^^È^v. ; p^' *? 'U '^y
::àmm:.M^mâ
î*^
P" >^» /r
.•^««B^,
>** * <■
■«=£=--
-U^
1
«^^v-
-wP^
fi'St'u.'MtCA
^001 ^^
C,
Digitized by the Internet Archive
in 2010 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/laveritdesmira02mont
LA VÉRITÉ
DES MIRACLES
/
Opères par l'intercession
DE M. DE PARIS ET AUTRES APPELLANS,
Avec des Observations
sur le phenomene des convulsions.
TOME SECOND.
lî o r 2 ? E r
■: îs
caVIAJiZIIIA
Ha
a TicT'
.G ;
LA VERITE
DES MIRACLES
QPERES P AR.L'JN.TERCES SION
DE M. DE PARIS ET AUTRES APPELLANS,
Démontre' E:
Avec des Obfervations fur
îi^ PHENOMENE DES CG NVUl^SIONS.
Par m. carré DE MONTGERON,
Conseiller au Parlement de Paris.
TOME SE GOND.
NOUVELLE EDITION
Revue & conjîdérablement augmentée par l* Auteur.
A COLOGNE,
Chez les Libraires de la Compagnie.
M DCC XLVIL
PIECES CONTENUES DANS CE VOLUME.
Âpres f Averti IJement & la Table des Sommaires^ à'C,
P R. I E R. E de M de M o m t g e r. o x.
DUrertation fur l'Aucoricé des Miracles.
Rertcxions préliminaires aux Démonftrations de deux Miracles opérés fur
le Tombeau de M. R o u s s e Prêtre & Chanoine d'Avcnai Diocèfe de
Reims ; ày les Pièces préliminaires.
Demonftration du Miracle opéré fur Anne A u g i e r , & les Pièces jus-
tificatives. I. Démonstration.
Demonftration du Miracle opéré fur la 'Dame Stapar.t, <^ les Piè-
ces jurtificarives. II. D e ai.
Demon/lration du Miracle opéré fur Marie-Jeanne Fourcroy Tpar
rintercefîîon de M. de Paris & dans une Convulfion,) aixec les Pièces
juflificatives. III. D e m.
Obfcrvations fur les Convul fions. I. P a r t i e : é" les Pièces juftificati-
ves des Miracles opérés fur Catherine Bigot & Jeanne T e n a r d.
Obfcrvations fur les Convulfions, II & III. Partie.
Avis au Relieur.
Les Elbmpîs d'vf »?Mr , de Stapart & de Fourrray doivent être au devant de chaque Démontra-
tion: & il ftuc placer celle de Bigtx.^ au devant de la 1. Vmie des Oi>fervatiom.
ex
. ^âf M/
AVER-
AVERTISSEMENT
DE L' EDITEUR.
I les premières Editions du Tome I. de M. de Montgeron ont mé'
rite remprefTement qu'ont eu les Fran(;ois & les Etrangers pour cet
Ous'rage, il y a tout lieu de croire que la Nouvelle Edition qu'on
leur préfente aujourd'hui non feulement du premier Tome, mais enco-
re de ces deux autres qui font très intéreffans ; ne peut manquer d'exciter
^1 une curiolitc religieufe, du moins dans l'ame de ceux qui cherchent
fincèrement à comioitre les tems du Seigneur & à s'inftruire des éton-
nantes Merveilles par lefquelles l'Auteur prouve qu'il manifefte fes deffeins.
D'une part, l'eflime que le Parlement de Paris faifoit de 1« probité de M. de Mont-
geron avant même qu'il fût converti: le grand bruit qu'a fait faConverfion opérée tout
d'un coup au pied du Tombeau du Bienheureux Diacre François de Paris le 7. Sep-
tembre 173 1. M. de Montgeron ayant alors 45. ans & demi : le zèle qu'il a eu de-
puis cet heureux moment pour connoître, pour defïèndre , pour publier toute vérité:
le courage qui lui a fait préfenter fon premier Tome au Roi le 19. Juillet 1757 : la
fermeté inébranlable avec laquelle il n'a depuis cefle de travailler , dans les priions où
il a été renfermé , à la deffenfe de toutes les vérités combattues par les PuilTances de la
terre : enfin les différens moyens que la Providence Divine lui a fourni dans fes liens
pour exécuter le refte de fon projet, & même au-delà, quoiqu'il ait prefque toujours
été en quelque forte gardé à vue : tout cela doit certainement donner beaucoup de poids
à fon témoignage.
D'une autre part, l'importance des différentes matières qu'il traite: la certitude des
Miracles dont il rapporte des preuves infurmontables : la multitude & la variété des
grands Prodiges qu'enfante continuellement, depuis plus de 15. années, le furprenant
Phénomène des Convulfions & des grands Secours, dont cet Auteur donne une idée
complette & alTez détaillée , en même tems qu'il s'efforce d'en développer les fimboles
& d'en expliquer les figures : enfin les conféquences qui réfuhent clairement des faits
dont il démontre la vérité , intérelTent eflentiellement tous les hommes Se doivent ré-
veiller leur attention.
Le premier Tome que M. de Montgeron préfenta au R.oi en 1757. contenoit feule»
ment fon Epître déJicatoire, l'hiftoire de fa Converfion, un Eflai de Diflertation fur
la foi due au témoignage, les Démonfl-rations & les Preuves de 8. ou 9. Miracles opé-
rés à l'interceflîon de M. de Paris, & les Conféquences qui réfultent de ces Miracles.
Mais comme ce n'étoit qu'une partie de fon projet, il étoit intitulé dans l'Edition
qu'il a fait faire lui-même à Paris, abfolument comme dans celle-ci, c'eft à dire, La
vérité des Miracles opérés far l' intercejjîon de M. de Paris (j autres u^ppellaKS . . . Tome
Premier. *
Cepen-
* C'eft ce qui n'a point été obfervé ilans les Editions qui ont fuivi celle d'tJtrecht de 1737»
Terne II. *
t AVERTISSEMENT "DE VETIITEUR,
Cependant, quoiqu'il y eût dans cet Ouvrage un aflez grand nombre de plirafc»
négligées, néanmoins il s'eft répandu avec écbt dans la plupart des Royaumes Chré-
tiens. Il a été traduit fans la participation de l'Auteur, en Allemand & en Flamand;
& on l'a réimprimé er» Allemagne, & eu Pologne (dit-on) outre les diverfes Editions
faites en France & deux en Hollande.
Mais depuis ces Editions l'Auteur aide par les confeils d'habiles Théologiens, l'a
retouché d'un bout à l'autre avec grande attention, en forte qu'il n'y a prefque pas de
page où il n'ait fait quelque changement en mieux. Il y a auffi ajouté plufieurs pen-
fées & réflexions qui lui donnent une grâce toute nouvelle. C'efl: en cet état que ce
Premier Tome auroit dû paroitre dès 1745. (comme fon titre le porte) fi les deux fui-
vans euflent été en état d'être publiés.
Cependant on croit faire plailîr au Ledeur de différer encore à lui rendre compte
de ce que ces deux derniers contiennent , pour lui faire part auparavant de quelques
faits, qui concernent l'Auteur, & qui portent avec eux la preuve que ce n'eft pas l'in-
tention du Roi de France qu'on refufe la Communion aux ^ppelUns de fon Royaume.
Le lendemain que M. de Montgeron eut préfenté fon Premier Tome au Roi, il fut
arrêté chez lui (le 50. Juillet 1757.) & renfermé dans la Baftille. Ce fut là qu'il com-
men(;aà travailler à fon Second Tome. Mais il étoit difficile d'y faire entrer tous les Mé-
moires dont il avoit befoin : la Providence y pourvut. Au mois d'O^lobre fuivant
le Roi le fit fortir de la Baftille, & transférer dans un Couvent de BcncJiAins à S.
André lès Avignon. Peu après on le conduifit à Viviers , où il rcfta feulement en
exil penda-t fix mois. Mais M. de Villeneuve Cvéque de Viviers & furieux ConflitU'
iiowtaire , s'ét.int avifé de lui faire refufer la Communion à Pafques 1758. M. de Mont-
geron qui fentoit de qikelle conféqucnce étoit cette démarche fchilmatique par rapport
à d'autres fi.iélei qui feroient moins ménagés que lii, s'en plaignit au Parkment de
Paris. Ce premier Tribunal de France prit cette affaire fort à cœur, tint coup fur
coup plufieurs AfTemblées générales à ce fulet, & fit de vives Remontrances au Roi
fur le Schifme que quelques Evêques vouloient introduire en France. Le Roi eut
égard 5 ces Remontrances, & déclara que fon intention n'étoit point qu'on refu fat h
Communion à M. de Montgeron. Il envoya mcme en exil le Chanoine qui h lui a-
voit rcfufée, & il manda à M. l'Evécue de Viviers de venir lui rendre compte de fa
conduite. Cependant quelque tems après fous le faux prétexte que M. de Montgeron
avoit agi en cette occafion avec trop de vivacité, le Roi le fit conduire le 29. Juin de
cette même année 1758. dans la Citadelle de Valence, où il a la confohtion de com-
munier tous les Dimanches dans la Chapelle de ce Château. Mais au furplus il y eft
fi étroitement renfermé, qu'on ne le lailTe parler à perfonne. C'efl néanmoins d.ins
cete Citadelle où il eft encore, qu'il a achevé fon Second Tome, qu'il l'a revu &
augmenté, & qu'il en a fait un Troifiéme.
En y compofant la fin du Second Tome (i. Edition) c'eft à dire tout ce qui con-
cerne l'oc-ivre des Convulfions, il n'svoit d'abord prefque pour tout Livre, avec l'E-
crit'.irc Sainte, que les Rèflt-.xions mor,iles du Pcre Quefnel; & il ne lui en fallut pa*
davantage pour prouver les différente': Propofition'; qu'il y avança en expliquant le
Phénomène des Convulfions i\' le merveilleux Prodige des grands Secours, qui font
des coups énormes qu'un grand nombre de Convullionnaires font infpircs de fe faire
donner, & qui, loin de les blcfT^r, leur font toujours du bien, ont mcme redrcffé &
rétabli les membres cftropiés de plufieurs, en ont guéri de maladies notoirement incu»
râbles, &'c.
Mail pour donner une idé: de ce fécond Tome tel qu'il parut d*alx>rd , des fuites qu'il
a cù , & des augmcntatio;i5 très confidcrables qui y ont été faites dans cette nouvelle
AVERTISSEMENT TiE VET>ITEUR. 5
Edition; il faut commencer par obferver, qu'il contenoit i. les Dcmonftrations & les
Preuves de trois Miracles opères fur Anne Jlftgier, la Dame Stapart &c Marie Jeanne
Fottrcroy. z. lldce de l'œuvre des ConvuHions, de 1 état des Convulfionnaires, de
leurs mouvemens convuHifs, &c des Secours prodigieux qu'ils fe font donner, L'Au-
teur y prouvoit par plufieurs Miracles, dont il démontre la vérité & le fumaturel in-
teftablement divin, la plupart des réflexions qu'il frsifoit fur cette œuvre (i étonnante:
& il répondoit aux principales objedions que 50. Dodeurs u4ppellans qu'on a nommés
les ConfultaKS (à caufe d'une Confultation ^\x\>\iéQ en 173 50 avoient faites contre cette
œuvre, & finguliérement aux fauifes imputations répandues dans un gros Ecrit: inti-
tulé: Fdins efforts des Difcernans ^ &c. lequel parut en 1758.
Ce fécond Tome , qui achevoit de faire connoître dans fon entier , quoique d'une
manière encore générale , l'œuvre extraordinaire que Dieu opère depuis nombre d'an-
nées conjointement avec les Miracles; fut imprimée à Paris en 1741. Dès qu'il y pa-
rut, au mois de Décembre de cette année, il y effuya la critique la plus amère de la
part de quelques autres Théologiens Appellans qui néanmoins jufqu'alors avoient tou-
jours foutenu avec MM. les Evêques de Montpellier & de Senez , que Dieu rendoit
fa préfence fenfible dans l'œuvre des Convulfions par d'éclatans Miracles, & qu'ainfi
cette' œuvre étoit fon ouvrage, du moins pour la plus confidcrable partie. Mais ces
MM. qui fe font imaginés que depuis la mort de ces deux grands Prélats, on doit les
regarder comme les chefs des yippellans , & qui veulent que tous les autres fe foumet-
tent à leurs Décidons, ayant dès la fin de 1751. foufcrit à la condamnation des Se-
cours par complaifance pour quelques-uns des principaux Docteurs Confultans ^ ne pu-
rent fupporter que M. de Mongeron eût démontre dans fon Second Tome que le Pro-
dige admirable qui éclate par les Secours étoit évidemment l'œuvre de Dieu. Ils fu-
rent fi piqués de ce que cet Ecrivain célèbre avoit ofé ainfi combattre une de leurj
Décidons, qu'ils firent cenfurer violemment fon Ouvrage par l'Auteur des Nouvelles
Eccléjtafiiques qui dépend d'eux : & ils épuiferent enfuite leurs talens à compokr trois
Imprimés, pour foutenir fon injufte Cenfure.
Ce feu fut fi vif que les Dofteurs Confultans , cjuoiqu'attaqués direâement dans
l'Ecrit de M. de Montgeron, n'ont pas cru devoir rien ajouter au zèle ardent avec
lequel les Théologiens qu'on a déligné par le nom à'AntifccoHrifles , entreprirent de
décrier l'Ouvrage de ce Magiftrat. Les premiers ont pris le parti de fc tenir dans le
filence, plufieurs d'entre eux ayant déclaré en même tems que le Syftcme de M. de
Montgeron, quoiqu'abfolument contraire à leur Confultation^ paroidoit néanmoins
bien mieux appuyé que celui des yintifecottrifies ^ dont la plupart des Propofîtions
étoient également infoutenablcs & pernicieufes. A l'égard des ConjiitHtiomiaires , ils fe
font contentes de tirer de cruels avantages contre l'Appel, la Vérité, les Appellans &
les Miracles, des faufles Propofitions que les Théologiens ^ntifscourijies ont bazardées
pour tâcher d'établir 1 impérieufe autorité qu'ils veulent avoir fur tous les autres u^p-
pellans, & même pour rabaifler, s'il leiu étoit poflible, l'autorité des Miracles au def-
fous de la leur.
D'un autre côté de très habiles Théologiens appellans ont pris hautement le parti
de l'Ouvrage de M. de Montgeron , à l'e-xception feulement de 2. ou 5. pSrafes
mal rédigées & qui étoient fufceptibles d'équivoques , mais qui ne touchoient en aucu-
ne façon au fond de l'Ecrit ni aux principales Propofitions qui y croient foutenue?.
Un de ces MM. * a en conféquence fait paroîtrc au commencement de 1743. un lu-
mineux
* Auteur de plufieurs Ouvrages très eftimcs, entre autres des bellcî Réjlixions fur le Miracle opéré «
ifoijy dans le Dkcefe ik Blois- , dont on 1 fiit eu 1741. nUtrecht une Hotmlle Edition, rciik ^ur l'An-
tinr, I. gros vol, m 11.
* a
4r AVERTISSEMEKT T) E L'EDITEUR.
raineux Ouvrage , intitulé: RtcUmatio» des Dejfenfenrs légitimes des Convuljtons fjj' des
Secours contre diverfes Feuilles des Nouvelles Ecclefi.iftiqttes. Plulleurs autres ont offert
à M. de Montgeron de lui faire tenir des Mémoires qu'ils compofcroient pour fi def-
fcnfe : ce que ce Magiftrat a accepte' avec grand plaifir. Ils lui ont tenu parole, & lui
ont envoyé de fi favans Ecrits, tous remplis de PafTages de l'Ecriture, des Pér;s,des
Apologiftes de la Religion & des plus célèbres Théologiens, que cela lui a tenu lieu
d'une ample Bibliothèque. D'autres perfonnes très dignes de foi lui ont auffi envoyé
les preuves de nombre de fiits merveilleux , qui avoient rapport à ceux dont il avoit
parlé: & h Providence a fait pénétrer tous ces Mémoires dans la Citadelle où il eft
enfermé.
Aidé par de (\ puiffans fecours, il a revu & augmenté depuis 1741. fon Second
Tome & il en a fait un Troifîéme : ces deux tenans lieu de celui qui avoit été fi in-
juftemcnt critique par les Théologiens Attifecouriftes.
On a placé en tête du fécond Tome de cette Edition , une Prière qui étoit à la fin du
Volume de l'Edition préce 'lente, & qu'on a cru propre à fervir de Préface.
O.i a mis enfuite une Dijferuuion toute nouvelle , que l'Auteur a faite yir l'autorité
des Aftracles y laquelle eft une Pièce d'une extrême importance pour le te m s 011 nous
fomnes. Il y examine d-'abord quclh eft la nature du pouvoir des Anges & des dé-
mons fur les êtres matériels: il démontre fommairement qu'il y a eu plufieurs Miracles
faits en faveur de l'Appel , des Convullions & des Secours, qui n'ont pu être opérés
que par la main toute-puiflante du Créateur de tous les êtres : il, réfute les Propofitions
imaginées par le DefFcnfeur des Amifecouriftes , & qui tendent à afToiblir l'évidence &
l'autorité des Miracles: il fait difparoitre les fuppofitions fabriquées par M. l'Evêque
de Bethléem contre les Convulfions & les Secours : il développe le faux & l'abfurdité
des prétendus miraclis diaboliques fur lequel ce Prélat ConflittuioHfiAire à appuyé fes
principux raifonnemens : il prouve par quantité de Textes de l'Ecriture , par les fen-
timens unanimes des Apologift.sde La Religion, des Pérès & des principaux Doifleurs,
& par des railons invincibles, que les Miracles de guérifon étant lînguliérement la voie
furnaturelle par laquelle Dieu a voulu pcrfuader aux hommes les plus importantes Vé-
rités , il n'eft pas conforme à fa bonté infinie de permettre que leur témoignage puifle
devenir équivoque, & il indique des moyens à la portée des fimples pour diftingucr
Jurement les vrais Miracles des faux prodiges du démon.
Après cette Diflertation, on a placé les DémonJlrMiorts & les Preuves des trois Mi-
racles opérés fur Anne Au«[icr ^ la Dame St/ip.irt Se Marie lennne Fourcroy : enfuite , l'I-
dée de l'oeuvre des Convulfions en général, celle des différons états des Convulfionnai-
rcs , & enfin ce qui regarde leurs mouvemens convulfifs. Dans toutes ces Pièces
l'Auteur a fait plulieurs Additions confidérables , parnii Icfquelles il y en a de fort
curicufcs , & qu'il feroic trop long de particularifcr.
Le Troificme l'ome eft employé tout entier à rendre compte de ce qui concerne les
grands Prodiges que les Secours font paroitre , & à repondre aux difficultés & aux
raifonnemens de MM. les Antificouriftes. Or de l'aveu des plus grands Adverfaires de
l'œuvre des Convulfions, ces Prodiges en font le Capital: c'cft ce qu'il y s. de plus
merveilleux. Et il eft certain que leur furnaturcl eft abfolumcnt inconteftable, étant de
notoriété publique & journellement, depuis quir.ze ans, cxpofc ï U vu-. & à l'examen
d'une multitude infinie de Témoins de toute forte de conditions. Voici au refte com-
ment M. de Monigcro'i traite c.ttc matière qui n'occupoit dans la i. Edition qu'uns
dou/ainc de feuillts. Si à l'occafion de laquMle il a été oblige d'en éclaircir plulieurs
jutres que les Théologiens Antifccouriftcs ont remué dans leurs Tcrit";.
Il donne d'iburd une idée générale des Secours violsns, & iL établit quî l'état mira-
cu-
AVERTISSEMENT 'DE UE'DÎTEUR. >
Culeux qui rend les Convulfionnaires, invulnérables aux coups les plus énormes, ne peut
venir que de Dieu; & que ces fortes.de I^rodiges, fouvent illuftrés par des Guérifons
éminemment Miraculeufes ^-'eacdre plus Touvent par des Miracles fur les cœurs, font
de merveilleufes figures qui prcfentent d'effrayantes menaces & de magnifiques promes-
fes. Il rend compte enfuite des Conférences qui fe tinrent fur ce fujet entre quelques
u4ppellans à la fin de 17 J a. des fentimens que le faint Evêque de Senez & le grand
Evéquede Montpellier ont eu de ces prodigieux Secours, comme des variations de MM.
les Antifeconrifies, Il expofe les motifs qui ont engage les Convulfionnaires à préférer
leurs Diredeurs aux Théologiens yintifecoiinfiéi , dont il examine après cela les raifon-
nemens au fujet de l'Autorité qu'ils s'attribuent. Il répond aux imputations flétriffan-
tes que ces MM. ont débitées contre lui , en attaquant fon fécond Tome. Il fait une
DifTertation auffi curieufe que favante fur les Inftinds divins, & en particulier fur
ceux qui portent 1er Convulfionnaires à demander, fans aucun effroi & avec une pleine
confiance en Dieu, les Secours les plus terribles. Enfin pour répondre aux calomnies
répandues contre ces Convulfionnaires , il rapporte les régies de conduite pratiquées
par leurs Direéleurs.
Après ces Obfervations préliminaires , il avance VIT. Propofitions , 011 il donne nom-
bre de preuves de ce qu'il avoit dit fommairement en donnant l'idée générale des Secours.
Dans la I. Propofition,il démontre par un grand nombre de Miracles inconteftables ,
que Dieu ayant employé vifibl.ment les plus énormes Secours à rendre une forme ré-
gulière à des membres contrefaits depui" fort longtems, & même à en régénérer qui
avoient été ref ufés lors de la naiflance , & à guérir quelquefois fur le champ des plaies
affreufes & des maladies incurables à tout autre qu'à lui ; on ne peut douter qu'il n'au-
torife ces Secours , puisqu'il les rend le canal des effets les plus étonnans de fa puiflTance
& de fa bonté.
Dans la II. il obferve que de l'aveu même des plus grands Adverfaire^ des Secours,
Dieu a converti par la vue de ces Prodiges & de ces Miracles un fort grand nombra
d'incrédules , & qu'il a augmenté la foi , le courage & la confiance d'une multitude
de fidèles: d'où M. de Montgeron tire h conféquence, qu'il n'eft pas permis de vou-
loir tarir une fource fi abondante des principaux bienfaits de Dieu.
Dans la III. il prouve que l'état furnaturel , qui rend les ConvulHonnaires invulné-
bles à tous les coups que l'inftinfl: de leur Convulfion les oblige de demander , efi: un
état miraculeux qui ne peut être formé que par le Créateur des êtres , puisqu'il ne peut
s'opérer que par une création de qualités toutes contraires & même très fupérieures \
celles que Di:u a mifes dans la nature. Il y fait le récit, & rapporte les preuves, d'un
grand nombre de ces incroyables Secours- Il y établit qu'ih font des Simboles par
lefqu Is Dieu nous découvre de très imposantes inftruélions, & que les Prodig-.s qu'ils
mettent en évidence , font même prccifément ceux qui, félon les Prophètes, doivent
paroître chez les Gentils avant la venue d'Elie S* le Rappel des Juifs, & qu'ils repré-
fentent les principales circonflances de ce grand Evénement.
Dans la IV. il fait voir que les Secours les plus violens qu'on donne à ces Con-
vulfionnaires , ne produifant jamais que des effets falutaires & bienfaifans , ne vio-
lent point le V. Précepte , qui ne défend que de faire du mal & non pas de faire
du bien.
Dans la V. il établit que ces Secours ne tentent point Dieu , puifque c'efl: lui même
qui infpire aux Convulfionnaires de les demander ; & que ce font au contraire les u4>i-
ti/èconrijles qm le tentent par leuvs défiances injurieufes à fa bonté, la cenfure qu'ils
font de fes Proxiiges , & leur révolt.' contre la Décifion de fes Miracles. A la fin d«
cette Propofition , il parle allez au long des anciennes Eprenves.
;-, .t : ; * 5 Dins
4 DIVERTISSEMENT 'DE LET>1TEUR.
Dans la VI. Il prouve que ceux qui donnent ces Secours, bien loin de blefler les ré-
gies, fuivcnt celles de la charité qui en eft l'ame.
Enfin dans la Vif. il refurc les faux miracbs que les Antifecouriftes ont avancé s'ê-
tre opérés en faveur de l'illufion des VailUntifles i & il développe l'abfurdité d'un con-
te ridicule , par lequel ces MM. vouloient infinucr que le démon fait même des gué-
rifons qui ne peuvent s'opérer que par des régénérations très contraires aux loix de h
nature.
Après ces VII. Profojîtions & leurs Pièces juflificaiives , on a imprimé le Récit te
les Preuves de la guérifon Miraculeufe d'un fquirre inconteftablement incurable, opérée
le 15. Novembre ij^6. fur la Dame Ringuet, par l'interccffion de feue Madame Is
Marquife de Vieux-pont , qui avoit été, à la vue de la Cour & de tout Paris , très
attachée aux Prodiges des grands Secours & aux Convulfionnaires fur qui Dieu les exé-
cute ; ainil qu'il elli: prouvé dans une Lettre qui cft en tête des Preuves de ce Miracle,
& OÙ l'cQ donne un abrégé de la vie & des venus de cette vénérable Dame.
TABLE
TABLE
Des Sommaires , Articles ^ Proposions de chacune des Pièces de ce
Volume y qui fui'vent la
PRIERE de M. de Montgeron.
DISSERTATION fur l'Autorité des Miracles (divifée en
XII. §. dont 'Voici les Sommaires.)
régie la nature, efl un Miracle Divin. 32
IX. Dom la Tarte ou M. de Bethléem ne peut
fans contredire les principes dont il convient ,
nier qu'il n'y ait un très grand nombre de Mi-
racles faits en faveur de l'Appel, qui font in-
contertablsment Divins de leur nature , atten-
du que le furnaturel p.ir lequel ils ibnt opérés
efl évidemment fupérieur au pouvoir de tout
être créé. Ihid.
§. III. Réfutation des fatijfes opinions échap'
fées au Deffenfeur des Théologiens Aniji-
courijles : Que la ^^hyjiijue ejl une fauffi
voie pour dijiinguer ks Aiiraclcs Divins
des prefiiges du démon : Ou elle ne peut
fervir de rien pour faire ce difcernement ,
C^ que c'efi principalement des circo>ifian-
ces que les Aiiracles tirent leur force. 54
Art. I. M Poncer Deffenfeur des Théologiens
Antifecouriftes , vient de fournir de fauffes ar-
mes à M. l'Evêque de Bethléem , qui n'avoir
fu que répondre au furnaturel Divin qui éclatte
dans un grand nombre de Miracles faits en fa-
veur de l'Appel. Ibid.
II. Il a avancé dans fi' Répovfi pour les Théolo-
giens Antifecouriftes des Propoiltions encore
plus erronées contre le principal caradere qui
prouve qu'un Miracle eft Divin, que celles
que ces i\l.M. & lui-même avoient vivement
réfuté en répondant aux premières Lettres de
Avant- propos. Page i
§. I. E,\'amen du pouvoir des Anges & des
Démons, 5
Article I. Le pouvoir que les Anges & les
démons exercent fur la matière , n'eft pas une
fuite nécelTûire des qualités intrinfequesdelcur
nature Ipirituelle : ce n'eft qu'une conceffion
que Dieu leura faite pour leur donner le moyen
d'exercer les delTeins de fa Providence. Ihid.
II. Réponfe aux objeâions du Mémoire Théolo-
g'-que fur les Secours, contre la Propofition
que le pouvoir des Anges fur la matière n'eft
qu'une conceffion de Dieu. 4
m. Les Anges ont la puilfance de f^iredesPro-
ciges naturels , mais non pas de véritables Mer-
veilles. 1 1
IV. Dieu feul peut créer. Ihid.
•V. Diru feul peut produire un effet réel fans
moyens. 12
VI. Dieu feul paît s'élever au defTus des régies
fuivan: lefquelles il a créé l'Univers. ïhid.
VII. Le p:nivoir des démons elT: lié depuis leur
réprobation, & encore plus depuis l'établilTe-
ment du Chriftianilrne. 13
VIII. Les démons ne peuvent faire de vrais Mi-
racles. 16
IX. Quoique les Adverfaires de la Vérité foient
forcés d'avouer que les démons ne peuvent
faire de vrais Miracles, ils n'en emploient pas
moins tous leurs efforts pour perfuader qu'il
en fait. 17
§. II. E.vtraits de plajîeurs Miracles opérés
par créatioyi en faveur de l' Appel, Ibid.
Art. I. Miracles opérés par création fur la De-
moi felle Thibault. Ihid.
II. Création d'un mamelon totalement détruit
depuis douze ans par un cancer. 2 1
III. Création fubitc de toutes les parties qui man-
quoient à des jambes defléchées depuis vingt
ans. 25
IV. Création fubite de l'organe de l'ouïe. 27
V. Création d'une main toute entière. Jhid.
VI. Création de deux jambes en faveur d'une file
qui en avoir été priv ée dès fà naifïànce , &
qui avoic alors cinquante ans. 29
VU Réflexions ûtr les .Miracles précedens & fur
l'incrédulité qui s'y oppofe. 31
Vili. Toute Guérifbn opérée contre l'ordre qui
Dom la Tafte.
III. Selon S. Thomas & les Pérès de TEglifeun
furnaturel abfolu eft le premier & le principal
caradtére pour diftinguer les Miracles Divins
des prcftiges du démon : or ce divin caraélére
n'eft appcrçu que par la Phyiîque. 41
IV. Décifion de X. S. P. le Pape, que la Phy-
iique eft très utile & même quelquefois né-
ceiTaire pour diiberner les vrais Miracles : Que
l'Egliié eft dans l'ufigc fur ce ilijet de coniul-
ter les Maîtres de l'art, & que c'eft notam-
ment fur la preuve qu'ils lui fouj-niflènt qu'elle
fe détermine à décider que telle guèrilbneif un
Miracle Divin. 45
V. La faufTc Propofition (du Dcfïbnfeur des
Théologiens Antiiécourifte<:) que c'eft piinci-
palement des circonftances que les Miracles
tirent leur force, eft des plu* dangereu&slorf-
quc
8
que la Vérité ert combattue par les PuilTances
du liccle , & que les pallions humaines s'ct-
/orcentdc réalilcr des chimères, ou d'enveni-
mer des circonltanccs indiffurentes, ou même
innocentes, yK)uT tâcher d'obfcurcir la lumiè-
re des vrais Miracles. 47
VI. Qiioiqu'cn di(e M. Poncct, l'induftrie qu'a
eu le démon de taire Ibnir en Egypte de*gre-
nouilles de l'eau , ne fournit point une preu-
ve (ans réplique que la Phyliquc ne peut Icr-
vir de rien pour dillinguer les Miracles Divins
des preltigcs du dérr.on- 54
VII. Divcri fcntimens des Pérès de l'Eglifc &c
des plus célèbres Théologiens , pirtàgés en
trois p.ini.'!, à l'égard de ce que le démon a
exécuté pour contrefaire les trois premiers Mi-
racles de Moï(è. 57
VIII. La plupart des anciens Pères & des plus
anciens Aureurs ont cru que les Prodiges des
Magiciens de Pharaon n'étoient que de pures
illuhons. JH'^-
IX. S. Auguftin & S. Thomas ont donné occa-
iion à quelques Théologiens de former un fcn-
timent contraire à celui qui jufqu'alors avoir
été prd'que univerfcllement l'uivi par rapport
aux prodiges des Magiciens de Pharaon. 63
X. Réfutation du fentimcnt de ces Théologiens
qui le font imaginés que les Magiciens de Pha-
raon avoient produit en un inftant des fcrpcns
& des grenouilles d'une grandeur complette,
avec des germes trouvés dans les élemcns. 66
XI. La plupart des Théologiens modernes, ainli
que S. Cyrille d'Alexandrie & quelques autres
Anciens , penfent que les trois prodiges des
Magiciens de Pharaon n'ont été que des to'irs
dadrellè. 69
XII. Preuve que M.Poncetavoitlui-mêtiieetu-
brallé ci -devant l'opinion des 1 héoîo^icns
modernes fur ces prodiges apparens. 7^
XIII. L'Addition mife dans ÏErrata de la Ré-
ponfe des Antilecourilles, bien loin d'ctre fuf-
hfante pour rcmcdier.au mal que les déclama-
tions de cette Réponfe contre l'utilité de la
Phyilque font capables de faire , contient en-
core une nouvelle Propofition prefquc aulîi
dangereufe que celle qu'ils auroient dû corii-
g^r. 75
XIV. les prétendus Miracles des Vaiilantilics ,
allégués par le Deffcnfeurdc ces MM. nciont
que des impoftures & des guérifons purement
n.iturellcs travelHes en Miracles par des mcn-
fonges. 77
XV. Uieu n'accorde j.imais au démon un pou-
voir extraordinaire pour f.iirc de véritables M i-
nclcs. 78
XVI. Lcî Thc-ologiens Antilccouriftes auroient
mieux fait d'employer leurs talcns à detlcndre
les Kiddcs centre l'arti'icc des Lettres de D.
U Taltc, que de s'occupera déciicr Icsgranls
Sccouri& à comb.utie les Miracles qus L'ieua
fait par ce moyen. 79
XVII. Cluiicurs Difcipics desThcoloaicns Anti-
^couriftcî le fervent des faux principes rcpan-
Tah/e des Sommaires', é'C.
dus danj la Réponfe de cô$ MM. pour en ti-
rer des confèquences très pernicieufes 80
XVIII. La Proporition, qj'iln'yaprefque peine
de Miracles que le démon ne puiiîc faire, a d'a-
bord révolté jul'qu'auv C'onftitutionnaires. 8a
XIX. Dieu fait parler les pierres pour defFendrc
l'autorité des IVliracles. 8?
§. IV. Réfutation des trois faujfes fuppoji-
tioKS par lefquelles AI. l'E-jècjiie de Beth-
léem , ou Dont la Tajîe , tache d'injtnuer
atie le diable a pu être V Auteur de tous
les Miracles faits e» faveur de l'Appel. 85
Art P m. de Bethléem veut qu'on préfère les
inventions de fon imagination à des Rapports
de Médecins & aux Dépoiitions d'une multi-
tude de Témoins oculaires. IbiJ.
II. 2. Les Miracles & les Convulfions n'étant
qu'une même œuvre, ^l. de Bethléem en
conclud que le tout doit être donné au dia-
ble. i6
III. Réponfe: les Convulfions ne font point un
obftacle aux Miracles, & les Miracles déci-
dent en taveur des Convulfions. Ihid.
IV. Réponfe aux reproches que M. de Betliléem
fait aux Convullionnaires. 93
V. 3. M de Bethléem ramafle quantité de fables
& de faufl'cs hill:oires pour faire accroire que
le démon a fouvent fait des guérifons rairacu-
leufes. 97
Vr Un de.s principaux artifices des Anti-mira-
culiftes eft de confondre les prodiges diaboli-
ques avec les Miricles. 98
§. 'V. Les Miracles font la voix de Dieu :
ainji ils font un témoignage qui ne peut
point être équivoque. loo
Art. I. Différence entre les Miracles, les pro-
dipcs & les prcltiges. Ibid.
IL Textes de 1 Ancien Teftament qui prouvent
que Dieu s'a'tribue linguliérement les guèri-
kms M.r.;culcufe?, & par confcquent c}ue le
démon n'eu peut faire <,e telles, ni même les
contrefaire d'une manière capable d'abufer les
cccurs droits & attentifs. 102
III. Jcfus-Chrifl a donné les Miracles de guéri-
fon coiniiie le T émoignagc de fon Père & une
preuve infaillible de fa Divinité, ôcpar conlë-
quent cette preuve ne peut point être incertat-
iie loj
IV. C'efl principalement par les Miracles de gué-
rifon que Jèfus-Chriit a établi la foi par tout le
monde. 107
V. Les SS. Pcres, les Apologiftcs de la Religion
& les plus célèbres Thc-ologiens nousontâon-
né pour principe, que les démons ne font point
de guèriloas Miraculeufes, ni même qui pa-
roillcnt l'être. iio
VI. Les Mimcles font un don que Jefus-Chrift
a promis à l'hglKc p'iur la dubngucr des fàuf-
fes religions & des l'ectes p.ir une faveur vifi-
(
bicment l'urn.nurclle. &pour y fiirc dilcerner
de quel côté clk la Venté lorf qu'elle ell en con-
tcfti-
Table des Sommaires ^ ô'C
teftation dans fon fein. 1 1 j
VII . Dieu ne peut pas permettre que le témoigna-
ge desguérifons Miraculeufesfoit équivoque. 122
J. VI. Ce font les Conflitmionnaires qui s'é-
cartent des vrais fentimeas de l' Eglife ^
en condamnant plujîeitrs Proportions ptti-
fées dans le Nouveau Teftarnent enfei-
gnées par les Saints q' confirmées par des
Miracles. 114
Art. I. S. Pierre & S.Paul nous ont averti que
dans les derniers tems rEgliieferoitinfedlée par
une dodlrine corrompue, & Jefus-Chriflnous
a annoncé qu'alors Elle viendroit rétablir tou-
tes chofes. IhiJ.
II. Dans les conteftations qui troublent actuelle-
ment l'Eglife, on ne peut mieux faire pour
connoître & fuivre la Vérité que d'examiner ce
qu'on trouve dans le Nouveau Teftament fur
les queftions controverfées , & ce que les Pé-
rès & autres Sainrs ont toujours foutenuSc pra-
tiqué. 125
III. Propofitions du Père Quefnel anathémati-
fées par la Bulle, quoique copiées ou du moins
pri:ës dans le Nouveau Tellament. IbiJ.
IV. Propofitions condamnées, quoiqu'enriérement
conformes à celles qu'ont enfeigné les Pérès de
l'Eglife & autres Saints. 126
V. Propofitions profcrites, quoique parfaitement
femblables à celles qu'on trouve dans les Priè-
res de l'Eglife. 128
VI. Les fimples doivent dans un tems auflî ora-
ge^ix que le nôtre , où la perfécution aurorife
l'erreur & fortifie les ténèbres, fe joindre en
attendant la Oécilîon d'un Concile général aux
Pafteurs &C aux fidèles en qui ils apperçoivent
plus clairement les caractères de Défenfeursde
h Vérité. ■ 129
VII. Répcmfes à l'objeftion que les Conftitu-
tionnaires tirent de leur grand nombre. 151
VIII. I. Depuis le IV. Siècle, toutes les fois
qu'il y a_ eu de grandes héréfies la multitude
s'eft toujours déclarée pour l'erreur, dans tous
les lieux où ce pernicieux parti étoit foutenu
par la PuiflTance temporelle. Ùid.
IX. 2. Les .'\ppellans ont pour eux le grand nom-
bre des fidèles , ayant de leur côté tous les Saints
& tous ceux qui ont fuivi, qui fuivent & qui
fuivront leur doclrine. 132
X. 3. L'Eglife confidèrée comme étant le corps
myftique de Jefus-Chrift , n'eft réellement
compofée que des juftes de tous les Siècles Ihid.
XI. LaflFreux déluge des méchans qui inonde l'E-
glife, 6c les défauts de fes Mini ftres, n'empê-
chent qu'elle ne foit la feule Arche où tous les
Elus trouvent leur falut. 134.
XII. Lorfquc Dieu déclare par des Miracles, de
quel côté eft la Vérité , c'eil fe révolter contre
lui que de refufer de fe foumettre à ce que ces
Miracles décident. 135
§. VU. Les AiiracUs pcrt-ent avec eux la
preuve qu'ils funt f œuvre de Dieu
Tome 11^
& n
y a des moyens à la portée des fimples pour
les^ dificerner fiàrement des fiupercheries du
démon. j 3 y
Art. I. L'Autorité des Miracles vient de Dieu :
elle fe manifefte par leur évidence , & elle ne
dépend ni des Evêques ni des Docteurs. Ibid.
II. Péril efifroyable où fe livrent ceux qui attri-
buent au démon les Miracles que Dieu fait
parmi nous. 139
III. Les fimples n'ont pas befoin de confulter des
Docteurs pour croire les iVIiracles : il y a des
moyens à leur portée pour les difcerner des ar-
tifices de Satan. 14.0
IV. Règle fimple: tous les Miracles faits au nom
& en invoquant Jèfus-Chrill avec piété, l'ont
des Miracles Divins. 14c
V. Réfutation du Siftême de Spinofa contre la
pofïïbilité des Miracles. 151
§. VIII. Preuves de la faujfeté de toutes les
prétendues guérifions miraatlettfes que Af.
l'Evêque de Bethléem dit s'être opérées par
le démon en faveur des Idolâtres. 152
Art. I. Preuve de la faufièté des prétendus Mi-
racles d'Apollonius. Ihid.
II. Preuves que Pithagore n'a point fait de mi-
racles. 158
III. Preuves de la fàulTeté des prétendus mira-
cles de Vefpafien. 159
IV. M. l'Eveque de Bethléem , pour prouver
qu'Efculape & les démons ont fait des guèri-
fons mirsculeufes, cite à faux le témoignage
de TertuUien. 163
V. Efculape ni les autres faux Dieux n'ont ja-
mais fait de guèrifons miraculeulés , ni même
qui aient paffépour telles dans l'efprit des Pa-
yens les mieux inflruits des faits. i6ç
VI. Aveux & témoignages des Idolâtres que
leurs Dieux n'ont point fait de guèrifons mi-
raculeufes. 168
VII. Examen des quatre Inlcriptions citées par
M. de Bethléem. 174
VIII. En même tems que le Prélat témoigne u-
ne foi puérile pour les prétendus miracles du
démon , il poulie fa défiance jufqu'au dernier
excès a l'égard de ceux que Dieu opère de-
puis 1727. parmi nous. \-j6
IX. 11 eft échappé a M. de Bethléem d'avouer
lui-même des principes qui fuffifent pour ren-
verfer tout ce qu'il oppofe aux Miracles de
ce Siècle. 177
X. Lti Apologiftes de la Religion ont tous fou-
tenu , que le démon ne guérit point de vérita-
bles maladies, & que lés guèrifons (e rèdui-
fent à difcontinuer les douleurs qu'il caufe à
certaines perfonnes qui font fous fa puiffan-
ce. 179
XI. C'eft: agir contre la foi & la raifon que
d'oppofer des fairs deitirués de preuves folides,
aux Textes de l'Ecriture , aux Témoignages
des Apologiftes & des anciens Pères, & à la
Décilion des Conciles. 184.
^ ^ §. IX. Ré-
10 Table des Sommaires ^ érc
§. IX. Réfntation des induElions que tire A'f.
rEvèijMe de Bethléem , de l'hifloire du
faux-ChriJ} du Gévaudan , (j- des Alir.t-
cles faits par Secundellus er f-t'^ les Reli-
ques ai- S. Jufi. 184
Art. I. Examen de l'hifloire du prétendu faux-
Chrift du Gévaudan. Uid.
II. Ceft une elpéce de blafphcme que d'attri-
buer aux démons les Miracles faits par Secun-
dellus. . 188
III. Le jugement que portent M. de Bethléem
& Glaber des Miracles opérés à l'occalion
des Reliques de S. Jull, cil très mal tonde de
toutes rayons. 191
IV. Dieu n'a jamais permis au démon, & ne
peut pai mtme lui permettre , d'opérer des
eué;iions qui paroillént réellement Miracu-
Iculéii pour taire tomber dans l'erreur ceux qui
cherchent de bonne foi la Vérité. 195
§. X. Réfutation de plujîeurs fattffes Propo-
fitions , de la plupart des autorités , cr de
pUtfieurs ob^etbons de M. de Bethléem. 197
A R T. I. Les Miracles faits pendant h vie ne
font pas une preuve certaine de fainteté , mais
i's en font une lorfqu'ils font faits après la
mort. Ibid.
II. Ceft une erreur de dire qu'on peut obtenir
de Dieu des guérifons miraculeufes par l'inter-
celTîon d'un homme mort dans l'hérélie. 198
IIL Préfervatif contre les citations faites par M.
de Bethléem. 199
IV. Le Prélat applique aux Miracles de guéri-
fbn ce que les Auteurs qu'il cite, n'ont dit
que des prodiKs 6c des prelHges que le démon
a q'Jelqucfois la liberté de faire. Jbid.
V. M. de Bethléem change le fcns des paflages
qu'il cite. 200
VI. 11 donne Tobjeflion que les Pères com-
battent, pour leur fentiment perfonnel. 201
Vil. Les Pérès & autres Théologiens fe font
quelquefois fervis du terme de miracles com-
me d'une exprefïîon générique pour Ggnificr
toutes (ortes de merveilles. 202
VIII. Non feulement S.Auguftin necroyoitpjs
que le démon puiffe faire de guérifons mira-
culeutes , mat? il paroît même dans le doute
(i Dieu lui accorde quelquefois la permillion
de faire des prodiges réels. Ihid.
IX. Explication du pafTagc de S. Auguftin nuid
fojftnt pet vatiiram, &c. objeifté a contrclcns
non feulement par M. de Bethléem maisaullt
par !c Nouvcllilte. 204.
X. M. de Bcthléctn a fait d'étranges mépriles
dans plulieurs de fcs citations. 207
XI. Le Prélat pour fc defFendrc des autorités
qu on lui objcdtc, nie que les Auteurs aient
dit ce qu'ils ont le plus formellement (bute-
nu. 20S
XII. Ceft dans des Livres apocryphes , où M.
de Bethléem a puiié une grande partie des au-
torités fur lefqucUcs il fe fonde. 210
XIII. Quoique Dieu permette quelquefois au
démon de faire des prodiges , il ne fouffre pas
qu'il opère des guérifons qui paroillént Mira-
culeufes. 211
§. XI. Car avères des prodiges cJ* des prtfii-
ges diaboliques : ç-r conjetlures des Pérès
fur ceux que fera l' Antechrifl. m
Art. I. Les prodiges réels du démon portent
prefque toujours des marques vilibles de fa
foiblellé &: de fon impuiilànce. 2i\
IL Les prodiges diaboliques font toujours nui-
iibles ou de pure oftentation. 214
III. Circonftance principale qui fait aifément re-
connoître les prodiges du démon. 2:7
IV. Idée que les Pérès nous donnent des prefti-
ges. 219
V. Idée que les Pérès nous donnent des prodi-
ges de l'Antechrift. IbiJ.
§. XII. La fource impure des prodiges
réels, fenftbles & palpables de l'Enfer eft
ordinairement facile à découvrir; 5- il
j a. toujours des caraEléres évidens qui dis-
tinguent Tuanifejlemem les Miracles Divins
de ces miracles dicdjnliques. 217
Art. I. L'Auteur du Mémoire Théologique
6c celui à<i% Nouvelles fc trompent dans leur
critique de la phrafe , ainfi la fource impure des
prodiges , &c. en donnant cette phrafe pour
une Propolition qui s'étend à toutes les difïe-
rentes efpéces Je Itratagémcs que peuvent fai-
re les démons. 228
II. S.Antoine pofe pour principe, qu'il eft faci-
le de dilcernerles vidons qui viennent de Dieu
d'avec celles que Satan procure. 232
III. Sentiment des Théologiens Antifecouriftes
avant q l'ils fe foient vus forcés , pour foute-
nir leur Décilion contre les grands Secours,
de combattre celle des Miracles opéréi par ce
canal. Ihid:
IV. r.-es plus célèbres Auteurs unis à ces MM.
ont avancé àcs maximes qui vont bien plus
loin que ma phrafe ; «Se on trouve des prmci-
pes qui futhfent pour l'établir lufques dan> les
Ecrits des plus grands .Adverfaires des Mira-
cles. 256
V. La plupart des Doileurs fe fontpréfentement
des Régies fui vanr leurs différentes préventions ,
qui toutes aboutillcnt à ébranUr 1 Autorité des
Âliracles : & c'eft par là que fe forme l'aveu-
elcment qui doit donner lieu à l'œuvre terri-
ble d'Elic. 2+1
Re-
Table des Sommaires^ Z7C. ii
Réflexions préliminaires aux deux premiéns Démonftrations fiùvantes , des Mi-
racles opérés fur le Tombeau de M. Kouffe Prêtre & Chanoine d'Avenai Diocèfc
de Reims, Appellant & Réappellant.
V. Pièces juftificatives défaites Réflexions.
Démonstration du Miracle opéré fur Anne A u g i e r.
Récit de ce Miraclcj tiré des Pièces juftificati- III. Frop. Anne Augier a été guérie fubitemenc
fur le Tombeau de M. Roulfe , de fa paraly-
fie &de tous fes autres maux le 8. Juillecijz;.
& peu de jours après Dieu lui a donné la fan-
té la plus parfaite & la plus robufle. 27
IV. Frop. La guérifon d'Anne Augier n'a pu être
opérée que par le Tout-puilTant. 34
Stances inégales fur les Miracles du tems & en
particulier fur celui qui a été opéré fur Anne
Augier: (Pièce de vers imprimée dans la i.
Edition , quoiqu'elle ne foit pas de l'Auteur
des Dénionlbations.) 41
XyiII. PiECEs juftificatives dud'it Mincie (à la
fin defquellcs p. 13. efi une Déclaration de Jo-
feph Maffy Luthérien , guéri rairaculeufément
& converti.)
ves.
Caradére des Témoins.
I
I
8
Fropofition. Anne Augier . '. avoit les deu.'i
jambes perclufes . . par une paralyfie complet-
te qui depuis 21. ans les avoit réduites à un
deflechement entier. Son corps fe meurtrifToit
de plus en plus • . Depuis 7. ans elle avoit un
cancer qui . . avoit formé un abcès ulcéré &
. . une hftule . . . Enfin il lui furvint aulli
une paralyfie fur le bras gauche deux ans avant
(à guérifon. 14
II. Frop. Le deflechement des jambes d'Anne
Augier, caufé par une paralyfie complette qui
avoir duré plus de 21. ans, étoit un état abfo-
lument incurable. 23
Demonstation du Miracle opéré
Récit de ce Miracle tiré des Pièces juftificati-
ves. ^ I
Caraélére des Témoins. 8
I.
Fropofitiofi. La Dame Stapart avoit . \ . de-
puis le 24. Dec. 1717. l'œil gauche privé de
toute lumière, de tout mouvement, de toute
fenfibilité: ce qui étoit l'effet d'une attaque
d'apoplexie fuivie d'une paralyfie . . . ( Elle
avoit) un mal de tète continuel . . & une
enflure aux jambes . . . Enfin une troiliéme
fur la Dame Stapart.
attaque avoit fait tomber . . fon bras & ft
jambe , . en paralyfie complette. 2r
II. Frop. La Dame Stapart a été fubit«ment 6c
parfaitement guérie de toutes fes maladies
fur le Tombeau de M. RoulTe le 16. Mai
1728. 28
III. Frop. La guérifon de la Dame Stapart
ne peut être attribuée qu'au Tout- puis-
fant. 39
XV. Pièces juftificatives dudit Miracle.
Démonstration du Miracle opér^
terceffion de M. de Paris & dans une C
Récit , tiré des Pièces juftificatives , de ce Mi-
racle & de plulieurs autres opérés fur ladite
Marie-Jeanne Fourcroy. i
Caraélére des Témoins. 16
I. Fropojition. Une anchilole complette avoit
rendue la difformité du pied gauche de Mlle.
Fourcroy un état fixe & invariable , lorfqu'il
plut au Tout-puiffant de lui faire reprendre
tout à coup une forme naturelle. 23
II. Frop. 11 n'y avoit aucun moyen au pouvoir
des êtres créés qui fût capable de faire repren-
é fur Marie-Jeanne Fourcroy (par l'in-
onvulfion.)
dre fa première forme au pied anchilofé de la
Dlle. Fourcroy. 29
III. Frop. Le pied difl^orme de la Dlle. Four-
croy a tout d'un coup recouvré une figure
naturelle au milieu de (es Convulfions le 14.
Avril 1732. & s'eft trouvé fur le champ dans
un état parfait. ^ 33
[ On y réfute les pr'wàpniix faits a-janecs à fon
fujet dans le calomnieux Journal des Con-
vulfions.]
XIV. Pièces juftificatiiîves dudit Miracle.
Observations fur les Convulfions. I. Partie: Idée de l'œuvre des Convulfions.
bord porté. Ihid.
II. Réponfe à la principale objecflion àes Anti-
convuliioniftes (que les Convulfions font une
punition.) 7
III. Récit du Miracle opéré fur Catherine Bi-
got. ^ Jbid.
IV. Caraélére des Témoins. 8
V. Preuves que Catherine Bigot étoit fourde &
muette de naillance. 10
VI. Circonftances furnaturelles & bien dignes
de remarque , qui oot précédé la création de
l'organe de l'ouïe. ; 1 3
*»2 Vn.Preu-
Avant-propos. i
Proposition (unique) de cette I, Partie.
Dieu préjtde à l'œuvre des Convulfions : el-
les font même en partie fon ouvrage ; mais
elles entrent toutes dans fes vues pour deux
fins bien différentes : l'une de pure mi fer i-
corde , l'autre de juflice er de vengeance, 3
Article I. Témoignage du faint Evêque
de Senez fur l'origine des Convulfions , leurs
premiers effets & le jugement qu'on en a d'à-
Table des Sommaires^ érc.
VII. Preuves de la création de l'organe de
l'ouïe. •. 17
VIII. Réponfe aux objedions qu on fiùt contre
ce Miracle. 20
IX. Les Convulùons ont été d'abord le moyen
phylîque par lequel Dieu a opéré des Mira-
cles de guérifon: [témoignage de M. l'Evé-
que de Montpellier.] 23
X. Convulfions guériflàntcs de la Dlle Har-
douin,&c. 2î
XI. Il y a eii des Convulfions en même tems
gucrilîantes & contraires à d'autres guérifons,
qui ont été les unes &les autres fuivics de gué-
rifons miraculcufes. 26
XII. Convullîons guérillàntes , & contraires à
d'autres guérifons de la DIU Duchcne. JW.
XIII. Preuves que Dieu a été l'Auteur des Con-
vulfions guérinàntes. 27
XIV. Idée (abrégée) des mouvemens convul-
fift. Ibid.
XV. Objection tirée des guérifons imparfaites. 28
XVI. Les guérifons imparfaites font de vrais
Miracles. 29
XVII. Miracles opérés fur Jeanne Tenard. 3 1
XVIII. Réflexions fur les Témoins. Ibid.
XIX. Première preuve de l'état de Jeanne Te-
nard. 34.
XX. Jeanne Tenard vient à Paris & a de vio-
lentes Convulfions dès qu'elle fe met fur le
Tombeau de M. de Paris. 36
XXI. Preuves de l'état & du rétabliflement de
fon genou. 37
XXII. Preuves de l'état & de la régénération
de l'épaule du bras & de la formation des os
du coude. 40
XXIII. Preuves qu'il ne rcfloit plus à la place
de la main droite de Jeanne Tenard qu'un peu
de matière feche & fans organes. 50
XXIV. Preuves delà régénération totale de cet-
te main. 52
XXV. Réponfe à robje(flion tirée de l'imper-
fection de la création de cette niam. 55
Repre'sf.nt.ation fiiccinUce de ce tjui s'efl
p.ijfe dans la I. Epocjue des ConvHljlons. j(5
II. EpoauE des Convuljîons. 58
XXVI. Tems auquel les Convulfions ont com-
mencé d'être accompagnées de Signes ik de
Prodiges. 59
XXVII. Dieu a choifi la plupart des Convul-
fionnaircs dans une condition obfcure. Ihid.
XXyilI. Dieu a ccl.iiré l'efprit des Convullion-
naircs & les a rendus Prédicateurs de l'Ap-
^ rci- 60
[Cff/ f/? txfl.qué plus au long dans la II. Vartie.
pp. 17. 7^. df juiv.']
X.XIX. Réflexions fur l'Expofé de la Confulta-
tion des Trente Do<!^curs. Cl
XXX. Les Confultans le (ont joints aux enne-
mis de l'Appel, pour profcrire les Convul-
fionnaires. 66
XXXI. Les Gînvulfionnaires font les Advcrfai-
les les plus redoutables de U Bulle. Ibid.
XXXII. Premières prcdiftions des Convulfion-
naircs. 70
XXXIII. Des prédiaions fauOès. Itid.
XXXIV. Prédivftions dont l'événement a été pu-
blic. 71
XXXV. Ausçuftiniftes & Vaillantiftes. 72
XXXVI. Faullès imputations des Anticonvul-
.74
77
lioniftes.
XXXVII. Dieu aenvoyé des Convulfions àplu
fieurs perfonnesdediltindlion: Vertus des Gon
vullîonnaires.
XXXVIII. Foi de plufieurs.
XXXIX. Pénitences des Convulûonnaires,
[Voyez, aulji la II. Vartie pag. Cz . . ç^ la IV.
{dans le III. Foulutee) pp. 397. ^ fuiv.
XL. Récit du jeûne de 40. jou's de M. Fontai-
ne, (Se de ce qui l'a précédé, Sec 81
XLI. Humilité de plufieurs Convuliionnaire.. 86
XLII. Motifs de quelques Appellans pour dé-
crier les ConvuKîonnaires. 88
XLIII. Les Adverfaires des Convullîons n'ofent
nier que les Convulfionnaircs n'aient fait des
Miracles. 8f>
XLIV. Conféquences des Miracles opérés par
le miniftére des Convulfionnaircs. 90
XLV. Miracle opéré fur uneReligieufe du Cal-
vaire, prédit par une Convullio'nnairc,& fait
^à fa prière. Ibid,
XLVI. Force des Témoignages qui prouvent ce
Miracle. 91
XLVII. Première prédidUon de la Convulfion-
naire. 92
XLV III. Preuves de rextrémicé delà maladie
de la Religicufe. IhiJ.
XLIX. Seconde prédidlion de la Convulfion-
naire. 94,
L. Moment de la guérifon parfaite de la Reli-
gicufe. 05
Ll. Preuves de la perfc<îlion de cette guérifon
fubi:e. Ikid.
LU. Une guérifon fi fubite & fi parfaite n'a pu
iz faire que par la création d'un lang nou-
veau. 96
LUI. Si Dieu eft l'auteur de la guérifon, il l'eft
aufli des prédi(ftions faites par la Convulfion-
naire. 98
LIV. Ce Miracle n'a pas eu pour objet d'auto-
rifer la Convuliionnaire, mais les Convullîons
en général. " 99
LV. Les Convulfionnaircs ne font pas infailli-
bles pendant leurs Convulfions. 100
L\'I. Les lumières données pendant les Cin-
vulfioni ne font pas toujours dilUndcs. 101
LVII. Réponfe à la principale objection des .ad-
verfaires des Convulfions. Ibid.
LVIII. Mir.-icle & Converlion par le minirtcrc
de la Dullbn. luj
LIX. Guérifon miraculeufe & prédictions fai-
tes, par le minillère île \'irginic. 106
LX. Miracles oiX"rès fur le Chcv.ilicrDcvdé. 109
LXI. Prétlictions qui me font pcrfonnclles, [&
au.xquelles révcncmcnt a rciHjndu cnticre-
nicnc] I j {
L'a.H'
Table des Sommaires , ô'C.
Vœuvre des Convnljîons illufirée cCti» côté
par des dons fitruaturels , des prédirions ,
des Converjions zjy des Aiirades , o" de
l'autre avilie par les artifices du démon , a
nécejpiirement dans les confeils de Dieu cjtiel~
^ue grand objet que tout Chrétien a un in-
térêt fenfible d'approfondir. ii6
LXII. Dieu préfide à l'œuvre des Convulfions
pour des fins dignes de lui. Ihid.
LXlII. L'œuvre des Convulfions annonce la
venue du Prophète Elie. 1 19
I, Vérité*: Dieu dans fa miféricorde a
formé r œuvre des Convulfions pour annon-
cer la venue du Prophète Elie, 121
LXIV. Les Ecritures prédifent l'avènement d'E-
lie. Ihid.
LXV. Témoignage du Bienheureux M. de Paris
fur la venue prochaine du Prophète Elie. Ibid.
LXVI. Sentiment de M.l'Abbè Duguet. 122
LXVil. Prodiges par lefquelles Dieu nous an-
nonce clairement la venue du Prophète. 123
LXVIII. Dieu la déclare en découvrant claire-
ment l'état de l'Eglife qui prouve la nécelïité
d'un tel remède. i2<>
Obfervation fur le Prodige desCrucifîxs qui ver-
î?
fent du fang.
127
[Voy. fur le même fujet le Tom. III. pp. 671
& 672.1
LXIX. Réponfe à l'objeâiion de la fauffeté des
prédirions particulières faites par plufieurs
Convulfionnaires. 128
LXX. Réponfe à l'objei^ion tirée de la baflènè
de la plupart des Convulfionnaires. 131
II. Vérité' : Le mépris qu'on fait aujour-
d'hui des Convulfions , des Prodiges, &
même des Miracles , efl une difpofition des
efprits très extraordinaires : il efi viftble
que Dieu l'a permis dans foi jtîjiice pour
faire rejetter le Prophète par prefque toute
la Commutùon Catholique, i^j.
LXXI. La prédidion de Jéfus-Chrift , qu'Ehe
fera rejette par les Chrétiens, paroît d'abord
inconcevable. Ihid.
LXXII. Difpofition de la Cour de Rome. 135
LXXII. Difpofition du très grand nombre des
Evêques. 136
LXXIV. Difpofition des Conftitutionnaîres,des
Moliniftes , des faux dévots & des ignorans. 137
LXXV. Difpofition des prétendus efprits
forts. 138
LXXVr. Diverfes claflesdes Appellans. 139
LXXVn. Ce qu'Elie fera, ne fera différent que
du plus au moins de ce qu'on a vu dans l'œu-
vre des Convullions. 140
LXXVIII. Il y a tout lieu de craindre que les
nuages n'augmentent encore. 142
LXXIX. RéHexion qu'il faudra faire pour n'en
être point aveuglé. 143
XVL Pièces juftificatives du Miracle opéré fur
Catherine Bigot , ôc XL concernant celui de
Jeanne Tenard: (dont il a été fait mention aux
Nombres III. & XVII.)
Observations fur les Convulfions.
états) des Convulfionnaires.
u4!-vant-propos, I
Article. I. Toutes les œuvres de Dieu qui
ont beaucoup d'étendue, paroilfent mêlées. Ibid.
IL Exemple tiré des abus que Dieu permet dans
l'adminiftration de l'Eglife vilible. Uid.
m. Exemple tiré de l'œuvre de reffufïïon des
dons du S. Efprit. 3
IV. Définition des Convulfions. 4
V. En féparant de cette œuvre tout ce qui ne
fait point partie de fa première dellination , el-
le eft inconteftablement divine. Ibid.
VI. Cette œuvre peut aulTi dans l'idée la plus
étendue, être appellée l'œuvre de Dieu. Ibid.
Réflexions de difiç'rens Auteurs propres
à répandre la lumière fur l'œuvre des Con-
vulfions, & à écarter la plupart des nua-
ges dont cette œuvre paroit couverte. 6
Observations fur l'état des Convul-
fionnaires, 1 2
A RT. I. Expofition de l'état (ou des différens
états) des Convulfionnaires. 16
IL Les Convulfionnaires ont communément plus
d'efprit en Convulfion que dans leur état na-
turel. 17
II. Partie: Idée de l'état (ou des différens
III. Inftinfls des Convulfionnaires. 19
[Cette matière des inftinéls efl traitée au Ion g dans
le III. Volume, pp. 355. ou 395. ér fuiv.'\
IV. Panfemens des malades. 19
V. Repréfentations. 25
VI. Peinture des foufFrances de Jéfus-Chrift ôc
Difcours à cette occafion. 25
VIL Tableau vivant des fupplices des Martyrs ,
& Difcours à ce fujet. 28
VIII. Repréfentation du fupplice du feu. 3 1
IX. Réponfe à la fatyre du Dofleur Albert. 54
X. Ce n'eft point par les mœurs des Convul-
iîonnaires qu'on doit décider de l'auteur des
Convulfions. Ibid.
XI. M. le Docteur A. n'eft point exad dans
le récit des faits qu'il rapporte. 3<)
XII. Difcours fur le choix que Dieu a fait des
Convulfionnaires pour opérer des Proliges. 44
XIII La grandeur des Prodiges joints aux Con-
vulfions de Marie Sonnet , manifefte que Dieu
en étoit l'auteur. 45
XIV. L'origine des Convulfions de la Sonner,-
l'objet de leur auteur , & les effets qu'elles onf
produitjprouvent qu'elles venoicnt de Dieu. 48
Xv. Les Convulfions de Denife étoient réelles
(quoi qu'en dife M. h) ^,^,, ^.49
.** î XVI. Sim-
1+
Table des Sommaires^ à'C.
le feu par
XVI. Simbolc exécuté avec le feu par quatre
autrei Convu'lîonnaires. 50
XVII. Réponfc à l'objeilion tirée de la défcnfc
des Epreuves. 5 1
\^Cette matière tft encore traitée plus amplement
dans h Tom. III. pp. 82^ & fuiv ]
XVIII. Pareilles reprélcntations faites par des
SS. Myftiques. 53
XIX. Preuves par les effets que le furnaturel de
ces repréfcntations vient de Dieu. 5+
XX. .Autres preuves que le furnaturel de ces re-
préfcntations a Dieu pour auteur. Ibid.
XXI. Témérité des Anticonvulfioniftes. 55
XXII. Portrait de ceux quiaffiftent à cesrcpré-
fentitions. 5<5
XXIII. Obrervationsfur les pénitencesdcsCon-
vullicnnaires. <52
[r«/. atjjijur le même fujet , le Tom.lU.p.%^T.
XXIV. Extafes. 66
XXV. Portrait des Extafes. 67
XXVI. Faux principe des Anticonvulfionis-
tes. IhiJ.
XXVII. Difcoursen langue inconnue ou étran-
gère. 72
XXVIII. Découverte des fecrets des cœurs. 75
XXIX. Obfcrvations fur les Difcours. 77
XXX. Les prédictions générales faites par tous
les bons ConvuHionaires, font l'objet de l'oeu-
vre des Convullions. 79
XXXI. Etat de l'Edife vifiblc. 80
XXXII. Il y a quelquefois du mélange dans les
Difcours aes Convulfionnaires. 81
XXXIII. Souvent il n'y a que les penfées qui
leur foient données. 8z
XXXIV. Quelquefbb les termes leur font dic-
tés. Ibid.
XXXV. Quelquefois ils parlent forcément. Ihid.
XXXVI. Différence ellcntielle entre les Pro-
phètes & ceux qui n'ont que des révélations
particulières. 83
XXXVII. Il y a eu un pareil mélange dans les
prédiélions des SS. qui n'étoicnt pas des Pro-
phètes. 84
XXXVIII. Preuves d'un pareil mélange tirées
de l'Ecriture fainte. 85
XXXIX. Pareils mélanges dans les difcours &
les prédiflions des SS. Alyftiques. 88
XL. Sentitnens des Auteurs £ccléliaftiques par
r.icport au mélange. 92
XLI. Différence entre les révélations des Pro-
phètes & celle des autre.<; pcrfonnes. 94
XLlI. Les plus grand.; Théologien'; penfcnt qu'il
crt trèsdifticile de fjire fur cela Icdifcerncmcnt
de ce qui vient de i'Efprit de Dieu. Ihid.
XI.III. Le principe des Anticonvullioniftes va
à rejcttcr non feulement les prédictions des
C'onvullionnaires , mais aulTi celle; des S,S.
Mylliques & de tous ceux qui n'ont pas été
des Prophètes. 9^
XLIV. Ce faux principe raviroit à TFplire une
des preuves de la divinité de fon origine. Uid.
XLV. DifKrcncc notable entre les picdic'tions
d'un feulConvulfionnaire & celle? qui ont été
faites généralement par tous & accompagnées
de circcnftances furiuturelles. 97
XLVI. Réponfe à l'objeètion tirée du défaut de
fouvenir. Ihid.
XLVII. Plufieurs ConvulGonnaires fe relfou-
viennent parfaitement de leurs difcours, lors
même qu'ils ont été prononcés en extafc. 98
XLVIII. Plufieurs Convulfionnaires confervent
dans leur état naturel toutes les lumières qu'ils
ont reçu en extafe. 99
XLIX. Plufieurs Saints ne fe font pas reflbuve-
nus après leurs extalés de ce qu ils y avoient
dir. 100
L. Obfervations fur les prédiélions faufTes. lOi
LI. Etat de Mort. loj
LU Etat d'Enfance. ^ loç
LUI. Réfutation de la fauffe idée que l'Auteur
des Vaivs eiforts donne des Convullions. 1 10
LIV. Différence entre l'aliénation des fens, cel-
le de l'eiprit , 6c la folie. Ibid.
LV. On troj\ e plus de chofes choquantes dans
les Vies de pkideurs Myltiques, que parmi les
meilleurs Convulfionnaires. 113
LVl Faulfes imputations de l'Auteur des K<»/ax
efforts. 117
Observations fur les Convulfions
in. Partie. Idée des mouvemens con-
vulfifs. 120
Art. I. Les agitations furnaturelles des Con-
vulfionnaires font des Simboles très intéres-
fans. Ihid.
II. L'Auteur des Vains efforts trompe fon Lec-
teur , en lui donnant lieu de confondre les agi-
taions convuUivesavec des mouvemens d'im-
pureté. ^ 123
III. Sentiment de M. l'Evêque de Montpellier
par rapport aux mouvemens convulfifs. 124
IV. Tous ceux qui n'éroient pas ennemis de la
Vérité ont regardé d'abord les mouvemens
convulfifs comme venants de Dieu , \jn far'
ticulier MM. d' Asfeld ^ Fouillou.] 12Ç
V. Evcncmcns qui ont engagé bien des gens à
changer fur les Convullions. 132
VI. Règle pour difcerner le principe des effets
fumatijrels qui ont de l'oblcurité. 134
VII. Réponfc à l'objection que les agitations
violentes cxpofcnt à des immodelHes. 15 j
VIII. Réponfe h l'objcètion que les agitations
convullives choquent la bienicance. 139
IX. Les Prodiges que Dieu fait en faveur des
Convulfionnaires font une preuve que les agi-
tations viennent de lui. 140
X. Les gr.ices fpiri'uelies que Dieu fait aux Con-
vulfionnairesjprouvent qu'il ell l'auteur de leurs
Convullions. 141
XI. Premier Exemple : Convulfions de M. Fon-
taine. ^ 142
X 1 1. Second Exemple : Convullions de la
Sœur H. 144
Xlll. Troifiémc Exemple: Convulfions du Irc-
rc
Table des Sommaires^ ire. if
re J. B. 148 XVI. Qiiand le démon ferait l'agent des rnouve-
XIV. Plufieurs SS. Myftiques ont eii des agita- mens convuKifs , cela ne rendrait pas les Con-
tions pareilles. 151 vuliîonnaires incapables d'être les inflrumcns
XV. Plufieurs grands Prophètes ont eu des mou- de Dieu. , 155
vemens convullifs. 154
CORRECTIONS, & ADDITIONS de l'Auteur,
Po^r les dijfé/eKtes Pièces de ce Volume.
Datis la PRiEREiPage 12. ligne 28. de commettre lifez d'en .commettre — UidA. 3 1 . réfolu ///refolus.
Da7is la DlSSERTAXraN : Pag. 10. ea marge p. 6. Itf. p. 7 — Pag. 40. à la 2. citation inargt-
Kale III. Lett. lif. IX. Lett. — Pag, 46. 1. 7. pratiques lif. preftiges — Pag. 102. 1. 26. éclater/;/?
éclatte. — Ihid. en marge , Exode. XV. 16 /;/.' Exode XV. 26. — Pag. 106. 1. 23. fi ///." s'y — Pag.
110. en marge dern. cit. Id. in Pf 135. Hj. Id. Lib. i. adv. Jud. n 7. — Pag. 112 1. 17. Le XV.
Canon du VI. Concile général tenu en 668. prononce Uj- Le VI. Concile général tenu en 668.
prononce dans la XV. Seffion — £î en marge Aifl. XV. au lieu de Can. XV. — Pag 113 /. dern.
manifeftion ///? manifeftation — Pag. 124. 1. 7. a/rw enfeignées <r/0K»ez par l'Eglifé — Ûid.V 13.
apès S. Efprit lif. pour le refie de lalineà , les l'entimens véritables de l'Eglife 6c ceux des Saints
qui font déjà dans la gloire ,fe décorent néanmoins hautement du titre Ibuverainement refpcfîable
de l'Eglife univerfelle , comme s'ils formoient à eux feuls toute l'Eglife de Dieu 1 — Pag. 125. 1. 18.
morale lif. ào&.nnt — Ihid. 1. 37. après Pafteurs ajout. & de l'Eglife univerfelle — Pag. 147. 1. 36.
le XIX. lif. le XIV. — Pag. 157. 1. 12. ramina hf. ranima — Pag. 159. 1. dern. malades lif mala-
dies— Pag. i6i\..fur la ligne ; lif. en Note: Quelques Auteurs ont pris pour des noms d'hommes
ces trois mots Socordio ^Thanatio (ci-deiTus j.inacio) & .Aflepiadoto, que d'autres ont cru être des
noms de remèdes. Les premi^îrs en expliquant le PaflTage de Tertuliien , ont dit qu'„Ei'culape en
,j indiquant des médecines , avoit confervé la vie à Socordius,à Thanatius & à Afclepiadotus,qui
5, paroiflbient fur le peint de la perdre en peu de jours. " Mais cette explication n'eit pas plus fa-
vorable au Siftême de M. de Bethléem , que l'autre. En effet quel Miracle y _a-t-il d'avoir rendu
la fantéà trois malades, en leur indiquant des remèdes? Il n'y a pas d'habile iMédecin qui ne puilîe
fe vanter d'en avoir fait autant — Pag. 181. 1. 16. èc 17 «/cz dans un endroit différent de celui que
j'ai cité deffus parce que ce paffage a été ailleurs employé apiês coup.) — Pag. 200. 1. 37. lumi-
nieufes lif lumineuies — Pag. 235. 1. 4. telles///? tels — Pag. 240. 1. 19. après Miracles aj.enNote:
M. l'Archevêque d'Embrun a fait réimprimer cet Ouvrage en 1734.
Da'is la Dem. I. Pag. 5. 1. 11. voir ///? voit — Ihid. 1. 22. augumenter ///? augmenter — Pag. 13.
1.29 fubjugé ///'fubjugué — Pag. 31. 1. 15. de 23. /;/? de 20. — Pag. 37. 1. 39. aprèslcwx a] li-
bre—Pag. 41. Notajur les Stances, que comm-e elles avoient été mifes dans l'Edition de Paris
en 1741. on les a confervé dans ceUe-ci, quoiqu'elles ne foient pas de l'Auteur des Demonftra-
tions — Pièces, p. 2. col. 2. Requête de 28. Cure's., lif. Requête de 38. Curés.
Dans la Dem. II. Pag. 16. I.4.5. l'année 1719 /;/. l'année 1729. — Pag. 28. 1. H- '^^ns fauteuil.
lifdms un fauteuil — Pag 41 1. 22. bien fait lif. bienfait.
Dans la Dem. III. Pag. 7. 1. 26 migreur lif maigreur — Pag. 8. 1. 13. pour ///pour — Pag. i(î.
1. 17. plus,\iC plù — Pag. 18. 1. 9. le S. If. le Sieur — Pag 29. à la marge , après Thibault lif N.
XXVI. de la nouvelle Edition. — Pag. 34 1. 9 Mars 173 1. ///? Mars. 1732 — -Pag. 47.y;/r/«' 5^^-
linea lif en Note: Ce Journal des Convulfwns parut à Paris en 1733. & M. l'Archevêque de Sens
l'a fait réimprimer à la fin de fon Inftruftion palcorale contre les Miracles en 1754. H y en a eCi
suffi une 3. Edition que les Jéfuites ont fait faire à Avignon , avec les Lettres de Dom la Tafte.
Ce prétendu Journal n'ell: qu'un tillLi de calomnies & de menfonges, ainli que de très célèbres
Adverfaires des ConvuHions en font expreffément convenus. Voyez entre autres la Feuille des
Nouvelles Eccléfiafii^ués du 20. Oiftobre 1736. Article de M. Fouillou , le principal Auteur de h
Confultation, &!:c.
Da?is /'Idée de l'œuvre , &c. I. PART. Pag. 2. 1. 18 & 19. après dans, lif l'Ancien & le
Nouveau— Ihid.\. 39. prefque perfonne ne voit,///? trop peu de perfoHnes voient — Pag. 3. 1. 12.
en d'abord lif. en a d'abord — J^/W. 1. 19. Inftruciions lif Initnidion — Pag. 17. 1. 21. jufquà 3.
heures ///?julqu'à 9. heures ■ Pag. 20. 1. 32. les muets rejfufcitent, lif. les muers parlent, /« morts
rejfufcitent — Pag. 21. 1. avant dern. ce téméraire Auteur lif. cet .Auteur — Pag. 22. !.').& 6.
ctez. dont je n'ai point lu les Ouvrages, ou revoyez l' oh frvation faite à la p. 3. de la ûiifertation
. — Pag. 28. 1. 16. après ConvuHions,///? en Note: Les Médecins, Chirurgiens & autres qui ont
examiné avec le plus d'attention ces premières Convullions, ont afùiré qu'il n'y a efi que très peu
de CCS prétendus Convullionnaires qui ne fétoicnt que par imagiiation. — P.ig. 30. 1. 29. lont
déjà ///. ccoienc dès lors — Pag. 58. fur le,s 1. 13 & 14. ///. en Note: Il y a pluUeurs Ccnvulfion-
naires
l
\6
mires en (Jui cette mtelligence n'a été que momentanée en forte qu'elle n'a proprement confifté
juc dans k's Dilcours très lumineux que l'inllinét de leurs ConvuUions leur a fouvent hit faire,
ans qu'il en foi: rien ou prefque rien refté dans leur mémoire ou dans leur efprit , ainli qu'il eft
plus au long expliqué dans la H. Partie. — Pag. 6i. 1. 7. de tels gens lif. de telles gens — Pag. 63^
en marge Fcvr. 1733. iif. Février 1735. — Pag. 66. eu rnarge M. Pon. 3. Lett. ///. VII. Lett. de
M. Poncet, — Pag. 69. 1. 29. il à plait 1 celui quand il lui plaît, ///. il a plù à celui qui fauve qui
il veut — Pag. 72. 1. 27. que la plus grande partie lif. qu'une partie — Pag. 75. 1. 16. & I7- les Au-
guftiniftcs /;/. les vrais Auguftiniftes — Pag. 81. 1. 17. celle /if. cette ^ 1. 18. après donner ajout,
cous — Pag. ïo6. 1. 37. des dix /(/? des fix — Pag. 114.. en marge Mouler lif. Moler — Pag. 118.
1. 22. de ccu.K /;/ de celles — Pag. 120. 1. 16. un Prêtre, dont /j/T un Prêtre , grand pénitent &
dont les fcntimcns & toutes les paroles ne refpiroient que la piété, mais dont — IhiJ. 1. 28. du dé-
mon///! (éduits par l'efprit d'erreur— Pag. 125. 1. 22. la grâce ///la glace — Pag. 131. 1. 19&20.
dondées ///? données — Pag. 137. 1. 14. & 15. étcndans Xy? étendarts — Pag. 140. 1. 7. infaillibles
lif. prefque infaillibles — Pag. 139. i. 17. ai>rès Quelques-uns d'entr'eux /if.en Note: Ils ont été
réfutés en 1736. &c. par MaI. les Evoques de Senez & de Babylone , & par le favant M. Alexis
DefelTartz. — Pag. 141. 1. 14. les ConvuUîonnaires /{/' le plus grand nombre des ConvuUîonnaires.
DarisPldéc de l'état, &c. II.&III.Part. Pag.4.1. 9.& 10. après quoiqu'il foit ///T en pluûeurs
chofes fort inférieur à cette œuvre. — Pag. 14 1. 10. après à fon coin : ajout, étudier fcs delTeins
& profiter de fes leçons fandlilîantes dans les lumineux fimbolcs qu'il exécute par des prodiges:
— IhiJ. 1. 13. après aiftivité ajout, (à moins qu'on n'ait lieu de croire qu'il eftinfpiré par un inftindl .
furnaturel, comme le font pluiîeurs adtionsfimboliques:) — Pag. 16. 1. 13. mettez en AlineaLtnx
ame. — IbiJ. 1. 31. Il vais lifit vais — Pag. 17. 1. 14. après religion ajout. & le faluc. — Pag.
18. 1. 37. après Obfervations : ajout. I . Propolîtion. — Pag. 19. au bas en marge, ajout. Ihid. p. 143.
— Pag. 25. 1. 12. & 1 3. micle /if. miracle — Pag. 36. 1. 29. V Avant-propos de ma IV. Partie ///^dans
la III. Propolîtion de la IV. Partie de mes Obfervations. — Pag. 40. 1. 45. princes lif pruicipcs
— Pag.65.1.27. après n'en profitent pas, «j'oi//. également. — Ibid 1. 50. Mouler /i/TMolcr. —Pag.
83. 1.41. alTurance qui leur lif. entière certitude infpirée aux Prophètes par une imprenTiondel'ET-
prit Saint, qui leur — Pag. 91. 1. 10. n'étoit lif n'étoienc —Pag 94. 1. 7.&8. Mais cette •■■]uf-
qu'à pour des, lif Mais cette régie qui avoit principalement lieu d.ins l' Ancien Teflament, n'ayant
été faite qu'à l'égard des Prophètes par état, pour pouvoir difcerner en ce cas ceux qui font véri-
tablement les Prophètes du Très-haut, d'avec les faux-Prophètes qui fe donnent né-anraoins pour des
— IhiJ. 1. 10. ôtez néanmoins — Pag. ^6. 1. 36. & 37. prétendent ...jufau'à chez les, ///Vcroient
«Juece don eft actuellement fubfillant, du moins julqu'à certain point. Ili ne prétendent pas en
être eux-mêmes gratifiés; ik ils ne diront pas fanj doute qu'il eft palVè du côté des — Il>iti 1. 39.
Ce don ne peut être que du coté de ///.' Il y a tout lieu de croire que Dieu ne communique ce
don qu'à — PEg. 107. 1. 30. qui vous lif. qui nou; — Ibid. 1. 59. L'Evangile, éfc. effacez cette
ligue. — Pag. 113. 1. 10. les AugulHnirfcs & les lif certains /VugulHniftes & certains — IbiJ. 1.
14. cette forte de lif. ces — Pag. 120. 1. 25. de fa morale lif de la Morale — Pag. 123. 1. 29.
infet^tée, ///? mfcfte — Pag. 129. 1. 32. &: qui fe font. . . ;«/j«'i difcernement, lif qui ont depuis
figné la Confultation,& plulîcurs des Théologiens qui font enfuite devenus Antilccourilles ,fut de
méprifer ces prédictions éc ces avertifTemens, quoique le plus grand nombre dientre eux ne celTàt
point d'être attachés à l'œuvre des Convulfions. Mais ils jugèrent, en feconduifint par les lumiè-
res de leur propre efprit, — Pag. 134. 1. 20. & 21. donne tout lieu de croire lif elt une preuve
manifcfte — IbiJ. 1. 21. & 22. qui fait li les ConvuUionnaircs ne font point /;/ & il y a toutlieû
de croire que les Convullionnaires font — IbiJ. 1. 24. & 25. un funefte préjugé, par le mépris
qu'il auront fait des inftrumens par qui il : lif. un préjugé mii peut leur être li funolte en coni'éq icn-
ce du mépris qu'ils ont conçu de, Inftrumens par qui le 'Très-haut — Pag. 140. 1. 42.6:45. Voi-
ce lif. Voici. — Pag. 141. I 24. ordonner ///.' d'ordoruier — Pag. 142. 1. 34. àtez d'un lavant.
p a T r, R n
iabaro usque aA -viacitla., quasi malè opei-ans; sed verbum Dei non est !tlli<jra.tuii\ . ^ om j. y .
PRIERE
D E
M. DE MONTGERON,
Qui paroU propre 'h fervir de Préface a fon fécond Tome,
JJAvTV.VK /è fent d'abord embrafé d' ardeur ^ar Vidée du bonheur in-
fini des Saints. Il ferefréfente enfuit e les tourmens affreux de V enfer:
il efî frappé de terreur en confidérant combien le péché efi énorme
aux yeux de "Dieu: il tremble en fe rappe liant les crimes de fa jeu-
nef e ^ fa faible jfe pré fente. La gratuité ^ f efficacité de la grâce
raniment Jôn ejpérance : il reconnoit quec^ef à fon divin Jèc ours que
nous devons tout. Son cœur s'épanouit ^ fe répand en mouvemens
de reconnoijfance par Je fonvenir des miféricordes que 'Dieu lui a fai-
tes, ïê quil continue de lui faire malgré fon extrême indignité. ^ Il
gémit fur létat préfent de l Eglife : fes maux dont il fait le déplo-
rable récit , le font frémir. Ilfe confie par lapromejfe que 'Dieu a faite
de fon r établi fement ; ^ fon zélé s'anime par la vue de la grandeur
des récompenfes promifes à tous ceux qui fou ffr iront peur la Vérité,
Sx- IL pofTible, ô mon Dieu! Que vous deftiniez une créa-
ture aulli criminelle , aufli vile , auiTi méprifable que moi au
bonheur infini de vous voir, de vous aimer, d'être aimé de
vous, d'être uni à vous, & par cette union ineffable de par-
ticiper à vôtre félicité divine? Mais que ne peut pas vôtre Toute-puif-
fance? Et qui peut comprendre la grandeur de votre miféricorde?
A Ha!
n PRIERE.
Ha! Quel fera dès te premier moment le raviiïement de moname,
lorfqu'après avoir été purifiée de tout péché, elle fe verra tout à coup
frapée par l'éclat de vos perfcftions infinies, qu'elle contemplera la lii^
Si-z^-i^ piicre dans votre lumière ce qucWc fera embrafée de votre amour, inon-
dée de votre gloire, pénétrée de tous les attributs de votre Divinité.
Avec quelle impetuolîté s'élancera-t-elle dans votre fcin ! Et quelle
fera l'ardeur de fon amour &: de fa reconnoilTance, lorfque vous lui
Matt. 2 direz: entrez dans la joie de votre Seigneur ^ &: ou'en la recevant dans
pj.* vous même, vous l'enivrerez de l'abondance des biens de votre maifon ,
''^ fe que vous la ferez, boire du torrent de vos délices !
\otre pollcilion, ô mon Dieu! remplira toute notre amc, & épuî-
fcra tellement toute la capacité qu'elle a d'aimer , qu'il lui fera impof-
llblc de deftrcr quelque chofe hors de vous. Hé ! Que pourroit-clle
fouhaitcr étant toute pleine du fouverain bien? Il faudra même pour la
rendre capable de recevoir la communication de votre Divinité , que
vous releviez à un état de perfection qui la rende toute différente de
ce qu'elle eft,& qui la falîe devenir en quelque forte femblable ;\ vous ;
ce qui ftit dire à S. Grégoire de Nazianfc l'un dcsDodeurs de vôtre
Egli fc : que vous la divini ferez.
Quelle elt donc ,ô mon Dieu ! La noblelTe incompréhenfible de nô-
tre être , malgré la baileflc & la mifére extrême où le péché Origi-
nel nous a réduits, puifque vous deftinez tous vos Elus à jouir éternel-
lement de votre félicité. Ha ? Seigneur ! Augmentez fans celTe dans
nos cœurs le dcfir d'un fi grand bien!
Pour fe former d'abord une idée générale de fa grandeur, il né faut
que faire réflexion , que le bonheur parfait des Saints unis à leur Divin
Sauveur fera le chef-d'œuvre de la magnificence de de la Toutc-puif-
fance divine: qu'il cil le but, & qu'il fera l'accomplillement de tous les
deiTeins qu'a eu le Très-haut en formant l'univers : enfin qu'il fera la
récompenfe de toutes les humiliations & de toutes les fouffrances de J. C.
Voir ù découvert les perfections infinies de la Trinité ! Les conce-
voir toutes d'une feule vue d'efprit! En être pénétré d'une admiration
ineffable ! L'aimer fins bornes ce fans mefure ! Connoître & vivement
fentir qu'on en cfl aimé! Puifer dans fon fein une vie immortelle, &
une béatitude inaltérable ! Etre uni en corps & en ame avec J. C. Ne
faire avec lui qu'un feul Fils de Dieu ! Et être innondé comme lui de
la volupté divine ! Voilà le bonheur éternel auquel notre Sauveur nous
invite.
Le cœur de l'homme, quoiqu'abruti par le poids de la concupif-
ccnce , qui par une fuite du péché Originel l'entraîne flms ceffe vers les
biens faux & périffables de la terre, fent néanmoins au dedans de lui-
même, que fuivant la première dcllination de Dieu, il étoit fait pour
un bonheur infini & éternel. Auffi le penchant naturel qu'il tient de
fa
P R r E R E. lïi
fa création, le porte t-il continuellement, à defirer d'être parfaitement
heureux , & de l'être fans fin.
Mais combien de gens fe trompent-ils dans la recherche du vérita-
ble bonheur ! Quiconque prétend le trouver fur la terre , le cherche
où il n'ell pas : il n'habite que dans le fein de Dieu.
L'homme animal & charnel, avide d'une félicité qu'il pourfuit fans
relâche & qu'il ne fauroit jamais atteindre , paiïe d'une concupilcence
à une autre. Ses paffionsne lui tiennent jamais tout ce qu'elles lui proi
mettent. Forcé de reconnoître le néant de ce qu'il avoit le plus ar-
demment fouhaité , il change fans cefTe d'objet , mais il retrouve dans
le fécond , le même vuide qui l'avoit dégoûté du premier : tant il eft
vrai que nous fentons par l'imprefTion ineffaçable de notre première ori-
gine, que nous fommes appelles à quelque chofe de bien plus grand
que tout ce qu'on trouve dans ce monde : &que fesplaifirs,fes richef-
fes & fes honneurs ne font que de vains amufemens,qui ne peuvent
jamais nous fatisfaire pleinement. Que dis-je? Leur pofléffion fuffit
pour nous faire éprouver malgré nous , que fes plaifirs ne font que des
preftiges trompeurs, qui nous féduifent par des efpérances chimériques
& par une amorce qui cefle d'être , dès qu'elle a pris feu : que fes ri-
chelfes ne font que multiplier nos defirs & nos befoins, en augmen-
tant notre concupifcence & notre avidité : que fes honneurs ne font
qu'un vain rayon dont le brillant ne fert qu'à nous éblouir, & qu'un ^
vent qui nous enfle fans nous remplir d'aucun bien fohde. Vanité ^«•j-'^cci.i.ï,
vanités , s'écrie le Sage : tout ce qui efl dans le monde uejî que vanité.
C'efl: en vous feul , ô mon Dieu ! Ce n'eft que dans vous même ,
qu'on peut jouir de ce vrai bonheur fi ardemment & fi conftamment
louhaité par tous les hommes, mais qu'ils cherchent inutilement dans
tout ce qui n'efl: point vous.
O félicité parfaite ! O tréfor immenfe & inépuifable ! O comble d'hon-
neur & de gloire , qu'on trouve dans les bras de mon Dieu ! Oiii vous
êtes feuls capables de remplir toute l'étendue & la fenfibilité de nôtre
cœur : de fatisfaire toute l'ambition & la grandeur de nôtre ame , de
contenter toute la force & l'impetuofité avec lefquelles nous defirons
d'être heureux.
Quelles délices plus fenfibles pouvons-nous fouhaiter, que celles dont
nous ferons enivrés par la participation & lajouillance du bonheur de
Dieu même? Ne fommes nous pas certains , fi nous devenons les mem-
bres de j. C. dans le ciel, d'avoir en nous mêmes la plénitude de fa
joie ainfi qu'il nous en allure? Vt babeant gmidium meum impletum inje^^ri.ij.
femet-ipfis. ^3-
Quelles richeffes pouvons-nous concevoir plus dignes de nos deHrs ,
que de devenir les fils & les héritiers du Souverain Maître du ciel &
de la terre, & les cohéritiers de la féconde peribrme en Dieu fùte
A ^ Hom-
IV PRIERE.
Rom. 8. Homme : FU'ti Ç.^ h are de s, h are de s qu'idem Tiei , coharedes atrtem Chrijîi..
17- Quelle plus grande gloire cil: capable de remplir pleinement tous nos-
vœux, que celle de participer à la nature divine? De régner dans le.
cielr' D'y faire partie du Chrill l'objet de l'amour de Dieu ? De ne fai-
re qu'un avec J. C. dans le fein de fon Père, comme il ne fait lui-mê-
Tean. 17. ""^^ qu'un avcc lui? Sicut tu Tatcr in me y (§ ego in te y ut ^ ij>/i in
«1. noùis umtm fint.
C'eft h\ que tous les Saints prodigieufement élevés au-dciTus dsis, puif-
^ances de la terre connoîtront clairement combien les plaifirs , fcs biens ,
&: fes grandeurs font indignes de notre attachement. C'efl lîl qu'em-
bràfcs d'un amour fans mcfure, ils fcntiront vivement dans les tranf-
ports d'une joie continuelle & au delîus de toute expreiïion, que Dieu
leul m.érite d'être aimé ! C'efl: là qu'ils puiferont des richelîes inelli-
mablcs dans les tréfors de celui quiell: lafource & la plénitude de tout
bien, de toute vertu, & de route perfeétion! C'ell là qu'ils jouiront
d'une gloire, en comparaifon de laquelle tous les honneurs de ce mon-
de ne font qu'un méprifable néant.
O volupté celcfle ! O fouverain bien î, O gloire fuprême & d'une é-
lévation fans bornes, embrafez entièrement nos âmes? Que l'cfpoirde
vous poiTeder nous anime d'un feu qui foire fans cell'c élancer nos cœurs
vers ce bonheur divin : & qui nous donne un fouverain mépris pour
le vu'de des plaifirs de la terre, qui comme une vapeur pallcnt, s'é-
vanouiirent & difparoilfent dès qu'on commence à les goûter: pour le
dangereux poifon de fes faulles richcflcs: & pour la vaine enflure de
fcs honneurs frivoles !
Philip. 3. Faites , ô mon Dieu : que nous vivions déjà dans le Ciel par Tar-
so- deur de nos dcfirs & la vivacité de notre efpérance ! Que nous afpi-
rions de toute la plénitude de notre cœur à en devenir les heureux ci-
toiens & que notre efprit foit continuellement occupé d'un iiciiarmant
efpoir! Mais infpircT^nous vous-mêmes ces fentimens, ô mon Dicn.
Hélas! \'ousle voie/,: nous ne fommes par nous mêmes qu'aveuglé-
ment, qu "mfenfibilité , que foiblcfle ! Eclairez noscfprits: brifez la du-
reté de nos cœurs: guériilez làparaiyfie de nos amcs. \'ous le f;i\ez
Seigneur : pluiieurs même des Appellans rampent continuellement dans
la boiic, au lieu d'élever fms relâche leur ame vers le ciel: <!:cprcrquc
tous les autres ne vivent plus que pour la terre , & n'ont d'amour c[ue
pour fcs fiiux biens.
Ha! Qu'au jour du jugement les penfées des mondains feront diifc-
rentcs de celles qu'ils ont aujourd'hui ! Quel éclat de lumière frapera
tout à coup tous les efprits! Quel jour terrible pour les reprouvés: mais
quel comble de gloire & de bonheur pour les Elus.
De quelle admiration, de quelle joie, de quel amour leur cœur &
leurs yeux ne feront-ils pas tranfportés, lorfqu'ils \crront au milieu des
airs
PRIER é: V
aîrs J. C. votre Fils tel qu'il ejî dans toute la fplendeur de la gloire? i- J""-
Qui peut douter que fon humanité divine, li intimement unie au Ver- •^"
be éternel qu'elle n'eH: avec lui qu'une feule pcrfonne , ne foit toute
brillante d'un éclat & d'une perfection infiniment fupérieurs à tout ce
que notre foible intelligence peut p'éfentement en concevoir:
Si vous avez répandu avec une profufîon magnifique tant de beauté
jufque fur les fleurs qui durent fi peu: quelle beauté n'aurez-vous pas
donnée à vôtre divin Fils en l'aiToeiant à vôtre gloire, lui qui doit être
à jamais l'objet de l'adoration & de l'amour de tous vos Saints, (&;dont
h. vue doit faire une partie de leur bonheur ?
Si donc nôtre amour ell d'autant plus ardent , que ce que nous ai-^
mons efl plus aimable : que nous en avons reçu de plus grands bien-
faits: & que nous en efpérons un plus grand bonheur : quel fera le char-
me : quel fera l'enchantement de nos cœurs à la vue de nôtre divin au Sacn-
Sauveur defcendant du ciel avec tous fes Anges pour nous fliire part <ice de la
de fa félicité divine & en quelque forte de fa 'Divinité même. ^ ^'
Quelle fera notre reconnoill'ance en confidérant que ce Grand Dieu,
que nous verrons fi éclatant de gloire , de beauté & de majefté , à vou-
lu naître dans une étable, pour nous donner l'exemple , & nous mé-
riter la grâce d'être détachés des biens de la terre: & qu'il s'efl fou-
rnis à fouffrir fur une Croix la mort la plus ignominieufe& la plus cruel-
le , pour expier la malédiftion de notre origine en Adam & nos pro-
Eres péchés, & cour nous faire jouir dans le ciel de fon bonheur inéf-
ible, en nous aflbciant à fa qualité de Fils de Dieu!
Quels feront les tranfports de notre joie , lors qu'en ce grand jour ,
qui commencera réternité fi différente des élus & dïs réprouvés , nous
recevrons de la main de ce Dieu , dont la charité pour nous s'efi: por-
tée à un excès li incompréhenfible, un corps celejie . . . incorruptible . . i. Cor.
fprituel. . . immortel . . . glorieux afin que nous ne foions avec lui qu'un ^5' ^'^'
ieul Chrift! Alors., nous dit-il lui-m.ême, les ju fies brilleront cojnfneuMh.
le foleil dans le Royaume de leur 'Père. ^3- 43-
Hèi Gomment les corps des Elus ne feroient-ils pas tous bril'ansde
la même gloire qui éclatte dans celui de J. G. leur Ghef, puifqu'ils fe-i.jean.3.
vont femblables a lui'? qu'ils lui feront fi parfaitement unis qu'ils ne fe-^-
ront quun avec ce dK'in Sauveur, & qu'ils feront pénétrés comme lui ibid. 15.
d'une béatitude infinie ?
O Jefus qui nous avez mérité cette gloire fuprême par vos humiliar-
tions & vos fouffrances! Faites qu'elle répande dès cette vie fa clarté
celefte dans nos coeurs! Qu'elle les éclaire, qu'elle les échaufe, qu'el-
le les anime ! Rendez-les comme une glace où les rayons de cette lu-
mière divine réfléchifi!ent fans celfe! Et ne permettez pas que cette
glace fe ternifre par l'haleine empeftée de l'orgueil , par la fale fumée
des plaifirs, ni par la vile pouflierc des biens périiîables de la terre.
As Ma!
▼I
R I E R E.
Ha ! Quand il faudroit pour parvenir à cette gloire éternelle , non
'culement fe priver des richelTes méprifables , des faux plailirs , & des
vains honneurs de ce monde ; mais quand même il faudroit foulfrir
pendant tout le cours de nôtre vie tous les tourmens que la fureur des
bourreaux pourroit inventer, devrions nous héfiter un moment de nous
oflrir avec joie à tous ces fupplices?
Le tems de nôtre vie a infiniment moins de proportion avec celui
de l'éternité que n'en a le court intervale d'une minute avec la durée
d'un liecle. Cent ans ne font compofés que d'une certaine quantité
de minutes dont le dénombrement n'cll: point impolFible : aulieu qu'on
ne peut multiplier allez de fiecles pour atteindre l'étendue de l'éterni-
té. Comme elle abforbe tout ce qui palîé, rien de ce qui finit ne
peut entrer en comparaifon avec elle. Quel rapport aui'oitdoncla vie
d'un homme avec ce qui n'a point de fin.
Cependant qui des amateurs du monde feroit aiTez lâche pour refa-
fer de fouffrir le plus affreux de tous les tourmens pendant nne minu-
te, fi Dieu l'afluroit qu'en récompenfc d'une foufî'rance fi courte il
lui donneroit la joiiifiance pendant un fiecle de tous les biens , de tous
les> plaifirs , & de tous les honneurs qu'on peut avoir dans ce monde ?
Quelle efl donc la lâcheté des difciplesde J. C. d'avoir tant de ré-
pugnance à porter la croix de leur Maître pendant leur vie toujours fi
courte , pour joUir enfuite avec lui de fa gloire & de fon bonheur pen-
t. Pier. ^j^j^f toute l'éternité, & devenir /'art ici/>ans delà nature divineycom-
' ■*■ me il nous l'a promis par la bouche du premier de fes Apôtres.
Infenfés que nous fommes ! Pouvons nous donc douter que la féli-
cité de Dieu ne foit infiniment au deflus de tous les vains plaifirs de la
terre qui celîènt d'être dans le moment qu'ils commencent à fe faire
lentir ?
Ignorons-nous que le tems quand on le compare à l'éternité, nefl:
qu'un inftant qui fuit Se qui s'échappe aufil-tôt qu'il paroît ? Comment
ne fentons-nous pas qu'il n'y a proprement de réel qu'un état fixe, é-
ternel, immuable: & que cet état ell le feul digne de nosdefirs, par-
ce que tout le refte pailé comme un fongc & le difllpe comme une
fumée ?
Comment fommes-nous donc affez charnels , afiez grofTiers , afTez
(lupides pour ne defirer que d'une manière fi foiblc , li languilTante ,
6c fi froide d'avoir part au bonheur divin? Comment fommes-nous af-
fez lâches pour ne vouloir rien fouiVrir afin d'y parvenir: &mèmeaf-
fez infenfés pour lui préférer les biens trompeurs, les vanités frivoles
& les plaifirs honteux après lefquels on court dans ce monde , qui bien
loin (ic nous conduire à un bonheur véritable , nous font tomber dans
les abîmes de l'enfer?
Hélas: quelle fera la rage de ces malheureux quand ils feront plon-
gés dans ces afi'rcux tourmensi Quel
PRIERE. Vil
Quel fera d'abord l'effroi de leur ame lorfqu'au moment de la mort
elle paroîtra devant fon Dieu irrité contr'elle, & qu'il la livrera aux Dé-
mons pour être éternellement leur proie ?
Quel fera fon défefpoir de connoître qu'elle va être privée pour- ja-
mais de la pofleiTion de Dieu qui cft fon fouverain bien: & qu'au lieu
de joiiir de ce bonheur intini, elle eft condamnée pour réternitéàde,
fouffrances univerfelles ?
Dès ce moment elle fera précipitée dans un goufre de flammes qui
agiront fur elle à proportion de la condamnation prononcée contr'elle
par la juflice divine : & fon état fera d'autant plus affreux que loin qu'el-
le puilTe efpérer quelqu'adouciiTement à de fi cuifantes douleurs, elle
attendra en frémilTant fans cefTe le jour du jugement général , où l'u-
nion à fon corps mettra le comble à fes tourmens.
Quel fera dans ce jour fi terrible le redoublement de fa rage , lorf-
qu'elle fe verra forcée de reprendre fon corps pour avoir part à fon
fupplice ? Et que tous fes crimes lui étant repréfentés devant les yeul
avec toutes les fuites funeftes qu'ils auront eus , elle ne pourra s'em-
pêcher de juger elle-même , que la préférence infenfée qu'elle a faite
de quelques ordures à la poffeffion de Ion Dieu , & la témérité de Dé-
mon avec laquelle elle a ofé l'offenfer & affronter les fupplices éter-
nels dont il l'avoit menacée, méritent qu'elle les fouffre à jamais? &
qu'elle entendra fortir de la bouche de J.C. cette condamnation ii ter-
rible : Rétirez vous de moi maudits ^ allez au feu éternel ? ^Mh
Ha! quel fupplice de fe fentir dévoré par des flammes qui pénétre- "
ront comme le Jel dans toutes les parties du corps de ces miférables
vidimes de la colère du Dieu vivant , & en même tems de favoir que
des tourmens fi horribles & fi jufles n'auront jamais de fin.
Hélas: après qu'ils les auront foutlert pendant cent mille millions
de fiecles autant de fois répétés qu'il entre d'atomes dans la compofi-
tion de l'univers, l'aflreufe éternité à laquelle ils feront condamnés n'en
fera pas encore moins longue: & jamais un moment de relâche à des
douleurs fi incompréhenfibles !
t ncha'inés pour toujours par la juflice divine dans le fond d'un étang
de feu: point d'autre objet préfent à leurs yeux que les flammes qui
les dévoreront fans les confumer : point d'autre occupation que leurs
cruelles douleurs: point d'autre defir que celui d'un anéantiffement im-
poflible.
L'éternité de leur fupplice leur fera toujours préfente: & n'eft-ce
pas la fouflrir toute entière à chaque inftant?
t'n vain le déchii eront-ils dans les tranfports de leur rage , nulle efpé-
rance de pouvoir ie donner la mort. Ils n'ignoreront pas que tous leurs
efforts pour le la procurer ne lérviront qu'à augmenter encore leurs
."tourmens: mais conmient fe poffeder dans ces brafiers ardens avec la
plus
41.
Vill
R I E R E.
plus intime & la plus défolantc aiïurance que leur fupplice n'aura ja-
mais de fin ? Leur affreux défefpoir les forcera de tourner toute leur
fureur contr'cux-mômes, feuls objets fur qui ils puifTent l'afTouvir.
Quelqu'effraiante que foit cette image , quoi que fi fort au deflbus
de la réalité , que votre miféricorde 6 mon Dieu la mette fans cefTe de-
vant mes yeux , pour me faire fentir de plus en plus l'énormité du pé-
ché par la grandeur de fa punition!
Hélas: nous recevons avec joie ce funefte poifon dans notre fein:
nous avalons Tiniquifé comme le lait. C'ell: en vain que Dieu nous a
fait connoître l'horreur extrême qu'il a du péché , n'aiant voulu le par-
donner qu'en immolant fon propre Fils à notre place, & qu'en lui fai-
lànt fouft'rir pour nous toutes fortes d'opprobres & de douleurs. La
mort ignominieufe & cruelle à laquelle notre divin Sauveur a bien vou-
lu fe foumettre pour nous retirer de l'enfer ne nous touche point:
nous oublions à tout moment à quel prix nous avons été rachetés ; nous
ne craignons point de nous attirer la haine de notre Dieu: nous mé-
prisons les promefTes : nous bravons fes menaces : & nous nous livrons
de gaieté de cœur à notre implacable ennemi !
Ha Seigneur! Que la lumière de votre Efprit Saint diïïipe les om-
bres dans lefquclles notre llupidité nous enveloppe : & que l'onftion
intérieure de votre graçe nous anime & nous vivifie ! Faites que l'in-
fini de l'éternité, la perfuaîion que tout ce qui pafi!e avec la vie n'elt
qu'un pur Jié;mt, le bonheur inçffablc de vos Elus & les fupplices éter-
nels des réprouvés, fr;îpcnt continuellement notre ame & remuent
fîins cefle nos coeurs.^
.L'efprit de tous ceux en qui la foi n'cfl: pas éteinte, ne peut s'em-
pêcher d'être convaincu à^ ces grandes \'érités. Mais ô mon Dieu : à
quoi nous fert la conviftlon de notre efprit, fi vous même ne touchez
nos cœurs? Sans le feu de \ôtre charité qui nous échauffe en nous é-
clairant, notre raifon nous devient prefqu'inutilc. Ha! PuiilantDieu
des vertus, ne nous abandonnez-pas à notre mifére: mais laites nous
la bien connoître, afin que nous retirions un plus grand profit de vgs
grâces: & qu'en vous rendant gloire de tout le bien qu'elles nous fe-
ront faire, nous nous en attirions toujours de nouvelles. Faites que
nous n'oublions jamais que paraous mêmes nous ne fommcs que néant,
que corruption , que ténpbres , que folblcfic, qu'impuiilance ; afin qu'at-
tendant tout de vous, nous ne ccllions point d'implorer votre fecours,
& de vous bénir de vos bienfaits.
Hélas! Seigneur: comment pourrai-je jamais vous rendre aficz, d'a-
6^ions de grâces pour la miféricorde qu'il vous a plù d'exercer fur moi-?
De quel anime de corruption &: de icnébres ne m'avez vous pas rcti-
Iphef. 4,'^p^ J'^'^O'S de ceux qui uïaiit fer du tout remord ^ tout feutimciit,
jfi. /ql>andoiineiit à la dijfoliitiou Pour fe f longer avec tifie ardeur ififatia-
PRIERE.
IX.
hle dans toutes fortes d'impuretés. Comment avez vous voulu fouiller
en quelque . forte , fi on peut ainfi s'exprimer, le fang adorable de vô-
tre Fils en k faifant couler fur un cadavre infe<^é par tant de crimes?
Quels prodiges n'avez- vous pas faits en ma faveur, ô mon Dieu ! Vous
avez changé en un moment les difpofitions infenfées de mon ame : vous
avez en même tems éteint les goûts infâmes de mon cœur: vous avez
diffipé tout à coup par une lumière divine les profondes ténèbres où
mon efprit étoit enfeveli depuis plus de 20. ans: & vous n'avez pas dé-
daigné de faire deux guérifons miraculeufes fur un corps corrompu par
les crimes les plus honteux.
Vous avez voulu fans doute , ô mon Dieu , faire voir par cet exem-
ple combien votre miféricorde eft gratuite & combien vôtre grâce eft
efficace.
Pour cet effet , il vous a plù de choifir un impie pour attefter vos
Miracles, &de vous fervir d'un infâme miniflre du Démon , dont l'oc-
cupation principale avoit été jufqu'au moment même de fa converfion
de féduire de miférables créatures, il vous a plû, dis-je, de vous fer-
vir de ce monfl:r€ fouillé de tant d'ordures pour publier par toute la
terre la grandeur de vos miféricordes & l'éclat de vos merv^eilles : il
vous a plû d'envoyer un lâche, un idolâtre de fon propre corps por-
ter vos décifions jufqu'aux pieds du Trône & les annoncer à fon Roi,
fans que cette périlleufe démarche ait caufé la moindre émotion au foi-
ble & timide inflrument que vous faifiez agir vous même.
En dernier lieu quel ouvrage venez-vous de me faire cotnpofer vous
même. Comment avez- vous voulu , ô mon Dieu ! vous fervir d'une
créature aufïï vile que moi pour déffendre vos oeuvres & vos enfans ,
que quantité de célèbres Dofteurs unis en ce point aux PuilTances de
la terre couvrent d'ignominie & d'opprobres ? Mais ce qui eft un mi-
niftcre encore plus important: comment daignez-vous m'employer à
publier les prodiges que vous opérez pour avertir vos Elus que le Pro-
phète qui rétablira toutes chofes eft fur le point de venir ? Et à dé-
voiler les artifices par lefquels fatan cherche à prévenir le très-grand
nombre des Catholiques contre ce grand événement que vôtre divin
Fils a prédit lui-même.
Il eft fans doute, à mon Dieu: que ce ne peut être qu'à titre du
moins capable & du plus indigne , que vous m'avez choill pour me faire
exécuter un ouvrage fi fort au deftùs de mes foibles lumières. C'eft
qu'il importe à vôtre gloire, ô Dieu Tout-puiflant : de vous fervir
quand il vous plaît du néant même pour faire de très-grandes chofes.
Ç'eft que plus les infirumens que vous mettez en œuvre font ineptes
& xiifproportionnés à l'exécution de vos defTeins , plus le fuccès que
vous leur faites avoir paroît viiiblement l'efîèt de vôtre Toute-puiftan-
ce^ plus il doit faire admirer à vos créatures les profondeurs de vôtre
B fagefle.
X PRIERE.
fageiTe , & plus il doit les exciter à célébrer vos louanges.
Mais quelle doit être ma reconnoiflance , ô Dieu de bonté infinie !
que vous m'ayez choifi pour me faire entreprendre vous-même un tel
ouvrage , moi qui ne fuis qu'un miférable , vuide de toute vertu , dé-
nué de fcience, & manquant de toutes les qualités propres à le bien
exécuter.
Ha! daignez donc l'accompagner de ces grâces viftorieufes, qui en
éclairant les efprits touchent efficacement les cœurs : daignez vous en
fervir pour porter un très-grand nombre de fidèles à vous rendre gloi-
re des merveilles que vous prodiguez aujourd'hui ! Daignez les rendre
attentifs à ce qu'annoncent tous ces prodiges, & les difpofer par ce mo-
yen à reconnoître vôtre Prophète dès que vous le ferez paroître. Que
l'abîme d'aveuglement , que l'excès de corruption , que l'extrémité de
mifére dans lefquels prefque toutes vos créatures font préfentement
tombées, touchent vôtre miféricorde, puifqu'elle eft toute gratuite.
Ha! jettezdes regards de compaflion fur vôtre Eglife ! Jettez-en furie
monde entier!
Hélas Seigneur! Combien de peuples font enveloppés par les plus
épaifles ténèbres, & plongés dans l'iniquité jufques par delFus la tête.
Le dragon infernal a fait fortir de l'abîme les plus noires exhalaifons &
en a couvert prefque toute la terre : il a vomi fur elle comme un fleu-
ve d'erreur & de crimes qui en innonde toute la furface. Quelles per-
tes vôtre Eglife n'a-t-elle pas déjà faites? Cette Eglife qui dès le tems
des Apôtres étoit déjà répandue par tout l'univers: cette Eglife dont
un des caractères eft d'être univerfelle, ne règne plus aujourd'hui que
dans un fort petit nombre d'Etats. L'Afie & l'Afrique les plus grandes
parties du monde où ont brillé autrefois tant de Saints , font mainte-
nant enfevelies dans les ombres de l'enfer. Le nom de nôtre divin Sau-
veur n'y eft plus connu , où il y eft blafphêmé. Dieu des mifèricor-
des ! jufqu'à quand abandonnerez vous à vôtre ennemi un fi grand nom-
bre de vos créatures.
Mais même dans cette Europe , dont prefque tous les habitans font
profeffion de connoître vôtre Saint nom , combien de Royaumes fe
font féparés de vôtre Eglife ?
Enfin dans le fein même de cette Epoufe de vôtre Fils, combien
l'homme ennemi n'a t-il pas femé d'erreurs & de faux dogmes. Une
Société aufll formidable que pernicieufe , qui ofe porter le Saint nom
de Jefus , ne fe pare de ce nom auguftc de votre Fils que pour com-
battre la morale & les plus grands dogmes de fon Evangile.
C'cft par l'amour: c'cft par la croix: c'cft par lesdefirs devouspof-
fedcr éternellement vous môme, ô mon Dieu ! & parle détachement
dcs^ biens, des plaifirs & des honneurs de la terre, que vôtre Sagefle
incarnée nous a déclaré qu'on pouvoit parvenir au uonhcur éternel.
El
PRIERE. XI
Et cette Société au contraire fait efpérer à tous les amateurs du mon-
de, qu'ils fe procureront le falut par des pures cérémonies, & par un
culte tout extérieur, fans vaincre leurs paffions , & même fans les com-
battre.
Elle les difpenfe du grand précepte de vôtre amour , après que Je-
fus-Chrifl vôtre Fils nous a dit lui-même: Vcus aimerez le Seigneur mh. 21.
votre l^ieu de tout vôtre cœur, de toute vôtre ame, & de tout vôtre 'il- 38-
effrit. Cefi là le flus grand ^ le premier Commandement.
Et voici le fécond qut eft Jemblable au premier : vous aimerez, vôtre 39.
prochain comme vous-même.
Toute la Loi G? les Trofhétes font renfermés dans ces deux Corn- 40-
mandemens.
Ce premier , ce plus grand des Commandemens , dont le fécond n'eft
qu'une fuite, & qui les renferme tous, eft donc l'ame, l'efprit & la
vie de toute la religion. C'eft donc la détruire & abolir toute la Loi
& les Prophètes que d'ofer en difpenfer.
Le Difciple bien-aimé déclare que celui qni n'aime ptnt demeure i jean.
dans la mort. Le grand Apôtre des Gentils inflruit par vôtre Efprit 3- u-
Saint qu'il s'éleveroit une troupe de fédufteurs qui oferoient combat-
tre la néceffité de vous aimer & vôtre divin Fils, ô mon Dieu! fulmi-
ne ainfi contr'eux dans les tranfports de fon zèle. Si quelqu'un n ai- iCor.
me f oint nôtre Seigneur Jefus-Chriji quilfoit anathême.
„ N'eft-ce pas un tonnerre que ces paroles ( s'écrie le S. Prêtre dont p. Quef-
la caufe eft la vôtre ô Dieu Tout-puiflant ! ) „ Si c'eft être anathême & "j^ei. ^
„ excommunié de ne point aimer J. C. que doivent attendre ceux qui
„ contribuent à en eftacer l'obligation dans l'efprit des autres , quifour-
„ niflent des moyens de s'en dilpenfer, qui en font leçon, & qui en
M tiennent école. „
Aimer vôtre Fils, o mon Dieu, c"'eft defirer de toute l'ardeur de
nôtre ame de lui être unis à jamais, préférer ce bien éternel à tous
ceux d'ici bas, cette gloire célefle à tous les vains honneurs du mon-
de , cette félicité fuçrême aux fades plaiiîrs de la vie : & pour parve-
nir à ce bonheur infini de vous poflcder vous-même , ô mon Dieu ,
par nôtre union à vôtre Fils, s'efiorcer de pratiquer fes préceptes &
de fuivre fes confeils, méprifer comme lui tout ce qui palfe, & ern-
brafîer la voie étroite de fa Croix qu'il nous a déclaré être le chemin
qui conduit à fa gloire.
L'Evangile nous crie fans cefle: faites pénitence. J. C. nous dit lui- ^^^
même : je vous déclare que f vous ne faites pénitence vous périrez tons. ^ '^'
Celui qui ne f rend pas fa croix (^ ne me fuit pas, nefî pas digneiA^^- 1».
de moi. ^*'
Quiconque ne porte pas fa croix iê ne me fuit pas, ne peut être mon luc. 4.
difciple, ^7-
B X Je
yii
PRIERE.
Mat. i8. 7^ "VOUS dis & je vous en afftire que Jî vous ne vous convertirez. . . .
3" Vous n entrerez, point dans le Royaume des deux.
Et voilà que cette Société de féduéleurs laille croire aux pécheurs
quils futtit pour effacer jufquaux plus grands crimes, d'en fiiireunfe-
erct aveu à quelqu'un de vos Miniilres ; & que fans changer le fond in-
fe(^lé de leurs cœurs, ils en feront quittes pour quelque courte prière,
& pour une fimple déclaration qu'ils ont regret de vous avoir offenfé :
déclaration qui fouvent n'eft que fur les lèvres, ou qui n'a d'autre four-
ce que la crainte de l'enfer: & avec une abfolution précipitée, elle
envoie ces malheureux mettre le fceau à leur réprobation, en rece-
vant le Saint des Saints dans une confcience toute impure , toute rem-
plie de l'amour du monde & toute vuide d'amour pour vous : comme
fi ce Sacrement le prix du fang de votre Fils , nous eût été donné
pour nous exemter de vous aimer.
S. Pierre qui avoit reçu des mains de votre Fils le pouvoir de lier
& de délier , ne dit pas : confeiîéz-vous , & tous vos péchés vous fe-
Aft. 3. 19. ront remis. Mais il dit : faites pénitence ^ convertiffez-vous , afin que
vos péchés fi)ient ejfacés : faifant ainfi dépendre la remiiTion des pé-
chés , non de la feule confefîion qu'on en fliit aux oreilles d'un Prê-
jjjf 3,8 tre, mais elTentiellement d'une vraie converfion & de dignes fruits de
fénitence. Aulli toute l'Eglife a-t-elle toujours appelle ce Sacrem.enti
le Sacrement de la Ténitence, pour remettre fans cefTe devant les yeux
du pécheur, qu'il ne peut obtenir le pardon de fes offenfes que par
des oeuvres fatisfaftoires qui y foient proportionnées^ & furtout parle
changement de fon cœur. C'efl-à-dire que la principale difpolition
pour être jullifié de fes péchés, confifte à vous aimer, ô mon Dieu,
comme nôtre fouverain bien : à haïr le péché parcequ'il vous déplaît :
à craindre plus que la mort de commettre de ceux, qui tuant famé
d'un feul coup , la privent de cette grâce qui fait habiter vôtre efprit
en nous, & par laquelle nôtre cœur vous préfère à toutes chofes: &
à être réfolu de faire tous nos efforts pour éviter jufqu'aux foutes les
plus légères , quoique notre fragilité nous v rende toujours fujets. Voi-
là l'idée que le Nouveau Teftament , les Ecrits des Saints éc notam-
ment des Pères de l'Eglife nous donnent du Sacrement de la Péniten-
ce inlliiué par J. C. Mais au lieu de ces difpofitions que vous formez
vous-même en nous, ô Dieu dont la miféricorde eil toute gratuite,
cette Société de fédufteurs & fes adhérans reduifent à des pratiques
extérieures que l'homme peut exécuter fans votre grâce tout ce qui cfl
requis pour nous appliquer les mérites des foulfrances de votre Kils^n
vertu de ce divin Sacrement. Ils en font une efpece d'amnillie géné-
rale, prcfque indépendante des difpolitions du pénitent. Ceft , di-
fcnt-ils , le Sacrement de la Confeffion : comme fi le feul aveu du coupable
ûiililoit pour en faire un jufte !
Ainfi
PRIE R E. 3HÎI
Ainr^ ce canal des grâces deftiné à faire rentrer l'homme en lui-mê-
me: à lût faire quitter l'habitude & l'amour, du moins de tout péché
mortel: à lui en donner une véritable horreur: & à le faire retourner
de tout fon cœur à Dieu, ne fert prefque plus aujourd'hui aux pé-
cheurs, qu'à étouffer les remords de leur confcience, & à les enhar-
dir à commettre fans crainte les plus grands péchés , parcequ'ils s'ima-
ginent en pouvoir obtenir fi aifément le pardon. Ainfi de l'unique
planche qui nous relie après le naufrage, le Démon a trouvé le moyen
d'en faire une carrière d'endurcilTement, & une fource de facriléges.
Mais en même t^ms que cette Société décharge vos enfans de la
néceflîté de vous aimer pour vous pofTeder éternellement, ô mon Dieu !
elle les rend maîtres de vos dons tout gratuits qu'ils foient. Suivant ces
Dofleurs du père des menfonges, le pécheur fouillé des excès les plus
horribles, a toujours vôtre grâce à fes côtés: ils ont même l'impuden-
ce de foutenir à la face de l'Eglife , qu'il ne feroit point coupable en
commettant les plus grands crimes , fi cette grâce que vous ne devez
à perfonne , lui manquoit. Enfin ils ofent avancer jufques dans les
Chaires de la Vérité & dans leurs Ecrits empoifonnés , qu'il en a fans
cefTe de fuffifantes pour opérer fa converfion dès qu'il lui plaît de s'en
fervir. D'où il réfulte clairement que comme il dépend en ce cas uni-
quement du pécheur de fe convertir quand il le juge à propos , même
dans les derniers momens de fa vie , il n'a pas befoin de fe preiîer de
vous demander miféricorde, ni de recourir à vous pour obtenir une- '
grâce efficace: il a toujours fon falut dans fa main. Ainfi c'efl lui &
non pas vous, qui efl le créateur de fon être nouveau en J. C
Quel blafphême !
C'efl donc en vain. Seigneur que vous avex déclaré que bien loin
d'exaucer ces pécheurs impénitens qui remettent à fe convertir jufquà
la fin de leur \ie , vous vous moqueriez d'eux à leur mort & qu'ils au-
ront beau vous invoquer , vous ne les écouterez point : ego quoqiie in Prov. i.
interïtu vejiro ridebo , ^ fitbfannabo . . . tune iuvocabunt me ^ mu ex- '^^^
atidiam. C'eft en vain que vôtre Fils nous, dit: faites ejjort pour ^/^Luc. 13.
trer par la porte étroite , car je vous ajfttre -que plujieurs chercheront n-
les moyens d'y entrer , ^ ne le pourront. Suivant ces nouveaux Cafuifles,
les plus grands pécheurs, après vous avoir offenfé toute leur vie , n'ont
qu'à le louhaiter pour fe rendre tout d'un coup dignes des Sacremens ;
& pourvu qu'ils confentent d'en faire la cérémonie, les voilà purifiés
de tous leurs crimes.
Ainfi la voie du ciel, que J. C. nous dit avec exclamation être fi Mac. 7,
étroite & qu'elle ne fera trouvée que par peu de perfonnes, efldeve-"^'
nue tout-à-coup fi large que les plus grands pécheurs font maîtres d'y
entrer à leur gré & fuivant leur bon plaifir, &:cela fans quitter même
leurs péchés : il fuffit qu'ils les confeflènt.
B 3 Cefl
jo? PRIERE.
C'cfl amfi, ô mon Dieu! que l'abus de ce qu'il y a de plus Saint
dans vôtre religion, efl monté jufqu'à fon comble. Car ce n'eft plus
feulement cette Société antichrétienne qui .publie ces dogmes pervers.
Hélas! cette pernicieufe morale fe trouve aujourd'hui autorifée du
moins indireftement, par la condamnation des propohtions qui lui font
les plus contraires : & paroilîant appuyée par une autorité li refpeda-
bîe , elle s cft répandue dans prefque toute vôtre Eglife. Elle eft em-
brafTée aujourd'hui par un grand nombre de vos premiers Miniflres;
elle eÛ fuivie par tous les Prêtres ambitieux ou ignorans: elle eft pra-
tiquée par prefque tous les Moines. Elle règne : elle ctl montée fur
l'Autel : elle a pris la place de vôtre Evangile.
j^4a( j^. Ha Seigneur! c'eft dans une /^«rw^z/î- <?^ /«/, fuivant TexprefTion de
4». J. C. que tous ces malheureux aveugles & ceux qui les conduifent ain-
fi dans la folle, feront précipités pour toute l'éternité. Quoi mon
Dieu ! n'aurez-vous donc point pitié de tant d'ames rachetées par le fang
de vôtre Fils , & qui en ont été couvertes par le Batême. Hélas ! tout
tombe en décadence: tout périt: la foi s'anéantit: la charité s'éteint.
Voyez, Seigneur, à quel petit nombre ceux qui font encore atta-
chés à toute Vérité font maintenant réduits. Quoi mon Dieu! ne vous
Rois II. êtes vous donc rejèrvé comme au tems du Prophète E/ie que feptmil-
** le hommes qui n'ont foint fléchi le genou devant Baal ? Ha ! je frémis
Apoc. 14. jufqu'au fond des entrailles lorfque ie me rappelle ces paroles : Jîquel-
9. 10. à. qu'un advte la bête ou fon image , ou quil en reçoive le caraEiere fur
le front on dans la main : celui-là boira du vin de la colère de 'Dieu . . .
(^ // fra tourmenté dans le feu ^ dans le foufre ... ^ la fumée de leurs
tourmens s'élèvera dans les fiécles des fiée les ^ fans quil refle aucun re^
fos ni jour ni nuit à ceux qui auront adoré la bête ou fon image ^ ou
qui auront reçu le cara&ere de fon nom.
Mais il faut que les Ecritures foient accomplies. Ces tems ont été
prédits: il cft nécefTairc qu'ils arrivent. S. Paul a vu, Saint Paul a pré-
dit que dans les derniers tems il viendroit une foule de nouveaux Do-
reurs pleins d'ambition, qui flatteroient les defirs des pécheurs, &qui
ne confervant que la fimplc apparence de la piété & les dehors de la
religion, en rumeroient l'cfprit & la vérité, & que tous ceux qui fe-
roient attachés à la pureté du Chriilianifme fouftriroicnt perfécution.
1 Tim. 3. Or fâchez, dit cet Apôtre, que dans les derniers jours il viendra
^•^'- des tems fâcheux. Car il y aura des hommes amoureux d eux-mêmes y
avares, glorieux, fuperbes , médifans.
T. 3- ^ii auront une apparence de piété \ mais qui en ruineront la véri-
té S l'efprit.
T. n. ■^^'.ff' ^(^"^ ^^'*^ ^^' veulent vivre avec piété eu Jefus-Chrifl feront
perfécutés.
▼.13. Mais les hommes mécbans Çy les féduÛeurs fe fortifieront de plus en
plus
PRIERE. XV
plus dans le mal^ étant eux-mêmes dans Veneur ^ ér y faifant tomber les
autres.
^ Car il viendra un tems que les hommes ne pourront plus foujfrir la faine Ibid.
'DoEîriue: érqù ayant une extrême démange ai fin d entendre ce qui les flat- *-hap.4.3:
te .^ ils auront recours à une foule de 'Douleurs propres à fat isf aire leurs déjlrs.
Hélas! Seigneur, il n'ed que trop évident que cts tcms malheureux
font arrivés. Ce n'eft plus par la faine DoSîrine, ce n'eil plus par la
voie étroite de l'Evangile que les hommes veulent être conduits , c'eft
dans une voie large qui ne mené qu'a la perdition. Ce n'eft plus de la
grâce de Jéfiis-Cliriil qu'ils attendent leur iâlut, c'eft de leur propre
volonté; "parce qu'ils ont réduit toute la Religion à un culte purement
extérieur, qu'ils lont maîtres de pratiquer quand ils veulent.
Quel a été le tems qui avoit été marqué dans les décrets éternels
pour la réprobation des Juifs & quelle en a été la cauie ? S. Paul nous
en inftruit encore de la manière la plus cLiire.
C'eft premièrement , parce que ne connoiflant point la néceflité de
votre (ècours, o mon Dieu, ils ont cru pouvoir le donner la juftice
par leurs propres forces, en la fàilant coniifter uniquement dans des
pratiques extérieures. C'eft , dit ce grand Apôtre , parce que ne con- Rom. lo;
noijfant point la piftice qui vient de 'Dieu^ ér s" efforçant d établir leur pro-"^' ^^'
pre juftice ^ ils ne fe font point fournis à "Tiieu pour recevoir cette juftice qui
vient de lui.
C'eft en iecond lieu , dit-il en plufieurs endroits', à caufe de leur in-
crédulité^ c'eft-a-dire, parce qu'ils n'ont pas voulu fe rendre aux Mi-
racles de Téliis-Clirill.
N'eft-il pas manifefte que ces deux funeftes diipofitions ("ûvoir la
confiance en (àjpropre juftice & l'incrédulité aux Miracles) dispofiuons
fatales qui ont été la fource & la cauie de la réprobauoii des Juifs, {ont
aujourd'hui celles de la plupart des Catholiques î Et n'eft-ce pas là une
preuve (ènfible que le tems du terrible ren-anchement de la plus grande
partie de la Gennlité Chrétienne, prédit dans le XI. Chapitre de l'E^
pitre aux Romains , ne peut être fort éloigné ? Les Miracles que Jéfus-
Chrift fait à préiènt parmi nous , ne (ont pas moins iès Miracles que
ceux qu'il faiioit pendant (à vie mortelle, & [' incrédulité quimépiikôc
qui rejette ce Témoignage du Très-Haut , peut devenir aulfi dange-
reufe que celle qui a perdu autrefois preique toute la Nation Juive,
Ha! Pouvons-nous lire fans trembler les menaces que notre Divin
Sauveur fit aux Juifs ace fîijet? Malheur à toi^ Corofaïn^ malheur h Mat. it.
toi^ Betfaïde: parce que ft les Miracles qui ont été faits au milieu de vous ^^^^--.^i-
avaient été faits dans Tir & dans Sidon ^ il y a long-tems qii elles aur oient
fait pénitence dans le foc & dans la cendre, Ceft pourqtwi je vous déclare
B 4 qùau
l
XVI P R I L R E.
qu/ifi jour du jugement ^ Tir é^ Stdon feront traitées moins rigoureufement
que zous.
^- =4- Et toi, Capharnaum, f élèveras tu toujours jufqti au Ciel: tu fera abaif-
fèe jufqù au fond de l'€.nfer -, parce que fi les Miracles qui ont été faits au
jniUeude toi^aioienî et e faits dans Sodome , elle fubfifteroit peut-être encore
aujourithui. Cejl pourquoi je "vous déclare qu au jour du jugement ^ le pays
de Sodome ftra traité ymins rigourcufeynent que toi.
Ha: Seigneur. Qii elle lont donc les peines que vous rcfervez a ceux
iui combattent vos œuvres & qui mcprifênt vçs Miracles ? Ha ! Dieu
e honte, n'écoutez pas votre julHcc, ne conlultez que votre miferi-
corde , & fôuvcncz-vous de vos promefles.
\''ous le lavez , Seigneur ? vous nous a\'ez proniis que les portes de
l'Enfer ne prévaudront jeûnais contre votre Eglifc. Non (eulemcnt vous
aurez toujours des Elus dans (on lein*qui cnlêigneront la morale la
plus pure, malgré l'oppolition de toutes IcsPuiflances : non feulement
dans le tems des plus grandes JéduClions , vous paroïtrez vous mcme
par d'éclattans Miracles pour l:aire connoître à tous les cœurs droits de
quel coté ell la Vérité -, mais vous avez promis , que loin qu'elle puii^
le périr, elle prendra au contraire de nouvelles torces par la periccu-
tion même , & que malgré tous les efforts de l'Enfer elle lera toujours
Mcliorieufè.
Mjtt.24. £|-j Yjiii l'abomination de la déflation fra-x.-(Ac dans Mieujaint : c'eft-
à-dirc, en vain la morale la plus relâchée, la plus pernicieule ^ la plus
contraire à l'Ev'angile , Icra-t-elle érigée en dogme au milieu même de
votre Eglilc : en vain s'ailciera-t-cllc lur vos Autels , & lêra-t-elle au-
tonlée par plulicurs de vos premiers Mimftres : en vain l'abus des Sa-
cremcns lera-t-il porté aux derniers excès : en vain ne fera-t-il plus pof
(ible d'entrer dans le iaint Miniftére lans fiire un fiux lerment : en vain
ne parviendra-t-on plus à aucune dignité de l'Eglile fans fôuicnre à la
condamnauon de la plus pure Docbine du Chrilhanifîne : &; pour
tout dire , en vain ne pourra-t-on plus devenir un Mimllre de vos
Autels lans auparavant s'en rendre manilcilement indigne ; vous réfêr-
vcz dans le trclor de vos miicricordes , de quoi gucnr tout d'un coup
tous nos maux. Vous avez promis que lorsque votre Eglilc leroit ré-
duite en cet état, vous envoiericz le Prophète Elie qui rcLiblira toutes
Mitth I- choies. Elias quidem -venturus ejl ér Tefiituct omnia. Elias cum iiencrit
M 1-r 9. M /""''^^ , reftituet omnui.
Ha: Seigneur. Ce fera pour lors que vous répandrez vos grâces
avec une prodigalité diyme: ce lera f>our lors que tout l'Univers con-
noitra votre nom: ce lera pour lors que le vénHera cette parole dcvo-
Rom i;. trc Apotrc: Ceux à qui J. C. ?iavûit point ete armoncé^ verront lalumié-
re.
V. Tï,
PRIERE. XVII
re , à' ceua qui n' avaient point encore ouï parler de lui entendroiît fa parole.
Ce iêra pour lors que vous ferez (ortir de la nuit de l'abîme tous les
enEns des Patriarches, qui depuis fi long-tems font accablés fous la
malédiclion & précipités dans les plus noires ténèbres. Vous relTufoi-
terez tout à coup tous ces morts fpirituels , & vous en ferez tout un
peuple d'Apôtres , qui entrera dans votre Eglifê , qui viendra fê join-
dre avec emprelTement à ceux qui feront demeurés attachés à toute
vérité j & qui ira eniiiite avec eux prêcher votre nom & établir votre
Evangile ju{qu'aux exttémités de la Terre.
Les Juifs ^ dit S. Paul, font-ils tombés de telle forte que leur ckûte fait Rom
fans re four ce? A 'Dieu ne plaif: mais leur chute ejî devenue une occafan "'
de fa lut aux Gentils^ qui ont été appelles à leur place.
^le fi leur chute ^ continue ce grand Apôtre, a été la riche fe du
monde ^ éf leur diminution la riche fe des Gentils ^ combien leur plénitude
enrichirait-elle le monde encore davantage ?
Car fi leur perte eft devenue la réconciliation du monde ^ que fera leur v. i/
rappel ^ finon un retour de la mort à la vie ?
O tems heureux, qui doit enrichir tout l'Univers des fiveurs du
Tout-puiHant , qui doit inonder toute la Terre de (es plus précicuics
miléricorde, qui doit être pour le monde entier un retour de la mort
à la vie!
Ha ! uniflbns-nous tous pour prier le Seigneur d'avancer ce tems
dont l'Eglife & toute la Terre ont tant de beloin. Dilons tous enfèm-
ble comme d'une feule bouche , mais dilons avec foi , avec eipérance ,
avec amour:
Notre Père, qui êtes dans les Cieux : Qiie votre nom foit {ânâiifié :
que votre règne arrive: que votre volonté loit faite, en la Terre com-
me au Ciel. Qiie le Propriété que vous avez prQmis d'envoyer, vien-
ne au plutôt rétablir toutes choies : que tout le monde vous connoiflè,
vous bénifîe 5c vous adore : que votre Evangile répande {a lumière a-
vec un éclat qui éclaire tous les hommes : que toutes vos Vérités fàin-
tes fe gravent dans les cœurs : que tous les peuples embrafrcnt la Croix
de votre Fils avec la plus tendre reconnoiflance, la plus ferme conlian-
ce & le plus ardent amour. Que convaincus de leur propre foibielley
ils implorent ians celTe vos grâces \ & que par l'infîinon de votre E(-
prit, tous leurs dehrs fe portant vers le Ciel, ils ne tendent qu'au
bonheur infini de vous poflédeî- éternellement vous-mcme, ô- beau-
té toujours nouvelle quoiqu'elle n'ait janiais eu de commencement.
Voilà quels feront les fruits de la MiJhon du Prophète Elie & des
difciples fans nombre qui fe joindront à lui. Ha ! pouvons-nous conju-
rer le Seigneur avec aflèz d'inllances de hâter ces bieiiheur^uxmomensî
-C ^iai^:,
XVIII P ' R I E RE.
Mais , Seignair , vous nous avez fait annoncer d'une manière vill-
blement furnaairelle, que votre jullice exige auparavant des victimes
dont le (àngjpar les mérites de celui de votre Fils lèul digne d'appaiiêr
votre colère, purifie le monde {ôuillc de tant de crimes. Ha! Dieu
des vertus. N cpargrcz pas celui de vos (er\'iteurs. Hàtez-vous de le
faire répandre , s'il clt un préalable par lequel vous youlez taire pré-
céder le tems de vos grandes miféricordes, où vous terez ceflcr l'ana-
thème dont vous avez frappé la Terre.
Ha: Quel bonheur, qu'elle gloire de {ôuffrir pour une pareille cau-
{e! Vous nous avez appris, 6 mon Dieu, par la bouche de Je(us-Chrill:,
Matth. f. c^xx heureux (ont ceux qui fouffirent perfecution pour lajujiice^ parce que. le
'°' Royaume du Ciel cjî à eux.
ibid. v.iî. Rejouijjez-'vom alors ^ nous ajoute-til, & faites éclatter 'votre joie ^
parce qùune grande recompenfe 'vous ejl refcrvée dans le Ctcl ^ car ceji ainji
au ils ont perfecuté les 'Trophétes qui ont été avant vous.
Ha, Seigneur! Qiiel honneur pour des j^écheurs tels que moi , d'ê-
tre aflbciés par cette voie à vos Prophètes , à vos Apôtres , à vos Mar-
tyrs! Mais c|ucdis-je? Ce n'ell pas d'eux dont nos (oufl-rances peuvent
tirer leur mérite 6c leur prix : l'iionneur qu'elle nous procureront ell
encore infiniment au deflus de celui que je propofois. Ces Prophètes,
ces Apôtres, ces Marr^'rs n'étoient non plus que nous, que des hom-
mes foibles (Se incapables par eux-mêmes d'une véritable vertu. C'elt
de la Croix : c'ell des louftranccs de Jéfùs-Clinll dont ils ont tiré tou-
te leur force -, ôc c'ell à ces lôufFrances (i précieufes que les nôtres fe-
ront unies aufli bien que les leurs.
Nos fôui^rances par elles-mêmes n'auroient rien que de méprifable :
mais notre Divin Sauveur enlesunilUntaux licnnes, leur donne unmé-
rite infini. De ciuel prix par exemple, Icroient les lourtrances d'un mon-
flre d'iniq^uité tel que moi, qui ai mérité par tant de crimes les luppli-
ces éternels de l'Enfer? Ane conddérer que celui qui (outÎTe, combien
tout ce que je pourrois endurer (eroit-il indigne de l'attention de mon
Dieu? MaisJ. C. prend (ur lui même ce qu'on fout^re pour la Vérité.
Ce ne font plus les foufirances d'un pécheur, méprilable, ce (ont les
{ôufh'anccs duTufte par excellence: ce ne (ont plus les iouflrancesd'un
homme, ce (ont les ioufl^rance d'un Dieu. Elles en ont \% mérite, el-
les nous en procureront la récompenle , puilque ceux qui auront erc
unis à J. C.^ (ur la croix ne {eront -qu'un avec lui dans la gloire.
Ha ! Soufiranccs précieu(cs à qui le Royaume des Cieux ell promis,
foyez dans ce monde l'objet de nos ardcns defirs, comme ét.mt le mo-
yen le plus lur pour parvenir à un bonheur qui clf mhniment au àcC-
ius de tout ce que nous pouvons en concevoir.
Qiicllc
PRIERE, XIX
Quelle eft, Ô mon Dieu, la magnificence de votre libéralité pour
ceux qui fouffrent pour votre gloire ! Le plus léger tourment aura une
récompenfc {ans fin l Chaque inllant de douleur procurera unfùrcroîc
de bonheur &c de gloire, qui durera pendant toute l'éternité! Uneéter-
iiitépour un moment ! Eh I quelle éternité ? D'être pénétré d'une joie
ineffable qui ne finira jamais!
Ha! Trop heureufes viâ:imes que notre Père choifira par l'amour
qu'il a pour vous, goiitez par avance l'honneur & l'avantage d'un tel
cnoix : ouvrez tout votre coeur à votre eipérancc : pofTedez déjà Dieu
même : jouifTez déjà de là félicité divine : ce bonheur infini vous eft
alTuré : Dieu lui-même vous en a donné (à parole. Chantez déjà avec
la cour célefte : chantez avec ceux qui {èront demeurés 'viâorieux de la Apoc- 'f-
bète , de fin image , cr du nombre de fin nom Vos œuvres fint grandes ^•'^^'^■'''
C^ admirables ^ 6 Seigneur 'Dieu Totit-fuiJJant. Vos "voies fint jufies ô" 'vé-
ritables ^ o-,Roi des jiecles .,: car ... toutes les nations viendront à vous
é^ vous adoreront ^ parce que vous avez manifejîé vos Jugemens.
Me permetu'ez-vous, ô monDieu, d'aipirer à une telle gloire ? Ha!
mon Sauveur. Que la vîie de mon extrême indignité n'arrête pas une
fi grande miiericorde : qu'elle vous faflè au contraire confidérer com"
bien j'en ai befoin. Vous vous plaiièz quelquefois à taire (lirabonder
votre grâce où le péché a abonde , & il ne tient qu'à vous de changer
les pierres en enfens d'Abraliam. Vous nous commandez vous-même
de prendre notre croix & de vous (îiivre ! Hé ! où avez-vous été , Sei-
gneur, avec la vôtre? Sur le Calvaire, y répandre tout votre (âng & y
mouru" pour notre Làlut. Vous nous avez ordonné de ne point craindre Matth, lo
ceux qui tuent le corps éf- qui ne peuvent tuer lame: w^/5 de craindre feule-
ment f^/ai "qui peut précipiter l'ame & le corps dans t Enfer. Vous nous a- ^' *^*
vez promis de reconnoître devant votre Tere ^ quiconque vous confejjera v. 32;
devant les hommes. Vous avez déclaré que celui qui voudra confirver fa
•vie la perdra^ & que celui qui aura perdu fa vie pour l'amour de vous la v- 39.'
retrouvera pour toute l'éternité. Nous pouvons donc & nous devons
même, en mettant toute notre confiance en votre iècours , fouhaiter
de vous (ùivre jufqu'à la mort, puifque vous-même nous le comman-
dez. Mais donnez-nous , Seigneur, donnez-nous ce que vous nous
commandez. Que l'efficace de votre grâce nous rende de vrais difci-
ples de votre Croix, capables de tout foufïrir avec une joie pleine, une
confiance inébranlable & la plus vive reconnoiflànce !
Ah ! Dieu des vertus. Faites que le defir d'être unis à vous remplif^
(è entièrement notre ame : qu'il embrafè notre cœur d'un feu fi ardent
qu'il étouffe celui des foufïrances : que loin de les craindre, il nous les
C 2, fafîc
XX PRIERE.
fafTc {ôuhaiccr ; & qu'il (oit le principe Se la fin de tous nos (êntinicns
& de toutes nos allions.
Père éternel I Nous vous demandons toutes ces grâces pour le prix du
fâng que votre Fils a répandu en (ouftrant à notre place la peine de nos
crimes : nous vous les demandons en \'ertu de la gloire qu'il vous a ren-
due par ce (acrifice h douloureux qu'il vous a bit de (à .vie, &encon-
iidcration de l'honneur qu'il vous rend encore chaque jour par tous les
lacnficcs d'humiliation qu'il vous fait de la perfonnc (ur nos Autels.
O Lumière ir.éflable, qui (ortez de toute éternité du (ein du Père!
Nous vous demandons toutes ces grâces en verm du comble de gloire
où elt élevée votre famte humanité, dont les divines verms, mi(es au
jour par la mon cruelle quelle a voulu louffrir pour d'indignes créatu-
res, ont (i fort {urpaflc tout ce que les Anges, les hommes, ôc les dé-
mons auroicnt jamais pu en concevoir.
Elprit Saint : Nous vous les dariandons par l'amour que vous avez
pour le Père oc pour le Fils , vous qui êtes le fruit perpétuel de l'amour
infini qu'ils le portent avant tous les fiécles.
Trinité éternelle , dont les trois perlonnes ne font qu'un &: font é-
galcment &: conjointement toutes-puiilintes , nous vous demandons
toutes ces grâces au nom & par les mérites de l'humanité de Jélus"
Cliriil:. Et nous prions la Sainte Vierge, le Bienheureux François de
Pans , les autres Saints Appellans oc généralement tous les Saints , dfi
nous les obtenir par leur intercellion. Aiiili foit-il.
\
w.iej.jo. „ "Vous envolerez votre Elprit, ômonDieu, & (^toutes) chofês fo-
„ ront créées de nouveau : & vous renouvellerez la face de la Terre. "
Emittes Spiritîim tuum ^ & creabiintur -, à'renovalAs faciem tefr£.
Accordez -moi. Seigneur, la grâce de me punfier de toutes mes
fouillures par un nouveau baptême dans le Saint Efprit &: dons le feu:
Matth.3. Iffe bapifabtt in Spritu Smi6îo & igni.
Amen. Amen. Amen.
D I S S E R-
♦^t^tt^t^ÈtètlMÈM^tt******************
K«':4|î
DISSERTATION
SUR L'A U T O R I TÉ
DES MIRACLES.
' u E L trifte fpedacle fe préfente aux yeux de mon ame ! Je vois une
■ multitude innombrable de Chrétiens faire préfent des armes de Dieu
à fon Miférable ennemi ! Je les vois méprifer , calomnier , traiter
d'impofteur le Prophète envoyé par le Très -haut poi^r rétablir tou-
tes chofes ! Je vois enfin ce Prophète condamné & mis à mort malgré
tous les Miracles qui autorifent fa Million !
Voilà ce que Jefus-Chrift nous a prédit lui-même, & ce qu'il fait
journellement publier depuis plus de 14. ans dans tout P;iris, par une multitude de
Trompettes remplies furnaturellement de l'Esprit qui les fait parler , fur lesquelles &
par lesquelles Dieu opère presque continuellement de très grands Prodiges , & fou-
vent même des Miracles clairement marqués au fceau de fa Bonté infinie & de fa Puif-
fance fuprême.
Cependant presque tout le monde fe bouche volontairement les oreilles , afin de ne
pas entendre cette voix Divine.
Auffi eft-il annoncé par les Prophètes, que dans le tems qui avoifinera la venue
d'EIie, une nuit horriblement noire répandra fes voiles pernicieux fur prefque toute
la Gentilité : qu'il paroîtra néanmoins de tems en tems de grands traits de lumière qui
perceront cette nuit obfcure : mais que les Nations fermeront les yeux pour ne les
point voir, & même que pkifieurs prendront ces brilbns éclairs envoyés du Ciel par
mifèricorde , pour des feux trompeurs exhslcs des lieux fouterrains.
Hélas! on ne voit que trop dès à prèlent l'accompliflement de cette terrible Prophétie f
Depuis pkifieurs années ci s'enhardit tous les jours de plus en plus à méprifer les
Miracles, quoi que Jefus-Chrift lui-même nous ait déclaré , qu'ils font hTcmoignage de
fon Père. Combien y en at-il même dès aujourd'hui qui ofent publier que cette voix
merveilleufe par laquelle Dieu nous parle, eft la voix de l'efprit pervers!
Quel intérêt tous ceux , qui ne veulent point être enveloppés dans la condamnation
des incrédules, n'ont -ils donc pas de fe précautionner contre l'abus qu'on ne fait déjà
que trop , & qu'on fera encore bien davantage , de l'idée vague qu'on s'eft formée du
pouvoir prefque fans bornes qu'on fuppole ou qu'on imagine être .exercé par les An-
ges Apoftats.
La prédiélion faite par Jefus-Chrift du traitement que la Gentilité doit faire un
jour au Prophète Ehe , & le rnjflére que S. Paul nous a découvert , que les Juifs ont
été rejettes a cattfe de leur incrédulité', que les Gentils ont été entés à leur place, mais
Dijfert. Tum. II. A qu'ils
DISSERTATION
cjufe du retraLichcment de la plus grande partie des Catholiques ; &: qu'elle mettra le
fceau à leur réprobation, comme elle a été la fource funcfte de celle des Juifs, qui
doivent leur être bientôt fubftitués.
N'eft- ce pas pour avoir rcfufc autrefois de connoître le doigt de Dieu dans les Mi-
rachs di Jefus-Chrift &: de fe foiiraetrc à, leur dccifion,que les Juifs ont été précipités
dans l'abîme de milédiction où ils font encore? Eh ! ces malheureux , s'appuyans fur le
fondement ruineux que ces Miracles étoient rejettes par le Souverain Pontife, les Prê-
tres & les Dodeurs, ont ofé, malgré l'évidence qu'ils venoicnt de Dieu, en faire hon-
neur à BJelzébut : & en punition l'Eternel les a livrés eux-mêmes à Satan, à qui ils
avoient attribué fes Miracles.
Je frémis lor(q ;e j'envifane les fuites qu'une pareille erreur doit encore avoir, puis-
que c'eft elle qui fera le noir flambeau qui conduira les Catholiques à rejetter le Pro-
phète que Dieu a promis d'envo}'er lorfque toutes chofes auront befoin d'être rétablies.
En vain le Très -haut lui rendra témoignage par quantité de Merveilles , qu'il
vient de fa part, qu'il parle en fon nom, & qu'il agit par fon Esprit. Le Sauveur di^
Varc.IX:ii. monde nous a prophétifé lui - même , qu'on fera beanconp fouffrir ce Prophète, & qu'il
fera rejette avec le wcrm mépris quil a été écrit que le Fils de l'homme le devait être.
Voilà quelle fen un jour la fatale fuite de l'aveuglement téméraire avec lequel on
qfe attribuer au démon des Miracles oii la Toute- puilTance Divine éclatte d'une ma-
nière fenfible !
Ce qui eft bien déplorable, c'efl: que de célèbres Appellans favorifent eux-mêmes
le fentiraent pernicieux de ceux qui abufant de la maxime , qu'il efl: très difficile ou
même impolTible, fans avofr le don du difcernement des esprits, de reconnoître ce que
les démons peuvent par 1 ur nature en employant la vertu des caufes fécondes , ce
que leur nature ne leur permet pas , &- ce que Dieu leur permet ou les empêche de
faire; attribuent fous ce vaui prétexte à ces efprits maudits, un pouvoir presque fans
limites dès que Dieu leur permet d'agir: en forte que félon ces perfonnes, il eft fou-
vent très difficile de diftinguer les Miracles Divins des prodiges du démon, ni par
leur nature , ni par leurs circonftances.
C'eft avec ce faux principe , propre à faire confondre la voix de Dieu avec les
illufions diaboliques , que l:s Adverfaires de la Vérité combattent aujourd'hui les
Merveilles que le Très -haut fait en notre faveur : &: lorfque le Prophète paroitra ,
ce fera en fe fervanr de cette Théologie erronée, que ceux qui voudront refufer de
reconnoître 1 Envoyé de Dieu , feront accroire à une multitu^'e de fimples , que les
Miracles par lesquels fa MiiTion fera autorifée,ne feront que des opérations de Satan.
L'Auteur de toute vertu m'cft témoin que quoique je ne fois par moi-même que
timidité, que foibleffe &: que lâcheté, je donnerois volontiers ma vie pour prcferver
mes Frères d'un pié;^e fi dangereux. Mais hélas ! que puis-je, étint dans les chaînes,
fais fcience , fans talens & fans Livres ? Je vais néanmoins y fiirc tous mes efforts.
Le dèfir ardent q. e j'ai de les fcrvir dans une occafion C\ importante & fî critique,
me tiendra lieu de tout; parce q'ie Celui qui a mis ce dèlîr dans mon coeur, & en
qui j'ai mis toute mon espérance , faura bien me fournir tous les moyens néccffaires
pour me mettre en état de l'exécuter.
En eff.t après que la première Edition de mon fécond Ouvrage eût paru , dans le
tcms que je m'attcndois il être réduit i la captivité la phis dure, &: qu'alors j'étois
presque gardé à vu: dans la Citadelle nîi je fuis renfermé. Celui qui dispofc de fout
comme il lui plait, m'a procure les moyens d'y faire pénétrer la plupart des Ecrits
de
s V R V Avr 0 k I T r des miracles. j
de Dom La Tafte * , où ce téméraire Auteur s'efforce d'établir que le diable fait des
guérifons merveilleufes & qui paroiffent de vrais Miracles.
Je n'ai point été piqué du fatras d'injures qu'il dit contre ma perfonne dans fa XIX.
Lettre. Grâces à Dieu ce n'eft point là l'objet qui me touche, & je ne m'amuferai
point à y répondre. Mais comme cet Auteur attaque, principalement dans fa III. Let-
tre , les Miracles qui font ma lumière & ma vie ; toute mon ame en a été émue : il m'a
femblé voir fortir du puits de l'abîme une épaiffe fumée qui répandoit la plus perni-
cieufe obfcurité dans l'esprit d'une multitude de perfonnes. Je me fuis profterné aux
pieds de mon Dieu : je l'ai conjuré avec larmes de diPuper ces funeftes ténèbres. Et
voilà que dans le moment je reçois de tous côtés une quantité furprenante ât Mémoi-
res faits par de favans Théologiens, qui me fournilfent des armes invincibles pour ter-
raffer cet ennemi des Miracles. En cet événement inopiné j'apperçois la maiii de mon
Dieu : j'adore fa Providence & fi Bonté : j'en répands des pleurs de joie. Cepen-
dant je m'écrie: Eh! Seigneur, je fuis trop incapable & trop indigne d'être l'inftru-
ment d'un tel ouvrage, qui me paroîc encore plus difficile que ceux que vous m'avez
fait faire. Retirez -vous de moi. Seigneur, parce que je ne fuis qu'un pécheur mi-
férable. Mais je crois entendre au fond de mon cœur, une espèce de voix intérieure
qui me répond : c'eft précifément parce que tu n'es que néant & que tu ne l'ignores
pas , que je t'ai choifi pour dévoiler la fauffeté des principes & des faits dont les en-
fans des hommss fe fervent pour combattre mes œuvres : ne fais -tu pas qu'il eft de
ma gloire de tout faire avec rien, & que les inftrumens que j'emploie foient entière-
ment convaincus qu'ils ne font que néant par eux-mêmes.
Cette voix intérieure a dilîîpé la crainte que la vue de mon incapacité faifoit nai-
tre dans mon cœur. Elle a rappelle à mon efprit que le faint Evêque de Senez avoit
lui-même autorifé ma vocation à ce fujet par un mouvement de l'Esprit de Dieu,
ainfi que je le rapporterai dans les Reflexions préliminaires de mon Troifîéme Tome *. *P3g. 541,
Je me fuis donc écrié avec foumilTion , quoiqu'avec une efpéce de tremblement : ^ ^"''*
Ah ! Seigneur , qui avez déjà fait éclatter en ma perfonne que votre miféricorde eft
toute gratuite , faites donc encore connoître de plus en plus par les lumières que
vous répandrez au travers des ténèbres naturelles de mon esprit , que tout inftrument ,
tel qu'il foit , devient propre à l'exécution de vos deffeins dès qu'il vous plaît de
vous en fervir !
§. I. Examen du pouvoir des Anges é' des démons.
Pour fe faire une idée jufte de l'efpéce de pouvoir que les démons exercent quel- i.
quefois fur les êtres matériels , il faut commencer par connoître quel eft celui des ^^ poavoît
saints Anges, ahn d être en état d en fentir h différence. gcs&iesdé-
Les Anges & les démons étant de purs Efprits fuivant la décifion du Concile de La- èem V"ia'
tran , notre raifon nous préfente d'abord qu'ils n'ont aucun pouvoir de remuer les matiéie.n'eft
corps par leur nature propre , par leur effence , par les qualités neceffsires du fond Eeccff/iîe"'
de leur être. Mais l'Ecriture nous apprend que Dieu voulant fe fervir des Anges pour '^'^ qualités
différentes fonfl-ions , leur a donné tel pouvoir qu'il lui a plu fur les êtres matériels. deieVrEatu-
II paroît donc que cette puiffance n'eft que l'effet de fa volonté , & d'un décret ar- jj'^^'.""'^"*"
bitraire , par lequel il a voulu que les Anges euflent ceitain pouvoir d'agir fur la ma- qu'une con-
tiére. Mais fi c'eft le vouloir de Dieu qui fait toute leur force à cet égard, n'y a-t- pi^u""^^"^
il fsite pout
• Lorfque j'ai reçu les Lettres de Dom La Tafte, aujourd'hui Evêque de Bethléem, la L Partie de
mes Obfervations fur les ConiuIJîons , où je dis que je n'avois jarr.aii lu Jfs OuzrAges , étoit déjà
Téiniprimée, Cependant j'ai cru devoir faire mettre cette nouvelle Dijfertathn en tête du Volume.
A z
SURL
DESMIR.
^ EXAMEN TiV P O V rO I R
Dis'îERT.il pas lieu de croire que ce vouloir a mis une grande différence entre le pouvoir qu'il
'aot. a donne aux ECprits Bienheureux qu'il emploie à exécuter fes ordres, & celui qu'il
a kidc à ceux qui fe font révoltes contre lui.
leur donner . ,| j.'çf|. £)jgy lui . mémc qui ,à proprement parler, exécute ce que les An-
Je moyen , , , r i / i r i • ' ri J T . l r
d'cxecuiçt ges & les dcmons font de réel fur la matière. Ils délirent, ils le remuent : mais tous
deûpTovT- leurs efforts feroient vains, X\ le Tout - puiffant n'opéroit l'exécution de ce qu'ils ont
dence. delTein de faire. Il fe fert de fes Anges, dont il fait les miniftrcs de fa Puiffance & de
fa Bonté. Il laifle quelquefois agir la malice des dcmons pour en faire les iuftrumens
de fa Jufticei mais il n'exécute jamais leur volonté perverfe , que pour donner lieu à
l'accompli (Tement de fa propre volonté toujours faintc & toujours également adorable,
foit qu'il falTe mifericorde , foit qu'il punilTe.
Il n'efl: pas douteux que Dieu n'ait donné aux Saints Anges un pouvoir très grand
& très-éten^u fur les ctrcs matériels, puifqu'il leur a confié le gouvernement des créa-
tures corporelles, & qu'il en a deftiné plulîeurs à être les protedeurs des hommes, &
particulièrement des Elus.
îThe(ri. 7. L'Ecriture nous en fournit des preuves inconteftables , dans l'Ancien & le Nou-
Heb. 1. 7.*' veau Teftamen'. Les Anges font les miniftrcs de la fuijfance de Dieu , nous dit S.
Paul. Et ailleurs , d'après h Roi Prophète : // fe fert des Efprits pour en faire fes
ambajfadeurs , & des flammes ardentes four en faire fes miniftres. Jefus - Chrift nous
Matth.XlII. dit lui-même qu'au jour du jugement , ;/ envoiera fes Anges , tjui . . . précipiteront
41.4a.8c43- ^^^ /rt fournaife du feu . . . ceux ejui commettent l'iniquité', & qu'alors les juftes ùril-
•Math. leront comme le fokil dans le Royaume de leur Père: il nous apprend auffi * que nous
XVIII. 10. I A /"• J
avons chacun notre Ange dardien.
Mais encore un coup , le pouvoir des Anges fur les êtres matériels , ne paroîc paj
être une fuite néceflaire de leurs qualités naturelles; c'efl: feulement une fuite de la vo-
lonté de Dieu, qui leur fournit continuellement le moyen d'exécuter ce qu'il leur or-
donne : de façon qu'il y a quelque lieu de penfer que ce pouvoir ne leur a pas été
donné à proportion de l'élévation de leurs différentes dignités , mais relativement aux
différens emplois auxquels Dieu les deftinoit : en forte que fi les Chérubins, les Thrô-
nes & les Dominations n'ont aucun emploi par rapport au gouvernement des êtres maté-
riels, peut-être n'ont -ils aucun pouvoir fur la matière, tandis que les Anges qui y
font employés , en ont un très grand.
Au furplus à l'égard de ces derniers, comme lem- miniftére efl: continuel, ou au
moins ordinaire , le pouvoir qu'ils ont fur la matière efl: un pouvoir ordinaire & conti-
nuel , ce qui produit le même effet que C ce pouvoir ctoit un attribut eflentiel du fond
de leur nature.
" Qui fe feroit jamais imaginé qu'une Propofition fi conforme à la Religion & à la
obieaions" raifon auroit donné lieu à la" critique d'un des plus célèbres Dofteurs Appcllans? Mais
^, -^«""v tel efl le malheur du tems où nous fommes aujourd'hui, que plufieurs de ceux mêmes
Thtolog fur . 1,1- . • / 1 1 1 M /- • • /r
Uj («ours, qui ont a abord loutenu toute Vente avec le plus de zèle , le joignent prclentcment
P°Spofi't1on, '"'^ plus grands Adverfaires de leur Appel, pour attribuer aux démons un pouvoir
<iueiepc.u' indéfini & prefque fans bornes, & pour jetter par ce moyen un voile d'incertitude
ges'afr"»^" fur les Miracles & les Prodiges qui bleffent quelqu'un: de leurs préventions.
DMiicien'eft Lorfque Ics premiers Miracles opérés fur les Tombeaux & par l'intercelfion de M.
ccm'"nde°" Rouffe & de M. de Paris tous deux Appcllins, parurent comme un flambeau cclrlle
Dieu. q„i venoit diifiper les ténèbres répandues par la Bulle Vnigemtus, & faire voir daire-
^f ment que Oicu autnrifoit l'Appel, tous les Appell.ms firent d'.ibord écl.uter leur joie
^P A la vue de cette lumière Divine : ils s'écrièr.nt tous comme d'une feule bouche : Si
Rntn. VIII. Dieu efl pour nous , qui fera contre nous? Si Deus pro nohis , qnis contra nos ? Mais
''* nos péchés avoicnt mérité que cette lumière fut oblcurci.; par quelques nuages. La
jufticc
DES ANGES ET DES DEMONS. j
juftice marchant à côté de la miféricorde , forma l'œuvre des Convulfions, d'une part^uj^^^- '
toute éckttantc de Miracles & de Prodiges, & d'un autre côté couverte de ténèbres sur l' a uV;
par les artifices de Satan , & même par les imperfeétions & les défauts des inftrumens des mir.
que Dieu par un confeil profond de fa juftice , a voulu employer dans cette œuvre.
Les puiilans protefteurs de la Bulle , ayant appris que les Convulfionnaires inf-
truits & animés par un inflinû furnaturel, parloient avec grande force contre cette fata-
le Conftitution : qu'ils expliquoient au peuple avec une clarté & une éloquence extra-
ordinaire l'importance des Vérités qu'elh profcrit : qu'ils annonçoient publiquement de
grands Evenemens, dont ces PuifTances de la Terre ne veulent point entendre parler :&
que Dieu confirmoit journellement leurs difcours par de grands Prodiges & fouvent
même par des Miracles; fe mirent en fureur contre ces petits inftrumens du Très-
haut. Auffi-tôt les Conftitutionnaires , les Courtifans, les politiques & les mondains;
les uns par l'intérêt de leurs préventions , les autres pour faire leur cour à ceux qui
diftribuent les grâces; employèrent tous leurs talens à décrier les Convulfionnaires, &
en firent le jouet de leurs calomnies les plus diffamantes & de leurs plus piquantes rail-
leries : ce qui a attiré fur l'œuvre des Convulfions le mépris de tous ceux qui ne la
connoiffent point , & l'éloignement de toutes les perfonnes qui fe biffent aifément en-
traîner par le torrent impétueux de l'autorité des Grands du Siècle.
Mais ce qui nous a fait verfer des larmes bien amcres , c'a été de voir plufieurs Doc-
teurs Appellans fe joindre à la foule de tous les Adverfaires déclarés de l'œuvre admira-
ble que Dieu fait aujourd'hui fous nos yeux: & même donner une Confultation , où
ils ont ofé décider que les guérifons opérées par le mouvement des Convulfions . . . on Confult. de*
par le minijîére des Convulfionnaires , doivent être attribuées à la, nature ^ quelques fingti- t\*^is Att.X.
Itères qu elles paroijfcnt , ou fi on les croit d'un ordre fupérieur aux opérations de la nature ,
qu'il faut recourir à un agent fort dijlingué de Dieu.
Quoi ? recourir au démon pour lui faire préfent de Miracles marqués au fceau de
la Toute-puiffance Divine ! Quoi ! lui attribuer des guérifons d'un ordre fupérieur
aux opérations de la nature , & qui par conféquent n'ont pu être faites que par Celui
qui ejî; le maître de s'écarter des loix primitives & permanentes qu'il lui a impofée en
la tirant du néant ! Tout Chrétien bien attaché aux œuvres de Dieu , peut-il lire une
telle Propofition fans en frémir ? Mais puifqu'on trouve aujourd'hui de C\ pernicieufes
maximes jufques dans les Ecrits de quelques Dofleurs Appellans , de quelle importan-
ce n'eft-il pas de mettre fous les yeux des Fidèles les régies toutes brillantes de lumière
que l'Ecriture & les Pérès de l'Eglife nous fournilfent fur l'Autorité Divine des Mi-
racles & fur la foumiffion qu'on doit à tout ce qu'ils décident ?
D'autres Théologiens Appellans , aujourd'hui connus fous le nom d'Antifecouriftes,
parce qu'ils font oppofés aux grands Secours que l'on rend aux Convulfionnaires, fc
font d'abord élevés avec beaucoup de force contre le faux principe des Confultans.
Mais, helas ! depuis que Dieu a profcrit par des Miracles éclattans un malheureux A-
vis dodrinal que ces MM. avoient donné contre le plus brillant Phénomène qu'il fait
paroître dans l'œuvre des Convulfions , ils ont eux-mêmes avancé des maximes qui ne
font pas moins dangereufes , que celles des Conftitutionnaires & des Confultans , fur le
pouvoir des démons, fur la difficulté de diftinguer les œuvres de Dieu des fuperche-
ries de l'efprit pervers , & fur l'impreffion que la vue des guérifons évidemment Mi-
raculeufes doit faire dans l'efprit de Fidèles.
J'jurai donc dans mon Ecrit ces trois fortes de puilTans Adverfaires à combattre:
mais il fifïît d'avoir de fon côté l'Ecriture, la Tradition & les Pères de l'Eglife,
pour ne devoir point craindre d'avoir contre foi les pcrfonnages les plus capables d'en
impofer.
Par rapport à l'article que je traite aduellement (fur l'efpéce de pouvoir que les An-
A 5 ges
8 EXAMEN -DVPOVVOIR
DrjstBT. ges S: les dc'mons ont fur les êtres matériels) je n'ai efluvé de cenfure * que de la
svrl'aut. pjpf j„ l'Auteur du Ait'/nnire Theolo^itjix contre les Secours violens.
Dâs aiiR. ^\3\^ qu'y a-t-il donc dans ce que j'ai dit à cet égard qui ait pu bleflcr ce favant
Dofteur ?
Mcmoire 11 me reprend en plufieurs endroits de Ton Mémoire de ce que j'ai avancé que les
li'iy.^^zù A»::;(s cr ks dhmns étant de purs Efprits , n'ont p.tr leur propre niitnre aucun pouvoir de
remuer les cû-ps.
Mais ce Dateur célèbre prétcnt-il donc que le pouvoir d'imprimer un mouvement
dans h' ctres matériels , appartienne nécelTaircment à h nature Angélique , confidérée
précifcracnt comme telle ? Veut-il donc nous faire accroire que la nature des Anges Se
des démons confifte eflenticUement dans cette puiflance , ainlî que dans celle qu'ils ont
de penfer & de vouloir ?
Ibid. p. 17. Il convient lui-mcme que les Anges nont le pouvoir de remuer les corps qu'en
"'■ '■ voulant : & il cite un palTage d'Eftius qui le décide ex prifTcment. Mais croit-
il donc que leur volonté trouve dans elk-mcme une force efficace pour produire un
mouvement dans la matière ? N'a-t-il pas au contraire très folidcment prouvé dans le
»L'aaionde plus favant de fes Ecrits *, qu'il n'y a que la volonté de Dieu qui exécute tout le
Dieu liir les pi-iy^que poi' fa propre puilTance : que les Anges & les démons ne font que la caufe
b l'tcmotion occafîonnelle du mouvement qu'ils veulent faire naître, Se que ce mouvement n'eft
phyûquc. £^^'(-i,tç' que par l'adion du Tout-puiflant ?
Mais fi les Anges & les démons ne peuvent agir fur les éttf s matériels par leur pro-
pre force, j'ai donc eu raifon de dire qu'ils n'ont par leur propre nature & par les
qualités néceffaires du fond de leur être, aucun pouvoir de remuer les corps ?
En effet la raifon ne nous démontre-t-clle pas, qu'il n'y a aucune connexion ni au-
cune dépendance naturelle entre la volonté d'un Ange ou d'un démon , &: le mouvement
d'un corps matériel ? Et n'eft-il pas manifefte qu'un corps ne changera point de place
par le fimple vouloir d'un Ange ou d'un démon , à moins qu'il n'intervienne une plus
grande puifTancc que la leur , qui comme caufe efficiente produife le mouvement que
cet Ange ou ce démon a deflein de faire ?
Enfin , puifque le mouvement des coi-ps iie peut s'exécuter que par l'adion de Dieu,
& non par h vertu , la force &: la puiflance des Anges ou des démons ; ne s'enfuit-il
pas évidemment que le pouvoir qu'ils ont d'agir jufqu'à ceitain point fur la matière,
n'eft pas une des qualités eflenticlles & néceflaires qui compofent leur nature Angéli-
que? D'où il me paroît bien raifonnable de conclurre , que ce pouvoir n'eft donc qu'u-
ne pure concelTion qu'il a plû à Dieu de leur faire , pour les mettre en état d'exécuter
les différens defleins de fa Providence.
Dieu a voulu que les Saints Anges gouvernaflcnt fous fes ordres le monde vifible.
Je vois dans l'Ecriture différens miniftéres qui leur font confiés par rapport aux êtres
matériels. J'en conclus qu'ils ont reçu de Dieu le pouvoir qui leur ctoit néceflaire
pour s'acquitter de ces fonélions : & je ne dois point imaginer qu'ils en aient au delà ,
ni que ce pouvoir foit un appanage elfentiel de leur nature ; parce que d'une part l'E-
criture ne le dit point , & que de l'autre fi je confuke ma raifon, elle me répond clai-
rement au contraire, que l'aAion de ces Efprits fur la matière n'émane point d'une
force , ni d'une faculté qui foit une fuite néccffaiie de leurs qualités fpiritucllo , qui
ne confiftent qu'à penfer , qu'i connoître , qu'^ aimer &: qu'à vouloir: mais que ces
Efprits exercent uniquement ce pouvoir en vertu d'un décret purement arbitraire de
Dieu , par lequel il a détermine que les ctres matériels feroicnt régis par de bons An-
ges
• [ M. (le Mon^ercn a»oit dit que'que chofc fur cette maiic'rc dins l'Avant- propos de fes IV. Ob'
fervatioiis far les CunrulHons , t. Eduiou.]
BES ANGES E T D E S DEMONS. y
"es , & que pour cet effet il exécuteroit lui-même leur volonté toujours conforme à la Dissert.
îlenne. . ^ . sur-l'aut.
Dans ce Siftème , qui efl: celui des plus habiles Théologiens , tout me paroît clair "^^^ "'^'
& bien lié aux faits & aux principes que l'on trouve fur ce fujet dans l'Ecriture. Au
lieu que j'avoue n'avoir point affez de pénétration pour comprendre le Siftême à cet
égard de l'Auteur du Alémoire Théologiqne , qui d'une part convient que les Anges
bons & mauvais ne font que caufe occafionnelle des mouvemens qu'ils veulent produire
dans les êtres matériels, & que c'eft par l'aftion de Dieu que ces mouvemens s'exécu-
tent: & d'autre part , qui paroît néanmoins vouloir foutenir, que le pouvoir de remuer
ces êtres efl un appanage effentiel & néceffaire de la nature fpirituelle des Anges &
des démons , fans nous expliquer autrement ce que c'eft que cet inconcevable pouvoir
de nature dans de purs Efprits , & fans nous faire connoître à quelle fin Dieu a jugé à
propos de le donner aux Anges & aux démons: puifque félon cet Auteur, ce n'eft
pas uniquement par rapport aux fondions qu'il vouloit leur faire faire ou leur per-
mettre d'exercer.
Au refte non feulement les démons , mais même les Saints Anges n'ont pas un pou-
voir univerfel & fans bornes de remuer îi leur gré tous les êtres matériels. „ La ma-
„ tiére corporelle, dit S. Thomas, n'obéit pas aux puiflances fpirituelles fuivant qu'ils i. p. Qu.
„ le veulent: il n'y a que le feul Créateur qui en difpofe comme il lui plaît. ^Mate- i'7-a3>adi.
ria, corporalis non obedit ftibjiantia. fpirituali ad nutum , nijî foli Creator i.
„ Il eft impolTible, dit le [avant Alphonfe Toftat , que les Anges quelque puiflans In cap. i?
„ qu'on les fuppofe , produifent quelques qualités naturelles, ni même qu'ils difpo- i. g. p.'^g™
„ fent la matière à les produire C par leur feule volonté, ) Mais tout leur pouvoir fe «o'- ^>
,, réduit à mettre en œuvre les agens naturels , de la même manière que fait un MéJe-
,, cin : " Impoffibile efl Angeles , quantumcumque patentes , caufare aliquam naturalem
qualitatem , vel difpofitionem ad illam , fed [uïkm caufabunt appUcando activa pajflvis , Ji-
cut Mcdicus agit.
A quoi il eft encore bon d'ajouter , que non feulement le pouvoir des Anges a des
bornes , mais même qu'il n'eft pas égal pour chacun d'eux : & que chaque Ange n'a
que le degré de puiflânce que Dieu a jugé à propos de lui concéder.
L'Auteur du Mémoire The'ologiqtte convient lui-même, que la nature que Dieu leur a Mémoire
donnée n a qu'une certaine mefure plus ou moins étendue: & il cite même à ce fujet un
paflage de S. Thomas , qui le décide expreffément par rapport aux Anges inférieurs, S- Thom.i.
c'eft à dire à ceux qui ne font point de la première Hiérarchie du Citl : Inferiores An- uo.'a. i.
geli habent formas minus univerfliies.
Mais quelles font les différentes limites de la puiffance qu'il a plu à Dieu d'attri-
buer à chaque Ange ? N'eft-il pas naturel de croire qu'il les a réglées par rapport
aux différens miniftéres auxquels il vouloit les employer ?
A l'égard des démons , l'Auteur du Af/wo;Vf dit pareillement que \&i\r pouvoir n a ^^J^^^^'J^
qu'une certaine mefure: & il avoue même expreffément qu'il j a des effets qui furpaf- co\. i.
fent vijiblemcnt leur puijfance. Mais en même tems cet Auteur ne ceffe de répéter , que
ce pouvoir eft un pouvoir de nature. Pour tâcher de le prouver , il fe fert de l'exemple
des âmes.
Toutes les âmes , dit-il , ont par leur nature le pouvoir de remuer les corps : ... il en J^'j"^^- P* 'J*
efl ainji, ^]Q\xxt-x.-i\,par rapport aux Anges bons & mauvais: & il me reproche comme
une erreur que ce n'eft pas là L'idée qu'en donne mon Texte.
