ordre  de  la  nature ,  dont  il  fit  un  long  Procès-verbaL 

Le  fauit  Prélat  le  reçut  avec  tout  l'accuél  pollible.  Le  Frère  J.  R  eut  devant 
lui  6c  en  prélènce  de  plulieurs  autres  perfonnes  de  li  belles  Convullions,  foit  par 
les  Simboles  imixDrtans  qu'il  répréfcnta  d'une  manière  très  frappante ,  foit  par  les 
Difcours  auffi  fublimes  que  pathétiques  dont  ces  Simboles  furent  accompagnés,  que 
le  faint  Prélat  y  reconnoilTant  l'efprit  de  Dieu,  &  croyant  ne  pouvoir  trop  s'humi- 
lier devant  la  Majefté  Divine  lorfqu'il  rendoit  ainli  fa  préfence  fenlible,  fe  mit  d'a- 
bord à  genoux,  fe  projkrna  enfuit e  le  vifage  contre  terre,  &  s'y  tint  un  feras 
cmfidérable ,  en  baignant  le  plancher  de  [es  larmes ,  ainfi  que  ce  Comniluoi-uiai- 
rc  me  l'a  cerrihé. 

Quelle  différence  entre  les  dif}X)fnions  avec  lefquelles  cet  Evêque  tout  rempli  de 
rc{}"'nt  làint,  \'oyoit  &  cxaminoit  l'œuvre  des  Convulfions,  &  le  mépris  dédaigneux 
avec  lequel  nombre  de  Do6teurs  l'ont  regardée! 

Au  relie  notre  Com-ullionnaii-e  ne  tint  pas  parole  à  l'inftinfl  de  fa  ConvuLion: 
il  ne  confuka  pobt  le  faint  Prélat ,  &  ne  lui  rendit  aucun  compte  de  ce  qui  ic 
paiTôit  dans  fon  ame:  une  mau\-aile  honte  le  retint;  ou  plutôt  le  démon  qiu  fen- 
loit  toute  la  conféqumce  de  cette  démarche,  employa  tant  d'artifices  qu'il  l'émisé- 
cha  de  la  liiirc. 

Ce  Convullionnairc  en  fut  terriblement  puni  L'imprdTion  que  lui  avoicnt  fiic 
jufqu'alors  les  a\'emlïèmens  que  lui  donnoit  i'inliinit  de  fa  Gonvuilion,  comnença 
à  n'être  plus  fi  vive,  Satan  qui  s'en  api-)erçut  redoubla  fes  eMbrts  ,  ix>ur  réveiller 
^11%  palTîons  qui  n'a\-oient  été  qu'alTbupies.  Le  délir  de  fe  tiiirc  un  nom  dans  le 
monde,  rc\Tnî  s'emparer  de  fon  cœur.  Bien-tôt  îcs  Com'ullions  ,  qui  occupoient 
une  grande  partie  de  f  )n  toms ,  lui  devinrent  inlupporrables  ;  &  comme  leur  inlbnit 
ne  ceifoit  jx)int  encore  de  combattre  fes  iiKlin.itions  naturelles,  il  commença  à  les 
haïr  &  à  foi'Jiaiier  de  n'en  plus  avoir.  Elles  celïèrent  etiedivcm.Tit  a\-ant  la  fin 
de  cette  année  i  7  vi  • 

Rendu   à  lui-même  ,    il  ne  fonpjea  plus  qu'à  ftiivre  les  \ûcs  d'ambition  que  le 

démon  kù  fuggéroit:  il  le  remit  à  les  énides  protanes  avec  pîv.s  d'acharnement  que 

jamais:  le  délit  de  fe  procurer  la  gloire  d'avoir  j->énétré  par  fes  rxxherclies  dans  les 

Tofondcurs  de  l'Antiquité  la  plus  ircuiée,  l'occujxnt  à  un  tel  pjint  qu'il  ne  foilbit 

■•lus   aucune  prière ,    &  qudquelbis  il  n'olloit   Iculeinent  po^   les  Dimanches  à  I9 

AîelTe 

Ccpendaiu,  dans  les  premiers  rems  qui  fui\'ircnt  la  privation  de  fes  Conmliions, 
il  rcllenrit  encore  quelques  trniords  qui  lui  rapjvlloient  malgré  lui  les  lèntimens  de 
piéié  que  l'inlbncl  de  ics  Con\iilfions  avoit  lui  mes,  j^aidant  luat  mois ,  dons  fon 

cnir 


IDÉE   DES   MOVFEMENS    CONVULSIES.  i^l 

cœur.  Mais  ne  voulant  plus  fuivre  la  voix  de  Dieu,  il  ti'irrita  contre  ces  avertif^ 
femens  falutaires  ;  &  Satan  lui  aidant  à  les  écarter,  lui  periuada  que  les  Convul- 
fîons  dans  le  fën  delqucllcs  ces  aveitilTèmens  avoient  pris  nailTànce ,  n'avoient  été 
qu'un  dérangement  de  Ion  efprit,  &  que  le  furnaturcl  qui  y  avoit  paru  ne  pouvoir 
être  qu'une  ojiération  du  démon. 