Je n'iniutcrai point fur la différence qu'il y a, entre le pouvoir continuel qu'à l'ame
de faire agir fuivant fa volonté la plupart des membres de fon corps créé tout exprès
pour elle & qui ne fait avec elle qu'une feule perfonne, & la puiffance qu'ont les An-
ges & les démons de remuer les êtres matériels qui font entièrement étrangers à leur na-
ture
s EXAMEN DU POU T'OIR
DissEUT. ture toute fpirituellc. Je confens malgré cette diflfcrence efTenticUe , d'admettre la
*''''*''*"■''• coniparaifon en entier par rapport aux bons Anges, d'autant mieux qu'elle me
fournira encore une preuve fenfible & palpable que l'Auteur du Aic'moire Théologique
s'eit trompe' dans fon Siftcme.
Si par le terme de pouvoir de nature cet Auteur entendoit feulement la puilTance li-
mitée que Dieu , par l'ordre qu'il a d'abord établi dans l'Univers, a attribuée aux
êtres fpirituels fur les matériels, & celle qu'il a donnée aux âmes de faire agir confor-
mément à leurs défirs la plupart des membres de leur corps; il n'y auroit aucune diffi-
culté entre nou'î. Le Siftcme des Théologiens que je fuis, bien loin d'être contraire à
cette Vérité , l'admet exprelfément : & c'cft: ce qui m'a fait dire , que le pouvoir que
les Saints Anges ont fur la matière par le décret de Dien , produit le même effet que
fî ce pouvoir étoit un appanage naturel , eflentiel & néceffaire du fond de leur être.
Mais cet Auteur va bien plus loin. En s'efForçant de critiquer mes propofitions,
il femble vouloir en infinuer une qui feroit abfolument infoutenable. On diroit qu'il
veut faire entendre, que le pouvoir des Anges & des démons fur la matière eflf une
qualité nécelTairement inhérente & dépendante de leur nature fpirituellej telle par exem-
ple , que le pouvoir de vouloir &: de penfer.
M«moite J^ "^ P^is croire néanmoins que ce foit là fon fentiment: mais fi ce n'eft pas là ce
Théoi pp. qu'il foutient, il n'a donc aucun motif pour combattre, ainfi qu'il le fait, ma Propo-
21.' ' ' ' fition ; que les Anges Q- Us démons étant de purs efprits , nom par leur propre nature
aucun pouvoir de remuer les corps. Pourquoi ne convient - il pas avec moi , que
leur pouvoir fur la matière n'eft point une propriété effentielle à leur nature ^
Pourquoi ne veut -il pas que ce pouvoir ne foit qu'un attribut qu'il a plû à Dieu
de donner aux Saints Angesî, afin de les mettre en état d'exécuter le plan qu'il a d'a-
bord formé pour le gouvernement du monde ?
Au furplus bien loin que l'exemple que cet Auteur m'oppofe, de la puiflance qu'a
l'ame de faire mouvoir à fon gré certains membres de fon corps , foit contraire à mon
Siftême , elle y cadre parfaitement.
En efî-'t il eft fi vrai que ce pouvoir n'appartient pas eiïentiellement aux âmes par
leur nature purement fpirituelle, & qu'il n'eft point un attribut néceffaire de la qualité
qu'elles ont d'être des Efprits, que ce pouvoir n'eft pas général fur toutes les diffé-
rentes parties qui composent leur corps , mais qu'au contraire il ne leur eft donné
qu'avec d étroites limites, que Dieu a réglées fuivant les différentes vues de fa Provi-
dence fur les hommes.
Pour convaincre tout Lcftcur de cette Vérité, & pour la lui rendre fenfible, il ne
faut que le rendre attentif aux diffe'rens cas où Dieu a accordé cette puiffince aux a-
mes, & à ceux au contraire où il a jugé à propos de ne la leur pas donner. Rapportons-
en quelques exemples.
L'ame veut que fon corps remue la main d'une certaine façon : & tout auffitôt fa
volonté eft exécutée , parce que dans l'inftant même qu'elle fouhaite que ce mouve-
ment fe faffe , une multitude d'efprits animaux part du cerveau avec impétuofité ,
coule le long des nerfs du bras, & va remuer précifément les mufcles de la main dont
l'action eft néceffaire pour opérer le mouvemcit que l'ame défirc.
Mais l'ame a-t-elle en toute occafion le pouvoir de fe faire ainfl obéir par la lim-
phc fubtile qui anime fon corps ? Point du tout: «lie n'a ce pouvoir uniquement que
dans les cas où il a plù à Dieu de \z lui accorder , & elle ne l'a point du tout dans
d'autres rencontres.
Par exemple , quand l'ame fcnt de h douleur à l'occafion de quelque dérangement
qui fe pafTc dans fon corps, cette douleur ne lui eft cauîéc que par un ébranlement des
cerfs qui fe fait par une agitation cxcclïïve des efprits animaux. Cependant alors l'ame
auroic
DES ANGES ET DES DEMONS. 9
aiiroit beau commander à ces efprits matériels de cefler leur mouvement, ils n'ont point r>issERT:
d'oreilles pour l'entendre : elle fait par expérience que les ordres qu'elh leur ^ ""'-''* "■''°
donneroit à cet égard feroient abfolument inutiles : il faut qu'elle fouffre malgré elle ,
tant que dure la violente agitation de ces efprits qu'elle ne fauroit calmer.
L'ame ne peut pas non plus arrêter le mouvement du fang quand il eft trop vif, ni
le faire aller plus vite quand il coule trop lentement.
Mais pourquoi , puifqu'en d'autres occafions qui lui font bien moins intéreflantes
elle fait agir à fon gré ces efprits animaux & leur fait exécuter tous les mouvemens
qu'elle défire , ne peut -elle pas leur faire également fuivrc fi volonté, lorfqu'il eft
queftion de s'épargner des fouffrances ou de guérir les maladies de fon corps ?
C'eft que Dieu n'a pas voulu que l'homme fût le maître de s'exempter entièrement
de foufFrir , ni de fe délivrer de fes maladies dès qu'il le voudroit : ainfi dans ces d.ux
cas il n'a donné aucun pouvoir à l'ame fur les efprits matériels , qui font la caufc
inftrumentale de presque tous les mouvemens qui fe font dans le corps humain.
D'autre part , Dieu a déterminé de donner à l'homme la faculté de remuer la plu-
part de fcs membres conformément à fes défirs : & il eft de la dernière évidence que
ce n'eft qu'en vertu de cette volonté de Dieu, que les efprits animaux ne manquent ja-
mais d'exécuter la volonté de l'ame à cet égard , à moins qu'il n'y ait quelque obftacle
naturel qui les en empêche.
Il eft donc clair comme le jour que ce n'eft point par une force que l'ame trouve
dans les qualités intriniéques de fa nature fpirituelle , qu'elle a la puifTance de faire re-
muer certains membres de fon corps : &: qu'au contraire ce n'eft uniquement qu'en
vertu d'un décret primitif de la Providence, qui lui a attribué ce pouvoir. Car en-
core un coup fi cett; puiflance ap;)artenoit à l'ame comme étant une qualité naturelle,
cflentielle & néceflaire de fa fubftance fpirituelle , cette puifl'ance feroit générale fur
toutes les différentes portions de fon corps : & il ne lui feroit pas plus difficile d'arrê-
ter le mouvement des efprits animaux lorfqu'ils lui caufent de la douleur , que de les
mettre en adion lorfqu'elle veut remuer les pieds ou les mains.
L'arrangement du phn de Dieu qui a donné à l'ame telle puiflance qu'il lui a plû
fur le corps , où il a voulu qu'elle fût comme emprifonnée , & qui a réglé & limité cet-
te puifl'ance, non fuivant les défirs les plus vifs de l'ame, ni même félon les befoins les
plus preflans qu'elle auroit , mais conformément à ce qu'il a jugé à propos pour l'exé-
cution de fes deffeins; n'eft- il pas ici fenfible & palpable ?
Cependant l'Auteur du Mémoire Theologique \t\\t lui-même qu'on juge du pouvoir
qu'ont les Anges fur la matière, par celui qu'a l'ame fur le corps qu'elle anime. Mais
en ce cas il s'enfuivra, i. que les Anges , non plus que les âmes , n'ont aucun pouvoir
d'agir fur les corps précifément par la force de leurs qualités fpirituelles , mais feule-
ment par la vertu des différens attributs qr.e Dieu a voulu leur donner : & 2. il en
faudra conclurre, que Dieu ne leur a fait préfent de ces diverfes prérogatives que rela-
tivement aux arrangemens de fa Providence. Or c'eft là précifément tout ce que je
foutiens.
Voici une autre objedion de l'Auteur du Mémoire , laquelle paroît d'abord plus fpé-
cieufe : mais lorsqu'on l'examine de près, on trouve qu'elle n'eft fondée que fur une
pure équivoque.
Il m'oppofe que S. Thomas nous enfeigne , que les chôfes corporelles font gouvernées Mcmoite
par les Ames . . . que la nature corporelle c(l née pour être mue immédiatement par la Tluol p.
r ■ ■ ,, ^ ^ 1. > ' / • ; ! r 1 6- col. t.
nature JpiritHelle ... & que 1 Ange , tant bon que mauv/iis , petit par la vertu de JK
nature remuer V imagination de l'homme.
Pour faire évanouïr l'objeftion qu'il tire de ces trois Paflages , il ne faut qu'obfer-
vcr que le terme de pouvoir de nature peut fe rendre en deux fcns différens. En le pre-
Dijfert. Tom. II. B rant
10 EXAMEN DV PO VrOIR
bissBRT. '""^ à la rigueur &: dins toute b force qu'il a par lui même, il fignifie Un pouvoir
SURI 'AUT.infcparable, ou du moins abfolumennt eirentiel à la nature d'un être: tel qu'ed: le pou-i
BtiMiR. yoir de penfer, d'aimer & de vouloir qui forme le fond de l'efTence des créatures fpi-
ritucUes. Mais on peut entendre feulement par ce terme, un pouvoir qui eft l'exé-
cution & la fuite du plan que le Créateur des êtres a d'abord formé pour le gouver-
nement & l'adminiflration de l'Univers , & pour y maintenir l'ordre qu'il y vou-
loit établir.
Or il eft vifible que c'eft dans ce fécond fens qu'on doit entendre les trois PafTages
que r\uteur du Mémoire m'oppofe. Car on ne préfumera point qu'un auOî favant
Docteur que S, Thomas ait voulu dire, que le pouvoir des Anges fur les fubftances
matérielles foit un appanage inféparable de leur nature &c une fuite effentielle & né-
ceflairc de leurs qualités fpirituelles. Le pouvoir naturel que ce grand Théologien leur
attribue, n'cft autre chofe qu'un pouvoir émané des loix primitives & permanentes que
Dieu a impofées à la nature , par lefquelles il a voulu que les êtres inférieurs fuifent
régis par les fupérieurs. A quoi S. Thomas ajoute en termes équivalens, que comme
la nature Angélique eft d'un ordre fort fupérieur à la matière , il a été très conforme
au plan de Dieu de faire gouverner les êtres matériels par des Anges , & pour cet effet
de donner à ces Anges une puiffance de remuer les corps, proportionnée aux différens
miniftéres auxquels il vouloit les employer.
Qic le Lecteur réfléchifle fur les trois PafTages en queftion , & qu'il y joigne celui
• Vil.6. que j'ai ci-deffus * rapporté de ce Saint Dofteur; & il s'appercevra clairement, que
ce que je viens de dire donne une jufte idée de ce que ce Théologien fi célèbre nous
enfeigne fur ce fujet.
• Cependant l'Auteur du Mémoire fe fert encore des trois PafTages en queftion pour
critiquer une autre de mes phrafes, qu'il trouve fi intolérable & fi erronée, qu'il exi-»
Mémoire ge de moi que j'en fafTe une efpécc de rétradation publique: néanmoins je n'y préfen-
ThcoKp.ii.jç j-ç ^^jg jg disque comme une fimple conjedure.
C'eft la plu-afe où j'avance „ que fi les Chérubins, les Thrônes les Dominations,
,, n'ont aucun emploi par rapport au gouvernement des êtres matériels, peut-être
,, n'ont -ils aucun pouvoir fur la matière , tandis que les Anges qui y font employés
„ en ont un très grand.
Ib;d. p. 16. Cet Auteur après avoir rapporté ces paroles de mon Texte, s'écrie qu'wwtf telle idée
coL î. ^ viftblemsnt oppofés à ce cjii enfeigne S. Thomas : & pour toute preuve il cite unique-
ment les trois PafTages de ce S. Doèleur ci-dcfTus rapportés. Mais encore une fois il
fuffit d: lire avec attention ces trois PafTages , pour reconnoitre qu'ils ne contiennent rien
du tout qui foit contraire à ce que je dis dans la phrafe que cet Auteur cenfure.
■ Mais que dira le Ledeur fi je prouve que , non feulement S. Thomas n'eft pas d'un
fentiment oppofé à ce que j'ai avancé, mais même que ce D )Cleur Angélique décide
cxprefTèmcnt & en termes formels, ce que je n'ai propofé que comme une opinion
probable.
„ Les Anges fupérieurs (dit ce Saint &: célèbre Théologien, c'eft à dire les Efprits
,, de la première Hiérarchie, tels que les Chérubins, les Séraphins, les Thrônes) ne
„ font jamais employés h un miniftére extérieur . . . On appelle, ajoure- 1- il, mi-
„ niftère extérieur par npport aux milTions des Anî;cs , le mi iftére qui s'exerce à l'è-
I. ?. Quïft. ,, g-T <1 des chofes corporelles. " Supériores Angcli numquam ad cxterius minijlnium
iiî.aSo. «.Se mittuntar ... in miJJîonibMS A'igelnrum aliqMa dicimr ester lor ^ cjUit fcilicet efi ad .iliquod
minifleriiim circa corpor.ilia exhibemluw.
Mais fi , félon S". Thomas , les Anges fupérieurs n'exercent aucun miniilèrc par
npport aux itrcs m.^éricl?: s'ills n'ont aucune fonétion dans le gouvernement des corps,
à quelle firt Dieu leur auroit-il attribué un pouvoir de remuer la matière ?
Quoi
DES yî N G E S ET DES DEMONS. ir
Quoi qu'en dife l'Auteur du Mémoire , il eft inconteftable que les Anges étant de Disscrt.
purs Efprits,ne trouvent point dans le fond des qualités naturelles & eflentielles de leur»"" l'aut.
être la puiJTance de remuer les corps , & qu'ils ne peuvent l'avoir que par un décret °" "'*-
de Dieu. Or eft -il croyable que Dieu ait fait un décret tout exprès pour donner inu-
tilement ce pouvoir , par exemple à des Chérubins qui , félon S. Tnomas , n'exercent
aucun miniflére à l'égard des chofes corporelles ?
Je n'ai cependant préfenté ces réflexions que comme une conjedure. J'ai même af-
fedé de multiplier les termes qui manifeftent le plus clairement que je ne les propo-
fois que comme une fuppofition qu'on peut raifonnablement admettre: Peut-être^ ai-je
dit : il y a quelsjue lieu de penfer : il peut fe faire , Bec, Tout au contraire S. Tho-
mas donne le fondement de ces réflexions comme un fait certain & comme un princi-
pe. C'eft donc contre cet Ange de l'Ecole que tombent diredem:nt tous les traits Ci
vifs que l'Auteur du Mémoire a voulu lancer contre moi. Sans doute qu'il n'avoit pas
alors préfcnt à l'efprit le Paffage de ce S. Dodeur que je viens de rapporter : & que ,
lorsqu'il v aura fait attention, il ne perfiftera pas à foutenir qu'une telle idée eft vifi- ^1'"°"' .
olement oppofee a ce qu enjetgne S, Thomas, Amli j ai tout lieu d elperer qu il me dis- col. i.
penfera très volontiers de faire à ce fujet 11 rétradation publique qu'il vouloit exiger
de moi.
Je n'en dirai pas davantage à cet égard: je refTens même une véritable peine d'avoir
employé tant de tems à difcuter des queftions métaphyflques qui ne font guéres à la
portée des fimples & des petits , pour qui j'écris principalement. Mais je n'ai pas
cru pouvoir m'en dispenfer: & je vais pafier au plus vite à dej objets plus intéreflans,
plus fenfibles, & plus à la portée du commun des Fidèles.
A l'égard des prodiges qui peuvent s'exécuter par des moyens naturels, les An- ni.
ges ont la faculté de les faire à proportion du pouvoir que Dieu leur a d'abord donné. onV h^pulr-
Par exemple , ils peuvent faire descendre le feu du Ciel, parce qu'ils n'ont befoin 6n«'ie fai-
pour produire cet effet que de réunk les parties fulphureufes qui font disperfées dans ges naturels.
l'air , de les allumer & les faire tomber fur la terre. dè^|^é°ha"b'îê«
Ils peuvent enlever un corps en l'air, &: l'y foutenir pendant quelque-tems ; parce Meiveiilc».
qu'il ne faut pour cela que raflembler une très grande quantité de petits corps imper-
ceptibles , & les mettre dans un affez grand mouvement pour leur donner la force de
fupporter en l'air un corps qui a une certaine étendue. Le vent n'eft autre chofe qu'u-
ne agitation violente des parties imperceptibles de l'air: cependant le vent déracine de
très grands arbres , & les porte quelquefois allez loin.
Mais tous les bons Théologiens conviennent, qu'il n'y a que Dieu feul qui puifTe o-
pérer des effets véritablement furnaturels : c'eft à dire , des effets qui ne peuvent être
produits que par quelque création , quelque opération équipolente à création , ou mê>-
me qu'en forçant les loix qui régilTent la nature. Car tout cela n'appartient qu'au Sou-
verain Maître.
Premièrement , il eft inconteftable qu'il n'y a que le feul Maître de la nature qui Diju^J^^i
puifle tirer les êtres du néant, paixe que la qualité de Créateur eft incommunicable, & pcutcrccr.
ne peut convenir qu'à Dieu feid.
Auffi S. Thomas ne balance- t-il pas à décider, que Dieu ne fe fert jamais d'inftru-
mens pour une telle œuvre: Impoijibile ejî qmd alicui creatur^e convcniat creare , neque i.p. Qu.4y.
virtute proprià, neque inftrumeyitaliter five per miniflerium. '"" ^' *° *'
Non feulement il n'y a que Dieu qui puifTe créer des corps confîdéiables : mais lui
feul peut créer le moindre des atomes : lui feul peut faire fortir du néant le plus petit
déliré d'être.
Toutes les créatures telles qu'elles foient ne peuvent que remuer les êtres matériels,
les réunir ou les divifer: mais elles n'ont jamais le pouvoir de rien tirer du néant,
B 2 C'eft
Il EXAMEN DVVOV VOIR
DissfRT. C'eft h feule volonté de Dieu qui produit les êtres: dès qu'il veut, tout eft exé-
euRL'AUT.cutc : dès qu'il dit, tout eft fait : Dixh & faBa fu»t. Mais rien ne peut être créé
»ïs MiR. ^^j„ p^j. ç^ volonté propre, : il n'y a que lui fcul qui appelle les chofes qui ne font pas
P<- '4S- s- comme celles qui font.
Ce principe eft même une confcquence évidente qui fe tire néccffairement de l'idée
que nous devons avoir de Dieu , puifqu'ileft le feid Etre ejui fait p.tr lui-même.
C'eft h définition qu'il a donnée de lui, en parlant à Moïfe: Je fuis, dit le Très-
Eiod.in.i4' haut, celui qui Eft : Ego fum qui fttm' D'où il fuit qu'il eft l'Etre des êtres : qu'il
eft 1 unique Auteur immédiat de toute créature, & que lui feul peut tirer du néant ce
qui n'exifte pas.
V- Secondement, il rcfulte encore du même principe, que Dieu feul peut produire ua
peut prdui- effet ricl fans employer une caufe qui lui foit proportionnée: ce qui eft une opération
ilei'rans^'^' qui équipolc à création.
moyens. Il n'y a que la fe.ile caufe première qui opère fans moyens, & par fa feule volonté :
pf. 1+8. j. Ai.tiidavit cr creata funt. Dieu eft le feul qui n'a befoin de rien, pour produire ce
qu'il lui plaît. Mais cette fouveraine puiflance ne peut convenir à aucune créature : &
les Anges mêmes ne peuvent rien opérer, que lorsqu'ils trouvent parmi les êtres créés,
des inftrumcns propres à exécuter ce qu'ils veulent faire.
AulTi S.Thomas décide-t-il généralement que les Anges ne peuvent rien faire en ver-
tu du pouvoir ordinaire que Di:u leur a donné , qui foit vifiblement Miraculeux,
„ Tout ce que l'Ange, ou toute autre, dit ce S, Doreur, fait par fa propre vertu;
„ cela ne fe fait que conformément à l'ordre établi dans la nature : &: par conféquent
Qucft " '•^ "^'^ point un Miracle: " Ottidquid facit Angelns ^ vel qu^ecumque alia creatnra
iio. ait. 4. proprià virtute , hoc fit fecundum ordinem ftatarx créata : Qr fie non eft miracalum.
" *■ Ainfi Dieu (eul peut fans aucun moyen naturel donner tout à coup à des êtres des
qualités fupérieures a celles qu'ils avoient auparavant : parce que ces qualités étant pro-
duites fans caufe naturelle , ne peuvent l'être que par une opération équivalente à
création.
Tout degré d'être qui ne préexiftoit point, ni dans lui-même, ni dans aucun ger-
me , ni dans aucune autre caufe créée capable de le produire fuivant les loix que Dieu
a établies , a par conféquent été tiré du néant. Donc Dieu feul peut en être 1' Auteur.
Et ce nouveau degré d'être n'a pu être formé que par une voie de création , & par une
volonté particulière de Dieu.
VT. Troificmcment , Dieu fcul peut s'élever au dcffus des régies fuivant lesquelles il lui a
^^u^^'^L Plù de former l'Univers. ^
audciiusdes Lorsqu'il l'a tiré de l'abîme du néant; lorsqu'il a développé les cieux, étendu les
Vani"f<i«d- airs , fait fortir h lumière d: l'obscurité des ténèbres, & la terre du milieu des eaux:
'"!'.*"" en un mot lorsqu'il a donné l'être & le mouvement à toutes les chofes matérielles, il
les a affujetties à des loix permanentes , qu'aucune créature ne peut enfraindre. Il a li-
mité leur degré de force & d'aiflivité, &: il a réglé leur nature & leurs effets : en for-
te que toute caufe doit toujours produire fon effet fuivant qu'il l'a d'abord prescrit.
Or il efl inconteftable que lui feul peut fc dispenfer de ces régies. Ce n'eft donc pas
en renverfant ces loix Divines que les Anges 8c les démons peuvent faire des prodiges ?
Ils ne peuvent au contraire opérer aucun effet qu'en employant la vertu des caufes pro-
pres à le produire : Vérité que S. Thomas donne encore pour un principe en plufl.urs
endroits de fa Somme Théologique. ,, Tout ce qui le fait, dit- il, contre l'ordre
„ général que Dieu a mis dans toute la nature, s'appelle Miracle* Or il n'y a que
I. P Q.icft. ,, Dieu qui piiiffe le fiire:" ^Hiquid diciinr ejfc miraculum , quod fit prêter ordinem
no^ Alt. 'i- içiiifj n^furd : hoc antem non poteft facere ntfi Dchs.
Aiiilî il n'appartient qu'i Dieu d'opéicr d une manière fubitc , ce qui fuivant lis
loix
DES ANGES ET DES DEMONS. 15
lolx qu'il a impofées à la nature, ne doit fe faire que fuccelîîvement , parce que lui Dissert.
feul peut s'affranchir de fes propres loix : lui feul a le pouvoir fupréme d'agir fans tems ^"R^'aut.
& fans moyens fuffifans : lui feul a la fouverainc puilTance d'exécuter tout ce qu'il °^^'^"''
veut fans fe fervir du fecours des caufes créées , qui en conféquence de l'ordre qu'il a
établi , ne peuvent rien produire qu'avec un tems proportionné à l'eifet. Ce qui fait
dire au favant Nicolas de Lyra , que „ comme la nature ne peut opérer dans un in-
„ fiant , il n'y a que la vertu Divine , qui puifle en un inftant guérir une fièvre d'une
„ manière parfaite, ainfi que la Belle -mère de S. Pierre fut guérie des fièvres par Je- Nie. de L7.
„ fus - Chrift. " Nmhyci non potefl operari in infiantl : fi atuon fantitio febris perfeEta "ji? k^''*'.
in infianti fiât , hoc non potefi ejje niji virtptte div'mà , JicM foc? us Pétri fanata eji à fe- i^ init. "
ùribf^s à Chrifio.
3, Les Miracles , dit Louis de Grenade, font les oeuvres de Dieu feul , qui a don- crsnade r -
■„ né des loix à toutes les créatures qu'il a faites, dont aucune ne peut être dispenfée trod.auSim-
„ que par la vertu de Celui qui les a établies. " ch! V?'. d''"i»
Les bons Anges ne peuvent pas même avoir la volonté de faire de leur chef & par '/^''p^' **'
leur propre mouvement, des chofes fupérieures &: contraires à l'ordre établi dans la na- éditdèïaiis.
tiu-e. S'ils fouhaitent un Miracle, ils le demandent à Dieu, ainfi que font les autres
Saints ; mais ils ne peuvent vouloir l'opérer eux - mêmes contre fes ordres , parce qu'é-
tant confirmés en grâce, leur volonté fe porte toujours infailliblement à préférer celle
de Dieu à toute autre chofe.
Mais quand, par impoflîble, ils fouhaiteroient faire des chofes contraires aux loix
qui régiflent la nature, il eft certain qu'ils ne le pourroient pas , parce qu'ils n'en trou-
yeroient pas les moyens dans la puiffance limitée qu'ils ont reçue.
Si les Anges ne peuvent rien faire qui foit vraiment furnaturel par le pouvoir que
Dieu leur a donné , à plus forte raifon Dieu n'accorde-t-il pas une fi grande puiffance
aux démons.
Non feulement ils ne font point employés au gouvernement de l'Univers, & à vir.
maintenir cet ordre admirable de la nature qui manifefte clairement la Providence & la de'sdemonj
Toute -puiffance d'un Dieu; mais ils font fournis comme des esclaves à la puiffance çûi'é depuis
du moindre des Anges , ainfi que l'obferve N. S. P. le Pape d'aujourd'hui , Benoift ûonl^^llco-
XIV. dans fon Traité de la Canonifation des Saints. 'uis'rta'^"
Le moindre des Saints Anges, dit -il, peut forcer le plus puifTant des démons, bud'ement
5»
lui commander & le faire obéir. " Alinimm Angélus potefi cogère fummum dœmtnem „;
du Chriftia-
(ine.
Q- ei efiicaciter pracipere. N. S. P. le
Ils font même réduits dans un fi frand efclavage, qu'ils ne peuvent pas feulement benmi.^L'
remuer un atome fans la permifTion de Dieu : permilfion qu'il ne leur accorde commu- J^ '^'J""'
nément que par raport à la malheureufe fonftion quils ont de nous porter au mal & de 5. n. 1.
nous en faire; tout leur mlfèrable miniflére ne confiftant qu'à nous tenter, à s'effor-
cer de nous féduire & a. nous faire fouffi-ir , lorsque Dieu le permet ou l'ordonne.
Mais à l'égard des efïèts vifibles , extérieurs & prodigieux , tels que ceux dont il efl
queflion dans mon Ecrit, il eft rare que Dieu leur laiffe la liberté d'en opérer, fur-
tout depuis que Jefus- Chrift efi venu au monde pour détruire les œuvres du démon, i Jean 111.8,
Audi S. Auguftin décide-t-il, qu'ils ne peuvent faire aucune forte de prodiges réels,
à moins qu'ils n'en aient reçu le pouvoir d'enhaut : Nifi data defuper potefiate. A quoi Lib.j. de
M. Nicole ajoute, qu'<7 faut être perfitadé que , quoiqu'ils [oient toujours dispofés à nui- ^g^'-çç'^'
Te aux hommes , ils nen ont néanmoins aucun pouvoir, à moins que Dieu ne le leur donne. Simb.Anges
Il eft vrai que l'Ecriture &: la Tradition nous apprennent, qu'en certaines occafions i^ô!"^*''
quelques démons ont eu la pennilTion d'entrer dans le corps de certaines perfonnes , &
même He faire des espèces de prodiges i dont quelques-u"s paroiffent fort merveilleux.
Mais c'ètoit une permiflîon particulière que Dieu n'a accordés à ces démons , que
B 3 lorsque
t4 E X A M E Kf T) V ? OV rO î R
DisîïHT. lorsque cila eft entré dans le plan de fes defleins: Vérité que l'Ecriture nom marque
•^'R'-'*"^* clairement en plufieurs endroits.
DIS MiR. Q^ ^, trouve, par exemple, la preuve qu'ils n'ont pas même la liberté d'enti-er
dans le corps d'une bcte fans en obtenir pevminîon, ou pour mi;u\- dire, fans que
Dieu les y envoie. C'eft ce que le S. Efprit nous a déclaré précifément en nous
marquant dans l'Evangile , qu'une multitude de démons chaflTés du corps d'un hom-
me, avoient prié Jefus-Chrift de les envoyer dans un troupeau de pourceaux, afin
MaicV. II. qu'ils y ent raflent : Àe^recabanttir etim fpiritns dicentes : tnitte nos in porcos , ut in m
introeamiis.
Surquoi S. Auguftin fait cette belle réflexion, qui confirme pleinement tout ce
que je viens d'avancer: ,, Efl-ce donc ove Satan , quoiqu'il ait toaijours un défir
„ ardent de nuire, peut faire du mal à qui que ce foit , à moins qu'il n'en reçoi-
„ v.e le pouvoir du Tout-puiflanr \ 11 nous eft déclaré dans l'Evangile mê^
,, me, comme une chofe qu'il eft ncceffaire de favoir, que bien loin que les dé-
,, mbns aient par leur puiffaice le moyen de nuire aux hommes, ils n'ont pas même
S.Aug.L. ^gi^j jg nuire aux bctes. " Ouafi Satanas , cptm habeat Cemper cupiditatem nocen-
Legis 8c di , nocere cuiquam pojjit , ni/i av Omnipotente acceperit potejtatem ? In ipjo Evangelio
fz'^.éoi,} ' dcclarAtum eft... rem necejfariam docere nos volens , ut fcilicct noverimus multo minus
tos pojfe fuà poteflate nocere hominihus, cjui me pecoribtts qudibufcumcjue potuerunt.
S. Grégoire Pape à ce Paflage de l'Evangile en joint un autre de l'Ancien Tefta-
ment, &• de ces deux Paflages il tire les conféquences les plus propres à fixer l'idée
que nous devons avoir de l'impuiflance ordinaire où les démons font réduits par rap-
port aux effets vifibles &: prodigieux : & en même tems , il établit des principes qui
démontrent clairement , que ces efprits réprouvés n'ont aucun pouvoir de remuer les
corps, qui leur foit propre par leur nature, comme une qualité eflentielle & néceffairc
de leur être.
S. Greg. ,, Satan, dit S. Grégoire, brûlant du défir de tenter le faint homme Job, dit auSei-
c^'o.'^'injo'b. » gieur qu'il devroit bien étendre fon bras pour l'affliger: ce qui eft une preuve no-
table que le diable n'ofe s'attribuer cette puiflance, quoiqu'il foit de toutes les créa-
tures celle qui s'eft toujours le plus efforcé de s'élever avec orgueil contre le Créa-
teur. Mais il fait qu'il n'a rien dans lui-même qui foit fuffifant pour opérer quoi
que ce foit, &: même que dans fa qualité d'efprit il n'exifte point par lui-même.
C'eft pour (nous en inftruirc) qu'il eft marqué dans l'Evangile, que cette Légion
,, (de démons) qui ctoit fur le point d'être chaffée du corps d'nn homme difoit
,, (à Jefus-Chrift:) Si vous nous chafez., envoj/ez,-non5 dans ce troupeau de pourceanx.
,, Si le Démon, continue S. Grégoire, n'a pas par lui-même le pouvoir d'entrer dans
,, un pourceau , comment auroit-il la puiffince de toucher à la maifon du Saint hom-
„ me (Job; fans que l'Auteur de la nature lui prêtât la main? Or il faut favoir, njou-
„ te ce grand P.ipe , que la volonté de Satan eft toujours injufte, mais que la puiffan-
„ ce qui lui eft donnée , ne l'eft jamais ; parce que c'eft dans lui-même que fe forme fa
,, volonté, au lieu que fa puiflance vient de Dieu. Car Dieu ne permet qu'avec juf-
„ tice l'exécution de ce que Satan défire injuftement de fiire.. . Par conféquent il rte
,, faut pas craindre celui qui ne faïu'oit rien foire fans permiffion. On ne doit appré-
,, hender que la feule puiflance qui , en permettant à l'ennemi d'exercer fa cruauté, fiit
„ fervir fon injufte volonté à l'exécution de fes juftcs jugemens. Scit namejMe diabo-
lus , cjuia cjMorllibct agere ex femeiipfo non fufjicit , ejuiA nec per femctipfum , in eo quodefl
Jfiritus , exiftit : hinc efl quod in Ev.wr^elio expellend.i de homine legio diceb.ti : Jl ejicisnos,
mitte nos in gregem pnrcorum. Çhii enim per jrmetipfum ire in porcos non poterat , ejuid
mirum , fi fine /ttifforis m.wu , fini'li viri CJ-ob) domum contingere non v.tichit, Sciendum
ttro <•/? , quia SatAn.< voluntas fcmper iniqu.i efi , fed nunqukm pottfi.is injujht ; qui.t à
ftmet-
5>
DES^JVGES ET DES DE Af ON- S. ij
fenuttpfo 'volantatem habet ^ fed a Domim potejîatcm. Ouod enim ipfe facere inique appe- Dissert.
tit , hoc Deus fieri non niji jufle permittit . . . Formidare ergo non débet, qui nihil nijt per-^^^^'^^'^'
mijftt valet. Sola ergo vis illa timcnda eft , qu<e cum hojiem fœvire permiferit , et ad°^^ ^^^'
ufum jnfli judicii injufia illius voluntas fer vit. "
Le démon, fuivant que le de'cide ce Pape fi célèbre par fa fcience & fi illuftre par
fa fainteté, ne trouve donc rien dans lui-même & dans fa propre nature qui foit fuffi-
fant pour lui faire opérer quelque chofe de réel: Ouodlibet agere ex femetipfo non fuffi-
cit. II n'a pas feulement par lui-même le pouvoir d'entrer dans le corps d'une bête: per
femitipftim ire in porcos non poterat. Il ne peut faire aucun prodige réel, ou même re-
muer la matière en aucune forte, fi l'Auteur de la nature ne lui prête la main : Jîne auc-
toris fitanu. Depuis fa révolte, fon fond corrompu ne produit plus qu'une volonté
perverfe, & il n'a de puiflfance eff-iâive pour l'exécuter fur les corps, que celle que
Dieu lui donne , lorsqu'il le juge à propos: ce que Dieu ne lui accorde jamais, que
lorsqu'il veut faire fervir à l'exécution de fesjugemens fouverainement juftes, la volon-
té très injufte de ce miférable ennemi des hommes. A femetipfo voluntatem habet , fed à
Domino poteftatem . . . Ouod enim ipfe fuere inique appétit , hoc Deus fieri non nift jufie
permittit ., . ad ufum jnfli judicii.
C'eft auffi ce que le Père Que fnel nous donne comme un principe inconteftable : „ Le ^'^^°'^"-
5, diable , dit-il, ne peut nuire à l'homme fans la permiffion de Dieu. N'étant que "' ' **
,, l'inftrument de fa juftice, il n'exécute rien que par l'ordre de Jefus-Chrift le Sou-
„ verain Juge. . . C'eft manquer de foi & de confiance en Dieu , que de craindre le
„ diable autrement que comme fon efclave & comme l'exécuteur de fes jugemcns. "
Les démons n'ont donc pas la puiflance d'agir fur la matière à leur gré, ni par leur
nature qui eft toute fpirituelle, ni par aucune concelTion générab & ordinaire: au con-
traire le décret que Dieu a fait à leur égard , lorsqu'il les a maudits & reprouvés ,
a été de leur ôter la liberté d'ufer fans une permiifion exprefle du pouvoir qu'ils avoient
d'abord reçu de lui. Cependant ces Efprits déchirés par un défir continuel de nuire
aux hommes , &c enragés de fe voir réduits à refter dans l'inaftion par rapport à tous
les effets vifibles & prodigieux, demandent fans ceffe à Dieu par l'entremife des An-
ges, fous la puiflance de qui ils font aflervis, la permiffion non feulement de nous ten-
ter, mais auffi de faire quelque chofe d'extraordinaire pour nous jetter dans quelque
illufion. Mais à l'égard de cette permiffion extraordinaire, ils ont beau en prier les
Anges, Dieu ne l'accorde aux démons que lorsque cela cadre à fes deffeins, & aux ar-
rangemens de fa Providence.
Si les démons dont la multitude eft très grande, & dont l'aftivité de l'intelligence
ne peut manquer de former à chaque inftant des défirs, des dtfleins & des projets:
fi , dis-je , ces implacables ennemis de la nature humaine avoient continuellement un
pouvoir libre de difpofer de la matière, n'en verroit-on pas à toute heure les plus
terribles effets ?
L'Ecriture nous apprend, qu'ils font continuellement autour de nous, comme dçs I.Picrr.V. ?.
lions rugilfans & brûlans du défir de dévorer le :r proie. Ils ne ceflent de nous tenter
en excitant, autant qu'ils peuvent, toutes nos d ffèrentes cupidités. S'ils avoient la
même liberté de nuire à nos corp< , ou de faire des prodiges vifibles pour nous fèdui-
re, avec quel empreflement ne s'en ferviroien>ils point? Leurinadion à cet égard n'eft-
elle pas une preuve palpable, qu'ils ne peuvent le faire fans une permiffion particulière^,
qu'ils n'obtiennent que bien rarement .''
Aufli S. Auguftin donne-t-il pour principe en plufieurs endroits de fes Ecrits , que
les démons ne peuvent rien que quand les Anges dont ils dépendent , les emploient poiu"
exécuter les Arrêts de la Divine Juftice, ou que par l'ordre de Dieu ils leur donnent
quelque permiffion; & que fans cela ils font dans une impuiUance totale par rapport aux
eflets
I5 EXAMEN DVPOVFOIR
Dissert, effets vidbles & prodigieux. Maisle point le plus important, celui qui dans le tems
surl'aut. qJj nQ„5 fommes , intcrefle tous les Chre'tiens bien plus qiie la plupart ne penfcntjC'eft
iiEs MiR. jç favoir fi Dieu accorde quelquefois à ces Efprits réprouvés le pouvoir de faire des
Miracles.
VIII. J'ai déjà prouvé, &: je le ferai encore bien plus fortement dans la fuite de cet Ecrit,
ne%eu«nr P"^"" '^^ Textes mémcs de l'fcriturc &: par l'autorité des Pcres , que les Miracles, qui
faire de vrais ne peuvent fc faire que par une puiflance capable de créer, de s'élever au deflus des
^''"' loix impofccs à la nature, & d'opérer quelque chofe de réel contre l'ordre primitif &
permanent qui régit les effets des êtres matériels , font fupcrieurs au pouvoir de tout
être créé. Ainfi il y auroit une témérité énorme à fuppofer, que les démons pour-
roient en être les Auteurs.
I. Part Qu, „ En prenant le terme de Miracles, pour ce qu'il fignifie proprement, dit S. Tho-
iio. aii. 4. ^^ mAS y ni les démons ni aucune créature n'en peuvent faire : Dieu feul les peut opé-
„ rer: car on n'appelle*proprement un Miracle , que ce qui efl: fupérieur à l'ordre éta-
j, bii en toute la nature." Si mir.iCHlum propriè accipiatur, dœmones miracnla facere
Kort pojfunt , nec alitjna crentura , fed folm Dens : hoc proprie miracnlum dicitftr qusd fit
frtctcr ordinem totius Katurte,
Les Miracles font des traits de lumière, par lefquels Dieu rend fa préfence fenfible.-
ils font le figne qu'il a choifi pour nous déclarer que c'efl: lui-même qui nous parle:
ils font la preuve des preuves, puisque c'eft celle qu'il a extérieurement employée pour
prouver la Divinité de fon Fils.
Voici de quelle manière Jefus-Chrifl: s'exprime en parlant des Miracles , Se l'idée
par conféquent qu'il veut que nous nous en formions.
Jean V. 56. ,, Les ccuvies que mon Père m'a donnée le pouvoir de faire, les œuvres que je
Ibid.X. 37. sj ^^'^> rendent témoignage pour moi, que c'efl; mon Père qui m'a envoyé... Si je ne
* î*- „ fais pas les œuvres de mon Père ne me croyez pas ; mais fi je les fais , quand vous
,, ne me voudriez pas croire, croyez à mes œuvres."
Les Miracles, fuivant que la 'Vérité Incarnée nous en affure elle-même, font donc
les oeuvres de fon Père : ils font donc les œuvres que Dieu s'attribue perfonnellement &
expreflémcnt : ils font un Témoignage Divin, auquel il n'eft pas permis de ne point a-
jouter foi.
Auflî le S. Efprit nous a-t-il déclaré formellement, par la bouche du Roi Prophète,
pr. LXXI, que Dieu feul eft l'Auteur des véritables Merveilles : BcnediStus Dominus Ijrael qui
ptcit mirAbiliit folus.
Si les Miracles font les œuvres de Dieu, s'ils font par excellence fon témoignage: s'il
n'y a que Dieu feul qui faffe de véritables Merveilles , quelle impieté n'y a-t-il point
d'en illuftrer la prétendue puiflance de Satan? La Religion & la raifon pourront-elles
fouflrir, qu'on attribue au père du menfonge le langage par lequel Dieu déclare qu'il
s'énonce, quand il veut manifefter fenfibloment aux hommes que c'eft lui-même qui
leur parle ij le langage qu'il nous ordonne de reconnoître, comme fon témoignage &
fa voix !
C'eft ce qui fait dire à S. Thomas, que ,, ceux qui attribuent l'opération des Mi-
„ racles à quelque autre caul'e qu'à Dieu, tombent dans l'erreur," oii ètoient certains
Philofophes idolâtres , qui donnoient à la créature ce qui ne peut convenir qu'à Dieu
Lib. î. ffiil : In hune errorem labuntitr ^ cjui . . . miraculorum opcrAiionem aIUs camJîs quÀm Dco
""' adfcribunt.
Ajoutons encore ici un beau paffage, qu'on trouve dans le Livre fait par N. S. P.
le Pape Brnoit XIV. fur la Cnnonifation des Saints: où il décide que non feulement
les démons ne peuvent p.!s faire de ces Miracles éclattans, qui s'élèvent vidblemcnt au
dcflus des loix primitives & permanentes qui régiflent la nature entière, mais même
de
it
conit. Geoc.
cap. 3
ENTAVEVR DE V A P P E L ij
de ces Miracles du fécond ordre , qui furpaflent feulement l'effet naturel des remèdes Dissert.'
& des autres moyens corporels & vifibles. „ Il fuit {conclud ce Succejfeur de H, />/>>•- sur l-aot.
„ re des frincipes cjtiil a pofés ) que les mauvais Anges ne peuvent faire de véritables "^'""^*
„ Miracles. Je parle, ajoiue-t-il, non feulement de ceux qui font fupérieurs aux
„ forces de toute la nature , mais même de ceux qui excédent feulement les for-
„ ces de la nature qui eft en même tems vifible & corporelle. Ex qm fequitur , «o»Lib. 4. de
}» /"îf/* '^^ ^'^ ^ mulis Angelis ) fieri vera miracula , tion folnm Ji loquamur de miractilis b' an'/*"
„ excedentibtis vires omnis natftra , fcd excedentibus tantttm vires natura vijihilis atque }• a. i.
„ corporea.
L'Ecriture , les Pérès de l'Eglife & le Pape aftuellement régnant n'ont qu'une feule
& même voix qui nous crie, que les Miracles font finguliérenient les œuvres de Dieu,
qu'ils font fa voix & fon témoignage, &: que les démons font dans une impuilTance to-
tale d'en faire d'aucune espèce.
Si donc l'Hiftoire Prophane & les Livres des Hérétiques préfentent quelques Exem-
ples de Miracles opérés par les démons , la Religion & la raifon nous obligent de croi-
re , que ces prétendus Miracles n'étoient que de vains preftiges , ou que l'effet de
l'impofture ; ou bien que les faits qui font rapportés font faux , ainfi que quantité
d'autres fables que les Auteurs Payens & les Hérétiques ne font pas grand fcrupul:
de débiter.
Comment le démon pourrait- il faire des Miracles, puisque nous lifons dans l'E-
vangile que perfoiine ne peut faire des Miracles . . . , Jt Dieu n'efi avec lui ? J«ïn HI. 2.
On m'objedera peut-être, que perfonne ne foutient, que le diable puilfe faire de „ .'^•
véritables Miracles. En effet AL l'Archevêque de Sens & M. l'Evéque de Bethléem Advaiïfrcs"
avouent formellement eux-mêmes , que les démons ne peuvent rien opérer de réel r^- '^ ^?"''^'
I J r n AI • • .1 f • r/ • ^ ■». ■ wient forces
que par la vertu des cauies naturelles. Mais quoiqu ils n aient ofe nier cette Maxime d'avouer que
fondamentale, que les lumières de la raifon & l'Autorité de la Religion concourent é- „" peîTvent
gaiement à démontrer: quoiqu'ils en conviennent même expreffément dans la théorie, faits de vrais
ils ne laifTent pas de la combattre de toutes leurs forces dans la pratique , & d'em- n'en e"- ''*
ployer tous leurs talens , pour éluder les confécjuences qui en rélultent néceffairement. pi^!.^"^ P^'
Par exemple, quoique M. de Bethléem ou le Père Dom la Tafte , dife formellement kmsciï^ns
que les démons ne peuvent faire de vrais A4iracles , & qu'ils font oilîfs des me la na- Ç""" P"'^*'
r r 1 rr ■ t i> •• n ■ ■« • i ' ,- det qu il en
ture ne renferme er n ojfre peint les moyens d agir i Se quoique M. de Sens pofe pour fait,
principe , que généralement tout ce qui tient de la création . . . . efi évidemment l'on- xhcobg'îq
vrage de Dieu: cela ne les empêche pas d'attribuer au démon des Miracles qui n'ont P^g- 561.
pu être opérés que par des créations & des régénérations fubites, qui équipolent ma-, pag,' 23'6.'
nifeflement à une création , & qui ne peuvent fe faire âiufi fubitement qu'en forçant
les loix de la nature.
S'ils adhérent de bonne foi aux principes qu'ils avouent , comment poiuToient - ils fe
dispenfer de reconnoître l'ouvrage de Dieu dans quantité de Miracles opérés fous nos
yeux par l'interceffion du Bienheureux Evêque de Senez , de M. Roufle & de M. de
Paris? Quoi ! dans cette multitude qu'on ne fauroit nombrer , deGuérifons Miraculeu-
fes que Dieu opère depuis 17^7. n'y en a-t-il aucune qui foit fupérieure aux loix
de la nature , & qui tienne de la création ? N'en ont-ils pas même trouvé des preuves
invincibles par rapport à plufieurs, tant dans mon premier, que dans mon fécond Tome.
§. 1 1. Extraits de ^lujieurs Miracles opérés par création en faveur
de P Appel.
Par exemple, comment refufer de reconnoître & d'admirer l'œuvre du Tout - puis- Mirades ©.
faut, dans la guérifon fubite des ulcères dont les doigts de la main gauche de la Demoi- ?"" pai
Differt. Tom. Il, C felle
iS MIRACLES DE CREATION
DissEBT. felle Thibault étoient tout couverts depuis deux ans ; dans celle de la vive ecorchure ,
suRL AUT. j dspiiis plus d'un an avoit emporte la peau & une partie des chairs tout le lone du
. _. . pli de (on bras , ecorchure cjut etoit large de pins a un ponce , cjm dans les derniers
U DUe thi- tems .... était devenue fi profonde, quelle faifoit horreur , & dont // firtoit une eatt
*""''• oui femoit fi m.xuvais (jue cela faifoit manquer le cœur, quoiqu'on la panfàt tous les
jours avec du blanc -raifin pour h fécher; enfin dans celle des plaies profondes, quelle
avoit depuis plufieurs mois aux aînés & au bas des reins, dont cinq étoient de la lar-
geur d'une pièce de -vingt - quatre fols , & qui étoient fi corrompues qu'il en fortoit
uns cefle une eau roujfàrre . . . qui rendoit une infeciitn épouvantable : le tout prouve
• Voy. un. par les Dépofi rions de plufieurs Témoins de vifu *.
duTom.i, Toutes C8S bleflures invétérées auroient -elles pû« fe remplir de nouvelles chairs en u-
ne matinée , & fe recouvrir de peau fans aucune cicatrice , fi le Créateur de tout ce
quieft, n'avoit lui- même opéré une fi grande Merveille ?
La preuve du fubit de toutes ces guérifons dans la matinée du 19. Juin 175 1. efl:
incontcftable.
A l'c. ard de celle des ulcères des doigts , elle efl: atteftée entre autres Témoins par
trois célcbies Médecins, qui ayant été aflemblés le 17. Juin, pour donner leur Avis
fur h maladie de la Demoifelle Thibault, avoient fait mention de ces ulcères dans leur
Rapport , & qui le 19. ayant appris que cette vieille Fille âgée poiu- lors de foixante
& cinq ans , venoit d'être fubitement guérie de tous fes maux au pied du Tombeau de
M. Je Paris , & entre autres d'une hydropifie monftrueufe dont elle étoit atteinte de-
puis cinq ans, d'une paralyfie qui depuis trois ans privoit de mouvement tout fon
côté gauche, & d'une multitude d'ancnilofes qui depuis plus de douze ans avoient
fondé toutes les jointures des doigts de fa main gauche ; accoururent fur le champ
pour examiner fi un fi grand Miracle qu'ils ne pouvoient croire, étoit véritable. Dieu
les toucha : leur incrédulité ne tint point contre le témoignage de leurs yeux , & ilj
furent fi frappés de ce Miracle, que malgré tous les intérêts humains qui les en dé-
toumoient, ils en dreflerent un Rapport authentique, dans lequel ils déclarent entre
autres chofes , que les ulcères qu'ils ayoient vus deux jours auparavant , étoient pres-
qu entièrement effacés , c'cft à dire qu'à peine pouvoit-on en reconnaître la place, ainfi
que l'ont certifié d'autres Témoins.
Ce même Rapport fuffit encore pour prouver, que la profonde ecorchure du braî
avoit en même tems été guérie tout à coup , puisqu'ils atteftent que la Demoifelle
Thibault remuait le bras de tons cotés avec liberté. Mais à cette preuve fe joignent les
Certificats de plufieurs Témoins de vifû: Se entre autres de M. de Manteville fameux
Chirurgien qui déclare , que la peau nouvelle qui venoit de fe former dans le pli de
r articulation du bras , était très fine , très blanche , très polie & luifante , comme la peau
d'un enfant nouveau- né.
Enfin l-i guérifon des plaies aux aînés & au bas des reins , n'efl-elle pas conflatée par
tou<; les Témnins qui dépofent avoir vu la Demoifelle Thibault marcher à l'infiant de
fa guérifon fubite dans le Cimetière & dans l'Eglife de S. Médard , &: à fon retour
monfr fans peine le degré de fa maifon , quoiqu'il foit très rude : &: qu'elle avait un
vifa^e fi différent de celui qu'ils lui avoient vu U veille, quon eût eu peine a croire q$te
ce fût la même perfonne ? En effet comment auroit-elle pu marcher librement & avoir
un vifaije de fauté, fi elle avoit eu encore aux aînés & aux reins des nlaies aff eufes ,
qni faifoi'inr f^mber journellement fon corps en pourriture : elle qui depuis fix mois
ne pouvait ni jour ni nuit fortir du fauteuil, où fes plaies & fes autres maladies h te-
noient comme enchaînée, &.' qui depuis le commencement de Juin paroilloit à tous mo-
mcnn prête à andrc l'ame ?
Aufll fes brgcs & profondes pUics étoient -elles fi bien guéries uns aucune cicatrice,
une
EN FA^EVR DEL' APPEL r$
Une chair fubitement créée ayant tout à coup rempli leur place, que Catherine CefTelin Dissert.
(fa Servante ) qui les examina le lendemain matin, ne pût reconnoître les endroits oîîsurl'aut.
elles avoient été que parla différence de la co'jleur de la peau : & ce fut la vue de cet °^* "'"*
admirable Miracle, qui triompha de l'incrédulité de cette Fille, jusques là prévenue
à l'excès contre les Miracles opérés à l'intercefTion du Bienheureux M. de Paris.
Je ne relevé point ici la Guérifon fubite de la paralyfie , des anchilofes , ni même
de l'hydropifie caulee par un fquirre monftrueux , qui tout à coup fut annéanti &
cefla d'être , en forte que les trois Médecins , qui vinrent avec tant d'empreffement
examiner fi ce qu'on venoit de leur dire ctoit vrai, trouvèrent que non feulement le
volume immenfe du ventre de la Demoifelle Thibault s'étoit réduit à une grolTeur na-
turelle, mais même que ce ventre étoit devenu mollet.
Quoique ces Guérifons foient un Miracle peut-être encore plus grand , & tout auffi
manifeftement Divin que celle des ulcères, de l'écorchure & des plaies; je ne,m*arrê-
terai ici qu'à cette dernière , parce que la création qu'il a fallu que Dieu fit pour l'o»-
pérer, me paroît encore plus vifible & plus facile à démontrer, que celles qu'il a fai-
tes pour guérir presque fubitement les trois autres maladies , réparer les nerfs defféchés
par la paralyfie, rendre fa première nature à la finovie pétrifiée par les anchilofes, &
régénérer cette multitude de veines limphatiques brifées & détruites par le fquirre qui
avoit formé l'hydropifie.
Mais il eft encore d'une évidence plus palpable , que la Guérifon des ulcères, de
l'écorchure & des plaies , n'a pu être faite de la manière merveilleufe dont elle l'a été,
que par une forte de création. Non feulement la promptitude extrême de cette Guéri-
fon, mais bien plus encore fa perfeftion direèlement contraire aux loix qui règiflent
invariablement la nature, en préfente une démonftration , qui eft à h portée de tout
le monde.
En effet la nature, à parler exaètement, ne p:ut point produire de nouvelles chairs
à la place de celles qui ont été détruites , du moins des chairs faines & régulièrement
organifées : cela paffe toutes les propriétés que Dieu lui a données. AulTi l'expérience
de tous les Siècles nous apprent-elle, que les moindres ulcères & hs plus petites bles-
fures, lorsquelles ont entamé les chairs, ne font jamais guéries que par des cicatrices,
corps très imparfait, maffe fans organes, que la nature forme pour remplir le vuide laiffé
par les chairs , qui ont été divifées , pourries & déchirées : ce qui eft fi certain , que
quoiqu'une lancette foit un inftrument très fin, qui ne fait qu'une petite divifion mo-
mentanée, cependant la piquure d'une lancette ne fc guérit jamais que par une cicatri-
ce. Mais pour un plus grand èclairciffement il eft bon d'obferver , que les cicatrices
font produites par rèpaiffiffement du fuc nourricier, qui coulant au bout de chaque
fibre coupée , pourrie ou déchirée , s'y colle & s'y durcit peu à peu , & remplit ainfi
l'espace vuide, mais d'une manière presque toujours différente & inégale. Auftt ce
corps conftruit au hazard & fans règles, n'a- 1 -il pas à beaucoup près les mêmes qua-
lités &• toutes les mêmes parties que les chairs qui font compofèes non feulement de fi-
bres charnues , mais d'une multitude innombrable de petits vaiffeaux , dont l'arrangement
& les effets font admirables.
Or c'eft un fait prouvé dans la Démonftration & par les Pièces juftificatives de ce
Miracle, que toutes les bleffures de la Demoifelle Thibault fe font guéries tout d'un
coup fans aucune cicatrice.
A l'égard des ukères des doigts & de l'affreufe ècorchure du bras , qui font les feu-
les parties que la pudeur de cette Fille lui permettoit de montrer, il n'y a pasjufqu'aux
Médecins &: Chirurgiens envoyés par la Cour, pour tâcher de lui fournir quelque
moyen d'obfcurcir ce Miracle , qui néanmoins n'ont pu trouver aucun veftige de ces
ulcères & de cette effroyable ècorchure. M. Silva le plus célèbre d'entre eux a même
C i _ avoué,
20 MIRACLES DE CREMATION
DissiRT. avoue , qu'il examina, benncottf les bras; mais à quoi aboutit cet examen fi attentif? A
surl'aut çtj-e forcé de reconnoitre, fuivjiit qu'il l'a déclaré lui-même, ^u une peau mince occupoit
DES MiR. i^ place , où la Demoilelle Thibault lui difoit qu'^/Ze avait eu une plaie lar^e q- profonde
M. s'iVa /' '^•^"^ '""'' ^^ longueur du pli.
a», i'ioc'e Au rcftc c'eft un fait que tout le monde a ctc continuellement en état de vérifier de-
{aVl.Dc- 'puis le 'p. Juin 1751. qu'il n'y a aucun; cicatrice au pli de fon bras. Or il eft de
monft. Ju notorité perpétuelle, que les plaies ne peuvent fe refermer que par des cicatrices, &
que ces cicatrices ne s'effacent jamais. Ainfi depuis le jour de ce iVliracle, il y a tou-
jours eîi une preuve continuellement fubfiflante & expofée à la vue de xous ceux qui
ont voulu l'examiner , que cette profonde plaie avoit été guérie d'une manière manifef-
temeat Miraculeufe; puisqu'elle l'a été , non par l'unique moyen que la nature peut
employer en pareil cas, mais par une création nouvelle & fubite d'une chair & d'une
peau aulfi ré. uliéiement organifées, que s'il n'y avoit jamais eu debleflure. Comment
donc peut-on refufer de reconnoitre ici le doigt du Tout-puiiïant ?
Il eft même certain que non feulement la guérifon de cette horrible écorchure & de
tous ks ulcères des doigts , mais auflî que celles d;s trous profonds qui avoient pour-
ri l.s TÎies & les reins, a pareillement été opérée fans qu'il fe foit formé de cicatri-
ce, & qu'une chair faine & parfaite à été tout à coup fubftituée à la place de toutes
ces bleflTures mvéterées. Or quel autre que Celui dont la volonté fait les ctres, a pu
exécuter de telles Merveilles?
Non feulement il a fallu , pour remplacer fubitement le vuide creufé dans les chairs
par le venin corrofif de toutes ces phies , reproduire en un moment toutes les fibres,
qui compofcnt la mafle des mufdes: mais il. a fallu créer en même tcms une multitude
de rameaux des veines qui font elTcntielles pour humeder & nourrir continuellement ces
mufdes: il a fallu régénérer cette grande quantité de petites branches de nerfs, pour
leur apporter la limpne fubtile qui les anime, qui les rend fenfibles & leur procure le
mou ement. Enfin il a fallu couvrir en un inftant tout cela d'une peau tapiffée en def-
fous par un grand nombre de petites glandes , dont la ftruclure eft merveilleufe , & qui
font néc'flaires aux chairs & à la peau pour plufieurs fondions.
I Lenre M. l'Evéque de Bethléem Cou le Père Dom la Tafte) avoue , & donne même pour un
1 heol. pa^. ^^-^^jp^ certain , . . ejfte le démon ne fauroit guérir une maladie , fi elle ne peut être guérie
far aucun rcjfort de la nature. Comment ce Prélat peut-il donc contefter que le Klira-
cle opéré fur la DcnoifL-Ue Thibault ne foit l'œuvre de Dieu? Im.igine-t-il , qu'il y
ait quelque rejfort dans la nature capable de produire fubitement toutc> les p.irties acf-
mirablement organifées qui compofent les chairs & la peau, & de leur faire remplir
tout à coup la pla e de pi ies & de blelfures dont il fortoit depuis longtems une infec-
tion épouvantable? Puisqu'il convient fi préciféme t du principe, comment ofe-t-il
combattre avec tanr d'opiniâtreté les conféquences néceffaires qui en nailfent ? „ On
II Uttre 5> entend par Miracle, dit-il encore , un événement fupérieur ou contraire aux loix de
Ti.wi. p. ^^ ]_, nature. "
^^'" Mais n'cft-il pas d'une évidence palpable, que la guérifon en queftion eft en même
tCTis très fupérieure & manifcftem:nt contraire aux loix naturelles & permanentes que
Dieu a étiblies depuis l'origine du monde, pour la guérifon des plaies? C eft donc ici
un vrai Afiracle. Or ce Prélat convient lui même qu:' les démons n'en peuvent faire
IHJ r. ^Ci. tle tels, & qu'ils font oififs, dés que la n.vure ne leur offre point les moyens J agir.
Encore s'il n'y a'oit que cette feule Guéri'bn, où l'opération liu Tout-puiflant fe
fût fait voir de nos jours à découver* , l'incrédulité de ce Prcht fc de tous ceux qui
s'obftinent à pcnfer comme lui, fcroit moins incxcufable: mais qu'il parcoure mes
trois Tomes, & il y trouvera plufieurs Démonftrations d'autres Miracles tout aulfima-
ftififtcment Divins: il fc fuitir* même forcé iiuéi icurcmcnt de rcconaoïtrc que mes Piè-
ces
EN F A VE V R DE L' A P P E L.
il
ces juftificatives contiennent des preuves invincibles de Guéiifons qui fuivant fes pro- Dissert.
pies principes foat évidemment f-ipérkares k tout pouvoir créé. sur lmut.
Mais d.ms h crainte qu'il ne veuiU: pas prendre la peine de les lire, mettons fous °es «'*•
fès yeux dans cette Difleitation (qu'il lira fans doute, parceque je vais y attaquer fes
Ouvmges) trois ou quatre autres Extraits de Miracles, où il y a eu des créations en-
core plus vifibles & plus palpables que dans la gue'rifon de la Demoifelle Thibault.
Quelque pre'venu que foit ce Prélat, il n'ofera nier que toute création, ne fiit-ce
que d'une petite fibre, ne fût-ce que d'un fimple atome, ne foit un des appauages in-
communicables de la Toute-puiflance du Créateur. Il en établit lui-même le principe
dans plufieurs de fes Lettres. £7?-// rien de plus divin , s'écrie-t-il , efi-il rien eu la 'j„^''"*
Tottte-puijfance foit mieux martjuée , que défaire d'un rien quelque chofe , que de réalifer
le néant même? Comment pourra-t-il donc fe deffendi-edereconnoître l'ouvrage de Dieu
dans la création de membres tous entiers , & d'organes qui n'avoient point été donnés
lors de la nailTance ?
Comment, par exemple, pourra-t-il refufer d'adorer la main du Créateur- dans la gué- ç.]\--
rifon de la Demoifelle Coirin de Nanterre? d'un Mame-
Dès 171(5. il vint un cancer au fein du côté gauche de cette Demoifelle, qui fit en mcn^déirûir
peu de tems de fi funeftes progrès, qu'en 1718. tout le côté de fon corps, où étoit depuisdouzc
le cancer, tomba en paralyfie complette, & qu'en 1719. le virus du cancer ayant pour- «nceiV ""
ri le dedans du fein , en fit tomber le mamellon tout d'une pièce avec les chairs qui
l'entouroient & qui étoient au dedous. La Demoifelle Maréchal , à la vue de qui ce
mammelon fe détacha de la mammelle, déclare qu'à la place ,, elle vit un trou large à de^Mad*^"
„ y fourrer une noix, & profond à y fourrer h petit doigt... &que depuis cemo- Marcchii,
,, ment jufqu'à la guérifon de la Demoifelle Coirin, le trou qui s'étoit fait à fon fein iV'vii"be-
„ eit toujours refté ainfi ou\ert, &: découlant des eaux ronfles & fi puantes qu'elles in- "^«"Ar du
„ fedoient le cœur quand on en approchoit." ' *
Ce fait ne peut pas être révoqué en doute, ayant été vu pendant douze ans par
quantité de perfonnes , & entre autres par plufieurs Chirurgiens qui fur ce fondement
O'.t déclaré le mal abfolument incurable. Quelques-uns d'entre eux néanmoins furent
d'abord d'avis de couper le fein; mais les plus habiles jugèrent, que l'humeur cance-
reufe ayant déjà corrompu toute la mafle du fang, cette cruelle opération feroit infruc-
tueufe, & ne feroit qu'avancer la mort de la malade.
En effet ce fubcil poifon s'étoit déjà tellement répandu dans le fang , que bientôt
tout le corps en fut infecté. Non feulement la jambe & la cuifle du côté gauche déjà
paralytiques fe deffecherent presque entièrement , & fe raccourcirent à un point éton-
nant, mais tout le refte du corps de la Demoifelle Coirin devint hâve & décharné,
& perdit prefque tout mouvement.
Forcé de refter nuit & jour immobile dans un lit, la puanteur infiipportable qui
s'exhaloit continuellement de fon fein, & la maigreur hideufe de fon corps, dont la
cuiflè & la jambe du côté gauche reflem loient à des os de fquelette couverte d'une
peau livide, l'auroient fans doute fait prendre pour un cadavre, fi de tems en tems fes
triR-es plaintes n'avoient fait entendre qu'elle refpiroit encoe. Auifi , difent fes Té-
moins , on s'attendoit à tous momens qu elle alloit expirer , & on ne pouvoit conce-
voir comment, quoique toujours moura .te , elle ne ceifoit point de vivre.
Dès 1719. M. DvSbriéres Chirurgien de Madame la Ducnefle de Berri, ayant w<,
dit-il dans fon C ertificat , que le bout de fin fein étoit tombé, non feulement avoit jugé , x. Pièce
e^ue le mal é'oit abfolur/idKt incurable, même en coupant le fein; mais il crut dès-lors, h'.'î'^k''' '*
ainli qu'il le déclare, quelle ne pouvoit pas vivre en cet état plus de trois 'mois.
Il en jugeait fuivant les régies de-fon Art; mais le Maître de la vie & de la mort
en avoit autrement oirdoiuié. Pour rendre plus authentique le Miracle qu'il avoit ré-
C 5 fclu
li MIRACLES DECRrATION
Dissert. ^olu de faire, il conferva U vie à cette malade pendant douze ans, en la laiflant pen-
surl'aut. dant tout ce tems à la porte de la mort.
«cjMiR. Ceoendant l'extrémité' oii elle e'toit réduite, devint tous les jours de plus en plus
afireufe, fur-tout pendant k dernier mois qui précéda fa guérifon, étant reftée fans re-
lâche dans une efpèce d'Agonie.
Enfin le 9. Août 1751. il lui mit dans le cœur d'envoyer chercher de la terre au-
près du Tombeau du plus célèbre Thaumaturge de nos jours , & de faire toucher une
de fes chemifes à cette Tomb: d'oii fortoit la vie.
Avant qu'on eut exécuté ce qu'elle fouhaitoit , el'e fubit une nouvelle épreuve. Le
dix elle tomba dans une Agonie encore plus forte qu'auparavant.
Mais le 11. Août au foir , à peine lui eut-on mis une chemife qui avoit touché le
Sépulcre falutaire, qu'elle commeni^a à éprouver les faveurs du Tout-puiflant. Cette
impotente qui depuis long-tems reftoit comme clouée oxa on la mettoit , ne pouvant fai-
re aucun uO.ge ai h plûpnrt de Tes membres glacés & perclus, fent tout à coup des ef-
prits de feu qui portent la vie dans tout fon corps.
Le lendemain 12. pleine de confiance, elle couvre le trou de fon cancer avec la pré-
cieiife terre, &; aulTi-tôt elle apperçoit c^ue ce tron commence a fe reboucher ; & la nuit
du II. au 13. fcs membres immobiles, rétrécis, décharnés, fe vivifient, fe raniment,
s'étendent, en forte qu'elle cfl: en état dès le matin de fe lever & de s'habiller.
Depuis ce moment chaque jour voit cclon-c fur elle quelque nouveau Prodige. Ses
membres defféchés & racourcis , fe regarnifT-'nt en peu de tcms de chairs, reprennent
de jour en jour leur croilTance , & recouvrent toutes les parties que leur deffechement
leur avoit fait perdre drpuis plufieurs années. Enfin le trou du fein fe remplit fans ci-
catrice ; & ce qui dans une autre Siècle auroit fait l'admiration de toute la Terre , Dieu
donne une féconde fois l'être au Mamelon totalement détruit depuis douze ans.
Que pourra objecter M. l'Evéque de Bethléem contre un tel Miracle? Niera-t-il
les faits? Mais ils font de la connoiffànce de toute la Ville de Nanterre, & ils font
certifiés par des Témoins oculaires, des Témoins au delFus de tout foupçon, & entre
autres des Maîtres de lArt.
'ennuyer ceux des Lecteurs qui les ont deja lues : mais néanmoins comme u peut
y avoir quelqu'un qui n'ait que mon fécond Tome , qu'il me foit du moins permis
de rapporter un court extrait du Témoignage du Chirurgien qui a toujours eu foin
de la Dcmoifelle Coirin d?puis 1716. jufqu'à fa guérifon.
Il mérite d'autant plus de confiance, qu'il eft Religieux de Sainte Geneviève, &
qu'avant de s'être donné tout entier à Dieu , il avoir acquis beaucoup de réputation
«dans les armées où il étoit Chirurgien major.
Ctnlf. du A l'égard de la paraly fie , il certifie que tous fes remèdes-. . . nefrocurérent Aucun ftulage-
fl'l ^p,( ce" ' "*"" ài^ Demoifclle, &qu' „au contraire fa paraly fie augmenta tous les jours de plus en
juiùf. ,, plus, au point que d jambe devint retirée & atrophiée, deflcchée ic privée des ef-
prits, qui doivent l'animer; & que quand on la levoit pour faire fon lit, il falloir
la porter dans fon fauteuil comme un corps mort , & qu'une infinité de fois on 3
cru qu'elle ne palfcroit pas la nuit, & fur-tout avant le tcms qui a précédé la gué-
rifon ... Qu'il cft de fj connoilfance qu'étant réduite en cet état déplorab'e, cil.; a
3 fnit commencer une neuvaine au Tombeau de M. de Paris par Geneviève de la
de la Mare le ir. Août i-^. que cette femme lui a apporté de la terre du Tom-
beau, avec laquelle elle commenta à fe frotter le i:. & que dès le 15. elle fe trouva
en état de fe lever &: d: s'habiller: & dans le mois, dit-il, elle parut guérie aux
yeux de tous les habitans de Nantenc, aufli-bien qu'aux miens."
' A
>>
>>
>i
>>
>»
• »
5»
EN FAVEVR DE V A P P E L. 23
A l'égard du cancer, voici ce qu'il obferve. ,, Je certifie, dit-il, avoir vu .. il y Dissert.
a près de douze ans... que le bout de fon fein étoit tombé, & qu'il fortoit du trou ^""^^ *"^'
\ une férofité extrêmement puante , roufTàtre & fanguinolente , ce qui ôtoit toute efpé- *
„ rance de guérifon ... Je certifie de plus avoir vu la dite Demoifelle en cet état , &
„ toujours de pis en pis jufqu'au 11. Août 175 1. & que quelque tems après m'ayant
„ montré ... fa mamelle gauche ... je la trouvai entièrement & parfaitement guérie &
„ en même état que fa mamelle droite : & je remarquai même avec une extrême fur-
,, prife, qu'à la place du trou que j'avois vu, il commençoit à fe former un mamelon
„ avec les couleurs & les qualités propres à cette partie , & tout femblable à celui de
,, la mamelle droite, à l'exception feulement qu'il n'eft pas tout à fait aufli gros. Ce
„ qui efl: d'autant plus étonnant qu'il n'y a point -d'exemple, que le bout d'un fein
„ tombé par pourriture, fe foit jamais régénéré."
S'il n'eft pas poffible de nier les faits , comment refufer de reconnoître ici l'opération
du Tout-puiflant , fur-tout dans la création du mamelon totalement anaéanti depuis tant
d'années.
1. L'expérience de tous les Siècles a appris a tous les Maîtres de l'art , que les plaies
faites par un cancer ne fe guériflent jamais : ce qui fait dire à M. Gaulard Médecin
du Roi dans la Diflertation fur ce Miracle , qu';7 efl notoirement connu qu'un cancer ul- XIX. P^«
ceré nefi curable que par l'amputation de la partie canccreufe. '"'^^
2. Quand on fuppoferoit contre l'expérience univerfelle de tous les hommes depuis
la création du monde, que ces plaies pourroient fe refermer, du moins ce ne pourroit
être que par une cicatrice , Dieu n'ayant pas mis dans la nature la faculté de régénérer
les chairs d'une manière parfaite. Or il eft certain, qu'il n'y a aucune cicatrice au
fein de la Demoifelle Coirin. Le Lefteur en a déjà vu la preuve dans le Certificat
du Frère Seguier , puifqu'il y attefte , qu'il a trouvé la mamelle gauche ...au même
état que la mamelle droite : ce qui eft conforme à ce que difcnt d'autres témoins, qu'ils
n'ont plus trouvé au fein de la Demoifelle Coirin aucun vefiige du trou qui y étoit a-
vant fa guérifon. Mais en voici encore un témoignage plus précis.
La Demoifelle Coirin ayant appris en 1753. qu'on faifoit courir le bruit à Paris qu'il
lui étoit revenu un cancer au fein , vint exprès dans cette Ville pour en donner le dé-
menti aux Adverfaires des œuvres de Dieu. Elle fit vifiter fon fein par M. Souchai
Chirurgien de M. le Prince de Conti , & le mena avec elle chez M. Sellier Notaire ,
devant qui M. Souchai fit fa déclaration : „ Qu'il a ce jour-là vu & vifité le fein de
„ la Demoifelle Coirin , qu'il a trouvé les deux mamelles dans leur état naturel , & Comparu-
„ la couleur de la peau dans fon état naturel , égale en tout fur les deux mamelles . . . £)°^ofiéne
„ ayant chacune un mamelon avec les couleurs & les quahtés propres à cette partie. " Cuiàn & de
Si les deux mamelles font chacune dans leur état naturel, & fi leur peau eft toute ^ez^M.'^sVl-
cgale, il n'y a donc point de cicatrice. Car lorfqu'une cicatrice eft large, & quelle lier.i.'-f'""
a rempli un trou profond , fes inegahtés & fa conftrudion irréguliére ne manquent ja- '"^ ' '
mais d'être très vifibles. C'eft au furplus un fait qui a autant de témoins , qu'il y a
cû de perfonnes du Sexe en qui le bruit de cette étonnante Merveille a fait naître la
curiofité, foit à bonne ou à mauvaife intention, de vifiter le fein de h Demoifelle
Coirin. C'cft un fait fubfiftant depuis 173 1. Ainfi ce n'eft pas un fait fur lequel on
puifle jetter aucune ombre d'incertitude.
Il eft donc d'une évidence manifefte, que ce n'eft point conformément aux loix qui
régiflent la nature, que ce fein a été guéri. Le Tout-puiflant a voulu le rétablir en
Dieu, non en rempliflant la plaie par un corps différent , tel qu'eft une cicatrice, mais
en créant de nouveau un Mamelon compofé de toutes les différentes parties, de tous
les vaifleaux, les veines, les nerfs , les glandes & les petits réfcrvoiis , qui le rendent
un membre parfait.
3 . Une
,^. MIRACLES DK CRE' A TIOM
DissïaT \- Une cicatrice ne peut jamais reproduire le bout d'un fein. Vn mamelâfi, dît
surl'aut.M. Gauhrd, dans fa Dillertntion que j'ai déjà Citée , nej} p:ts une continuïte des vaif-
DEsMiR. fcaux de lit m.tmelle ... C'ej} un corps particulier, qui eji d'une organifation di/tinde (^
XIX. Pitce yj-v,^^/^^ Si qui a plufieurs parties qui lui font propres. C'eft un corps différent de ce-
'"'^' lui de la mamelle, & qui »eji pas une partie moins organisée que la mamelle entière. C'^ft
un corps composé de vaiffeaux Jins O" délicats , d'un grand mmbre de nerfs , ^ui le rendent
d'un fentimer.t exqnis , df de plujieurs glandes qui font formées dans ku-méme.
Or comment un corps qui a une organifation qui lui eft particulière & différente de
celle de la mamelle , pourroit-il être renouvelle par une cicatrice formée dans la mamelr
Ic , &: qui ne pourroit être autre chofe que l'allongement des fibres de cette mamelle , ou
pour mieux dire que l'épaiiTilTemcnt du fuc nourricier colé au bout de ces fibres?
N'eft-il pas évident , que dès que le mamelon n'eft pas une continuation des vaifleaux
de la mam;lle, il ne peut pas être fo mé par l'accroilfement de ces vaifleaux ?
C'eft un corps particulier: c'eft un corps d'une organifation firguliére: c'eft un
corps compofc d'un très grand nombre de différentes parties , dont la conftruftion eft
d'autant plus admirable , qu elles font la plupart d'une fincfle extrême 8c d'une très
çrande délicateftc : enfin c'eft un corps tout rempli de glandes, dont la ftrufture eft
formée drins lui-même. Or ce corps a été annéanti pendant douze ans avec toutes les
chairs , dont il étoit entourré , &: celles fur lefquelles il pofoit. Qiiel autre que le Créa-
teur eût pu lui donner un nouvel être ;
Ce n'eft pas ici fimplement une régénération , c'eft évidemment une création nouvel-
le: c'eft la produétion d'un corps, dont la fubftance n'exiftoit pas auparavant. Or M.
XIl.Lett. l'Evéque de Bethléem décide lui-même en termes formels: que la produSlion d'un corps y
VK^iTiAe, dont la fuhJléiHce n'cxi/eroit pas auparavant , /croit un effet certainement Divin .. . car»/
p- î+î- „'cfi pgi„f ajoute-t-il, d'opération plus merveilleufe que celle qui a le néant pour fujet.
. Il donne même de pareilles produftions , c'eft a dire la producliv» d'un corps vivant
' ' ^ 4nimé par d'autres voies que par celles de la génération ordinaire , pour une preuve évi-
dente de l'avion d'un être fouverainement grand cr puijfant , & pour un Miracle évidem-
ment fupc' rieur à tout autre qu'au Dieu Créateur. On le fcnt , s'écrie-t-il, des qu'on ren-
tre en foi-mème. Auffi les Philofophes de toutes les Religions l' ont-ils compris çr enfeigné.
En effet , dit-il encore , comment croire qu'un être borné dans fon pouvoir tr fes lumiè-
res tel que le démon , [oit capable de former cette multitude injinie de parties très délica-
&'jî9^" "^' tes ' dont le corps humain n'eft qu'un affemblage ? ... Combien de Merveilles dans une feu-
le de ces parties ? Ouï , je défie la raifon la plusfubtile, s'écric-t-il de toutes fes forces ,
d'imaginer un moyen apparent d'éluder cette preuve , nul ne peut y rejtjler fans lutter cen-
tre fa raifon cj- ft confcicnce.
] 'ai. donc tout lieu d'efpérer , que M. l'Evcque de Bethléem ne réfiftera pas davan-
tage à la fienne, & qu'a la vue d'un Miracle aullî inconteftablement Divin que celui que
Dieu a opéré en faveur de la Demoifelle Coirin , dont il trouvera des preuves invinci-
bles dans mon premier Tome, il rcconnoitia enfin, que Dieu eft avec nous, que Dieu
eft pour nous , 5: qu'il décide clairement par des Mcrveilhs marquées au f,,eau incom-
municable de fî Toiitc-puiflance, que l'Appel eft la voie qui mené à la vie , Je chemin
qui aujourd'hui conduit au Ciel.
Au refte quoique les autres créations , qu'il a fallu que Dieu fit pour donner pref-
que fubittment à la cuifle & à la jambe dclféchées & racourcies de la Demoifelle Coi-
rin, tout ce qui leur étoit nécclTiirc pour les rendre capables d'agir: quoique ces créa-
tions, dis-je, ne foient pas aulfi frappantes que celle du Mamelon , ell.s n'en font pas
moins ré lle<.
En effet comment la moitié d'un corps tombée en panlyfie compktte depuis plus de
treize ans, & par conféqucnt privé depuis ce tems de tous les cfprits qui animent &
don-
ENFArEVRDEru4P?^L: Ï5
donnent la force, le mouvement & la fenfibilité: comment une cuifle & une jambe qui Dissert;
depuis onze ans étoient fi excelTivement deflechces , qu'elles s'étoient confidcrablement ^"'^'-''^"t.
racourcies , & qu'elles ne paroiffoient plus que des os couverts d'une peau aride , au- °^* **"^*
roient-elles pu à l'aide d'un peu de terre , fe trouver fubitement en état d'agir , fi Dieu
n'y avoit repro.luit toutes les parties qui avoient été détruites , & qui étoient cepen-
dant eilentiellement nécelTaircs pour exécuter le moindre mouvement ?
Il efl: inconteftalile , que les nerfs de cette jambe & de cette cuifle ayant été fi long-
tems fans être humedés par les efprits animaux , s'étoient deflechés , rétrécis , racor-
nis, & par conféquent que tous les pores des nerfs par où ces efprits coulent, s'étoient
bouchés & effacés.
Il eft encore plus évident, que la cuiffe & la jambe ne paroiffant plus avoir de chair,
il falloit nécelfairement ou que tous les mufcles fe fud'ent diflipés & annésntis faute d'ef-
prits & de nourriture , ou du moins qu'ils fuffent fi fort exténués & applatis qu'ils
n'occupoient prefque plus de plac°. Or c'eft un principe d'Anatomie confirme par
une expérience perpétuelle , que des mufcles réduits en cet état ont infailliblement perdu
toutes les ouvertures de leurs tuyaux , parce que leurs parois intérieurs ne manquent
jamais de fe coller & de fe réunir enfemble , lorfque les mufcles s'applatiffent & fe déf-
icellent; & il eft également indubitable , que cela ne peut jamais fe rétablir, la nature
n'ayant aucun moyen de creufer de nouveaux tuyaux dans cette maffe aride , qui n'eft
p'us organifée : au moyen de quoi ces mufcles applatis deviennent abfolument incapa-
bles de faire aucun mouvement , parce qu'il ne peut s'exécuter que par le gonflement de
lears tuyaux, qui^n'eft produit que par l'affluence de la limphe fubtile , lorfqu'elle y
coule & les remplit.
Cependant dès la nuit du ii. au 15. Août, fitôt que la Demoifelle Coirineût com-
mencé à faire ufage de la terre du fakitaire Tombeau, tout fon corps fe ranime, & el-
le fe trouve dès le matin en état de fe lever feule & de s'habiller. Sa cuifle & fa jam-
be, immobiles depuis treize ans , & depuis onze ans décharnées , retiré.'S & racourcies,
fe raniment , fe déploient & s'al'ongent. Elle fe foutient déji fur le bout du pied de
cette jambe depuis fi long-tems beaucoup plus courte que l'autre ; & peu de jours
après fa jambe & fa cuiffe recouvrent toute leur étendue naturelle & toute leur vigueur.
Par conféquent il a fallu que dès le premier jour , Dieu ait régénéré autour des os dé-
charnés f qui tenoient lieu de jambe & de cuiffe à cette vieille Demoifel'e) une quan-
tité fuffifante de nerfs , de mufcles, de tendons , qui euffent les tuyaux , les cavités , les
pores, les conduits , les refforts , la force, k foupleffe, l'élafticité, & toutes les au-
tres parties & qualités néceflaires pour agir , & fans lefquelles il eft phyfiquement im-
poffible d'.xecuter aucun mouvemenr. Enfin il a été vifible, qu'en peu de jours Dieu
a enfuite donné une intégrité parfaite à cette cuiffe & à cette jambe. Or tout cela a-t-
il pu fe faire autrement que par création % Les caufes naturelles peuvent-elles jamais
produire de tels effets ? Peut-on le fuppofer fans chercher à s'aveugler foi-même ?
N'eft-il pas évid-ent, qu'il n'y a que le Créateur des êtres, qui puiffe ainfi réparer
parfaitement toute l'admirable ftruiture de membres qui ont perdu tant de parties ef-
ientielles ?
Voici un autre Miracle prefque femblable, mais encore plus frappant, parce que ^'fî-
Dieu l'a opéré d'une manière plus prompte. Si RI. l'Evéque de Bethléem prend la bhrde'tou-
peine de lire ces deux Tomes , il y trouvera tout au commencement une multitude de «s ies?arùc»
Témoins qui lui attefteront qu'Anne Augier*, lors de fa guéri fon fubite, avoit les quoientàcle»
deux jambes paralytiques depuis vingt-deux ans : que cette paralyfie étoit devenue Ci j?™''// ^f'-
complette dès les premiers jours , qu'on lui enfonçoit des épingles & même des clous puis vingt
dans les jambes , fans que cela lui caufit la moindre douleur ; & qu'au bout de quel- ^"'"
ques mois fe> jambes fe deffécherent fi fort , qu'il n'y refta que les os & la peau. // nio*nft d^"!-
Dijfcn.Tom.II. ' ' D w'^r Volume.
MlHACh'ES DE CREATION
tvoit ni chair , ni mollet: Us os ctoient couverts feulement d'une peau feche & livide ^ô"
d'une venue comme deux hâtons^ difent les Témoins qui les ont examines de plus près.
Dissert, nj tiz
soR l'aut. jg^f d'une venue comme deux bâtons^ difent les Témoins qui les ont examines de plus pr
DES MiR. ji s^xrx en mcme tems dans des Rapports de Chirurgiens ?s. dans les Certificats de
ThévcDj'c' plufieiTS autres perfonnes, que fept ans avant le Miracle il vint un cancer au fein de
5jimon& (.gttg Fille, qui au bout de quatre ans s'ouvrit en ulcère, & peu après forma une fiftu-
v.'picce le, qui fervoit de décharge à la pourriture du fang & des chairs que ce cancer cor-
'■""'f- rompoit.
Il entendra auffi un très grand nombre de Témoins lui certifier , qu'elle avoir de?
plaies en plufieurs endroits de Ton corps. Enfin il fera lui-même force de reconnoitre,
qu'il eft prouvé d'une manière invincible que cette Fille, dans le tems qu'elle paroiflToit
prête à rendre l'ame, fut guérie fubitement de tous fes maux fur le Tombeau de M,
Roufle, dans le moment de l'Offertoire d'une Meffe qu'on difoit à fon intention.
Tout à coup le cancer ulcéré, la fiflule & les plaies disparoiflent &: ceffent d'être:
tous les trous qu'ils avoicnt formés, font remplis par une chair créée en un inftant, &
recouverts d'une peau nouvelle. Anne Augier fe trouve ainfi dans une fanté parfaite.
De plus les triftes débris des jambes , qu'elle avoit perdues il y avoit plus de vingt
ans, je veux dire les oflemens arides couverts d'une peau defféchée, qui pendoient i-
nutilement au bout de fes genoux , font fubitement regarnis de nerfs , de muscles & de
tendons avec toutes les qualités & les parties eflentielles pour les rendre capables de mou-
vement. En forte que la Miraculée fe jette à genoux, a la force de s'y tenir aflez
long-tems fans aucun appui, marche dès le premier jour & le premier moment, monte
& defcend un efcalier ; & d:puis, chaque jour fes jambes rcprenpent presqu'à vue
d'oeil toutes les chairs quelles avoient eues avant leur affieux deifcchement , &: acqui-
rent tant de vigueur, qu'au bout de laNeuvaine elle fait plus d'un quart de lieue à pied.
Ht. Letf. ^l- l'Evcque de Bethléem convient lui même exprelfément , que tous les Afiracles
Theologiq. aut fait le démon ( ce font fes termes ) il ne les fait cjuen mettant invijiblement en aEiiott
^' ' ' les caufes naturelles. Ce Prélat croit-il donc qu'il y ait des caufes naturelles qui puiflent
tirer du néant toutes les parties qui étoient détruites depuis plus de vingt ans dans les
jambes d'Anne Augier , guérir fubitement un cancer ulcéré, faire disparoître tout à
coup une fiftule & une multitude de plaies? Conçoit- il qu'il y ait quelque venu dans
les liquides ou quelque refTort dans les folides , qui foient capables de produire des ef-
fets (\ Merveilleux ? Comment un Evcque , un Succefleur des Apôtres qui ont établi
la Religion par les Miracles, oferoit-il attribuer un fi grand pouvoir au diable, tan-
dis que des Chirurgiens de la Cour ont été fi frappés du furnaturel éminent du Mira-
cle dont il s'agit, qu'ils n'ont pas craint d'hazardcr leur fortune, pour rendre un té-
moignante éclattant, que la Toute -puiflance du Créateur avoit feule le pouvoir fuprc-
me d'opérer un tel ouvrage.
DilTcit de j> Depuis le long tems, dit M. Cannac Chirurgien major des Gardes, que les tuyaux
M.Cannac. ^^ ncrvcux étoieut affàiflcs , ils étoient évidemment dcflcchés , & ils étoient par l.a de-
juitif. "" 5, venus abfolument incapables de recevoir les esprits animaux. En un mot tout man-
,, quoit dans les jambes d'Anne Augier pour l'ai^ion & pour le fentiment ; & tout
„ m.inquoit depuis plus de vingt ans. . . . Dans cet état il cil certain, qu'il ne pou-
„ voit jamais y avoir de rcffource, ni du côté de la nature, ni du côté de l'art, &
,, que cette guérifon n'a pu être opérée que par le Créateur de l'Univers."
r.flirt. de ,, Annc Augier, dit M. Souchai Chirurgien de M. le Prince de Conti , n'a pu fiire
x^u""!'*"'* " "3turellcmcnt tous ces mouvemcns, fans que l'es jambes aient été pourvues des orga-
(oft.f. '*" „ ncs néccffaires pour les exécuter .... Il eft encore plus difficile de comprcndi-e
,, quelle ait pu marcher tout d'un coup, fes jambes étant defféchcjs depuis vingt ans,
„ que de croire que Dieu ait en un moment créé des corps musculcux garnis de tou-
„ tes les parties qui ctoient néccffaires poiu l'aélioa . . . Tous les organes néccffaires
pour
P'
E N F A F2V R DE V A P P E L. 17
,, pour l'aâion manquoient abfolument : d'oh il faut néceflairement conclurre , qu'il Dissert.
„ s'eft fait tout d'un coup dans fes jambes une régénération nouvelle de fibres char- ^"'^''■'^"^•
„ nues, & de vaifleaux de tout genre ... Or tout cela n'eft point poffible ni à la na- °^*""^«
„ ture ni à l'art. Il n'y a que Dieu qui fafl"e des créations. "
C'eft ainfi que malgré les Puiflances de la Terre , le Toutpuiflant fait rendre témoi-
gnage à fes œuvres par qui il lui plaît, parce que c'efl: lui qui en forme par fa grâce
la volonté & le courage dans les cœurs.
Mais il eft bien fingulier de voir d'un côté un Evêque employer tous fes talens à
combattre les œuvres de Dieu, ou un Théologien devenu Evêque en récompenfe; &
de l'autre côté des Experts en Anatomie fe facrifier eux-mêmes pour les attefter &c
les defïcndre !
Oppofons préfentement à M. de Bethléem une création d'organes, que Dieu n'avoit p .^V-
point donnés lors de la naiffance. Ce Prélat trouvera des preuves invincibles dans la I. bitedel'ot-
Partie de mes Obfervations fur l' œuvre des Convulftons * , que lorsque Catherine Bi- ^^'^^^
got vint au monde, le timpan ou tambour des oreilles , & les nerfs deftinés à faire * Pag. 7.85
diftinguer la différence des fons par la diverfité de leurs ébranlemens , n'avoient point "'
été formés dans fa téte,& qu'elle eft reftée dans cet état jusqu'à l'âge de vingt fix ans.
On a fait l'expérience, qu'elle n'entendoit pas même uncoupde pijlolettirékfes oreilles, ^l^f'^^^^'
.Or fi fes oreilles avoient eu un tambour, & n'avoient pas été dépourvues de tous les XI. Puce
nerfs finguliers , propres à faire entendre les fons , il eft évident qu'une aufll grande '"^'^*
commotion de l'air que celle qui eft produite par un coup de piftolet tiré près des o-
reilles, auroit néceflairement retenti dans ce tambour &: ébranlé ces nerfs. Il eft donc
inconteftable que cette Fille n'avoit point les parties qui forment l'organe de l'ouïe.
Cependant le 51. Août 175 1. après les plus violentes Convulfions, qui lui prennent
auffitôt qu'on la met fur le Tombeau du Bienheureux M. de Paris, tout à coup cette
fourde & muette de naiflance entend &c parle , c'eft à dire qu'elle répète tout haut les
paroles qu'elle entend ; & depuis ce moment elle n'a cefle pendant plufieurs mois , com-
me pour fc'dédommager de fon long filence, de faire presque continuelhment ufage
de fa bouche , pour copier tous les diffcrens fons qui ont frappé fes oreilles.
Tout Paris eft venu la voir. Aulft dans le nombre des Témoins, qui ont attefté ce
Miracle par écrit, y a-t-il des perfonnes d'une grande diftindion. Il n'eft donc plus
poflible de révoquer en doute la vérité des faits , d'autant plus que ces faits ne font pas
de nature à pouvoir être fimulés. C'eft depuis fa naiflance, c'eft pendant 2(5. ans, que
Catherine Bigot a été fourde & muette. On a fait pendant ce tems un très grand nom-
bre d'épreuves, qui ont démontré qu'elle avoit été privée, lors de la formation de fon
corps , des parties intérieures dans lesquelles confifte l'organe de l'ouïe. Cependant
Dieu a formé tout d'un coup ces parties dans la tête de cette Fille avec une telle per-
fedion, que dès le premier moment elle a entendu jusqu'au moindre bruit, & quel-
le a imité avec le fon de fa voix tout ce qu'elle entendoit.
M. l'Evêque de Bethléem auroit -il bien le courage de nous donner le démon pour
uij créateur d'organes ? Mais peut - être que le timpan & les nerfs particuliers qui com-
pofent eflentiellement l'organe de l'ouie , font des parties trop fines , trop déliées & .
trop légères , pour faire une imprefllon fenfible fur le cœur de ce Prélat. Préfentons lui
donc la création de membres plus matériels , & compofés d'une multitude innombrable
de parties diflerentes.
Il trouvera encore dans la première ï. Partie de mes ObCervations *, des preuves in-/-. / Y-
lurmontabks , que Dieu a régénère & même crée plufieurs membres en la perfonne de d'uoe main
Jeanne Tenardj mais je ne m'arrêterai ici qu'à la création de la main. toute cnne-
En 1705. cette Fille qui pour lors n'avoit que trois ans, fut enlevée par un tourbil- *Pag. 3«. &
Ion de vent , qui la précipita fi rudement par terre, que tout fon côté di'oit en fut brifé. ^"'^"
D 2 Sur-
2,i MIRACLES DE CREATION
DiisERT. Sur-tout fa main droite fut fi fort écrafée , que toutes les parties dont elle étoit
ïurl'aut. compofe'e , furent mifes en pièces. Les os réduits en esquilles, fe carnifîércnt & fc con-
BEs MiR. fQ,^jir£„t avec les dcbris des chairs, de la peau, des ongles , & de toutes les autres
parties qui avoient été fracaffées , en forte que tout cela mêlé enfemble ne compofà
plus qu'un lambeau de matière informe , de la grofleur & de la figure extérieure d'une
grolfe noix: & cette maffc confufe & inanimée fe deffécha totalement, & fe colla , non
pas au bout , mais au deflbus du poignet. Le bras qui avoit auffi été brifé, fe deffécha
pareillement , & ceffa de grandir depuis l'âge de trois ans.
Tels étoient depuis \-fo6. les reftes hideux de cette main, lorsqu'au mois d'Ocflo-
bre 175 T. Jeanne Tenard habitante de Brai fur Seine, ayant entendu parler des Mira-
cles que le Très-haut opéroit fur le Tombeau du S. Diacre, vint à Paris pour y récla-
mer l'intercelTion de ce grand Serviteur de Dieu,.
A peine eft - elle fur le Tombeau falutaire , qu'elle éprouve les plus violentes Con-
vullîons. Dieu commence par lui rétablir le genou , dont les os brifés s'étoient foudés
enfemble dès 1705. dans une attitude contrefaite.
Il régénère enfuite fon bras dépouillé totalement de chairs , & de tous les vaiffeaux
qui entrent dans leur compofition: peu à peu il l'allonge, &: y forme de nouveau les os
de l'articulation du coude, qui avoient entièrement perdu leur figure.
Enfin il fait fortir une main toute entière du morceau confus de matière aride, fans
organe & fans fentiment, qui ctoit collé au deffous du poignet du bras nouvellement
régénéré.
On voit cette petite maffc hideufe, defféchée, couverte de terre, changer à vue
d'œil de figure, de fubftance, de couleur, & prendre celle de la chair: on fent les
os de la main, & enfuite tous les doigts, fe former peu à peu. Quelque tems après
les ongles commencent à pouffer; & la main & les doigts fe groffiffent &: s'allongent,
T)icUt.ic\i d'une ntAnicre fi fenjible ^ qu'on en appercevoit la dijfértuce d'un jonr a autre. Bientôt
j^^^p'j, ils prennent toute 1 étendue qu'ils auroient dû avoir naturellement, & cette main nou-
dc» Picccs velle acquiert même une figure plus belle que celle de l'autre main. Il eft vrai cepen-
'" ''■ dant que Dieu par un confeil de fa juftice, n'a pas jugé à propos de lui donner la for-
ce &■ l'agihté qu>'une main parfaite doit avoir.
Mais le grand Colbert Evcque de Montpellier, va répondre pour moi à cette diffi-
culté. „ Toutes les voies de Dieu, dit -il, font mêlées de juftice & de miféricorde.
Inft paft du „ Il y a affcz de lumière pour éclairer ceux qui cherchent à s'inftruire , il y a affcz
n. iV'ôJu- " d'obscurité pour endormir ceux qui ne veulent pas voir. " En efltt pourroit-on,
TICS de Col- fans vouloir saveueler volontairement , refufer de reconnoitre que Dieu feul peut créer
beicTom.lI. ■ ' ■ i ■ ■ c t
une mam anncantie depuis vingt -tept ans «
M. l'Evcque de Bethléem convient lui-même, que le démon ne peut rien opérer
que par la vertu des caufes naturelles. Il n'a donc pas le pouvoir, non feulement de
cré.r un feul atome, mais mêm; de rien faire qui foit contraire aux loix qui ré'^iffent
la nature, ni de leur faire rien produire au delà des propriétés que Dieu a jugé à pro-
pos de lui donner. Or y a-t-il dans la matière qulque propriété, quelque vertu ca-
pable de conftruire avec les débris informes & defféchés d'une miin détruite Jcpuis
pkis de 26. ans, les os, les muscles, les tendons, la peau , les ongles, &: cette multi-
tude inconcevable de diverfes petites parties, qui entrent dans la compofition d'une main ?
Par exemple, de quelle quantité prodicicufe de nerfs une main n'a -t -elle pas be-
foin , afin que les esprits animaux qui la rendent fenfible, v foicnt portés de tous co-
tés ? Quelle multitude de vaiffeaux de plufieurs espèces 'ilTérentcs ne lui (ont -ils pas
néceffiircs, pour y fiire couler le (mç^ & toutes les autr.s liqueurs, qui drivent l'hu-
meéter & la nourrir? Combien lui faut- il de petites gbndes poue extraire ce fmg, en
fépaier l:s parties Uop acjuçufcs & pour pUiliciirs .\utrcs ufages ? Les plus habiles Ana>-
tomiftcs
ènfafevrdjevappel:- 2^
tomiftes n'ont point encore pu découvrir la totalité de la multitude innombrable de tou- Uissekt.
tes les parties qui font eflentielles pour donner & conferver la vie, la fenfibilite' &: le surl'aut.
mouvement aux moindres membres: il y en a même plufieurs, qui échappent à la °^^'''"'-
vue, & dont on ne connoît l'exiftence que par les effets qu'elles produifent. Par quel-
le vertu incompréhenfible , la matière mife en mouvement par le démon , pourroit - elle
donner l'être & la vie à toutes ces parties différentes ? La nature ne peut produire que
les chofes dont elle a les germes : elle ne peut que les développer & les faire croître
avec un tems proportionné à cet effet.
M. l'Evéque de Bethléem prétendra - 1 - il , cjue dans la petite maffe féche , informe
inanimée, qui étoit reftée des débris d'une main qui ne fubfiftoit plus depuis près de
27. ans, il y avoit des germes de toutes les diverfes parties, qui éîoier.t néceffaires pour
reconftruire cette main & la rendre vivante? Le moindre petit Chirurgien lui apprend;. ?,
que les dents font les feules parties du corps qui aient des germes, & que ce f;;roit la
chofe du monde la plus abiurde que de fuppofer que les os, les muscles, les tendons,
les veines & les nerfs peuvent fe reproduire avec des germes.
Auffi M. Mouton , l'un des plus habiles Chirurgiens de Paris , ayant vu ce petit
monceau de matière ande fe métamorphofer en une main vivante , d'une grandeur &
d'une figure naturelle, n'a pas balancé à certifier, que c'étoit une création qui n'avoit Rspport do
pii être opérée, que far la main toute-fmjfante de Dieu. Nul intérêt humain n'a pu ar- m Mouton
rêter fon zèle, parce qu'il a cru qu'ayant été témoin d'un fi grand Miracle, c'étoit juftiV.'"*
pour lui un devoir indispenfabie d'en rendre hautement gloire k Dieu. M. l'Evêque de
Bethléem croit-il donc au contr:;i'e qu'il eft de fon devoir d'en rendre gloire au diable ?.
Si ce Prélat veut prendre la peiiiC de lire mon Troifiéme Tome , il y trouvera enco- vr.
re plufieurs autres Miracles d'autant plus merveilleux, que Dieu a jugé à propos de dèu""pnib«-
les opérer par des moyens plus extraordinaires. en faveur
C'eft par d'effroyables coups qui dévoient naturellement brifer le corps en pièces , quUn av^oit
qu'il a rétabli des membres eftropiés, qu'il a donné une fi:;ure régulière à ceux que ^^^ ^P"^^.^
1 • 1 I 1 1 r • ,- .-1 /- '1 -1 ".des la naif-
la nature avoit rendus horriblement contrefaits; enhn qu il a forme des pieds & des fance & qui
jambes avec les lambeaux d'une matière molle, confufe ôc inanimée. pï'?sde'so
Je ne parlerai ici que de ce dernier Miracle, comme étant celui dont les opérations ans-
équivalentes à création, ont été les plus vifibles, les plus fenfibles, les plus palpables.
Charlotte la Porte, pour qui Dieu l'a opéré, étoit née, pour ainfi dire, fins pieds
& fans jambes, n'ayant à leur place que deux morceaux de chair mollajfe , & d'une /»- '^«q"éteau
fenjibilité enriére, qui depuis le i6. Février 1681. jour de fa naiffance, jusqu'après l'a- p. j.
ge de 50. ans , ou du moins depuis l'âge de 5. ans juscju'après celui de 50, n'avoient
fris incant nourriture , n'avoient acquis aucun accroijfement & n'avoient aucune force, .p,?''"" ''"
ainfi que l'a certifié M. Préaux le plus ancien des Médecins de Paris, chez qui cette Rc^u. g. i8.
Fille avoit demeuré pendant plufieurs années depuis l'âge de cinq ans.
Auffi eft -elle reftée continuellement emboètée dans un eu -de -jatte pendant ces cin-
quante années , comme n'ayant que le tronc & la partie fupérieure du corps.
M. l'Evêque de Bethléem trouvera des preuves inconteftables de ces faits, tant dans
la I. Propofition de mon Tome III *, que dans la Requête que Charlotte la Porte a.ç^'S-SS5-^
préf.ntèe au Parlement.
Au furpkis ce fo.t des faits d'une notoriété publique , faits qui ont été pendant
50. ans expofcs à la viie de tous ceux qui ont connu cette Fille, faits qui ont été
conft tés par des Rapports de Médecins & de Chirurgiens, immédiatement avant le
commencement de la régénération Miraculeufe de ces jambes , faits qu'une multitude
de Témoins font prêts de certifier au Parlement, ainfi que Charlotte la Porte l'a dé-
claré dans la Requête qu'elle a prèfentée.
Cette vieille Fille s'étant fait porter fur le Tombeau de M- de râris le 11, Août ly^i^
D 5 (dit-
,<5 MIRACLES DE CREATION
Dissert, (dit -elle dans ù Requête ) .i peine y fut- elle pofee , que ces deux petits lambeaux
surl'aut. jj'ung maticre informe, qui pendoient au bout de fes genoux, & (jiti avaient toujours
DES MiR. ^fg i„animes j fe remuèrent d'eux mêmes ^ (y quelle j fentit pour U première fois de fes
Requête , y^^^^ ^ ^^„ frcmijfement intérieur.
* Depuis ce moment Dieu lui envoya des Convulfions,qui la portèrent à fe faire don-
ner des Secours très violens qui ont fervi à réformer presque tout fon corps.
Car il faut obferver, que la privation des pieds & des jambes n'ctoit pas la feule
difformité- de cette hideufe Fille. Elle avoit depuis fa naiffance les os des hanches d'u-
ne î^roffeur monftrucufe, & qui faifoient une faillie tout à fait extraordinaire; & l'é-
pine de fon dos reprefentoit la figure d'un Ziguczague, ce qui la rendoit boffiie, & lui
met toit le corps tout de travers.
Non feulement Dieu s'eft fervi de ces Secours fi efficaces , pour applatir & dimi-
nuer à la vue d'une multitude de Spectateurs , la groffeur énorme des hanches de cette
Fille, & les réduire dans une forme régulière: non feulement il a employé la violente
impreffîon de ces Secours, à redreffer l'épine de fon dos, à faire disparoitre fa boffe,
& à changer de longueur toutes fes côtes ; mais tandis qu'on lui donnoit ces terribles
Secours, on a vii les lambeaux hideux de la matière mollaffe qui pendoit au bout de
fes genoux, prendre en peu de tems la forme de véritables jambes & de véritables pieds:
on y a fenti tous les os qui y étoient néceflaires, fe former & fe durcir peu à peu : 8)C
bientôt cette multitude immenfe de différentes pai-ties qui compofent des jambes & des
pieds, ont pris la place de ces lambeaux informes, & ont grandi presqu'à vue d'ceil;
en forte qu'en peu de tems Charlotte s'eft trouvée avoir des pieds & des jambes, d'u-
ne grandeur proportionnée au furplus de fon corps, & avoir une taille très droite, au
lieu de la figure effroyablement contrefaite qu'elle avoit auparavant.
Quelque" incroyables que foient ces faits par eux mêmes, ils ont eu un trop grand
nombre de Témoins de toute efpéce , amis & ennemis , pour que nulle perfonne ofe
les nier.
Non feulement le fpeélade éminemment furnaturel des Secours effroyables que cette
Fille fe faifoit donner, & de? eff.ts Miraculeux que ces Secours produifoient vifible-
ment dans fes membres contrefaits ou à demi formés , attiroit tous les jours chez elle
une multitude de Speftateurs : mais Dieu qui ne vouloit pas qu'on pût révoquer en
doute les grands Miracles qu'il faifoit furell-, ornoit encore très fouvent le fpeétacle
de fes Convulfions par des guérifons Miraculeufes qu'il opéroit par les mains de cet-
te Fille fur des malades \' des eftropiés.
Les Conftitutionnaires les plus entêtés, les prétendus beaux-esprits, qui fe font un
faux honneur de douter de tout , & même ceux qui font affez endurcis pour fe piquer
de n'avoir point de Religion , ne pouvant croire les Merveilles qu'ils entendoient racon-
ter à ce fujet , font eux"^ mêmes accourus dans le dcffein de démekr les prétendus arti-
fices par lesquels ils s'imaginoient qu'on en impofoit au Public : mais ils ont été con-
vaincus eux-mêmes de la réalité de ces Merveilles, par leurs propres yeux, & Dieu
s'efl même fervi de cette viie pour en convertir quelques-uns.
Que M. de Bethléem life avec attention les preuves qu'il trouvera de ces faits, dans
la T. Propofition de mon Troifiéme Tome, dans la Requête de Charlotte la Porte &c
dans fa Plainte; & il ne pourra lui-même en contcrtcr la vérité, fans agir contre les
mouvemens de fa confcicncc.
Je ne répéterai point ici ce que je viens d'obfcrver par rapport à la création de h
main de Jeanne Tenard. Miis s'il eft inconteftable, qu'il a fallu que Dieu créât une
multitude inconcevable de différentes parties, pour former une main à une perfonne de
vingt -neuf ans , avec un p tit tas confus de matière informe cV dcffcchéc; n'eft-il
pas d'une 6'idencc encore plus frappante, qu'il a fait la création d'un nombre innom-
brable
EN FAVEVR DE V A ? ? E L. 31
brable de parties encore plus grandes & plus étendues, pour conftruire deux pieds & Dissert.
deux jambes avec de petits lambeaux d'une matière molle & fans organes, qui depuis surlaut.
un bien plus grand nombre d'anne'es ctoit toujours reftée infenfible & inanimée, fans "^^ "'"■
prendre aucune nourriture ni aucun accroijfement ?
Voilà donc plufieurs Miracles , où l'opération d
des Miracles opérés par création , non feulement de toutes les parties qui entrent dans îbilel'ivhra-
Voilà donc plufieurs Miracles , où l'opération de la Divinité eft fenfible & palpable : VII.
:s Miracles opérés par création , non feulement de toutes les parties qui entrent dans ^ilesTL.
la compofition des chairs, mais auffi d'organes & de membres entiers, qui jusqu'à ce ciespréce-
j • • iiA.^ ~ - - deDs&fur
moment n avoient pomt reçu 1 être. l'incrédulité
Ne font-ce point là de ces Miracles qui, en fuivant même les principes dont M. i^is'yop-
l'Evéquc de Bethléem a cru ne pouvoir fe dispenfer de convenir, font manifeftement
Divins de leur nature , parce que la main de Dieu , qui feule peut former le corps hu- xii. Um.
main^ efi ici trop fenfible pour quon puijfe la méconnoitre. 7^°]:'^^^'
Mais dira peut-être quelque incrédule, s'il étoit vrai que Dieu fit des Miracles fî jôi." *'^'
manifeftement Divins en faveur de l'Appel, & par le moyen des Convulfions , com-
ment les Puiflances & tant l'Evéques & de Prêtres oferoient-ils proscrire & perfécu-
ter, non feulement les Convulfionnairts, mais même tous ceux qui croient ces Mira-
cles , qui en font touchés , & qui ont rendu gloire à Dieu .<" Et comment parmi les
Appellans, y en auroit-il un certain nombre, qui méprifent eux-mêmes les Convul-
fions, & qui les attribuent au démon.
Ce fera le Père Bourdaloue qui répondra à cette objeâion. Quoiqu'il eût l'habit de
Jéfuite, il a fait quantité de Sermons ornés de très folides & belles réflexions, & fouvent
d'une morale fort exacte. L'habit ne régie pas toujours les fentimens : & Dieu fait
fortir la Vérité de la bouche de qui il lui plait.
„ Sans entrer fur ce point dans la profondeur & dans l'abîme des jugemens de Dieu Serm. delà
,, toujours juftes & faints quoique terribles & redoutables , dit ce célèbre Pre'dica- Ton°"in.
„ teur^ vous n'ignorez pas ce que peuvent les pallions (les préjugés, la prévention, pag-^5i.
„ les intérêts humains, les engagemens de parti,) pour aveugler les esprits & pour Lyôà. '
„ endurcir les cœurs. Qiielque inconcevable qu'ait été l'obftination des Pharifiens ,
„ peut-être encore aujourd'hui trouveroit-on dans le monde des hommes aufll incrédu-
5, les, s'ilsvoyoient leurs ennemis faire des Miracles, & qui attribueroient pliitôt ces Mira-
„ clés à l'Enfer, comme les Pharifiens ceux du Sauveur du monde au Prince des té-
j, nébres, que de renoncer à leurs préjugés & à leur haine . . . C'eft par là, dit S.
,, Chryfoftôme , que commença la réprobation des Juifs : Se ce myftére de la prédefti-
,, nation & de la réprobation Divine , parut en ce que les mêmes Miracles qui conver-
,, tirent les foldats & une grande foule de peuple, ne fervirent qu'à rendre les Phari-
,, fiens plus indociles & plus opiniâtres. "
Pour faire l'application de cette réflexion fi judicieufe à ce qui fe pafle fous nos
yeux , je n'ai befoin que de rapporter les tendres gémiffemens que fait M. l'Evcque
dcBabylone fur l'incrédulité qui régne aujourd'hui.
„ Elle va, dit -il, jusqu'à ofer attaquer les effets les plus admirables de la PuilTm- Lettre àM.
„ ce & de la Bonté de Dieu , (foit) en niant des faits publics , inconteftables & bien 'j^r'^^z^m-'^*
„ prouves , (foit) en rendant l'hommage de ces Merveilles à la nature , (foit) enfin en les primfc ea
„ attribuant à la créature la plus abominable ! Ils portent l'infidélité jusqu'à aimer '^'^"
„ mieux lui donner la gloire d'être maître de la nature , que de rendre cette gloire au
„ Créateur, à qui feul elle appartient: mais il faut leur rendre juftice, ils n'en vien-
,, nent à cet excès que malgré eux, lorsqu'ils ne favent plus que dire,& qu'ils voient
„ tous leurs argumens mis en poudre. Rliférable engagement que la prévention & des
,, vues humaines ont formé, & que la feule honte de changer & la crainte des disgra-
„ ces a fortifié, & porté à un fi grand point d'entêtement, qu'ils ofent combattre con-
,, tre Dieu même " !
Qu'une
|î MIRACLES DECRrATION
T) c Qu'une caufe eft dcplorce , lorsque pour h foutenir on fe voit ainfi forcé à fe ré-
surl'aut*. volter contre la voix du Tout puiflant, & à emprunter les blasphèmes des Pharifieis.,
DtsMiR. pour attribuer à Beelzebut jusqu'à des Miracles de création, fans fe mettre en peine
que ces blasphèmes confirment les Athées, les Déiftes & les Libertins dans leur im-
piété, & qu'ils fourniffent des armes aux Hérétiques, pour fe deffèndre contre la Dé-
cilîon que Dieu a prononcée contre eux , en illuftrant dans tous les Siècles la Religion
Catholique par des Miracles, & en la diftinguant ainfi vifibhment de toutes les Sedes
qui s'en font féparées !
-Vill- . ^i, fuvpUis il ne faut pas croire, qu'on ne doive regarder comme Miracles incon-
lonop.-rcc tcltablement Divins par leur nature, que ceux ou il y a des crc.uions vilibles. Non feu-
d?e"qui'«git lement Dieu feul peut tirer les êtres du néant , mais il eft le feul qui ait le pouvoir de
kns'urceft fjire produire à la matière des effets qui ne font point contenus dans aucune des quali-
ï)î»i'n.""^''^ tés qu'il lui adonnées. Enfin il eft le feul qui puifle fe dispenfer de fuivre les loix
générales, qu'il a établies pour le règlement de tous les effets naturels.
Eftiusinlo- *" Audi le favant El>ius pofe-t-il pour principe, que toute guérifon opérée d'une ma-
Scr1p*"iap. "'«''''f fit}icrieure a l'ordre ordinaire , que Dieu a d'abord établi dans la nathre , efi: un Mi-
5-6 col 1 in racle inconteftablcmcnt Divin. C'eft même la définition qu'il donne des vrais Miracles.
xîv.'Vz.^ A quoi il ajoute, qu'il ne peut point arriver, qu'aucune créatureopére un tel Mira-
cle par fa propre vertu, parce qu'il n'y a que Dieu feul, qui puifie changer la nature
des chofes. Cum miracnit fiant fufra confuitum & primo infiitutum natur^e ordinem ,
fieri mn potefi , ut ulla crejtura fita virtute miraculnm alicjHando operhftr. Efi, enim fo-
lius Dci mutare naturas rertim.
M. l'Evéquc de Bethléem convient expreffément de ce principe, ainfî que des pré-
cèdent Il donne lui même pour maxime, que Us vrais Miracles, c'e'l à dire les Mi-
racles Divins , & ceux (jui font feulement apparens , c'eit à dire ceux qu'il prétend que
pag"'â^7."'' 1° démon peut faire , diférent entre eux par la manière dont ils font opérés : parce que
Dieu par les Miracles qu'il fait, s'écarte des lolx qui régiffent la nature, au lieu que
le démon ne peut rien exécuter que par le moyen des caufes fécondes, ni par confé-
quent opérer de véritables Miracles.
IX. Domb Si ce Prélat vouloit faire de bonne foi l'application aux faits prouvés dans mes Ou-
I/ilctiJ^cm vrages , de plufieurs principes dont il convient lui-même , comment pourroit-il s'em-
nc pem lins pécher de reconnoître, qu'il y a plufieurs Miracles faits eiv témoignage que l'Appel
uTprtncfpes eft la voie qu'il faut fuivre, qui portent vifiblement l'empreinte de la Toute - puiflance
dont île 11- Je D'\t\.i î
qu"i'n"y"" •!• rcconnoît (pag. i4tS) que „ fouvent la nature même des Miracles les difcerne.
nômbic'jc"^ „ Car il y a, dit il, des Miracles qui par leur f.bftance font fupérieurs au pouvoir
Kliiacics „ de toutes les chofes créées . . . Dans ces conjonclures , ajoute-t-il, le dilccrnement
vcurd"rAp- ». eft donc aifé à faire, ou plutôt il n'y a pas lieu de difcerner, puisque la main de
fci.qu.iom „ Dieu y eft vifible ".
blemcm^Di- Enfin il avoue (pag. 59. ^' 595.) que ^ démo» ne fiuroit guérir une mdladie fi elle
Vins de leur ^_. ^f,^( ^,^^ guérit par aucun remède , une maladie naturellement incurable.
lîtaduq'ueic Gomment peut-il donc foutenir, que dans ce grand nombre de Guérifons Merveil-
''uiTc'vîcîiiJ^"'^'^» obtenues par l'intcrcclfion de M. de Pàins, de M. Rouflc, de M. l'Evèque
lom o.>cic5,<Je Senez & autres Appellans, & en particulier dans cel'es dont j'ai produit les Tcmoi-
cftcv .-;,,- ^nagcs & fait les Démonftrations, il n'y en a aucune dont le Tout- puitfint foit ma-
i-nifcftement l'Auteur, aucune qui ait été opérée d'une manière fupèrieure à 1 ordre or-
îiic tWe. dinairc que Dieu a d'abord établi dans la nature?
Quoi ! toutes celles oii il y a cii des créations d'organes, ou de membres qui man-
quoient dès la naiffince, ou qui avoient été détruits depuis trcs long-tcms , & mèmç
toutes celles qui n'ont pu être laites avec la promptitude dont elles l'ont été, que par
la
V
ENFJrEVR DE V ^ P P E L. j j'
la régénération fubite de plufieurs petites parties corrompues , ou même anncanties par Dissert.
des maladies longues &: confidérables ; ne furpafl'ent- elles pas AiriS leur fubjlance le ^e«- sur l-aut,
voir des canfes créées? Si ce Prélat ne peut le nier, il doit donc convenir, à moins °^' ""^'
que de fe contredire lui-même, que dans ces Miracles la main de Dieu y eji vijihle,
La plupart des Guérifons, dont j'ai rapporté les preuves, ou ont été opérées par
des créations vilibles & palpables, ou l'ont été en très peu de tems d'une manière H
parfaite qu'il a été d'une évidence manifefte, qu'une telle Guérifon étoit fupérieure aux
loix générales qui règlent les effets naturels; & j'ai même établi par plufieurs Rap-
ports de Médecins & de Chirurgiens , que ces maladies , non feulement avoient du-
rant bien des années porté le dérangement Se la corruption dms le corps de ces malades,
mais même que-la pliàpart, entre autres les paralyfies complettes & invétérées, avoient
effacé & annuUé les organes des nerfs & des mlifcles , qu'elles les avoient réduites à
n'être plus qu'une mafl'e informe & des filets arides, & qu'elles les avoient rendues
abfolument incapables de recouvrer la fenhbilité & le mouvement. Ainfi leur guérifon
fubite a donc été marquée à des caraéléres qui félon les aveux de M. de Bethléem, font
connoître la main de Celui qui feul peut s'écarter des loix qu'il a impofées à la matière,
lorfqu'il l'a tirée du néant.
Non feulement la nature ne p:ut pas faire renaître une féconde fois des conduits qui
ne fubfiftent plus, ni recreufer des tuyaux qui ont perdu leurs cavités; mais Dieu
ne lui a donné la vertu d'opérer des guérifons parfaites de maladies confidérables , que
d'une manière lente &: fuccelTive, c'eft à dire qu'avec un tems proportionné aux diffé-
rens effets qu'il eft nécelfaire de produire, pour rétablir ce qui pendant long-tems a été
dérangé, vicié & corrômp'j. Il n'y a que le Tout-puiffant , qui dans un inftant puis-
fe rendre à nos corps tout ce que de longues maladies leur ont fait perdre.
Enfin j'ai prouvé par les Témoignages & les Décifîons de très habiles Maîtres de
l'Art, que presque toutes ces maladies étoient incnrables. Leur guérifon, félon qu'en
convient le Prélat, paffoit donc le pouvoir du démon, & n'a pil être fon ouvrage.
Que M. de Bethléem ne m'objeéle point , que je n'ai fait les Démonftrations &
rapporté les preuves que d'un petit nombre de Miracles, tandis que je publie que
Dieu en a opéré depuis 1727. une multitude qu'on ne peut nombrer. Si je n'en ai pas
fait un plus grand nombre, c'eft que h captivité où je fuis réduit depuis 1757. que
j'ai préfenté mon premier Tome au Roy , m'a mis hors d'état (^e recueillir tous les
Certificats néceffaires pour conftater invinciblement les faits , & que d'ailleurs la perfé-
tion qu'on fait elfuyer aujourd'hui plus que jamais à ceux qui rendent témoignage aux
oeuvres de Dieu , intimide la plupart des perfonnes.
Il femble à la vérité que des Chrétiens qui voient de leurs yeux l'Invifible, leur
rendre fa préfence fenfible par de Merveilleux effets de fa Puifftnce & de fa Bonté, ne
devroient pas craindre des' hommes mortels. Mais telle eft la lâcheté de notre Siècle,
tel efl le ref oidilfement de la charité, au lieu du feu celefte que l'amour de Dieu de-
vroit produire dans le cœur de tous les vrais fidèles, la plupart, quoiqu'intimement
convaincus que les Merveilleufes Guérifons qui fe font opérées fous leurs yeux font
l'ouvrage de Dieu , n'ofent lui en rendre gloire qu'en cachette , & font fouvent affez
lâches pour refufer d'en donner un Témoignage par écrit.
Ainfi le Très-haut a beau multiplier les Merveilles, plufieurs même de ceux en fa-
veur de qui il les fait, ont aujourd'hui l'ingratitude de les rendre presque inutiles au
bien des âmes par leur filence : tandis que les Adverfaires de la Vérité n'épargnent au-
cun de leurs efforts pour les éluder , & pour en affoiblir l'imprelfion.
Mais dans les premières années que les Mi'acles ont paru. Celui dont la Providence
régie tous les èvenemens félon les confeils de fa miféricorde & de fa juftice, Se qui
vouloit que la vérité des Miracles qu'il fait parmi nous , ne piit être niée de bonne foi,
Dijfert. Tom. II. E mit
54 VTILirriDELA P H Y S I QJV E
DisîtRT.mit d'abord dans le cœur non feulement de plufieurs fidèles, mais même d'un gi-and
'""'-''^"T' nombre de Déiftes, d'incrédules, de pécheurs, de mondains & de Conftitutionnaires,
■is MiR. ^^.^j convertit par la vue de ces Miracles, de s'expofer fans crainte pour leur rendre un
écbttant témoignage.
Or il fuffit qu'il foit prouve invinciblement , ainfi que je l'ai fait par une multitude
de Certificats, donnes par des perfonnes de toutes ces difitrentes fortes, qu'il y a plu-
fieurs Miracles opérés par 1 intcrcelTion d'Appellans, oii la Toute-puiffance Divine c-
cktte d'une manière vifible , pour qu'on foit en droit d'en conclurre , que tous les au-
tres Miracles dont on n'a pas recueilli ou fiiit paroître toutes les preuves, om égale-
ment Dieu pour Auteur: tous ces Miracles ayant une même fin principale , & tendant
tous à aucorifer l'Appel, & à conferver dans l'Eglife le dépôt des importantes Vérités
proscrites par la Bulle Vnigenitiis.
Les Déraonftrations que j'ai faites entre autres dans mon premier Tome , du fuma-
turel inconte [lablement Divin par lequel plulîeurs de ces Miracles ont été opérés, font
fi fortes, fi invincibles, fi triomphantes, que M. l'Eveque de Bethléem n'a fu y rc^
pondre que par des injures à mon égard.
§. III. Réfutation des fanjfes opinions échappées au l^effenfeur des Théo-
logiens Antifecourijies : ^le la "Phyjïq^^e eji une faujfe 'voie pour diS'
tingucr les Miracles T)ivins des prejitges du démon: Gji'elle ne peut
fervir de rien pour faire ce difcernement ; ér que c'ejî principalement
des circonjtances que les Miracles tirent leur force.
T. Mais qui l'auroit jamais penfé? Voici le Deflfenfeur des Théologiens Antifecouriftes,
D ff""f-" *î"' vient po '.r ainfi dire à fon fecours, en avançant desPropofitions qui tendent à débar-
jrs Xntife- rafTcr tous ceux qui fe révoltent contre les Miracles que Dieu fait aujourd'hui , de
îttnt d" 1^ preuve phyfique qu'ils n'ont pu être opérés que par le Tout-puiflant : preuve à la-
fournir de quelle fes Contradicteurs n'avoient pu rien oppofer, & qui d'iui feul coup écrafoit tou-
wcsàMi'E- tes leurs mauvailes objections.
téquede Qitei (ffayant Phénomène! Quoi! des Théologiens Appellans qui paroiffbient au-
«i!i n^sTOit trefois les plus intrépides Deflfenfeurs de l'Autorité Divine des Miracles, forger eux-
'^"on'dT '/' mêmes de faulTes armes pour combattre ce brillant Témoignage que Dieu rend en faveur
lurnaïutci de leur Caufe, & les fournir à leurs plus grands Adverfaires ! Comment la lumière a-
Yz\lûcTmi. t-elle pû fe chanj^er ainfi en ténèbres?
Bcmmcnt Voici qucl peut avoir été lî germe de cette efpèce de Prodige, de cet événement auffi
«rnd°" om- fîtal qu'inconcevable ;& fur lequel je dois revenir plus d'iuie fois pour pouvoir le faire
ti« ftiî?'"' <^0'"P''C"d:e.
trcucde"* Dans la multitude de Miracles que Dieu fait depuis 1717. pour manifcfler \ tous les
VS\fti\. hommes, que l'Appel de la Bulle efi: un enfant de la Vérité, il y en a un alTcz grand
nombre depuis le mois de Juillet 175 1. qui outre cet objet général, en ont encore ma-
nifcftcment un autre qui leur efi particulier.
Tels font les Miracles que Dieu a opérés par le mouvement des Convulfions & par
le miiiifière des Convullionnaircs, afin de faire clairement connoitrc, que cette œuvre
cft fon ouvrage dans fon premier principe & dans tous ceux de fes effets qui font abfo-
lument faluraires ou réellcncnt éJifians.
Tell. s font encore les Guèrifons éminemment Miraculcufcs qu*il lui a plù d'exécuter
par la violente imprclTion des coups les plus cffiavans, parce qu'il vouloit pcin ire à
nos yeux , par des Merveilles finguliéres & nouvelles , & en même tems graver dans
nos cœurs par d grâce, de tiès iniporuutcs Vérités dont C£!> terribles coups, fans cclTc
accom-
PAR RAPPORT AVX MIRACLES, erè. 35
accompagnés de grands Prodiges & foiivent même de Giiérifons des plus évidemment dissert.
Divines, font des images & des fimboles dignes de fa SagefTe fupréme , de fa PuiffancesuRL'AOT.
fans bornes, & de fa Bonté qui pafTe toute expreffion, pour ceux qu'il veut éclairer °^*""^*
lui même par des moyens extraordinaire^. C'eft ce que j'expliquerai avec étendue dans
mon Troifiéme Tome ; où pour développer clairement la partie la plus vifiblc & la
plus manifefte du deflein de Dieu à cet égard , je n'aurai befoin que de rapporter plu-
lîeurs fats qui ont eu , & qui ont encore journellement depuis plus de quatorze années,
un très grand nombre de Témoins.
Dieu par un confeil de fa juftice a permis, que ces derniers Miracles, c'eft à dire
ceux qu'il a opérés , foit par le mouvement des Convulfions , foit par les mains des
Convulfionnaires, foit par les violentes impreflions des plus étonnans coups , qu'on a
appelle Secours, parce qu'au moins ils foulagent les Convulfionnaires dans leurs fouf-
frances; aient été ime pomme de discorde, qui a mis la divifion dans le camp d'Ifraël.
La plupart de ceux qui ont une forte d'ambition de vouloir être les Chefs du peu-
ple de Dieu, au lieu de fe ranger avec les petits &: les fimples, fOus l'ctenJart de ces
Miracles, qui tous font également la voix du Très-haut, ont formé deux différens par-
tis (celui des Dofteurs Confultam & celui des Théologiens Antifecouriftes ) qui fe
font l'un après l'autre écartés de cette lumière Divine, & n'ont plus fongé qu'à s'aflu-
jettir leurs Frères , au lieu de les deffendre contre leurs ennemis.
La Cité de Dieu, oîi l'on enfeigne toute Vérité, eft afliégée par les Romains: elle
cfl: preflee de tous côtés ; & pendant ce tems la plupart de fes illuftres Deflênfeurs com-
battent les uns contre les autres , dans le deflein qu'ils ont réciproquement de fe rendre
les Maîtres du Troupeau. Et ce qui eft encore pis, ils déchirent, comme à l'envi,
ceux qui refufent de leur être aveuglément fournis , ceux qui font attachés à toutes les
ceuvres de Dieu, & qui fe conduifent en toutes chofes par la lumière de fes Miracles.
Mais comment ce flambeau célefte a-t-il pu devenir un fujet de fcandale & de chu-
te pour de célèbres Appellans, après avoir été l'objet de leurs plus vives actions ds
grâces ?
C'eft que ces MM. s'étoient d'abord imaginés, que les Miracles alloient les placer
fur le pinacle du Temple; & que ce témoignage émané du Ciel, ne manqueroit pas
de foumettre toutes les Puiflances de la Tenv. Mais ayant au contraire éprouvé, que
ces Puiflances fe révoltoient contre cette voie Divine , & fur-tout contre les furprenans
Prodiges qui fortent du Phénomène des Convulfions , cela a bientôt fait croire à quel-
ques-uns d'eux que l'extrême humiliation oii cette oeuvre fimbolique & menaçmte al-
loit être infailliblement réduite , aviliroit la Caufe de l'Appel. Dans ce fliux point de
vue, ils ont cm qu'ils avoient de toutes façons intérêt de la rejetter: peu après ils ont
même, du moins jusqu'à certain point , abandonné les Miracles; & , afin que leurs
nouveaux fentimens ne fuflent point ignorés des grands ni des petits , ils ont drefle une
Confultation , oîi ils ont fait préfent au diable de l'œuvre entière des Convulfions, fans
même en excepter les Miracles dont elle eft illuftrée.
Au contraire les Théologiens Antifecouriftes , qu'on nommoit alors Difcernans *, ont *[f/!:"
d'abord foutenu de toutes leurs forces l'Autorité des Miracles, & ils fe font même fer- pour les
vis de ce témoignage célefte, pour prouver que Dieu préfide à l'œuvre des Convul- ^.^"''j"|-^'°j,"'
fions. Mais ces MM. ayant foibli par rapport aux admirables Prodiges & aux lumineux ncment, &
Simboles que le Tout-puiflant fait paroître par le canal des plus terribles Secours, il les ?o'ién,°du"*
a enfin laifl'ès s'égarer fur ce fujet jusqu'au point de condamner ces Merveilles Divi- meUnge,
nés. Il a enfuite paru lui-même au milieu de ces Secours fi étonnans, en fe fervant vi- p"tîlntex-
fiblement de leur effrayante violence pour opérer les Guèrifons les plus Merveilleufes , "^''J^'^'^'j"
& les plus clairement marquées au fçeau de fa Puiffance fans bornes. Cependant ces au- de gucaibn ,
très MM. n'ont point eu une humilité aflez courageufe , pour confefl'er qu'ils s'étoient *^'J
E z trom-
5<5 . VTILlTrBELA P H T S I O^V E ,
Dissert, trompes. Ils fe font obftincs au contraire à foutenir la Dccidon qu'ils avoient faite con-
surl"aut. cre ces Secours fans ctre fuftifamnient inflruits des faits *, & ils fe font révoltes en-
DEsMiR. f^ijj contre les Miracbs par lesquels Dieu dccbre clairement, que c'eft lui qui infpirc
* ^°y;. '*= aux Convullionnaires de demander des Secours violcns.
Toiii. III. Mais comment pouvoir éluder des Mirachs publics, avérc-s, certifies par un très
grand nombre de Témoins oculaires au deffiis tout foupçon, fur-tout lorsque ces Mi-
racles font évidemment l'opération d'une Puiflànce fuprème , qui n'appartient qu'au
Créateur ?
MM. les Antifecouriftes n'en ont point trouve d'autre fecrct, que de faire avancer
par M. Poncet leur Deffenfeur, les paradoxes les plus dangereux, contre le principal
caractère qui fert à diicerner les Miracles Divins, par h grandeur & la rc-alité de leiir
fumaturel. Car il eft vifible que ce qui a engagé ces MM, à faire cette faufle démar-
che, n'a été que l'espérance qu'ils fe débarraflcroient ainfi des induéèions accablantes
que je tirois contre eux du Jiu'naturel éminent des Miracles en queftion, & qu'ils
pourroient enfuite répandre quelque doute fur l'Auteur de ces Merveilles.
II. A quels excès l'envie de contredire rie peut -elle pas porter les perfonnes qui fe
liaavjncc croient les plus habiles! M. Poncet dans fa mauvaife humeur contre le Prodige des
»;n,'> pour les grands Secours, oublie tout d'un coup ce qu'il avoir établi le plus fortement contre
if''ec'des'r°o- ^^^ ^^ Tafte, & il s'aveugle même jusqu'au point de dire, page 55. de la Réponfi
pofiiions en- qu'il a faite à la première Edition de mon fécond Tome (qui en fonne maintenant
îonccs con-" <ieux : ) „ Que b Phyfique eft une fauffc voie pour diftinguer les Miracles Divins
tte leprinci- ^^ des preftigcs du démon : qu'elle ne peut fervir de rien pour faire ce difcerncment ;
qui""","' „ &: que c'eft principahment des circonftances que les Miracles tirent leur force. "
^"'"J? *''"- Dom la Tafte aujourd'hui Evcque de Bethléem, avoit feulement foutenu , qu'il eft
que celles ' impolfiblc à l'homme , à moins qu'il n'ait reçu * le do» pAnicuUer du difcernement des
i:"îuTm^m' csprits , de connoitre quelles font les bornes dtt pouvoir des démens ^ ni quelle eft l'étendue
avoient vive- & la forcc des moycns que la nature peut leur fournir : par où ce Prélat s'efforçoit d'in-
ucTc'alT- finiicr, qu'il eft très rare qu'on puiffe difcemcr par la grandeur dn furnaturel, fi une
pondant aus guérifon eft un véritable Miracle opéré par la Toute-puiflance Divine, ou fimplement
L'ettt«'dc un Miracle apparent fabriqué par l'induftrie des démons.
Taiîe '* ^^^ Théologiens Antifecouriftes lui ont reproché avec raifon , qu"/'/ veut par la nous
♦ill. Lett. mener a croire^ ejue jamais les Miracles ne feront preuve par eux-mêmes^ puisque, fe-
Ejam dc^fa ^°" ''■''' *""'^ *'' pouvons jamais favoir fùrement ft ce font de vrais Miracles ^ que
III. Lett. dc^^îr d'autres marques diflinguées des Miracles mêmes, lesquelles alors feront ce qui fera U
pag.V&4. P^(>*'ve & non plus ces Miracles,
Rt'P gJnc'r. Un autre Théologien lui a encore objeélé en fubftance, que ce qui a fiit h funefte
d"*n'irTft "^'•'Ptife <ics Juifs au fujet de Jcfus-Chrift , c'a été d'avoir voulu juger de fes Mira-
p.>.acruiT. clés , non par 1 évidence de leur fumaturcl Divin, mais par des circonftances qui les
choquoient très mal à propos. Cet horr-me n'cji point de Dieu, difoient les Pharifiens i
Jean IX. 16. l'Aveuglc-né, puisqu'il ne garde pas le Sabbat .... Rends gloire à Dieu, nous favoni
que cet homme cjl un méchant.
Mais en vain la plûpait des Chefs mêmes de la Religion Judaïque s'efforcèrent -ils
de décrier le Divin fils de Marie, par les faulfes accul'ations qu'ils formoient contre
lui : h grandeur du furnaturcl de fes Miracles convainquoit tous les cœurs droits, qu'il
étoit YEnvojé de Dieu, parce que po fonne ne peut faire les Aiiraclcs quil f.iifoit,y/" Dieu
nefl avec lui; de pour détruire toutes les calomnies des Princes des Prêtres, des Doc-
teurs *: des Pharifiens, ceux des Juifs qui étoieiit éclairés par la Vérité, n'avoient
jljij Ii^_ ,j befoin que de Icjr oopofer ce principe f\ lumineux, & C\ décifif: Comment un fi mi'
chant homme pourroK-il faire des chofes fi Merveilleufes , en preuve qu'il eft le
MeOlc \
L'Aveu-
P ^ R RAPPORT AV X MIRACLES, &c. 5;
L'Aveugle -né ne défendit non plus Jefus-Chrill: que par le furnaturel éminent de Dissert.
fes Miracles. surl'aut,
S'ileft un mkh.vnt ^ repondit -il aux Pharifiens , je n'en fais rien: tout ce que je fai , "^^ "'"'
c\Ji qu'étant auptiravant aveugle , je vois maintenant. ' ^^- ^^•
Depuis que le monde efi , on n'a jamais entendu dire , que perjonne ait ouvert les yeux Ib. !*•
k un Aveugle - né : Jî cet homme n'éioit pas de Dieu, il ne pourrait rien faire de tout ce jt. ,-,
qu'il fait.
L'aveuglement & la perte des Pharifiens eut en partie pour caufe, d'avoir raifonné
tout autrement : au lieu d'adorer avec humilité & une profonde foumiffion , la main
de Dieu dans les Miracles de Jefus-Chrift où le caradere incommuniquable de la Tou-
te-puiffance éclattoit vifiblement, ils fe conduifirent au contraire par les maximes de
M. de Bethléem. Ils croyoient , comme lui , que la grandeur du furnaturel n'eft pas ■
ce qui doit déterminer, pour juger fi une guérifon eft Divine ou diabolique, fous
prétexte qu'// efl impoffible à l'homme de conncître avec ime certaine précifion, quelles
font les bornes du pouvoir des démons : & ils ne s'arrétoient qu'à des circonftances qui
leur mcttoient un bandeau fur les yeux.
En fuivant les principes de Dom La Tajîe, dit ce Théologien, quel prétexte les Pha- ~
rijtens n'avaient - ils pas d'attribuer an démon la guérifon de cet Aveugle ? S'ils la conjtdé- il^' '
rent dans fin origin; , elle eft opérée par un homme , qui , félon qu'ils le penfoient, vio-
loit le Sabbat , & qui vouloit fe faire adorer comme Dieu : s'ils l'envifigent dans fes
circonflances , elle n'efi pas fottdaine ; enfin s'ils la fuivent dans les effets , nouveaux indi-
ces, félon eux, de l'opération du démon, puisqu'e/& occafonne o- autorife la défobéiffance aux
ordres des Supérieurs , que Dieu a établis pour gouverner fan Peuple.
Quel effroyable malheur pour ces Pharifiens & pour tous les Juifs qui les ont fui-
vis , de s'être ainfi laiffés prévenir par des circonflances qui le; aveugloient, & de
n'avoir point fait ufage du moins de la Phyfique naturelle, dont Dieu éclaire l'esprit de
tout homme venant dans le monde l Elle auroit fuffi pour les convaincre pleinemer^t , que Jtanl. 9.
les Miracles que faifoit Jefus-Chrift, étant évidemment fupérieurs à tous les moyens
que fournit la nature, ne pouvoient être opérés que par la Toute- puiflance Divine, &
par conféquent qu'ils étoient un témoignage infaillible de tout ce que Jefus-Chrift di-
foit de lui-même.
C'eft ainfi que Celui qui eft venu apporter la lumière aux hommes, veut qu'ils rai- Rt'pgén.p.;.
fonnent en pareil cas. AuOTi n'eft -ce uniquement qu'à fes Miracles confidérés en eux
mêmes, & dans leur être phyfique, qu'il renvoie les Juifs pour leur prouver qu'il eft jean X. js.
le Fils de Dieu.
Si je ne fais pas les œuvres de mon Père , leur difoit-il, ne me crajez, pas: mais fi Ib. 37.
je les fais , quayid vous ne me voudriez, pas croire , croyez, a mes œuvres , afin que vous ^b. 36.
connotfjicz, isr que vous croyiez, que le Pére efl en moi ^ moi dans le Père,
Il a encore été objeélé à M. l'Evêque de Bethléem, par un autre Auteur (approu- L'Efpiit «n
vé alors en cela par MM. les Antifecouriftes : ) qu'en avançant comme il faifoit, qu'/7 """■
efi très rare qu'on puiffe diflingticr les Miracles Divins par la grandeur du furnaturel ,
c'eft foutenir qu'on ne peut que très rarement difiinguer les Aiiracles de Dieu des opéra-
tions du diable. A quoi il ajoute, que fi on admet une telle fuppofition, qui lend à
écarter toutes les connoiffances que fournit la phyfique, nous n'aurons plus de régie cer-
taine , pour nous affurer fi des guérifons font furnaturelles ou dans leur ftbffance ou dans
leur manière d'être ; dr ^^<^ l'^ rai fan qui doit feule en être juge, ne nous fera plus alors
eC aucun fccaurs.
M. l'Evêque de Bethléem a fenti la force de toutes ces objedions & a cru ne pou-
voir fe dispenfer, fous peine de pafTer pour un homme qui ébranle un des principaux
fondemens de la Religion, de donner une explication de fes fentimens, qui les rappro-
chât de la Vérité. E 3 Je
^8 V T I L I re DE L j4 P H T S I O^V E
DissEUT. 7' "' frétends p/is , a-t-il dit, ^ue les Miracles Divins ne peuvent que rarement hre
evni-'Avr.^iJlfrnés des diabolicjues. Je ne l'ai ni dit ni penfé . . . ALtlhear a moi, s'écrie-t-il , Ji
vts MiR. j'f'[gij coHpable de ce crime; Se deux lignes plus bas il convient expreiTcment , que /hif
p "^47*°' '^^ ^ H'itHre même des Aïiracles Jes difccrne.
msÎ II avoue encore qu' „ on ne peut douter , qu'il n'y ait des maladies de toutes les cs-
Ibid. p. ;So. ^^ p^ces, qui portent tant de dérangement & de corruption en quelques parties du
,, corps , qu'aucun pouvoir borne ne fauroit y remettre l'ordre & le jeu néceflaire à
„ la vie &r à une parfaite fanté; & qu'il eft fur par conféquent , qu'il y a des guéri-
„ fons qui par leur fubftance exigent abfolument la main de Dieu. ( ^ quoi il ajoute^
,, ejiic) c'efl: aux plus habiles Mcdecins à décid.r, quelles font en détail ces maladies;
„ (&: que) par état ils doivent avoir & qu'ils ont fur ce fujet des lumières bien plus
Ibid. p.ijo. „ étendues que (le commun des Théologiens & que lui-même; & il fi réduit k finte-
,, nir que) lorsque des événement fupérieurs à la vertu des caufes fenfibles , n'annoncent
„ point par leur l'ubftance la main de Dieu, plutôt que celle du démon, ce qui eft,
„ dit il , très ordinaire , lorsque la manière dont ils ont été opérés, ne fauroit non
„ plus en manifcfter fùrement le principe, ce qui eft aiiflî très fréquent, dit il encore;
,, c'eft à leurs caradcres,à leurs diverfes circonfl:anccs,à la fin à laquelle ils font defti-
„ nés, aux effets qu'ils produifent , que l'on doit néceflairement s'attacher, pour en dc-
„ couvrir l'origine.
A l'égard des Miracles opérés à l'interceffion de M. de Paris & autres Appellans , il
n'a pu \rouver d'autre moyen de les combattre, qu'en fuppofa t contre la notoriété
ffublique, qu'il n'y a aucun de ces Miracles qui foit manifeftement fupérieur à toutes
es rcdburces de la nature. Mais il a évité avec grand foin , d'entrer dans aucune dis-
culTion fur ce fujet , fentant bien qu'il ne lui eft pas poflîble de rien objeder de rai-
fonnable , contre les preuves dufurnaturel évidemment D.vin de la plupart de ces Gué-
rifons Miraculeufes'; & il a feulement employé toute la fubtilié de fes talens à les atta-
quer par de faufles circonftances, dont il foutient contre toute vérité, que ces Miracles'
font accompagnés.
Tel eft le plan général de toutes les Lettres du Père Dom la Tafte aujourd'hui Evo-
que de Bethléem. On y apperçoit, malgré tous fes aveux forcés par rapport au prin-
cipal caractère qui diftingue les Miracles Divins par la réalité de kur furnaturel abfoiu ,
on y apperçoit, dis-je, clairement une affeélation marquée de relever à l'excès le pou-
voir des démons; d'écaiter, autant qu'il lui eft polTible, l'idée qu'en fait de Miracles
la grandeur du furnaturel eft ordinairement ce qui convainc le plus les esprits , &: ce
qui touche plus fortement les cœurs; d'infinuer au contraire, qu'il eft très rare qu'on
puifle par ce moyen faire le difcernement des vrais Miracles: de donner pour maxime
que ce n'eft le plus fouvent, que par les feules circonftances qu'on en doit juger; &
en même tems de fe répandre en déclamations calomnicufes contre les ConvuKîons &
les Secours violens , pour faire accroire à ceux qui ne connoiflent pas cette œuvre ,
qu'il s'y pafTc des chofes fi contraires à la fi^efle de Dieu, qu'il n'eft pas poflîble de
penfer qu'il foi: l'Aoteur des Miracles qui y font opérés, ni par conféqi^ent de tous
les autres qui font faits en faveur de l'Appel, ces Miracles & IcsConvulfiôns étant une
feule & même œuvre, qui fort également du Tombeau de M. de P.iris, & qui eft
cfr:nticllement unie à tous les autres Miracles obtenus à l'interceflîon des autres Ap-
pcllin«.
Mais on ne trouvera dans aucune des Lettres de ce Prélat, qu'il ait hazardé aucune
afTcrtion, qui foit aufll dirc^licmcnt contrai'C à l'imprelTion que doit faire le funiaturel
émincnt des Mincies, & au moyen de les difcerncr par le carartére incommuniquable
de la Toutc-p'iifl'ance Divine; que les Propofîtions contre l'utilité de la Phyfiquc,qui
fervent de fondement à ce qu'il y a de plus frappant dans la ^r/ew/ïqu'a fait M. Pon-
cct
\
PAR RAPPORT AV X Af I R A C L E S ,&e. 39
cet pour les Théologie is Aiitifecouriftes , à la Réclamation & à mon fécond Tome. * Dusfrt.
Cependant voici de quelle manière M. Poncet a d'abord traité les Ecrits de M. de surl'aut.
Bethléem. Dijjîpons, a-t-il dit, Us prefliges du Bénéâi^lm. df.smir.
Ces preftiges ne vont à rien moins , qu'a atttorifer les Libertins à ne rien croire. Le Be'- Y; k"'' ^"
nedtuin lenr en fournit les moyens : il ouvre ftue route , qt* apparemment us Juivront 4S. & 49.
tous . . . Ils prétendront , comme lui, que tous les Miracles , tous les Prodiges , font équi- luid. pp. 50.
v^qnes : qu'on peut les attribuer également à Dieu & au démon: que c'eft par les circonftan- *' ^'"
ces quon en doit juger : & ces cir confiance s feront réglées fuivant les intérêts de leiu's pré-
jugéi & de leurs préventions.
„ Nous voyons, ajoute-t-il, qu'on pofe les fondemens d'une incrédulité monftrueu- ^^'^'^' î^»
„ fe. Le BénédiiStin levé la malédi>5liôn que Jéfus-Chrift prononce contre cette fu-
„ nefte dispolîtion , qui ne lailTe à Dieu aucune reffource pour fe faire obéir : il fe pré-
„ fente pour être 1 Avocat de tous les endurcis .... Qu'un peuple eft malheureux
„ d'enfanter ainii des hommes qui lui apprennent à être impie par principes ! "
Apres les grands Aî'racles ^ dit encore M. Poncet, faits pour guérir les fourds ô' '^-^«"'t. g.
tnuets de naifance , (tels que (atherine Bigot) des membres dejféchés depuis plus de
vingt ans, ainfi que l'étoient les jambes d'Anne Augier, des paralytiques incurables,
comme la Couronneau, Sergent, la Demoifelh Hardouin,la Dame Stapart , &c. des hy-
dropiques , ^nïTi monftrueux que les Demoii elles Thibault & Duchesne; il demeurera dou-
teux félon vous , reproche-t-il à Dom la Tafte , Ji c'efi Dieu ou le démon qui les aura 0-
pérés, M. Poncet auroit dû encore ajouter: après des créations de membres entiers,
luili Merveilleufes que celle de la main de Jeanne Tenard , & des jambes de Charlotte la
Porte, fous le poids énorme des Secours les plus violens : ce ne fera pas , dit -il, /<*
grandeur de ces Aîerveilles ni le pouvoir de les faire , qui décidera à qui on doit les attri-
buer de Dieu ou du démon. H en faudra juger par les circonstances . . . E$
qu appellez^-vous donc des blasphèmes , Jî ce que je rapporte ici de vous en propres termes ,
n'en efi pas un? Pouvez, -vous nier que ce ne foient-lk vos fentimens ? N'ai -je pas e&
raifon de dire, quilfujft de les expofer devant les Chrétiens , potrr leur en donner de l'hor-
reur : qu'il fufft de remarquer ces excès, pour apprendre de quoi les hommes font capables
^uand Dieu les abandonne à leurs ténèbres,
„ Le Bénédidin, conclut -il, renverfe les fondemens de la Religion, pour renverfer ^'^'"•P ^'
„ nos Miracles.
Ajouto-.s encore ici les principes que M. Poncet ncîus a donnés dans ces mêmes Let-
tres , pour nous fervir de faiivegarde contre les dangereufes maximes répandues dans cel-
les de Dom la Tafte.
„ Les Mu-acles, dit-il, que Dieu opère pour fe faire reconnoître, doivent fe diftin- X.Lck.8,8
„ guer par eux-mêmes de toutes les œuvres du démon.
„ Dès que les Samaritains, ajoute-t-il, virent les Miracles que faifoit S. Philippe,
„ quoiqu'il ne foit parlé que de paralytiques & de boiteux guéris, ils reconnoiifent
„ dans l'iuftant l'opération de Dieu dans ces Merveilhs : ils ne fe fervent d'aucun des..
„ moyens de Dom la Tafte, pour difcerner à qui ils doivent les attribuei- .... Au
„ contraire, c'eft par les Miracles qu'ils difcernent la doctrine. Ils étoien.t attentifs,
„ dit rEcritur°, aux chofes que Philippe leur difoit, & 1 écoutoient tous avec une
„ même ardeur, parce qu'ik voyoient les Miracles qu'il faifoit. C'étoit uniquement
„ par
* [ Il eft néceflàire de prévenir ici quelques Lefteurs , que la première Edition du fécond Tome
ie M.de Montgeron , ayant été attaquée dans le cours de l'année 17^,1. par diveri'cs Feuilles àesHowvil-
Its Eccle/iaftiques dirig;ées par MM. les Antifecouriftcs ; il parut au commcnccniont de 1743 un bel
Ecrit en deux Parties , fait pnr un célèbre Théologien, & qui a pour titre: KecUrnation des Dejfen-
Jcars légitime dis Convulfiom (^ des Secours , contre Us Eeuiliet des Nouvelles EccléJiaJiifHes , &c. j
•40 V T I L I T r DE LA P H T S I O^V E
DissTRT.,, par h gnndeur & le nombre des Miracles, en les confidcrant en eux -mêmes & darrs
surl'aut.^^ jgy^ fubftance, qu'ils jugeoient qu'on ne pouvoit les attribuer qu'à Dieu feul.
DES MiR. ^^ gj ^^ interroge , dii-il encore , tous ceux qui ont ajouté foi aux Miracles dans touS
ibjd. p. 9. ^^ jpj Siècles , ou trouvera que ce qui les a dccermiaés, c'eft premièrement la grandeur
„ des Miracles confidcrcs en eux -même?.
III.Lett.p j. Il va même jusqu'à dire , f«'«7 nj a d'autre examen à f.iire fur les Miracles , tjue de
^ "• s apurer fi les faits font certains ... Et il obferve très judicicufcment , qu'i/ efl très
sifé de prouver far la Phjfitjtic, qu'il j a très peu de gucrifons , de celles qui fe font o-
pérées en un infiant , cj* qui fi trouvent tout d'un coup parfaites , qui ne foient au dejfus des
loix de U nature.
J'ajouterai qu'il n'efl: pas même ncceflaire d'être fort inftruit de la Phyfique, pour
être convaincu de cette vérité : qu'il fuflit de faire attention à l'expérience que tous les
hommes ont continuellement fous les yeux , pour favoir que la nature ne travaille que
Ibid. . lentement , ainCi que le remarque encore M. Poncet, & qu'il ne faut que faire ufage de
fa raifon pour fe perfuader que la nature ne renferme aucun reflbrt dans les folides , ni
aucune vertu dans les liquides, qui puifle lui faire produire en un moment, ce qu'elle
ne doit opérer qu'avec un tems proportionné à l'effet , fuivant les loix primitives & per-
manentes que Dieu lui a impofées, lorsqu'il lui a donné l'être.
Apres tous ces lumineux principes, que M. Poncet a fi folidement établis pour
renverfer les Propofitions captieufes par lefqucUes Dom h Tafte s'efforçoit d'éblouïr le
Public, qui auroit jamais pu penfer que lui-même bientôt après, perdroit fi fort de
viîe la lumière qui l'éclairoit alors , qu'il viendroit nous débiter du ton le plus impo-
Reponrc,&<:- font : que la Phyfique cft u>je faujfe voie pour diftinguer les Adiracles Divins des prefiiges
^' ^^' du démon: qu'elle nç peut fervir de rien pour faire ce difcerncmcnt , Si que c'efi principa-
palcment des circonfiances que les A4ir actes tirent leur force ?
Quoi ! lorfque Dieu nous donne des marques fenfibles de fa prèfence & de fon opéra-
tion, par la grandeur Merveilleufe de fes œuvres furnaturelles, ne veut-il pas que nous
reconnoilTions , que nous adorions, que nous bénilTions fa m.-in, &: que le caractère ini-
mitable de fa Toute-puiCfance Divine nous ferve à la diftinguer de la griffe de Satan ?
Par exemple , quand il lui plaît de produire furnaturellement une multitude d'êtres,
qui ne précxiftoient point , ni dans leur fubftance , ni dans aucun germe , tels que les
jambes de Charlote la Porte , à qui il manquoit dès fa naiiïince une multitude innom-
brable de nerfs, de vaifieaux & "d'autres parties cflcntielles^ n'ayant même aucun os, ni
aucune chair régulièrement organifèe, dans les lambeaux informes qui depuis plus de
cinquante ans occupoicnt h place où auroient dû être fes jambes: quand il renverfe
fous nos yeux les loix permanentes qu'il a impofées à la nature, ainfi qu'il a fiit en
réforn^ant de toutes façons par la violente imprelTion des coups les plus terribles , les os
contrefaits*, trop gros & trop courts de Marguerite Catherine Turpin : quand par des
opérations qui auroient dû naturellement caui'er la mort, il guérit des cancers qui ont
corrompu jusqu'aux os, & qui font incontellablcmcnt incurables, ainfi que l'ctoit ce-
lui de Madclainc Durand; cfl-ce uae faujfe voie Ac diftinguer de fi srmds Aïiractes ^ des
prefiiges du démon ^ par h Puiflance fans bornes de celui qui les opère ?
C'eft donc une Propofition évidemment erronné:,dc dire, non feulement par rapport
à ces Miracles opérés par de violcns Secours, mais même en général à Icgard de tous
ceux que Di.ii i jamais fait, que la Phjffique, c'eft à dire la connoiffance de If nature
& de h manier luccellive dentelle fnit chacune de fes opérations, fuivant les loix in-
variables qui 1 1 gouvernent , ne peut fervir de rie» pour en faire le difrememem.
Que k'. penféfs des Théologiens Antifecouriftcs font aujourd'hui diffcrciitcs de ccl-
Nou». Ec-les qu'ils asoicnt en t7j7. lorsqu'ils fiifoicnt publier dans toute la Fraïue par leur é-
f>i^i^}'' datante Trompette, que mon premier Tome contcnoit dciEcrinor des discours dignes eUs
fins
PAR RAPPORT AV X M I R A C L E S , &e. 41
plus grands Théologiens ... & que rien n'étoit plus viftorieux que ma méthode unifor- Dissert.
me de démontrer invinciblement ^ que les guérifons Miraculeufes , dont je rapportois les s^Rt- aut.
preuves, n avaient pâ s'opérer que par un ejfet de la Toute-puijfance Divine,
J'ai fuivi la même méthode dans mon fécond & troifiéme Tome , que dans le pre-
mier. Mes preuves tirées de la phyfique y font même encore plus frappantes , plus fen- ^
lîbles, plus triomphantes: & ce qui a choqué ces Meffieurs, c'eft précifément parce
que j'ai fortement démontré l'opération toute-puilTante de Dieu dans plufieurs Mi-
racles qui leur déplaifent , par la raifon qu'il lui à plu de les exécuter par les Secours
les plus étonnans, au grand fcandale de ces MM. &• au préjudice de la Décifion qu'ils
avoient faite, que ces Secours étoient condamnables. Mais ces MM. n'auroient-ils pas
mieux fait de fe foumettre à ce jugement de Dieu, que de fe révolter contre ? Et cela
devoit-il les engager à changer totalement de principes, & à foutenir aujourd'hui, que
la méthode, à laquelle ils avoient donné tant de louanges, eft une fauffe zoie pour diftin-
guer les Aiiracles Divins , parceque c'eft principalement des circenfiances que les Aîiracles
tirent leur force ?
N'eft-il pas inconcevable, que ces MM. n'aient point été effi-ayés de l'injure qu'ils
font, par une telle Propofition, aux plus brillantes œuvres de la Toute-puifTance du.
Très -haut, en infinuant que les Miracles Divins n'ont la plupart presque aucune for-
ce par eux-mêmes, du moins pour fe faire reconnoître; puisque c'efi principalement des
circonjiances dont ils la tirent, & que ce n'eft ordinairement que par ces circonftances
qu'on peut les diftinguer des ftratagèmes de Satan?
Comment ces favans univerfels , qui fe piquent de ne rien ignorer de tout ce quils sjiorjSTho.
doivent favoir * , ont-ils pu oublier que les Pérès del'Eglife, les Apologiftes de la mas & les
Rehgion, & les plus célèbres Théologiens, nous ont enfeigné au contraire, que c'eft i-ggafe', „„
la réalité & l'évidence d'un farnaturel abfolu , qui caraftérifent les vrais Miracles , & luniaiurei
qui les diftinguent efTentiellement de la fupercherie des démons; ces malheureux Esprits ptemier&îc
réprouvés ne pouvant rien exécuter , que par les moyens qu'ils trouvent dans la natu- Ffin^ipai ca-
re, & par conféquent ne pouvant rien faire qui foit véritablement & abfolument fur- diftiogueiics
naturel nuiaclesdi-
, . vins des
Je ne citerai ici que S. Thomas, me réfervant à rapporter dans la fuite de cet Ecrit prcftigesdu
les fentimens fur ce fuj;t de plufieurs des Pérès, des Apologiftes & des plus grands ^^Xin ca'-
Théologiens , pour prouver contre Dom la Tafte & tous les autres Adverfaires des "ft^" "'eft
Miracles de notre Siècle , que non feulement les démons ne font point de guérifons pi^u Phjfi°
qui foient véritablement Mii-aculeufes , mais que Dieu ne permet pas même, qu'ils en q^'^^^ ^
opèrent qui femblent l'être ;& que s'ils ont fait quelques miférables guérifons qui aient &c. p. 79. '
paru finguliéres , quoiqu'opérées par des moyens naturels , elles ont toujours été mar-
quées à leur coin par des caractères & des traits qu'il a été très facile d'appercevoir.
Selon S. Thomas, il fuffit de connoître qu'une guérifon a été opérée d'une manière
fupérieure à l'ordre général établi dans toute la nature, pour juger avec certitude que
c'eft un Miracle Divin.
,, On appelle un Miracle , i^/V il, ce qui fe fait d'une manière fupérieure à tout l'or- Som. i. p.
,, dre de la nature créée. Il n'y a que Dieu qui puiffe faire de pareilles chofes. Car tout ^^^^\^^'^
„ ce que fait un Ange , ou toute autre créature par fa propre vertu , ne fe fait que con-
„ formément à l'ordre de la nature créée: ainfi ce n'eft point un Miracle. D'où l'on
„ doit conclurre , que Dieu feul peut opérer des Miracles. Miraculum efl quod fit
prêter ordinem totius nature creata. Hoc non potefi facere niji Deus : quia quidqttid facit
Angélus , vel qudcunque alia creatura , hoc fit fccundkm ordinem nature creatd , 23" fie
non efl miraculum : unde relinquitur quod. folus Deus miracula facere polfit.
Ainfi dès qu'il eft certain qu'une guérifon eft abfolument fumaturelle, c'eft à dire
qu'elle a été produite , non pas conformément a l'ordre de toute U lutture créé, mais par
P^jfert. Tom. II. F des
4i VTlLirr DE LA P H Y S ï O^V Ê
DtssîRT. des effets fupe'rieurs aux loix gériéiales qui la icgiiTem, on doit condurre avec S. Tho-
suRL-AUT. jjjjj^ que Dieu en eft incoiitcftablement l'Auteur.
DES wiR. Ajoutons encore ici un paflage de cet Ange de l'Ecole, que nous fournit l'Auteur
même du Mémoire Tueologicjue contre les Secours.
- „ Les Merveilles qui fe font par les Saints , dit S. Thomas , peuvent fe diftinguer
Dift. 7. 1. ;.' ,, du moins par trois caracte'res , de celles que font les médians. Le premier de ces ca-
**• ^' „ ractéres eft l'efficace de la puiflance d^ celui qui les exécute : car les Merveilles fai-
„ tes par des Saints s'ope'rent par la Puiflance Divine , même fur des chofes par rapport
„ auxquelles la vertu adive de la nature ne peut s'étendre en aucune façon .... Ce
5, que les démons ne peuvent faire véritablement , mais ils font feulement des preftiges,
y, qui ne fauroient long-tems durer. " Sign^ facla p(r boMos po(fnnt dijiingui ah illis ,qu£
per mitlos fiunt , tr/pliciter ad minus : primo ex efficaciâ virtutis operamis , quia figtM fac-
ta per honos , virtute divina fiunt , in illis ad (jUdi virtus activa fe nullo modo extendit :
^£ dctmones fecundum veritatcm facere non pojfttnt , fcd in pr^sftigiis tantum qu^ ditt du-
rare non pojfunt.
Mais n'eft-ce pas par la Phyfique, c'eft à dire par la connoiffancc de la manière
dont la nature opère , qu'on difcerne fi des gucrifons paflTent la vertu aiftive de la natu-
re , ou fi elles ne font que de vains preftiges ?
Souvent même on n'a pas befoin d'une Phyfique fort favante &: fort recherchée, pour
faire ce discernement. Car le furnaturel abfolu des Miracles eft ordinairement Ci frap-
pant & fi vifible, qu'il fuffit pour connoijre qu'une guérifon eft un vrai Miracle, de
faire ufagc de la Phyfique naturelle qu'ont toutes les perfonnes intelligentes.
Tandis que le fimplc admire les œuvres de Dieu par une imprelTion qui le frappe &
le faifit,fans lui donner une connoiiTance bien claire & bien développée des raifons qu'il
a d'admirer, le favant Phyficien voit comme à découvert l'adion du Tout-puiflant. Sa
fçicnce pratique de tous les effets que la nature peut produire dans le corps humain,
lui fait clairement connoître dans un vrai Miracle, que la guérifon qui vient d'être o-
péré: , l'a été par une Puiflance fans bornes, qui, pour faire cette œuvre, a renvecfé
les loix fuivant lesquelles la nature eft continuellement régie : fon efprit étant pleine-
ment convaincu , fouvent la grâce en fiit paffer l'imprefllon jufques dans fon cœur.
C'eft par exemple , cette vue claire &: diftinde qui a comme forcé pluGeurs Méde-
cins & Chirurgiens de la Cour, d'hazarder toute leur fortune, pour rendre hautement
les Témoignages que je rapporte dans mes trois Tomes. Les Théologiens Antifecou-
riftes diront -ils, qu'en cette rencontre la Phyfique de ces Maîtres de l'Art qui a été
comme le canal de leur foi , ne leur a fervi de rien ?
Une des grandes obje(!;iions de ces MM. eft de dire, que fi La Phyfiqtte doit fervir
pour diflinçHer les Miracles Divins des prejliges dit démon , eu ce cas la décifion dit procès
( c'eft à dire de h queftion de favoir fi un; guérifon eft l'œuvre de Dieu , ou luic fu-
perchcrie diabolique )yê)'o« enlevée aux Théologiens ^ ^ deviendroit du rejfort des Philo/h-
phes , ce qui fcroit , ajoutent-ils, d'un ridicule achevé. Car ces MM. veulent abfolumenc
que les Fivlélcs ne fe déterminent que par leur confeil dans le difcernement des Miracles;
& ftlon eux, il eft fouveraiocment ridicule qu'ils veuillent voir clair par eux mêmes,
& qu'ils refufcnt de dépendre aveuglément de leur Autorité fur ce fujet. Suivant leurs
principes , les plus habiles Phyficiens pleinement convaincus par leur fcience & leur rai-
ibn de la vérité d'un Miracle éminemment furnaturel, ne doivent pas le prefler d'eu
rendre gloire à Dieu: il faut auparavant qu'ils confultcnt ces Meflieurs : Se C\ ce Mira-
cle ne leur plaît pas, par exemple s'il a été opéré par des Secours violcns, ces Phyfi-
ciens font obligés de ie plonger, malgré leurs lumières, dans les ténéixes de l'incerti-
rude, & de douter avec les Antifccouriftes , fi ce Miracle eft reflet de la Toute-pxiis-
fance Divine, ou s'il n'cft qu'une illufion de l'E'^prit pervers. MiJS n'cft-il pas évident,
que
PAR RAPPORT AV X M I R A C L E S , éc. 45
que cette prétention eft très mal fondée, & qu'une bonne démonftration anatomique, Dissert.
qui prouve invinciblement qu'un Miracle eft fupérieur à l'ordre de toute la nature ^"'"''^"'*
créée, prater ord'mem totius nature creatie, eft bien plus décifïve que le fentiment par- °^^''"''-
ticulier de ces MM. qui ne font nullement incapables de s'aveugler par leurs préven-
tions, comme ils le prouvent bien aujourd'hui, qu'ils foutiennent le contraire de ce
qu'ils foutenoient il y a quelques années avec tant de raifon ?
Au refte ils auroient dû faire réflexion, que l'Autorité de prononcer juridiquement
fur la vérité des Miracles, n'appartient qu'au Pape & aux Evéques, & non pas aux
fimp'es Théologiens , non plus qu'aux Philofophes : & que ce font les Médecins & au-
tres perfonnes favantes en Anatomie , que le Pape , la Sacrée Congrégation & les Erê-
ques ont toujours confultés fur les Miracles , pour favoir fi une guérifon qu'on leur
préfentoit comme Miraculeufe, avoit été effedivemeni opérée par des efiêts fupérieurs aux
loix de la nature.
On en pourroit citer une multitude d'exemples , mais il fuffira d'en donner pour té- JV.
moin N. S. P. le Pape aauellem-nt régnant. Rs'p.°ie''
Dans fon Traité de U Béatification des Scrvitmrs de Dieu ^ de la Canotiifation ^a ''^P*.- 1"« '»
Saints ou. il examine avec grand foin , par quel moyen on peut s'affurer qu'une guéri- cft^tr'es^mUs
fon eft Miraculeufe, il décide * qu" ,, il faut pour cela requérir le jugement des Mé- ^ 'T''-"'"?.
,> decins , afin de conftater fi la maladie , dont on prétend avoir été Kliraculeufement neccfi^kc",'
,, guéri, étoit confidérable, d'une guérifon difficile, ou même fi elle étoit incurable." ^^"'^1''''^""
Z^t vero confiet morbum fnijfe gravem^ ijr curatH dtfficilem ,vel impojjibilem ^ exqHirendum Mirccics:que
efi Medicorum ptdicntm. ' !iff l'-V' "
, •' / .... dans 1 ulagc
Il obferve qu'en effet t „ la Sacrée Congrégation des Rits interroge («»« les Théologiens: '"f <:= .'"lec
„ elle en fait autant queux [ht ce que la Théologie nous apprend a cet égard; mais) les le^NlahreV
,, Médecins (& que c'eft à eux qu'elle a recours) afin qu'ils portent leur jugement ^^ ''^"„' ^
„ ielon la vente, iur les guenfons que ceux qui requerent la Canonifation d un Saint, tamment fur
„ prétendent être Miraculeufes. Medici , . . à Sacrorum Rituum Congregationc interro- '^''Jl\^X\
„ gantur , ut fuum pro veritate ferant judicium , fuper his qua tanquam miraculofa à foumiflinr,
„ pofluUtoribus proponuntur. " _ ^ tammcl'^''''
Voilà donc N. S. P. le Pape, qui nous déclare que la Sacrée Congrégation veut ^ <iécidet que
avant de fe déterminer , que „ les Méiecins portent leur jugement fur les guérifons , fon'^c^irun
„ qu'on prétend Miraculeufes. " Medici . . . m fuum . . . ferant judicium fupcr his ^'"^''s
qu£ tanquam miraculofa proponuntur. Ainfi voilà les Médecins établis par h Cour de *Lib. 4.
Rome, les premiers Tuçes des Miracles: & c'eft fur leur Sentence, que la Sacrée Con- T°™■'^•"?•
-. '„ ^- j r « ' 3.11.4. p. 54.
gregation rend fes Arrêts. t Lib. ?.
Le S. Père regarde même cette première fentence, comme étant d'ime fi grande con- ^Tip."/!
féquence, qu'il loue le Pape Clément XII. de ce qu'il n'avoit jamais manqué de pren- Ep dedk. du
dre le fentiment des Philofophes & des Médecins, lorsqu'il s'étoit agi de porter fon"^""---
jugement fur des Prodiges & des Miracles. Vbi de prodigiis ftgnisque ageretur , Philo-
fophorum quoque (y- Aîedicorum fenft perceperit.
„ A l'égard des Médecins, dit-il encore, qui ont traité un malade qu'on prétend Lib. 5 Tom.
avoir recouvré la fanté par Miracle, toute la queftion eft de favoir fi leur témoigna •^■"^'^•''•**
ge eft néceiïaire pour juger de ce Miracle. Car il ne peut point , dit-il, y avoir de
doute que leur témoignage ne foit très utile , puifque c'eft par ce moyen
qu'on connoît exaftement l'état de la maladie , & la manière dont la guérifon'
s'eft opérée. C'eft pourquoi, ajoute-t-il, il n'y a perfonne (il faut pourtant en ex-
cepter les Antifecouriftes ) qui ne voie que la Sacrée Congrégation procède bien plus
,, fùrement dans la difcuflîon d'un Miracle , lorsque les Médecins qui ont été prefent
„ à la guérifon, en donnent leur témoignage, que fi ce témoignage leur manquoit. "
De Medrcis qui infirmum curarunt qui dicitur per miracuUtm confecutus fsrijfe finit atem\
F 5 quAriiKY
44 VTILITE'DELA P H T S I O^V E
T>iiif.KT. auaritur art eorum examen fit utile an neccjfanum. De utilitate nimirnnf ntilLt potefl ejfe
^^^^ ''^'^- coniroverjîa. Status enim morbi ex eorum tejïimonio dignûfcitttr , fanitatisque ntodus ex
eociem ejMoque defumititr, Oitapropter nemo non v'iâet Confnltorci Sacrx Congrégation! s . . . in
miraculi difcujjione tutilts procedere pojfe , fi Medici cnra ajiantes tefiati funt , quam fi etf
rum tefiimonium deficiat.
Qvie dira N. S. P. le Pape de l'Ecrit du Deffenfeur des Théologiens Antifecouriftes,
en voyant que cet Auteur foutient formellement au contraire , que U Phyfique ne peut
firvir de rien pour difcemer les Afiracles Divins ?
Le S. Père paroit même porté à penfer , que b témoignage des Médecins qui ont
vu les malides , eft en quelque forte néceflaire , pour pouvoir juger fûrement qu'une
guérifon eft Miraculeufe : & il déclare que „ dans le tems qu'il exer^oit la charge de
„ Promoteur de la foi , il a vu rejetter beaucoup de Miracles , par la feub raifon que
,, ce témoignage manquoit à leur preuve. Et vero dum fttngebar muncre fidei Premotoris,
multa vidi miracula rejetla ex defeiln diSli examinis.
On ne croit donc point à la Cour de Rome , que cefl principalement des circonfia»'
ces d'où les Miracles tirent leur force : Et on y eft au contraire très perfuadé , que h
preuve la plus eflcntielle & la plus décillve, qu'une guérifon eft Miraculeufe, & qu'el-
le eft l'ouvrage du Tout-puiflant , c'eft lorsque cette guérifon s'eft opérée par des eflèts
fupérieurs aux loix primitives & permanentes qui régiflent toute la nature : ce qu'on ne
peut ordinairement connoître bien clairement que par la Phyfique.
Ibii. n. 9. Auffi N. S. P. le Pape citc-t-ilavec éloge le fentiment unanime de Contelertus dans fon7r/r/Vc
de la Canonifat ion des Saints (ch. 18. n. 12.) de Rofa, dans l'Addition à fon Traité dt
l'exécution des Lettres u4pofloltques (n. 255. & fuivant) de Alatthieu dans (n Pratique
Théologique ( Tom. 3. ch, 5. parag. 5. & 66.) où ils foutienncnt que non feulement les
Médecins & les Chirurgiens qui ont traité les malades & qui ont examiné leur guéri-
fon , peuvent porter un jugement certain fur la queflion de fivoir fi cette guérifon efi un
Miracle ;^m{(\\.\\h font en état de décider, par ce qu'ils ont vu de leurs yeux, fi cet-
te guérifon a été produite par des effets qui furpaflent abfolument ce que peut opérer
la nature , tels que des créations , des régénérations fubites , des changemens foudains
d'une liqueur toute corrompue en une liqueur pure & parfaite , ou des transforma-
tions de folides qui avoient perdu leur forme eflentielle , en des folides régulièrement
organifés, &c. Mais ils pcnfent même que,, les Médecins & Chirurgiens qui n'ont point
„ aflîftc ces malades, ni été témoins de leur guérifon, peuvent juger avec aflurance
„ (fur le rapport des Témoins) fi cette guérifon a été Miraculeufe. " Putat Afedicos
etiam vel Chirurgos , qui non interfuerunt miraculo , nec fuerunt Aîedici aut Chirurgi cm-
r* , tutum ferre poJfe judicium de fanatione , utrum fçilicet fuerit miraculofa,
Mjtu.Tiai- Le S. Père rapporte auflî le fentiment de Matta, qui eft de même avis que ces trois
tfdehC»- autres Auteurs, par rapport au jugement que portent fui- ce fujet les Médecins qui ont
roniUt. des ^ .'» rr JO ir ' ^ i
ss pârt4.ch. eu par cux-mcmcs une parfaite connoiUance de la maladie avant la guerilon Miraculeufe,
l'iaV" *^ ** &: qui ont été exaftemcnt informés de la manière fumaturelle dont la guérifon s'eft opé-
rée : mais à l'égard des Médecins qui ne connoiffent la maladie & la guérifon que fur le
témoignage de perfonnes qui ignorent l'Anatomie &: qui ne font point au fait des divers
tffcts que peut produire la nature, cet Auteur diftinguc entre les maladies chroniques
qui ont infcifté le corps pendant long-tems , & les maladies aiguës qui n'ont cù qu'une
courte durée. A l'égard des premières, il croit que „ les Médecins peuvent quelquc-
,, fois fur le témoignage d'autrui, porter un jugement fur pour la preuve d'un Mira-
„ cl;: " Pojfe Afedicos tutum ferre judicium ad miracuU prol/aiioncm, La raifon en eft
qu'il arrive afTez fouvcnt qu'il eft fort aifé de juger fur le rapport de certains effets ex-
térieurs, palpables & vifiblcs à tous les affiftans, que ces maladies avoient détruit des
canaux & autres petites parties internes qui ne peuvent fc règèncitr natuicllcmcnt : au-
quel
PAR RAPPORT AVXMIRACLES, &«'. 4J
quel cas il eft évident que la maladie étoit incurable, &: par conféquent que la guéri- Dissïrt
fon n'a pu être opérée que par la Toute-puiflance Divine. surl'aut
Le même Ecrivain célèbre croit auffi, que les Médecins peuvent encore donner une °^^
déciiion certaine , fur le témoignage de ceux qui ont eu continuellement fous les yeux
les effets d'une maladie, lorsqu'il piroît clairement par leur Rapport que cette maladie
avoit caufé de fort grands dégâts dans le corps du malade , & quelle a été tout d'un
coup , ou du moins en fort peu de tems, guérie d'une manière parfaite : ces deux faits
joints enfemble étant fuffifans pour démontrer que cette guérifon efl: Miraculeufe ,
parce que Dieu feul peut réparer en un moment ce qui a été pendant long-tems vicie
& corrompu par de longues maladies. Mais à l'égard de celles qui n'ont duré que fort
peu de tems , &■ par rapport au caraélére desquelles les Témoins peuvent fe mépren-
dre , Matta penfe que des Médecins qui n'ont pas vu les malades, ne font point en
état de porter un jugement aflez certain de leur maladie, pour qu'on puiffe s'aflurcr
que la guérifon eft un Miracle.
Pour N. S. P. le Pape , il ne balance point à être de l'avis de ces Auteurs par rap-
port aux Médecins qui ont vu & traité les malades, & qui ont une connoiffance par-
faite de h manière fupérieure aux moyens que peut employer la nature, dont leur gué-
rifon s'eil: opérée. Mais il ne paroît pas avoir une égale confiance au jugement des Mé-
decins qui n'ont connu ces maladies, & fû de quelle manière s'eft faite la guérifon,
que fur le rapport de gens peu inftruits dan la Phyfique.
Au refte il n'en rcfulte pas moins de fon fentiment , qu'il eft pleinement convaincu ,'
ainfi que S. Thomas &r les Pérès de l'Eglife, que toute guérifon qui s'opère par des
efïèts fupérieurs aux loix qui règiffent la nature , eft inconteftablement un Miracle Di-
vin; & que la Phyfique eft très utile, & même quelquefois néceffaire , pour en taire
le difcernement. Audi dècide-t-il, que la Sacrée Congrégation chargée d'examiner les
Miracles, doit fur ce fujet confulter les Médecins , & s'en rapporter à leur jugement,
lorsque ces Médecins ont eu par eux-mêmes connoiffance de la maladie & de la guéri-
fon. Il va même jusqu'à dire, que leur jugement peut être regardé comme f^r , non
feulement fur la queftion de favoir fi une guérifon a été accompagnée d'un furnaturel
apparent , mais aufli fur celle de favoir fi elle a été réellement &: effcntiellement Miracu-
leufe, c'eft à dire fi elle a paffé tout le pouvoir des êtres créés, ayant été opérée par
des effets contraires à l'ordre que Dieu a établi pour le gouvernement de l'Univers. Tu- l^''<i- Lib. 3;
tH/» ferre fojfnnt juàk'mm de faniitione , utrum fnerit miraculofa. 7. n. g!
Tout cela part du grand principe Théologique, que N. S. P. le Pape répète plus
d'une fois dans fon Livre, que ,, les mauvais Anees ne peuvent faire de euèrifons qui Lib. 4-0.3.
r • . r ' • r j . 1 ° ,. ^ ^ ^ n. 2. &c.
„ loient iuperieures aux forces cfe toute la nature.
Il ne faut que faire ufage des lumières éclattantes , qui fortent de ce grand principe,
pour renverfer avec l'aide de la Phyfique tous les fophismes , les propofitions erronées
& les objeftions captieufes de tous les Contradifteurs des Miracles, que Dieu fait au-
jourd'hui parmi nous. Auflï quoiqu'ils n'ofent contefter ce principe dans la théorie,
font-ils tous leurs efforts pour l'éluder dans la pratique : au lieu que N. S. P. h Pape
en tire tout franchement les confèquences qui en rèfultent , & n'emploie point de fub-
tilitès pour écarter l'application qu'on en doit faire. Par exemple , fous prétexte qu'on
n'a pas une exafte & parfaite connoiffance de l'étendue du pouvoir que Dieu permet
quelquefois aux démons d'exercer, il ne leur attribue pas pour cela un pouvoir pres-
que fans bornes : il ne perd pas de vue , qu'ils ne peuvent rien opérer de réel que par
l'aide des moyens qu'ils trouvent dans la nature ; & c'eft ce qui lui fait décider que
d'habiles Médecins & toutes autres perfonnes bien inftruites de l'Anatomie & des diffé-
rent efïèts que la nature & les remèdes peuvent ou ne peuvent pas produire dans le
corps humain, font en état de juger avec affurance,fi une guérifon merveilkufe qu'ils
F 3 voient
45 'UTILITE' DE LA P H Y S I OV E
DisitRT. voient s'exi^cuter fous leurs yeux, eft un véritable Miracle, parce qu'il leur cft aifc
SUR l'aut. de difcerncr fi elle eft opcrée par des effets minifertcment fupérieurs & contraires à lor-
nis MiR. jj.j, univerfel, qui régit tous les êtres matériels.
Aulli c'eft par des raifonnemens tout diffcrens qu'à Rome & \ Paris on combat les
Miracles faits en faveur de l'Appel.
A Rome, on n'a point encore abandonné les vrais principes fur l'Autorité Divine des
Miracles, ni furies moyens d: les difcerner des pratiques de Satan , finguliérement par
l'évidence de leur furnaturel abfolu ; mais comme on n'y veut point reconnoitre les
Miracles des Appellans, qu'on n'y eft que fort peu inftruit des faits, & qu'on refufe
même de s'en informer , on y prend le parti de les traiter de menfonges , d'artifices &
d'impoftures.
Mais à Paris, ce pofte n'eft pâs tenable. Dieu y a fait un fi grand nombre de Mira-
cles inconteftablement marqués au fccau de fa Toute-puiflance, & ces Miracles ont eu
une fi grande multitude de Témoins de toute espèce, qu'il n'eft pas poflîble d'en con-
tefter la réalité.
En effet comment refufer de croire des faits attcftés par des Témoins fans nombre ,
parmi lesquels on trouve non feulement des perfonnes conftituées en dignité, des Mé-
decins & des Chirurgiens de la Cour ainfi que de la Ville , mais aulTi une multitude
de Déiftes , d'incrédules , de pécheurs , de mondains & même de Conftitutionnaires ,
qui ont été éclairés, touchés, convertis à la vue de ces Miracles; dont la lumière di-
vine a fait couler dans leurs cœurs des grâces fi viclorieufes , que toutes ces perfonnes
n'ont pas craint de s'expofer à la disgrâce des grands de la Terre , pour en rendre hau-
tement gloire à Dieu.
Ainfi en Trance il n'eft refté d'autre parti aux Contradiéleurs des Miracles de ce Siè-
cle , que de combattre , ou du moins de tâcher d'éluder les principes de l'Ecriture &
des Pérès fur ce fujet, & d'attribuer au démon un pouvoir inconcevable, &: qui, fé-
lon qu'ils le repréfentent , eft presque fa;is limites: en forte que fi on les en croit, tou-
tes les connoifiances de la Phylîque font inutiles pour diftinguer les Miracles Divins des
artifices de Satan.
C'eft avec ce malheureux fophisme qu'ils plongent le Public dans un abîme d'incer»
titudes , ^' qu'ils le portent à révoquer en doute fi dis Miracles même de création , tels
par exemple que la régénérr.tion des jambes de Charlotte la Porte âgée de 50. ans, ne
font point l'ouvrage du Serpent infernal.
Que les Conftitutionnaires aveuglés par leurs préventions &r par le refpeA qu'ils por-
tent à leur fatale Bulle, qu'ils regardent comme un jugement de l'Eglife univerfelle,
s'égare it jusqu'à cet excès , dans la perfuafion où ils font qu'il eft impollible que Dieu
faflfe des Miracles pour autorifer l'Appel, nous devons plaindre leur malheur, gémir
fur leurs ténèbres & rendre grâces à Dien de nous en avoir préfervès. Mais quel torrent
de lirm:s ne devons-nous pas répandre, en voyant de célèbres Appellans foutenir eux-
mcmes , que la Phjftqnc ne pcMt fervir de rien pottr dijïingHer les AUracles divins des
prefli^es dn démon ? Propofition plus contraire h l'Autorité divine que les MiracU's ont
par leur propre force & par l'évidence de leur furnaturel abfolu, qu'aucune de celles
qii'avoient hazardc jiuqu'à préfent les plus furieux A.lverfaires de la Vérité.
Par quelle fitalité des Appellans, qui fe donnent pour le* Théalo^^iens les plus pleins
de zèle pour maintenir l'Autorité des Miracles , n'ont-ils donc pas apperçu que ce per-
nicieux paradoxe avancé par l.ur DclTenfeur, n'eft propre qu'à arraclrer des mains des
Appellans, 'a preuve la plus triomphante que Dieu eft l'Autairdcs Miracles faits en
faveur de l'Appel. Comment n'ont-ils pas eu de fcrupiile de vouloir ahifi faire perdre
à h Caufc [\ importante qu'ils foutiennent, les marques les plus fenfibles par lesquelles
Dieu a décide lii-même, que cette Caufe eft la fi.nnc; c'eft à dire le ti-ès grand nom-
bre
P ui R RAPPORT AV X M I R A C L E S ,&c\ 47
bre de Merveilles dont le furnaturel éminent eft inconteftablement Divin de fa natui-e. Dissert.
puisqu'il iurpafle évidemment le pouvoir de tout être crée'? surl'aut.
Les Adverfaires de l'Appel fe Tentent eux-mêmes comme écrafés fous le fardeau des ''^*""''
Démonftrations Phyfiques du furnaturel abfolu de nos Miracles, & jusqu'à préfent ils
n'ont pu trouver aucun moyen de s'en deffendre. Et voilà que des Théologiens Appel-
ons font eux-mêmes tous leurs efforts , pour tâcher de ruiner ce rempart infurmoutable
de leur Appel , en débitant un faux principe, qui tend d'une manière directe à le fapper
par le fondement !
Ce que M. l'Archevêque de Sens & M. l'Evêque de Bethléem n'ont pas eu h té-
mérité d'oppofer aux preuves les plus frappantes qui démontrent que nos Miracles font
l'ouvrage du Toutpuiffant , des Théologiens Appellans ofent aujourdbui l'entrepren-
dre, pour foutenir un faux Avis, qu'ils ont précipitamment donné contre des Prodi-
ges que Dieu a depuis autorifés par des guérifons Mu'aculeufes des plus admirables !
Mais comment^ ces célèbres Théologiens ont-ils donc pu fe déterminer à trahir ainft
leur caufe , pour un fi léger intérêt \ Pourquoi faut-il qu'il y ait parmi nous des pro-
diges de cette espèce? Ah! tous tant que nous fomnjes de difciples de la Vérité,
tremblons pour nous mêmes à la vue d'un phénomène fi menaçant ! Dieu eft irrité
contre nous : proftemons-nous au pied du thrône de fa juftice : abîmons-nous dans la
pouffierre à la vue de fes vengeances , & de la profondeur de fes confeils. Quand il
nous frappe par des coups fi fenfibles , il veut que nous reconnoi (fions que nous nous
fommes tous rendus indignes de fes grâces: mais il veut auffi que nous n'oublions pas,
qu'il eft un abîme de miféricorde & [d'amour. Empredons-nous donc de nous jetter
avec confiance dans cet abîme. Cherchons notre falut dans les plaies de Jefus-Chrift :
prèfentons humblement nos pleurs & notre mifére à fes regards paternels; & malgré no-
tre indignité, efpèrons tout de fa miféricorde, parce qu'elle eft toute gratuite.
La féconde branche du principal Siftême du Deffènfeur des Théologiens Antifecou- iV.
riftes , par laquelle il ofe avancer (page 55.) ^«f cejl prir.àpalement des circonjiances cjHe Piopofidon
les Aîiracles tirent leur force , n'eft guères moins pemicieufe que la première, du moins qucc'cft
dans un tems de troubles, de nuages , de préventions & d'épreuves, oii la Vérité eft mem'dcsc'ir-
combattue par les Puiiïances de ce monde , & oîi toutes les paiTions humaines s'agitent <:onfta°"V-
o c ■ J • n r • ^ • o ^ que les Mi-
& ie remuent pour envenimer des circonftances fort mnocentes , ou mem.e pour en for- rades ti-
ger qui puiffent obfcurcir la lumière que Dieu répand par des Miracles oppofès à leurs Ymct'ekàtt
préjugés. plus dange-
J'ai déjà obfervé ci-deflus, que ce qui a été une des principales caufes de la répro- qu"eiaVerfté
bation des Juifs , ce qui a aveuglé les Dodeurs & les Pharifiens , c'eft d'avoir voulu «'^ combat-
juger des Miracles de Jefus-Chrift non par h Phyfique, c'eft à dire par l'évidence de Puiffances
leur furnaturel divin , mais par des circonftances que leurs pjihons emplovoient pour ''" ^'"'^ ' ^
leur mettre un bandeau iur les yeux. J ajouterai feulement ici, que Jefus-Chrift nous fions humai-
déclare lui-même que ce qui a rendu les juifs fi coupables , c'eft de n'avoir pas crû au cemder'ai'i-
témoignage de fes Miracles, malgré la grandeur de leur être Phyfique, qui auroit dû icr des chi-
les convaincre indèpendament de toutes circonftances. • "■envVni'mer
,, Si je n'avois point , dit-il^ * fait parmi eux des œuvres que nul autre n'a faites, descirconr-
„ ils n'auroient point de péché. " fcrcmcs" ôâ
Si c'eft par la grandeur du furnaturel des Miracles que Tefus-Chrift veut qu'on juce n>émeinno-
n Père en eft 1 Auteur, & s il veut que leur témoignage fufhfe pour faire croire tàcherd-obf-
les plus inconcevables Myftères , tels que celui , que fon Père & lui ne font cjunne mè- ^'"j^ j^^' "*
me chofi , qu'il eft dans fon Père , & que fon I ère eft dans lui; combien eft donc erro- vrais Miia-
née la Propofition qui s'efforce de ravir à l'être phyfique des Miracles , la force divine '^'"*
qui lui eft propre, pour la faire dépendre principalement des circonftances ? »JeanX.i4.
Pour en fentir toute l'illufion, fi ce n'eft point encore aflfez de l'exemple de ce qui
eft
48 V T I L I T r DE LA P II T S I O^V E
DisjfRT.eft arrivé parmi les Juifs, jetions les yeux fur cette multitude innombrable d'Idolâtres,
auBL'AUT.qui ont e'tc convertis à h viie des Miracles des Apôtres & des premiers Chrétiens.
s MiR. Q-çÇ^ pj^ l'éminencc & l'éclat du furnaturel Phyfique de ces Miracles, que Dieu a diflî-
pé leurs ténèbres. Mais que font devenus au contraire ceux d'entre eux, qui ont jugé
de ces jMirades par les circonftances extérieures , & qui bkffoient l>;ur faufle fageffe ?
En effet de combien de nuages ces Miracles ne fembloient-ils pas obfcurcis aux yeux
des enfans du Siècle ?
1. Ceux qui les faifoient , n'avoient rien que de méprifable aux yeux de la chair : &
combien l'orgueil des Gentils n'étoit-il pas naturell:ment bleffé , en leur entendant dire
quil falloit reconnoître pour Dieu un homme né dans ime étable, qui avoit vécu dans
la pauvreté, qui avoit été condamné comme un impofteur au plus ignominieux fuppli-
ce par tous les Chefs de fa nation , & qui étoit expiré fur une croix entre deux voleurs ?
2. Toutes les Puiflances de la Terre , les Empereurs &: tous les Rois, tous les Gou-
verneurs de Province , & prefque toutes les perfonnes conflituées en dignité , non feu-
lement méprifoient la Religion Chrétienne, & regardoient comme des infenfés tous les
dilciples de Jefus-Chrift, mais même ils les faifoicnt mourir par les plus cruels fup-
plices, comme des impi;s, des perturbateurs du repos public & des ennemis du gen-
re humain.
5. Si les Idolâtres confultoient tous ceux qui parmi eux pafloicnt pour de grands
génies & des gens remplis de fcience, tous leur répondoient , que pour fe convaincre
pleinement de l'iUufion & de la chimère de cette Religion nouvelle, il fuffifoit de fai-
re attention à l'incompréhenfibilité des Myftéres auxquels elle ordonnoit d'ajouter foi.
Enfin s'ils prctoient l'oreille aux calomnies qu'on débitoit de tous côtés contre les
Chrétiens , ils entendoient les Doéleurs de la Sinagogue , ainfi que presque tous les
Payens , leur imputer à tous , les crimes honteux que commettoient effedivement les
deux Secles des Nicolaïtes & des Gnoftiques , qui dès le tems des Apôtres deshoao-
roient l'Eglife Chrétienne, en fe vantant d'être fes membres.
Mais tous ceux des Idolâtres à qui Dieu vouloir faire mifèricorde , fe fentoient tout
d'un coup frappés & convaincus par la grandeur du furnaturel des Miracles que fai-
foifnt les Apôtres & les premiers Chrétiens, au nom &: par la puiffance de Jefus-
Chrift; & ne confultant que leur raifon éclairée par la lumière brillante que répandoit
la Phyfique de ces Miracles, ils en concluoient que Dieu feul pouvoit faire de fi gran-
des Merveilles : que par conféquent ceux par le miniftérc de qui il lesopèroit, leur
parloient effectivement de fa part, & qu'ils ne dévoient pas balancer à les croire. Aullî
dès qu'ils voyoient des Miracles, ils fe convertiffoient en foule: ils déclaroient hau-
tement qu'ils adoroient Jefus-Chrift, fans fe mettre en peine des fupplices, auxquels ils
s'expofoient : ils s'emprcifoient de recevoir le facré caraétèrc du Chrétien; &: fouvent
par le Martyre ils parvenoient bientôt enfuite à jouir dans le Ciel du bonheur même
du Fils de Dieu: tandis que les autres Payens qui jugcoicnt des Miracles par les cir-
conftances que je viens de rapporter, s'enfonçoicnt de plus en plus dans leurs téncT^res,
qui l;s précipitoient enfin dans des fupplices éternels.
Voilà la différence immenfe que Dieu a faite à la face de toute h Terre, entre ceux
qui fe font tout d'un coup déterminés pour le furnaturel abfolu de ces Miracles, Se
ceux qui fe font arrêtés aux circonftances que les Dofteurs de la loi, le-> Puiffanccs de
la Terre, &c tous les grands perfonnages de leur tems jugeoicnt être fufHfantcs, pour
devoir leur faire méprifer ces admirables Merveilles.
Au rcftc pour appcrcevoir clairement le danger qu'il y a de ne juger des Miracles
que par les circonftances que les gens prévenus leur oppolènt , il n'cft point néceflaire
de fortir de notre Siècle , il ne faut que faire attention aux nuages épais qui nous envi»
ronneot, & aux pièges qui nous font tendus de tous côtés.
Les
PARRAVVORTAVXMinACLES.&c. 49
Les Conftitutionnnires font en poifenTion de régner dans une grande partie du champ Disert.
de l'Eglife vifible; où h plupart ne cefl'ent de femer de l'ivraie. Si on prend leur avis ^"'"- ''"'''•
fur les Miracles que Dieu fait aujourd'hui parmi nous, ils ne manquent pas d: ré- °^^ ^"^' '
pondre, que ces JNliracles ne peuvent pas être l'œuvre de Dieu, puifqu'ils foudroient
une Conftitution qui eft, difent-ils, la voix de l'Eglife : ils raflfmblent tous les nua-
ges, dont Dieu a permis que l'ceuvre des Convulfions fût couverte: ils imputent à
tous les Convulfionnaires en général, ce qu'il y a eu de repréhenfible dans les deux
Scftes des Auguflinitlcs & des Vaillantifles : ils publient comme des fèits certains, tou-
tes les calomnies qu'on a forgées contre les Convulfionnaires mêmes qui ont le plus de
piété , comme étoit par exemple , Charlotte la Porte : ils ne discontinuent pas leur in-
jufte critique , quoiqu'on leur prouve que ks Convulfions de plufieurs ont écé illuftrées
par des Guérifons manifeftement Divines, opérées tant fur les Convulfionnaires mêmes
que par leur miniftére: & ils n'en concluent pas moins hardiment, que les Convulfions
étant, difent-ils, marquées à des caractères diaboliques, & cependant ne faifant qu'une
fei'.le & même œuvre avec les MIi"acles & l'Appel, le tout doit être attribué à l'esprit
pervers.
C'eft par cet étalage de faufles circonftances, qu'ils trouvent le moyen d'éblouïr le
Public , & de l'engager à donner au diable les œuvres de Dieu. Mais ils ne favent que
répondre, lorsqu'on leur prouve par des démonftrations Phyfiques , que les Mirachs
faits en faveur de l'Appel, font d'un| furnaturel fi cminent qu'ils n'ont pu être opérés
que par le renvei-fement des loi^ de la nature, ce que Dieu feul peut faire, & qu'ainfi
étant éviJemment l'ouvrage du Tout-puiflant , ils font un témoignage auquel on ne
peut fans crime refufer de fe foumettre, félon que Jefus-Chrift l'a décidé lui-même.
En répondant aux Lettres illufoires de M. l'Evéque de Bethléem, je réfuterai tou-
tes les fauffes conféquences que les Conftitutionnaires tirent de l'imion effèâive des Coa-
vulfions avec les Miracles ic l' Appel: & à l'égard de leur plus féduifante objedion,
fondée fur l'Autorité de leur Bulle, plufieurs Auteurs célèbres l'ont déjà pulvérifée.
Car ils ont prouvé, que cette Bulle n'efl: que le fruit de l'artifice des Jéfuites, bien
loin d'être l'ouvrage du S. Esprit; qu'elle n'eil: point acceptée par l'Eglife, puisqu'el-
le efl: au contraire direftement oppofée à fes véritables Décifions ; &: qu'elle profcrit
plufieurs Propofitions qui font de foi, *& dont même quelques-unes fe trouvent mot
pour mot dans les Ouvrages des SS. Pérès, &.'c. Mais le commun des fidèles n'eft
point en état d'entrer dans cette discufiîon Théologique , & n'a pas même tous les Li-
vres & les Ecrits qui lui feroient nécefTaires pour s'en bien inftruire. AulTi Dieu a-t-il
pris une voie bien plus abrégée pour éclairer les cœurs droits: il leur parle lui-même
vifiblement par des Miracles, & il leur montre clairement de quel côté efl la Vérité.
Rien n'eft donc plus important, dans le tems ténébreux où nous femmes, que d'en-
gager les Catholiques â fe conduire par h lumière célefte qui fort du fein des Mira-
cles : & rien n'eft au contraire plus oppofc au bien de leurs âmes , que de leur donner
de la défiance de ce flambeau divin, & de femer fous leurs yeux des 'Propofitions pro-
pres à leur faire perdre de vue le principil caraftére qui fert à le diftinguer de la lueur
obfcure , foible & trompeufe des illufions de Satan.
Mais fi dès à préfent les Propofitions du Deffenfeur des Antifecouriftes peuvent être
pernicieufes po ir un très grand nombre de pcrfoones, en les portant à négliger de pren-
dre connoifiTance des Miracles , à les regarder avec indifférence , & même à s'en défier ,
comme pouvant être également la voix de Dieu ou le fifflement du Serpent, enfin à en
juger par de fauffes circonftances que des perfonnes prévenues peuvent rapporter pour
les féduire; combien le venin de ces Propofitions fera-t-il encore plus capable d'inieder
quantité d'ames , lorsque le Prophète promis par Jefus-Chrift paroitra parmi nous?
Le Ledeur trouvera, dans m.s OhfirvAÙons [ht l'œuvre des Corivulfions Se lur l'éton-
Dijfen. Tom. II. G nant
jo "J T I L IT E' DE LA P H Y S I O^V E
Dissert, nant Prodige des Secours violens, plufieurs preuves que ce grand Evénement ne peut
surl'aut- ^jj.g fQ|.j e'ioigic': entre autres, il verra clairement que ces Secours fimboliques & pro-
digieux de toutes façons, font un pinceau furnaturel , & un tableau vivant, par lequel
Dieu repréfente déjà fous nos yeux les principales circonftances qui doivent préce'der,
accompagner & fuivre la venue du Prophète.
J'obferverai feulement ici, que les Miracles que fera ce Prophète, feront infaillible-
ment obfcurcis par des voiles épais , puisqu'il nous efl: prédit par la Vérité Incarnée ,
Matc.IX-ii. que ce Prophète fera méconnu, méprifé , rejette par la plus grande partie de h Gentilité
Catholique, & même mis à mort par les Chefs, ainfi que l'a été le Fils de l'homme par
les Juifs.
Si le plus grand nombre des Evoques , des Dofteurs &: des Prêtres méconnoifTent ,
méprifent , rejettent ce Prophète comme un impoftcur, ainll que les Chefs de la Sina-
gogue, les Pharificns & les Dofteurs de la Loi ont fait à l'égard de Jefus-Chrift, il
efl: fans doute qu'ils contrediront fes Miracles de toutes leurs forces, & qu'une multi-
tude de perfonnes s'empreff.rontjpour leur plaire, de publier & même d'inventer quan-
tité de circonfl:ances aveuglantes, propres à décrier les Miracles que fera ce Prophète,
ainfi qu'on le pratique dès aujourd'hui , fur tout à l'égard de ceux que Dieu opère par *
le moyen des Convullions, par le miniftére des Convullîonnaires , & par la violente im-
preflîon des grands Secours.
Quel fera le fort des Catholiques qui ne fe détermineront fur les Miracles de ce Pro-
phète, & confèqu ^mment fur fa pcrfonne, qwe par ces circonfl:ances tènébreufcs, &
qui croiront , en fuivant les maximes nouvelles du Deifenfcur des Antifecouriftes , que
les Miracles tirant leur principale force de leurs circonflances , on ne doit point fe décider
par la grandeur de leur furnaturel ? Dans quel abime d'aveuglement ne feront-ils pas en
danger de fe précipiter, puisque ce furnaturel divin fera alors le principal prèfervatif
contre la terrible féduftion qui perdra une infinité d'ames, & la preuve la plus forte,
la plus fenfible & la plus palpable , par laquelle Dieu convaincra les cœurs fimples Se
droits que ce Prophète eft effectivement celui qu'il a promis d'envoyer, qu'il parle de
fa part, & qu'il agit par fon Efprit ?
Le Deffènfeur des Antifecouriftes a-t-il bien fait attention au préjudice que des Pro-
pofitions auffi dangereufes que les fiennes, peuvent faire à un très grand nombre de
perfonnes ?
Il eft bien vrai, qu'il y a une circonftance qui accompagne presque toujours les vrais
Miracles, & qui fuffit feule pour faire juger avec affurance, même à des petits & à
des fimples, qu'une guèrifon furnaturcllc eft l'ouvrage du Tout-puilfaïu. C'eft lors-
In i Sent, qu'une telle guèrifon eft obtenue par des prières ttdrejfe'es à Dieu avec pieté, ainfi que
n.ft.;.qn. le décide exprelTèment S. Thomas, & que je le prouverai invinciblement dans la fuite
'' ^" de cet r.ciit. Mais ce n'eft point du tout de cette circonftance lumineufe, dont les
théologiens Antifecouriftes veulent parler, dans la Propofition que je combats, puis-
qu'au contraire tout leur objet eft d'ébranler l'Autorité Divine de laDécifion des Guè-
rifons Miraculeufes exécutés vilîblement par rimprellion violente des plus terribles Se-
cours, & que toutes ces Guérifons portent le caraftère dècifif dont je viens de par-
ler , ayant toutes été obtenues par des prières fiitcs avec ioi , avec confiance , avec
ferveur.
Bien loin que le Deffcnfcur des Antifecouriftes ait eu en vue cette circonftance édi-
fiante, il n'avance la Propofition en queftion, que dans k delfein d'écarter les preuves
les plus fnppantes de ces Miracles, de jettcr ainfi les Fidèles dans 1 incertitude fur leur
fujet , & de les obliger par h de recourir aux Théologiens auxquels il s'eft uni, pour
fc dèt.rminer fur ces Miracles uniquement par ce qu'il leur plaira d'en décider.
Il poulTc même fon zèh contre les Prodiges des grands Secours , jusqu'à décider que
les
PAR RAPPORT AV X M I R A C L E Sy &c. yr
les guerifons Miraculeufes opérées par ce canal font fufpedes,& que toutes cesMerveil- DtssrnT.
les ne fent pas faffifantes pour twtorifer les Secours. sur l'aut.
Voilà l'unique but des Propofitions téméraires par lesquelles cet Auteur fait fes ef- ^^^ ""**
forts pour renverfer la preuve qui ie tire de la grandeur des Miracles. RêponfcSce,
Mais n'eft-il pas inconcevable qu'il ait ofé les hazarder , lui qui s'eft élevé avec toute *
la force & la vivacité polTible , il y a peu d'années, contre ces mêmes Propofitions ?
Encore Dom la Tafte avoit-il feulement tâché de les infinuer dans fes Lettres , fans avoir
eu le front de les foutenir difertement,ainfi que le fait aujourd'hui ce prétendu Defïên-
feur des Régies & des Théologiens qui font, dit il, les plus pleifis de z,è!e pour maifi- j^jj „ ,,
tenir l'Autorité des Miracles.
Mais fi ces MM. & M, Poncet leur Deffenfeur ont cfTedivement confervé du zèle
pour les Miracles , pourquoi donc ont-ils totalement changé de principes fur ce fujet ?
Le Leéteur a déjà vu, que M. Poncet a traité de prcjhges & de blafphémes la Pro- m^:,''^"''*
pofition que Dom la Tafte avoit d'abord hazardée : qu'il eft très rare qu'on puifle dis- 49. s'^^uù.
cerner les Miracles Divins des opérations diaboliques par la grandeur du fumât ur el ^ & I^-1-""'P.
que ("efl par les circonfiances qu'on en doit ordinairement juger.
Dès que cette faufl": Propolition parut, les Théologiens à préfent Antifçcquriftes fe
récrièrent de toutes leurs forces, que Dom la Tafte vouloir par là nous mener à croire Exam.de la
tjrte jamais les Miracles ne feront preuve par eux-mêmes; puisque félon lui notts ne pon- '■ '^"t. «ie
vons favoir fûrement fi ce font de vrais Miracles , qm par d'autres marques diftinguéeS p.j. & 4. ^ '
des Miracles mêmes.
Auflî M. Poncet conduoit-il de la Propofition de Dom la Tafte, qu'il renverfoit les ix.Lett.i)4.
fondemens de la Religion , pour renverfer nos Miracles.
Il l'accufoit d'aatorifer par là les libertins à ne rie» croire. Il lui reprochoit , qu'il V.Lett.p48.
leur en fournijfoit les moyens, & qu'il pofoit les fondemens d'une incrédulité tnonfirueufe, ■^9-^°-î'-*'
•Cette Propofition lui paroiÏÏbit alors fi évidemment erronée, qu'il fuff.foit , difoit-il, lx.L«t.p.4.
de l'expo fer devant les Chrétiens pour leur en donner de l'horreur.
„ Qii'un peuple eft malheureux, s'écrioit-il, d'enfanter ainfi des hommes, qui lui v.Lett.p.5»
',, apprennent à être impie par principes !
Qiii auroit jamais pu prévoir que cette même Propofition que M. Poncet traitoit a-
lors d'impie & de blasphématoire, qu'il regirdoit comme un preftige fuggéré par le
démon ; qui, dis-je, auroit jamais pcnfé que le même M. Poncet feroit un jour û
aveuglé par la paffion de critiquer mon fécond Tome & les grands Secours, qu'il en
ftroit la bafe & le principal appui d'un de fes Ecrits ?
Ajoutons encore ici quelques-unes de fes réflexions contre cette même Propofition ré-
pandue dans les Lettres de Dom la Tafte , d'une manière moins précife , & employons
les pour réponfes à M. Poncet lui-même.
„ Je vous rendrai d'abord ce témoignage, difoit-il a Dom la Tajle, que c'eft mal- f^'p'"'*'*
\, gré vous que vous avez affoibli l'Autorité des Miracles en général. Vous n'en vou- P- 6.
,, lez réellement qu'à ceux (que Dieu a faits par'des moyens qui vous deplaifent.) Vo-
,, tre deflein eft de laiffer fubfifter tous les autres. Mais comme vous n'avez pu atta-
„ quer ces derniers, qu'en ôtant à tous les Miracles la force de faire preuve par eux-
,, même , en ne les confidérant que dans leur nature & leur fubftancè . . , vous leur
„ avez ôté (à tous) la force qui leur eft propre & qui leur appartient ... Ce que
„ vous leur avez ôté eft fi grand, qu'il eft impolTible d'y fuppléer par quoi que ce foit.
5, Rien ne donnera jamais aux Miracles comme Miracles , la force & le caradére de
,, preuve, s'ils ne l'ont pas par eux-mêmes, à les confidérer dans leur fubftancè & dans
,, leur être propre.
„ Le tort immenfe que vous avez, ajoutait-il, eft d'avoir ôté à l'Eglife pour tous Ibid. p.ii.
., les tems, l'appui des Miracles, &: d'avoir pofé des principes qui autoriferont fes ea-
G i „ nemis
DES MIR.
52 V T I L I r E DE LA P II T S I O^V E
DiîSERT „ ncmis à éluder leur Autorité : c'eft d'avoir rendu chacun maître de décider félon
1"" î^, *"^' " ^^'' i"fcrcts &: félon fes vues , de li force &: du pouvoir des Miracles " (en leur four-
niffjnt la faufle maxime, que c'eft par les circonlknces qu'on en doit juger: c'eft par
ce Sophisme) ,, d'avoir empêché qu'ils ne puiflent jamais fervir pour décider ks ques-
tions douteufes & pour terminer les difputes ... En vérité c'eft bien à tort que
vous vous plaignez après cela , qu'on vous ait comparé aux Pharillens : vous les
„ juftifiez, & ils vous condamnent: vous établiflez par Siftème & de propos délibc-
,, ré, ce qui n'ctoit de leur part qu'un e/Fet paflager de la jaloulie qu'ils avoient con-
„ çue contre Jéfus-Chrift.
„ Vous êtes à pliindre, difoit encore M. Powcw, d'avoir été choifi pour combattre les
„ Merveilles de Dieu. Vous ferez conduit de degré en degré jusqu'au plus affreufes
„ extrémités. A mefure que les Miracles fe multiplieront, & qu'ils deviendront plus
„ écbttans , il tombera fur vous ime nouvelle malédiction : vous deviendrez impie à
„ proportion que Dieu fera de plus gr:nds Prodiges. "
A Dieu ne plaife qu'une telle malédiftion tombe jamais fur des perfonnes que j'aime,
que je refpede, que je révère autant que les Théologiens Antifecouriftes & leur Def-
fenfeur !
Mais comment M. Poncet (après avoir réfuté avec tant de zèle les raifonnemens cap-
tieux de Dom la Tafte, par où il tâchoit d'oter aux Aliracles , . . la force 0- le carac-
tère de preuve . . ^«; leur appartient par eux-mêmes , à les conftdercr dans leur fuhjlance
dr dans leur être propre , afin de les faire dépendre principalement des circonftances ,
que chacun tourne félon fis intérêts qî' félon fis vues) comment, dis-je, cet Appellant
ofe-t-il avancer des Propoiitions encore plus direftement contraires à l'Autorité des Mi-
racles, que n'a fait Dom la Tafte, l'Adverfaire le plus déclaré de ceux de notre Siècle?
Quel effrayant prodige d'entendre M. Poncet s'écrier aujourd'hui avec un ton triom-
phant, comme s'il alloit remporter une grande vidoire, qu'il va donner une preuve fans
réplique , qui apparemment dcbarrajfera pour toujours les Théologiens Antifecouriftes
(& en même tems tous ceux qui voudront fe fouftraire à la Déciiion des Miracles) de
la fauffe méthode , dont je me fuis fervi contre ces MM. en employant des démonftra-
tions Phjftques pour prouver que des Miracles font Divins.
J'avoue qu'en lifant cette menace (de détruire pour toujours l'Autorité qne les Mi-
racles ont par eux-mêmes , &: de leur ôter la force cr le cara^e're de preuve qui leur ap-
partient par leur ftthfîance CT leur être Phjfiquc) j'en ai frémi jusqu'au fond des en-
trailles : & je puis certifier avec vérité, que j'ai été quelque tcms fans pouvoir me re-
mettre de l'émotion qu'elle a caufée dans mon cœur.
Quoi! Mes Pérès &: mes iMaitres, qui avez rendu jusqu'à préfent de fi grands fer-
vices à la Vérité, eft-il polTible que le dcfir que vous avez de vous déharrAjfcr des
preuves Phjjîques , par lesquelles j'ai démontré que les guérifons Miraculeufes opé-
rées par l'iitipreflion des grands Secours, n'ont pii être faites que par le Maître de la
nature j foit fi pr.ilfant fur votre cœur, & qu'il ait tellement obfcurci vos lumières or-
dinaires, qu'il vous empêche de voir, que fi vous réuflîflîez à prouver que le furna-
turel abfolu des Miracles ne peut fervir de rien pour les diflingutr des prefliges du démon ^
vous raviriez en même tems à votre Appel fcs armes les plus invincibles, & prccilcment
celles contre lesquelles vos Aëverfaires ne peuvent fe dcrtvndre ?
Mais ce n'eft pas feulement à l'importance infinie de l.i Caufc que vous avez foutc-
nHc jufqu'à préfent, que vous feriez un préjudice extrême: vous arracheriez en même
tcms des mains de l'Eghfc, le principal & le plus frappant des moyens vifiblcs que
Dieu lui a donné depuis fon établiffcracnt , pour terralfer fcs Advcrfaires , convaincre
&: convertir des incrédule?.
Une
P yi R RAPPORT AV X M I R A C L E S , &c. 53
Une chofe fort finguliére, c'eft que M. Poncet a prédit lui-mcme très clairement. Dissert.
il y a quelques années, «ite étrange démarche qu'il vient de faire conjouuement avec surl'aut.
les Théologiens dont il eft le Dellenfeur. °^' "'"•
tioM^ voyons , .reprochoh-il aux Confitltans , Se nous en gémifTons , que ceux qui I. Lettre de
,, font oppofés aux Convulfions (k grands Secours & autres) négligent l'avantage im- p/g.""'"'
,, menfe , qu'on peut tirer des Miracles en faveur de la Vérité . . . , en ofant dire que
„ le démon en peut faire.
,, Je croyois que les Appellans ne feroient jamais affez téméraires pour ofer méprifer X^'- !•««•
„ ouvertement les Miracles: j'efpérois que Dieu les éclaireroit par cette voix: je me ^*'
„ croyois en fureté du côté des Miracles : je croyois qu'on n'y toucheroit jamais.
„ Tout eft en péril : tout ce qui fe trouvera avoir un rapport néceflaire avec les
,, Convulfionnaires {& avec les grands Secours^} tout ce qui s'y trouvera lié, fera sa-
,, crifie'. Les Miracles mêmes feront obfcurcis. Ils ont fervi à fonder la ReUgion
„ & à la faire embraffer par les Infidèles; & aujourd'hui ils font inutiles à des inno-
,, cens qu'on opprime !
,, Ceux qui voudront s'infcrire en faux contre les lignes que Dieu pourra nousdon- V.L«tt. pî
,, ner pour fe faire reconnoître , prétendront que tous les Miracles, tous les Prodiges
„ font équivoques : qu'on peut les attribuer également à Dieu & au démon : que c'eft
„ par les circonstances qu'on en doit juger, & ces circonftances feront réglées
., félon les intérêts des vignerons, qui veulent fe rendi-e maîtres de la vigne."
Ce que nous voyons aujourd'hui, ne manifefte que trop clairement l'exécution lit-
térale de cette étonnante prédiction. En effet n'eft-il pas vifible , que depuis la perte
que nous venons de faire des deux grands Evêqucs Chefs de l'Appel, MM. 1-S Théo-
logiens Antifecouriftes font devenus ces lignerons , qui veulent fe rendre nos Maîtres, On en verra
& qui prétendent s'ériger un Tribunal fur tous les autres Appellans, &y juger defpo- aaifs^cTo-
tiquement des Aliracles , fuivant que leurs circonftances font conformes ou contraires à ■"« l'I-
leurs différens fentimens. C'eft à dire que ces MM. ne veulent plus reconnoître pour
Miracles Divins , que ceux qui font faits uniquement en témoignage de la canonicité
de l'Appel, te tout au plus ceux qui font opérés par le mouvement des Convulfions;
mais qu'ils font tout difpofés à abandonner au démon tous ceux qui autorifent les grands
Secours, & finguliérement ceux qui font vifiblement exécutés par leur violente impref-
fion, quelque Merveilleux que ces Miracles puilfent être.
Mais comment ces MM. ofentils vouloir ainfi élever leur tribunal au defliis même
des Miracles les plus abfolument furnaturels , & par conféquent les plus évidemment
Divins : comment ont-ils la hardieffe de pafler'même les bornes que M. l'Evêque de
Bethléem avoit lui-même refpeéléesî
Ce Conftitutionnaire fi zélé, cet ardent contradifleur de nos Miracles par les cir-
conftances qui lui déplaifcnt, & qu'il défigure félon fes préjugés; eft convenu lui-mê-
me , qu'il y a des maladies de toutes les efpéces , dont la guérifon exige abfolument U
main de Dieu; & par exemple, que toute produ£iion d'un corps dont la fubflance ne-
xifteroit point auparavant , feroit un ejfet certainement Divin. Ainfi il avoue lui-même ,
qu'il y a des Miracles qui indépendamment de toute circonftance extrinfeque, & par
la feule grandeur de leur furnaturel, portent fur eux une preuve inconteftable qu'ils ont
Dieu pour Auteur.
Qui fe feroit jamais attendu , que des Théologiens Appellans feroient un jour tous
leurs efforts, pour ravir aux Miracles ce cara^Sicre (i décifif & fi vifible du fccau de
Dieu; qu'ils voudroient leur faire per.îre la force de leur principale preuve, en écar-
tant toutes ce'les que nous fournit la Phyfique; & qu'ils s'arrogeroient le droit de ju-
ger de tous les Miracles conformément à leurs préventions, quelque marqués qu'ils
puilfent être au coin de la Toute-puiftance , qui n'appartient qu'au Créateur ^
G 3 C'eft
su
54 V T / L I T r DE LA P H Y S I O^V E
DissfRT. C'eft néanmoins de cette façon que ces Meflîeurs, en tirant des confcqnences errc-
;hl'aut. ^^^ de leur faufle maxime (qu'on doit juger des Miracles principalement pir les cir-
conftances qui les accompagnent) s'efforcent à préfent de peffuader aux FJdcles, qu'il
ne faut avoir aucun égard aux Miracles les plus éminemment fumsturels, lor. qu'ils font
opérés par des Secours violens; parce qu'au dire de ces MM. ces Secours bleflent les
régies. Sur quoi ils préfentent comme un principe, auquel nous fommes tous obligés
de nous foumettre, que la voix de tout ce qu'il leur pbit de nous donner pour des
Riponfe,* régies . . . ej} plus clairement la voix de Die» que celle des Afiracles . . . .- que c'ejiauxre'-
lbU.''p.''ioi.\f/<'^, fabriquées par leurs préventions , 17»'// en faut toujours revenir ^ &* que nul Aùta'
de, nul Prodige ne doit être écouté contre elles.
Ainfi voilà l'Autorité des opinions très variables S: très fautives de ces MM. élevée
au deflus de celle des Miracles, c'eft à dire au deffus des Décifions de Dieu même.
Que les Fidèles prennent donc bien garde de f; laifler éblouir par les faux principes
répandus dans la Réponfe des Théologiens Antifecouriftcs. Qu'ils cherchent la vérité
dans leurs anciens Écrits; & qu'ils fe défient de tous les nouveaux, 011 l'on apperçoit
clairement les triftes effets de l.=ur premier préjugé contre les plus Merveilleux Prodiges
qui échttent dans l'œuvre des Convulfions.
Le Lefteur a vu ci-deflus, que M. Poncct a lui-même pofé pour principe dans fa
IX. Lettre, que de vouloir ôter aux Miracles la force de faire preuve par eux-mêmes y
par leur fuhjiance , par leur être propre , c'eft vouloir ravir à l'Eglife V appui que les Ait'
racles lui ont fourni dans tous les tems : c'eft atitorifer fes ennemis à éluder leur Autorité :
c'ejl rendre chacun maître de décider félon fis intérêts (è" f" vues de la force (^ du pouvoir
des Miracles', enfin c'eft' les rendre incrpables de décider les quejlions dottteujès , 8c de
terminer les difputes. Voilà à quoi il faut s'en tenir.
En effet prétendre abolir la preuve frappante & décifive qui fort de l'être même des
Miracles , lorsqu'on démontre qu'ils font tels que le Tout-puiflant a pu fcul les opé-
rer, & vouloir faire dépendre la force de ces Décifions célcftcs des circonftances qui
les accompagnent, c'eft s'efforcer de priver l'ilglife entière de la preuve la plus triom-
phante que des Miracles fbnt Divins, & prefque de h fnile à laquelle ceux qui fe ré-
voltent contre cette voix de Dieu, n'ont rien à répondre. Car à l'égard des circonf-
tances, fo'.ivent il n'eft pas difficile de leur oppofer de vaines chicanes: & ceux qui
fe voient confondus par des Miracles Divins ne manquent prefque jamais d'en repré-
fenter les circonftances d'une manière défavorable, de les métamorphofer félon les ia-
intérêts de leurs préventions, ou même d'en fuppofcr de fauffcs; S: par ce moyen ils
t>arvienncnt à répandre des ténèbres, des incertitudes & des doutes fur les Merveilles
es plus évidemment Divines , à fe fouftraire à l'autorité de tout ce que décide ce Té-
moignage du Très-haut, &: même à éblouir la plupart de ceux qui ne fe déterminent
point par la grandeur du fumaturel des Miracles.
VI. Quel fervice le Defibnfeur des Antifecouriftcs ne rendroit-il donc pas \ tous ceux
d^M.'Kin" *!"' "^ veulent point fe foumettre à ce que les Miracles décident , s'il pouvoit réulTir,
CCI . rinduf- ainfi qu'il s'en vante , à les débarraffer pour toujours de la preuve démonftrative qui fait
ic'demood'e éclatter le caraftére diftinftif des Miracles Divins de la manière la plus forte, la pliii>
''n'É'""" l"'"'"^"^^ *-' '-^ pl"'' ftnfible? Quelle obligation ne l.ii en auroient point les Athées, les
«icsgrenouii-Déiftes, Ics prétcndus cfprits-forts, les Juifs, l:s Payens, les Hérétiques, les Con-
J^y^^^^'J^*"' ftitutionnaircs, les Confultans, les Antifecouriftcs, fc tous ceux qui s'obftincront à
poinr une méconnoîtrc Ic Prophète Elic, malgré tous les Miracles qui autoriferont fa Miftîon?
w^.nuc'qne ^*'^ ^^' Poncet ne réulTira pas dans cette entreprifc; car rien n'eft plus frivole que
iiPi.yrn)i,e la preuve par laquelle il prétend établir, que la Phyfique ne peut fervif de rien pour
vKde"ric" ju^cr fi des guérifons font vcritablem nt Miraculeufc;.
P'"'i'''^'r" Il ne foodc uniquement cette /Tfw.v» , qu'il dit iixc fins repliqttc , qu: fur h préten-
5'Ut es il- j^^^
VAR RAPPORT AVX M IRACLES,éc. jj
due prodttflion que les Magiciens de Pharaon .. . firent ^ dit-il, des grenouilles. • Dissert.
Car à l'égard du changement qu'ils firent, ou, pour mieux dire, qu'ils parurent ^"'^^''*"''*
faire de leurs -verges en ferpens , il déclare que comme la. plupart des Commentateurs pré- * ^*
fument qu'il y eut de l'enchantement , cr que le démon fafcina les yeux des Speiiateurs , "«"reftigès
Ô" ne fit autre chofe que de fubfiituer de véritables ferpens aux verges des Aiagiciens il ^\ démon.
veut bien me faire grâce de ce premier miracle , & qu'il n'inffle que fur la produilion que &c.'^p°"j-y.*
les Magiciens fient des grenouilles. Jbid.
Mais fi M. Poncet avoit pris la peine de lire fur ce fujet le Texte de l'Ecriture , il
y auroit vu, qu'il n'y efl: point dit que les Magiciens de Pharaon produifirent des
grenouilles, mais feulement qu'ils les firent fortir de l'eau, & qu'ils les conduifirent
fur la terre d'Egipte : Feccrunt fimiliter , eduxeruntque ranas fuper terram Egypti. Exod. VIII,
Or parce que les démons ont eu l'induftrie de faire fortir quelques grenouilles d'un ^*
ruiifeau & de les faire venir à terre, il ne s'enfuit point du tout qu'il eft impofllblede
juger par la Phyfique, fi une guérifon Merveilleute pafle l'étendue de la puillance de
ces malheureux Apoftats, c'eft à dire fi elle a été opérée par création, par une régé-
nération fubite qui équipoUe à création , ou de quelque autre manière fupérieure aux
loix qui régiflent toute la nature: ce que tous les bons Théologiens foutiennent, &
ce que Dom la Tafte, aujourd'hui M. de Bethléem, lui-même avoue être au defliis
du pouvoir non feulement des Serpens de l'Enfer, mais même de tout être créé.
Ce que firent alors les Magiciens de Pharaon efl: fi peu propre à établir le nouveau
Sifliême de M. Poncet, que lui-même dans une de fes Lettres contre Dom la Tafte,
qui avoit voulu fe fervir de ce trait d'hiftoire pour relever à l'excès le pouvoir du dé-
mon, & infinuer que le furnaturel éminent des Miracles n'eft pas toujours une preuve •
qu'ils font Divins ; lui reproche qu.' il faut apurement que la prévention l'ait aveuglé, pour x. lck. de
avoir choifi cet exemple , ou le pouvoir du démon a été confondu, pour prouver que ce pou- ^' P''"'^'»
'Voir efl tel qu'il empêche que les Miracles ne puijfent jamais fervir de prettve k les canfidé'
rer en eux mêmes cr dans leur fubfiance.
Dom la Tafte n'a point infifté: il a abandonné de bonne grâce l'avantage qu'il avoit
d'abord voulu tirer de ce paflage de l'Ecriture: il eft convenu dans plufieurs de fes
Lettres, que ces prétendues produdions faites par les yl/^^/c<>w d' Egipte ^éioÏQniÇoxx. con-
teftées. Il a avoué dans la VII. qu'il eft bien difficile de concevoir que le pouvoir des Ef- ^"- ï-^"-
prits créés puijfe atteindre a des Aierveilles fi furprenantes : il y déclare formellement , p. 164!""
qu'il ne prétend point fe rendre garant des difficultés qui font renfermées dans cette opi-
nion. Il ajoute même dans la XII. que 7? la Toute-puijfance de Dieu fi njanifefie dans XII. Lctt.
la production des êtres infenfibles , fon pouvoir ^ fa fagejfe brillent encore plus dans la for- P- î'ts-
mation des corps vivans. ,, En effet, s' écrie-t-il , quelle multitude d'os, de fibres, de Ibid.p. jjt.
,, nerfs & de mufcles dans chaque animal de toutes les efpéces ! Quel art dans chaque
5, patrie ! Quel ordre dans tous les reflbrts qui fervent à fes diverfes fondions ! Quel-
,, le merveilleufe induftrie les fait vivre, voir, entendre, fentir, drc. Tout cela n'eft-
,, il pas une preuve évidente d'un être fouverainement grand & puiffant?" D'où il
conclud, qn il efl faux que des êtres bornés puiffent produire de telles Merveilles. ibid. p. yn-
Cependant M. Poncet encore plus hardi que le plus fameux Contradiéleur des Mi-
racles de ce Siècle, ofe avancer aujourd'hui avec une confiance inconcevable, que
„ tous les Interprètes & les Théologiens conviennent .... que les Magiciens de Pha- Revcnfe,
„ raon firent la production des grenouilles , . . • que ce prodige n'étoit point au def- ^'^' ^' ^''
,, fus du pouvoir du démon, & qu'il l'.ii a été facile de l'exécuter en prenant des œufs
„ de grenouilles, les faifant éclorre fur le champ, & donnant avec une rapidité incon-
„ cevable à toutes les parties d'un petit germe prefque imperceptible , tous les accroif-
„ femens néceflaires pour parvenir en un inftant à la mefnre d'une grenouille ordinaire."
Et de cette faufle afl'ertion, il tâche d'en faire conclurre à fon Leéteur, fansnéannx>ins
oler
%
J5
5fi VTILITE DE LA P H Y S I O^V E
DissEBT. ofer le dirt exprcflcment lui-même, que fi le démon a bien pu faire un Sliiîî grand
sup i.'\uT. prodige que celui de former en un i:»ftant des animaux vivans & d'une erandeur parfai-
te avec oe petits germes prelque imperceptibles, il n y a prciquc point de gucnions h
mervcilleufes qu'elles paroifTent, qui (oient fupcrieures h fon pouvoir. AulTi invite-t-il
fon Lcôeur de faire lui-même l' application de cet exemple k ccux^ c'eft à dire aux guc-
l'ifons miraculeufes, dont j'ai fait mention dans mon Jccond volume.
Quelle diffe'rence entre M. Poucet combattant pour les Miracles contre Dom la
Tafte, & M. Poncet s'effôrçant d'e'luder la décifion de ceux que Dieu a faits par le
jY'p"""'' "loyen des Secours violens ! „ Les Magiciens de Pharaon, objecle-t-il a D. la Tafle ,
p. '44.' ' j, imitèrent quelques-unes des Merveilles que fit Moyfe: ils ne purent les imiter tou-
,, tes ; & à l'égard de celles qu'ils eurent le pouvoir de contrefaire , ils le firent très
„ imparfaitement, ils le firent fervilemcnt. . . . Comme nous n'avons point de connoif-
„ fance d'aucune iiiftoire, où ce pouvoir du démon ait paru plus grand & plus éclat-
tant, cet exemple peut ûrvir à fixer l'étendue de ce pouvoir, & à montrer com-
bien il eft inférieur à celufque Dieu s'eft refervé de faire paroître, quand il veut
parler aux hommes & leur donner des fignes certains de fa prcfence , afin qu'ils
„ puiffent.fe fier à lui pleinement & fans aucun doute.
,, Il eft certain, contintte-t-il ^ que le démon a reçu de Dieu une certaine mefure de
„ puiflance, il peut plus que les hommes....* Il eft peut-être impoflîble de détermi-
„ ner jufqu'oii cette puiflance peut s'étendre, & d'en marquer les bornes précifes;
„ mais on j>eut aifurer avec le dernier degré de certitude, qu'il y aune infinité de cho-
,, f.s qui furpaflent fon pouvoir. "
IX. Lctt. y. „ Il n'y a rien de plus abfurde, dit-il ailleurs , que de raifonner d'un pouvoir com-
*' ,, me s'il étoit fans bornes, par cette unique raifon qu'on n'en peut pas fixer les bornes
d'une manière précife.
,, Je ne veux point, dit-il encore, qu'on me préfente la nature ou le démon, corn-'
me des puilfances fans bornes , auxquelles on fe croit en droit d'attribuer tout ce qui
nous pafle, quelque admirable qu'il foit. Je ne vois que la puiflance de Dieu qui
„ nous préfente un fond que nous ne puilfions fonder. "
V. LcK. p. Il décide même, que le pouvoir du démon ejl très petit, Ji on le compare a celui que
Jefus-Chrifl s'eji refervé de fiire éclater de tems en tems dans fon E^life.
IbiJ« „ Les Miracles, ajoutc-t-il, que peut faire le démon, refl'emblent à ceux que Dieu
„ fait pour honorer fes Serviteurs, comme l'acceptation ds la Bulle reflcmble au Con-
„ cile de Nicéc & aux autres Conciles généraux."
Ibid. j, Et fi h démon fait des prodiges de guérifon, il ne les fait qu'en'" faveur de ceux
qui l'invoquent, qui s'adreflent à lui , & qui ont commerce avec lui: il ne les fait
qu'en vertu d'un pacte exprès ou tacite, fait avec lui en conféquence de maléfices,
de forts, de pratiques fuperftitieufes. li eft inouï qu'on ait jamais attribué au dé-
mon des guérifons accordées à ceux qui les demandoient à Dieu, & qui ne comp-
toient que fur fa puiflance & fur fa bonté pour les obtenir.
,, Le troiliéme caraélére , ajoute-t-il, qui conferve aux Miracles toute la force né-
ceflairc pour décider de quel côté eft la Vérité, c'eft que le démon, ou quelque
impoftcur qu: ce foit revêtu de fa puiflance, ou^ne pourra jamais faire de Miracles
pour autorifcr l'erreur; ou, s'il en fait. Dieu en fera toujours de plus grands pour
le décréditer & empêcher la fédudion. En forte qu: l;s miracles de l'impoftcur ne
ferviront qu'à faire éclattcr davantage la puifl'ince de Dieu, &: donner aux véritable^
Miracles un degré de force fupérieure à celui qu'ils auroient eil fans cette contra-
diétion."
Ainfi fiiivant que le penfoit alors M. Poncet, il eft très aifé de difcerner les Mira-
cles Divins des faux miracles du démon, foit par la grandeur & la vérité de leur fur-
n.uu-
j>
5>
5>
PAR RAPPORT AV X M I R A C L E S,&c. 57
naturel, Toit par les moyens de les obtenir, foit par la circonftance que Dieu ne per- Disssur.
met jamais au démon de fjire des miracles apparens que pour faire échtter davantage ^"'"''*"'^-
par leur foiblefTe la fupcriorité des fiens. oEjMia.
Voilà l'idée que M. Poncet dans le tems qu'il écrivoit contre Dom la Taflc , vou-
loit qu'on prît de tous les prétendus miracles, ou pour mieux dire des preftiges ou
des tours d'escam.otfi'ie , que firent les Magiciens de Pharaon.
Aujourd'hui le moindre de ces artifices diaboliques (je veux dire celui d'avoir fait
fortir de l'eau , devenir à terre, des grenouilles) eft par la tournure que M. Poncet
lui donne, une preuve fa» s reflique , que le démon a le pouvoir de faire de fi prandes
merveilles , que la Phyfique eft tout à fait inutile pour diftinguer les œuvres de la
Toute-puiûance de Dieu, d'avec les opérations illufoires des efprits de ténèbres.
Mais ne différons pas davantage à prouver que la mémoire de M. Poncet a é:é cton- vi.r.
namment fautive, lorsqu'il a dit que tous les Théologiens conviennent imanimement , j^'^sj*^"
que les Magiciens de Pharaon ont formé des grenouilles avec des germes prefque imper- i'ei«sdci'E-
Pour donner une jufte idce des fentimens des SS. Pères & des plus célèbres Théo- Tùéoio-
logiens fur ce fuiet, il eft néceflaire de rendre compte généralement de ce qu'ils ont fj'»°s*en^"*
penfé à l'égard des trois efpéces de merveilles, que fit l'efprit impur par le miniftére ffûispartis,
des Magiciens de Pharaon, c'eft à dire à l'égard des baguettes de ces Magiciens, qui ce qSeiedc-
femblérent fe métamorphofer tout à coup en ferpens, à l'égard de Ueau qui parut "°"^p"/"
changée en fang , & à l'égard des grenouilles que ces Magiciens firent fortir d'un contrefaire
riiifTpin lestroispre-
ruiueau. ^ ^ ^ ^ ^i^^ Mua-
Il y a fur cela trois fentimens. Les plus anciens des Pérès de l'Eglife & d'autres an- "^i" deMoi-
ciens Auteurs , ont regardé ce que le démon a exécuté pour contrefaire les premiers *'
Miracles de Moife, comme de pures illufions: d'autres, comme des miracles du pre-
mier ordre; & les derniers, comme des tours d'adreffe.
Jofeph, Philon, S. Juftin, TertuUien , S. Grégoire de NiflTe, S.Jérôme, S. Euf- vin.
tîthe , Pierre le Vénérable , & en général prefque tous ceux des anciens Auteurs ^^ piùpar»
qui ont parlé de ces trois efpéces de merveilles fabriquées par le démon, ont jugé i'"cs"dé'rE-
qu'elles n'étoient que de pures illufions, que ce Père du menfonge avoit faites aux êl"c- &.<'«*
yeux des (pedateurs, en leur préfentant des images de ferpens, de fang & degrenouil- ^'ut\u"s'^'ont
les qui n'avoient rien de réel. p'rodl^es'dct
Le prétendu changement des baguettes de ces Magiciens en ferpens , a été l'objet de magiciens
leurs principaks réflexions; parce qu'en fuppofant que ce changement eût été réel, ce n'ctoïent°"
feroit un vrai Miracle évidemment fupérieur au pouvoir de tout être créé, d'oii il fuit 3"= dépures
qu'il eft impoQible qu'il ait été opéré par le démon.
On trouve à ce fujet des principes très lumineux dans plufieurs des Ouvrages de
ces Saints Dofteurs. On y apprend par exemple, que non feulement Dieu feul peut
créer, mais qu'il eft même le feul qui a la puiiBnce de faire ce qui équipolle à créa-
tion ; d'oii il fuit , que lui feul peut produire tout à coup des animaux qui aient auf-
fitot leur grandeur complette ; parce que non feulement il fait pour cela intervenir les
loix générales & permanentes par lesquelles il a voulu que la nature fût régie , mais
mém? qu'une telle production ne fe peut faire qu'en formant en un inftant une multitu-
de inconcevable de parties qui font d'une ftrufture fi merveilleufe & d'une fi grande
finefl'e que la plupart nous font prefque incomprélienfibles , & que toutes font néan-
moins abfolument eflentielles pour fournir aux animaux la vie , le fentiment, la faculté
d'agir, la vue, l'ouïe & tous les autres fens. Or il eft d'une évidence manifefte,
qu'un tel ouvrage ne peut fe faire que par l'unique Créateur de tous les êtres , èc qu'il
équivaut à une création , lorfqu'il lui p'ait de l'exécuter en un moment avec toute
h perfeflion néceflaire, pour donner à ces animaux toute la grandeur , la force, l'agi-
Dijfcrt. Tom. IL H lité,
10.
58 V T I L I T L' DE LA P H T S I O^V E
Dissert, litc, Sc les 3'jtres qualités iovX leur mture eft capabl?. D'où l'on doit neceflairemfnt
surl'aut. coiicUirre, qu'il ne faut donc pas prendre rigoureiifen-.ent à h lettre les exprellions que
*""'"• le Texte Sacre emploie à cet égard.
Car ce qui fait ici la dilïiculté, c'eft que l'Ecriture pour exprimer les prefliges
que le démon fit à ce fujet , fe fert des mêmes termes avec lefquels elle rend compte
des deux premiers Miracles & du Prodige que Dieu fit par le miniftére de Moïfe &
d'Aaron.
Voici ce qu'on lit dans l'Exode, à l'égard des baguettes métamorphofées en ferpens,
Exod.VlI. j^ Aaron jetta fa baguette devant Pharaon & fes Serviteurs, & elle fut changée en fer-
,, pent : Tullique Af-ron virgam coràm Pharaonc cr firzis ejus , ejud. ver fa efi in colubrum.
IWd. II. ^^ Or Pharaon ayant fait venir les Sages d'Egipte& les Magiciens , ils le firent fem-
,,"bbblement par leurs enchantemens & par certains artifices cachés: FocAvit autem
Pbarao ftpientes & makficos , & fecertint etiam ipfi pcr incantntiones dgyptiacai <y arcanA
tjMitdttru fimiliier.
„ Ils jettérent leurs baguettes à terre , & elles furent changées en ferpens: mais la
Ibid. 11. ^^ baguette d'Aaron dévora leurs baguettes: Projeccrant^ue Jingnli virgas fuAs qua ver'
fe funt in ferpcnres , fed devoravit virga Aaron virgas corum.
< Dans tout ce récit il n'y a que deux termes qui embarraflent & qui poiirroient pof-
ter à croire que les baguettes des Magiciens furent réellement changées en ferpens , fa-
voir le termrJe SEMBLABLtjinNT , fecrrmt f militer , & le terme de change'es en
(erp:'r)s ,verfe Jiifit in dracones. Mais les anciens Pérès étoient trop verfés dans l'Ecriture
pour n'y avoir pas remarqué , que fouvent ces termes ne doivent pas s'y prendre dans
toute h rigueur de la lettre.
T. Par raport au terme 7»w////fr , il efl: quelquefois employé dans un fens qui fem-
■ble en quelque forte oppofé à fa fignification naturelle. On en voit un exemple frap-
pant dans la rcponfe que fait Abraham au mauvais Riche de l'Evangile.
„ Mon fils, lui dit-il , reflouvenez-vous , que pendant votre vie vous avez reçu
Lac. XVI. ,, des biens & que fembbblement Lazare n'a eii que des maux : fili , rtcordare qui*
,, rccepifti hona in vità luà (fr L^zarns fmiliter mata."
11 eft évident que ce n'eft point une chofe femblable, que de recevoir des biens ou
des maux. Ainfi il eft vifible, que dans ce vcrfet le mot femhlublement veut propre-
ment dire, qu'au contraire Lazare n'avoit eu que des maux pendant fa vie. D'oii l'on
doit conclurre , qu'il ne répugne donc point à la fa(;on ordinaire dont l'Ecriture s'ex-
prime, d'entendre par Is termes , malefci feccrunt f militer , que ces Magiciens fircrt
une chofe qui parut femblable au char^gcment réel qu' Aaron avoit fait de fa baguette
en ferpeht. Cette interprétation eft même d'autant plus recevable , qu'il y a plus d'un
exemple , que l'Ecrit ire parle quelquefois des chofes fuivant qu'elles •poroiflent aux
ftns, & non pas fuivant ce qu'elles font efièctivement.
2. A l'égard du terme verfe fnnt , ont été changées , ces célèbres Docteurs ont ob-
fervé, q.ie fouvent cette exprelfion (ignifie dans le Texte Divin, non qu'une chofe a
réellement changé de nature, mais qu'une chofe contraire a fuccedé, a pris la place, x
été fubftituée à une autre.
C'eft pnr exemple , dans ce fens que Jéfus-Chrift dit X fes Apôtres : „ Votre tris-
Icin. XVI. ,, teflc fera changée en joie -.Trijliriit veftra vertctur in gandium. " Ce qui ne veut pas
**• dire que la trifteffe des Apôtres changera de natiu-e, mais feulement qu'une grande joie
fuccédera h leur triftefic.
lob. XXX. De même lorfquejob dit que fa ,, lyre a été changée en pleurs: convtrfa cfl m
''' ,, luitHin cith.iru mea , " cela ne fignifie point qne fa lyre s'eft convertie en larmes,
mais uniquement que les larmes ont pris la place des cantiques de joie qu'il chantoit
auparavant.
«y
R ué R R u4 P P 0 R7 ^V X MIRACLES, &c. yp
Pareillement lorfqu'on lit dans les Lamentations de Jeremie, que ,,les chants d'allé- Dissert.
,, grelTe ont cté changes en chants lugubres, verfUs efl in luStum chorus nofler'\ onsuRt-'AUT.
comprend que ce ne font pas les chants d'allégrefle qui font réellement devenus lugu- "^' ""*'
bres, mais que des chants lugubres ont été fubftitués aux chants d'allégreffe.
. Ce n'eft donc point s'écarter de la façon dont l'Ecriture emploie alfez ordinairement
le terme àz changé o;}xt de l'interpréter en difant, que des figures de ferpens ont été
fubftituces à la place des baguettes des Magiciens.
A quoi ces favans Dodeurs ont ajouté ce que Dom la Tafle lui-mêméme rapporte
d'après eux , qu'il n'ejl pas toujours nécejfaire de prendre les Textes des Divins Livres
dans toute la rigueur de la lettre; qu'il ejl per»%is de s'en écarter , Ji on le peut fans s'éloi-
gner de l'ufage des Auteurs Sacrés & du fens de leurs expreffions ordinaires : qu'// faut
même le faire Ji en infiflant fur le fens littéral ^on choque la raifon Q- la foi ... & qu'il
efl: manifefte qu'on ferait dire a l Auteur Sacré . . . une chofe que la raifon (jr la foi-
condamnent également , fi on prenoit dans un fens rigoureufement littéral ce qui y eft dit
du changement des baguettes en ferpens par l'enchantement des Magiciens.
Ajoutons à cette obfervation décifive , que les termes d'enchantement & d'artifice
caché, per incantationes & arcana , dont fe fert l'Ecriture , pour caraftérifer la nature
des moyens que le démon mit en œuvre dans le délîr de contrefaire les Miracles de
Moïfe, donnent clairement à entendre, que tout ce que fit alors cet Efprit impofleur,
ne fut qu'illufion & que preftige. En eftet l'enchantement ne peut produire que des
phantômes, & l'artifice ne fert qu'à tromper & faire lUufion.
. A l'égard de l'eau qui parut changée en fang, par l'enchantement des Magiciens,
l'opinion de ces anciens Auteurs, que ce n'étoit qu'une apparence , eft fondée fur ce
principe inconteftable , que le démon ne peut point changer i;s êtres matériels de natu-
re , quant à leur fubftance eflentielle.
Enfin, à l'égard des grenouilles , rien ne les obligeoit de s'écarter des termes pré-
cis de l'Ecriture , qui ne préfentent à ce fujet qu'un prodige nullement fupérieur au
pouvoir du démon , puifqu'il ne confifte qu'à faire foitir quelques grenouilles d'un
ruiffeau.
Celui même que Moïfe fit à cet égard , n'eft furprenant que par la multitude in-
nombrable de grenouilles qui couvrirent toute l'Egipte.
„ Le Seigneur lui commanda (non de changer la pouffiere en grenouilles , ainfi qu'il Eîrod. vill.
,, la changea par la fuite en moucherons, mais feulement) de dire à Aaron d'étendre fa 5•^^''''•
„ main fur les fleuves, les ruiffeaux & les marais d'Egipte , pour en faire fortir des
„ grenouilles , qui fe répandirent dans tout ce pays : Et educ ranas fuper terram E-
En conféquen ce „ Aaron étendit fa main fur les eiux, fuper aquas ; & il en fortit des
„ grenouilles qui couvrirent la terre d'Egipte : Et afcenderunt ranx , operueruntque ter-
ram Egyt>tt.
„ Les Magiciens le firent lemblablement par leurs enchantemens : " ce qui veut dire
très clairement, qu'ils firent pareillement fortir de grenouilles , de l'eau. „ Et ils les
„ firent venir lur la terre d'Egipte. Fecerunt autem CT malefici per incantationes fuas fi-
militer , eduxeruntque ranas fuper terram Egjpti.
Voilà uniquement tout ce que porte le Texte Sacré fur ce dernier prodige ou prefti-
ge des Magiciens de Pharaon; mais quoiqu'il n'y ait rien de fort étonnant dans une
ipparence que le démon avoir employé le même moyer
les trois preftiges en queftion, & qu'rinfi comme il y a tout lieu de croire que fes
deux premiers preftiges n'ont confifiéqu'à préfenter des phanttimes aux yeux des Spec-
H a Sa-
6o '•UTILITE' DE LA F H Y S I O^V E
Dissert, tatcurs , en leur faifant voir ce qui n'étoit point, il eft à préfumer qu'au lieu d'avoir
SUR l"aut. pris la peine de faire fortir des grenouilles de l'eau & de les conduire au lieu où il
DES MiR. vouloir qu'on les vît ,ilavoit"trouvé qu'il ctoit encore plus court d'en préfenter la figure.
Réponfe.&c. Mais comme il a plu à JM. Poncée d'attefter au contraire que tous les Interprètes &
f" '*• Us Théologiens conviennent que les M.tgiciens de Pharaon formèrent en un inftant , quoi-
qu'il n'en foit rien dit dans le Texte Sacré , des grenouilles d'une grandeur complette
en pren.iKt des œttfs de ces animaux , les fatfmt éclorre fur le champ , & donnant avtc une
rupi.it c inconcevable a toutes les parties d'un petit germe prefejue imperceptible tous les ac-
croiffemens néceffaires pour parvenir en un infiant a la mcfure d'une grenouille ordinaire;
il eft bon, pour contredit , de mettre fous les yeux du Ledeur quelques-uns des pas-
faqes des Pérès de autres anciens Auteurs qui confirment les faits & les principes que
je viens de rapporter, & qui contiennent les conféquences qui en réfultent & qui font
diamétralement oppoices au nouveau Siftême de M. Poncet.
Mais je vais faire encore bien plus: je vais commencer par convaincre ce Siftême de
faux, par des Textes mêmes de l'Ecriture, qui nous manifeftent très clairement, que
bi^n loin que ce que firent alors les Magiciens de Pharaon, doive être regarde conime
des Miracles fupérieurs aux loix permanentes qui gouvernent la nature, ce ne fut au
contraire qu'une vainc & trompeufe illufion , ou un tour d'adrefle , & que les Egip-
tiens eux-mêmes en demeurcrent convaincus, aufTi bien que les Ifraélites.
C'eft ce que le S. Efprit nous a déclaré très formellement dans le Livre de la Sa-
geffe. Alors, dit-il, „ les artifices de l'art magique tombèrent dans la dérifion,..& la
,, fcience dont ces Magiciens fe glorifioient fut honteufcment convaincue de faufle-
Xvîf.' V' s> f^* " ■I^^Z''^'' ^^''^ appojtti erant derifus O" fapientia glorix corruptio cum contumelià.
C'eft pareillement ce que nous apprend S. Paul , en nous difant que „ Jannès &
„ Mambrès refiftérent à MoiTe , mais que la folie de ces Magiciens (c'eft à dire l'il-
î Ti III " li^'^o" menfongére de leuis fupercherics ) fut manifeftée à tout le monde. Jannes cr
s. & 5. ' ' Mambres refiitcrunt Mo'ifi . . . fed injipientia eorum manifcfta . . . omnibus fuit.
Aufli c'a été une Tradition conftante chez le Peuple Juif, que tout ce que ces Ma-
giciens avoient opéré , pour tâcher de contrefaire les Miracles de Moïfe , n'avoit été
qu'illufion, qu'artifice, qu'impofture & que menfonçe.
Outre ce qui en eft dit dans le Livre de la SagefTe, ils fe fondoient encore fur le
Difcours que fit Moïfe à Pharaon , &: qui eft rapporté par Jofcph.
Jofeph.An- „ Pharaon, dit cet Hifiorien , vantant à Moïfe les tours merveilleux que faifoient fes
t.q. fud'siq ^^ Enchanteurs, & les comparant aux Miracles de Moïfe, ce Serviteur de Dieu lui
1Y.1.C ap. ^^ j.(ÇpQndit, que ce qu'il faifoit furpafloit autant les artifices de la magie que les ou-
„ vrages de Dieu furpalTent ceux des hommes ,& qu'il agiftbit par lefecours & la puis-
„ fance de Dieu & non par des enchantemens illufoires , ni par des tromperies con-
„ traires à la vérité."
Selon ces paroles de Moïfe qui font évidemment conformes à ce qu'on lit dans la
Sa'^elfe & dans S. Paul , tous les prodiges apparens des Magiciens de Phataon n'étoient
donc que des artifices , des tromperies contraires a la vérité^ ou des enchantemens illufoires,
nil.il. uti Philon autre ancien Auteur Juif, donne la mcme idée que Jofeph de la différence
M. irn,i.b.i. qu'il y eut entre les Miracles réels de Moïfe & les preftigcs des Ma;:iciens. Il s'écrie
t!'ii'.."ctr)i(:* en parlant des Merveilles que fit Moïfe qu'„un fi magnit-que fpcé^acle ôta tout foup-
t'.r'ijc's'" " S°" ^"^ méchans mcmes , qu'il eût opéré ces McrveilVs par des fraudes humaines,
„ ou par les artifices de la magie qui ne font inventés que rour tromper; t\- qu'il prou-
„ va au contraire, qu'il avoit agi par une Puiflance Divine , à laquelle rien n'eft diffi»
„ cile". Tarn magnificum fpeil.iculum ^ etiam inicjuis .>iimis omncm ftifpicionem excmit^
ni puiarent httc agi humMiis fophifmatibus aui artibus ad fraudcm invcntis , fed aiviuÀ
patent ià , cui nihil non facile efi,
Ainfii
a,
PAR RAPPORT AV X M I R A C L E S, &c. 6i
Ainfi félon cet Auteur Juif, la différence qu'il y eut entre les Miracles de Moïfe & Dissert;
les prodiges apparens des Magiciens de Pharaon, c'ell: que les premiers furent izits far^^^^ *"''•
MKC Pitijfance L'ivim ^ & ceux des Enchanteurs /><«r des fraudes humaines , cr par les arti-
fices de la magie , c'efl: à dire par des illufions qui ne font que tromper les yeux.
Citons préfentement d'anciens Pérès de l'Eglife, & autres Auteurs Ecclcfiaftiques.
On lit dans le Traité intitulé Oueflions (^ Réponfes , qui fe trouve parmi les Ouvrages
deS. Juftin, que ,, les miracles que firent les Enchanteurs de Pharaon par l'opération des
„ démons, n'étoient que des preftiges qui trompèrent les yeux des Spedateurs , en leur ^^J^pf g; ^
„ faifant voir comme un ferpent ce qui n'étoit point un ferpent , comme du fang ce )«ft- qusft.
„ qui n'étoit point du fang, comme des grenouilles ce qui n'étoit point des grenouilles. ^'*"^' '*^''
Oua vero ab incantatoribus fiebant miracula , operatione fiebant d&monum , c^ui prafligiis
ochIos deceperunt fpe^lantium , ut quafi ferpent em afpicerent qui fcrpens non crat , ^ quafi
fangainer/t qui fanguis non erat , er quafi ranas qutt rarnt non erat.
Tel eft auffi le fentiment de Terrullien par rapport à ces preftiges.
„ La vérité des miracles de Moïfe , dit-il dévora ces menfonges. Sed Mofis vert- TertuiL de
, . . ,, u j anima cap.
„ tas Trtendactttm vcravit. Î7.
S. Grégoire de Nilfe dit pareillement, qu',.après que Moïfe eiit changé fa baguette S.Greg.Nif.
„ en ferpent à la vue des Egiptiens , leurs Magiciens s'imaginèrent qu'ils fcroient un i^J^JJ* j'^'"'-
pareil Miracle, de changer auflî leurs baguettes. Mais, ajoute-t-il , ce Miracle ef- 173.
feéiif convainquit , que celui des Magiciens de Pharaon n'étoit qu'une impofture :
car le ferpent qui avoit été formé de la baguette de Moïfe, ayant dévoré les baguet-
tes magiques qui fembloient être des ferpens , fit voir clairement que ces prétendus
ferpens n'avoient ni vie ni aucune force pour fe deffendre , &: qu'ils n'avoient qu'u-
ne apparence que les preftiges de ces Magiciens avoient préfentée aux yeux de ceux
„ qui étoient faciles à tromper" c'eft à dire aux yeux des Egiptiens & de leur Roi.
Pofiquara autem in oculis JE,gtptiorum virgam fuam ferpentem eff'ecijfet Aiofes , idem mi-
raculum magia faB:urum fe exiflimavit in virgis Aiagorum. Sed fallaciam efficacia redar-
guit ^ dum ferpens ex Mofis virgà converfus , magica ligna ^ ferpentes fcilicet , comedendo ^
nullam illis inejfe vim itltrtcem aut vitalem oflendit , prdter fpeciem , quam oculis eorum
qui facile decipi poterant , prafiigia Jidagorum exhibuerant.
Dans le Commentaire des Epitres de S. Paul attribué à S. Ambroife , on lit que
,, Jannès & fon frère Mambrès , qui étoient des Magiciens ou Enchanteurs d'Egipte, Comment.'
„ s'imaginèrent qu'ils pourroient réfifter aux Merveilles que Dieu opéroit par Moïfe, Epift.s.Pau-
„ en les contrednant rauliement par 1 art de la magie. Jannes er Mambres jratres erant bros.
magi vel venefici ty£gyptiorunt , qui arte magia fu£ -virtmibus Dei qua per Aioifen agc-
bantur , emulatione commentitià refiflere fe putabant,
C'eft aulTi ce que S. Jérôme exprime en quatre mots d'une manière encore plus frap- s. Jerom.
pante. ,, Ces M.igiciens , dit- il , réfiftérent par des menfonges (c'eft à dire par des jôviiu'am" '
„ tromperies des tours d'efcamoteries , ou des phantômies qui n'avoient qu'une fimple ap-
„ parence) aux Miracles que Dieu opéroit par le miniftére de Moïfe: Signis Dei,qua
operabatur per Moïfen , magi fais refiitere -/Kcndaciis,
Le Père juénin ajoute, que ,, quoique les Magiciens d'Egipte aient fait illufion aux juen.inPro.
„ E<?iptiers pour faire paroitre à leurs yeux quelques-uns des Prodiges qu'avoit fait xfùô^'dift.
„ Moïf , ils ne purent néanmoins leur faire une pareille illufion par rapport à routes 4. c^. i.c. 3.
„ les Merveilles que fit ce Serviteur de Dieu?" Licet maleficizy£gyptiorum in nonnullis
portentis iliuferint populorum uculis , non potuerunt tamen illudere in omnibus portentis qu£
Aiotfes p ,egit.
Non feulement S. Euftathe Evéque d'Antioche ètoit de même fentiment, mais il
croyoi*' mcm; , qu'il n'étoit pas permis de penfer que les prodiges des Magiciens a-
voieut été réellement pareils aux Miracles de Moïfe.
H j „Ne
61 VTlLrTE' DE LA P HYS / Q^V E
DissiPT. „ Ne dites pas, s'écrie-t-il, que ce qui a été fabriqué par ces Magiciens, foit fem-
ioul'aut.^^ jjle à ce que Moïfe a fait : à Dieu ne plaife que qui que ce foit le dife I C^ar il n'eft
DEcuiR. ^^ permis de comparer des chofes fuperftincufes , & qui n'avoient qu'une apparen-
Ot^'^bi"'»» ^^ propre à amufer la curioilté , à des chofes que Dieu a fait lui-même. Tout ce
rp.Tomij j, que Moïfe exccutoit , portoit avec foi un caractère évident de vérité , au lieu que
p.i;. c. X. ^^ tout ce que les Enchanteurs s'efforçoicnt de faire n'étoit que des chofes imaginaires
,, qui trompoient feulement les yeux. . . Il n'eft pas polîible de concevoir, ni per-
,, mis de penfer que ces Magiciens aient pu tout d'un coup faire une chofe animée
,, d'une autre qui ne l'étoit point : " (c'eft à dire changer réellement des baguettes en
ferpens, ou avec de petits germes imperceptibles faire tout d'un coup des grenouilles
vivantes & d'une grandeur complette.) AV dicas tjHit à magi< confctîa funt , iliis eju* à
Aloife fimilia ejfe : mquAcjKnm dicet ejuis : citm nec fas fit dicere curiofa ifihsc O" fil'
ferftitiofa , k Deo faEits rébus eijjimilari. Outccunqne Moifes execjuebatMV , veritatem pr4
Je fcrekwt , or ^«.« incantatorcs ordici^ntftr , intA^inatione tanttim vifiim fnllcbant ....
tieejMe fas eji anima concipcre qmmoao illi ex revus inanimatis pojfcnt facere m»o impetu
Ht ejfcnt animAtct.
Terminons ces citations par l'extrait d'un beau paflage de Pierre le Vénérable Abbé
de Cluni, l'un des plus iavans Théologiens de fon Siècle, qui dans tous fes Fcrits a
cû une attention finguliérc d'y rapporter les fentimens des anciens Pérès de l'Eglife ,
en V donnant un nouveau jour par la brillante éloquence avec laquelh il les exprime.
Traa.com. Il pofs d'.:bord pour principe que,, les prodiges des Magiciens fonr toujours faux &
^'.'bL"pi'*^ ♦■ ,^ trompeurs: qu'ils ne préfentent rien de vrai: qu'ils ne produifcnt rien de réel : qu'ils
Tom. Il", p. „ ne font qu'abiifer les fens. (A quoi il ajoute que) les Magiciens par le miniftére du
"""• „ démon font paroitre ce qui n'efl: pas, font voir ce qu'on ne voit point, font enten-
„ dre ce qu'on n'entend pas. Ils imit-nt , dit-il, leur auteur; &: comme il eft menteur
„ & père du menfonge , de même ces Magiciens qui font comme fes enfins, ne font
,, que des diofes faufles , qui n'ont aucune réalité. AUgica prodigia femper falfa funt
ac fallentia : mhil verum exhibent : nihil folidum prtcjlnnt : falluni fenfus humanos : ç^
d-tmortiaco minijkrio fingunt ejfe 'tjuod von eft , vidcri quod non vidctur , attdirt ejuod non
auditur. Imitantur auÙorcm fuum , ttt ficttt ipfe ntendax eft g^ parer mendacii , fie ab e»
progcnita ma^ica proies , tiihil verum , fed falfa cunB.t prarcndir.
Ibid.p.ioii. „ Vous "m'objeftercz , ajoute ce grand Théologien, que les Magiciens d'Egipte ont
*°'* '' „ fait devant Pharaon des prodiges fcmbhbles à ceux de Moïfe. Mais , repond-if faj-
„ tes réflexion, que les Miracles d; Moïfe étoient véritables & non pas phartifliques,
„ ainll que ceux de ces Magiciens , . . qui n'ctoier.t que des ph.Tntomcs forges pour i-
„ miter les Miracles Divins , & pour faire oftcntation de l'iiabileté du déteftable
„ art magique ". Profères milA Magos t^gyptios , eoscjue fignis fignis fimilia Aioifi
coram Pharaonc fecijfe propanes ; fcd recordare Aioifi miracuU veracia non phantaftica ut
Maq^orum fuijfe . , . pro facrarum cemulatiane fignomm , & pro oflendendÀ artts deteftiw
tU périt ià confcBa funt,
Ibiip.ioio, „ Satan par fa fuperbe envie, dit -il encore, tache en cela de contrcfiire , félon fi
„ coutume, l'Auteur de la nature, & comme le Tout-puiffant crée tout ce qu'il veut,
„ &r change comme il lui plait les fubftanccs & les crpcccs , de mcme ce fab icateur
„ de tromperies ne pouvant rien créer véritablement, du moins f.ùt-il paroitre de faux
„ fîmi'.lacrcs des chofes créées , pour abufer les hommes infenlés. ty^mu/a/ur in his
Satanas , more fuo , fitperbà tnvidià autlorem nattera , ut ficm lUe CT nova ejua vuh créât ,
tir jam créât A in al: as fubftaniias vel fpecies immutat , fie ifte fallendi art if ex , ejuia wf»
racircr creare non poteft , faltem creatarum falfa fimulacra *d ftultos homines decipiendos
confin^at.
„ C'efl ainfi qu'en trompant les fens par des prcftiges cachés , il préfcntc aux yeux
„ des
Ibid.
P jl R RAPPORT AVX MIRACLES, éc 6i,
,, des hommes, non pas des rerpens,mais de faufies images de ferpeas . . . C'efi: ain-' Dissert.
., fi que par fa puiflance mai^ique il fait voir aux hommes des phantômes de toutes for-^"'"'''^"^'*
" " , 1, ^ r --. ■ r 1 r ir ■ ■ ■ i r r , des MiR.
,, tes de choies. Hinc non repemut jea faljas tmagmes repentinm, httmanas Jeujus occrtl-
tis prajligiis fulle;is , exhiùci . , . ///«c rerHtn omnium phantasmata magick patent ià hti-
manis vijibm rcprafmtat.
Cependant S. Auiïuftin frappé des termes de VUcrltars , Fecerunt /î»filitcr proiecerimt- ^ .^^•,.
• r r r ■ J J ' r 'O ■ r \ ' S. Aug'irtin
ijtie vtrg.'.s JH.is qu£ i/erj^ junt tn drMones , adonne, par ies renexions lur la prcten- & 5. Tho-
due poflibilité de la formation des ferpens avec des femences de ces animaux, occafion '"'''°"V''"V
a quelques Théologiens de prendre un ientiment oppole a celui qui jusqu alors avoit quelques
été presque univerfellemênt luivi, par rapport aux prodiges apparens fabriques par ces de'form -r"*
Magiciens. un rentin-.e;«
Il paroit néanmoins que ce célèbre Dodeur n'a propofé fcs penfées à cet égard, que"ru"qul*
comme des conieftures qui lui. fembloient probables. En effet ce ne font point des piin- i"squ"aiors
cipes qu il pôle, m une rerutation precilc qu il rait de 1 opinion des anciens Pères &: pieique uni-
autres Auteurs: ce ne font uniquement que des réponfes à une objedion confidérable j'^'j'^- J;^"^'^'
qu'il fe fait à lui-même, & qui n'eft pas proprement, ou du moins uniquement, celle pjitaux pie-
<\m s. déterminé les anciens Pérès & la plupart des anciens Théologiens, à s'écarter de j^j"." j^'j^^^.
la I-itre des termes de l'Ecriture. Aulîi les obfervations de cet illuftre Doéleur n'ont- si<^'="5''e
elles .point emp.èché de très habiles Théologiens de prendre après fes Ecrits un fentiment
Xout contraire , ainiî qu'rl paroît par celui de Pierre le Vénérable , que je viens
de citer.
S. Auguftin fans rapporter les principaux motifs que les anciens Pérès ont eâ d'in-
terpréter ce Texte Sacré ainli qu'ils ont fait, examine dans fon Livre des Ouefiions far
r Exode, ce qu'on doit entendre par ces paroles: Al>forhuit -oirga A-iron virgas eor»m. s. Aug. Lib,
„ Que doit-on dire , fe demande-t-il k lui-même , des baguettes des Magiciens \ -■ Q."a-'ft- in
„ Etoient-ell-'s aullî de véritables ferpens ? Ottid ergo dicendum efi de virgis magorum , cap. 7. v, ii.
,, titrum cfr ip/a veri dracones f M, t f itérant ? Ne doit-on pas plutôt croire que par une
illufion magique elles paroilToient ce qu'elles n'étoient pas ? A^ potins videbaiitur.
cjttod non erant, ludificatione veneficà ? Mais pourquoi l'Ecriture les appelle -t-elle
donc également (comme la verge d'Aaron) des baguettes & des ferpens, en forte
qu'elle emploie la même manière de parler pour exprimer ces fictions magiques "
(que celle dont elle fe fert pour rendre compte du Miracle fiit par Moife. ) Cur ergo
ex Mtràqne parte e;' virga dicamur ^ dracones , ut de figmemis illis nihil différât loqticyuii
modus? ,, Mais d'autre pi\-t,ajoute-t-il,fi les baguettes des Magiciens font devenues de
„ véritables ferpens, il eft difficile de démontrer, comment ces Magiciens ni les mau-
„ vais Anges par le miniftére de qui ils opéroient ces chofes , n'ont cependant pas été
„ ks créditeurs de ferpens ". Sed demonfrare difficile cjt quomodo etiam,f veri dracones faBi
funt ex virgis magorum , non fuerint tamen crcatores draconam nec magi nec Angeli mali ,
quétis minijlris illa opcrabantttr.
Voici ce que S. Auguftin propofe tout .de fuite pour tâcher de réfoudre cette diffi-
culté, qui n'eft pas la feule qui doit empêcher qu'on ne prenne rigoureufement à la let-
tre ks expreffions de l'Ecriture à ce fujet. Car non feulement les démons ne peuvent
rien créer, mais même ils ne peuvent rien faire contre l'ordre naturel que Dieu a établi
dans toute lanature, ni rien exécuter que par des moyens naturels, & par conléquent con-
formes aux régies fuivant lesquelles la nature agit.
„ Il y a, i^;V-//, dans les chofes corporelles certaines femences cachées répandues dans IbU.
„ tous les élemens du monde, qui ne manquent pas d'éclorre dans leur tems, chacune
„ félon fon efpéce & fa deftinée , lorsqu'on leur tienne les préparations qui leur con-
„ viennent & qui font capables de produire cet efïlt. Ainfi lorsque des Anges font ce
,, qui eit nécclTaire pour faire éclorre des femences d'animaux , on ne doic pas dire
pour
(^4 VT J L I TË' DE LA P H Y S I O V E
propr
vre les principes qui les produifent & ks font naître. Ce que ceux qui cultivent la
„ terre font vifiblement, les Anges le peuvent faire invifiblemcnt: mais il n'y a que
„ Dieu feul qui foit véritablement créateur, parce qu'il n'y a que lui feul qui donne à
,, chaque chofe fon principe, fa femence & la caufe qui le fait naître. " Infant enim
corporels rchus per omnia eUmenta mundi quediim occultit fem'marix r,uiones , quibus citm
data fucrh opportunités ter/tporalis atcjue canfalis , prorumpunt in fpecici débit 1.1s fuis modis
CT finibus. Et fc non dicHntur jingeli qui ijla faciunt , animalium creatores , ficut nec a-
gricoU fegetitm vcl arborum , vcl qnorumqne in terra gignentinm creatores dicendi ftnt ,
^Hamvis noverint prœbere quosdam vifbilitcr opportanitates & canfis ^ ut illa nafcantur,
Ouod autem tjli faciunt vijibiliter , hoc Aigeli invifbiliter. Deus vero folus verus Creator
ejl , qui cAufas ipf.ts ô" rationes feminarias rébus infertiit.
Dans tout cela qui ne conclud rien , pour réfoudre les principales difficultés , il pa-
roit que S. Auguftin n'a t\i d'autre vije que de propofcr fimplement ks penfées qui fe
préfentoient alors à fon esprit , fans prétendre réfuter par là les moyens qu'ont employé
les anciens Pérès, pour foutcnir leur opinion par rapport au prétendu changement des
baguettes en ferpens. Car quand on admettroit tout ce que dit S. Auguftin à cette oc-
cafion, cela ne piouveroit point du tout, que les démons auroient pu former des fer-
pens en un inftant avec un petit germe trouvé dans les élemens , ni que ce petit germe
eût pu devenir capable de métamorphofer les baguettes des Magiciens &: d'en faire tout
à coup des animaux en vie , de la longueur de ces baguettes.
A l'égard des grenoi.iilles, voici ce qu'en dit S. Auguftin dans le feul endroit de fes
Ouvrages où il examine le Texte de l'Écriture fur ce fujet. C'eft fur ces paroles: Fe-
cerunt autem fimiliter O" incantatores iy£gyptiorum veneficiis fuis , &- eduxerunt ranas fu-
fer terram ttAEgypti.
Quift. 13. „ On demande , dit-il^ d'où ces Magiciens firent fortir ces grenouilles , puisque Moïfe
„ les avoit déjà fait fortir de toutes les eaux d'Egiptc. Ouaritur usde , fi jam ubiqui
fa^um erat ?
„ C'eft:, répond-il, une queftion toute femblable à celle qu'on fait de demander où
ces Magiciens prirent l'eau qu'ils changèrent en fang, puisque toute l'eau de l'Egip-
te avoit déjà été changée en fang par Moïf% Mais il ne faut que faire attention,
que le pays (de Geifen) où habitoient les Ifraélites n'avoit point été frappé d'aucu-
ne de ces plaies: ainfi ces Magiciens purent y prendre l'eau qu'ils changèrent en f,ng,
& faire fortir quelques grenouilles des eaux de ce pays, uniquement pour faire often-
,, tation de leur pouvoir magique. " Sed fimiUter qujsfio efi^unde çy aquam in ftngui-
nem verterint , fi tota aqua ty£gypti in fanguinem converft jam f't'jfet. Proinde intelligen-
dum efi regioncm ubi filii Ifr.ièl habit abant , plagis talibus non fftijfe percujfum : CT inde
potuerunt incantatores vel aquam haurire quant ia ftnguinem verterint , vel aliquas ranas
tducere ad fil.im demonflrationem magies poieiitù.
Voilà donc S. Auguftin, qui dans le tems qu'il a fous les yeux les paroles de l'E-
criture , déclare bien nettement qu'à l'égard des grenouilles , tout ce que firent les Ma-
giciens ne confifta qu'à fiirc fortir quelques grenouilles des eaux du pays qu'habitoient
les Ifraélites , ^' cela uniquemrnt pour faire parad; de leur pouvoir magique : & le
voilà qui répond lui-même à la feule difficulté rnifonnabk, qu'on pût taire fur ce pas-
fage de l'Ecriture. Ainfi il eft certain, que c'eft da:is cet endroit de fes Ouvrages qu'on
doit recueillir le vrai f.ntimcnt de ce Père de l'Eglifc.par rapport au trcs petit prodij^e
par lequel les Magiciens de Pharaon //ra-v/ôr/rr de l'eau quelques grenouilles : Auqjj as
ranas educcrc.
Si
cap. S. Y. 7.
»
)>
P yj R RAPPORT A V X M I R A C L E S , &c. 6^
Si donc dans un autre de fes Ecrits, où il n'efl point queftion d'expliquer les ter- Diîsert,
mes de ce Texte, mais uniquement de répondre à une difficulté qu'il fe fait à lui-mê- swrl'aut.
me, il fuppofe dans cette objeâ:ion une chofe aufli contraire à fes propres maximes fur "^^ **'**
l'étendue du pouvoir des démons , que celle de dire qu'ils ont fait des grenouilles ^ des
ferpens , on ne doit point prendre cette fuppofition pour un principe qu'il veuille é-
tablir , ni même pour fon opinion particulière ; puisque par rapport aux grenouilles , il
s'en explique tout différemment.
Voici au furplus de quelle façon il s'exprime à cet égard dans le paflage dont MM.
les AntiLecouriftes veulent tirer avantage , pour relever à l'excès l'étendue & la gran-
deur du pouvoir des diables.
„ Ilferoit, dit-il, contre la raifon de conclurre, que les mauvais Anges ont été lis. j. de
,, des créateurs , fous prétexte que les Magiciens (de Phafâon) fe fervant de leur pou- Tùmu c. 8.
„ voir pour rélifter au Serviteur de Dieu, ont fait des grenouilles & des ferpens : car
„ ce ne font point eux qui les ont crées. " Ne c fane creatores illi mali Angeli dicen-
di fitnt , quia fer illos Magi rejîfientes Famnlo Dei , ra»as (-r fermentes fecerunt ; uon enint
ipjt eas creaverwit.
Et pour prouver qu'ils n'en ont point été réellement les créateurs , il répète pref-
que dans les mêmes termes ce qu'il avoit dit fur le verfet iz. du Chapitre VIL de
l'Exode.
„ Il y a, dit-il , dans les élemens du monde corporel certaines femences de tou-
„ tes les chofes qui naiffent d'une manière corporelle & vifible. Omnium quippe re-
rum qute. corpor aliter vijibiliterque nafcuntur , occulta qucedam femina in ifiis corporei mun-
di hujPiS elementis latent.
Cette Propofition un peu trop générale de S. Auguftin eft vraie par rapport à toutes
les plantes & à tous les arbres , mais non pas à l'égard des femences qui ne font que
comme la matière première & la caufe occafionnelle de l'être & de la vie des hommes
& des bêtes. Ces femences ne fe produifent que par des hommes & des animaux , &
ne font point répandues dans les élemens comme les germes des plantes & des arbres.
S. Auguftin termine fon raifonnement par cette réflexion: ,, De même , dit-il, que ibid.
,, nous ne difons point que les pères & mères foient créateurs des hommes , ni que les
„ laboureurs foient les créateurs des fruits , quoique la puiffance de Dieu fafle naître
5, & croître ces chofes par les mouvemens qu'ils fe donnent ; ainfi on ne doit pas pen-
„ fer que les mauvais Anges ni même les bons foient des créateurs, quand même il
„ feroit vrai de dire que par la fubtilité de leur fens & de leui" corps , ils connoilfent
„ les femences cachées de toutes chofes, qu'ils les répandent fecrettement dans les -
„ élemens, qu'ils leur proportionnent le degré de chaleur convenable, & qu'ils font
,, ainfi l'occafion qui accélère leur formation & leur accroiflement. " Sicut ergo nec
parentes dicimus creatores hominum , nec agricolas creatores frngum , qttamvis eerum ex-
trinfecus adhibitis motibus , ifla creandi Dei virtm interius operetur; ità non folum malos^
fed nec bonos ^ngelos , fas ejî put are creatores , Ji pro fubtilitate fui fenfûs é' corpor is ^
femina ijlarum rerum nobis occultiora noverunt , er ea per congruas temperationes elemen-
torum ûtenter fpargunt , atque ità gignendarum rerum & accclerandvrum incrément or um
prœbcnt occafiones.
Il eft évident que tout ce raifonnement de S. Auguftin ne peut avoir une jufte ap-
plication que par rapport à la formation des arbres & des plantes, &: non pas à la gé-
nération & l'accroifiement des hommes & des bêtes. Ainfi on ne doit pas s'en fervir
pour en conclure, que ce favant Doéteur ait prétendu prouver par là que les Magi-
ciens de Pharaon aient produit en un inftant des ferpens & des grenouilles d'une gran-
deur complette. C'eft aller beaucoup au delà de ce qu'il dit fur ce fujet : & c'eft mê-
me lui prêter un fentiment manifeftement contraire au fien , du moins par rapport à la
Di^trt, lom. //. I forma-
€6 V TI L I T E' D E L A P H Y S r (IZ) E
Dissert, formation fiibite des grenouilles, qui efl l'unique fait merveilleux fur lequel M Pon-
surl'aut. çgj fonJe fon Siftcme contre l'utilité de la Phvfique pour le difcernement des Mira-
DEs MiR. ^j^^^ ^.^j. 5_ Auguftin dans un autre endroit cle fes Ouvrages, dc'clare bien prccifé-
Qaeft. in ment commc on l'a vu, qu'il croit conformément aux termes du Texte Sacre, que les
Eiod. j^Ugkiens de Pharaon firent finir ces grenouilles de l'eax du f^.js qu'habitoiem les If-
raélites.
A l'égard d; S. Thomas, en même tems qu'il i-apporte les termes ci-delTus de S.
Auguftin, il avertit qu'il y a plufieurs Interprètes de l'Ecriture qui croient ,, qu'il
„ n'y a point eu de véritable changement des baguettes des Magiciens en ferpens,mais
I Paît, Qu. ,, quîce n'a été qu'une apparence & une illullon formée par quelque preftige :" Omdnon
114- ait. 4- jf^erit l'cru converjlo virgarum inferpentes, fid ttoc fuit ficundUnt apparent iam tant km per
aliquam prœfrigiofitm illujîonent.
X- . C'eft néanmoins ce qu'on lit fur ce fujet dans les Ouvrages de ces deux refpeftables
du rcmimè°" Docteurs, qui a fervi de fondement à quelques Théologiens, pour fe déterminer à
«<<= ^f*^'^"" penfer que les démons avoient ramafle des germes dans les élemens , dont ils avoient
qu^ic lont formé e>! un inflaiu des ferpens & des grenouilles d'une grandeur ordinaire .. . en donnant
'■"■'Si^""[^j_ avec une rapidité inconcevable a toutes les parties de ces petits germes prcfque imperceptibles
Eicicr.s de fous Us accroijfemtns ne'cejfaires , pour faire parvenir tout d'un coup ces animaux à leur
»oiem"io- grandeur complctte & a une mcfure ordinaire , ainfi que le dit M. Poncet *
duit en un Mais unc telle opinion pouvoit être en quelque façon tolérable dans les Siècles précedens,
rapcnl & où la Phyfique & finjzuliéremcnt l'Anatomie étoient encore fi imparfaites, qu'on y
des gre- crovoit Communément que la plupart des animaux pouvoient s'engendrer de corrup-
nouillcs d u- . '' . - ,,...' ^Ti^t 1 r r r A r \ rr '^
ne grandeur tiou , amfi Guc le difoit cncore M. de Saci, qui en le tondant lur les paflages en quef-
coiDDiette, jjçjjj jg 5 Auguftin, alTuroit bonnement que des animaux tels que des ferpens Cde la
avec des çer- , , S " i r • j ■ <. . ■ i
mes trouves longueur d une baguette) ,, peuvent naître quelquefois de corruption , &qu il y a ccr-
mens'" ''^' )> ra'"fs femences cachées dans les corps naturels , qui fe trouvent en certains degrés ou
• Rcponfe, ^^ d'humidité ou de fécherefle , ou de froid ou de chaud, & étant mêlées d'une certaine
^Ë>yi" de „ manière, peuvent former de fcmblables bêtes. "
l'Exod. VIN Mais à préfent que l'Anatomie & la Phyfique Expérimentale pour tout ce qui regar-
'^ de le corps humain & celui des animaux , lont parvenues à des connoiffances fans nulle
comparaifon plus grandes qu'on n'en avoit autrefois, finguliérement par rapport à b
formation du foetus, cette bizarre opinion n'eft plus probable. Depuis un Siècle on a
imaginé & exécuté des milliers d'expériences, qui jointes à des difleélions bien plus
fines , plus exactes & plus parfaites que celles qu'on faifoit auparavant , ont répandu
«ne grande lumière fur ce fujet; en forte qu'il cfl: démontré, qu'aucun des animaux
ne peut naître de corruption , qu'ils ne font engendrés que par les animaux de leurs
cfpéces, & que la matière première qu'ils reçoivent, pour ainfi dire, de leurs père &z
mère, a befoin d'une transformation très merveillcufe & fort confidèrable, qui ne peut
être produite que fucceffivement , fuivant les loix générales & permanentes , établies
par l'Auteur de la nature.
Mais le plus grand défaut d: cette opinion, que les Magiciens de Pharaon mèta-
morphofèrent en un infiant de petits germes prefque imperceptibles en des ferpens &
des grenouilles d'une mefure ordinaire, n'eft pas feulement d'être contraire à des dc-
monftrations Anatomiques, dont les preuves font infiillihics; elle a des inconvèniens
encore bien plus confidèrablcs, en ce qu'elle heurte de front des principes très impor-
tans pour la Religion Cathohque, qui lui fervent à difcerner les Merveilles de li
Toutc-puiffance Divine d'avec les prcfiiges de Satan , & h prouver ,ui\ Incrédules &
aux Hère iques la vérité des Merveilles que Dieu a fait dans tous les Siècles en fa fa-
veur, pour la diftingucr d'une manière vifiblc & triomphante de toutes les faufles Rc-
H;îions & de toutes les Seètes qui fe font fèparèes d'elle.
AuOl
P .4 R RAPPORT AV X M I R A C L E S, ^c. 67
Audi dès que cette fauffe opinion commença de fe répandre, plufieurs favans Théo- Dis«ïrt.
loçiens s'emprelTérent-ils de la combattre. surl'aut.
^Ils prouvèrent dans nombre d'Ecrits, que cette opinion bleffoit également la raifon"'"' "'"'
& la foi , & qu'elle éfoit même directement contraire aux lumineux principes répandus
dans les Ouvrages de S. Auguftin & de S. Thomas, ainfi que dans ceux de tous les
antres Pérès de l'Eglife.
En effet , ont-ils dit, ne lit-on pas dans vingt endroits des Ecrits de ces deux célè-
bres Dodeurs,que le démon n'a pas le pouvoir de rien opérer de contraire à l'ordre de
toute la natiu-e crée : Prêter ordimm totius natunt creatx. A quoi S'. Thomas ajoute S. Thom. ».
encore „ que les Anges & toutes les autres créatures ne peuvent rien faire par leur pou- at^^^ V*
,, voir naturel qui ne foit conforme à l'ordre établi dans toute la nature : Ouidqttid fa-
ch Angélus , vel cjuiecunqtte alia creatura proprià virtiite , hoc fit fcctinditm ordiucm natu-
re creau. Or n'eft-ilpas d'une évidence inconteftable , qu'il n'y a nulle vertu dans la
nature qui puifle tout d'un coup, d'un petit germe prefque imperceptible, en faire
des animaux tels que des ferpens & des grenouilles , qui aient toute leur grandeur par-
faite ? Quelle multitude inconcevable de refforts , de nerfs Se de vaifleaux de mille
efpéces différentes , ne faut-il pas former pour donner à ces animaux la vie , la force ,
l'agilité, la faculté de voir, de fentir , d'entendre, &c ? Quelles étonnantes transfor-
mations, quelles merveilleufes régénérations ne faut-il pas opérer dans ce genre , pour
en faire fortir de tels effets ? Un tel ouvrage peut il être celui d'une miférable créatu-
re ? Au furplus comment toutes ces admirables opérations , qui ne parviennent jamais
à leur perfeftion que par des dégrés fucceffifs , pourroient-elles fe faire en un moment
fans s'écarter des loix qui régiffent invariablement toute la nature ? Mais fi la produc-
tion fubite de tous ces merveilleux organes, eft manifeftement contraire à l'ordre que
Dieu a établi pour la produdion des êtres matériels , il eft donc inconteftable félon les
principes de S. Auguftin & de S. Thomas , qu'une telle œuvre paffe le pouvoir de
tous les êtres créés, & qu'elle ne peut être faite que par l'Etre des êtres , qui feul eft
au deffus de toutes les loix , & qui n'a nul befoin de tems pour exécuter tout ce qu'il
veut.
Comment S. Auguftin, ont-ils ajouté , attribueroit-il une telle puiffance aux Anges
Apoftats , lui qui donne comme un ouvrage qui doit faire reconnoître & adorer la main
du Créateur, la produdion que ce Dieu dont la bonté eft infinie, fait tous les ans d'u-
ne multitude d'épis de bhd avec la femence de quelques grains qu'on a femés dans la
terre. Ce célèbre Dofteur la compare au Miracle par lequel Jefus-Chrift multiplia
cinq pains avec une fi grande abondance, qu'ils furent fuflifans pour nourrir cinq mil-
le hommes. Undc multiplicat de faucis granis fegetes , inde in manibus fuis muttiplicavit § ^^,
quinque panes. Mais fi la produftion ordinaire des épis de bled par le moyen des grains T"ti. in
qui ont été femés , eft une œuvre qui porte le caraétére de la Toute-puiffance Divine , '*'^°" '^' **
combien la transformation d'un germe prefque invifible en un animal vivant , eft-elle
encore plus merveilleufe , fur tout lorfqu'elle fe fait tout d'urt coup , & que Dieu
donne fubitement à cet animal toute la grandeur qui lui eft propre, telle par exempie
que celle qu'eut le ferpent qui fut formé en un inftant de la baguette d'Aaron , & qui
eut fur le champ la même étendue qu'avoit eu cette baguette? Comment douter qu'un
tel Miracle ne foit une œuvre que le ièul Tout-puinant peut faire ? Comment ofer
Ibuteflir, que Satan la peut parfaitement imiter, en produifant tout à coup des ferpens
& des grenouilles d'une grandeur complette , avec des germes imperceptibles ?
Ils ont encore obfervé que S. Auguftin paroît d'autant moins porté à fuppofer un fi
f?rand pouvoir dans les démons , qu'il nous enfeigne au contraire que ces efprits de
menfonge ne font ordinairement que des preftiges ou des tours de Charlatan.
„ Quoique les démons, dit ce Père de l'Eglife , faffent quelquefois des chofes qui S-Aiig.Fp.
I - « pa- ûrj;'"* '^*
<SS VTILITE' DE LA P H Y S I O^V E
DissERT. ^^ paroiiïeiit fenibhbles à celles que Dieu opcre par le miniftcrc des Saints Anges, ce
surl'aut. ^^ ^-^^ ppj^j, vj^i-itablcment , ce n'eft qu'en apparence , ce n'eft point par leurYavoir,
„ ce n'eft que par de pures tromperies:" Onamvis damones hohhuIU faciant Angelis
Saniiis Jîmilia, non veritate fed fpecie , von fapientià fed flâne fallacià.
Il ne faut cju'appliquer aux prodiges apparens des Magiciens de Pharaon ce paflage
que S.* Auguftin prcfcnte comme une maxime générale , pour être en droit d'en con-
clune, qu'il penfoit au fond de la même fa^on que les anciens Pères par rapport à ces
faux prodiges.
S. Thomas , ont ajouté ks Théologiens modernes , efl; encore plus précis que S.
Auguftin pour réduire le pouvoir des Anges & des démons dans leurs véritables
bornes.
S.Thom.t. „ Les Anges , dit ce favant DoBeur , ne peuvent point changer la matière par leur
a ^^in'c."''" pu'^sn'-'S natuielle , fi ce n'eft par l'application des agens corporels , par le moyen
„ desquels ils peuvent produire quelques effets. " ytngcli . , . materiam corpor,iUm
immutare non pojfunt , niji applkando corporalia agcntia ad ejfeElm aliqHos producoidos.
Mais peut-on in^aginer qu'il y ait dans la matière quelques agens corporels , c'efl: à
dire qu Iques fohdcs qui aient des relTorts afTez puiflans, ou quelques liquides qui aient
affez de force & de fubtilité, pour métamorphofer tout d'un coup un petit germe
prefque imperceptible en des ferpens ou des grenouilles d'une grandeur complette , &
produire à cet effet en un moment toutes les parties néceflaires pour donner la vie,
tous les fens , & une grandeur parfaite à ces betes.
Si ime telle fuppofition révolte le bon fens , il eft donc vrai de dire que fuivant les
principes de S. Thomas , c'eft un Siftcme infoutenable que de prétendre , ainfi que
Réponre,&c. fait le Deffenfeur des Antifecouriftes , qu'/7 ncft point c.tt dcjftts du pouvoir du démon
P- ÎJ- de produire fubitcment des grcnonilles . . . & qu'il lui a été facile d'exécuter ce prodi-
ge , en prenant des œufs de grenouilles , les faifAnt éclorre fur le champ , er donnant avec
une rapidité inconcevable à toutes les parties d'un petit germe prefque imperceptible , tous les
accroi^emens néceffaires pour parvenir en «» instant à la mefure d'une grenouille or-
dinaire,
•S. Thom. S. Thomas donne encore ailleurs pour une régie fans exception , que „ tout chan-
Qu. ii4.a. ^^ gement dans les chofes corporelles , qui ne fauroit s'exécuter par la vertu des cau-
„ fes naturelles , ne peut en aucune façon être opéré véritablement par les démons, &
„ que s'ils ont quelquefois paru faire quelque chofe de fcmblable , ce n'a point été
„ félon la vérité , mais que ce n'a été qu'une fimple apparence. " Tranfmutationes
corporalium rerum qu<t non pojfunt viriute naturel ficri , nullo modo opcratione dtsmonum
fccundum rei veriiaicm perjici pojfunt. . : Et Ji aliquando aliquid talc opiratione dxmonuin
fieri videmttr , hoc non efl fecundum veritatem fedjecundum apparent tam t.intum.
Mais s'il eft d'une évidence palpable, que U venu des eaufcs naturelles ne peut pas
faire fubitcment des métamorphofes auOi étonnantes , que celle par hquelle M. Poncet
veut rcnverfer toute la Phyfique de la rendre totalement inutile pour le difcemement
des Miracles , il s'enfuit que fa fuppofition heurte de front les vrais principes que
nous a donné S. Thomas , ainfi que les autres Pérès de l'Eglife : &- que M. Poncet
Kc'prn'tAc. ^'^^ certainement beaucoup trop avancé , en affurant que tous les Interprètes ç^ les
{■ SS- Ti.cologiens conviennent unanimement que les Ai^giciens de Pharaon ont en un inflaM
produit des grenouilles d'une mefure ordinaire.
S. Thomas ajoute encore dans un autre endroit que les opérations du démon dans le
S. Thom. I. genre merveilleux , ne confijicnt ordinairement qu'à faire voir des chofes qui n'ont aucune
P*^"**"^" rw//// , fait en fafcinant les jeux des fjieitaieurs ^ foit en formétnt des fpeÛres.
Voil^ encore S. Thomjs bien d'accord ici avec les anciens Pérès.
En rapportant tous f s Textes , les Théologiens modernes ont obfcrvé , que c'eft
dans
PAR RAPPORT AV X Jll I R A C L E S, drc. 69
dans ces régies générales & ces principes tout brillans de lumière , &: donnés exprès Dissert.
aux fidèles pour les inftruire de l'idée qu'ils doivent avoir des faux prodiges & ^gj surl'aut.
preftiges que les démons peuvent opérer , qu'il faut puifer les véritables fentimens de °"
S. Augultin & de S. Thomas, &: non pas dans des réponfes particulières à des objec-
tions , où ils ont bien voulu fuppofer eux mêmes des faits impoffibles avec ceux qui
failbient ces fuppofitions , afin de réfuter de toutes manières les fauffes confèquences
qu'ils en tiroient.
Au refte la plupart de ces Théologiens n'ont pas néanmoins embraffé totalement le ^l;
fentiment du plus grand nombre des anciens Péres , par rapport aux faux prodiges des dcsTheoE^*
Magiciens de Pharaon. gicnsmodet-
Ils ont cru , que les expreffions du Texte Divin font trop formelles , pour qu'on S."cy!?ine"'
puifle fuppofer , que ces Magiciens n'ont fait que fafciner les yeux des fpeéiateurs, ^^•'^''j'°<'''=
en leur préfentant des phantômes. Ils ont prétendu que les explications données par les autres an-
anciens Pères aux termes , f^irgx verfz funt in fermentes , n'étoient pas fufHfantes pour téu"rs,MnrMc
autorifer pleinement leur opinion. Ils font convenus qu'à la vérité fuivant le langage 5"« '" ".°^^
ordinaire de l'Ecriture, l'expreflion verfa funt , peut fimplement fignifier qu'une cho- des''ftîa<'i-^^*
fe a été fubftituée à la place d'une autre; mais ils ont foutenu , que pour remplir tou- cîeDsdfPha-
te la force de ce terme , on doit croire qu'une chofe rèell? , & non pas un vain phantô- "e°que''dcs
me , a été mife à la place de celle qu'on a retirée. Enfiii ils ont obfervé qu'il n'eft '«'"'«''««'(«C'
point difficile, fans s'éloisner de la façon ordinaire dont le Texte Sacré emploie le ter-
me en queftion, de ne rien cependant iuppofer qui foit contraire aux vrais principes:
& que pour concilier Is tout enfemble , il ne faut que faire attention , qu'il eft tout
naturel de penfer que les démons ont exécuté par des tours d'adreffe les trois efpéces
de prodiges rapportés dans l'Ecriture.
1. A l'égard du changement apparent des baguettes en ferpens , ils ont dit , qu'il y
a tout lieu de croire que les Magiciens , mandés par Pharaon & inftruits du Miracle
que Moïfe venoit de faire , avoient apporté fecrettement de vrais ferpens fous leurs
habits , & que le démon les a fubftitués avec tant de promptitude à la place des ba-
guettes de ces Magiciens que les yeux des fpedlateurs ont été trompés ; enfuite que
ces baguettes^ ont paru tout à coup changées en ferpens, ce qui bien loin d'être un
prodige fupérieur à l'induftrie du démon n'eft proprement qu'un tour d'efcamotage ,
fait avec encore plus de fubtilité que celui que font les joueurs de gobelets , qui pa-
roiflent changer en différentes chofes leurs petites baguettes à la vue de tous les fpec-
tatcurs, avec tant d'adreffe & de dextérité, qu'on n'apperçoit point la manière dont ils
font ces apparentes métamorphofes.
2. A l'égard de l'eau qui parut changée en fang par les enchantemens des Magiciens,
ils ont obfervé , qu'il ne pouvoit y en avoir que fort peu , puifque toutes les eaux
des Eî^iptiens avoient auparavant été changées en fang par Moife; & qu'ainfi celle qui
parut métamorphofée par les Magiciens , ne pouvoit être que de l'eau qu'on venoit
d'apporter tout exprès dans quelque vafe du pays de Geffen qu'hjbitoient les Israéli-
tes. A quoi ils ont ajouté, qu'il eft pareillement très vraifemblable , que les M.>giciens
avoient caché fous leur robe du fang dans quelque bouteille , & que les démons s'en
font fervis pour couvrir la fuperficie de l'eau en queftion avec use fi grande vîtefle,
qu'on n'a pas eu le tems de voir comment ils l'avoient exécuté, au moyen de quoi
cette eau a été tout d'un coup revêtue d'une vraie couleur de fang ; ou même qu'on
peut croire que les démons ont fait évaporer toute l'eau en queftion , 5c ont mis
fubtilement à la place du fang que leurs Magiciens avoient eu grand foin de leur
fournir.
5. Enfin à l'égard des grenouilles, ces Théolo<^iens ont fait la remarque pleinement
décifive, qu'il n'y a aucun difficulté à fuivre à la lettre ce qui en eft dit dans l'Ecri-
I 3 ture.
70 'UTILITE' DE LA F H T S I O^V E
Dissert. ture. En confc'quence ils ort tous uncnimtment adopté \z fcntiment de S. Aurjudin à
svrl'avt. ^ç Ç^x'^i^x. : que les Magictens de Pharaon /^f«f fortir cjhcIcjucs grenottilles des Ci-av du pays
' ejM'hjhiroient Us Israélites: & ils ont loué ce célèbre Doéleur d'avoir penfc trc"; judi-
i'. Qu'il ' ciït'fement, que ces Magiciens n'en firent fortir de l'eau qu'un très petit nombre, ali-
» vin. T. in ^,,,j rauas , de feulement autant qu'il ctoit néceflaire pour faire parade de leur puillance
magique: Ad foUm demonfirAtionem TKagicx fotentia.
Mais en même t'.ms ces Théologiens fe font fort récriés contre ceux qui ont Aip-
pofé à cette occafion un faux miracle fupérieur à l'ordre de toute la nature créée, pour
en faire honneur au di.'.ble malgré les termes contraires du Texte Sacré ; &: à cette oo
cafion ils ont obfervé , que de changer en un infiant de petits germes prefque imper-
ceptibles en des grenouilles d'une gi-andeur ordinaire , eft un Miracle équipollent à créa-
tion, Miracle par conféquent que Dieu feul peut faire.
Le fentiment de ces Théologiens modernes , que les preftiges des Magiciens de Pha-
raon ne furent que des tours d'adreffe , avoir été foutenu anciennement par quelques-
uns des Pérès & par des Théologiens très célèbre-:.
SCj-r. Alex. Entre autres ç'avoit été l'opinion de S. Cyrille d'Alexandrie.
lomTom " Qiioique les preftiges des efprits malins ne confiftent ordinairement, dit-il, qu'i
1 p- ir- ,, tromper les yeux des fpeclateurs, en leur préfentant la figure d'une chofe qui n'exis-
Euit ij66. ^^ ^^ point , néanmoins ils apportent quelquefois certaines chofes qu'ils ont prifes ail-
,, leurs, & ils les fubftituent avec tant de promptitude à la place d'autres chofes qu'ils
,, retirent , que ce qu^ils font ainfi nous eft imperceptible , en forte qu'ils paroilfent
,, avoir produit les chofes qu'ils ont ainfi apportées , ou avoir méramorphofé en ces
,, chofes celles qu'ils ont fubitement retirées. Ce fut ainfi que les démons pour exé-
„ cuter ce que fouhaitoient les Magiciens de Pharaon , efcamotérent fubtilement les
,, verges de ces Magiciens & mirent à leur place des ferpens véritables & vivans,
,, qu'ils avoient apportés de quelque autre endroit : ce qu'ils firent avec tant de vî-
„ teffe , que les yeux ne s'en apperçurent point , en forte que ceux qui ignoroient cet
j, artifice des démons , crurent que ces verges avoient été changées en ferpens. Ce
„ fut encore par une fembhble tromperie que les démons firent venir des grenouilles à
„ la prière de ces Magiciens. Mais jamais les démons ne peuvent opérer veritable-
„ ment d;;s Miracles qui furpaffent la loi de la nature. " Ouamvis maligni Spiritus
frdftigiis fuis plerumque intuentiiim octtlos éludant , e.xhibentes coram rei fpeciem qnx ta-
men non adejl , aHt tempore à nobis h.wd dignoscibili , repente aliqtta aliunde adducant
fublatis impcrceptibiliter ijn£ aderant , tanqnam illa ex his videantitr prodiiEl.t , ant hac in
illa converfa , ut in malefciis magtmm Pharaonis , dsmones ipfts obfequentes ftiflulerunt
virgas fubito ex oculis aflantium , cJ" in e.num loctim fuppofa.-riint fer pentes magnà celer it a-
te allô à loco illuc allatos , vivos quidcm C>~ veros : o~ aj}r.ntes htec damonitm ignorantes
nirtificia, credebant virgas in Jerpentes ejfc converfis : & conjimlli eliijïone fubmiferttnt dx-
moncs ranas ad magorum incantationem. Aïiracula tamen qux naturx legem tranfccr.dunt
nequaquam veraciier operari valent.
Ce principlb immobile, que les démons ne peuvent rien fiirc que par des moyens
naturels , & qu'ils n'ont aucun pouvoir de s'écarter des loix que le Créateur a immua-
blement établies, pour régler tous les effets qui doivent fe former dans la matière; fuf-
fit pleinement pour réfuter l'opinion de ceux qui veulent attribuer i ces Efprits mau-
dits de Dieu , \x puiflancc fnprcme de donner la vie à des germes imperceptibles , en
leur faifint produire tout à coup de grands animaux vivans. Mais la fauflcté de cette
opinion eft encore devenue plus manifeftc , plus évidente & plus palpable, depuis que
l'Anitomie a clairement découvert 8c ncttCîTient développé par des diflfeciions cxaâes
d'un très grand nombre de fœtus, les uns plus les autres moins formes, que toutes les
parties du corps des ailimaux, fc fingulié ement celles d'où dépcjidcnt Icsfen?, ne
fort
PAR RAPPORT A\J X M I R A C L E S, &€. 71
font conftruites que peu à peu par des productions merveilleufes qui cquipolL'nt à Uissert,
Création, &: que Dieu ne donne la vie à ces foetus que lorfqiie toutes les parties du^"'*'' ''^'^'
r r ■ J ■ ■ c '^ ■ • DES MIR.
corps font parfaites , du moins jufqu a un certain point.
AulTi l'opinion qui fait préfent au diable d'une fi grande puiflancc , cft-elle aujour-
d'hui abandonnée de tous ceux qui ont quelque teinture de la Phyfique, en forte
qu'on peut dire avec vérité, que parmi les favans il n'y a plus à préfent que deux o-
pinions par rapport aux prodiges en queftion ; favoir :
Premièrement , celle de la plupart des anciens Pérès qui ont cru que dans ces trois Abrégé de
prodiges il n'y avoit rien eu de réel, & que le démon , ainfi que l'oblérve M. Méfan-J.^jlJ'.j.^^
gui, en rapportant leurs fentimens , ,1 feulement formé dans les yettx des Spectateurs ^«ûvecdes E-
images de fang, de ferpcns ^ de grenouilles. ■ nicns'(Ou-
Sccondement , celle de S. Cyrille d'Alexandrie & autres favans Théologiens, qui"^s«^'y
eft aduellement fuivie par la plupart des Modernes , qui penfent que ces trois prodi- D.deckar-
ges n'ont été que des tours d'efcamotage. }'j"> '^°"-
C'eft donc une chofe inconcevable , que le Defïênfeur des Théologiens Antifecou- r^q^j-ç "jj^^
riftes ait ofé avancer fi pofirivement au nom de ces MM. , que tous les Interprètes (^p- 5J.
les Théologiens conviennent unanimement de la formation fubite des grenouilles par l'opét
ration du diable.
Par quelle fatalité ces MM. ont-ils donc totalement oublie ce qu'ils ont lu à ce
fujet dans les Auteurs qu'ils citent eux-mêmes le plus fouvent ? »
Par exemple, comment ne fe font-ils pas fouvenus qu'Eftius, dont il rapportent
tant de pafTages lur divers fujets , a foutenu avec une grande force , qu'il n'eft pas
poflîble de croire que ,, les Magiciens de Pharaon aient fait de vrais ferpens & des
„ grenouilles par la puiffance du démon? Adagos Pharaonis per virtutem damonum veros ^'^'^1.'°'''"
erpentes Qr ranas fecijfe , non efi credibile, Exod.'vil.
Il appuie fon opinion fur cette lumineufe maxime de S. Auguftin , qu.' il ne faut pas '^'
penfer que les Anges Apofiats puijfent difpofer à leur gré de la matière vifihle ^ un tel pou- 5 de^fiinit!
voir n appartenant qu'a Dieu Jeul : d'où il conclud , ,, qu'on ne doit pas s'imaginer
,, que le diable ait eu la puiflance de changer fubitement en ferpens les baguettes de
„ ces Magiciens . . . Mais qu'il y a tout lieu de croire qu'ayant ébloui les yeux
„ des fpedateurs , il a retiré fubitement les baguettes que ces Magiciens avoient jet-
„ tées à terre, & qu'à leur place il a fubftitué des ferpens qu'il avoit reçu d'ailleurs " ,
c'eft à dire que les Magiciens lui avoient apportés. Non efi enim putandum , qtiemad-
modum dicit S. Aug. lib. 5 . de Trin. illis transgrefforibus Angehs ad nutum fer vire hanc
"vifibilem reram mater iam, fed foLi Deo, Non igitur putandi funt m agi virtute diabolicà,
fubito virgas in fer pentes commutajfe . . . Sed exiflimamus diemones virgas a jnagis pro-
je£las , fafiinatis aftantium oculis , fubito abfiuliffe , o" m earum locum ferpcntes aliunde
acceptos fiibjiituijfe.
Eftius fait en même tems la judicieufe obfervation , que l'interprétation qu'il donne
aux termes du Texte Sacré, par lefque's il eft dit que les baguettes des Magiciens furent
changées e» firpens , n çii point contraire au fens dans lequel l'Ucriture fe fert communé-
ment d'i terme de changé : & tout de fuite il prouve par nombre d'exemples, qu'elle l'a
fouvent employé pour fignifier qu'une chofe a été fubftituée à la place d'une autre.
Porvo interpretatio , quâ virga dicuntur vcrfe , id eft commutât^ fuppofitione unius pro aliOy
non f/? aliéna à confuetudine loquendi Scriptura : fie enim dicitur , ÔCC,
Il eft remarquable que quoiqu'Eftius joigne d'abord enfemble les ferpens & les gre-
nouilles , lorsqu'il dit que la prétendue formation fubite de ces animaux eft une chofe
incroyable, néanmoins lorfqu'il en produit les preuves, il ne fait plus mention expres-
fe que ds ferpens: en quoi il a été imité par le plus grand nombre des Théologiens,
qui foutieruient k même fentim.ent que lui. Mais il eft bien aifé d'en pénétrer la r.ii-
fon.
U
SVH L A
DES MIR
^1 vriLlTE' DE LA P H Y S I O^V E
DissERT. fon. C'efl: que le prétendu changement des baguettes en ferpens , piroit avoir quelque
"" '■"'"'•efpéce de fondement dans les termes de l'Ecriture: ainli cette faufle opinion mérite
"" d'être amplement difcutée; au lieu que la prétendue formation des grenouilles n'ayant
pas le moindre prétexte , & étant même villblement contraire à ce qui efl; dit de ces
grenouilles dans le Texte Sacré , une telle chimcre fe dillipe d'elle même: & ce leroit
perdre le tems que d'en faire une réfutation particulière , après qu'on a prouvé qu'il
n'efl pas permis de croire que les démons aient fubirement formé des ferpens , quoique
les termes de l'Ecriture femblent induire à le penfer.
Le célèbre Janfcnius , le favant Toftat Evcque d'Avila, & quantité d'autres, ont
embraflc le mcme fentiment que les Théologiens modernes : mais ce feroit fe jettcr dans
une mer de répétitions que d'entreprendre de rapporter ce que tous ces Auteurs ont
dit fur ce fujet. Reduifons-nous à un des plus favans Interprètes de l'Ecriture : je veux
parler de Nicolas de Lyra.
Nicde Ly- Il pofe d'abopd pour principe ,, qu'aucun compofé de matière & de forme (qui ne
"•/""r-7- pçut fe faire que par une produdion fucceflîve telle que celle de tout animal vivant)
ne peut être produit par la puifTance du démon : Minute dimonis non poteft aliquod
compofitum ex materià er forntâ produci.
Il ajoute , que ,, les démons ne peuvent transformer la matière pour lui donner une
"" nouvelle forme naturelle , & qu'ils ne peuvent rien changer dans l'ordre de la na-
• ture. " Damonei non transformant ntAteriam ad formant natttralem, nec mutant nattt-
r,( ordinem.
Or quel merveilleux compofê de matière & de forme ^ quelle transformation prodi-
gieufe , n'auroit-il pas fallu faire , pour d'un petit germe infenfible & prefque imper-
ceptible en faire fortir tout à coup des animaux vivans auflTi grands que des ferpens Se
des grenouilles , & pour leur conftruire en un in.lant toutes les parties néceflaires à la
formation des organes de tous leurs fens ? Ne feroit-ce pas la produire foudainement ce
qui ne fe peut faire que fuccelTivement par une génération naturelle ? Le fubit d'une
telle produftion n'eft-il pas manifeftement contraire à l'ordre de la nature ?
Auffi Nicolas de Lyra conclut-il de ces principes , qu'il eft abfolumcnt impoffible
que les Magiciens de Pharaon aient changé réellement leurs baguettes en ferpens : „ à
„ quoi il ajoute, que quoique les démons, ni même les bons Anges, n'aient aucun
„ pouvoir de transformer la matière , ils ont néanmoins celui du mouvement local (c'eft
,, à dire de les transporter d'un heu à un autre : ) d'où il fuit que les démons ont pu
„ enlever les baguettes des Magiciens d'uns manière imperceptible aux fens , & mettre
,, à leur place des ferpens qui leui- avoient été apportes d'ailleurs, ou même qui avoient
,, été engendrés dans ce lieu-là, non par la puillance des démons, mais d'une manière
,, naturelle. En effet ,ajoute-t-il , ne voyons-nous pas que des Charlatans font des chan-
,, gemens femblabUs par la fubtilitè de leurs mains & h promptitude de leurs mouve-
„ mens , fans que les nommes s'apperçoivent comment ils les exécutent. A plus forte
„ railbn les démons, dont l'agilité & la vitefle font, pour ainfi dire, fans comparaifon
,, plus grandes , peuvent-ils faire la même chofc & même beaucoup plus. " Liccr matc-
ria corporalis non fubjiciatur virtuti Angclic^ , quatititm ad transmutationem , fuijicititr
tamen ei cjuantu'» ad motum localem, & ideo dtmones potnerunt virgas à magis projeéLu
per motum loCAlem imporceptihiliter fenfià humaito tollere , ijr loco earitm fcrptmes aliunde
afportatos , vel ibidem gcntratos no» virtute djtmonis fèd agentis naturalis , fupponere. f-1-
demns enim (juod alicjui mimi per fubtilitatem mMiHttm CT localem motum , ali^u.t fie
transmutant ^ quoi hnmines non percipiunt : CT multo fertius ditmones ^ quorum fuluiU-
tas cj' celeritas in motu locali major efl , quam i^comp'irabiliter hoc pojfunt OT" mitlto
7»MJora.
Ainlî ce favant Auteur prouvj dcmonftrativemcnt , que de fuppofcr que les démons
ont
PAR È A P P O RT AV X M I R A C L E S, &c. 73
ont pu produire fubitement des animaux , c'efl: fuppofer l'impoflîble , puisque c'eft fup- Dissert.
pofer une chofe abfolument contraire à l'ordre que Dieu a établi dans la nature; & il surl'aut.
réduit tout le merveilleux des prodiges que firent les Magiciens de Pharaon, à des"''*""''
tours d'adreflfe encore plus fubtils que ceux que font les joueurs de gobelets.
Encore un coup il n'eft pas polîîble, que M. Poncet ait totalement ignoré le fenti-
ment de tous ces Auteurs. Comment donc a-t-il pîi dire, que tous les Interprètes ^ R^ponfe,8ci;.
les Théologiens conviennent e^ue les A-îagiciens de Pharaon ont produit en un inflant des P' ^^'
grenouilles d'une grandeur ordinaire & qu'// a été facile au démon d'exécuter ce prodige ?
Ne feroit-ce point que M. Poncet a pris le silence de la plupart des Théologiens
modernes par rapport aux grenouilles , pour un acquiefcement tacite au Siftéme incon-
cevable qu'il foutient aujourd'hui ? Mais au contraire n'auroit-il pas dû faire réflexion,
que ces Théologiens ayant prouvé qu'il eft impolTible que les démons aient réellement
produit tout à coup des ferpens , & qu'un tel Miracle eft évidemment fupérieur à tout
leur pouvoir, parce qu'il ne peut s'exécuter qu'en renverfant les loix divines qui régis-
fent la nature ; ces principes inconteftables décident également , que les démons n'ont pu
produire fubitement des grenouilles ? Et comment n'a-t-il point fenti que fi ces Théo-
logiens ne fe font pas donné la peine de parler expreffément de ces animaux, c'eft parce
qu'ils n'ont fait leurs Commentaires que fur les endroits de l'Ecriture qui ont befoin
d'explication. In loca difficiliora Scriptur^ , 8c qu'ils n'ont trouvé aucune difficulté à
ce qui eft dit fur ce fujet dans l'Exode, que ,, les Magiciens de Pharaon firent fortir Eïod.VIII.7.
,, des grenouilles (de l'eau) ainfi qu'avoit fait Moïfe, & qu'ils les conduifirent fur la
„ terre d'Egipte: Fecerunt Jîmiliter ... eduxeruntque ranas fuper terram ty£gjpti.
Voilà cependant félon M. Poncet le grand prodige qui fournit une preuve Jans répli-
que , que la Phj/ique ne peut fervir de rien pour diflinguer les Miracles Divins des près- n ' p <|^
tiges du démon. Voilà le moyen invincible par lequel ctt Auteur promet à tous ceux p. jî-
qui voudront refufer de fe foumcttre à la Décifion des Miracles, de les débarraffer pour
toujours de la faujfe méthode par laquelle on les convainc malgré qu'ils en aient, en leur
démontrant par la Phyfique le furnaturel éminent d'un Miracle, que Dieu feul a pu
l'opérer.
Mais il eft d'autant plus étonnant que M. Poncet nous donne ce qu'il peut y avoir XII.
de prodigieux dans le fait des grenouilles, comme une preuve infurmontable du pouvoir m^VodcI"*
presque fans bornes qu'il veut aujourd'hui attribuer au démon , que lui même avoit avoitiui-mê-
ci-devant très formellement embraffé le fentimeît des Théologiens modernes, fur les pro- è'inbr'aflFpo'
diges apparens des Magiciens de Pharaon, Pi"'."" ^?'
„ Je crois , dit-il dans fa dixième Lettre *, que cette dernière explication eft la vé- moJeriKsfm
„ ritable & qu'elle fatisfait pleinement au Texte Sacré; (favoir, que) dans le changement ippaienj^do*
„ des verges en ferpens , le démon n'a fait que fafciner les yeux , &: qu'il a retiré les Magiciens
„ verges & mis à la place de véritables ferpens qu'il avoit apportés d'ailleurs. " •'x.'u°°*
Puisque M. Poncet eft lui-même perfuadé que le changement des verges en ferpens, P- ^8.
quoique marqué dans l'Ecriture avec des termes qui paroifTent aftez précis, ne doit
néanmoins être regardé que comme une illufion des fens ou un tour d'efcamotage , par-
ce qu'il ïft contre les vrais principes de croire, que les démons aient réellement pu
produire tout d'un coup des ferpens, comment ofe-t-il donc fiippofer, au préjudice
de ce que l'Ecriture nous déclare pofitivement, qu'ils ont en un inftant produit des
grenouilles ?
Mais apparemment V explication des Auteurs modernes par rapport à ces fupcrcheries
diaboliques , ne lui a paru la véritable, que lorsqu'il a deffendu lui-même l'Autorité des
Miracles contre Dom la Tafte ; & ce fentiment fi conforme aux vrais principes & qui
fatisfait pleinement, difoit-il,^« Texte Sacré ^z perdu toute fa jufteffe, fi -tôt que j'ai
oppoféjes guérifons véritjblenierit Miraculeufes aux Théologiens Antifecouriftes dont il
Diffcrt. Tom, II, K eft
74- V T I L IT r DE LA P H Y S I O^V E
Dissert, eft l'orgme. Alors l'intérêt qu'il avoit de fe fouftraire au poids accablant de ces "biYn-i.-
suRL'AUT.j.jç5^j J.-JJJ ilisparoître aux yaix de M. Poncet toutes les importantes maximes qui font
DES MiR. gppgp£g^,Qjj. les bornes que h démon ne peut pafTer. Mais une variation fi palpable ne
dccouvre-t-elle pas clairement, que la vive imagination de ce trop zèle deffenfeur des
Antifecouriftes , lui fait voir le pour & le contre , & foutenir les deux contradiéloires,
filon qu'elle eft diverfement affeftée ?
J'ai rapporté ci-delTus les principes qu'il a fortement établis contre M. de Bethléem
fur la foumiffion qui eft due à tout ce que les Miracles décident: comment a-t-il pu fe
flatter de renverfer lui-même fes propres principes, avec fa prétendue produftion (ubite
des grenouilles? Par quelle fatalité a-t-il perdu de vue, que ce Siftcme qui attribue au
démon un pouvoir fupérieur aux régies de la nature, eft contraire à plufieurs paQages
du Texte Sacré, à la Tratiition des Juifs, au fentiment des anciens Pcres, aux judi-
cieufes réflexions des Théologiens modernes; & qu'il eft même direétement oppofé
aux principales régies que tous les Pérès nous ont données pour nous empêcher de con-
fondre les Merveilles de la Puiflance Divine & finguliérement les Guérifons Miracu-
leufes , avec les prodiges illufoires ou malfaifans que peuvent feulement fabriquer les
démons ?
Ces régl:s toutes éclattantes d'une lumière qui vient d'enhaut; ces régies qui nous
apprennent que Dieu feul peut opérer ce qui eft effeftivement & abfolument furnaturel,
&: que les démons ne fuuoient rien faire de réel que conformément aux loix permanentes
qui regiflent toute la matière ; ces autres régies qui nous font difcemer les Miracles Di-
vins & bienfaifans , de toutes les fupercheries diaboliques , non feulement par leur na-
ture , mais aulfi par leurs caraiîléres tout difféiens ; s'oppofent généralement toutes en-
femble à l'avantage que M. Poncet prétend tirer de fa production imaginaire des gre-
nouilles , pnr laquelle il s'efforce non feulement de faire entendre que le démon a un
pouvoir presque fans bornes pour faire des prodiges malfaifans , mais il veut même
employer cette faiiffe fuppofition à rabbaifl"er l'Autorité des guérifons éminemment
Miraculeufes , en infmuant que ces guérifons ne font point au defl"us du pouvoir du
démon.
Je prouverai dans un moment par quantité de Textes de l'Ecriture , par le fentiment
unanime des Pérès de l'Eglife & par des Décifions de Conciles, que Dieu s'attribue
perfonnellement & privativement les guérifons Miraculeufes, comme d voix & fon té-
moignage : qu'il ne permet point au démon d'en faire de telles, ni même qui paroif-
fent l'être, du moins lorsqu'on s'adrefle à Dieu pour les obtenir; & que toutes les
merveilles de Satan fe réduifent à des prodiges nuifibles ou de pure oftentation.
Ainfi quand même M. Poncet feroit accroire à fes Leétcurs , que le diable auroit
formé fubitement des grenouilles , ce ne feroit encore qu'un prodige vain & inutile qui
ne conclarroit rien du tout contre l'Autorité des guérifons Miraculeufes, par l'-fquel-
les j'ai prouvé que Dieu préfiide vifiblement dans l'œuvre desConvulfions& des grands
Secours.
Tout le Texte même de l'Ecriture où il eft parlé des efforts que fît
ie diable pour contrefaire quelques-unes des grandes Merveilles que Moi le exécuta ,
n'eft propre qu'à démontrer que l'Efprit p.rvcrs n'a de pouvoir que pour nuire & que
pour faire illufion. En effet fes Magiciens ne purent jamais rien opérer en faveur des
Egyptiens ni de leur Koi pour les foulager dans les différentes plaies dont Moïfe les
Eïod. IX. affligea. Il eft dit dans l'Ecriture , que ces Alauciens eux-mêmes fMrtnt couverts d'nl-
"• cér(s dont le démon ne put les guérir, en forte qu'ils n'ofércnt plus fe prefeaier devdnt
Moïfe.
, C'eft donc fans aucune efpéce de fondement que M. Poncet nous donne fa prcten-
&«*p°;j-' diic prainUion dti gremnilttSy poiu une preuve fans réplique qu; la Phjfiqtw ne peut fcr-
vir
PAR RAPPORT AV X MIRACLES
arc. 7j
w de rien ... pour diflingaer les Miracles Divins des freftiges du démon; par où il s'ef- Dissert.
force d'infinuer que les guérifons Miraculeufes dont j'ai rapporté desîpreuves invinci- «url'aut,
blés, ne concluent rien en faveur des Secours, par le moyen defquels elles ont été °^^ "'"'
faites.
Mais ce qui eft inconcevable, c'eft que des Théologiens auffi célèbres que les qua-
tre Chefs des Antifecouriftes aient adopté publiquement tous les mauvais principes &
les faux raifonnemens de la Réponfe de M. Poncet, & qu'ils aient fait publier dans tou-
te la France par leur éclattante Trompette, que cette Réponfe efi Jî claire , Jî filide ^ fi in- Nouv. Ecc.
ftruiiive , fi conforme aux régies er aux principes que l'on a toujours fuivi dans l'Egli- ^7 '/' ^"î".
fày qu'on n'y poum faire aucune réplique raifonnable, C?' quelle fixera irrévocablement col. i- "
toute incertitude fur tous les objets controverfés entre ces MclTieurs & les Secouriftes.
En parlant ainfi , ces MM. n'ont-ils pas eu trop de confiance dans le créJit que
l;ur réputation leur donne fur les efprits ? Je fai de bonne part , qu'ayant communiqué
cette Réponfe déjà imprimée à quelques Théologiens de leur parti, ces Théologiens
ne leur ont point dilllmulé , que M. Poncet alloit trop loin dans plufieurs de fes "Pro-
pofitions, notamment dans celle par laquelle il veut totalement annéantir l'utilité de la
Phyfique par rapport au difcernement des vrais Miracles d'avec les illufions de l'Cf-
prit de menfonge, Ils leur ont obfervé, que c'eft finguliérement par la Phyfique,
qu'on fe convainc le plus fouvent loi-meme , & qu'on eft en état de démontrer aux
aux autres, que des Miracles font inconteftablement Divins par leur nature & leur
fubftance ; & ils leur ont fort confeillé de réformer cet article de leur Réponfe.
Cependant ces MM. quoiqu'ils aient fait un grand nombre de Cartons pour corri<^er xill
l'Ouvrage de M. Poncet , n'ont pu fe refoudre à en faire un à cet égard : 8c fe flat- L'-niditim
tant que leur ton décifif & l'exceffive Autorité qu'ils s'arrogent , en Impoferoit à tout VErJu^c
le monde, ils ont voulu obftinément laiifer fubfifter en entier la page 55. de cette Ré- '^ •■<'-ponfe
ponfe, qui outre cette fauffe Propofition, en contient encore plufieurs autres très dan- Amifecour.
gereufes, contre l'imprellion que doit faire le furnaturel éminent des Miracles Divins. P°"f^'^ P-^gs
Au lieu de changer ces Propofitions , ils fe font contentes de faire une petite Addi- d'être Ça&-
tion à cette page dans Y Errata: & même ea tète de cette Addition, il leur a plû de mnccuera
commencer par déclarer au Public, qu'ils approuvoient toutes les Propofitions de M. ""iqueies
Poncet & même toutes les conféquences qu'il veut qu'on en tire, contre une des prin- iionsdèVctrc
cipales preuves qui fert à faire connoitre qu'un Miracle eft l'ouvriçe de Dieu. Réponfe
cipales preuves qui
C(
l'ont
:s MM. pour ne rien perdre par cette Addition du fruit de ces Propofitions, liië 'de là'"'
placée à la fuite de h phrafe où M. Poncet dit qu'il »' efi pas neccjfaire pour rui- i'^l^'T^'..
fter les raifonnemens dont je me fers afit de borner le pouvoir du démon . . . , de fa'-.re l'ap- de (faire,
pliration du merveilleux proJige de la produtlion aes grenouilles , aux guénfons Mira- co"c'un- '""
culeufes dont j'zi fait mention dans mon fécond Tome: & ils commencent leur Addi- "■^"^'^'j^
tien oar dire, qu'à la fin de cette phrafe il faut ajouter, que cette application fefait d'el- ptei4°e"a°um
le-même. da:)gercufe
Ainli félon ces MM. voilà donc tontes les preuves phyfiques par lefquelles j'ai invinci- qu'i^is'au"
blement démontré le furnaturel Divin de toutes les guérifons Miraculeufes rapportérs tant ™'f"j/'^
dans mon premier que dans mon fécond Tome(i. Edition:) voilà , dis-je , toutes ces preuves Repoiife,
annéanties par le prodige ima'Unaire & la prétendue production fubite des grenouilles j Kit3u'''"
voilà toute la Phyfique renverfée & devenue, malgré le fentiment unanime . des -Pcres 'M'age 55-.
de l'Eglife, une faujfe voie pour difiinguer les Aliracles Divins des prefiiges du démon, ReDonVc.^'''
Il eft vrai que les Théologiens Antifecouriftes ont voulu en même tems calmer un '^^ponie,
peu la révolte qu'une telle Propofition ne peut manquer de caufer dans le cœur de " **' ^^"
tous ceux qui ont un vrai refpefl pour les Miracles. Car il y a tout lieu de croire
que c'eft ce q'ii les a engagés à mettre dais leur Errata, à la fuite des mots que j'en
viens de rapporter : „ Ce n'eft pas qu'il n'y ait des effets dont on ne puille dire avec
K a „aflu-
SUR L'AUT
DES um.
7« VTiLiTrDLLA ? H T S I QJD E
DisstRT. ^^ anTurance, qu'ils fiirpaffent le pouvoir du dcmon , par cette raifon qu'ils font au def-
„ fus de celui de toutes les caufes fécondes. Mais quand cela arrive , ce n'eft point par
,, des raifonnemens tirés d'une Phyfiquc tort recherchée, qu'on en eft affurc. Ceux qui
„ n'ont aucune connoifTance de cette fcience, font en état d'en juger, comme les meil-
„ leurs Phyficiens, par la grandeur de l'effet opéré qui furpaffc vilîblement toute au-
j, tre puiflance que celle du Créateur. "
Mais combien un aulTi foible corredif eft-il peu capable de remédier aux impreiTions
pernicieufes , que les Propofitions de M. Poncet peuvent faire dans l'ame de la multi-
tude de ceux qui ne cherchent que des prétextes pour méconnoitre la voix Miraculeu-
fe que Dieu fait entendre aujourd'hui parmi nous. Ce petit correctif eft même d'au-
tant plus infuffifant , que bien loin de fupprimer le venin de toutes ces Propofitions , il
en contient encore une nouvelle prefque aufll dangereufe que celle que ces MM. au-
roicnt Jû corriger.
En effet il réfulte clairement des termes de cette Addition , que toute U conmijfance
que peut donner une Phyjique recherchée^ eft inutile pour difcemer fi une guérifonMi-
raculeufe eft an dcjfus du pouvoir de tomes les ca/t/cs fécondes , & que ceux qui n'ont au-
cune connoijfance de cette fcience font en état d'en juger comme les meilleurs Phj/fciens :
c'eft à dire, que félon ces MM. il faut réduire toute h Phyfique à la fimple connoif-
fance qu'en ont tous les hommes , & qu'elle n'eft propre qu'à difcerner les Miracles
qui font fi éclatrans, comme des léfurreftions par exemple, que les plus ignorans ont
affez de pénétration naturelle pour décider fans aucuu doute que ces Miracles font
Divins.
Mais le Seigneur ne fait-il donc que des Miracles de cette efpcce? De tels Miracles
ne font-ils pas au contraire un peu rares ; 8c doit-on néglii^er des moyens qu'il nous
donne pour reconnoître quand c'eft lui-même qui nous parle ?
Il eft vrai qu'il a mis quelque connoiflance de la Phyfique dans l'efprit de toutes les
créatures raifonnables ; mais dans la plupart du commun des hommes, cette connoiifan-
ce eft très bornée. On peut même dire que c'eft moins en éclairant leurs efprits par
des lumières bien diftinftes , qu'en formant un fentiment de convidion dans leur cœur,
qu'elle leur fait impreiTion : & fi cela leur fuffit affez fouvent pour leur perfuader plei-
nement qu'un Miracle eft l'œuvre de Dieu , cela n'eft prefque jamais futSfant pour les
rendre capables d'en convaincre par des raifons fans réplique ceux que leurs préjugés
aveuglent. Au lieu qu'une Phyfique favante, qui a profité de toutes les recherches,
de to -.tes les expériences, de toutes les découvertes, qui ont été faites dans tous les
{iécles, de toutes les connoifTances infaillibles qui ont été données par les diflections&
les démonftrations anatomiques , comme de toutes les judicieufes réflexions qui ont été
le fruit précieux de ces recherches, de ces expériences, de ces démonftrations; met
ceux qui la pofTédent en état de difcerner d'une manière claire l'opération furnaturelle
du Tout-puifTant dans les guérifons vraiment Miraculeufes , & de démontrer aux plus
incrédules, qu'ils ne peuvent refufer de croire ces Miracles, ni de les regarder comme
Divins , fans fe révolter contre des preuves décifives auxquelles ils n'ont rien à répon-
dre. Or doit-on tâcher d'éiouffer , doit-on s'efforcer d'éteindre des lumières fi im-
portantes pour le falut , puisqu'elles font très utiles pour faire reconnoitic la voix de
Dieu, & pour manifl-fter h tous les hommes la grandeur de fes œuvres? Et faut-il au-
jourl'hui ravir i l'Eglifc un fecours dont elle a tiré dans tous les tems de Ci précieux
avantages ?
En effet n'eft-cc pas par des raifonncmens phyfiqucs que les SS. Pérès & lc'>plus célè-
bres Dovfteurs ont prouvé aux Montaniftcs, aux Donatiftcs & autrrs Hérétiques, que
les prétendues merveilles c!ont ils fe vantoieni , n'étoicnt que de vains preftiges qui
l'avoicnt aucune réalité , au lieu que les guérifons Miraculeufes qui ont toujours étc
l'appa-
PAR RAPPORT AV X M I R A C L E S , &€, 77
l'appannge diftindif de la feule véritable Religion, étoient des Merveilles réelles, bien- Dissert.
faifantes , & évidemment fupéricures au pouvoir jft tous les démons. surl-aut.
Enfin, lorsque les Papes & les Evéques ont fait des Informations de Miracles,''^' "'"■
n'eft-ce pas lînguliérement par les connoiflances que fournit une favante Phyfique
qu'ils fe font le plu> fouvent déterminés à décider, qu'une guérifon avoir été opérée
d'une manière qui fiarpaffoit les forces de toutes ks caufes fécondes, & conféquem-
ment qu'elle étoit un véritable Miracle.
Je puis donc dire avec vérité, que les SS. Pérès, les plus célèbres Doéieurs , les
Papes , les Evéques &: même l'Eglife entière réclament contre h Propofition de \Er~
uaM, qu'on nous donne néanmoins Comme un bon corredif à d'autres Propofitions en-
core plus mauvaifes & plus erronées.
Je ne répondrai point ici aux prétendus miracles des Vaillantiftes que le Deffenfeur Xiy.
des Théologiens Antifecouriftes a le front de donner pour des faits très merveilleux '^ . . ^ ^ " miracle*
avoués or reconnus comme certains par les Scconrijies eux-mêmes. <i<;s Vaiiiao-
II eft d'autant plus étonnant qu'il ait fait cette afTertion, qu'il n'ignore pas que dès qurd«im-
les premiers tems que Frère Amable , Martine & Manon publièrent ces faux miracles, poiut" &
:_:i Ji jr.^o • ivi^ ■ des guérirons
je pris la peine de les examiner de iort pies, & que je prouvai des lors à ceux qui purememn».
étoient de bonne foi dans l'iUufion du Vaillantifme , qu'on ks trompoit par des artifices ^"'5"«"'*-
& des menfonges, & qu'il n'y avoit pas. même la moindre apparence de furnaturel dans Mi>acics par
aucune des guèiifons qu'on leur difoit être furnatiirelles. g" menfon-
Mais comme ks Théologiens Antifecouriftes & leur Deffenfeur ne fe font principale- * Rdponfe,
ment fervis de ces Miracles apocriphes , que pour tacher de répandre un nuage d'incer- *"''• p- î+-
titude fur les guérifons éminemment Miraculeufes qu'il a plu au Souverain Maître de la
nature d'exécuter par des Secours auflî merveilleux que terribles ; & que ces MM. ont
même ofè dire, que les miracles des f^aillaniifies font aujjl grands que ceux qui ont été "''''' P'^^'
opérés par ces Secours, je remets à démontrer à la fin de mon Troifième Tome, la
fauiïeté manifefîe & notoire de ceux que ces MM. m'oppofent , après que j'aurai prou-
vé la vérité & le furnaturel évidemment Divin de ceux dont d'eflVayans Secours ont
€té comme le canal.
En attendant j'annoncerai feulement par avance à M. Poncet , que le faint Prêtre qui
eft l'unique Témoin qu'il ait cité par rapport à ces ftux miracles , Se qu'il dit lui-même
ktri un honnête homme qui a de l'efprit & du mérite, m'a écrit une grande Lettre où, Ibid.p. Jj.
prelfé par fa confcience de defavouer tous les principaux faits que M. Poncet prétend
avoir appris de lui , il en certifie le contraire en préfence , dit-il , de Dieu même, &
svec une vnïc douleur de fe voir forcé , pour n'être pas un faux témoin, de démentir
M. Poncet , à qui il avoue avoir de grandes obligations.
Au furplus je m'engage envers le Leéleur de lui donner encore d'autres preuves fi
décifives, fi inconteftables, fi claires & li frappantes, que tous ces prétendus miracles'
des Vaillantiftes n'ont été que des guérifons naturelles , dèguifées en Miracles par les
artifices de Frère Amable , Martine & Manon , que ks Théologiens Antifecouriftes
n'auront rien à me répliquer , & qu'il en leur en reftera que le regret d'avoir répandu
dans le Public & appuyé de leur Autorité des impoftures & des reenfonges.
Mais comme ces MM. qui fe donnent pour les Théologiens les plus attachés a l'Appel Ibid. p. ç6.
& aux Afiraclcs , & même qui fe flattent que Dieu ne trouvera rien a redire en eux du^^^i-e- '37-
cote de la fidélité a deme-^rer fermes dans la dejfenfe de la Caufe dont il les a chargés , ont
ils donc pu fe déterminer, dans le déGr débranler la Dècifion des Miracles évidem-
ment Divins opérés par le moyen des grands Secours , à emprunter ainfi les merveilles
imaginaires des Vaillantiftes , & à fe rendre garants envers le Public de leurs faux mi-
racles , forgés par les artifices & les menteries des prédicans de cette S ede ? Comment
n'ont-ils pas apperçu , que c'étoit porter un coup terrible à l'Autorité de tous ks
K î Mi-
78 "J T I L I T E' DE LA V H T S I O^V E
Dissert. Miracles faits en bveur de l'Appel ; que de vouloir peifuîder qu'il s'eft opéré enjtgne
surl'aut. ^^ _^y_ ^'■^i-liiut cj} le Prophète Elie*de merveilleiifes guérifons auiÏÏ incoiteflabkment
D£s M.a. ]^jipjj-y]ci,ies^ par exemple , que la création des jimbes de Charlotte la Porte, &: la
""•P- ?■♦• réformation de prefque tous les os contrefaits de Marguerite Catherine Turpin.
XV. On trouve tant de faulTes Propolltions contraires à l'Autorité Divine des Miracles
coVde"jan.u'is dans 11 Réponfc de ces MM. à mon fécond Tome , qu'ils femble.it avoir oub ié pres-
luxdcmops que toutes les inftrucèions qu'ils nous ont autrefois donnés eux-mém.s fur ce fujet,
"xtraotd°nii- Conformément aux principes qu'ils avoient puifés dans les Eciits des faints Pérès & les
ic pour ftitc Divines Ecritures. On diroit à les entendre , qu'ils ne favent plus autour i'hui , que
c; véritables , ,, „ . ,, . '• ■ r ■ i •■^^■l
Miracles. les demons & même les bons Anges , ne peuvent jamais hire de vrais Miracles : que
Dieu s'eft réfervé privativement ce merveilleux pouvoir: & que lui f;ul peut être l'Au-
teur de toutes les guérifons Miraculeufes , qui par leur nature ou par la manière dont
elles font opérées, font fupérieures a l'ordre qu'il a étibli: toutes Vérités que S. Tho-
ç ç mas fi fouvent cité par ces MM. décile très expreffément , aulTi bien que les autres
Th m. t. p.' Pérès: Miraculum cjl , cjHod fit fréter ordinem totius naturtt creata. Hoc non po'ejl facere
Q.:.xlt.iic. „;jl Dctts : quia cjuidejuid facit Angélus , "jel i^uttcunque alla creatura ^ hoc fit fecuaditm or-
dinem n.ttura créât le , (sr fie non efi miruculum.
Il paroît que M. Poncet veut infinuer au contraire, que Dieu donne quelquefois
aux Anges Apoftats un pouvoir extraordinaire pour faire de vrais Miracles. AulTi quand
cet Auteur parle des effets qui fur?a(rent évidemment tout le pouvoir des démons, il
affêfte en plufieurs endroits de fa Reponfe ^ de dire que ces effits pâffent leur /)o«t/o»> or-
dinaire. Alais que veut-il donc nous faire entendre par ce terme ambigu , & qui efl ca-
pable de faire naître une très fauffe idée dans les efprits ? Quoi ! auroit-il donc le des-
jéin de faire accroire aux fidèles, que Dieu furajoute quelquefois au pouvoir qu'il a
donné aux Anges Apoftats lors de leur création , un pouvoir extraordinaire , un pou-
voir tel que le fien, qui les met en état de s'élever au deffus des loix permanentes qui
régiffent la nature & d'opérer par ce moyen des Miracles véritables ? Ne fait-il pas au
contraire qu'un tel pouvoir ne peut jamais appartenir à aucune créature par elle-même;
& que la voie d'impétrntion pour obtenir des Miracles ne peut être efficacement em-
ployée que par les bons Anges , par les Saints & par des nommes animés par le don
furmturel d'une foi qui n'héfite point? Quoi! voudroit-il donc iuppofer , que le
Dieu de toute Vérité prête quelquefois au diable le fd^eau qui caraftérife & fait con-
noître fi voix, & qu'il renvcrfe les loix de h nature à la prière de ces Apoflats qu'il &
reprouvés & maudits ? Enfin cet Auteur a-t-il donc oublié, que c'eft un principe in-
conteftable, que tout le pouvoir des démons, foit ordinaire tel que celui de nous ten-
ter, foit extraordinaire tel que celui de faire des efpéces de prodiges vifibles, fe trouve
toujours néceflairement renfermé dans l'aétivité des moyeis phyfiques qu'ils peuvent
mettre en œuvre jufqu'à un certain point , lorfque Dieu le leur permet ? Car pour le-
ver l'équivoque du terme d'extraordinaire dont M. Poncet paroit vouloir abufcr, il
fuffit d'obferver, que comme le Très-haut n'acco de que rarement au démon la per-
milTion d'opérer des effets qui nous paroiffent prodigieux , les Auteurs Ecclcfiaftiques
appellent quelquefois un pouvoir extraordinaire , la liberté que cette permilTion lui don-
ne, & que ce n'cfi: qu'en ce fens qu'on peut dire que les démons reçoivent quelquefois
un pouvoir extraordinaire.
Aulfi les Pérès de l'Eglife nous ont-ils donné pour maxime , ainfi que je le prou-
verai amplement, que toMs les vrais Miracles , c'cft à dire lous ce:ix qui font vérita-
blement fupérieurs au pouvoir de toutes les cnifes naturelles , prouvent toujours par
eux mêmes ce qu'ils atteftent, parce qu'ils font un flimbciu célefte dcfliné à nous é-
cliirer 8f à refoudre tous nos doutes, ils font la voix de Dieu, ils font un témoignage
iufailliblc que c'eft lui-même qui nous parle.
Voi-
PAR RAPPORT AVX M IRACLES,&c. 79
Voilà l'idée que Jefiis-Chrift , les Apôtres, les SS. Pérès & toute l'Eglife nous ont Dissert:
continuellement donnée des vrais Miracles : & celle que Dieu ne manque jamais d'im- sukl'aut.
primer dans tous les cœurs remplis d'une foi ferme , fimple & fidelle , toutes les fois °^^ ""^'
qu'il veut les perfuader de quelque Vérité par ce témoignage Divin.
Ouvrons donc tous notre cœur à cette mfluence célefte, & chaflons de notre efprit
tous les préjugés & toutes les préventions qui pourroient nous empêcher de l'y re-
cevoir.
Les Théologiens Antifecourifles qui fe vantent d'être les hommes vivans que Us fi- Reponfe.&c.
déles doivent écouter , dr qui leur fervent de Maîtres . . . fow les prcfirver de la fe'dHC-^^'^'" '^^'
tio» de la fanjfe Autorité , ne doivent-ils donc pas être les premiers à leur donner l'exem-
"^le de fe conduire aujourd'hui par la lumière des Miracles?
Au lieu de s'obftiner , comme ils font , à décrier les admirables Secours que Dieu -.^X-h .
autorife continuellement par des Merveilles de toute efpéce, & 3 tacher d'éluder la AntUec. au-"
Décifion précife des guérifons Miraculeufes qu'il a opérées par ce moyen , n'auf^oient- mieux faf"
ils pas mieux fait d'employer leurs talens à découvrir au Public l'illuiîon de tous les d'employer^
fubtils artifices par oîi Dom la Tafte , aujourd'hui M. de Bethléem , s'eft efforcé de deffendie"ks
couvrir d'épais nuages tous l;s Miracles que Dieu fait en faveur de l'Appel. Pourquoi ''''^{f^ '^°"-
ces MM. fi * attaches aux Miracles , n'ont-ils pas encore répondu à toutes les Let- desLeinescie
très de ce fameux Adverfaire de la Vérité ? Comment peuvent-ils fouffrir fi tranquil- ^ue^^™*.
lement, que fes Ecrits pernicieux répandent un poifon funefte dans l' efprit & dans le cupcr à de-
cœur de tous les Chrétiens ? Ne devroient-ils pas mettre tout en œuvre avec un zélé '"a^ds'se-
infatigable pour en préferver les fidèles ? cours.acom-
■ Mais, hel-is! des perfonnes très bien inftruites de tout ce qu'ils font , me mandent racics'que''
tout au contraire que bien loin que ces MM. s'occupînt à un travail fi utile , & mê- D'^" ^ ^'"^
me fi néceflaire aujoard'hui pour le bien des âmes , ils s'amufent aftuellement à déter- &Vex"geiec
rer Jes faits dont ils veulent faire ufage pour exagérer de plus en plus la difficulté ji''''''j^^ I''
de difcemer les opérations de la Puiflance Divine des preftiges de l'Enfer. difcemer les
C'eft précifément ce qu'a déjà tenté Dom la Tafle dans fes Lettres Théologiques. je^a^u^jJii,!.
Eh! feroit-il digne ^e fi célèbres Appellans , de marcher ainfi à la fuite d'un des plus ce Divine,
grands ennemis de l'Appel ? ^ t'vltît"
O vous qui jufqu'à ce jour avez defftndu avec tant de zèle la plupart des Vérités .R^Donfe,
que Dieu décide aujourd'hui par des Miracles, voudriez-vous employer préfentement ^i:- P- sô".
vos recherches à donner aux fimples & aux petits de la défiance de ces Décifions Di-
vines ? Ne feroit-ce pas rendre les Miracles prefque inutiles pour le commun des fidè-
les, que de leur infinuer , qu'ils ne font pas capables de difcerner s'ils font l'ouvrage
du Très-haut ou un artifice du prince des ténèbres ?
C'eft fur-tout pour les petits, pour les fimples & pour les humbles , que Dieu fait
des Miracles; parce que c'eft un rayon tout cclattant d'une lumière célefte, qui fans
qu'ils aient befoin d'être favans, leur fait voir tout d'un coup de quel côté eft la Véri-
té. Mais fi c'eft finguliéremeut en leur faveur que Dieu opère ces Merveilles, il faut
par conféquent qu'il y ait des moyens à leur portée pour les diftingucr des illufions
de Satan.
Ne feroit-il pas plus digne de votre charité de leur indiquer ces moyens , que de
vouloir leur faire accroire qu'il n'y en a point qui ne paflent leur intelligence ? Ne
vous conviendroit-il pas mieux d'éclairer ainfi les efprits & de fixer leur foi fur les
Miracles, que de les jetter au contraire dans des abîmes d'incertitudes & de doutes ?
Vous qui vous glorifiez dans tous vos Ecrits d'avoir hérité de l'efprit & d'être les
dépofitaires des fentimens de M. de Senez & de M. de Montpellier, vous devez donc,
bien loin de foutenir qu'il faut être un habile Théolopien pour pouvoir faire le difcer-
nement des œuvres meryeilleufes de la mifcricordc Divine d'avec les artifices du dc^
mon.
8a V T I L I T F DE LA P H Y S I O^'D E
Dissert. mon, VOUS devez, dis-je, en fmvant les traces du Saint Evêque de Senez, faire ob-
«uR l'aut. j-g|.^,çj. ^ jQm- le monde , que c'ejl an Jîmplc peuple ejne yefus-Chrifl a dit : PourejHoi ne
DES Ml A. j^gf^,^g„; ^as , en voyant mes œuvres ? Vous devez publier ùir les toits avec ce fii::t
fur'îcsVr-''' Prclat, que Jefus-Chrifl a tout rappelle a ce fe miment gravé dans Pefprit de tous les hom-
icuis.n. i4- mes , que les Aiiracles prouvent par eux-mêmes cr par leur propre évidence. Vous devez
vous écrier avec lui j que la vue du fait çj- de fes circonflances fufft à une droite raifon ^
k un cœur Jimple cr chrétien, pour s'ajfurer des œuvres de Dieu; & qu'il les faut croi-
re avec la même /implicite (^ la même droiture que nos pères.
Oeuvres de Vous devez convenir avec le grand Evéque de Montpellier ,, que de tous les mo-
Tom*'lV pp j> y^"5 fenfibles que Dieu emploie pour inftruire les (impies , il n'y en a point qui
»5- & 15. „ foit plus à leur portée que les Miracles: fque) pour (avoir s'ils (ont véritables, il
„ ne faut avoir que des yeux : (que) de fimples fidèles font quelquefois plus dair-
„ voyans dans les œuvres de Dieu, que des perfonncs élevées dans le plus haut rang de
„ l'Eglife; " & que les chofes de Dieu, dit le Pçre Quefnel , font plus d' imprejfion fur
R^fl. mot. le cœur du peuple peu éclairé , que fur les Doreurs enflés de leur fcietice.
"" Voulez-vous donc , en vous écartant des principes que fuivoient ces intrépides Def-
fenfeurs de toute Vérité , couvrir de ténèbres l'autorité des Miracles , & la voiler
d'incertitudes ? Voulez-vous édipfer la lumière qu'ils ont répandue dans l'efprit du
peuple , & lui faire croire qu'il ne doit point fe prelfer d'y prendre une entière con-
fiance, jufqu'à ce qu'il vous ait confultés ? Ne penfez-vous pas qu'en diminuant ain(î
l'idée de la prompte foumiffion qui eft due à la Dècillon des Miracles , vous four-
niffez des armes pour les combattre aux ennemis de votre Appel ? Si la vue des Mira-
cles ne doit pas (uffire pour déterminer le commun du peuple par leur propre éviden-
ce , fi c'eft l'Autorité qui doit toujours en décider , celle du Pape & des Evéques
Conftitutionnaires n'eft-elle pas bien plus grande que la vôtre \ Dans quels précipices
ne jettez-vous pas les âmes fimples par vos dangereufes maximes ? Comment ne crai-
gnez-vous point en appuyant ainfi de toutes vos forces la plus féduifante objection
que font les ContradiÀeurs de la Vérité , d'aider vous-mêmes à renverfer l'appui que
Dieu donne à votre Appel , en l'autorifant vifibleaent par des Merveilles fans nom-
bre ? Voulez-vous donc facrifier la force invincible des Miracles , au foible appas de
trouver par là le moyen de vous deffendre contre ceux que le Tout-puiflant à exécu-
té par la violence des Secours ? Eh ! comment ne voyez-vous pas , que c'eft avouer
tacitement vous-mêmes que la Caufe que je foutiens eft celle de Dieu , puifque vous
ne pouvez vous fouftraire aux conféquences que j'ai tirées de ces Miracles , qu'en tâ-
chant de renverfer leur Autorité ?
X.VII. Ces MM. n'ont pas apparemment prévu tout l'ulage pernicieux qu'on feroit contre
tjpi'èsd«Th. l'Autorité des Miracles, des principes bazardés fur ce iiijet dans leur Réponfe. Helas !
Antiiic le non feulement les Conftitutionnaires en triomphent , pour décrier nos Miracles , & les
ftuxptinci- attribuer à Satan ; mais même plufieurs difciples de ces MM. en fe fondant fur ces
dlns'ia'R*^/-* '^^"'^^'' maximcs , répandent aujourd'hui de routes parts , qu'il n'y a prefque point de
ponicdcecs guérifon, quelque merveilleufe qu'elle p3roi(rc , qui ne puilfc être opérée par les dé-
liiet'dt'sco»" mons : que comme Dieu leur accorde quelquefois un pouvoir extraordinaire , ce n'eft
féqucncej prefque jamais que par les circonftances , Se non par la nature même des Miracles,
cieu^î?'' qu'on peut juger, qui, de Dieu ou du diabk , en eft l'auteur : que ce difcernemcnt
étant fouvent fort difficile, les fimples fidèles ne doivent point s'arroger le drort d'en
décider, & qu'avant de s'abandonner à l'imprcllion que les Miracles leur font , il eft
pour eux d'un devoir indif'penfable d.' confuker les Théologiens Antifccouriftcs, ^' de
ne fe déterminer que par leur avis , attendu que ces Théologiens (difcnt leurs difci-
ples) font fubftituès à la place des Evêques Chefs de de l'Appel ; que la ligne de lu-
«icrc qui ccUiroit ces grands Prélats , s'eft concentrée fur la tête de ces MM. & que
ce
T A R RAVfORTAVX M I R A C L E S , &c. 8i
ce n'eft que par leur canal qu'on peut en recevoir quelque rayon. Di^sEnr.
A cjuoi ils ajoutent , que quand même les Miracles leroiem inconteftablement Di-^"'*"'^"'''-
vins , ce flambeau célefte peut néanmoins nous égarer-, parce qu'il efl quelquefois très ""^^ ''""'
difficile de difcerner à quelle intention Dieu les a opérés , & qu'ils peuvent être une
épretive pour mus apprendre que quelque prodige qui arrive (^ er. quelque cas que ce fiit , du^ii. ]3nv'.
MOUS devons mus tenir inviolablemetit attachés aux régies. 1741. n.X.
Le Nouvellifte ayant employé lui-même cette faufTe Propofition pour repondre aux
Miracles éclattans que Dieu a opérés par le moyen des plus étonnans Secours , je re-
mets à la combattre , lorfque je rendrai compte de ces Miracles dans la I. Propofi-
tion de mon TroifiémeTome; & je m'attacherai uniquement ici à réfuter ce qu'il y a
de plus dangereux dans les faufles manières par lesquelles les difciples des Théolo-
giens Antifecouriftes attribuent préfentement au démon un pouvoir prefque fans bornes.
Je m'y porte avec d'autant plus de zèle , que cette pernicieufe fuppofition eft préci-
fement celle dont les Conftitutionnaires les plus outrés fe font fervis , pour tâcher de
fe fouftraire à l'induftion foudroyante qui réful^e contre eux des Miracles que Dieu
fait à l'intereiTion de M. de Paris & autres Appellans.
Pour s'en deffendre , ils fe font vus comme forcés de fuppofer , ainfi que font aujour-
d'hui plufieurs difciples des Théologiens Antifecouriftes, qu'il n'y a prefque point de
Miracles que le démon ne puifle faire , & que Dieu lui en accorde quelquefois la per-
miffion. D'oii ils ont conclu qu'y ayant prefque toujours du doute , fi les guérifons
qui paroiflent les plus merveilleufes , font un trait de lumière qui part du Ciel , ou
une féduftion diabolique qui fort de l'Enfer , ce n'eft qu'aux Êvêques qu'il appar-
tient de le décider , & que le commun des fidèles doivent , avant que de regarder un
Miracle comme Divin , attendre qu'il ait été reconnu pour tel par ces Chefs de l'E-
glife. Or, ajoutent-ils, le très grand nombre des Evêques , bien loin de reconnoi-
tre pour Divins les Miracles qui tendent à autorifer l'Appel , déclarent au contraire
qu'ils les réprouvent , & par conféquent on ne doit pas balancer à les attribuer à l'ef-
prit pervers.
Il eft bien digne de remarque, que ce n'eft que malgré eux que les plus furieux
Conftitutionnaires en font venus à foutenir ce qu'il y a de plus pernicieux dans cette
Propofition. La plupart ont d'abord fenti , comme le refte des fidèles , que d'égaler
ainfi en quelque forte (quand même ce ne feroit que par rapport à l'apparence) les ar-
tifices de l'Enfer avec les Merveilles de la Toute-puiflance Divine , c'eft énerver &
rendre fufpedes d'ilkifion les preuves les plus fenfibles que Dieu nous a donné des Vé-
rités qu'il veut que nous croyon?; & que de jetter un fi grand nuage fur l'Autorité
qui appartient aux Miracles & fur la confiance qu'on y doit prendre , c'eft avilir des
oeuvres que Dieu même déclare être fon Témoignage , c'eft s'efforcer de couvrir de té-
nèbres la lumière qu'il a tant de fois répandue fur la terre par ce moyen, c'eft l'atta-
quer lui-même dans les ouvrages de fa Toute-puiflance & de fa Bonté ; & qu'ainfi
l'on peut dire, que c'eft un attentat de Leze-Majefté Divine.