Qui  pourroit  croire  qu'un  tel  homme,  qu'un  homme  qui  avoit  goûté  le  don  de 
Dieu,  &  qui  avoit  été  pendant  un  tems  confidérable  embrafé  du  défir  du  bon- 
heur éternel,  feroit  parvenu  par  une  telle  voie  à  étouffer  tous  ïos.  remords  &  à  vi- 
vre enfuite  pend^int  plus  d'un  an  comme  fans  Dieu  dans  ce  monde  ,  n'étant  plus 
frappé  que  des  chofes  vifibles,  ne  s'embaralTant  plus  de  ce  qu'il  deviendroit  pai- 
dant  toute  l'éternité ,  &  n'y  faifant  pas  plus  de  réflexion  que  les  bètes  qui  font  fans 
intelligence  &  qui  ne  vivent  que  pour  mourir  ?  Mais ,  o  mon  Dieu ,  dans  quel 
ténébreux  abîme  refrrit  de  l'homme  n'eft-il  pas  capable  de  fe  précipiter ,  dis  que 
vous  ne  l'éclairez  plus  par  un  rayon  de  vos  regards  !  Cependant ,  ô  Dieu  ,  dont 
ia  bonté  pafTe  tout  ce  que  nous  pouvons  concevoir ,  vous  aviez  réfolu  de  lui  fai- 
re m-iféricorde  ;  mais  vous  vouliez  auparavant  le  lailler  long-tems  dans  le  plus  pro- 
fond aveuglement,  afin  que  le  refte  de  fà  vie  il  ne  perdît  jamds  de  vue  qu'il  né- 
toit  par  lui-même  que  mil'ére,  que  corruption,  que  ténèbres,  &  que  vous  fèul,  ô 
mon  Dieu,  êtes  la  lumière  du  monde  &  le  principe  de  la  verta 

Au  mois  de  Mai  i/^f.  différens  évenemens  engagèrent  ce  favant  aveug^ie  à  al- 
ler datas  les  pays  étrangers.  La  veille  de  fon  départ,  il  fe  fentit  troublé  par  quel- 
ques remords,  mais  ils  ne  lui  firent  alors  qu'une  impreffion  fuperficielle.  Amvc 
âu  lieu  où  il  alloit,  &;  où  il  avoit  porté  avec  lui  fes  mémoires  Se  quelques  livres, 
il  veut  s'occuper  à  fes  recherclies  encore  plus  inutiles  que  curieufes  :  mais  cliaque 
fois  qu'il  fe  met  au  travail,  il  efi  empêché  de  le  continuer  par  une  eQiécc  de  Con- 
vullion  fort  fmgLiliére.  Une  main  invilible  le  fait  tomber  malgré  lui  le  vilage  con- 
tre terre,  en  même  tems  tous  fes  péchés  lui  font  reprélêntés  dans  toute  leur  dit- 
formité  :  une  foule  de  réflexions  fur  la  miiére  aflreufe  de  fon  état ,  s'empare  de  foa 
efprit,  quelques  efforts  qu'il  ftffe  pour  s'en  diftraire;  &  il  prie  Dieu  machinalement 
<î'avoir  pidé  de  lui ,  fans  que  fon  cœur  ait  pour  lors  prefque  aucune  part  à  fes 
prières.  Mais  au  bout  de  quelques  jours ,  il  eft  tout  à  coup  agité  par  des  mou- 
vemens  convulfifs  d'une  violence  extraordinaire  :  &  c'eft  dans  ce  moment  que  Dieu 
lui  fait  éprouver  la  grandeur  inconcevable  de  fa  miiericorde.  Tous  fes  fenùmens 
font  fubitement  changés  :  il  fent  que  Dieu  feul  mérite  d'être  aimé  ;  6c  fon  efprit  eil 
•éclairé  d'une  lumière  fi  vive  que  connoiffant  tout  le  néant  des  vaincs  occupadons 
&  des  efpèrances  monddnes  qu'il  avoit  préféré  au  bonheur  éternel,  il  fait  vœu  de 
ne  s'occuper  plus  que  de  ]éfus-Chrifi  cruciflé  &  d'en  faire  'îo'a  unique  étude. 

Depuis  ce  tems  il  vit  dans  la  retraite:  il  a  vendu  tous  les  livres  de  fcience  inu- 
tile :  il  a  fans  celTe  tous  fes  péchés  devant  les  yeux  ;  &  en  même  tems  que  cette 
vue  fert  à  l'humilier ,  elle  augmente  tous  les  jours  de  plus  en  plus  fon  amour  &^  la. 
reconnoiilànce  envers  Dieu,  qui  l'a  retiré  du  fommeil  de  la  mort  par  une  miieri- 
corde dont  il  reconnoît  qu'il  étoit  tout  à  fait  indigne. 