Aufti n'y a-t-il guères de crimes que Dieu ait puni plus févèrement, que celui
d'attribuer fes œuvres au démon. L'Evangile nous apprend qui c'eft précifément ce
crime qui a rendu fi coupables les habitans de Corofaïm , de Betfaïde &: de Caphar-
naùm. Jefus-Chrift leur déclare que ce qui a confommé leur réprobation , c'eft de Matt.xr.io.
n'avoir point crû aux Miracles qui ont été faits au milieu d'eux, c'eft d'avoir préféré à ^ *"'*■
leur lumière & à leur Autorité Divine , le fentiment des Princes des Prêtres , des Pha-
rifiens & des Dofteurs, qui oférent décider que Jefus-Chrift n'opéroit ces Merveil-
les que par la vertu de Beelz^ebut Prince des démons. Voilà pourquoi h plupart des Ibid.xrr.14.
habitans de ces villes feront traités au jour du jugement plus rigoureufcment que So- rbid.XI.14
domc.
Dijfert. Tom. II, L Plu-
V T I L I T r DE LA P HY S I O V E
La Prcpci'i non feulement tous les Appclhns , mais même tous les Conftitutionnaiies qui o.voient
a prcTuc"' '^O"'^'"^^ "^^ns leur cœur quelque amour pour la Religion. Fntre autres M. Thierry,
point de Mi- quoique Grnnd-Vicaire de M. l'Archevêque de Paris , & Profefleur de la Sorbonne
"e'inon''nc '^ aujourd'hui livréc à la Bulle , ne s'en crut pas moins obligé de dider à fes Ecoliers la
puin"cpp«:e, réfutation d'une erreur fi dangereufe; & il obferva entre autres dans fes cahiers, qu'«»
voli'e'Jùr "' y*"f & qu'un Paye», e» fuivant ce Sijlème , auroit pu dire que les Jllirac/es attribi/és à
qu'juxCon- yefns-ChriJi avoient été opérés par le démon , pour faire adorer comme Dicn celui qni ne
les. l'étoit pas.
du°î!'j'an"' ^' paroîc même que M. l'Evêque de Bethléem a de tems en tems étc lui-même ef-
«734. fraye' des confe'quer.ces qui refultent d'une Propofition fî pemicicufe.
En effet quoiqu'il prenne à tâche de la prouver par tous les faux contes qu'il deT^i-
te, ne'anmoins fes remords le forcent quelquefois d'en avancer de toutes contraires.
J'ai déjà rapporté par exemple , qu'il déclare dans fes deniiéres Lettres , qu'il n a ja-
Lcrt Thdol. ""^'^ ^" "' p<^"fé ,c\\ic les A7iracles Divins ne peuvent que rarement être dijccrnés des dia-
de [y. iiTi\- Coliques . . . 8c qu il cfl pleinement convaincu, qu'il y a bien des fines de merveilles
«■ f-H$- évidemment fupéricures a tout pouvoir créé. . . Il avoue même expreffément , qu'il y
'■'''' '' a des maladies de toutes les ejpe\'s dont la guérifon exige abfilument la main de Dieu.
1 -p.j o. ^j^^._^ quoique la Propofition (qu'il n y a prefque point de Miracles que le démon
ne puilTe opérer , que Dieu lui donne quelquefois la permiflîon d'en faire qui parois-
fent des plus merveilleux , & qn'ainfî il efl: fouvent douteux , &: quelquefois même
fort difficile , de difcerner fi une guérifon Miraculeufe efl l'ouvrage de Dieu ou de
l'efprit fedudeur : ) quoique cette Propofition erronée ait déjà été regardée d'abord
comme bhfphématoire par toutes les perfonnc? fincérement attachées à la Religion , &
même par la plupart des ConOitutioi-.naires , ces' derniers fe font peu à peu familiarifcs
avec ce blafphême , lorfqu'ils ont vil qu'il ne 1 iir rcftoit point d'autre reffource
pour fc fouftraie au poids accablant de cette multitude de Miracles que Dieu fait de-
puis tant d'années en faveur de l'Appel; & aclucUement la plupart des Evêques de des
Prêtres qui font dévoués fans véferve à la Conftitution, fement cette ivraie empoifonnce
dans le champ de l'Eglife.
Que les plus furieux Conflitutionnaires , irrites de ce que Dieu les confond par fes
Miracles, falfcnt tous leurs efforts pour relever l'idée du grand pouvoir qu'ils s'ima-
ginent avoir intérêt d'attribuer au diable, afin d'infinuer par là dans l'esprit du Public,
que les plus merveilleufes guérifons opérées à l'interceflTion de M. de Paris & autres
Appcllans, peuvent être un artifice de l'Enfer; nous devons gémir de leur obftinatiou,
& déplorer leur aveuglement. Mais que plufieurs difciples de Doéleurs Appellans des
plus renommés, adoptent aujourd'hui en quelque forte contre l'Autorité des Miracles,
un Siftême dont M. l'Evêque de Bethléem, le plus grand Adverfiire de ces œuvres de
Dieu, femble lui-même avoir cû honte; c'cft ce qui devroit nous faire verfer des lar-
mes de fanp.
Ktcbmî- Qu'il me foit permis de m'écrier avec \m célèbre Auteur: ,, Terrible jugement de
wlt.'i^r".4. j> la cnkre de Dieu fur nous ! Tunefles efitts de nos disputes ! Tout s'écroule fous nos
*<î- „ pieds: les 'Vérités les plus certaines s'obfcurciffent par nos fubtilités : l'efprit de con-
,, tention nous éblouît, nous aveugle, jufqu'à enlever à la Caufc de Dieu fc5 propres
,, armes, pour confcrver le faux honneur de ne pas reculer. Après cela nous glorifierons-
nous encore de nos lumières , de notre érudition 7 héologique , de nos talcns , de
,, notre réputation; & fouflrirons-nous que nos difciples & nos admirateurs attachent à
„ notie
P ^ R RAPPORT yl V X MIRACLES, &c. 85
„ notre perfonne une Autorité qu'ils rerufent à d'éclattantes Merveilles ", à des Mer- D"se«t.
veilles manifeftement Divines ? d^e^sm*""^'
La foi fur un point auflî important que celui de l'Autorité que les Miracles ont par ',„ '
eux-mêmes, & de la confiance qu'on y doit prendre, étant ainfi attaquée par plufieurs Dieu fait
de ceux qui paroifleût les plus propres & les plus intérrelfés à la deffendi-e , Dieu pour ''i^'^s'"
en conferver le dépôt va faire parler les pierres. dcfendre
Ce n'eft point aflez pour fa gloire , qu'un favant Théologien réclame pour la Véri- dÛ Mhadcj.
té , ce grand Dieu veut en même tems manifefter à toute la Terre , que tout inftrument
lui eft égal, afin que nul homme ne fe glorifie devant lui. i.Cor. 1. 19.
Car, comme dit le Père Quefnel : „ Dieu veut tout faire de rien, afin que l'hom- ^'^^- '"°'"
„ me ne s'attribue rien , & le glorifie de tout : c'eft le deflein capital & perpétuel de ^" "'' '^'
„ Dieu dans les opérations de fa grâce. "
C'eft pourquoi la Miféricorde Divine dit quelquefois à des cadavres enfevelis dans
d'épaifles ténèbres: ,, Reveilkz-vous de votre fommeil : fortez du nombre des morts ^P''"'*'' '+'
„ & Jefus-Chrift vous éclairera -.ftirge qui dormis , CT exurge a mortuis , Q- illuminabit
te Chriftus.
Mais dira-t-on , convient-il a un Laïque de traiter des queftions de cette importance
& qui intérelfent toute l'Eglife \
Voici ce que M. Nicole repond à cette objedion.
„ Plufieurs Laïques, dit-il, , . . comme Athénagore, Minutius Félix, Laftance, Simb. Tom.
„ Boëce , S. Auguftin & S. Profper ont foutenu l'Eglife contre les erreurs ... par ^'' ^"^'^^'
„ des Ecrits d'érudition & de lumière , non par des ades de jurisdiftion & d'Autori-
„ té. " Les Laïques peuvent bien auffi inftruire en particulier, comme il eft dit des
fidèles de Térufalem qui furent disperfés & qui répandirent la parole de l'Evangile . r, vr
I- 1 ■ j -v 1 II- . ^ ^ P r ,' AacsXI.ig.
mais non ulurper le pouvoir de prêcher publiquement avec Autorité parce que cela dé-
pend du miniftére des Pafteurs. Ainfi félon M. Nicole les Laïques font donc en droit
de defïèndre par des Ecrits publics les Vérités combattues dans l'Eçlife.
„ Dieu, dit le Père Ouesnel , en fufcite quelquefois de tels dans'l'I-glife, pour con- r^a. mai,
„ fondre la pareffe ou l'infidélité de ceux qui font plus obligés à h fervir. . . . On ■^'^^- ^'^'"■
„ lui peut rendre des fervices confidérables, fans avoir le miniftére facré. La foUici- ^,1 j
„ tude pour fes intérêts & l'application à ce qui eft .de la gloire de Dieu, eft de tous ' ' '^'
„ les états. "
Au refte le Leâeur s'eft fans doute apperçu déjà plus d'une fois, que cette Edition
n'eft pas comme la première, uniquement l'ouvrage d'un prifonnier dénué de tont con-
feil, de Livres & de tous les fecours humains , mais que d'habiles Théologiens m'ont
fourni des Mémoires qui m'ont été bien utile?. Je leî regarde comme un tréfor pré-
cieux, dont j'ai en quelque forte l'obligation à l'injufte cenfure du Nouvellifte & aux
vives déclamations de M. Poncet contre mon iecond Tome Cpremiére Edition). Ainfi
j'aurois grand tort de me plaindre de leur origine : elle m'a été bien plus profitable que
nuifible. Les fauiTes imputations du Nouvellifte & les principes extrêmement hazar-
dès de la Réponfe de M. Poncet , ont révolté ces favans Théologiens : ils ont cru que
Dieu demandoit d'eux de garantir le PubUc des dangereufes imprelTions que pouvoient
lui faire ces Ecrits; & quoiqu'il y en ait parmi eux, que je ne connois point , &dont
je n'avoïs même jufqu'alors jamais entendu parler, ils fe font emprelTés de travailler
pour moi ; & la Providence attentive à faire triompher la Vérité , leur a fourni les
moyens de faire pénétrer leurs favantes recherches jufques dans la Citadelle où je fuis
enfermé.
Fortifié par ce puifiant fecours , & encore plus par l'efpérance d'être aidé de Celui
de qui vient toute lumière, j'entreprends avec confiance un ouvrage bien au deflus de
mes forces : je travaille à raffurex le commun des fidèles dont on ébranle la foi , par
L 2 rapport
84 V T I L I T E DE LA P H Y S I O^V E
Dissert, rapport aux IMiracles que fait aujourd'hui la Mifcricorde Divine pour éclairer les cœurs
surl'aot. droits fur toutes les Vcritcs fur lefquelles on s'efforce de répandre des nuages: ]g com--
DE>>,iR. jj^^^ ^^^^^ ^ j^ ^^j^ j„ pj^^ fameux Ecrivain des Conftitutiomuires, & en même tems
les difciples de ces célèbres Théologiens qui fc donnent pour irréfragables. L'autorité
les talens, la renommée de fi grands Adverfaires ne me retiendront point, parce que je
ne compte nullement fur moi-même, mais uniquement fur le fecours de Celui dont la
charité pour tous ceux qui mettent en lui toute leur confiance , pafle toute exprellîon ,
& dont la puiiïance uns bornes fe pUît fouvent à prendre pour fes inftrumens ce qui y
paroit le moins propre, afin que toute la gloire du fuccès foit rendue à la gratuité
de fes faveurs.
Je commencerai par développer l'artifice &: l'illufiorides trois fuiffes fuppofitions , par
lefquelles M. l'Eveque de Bethléem tache d'infinuer que le diable a pu être l'auteur
de tous les Miracles faits en faveur de l'Appel.
Je tâcherai de rendre fenfible & palpable la différence effentielle qu'il y a entre les
vrais Miracles & les prcftiges diaboliques, que ce Prélat s'efforce de faire confondre à
fes Leéieurs.
Je démontrerai par quautité de Textes tant de l'Ancien que du Nouveau Teftament,
que les guérifons Miraculcufes font finguliéremcnt la voix de Dieu , & une œu-
vre qu'il s'attribue privativement: qu'aulfi ce font les Miracles de cette efpéce que
Jéfiis-Chrift a le plus fouvent donné en preuves de fa Divinité: que c'efl par la
lumière bienfaifante de ces admirables Guérifons , qu'il a voulu établir la foi par toute
la Terre; &: qu'elles font im préfent infiniment précieux qu'il a promis à fon Eglife^
tant pour la diftinguer clairement jufqu'à la fin des Siècles de toutes les fauffes Religions
& de toutes les SeAes d'hérétiques, par une faveur vifiblement furnaturelle, que pour
y fiire difcerner dans tous les tems, de quel côté eft la Vérité, lorsqu'elle fe trouve
en contradidion dans fon fein.
Je prouverai par le témoignage des Apologiftes du Chriftianifme , par le fentiment
des SS. Pérès, & même par des Décifions de l'Eglifc, que non feulement les démons
ne peuvent jamais fiire des guérifons véritablement Miraculcufes , mais même que Dieu
ne leur permet point d'en contrefaire qui paroiifent être un efîèt de la Bonté & de la
Toute-puiffance Divine; & qu'il eft impoffible qu'il fouffre que le témoignage des
vrais Miracles foit équivoque, ainfi que les Conftitutionnaires, les Confultans & les
Antifecouriftcs ofcnt aujourd'hui le fuppofer.
Inft. paft. Je ferai voir d'après le grand Evêque de Montpellier, qu'un Miracle n'aùefoin que
Sens, p.iit.'^ </f lui-même cf (^cs circonft.inces ou il cfi fait , pour être jHÇ^é véritable .... & que c'eji
t. n. 27.2g. u» faux principe que les Aiiracles nt prouvent er ne doivent être crus , qu'autant qu'ils
Coihctt, font admis par l'À/ttorite'.
loiTi'i'iiv.' Je rapporterai nombre de preuves, en fuivant les lumineufes maximes de cet illuf-
III. Lettie ^''^ Prélat, que des Miracles faits au nom de ycfus-Cbrift ne peuvent être des prodiges
i M. de SoiC- trompe/ifs ; &: que s'il eft vrai que dans certaines circonftanccs, il pourroit n'ctre pas
Oeuvres, '"contraire à la gloire, à la fagcfle & à la bonté de Dieu de permettre au démon de
".157- fiiie quelque giièrifon qui parottoit miraculculè, du moins ce ne pourroit être, ainfi
M?'!ic'senT ^"^ L' dit cc Prélat fi célèbre, que dans le cas oit il ejl clair que c'cji à l'ejprir per-
patt. V n. ' vers qu'on a e/i recours , comme quand on emploie la magie : parce qu'alors la caufe cJ*
C°euïr^?&c. i'o'^'.i'"' '/' '<■/ <■#' >''^fl pli^s équivoque/
Tom.il. p. Api es avoir écibli toutes ces Propofitions, il me fera bien aifé de fournir aux fim-
ples, un moyen à leur portée, pour juger eux-mêmes avec une affurance entière, que
Dieu eft nèceffîirtmcnt l'auteur, non feulement des Miracles faits uniquement pour
autorifer l'Appel, mais aulli de ceux qu'il lui a plù d'opérer par le mouvement des
CoQvulfions, & par U violente imprellion des plus terribles Secours.
Mait
R ^ R R A P P 0 RI AV X M I R A C L E S, &c. 85
Mais je veux encore aller plus loin : je veux abbattre le colofle de toutes les ob- Dissert.
jeclions les plus fe'duilantes , qu'on oppofe à l'Autorité des ISliracles, à la confiance ^"'"-'■*"'^-
qu'on y doit prendre, & à la foumifllon entière qui eft due à ces Divines Décifions. °^* ""'"
Ce cololfe n'eft qu'un vain phantôme : pour le faire difparoître , il ne faut que lancer
fur lui les rayons de la Vérité.
Je démafquerai pour cet efîtt rimpoflure , l'illufion ou la faulTeté notoire de tous
les prétendus miracles diaboliques , auxquelles le Père Dom Louis la Tafte , aujour-
dhui M. l'Evêque de Bethléem, veut nous forcer d'ajouter foi, & je dévoilerai l'ar-
tifice par lequel il éblouît les efprits peu attentifs , & les fidèles peu favans, en les
ctourdiflant par une multitude de citations , qui ne difent point ce qu'il leur fait dire ,
ou qui font prifes dans des Livres reconnus pour apocryphes : au moyen de quoi toutes
fes principales objections retomberont dans l'abîme.
§ IV. Réfutation des trois faujfes fuppofitions far le/quelles M. l'E-
'véque de Bethléem tâche d'iîîjinuer que le diable a pu être l'au-
teur de tous les Miracles faits en faveur de l'Appel.
T)Ar quelle induftrie M. l'Evêque de Bethléem, après même qu'il s'eft vu forcé
de convenir de la plupart des grands principes qui fervent à difcerner les vrais Mi-
racles, & à réduire dans de juftes bornes le pouvoir que Dieu permet quelquefois au
démon d'exercer , peut-il donc efpérer de faire révoquer en doute, fi le très grand
nombre de guérifons éminemment iurnaturelles qui ont été obtenues par l'interceflîon de
M. de Paris & autres Appellans, font l'œuvre de Dieu ou du diable j tandis qu'il eft
d'une évidence palpable que la Toute-puiflance Divine y paroît avec un éclat qui ne
peut appartenir qu'à elle?
Ce Prélat emploie à cet effet trois fuppofitions. 7.
Premièrement, il avance avec une confiance dont lui feul eft capable, que toutes les ^'^^ '^"'''
maladies guéries par l'interceffion des Appellans, n'ont été que légères: qu'elles n'è- q"mi prae-
toient qtte de ces petits maux, qui ne caufent dans le corps qu'un dérangement pafla- [to'n/d^f""
ger , & qui ne produifent aucune deftrudion. imagination
Quoi! Des hidropifies monftrueufes, des paralyfies complettes, des cancers ouverts, pomdeMë-
des os contrefaits & depuis long-tems endurcis dans leur figure hétéroclite, des or- decim&aux
ganes qui n'avoient point eu en naiflant leurs parties les plus effentielles , enfin des mem- d'une muîa-
bres tous entiers, les uns entièrement deffèchés, les autres totalement détruits, d'au- "^^ ^= '^'='"
très mêmes refufèes par la nature; font des maladies légères & faciles à guérir! N'eft- lair'cs.
ce donc là ijue de ces petits maux qui ne caufent dans le corps qu'un dérangement pajfager ?
Quoi! N'eft-il pas au contraire de notoriété publique , que toutes ces maladies & ces
états d'une difformité affreufe', avoient duré, avoient été viîs par des Maîtres de l'Art,
& par un très grand nombre d'autres gens, du moins pendant 10. 12. 15. ou 10. an-
nées, & même que quelques-uns de ces eftropiés l'avoient été pendant 25. 50. & 50.
ans , avant la merveilleufe métamorphofe du rétabliffement Miraculeux de leurs mem-
bres malades ^' contrefaits? Le Lefteur trouvera dans mes trois Tomes, des preuves
invincibles de tous ces faits.
Mais comment M. l'Evêque de Bethléem peut-il prétendre que fans avoir jamais
connu aucun de ces malades , ni de ces eftropiés , il fait mieux que leurs Médecins &
Chirurgiens, que toutes les autres perfonnes qui les ont vu pendant très long-tems,
quel étoit leur état avant leur guérifon Miracul ufe? Comment a-t-il le front de donner
ainfi un démenti public à tous les Maîtres de l'Art , qui ont déclaré & même démon-
L 3 . tré,
S5 DES FyiVSSES SVPPOSITIONS
DisïERT.tré, que les maladies en queftion croient abfoiument incurables par toutes les reffonrccs
juRL'jiuT.de la nature? . n. • n-
DIS MiR. y^^j ^.eltc pour établir ce qu'il alTare fi hardiment, ce n'eft pas affez qu'il s'infcrive
en faux contre tous les Rapports , & les Diflertations de Médecins & de Chirurgiens
de la Cour & de la Ville que l'on trouve dans mes Livres , il faut qu'il aille jufqu'à
prétendre, ou que ce qu'un infinité de gens ont eii fous leurs yeux pendant un très
orand nombre d'années, n'a été qu'une illufion qui leur a fait voir ce qui n'étoit point,
ou que ce qui cft certifié par une multitude de Témoins de toutes conditions qui pour
rendre qloire à Dieu ont îacrifié tout intérêt humain, ne mérite aucune croyance; &
que quoiqu'il n'ait rien vil, on doit croire fur fa parole le contraire de tout ce qu'ils
affirment, & préférer à la dépofition unanime de tous ces Témoins oculaires, les idées
creufes que lui préfente fon imagination, qui n'eft, helas ! que trop féconde, & tout
ce que fon efprit inventif lui peut fuggércr.
n. I^ féconde de fcs hipotliefes n'eft pas moins téméraire que la première. Elle confifte
êc"«'coa-à foutcnir, que tous les Miracles faits en faveur de l'Appel font infeflés par des cir-
vuif'ons'n'c-conftances indii^nes de Dieu, & qui dévoilent clairement qu'il n'y a que l'efprit per-
mit qu'une -ir '...« r«.,^oi,..
même œu- vcrs qui puiHc en ctre 1 auteur.
»re, M. de Çqp, orand argument pour prouver ce paradoxe , eft fonde fur l'union qu'il y a entre
coEciud que les Mn-acles & hs Convullion?.
*ii'°"' "^^é Tous 1^5 Miracles, dit-il, qu'on prétend être arrivées à l'interceflion de M. dePà-
au duble. ris & autres Appellans , ont une liaifon intime avec les Convulfions. Ces prétendus
Miracles &: les Convulfions ont la même origine, & ne font qu'une feule & même
œuvre, qui n'a qu'une même fin principale. Les Convulfions, & même les Secours
meurtriers, ont été les plus éclattans moyens par lefquels fe font opérés la plupart de
ces Miracles, & fouvent même les Convulfionnaires en ont été les miniftres. On ne
peut donc douter que l'agent de ces Convulfions ne foit l'auteur de ces Miracles : or
les Convulfions font manffeftement l'ouvrage de Satan , & par conféquent les Miracles
tant vantés par les Appellans , ont le même principe.
TU. Je conviens avec ce Prélat, que les Miracles & les Convulfions ont la même origi-
iefcon»ui- "^' ^ qu'ils ne font eiifemble qu'une même œuvre : c'eft à dire que l'auteur^des mi-
rions ne font racles préfide vifiblemcnt à l'auvrc des Convulfions. Je foutiens même, qu'elles
fiidc Suxf' font , du moins dans leur plus gran .le partie , des effets furnaturels de fa puiflance , de
M:.jcies. & f^ iuftice & de fa bonté; ^ lorsqu'on eft bien inftruit des faits, il n'eft pas poflîble
les Miiidcs , , , j
décident en de le rcvoqucr en doute.
c^q"' (Î" Mais comment ce Prélat prouve-t-il que le démon foit l'auteur de toute cette œuvre ?
fions. Il emploie à cet effet plufieurs faux prétextes qu'il va ramafler dans la Confultation
des ^o. Docteurs , dans les impétueux Ecrits de l'Auteur des l^ains efforts, & autres
femblables. Il les amplifie, il les pare de tout le brillant de fon éloquence. Mais tout
cela n'étant fondé que fur des principes erronés ou fur de fauifes allégations , ne peut
foutcnir la réplique.
Réfutons d'abord dans cet article les deux objedions par lefquelles il attaque les
Convulfions en elles-mêmes. Elles font , dit-il , tomber les Convulfionnaires dans une
aliénation qui les prive de l'ufagc de leur raifon & de leurs fens : elles leur caufent des
agitations i ivolontaircs, &: des contorfions qu'on ne p:ut voir fins horreur.
Je répondrai dans l'article fuivant aux infiiltes qu'il fait aux Convulfionnaires , fous
prétexte de l'état d'Enfance, où leur Convulfion les réduit quelquefois; aux injures.que
ce Préht leur dit , parce qu'ils fc font donner des Secours qu'on ne peut foutcnir fans
être dans un état très fupérieur à la nature; &: à la confulion qu'il aflcdc de faire fans
ccffe de ce que les Convulfionnaires exécutent par une impreflion fumaturellc , avec ce
qu'ils font par leur propre volonté.
Qiii
DE M. DE B E T H L r E M. Sj
Qui aurait jamais penfé que 50. Dofteurs, voulant donner leur avis au Public fur Dissert,
une œuvre furnaturelle , & que M. de Bethléem marchant enfaite fur leurs pas, fesuRL'AUT.
flatteroient de pouvoir deshonorer cette œuvre Divine , fous le vain prétexte que les °^^ '■"'"^'
Convulfionnaires tombent fouvent en Extafe, & que c'cft dans cet état furnaturel, qui
eft toujours accompagné jufqu'à certain point d'une forte d aliénation des fens , qu'ils
font leurs plus beaux Difcours , qu'ils prononcent leurs principales prédictions , qu'ils
parlent & qu'ils entendent des langues étrangères , qu'ils découvrent le fecret des cœurs ,
qu'ils fe font donner des Secours terribles , & qu'ils exécutent plulieurs autres magni-
fiques Prodiges fimboliques & figuratifs.
Les Confultans & la plupart des autres Anticonvulfionnifles , y compris M. de
Bethléem, fe font imaginés, ou pour mieux dire, ils ont voulu tâcher de faire accroi-
re au Public , que l'aliénation oi:i fe trouve toute perfonne qui tombe en extafe, efl: une
dé'îradatioH de l'état des créatures raifonn^ibles , qui hs rend incapables d'aucune commu-
nication de l'Efprit de Dieu, & les met en un état de folie à" de délire.
Il efl: fi inconcevable que 50. Docteurs , parmi lefquels il y en a de fort célèbres,
aient avancé une Propolîtion Çi abfurde , que je ne puis trop me prefler de mutre les
termes de leur Confultation fous les yeux du Lecteur. Comme elle efl: la bafe des dé-
clamations de M. de Bethléem contre l'œuvre dont il s'agit , c'efl: détruire par le fon-
dement toute l'éloquence frufl:ratoire avec liquelle il attaque cette œuvre , que de dé-
montrer le faux des principes de la Pièce fur laquelle cet Evéque s'appuie.
,, C'efl:, difent les Confultans, dans des aliénations Se des tranfports , qui ne laiffent ConOilt. fur
„ pas à ces filles le libre ufage de la raifon & des fens , qu'elles font leurs prédidions aoas^z'oa.
,, & leurs découvertes (du fecret des cœurs.) Or c'efl: une vérité établie dans toute
„ la Tradition, que pour être mis au rang de ceux qui parlent par l'efprit de Dieu,
il faut être maître de fon efprit & de fes fens. En effet qui pourroit concevoir que
Dieu , pour communiquer fon efprit , dégradât des créatures raifonnables , & les ré-
duisît en un état de délire & de folie."
L'Auteur des Vains efforts ajoute „ que les SS. Pérès, en écrivant contre les Mon-
„ tanifl:es , ont convaincu leurs prophéties d'être fauffes , parce qu'ils parloient dans
„ l'ext.fe. "
Mais comment de fi habiles Dofteurs peuvent-ils avoir oublié , qu'il efl écrit dans
le Nouveau Tefl:ament, que S. Pierre efl: tombe en extafe & a parlé dans cet état : que hà. X. i»
c'efl en extafe & dans la plus forte aliénation des fens qu'on puilTe imaginer , que S. "• '*•
Paul a été infl:!uit de Dieu même des principales Vérités de la Religion: & que c'efl:
également en extafe que S. Jean a écrit l'Apocalipfe ? Ces MJ\1. croient-ils donc
qu. S. Pierre , S. Paul & S. Jean étoient alors dégradés de l'état des aréatures raifon-
nables ?
Les Prophètes, les SS. Myftiques & un très grand nombre d'autres Saints, font pa-
reillement tombés très fouvent en extafe; & c'efl; ordinairement dans cet état que Dieu
s'eft commuiiquè à eux de la manière la plus lumineufe , & qu'ils ont fait la plupart
de leurs pièdiftions.
Ainfi au lieu de dire comme ces MM. que les extafes qui font toujours accompa-
gnées dIus ou moins d'une forte d'aliénation , font une dégri.tda:ion de l'état des créatu-
res ra.fonriables : que c'ejl une -vérité établie dans toute la Tradition , qu'/'/ faut être maî-
tre de fan efprit & des fens pour pouvoir parler far l'efprit de Dieu : & que les SS. Pérès
ont convaincu les prophéties des Afontanijles d'être faujfes , parce cju ils parloient en extafe^
l'aliénation de l'efprit & des fens ,6.\knt ces MM., reduifant l'homme f« un état de dé-
lire & de folie ; il faut dire au contraire, que les extafes généralement parlant, font des
grâces gratuites : que c'efl: précifèment lorfquc l'ame eft: le plus dégagée de i'imprelTion
des fens , que Dieu l'èclaire d'une manière plus finguliére & plus marquée , & que
tou-
51
5>
88 DES FAVSSE'S'SVPPOSITIONS
DisstRT. toute la Tradition a reconnu cette vériïc, ainfi que ^e le prouverai par la fuite. Car je
iurl'aut. j-Qmpte traiter à fond cette^iieftion , en répondant aux 50. Dofteurs à la fin de ce
i»Es MiR. YQiume^ lorfquc je prouverai dans la II. Partie de mes Obfervations ^ que c'eft vérita-
blement l'état des Convulfionnaires.
Ici il fuffira, pour réfuter M. de Bethléem , qui n'eft fur ce fujet que l'éclio des
Confultans , d'obfers'cr d'abord dans le fait , que loin que les extafes qui mettent les
Convulfionnaires dans une forte d'aliénation, doivent donner du foupçon de leur état,
& le faire regarder comme »« délire cr «ne folie , ces états font au contraire des pi-eu-
ves fenfibles , que Dieu agit vifiblement dans cette œuvre.
J'ai donné ci-delfus un petit extrait des effets inconteftablement furnaturels , qui ma-
nifeftent l'opération de Dieu dans ces extafes : Difcours fublimes faits tous les jours
par des enfans : Prédictions qui n'ont pu être révélées que de Dieu : Connoiflance des
langues étrangères : Découvertes du fecret des cœurs : Multitude de Prodiges , qui
renclent les Convulfionnaires en cet état invubrérables aux coups les plus meurtriers , &
leur fourniffent le moyen de faire des repréfentations furnaturelles & prophétiques.
Ajoutons, qu'il fuffit de voir un Convulfionnaire en extafe , pour être pleinement
convaincu qu'il eil: alors fous la main de Dieu.
On les voit dans le raviffement d'une joie célefle , lancer leurs regards & leurs mains
vers le Ciel : leurs yeux y reftent fouvent fixés, & fans aucun mouvement pendant tout
le tems de l'extafe. Ils paroiffent totalement occupés de la contemplation d'un objet,
dont la vile les charme. L'air de leur vifage &: toute l'attitude de leur corps repréfen-
tent vivement une ame totalement dégagée de la terre , & qui s'élance avec amour vei-s
le principe & la fource du bonheur éternel.
Ce qui a caufé l'erreur grolTiére oîi ces Dodeurs & cet Evéque font tombés , c'a
été de prendre pour un état de délire (jr de folie , toute aliénation des fens , fans en
excepter celle qui accompagne toujours les extafes : au lieu que ces MM. auroient dû
faire attention, que la fufpenfion de l'ufage des fens, débarraffant l'ame des impreOTions
qu'ils lui font, & lui épargnant la diftradtion qu'ils lui caufent , lui donne plus de fa-
cilité & plus de force pour comprendre ce que Dieu juge à propos de lui faire con-
noitre , pour recevoir les impreffions furnaturelles qu'il veut bien lui donner , &:
pour exécuter fans aucuiie crainte toutes les chofes furnaturelles qu'il lui infpire de
faire.
Mais préfentons au Lefteur une magnifique explication de cet état faite pir le
célèbre Guillaume d'Auvergne Evoque de Paris.
Pcimmon- „ La vie, dit-il, de la faculté intelleduelle , & ce qui la fait efiêélivement vivre,
animx, ■ ^^ nc confifte'qu'à penfer & qu'à comprendre. L'ame n'a point cette faculté par le
33+?c. i.'"' „ moyen & dépendammcnt de fon corps. Au contraire cette faculté s'élève à propor-
,, tion que le corps eft plus ab'oatu : elle fe fortifie par fa foiblcffe, elle fe perfeclion-
„ ne par fa défaillance , fuivant qu'il paroit dans l'extafe & le ravilTcmcnt. Ainfi la
„ vie & h perfeftion de cette noble faculté efl: indépendante du corps , 5c en eft mc-
,, me toute réparée." yita virtutis iutclleihvx cr vivcre ejus in ejfeEltt , non ejj niji in-
■ telligere cjtts in ejfcElu : ^ hoc non eft ci per corpus , necjite pcndens ex corpore. Otfin po-
tius ex cafn corporis erigit/tr , CT debilitate confirmai nr , (^- defecHone ejfts pcrficitur : jicut
npparet in extaft e)' rapt h. Vita igitur fna hitic virtMti nobili eft vitjc pcrfeiUo , prêter cor-
pus c>" feorfnm a corpore.
Ibid.p.10'3. Cet Auteur traite enfuitc de la m.iniére dont „ les rayons d; la lumière Divine fe
*•*• „ répandent dans les âmes: " de variis irradiationibtis a Deo in humana^ animas ve-
nicntibus.
,, A regard,^/'/-/'/, de la fcicnce infufc & des connoilTlinccs, dont il s'agit (c'eft à
„ dire de celles qui font données dans les extafe-;) elles ne viennent dans les amcs des
„ hora-
JD E M, Dr B E T H L r E M. 8p
^, hommes qu'avec l'infpection des differens objets qui leur font préfentés pour fervir Dissert.
„ d'inftrumens à ces connoiffances : auffi eft-ce pendant la contemplation de ces objets, ^""'-'a"'''.
,, qu'elles fe répandent. Ce qui prouve que c'eft par les rayons d'une lumière fpiri- °^^ **'"*
„ tuelle & très iiiblime, qu'elles fe forment . . . , félon qu'il eft arrivé plufieurs fois
„ aux Prophètes & à certaines autres perfonnes , tant hommes que femmes." Dico
igitur qtiod fcientU htijusmodi five cogitationes de ejuil>us agitur , non funt in animabus hft~
manis ante infpeSlionem infirtimentorum hajasmodf , fed Jiunt in eis ^ adveniunt duran-
te injpeiiione quam dixi. Ouapr opter fiunt irradiât ione lucis Jpiritftalis fublimioris. . . .
JicHt imerdkm faUum ejî Prophetis ^ in qathnsdam aliis hominibtts tam viris qnkm
multeribus.
„ Or il eft remarquable, ajoute-t-il, que quelque immenfe que foit l'efFufion des Ibid. p.
„ rayons de la première lumière qui eft le Créateur béni à jamais , ce lumineux épan- '^^ ' *' *"
„ çhement de fa lumière dépend uniquement du feul bon plaifir de fa très libre volon-
,, té, félon cet oracle du Sage: J'ai caché la lumière dans mes mains : en forte que
„ cette lumière ne répand fes rayons que lorfqu'elle le veut , qu'autant qu'elle le
„ veut, que de la manière dont elle le veut, & que peadant le tems qu'il lui plaît;
„ de façon qu'elle éclaire & refufe d'éclairer également qui elle juge à propos. u4t-
ttndendttm amem efl , quantHmctmque larga fit dijfufio radiomm prima lucis , cjttie efl
Creator benediSius , in beneplacito tamen folo liberrimte voluntatis ipfius efl radiofitas lumi-
nofitatis fnt , JHXtk fermonem Sapientis , qui dicit : In manibus abfcondi Incem : ut non
niji cum voluerit , CT quantum voluerit ^ c-r t[uomodo voluerit , & quamdiu voluerit , ir-
radiet er fuper quem voluerit , fimiliter Cy" non irradier.
Cependant répondons en paflant aux reproches que ces MM. font à ce fujet aux
ConviiHîonnaires,que la plupart d'entre eux font nés dans la balTefTe : d'où ces MM.
concluent, qu'il ne feroit pas digne de la majefté de Dieu de choifir de telles gens ,
pour les éclairer d'une manière furnaturelle.
Il me fuffira d'oppofer à ces éminens perfonnages un beau paffage de Pierre Bercho-
rius favant Bènedièlin , pris dans fon Diftionnaire de la Morale.
,, Dieu, dit-il, a coutume de révéler les fecretî de fa volonté bien plus aux fim- Inverl.»,
„ pies qu'aux favans, aux humbles qu'aux grands hommes, aux pauvres qu'aux ri- '^'"'''"'
„ ches : ainfi que nous le voyons à l'égard des Prophètes & des Apôtres , qui ont
5, été de la condition la plus baife , c'eft à dire de la he du peuple. En effet Amos
,, n'ètoit qu'un berger, Pierre qu'un pcfcheur, &c. L'efprit foufle où il veut."
Sciendum quod revelatio fecretorum Dei voluntatis magis confuevit jîer.i fimplicibus quam-
fapientibus , '-magis humilibus quam fublimibus , magis pauperibtfs quam divitibus : Sicut
ad litteram videmus de Prophetis qt ^poftelis , qui fuerunt de valde modice ftatu , ideft de
humile plèbe. Amos enim fuit paflor, Petrns pifeator , qtc. Spiritus ubi vult fpirat.
Le Cardinal Bellarmin ajoute qu' ,, il y a autant de différence entre la fageffe qui Sermon. ,x.
„ vient de Dieu par quelque révélation , & celle que les hommes acquièrent par la gçs^'.j^j*"
„ fcience , qu'il y en a entre le jour & la nuit. Car celle qui eft le fruit de l'étude eft
„ foible, obfcure, pénible , pleine de difficultés ; & ce qu'il y a de plus fâcheux,
c'eft qu'elle eft fouvent mêlée de beaucoup & de grandes erreurs : celle au contraire
que Dieu donne , eft toute fublirtle & toute remplie de lumières , qu'on reçoit
avec joie. Bienheureux efl l'homme que vous inflruifiz, vous-même , S mon Dieu! Bien-
heureux efl celui a qui vous enfeignez.-vous-même votre loi ! Telle fut la fageffe du
grand S. Antoine, qui n'avoit jamais fait aucune étude , & qui cependant confon-
doit les plus favans Philofophes & les Orateurs , lorfqu'ils difputoient contre lui ;
,, ainfi que 1 attefte S. Athanafe. Telle fut celle de S. François , à qui un dts plus
,, favans hommes de ce Siècle a rendu ce Témoignage , que la fcience de ce Père lui
„ donnoit des ailes pour s'élever comme un aigle aux chofes les plus fublimes , tandis que la
Diferr. Tom. II, M „ ne-
5)0 . D E S F ^ V S S E S S V P P 0 S I T I 0 N S
DiisEXT. ^ „àire ne fut qtte r. imper fur la terre, Teïle fut en grande partie celle de S. Bernard
suRL-AUT. ^ jg ^ Thomas , qui l'un & l'autre ont plus appris par l.i prière que par l'ctu-
Dti iR. j^^ ,, jy.ffYgjl inter ftfientiam qud nafcitHr a Deo fer rcvJMiênem , i^^- tant ijHxJjaùc'
tur ab homine ptr doEhinam , <jHa>iium inter diem ù" noiiem. Efi enim ijîa humilis , ob-
Jcur.i , Uboriofi , afpera , & cjuod infeluius eft fape midtis <y wu^nis erroribtts admixta :
illa vero tota/ubhmis , tota lucida^tota jucufida, Beatus homo quem tu erudieris , Do-
mine, & de lege tui docueris eum, Talis fuit ftpientia magni yftttonii , ejtti litteras r.on
norju\tt , & tamenfummos Philofophos cr Rhetores , Beato j4thanafio tffie , difptttando fftpe-
ravit. Talis fuit D, Francifci , de cjuo ejHidam hitjus temporii doflffftmnf t^ile ttfiimonium
pritbuit : Verc , ifujuit , hujus Patris fcicntia infiar aquilae pennis in fublime feitur ,
noftra graditur humilis fuper terram. Talis fuit magnk ex parte B. Bernard» er D. Tho-
mx , cjuoritm utcr^iu pltts didicit orando quam kgcndo.
Voilà un pafl'âge qui choquera exceirivement les Confultans & M. l'Uvcqne de
Bethléem , & peut-ctre encore plus qu'eux , les Théologiens Antifecourifte?. Mais
pour ne le; pas irriter , je leur- déclare que je ne prétends en faire aucune application.
Je n'ai ici d'autre delîein que de deflèndre les Convulfionnaires contre les injures dont
ces MM. les accableiu.
Le principal prétexte qu'en prend M. de Bethléem, ce font les mouvemens convul-
fîfs & douloureux , que ces inftrumens de Dieu éprouvent très invobntairement.
III. Lcttr. Ce Prélat les appelle des horreurs & des indécences , qu'on ne peut attribuer à Dieu
thcoLp. il. j-gpj impiété. Mais poiu-quoi une agitati*) involontaire qui n'a rien en foi de crimi-
nel , feroit-cUc , ainfi qu'il le dit , un odieux caraSlére direftement oppofe à VEtre infini-
ment parfait ?
Je prouverai à la fin de ce Tome , que plufieurs Saintes Myftiques ont été tour-
mentées par de pareilles agitation* , dans le tems même qu'elles étoient favorifées de
Dieu par des grâces très finguliéres. Mais que dira M. de Bethléem , fi je rapporte
auflî des preuves, que de très refpeaables Auteurs ont foutenu, que les Prophètes
étoient agités par de pareils mouvemens dans le tems même qu'ils prophétifoient ; &
que c'eft ce qui portoit les beaux efprits de leur tems & même prefque tout le peuple
à les regarder comme des fous ou des gens agités par le démon ?
En attendant ces preuves que je réfcrve pour les Confulans , voici ce que S. Au-
guftin nous rapporte de l'idée que le commun des Juifs a eu des Prophètes pen-
dant leur vie.
Sermon. ,-, Dans le tems que le Bienheureux Elifée fut, dit-il, dans la Judée , il n'étoit
J04. Tom. ^^ point honoré par la plus grande partie du peuple , non plus que ne l'avoient poinr
x.p.iiâ. ^^ ^^^ j^^ autres Prophètes ; mais ils étoient au contraire l'objet des railleries du Pu-
,, blic , & on les chargeoit d'opprobres , parce qu'on les regardoit comme des infen-
„ fes & des gens poffedés par lé démon. " Tempore ilb , qtio B. Elizeus in Judxà
fuit , tam ille quam reliejui prophétie , non folum non honorabantur ex maximà parte po-
puli , fed etiam irrifui <S' opprohrio habcbamur , & veliit infini atque urreptitii crede-
bamtur.
Mais donnons à M. de Bethléem une réponfc encore plus décifive.
Ce Prélat ne peut pas nier , que les mou^^ens convulfifs n'aient été depuis plu-
fieurs Siècles , le moyen dont Dieu a voulu fe fervir pour opérer plufieurs Miracles.
La VII. Lettre de \\ Recherche de ta vérité fur l'oeuvre des Convulfions préfente une
Tradition fuivie d'un grand nombre de guérifons Miraculeufcs faites avec Convul-
fions , fur les Tombeaux de quantité de Saints. Tcu M. l'Evcque de Montpellier en
en rapporte auflî plufieurs Txcmples.
On en trouve tant qu'on en veut : il ne lairt que prendre la peine de chercher. En
roici encore deux qui n'ont point été cités, & qu'on lit, le premier dans la Chroni-
que
D £ M. DE S £ T H- % '^E' E M. ^t
que des Chartreux recueillie par Pierre Dorland , & le fécond dans Celle du Monaftc- Dissebt.
re de Guatine. • /. ■ ' surl'aut.
„ Une femme paralytique , & dont le corps étoit comme mort depuis les reins jus- '^^^ ""^' .
„ qu'en bas, demandant fa guérifon avec d'inftantes prières accompagne'es de beaucoup Ca^Tt'h.Ub.j.
„ de hrmes , fur le Tombeau de S. Hugues Evêque de Lincolne , tous les Speftateuis ">>• '3- p-
„ entendirent les os , les côtes & les cuiffes de cette femme s'agiter & craquer avec un '^ '
„ grand bruit . . . Les douleurs qu'elle fouffroit étoicHt fi violerrtes , i^u'elle grinçoit
„ des dents , & que fon vifagé en étoit tout change. Mais un moment après elle fe re-
„ leva guérie; & toutes les perfonnes préfentes fe joignirent à elle pour rendre gloire à
,, Dieu de ce Miracle , & bénir le S. Préiat Cpsi" l'interceifion de qui il avoit été ob-
tenu. ) Paralitica muUer à renibus dcorsum emortua, , ad SanB:i Hugonis Lincolniénfa E-
piscopi fepHlcrum fiens pUirimmn cr orans fdutem deprecabatur. Et ecce anditur à cir-
CHmftantibus in mttliere ojfium fragor er ftridor coftarttm ts" crmium. Illa vero tanquam
vioUmiam pajfa , dentés mordebat , & immmabat fac'iem pra dolore. Et eoKthim fana
fiirrexit , collaudans , cîtm omnibus c/tà aderant , Detim in. San^o j4ntifiite fuo.
Voici le fécond Miracle , qui eft encore bien plus décUif que celui de la femme pa-
ralytique, Dieu ayant voulu l'opérer viliblement par les mouvemens convulfifs les plus
violens.
Il eft attefté dans les Chroniques du Monaftére de Guatine, Diocéfe de S. Orner. Anccdot.da
Le récit en eft fait par Ebrard Chanoine régulier de ce Monaftére, parfaitement in- tobi^"^coi'
formé de toiues les circonftances de ce Miracle opéré fur Tamard Chanoine du même S2.1. j^iuiv!
Couvent. Mais comme ce récit eft exceflîvement long, & chargé d'un grand nombre
de circonftances peu importantes , je n'en donnerai qu'un extrait.
„ Tamard étoit encore fort jeune, lorsqu'il ftit frappé (en 1055.) d'une paralyfie
,, qui s'empara de la moitié de fon corps du côté gauche depuis la plante des pieds
„ jusqu'au fommet de la tête : ce qui -le rendoit totalement perclus de ce côté -là.
„ C'étoit une chofe bien digne compaflîon , de le voir ainfi préfenter la moitié d'un
„ homme vivant avec la moitié d'un homme mort . . . Car tous fes membres du côté
„ gauche vuides d'esprits & hnguiîTans, n'étoient plus capables d'aucune fondion, &
„ n'avoient plus que la fuperficie du corps d'un homme. " J^-m calentis adolescentU
terminas attigerat , cum acmijjmà, ejuam Graci parttlyjtm vacant , pajjïone dijfolmus decu-
imit , ac membrorum deflitutk campage , à planta pedis usque ad verticem dimidius cmar-
cuit. Erat mifirandfl. faciès prafcrentis viiium cum mortuo ; cum adhuc totà, corparis mole
ftiperflite , fniflrum lattiS omne tKliJfet paffia , ac vivos artMS pars mortua fibi depHtajfet
officia . . . yacebant à minijîerio vacua languida membra <^ fuperficiem folam humani
corparis exhibebant nalla ufui congrna.
„ Il y avoit près de trois ans qu'il fouftroit cette efpéce de martyre ...» lorfqu'il
,, vit tout à coup fa cellule éclairée d'une grande lumière & deux Saints qui lui ap-
„ parurent. " Cttmque ferè per trienninm htijnsmadi martirii dilatatio protenderet . . .
ecce fubitâ Ince ctibile in qtto jacebat pcrfunditf/r , in quà magnificos duos viros ad fe vent-
re de impravifo confpicatur, •
Ces Saints lui dirent entre autres chofes , de fe fiire tranfporter à Bruges dans l'Egli-
fe de S. Donatien, 8c qu'il feroit guéri par l'interceffion de ce Saint; & ils laiflerent
fa cellule toute embaumée d'une odeur très agréable.
,, Le moyen pour faire ce voyage qu'il défiroit avec ardeur, étant préparé, il par-
„ tit avec empreffement par ordre de notre Supérieur & par le confeil des Chanoines ;
„ &r après beaucoup de fueurs & de fatigues, il arriva à Bruges, où eft l'Eghfe de
„ S. Donatien, trois jours avant la fête de Notre Seigneur. Peu après qu'il fut arrivé,
,, quoiqu'il commençât à faire nuit . . , il fe fit tranfporter à l'Eglife, où après être
„ refté quelque tems, tandis que par fei prières il tâchoit d'obtenir l'effet de fesdefirs, il
M i „ tom-
jx DES F AV S S E S SVPPOSIT/OJVS
Dissert, jj tomba en défaillance par une violence agitation qui faifit tous fes membres . • . Le
bwrl'aut.^^ tourment étoit fi fort , que lorsqu'il eut duré quelque tems, ceux qui en étoient
**" *""■ „ Spectateurs craignans qu'il ne piit pas en fupporter la violence, fè défaillance aug-
,, mentant toujours de plus , ils le fortirent de l'tglife & 1: portèrent dans fon lit. "
yupt Pr<tlati M Fratrum concilia parata profe£lio»e , iter optât um amp/tit , atcjtie Br/ijas
cajhum ad locum SanEit DonattAni triduo ante Natale t.omini mnlto fudore pervertit , (fr
p;tucis interjetlis , cumejue jam .... nox imminere cœpijfet . . . Ecclejium adiit : ibiqtte
alicjHaKditt moratus dnm orationum vota perfoivit , fnbi. à conciijfione viribns déficit . . ,
Jîn^ula memhra fienfim carpere coepit . . . Tortus autem dum accrcfi:entem defeUioncm non
[lijfcrret ^ miniftrorum manihus ab Ecclcfià ad k^ulnm report attts eji.
„ Vous eulfiez vu alors, ainlî que virent nombre de Spedateurs, cet homme remué
„ par des impreffionsoccultes qui le faifoients'sgiterde toutes façons avec une g ande fati-
,, gue; de telle forte que quelques-uns ^^es Aiiiftans eurent peur, qu'un homme tour-
„ mente par de fi grandes douleurs, ne devint furieux. Cependant ils employoient de
„ tems en tems leurs efforts, pour arrêter ces mouvemens divers contraires à la nature,
„ ne voulant pas céder à leur violence , quoique par ces mouvemens la ftruclure de
„ fon corps fe réformoit . . . , & ils étoient dans l'admiration de voir qu'un impotent
lbiAcol.?î9. „ eût tant de force. Pour lors le côté qui avoit été fi lon^-tems immobile, recouvrant
„ peu à peu de la chaleur, remuoit pendant quelques momens avec une vigueur qui
„ lui furvenoit tout à coup : hs nerfs reprenoient leur première dijpofition , & deve-
„ noient capables d'agir j la main, les muscles, le pied, toute la chair étant fouvent
,, agités par des mouvemens extraordinaires , rtvenoient en leur premier état, jusqu'à
„ ce que la fanté s'étant répandue par tout, cet homme, comme ayant été touché de
„ la main du Souverain Médecin, fe trouva parfaitement rétabli depuis le haut jus-
„ qu'en bas , & fe leva fur fcs pieds en faifant un grand faut en préfence de tous les
„ Afliflans. Dans l'inftant la triftefTe fe charige en joie, les pleurs en cris d'allégreffe;
„ & ceux qui peu auparavant lui témoignoient triftement leur compalîion, venoienc
„ en foui; de tous côtés pour le féliciter. Tous s'empreflérent alors d'aller avec lui à
„ l'Eglife: mais lui, comme autrefois ^Enée guéri par les Apôtres, fe confiant en la
„ force de fes jambes, fans demander ni aide ni lumière (il étoit nuit) les devança
„ tous, pafTant par des chemins difficiles, tortueux & pleins d'angles. Ceux qui
„ auroient dil le précéder, pour lui donner quelque fecours s'il en avoit befoin, le fui-
,, virent curieux de voir ce qui en arriveroit ; & lorfqu'ils virent qu'il ne s'étoit point
„ heurté ni blefle, quoiqu'il fût nuit & que k chemin fût fort difficile & dangereux,
„ ils en glorifièrent Dieu avec une admiration encore plus grande ". f^ideres tune homi-
mem , diverfis a fratribus , an^ufiiari , occultis cjuibusd^im fatigabilitcr fuigeflionibus hue
illuc cjue ver/are. . . ita ut fie excruciatum dolonbus , ne furiofe ageret cuftoâts aliejuan-
diU formidarent, Nec tamen ad tam varias motus , cjuibus humatia compares in fe refor-
makutur , viili cedere .... intcrdum ad aliéna conantem firenue cohibcre, inter omnia
tnirari tantam valet udinem in non valent e. Dum intérim latus illud, cjuod tamdiit figli.
dum jaii^rat , pauLitim rigore foluio cilcre , crebris momentis,fub repenti vigore titillarc
- nervorum connexones ad ufus prifiino; rcparari, manus cum l.icerto ^ ciim pede ^ ftpins
tentmis reflcxionibus , crus ab inguine reaire , donec fenfim repens tmdicjue fanitas , ejuaji
fnfl medic,;niis taUum ^ a fummo ufque deorfum hominem redintegravit , atque imer fibi
confidentes v e toc i fallu in pedes erexit. Ai*ror in gaudium , lutlus in exultât ioncm continué»
fermurainr : OT </«' paulo ante compatiendo trifics confiiterant , j.im congratulando undiaue
conflitebar.t .... Tune omnes ^unus cjuifque , impenfi famulatih frudum per ipfum off'erre
Dca cupientes , iter ad Ecclrfiam cum eo accélérant , fed vclut Apofiolkus yicneas novus
çreffitms fidens , non itle auxilium , non ille lumen (ju^fivit : immo per difpciiia Q- ançutofa
UcafsluJ omneS alios autcvcnit: fubfeqttuniur cnriofiy qni ad minijhrium pyjefidere debuis-
fent ^
DE M. DE BETHLEEM. 55
fe»t , & quod nullà impa^ione fe laferit noSle ac fericnlofo in tranjim , cnm intaElum repe- Dissert.
rijfent , Deum glorifidintts plus wtirantur. surl'aut.
„ Le jour de Noël ( 1058. qui étoit le furlendemain du Miracle) le Curé de cette "^^ '^"'"
„ Eglife fit un Sermon au peuple, pour le lui certifier, le Miraculé lui ayant rendu un "^*'''°'-^5^'
„ fiJéle compte de tout ce qui venoit de lui arriver." Die autem ipja Natalis Domini
Pralattis Ecckjia publicâ Jiatione , eodem fratre attejlante , de omnibm c^tM acciderant in
Sermone ad populum credibiliter peroravit.
Les doulurs & les agitations convulfives ne font donc pas une cîrconftance indi<îne
d'être attribuée à Dieu dans l'ordre furna''urel, & ne font nullement incompatibles avec
les faveurs & les grâces gratuites qu'il juge à propos de faire. Il paroît au contraire,
qu'il a fouvent voulu que les douleurs taufées par les Convulfions, fatisfaifant à fa
juftice, ouvrifleut la porte à fa miféricorde. Mais Celui qui habite une lumière inac-
celfible ne peut-il pas avoir eu encore quantité d'autres motifs au defTus de notre intel-
ligence, pour envoyer furnaturellement des agita'tions convulfives, & en même tems
les illuftr.r par des Miracles & des Prodiges, afin que les humbles qu'il fe plaît fur-
tout à éclairer , reconnuffent qu'elles venoient d; lui ? S'il l'a déjà fait furies Tom-
beaux dç quantité de Saints , ne peut-il pas encore le faire ?
Tonte la Queftion fe réduit donc à favoir , fi dans le fait particulier l'œuvre pré-
fente des Convulfions , née d'abord fur le Tombeau de M. de Paris , & qui s'eft en-
fuite étendue plus que jamais , dès que les Puiffances de la Terre ont perfécuté les
Convulfionnaires & interdit l'approche du Tombeau ; n'a pas Dieu pour Auteur. Or
fi le Très-haut dédire lui-même par une très grande multitude de Miracles & de Pro-
diges, marqués au fçeau de fa Toute-puiffance, qu'il opère furnaturellement dans cette
œuvre, & que les Convulfions font à certains égards des effets de fa Bonté, & des
moyens dont il fe fert pour exécuter difféiens deffeins de fa Providence j eft-il permis
de refufer d'en croire fon témoignage \
Que peut répondre M. l'Evêque de. Bethléem à l'induftion triomphante qui réfulte
des ces Miracles, dans le nombre defquels il y en a plufieurs qui ont été vifiblemenc
opérés par création , & tous les autres d'une manière inconteftablement fupérieure au
pouvoir des caufes naturelles ? Niera-t-il les faits ? Ils font de notoriété publique ,
ils font confiâtes par des Témoignages au deffus de tout contredit.
S'il n'eit pas poffible d'en contefter la vérité, l'hipothéfe de ce Prélat eft iafoutena-
ble : & certes l'œuvre des Convulfions eft invinciblement autorifée, Ci pour en faire
préfent au diable on fe voit forcé d'attribuer à cette miférable créature des Miracles oùt
l'opération du Créateur eft évidente, & de fe révolter ainfi contre la Décifion de
Dieu même , fans fe mettre en peine d'énerver par ce moyen les preuves les plus
fenfibles de la Religion.
Ainfi pour raifonner jufte & d'une manière conforme aux principes qu'on trouve
dans llEvangile, au lieu de dire, comme ce Prélat, qu'on doit juger que le démon eft;
l'Auteur de tous les Miracles de ce Siècle, attendu qu'ils ne font qu'une même œuvre
avec celle des Convulfions, il faut dire au contraire , que les Miracles font fingulière-^Onenrap-
ment l'œuvre de Dieu Se la voix par laquelle il parle vifiblement aux hommes, & qu'ain-P"";"-*""'
Cl ayant illuftré l'œuvre des Convulfions par quantité de Miracles, on en doit conclur- tes fur-iout
re avec le grand Evêque de Montpellier *, qu'elle a un objet qui mérite toute notre ^^"^]'|^L°j
tre attention, & qui eft digne de la figefle & de la profondeur de fes confeils. Ouviage.
Répon-'.ons préfentement aux injures & aux reproches que M. de Bethléem fait aux , I^.-
Convul'lonnaires, dans la vue d'infinuer que le démon eft l'auteur de tout ce qu'il il-'^oches'"*
y a de furnaturel dans l'œuvre des Convulfions, fans même en excepter les Mi- 1'"= ''^^- ***
' , ' r liethlcL-m
racJes. ^ ■ , s ftit-iuiCoa.
Premièrement, il s'amufe à leur reprocher avec emphafe les petitefles & les pué- '""""""**
M } rilités'"'
DES MIR.
5^ DES F AV S S E S SVPPOSITIOKS
DisiFnt. riiités ont font cjuclques-iifts d'entre eux, lorl'qu'ils tombent dans un état d'Enfà.ice.
surl'aut. jyj^j^ j-| j-g Prélat , au lieu de faire tant d'inutiles recherches, pour tacher de prou-
"" ^f qyç le d^rnon fait des Miracles , ivoit pris la peine de lire les Vies des Saintes
Mvftiques, il y auroit trouve, que plufieurs de ces Saintes, comme Sainte IMagJeki-
ne de Pazzi , la Bienheureufe Marie de l'Incarnation, &c, font de tems en tems tom-
bées dans de pareils états d'Enfance , par une imprelTion furnaturcUe qui venoit de
Dieu ; & que l'Eglife , ainli qu'il paroit par leurs Bulles de Canonifation , a regarde
ces états comme une figure Simbolique fort inftruftive &: très éctifi-înte.
Si les Convulfions enfantines n'étoient pas accompagnées de chofes merveilleufes , de
Prodiges & de Miracles, chez les Con^'^llfîonnairesaul^l bien que chez les Mvftiques,
il feroit peut-être libre d'en penfer ce qu'on voudroit ; mais c'eft finguliérement dans
c€t état humiliant que les Convulfionnaires fe' trouvent avoir , par une lumière fur-
naturelle , la connoilfance du fecret des coeurs , en forte qu'ils prennent en paiticu-
cuher des perfonnes qui leur font inconnues, ils leur développent les replis les plus
fecrets de leur confcience , & leur donnent les avis les plus filutaires avec l'air, le ton
& la (implicite d'un enfant. Souvent en cet état ils demandent & ils reçoivent les plus
terribles Secours : ce qui eft une preuve invincible, que leur corps eft alors revêtu
d'une force Miraculeufe. C'eft encore en cet état , qu'ils panfent quelquefois & gué-
riflent Miraculeufement des malades. Enfin c'eft en cet état qu'avec leurs exprdljons
naïves, &: leur attitude timide, ils- nous développent très hardiment & d'une manière
fort lumineufe, l'extrémité terrible des maux de lEglife. On les entend en mcme tems
gémir fur l'aveuglement de ceux des Appellans qui méconnoiflent les œuvres de Dieu ,
& qui s'écartentde la lumière que ces Miracles nous montrent : & ils nous exhortent
efficacement par l'onction qu'une grâce Divine répand dans leurs Difcours,de réformer
la hauteur altiére de nos efprits & l'orgueilleufe enflure de nos coeurs, fur la fimpli-
cité, la douceur & l'humilité des eufans; en nous déclarant de la part de Dieu , que
ce font aujourd'hui les qualités eiTentielks pour comprendre quelque chofe aux oeuvres
furnaturelles , figuratives & prophétiques, qu'il fait aujourd'hui principalement pour
éclairer ceux qui font petits à l^urs propres yeux.
A ces traits connus de tous ceux qui fuivent les Convulfions, il eft impoffible de
ne pas reconnoitre que l'état d'Enfance des ConvuUîonnaires eft un Simbole inftruftif
que Dieu place au milieu de nous, & qui félon les delTeins de fa miféricorde &: de fa
juftice eft très propre à édifier les humbles 5: à heurter l'orgueil des fuperbe";.
SiM.de Bethléem ne comprend point les inftru<f^ions importantes que Dieu nous
donne par cette figure, & <î l'état enfantin des ConvuUîonnaires choque l'élévation de
fon efprit, ce ne font point 11 du tout les difpofitions qui font propres à bien juger
de cet état furnaturel.
Au refte je ne prétends nullement attribuer à Dieu fins exception tout ce qu'ont fait
les Mvftiques & les ConvuUîonnaires dans leur état d'Enfance, lime paroît par exem-
ple, bien difficile de le regarder comme l'auteur dans l'ordre merveilleux , de toutes
les petites puérilités que faifoit alors Sainte Magdclaine de Pazzi. Je fuis perfuadé au
contraire que les Mvftiques, ainfi que les Convulfionnaires, ont fouvent confervé dans
cette fituation extraordinaire, une partie de leur liberté, & que l'impreffion fumaturcl-
le de leur état d'Enfince a pu leur donner dans ce moment, un certain goût pour le
badinage enfantin qui leur a quelquefois fait faire, par le pur mouvement de leur vo-
lonté , plufieurs niaifcrics qui n'avoient rien de furnaturel ni de figuratif. Ainfi je
crois que dans cet état il faut diftmguer ce qui eft furnaturel, de ce qui ne l'eft point.
Tout ce qui y paroit vifiblemcnt furnaturel , comme font par exemple, des Difcours
très jnftruétifs & remplis d'un grand fens , quoiqu'exprimcs dans des termes dont fe
fervent communément les Enfans , &.' prononcés d'un ton enfantin , me paroifTcnt méri-
ter
DE M. DE BETHLEEM. 95
iide attention : & je penfe au coi
font & difeat dans cet état , uniquement p;
ter une grande attention : & je penfe au contraire que tout ce que les Convulfionnaires Disserta
:ct état , uniquement par le mouvement de leiu- volonté déterminée ^"''^''^"'''»
par un goiit enfantin, qui n'eft qu'une fuite naturelle & non pas un eff.t furaaturel °^*"'^'
de l'impreiTion qu'ils ont reçue , ne doit être regardé que comme une chofe fort ex-
cufable. Mais comme cela ne fait point véritablement partie de l'œuvre furnaturelle
des Convulfions , qui ne confifte proprement que dans le furnaturel que Dieu opère ,
il eft évident que c'eft. fe méprendre que de juger par là du fond de cette œuvre
Secondement , M. l'Evéque de; Bethléem emprunte contre les grands Secours tous les
r aifonnemens des Dofteurs Confultans & Antifecouriftes , auxquels il joint en partie le?
fuppoiitions extravagantes & calomnieufes du Naturalifme de M. Hecquet , & à l'aide
de ces foibles armes , il fait un crime énorme aux Convullionnaires des violens Secours
que Dieu, par une impreifion furnaturelle, les oblige de fe faire donner.
Mais encore un coup que peut répondre ce Prélat aux Miracles éclattans par les-
quels le fouverain Legiflateur les autorife? i. Comment ne fent-il pas qu'en attaquant
ainlî par les plus violentes déclamations , ce que le Très-haut déclare lui-même être
fon œuvre par des guérifons éminemment furnaturelles & qui font par conféquent fa
voix & font témoignage, c'eft lui-même qu'il attaque , c'eft fx conduite qu'il cenfu-
re? 2. Quand on ne confidéreroit ces Secours qu'en eux-mêmes , par où ce Prélat prou-
ra-t-il qu'il eft défendu à une perfonne qui fouffre de violentes douleurs , de deman-
der le feul remède qui la foulage & la guérit fur le champ ? Comment pourra-t-il nous
faire accroire, que ceux qui animés par une charité compatiffante , emploient le moyen
unique qu'il y a de faire cefler hs fouffrances de ces Convulfionnaires , bleflent en cela
la Loi Divine , dont la charité eft l'aiTie ? 5. N'eft-il pas inconteftable que depuis
plus de quatorze ans ces Secours ne manquent jamais de faire éclatter auffitôt de grands
Prodiges que Dieu ne fait pas pour qu'ils reftent inconnus , puifqu'au contraire ces
Prodiges font évidemment iimboliques , figuratifs &■ prophétiques ?
. Je ne fais ici qu'indiquer en très peu de mots ces faits décilîfs , parce que je me
réferve à les expliquer avec toute l'étendue qu'ils méritent , dans mon Troifîéme To-
me; où le Leâeur trouvera entre autres chofes des preuves infurmontables , que Dieu
emploie ces' violens Secours & les Merveilles qu'ils font paroître , à nous peindre , de
la manière la plus capable de nous faire impreflion , les grands Evénemens qui font fur
le point d'arriver, & à nous y préparer en augmentant notre foi & notre confiance en
fon fecours , par la vue de toutes ces admirables Merveilles. Ainfi ces prodigieux Se-
cours font en même tems pour les corps un remède bienfaifant , & même quelquefois
un canal de guérifons des plus inconteftablement' Divines , & pour les efprits & les
cœurs une fource de lumière & de grâces.
Avant que M. de Bethléem puifle fuppofer , ainfi qu'il le fait très gratuitement,
que ces violens Secours font des crimes , il faut qu'il commence par réfuter tous ces
faits & les Autorités que mon Troifième Tome contient fur ce fujet. Or c'eft ce
que ni lui , ni les Théologiens oppoiès aux Secours , ni les Confultans , ne pourront
certainement pas faire : & je crois pouvoir me flatter-, que par les preuves contenues
dans mon Troifième Tome , toutes leurs déclamations feront diffipées fans relTource ,
parce qu'on y verra très clairement , d'une part que Dieu les réprouve & les condam-
ne par une multitude de Miracles & de Prodiges , & d'autre part qu'elles ne font ap-
puyées que fur de pures fuppofitions, & fur une très fauffe application que ces MM.
font des Préceptes contre leur efprit & leur véritable fens : mais cette difcuflîon feroit
trop longue pour pouvoir la placer ici.
Je me réduirai donc quant à préfent , h obferver que la plus fpécieufe des objec-
tions de ce Prélat par rapport à ces Secours , confifte à dire qu'il eft impoflible que
Dieu
SDR L AUT
^ DES FAVSSES SVPPOSITIONS
DissERT. Dieu par fes infpirations difpenfe de fes loix , uniquement pour nous amufer par un
vain fpeclacle.
Mais où ce Prélat a-t-il pris , que des Secours continuellement falutaires aient befoin
d'une difpenfe des loix Divines, & que le fpeftacle des Convulfions & de ces Secours
ne foit qu'un vain amufement \ S'il n'ajoute aucune foi aux importantes prédidions
que nous ont fait en cet état plufieurs Convulfioruiaires par une imprefiTion à laquelle
h plupart ne pouvoient réfiftcr : s'il n'eft point touché du pathétique de kurs exhorta-
tions , quoique le furnaturel des Difcours oii elles font faites , foit évident : s'ilofe faire
préfent au diable de toutes les j^uérifons JMiraculeufes opérées depuis plus de quatorze
ajis par le moyen des Convulfions , par le miniftére des Convulfionnaires , & par la
violente imprelfion des plus étonnans Secours , pouflera-t-il l'aveuglement jufqu'à at-
tribuer à cet efprit pervers toutes les Converllons d'Athées , de pécheurs, que Dieu
a terraffés, éclairés, touchés, convertis à la vue des Merveilles qu'il fait éclatter par
les Convulfions & fur-tout par les Secours les plus terribles ? Quoi ! Satan faire jour-
nellement pendant plufieurs années une multitude innombrable de Prodiges pour rem-
plu- de foi ks incrédules, & leur ouvrir le cœur à l'Evangile ! Un fpsdacle qui pro-
duit de tels effets, n'eft-il donc qu'un amufement frivole?
Ce Prélat termine fa déclamation fur cet article par dire , que / c'ejl Ditu qui exau'
ce les Convulfionnaires qui le tentent , il les exuuce dans fa colère.
Quoi, Dieu dans fa colère fera d'admirables Prodiges, &: jufqu'à des Miracles opé-
rés par création, pour tromper des âmes fidelles qui ne travaillent que pour fa gloire,
& à qui le défir de lui plaire fait tout facrifier. Quel eft donc l'idée que ce Prékt s'eft
formée de la juftice & de la bonté Divine? Croit-il donc, que le Tout-puirtant n'eft
plus le Dieu de Vérité? Les Miracles font la voix jpar laquelle il nous parle en Dieu,
ks Miracles font fes œuvres : depuis quand les fait -il pour nous précipiter dans
l'erreur ?
D'ailleurs par où ce Prélat prouvera-t-il , que les Convulfionnaires tentent Dieul
C'eft au contraire pour ne pas le tenter, qu'ils demandent & qu'on leur accorde les
Secours violens , qui préviennent ou qui dilfipent les vives douleurs qui les déchirent.
Troifiémement , cet Evcque adopte toutes les autres erreurs de fait, & les faux prin-
cipes qui font répandus dans la Confultation ; mais en marchant fur les tracs de fes
Doâeurs, il va bien plus loin qu'eux. Selon lui, non feulem:nt les Convulfions des
Auguftinides & des Vaillantiftes , & celles des Convulfionnaires qui ne font attachés
qu'à la Vérité , Se fur qui Dieu agit vifiblement , ne font qu'une même œuvre qui ne
peut avoir qu'un feul principe, & où par conféquent tout eft Divin, ou diabolique:
non feulement toutes les différentes parties de ces Convulfions font liées enfemble comme
celles ii'ffn anneau, dit-il encore avec les Dofteurs Confultans; mais il prétend même,
ou da moins il infinue, que tout ce que font les Convulfionnaires, même fans Con-
vulfion , fait partie de cette œuvre , & concourt à la former.
En effet il eft fi vrai , qu'il pouffe jufqu'à cet excès la vafte étendue de ce Siftéme
extnvagant , qu'il ne fait ancune diftindion entre ce que les Convulfionnaires font par
une impreffion furnaturelle , & ce qu'ils font par leur propre volonté. Il confond mê-
me fi fort tout cela enfemble , qu'il leur reproche les chofes où il eft évident qu'ils
ont agi par un mouvement furnaturel , comme fi elles avoicnt dépendu de leur propre
volonté, & qu'en même tcms il met fur le compte de la Convuifion toutes celles où
il eft vifible que les Convulfionnaires n'ont agi que par leur propre mouvement. Il n'y
a pas jufqu'aux fautes qu'ils ont faites hors de leurs Convulfions, dont il ne veuille fe
fervir pour deshonorer cette œuvre, qui encore une lois ne conlîfte véritablement que
dans le furnaturel que Dieu y opère.
Par
DE M. DE B E T H L E' E M. yj
Par exemple, n*eft-il pas évident, que c'eft par une confufion affeftée, qu'il fait Uissekt;
un crime à des Convulfionnaires d'avoir annoncé quelque tems auparavant des guérilbns surl'aut.
Miraculeufes que Dieu avoit réfolu de faire par leur miniflére ? Mais fi ce Prélat n'étoit °^' "'*•
pas aveuglé par fes préventions, l'événement de ces Miracles arrivés avec toutes k-s cir-
conftances prédites, ne lui auroit-il pas fait fentir, que lorsque ces Convulfionnaires
ont déclaré que Dieu fe ferviroit d'eux un certain jour pour opérer ces Miracles, ils
parloient par une impreflîon furnaturelle qui ne pouvoit venir que de lui , puisqu'il efi:
certain que le démon n'a aucun moyen de prévoir les œuvres du genre merveilleux que
Dieu a deflein de faire? Cependant ce Prélat s'écrie , qu'une telle proniejje e'toit prefomp-
tften/è , téméraire, injurieufe a la fouveraine indépendance de Dieu F lit il en conclud
que la prédidion de ces Miracles n'a pu venir ^ue du démon, comme s'il n'étoit pas
auffi clair que le jour que c'eft Dieu même qui le leur a fait prédire.
Lorsqu'au contraire les guérifons prédites ne font point arrivées , on eft à la vérité
en droit d'en concliure que les Convulfionnaires qui ont fait ces fauffes prédirions ,
ont été réduits par leur imagination ou abufés par l'efprit de menfonge. Mais ces nua-
ges que Dieu permet dans fa colère, pour cacher la lumière à ceux qui ne cherchent
que les ténèbres, ne doivent point faire rejetter une œuvre illuftrée par quantité de Mi-
racles , & oîi il eft manifefte que Dieu préfide pour de grands defTeins dignes de fa
fagefle, de fa mifericorde & de fa juftice.
C'eft donc en pure perte, que ce Préht ramafle avec tant de foin toutes les calom-
nies qu'on a débitées contre les Convulfionnaires, qu'il y joint les fautes que quelques-
uns d'entre eux ont commifes très librement, foit en Convulfion, foit fans Convulfion,
& qu'il préfente tout cela à fon Ledeur , comme fi les péchés que la foiblefle humai-
ne peut faire commettre aux Convulfionnaires étoient décififs pour juger quel eft l'au-
teur de leurs Convulfions.
Quoi! ce Prélat prétend-il donc, que Dieu eft obligé de rendre impeccables tous
ceux dans qui il agit fumaturellement , & fur qui il lui p'aît d'exécuter des Prodiges
qu'il a defl'ein de donner à l'Eglife comme un figne & un fimbole prophétique?
Il eft donc vifible que ce Prélat ne cherche qu'à jetter de la poudre aux yeux, par
le déplacement qu'il fait ainfi contre toute raifon, de ce qui eft furnaturel & de ce qui
ne l'eft point , en donnant pour des inftinds de Convulfion toutes les adions des Con-
vulfionnaires, qui peuvent avoir quelque chofe de repréhenfible, & qui font de mau-
vaifes produftions de leur pure volonté; & tout au contraire en imputant à orgueil &
à témérité tout ce qu'ils font par une imprefiîon furnaturelle, comme fi c'étoient des ,
adions uniquement émanées de leur volonté propre.
Cette confufion fi capable d'induire en erreur , avoit déjà été la principale fource
qui a fait prendre aux Doéleurs Confultans une très fauffe idée de l'œuvre des Con-
vulfions : & c'eft cette faufie idée que M. de Bethléem a embraffée de tout fon cœur.
Auflî prefque toute fa critique n'eft-elle qu'une répétition des principales objeftions
qui avoient déjà été faites par ces MeTieurs. Or pour les renverfer de fond en com-
ble, je n'aurai befoin que d'expofer fimplement quel eft le véritable état des Convul-
fionnaires, & de diftinguer ce qu'on afïeéle de confondre. Car il fuffit que la Vérité
fe fafle voir clairement , pour faire auffi-tôt difparoitre les ombres. Mais comme ce-
la demande un aflez grand détail, iejynets à le faire à la fin de ce Second Tome; oii
M. de Bethléem trouvera des réponf^^ toutes fes principales objeftions, dans la ré-
futation que j'y ferai de toutes celles des Confultans.
Le troifiéme moyen dont il fe ftrt, pour obfcurcir, ou du moins poiu" jetter un voi- v.
le d'incertitude fur les Miracles opères en faveur de l'Appel, eft de /élever à l'excès eJhi^^ni'l^.
l'étendue du pouvoir du démon, afin d'infinuer par- là, qu'il n'y a nulle inipolTibilité, maffcquau-
Dijfert. Tom. II. N que ''^Jll%,t.
5)8 DES F AV S S E S SVPPOSITIONS
DissEPT.qiie ceDngon de rEnferne foit l'auteur de toutes les guérifons Miraculeufes obtCrities
suRL'AuT.N l'jntercellion des Appelions.
DES MIR _ rr ' • >•! ' / ' r / 1 • n-/ .
ûs hiftoires, Pour cet en:t , quoiqu il ait cte force de convenir exprellcment que ce maudit A-
'^"oP"' portât ne peut rien exécuter que par des moyens naturels, & p.ir conféquent qu'il ne
le démon a peut point faire de véritable? Miracles, cela ne rertipcche pas d'employer toute fort
dulucri-" indurtrie à tâcher de faire croire qu'il en a réellement opéré plufieurs.
ronsmiticu- Pour tâcher de le perfuadcr, il a recours à des fables qu'il va chercher dans les Li-
"'"' vres des Payens , & à toutes les fauffes hiftoires qu'il a pu trouver dans les Auteurs ;
^' en fe fondant fur ces faits, dont la plupart font notoirement apocryphes, & dont
tous les autres n'ont été que des fourberies, des illufions , des fupercncries , des ap-
parences fans réalité, ou tout au plus des prodiges de pure oftentation; il attribue à
cet efprit pervers la multitude des Guérifons Miraculeufes que l'Auteur de toute cotl-
fohtion opère depuis 1727. &: par lefquelles, en déclarant à la Terre qu'il y a dé-
jà plufieurs Appellans dans le Ciel, il inftruit, il fortifie, il encouras^e ceux des Ap»
pellans qui combattent & qui fouffrent pour la Vérité. Et ce Prélat ofe en même
tems faire honneur à ce Serpent infernal de cette variété infinie de Prodiges, dont
plufieurs font fi merveilleux & fi abfolument fumaturels , qu'il n'cft pas pofTible d'y
méconnoitre de bonne foi l'œuvre de Celui qui peut feul fe jouer, comme il lui
pbtt, de la nature, & bouleverfer à fon gré les loix qu'il a jugé à propos de lui
prefcrire. Comment par exemple , s'empêcher d'appercevoir le doigt de cet Etre
Tout-puiflfant , dans le changement total de la nature des élcmens, & dans la fufpen*
fion des effets que la force du mouvement doit infailliblement produire ? On voit des
Convulfionnaires trouver leur rafraîchilfement au milieu des flammes qui refpeftent
leurs habits aulfi-bien que leurs perfonnes : on en voit dont les corps foibles & dé-
licats devenans tout à coup comme invulnérables , reçoivent la fanté par des coups ca-
pables de brifer le fer.
Mais quelque éclat qu'ait l'opération de Dieu pour ceux qui y font attentifs, &
qui la regardent fans prévention, cela n'empcche point que les Puiflances du Siècle op-
pofées à cette œuvre, n'entraînent de leur côté tous les charnels, tous les amateurs des
biens du monde, tous les enfans de la terre. Ainfi quoique toutes les objeflions de
M. l'Evéque de Bethléem contre les Miracles & les Prodiges que Dieu fait aujour-
d'hui ne foient fondées, i. que fur une fuppofition démentie par une grande multitude
de Témoins- oculaires, 2. quoiqu'elles né foient appuyées que fur une hypothéfe eiTO-
nce, où il donne pour principal motif de décifion, des calomnies qui ne conclurroient
rien quand même les faits feroient véritables: enfin, quoiqu'elles ne foient établies que
fur des fables & de faulTcs hifto'u'esj elles ne laiffent pas d'entraîner la très grande mul-
titude de ceiLX qui ne cherchant qu'à fe tromper eux-mêmes, fiififlent avec avidité
toutes les lueurs fauffes & trompeufes qui peuvent mettre leur efprit d'accord avec leur
cœur. Elles fout même encore plus; elles inquiettent, elles embarranent ceux dont le
cœur eft droit, mais dont l'efprit n'eft pas affez éclairé pour démêler tous les pièges
que ce Prélat leur tend. Ainfi il eft d'une importance extrême de dévoiler & de mi-
nifeftcr au grand jour l'illufion de fes Ecrits.
Un (les" tin- Un de fes principaux artifices eft de confondre les Miracles, qui font finguliére-
cii-aiixiiiiti- ment la voix de Dieu, avec les faux prodiijes ^e le démon a quelquefois In liberté
"mlaihfte'i ^c faire. Car ce n'eft qu'en brouillant ainfi 'toutes les idées, que les Antimiraculiftes
,1 ,ic con- peuvent prvenir à éblouir le Public. Ainfi la meilleure méthode pour dilfipcr les
nuages qn'ils s'efforcent de répandre, c'eft de bien diftingucr tout ce qu'ils afftdcnt
de confondre.
Je vais dans un moment expliquer la différence qu'il y a entre les Miracles, les prcf-
t,..:
If.-
|-«
1. .:
11"'
■SvIlJ
■' a-
vc
Its
Mita-
CCi.
tigc^,
DE M. HE B E T H L E' E M. pp
ti<^es, & les prodiges. Mais auparavant , afin que leLe^fleur voie jufqu'à quel point ce Dissert.
PréJ^t fe fert de cette adrelle pou:- £nre illufion, il eft Ijon de ripporter les deux ou"'"''^'*"'"
trois petits contes qu'il donne d'abord ea preuve, dans la plus feduifante de fes Let-
tres , que le démon peut faire un Aliracle . . . four rendre U famé ... & que non feule- ^'I- Lctr. de
ment il a apz, de pouvoir pour rendre lafanté aux malades , mais qu'il en a même quel- ^' ,0.^^'^*'
quefois la bonne volonté. Jbid. p. ig.
tinmorp
de
attacha fa ceinture a un vaijjeau quon n avait pu ébranler ni par force ni par indaj},rie ,
(7* çiu'e^t preuve de fon innocence elle le conduijit par tout ou on voulut.
Il falloit que la ceinture de cette Veftale fût bien longue, pour du rivage ou du
pqrt où elle étoit auparavant , conduire ainfi en pleine mer un vaifTeau par tout oii on
vouloit. Mais n'eft-ce point perdre le tems que de s'amufer à relever le faux d'un fait
aulTi abfurde, & qui manifeftement n'eft qu'une produdion de la mcme imagination
exceffivement fertile, qui a fait inventer à Ovide tant de Me'tamorphofes impertinentes?
2. Le Prélat raconte, fur la foi de Valere-Maxime, qu'une autre Fcfîale nommée
Tufcia , pour juftifieryTï chaftaé pons. de l'eau dam un crible.
Mais afin que ce Prélat ne me reproche pas d'avoir pafle fous filence aucun des faits,
qu'il cite, nloublions pas celui qu'il a été chercher dans Hérodote le père du menfon-
ge , ainfi que les Payens eux-mêmes le qualifient. Ce fait eft que le démon fous le
nom d'Apollon invoqué par le Roi Crœfus , .. fit tomber avec violence une pluie abondan-
te, qui éteignit le feu dans lequel ce Roi étoit prêt d'être brûlé.
Certes il faudroit être bien crédule pour ajouter foi à de femblables fables , qui n'ont
pour toute preuve que le récit qui en a été imaginé, l'un par Hérodote, l'autre par
Ovide, & le troifiéme par Valere-Maxime. Car à l'égard des Auteurs poftérieurs ,
qui les ont répétés d'après eux , ils n'en parlent que fur leur témoignage.
Mais peut-on penfer raifonnablement , que Dieu qui n'a donné de pouvoir aux An-
ges Apoftats que pour punir les médians, &: exercer les Elus félon les deifeins de la
Providence, & qui ne peut jamais employer ces Efprits maudits & réprouvés à exer-
cer la miféricorde , ni à diftribuer des bienfaits ; leur ait permis d'opérer ces trois pro-
diges pour fauver l'honneur & la vie à des innoccns?
Suppofons néanmoins pour un moment, en faveur de M. l'Evéque de Bethléem,'
que le démon a fait ces prodiges : qu'en réfulte-t-il pour prouver qu'il peut également
faire des Miracles de guérifon .''
Ces trois prodiges ne font point au defTus du pouvoir dont les diables obtiennent
quelquefois la permiffion de faire ufage. En efiët pour faire remuer un vaiifeau , il ne
faut qu'agiter l'air avec violence : pour empêcher l'eau de fortir par les trous d'un cri-
bje, il n'eft queftion que de condenfer l'air par deffous; & pour faire tomber de h
pluie , il n'eft néceflaire que de raflembler quelques nuages & de les diffoudre.
Mais il n'en eft pas ainfi des guérifons Miraculeufes. La plupart ne peuvent s'opérer
d'une manière prompte & parfaite, que par la reproduélion lubite, non feulement des
efprits & des liqueurs, mais mcme de certaines petites parties folides, que prefque tou-
tes les maladies confidcrables qui ont.de la durée, ne manquent point de corrompre ou
même de détruire; & c'eft aufll prefque toujours de cette façon, c'eft à dire par des
reprodudions fubites, que Dieu fait des Miracles de guérifon, & qu'il a vifilàlement
opéré le plus grand nombre de celles qu'il a accordées à l'interceftion de M. de Pa-
ris & autres Appellans, ainfi que je l'ai prouvé dans pl\ifieurs de mes Démonftra-
lions.
Si on ne remarque pas toujours dans chaque Miracle ce caradcrc éminemment
■■'Ni diftinftif
lO» LtS MIRACLES SONT LA VOIX DE BIEV
F UissERT.diftinftif Je la Toute-puinance Divine , ce n'eff' peut-être que faute de connoiiïance :
suRL AUT, ^ç j^.ç^ qyg ^zxcz qu'on ne voit pas tout ce qui eft gâte & détruit dans le corps d'un
malade. Car il ert inconteftable que pour guérir fubitement & parfaitement des mala-
des, il faut reproduire tout d'un coup tout ce que le poifon de h maladie a changé de
natiu-e & même a dilTipé & anncanti. AulTi une Phyfique favante & attentive fait-elle
fouvent appercevoir clairement , que c'efl: par cette voie équipollente à création , que
s'exécutent la plupart des guérifons Miraculeufes. Du moins il faut toujours qu'elles
aient le caradére d'être fupcrieures à la vertu de toutes les caufes naturelles, par li
manière dont elles font opérées : car fans cela elles ne feroient point de vrais Miracles.
Au contraire le démon non feulement ne peut pas créer la moindre chofe, il ne peut
même produire aucun effet réel que conformément aux loix invariables que Dieu a im-
pofc à la nature.
C'eft donc une illufion manifefte que de conclurre , fur le fondement que Dieu lui
a quelquefois permis d'exécuter certains prodiges par des moyens naturels , qu'il lui
donne pareillement le pouvoir de faire des Miracles , qui ne peuvent s'opérer de cette
forte.
Il eft vrai qu'après les trois faits auxquels je viens de répondre , le Prélat zélé pré-
conifeur du grand pouvoir du diable , avance qu'Apollonius , Pithagore , Efculape,
& Vefpalîcn , &c. ont fait plufieurs guérifons miraculeufes. Mais après que j'aurai
rrouvé , que Dieu feul en peut faire , j'efpére démontrer fi clairement le faux &
abfurdité des prétendus miracles cités par ce Prélat , qu'ils ne pourront plus abufer
perfonne.
§. V. Les Miracles font la voix de T>ieu : ainjî Us font un témoignage
qui ne peut point être équivoque.
1-, *¥)0" R garentir les fimples de la plus dangereufe fcduftion, par laquelle on les &
Différence
P
e-
•nttê Us" I- JL blou' t , en leur faifant confondre les guérifons Miraculeufes avec tous lesautrcs effets
racles les qui font OU même qui paroifTent merveilleux , commençons par leur préfenter une idée
Uï'prertigct. générale d? la différence qu'il y a entre les Miracles , les prodiges , & les preftiges.
J'y emploierai d'autant plus volontiers mes efforts , que de toute façon il leur eft
très utile, foit pour ne pas tomber dans l'impiété de rejetter les œuvres de Dieu , foit
pour éviter l'illufion de prendre pour fa voix les fifïlcmens empoifonnés du Serpent in-
fernal , de favoir que ces trois fortes de Merveilles ne doivent pas faire fui" eux la mê-
me impreflion.
Les Miracles proprement dits étant vifîblement des effets de la Toute-puilTince &
des bienfaits de la Miféricorde Divine , exigent qu'on reçoive leur témoignage avec
foi, avec confiance, avec reconnoiffince, avec refpeél. Les prodiges, à moins qu'ils
ne foient manifeftement Divins , foit par l'éminence de hur fumaturcl , foit par leurs
circonftances , leur objet & leurs effets , doivent être fcrupuleufement examinés. Les
preftiges ne font que des fupercheries de Satan , qui ne méritent que le mépris.
On ne comprend proprement fous le terme de Miracles, que les refurreftions, les
guérifons fupérieures aux loix de la nature , les créations qui font en même tems fur-
nafrcllcs, vifiblcs & bienfaifantes , telles par exemple que la multiplication des pains
fait* par Jcfus-Chrift , & les effets lc<; plus éclattans d'une Toutc-puiffance qui ren-
verfe ^ la vue le tout le monde l'ordre de l'Univers , tîl que fut le Miracle qui à la
prière de Jofué arrêta to'it à coup le mouvemeit du foleil ou de la terre.
Tout le mfMidc convient jufqu'aux Conftitutionnaircs les plus outrés, qu'i parler
cxaétement, Dieu fcul peut faire des Miracles, parce que lui feul peut produire des
effv.ts
lET VN TEMOIGNAGE NON E'OyiVOOVE. loi
effets qui foient contraires aux loix perpétuelles qui régifTent la nature , & que le dé- Dis^ert,
mon & toute autre créature ne peuvent rien opérer que par l'aôion des caufes naturelles. '"" '' *"'^*
Toute la difficulté qu'il y a à l'égard des guérifons Miraculeufes , n'efl: donc que
de favoir, i. s'il eft prouvé par des faits dignes de foi & fuffifamment autorifés, que ce
miférable Serpent trouve des moyens dans k nature pour guérir jufqu'aux plus grandes
maladies, d'une manière fi admirable, fi parfaite & fi prompte , que ces guérifons pa-
roiflent des Miracles : fuppofition abfurde èc qui eft évidemment impoiTible , du moins
par rapport aux guérifons qui s'opèrent par création. Mais, x, quand même on ima-
gineroit, qu'il y a dans les êtres matériels des vertus occultes d'ime force entièrement
incompréhenfible , dont le démon peut faire ufage , il refteroit encore une difficulté in-
furmontable à ceux qui attribuent au démondes guérifons qui paroifTent Miraculeufes,
qui eft de favoir, (\ Dieu qui nous donne ces merveilleufes guérifons pour fon Té-
moignage , fouffriroit que le démon fe parât des appanages de fa Bonté & de fa Toute-
puiflance, pour tromper les cœurs droits par des Miracles apparens qu'ils auroient
tout lieu de prendre pour une voix Divine.
Voilà en dernière analife à quoi fe réduit toute la difpute fur la queftion de favoir,
fi le démon fait des guérifons miraculeufes ou du moins qui paroiflent l'être.
A l'égard des prodiges, on conçoit communément fous ce nom tous les évenemens
merveilleux qui ont de la réalité, & qui ne font point compris dans l'idée qu'on à
des Miracles.
Dieu qui eft le Dieu des prodiges félon l'exprefTion de l'Ecriture, a néanmoins
quelquefois permis au démon d'en faire , mais ceux qu'opère ce monftre infernal , ne
font pas véritablement fupérieurs aux caufes naturelles , quoiqu'ils nous paroiflent quel-
quefois très furprenans , parce que nous ne voyons pas les reftbrts que ce fubtil impos-
teur emploie pour les exécuter : ainfi il fuffit que des prodiges foient absolument fur-
naturels , pour qu'on doive en conclurre qu'ils font l'ouvrage du Tout-puiflant. Au
refte le caraèhère de^ prodiges diaboliques eft d'être presque toujours malfaifans de tou-
tes façons, ou inutiles & de pure oftentation: ce qui eft conforme à la méchanceté &
à l'orgueil de cet Efprit pervers.
Au furplus Dieu opère des prodiges de plufieurs fortes. Il en fait defpedacle,
tels que ceux qu'il fit paroitre fur la montagne de Sinaï : mais le Très-haut qui ne
fait jamais rien d'inutile, n'opère de tels prodiges, que pour fervir de témoignage à
quelque importante Vérité.
Dieu en fait auffi quelquefois pour fournir aux hommes qu'il veut donner en figne,
le moyen d'exécuter les adions fimboliques qu'il veut leur faire taire , ^ pour ma-
nifefter que ces perfonnes qu'il met dans un état furnaturel , agiffent en certains mo-
mens par fon impreflîon. Par exemple, nous voyons dans l'Ecriture, que toutes les
fois qu'il voulut faire exécuter à Samfon quelque figure bien merveilleufe , il augmen-
ta prodigieufement la force extraordinaire qu'il lui avoit donnée. Aum eft-il dit,
qu'alors l'Efprit du Seigneur fe faififfoit de lui : Irrm in eum Spiritus Dommi. Ex- ]^f ^'^^yf-
preffioa qu-i eft prefque la même que celle dont l'Ecriture fe fert pour nous appiendre, i+.'
que c'ètoit de l'Êfprit de Dieu que venoient les Convulfions que Saiil eut à Ramatha,
cù il fe dépouilla de fcs habits , prophètifa , & demeura tout nud à terre pendant un
jour & une nuit : FaEitis efi fuper eum Spiritus Domini . . . & expoUavh fe veflimentis i^o^(/%\f^
ft*is & prophetavit . . . cÊr ceci dit nu dus tôt à die illà & nofte.
On trouve auffi dans l'Ancien Teftament nombre d'exempl?s de prodiges de pro-
tection : comme celui par lequel Dieu fit trouver aux trois Enfans dans h fournaife
leur rafraîchiflement au milieu des flammes , ainfi qu'il le fait aujourd'hui à l'égard de
plufieurs Convulfionnaires.
Enfin ce Livre Divin fournit pareillement plufieurs preuves de prodiges de puni-
>[ ; tion.
loz LES MIRu4CLES SONT L^l rOIX DE DIEV
Dissert. lion. On y voit même que Dieu s'eft quelquefois fervi du démon .pour exécuter les
SLR ^''■^'^- arrêts de ù iuftice , ou pour éprouver fes lervitcurs; mais iamais pour répandre les fa-
veurs de la muencorde.
Je tacherai par la fuite de développer plus particulièrement les différens carafhéres
qui diitinguent les prodiges Divins des prodiges diaboliques, foit par leur nature, foir
par leurs circonftances , & finguliérement par la manière dont ils font opérés , par leurs
Hns & par leurs effets.
Enfin je rapporterai quelle efl l'idée que les Pcres de l'Eglife nous donnent des pres-
tiges , qui font l'efpcce de merveilks que Dieu permet le plus fouvent aux démons de
faire. Aulïl ne confiftent-elles que dans une vaine apparence, qui fe diflipe ordinaire-
ment prefque auflîtôt qu'elle paroît: ce n'eft qu'une fumée fortie de l'Enfer , qui s'é-
vapore en un infiant.
Mais je me difpenferai de parler dans cet Ecrit des vifions , des révélations , des
fonges myftérieux & prophétiques ; & des illufions dangereufes que fait quelquefois
le démon , en contrefaifant ces Merveilles Divines. Cette matière a des difficultés par-
ticulières , que je ne pourrois éclaircir que par une longue difculTion , qui ne m'ell
nullement néceflaire pour établir l'Autorité des Guérifons Miraculeufes , qui eft pro-
prement l'unique objet de cet Ecrit.
II. M. l'Evêque de Bethléem infulte aux Appellans dans plufieurs de fes Lettres, en
(.^'^"■"'''leur reprochant avec fa hauteur ordinaire , qu'ils ne peuvent établir par aucun patTage
Tcftament de l'Ecriture, que Dieu s'attribue finguliéiement fes guérifons Miraculeufes , & que
^"^''p°"""' le démon n'en peut opérer ni de cette forte ni même qui paroiffent telles. Il nous dé-
s'amibuc fie tous de lui en citer aucun Texte : il fe couronne de fes propres mains: il triomphe,
nî<fnticsgud-il ch;inte viâoire. Je vais lui faire voir , que quoique le plus petit de ceux qui font
lifonsmira- attachés à l'Appel, j'en fai néanmoins affez pour lui prouver, que cette Vérité édat-
far confc- ter d un bout a 1 autre dans l Ecriture Sainte , & qu il taut que les préventions 1 aient
dënioi?n'clf cxtraordinairemeut aveuglé , pour n'ayoir pas remarqué lui-même ces Textes fi multi-
peutfaiie de pliés. Commençons par l'Ancien Teftamenr.
raimèrcs Comment ce Prélat n'a-t-il pas fait attention , que Dieu nous y déclare lui-même,"
contrefaite que c'eft de luï fcul dont nous pouvons recevoir la euérifon de nos maladies : Eep
le capable f«"» Uominui Janater ? C eit ce qu il nous a révèle , preciiement ahn que nous n i-
d'abufetles gnoraffions pas, que les Dieux des Idolâtres , c'ert à dire les démons, n'ont pas un pareil
«c attentifs, pouvoir : In neccjjttate vos prote^^mt , dit-il avec dcriuon en parlant a ceux qui met-
Exod. XV. toient leur confiance dans ces Efprits impofteurs.
'^ Comment cet Evéque a-t-il oublié ce qu'il a lu fi fouvent en récitant fon Bréviai-
XXx!î'«"! re > que Dieu nous apprend par la bouche de David , que c'eft lui qui guérit tou-
Pf. Cil. 3.8c tes nos maladies : Qui fanât omnes infirmitates tuas : que c'eft lui qui nous confer-
*• ve h vie , & qui nous retire des bras de la mort : Ofii redimit de hiteritH vitam tusm ?
Comment ce fameux amplificateur du pouvoir des démons , n'a-t-il rien retenu de ce
Sagcfle.xv;. beau paflage du Livre de la Sagelfe? ,, C'eft votre parole. Seigneur, qui guérit tou-
,, tes chofes : Tuus Domine ferme fétnat omnij. Car c'eft vous, Seigneur, qui avez la
,, puifljnce de donner la vie & la mort , & qui nous conduiléz aux portes de la mort
,, & nous en retirez: Tu es. Domine, qtti vit* er mortis haùes potejiatem , e;- deduds
„ dd portas mortis çr reducis." Et en parlant de ceux qui s'adreffoieot aux Idoles Se
qui par conféquent avoient recours aux démons , qui pour ainfi dire en étoient lame,
le S. Efprit s'écrie dans ce Livre Divin : „ Il prie pour fa ûntc celui qui n'eft que
Ibid. XIII.,, foiblelle, il demande la vie à un mort, & il appelle ï fon fecours celui qui ne peut
„ le fecourir: " Pro finitute cjHidem i»firmum deprccMnr , (j- p^o vitu ro^dt mortuum^
0- in adjutorinm inutilem invocat.
i^"i<xiV' ^^^^ "°"^ ^'''^^ déclaré par la bouche de Jéicmie *: de Baruch, que „ les Dieux
,. des
.ET VKf TÉMOIGÏ^AGE NON rôVlVOÔVE. 105
5, des Payens ne peuvent fauver les hommes de la mort: Hominem a morte non lilferant; Dissert.
5, qu'ils ne peuvent fendre la vue aux aveugles: //o>»?'»fw cacrtm ad vifum non reftitHttHt i ^"j'^j^^^"
„ ni délivrer les hommes de leurs infirmités: de necejjitate hominem non liberabHnt.
Mais voici un partage fi frappant, fi'majeftueux, fi digne de toute notre attention &
de toute notre réconnoiflance , qu'il n'a pas pu échapper au Prélat.
Ifaïe annonce aux hommes l'incarnation du Verbe , il leur révèle que Dieu viendra l'ïieXXXV.
lui même parmi eux & qu'il les fauvera ; Deus ipfe veniet dr fdvabit vos. Mais à quel-
les marques le S. Esprit nous déclare-t-il par la bouche de ce Prophète , qu'on devra
le reconnoitre ? Il ne lui fait point prédire , que le Verbe fait chair reflufcitera des
morts, mais feulement qu'il guérira des aveugles, des fourds,des boiteux & des muets.
Thnc aperkntHr ocmU cacorttm , ^ nures furdorum pittehint. Tune ftliet Jicut cervus clan- ''"^' ^''^•
dus, <s aperta erit linguA mutorttm. ,, Alors les yeux des aveugles verront le ;our,&
,) les oreilles des fourds feront ouvertes : alors le boiteux bondira comme un cerf, & la
,, langue du muet fera déliée. "
Qiii ofera dire, que ces Miracles peuvent être également, ou le caraélére diftindif
qui doit faire adorer comme Dieu celui qui déclare qu'il l'eft, en faifant ces Guérifons
Miraculeufes , ou un artifice de Satan qui peut les contrefaire pour féduire les âmes
qui refpeftent le plus les Miracles ?
Si le démon peut contrefaire les Jldiracles qti'a fait yefMS-Chrifi ^ difoit ci-devant M. V.Lctt.deM.
Poncet , les Prophètes on eu tort de nous donner ce caratlére pour le reconnoitre. oncet.p.yj.
Mjis Jéfus-Chrift nous a déclaré lui-même en plufieurs endroits de l'Evangile, que ,.p^'i: .„
les guérifons Miraculeufes font finguliérement les œuvres & le témoignage de fon Pé- a douné let
re *, Opéra Patris mei; & il les appelle des fignes, Signa, parce qu'elles font un figne ^^i^r" ^'^
fenfible que Dieu nous donne de fa préfence, & celui dont il fe fert le plus fouvent commeiete-
pour déclarer aux hommes d'une manière furnaturelle , que c'eft: lui même qui leur "o°'f,"^^e^*
parle. une preuve
Dans le Nouveau Teftament , les guérifons Miraculeufes font auffi appellées des ver- Tî^i\\n\â\
tm , l^irtîitcs , parce qu'elles font les effets d'une vertu toute-puilfante , qui n'appartient &pacconré-
qu au leul auteur de toute elpece de vertu. preuve ne
Aufli quoique cette efpéce de Miracles ne paroiflfe pas à nos yeux une âuffi grande pe"tpoin».ê-
Merveille qu une refurrection ou une création furnaturelle, Mlible & lubite, oe font ne.
néanmoins ces admirables guérifons que Jefus-Chrift a le plus fréquemment données ^]*^" ^5'"
pour des témoignages inconteftables qu'il étoit le Fils de Dieu.
C'efl: par exemple en parlant de la guérifon qu'il venoit de faire de l' Aveugle-né,
qu'il dit anx Ph/irijîens .... 5» je ne fais pas les œuvres de mon Père ne me croyez. ibid.IX. 59.
point; mais fi j'en fais de telles, ijuand vous ne me voudriez, pas croire, croyez, à mes «h- &X.37.&3S.'
vres , afin cruelles vous fajfent cûmtoitre ^ croire i^ue le Pire efi en moi & que je fuis dans
le Père.
De même lorsque les difciples de Jean Baptille vinrent lui demander de fa part , s'il
étoit le Meffie, s'il étoit celui qui doit wk/V, quelle preuve leur en donne-t-il? Il guérit L"^'^^'*''''^»^
en leur préfence plufieurs perfonnes affligées de maladies cr de plaies , & s'il leur parla
des réfurredions qu'il avoit faites , ce ne fut qu'en les confondant avec les autres Mi-
racles.
Quand il voulut reprocher aux Juifs leur incrédulité, il ne leur dit point que s'il
n'avoit pas multiplié les pains, ils ne feroient pas coupables de n'avoir point cru en lui,
mais il dit : ,, fi je n'avois pas opéré des chofes Merveilleufes dans eux-mêmes , ils
„ n'auroient point de péché. " Si opéra non fecijfent in eis . . . peccatum non haberent. JesnXV.i^.
Il eft évident que ces termes , in eis ( dans eux-mêmes ) caraftérifent clairement les
Miracles de guérifon. Aufll S. Augiiftin fait-il fur ce palfage cette judicicufe réHexion:
que Jefus-Chrifl: ne dit pas parmi eux ou a leur préfence, mais dans eux j ayartt vou-
lu
I04 LES MIRACLES SONT LA VOIX DE BIEV
DiisERT. lu par cette exprelTion finguliére, faire comprendre aux Juifs & leur faire faire atten-
surl'aut tion , que les œuvres qu'il Bifoit, les oeuvre- qui prouvoient fa Divinité, les œuvres
DES MiR. p^^. i^jqueiigs fon Pcre lui rendoit témoignage, n'étoient pas feulement de celles qui ne
font qu'attirer l'admiration, mais de celles qui confèrent la fanté d'une manière dont le fur-
Traft 91. in naturel eft manifefte : Prorfis in cis , quLt fanavit eos : h<tc cjttippe intelligi voluit qutt non
cij. jcau.D.yj^^^ y^WfTMf admirationem , verUm ctiam maHtJfJiam confcrrent falutem.
Ce font donc fmguliérement , nommément , cxpreflement , les guéri fons Miraculeufes
que Jefus-Clirift adonnées pour preuve qu'il ctoit le MelTie, & c'eft prccifément par
rapport à ces Miracles qu'il déclare , que de refufer de fe foumettre à leur Détifion ,
^tat^h. XI. c'eil un péché qui fera plus rigoureufement puni que celui de Sodome.
*♦• Dieu n'ayant pas réfolu de faire fouvent des réfurreâions & des créations fumaturel-
les & vifibles, mais feulement d'accorder des guérifons Miraculeufes, a voulu que les
hommes fudent inftruits par la bouche de fon Fils , que ces Miracles , quoique moins
éclattans que les réfurreclions & les créations , font également fa voix & fon témoigna-
ge , Si que nous devons les reconnoître pour le fignc furnaturcl par lequel il nous décla-
re ce qu'il veut que nous croyons.
Autîî Jefus-Chrill: a-t-il exigé qu'à la vue de la guérifon d'un paralytique, les Pha-
rifiens reconnulTent eux-mêmes, qu'il étoit le Fils de Dieu, & qu'il avoir comme fon
Pcre le pouvoir de remettre les péchés.
Luc.v. 24. „ Or afin que vous fâchiez que le Fils de l'homme a fur la terre le pouyoir de re-
„ mettre les péchés: levez -vous, je vous le commande , dit-il au paralytique, emportez
„ votre lit, & allez vous en chez vous. "
Les Pharifiens avoient d'abord accufé Jifjs-Chrifl: de blasphème^ lorsqu'il avoit dit
au paralytique., avant que de le guérir: voi péchés vous font remis ; parce qu'il n'y a,
difoient-ils, que Dieu feul qui peut remettre les péchés. Jefus-Chrift n'a garde de con-
tefter cette Vérité ; mais il leur demande, s'il y a une autre puifljnce que celle de
Dieu, qui puilfe guérir fur le champ un paralytique. Les Pharifiens moins téméraires
que les Antimiraculiftes de ce tcms-ci, n'oférent contefter ce principe, & Jefus-Chrift
pour leur faire voir qu'il eft Dieu, & que la chair dont il eft revêtu, ne diminue
rien de fa puilTance, guérit ce paralytique dans le moment. Il prou' e par un Miracle
extérieur le MiracL' intérieur qu'il avoit déjà opéré. Il exerce fur le corps un pouvoir
inconteftabicment Divin pour juftifier le Miracle qu'il avoit fait fur l'ame , &: qui étoit
invifible aux fens.
Si les guérifons Miraculeufes n'étoient pas un témoignage infaillible, & Ç\ Satan avoit
la liberté de les contrefaire, fans que leur déteftable principe fût manifefté, elles ne fe-
roient pas par elles-mêmes une preuve à laquelle on dût une foumilTion {'\ prompte & fi
entière; & par confcquent Jefus-Chrift n'auroit pu prétendre, que la vue de la guéri-
fon fubite de ce paralytique dût fuffire , pour perfuader qu'il étoit Dieu ainfi que
fon Père.
Mais comme j'ai en même tcms à combattre pour l'Autorité des Miracles contre
Dom la Tafte ou M. de Bethl.'em, & contre M. Poncet, il ne faut pas que j'omette
de faire voir au Leéleur, avec quelle force le fécond s'eft fervi contre le premier, de
ce fait que le Nouveau Teftament rapporte pour inftruire tous les hommes de la fou-
miffion qu'ils doi' ent à tout ce que les Miracles décident.
IX.Lttt.de ,, Jcfus-Ch'ift, dit Al. Poncet, demanda aux Pharifiens ce ciui leur paroilToit plus
'^ "^'"^"P" „ facile ou de guérir ce paralytique, ou de lui remettre fes péchés. N'eft-ce pas l.\,
„ mon Père, votre queftion, ohjcile-t-il à Dom Lt T.ijle. S'agit-il d'autres chofcs cn-
„ trc nous, que de décider li la guérifon d'un paralytique eft aulTi propre a Ditu
„ SEUL que la rémillîon des péchés? Et faites attention , que Jefus-Chrift n'interro-
„ gc les Pharifiens que fur le degré de puiffaucç ncccflaire pour opérer ces deux Mer-
veilles.
>t
>5
ET VN TEMOIGNAGE NON E'OVIVOOVE, loj
veilles. Qu'auriez-vous répondu à Jelus-Chrift en fuivant vos principes ? Vous au- Dis<;ert.
riez dit fans doute , qu'il n'y avoit pas de comparaiion à faii'e entre deux œuvres , sui^i-'aot.
dont l'une n'appartient qu'à Dieu , & l'autre n'eft pas au defTus de la puiffance du "" '*"^*
„ diable; & vous auriez prononcé en prefence de Jefus-Chrift un blasphème , qui n'eft
„ pas venu dans l'esprit de Pharifiens. Ils reconnoiflbient cependant dans le cémon le
„ pouvoir de faire des prodiges. Ils ne croyoient pas apparemment connoître avec af-
,, furance toute l'étendue de ce pouvoir du démon. Ils ctoient pleins de haine contre
„ Jefus-Chrift, mais cette haine contre la Vérité avoit des bornes que vous avez paf-
„ fées. Ils fe turent, & leur filence condamne d'impiété tout ce que vous avez écrit.
„ Jefus-Chrift vous condamne encore plus fortement en guériflant le paralytique, &
j, en donnant cette guérifon comme une preuve déciûve , qu'il avoit le pouvoir de re-
„ mettre les pécliés
„ On voit le même refpeft pour les Miracles de la part des Pharifiens, dans l'hiftoi-
„ re de l'aveugle-né & dans celle du boiteux guéri à la porte du Temple. Les Pharifiens
„ n'interrogent l'aveugle-né & les Apôtres & ne cherchent à les intimider, que pour
les obliger à defavouer le Miracle; mais ils aimèrent mieux demeurer court &: con-
fefler leur embarras, que de prononcer contre ces deux Miracles le blasphème que
vous prononcez contre tous, en foutenant dogmatiquement au milieu des Chrétiens,
qu'il n'y a point de Miracles de guérifon , dont on puiffe dire avec une certitude
„ entière que le démon n'auroit pu la faire. Il falloit, mon Père, qu'il y eût un der-
„ nier excès réfervé aux Chrétiens & aux Prêtres de Jefus-Chrift, qui deviendroient
„ les ennemis de fa doctrine & de fes ferviteurs. Et cet excès, mon Père, eft le vô-
j, tre : vous comblez h mefure de vos pères , & vous mettez le dernier f^eau à leur a-
„ veuglement.
Mais les nouveaux principes dont M. Poncet a parfemé fa Refonfe à mon fécond
Tome, font-ils donc moins contraires à l'Autorité des Miracles ,que ceux qu'on trou-
ve dans l;s Lettres de Dom la Tafte \ Ce trop zélé DefFenfeur des Théologiens Anti-
fecouriftes , en infinuant qu'il faut rejettcr comme inutiles toutes les preuves que four-
nit une favante Phyfique du furnaturel Divin des guerifons Mu-aculeufes; en foutenaiit
que ceft fr'wci^dlement des circonfijtnces que les Aîiracles tirent leur force ; & en fuppo-
fant que les démons re<;oivent quelquefois un pouvoir extraordinaire, qui les met en é-
tat d'opérer les guerifons les plus merveilleufes; n'a-t-il pas donné occafion aux difci-
ples des Théologiens Antifecouriftes d'en conclurre & de débiter dans le public, qu'/'/
nj (i prefque joint de Miracles de guérifon dont on fuijfe dire avec une entière certitude
^ne le démon n'auroit pu les faire ? Or n'eft-ce pas là précifément la même Propofition
que cet Auteur accufoit, il n'y a que peu d'années, d'être «» blasphème . . . une im-
piété . . . tin dernier excès , qui comble la mefure & qui met le dernier fçean à l'aveu-
glement .<*
Ah ! que M. Poncet & les célèbres Théologiens dont il eft l'Avocat & l'organe,
reprennent les premiers principes qu'ils ont d'abord foutenus avec tant de lumière &
de zèle contre les Adverfaires de la Vérité; & nous nous réunirons de tout notre cœur
avec eux! Que loin de chercher aujoi^'hui à ébranler l'Autorité des Miracles, ils fe
joignent à nous pour crier par toute la Terre, ainfi qu'ils faifoient ci-devant, que les (x Leircc'ê
Aîiracles àt guérifon font des preuves décifives , & des œuvres propres k Dieu feul ; 8c ^^ l^oucct.p,
qu'ils fiffent remarquer aux plus fimples, que Jefus-Chrift nous donne en vkigt en-
droits ile l'Evangile ces merveilleufes guerifons pour le Témoignage de fon Père j auquel
il n'eft pas permis de refufer d'ajouter foi !
Ce Divin Sauveur veut même, que nous refpeftions le témoignage des guerifons
Miraculeufes encore plus que celui que rend un Prophète qui parle par l'imprefficndc
l'Efprit Saint; parce que dans ces Miracles c'eft Dieu qui parle lui-même, & que
Dijftrt. Tom. II. Q • cette
JcinV. ,5
j6. r-
toS LES MIRACLES SONT LA VOIX DE D I EV
Dissert. cette voix Divine cft encore d'une manière plus fenfible h témoignage de Dieu, que
sorl'aut.j-ç qy» jif un Prophète.
M«ih!Vx.'9. -Ait^i quoique -s. Jean Baptifte fût un grand Prophc'te ^ plus que Prophète, cepen«
dant Jefus-Chrift déclare que le témoignage desguérifonsMiraculeufes qu'il avoir faites,
étoit encore fort au deflus de celui que luiavoit rendu S.Jean. Vous avez, envoyé a Jea»-^
dit-il aux Juifs, cr // a rendu témoignage à la vérité. , . . A'fais j'ai un témoignage plus
grand que celui de Jea*i; car les xeu-ores que mon Père ma donné le pouvoir de faire , les
«Hvres que je fais , rendent témoignage pour moi , que c'eft le Père qui m'a envoyé.
Si les guérifons Miraculeufes font un témoignage encore fupérieur à celui du pluj
grand Prophète, c'eft donc une erreur formellement condamnée par Jefus-Chrift, de
foutenir que leur témoignage eft fouvent équivoque. Or il le feroit fans doute, fi le
démon avoit quelquefois la liberté de faire des guérifons qui paruffcnt vraiment Mira-
culeufes , fans que l'illufion de ces faux miracles pût être aifément découverte.
Enfin Jefus-Chrift donne le témoignage des Miracles de guérifon, comme étant fi
décifif, lî inconteftablement la voix de ion Père, & comme méritant une confiance fi
entière, & une parfaite foumilîion, qu'il veut qu'à la vue de ceux qu'il faifoit, fes
Jean XIV. Apôtres reconnoiffent qu'il eft dans fon Père de que fon Père eft dans lui.
Voilà nombre de Textes tant de l'Ancien que du Nouveau Teftament, par lesquels
Dieu déclare expren"ément , que c'eft lui feul qui guérit , & que les faux Dieux des
Idolâtres ne peu^-ent rendre lafantè. Voilà des preuves multipliées, que les Miracles
de guérifon font fpécialement le témoignage de Dieu , qui par conféqu'nt ne peut pas
devenir incertain, ni être copié par l'Efpriî pervers, de manière que les cœurs droits
& les efprits attentifs pulTent fi méprendre.
Je crois donc pouvoir dire que j'ai pleinement fatisfait au défi de M. l'Evèque de
Bethléem. Qu'il me permette de le défier à mon tour de prouver par aucun paftage de
l'Ecriture, que Dieu ait jamais donné pouvoir au démon d'opérer des guèrifons'IVlira-
culeufes, ou même qui aient paru l'être. Tout ce qu'il y trouvera, c'eft que Dieu
lui a quelquefois permis d'exécuter par des moyens naturels des prodiges malfaifans,
de contrefaire par artifice quelques prodiges Divins , &: de faire des preftiges de pure of-
tentation, tels que ceux par lefqucls Simon le Magicien éblouifloit les habitans de Sa-
marie. Mais c'eft détourner l'objet de la difpute à des faits qui ne prouvent que ce
que perfonne ne contefte: ainfi c'eft donner le change au PubHc, S<. jetter de la pouf-
fiére aux yeux des Leéleurs. Il ne s'agit pas entre nous de favoir , fi le démon, lors-
que Dieu le lui permet, peut faire certains prodiges par des moyens naturel?, &: des
preftiges qui ne font qu'une pure illufion. Tout k monde en convient. Mais il eft
queftion de favoir , s'il fut des Miracles, c'eft à dire des créations, des réfurreôions
&■ des guérifons Miraculeufes. Or ce Prélat ne peut s'appuyer d'aucun Texte de l'E-
criture, pour établir que l'Ange Apoftat ait jamais exécuté aucune Merveille de cette
cfpéce , ni même qui lui reflemble. *.
Auliî quelles ont été les fources, où ce Prélat a puifé jufqu'à préfent toutes fes
preuves? C'eft dans des Romans, dans les Fables d'Ovide, & dans toutes les Hif-
toircs apocryphes qui ont été débitées fur ce fij^fet depuis la Création du monde. Voilà
ce qui lui a tenu lieu de l'Ecriture Sainte. Je difcutcrai tout ce qu'il en rapporte, du
moins dans fi Troifiéme Lettre, qui eft celle où il fiit le plus d'ufage de tous fes ta-
Icns , pour tâsher d'établir fon pernicieux Siftême fur le pouvoir prefquc fins bornes
qu'il attribue au démon, &• où il a inféré toutes fes principales preuves. M.rrs avant
de dévoiler la faulTctè palpable de tous ces faits, ']C veux encore établir de plus en plut,
que les ruérifons Miraculeufes font toujours une taVcur qui vient d'cnhaut, &- que Je
témoigriagc de ces Miracles cft infailliblement la voix de Dieu. Je ne me laffe point
de travailler fur cette matière, parce que je fuis pcrfuadé, que dans le tcms où nous
fom-
ET VN TEMOIGNAGE NO AT E^OyiVOVE. ^ 107.
fommes, il eft d'une extrême importance d'être bien convaincu de cette Vérité. DtsstRT.
C'elt finguliérement aux Miracles de guérifon, que l'Ecriture attribue la converfion *"'"''*"*•
du monde & l'établiflement de l'Eglife par toute la Terre. es^mir.
Il eft bien vrai néanmoins que c'eft la Réfurredion de Jcfus-Chrift qui eft le prin- ^'«'^ P''""-
cipal fondement de notre foi. Mais c'eft par des guérifons Miraculeufes que cette Vé- kslTiîacks'
rite décifivc a été prouvée d'un bout à l'autre du monde. ^^ guenfoQ
En même tems que le S, Efprit faifoit publier ce fait capital par les Apôtres qui en Chrifta «a-
avoient été témoins, il atteftoit lui-même par les guérifons éminemment Merveilleufes j^'^^'^j^'j jç
qu'il leur faifoit faire , qu'ils parloient de la part de Dieu , par fon ordre & fon im- monde,
prelfion. ,, Le Seigneur coopcroit avec eux^ & coufirmoit leurs difcours par lesMi-
„ racles qui les aCCompagnoient : " Domino coopérante ^ & Jèrmonem confirmante feqnen- Mue XVI,
tibus fignis. ^'^•
Mais avant de rendre compte de cette multitude de Miraculeufes guérifons qui ont
fervi' de preuves invincibles à la Réfurreâion de Jefus-Chrift, préfentons-en une au
Lefteur choifie entre celles que les Payens nous ont fourni eux-mêmes.
Les foldats qui avoient promis aux Princes dei Prêtres de publier que , pendant qu'ils Matth.
dormaient les difciples de Jefus avoient enlevé fon corps , .& de ne déclarer à perfonne \l. & i';. '
qu'ils l'avoient vu fortir du Tombeau avec tant de msjefté, de gloire & de puifTance,
que l'excès de leur épouvante les avoit fait tomber comme morts , ne leur tinrent pas Iti'd. 4-
exaélement paiole. Il y a des faits certains qui donnent tout lieu de croire, qu'ils
rendirent un compte exaét à Pilate de ce Merveilleux événement, tel qu'il étoit arri-
vé. Car il eft fur que ce Gouverneur en eut- des preuves fi complettes que, quoi-»
que Payen, elles ne lui laifterent aucun doute fur la Divinité de féfus-Chrift. Or dô
qui a-t-il pii apprendre , de façon à s'en convaincre fi pleinement, toutes les circonf-
tances de cette glorieufe Réfurreftion , fi ce n'eft des foldats qui les ont vues ? Enfin
eft-il croyable qu'il fe fût déterminé à mander à l'Empereur Tibère un fait de cette
nature & de cette conféquence , comme en ayant eu des preuves décifives , fans avoir
auparavant bien interrogé les foldats fous les yeux de qui ce magnifique Miracle s'étoit
opéré; & fi tous lui avoient foutenu que les Difciples de Jéfus-Chrift avoient enlevé
fon corps pendant qu'ils dormoient , aiiroit-il cru malgré cela cette étonnante réfurrec-
tion, & l'auroit-il certifiée à l'Empereur comme inconteftable ?
C'eft Eufebe de Céfarée, cet ancien Auteur fi célèbre , cetHiftorien fi bien inftruit
des faits , fi exaft , fi fcrupuleux à ne rien dire que de vrai , qui nous a confervé la
mémoire de cette Lettre fi précieufe & des fuites qu'elle eut.
5, Pilate, dit-il, manda à l'Empereur Tibère la réfurreftion de Jefus-Chrift notre Eufeb. Hift.
„ Seigneur & notre Sauveur , qui étoit déjà publiée de tous côtés : & il lui marqua ^"'.j^'''"'"
„ que plufieurs perfonnes croyoient qu'il étoit un Dieu , tant à caufe des autres Mer-
„ veilles qu'il avoit fait pendant fa vie , qu'à caufe de la manière dont il étoit refluf-
„ cité après fa mort. Tibère en rendit compte au Sénat. Mais le Sénat refufa de rien
,, ftatuer fur ce fujet , fous prétexte, dit-on, que le jugement de ce fait ne lui avoit
,, point été d'abord déféré , & parce qu'il ne vouloit point que le fentiment du vul-
„ gaire prévînt ainfi l'autorité de fes dècifions : " De refurreSlione a mortuis Domini
^ Salvatoris nojlri "Jefit Chrifli , qua jam in omnem locitm ftterat pervulgata , Pilatus
Tiherio Principi refert. Sed & de ceteris mirabilibus ejus CT tit pofi mortem cum refur-
rexijfet , a pluribns jam DeUs ejfe cradrretur, Tiberius qn£ conipererat retulit ad Senatum.
ScnatHS atitem abntiijfe dicitur , eo qt4od non fibi prim hujus rei judicitim fuerit delatmn ,
fed attSloritatem fuam pravenerit vulgi fentetttia.
Ce refus du Sénat Romain de conftater par fes Arrêts la réfurredion deJefus-Chrift
& de le reconnoître pour Dieu, ne diminue rien de la foi'ce des preuves qui fe tire de
la Lettre de Pilate & de l'imprcflion qu'elle fit fur l'efprit de Tibère. Car il eft d'une
O 2 ■ évidence
iUR L'AUT
DES MIR
io8 LES MIRACLES SONT LA VOIX DE DIEV
Dissert, évidence palpabh qu'il a fallu que la Lettre de ce Gouverneur contînt des circonftan-
UR L'AUT. ^gj bien fr.ippantes, bien décifives & bien merveilleufes , pour perfuader à un Empe-
reur aulîî défiant , auiïi politique , aulîi rufc que Tibcre , qu'un homme expiré fur
une croix , percé dans le cceur après fa mort , & enfeveli dans un tombeau fcclié &
gardé par des foldats , étoit reffufcité trois jours après avec un éclat fi éblouiffanc
qu'il rendit ces foldats immobiles d'étonnement , de furprife , de crainte & d'admi-
ration.
Mais ne nous contentons pas d'établir un fi beau trait d'hiftoire fur le témoignage
d'u'i feul Auteur, foignons-y celui d'un des plus anciens & des plus zélés Deffenfeurs
de la Religion, qui dans l'Apologie qu'il ofe préfentcr au Sénat Romain , lui repro-
che du moins implicitement de n'avoir point déteré au fentiment de Tibère, ^- d'avoir
négligé de s'informer lui-mcme de ce fait don: la connoiffance étoit infiniment im-
portante.
Ttitniiiin. »> Tibère au tcms de qui le Chriftiinifme a commencé de s'établir , dit Tertullif» ^
•*r'-''o£"p. „ ayant été informé par 1: Gouverneur de la Palelline en Syrie des faits qui avoient
„ découvert & prouvé en ce pays h Divinité de Tefus-Chrift , en rendit compte au
„ Sénat, en les appuyant de foa fuffrage. Cependant le Sénat refufi d'en prendre con-
„ noiffance , fous piétcxtc que ce n'étoit pas lui qui en avoit recueilli les preuves.
„ Mais l'Empereur ptififta dans fon fentiment, & menaça de punir ceux qui calomnieroient
„ ouaccuferoient les Chrétiens."(Ce qui prouve clairement que Tibère étoit très perfuadé
de la Divinité de Jefiis-Chrirt, en conféqucnce de la Lettre de Pilate) Tiberius erghcHjut
tempore mmcn Chrifiianitin in fcculum intravit , annitmiata fibi ex SjriÀ Palefiititt ejitx il-
liHS divinitiUem {yefus-ChriJii) reveUverant ^ detulit ad Scn.it um ^ cum prorogative fuf-
fragii f:ti. Sénat us ^ ejuia non ip/è probavcrat , refpuit. Cafir in fintentià man/ît , commi-
natus periculum accufatoribus Chrijiianorum.
Si ce fait n'eût pas été certain, public, inconteftable, Tertullien auroit-il eu l'im-
prudente ertronterie de l'avancer en préfentant fon Apologie au Sénat, &: ce Sénat fi
fier , fi prévenu contre hs Chrétiens, n'auroit-il pas démenti un Auteur fi téméraire,
& ne l'auroit-il pas fait punir d'avoir ofé publier un tel menfon^c d'un bout à l'autre
du monde , où cette Apologie f^\ belle , fi forte & (i célèbre fut bientôt répandue ?
Mais ni le Sénat ni aucun des Auteurs Payens n'ont eu le front de nier la vérité de cet-
te démarche de Tibère, qui avoit fait trop d'éclat dans tout l'Empire Romain pour
être oublié dans le tems oii parut cette Apologie.
Au reftc la rérunctftion de Jefus-Chiifi: & fa Divinité étoient dans ces premiers tems
de l'Eglife, prouvées tous les jours de plus en plus par des Miracles de même efpéce
que ceux qui en a voient d'abord perfuadé un grand nombre de Juifs.
K\-.%, III. Nous lifons dans les Actes, que S. Pierre & S. Jean ayant s^uéri au nom de Jefus-
■ Chrift reiTulcitè , un homme âgé de quarante ans qui étoit boiteux dès fa naiflance ,
Dieu répandit une fi abondante bénédidion fur ceux qui furent témoins de ce Mira-
cle, qu'il y en eut cinq mille de convertis.
Peu de tcms après, quel nombre innombrable de guérifons Miraculeufes ne firent
point S. Pierre &: S. Paul & les autres Apôtres , en témoignage de la vérité de U
Religion qu'ils prcchoient !
IHd.v. i;. M Le peuple apportoit les malades dans les rues & les mettoit fur des lits , afin que
„ lorfque Pierre palferoit , fou ombri en couvrit du moins quelques-uns ; & ils é-
„ toicnt atiifitôt délivrés de liurs maladies.
Ihid i6.«c ,, Les habi'ans des V'iles voifincs de Jèrufalcm y accouroient en foule & y appor-
'■' ,, toient leurs mabcles , & ceux qui ctoicnt tourmentés par des cfprits impui-s; &r ils
,, ctoicnt tous guéris . .. (En tmte que) la multitude de ceux qui croyoicnt au Sci-
„ gn:ur, tant hoaimes que femmes, s'augmcntoit tous les jours de plus en plus. "
Dans
SUR L AUX.
DF.S MIR.
Ibld.XiX.
ET VN- TEMOIGNAGE NON E'OVIFOOVE. 109
Dans d'autres pays „ les linges de toute efpéce qui avoient touché le corps de Paul, Dissfrt.
„ çucnffbicnt tous les malades fur qui ils étoient appliqués. " ■'^"'' '''"'•^-
AufTi chez combien de peuples difFérens cet Apôtre des Gentils n'a-t-il pas établi la
Religion ?
C'eft ainfi que Dieu attiroit les cœurs par des Miracles bienfaifans, & qu'il convain-
quoit en même tems les efprits par le furnaturel évident de ces guérifons Miraculeufes.
Mais tous ces Miracles vifibles n'auroient produit aucun effet falutaire dans les âmes,
fî Dieu ne les avoit en même tems touché & éclairé par un Miracle invifîble de fa
grâce.
Il femble d'abord que l'homme englouti dans fes miféres, auroit dû recevoir avec
un faint empreffement une Religion qui en lui faifant connoître fa corruption intérieure
& l'origine de fon défaftre, lui annonçoit un Libérateur Tout-puiffant , un Médiateur
d'un mérite infini, qui s'étoit facrifié lui-mcme pour le racheter. Mais la concupif-
cence qui s'eft emparée du cœur des enhns d'Adam, ne veut ni reconnoître fon défor-
dre, ni en recevoir k reméJe. Le libre arbitre fe révolte , qusnd on lui oarle de fon
rites du Chriftianifme dans les c^turs.
Il le pouvoit faire fans employer l;s Miracles extérieurs ; mais il a voulu fe fervir de
cette voie, parce que rien n'étoit plus digne de fa Bonté infinie , que d'établir en très
peu de tems l'Evangile par toute h Terre par des guérifons qui étoient en même tems
falutaires aux corps & aux âmes , èc qu'entre tous les motifs de croire il n'y en a point
de plus fimple que les Miracles, de plus à la portée de tout le monde, de plus effica-
ce pour perfuader les cœurs droits.
D'ailleurs rien convenoit-il davantage à une Religion qui nous fait tout attendre de
la grâce de Jéfus-Chrifl:,que i'etre redevable de fon établiffement à des guérifons Mi-
raculeufes; afin que les hommes, en voyant la puiffance que Dieu exerçoit fur les
corps, reconnuffent celle qu'il a fur les cœurs, & qu'ils ne pulTent attribuer le progrès
de l'Evangile, ni au feul libre arbitre de c:ux qui l'ont reçu, ni aux talens de ceux qui
l'ont annoncé ? „ Je n'ai point employé en vous parlant ni en vous prêchant , dit S. 'Cor. II. 4,
„ Patil^ l;s difcours de la fagefle humaine , mais les effets fenfîbles de l'efprit &: de la ^ ^'
,, puiffance de Dieu; afin que votre foi ne foit point établie fur la fagefle d.es hommes,
„ mjis fur la puiffance de Dieu."
Si les Miracles font finguliérement les effets dî la puiffance de Dieu, ainfi que le S.
Efprit nous en affure , peu'-il permettre au démon de les contrefaire pour féduire les
hommes, en pa-'oiffant ainfi revêtu de la bonté, de la puiffance, & de la vertu Divine?
Les Miracles faifoient promptemeat ceffer des difputes que l'incrédulité & l'aveugle-
menj auroient rendu interminablesi On n'avoit befoin d'aucun raifonnement pour prou-
ver les Myftéres, lorfque Dieu les atteftoit lui-même par des Miracles. Les efprits
même 1^ plus fubtils ne pouvoient rien oppofer de raifonnable à des preuves fî évi-
dentes.
Mais la miféricorde Divine en opérant ces Mirachs de guérifon , avoir pri îcipale-
ment en vue les humbles, les fimples & les petits. AufTi y eat-il peu de nobl.=s , peu
de grands efprits, peu de favans , peu de pnilofophes , qui fe convertirent en voyant
Jes Miracles , quoiqu'en moins de trente ans la Religion fe foit trouvée établie dans tout
le monde , & Y Evangile prêché a. toutes Us créatures qui font fous le Ciel. Co'oiT. 1.6.
D'abord il ne fut presque embraffé que par une multitude innombrable de gens du "" ^'"
commun du peuple, le S. Efprit les ayant entièrement convaincus, qu'il n'y avoit
qu'un Etre Tout-puiffant capable d'opérer les guérifons Miraculeufes que l;s Apôtres
O 3 fai-
iio LES MIRACLES SONT LA VOIX DE BIEZ,
Dissert, taifoient, & qu'aiiiH l'on devoit croire tous les Myftéres & tous les Dogmes qu'enfei-
«URL'AUT. n,iQicnt des gens que Dieu autorifoit vifiblement par de telles Merveilles.
DE4 MiR. Qit'il cil à craindre que ce non-,bre infini de Payens éclaires tout à coup par le bril-
lant cclit de ces Miracles bienfaifins, ne s'clevent au jour du jugement contre ceux
des Catholiques qui ofent foutenir aujourd'hui que leur témoignage eft équivoque &
qu'il eft fouvent incertain fi c'eft Dieu ou le démon qui les opcre!
Comment ceux qui ont la témérité d'avancer une Propofition fi erronée, fi perni-
cieufe, & fi contraire au refpeft qu'on doit aux Miracles, n'ont-ils pas été retenus par
ks Textes de l'Hcriture que je viens de rapporter ?
V: , Oppofons leur encore la Tradition, prouvons leur que les SS. Pérès, les Apologis-
lesJes'Âpo- tes de la Religion, les plus célèbres Théologiens ,& même l'Eglifte toute entière nous
logiOctHch (jpj. donné pour principe, que les démons ne font point des guérifcns Miraculeufes, ni
les plus ce- même qui paroifTent l'être.
io'''enJnous Entre autres Saints Dodeurs , avec quelle force S. Jean Chryfoftôme ne s'éleve-t-il
ont donné, pas „ contrc ccux qui s'imaginent & qui publient que les démons guérilfent des mala-
Fc?'què"lM 5> des : u4dvershs eos cjui jailant dicuntqtie djtmoncs wiederi. Mais (ajoute-t-il) afin que
démons ne; ^^ yq;i5 couccviez bien que cela n'eft point vrai, faites attention que Jéfus-Chrift nous
guc'tiîbns' ' ,> a dit au Contraire que le diable a été un homicide depuis le commencement du morde :
miracuieu- r ]q^^ VIII. 44.) Dans le tcms donc que Dieu nous déclare que le diable eft un
fes,nimcme" ; -' . ' ~~ \s c i- ■ >i '• j i J- . n
qui parois- „ homicide , ces gens la oient dire au contraire, qu il peut guérir des maladies : n eft-
jcnt l'ctrc. ^^ j.g p^j j^ combattre diredement la parole divine ? Jug-Z vous-mêmes , fi vous de-
Om.^'fadv. 5) vez avoir plus de foi pour les paroles de ces gens là , que pour celles de Jéfus-Chrift.
Jud- ,, Mais Jéfus-Chrift a voulu vous inftruire auflî par des faits ; ayant permis au démon
,, d'entrer dans un troupeau de pourceaux & de ks précipiter, afinque vous compris-
,, fiez, qu'ils feroient la même chofe aux hommes, iî Dieu leur permettoir d'ufer
„ contre eux de toute leur puiCTance & de leur mauvaife volonté. En effet s'ils n'ont
,, point épargné des pourceaux , ils nous épargneroif.iC encore bien moins , s'ils avoient
„ quelque puiiTance contre nous". Catirùm ut intelU^.u ne hoc quidem ejfe verum^ au-
di quid Chriflus dicat de diabolo. Ille homicida erat ab initio. Cum igitur Detts dicar:
homicida efl ^ ijii vero dicunt pojfe levare morùos , nimtrum repugtutntes fenttnti£ diviitx:
judicas ijlorHm vcrbis potnis jidem h.tbendam quam Chrijii ? Et hoc qsioque ex ipjis f.titis
docuit Chriflus qui pcrmiflt illos irruer c in illum ^rej^em porcorum , ut intelligcres quod e.i-
dem faBuri fuerint hominihus , f( Deus illis permifijfet , AiversHS eos proprià potentià (^ vo-
luntate Kti . . . Etenim Ji porcis non pspercerunt , multo mintts a nohis abjiinuijfcnt , fi ad-
verfus nos poteftatem habuijjcnt.
Ce Saint Doftcur ajoute dans le même Sermon : ,, Si donc quelqu'un vous raconte
,, quelques guérifons . . . faites lui connoître les impofturcs, ks opérations magiques
„ & les maléfices dont les démons fe fervent pour en impofer. Car ce n'cl^ que de
„ cette manié e qu'il paroiifent faire des guérifons, mais dans li vérité ils n'en font
,, réellement aucune : Dieu vous préfcrve d'y ajouter foi. " Quod fi quis pntewtt eu-
rationes aliquas .... patefitciio illi impofturas , inCAMAtiones , applicMurus vencficM :
neque enim atio modo videniur mcderi , neque enim vere medenrur , abfiit.
M. ia Pf. Dans un autre endroit il s'écrie encore: Etcs-vous donc encore aiTtz aveugles „ pour
'îî- ,, demander aux démons la guérifon de vos maladies? (Ne fnez-vous pa> que) lors-
„ que |efus:Chrift a permis (à ces implacables ennemis du genre humain) d'entrer
„ dans des pourceaux , ils les ont aufiîtôt précipités dans la mer: &■ (vous vous imi-
,, gincz ) qu'ils guériront le corps des hommes: c'cll une fable ridicule. Les démons
,, ne favent que dreffcr des pièges & faire du mal, & non pas rétablir la fiiité. " An
medicinam 4 damonibus petis ? Cnm fuirent in porcos Chrifli pcrmijfu dtmottts , tw^ in
fHéVC
ET VN TEMOIGNAGE NON E'OVIVOOVE. m
Ladance & pliifieurs autres Théologiens pofent également pour principe, que „ les °^^ ''".'**
„ démons n ont de pouvoir que pour nuire: JvtbtL ami fojJHnt quam mcere. î.cap. lô.i
mare îllos ftadm fracipitarunt : & hominum corpus cnrahu-Ht ! Ridicnla hac efl fabula: Dissert.
tUmones inftdiari fciunt CT nocere , non mederi. surl'aut.
■' - ... - , . DES MIR.
,ib.
- -, - . -P-
S. Thomas foutient auflî ce fentiment , & il eîl même 11 éloigné de croire que les ^"9-
démons puifTent faire des guérifons falutaires , qu'il donne au contraire l'utilité de ces
merveilhufes guérifons pour un des deux caradéres diftinftifs qui fervent à difcerner
les Miracles Divins des taux miiacles des démons , c'eft à dire des prodiges & des
preftiges que Dieu leur permet quelquefois de faire.
,, Secondement (dit-il, on difcerne les Miracles Divins des faux miracles de Sstan) S.Thom. 2.
„ par l'utilité des premiers. Car les Miracles faits par les ferviteurs de Dieu font uti- qf,''*^'**
,j les aux hommes , tels que les guérifons Miraculeufes & autres Miracles femblables :
„ au heu que les faux miracles faits par les mechans ne confiftent que dans des cho-
,, fes nuifibles , ou du moins inutiles , tels que de voler en l'air , rendre immobiles
„ les membres d'un homme , & faire d'autres chofes pareilles. " Secundo ex mtlitate
fignorum , e^uia, fignn per bonos faUa , funt de rebiis milibus , ut in curatione infirmita-
tnm CET hujusmodi : figna autem per malos faEla , funt in rébus nocivis (^ vanis , ^cut
ijuod volant in aère, vcl reddunt membra hominum Jlupida ej- hujusmodi.
Aulfi eft-il fi certain que jamais les démons n'ont fait des guérifons qui aient paru
véritablement miraculeufes , pas même chez les Payens ni dans les temples des Idoles,
qu'Arnobe ce célèbre Orateur élevé dans le Paganifme, converti par la vue des Mira- Amob. Lil».
clés faits parles Chrétiens & devenu un des plus zélés Apologiftes de la R.ehgion, a p.\g','^*°^
ofc défier les Empereurs & toutes les Puiffances Idolâtres de prouver qu'aucune de
leurs Divinités aient jamais pu guérir la moindre petite maladie, autrement que par des
remèdes qu'ils indiquoient.
S. Cyrille & S. Athanafe ont pareillement foutenu avec une grande force , que ja-
mais les démons ni les faux Dieux n'avoient fait aucune guérifon Miraculeufe , &: qu'il
ne s'en eft opéré de telles qu'originairement chez le peuple Juif , & depuis Jefus-
Chrift que parmi les Chrétiens.
Les Apologiftes de la Religion , quoique leur vie dépendît d'Empereurs Idolâ-
tres , n'ont pas parlé moins hardiment fur ce fujet que les Pérès & les Dodeurs de
l'Eglife.
Quadratus le plus ancien de ces intrépides Deffenfeurs du Chriftianifme , ne craignit
point en préfentant fon Livre à l'Empereur Adrien , de lui foutenir que les Dieux
qu'adoroit cet Empereur , ne faifoient que de faufles merveilles.
.„ Pour montrer la différence des Miracles de Jefus-Chrift d'avec les preftiges des pitori^Hii.
„ faux Dieux , il dit , que les œuvres de Jefus-Chrift étoient vraies & demeuroient Ecci. Tom,
„ toujours : que les malades guéris & les morts refTufcités ne paroifloient pas feule- ^'^' '
„ ment guéris & reflufcités , mais qu'ils Tétoient réellement." Ce qu'il obferve pour
les diftinguer des prétendues merveilles des Dieux Idolâtres, qui n'avoient qu'une vai-
ne apparence.
Athénagore dans une célèbre Apologie qu'il préfenta à l'Empereur Marc Aurele, y
foutient que les imprelTions bienfaifantes que les Payens s'imaginoient recevoir des Ido-
les , n'étoient que des effets de leur imagination.
„ Les démons qui font, dit-il , avides de la fumée des viandes &: du fang des vic-
„ times , & qui ne cherchent qu'à tromper les hommes , profitent des faufles imagina-
,, lions qu'ils leur fuggércnt & s'emparent de leurs efprits , ils leur font accroire qu'ils
J, reçoivent des influences avantageufes des Idoles. Mais tout fe réduit aux illufioas
J, d'une imagination trompée par les démons & par elle même. "
' Les autres Apologiftes, TertuUicn , S. Cyprien , Minutius-Felix , Tatien, Euftbe
.' ' àe
occ loica
can. 1 5
m LES MIRACLES SONT LA VOIX DE DIEV
Di5stRT.de Ccfaréc, Origcne, &c. ont prouvé avec tant de force & d'évidence , que jamais
suiil'aut.1(;5 fjux Dieux n'avoient fait de gucrifons , qui fuflent de vrais Miracles, qu'ils ont
oEî MiR. ^^^^^ g^ quelque forte les Payen. mêmes de l'avouer. En effet, quoique ces Idolâtres
fulfent aveuglés par les démons qu'ils adoroient , ceux d'entre eux en qui il reftoit
quelque lumière & qui fc piquoient d'une forte de probité, n'ont pu fe difpenfer d'en
convenir , &: même les plus g.\.nds Adverhuxs de la R^iligion Chrétienne , tel que
Porphire, Julien l'Apoftat, &c.
J'en rapporterai des preuves fans réplique dans h fuite àt cet Ecrit. Mais je remets
à h faire, lorfque je démontrerai la faufleté des faits par lesquels M. l'Evoque de Beth-
léem s'eft efforcé de faire accroire au Public, qu'Efculape & les autres Divinités du
Paîîanifme avoient fait des gucrifons Miraculeufes.
En attendant il fufïira de prouver ici, par la Décifion d'un Concile général & d'ua
autre Concile particulier , mais ancien & très célèbre , que les démons non feule-
ment lie peuvent pas faire aucune gucrifon qui paroiffe bien merveilkufe , mais me-!-
me qu'ils ne peuvent par tous leurs artifices magiques, guérir aucune efpéce d'infirmi-
té réelle.
Le quinzième Canon du VI. Concile général tenu en 668. prononce , que le démon
ne peut opérer aucune forte de Miracles , ni par conféquent aucune gucrifon Miracu-
leufe : en voici les termes.
VI. Conc. Ommodo nxmque effet pojTibile hlafphemantem in Deum virtutes operari ? Comment
feroit-il polhble qu un bblphemateur du nom de Dieu opérât des Miracles'
Le Concile appuie ce jugcmeit fî authentique fur le verfet 38 du Chapitre IX. de
S. Marc, oii Jefus-Chrifl: ous déclare lui-même , qu'»7 n'y a perfonne qui ayant [au
un Miracle en fon mm , puijfe anffitot parler mal de lui.
Il n'y a donc félon ces paroles fi précifes du Verbe fait homme, que ceux qui l'ho-
norent & qui mettent en lui leur confiance, qui puiflent faire en fon nom des guérifons
Miraculeufes.
Mais Jefus-Chrift ne permet pas même aux Efprits pervers qu'il a vaincus fur la
Croix, de contrefaire les gucrifons Miraculeufes : & il eft bien certain que tous les
# contes que quelques menteurs, ou quelques fimplcs débitent , des ruérifons merveil-
leufes faites par le diable , ne font que de pures fables qui n'ont d'être que par le men-
fonge.
C eft ce qui a été pareillement décidé parle fécond Concile dont je parle, tenu à
Tours en l'an 815. On y fît un Canon fur ce fujet , qui a paru fi important à l'E-
glife, qu'il a été renouvelle dans les mêmes termes 768. ans après, en 1 année 1585.
_ , Par ce Canon, on ordonne aux ,, Prêtres d'avertir ks fidèles &: de faire con oitre à
rorrie"de" „ tout le pcuplc , que la magie & les enchantemens ne peuvent fervir de rien pour gué-
Tonrsderin^^ j.j|. gucunc dcs infirmités des hommes, ni même pour donner aucun Ibulagement aux
»tiie'eD°" „ animaux languilTans , boiteux ou moribonds, & que tout cela n'eft qu'im piège &
'*^'" „ une tromperie de l'ennemi du genre-humain, que ce perfide emploie pour furprendre
„ les hommes. " Admoncant Sacerdotes fidèles populos ^ ut noverint magicas Mrtes , iucan-
t.ttionestjHC quibuflibet infirmitatibus hominum nihil remedii pojfe conferre ^ & non anima-
lihus langitentibus , claudicantibusve , zel cti.tnt monbundis cjui.Ujuam mcdtri .... fiJ hoc
ejfe laqueos & injîdias antiqui hojlis , quibus ille perfidus gtr.us humanum accipert nitiiur.
Que nos Pères p.nfoient différemment de ceux des Mi^iftres de l'Eglife qui oient
aujourd'hui combaTre les Miracles que Dieu fait en notre faveur! Qu'cft d.<cnue h
connoiffincc de l'Ecriture, qui nous infpire le plus grand rerpeft pour les Miracles de
guérifon, qui nous les fait regarder comme la voix furnaturelle par laquelle Dieu par-
le aux hommes qui nous convainc intimement que lui fcul gucrit nos miKidics, 8c
qui nous apprend qu'il cft abfolument impolliblc que le blafpncmateur du famt nom
de
s
ET VN TrMOIGNAGE NON EQVirOOVE. .nj
de Dieu puifle contrefaire des Miracles au nom de Jefus-Chrift ? Dissert.
Non feulement on voit dans ce malheureux Siècle, des Prêtres, des Dodeurs , des '"''^''*'-''^'
Evéques, qui dans le de'fir d'éteindre la lumière que Dieu nous montre lui-même par "^^ "'*'
des Merveilles de fa droite , ramaflent dans les ténèbres du menfonge toutes les fauffes
hiftoires des miracles diaboliques , & les débitent au peuple comme des faits très di-
gnes de foi ; mais on les voit même employer tous leurs talens pour tâcher t'e lui per-
fuader , que des guérifon's éminemment furnaturelles , obtenues par des prières aores-
fées à Dieu avec piété au nom de fon Fils , ne font que de faux miracles !
C'eft dans l'inftant même oii Jefus-Chrift étoit prêt de monter au Cil , qu':l a fait VI.
préfent à fon Eglife du don des guérifons Miraculeufes , pour la diftinguer pe"pétuel- ^"t!flI'doi"
lement des fauffes Religions & des Sedes , par cette faveur vifiblcment farna: irelle. <!ne J-Ç. a
Pourroit-il donc permettre au démon de copier, pour tromper les hommes, ce tenir 'g[°7Dout1»
gnage Divin qui doit toujours fubfifter dans l'Eglife , y foutenir la vérité , &: y ca- d'f^^^i'iguer
raftérifer la vraie foi ? Quoi ! la Vérité Incarnée nous aura déclaré expreffément , que p^WonV
ce flambeau célefte nous fervira dans tous les tems à difcerner ceux qui prêchent la vé- "" ^"^^'
rite toute pure , de ceux qui s'efforceront de nous induire en quelque erreur ; & elle vui^viiibiê-
fouffrira que Satan contrefafle cette lumière Divine, pour éblouir les cœurs fimples & t'uj^e"le"'^&"
droits, & finguliérement ceux qui ont le plus de refped pour les Miracles & le plus ppuryàue
de confiance en cette promeffe ! auccmcr de
Rien n'eu plus digne de notre admu'ation & de notre reconnomance , que les paro- laVeriie lorr-
ies de Jefus-Chrift qui précédèrent celles par lefquelles il a fait ce préfent fi précieux c^'omeihti'on'^
à fon Eglife. dans ion Uin.
En effet depuis la création de l'Univers , y a-t-il en rien de plus étonnant que l'or-
dre qu'il donna pour lors à fes Apôtres, d'aller par tom le monde prêcher i Evangile à i^,^''' ^ *
toHte créature. C'eft à dire qu'il commande à de pauvres payfans , fins aucuns talens
naturels , d'aller convaincre toutes les nations , que les Divinités qu'elles adoroient,
n'étoient que des efprits impurs qui leur faifoient illufion : de s'expofer à la fureur de
tous ces idolâtres fans autre deffenfe qu'une patience invincible dans les tourmens : de
parcourir tous les royaumes & tous les pays du monde , fans avoir d'autre reflburce
pour y vivre que celles que fa Providence leur y feroit trouver : & qui plus eft, il
leur ordonne de perfuader tous les peuples de la vérité d'une Religion dont les mys-
tères font incomprèhenfibles , & dont la morale eft direèlement oppofée à toutes les
inclinations de la triple concupifcence qui s'ètoit emparée du cœur de tous les enfans
d'Adam.
Mais quel fut le moyen extérieur & vifible qu'il leur fournit pour rèuffir dans une
entreprife fi fort au deffiis de la raifon humaine ? Ce fut de leur donner le pouvoir de
faire des guérifons Miraculeufes. „ Voici, leur dit-il , les Miracles que feront ceux jMatcXVî.
„ qui croiront en moi. ... Ils impoferont leurs mains fur les malades & les guéri- *^' ^ '^"
„ ront. " Signa autem eos qui crediderint hac fequentur, . . . Super agros manus impa-
tient zfr hene hahebunt. ,,, Alfurez-vous ,leur ajoute-t-il, que je ferai toujours avec vous Ma«h-
„ jufqu'à la confommation des fiècles : " Et ecce ego vobifcum Jum omnibus diebus uf- ' ^^'
que ad confummationem feculi ; & que je confirmerai par des Miracles tout ce que vous Marc.XVI.
direz par mon efprit : Sermonem confirmante fequentibus fignis. ''■^•
Toute la Terre étonnée vit peu après ,' l'exécution de cette promefle. Les Apôtres al-
lèrent prêcher chez tous les peuples du monde. Et ce fut , dit S. Paul, par la vertu Rom. XV.
des Miracles , ô" pt^r la puijfance du S. Efprit , qtie Jefus-Chrifl amena les Nations ^ iS.Scij.
r obe'ijfance de la foi.
Auffi cette promeffe faite pour le falut des hommes a-t-elle paru à S. Thomas une
preuve décifive , qu'il eft impolfible que Dieu permette aux démons de faire des guéri- . ,
fons Miraculeufes. „ Ce qui a été, dit-il^ donné pour la manifeftion & la confirma-,
Differt.Tom.JI, P tion
«4 T-'E-S MIRACLES SONT LA VOIX DE DIEV
Dissert tion de la foi , ne peut pas être accorde aux adveriaires de la foi , ainfi qu'il paroft
iurl'aut. ^ p,,j. j„ d;rnier Chapitre de S. Marc. Donc on ne doit pas croire , que les démons
uESMiK. ^^ reçoivent la puiflance de faire des Miracles. " Id qttod datum ejl in mamfcfiAtionem
C^ Ctnfirmationem fidei, non dehtt concedi fidxi advcrfariis. Sed opcratio JigKorur» data efi
in cenjirmationem fidei , Ht habetur Marci ultime. Ergo videtur c^tiad non Jnlijît potejlati
damonum miracuU faeere.
Au refte il eft évident, que cette promcfTe n'étoit pas pour les feuls Apôtres , mais
pour toute l'Eglife qu'ils repréfeiuoient , puifqu'elle devoit s'exccutcr dans tous les
tems jufqu'à la fin du monde.
AulTi eft-il vrai de dire que Jefus-Chrifi: eft toujours préfent dans l'Eglife , non
feulement d'une manière fpirituelle par toutes les grâces qu'il y répand fans cefle , &
d'une manière réelle & fubftar.tielle quoiqu'invifible dans l'augufte Sacrement de nos
Autels , mais qu'il y rend fouvciu fa préfence fenfible par des Miracles , fur-tout dans
les tems orageux oii la Vérité eft couverte de nuages.
Quelle confolation pour les Catholiques d'avoir vu de Siècles en Siècles l'accom-
plifTement de cette promcfTe depuis Jefus-Chrift jufqu'à préfent ! Quelle fatisfaftion
pour eux de voir que le S. Efprit qui a d'abord établi l'Eglife par les guérifons Mi-
raculeufes , a toujours continué depuis de leur donner ces marques admirables de fa
préfence & de fa protedion , tandis que tous ceux des Juifs qui ont refufé de fe fou-
mettre à l'Evangile , & tous les Hérétiques qui en ont abandonné les dosâmes & la
doftrine , ont été totalement privés de ces faveurs Divines ; & que depuis l'incréduli-
té des uns &: h défertion des autres , il n'y a eu de leur côté que des preftiges , des
phantômes , & tout au plus quelques prodiges où la griffe du démon étoit facile à ap-
percevoir, pour peu qu'on l'examinât attentivement.
Avant que les [uifs enflent été retranchés de l'olivier franc , les guérifons Miracu-
leufes étoient un "ligne comme fubfîftant au milieu d'eux , témoin celles qui fe faifoient
JeanV. z. V j^ pjfcine appellec Bethfaïdc. Mais depuis leur réprobation elles ont totalement ceffc.
Otig.Lib. „ Nous voyons les Juifs entièrement abandonnés , dit Origene : ils n'ont plus rien de
î^ >?""i „ ce qu'ils avoient autrefois, qui ctoit digne d'admiration, rien qui puiffc faire voir,
„ que Dieu eft avec eux ; car ils n ont plus ni Prophètes m Miracles.
Si le démon avoir la liberté d'opérer des guérifons qui paruffent de vrais Miracles ,
avec quel empreffement n'en auroit-il pas fait pour autorifer le culte de la Sinaguogue,
après qu'elle a été réprouvée ? Cependant depuis l'établiffement de la Religion plus
de guérifons Mii-aculeufes chez les Juifs.
Il n'y en a pas eu davantage chez les Hérétiques, & ils ne fc font eux-mêmes vantés
que d'avoir eu des vifions , d'avoir entendu des voix , & de quelques autres preftiges
de pareille trempe, que néanmoins quelques-uns d'entre eux , entr'autres les Gnoftiques
& les Donatiftes, décoroient du nom de Miracles; mais qui n'étoient réellement que
de vains preftiges, & des illufions diaboliques , ainfî que S. Auguftin l'a prouve con-
tre ces derniers." ' '
AutVi k fvvant Cardinal Bellarmin nous donne-t-il comme un fait & une régie fan»
BcUirinU». exception . que. quoique ..les faux prophètes & les Hérétiques aient fouvent tâche
£ctlcf.c.i4. „ de faire des Muacles, il eft certain qu ils ont. toujours cte trompes dans leur elpcran-
,,'ce", le démon n'ayant: jamais pu réulfir à leur tenir celle qu'il leur avoir donnée.
Dt faljîs Propheiis C^ b'ereticis non minus cfl ctrtMm eos , (ir f'pe miracttia fACere co/iatos ,
tr femptr ffc fitÀ fffe frujlratos,
N'cft-cc pas là une preuve palpable & invincible, que le père du menfonge n'a ja-
mais pu obtenir la permilVton de fabriquer des guérifons qui euffent l'air d'ctre Mira-
cnleufes ? Car s'il avoit eu cette liberté, n*auroit-il jamais fait cit forte par qu^-Iquc
fobtil artifice , que les faux-prophéics *: les Hcrétiquo auroient paru faire des Mira-
cles?
ET VN- TEMOIGNAGE NON E'QVIFOQVE. «j
clés ? Mais Dieu n'a eu garde d; le permettre , parce qu'il vouloit que Us Miracles Dissert.
fufTent M»e des marques diflinttives de la véritable £?/«7?, ainfi que l'obferve au même en- ^""^ ï-'aut.
DES MIR,
droit ce Cardinal aulTi illuftre par fa fcience que par fa grande piété: NotA (Ecclejîa) eji
gloria miraculornm ,, fur quoi C ajoute-t-il tout de fuite ) il y a deux principes fonda- ^°^'
„ mentaux à obferver : l'un que les Mirachs font néceflaires pour perfuader une foi
„ nouvelle ou une milTion extraordinaire : l'autre , qu'ils font efficaces & fuffifans pour
„ cet effet." Snnt autem duo fundamema prar/iittenda : urtum^ quod miracuLi fitnt m-
cejfaria ad novamfidem vel extraordinariam mijjioncm ferfiadendam : alternm , qHodJini
efficacia & [ufficientia.
Mais fi les Miracles bienfaifans , les Miracles proprement dits , font cffcaces (Jr fuffi-
fans , . . pour perfnadsr fine foi nouvelle , & fi c'eft en effet par les Miracles de guéri-
pas mettre i nomme aans la necejjite ae conciurre çy ae jmvre une Penfées de
faufeté ? ainfi que l'obferve M. Pafcha). „ C'eft , (ajoute-t-il) ce que Dieu ne |^^-P«[«-^"
„ peut faire, & ce qu'il feroit néanmoins , s'il permettoit que dans une queflion ob- n.ig."
„ fcure il fe fît des Miracles du côté de la fauffeté . . . Les Miracles (dit-il encore)
,, ont fervi à la fondation, & ferviront à la continuation de l'Eglife jufqu'à l'Ante-
„ chrift , jufqu'à la fin. "
Voici encore un autre Témoin bien refpeftable , qui va nous attefler que toutes les
guéri fins extraordinaires , admirables rij" contraires au cours de la nature^ ne peuvent être
opérées que par la vertu Divine: que Dieu n'accorde ces merveilleufes guérifons qu'a la
prière & en faveur de ceux qui ont la vraie foi , & qu'il ne s'en eft jamais fait aucu-
■»e, ni chez, les Idolâtres, ni chez, les A-îahometans , ni parmi les Hérétiijues , ni chez, les
Juifs depuis leur réprobation quoiqu'auparavant les Miracles les euifent continuellemeat
accompagnés.
C'efl S. Bernardin de Sienne , ce gi-and ferviteur de Dieu qui a lui-même fait un fi
grand nombre de guérifons Miraculeufes pendant fa vie & après fa mort.
„ La fermeté de la foi eft , ^/f-i/ , fondée fur l'évidence & l'éclat des Miracles. Auffi i.serm.ftr
„ n'en a-t-on jamais vu chez aucune Nation Idolâtre, ni dans aucune Sefte , mais uni- •■if«'n'««J=
„ quement parmi ceux qui ont une roi Chrétienne, laquelle a toujours ete acccmpa- i.p.6.
„ gnée & fuivie par des Miracles ... En eff.t nous voyons d'abord, qu'il s'en eft
„ opéré une multitude merveilleufe dans la Nation des Hébreux (dont les Saints avoient
,y une foi vraiment Chrétienne, puisqu'ils mettoient toute leur efpérance dans le Meilîe
„ qu'ils attendoient) . . . Les Miracles n'ont abandonné cette Nation, qu'après qu'el-
„ le a elle-même abandonné la foi. Mais alors les Miracles ont palTc avec h foi, en
,, la perfonne des Apôtres, & des autres fidèles de la Judée, à l'Eglife Chrétienne
„ compofée des Juifs & des Gentils : & grâces à Dieu , il s'y en eft toujours fait de-
„ puis ce tems jufqu'à ce jour. Ainfi les Miracles fuivent la foi , & ceflent dès que
„ la foi manque, parce qu'ils font des témoignages de la foi, & des effets infépara-
,, blement unis avec elle. Aufïi ni les Idolâtres que nous appelions Payens, ni les Ma-
„ hometans qu'on nomme Sarrafins, ni maintenant les Juifs, ni les Hérétiques, n'ont
„ point , & n'ont jamais eu aucun Miracle dont ils puiffent autorifer leurs loix ou leurs
„ Seâes. Or on appelle Miracles , les opérations extraordinaires & admirables qui
„ par conféquent ne peuvent être produites que par la puiffance de Dieu , telles que
,, font la réfurreâion de morts, de rendre la vue à des aveugles, de guérir des lé-
„ preux, & autres Merveilles de cette forte: toutes chofes qui ne peuvent être exé-
,, cutées que par la vertu Divine. C'eft pourquoi toutes ces Merveilles font divers
„ témoignages de Dieu : &: mém.e h foi Chrétienne n'a été reçue que fur ces témoigna-
„ ges Divins , c'eft à dire que c'eft par les Miracles qu'elle a été confirmée. " Fidei
' P a fr-
U6 LES MIRACLES SONT LA VOIX DE DIEV
T>issinT.firmit/lS eft miraculorum limpiditas ftve daritas. NulU nempe gens ^ »Hlla feiia mirucuU
ivo-t-'f^^-rhahet prêter Chrifiianam jidem, (juam femper cj- comituta fmt miracula & fecuta. Nam
• lsmir. f^ .g„f( ffebritorftm mirabilittr multiplicara . . . donec ipfa defcruit veram fidem. Tune
tnim cum ipfà fide in ApofteUi atcjut aliis in yitdtek credentibus tra^flatu ftnt in b ccUJiant
ex Judtis er Gemihus congregatam , ac per Dei grntiam ufqHe in hodiernum diem perfevC'
rant tn illà ; ita ut eâ pofità videantnr etiam miracnla pojita , atqnt eà remotà videantur
MiracuU removeri ^ ut ejHofi fint ipfius fidei tejlimonia, & effeSlus infeparabiUs , (jr conco-
mitantia ilLtm. Nec tnim Idolâtra <jhos PagAnos vocamus , nec gens AJahometi ejuos dici-
mus S^r.iccnas , nci^fte nunc Judxi , necjue Hcretici legitm ac fect.irum fuArum unejiMr»
alicHod miraculum h^bent . . . MitacmU aiitem appelLimus virtmis follus Dtvin<e infoli-
tAs' operationes , dtcjue mirandas curfuique nature non conformes, cjuaUs utiqut fimt [ufci-
tMiones mortuorftm, illuminAtiones CéCcorum , mundationes Icproforum ^ & conjimilia : qu<C
cmnia nijt virtttte divinà fieri non pofunc ; proptereà & varia Dei teflimonia Junt , nec qui-
ttent Chrifiiana recepta eft fides , nifi divinis teftimoniis , ideft miraculis confirmata.
Ebranler l'Autorité des Miracles, en fuppofant que Satan peut les imitek- de manière
qu'il eft très difficile de difcerner, fi des gucrifons Miraculeufes font l'ouvrage de Dieu
ou du démon, & en conclurrc que leur témoignage eft fouvent équivoque, c'eft donc
félon ce grand Saint, ébranler h fermeté de la foi, qui eft fondée fur r évidence ©- L'é-
clat des AfiracUs : c'eft donner un prétexte à tous ceux qui veulent fe fouftraire à ce
Témoignage Divin ^ de les confondre avec les illufions diaboliques; c'eft en quelque
forte vouloir arracher des mains de l'Eglile le préfent intîniment précieux que lui a
fait Jcfus-Chrift, afin qu'elle eût perpétuellement des marques diftinftivcs, furnatu-
relles & vifibles, qu'elle feule pofféde la foi dans toute fa pureté & dans fa plénituie.
.. „ j ^ Rien n'eft plus frappant que ce q'ii eft dit des Miracles dans la Bulle de Canooifa-
t5ullc de v-â* f ^ ^ *.,.', /- j 1 ^r
no.:iration tiou du Pape Innocent IV. qui lui-mcme en ht un grand nombre après la mort.
«occnfiv"" >i ^ 'ef^ pa"" 1" Miracles, dit cette Bnlle , que la foi Catholique fe conferve malgré
M/pôr'tecpar ^ toutcs les atteintes qui lui font portées : c'eft par les Miracles que l'obftination des
H'A.mach. " Juifs eft couverte de honte, que les erreurs des Hérétiques font confondues, & qiie
", l'i'^norance des Payenseft forcée de regarder ces Mervdlles avec étonnemcnt." Co»-
'•valc/cit ex iftis {miraculis) fides Catholica, Jndœorum pertinacia erubefcir , confunditur
Hereticorum fallacia , & obftnpefcit ignoramia Paganorum.
Sur quoi l'Archevêque d'Armach qui rapporte la Bulle, s'écrie: ,, Que notre Mè-
re la Sainte Eglife foit donc remplie de joie d'avoir des preuves fi convaincantes
pour fortifier fa foi ! Que les perfides Juifs demeursnr muets dans leurs téneljres. . .
" Que l'infidélité des Payens tombés dans l'cndurcifleiTient, nofe ouvrir la bouche!
', S'ils ne veulent pas ajouter foi aux parol:s Evangcliques & Apoftoliques, comment
*', peuvent-ils refufer de fe rendre à des Miracles vifibhs? Tandis que pi ifieurs Rois
des Gentil; & autres PuilTinces qui les gouvernoient , lesquels n'avoient pu être
vaincus par aucune raifon, ont été confondus & terrafles par ks Mincies, & ont
',', baiflc le cou fous le joug de la foi. Et telle eft la puiftince des Miracles qu'un
„ ca'ur ferme à la juftice, change & parvient au falut par la prace que répandent ces
„ Merveilles Divines! Et il n'y a aucune Scfte parmi les Infidèles, qui fe glorifie
d'avoir cette grâce, que rE"lire Mère des Chrétiens pofféde vifiblcmcnt & d'une
„ manière maniftfte. Et ce n'eft pas fans raifon que la Providence Div ne a réglé,
„ que ce fût principalement ap>cs leur mort, que les Saints lillent des Miracles, afin que
„ ce fur une dèmnnftration (xprefTe, c\u^ la mémoire de ceux par l'intercelfion dcqui
•„ le Scii^i.eur fait de tdLs Merveilles, eft en bènèdiftioH: " Ltteiiir ergom.uer Ecclc-
fiA qué habei nnde projiciat , certijjima argument,*, Conticcfeat in tenebris JuiUica ptrfidia,
, . . P^^.nwru/K eti.xm obtur.v.i irtjiiielitas obvfHtefcar , qu.t , ft verbis Fvangelicis ^ jipo£-
ttlidl non vhIs çrederc , qnarç f,iltcm abhorrtt Hgnis vijibiliùui aMuroc f AluJti tnim rc-
£r VN TE'MOIGNAGE NON EQVIVOOVE. wj
get gentium ô' alii qm dominant ttr , qui ratiorte vinci non foterant ^ miraculis confutati , Di^sert,
colla fad jiigo fidei fttbdidernm : (jr hac ejl prarogativa Jtgnorum , m quod corde non credi- ^"^ l-aut.
tur ad jhjiitiam , gratta fignorum provehM ad falutem ; (jr hanc gratiam nulla Seila quo- °" ""''
runtcumqtte infideliuKi Je gloria-Kr habere , quam Chrijiianorum mater Ecdejia , manifef-
te o.hIo adocHlum mfihttr fojjîderej t^ non fine caufà divina provident ia fie providit , Ht
in fanElis fuis poft mortcmfignornm gratta plus abundet,ttt demo^iflraretur exprejfe qtiod eo-
rtif» memoria in benediElions efl , per qaos Do.ninHS talia operatur.
Combien ne font donc pas coupables ceux qui fe révoltent contre une Décifion pré-
cife faite fur ce fujet par une multitude de Miracles, & qui ofent juger & publierait
contraire, que la me'moire du S. Diacre François de Paris, par le moyen duquel le
Souverain Juge a fait & continue de faire depuis environ 20 ans un grand nombre de
pareilles Merveilles, eft un objet de malédiiftion !
Guimond Archevêque d'Averfe, Auteur ancien & très vénérable, va jufqu'à dire Galm, Li»,
que „ ceux qui refufent de recevoir les Miracles, fe déclarent les ennemis de l'Egli- corpVfan'.
„ fe: car, ajoute-t-il, c'eft principalement par les Miracles qu'elle s'eft établie, ré- i^om. cite''
„ pandue & fortifiée. Ainii détruire les Miracles, qu'eft-ce autre chofe que vouloir Hoflus^^Hrcl
„ renverfer l'Eglife autant qu'il efl en foi : " Oitod fimiraculanonrectpiunt ^ hoJïesEclefia '^.'^ auCon-
fe déclarant : Ecclefia enim miraculis qaam maxime (^ propagata (^ adulta. Ottid denique te , de Trad'
efi aliptd miracula cajfare , nifi Ecclefiam quantum in je efl attferre. \i\xa\. foi.
Voilà une terrible fentence contre ce. x qui font tous leurs efforts pour annéantir les 1661,
Miracles, que Dieu fait à préfent parmi nous. Selon ce très refpeârable Auteur c'efl
de leur part fie déclarer Les ennemis de l\^ ^.:fie , c'efl vouloir Li renvcrficr; parce que les
Miracles font fa lumière , fon fondement &: fa force.
,, Tous ceux qui ne font point aveugbv , dit le Cardinal Bcllarmin , jugeront avec Erllarm.
„ facilité , que la fplendeur des Mirarks & la lumière prophétique font comme deux j'^JioPf ' *
„ yeux d'une beauté & d'une clarté charmante, qui brillent dans le corps de l'Eglife
„ & qui par leur éclat jettent des rayons par toute la Terre. Nous trouvons nous-
,, mêmes par la bonté de Dieu un plaifir infini en la contemplation de ces deux yeux ,
.,, & par cette vue nous nous fentons enflammés toujours de plus en plus d'amour
„ pour la beauté de l'E-^life Catholique:" Splendorem miraculorum cJ- lumen prophe-
ticttm quafi duos ptdcberrimos ô" clarijfiimos oculos in corpore Ecclefiic eminere , f^ orbem
totum finis fulgoribus illuftrare , omnes , qui prorfius coeci non fiant , faciïe judicabunt. jéc
nos quidem Dei benignitate in horum oculorum comemplatione vchementer deleclamur , (^
per eos in amorem pulchritudinis Ecclefi<e magis ac magis fiemper rapimur.
„ Entre les plus grands dons du S. Eforit, dit le Vénérable Pierre Aîaurtce Abbé de Per. ^'isaj\f,
,, Clum, le don gratuit des Miracles n'efi: pas des moins confidérables, parce qu'il ''''''""'g''*'
„ contient en lui-même une Ci grande luilité. Car c'efl: princip.ikment par ce don , Patr'.' Tom. '
„ que le monde a été délivré des ténèbres de l'Idolâtrie, & c'efl ce don qui l'a grati- ^^i ^^ "^'''
„ fié d'une lumière éternelle."
„ Encore aujourd'hui c'efl par ce don que la foi efl augmentée dans le cœur Je
„ beaucoup de fidèles, lorsqu'ils voient des Miracles: c'efl par les Miracles que leur
,. efpérance s'accroît : c'efl par les Miracles que la V e r i t e' efl c o n f i r "i e'e.
Cura inter Spiritus SanBi char:fi>nata , gratia miraculorum non parvam oùtinet dignita-
tem , ut pote qua tantam in fie continet utilitatem, ut maxime per illam & mtmjus ab in^
fidelitatis tenebris Ubera^us , c^ aterno lumine donatus fit. Et adhuc in multorum fidel::{r&
cordibus, qui bu s aUqu^ndo hoc vider e datur , per eam fides augtatHr^ fipes creficat , V Ë-
RITASCONURMETUR.
En effet c'efl en ps'-de par les Miracles que la pureté de la foi doit s'y maintenir Juf-
qu'à. la fir du monde. Car les Miracles fiuivent la foi , ainfi que le dit S. Bernar-lin de
Sienne: ils fiorn des témoignages de la perfcLlion de la fioi ; ils font dcf ejfet's ir.fiépara'jk-
P 5 meut
Il8 LES MIKACLES SONT LA VOIX DE DIEV
DinsRT. fftcHt unis avec elle. Ainfi lorsqu'il y a des conrradidion? dans le feir» de l'Eglife, c'cft
oRL'AUT.jg^jjp^,j.ç jjj <-5t(i où Dieu fait éclatter des Merveilles, que fe touve la pureté de li
>t»MiR. ^^. ^ 1^^ Miracles en font un témoignage, auquel il n'eft pas permis de rcllfter.
C'eft aulîî ce que dit Louis Richeome dans fon Difcours fur les Miracles, impri-
me en 1599.
Ch.41. 0. 3. ^^ jj j^g j-g pçm fji^ç qyç ]ç Miracle ne foit une voie aflurée pour connoitre la Vért-
ni'oii h Miracle fe trouve , illec par abfolue conféqucncc ne foit la foi & Il
j>
B. X.
S.Tt<n. Lib. Ils
z. cap. ai.
Il
„ te, & qi
„ vraie Eglifc de laquelle le Miracle eft une marque infaillible,"
IbiJ. ch. \. ^^ Le ^iiracle, dit-il encore , eft un elTai extraordinaire de la puiffancc de Dieu, im
*' ^' „ efltt furnaturel, une faillie de la Divinité, un témoignage du Souvenin, une attef-
,, tation de Suprême Autorité, un trait de Maître de la nature, tire par deffus & au
,, delà des limites de la nature, & donné pour la manifcilation de la gloire de Dieu
Ibid. ch.i». JJ &■ pour le bien & l'utilité de fon Eglife. (D'oii il conclud que les Miracles font)
"■ *■ „ la plus forte pièce de deffenfe que nous ayons & qui puilTe être en l'Eglife, quand
,, il eft queftion de prouver clairement & fans réproche une Vérité. Car, ajoure- t-il ,
„ lorsqu'un Miracle parle en faveur de quelque chofc, Dieu parle: & quand Dieu
„ parle, qui ofcra contreparler? "
Auftî tous ceux qui font inftruits de l'Hiftoire de l'Eglife , favent que c'a été prin-
cipalement par l'Autorité des Miracles, que les Chrétiens des premiers Siècles ont
terrafle les Héréfics qui fe font alors élevées. Ils n'ont ceffé d'objeder aux Hérétiques
que dans leur Sede il ne fe faifoit point de guérifons Miraculcufes: & dans tous leurs
Ecrits ils ont pofé pour principe, qu'il n'y a que Dieu feul qui puifle en faire.
ont prouvé la vérité des Miracles de Jefus-Chrift pendant fa vie mortelle, par
"''•■"■ ceux qu'il continuoit de faire dans l'Eglife depuis qu'il eft alTîs à la droite de fon Pé-
SGreg. re. C'eft par cette démonftration qu'ils ont établi la Divinité du Fils & celle du S.
Njz. orjt. Efprit. Si le démon peut contrefaire les Miracles, que devient la preuve fur laquelle
de Spir'^!' font fondés les principaux articles de notre foi ? Qiie devieianent les raifonnemens des
c. .6 s. Pérès de l'Eglife?
N'/I'catech. Entre autres S. Trénée ne fe hfte point d'oppofer aux Hérétiques les Miracles de guc-
*• '*■ rifon, pour leur faire fentir la différence qu'il y a entre les Merveilles falutaircs de la
Bonté & de la Toute-pui (Tance Divine, &■ les preftigcs de Satan, qui ne font que des
illufions , dont le méprifable artifice n'eft nullement comparable à la réalité bienfaifantc
des guérifons Miraculeufes.
S iren. Lib. „ Les difciples de Simon & de Carpocrate , dit ce S. Marijr , & peut-être encore
'' i**' ''' 3> quelques autres p:iflent pour opérer des chofes merveilleufes : mais il eft aifé de ftire
„ voir, que ce qu'ils font, ce n'eft point par la vertu de Dieu & d'une manière folide
„ & réelle , ni pour procurer aux hommes aucun bien , mais au contraire pour les fai-
,, re périr & les tromper par des illufions magiques & par toutes fortes d'impoftures,
„ bleffant plutôt que de guérir ceux qui ont le malheur de les croire. Car ils ne peu-
„ vent rendre la vue aux aveugles , ni l'ouïe aux fourds : ils ne peuvent guérir ni \îs
„ malades, ni les boiteux, ni les paralytiques,* ni ceux qui font affligés dans q-iclquc
Ibid. D. j „ partie de leur corps que ce foit. (D'où ce S. conclud) qu'il n'y a chez les Hcréri-
,, ques que tromperie, féduftion Si illufions magiques, pour trompei- les hommes
„ d'une manière impie : au heu qu'on trouve dans l'Eglife des guérifons folid-s ("^f
„ réelles , qui font les effets de la compaflîon Se de la milericordc de Dieu pour les
,, hommes. '
Super hoc arfr^Hentur (jui fiirtt .1 Simone & Cvfocrate^ & fi qui alii virtutcî cpcrarl Ji~
tmmur , non in virtute Dci , >icqite in ver it Aie , ne^ttc ut henefici hominil'HS facien es e,t
tjtu faciwit , fed in perniciem & errorem per mA^icui iVu-fioncs à' U'iivn-f.i jhtudc plus Ice-
dt*ttes ijuam utilitatcm prafittntts his qui crcdunt eis in co quod fiducant : nec enim cacis
po^unt
ET VN TE' MO IC NAGE NOM E'OyrrOOJJE rip
poffunt dare vifttm ^ neque furdis Auditum^ mqtte débiles ^ claudos aut paralyticos curare Dissert.
vel alià c^tiàdan* parte corporis vexât os. surl'aut.
Ottando igiinr apud eos quidam error cir fid/dïio cr magica phantajîa in fpectdattt homi- °^^ ""**
num fiât : i» Ecclejià autem miferatio & mifericordia & firmitas cr veritas ad opitulatio-
nem hominum.
Dans le Chapitre fuivant S. Irénée oppofe encore les Merveilleufes guérifons qui
fc faifoient dans l'Eglife Catholique, aux preftiges & aux illufions magiques des Hé-
rétiques, qui n'étoient d'aucune utilité, & qui le plus fouvent ne duroient que pendant
quelques minutes.
S'il s'étoit jamais fait des guérifons vraiment Miracleufes , ou même qui euflent pa-
ru telles, foit chez les Hérétiques foit chez les Payens, S. Irénée, plufieurs autres
Pérès & Ihiguliérement les Apologiftes de la Religion , auroient-ils ofé foutenir fi affir-
mativement , que ces guérifons font une Merveille Divine qui ne s'opère qu'en faveur
de rCglife, & que les démons ne peuvent contrefaire ? Mais ils fe fondoient fur la no-
toriété publique , que cela n'étoit jamais arrivé, & fur cette parole de l'Evangile :
„ Perfonne ne peut faire des Miracles . ., fi Dieu n'eft avec VxwNemo potefl h^c Jigna, ]zi\x Ili. a.
facere .... nijt fuerit Deus cttm illo,
C'eft ce qui faifoit dire à tous les Saints, premièrement, cjiie les guérifons Miracu-
leufes étant un don du S. Esprit, & une continuation de celles par lefquelles Jefus-
Chi-ift a prouvé qu'il eft le Fils de Dieu : fecondement , que ces dons n'étant promis
qu'à ceux qui croiront tous les dogmes & les maximes de l'Evangile : enfin , que n'é-
tant accordés que pour futilité de l'Eglife, afin que dans les tems de ténèbres & de di-
vifion, les plus fimples fidèles puiffent difcerner par la clarté de ce flambeau célefte,
de quel côté eft la pureté de la foi ; il n'eft pas poflîble que Dieu permettrai Satan de
copier de tels Miracles pour autorifer l'erreur.
Car les Miracles ne fervent pas feulement à réfuter les Hérétiques qui ont fait fchis-
me , avec l'Eglife : leur Décifion eft également forte contre ceux qui , quoique faifant
profeffion de fa Communion extérieure, féduifent les Catholiques par quelque faux dog-
me, ou par une morale relâchée & contraire à celle de l'Evangile.
C'eft pour ceh que Jefus-Chrift a promis à fon Eglife de l'éclairer par la lumière
des Miracles jusqu'à la fin des fiécles; parce que cette lumière n'étoit pas feulement
nécelfaire au commencement de rétabliflement de la Religion, pour retirer toutes les
Nations des ténèbres de l'Ido'atrie , mais qu'elle l'eft auiïi pour faire clairement con-
noître aux cœurs droits où eft la Vérité , lorsqu'elle fe trouve couverte de nuages
dans le champ même du Seigneur , & que l'abus de l'Autorité fe pare de lès dehors
toujours respeétables & très capables d'en impofer aux fimples.
Ce qui arriva au tems de l'Arianifme eft entre autres un exemple bien frappant du-
befoin qu'a quelquefois la Vérité d'être foutenue dans l'Eglife par l'Autorité Divine
des Miracles.
Perfonne n'ignore les terribles ravages que cette Hèréfie fit pendant fi long-tems dans
la Communion Catholique : que le plus grand nombre des Evêques s'y laiflerent fédui-
re: que h Pape Libère fouscrivit une formule des Ariens de parut approuver leurs er-
reurs ; lesquelles furent autorifées par quantité de Conciles &: entre autres par ceux de
Rimini & de Seleucie , qui étoient fort nombreux. Mais Jefus-Chrift qui a promis
de ne point abandonner fon Eglife , vint à fon fecours par les Miracles , qu'il opéra par
le miniftére de S.Antoine & autres Saints, & fur le Tombeau de quelques-uns de ceux
qui avoient deffendu la Vérité avec plus de zèle.
. En vain la multitude des Evéques qui tenoient le parti de l'-Arianifme fe récrièrent-
ils, lors des premiers Miracles, que la Caufe étoit jugée, que l'Eglife l'avoit authenti-
quement décidé par plufieurs Conciles appuyés de l'Autorité du Pape & du confente-
ment
tio LES MIRACLES SONT LA VOIX DE DIEV
Dissert, ment prcTumc de prefque tous les Evcques Catholiques, n'y en ayjnt eu effeflivement
suRL *"T,^^j.jj|^ ^|.Vj jjj nombre qui ofcrent réclamer ouvertement pour la vraie foi: en vain ob-
jeiftérent-ils qu'il n'eft pas permis d'oppofer de prétendus Miracles à une Décifion de
l'Eglifc; Dieu ayant continué d'en faire, les Ariens furent enfin terraflcs par cette Dé-
cifion Divine.
Il cfl: même bien remarquable, qu'il n'y eut qu'un petit nombre d'Evêques entière-
ment livrés aux plus grofliéres erreurs de l'Arianifme, qui eurent h témérité de dire,
que les Miracles faits en faveur des Catholiques, étoient un effet de la magie & une o-
pération du démom.
Ce fut par exemple , par cette fuppofition impie , que les Evéques Ariens qui
croient avec Huneric Roi des Vandales , empêchèrent que ce Monarque ne fût touché
du Miracle fait par S. Eugène , qui rendit fur le champ la vue à un aveugle nommé
Félix , en faifant le figne de la Croix fur fes yeux ; ainîî qu'il cfl rapporté par Vic-
tor Evéque de Vite, dans fon fécond Livre de la Perfécution de Vandales. Voici fes
tQrmes.
De Mtffc. Vexillo criicis confignat ochIos ejus. Statim cœcus vifum , Domino reddente , recipit. . .
Viai.Uh.z. Statim nuncius pergit ad Ty.xnmtm. Rapitur Félix: inquiritur ab co quid failftm Jit ^
*"■ "*'■ cjualiterejHe receperit lumex. Dicit ille ex ordine tomm , dicuntqite Arianorum Epifcopi :
Hoc Eftgenius per maleficia fecit.
Le très grand nombre des Evèques, qui pour faire leur Cour aux Puiflances favori-
foient feulement l'Arianifme fans en embrafler les erreurs les plus monftrueufes , n'eu-
rent pas le front de proférer un tel blafphéme , capable d'ébranler un des principaux
fondemens de la foi : & quoiqu'ils ne iupportaflent qu'avec une peine extrême , que
l'Autorité lïnpofante de leur grand nombre fût ainfi terralfèe par ces Miracles, ils n'o-
férent néanmoins les attribuer au démon , du moins d'une manière précife , & ils fe ré-
duifirent prefque tous à nier les faits & à chicanner fur leurs preuves.
Apprenons d'eux, que les guérifons furnaturelles font des Miracles décififs, des
que les faits font certains; & confelfons de cœur & de bouche ce que les remords de
la confcience leur faifoit fentir dans le fond de l'ame , que Dieu opérant des guérifons
Miraculeufes par l'interceflîon de ceux qui avoient foutenu la doctrine oppofée à la
leur, condamnoit vifiblement leurs nouveaux dogmes , leurs Conciles , leurs formu-
les , & la fonfcription tant vantée qu'en avoit fait le Pape & le plus grand nombre des
Evéques.
Le principal objet des Miracles cft d'inftruire les hommes de ce qu'ils doivent croi-
re : ils font la voix par laquelle le Très-haut nous le déclare en Dieu , en le prou-
vant fous nos yeux par des effets de fa Toute-puiffance ; & c'eft fur-tout dans les
tems où l'erreur armée du pouvoir des Puiffances féculiéres & de l'apparence de l'Au-
torité des Puiffances Ecclèfîaftiques, couvre la Vérité d'épais nuages, & en opprime
les deflènfeurs; c'eft, dis-je, fur tout dans ces tcms que jcfus-Chrift du haut de fa
gloire fe plaît à manifefter par des Miracles de quel côté eft" la foi parfaite , à laquelle
il les a promis.
Jean, XIV. „ En vérité, en vérité (nous dit-il lui-même) celui qui croit en moi fera les œu-
'*• „ que je fais. " Ame» , amen dico vobis y qui crédit in me opéra qux ego fach ()■ ipfe
faciet.
Que cette promeffe eft confobnte pour ceux qui mettent toute leur confiance en fon
fecours ? Car il eft bon d'obferver que croire en Jefus-Chrift n'eft pas feulement croi-
re Jcfus-Chrift ou croire à jcfus-Chrift.
Croire Jefus-Chrift , ce n'eft que le reconnoitre pour le Fils de Dieu. Croire 1
Jefus-Chrift , c'eft feulement ajouter foi à tout ce qu'il nous a révélé. Mais croire en
Jefus-Chrift , c'eft fonder en lui toute notre efpérance, comme en l'auteur de notre
filut
•ET VN" TÊ'MOIGNAGE NON rOVlVOOVE. m
falut par les mérites de fon facrifice & par l'efficacité de fes grâces. Auflî ce n'efl: Dissert;
qu'à ceux qui font pénétrés de ces fentimens qu'il a promis les Miracles , parce que*"'^'^'*"'^'
les Miracles font une trace de lumière , deftinée à faire difcerner dans tous les Siècles °^' ""^'
ceux qui defF>rndent l'intégrité des dogmes de la morale Evangelique , de ceux qui les
altèrent.
cette
prié ... „..,.....
„ preuves mêmes fe trouvent obfcurcies par les paffions ou préventions des hommes; '" ''«'»'-««•
„ que les Vérités les plus certaines en elles-mêmes , fe trouvant combattues par des nez^c.''îes'*
j, gens accrédités , paroiflent douteufes ; & que le peuple fe partage entre le culte du '^^'"^ ^*-
„ vrai Dieu & celui de Baal : c'eft alors que les Miracles que Dieu opère quelque- ^^"'^ ''*
„ fois en faveur d'un des deux partis , font connoître de quel côté eft la Vérité. La
„ MtracUi difcernent aux chofes domenfes , dit fort bien M. Pafchal. C'efl: l'état où
„ eft l'Eglife: un état de doute fur ce qui eft en foi le plus certain. Les plus impor-
„ tantes Vérités de la prédeftination , de la grâce , de la morale Chrétienne , fi bien è-
„ tablies dans l'Ecriture & dans la Tradition, fe trouvent combattues depuis long-tems
„ dans le fein même de l'Eglife : elles y ont été obfcurcies , défigurées , altérées. La
„ Bulle VnigenitHs appuyant le mauvais parti, a jette de nouvelles ténèbres encore plus
„ cpaifles. Ces grandes Vérités fi certaines en elles-mêmes , font devenues pour les
„ peuples douteufes & problématiques : on s'efforce même de les faire regarder com-
„ me des erreurs. Ceux qui foutiennent ces Vérités fans altération , & dans toute leur
„ étendue, ne font écoutés que par un petit nombre, rejettes par les autres, perfécu-
„ tés & condamnés par ceux qui font les dépofitaires de l'Autorité la plus refpeftable
',, en elle-même, mais dont ils ufent mal.
„ C'eft dans ces circonftances, où le mal paroît à fon comble, que Dieu vient au
„ fecours par des Miracles grands, èclattans , certains & nullement fujets à illufion,
„ qu'il a opérés au Tombeau de M. de Paris , par où félon la parole de M. Pafchal ,
„ il difcerne aux chofes douteufes : ce qui s'entend non des chofes douteufes en elles-
„ mêmes , mais devenues douteufes par rapport à la plupart des hommes : comme du
„ tems d'Elie il étoit devenu douteux, à qui le culte fuprême ètoit dû, à Dieu ou à
„ Baal. XJfquequo claudicatis in duas partes ? Les Miracles de M. de Paris qui prou-
„ vent non feulement la fainteté éminente de fa vie , mais la pureté de la doârine à la-
„ quelle il étoit attaché, difcernent ici & lèvent le doute."
Quant aux Convulfions , M. Petitpied difoit alors dans la même Lettre, que c'eft
3, une efpéce de voile, dont Dieu couvre fon œuvre & l'éclat de fes Miracles à l'é-
„ gard de ceux qui ne font pas dignes d'être éclairés , & qui prennent occafion de ce
„ qu'il y a d'obfcur dans cet événement , pour révoquer en doute ce qu'il y a de plus
„ clair & de plus certain dans les Miracles. Pour moi, ajoute-il , je crois au contrai-
„ re, que l'équité &: le bon fens demandent qu'on juge de ce qui eft obfcur &
„ douteux , par ce qui eft clair & indubitable. (Ainfi) on doit juger des Convulfions
„ par les Miracles. . . Je crois que c'eft une efpéce d'énigme , dans laquelle il faut
„ réfoudre ce qui eft obfcur & douteux , par ce qui eft clair & certain. Il eft clair
,, & certain qu'il s'eft fait, & qu'il fe fait tous les jours à ce Tombeau un grand
„ nombre de vrais Miracles, foit pour la Converfion des pécheurs foit pour la Gué-
,, rifon des malades : & ces Merveilles viennent à la fuite de ces Convulfions. Si
„ ces Convulfions étoient des agitations infruftueufes , qui ne fuffent fuivies d'au-
„ cun bien , elles feroient avec raifon très fufpeftes. Mais celles dont il s'agit con-
„ duifent à un terme heureux & qui marque le doigt de Dieu , à qui il a plû de
Dijfert. 7om, II, - Q „ join-
i;i LES MIRACLES SONT LA VOIX BE. DIEV •
bissERT « joindre cet événement fuigulier aux Merveilles qu'il opcre par rintercelTion du S/
sTjrl'aut.,, Diacre. "
DES MiR. ivhis fi le témoignage des Miracles cfl; exprcffcment promis ea faveur de ceux qui
.VII. métrant toute leur efpcrance en Jefus-Chrift, foutieunent la pureté de la foi : Il la mifé-
^iTpcniK "' ricorde de Dieu s'engage de le donner pour fournir au commun des fidèles dans les tems
iieqaeietc jg difpute & de fcduclion , un moyen à leur portée de diftinguer la Vérité d'avec
S^s'|«nfons l'erreur : fi les guérifons Miraculeufes font une faveur furnaturell: dont Jefus-Chrift
ibî"™ilîv*t' ^ yojlu gratifier fon Eglife, pour la diftinguer vifiblement des Sçiftes: fi fi'eft par l'é-
^ae. ' ° cht des Miracles qu'il a promis d'y rendre fa préknce fenfible jufqu'à la fin des tems;
s'ils ont été fpéciakment h preuve fur laquelle il a voulu fonder la foi de fa Divinité:
fi leur témoignage eft encore au deffiis de celui du plus grand Prophète : fi c'eft i
cène preuve qu'ifaïc nous a annoncé de la part de Dieu , qu'on devoit reconnoître le
Sauveur du monde : enfin, fi le Très-haut nous a déclaré lui-même, que c'eft lui qui
guérit nos maladies ; comment pourroit-il permettre que le démon contrefît parfaite-
ment des œuvres qui portent par de l\ auguftes titres les caradéres de fa Divinité ?
Les guérifons Miraculeufes nous manifeftent la bonté de Dieu , elles nous avertiflènt
de fa préfencc: elles nous dévoilent la Vérité : elle font en même tcms des effets de fa
Toute-puiflance, des preuves de fa miléricorde; le figne qu'il a le plus fouvent choifi
pour nous faire connoître d'une manière furnaturelle & fenfible , que c'eft lui-même
qui nous parle ; & le moyen vifible qu'il a voulu principalement employer pour éta-
blir la Religion , & pour perfuader aux hommes les plus importantes Vérités. Eilcs
neCiv.Dci,/ô«, dit S. Auguftin , des fignes par lefquels li CreMeur s'explique avec une éloquence
L\bz:. ci. £)i-i,j„e^ Comment accorderoit-il à Satan la puiflance de les imiter d'une manière très
°' "' féduifante , lui qui nous ordonne de les regarder comme fon témoignage ? Quoi ! vou-
droit-il donc que fa voix pût être aifément confondue avec le fiflemcnt du diable?
Les Miracles font le motif de crédibilité le plus efficace & le plus proportionné ï
tous les efprits. Mais fi leur témoignage eft équivoque , il n'y a plus rien de cer-
tain dans la Religion , puifque la vérité de la révélation ne nous eft prouvée fenfible-
ment que par les' Miracles & les Prophéties, &: que ks Miracks font la preuve la plus
■ capable de faire imprelTion fur la plupart des hommes. , ^ ^.,-t
Quoi ! celles que Jefus-Chrift a données lui-même en témoignage, qu'il partage
avec le Père le droit de remettre les péchés , qu'il eft dans fon Père 8c que fon Père
eft dans lui, peuvent-elles être incertaines? Non, fans doute. Tout vrai Chrétien doit
confelfer qu'elles font infaillibles, indubitables, & qu'on eft obligé de les regarder
toutes comme telles ; & par conféquent que Jefus-Chrift ne peut jamais permettre au
démon de faire des guérifons qui porteroient les mêmes caradéres que les fiennes ,
puifqu'en ce cas leur témoignage deviendroit douteux , ce qu'on ne peut foutenir fans
ébranler la foi.
Mais fi tous les fidèles difcipks de Jefus-Chrift ne doivent pas balancer à le recon-
noître pour feul auteur de tous les vrais Miracles, dès qu'on voit une guérifon qui
paroît manifcftement Miracukufe , la préfomption doit donc être qu'elle eft une conti-
nuation de celles que le Sauveur du monJe opèroit pendant fa vie mortelle, & l'ac-
compliffement des promefles qu'il a faites en faveur de ceux qui croiroient en lui? Au
lieu qu'au contraire pour attribuer au démon une guérifon, je ne dis pas Miracukufe,
Fuifque tout Chrétien doit ctre convaincu que Satan n'en peut faire , mais qui paroît
être, il faudroit avoir des preuves infaillibles qu'elle eft l'cfftt d'une opération dia-
bolique : par exemple , il faudroit que cette guérifon eût été demandée non à Dieu,
mais au diable, ou du moins qu'elle eût été obtenue par des pratiques notoirement &
conftamment fupcrftitieufis , ou faite en preuve de quelque erreur manifeftc , grotfic-
ET VN. TEMOIGNAGE NON E'OV/FOOVE. nj
re & palpable. Mais je fuis même très perfuadé que cette fuppofition eft purement Dissert.
imaginaire , Se que ce cas n'eft jamais arrive. Car encore un coup Jefus-Chrift cft^""L'*'T-
trop'bon, pour permettre que le témoignage des Miracles puifle devenir équivoque. ■"^^''^^•
Cependant , oh ! funefte effet de notre endurciflement ! oh ! punition terrible de
nos crimes ! on voit aujourd'hui un très grand nombre d'Evêques & de Prêtres &
des Docteurs même Appelhns, faire tous leurs efforts pour diminuer dans l'efpric des
peuples le refpeél, la confiance & la foumiffion que refprit de Dieu leur donne inté-
rieurement pour les Miracles ; & même ofer leur donner pour maxime , qu'il n'y en
a prefque pas que le démon ne puilfe contrefaire : ce qui eft caufe que la corruption
du cœur d'une multitude de Catholiques leur faifant prêter volontiers l'oreille à cette
dangereufe féduélion , ils en viennent jufqu'à ne refpeéter plus du tout les oeuvres de
Dieu, & n'ont plus même aucun fcrupule d'en faire préfent au diable; tandis qu'au-
trefois des millions d'Idolâtres en ont été pénétrés d'admiration , terraflés , convertis
& qu'ils ont hautement confeflc que Dieu feul pouvoit en être l'auteur.
Entre autres Naaman ne fut pas plutôt guéri de fa lèpre , qu'il reconnut à l'inftant
que le Dieu des Juifs étoit le feul Dieu qu'il y eût dans l'Univers. Il s'écrie tout
ti-anfporté au delà de lui-même: Je fit certainement ^ qu'il n'y a f oint d'autre Die» 4'Roi$,V",
dans toute la Terre que celui qui efi dans Ifraèl. "5'
Apprenons de ce Payen , devenu tout à coup adorateur du vrai Dieu à la vue
d'un feul Miracle , qu'il n'y a que le Maître fouverain de la nature qui puiiTe en fai-
re, & que d'ofer les attribuer au démon , eft un plus grand endurciflement que celui
de quantité d'Idolâtres.
Mais combien d'autres Payens ont-ils été convaincus de cette vérité !
En répondant aux fauffes hiftoires citées par M. l'Evêque de Bethléem , je prouve-
rai que les guérifons Miraculeufes ont été reconnues par une multitude prodigieufe d'I-
làtres pour des œuvres que le feul Créateur des êtres peut opérer, & pour des preuves
inconteftables de toutes les Vérités en témoignage defquelles elles font faites.
Sied-il bien à des Catholiques de foutenir , que la preuve qui réfulte des Miracles
eft fouvent équivoque , après qu'une infinité de Payens ont eux-mêmes avoué qu'on
ne peut y réfifter fans étouffer les lumières de fa raifon , & les remords de fa con-
Icience ?
Qu'avons-nous donc fait, ô mon Dieu, pour être livrés à de fi terribles ténèbres ?
Quel crime public, quelle prévarication prefque générale a donc pu leur donner lieu
de fortir ainfi de l'Enfer ? Vous avez autrefois donné une puifTance fi efficace au té-
moignage des Miracles que vous les avez rendus capables de perfuader les Myftéies les
plus incompréhenfibles à une multitude innombrable d' Ido lâtres : comment donc ne font-
ils aujourd'hui prefque plus d'impreffion fur la plupart des Catholiques , quoiqu'il ne
foit pas queftion de leur faire croire, par ce moyen, des Myftéres infiniment élevés au
defllis de la raifon humaine ; mais feulement de les empêcher de profcrire des Vérités
qui ont toujours été l'ame de la Religion qu'ils profeflcnt ? Si la Conftitution Vnige-
nitus condamne ces Vérités, elles font juftifiées & mêm; prouvées invinciblement par
l'Evangile, le fentiment des Pérès , la pratique des Saints , les Prières de l'Eglife, &
enfin par tous les Miracles que vous faites aujourd'hui. Mais helas ! dans ce Siècle
d'incrédulité, on refufe d'écouter votre voix : on ne cherche qu'à rabaifler l'Autorité
des Miracles: on s'efforce de les envelopper de nuages pour diminuer leur éclat , &
empêcher l'impreffion qu'ils doivent faire; & même les plus grands Adverfaires de la
Vérité ofent les attribuer au diable , fous le faux prétexte qu'ils font faits, difent-ils.
contre une Décifion de l'Eglife.
Q 2 §.VI.
SUR L AUT
DES MIR.
lî* DIVERS r C A R T S
DissssT, §. VI. Ce font les Conftitutionnaires qui s'' écartent des vrais fenti'
mens de l'Eglife, en condamnant plnjîeurs Tropofitions puifées dans
le Nouveau Tejiament , enfeignées par les Saints , (y confirmées
far des Miracles,
E plus féJuifant moyen dont les feftateurs de b morale Jcfuïtique , relâchée &
corrompue , fe font fervi pour répandre leur faufTe doctrine dans l'ame d'une
multitude de perfonnes , a été de leur faire accroire que la Bulle 'Unigenitns , qui favo-
rife cette mauvaife morale , eft une Décifion de l'Eglife Univerfelle, quoiqu'elle foit
au contraire la condamnation de Propoiîtions très importantes , dont plufîeurs fe trou-
vent dans le Nouveau Teftamcnt , du moins en termes équivalens , & toutes ont tou-
jours été enfeignées &: pratiquées par les Saints depuis l'établiflement de la Religion.
Ainli indépendamment même du jugement que les Miracles opérés en faveur de l'Appel
doivent faire porter de cette fatale Bulle , il eft d'ailleurs certain , que bien loin qu'el-
le foit une Décifion de l'Eglife Univerfelle, elle eft au contraire une Décifion contre
les fentimens de l'Eglife qui ne peuvent jamais changer.
Cependant les Conftitutionnaires, dans le tems même qu'ils combattent la dodrine ré-
vélée par le S. Efprit , & les fentimens des Saints qui font déjà dans la gloire , fentimens
qui ont toujours été ceux de l'Eglife Univerfelle; fe décorent néanmoins hautement
de ce titre, comme s'ils formoient à eux feuls toute l'Eglife de Dieu.
Tel eft l'état exceffivement déplorable, où ITIglife militante eft aujourd'hui réduite.'
Mais ne perdons pas courage : dans les tems les plus orageux & les plus couverts de
ténèbres , la Providence fournit toujours des moyens de difcerner la Vérité à tous ceux
qui le défirent de tout leur cœur , & qui n'épargnent aucun foin pour la découvrir.
Redoublons nos prières , & ouvrons bien les yeux ; & la lumière Divine nous éclairera.
Premièrement , cet état de l'Eglife doit d'autant moins nous étonner qu'il nous a été
plus clairement prédit par S. Pierre & par S. Paul. Secondement , Jefus-Chrift lui-
même nous a annoncé quel en fera le remède merveilleufement falutaire. Enfin dès à
préfent nous avons de quoi nous conduire avec fureté au travers des ombres épaifles de
la nuit très obfcure qui couvre la furface du champ de l'Eglife.
'• „ Sachez , * dit S, Pierre , que dans les derniers jours il y aura des gens dans l'er-
.<'Pjù"nous„ reur qui féduiront les autres , en fe conduifant par leurs propres partions." Hoc fri-
cnt averti , mum fçicntes , ejHod venient f» novijftmis difbtii in dcceptjone illuforts , JHXth proprias co»'
rifinierstcms CHpifccKtias ambulMites.
]^(f&ulti " ^^ ^' E^P^t "0"5 avertit manifeftement + , dit S. Paul, que dans les derniers tems
uDcdoarme „ quclques-uus s'écartcront de la foi en fuivant des efprits d'erreur" (tels que les Jè-
&J.°C.^noûi fi^'tcs. ) SpiritMS autem manifejle dicit quia in novijjimis temporibns dificdent qitidam afi-
a aononc^ Je attendentes /piritui erroris.
îiendroii te- . „ Sachez , ajoute-t-il , que dans les derniers jours il viendra des tems dangereux.
diofcs"'"'" " ^'"^ '' y ^""^^ ^^^ hommes amoureux d'eux-mêmes & des biens de la terre , ambi-
«a Pierit '> ^'^ux , fupcrbes , &c. qui auront un certain extérieur de piété, mais qui en combat-
ill 5. „ iront la venté Âr'rcfprit. " Hoc autcm fçito cjuod in novijjimis diebus infiabunt tempo-
■ftT\m.\V.ra periculo/îf. Erunt hotnines feipfos am.wtes , citpidi, elati , fuperbi ^ CTC h.ibentes Jpe-
l'l7. i.'iTsc ^'"'* quidem pie/ ai i s , virtutem autcm ejtts abnegantes.
5- ,, Soyez attentifs fur vous , dit-il encore , & fur tout le troupeau dont le S. Efprit
jûfi. XX.^^ vous a établis Evcqucs pour gouverner l'Eglife de Dieu , qu'il a acquife par fon fang.
',, Je fai qu'il entrera parmi vous des loups raviffants, qui n'égargneront point le trou-
„ peau, &• que d'entre vous mêmes il s'élèvera des hommes qui Publieront des
„ doftrines corrompues pour s'attirer des difciplcs. "
II
DES CONSTITVTIONNAIRES. 12 j
Il donne auffi clairement à entendre, qu'il peut y avoir des divifiom dam l'EgUfe^ & Dissert,
il ajoute, qu'il fauf mcme au'ily ait des hérejies . afin au'on découvre per la ceux a»; «""'-■aut.
r I< ' ' DES MIR.
font d HM vertu éprouvée.
Mïis ces do^riftes corrompues publiées même par des Evêques , ces divifions & ces îg.Tj.
herejîes ne peuvent jamais infecter la totalité de l'Eglife vifible. L'expérience de plus
de 17. Siècles manifefte au contraire , que ce ne font que des nuages qui fe diffipent
& difparoiffent totalement après un certain tems , ou qui d'eux-mêmes s'écartent du
fommet de la haute montagne où cette Eglife eft placée. Ainfi ces nuages palTagers
n'empêchent point, qu'elle ne continue toujours d'être la maifon du Dieu vivant . . . , \^^"^- ^'^*
Ia colomne cr la bafe de la Vérité.
La barque de l'Eglife peut paroître en grand péril. Il peut fe former un orage téné-
breux, qui femble prêt à précipiter la Vérité dans l'abîme.
„ Alors, ejî-il dit , il s'éleva un grand tourbillon de vent, & les vagues entroient de ^^^^-'V. 37,
„ telle forte dans la barque qu'elle s'emplilfoit déjà d'eau . . . Jefus cependant étoit Manh. viii.
,, à la poupe, où il dormoit. " ^*"
Mais Jefus-Chrift ne peut pas permettre qu'elle périfle. S'il femble dormir, ce n'efl:
que pour réveiller davanrage l'empreifement & l'ardeur des fidèles à recourir à lui par
d'humbles & ferventes prières. En vain l'eau pernicieufe d'une morale corrompue pa-
roit-elle remplir la barque & être prête à la faire fubmerger, cette barque ne peut jamais
ceffer d'être l'Arche où fe fauveront tous les Elus.
Jefus-Chrift nous a néanmoins déclaré, qu'il viendra un tems où toutes chofes au-
ront befoin d'être rétablies : puifqu'il nous a prédit, qu'il „ eft vrai, qu'Elie doit ve- ^^•"'- ^'''îl-
„ nir, & qu'il rétablira toutes chofes. Elias quidem venturus efl , ©' rcfiituet omnia. Marc.IK.11.
Mais ce Prophète en corrigeant les abus & en rétabliffant tout dans fa pureté, bien
loin de détruire l'Eglife vifible, ne fera que renouveller fa jeuneîle, & la faire enfuite
régner fur tous les peuples du monde.
La magnifique promeffe que Jefus-Chrift a faite à l'Eglife, qu'il fera avec elle ju^ua xxvia'-o
la canfommation des Siècles ... & que les portes de l'Enfer ne prévaudront point contre & XVI. ' îsl
elle y eft une preuve d'une certitude de foi , que dans le fein de l'Eglife toute Vérité
aura toujours des DeflFenfeurs,qui lorsqu'elle fera attaquée la foutiendront de bouche &
par des Ecrits publics ; & que ceux dont le cœur ne fera point féduit par quelque pas-
fion, & dont les lumières de l'esprit ne feront point oflFufquées par aucune prévention ni
aucun préjugé, auront toujoiu-s des moyens fùrs de la connoître. jj
Par exemple , pour fe décider , pour connoitre & fuivre la Vérité , au milieu des Dans i«
conteftations qui troublent aujourd'hui l'Eglife, que fes Chefs refufent de décider par qufti'ou'""*
un Concile œcuménique, & qui par rapport au fond des queftions controverfées , ne bientaajci-
le font point par un confentement unanime des premiers Pafteurs; il ne faut qu'ouvrir ghfe °on ne
le Nouveau Teftament , & il fe préfentera fous les yeux nombre de preuves fenfibhs p."' '"'_='«
que les Propofitions condamnées font la doftrine de ce Livre Divin : il ne faut que connoître <t
parcourir les Ecrits des Pères & des autres Saints, pour y trouver des Propofitions é-["j'J'^ '^J,^;
videmment conformes à celles qu'on anathématife : il ne faut même que faire attention xammer «e
aux Prières de l'Eglife, pour y re connoître la même morale qu'on condamne dans le Père Jlnsf/tJ^'T?
Quesnel. '!»f 'es Muef-
Donnons d'abord quelques preuves bien frappantes , que dans les Propofitions ana- vaits.'&'câ
thématifées par la Bulle Vniçenitus , il v en a plufieurs qui font pour ainfi dire copiées "î"^ '"''''-^
d après le Nouveau Teltament ou du moms qui iont une luite & une conlequence ne- toujours ibu-
cefTaire de la dodrine de ce Livre fur lequel nous ferons tous jugés. q^j"^"^*""""
J'ouvre la Bulle, & je vois avec une furprife extrême qu'elle commence fon juge- ï^}-
ment par condamner la II. Propofition conque en ces termes: La grâce de yefus-ChriJl ^'^^°^^^^
frincipe efficace de tome forte de bien ejî nécejfaire pour toute bonne Ailian . . . Sans ellend anai.'ié.
11(5 D I r E R S r C A R T S
DiJiBRT.aox fademnn on ne fait rie», mais on ne peitt rien faire, dit le Père Quesnel fur S.
D^sim^'J^'^ XV. 5.
r^R ' N'eft-ce pas la chofe du monde la plus inconcevable, qu'on ait ofe profcrire cette
quoique 'co- Piopofition , qui n'cft qu'une explication littérale de ces paroles de Jefus-Chrill : „ Sans
piecs, ou un j^^j yous ne pouvez rien faire : Sine me nihil poteliis facere.
fées dans le Voici 1 interprétation qu y donne 5. Paul.
Tcftàm^nt. j> Nous ne fommes point capables, dit- il, de former de nous mêmes aucune bonne
J"," ^.y.- î- ,, penfée comme de nous-mêmes, mais c'eft Dieu qui nous en rcnl capables " : N'en
qtiod fufficienus Jimus cogitare aliquid a, mbii cjuaji ex nobis , fed f»tfi:iemiA nofira ex
Deo ejï.
J:an [. 4- & Car Jcfus-Chrift efl lu lumière drt monde . . . il cfl: /4 réfurreilic;: ^ l.i vie ....
S.o'in.XI jfi. Tout eji par lui, toht efl en lui.
1 Cor. XV. ,, C'eft par la grâce de Dieu, ajoute S. Paul, que je fuis ce que je fuis : Gratià
*°' autem Dei fum id qtiad fum,
Ibid.IV. 7. }, Qu'avez-vous, s' e'crie-t-il , que vous n'ayez reçu: Ouid babes qund non accepijlt?
Rom.XI. 6. ,, Que fi c'eft par grâce, ce n'eft point par les œuvres, autrement la grâce ne îeroit
„ plus grâce : Ji autem gratià jam non ex operibus , aiioquin gTittu jam non eJi gratta.
N'eft-il pas de li dernière évidence, que la II. Propolîtion charge: d'anathcme, n'eft
qu'une conféquence qui fuit nccdfairement de ces principes facre's ?
Il feroit également aifé de démontrer, que h plupart des autres Propofitions con-
damnées font pareillement puifées dans le Nouveau Teftament , & même que quelques-
unes ne font prefque qu'en copier hs tcnnesrmais cela m'engageroit dans une trop Ion"
gue difcniTion. Réduifons-nous à le prouver par l'examen des deux Propofitions fui-
vantes.
III. Propofition condamnée : En vain vous commandez, , Seigneur , Ji vous ne donnez,
vous-même ce que vous commandez, : fur les Actes, XVI. lo.
Epli.II- S. ^^ C'eft par l.i grâce, dit S. Paul, que la foi vous a fauves, &r cela ne vient pai de
„ vous , mais c'eft un don de Dieu : Gratià enim eflis ftlvati per fidem, c^ hoc non
ex vobis, Dei enim donum efl. „ La grâce a été donnée à chacun de nous félon la me-
Ibid.IV. 7. „ fure du don de Jefus-Chrift: Vnicuique autem noftrum data efi gratià fecundum men-
furam donationis Chrijli.
„ Si Dieu ne bâtit lui-même la maifon, c'eft en vain que travaillent ceux qui la bâ-
Pf. 116. 1. tlfTent : Nijî Dominus adificaverit domum, in vanum laboraverunt qui .edijîcant eam;
Philip.II. I ?■ M C'eft Dieu, ajoute S. Paul, qui opère en nous le vouloir & le faire , félon qu'il
5, lui plaît : Deus efl enim qui operatur in nobis (^ velle c^ perficere pro bonà voluntan.
IV. Propofition condamnée: Oui, £eigneur, tout eji pojfible à celni à qui vous rendez,
tout pojfible, en le faifant en lui: S. Marc. IX. 22.
Heb. XIII. „ Que Dieu, dit S. Paul, vous applique à toute bonne œuvre, afin que vous fa»-
»'• „ fiez fa volonté, lui-même faifant en vous ce qui lui eft agréable : jlptet vos in omni
bono , ut faciatis ejus voluntatem , ficiens in vobis quod placeat coràm fe.
1 Thcff.V. „ Que le Dieu de paix, ajoute-t-il, vous fandifie lui-même: Ipfe autem Deus pacis
*'• ,, fanÛijicet vos.
I Peu. V. ^^ J'efpére, dit S. Pierre, que le Dieu de toute grâce, qui vous a appelles à fa gloi-
„ re étemelle dans Jefus-Chrift, achèvera lui-même ce qu'il a commence en vous, qu'il
,, vous fortifiera, & qu'il vous affermira, après que vous aurez un peu fouffèrt. Deus
autem omnis gratià, qui vnc.ivit vos in (ttern.tm fium gloriam in Chrijh y^ju, modicum
pajfes ipfc perjiciet ,conjirmab:i , Jolidabitque.
„ 'y- C'eft donc la dodrine du Nouveau Teftament qu'on condamne dans les Propofitions
rropolitiotu - ' *
^uViSuiê- ^^^^ ^^ d'autant plus évident, qu'on trouve dans les Ecrits des Pères de l'Eglife &
DES CONSTITVTIONNAIRES. 127
des. autres Saims dont le- Nouveau Teftament étoil la lumière, généralement toutes les D'ssert.
10 1. Propofitious profcrites par la Bulle. surl'aut.
De favans Théologiens l'ont démontré dans les grands Hexaples, d'une manière fimentcoTfor-
forte & fi frappante, que les ConlHtutionnaires n'ont pu y rien répondre. Mais comme ™V "''"-
cet important Ouvrage n'eft pas à beaucoup près auffi répandu qu'il devroit l'être, rap- gne°îes'pé-'
portons quelques exemples de la conformité parfaite, qu'il y a entre les Propofitions P^^^'^s'ï*
condamnées & les Maximes des Pérès de l'Eglife & des autres Saints. Saints.
Voici d'abord la XII. Propofition qu'on trouve mot pour mot dans le Poème de S. S.Piolp.cap.
Profper fur la Grâce: '^•
Quand Dieu vent fauvcr l'ame , en ttut tems , en tout lieu , l'indubitable ejfet fuit le
vouloir d'un Dieu: en S. Marc. II. 11.
Quand Dieu veut Jau-jer une ame, cr i^u'il la touche de la main intérieure de fa qra-
«, nulle volonté humaine ne lui réfifie , dit la XIII. Propofition condamnée, en S.
Luc. V. 15.
La voici presque mot à mot dans S. Auguftin , mais exprimée d'une manière plus
vive.
„ Quand Dieu veut fauver une ame, il n'y a point d'homme dont le libre arbitre lui s. Aag. de
,, réfifte : Deo volente falvum facere , nullum hominis refjlit arbitrium. «>K.ôcgrat.
XVI. Propofition condamnée: Point de grâce que par la foi -.en S. Luc, VIII. 48.
„ Point de foi fans grâce & point de grâces fans foi," eft-il dit dans l'Ouvrage Hyp. in Qp.
d'un Ancien qu'on trouve avec ceux de S. Auguftin. X.'p"^26
XXVII. Propofition : La foi eft la première grâce çjr la fource de toutes les autres : z.
Ep. de S. Pierre, I. 15.
„ La foi (dit également S. Auguftin) eft la première grâce qui nous eft donnée, S. Aug.dc
„ afin que par elle on obtienne les autres." pt^Tsa^"^*
Tous ceux que Dieu veut fauver , -le font infailliblement , dit le Père Qiiefnel dans la
XXX. Propofition condamnée: en S. Jean, VI. 40.
,, Tous ceux que Dieu veut fauver le font indubitablement, " dit S. Fulgence. S. Fnig.de
XXXVIil. Propofition. Le pécheur n'efi libre que pour le mal fans la grâce du Libé- n"^/^ ^"'*
rateur: en S. Luc VIII. 29.
,, Nul n'eft libre pour le bien s'il n'eft délivré par le Libérateur, " dit S. Auguftin. g M'! 4- ai
Lin. Propofition: La feule charité fait les aElions Chrétiennes Chrétiennement par rap- 414,
port a Dieu & a Jefus-Chrift : aux Colofllens, III.,i4.
■ „ La feule charité opère le bien," dit S. Auguftin. s^Aug. Ep.
", ^°^^ '-^ ^^^ ''°" ^^^^' quelque bien qu'il paroiffe, ne fe fait pas bien , s'il n'eft aciib/wb'!''
„ fait par la chanté: " dit encore ce grand Dodeur de l'Eglife. '• '^•
Il feroit trop long de rapporter tous les partages des Pères, qui font prefque mot
pour mot femblables aux Propofitions condamnées. Terminons ces citations par trois
des dernières Propofitions profcrites , qui femblent avoir été une exaéle prédidion de
ce que nous voyons aujourd'hui. Elles me donneront occafion de citer trois Paflages
qui méritent grande attention.
.Il» arrive que trop fouvent ^ (eft-il dit dans la XCVII. Propofition condamnée) ^«^SiirAft. iv.
les membres les plus faintement é" les plus étroitement unis a l'Eglife , font ra^ardés & '^* • '•
traites comme indignes d'y être , ou comme en étant déjà féparés ; mais le ju/te vit de la
foi c^ non pas de l'opinion des hommes,
j: „ Dans les derniers tems (nous a prédit S. Grégoire le Grand d'après S. Paui & les S. Greg.
„ anciens Prophètes,) l'iniquité étant arrivée à fon comble, la foi tournera à honte , ub'.' 20/ «L'
„ & la vérité à crime : on fera alors d'autant plus méprifé que l'on fera plus jufte; & «s.
„ l'on deviendra un fujet d'abomination , à proportion qu'on fera félon la venté plus
i, digne de louange?. ','
Vétat
ii8 DIVERS E' C A K T S
Dissert. Vitai\{'^\X. la Propofition XCVIII.) (Tètre pcrfecuté & de foHJfrir\commemhéréti(jtie,
•crl'aut.^^ fficch.tnt , un impie, efi ordinairement la dernière épreuve ^ la plus méritoire, comme
" SurLui f'^^ 7*' '^""^ P'"^ ^' conformité a. Jefus-Chriji.
XXir. V ,, Un Chrétien (dit S. Bernard) ne manque jamais d'être perfécuté comme Jéfus-
Sctm.^in"' ,, Chrifl:. Mais ce qu'il y a de plus déplorable , c'eft que dans ce tems malheureux ,
convctf s. ^^ (-g font des Chrétiens mêmes qui perfccutent Jefus-Chrift. , , helas ! Seigneur. Ceux
**" "' ^' „ là font les plus ardens perfécuteurs de vos ferviteurs, qui occupent dans votre Egli-
„ fe les premières places, & les dignités les plus éminentes."
Sari. Cot. L" CM élément , U prévention , l'obfiination a ne vouloir ni rien examiner , ni reconntttre
^^' '*' au'on s'ejl trompé , changent tous les jours en odeur de mort à l'égard de bien des gens ^
ce que Dieu a mis dans l'Eglife pour être une odeur de vie , &c. 99. Propofition con-
damnée,
s.l'îtr. Di. „ O tems! ô mœurs! ô fiecle de fer! (s'écrie S. Pierre Damien:) les Evêqites qui
miar. ep. ^^ devroicnt conduire les âmes à Dieu, s'appliquent maintenant à chwcherdes moyens
■*' „ pour les éloigner du fervice de Dieu: helas! Oîi en eft réduit l'Epifcopat , puifque
„ ceux qui font é:ablis pour éclairer le monde par le miniftére delà parole, s'attachent
„ principalement à aveugler les hommes par les ténèbres de dogmes pervers. "
Tous ceux qui font bien inftruits du Nouveau Teftament & des Maximes que les
Pérès & autres Saints y ont puifées, n'ont donc aucune peine à difcerner fi la Bulle eft
un ju<Tement de l'Eglife Univerfelle, ou fi elle n'eft point au contraire un jugement
contre la doctrine qui a toujours été dans l'Eglife depuis Jefus-Chrift & les Apôtres
jufqu'à préfent.
Dès qu'il eft invinciblement prouvé qu'il y a au moins plufieurs Propofitions con-
damnées par la Bulle qui font entièrement conformes à la doftrine du Nouveau Tefta-
ment & à celle que les Pères & autres grands Serviteurs de Dieu ont enfeignc de Siècle
en Siècle, il n'y a point à hèfiter fur le parti qu'on a à prendre, attendu que la dodri-
ne de l'Eglife ne peut jamais varier.
Les Apôtres ont appris toute Vérité, tant par la bouche de Jefus-Chrift que par les
infpirat'ions de l'Efprit Saint , félon la promefle précife que Jcîus-Chrift leur en avoir
faite: Je vous envoierai , leur dit-il, l' Efprit confolateur , .... l'Efprit'de f^érité , qui
vous enfeignera toute Vérité. Les Apôtres les ont tranfmifes à l'Eglife, foit dans le
Nouveau Teftament, foit par la Tradition. Depuis les Apôtres, la connoiflance de
toutes les Vérités qui compofeot le dépôt de la foi , telles par exemple que celle qui
nous apprend que fans la grâce de Jefus-Chrift nous ne pouvons rien faire qui foit uti-
le au falut; fait le tréfor indèfeftible de l'Eglife: & s'il s'eft élevé un grand nombre
d'Hérétiques qui ont contefté la plupart des dogmes, l'Eglife a èclairci les difficultés,
& à déclaré quelle avoit été la foi prcchèe par les Apôtres & toujours crue par les fi-
dèles. Mais jamais elle n'a rien changé par rapport au dogme. Il ne peut y avoir fur
ce fujet aucune Décifion véritablement nouvelle, & toute nouveauté à cet égard eft in-
failliblement une erreur.
V. Mais il y a grand nombre de fidèles qui n'ont point tinc connoiflance aflez parfiite
^'x°J(c^i\M** ^^ Nouveau Teftament, pour y démêler eux-mêmes les principes & le fondement de^
nooitint p'at-Pfopofitions ptofcritcs par h Bulle; &: qui n'ont pas le loifir d'étudier les Ecrits des
f*» "abTc5 i Pcres & des autres Saints , pour comparer leurs fentimens avec ces Propofitions, Que
«Uci qu«n ces fidèles falTcnt du moins attention aux Prières qu'on récite tous les jours à l'Eglife:
'ùr'pncr'ti* pourvià qu'ils foient capables d'en bien comprendre lé fens, ils y trouveront fumfam-
in 1-EgUfe. n^ent de quoi s'inftruire de ce qu'ils doivent pcnfer de la Bulle. Car il leur fera très ai-
fé d'apperccvoù^ , que la dodrine de ces Prières eft précifémeot celle des Propofitions
nrofcrites.
Par
DES CONSTITVTIONNAlB.ES. 119
Par exemple, ne verront-ils pas ckirement dans la Collede de la Mefle du XIII, Di- Dissert,
nianche d'après la Pentecôte, laLXIX. Propofition condamnée, que voici: sukl'aut,
La fai, l'tiftge , l' accroijfemcnt & la récompenfe de la foi ^ tout eji un don de votre ^un ^u/s'^'M'aie
libéralité, lî^- ^'^■
„ Dieu éternîl & tout-puiflant (eft-il dit dans la Collefte) donnez-nous l'accroifle- CoUeft. 15.
'^, ment de la foi , de refpérance & de la charité : & afin que nous méritions de par- PenK'«5°'
„ venir au bonheur que vous nous promettez, faites -nous aimer ce que vous nous
„ commandez:" OmnipotcMs fimpiteme Deus , da nobis fidei, fpei o- caritatis aHgmenîuf»y
^ ut mereanmr ajfet^ui qmd promittis , fac nos ar/tare cjiiod pr^ecipis,
La Profe de la Pentecôte {Féni Sangle Spiritus) eft toute pleine de Propofitions entiè-
rement conformes à celles que la Bulle a profcrite: & combien y a-t-il d'autres Prières
toutes remplies de ces Propofitions !
Mais que feront les fimples, qui ne font pas capables de lire le Nouveau Teftament, vr.
ni les Ecrits des Pérès, ou même les Prières de l'Eglife? Ils doivent, en attendant la dofve'K'dans
Décifion du Concile général, s'unir aux Pafteurs & aux Fidèles en qui ils apperçoi- "n'eni^auGl
vent plus clairement les caraftéres des DefFenfeurs de la Vérité. °e"nâtteoï
Car il y a toujours des moyens fenfibles & palpables proportionnés aux plus fimples J^u'^ffutoiife
pour difcerner le vrai d'avec le faux, & reconnoître clairement qui font ceux qui def-i'c"eur &
fendent la Vérité, & ceux qui foutiennent l'erreur. , unébics'rfe
Tel eft le premier cri de la foi. Tel a été le foulevement univerfel des perfonnes joindre, en .
de piété contre la Bulle , dès qu'elle parut. Tels font la réclamation publique & l'Ap- Dédfiou'
pel au futur Concile, de tous les particuliers & de tous les Corps dont le zèle & l'a- [*'"" ^onci-
mour pour la Religion égaloient la parfaite connoiflance qu'ils avoient de fa doélrine. aiix'^Pafteîirs
D'autre part les fimples apperçoivent toutes les armes par lefquelles s'établit l'erreur, ^/"nqui'fî
les intrigues, les fubtilités , les déguifemens , l'artifice, la violence, l'efprit de appcicoivent
fchifme. Mais pour en préfenter au Ledreur un tableau bien digne de fes regards & de u,"at'ks'«â.
toute fon attention, copions ici un morceau du nouveau Mémoire de MM. de l'O-^aéresde
, • ^ - Dcffenleurs
ntOU-e. ■ , , delaVeiité.
,, Cabales fourdes & odieufes, qui ont précédé & attiré ce Décret, & que la Pro-
„ vidence a fait éclatter aux yeux de toute la Terre : irrégularités palpables & multi-
„ pliées dans fa formation : la volonté du Prince mife à la tête de toutes les déhbéra-
„ tions : défaut de liberté , d'examen canonique & d'unanimité dans les aflemblées :
„ divifion fur la dodrine, divifion fur le fens du Décret, divifion fur les motifs
„ d'acceptation : diverfité d'explications : multiplicité & variation dans les formules :
„ violences & vexations de toute efpéce : plufieurs milliers de Lettres de cachet em-
,, ployées pour introduire la Conftitutioo par toute la France: foupcons, délations,
„ exils , emprifonnemens , peines infamantes , banniflemens : caradéres des hommes
,, élevés aux dignités Eccléfiaftiques, & placés dans les plus grands Sièges depuis
,, l'arrivée de la Bulle: interdits des bons Miniftres , pouvoirs prodigués à desEccle-
,, fiartiques ignorans & vicieux: le violement de toutes les anciennes régies, le recours
,, aux Tribunaux ordinaires fermé par les évocations : les fages Remontrances des Par-
,, lemcns & fur-tout du premier Parlement du Royaume, fans effet : le renverfement
„ de la Sorbonne , des Univerfités , des Facultés de Théologie : la deftrucSion des
,, Séminaires, des Collèges, des penfions mêmes, & généralement de tous les bons
„ établiflemens : la liberté de tous les Corps violée , les ravages faits dans tous les
' „ faints Monaftéres , dans leurs Conftitutions , dans les Congrégations Religieufes &
., Eccléfiaftiques les plus recommandables par leurs . liuniéres & par leur piété: le
•,, monftrueux jugement rendu à Embrim , avec toutes les horreurs qui ont été la fui-
„ te de ce .brigandage: le décri de la fcience, des études, des bons Livres: le progrès
,, fenfihle de la m.uivaife doâiiue, de l'ignoraoce, de la corruptioij de? mœurs: lej
. .Dijfrt. Tom. //. R ,j refuî
ijo DIVERS ECARTS
*o»'l-"t" »> ^^^^^ ^^ Sacremens & de lepulture: les excommunications formelles, les aftes fcan-
j>ts MiR. * „ daleux de fchifme , multiplie's de jour en jour par voie de fait fans être reprimés.
, Ne font-ce pas autant de traits de lumière à la portée des moins intelligens ? "
D'un côté le renverfement de toutes les régies , les excès les plus révoltans , la per-
fccution déclarée contre la piété, la deftruAion des aziles où la foi, l'amour de Dieu,
le mépris des biens de la Terre & l'efprit de pénitence avoient comme établi leur trô-
ne : voilà par quelles voies l'erreur s'eft fi fort accréditée. Mais lorsqu'on voit éclatter
publiquement tous ces odieux caraftéres , qui peut fe méprendre fur ce qu'elle eft ?
*h»th. vu. ,, Vous les connoitrez par leurs fruits: " Exfrfi^ibtts eornm cegmfietis eos , nous répète
u. lo. ace. çjj plufieurs endroits la Vérité Incai-nce.
On voit de l'autre côté un grand défir de plaire à Dieu & d'ctre utile au prochain,'
un attachement intrépide 1 toute Vérité, un efprit de facrifice qui met dans la difpofi-
tion de tout perdre , biens , liberté , la vie même , plutôt que d'abandonner aucune des
ccuvres de Dieu , ni même les inftrumens dont il lui plaît de fe fervir. Ne font-ce pas
là des caraAéres qui défignent vifiblement les vrais difciples de la Croix, & les Def-
fenfeurs de la Vérité.
• Pour avoir ces qualités, il n'eft point du tout néceffaire d'être un des principaux Mi-
niftres de l'Eglife vifible. Hclas ! il n'arrive que trop fouvent dans les jours malheu-
Aflembiée reux OU nous vivons, dans c^tte lie des Jîécles , comme le difoit le Clergé de France,
?«""'&' il y a plus de 80. ans, qoe l'état temporel de ces dignités eft pliltôt par lui-même un
ifijfi. obftacle qu'une aide pour participer à l'augufte caraftére de foutenir la Vérité aux
dépens de tout.
Bien loin que les grandeurs qu'on pcfféde fur la terre, foient le chemin qui conduit
le plus furement au détachement parfait où il faut être pour bien defïêndre toute Véri-
té, Jefus-Chrift nous a déclaré au contraire, que fes plus fidèles ferviteurs feroient
Maith. méprifés, haïs, perfécutés. „ Vous ferez, leur dit-il, haïs de tout le monde à cau-
XXiv. 9. ^^ fç jg ^Qj^ j^Q^^
JeanXV.iç. 3> Si VOUS étiez du monde, le monde avoueroit ce qui feroit à lui , mais parce que
„ vous n'êtes point du monde, & que je vous ai choifis & féparés du monde, c'eft
„ pour cela que le monde vous hait. "
Ibid.xvi.i. ,, Le tems va venir, que quiconque vous fera mourir, croira faire un facrifice à
,, Dieu. "
AûfjXlv. „ C'eft par beaucoup de tribulations , dit S. Paul, que nous devons entrer dans le
"'■ „ Royaume de Dieu. "•
t-Tiin. m. ToMs ceux ejMi venlent vivre avec piété' en Jefas-Chrifi , feront persécutés , ajoute-t-il fen
'*• parlant finguliérement ,, des derniers tems, in novijjimis diebus , où il y aura (dit-il)
Ibid ni. I. „ des tems dangereux," tempora periculoft ... Omnes qui pic volunt vivere m Chrijlt
Jefu perficutionem patientur.
IcjnXv.19. Voilà nommément qui font ceux que Jefus-Chrift a choi/s çfr féparés du monde:
tph. 1. 14. voilà quel eft finguliérement le peuple qu'il s' ejl acquis pour la louange de fa gloire, çn
leur ftifant par la puiffance de fa grnce fouffrir avec joie toute efpéce de perfécution :
Mjttk. V. voilà ceux à qui il dit: ,, Rcjouilfcz-vous alors & faites éclatter votre joie, parce
**■ „ qu'une grande rccompcnfe vous eft rcfervce dans les Cieux, " Et voilà par confé-
quent ceux avec qui il eft plus fur & plus avantageux de s'unir.
Oeurrcj de ,, Quand la Vérité eft attaquée, & la pcrfccution ouverte, s'écrioit le grand Evêque
ToB-'n'l. ,> ^ Montpellier , je ne vois rien de plus prudent que de fe jcttcr du côté des oppri-
»• 5*»- ,; mes : c'eft-li où eft la force, & où la viétoire fera infailliblement. "
ibiA. f 81J. L<^s Deffcnfeurs des Miracles & des Convulfions, me font d'autant plus'cWj, ajou-
toit-il , que font eux en qui je vois d'une manière plus marquée la fuccejjion des fouffran-
c(s , qui féit un des plut beaux (éiratléret dct Peffenfcurt de U Vértté.
C'eft
DESCONSTITUTIÙNNAIRES. lâi
C'eft en vain que les Conftitutionnaires fe parenc de la refpeftable Autorité donc Oisskrt.
ils abufent, & qu'ils s'appuient fur leur grand nombre. des mVr!'"'
I. L'Hiftoire EcclefiaiHque nous apprend, que dans toutes les grandes Héréfies vu.
fiirvenues depuis la Converfion des Empereurs & des Rois Idolâtres, la multitude ,.^(j'^-p™/" *
des foibles Chrétiens, y compris grand nombre de Prêtres, s'ell toujours déclarée quefesc^n-
pour l'erreur dans tous les lieux où elle étoit foutenue par la Puiïïance temporelle. res^tircTt^d-
C'eft ce qui eft arrivé dans i'Arianifme, dans rEutichianifme, dans le Monothé- '"^ur granj ^
iifme , au tems des Iconoclaftes , & dans les dernières révolutions d'Angleterre , °°"''"*"
An Dannemarc, de la Suéde & d'une partie de l'Allemagne. , i^p^;^ ,^
L'argument du grand nombre eft donc bien foible, puifquec'eft fouvent l'appa- ive. 6-,eck
nage du parti de Terreur. Car il y a dans Vûk-e de TEglife beaucoup plus àQpail-7.y^\u'A y
le qui fe laifTe aller au veut des intérêts temporels, que de bon grain qui demeure j/"°^.g'?"-
immobile k toutes les fecouffes de la perfécution. ia"mujt'itude
■ „ Ne me faites pas valoir le grand nombre , difoït S. Théodore Stiidlte^.. S'ils j'^j^'^^^i°""
„ ont la Vérité en partage , qu'ils la démontrent clairement par les armes de cette l'err^lT/^dTns
„ même Vérité: je veux dire par de bons exemples , & par des moyens conformes ôu'cîfVirn,'!
„ aux principes des Apôtres & aux Canons des Pères, & non par des voies qui deux parti*
„ leur ibnt étrangères, & même entièrement oppofées (telles que la violence &pa°r')a''"pu"5'!
„ la perfécution.) rancetempo.
„ Ecoutez, ajoute t-îl, comment S. Bafile * parle à ceux qui prétendent recon-'^ ^' . ,
„ noître la Vérité par le grand nombre de (qs partifans. Celui, à\i-\\,qtd nojè al- pctc^cmet
„ léguer de ra'ifon en faveur du point qui efî en contepation, & à qui les preuves ve- i^^ ''eweur,
„ nant à manquer , cherche un azile dans le grand nombre , celui-là confejfe fa dé- 25 f. '& rùiv,"
„ faite ^ (S? reconnoU quil ne refîe plus aucune iffue à la confiance qu^il faifoit pa' • 11 y a des
„ roUre. Et après quelques autres difcours : Qj/tin feul homme mefafje voir la beau- f["/,b""n ''"'
„ ié de la Vérité , fur le champ elle enlèvera mon fujf rage: mais quelque parade que ^i^^^t)!. s.
„ la multitude dépourvue de raifons folidcs fafje de fon autorité , elle peut bien infpi- ^^mr^^Vs.
„ rer la terreur , mais jamais elle n'aura le don de perfuader. Des millions d'hom- Maxime,
„ mes feront-ils capables de me faire accroire qu'il n efî pas jour en plein midi, qu une Theodoret.
„ pièce de cuivre ejî de l'or & de la recevoir fur ce pied, ou bien de prendre un poî- Qi.'?'. 9""''
„ j'en manifefie pour un remède fàlutaire? En un mot: je ne croirai pas devoir fou- Théodore'
„ mettre mon jugement à la multitude errante dans ce qui concerne les aff'aires tem- ^}'^'^'}f ^'^ ^
„ porelles \ &" à l'égard des dogmes célefes je me rendrai aveuglement au premier Eciiis" pour
„ Jigne , tans me foncier de m' écarter des Traditions fondées jur les Témoignages de ^és'fidelcs"
„ la Sainte Ecriture , & transmi/ès juj'qti'à mus par un commun confentement ds
„ V Antiquité la plus reculée 1 N'avons-nous pas appris du Seigneur, qu'il y a beati-
„ coup d' appelles mais peu d'Elus ? Et encore , que la voie qui conduit à la vie efi
,, étroite , (3f qu''il en efî peu qui la trouvent ? Un feul homr,!s recommandable par fa
„ piété, par fon amour & fa plélité envers Dieu, efî plus efîimable que des mil-
„ liers qui font oftentation de leur pulffance avec une orgueilleufe témérité . . . Il efi
„ donc infiniment avantageux, qu' un Jèul homme qui a d^' fon coté lajufice, s'arme de
„ bardieffe pour détruire l'union pernicieufe du grand nombre . . . Au refîele grand nom-
„ hre ne laiffera pas d'être pour moi refpe&able, lorfqu'il ne futra pas d'entrer en dif-
,„ cujfion, mais qu'il préfentera des preuves jclides; lorj'qît'il ne févirapas avecunzé-
,j|, le amer , mais qu'il conduira au bien avec un amour paternel; lorj'qu'il ne fe plai-
„ ra pas à innover^ mais qu'il gardera Cla doftrine de nos Pérès, qui eft le plus
précieux héritage qu'il nous ont laiiTé. )
II. Au refte les Apellans ont pour eux le grand nombre des fidèles, puisqu'ils
on: de leur côté quantité de Saints qui font dans le Ciel, & qui pendant qu'ils é- 1. ûi .\-,.
R 2 toient [«"»"* ""
,132 DIVERS £' .C jf R T S
Thsi'ii.r toient fur la terre ont toujours fuivi, prêché, publié la même doftrine que foutien-
SUR LAUT ncnt les Appcllans, ainfi qu'il paroit très clairement par les Ecrits des uns &
i;des autres,
grand rom- A ccttc Hiultitudc dc Saints, il faut joindre tous ceux qui ont ci-devant penfë ,
l'c's'.'iy^mdc^ ceux qui penfent encore aujourd'hui, comme eux: ce qui fait un peuple innom-
kulcôtcur.t brable; l'inondation de la morale relâchée & corrompue qui infede à préfcnt le
Simts"quV"^ champ dc l'Eglifc, n'ayant commence que dans l'autre Siècle à faire, de grands
Ibn: dcpa progrcS. ,, ,. j
ik%taâî\c- Enfin les Appcllans auront encore de leur côté tous les peuples qui entreront
'«eii; tous jjyjj l'Eeiifo, lorfquc les luiis convertis prêcheront toute Vérité d'un bout à
enix qui ont ,, i i
faivi , qui 1 auu-e du monde.
ftwoiit'lcut Ceux au contraire qui condamnent la doftrine pour la deffenfe de laquelle les
dûc^ine. Appcllans fe facrilient, ne font point fur ce fujet unis de fentimens, ni avec les
Saints qui font déjà dans leicin dc Dieu, ni avec les Catholiques des XV. premiers
fiécles, & d'une grande partie du XVI. ni même avec le plus grand nombre de ceux.
qui vivent à préfent, comme M. l'Evêque d'Auxerrel'a lî puiffamment prouvé con-
tre M. de Charancy; & ils ne le feront pas non plus avec les Nations qui feront l'a
j richejje de l'Egliié , lorsque toutes chojes y auront été rétablies.
X. III. Qu'eft-ce que l'Eglife confidérée félon ce qu'elle a de plus eiïcntiel? C'eft
?,^"£g''''le corps myllique dc Jcfos-Chrill: compofé de tous les julles, qui fe conduiHinspjir
commt'ciac; iou. eiptit deviennent véritablement les membres.
'r«'^jcTc: " L.'^g'il'^ c^ ^'^ corps de Jefus-Chriil, dit S. Pau!, & la plénitude de celui qui
ii-<ii" ruci-',, accomplit tout en tous: Ecclefia qua: eji corpus ipfhts ^ plenitttdo ejusqui otr.-
)uf.«deious „ Jefus-Chrill cil la tc>-te de l'Eglifc qui cft fon corps, dont il eft le fauvcur;
les SjccIcs. Qlirijlus caput ejl Ecclefia: , ipje falvator corporis ejus.
Eph. I. zz. ^^ Ainfi (ajoute-t-il) quoique nous foyons plufieurs, nous ne fommestous néair<
Ibia V - " '"*^'"^ qu'un feul corps en Jcfus-Chrill , & nous fommcs tous rêciproquemem
Rom xu »' nicmbres les uns des autres: Ita nuilti uniim corpus JumuSy fingtdi atiteni altet-
5. E^k IV. alterius mcmbra.
XII.' 17°'' " C'eft dc Jefus-Chrid que tout le corps de l'Eglifc. . . reçoit fon accroifle*
Eph^r !v. »•» nient, pour être édifiée dans la charité: Cbriftus ex quo tottan corpus . . . aug'
ij & 16. ment uni ficit in ledificaiionem jiù in carttate.
Phii. m zi. M C'ell lui qui transformera notre corps tout vil & abjeél quilefl,afindcIereiT«
„ drc conforme à fon corps glorieux: Qui reformabtt arptis bumilitatis no/irit
CùnpgtinitHm corpori cUirituth fux.
Eph V. 15. S.' Paul appelle auffi l:'Eg;ife, l'Epoufe de Jefus-ChriH; & il comprend fous ce
16. z7- nom tous les Saints dc tous les Siècles. Car il ell clair qu'il n'entend parler que
d-s Elus, lorsqu'il dit; „ Jcfus-Chrift a aimé l'Eglifc jufqu'à fe livrera la mort
„ pour elle, afin de la Ciniitifier ... & de la faire paroître devant lui toute briN
„ lantc dc gloire, n*ayai>t ni tache ni ride ni rien de femblablc, mais étant fainte-
„ & irréprchenfible.. Cbri/lus dilexit Eccle/iani & Jéip/'uin tradidit pro eâ, M
illarn /lin&ificaret . . . «/ exhiberct ipfe jibi gloriofam Ecclefiam non babentem ma"
culam (lut aliquod bujufii: odi , Jed ut fit fancla & immaculata.
ibid. I. 4 î Tcii font uniquement leux que Dieu „ a é'ius en lui avant la Création du mon-
„ dç pat l'amour qu'il (leur) a porté, afîn (qu'ils) lufTent faints & irrépréhcnfr-
,, ble> devant f.s yeux: ( les) ayant prédeflinés par an pur effet de fa bonne va-
„ lott^c, pour les rendre fcs encans adoptifs par Jefus-Chrift & ca lui mÙTOc. El»-
5'<
DES C 0 NS T I TV P' I ô ATiV >^ ï K E S, 13.3
glt nos in ipfd antc mundi conftitutionem ut effemus faii&i & immaculatt in confpe&u Disst.rr.
ejiis in caritate, qui pncdejVrnamt nos in adoptionem pliorwn per Jejimi-Chnjlnm in '"" '-'^"^
ipfum fecimdùw propofttum voliintatis fua.
Auffî S. Paul compare-t-il l'Eglife à une Vierge toute pure. C'efl: ce qui fait dire 2. Cor. xr.
k S. Auguftin, que „ l'Eglife consiste dans les fidèles qui font gens de bien, &?:, ^'^"S-
„ dans les Saints & les ferviteurs de Dieu répandus par-tout, & liés enfemble i^'^pt. c. jii
„ d'une unité fpirituelle dans la même communiorv des Sacremens/'
„ Le corps de Notre Seigneur Jefus-Chriil, ajoute til^ c'efl: l'Eglife, non pas Se™, i.ia
j, uniquement cette Eglife qui fubfille dans le lieu & dans le tems où nous fom-^''^^^' '^' ''
„ mes, mais celle . . . qui embraffe tous les jultes depuis Abel jufqu'à ceux qui
„ doivent naître à la fin des Siècles . . . L'Eglife, c'eil tout ce peuple de Saints,
„ qui appartient à une feule Cité, & qui eil le corps de Jefus-Chrill."
En effet l'Eglife triomphante n'ell qu'une feule & même Êglife avec celle qui
combat fur la Terre, qui eil dans le monde, mais qui ne vit point comme le mon-
de. Le Ciel eft la véritable & Tunique patrie de l'Eglife; Elle fe forme (ur la
Terre , mais elle n'efl: faite que pour les Cieux.
„ Depuis le jufle Abel jufqu'à la fin du monde, & pendant toutes les généra' 5^^,^
„ rions, dit encore S. Auguftin , chaque jullequi paiïepap cette vie, & touslesju-c 9. n u'"
„ lies qui font ici maintenant, c'ell à dire qui vivent fur la Terre, & ceux mêmes
„ qui naîtront dans la fuite, ne font cous qa'uafeul& unique corps de Jefus-Chrift
„ dont ils font tous fes membres.
„ L'Eglife ell rhéritag.e de Jefus-Chrift ... Cet héritage comprend tous lesln pf u>.
„ Saints. Tous les Saints font un feul homme en jefus-Chrifl:. "• t-
„ Ceux là fans doute , ajoute-t-il, ne font point de l'Eglife , qui quoique vivans Lib. 4. d*
„ dans fon fein, ne font pas animés de l'efprit de Jefus-Chrill & ne pratiquent ''^f'- <=• ^••
j, point fes Commandemens. On ne peut pas dire, "que des perfonnes de cette ef-"' ^
„ péce appartiennent en aucune manière à l'Eglife . . . Qui ofera afTurerqueceur
„ qui ne renoncent au monde que de bouche, mais nullement de cœur, foientles.
^ membres de cette colombe (que Jefus-Chriil appelle) ma parfaite amie?
■ „ Puisqu'il n'y a que les bons, dit-il ailleurs , qui étant régénérés fpirituelle- [^e Unit
„ ment, entrent dans la compofition du corps do Jefus-ChVift, en devenantEccK J211.
„ fes membres, fans doute que c'ell en la perfonne de ces bons qiie consiste l'E-" ^°-
„ glife . . . c'eft à dire dans la perfonne de ceux qui bâtliFent fur la pierre. Se
„ qui après avoir écouté avec refpeél les paroles de Jefus-Chrirt , les mettent en
„ pratique. Mais L'Eglife ne confille point en la perfonne de ceux qui bàtiflenc
„ fur le fable, c'efl à-dire qui écoutent les paroles de Dieu. & ne les fuivenf
t, point pour régler leur vie.
„ Ceux qui fe Ibnt fépnrcs de l'Eglife par un fchisrae manifelle-, dit-il encore y Lib. r; de
^, ne font pas les fculs qui ne lui appaniennent point: car dans Ton unité même ,^''';, "• '°"
„ cetix qui s'en féparent par- le dércglement de leur vie, ne lui appartiennent pas-
„ davantage.
„ Quiconque, confondu avec les bons dans le fein de l'Eglife, y fuit aveuglé- ibid c.
„ ment fes pafllons charnelles, efl réellement féparé de l'unité de cette Eglife'qui ''"'■ "■ ^^•
„ efl fans taches & fans rides.
„ Toiis ceux qui écoutent la ptirole de Jefus-Chrifl, mais ne la mettent peint ib. lib 4,
„ en pratique, font véritablement féparés de l'Eglife. '■ ^- "■ ^•
„ Je voudrois bien vous demander, ajoute-t il^ fi vous vous imaginez que l'E- (b. 1 b. 7. c-
gli^e étant repréfentée dans i'Ecriture foxis le, fimbole d'unecoioxnbc douce , lîm- ^- "• "•
R 1 'nl^
t34 ' DIVERS E^ C A R T S
DiMesT. « pie, innocente, fans fiel, flins aigreur, fans aucune méchanceté . . . , ceux
SUR LAUT. ^^ qui ne vivent point félon les faintes régies de l'Evangile, peuvent êtrelesmem»
Traa 6 " ^^^^ ^*^ cette charte colombe? Non fans doute, cela ne peut être
joau. D. 12, „ Ceux dont la confcience eft fouillée, ne font plus du corps de Jefus-Chrift
Lib. tcoct „ qui ell lEglil'e : car Jefus-Chrill nz peut avoir des membres qui ibient dain-
Crcfcoo. c. ; »
tl. »> "'^**
Telles font auQi les Maximes répandues dans les Ecries de S. Jérôme & de
S. Grégroire le Grand.
,Lib.;.Com. „ Si quelqu'un eft pécheur, dit S. Jérôme^ on ne peut pas dire qu'il foit dfi
' s- „ l'Eglifc de Jefus-Chrift.
Homci. 19. „ L'Eglife, dit S. Grégoire le Grand, cft la vi^ne compoféc de tous les jutte«
^ qni ont vécu depuis Abel, & qui naîtront jufqu'à la fin du monde.
Xib.j.Epift. „ Les Saints avant la loi, fous la loi éc fous la grâce, dit-il encore, font les
'*"^>"",, membres de l'Eglife & font la plcnitude du corps de Jcfus-Chrift.
L 10. Mor. „ L'Eglife fainte des Elus , ajoute-t-il , ne regarde pas feulement comme fes en-
cj+.n26. ^^ nemis ceux qui abandonnant la foi, fe fi parent d'elle, mais encore tous ceux
„ qui l'afBigent en menant dans fon fein une vie corrompue."
XI. Cependant on ne peut fe diflîmuler que cette Eglife, qui conformi^ment h fou
ir.gfd«''mc"ir>rtitution devîoit être toute fainte, ne foit au contraire depuis long-tems épou-
xhans qui vantablcmcnt meliîe, étant remplie de mondains & demcchans, qui furpafleuï
gîiTe ,'& icsprodigieufement le nombre des bons. Mais par la Providence Divine, cela n'era-
ucffjits de nsche point qu'elle ne foit TEcole où fe forment tous les Saints , non feulement
les miniittcs I , V 1 • • n r\- ■'•1 r 11 1
■•empc- par les falucaires inltruiîcions qu ils y trouvent, oc par les bonnes œuvres que la
«rëùelir grâce de Jefus-Chrill leur fait faire , mais même auffi quelquefois par les pcxfé-
■ioit la feuiecutions qu'ils y fouffrent,
lousTeJEluj Au refte quoiqu'il foit très vrai de dire., que les mcchans, tels qu'ils foient, lur
trouvcm icjiiout fi la grucc de Dieu ne leur fait point changer de vie jufqu'à leur mort, ne font
^^^^ point partie de la portion vivante de l'Eglife, puifqu'ils font très éloignés d'être
les membres de Jefus-Chrill, cela neconclud pas que ces mcchans & ces reprouvés
ne puifTent être du nombre des chels de l'Eglife vifible. On en a vu au contraire des
.exemples dans tous les tcms: ce qui eft fi vrai que dès les commencemens de fon
ctabliflement S. Paul feplaignoit déjà, que plufieurs de ics Minillres cbtrcboittit
leurs propres intérêts , tjr' non ceux de Jelus-Chrijl^
PKiG \\r\ ^' '^^ *^"^ ^*^ '^"^ multipliés, fi le dérèglement des mœurs s'eft augmenté, fi les
\iccs fefont accrus, fi l'orgueil, l'ambition & l'intérêt ont pris la place de l'humi-
lité, de la charité, du parfait defintercficment que tant de Saints ont fi éminem-
ment pratiqué dans les premiers Siècles d''Eg\\Cc ,l'in/idé!ité des hommes anéantira-*
Rt>m.\\\v f^llg la fidélité de Dieu? Non certes, dit S, Paul.
Jefus-Chrill ne novis a pas laifié ignorer cet affreux mélange qui devoir fefonncr
<ians l'Eglife telle qu'elle ell fur la Verre. Car c'ell fans doute pour nous en in-
^7. 'flruire, que tantôt il nous la reprefente fous la parabole d'un grand filet qu'on jette
ibiiilLii.^^w^ '^ /«<r, & qui prend toutes Jortes dépotions . . . hns & mauvais : Vàniôt ,
comme une aire , où il y a ^^ bled melê avec beaucoup de paille , qui n'cft propre
^u'à être bnilée dans un feu qui ne s'éteindra jumais.
11 nous dit encore que c'ell un champ, où le Eils de l'homme a femé de bon
grain , & où le diable a fciné de l'ivraie.
Matth.xai. Celui, dit-il, qui jerne le bon grain, cefl le Fils de l'homme.
fliM*ibiX *» ^^'^t iJi-'igoew (sécrie le Pcre Quefnel) nous rcconnoiff©n> avec joie que c'cft
„ TOUJ
Malth.XlIL,
DES CONSTITVTION'NArRES. rjr
C'efl en vain que les Conftitmionnaires fe parent de la refpeftable Autorité dont ils Dissert..
jufent , & qu'ils s'appuient fur leur grand nombre. '""" ~
I. L'Hiftoire Eccléfiaftique nous apprend , que dans toutes les grandes Héréfies
SDRL'AOT.
abufent , & qu'ils s'appuient fur leur grand nombre.
I. L'Hiftoire Eccléfiaftique nous apprend , que dans toutes les grandes Héréfies
furvenues depuis la Converfion des Empereurs & des Rois Idolâtres , la multitude des Réponiesi
foibles Chrétiens , y compris grand nombre de Prêtres , s'eft toujours déclarée pour •'"bieaijn
l'erreur dans tous les lieux oii elle étoit foutenue par la Puiflancc temporelle, C'eft ftumîonnai-
ce qui eft arrivé dans rArianifme ^ dans l'Entichianifme , dans le Monothélifme , au lea/'^àno**
tems des Iconoclaftes , & dans les dernières révolutions d'Angleterre, du Danemarc , nombre,
de la Suéde & d'une partie de l'Allemagne. vnr.
L'argument du grand nombre eft donc biea foible , puifque c'eft fouvent l'appanage 've. s??de'
du parti de l'erreur. Car il y a dans l'aire de l'Eglife beaucoup plus de paille qui fe 'P"'" 'f'
laiffe aller au vent des intérêts temporels , que de bon grain qui demeure immobile à aeiidegma-
toutes les fecoufles de la perfécution. des héréfies
^, _ „ 1 r= ' 1 • • /- >v 1 ■ 1 I ^ • u multitude
C elt même une choie étonnante de voir julqu a quel petit nombre quelques Saints s'eft toujouts
ont penfé que pouvoient être réduits ceux qui auroient le courage de deffendre haute- i"rrV"dans
ment & publiquement la Vérité , lorfqu'elle feroit combattue & profcritc par les Puis- tous les lieu*
fances du Siècle. , _ "^Z^
,, Renonçons à la confervation des biens de h terre, pour ne pas perdre ceux du ='°"*°"'^°'»
„ Ciel , s'écrie S. Théodore Studite. Ne donnons point de fcandale à l'Eglife de Dieu , wnce^e^mpô-
,, laquelle, félon le fentiment des Saints, peut fubfifter dans trois Orthodoxes. " TVf- '«"=•
quaquam fcandalum demus EccUJîk Dei , quam vel très Orthodoxi , San^ornra fententià , stifjii^xrad
ConfiitHUnt, du Grec pu
Les Jéfuites qui en donnant au Public une traduéiion latine des Ouvrages de S. mon]f^""
Théodore, font entrés dans un grand détail fur fa doftrine, n'ont rien trouve à redire
à cette Propofition : fans doute qu'ils ne prévoyoient pas alors l'ufage qu'ils veulent
faii-e à préfent de l'autorité du grand nombre.
„ Ne me faites pas valloir le grand nombre, dijoit encere le mime Saint . . S'ils ont LaVe'riié pei-
„ la Vérité en partage , qu'ils la démontrent clairement par les armes de cette même |.""è^,'r '"
,, Vérité: je veux dire par de bons exemples, & par des moyens conformes aux prin- Tom il'.p.
,, cipes des Apôtres & aux Canons des Pérès, & non par des voies qui leur font étran-'^^"^'""'
„ gères, &même entièrement oppofces (telles que la violence & la perfécution.)
„ Ecoutez, ajome-t-il^ comment S. Bafile * parle à ceux qui prétendent reconnoî- *i'yad«
„ tre la Vérité par le grand nombre de fes partifans. Celui , dit-il , qui nofe alléguer atmimenTcc
,, de rai fin en faveur du f oint qui efl en contejlation , (fr à qui les preuves venant h man- ^^Ç'S^ ? ^'
,, quer cherche un az^ile dans le grand nombre^ celui-là confejfe jli défaite, dr reconnoit d'autres a S.
„ qu'il ne rejie plus aucune ijfue à la confiance qu'il faifiit paraître. Et après quelques d^aJi^/i
,, autres difcours : Qu'un feul homme me faffe voir la beauté de la Vérité , fur le champ Thcodorct.
,, elle enlèvera mon fuffrage : mais quelque parade que la multitude dépourvue de raifons^'^^,^^^'^^
„ folides fajfe de fin autorité, elle peut bien infpirer la terreur, mais jamais elle »'<î«r^ "^'"^P'iurç
„ le don de perfuader. Des millions d' hommes feront-ils capables de me faire accroire qu'il cité dans les
„ n'efi pas jour en plein midi, qu'une pièce de cuivre efi de l'or & de la recevoir fur cf ,^"^" PP'"
,, pied, eu bien de prendre un poifon manifcjle pour un remède falutaire ? En un mot je des fidèles.
„ ne croirai pas devoir foumettre mon jugement k la multitude errante dans ce qui concer-
,, ne les affaires temporelles : dr à l'égard des dogmes céieftes je me rendrai avcmlément
„ au premier Jîgne , fans me fiucier de m' écarter des Traditions fondées fur les Témoigna-
„ ges de la Sainte Ecriture , dr transmifis jufqu'à nous par un commun confintement de
„ l' Antiquité la plus reculée! N'avons-mus pas appris du Seigneur, qu'il j a beaucoup
„ d' appelles mais peu d'Elus ? Et encore , que la voie qui conduit a la vie efl étroite dr
^, qu'il en efi peu qui la trouvent î Vn fini homme recommandable par fa piété , par fin
R 2 , „ amour
ïjt
D I l^ E . R s E' C A R T S
DisstHT.j, amcur & fa fidéiitt envers Dieu , efl plus eJiimahU que des milliers qui fout ojlentation
îurl'aut.^^ ^( l^i^y p:tijjlince avec une orgucilleiife ccmérité . . . Il ejl donc infininunt avantaneux
' *""■ ,, qu'un feul hommt qui a de fon coté U jujiice ^ s'arme de hardicjfe pour détruire l'union
„ pcrnicieufe du grand nombre . . . Au refte le grand nombre ne laijfcra pas d'être pour
„ moi refpctiable, lorfquil ne fuira pas d'entrer en difcujfion^ mais qu'il préfcntera des
„ preuves folides ; lorfquil ne févira pas avec un z.ele amer , mais qu'il conduira au bien
„ avec un amour paternel ; lorfquil ne fe plaira pas à innover , mais qu'il gardera ( h
doctrine de nos Pérès, qui eft le plus précieux héritage qu'il nous ont laifle. )
IX. II. Les Appelbns ont pour eux le grand nombre des fidèles, puisqu'ils ont de leur
pcibns ont côté quantité de Saints qui font d:>ns le Ciel , & qui pendant qu'ils étoient fur la ter-
^^^aîi'/ioTi- ''^ O"^ toujours fuivi, prêché, publié h même dodrine que foutiennent les Appellans,
bicJcsn'aé- ainfi qu'il paroit très clairement par les Ecrits des uns & des autres,
leur' ciitctous "^ ''^"^ multitude de Saints, il faiit joindre tous ceux qui ont penfé, & penfent
les S.i,iiis& encore a.ijourd'hui, comme eux: ce qui fait un peuple innombrable; l'inondation de
omiblvi",!]»' li morale relâchée & corrompue qui infede à préfent le champ de l'Eglife , n'ayant
fuivcnt qm commencé que dans lautre Siècle à faire de grands progrès.
doàjuje. '^"' Enfin les Appelbns auront encore de leur coté tous les peuples qui entreront dans
l'Eglife, lorfque les Juifs convertis prêcheront toute Vérité d'un bout à l'autre du
monde.
Ceux au contraire qui condamnent la dodrine pour la deffênfe de laquelle les Appel-
lans fe facrifient, ne îbnt point fur ce fujet unis de fentimens , ni avec les Saints qui
font déjà dans le fein de Dieu , ni avec les Catholiques des XV. premiers fiécles, &
d'une grande partie du XVI. ni même avec le plus grand nombre de ceux qui vi-
ve;u à préfent , comme M. l'Evcquc d'Auxerre l'a fi puifTamment prouvé contre
M. de Charancy ; & ils ne le feront pas non plus avec les Nations qui feront la r/-
chcjfe de l'Eglife, lorsq le toutes chofcs y auront été rétablies.
?. L-Ègiife ill» Qu'eft-ce que l'Eglife confidérée félon ce qu'elle a de plus eflentiel ? C'eft le
conûdcree corDs mvftique de lefus-Chrift compofé de tous les iuftes, qui fe conduifans par fon
comme eunt ,'. ,'.i /.,, ^ ', ' ' ^
Je torps inys- elprit deviennent véritablement les membres.
n"iftS''c'eiie^' » L'Eglife efl: le corps de Jefus-Chrift , ^«> S. Paul, Se la plénitude de celui qui ac-
mentcom- „ complit tout en tou5 : Ecclefia qutt eji corpus ipjius c^ plenitudo ejus qui omnia in om-
les Sitcies. ,, Jelus-Chiift eft la tête de l'Eglife qui eft fon corps , dont il eft le fauveur j
Eph.1,12. Chrijtus caput cjl Ecclefi<t^ ipfe filvator corporis ejus.
..." „ Ainfi (ajoute-t-il) quoique nous foyons plufieurs, nous ne fommes tous néan-
„' ' 'o" „ moins qu'un feul corps en fefus-Chrift , & nous femmes tous réciproquement mem-
Kph. IV. ij. „ brcs les uns des autres : lia multt unum corpus Jumus , JtnguU autem alter alterius
I toi. XII. m.mbra.
Ephefiy.ij. 5» Ctïk. de Jefus-Chrift que tout le corps de l'Eglife. . . reçoit fon accroifiement ,
*t'6- ,, pour être édifiée dans la charité: Chrijlus ex quo totum corpus . . . augmentum facit
in itdificationem fui in cantate.
Phiiili.ît. ^^ Q'cù. lui qii transformera notre corps tout vil & abject qu'il eft, aPn de le ren-
,, drc coif i.mc 'h fon corps glorieux : Oui reformabit corpus humilitatit noj}r.t corfigtf
raium corpori clarit.ttis fu.t.
S. Paul appelle aullî l'Eglife, l'Epcufe de Jcfus-Chrift ; & il comprend fous ce
i«.^i7. ' ^^" fiom tous les Saints d: tous les Siècles. Car il efl clair qu'il n'entend parler que des
Elus, lorsqu'il dit: ,, Jcfus-Chrift a aimé l'Eglife jufqu'.\ fe livrer îl la mort pour eK
„ le, afin de la fanftifier ... ^' de la faire p.iroitre devant lui tonte brilKinte de
„ gloire, n'.iyant m tache ni ride ni rien de fcmbl.iblc , mais étant (aiiite & irrcprchcn^
„ fible.
DES CONSTITVTIONN'AIRES. 133
' fible. Chrifliis dilexit Ecclejtam dr feipfftm tradidit fro e.i , m illam fayi£l ificaret . . . Dissert.
Ht exhibcret ipjè fihi gloriofam Ecdejiam non habentem macKlam aat aliqttod hnjtifinodi,^^^^ '"^^
fed Ht Jitfart£la & imraacuUita.
Tels font uniquement ceux que Dieu „ a élus en lui avant la Cre'ation du monde "''''• ^' ♦'^•
,; par l'amour qu'il (leur) a porté, afin (qu'ih) fuflent faints & irrcpréhenfibles de-
-, vant fes yeux : ( les ) ayant prédeftinés par un pui- effet de fa bonne volonté , pour
les rendre fes enfans adoptifs par Jefus-Chrift & en lui-même. Ekgh nos in iffo ante
mundi confthutionem ut ejfemus fuicli (y imfnaculati in confpccin ejus in caritate , qui pr^e-
deftinavit nos in adoptionem filiorum pcr Jefum Chrifium in ipfum fecundum propojitum
voLuntatis fu£. •
Auffi S. Paul compare-t-11 l'Eglife a une Vierge toute pure. C'eft ce qui fait dire à 2.Cor.xI.2.
S. Auguftin, que „rEglife consiste dans les fidèles qui font gens de bien , & dans 7 de"bapt!'c.
„ les Saints & les ferviteurs de Dieu répandus par tout & liés enfemble d'une unité J'-
j, fpirituell; dans la même communion des Sacremens. "
,, Le corps de Notre Seigneur Jefus-Chrift, ajoute-t-il, c'eft rEgIife,non pas uni- j,^-"™-*-'"
quement cette Eglife qui fubfifte dans le lieu & dans le tems où nous fommes,mais
celle . . . qui embraffe tous les juftes depuis Abel jufqu'à ceux qui doivent naître
à la fin des Siècles . . . L'Eglife, c'eft tout ce peuple de Saints, qui appartient à
une feule Cité, & qui eft le corps de Jefus-Chrift. "
En effet l'Eglife triomphante n'eft qu'une feule & même Eglife avec celle qui com-
bat fur Ij Terre, qui eft dans le monde , mais qui ne vit point comme le monde. Le
Ciel eft la véritable & l'unique patrie de l'Eglife. Elle fe forme fur la Terre, mais elle
n'eft faite que pour les Cieux.
„ Depuis le jufte Abel jufqu'à la fin du monde , & pendant toutes les générations, ^"™- 5*'-
dit encore S. Auguftin, chaque jufte qui pafle par cette vie, & tous les juftes qui
font ici maintenant , c'eft à dire qui vivent fur la Terre , & ceux-mémes qui naî-
tront dans la fuite, ne font tous qu'un feul & unique corps de Jefus-Chrift dont ils
font tous fes membres.
„ L'Eglife eft l'héritage de Jefus-Chrift ... Cet héritage comprend tous les Saints. inP'^"?»-
Tous les Saints font un feul homme en Jefus-Chrift,
,, Ceux là fans doute , ajoute- t-il , ne font point de l'Eglife, qui quoique vivans Lib. 4-d«
dans fon fein , ne font pas animés de l'efprit de Jefus-Chrift & ne pratiquent point 4!
fes Commandemens. On ne peut pas dire , que des perfoimes de cette efpéce ap-
partiennent en aucune manière à l'Eglife . . . Qiii ofera afl"urer que ceux qui ne re-
noncent au monde que de bouche , mais nullement de cœur , foient les membres de
cette colombe (que Jefus-Chrift appelle) ma parfaite amie \
,, Puisqu'il n'y a que les bons, dit-il ailleurs , qui étant régénérés fpirituellement , e^çP^^^"''*
entrent dans la compofition du corps de Jefus-Chrift , en devenant fes membres , fans n. 60. '
doute que c'eft en la perfonne de ces bons que consiste l'Eglife . . . c'eft à di-
re dans la perfonne de ceux qui bitiftent fur la pierre, &r qui après avoir écouté
avec refpeà: les paroles de Jefus-Clirift , les mettent en pratique. Mais l'Eglife ne
confifte point en la perfonne de ceux qui bâtiffent fur le fable, c'eft à dire qui écou-
tent les paroles de Dieu & ne les fui vent point pour régler leur vie.
,, Ceux qui fe font féparés de l'Eglife par un fchisme manifefte , dit-il encore , re Lib. 1. de
fout pas les feuls qui ne lui appartiennent point : car dans fon unité même ceux J^^P'- '■ '°'
„ qui s'en féparent par le dérèglement de leur vie , ne lui appartiennent pas da-
5, vantage.
„ Quiconque, confondu avec les bons dans le fein de l'E^^Ufe, y fuit aveuglément ib!d. ci;,
„ fes paffions charnelles' , eft réellement fèparé de l'unité de cette Eglife qui eft fans "•^'^
„ taches & faas rides.
R 3 ,,L'E-
15,^ DIVERS E' C A R r S
Dissert. ^^ L'Et^life eft pure, chafte & fans taches , c'eft pourquoi les avares, &c. ne font
surl'aut.^^ point de fes membres.
DES MiR. ^^ Tous ceux qui écoutent h parole de Jefus-Chrifl:, mais ne li mettent point en
Jn.'i'.'''*'' 5> pratique, font véritablement fcparés de l'Eglife.
ib. lib. 7. c. » Te voudrois bien vous demander, ajoute-t-il, fi vous vous imaginez que l'Eglife
6. n. II. jj étant repréfentée dans l'Ecriture fous le fimbolc d'une colombe douce, fimple, in-
Tnô. 6.^in^^ Hoccnte, fans fiel, fans aigreur, fans aucune méchanceté . . ., ceux qui ne vivent
>> point fi-lon les faintes régies de l'Evangile , peuvent être les membres de cette chafte
„ colombe? Non fans doute, cela ne peut-être.
Lib.i.coai. ^^ Ccux dont la confcience eft fouillée, ne foijt plus du corps de Jefus-Chrift qui
lu '' ,, eft l'Eglife : car Jefus-Chrift ne peut avoir des membres qui foient damnés. "
Telles font auffi les Maximes répandues dans les Ecrits de S. Jérôme & de S. Gré-
groire le Grand.
Vil>î Com. „ Si quelqu'un eft pécheur, dit S. Jérôme, & qu'il fe foit falli de quelque tache,
*' ^" „ on ne peut pas dire qu'il foit de l'Eglife de Jefus-Chrift.
Hoir.«l. 19 „ L'Eglife , dit S. Grégoire le Grand, eft la vigne compofée de tous les juftes qui
,, ont vécu depuis Abel & qui naîtront jufqu'à la fin du monde,
î'âî'id ioMn.' >, Les Saints avant la loi , fous la loi & fous là grâce , dit-il encore , font les mem-
„ bres de l'Eglife &: font la plénitude du corps de Jefus-Chrift.
L.îo.Mor. ^^ L'Eglife fainte des Elus , ajouie-t-il, ne regarde pas feulement comme fes enne-
c. H.D.Z . ^^ ^.^ ^^^^ ^^j abandonnent fa foi, fe féparent d'elle, mais encore tous ceux qui l'af-
„ fligent en menant dans fon fein une vie corrompue."
\\. Cependant on ne peut fe diihmuler que cette Eglife, qui conformément à fon infti-
i^'*fdcs'^mé-tution devroit être toute fainte , ne foit au contraire depuis long tems épouvantable-
chïnsqui mcnt mêlée , étant remplie de mondains & de méchans, qui furpaflent prodigieufement
ghTê^'its' le nombre des bons. Mais par la Providence Divine, cela n'empêche point qu'elle
dcffauij de^^ ne foit l'Ecole où fe forment tous les Saints , non feulement par les falutaires inftruc-
r%mpè. tions qu'ils y trouvent , & par les bonnes œuvres que la grâce de Jefus-Chrift leur fait
otvn/ne"' ^airS) "^ais même auffi quelquefois par les perfécutions qu'ils y fouffrent.
foit la feule Au refte quoiqu'il foit très vrai de dire, que les réprouvés , tels qu'ils foient , ne
roa's'ics EUis ^ont point partie de la portion vivante de l'Eglife , puifqu'ils font très éloignés d'être
tTouTcnt leur les membres de Jefus-Chrift, cela ne conclud pas que ces réprouvés ne puiffent être du
''''"'' nombre des chefs de l'Eglife vifible : ce qui eft fi vrai que dès les premiers tems de
fon établifTement S. Paul fe plaignoit déjà, que plufieurs de fes Miniftres chercboitnt
_, ... [. leurs propres intérêts (^ non ceux de yefits-Chrift,
Si les abus fe font multipliés , fi le dérèglement des mœurs s'eft augmente, fi les
vices fe font accrus, fi l'orgueil , l'ambition & l'intérêt ont pris la place de l'humilité,
de la charité, du parfait desinterreflement que tant de Saints ont fi éminemment prati-
Rom. III. 3. que dans les premiers Siècles de l'Eglife , l'infidéliti des hommes Annéantirat-elle la fide'~
lité de Dieu? Non certes, dit S. Paul.
Jefus-Chrift ne nous a pas laiflc ignorer cet affreux mélange qui devoit fe former
dans l'Eglife telle qu'elle eft fur la Terre. Car c'eft fans doute pour nous en inftruire,
Miuh. XlII.que tantôt il nous la repréfente fous la pinbok d' un grand filet qu'on jette diins U mer er
- '. ... <?«' prend toutes firses de poifTons . . . hons CT mauvais : tantôt , comme une aire oîi il
y i au bled mclc avec beaucoup de paille , qui n cil propre qu à ctre vrutee cLms un fen
qui ne s'éteindra jamais.
Il nous dit encore que c'eft un champ , où le Fils de l'homme a fcmc de bon grain,
& où le diable a fcmé de l'ivraie.
j^Veft.mor'. Celui , dit-il , qui feme U bon grain , c'efi le Fils de l'homme!
■''"'• „ Oui, Seigneur Cs'<^cric le Pcrc Quefnel) nous rcconnoiJoos avec joie que c'eft
„vous
DES C 0 N S T I T V T I O Kf N A,I R E S. 13 j
j, vous feul qui formez les Saints , en femant dans leur cœur par une grâce toute gra- Dissert.
tuite tout ce qu'il y a de bon : en y faifant germer cette femence célefte , & eu la ^"'"' •*"'''•
„ IHllt lUUL Y /-or CL-r 1 ' • J • o J DES MIK.
,, faifant croître, mûrir & fructiher .... par les mentes de votre vie & de votre
„ mort, par la fainteté de votre efprit, par la puiffance de votre grâce."
A la fin du monde, ajoute Jefus-Chrift , le Fils de l'homme envolera fes Anges, ^«"''- X^''-
ront de fon Royaume tous les fcandales , & ceux qui commettent l'ini- *** '*^*
& ils enlèveront
„ quité, & ils les jetteront dans la fournaife de feu."
Mais quoique le Rojaume de Jefus-Chrift fur la Terre , c'eft à dire l'Eglife vifi-
ble, foit rempli de fcandales , & de gens qni commettent V iniquité , ce Royaume n'en
eft pas moins le feul Empire oîi demeurent tous les Saints qui habitent aftuellement
dans le monde: il n'en eft pas moins Ut Aiaifon du Bien vivant . . , la colomne (^ U iTim.III.
bafe de la Férité. ^'
En effet ce n'eft que dans l'Eglife Catholique qu'on apprend à croire la totalité des
Vérités que Dieu a révélées , à efperer avec une légitime confiance le bonheur éter-
nel qu'il a promis, à pratiquer avec amour tous les Commandemens qu'il a faits.
Les deffauts que peuvent avoir une grande partie des Miniftres de l'Eglife, n'empê-
chent point qu'elle ne foit l'unique que Jefus-Chrift & les Apôtres ont établie , &
qu'il ne l'ait évidemment deftinée à conduire les Elus au falut , ^finguliéremeiit par les
grâces infiniment précieufes qui fortent de tous les Sacremens qu'il a inftitués.
C'eft la vertu du facrifice de Jefus-Chrift qui donne l'efficace aux Sacremens : c'eft
l'efprit de Dieu qui fait produire , lorfqu'il lui plaît , un fruit falutaire aux inftruc-
tions , quand même elles feroient imparfaites. Aulîi tout cela peut s'opérer par le mi-
niftére de Prêtres méchans & réprouvés.
Le Sacerdoce eft digne des Anges : mais les Miniftres font des hommes, qui peu-
vent être fujets à toute la corruption des enfans d'Adam, fe conduire par les ténèbres
de leur propre efprit , & fe laifler emporter par leurs paffions. Mais lorfque Dieu le
permet, il fait bien en tirer fa gloire.
Par exemple , fi depuis quelques années il a fouffert , que plufieurs Miniftres de
fon Eglife s'aveuglaflent jufqu'au point de traiter comme des hérétiques &: de refufer
les Sacremens à ceux de fes ferviteurs qui foutiennent toute Vérité , il a fait en forte
par la puiffance de fa grâce , que le principal & le plus frappant des effets que ces in-
juftices ont produit, a été de faire paroître avec un plus grand éclat l'humilité, la pa-
tience & les autres vertus qu'il lui a plû de donner à ceux qui ont ainfi foufïêrt perfé-
cution pour la juftice.
Malgré tout cela il faut avouer , que l'Autorité fouverainement refpeélable des Cons-
titutionnaires eft d'un très grand poids pour fubjuguer ceux des Catholiques qui ne
font point affez inftruits pour diftinguer l'Autorité en elle-même , telle que Jefus-
Chrift l'a donnée pour édifier & non pour détruire, de l'abus qu'on en fait aujourd'hui
en l'employant à faire profcrire des Propofitions contenues en termes formels dans le
Nouveau Teftament, enfeignées & pratiquées par tous les Saints.
„ L'Autorité de l'Eglife & du corps des Pafteurs , dit le Père Quefncl , ne ga- Refl. mor.
rentit que ce qu'elle a reçu de Jefus-Chrift par la Tradition des Apôtres & de leurs ^xin 1
„ fucceffeurs. "
Auffi Dieu eft-il venu vifiblement lui-même au fecours de ceux qui par trop de
fimplicité auroient pu fe laiifer féiuire, quoiqu'ils defiraffent de tout leur cœur de
ne fuivre que la Vérité.
Il eft de notoriété publique, que depuis 1717. Dieu a fait & ne celTe point Je fai- X 1 1.
re un très grand nombre de Miracles par l'intercefllon des Appellans. Or il eft évi- d^dair^'f'
dent que ces Miracles décident de. la manière la plus exprefTe, que l'Appel eft la def- dcsMiutirt,
fenfe légitime des Vérités très mal à propos profcrites par la Bulle , ôf que les perfé- eftu vin?*!
5>
i^(j D / r E R s r C A R T s^
Dissert. entions qu'on fait fouffiir aux Appellans , font pour eux le chemin du Ciel ; puis-
«UR L'AUT. jj -Qjg^ jgyj. déclare pnr ces Miracles, qu'il a dcja comblé de gloire les plus faints
DES Ml R. j.çj^jj.^ g^,j^ çn récompenfe du témoignage qu'ils ont rendu publiquement à la
tcrconue lui ... /
que de relu- Vente.
feidefcfoi:- Aucun bon CatViolique n'ofera fans doute conteftcr , que les Miracle-; ne foient une
^iTeccs^h- prérogative furnaturellc & un appanage merveilleufement diftinélif, dont Jefus-C hrift
rades (icci- g,.3tif^^e fgn Eglife pour convaincre tous les hommes vraiment raifonnables , qu'il ha-
bite au milieu d'elle, que ce n'eft que chez elle qu'on trouve toutes le? branches de
la foi parfaite &: fandifiante qu'il eft venu apporter dans 1: monde , & que cette E-
glife eft la montagne fainte où il répand fes rofces les plus précieufes. Mais lorfque
dans un tems de divifion , il fait une multitude de Miracles par l'intercelTion & le ca-
nal de ceux qui ont foi'.tcnu ou qui foutiennent certaines Vérités , peut-il y avoir une
preuve plus claire, plus décifive, plus évidente, qu'il prend lui-même la deffènfe de
ces Vérités qui par conféquent ont toujours été la foi de l' Eglife?
Luc.IX. i.2> Ce
maladie
nés à l'hgUle qi
les dons que Dicului^ faits.
Lorfque Jefus-Chrift donna à fes Apôtres ce merveilleux pouvoir , ce fut afin qu'à
la vlie de ces œuvres où fa préfence , fa toute-puiflance & fa bonté fe manifeftent
avec un éclat qui ne peut appartenir qu'au Très-haut , les Payens mêmes reconnufTent
que ces Apôtres venotent de fa part , & qu'ils priflent une entière confiance en tout ce
qu'ils leur difoient. Ainfi l'objet des Miracles a été dès le commencement de la Reli-
gion, de fervir de preuves à la Vérité. Qui peut douter que dans la fuite, ils n'aient
pareillement pour but principal de manifefter clairement aux fidèles de quel côté eft
la Vérité , lorfqu'elle fe trouve contredite dans la maifon même où elle doit toujours •
Nier la réalité de ce grand nombre de guérifons Miraculeufes opérées coup fur coup
depuis près de 20. ans par l'intcrceOiion de M. de Paris, de M. RouflCjde M. Soanen
Evcque de Senez & autres Appellans, ce feroit nier une multitude de faits publics, qui
ont eu des milliers de Témoins oculaires. Auffi n'ofe-t-ou le faire, du moins fans quel-
que modification, dans Paris où Dieu a opéré la plus grande partie de ces Miracles. Mais
même en quelque endroit du monde que ce puiffe être, on ne peut refufcr de les croi-
re que par une prévention & une obftination inconcevable. Par exemple , comment
fcroit-il poflfible qu'on réfiftat de bonne foi aux preuves invincibles que j'ai npportées
de pluficurs de ces Miracles?
Attribuer ces Miracles à Beelzebut , quoiqu'il y en ait un grand nombre où \i
main du Créateur a paru avec une évidence parfaite , ce feroit renouveller le blasphème
des Pharifiens: ce feroit rcfufer d'en croire le Verbe Eternel , qui nous a déclaré ex-
prclfément que les Miracles font les œuvres d; fon Pérc, Ofera patris mei : ce feroit
ébranler un des plus fermes appuis de la Religion : ce feroit contredire tous les Pérès
&■ tous les autres Saints , qui tous ont unanimement foutenu contre les Payens & les
Hérétiques , que la Miracles font la -voix (j le tèimigHage de Dieu : aiafi ce feroit fe
féparcr vifiblemcnt de l'Eglife du Ciel , en "publiant des principes oppofés à ceux que
nous tenons de Jcfus-Chrift &r de tous les Saints.
Avouer que' les Miracles ne peuvent avoir pour auteur que le Souverain Maître de
h nature, & néanmoins refufcr de fe foumettre cl ce qu'ils décident , ce feroit fe r»^'-
volrer ouvertement contre Dieu : ainfi ce feroit fe fermer à foi-même h porte de la rai-
féricorde.
Pouffer h témérité jufqu'à porter un jugement formel contre h Dccifion précil'c du
Très-
1
DES CONSTITVTIONNAIRES. "157
Très-haut , & condamner aux fupplices cternels de l'Enfer ceux qu'il déclare par une Dissert.
multitude de Miracles être du nombre de fes Saints ; ce feroit faire injure à Dieu mê- s"Ri-'aut.
me, ce feroit l'accufer de faux témoignage & de faire des Miracles pour nous trom- ^^' ^^^'
per : ce qui eft un blafphéme que des oreilles Chrétiennes ne peuvent entendre fans en
frémir.
La feule relTource des Conftitutionnaires pour tâcher de fe fouftraire à l'Autorité de
cette voix Divine , & pour empêcher les peuples de fe conduire à la lumière de ce
flambeau célefte ; c'eft de fuppofer , qu'il n'appartient point au commun des fidè-
les de juger des Miracles , & que ce droit eft réfervé uniquement aux premiers Pas-
teurs de l'Eglife : par où ils s'efforcent d'infinuer que les fidèles doivent fe fermer les
yeux du corps & de l'ame , & n'avoir aucune foi ni aucun refpeâ; pour le Té-
moignage de Dieu , à moins qu'il ne plaife aux Evéques de le revêtir de leur
Autorité.
Voilà au fond en dernière analyfe, ce que les Conftitutionnaires difent fur ce fujet
de plus féduifant : mais comme cette Queftion eft d'une extrême importance dans le
tems où nous fommes, je crois nèceffaire de la traiter avec quelque étendue.
§. VII. Les Miracles portent avec eux la preuve, qu"" il s font l'œuvre de
'Dieu s é' il y a àes moyens à la portée des Jîmples pour les difcer-
ner fùrement des fuper chéries du démon.
CE fera au jour du jugement une bien mauvaife excufe, de dire que les Miracles , . '-^.j,
faits en faveur de l'Appel, des Convulfions & des Secours, ont été rejettes par des Miracles
des Puiflances Ecclèfiaftiques & par des Dofieurs célèbres. Ceux de Tsfus-Chrift ne Vv"' '''i-
i'-i / / ■ rr ir- 11 i.~ ■•/- Dieu : Cl e
1 ont-ils pas ete puiliamment pendant la vie mortelle, par le Souverain Pontife, par les le manifcitc
Princes des Prêtres &: par les Dofteurs ? §'««",'&''
Les vrais Miracles n'ont pas befoin d'emprunter l'Autorité des hommes: ils ont par «He ne dé-
eux- mêmes une Autorité Divine , puifqu'ils font fpècialement les œuvres & le té- ^"équeslu*
moignage de Dieu j & c'eft par leur évidence qu'ils prouvent leur réalité. desDocicuu.
Il eft vrai néanmoins, que c'eft aux Evéques qu'il appartient de faire les Informa-
tions juridiques des Miracles, & d'en conftater la certitude par des Inftrudions Pafto-
rales. Mais lorfqu'ils refufent de remplir ce devoir, parce que les Miracles condam-
nent le parti qu'ils ont embrafTé, les fidèles doivent-ils pour cela méconnoître la voix
de Dieu, & fe fermer volontairement les yeux pour ne point voir la brillante lumière
dont il les éclaire ?
Quoi ! Appartiendroit-il donc aux Prélats de dérober aux fidèles les faveurs furna-
turelles que Dieu feul fait pour les inftruire lui-même ? Les hommes, tels qu'ils foient,
peuvent-ils avoir droit d'ètoufièr la voix du Très-haut ?
,, Lorsque les Supérieurs qui font en droit de faire cet examen avec Autorité, cUfoit^^^^^^^^"^-
„ M, Petitfied dans la Lettre que j'ai déjà citée, manquent à leur devoir : lorsque Juiiieii?^*.
„ comme dans l'affaire préfente ils refufent de le faire ... au défaut d'une notoriété LemediM.
,, juridique, la fimple notoriété de fait suffit pour ne biffer aucun lieu de douter ^c Scuez ,
,, de la vérité des Miracles opérés en fu-eur d'un grand nombre de ceux qui ont eu ^' '''
„ recours à l'intercefTion de I\l, de Paris. Ainfi la preuve qu'on en tire pour faire voir
„ la fainteté de la vie de ce faint Diac e & la pureté de la doâirine pour laquelle il a
„ toujours témoigné un très grand zèle, fubfifle dans toute fa force. Et dans les dis-
„ putes préfentes où les grandes Vérités qui doivent fervir de principes , font obfcur-
„ cies, les Miracles de M. de Paris font non feulement pour les fimples, mais pour
„ hs perfonnes éclairées, une voie courte, fimple &: décifive pour difcerner de quel
Dijfm. Tom. II. S „ côte
DES MIR.
5>
ij8 LES MIRACLES SE PROUVENT
DissEUT. côté ert h Vérité. Ils font de plus une preuve de la vérité de la Religion Catholi-
.«vrl'aut.' q,,g contre toutes les Seftes féparées de l'Eglife. On doit beaucoup s'affliger de ce
qu'elles n'en profitent point, & de ce que ceux qui la devroient faire valloir, tra-
vaillent à l'obfcurcir & à l'afibiblir. On a vu des Proteftans touchés & ébranlés du
récit de ces Miracles : mais ces boiues dispofitions fe dctriiifent par l'oppofition
que témoignent à ces Miracles, ceux qui font les dépofitaires de l'Autorité fpirituellc
„ & temporelle.
Cepend.int bien loin que cette oppofition dût diminuer h foi que les Proteflans de-
vroient avoir pour ces Miracles , il femble au contraire que les preuves invincibles
qu'on leur en fournit , devroient leur faire d'autant plus d'impreffion , que les Témoins
qui les atteftent ne peuvent avoir en vue que d'en recevoir après leur mort la récom-
penfe du Dieu de toute Vérité. Ils n'ignorent pas, qu'en rendant ce témoignage, ils
encourrent la disgrâce des PuilTances, dont ils dépendent: il n'y a donc. que' Ë défif
dt plaire à Dieu, & d'être utiles au prochain, qui ait pu les engager à faire uû« telle
démarche , Ci contraire à tout intérêt humain.
Ajoutons que non feulement le refus que font aujourd'hui la plupart des Evoques ,'
d'examiner les Miracles que Dieu opère parmi nous , n'eft pas une preuve de leur faus-
feté mais que c'efl; au contraire un témoignage muet qu'ils leur rendent , n'efpérant
pas pouvoir en obfcurcir l'évidence par la tournure de leurs Informations. Car puifque
ces Miracles décident contre leurs préventions , ils n'auroient pas manqué de les cou-
vrir d'un voile d'incertitude , s'ils avoiént cru pouvoir y réulîir par une Information
juridique. C'eiit été un moyen bien plus fpécieux & bien moins odieux , que d'ofer
dire ainfi que quelques-uns d'entre eux ont fait, que ces guérifons Miraculeufes , quel-
que furprenantes qu'elles puiffent être, ne font que des artifices de Satan , & que d'em-
ployer leur crédit pour perfécuter ou pour décrier ceux qui les atteftent & Igs pu-
blient. Mais plus on fait d'efforts pour étouffer ce flambeau de la_ Vérité, plus tous
les Chrétiens doivent avoir d'empreffement pour profiter de fa lumière.
Ce n'eft point des Evêqucs , c'eft de Dieu même que les Miracles reçoivent efTen-
Aûes.V.ij. tiellement leur Autorité: ils font fa voix. Or il n'eft pas douteux qu'il ne faille obéir
à Dieu plutôt qu'aux hommes : Obcdire oportet Dco magis cjuam hominibus.
Oferoit-on prétendre que l'Autorité de quelques Evcques,ou de quelques Doéleurs
peut dispenfer de cette régie immuable ? N'étoit-ce pas au grand Prêtre & à tous les
Chefs de la Religion judaïque, qui fubdftoit encore, que S. Pierre parloit ainfi ?
Il eft vrai que la voix de l'I^glife eft la voix de Dieu également comme celle des
ISlirades : auffi jamais ces deux voix Divines ne peuvent-elles fe trouver en contradic-
tion • & comme il eft de toute impoftibilité que Dieu parle par des Miracles contre u-
ne véritable Décifion de l'Eglife, il eft pareillement impofl'ible, qu'il y ait une vérita-
ble Décifion de l'Eglife dans un Décret combattu par de vrais Miracles. Ainfi toute
la conféquence qui réfultc de ces principes inconteftables , c'eft que très certainement
les Evêques & les Doâeurs qui donnent au diable des Miracles Divins, ne font point
en cette occafion la voix de l'Eglife. ^
Encore une fois les vrais Miracles n'attendent pas pour être le témoignage de Dieu,"
qu'ils aient été examinés par les Evê<iucs. Leur examen ne peut même rien ajouter à
leur Autorité intrinféque. Le droit des premiers Paftairs à l'égard des Miracles, eft
feulement d'en démontrer la certitude par les Informations, où ils en nlTemblent les
preuves, & d'en augmenter l'authenticité par la publication qu'ils ai font. Mais avant
que les Evcques les examinent & les publient , ils n'en font pas moins la voix de Dieu :
& fi des motifs humains les engagent à les rcjcttcr, ils n'en doivent pas moins être
crus, d'autant plus que les Miracles ne font pas feulement promis à l'Eglife pour la
diftinguer des Seâcs par le plus brillant des caraâcrcs Divins de la Toute puiffince
jointe
I
PAR L E V K r r J H g N C E , t^ei^ ij,
jointe à la Bonté; ils lui font auffi donnés pour lui faire reconnoître les vrais deffenfeurs Disseri ,
de la Vérité, entre deux partis qui fç combattent dans fon fein,& qui font tous deux ^""^ ^'■*"■^•
profeffion d'être fes enfans. ' ^'^ ""'•
La trace des Miracles eft cçUç de la doctrine de l'Evangile & de la Tradition, Ils
font la preuve de la pureté de la foi : ils font la Décifion de Dieu même. C'eft par les
Miracles qu'il a établi la Religion : il la maintiendra par les Miracles jusqu'à la fin;
& rien n'eft plus convenable à fi Bonté, que de venir lui-même au fecours des fimples,
en les éclairant par la vive lumière des Miracles, lorfqu'ils font en un danger preffant
d'être aveuglés par les apparences impofantes & les faftueux dehors de l'Autorité la plus
vénérable. Or fi dans le tems oîi la Vérité efl obfcurcie par des Décrets favorables à
l'erreur , & que néanmoins la prévention ou la politique ont fait accepter à un très grand
nombre d'Evêques , la foi que l'on doit aux Miracles & la foumiffion à leur témoio-na-
ge, dépendoient du jugement que chacun de ces Prélats en pourroit faire, les Mira-
cles deviendroient le jouet de la paflion & des préjugés des hommes; & Dieu ne pour-
roit plus déci ier lui-même , par ime voie furnaturelle & vifible, les difputes qui fe fe-
roient élevées dans l'Eglife, ou pour mieux dire, fa Décifion feroit foumife & fubor-
donnée à celle de fes créatures , à leurs intérêts -humains & aux divers engagemens au'ils
auroient pris.
Pour fentir vivement l'abus qui pourroit réfulter d'un tel pouvoir entre les mains des
hommes, il ne faut que fe rappeller les troubles du IV. Siècle de l'Eglife, lorsque S,
Athanafe réfiftoit presque feul à la multitude des Evêques qui avoient accepté les for-
mules des Ariens, & qui loin de fe foumettre à la Décifion des Miracles que Dieu fit
alors en faveur de ceux qui foutenoient l'ancienne, foi, les décrioient de toutes leurs
forces , en contefloient les preuves , & en nioient la vérité.
Dans quel précipice ne tombèrent point en ce tems là ceux qui préférèrent le fenti-
ment de leurs Evêques , révoltés contre les Miracles, à l'Autorité de ces œuvres de
Dieu ?
La principale dispofition , pour être en état de bien juger des Miracles, eft de
n'avoir point de préjugés dans l'esprit ni de pafficns dans le cœur, qui empêchent de
reconnoître le doigt de Dieu lorsqu'il s'y montre vifiblement. Un cœur pur , un ef-
prit droit & dégagé de toutes préventions, font des qualités. bien plus néceflaires pour en
porter un jugement juRe , que celles d'être un Prélat ou un Dcfteur célèbre.
Pendant la vie mortelle du Sauveur du monde ce fut au peuple que Dieu fit la grâ-
ce de reconnoître fa voix dans le témoignage des Mirgchs ; tandis qu'il laiffoit presque
tous les Princes des Prêtres & les Docteurs s'endurcir dans leurs préventions.
Que devinrent ceux ^des Juifs , qui fe crurent obligés de fuivre aveuglément leurs l'eriicLya-
avis ?• J'ai déjà obfervé ci-deflus,- que Jefus-Ghrift leur a déclaré * c{\xau pur du ;«- bie où fe li-
ge-Ment ils feront traités plus rigourenfemem que les habitans de Sodome i parce que c'eft qurLtrT-"
infulter Dieu-même, que de méprifer fa voix & de faire plus de cas de la Décifion des l'u^n'aud^-
hommes, que de fon propre Témoignage. î"cies"ue'"
AuOî S. Athanafe va- t-il jusqu'à dire, que ceux qui ont ofé donner à Beelzebut les "^^'^i^^^^^j
Miracles de Jelus-Chrift, ,, ont bien mérité d'être punis par un fupplice éclattant pour*Ma«h.X!!
„ une telle impieté, parcequ'ils ont pris le diable pour Dieu, & qu'ils ont penfé que I^Athan. E-
„ les démons peuvent faire d'aulli grandes œuvres que Celui qui eft véritablement Dieu." pi"-4 ad'Se-
Aierito pro tuli impietate obmxit fimt i-idepreual/ili fitpplicio : nam & diaholtim prp 2?f<j"^' °' "*
habuermt , & eum qui vere & reipfà Deus efi , exiftimavermt nihilo plus vt operibus pojfe
quam dœmcnes.
,, Ceux , dit-il pins bas , qui attribuent au diable les œuvres de Dieu , non feulement [bij ^ ,,
„ jettent les chofes faintes aux chiens, mais même ils comparent Dieu avec le diable,
.„ & ils donnent là lumière pour des ténèbres. Tel fut le blasphème irrémiflible des
Si „ Pharificns,
140 LES MIRACLES SE V RO V VE NT ^
Dissert. Pharifiens, ainfi que S. Marc l'obferve par ces paroles: Si qucl^urift bUsph'me contre
suRL'AUT. le s. Esprit , il t'en recevra jamais le pardon, qt il fera coupable d'un péché éternel,
DEsMiR. Q^^ malheureux (ajoute S. Athanafe), s'immoloient au démon , en difant . . . que
les œuvres de Dieu étoient les œuvres du diable . . . Pourq'.'oi ne reconnoiflbicnt-
ils point , par les œuvres du Fils de Dieu , qu'il étoit dans Ton Père & que fon
Pcrc ctoit dans lui? C'eft qu'ils aimoient mieux fuivre les impreflîons de Beel-
, zebut qui parloit en eux & qui leur perfuadoit que Jefus-Chrill: n'étoit fimple-
mcnt qu'un homm: , au lieu qu'ils auroient du rcconnoitre & confcfTer, qu'il c'toit
Dieu lui-même, puisqu'il faifoit des œuvres qui font propres à Dieu feul. C'eft
^] ainfi qu'ils ont fait leur Dieu de Beelzebut qui habitoit en eux, afin d'être tourmen-
te's avec lui dans des feux éternels. " /« <]»i Dei opéra diabolo adfcribunt , non folum
^janBa canibus proyciunt , fed & Deum diabolo comparant , q- lucem tenebras effe dicunt.
Hanc ccrte effe Pliarifdorum nunquam remittcndam blasphemiam Aïarcus gbfervavit his
verbis : qui autem blasphemaverit in Spiritum Sancflum , non habet remilîionem, fed
reus eft xterni delifti . . . Immolabant mtpri djemonio , dicenres Dei opéra damonum es-
Ce . . . Ouare non ex eperibus percipiebant Dei Filium in Pâtre cjfe & Patrem in ipfo ?
Immo poTîùs ipfum BeeUebut habebant in Je lotjuentem , ut ex humanis eum horninem dun-
taxat vocarent , ex operibus autcm cjitx Dei propria erant , non iiidcm illum ejfe Dcum con-
fiterentur, fed pro BeeUebut qui in ipfis habit abat , Deum facerent , ut cum illo tandem a-
tcrno igné cruciarentur.
Si les Miracles font des œuvres propres à Dieu feul : fi c'eft une impiété qui mérite
d'être punie par des fupplices éternels, que d'attribuer de vrais Miracles à BeeUebut : Ci
c'eft comparer Dieu avec le diable: fi c'eft dire que la lumière n eft que ténèbres: fi c'eft
vouloir faire prendre les œttvres de Dieu pour des illufions diaboliques , ce qui eft un
péché contre le S. Esprit & un blasphème irrémiffible : fi c'eft s'immoler foi-mème au
démon, ou en faire fon Dieu, & fe précipiter avec lui dans des feux qui ne s'éteindront
jamait; comment des Evêques & dcsDofteurs qui doivent être inftruits de ce que l'E-
vangile & lesSS. Pérès nous ont dit fur ce fujet, n'ont-ils donc aucune crainte de don-
ner à ce malheureux Dragon de l'Enfer cette multitude de Miracles évidemment Di-
vins, que Jefus-Chrift opère depuis 1717. parmi nous en exécution de fcs promefles?
Ah ! Sei<^neur , que de fi terribles menaces les reveillent de leur afToupiflement
mortel ! ^ / , , • • t^- ,
■ Dans tous les Siècles les vrais Miracles font également la voix de Dieu & les œuvres
de Jefus-Chrift. Ceux qu'il fait du haut de fa gloire ne font pas moins fon ouvrage,
que ceux qu'il opéroit pendant fa vie mortelle: quel crime n'eft-ce donc pas que d'en
faire préfent au diable ?
ÎcTmkT'Ics- "= manière (m'Z, & pour les difcemer des artifices de Satan.
u y a àa ' C'eft ce que je vais me preffer d'ètiblir , avant même que de réfuter les fables & les
tTfl^Uc mauvaifes citations deM-l'Evêque de Bethléem; parceque, indépendamment de toute
foui Us a;f- cette difcufiîon, je compte fournira tous ceujc qui ont le cœur droit, & l'efprit juftc
"^ufUctl & attentif, un moyen aulTi fimple qu'incontcftablc, pour pouvoir juger avec certitu-
^"^ de, que les Miracles opérés en faveur de l'Appel, d;s Convulfions & des Secours,
ne peuvent avoir que Dieu pour auteur.
Au rcfte je ne prétends point, par ce que je viens de dire, ni par ce que je vais y
ajouter, juftifier en aucune faijon h pix'cipitatinn ni h crédulité excclllves , avec Icf-
qucllfis phificuis d'entre le peuple font capables de prendre pour mi Miracle ce qui ne
PAR LEVRE' riDENCE,&c. 141
l'eft pas effêftivement. Je ne parle que des Miracles qui portent avec eux leur Dissert;
évidence, & je donne pour qualité elTentielle, afin d'en bien juger, un cœur pur '"'*'-'*"■'■ •
qu'aucune palIion ne détermine, & un efprit jufle & attentif qui ne décide point à l'a- "*^'*"'^'
veugle Si fans connoiflance.
C'eft en faveur de ceux des fimples, des pauvres & des petits , à qui Dieu a don-
né ces qualités, que je combats tout à la fois & contre ceux qui attaquent de front les
Miracles de nos jours , en les attribuant au démon, & contre ceux qui quoique fort
éloignés d'avoir intention de décrier la totalité des Miracles que Dieu a fait depuis
nombre d'années, en terniflent néanmoins l'éclat, en rabbaiffent l'Autorité, & en
émouflent les conféquences , en répandant dans le Public qu'il eft fouvent très diffici-
le de difcerner fi une guérifon, quelque merveilleufe qu'elle paroiiïe, eft ou l'oeuvre
de Dieu, ou un artifice de Satan, & qu'il ne faut croire aux Miracles qu'après avoir
confulté certains célèbres Dodeurs.
Je foutiens au contraire, que pour faire ce difcernement , il n'eft nullement néceflaf-
re d'être Docleur, & que (fuivant que je l'ai appris de MM. les Evêques de Senez&
de Montpellier, dont j'ai déjà cité les Textes) il ne faut que des yeux pour favoir Jï \zs Ci-de(Tas,
Miracles yè«f véritables.. .. que U vue du fait ç^ de fes circonjiances .... fufft à une^^'^°^'^*'
droite raifon , à un cœur Jtmple & Chrétien , pour s'en ajfurer : que les Aîiracles fe prou-
vent par eux-mêmes CT par leur propre évidence : que de Jïmples fidèles font quelquefois
plus clairvojans dans les œuvres de Dieu, que des perfonnes fort élevés : 8c qu'en effet c'eji
au fimple peuple a qui yefus-Chrifl a dit qu'il doit juger en voyant fes œuvres.
Aulfi lifon^i-nous en vingt endroits de l'Evangile, que le peuple glorifioit Dieu en
voyant les Miracles de Jefus-Chrift, pendant que les Pharifiens & les Doâeurs s'en
fcandalifoient fous de vains prétextes , & décidoient qu'ils ne pouvoient venir de Dieu,
parce que Jefus-Chrift, félon eux, violoit le Sabbat en les faifant.
Dieu fe plaît .1 éclairer les fimples, qui n'ayant point de confiance en eux-mêm;s
ont recours à la prière, & il laifle quelquefois d'habiles Docteurs fe tromper fur des
points importans, fur-tout lorfqu'ils en viennent à s'im.iginer qu'ils ont une lumière
prefque infaillible. Malheur à celui qui préfume trop de lui-même ! Pour l'en punir ,
la lumière fe retire , & l'homme n'eft plus que ténèbres.
Nous en voyons dans le Nouveau Teftament un exemple bien furprenant Se bien
terrible.
Qui auroit jamais pu croire avant l'événement, que le Meffie annoncé Ci clairement
par les Prophètes qui avoient prédit fa Divinité , fon Incarnation , le lieu de fa naiflan-
ce, la vie cachée, fa douceur, fa charité, fes Miracles; feroit méconnu & rejette par
prefque tous les Princes des Prêtres, les Pharifiens & les Doéleuis qui méditoient Ci
fort les Ecritures , & qui fous prétexte qu'ils avoient dans la loi la régie de la fcience é" Rom. M. tm.
de la vérité .. . fi flattaient d'être la lumière des aveugles ? Cependant ce furent ces Chefs *= ^'^
de la Religion & ces orgueilleux Savansqui traitèrent Jefus-Chrift d'impofteur & le fiè-
rent mourir comme un fcèlerat; Se ce ne furent prefque que des gens de la lie du peu-
ple, qui reconnurent le Sauveur du mond; à l'éclat de fes Miracles,. Dieu les ayant in-
térieurement pcrfuadès que lui feul en pouvoir faire.
C'eft aux difpofitions du cœur, que Dieu accorde le plus communément {es grâces.
Or c'eft fa grâce qui eft la fource de toute lumière & finguliérement de toutes celles
qui ont trait à la foi , le premier de fes dons & la racine de tous les autres ; & c'eft
ordinairement aux plus humbles qu'il fait ce don avec le plus d'abondmce. Ilnous a
fait déclarer par fon Efprit , qu'il a choifi ceux qui font pauvres daus ce monde , pour letjj^ fi
rendre riches dans la foi.
Auffi cft-ce précifément par rapport aux Miracles & k la foi pure, fimple Se foumi-
fe qui fait qu'on y croit, que Jefus-Chrift s'eft écrié: Je vous re^tds gloire, nion Père ^yi3f^\,yj^
S 5 SeigniHY^-^
I4i LES MIRACLES SE PROVIENT
Disse RT. Sehncur dit Ciel cr de la Terre , de ce que vous avez, caché ces chofes anx fages cfr aux
tVRL'AijT. py^^g„f ^ çj^ ejue vous Us avezj révélées aux Jîmfles dr aux petits. Ce qui fait dire au
uF.sMiR. p^,^^ Qucfnel que c'eji aux Jtmplcs cjue Dieu fe communique : que c'eft à ceux qui ont
Xvn'l. itV le <^<"*^ ^ro// CT qui cherchent Dieu dans la /Implicite , qu: la lumière efl donnée.
& anxAftcs Enfin Jefus-Clirin: dit en termes formels, que c'eft Ipccialement aux pauvres à qui
LÙc.vlI. il. il eft venu annoncer l'Evangile. Or il eft manifefte que puisqu'il lui a plu de n'em-
ployer d'autre moyen villble que fes Miracles, pour les perfuader qu'il ctoit le Mellîe
& que l'Evangile qu'il leur annonçoit ctoit la parole de Dieu, il a voulu qu'ils en ju-
geaifent par h lumière que fes Miracles rcpandoient dans leurs âmes, & qu'ils ne dc-
pcndiflcnt point à cet égard ni de l'autorité ni de l'avis des Chefs c^e la Religion , des
Piètres 5c des Dodeurs; ou pour mieux dire, ilj voulu qu'ils préféraflent à leur fen-
timent, le témoignage des Miracles, qui le combattoient , & qui en démontroient
le faux.
Quelle différence infinie entre l'heureux foit de ceux qui dans la droiture de leur
caur fc rendirent à la force & à l'éclat des Miracles de Jefus-Chift , & fe foumirent
avec fimplicité à l'imprelTion que le S. Efprit faifoit dans leur cœur à la vue de ces
Merveilles Divines, & le fort funefte de ceux qui s'en rapportant aveut;lcment à ladé-
cifion des Chefs de leur Religion, de leurs Prêtres & de leurs Dodeurs, préférèrent
ce pliantôme & cette fauffe image d'une Autorité légitime dont ils abufoient, à l'Auto-
ri:é Divine des Miracles? Les premiers n'ont cefle de s'affermir de plus en plus dans la
connoiffance & l'amour de la Vérité, & y ont trouvé leur falut: ceux au contraire qui
ont tellement mis leur confiance dans leurs Chefs, leurs Prêtres & leurs Docteurs,
qu'ils ont avec eux rejette les Miracles de Jefus-Chrift , ont été frappés d'anathême ,
& font tombés dans une fi grande malédidion de Di:u , qu'ils ont enfuite demandé
qu'on crucifiât le Sauveur du monde.
Mais, dira-t-on, l'erreur de ces Juifs, qui fe défiant de leur propres lumières,
croyoient bien faire de s'en rapporter aux Chefs de la Religion , aux Prêtres & aux
Docteurs , que Dieu avoit établis lui-même pour les conduire ; eft-elle donc fi inexcu-
fable , qu'ils aient mérité d'être livrés à de fi terribles ténèbres ? Ouï , parce que c'eft
faire injure à Dieu, que de préférer les jugemens des hommes à la Décifion qu'il pro-
nonce lui-même par des Miracles.
Mais fi dans tous les tems le témoignage des vrais Miracles eft une voie fùre , & (i
ce témoignage eft quelquefois néceffau-e au commun des fidèles pour diftinguer ceux
qui leur prêchent la Vérité toute pure , de ceux qui les trompent , combien eft-il im-
poitant Je fe conduire par la lumière infaillible & fanttifiante de ce flambeau Divin,
dans un fiécle tel que le nôtre , où la plupart des Catholiques errent volontairement au
travers des ombres d'une nuit toute noire : dans un Siècle où une f'atale Bulle appuyc^
de toutes les PuilTances, aveugle les efprits par d'épaiffes ténèbres, & remue toutes les
paflîons par une multitude d'intérêts humains: dans un fiécle, où la plupart des Prê-
tres , des Dodeurs & des Evoques font révoltés contre les œuvres de Dieu , & où
par confcquent leurs confeils fur ce fujct ne font propres qu'à jctter d.ms l'erreur: dans
un Siècle où l'on ne peut foutenir ouvertement toute Vérité fins être dans la difpofition
de facrifier fes biens, fi liberté, fa réputation , & de tomber dans le mépris, non feu-
lement de tous les amateurs de la terre , mais même de plufieurs de ceux qui font pro-
fclfion de piété.
Cependant tous les efforts de rtlfprit pervers pour nou»; cacher la lumière, n'em-
pcchcront pas l'exécution des promeffes qui nous font de iùrs garants, que la Vérité,
fur toutes les queftions controvcrfècs , ne cclTcra jamais d'ctre connue & cnfcignée dans
l'Eglifc.
Ln effet malgré h pciTècution on trouve encore aducllcmcnt plufieurs Miniftres,
qui
P y^ R L E V R L' F I D E N C E, &c. 145
qui éclairés par une grande connoiflance de la Religion, fortifiés par la vue des Mira- 'Dissert;
clés, animés par un ardent dcfir de plaire à Dieu, prêchent & foutiennent toute Vérité, surl'aut.
Il y a de favans Théologiens , qui lui rendent hautement témoignage , & dans l'efprit °^^ "'^"
de qui l'Auteur de tout bien fe plait à répandre fa lumière d'autant plus abondamment
qu'ils font très éloignés de s'en glorifier. Il y a de faints Religieux pleins de h doc-
trine des Pérès, & à qui le Très-haut aime à découvrir fes fecrets , parce qu'il leur
donne de répandre leur ame en fa préfence dans le fecret de leurs cellules , & d'y gémir
continuellement fur les maux de l'Eglife. Enfin il y a des Direéteurs remplis de zèle
& d'amour pour toute Vérité , qui loin de confulter la fageffe humaine & la prudence
de la chair, ni de fe kifler affoibhr par les diverfes opinions des grands hommes de ce
Siècle , ne fe déterminent dans les confeils qu'ils donnent , que par les maximes de l'E-
vangile. Mais helas ! que le nombre de ces Pafteurs intrépides , de ces Théologiens
éclairés, de ces humbles & favans Religieux, de ces Direfteurs pieux & télés, eft pe-
tit! Or dans cette difette extrême , quelle confolation, quel bonheur n'eft-ce pas poul-
ies fidèles , que Dieu leur ait fourni un moyen fur de difceraer la Vérité par la lumiè-
re des Miracles !
Qu'il eft plein de bonté & de mifèricorde ce grand Dieu, de s'être ainfi abbaifle
jufqu'à venir au fecours des plus fimples & des plus petits des fiens , en les inftruifant lui-
même par les Merveilles & les œuvres de fa droite , dans le fiècle d'aveuglement & de
prévention oîi nous fommes !
Concluons donc , que les Miracles font finguliérement aujourd'hui la ligne de la
Vérité, qu'ils portent avec eux la lumière , & qu'ils font le flambeau qui doit guider
les favans & les ignorans , au travers des profondes ténèbres qui couvrent prefque en-
tièrement la furface de la Communion Catholique.
Les Théologiens Antifecouriftes ne nieront pas , que fur-tout dans les tems de gran-
des féduftions , c'efl: principalement en faveur des fimples , des humbles & des petits,
que Dieu fait des Miracles.
Dans la nouvelle Edition de U Vérité rendue fenjîble revue & corrigée fous les yeux Vér. ttai.
de M. le Gros, on y lit en vingt endroits, que les Miracles que Dieu fait aujourd'hui, ii"p.63';'"'
font «« moyen qu'il donne . , . aux Jimples . . . pour les préferver de la féduSlion . . . i|jjj_ »_ g-|,
ti» moyen a la portée des petits cJ" des ignorans . , . un moyen admirable que la Saçeffe
Divine emploie pour préferver les fimples des pièges qui leur font tendus de toutes parts. IbiiJ. p. 661.
Mais n les ignorans ne font pas en état de juger par eux-mêmes des Miracles , com-
ment ce moyen feroit-il proportionné à leur portée ? Si les fimples ne font pas capables
de diftinguer fi une guèrifon Miraculeufe qu'ils voient s'opérer fous leurs yeux , eft
le témoignage du Père des lumières , ou fi au contraire elle n'efl: qu'un appas trompeur
fabriqué par l'Ange de ténèbres, comment les Miracles font-ils un moyen admirable que
la Sagejfe Divine leur donne pour les garantir aujourd'hui d'une des plus grandes yêWwc-
tions qui ait jamais été dans l'Eglife ? En un mot, fi les Miracles pouvent êtres imités
par Satan , fans qu'il y ait des caraftéres très remarquables qui faffent difcerner fûre-
ment aux petits , qui, de Dieu ou du démon, en eft l'auteur, & fi à. cet égard ils
font obligés de s'en rapporter au fentiment d'autrui, comment les Miracles pourront-ils
par eux-mêmes les préferver des pièges qui leur font tendus de toutes parts ?
S'ils vont confulter presque tous les Evêques du Royaume , on quelqu'un de cette
inultitude de Prêtres & de Doifteurs que leurs préjugés, leurs paffions , ou leur igno-
rance ont rangés fous l'étendart de la Bulle , toutes ces perfonnes , qui devroient être
la lumière des fimples, ne manqueront pas de leur dire, que tous les prétendus Mira-
cles de ce Siècle étant faits contre une Dècifion de l'Eglife, ne peuvent être que des
impoftures, ou tout au plus des artifices de Satan. Ainfi ces âmes fimples, qui au-
roient dii fuivre l'éclat de la lumière que Dieu avoit fait briller à leiu's yeux par des
Mi-
144 LJ^i' MIRACLES SE PROVIENT
DissiîPT. Miracles cviden";, tomberont plus que jamais dans l'abîme de la féduftion pour avoir
SUR L'AUT. çQ recours à ravi<; d'hommes prévenus , au lieu d'avoir jugé par eux-mêmes, que les
D€s MiR. j^^jj.j.]„5 ^j3,^{ 1j vqIx jg Dieu, il falloir fans balancer fe foumettre à leur Décifion.
Si même les Miracles qui font imprefiTion fur le cœur de ces fîmples , ont été opérés
par \î miniftére des Convulfionnaires , & encore plus s'ils l'ont été par le moyen des
grands Secours; il y a plufieurs Dofteurs Appellans, que ces fimples ne pourroient
confulter fans péril.
Il eft donc évident , que ce fcroit rendre presque inutile le Témoignage des Mira-
cles , que d'exiger que le commun des fidèles ne prennent confiance en cette voix de
Dieu , que dépendamment de l'autorité & du confeil de ceux , ou qui les rejettent en-
tièrement par un aveuglement total , ou qui cherchent à en éluder une partie par atta-
chement à leurs préjugés. Car enfin , qui fe foumettra à la Décifion Divine des Mi-
racles en faveur de l'Appel , s'il faut n'y ajouter foi que conformément aux préven-
tions des Zélateurs de la Bulle ? A quoi ferviront les Miracles que Dieu a faits par
l'agitation des Convulfions & par le miniftére des Convulfionnaires, ou par la violente
impreOTion des plus terribles Secours, fi l'on ne doit juger des premiers que félon l'avis
des Confultans, & des féconds que fuivant l'opinion des Antifecouriftes ? llnfin, lors-
que le Prophète Elie fera parmi nous , qui croira à fes Miracles , fi on s'en rapporte à
la Décifion & fi on fe foumet à cet égard à l'Autorité du plus grand nombre des Pas-
teurs & des Chefs de l'Eglife, qui doivent méconnoître , rejetter, & même condam-
ner ce Prophète , comme un impofteur , félon que Jefus-Chrift nous l'a prédit
Mjrc.IX.u. lui-même ?
Il n'eft donc que trop évident, qu'une docilité aveugle eft aujourd'hui fort dange-
reufe , parce que d'un côté tous les Prélats, tous les Prêtres & les Dofteurs Moli-
niftes & Conftitutionnaires abufent de leur Autorité & de la confiance du peuple pour
le faire tomber dans l'erreur, & que de l'autre plufieurs mêmes des plus célèbres Ap-
pellans fe font laines prévenir par leurs préjugés.
Match. XI. Jefus-Chrift la vu du haut de fa gloire , & „ il a eu compaflion de cette multitude
^" ,, de fimples, de pauvres & de petits qui étoient errans comme des brebis , qui n'ont
,, point de pafteur: " fidens autem turbas mifertus eft eis , qnia erant vexati ç^ jacerf
tes y Jicut oves non habentes faftorem.
ibii. îj. Pendant fa vie mortelle il les éclaira par des Miracles, & leur fit recevoir „ l'E-
„ vangilc du royaume, en guériftant toutes leurs maladies &: leurs infirmités: " Pra-
dicans Evangelium regni (j- curans omnem languorem & omnem infirmitatem. Encore au-
jourd'hui il leur rend prefque continuellement fa préfence fenfible depuis plufieurs an-
nées par une multitude étonnante de Miracles & de Prodiges, &: il les inftruit ainfi
lui-même , en décidant à leurs yeux , par des effets vifibles de fa Toute-puiffance,
toutes les Vérités combattues , foit par les Moliniftes & les Conftitutionnaires , foit
par les Confultans & les Antifecouriftes.
11 n'eft donc pas pofflble de douter , que ce ne foit fin^uliérement en fweur des
fimples , des humbles , des petits & des pauvres , que Jefus-Chrift fait à préfent ce
grand nombre de Merveilles , qui font p.ir elles-mêmes une lumière qui fufîit pour les
inftruire de la Vérité, & un Théologie qui leur eft proportionnée , parce qu'elle
n'exige aucune fcicnce, & qu'elle ne demande que des yeux , un caur pur , un cfprii
droit & attentif, une ame humble & foumife au joug de la foi. Mais fi les Miracles
font faits principalement pour eux , il faut donc qu'ils foient en état d'en profiter par
eux-mêmes, & qu'il y ait des moyens qui ne paffent pas leurs connoiflances , leur ca-
pacité, leurs lumières, pour pouvoir juger fi ces Miracles viennent de Dieu , ou s'ils
ne font qu'une ilkifion de l'Efprit pei-vers.
Mais, dira-t-on, quels font donc ces moyeus fi fimples & en même tcms fuffifans
pour
f A R L E V R r r I D E N C E , &c. 14J
pour décider avec afTurance , fi une guérifon Miraculeufe , c'efl: à dire qui pafie les Dissert:
forces ordinaires de la nature (telle que fut la guérifon fubite & parfaite de la fièvre ^"'*^''*"''''
de la Belle-me're de S. Pierre) porte les caraftéres d'un Miracle Divin , & doit être ''^**"''-
regardée comme telle ?
Je dis feulement qui pajfe les forces ordinaires de la nature : car dès qu'il eft incontes-
table, qu'une guérifon eft fupérieure à toutes les caufes naturelles (telle par exemple
que toutes celles qui ne peuvent s'exécuter que par des opérations équipollentes à créa-
tion; il s'enfuit , qu'il n'y a que Dieu feul qui peut en être l'auteur : & les plus
grands ennemis des Miracles de ce Siècle n'ofent eux-mêmes en difconvenir. Mais pour
embarrafler le commun des fidèles, ils leur foutiennent avec un ton d'affiirance capable
de les éblouir, que toutes les guérifons faites en faveur de l'Appel, quelque merveil-
leufes qu'elles aient paru , ont pu néanmoins s'exécuter fans création & fans aucun dé-
rangement des loix invariables qui régiffent la nature : & la plupart des fidéks ne font
pas affez inftruits , ni des principes Théologiques , ni de î'Anatomie , pour leur dé-
montrer que ces guérifons n'ont pu s'opérer que par des effets abfolument furnaturels,
& qui ne font qu'entre les mains du Tout-puifiant.
Je crois donc qu'il eft néceffaire d'écarter ici cette objeftion pour venir avec plus
de fuccès au fecours des petits & des ignorans , en leur applaniffant toute difficulté.
Ainfi dans la Régie que je vais leur propofer, je ne ferai aucun ufage du moyen vic-
torieux, que la plilpart des Miracles obtenus à l'interceffion des Appellans, font par leur
nature fupérieurs au pouvoir du démon; & je laiflerai même pour ce moment dans
l'indécifion , s'il eft poflîble que Dieu permette à Satan dans certaines circonftances de
faire des guérifons qui paroiffent miraculeufes.
Pour épargner aux fimples toute difcuffion au deffus de leur portée , je vais me ré-
duire dans cette Régie à ne confidérer les Miracles en queftion , que par leur circons-
tances inconteftables , & qui font expofées aux yeux de tout le monde : parce que ces
circonftances de notoriété publique fourniflent toutes feules des moyens déciflfs pour
prouver, que les Miracles de ce Siècle font très certainement l'ouvrage de Dieu; &
que pour mettre le commun des fidèles en état de le juger eux-mêmes avec une pleine
affurance, je n'ai befoin que de leur prèfenter cette Régie, qui eft fondée fur les paro-
les de Jefus-Chrift. Auffi quoique très fimple, elle eft néanmoins pleinement fuffifan-
te , pour dérouter tous les Avocats du diable , pour rendre inutiles tous leurs contes &
leurs faufles hiftoires , & pour faire retomber tous leurs autres artifices dans le puits
de l'abime , d'où ils font fortis.
C'eft de Jefus-Chrift même que nous avons appris , que toute guérifon évidemment ' ^
fupérieure aux loix ordinaires qui régiflent la nature , & qui eft obtenue par des prie- pic^ tÔTs'
res faites en fon nom avec piété, eft un Miracle inconteftablement Divin, parce que-^*^''"'"
Dieu ne peut pas permettre au diable de faire un Miracle au nom du Sauveur du & einnvi>-
En effet Jeftis-Chrift ne nous dit-il pas , qu'il „ n'y a qui que ce foit , qui falie font des Mi-
„ un Miracle en fon nom & qui puilte auffitôt mal parler de lui? " Nemo efi qui fa- W''^^
ciat virtutem in nomine meo , \S fofft cito maie loqui de me. Par conféquent le dé- Mu^.lX.jS.
mon étant l'ennemi déclaré de Jefus-Chrift, ne peut donc pas faire des Miracles en
fon nom.
Cette grande lumière que nous a donné notre Divin Sauveur , pour nous faire dis-
tinguer avec facilité les œuvres bienfaifantes de fon Père, des artifices de Satan : cette
Règle fi claire, fi fimple & fi propre à réduire en poudre toutes les pierres d'achope-
ment, que tous ceux qui s'efforcent de diaboliler les Miracles que Dieu fait pour no-
tre inftruftion , mettent devant nos pas ; eft une fuite & une conféquence nécelfaire,
Dijfert. Tom. II, T dc
14<5 LES Aï I R A C L E S SE VROVVENT
Djsseut. de tous les autres Textes que nous trouvons fur ce fujet tant cans l'Ancien que dans
suRL-AUT-ig ivfoi,veau Teftamcnt.
Audi cette Kégle efl-elle embraffcc par toute l'Eglife , comm: une Décifion émanes
du Ciel.
J'ai déjà rapporte ci-dtfTus , que' les paroles par leCquelles Jefus-Chrift Ta établie,
ont été un des principaux motifs qui a fait prononcer contre le démon & fes at^ens , ce
célèbre Arrêt du Vf. Concile Général, qu'il „ eft impolTible qu'un blafphémateur du
VI. Concii. » nom de DJeu faffe des Miracles : " Ottomodo »,r,nqHe ejfet pojjibik , Mâfphemantem in
cccum.Aft. Deum virttucs oper/tri ?
Ainfi il eft donc certain, & fclon la Décifion prccife d'un Concile Univerfel , &
fiiivant que la Vérité Incarnée nous la déclaré pcrfonnellement , que l'efprit pervers ne
peut pas faire de guér.fons miraculeufes au nom de Jefus-Chrift.
C'cft aulTi ce que nous ont enfeigné les Pércs & les plus célèbres Doéteurs de
l'Eglife.
Entre autres S. Thomas nous donne pour régie, que pour diftingucr les Mer\''eillcs
? Opufc ou Divines des opérations diaboliques, il ne faut que faire la remarque que Dieu ejl invo-
ijô. ^ué dans les unes & le diable dans les autres.
Il ajoute, que lorfque Dieu fe fert des méchans pour faire des Miracles , il y a un
moyen bien ailé de reconnoitre que ces Miracles font Divins , & de ne les pas confon-
dre avec ces faux miracles que font les méchans par l'opération du démon. C'e/l, dit-
il , de f-^ire attention , que les premiers s'opèrent par l'invocation du nom de Jefus-
Chrift , au lieu que les autres ne s'exécutent que par des fortiléges.
S. Thom. ), Tous ceux, dit-il^ qui font profeftîon de la vraie foi & qui invoquent le nom
Summ 1.2. ^^ de Jefus-Chrift, peuvent faire des Miracles: ce qui arrive quelquefois par le minis-
qu.17 -a-i- ^^ ^^^g jç^ méchans. . . Mais alors c'eft l'invocation du nom de Jefus-Chrift qui les
„ produit ", & qui les fait reconnoitre pour Divins: ylf'Vjf///^ pojfunt fieri per <juem-
cumcjHC qui vcram fidem prédicat ($• nomen Chrijli invocat , quod etiam interàum fit per
malos . . . fedinvoctui» nominis Chrifti hoc agit. Mais les merveilles diaboliques ne (t
font par les méchans qu'en exécution d'un pafte fait avec le diable: per p.iHnm ini-
S.Th. i.p. '»'» eitm dœmo»e, dit S. Thomas ; per privâtes contraclus cum dœmonibtis , dit S. Au-
Libidequ.''" Tout Miracle obtenu par des prières faites avec piété en invoquant le nom de Jefus-
»3.qu.79- chrift, fût-il opéré par le miniftére d'un méchant homme, eft donc un Miracle incon-
teftablcment Divin.
Penfccsiie AufTi M. Pafchal obferve-t-il , qu'il n'y a que deux exclitfions a la foi des Miniclcs ,
Pafc. niir. j^^,' j^ient marquées dans les Livres Saints. L'une quMd un miracle de'.ourne de Dieu^
l'autre quanH il détourne de J-cfus-Chriji. Il ne faut pas ^ ^ouiQ-i-û, j doKKcr d'autres
exclufions. D'où il conclud , que d'abord qu'on voit un miracle , il faut fc rendre , oh
avoir d'étranges marques du contraire.
Mais quelle- font ces marq les ? Cefi fi celui qui les fait, nie un Dieu ou Jcfits-
Chrifl cr l'Eglife. Donc fuivant Its principes de l'Ecriture, tout Miracle qui bien loin
d'être fait pour détourner du culte de Dieu, de Jefus-Chrift, de la Religion, eft au
contraire le fruit & la rccompcnfe de prières adrcflces avec piété au Très-haut , au
nom de fon Fils , foit qu'on y joip-.e ou qu'on n'y joigne p.is l'interceinon de quel-
qu'un de fes fcrviteurs, eft un Miracle dont on doit fans hèlîter rendre gloire au Père
des mi réri cordes.
En effet comment oferoit-on fuppofer, qu'un fidèle qui implore la charité de Jcfus-
Cfrrft , foit pour prut de fa tonfianc« , livré à une fèduAion diabolique par notre
Divin Sauveur , lui qui a expredément promis de faire des Miracles en faveur de
' , . •. ceux
PAR L E V R r r I D E N C n^C-c. 147
ceux qui croiront en lui? Signa, autem cos qui crediderint ■, hac fecjuentHy. Dissert.
Quoi! le Saint des Saints fubrogera l'efprit impur au lieu de lui , pour recevoir les surl'aut.
)tS MIR.
prières qui lui font adreflces? Quoi! le Très-haut le revêtira de fa puiflance, de fon """^
fçeau, de fon caradére, pour faire à fa place des œuvres de mifëricoide , des guérifons ^'*^'*^^^'
Miraculeufes ? Quoi ! Jefus-Chrill: permettra , qu'il fe ferve de fon nom pour tromper
les fide'les qui ont le plus de foi ? Quel moyen refteroit-il aux cœurs les plus droits
pour fe garantir d'un tel piège? A quelles marques les fimpks pourroient-ils désormais
diftinguer les effets de la Bonté Divine des illufions de Satan ? Comment reconnoî-
troîent-'ils fi c'eft Dieu qui leur parle par des Miracles , ou fi c'eft le diabb qui les
éblouît par des preftiges ? Die« voudroit-il donc, que les preuves les plus fenfibles,
& les témoignages les plus frappans , qu'il nous a donné de fa préfence & des Vérités
qu'il nous ordonne de croire , devinrent à l'avenir fufpefts d'être des illufions diabo-
liques ? Voudroit-il ébranler lui-même le fondement de la Religion , en permettant à
■fon ennemi de porter une telle atteinte à l'Autorité des Miracles , par lefqucls il
nous a manifeftf la Divinité de fon Fils , & a établi le Chriftianifme par toute la
Terre ?
AutTi dans tous- les meilleurs Ecrits, qui ont été faits dans ce Siècle par rapport aux
Miracles, y trouve-t-on que le moyen que je préfente aux fimples , pour reconnoîtrc
les œuvres de Dieu, y eft propofé comme une Régie infaillible.
Par exemple , le grand Evêque de Montpellier pofe pour principe en plufieurs en»
droits de fes lumineux Ouvrages , que /« Miracles faits au mm de J-eftts-ChriJi ne peu-
vem être des frodiges trompeurs. Oeuvres de
M. l'Evéque de Babylone décide, que ,, fi une maladie eft véritablement guérie, XomTl.' p.
j, & qu'on foit affuré que ce n'eft point par aucune caufe naturelle , mais feulement ^^7- &c.
j, par l'invocation du nom de Tefus-Chrift & de quelqu'un de fes ferviteurs , on doit Lett.àM.du
,-. „ /T ' 1 J' ■ • J . >' Montp.du7.
„ erre allure que le démon n y a point de part. Juin 1737.
Mais citons préferablement des Théologiens unis aux Chefs des Antifecouriftes , j^'"^^;
afin que leur avis les retienne , s'ils étoient tentés de combattre cette Régie fi impor- pofthjmcs
tante pour le plus grand nombre des fidèles. ^| '"^^'de'Brb
La voici encore plus fimplifiée par M. le Gros,- & par conféquent mife encore p- 34- coi- i-j
plus à la portée des plus fimples. Tout le monde fait qu'il s'eft donné la peine de
corriger mon Premier Tome , dans l'Edition qui en a été faite à Utrecht en 1757.
ainfi qu'il le déclare lui-même dans l'Avertiflement qu'il mit en tête de cette Édi-
tion. La Pièce qui lui parut le plus mériter fon attention , fut celle qui a pour ti-
tre : Conféquences qui réfultent de ces Aiiracles. AulTi y fit-il plufieurs changemens,
& il y ajouta des titres marginaux. Voici le XIX. de fa façon: Cinquième Régie. Des
guérifons quon obtient en s'adrejfant à Dieu avec piété , ne peuvent jamais être attribuées
au démon.
Y a-t-il rien de plus clair , de plus précis, ni de plus fimple, que cette Régie?
En quatre mots elle écarte toutes les difficultés : elle prévient tous les doutes: elle eft
capable de porter la lumière jufques dans les plus profondes ténèbres de l'ignorance.
Voici préfentement des preuves de l'exaditude , de la jufteffe & de la vérité de cet-
te Règle, données par M. Poncet dans le tems qu'il combattoit contre Dom la Taftc
pour les Miracles. Mais, helas ! depuis qu'il a embraffé aveuglément l'opinion des
Antifecouriftes , il ofe au contraire avancer dans fa Réponfe à mon fécond Tome , que
des Aiiracles fans au nom de Jefus-Chrifi , des Aiiracles réels 0- multipliés , des Aiiracles l^c'ponfe.&c.
tels que ceux que Notre Seigneur a opérés en faveur des Infidèles , peuvent être des mira- ^' '°''
des trompeurs ; &r qui pis eft, il s'efforce d'appuyer un tel blaiphême contre l'Auto-
rité Divine des Miracles , fur un Palfage de S. Auguftin , dont il fait une fauffe ap-
plication.
T z Je
148 LES MIRACLES SE ? R OV V E N T
DufïRT. Je réfuterai amplement cette pemicieufe Propofition dans les Reflexions preliminai-
url'aut rjs que je placerai en tête de mon III. Tome , & j'efpe're y faire clairement connoî-
tre quel cft le véritable fens du PafTage dont cet Auteur a fait un fi énorme abus. Mais
cette difcuffion feroit ici mal placée , attendu que ce n'eft uniquement que pour com-
battre les Miracles opérés par les grands Secours , & non pas tous les Miracles en gé-
néral , qu'il a hazardé ce fcandaleux Paradoxe. Ainfi je crois devoir me reflraindre
dans la préfente Differtation , à lui remettre fous les yeux les principes diamétrale-
ment oppofés, qu'il avoit d'abord établis lui-même fur ce fujet fi important.
X.Lcn.rfe j^ Les Miracles , difoit-il , font comme les titres de la Divinité. C'efl: par leur
p. 11°""^' j, moyen que Dieu , pour ainfi parler , a pris pofleflion de fon Empire pamii les
„ hommes. "
Ibid.p.?. Ainfi ils doivent fc diftmguer far mx-mèmes de tomes les œuvres dn démon, avec une
fiudité , ^ui rende cette preuve à la portée des plus Jimples.
Ibid.f. II. Ccjî donc fur le degré d'intelligence des plus Jîwples qu'il faut fe me furer pour établir
la vraie Régie du difcernemi»t par rapport aux Aiiracles.
Ibid.p.g. ^^ Cette Régie Cajoutoit-il) doit ctre celle que tous les hommes ont toujours fuivie
„ dans tous les tems: & puisque que les Miracles font deftinés de h part de Dieu
„ pour les convertir, & poar les convaincre que c'efl lui qui leur parle . . . (cette)
Ib d I " ^^S^*^ "^^'^ ^^ trouver dans l'efprit & dans le cœur des plus ilmples & des plus
„ groriîers.
Ibid. po. " ^^ concert unanime de tous ceux qui ont cru aux Miracles (ns peut manquer
„ d'être ) fondé fur les vraies raifons qui doivent déterminer à fe foumettre h leur Au-
„ torité ... Or . . . fi on interroge tous ceux qui ont ajouté foi aux Miracles
„ dans tous les Siècles . . , on trouvera que ce qui les a déterminés , c'eft premiére-
„ ment, la grandeur des Miracles confidéres en eux-mêmes: fccondement , leur mul-
„ titude . . : enfin , on a toujours regardé comme venant de Dieu tous les Miracles
„ qui ont été opérés en son nom. Ces trois raifons font toutes trois décifives pri-
fes féparément , mais la troifiéme eft la plus importante & d'un grand ufage . . .
Elle décide pour les plus petits Miracles comme pour les plus grands : elle ne fouf-
fre point d'exception : elle ne dépend d'aucun autre examen que de celui du fait de
,, favoir , fi c'eft à Dieu feul qu'on a eu recours , foit qu'on fe foit adreiïc à lui-mc-
„ me immédiatement , ou à quelqu'un de fes fei'viteurs qu'on croit plus digne d'être
„ exaucé.
„ Les Payens ne fe trompoient pas dans ce fentiment , que ce qu'on demande à ce-
' ,, lui qui eft véritablement le Maître du monde, ne peut nous être accordé que par lui
,, fcul. C'eft cette diTpofition fi conforme à la droite raifon, & que nul préjugé n'a
,, pu étouffer dans le cœur de tous les hommes , qui les a rentras l\ dociles à la voix
„ des Miracles, & qui les a déterminés à reconnoître fans héfiter comme leur Seigneur
,, & leur Dieu , celui au nom duquel ils voyoicnt qu'on les opéroir.
Ibidppsîc » ^'^ ^f^f ce fentiment, que lorfqu'on s'adreffe à Dieu , & qu'on eft exaucé, c'eft
««• ,. lui qui exauce & non un autre , eft tellement gravé dans le cœur de tous les hom-
mes , qu'il n'y en a point qui ne regardât comme un lîLAspur.MH d'entendre dire,
q-'.c c'eft peut-être du démon de qui on reçoit ce qu'on denjande à Dieu. "
Qui fe feroit attendu en lifant cette Lettre, que peu après M. Poncet profcreroit ce
bLifphcme , en foutenant dans la Réponfe h mon fécond Tome , que des Alirécles faits
dM nom de Jcfus-Cl^rijl peuvc;itêtre des Afirtules trompeurs.
Rapportons encore un autre endroit de fes Lettres, qui n'eft pas moins contraire que
ceux que je viens de citer, aux mvivelles maximes qu'il débite pour tâcher d'éluder U
Décifion que Dieu a fiit p.ir pluficurs Miracles en faveur des grands Secours.
Hélas ! C'eft cette Dccifioa Divine qui engage aujourd'hui ce trop zglc Dcflènfeuf
du.
I
»
SUR L AUT,
DES MIR.
PAR L E V R E' r I D E N C E, &c. 14^
des Antifecouriftes , à faire tous fes efforts pour ébranler l'Autorité des Miracles, afin Dissert
d'infinuer que ceux qui ont été opérés par les grands Secours, continuellement accom- ~
pagnes de prières adreffées à Jefus-Chrift avec piété, avec confiance , avec ferveur,
peuvent néanmoins être l'ouvrage de l'efprit pervers.
Voici au contraire la Régie conforme à celle de S. Thomas , qu'il nous donnoit cî-
devant pour diftinguer avec facilité les œuvres Merveilleufes de Dieu des opérations de
l'efprit de ténèbres. ,, Si le démon , difoit-il , fait des prodiges , des guérifons, il V.Lett.p.46,
„ ne les fait qu'en faveur de ceux qui l'invoquent , qui s'adreflent à lui , qui ont com-
„ merce avec lui. Il ne les fait qu'en vertu d'un pade exprès ou tacite , fait avec lui
„ en conféquence de maléfices, de forts, de pratiques fuperftitieufes.
// ej} inouï, ajoutoit-il tout de fuite , qu'on ait jamais attribué au démon des guérifons
accordées a ceux qui les demandaient a Dieu. Et il défioit M. l'Evêque de Bethléem,
alors Dom la Tafte , d'en citer aucun exemple.
Ce Prélat a été allez long-tems fans répondre aux difficultés. Il efl même en quel-
que forte convenu de la vérité de la maxime. Enfin à force de recherches, il eft
parvenu à y donner trois réponfcs , qui par leur extrême foiblelfe fourniffent une nou-
velle preuve, que le fait négatif foutenu alors par M. Poncet , d'après les Pérès de
rEgUfe , ne peut être révoqué en doute.
Premièrement , le Prélat répond que le nom de Dieu entre dans certains enchante- ~P^: ^'^•
mens. 760.
Ouï , le faint nom de Dieu y entre ,mais pour être horriblement prophané par diffé-
rens fortiléges; mais il n'en eft pas moins vrai, que c'eft non à Dieu, mais à fon exé-
crable ennemi que les vœux s'adrefTent dans ces abominables myftéres.
Secondement, il obferve que les faux prophètes du tems de Jèrémie parloient au nom
de Dieu.
Mais ils ne faifoient pas des Miracles ni même aucun prodige en fon nom , & leurs
fauffes prédiftions démenties par l'événement dèceloient l'efprit de menfonge qui les
faifoit parler: ainfi cette obfervation ne conclud encore rien.
Troifiémement, il donne comme une remarque digne d'attention, que les Alontanis-
tes , les Fanatiques des Cevennes Q- autres invoquaient Dieu pendant leurs agitations.
Mais qu'en pretend-il conclurre ? Ces anciens & nouveaux Fanatiques ont-ilfâit,
pendant leurs agitations, ont-ils pu faire des guérifons Miracukufes ? C'eft ce dont il
s'agit, & que M. de Bethléem ne prouvera jamais.
Lorsqu'après d'auffi grandes & d'aufTi profondes recherches que celles qu'a fait ce
Prélat , on ne trouve pas de meilleure réponfe que celles qu'il oppofe , n'eft-ce pas une
preuve fenfible que le fait eft conftant, que jamais le démon n'a fait de guérifons qui
aient paru Miraculeufes, en faveur de ceux qui les ont demandées à Dieu ? En effet
ne feroit-ce pas faire injure à celui dont h bonté eft infinie, que de fuppofer qu'il vou-
lût hvrer ainfi à une féduftion diabohque ceux qui le prient avec confiance , ceux qui
implorent la miféiicorde de fon Fils , ceux qui dans le défir de lui plaire, ont recours.
à l'intercefTion de quelqu'un de fes ferviteurs.
Peut-être objeâera-t-on que Jefus-Chrift lui-même a déclaré, qu'il y aura des ou-
vriers d'iniquité qui feront des Miracles en fon nom. Mas ces Miracles n'en feront
pas moins les œuvres de Dieu, témoin ceux de Judas: în: ces ouvriers d'iniquité ne
pourront pas dans le tems qu'ils ferviront d'inftrumjnt à Dicu pour faire ces Miracles,,
pail;r mal de J-fiis-Cluift ni donner ces Miracles en témoigncge d'aucune erreur. Car
s'ils le vouloieiit faire. Dieu n'opéreroit pas alors des MiracL-£ par leurs meias; cela ré-
pugneroit à Ci bonté, puisque ce feroit une fédudion dont les plus droits & les plusf
pleins de foi ne pourroient pas fe défendre.
jj Les vrais Miracles , dit S. Thomas , ne peuvent être faits que par la vertu Divi-^-'ThSumnp
T l rs. neta.'i.'in8,.'
I50 LES MIRACLES SE PROVIENT
DissFRT. ^j ne-: & Dieu ne les opère que pour la confirmation de la Vcrite, ou pour manlfcfter
■surl'aut.^^ la faintetc de quelqu'un.
DES MiR. ^^ p^ 1^ première manière les Miracle'^ peuvent être faits par tout homme qui prêche
„ h vraie foi, &: qui invoque le nom de fefus-Chrift : ce qui fe fait quelquefois pir
,, de-; mcchansj & c'eft dans ce fens que les méchans peuvent faire des Miracles.
,, De la féconde manière les Miracles ne fe font que par des Saints, & font des
„ preuves démonftratives de leur fainteté, foit pendant leur vie foit- après leur mort."
y-ra miracnLi fio» pojfnnr fieri niji virtute dkfinà. Opérant ur enim ea ad veritatis prte-
dic.nx confirmât ionem : alio modo ad demonflrationem fanclitatis alict^jusi Primo modo mi-
racùla pojfunt jieri per cjttemctwejue qui veram fidem prédicat (-r nomen Chrifii invocat ,
tjHod itiam interditm per malos fit : & fecunditm httnc modum etiam mali pejftmt miracnLi
facere. Secundo autcm modo non fiunt miracula niji a SanElis , ad quorum fanElitatem de-
monflrandam miracula fiunt vel in vità eorum vel etiam pofl mortem^
Âinfi félon ce Dodeiir fi célèbre, bien loin que les Miracles que Dieu a quelque-
--7 ■ fois opères par le miniftère des mèchans, puifTent faire naître quelque difficulté' fur la
Règle que [efus-Chrift nous a donnée, (\nt perfonni ne peut faire de Miracles en fin
nom cr auffi-tôt mal parler de lui , ces méchans au contraire n'ont fait des Miracles que
par la vertu du nom d: Jefus-Chrifl: qu'ils invoquoicnt avec foi, & n'ont pu en faire
qu'en confirmation de quelque Vérité , ad vcriratis cenfirmationem ; mais après leur
mort les méchans ne peuvent jamais faire de Miracles. Ils n'ont point de part à Jefus-
Chrifb: ils ont perdu tout droit de s'adrefler à lui, &: ne peuvent plus en être écou-
tés: & tous les Miracles que Dieu accorde à l'intercelTion d'un mort, font des preu-
ves infaillibles qu'il eft un faint ,, Après la mort, dit S. Thomas, les Miracles ne fe
font que par des Saints, &: font des preuves démonftratives de leur fainteté." Poflmor-
tem non fiunt miracula nifi a fanclis , ad fanditatem {eorum) dcmonfirandam.
N. S. P. le Pape aftuellement régnant l'a pareillement décidé de la manière la plus
forte & la plus formelle, dans fon Livre de la Béatification des Serviteurs de Dien ^ de
la Catwnifaf ion des Saints.
Defcrv.Dci „ Les Miracles , dit-il, opérés après la mort font une preuve parfaitement claire de
''"l b'^°'"' '* fainteté & confèquemment des vertus de ceux qui les font. Aïiracula pofi obitum pa'
ult. f,'i6^.trata, fimt fanElitatis cr confequenter virtutum apertiffimum fignum.
r II eft donc inconteftable, que lorsqu'on voit des guérifons manifeftement au dcflTus
des forces ordinaires de la nature, & que ces guérifons font opérées cl l'invocation d'un
homme mort en odeur de fainteté dans la Communion Catholique, & obtenues par des
prières adreflccs îl Dieu avec piété & non par aucun pacte fut avec le démon (per pac-
tum initum cum dœmone , dit S. Thomas ,) on doit être perfuadé , qu'elles font l'ef-
fet de la Toute-puilfance & de la Bonté de Jefus-Chrift , dans le fein de qui tous les
Bienheureux vivent après leur mort.
Les plus fimples d'entre, les fidèles font donc en état de dire avec une pleine affuran-
ce, foit que les Miracles opérés à l'intercclfion de M. de Paris & autres Appellans,
aient été uniquement fiits en témoignage que l'Appd de la Bulle eft approuvé dans
le Ciel, foit que par ces Miracles Dieu ait en même tems voulu autorifer vifiblement
(ç. qui provient de lui dans l'œuvre des Convulfions , & finguHcrement le grand Pro-
dige des Secours : nous n'avons pas befoin pour être parfaitement convaincus , qu'il
eft l'auteur de tous ces Miracles, de favoir s'ils paffent ou ne palTent point toutes les
qualité-, occultes que quelques Dodeurs s'imaginent pouvoir être dans la nature, ni
s'ils font abfolumcnt fupcri<:urs au grand pouvoir qu'ils attribuent au démon : il n'eft
pas non plus néceffairc que nous foyons inftruifs ^ fond de toutes les queftions qui
font aftudlement controvcrfccs dans l'EgliCc: il nous fuffit, pour juger avec alfurance,
que TOUS ces Miracles font l'ouvrage de Diai , de favoir qu'ils ont été fumaturcil:-
mcnt
PAR L E V R E r I D E N C E^ &c. 151
ment opères à h fuite de prières qui lui ont été faites avec foi &• avec piété j & que, Oissert.
bien loin que ceux qui pour les obtenir ont eu recours à l'iaterceiTion de M. de Paris , ^^^^ wt"^'
aieot fait aucun pafte avec le diable , ce font au contraire des Chrétiens remplis de foi , '
qui admirent & tachent d'imiter ce Bienheureux, lequel a vécu comme un Saint,
& eft mort en odeur de fainteté dans la Communion Catholique.
. Ainfi la Règle fi lumineufe & fi fimple que nous a donné Jefus-Chrin: pour nous
faire difcerner aifément les Miracles qu'il a promis d'opérer toujours dans l'Eglife, afin
d'y foutenir la Vérité jufqu'à h fin d;s Siècles , & de h manifefter lui-même à tous
les cœurs droits, fur-tout dans le tems où elle eft combattue par l'apparence de l'Auto-
rité, perfécutée par les Puilfances & obfcurcie par des divifions; cette Régie, dis-je,
fuffit pleinement pour décider aujourd'hui toutes les Queftions qui nous partagent.
. En effet dès qu'on eft perfuadé que tous les Mirachs obtenus par de pieufes prières
faites à Jefus-Chrift en fon nom, font des Miracles Divins , ne s'enfuit-il pas qu'on doit
recevoir avec foi, avec refpeâ, avec foumiifion, tous ceux que Dieu ne ceffe d'opérer
à la fuite de pareilles prières depuis l'année 1727. Or ces Merveilleux foleils que le
Très-haut fait briller dans la nuit obfcure où nous fommes ,■ ne noui font-ils pas voir
très clairement, que l'Appel eft le chemin qui conduit à h Vérité, & que les Prodi-
ges fimbollques que ce Père des miféricordes fait continuellement dans l'œuvre des
Convulfions , fur-tout par le moyen des grands Secours , font une inftruèlion fumatu-
relle dont il eft très utile de profiter ?
Mais quoique la Règle en queftion écarte par fa fimplicité même toutes les objeélions
de ceux qui emploient leurs talens pour rendre fufpefts les Miracles de ce Siècle, ile/t
aujourd'hui d'une conféquence fi grande de ne laiflfer donner aucune atteinte à l'Auto-
rité de ces Décifions Divines, qu'il faut n'épargner aucun foin pour dilliper tous les
artifices, par où l'efprit de menfonge tâche d'en obfcurcii- l'éclat, ou même d'en faire
révoquer en doute la vérité.
Ecartons d'abord l'odieux Siftême de Spinofa contre la poflîbilité des Miracles : y- .
Siftême qui fait la bafe & le fondement de tous les principaux fophifmes que cet impie du Si?Umc
a débités contre la Religion. de Spinofa
,, Les loix de la nature ne font, dit-il , que des décrets néceffaires. Or les décrets poiTibiiité
^, de Dieu ne peuvent changer , puisqu'il eft immuable. Donc les loix de la nature ^," ^^'""
„ ne peuvent être interrompues: & par confèquent tout vrai' Miracle eft impoffible , Tiaa.théol.