Des  Convuliions  qui  produifent  de  tels  eftèts  peuvent-elles  être  attribuées  à  l'eri- 
nemi  de  toute  vertu?  Que  les  figes  du  fiècle  font  à  plaindre,    de  cenfurer,  criri- 
quer ,  méprifer  les  niiféricordes  que  Dieu  fait  à  tant  d'ames  par  ce  moyen  :    ôc  de 
n'appercevoir  que  les  nuages  dont  la,  Vérité  fe  coirvre,  fans  être  frappés  des  traits      ^j^ 
de  lumière  qu'elle  lance  en  même  tems  avec  tant  d'éclat!  l'iuiicursSS- 

Les  fatires  fiétrilTantes   qu'ils  ont  fait  de  tous  les  mouvemens  convulfifi  que  la  ^J,-;"^'^"/,* 
riûpart  des   Ckjnvulfionnaires  éprouvent,    Ibat  d'autant  plus  téméraires  qu'il  ella:,"-:ons 

prouvé ';.^;.';:/dV 


lyi;  IT)E'E    "DES   MOUVEMENS    CONFULSIFS. 

prouvé  par  les  Vies  des  Saints  MylTiques  que  plufieurs  d'mtre  eux  en-  ont  eu  de 
pareils. 

Par  exemple,  la  Bienheureufe  Marie  de  l'Incarnation  Fondatrice   des  Carmélites, 
cette  peribnne  que  Dieu  avoit  ornée  de  dons  fumaturcls  ôc  de  grâces  lî  linguliéres 
Vie  de  cette  que  le  Clcrgé  de  france  a  demandé  fa  Ciinonifation  j  fouffroit  jouvent  .  ...  des 
^,"»^tcl»  agitations  extérieures  fi  'violentes ,   qu'il  fernbloit  que  tout  fan  corps  dût  fe  met- 
Biuiicui»      ffg  en  pièces,   dit  l'Auteur  de  fa  Vie  :    à  quoi  il  ajoute  qu'o«  a   quelquefois  re- 
\eques  f.  ^jj,^^^  qijg  j-^,^  \-iolentes  agitarions ,    qui    étoient  prccifément  ce  qu'on  apj^lle  au- 
jourd'hui des  Convullions,  lui  font  arrivées  en  regardant  avec  beaucoup  d'amour 
un  Crucijix. 

n  eft  donc  inconteftable  que  ces  Convulfions  n'étoicnt  pas  une  punition  que  Dieu 
lui  envoyoit,  mais  un  nouveau  mo)-en  de  mériter,  &  pour  ainli  dire,  le  canal  des 
grâces  qu'il  vouloir  lui  taire. 

AulTi  eil-cc  le  jugement  qut  le  Pape  Clément  X.  a  {X)rté  de  celles  de  Sainte 
Rôle  :  il  a  cru  devoir  expfer  à  la  piété  des  fidèles  dans  la  Bulle  de  Canonifation 
de  cette  Sainte ,  qt*  elle  et  oit  fouvent  attaquée  par  des  Convulfions  . . .  mais  que 
Rofe  comprenait  parfaitement  que  ces  maux  ne  provenoient  pas  tant  d'aucune 
tndifpofition,  que  de  la  bonté  de  fon  Epoux.  A  quoi  le  Pape  ajoute,  comme  un 
excnijlc  de  \eiTu  qu'on  doit  s'elibrcer  d'imiter,  (\\iclle  met  toit  tous  ces  maux  ait 
nombre  des  plus  infignes  faveurs  quelle  avoit  reçues  de  Dieu. 

11  ell  dit  dans  la  Vie  de  S.  Philipjxi  de  Néri,  qu'unmédiatement  après  la  premier 
re  faveur  du  genre  mei-vdlleux  que  Dieu  lui  ht ,  fon  corps  commença  à  être  agi- 
té par  un  mouvement  extraordinaire.  Il  reçut  cnfuitc  le  don  de  prophétie ,  dit 
difceraement  des  efprits,  de  la  connoifjance  du  fecrel  des  cœurs ,  &  celui  des  mi- 
rades. 

Le  Cardinal  de  Vitri  qui  a  écrit  la  Vie  de  la  Bienlieureufe  Marie  d'Oignies, 
dont  il  avoit  été  le  Confeiîèur  ,  déclare  que  „  Dieu  qui  l'aimoit  ,  l'affligea  d'une 
„  li  terrible  manière  que  tous  fes  membres  étoient  cruellement  tourmentés:  que  î^ 
,,  bras  étoient  fortement  agités,  8c  fe  tournoient  en  cercle  par  la  violaice  de  la  dou- 
,,  leur;  &  qu'elle  éioit  obligée  de  fe  donner  de  grands  coups  avec  ks  mains  fur  la 
„  ix)itrine  :  &  lorsque  fon  mal  lui  donnoit  du  relâche ,  &  qu'elle  revenoit  à  elle- 
„  même,  elle  en  rcndoit  à  Dieu  des  adioas  de  giaccs  avec  de  grandes  tranf^xjrts 
„  de  jola  "  C'eft  précifàncnt  ce  qu'on  voit  arriver  tous  les  jours  à  quantité  de 
Convullionnaires. 

L'excès  des  douleurs  que  fouffroit  la  Bienheureulè  Urfule  de  Benincafe  Fondatri- 
ce des  Théatins  ,  lui  cauja  des  Convulfions  univerf elles  dans  tous  les  membres^ 
qui  étoient  telles  qu'il  jembloit  que  jes  membles  voulurent  fe  jéparer  les  uns 
des  autres ,  dit  l'Autciu-  de  fa  \'ic.  Elle  éprouvoit  particulièrement  dans  la  tête 
des  mouvemens  .  .  .  horribles,  il  y  avoit  plufieurs  perfonnes,  continue-t-il,  qui 
crcyoient  que  c'étoit  le  démon  qui  la  tourmeritoit  ainfi  :  car  il  y  a  cù  de  tout 
tcms  des  gais  qui  ont  attnbué  à  Satan  tout  ce  qui  ne  leur  plailbit  pas  d;ins  les 
œuvTcs  de  Dica  Elle  fouffroit  cette  humiliatmi  avec  beaucoup  de  joie,  comme 
font  encore  aujourd'hui  plmieurs  Convullionnaires',  ne  ceffint  de  demander  à  Dieu 
d'augmenter  fes  douleurs.  .  .  Ses  extafes  CT  Jon  état  juruaturel ,  qui  et  oit  tout 
ren.'pli  de  chofes  extraordinaires ,  commuèrent  juJqu'À  fa  mort.  .  .  En  un  grand 
ncn.br  e  d oc  c  a  fions  elle  découvrit  a,  ceux  qui  la  venaient  voir  le  Jecret  de  leurs 
tœurs ,  leur  prédit  ce  qui  leur  devoit  arriver.  Grégoire  Xt^.  entre  autres  l'alla 
loir  étant  Cardinal  •■  elle  lut  prédit  qu'il  leroit  élevé  jur  le  S.  Siège. 

Santé  Thcrclè  &  Sainte   Catherine  de  Sicnix*  éprouvèrent  dans  Icius  manbres 

de 


de  fi  violentes  agitations  pendant  leurs  ravnfTemens ,  qu'il  leur  fembloit ,  abfi  qu'il 
efl  marqué  dans  leurs  Vies ,  que  toutes  les  parties  de  leurs  corps  n'avoient  plus 
de  liaijon  les  unes  avec  les  autres. 

n  ell;  rapixjité  dans  celle  de  Sainte  Madeleine  de  Pazzi,  que  les  \-iolentes  agita- 
bons  qui  lui  prenoient  dans  lès  extafes,  la  renverfèrent  quelquefois  par  terre. 

Tous  ces  mouvemens  impétueux,  involontaires  &  accompagnés  de  vives  dou- 
leurs qui  agitoient  ces  Saintes  fouvent  dans  le  tems  qu'elles  étoient  aliénées  de  leur* 
fèns,  ne  pouvoiait-ils  pas  les  expofer  à  des  bdécences  aulîi  bien  que  les  Convul- 
fionnaires  d'aujourd'hui,  fî  Dieu  ne  les  en  avoit  préfervées  foit  d'une  façon  foit  d'u- 
ne autre? 

Pour  en  convaincre  pldnement  le  Le6leur,  citons-lui  encore  un  fait  qu'on  trou- 
ve dans  la  Vie  de  Sainte  Marguerite  de  Cortone ,  &  que  le  Pape  Be.ioîc  XIIL  a 
cru  devoir  relever  dans  fa  Bulle  de  canonifation  de  cette  Sainte. 