„ parce que, pour être un vrai Miracle, il faudroit qu'il fût contraire aux loix de la "^' ^'
j, nature. "
Il n'eft pas nécelTaire d'avoir une grande pénétration pour fentir le faux des deux
Propofitions fur lesquelles s'appuie ce miférable argument.
Premièrement, il n'eft point. vrai que les loix de k nature foient des décrets néces-
faires par rapport au Créateur , du moins Çi l'on entend par le terme de nécejfaires , ainfi
que fait Spinofa , que ces décrets font d'une néceffité de contrainte , d'une néceffité for-
cée à l'égard de Dim; en forte qu'il n'auroit pas pu, s'il l'avoit voulu, impofer à la
nature en la créant d'autres loix que celles qu'il lui a prefcritês. Au co"ntraire l'idée
que la raifon nous donne de la puiffance de Dieu , fuffit pour nous perfuader pleinement,
que quand il a voulu que l'Univers matériel fût gouverné par certaines loix, le choix
qu'il en a' fait a été libre. Il pouvcit & il peut encore arranger la matière différemment
de ce qu'il a fait, & ajouter d'autres qualités à celles qu'il lui a plû de lui donner.
Secondement, c'eft une groffièie équivoque de dire, que les décrets de Dieu ne peu-
vent changer^ puisqu'il sjf immuable. Dieu eft à la vérité immuable par rapport à lui-
même: mais il eft en même; tem^ fonverainémert libre de faire tout ce qu'il veut, &
Tout-puiiïant pourTexécutTr: Sa volonté parfaitement indépendante, n'eft point efcla-
ve des loix par lesquelles elle régit ordinairement h matière. Il pourroit les changer,
s'il
151 FAVSSETE' DES GVE'RISOJVS
DissFRT.s'il le vouloit ; & à plus forte raifon eft-il le Maître d'en furpendre & d'en arrêter les
ti'R L'AVT.çff^f^ lorsqu'il lui plaît de le faire pour l'exécution de fes derteins : par exemple, pour
nous rendre h prclence plus leiiiible ; pour faire paroitre dans un plus grand jour fa
bonté , fa puilTance & fa gloire ; pour rendre témoignage à quelque importante Vérité
fur laquelle nous avons un grand intérêt de ne nous pas méprendre , &c. Lui contefter
le pouvoir d'opérer des Miracles, ainfi que Spinofa ofe le faire, c'efl: un véritable blas-
phème: c'eft vouloir le dégrader de la fouveraineté & de l'indépendance de fon être:
c'eft: prétendre réduire toute fa puiflance à h première création, après laquelle il ne lui
reReroit plus d'autre faculté que celle de prévoir les évenemens fans pouvoir empêcher
aucun des efièts que chaque caufe doit naturellement produire : c'eft donner de lui à peu
près Ja même idée que les Payens avoient de leurs faux Dieux , qu'ils difoient être af-
fujettis aux laix d'un deftin immuable & liés à l'enchaînement des évenemens divers.
Une idée qui rabaiffe Ci fort celle qu'on doit avoir de Dieu, doit faire horreur à tous
ceux qui ne font point entièrement abîmés dans les ténçbres & de l'Athéifme.
§. VIII. 'Preuves de la faiiffeté de toutes les prétendues guérifons mi'
raculeufes que M. l'Évéque de Bethléem dit s'être opérées
par le démon en faveur des Idolâtres.
E'
'N même tems que les impies ofent dire, pour renverfer la Religion, que Dieu
n'a pas le pouvoir de faire des Miracles; les plus ardens Conftitutionnaires tâ-
chent d'infinuer que le démon a cette puiflance, afin de diminuer l'impreffion des Mi-
racles que Dieu fait aujourd'hui en faveur de l'Appel. Mais les divers fophifmes de
nos diffcrens adverfaires ne nous embarraffent point. Je n'ai pas eu de peine à établir
que le Siftême de Spinofa n'eft qu'un monftrueux afl*emblage d'erreurs palpables & de
blafphêmes : il ne me fera pas plus difficile de prouver que M. l'Evêque de Bethléem
■ m. Lente ^" impofe au Public lorsqu'il avance du ton le plusafluré, qu'il va nous convaincre par
Theol.p.22. la force des exemples cr des autorités . .. cjue le démon a opéré des guérifons auffi mcrveil-
leufès (^ plus merveilleufes encore que toutes celles cjue nous vantons.
Démontrons au contraire , que toutes les prétendues guérifons merveilleufes (jr diabo-
liques rapportées dans les Lettres de ce Prélat, ne font que des fourberies dont l'im-
pofture eft manifefte , ou des fables ridicules dont l'abfurdité faute aux yeux ; & qu'il
préfente dans un fens différent, & quelquefois même direftement contraire aufentiment
des Auteurs qu'il cite, les principales autorités fur kfquelles il fe fonde.
Je n'entreprendrai pas néanmoins de fuivre pied à pied cet Ecrivain dans tous fes
écarts. Ce feroit me jctter à corps perdu dans une mer de raifonnemens captieux ,
dont je ne pourrois me tirer que par une difculfion fi longue , qu'infailliblement elle
cnnuieroit à l'excès tous les Leâeurs. Mais heureufement ce Prélat a placé dans fa III.
Lettre, prefque toutes les hiftoires fabuleufes & la plupart des autorites fur lcfquclles|il
a bâti fon Siftême. Ainfi pour en renverfer le fondement , il fuffira de bien réfuter
tout ce que cette Lettre contient , & de parcourir légèrement quelques autres partages
qu'il cite dans fes autres Lettres, pour appuyer ce qu'il avoit avancé de faux dans
celle-là. Au furplus je me difpcnfcrai de répondre aux iifiures qu'il nous dit, aux ca-
lomnies qu'il débite & rk tout ce qu'il a répliqué fur diffcrens Ecrits par lefquels on
a attaqué d'abord fes pernicicufes maximes.
I. Commençons par répondre aux miracles apocryphes dont il fait fon principal appui,
la 'fluîiWe'^' " N'avcz-vous donc jamais (reprochc-t-il aux Dodcurs Appcllins) entendu parler
<ie» ptctcn- ^^ du fameux Appoiionius dc,Thianc? Ouvrez le premier Tome de l'Hilloire Ecdc-
d"À^ù'o^",, fiaftique de M. Fleury, & vous y trouverez que ce Plulofophe délivra la Ville
«nu». jj d'Ephcfe
A T T R I B V i: E s AV D E' M 0 KT, &c. 15J
„ d'Ephefe d'une pefte qui l'a ravageoit (&) que par quelques paroles , & par fon at- Dissert
„ touchement, il guérit parfaitement & dans l'inftant une jeune fille de famille Con-^"" "-'^ut.-
„ fulaire , qu'on croyait morte & qu'on portoit en terre. " °"l' L«r
Efi-il polfible que ce Prélat ne fâche pas, lui qui accufe les Appellans d'ignorance Thcoi. p. 55.
ou de mauvaife foi , que de ces deux faits qu'il cite avec tant d'emphafe , le premier
cft le conte le plus abfurde qui ait jamais été imaginé, & que le fécond eft une impof-
ture qui doit exciter l'indignation de tout véritable Chrétien^
Il eft bon d'obferver d'abord, que ces deux faits tirent leur première origine d'un
Roman compofé par Philoftrate plus de cent ans après la mort d'Apollonius: ainfi ce-
lui qui les a le premier mis au jour, n'en avoit pas été témoin, ni perfonne de fon
tems. Au contraire les Auteurs qui ont vécu dans le même Siècle qu'Apollonius,
tels par exemple qu'Euphrate ce Philofophe fi célébré par Pline le jeune, n'en parlent
que comme d'un fourbe & d'un magicien méprifable , & ne difent point qu'il ait rien
fait de véritablement merveilleux. Il eft vrai que Philoftrate, pour donner quelque
appui aux faits qu'il imagine , avance qu'il en a trouvé le récit dans des Adémoires fi-
crets compofés par un certain Damis difciple d'Apollonius. Mais fi ces prétendues mer-
veilles avoient eu quelque réalité, pourquoi en auroit-on tenu le récit fecret pendant
plus de cent ans ? iVlille &: mille bouches, ainfi que l'obferveEufebe ,ne feferoient-elles Hi^^od'ôî"
pas au contraire ouvertes pour les publier par toute la Terre , dans un tems oii les Puif- 4.
îànces Idolâtres ne cherchoient que le moyen d'obfcurcir l'éclat des Miracles véritables
qui malgré elles , établiffoient de plus en plus le Chriftianifme d'un bout à l'autre du
Monde? D'ailleurs puisqu' Apollonius a été fi publiquement reconnu pour un impof-
teur, que l'Empereur Domitien le fit mettre en prifon pour le punir de fes fourberies;
quelle foi mérite fon difciple ? Mais eft-il même bien certain que ces Mémoires fecrets
de Damis aient exifté ? Nous n'en avons pour unique garant que Philoftrate , qui a mis
dans cette Hiftoire. tant de menfonges grolliers & de fables ridicule^ , qu'il n'eft digne
d'aucune créance. En effet quelle foi mérite un Auteur , qui affure par exemple, qu'A-
pollonius entendait le langage dès oifeaux & qu'il expliquait tout ce qu'ils difiient ? M.
î'Evêque de Bethléem croit-il , qu'il y ait eu un tems où les bétes parloient ? Mais
veut-on un menfonge palpable de la part de Philoftrate? Il certifie qu'Apollonius par-
lait toutes fortes de langues , fans les avoir apprifes : & oubliant par la fuite ce qu'il avoit dit
d'abord, il raconte en un autre endroit , qu'il Je fervit d'un interprète pour entendre ce
que lui difoit le Roi Phr aorte CT" pour lui répondre.
Auffi M. Fleuri (fur le témoignage de qui M. I'Evêque de Bethléem fe fonde uni- L^'^if"'"
quenicnt par rapport à ces prétendus miracles , fous prétexte que cet Auteur en a infe- pp. 17. Sc '
ré le récit dans fon Hiftoire Eccléfiaftique) nous avertit auparavant qn Apollonius '^'
étoit un fameur impojleur, Sc qu'il nj a qu'.t lire fon hifioire pour voir combien elle ejl
fabuleufe.
Le Cardinal Baronius appelle Philoftrate un homme exceflîvement menteur , Menda- Ad ^"n. 6î.
àffimum hominem, & il rapporte qu'Eufebe de Céfarée, Photius, Scaliger, &c. ont 25."
démontré que le Livre de cet Auteur étoit plein de menfonges & de fables d'un bout ^'^ ann. 7S.
à l'autre. Philoflrati libres mendaciis ^ fabulis Jcatere a capite ad calcem late demonflrant
Eufebius Cefarienjts . . . Phoiius . . . Scaliger , &c.
C'eft le jugement qu'en ont auffi porté les plus célèbres Auteurs modernes : entre
autres M. Hu't ancien Evèque d'Avranche , compaïcYhiJioire'd' ^^pollonius aux contes Dcmonft.
des fées, tant elle lui paroît indigne de toute croyance; & il obferve quelle na été^'l"]'^'°^\
cor/tpofée par Philoflrate que pour faire plaifr à l' Impératrice yidie c;' k l'Empereur Ca- ô-
racalla.
Ces deux ennemis implacables de la Religion Chrétienne ayant engagé Philoftrate à
fabriquer l'hiftoire de quelque Magicien, dont les preftiges puffent contrebalancer
Dijfert. 7om. II. V les
L
Sun L
DES MIK.
»
154 TAVSSETE DES G V E' R I S O jY S
Dissert, les Miijcles que Ics Chictien; rapportoient de Jcfus-Chrifl: , Philoftrate choifit Apol-
'"•■■UT lonius, parce que Ce fourbe infigne avoir cherclu' à conrrefaire les aidions & même les
vertus de ce Divin Sauveur du monde. Voilà le motif qu'a eu Philoftrate, pour com-
pofer le Roman fabuleux qu'il a fait de la Vie de ce Magicien. Un tel motif ne doit-
il pas donner bien de la confiance aux Catholiques? Et M. l'Evcque de Bethléem n'a-
Iir Lett. t-ii pas grande raifon de traiter de préteudas efprits forts ceux <jui comptent parmi les vi-
theol. p. ii.jig^j ^ les fables tout ce qu'on leur raconte de tes merveilles diaboliques f
Non, Monfelgneur, ce ne font pas des efprits forts, mais des Chrétiens attaches à
toute Vérité, qui préféi'ent aux mcnfonges des Payens le témoignage de l'Ecriture qui
nous apprend qu'il n'y a que Dieu qui feul fait des chofes grandes &: mei-veilleiifes :
fCrjj. 4. Oni facit mirabilia magna foins.
Venons préfentcment au détail des deux miracles d'Apollonius que cite ce Prélat.
Pour réfuter le premier , je n'ri befoin que de donner une cxade tradudion de ce
qu'en rapporte Philoftrat: : tout fon récit ciioque le bon fens.
Phiioft. Lib. jj Apollonius, dit Philoflrate, étant venu à Ephefe où la perte ctoit depuis long-
*■ '* '■ ,, tems, afTembh les Ephéfiens & leur dit: Prenez courage : je ferai ceOer aujourd'hui
„ la pefte. Il les mena eufuite au Théâtre, où l'on faifoit les facrifices au Dieu Libé-
„ rateur. Là il apperçut un pauvre vieillard couvert de haillons, qui demandoit Tau-*
„ mône & qui portoit une beface pleine de morceaux de pain , qui avoit le vifage
fort craffeux , &' qui fermoit à demi les yeux contrefaifant l'aveugle. Apollonius
l'ayant fait entourer par le peuple dit : Accablez de pierres cet ennemi des Dieux.
Les Ephéfiens étant furpris de ce difcours, &: trouvant que c'étoit une grande
„ cruauté de tuer ainfi un pauvre malheureux étranger, qui leur demandoit la vied'u-
„ ne manière fort touchante, & excitoit leur compalTion par fes difcours, Apollonius
„ continua de les preffer de b faire mourir , & quelques-uns des afllftans ayant com-
„ mencé à lui jctter des pierres, Apollonius leur fit remarquer que les yeuxr de ce
„ pauvre homme étoient devenus fort enflammés: ce qui leur fit juger que cet hom-
,, me étoit un démon, & ce qui les engagea à lui jettcr tant de pierres, qu'ils en éle-,
„ verent un monceau furdui. Un moment après Apollonius leur ayant dit d'ôter les
„ pierres &: de voir quel animal ils avoicnt tué, ils ne trouvèrent point le corps de ce
„ pauvre qu'ils avoient lapide, mais celui d'un chien d'une groffeur énorme. Ce fut
„ ainfi, continue Philofirate , qu'Apollonius délivra la Ville d'Ephefe de la pcftc qui
„ la moleftoit. "
Nousj voici donc dans les métamorphofes. Rien ne coûte à Philofirate pour mettre
du merveilleux dans fon Roman. Tantôt il nous alTurc que les bctcs parlent Se qu'A-
pollonius entendoit leur langage. Souvent il nous raconte que fon héros reconnoilfoit
les âmes de certaines perfonnes qui étoient dans des bctes , entre autres l'ame d'Aiîiofis
Roi d'Egipte, qui animoit le corps d'un lion apprivoil'é. Ici c'eft le corps d'un hom-
me qu'on vient de mafliicrer , qui tout à coup fe trouve changé en un chien. En vérité
on devroit avoir honte de prétendre prouver avec de telles fables, que le démon fait
des guérifons encore pins mervcillettfes que celles que Jcfus-Chrift opère préfentement
parmi nous. Car enfin que dira-t-on pour donner la moindre vraifcmblance à cette pito)a-
ble hiftoire ? Soutiendra - 1 - on que ce pauvre mendiant qu'Apollonius fit fi cruelle-
ment affalTmcr , n'étoit point un homme véritable, que ce n'étolt qu'un démon, ainfi
qu'Apollonius voulut le faire Kcroire aux Ephéfiens , fous prétexte que les yeux de
ce pauvre mifcrable devinrent étincelans, pendant qu'on le lapidoit ? Mais n'cft-il pas
tout naturel , que les yeux d'un homme dont on brife les membres à coup de pierres ,
s'cnnammcnt de cobre & de douleur. D'ailleurs fi cet liommc n'étoit qu'un démon, fa
figure n'étoit donc qu'une vifion , qu'un phantômc : car les démons n'ont point de
corps ni le pouvoir d'en créer , & tout ce qu'ils font paroîtrc ne font que des Ipcélrcs
&
I
len.
c. il.
ATTRIBVrtS AV D r M 0 N , ^c. ï^y
& des ilUifioas fans réalité. Les phantômes ne foutiennent point le toucher, ils ne trom- Dissert
peut que les yeux. Si le corps de ce mendiant n'eiit ctéqu'un phantôme, on s'en feioitd'a- ^"^ '' *"^
bord apperçu en lui jettant les premières pierres, parce qu'elles n'auroient pu être rete-
nues par un phantôme , & qu'elles auroient paffe tout au travers. Enfin ce corps du
gros chien que les Ephéfiens trouvèrent fous leurs pierres, dit Philoftrate, devoit auflî
être un phantôme. Qui ne voit que toute cette hiftoire n'eft qu'une imagination folle
d'un cerveau aflez mal timbré, qui forge des merveilles à fa f:<çon ?
Mais fi on veut fuppofer qu'il y ait quelque chofe de vrai dans cette hiftoire , &.
qu'on confulte la raifon , elle nous apprendra que le démon ayant apparemment remar-
qué que la Ville d'Ephéfe venoit de changer d'air, par exemple qu'un grand vent ve-
noit d'emporter l'air peftiféré & de fubftituer un air pur à. la place, en auroit averti A-
poUonius, & que ce Magicien pour donner du relief à la nouvelle qu'il alloit en ap-
prendre aux Ephéfiens, voulut l'accompagner d'un. fpectacle fanglmt, capable de faire
une grande imprefllon : ce qui le porta à Elire maffacrer un pauvre mendiant dont per-
fonne ne prenoit le parti. Mais je demande à M. l'Evêque de Bethléem , oli il trouve
en tout cela qu'il y ait du Miracle? Car Philoftrate ne dit point qu'Apollonius ait gué-
ri aucun de ceux qui étoient frappés de la pefte: il dit feulement qu'il annonça aux E-
phéfiens que la pefte alloit ceHer. Or pour l'en inftruire il n'a point été neceflaire
que le démon fit un Miracle: & doit-on fuppofer des Miracles diaboliques, lorsqu'un
événement a pu arriver d'une autre manière ? i ' .
„ Les démons^ dit TertHlikn, favent & énoncent avec une grande facilité' ce qui fe Tcrmli
„ fait par toute la terre .... & ils veulent pafler pour les auteurs des chofes qu'ils ^'i°^'
„ annoncent: ils le font à la vérité quelquefois des maux, mais jamais des biens: "
Ouiâ hH geratur tam facile flimit cjncm enuntiant . . . Jtc <jr autores interdum videri
volant eorum c^ux. annuntiant. Et .ffint plané malorum Twnnnnquam , bonorum tamen nun-
A l'égard de M. Fleuri , il ne faut pas perdre de vue que fon ouvrage eft une His-
toire Univerfelle & non pas une DilTertation théologique & critique; & qu'ainfi on
doit le regarder comme un Hiftorien qui rapporte les faits tels qu'on les raconte , &
non comme un Théologien qui examine & qui difciite fort au long, quelle eft la foi
qu'on y- doit prendre. Cependant M. Fleuri, après avoir donné un extrait du récit de
Philoftrate, dont il dit pUis haut que l'hiftoire eft vifiblement /iïi«/e«/ê, le termine par
cette réflexion : qu'/7 cfl ajfez, vraifernblable qu'il n'y eut que de la hardiejfe dr de l'in-
dfijlrie , . . crr il eji aifé d'impofer an peuple prévenu.
Voilà pourtant l'unique preuve que M. l'Evèque de Bethléem nous fournit de ce
Miracle , preuve qui félon lui doit couvrir de confufion tous les Appellans , & les con-
vaincre d'une téi/iérité inexcafable . . . on d'un dejfaut de ffience , ... ou de Jtncérité
portée a, l^exces : de n'avoir pas avoué , après un fi beau Miracle , que le diable en fait
de plus merveilleux encore que ceux de notre Siècle.
Le fait de la fille prérendue-reflufcitée n'eft pas à la vérité fi abfurde que celui du
mendiant métaraorpholè en chien. Mais Dieu a manifefté lui-même que c'étoit une a-
bominable impofture. Le voici tel que .le bon fens le préfente , à en juger par le carac-
tère d'Apollonius & par plufieurs circonftances , que Philoftrate n'a pas ofè fupprimer
entièrement.
La folie ou pour mieux dire, la fureur d'Apollonius étoit de fe donner la réputation
de faire des œuvres aulTi merveilleufes que celles de Jefus-Chrift : &■ pour cela il imi-
îoit autant qu'il lui étoit poflible ce qu'il lifcit dans les Evangiles. Mais comme le dé-
mon ne lui fourniftbit pas tous les moyens d'exécuter tons les prodiges qu'il fouhaitoit,
il tâchoit d'y fupplcer par toutes fortes d'artifices & de fourberies. "^ Entre autres il en-
V z treprit
t5<5 F AI) s s ETE' DES G V E' R I S G N' S
DissERT-treprit de copier la réfurreftion que Notre Sauveur fit à Nïi'm , & fe flatta d'en avoir
'"•"-'■*"'^- trouvé un moyen qui feroit beaucoup d'c'clat dans h Ville de Rome.
Une jeune fille qui e'toit apparemment très liée avec ce fourbe, ayant époufé un
homme propre à entrer dans leur complot, fit femblant le jour même de fes noces,
d'ctre morte fubitemcnt. Je dis fubitement, car fi elle avoit été malade , on ne l'auroit
pas mariée ce jour-là.
Sans doute qu'Apollonius lui avoit appris le fecret de fe rendre le vifage d'une pâleur
livide; fecret qui quoiqu'un peu douloureux, eft d'ailleurs très aifé à exécuter, & que
plufieurs mendians pratiquent encore aujourd'hui pour exciter la compaflîon, ou pour
fe faire recevoir dans les hôpitaux, comme s'ils étoient malades.
Sur le champ le mari jettant les hauts cris, & ayant fait aiïembler bien du monde ,
pour rendre le convoi célèbre, fit mettre fa femme fur un lit, & la fit porter en cet é-
tat à un bûcher qu'il avoit fait préparer au plus vite.
Combien un tel artifice conduit avec tant d'art , n'auroit-il pis été capable d'autori-
fer ridolàtric, & de fournir des armes à tous ceux qui dans la fuite des tems auroient
voulu foutenir que les plus merveilleufes guérifons pouvoient n'être que des opérations
diaboliques, fi Dieu n'avoit pas fait connoitre que tout cela n'étoit qu'une déteftable
fourberie? Mais fa bonté ne lui permettoit pas de fouffrir, que Satan affoiblit ainfi l'Au-
torité des Miracles. 11 fit tomber une très grande pluie fur le convoi; & la prétendue-
morte qui jusqu'à ce moment avoit tenu les yeux très foigneufement fermés , ne fâchant
d'oii lui venoit l'eau qui lui inondoit le corps, en fut fi furprifc, que cela lui fit faire un
mouvement, dont plufieurs des AlTiftans s'apperçurent.
Si le mari n'avoit pas été du complot avec Apollonius, n'auroit-il pas fait reporter
fur le champ fa femme en fi maifon , puisqu'il voyoit qu'elle n'étoit point morte ? Mais
étant lui-même tout troublé de cet événement qu'il n'avoit pas prévu , d'ailleurs ne vou-
lant pas manquer de parole à Apollonius, & fe flattant que les Speétatcurs qui ne mar-
choient que derrière , n'auroicnt peut-être pas remarqué le mouvement qu'avoit fait d
femme; il continua de la faire porter au bûcher, jusqu'au moment qu'Apollonius fe
préfenta à fa rencontre.
Ce fourbe infigne n'ayant pas été averti de l'accident qui venoit d'arriver, joua fon
rôle avec la dernière impudence. Il commanda à ceux qui portoient le corps de s'arrê-
ter. Il déclara qu'il alloit changer les pleurs des Afliftans en des larmes de joie, &
ayant pris cette femme par la main, il la fit defcendre de fon lit mortuaire, & fut fur
le champ avec elle chez fon père, lui conter la grande merveille qu'il venoit d'opérer.
Le père n'étant point inftruit de la fourberie donna 1500. ccus à Apollonius , pour le
récompenfer d'avoir ainfi reffufcitè fa fille: mais Apollonius craignant que ce facrilége
artifice ayant cû grand nombre de témoins , ne parvint bientôt aux oreilles du père , re-
mit fur le champ les 1500. écus à la jeune femme , pour la payer de fes peines.
Voilà les faits tels que la droite raifon les découvre à travers de tous les déguifemens
de Philofl:rate. Je vais préfentement rapporter la tradudion de fes propres paroles : elles
n'auront plus befoin de commentaire. Le Lecteur le fera aifément lui-mcme, pour peu
qu'il fe rappelle ce que je viens de lui obferver.
PKiloft Lib " ^' y ^^°'^ ^ Rome, dit Philofirate, une jeune fille, qui le propre jour de fes
4.«. li. ,, noces fut tenue pour morte de chacun, par je ne (ai quel accident qui lui lurvint:
„ fon mari faifant de grand cris & menant un grand deuil de l'avoir fi vite & Çi mal-
,, heureufcment perdue, la fit porter fur un lit, & fuivoit le convoi en faifant d'c-
,, tranges complaintes , aulfi bien que tout le peuple qui venoit après lui. Mais
„ Apollonius ayant de fortune rencontré ce convoi aucz proche de Tclefin ; Mettez,
,, dit-il, à terre, car je vais changer les larmes que vous verfcz , en des pleurs d'al-
„ légrtfTc: & ayant demande le nom de la défunte, comme pour faire Ion Oraifoii
„ fune-
'ATT R I B V r E s AV D E' AI 0 jV, &c. 157
i, funèbre, & pour confoler fon mari &: fes parens (dit Pliiloftrate , mais plutôt pour Disskrt."
„ faire accroii-e aux alTiftans qu'il ne la connoiflbit pas) il lui mit la main fur le corps, -"'"-''^"'^■
„ & lui ayant dit quelque chofe tout bas, cette jeune femme retourna tout foudain en°^^ ""'■
„ vie, de' la même forte qu'Alcefte fut jadis refîufcité par Hercule. Elle alla auffitôt
„ chez fon père, qui donna 1500. écus à Apollonius en reconnoi fiance d'un fi grand
„ bienfait : mais Apollonius les remit à la mariée pour l'accroifiemcnt de fa dote.
j, Au refte , contime Philofirate , c'eft une chofe difficile à décider , non feule-
,, ment pour moi , mais pour tous ceux qui fe trouvèrent préfens à ce miracle , de fa-
„ voir fi Apollonius trouva quelque refte de vie à cette jeune femme, dont les méde-
„ cins ne s'étoient pas apperçus. Car c'eft un fait avéré que lorfqu'on la portoit au
„ bûcher, il furvint une grofle pluie, & il eft difficile de deviner li cette pluie rap-
„ pella fon ame quoiqu'elle fût féparée du corps , ou fi elle ramina les efprits qui y
„ étoient reftés comme affoupis. "
Malgré l'entortillement de ces expreffions , & les doutes afFeélés dans lefquels Phi-
loftrate s'enveloppe , il eft vifible qu'il avoue , quoique bien malgré lui , que cette
pluie avoit paru ranirner les efprits . . . affoupis de cette prétendue-morte , avant qu'el-
le fût reflûfcitée par Apollonius : & il faut néceflairement que cette circonftance eût
fait à Rome un très grand bruit , puifque Philoftrate n'a pas ofé la fupprimer tout à
fait, quoiqu'elle eût découvert très clairement la fourberie de fon héros , &: qu'elle
eût vifiblement manifeftè que cette réfurredion fimulée n'ètoit qu'une fupercherie très
criminelle.
IVl. de Bethléem lui-même en rapportant ce fait n'ofe dire , que cette jeune femme
fût morte, lorfqu' Apollonius fit femblant de la reffiifciter. Il dit feulement qu'o« la ni.Lctt. p;
croyait morte & qu'en la portait en terre. Mais ce n'ètoit pas d'une maladie qu'elle n'a- ''•
voit point, qu'Apollonius prétendoit la guérir. Il fe vanta devant tous les Affiftans
en arrêtant le convoi , qu'il alloit changer leurs larmes en des pleura d'allégrejfe ; par où
il entendoit dire, qu'il alloit faire retourner faudain cette jeune femme en vie , de la mê-
me façon quAlcefle fut jadis rejfufcité par Hercule.
Auffi Eufebe qui a fait un aflez gros Ouvrage pour prouver la fauftetè de toutes
les ridicules merveilles qu'on trouve dans le Roman de la Vie d'Apollonius , dit à l'é-
gard de la fille reffufcitée dans la Ville de Rome , que ce n'eft pas la peine d'exami-
ner ce faux miracle , puifque Philoftrate lui-même paroit n'y ajouter aucune foi :
Quod atitem fpeclat ad puetlam in urbe Ramà pofi mortem ad vitam ah Apallonio revo- Eufeb. in
catam^ id chm ipjl Philojlrato admodum incredibile vifum fit , ne examinanditm quider»^^""'^^''^'^-
nabis efi.
Mais fi Philoftrate n'a ofé foutenir la vérité de ce miracle, & s'il a même été forcé
de convenir d'un événement qui fait clairement connoître que ce n'ètoit qu'une im-
pofture , comment M, l'Evêque de Bethléem peut-il le donner aujourd'hui, comme
um preuve décifive , . . que le démon peut cr veut quelquefois rendre aux hommes la fan- l'^-Ltit- p.
lé du corps.
Quoi ! ce Prélat veut-il donc fe rendre aujourd'hui, l'apologifte des plus infignes
fourberies pratiquées par les Idolâtres, dans le deflèin qu'ils avoicnt d'ébranler les fonde-
mens de la Religion , en donnant lieu par les faux miracles qu'ils publioient , de con-
fondre les œuvres de Dieu avec celles du diable ?
Je prouverai plus bas , que les plus habiles des Payens , & tous ceux d'entre eux
qui avoient de la bonne fiai, font eux-mêmes convenus que ces prétendus miracles n'é-
toient que des impoftures. Comment eft-il poffible , qu'un Evêque proftitue aujour-
d'hui fes talens pour tâcher de faire accroire aux Chrétiens , que ces miracles é-
toient véritables ?
V } Ceux
1,8 lAVSSETE' DES G V E' R ! S O jV S
DissTRT. Ceux qu'il attribue enfuite à Pithagore font encore phis clairement imaginaires que
«uRLAUT.çgyx d'Apollonius.
DESMiR. pithagore étoit un efpéce de Philofophe , qui a extrêmement répandu , s'il n'a pas
Preuves, que inventé , h faufie doftrine de la métempficofc, c'eft à dire de la transmigration des
Pithagore njgrnej, AuiTi la plupart dss Auteurs Payens qui ont vécu de fon tems, font-ils mention
point fiic.d: , , • '^ 1. I • j ri- j r ,-,
miiades. dc RU : mais aucun d eux , du moins de tous ceux qui lont bien connus , ne dilent qu il
ait jamais fait de miracles , ni mcme aucun prodiqe.
Sur quel fondement M, l'Evéque de Bethléem lui fait-il donc fi libéralement préfeot
du don des miracles ?
Il cite un Ouvrage de Jamblique difciple de Porphire oii il prétend qu'il eft dit,
III. Le;t. qu'on rncoitolt de Pithagore mille chofes divines cr admirables , comme de prédire infail-
O1eoi.pp.52. uyieme^t Us tremblemens de terre, oJ" de chajfer promptement la pefie. Après quoi il ajou-
te que Porphire en rapporte les mêmes merveilles C7 plujîeurs autres ^ que AJ. de Beth-
léem a très prudemment pafle fous filence.
Il eft vrai que Porphire a forgé à fa manière une J^ie de Pithajrore, & que Jambli-
que a encore enchéri fur ce que Porphire avoit ridiculement imaginé, pour l'oppofer
aux Miracles de Jefus-Chrift.
Mais par qui Porphire & Jamblique qui ne font venus au monde que plufieurs Siècles
après Pithagore , ont-ils entendu raconter les impertinentes merveilles qu'ils ont mis dans
ce Roman , tandis que tous les Auteurs contemporains ou qui ont vécu peu après Pitha-
gore , n'ea difent pas un mot , quoiqu'ils parlent beaucoup de lui \
D'ailleurs ce que Porphire débite à cefujet eft fi abkirde,que M. l'Abbé de Hout-
•Tom. I. p. teville dans fon Livre intitulé la Religio» Chrétienne prouvée par les faits , ait que „ cet-
^^^" „ te Vie de Pithagore n'eft point une hiftoire, mais une fuite de fables fi ridicules, fi
„ groftîcres qu'à moins d'être au comble de l'impudence , on ne pourroit fans honte
„ les donner à titre de faits. "
Voici au furplus qu'elles font ces pitoyables merveilles , félon que Porphire les rap-
porte.
Vit Pithag. 3) Pithagore , dit-il, paflbit pour être le Dieu Apollon : & ce qui en ctoit une prcu-
ï-'î' „ ve, c'eft qu'affiftant aux Jeux Olympiques, il fe leva & fit voir à cette nombrcufe
„ afTemblé: une de fes cuifles qui étoK d'or. Seul entre tous les humains , il entcndoit
„ la délicieufe harmonie que font les fphè .es céleftes. Il avoit une réminifcence par-
,, faite des divers corps que fon ame avoit animés : il fe reffouvenoit par exemple , d'a-
,, voir été tantôt arbre , tantôt fille , tantôt poiffon , & finj^uliércment d'avoir été le
„ magnanime Euphorbe vainqueur dePatrocle ami d'Achille. Il faifoit comprendre aux
,, animaux tout ce qu'il leur voufoit dire , & il entendoit leurs réponfes. Il prédit la
„ mort d'un ours. Il déf.ndit \ un bœuf de manger des fèves, A: ce bœuf obéit à fa
,, défenfe", &c. To'it h furplus des prétendues merveilles qui-, félon Porphire, dé-
voient faire regarder Pithagore comme un Dieu , eft dans le même goiit. Et voilà ce
que M. l'Lvcque dc Bethléem nous dit être d s Miracles ! Autfi s'cft-il bien garde
d'en donner le récit , fi ce n'eft du premier : encore en a-t-il changé une des principa-
les circonftances. Car au lieu de nous raconter ainfi que fait Porphire , que ce fut à
tout le paiple aflemblé aux Jeux Olympiques, que Pithagore montra une de fes cuiifes
qui ctoit d'or, il a tu la moJcftie de nous dire feulement que Pithagore pour perfuudcr
m. Lett. \ Ji,, dijciplc qu'il ctoit le Dieu Apollon , lui montra une dejics cuijfcs , «jui étoit ou plutôt
qni paroijjoit être d'or.
Comme c'eft \\ l'unique miracle de Pithaf^ore , dont ce Prélat nous ait donné la Re-
lation, c'eft fans doute le plus divin 8^ le plus admirable qu'il ait trouvé dans la Vie de
ce Philofophe. Le Lecteur me difpenfcra volontiers d'y répondre , & trouvera bon que
j'i-
iXcoLp. 33.
ATTRIBVE'ES AV D E' M O N, crr. ijj
j'abandonne une fi rifible merveille à la gaieté de fes réflexions. J'obferverai feulement , Dissert
que lorfqu'on eft réduit à recueillir de pareilles abfurdités, pour prouver que le démon ^""^ '''*"■'
fait des Miracles, on a beau employer toutes ks figures de la Réthorique pour en per-
fuader fes Ledeurs, on ne peut éblouir que ceux qui ne font point ufage de leur ju-
T
DES MIR.
gement.
Venons préfentement aux deux miracles dans lefquels ce Prélat paroit avoir mis fa '^f-
principale confiance. Car 'par exemple, à l'égard de ceux de Pithagore il a déclaré fauS de!*
dans fa X. Lettre, qu'il ninfijloit f oint fur cet article , ^ qu'il co^ifc»t qviQ les préten- P'^''^°'''"
dus miracles de ce Philofophe n'entrent plus dans notre difpttte. Mais en même tems il Vcfpaiien.'^
foutient, qu'on ne ■peut nier les deux miracles de P^Jpaf en fans vouloir douter de tout X.Lecr. pp.
en féiit d'hiftoire non révélée. 476. & 477.
„ Voyez, s'e'crie-t-il , Tacite, Suétone, Dion de Nicée, Tertullien , ou pour /i'" *"'"' P"
„ vous épargner ce travail , lifez M. Fleuri , & Vous y trouverez que par l'ordre & itij.
„ la protection du Dieu Sérapis , c'eft à dire du démon fous ce nom, l'Empereur
,, Vefpafien rendit fur le champ la vue à un aveugle, & l'ufage de la main à un eftro-
5, pié. Or avez-vous rien , ajonte-t-il, de plus merveilleux dans vos miracles ? "
Il eft vrai que Tacite & Suétone rapportent ce fait avec quelques circonftances,
que le Prélat a jugé à propos d'omettre. Dion ne fait que copier Tacite, cent ans
après cet Auteur. A l'égard de Tertullien , quoiqu'en dife M. l'Evêque de Beth-
léem, il n'en parle point du tout au Chapitre zz. de fon Apologie , que cite ce Pré-
lat. Enfin pour ce qui eft de M. Fleuri , il en parle comme un Hiftorien qui n'a pu
fe difpenfer de rendre compte de ce que Tacite & Suétone ont avancé à ce fujet;
mais en même tems il donne affez à connoître quel eft fon fentiment fur la vérité de
cette hiftoire , par la remarque qu'il fait, qu'on peut croire qtt Apollonins (qu'il avoit
traité plus haut de fameux impofteptr) avoit part à ces prodiges , qu'il qualifie plus bas Hlft. Kcd.
de vrais on faftx miracles. Liv.a.ait.
Lorfqu'un Hiftorien parle ainfi d'un fait qu'il rapporte lui-même , il eft clair qu'il
ne veut pas que fon Leéleur ignore qu'il le regarde comme une fourberie ; & n'en
déplaife à M. l'Evêque de Bethléem , M. Fleuri ne dit point , ainfi que ce Prélat
l'avance très gratuitement , que c'efl le démon qui a effeclivement opéré ces guérifons : il j.r 1 -t p
dit feulement qu'«7 n'y avoit rien en tout cela que le démon ne put faire. C'eft ce qui eft î^- '
inconteftable , puifque dans la vérité il n'y avoit rien de défedueux dans les yeux de
• l'aveugle prétendu , ni rien qui manquât pour agir dans les membres de celui qui fe di-
foit eftropic, ainfi que les Médecins confultés par Vefpafien le lui déclarèrent , avant
qu'il fe déterminât d'entreprendre ces deux miracles , ou poui- mieux dire de prêter la
main à cette impofture.
Mais ne différons pas plus long-tems d'entrer dans le détail des faits. Il eft bon d'a-
bord d'obferver, que les deux Auteurs qui les rapportent , Tacite & Suétone, n'ont
écrit que près de 40. ans après la datte de cet événement arrivé , non à Rome où ces
deux Auteurs demeuroient , mais en Egipte &: dans la Ville d'Alexandrie. Ainfi ils
n'en ont pas été témoins oculaires , & n'ont rendu compte de ce fait que fur des ouï-
dire fi vagues & fi incertains , qu'ils fe contredifent mutuellement dans les principales
circonftances. Par exemple , Tacite dit , que c'étoit un manchot que Vefpafien gué-
rit, & Suétone dit au contraire que ce fut un boiteux. Et à l'égard de l'aveugle.
Tacite avance qu'il étoit connu pour tel: circonftance très cohfidérable, fi elle eût
cté vraie; mais que Suétone, qui n'a écrit qu'après lui, n'a pas ofé répéter. En effet
a qui cet aveugle et oit-il connu ? V et oit-il des gens de L'Empereur , qui ne venoient que Demonil.
d'aborder en Egipte? dit le célèbre M. Huet Evêque d'Avranche , qui prouve que ces ^'''^"f,',''"^"
deux prétendus miracles n'étoient qu'une fourberie, & que Fefpajten a appliqué de faux
remèdes k de fatijfes malades.
Si
\6o F yiV S S ET E' DES G 'J E' R 1 S 0 N S
Dissert. Si Tacite & Suétone ont confulte quelque témoin oculaire , ce n'a pu être vrai-
^"'"-''^"'^•fembhblement que quelque vieux Romain , qui dans fa jeunelTe avoit fuivi Vefpafien
DES MiR. ^^ Egipte. Or puifqu'il ne faifoit lors de cet événement que d'arriver à Alexan-
drie, comment ce vieux Romain avoit-il connu cet aveugle de la populace?
Il fe p:ut faire que quelques Romains éblouis par la grande eftime qu'ils faifoient
de Vefpallen , aient été aifezMlmples pour fe laiffer tromper par lartifice avec lequel ces
faux miracle? furent exccntés. Mais en faifant attention à toutes leurs circonftances,
il n'y a perfonne de bon fens qui ne s'apperçoire, que tout cela n'étoit qu'une impos-
ture. Et il y a tout lieu de préfumer qu'Apollonius & les Prêtres de Serapis en
étoient les premiers auteurs,
„ La prcfence d'Apollonius de Tyane, le plus célèbre des Magiciens , &ami très
Baron, ad j> intime de Vefpalîen , dit le Cardin.il Baronins , me détermine volontiers à croire que
ann.7i.n. ^^ tout cela n'a été imaginé que par l'artifice d'Apollonius. Car il étoit dans ce tems
„ à Alexandrie, où par benicoup d'autres impoftures , que PhiloRrate raconte, il s'é-
,, toit attiré l'admiration des habitans de cette Ville Prsfentià Ty-tnai ma^orum omnium
celeÙTrimi , & Fc/p^^Jiano amicitià conjunEiijfimi , nmnihil moveor ut exijlimem ea omnin
fuiffe eJMsdem ylpollonii Tyanai >irte excogitata. His cnim diebus aderat AUxandrijc , ac
flnrihus aliis tmpofiuris quas recenfet Philojiratus , in fui admirationem converterat A-
Icxandrinos.
A l'égard des Prêtres de Sérapis , ils avoient un intérêt très preffant de procurer à
leur Dieu h protection du nouvel Empereur, le Sénat de Rome ayant rayé cet infâme
Dieu du Calendrier divin , & apnt lait abbattre fes autels , à caufe des impudicités
qui accompagnoient fon culte. Or ces Prêtres, par le confeil d'Apollonius qui étoit
alors avec eux , n'en trouvèrent point de meilleur moyen que de faire faire des mi-
racles à Vefpafien par l'ordre de leur Dieu.
Apollonius leur aura fait fentir', que dans la fituation oii fe trouvoit Vefpafien ré-
cemment élu Empereur par fon armée , & ayant intérêt d'en impofer au peuple , rien
ne lui feroit plus avantngeux que de paffer pour un homnje à miracles, un homme vi-
fiblement favorifé des Dieux.
Pour exécuter ce defl'ein , ils engagèrent un quidam de la populace \ contrefaire l'a-
veuqle, ce qui n'étoit pas bien diâàcil;, puifqu'il n'y avoit pour cet effet qu'à tenir
les yeux fermés. Or je prouverai par le témoignage même de Tacite, que fon aveugle
prétendu ne l'étoit que de cette façon.
Ce n'efl; pas tout : ils joignirent à cet aveugle un autre homme de la lie du peuple,
pour contrefaire le boiteux ou le manchot. On peut mcme fuppofer, fi l'on veut,
que ce boiteux ou ce manchot paroifloit réellement eftropié. Car il y a des gens qui
le paroiflent quand ils veulent, quoiqu'ils ne le foient pas. Lorfque des os font reftés
démis pendant pUiHeurs jours par quelque accident, les ligamens de ces os fe relâchent
& s'allongent de façon, qu'après qu'ils font rétablis à leur place , ou peut les en dé-
ranger fans beaucoup de douleur ', & on les remet enfuite très facilement. Lorfqu'ils
font hors de leur pbce, un membre paroit contrefait , & dès qu'ils font replacés, ce
membre femble avoir été guéri tout à coup. Tacite me fournira encore la preuve,
que l'eftropié qui vint demander fa gucrifon >i Vefpafien , ne l'ttoit que de cette ma-
nière.
Il V a donc lieu de croire, que les Prêtres de Sérapis ayant trouvé un homme qui
pouvoir ainfi fe faire paroitre eftropié quand il vouloit , l'envoyèrent avec leur aveugle-
prétendu fe jettcr aux pieds de Vefpafien , en lui difant que le Dieu Sérapis leur avoit
ordonné en fonge de lui dcchrcr de fa part, que s'il vouloit bien cracher lur les yeux
de l'aveugle & toucher du pie! l'cRropic, ils fcroient aullitot guéris.
Tac'n. lib.4. Vefpafien fe mocqua d'abord de la propofition & la rejetta bien loin: refp.tjîanus pri-
ATTRIBVE'ES AV D E' M 0 N, 6'c. i6i
mo irridere, afpemari; ne fentant nullement en lui la vertu de faire des miracles En DustR-r.
vain ceux de (es plus chers favoris qui ctoient du fecret, & à la tête dcfquels fe trou- surl'aut.
voit Apollonius, le prefloie;it-ils de tester ces miracles: il y reffla long-tems, quoi- °^^"'^'
qu'il entendît à demi mot ce qu'ils ne vouloient pas lui décl rer ouvertement. Mais
cet habile Empereur craignant malgré tous leurs difcouis , qu'il n'y eût quelque chofe
de réel dans |es maladies , ne voulut rien hazardei ; car il fentoit que c'eût été fe per-
dre de réputation, & s'expofer à pafler pour un petit génie , pour un homme léger
& trop crédule, & par conféquent incapable de gouverner l'Empire^, s'il entreprenoit
publiquement de faire des miracles qui n'euifeni pas un plein fuccès. Il ne voulut
idonc point s'y déterminer, qu'il n'eût fait auparavant examiner par fes Médecins , fi
ces deux miracles étoient immanquables. Mais les Médecins diffipcrent entièrement fes
doutes & toutes fes inquiétudes à cet égard , lui ayant certifié que l'aveugle n'avoit
pas perdu la faculté de voir, & que dès que les empêchemens feroient levés, elle re-
viendroit auffitôt : Haie non excifim vim hminis ^ & redituram Jt pelicrentur objlantia ^ Ibid.
dit Tacite ; & qu'à l'égard de l'eftropié il avoit feulement les articles dérangés , &
qu'ils pouvoient être remis en y employant une force falutaire : //// eUpfos in pravum
art fis , Jt falnbris vis adhibeatur , pojje integrari , dit encore le même Auteur. Ce qui
fît clairement comprendre au rufé Vel'pafien , que l'aveugle n'avoit befoin pour voir
que de lever les. paupières ; car c'étoit le feul obftacle qui l'en empêchoit : &: que
l'eftropié pour être guéri , n'avoit qu'à remettre à fa place un os qu'il avoit dé-
rangé.
Vefpafien pleinement raffuré fe met auffitôt dans fon trône, avec un vifage où la joie
étoit peinte : Lato ipfi vulttt , ercBà quce ajlabat multitudine , jnjfa exequiiur ; & en pré-
fence d'une multitude de perfonnes, il fait venir le faux aveugle & le foidifant eftropié,
met de fa falive fur les yeux de l'aveugle qui les ouvre auUitôt , & touche l'eftropié
qui à l'inftant ceffe de l'être.
Y a-t-il quelqu'un qui puifte croire , qu'im auffi grand politique que Vefpafîen eût
pris une fî entière confiance dans les fonges que lui avoient raconté ces deux hommes
de la populace , que fur la foi de ces fonges il eût voulu bazarder de commettre fa ré-
putation dans un tems oîi fon él:â:ion toute nouvelle de fa puiffance encore mal affermie
demandoient qu'il la ménageât fi fort ? Qui a donc pu lui faire entreprendre avec tant
d'affurance à la vue d'un grand nombre de témoins une chofe auffi inouïe , fî ce n'eft
la pleine certitude oii il étoit du fuccès? Or d oii pouvoit lui venir cette certitude, fî-
non de la connoilTance qu'il avoit que tout cela n' étoit qu'un artifice , mais qui avoit
été conduit avec tant de dextérité, qu'il ne pouvoit manquer d'en impofer à la multi-
tude & de f.'rprendre fa crédulité? C'eft ce qui arriva effefl:ivement.
Il y eut cependant nombre de perfonnes, même parmi les Romains, qui s'étant in-
formés fi l'aveugle & l'eftropié l'avoient été efïeâivement , découvrirent que tout cela
n'étoit qu'un jeu; mais pour lors ils n'eurent garde de le déclarer publiquement. Les
Romains q"i avoient embraflc le parti de Veipafien , avoient intérêt pour eux-mêmes
de ne pas dire ce qu'ils penfoient ; & les habitans d'Alexandrie enveloppés de tous
côtés par l'armée de l'Empereur, n'ofoient le faire.
Cependant le tems qui découvre toujours la vérité , n'a pas laiffé ignorer que ces
deux prétendus miracles n' étoient qu'une pure fourberie. Cela eft fi vrai que Porphi-
re, Julien l'Apoftat , ni aucun autre des Auteurs qui ont écrit contre Ifs Chrétiens,
n'ont ofé les leur objeéler, quoiqu'ils aient été chercher jufques dans l'Antiquité la
plus reculée plufieurs fables ridicules pour prouver que leurs faux-Dieux avoient la
puiffance de faire des prodiges. Si l'impoftiire de ces deux miracles n avoit pas été
de notoriété publique , les Idolâtres ne les auroient-ils pas cités pour répondre aux A-
pologiftes de la Religion qui leuc foutenoient affirmativement, qu'il n'y a que le vrai
Pifert. Tom, II. X Dieu
xSt F^VSSETE' DESGVE'RISONS
Dissert. Dieu qui puifle faire des guérifons Miraculeufes ? Il y a même tonte apparence, que
surl'aot. ç'çfj. pg^ rapport à ces deux faux miracles, que Tertullien reproche à Tacite , qu'il
DES MiR. ç^ ^^ grand difeur de menfongcs , mendaûorym lo<juact£imHs , Se qu'il a rempli fin h'n'
j6.^ •£• 15- f^jyg de f^ujfetc's pottr relever U Religion des Païens,
Mnis voici un témoignage encore plus précis. En effet n'eft-il pas vifible que ce
font finguliérement ces deux faux miracles qu'Arnobe a en vue , lorfqu'il défie tous
les Payens de lui prouver , qu'aucun de leurs Dieux ou de leurs Souverains Pontifes
(tout le monde fait que les Empereurs étoient revêtus du Souverain Pontificat) aient
jamais guéri quelque maladie que ce foit, par la feule parole ou par le fimple attouche-
ment. Il foutient au contraire, que ni leurs faux-Dieux , ni leurs Souverains Ponti-
fes, c'eft à dire leurs Empereurs, n'ont jamais pil faire aucune guérifon furnaturellc,
pas même de la plus légère incommodité. „ Pouvez-vous me citer (s*écrie-t-il) un
Lib.i.aJv. ^^ Prêtre, un Sacrificateur , u» Souverain Pontife à qui Jupiter ait donné le pouvoir,
-•eia.p.. . ^^ ^^ ^^ j.^ p^^ feulement de relTufciter des morts , de rendre la vue à des avcngles ^ de
„ rétablir des membres cjiropie's , mais mcme de guérir une petite enflure , une peau
„ enlevée, un bouton au vifage, en n'y employant que le toucher ou la parole? "
Il eft à remarquer, qu'Arnobe étoit parfaitement inftruit de tout ce qui ctoit arri-
vé de confidérable chez les Payens. ! 1 avoit été long-tems un de leurs plus célèbres
Orateurs , avant que d'embraCTer le Chriftianifme , il avoit même fait des difcours
contre la Religion , & s'étoit pour cela informé avec grand foin de tout ce qui pou-
voit autorifer T Idolâtrie , dans laquelle il avoit été élevé. La lumière éclattante qui
fortoit des Miracles que fàifoient les Chrétien; , éclaira fon efprit & convertit (on
cœur. Toutes fes recherches lui avoient appris , que jamais les faux-Dieux qu'il
adoroit , n'avoient rien fait de femblable ; & elles contribuèrent à le convaincre de plus
en plus , qu'il n'y a que le Créateur de l'Univers , qui ait la puifTance d'opérer de
telles Merveilles.
Au furplus s'il n'avoit pas été en état de prouver , que les deux prétendus min-
cies de Vefpafien n'étoient qu'une fourbeiie , & de citer quantité de Payens qui en
avoient eux-mêmes public l'artifice , auroit-il ofé faire le défi qu'il leur fait à tous à
ce fujet?
Mais qu'ont-ils répondu à ce défi ? Rien, Ils fe font vus forcés de garder à cet
égard un trifte filence, & ils ont mieux aimé abandonner ces prétendus miracles , que
de compromettre leur honneur en prenant la deffenfe d'une impoUui-e reconnue pour
telle par les gens même de leur Religion.
AufTt le Cardinal Belbrmin donne-t-il comme un fait de notoriété publique, qut les
miracles attribués à Vefpafien, n'étoient que fourberie & faufl.-té.
Tom.II.lib. „ En un mot, dit-il, les maladies n'étoient que feintes, & leur guérifon ne doi-
^cnoiis ^^ vent pas être placées au ran^^ des miracles, mais comptées parmi les menfonges : "
Vno verbo morhi fuerunt Jimnlati , & fanationes non inter mincnU fed inter mend^cia
funt reccnfcr.da.
Ccft cependant fur ces de".x prétendus miracles de Vefpafien reconnus pour faux
par les Idolâtres eux-mêmes, que M. l'Evêque de Bethléem s'appuie principalement
pour prouver que le démon a opéré les guérifons les plus admirables , & qu'il nous
Fait de vifs reproches de notre incrédulité par rapport aux mincies diaboliq'ies.
Ill.lxit. p. „ De quoi ne doutcrez-vons pas en fait d'hil>oire non révélée (nous reproche-t-il \
„ tous) fi vous niez les deux miracles de Vefpafien? Ce font des miracles opérés par
„ un Empereur en préfcnce de fa Cour , & d'une multitude fort attentive. Ce (ont
„ des Auteurs contemporains qui nous en font le récit. . . Auteurs que perfonnc n'a
,, defavouts ni contredits."
Cette belle déclamation porte fi vifibl<jnent à faux, que tout l'eâlt qu'elle doit pro-
duire ,
ATTRinVrES AV D £* MO N, &c. kîj
duîre, c'eft de donner de la défiance au Lefteur des faits que ce Prélat afTure le plus Dissert.
pofitivement; & fur lefquels il fe fonde davantage. sauL-Aur.
Comme il parle enfuite des prétendus miracles d'Efculape, je vais avec empreffement ^' ""^*
entrer dans la difcufïîon des preuves qu'il en rapporte. Car cela me donnera occafion M i'Evéq.de
de mettre lous les yeux du Lefteur plufîeurs faits interreffans , & d'établir plufieurs ^'■'''''"'"'
_,/ . / ■ . ■' ^ ' r ' pom prouver
Ventes importantes. quE:cuhpe
Ce qu'il y a ici d'admirable , ou pour mieux dire de bien furprenant , ce ne font pas ,„ ,'" '^^'
certainement les merveilles faites par Efculape , mais c'cft la manier: dont s'y prend îvl. *'•".' des gué»
l'Evêque de Bethléem pour faire accroire, que ce faux Dieu de la Médecine faifoit cutatî's'uis
des guérifons miraculeufes. à faux le te-
ll s'appuie principalement fur le fentiment de Tertullien , quoiqu'il lui foit diamé» Taïuïucn. '
tralement oppofé , & il emploie pour toutes preuves de fait quatre Infcriptions grec-
ques , dont la fauffeté eft reconnue même par les plus grands ennemis du Chrifti>
nifme.
Commençons , ainfi qu'il a fait , par le témoignage de Tertullien. Il le cite dans
deux endroits. Dans le premier, il ne rapporte point fes paroles, & il lui afriibue un
fentiment tout contraire au fien. Dans le fécond, il produit tant ei t?; in qu'en fran-
çois, les termes dont il tire avantage : mais de ce pafTage il y en a 1: moitié qui ne fe
trouve point à l'endroit cité,& à l'égard de l'autre moitié ce Prél.t 1 interprète à con-
tre-fens , en donnant au Lefteur une ironie de Tertiillien pour une propofition af-
firmative.
,, Lifez, dit-il, Tertullien, Chapitre 23. de fon Apologie , & il vous apprendra, li[.Lett.p,
„ que c'étoient les démons , qui fous le nom du faux Dieu Efculape , rendoient la '*■
„ fanté à des perfonnes qui étoient à l'extrémité. Pourroit-on croire en effet que ce foit
„ Dieu qui ait autorifé par des miracles le culte d'un homme que fs propres adora-»
„ teurs avoiioient avoir été frappé de la foudre pour fon avarice."
Dans ce Chapitre 15. il n'y a qu'un feul endroit ou il foit parlé de miracles. En TcnuiJian.
voici les termes. Adagi phantafmata edunt , . . mttlta miracula circHlatoriis praftigiis Apologczj.
htduKt: ,,Les magiciens (ou (\ l'on veut les démons) font paroître des phantômes, ils
„ fe jouent à contrefaire plufeurs miracles par des prefliges de Charlatan."
Ceci ne cadre guéres à la citation de M. 1 Evêque de Bethléem. Il veut perfuader ,
que TertulHen convient que le démon fous le nom d'Efculape fait de grands miracles;
& voilà tout au contraire , que Tertullien précifément dans le Chapitre cité , foutient
que les prétendus miracles des démons ne font que de vains preftiges , qu'ils exécutent
par des artifice$ femblables à ceux des Charlatans. Sur quoi il eft bon d'obferver, qu'i-
ci & en quelques autres endroits, Tertullien comprend fous le terme de miracles tous les
effets généralement quelconques qui paroiffent merveilleux : cela eft manifefte en ce
patfage, puisqu'il y eft queftion, non de créations réelles, fubites & furnaturelles , de
réfurreftions , ou de guérifons miraculeufes , mais feulement de preftiges , de phantô-
mes & d'illufions.
Quelque Ledeur fera peut-être curieux , que je lui rapporte l'explication du mot
circMlatoriis faite par le Père George célèbre Commentateur de Tertullien. „ On ap-
„ pelle, dit-il, circulatores les gens qui au milieu des places publiques amufent par des
„ fables ou des preftiges les Spedateurs , qui les entourent". DiEli circulatores homi'
xes illi circumforanei ^ qui fpetiantiftm cttu feu circula circnmdati , fabttlis Indnnt aut
fvajligiis.
Voilà donc l'idée que Tertullien nous donne des miracles du démon, bien différente
de celle que nous veut faire prendre M. l'Evêque de Bethléem.
Mais peut-être que ce Prélat a en vue un autre endroit du même Chapitre, oii Ter*
tulliea dit „ qu'Efculape indiquoit des remèdes aux malades, & que par la vertu de
X a „ ces
i<S4 TAVSSETE DES GVE'RISOMS'
DissîHT. ces remèdes (que Tertiillien nomme) il a confervc la vie à des gens qui p.iroilToient
suK L AUT. prcts à la perdre en peu de jours ". Voici fes termes: AefcuLipitts medicinarum de-
»Es »nH. f„g„Jir,ttor , alla die morituris '^ ficordio ^ janacio er afclepiadoto -uhji fubminifirator.
Si c'eft là le pafTage dont a voulu parler ce Prélat, où eft le miracle de rendre la
fanté à des malades par la vertu des remèdes , ainfl que font ks Médecins ?
Paflbns à la féconde citation que fait ce Prél-^t.
ni.Leti.p. M C'cft le démon, dit Tertullien , Chapitre ii. de fon Apologie , qui caché foui
jS-' „ les noms & les fimulacres des morts, fait des prodiges, opère des miracles, & rend
„ des oracles pour faire croire que ces morts font des Dieux, Delitefcens fub nomini'
bus ce" imagiKibus mortuorum , quibiisdAm f'gf-is & miraculis (^ oraculis fidem divini-
„ taris oper.uar. Ouï certainement , dit-il encore , les démons font bienfaifans , même
„ quant aux guérifons des maladies : BcHcfici pUne cr circà curas valetudinum. Il re-
„ connoît donc que tous les miracles de ce genre attribués aux faux Dieux ne font pas
„ des fables, qu'il y en a de très réels." •
J'ai déjà obfervè , que la première partie de cette citation ne fe trouve point dans le
Chapitre 21. A l'égard de la féconde, pour démontrer jufcju'à quel excès M. l'Evê-
que de Bethléem abufe des fix mots qu'il cite exadement , il ne faut que rapporter en
fon entier le paffage en queftion.
Tertullien, après avoir pofé pour principe dans ce Chapitre, que les démons „font
TermUiin. 51 quelquefois les auteurs du mal , mais janrtais d'aucun bien: auBores . . . fnnt plane
Apologc.il. malorum nonrunauam , honorum tamen nuneju.im; s'écrie: ,, Les démons ne font-ils pas
„ en effet fort bienfaifans dans la cure des maladies ? Ils commencent par bleffer, en-
„ fuite ils prefcrivent des remèdes nouveaux ou même contraires pour contrefaire un
„ miracle: après cela difcontinuant de blefler, ils font accroire qu'ils ont guéri: Bene-
jici flâne (Jr circà curas valetudinum. Ladunt enim primo , dehinc remédia pntcipiunt ad
miraculum nova Jive contraria; poftque definunt ladere , ^ curajfe creduntur. N'eft-ce
pas là un bienfait vraiment digne du diable , de faire réellement du mal , pour enfuitc
faire accroire qu'il fait du bien ?
Voilà inconteftablement le vrai fens du paflT^ge de Tertullien, & M. l'Evêque de
Bethléem eft trop habile pour avoir pil s'y méprendre. Comment en effet pourroit-oa
concevoir, que Tertullien , dans le moment qu'il vient de donner pour maxime , que
les démons ne font que du mal , & jamais aucun bien , pût auflîtôt faire férieufement
cette exclamation, ainfi que M. de Bethléem le fuppofe : Ouï certainement les démons
font bienfaifans , même cjuant aux guérifons des maladies; Sc comment feroit-il polTible
que ce célèbre Apologifte de la Religion donnât tout de fuite pour preuve que les
démons font des miracles bienfaifans , le cruel artifice dont ils fe fervent pour tromper
les hommes & pour tâcher de leur perfuader qu'ils leur font du bien , lorfque réellement
ils ne leur font que du mal ?
Il eft donc manifeftc que M. l'Evêque de Bethléem préfente ce paflage dansim fens
direftement contraire à celui de l'Auteur , en donnant , comme je l'ai dit , une ironie
pour une propofition affirmative.
Glaces au Prélat il n'a pas été néceflaire d'aller chercher bien loin dans les Ouvrages
de Tertullien, pour découvrir quel a été fon fentimcnt fur la queftion de favoir, (I
Efculapc & les démons ont fait des guérifons miraculeufes : il n'a fallu pour cet effet
3ue lire les deux fculs petits Chapitres, dont le Prélat cite quelques paroles , qu'il
onnc fingulièrcment pour preuves qu'Efculape a fait des miracles. Qu'y trou-
ve-t-on ?
Premièrement , qu'Efculape ne guériflbit les maladies que par l'efficace des rcmcdes,''
qu'il co; rcilloit.
Sccoudcmcnt , qu'en général les démons ne guériflent point fans remc'des des mabdics
pro-
ATT R I BV r E s AV B f M O N, ùc. 1^5
proprement dites, mais feulement quelques douleurs momentanées qu'ils caufent par leur Dissert:
preTence , Udmt , & qui celTent dès qu'ils difcontinuent d'asir , polîque defiKunt Udere^^^'^'"-^'^'
O' curajje creduntur.
Car il ne faut pas croire que fi le démon avoit fait quelque bleffure confidérable , il
auroit le pouvoir de la guérir fur le champ. Il ne peut agir que conformément aux
loix qui régiffent la nature. Or fuivant ces loix une bleflure, pour peu qu'elle ait dé-
truit quelques fibres , ne peut pas fe guérir en un moment.
Dans la fuite de cet Ecrit je prouverai encore invinciblement, que tous les autres
Apologiftes de la Religion ont foutenu , ainfi qne Tertullien , que le démon n'a jamais
guéri de véritables maladies cjue par la vertu des remèdes qu'il indiquoit, mais feule-
ment qu'il a quelquefois fait cefler tout à coup quelques fouffrances paffagéres qu'il
produifoit lui-même.
C'eft cependant pour avoir avancé cette Propofition puifée dans les Ecrits de ces
célèbres DefFenfeurs du Chriftianifme , & qui d'ailhurs eft fondée fur les Textes de
l'Ecriture, le fentiment des Pérès & les Décifions de l'Eglife, ainfi que je l'ai déjà
prouvé ci-deflus , que M. l'Evêque de Bethléem accufe tous ceux des Appellans qui
deffendent l'Autorité Divine des Miracles, d'être des ignorans ou des gens de mau-
vaife foi.
KT avez.-vous donc , s'écrie-t-il , aucune conmijfance des autorités ni des faits que j'ai IlI.Lett. p.
rapportés ( finguliérement du fentiment de Tertullien.) Ou eji votre fcience d'ignorer ce ^^•
^ue presque toute l' Antiquité a reconnu . . . Que Jt vous étiex, inflruits ^ de ces faits gf-
de ces autorités , je laijfe au Public de caraSérifcr de fin vrai nom l'efprit qui vous les a
fait dijjimuler , qui vous a fait ajfurer le contraire,
. Le Ledeur fent combien il nous feroit aifé de faire retomber toutes ces invedives
fur ce Prélat. Mais ce n'eft pas là l'objet qui nous interreffe. Nous refpedons fon
caraélére, & nous aimons fa perfonne. Ce n'eft pas de l'homme que nous voulons
triompher. Nous n'avons d'autre deffein, que de préferver nos frères de la fédudlion,
que fes Ecrits répandent dans leur ame , & de les perfuader du refpeft , de la confian-
ce, & de la foumiflion qu'ils doivent à tout ce que Dieu décide fous nos yeux par
des Miracles.
• C'efl; dans cette vue que je vais encore prouver , que non feulement les faux-Dieux v'.
n'ont jamais fait de guérifons qui aient paru miraculeufes , mais même que les Payens les autres °'
les mieux inftruits des faits en font eux-mêmes convenus ; & que fi quelques-uns de f^^ux-Çieux
leurs Prêtres ont quelquefois fait accroire au peuple, qu'Efculape ou quelque autre fait de guéri-
Dieu de même trempe , avoit fait un miracle , ils ont regardé cela comme une fable ou 1°"? ^"^f^~
comme 1 eftet de quelque artifice. lue coulaient
- Efculape avoit été un fameux Médecin, mais fi fordidement avare que fes pro- Ç^iTc/dTns
près adorjteurs avouoient , ainfi qu'en convient M. l'Evêque de Bethléem , qu'il l'e'i'tit des
avoit été écrafé d'un coup de tonnerre en punition de fon avarice, Croyoient-ils m^eux in-
donc qu'après un fi funefte trépas , il étoit devenu le maître de faire des régénérations "'""" '^"
fubites , & de renverfer à fon gré les loix permanentes qui régilTent les êtres matériels ,
pour guérir miraculeufement des malades ? Non. Ils s'imaginoient feulement qu'il a-
voit confervé après fa mort la fcience qu'il avoit acquife pendant fa vie. Auffi ne lui
donnoient-ils que le titre de Dieu de la' Médecine, & non pas de Dieu de la nature.
Ils ne s'adreffoient pas à lui dans la confiance qu'il pouvoit les guérir par fa feule vo-
lonté : mais ils lui demandoient feulement qu'il leur indiquât des remèdes falutaires de
fpécifiques , foit par les fonges qu'il envoyoit quelquefois , mais très rarement , foit par
les réponfes de fes Prêtres.
Son temple étoit une Ecole de Médecine , ainfi que l'attefte Paufanias, Hiftorien i^juP. in A-
très eftimé. Multa hic monflramur morhomm remédia. Ses Prêtres s'appliquoient àci^^icis, im,
X 5 cette ^^-■^'"'-
iS6 F^VSSETE' DES GVERTSONS
DissFRT. cette fcienc3, & pour fupplcer à l'impuifTance de leur Dieu, \h donnoient eux-mêmes
suRf.'.uT. jgj i-^^rni-des aux malades qui venoicnt implorer fou fecours. Auflî Paufanias, tout ido-
Dt.s MiB.. ]^''t,-£ qu'il ctoit , fait-il entendre très clairement qu'il regardoit comme des chimères
toutes les merveilles qu'on racontoit d'Efculape.
En effet toutes ces merveilles le réduifoieat a des fonges, par lefquels le de'mon in-
diquoit à quelques malades les remèdes qu'ils avoient à faire pour recouvrer leur fan-
té : mais il n'a pu faire cette faveur qu'à très peu de perfonnes , Dieu n'ayant pas
permis qu'il fe fervit fouvent de ce moye.i pour aveugler de plus en plus les Ido-
lâtres.
Au furplus un fonge n'efl; point un miracle, & lorsqu'il eft procuré par Satan il doit
être mis au nombre des prcftiges , puisqu'il n'a rien de réel, & qu'il ne confifte que
dans une imprefllon momentanée que cet Efprit fu'otil faifoit dans l'imagination de quel-
ques-uns de ceux qui mettoient leur confiance en lui.
A l'ct^ard des Prêtres d'Efculape, ils n'étoient proprement que des Charlatans, qui
par la force de certams remèdes violens que nomme TertuUien , guérifToient à la vérité
quelques malades , mais qui en faifoient , ou du moins qui en laiflbient périr un bien
plus grand nombre.
Il ne faut que confuker encore Arnobe, ce célèbre Payen converti par les Miracles,
pour fe convamcre que les faux-Dieux n'ont jamais guéri des maladies réelles & per-
manentes que par la vertu des remèdes ciu'ils prefcrivoient , & non pas qu'ils infinuoient
invifiblement dans le corps, ainfi que s'imagine M. de Bethléem. Car fi ces remèdes
invifibles eulfeat procuré une guérifon qui n'auroit pu arriver naturellement fans re-
mèdes elle eût indubitablement paîTé pour un vrai Miracle. Or c'efl: ce qui n'eft
jamais arrivé dans le temple des Idoles, ainfi qu' Arnobe en prend les Payens même à
témoins. i / •
Arnob. Lib. Après avoir rapporté plufieurs Miracles faits par les Chrétiens, il défie les Payens
i.adv.Gcm. ^^ prouver qu'aucun de ceux de leurs Dieux qu'ils difent avoir été d un grand fecours
pour les malades, aient jamais rien fait de pareil : „ S'il y en a , continne-t-il , qui
aient guéri quelques malades, ainfi qu'on le publie, ils leur ont ordonné de pren-
dre une médecine ou quelque breuvsge Pour çcu^ajotite-t-il, que vous y
vouliez faire attention, vous reconnoitrei vous-mêmes, qu'il n'y a rien en toiu cela
de grand, ni qui foit digne d'être admiré, puisque les Médecins guériflent de la
même façon." Ottid Jimtle DU omues , a quibus oocm dicitis ^gris & pericHt.xmibHs
^Ltitm^ quiJlquAndo^ ut fama eft, nonmlUs aitt tribuere medicinam aut cibnm ttliqmem
Aufferunt capi .... Qjtod ejje mn magnum ncc admirationis alicnjus Jiupore condignum ,
prompt um efl , ft volueritis attendcre ; Aiedici emm fie curant.
Arnobe fi bien au fait de tout ce qui étoit arrivé dans les temples des Idoles , auroit-
il ofé foutenir à tous les Payens , que leurs Dieux n'avoient jamais guéri perfon -e que
par les mêmes moyens dont l.s Médecins fe fervent, fi quelqu'un de ces Dieux avoir
fait quelque guérifon qui eut paru Miraculeufe ?
Ici je ne puis m'empéchcr Je me récrier, qu'il efl: bien fingulier de voir d'une part
au milieu des Payens un Laïque, tel qu' Arnobe nouvellement forti des téneTires de l'I-
dolitrie, s'expofer de tout fon cœur à la plus fanglante periccution pour publier par
toute la Terre, qu'il n'y a que le vrai Dieu qui ait jamais fait des Rliracles; &r de
voir d'un autre coté, dans le fcin de l'Eglife Catholique, un Religieux fait Evéque
pour avoir relevé la gloire des Divinités Payennes & du pouvoir des démons.
Mais 'Arnobe va plus loin. Non content de foutenir à la face de toutes les Puiffance»
Idolâtres , que leurs Dieux ne favoient guérir qu'en faifant prendre des remèdes , il
leur reproche que même par ce moyen ils ne guérilfoient que très peu de perfonnes.
Que de milliers d'infirmes, ajouic-t-ily pouvous-nous vous montrer qui n'ont
„ re^u
IM.
ATTRI'BVrES AV D E' M O N, &c. x6j
reçu aucun foukgement dans leurs maux quoiqu'ils allalTent prier à tous les temples D'ssEnt.
profternés par terre &: baifaat le pas de la porte, & quoique pendant le refte de leur ^"'"' '*"'^'
Vie, ils n aient pas ceile de fatiguer de leurs vœux Liculape même, qui eft à ce
que vous dites , le reftaurateur de la fanté ! Ne favons-nous pas que les uns font
, morts de leurs infirmités , que les autres ont vieilli dans les tourmens que leur cau-
foient leurs maladies, que d'autres fe font trouvés dans un état bien plus périlleux
après avoir pafle les jours & les nuits à prier fans ce (Te dans l'attente de fon fecours?
Que vous fert-il de nous en montrer un ou deux qui ont été guéris (par des remè-
des, aiafi qu'il l'a dit plus haut,) tandis qu'aucun (des Prêtres d'Efculape) n'a pu
en guérir un millier d'autres ? " Onot milUa vtiltis k mbis debilium vobis ojiendi , ^uot
tabificis ajfeBos morbis , nitllam omnino retulijfe -/nedkinam , cum per omnLi fupplices irent
templa , cum Deorum ante ont proftrati limina ipfa converrerent ofcuUs , cum AefcHlapiHm
ipfum datorem , ut prxdica»t , fanitatis , qnoad illis fitperfuit vit a , precibus fatigarent gr
invitaient miferrimis votis ! A'cnne alios fcimus malis fuis commortuos , crnciatibus alios
Confcnuijfe morbomm , permcsvJÎHS alios fejè habere capijfe, poftqHar/i dies noElefque precibrts
pietatifque expeEiatiofie triverHKt ? Ottid ergo prodefi ofiendere unttm am altertim cttratos
fortajje , cam tôt -ifiillibjis fubvenerit nemo.
S. Athanafe, & plufieurs autres Pérès de l'Eglife ont fourenu auffi bien qu'Arnobe, S.Athau de
qu'Efculape, ni aucun autre des faux-Dieux n'a' oit jamais fait de guérifons qu'on pût l?"'"' ^' '^5'
donner pour miraculeufcs. Mais entre autres S. Cyrille en étoit fi bien informé & fi
certain, qu'il ofe offrir de fe rendre lui-même un des admirateurs d'Efculape, C\ on
peut lui juftifier qu'il ait fait quelque guérifon de cette nature,
,, Si le fils de Coxoms, dit -il, a fait quelque chofe qui foit digne d'un Dieu: s'il a S. Cyriii.
„ rendu la vue à des aveugles : s'il a relTufcité des morts: s'il a fait marcher des boi- juiun.Tora.
„ teux; il eft jufte que nous mêmes nous augmentions le nombre de fes admira- '^pv-^o^*'
„ teurs." ^*^'
Il faut qu'un Saint foit bien fur de fon fait, pour en faire une offre fi furprenante.
A l'égard du petit Dieu Sérapis que M. de Bethléem nous donne encore, mais fans
aucune preuve pour un grand faifeir de miracles , ne fuffit-il pas pour en montrer la
faufleté de citer l'Arrêt du Sénat Romain qui le raya du nombre des Dieux, & qui
fit abbattre fes autels, ainfi que M. l'Evêq le deBet'iléem en convient lui-même? S'il
eût fait des guérifons m.iraculeufes , ou même qui enflent paru telles, quels honneurs les
Payens ne lui auroient-il^" pas rendu ? Avoient-ils rien de plus précieux que la vie &
la fanté, eux qui, du moins la plupart, ne croyoient point l'immortalité de l'ame?
Cependant les temples d'Efculape 8: de Sérapis n'étoient prefque fréquentés que par
des gens de la lie du peuple, qui ne s'adrefloient aux faux-Dieux & à leurs Prêtres
que parce qu'ils n'avoient pas le moyen de fe faire traiter par des Médecins.
Bien loin que ceux des Payens à qui il reftoit quelque lumière , aient attribué aux
petits Dieux fubaltemes la toure-puiflance de difpofer de la nature à leur gré & de gué-
rir les maladies par des voies furnaturelles , ils n'imaginoient pas même que Jupiter eût
un pouvoir fi grand, quoiqu'ils le regardaffent comme le Maître des autres Dieux: ce
qui eft fi vrai qu'ils n'ont jamais prétendu que ce Maître des Dieux eût fait de telles
guérifons.
C'étoit cependant fous ce nom que Lucifer prince des démons fe faifoit adorer , &
fi le Très-haut lui eût permis d'opérer des guérifons miraculeufcs , qui font de tous
les bienfaits ceux auxquels les hcmmes fc:u les plus fe.jfibbs, qui peut douter que Lu-
cifer ne l'eût porté à faire de telles merveilles qui auroient beaucoup augmente la vé-
nération que les Tdolàiires avoient pourlui? Or s'il en eût fait, avec quel emprefle-
ment, avec quel éclat les Payens ne les auroient-ib pas publié partout l'Univers, eux
qui étoient fi amateurs du merveilleux, & qui débitoient jufqu'aux fables le: plus ab-
furdes ,
ft
168 F yi "J s s E T E' DES G V L' R r S O N S
DisstRT. furdes, pour fiirc accroire que leurs faux-Dieux avoient fait des chofes tics ctoa-
Mais il ne convenoit pas à la fageCfe Divine de fouffrir, que le Serpent infernal
contrefit les Miracles qui font l'efpéce des Merveilles où la Toute-puiflance s'uniflant
à la Mifericorde e'clatte comme à Tenvi de la manière la plus fenfible. Il n'etoit pas
de la gloire du Très-haut de permettre à Satan d'imiter les œuvres qu'il a lui-mémc
choifies pour nous manifefter le plus clairement fa préfence. Enfin la Bonté de notre
Père cc'kftc s'oppofe ccnitinuellement à ce que l'Efprit pervers ait la libenc d'employer
f>our nous féduire , la même voie fumaturelle dont Dieu fe fert pour nous expliquer
ui-même fes volontés: & elle ne peut jamais fouffrir que l'Ange de tcncbrcs obfcurcif-
fe ainfi le plus brillant témoignage que le principe des vraies lumières nous donne des
Vérités que nous avons le plus grand intérêt de favoir & d; croire.
En effet comment l'Auteur de tout bien, qui de toute éternité avoit réfolu d'établir
'^W.XVi. lî Religion par des guérifons Miraculeufes : Sermonem confirmante fecjMcntibHs Jîgnis ;
*°' aufoit-il voulu permettre au diable de contrefaire ce figne diftinftif de fa préfence, ce
caraftére expreflifde fa charité & de fon pouvoir fuprcme, ce témoignage décififde
la Vérité?
Non feulement M. l'Evêque de Bethléem ne rapporte aucune preuve folide d'aucun
des faits fur lefqucls ils fe fonde ; non feulement fon Sifteme des Miracles diaboliques
répugne aux fentimens que la Religion infpire & à ceux que la raifon fournit ; mais
ce pernicieux Siflcme combat direftement un grand nombre de Textes de l'Ecriture,
les inftrudions que les Pcres nous ont donné fur ce fujet , & les Décifions des Con-
ciles.
Cependant ce Prélat n'en eft pas moins hardi à chanter vidoire, à célébrer fon
triomphe , & à traiter avec infulte ceux qui refufent d'adhérer à fes faufles fuppo-
fitions.
Mais qu'il me permette de lui demander, fi les Pérès du VI. Concile général, qui
ont décidé qu'// eft impoffîùU Cju'un blaffhématenr dn nom de Dieu fajfe des miracles : (i
ceux du Concile de Tours, qui ont déclaré que /^ jllAgie er ics enchantemens ne peu-
vent fer vir de rie» pour guérir aucune des infirmités des hommes; Çi S. Chryfoftôme,
qui s'élevc fi fort contre ceux qui foutiennent que le démon peut guérir des maladies ,
& qui les accufe ^? combattre la parole de Dieu: fi S.Irénée, S. Cyrille, S. Athanafe
& plufieurs autres Pérès de l'Eglife, Laftance & autres célèbres Théologiens, qui
donnent pour principe que les démons ne font point de guérifons miraculeufes ,& qu'ils
n'ont du pouvoir que pour nuire : enfin fi Arnobc qui défie tous les Payens de piouver
qu'aucun de leurs Dieux ait jamais fait une feule guérifon qui ait véritablement paru
digne digne d'être admirée; ont tous été des igiorans ou des gens de mauvaiie foi,
aulfi bien que ceux des Appellans qui avancent les mêmes Propofitions? A qui pour-
roit-on faire légitimement un tel repioche? Ne feroit-ce point plutôt à ceux qui pré-
fèrent les fables, lesmenfonges , les impoflurcs des Payens, aufcntimeut des Pérès, à la
décifion des Conciles, & à quantité de paffages tant de l'Ancien que du Nouveau Tef-
tament ?
vr Mais fi les autorités facrées ne font pas capables d'émouvoir M. de Bethléem, pre-
Avfux &té- nons-nous y d'une autre manier:. Que fait-on? Peut-être les Témoins d'une efpécc
dc'sijoiiîfcs, toute différente que je vais encore lui oppoir, lui feront-ils plus d'imprcnTion. Il pa-
niic leurs jQJj avoir mis fa confiance dans les Ecrits de; Payens. le vais donc le combattre par
Drcjx nom i \ r i i • i /- .'^ « • i ■ i S
poimfjit de les aveux de pluiieurs de leurs plus fameux Auteurs, & même par celui des plus
mKJcttTeu- g^i'ls Adverfiires de la Religion Chrétienne, & enfin par le témoignage de h multi-
!«•• tadc des idolâtres convertis à la foi. Sans doute ce Prélat rcOfcntira quelque ho.ite de
donner
ATTRIBVE'ES AV D E' M O N , &c. rSç
donner au diable plus de puiflfance que ne lui en ont attribué tous les Idolâtres qui Dissekt,
• ■• ■ • • - - SUR L'AUT
DES MIR.
n'ont point été' entièrement aveuglés par cet Efprit de menfonge. surl'aut.
J'ai déjà obfervé que Paufanias, en parlant du temple d'Efculape, donne clairement
à connoitre qu'il ne regardoit que comme des contes ou des effets tout naturels , les
merveilleufes guérifons que quelques gens de la populace racontoient avoir été opérées
par ce faux Dieu ou par fes Prêtres.
Athénée , autre Auteur Payen , s'efl; même donné la peine de prouver que tous les
prétendus miracles de guérifon qu'on attribuoit aux Divinités du Paganifme , étoient
en même tems notoirement faux & d'une abfurdité parfaite.
Polibe, qui de tous les Hiftoriens Idolâtres pafTe pour le plus vrai & le plus judi-
cieux, attelle également, que toutes les merveilles du Paganifme n'étoient que de pures
fables.
Voici un beau pafTage fur ce fujet extrait de fon Hifloire & rapporté par Baronius , Baron, ad.
qui auparavant s'exprime ainfi : „ A l'égard des Miracles que divers Payens ont attri- *°°'^''°''
„ bué, non feulement aux hommes, mais même à leurs faux-Dieux, Polibe fort célé-
„ bre parmi' leurs Auteurs , eft un garant très fincère de la foi qu'on doit y ajouter.
„ Je regarde comme un avantage précieux de rapporter ici ce qu'il en décide qui con-
„ Vient parfaitement à mon fujet: Voici comme il s'exprime. " {Scd quod pertmet ad
miracftla cjU£ non tantitm hominibus fed dits ipjts à diverjîs aHtoribus gemilibus funt ad'
firipta , CMJus fint fidei teflis fincertjjimus efl Folihius , inter eos chtrijjîtnus aator ; chjhs
fententiam rebtts his de quibus agimus , vulde accommodât am hic recitare opéra pretinm du-
cimus. Sic erAm ait:) ,, Pour moi, dit Polibe, je ne fai comment dans tout ce Traité ''?'>'''• '-'''•
„ je ne puis m'empêcher de contredire conftamment les Hiftoriens (qui racontent ces
„ faux miracles) ni d'être indigné contre eux. Il me femble que tout cela eft bon à
„ dire aux enfans , qui croient fans réflexion les chofes les plus abfurdes &
„ les plus impoffibles .... Il faut pardonner à quelques Hiftoriens , qui ont
„ publié certaines chofes prodigieufes , pour contribuer à entretenir la piété du peuple
„ envers la Divinité; mais ils ne font pas excufables, quand ils pafTent ces bornes. "
Ego vero nefcio quomodo hujmmodi hijloriographornm fententiis toto hoc TraBata confianter
repHgno (j- fiiccenfeo. Vidcntur autcm mihi talia prorsHS puerilem fenfttm recipere , qui ci-
trà conjlderationem non modo abfurdei fed cr impojjibilia compkElitHr . , . In omnibus qui-
dem illis qu£ plcbis pietatem ergà Nnmen confervant , condonandum eft nonnullis hijiorio-
graphis^ qui de tdibus monjirofa loquur/tttr ; in eo vero quod modum hune excedit , ignofien-
dum non ejl.
Que penferoient Paufanias , Athénée & Polibe , qui quoiqu'élevés dans l'Idolâtrie
n'ont pii à l'égard des Miracles être abufés par l'Esprit de menfonge, s'ils étoient à pré-
fent témoins de la crédulité d'un Evêque Catholique, qui donne aujourd'hui aux
Chrétiens les fables , les Romans & les fourberies du Paganifme pour des faits auxquels
on eft obligé d'ajouter foi , & qui veut nous faire accroire que les démons ont le pou-
voir de faire des Miracles pour nous rendre la fanté & nous conferver la vie, qui font
les plus précieux des biens de la terre ?
Mais , dira peut-être M. l'Evcque de Bethléem, Paufanias, Athénée &: Polibe n'é-
toient pas apparemment des gens qui euflfent fort à cœur l'intérêt de leur Religion.
Pour réponfe produifons-lui le témoignage de celui de tous les hum.ains qui a fait les
plus grands efforts pour mettre l'Idolâtrie en honneur. Le Leâeur conçoit tout d'un
coup que je parle de Julien l'Apoftat. Ce qu'il déclare & qu'il avoit éprouvé lui-mê-
me , porte un coup d'autant plus mortel au Siltême du Prélat , qu'on ne peut douter
que le démon n'ait épuifé tout fon pouvoir en faveur de cet Empereur qui n'cpargnoit
ni fes artifices , ni fa puiffance , ni fes tréfors , pour faire régner l'Idolâtrie dans
tout l'Empire. Voici néanmoins , fuivant l'aveu de ce fameux Apoftat , à quoi
Dijfert. Tom. II. V fe
lyo FAVSS^TL' DES GUE'RISONS
Dissert, fe rcduifoient toutes les merveilles qu'opcroient les faux -Dieux en fait de guérifonç.
«vrl'aot. ^^ L5culape, dit-il, guérit nos corps: ce qui eft Ci vrai, que quand j'ai 6té malade,
DES MiR. ^^ ji j^.^ fouvcin gucri par les remèdes qu'il m"a indiqués. J'en prends Jupiter à témoin."
Cvnû" LiB.' ^'"'•'^ corpora noftra ty£scHlapius ,<juippe me ftpitts xgrum fanavit^indicatis remcdiis. Tcfiis
7-' p. ijf- horum efl Jupitir.
Si le démon avoit pu faire quelque chofe de plus que d'enfeigner des remèdes , avec
quelle ardeur ne l'auroit-il pas exécuté pour Julien l'Apoftat \ Et fi jamais les faux-
Dieux avoient fait des guérifons qui euflent paru Miraculeufes , cet Empereur fi avide
d'augmenter l:ur culte, n'en auroit-il pas fait trophée ? Se feroit-il contenté de dire que
ces Dieux prétendus guérirtbient en indiquant des médecine»? Enfin s'il n'eût pas été
fort rare, que le dcmon enfeignàt mcme des remèdes, uns doute parce que Dieu ne lui
permettoit pas fouvcnt de le faire, Julien auroit-il cru néceffaire, pour le faire croire,
d'en prendre Jupiter à témoin ?
Auiïi S. Cyrille fe mocque-t-il de cet Empereur, de ce qu'il donne comme une
chofc fort merveilleufe , ce qui n'eft propre qu'à faire voir l'impuiffance de fes faux-
Dieux.
s. Cjiill. jj Julien, À\t-'d^ trouve admirable qu'Efculape lui ait appris les remèdes dont il
„ avoit befoin , lorsqu'il étoit malade , & il dit que Jupiter en a eu connoiflance. Mais
„ pourquoi faut-il que Jupiter nous foit donné pour témoin d'une médecine \ Pour-
,, quoi ne guérit-il pas lui-même les malades ? Ce ne peut être que parce qu'ignorant
„ cet art, il admire comme vous {dit S. Cj/rille à yulien) ceux qui en ont connois-
,, fance, Bc que le Médecin Escubpe ait eu l'habileté de vous indiquer les remèdes
„ falutaires qui vous étoient néceffaires \ N'a-t-on donc pas raifon de fe mocqucr de
,, quiconque veut faire reconnoître pour des Dieux ceux qui par des études humaines
,, ont acquis uns médiocre habileté dans les arts? " Aîirctur porrhty£sculapiMm yuHa-
nus cjHod Jïbi , ut ait , icgrotanti remédia fuggejfcrit , id que Jovi cognitum dicit : q- qnam
ob caufam teflis medicornm adhibitus efi nobis Jupiter , ac non ipfe potins agros fanet ? j4m
forte cjuod citm artis illius fit ignarus , ejus peritos tecum admir.itur , dum intérim ex£i-
culapius mediCMS remediMm fuggerit . , . Itacjue ridebitur merith qHicumqtte dicit Deos il-
los ejfe , qui mnnibil dexteritatis in ariibns ,mt Jiudiis humanis M mediocrem périt iam
ConfeCHti ftint.
Voilà donc non feulement félon S. Cyrille, mais aufli de l'aveu de Julien l'Apoftat,
en quoi confiftoient tous les Miracles d'Esculape, non à guérir les malades par fa puis-
fance, mais feulement à leur enfeigner des remèdes. M. l'Evéque de Bethléem prcteud-
il donc être mieux inftniit que l'Empereur Julien des merveilles du Paganisme, ou
veut -il furpaffer cet Apofl-at en zèle pour relever la gloire des faux-Dieux, & pour
exalter la puiflance des démons plus que liii-même ne l'a ofé faire ?
Aprc<i Julien quel plus fameux Apologifte des Divinités Payennes peut -on trouver
que Porphire ? Cependant voici de la part l'aveu le plus formel qu'on puifle fouhai-
Wr , au moins pour le tems qui a fuivi rétablilTement de la Religion Chrétienne,
qu'Esculape & tous les autres faux-Dieu» n'ont pii faire aucune guérifon.
Potph jp. „ Qiie perfonne ne foit étonné , dit ce ce'lébre Advcrfaire des Chrétiens , de ce que cette
pj'r'.'Eva*^. » ^ille eft depuis tant d'annc^s , affliqée de maladies, puisqu'Esculape & tous les au-
Lib. j. Cl. ^j très Dieux fe font retirés de la fociété & du commerce des hommes; car depuis que Je-
„ fus a commencé d'ctre honoré, qui que ce foit n'a éprouvé le fccours public & or-
,, dinaire des Dieux. " Nnnc mirum nulli vide.ttHr, civitatem hoc morbo tôt jam anuis
conirifiari , f «/w ty^scuUpins Ctttcriqke dii horninum fcfe confitetudine conjhrtioqne feduxe-
rint ; Ex quo enim Jeftis ccli ccepit , commnnem (^ pHblicam Deomm opem tiemo fenfit.
M. l'Evcque de BetM.ém ofera-t-il foutcnir contre Porphire, ou qu'il a trahi les in-
térêts des Dieux du Paganisme, ou qu'il a ignoié les merveilles qui s'ctoicnt opérées
foit
ATT R I BV E'E S AV D E' M O jVS, &c. iji
ioit dans leurs temples, foit par les Empereurs ? Cependant s'il ta peut rccufer le té- Disseht^
moignage de ce fameux Idolâtre, que deviennent toutes les guérifons miraculeufes que^""^'*"*'
cet Evêque avance fi affirmativement avoir été opérées' par les démons depuis l'établis- °^* "'*'
fement de la Religion ?
Il ne refte donc plus à ce Prélat qu'une feule échappatoire , c'eft de prétendre que
du moins avant la venue de Jéfus-Chrift , Esculape a fait des Miracles, ainfi que Por-
phire femble l'infmuer. Mais fi Porphire quand il fait un aveu contre lui-même , eft
un excellent témoin, fur-tout quand il parle de ce qui s'eft palTé de fon tems; eft-il é-
galement croyable quand il nous renvoie aux Siècles fabuleux, pour faire accroire que
les Dieux ont fait autrefois de grandes merveilles ^
Remontons cependant aux tems qui ont précédé la venue du Sauveur du monde , &
voyons fi les plus habiles Ecrivains de ces Siècles ténébreux ont été pcrfuadés qu'Es-
culape faifoit des guérifons merveilleufes.
Quel Auteur plus célèbre & plus croyable pouvons-nous confulter fur ce fujet , que
Ciceron ? Qii'en penfoit-il ? Non feulement il ne croyoit pas ces merveilles , mais il fe
mocquoit de ceux qui mettoient leur confiance dans les fonges qu'ils s'imaginoient avoir
reçus d'Esculape, de Sérapis ou de Minerve.
„ Quoi donc, s'écrie-t-il, eft-il conforme à la raifon que des malades s'adreffent plutôt Cieero de
3, à ceux qui interprètent les fonges qu'à un Médecin, pour favoir quelle eft la méde- ^ivio. Lib.
„ cine qu'il leur fiut. Si Esculape, Minerve & Sérapis peuvent prefcrire par des fon-
„ ges la manière dont il faut traiter une maladie pour la guérir, pourquoi Neptune ne
3, poiu-ra-t-il pas faire connoitre de la même façon , comment il faut conduire un vais-
„ feau ? Si Minerve prefcrit des médecines , pourquoi les Mufes ne donneront-elles
5, pas, pendant quon dort, la fcience d'écrire & de lire & la connoiflance des autres
,, arts ? " Ouid igitur convenu agros a conjeSore fomniorum potim quam a medko pC'
tere meâicinam ? An ay^sculapius eJ' Minerva , an Sérapis potefl prascribere per fom-
nium curationem valetudinis , iSfeptunus guhernantibus non potefi ? Et Jî jlne mcdko me-
dkinam àabit Minerva , Miifr fiiendi , Ugendi , ctcterarum art'mm fckntiam fomniantibus
von dabunt ?
M. l'Evêque de Bethléem accufera peut-être Ciceron d'avoir été un esprit
fort en fait de Miracles du Paganifme. Mais Ciceron lui foutient au contraire, qu'il
n'y a eiî que des esprits foibles, même parmi les Payens, qui aient crû bonnement les
guérifons miraculeufes , les prodiges & autres merveilles que les Prêti-es & le petit peu-
ple racontoient de leurs Dieux. ...
Mais pour fermer la bouche à ce Préht, s'il eft poffible, citons-lui un grand inven-
teur de fables , qui va néanmoins rendre témoignage qu'Esculape n'a plus fait de guéri-
fons miraculeufes , depuis qu'il a été mis au nombre des Dieux.
Quoique Pindare ait orné fes Odes empeftées de toutes les fables & les menfonges
que fa fertile imagination a pu lui faire inventer, & qu'il ait fait d'Esculape l'éloge le
plus faftueux, jusqu'à avoir l'impudence de fuppofer que pendant fa vie il avoit refflifci-
té un mort par la force de fes remèdes , néanmoins il convient que depuis fa mort il ne
guérit plus perfonne. Il adrefle cette Ode à Hiéron dangereufement malade, & lui dit
pour le cûvazx ,c[\\ Esculape le guérir oh infailliblement s'il était encore en vie, mais aue de- PinJ.Od. ad
puis qu'il efl monté au rang des Dieux , il ne refle plus d'autre rejfource aux malades que "*^°'
de fouffrir leurs maux en patience.
Il eft donc prouvé par le témoignage de plufieurs célèbres Payens, & même par leî
aveux des plus grands ennemis duChriftianifme, que les faux-Dieux n'ont jamais fait de
guérifons qui aient été ni même qui aient paru Miraculeufes: que s'ils ont guéri quel-
ques mabdies réelles , ce n'a jamais été qu'au moyen des remèdes qu'ils indiquoicnt par
des fonges ; ce qui a même été regardé commis un pur effet de l'imagination par plu-
Y z fieurs
22.
171 TAVSSETL' DES GVE'RISONS
Dissert. fieurs des plus ûvans d'entre les Payens. Auiïi eft-il certain que les remèdes enreiî^nés
»UR L'AUT.pjp (-£5 fonges n'ont produit que très rarement un effet falutaire. Ainfi il eft de h der-
DESMiR. ^jj^g évi lence que fi quelques Hiftoricns ou trop crédules ou trop amateurs des fables,
& trop curieux de mettre du merveilleux djns leurs hiftoires , ont eu la foibkfle ou
la mauvaife foi de raconter quelque giiérifon merveilleufe faite par leurs Dieux ou leurs
empereurs, on ne doit placer ces prétendues merveilles qu'au rang des menfonges &
des impofturcs : ce qui ctoit fi connu des Payens mêmes, que les plus grands Adver-
faires de h Religion Chrétienne n'ont ofé fou:enir qu'elles étoierit de vrais Miracles.
Mais fi le témoignage de tous cis fameux Idolâtres ne fufiRt point encore pour defa-
bufer M. de B:thléem , oppofons-lui un témoin d'une efpéce finguliére , à qui il ne
puifle rcfifter. Faifons comparcitre devant lui un Magicien inftruit à fond de tout le
pouvoir du diable, & qui va le convaincre par fes paroles & fa conduite, que cet Ef-
prit impofteur ne peut point faire des Miracles de guérifon. Je parle de Simon le plus
grand IVlagicien qui ait été dans le monde. Le Prince des ténèbres l'avoit fi bien re-
vêtu de toute fa puiflance, qu'il le faifoit pifler dans toute la Ville de Sam-rie pour la
Aa.VIlI.io. grande vertu de Dieu: nnus Dei qux vocatur magna. Cependant que lui faifoit-il fai-
re? De vains preftiges qui n'étoicnt capables que d'éblouïr.
B ron ad " ^imoH le plus célébrc & le plus ciéteftable de tous les Magiciens , dit le Cardinal
•rn. 6S. n. ,, B^roniiis , fafcinoit tellement par fes preftiges les yeux & l'efpit de tous ceux qui
le regardoient , qu'il n'y en avoit prefque point dont il ne fe fit admirer : mais
quels étoient ces preftiges ? Ils n'avoient rien de réel ; ils ne confiftoicnt qu'à faire
voir ce qui n'étoit point." (Ce n'étoit donc pas des guérifons Miraculeufes. ) ^»-
mon magorum omnium fceleflijftmus frjcjligiis fie ochIos fpeclantiHm mentemque omnium
perftringebat , m in fui admirationem omnes pêne converteret. Outnam autem bac fuerint ,
cjua cum ver a non ejfent , tamen ah omnibus vider i videbantur.
Mais voici une preuve encore bien plus forte , que le démon n'a point eu le pou-
voir de faire faire à ce fameux Magicien aucune guérifon qui ait paru Miraculeufe;
d"où il réfulte évidemment , qu'il ne peut point en opérer de telles. Le S. Efprit nous
l'a très clairement manifefté en nous difant , que dès que Simon vit celles que faifoit S.
Aft.VlII.M-Philippe, il en fut fi étonne' , Q- fi frappé d'admiration , qu'il crut lui-même en ^efus-
Chrifi. Tant il étoit convaincu par la connoiflance qu'il avoit de tout ce que le dé-
mon avoit pu lui faire faire , que Dieu feul à la puiflance fuprcme d'opérer de telles
Merveilles ! Il fe fit baptifer , & renonçant pour un tems à la magie, /'/ s'attacha àfùi-
vre S. Philippe, , . Tune Simon or ipfi credidit , & cum b.tptifatus effet adhterebat Phi-
lippo : videns etiam figna 0- virtutes maximas ficri , fiupens admirabatur. Peut-on une
preuve plus complcttc, qu'il favoit par fa propre expérience, que le démon ne pou-
voir rien faire de pareil ?
Voilà donc jufqu'au plus grand des Magiciens, qui reconnoît que le diable ne peut
pas opérer des Mirachs de guérifon. Comment un Evêque ofe-t-il lui accorder un
nonneur que ce Magicien même lui refufe ? C'eft une chofe bien étrange : un grand
Magicien pliidc ici h Caufe de Dieu contre un Evêque , & c'eft un Evcquc qui
plaide la caufe du diable contre un grand Mai.',icien !
Mais ce ne font point encore là mes preuves les plus éclattantcs: on va voir la doc-
trine du Prélat condamnée par une multitude innombrable de Payens , qui vont faire
retentir leur voix d'un bout à l'autre du monde & publier de toutes parts, que le vrai
Dieu peut feul opérer des guérifons merveillcufes , & que jamais les Divinités du Pa-
ganifme n'en ont fait.
Y a-t-il quelqu'un qui ignore l'imprcûTion toute-puiffante que les Miracles des A-
pôtres firent par toute la Terre ? A l'afpcél des guérifons Miracubufcs qu'ils opc-
roient , quelle prodigicufe quuuitc d'IdoUcres ne reconaurcnt-ils pas le Dieu des
Chrc-
ATTRIBVEES AV D E' M O N , &c. 175
Chrétiens, pour le feul Dieu véritable? N'en furent-ils pas fi faifis , fi pénétrés d'ad- Dissert.
miration qu'ils le profteruérent en foule au pied de la Crorx pour y adorer le pouvoir^""'-'*"''"*
fupréme du Dieu fait homme , qui avoit bic.i voulu y être crucifié pour notre falut? ^ ^ "'*'
Ne confeflerent-ils pas hautement , que toutes leurs Idoles n étoient en comparaifon
que foiblefle & qu'impuiflance ? Ne recornirent-ils pas Jefus-Chrift pour, leur Sau-
veur, leur Seigneur & leur Dieu , nonobfl:ant tous les intérêts humains qui les en dé-
tournoient , & malgré la réfiftance de toutes leurs paillons qu'il falloit immoler fur
l'autel de la Croix , pour être véritablement Chrétiens \ Qiielque incompréhenfibles
que foient nos JVlyftéres , la vue d'un Mirai.le les perfuadoit aultitôt, & dilTipoit en
un moment tous leurs doutes , parce qulls fe fondoient fur ce principe immobile,
qu'il n'y a que le Souverain Maître de la nature qui puifle faire des guérifons Mira-
culeufes; d'où le S. Elprit qui éclairoit leur raifon, leur faifoit conduire, que ce fe-
roit un aveuglement déplorable de refufer de croire tout ce qu'atteftoient des gens que
le Créateur des êtres autorifoit vifiblement lui-même par des merveilks que lui feul
peut opérer.
Si les faulfes Divinités avoient fait quelque chofe de femblable, les Miracles des A-
pôtres auroient-ils caufé une fi grande furprife à cette multitude de Payens ? Auroient-
ils produit dans leur ame de fi grands effets? Leur changement fubit de Religion, leur
foi qui devint inébranlable , leur converfion foudaine & à l'épreuve même des plus
cruels fupplices, font des preuves fenfibles & palpables , que le démon n'avoit jamais
imité les guérifons merveilleufes qui leur caufoient tant d'admiration.
La vue de ces guérifons les convainquoit de la Religion, jufqu'à répandre leur fang
pour elle & lui facrifier leur vie avec joie. Donc ils étoient pleinement perfuadés que le
feul Créateur de l'Univers pouvoit faire ces Miracles : que l'Efprit d'erreur n'en avoit
pas la puiflance, & que jamais leurs faux-Dieux n'avoient rien fait qui en approchât.
Il ne faudroit que ce feul témoignage, qui a éclatté par toute la Terre, pour faire
rejetter avec indignation tous les faits apocryphes que raconte M. de Bethléem, & la
pernicieufe conféquence qu'il en tire contre l'Autorité des Miracles. En effet qu'on
interroge tous les Payens convertis par la vue lumineufe & fandifiante de ces œuvres
Divines , & ils répondront tous qu'ils auroient regardé comme des ennemis de la Reli-
^ gion Chrétienne ceux qui leur auroient débité de telles hiftoires pour appuyer une fi
dangereufe Propofition.
A quoi penfe donc ce Prélat de foutenir & de répandre dans le monde , un para-
doxe fi contraire à la falutaire maxime qui a perfuadé tant de Payens du Divin de notre
Religion , & qui leur a fait embraffer le Chriftianifme avec un courage intrépide ? Il
eft évident que c'efl Dieu même qui pour les convertir, a fait luire efficacement dans
leur efprit, dans leur cœur & dans leur ame cette importante Vérité, que lui feul peut
faire des chofes grandes & merveilleufes: ^»; facit mir^ibilia magna foins. Quoi M. pc7i.&i5f.
l'Evêque de Bethléem préteaJ-il donc au contraire que les Payens ont eu tort d'en
être convaincus ? Veut-il donc leur prouver également comme à nous , qu'ils auroitnt
dû ajouter foi avec autant de fimplicité puérile qu'il fait femblant d'e/i avoir lui-même
furcefujet, aux m;nfonges d'Hérodote, aux fables d'Ovide, aux petits contes de
féesqui parent la Vie d'Apollonius, aux faux miracles de Vefpafien, d lifculape, &c?
Car enfin fi les Idolâtres avoient cru tout cela bien véritable, ils auraient été per-
fuadés que leurs faux-Dieux n'avoient pas liiffé de faire quantité de chofes merveilleu-
fes, & par conféquent les Miracles des Difciples de Jefus-Chrift leur aiuoient fii: bien
moins d'imprelfion.
Concluons donc, que ce nombre infini de Payens devenus tout à coup dan? toute
l'étendue de la Terre des Chrétiens pl:ins de foi & brûlans de zèle pour Jefus-Chrift,
jae croyoient point les chimères que M. de Bethléem s'efforce de réalifcr, & par con-
y 5 .fé-
174 FAVSSETE' DES GVE'RISONS
OissKRT. Jcquent qu'il ctoit de notoriété publique d'un bout à l'autre du Monde , que tout ce-
suR l'aut, I2 n'etoit que des fables.
DES MiR, Quel fcandale dans l'Uglife d'y voir un Evéque, pour dc'crier les œuvres que Dieu
y opère aujourd'hui, publier comme inconteftables de preten.ius miracles diaboliques,
reconnus pour faux par les Idolâtres eux-mêmes ! • :
Quoi! ce Prélat s'imagine-t-ildonc mieux favoir ce qui eft arrivé de plus remarqua-
ble dans le Paganifme , & quelle étoit l'étendue du pouvoir qu'y exerçoient les faux-
Dieux , que cette multitude immenfe d'Idolâtres, qui ont abandonné leur culte à la vue
des Guérifons IMiraculeufes que faifoient les Apôtres & leurs Difciples ?
,. vil. Après tout ce que je viens de prouver , il n'y a point de Ledeur judicieux qui ne
Examen des ^ ■ r A ' 1 t r ■ ■ ' tvi i-i- '
qua:ie In- foient penuadcs par avance , que les quatre Inlcnpnons grecques citées par M. 1 Eve-
fcr.ptiors ci- „yg jg Bethléem ne font qu'un infidèle récit de quelques faux miracles. Mais il eft
tccs par M. l , . ' , 1/
dclicihiccm bon de les en convaincre encore plus particulièrement.
Quoique ces quatre Infcriptions foient l'unique preuve de fait , fur le fondement de
laquelle ce Prélat bâtit tout l'édifice des miracles d'Efculape , il n'a pas néanmoins ju-
gé à propos d'en produire le Texte original, ni d'en faire luie traduftion. Il a trouve
plus conforme à fes intérêts d'en donner feulement une idée à (x manière, qui n'eft nul-
lement exafte : & il renvoie ceux des Lefteurs qui voudroient favoir ce qu'elles con-
tiennent , à les chercher dans Gruterus. Mais pourquoi ce Prélat ne cite-t-il pas plutôt
Baronius , dont les Ouvrages font entre les mains de tous les fivans Théologiens, &
qui rapporte ces quatre Inlcriptions en Grec Se en Latin ? M. de Bethléem en a eu
une grande raifon, c'eft qu'il n'a pas voulu qu'on vit en même tems ce que Baro-
nius en penfoit.
Bâton, ad ^^ Tous ceux , dit Cet illujîre Cardinal , qui ont examiné h chofe avec exaftitude,
*^ '"■ „ conviennent unanimement , que ces miracles font de même nature que ceux qu'on a
,, dit autre-fois avoir été faits par Vefpafien & plus récemment par Adrien".
„ Il eft certain , njoute-t-il , que de ces miracles les uns n'ont été qu'une fuperche-
,, rie de l'Empereur Antonin ... & que les autres étoient l'eflêt de l'impofture des
,, Prêtres d'Efculape, ou du moins de leur connivence, dans le défir de raffermir par
,, de faux miracles le culte de leurs Dieux qui tomboit en ruine. "
Paritcr confentiitnt ijui accurate h<tc ptrveftigaMt , eadem miracula ejusdem garnis cum
his qu<t olim a Fc/pajiano ac nuper ab Adriano faEla ejfe dicHntur.
Ont miracula . . . vcl ipjiut Amonini commenta , . . . 7?* impojiurâ facerdotum , vel
iisdem omnibns conniventibus , ut collabantem Deorttm cultum falforum miraculernm edi-
tionc fulcirent , contigijfe certnm ejl.
On conçoit aifément que fi M. de Bethléem avoit cite ces quatre Infcriptions avec
cette glofe de Baronius , il n'auroit pas pu efpérer qu'elles filfent grande impreffion.
Mais entrons un peu dans le détail.
De ces quatre Infcriptions il y en a d'abord trois qu'il faut retrancher, parce que
Cquoiqu'en dife M. de Bethléem) tout ce qu'elles contiennent , c'eft qu'Efculape ayant
ordonné (par la bouche d'un de fcs Prêtres) à un malade , dont la guérilbn paroiiloit
hors d'efpérance (non de faire quelques cérémonies prcfirites par l'oracle, ainfi que le
dit M. de Bethléem,) mais de fe fervir de certains remèdes; le malade a été guéri, &:
en a rendu de publiques aftions de grâces , en prélcncc du peuple, qui en a témoigne
fi joie. Or en tout cela, où eft le miracle ? Il n'y a presque pas de Médecin qui ne
puiffe fe vanter d'en avoir fait de pareil.
A l'égard de la quatrième Infcription qui eft celle fur laquelle M. de Bethléem pa-
roit infifter davant:)gc, &c dont il parle dans un plus grand détail , voici une traduftion
exade de ce qu'elle contient dans le Texte Grec.
" „ En CCS jo»rs un aveugle nommé Caius a reçu ordre de l'oracle de fe cranfporter
„jus-
ATTRIBVE'ES AV T) r M 0 N , &c. 175
,, jufqu'au facré trône (d'Antonin) & de l'adorer. Enfuite de pafler de la droite à Dissfrt.
,, la eauche & de mettre fes cinq doigts fur le trône , de lever fa main & de la pofer^ ""''„*,"*
,, Air fes yeux. Il a vu parfaitement en prelence du peuple , qui s eu réjoui de ce
„ qu'il fe faifoit de tels miracles fous notre Augufte Antonin. "
11 eft bon de relever ici une petite finefle de M. l'Evêque de Bethléem. Il a remar-
qué que dans la verfion latine rapportée par Baronius, le tradufleur y avoit mis , fans
doute par inattention, k mot d'aatcl à la place de celui de trône, quoique tous ceux
qui favent le Grec n'ignorent pas que le mot j3vîjx« répété deux fois dans l'Iufcription,
veut dire un trône & non pas un autel.
M. de Bethléem n'a pas manqué de tirer avantage de cette méprife. Au lieu d'at-
tribuer tout uniment ce prétendu miracle à Antonin, ainfi qu'a fait l'Infcription , il
lui a plû d'en illuftrer Êfculape. Mais qu'a donc fait à ce Prélat l'Empereur Antonin ,
pour qu'il veuille lui ravir l'honneur d'une telle cure ? Le Prélat ne fait rien de pareil
fans en avoir de bonnes raifons : c'cfl: qu'il n'ignore pas , qu'Antonin eft furieufement
fufpecl en fait de guérifons d'aveugles.
Il fait que plufieurs Auteurs Payens ont eux-mêmes rapporté , qu'Antonin ne fâchant
plus comment s'y prendre pour calmer les cruelles douleurs que fouffioit l'Empereur
Adrien, qui étoient fi violentes qu'il vouloit fc tuer lui-même, s'avifa de l'amufer en
lui faifant faire des miracles en cet état. Pour cet effet il lui préfenta lui-même à deux
différentes fois deux prétendus aveugles qui l'étoient à la façon de celui que Vefpafien
guérit , c'eft à dire que ces aveugles ne l'étoient que parce qu'ils tenoient leurs yeux
fermés. L'un d'eux eut m.ême l'impudence de dire à Adrien, qu'il étoit un aveugle-
né. Dès que l'Empereur les eut touchés, ils ne manquèrent pas d'ouvrir les yeux,&
toute la Cour cria »»/nic/f.- mais tout le monde favoit , que c'étoit un tour d'efprit
d'Antonin. AulTi M. de Bethléem n'a-t-il pas ofé citer dans fes Lettres, les deux mi-
racles d'Adrien. Il s'eft contenté de rapporter la guérifon du prétendu aveugle Caius
faite par Antonin lui-même , lorfqu'il fut devenu Empereur ; & pour écarter la violen-
te fufpicion , que ce miracle éroit fans doute de même trempe que ceux d'Adrien , il
« jugé à propos de l'attribuer à Efculape, en profitant de h méprife qui fe trouve
dans la verfion latine rapportée par Baronius.
Mais fi la fauffeté de miracles de Vefpafien , d'Adrien & d'Antonin n'avoit pas été
de notoriété publique , même parmi les Payens , ainfi que l'obferve Baronius, pour-
quoi l'Empereur Julien ne les auroit-il pas cités , lui qui a été rechercher dans les Siè-
cles les plus obfcurs jufqu'aux moindres prodiges opérés par les Dieux du Paganifme , &
qui donne comme une grande merveille, qu'Efculape lui avoit indiqué des remèdes qui
l'ont guéri ? Si ce célèbre Apoftat n'a pas eu le front de foutenir, que ces miracles
étoient vrais, ni qu'Efculape eût jamais fait aucune guérifon fans y employer des re-
mèdes vilibles, comment M. de Bethléem ofe-t-il vouloir obliger les Chrétiens de
croire aujourd'hui toutes ces fupercheries des Empereurs Idolâtres , & les fourberies
des Prêtres de leurs faux-Dieux .<"
Au (fi ce Prélat n'eft-il pas lui-même bien ferme dans la foi qu'il fait femblant d'y
ajouter. Il confent qu'on en retranche une grande partie, & qu'on les regarde la plu-
part comme des menfonges & des impoftures. Mais il veut abfolument qu'on en croie
quelques-uns, du moins les deux miracles de Vefpafien: car fans cela que devien-
droient toutes fes Lettres, dont la Théologie n'eft appuyée que fur ces Faits ?
„ Direz-vous, s'objeBe-t-il à lui-même, que ces guérifons ne font que des fables in- iII.Lctt.p,
,, ventées par les Payens pour ternir les Miracles de jefus-Chrift& ceux que les Apôtres '^"
„ opèroient chaque jour fous leurs yeux? Je pourrai foufcrire à cette cenfure fi voitsn'y
„ enveloppez pas tous les prodiges dont les Payens ont fait haincur à leurs Pjiilofophes
„ & à leurs faux-Dieux j car je fai qu'ils ont forgé en effet un grand nombre de ces
„ mi-
175 FAVSSETE DES GVL'RISONS
Dir^r.RT. miracl:s, que des Pérès de l'Eglife leur en ont fait le leproche, & qu'ils ont été
suRL'AUT. forcés quelquefois d'en convenir eux-mêmes. Mais d'étendre cette réponfe à toutes
nESMiR. ^^ j^^ guérifons miraculcules que les Payens ont inféré dans leurs fafles, ce feroit violer
,, toutes les loix de la critique. De quoi ne douterez-vous pas en fait d'hiftoirc non
„ révélée, fi vous niez par exemple, les deux miracles de Vefpafien? "
Ce font donc là les deux miracles , fur lefquels ce Prélat fe fonde principalement
pour foutenir fa tliefe : ainfi il eft évident qu'elle n'eft pofée que fur une fupercherie
de l'efprit de menfonge.
VIII. Mais comment cet Evcque peut-il ainfi employer fa foi à croire avec tant de con-
En même fiance & de facilité tous cts vieux contes, & ces fourberies dont l'importure eft pal-
PrTi'tTe-" pable, tandis qu'il s'obftine à révoquer en doute une multitude de Miracles que Dieu
moigiie nne f^jj prefquc fa.is cefTe depuis près de vingt ans à la vue de tout Paris & de plufieurs
P^^uriesptt- Provinces du Rovanme? Miracles dont plufieurs font atteftés par un grand nombre de
•«"'''"'"''.*■ Témoins dignes de la plus parfaite confiance , non feulement par de célèbres Dofteurs,
inon.ii pouf- par de favans Théologiens, par des Magiftrats, par des gens de condition, par quan-
fe (a dcfian- ^j^^ j^ Médecins & de Chirurgiens que l'évidence de l'opération toute-puiffante de la
ce |U^U au- _ ,^/i»i/- •-! n_ 1 r
dernier ex- Divinité a comme forces d en rendre témoignage: mais qui plus elt, par des perlonnes
de'ctù'xqùc de la plus éminente pié:é, & enfin par des incrédules, des Déiftes, des Athées, &
Dieu opcrc même des Conftitutionnaires que Dieu a convertis à la vue de ces Miracles, ^ qu'il
pafmTnous.^' a rendus d'intrépides defïénfeurs des Vérités qu'ils avoient méconnues jufqu'à ce
moment.
r- Toutes ces perfonnes fi différentes qui n'ont pas craint de certifier par écrit plu-
fieurs de ces Miracles , fans fe mettre en peine de s'expofer par là aux violentes perfé-
cutions , n'ont pu le faire que dans la vue de plaire à Dieu , & parce qu'elles ont été
pleinement & abfolumcnt convaincues de la vérité des fiits qu'elles atteftent. Or n'eft-
il pas inconteftable que tous ces divers génies qui partagent entre eux prefque toutes les
cfpéccs de lumières dont l'efprit humain eft capable, des Théologiens, des Savans, des
Médecins, des Philofophes, des gens éclairés par une foi divine, d'autres qui necon-
fultoient autrefois que les lueurs trompeufcs de leur propre railon ; n'ont pas pu être
tous enfemble féduits par de faaffes apparences, & que leur conviâionqui a été fi plei-
ne, fi entière & fi parfaite, qu'elle leur a fait immoler fans peine tous leurs intérêts
humains pour rendre témoignage à ces Miracles, n'a pu être fondée que lur une évi-
dence fi grande de leur furnaturel Divin, qu'ils n'ont pas pu y réfiftcr.
Quelle force n'a donc point la réunion de tous ces Certificats donnés par un fi grand
nombre de toutes fortes de perfonnes , dans un tems fi critique & des circonftances qui
rendent fi périlleufe leur genéreufe démarche? C'eft donc blefter la raifon que d'y re-
fufer d'y ajouter foi.
Comment donc M. l'Evcque de Bethléem peut-il avoir en même tems l'étonnante
fimpHcité de croire bonnement les plus grofliers menfonges des Payens, quoique defti-
tuées de toute preuve & même de toute vraifemblance , & poufler tout à la fois l'in-
crédulité jufqu'à nier des faits publics, qui depuis nombre d'années fe paffent fous les
yeux de tout le monde, amis & ennemis, & qui malgré toutes les violences qu'on a
faites pour en amortir l'éclat &: pour en fupprimer les preuves, fe trouvent conftatés
par le témoignage d'une multitude de pcrfoiuies de toute forte de conditions , de carac-
tères & même de fentimcns.
Eft-cc le Dieu d: toute Vérité qui met dans le cccur de ce Prél.it cette confiance
puérile qui Ini fait ajouter foi à des impoftures d'Idolâtres, qui étoient manifeftement
fous le pouvoir du diable & qui fe conauifoient par fon efprit, & cette défiance pouf-
fée jufqu'au dernier excès à l'égard de Témoignages qui n'ont pu, être rendus que par
rimprellion
ATTRinVE'ES AV D E' M O N, &c. 177
Timpreffion de la vérité &de l'Efprit faint qui a fait braver à ces Témoins la difgrace Dissebt.
des grands de la Terre, pour leur faire rendre gloire à Dieu? ^^^^ ''^^'
Ne feroit-ce point-là l'accompliflement de cette prédidion de S. Paul, „ qu'il vien- i^Tim. l'y.
„ dra un tems, où les hommes ne pouvant plus foufïrir la faine dodrme fermeront les 3- '^^ 4-
„ oreilles à la Vérité, ôi les ouvriront à des fables? " Erit enim tempus cum fanant
doElrinam non ftifimbunt. , , , (^ à veritate quicùm audit um avertent ^ ad fabulas autem
convertentHr.
Mais quelle peut donc être la caufe d'un fi prodigieux aveuglement dans un Prélat ,
qui d'ailleurs ne manque pas de lumières ? C'eft que les menfonges des Pavens favori-
fent fes préjugés & fes engagemens; & qu'au contraire les Mu-acles que Dieu fait en
faveur de l'Appel, les condamnent. Aulïï la preuve de ces Miracles a beau être cer-
taine & invincible, il fe ferme volontairement les yeux pour ne la point voir, afin de
pouvoir continuer à les révoquer en doute: & quan,d il ne peut plus les nier, il ofe
infinuer que c'efl: le démon qui en eft l'auteur, quoique dans le i. ombre de ces Mira-
cles, il y en ait plufieurs opérés par des créations vifibles, & que tous aient été ac-
cordés à des prières adreffées à Dieu au nom de Jefus-Chrift , & à l'intercelfion d'Ap-
pellans morts en odeur de fainteté & munis de tous les Sacremtns de l'Eglife; tels que
M. l'Evéque de Senez, M. de Paris & M. Rouffe, &c-
Si tous ces Miracles ne font que des œuvres de l'Eifer, il s'enfuit que le démon eft
devenu un nouveau Créateur des êtres, qui prélentement rend la famé aux hommes au
nom & à la place de Jefus-Chrift.
M. de Bethléem n'oferoit fans doute proférer ouvertement un tel blafphême, & les
plus outrés Conftitutionnaires en auroicnt horreur. Mais c'eft néanmoins une confé^
quence qui réfulte néceflairement de l'idée qu'il veut donner de tous les Miracles opé-
rés en faveur de l'Appel. Car s'ils vi.nnent tous du démon, le démon fait donc des
créations; & cette miférable créature qui n'a de pouvoir & de volonté que pour faire
du mal, & qui ne peut rien qu'autant que Dieu le lui permet, opère aujourd'hui un
très grand nombre de gucrifons merveilleufes en faveur de ceux qui implorent la mifé-
ricorde de Jefus-Chrift.
Une conféqucnce fi impie & fi clairement blafphcmatoire eft une preuve fenfible,
que le Siflême de M. de Bethléem n'eft qu'un effet des épaifles ténèbres que les préju-
gés répandent dans l'efprit, quand on a le malheur de s'y livrer. On en a déjà vu un
exemple terrible dans les Chefs de la Religion Judaïque, dont la plupart attribuèrent
à Belzebut les Miracles de Jefus-Chrift : & l'Ecruure nous prédit, qu'il arrivera
quelque chofe de pareil dans le fein même de l'Eglife au tems de la venue d'f-iie.
« Au furplus M. de Bethléem nous fournit lui-même des principes qui fuffifent pour n Ji^^'f,,».
renverfer tout ce qu'il oppofe aux Miracles. pé a M. de
Par exemple, il avoue expreftément que * U démon ne fauroit guérir une maladie /î J^^J^^i^^-^,
elle ne peut être mérie par aucun retfort de la nature^ parce au autrement il ferott <^ même .ics
■■., '^..',. -'■^,.„. '^ • ' principes qui
vrats miracles y ce qui implique contradiction. luffiiempour
Que ce Prélat s'accorde donc avec lui-même. S'il ne peut difconvenir de cette ma- 'on^'^'f ^u.,i
xime indubitable, comment put-il co-tefter, que Dieu n'ait décidé plufieurs fois qu'il oppoie aux
approuve l'Appel, puisqu'il a fait à l'interceflion d'Appellans un grand dombre degué-^, Si'^'^fçf'^
rifons évidemment fupèrieures à rous les rejforts qui font dans U nature? * ili Lf".
Mais , dit ce Préln , t c'eft par les circonfiances , par la fin & par Us fruits de ces 's,
guérifons, qu'il en faut juger. t iH L,etu
S'jppofons-le pour un moment, la caufe de M. de Bethléem n'en fera pas moins in-^' ^
foutenablc.
En effet, fi on juge de ces Miracles paf' leurs circonftances intrinfèques, qui font les
feules qui décident, c'eft à dire par celles qui font liées intimement à ces guérifons
P'Jferi. Tom. II. Z mer-
lyS FAVSSETFS DES MIRACLES
•DissEBT, raerveilleufes, qui peut douter qu'elle ne viennent de Dieu? Toutes ces^drirons ont
*UR L'AUT.^t^ obtenues par la foi en Jefus-Chrift, par des prières répandues à fcs pieds avec fer-
Dts niR. yçyj. ^ confiance, & par l'intercelTion de plufieurs de fes fervireurs, qui pendant leur
vie avoietit été brûlans d'amour pour lui, & qui avoient tout facrifié pour lui pliirc.
S'il faut fe décider par Isur fin, La principale fin des Miracles eft de faire connoftre
la Vérité. Jcfus-Chrift nous a déclaré lui-mcme, qu'ils font le témoignage de fon Pè-
re. Or plufieurs de ces guérifons ont été demandées expreffément en preuvesque l'Ap-
pel eft la voie qu'il faut fuivre. Dieu du haut de fon Trône l'a déclaré aux hommes,
par des Miracles: malheur à qui refufe de fe foumettre à fa décifion !
Enfin {'\ l'on doit fe déterminer far les fruits de ces guérifons, M. de Bethléem ofe-
ra-t-il contefter, que la vue de ces Merveilles n'ait conveiti un très grand nombre d'A-
thées, deDéiftes, de pécheurs, & que plufieurs de ceux qui ont été Miraculeufe-
Oiig. adv. ment guéris, n'aient vécu depuis ce tems dans une très grande piété. Comment, attri-
gj/ '■ "■ buer an dé^o» des Miracles ejHi convertijfent les hommes y è* >?«' ^" engagent a faire tou-
tes leurs aiïions four plaire a Diett , s'écrioit autrefois le célèbre Origene.
Combien de ces faux Chrétiens, qui, le cœur corrompu par la morale Jéfuitique,
croupiffoient depuis long-tems fans remords dans l'habitude de plufieurs péchés mortels,
& qui noircilfoient de plus en plus Ijur ame , réguhérement tous les ans , par un horri-
ble facrilége, où leurs aveugles Confeiïeurs les précipitoient fans leur donner le tems de
s'éprouver eux-mêmes; ont été faifis d'admiration à la vue des Miracles opérés fur le
Tombeau & à l'intercelTion du Bienheureux Diacre ! La préfence de Dieu , que ces
Merveilles rendoient fenlible à leurs yeux , les a touchés : ils fe font adrefles à ceux en
faveur de qui il les opéroit ; & tandis que la conduite pleine de fageile, de lumière 8c
de charité de ces Diredeurs Appellans , faifoit fentir à ces pécheurs , avant qu'ils fuf-
fent admis au facré banquet , le poids énorme de leurs miféres avec un cœur contrit &
humilié, Dieu les a fait fortir du bourbier de leurs iniquités, les a fait devenir de faints
pènitens, & a créé en eux un nouvel homme qui édifie aujourd'hui l'Eglife.
Eft-ce donc Satan qui a produit tous ces falutaires effets ? Eft-ce le prince des ténè-
bres qui a éclairé par la lumière des Miracles un l\ grand nombre d'incrédules? Eft-ce
le démon qui conjointement avec S. Paul & les Direéèeurs Appellans , a appris à tant
de pécheurs, qu'il faut que l'homme s'éprouve lui-même avant de fe nourrir du corps
i.Cot. XI. & du fang de Jefus-Chrift: prokt autem feipfum homo , & Jtc de pane illo edat «j- de
^^ calice bibat ; & que quiconque mange le pain de vie & boit indignement le calice du
ibid. 19. fallut, mange & boit fa condamnation: Otii enim manducat cr hibit indigne^ judicium
ftbi manducat Qr bihit ?
Enfin eft-ce l'Efprit pervers, qui a converti tous ces pécheurs, qui leur a donné un
cœur nou\eau, & qui l'a rempli de l'amour de Dieu?
Le grand art de M. l'Evêque de Bethléem eft de perfuader fes Ledeurs de plufieius
conféquences erronées & exceiTivement pernicieufes, quoiqu'il n'ofe les foutenir pofi-
tivemcnt lui-même. Pour cet effet il entortille de faux-fuyans fes plus dangcreufes Pro-
pofitions. Il les prouve à fa manière, c'cft à dire par des fuppofitions fiufles qu'il
donne du ton le plus décifif pour des vérités inconteftables; &.' il trouve par là le
moyen de faire paffer toutes les erreurs qu'il lui plaît dans l'ame de ceux de fes Lec-
teurs qui lifcnt fes ouvrages fans précaution, fans défiance & fans être fuffifamment
inftniits de la vérité. Cependant lorsqu'on combat de front fcs faux principes & les
conféquences qu'ils infinucnt dans refprit, il crie à la calomnie Se prétend avec une
forttf de vraifcmblancc , qu'il n'a point avancé les propofitions qu'on lui impute. Il eft
vrai qu'il ne les a pas avancées en termes formels, mais il n'en a pas moins cû le mal-
Jieureux talent d'en convnincre plufieurs dc^fes Lcâ:eurs. Or la charité oblige les
vrais difcip'es de Jefus-Chrift à faire tous Icui-s efforts pour prclcrvcr leurs frères de
cette fèduélion. Ne
ATT R I Bt) h' E s AV D E' M 0 N, ^e, %jp
Ne nous embarraflbns donc point de fes cris, & combattons non feulement les fauf- Diîsert.
- -■■ . — .. - . surl'aut
DIS M m.
fes pcopofitions qu'il avance en propres termes, mais auffi celles qu'il a l'artifice de^"'^'"^"'
faire accroire.
Une des plus dangereufes , & la plus fpécieufe de toutes , c'eft de donner comme un x.
fait avancé par tous les Appellans,& autorifé par le témoignase de Tertullien ,de Mi- '""çf?^}"'"
nutius-Félix , de Tatien & de Laftance,que les démons giiérilTent les maladies * qu'ils fieiigionoat
ont caufé eux-mêmes : d'où ce Prékt condud , que les démons fcHvent donc ^ veulent nu^^àucTc"
quelquefois guérir des maladies y Se qu'ils font des guérifons qui paroiflent Miraculeufes; d«mon ne
Il prend ces quatre Auteurs à témoin , que „ le diable quelquefois aveugle ceux-ci, ôte je^èriubks
„ à ceux-là l'ufage de la parole, rend les uns fourds, en eftropie d'autres par des em- ""iadics.&
„ barras invifibles qu'il met dans leurs organes {a). Il lui eft eufuite bien ailé ( co«f «- uibns^fe^re'.
„ nue-t-il) de confommer fes merveilles, au moment que ces malades ont recours à un du'fçn'^d's-
„ moyen qui conduit a la nn qu il le propole : il retire la main ouvrière de leurs douUurs &
„ maux 5 & voilà des aveugles éclairés , des fourds, des muets, des eftropiés guéris '"jf^jùirà
„ fur le champ. " certaines pet-
Ce qui eft ici de plus intolérable, c'eft que ce Pfélat va choifir precifément pour en fonHbaTik
illuftrer le pouvoir du diable, les quatre Miracles auxquels Ifaïe déclare t c^u'on doit P''|','p|'"-
reconnoître le Dieu qui viendra lui-même fauver les hommes. Quoi ! le Tout-puifTant 55'
pourroit-il donc permettre à Satan de contrefaire les guérifons Miraculeufes qu'il nous ^'l 'j-;,'^,?^
a lui-même donné comme des preuves fpéciales de la Divinité de fon Fils,& auxquelles oa^v.lcjp.
il a voulu que tous les hommes fuffent obligés d'ajouter foi ? Taueif/ Or."
Mais que dira le Ledeur, fi des quatre Auteurs que cite ce Prélat, il n'y en a pas lom.crxuf.
un feul qui ait parlé d'aveugles, de fourds, de muets, ni d'eftropics : s'ils ont au con- ^„,^",". ;.. 2L
traire donné pour principe, que le diable ne peut faire aucun bien, ni par conféquent Laaant2.e.
guérir aucune mahdic réelle ; & que toutes fes merveilleufes guérifons fe réduifent à '\ ipaïe ,
difcontinuer les douleurs momentanées , les contorfions & les agitations qu'il caufe quel- xXXV.4. j.
quefois à certaines perfonnes qui font fous fa puiflance ?
Le Prélat pour prouver ce qu'il avance à cet égard, n'a fait que répéter ici le paiïàge
de Tertullien auquel j'ai déjà répondu ci-deffus, en démontrant clairement qu'il l'in-
terprète à contre-fens & qu'il donne une ironie pour une propofition affirmative.
A l'égard des trois autres Auteurs , il fe contente de les citer en marge , ainfi que je
les ai mis. Mais comme il eft bon que le Lecteur foit inftruit & demeure bien convain-
cu , qu'il n'eft point queftion dans ces partages d'aucune maladie proprement dite , mais
feulement d'agitations & de fouffrances qui ceffent dès que le dcmon difcontinue d'agir,
je vais rapporter les Textes de ces trois Deffenfeurs de la Religion , auxquels je joindrai
encore le fentiment de plufieurs autres célèbres Apologiftes.
Voici d'abord comment s'exprime Minutius Félix qui eft le premier que cite ce Prélat.
„ Les démons, dit-il, étant des Efprits déliés , ils s'infinuent invifiblement dans les Min. FeL a
„ corps: ils y contrefont une apparence de maladie: ils jettent la terreur dans les âmes, '^^'
„ & ils caufent des contorfions dans les membres pour forcer les hommes à leur rendre
„ quelque culte, afin qu'en relâchant les membres qu'ils tourmentent, ils paroiflent les
„ guérir. " Irrepentes corporibus occulte , ut fpiritus tenues , ntorbos fingunt , terrent mentes ,
memhra diftorquent , ut ad cultum fui cogant . . , Ht remijjis quje contraxerant , curajfe
videant/tr.
Qui ne voit à cette defcription , que les maladies apparentes dont il s'y agit , ne con-
fiftoient que dans des douleurs momentanées, que le démon caufoit,en s'inhnjant dans
les corps , & qui ceffoient dès qu'il interrompoit fon opération ?
Au refte cette peinture des prétendues guérifons que faifoit autrefois le démon , eft fi
exade & fi jufte, qu'Arnobe & S. Cypnen (qui vivoient aufti bien que Mini'tius Fé-
lix , au tems où les démons avoient encore le pouvoir de donner ces contorfions dou-
Z z loureufes
iSo FAVSSETE'DESGVE'RISONS
Dissert. loureures à quelques Payeas, & finguliérement aux Prêtres & PrêtrefTes qui rendoient
SUR L'AOT.Jej oracles,) ont copie presque mot pour mot dans leurs célèbres Ouvrages, les termes
DES uiR. q^i^ jg \\Qn% de rapporter de cet Auteur.
Voilà donc à quoi fe réduifoient autrefois les guérifons miraculeufes du démon : à
donner à quelques Idolâtres des fouffrances d'un moment & à les faire cefler quand il
fe retiroit.
AufTi les Payons eux-mêmes qui en croient témoins, n'ont-ils pas été aflez dupes,
ni affcz imbécilles , pour prendre ces prétendues guérifons pour des Miracles. Ce qui
cil lî vrai que quoique leurs faux Dieux en opéraflent afifez fouvent de femblables dans
leurs temples , en discontinuant de caufer ces douleurs , dès qu'on leur offroit un facri-
fice; ils n'ont jamais ofé citer ces belles guérifons fubites comme quelque chofe d'ad-
mirable, n-i en faire aucun ufage pour s'exempter de convenir, que leurs Dieux ne gué-
ri (foient point de véritables maladies fans y employer des remèdes. Le Lefteur en a vu
ci-deffus des preuves invincibles , par l'aveu & le témoignage de leurs plus fameux Au-
teurs, & même des plus grands Adverfaires du Chriftianifme.
Comment donc M. de Betiiléem peut-il nous donner aujourd'Iiui ces artifices gros-
fiers & p^alpables du démon, pour des guérifons qui fembleat être de magnifiques Mi-
racles , tandis que les Payens eux-mêmes les ont méprifées , & ont eu honte de les rap-
porter comme des merveilles faites par leurs Idoles ?
Tatien que cite enfuite ce Prélat, n'efl: pas plus favorable à ce qu'il voudroit infinuer,
que Minutius Félix , Arnobe & S. Cyprien.
Cet Auteur donne d'abord pour principe , que les démons ne font aucune guérifon
véritable; & il explique enfuite que s'ils paioiflcnt faire quelques guérifons, ce n'eft
point de maladies réelles &c qui aient duré quelque tems , mais uniquement de maux
palTagers qu'ils opèrent par leur préfencc , & qui ceflent dès qu'ils fe retirent.
Titian.p.iî. „ Les démons ne guériffent point les hommes {dit cet Apologifle difcipU de S. jHJlin)
,, mais ils les trompent par des artifices; & Juftin cet homme admirable avoir bien rai-
„ fon de dire, qu'ils font femblables à des voleurs. Car ceux-ci fe faififlent quelque-
„ fois d'un homme , & le relâchent enfuite après être convenus d'une fomme d'ar-
gent : de même ceux que vous prenez pour des Dieux, s'infinuent dans les mem-
bres de certaines perfonnes , & leur donnent enfuite par des fonges une grande idée
de leur pouvoir: ils leur ordonnent de paroîtrc en public, afin qu'après avoir pris
leurs mefures pour fatisfaire le défir qu'ils ont de la vaine gloire , ils s'envolent, &
„ qu'en préfence de tout le monde ils fafl'ent difparoitre l'incommodité qu'ils caufoient
„ par leurs fraudes, lailTant ainfi ces perfonnes dans l'état de fanté où elles étoient au-
„ paravant". Non fanant dxmonts , fed dolo caDiunt homines : cj- recie y-HJhnHS maximà
dignus admiratione ^damones Liiranibits Jimiles ejfe docuit: Ji(jHidem ut illi vires ali^Mos ca-
fcrc J oient , demie padà mer cède eos familinribus rcfiituere ; fie ctiam cjui a vobu tjiim.vi-
tnr du , ejuoruidam membris honrimim fije infintt.tntes ^ deindc per fomnwn fH.im in illis
gtoriam fubrican:es ^ in pubUcum proMre jubcnt : (jr in confpeElu omnium, pofi(jU4m defide-
ratis ex m:inio rcbtts fe exple^'erunt , ab agris avolar.t , CT morbnm fno dolo prodMclum
obliterupucs , prifl-nt zaletndini homines rc.Uunt.
Joigrons à Tatien, Lufebe de Ccl'arée, autre Apologifte qui s'exprime presque d;.m
les mêmes termes.
»♦ ^^' <i^'^""5 , ditil , ne trompent que les fimpirs & les fots qui s'imaginent rcce-
t p'rxpar' „ voir dcs influmces des flatues . . . Tout ce qu'ils fivcnt f.iii-c, c'clt de caufer de
fcvangci.ci. ^^ certaines incommodités d." s les membres par une opération invidblc; & les relâchant
„ enfuite, ils laiflcnt les liorrms en même état qu'ils ctoicnr auparavant."
Enfin Lai't.i'Ke qui efl le dcmi.r Auteur cité pir M. de Bethléem, cft celui de tous
qui décide le plus du"edemcat contre fon prmcipal Silltmc, puisqu'il couclud en di-
fant y
»
>»
»
ATT R I BV r 2 s AV -D r MO N,&c. iSi
fant, que les démons n'ont aucun autre pouvoir que celui de faire du mal : voici fes termes. Disseut.
„ Les démons étant des Efprits fubtils & d'une agilité incompréhenfible , ils s'infi- surl'aut.
„ nuent dans les corps des hommes , & agiflant fecrettemtnt dans les entrailles, ils dé- "" "'"•
„ rangent la fanté: ils excitent des apparences de maladies : ils épouvantent l'efprit par ^.^^^'i p.'"'-
„ des fonges & mettent dans une furieufe agitation, afin que par ces maux ils obligent ^-'g-
,, les hommes d'implorer leur fecours. Mais ces fupercheries n'ont d'obfcurité que
„ pour ceux qui ignorent la véritable raifon de toutes ces fraudes. C'eft bien à tort
„ qu'ils s'imaginent que les démons leur procurent quelque utilité , puisqu'en effet il$
„ ne font que difcontinuer de leur nuire, & que dans la vérité ils ne peuvent que faire
,, du mal. Qui quoniam funt fpirhus tenues cr incomprehenjtlftles ^ infmuant fe corpori'
hus homiKton , & occulte in vifceribus openi valetudinan ttirb.int , morbos cient , fommis
animas terrent , mentes yuroribus quntiunt , ut hommes his mAis cvgant ad eorum atixdia.
recurrere. Ouarum omnium fdiaciarum ratio expert ibus veritatis obfcura efl : prodejfe enim
eos putant , cum nocere dejinunt , qui nihil aliud pojfunt qukm nocere.
Si l'on ajoute au témoignage de ces fept célèbres Apologifles toutes les autres autori-
tés que j"ai déjà produites , & entr'autres celle de S. Jean Chrj^foflome, qui dans un
endroit différent de celui que j'ai cité ci-deffus , avance encore comme un principe in-
conteftable , que les démons ne favent que nuire é" drejfer des embûches , mais nullement s.Chryfoft.
guérir : fi on fait réflexion qu'il efl: formellement décidé dans le Concile de Tours de 'i-a-iv.Jud.
l'an 8 [5. que Lt magie ne peut fervir de riai pour guérir aucune des infirmités des hommes^ "'
ce qui avoit déjà été décidé par le Vf. Concile Général: fî on fe rappelle tous les
Textes de l'Ancien Tefl:ament par IcfqucU Dieu a voulu lui-même nous inftruire que
c'eft lui feul qui nous guérit, & ceux du Nouveau où Jtfus-Chrift nous dit fi fou-
vent que les Miracles font le témoignage de fon Père: enfin fi l'on fait attention au pas-
fage de S. Irénée, ou il nous repréfente fortement que le S. Efprit nous a expreffément S. Ircn.L.i.
déclaré par le miniftére de Jérémie & de Baruch, que les démons ne peuvent rendre '^■^''
„ la vue aux aveugles, ni l'ouïe aux fourds , ni guérir les malades, les eftropics, ni
„ les paralytiques : Nec enim cœcis pOjfunt dare vifnm , neque furdis auditum , ncquc débi-
les Aut claudos aut paralyticos curare ; que deviendront les quatre miracles de cette efpé-
ce , que M. de Bethléem fait faire au diable ?
Ce Prélat fe plaindra peut-être de ce reproche, & dira qu'il n'a point avancé que
les maladies dont il parle dans cet endroit de fa II 1. Lettre, fuflent réelles, qu'il les a
au contraire repréfentées comme des opérations de l'artifice de Satan , & que quoique
les Auteurs qu'il a cités n'aient point parlé d'aveugles, de fourds , de muets ni d'eflro-
piés, néanmoins on peut fuppofer avec vraifemblance que lorfque Dieu permet au dia-
ble de s'infinuer dans le corps de certaines perfonnes, d'agiter leurs membres & de leur
caufer des douleurs , cet Efprit adroit & fubtil peut en même tems barrer les rayons
vifuels pour les empêcher de voir, boucher l'ouverture de leui^s oreilles pour les mettre
hors d'étst d'cnten:ire , arrêter le mouvement de leur bo jche pour les empêcher de par-
ler, & détoiUTier pendant quelques momens la circulation des efpiits animaux, c& qui
fufïit poiu" mettre les membres dans l'impuifTance de fe remuer; & qu'enfuite ceflanc
tout à coup de produire ces effets, les perfonnes fe trouvent fur le champ remifes au
même état qu'elles étoient auparavant, ainfi que difent les Auteurs qu'il cite.
Q,uand on lui pafferoit tout cela , quoique les quatre Apologiftes qu'il prend à té-
moin n'en difent pas un feul mot , & qu'il foit extrêmement rare que Dieu ait permis
au démon de faire de telles opérations, M. de Bethléem ne feroit pa? mcore excuGbIe
dans la manière dont il préfente ces f^ùts. Car s'il n'avoit pas eu dellein de tromper
fon Leéteur, il n'auroit pas manqué de déclarer lui-même clairement, qu'il ne s'agiffoit
Jioint dans les faits qu'il fuppofoit , d'aucune maladie réelle & dur.ble, mais feulement
aiine fimple privation inftantaiiée de l'ufage de la vue, de l'ouïe, de b parole , ou
Z j de
ttl F A V s s ET r DES G V E' R I S C .Y S
DiruRT.de quelque menrtbre : privation qui n'étoit point produite p,ir l'altération des orgines
suRL'AUT.nijiç qui n'avoit pour caufe qu'une opération du démon , qu'il ne peut exécuter fans
nés MI», y ^j.|.g prc'fent & qui par conféquent ne peut pas être de longue durée, fi ce n'eft chez
quelque pofTédé dont le corps eft livré au diable par un jugement finguliev de la jufti-
ce Divine. Ainfi il cft clair que c'efl: de la part de M. de Bethléem une forte d'artifice
qui ne convient point à fon caradére , d'avoir dilTimulé toutes ces circonflances &■ de
IILLetcp. s'ctre écrié: f^oilk des aveugUs éclairés^ des four ds ^ des muets , des ejlr'opiés , guéris fur
V- le champ: parce que ces exprefTions préfcntent l'idée de maladies véritables guéries fu-
bitemsnt par le démon , & qu'elles infinuent que cet impoft.ur peut par artifice contre-
faire parfaitement jufqu'aux quatre Miracles auxquels Dieu a recommandé de reconnoî-
tre le Sauveur du monde.
Une fimple privation de l'ufage des organes qui ne dure que peu de tems , n'eft pas
une maladie. Tout le monde en eft privé pendant le fommeil ; & lorfqu'on voit quel-
qu'un qui fe réveille , perfonne ne s'avife de dire: Voilà un aveugle éclairé, un fourd,
un muet , un cftropic guéri.
Aulfi les Idolâtres, ainfi que je l'ai prouvé ci-delfus, n'ont-ils jamais regardé eux-
mêmes comme quelque chofe de bien admirable , ces fortes de rétabliflements fubits de
la jouilfance de quelques organes ou de quelques membres , de l'ufage defquels on n'a-
voit été privé que pendant quelques momens : & ils n'ont jamais eu le front de les
donner pour des Miracles.
M. 1 Evcque de Bethléem ne devroit-il pas imitera cet égard leur bonne foi & leur
fincérité ? Et n'auroit-il pas dii reconnoitre par le témoignage même des Apologiftes
qu'il cite , que ces prétendues guérifons n'étoient qu'une fupercherie diabolique très
peu difficile à dcmélcr: qu'à l'égard des maladies réelles & véritables, le dé'mon n'en a
jamais guéri par des moyens invifibles , ainfi que ce Prélat s'efforce de le faire accroi-
re, & que Dieu qui eft jaloux de fa gloire, & qui ne veut pas que fes œuvres, fa
voix & fon témoignage foitnt pris pour des artifices de Satan, ne lui laiffe exercer de
pouvoir que celui de faire du m:il : Nihil aliud pcpvtt quam nocere.
Auflî ces mêmes Apologiftes nous ont-ils obfcrvé, que lorfque le démon couft quel-
que maladie réelle , fi elle' eft guérie fubitement , c'eft à Dieu à qui on doit en attri-
buer la.guérifon & non pas au diable.
C'eft eivre autres Auteurs ce que décide formellement Tatien, cité par ce Prélat.
„ Il arrive quelquefois , dit cet Apoloqifte , que les démons pouffent leur malice juf-
„ qu'à déranger cffeiflivcment l'état de la !ai.té ; mais frappés alors par la Toute-puif-
„ fince Divine, ils fe retirent tout effrayés, &: c'eft cette Toute-puiffance qui guérit
,, les maux qu'ils ont fait. "
Origene donne pareillement pour principe, que l'Efprit pervers peut faire du mai,
Orig. homil. mais qu'il ne peut pas réparer le mal qu'il a fiit. Contraria virtus mali quidem diejnid
M-iin ^^'»- J'jcere potefi , fed reflittiere in iniegrum non potefl.
'■''* Ce fentimetit unanime des anciens Pércs &: des Apologiftes de l'Eglife a d'autant
plus d'autorité, qu'en cela ils ont certifié au péril de leur vie ce dont ils avoient par
eux-mêmes une parfaite connoifTince, & ce qv.i s'étoit paflô fous leurs yeux. Plulîcurs
d'entre eux avoient été élevés da; s le Paganifme , & initiés dans les abominables mys-
tère";. Et ils n'ont change de Religion que par l'imprelfion q(ie leur ont fait les Mira-
cles opérés au nom d:' Jcfus-Chrift. Ils vivoicnt fous la puiirincc d'Empereurs, ai
Gouverneurs ^ *de Magiftr.us Paycns : &: ils s'expofoient à la mort en deshonorant
ainfi les fiux-Dieux par des Ecrits publics qu'ils répanioient de toutes parts. Plu-
ficurs même d'entre eux ont cû le courage de préfenter aux Empereurs les Apoloj^ics
qu'ils avoient fait?'. Q.iicls fupplices ces Princes Idolâtres ne leur auroient-ils pas fait
fouflrir, s'ils avoient pii les convaincre de faux , lorfqu'ils leur foutenoient avec tant
Tatiaa. p
>4Î-
ATT R I BV r E s AV D E' M 0 N, &c. ïgj
d'intrépidité, que jamais les Dieux qu'ils adoroient n'avoient guéri aucune maladie vé- Dissert.
ritable & réelle que par le moyen des remèdes qu'ils iiidiquoient , & que tout leur mer- ^"'' ^ *"'^-
veiileux pouvoir fe réduifoit à' leur caufer quelque douleur paflagér£ & à difcontinuer ' '
de la leur faire fouffrir.
Il n'eft donc pas podlble de douter de la vérité de ce que ces plus anciens Doéleurs
de l'Eglife & ces Apologifles ont attefté avec tant de confiance à la face de toute la
Terr.; , puifque les Payens qui avqicnt en main toute la puiflance du monde , n'ont pu
eux mêmes le conteftcr.
,Or fi ]e démon n'a pu faire de miracles dans fon propre empire & en faveur de
ceux qui l'adoroient, comment peut-on croire que Dieu lui ait permis d'en opérer
dans le Royaume de Jefus-Chrift , dans le fein de l'Eglife Catholique , après qu'il
nous a déclaré lui-même que fon Fils eft venu dans le monde pour détruire les œuvres i.Jean.IIl.i.
du diable l
On trouve auffi dans les Ouvrages des plus favans Théologiens , les mêmes principes
que les anciens Pérès &r les Apologiftes nous ont donnés fur ce fujct.
Par exemple, le célèbre Alphonfe Toftat les met dans le plus grand jour, en exa-
minant fi les Anges ou les démons auroient pu rendre tout à coup la main de Jéro-
boam perclufe & immobile , & avec la même promptitude lui rendre enfuite tout fon
mouvement.
,, Il faut, dit-il, répondre que (ce prodige) pourroit fe faire de deux différentes Toftat.ia
façons. I. 11 pourroit s'opérer fans caufer aucune maladie réelle , ni aucune vérita- "l'iig.'q'il'.s.
ble guérifon, mais feulement en arrêtant le mouvement de la main par quelque empê- P-i95-
chement , & en ôtant enfuite ce qui l'empêchoit dagir. 2. Il pourroit fe faire en
caufant un mal réel , & en procurant enfuite un véritable rétabliflement. De la pre-
mière manière cet effet auroit pu s'exécuter par les Anges & les démons , car il n'y
auroit eu de cette façon ni guérifon ni maladie, & il n'auroit fallu que retenir vio-
lemment le bras , en forte qu'il ne pût remuer , & le relâcher enfuite. A l'égard de
la féconde manière , elle n'auroit pu s'exécuter ni par les démons ni par les Anges,
parce qu'ils ne peuvent caufer immédiatement & par eux-mêmes aucune guérifon, ni
même produire (fubitementj aucune maladie", de la nature de celles qui ne fe for-
ment que fuccelfivement , telles par exemple que le delTéchement d'un membre; ainfi
que ce favant Théologien l'explique plus au long dans la fuite de fon raifonncment.
Refpondendum quod ijlud po ter at fier i dupliciter. Primo modo non caufindo veram agritu-
dinem , nec veram fariitatem , fed imponendo impedimentum dr tollendo illud. Secundo
modo caufando veram agritudinem (jr veram fanitatem. . . Primus modus ifiorum , fani-
tatis vel agritudinis , poterat per dttmones (^ per Angeles fieri : nam ibi non erat aliqua,
fanitas nec cegritudo , fed folum tenere brachium violenter ne moveatur , c^ cejfare ab illà
detentione, Secundus autem modus non poterat fieri per dtemones vel per Angeles , quia ifii
mon pojfunt caufare immédiate (^ per fi aliquam fanitatem , immo nec pojjunt aliquam agri-
tudinem caufare.
«r.„ Il eft impoffible , ajoute-t-il, que les Anges, quelque puiffans qu'on les fuppo-
\, fe, produifent quelque qualité naturelle, ni même qu'ils difpofent la nature à la pro-
„ duire. Mais tout leur pouvoir ne confifte qu'à mettre en œuvre les agens naturels
,, de la même manière que fait un Médecin. " Impojfibile e(l Angeles quant umcumque
poternes , caufare aliquam naturalem qualitatem , vel difpofitionem ad illam ,• fed folum
caufabunt applicando aUiva naturalia pajjîvis , ficut medicus agit.
Selon cet illuftre Auteur , ainfi que félon les Apologiftes & les Pères , voilà donc à
quoi fe réduit toute la puiflance du démon en fait de guérifor:s merveilleufes ; à l:ver
les empêchemens momentanés qu'il caufe & à difcontinuer de faire certains petits maux
paflagers qui n'ont proprement que l'apparence , puifqu'ils ne produifent aucune des-
■ " -- titre-
i84 RE'FVTATION- DES INVVCTIONS
Dissert, trudion , ni mêmc aucune corruption dans les membres. Et lorfqu'il eft queftion de
suKL'AUT.jnahdics rctlles & véritables, il ne peut les guérir qu'en y employant des remèdes de la
DE3MJR. jjj^jne façon que les Médecins.
Si donc quelques Auteurs récens ont trop légèrement fuppofé que le démon peut
faire des guérifons qui paroiffent Miraculeiifes , c'eft fans doute parce que ces Auteurs
n'ont pas examiné avec aflez d'attention , fi Dieu lui avoit jamais permis d'en faire de
telles, fi cela n'étoit point contraire à plullcurs Textes de l'Ecriture, & fi le fait n'a-
voit pas été démenti par les Péres de l'Eglife & tous les Apologiftes de la Religion.
Or ne doit-on pas en croire l'Ecriture Sainte & le témoignage des SS. Péres & des A-
pologiftcs , plutôt que de fe lailTer éblouïr par les brouillards de l'incertitude où ces
Auteurs modernes paroiffent avoir été fur cette Quefliion, faute de l'avoir fuffifammens
approfondie ?
M. l'flveque de Bethléem ne peut l.ii-méme iijnorer, que Dieu enplufieurs endroits
C'tii jgit de l'Ecriture , met le pouvoir de guérir au nombre de fes attributs diflindifs : que c'efl
&'!"'i3i'ion' 3- ^^tf^ marque qu'il nous a ordonné de reco inoitre fon Fils , lorfqu'il paroitroit fur
«jucd'oppo- la Terre; & que le S. Efprit nous déclare pofitivement dans les Livres Divins que les
dcft'i'"el"'de démons n'ont point la piiiffance de rendre la vue aux aveurles, ni de guérir les hom-
prcu.es luli- nies de leurs infirmités. Auffi ces Miracles de guérifon ont-ils été le moyen que Jefus-
dcs jux icx-
tcsdcTEct- Chrift a choifi pour faire connoitrc &r adorer la Vérité par toute la Terre, & celui
tue, au le- pjr lequel il a promis de la maintenir dans ITglife jufqu'à la fin des Siècles. Comment
d^sApoie- donc pourroit-il permettre au diable de rendre kur témoignage équioque ?
giiics&des Ouelle plus grande autorité y a-t-il dans l'Univers, que celle de l'Ecriture Sainte?
tes, & j!a Efl-il permis d oppoler des faits a les oracles divins \ Du moins pour avoir quelque
clnciuV" fofte d'excufe dans une entreprife fi téméraire, il faudroit être en état de montrer d'u-
ne manière inconteftable , que ces Textes de l'Ecriture ne doivent pas s'entendre dans
leur fens naturel. Il faudroit pouvoir prouver par une Tradition fuivie , que les SS.
Pères, les Apologiftes & les Conciles les ont interprétés différemment. Enfin il fau-
droit rapporter des faits d'une certitude fî inébranlable , qu'il feroit abfolument impos-
fible de les révoquer en doute.
Quel eft donc l'effroyable aveuglement de ceux , qui ayant tout à la fois contre eux
la parole de Dieu , le fentiment des Pères , le témoignage des Apologiftes , & la De-
cifion des Conciles, veulent engager les Chrétiens par des faits obfcurs, incertains, des-
titués de toutes preuves folides , ou pour mieux dire par des faits qui ne font que des
fourberies , des fiipercheries diaboliques, & des menfonges des Payens , à fe révolter
contre le fens naturel & précis de plufieurs paflages de l'Ecriture, & à fouler aux pieds
les lumières de la Tradition, pour faire préfent au diable d'im pouvoir qu'il n'a jamais
eii , & pour employer ce moyen à décrier les œuvres de Dieu , 5f à leur ravir leur
Autorité, le refpeâ qu'elles exigent, & la confiance qu'on y doit prendre !
Voili cependant à quoi tendent toutes les fauffes hiftoires & les fophifmes que
nous oppofc M. l'Evêque de Bethléem.
Te me flatte d'avoir déjà fait rentrer dans le néant tous fes prétendus miracles diabo-
liques qu'il dit s'être opérés chez les Idolâtres. 11 ne me rcfte plus qu'à répondre à
trois hiftoires dont ce Prélat tire de très fauffes induiflions.
^. IX. Rcfittat'mn des inditftions que tire AI. l'Evêque de Bethléem de
fhijîotre du faux-Llriji du Gevaudau , o' des Mirachs faits
par Secunddlus ^ par les Reliques de S. Jujl.
M
de Bethléem voyant avec chagrin que tous les faftes du Paganifmc n'avoient
0 pu lui rien fournir qui fût capable d'autorilcr Ion Siftcme des mincies dia-
byli-
T I R E' E s DE TROIS HISTOIRES. 185
boliques , n'a pas épargné fes peines à chercher dans d'autres Livres toutes les hiftoi- Dissert.
res, vraies ou faufles, qui pouvoient lui fervir à jetter de la poudre aux yeux de fes^""*^ '^"f ■
Lecreurs.
L'Auteur qu'il a feuilleté avec le plus de foin, a été le bon S. Grégoire de Tours.
Comme il n'ignoroit pas , que ce Saint a pafle pour un homme très crédule , très
amateur du merveilleux , & qu'il a compofé des volumes de toutes les hiftoires vraies
& fauffes qu'il avoit entendu dire , il a efpéré de trouver dans cette multitude de faits ,
dont plufieurs font apocryphes , quelque chofe qui pût étayer fon Siftéme. Il devoit
favoir que le célèbre Hilduin Abbé de S. Denis , confultc par l'Empereur Louis le
Débonnaire , fur la foi qu'on devoit ajouter aux faits rapportés par S. Grégoire de
Tours , s'exprime ainfi dans fa réponfe à cet Empereur.
Parcendum efl Jimplicitati viri religiojî ^ qui multa aliter quam fe veritas haheat <tfli- Ep;iV.Hii-
mans , non calliditatis afin fed benignitatis & Jlmplicitatis voto litteris commendavit . ^^^^^^ ^^'^'
„ Il faut pardonner à la fimplicitc d'un homme religieux qui croyant de bonne foi
„ quantité de chofes contraires à la vérité, & fe conduifant, non par la finefle d'un
,, efprit pénétrant & fubtil, msis par le mouvement d'un cœur trop bon & trop faci-
„ le, en a compofé des hiftoires."
M. Fleuri dans fa Préface , & JVl. Dupin dans fa Bibliothèque EcdéCaftique , en
ont porté à peu près le même jugement.
Il ne faut pas penfer néanmoins , que S. Grégoire de Tours ait été capable de rien
dire qu'il crût contraire à la Vérité. Mais plus ce Saint avoit en horreur le menfon-
ge , plus il avoit de peine à croire qu'on voulût lui en impofer : & comme on favoit
qu'on lui faifoit plaifir en lui racontant des faits merveilleux, qu'il infcroit avec avi-
dité dans fes Ouvrages, plufieurs perfonnes peu fcrupubufes lui en ont conté de toutes
façons. AulTi dans tous les faits qu'il déclare avoir vus lui-même, il mérite une entière
confiance. Mais il n'en eft pas de mèm: de ceux qu'il ne rapporte que fur des ouï-dires
de perfonnes qu'il ne nomme point.
Telles font les deux hiftoires que M. de Bethléem a choifi dans les gros volumes
compofés par ce bon Saint.
La première eft celle d'un homme qui félon M. de Bethléem, fe donnoit pour un r.
nouveau Meflîe & faifoit quantité de miracles. i'h:XiiTdl'
Ce Prélat pour ajuftcr cette hiftoire à fes vues, en donne une idée fi différente de F^îen^^"
celle qu'on en prend en la lifant dans S. Grégoire de Tours , que pour rejetter les in- ,i'u"Gcvau-
duélions qu'il en tire, je n'aurai befoin de leur oppofer que les propres paroks de l'Au- <^'"'-
teur fur le témoignage duquel il les fonde.
Voici de quelle manière M. Evéque de Bethléem commence fon récit.
„ Un homme natif de Bourges , & en qui l'on voyoit de grandes apparences de pié- III. Lc;t p.
„ té, alla, dit S. Grégoire, dans la province d'Arles ... & de 11 dans le Gévaudan, ^^'
„ & y pubha qu'il étoit le Chrift. "
S. Grégoire de Tours dit ait contraire, que cet homme étoit un voleur de grand s. Greg Tu-
chemin , qui dépouilloit les paffans : Interea capit fpoliare er pradart (jhos in itinere ?'^- ub'.io'c.
perijfet. Et pour faire connoître jusqu'à quel excès il pouffoit l'impudicité, il obferve-6.
qu'il envoyoit devant lui , pour annoncer fa venue , des hommes qui étoient tous nuds
& qui fautoient & badinoient enfemble : Aiittens ante fe nuntios homines nado corpore ,
faltantes atque Indentcs. Pour augmenter fa troupe, il diftribuoit libéralement à ceux qui
l'accompagnoient , tout ce qu'il voloit aux paffins : Spolia non habenfibus largiebatur. Et
en autorifant toutes fortes de vices , il fe fit fuivre par une grande multitude de men-
dians , de bandits & de fcelcrats , dans le nombre desquels il y avoit même quelques
mauvais Prêtres: SeduBa efl per eum multitudo immcnfa populi ^ & non folnm rujliciores , Ibid.cif.
verum etiàm Sacerdotes Ecclejiajiici,
Dijfert. Tom, II, A a Cepen-
I
tS<S RETVTATION DES IN-DVCTIONS
DissF.RT. Cependant quelques-uns de ceux qui le fuivoient , fuient touiinentés pnr le démon,
5URL Airr.^ ,^ Vç jg jj rngfne manière avec laquelle il caufoit des douleurs à certains Idolâtres,
félon que les Apologiltes h rapportent.
Ce qui m'autorife à dire que les maladies dont il s'agit dans l'article de cette hiftoire
dont je rends compte afl'uellement , n'étoient qu'un artifice du démon, c'eft:
1. Que le faux-Chrift les prédifoit à ceux de fes difciplcs qui alloient en être faifis :
Pr<tdiccbat quihusdam morhou Or puisque le démon, qui ne fait point l'avenir, les
lui faifoit prédire, il eft évident que c'eft cet Efprit pervers qui devoit lui-même
les procurer.
2. S. Grégoire de Tours donne très clairement à entendre que ces maladies fubites
n'étoient que l'ouvrage de Satan , qui corrompoit l'efprit en même tems qu'il faifoit
fouffrir le corps. Il va même jufqu'à dire que „ ceux qui avoient été troublés par
„ cet artifice diabolique , n'ont jamais repris entièrement leur bon fens : " Htfm'tnes illi
t^HOS . . diabolicà circumventionc ttirhaverat , tiHncjttkm ad fenfum ftmt regrcfî. Ainfi fé-
lon ce Saint , ce trouble d'efprit & ces maladies n'avoicnt donc pour caufe que l'artifi-
ce & h circonvention du diable, diabolica circumventio.
5. Il obferve encore, que ce mifcrable faux-Chrift annonçoit d'avance la gucrifon
de ces fortes de maladies à quelques-uns de ceux qui en étoicnt attaques : denumiabat
fattcis fulutem futuram. Or j'ai prouvé ci-defTus invinciblement, que fi c'eût été des
maladies bien réelles , Dieu n'eût pas accordé au démon le pouvoir de les guérir d'une
manière qui eût paru M iraculeufe.
Enfin S. Grégoire de Tours ajoute, que ce miniftre de Satan „ en touchant ces pré-
„ tendus malades, les remettoit en fanté; mais qu'il ne faifoit ces guérifons que par des
„ artifices diaboliques & par je ne fai quels preftiges". Otfos contmgens fanitati redde-
bat, fid hac om»ia diabolicis artihui (y- prajiigiis tiefclo qHibns agebat. Or une maladie
véritable ne peut pas fe guérir par des preftiges , qui ne confiftant que dans une vainc
apparence , n'ont rien de réel : il faut que h maladie ne foit elle-même qu'un preftige ,
pour pouvoir difparoître parce moyen.
Croiroit-on bien, que c'eft uniquement en fe fondant fur ce dernier partage, que M.
de Bethléem ofe donner comme un fait certain & attefté par S. Grégoire de Tours,
que ce faux-Chrift guériflbit fur le champ toutes fortes de maladies ?
Mais il eft bon de rapporter un peu au long les paroles de ce Prélat, dont les tra-
vaux n'ont confifté jusqu'à préfent, qu'a employer fes pernicieux talens à faire accroi-
re aux Chrétiens, que le démon fait des Miracles. Il fera utile aux âmes fidelles de
frémir, en voyant avec quel art & quelle témérité ce trop habile Avocat du diable,
féduit ceux qui l'écoutent, éteint dans les coeurs le refpeft qu'on doit aux Miracles, &
leur fait un efpéce de fcrupuh & de honte de la confiance qu'on y doit prendre.
IlI.Leti.p. ^^ La multitude du peuple , dit-Il , courut voir ce faux-Chrift, & lui préfenta des
''■ „ malades pour qu'il les guérit. Quelle épreuve pour L* miniftére de cet impie ! Vous
„ penfez qu'infailliblement il va échouer; & il faut que vous le penfiez, puifqu'il eft
„ hors de doute que Dieu n'en autorifera pas les blafphêmcs par des Miracles , &
„ puifque les démons ne peuvent, félon vous, opérer des çuérifons. Mais écoutez la
,, fuite de l'hiftoire. Ce faux-Chrift guérit tous les malades qu'on lui préfente. Et
„ par quels remèdes? En les touchant : Quoi conùngans f.initMi rcAdehar. Et par quel
pouvoir? Par cejui du diable: Diabolicis artibus , dit S. Grégoire de Tours. Mais
quoi ? Par l'art du démon tant de malades guéris fur le charnp ? Quelle étrange op-
pofition de cette doétrinc avec la vôtre! Avouez-le, Meifieurs: ou ce Saint His-
torien étoit bien ignorant & bien hardi , d'attribuer contre l'autorité de tous les Pé-
" tes qui l'ont précédé , des guérifons de maladies h l'art du démon , ou il fnit que
vous foycz bien peu éclairés de prononcer d'un ton ferme , & que le démon n'en
„ guérit
>»
T I R r E s DE TROIS HISTOIRES, 187
guérit jamais & que c'eft la cîoftrine de tous les Pérès de l'Eglife, Le Public héfi* Disse»'.
tera-t-il dans l'alternative ? Ce qui me frappe le plus dans cette hiftoire , ajoute h «"Rt-'^uT
„ Prélat, c'eft l'aveugle penchant de la plupart à donner dans la féd.idion des pro- , . ,
„ diges. (Cet impucient miniftre du démon) difoit qu'il étoit le Chrift , & pour le ' ^ *"'
„ prouver il guérilloit les malades ( dit M. de Bethléem: ) cela feul fut fuffifant pour
„ perfuader au peuple & à des Prêtres même , qu'il étoit l'Envoyé de Dieu , & ils
„ auroient cru être impies , s'ils s'étoient refufés à cette démonftration. Qii'il eft
„ donc dangereux, Melfieurs (conclud M. de Bethléem) de fe mettre en tête que
„ des guéril'ons miraculeufes ne puiflent venir que de Dieu , puilque l'apoftafie fut le
„ fruit de cette maxime! "
C'eft ainfi que pour ébranler entièrement l'Autorité des Miracles , & faire doréna-
vant confondre la voix de Dieu avec les fupercheries de Satan , M, de Bethléem trom-
pe fon Lefteur de toutes façons.
1. Il lui certifie, que ce faux-Chrift guériftbit tous les malades ; tdtnd'is que S. Gré-
goire de Tours dit au contraire, qu'il y en avoir très peu de ceux qui le fuivoient, à
qui il promettoit le recouvrement de leur fanté: Denunti abat paucis futur am falutem.
2. Il retranche du paflage qu'il cite, le mot pr<f/?/ç;7.f , pour faire accroire qu'il étoit
queftion de maladies réelles , au lieu qu'il ne s'agiflbit que de maladies illufoires qui
étoient de même nature que les frejîiges 8c les artifices diaboliques par lefquels elles é-
toient guéries.
Enfin , il traduit les mots diabolicis artibus çnr pouvoir du Diable, pour perfuader
que c' étoit par puiflance & non par artifice que le démon guériftbit ces prétendues
maladies
Avec une telle méthode on a l'avantage , que fi on ne trouve pas dans les Auteurs
de quoi appuyer un Siftéme contraire à l'Ecriture , on n'en perfuade pas moins les
perfonnes peu inftruites, qu'il y a dans ces Auteurs tout ce qu'on y veut mettre.
S. Grégoire de Tours raconte enfuite , que cet impofteur ramafla auprès de lui plus
de trois mille perfonnes de la lie du peuple : fequebantur eum amplius quam tria millia
populi ; qu'il faifoit la guerre aux Evêques , & qu'il menaçoit de mort ceux qui le mé-
prifoient & qui refufoient de l'adorer : Infiruens aciem. . . Epifcopîs & civibus minas
mortis intentabat , eo quod ab i:s Ador.tr! difpiceretur ; qu'un de ces Evêq'ies raffem-
bla des troupes , qui malTàcrérent ce miférable & prirent fa fœur nommée Marie , la-
quelle ayant été condamnée à la queftion & interrogée fur les merveilles qu'avoit fait
ce faux-Chrift , publia elle-même que ce n'étoient que des phantômes & des prefti-
ges : Afaria . . . fuppliciis dedita , omnia phantafmata ejus ac prtefiigia publicavit. Si ce
fourbe eût fait des guérifons qu'elle eût pu foutenir avoir été véritablement Miracu-
leufes , auroit-elle manqué de s'en fervir pour fa deffenfe , & pour juftifier qu'elle
étoit en quelque forte excufable de s'être lailfé féduire par des merveilles qu'elle auroit
cû fujet de croire n'avoir pu être opérées que par la vertu de Dieu ? Malgré un fi
grand intérêt la notoriété manifefte l'a pour ainfi dire forcée de convenir , que ce n'é-
toit que des prefliges & des phantômes.
Comment après un tel aveu M. l'Evcque de Bethléem a-t-il le front de vouloir fai-
re accroire à des Chrétiens que c'étoit de vrais Miracles ; & comment a-t-il la téméri-
té d'en conclurre , que le refpeâ: pour les guérifons miraculeufes , & la perfuafiou
qu'elles ne peuvent venir que de Dieu, (ainfi que le S. Efprit nous l'a déclaré lui-même
en plufieurs endroits de l'Ecriture,) font capables de perdre une multitude àç pertple
& de Prêtres , & que l'apoftafie a déjà été le fruit de cette maxime ? Quoi ce Prélat
a-t-'.l donc pu fe flatter, de renverfer les Textes Sacrés , le fentiment des Pérès & les
Décilîons des Conciles, avec une telle hiftoire, qui a tout l'air d'avoir été fort ampli-
fiée par ceux qui l'ont racontée à S. Grégoire de Tours.
■ A a 2 Mais
i88 R r F 'J T.j4 r I 0 N DES TMDVCTIONS
DissiRT. Mjjj quand même on fuppoferoit que cette hiftoire fi finguliére & fi étonnante fe-
suKL *"T.j.pjj ^^j-jpj y(,'ritjbi2 Jjns toutes fes circonllances qu'elle le paroit peu, tout ce qui en
rcTulteroit repliement, feroit que le démon aurait procuré quelques douleurs à plufieurs
de ceux qui s'ctoient joints au fcélcrat qui voloit les pafTans , & qui en prêchant 1 im-
pudicitc & en approuvant tous les vices, fe donnoit pour un nouveau Melfie, & qu'à
ù prière le démon auroit quelquefois fait cefTer ces douleui-s. Or je ne vois pas (quoi-
qu'en dife M. de Bethléem) que cette hiftoire puilTe faire beaucoup d'honneur au dia-
ble, ni donner une grande idée de fa puiflance. Aulfi pour l'en dédommager ce Prélat
va lui faire préfent dans l'hiftoire fuivante , de quantité de vrais Miracles faits au nom
de jefiis-Chrifl.
II. Comme cette féconde hiftoire ne prouve rien du tout en faveur des miracles de dia-
^''"j""^,", blerie , il ne fera pas nccefiQùre pour y répondre de vérifier dans les Livr-;s de S. Gré-
phéme que goirc dc Tours , fi ks faits rapportés par M. de Bethléem font conformes à ceux que
aû'xd'cmons raconte ce Saint, Pour convaincre le Prébt d'avoir avancé une Propofition erronée &
Je» Miracles même blafphématoire , il ne faut que donner l'extrait des confcquences qu'il tire du rc-
cundciiu» au cit qu il tait lui-mcm.e.
nomdeJ.C. Tout Lcfteur rempli de foi, de refpeifl & de confiance pour h faint nom de Jefus-
' Chrift , n'attendra pas même mes réflexions, pour fentir naître dans fon cœur une re-
in. Lett. pp. ligieufe indignation en entendant un Evcque avancer , <\uz des mir.tcUs de guérifort ,
i°-*f'^4i- ^if- opère un /ài»t . . . au nom de notre Seigneur Jefus-Chrijl ^ ainfi c[ue faifoient les A-
filtres , doivent être attribués au démon . . . fi l'orgueil dans celui qui les a faits , en eft
une fuite CT comme un des fruits,
Ainfi voilà tous les Mirachs qu'ont fait les faints au nom &: par la puiiïance de Je-
fus-Chrift, donnés au diable, toutes les fois que l'inftrument de ces Merveilles Divi-
nes en aura enfuite reffenti quelque mouvement de vanité.
Mais ii eft fi incroyable qu'un Evêque ait ofé hazarder une telle Propofition , que
je ne puis trop me prefler de convaincre le Ledeur , que je ne lui en impofe point : ne
différons donc pas un moment de lui mettre fous les yeux les propres paroles dc ce
lII.Lîtt.pp. j. Un Diacre nommé Secundellus, dit-il, s'étant retiré avec un faint Vieillard dans
4o,4i.&4i. jj une ifle, & y pratiquant avec lui toutes les vertus des parfaits , le tentateur revêtu
des apparences du Sauveur fe montra à lui , & lui dit : ye fuis Jefus-Chrtfl que tu
pries fins cejfe , déjà tu es parvenu à la fainttté; & j'ai écrit ton nom avec celui des
autres ftints dans le livre de vie.