L'Auteur  de  fa  Vie  rapporte  que  cette  Sainte  „  étant  dans  l'Eglifb  des  Frères 
^  Mineurs  .  .  .  iè  trouva  tout  d'un  coup  ablbrbée  en  Dieu ,  6c  qu'elle  apperçut  en 
^  viilon  toute  la  fuite  de  la  Paflion  de  Notre  Seigneur,  comme  li  elle  eût  été  pré- 
^  fente  à  ce  Ipedacle.  .  .  Elle  difoit  tout  haut  ce  qu'elle  voyoit  à  mêfure  que  la 
^■- fuite  des  évenemens  de  la  Paillon  fe  préfentoit  à  fon  efprit.  .  .  Toute  la  Ville  de 
j,  Cortone  accourut  à  ce  Ipeicacle.  .  . .  L'-on  voj'oit  en  elle  des  marques  d'une  li 
^  exceffive  douleur  que  nous  croyions  tous  (dit  l'Auteur  de  fa  Vie  qui  étoit  préfent) 
j,  qu'elle  alloit  paflèr  :  car  fa  douleur  étoit  fi  grande  qu'elle  lui  faifoit  grincer  les 
„  dents:  elle  fe  rouloit ,  ôc  fe  replioit  comme  un  ver,  (Se  cela  dans  une  Eglife  à 
la  vue  de  toute  la  Ville  :  mais  il  ne  faut  pas  douter  que  les  Dames  qui  étoient 
auprès  d'elle  ne  priiTèntj  foin  d'empêcher  les  fâcheux  inconveraens  qui  pouvoient 
naturellement  en  arriver.)  „  EUe  perdit  tellement  l'ulage  de  fes  fens  jufqu'à  trois  heu- 
^  res  (continue  l'Auteur  de  fa  Vie)  qu'elle  ne  s'apperçut  point  du  concours  du  peu- 
j,  pie  qui  pleuroit  auprès  d'elle,  &  qu'elle  ne  reconnut  point  les  Dames  qui  la  te- 
.  ^  noient  entre  leurs  m^s  pour  la  foutenir.  A  l'heure  que  Jéfus-Chrift  elt  mort , 
^  elle  bailîà  la  tête  fur  la  poitrine.  Nous  crûmes  qu'elle  étoit  morte.  Elle  demeu- 
„  ra  dans  cet  état  jufqu'au  foir." 

Que  diroient  MM.  les  Confultans  s'ils  voyoient  une  Convulfionnaire  fe  rouler  à 
terre  dans  une  Eglife  en  préfence  d'une  multitude  de  peribnnes?  Cependant  Benoît 
XnL  a  regardé  cette  extafe  de  Sainte  Marguerite  de  Cortone,  quoiqu'accompagnée 
d'agitations  fi  fujettes  à  critique  ,  comme  une  faveur  finguliére  de  Dieu.  Il  a  cru 
même  qu'il  étoit  de  fon  devoir  d'en  faire  mention  dans  fa  Bulle ,  comme  d'iuie  preu- 
ve de  l'éminente  iàinteté  de  cette  fille,  8c  des  grâces  extraordinaires  que  Dieu  lui 
a  faite.  Elle  a  été ^  dit-il ,  rendue  participante  ,  comme  elle  l'avait  défiré  ar- 
demment ,  des  douleurs  de  Jefus-Chrijl  . .  •  étant  aliénée  de  [es  fens ,  &  paroif- 
fant  quelquefois  comme  fi  elle  étoit  véritablement  morte. 

Après  la  Décifion  d'un  fi  grand  Pape,  ne  peut-on  pas  dire  que  les  DocSleurs  de 
ce  tems-là  auroient  été  très-repréhenfibles  de  reprocher  à  cette  Sainte  par  des  Ecrits 
publics ,  que  fes  agitations  involontaires  l'ayant  expofée  à  la  plus  honteufe  des  im- 
modefties ,  n'avoient  pu  venir  que  du  démon  ?  N'auroient-ils  pas  été  plus  que  té- 
méraires ,  de  dire  que  c'étoit  une  preuve  que  tout  l'état  fumamrel  où  étoit  cette 
peufe  fille  devoit  être  attribué  à  l'Ange  apollat  :  qu'après  l'exjTérience  d'une  indé- 
cence qui  auroit  pu  avoir  des  fuites  fi  infâmes,  elle  devoit  ne  plus  fonger  qu'à  fe 
cacher:  &  qu'elle  feroit  très  criminelle  fi  jamais  elle  ofoit  reparoître  en  public  dans 
les  tems  de  les  extafes? 

Cependant  cette  Sainte  a  penfé  tout  différemment.  Deux  jours  après  elle  retour- 
na dans  la  même  Eglife  lorfqu'elle  étoit  pleine  de  monde,  elle  y  tomba  encore  en 

Obfervat.  IJI.  Part.  Tome  II.  V  exta- 


1^4-  IDE'E    DES    MOUr^EMENS    CONSUL  S  IF  S. 

extafe;  8c  Dieu  a  canonifé  fa  conduite,  &  fon  état  extraordinaire  par  une  vertu  H 
éminente  qu'elle  l'a  fait  arriver  au  rang  des  Saints  ,  dans  cette  gloire  qui  n'aura 
point  de  tin,  ôc  où  l'on  s'embaralTè  peu  de  la  critique  des  Doileurs. 

S'il  n'eft  pas  permis  de  condamner  les  af^ons  des  Saints  lors  qu'elles  font  furna- 
tiirclles,  on  doit  être  très  retenu  à  blâmer  de  fcmbhbles  chofes  que  font  forcément 
des  perfbnnes  qui  fe  trouvent  dans  lui  état  pareil  au  leur  ,  fur-tout  lorsqu'il  n'eft 
quefhon  que  d'accidens  qui  dans  le  fait  n'arrivent  jamais  aux  bons  Convulfîonnai- 
rcs  qui  ont  un  foin  extrême  à  les  éviter. 