,, Voilà comment ce fédudeur travaille à fubjuguer par l'orgueil uns. ame que fes
autres tentations n'avoient pij abbatre : conquête fi precieufe à fa malice , que pour
l'achever il va mettre en oeuvre toute fon induflric. Sors maintenant de cette ijle , con-
tinue-t-il , c>~ vas guérir les malades.
Le bon Diacre dont la piété étoit fans lumière , donna dans le piège : & croyant
fans doute comme vous , que Dieu foui pouvoit rendre aux malades la fanté , il re-
çut l'ordre du démon comme une milTion de Dieu même. Il fortit donc de l'ifle
fans en avertir le faint Vieillard fon compagnon : & lorfqu'il impofoit les mains aux
mjladcs au nom de Jcfus-Chrift, ils croient guéris : Cum infirmis in nomine Chrifli
manus imponeret ^ fanabantur. Abîme incompréhenlible des jugemcns de Dieu , qui
permet au père d^ l'orgueil de fe revêtir dc fes apparences, de l'imiter dans fes Mi-
racles, d'abufcr même de fon facré nom pour tenter un homme jufte & mettre fon
falut dans le plus évident pcril ! Le démon ne réulTit pas néanmoins à confommer h
„ perte de Secuiîdcll is , Dieu avaiu rendu ce bon Diacre fenfible aux reproches Si
,, aux larmes du faint Vieillard fou compagnon, qui lui découvrit en gémilfant l'illu-
,, fion du tentateur.
„ Pcfez
j)
j>
>»
»>
>>
>»
»»
>»
DES MIK.
T I R E' E S DE TROIS HISTOIRES. i8p
„ Pefez je vous prie, Meflieurs, (ajoute M. de Bethléem) les diverfes circonflan- Dissert.
ces de ces miracles: elles font toutes propres à vous inftruire. Ce font des >»;V<ïc/« suri-'aut.
de guérifon: celfti qui les epére ejî faint. Car c'eft un Diacre qui s'eft éloigné du mon- '
de pour vivre inconnu en Dieu avec Jefus-Clirift , pour pafler fes jours dans la
pauvreté, dans la pénitence, dans la prière: préjugé bien favorable pour les mira-
cles. La manière dont il les opère , n'eft ni moins édifiante , ni moins propre ce fem-
ble & Ci fortifier dans les cœurs des fidèles , (^' à faire concevoir aux impies , le refpe^
dû à la Religion , puifque c'eft afi nom de Notre Seigneur Jefus-Chrifl qu'il a guéri
les malades , comme fa^foient les apôtres (^ com;ne ont fait tant d'autres faints.
,, Mais c'eft pour infpirer de l'orgueil au faint Diacre , que celui qui lui apparoît,
,, lui dit qu'il eft un faint , & qu'il lui donne le pouvoir de guérir les malades. Cet
' „ unique trait fufft à montrer , que ce n'eft pas Dieu , mais que c'eft le dé,rio>i qui a
„ guéri les malades par fon miniftére. . . .
„ C'eft donc donner dans une grande & bien pernicieufe erreur , que de conclur-
j, re . . . que tout miracle marqué à quelques traits des miracles divins , vienne de
„ Dieu. . . Car, voici des guérifons foudaines de malades: guérifons accompagnées
„ d'un appareil frappant de piété : guérifons qui font naître des réflexions falutaires :
„ guérifons néanmoins dont le démon eft l'ouvrier.
„ Ainfi, Meilleurs, avant que d'attribuer à Dieu même de ces fortes de miracles
„ l'on doit toujours examiner. . . fi l'orgueil .... en eft une fuite & comme un
,, des fruits. "
A-t-on jamais imaginé un plus beau fecret pour faire préfent au diable d'un très
grand nombre de Miracles, que de fuppofer qu'il eft l'auteur de tous ceux qui ont été
fuivis de quelque vanité dans les faints qui les ont faits ?
L'orgueil eft un monftre que tous les enfans d'Adam portent toujours au dedans
d'eux-mêmes: ils peuvent le furmonter, mais jamais le dtruire, & même s'ils croyoient
Tavoir totalement vaincu, il triompheroit d'eux par fa prétendue défaite.
Les faints en faifant des Miracles ne deviennent point impeccabhs. Le démon n'en
cherche pas moins à leur tendre des pièges; & la vaine gloire eft la tentation'qu'il em-
ploie le plus communément pour tâcher de l;s faire déchoir de leur fainteté. Lorsque
l:s plus parfaits ont arraché de leur cœur les racines de tous les autres vices, il leur
refte encore jufqu'à la fin de leur vie à étouffer avec foin tous les rejetions que l'orgueil
y peut former. Si donc on doit adjuger au diable tous les Miracles qui ont pu faire
naître en leur ame quelques mouvemens de vanité, il fera douteux s'il ne faudra pas
lui abandonner la plupart de ceux que Jefus-Chrift a faits par les mains de fes fervi-
teurs, depuis qu'il eft dans fa gloire.
Mais n'eft-il pas évident que c'eft une Propofition infoutenable , 'ou pour mieux dire
un Siftême impie , & tendant à renverfer les preuves les plus frappantes de la Religion,
d'ofer attribuer à Satan des Miracles faits par im Saint ...au nom de notre Seigneur %-
fus-Chrift , comme faifoient les yjpôtres ? N'eft-ce pas même inlulter Dieu dans fes
œuvres les plus brillantes & celles qu'il nous déclare précifément être fa voix & fon té-
moignage, que de dire, ainfi que fait M. de Bethléem, qu'il permet au père de l'or-
gueil . . . de l'imiter dans fes miracles , & d'aùufèr même de fon nom f acre pour tenter les
jufles qui ont le plus de foi, de confiance & d'amour, & pour mettre par là kuï falut
dans le plus évident péril ?
J'ai déjà prouvé par les paroles mêmes de Jefus-Chrift & par la Décifion précife du
VL Concile Général , que tout Miracle fait au nom de ce Sauveur du monde ne peu:
avoir pour auteur un blifphémateur du faint nom de Dieu. Ainfi je puis dire que la
Propofition contraire étant directement oppofée à ce que jefus-Chrift nous a déclaré
lui-même, & étant injurieufe à la Bonté Divine, eft un efpéce de blafphêmc.
Aa 5 En
190 RE'FVTATIONS DES INDVCTIOMS
DisstRT. En effet quelle idée donne-t-on de la miféricorde infinie du Verbe fait chair, en fou-
soRL'AUT.jjj^jrit qu'il permet au diable de prendre (:n phce &: de faire des giiérifons Miraculeufes
DES MiR. ^^ ^^^ nom, pour tromper ceux qui s'appuyant fur les promsiTc-; que nous a fait cet
adorable Fils de Dieu, ont recours avec confiance à fa charité pour nous , parce qu'il
favent qu'elle parte tout ce que nous pouvons en concevoir.
Les feules lumières de la raifon futtifent même pourfaire juger , qu'une telle Propofi-
tion efl: abfurde.
Depuis que fefus-Chrifl: efl monté dans les Cieux , les Miracles faits en fon nom,
ont été le movèn le plus fenfible dont il s'eft fervi pour convertir les Incrédules, aug-
menter la foi clés fidèles, embrâfer d'amour & de reconnoi (Tance plufieurs de ceux qu'il
a ainfi quéris , & donner à une multitude innombrable de perfonnes de h confiance en
fa Bonté. Faire des guérifons Miraculeufes en fon nom, c'cft: donc augmenter fon Em-]
pire, c'eft détruire celui du diable: Se par conféquent c'eft une fuppofîtion qui cho-
que le bon fens , que d'imaginer que Satan s'empreffe à opérer des œuvres qui produi-
fent de tels effets.
M. l'Evêque de Bethléem convient lui-même, que les Miracles de Secundellus
étoient propres ., . à fortifier dans les cœurs des fidèles , & à faire concevoir aux impies le
refpett dû u la Religio)i, & qu'ils fiifoient «^/Vre des réflexions falutaires. Voilà donc
l'Anime de ténèbres devenu fuivant ce Siftéme , un véritable Ange de lumière ! Le voilà
qui f"ait des miracles pour augmenter h foi, le refpeâ; pour la Religion, &: la confiance
au nom de Jefus-Chrift !
Qu'une Caufe eft déplorée , quand on eft dans la nèccffité d'avancer de telles abfur-
dités pour la foutenir !
l. Du relie cette bizarre penfée de M. de Bethléem eft diredcment contraire au juge-
ment que S. Grégoire de .Tours a porté des Miracles faits par Secundellus. Ce boa
Saint n'a pas balancé à les attribuer à Jefus-Chrift. Il a jugé que Dieu, qui ne laiffç
jamais rien fiire au démon qne pour en tirer fa gloire, a pu fouffi-ir que ce tentateur ap-
parût à Secundellus fous la forme de Jefus-Chrift pour lui dire de fortir de fon Ifle ,
& d'aller guérir les m:hdes ; parceque fi d'une part l'ETprit pervers avoit deffein d'en-
'" ^ '"--''- ■'- efpèrant qu'il trouveroit occafion
; d'autre part le Dieu de toute
pandre de grandes lumières dans l'ame de quantité de per-
fonnes, par la vue des Miracles qu'il feroit faire effeftivenKnt^ au faint Diacre, & de
le rendre enfuite lui-même plus humble qu'il n'avoit jamais été , en lui faifant recevoir
avec une docile foumilTion les rudes remontrances que lui feroit S. Friard fous la con-
duite de qui il s'étoit mis.
Il eft. bon de remarquer , que ces' réprimandes n'avoient point pour objet de ce qu'il avoit
m.Lett. p.fjit des Miracles au nom de fefns-Chrift (comm? M, de Bethléem l'infinue ?l fes Lec-
teurs) mais de ce qu'il les avoit racontés d'une manière qui fit croire au fiint Vieillard,
S.Gicg. qu'il en tiroit une vaine gloire: f^cnitadjociumcumvanàglorià, dicens : ... Firttttes
Li^b^dc vit. ntultAS in populis feci.
Fau'.cap.io. Le vieux folitaire eut peur, que fon jeune compagnon ne fe glorifiât d'un don pu-
rement gratuit, & que cela ne lui fit perdre l'humilité. Il fe crut oblige de l'a^rtir ,
que Satan peut prendre occafion de Miracles opérés par la vertu i:)ivine, pour infinuer
le mortel poifon de la vanité dans le coeur de ceux qui en ont été les inflrumcns; &
qu'il étoit bien plus fur pour fon falut de reftcr dans la folitude, & d'y vivre inconnu
en triomphant de lui-même par les rigueurs de la pénitence, que de faire des Miracles.
Et il eft (\ vrai , que c'cft là le véritable fens de la rcprimanc^e que S. Friard fit à Se-
cundellus, que S. Grégoire de Tours , poumons fiiire concevoir julqu'à quel point
ce faint Vieillard craignoit que l'éclat des Merveilles Divines ne devint par les rufcs
du
41
T I R E' E s DE TROIS HISTOIRES. xs>i
du démon ua piège pour rhumilité, raconte dans le même Chapitre, qu'il détruifit Dissert.
par ce motif un Prodige manifeftement Divin, *"■* i-'aut.
Il avoir, dit S. Grégoire, planté un bâton fec, qui lui fervoit de canne depuis fort
long-tems. Cependant à peine ce bâton fut-il dans la terre, qu'il y prit racine j & non
feulement il poufla des branches & des feuilles, mais il produifit même des fruits.
Quantité de perfonnes étant veau:s admirer ce furprenarit Prodige, le bon Vieillard eut
fi grand peur que cela ne lui donnât quelque vaine gloire, qu'il prit une hache & bri-
fa l'arbre merveilleux , ne vaux glorin Ube fubrueret. ^^.^^
Il ne pouvoit douter que ce Prodige ne fut l'œuvre de Dieu, mais il craignoit fi
fort tout ce qui pouvoit faire naître dans fon cœur quelque fentiment de vanité , qu'il
fe détermine à facrifier cette Merveille Divine à l'appréhenfion qu'elle ne lui devînt
nuifible.
J'avoue que j'ai quelque peine à ajouter une foi pleine à la totalité des différentes
circonftances de cette furprenante hiftoire, que S. Grégoire de Tours ne raconte que
fur des ouï-dires , qui ont pu n'être pas d'une entière exaftitu le.
Mais quoi qu'il enfoit, il eft certain que M. de Bethlcen. n'en peut tirer aucun
avantage pour fon Siftéme des miracles diaboliques; & au conUtiire la peine qu'il a
prife d'en rapporter la Relation ne peut fervir qu'à manifefter de plus en plus, que
n'ayant pu trouver par toutes fes recherches aucune preuve que le démon ait jamais fait
de guérifons Miraculeufes, ni même qui aient paru l'être bien réellement, il s'eft vu ré-
duit à lui faire préfent de Miracles inconteftablement Divins & faits au nom de Jefus-
Chrift, fans fe mettre en peine de contredire par là les paroles de la Vérité Incarnée, le
fentiment des Pérès , & les Décifions des Conciles.
Voici encore d'autres Miracles Divins, dont il s'efforce d'illuftrer la puifTance des m.
Serpens de l'Enfer. Le jugement
Il a ici pour affocié un Moine nommé Glaber, qui piqué contre des Miracles opé- Si".^ drue"!»-
rés dans une circonftance qui ne luiplaifoit pas, jugea à propos de les attribuer au diable. b"d^S'*'
Comme l'hiftoire fabriquée par ce Moine évidemment prévenu, eft la fource où M. racles opéré»
de Bethléem a puifé toutes fes preuves a l'égard des Miracles en queftion , il ne s'agit dcs'îidiqueï
que de féparer ce qu'il y a de vrai dans cette hiftoire, de ce que Glaber y a ajouté de ^e s. Juii,
manifeftement faux, & de répondre aux mauvaifes induftions qu'il en a tirées. fo'lidé'dc™*
Pour les réfuter pleinement , je n'aurai befoin que de relever quelques faits publics '"""^^ '^"
qu'il n'a pu diffimuler. Car quel eft le Lefteur judicieux , qui ne fera pas perfuadé, '"^ '
que le jugement de plufiem-s Conciles tenus à ce fujet, & l'Autorité Divine d'im
grand nombre de Miracles méritent plus de foi, que les foupçons téméraires d'un Moi-
ne aveuglé par fon intérêt?
Aufli le parti politique que M. de Bethléem a pris par rapport à ces Conciles, qui
portent avec eux une preuve évidente de l'erreur palpable du jugement que lui & Gla-
ber ont ofé faire de ces Miracles; a été de n'en pas dire un feul mot. Mais quoique
ce trait de prudence ait été capable de jetter pendant quelque tems de la poudre aux
yeux de fes Lefteurs , leur éblouiffement ne peut durer que jufqu'à ce que les faits
aient été éclaircis. Pour le dilTiper, hàtons-nous donc de rendre compte de ces faits
décififs rapportés par Glaber lui-même.
■ Un inconnu, dont Gliber n'a fu dire le nom & la patrie, apporta dans les Alpes
un "Reliquaire qu'il dit contenir des os de S. Juft Martyr. Quelques malades qui à
l'occafion de ces Reliques, invoquoient avec foi l'intercefïîon de ce S. Martyr, ayant
été guéris d'une manière manifeftement Miraculeufe, non feulement l'Evêque du lieu
mais plufieurs Evêques des Diocéfes voifms s'affemblércnt avec lui , pour examiner un
fait fi intéreftant pour la Religion. Plus attentifs à leur devoir que ne font aujourd'hui
nos Evêques , ils crurent avec grande raifon , que lorsque Dieu nous rend fa préfence
feu fi-
191 R E' F V T A r I O jX S DES INDVCTIONS
DissEKT. fenfîble par des Miracles, rien n'eft plus important que de les vérifier avec foin, afin
îugL'AUT.^^j'jl^ fervent fuivant leur inftitution à faire croître la foi des fide'les, & à augmenter
""■"■■""■ leur confiance &: leur amour pour Jefus-ChrilT: qui nous a mérite par fon Lcnfice tou-
tes les faveurs que nous recevons de fon Père.
Ghb. Lib. Ces Evéques tinrent même à cette occafion pln/îeurs Conciles, ainfi que Claber en
jl ' ■ '■ convient: ce qui rendit la foi des peuphs fi grande ppur ces Miracles, qu'on bâtit
une nouvelle Eglife pour y placer ces Reliques.
Les Evéques étant venus en faire la confécration , dépoférent dans une chaffe les Re-
liques de S., juft, avec d'autres Reliques de diflfércns Saints : c'eft encore Ghber qui
nous en rend lui-même témoignage, en même tems qu'il a l'intolérable témérité de dé-
cider de fon autorité privé , que ces Reliques n'étoient que les os de quelques pro-
IbiJ. phane. Voici fes paroles : Prxterek Pontifices rite peragentes ob cjuam venerMt EccUfit.
confecrationem , intromiferunt cum cxteris reliquiarum fignoribns oJ]a illms prophani.
Mais quel efl: donc le fait fur lequel Glaber ofe appuyer un tel jugement? Il eft
encore plus furprenant & mérite encore plus d'indignation que cette décifion téméraire.
Il raconte que „ quelques Moines de fon Couvent ou autres Religieux , étant reftés
„ dans la nouvelle Eglife, pendant la nuit qui fuivit le jour qu'on en avoit fait la dé-
„ dicace , ils y apperçurent des phantômes monftrueux, & des figures d'Ethiopiens
„ noirs, qui lortoient de la chafle , oii on avoit renfermé les os en queftion " (avec
IbiA plufieurs Reliques d'autres Saints. ) Noiie denique infecmà. vifa fnnt à quibuseUm Mo-
nachorum feu aliorum Religiofirnm , monfiruofa in eâ lent Ecclefà phantasmata , atqxe a
lacello in qao inclufa habebantur ojfa , formas nigrorum <iy£thiopum exijfe.
Au relie ces Moines eurent beau publier cette apparition notoiremuit apocryphe , elle
ne fit aucune impreÛîon dans l'efprit du Public: & il eft fi vrai que tout le monde la
regarda comme une fable forgée par l'efprit de mcnibnge , ou du moins comme une pu-
re imai^ination de vilionnaires , que cela ne diminua en rien l'emprcflement du peuple à
venir honorer ces Reliques , & n'empêcha point les Evéques à continuer de les auto-
rifer. Audi Dieu fit-il encore depuis, plufieurs Miracles dans cette Eglife.
Il eft vrai néanmoins, que les Miracles ayant enfin ceffe , le peuple de ce pays, a-
prcs plufieurs fiécles a, dit-on, oublié toute cette hiftoire, & qu'actuellement, à ce
que prétend Baronius , il ne refte dans les Alpes aucun fouvenir de S. Juft. Miis ceh
n'eft pas fort étonnant , les Reliques de ce Saint ayant été confondues avec plufieurs
autres; & depuis le XI. Siècle rien n'ayant rapellé dans ce pays la mémoir^.- de S. Juft,
qui avoit vécu à Auxerre & avoit été martyrifé à Beauvais, Villes fort éloignées des
Alpes. Ainfi cela ne prouve nullement, que ces Reliques fufl'ent fauOes.
Au furplus s'il y a quelque Leéteur qui ait la (implicite de croire l'apparition de
ces phantômes, il doit en même tems confidérer que quand même on admettroit ce
conte ridicule , il ne s'enfuivroit point du tout que les Reliques de S. Juft n'étoient
pas véritables. En eflfèt ne feroit-il pas au contr'aiic plus naturel de penfer, que Dieu
n'auroit permis cette apparition que pour manifefter, que fes Reliques & celles des au-
tres Saints avec qui elles étoient mêlées , chaflbient de cette Eglife nouvelle les démons
repréfentés par ces figures de Nègres ?
Mais il n'y a guéres d'apparence, que pcrfonne ajoute foi à cette fable. M. de Beth-
léem a fi bien fenti lui-mcme qu'elle étoit abfurde , qu'il n'a ofé la rapporter, quoi-
qu'elle foit la grande preuve fur laquelle Ghber fc fonde. Le Prélat plus circonfpeft &
II!. Lttt. p. P^"5 fin qne ce Moine, s'eft contenté de dire, qn Apres que le culte qu'on rendoit à ces
44- Reliques, eût été reconnu illégitime, comme l'obferve Glaber (fans que le Prélat explique
par quel étonnant moyen) le peuple y avoit néanmoins perfjlé opiniâtrement. En effet
Glaber fc plaint qu'après que cette horrible vifion eût fait clairement connoitre que ces
Reliques étoient fauJTes, cela n'empêcha pas le peuple de continuer à ^Ics honorer, ni
les Evéques à J'autorifer. ^lais
TI R E'E s DE TROIS HISTOIRES. ipj
Mais, dira-t-on, quel intérêt avoient ces Moines de forger un pareil conte ? Il n'eft Hissert.
pas difficile de comprendre, que la dévotion à ces Reliques ayant attiré tout le i^o"" o"/ "L^"^'
de, l'Eglife du Couvent de Glaber devint fort folitaire; & que c'eft, fuivant toute
apparence, ce qui a porté cet Auteur &: quelques autres Moines de fon Couvent, non
feulement à répandre des foupçons fur les Reliques deS. Juft & à décrier de toutes leurs
forces celui qui les avoit apportées, mais même à attribuer au démon les guérifons Mi-
raculeufes que Dieu opéroit à l'interceflion de ce Saint Martyr, & à accufer les Evê-
ques qui avoient approuvé ces Reliques , d'avoir agi en cela par un motif d'intérêt
pour tirer des offrandes du peuple.
Mais comment cft-il pofllble , dira fans doute le Ledeur , que des Moines fe foient
portés à de tels excès ?
Pour en fournir la preuve complette , il ne faut qu'ajouter au jugement que Glaber
fait de ces Miracles , ce qu'il ofe dire des Evêques. Voici fes propres termes : Conci-
liabtda (iatuentes , in aliqmbtis nihU aliiid niji inepti lucre qHiefinm a plèbe , Jtmulc^ue favo-
rem fallacie exigebant. „ Ils formoient de petits Conciles, dans la plupart defquels ils
„ ne fongeoient qu'à extorquer du menu peuple un lucre illégitime , ce qui leur faifoit
„ favorifer l'impoUure. "
Ce Moine révolté contre les Evêques &: les œuvres de Dieu, prétend-il donc qu'on
doive préférer fes foupçons téméraires à l'Autorité de plufieurs Conciles & à la Déci-
fion d'un grand nombre de Miracles ?
Les Evêques font trop grands Seigneurs pour s'amufer à autorifer de faufles Reli-
ques, par des Conciles, dans la vue de fe procurer quelques offrandes par ce moyen.
Ce ne font pas même eux qui profitent de ces fortes d'offrandes : ainfi l'injure que leur
fait Glaber, n'a pas le moindre prétexte.
Après que la prévention & la paiTion de ce Moine ont éclatté Jusqu'au point d'ofer
imputer un motif fi bas & fi fordide à un grand nombre d'Evêques plufieurs fois as-
femblés pour examiner les Miracles que Dieu accordoit à l'intercelTion de S. Juft, les
injures qu'il répand contre l'inconnu qui avoit apporté ces Reliques , ne doivent pas
faire grande impreffion : au furplus pour juger de leur valeur, il ne faut qu'en exami-
ner la principale. Il l'accufe , ainii que le rapporte M. de Bethléem, d'avoir r^w<r//ê' l^i- Lctt t
de nuit des ojfemens dans un lieu méprifable pour publier cnfuite , que c'étaient les ojfemens
de S. Juft Martyr.
Mais comment Glaber a-t-il pu avoir la preuve de ce fait ? Il n'y a que l'inconnu ■ ;•.■'!
qui a apporté aux Alpes ces offemens dans un Reliquaire, qui puiffe favoir où il les a
pris. Peut-on croire qu'il ait fait confidence à Glaber, qu'il les avoit ramaffées dans
un lieu méprifable ? S'il ne le lui a pas dit, d'où Glaber a-t-il pii le favoir ? Il eft
donc de la dernière évidence, que cet Auteur avance ce fait très gratuitement, & qu'il
n'en a-d'autre preuve que le foupçon injurieux que fa jaloufie monacale lui en a fait former.
Auflï M. de Bethléem fentant le peu de confiance que mcritoit Glaber par rapport
à cette hiftoire, a-t-il cherché à l'autorifer du nom du Cardinal Baronius, qui en a fait
un petit extrait dans fes Annales. Il ne cite même en marge que Baronius , .comme fi ]bij. pj. 41.
ce qu'il rapporte entouré de guillemets , avoit été pris dans l'Ouvrage de ce Cardinal. ^ *'•
Cependant la plus grande partie de ce qu'il dit , n'y eft point. Et lînguliérement on
ne trouve que dans l'Ecrit de Glaber, la Propofition erronée, rapportée avec complai-
fance par M. de Bethléem, que Dteu permet quelquefois a caufe des péchés des hommes,
que les Esprits malins fajfent des Miracles pour les tenter,
Baronius bien inftruit de fa Religion n'a eu garde d'adopter un fi pernicieux principe,
Si il l'a au contraire très foigneufement retranché de l'extrait qu'il a fait de cette hiftoire.
Il eft vrai que ce bon Cardinal a été fi frappé des invedives que Glaber répand con-
tre l'inconnu qui avoit apporté dans les Alpes les Reliques de S. Juft,ique fur la foi
Differt. Tom. II. B b de
194 REFVTATION DES IND'JCTIONS
DijsERT.d; ces injures & fous prétexte que la mémoire de ce Saint Martyr efl: préfentement ou-
surl'aut. jjji^^ dans ce psys, il s'eft ima'^iné que ces Reliques pouvoient être faufles. Mais il
»iù »i H. ^.^^^ ^ ^^^ moins penfc, que les Miracles venoient de Dieu, ce qui l'a obligé de fup-
primer dans fon récit la maxime erronée de Gtaber.
C'efl: donc une pure fuppofitioa de la part de M. l'Evèque de Bethléeem, d'avoir
avance que Baronius ne trouve point d' inconvénient a penfer cj- a dire .... que le dé-
mon a fait ces M.ir,icUs, Je le défie de citer aucun Texte de Baronius où cela foit dit.
♦ M. Fleuri, Ce Cardinal, quoique peu exad dans fa critique, ainfi que l'ont obfervé * M. Fleuri,
rHift'Ecd ^^- Dupin & plufieuri autres Savans , parce qu'il fe livre trop aux fentimens des Au-
art.?.M.Du- teurs dont il fait les extraits; étoit néanmoins trop au fait des Textes de l'Ecriture ,
cl'"'? 'si'cciV po"'" attribuer de véritables Miracles au démon. Ses fentimens fur ce fujet étoient mê-
i.part.p.y. me diamétralement oppofés à ceux de M. de Bethléem; & il eût fans doute regardé
m. Leit. p. comme un blasphème, cette horrible Propofition du Prélat: Fbiia. un peuple qui . . de-
^î- m/inde à Dieu des Miracles, C^ le démon les opère. C'cjl à Dieu feul qu il adrejfe fes priè-
res pour U guérifon des malades , cJ- cefl le démon qui exauce [es prières.
Quand même on fuppoferoit que les Reliques de S. Juft n'étoient pas véritables ,
cette Propofition de M. de Bethléem n'en feroit guéres moins hétérodoxe, dès qu'il
eft queftion de vrais Miracles obtenus par des prières adreffées à Dieu fans aucun mé-
lange de fuperftition. Les Reliques vraies ou fmffes ne font que l'occafion des prières.
Ce n'eft pas d'un oflement defleché qu'on implore l'intercelfion. C'eft aux âmes des
Bienheureux qui vivent dans le fein du Verbe fait chair, que l'on fait des prières, pour
les engager d'être nos interceffeurs auprès de lui, QiianJ les Reliques en queftion n'au-
roient pas été des os de S. Juft, il n'en feroit pas moins vrai que c'étoit de ce Saint
Martyr que ce peuple réclamoit le crédit auprès de Dieu. Or ce Père des miféricor-
des fe plait à voir qu'on honore fes Martyrs , qu'on lui rend gloire de ce triomphe de
fa grâce, & qu'on admire le bonheur de ceux qui ont facrifié leur vie pour lui. Ce
n'eft point la réalité de la Relique qui fait defcendre les grâces du Ciel: c'eft aux priè-
res des Saints qu'on invoque, que Dieu les accorde; & le plus fouvent c'eft la foi, la
piété &: la ferveur de ceux qui prient , qu'il récompenfe. C'eft à la foi qu'il a tout
promis, & une fimple erreur de fait qui n'entraîne après foi aucune méprile ni dans la
croyance ni dans la monb, n'étant point un péché, ne peut empêcher l'exécution de
fes promeftes ni arrêter fes bienfaits.
Ibid. p. 43. M. de Bethléem convient lui-même que ces Miracles ajfermiffoient les peuples doits leur
z^ele pour Dieu ^ pour fes Saints , & qu'/7^ étoient même très capables d' occafionner des
réflexions propres a faire rentrer en eux-mêmes les libertins C' les prétendus efprits forts.
Mais n'importe, conclut-il, ce n'en étoit pas moins le démon qui faifoit ces Miracles.
N'en déplaife à M. de Bethléem , je trouve au contraire, que cela importe beaucoup.
Quoi ! N eft-il donc d'aucune importance, que les peuples foicnt affermis dans leur zè-
le pour Dieu, &: que les libertins & les incrédules foient convertis ? Et n'eft-ce pas
une abfurdité manifefte que d'imaginer que c'eft le démon qui contre fon intérêt , a
opéré des Miracles, lesquels, fuivant que l'avoue ce Prélat, étoient propres à produi-
re & ont réellement produit des effets faUitaires ?
Si Glaber à ofé le faire, il n'eft pas difficile de dcmcler par fon propre récit , que d
paflion l'aveugloit : &: c'eft fans doute cette même palfion qui lui a fait avancer cette Pro-
pofition erronée , que Dieu permet quelquefois aux Esprits malins de faira des AiiracUs pour
■ou s tenter.
S'il entend parler de vrais Miracles, c'eft à dire de guérifons opérées par un pouvoir
fupérieur aux caufes naturelles, \'x Propofition eft une erreur des plus grolTières.
C 'eft un principe incontcftable, que Dieu feul peut s'écarter des loix primitives fc
pcrmanenrcs, qu'il a établies par rapport aux effets que toutes les caufes naturelles doi-
,!, vent
T I R E' E s DE TROIS HISTOIRES. i^j
vent produire : & qu'au contraire le démon ne fauroit rien exécuter de réel que par DrssEjiT;
des moyens naturels. Il n'y a point de Théologien qui révoque ce principe çn doute, ^"Ri-'aut.
& M. de Bethléem a été lui-même forcé d'en convenir expreflement, °^' ""^'
Mais quand même Glaber n'auroit eu intention de parler que de guérifons qui au-
roient l'air d'un Miracle , fans l'être véritablement , fa Propolition feroit intolérable
dans l'efpéce où il la préfente. Car il n'y a pas non plus , & il n'y a jamais eu de
Théologien bien plein de foi , qui ne foutienne que Dieu ne fouffi-ira jamais que le dia-
ble fabrique fous le nom de Jefus-Chrift des guérifons qui fembleroient un vrai Mira-
cle, fur ceux qui fe font adrefTés avec piété au Divin Sauveur des hommes. Mais
même en confultant tous les paflages de l'Ecriture qui parlent de guérifons Miraculeu-
fes , le témoignage des Apologiftes , le fentiment des Pérès & la Décifion des Conci-
les, on y trouve des preuves invincibles qu'en général Dieu n'a jamais permis à Satan,
& qu'il ne peut pas même lui permettre , d'opérer de: guérifons qui paroîtroient réel-
lement Miraculeufes , pour faire tomber dans l'erreur ceux qui ne négligent rien pour
connoître h Vérité,
Auffi eft-il certain que perfonne n'a jamais pu prouver, que le diable ait réellement . 'v.
opéré des guérifons qu'on ait eu un jufte fujct de regarder comme un vrai Miracle, niais pèrmjs"
Plufieurs Payens, pour faire honneur à leurs faux Dieux, ont tenté de le faire accroi- ^'x^^f"»"^ *:
re, mais c'a toujours été fans fuccès. La Providence attentive à conferver k gloire des même'iuT
Miracles Divins , a fait en forte que l'impodure des faux miracles ait toujours été dé- Pf™5'"=
couverte, & les Idolâtres eux-mêmes ont été obligés d'avouer que leurs Dieux ne pou- gu^w'bi'squi
voient guérir que par la vertu des remèdes. Mais li le démon n'a pu faire de guérifons f"!]'^""
qui aient paru véritablement Miraculeufes , dans l'empire même de l'erreur, parce que nnucuieufes
le Tout-puiflant ne le lui a pas permis , n'eft-il pas contre le bon fens d'imaginer que tombcr'lfans
Dieu lui en accorde la permillion dans le Chriftianifme, après que le S. Efprit nous l'eneut^u'c
arme ,
bu ^
triomphe k la face de tout le monde , après la avoir vaincues par fa croix ; & qu'il nous '^''n'b^'ff
a ainii délivrés de la pHijfance des ténèbres. i^ Col II."
Pour fe convaincre pleinement de l'impuiflance oiî il a réduit les démons à ce fujet, ''■*' ''•
û ne faut que joindre à ces Textes, tous ceux par lefquels Dieu nous déclare dans
l'Ecriture, „que lui fcul a le pouvoir de guérir , que lui feul nous délivre de nos Exod. xv.
,, maladies, que lui feul peut nous retirer des portes de la mort." £fo enim Dominus '^^•^^■^■^^■'^'
Jauator . . . Out janat omnes tnprmitates tuas , qnt redimtt de tmeritu vttam tuam . .. xvi. if.
Th es enim, Domine, ejm vit a & mortis haùes potejiatem, CJ- deducis ad portas monis ^
redHcis. A quoi le S. Efprit ajoute encore , que les faux Dieux ,c'eft à dire les démons, xxxir"°"'
„ ne peuvent foulager les hommes dans leurs infirmités , . . & que ctlui qui s'adreiïe Sag.xill.iï.
„ à eux pour recouvrer la fanté & conferver fa vie , demande la vie à un mort & prie
„ inutilement (de miférables Apoftats) qui ne peuvent le fccourir," In necejfttate vos
protegant . . . Pro Janitate quidem infirvmm deprecatur , iS" pro vit à rogat mortuHm, i^
in adJHtorium inutilem invocat. En un mot le S, Efprit nous a donné pour principe
que les démons ,, ne peuvent guérir les hommes d'aucune de leurs maladies: De neces- Baruch.VL
fitate hominem non liberabttnt. '
Enfin fi l'on fait attention , que les guérifons Miraculeufes font le figne que Dieu
nous a le plus fouvent donné pour nous fùre connoître que c'eft lui qui nous parle, &
que c'eft finguliércment par cette forte de Miracles que Jcfus-Chrift a prouvé fa Divi-
nité, qu'il a détruit l'empire du diable qu'il a fait triompher la Vérité d'un bout à l'au-
tre du monde, bc qu'il a promis de la conferver dans l'Eglife jusqu'à la confommation
des Siècles; ne fe fentira-t-on pas pleinement peri'uadé, qu'on doit conclune de tous
Bb i ces
ipô RE'FVTATION DES I N" D V C T I 0 K S
Dissent, ces faits indubitables, qu'il n'eft ni d; h bontc , ni de la gloire , ni de h fligeffe du
URL A^'T.-j-rès-haut, de fouffrir que le tcmoigna':;e des Miracles piiifTe devenir éniivoque, & par
conrcqu:nt qu'il ne peut pas permettre au dcmon de les contrefaire. AulTi M. de
Bcthle'em a eu beau s'épuifer par un travail immenfe pour tâcher de découvrir , foit
dans les archives d:s IJolàtres,foit dans quantité d'autres Livres, quelques preuves que
le démon avoit fait des guérifons Miraculeufes , ou du moins qui avoient femblé l'ê-
tre , toutes fes recherches ont été inutiles ; & il n'a pu trouver nulle part rien qui fût
véritablement propre à étayer l'opinion qu'il voudroit établir. Le Ledeur vient de voir
a quoi ont abouti tous fes laborieux travaux & tous fes vains efforts : il vient de voir
combien il a été fscile de démafqucr la fourberie, l'iUufion , les menfonges, ou les ir»-
juftes foupqons , qui font l'ame des hiftoires qu'il a ramalfées de tous côtés , jus-
qucs dans les fables d'Ovide.
Après tant de peines perdues on doit prendre pour un fait confiant , qu'il n'y a donc
point eu d'exemple depuis la Création du monde, que le démon ait opéré aucune gué-
rifon qui ait cù réellement l'apparence d'un vrai Miracle.
Mais quand même on voudroit fuppofer contre l'expérience de tous les Siècles , con-
tre les termes précis de plufieurs Textes Divins , contre le témoignage des Apoloç;iftes
de la Religion, contre le fentiment des anciens Pérès , & contre la Décilion des Con-
ciles , que Dieu dans certaines circonftances pourroit peut-être permettre au démon de
faire des guérifons qui paroitroient Miraculeules; du moins on ne peut admettre cette
éci-ange fuppofition que dans des cas où cette fauffe apparence ne feroit point capable de
tromper'ceux qui cherchent la Vérité de bonne foi, & qui mettent en même tems leur
confiance dans le fecours de la grâce qu'ils implorent par leurs prières.
Ainfi par exemple, fi un Catholique demande à Dieu une guérifon Miraculeufe dans
la vue qu'il décide par ce moyen une queftion obfcure , problémnique & controverfée
dans le fein de l'Eglife, en ce cas il eft abfolument impolTible que Dieu fouffre que
l'Efprit pervers opère une guérifon qui ait l'apparence d'un Miracle , pour autorifer le
p.irti de ceux qui font dans l'erreur: parce que le lefped pour les Miracles, la con-
fiance aux paroles de Jefus-Chrift qui nous a ordonné de les regarder comme le té-
moignage de fon Père, & l'ufage le plus légitime de la raifon, deviendroient alors un
piège infurmontable pour les cœur les plus droits, les efprits les plus humbles, les âmes
les plus pieufes. Or n'eft-il pas de la dernière évidence , qu'il répugne à la bonté &
même à la juftice de Dieu , de livrer fes plus fidèles ferviteurs à une efficace d'erreur
dans laquelle les vertus mêmes qu'il leur a données les feroient tomber ?
Ce n'eft donc point dans toutes fortes de cas , ce n'eft que dans des cas extraordinai-
res, dans des cas ou l'opération du démon feroit manifefte, qu'on pourroit admettre
l'effiavante fuppofition , qu'il n'eft peut-être pas impotfiblc que Dieu permettre au dé-
mon de faire des figures de miracles : & l'on doit au contraire être très perfuadé qu'u-
ne guérifon qu'on a lieu de croire Miraculeufe , eft l'ouvrage du Tout-puiffant, lors-
qu'elle s'opère à h fuite de prières adrcffèes à Dieu avec pieté. Et fi elle eft accordée
pour fervir de Dècifion à une queftion délicate & problématique, on eft obligé de la
regarder comme un jugement émane du Ciel, contre lequel on ne peut fe révolter
fans crime.
Aulli le favant Dom Calmct cft-il ^t convaincu de la foumiftton qu'on doit à h Dè-
cifion des Miracles , qu'en adoptant les principes de M. Pafchal, il pouffe fon raifon-
nement jusqu'à dire, que fi par impolTible Dieu avoit permis qu'il fe fit des Miracles
pour le parti des Ariens, & qu'au contraire il n'y en eût point cù du coté des Catho-
liques, on eût été dans la néceflîtè de fe foumettre à l'Autorité des Miracles & d'em-
braffer l'Ariniiifine.
l'Étod".''* »> Lorsque les Miracles font certains, dit-il y il ne faut pas d'autres preuves . . .
T I R E' E s DE TROIS HISTOIRES. 197
^, Ils portent néceflairement avec eux le caraftcre de la Vérité & de la Divinité. Et D'^f^^'^-.
„ quand même la do(5i:ri;ie feroit fufpefte, . . . s'il y a des Miracles certains & évi- ^^^ ^^^^^
„ dens du même côté, il faut que l'évidence du Miracle l'empoite fur ce qu'il pour-
„ roit y avoir de difficile de la part de ia doârine. Ce qui eft fondé fur ce principe ,
„ que Dieu ne peut induire en erreur . . . Ainfi s'il y avoit une divifion dans l'E-
glife, & que les Ariens par exemple, qui fe difoient fondés dans l'Ecriture, com-
me les Catholiques, enflent fait des Miracles & non les Catholiques, on eyt été
induit en erreur , par ce qu'on eût été dans la néceffité de conclurre en faveur d;s
Miracles & de fuivre une faufletc. Or c'eft ce que Dieu ne peut faire, & qu'il fe-
roit néanmoins, s'il permettoit que dans une queftion obfcure ou douteufe,il y eût
des Miracles du côté de la faufleté & non de la Vérité."
Non, Seigneur, votre bonté infinie ne peut jamais foufFrir que vos enfans les plus
pleins de foi, foient abufés par le refpecl qu'ils ont pour vous & pour vos auvres,
par la confiance en vos paroles , & par leur humble foumilTion au Témoignage que vous
. leur avez déclaré vous-même être le vôtre.
-fioj .'1 :
§. X. Réfutation de plufieurs faujfes propojïtions , de la plupart des aU'
torités ô' de plufieurs obje^ions de M. de Bethléem.
COMMENÇONS ce nouvel Artide par réfuter une erreur groQiére& palpable échap-
pée au Prélat.
„ La preuve de la fainteté par les Miracles , deflituée des autres preuves , eft (dit-il)
,, très fufpeéte . . . farce que les démons opèrent beaucoup de Aiiracles . . . fur les UI. Leit. pp.
„ tombeaux des hommes morts ... & que Dieu lui-même en opère par le miniftére '' ■'■'''*'•
,, des méchans. "
Tout le monde convient que Dieu a quelquefois opéré des Miracles par le minifté- , h ,
1 , , „ . ■ ,- 1 n 1 • 1 r ■ 11- r • Les Mi.acles
re des mcchans , & qu amn les Mn-acles raits pendant la vie ne lont pomt une preuve fairspcn.'^nt
infaillible de fainteté : voilà uniquement tout ce que prouve la foule d'autorités que ias^nc Vreu!
M. de Bethléem a citées en marge. Mais il n'en eft pas de même des guérifons Mira- ve ccrtaioe
euleufes opérées par l'intercelTion d'un mort : ces Miracles font une preuve décifive, nfa^s'^u'ea
que celui à qui on s'eft adrefle , habite dans le fein de Jefus-Chrift de qui il les a j'oniune.
obtenus. Telle eft fur ce fujet la doftrine de tous les Pérès , quoi qu'en dife M. de foaTfii!s\.
Bethléem. pùshmoH.
Le paflaoe de Gerfon , qu'il rapporte , ne contient rien de contraire à ce que je
viens d'obferver , ni même rien qui foit favorable au Siftême de ce Prélat fur les pré-
tendus Miracles de guérifon faits par le diable. Car Gerfon ne parle que des Miracles
faits pendant la vie; & en fécond lieu il eft évident par la Tradudion même de M.
de Bethléem , que fous le terme de miracles Gerfon comprend dans cet endroit toutes
fortes de merveilles , puifque la raifon qu'il donne pour établir que Li preuve de la
fainteté par les -miracles efl fufpe^e ; c'ejl , dit-il, cjit'ily a beaucoup de miracles qui fortt
non des merveilles de la Religion Chrétienne , mais des prodiges de l'art magique.
Gerfon , en fuppofant que 1 lifprit impofteur fait des miracles , prétend donc feule-
ment , qu'il fait des prodiges magiques , mais non pas des Miracles de guérifon , qsi
font les merveilles les plus ordinaires que Dieu opère dans la Religion Chrétienne.
En effit comment cet Auteur auroit-il pu avancer le contraire , lui qui s'appuie fur
le fentiment de S. Thomas, qui donne expreffément pour le fécond des carsdcres qui
diftinguent clairement les merveilLs Divines des faufles merveilles fabriquées par le dia-
ble, que ,, les merveilles faites par les Saints font utiles aux hommes, telles que les
„ guérifons des maladies; au lieu qu; les merveilles diaboliques ne confiilent que dans s.Jium i,i
iJb 5 ,, dcs7.<iu.j 2d2,
ip8 s ~J I T E DE LA RE'TVTATION
DissFRT.,, des chofes nuifibles ou vaines , telles par exemple , que de rendre immobiles les
jurl'aut.^^ membres d'un homme : " Sictmdo e,y:.utUitate fignorum y ejuiafigna per ùonos facla ,
DE».Mii(. j~^„i Jg ycl;^ fftililfus , O" in CMrat'wM infinnitatHm. .. Signa autem per tnalos fafla ^fiint
i» rébus nocivis vcl vanis , Ji.ut quod . . . reddunt membra hominttm jlnpida. Il obferve
encore dans le même endroit , en expliquant quel eft le premier des carade'res, p;!r lel-
quels on difcerne les œuvres merveilleufes de Dieu , des oeuvres trompeufes de l'En-
fci-, que les démons ne font que des prelliges , qui ne peuvent long tsms durer: Scd
in prtcjligiis tantUm cjM,t diu dur Are non pojjttnt.
Voilà donc félon ce ccle'bre Dofteur , à quoi fe réduifent toutes les merveilles de
Satan, à opérer des prodiges malfaifans, ou de vains prefliges qui fe diiTipent en très
peu Je tems : au lieu que les gucnfons Miraculeufes font des merveilles qui portent
dans elles-mêmes le caradére de la bonté & de la puifTance de Dieu , ce qui doit les
faire reconnoître pour fon ouvrage.
M. de Bethléem cite en marge un autre paiTage de S. Thomas , comme contenant
la preuve de la faufle fuppolltion qu'il foutient ici. Mais bien loin que ce paflage
foit conforme à cette opinion erronée , il en porte au contraire formellement la con-
damnation.
5.Thom. Il efl: vrai que S. Thomas commence par dire ce dont perfonne ne doute, que
^u^iTà-aii! )> Dieu peut faire des Miracles par quiconque prêche la vraie foi & invoque le nom
'°^- „ de Jefus-Chrifl: , &: qu'il en fait quelquefois par des méchans : " Miracula pojfunt
ficri per qHemcumcjue qui veram fidem pradicat df ntmen Chrijli invocat , ejuod etiam in-
terdum per malos fit. Mais auffitôt après, en parlant des Miracles qui fe font depuis la
mort , il ajoute , que „ de cette feco ide manière les Miracles ne fe font que par des
,, Saints , & que Dieu les fait exprès pour manifefter leur fainteté. " Secundo autem
7»odo non fiunt miracula niji a SanUis , ad quorum fanHitatem dcmonflrandttm mira-
cula fiunt.
Il feroit aifé de rapporter plufieurs autres pafTages des Pérès , qui tous ont foutenu
ce même fentiment fi conforme à h toi & à h raifon. Mais il futîira de mettre encore
ici fous les yeux du LeCl.ur, la Décifion prccife fur ce fujet de N. S. P. le Pape ac-
tuellement régnant.
,, Les Miracles, dit-il ^ fur-tout opérés après la mort, font une preuve très évidente
,, de fù ;t£té , &■ conféquemment des vertus (de celui 1 l'intercelfion de qui on les ob-
j^J^,^"qJ|' tient) Miracula, praferttm pojl obitum pairara, funt fanBitatis dr confequenter virtutum
&c. Tim II apertijjifiium figiium,
uirp^ f"+. Cependant M. de Bethléem veut nous faire accroire , qu'un des grands Dodeurs
II. de rt.glifc a foutenu «a fentiment toute oppofé. Car c'ell: pour l'inllnuer à fes Lec-
Ku/je"/."^^""» qu'il ofe avancer que 5. -^ «'.';/?'« f/ /'f^yw^i^f, qu'il ny a point d'inconvénient
quVn peut pour la Feliyion de dire , que les /.talades recouvrent ta fanté en pri.int Dieu fur le tem'
Dieu"dcs' ^''"* & />'"■ l'intercejfion d'ui fanatiijue cfr d'un fcbifmutique. *
Euciifons II eft remarquable que ce Prélat ne cite à cet égard aucun Texte de S. Auguftin,
^'r'n"n:ct- tandis que dans la même page il efl: fi prodigue de citations qui ne prouvv;nt autre cho-
ctiTiondun fg qy^ ^-g «^ç pcrfoiine ne contefte. Une Propofirion auflî étonnante mcritoit bien
mort danf néanmoms , qu il rapportât le pailage ou il prétend 1 avoir puilce. J ai lieu de croire
' •"!''' L«t ^"''' "y ^^ ' qu'un de S. Auguflin qui y ait quelque cCpéce de rapport. C'cft ce-
p. 49. lui oii après avoir nié que perfonne ait jamais reçu aucune faveur higuliére dans les
Eglifcs des Dointiries il ajoute que néanmoins ,, (î quelqu'un ctoit exaucé en priant
S Aug.ctc,, dans les Eglifcs hcrétiquîs , ce ne firoir point par le mérite du Iku, mais par ce-
Umi. Ltd. ^^ lui de fcs dèfirs, qu'il rccevroit du bien oïl du mal. ... Ce qui fut connoitrc ,
,, qie h difpofition du coeur de celui qui i)rie,a plus de valeur que le lieu où fe fait
,, la pi]ére. " Si aliquis iit hareticorum mcmoriis orans cxauditur , non pn mtrito loci
fid
DV SISTESME DE M. DE BETHLE'EM. rpp
fed pro merito dejîderii fui recepit Jîve honitm five malum . . . undh intclligitur magis Dissert.
vakre petentis affeBum cjuam petitionis locum. ^""^ ^ '^"^'
Il eft à obferver , que dans ce partage S. AugUiLin n'y parle en façon quelconque
de l'interceffion d'un hérétique, mais feulement du lieu où l'on prie; & qu'au furplus ^
il n'y eft nullement queftion de Miracles , mais feulement de grâces ou de punitions
fpirituelles : Recepit Jive honum Jîve malum pro merito dejîderii fui. Car n'eft-il pas évi-
dent que ces termes {fve bonum five malum , foit du bien foit du mal) ne pouvant pas
naturellement s'entendre d'une punition corporelle, ne doivent pareillement s'appliquer
qu'à des biens fpirituels, ou fi l'on veut à quelque petite faveur particulière qui n'eft
uniquement que pour la perfonne, & non pas à des Miracles de guérifon qui font des
faveurs éclattantes , que Dieu fait encore plus pour l'utilité de VEgUfe^ que pour l'avan- i.Cor.XII.;-
tage temporel de la perfonne qui l:s obtient, félon que nous l'apprend l'Apôtre S. Paul,
Ainfi tout ce que ce partage fignifie , c'eft qu'en priant Dieu dans une Èglife héréti-
que, on peut obtenir des grâces perfonnelles , ou s'attirer au contraire des punitions
fpirituelles, fuivant les dirtercntes difpoGtions du cœur.
Si M. l'Evèque de Bethléem n'a point d'autre Texte à nous fournir , il faut qu'il
convienne que fa Propofition, que âfw malades peuvent recouvrer la faute' .... par
l' intercejfion d'un h$rétii]ue à'unt manière Miraculeufe, ainfi qu'il le donne à entendre,
quoiqu'il n'ofe le dire précifément ; n'a de fondement que dans fon imagination , &
que S. Auguftin n'en a jamais avancé de pareilles.
En effet l'Ecriture ne nous apprend-elle pas au contraire, que les gucrifons Miracu-
leufes ont été la marque à laquelle Dieu nous a ordonné de reconnoître fon Fils , lors-
qu'il viendroit fauver le monde ; & n'eft-ce pas par ces Miracles bienfaifans , que Je-
fus-Chrift a voulu répandre la lumière par toute la Terre, qu'il a formé l'Eglife,
& qu'il a promis d'y conferver jufqu'à la fin des tems le facré dépôt de la Vérité? Or
comment peut-on concevoir , qu'il voulût lui-même ébranler l'Autorité de cette voix
célefte , en opérant de ces Merveilles Divines dans une circonftance où elles paroîtroient
formellement autorifer l'héréfie ? L'ame d'un hérétique précipitée dans les Enfers a-t-
clle donc quelque accès auprès de Jefus-Chrift pour en obtenir des Miracles ? Et
n'eft-ce pas faire infulte à fa bonté, que de fuppofer qu'il en peut faire à une telle in-
tercelîîon, puifque ces Miracles ne feroient propres qu'à induire en erreur les cœiu's
les plus remplis de refpeâ; pour les œuvres de fa droite ?
Le volume immenfe des Lettres de ce Prélat étant un efpèce de cloaque , où il a
rartemblé quantité de menfonges des Payens & des Hérétiques , qu'il a appuyé par de
prétendues autorités , en leur faifant dire tout ce qu'elles ne difent point , je fens que
c'eft un travail bien fatiguant pour moi & très ennuyeux pour le Ledeur , de fuivre
ce Prélat dans toutes fes routes égarées. Mais d'un autre côté je ne dois pas épar-
gner mes foibles efforts , pour préferver mes très chers Frères les petits & les fim-
ples, des plus féduifans moyens, que cetEvcque emploie pour leur faire accroire tous
fes contes de diablerie.
Dévoilons du moins fes principaux artifices , afin que leur découverte fafle tenir en in.
garde contre tout ce qu'il dit , ceux des Lefteurs qui ne voudront pas être trompés. contrè*i«"l-
Un des plus capables d'en impofer , eft le ton dècifif, avec lequel ce Prélat afture rations faites
que plufieurs Pères de l'Eglilè ont reconnu que le démon avoit fait quantité de guéri- BethUein.
fons Miraculeufes : ce qui eft d'autant plus propre à féduire , qu'afin d'en convaincre le
Lefteur , il cite un aiïez grand nombre de partages.
Pour développer d'abord la fupercherie de la plupart de ces citations, il ne faut que LcPr^cïl'tap-
diftinguer les Miracles, des preftiges & des prodiges. Tout le monde convient , que l'iiqic jux
Dieu permet quelquefois au démon de faire des prodiges & des preftiges, Ainfi tous ^,ënro"ce
les Textes rapportés, & cités par le Prélat, où il ne s'aç'it que de preftises & de pro-i^'^i^'^u-
'' ùiic i leuis qu'il ci.
dlges , te u'oni (lit
zoo s ZJ I r E DE LA RrFVTATlON
Dissert. diges, ne décident rien pour la queflion , & ne peuvent fervir qu'à éblouir le Lec-
sukl'aut.jç ,r_ Or en examinant foigneufement ces Textes, il eft aifc de s'appercevoir que pref-
DEswiR. ^^^ ^^^j^ ^g parlent que de preftiges & de prodiges, & nullement de guérifons Mi-
qucdcspro- , r
uigcs & dcj racui.uies.
pieftigcsque Mais voici le rare fecret que M. de Bethléem a trouvé pour ne pas perdre entiérc-
q"uèùpc"ois ment la peine qu'il a prife de ramafler ces autorités , c'eft de traduire par le terme de
ij liberté de jiUrAcki le mot miral/ilia , qui ne fignifie que des merveilles; & il traduit quelquefois
de même les mots mira & portema , qui n'expriment que des chofes étonnantes & pro-
digieufes. Au moyen de quoi il donne à entendre à fon Lecteur , que les Auteurs
qu'il cite ont avoué que le diable faifoit des Miracles , dans le tems que ces Auteurs
n'ont parlé que de quelques prodiges & autres merveilles de cette nature.
V II emploie même pour cet effet un fecret encore bien plus féduilant , c'eft de chan-
M.deBeth- „g j^^j ]g f^^^ ^^^ paifaçes qu'il cite en y ajoutant quelque mot.
k-cm charge O . r ft i //. ^ i i j,.ii i , -,
le lens des Pour en toumir un ex:mple bien frappant, je n ai que raire de 1 aller chercher ail-
cKe!^"^"'' ^^^''5 <iue dans fa III. Lettre, que je me fuis principalement attaché à réfuter, conune
étant l'arfenal de fes armes les plus dangereufes.
lII.Lett.p. Voici ce qu'il y fait dire à S. Auguftin: ,, Je ne puis ni voir par mes yeux ni pé-
^9- ,, nctrer par la raifon , ni comprendre malgré les connoilTances que j'ai acquifes , jus-
,, qu'à quel point Dieu veut que les démons falTent des Miracles , foit en le leur per-
,, mettant , foit en le leur ordonnant , foit en les y forçant du haut de fon trône. "
Quoi! Dieu ordonner aux Efprits qu'il a maudits, de faire des Miracles , qui font
les ccuvres qu'il s'attribue exdufivement , & celles où fa Toute-puilTance & fa Bonté
éclattent de la manière la plus fenfiblê ! Quoi ! forcer même du haut de fon trône
d'implacables ennemis des hommes , d'opérer en leur faveur des guérifons Miraculeufes
pour les induire en erreur, & détruire l'Empire du Sauveur du monde par les mêmes
voies qu'il a employées pour l'établir! Cela eft bien difficile à croire.
Mais par quel enchantement ce Prélat a-t-il pu faire dire à S. Auguftin une telle
abfurdité ? Cela ne lui a pas été difficile. Il n'a eu befoin pour cela que de fupprimer
le commencement de la phrafe qu'il cite , & d'ajouter au furplus le mot miracula,
qui n'eft point dans le Texte , & qui ne cadre point du tout avec ce que dit S. Au-
guftin dans cet endroit.
Pour en convaincre le Lefteur , il ne faut que lui rapporter le partage entier , après
lui avoir fait obferver, quelle eft l'idée qui occupoit S. Auguftin dans cette phnfe Se
dans celle qui précède.
C'eft immédiatement après avoir parlé de l'augufte Myftére de l'Huchsriftie, qui fé-
lon ce Père de l'Cglifc, a été repréienté par le miniftére des Ançes aux Juftes de l'an-
cien Teftament ,fous la figure de nuées fort luminieufc'î & d'un feu très brillant ; c'eft,
dis-je, après avoir parlé de ce pain vivant qui nous unit à Jefus-Chrift, &: qui le fait
habiter en nous; de ce Myftére impénétrable, aux pieds duquel il faut plutôt des fen-
timcns du cœur, qu: des réflexions de l'efprit, plus aimer que concevoir , plus s'hu-
milier que chercher à comprendre; que le faint Docteur s'écrie.
i.iW. de >' ï' m'eft extrêmement utile, que je me reffbuvienne fans cefle du peu que j'ai de
T<io. «. c. ,, force , & que j'avcitiffe mes Frères de le faire de leur côté, de peur que la foi-
blcfle humaine ne veuille aller pénétrer au de là de ce qui eft lùr , tandis que je ne
„ puis même découvrir par mes yeux, concevoir par ma raifon , ni comprendre par
mes réflexions, comment les Anges ont reprtfenté la figure de ce Myftére, ou plutôt
comment Dieu l'a reprèfentè par le miniftére des Anges ; & que je ne fai pas mcme
tout ce que Dieu fait faire par les démons, foit en le leur permettant, foit en le
„ leur ordonnant , foit en les y fori^ant du hrut de fon trône." jMihi antem omnin»
Htile ejl , Ht mtminerim vtrinm mt.irnr» , fratrcsque mtos admoncAm hi & 'ffi mtmint-
rint
10. U. Il
5)
■)■>
DV SJSTESME DE M. HE BETHLE'EM. ioi
ri>tt fftarum , ne ultra ijuàm tutum efi , humana frogrediatur infirmitas ; quemadmodum Dissert.
enim hdc faciant ^ngeli^ vel fotius Deus quemadmodum hoc faciat per A»gelos fuos , çj-surl'aut.
quantum fieri velit etiam fer Angelos malos , ftve finendo , five jubendo , five et'iam cogendo °^^ "*^*
ex occulta fede altijjlmi imperii fui , nec oculorum acie penetrare , nec fiducià rationis enu-
cleare , nec proveUu mentis comprehendere valeo,
Qiiel autre que M. l'Evèque de Bethléem eût jamais imaginé pouvoir trouver dans
ce pafTage une preuve que le démon fait des miracles ou des guérifons Miraculeufes ? Quoi !
ce Prélat veut-il donc nous faire accroire , que non feulement Dieu permet aux démons
d'en opérer , mais même qu'il les y force ? Voilà donc Satan devenu, fans même
qu'il le fouhaite , le diftributeui* des faveurs du Très-haut. Et tout cela fur la foi
d'un paflage où il n eft nullement queftion de guérifons Miraculeufes , mais unique-
ment du Myftére de l'Euchariftie & des figures fimboliques que les Anges en avoient
fait voir aux Patriarches. Mais n'importe , en y ajoutant le mot miracula, le Prélat
trouve le fecret de faire avancer à S. Auguftin la bizarre Propofition , que Dieu fe
plaît n fort à faire faire des miracles au diable , qu'il lui en fait faire malgré lui.
M. de Bethléem a encore une autre manière pour faire dire à quelques Pérès tout leçon- vï.
traire de ce qu'ils penfent : elle confifte à donner en quelque façon l'objection qu'ils com- fj^in^^onô'^''
battent, pour leur fentiment perfonnel. Ainfi fous prétexte que quelques-uns d'en-i'objedion,
tr'eux , après avoir prouvé la faufleté des prétendus miracles des Payens , ou du moins ?ombatten",*
les avoir traités de fables & d'impoftures , aulfi bien que les merveilles, ou pour mieux pour leur
dire les preftiges que quelques Hérétiques prétendoient s'être opérés en leur faveur , pedbn'a^a.
ont enfuite fuppofé la vérité de ces faits, afin d'y répondre de toutes manières; ce
Prélat donne cette fuppofition, qui eft d'ufage dans les controverfes , pour un aveu for-
mel: & par là il trouve un moyen d'étourdir fon Ledeur à force de crier , que plu-
fieurs Pérès de l'Eglife font eux-mêmes convenus que le diable faifoit des miracles.
. Rapportons en pour exemple, l'aveu prétendu de S. Auguftin par rapport aux mi-
racles des Donatiftes. Comme c'eft un des faits fur lefquels M. de Bethléem infifte le
plus , le Ledeur fera en état de juger des autres par celui-ci , lorfque je l'aurai bien
convaincu que c'eft fans aucun fondement que ce célèbre Apologifte des merveilles du
diable prétend tirer avantage de cet aveu de S. Auguftin en faveur de fon Siftême.
Comment eft-il échappé à ce Prélat fi laborieux dans fes recherches , de voir que S.
Auguftin commence par nier abfolument toutes les merveilles par lefquelles les Dona-
tiftes vouloient autorifer leur fede ?
„ Qj.ie perfonne, s'écrie ce S. Douleur, ne vous féduife par des fables : c'eft vousTraa, i;. i«
„ les vendre trop cher. Ponce fait un miracle : Donat a prié , & Dieu lui a répon- J°^- "• "?■•
„ du du haut du Ciel. Premièrement ou ils font trompés , ou ils veulent vous trom-
„ per." Nemo vobis fabulas "vetidat. Et Tondus fecit miraculum ^ (y Donatius oravity
itt refponàit ei Deus de cœlo. Primum aut ftlluntur aut fallunt,
Eft-il poOTible de nier un fait d'une manière plus prècife & plus forte ? Et com-
ment après cela ofe-t-on infinuer au Leélcur , que S. Auguftin en eft formellement
convenu ?
Il eft vrai qu'après avoir traité de pures fables ces prétendus miracles qui ne coafis-
toient que dans de5 vifions & autres preftiges de cette nature , ou pour mieux dire
qui n'étoient que des imaginations de vifionnaires , ce charitable Dofteur, pour tacher
de ramener les Donatiftes dans le giron de l'Eglife , en les convainquant par d'autres
raifons, vcat bien fuppofer avec eux la réalité de tous ces contes , èc il va même jus-
qu'à dire qu'il leur palfera , s'ils le veulent , que Donat a tranfporté des montagnes :
PoJlremHm fac illum montes transferre. Mais s'il feroit abfurde de conclurre de cette
fuppolition , que S. Auguftin a cru que Donat auroit bien pil tranfporter des monta-
gnes , on doit regarder du même œil les autres faits qu'il veut bien également fuppo-
Dijfert. Tom. II. Ce fer :
:oî SV/TE DE LA R .E'^ FV T^A T L O- N
Dissert. f : du moins ne doit-on pas dortne.r ce f^int IXQfteur pour Teçnoin de ces faits , "ni
suRL'AUT.jj^^g en inférer tjii'ij les a'cru véritables i pursqu'ildéclarç au contraire qu'il les regar-
ms MiR.-^ comme des 'impoftu'res :■.:<*« p//ff«r«»- 4 i3,yt/ÏW/««*; \.^- ../ ■ •,
V'* & '^" Airplus quoique S. Atiguftiç le foif fervi dtt tenrie-ée miracles en parlant dH
au:rcs Théo- fables que débltoient les Donatiftes, il eft •néanmoins» certain que ces hérétiques ne'fe
ronrquc'i- vantoient pas eux-mcnics d'avoir fait aucune gucrifon Miraculeufe-, ce qui eft fi vrai
quciois fer que CE faint Dofteur les deffie de rftppottêr aucune pleuve de toutes les merveilles qu'ils-»
de'' m'îr«i«'^ "contoient. Or ft" tes pré^ndues met'vêVUeg^oflfenf été des Miracles de. g^icrifon ,• it
comme d'u eût été fncilç aux DoiiatiAcs dc' produire des- Témoins de ces guérifons merveilleufës ;
î!on"gencri- &■ des- maladies pi-écedenres ; mafs ces-htrétiqués préténdoient feulement, que Poncé Se
^JJ.'=gP°'J^J;' Donat avoîent été- favorifés par des pi-ôdigeS tju*'eUx feuls avoient vus, qu'ils aVoient
ics fortes de cii dcs révèlations & des vifîons béatifique9, -di qu'ils avoient entendti dcsvôïx quF
'""^Bd'i""e venoient du Ciel. Ce qui fait dire au Cardinal Bclhrminj que ,, les miracles des
noiis Ecci. ,, Donatiftes n'ctoieiit autre chofe que des vilîons cachées qu'ils fe vantôient -d'àVoir
C.14. n. î9. ^^ ç^,^ ç^^^ témoins . .. ^qii'ainfi ce n'eft pas fans fujet que S. Auguftin traite ces
,; miracles de fables.'' Pif-Ç miràcuta-Donatift^-rum fuijfe occultas vijîones tantttm ^- ejuas
Jifte allô tejle jailabanr Jt vidiffe ... 'Itaque non fine causa ea miracuU Au£H/ti»ns -vocat
fabulas. Cependant quoique ce ne fût que des vifions , ces hérétiques appelloient cela
des miracles; & S-, Auguftrn en leur répondant, emploie b même expreflîon.
Il ne faut donc pas croire que même par le terme de miracles, les Pérès de l'Eglife
& autres Théologiens aient toujours entendu parler de guérifons Miraculeufes. Quel-
quefois ils fe font fervis de ce mot comme d'une exprelTion générique, fous laquelle
ils ont compris toutes les efpéces de merveilles: & ce n'eft que par le fond de leurrai-
fonnement ou par les circonftances de leurs récits, qu'il faut juger fi par ce terme ils
ont entendu parler de guérifons Miraculeufes, ou feulement de prodiges ou de preftiges.
Aulfi S. Auguftin qui a lui-même affez fouvent employé de cette façon le mot mi-
Uh. àtynW.raculum, a-t-il déclaré -à cette occafion , afin qu'on ne s'y méprenne pas, qu'il ,, ap-
".^f-V^S. 3> P^"^ ^^ ce noijî toutes les chofes qui paroifTent difficiles ou extraordinaires, & qui
,, palTcnt la pénétration ou la puiflTance de celui qui les admire: Miraculum voco quid'
tjHid ardupim ajn infoUtunt fupra fpem vcl facultatem mirantis apparet. Ainfi il eft donc
certain , que fous cette exprefTion il comprend quelquefois jufqu'aux moindres mer-
veilles,
vtll. Au reîle ce faint Dofteur ctoit fi éloigné de croire que le diable eût fait des gué-
ni'^n^S.'Au- '■''ons Miraculcufes , qii'il paroît être dans le doute, fi Dieu lui accorde même'h per-
guOin ne miffion de faire ,des prodigcs réels.
^ae""Ic- Il dit à' la vérité, que les démons peuvent fe transformer en Anges de lumière
fti°cc d"'"*' "^^'^ feulement pour forger de fauffes apparitions, former des phantômes, procurer
lifons injra- dcs fon^çs & faire d'autres preftiges femblables qui n'ont riert de réel.
mâij l'i'pa- r' reprociie aux Payens de raconter des chofes étonnantes , qu'ils attribuent à Apu-
roit même lée &^" Apollonius ; miti% fans pouvoir en produire aucun témoin digne de foi. Et à cette
douKfiDieu occafion '' Convient que ,, les démons font quelquefois des chofes qui ont de la ref-
lui accorde femblince à celles qu'opèrent ks SS. Anqes, mais qui ne font que des apparenc^es,
quelquefois ' • . , . , '/•■,, „ . i-L r - <\ 1 /
lipermiOion „ qui n Ont rien de véritable , &: que cen efl pas par k-icnce qu ils les exécutent , mais
prodi'cj''" »j psi" pure tromperie. " Quorum multa mira, nullo jidei auiiore , jaEUtant i eju.tmvis
rccis. (jr dœmones nannulU faciant jingelis Sanilis Jimilia , non veritate fid fptcie ^ non fapien-
^Epft. .Ci. , -j yj^ ^/_,^- ^,//^,cW.
De Unit. >> Loin d;ici (s'écric-t-il dans un autre endroit) ces fictions d'hommes menteurs
Eed. n. 49. ^^ ou CCS vains prodiges, qui ne font que des fourberies des Efprits malins": Rcmo-
veantur v(l figmenta mrn4.iciuf;) , vrl porienta fiditcium fpirituum.
i,ib. 9\. Lorsque des Mauriciens (dit-il encore) font des thofcs qui paroilTcnt femblables à
«lu^ft- '9. ',» ' û 11
qu. 0. 4, ».tiic>
'/DV SIST^SM^E DE Sé.2J)E. <RETH1>E'^M. 205
,, celks quç d^s S^nts font qûelquefos^, ik pe les , obèrent qu'en vaPparekce, DrsspRT.
„ quoiqu'elles frappent h v.ûe; mais (A éft aifé d'en fiiirela diftinftion) leiU: objet &surl'aut.
.,', leur pouvoir étant difitrens.". Ciim cxgo tdia, fa'citmt magi qmilia notinHn^uam 3'4«e- °^^"'"'*
ù facinnt ^ talia qttidem vijibiliter apparent, fed ex divrrfe fi/te.(3- .diverfo jnre faciunt.
En effet l'objet des Saints eft toujoui's de faire du iMen, temporel ou fpirituel: le
but au contraire des démons eft toujours de faire du mal. ;ie pouvoir des Saints eft
iàns bornes, puisque c'eft celui de Dieu même , celui des- démons eft renfermé dans
de très étroites limites. - :". jj ;.-.•■; ^; 1. . • ;:.i
Au refte il eft clair que dans ■oe'pai6ge il ri'^éft queftion que de prodif:^cs , & non pas
de Miracles proprement dits; car- ce n'eft que des prodiges dont on dit que les Saints
n'en font que c^uelciuefois, (jualia NONMUNau.'^M Sa>t8l faciunr. Les Miracles
proprement dits & finguliérement les guerifons Miraculeufes, font au contraire les Mer-
veilles ordinaii-es par lefquelles ils font éclatter la bonté & la fouverainô puiflance de
celui dont ils font les ferviteurs , les inftrumens & les miniftres. ' ; ,
Bien loin que S. Auguftin ait penfé que Dieu eût donné aux démons la puiffance
de faire des miracles , il paroit même révoquer en doute , fi les prodiges que fera l'An-
te-chrift auront quelque chofe de réel, quoiqu'il obferve en même tems , ,, que pour De civ. Dei
„ lors Satan fera délié, & qu'il ^lui fera permis de fe fervir de toute fa puiflance par Je g ''^- *°- "i?"
„ miniftére de l'Antechi'ift, d'une manière qui paroîtra merveilleufe, mais qui ne fera
,, que menfonge. Siir quoi i(continiue-*t-il) c'eft une queftion de favoir, fi les fignes
„ & les prodiges que fera l'Antechrift font appelles menteurs, parce qu'ils ne feront
,, quç des phantômes, dont il fe fervira pour tromper les fens, en forte qu'il paroiltra
j, faire ce qu'il ne fera point >; .ou, fi au contraii'e, ces prodiges quoique réels, font
,, appelles ainfî parce qu'ils induiront en erreur. " Tii»c e>iim folvetar fatanas , er fer
illum Antkhriftum , ht omni-fita virtutv Tnireé'ilite-f qindcm , fed menducker , operahitur.
Oho filet atnbigl tttrtim .preptersa dicta Jint figr.n ç^ prodigia mendacia , qtioniam mortaies
fotfiîs per phantasmata decepturuseji , Mt ^xod non fkcit facere videatur ; an quia, iUàip-
Ja^'etiam Jl vera prodigia ertiHt , ad meiadacium p£rtrahe»t. -u -; ' >-) . i -
S. Auguftin lailfe cette queftion indécife, comme ne l'ayant pas 'fiiffifarahienf appro-
fondie. AulTî n'a-t-il point traité à foad dans aucun endroit de fes ^Ecrits , ni tout ce
qui concerne les Miracles , ni ce qui regarde l'étendue du pouvoir naturel qu'on peut
•croire qu'a le démon, .ni tout ce qui. nous peut faire découvrir l'es bornes étroites,
dans lefqueUes il a plu à Dieu de le renfermer, fur-tout. depuis l'établiffement duChrif-
tianifmc. Mais le doute oîx il paroît être fi les prodiges de l?Antechrift auront quel-
que réalité, fuffit pour faire conncàlre qa'il h'arvoit . pas ime grande idée du pouvoir
naturel dii démon, & encore moiris de celui que Dieu hii permet d' exercer. • ■"'î
Cependant M. l'Evéque de Bethléem qui tire fes plus fortes preuves de l'incertitli-
de, fe fert de celle où ce faim Doâeur paroît à quelques égards fur l'étendue du pou-
voir naturel des démons,' pour tâcher d'infînuer qu'il n'y a prefque pas de moyens de
juger, fi des effets font fupérienrs à leur puiflance. C'eft en s'appuyant fur un fonde-
-ment fi ruineux,, qu'il fait un crime aux Appdlms d'avoir avancé, que ,, le_ démon peut iir. Le», p.
„: biai amufer les hommes par des preftiges & des illufions, fafciner les yeux, trans- ^^' ^^ ^^•
porter des corps d'un lieu à un autre . . . mais qu'il ne peut pas guérir des fourds
& muets de naiflance , des aveugles , des boiteux , des membres deffechés , des pa-
„ ralytiques, &c. comme il arrive au Tombeau de M. de Paris. " C'eft, félon lui,
vouloir en favoir plus que S. Auguftin'
,, J'admire, s'écrie-t-il, cette, étendue d'efprit & de lumière qui vou^ fait décou- ib;d. p i6.
„ vrir fûrement & décider fans . crainte , ce que les plus grands 'hommes n'ont' jamais
„ connu, & ce qu'ils/ont même cru impoflfible de connoître., fans un don particulier,
je veux dire quelles font les bornes du pouvoir du démon. // eji y dit S. Auguftin, ï-'I»- ?■ de
Trin. c, s.
J C C 2 ,j imfojji- „. ,s.
î>
204 SVITEDELA RrsVTATION
DissïRT. ^^ impojJîbU à l'homme de le [avoir, s'il n'a reçu ce don dont parle V Apôtre , quand il
«UR L'AUT. ^^^ . £j,,^ diflribtte k quelques-uns le don de difcerner les e/prits,
DES Ml». ^-^p^ ^^j^^ j^ Prélat, S. Auguftin dccids , qu'il eft impoflîble à l'homme de fa-
voir fi le démon peut ou ne peut pas guérir des fourds & muets de naiflance , des a-
veugles , des boiteux , des membres defTéchés , &c.
IX. Que dirale Lefteur fi le paiTage que cite ce Prélat, non feulement n'eft point pro-
df ^anig""" P''^ à donner une idée extrêmement étendue & prefque fans bornes du pouvoir naturel
de& Auguf-des démons, mais au contraire fi fon véritable objet eft de rabaifler l'idée exceffive d'u-
/,?f J^ljfl' ne puifTance illimitée, que quelques Théologiens ou prévenus ou peu attentifs & peu
r..m,&cok- profonds leur attribuent très indifcrettcment. C'efl: là néanmoins l'induction la plus
ue'fcnrno'n naturelle de ce paflage, puisque S. Auguftin y décide exprefTément , non que le pou-
^^V^'v^j" ^°''' ^^^ démons eft inconcevabkment grand, mais au contraire qu'il y a plufieurs cho-
^VtMétnf, fes que la nature des démons ne leur donne pas le pouvoir d'exécuter, quoiqu'elles
rjfie'"'NÔu- puitïent être produites par la vertu des caufes naturelles.
TcUiOe. Pour convaincre tout Ledeur judicieux , que telle eft en eifet la principale confé-
quence qu'on doit tirer de ce paflage, je n'ai befoin que de le rapporter en entier & de
le traduire exadement. Le voici.
Lib. ?. de Ouid pofjtnt per naturam , nec pojJJnt per prohibitionem , & quid per ipjtus naturt fuxcon-
Trin^. c. 9. clitig„ejf^ j^^icfyg non Jtnantur , homini explorare difficile efl , imm'o vero impoffihile , niji ptr
illuj donum Pei, quod Apoflolus commémorât diccns : Alii judicatiofpirituum. „ Il eft
„ difficile & même impoffible à l'homme, à moins qu'il n'ait reçu le don du difcerne-
ment des efprits dont parle l'Apôtre, de difcerner ce que les démons peuvent par
leur nature, ce que Dieu les empêche de faire, & ce que la condition même de
,, leur nature ne leur pei-met pas d'exécuter."
Qui ne 'voit que ce pafTage ne peut fervir qu'à confondre ceux qui fuppofent , ainfi
IiT. Utt. p. que M. l'Evcque de Bethléem, que les démons peuvent faire , quand Dieu le leur per-
met , tout ce qui peut être opéré par des moyens naturels ?
Mais pour le démontrer d'une manière invincible, il ne faut que dire un mot de ce
qui précède ce Texte de S. Auguftin qui eft tiré du III. Livre de la Trinité, où l'ob-
jet de ce célèbre Dofteur eft de prouver, que la qualité de Créateur eft un attribut
incommunicable qui ne peut appartenir qu'à Dieu feul : qi;e les démons ne peuvent
pas créer la moindre chofc , ni même rien faire contre les loix invariables que Dieu a
prefcrites à h nature , & qu'ils ne peuvent au contraire rien opérer de réel que par h
vertu des caufes fécondes.
C'eft après avoir établi tous ces grands principes, qu'il dit qu'il eft difficile ou mê-
me impofiible à l'homme , à moins qu'il n'ait reçu le don du difcernement des efprits ,
de diftinguer ce que les démons peuvent par leur nature &: que Dieu les empêche de
faire, de c: que leur nature même ne leur donne pas la puiflance d'exécuter.
Mais comment cette Propofition doit elle être entendue ? A quel objet doit-on| l'ap-
pliquer? Ce grand Dofteur de l'Eglife l'avance-t-il, pour détruire toutes celles qu'il
a prouvées précédemment? On ne peut le pcnfer fans lui faire injure. Elle ne veut
donc pas dire, qu'il eft impoffible de connoître f\ le démon eft ou n'cft pas un fécond
Créateur: s'il a ou s'il n'a pas le pouvoir de s'élever au deffus des loix invariables fui-
vint lefquelles la nature eft régie; s'il peut ou ne peut pas opérer quelque chofe de
réel, au deli de ce que la vertu des caufes naturelles eft capable de produire. Toutes
ces qiieftions font formellement décidées par S. Auguftin, &: tous les autres Pérès de
l'Eglife. Ainfi ce n'cft donc pas à cet é^ard , qu'il eft impoflîble à l'homme de favoir
jufqu'oii peut s'étendre le pouvoir naturel des dcmons.
A quoi donc s'applique véritablement le paffagc de S. Auguftin cité par M. de
Bethléem ?
C'eft
BV srSTESME DE M. DE BETHLE'EM. loj
C'eft que dans le nombre des effets renfermes dans les caufes fécondes, il y en a Dissert
que les de'mons font par leur nature capables d'exécuter, & d'autres que leiu- nature ,-,e ^""'-'*"'^
leur fournit pas la puilfance de faire. Or à cet égard il eft vrai qu'il eft très difficile ^^^ ''^"*'
ou même impoffible à l'homme de faire ce difcernement & cette diftindion , d'une ma-
nière exaâe , & précife fans avoir le don du difcernement des efprits.
Voilà précifément ce que fignifie le palfage en queftion; & ce feroit mettre S. Au-
guftin en contradiftion avec lui même , que de 1 li donner xm autre fens. Ainfi loin
que ce célèbre Père de l'Eglife ait prétendu dans ce paffage attribuer aux démons un
pouvoir immenfe & d'une étendue incompréhenfible , il a voulu tout au contraire ap-
prendre aux fidèles , que la nature même des démons ne leur permet pas de mettre en
œuvre tout ce que l:s caufes fécondes renferment de reflbrts. Il femble que ce faint Doc-
teur ait prévu que dans les derniers tems il s'éleveroit un multitude cie Conftitutionnai-
res & même quelques Dofte'irs Appellans, qui préférant leurs préventions à la gloire
de Dieu & au bien des fiiélcs , affeéleroient d'attribuer au démon un pouvoir qui palfe
toutes nos connoiflances , afin d'être en état de jetter un voile d'incertitude fur des
Miracles manifeftement Divins , lorsque leur Décifion ne s'accorderoit pas avec quel-
qu'un de leurs préjugés. C'eft pour les defabufer de l'idée exceffive d'un pouvoir
prefque fans bornes dont ils honorent la plus miférable de toutes les créatures , que S.
Auguftin leur obferve dans ce palfage, qu'au contraire il n'eft pas même véritable, que
les démons aient dans leur nature une puiflance illimitée de faire agir à leur gré tous
es moyens que peuvent fournir les caufes naturelles : que le Créateur ne leur a donné ce
pouvoH-, qu'avec mefure; & que s'il y a certaines chofs que leur nature les met à
portée de faire, il y en a beaucoup d'autres qui paffent la force que Dieu leur a d'a-
bord donnée, quoiqu'elles puiflent être opérées par la vertu des caufes fécondes. Ce
qui eft comme une fuite & comme la conclufion de ce que ce faint Dofteur avoit dé-
cidé plus haut, qu'il ne faut pjs s'imaginer, que l.s Anges rébelles puiflent fe fervir
à leur gré de la matière vifible, & qu'il n'y a que Dieu qui ait ce pouvoir. Non efi
fHtandum ijiis transgrejforibus Angelis ad nutum Jervire hanc vlfihilitim rerttm natpiram
fed fait Deo.
C'eft auffi ce que S. Thomis décide formellement. „ La matière corporelle (dit-ilj '-fi'art. qu.
„ n'obéit pas aux puiflances fpirituelles fuivant qu'elles le veulent : il n'y a que le feul âd ^2.^"" '*
„ Qi-éateur qui en dispofe comme il lui plaît. Materia corporalis non obedh [léflantU
fpirltuali ad nutHnt , nijt foli creatori.
. Il en eft à peu près de même des démons comme des hommes. Dieu a donné aux
âmes des hommes la faculté de fe fervir de leurs corps pour remuer jufqu'à certain de-
gré les autres corps qui les environnent. Mais cette faculté a d'étroites limites. Celui
qui fait tout ce qu'il veut a de même attribué aux démons , quoiqu'ils ne foient que
des fubftances fpirituelles, un certain pouvoir de mettre en mouvement les caufes fécon-
des ; mais ce pouvoir a des bornes. Et c'eft une erreur condamnée par S. Auguftin,
ainfi que par les autres Pérès de l'Eglife, de croire que les démons peuvent faire géné-
ralement tout ce qui peut s'opérer par la vertu des caufes naturelles. Ils ne peuvent rien
que jusqu'à la concurrence de l'étendue du degré de force que le Créateur a donné a
chacun d'eux : & comme cette faculté de remuer les êtres matériels jusqu'à certain
point, eft très limitée, c'eft fans doute pour cela, que lorfqu'ils veulent faire quelque
chofe de réel, ils s'attroupent ordinairement plufi;urs enfem.ble, pour le poiivoir exé-
cuter: ce dont on trouve des preuves jufques dans l'Evangile. M^t: V- 9.
J'ai dit k chacun d'eux. Car comme il y a entr'cux différens ordres, ou du moins
différentes clafles, il y a lieu de foupçonner, que les démons n'ont pas tous un po-.i-
voir égal: & par exemph, que Lucifer Prince des démons a bien plus de force pour
agir fur la matière , que n'en a un démon de la dernière claflè.
Ce 3 Maii
iê6 S VITE BELA R FF V T AT I ON
DissFRT. Mais ce pouvoir eft-il fcrien -grand ? Rirexemple le plus périr des démons a-t-il reçu
surl'aut.^ Dieu pins de puifTance de remuer les -êtres mite'riels qifim homme ne le peut fùi*e'*
DES MiR. jj^ ontians doute plus d'agilité', leur nature ctant toute -fpirituelle, & n'étant point re-
tenue par le poids d'un corps : mais à l'cgard de la force , il peut y avoir de grandes
difficultés; & c'eft piécifément par rapport à de femblables queftions de pure curioïr-
té, que S. Auguftin décide par le paflage ci-dcflus, qu'il eft difficile ou même im-
poffible à l'homme ds fixer au jufte, fans le don du difcernement des dprits , ce que
les démons peuvent ou ne peuvent pas par la condirion de leur nature» Mais en même
tems ce favant Dofteur nous avertit, que non feulement il y a plufieurs effets naturels
que les démons n'ont pas la force d'exécuter , mais même que Dieu les empêche fou-
vent de fe fervir du dégné de puilTance qu'il leur avoir d'abord donné: A^o» pos^
'fmt ftr prohibitionem. Tant il eft vrai cjue ce palTage bien loin de donner une idée très
grande du pouvoir du démon , le rcftraint au contraire dans des bornes fort étroites.
Elles le paroîtront encore bien davantage, fi l'on s'en rapporte à S. Antoine , celui de
tous les hommes qui a le plus vifiblement combattu contre les démons, & qui félon
Vie de s. An- "toute apparence avoir reçu die Dieu le don de ftvoir difierncr ces efprits de ténèbres ^ ainfi
toine.dup. qy.-j g{^ marqué dans fa Vie, écrite par S. Athanafe.
T.a^d. de M. „ Toutes leurs forces (dit-il) ont éré détruites par la mort de Jefus-Chrift.
d-And.
5)
ChTop.î,. j> S'ils avoient quelque puiflance (ajoute ce grand Maître de la vie fpirituelle) ils ne
ch. io.p.63! j^ vieridroient point en troupe : ils ne nous préfenteroient point des phantômes, &
,, ils ne fe trans'figureroient point, pour tâcher de nous tromper; mais leur pouvoir fe-
„ condant leur volonté , ils fe contenterotent de nous attaquer feuls. Car ceux qui ne
manquent pas de force, ne fe fervent point d'illufions, ni de bruits pour nous épou-
vanter; mais fans employer tous ces artifices, ils ufent foudain de leur puiflance pour
,, exécuter leurs defleins. Les démons au contraire, à caufe qu'ils ne peuvent rien,
„ font réduits à tacher de nous étonner par ces diverfes vifions.
P,g. j^. D'où il condud, que „ bien loin d'avoir de l'appréhcnfion (des démons) nous n'en
,, devons concevoir que du mépris. "
Ce n'eft pas ainfi que raifonne M. l'Evêque de Bethléem.
Mais ce qui me caufe la plus feufible douleur, c'eft de voirque l'AutSur des Nou-
velUs Ecclejtafli^ues , dans le defir de fe procurer par là' le moyen de bl-amer mon fécond
Tome (i. Edition) préfente dans fa Feuille du 21. Janvier 174a. le paflage en qnfftion
de S. Auguftin dans le même fens qu'avoir tait auparavant M. de Bethléem, c'eft à di-
re comme attribuant' au démon un pouvoir qui paffe toutes nos connoiflances.
Nouv F.£cl " ^^ principe, dit-M, eft très pfôfre à tentr les fidèles en garde contre l'illufion, an
du il', jinv! lieu que celui qu'on lui fubftitue, l'es livrera à la féduétion, dès qu'elle ne fera pas
•^*^'*"-'^ „ évidente & groffiére." ;■ ' .^ -■-,'}'
J'avoue que je n'ai pu lire cet artîcfe de'û Nouvelle fans verfer des .larmes Miîis'^
qui me les a fait répandre, n'eft pas la réfolution qu'il a prife de critiquer mon fécond
Tome à quelque prix que ce fôif. Je fuis perfuadé que malgié tous fes efforts. Celui
qui m'a mis au cœur de le faire, le rendra Utile par fa grâce à plufieurs de fes enfans :
je l'abandonne entièrement à fa Providence i je n'en veux tirer d'autre fruit que. celui
qu'il lui plaira de U'ii ^âït produire. ' Mais je ne puis voir fins nne peine exti-cmc que
cet intrépide Dcff.nfeur.de l'Appel, que j'aime & que j'honore, foumiffc lui-même
des armes aux pl.is grahds ennemis, de fa Caufe , pour fe donner la fatah fatisfaftion de
décrier l'Ouvrage d'un des moindres Cnfans de l'Appel, qui aprè^ avoir rccouvTc h
vie & reçu la lumière au pied du Tombeau du cckbrc Thaumaturge protedcur des
Appenans,ne cherche que la Vcritc ^ brftie du défir de fc ficrrfier potrr die,
Au rcfte le Mouvcllifte a cep;n.l:<fif raifdn de dire, tjii; ce paffage de S. Auguftin
cil uts propre à tenir les fidcles en garde contre l'illafiouj -mais c'eft dans un fens dia-
métrale-
DES MIR.
BV SISTESME DE M. DE BETHLEEM. 207.
métralement opppfé à celui qu'il préfente dans fa Nouvelle. Car bien loin que ce pas- Dissert:
fao-e exalte & relevé la puiflPance du démon jusqu'au point de jetter les fidèles dans u-^^^^'^^^'^"''-
ne" forte' d'incertitude par rapport à l'auteur des grandis Prodiges & des Miracles qu'ils
voient aujourd'hui, & jufqu'à Içur perfuader qu'ils ne doivent pas en tirer Içs
conféqijences qui en réfultent njanifeftement , qu'ils n'aient aupai-avant confulté MM.
les Théologiens Antifecpuriiles:, ainfi que le Nouyellifte l'inliniiej ce. palTage au con-
traire n'eft propre qu'à dinjinuer & réduire à fesjufbes bornes l'idée excelîive du pou-
vx)ir diabolique. Or cette idée trop vafle & trop étendue, eft une des pcincipales four-
ces de r///»/?o» que les fidèles ont aujourd'hui le plus à, craindre, .
La terrible fédudidn qui doit faire périr la plus grande partie des Catholiques, lorf-
que le Prophète Elietviendr:^ rétablir toutes chofes ,, , fera fii^gyjiérement caufée par la
trop grande opinion que le commun; des fidèles aura pour lors,, de la puiflance du dia-
ble. Ce fera, ce pernicieux, priȣi/)i? qui mettra ua bandeau fur les yeux de la plilparc
des Chrétiens , & qui leur fervira de prétexte pour méconnoître le Prophète malgré les
Mii-acles parlefqueJsDiepautoriferafaMifTion. Et n'eft-cepas dèsàprérent:àraidede cet-
te, fauffe fuppofitiQn^ qije.lqs, plus grands contradidcurs de laVefitè trouvent le moyen
d'obfcurcir la lumière qui fort du feindes Miracles que Dieu prodigue en faveur de l'Appel?
Nolis ne devons pas être étonné?, que ceux qui combattent ouvertement la Vérité,
tâchent de répandre ce nuage fur des Miracles qui les condamnent. Mais que des Ap-
pelons favorifent & appuient même de toutes leurs forces la plus féduifante hypothéft
de ceux qui. ne cherchent qu'à éluder ces Décifions Divines, c'eft ce qui nous pé-
néfre de h plus vive douleiu*. .! .: :
A l'égard de M. de Bethléem, le défir qui le poflede de rabaifler l'Autorité des m. de Beih-
Mir^cles de ce Siècle eft fi vif, qu'il l'a ébloui jufqu'au point de le faire tomber dans '«<=™ ^ ^'t
de, terribles méprifes. Choififlbns-en quelques exemples bien fi-appans. méprife?
. : J'en troi|ve deux tout de. fuite vers la fin de fa IX, Lettre, oii il ofe mettre en tî- fi^"^j/j""j-
tre marginal , que des Pérès ont cm même que les miracles fans les prophéties , ne feraient citations.
d' aucun poids pour prouver la Miffion du Sauveur. , . ■ , T^'oi"^'
Pour établir un paradoxe fi contraire aux paroles de, la 'Vérité Incarnée , il ne cite 4^3. Tit.
que deux palfages, l'un de TertuUien & l'autre de Ladance ; & il fe trompe étrange-
ment dans l'un & l'autre de ces deux partages.
, Dans celui qu'il rapporte. de Terttillien, il attribji^. à Jefus-Chrift Notre Seigneur ce
que TertuUien ne dit que dufaux-Chrift qui n'avoit d'erre.que dans les folles idées de
l'héréCarque Marcion, qui publioit que ce Chrift itoaginairç .étoit fils d'un Dieu plus
puiffant que le Créateur de la Terre & des Cieux, &. qu'il avoir pris un corps phan-
taftique, pour détruire la loi que le Dieu Créateur avoit, doijrjée aux Juifs.
/ TertuUien dit d'abord, à Marcion, qu'il „ n'ajoute aucune foi ni à fon Dieu ni à
,, fon Chrift, parceque (ce Dieu dé nouvelle édition n'avoit jamais été connu ni an-
„ nonce non plus que fon, Chrift) qu'un Dieu ne, doit pas refter inconnu, & qu'il
,, faut qu'un Chrift foit annoncé : " NecDeum nec Chriflum tuum credidi,quia^ Detts
ignotus ejfe non dçbuit, <^ Çhriflux agnofci debttit, ■ ,' . . ., ,^
Voici préfentement le partage que cite M. de Bethlébem pour établir la Propofitioij !!<■ Lett.
fcandaleufe que fans les Prophéties, les Aiiracles\de yefus-Chr\ji n auraient prouvé en -au- ^,8^.° ' ^*
cune manière fa Mijjïon (^ fa Divinité. i: >i:^' :
,, Vous prétendez, dit TertuUien à Marcion, qu'il n'étoit pas néceflaire (que votre ^''';.-- ^^"^
,, Dieu fit rendre, témoignage à fon fils avant fa yenue par des Prophètes) 'parce qu'il ""■'""•'•'••
„ fufiifoit que ce fils prouvât lui-même [par le témoignage des Mipcjes, qu'il étoit
„ l'Envoyé & le Chrift de Dieu. Mais moi. je vous xile^. que,, pout .^tteftei" un fait de
,, cette efpéce, ce feul témoignage fût fuffifant iATo»/;;//:, 'jn^n^Si^-ordo^eptfmçdi. !ie-
cejfarius , , quia fiât im fe cr filium , & mijftim^ .&. Dei Chrifitim ri_k»s- ipfs ejfct, prcb^itu-
loS SVITE DE LA RE'FVTATIOM
DusERT. »■«; , fer docHfnenta virtutum. At ego negtibo foUm hanc illi Jpeciem ad tefiimonium cont'
iVKL' AMT. pf t ii^e , ^uAm ipfe fofimodum exAuUoravit,
DIS MiR. j^i^ çj^gj pQ^jj. prouver qu'il y a un autre Dieu plus grand que le Créateur de l'U-
nivers , & que le fils de ce Dieu plus puifTant , eft venu dans le monde pour abolir la
Loi du Dieu Créateur, fuivant le Siftême extravagant que Marcion avoit imaginé, le
témoignage de prétendus miracles n'auroit alors aucune force, & il feroit indubitable
que CCS prétendus miracles ne feroicnt que des preftiges diaboliques.
Mais comme il eft évident qu'il ne s'agit dans le partage objecté par M. de Beth-
léem , que de réfuter une fuppofition abfolumcnt impoflîble & effroyablement impie ,
&: de foutuiir que des miracles ne feroicnt pas même capables de la faire croire j ce
partage qu'on ne doit appliquer qu'au faux-Chrift de Marcion ,• ne conclud rien du
tout contre l'AutoriteDivine des Miracles dejefus Chrift notre Sauveur & notre Dieu:
&• c'eft fans doute faute d'attention que M. de Bethléem a pris ainfi dans ce partage un
faux-Chrift pour le véritable.
La féconde méprife qu'il fait tout de fuite n'eft pas moins grortiére, puifqu'il attribue
à Lacftance , comme fon propre fentiment,le difcours d'un Idolâtre que cet Auteur com-
bat de toutes fes forces.
IX. Leit ,, Ladance , ajoute M. de Bethléem , dit aux Idolâtres : nous fommes bien plus fa-
'•'«°'-P-+-9- ,, ges de ne point croire que l'on foit Dieu dès qu'on fait des mincies, que vous qui
,, par des proiiges peu confidérables avez cru qu'Apollonius étoit un Dieu.
Laaant.lib. Tout au Contraire c'eft l'Idolâtre qui dit à Laftance qu„' Apollonius a été plus mo-
î; "'""'■'■ ,, dsfte & plus véridique que Jefus-Ckrift , puisque , quoiqu'il ait fait de plus gran-
„ des chofes , il ne s'eft jamais arrogé la qualité de Dieu ". Et c'eft quelques lignes
après cet impudent difcours, que cet Idolâtre ajoute la première phrafe que ^L de
Bethléem attribue à Laélance , & dont le Prélat retpnche les derniers mots, qu'il ne
c faut que rétablir pour faire entièrement difparoitre l'équivoque. Voici cate phrafe tou-
te entière telle quelle eft dans Laftance.
)bid, ,, Je n'obfeive pas feulement , dit l'Idolâtre , qu'Apollonius n'a point été reconnu
„ pour un Dieu, parce qu'il ne l'a pas voulu; mais je foutiens, que c'eft une preuve
„ que nous fommes bien plus fages de ne point croire que l'on foit Dieu, dès qu'on
,, a fait des chofes merveilleufes , que vous autres qui avez cru que Jefu<;-Chrift étoit
,, un Dieu à caufe de quelques petits prodiges qu'il a faits. Non , inquit , hoc dico,
idcirco Apollonium non hahri Deum cjuia nolnerit , fed ut apparent nos fapientiores ejfe qui
vtirabiliter faciis non ftatim fidem divinitatis adjunximus , tjuam vos qui oh exigua porten-
tA Deum eredidiftis.
Le mot, inquit (dit-il) qui eft dans le Texte de Laftance, & qui fe rapporte in-
conteftablement à l'Idolâtre, ne lairte fubfifter ici aucun doute. Ainfi la méprife de M.
Bethléem eft fi manifefte , qu'il n'eft pas concevable comment il a pu y tomber.
Il eft bien aifé de trouver des autorités qui difent tout ce qu'on veut, quand on fc
donne la licence, d'une part d'attribuer a Jefus-Chrift ce que l'Auteur qu'on cite n'a
dit que d'un faux-Chrift, & d'autre part de donner le dilcours d'un Payen pour celui
d'un Apclogifte de la Religion.
Je pourrois relever encore bien d'autres méprifcs, qui m'ont frappé en parcourant
les Lettres de ce Prélat ; mais il fauJroit pour cela les relire une fcconJc fois , & véri-
fier toutes fes citations dans les Auteurs. Or j'avoue que je n'en ai pas le courage.
XI. J'aime bien mieux pour me débfl'cr un peu, m'occuper prcfentcmcnt .^ dévoiler
pour' fe 'rfcf- n^^'^"""^"^ ^"^ tours dcfprit qu'il emploie pour fe fouftrairc aux autorités par les-
feiidi'comic quelles on prouve la fauflcté de ion Siftéme.
qj""iu"o'>. ^^n des moyens dont il fe fcrt le plus ordinairement , eft de tâcher d'éluder ces au-
iecti^niequ-torités en les interprétant à fi manière, & en niant que les Auteurs qu'on lui oppofe
a"nt'li'"c" Jicnt dit ce qu'ils ont le plus pofitivcment attefté. Par
BV SISTESME DE M. DE -BETHLEEM. 209
Par exemple , qui aurait jamais imagine que M. de Bethléem aurait rafTurance de Duseut.
nous dire, <:^ Arnohe enseigne tout ce cjh' il fontient fur h pouvoir des faux Dieux. ,, Car ^"x'- -^wt.
„ ( ajoute-t-il) leur ai-je attribué d'autre pouvoir en ce genre que celui de rendre la
„ fanté par des moyens & des remèdes naturels ? La feule différence d'Arnobe à moi, ^"s' formel-
„ c'eft qu'il ne dit point que l'application de ces remèdes ait été quelquefois fecrette, cmcf.ifome-
„ quoiqu'il ne le nie pas . . , Du refte il cofivient que c'eft le bruit commun, que XI. Lett.
„ -les faux Dieux ont guéri quelques malades. Vt fama eft ^nonnullts tribuere medicinam." ''"•'"'•P-JS?-
Quoi ! Arnobe ne nie pas dans l'endroit même cité par M. de Bethlém , que les
faux Dieux ni leurs Prêtres aient jamais guéri aucunes maladies par des remèdes invifi-
blcs, lorsqu'il dit que s'il eft vrai , comme on le publie, qu'ils aient rendu la fanté à
quelque malade , ce n'a été qu'en leur donnant des médecines ? TJt fama cfi , nonnullii
tribuere medicinam.
Je vous palTe que c'eft par le moyen des médecines & autres remèdes naturels que
les démons ont guéri des malades , répond le Prélat ; ainfi , ajoute-t-il , je ne fuis
point en contradidion avec Arnobe ; & je foutiens feulement que ces médecines ont
été, du moins quelquefois , fecrettement c'eft à dire invifibkment appliquées^ ce dont
Arnobe ne difconvient pas.
Mais eft-il bien vrai qu'Arnobe n'en difconvienne point , lorfqu'il ajoute à la fuite
de ce partage, que les faux-Dieux & leurs Prêtres ne favent guérir que de la même
manière dont le font les Médecins : Et medici etiam Jic curant ? Et lorsqu'il reproche '^rnob.iib.
aux Payens ,, qu'il eft bien peu digne de la majefté d'un Dieu, de ne pouvoir rétablir
„ la fanté par lui-même, & d'avoir befoin pour y réuftir d'employer le fecours d:s
„ chofes extérieures: Indecorum Deo ejl ^ non ïpftm per Je pojfe ^ fed externarum admini-
ctilis rerum fanitatem incalumitatemcjue pr^Jîare \
Ainlî félon Arnobe ces fjux Dieux & leurs Prêtres ne pouvoient donc guérir des
malades que par le moyen de remèdes extérieurs , & en s'en fervant a la façon des Mé-
decins ; 8c par conféquent ils ne les guériflbient point par des remèdes qu'on ne pût
appercevoir.
S'ils Vwoknt fait quelquefois , ces guérifons auroient paru Miraculeufes , & en ce """^-P-**'
cas comment Arnobe auroit-il ofe défier les Empereurs & routes les Puiflances du Pa-
ganisme de prouver, qu'aucun de leurs Dieux ni de leurs Prêtres ni de leurs Souverains
Pontifes eût guéri l'incommodité la plus légère, une petite enflure, un bouton, une peau
enlevée, en n'y employant que la parole & le toucher ? ,, La feule chofe, ajoute-t-il, Ibid.
„ que je défire que vous me difiez , c'eft fi aucun de vos Dieux ou de leurs Prêtres
„ a pu diffiper des maladies , en touchant les hommes , fans aucune jonètion des cho-
„ fes matérielles, c'eft à dire de quelque médicament: Illud folum audire dcfîdero , an
fine ullius adjunUione niateria , id eji medicaminis alicujus , ad ta£iitm morbos jujferit ab
hominibus a-jolare.
Si ces médicamens n'avoient pas toujours été vifibles , comment Arnobe auroit-il pu
prouver, que jamais les faux Dieux ni leurs Prêtres n'avoient guéri aucun malade que
par le fecours de remèdes matériels , & qu'ainfi ils n'avoient jamais fait aucune guéri-
fon qui eût la moindre apparence d'un Miracle ? Mais après qu'il a eu le courage de
le foutenir fi affirmativement & fi formellement à toutes les Puiffances Idolâtres, qui
étoient les Maîtres du monde, comment M. de Bethléem peut-il certifiera fes Lec-
teurs, qu'il n'enfeigne fur le pouvoir des faux Dieux que ce qu'Arnobe enfeigne lui-même ! XI.Lcit. ?.
Que le Prélat fe rende de bonne foi au Témoignage d'Arnobe , & qu il n'emploie ^ *'
plus fes talens à perfuader tout le contraire de ce que ce célèbre Apologifte, fi bien
au fait de tout ce qui ètoit arrivé d'extraordinaire dans les temples des Idoles, a attefté
à toute la Terre au péril de fa vie ; & nous bénirons Dieu de tout notre cœur d'avoir
opéré une fi merveilleufe Converfion , qui feroit fi èclattante & fi utile à l'Eglife.
Dijfert. Tom. H. Dd M.
2TO S VITE DE LA RrFVTATION
DissriîT. M. de Bethléem imracdiatenient. après avoir repondu aux paffages d'Atnobe de la
gwRL AUT.^jçpj^ qu'on vient de voir, le fert encore de la même méthode pour fe deffèadre contre
' ■ un paflage de S. Ambroife qu'on lui avoit objecté. Voici quel eft ce paflage.
S. Imb!' 5> Ce ne font pas les effets d'une puiffance humaine, mais c'eft un caradére reprc-
Coinm.in ^^ fentatif & un attribut diftm&if de la puiffance Divine, de faire fortir les aveugles
joa '' ,, d:s ténèbres d'une nuit continuelle , de guérir les bkffures de leurs yeux & d'y
,, faire pénétrer la lumière, de rendre l'ouïe à des fourds, de rétablir les membres des
„ eftropiés,& de rappeller l'ame des morts pour leur rendre la vie." Non humAtut ifta.
fed divina virtutis injignia funt , cncis perpétua noElis tenebras aperirc , defojforHtn anc octt-
Icrum vulnera infufà luce fanare , andimm in aurcs iujînitare furdorum , laxatis fiiifm
membra refermare cowfagibus , ;'« lucem cjuocjHe refufo vigore Vivendi revocare defimitos.
XI. Lttt. ,, Pour que mes Adverfaires, répond Ai. de Bethléem , pufTent fe fervir de S. Am-
Theoi. p. ^^ broife, il faudroit qu'il eût dit que le démon ne fauroit guérir aucun malade. L'a-
„t-ildit?"
Mais n'eft-ce pas lc<life & même très expreffément , que de donner pour principe ,
que les Miracles font les appanages particuliers de la Divinité.
Eu effet il n'y a que Dieu feul qui puiffe opérer des Miracles. Les hommes qui
vivent fur la terre, les Saints qui habitent dans le Ciel, & les Anges mêmes ne les
font point par leur puiffance : ils ne les obtiennent que par leurs prières. Or le démon
n'a point d'accès auprès de Dieu, ni auprès de l'humanité Sainte du Sauveur du mon-
de, pour en obtenir: &: l'Ecriture nous déclare, que Dieu n'exauce point les méchans;
En niant ainfi hardiment ce que les Auteurs difcnt , en leur faifant dire ce qu'ils ne
difent point, & en donnant pour leur fentiment les objeéiions qu'ils combattent , il
n'efl: pas difficile de deffendre un mauvais Siftéme, ni même de faire parade de plufieurs
autorités pour foutenir les plus fauffes Propofitions.
XI I. Mais voici une autre voie encore plus féduifante par laquelle M. de Bethléem con-
dcsLiïrcsa- duit fes Lecteurs dans 1 égarement.
P°'W'jj-^ Comme ce n'efl pas la vérité qu'il cherche, il va très foigneufement puifer dans
Bcihiecma toutcs les fourccs d'erreur. Ainiî s'il y a quelque Livre apocryphe, qui ait été mis
lund"partie autr^^fois par ignorance fous le nom de quelque Saint , quoiqu'il contienne plufieurs
des autorités Propofitions erronées , c'eft précifément où il va recueillir (es preuves: & il le cite
ur«toDd:. " comme un Ouvrage fort autorifé, quoiqu'il en fâche trop pour ignorer ce que les
meilleurs Théologiens en ont dit.
XILctt. p. Par exemple, il rapporte plufieurs paffages du Livre des Récognitions , attribué , dit-il ^
5io. Notes. ^ ^_ Clément P^pe. Mais ce Prél.it vcut-il donc ramener l'ignorance, pour faire triom-
pher l'erreur ? Ne fait-il pas qu'il a été démontré par d'habiles Critiques, que ce Li-
vre n'eft ni de S. Clément, ni d'aucun autre Saint, & qu'il y a tout lieu de croire
qu'il a été compofé par un certain Bardefancs, qui a été long-tems dans l'héréfie des
Val ntiniens ? Ainfi de quel poids peut-être le fentiment de cet hérétique par rapport
au pouvoir du diable ? Au fuiplus tout ce que portent les paffages que M. de Beth-
léem à recueillis dans ce Livre, fe réduit à dire que ,, les Dieux du Paganilme guéris-
,, foient les malades par les remèdes qu'ils indiquoient , beaucoup plus promptement &
,, plus parfaitement que les Médecins. "
Ibid. p. jxi. A cette autorité M. de Bethléem, joint celle d'un Ouvrage fauffement attribué à
S. Hyppolite. Mais il convient lui-même que plufieurs Théologiens regardent ce Li-
vre comme très fufpccl ; qu'il contient plufieurs chofes notoirement faufP s , entre au-
tres que l'Antechrift reffufcitera des moits, & que M. de Tillemont &• M. Dupin ont
prouvé que S. Hyppolite ncft point l'auteur de cet Ouvrnge. Or quelle confiance
peut-on prendre lans un Auteur inconnu" &■ affcz peu inftruit de la Religion , pour igno-
rer que ic$ morts ne peuvent ctrt rtffufcités que psr celui feul qui donne la \ ic ?
C'eft
3>-
I :
»
BV SISTÊSME DE M. 1>E BETHLE'ËM, Ht
C'eft cependant fur la feulî foi de ce Livre & ié celu.f des Rccognitiôns , que M, DrssEUT.
Bethléem s'e'crie d'un ton triomphant : Coiribien }es idées des Snints des premiers Siéctcs ^^'R^-'Aut,
fftr le pouvoir diaBolitjue , croient-elles éloignées des vôtres ? dit-il aux Appeilans qui font
pleins de refpeft pour les oeuvres de Dieu.
„ Prefquetous les grands hommes de l'Antiquité Idolâtre & Chrétienne , dit-il ail- ni. Lettp.
\^ Ufirs y nous apprennent que le démon peut opérer des gucrifons de malades. C'cft ''^'
donc en vous mauvaife foi ou ignorance & témérité , de donner le contraire poiur
une' maxime confiante, pour la doftrrne de tous les Pérès de rÈ[;lifr. "
.'Mais j'ai mis fous les yeux du Lefteur quantité de preuves invincibles, que les an-
ciens Pérès & les Apologiftes de la Religion ont forcé les Idolâtres mêmes de conve-
nir de la faufleté des prétendues guérifons miraculeufes faites par les f-^'ix-Dieux. Ainfi
la témérité, l'ignori-mce on la mauvaife foi font donc du côté de c:ux qui avec des Li-
vre? apocryphes, veulent aujourd'hui perfuader aux Chrétiens la réalité d:e ces faux
miracles.
M. de Bethléem rapporte enfuite un pafFage , qu'il dit être de S. Anaftafe P:.triarche XL Lctt ju.
d'Antioche. Mais comment ofe-t-il feindre d'ignorer,que le Livre inutile Oueftions,ùoï\x'-Ai
rire le paflage qu'il cite, n'efl point de S. Anaftafe , & que tous les Sâvans font d'ac-
cord, que c'eft l'Ouvrage d'un Auteur du XI. Siècle , de ce Siècle dTgnorance où
on publioit fans pudeur les fables les plus abfurdes ?. Aufiï en trouve-t-on dans ce Li-
vre qui ne font pas moins incroyables que les Mérarmorplofes d'Ovide : témoin ce
que dit cet Auteur dans la page même citée par M. de Bethléem, que ,, Simon le BibHoth.Pa-
„ Magicien changeoic les pierres en pains , qu'il prenoit la figure d'un ferpent , & fe p.'Zc"''
,,. transformoit en d'autres bêtes : qu'il avoir deux vif:ges , & qu'il fe convertiflbit en
,", or. Lapidibfts fanes ficiebat : ferpens ficb.tt , (^ in alias beftiets transformabatur : duas
„ habcbat ftcies ; in atintm convcrtebatiir.
Ett-il permis à un Evêque qui a de la fcience, d'adopter les fables & les faux prin-
cipes d'un tel Livre, & de s'en fervir pour combattre les Textes de l'Ecriture, le
{entiment des Pérès, la décifion des Conciles , & les Milacles que Dieu fait aujourd'hui
pour éclairer les cœurs fidèles.
Finiflbns cette difcuffion, en obfervant que ce Prélat cite encore avec grand refpeéb
en plufieurs endroits de fes Lettres Is Commentaire imparfait dé l'Evangile de S. Mat-
thieu, comme s'il ne favoit pas que les plus habiles Théologiens conviennent tous
que cet Ouvrage, bien loin d'être de S. Chryfoftôme, a. été fait par un Arien enga-
gé par fon erreur à décréditer les Miracles qui fervent de preuves à la Divinité de Je-
fus-Chrift & ceux que Dieu faifoit du tems de l'Arianifitie en faveur des Catholiques.
Helas ! Seigneur, l'Efprit de menfonge fait encore à préfent tous fes efforts pour
engager les Chrétiens à lui attribuer les Miracles que vous faites' en témoignage de k
Vérité? Mais vous ne permettrez pas que vos Elus y foient trompés , & qu'ils pren-
nent votre voix pour celle du diable.
Il ne me refte plus qu'à répondre à une objedion que M. l'Evêque de Bethléem xrrr.
répète fans cefTe, tant il la croit viftorieufe. C'éfl de dire: puifque le démon fait des Di^"»'»!-*
prodiges , pourquoi ne pourroitfil pas également opérer des guérifons miraculeufes? mette q.iei-
£fi-ce me opération plus difficile ? _ démon d"
La principale queflion n'eft pas de favoir fi le- démon pourroit trouver dans la natu- ^^"^''«.'pio-
re des moyens d'opérer des guérifons qui paroîtroient Mk-aculeufes , fi Dieu lui per- fo^ffrè pa" *
mettoit de le faire : mais de favoir, fî on peut raifonnablem:nt penfer que Dieu lui ac- ^^J'' "/"=
corde une telle permiffion , " après qu'il nous a déclaré en vingt endroits de l'Ecri- qui^piVois-"*
ture que les guérifons Miraculeufes font fa voix & fon témoignage, que c'eft lui feul [^^f-J^''''"'
qui guérir.
Dd a En-
I
m carj4cte'res des prodiges
Dissert. Encore une fois, c'eft à ce té.iioijiage qu'il a ordonne de reconaoitre fori Verbe,
surl'aut. lQj.fqu'il viendroit s'incarner dans le monde.
C'eft par ce témoignage qu'il a voulu perfuader aux hommes bs plus incompréhen-
fibles Myftéres , qu'il a fait embrafler la foi à un nombre innombrable de Juih & de
Payens , & que dans les plus grands troubles qui ont agite l'Eglil,: il a fait vifiblement
co noître de quel côte ctoit la Vérité.
Les guénlons Miraculeufes font un don perpétuel dont il a gratifié l'Eglife pour la
diftinguer des feâes par une faveur finguliére , dont le furnaturtl lût marqué au coin
de plufieurs de Tes principaux attributs. Elbs font en même tems uu éclat de fa gloi-
re, un effrt de fa Toute-puiflance & une émanation de fa Bonté. Ces admirables gué-
rifons font promifes à la foi : elles en font en même tems la preuve & la récompenfe.
J«q-v->ï„ ■ '
mum. Celt à la toi que lelus-danlt mame attribue planeurs ût^ 'guénlons AJiracu-
La prière pleine de foi fiuvera le malade (dit S. Jaques: ) Gratio fidà fdvaoit iitfir-
m. C'eft à la foi que Jefus-Chrift mame attribue plufieurs de'» '^uénfons Miracu-
Manh. IX. leufes qu'il a faites: Fides tua te filvam feàt. Et lorfqu'il y a quelque d'vifion dans
^cursausres" l'Eglife cUcs fout Un témoignage divin , fumaturel & vifible , qui fait difcerner aux
e»Jioii$. piuç fimples , qui font ceux qui ont confervé l'irtégrité de la foi , & qui n'ont point
abandonné la fainte févèrité àt la morale fantlifiuite de l'Evangile & de la Tradition.
Car c'eft precifément à ceux-là que Dieu a promis de confirmer leur loi & leur dodri-
Marc XVI. ne par des Miracles: Domino fermomm confirmAnte fequentibus Jîgyiis.
"■ Ainfi demander pourquoi Dieu ne pourroit pas psrmcttre au démon de faire des
guérifons qui paroilfent Miraculeufes , c'eft demin^^er pourquoi il ne veut pas que fa
voix foit confondue avec celle de Lucifer. C'eft demander , pourquoi les miracles
• étant le témoignage du Très-haut , il ne fera pas libre au démon de parler le même lan-
gage : pourquoi ces guérifons admirables étant la marque à laquelle on a dû reconnoî-
tre le Sauveur du monde, il ne fera pas permis à Sjtan d'en faire de pareilles pour fé-
duire : pourquoi ces bienfaits évidens étant le témoignage dont Dieu fe fert pour faire
connoître la Vérité , ils ne feront pas égalem.nt celui que pourra employer l'Efprit
pervers pour perfuader l'erreur : pourquoi ces œuvres d- la Bonté fuprême étant une
faveur diftinAive de la foi & de la Communion Catholique , ne feront pas en même
tems l'appanage des hérélles &: des faux dogmes inventés par le père du menfonge : en-
fin c'eft demander pourquoi ces Décifions émanées du Ciel , étant principalement faites
pour l'utilité de l'Eglife & pour y faire difcerner la Vérité, lorfqu'elle eft en contefta-
tion , ne feront pas fi bien imitées par l'Efprit de ténèbres , que les âmes les plus plei-
nes de foi & de confiance en Dieu ne pourront prefque point fe garantir d'un tel piège.
Au refte non feulement le Très-haut ne fouffre pas que le diable fafl'e des guérifons
qui femblent être des Miracles , mais même depuis que Jefus-Chrift eft venu détruire
l'empire du fort armé, il ne lui laiffe exécuter que des eflets conformes à fon état prè-
fent qui n'eft que foibleffe , & à fon caraâère qui n'eft que méchanceté &: qu'orgueil.
C'eft ce qui me refte à expliquer,
§. XI. Carafléres des prodiges (^ des prejliges diaboliques : cr conje^u-
res des 'Pères fur ceux que fera fAntechriJl.
IL eft certain que Dieu a quelquefois permis au démon de faire des prodiges réels,
mais le cas eft rare j & il eft ordinairement facile de les difcerner des prodiges
Divins.
Le Très-haut faifant lui-même des prodiges réels , il importe ]i fa gloire que fes œu-
vres ne foicnt pas facilement confondues avec celles du diable. Aufiî lorfquc des pro-
ûiges
ET DES PRESTIGES DI^BOLIOVES.
îij
n'y a aucun des caractères ni des circonftances qui dénotent qu'un prodige réel eft opé-
ré par l'Efprit persers, on doit en conclurre qu'il vie.it de Dieu.
M. l'Archevêque de Sens nous a fourni lui-même les trois principaux caraftéres '
qui découvrent q^e des prodiges font diaboliques.
On reconmit , dic-il , les opérations des Efprus malins aux caraEléres fuivans : i U inft. Paft.
foibUjfe: I. U malignité: 3. la vanité. ' p°^j[""""
C'eft un principe inconteftable, que le démon ne peut rien faire que par la vertu '•
des moyens qui font dans la nature : ainlî tout prodige véritablement & abfolument fur- reVirdude"-*
naturel , c'eft à dire qui ne peut s'exécuter qu'en s'élevant au delTus des loix invaria- "'°" ?""'"'
blcs fuivant lefquelles la nature eft régie, ne peut être que l'ouvrage du Tout-puiffant. )our?d«°'*"
C'eft ce que S. Thomas d'après les Pérès de l'Eglife, décide de la manière la plus iîbYTde ri"
pofitive & la plus formelle. Il donne même le furnaturel abfolu des prodiges pour le foibicQe &
premier des caradéres qui diftingue éminemment auK qui viennent de Dieu, de ceux pumânc"."
qui font fabriqués par les Efprits impofteurs. „ On les reconnoit , dit-il ^ première- ..\" ^•S<:nt.
j, ment par l'efficace de la puilTance de celui qui les opère: car ceux qui partent de la i.'z. '' '^''^"
„ puiflance Divine prod âfent fouvent des effets où la vertu entière de la nature ne peut
„ en aucune façon s'étendre .... ce que les démons ne fauroient faire réellement &
„ véritablement , mais feulement des preftiges qui ne peuvent long-tems durer. " Pri-
mo ex ejjicacià virtHtis opérant is , qttia Jij^na virttue divinà fiant etiam ad cju^b virtus ac-
tiva natura fe niillo modo extendit . . . qudt dimones fecundum veritatem facere non pos-
fttnt , fed in pr<tjiigiis tantum quit din durare non posant.
Dans un autre de fes Ouvrages ce célèbre Docteur dit encore que „ fî quelquefois summ.i.
„ tes démons paroifTent faire des chofes fcpèrieures à la vertu des caufes naturelles, ce ait.4?mc!'^
„ ne font point des chofes réelles , mais feulement une faufle apparence." Et fi aliquando
alicjfiid taie (qi4X non pojfunt virtnte nat!tr<e fieri) opérât ione damonam fieri credatnr . hoc
non e(l fecttndnm veritatem fed fecHndnm apparentiara tantum,
Claude d'Aufchi dans le bel Ouvrage qu'il a fait pour réfuter l'Ecrit de l'hérèti- Scumm B.
que Agricole, qui en comparant aux prodiges que feront les faux-Prophètes , les Mi- a'dA'"^rko?"
racles & les Prodiges que Dieu opère dans l'Eglife Catholique , s'efForçoit d'en ètcin- pp-iîo.sc'
dre l'Autorité ; cite un paflage de S. Irènée qui convient parfaitement à ceux de S.
Thomas que je viens de rapporter.
„ Lesfîgnes, dit-il, que nous accordons que feront les faux-Prophetes feront pa-
„ reils à ceux qu'on attribue à Protèe, à Xénophon , &c. qui ne confiftoient qu'à re-
„ muer & qu'à troubler l'imagination des fpeèlateurs en plalîcurs manières. C'eft par
„ de pareilles tromperies que les démons contrefont la puiflance & la doftrins des
,, Prophètes (véritables:) ce qui fait dire à S. Irènée , Liv. 2. Chap. 57. (que les
„ démons) tachent à force de fraudes de fèduire les infenfés ... en trompant leurs
,, yeux , & en leur faifant voir des phantômes qui difparoilTent en un inftant. "
Pfeudo-prophetis figna concednnus qualia Proieo , Xenophonti , cj-c. qni mukimodis fpec-
tantium mentes emovebant aut tttrbabant , qualia damoni , chjus interventtt illi Propbeta-
rUm vires er/ientiuHtttr & dollrinam , Ircnans , L'b. 2. cap. 57. Traudulenter fedaccrt
nituntur infenfiatos , oados delu-ientes Qr phadtafmatu ojfendentes fiatim cejfantia.
Enfin 1; Ledeur vi'-nt de voir qu'il eft prouvé par le pafTage même de S. Augus-
tin (que M. de Betalèem & le Nouvellifte avoient employé pour relever à 1 excès
le pouvoir du diable,) que ce malheureux Efprit pervers ne peut pas même par fou
pouvoir naturel mettre en œuvre tous les effets que les caufes fécondes font capables de
produire.
Dd 3 Cha-
III.
214 CARACTrRTS DES PRODIGES
Dis->EnT. Chaque démon ne peut faire ufage que èa ponvoir limité qu*il tient de Diew ," &ces-
svrl'avjt. ^pQj^3t5 paroiflcnt même avoir perdu par leur révolte une partie du poM-oir primi-
BEs MiR. ^if-qu',1, avoient reçu lors de leur création, ainli que les facultés naturelles dts hommes
ont été diminuées & altérées par le premier péché d'Adam.
SGteg.hom. Car les réres nous enfeignent , que les démons font afTervis fous h puiffince des
V.'aI'^\-v SS. Anges; & on lit formellement dans l'Evangile, qu'ils ne peuvent même faire au-
deTiui.e4 ^^^^ cxcrcicc de leur pouvoir naturel , pas feulement pour entrer dans le corps d'une
Viïi.s*""' bête, à moins qu'ils n'en reçoivent la permiffion de Dieu.
Si on joint à ces Vérités , celle que nous apprend encore le Nouveau Tefbment,
1 Jean. III. que c'cft pour détruire Us œuvres du diable <^ue le Fils de Dieu ejl venu dans le monde :
XIU9 Hcb.qu'»/ *î /'Vcff/*""^ <<>■'»/.• c\\xtfAr fi mort . .fur li Croix ..Ha détruit fon empire ,
11.14. &t;o). ^ nous a délivrés de la puiJJMce des ténèbres ; on prendra une idée du pouvoir dont le
"■ '^' démon depuis cette célèbre époque a feulement k liberté de faire ufage , bien diffé-
rente de celle que veulent nous donner les Théologiens Antifecouriftes , auffi bien que
hs Moliniftes , les Conftitutionnaires & les Confultans.
En effet une chofe bien remarquable , efl: qucli Religion n'a pas été plutôt établie dans
le monde, que tous les Oracles des faux-Dieux ont ceifé: qu'on n'a plus vu que très
peu de prodiges réels opérés par l'Efprit de menfonge, & que ces prodiges ont presque
toujours porté des marques évidentes delafoibleflc& de l'impuilfance où ce malheureux
efclave eft à préfent ré.!uit.
Cependant fa foibhfTe extrême n'a point abbatii fon orgueil. Il continue toujours de-
chercher les moyens d'en impofer aux hommes qu'il a féduits &■ de paroître grand \
leurs yeux. Mais plus il tâche de fe relever, plus le Très-haut fe phit à h rabaiffer,
& à le confondre dans tous fes projets. Ce qui fait dire à S. Auguflin , que fi Dieu
permet quelquefois aux démons de faire quelque prodige qui paroiffe merveilleux , ce
n'eft que pour les couvrir d'une confufion encore plus grande, en détruifant leurs pro-
diges par des Merveilles bien plus admirables. Adhttc- facere qu<tdam mira permijji , ut
Uib.iceivit. mirabilius vincerentur.
^"" Par exemple , lorfque Dieu a donné la liberté h Satan de renverfer pendant quelque
tems refprit des Samaritains par les preftiges de Simon le Magicien, ce n'a été qu'afin
que ces Samaritains méprifnflent ces vains preftiges , dès qu'ils verroient les œuvres fans
comparaifon plus Merveilleufes que fit S. Philippe au nom de Jefus-Chrift. Et s'il a ac-
cordé enfuite à cet Efpnt impofteur h permilTion d'enlever en l'air ce Magicien, ce
n'a été qu'afin que ce malheureux miniftre de l'Ange de ténèbres fût confondu, fût
précipité, & fe bridt contre terre, dès que S. Pierre en pria le Tout-puiffant.
II. ■ Mais quoique Iv démon fe trouve très fouvent confondu dans fes pernicieux dcs«-'
d'bTufs' feins la vanité qui le ronge , & le dcfir qui le brûle de nuire aux hommes , lui font
lonnouiouis employer tous fes efforts à contenter ces deux paffions , dès qu'il en a la permilTion;
Sc'pulc'c°s- & c'cft toujours au coin de l'un ou l'autre de ces deux vices , que toutes fes oeuvres
tcDution. font marquées.
Auflî le fécond des cnra<îléres par lefquels S. Thomas nous apprend qu'on difcemc
tnanifcflemcnt les merveilles Divines des faufles merveilles des démons , eft que les pre-
mières „ font utiles aux homn^s , telles que les guérifons d?s maladies c\- autres Mer-
„ veilhi femblables, au lien que celles qui font l'ouvrage des Efprits de menfonge ne
Ini.Sent. „ ioM que nuifibles ou de pure oftentation. " Secundo e.v utilitate Jîgnorum , quia ftvnn
dift. 7.qu- %■ ^f ijg^os fa^a, fnnt de rcbtss iitilibus , ut in curât ione infirma atum & httjusmodi : jî^na
*"** AUtem fer malos fa£U , funt in rébus nocivis vel v.inis . . . CT ittijîgna per bonos faHm
manifelle poffunt difierni ah bis ejue virtuie d^ruonum funt,
S. Bonav. Ccft pifcillcment ce que nous enfcigne S. IJonaventure. ,, Les pmdiges Divins ,
HiV' Qy'i. » <'"'''> différent aufli de ceux des démons par leurs effets , en ce que les œuvres do
' ■^' ' ' „ cette
ET DES P RESTI 6 E S D I A B 0 L I OJV E S. 215
„ cette forte que font les démons, font viles & inutiles; au Jieu que les Miracles Di- D'ssîrt.
„ vins font fort néceflaii-es & très utiles." Dijferunt etiam ex parte f^iEli , quia d<e-^^^^ ^''^'^•
}»0Hcs faciutu ejufmodi vilia, ^ wHtilia : miracula vero divina funt valde neccjfaria
(j- utilia.
Qui auroit jamais penfé que M. de Bethléem pourroit trouver le fecret de tourner
ce pafla^e de façon, qu'il en tireroit avantage en faveur de fon Siftême ?
Pour venir à bout d'une entreprife fi difficile , voici quelle eft la tradudion qu'il
en fait dans fa II. Lettre.
„ Les miracles de Dieu & ceux des démons différent en eux-mêmes (il auroit dû J-J- '"^"•
',, mettre far leurs effets) en ce que les démons en font de vils (fr d'inmiles (au lieu de p. 14."
dire conformément au Texte & à la penfée de S. Bonaventure , que ceux des démons
font vils & inutiles , puisque c'eft la différence que ce Saint établit pour difccrner les
prodiges Divins de ceux de l'Enfer:) „ & que Dieu (ajoute M. dé Bethléem) n'en
„ fait que de très néceffaires , ou de fort utiles."
Au refle ce n'eft pas fans deffein que ce Prélat a fait cette trsdudion peu exade : il
a bien fu en profiter dons fa III, Lettre.
„ Je fai, y dit-il, & je l'ai remarqué dans ma IL Lettre d'après S. Bonaventure l'^-^ett.
„ que les démons opèrent foffvem des prodiges vils & inutiles ; mais , (ajoute-t-il)
„ n'en opérent-ils jamais d'autres ? Je fai encore , (continue-t-il) que Dieu n'en fait
„ que de nécefTaires on de fort utiles . . . Mais eft-ce aflez d'y apercevoir de l'utilité
„ pour y révérer fa main? C'eft (nous reproche-t-il) ce que vous vous êtes imaginé.
„ Le démon ne fauroit, félon vous, rétablir des malades en fanté , &: c'eft un genre
„ de Miracles que Dieu feul opère. Répondez donc , & dites moi pourquoi le démoa
„ ne pourra pas guérir des malades. "
Ce fera S. Jean Chryfoftome qui lui répondra pour nous ; & qui lui foutient que S.Chryfoff.
„ ceux qui difent que le diable peut guérir des maladies , combattent la parole de judi^'* ^'
„ Dieu : Ifli vero dicant {diabolus) poteji levare morbgs , nt^Hirum répugnantes fentemitt
„ divine ; (qu'au contraire) les démons ne favent que dreîTer des embûches & nui-
j, re aux hommes , & non pas les guérir : D^tmones injtdiari feiant c^ nocere , non Id.l. i.adr.
„ mederi." Jud.n.7.
Ce fera S. Irénéè, qui attefte que les démons ne font par les plus grands Magiciens „que s.lrén.1.2;
„ des illufions, & ne peuvent guérir ni les malades , ni les boiteux, ni les paralyti-*^' ^ °'^"^*
„ ques, ni ceux qui ont une incommodité réelle dans quelque partie de leur corps que
„ ce foit : " ^ Neqne in verkate . . fed per maçicas illmdnes . » ; nec enim poffunt * Ci-devant
, . . . demies am claHaos atit paraijttcos curare y vel alla quadutm parte corports vcxatos. 119.
Ce fera Laftance , qui avance comme un principe inconteftable, que „ les démons Laftant. 1.2.
„ ne peuvent faire rien autre chofe que nuire : Nihil alittd poffttm qttam nocere. cH.p.ng.
Ce fera S. Bernardin de Sienne , qui donne pour une maxime fondamentale de la s Ucmaj^in.
foi, fîdci firmitas , que „ toutes les guérifons miraculeuses ne peuvent fe faire que parScrm.l.
la puiCfance Divine, & qu'elles font divers témoignages de Dieu: Oua omnia nijt vir- "'"■ '^' '
tHte divinà, fieri popint ... ér varia Dei tefiimonia funt.
Ce fera le vénérable Pierre Alphonfe qui pofe pour réele luiiverfelle &:fans excep- „ ,, , ,-
tion, que „ 1 milite des œuvres eit une preuve claire, certaine, indubitable, quetraa.adv.
„ Dieu en eft l'^.utenr; & que cette preuve fuffit pour manifefter aux moins attentifs, ^"^^^i^^T*
fi des merveilles viennent de Dieu, ou Ç\ elles n'en viennent point. Car, (ajoute- p. »oio-
t-il) tout ce que Dieu frit fur la Terre d'oeuvres de ce genre, eft utile au falut des
hommes : & tout ce que Satan fait de tel , ne fért qu'à fatisfaire fa vanité curieufe
(d'exciter l'admiration), Ainfi l'utilité des hommes eft un caraftére diftinélif qui
fiîit difcerner les Miracles Divins des prodiges diaboliques; pnrcie que les prodiges
du démon ne produifent jamais aticiHibiai. " Cfara, c^rfa^ inétbra ope-mnt probdtià
efl
ii<S CARACTE'RES DES PRODIGES
mentis divina mirACuU utiliras humana , quia femper VACua fur» prodigia diaboli
Ibid.iP ion. „ Y a-t-il jamiis eil quelque malade (s'ccrie ce grand Théologien) qui ait été guéri
,, parles fraudes de Satan &par fes enchantemens trompeurs? Y a-t-il quelque miférable
„ qui ait reiju du foulagement par de tels remèdes? " Ojtis enim ager ijtis fatMna fallaciis
fallcHtibuf^ue figmcntis uncjM.im curât us tji? Cm mifero taiibus remedns fubventum ejl ?
„ Le démon (ajoute-t-il,) n'a ni puifTance ni volonté par rapport à ces fortes de
„ chofes. Car il n'a jamais eu aucune volonté de faire du bien aux hommes , & il n'a
„ jamais eu aucune puilTance de réparer ce qui eft brifé, ni de guérir ce qui eft cor-
„ rompu." Dcfecit circa. ifta oimninù dtmonica pote»tia pariter c^ volnntas : quia nec
vclle unquam eis adfuit , mortalihus confulcndi , nec potejias aliqua fra^a reparandi , vcl
corrupta medendi.
ifcid.p.ioio. AuOTi ce favant Théologien donne-t-il pour maxime, que „ bs prodiges de la ma-
„ gie font toujours faux & trompeurs : qu'ils ne préfentent rien de vrai : qu'Us ne
„ produifent rien de réel, & qu'Us ne font qu'abufer les fens" . AUgica prodigia fem-
per falfa funt cr fallentia , nihil verum exhibent : nihil folidum prxjïant : fallunt fenfus
humanos.
Ibid. „ La paiffance migique (dit-il encore) n'eft propre qu'à préfenter des phantômes
„ aux yeux des hommes ... & à faire paroître de faux fimuhcres pour tromper les
„ imbéciles: PhantAsmata magica potentia humanis vijtbus reprxfentat ... falft fimula-
cra ad Jiultos hommes decipiendos. „ Le pe.i de durée de tous ces phantômes fuffit
„ pour faire connoître le vuide & le néant de pareils preftiges; car fitôt qu'ils ont pa-
• .. ru un moment, ils fe dilîipent, ils s'évanouiflent, ïh s'évaporent comme un nuage,
ou comme une fumée : & leur ceifation fubite eft une démo iftration fenlîble qu'Us
n'étoient rien dans le tems même qu'on les voyoit. Prodit vanitatem talium praftigio-
rum , inconfiamia phantafmatum confitiorum , qui jlatim ut apparent , more nebuU vel
fumi, recept fugaci protinus evanefcunt , er qu'trn mhil, etiam dum viderentur , ejfent ,
oculis fuhito fubjlracla demonjirant.
IbiJp.ioii. D'oîi il conclud, que „ tout cela n'eft bon qu'à amufer la populace, & qu'à re-
„ paître l.'S yeux des infenfés:" Nijî populari rifui talia apta funt : quid nift flultorum
oculos pafcunt,
Ainfi voilà donc, félon hs Pcres & de très célèbres Théologiens, à quoi aboutif-
fent tous les prodiges de l'Enfer : à nuire aux hommes , à tromper les fens , à forger
des phantômes , à fatisfaire la méchanceté ou la vanité du diable.
Au lieu qu'au contraire les Prodiges & les Miracles Divins font ordinairement bien-
faifans de toutes façons & pour les âmes & pour les corps. Audi eft-ce le caradcre
Aft.X. 5I. diftindif que le S. Efprit donne aux Merveilles que faifoit le Sauveur: Oui pertranjîit
bentfaciendo (j fanando infirmos. C'eft pareillement V: caraftcre de cette multitude de
Miracles & de Prodiges que Jefus-Chrift fait du haut de fa gloire en faveur des Ap-
pellans, tant pour mai.ifefter à l'Eglife que leur Appel eft approuvé dans les Cieux ,
que pour leur rendre plus fcnfibles pluficurs Vérités auxquelles ils ont intérêt de faire
une finguliére attention, & pour leur prédire & leur peindre de grands évenemens aux-
quels ils doivent fe préparer: Miracles & Prodiges qui éclairent les elprits en même
tems qu'Us guénflent les corps: Merveilles 'évidemment Divines, dont la vue a forti-
fié la foi , la confiance & le courage d'un très grand nombre de fidèles , & a converti
une multitude dincrédules & de pécheurs.
C'eft ce qui a fi fort animé le diable contre l'oeuvre des Convulfions. Mais tous
fcs eiforts font inutiles, quand U entreprend de détruire des csuvres de Dieu, ou de
les
ET DES PRESTIGES DIABOLJOVES. 217
les faire confondre avec les fiennes. Celui dont la bonté eft infinie éclaire lui-même Dissert.
les cœurs fidèles, & ne fouffre pas qu'ils s'y méprennent, pouivû qu'ils foient bien ^"" ^'^"'^•
humbles, &: qu'ils aient fouvent recours à la prière; & bien loin que les perfécutions °^^ '*'
de toutes les fortes, que le Prince du monde charnel excite contre les inftrumens qu'il
plaît au Trèsrhaut d'employer, empêchent l'exécution des dcfleins du Père des mifé-
ricordes , tout au contraire elles proauifent l'effet très falutaire d'augmenta? de plus en
plus les mérites de la plupart des perlccutés.
Au furplus fi Dieu a quelquefois permis aux démons de faire des prodiges qui nous
étonnent & qui frappent l'imagination, ces prodiges trompeurs font toujours très diffé-
rens même par leur nature, aulfi-bien que par leurs caraétéres & leurs effets, des pro-
diges réellement furnaturels opérés par la Toute-puiffance Divine. Ceux des démons ne
font à proprement parler que des tours de Charlatan, qui ne nous paroiffent admira-
bles que parce que nous n'appercevoiis pas les moyens naturels que ces fubtils impof-
teurs emploient pour les exécuter. Si nous voyions diftinftement ces moyens, tous ces
prodiges diaboliques cefleroient de nous furprendre. Ainfi il efl: vrai de dire , que le
merveilleux de leurs plus grands prodiges confifte bien plus dans l'ignorance de celui
qui les admire, que dans la puiffance de celui qui les opère.
Au refte ce n'eil: pas uniquement par la nature & les autres qualités intrinfèques des Iii.
prodiges qu'on peut diflinguer leur auteur. Il eft bien vrai que lorsqu'un prodige *^""f''jr"
palfe abfoUiment & évidemment la vertu de toutes les caufes fécondes, il n'en faut pas qui ta.taïie-
dâvantage pour décider fùrement que Dieu feul a pu l'opérer: mais dans tous les pro- "oAe'îer"'
diges qu'il fait , fa Toute-puiffince n'eft pas toujours marquée à des traits aflez frappans, p;t'-.'j:csdu
pour que par cela feul nous reconnoillions toujours fa main avec une pleine certitude; &
lorfque cette évidence manque , c'eft par les autres caraéléres de ces prodiges , par
leurs circonftances , par kur objet & par les effets qu'ils ont produit, qu'il faut fe
déterminer.
. On peut appliquer exaftement aux Prodiges es que M. l'Evêque de Bethléem dit
très improprement des Miracles, que le difcememetit de ceux qui viennent de Dieu
d'avec ceux qu'opèrent les démons, peut fe faire fonvent en conjidérant leur nature , fins
fouvent en examinant leurs circo::jîaiices cr leurs caraiîéres , toujours en faifant attention
k leur fin (f)" a leurs effets.
Il y a d'abord une grande différence à faire entre les prodiges qui éclattent dans le
fein del'Eglife & ceux qui paroiffent hors de fon enceinte.
, Les prodiges qui arrivent dans l'étendue de l'Empire de Jefus-Chrift oîi il a promis
de rendre de tems en tems fi préfence fenfibl#, & qui s'opèrent fur &: par des Catholi-
ques, à la fuite de prières adreffèes à Dieu, font cenfés être des effets de fa puiflance
& de fa bonté, & doivent lui être attribués, dès qu'ils ne font pas faits pour autorifer
des maximes notoirement contraires à celles de l'Evangile & de la Tradition. Mais
s'il arrivoit qu'un prodige s'opèrit par le miniftére d'hérétiques, de Juifs, de Maho-
métans, d'Idolâtres, ce prodige feroit très fufpect : généralement parlant, il y auroit
tout lieu de croire, que le démon en feroit l'auteur; & il le feroit inconteftablement ,
fi ce prodige étoit fut pour autorifer l.urs erreurs , ou obtenu par quelque fortilège.
C'eft cette dernière circonftance , c'eft à dire celle du fortilège , qui caradérife le plus
ordinairem.ent les prodiges diabolique?. C'eft auflî une des plus décifives , des plusvi-
fibles & des plus à h portée des fimples.
Sur quoi il eft bien remarquable, que Dieu n'accorde prefque jamais au démon h
permilTîon de faire des prodiqes réels qu'a l'égard & par le minift'ère de peribnnes qui
font notoirement fous la puiffance de cetElprit d'erreur, au nombre defquds font fingu-
Jiér:ment ceux qui vivant dans la Religion CatTioIique, mais étant encore plus crimiiuis
Dijfert. Tbm. II. Ee que
a^v. hx:cl.
e- S
2i8 CAR^CTL'RES DES PRODIGES
DijsERT.qiie des Idolâtres, ont r.cours à cet Lfpnt pervers par d.s pactes, des fortilcjes, &
'"*'■ *"'^' autres fiiperftitions & opcrations magique*.
Voilà quels font ceux qui méritent le plus d'être livrés à la féduftion des prodi-
ges de Satan , & ce u'eil ordinairement que far ces perfo.uies que cet impoftcur
en opère.
S.lrfn.l,. 1 ,, Les prodiges diaboliques, dit S. Ircnèe^ fe font fur ceux qui invoquent les dé-
„ mous par des enchantcmens &: autres moyens fuperftitievx qu'une cu''iofitc perverfe
,, fait employer. " InvocatiemlfHs an/elicis , wcantationibtts ^ aligna prav.i curiojîtare.
Un moj'cn fi fimple & i\ facile de difcerner les prodiges réels de Satan , ne fera du
goiit d'aucim de ceux qui combattent aujourd'hui les œuvres de Dieu, & qui s'ef-
forcent de les faire prendre pour des artifices de l'Efprit pervers; & peut-être que ce
moyen fera contredit par les Théologiens Antifecouriftes, avec non moi.is de chaleur
que par les ConAi'utionnaires. ^
Pour tacher de leur fermer la bouche oppofons leur des Auteurs de leur pa'^ti. M.
a.Pjrt dui. h Gros foutient aulTi bien que S. Irénce , que Dieu ne permet pas cjue le démon opère
mii?n."'ij" ^'•^ prodiges, autrement que p^r la m.%gie (j- autres moyens [upcrfliiieux ^ afin que Us
Elus ne foient pas entraînés dans l'erreur.
T.Lctt. p. M, Poncet, quoiqu'aujourd'hui fi oppofc aux grands Secours , a néanmoins donné
* ■ lui-même pour principe , qu; le démon ne fait des prodiges qu'en faveur de ceux qui
l'invoquent , qui s'adrejfent a lui , qui ont commerce avec lui .... C7* qu'en vertu d'un
paSle exprès ou tacite fait avec lui , & en conféquence de maléfices , de forts , de pratiques
fuperfliticufes.
S'il eft vrai que Dieu ne permet pas au démon de faire aucun prodige réel à moins
qu'o.i n'ait recours à lui par les noirs enchantemens de la magie, par les fortiléges &
autres abominables fupcrftitions , quelle grande difficulté y a-t-il à difcerner les mer-
veilles Divines des prodiges de l'Efprit importent?
MM. hs Théologiens Antifecouriftes ne voudront pas apparemment en dédire M.
k ('Tos &: M. Poncet: ce feroit mettre la divifion dans leur parti.
Mais dira-t-on , cette circonftance décifive refte quelquefois cachée dans le fond du
cceur de ceux qui s'adreffent au diable.
En ce cas, lorsqu'elle ne paroit point, il y a toujours de l'aveu même de M. do
Bethléem quelque autre moyen ajfuré . . de reconnaître la main du démon: en forte, dit-
il, qu'une raifon droite pourra toujours fans le fecours même de la révélation, difcerner
les merveilles diaboliques a quelqu'un de leurs caractères . . . toujours en faifant atieuiioa
k leur fin & '^ l''<'i'^ ^Jf"'^- *
Ainfi le plus graid prcconifeur des œuvres merveilleufes du diable convient lui-mê-
me, que pour en découvrir la fource empoifonnée, il ne faut que confidérer attenti-
vement, à quelle occafion ces prodiges ont été faits, quel en eft h caradcVe , quel a
été l'objet de bur auteur, & quels effets ils ont effeflivement produit; &: qu'en y ap-
portant tous fes foins , une raifon droite démêlera toujours s'ils viennent de Dieu ou du
dia;Ie.
Ml. reit. de „ Le démon, (dit auiTi l'Auteur de la Recherche de la vérité') fe trahit toujours par
«i'''^ii?«\» quelque endroit, di dans le cas où il s'agit de difcerner entre des efprits fi diffcrens,
Conv p. ?!■,, il y a d:s marques & des cara(fléres diftintîTifs & particuliers, par Icfqucls on rccon-
„ noit alors de qu:l genre cft le furnaturel, & quel en eft le principe."
En cfRt Dieu ne doit-il pas à fa bonté de mettre les fimplcs doit l'efprit cft attentif,
& dont le cœur eft droit, en état de n'être pis prefqu'invinciblcnricnt féluits par des
illufions diaboliques, ou du moins de ne pas l'être par le refpcd & la confiance qu'ils
ont 8c qu'ils doivent avoir pour toutes les merveilles qui par leurs caractères & leurs
circonftanccs paroîtroient venir de lui»
Difons
ET t)ÉS PRESTIGES D I AB 0 L I O^V E S. zip
Difons préfentement un mot de l'idée que les Pérès de l'Eglife & autres célèbres Dissert."
Théologiens nous ont donnée des preftiges qui font la forte de merveille que les dé- '"«l'aut.
mons obtiennent le plus fouvent la permiffion de fabriquer, parce qu'elle ne confifte ^y"^"
que dans des vifions & des phantômes qui difparoiflent prefque aullitôt. I.fec que le»
Auiîî S. Aueuftin nous déclare-t-il que tout l'effet des preftiges n'eft que de trom- ''«'"''■="'»
per les Icns par une apparence imagmaire : Mortalmm Jenjus tmagtnarm imipcattoite de- j>ieft.-cs.
ctptmt. , „. ^ - c .9.
„ Ils fafcinent les yeux des hommes (dit Ladance) par des preftiges qui les aveu- i-ad .>.u. i x.
„ glent, en forte qu'ils ne voient pas les chofes qui exiil:ent, & qu'Us croient en voir'' '■*'
,j qui n'exiftent point. " F'tfus homitiHm praftigiis obcoecantibus fallunt , ut non videiptt
en, ijua funt , (^ videre fe putant ilU qu£ non funt,
S. Thomas décide pareillement, que les opérations du démon dans le genre merveil-
leux, «e conjîjlent ordinairement qu'à faire voir des chofes qui n'ont aucune réalité, fei( en '.p-qu iH-
f^feintm les yeux des fpeclateurs , feit en formant des [peUres.
„ Ils fe jouent des yeux, en leur faifant voir ce qui n'eft pas (dit S. Irénée) ils s.ircat.i.
„ font paroître des phantômes qui ceflent auffitôt , & qni ne peuvent fubfifter qu'un '^■3=-'
,, inftant. " Oculos deludentes ^ phantafmata. oficndentes ftatim cejfantia, er ne quidèm
fiillicidio temporis perfiverantia.
Auffi ce même Saint donne-t-il la confiflence & la vérité, firmitas & veritas , pour ibij. ^ ,,
deux caraftéres par lefquels on diftingue les merveilles Divines des illufions de Satan.
Jefus-Chrift refllifcité nous a manifefté lui-même que ces circonftances font décifi-
ves pour difcerner les merveilles réelles que Dieu opère , d'avec les phantômes fabriqués
par le démon. N'eft-cc pas en effet ce qu'il a clairement déclaré à fes Apôtres , lorfqu'il
leur dit de le toucher, afin qu'ils eulle.n une preuve pleinement convaincante de la réa-
lité de fa rcfurredion ? Palpate & videte quia fpiritus carnem & ojfa non habet Jicut me ^^'^' '^^'^•
vide lis habere,
FinifTons cet article par quelques traits du tableau que fait S. Antoine des merveilles
diaboliques dans ce beau Difcours rapporté dans fa Vie écrite par S. Athanafe,& où S.
Antoine inftruit fes difciples de l'idée qu'ils doivent avoir de l'impuiffance oii les dé-
mons font préfentement réduits.
,, Les phantômes, dit-il, an ih nous font voir ... ne font pas à craindre, puifqu'ils ^'■"''S. \n-
„ S evanouiflent foudain, lors principalement que nous nous armons de la foi & du fi-trad. par tu.
„ gne de la Croix ... Ce ne font que de vaines illufions qui n'ont rien du tout de "'AnJ'Hy-
„ véritable ... Lorfque Notre Seigneur eft venu au monde, il a terraffé cet ennemi de
„ notre falut & toutes fes forces ont été détruites.
„ (Les démons n'ayant plus)aucune force, tout leur pouvoir fe réduit à nous menacer,
„ A caufe qu'ils ne peuvent rien, ils femblent jouer fur un Théâtre . . comme pour
„ étonner des enfans, par (une) muhitude de phantômes & de viiions : ce qui témoi-
j, gnant leur extrême foibleffe, nous oblige encore davantage à les méprlfer. "
En effet qu'y a-t-il de plus méprifable que des illufions qui n'ont rien de réel &
qu'on diffipe auffitôt avec le fignc de la Croix, pourvii qu'on le falTe avec une gran-
de foi & une grande confiance ?
Il eft vrai que Jéfus-Chrift nous a déclaré lui-même que l'Aiitechrift & fes faux- ''^•
Prophètes feront de grands prodiges, en forte que les Elus feroient eux-mêmes fcduits pcrLnuus*^'
fi cela étoit polTible : mais en même tems il nous a fait avertir par S. Paul que tous ces'^'^"!'""' j"
prodiges feront trompeurs, foit parce qu'ils ne feront qu'impofture, qu'artifice i\: querAnuduii».
menfonge, foit parce que ce ne feront point de vrais Miracles , mais des preftiges "de
pure oftentation, & des prodiges malfaifans , efli-ayans & terribles: toutes œuvres d'un
caradlcre diamétralement oppofé aux Miracles de Jefus-Chrift.
Le Sauveur du monde ne voulant qu'infpirer la charité n'a fait que des gucrifons
Ee 2, ' ^ Mira-
3>
>>
>>
i:o CuiRACTERES DES PRODIGES
iJiisERT. Miraculeufcs, des créations utiles & des réfurreftions. L'objtt au contraire de l'An-
suRL AUT. jçj.pjj.j^ fera de fe faire adorer de gré ou de force, de paroitre grand aux yeux des
hommes en remuant leurs fens & frappant leur imagination par de pompeufes merveilles,
&: de fe faire craindre par de cruels prodiges. Il joindra la violcice à l'artifice, & il y a
tout lieu de croire que ce fera principalement par la terreur qu'il fcduira les hommes.
Mais je dois commencer par appuyer ce que j'avance par le fentimcnt des Pcres &
autres Auteurs Eccléluiftiqucs des plus refpeétables.
Je vais d'abord examiner ce qu'ils ont penfé des faux miracles,qu'il faut joindre avec
les preftiges , comme n'ayant rien de réel.
S.Cyril.Ca- S. Cyrille de Jcrufalem dit que „ Satan fe fervira de l'Antechrift comme d'un in-
i". ' ''' °' 5> ftrument, & qu'il agira lui-même en perfonne par fon miniftére; qu'il ne fera pUis
la guerre par fes miniftres comme auparavant, mais qu'il la fera ouvertement par lui-
même : (que) pour cet effet il opérera toutes fortes de fignes &:de prodiges trompeurs.
Car étant le pérc du menfonge, il fera paroitre des œuvres de menfonge qui n'auront rien
de réel, en forte que les peuples s'imagineront voir un mort reiTufcité, quoique ce mort
ne relTufcite point effeéirivement; ils croiront voir marcher des boiteux, & que des aveu-
„ gles ont recouvre la vue, quoiqu'il n'y ait réellement aucune guérifon."//4C innttens Sata-
nam eo tanauam injirumento ufttrHm , in propri.i pcrfànâ per ipfum operantcm . . J^m non
per minifiros fms ex more , fed per feipfnm deinceps bellnm apertius geret , in omnibus ve~
ro Jïgnii cT prodigiii mendacii. Oui enim mendacii pater eft , mendacii opéra fi^is fpecie-
bus ojicndet : ita ut plèbes rejftifcitatum mortuum fe videre putent , qui tamcn non rejfufci-
tetur , c^ claudos ambulantes , ^ cœcos vifum récipient es , cum nulU ejnfmodi fi.it fanatio.
Thtfaur, i- L'Auteur des Dialogues explique affez clairement de quelle manière 1* Antechnfl: fera
Tom. 5. p. ces faufle5 réfurredions. Cet Auteur commence par marqua- quel eft le caraftére
'•'5°- diftinftif & la différence effentielle qu'il y a entre les Miracles Divins & les merveilles
diaboliques. ,, C'eft, dit-il, que les Miracles qui fe font au nom de Jefus-Chrift ne
„ font pjs illufoires, mais véritables, au lieu que les miracles du démon ne font que
„ des phantômes qui n'ont aucune réalité. " Sigra vero qux fiant in nomine Domini
noftri yefu Corijii , non fant phantaftica fed ver a . . . figna. vero damoniorum phantafii-
ta funt , non vera. Et il rapporte enfuite pour exemple des faux miracles „ que l'An-
„ techrift paroîtra refTufciter quelques perfonnes, non en réuniffant leur ame à leur
„ corps, mais en faifant remuer leur cadavre par quelque démon. u4ntichrij}us etiam
fi aliejuos vidcbitur fiifcitare , non veram tinimum mort ho corpori fociabtt, fed ab aliqno
dtmone cadavcr alicjuod faciet vegctari.
Cinir.dc- Canifuis ancien Controvcrfifte fort eftimé, pofe pareillement pour ,, premier &: per-
bçat. Vi:g^ ^^ pétuel principe, que Dieu fcul eft l'auteur des vrais Miracles, ainlî que l'attefte le
lï.coi.iooo „ Plalmifte & que les faux miracles des démons ne font que des prcftiges . . . tels
(dit-il) que ceux que firent, autrefois les Eichanteurs de Pharaon, Simon le Magi-
cien & Apollonius deThyane,qui ne confiftoicnt qu'à faire voir fauffement de vai-
nes fiqurcs qui n'avoient aucune utilité. (A quoi il ajoute que) tels feront encore
vers la fin du monde, les miracles menteurs que feront paroitre l'Antechrift & fes
„ faux prophètes, habiles à faire ufag; des illufions phantaftiques que Satan opère. "
Inter rcr.t mirucitla cb- fàlft five mendaci.t fignn atque prodigia, difcrimcn in primis ar-
quc pcrp-'tHO retii.cndum cfl : vera Deum utiqae habent auHorem , qui Pfilmographo tefie
facit mirabilia folus . . . Fétlft figna funt dimonum praftigia . . quates jttm olim Aîa-
gi rharaoKis (jr Simon Magus er Apollonius Thyan^eus . . . fiiperbe a>que fallacirer , nec
miaus vane absquc omni friiflu oflcntarunt : (juales praierrà fib mtitdi finem j-Intichri/ïus,
ej'iique proximi fuccejfures fitanicis ludibriis inftruili pafiim exhiôcbirii.
rnr.fi-rf. Theodnrct dit égilemcnt ,, q^e les miracles que fera l'Antec'irift ne feront point de
j."Tiu.ir.z. 9 „ vrais Miracles, mais dci fuperchcrlcs pareille» i celles que font les joueurs <k' gnb:-
„lcis,
1»
ET DES PRESTIGES D l yi B 0 L I V^ZJ E S. :îi
lets, qui font paroitre de l'or & autres chofes qui ne font point véritables, & dont Dissert.
^ 1 • .". 1 r rr,^' " SUR l'aut.
■„ on reconnoit bientôt la huilete. p^. ^^^^
S. Jérôme njoute „ que comme la plénitude de la Divinité a habité corporellement
,, en Jefus-Chrift, de même l'Anteclirift aura en lui toute la force du diable & tout fon
„ pouvoir pour faire des miracles & des prodiges, mais que tout cela ne fera que men-
■ „ fonge. " Sicfit in Chrijîo plenitudo divinitatis fuit corporalircr , ita etiam in ^ntichrijio
■ûmncs erunt fortittidiitis Cr figna. & prodigia fed nniverjtt mendacia,
Toftat Evêque d'Avila obferve pareillement, que l'Antechrift „ eii difant les chofes '^''''•'"<=- M-
■„ les plus faufles contre la foi Catholique, paroîtra les confirmer par des miracles que us". '^"' '^'
s,, Dieu feul peut faire, comme de reflufciter des morts & autres choies fembbbles ,
mais que tout cela ne fera que faufleté & n'aura d'apparence que par la feule illufion
des fens, ainfi que le dit l'Apôtre dans fa Seconde Epître aux Theffaloniciens ch.
1. que l'Antechrift viendra accompagné de la puiflance de Satan avec toutes fortes
de forces, de fîgnes & de prodiges trompeurs. " FalftJJima contra catholicam fidem
proferet <^ videhitur confirmare illa per miracula qua foins Deets faccre potefi , ut mortuos
fufcitare Qr Jimilia , qnx omnia ftlja erunt , c-r per folam Indificationem fenfuHm proce-
deyit , Ht ait ^poflolus , z Thejf. cap. z. Cttjus aiventus erit fecundum operationem fatana
in omni virtute or fignis tr prodigiis mendacibus.
Ce pa(f^ge de S. Paul doit faire d'autant plus d imprelKon que Jefus-Chrift lui-même
nous alTure que le diable n'eft que menfonge: Non eft veritas cum eo. JcaaVIII.
Auffi plufîeurs Pérès de l'Eglife Se autres célèbres Auteurs Ecclélîaftiques, ainfi '^*'
que S. Cvrille de Jérufalem, S. Jérôme, l'Auteur des Dialogues, Canifius , Thcodo-
ret , Toftat & autres aflurent qu'il n'y aura qu'impofture, que fupercherie &: qu'illu- .
fion non feulement dsns les miracles que fera l'Antechrift, c'eft à dire dans les guérifons .,j,
miracuhufes & les refurreâions que ce miniftre du démon tâchera de contrefaire, mais
aufli dans fes prodiges.
D'autres Pérès & plufieurs favans Auteurs ont diftingué entre les prodiges & les
miracles. A l'égard des miracles ils fe font tous réunis , pour foutenir conjointement
avec les autres Pérès de l'Eglife que ces prétendus miracles ne feront qu'artifice & faus-
fe apparence. Mais ils ont cru que l'Antechrift pourra faire des prodiges réels, en les
exécutant par des moyens pris dans la nature.
,, Bede & Haimon (dit Denis le Chartreux) croient que l'Antechrift fera quelques DionysOr-
,, prodiges véritables, qui cependant font appelles menteurs à caufe de la fin où ils 'ii"^;^^tt. 35.
,, tendent. En efièt on lit dans l'Apocalypfe XIII. 15. que l'Antechrift jîf, c'eft à "
dire qu'il fera, de grands prodiges jufqu' a faire defccndre le feu du Ciel. Mais à l'é-
gard des miracles proprement dits , qui font fupérieurs à l'ordre & à tout le pou-
voir de la nature créée, l'Antechrift n'aura pas le pouvoir d'en opérer, ni même de
les contrefaire, fi ce n'eft peut-être par des prefti^jes, qui n'auront qu'une faufle
apparence; car il eft dit dans le Pf. 71. Béni foit le Seigneur le Dieu d'ifraël qui
,, feul fait des chofes merveilleèÛB : Beda cj- Haimo dicunt qtiod Antichriflum faciet alt-
qua vera fîgna ^ qudi tamen ex fine afferuntur mendacia. Hinc Apoc. 75. legitur : Fecit ,
id efî faciet Antichriflus , Jîgna magna , ita ut etiam i^inem faceret de cœlo defcendere. Vc-
rumtamen miracula proprie diBa , qud totam natnr<e creata facnltatem ordinemqtie exce-
dunt , agcre non valebit , niji forfan prafitgialiter tantum , de qmbtts ait Pfalmtts "ji. Be-
nediElus Dominus Dcus ifrael^ qui facit mirabilia folus.
Il paroît que S. Chryfoftome étoit auftî de ce fentiment. 5. Chi^roU
,, S. Paul (dit-il) nous a annoncé d'avance que l'Antechrift fera toute forte de mira- ToIrV pàj.
„ des & de prodiges trompeurs , afin que ceux qui vivront alors ne s'y laiffent pas H'5-
„ furprendre (en les regardant comme des miracles bien réels & bien véritables). JJla
„ prxdixit {Pattlus : Lnt tidver.tHS yî,j!ichrij}i in omni potenùÀ & fig^i^ (2!' prodigiis
E e 3 ,, mcndd-
tiz CAR^CTE'RES DÈS PRODIGES
DijsERT. jj niendacibHs ,) ne feductrentur qui tune viâuri erant. C'efl: à dire (ajoute ce Pc're)
suRL AUT. ^^ qyç ]g démon fera parade de toute d puiffjince , mais que dans tout ce qui paroîtra
,, de plus merveilleux, il n'y aura rien de vrai, & que tout cela ne fera qu'une illu-
„ lion pour réduire." Hoc cji omnem oflentabit potentiaf» , fed nihil veri: verum omnis
ad feduÈliouem. Ne'anmoins lorfque S. Chryfoftome parle en particulier des prodiges,
il laiiïe dans l'incertitude fi l'Apôtre les appelle menteurs , parce qu'ils ne feront que
Id-homel.*. faufTetc' & qu'illufion , ou parce qu'ils conduiront au menfonge. Frodigiis itxjnit nun-
ic^5&i'o76! dacii , attt ementitiis ac Indificantibus , attt ad meadacinm inducentibits. Et ailleurs en
parlant des miracles des faux-Prophétes , il les qualifie de faux miracles qui n'ont qu'u-
ne vaine rcnemblance, & ne font qu'une ombre des Miracles véritables: Jignafalfa . . .
fimilitudo C7 umbra (jhxdam virtutum.
Mais fi dans le tems que Satan aura la liberté de fe fervir de toute fa puiflance & de
toute ion induflrie , il ne lui fera pas polîible de faire des guérifons qui (oient vérita-
blement Miraculeufes , & s'il eft réduit à cet égard à ne pouvoir rien produire de réel',
mais feulement de vaines apparences , dont le faux ne fera pas bien difficile à reconnoitre
aux perfonnes qui les examineront avec attention; comment ofe-t-on foutcnir, que dans
le tems qu'il eft encore lié, il peut opérer des guérifons qui femblent être de vrais
Miracles ?
A 1 égard des prodiges réels que pourra faire l'Antechrift, ceux des Pérès qui les
admettent , conviennent unanimement que ce ne feront que des prodiges d'oftentation ,
Af-of-l.xil!. & de méchanceté , ainfi que le S. Efprit nous en a inftruit lui-même, en nous donnant
M ^'f pour exemple de ces prodiges diaboliques , que le principal fera „ de faire defcendre
„ du ciel à terre du feu en préfcnce des hommes. (A quoi il njoute) qu'il fera aulTi
_ „ donné pouvoir (à cet Efprit impofteur) d'animer l'image de h Bete, de faire en
,, forte que cette image parle, & de tuer ceux qui n adoreront pas cette image. Et
fecit flina magna ^ ut etiam ignem faceret de coelo defcendere in confpeflu hominnm; CT da-
trtm eji tlli ut darct fpiritum imagim beflia , df t*t loquatur imago bejlia , çjr faciat ut qui-
cw/îcjHe non adoraverint imaginent bejlia, occidentur.
Peut-on des caradéres plus clairs & plus marqués de prodiges qui n'auront qu'un
vain éclat , qu'une faufle ou funefte grandeur , &: qui bien loin d'être utiles aux hom-
mes, ainfi que le font les Miracles, ne feront faits au contraire que pour les forcer
d'apoftafier par la terreur qu'ils leur donneront, & que pour faire effectivement mourir
par de cruels fupplices ceux qui refuferont d'adorer l'image d.i diable ? Car plufieurs
grands Théologiens, & entre autres S. Anfelme ont penfé que l'Antechrift fe ferviroit
de la permiGîon qu'aura le diable d'allumer du feu dans les airs ,, pour commander à
„ ce feu de defcendre du ciel & de brûler vifs en fa prclence quelqu.s-uns des faints
S. Anrelin. qui Combattront contre lui. Faciet enim tam ftnpenda miracula, ut jubeat ignem de ca-
Eiucid. iib. ig defcendere , cr adiierfir ios fuos coram fe confnmcre.
Au refte quelque furprenant que foit ce cruel & terrible prodige, il eft néanmoins
évident qu'il n'eft , non plus que les autres prodigafcW'oftentation marqués dans l'A-
pocalipfe, que de la nature de ceux qui peuvent aifcment s'exécuter par tout Efprit
qui a le pouvoir de mettre jufqu'à certain point la mniére en mouvement.
C'cft l'obfervation que fait le fivant Cardinal Bellarmin lur ces verfets de l'Apoca-
lipfe, en employant le ternie de miraclu pour une exprelfion générique, fous laqu.llc il
comprend toute cfpécc de merveilles.
BciUrmin. „ Je réponds (dit-il) que les Miracles de l'Antechrift ne feront que des menfonges,
eu.' '' •>■> 2'"'^' S"* l'Apotre le déclare dans la II. Epitre aux ThelTaloniciens, chap. :. parce
„ que ces miracles ne feront point véritables & folidcs , & qu'ils n'auront rien de mer-
,, veilleux qu'une apparence capable d'en impofer aux hommes. Ce ne feront point des
„ Miracles abfoluracnt parlant , mais feulement des merveilles telLs que les dcmons en
„pcu-
ET DES PRESTIGES D I A B O L I OV E S. ^ 22j
,, peuvent faiiT par artifice. C'efl (ajoute-t-il) ce qui paroît clairement par le Chapitre Dissèrt.
DES MIR.
„ 15. de l'Apocaliplc, dans kquel il eft pofitivement marqué que les plus grands mi- '"'""^"^'
„ racles de rAntechrilr, feront de faire defcendre le feu du ciel &: de faire parler l'i-
„ mage de la Betc. Or il eft manifefte ( dit-il encore ) que tout cela n'a rien que de
„ très facile au diable. Mais il n'en eft pas ainfi des Miracles des Saints , qui font de
„ rendre la vqe aux aveugles , de guérir des boiteux , de rcflufciter des morts: toutes
„ chofes qui n^ peuvent fe faire que par la puiflance de Celui de qui nous chantons
„ dans le Pfeaume 1^5 qu'il eft le feul qui fait de f;randes Merveilles." Refpondeo ^
miracida ^mkhrifli fore mendacia^ Ht Apoflohis dixit i. Theff. z. idejl non vera fjr foli~
da , fed apparent lit vcl mirabiUa hominibas , non tamen abfolute fniracHU , qualia arte d<e-
moms fieri pojfunt : id patet ex Apec, c, 1 5 . nhi pro maximis ^mtichrifii miraculis ponitur ,■
cjHod faciet i^nem de cœlo df/ccn:ere er Hi imago b'Jiid: loqaatur. H^c amem farilljma elfe
diabolo paiain ejl, At miracula fanEloritm funt iiinminationes ctcorum , citrationes claudo-
rum , excitât ioncs morttioritm , qua non niji ejtts virtute fieri pofftmt , de qHo canimus in
Pj.ilmo 1 5 5 : Oui facit mirabiUa magna foins.
En eff.t 11 ces prodiges font d'abord éblouiffans , parce qu'ils fnpprnt vivement les
yeux & les oreilles, & lî le principal d'entr'eux eft d'autant plus capable d'étonner
qu'il eft plus terrible, un peu de réflexion fait, cefier la première furprife, lorfqu'on
penfe à la facilité avec laquelle le démon peut les opérer par des moyens tout naturels.
Car enfin quelle fi grand? merveille y a-t-il a raflembler le; particules fulphureufes qui
font répandues dans l'air, les y allumer & Ifs faire tomber à terre ou même fur un hom-
me ; à faire remuer une figure par Is moyen d'un démon , & à former des fons près
d'elle qui imitent hs parol;s ? N'eft-ce pas là de ces prodiges , dont tout le merveil-
leux ne confifte proprement q l'en ce qu'on ne voit point la main qui les exécute ?
Mais c'tft le deffàut de la plupart des hommes de fe laifTer prendre par les fens ,
fans presque confulter les lum.iéres de leur efprit; & par exemple, fi l'on voyoit un
homme refter en l'air pendant quelque tems , la plupart des gens en feroient encore plus
furpris & plus faifis que de voir une guérifon parfaite opérée en un moment, d'une
maladie longue & confidérable qui auroit infailliblement détruit plufieurs petites parties,
& qui par conféquent n'auroit pu être ainfi parfaitement guérie que par la régénération
fubite de toutes ces parties qui ne fubfiftoient plus ? Cependant il n'y a aucune com-
paraifon entre ces deux merveilles. La première n'eft qu'un prodige qui peut aifément
s'exécuter par des moyens naturels , puisqu'il ne faut que mettre une multitude de pe-
tits tourbillons d'air en un mouvement aflez rnpide , pour qu'ils aient la force de fou-
tenir un homme. La féconde eft un vrai Miracle, qui ne peut être opéré que par là
Toute-puiflance Divine.
Mais ce qui fera que la féduâion de l'Antechrift fera fi forte & fi dangereufe, c'eft
que le diable par le miniftére de cet impie joindra à une multitude de prodiges trom-
peurs la plus violente perfécution, pour vaincre par les tourmens ceux qui voudront
lui réfifter.
Il paroitque c'eft ce queJefus-Chrifta voulu nous faire comprendre, en nous avertis- Mstth.
faut ,, qu'il s'élèvera de fa ix-Chrilt &: de faux- Prophètes , qui feront de grands prodi-^'^'***
„ ges À: des chofes étonnantes, jusqu'à féduire, s'il étoit poiTible , les Elus mêmes ... ,1.^"^'^''^
„ que les fouffrances & les affliftions de ce tems là leront fi grandes, qu'il n'y en a Marc.xiII.
,, point eu de pareilles depuis le commencement du monde ... & que fi ces jours '9 &i^
„ d'affliâ:ion n'euffent point été abrégés , nul n'auroit été fauve, mais qu'ils feront
„ abrégés en faveur des Elus. "
C'eft audi l'idée qu:- les Pérès nous ont donnée de cette ttrrible perfécution.
„ L'Antechrift , Ait S. Grégoire le Grand , aura permiflïon d'exercer fa cruauté en ^'^^''^g- '^''-
„ deux manières. Il mettra en œuvre la fraude & la force dans le combat qu'il livre- îi", job'.p/'
fjlOÉO.
:'.4 ,. CARACTE'RESBES PRODIGES
Dissert. ^^ ra aux Llus: b force en fe fervant de toute fa puilTauce, la fraude en faifant des
vR l'aut. - - - - - - ...
ntâ MIK. "
svRLAUT. prodij^es. C'eft doic avec raifon qu'il elt appelle lion & trompeur : trompeur.
>>
p. Ii3i
5>
>5
par une apparence de miracles : lion , par fa force & fa violence. Savlrs per utra
q;te permitteiur ut contra EUcios i» certamine cr fraude or virtute lavetur: virtitte per
potenliam, frAnde per Jîgna. Reile ergo cr leo C/~ injidians dicitur : injidians per miracu'.o-
THm fpeciem , leo pcr fortitudinem Jicularem.
Ibid.iib.54. Ce célèbre Père de l'Eglife ajoute encore, que parmi cette multitude de lâches &
de mondains qui fe laifleront emporter par la fcduftion de l'Antechrift: ,,il y en aura un
petit nombre de juftes , qui fe rappellant les paroles des Prophètes, & fe conduifant
par les préceptes de Evangile , reconnoitront que les miracles de l'Antechrift ne fe-
ront que des impoftures , & qu'il n'y aura de réel que les fupplices qu'il fera en-
durer. Scd fftnt non multi qui in niemorik e;- verba Prophetica dr Evangelica prttcepta
retinentes , fciant cr fiilfa cjfe figna & "vera Çupplicia.
Il fera donc alors d'une extrême importance, pour n'être point féduit par les faux
miracles & les prodiges illuloires de Satan, d'être bien iiftruit & bien convaincu par
les principes que nous donnent l'Ecriture & la Tradition , que toutes les merveilles que
paroitra faire cet Efprit impofteur ne feront qu'artifice, que fourberie & que menfon-
ge, & qu'ainfi elles ne peuvent entrer en aucune comparaifon avec les .Miracles & les
ProJiges réellement & abfolument furnaturels, fur lefquels la Religion eft établie, &
qui n'ont pli être produits que par la Toute-pullfance de Dieu.
Car encore un coup, ce qui rendra la feJudion de l'Antechrift fi pernicicufe & fi
efïi"oyabl.ment puiifantc, ce fera d'un coté l'éclat tblouïflant de fes faux miracles &
de fes prodiges d'oftentation , & d'un autre côté la crainte que cauferont fes prodiges
cruelleme.it meurtriers , & les autres fupplices qu'il fera fouffiir à ceux qui refuferonc ■
de l'adorer. Or des perfonnes peu inftruites & déjà plus qu'à demi vaincues par la fl
terreur, pourront peut-être s'aveugler jufqu'à prendre pour de vrais miracles & même ■
pour des merveilles divines les illuiîons diaboliques par le/quelles le démon s'efforcera "
de les féduire; parce que l'effroi qui s'emparera de leurs âmes leur otera la liberté d efprit
néceffaire pour examiner la nature de ces prodiges , & les caravfléres manifeftes qui en
découvriront clairement le déteftable auteur , à tous ceux qui feront un pl;in ufage de
leur raifon.
Mais (\ d'une paît il faudra un courage plus qu'humain pour refifter à cette foduc-
tion, d'autre part elle fera des plus grolîiéres & des plus palpables.
En effet comment ne pas reconnoître pour un miniftre de Satan, un homme qui
pouffera l'impiété jufqu'à vouloir fe faire adorer comme un Dieu , &: qui fera fes faux
miracles &: les prodiges trompeurs, non pas au nom de Dieu ni de Jefus-Chrift , mais
2. Their. II. ouvertement cotitre Dieu & contre fon Chrift, ainfi que S. Paul nous l'a expreffé-
<• ment prédit, en nous déclarant que ,,cet homme de péché, cet enfuit de perdition
„ combattra contre Dieu & qu'il s'élèvera contre tout ce qui eft appelle Dieu , &: ce
,, qui eft adoré, jufquà s'afTeoir dans le temple de Dieu, voulant lui-même paffer
„ pour Dieu." Homo peccati filins perditionis cjui adverfttttr cr extollitur fuptr omne
cjHod diciiur Deus , aut quod colitur , ita ut in templo Dei fedeat , ojlendens fe iun(]u.im
fit Deus.