Mais  non ,  ce  ne  font  pas  ces  accidens  qui  font  le  véritable  objet  des  outragean- 
tes doclainations  qu'on  a  faites  généralement  contre  tous  les  Convulfionnaires.  Ces 
inconvéniens  qui  depuis  long-tems  ne  fubfiflent  plus,  n'ont  pu  fervir  que  d'uii  faux 
prétexte  jx)ur  reprélenter  comme  une  troupe  d'impudiques  tous  les  Convulfionnaires 
fans  exceprion  ,  &  la  multitude  de  ceux  qui  s'édifient  des  Prodiges  que  Dieu  fait 
en  leur  faveur ,  &  des  autres  Merveilles  dont  ils  les  rend  les  inftrumens.  On  ne  s'efl 
pas  môme  cmbarralTé  de  fàvoir  que  dans  ce  grand  nombre  de  perfonnes  il  y  en  a 
plulîeurs  qui  font  de  la  piété  la  plus  éminente  ,  qui  mènent  la  vie  la  plus  auftère, 
qui  paroiitènt  entièrement  détachés  de  toutes  les  chofej  du  monde,  &  dont  l'ame 
fcmble  habiter  déjà  dans  le  Cid  par  la  joie  que  leur  donne  l'efpérance  d'y  arriver. 

C'eft  afin  de  nous  faire  tous  palTèr  pour  des  gens  fans  pudeur  &  fans  modefHe, 
auffi  bien  que  tous  les  Comoilfionnaires ,  qu'on  a  employé  l'art  le  plus  féduifant  & 
le  plus  fubtil  à  repréfenter  les  Convulfions  comme  un  f{:)edacle  d'obfcénités  :  &  pour 
cer  elfet  on  a  rap}">ellé  avec  une  emphafe  indécente,  les  inconvéniens  qui  avoient  pu 
naître  des  premières  agitations  qu'ont    éprouvé    qudques  Convulfionnaires.    Mais 
comme  on  a  fènti  que  ces  inconvéruens  ne  pouvoient  être  reprochés  qu'à  un  petit 
nombre  ,  y  aj'ant  quantité  de  Convulfionnaires   dont  les  mouvemens  modérés  où 
même  prcfque  imperceptibles,  ne  font  point  du  tout  fujets  à  de  pareils  accidens,  il 
a  fallu  attaquer  tous  les  mouvemens  convuliifs  en  général  tels  quUs  puiflènt  être. 
Auflî  en  ell-on    venu   jufqu'à  cet  excès  que  de  s'ertbrcer  de  les  fîérrir  tous  fans 
exception ,  }->ar  les  épithétes  les  plus  outrageufcs  ;  fans  fe  mettre  en  i">eine  que  cette 
fuppofition  retombe  fur  plufieurs  Saints,  &  même  fur  les  Prophètes  du  premier 
ordre. 
vuZ'm%       Suivant  les  Adverfaires  des  Convulfions,  rien  ne  rend  une  perfbnne  plus  incEgnc 
ffand»  l'io-  de  recevoir  les  imprefTions   de  l'Efprit  faint  du  genre  merveilleux ,  que  d'être  agi- 
«a'd'cs  mou-  ^'^^  r^r  ^^5  mouvemens  convulfift.    Cependant  li  l'on  confulte  bien  l'Ecriture  Sain- 
vemenscon-  te,   OU  appcrçoit  quc  Ics  Prophètes  de  l'Ancien  Teftament  étoicnt  eux-mêmçs  ari- 
'■        tés  par  des  mouvemens  de  cette  cfpéce.     Comme  je  veux  éutcr  le  reproche  ae 
comparer  les  Convullionnaires  à  ces  Prophètes ,    je  ne  m'arrêterai  pcànt  à  traiter  à 
fond  ce  point  de  fait,  je  me  contenterai  pour  appuyer  ce  que  je  \icns  de  dire, 
d'employer  l'autorité  du  favant  Père  Calmct. 
J^ûioo  de     ^  Comme  les  \Tais  Prophètes  (dit-ii) ,   dans  le  tems  qu'ils  étoient  tranfportés  par 
k  moi 'pr'-n  l'Efpi'it  de  Dieu  s'agiîoicnt  quelquefois  d'une  manière  violente,  on  appella  proi^ié- 
1*''"-         „  rifcr  les  mouvemens  que  fe  dounoient  ceux  qui  étoicnt  remplis  du  bon  &  du 
„  mau\-ais  EfjTit.    Par  c>:emple  SaiH  prophéof)it  dans  fa  maifon:  c'cft-à-dirc.il  s'a- 
„  gitoit  avec  violence  &  d'une  manière  convuUivT,  comme  fidibicm  les  Pi-ophctcs.'" 
Cet  Auteur  qui  a  W  bien  approfbntli  rAnfiqi:ité  par  rapport  à  tout  ce  qui  regar- 
de la  Biiilc,  fuppofe  donc  comme  luic  chofc  inconteliable,  que  les  vrais  Prophé- 
ies^  dans  le  tems  qiiils  étoient  tranfportés  par  l'Efprit  de  Dieu,  i'agitoient  d^k^ 
ae  Tjijriicre  l'ioletitc  CT  convuifive?      ,  , 

Aulfiefl-il  évident  p;ir  pUdieurs  textes  cfe  l'EbriturC: ,  que  îa  préfcncc  de  iTîf^ 
1^  divin  faifoi:  quelquefois  des  imprcfTionû  ii  vives  fur  le  coips  des  Prophètes 

c^u'ils 


IBE'E   DES   MOXJ^EMENS    CONFULSIFS.  iff 

qu'ils  eii  étoient  violemment  agités;  de  forte  qu'en  les  voyant  d'aflèz  loin,  on  re- 
connoilToit  s'ils  prophétiibieut  :  ce  qu'on  n'auroit  pu  appercevoir  fi  l'adion  de  î'Ef^ 
prit  Saint  fur  leur  ame  n'avoit  été  manifeftée  par  des  mouvemens  extraordinaires 
de  leur  corps. 

Si  des  Prophètes  dii  premier  ordre  ont  eii  des  mouvemens  convulfifs  dans  le 
tems  même  qu'ils  étoient  fous  la  motion  immédiate  de  l'Efprit  de  Dieu,  que  de- 
viennent les  fatires  fi  diffamantes  qu'on  a  fait  de  ces  fortes  de  mouvemens  ?  Un 
tel  Exemple  n'eft-il  pas  une  preuve  décifive  que  l'opération  fumaturelle  de  Dieu 
peut  être  accompagnée  d'agitations  qui  ne  nous  paroilTent  choquantes  que  parce 
que  nos  yeux  font  trop  délicats  &  notre  raifon  trop  hautaine? 

Mais  allons  encore  plus  loin,  &  prouvons  par  une  autre  Exemple  de  l'Ecriture      ^'^^■ 
fainte,  que  quand  il  feroit  vrai  que  les  agitations  qu'éprouvent  les  Convulfionnai-  raon"re'ro^ 
res  fa-oient  caufées  par  le  démon ,  cela  ne  les  rendroit  point  incapables  d'ère  les  inf  '"'S"'  •'" 
trumens  dont  Dieu  pourroit  fe  fervir.  ™nvuî"ft" 


-■•Job  etoit  tourmente  par  le  démon  dans  le  tems  même  qu'il  prononçoit  fès  dif-  "'^"^  ''"" 
cours,  que  tous  les  Pères  ont  regardé  comme  de  fublimes  prophéties.  Convuifio'" 

Si  Dieu  a  pu  permettre  à  Satan  de  frapper  le  corps  de  Job,   il  pouvoit  égale-  pabi"d°"' 
ment  lui  permettre  de  l'agiter  par  des  Convulfions:  &  il  n'eft  pas  hors  d'apparen- '" '"«'u-"^ 
ce  que  les  vives  douleurs  qu'il  enduroit  n'aient  caufé  de  violens  mouvemens  dans  dku  **' 
tous  ies  membres.     Cependant  c'eft  précifément  dans  le  tems  que  fon  corps  eft  en 
quelque  forte  livré  à  la  méchanceté  de  l'Efprit  pervers,  que  Dieu  en  iàit  un  Pro- 
phète, &  une  figure  prophétique  pour  prédire  &  repréfenter  les  foufirances  de  Te- 
fus-Chrift.  ■■ 

Job  étoit-il  moins  grand  aux  yeux  de  Dieu  Idrs  que  Satan  tourmentoit  fon  corps 
que  quand  ce  Prophète  jouiflbit  de  la  plus  parfaite  tranquiUité  .>  Ce  font  au  con- 
traires les  douleurs  exceffives  que  le  démon  lui  a  fait  foufîrir,  qui  l'ont  rendu  fi 
vénérable,  &  qui  ont  été  le  fujet  pour  lequel  l'Elprit  Saint  a  lui-mène  écrit  l'hif- 
toire  de  fa  vie.  Quand  le  démon  auroit  agité  fon  corps  par  des  convulfions  af- 
freufes  aufiTi  bien  que  par  des  vives  fouffrances  ,  devroit-il  pour  cela  nous  en  pa- 
roître  moins  refpeélable?  N'imitons  pas  les  faux  amis  de  Job,  qui  le  raépriferent  8c 
le  crurent  puni  de  Dieu  parce  qu'il  le  voyoient  dans  un  état  qui  blelTbit  leurs  re- 
gards. Préfervez-nous,  Seigneur,  d'une  fcience  orgueiUeufe  fi  propre  à  nous  faire 
leflèmbler  à  ces  faux  fàges! 

C'eft  donc  en  vain  que  ceux  qui  ont  entrepris  de  décrier  les  ComTilfionnaires, 
&  de  faire  paflèr  toutes  leurs  prédiéHons  pour  des  illufions  de  Satan ,  font  tant 
d'efforts  pour  prouver  qu'il  eft  l'auteur  de  leurs  agitations  :  puifque  quand  ils  réuf' 
firoient  à  le  perfuader,  cela  ne  concluroit  rien  pour  leur  objet  .> 

Dieu  paroît  vifiblcment  dans  l'œuvre  des  Convulfions  par  des  Miracles  &  des 
Prodiges  qui  ne  peuvent  êffe  attribués  qu'à  lui:  ainli  il  eft  certain  qu'il  y  prend  part. 
S'il  y  prend  part,  ce  ne  peut. être  qu'en  Maître  abfolu:  &  s'il  y  laiiTe  agir  fon  en- 
nemi ,  il  le  ne  lui  permet  de  faire  que  ce  qui  cadre  à  Cqs  dellèins.  Cherchons 
Dieu  dans  cette  œuvre  puisqu'il  y  elt  :  défioub-nous  de  l'Efprit  pen,-crs  qui  s'y 
gliflè,  mais  n'allons  pas  lui  atuibuer  affirmativement  ce  qui  peut  avoir  Dieu  pour 
auteur.  Sufpendons  notre  jugement  dans  ce  qui  paroit  obfcur ,  mais  profitom  a- 
vec  empreiTenient  des  traits  de  lumière  que  l'Auteur  de  tout  bien  y  fait  éclater. 

On  ne  jieut  être  trop  réfervé  à  condamner  les  chofes  évidemiuent  fumaturelles 
lorsque  l'adlion  de  Dieu  s'y  manifefte  par  des  Miracles  ,   &  qu'elles  ne  font  point 
crimiueiles  par  elles-mêmes. 

Moditons  cet  Oracle  que  l'Efprit  Saint  a  prononcé  pour  notre  inftru6lioa  i'/zir- Ecc'.lir.  i^ 
rir/ia  enim  [nper  fenfum  haminum  ojienfa  fmt  tibi:  multos  qnociue  fu^piantavn^  "^^ 

fufjpici» 


1^6  IDE'E    DES  MOVVEMENS    CONnjLSIFS. 

ffi/pich  illorum ,   &  in  vanhate  detinuit  [enfui  illorum.     „  Dieu  noiB  montre 

„  plulieurs  choies  qui  "font  au  defTus  de  rintclligence  des   hommes  :    la  manière 

^  dont  on  les  a  regardées  a  été  caufe  de  la   chute  de  pluiieurs  ,  parce  que  leur 

^  efprit  s'eft  arrêté  à  la  vanité  de  leurs  penfées." 

Ktpi.  Je^u     Dans  la  crainte  d'un  pareil  malheur,  difons  avec  feu  M.  l'Abbé  Dugiiet. 

ï'i'Jion  '  '  - 


Dé- 


.ch.î. 


» 


li\Tez-moi,  Seigneur,  de  cette  pernicieufe  fagelTe.  .  .  Faites  que  je  devienne  in- 
1^  fenfe  lelon  le  liécle,  pour  devenir  lage  félon  l'Evangile:  Stultus  fiam,  ut  [m 
",  fapiens.  Ne  permettez  pas  que  je  me  laiiTe  éblouir  déformais  par  une  intellh 
'„  gence  qui  augmente  l'enflure  de  l'efprit  &  du  cœur.  ... 

L'àneire  &  l'ânon  fur  lefquels  vous  daignâtes  vous  alTèoir  fuccelTivement,  é- 
toient  incapables  de  rien  comprendre  dans  vos  dellèins ,  ni  dans  l'ufage  que 
vous  vouliez  iàire  d'eiLX.  Mais  en  le  laiiTant  conduire  à  vous  ,  ils  eurent  part 
à  votre  triomphe:  8c  ils  contribuèrent  à  l'accompliflèment  d'une  augufte  prophé- 
tie. ..  .  Nous  ne  faurions  pénétrer  vos  dellèins,  ni  conjeèlurer  ce  que  vous  pen- 
fez:  nous  difcemons  avec  beaucoup  de  peine  6c  d'incertitude  ce  qui  eft  près  de 
nous  &  cxpofé  à  nos  fens.  Mais  ù  nous  fbmmes  dociles:  &  fi  vous  nous  pra- 
nez  par  la  main,  votre  fageflè  devient  la  nôtre  :  vous  nous  tirez  de  nos  ténè- 
bres 8c  de  notre  ballèiTe,  en  nous  feifant  entrer  dans  vos  vues,  8c  en  nous  af 
fociant  à  vos  myftères."  Ainsi  s  o  i  t-  i  l. 

FIN     DU     SECOND    TOME. 


BIBLIOTHECA 


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