Apoc XIII. Nous fommcs encore avertis dans l'Apocalipfc ,, qu'il ouvrira la bouche pour blas-
,, phcmrr contre Dieu , pour blasphémer Ion nom & fon tabernacle , ôc ceux qui ha-
,, bitcnt dans le Ciel.'* Et aperiet os fuHm ii bUsphemias ad Dtum , blasphemare nomen
ejus cr tabernadiliim oJ" eis qui in cœlo habit >;»■, ,
Satan agira donc vifiblement Kii-mcme par le miniOére de lAntechrtft, ainfi quedi-
fcnt pluficurs Pérès, il fe mi!itiera claircnent tel qu'il eft; puisque ce fera en blasphé-
mtiir le f.ii it nom Jj Dieu qu'il xoudra le fiiie adorer. Aiufi au milieu menu de to t
ÏJ
E7 DES PRESTIGES T> 1 A B OL I OV E S, 115
le fafte de fes prodiges & de la 'terreur qu'ik imprimeront ', il y aura des caradéres évi- DrssERt.'^
dens pour en reconnoître l'origine infernale , & pour en découvrir la pernicieufe illufion.^"'*'' *"'^*
• Mais comment M. l'Evéque de Bethléem , qui. ne peut pas ignorer tous ces Pafla-"
ges de S. Paul & de l'Apocalipfe, ofe-t-id les diffimr.ler, pour précipiter fes Ledeurs
dans une erreur très dangereufe; en leur infînuant que l'Antechrift fera des miracles
véritables , & en leur cachant que l'auteur diabolique de fes faux miracles & de fes
prodiges menteurs fe montrera tout à découvert par d'horribles blasphèmes , & qu'ain-
fi -ce fera principalement par la crainte & par les toiirmens qu'il forcera les hommes de
l'adorer comme un Dieu. Voici tout au contraire comment raifonne M. de Bethléem,
„ Pourquoi, dit-il, la-féduiftion qui doit arriver dans les derniers tcms, fera-t-elle fi XIII. Lett,
^ profonde & fi générale ? ... C'eft qu'on y raifonnera comme vous raifonnez au--^' *'"
„ jourd'hui (reproche-t-il aux Appelons,) C'eft parce qu'on croira que le démon ne
„ fait point de miracles : parce qu'on fe perfuadera par conféquent , que ceux que fe-
„ ra l'Antechrift, feront divins. Qu'on y réflechilTe, & on verra clairement que
c'eft de cette fource que coulera la féduéèion. , Il faut donc pour l'intérêt de la foi
„ & pour le faiut des peuples frapper cette funefte erreur de toutes nos forces. "
Quoil des fidèles pleins de foi & éclairés par l'Ecriture, prendront pour des Mira-
cles Divins les phantômes de miracles que fera paroître l'Antechrift en blasphémant le
faint nom de Dieu! Quoi! ils le croiront un faint Prophète du Très-haut , dans le
tems qu'il parlera contre Jefus-Chrift, & qu'il pouffera fon orgueil diabolique jusqu'à
s'élever même <?» dejfifs de Dieu , dit S. Paul !
- Du moins une idée fi contraire au bon fens , ne pourroit-elle tomber que dans l'efprit
de ceux qui feront étourdis, terrafles, aveuglés par la terreur , & qui ne fauront en
aucune forte diftinguer les prodiges vains ou maliaifans que le diable peut exécuter par
des fnoyens naturels , des Merveilles falutaires & abfolument furnaturelles qui ne peu-
vent être opérées que par une Puiflance fans bornes.
Mais M. l'Evêque de Bethléem ne craint point de faire les plus étranges fuppofi-
tions, pour ébranler l'Autorité des vrais Miracles, pour étouffer dans les cœurs la
foi, le refpeél & la foumiflîon qu'on leur doit, &c pour engager aujourd'hui les Chré-
tiens à confondre la voix de Dieu avec celle du diable.
C'eft là véritablement une erreur funejle qu'il hWoit frapper . de tontes nos forces , pour
l'intérêt de la fol q)- pour le falut des peuples.
J'ai déjà obfervé , que c'eft en Te conduifant par de pareils principes , c'eft à dire
en fuppofant que Beehebut peut faire de vrais Miracles, que presque tous les Chefs
de la Religion Judaïque & même la plus grande partie des Juifs, 'ont rejette Jéfus-
Chrift , & que ce fera fans doute encore en fuivant cette pernicieufe fuppofition , que
la plus grande partie de la Gentilité Catholique meconnoîtra & profcrira le Prophète
Elie, malgré les Miracles & les Prodiges évidemment Divins qui prouveront qu'iU
cft un Envoyé de Dieu.
Voilà ce qui interrefle aujourd'hui eifentiellement le falut des peuples , & voilà pour-
quoi le démon emploie à préfent tant d'efforts à affbiblir dans l'efprit des Catholiques
la confiance qu'ils doivent avoir pour tout ce que Dieu décide par des Miracles.
Satan connoît l'état de l'Eglife : il voit que fes maux font parvenus à un période (i
extrême, que le grand remède qui doit renouveller fa jeuneflê, ne peut pas être fort
éloigné. Il fait qu'il eft prédit dans l'Ecriture, que presque toutes les PuifTances de la
Terre, la plupart des Princes des Prêtres , des Pharifiens & des Dodeurs fe révolteront
contre ce Prophète, ^ qu'il n'aura de fon côté que des Miracles. Il voudroit que ce
Prophète fût rejette généralement de tous les Chrétiens: & pour tâcher d'y réulfir,
il met en pratique tous fes plus fubtils artifices , afin de prévenir les Catholiques contre
la foumiifion due aux Miracles , & de rabaiffer le plus qu'il lui eft pofiTibk l'Autoritl
. Dijfm. Tom. II. F f de
ii<î C^RACTE'RES DES PRODIGES
Dis^FRT.jg (-çtte voix de Dieu. Combien ne devons-nous pas plaiiidie ceux qui fervent aujour-
surl'aut. j.j^^^l d'iiiftrumens à cet Efprit pei-vers , pour l'exécution de ce fatal projet ?
A l'égard du tems où régnera l'Antechrift , ce fera un tems tout à fait extraordinai-
re , un tems oii Satan fera de'lié , & où il aura la liberté de mettre tout fon pouvoir en
œuvie. Mais malgré cela c'eft s'écarter ouvertement des principes que nous donnent
fur ce fujet l'Ecriture & la Tradition , que de fuppofer qu'alors il pourra faire de
vrais Miracles.
Chaque démon n'a retju lors de fa création qu'une puifTance limitée de mettre
en mouvement jufqu'à certain point une certaine étendue de matière. En aucun
tems les démons ne pourront pafier cette mefure , ni rien opéier qui foit contraire aux
loix primitives & permanentes qui régifTcnt les êtres matériels. Aind en aucun tems ils
ne pourront rien faire qui foit effectivement & abfolumcnt furnaturcl ; & même pen-
dant l'époque finguliére du régne de l'Antechrift , ils ne pourront faire ufage que du.
pouvoir limité , qu'ils ont d'abord reçu. Si ce pouvoir excédait tout pouvoir naturel, dit
l'Auteur mcmc du Mémoire Théologicjue , par rapport à un autre objet, Dieu en le don-
nant ajouteroit a la nature jinçelicjue , er ;/ feioit par confécjuent une œuvre furnaturelle ^
un Miracle , en donnant au démon un pouvoir au delà de fa nature : Or , s'écrie-t-il , une
pareille idée cfl inouïe.
Au refte il n'en eft pas moins vrai , que le démon par des moyens naturels fera des
prodiges qui frapperont vivement l'imagination des Spectateurs , & qui les rempliront
d'étoiinement & de crainte. Mais pour fe garentir de la fédu^flion de ces redoutables
prodiges, il femble qu'il devroit fuffire de faire attention à la fin pour laquelle ils fe-
ront opérés , puisquelle fera de faire adorer un blasphémateur du faint nom de Dieu.
Mùis , dira-t-on , puisque la féduftion de Satan fera alors fi manifefte , comment eft-
il écrit que ces prodiges feroient capables de féduiie les Elus, fi cela étoit poflîble?
La réponfe n'eft pas difficile : c'efb que rien d'humain ne fait une plus forte impres-
fion fur le coeur des hommes que la terreur des fupplices , la violence de la douleur &
l'horreur de la mort; & que parmi les Elus , il y en a plufieurs qui ne font point en-
tièrement détachés d'eux-mêmes.
Les Elus ne font pas tous parfaits : la plupart , à moins qu'ils ne foient foutenus par
une grâce extraordinaire , ne font pas aflez courageux pour furmonter de fi grands ob-
jets de crainte , par la grâce habituelle que Dieu leur donne. Eh ! quelle peur ne fera
pas le dijble , employant toute fa puifTance pour faire fouffrir les plus cruels tourmens
à ceux qui refuferont de lui obéir , & exécutant par d'étonnans prodiges les effets de
la fureur qu'il exercera contre eux ?
Qui pourra réfifter à de telles fouffrances, fans être foutenu par un Miracle de la
grâce ? Hélas ! Satan n'a pas befoin aujourd'hui de préfenter de Ç\ puiflans motifs de
terreur, pour faire abandonner la Vérité ! Combien de gens qui la connoiflent , & qui
font alfez lâches pour la retenir captive dans l'injuftice par l'appréhcnfion de quelques
difgraces légères ? Ce qu'il y a de plus fâcheux , c'eft qu'en punition de cette pre-
mière infidélité, Dieu les a par la fuite livrés la plùpartàdes ténèbres pénales, qui peu
\ peu leur ont fait perdre de vue la lumière ccLfte qui les avoit d'abord éclairés. Leur
efprit, au lieu de les faire retourner dans la voie qui mené à la vie, s'eft rendu l'apolo-
gifte & le vil flatteur de leurs faulTes démarches, & a employé toute fa fubtilité &
toute fon induftrie à forger des prétextes illufoires pour les excufer aux yeux des hom-
mes : en voulant ainfi en faire accroire aux autres, il s'eft aveu^^lc lui-même, & cft
devenu la duppc de toutes les pallions du coeur. Et quoique ces pcrfonnes euflent
d'abord clairement fenti par les premiers remords de leur confcience, que la crainte ou
quelqu; efpérancc humaine les avoient entraînés contre leurs propres lumières , à em-
bralTer le mauvais parti qu'elles ont pris ; plulicurs d'cntr'cUes font enfin tombées dans
un
ET DES PRESTIGES D I AB O L I O^V E S. iiy
un fi grand aveuglement, que malgré leurs premières connoiflances , l'Ange de téné- Dissert.
bres eft venu à bout de leur faire prendre un faux ferment pour une œuvre méritoire, '"'''•' '*"*'•
la condamnation de la Doârine Evangelique pour un ouvrage du S. Efprit , une atta- "^^ '*"^°
che intrépide aux vrais intérêts de l'Eglife pour une révolte contre elle.
Si la féduftion fait aujourd'hui tant de progrès , quoiqu'il ne foit pas encore ques-
tion de répandre fon fang pour la Vérité , quel ravage ne fera-t-elle pas au tems de
l'Antechrift , oîi elle fera armée de toute la puilTance , de la méchanceté & de la fu-
reur des démons ?
Il eft vrai que pour lors elle fera encore bien plus manifefte qu'elle n'eft ai^jour-
d'hui , puifque l'Antechrift combattra ouvertement contre Dieu. Et fuivant toute ap-
parence, c'eft précifément la raifon pour laquelle le Tout-puiiTant lui permettra de fai-
re de grands prodiges.
Lorsqu'au contraire la féduftion ne s'apperçoit pas auffi clairement , & fur-tout
lorfqu'elle eft comme à préfent , revêtue de l'apparence d'une Autorité pour qui on ne
peut avoir trop de refped: , c'eft à dire lorfque le plus grand nombre des premiers Pas-
teurs lui ont eux-méme fourni le mafque qui la fait prendre pour une Decifion de l'E-
glife, par ceux qui ne font pas inftruits; Dieu n'a garde de permettre à Satan de l'ap-
puyer par des prodiges, & encore bien moins par des guérifons qui auroient une ap-
parence de Miracle. Au contraire fa bonté paternelle pour tous les cœurs droits , l'obli-
ge en pareil cas de faire difparoître le phantôme impofant de la fédudion par 1 éclat de
plufieurs Miracles, qui faftent vifiblement connoître qui font ceux dans la bouche des-
quels la Vérité réfide.
Dieu eft le protecteur déclaré des fimples dont le cœur eft pur & dont toutes les in-
tentions font droites , & généralement de tous ceux qui ne cherchent que la vérité,
qui ne défirent que leur fandification , & qui n'ont d'autre but que de lui plaire ; &
il ne manque jamais de venir à leur fecours , foit d'une façon foit d'une autre , lors-
qu ils s'adreflent à lui avec confiance & par de ferventes prières. Comment donc pour-
roit-il permettre qu'ils fuflent invinciblement féduits par le refpeft même & la confian-
ce qu'ils ont pour les Miracles , en fe fondant fur ce qu'il a déclaré lui-même qu'ils
étoient fa voix & fon témoignage ?
Dailleurs Dieu ne fait rien & ne permet rien que pour fa gloire. Or comment pou-
voir comprendre qu'il foit de fa gloire , que fa voix puiflé être aifément confondue
avec celle du diable ? Il faut donc néceflairement qu'il y ait dans tous les tems des ca-
raftéres reconnoiffables & des différences marquées , qui faffent difcemer les vrais Mi-
racles des prodiges menteurs fabriqués par les Anges de ténèbres.
Au lefte ce qui doit arriver du tems de l'Antechrift eft un fait unique en fon efpé-
ce , qui bien loin de prouver que les démons aient aujourd'hui la liberté de faire de
grands prodiges, prouve au contraire que les prodiges réels doivent communément fai-
re une grande impreffion , puifque le S. Efprit a cru néceffaire d'avertir d'avance les
Elus, de ceux que feroit l'Antechrift, afin qu'ils ne s'y laiflaffent pas féduire.
§. XII, La fource impure des prodiges réels , fenfibles ô" palpables de
l'Enfer eft ordinairement facile à découvrir; ^ il y a toujours des
caractères evidens qui diftinguent manif eft entent les Miracles Tii^
vins de ces merveilles diaboliques.
J
*Ai tout lieu de craindre , que l'Auteur au Mémoire Théologique fur les Secours vio-
lens , & celui des Nonvelles Eccleftafticjues , ne trouvent fort mauvais que j'ofc
Ff i met-
1x8 LA SaZJ-RCB. VIS PKODIGRS DE L'ENFER
Dissert. mettre cette phnfe eo titré , tapdis quf .f'eft Cclk de mon fécond Tome Ci. Edition;
suBL'AUT.j^y'jlg ont ciitiqiiçe avec le prWs die vivacité. Mais comme je fuis perfuadc , quela
Uis MIS. p,.(^olltion diamétralement contradicT^oire efl: un principe foit dangeteux , je me crois
oblige pour le bien dâ mes frères, de prouver que le fens de cette phrafeefttrès exact :
que S. Antoine &i S. Athanafe ont même dounc pour régie une Propofition fans com-
paraifoQ plus fôfta-î- que l'A-kitew du Mcmoije , celui des Nouvelles , & les autres
Tjic'qlogiens AntifecQUiiiilks cKit,cyx-mémes peaf« de Jtmérae façon que moi , tam qu'ils
n'ont point cru avoir intérêt de rendre problématique la Décifion des Miracles , afin
de pouvoir foutenir le^r Décifiob QO.iitre les grands Secours : que. les deux plus célè-
bres Théologiens qui leur ioient uiw, ont avancé des maximes qui vont bien plus loin
que ma phrafej &> même qu'on trciuve des- principes qui fufifent pom-l'ébblir, jul-
ques dans les Ecrits des plus grands Adveril\ire5 des Miracles de .ce Siècle.
,,,'• , Auj£ pour pouvoir ce»>lî*rer;k pîbrafe en quçftion, qui efb' conçue en ces termes:
L'Au'.eurdu . r i r ■ J j- J,. l'ir r a J- ■ r i ■ - i'
Memoiie A:»jt. la Joitice tmjiHre 'de (W proatges at, l Jf.nj^r r/f ordinairement facile a etecoitvnr;
Jclufdct^ le Nouvellille a jugé a propos de h traveftir en une Propofition générale, & de la
Nouv. le préfeuter par ces mots: L^i foitrce impure des prodiges de L'Enfer ejl ordinairement facile
dj°Tfcu"Ari * découvrir : au moyen dequoi il donne à entendre que je parle en cette phrafe de tou-
tiquc de h tes les cfpéccs dc llratagémes que peuvent faire les démons, & finguliérement de ceux
[•/.«T.v-râ'-' oii ces Efprits de ténèbres fe transforment ea Anges de lumière.
^"'4;''' (V Cependant il eft au contraire évident, que la phrafe eft relative à ce qui la précède,,
CD domîa'nt' & qu'elle n'cft: que la conclufion de ce que j'avois prouve auparavant : que Dieu feul
V"a un"" Z'^"' /î/Vf de vrais Aiiracles : que ces Miracles ont des caraUéres qui les diflinçuent
propofiiion manifeftcmcnt des prodiges des démons: 'c\\it la plupart des merveilles cj» opèrent ces Ef-
^" om'es^'îcs /"'"•^ impoftcurs, n'ont cjH une vaine apparence, qui bientôt fe dijjipe \S' s'évapore comme
différentes une fuméi, & que lorsqu'ils font è&% prodiges ç^\ ont quelijue réalité, ce Jont des prodi-
ftraiagcmes g^s malfaifans , ou du moins (jui tendent vijiblemcnt à injînuer quelque erreur, D'oiz je
guc p«"^ci" conclus , quainjî Li,fiHrce impure de ces prodiges de r Enfer cji ordinairement facile à
mons. découvrir. *
Je devois d'autant moins m'atttndre que cette phrafe feroit fortement critiquée , qu'élu
le efl conforme à la conféquence que S. Thomas tire lui-même des différentes règles
qu'il donne, donc chacune fuifit félon ce faint Dodeur, pour difcemer les Miracles
Divins des merveilles diaboliques.
S. Thom.in La première de ces règles eft que Dieu feul peut opérer des Merveilles qui „ furpaf-
a.Sîni. dift. ^^ £-g,jj toute, la vertu ajflive'dfi la nature: In ilJis etiam ad qu^ virtus activa nattera fi
„ extendit. Ce que l^s démons (ajoutc-t-il), ne peuvent faire véritablement, mais
„ feulement pa- des preftiges, qui ue peuvent long-tems durer. " Uu<t damants fecun-
dù/» veriiatem faccrt non pv(fnn[ , fed in pr^Jligiis t.tntum, qua diu dur are non pojfunt.
„La féconde, que les Merveilles Divines font utiles aux hommes, telles que les gué -
„ riions des maladi<.s & autres ciiofes femblables , au lieu que les merveilles diaboli-
„ ques .ne fontque nuilibles, ou du moins vaines & inutiles : " Secunda ex utilitate Jî-
gnorum , quia figna pcr bonos facia , funt de rébus utiUbus , ut in ctiratione tnfirmitatum
er hujiifpjodi . . Signa autetft per malos faRa , funt in rébus nocivis vel vanis^
' ,, ''La troifiéme, que les Merveille? Divines ont pour ifin l'cdification de h fni 8e
„ des bonnes mœurs, & qu'au contraire (les merveilles diaboliques tendent manifefte-
„ ment à la ruine de la foi & de l'honnêteté." Tertia dijferentia quatititm ad Jincm ^
quiajîi^n.t bonorum ordinantur ad adificationçm fidti G* banorum morum , fed figna malo-
rum funt in manifcftum nocitmentum fidei cr honefatis.
Enfia
• [Ccli cvoit daB« 1» i. Edition d<i T|on)c IL à U finuk Y dvmt-prtfos de In IV. Partie des o^.
fftvi^ons fur lu Canviilfions , où M. de Mootjyrpn nvoit placé un EJfjii de D.Jferia/itn lur le ^c;.;..>
4:1 Aipi <y du dimtnt à l'égwd des itns m*ïcrttli ; petit Ecrit de 8. ou lo. fig«.]
EST ORDINAIREMENT FACILE A DrCOVFRiR. izp
„ Enfin la deiTiicre eft, que les Miracles s'obtiennent par des prières adreflees à Dissert.
,, Dien avec piété, & les merveilles diaboliques par des pratiques infenfces, " Et qfta>t-^^^^\^i^'
titm ad mvdum diffcrunt , quia, boni operantHr miracttla per mvocatioaem divini mminis pie
(^ rtver enter , fed mali cjHibusdam deliramentis.
D'où ce fàint Dofteur conclud que ,, les Merveilles Divines peuvenr fe difcerner
„ manifeftement de tout ce qui eft opéré par la puilTance des démons. " Et itk figna,
per bonos fatia manifejFe pojfum difcerni ub his qu£ vtrtitte diimoniim fiftnt.
Mais pour ma pleine juftification , il eft bon que je fafle encore obferver su Lefteur,
que dans tout l Avitm-propos de la IV. Partie de mes Obfervarions , i. Edition, oii
l'Auteur du Mémoire Théologiqm & celui des Nouvelles ont pris la phrafe qu'ils criti-
quent avec tant d'amertume, il n'y eft pas dit un feul mot, ni des inftinds, ni des
révélations , ni des vifions prophétiques. Tout le but de ce' petit Ecrit étoit de prou-
ver que le démon ne peut point faire de vrais Mincies, & qu'il eft ordinairement aifé
de diftinguer les Miracles Divins des prodiges, de Satran. Voilà uniquement à quoi
tendent fort diredement , foit du moins indireflement , rous les raifonnemens & les cita-
tions de cet Avant propos. A quoi il faut encore ajouter , qus dans plufîcurs autres
endroits de mon fécond Torae, (dès la i. Edition) je remarque moi-même la difficul-
té qu'il y a très fouvent à difcerner ce qui vient de Dieu, de ce qui peut être une
inftigation du démon, dans les inftincès des Convulftonnaires , daiîs leurs difcours,
leurs prédictions, &c & J£ m'avance même jufqu'à dire quelquefois : Onxe peut fat- rYornU, ^z.
re ce difcernement avec une pleine ajfurance que par un don d.n S, Efprit. . Prog. p. 76.
Il e donc inconteftable , qcie dans la phrafe fi violemment cenfurée par ces MM.
& où je ne parle que de prodiges proprement dits, il n'y eft point du tout queftion de
ce genre de fuggeftions intérieures de Satan, qui ne font qu'une imprelTion fecrette
dans l'efprir, dans l'imagination; & dans le cœury puisqu'au contraire je dis moi-même
expreflement ailleiu-s , que le principe des inftinâs & des pi-étendues révélations elt
quelquefois n'es difficile à démêler.
Cependant c'eft en affëcSant de confondre cette efpéce intériieuTa de^ 'ftj-atagémes dia-
boliqaes, & quelques autres de pareille nature, avec les prodiges réels, matériels,
fenfibles & palpables que le démon a quelquefois permiffion de faire, que l'Auteur
du Mémoire Théologique & celui des Nott-jelles prefentent ma phrafe , comme un prin-
cipe pernicieux & propre à livrer les fidèles k la fédu^ioa , dés quelle ne fera pas évi- ^°^'[- ?^^'=J-
dente cr grojfiére, . 1741. ait. 6l
Par exemple, c'eft ainfi que le Noavellifte pour prouver b Propofition contradic-
toire de ma phrafe , c'eft à dire pour nous fournir des preuves-, qu'il eft fouvent diffi/-
cile de diftinguer les vrais Miracles des prodiges de l'Enfer, nous renvoie aux p3fla«^°"^'.E"'»
ges de Gerfon &: du Cardinal Bona, cités à la page 155. de VEx.imen de la ConfuUa- ly^i. col. i.
tion; quoique dans cespaflages.il n'y foit en aucune manière parlé- de Miracles, ni » '» fi°-
même de prodiges vHibles , matériels & fenfibles, mais feulement des révélations- & de*
prédiftions qui quelquefois fe trouvent démenties par l'événement.
C'eft pareillement en s'appuyant fur cette faufle fuppofition, que l'Auteur du Mi''
maire Théologique fait une fi violente cenfure de ma phrafe , & qu'il déplore- enfuite d'u-
ne manière f\ pathétique & fi touchante, les excès qu'elle peut decafionner, Sflesdaur.
gers où elle précipite les fidèles.
„ C'eft, dit-il en parlant de cette phrafe , un Paradoxe fi oppofé à l'Ecriture, à la- Mémoire
,, Tradition, à l'expérience, qu'il eft furprenant qu'on (ait ofé) l'avancer. Eft-cecoU°2.^" "'
,, qu'on ne penfe pas (ajoute-t-il) combien l'Ange de ténèbres eft artificieux pour fe
,, transformer en Ange de Utmiére? " '.'( lifi i /i icci Tj-:' :• v-'
Quoi! ce favant Dodeur ne fait-il point, que les Pères de t^Eglffë rtOUS'Bnf enfei-
gnès, que par ces mots (pris dans h II Epître aux Corinthiens, thap. Xï. vf. 14.)
F f 3 S.
îjo LA SOVRCE DES PRODIGES DE VENFER
D issEKT. s. p^ul n'a entendu parler que des fuggeftions intérieures, quelquefois accompagnées
*"'"-'*"'^'d'appaiitions illulbires, par où Satan cherche à furprendre les perfonnes de piété, en
les excitant à entreprendre quelque œuvre ou faire quelque adion qui n'a qu'une faulTe
apparence de bien, & qui feroit dangereufe pom- leur falut ? Ainli c'eft donc vilible-
ment s'écarter de la penfée de l' Apôtre, de des termes mêmes de ce Paffage, que de
s'en fervir pour infinuer que les Miracles Divins, c'eft à dire les rcfurreélions , les
gucrifons Miraculeufes, &c. ne font pas ordinauement faciles à diftinguer des prodi-
ges diaboliques.
Ibid. ,, Ne fait-on pas réflexion, (continue l'Auteur du Mémoire) fur les pièges que
„ l'Efprit fcdu(5teur cherche à nous tendic, fur les ftratagcmes qu'il eft ingénieux
„ à inventer."
Mais cet Auteur ne peut pas ignorer, que j'en ai averti les Convulfionnaires en ter-
mes très forts dans mon fécond Tome , puisque lui-même rapporte à la page fuivantc
If^iJ. p. 13. de fon Mémoire, que j'ai objervé , p. 55. efue les Convttljîonnaires ont à combattre con-
""■ tinHtllement contre des ennemis inviftbles , qui ne fondent tju'à deshonorer L'œuvre de Dieu
tr (jit'a fournir aux hommes des prétextes pLmJibles pour la décrier. . . . Que cette réfle~
xion doit les porter k fe défier de leurs prétendus injiincis , parce qu'ils peuvent aifément
prendre des tentations de l'Efprit pervers pour des infiin^s de leurs Convulfions,
Néanmoins dans la même page cet Aueur fait les plus vives exclamations contre ma
phrafe, comme fi elle tendoit à divinifer indilhnâement.tous les inftincSs des Convul-
fionnaires.
Ibid. p. 1?. „ Pourquoi, s'écrict-il , les Maîtres delà vie fpirituelh nous auroient - ils donné
mUi.&i. ^^ tant d'avertiriemens de nous tenir en garde contre les pièges du démon, contre fes
,, embûches & fes preftiges? Où feroient donc ces pièces fi artificieufemeut tendus?
„ Où feroient ces em juches fi difficiles à conioître, fi la fource de? prodiges del'En-
„ fer étoit ordinairement ficile à découvrir? Au milieu des vHîons , des cxtafes, des
„ infimes furnaturels (ajoute t-il; des mouvemens extraordinaires & autres prodiges
„ de ce genre, dès là qu'ils feront furnaturels , nous voilà au large; les barrières font
„ rompues, les précautions qu'on nous a recommandées deviennenr inutiles: les diffc-
„ rens fignes qu'on a apportés pour ce difcernement , ne font plus O'i prelque plus de
„ mife. . .. Qui ne voit où vont fe jetter avec ces principes, les efprits portés à l'en-
„ tho'jfiafme? Appliquez-les à la matière des Convulfions, à tout ce que difent les
„ Convulfionnaires, à tout ce qu'ils demandent, à tout ce qu'ils font. Sitôt qu'on y
„ trouvera de furnaturel , on fera porté ordinairement à divinifer tous les effets dont la
„ fource ne fera pas facile à découvrir: on fera porté à regarder comme des oracles &r
„ des merveilles de Dieu tout ce qui ne fera pas marqué au coin de l'Efprit infernal
,, p;r des traits qu'il foit aifè d appercevoir."
Qiielque rcfpcéi que j'aie pour l'Auteur du Mémoire ^ je ne puis m'empccher dédi-
re que toute cette véhémente & brillante éloquence n'eft qu'une pure déclamation, puis-
qu'elle n'a pas le moindre- fondement. Ce qui eft d'autant plus manifefte, que cet Au-
Ibid. p. 1^. teur convient lui-même tout de fuite, que ,, dans la II. Partie de mes Obfervations,
<ol. 1 & p. ^^ p_ j^_ ^j_ édition) j'ai averti que dans les Convulfions il faut fi défier du démon^
„ comme pouvant) avoir reçu plus de pouvoir fur les Convulfionnaires cjue fur le commun
„ des hommes , parce qu'il efl ajfcz. ordinaire que Dieu lui en donne davantage fur ceux
„ qui font dans un état furnaturel ... (& qu'il faut) fufpeudre fon jugement , toutes les
,, fois que la caufe immédiate d'un effet qui paroit Jiirnaturel, ne nous eft pas clairement
,, marquée par quelque caratlére décifif : "
N'cft-cc pas là fournir lui-même une preuve complctte, que je foutiens prècifèment
k^ Propofitions contraires à celles qu'il m'impute afin de fe forger un prétexte de dé-
crier mon Ouvrage ?
1\
EST ORDINAIREMENT FjiCILE A DE'COVVRIR. jji
Il eft vrai qu'il ne rapporte ces Textes démon Livre, que pour infinuer que je fuis Dissert.
en contradiAion avec moi-même. Mais cetre prétendue contradidion eft bien facile ^ '"'^'-''^"^•
concilier, puis qu'il ne faut pour cela que diftinguer les prodiges vifibles, matériels, '"''"'*•
fenfibies & palpables , d'avec les fuggeftions intérieures du démon qui font des opéra-
tions d'une efpéce différente, & que cet Auteur n'auroit pas dii confondre enfemble.
A l'occafion de ceci je ne dois pas manquer d'obferver au Lefteur, que les régies
que j*ai propofées dès la première Edition de mon fécond Tome, pour faire le difcer-
nement des impreflîons furnaturelles qui viennent de Dieu , d'avec les fugge.lions de
Satan, ont été d'en conlldérer fcrupuleufement les différens caraAéres , d'étudier avec
grand foin h fin à laquelle elles fe rapportent , & d'examiner avec toute l'attention dont
on eft capable les effets qu'elles prod.iifent dans les efprits , dans les cœurs & dans les
âmes. Car les impreiTions furnatur.lles dont Dieu eft l'auteur tendent toujours à quel-
que bien: par exemple, à faire éclatter fa gloire, fa toute-puiffance & fa bontéj à prou-
ver invinciblement h force efficace de fa grâce, ou quelque autre Vérité conteftée, ou
à laquelle on ne fait point affez d'attention; à convertir des incrédules, à augmenter la
foi des fidèles : à remplir leur cœur de reconnoiffance & de confiance en lui : à forti-
fier leur courage pour foutenir toute Vérité malgré l'oppofition des hommes, &c. Au
lieu qu'au contraire les inftigations du démon n'ont pour objet que de s'oppofer aux
deffeinsde Dieu, de deshonorer fes œuvres, de rainer ou du moins d'affoibhr les ver-
tus, & de faire tomber dans quelque erreur. A quoi j'ai ajouté, qu'il faut en même
tems être véritablement &: intimement convaincu , que par nous-mêmes nous ne fommes
que ténèbres , & faire en conféquence tous nos efforts par d'ardentes & d'humbles priè-
res, pour faire defcendre fur nous la lumière qui vient d'enhaut.
Eu-ce donc là livrer Us fidèles à la feduBion , dès quelle ne fera pas évidente cfr vrof-
Jieref Eft- ce là d'vinifer tous les ejfets dont la four ce ne fera pas facile à découvrir ^ Eft-
ce li rendre inutiles les précautions , que les Alaîtres de la vie fpirituelle . . . nous ont
recommandées? Eft-ce là rompre les barrières qu'ils ont établies?
Il eft vrai que je pofe pour principe , que c'eft principalement de la grâce de Dieu
dont on doit attendre la lumière, & que les plus favans Dofleurs auffi bien que les au-
tres perfonnes , ont befoin en pareil cas de recourir à la prière pour l'obtenir : au lieu
que les Théologiens Antifecouriftes femblent vouloir faire dépendre prefque entière-
ment de leur érudition Thèologique le difcernement de toutes les impreffions furnatu-
relles. Voilà la feule différence à ce fujet , que je connoilTe entre leurs principes & les
miens.
Au furplus dans V Avant-propos d'où ces MM. ont tiré la phrafe qu'ils critiquent fî
violemment, il n'y eft pas dit un feul mot de ces impreffions furnaturelles, ni d'aucun
des ftratagémes de cette efpéce que Satan emploie pour féduire. Encore une fois il
n'eft uniquement queftion dans ce petit Ecrit, que de prouver que les Miracles Di-
vins, c'eft à dire les réfurredions , les guérifons Miraculeufes , &:c. ont des caradéres
diftindifs , qui les font aifément difcerner des prodiges diaboliques : or qui ofera don-
ner, pour maxime & pour règle, la Propofition diamétrahment contradiftoire ?
Cependant fi l'on en croit le Nouvellifte , les Théologiens cr tous les Maîtres de la vie ^'°"^- E"-
fpirituelle fe rèunifTe contre ma phrafe. Quoi ! prétend-il donc qce tous ces favans per- 17,1! ait."âl
fonnages ont généralement foutenu , qu'on ne peut fans être Dofteur diftinquer or-
cinairennent la lumière divine des Miracles, d'avec les prodiges illufoires des Anges do
ténèbres? Veut-il nous faire accroire que fans avoir l'érudition Théologique, on ne
peut difcerner la magnificence, lamajefté, la bonté de Dieu dans les œuvres où il fait
îînguliérement éclatter fa toute-puiffance & d miféricorde, de la foiblelfe, de la vanité,
de la méchanceté qui font les caradéres inféparables des prodiges diaboliques ?
PoLU- établir une fi furprenante Propofition , le Nouvellifte ne rapporte uniquement
que
jjî L'A' SO'URCE DES PRODIGES DE L'ENFER
Dissert. que k Pacage de S. Auguftin , QuUl foffiytt ftr nMttram, Sec. à l'égard duquel j'ai
soKt.'AUT prouvé ci-deHus, que bien loin qu'il foit propre à fonder la critique du Nouvellille,
DEsMiR. ji j^g j-jjj g^ contraire que reftraindre à de juftcs bornes le pouvoir indéfini, dont ceux
qui veulent aujourd'hui fe fouftraire à la Décilion des Miracles, font préfent au diable.
Mais leNouvellifte Se l'Auteur du Mémoire n'auroient pas dû omettre de répondre i
* I EJ.da une Propofition de S. Antoine citée dans mon fécond Tome *, 8c qui préfente préci-
Tom- "• ^; fément le fens que ces MM. attribuent fauffement à ma phrafe, pour avoir un prétexte
lerv. p. 5=. de la critiquer.
itcfTé^Ji Ainfi leur cenfure ne poite qu'a faux fur ce c^ue j'ai dit, mais elle tombe à plomb
il-, fur S. Antoine, qui dans ce beau Difcours qu'il a fait fur l'impuiiïance des démous,
^r^po°u'r' donne pour principe , en parlant des vifions , qui quelquefois viennent de l'auteur de
piiDcipc, tout bien & quelquefois du démon : * ^«'// eji facile avec la grAce de Die» de difcerner
qu'il cftfbci- , , ^ '
le de diicci- '« w" dcs antres.
net les VI- Cependant la plupart des Théologiens enfeignent , que l'origine des vifions eft com-
vrcEncnt Je munément bien plus difficile à découvrir & à déterminer avec certitude , que l'auteur
t>;f"'<i'"«^ des Miracles, & des prodiges réels, matériels & fenfibles, tels que ceux dont- il_;eft
"d"oc''uic. quefiion dans la phrafe de mon Avant-propos, que ces M M. cenfurcnt avec un zèle fi ardent.
ÂaioioTcl'. Si S. Antoine a bien pu dire , qu'il eft facile avec la grâce de Dieu , fans laquelle on
«i- p- 53» ne peut rien faire de réellement utile au falut , de diftinguer les vifions que Dieu envoie
par le miniftére des bons Anges, d'avec les apparitions phantaftiques que Satan trouve
le moyen de faire voir; avec combien plus de force n'auroit-il pasfoutenu, qu'il eft
encore bien plus aifé de difcerner les Miracles Divins des illufions diaboliques ? Si fe-
rhap.15. p. Ion ce grand Saint qui dit le favoir par fa propre expérience, k pernicieux principe des
vifions "procurées par le démon, eft facile à démêler; peut-on croire qu'il n'ait pas été
perfuadé , que la fource impure des prodiges réels de l'Enfer ne fût encore bien plus fa-
cile a découvrir ?
Mais ce n'eft pas feulement fur S. Antoine que frappe la cenfure de ces MM. c'eft auiïi
fur S. Athanafe, qui rapporte avec de grands éloges le Difcours où S. Antoine pofe &
prouve cette théfc.
Jufqu'à préfent S. Athanafe a paffé pour un des plus célèbres Pérès de l'Eglife & S.
Antoine pour un des plus grands Maîtres de la vie fpirituelle : ces MM. oferont-ils
donc aujourd'hui leur e.i contefter l'honneur? Non fans doute. Concluons donc, qu'u-
ne cenfure , qui retombe fur d'auftî grands Saints , que tous les autres qui les ont fui-
vis ont regardes comme des lumières brillantes, que Dieu avoit placées dans l'Eglife;
ne peut pas ctre bien fondée , & que c'eft être trop entreprenant que d'ofcr critiquer
fi vivement les principes qu'ils ont cnfeignés.
■■"'• Mais les Théologiens Antifecouriftes ont-ils toujours penfé, qu'il étoit ordinaire-
d« 'Thtô'io- ment difficile de diftinguer les Miracles que fait le Dieu de vérité, des prodiges men-
f'""vam''' *^"''' *1"^ ^^^^ '^ P^""^ ^" mcnfonge ?
qu'iîs^c" Pour favoir quel a été d abord le fentimcnt de ces MM. fur cette qucftion , il ne faut
l°u's"for- qu" I2 puifer dans l'un des premiers & des plus beaux Ecrits qu'ils aient fait fur les Miracles,
cét.pourfou- Voici comme ils s'expriment dans la I. Lettre qu'ils ont publiée fous le nom de l'u^ù-
lenirlcordf' i ' J r'-n
ci lion comte P» «fc /> !/'<'• . n i /• i t
jcîgrandsSe- ^^ La preuve des Miracles, difent-ds , eft pour le fimple peuple une controverfe 3-
cof!^'bI^t'lt „ brégéc , facile &: viftorieufe . . . (C'eft ainfi)que l'Iivangile eft annoncé aux pauvres. "
telles des 5j jj, Miracles font l'Evangile des pauvres, il faut que cet Evangile foit ^i leur por-
ii'f'eVp"t*'ce tée; fi /•« preuve qui rcfultc des Afir.icles ejl pour le fii,tple peuple nne controverfe abri'
""^Le i &"■> /**^''' ^ villoriettfe, il faut donc qiie les fimples (oient en état de diftinguer par
rÂbbe de tux-mcmes les Miracles Divins des prodi^^es de l'Enfer; &- il faut par conféqucnt que
Li'in''ii'' ^* fource irupure de ces prodiges diaboliques foit ordinairefnvft f.icile rf découvrir, puis-
que
EST ORDINAIREMENT Fj4CILE u4 -DE'COVFRIR. ^
que s'il y avolt communément de grandes difficultés, leur difcuffion ferait au deffiis de DrssEBt,
leur capacité, de leurs lumières, & même de leur intelligence. surl'aut,
,, Un fimple inftruit de fa Religion (continue cet Auteur) répondra avec affurance : °^.^ "'*'
„ je n'entends point vos fubtilités. Je ne fai ce qile vous voulez me dire, mais ce que '"''■^' '*'
„ je fai & ce que je vois de mes yeux, c'eft que Dieu fait des Mn-acl?s . . . & j'en
„ conclus que votre Conflicution ne peut pas être une Décifion de l'Eglife. "
IVlais ce fimple ne peut-il pas dire également? Je vois des Miracles manifeftement Di-
vins opérés par les plus énormes Secours: je vois des membres eftropiés & contrefaits
qui fous les coups les plus terribles reprennent peu à peu une figure naturelle, avec le
mouvement, la force & l'agilité dont ils étoient privés depuis long-tems; & fen con-
clus avec aJfitrdKce, que c'eft Dieu qui infpire aux Convulfionnaires de fe faire donner
des coups iî effrayans , puisqu'il s'en fert vifiblement pour opérer de fi grands Mira-
cles, ye n entends point -vos fubtilités , elles palTent mon intelligence : vous prétender
qu'on blefle les régies : on foutient au contraire , qu'on fuit celles de l'Evangile : je
n'ai pas aflez de lumière pour juger fur vos différens raifonnemens , qui de vous a tort
ou raifon ; mais ce que je fai ô' <^e que je vois de mes yeux , c'efi que Dieu fait des Mi-
racles, & même de très grands Miracles par le moyen de ces Secours; & Yen conclut
fans héfiter , que puifqu'ils les emploie pour fa gloire , & pour répandre fes bienfaits ,
il nous déclare par là très clairement qu'il les autorife.
Voilà précifément ce cfui bleife les Théologiens Antifecouriftes, & ce qui leur fait
trouver que la preuve qui réfulte des Miracles, n'eft plus aujourd'hui fi claire qu'elle
l'étoit il y a quelques années.
Le Nouvellifle dira-t-il, que l'Abbé de L'ifle s'eft un peu trop avancé dans fa pre-
mière Lettre. Mais ce feroit fe mettre en contradidion avec lui-même. Il a donné à
cette Lettre les mêmes éloges que le Public : ainfi il n'y a nulle apparence qu'il prenne
ce parti. Cependant la Vérité n'eft qu'une: elle eft la même dans tous les tems; elle ne
change point fuivant nos différentes vues & la diverfité de nos intérêts. Le raifonne-
ment que l'Abbé de L'ifle met à la bouche du limple, ce raifonnement li décifif con-
tre la Conftitution , ne l'eft pas moins contre le fentiment des Théologiens qui réprou-
vent les grands Secours." Les Miracles ont également décidé d'abord contre la Bulle, &
enfuite contre leur Décifion,auffi bien que contre la Confultation des 30. Dofteurs.
Mais ne quittons pas fi-tôt des Lettres d'où fortent de fi grands traits de lumière &
fi inftruftifs. Voici encore dans la III. & la IV. des maximes tout auffi décifives que
dans la première.
„ Les vrais principes fur les Miracles (difent les Théologiens Antifecouriftes fous iir. ictt. de
„ le nom du même Abbé) ne font autres que les notions communes ... à la portée p'*,'^^.''' ^•
„ des hommes groffiers , des ignorans comme des favans. "
Si les vrais principes pour juger des Miracles ne font autres que les notions communes
qu'ont les hommes grojfiers & les ignorans auffi bien que les favans, tout le monde eft
donc capable de diftinguer les vrais Miracles des faux prodiges, pourvii qu'on y falTe
une fèrieufe attention, fur-tout que le cœur foit droit, & que le jugement ne foit point
obfcurci par aucun préjugé, ni aveuglé par aucune paffion.
Auffi l'Abbé de L'ifle ajoute-t-il ,, que les opéiations furnaturelles de Dieu fe font
„ fentir pai" elles-mêmes : qu'elles portent des caradlères diftinftifs , qui en font la
„ preuve, & (que) cette preuve eft auffi certain^ qu'elle eft abrégée.
Et il décide dans une autre Lettre, que ,, les Miracles étant la voix de Dieu & 'V Lctc. p
„ difcernant aux chofes douteufes, là où fe trouvent les Miracles, là auffi fe trouve '^''
„ certainement la Vérité & le fentiment de l'Eglife. Que fi cela n'étoit pas. Dieu lui-
„ même induiroit les hommes en erreur, ce qu'on ne peut fuppofer fans blafphême."
C'eft ainfi que les Théologiens Antifecouriftes raifonnoient , avant que Dieu eût fait
Dijfert. Tom, //. G g des
134 ^^ SOVRCE DES PRODIGES DE UEMFER
Disss«T.4es Miracles par le moyen des terribles Secours, & même tant qu'on n'a pas oppofc
suRL'AUT.j.çj Miracles à leur DcciGon. Pendant tout ce tems-là les Miracles ont été une preuve
- ' ' ' Aiijfi C(rtai»e <ju ahréji^ce , & itU portée des hommes grojjicrs & des igmrans : ils ont été
ia voix de Diat, qui fe fiait eutendte aux plus llmples, & qui leur fait difcerner aux
cbofes dotitefifes. Jufques là la Vérité. avoit toujours été du côte où fe trouvent Us JUir-
racles : c'étoit un blasphètne que de foutenir le contraire , puifque c'étoit foutenir que
Dieit lui-même induifoit les hon/mes en erre/tr.
Mjis depuis que Dieu a prottrit par plufieurs grands Miracles unsDécifion que ces
MM. ojit fait trop précipitamment, les choies font bi;n changées.: la preuve qiii ré-
iiilte des Muacles eft devenue toitt à coup très obfcure , & il n'eft plus permis au com-
mun des fidèles d'en tirer les confcquenccs qui en naiflent le plus clairement. Il faut
aujourd'hui que tous les fidèles, quelque manifi.ftement Divins que foient les Miracles
qu'ils voient , confuitent MM. les Théologiens Antifecouriftes , & fe foumettent aveu-
glément à leur avis, avant que de fe prêter à l'imprelfion que ces Miracles font dans
leur cœur; fur-tout Jî ces Miracles s'opèrent à la fuite des grands Secours, ou qu'ils pa-
Nouï.Ec- '"O'fl'ent les autorifer. Moi-même, quoique j'aie „ fait avec fuccès ( dans mon fécond
çicC du 21. ^j Tome, dit le Nouvcllifte) l'expofition des Témoignages qui fervent à proaver les
f!i.co\.T. j, Miracles-. . lorfquc . . j'entreprends de tirer de ces prodiges des conféquences pour
,, la conduite, on ne peut s'empêcher de voir un Auteur qui dans des tems critiques
„ &' des évenemens remplis d'obfcurités , n'a pas fenti combien il eft eflentiel de ne fe
„ conduire que par les régies ", c'eft à dire de preiKiie pour régie le fentiment des
Théologiens Antifecouriftes. Car quoique leur Déciiîon contre les grands Secours ne
foit vraiment fondée fur aucun principe, &: qu'elle foit au contraire diamétralement op-
* Dans le pofée aux régies de l'Evangile, ainfi que je le démontrerai *, c'eft néanmoins cette
Ki'tc"ej!-''' Décifion que ces MM. nous doruient pour une régie irréfragable, pour une régie de
tion, ou u l'Ecriture cr de la Tradition, .1 laquelle tout le monde eft obligé de fe foumcttre.
ujTt'cTau'* Mais quoi ! Le petit intérêt qu'ont ces MM. de foutenir une Décilion qu'ils ont
I00& faite dès la fin de 1752., dans le tems que Dieu n'avoit point encore vifiblement dé-
claré par un grand nombre de Gucrifons Miraculeufes , que c'eft lui-même qui met
dans les Convulfionnaires une force prodigieufe, & des qualités évidemment fumatu-
rellcs qui les rendent invulnérables à des coups capables d'écrafer les pierres , & par
confcquent que c'eft lui qui leur fait demander les énormes Secours néceflaires pour
faire paroitre ce Prodige fi admirable : l'intérct , dis-je , que ces MM. ont de foutenir
leur Avis, un intérêt fi foible &: fi léger doit-il l'emporter dans leur cœur fur l'intérct
fans comparaiibn plus grand ; qu'ont conjointement avec eux la Vérité, h Religion,
tous les AppellanSjtous les fidèles, que le Public foit de plus en plus convaincu de l'Au-
torité Divine qu'ont les Miracles, de décider toutes les queftions qui peuvent paroitre
do'teufes ?
Ne fcToit-il pas bien plus digne d.- leur vertu, au lieu de changer de fentiment fur la
foumiflfnn qu'on doit à ce que les Miracles décident, de convenir avec humilité que
brfqu'Hs oat donné leur Avis centre les grands Secours, la matière n'étoit pas encore
ad'.i C' l.iv.-je, Dieu n'ayant point encore parlé auflî manifcftemeiit à cet égard qu'il l'a
fait depuis.
Après toutes les preuves que ces MM. ont données de l'étendue de lem-s lumières, &
de l'intrépidité de leur zèle pour la Vérité, il femble qu'il ne leur relie pour ache^'er
leur couronne, que de doiiner l'exemple au Public de la plus humble foumidion \ tou-
tes les Décifions Divines.
tn 1757. ces MM. pcnfoient encore fur l'Autorité des Mincies, ainfî que j'ai tou-
jiurs fait depuis ma Converfion. Us publioieu eux-mêmes que les Miracles dcvcicnt
être regardés comme la voix de Dieu, qu'Us ètoicnt le fecours le plus fenfible que Jé-
. . (us-
Est 0RDINJIREME?7T FACILE A DE'COVFÈIR. îjj
fus-Chrifl: eût promis à fon Eglife , & par conféqrterit.aux fimplÊs& aux petits qui ' Dissmt,.
en font une partie coniîde'ràble; & que dans les chofes douteufes ils étoient un témoi- *^''^''*"''«
gnage decifif & un moyen infaillible de difccrner la Vérité. desmir..
Pour prouver que telles étoient encore leurs principes en 1757. je n'ai befoin que de
rapporter quelques traits de la Feuille duNouvellifte du 5. Octobre de cette année là,
,où il fait le précis & l'éloge de la dernière Pièce de mon Premier Tome , intitulée
Confé(jf{e»ces qui réfultent des Miracles , &c. Ces MM. ne defavoueront pas, que le
Nouvellifte ne foit, pour ainfi dire, l'organe de leurs fentiméns.
Voici comme il commence ce précis de fa façon.
„ Les Miracles font la voix de Dieu , & en même tems la marque la plus fenfibip ^°'^q^^'
„ de fa préfence , & le fecours le plus éclattant que Jefus-Chrift ait fait efpérer à fon 1737. aie t,
„ Eglife. La promefle n'en eft point limitée. Elle eft pour tous les tems. Dans tous
„ les tems les Miracles font preuve par eux-mêmes. Ils font un témoignage fi décifif
„ & un moyen tellement infaillible pour connoître la Vérité , que notre Divin Maî-
,, tre l'a regardé comme fufTlfant pour prouver fa Miffion & la Divinité de fa perfon-
„ ne." Sans doute que ces MM. ne contefteront pas que c'eft finguliércment ^«jc Luc.VHii-
pauvres , aux fimples, aux petits que Jefus-Chrift eft venu annoncer l'Evangile , ainfi
qu'il le déclare lui-même. Si les Miracles ont été à leur égard le témoignage décijif ^
le moyen infaillible que notre Divin Maître a voulu employer pour leur faire connoître lu
Vérité & leur prouver fa Miiïion & la Divinité de fa perfonne , il faut que les pau-
vres & les fimples foient par eux-mêmes en état de difcerner ce témoignage d'avec le*
artifices de Satan. Et par conféquent il faut que les Miracles Divins aient des carac-
tères aflez décififs , aflez vifibles , fenfibles & palpables, pour que les fimples & les
pauvres pu iflent les diftinguer des prodiges diaboliques par leurs propres lumières.
Car' ceux d'entr'eux qui du tems de Jefus-Chrift , fe font décidés par l'avis des Pha-
rifiens, des Prêtres & des Doèleurs, bien loin d'avoir profité de h lumière des Mii^a-
clés , les ont attribués à Bcelzebut.
Or, fuivant le Nouvellifte, les Miracles , . . {ont four tous les tems. Se dans tous
les tems ils font preuve par eux-mêmes. . . Ils font la voix de Dieu . . . la marque U
plus fenjible de fa préfence , (^ le fecours le plus éclattant que Jefus-Chrift ait fait efpérer
k fon Eglife,
Cette voix de Dieu n'eft pas uniquement pour le? favatiS. Elle eft généralement
pour tous les fidèles , & fpécialement pour les limples. Il faut donc que les fimples
o'entre les fidèle^ puiffent être capables dans tous les tems de la diftinguer de celle du
diable , fans quoi ce fecours le plus éclattant que '^efus- Chrifl ait fait efpérer k fon Egli-
fe, deviendroit inutile pour le plus grand nombre des Chrétiens, fur-tout dans un tems
de féduftion^ tel que celui-ci, où prefque toutes les Puiflfances, & même prefquc tous
les Miniftres de l'EgHfe font révoltés contre les Miracles.
Mais voici une autre obfervation , qui prouve d'une manière encore plus fenfible,
que les fentiméns du Nouvellifte , & par conféquent de ces MM. étoient bien diffè-
rens en 1757. de ceux qu'ils femblent avoir à préfent.
C'eft que la phrafe qu'ils cenfurent aujourd'hui dans mon Second Tome , fe trouve
& même en termes plus forts & plus généraux , dans la dernière Pièce de mon Premier
Tome * dont en 1737. le Nouvellifte faifoit l'éloge. «Confè-
J'ai dit dans cette Pièce, en parlant des prodiges diaboliques , que leur four ce if^f- Tdcvid di
pure efl toujturs évidente par les circonjlances , au lieu que dans la phrafe du Second To- ''i'''f, '•''*
me tant critiquée je dis feulement , quainji la fource impure de ces prodiges de l' Enfer lecht.
eft ordinairement facile a découvrir. Or n'eft-il pas évident que cette phrafe eft plus
reftrainte ti pins limitée que celle de l'Ecrit intitulé Conféquenccs , &cc. Celle de cette
Pièce de mon Premier ToniCj n'eft même'exaâre que parce qu'elle n'eft pas une Pro-
G g 2 pofi-
»
lj« LA SOVRCE DES PRODTOES DE VENFER
Dissert, pontion gcnc^le, non plus que celle de mon Second Tome , mais qu'elle eft relative
'^'^^'-■^^^"J à ce qui U précède.
"" "'_■ Cepcndjin bien loin que le Nouvelliste ait critiqué cette phrafe en 1757. il dit que
du 5 Otiob l'Ecrit où elle fe trouve, eft une ,, Pièce foliJe , inftruftive (&) que ceux qui feroient
'"'^' „ tentes de penfei que Dieu peut permettre au démon d'emprunter Ton ftcau &: fes let-
tres de créance (c'eft à dire de faire des Miracles & des Prodiges qui paroîtroient
Divins) trouveront dans cette dernière partie de (mon) Ouvrage , de quoi s'éclaircir
& fc fixer fur cette matière : (qu') ils y trouveront des rèponfes abrégées, mais
pcrcmptoires à toutes les objections des nouveaux Pharifiens. "
Par quelle fatalité ce qui en 1757. étoit folide , injlruclif, capable à'écUircir & mê-
me ai: fixer fur ce que Dieu feut permettre an démon , eft-il devenu en 174.1. f*ne Pro-
pejttio» que U faine Théologie n'admettra jamais ?
IV. Prouvons préfentement, que deux des plus célèbres Théologiens , qui fe foat unis
l^b"s'A'u" 2UX AntifecourifteSjM. le Gros & M.Poncet,ont avancé des maximes qui vont bien
tcois unis à plus loin quc ma phrafe.
avarice Jc»°' M- le Gros dans fon premier Difcours fur ks Miracles , donne pour un principe
'""',™"R''' inconteftable , que non feulement les Miracles proprement dits , mais même en général
ïODi bien , , ,Cr r . > . t\ • t^ r ■ • «
plusioinquc Its œuvrts di Dieu ne jont point équivoques. Il met même cette Propohtion en titre , «S.:
nuphraie; ^.g q^'j| jJQyte eft cncore plus fort que la Propofition.
dcsprinap«s ,, Il nc taut pas (dit-uj tenu- moms fermement un troilieme prmcipe , qui eft que
Boml-eiabùr )> '" ceuvres de Dieu ne font point équivoques ^ & qu'on peut toujours les difcerner d'a-
juioues dans ^^ vec ccUrs du diable. Il peut y avoir quelque reiïemblance entre les unes & les au-
p"sgrând5" » très (à l'èj^ard des proJiges: ) car le diable eft le iTnge de la Divinité . . . mais il
advcriaiccs ,, y a toujours artez de lumière pour éclairer les cœurs droits. . . Il y a toujours
l.Diie. fur „ dans les circonftances qui les accompagnent des railons décifives pour les attribuer
î 'n^'si^"'" >» ^" démon , fi elles viennent de lui ; & il y en a pour reconnoître celles dont Dieu
,, eft l'Auteur. "
Si c'eft un principe qu'on doit tenir fermement . . . que les œuvres de Dieu ne font
point équivoques , . , qu'il y a toujours dans les circonflances . . , des raifons decijives ^
pour les difcerner d'avec celles du diable .... & qu'<7 y a toujours ajfez. de lumières
pour éclairer les coeurs droits ; ne s'enfait-il point que ce n'eft pas trop dire que d'avan-
cer fimplement , que la fource impure des prodiges dt l'Enfer efi ordinairement facile à dé-
couvrir , du moins par ceux qui ont des difpofitions propres à s'attirer le fecours
du Ciel?
En effet fi tous les cœurs droits trouvent toujours dans les circonftances , des raifons
décifives pour dfcemer les œuvres de Dieu d'avec celles du diaùle , il faut donc que ce
difcemcment foit toujours à la portée des fimples qui ont le cœur droit , & par confé-
quent il fant que ce difcemement ne foit pas au defTus de Inir infelligencc, & qu'il dé-
pende principalement des qualités du cœur , parce que ce font ces qualités qui attirent
la limiére d'cnhaut , fans laquelle les plus favans ne font que ténèbres.
Il refaite encore des maximes de M. le Gros , que les moyens de diftinguer géncra-
hment toutes hs rc'ivres de Dieu , des prodiges de l'Enfer , font clairs & faciles par
cux-mémcs , puifqu'// y a toujours affez. de lumière pour éclairer les œuvres droits , &
que ces moyens ne font obfcurs & difficiles que pour ceux dont les intentions ne font
pas entièrement pures & dégagées de toutes paiTions, de toutes préventions & de tous
les intérêts humains.
Surquoi il eft bien remarquable que pendant la vie mortelle du Sauveur du monde,
ce furent principalement les p tits & les fimples qui le reconnurent à fes Miracl.s,
fans doute parce que c'étoit parmi eux qu'il y avoit le plus de cœurs droits, & qu'au
contraire cette qualité fi eflcnticlle pour difcerner les Merveilles Divines , nc fe trou-
ve
EST ORDINAIREMENT FACILE A DFCOVrRIR. zjy
ve pas communément parmi les làvans , les Dodeurs , les beaux efprits & les grands Dissert.
de la Terre. _ surl'aut.
AufTi Dieu nous a-t-il expreffement fait déclarer par fon Efprit, <\\\\\ a choifi ceux^^^ **^^'
qui étaient pauvres uans le monde pour les rendre riches dans la foi ^ parce qu'étant la ■I^'''""'^-
plupart beaucoup moins attachés à la terre & ayant bien moins d'mtéréts à ménager
dans le monde, que ceux qui y font quelque perfonnage , ils ont ordinairement le cœur
plus libre & plus exempt de paflîons. Car encore une fois ce font les padîons qui
répandent dans l'efprit les principaux nuages , qui l'empêchent de voir la lumière qui
vient du Ciel.
En cfïit qui furent ceux qui fe fcandaliferent de la conduite du Verbe fait chair Se
même de fes Miracles ? Qui furent ceux qui abufant de la loi de Dieu & faifant une
fauffe application des régies, s'en fervirent pour réprouver les œuvres de Dieu même
& pour les attribuer à Beelzebut ? Ce ne fut pas le peuple, mais les Prêtres & les
Doifleurs, tandis que les i^norans, les petits & les humbles, qui reçurent avec fimpli-
cité l'imprefTion que les Miracles de Jefus-Chrift faifoient dans leur cœur, découvrirent
la Vérité qui fe cachoit aux yeux des favans fuperbes.
C'efl en fuivant cette lumière puifée dans l'Ecriture Sainte, que M. le Gros nous en-
feigne : qu'/7 y a. toujours des raifons décijlves , qui font difcerner les œuvres de Dieu de
celles du diable. Mais pour qui ces raifons font elles claires , lumineufes, & faciles à
appercevoir ? C'tft, comme il le dit lui-même , /^o^r /« cœurs droits: c'efl: à dire 'pour
ceux dont le jugement n'eft pas oblcurci par les cpaifTes ténèbres des paflîons & des préjugés.
La foi eft un don de Dieu ; & c'eft aux humbles , aux fimples , aux petits^ qu'il
accorde ordinairement ce don avec le plus de plénitude. Je n'ai pas à la vérité l'efprit
affez pénétrant pour faire l'unalyfc de leur foi ^ ainfi que l'avoit entrepris l'Auteur du
Mémoire Théologique , mais en me conduifant tout uniment par les lumières que me four-
nit le Texte Sacré, j'y trouve que c'eft précifément par rapport à la foi , au refpeft&à
la foumiflïon qui font dues aux Merveilles Divines, que Jefus-Chrift s'écrie : ,,Je vous Manh. Xr.
„ bénis , mon Père , Seigneur du ciel & de la terre , de ce que vous avez caché ces ^^'
„ chofes aux fages & aux prudens, & que vous les avez révélées aux petits. "
J'y vois qu'il nous dit à tous, & par confèquent aux Dofteurs comme aux autres
perfonnes : Si vous ne devenez, comme de petits enfans , vous n'entrerez, point dans le Royau-
me des deux.
J'y remarque, que le S. Efprit promet à ceux qui font doux de les conduire dans la Pr.XXIV.j.
JHJiice , & aux humbles de leur enfeigner fes voies.
Enfin je fuis frappé de ces paroles de S. Paul: „Confidérez , mes frères, qui font i.Cor.r. j5.
„ ceux que Dieu a appelles à la foi : il y en a peu de fages félon la chair , peu de
„ puilTans , peu de nobles. "
Les régies qui conduifent la Sageffe Eternelle font toujours les mêmes dans tous les
tems, parce que fes principes font immuables. Auffi eft-il vifible que c'eft encore au-
jourd'hui finguliérement en faveur des petits , de même que ce l'ctoit au tems de l'é-
tabliflemcnt de l'Eglife , que Dieu fait une fi grande quantité de Prodiges & de Miracles.
M. le Gros l'a lui-même obfervé dans la première Partie de fon Difcours. Il nous
y dit en termes plus étendus , que Dieu fait aujourd'hui un grand nombre de Mira-
cles, parce que dans le tems orageux cii nous fommes, le commun des fidèles n'a pres-
que plus d'autre moyen pour fe garantir du piège fpécieux qui lui eft tendu par l'Au-
torité impofante des Payeurs Conftitutionnaires,que de fe conduire par la lumière des
Miracles , qui font une preuve fenfible 8c décifive de la Vérité. Dieu leur manifefte
clairement qu'il reprouve la Bulle Vnigenitus , par les Miracles qu'il opère en faveur de
l'Appel, à l'invocation de plufieurs Appeilans , & par l'attouchement de leurs Reli-
ques. La voix puiflaote de ces Miracles fe fait entendre à ces fimples , elle les touche ,
G g 5 die
î^8 LA SOVRCE DES PRODIGES DE L'ENFER
DijsfRT.clle les convainc , elle les détermine; &: Dica leur met en même tems dins le c<feur,
suRi-'AOT.qy'ji fjiit préférer fon tcmoigna','e à celui des honfimcs tels qu'ils foient.
DES MiR. i^j^jj içj principes de M. Poncet fur la facilité de difcerner les auvres de Dieu, ont
ctc, avant notre difpute , bien plus loin que ceux de M. le Gros Se que les miens.
Vtîici entre autres quelques Propofitions de fa fa^on, qui font certainement bien plus
fortes, plus générales & plus hardies que ma phrafe.
X.LeifP*- 5, Les MiVacles (dit-il) que Dieu opère pour fe faire reconnoître, doivent fe dis-
„ tinguer par eux mêmes de tontes les œuvres du démon avec uns ficilite, qui rende
„ cette preuve à la portée des plus fimples."
Ibid-p. M. „ C'cfl: fur le dc^rc d'intelligence des plus fimpks Cajoute-t-il plus bas) qu'il faut
fe mefurcr pour établir la vraie régie de difcernement par rapport aux Miracles.
ibid.pp.i?. j, Il n'eft pas afTurcment plus difficile (dit-il encore) de difcerner un Magicien qui
*'^' „ fait des preftiges par la puifllince du démon , d'un homme qui fait des Miracles au
^1 nom de iefus-Chrift, qu'il l'efl: de diftinguer un officier de juftice d'un voleur de
grsnd chemin, &: les peuples ne fe méprendront pas plus facilement à l'un qu'à l'autre.
IbiAp. 17. " „ C'efl: avec la même facilité ( ajoute-t-il ) qu'on difcerne ce qui fe fait par l'ordre
de Dieu de ce qui vient de l'opération de l'ennemi. "
Les quatre Chefs des Antifecouriftcs auront-ils bien le courage de defavouer leur A-
vocat ? Cependant fi on compare ces Propofitions avec ma phrafe , on trouvera qu'elle
n'a d'autre deffaut que d'être trop reftraintc & pour ainfi dire trop timide.
Au refte quoique je combatte de toutes mes forces contre M.l'Eveque de Bethléem,
les Théologiens Antifecouritles , & tous les autres qui veulent aujourd'hui faire accroi-
re au commun des fidèles, qu'ils font incapables par eux-mêmes de difcerner les œu-
vres de Dieu du genre merveilleux ^k même les Miracles, quelques foins qu'ils prennent
pour ne s'y pas méprendre , &: qu'ils doivent s'en rapporter à la Décifion des Evcques
Conftitutionnaires , dit M. de Bethléem, à l'Avis des Théologiens Antifecouriftes,
difent ceux qui fuivent leur fentiment ; je fuis néanmoins très éloigne d'adopter pleine-
ment les Propof tions de M. Poncer.
Je crois, qu'il faut faire une grande différence par rapport à la facilité du difcerne-
ment, entre les Miracles proprement dits , les prodiges , Se les révélations , vifions,
inftmfts & impreffions furnaturelles. A l'égard des Miracles , je fuis perfuadé que dès
cju'une guérifon eft évidemment & inconteftablement furnaturelle , il eft aifé de recon-
noître par tous fes caraftéres , aulfi bien que par fa nature , que c'eft un Miracle Di-
vin. Mais il y a plus de difficulté par rapport aux prodiges. Se encore bien davanta-
ge à 1 égard des révélations, des viflons , des inftinds & des impreffions furnaturelles;
& tout ce que je foutiens fur ce fujet, c'eft feulement, que ces difficultés ne font nul-
lement infurmontables aux cœurs droits & aux efprits attentifs , qui fe conduifent par
les régies communes que les Pères nous ont transmifes , & qui ont recours à d'hum-
bles prières.
Mais pour appuyer déplus en plus mon fentiment fur la foi dije aux Miracles, Se
fur la facilité de les difcerner, citons un autre Auteur que M. Poncet , dont les prin-
cipe-; fur cette matière aient été généralement reçus avec éloge par tous les meilleurs
Théologiens de ce Siècle, Le Leèteur me prévient, Se avant que j'aie nommé M. Pas-
chal , il conçoit que c'eft lui dont je veux pari r. Voyons fi les règles que cet Au-
teur fi célèbre préfente pour difcerner les vrais Miracles font, ainfi que je lai avancé,
à la portée des ignorans , des fimples & des petits.
Tenfcejde „ Movfc (dit ce grand génie) en a donné une , qui eft lorsque les miracles mènent
M. Pale. fut a l'idolâtrie. Se l.fus-Chrift une: celui, dit-il, nui fait des Miracles tu mon nom
2;. ne peut a l heure mcme mal parler de moi . . .
Voift les occafions d'exdufion i la foi aux miracles , marquées: il ne faut pas y
„ don-
SUR L AUT.
DES M m.
EST ORDINAIREMENT FACILE A DE'COVrRIR. 255»
j, donner d'autres excliifions. . . . quand on vous détourne de Dieu . . . quand on Dissert
,, vous détourne de Jefus-Chrift.
,, D'abord donc qu'on voit un miracle, il faut fe foumettre, ou avoir d'étranges
,, maroues du contraire : il faut voir fi celui qui le fait , nie ou Dieu ou Jefus-
„ Chrift& IB^life."
Quel eft le Chrétien afTez ignorant , pour n'être pas perfuadé qu'un phamôme de
miracle qui ieroit fait par un Apoftat qui nieroit Dieu ou Jefus-Chnft & l'Eglife , ne
pourroit être qu'un preftige du démon ?
Ainfi , fi ce n'eft que dans cette occafion , qu'un miracle doit être reconnu pour un
ouvrage du diable, qui peut être afTez fimple pour s'y méprendre ?
Si je voulois raffimbler ici toutes les maximes, les principes, les propofitions qui
font répandues dans les Ouvrages de MM. IcsEvêquesde Senez,de Montpellier, & de
Babylone, & qui font conformes \ tout ce que je foutiens à l'égard des Miracles &
fies Prodiges, j'en ferois un petit volume. En général on y trouve par tout ce lumineux
principe, que Dieu doit à ià bonté de fournir aux fimples, & aux petits, dont le
cœur eft pur &: qui donnent toute leur application pour découvrir la vérité, les moyens
de n'être pas féduits par de faux miracles , ni par des prodiijes qu'ils croiroient avec
quelque fondement avoir Dieu pour Auteur ; & que fi le difcernement des prodiges
fft quelquefois difficile, en ne confidérant que leur nature , il eft ordinairement facile
en luirméme pour les ccrurs droits , en examinant avec foin toutes leurs circonftances ,
& fur-tout en faifant attention à la fin que s'eft propofé l'auteur, & aux effets qu'ils
ont produit.
En eff;t fi Dieu permettoit au démon de contrefaire des Miracles , ou même d'opé-
rer des prodiges réels , qui par leur grandeur paruflent divins , & qui ne fuffent point
infedés par quelque caraftére, quelques circonftances, ou du moins quelque efifet ca-
pables de faire aiiément découvrir leur pernicieufe origine; ceux des fimples qui ont le
plus de r^'fpeâ: pour les œuvres de Dieu, &r le plus de confiance en lui, feroient in-
failliblement entraînés dans ce piège. Leur droiture, leur bon cœur, & leur am.our
pour Dieu ne ferviroient qu'à les y faire tomber. La bonté, la fagefle , la juftice, la
gloire même du Père des miféricordes ne font-elles pas interreffécs à garentir le commun
des fidèles, de pièges qui feroient pour eux d'autant plus féduifans, qu'ils joindroientà
leurs autres vertus cette fimplicitè de cœur fi recommandée dans l'Evangile ?
Jefus-Chrift a voulu que les plus fimples jugeaflent que fes Miracles étoient les
œuvres de fon Père, & qu'ils les regardaflent comme un témoignage infaillible de la
Vérité. Il a puni par des fupplices éternels tous ceux des Juifs qui ont préféré le
fentiment de leurs Princes des Prêtres de de leurs Dodeurs au témoignage de fes Mira-
cles, & qui font toujours demeurés dans leur incrédulité, & il n'a pas exempté les
fimples de cette terrible punition. Si les plus fimples font obligés de fe foumettre à
la Décifion des vrais Miracles: fi ce n'eft pour eux qu'une frivole excufe de dire,
qu'ils ont cru devoir s'en rapporter au jugement de leurs Prêtres & de leurs Dodeurs ;
il faut donc nècelfairem' nt que les plus fimples foient capables par leurs propres lumiè-
res de les diftineuer des illufions fabriquées par le prince des ténèbres; & par confé-
quent il faut qu'il y ait toujours dans les prodiges diaboliques q'ielque chofe de très
remarquable qui décèle leur dèteftahle auteur , foit dans les circonftances , foit dans les
movens manifeftement fjperftitieux employés pour les obtenir, foit dans leur fin &
leurs effets. Il f''ut mêm? que ces circonftunces ioient afTez frappantes, pour pouvoir
être apperçues par les riius fimples doi.t l'efprit eft attentif, Sr qui cherchent de bon-
ne foi la vérité. Or s'il y a toujours des mnyèns à la portée de^ plis fimples pour fe
préferver de î piège, cft-ce trop dire que d'avancer, que la foitrçe i?Kpf{re des prodijes
-réels de l'E^J^r cjt orùlnuirtment facile à. découvrir ?
Au
Z4,0 LA SOVRCE DES PRODIGES DE VEjVFER
DiîsERT. Au refle pour éviter une miuvaife objeftion & épargner la peine aux Théologiens
•'""'' '*^'^* Antifccouriftcs de faire quantité de raifonnemeus & de citations inutiles, il efl: bon
d oDlerver ici , que je ne parle , non plus que les Auteurs que je cite , que des prodi-
ges par rapport auxquels les fidèles ont intcrct de découvrir quelle en e(t l'origine :
c'eft à dire de ceux qui font faits pour prouver quelque chofe. Sur quoi il eft im-
portant de ne fe pas méprendre. Car par exemple , à l'égard des prodiges de punition ,
Jbit que Dieu fe ferve de fes Anges pour hs opérer , (oit qu'il permette au démon de
l:s faire, le parti que doit prendre celui fur qui tombe cette punition, eft toujours Is
mcmc. Il doit également fe foumettre humblement à la juflice de Dieu, avoir recours
à fa miféricorde , mettre toute fa confiance en Jefus-Chrift, & 'demander grâce par les
mérites de fa mort: ainfi il n'a le plus fouvent prefque pas d'intérêt de favoir, quel
eft l'Efprit qui exécute ces prodiges: & en pareil cas la bonté de Dieu ne l'oblige
nullement de lui fournir des moyens de le difcerner.
Ajoutons encore une preuve que jufques dans les Ouvrages des plus grands Adver-
faires des. Miracles de notre tems , on y trouve des principes qui fuflfifent pour établir
l'exactitude de ma phraie cenfurée par le Nouvellifte.
Pour fournir cette preuve au Lefteur je n'ai befoin que du Mémoire que M. l'Ar-
chevêque de Paris avoit d'abord deftiné (en 17JI.) pour en faire une Inftruftion Paf-
torale contre les Miracles. La Vérité a tant de force , que le Théologien de ce Pré-
lat pofe lui-même dans cet Ecrit plufieurs principes, dont ma phrafe n'eft qu'une
conféquence.
■DiliouM, ,, Il eft, dit-il, hors de doute, que Dieu permet quelquefois au démon de faire
TheoTogl'én, " ^^^ preftigcs par le miniftére de fes fuppôts Mais Dieu ne foufïrira jamais que
p- i- ' „ ces prétendus miracles aient des caraétéres de vérité qui puiiïent tromper les per-
,, fonnes attentives & definterreffées. Les œuvres du démon font marquées au coin de
„ fa malignité, & tout fon pouvoir fe réduit à faire du mal aux hommes."
< Si tout le pouvoir du démon fe réduit k faire du mal: fi toutes fes œuvres font marquées
au cobt de fa malignité : fi fes prétendus miracles ne font que des prefliges malfaifans : &
fi Dieu ne foHJfre jamais , qu'ils aient des cara^éres de vérité qui puijfent tromper les per-
fonnes attentives er dejînterrejjées ; toute perfonne definterrtlTée & attentive eft donc ca-
pable d'en découvrir aifément h fource impure.
MM. les Théologiens Antifccouriftes voudroient-ils donc jetter fur la preuve qui
rcfulte des Miracles, un voile plus épais, une plus grande incertitude, que n'a ofc
faire le Théologien chargé par M. l'Archevêque de Paris, de combattre ceux que Dieu
opère en faveur de leur Appel ?
Qu'il eft trifte de voir, que ce ne font pas feulement les ennemis de l'Appel, que
ce font même plufieurs célèbres Appellans qui s'efforcent aujourd'hui de perfuader aux
fidèles, qu'il eft fouvent très difficile de difcerner les Miracles Divins, des prodiges
diaboliques , & mêmî de découvrir avec afturance ce que Dieu nous veut faire enten-
dre par les Miracles qu'il opère! Ce font même ces Appellans, qui pour fe deffendre
contre la Décifion des Miracles opérés par le moyen des grands Secours, invoquent
de prétendues Règles qui n'ont d'être que dans l:ur imagination, ou du moins des
Régies dont ils font une application fi faull'e qu'ils s'en fervent pour combattre le grand
Précepte de h charité qui eft l'amc & la vie des véiitables Règles.
En effet employer la loi qui défend de nuire au prochain, pour en conclurre qu'il ne
faut pas foulag^r les pcrfonnes qui endurent les doulems les plus vives, n'ell-ce pas tour-
ner contre celui qui fouffre &: qui a un prelfant befoin de fccours, la loi faite en fa fiveur?
Mais ces MM. font encore bien pis. Dieu parle. Se ils ne daigncnf pas l'écouter:
» Dieu décide, & ilsrefuTnt defe foumettre. La première des Règles n'cft-elle donc pas
d'obéir à la volonté de Dieu, dès qu'il nous U fait clairement connoitre ? Or peut-on ré-
voquer
EST ORDINAIREMENT FACILE A DE'COVFRIR. 241
voquer en doute fa volonté, lorsqu'il nous la manifefte lui-mcme par des Miracles? Disser?.
Helas ! nous fommes dans un Sie'de oii chacun fe fait des Rtsles fuivant fcs difte-*""'' '^"■^•
/ ■ t DESMIR.
rentes préventions ! V.
La Régie, difent les Conflitutioftnaires , c'cfl d'obéir aveuglément à toutes les Dé-, '"oP!|[',^''
cifions de l'Églife, & par conféquent à la Conftitution VnigenitHS qu'ils décorent fansfe font pré-
aucun fondement de ce refpedable tîtrc. deVReTes
La Régie , difent les Dodeurs Confultans , c'eft de fe conduire par la lumière des fui.vam leurs
grands principes qui font développes dans notre Confuilation. p'r^em^ons
La Régie, difent les Théologiens Antifecourifles, c'eft de ne pas enfreindre fous pré- qui toutes '
texte qu'on y eft autorifé par des Miracles, unwéctpte clair cr formel lequel défend ^ eb'rïnicr'" *
donner un coup violent qui doit naturellement hlcjfer ou ôter la. vie. * rautonté des
Ce Précepte défend de faire du mal, mais non pas de" faire du bien, en donnant au &"'eftpàtià
prochain un fecoursnéceflaire, qui n'a jamais manque de lui être avantageux de toutes fa- quc'C'O'ii'e
çons. Mais s'il rcftoit encore quelque doute à cet égard. Dieu a dcclaréjournellement ment qui
depuis plus de quatorze ans , par une multitude de Prodiges, qu'il approuve ces Secours : j,^"^''[.'^"
il s'en fert vifiblement pour répandre fes bienfaits dans les âmes & dans les corps, pour vre tembic
convertir des incrédules, pour augmenter la foi des fidèles , pour'opérer des guérifons Mi- ''«NouveUe
raculeufes. Eft-ildonc permis aux hoTimes de fe révolter contre ce qu'il décide , & de doa- E<:<:i. du ii.
ner leursopinions très arbitraires pour des Régies . . auxquelles l'événement le plus merveilleux Art'.'vilf.^"
^e peut jamais donner atteinte , c'eft à dire pour un jugement fupérieur à celui des Miracles ? ï*"-^' Ait. v,
A infi chacun foutenant très mal à propos, que les Régies font de fon côté, & qu'elles
doivent l'emporter fur l'Autorité desi plus ^lerveilleux èvenemens, les Docteurs Conf-
titutionnaire? , Confultans , Antifecouriftcs , ne leflentent plus aucune peine à préférer leurs
différentes opinions aux Dècifions Divines déclarée'; par des Miracles. Parla le commuri
des fidèles qui les entend faire tous ces faux railonnemens, s'eft accoutumé peu à peu à
perdre la foi , la confiance & h foumilTion qu'il avoit d'abord pour le témoignage des Mira-
cles ; & dès que les œuvres de Dieu blefiènt quelqu'une de leurs préventions , ils ne font plus
à préfent aucun fcrupule de les donner grolTiérement au diable , lors même qu'elles portent les
caraftcres de la Bonté & de la Toute-puiflance Divine par des traits incommunicables.
C'eft ainfi que fe prépare fous nos yeux l'accompliiïement de cette furprenante prédidion
de Jefus-Chrift , que lorsque le Prophète Elie viendra pour rétablir toutes chofes , il fera re-
jette avec mépris malgré tous les Miracles & les Prodiges qui autoriferont fa Million.
Un événement fi extraordinaire , une telle révolte des Catholiques contre la voix de
Dieu, contre l'autorité fupréme de fes Miracles, a paru prefque incroyable à plufieurs
des Pères de l'Eglife; & il n'a pas fallu moins que laprédiÀion claire & prècife qui en a
été faite par la Vérité Licarnée , pour les en perfuader. Mais il ne faut aujourd'hui qu'ou-
vrir les yeux fur ce qui fe paffe depuis plufieurs années, pour voir très clairement que
l'indifférence, & fi on ofe le dire, le mépris pour les plus grands Prodiges & même pour
les Miracles, eft parvenu par degrés jufqu'àun tel excès, qu'il n'y aura plus lieu d'ê-
tre furpris que la plupart des Catholiques ne faffent aucun compte de tous ceux qu'E-
lie pourra faire, ni même qu'il les attribuent au démon, quelque grands , quelque
manifeftement Divins qu'ils puiffent être.
Dans quel Siècle fommes-nous donc, ô mon Dieu! Uncorpsdedoftrinedireèlement
oppofé à l'Evangile &à toute la Tra.iition, a répandu comme un torrent d'eaux cor-
rompues, qui ont inondé prefque tout le champ de votre Eglife. Vous venez vous-mê-
me au fecours de toutes les Vérités contredites. Vous paroiffez vifiblement aux yeux
des enfans des hommes : & bien loin de fe profterna- humblement à vos pieds , ils fe
révoltent contre votre Témoignage. Ils dépouillent vos Miracles de leur Autorité facrée :
ils deshonorent vos Prodiges en les attribuant à l'Efpiit pervers : ils méprifent , ils traitent
de fanatifme & de myftcre nouveau les figues & les fimboles furnaturels & prophèti-
Differt. lom. IL H h que s ,
14*
Dissert ques , que VOUS leur donnez pour les avertir ic les préparer aux grands cvenemens qui
tuRL'AUT.ygpj bien-tôt s'accomplir.
Ah ! Seigneur, ne permettez pas que vos enfans mcconnoiflent ainfi votre voix. Ne
leur laiffez pas confonare vos œuvres avec les illufions de Satan , ni préférer l'avis des
hommes au Témoignage de vos Miracles. Faites que la préfence de votre Majcftc Di-
vine, rendue fenfible par les grandes Merveilles qu'il vous plaît des à préfent d'opt-rer
fi fouvent fous nos yeux , impriment le refpeft , la confiance & l'amour dans le cœur
de tous vos fidèles; & que lorsque votre Prophète paroîtra, tous le reconnoiffent à'
vos œuvres.
Hélas ! dans ce tems de féduftion , oîi Dieu permet que les ténèbres couvrent pref-
que toute la terre, & qu'elles aveuglent la plupart des hommes, il ne refte prefqucplus
au commun des fidèles d'antre reffource , que la lumière des Miracles 8c des Prodiges Divins.
C'eft cette lumière célcfte qui conduira les Elus avec affurance à tonte Vérité, au
travers des ombres épaiflcs de la nuit noire & profonde qui fera tomber ceux que la juf-
tice Divine abandonnera à leurs préventions fatales, dans le funefte abîme de méconnoî-
tre Si de rejetter le Prophète qui doit venir exécuter un jiigem.nt terrible fur la Genti-
lité coupable.
Ah ! ne perdons pas de vue cette lumière fi falutaire & fi précieufe. Ne négligeons
pas d'en profiter, & fur-tout gardons-nous bien de donner à Satan les œuvres de Dieu.
C'eft l'infulter lui-même, que de décrier fcs Merveilles qu'il fait pour fa gloire, & d'at-
tribuer à l'Efprit pervers ce que fa mifcricorde l'engage à faire pour nous éclairer: aufli
cft-ce une erreur capable d'avoir les plus funeftes fuites. Malheur fur-tout dans le tems
qu'Elie fera parmi nous, malheur à qui ofera fuppofer que le Très-haut accorde aux
Éfprits qu'il a maudits & réprouvés, le pouvoir de faire de vrais Miracles cnfonnom,
qu'il leur donne la puiffance d'agir, ainfi que lui, en maîtres de la nature , ou qu'il leur
fournit lui-même les moyens de renvcrfer les loix qu'il a établies pour le gouvernement
de l'univers.
Que les fidèles aient au contraire toujours devant les yeux ces deux Régies importantes :
La première , que tous les Miracles proprement dits , qui font obtenus dans le fein de la
Communion Catholique par des prières adreifèes à Dieu avec foi , avec confiance , avec
piété , ne peuvent venir que de lui.
Le féconde que les Prodiges qui portent avec eux la preuve qu'ils n'ont pu être for-
més que par la création de quelque qualité nouvelle qui n'ètoit pas dans la nature, &
même que tous ceux qui n'ont pu s'exécuter fans que leur auteur ait fait quelque opération
équipolente à création, ou fans qu'il ait forcé les loix perpétuelles fuivant kfquelles la
nature eft régie; font manifcftement l'ouvrage de Dieu.
En ne nous écartant point de ces deux Règles que les Pères nous ont transmifes , el-
les nous fuffiront avec un cœur droit & dégagé de tout intérêt humain , de toute paflîon
& de toute prévention, pour juger avec certitude que les grandes Merveilles que fera le
Prophète, n'auront pu être opérées que par la Bonté & la Toute-puifTance Divine , &
par confèquent qu'elles font la voix & le témoignage du Très-haut. Elles me fourni-
ront aulTi des preuves invincibles, que Dieu autorifc vifiblcment les Secours les plus
violens, & que l'état furnaturcl où fe trouvent les Convullionnaires , lorsqu'ils ont bc-
fqin de fe faire donner ces terribles & admirables Secours , n'a pu recevoir l'être que par
le pouvoir fuprêmc de Celui qui feul opère fans moyens , de Celui qui tire du néant des
qualités qu'il n'avoit pas encore formées, en un mot de Celui qui leul fait de grandes
FC r>. il. Merveilles: QMifMitmirabiliamagnafohs.
RE F LE-
i
REFLEXIONS PRELIMINAIRES
AUX
DEMONSTRATIONS DE DEUX MIRACLES
Opérés en faveur l'un d'Anne Augier, l'autre de la Dame Stapart , tous deux
fur le Tombeau de M. Rousse. Prêtre & Chanoine dAvenai Diocéfe
de Reims , appellant & réappellant.
CES REFLEXIONS ONT POUR OBJET
Le Mandement de Mrs. Les Grands Ficaires de M. V Archevêque de Reims du
2p. Aotift 1 727. far lequel ils défendent fous peine de l'excommunication majeure
encourue par le feul fait, d' aller prier Dieu dans la Chapelle de Sainte Knwt fur
le tombeau de M. Rousse. . . . appellnnt & réappellant.
Les requêtes prêfentées enfuite à ces gi'ands Ficaires £5? à M. V Archevêque de Reims
par 38. Curés ^ par k [quelles //i/f«r dénoncent comme miraculeufes& furnaturel-
ies les guérifons arrivées au tombeau de M. Roufle les 8. Juillet 172.7. 6c
& 16. Mai 1728. es pcrfonncs d'Anne Augier 6<;de la Dame Stapart, fi? les re-
muèrent d'en faire les informations ^ aux offres qiC ils font de leur en adminiflrer^^^i
témoins fuffil'ans.
Enfin la réponfe que leur a faite M. V Archevêque de Reims , iy les voyes de fait
pratiquées pour tâcher d'amortir V éclat de ces deux miracles.
^A poftérité pourra-t-elle le croire, qu'il y ait eu dans ce fiécle des hom-
% mes ailes téméraires, non feulement pour ne fe pas rendre à la voix de
^^^ Dieu; mais aufîî pour s'irriter contre fes décifions, & ofer employer
^g^jaivjgy pour les combatre , le pouvoir que la religion leur confie -,
Dieu s'explique par les miracles les plus inconteftables: Il fait fentir fa préfcnce fur
les tombeaux des Appellans. De nouveaux êtres fortent du néant à nos yeux ! Des
membres morts & devenus fecs font renufcités,&: toutes les parties qu'ils avoient per-
du depuis un grand nombre d'années font régénérées en un inllant! Des organes dé-
truits ferétabliifcnt d'une manière fubite ! Un œil enfevcli dépuis plus de dix ans fous
les plus épaifles ténèbres recouvre tout-à-coup tout ce qui lui manquoit pour voir !
Mais en vain l'Eternel paroit-il lui-même à découvert par la grau it-ur de fes œu-
vres, le parti ell: pris. Les zélateurs de la Bulle ont réfolu de ne fe pas dédire :
ils ofent profcrirc jufqu'aux miracles mêmes fins vouloir les examiner : ils vont juf-
qu'à défendre de recourir à ceux par qui Dieu les accorde; & cela uniquement
parce qu'ils étoient appellans , qu'ils fout faits en faveur de leur caufe , & qu'ainlî
ils portent avec eux la condamnation de la Bulle.
Telle a été la conduite des grands Vicaires de M. l'Archevêque de Reims à la
vue des miracles du premier ordre opérés fur le tombeau de M. Rouffe.
M. DE P,\Ris eil celui des appcllnns, à l'invocation de qui Dieu a faille
plus grand nombre de merveilles j m.us il n'eft pas le feul dont il ait canonifc la vie
/. Demonft. tome IL h- âC
a REFLEXIONS
& les rentlmcns par des miracles inconteflablcs. Si on avoit recueilli les preuve»
de tous ceux qui ont été opérés à Nantes par l'interceflion de M. de la Noé-Mé-
nard : à Utrecht par le feu Archevêque de cette ville : à Lyon par les prières du
Pérc Céloron de l'Oratoire : à Méry près Pontoife à l'invocation de M. Sauvage :
à Avenai à celle de M. RoufTe: à Riom par les reliques du P. Queliiel & de M.
Amauld, à Paris & en pluficuns autres endroits par celles de M. Déiangins, de
M. Levier, de M. Tournus, & de M. Soanen Evcque de Sénez 6c qui plus eft
prifonnicr de J. C. Si d'ailleurs on eut eu le foin de hiirc toutes les relations d'u-
ne infinité de guérifons évidemment furnaturelics obtenues par l'interceflion de
JM. de Paris, qui font demeurées cachées dans l'obfcurité du fiknce, on feroit
étonné de voir avec quelle profufion Dieu a mille fois déclaré que la caufe de l'ap-
pel étoit la ficnne, en manifeftant d'une manière l\ fcnfible 6c fi magnifique le
bonheur étemel de ceux qui y avoient été le plus attachés. Mais comme il m'a
été impoflible d'cmbraflcr tant d'objets, j'ai choifi entre autres dans cette multi-
tude de miracles, deux de ceux qui ont été faits fur le tombeau de M. Roufic
Chanoine d'i^venai Diocéic de Reims; parce que ce font ceux qui ont fouffcrt le
plus de contradiftion , 6c que par une providence bien marquée, la contradiftion
a toujours ferv'i à faire briller davantage l'éclat des œuvres de Dieu.
M. Roune,fuivant que l'atteftent 38. Curés de la ville 6c du Diocéfe de Reims
dans Iciu" féconde requête aux Grands Vicaires , étoit un Prêtre 'vertueux .... qui
s''ejî (iijîingué fur tout par une humilité profonde , une patience évangeîique , une vie
lahrieufe , un grand amour pour les pawvres : enfin par un attachement inviolable à
tous fes devoirs. Auflî étoiî-il appcUant 6c réappcllant , fuivant que nous l'appren-
nent les Grands Vicaires eux-mêmes dans leur Ordonnance : 6c il a fi bien perféve-
ré dans ce fcntimcnt jufqu'à la mort , que fon Curé très zélé Conilitutionnaireayant
fait auprès de lui les plus grands efforts pour l'engager dans fa dernière maladie ;t
retraiter fon appel 6c n'^ayant pu l'ébranler, lui refufa les derniers Sacremens.
Ainfi les fcÀateurs de la nouvelle morale, en même tems qu'ils ralTcmblcnt au-
tour de l'Autel un grand nombre de chiens pour dévorer l'Agneau Pafcal : circufn-
?f. II. 17. àederunt me canes multi : refufcnt d'admettre à ce fiicré banquet ceux à qui nôtre di-
vin Sauveur fe donne lui-même de fes propres mains-, ceuK qu'il remplit de fon
ciprit , qu'il éclaire de fa vérité , 6c qu'il embrafe de ion amour.
Mais ce fut bien en vain que ce Curé propofa à M. Roufl'e de difiîmuler du
moins fes fcntimcns. Ce faint Prêtre animé de l'efprit du généreux Eléazar lui ré-
pondit comme avoit fut autrefois cet illufire vieillard : qu'il n'étoit pas digne de
1. MicM*. îon état de déguifer la vérité : non enim atati dignum eft , inquit , fingcre : 6c ce Cu-
<' »♦• ré ayant de fa part perfifté dans fes refus, il fallut que les amis de M. Rouife ob-
tinflcnt une permiinon de M. l'Archevêque de Reims pour lui tlùrc adminiilrcr
par un autre Prêtre les Sacremens des mouvans.
Ne pouvons nous pas avec juftice lui appliquer ces paroles. Nec fuperavit iV.um
ïeeii. 4î, verburn aliquod^ (jf mortuum prophetavit corpus ejus. Aucune parole ne pût le vain-
**■ cre jafqu'au dernier moment de fa vie, 6c fon corps après fa mort prophétifa 1»
rérité.
En effet, en même tems que le Curé d'Avcnai crût qu'il devoit retrancher de
l'Eglifc ce iaint Appcllant comme un membre gâté 6c corrompu, Dieu jugea au
contraire qu'il méntoit par fa réfillancc courageufc de fcrvir après fa mort de
témoin à la Vérité, par Ick miracles du premier ordre qu'il opéra lur fon tombeau.
Par un exemple ii déci fif, la fagcffc éternelle voulut aprcndre avec éclatàceus:
OUI auroicnt à hiportcr de pareils traitemens: (\\\' heureux cil celui qui foufrc per-
Jt(ution£our la juftice j fut-il cbajfé dt la Synagogue pour avoir rendu témoignage
aux
P R E L I M 1 N J I R E s. j
aux mincies de Jesus-Christ. Réjotiijfés vous alors ^ dit nôtre divin Maître, ^ ^
farce qu'une grande récompenfe vous eft refervée dam le Ciel-j car c^ft ainfi qu'ils ont n. ^'
perfécuté les Prophètes qui ont été avant vous.
Auffi le Curé d'Avcnai eut beau menacer de l'cxcommunication'cet intrépi-
de Appellant , dans un tems où la foiblefle du corps fe communique fouv^ent à l'cf-
prit , rien ne pût faire plier fon courage & fa foi : necfupcravit illum verhum ali-
quod , 6c nous allons faire voir que Dieu l'en recompenfa en faifant de très grands
miracles fur fon tombeau , £sf mortnum prophetavit corpus ejus.
Il y Avoit au village de Mareiiil diocéfe de Reims une fille paralitiquc depuis
21. ans nommée Anne Augicr, à qui M. RouOe feifoit de tems en tems quel-
ques charités & qu'il exhortoit par fes pieufes inflrudlions à profiter de l'état ac-
cablant oh Dieu l'avoit réduite.
Depuis plus de zi. ans les jambes de cette impotente étoient fî décharnées
qu'il n'y rertoit plus que les oflemens couverts d'une peau livide. L'impuifîance
totale où elle étoit de s'en fervir l'ayant mife dans la nécclîîté de reftcr comme en-
chaînée dans la pofture où elle fe trouvoit, bientôt fon corps fut tout couvert
d'écorchures & de plaies qu'une preffion continuelle augmentoit £c cnvenimoit
fans ceffe : la paralifie lui fit aulîî perdre l'ufage d'un bras ; Enfin ce corps hideux
devint encore la proie d'un cruel cancer, & d'une fiftule ouverte par où décou-
loit la pourriture que ce cancer ne ceffbit de produire.
Un état fi horrible 6c d'une incurabilité fi maniferte étoit un fujet digne de la
miféricorde de celui qui n'a qu'à vouloit pour exécuter.
Il met dans le cœur d'Anne Augier, auffitôt qu'elle eut appris la mort de M.
RouîTc arrivée le 9. Mai 17 ij. de fe faire porter fur fon tombeau. Toutes les dif-
ficultés qu'elle rencontra à l'exécution de ce projet ne purent la rebuter : Elle
parvint enfin à s'y fiire tranfporter le 8. Juillet de la même année.
O Prodige digne de l'admir-ition de tout l'Univers ! En un moment les os fecs
& arides qui lui reftoient de fes jambes, font regarnis de toutes les parties né-
ccfTaires pour l'aélion : la paralifie du bras fe difiîpe, le cancer, la fiftule, 6c
toutes les autres plaies difparoiffent tout-à-coup.
La figure hideufe de cette paraiitique avoit été pendant plus de 10. ans un objet
trop frapant pour n'avoir pas des milliers de témoins. Auflî le miracle d'une régé-
nération il fubitc 8c d'un changement fi merveilleux fit-il une grande impreiîion
dans toute l'étendue de l'i^rchevèché de Reims. On courût en foule prier lùr le
tombeau où Dieu Icmbloit lui-même appeller les Fidèles en y fignal.mt L\ miiericor-
de par des prodiges fi magnifiques. Un grand nombre de Curés 6c d'autres ecclcfiafti-
qucs, quoique quelques-uns d'cntr'eux eulTent reçu la Conftitution , furent fi tou-
chés de ce miracle , qu'ils fe joignirent à tout le peuple pour le publier à haute voix.
D'autre part les grands Vicaires fentircnt vivement les conféquences qui reful-
toient de cette décihon divine.
Ils ne purent voir fans d'-pit que le corps mort d'un réappellant, à qui on avoit
eu tant de peine par cette raiibn d'accorder les derniers Sacrcmens , fit d'une ma-
nière fi éclatante la fonétion de prophète , 6c que Dieu eut autorifé par un fi grand
miracle la pureté de fa doctrine , la canonicité, la juilice, la nécefilté de fon appel.
Ils apprirent avec une extrême douleur ^ difent-il eux-mêmes, que plujîeurs per-
fonnes venoient implorer les miféricordes de Dieu fur ce tombeau , où il avoit don-
né une preuve fi fenfible de (■x préfence, 6c de fes regards bicnfaiiants.
^.e ferons nous , dirent autrefois les Chefs de la Svnagogue , après que Saint ^^
Pierre 6c S . Jean eurent guéri un boiteux à la perte dii temple : ces gens-ci ont fait & i'?*' '
un miracle qui eft connu de tOHj les habitans de Jéncfalcm : il eft évident , tS nous ne
A REFLEXIONS
faurioHS le tiiey. Ahis afin que le bruit ne s'en répande pas davanla^e parmi le peU'
pie,, défendons leur ai'ec menaces de parler déformais au nom de J. C.
Telle fut à peu près \x réfolution que prirent les Grands Vicaires. Ils fulminè-
rent un Mandement un mois & demi après le miracle, le ip. Août de la même
année 1727. par lequel ils défendirent à toutes pcrfonnes,/o«i/'f/«é? d'excommunica-
tion majeure encourue par le fcul fait, de faire à r avenir ou même de confeiller des pè-
lerinages . ... 13 neuvaines dans la chapelle de S te ylnm de VEglife Paroijfiale
d' Aimai fur le tombeau de feu Sieur Gérard RouJ/e réputé Jppellant (^ Réappellant
delà Conftitution. Ils crurent que c'étoitlà le plus fur moicn d'étouffer l'éclat
que faifoit un fi grand miracle.
Mais quoi , lancer les plus terribles anathémes "contre ceux qui, attirés parle
fignal que Dieu lui-même faifoit paroitre fur ce tombeau, s'emprcflent de lui pré-
fcntcr leurs prières dans un lieu qu'ilvenoit de favorifer d'une manière fi dillinguéc?
Depuis quand le foudre redoutable de l'excommunication majeure, que l'Eglile
n'a droit de faire tomber que fur ceux qui font convaincus de forfaits énormes &
fcandaleux, peut-il-être employé contre ceux qui n'ont d'autre crime que d'avoir
adreffé leurs vœux à Dieu, dans une chapelle qui lui cftconf.icrée? & d'avoir eu re-
cours à l'intcrceffion d'un homme mort dans le feinde l'Eglifc, 8c muni defesSa-
crcmcns : d'un homme dont la vie édifiante avoit été employée fans ceffe à pratiquer
toutes les vertus chrétiennes : d'un homme dont l'attachement à tous fcs devoirs,
l'amour tendre pour les pauvres, l'humilité, la douceur & la patience évangeli-
qucs auroient du fcrvir de Modèle il tout le Clergé de ceDiocéfe : d'un homme
enfin, dont Dieu lui-même venoit de déclarer le bonheui- éternel en manifcitant
le crédit de fon intercefîîon.
Il faut que les Grands \'icaires ayent jugé quclcfcandale que caufoit ce miracle
fut déjà bien répandu dans la province , 6icn prcflant , 2c bien contagieux pour y
avoir apporté un remède fi extrême.
Mais fous quel prétexte rctranchent-ilsainfi del'Eglife ceux qui iront implorer 1a
mifèricorde de Dieu dans un lieu oi^i il venoit de faire defcendre d'une m;uiicre fi vi-
fiblefesfivcurs les plus finguliercsSc les plus brillantes? Ont -ils reconnu que le mi-
racle étoit faux ? non , ils n'ofent même l'avancer : ils ob jcélent feulement que ce pré-
tendu miracle n'a pas été reconnu ni approwcépar aucune autoritélégitime.
Quoi ? le Très-Haut étoit-il obligé d'obtenir leur agrément pourfaire des mirac-
les , 6c a-t-il befoindekm- approb.ition ? S'il ne leur plait pas d'en faire aucun cxiunea
juridique : s'ils le refufcnt au contraire perfcvérammcnt , les œuvres de Dieu en fc ■
roient - elles moins fes a^uvrcs ? Les hommes ont-ils donc le droit d'étoufcr fa voix ?
Zx. croient- ils que leTout-puiffant foit dans l'obligation d'emprunter leur autorité
pour la manifellation de fcs merveilles ?
Lorfque les premiers Pallcurs refufcnt de faire leur devoir à cet égard , n'ell-iî pa.'î
permis à Dieu de conftatcr lui-même la vérité de fcs œuvres par l'éclat de leur évi*
dencc ? N'étoit-on pa.s obligé de fe rendre aux miracles dej. C. malgré les dcfcn-
fts des Princes des Prêtres, quoiqu'ils fuiTcnt des Pallcurs légitimes aifis dans la
Chaire de Moïfe? Fjifin les miracles étant des faits, n'ell-ce pas le témoignage de
ceux qui les ont vus , qui en fait la preuve la plus cflenticllc ? & les premiers Pa-
fleurs ont-ils d'autre droit que celui de juger fi ces témoignages font ou ne font pag
concluans ? D'où il réfijltc que loriliuc les miracles font par eux-mêmes de la dcrnicit
cvidcncc , on n'a pas bcfoin pour les croire d'attendre la (.iécifion des Pallcurs, fur-
tout lorfque leurs préventions ne font que trop connues.
Mrs. les Grands Vicaires citent à la vérité une information faite de leur ordre par
le DUcn i-unûd'Epernai3 mais iln'* ctc quclUon dans cette iiiforniatiou , fuiv;uu
G{UC-
TRELIMINJIRES. f
que nous l'apprend k requête des 32. Cures dont nous parlerons dans un moment,
que de fa%"oir, fi on rcndoit qttelque culte public à M. RonJJ'e .^ fans entrer dans T examen
de ré'jénement arrivé fur fon tombeau le%. Juillet dernier^ la vérité duquel^ ajoutent
les 32.. Cnrés. ^ paroit aff urée par le concours des Fidèles que les informations fufdiîes
fitte fient d'une manière bien éclatante.
Aufli les Grands Vicaires fe font bien donnés de garde de déclarer dans leur Man-
dement le contenu de cette information : & quoi qu'ils euffentchoifî leurs témoins
avec grand foin, ayant affefté de ne point entendre la perfonne guérie , ni les Chi-
rurgiens qui l'avoient traitée , ni aucun des habitans de Çx paroifîe qui tous ont attelle
le miracle d'une manière autentique -, néanmoins l'information a fi mal réiiiîl au
gré de leurs défirs , qu'ils ont été obligés de diflîmuler ce qui en refulte.
Ne pouvant donc tirer aucun avantage de leur information , ils n'ont eu pour
Îjrétexte de leur mandement que la qualité de réappellant qu'avoit M. Rouffc. Âinfl
es foudroiantes menaces qu'ils ont fait tonner avec tant de bruit, n'ont été lancées
qu'en haine de ce que Dieu s'c'toit déclaré par un fi grand prodige en faveur d'un
réappellant, 6c avoit fi hautement canonifé fon Appel.
Au furplus quel mandement ! qui au lieu de préfentcr aux Fidèles des inftruétions
capables de les porter à la piété ôc à l'efprit de douceur, de modération & de cha-
rité qui eftl'amedu Chriilianiime, ne leur fait voir que des foudres dont on menace
d'accabler tous ceux qui chercheront à profiter des faveurs que Dieu l'emble leur
offrir fur un tombeau qu'il lui plait d'illuftrer par des miracles. O mandement ! digne
fruit d'une Bulle, qui devant fa naiflance à l'intrigue Se à la cabale, fefoutientpar
la violence, Se en engageant fes zélateurs à combattre contre Dieu même.
Si les Grands Vicaires avoioit cherché la vérité, ou pour mieux dire , s'ils n'a-
voicnt pas été déterminés à fermer les yeux à la lumière, auroient-ils refufé de faire
droit fur la requête qui leur fût préfentée le zf. Septembre de la même année peu
après leur mandement, p-ar 32. Curés de prefque toutes les paroifles voifines de
Mareiiil, qui après leur avoir rendu compte de l'état oîj avoit été Anne Augier
pendant 22. ans, leur attellent fa guérifon fubite opérée le 8. Juillet fur le tombeau
de M. Rouflcj déclarent qu'ils font perfuadés de ces faits également comme leurs pa-
roijjïens ^ & leur repréientent vivement de quelle nécefilté ûeû de fixer antentique-
ment la créance fur cette merveille ^ fait enconfiatant Vinfuffifance des preuves ^foit en-
tes confirmant ^ & les requerent d'en faire eux-mêmes l'information.
Cette requête devoir faire d'autant plus d'impreflîon fur Mrs. les grands Vicaires,
qu'une partie des Curés qui la leur préfentoient avoient paru jufqu'à ce miracle en-
tièrement fournis à la Bulle, & que c'étoitce miracle même qui leur avoit fait con-
noitre l'illufion de leurs préjugés.
Si les Grands Vicaires eux-mêmes n'eufient pas été pleinement convaincus du
miracle, ils n'auroicnt pas refufé d'en faire l'information, puifqu'étant les maîtres
de la rédaélion des dépofitions , il leur auroit été facile, pour peu que le miracle
n'eut pas été de la dernière évidence , de relever les circonftances qui auroient pu eu
diminuer l'éclat, Scde faire enfortc que les preuves en deviailcnt équivoques. Mais
comment pouvoir obfcurcir un fait d'où iortoient tant d'éclats de lumière .'' Gom-
ment s'empêcher de reconnoitre un furnatui-cl divin dans la guérifon fubi ce de deux
jambes entièrement deflechées depuis 21 . ans , Se qui recouvr-cnt en un iuilant toutes.
les parties néceiTiiires pour agir?
Ilsontfcntiqu'il ne leur rcftoit d'autre relTburcepourperfevcrer dans Icureneury
que de refafer conftamment de s'éclaircir de la vérité. C'eil la réfoîuticn que-leur
attachement pour la Bulle leur a fiit prendre ; à quoi ils ont d'abord .;ioi-té'ia pré»'
«audon de Élire fernoer la Chapelle de Sninr<; Anne, de crainte que Dieu-pourat^
>t \ ffiriî-
t REFLEXIONS.
torifcr ce premier miracle, ne prit le parti d'en faire un fécond. Mais ô vainc pruden-
ce des hommes! Le Seigneur fc rit des confeils de leur foufTcfageffc. Dansletcms
même que Mrs les Grands Vicaires intimident par lacniinte de ce que la religion»
déplus redoutable quelques Fidèles peu éclaires. Dieu paroit une fecc de fois: II
fait derechef entendre fa voix fur cette tombe anathêmatifée, &: par là il railure fie
aftcrmit plus que jamais ceux qui avoientétc éblouis parles foudres du mandement.
Le i6 >fri i7i8. La Dame Stapart privée depuis plus de dix ans de l'ccil gauche,
6c dépui^s quelque tems paralitiqucdc la moitié du corps, vapleinc de foi implorer
malgré les ii-julles défenfes ,1a miféricorde de Dieu fur le tombeau qu'il avoitdéja
glorifié. En vain trouve-t-elle la Chapelle fermée , Dieu le fcrt d'un enfant pour
montrer aux perfonnes qui font avec elle le fecrct de l'ouvrir ; & à peine cft-cllc fur
cette tombe falutaire, que fa picufe défobcifHuice eft aulîî-tôt récompenfée parla
guédfon 1a plus parfaite.
A la vûè de ce fécond miracle qui levoit fi folanellemcnt l'anathéme que des
minillrcs téméraires avoient ofé prononcer , le calme , la confiance &la joïc ren-
trrnt dans les cœurs les plus timides : le concours fc renouvelle & fc multiplie plus
qu" jamais: Dieu opère enfnitecoup fur coup plufieurs autres miracleséclatanscn
f.vcur tic ceux qui s'cmprcdcnt do lui préfcnter l-^urs prières dans ceianétuaire de
bénédiction, & qui reclament l'interccflî iidubien-heurruxréappcUant.
Plufieurs Curés dans le nombre dcfqucls il y en a quatre de la ville de Reims , dont
trois font D-iétcurs en Théologie, inlhoits, éclairés, fortifiés partant de miracles,
rejoignent à laplupartdes jz.qui avoient déjapréfenté leur requête le ly. Septem-
bre 1727.
Si d'une part les menaces &: la crainte ferment alors la bouche à quelques-uns
de ces 31. Curés, d'autre part Dieu l'ouvre à quantité d'autres qui jufqu'à ce fé-
cond miracle étoient rcflés dans le filcnce.
Ces Curés au nombre de 38. dénoncent à Mrs. les Grands Vicaires le 1 1 . Oéto-
bre 1728. les guérifons arrivées le 8. Juillet 172.7. y 16. Mai 1728. es perfonnes
i' Anne Augicr y de la Danie Stapart comme miraculeufes : ils les rcquérent d'en
faire V information , &: leur offrent de leur adminiflrer preuzrs ^ témoins fuffifans.
Ils déclarent dans la même requête qu'il s'ell: fait encore par l'mtcrceffion de M.
Rouflc plufieurs autres guérifons f///' ne font pas moins conftdcrables ^ & cntr'autrcs
Us guérifons d'Agathe Malabre &: d'Oudart le 'R.o'xdc la ville de Reims.
Dans le même mois pour toute reponfe Mrs les Grands Vicaires font fiç^nifier
une efpece d"i:uerdiction à plufieurs de ces Curés , & interdifcnt en mêmc-tems de
toutes fondions le père Huart Vic;vired'Epcmai , quoi qu'il eut été jufqu'à ce fécond
miracle de la foumifllon la plus aveugle , 8c le pcrc Sutaine Corrrfteur des Minimes,
quoique très Zclé conftitutionnaire : tous deux pour avoir certifié le miracle opo»-
ré fur la Dame Stapart, 6c avoir crû & raportc ce que leurs yeux avoient vu.
Cependant M. rx^rchcvcque de Reims prend la peine de faire réponfe à deux
de ces Curés, qui avoient eu la fermeté de lui écrire à lui-mêrffe, & de lui e»-
voyer la dernière requête qu'ils avoient préfentécà fesGr.mds Vicaires.
J'ai fait examiner^ dit-il, les faits que l'ous me mar(jué^. Mais aucl eramen que
celui ou on n'a pas entendu les perfonnes guéries, leurs Médecins & Chii^rgicusj
ni aucun de ceux qui ont eu une connoillance parfaite de ces miracles ?
Ces faits., ajoute le Prélat , trouvent nombre de contradiEleurs. Mais les miracles
même de J. C. n'en ont-ils pas trouvé ? Ceux en qucllion font attelles par les té-
moins les plus irr.prochables, par une infinité de perfonnes de toutes fortes d'états
& de conditions , par la Plus faine partie des Paltenrsdu Diocéle, î\' même p;u"
•les Coottitutioonsurrs qui n'ont pu le rcful'er à leur cvidcncc. Si cc;> œir..cie>ont
d«s
PRELIMINAIRES. y
des contradicteurs, n'eft-cepasie fort de la vérité fur li terre? Et n'efl-ce pas même
un motif prefflmt qui auroit du engager M. l'Archevêque de Reims à en fiire fure
une information juridique, pour reconnoître avec certitude fi ces contradicteurs l'é-
toient avec quelque fondement, ou fi au contraire leur contradiâion , n'en avoit
point d'autre que leurs préjugés, leur intérêt, & leur aveuglement volontaire?
Ih prétendent ., conûmic-i-i\ ^ que dans Tcccafton préfente ; c^fl Vefprit de parti qui
fait agir. Mais en qui fe trouve cet efprit de parti ? Eft ce dans ceux qui font fi
certains des faits qu'ils ne craignent point de demander à ceux dont ces miracles
condamnent les fentimens, d'en faire faire eux mêmes des informations juridiques?
ou cet efprit de parti n'eft-il pas plutôt dans ceux qui refufent tout examen, &
qui veulent que leurs préjugés l'emportent fur l'évidence?
Ils prétendent , dit encore ce Prélat , qiCon donne des apparences pour des réalités
des conje^ures pour des preuves , i^ un fimple bruit populaire pour une vrayc notoriété.
Seroit-il poffible qu'une paralifie,qui avoit deffeché des jambes au point de n'être
plus que des oflemens couverts d'une peau fcchc &; aride, n'ait été qu'une vaine
dans la nature pour regénérer tout d'un coup des mufcles , qui avoient été pen-
dant tant d'années , finon totalement détruits, du moins entièrement defféchcs &
applatis fur les os? Ou eit-il croyable qu'x^nne Augier ait pu marcher avec des
jambes qui n'auroient pas eu toutes les parties par le gonflement delquellcs fe fiit le
mouvement? Enfin faut-il s'imaginer que tous ceux qui ont vu marcher cette fil-
le depuis le 8. Juillet 171-'. jour du rétablUfement fubit de tous les muiclcs de fcs
jambes jufqu'ù prélent, ont été féduits par nn fiintômc qu'ils ont pris pour elle?
Jufqu'à ce tems , où l'incrédulité eit poufTée jufqii'aux derniers excès, le té-
moignage des fens avoit toujours paru decifif pour juger de la certitude des faits.
L'intérêt de la Bulle peut-il foire abroger cette loi naturelle, & détruire cette règle
commune à tous les hommes? Quand une infinité de pcrfonnes ont tous vu une
même choie, & pendant très long-tems, faudra-t-il déformais fe défier que ce
ne foit qu'une illufion ?
L'œil gauche de la Dame Stapart, que tous ceux qui la connoifient ont vu im-
mobile & éteint pendiuit plus de dix ans, eft encore un de ces faits fur lequel il eft
bien difficile de fe tromper, aufilbien que fur celui de fi guérifon fubite,qui lui a
rendu dès le premier moment, non feulement le mouvement de l'œil, mais en
même tems la fiiculté de voir.
Si de pareilles guérifons opérées à la vûë de tout un peuple ne doivent être pri-
fès que pour des apparences , il s'enfuivra neceflairement qu'il n'y a rien dz certain
dans le monde. Qu'une caufe eft déplorable, lorfque pour la ibuteniron fevoit
obligé d'avoir rectiurs aux extravagances du Pirrhonifme.
Mais par quels témoins ces faits font-ils atteftés ? C'eft entr'autrcs par :!8. Curés,,
dont plufieurs avant ces miracles avoient été fournis à la Bulle, mais qui convain-
cus par cette décifion divine, foulent aux pics tout intérêt humain, pourfc ren-
dre témoins de miracles qui condamnent les préjugés dans lefquelks il avoient été
jufqu'à ce moment. Et comment encore les certifient-ils? De la manière la plus
propre à faire impreflîon fur quiconque n'a pxs cnTierement fermé fon cœur aux
rayons de la lumière. Ce n'elt pas feulement par de fimples récits ou par des té-
moignages privés, c'ell par la démarche la plus éclatante, la plus publique, Se par"
fâ même, la plus capable de leur attirer toutes fortes de difi^raccs^ c'clt en dé-
Bonç^mt CCS miriu:lcs ùleur Archevêque zélateur déclaré de La Bulle que ee& mira alèse
1 REFLEXIONS.
profaivcnt, 5c à Tes Grands Vicaires qui avoicnt déjà f-\it éclater leur dépit contrs
le premier de ces min.cles, & le tonnerc de leur anathcme contre ceux qrl au-
roicnt recours au bien-hcurcux AppcUant à l'interccffion de qui Dieu l'avoit acc.irdé.
Ces généreux témoins, qui méritent d'autant plus de foi qu'ils agilTcnt contre
leur intérêt, font encore foutcnus , par plus de iKo. autres de toute forte de condi-
tion*, 6c on ofe qualifier cette multitude de témoignages du nom d'unfimple bruit
populaire. Si ce qui a été vi'i, Se eil attelle p;u- écrit d'un fi grand nombre de
perfonnes ne peut pafTcr pour une notoriété, ce mot ne fera plus déformais qu'un
nom chimérique qu'on ne pourra jamais réalifer.
O-i cherche plus , dit le Prélat , àfoutcnir des engagemens qu'on a fris ^ <ju*à rendre
boinmage à la 'Toute puiflancc de Dieu. Hclas ! il n'elt que trop vrai. Mais qui font
ceux qui loin de rendre hommage à la Toute puifTance Divine ,s'obfl:inent contre
fes décidons, 5c tachent d'étv/ufcr l'éclat de fes œuvres pour foutenir les engage-
mens qu'ils ont maiheurr-ufjment pris?
Soies îranquUes cependant , continue tout de fuite le Prélat. Qui ne fera frapé d'c-
tonncmcnt en voyant à quoi s'applique cette conclufion ? Les Curés avoient dénoncé
à leur Archcvèqu:' un l'candale qui fait horreur. On cnejî 'venu ^ Monfeigneur .^ lui
difent-ils dans leur hcttre ,jufqu'' à obliger les pénitcns de croire au [ft fermement que
Af. Rouffe eft damné , qu'il eft certain que Notre Seigneur J. C. efi réellement pré fent
dans le Sacrement adorable de nos Autels.
Qiioi ? cft-il pofTible , ô mon Dieu ! que des Prêtres dès qu'ils font imbus de la nou-
velle mor.^.le, ne craignent plusd'abuferdu pouvoir fins règle oc fans mefure qu'ils
s'atribuent dans le Sacrement de pénitence, jufqu'au point de porter à des crimes
ceux qui y viennent chercher la remilTion de leurs péchés ? Eft-il pofliblc qu'ils exi-
gent pour prix de leur taufle abfolution, qu'on juge, qu'on condamne aux feux
éternels un Prêtre félon vôtre cœur, dont toute la vie avoit été renfermée dans
l'exercice des vertus , qui avoit joint à une charité fans bornes , la douceur d'un en-
fant, & le zélé d'un Apôtre, &; dont vous avéscanonifé vous-même la faintetépsr
de très grands miracles ! Mais qu'elle impiété de faire d'un jugement fi criminel un
nouvel article de foi, 6c d'ofer le comparer à ce que la religion nous préfente de plus
facré , à la foi qu'on doit à J. C. 6c à fa préfencc adorable dans le Sacrement de
nos Autels !
A quel aveuglement conduit donc le 7.éle pour la Bulle ? De quel excès , ô mon
Dieu! l'homme ne devient-il pas capable quand il s'éloigne de la vérité? helas.'nous
qui en frémiffons , qu'avons nous fait pour être dillingués de ceux que vous laiflcs
ainfi s'égarer ? Qii'avois-jc mérité moi-même , ô Dieu de miféricorde! quand il vous
i. plû de faire defcendrc fur moi un raïon de vôtre lumière? Je n'étois qu'un nionllre
de corruption. Le ferpent qui fc fervoit de moi pour répandre fon venin d:ms le
morde, m'en avoit pénétré tout entier. Le prince de l'abime avoit envclopé moa
cfprit de fes plus épaifics ténèbres. Mon ame étoit abrutie par une infcnfibilité ftu-
pide. Cependant, ô Dieu de bonté! vous av es jette fur moi des regards de corap;if-
fion. Hrlas! dans le nombre de ceux qui combattent vos vérités, combien v en a-t-
il qui n'ont jamais été foiiillés par des crimes aufil honteux que les miens ? Ay^s donc
pitié d'eux ô mon Dieu ! vous dont la miféricorde cil toute gratuite. S'ils méprifcnt
vos décifions ; 3c .s'ils perfécutent vos ferviteurs, confidércs que ce lont des aveu-
gles qui ne favcnt ce qu'ils font. Commandés à leurs yeux de voir , 6c ils fc joindront
auflitot à nous pour célébrer la grandeur de vos merveilles 6c vous en rendre gloire.
Au nom de votre fils Jefus, répaniés vos bénédiélions fur Us preuves que jevais
leur préfcntcr de la certitude de ces deux miracles, 6c daignéi vous en fervir pour
éclairer leurs cfpritj 6v toucher Iciu-s cœurs. Ainli foit-il.
PIECES
PIECES PRELIMINAIRES
j4ux Démonjlrations des deux Miracles opérés en faveur.
D'ANNE AUGIER ET DE LA DAME STAPART
SUR LE TOMBEAU
DE MONSIEUR ROUSSE.
REQ.UETE DE 32. CUREZ DU DIOCESE DE R E I M S , Pnifentéc
le 23. Septembre 1717.
A Mejfieurs les Vicaires Généraux de [on Altejfe Aionfeigneur h Frime de Roban Arche-
tjêq:ie Due de Reims.
MESSIEURS.
Ous Remontrent humblement les Curez
de Flcury la Rivière, de MateiiU, d'Oyri,
de Biflèiiil, de Villers-Allerand , de Tours
fur Marne , de Mutigny , a'Ormes , de Di-
zi, de Cumieres, de Mardeuil, de S. Imo-
ges & Champillon Day , des Mefiieux, de Lu-
des, d'Ecciiil, de Cermier, de RuUy, de Chamery, de
Chaigny, des Iftres & Bury , de Villers aux nœuds, de Vil-
le de Mange , de Coulommcs 6c Vrigny , de Champigny ,
■de Gueux, de Sillery, de Verzenai, de'Prunay, de Verzy,
de TailTy , de Condé. Tous Curez des Doyennes d'Eper-
nay, de la Montagne & de Vede de ce Diocéle. Qu'il vous
auroit plu par vôtre Mandement datte du 29. d'Août dernier
1727. faire defenfe à toutes perlônnes de l'un & de l'autre
fexe de quelque état, qualité & condition qu'elles puiflent
être , de faire à l'avenir des Neuvaines & pèlerinages dans
la Chapelle de Sie. Anne de l'Eglife paroiiTialed'Avenayou
el^ inhumé feu le fieur Gérard Rousse , Prêtre vivant
Chanoine dud. Avenay decede le 9. de Mai de la prerente
année I7i-. & fur le Tombeau duquel eft arrive le 8. de
Juillet dernier un événement qui auroit donne occalion à
un concours de fidèles fur led. Tombeau.
Que les fupplians favent que l'efprit & la pratique de l'E-
glife a toujours été d'arrêter le zèle indifcret des fidèles, qui
dans le culte qu'ils rendoient à des Saints, même reconnus
& avères, y mêloient quelques fois des obletvances vaines &
fiiperftitieufes dans lefquelles ils pourroient mettre leur con-
fiance, tels que pourroient être ceux qui fe fixeroient (cru.
puleufement au nombre de 9. ou à d'autres cérémonies fu-
perflues ; mais qu'ils n'ont point de connoifiàuce qu'il fe foit
pafle rien de tel fut ledit Tombeau.
^ Qiie led. Mandement du 19. d'Août 1727. paroit avoir
ete donné lut les informations faites par le fieur Doyen Rural
d'Epernay en conl'equence de vôtre Décret du 15. dud. mois
d'Août rendu fur la requête prefentée par le lieur Promoteur
de l'Archevêché, & comme aucuns des feits énonces en lad.
requête dud. fieur Promoteur, ni aucuns de ceux qui pour-
roient refulter de l'information faite par led. Sieur Doyen Ru-
ral ne font articules dans led. Mandement, non plus que ceux
qui pourroient être contenus dans les ditfeients mémoires y
nientionues, les fupplians croyciit entrevoir qu'on ne s'eit ar-
rête dans les requêtes , informations Se mémoires , qu'.r décou-
vrir (1 on rendoit quelque culte public aud. feu fieur Ronflé ,
fans entrer dans l'examen du fuld. événement anivc fur fon
Tombeaii led. jour 8. de Juillet dernier, la vérité duquel
garoît aflliree par le concours des fidèles que les informations
luld. attellent d'une manière bien éclatante.
f^ue quoique led. feu fieur Gérard Ronfle ait vécu d'une
manière édifiante & exemplaite dans la pratique des vertus
chrétiennes & dans l'exeicicc de l'aumône, & qu'il foit mort
muni des Sacremens, faifant profeflion de la foi de l'Eglife
& de vouloir vivre & mourir dans fa communion Se inhu-
me dans le lieu faint, cependant les fupplians n'ont pascon-
leille aux fidèles confiez a leur foin de rendre aud. feu le fieur
Roulfe aucun cuhe public, qui n'eft véritablement dû qu'à
ceux à qui une autorite légitime permet de le rendre. Se que
s'il y a eu de la part des fidèles quelques dévotions fur ce fu-
jet, ce fontja réputation du feu led. Sieur Rouflc 8c l'eclar
de la !;uerilon lubite arrivée fur Ibn Tumbeaulcd.jom8.de
Pièces Prélim. Totn II.
Juillet dernier qui auroient pu les induite i honorer ainfifi
mémoire.
Que cet événement extraordinaire & qui a étrangement fiir«
çiis ceux qui l'ont vu eft tel; que la nommée AnneAugiec
fille de la patoiflé de Mateiul fur Marne de ce Diocéfe âgée
de 47. ans, Sx. affligée fans interruption depuis 5.1. ans ou
environ d'une patalyfie fur les jambes qui l'a toujours empê-
che de marcher depuis ce tems. Se l'a expofé à des chutes
très fréquentes de deflus ta chailé poitative quand elle y etoit,
êe à des accidents uès fâcheux , & attaquée de plus depuis
2. ans de la même maladie fut le bras gauche ,s'eft fait tranF-
porter avec beaucoup de peine dud. Mareûil à Avenay led.
jour 8. de Juillet dernier, dans la Chauelle de Ste Anne de
la pareille dud. lieu , fur le Tombeau dud. feu le fieur Rout
fe , pleine de confiance dans les prières de ce pieux Ecclefia-
fl:ique & d'efperance d'obtenir de Dieu par fon interceffioa
ce qu'il jugeroit a propos pour fa perfonne ; où alfiltante k
la mefle célébrée par le Ceui Robert Chanoine dud. lieu, s'eft
trouvée tout-à<oup guérie de telle foite qu'elle eft revenue
dud. Avenay aud. iVlareiiil quelques jouts après, la glus gtan-
de partie du chemin à pied. Se qu'elle jouit à piélent d'une
lante qui la met en état de vaquer aux emplois pénibles Se.
ordinaires à une peifonne de fa condition.
Que les habitans de Mateûil Se d'Avenay étant pour la pli-
part témoins de ces faits Se de plufieuts circonftancesSede'.
pendances d'iceux , & le bruit s'en étant foiiement repanda
dans le voifinage de ces paroifles Se fur tout dans les nôtres,
il poutroit arriver qu'après la publication faite de lad. Ordon..
nance du 29. Aoiit 1727. pat les fupplians, les fidèles ne pre-
nant pas cette Ordonnance dans ton point précis, & nioin*
occupez de l'infttudion qu'ils en pourroient titet, que des
événemens qu'ils ont vu Se qu'ils favent, ils interprètent mal
le fîlence des fupplians fur ces faits , Se ne l'envilàgent que
comtrie l'effet d'une indifférence inexcufable ,& comme une
difpoûtion marquée de leur part d'etontïer autant qu'il feroit
en eux la vérité d'un événement qu'ils regardent comme l'œu-
vre de Dieu.
Qu'il eft par confcquent de l'intérêt des fupplians de pré-
venir des jugemens fi defivantageux à leuis perfonnes , d'au-
tant plus qu'ils font pcifdades de ces faits egalemeut comme
lems paroilliens. Se qu'il eft d'aiUeuts neceilàiie par rapport
auxd. paroiflîens de fi.xer anreniiqucment leur créance fur cet-
te merveille, foit en conftatantl'infutfifance des preuves qui les
portent à la ctoire , lâns quoi il n'eft pas poifible qu'ils ne
petfeverent dans la conviction ou ils font , foit en les y con-
firmant afin qu'ils puiflent fous votre autorité 6c par vos or-
dres en glotifiet Dieu hautement.
Ce confidere MelUears , il vous plaife de faite informer de
la vérité des faits contenus en la prefente requête; Se notam-
ment de la nature , durée Se autres circonftances de la ma-
ladie de lad. Anne Augier, de l'intention qu'elle a pu avoir
lorfqii'elle s'eft fait tianfporter de MateûU a Avenay fur le
Tombeau dud. feu le fieur Roulfe avant que d'y aller Seau
nioment qu'elle y ailoit êe qu'elle apifaiteconnoitreSc ma-
nifeftet à d'autres; Se enfin de d guerifon extraordinaire 6c
peileverante arrivée à lad. Anne Augier led. jour 8. dejuil-
1er fur led. Tombeau Se ferez bien, ^i«/; /;^«f ThomssBc-
iioifmont Curé de Fleurv la Rivière , Côrbier Curé de M«-
leiiil , Gueiiu Cmé de Bifl'euii , Claude Jicob Cure d'Ot-
* -7.
i
IT VliUût Curt de Villcrs-AUcrind , Faciot Cuie de Tours
fm Marne. A. de Seia.nchamps Cure de ^""fy^B Con-
tant Cure d'Orn>cs, le Compcrc Cure de Di^y, G. BUau-
de" Cure de Cumiaes, F. S. Ve.zeau Cure ^e 'Mareu. .
R. BUaudcl l'iê.re Cure de S. Imoge, & Chairipil on Jou-
vant Cutc d'Ay , Th. BaiUy Cute Des mcncux , Loclmd Cu-
re de Ludcs, j. Thition Cure d'EccLiil, 6. VatTinCurede
Ccrmicr, C. Cavillicr Cutc de Chaigny, J. Gaillard Cure
des Ifttes & de Buty , Rcgnatd Cure de Villers aux noeuds,
Pothier Cure de Ville de Mange, Th. lac^uetclle Cure de
Coulommes & Vtigy,de Coucy Cure de Champigny, Ca-
rangeot Cure de Gueux, Jobari Cure de SiUeu, Gi.ks l.u-
ic de Verzcnai, de la Coût Curé de l'runai, Cugiiet Cu-
re de Vtizi, Blc Cure de TaiPy, Benoît Cure de Condc ,
au deflous eft écrit contrôle à Pans le 2. Juin 1734- •«î''
IZ (oU S!rnr Dubois, erifiilie rfi r\r!t. r 1 n ■
le fLuffigné Cure de Mareiiil lut Ay Diocefe de Reims,
certifie à qui il appartiendra, que le if. de Septembre de
l'année i-i-. j'ai prélcnie i M. le Bègue l'un de MM. les
Vicanes Généraux de ce Dioccfe un double de la pvelente
lequèce au nom & lignée comme celui-ci , en foi dequoi) ai
fiene ce jourd'hui 19. |our du mois d'Août i^zS. i'pit ,
CORBIER Cutc de Mateiiil , an dejji,,, ejl éuit contrôle a
Paris le 1. Juin 1-3+. lesi n fois SM Dubois, cniuite
eft écrit, certifie véritable ligne & pataphe au de ir de 1 A-
âe de dépôt pour minute paffe pat devant les Notaires au
Chàtelei de Paris fouir.gnes ce I+. Juillet 1754. %«rCatte
de MoNTGERON avcc Loyson Se Raymonu avec Paraphes.
II.
l.ettre à Monftigneur l'Archevêque de Reims, par
32. Curez de fon Diocéfe dattee d'Ay, &= envoyée
a Strasbourg //i8. Septembre 17 27.
Monseigneur,
LE Mandement donné pat MM. les Vicaires Généraux de
Vôtre Altesse le 29. d'Août dernier , par lequel ils
défendent les pèlerinages &: Neuvaiiies dans la Chapel-
le de .'■'aince Anne de l'Eglifc d'Avcuay de votre Diocele ,
fut le Tombeau du feu le lieur Gérard Roufle Prêtre , vi-
vant Chanoine dud lieu, nous a fourni l'occalion de leur
prelcnter ce joutd'hui une requête tendante à ce qu'il leur
plailc faire informel des fiitsqu'cUe contient ,&pariiculierc-
mcnt de la maladie d'Anne Augier fille native & habitante
de Mateuil,&dclaguériron fingulieie arrivée en la faveur le
S.dejuilletdernierfurle Tombeau dud. teu le lîeur Roufle.
Quoique nous nous foyons adtefics à eux pour cela pendant
vôtre ablence, nous avons crû , Monfeigneur , qu'il eioitaulTi
de notre devoir de nous adicircr à Votre Altefle pour la lup-
plier de vouloir faire expédier (es ordres afin qu'il (oit fait droit
lûr nos demandes, & c'eft ce tpic nous prenons lalibcrréde
faire au nom de nos confrères a qui la requête que nous avons
ptclcntec c(l commune avec nous. Comme nous fuppolons
nue MM.vosGrands-Vicaiiesvouscnvoycront nôtre dite requê-
te, Monfeigneur , nous ne répéterons point ce qu'elle contient ,
nous reprelcntctoDS feulement ici à Vottc Altelfc que les ha-
biians de nos paroifles continuant d'être vivement fiappez, des
<vcncmens dont ils ont ctc témoins , ik étant dans l'attente
qu'on les confirmera, nous nous ferions crû très blâmables li
dans CCS ciiconftances nous étions reftcs dans une inaction qui
cntraineioit avec elle une foule d'inconvcnicns dont le dttail ne
lauioit que faite beaucoup de peine. Votte Altellc, Monfei-
ineur , (ent cftcctivcmcnt mieux que nous , combien eu egatd à
ia difpolition des cfpriis, il eft important pout nous de demander
Texamcn de ces feus , parce qu'auttemeni les petlonnes de bori-
ne foi, qui comme nos patoilTiensfontperluadesquc lagueri-
fon arrivée à la fufd. Aiigi':r clt futnaturcllc, fetoient aban-
données a l'illufion,fi CCS faits, ce que nous ne craignons pas,
pouvoieni le trouver faux, tandis qn; d'un autiecote, li les
feits font vrais, comme nous en fommcs convaincus, les pré-
tendus elprits foitsf.-ri i-ntcn quelque ("otteautorifes dans cette
iDdiffereiicc qui leur fan envilagertouslescvenemcns linsau-
cun rcioiir A 1 )icu , S< par coiifcqucut dans l'ingratitude , Se ceux
dont l'elprit ell lent, dans leur nonchalance &; leurrtupidiie ,
ceux qui l'ont irrcfolu & floiant.dans leur incctiiiudeSc leur
incondancc , ceux qui ne confidcrcnt en tout que lents intctcis ,
dans la faillie & dangeieulc llcuriic d'une inciedulue partiale
U ctiinincllt .enfin ceux qui pat indif|iofition contre les pct-
f.,nncs qui leut dcplailcni coniefleroieni revidencc-incme , s'i-
migiuciuicu uguvci ca ccU un ^(cttKC tic icga(\ic( scuc mu-
Pieces préliminaires de deux Miracles ,
"" veille comme une impollure ,& fcroient par (»nféquent dans U
ttiftc occafion de fepiccipitct dans les jugemensfau.t Se témé-
raires, Se de (c répandre en di(cours calomnieux.
Dans ce dernier cas , Monfeigneur , la confolation que Dieu
à bien voulu accorder à la fufd. Augier en la viii.ant dans là mi-
féticoide , pat la gueiilon des infitmites dont elle étoit accablée
depuis 22. ans.pourroit lui devenir Se à (à famille dontlaje-
counoidànce ell publique dans le pais, un fujet d'amertume Se
d'affliction ,s'il n'y avoit pas lieu d'efpcier que Votte AltefTe
éloignera toutes les allatmes quileur poiuroientfutvenit ,ôcà
l'exemple des Saints Evèques de l'antiquité, elle conlîdetera
comme eux, que les plus heuteux du rvliniftcre fonr ceux qui
font employés a donner aux peuples la joye de leut annoncer ce
qu'il plaît a Dieu d'opeter , pout honotet aux yeux des liommei
ceux qu'il recompcnfe dans le Ciel de la fidélité qu'ils lui ont
gardé l'ur la tetre , Se qu'elle leur ordonnera de l'en glorifiei
après qu'elle aura interpofe toute fonauiotitc pout feire caraâé-
rifer le fu(Û. événement , Je en déterminer (Utidiquement la
nature.
Nous prenons la libetté de joindre ici une Relation exafte
des evencmens , afin que Votre AlielTe en puilTe juger , nous
fommes avec un ttes-profond relpect ,
Monseigneur,
De Votre AltefTe,
Les plus humbles 5e les plus obcifl'ans (ctviteurj ,
Ji';';;/ Corbiet Cure de Mareuil , liilaudet C;iirédeCuinlc-
rcs, Jouvant Cure d'Ay , Le Compère Cure de Dizy ,Colmat
Cure de Rilly , Coulommier Prieur Curé de Chamety , Vaf-
fin Cure de Cermier , Lochar Cure de Ludes.R. BiUaudcl
Prieur Cure de S. Imoges 8e Champillon , François Vctzcau
Cute de Marcûil,Jean rhirionCured'Eceiiil.Th. BaiiliCu-
rédesMeneux, C. CuvillierC^utedeC^haigny , J. Benoifmont,
Pa
-/.Jl
Cure de Fleury la Rivière , Gadiatd Cure des Uhes & de Bury,
Cl. jacob Cute de Viry , de Coucy Curé de Champigny,
A. de Serainchamps Cure de Mutigny.Guctin Curé de Bif-
feml , Faciot Cure de Touts fur Maine , Poihiet Cure de Ville
de Mange , M illot Cuté de Villers-AUerand , Regnard Cure de
Villetsaux Nœuds , Thomas Jacquetelle Cute de CouUom-
mes Se Vrigny , ('arangcot Cutc de Gueux , B. Contant Cuté
d'Ormes, Gilles Cure de Vetzcnay, Jobart Cute de SiUety ,
). B. Curé de Verzy.de laC^our Cure de Prunay , B!e dite
de TaiOy , Benoit Curé de Conde .m lirffoiti rft écrit comz6\é
à Paris le 2. )uini7 34. '"^9" '^ '"^'^ '"S"'-' Dubois , «i/»i(f rfl
écrit', certifie véritable figue Se pataphe au défit de l'.\Cle de dé-
pôt paflé par devant les Notaiies au Chitelei de Patis loulft-
gnes ce 14. luillet I7H ''gne Caire de Montgeron avec
LoYsoN, Se Raymond Notaires.
II L
Reque'te de 28. Curez de l.i Ville 6» du Diocéfe dt
Reims, préfentée le 23. Août 1718.
A Mf.ssifurs. Les Vicaires Généraux <3e fon AltelTe
Monleigneur l'Archevcque Duc de Reims.
Sui'PLiF.NT humblement les Curez de la Ville de Reims,
des Doyennes de Chrétientés, d'Epernay , de Vifle , Se de la
Montagne l"ou(ligius . difant que depuis la guerilon e.xtiaot-
dinairc arrivée le 8. Juillet i-l'. fur le Tombeau de .\1. Gé-
rard Roufle, vivant Prêtre Se Chanoine d'.Aveiiay enja perfomie
d'Anne .Augier fille lutive Se habit.intc de Maieùil lut Ay de ce
Dioccfe, paralitique depuis 22. ans, vous auriez MM. publié
un Mandement le 29. .Août enfuivant, lequel en défendant les
pèlerinages Se Ncuvaines fut Icd. Tombeau , à letvi de pie-
texte i quelques particuliers de contelkr lavctitc d'uncvtne-
ncmcnt connu dans tout le pais_ Se attelle pat un nombie pljs
que lurKlant de peilônnes non fulpecles ; Se .i donne occafion i
d'auties de foutenit qu'il ii'ctoitp.is permis d'avoiticcouts aux
ptietes de M. Ronfle. Ces idées (ont d'autant plus conttaiies à
l'elpiit de votte Mandement , qu'elles ne peuvent le concilier
avec la Doctrine de l'Kglilc touchant la communion des SS.
qui donne dioit à tous fidèles de communiquci pat pticie avec
les peilonnes de pieic qu'ils ont lieu de ctoiteètie mortes dani
la chatitc de JerusChiill, comme avec ceux qui teftent liit
la teiie , Se ce i piopoition du degte de veitu dont ils ont
connoinànce.
Ce Maniement pat lequel vous n'avez rien ftame fut la natu-
re de cet événement, fondé , MM. comme il eft du fur ce que
ce Mii.icle n'ctoit pas tcconnu ni ap,>touve pat aucune autori-
té légitime , .iiitoit eîe luivi d'une lequête a vous picfcniee pat
aucuus d«s l'uppUii» U iî. Sept. Uciuiei , Knd«mc luuquc-
OKOC
ipérès fur Anne Augter
ment à ce qu'il vous plût informer deia maladie cielaj. Anne
Augier , enfemble de fa guerilon & des circonftances qui l'onc
accompagnée.
Les preuves particulières de la piété de ce digne Ecclefiafti-
que.aux prières duquel cette fille dit être redevable de fague-
iilon , ni les témoignages de ceux qui l'ont connu partictiliere-
ment , n'ont point ete inferez dans lad. requête ; il fulîîlbit aux
fupplians de s'en tenir à la notoriété publique (i favorable à la
mémoire de ce vertueux Prêtre & en vous expofant aujourd'hui,
MM. qu'il s'eftdiftingue fur tout pat une humilité profonde,
une patience Evangelique , pat ime vie laborieufe & un grand
amour pour les pauvres, enfin par un attachement inviolable
à tous fes devoirs, ce feroit prévenir vôtre autorite que de
le prouver, puifque ces preuves doivent être natuiellement
dans l'information que nous attendons.
L'cdat de la guétifon d'Anne Augier & la grande opinion
des peuples pour la vertu de M. Roufle, les avoient attirés
d'abord fui fon Tombeau, & c'eft-ce concours extraordinai-
re qui aura fans doute excite l'attention de M. le Promoteur
de l'Atchevèche. S'il lui à paru neceflaire de prefentet en
confequence fa requête à l'effet d'empêcher qu'on intioduiiît
des ufages tels que fetoient ceux d'offrir des cierges, des ima-
ges, de peinttues&autteschofes femblables qui denoteroient
un culte public, & qu'aux termes desSies. règles de l'Egliiê
vous avez droit d'arrêter; li vous avez, MM. juge à propos
d'interdire des pèlerinages qui auroientpii fe faire parlafui-
tc avec cette folemnite avec laquelle on en voit ftire dans
quelques lieux de cette province, & fi vous avez même pré-
venu par vos dcfenfes les fuites pernicieufes d'obfeivances qui
ne tendroient qu'à établir un culte faux , indu & fuperftitieux,
& tous les abus qui en pourroient naître, les lupplians qui
n'onr poinr de connoiflance qu'il (bit arrivé quelque chofe
de pareil aud. Tombeau, ont ciû que la confiance avec la-
quelle aucuns d'eux fe font piéfenics à vous le fufil. jouriy.
Septembre fuffifoit pour faire entendre aux peuples qu'il ne
leur etoit pas dtfendu de pratiquer des dévotions qui ont tou-
jours ete petmifes, comme on l'a vu en différents endroits,
& comme on le voit encore en quelques uns , notamment à
Cahots ouïes fidèles avoient la liberté o'allei fur le Tombeau
de feu Meflîre Alin deS^lminiac Evêque de cette Ville dont
le Clergé de France a demande la canonifation en i ^co &à
Châlons en Champagne fur le Tombeau de feu Meflîre Félix
Vialard Evêque de cette Ville , & en Lorraine fur le Tom-
beau du Révérend père Mattincourt & ailleurs l'Eglife a
toujours vu avec joyele concours de fes enfans aux Tcmbe-
auxdes perfonnes de pieté , lotfqu'ils n'entreprennent ces voya-
ges de cfevotion que peut fe tendre plus prefentes les vertus
qu'ils ont admirées en elles, pour y ranimer leur foi, & s'ex-
citer plus efficacement à la pratique des venus chrétiennes ,
les miléiicordes du Seigneur fe manifeftant fouvent dans ces
occafions par les merveilles qu'il lui plait d'opérer , 8c ce con-
cours étant une des voyes ordinaires dont il fe feit pour faite
connoitre aux hommes ceux qui font fes bien-aimcs.
Les Supplians ont été confirmes dans cette penfee pat la
conduite que vous avez tenue, Meflieurs, depuis vôtre Man-
dement, tant à l'égard de ceux d'entt'eux qui en le publiant
ne l'on fait qu'avec la diftinction du cul'.e public & particu-
lier î qu'a l'égard des perfonnes fans nombre & de toute con-
dition qui fe tranfportent tous les jours fur led. Tombeau,
fans qu'on ait piis aucunes mefiires pour les en empêcher :
& ce concours leur a paru encore plus innocent oepuis les
nouveaux prodiges qui lé font opères fur le même Tombeau
fc Ipecialement depuis la guerilon de la Dame S;apatt a'£-
pernay arrivée le i6. Mai de la pttfenre année i^i8.
il eft conftant , & vous l'avez fans doute appris, MelTieurs,
que cette peifonne etoit paralitique , qu'elle avoir un œil dont
elle ne voyoit plus abfoUiment depuis lo. ans. Se qu'elle a
été paifaitement guérie de cette double incommodité le jour
de la Pentecôte fur le Tombeau de Monfieur Ronfle.
Les très humbles remontrances contenues en la requête du
2.y. Septembre dernier donnoient lieu aux Suppliants de croi-
re que le devoir de leur miniftere à ce fujet étuit alors fuffi-
fâmmem rempli , & ils atrendoient en paix que vous fiiïiez
droit lîir ces demandes , en mettant dans fon jour la gloire
de la première guétifon de la fille de Mareilil, mais depuis
que les merveilles arrivées à Avenav &. fur tout celle de la
pucrifon de la Dame Stapatt . ont fait une fi grande impref-
fion dans le public , les fupplians fe trouvent encore plus obli-
gés de renouveller leurs inftances Se de requérir d'abondarK
une uifoi:m»tioa juridique , tam liu la joalailic £< gueii^
6? fur la Dame Stapart. g
ton d'Anne Augier que fur celle de lad. Dame Stapart.
L'on pourroit joindre ici les guerilôns d'Agathe Malabre,
d'Oudart le Roi demeurant en la Ville de Reims , & autres
qui ne font pas moins ccnfîdeiables, quoiqu'elles n'ayent pas
encore acquis le degré de notoriété des deuxpiemieres. Mais
pour n'embrafl'er que des objets certains & prouves , il e(t
diiEcile de ne pas admettre le nouveau Miracle opère en fa-
veur de la Dame Stapart , qui a poui témoins les habitants
d^uue ville entière & dont la guerifon eft atieftée par des
Cettificats de Médecins & Chuurgiens déjà parvenus a la
connoiflance du public.
En 172-. on regardoi: la guerifon d'Anne Augier comme
un fait unique dans fon elpece,&ceux qui feplaifent a dou-
ter de tout trouvoient dans la fingularité même de cet eve-
nement des prétextes a l'incrédulité. Maintenant un fécond
prodige confirme le premier: & fi c'etoit des perfonnes len-
tes a croire , on pourroit leur dire que ces prodiges ne font
prépares dans l'ordre de Dieu que pour ceux qui l'aiment.
La Dame Stapart publie que Dieu lui a fait cette faveur
par les mérites de .\1. Roufle, elle veut que tout le monde
Içache que c'efl à fes prières qu'elle doir la guerilon , fba
mari qm en a été un des premiers témoins elt auffi le pre-
mier à l'annoncer , & la différence des fe.rtimens fur les àiÇ.
putes qui agitent l'Eglife n'a pas empêché plufieurs perfonnes
de le reiinir pour publiet que la guerifon de cette Dame efl
furnaturelle. Qii'il foitdonc permis aux fupplians u'employer
ici le luffrage de tant de témoins , & de vous remerue de-
vant les yeux les motifs de leur requête qui deviennent tous
les jours plus pieflins, a mefuie que Dieu fe plait à faite
éclater la gloire.
La voix publique annonce que les guérifons ont été opé-
rées par l'interceflion de M. Roufle ; d'un autie côte quel-
ques perfonnes mal intentionnées les ont attribuées à la ma-
lice du démon & aux enchantements de la magie , fans con-
llderer qu'il n'eft jamais arrive , c< que la (âgelîé & la bon-
té de Dieu ne peuvent permettre que de telles merveilles,
fur tout dans les circonftances qui les accompagnent , arri-
vent jamais fur le Tombeau de ceux qu'il a rejettes de lui
pour toujours. Ces mêmes perlonnes devroient au moins
penfer qu'on ne peut oppolér à ces merveilles les preftigesque
les magiciens ont fait de leur vivant , fans attaquer radicale-
ment te d'une maniete qui n'a point d'exemple tous les Mi-
racles arrives aux Tombeaux des Sts. & fins enlever par ce
moyen à l'Eglife l'une des preuves dont elle fe fert pour par-
venir à leur canonifation. Qi.oique les auteurs de comparai-
fons (i odieufes ayent donne par leur oppolîtion plus d'éclat
aux merveilles qu'ils veulent combattre, néanmoins comme
ces difcours pouiroient faire quelque iniprcffion fur des per-
fonnes peu fermes Se peu inftruites , les lupplians efpérent que
vous employerez vôtre autorité pour difliper tous les doutes
que de tels dilcours auroient pu faire naitiCj ils croyent pou-
voir ajouter ici que dans l'eta. ou les chofes font reftees de-
puis la dernieie requête: il lémble qu'un chacun ait la liber-
té de penfer ce qu'il voudra fur les événements dont il s'a-
git, & qu'il foit indifférent de rccouiir aux p.ieres de M.
RouflTe ou de cenfurer la conduite de ceux qui le font , Se ce-
la lîiivant les différentes idées qu'ils fe feiont fermées.
Le plus grand nombre , il efl vrai , dcterminez par les rao.
tifs contenus en la ptefênte requête . penfent que ces <;évo-
tions font très petmifes , mais >.i'autres prennent occalîon de
l'excomrriunication majeure portée eu votre Mandement du
29. Août 171'. polit jetter le trouble dans les coniciences,
tandis que cette peine ne peut concerner que ceux qui au mé-
pris de votre autorite entteprendioient de donner de leur chef
des marques extérieures Se publiques o'un culte illégitime ;
& qui introduitoientdes cérémonies réprouvées par les Con-
ciles Se contraires aux règles de l'Eglife; or permettez, MM.
aux fupplians de vous rcprtfenter que les fidèles ne doivent
pas être abandonnés plus long temsàcetetat d'incertitude tlir
des objets de cette impottancepour la religion. Une telle
contiaiieté de fèniimens eft un fcandale ; il cil de vôtre cha-
rité Se il fera glorieux pour vous, ivlM. de le Êiire ceflèr
par une inftiuction regnlietefur les faits ci-deflTus. C'eft l'ob-
jet des conclufions de la prefeute requête.
Ce conlidere , MM U vous plaite donner acle aux fup-
plians de ce qu'en adhérant aux conclufions prilés par au-
cuns d'eux par autre requête à vous prcléntce le 25. Septem-
bre dernier , ils vous dénoncent les guérifons arrivées au Tonv-
beau de M. Roufle Chanoine d'Avena^ les 8. Juiller 1-17. Je
j6. Mai de la gt«f«Bie année i7z8, es psifonues d'Aoue Au-
1< a «''*
î
Bier de Mjreiiil Se de 11 Dame Sta^s" o'fc.pcrnay comme
iniraculcufcs & furnamrcllcs , en conlequciicc ordonner qu'a
la reouècc de M.lcPromotcut de l"AtcFicv5c]ié il lera procè-
de a rinforiiia:ion de la maladie Se guerifon tam de lad.
Anne \ugicr , que de lad. D.nne Stapait , citconftances & dé-
pendances, cnlcniblc de rimcntion qu'elles auroicnt eu l'une
ii l'autre en allant fur le Tombeau dud. M.RouOe, & lors
qu'elles y font arrivées. A l'effet dcquoi elles icront par vous,
Meiricuts, ou par vos ordres interrogées féparement fur leurs
dilpolitions Je in:enrions particulicies au moment de leur
guerifon , & que pour parvenir i lad. information le procès
verbal du ficur Doy:n Rural d'Epernay , enfemble les mé-
moires Se les certificats des Médecins ScChiiutgiens qui ont
DÛ être délivrer vous feront rcptefentes pour fervit en lad. in-
ilrucUon ,aux offres que font les fupplians'd'adminilher preu-
ves & témoins fulf.fants Se vous ferez bien. Signé Bouiguct
Ftétrc Doacur en Théologie Se Cure deS.Hilairc, A. Cu-
riot Prêtre Doâeur en Tneologic 8e Curé de S. Jacques de
Reims , C Legoix Prêtre Doéteur en Théologie Be Cure de
Sic. Marie-Madclainc de Reims, G. Defteibay Prêtre Cure
de S. Michel de Reims & ancien Doyen Rural de Vellcjle
Coucy Curé de Champigny, M. Multeau , Prêtre Doâeur
en Théologie Se Curé de S. Brice-lcz-Reims , Caranccot
Curé de C.ueux , T. Jacqueielle Curé de Coulommes, Re-
nard Cure (je ViUers aux Noeuds , ^P. Biaiiel Prêtre Cuie
^e Chaumazy, P. Parent, Prctie Curé de Bligny ; Jacques
Fourneau Cure dePoercy, Bailly Curé des Mencux , T. Be-
noilinoiu Cure de Flcuty la Rivière, F. Verzcau Cure de
Mareiiil , K. Petit Cure de Tuis, Jouvant Cure d'Ay an-
cien Doyen Rural d'Epernay, C. le Compère Cure de Dizy,
Claude lacob Cure de Vity, Corbier Curé de Marcuil ,
Gucrin Curé de Biffeuil , Faciot Cure de Tours lur Marne,
Louis Curé deLourvercy, Davefiic Curé de Livty , Sandre
Cure de Scdifcau, Jobart Cure de Sillery, A. Lacoutt Cuié
de Prnnay, Andié Blé Cure de Taiffi , Lochar Cnre de Lu-
dcs, C. Cuvilicr Curé de Chaigny , Colmart Cure deRilly;
Millet Cure de Villets-Alleiant , Benoit Contant Cure d'Or-
mes, YaOînCurcdcScrmicr, Benoit Cure dcConde Lepa-
enolCure deBouzy, G. Billaudel Cure de Cumierc, Billau-
Scl Cure de Champillon Se de S. Imogcs. En marge de la
première page cft écrit contrôlle a Parii le x. )uin. 17;4-
Lettre de deux Curez de la Ville de Reims , à Mo»,
feigneur leur Archevêque. Du il- Août 1728.
Monseigneur,
NOv s avons préfenté le 1 1 . de mois à Meneurs vos
Grands -Vicaires une lequête lignée de ?6. de nos
Confères Se de nous , pour demander l'intormation
juridique des guirifons extraordinaires atiivees lur le Tom-
beau de M. Rouffe à Avcnay
écrire
de
rcs
nou
d
ce
or<
de
l'.-„-.- -,----
peu mcfurés ne laillent pas d'eelatet contre
ce vertueux Ecdcfiaftique. ...
On aftede m ême de répandre des chanfons 1 m pti mecs qui at-
laquent également les morts & les vivans de tous ordres , e>i-
fn on en 'yK-'MK , Monfeigntur , jn/îfi'J Mlf^tr Us frniiens de
C'Kire anjji ftrm'mrnt ont M. RonfJ'e , tjf damné, ijh'U rft ter-
tatn (jne nitre Hdgnmr , J. C. eft réellement fréfent djas le
Sairemrnt tidttrnhle de not j^Mtrls.
Nous o(bn« noiis fljter que l'information que nous prenons la
liberté de .: "Mii a Votic Alieflc fur les faits
contcnu'i r ■:xo\i fin \ tous ces m.iux , &
nous i'af.ci ^ r , de votre charité Partotale.
"Nous avons l'nonncut a'ctic avec un très profond tcf-
peil M o N » P. I o N E u n , _
' de Vôtre Alteflc,
Jei très-humbles U trè'-obcifTans ferviicurs AVrn/,(MeGoix
Cnié de Stc. Marie- Magdcleme, iVl. Multeau, Docteur en
Théologie Curé de S Bncc.
&t om doiejiéiriicomoUt il'Mis le i.Juini;34.icsail.
J
Pièces préliminaires de deux miracles ,
fols ligne Dubois, cnfuite eft écrit certifié véritable , figné & pa-
raphe audeCr de l'Acte de dépôt pour minute pall'e patdcvarx
les Notaires au Châtelet de Paris foullignés ce 14. Juillet 175*.
Signé , Carre' de Montgeron , avec Loyson Se Rax-
MONU à Savetue le 30. Août 1718.
I V.
Reponfe de Monjîeur , l'Archevêque de Keims.
A I Reçu depuis quelque tems, Monùcur, la Lente que
vous m'avez ectite; Se la copie de la Requête que vous avez
ptefentce à mes Grands-Vicaires conioimeineut avec plu-
fieursdesvosConfteres. J'ai deia fait examiner les fans que
vous me marquez , ils trouvent nombre de contradicteurs , genj
fages Se éclaires qui prétendent que dans l'occafion picleiitc
c'cft l'cfprit de parti qui fair agir , qu'on donue des apparences
pour des réalités, des conjectuies pour des preuves , Se un tira-
pie bruit populaire pour une vtayc nororiete , Se qu'on cherche
plusafoutenit dcsengagemens qu'on a pris, qu'a rendre hom-
mage à la Toute-Puiflance de Dieu. Soyez tiar.quille cepen-
dant .évitez toure cabale Se toute alVociation , repofcz-vous fut
ceux que Dieu a eiablis pour vos Supérieurs , Se infpitez les mê-
mes Icntimens a vos paroilTicns. Je fuis , M. entièrement a vous
Ji;î»f .l'Archevêque Due de Reims. v*« Jrjfont ejlémt: Je
compte que vous fetcz part de cette Lettre a .vl. le Cure de S.
Brice qui a fignê la même Lettre que vous m'avez écrite, ^h
dejfdtt, ejlécrii: Contrôlle à Paris le z. Juin 1734.16511 iz.fols.
Signé, Dubois , ^n deffoni eft écrit. Cenitie véritable , ligné
Se paraphé au dcfir de l'Ade de dépôt pour minutc.paflépac
devant les Notaires au Châtelet de Paris fouflîignes, ce 14.
Juillet 1734. Signé, Carré de Montgeron avec LoyfonSe
Raymond avec paraphe.
V.
Fouveir des Curés du Biocéfe de Reims,
Nous fouflignes Prêtres Cures du Diocelé de Reimf
dénommes en deux requêtes pat nous ptefentees à Met
ficurs les Grands Vicaires le ij. Seprembte l-l"'. Ûe
II. Août dernier, tant en nos Noms que nous faifans Se por-
tails fort pour MelTieuis nos Confrères qui onr pareillement
figné lefd. requêtes , donnons pouvoir de faire pour railondu
contenu en icclles routes dénonciations, fignitications, dires,
& requifitions , que led. fieur Procureur iiigeta a propos , ad-
miniltrcr les preuves Se témoins qu'il aviferanecelliircde fai-
re oiiir en l'information dont ett queftion; même de recu-
fer ceux contre lefquels il fc trouveroit des motifs légiti-
mes de fufpicion Se généralement faire pour rail'on de ce tout
ce que led. licur jugera a propos , promettant avoir le tout
pour agréable Se le ratifier quand belbin fera ; fait dans les lieux
de nos bénéfices le iS. Août 1-18. yifncjouvant C:uted',-\y ,
N. Lepagnol Cure de Buiizy , CMaude )acob Cure de Viry, Th.
Bcnoilmont Cute de Fleurv la Riviere,C. le Compère Cure
gni.,. — , ,
V.iirin Cure de .Scrmietce ?. Sep.-emlwe m», t. olmartCure
de Rilly, ce 5. Septembre i-lS. C. ÇuvdIicrCuic de Chai-
gny , le ;. .Septcmbie i-i8. Lochar Cure de Ludes ce 3 . Sep-
tembre I7î8. A Laconrt Cutc de l'runay, le 4. Seprembte
I 7i8. Sandre Cure de Sedtlcau le 4. Septembre i -iS. Louij
Cure de Lonvercy le 4. Septembre l 'iS. Gillesi;ure de Vct-
zeiiav le 4. Septembre i-iig. BleCuredeTailly le 4. Seprem-
bte i'"'l8. An J.-jr-Kieft rirj'reomiôlleaPatislei.Juin i-;4.
reçu ll.fols^i't;»/' Dubois; enfniir eft rt'ii Ciitifit sciitMc /Igné
Se paraphe aiT défit de l'.Vlc de dépôt pour minutie palle pat
dcvaiu les Notaires au Chitelet de ParislouiVignes ce 1 4. |uillct
i^H tignf Carre" de Montgeron avec Loysôn «c
Ray MON» Noiaires , .» .
Les originaux desdites piiceîdcpofcs comme du eft , le tout
demeure audit Ravnv.nd Notaire. Led. dépôt faii par M. de
MONTG ER ON, Conli-illct au Parlement, le 14. juillet
1-34. .H la minute duquel lefd. pièces lônt aoïKxees.Ietout
demeure aiid. Raymond Notaire. mIIIA
AXNK AuGlKR
^ dccaouc par un Ceuu-cr, ufu/urùtJf. et tt/ie paralitU aui lui
^___^ m'oit entitremrntiù'JS'ei.Jir' l^sjatnhe.t lù'pui.r pluj de 20 anj. .te
-l' — -jfait^^rrier U S Jui/J^-t ly^y a^i-cnay .tur la Ti'tnhf tic MTR orssx
^•rur uii'cyarr .uvi in/rn,-s.fU'n .
■
m^ /■: ^ i
H
If^^g^ 1
^^
w^^m\\\T^' 1
^^
'I^HI
S
'I^^^^S 1
^5
Jl^^^^£^s '■
^is
^•v;r-?-:^-^-=;^^^^:=^~-" ' 1
^■■^^
liiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiy^
^^rrr
Antste AuaiEiL
^cuJrMre iui£ Messe le i^ Jcrur S •-Tuill^iyjy cLuis uz C/id^ellc ûu.
M^ROVSSE cstentin-J.Etant ussuse sur saTc'/nie, clù esiau^î-u cui
172x7 rnerit de rojfei-tx>ire , ses jambcf Jessec/i^'es sû/U suInà-irierUrcuti -
inées^ell^ sejetù: a c/eru'uj:, et y deiruiue rusuu'aLi/mde Lx^Iesse ^elL^
tna.ixnx le même ycur defeutt HAbcsse d-^'enu y, etpeii après elle se ùxni
ve en état de vaajuc?' luur baveutix àspliLT nciutles d'iu Camuaane
i
MIRACLE OPÉRÉ
s U K
ANNE AUGIER.
^^deff^h^ïMLr fP/'^'W'' r^'^ depuis plus de zi. ans lui avait entièrement
7> if^rnvVT^" ' ^ '^'^'"' ^'■''>' ^"' i"^ ^'^oit ôté l'ufage d'un bras
ïnFFcrJTf ^- '''''^''' '"' '^^'''' ^'^/^'^ q'^--^ depuis ^. ans. s'était ouvert.
ji^vrjiTj,A f '"' -• ''^'f'''' ««^.^/«^^ ?«^' i'ii avait pourri l' ai f elle.
r.TJv^T^ ri -^^"^ long-tems par une incité d'autres plaies.
G- Uh K IL Jubitement de tous ces maux fur le tombeau de M. Rousse le 8. JuiU
I. DEJVIONSTRATION.
RKCIT DE CE MIRACLE.
TIRE' DES PIECES JUSTIFICATIVES.
^^y TT ''"^'■^?^ "^^"^ f;^«if3 à cette multitude de prodiges par
lefquels il avoit refolu de déclarer que les Appellans étoient conduits
par la vente , voulut d abord paroitre à découvert & rendre fon opéra-
tion fenfible, en faiPant un miracle fi éclatant qu'il n'eût pas manqué
de convaincre les plus mcrédules . fi l'incrédulité de l'efprit n'avoit pas Sce
dans le cœur & que poirr la forcer, il ne fallut que des miracles, n^ns cette -ra!
ce intérieure & toute puii^mte qui feule dnnnc de croire comme i\ faut, en don-
nant d aimer a croire , 8c en touchant les cœurs
Anne Augiër pauvre payfoine du village de Mareiiil fut celle que Dieu vou-
lut choifir pour êti-e dans 1 Archevêché de Reims le premier fujct f2r lequel i fc-
roit briller la grandeur de fi bonté & de fa puifiance ^
Cette fille réduite depuis long-tems à l'état le plus affreux & le plus défepéré,
n oftroit qu un fpeftacle d horreur à des regards charnels. Mais le Dieu des ^^erttl
ne 1 en lugea que plus digne d être 1 objet de fes miféricordes , parce qu'il lui avoit
deja donne une patience a toute épreuve , avec laquelle elle avoit fup?orté pendant
un grand nombre d années les maux les plus cruels & les plus accablans
Depuis Z2. ans une paralifie complettc fixoit fi mifére, & avoit fi fort defTéché
une partie de fes membres quils fembloient n'être plus que les offemens d'un ca-
V^- /^°P"/« 7- ^ un cancer dévoroit fon fein. Depuis i. ans une fifiule nour-
nfloit fa chair en 1 infedant par les puans débris des ravages du cancer. Enfin de-
puis plufieurs années 1 immobilité de fon corps, qui la forçoit de refter comme
clouée dans 1 attitude ou on la mettoit, meurtriffoit fa peau, 8c auamentoitfans
cefTe une mfinité de plaies dont fon corps étique étoit couvert '"^"'^"'°^^ ^'^"^
Toufrîinr'^'^ ^^°'^"'' ^^ ^" "'™'' commença dès l'année 1707. le jour de la
^ toute
t DEMONSTRATION DU MIRACLE
toute occupée du fervice divin qu'on y célcbroit, fut tout-à-coup frnpée d'une
pamlilie fi violente fur les deux i-imbcs , qu'elle tomba étendue fur le pavé comme
fi elle eût été morte. Les aïïiftans touchés de corapallîon s'efforcent en vain de la
relever : fes jambes depuis ce moment ne purent plus lui être d'aucun ufage , Se
l'on fe vit forcé de la faire remporter chez elle.
Il n'cil: p;is douteux qu'un coup fi foudroyant ne fût une véritable attaque d'a-
poplexie , quf forma fur le champ une paraliiîe qui entreprit les deux jambes. Auf-
iî ce fût en vain que le ficur Robert Chirurgien du lieu s'emprella aufli-tôt de la
fctourir , tous fes foins furent inutiles. L'apoplexie dégénérée en paraliiîe avoit des
le premier moment tellement fermé tous les. paflages des efprits animaux , que les
remèdes les plus fpécifiques ne pouvoient plus faire aucun eftet.
Le Chinirgien voyant que tous les liens n*avoient aucun fucccs , envoie lui-mê-
me des le lendemain confulter M. l'AUemant le plus célèbre Médecin du pays.
Mais en vain ce Médecin lui indique-t-il tout ce que l'art peut apporter de fecours
en pareil cas: en vain le ficur Robert exécute-t-il ponctuellement fes ordonnan-
ces, tous l'es remèdes font inutiles. Le mal cft pour ainfi dire fi impatient de par-
venir dès fil nailTancc à fon dernier période, qu'au bout de quelque jours les parties
affligées, déjà privées de tout mouvement, tombent dans une infenfibilité totale.
Le Chinirgien étonné que cette paralifie eût fait en fi peu de tems un fi rapide
progrès, éprouve s'il n'y a point d'exaspération dans la déclaration que lui fait Ta
malade. Il cache une épingle entre fes doigts : en lui tâtantles jambes il en perce
les chairs à plufieurs reprilès, & regarde fixement la malade pour obferver iî fon
vifige ne laiflcra pas paroître quelque fignc de fenfibilité. Mais- ayant reconnu que
la malade ne s'en étoit pas même apperçuc , il juge dès ce moment que la parali-
iîe étoit complette, & par conféquent abfolumcnt incurable fuivant les princi-
pes les. plus inconteliables d'anatoaiie. Et quoiqu'il continue encore pendant quel-
que tems à lui faire des remèdes, afin qu'on ne pût lui reprocher d'avoir négligé
l'ordomvmce du fiimeux Médecin qu'il avoit confulté, il le fait fans aucune efpé-
rancc de fucccs, & après avoir déclaré lui-mèaie que cette paralifie, ayant en-
tièremeiu privé de mouvement & de fenfibilité les parties qui en étoient entrcpri-
fc.s, ne laiflbit plus aucune reflburcc pour les guérir.
Plufieurs perlbr.nes furent curieufcs d'éprouver elles-mêmes, fi les jambes d'An^
ne Augier avoient cffeétivement perdu toute fenfibilité; & après y avoir enfoncé
des épingles, elles pouflerent leur indifcrétion jufqu'à y enfoncer descloux. An-
ne Augier laific tranquillement déchirer ainfi ce qui y rcftc de chairs , & ne prend
plusde partà des membres qu'elle regarde comme étant déjà livrés à la mort.
Maisbicn-tôtces expériences cruelles devinrent impraticables: bientôt il ne refta
plus de chairs dans lefquelles les doux pufient fe faire un paiïiige. Au bout de 8 . mois
fes jambes d'Anne Augier fe defTécherent fi entièrement , que les os n'en furent
plus couverts que d'une peau andc , qui colée fur ces os , en laiflbit voir toute la
Forme.
Ccsmembrcs ainfi décharnés unis à un corps animé préfentoient à la vue un objet
fi. hideux qu'on ne pouvoit les regarder fans en être frapè d'horreur. Unevoifinc
d Anne Augier en fit la triflc épreuve. Les regards trop imprudens que cette femme
^ui fe trouvoit enceinte , fixa fur cç corps moitié vivant moitié cadavre, en firent
palier l'a fFrcufe rcffemblancc fur l'cnfiuit qu'elle portoit dans fon lein -, Sc cet enfant
demi fquelettenevmt au monde que pour être bien-tôt la proie de la mort, la-
quelle dès avant fa n.iiflance croit uéja en ponefiion d'une p.irtie de l'es membres.
Ce n'efl- pas feulement pendant un petit nombre d'années, c'eft pendant plusde
i I. ans qu'; les jambes d'Anne Augier Ion rcflétîeu cet état, & y ont été vûcsp.ir
uïic-
OPE'RE' SUR ANNE AUGTER, 5
wne infinité depcrfonncs. Aulfine luiétoit-il pas poiliblc d'en faire le moindre ufage
pour fe rem lier & changer de place. Quelque gênante que fût la lîtuation où elle le
trouvoit, elle y étoit comme enchaînée p:u- fon impuifîance & fon immobilité for*^
cée , iufqu'à ce que quelqu'un vrulût bien prendre la peine de l'en fliire changer , ce
qui n'étoit pas fort ficile ; car il filloit la porter comme un corpsmort: ôctantoton
voyort fes fquelettcs de jambes traîner furie pavé «prés le refredcfon corps, tantôt
fi on la ioulevoit tout-à-fait , on entendoit fes membres defiechés faire en le heurtant
mutuellement , le bruit de deux os qu'on fraperoit l'un contre l'autre.
Si un tel état eft affreux par lui-même, quelfupplice n'eft-ce point d'y être ré-
duit , quand on eft en même-tems dans la pauvreté comme étoit Anne Augier ? qui ,
n'ayant d'autre reflburce pour fatisfaire à fes befoins les plus preflans, que la com-
palîîon de ceux qui vouloicnt bienlafeiTir gratuitement , étoit obligée de fupporter
toute la vivacité de leur humeur , ou le froid de leur indifférence > & qui , quel-
que fouffrance qu'elle endurât, fe voyoit forcée d'attendre patiemment que la cha-
rité de fes voifines les fit avifer de venir lafecourir. Auffi au bout de quelques années
le corps d'Anne Augier devint femblable à celui d'un lépreux par des écorchures
& des plaies fans nombre que la continuité d'une même polture caufoit &; ne
ceffoit d'iiriter.
A des douleurs fi cuifintes fe joignit bien-tôt la plus humiliante maladie. Anne
Augier tombe de tem s en tems dans des accès d'un mal épileptique qui la prive de
connoiffmce pendant des 3. ou 4. jours. Se la met pendant ce tems hors d'état de
prendre aucune nourriture. Mais comme cette maladie ne paroiffoit que par inter-
valles, Scqu'ainfi le moment de fa guérifon n'a pu être fenfible & apparent, com-
me celui de fes autres maux qui jufqu'à ce moment heureux avoient toujours été
vifibles, nous n'en relèverons pas les preuves qui s'en trouvent dans les certificats:
& par rapport à la guérifon nous nous contenterons d'obferver, qu'Anne Augier
depuis le miracle opéré fur elle le 8. Juillet 1717. ayant toujours joui de la fanté
la plus parfaite , cela fuffitpour prouver que les caufes internes de cette étrange ma-
ladie ont ceffé d'êtredans le même inrtant que tousfes mauxvifibles ontdifparu.
11 yavoitdéja if. ans qu'Anne Augier étoit dans l'état déplorable que nous ve-
nons de décrire , lorfqu'il lui furvint encore une nouvelle plaie qui lui fit fentir de
plus vives douleurs qu'elle n'en uvoit fouffert jufqu'à ce moment. L'avanture
qui en fût la caufe fait hémir d'horreur.
En 1710. un de ces malheureux vagabonds qui couvrent le plus abominable
libertinage du voile de la mendicité, la voyant feule, entre dans fa pauvre chau-
mière. Loin d être rebuté parl'afpect hideux déroutes fes infirmités , il eft char-
mé de voir que cet état lui ôte tout moyen de lui réfifter & de fe fouftraire à fa
brutalité infâme. Cet impudent vautour eft prêt de fe jetter fur cette innocente
colombe; mais fes cris qu'elle redouble avec toute la force dont elle eft capable,
lui faifint appréhender d'être furpris, l'oblige d'abandoimer fa proie -, Se dans la
rage qu'il en a, il lui porte avec fureur un coup de ftbot dans le fcindu côté gau-
che. Ce coup forme bien-tôt un abcès qui dégénère en cancer.
Anne Aiîgieraccoûtum.ée à fouffrir, néglige long-tems d'y apporter aucun re-
mède. Enfin en 172.4. la violence du mal l'oblige d'en chercher ; mais iln'eft plus
tems. En vain pendant 2. mois un habile Chirurgien apporte tous fes foins pour la
guérir , le mal a fait trop de progrès. Le Chirurgien ayant éprouvé l'inutilité de tous
qui etoient ics iuKes oc les eitets du ravage qu:
Cette dernière plaie eit pour elle un furcroit d'afftidion d'autant plus accablant ,
A i que
4 DEMONSTRATION DU MIRACLE
que h crainte decaufcrtropde répugnance Se d'borreur aux perfonnes qui avoient
la charité de la porter dans leurs bras quand il falloit la changer de place , l'o-
blige de le diflîmuler.
Que votre jufticeert redoutable, ô mon Dieu! Mais je me trompe : les coups que
TOUS portâtes fur cette viftimectoient plutôt des effets de vôtre amour que de vôtre
févérité. La grâce de la patience que vous lui aviez accordée dans les premières
épreuves, lui mérita celle d'en fupporter en paix chaque jour de plus grandes.
L'homme charnel qui n'a aucune idée du fleuve de douceurs & de conl'olations dont
vous inondez le coeur de ceux qui vous aiment dans le tems même que vous paroifTez
les fraper avec plus de rigueur, ne peut voir un pareil état qu'avec une horreur ex-
trême i mais celui qui fait que ni l'aff.iclion , ni les déplaifirs , ni la pauvreté , ni la
douleur, ni la vie, ni la mort ne font pas capables de fépàrer les élus de l'amour de
Jefus-Chrill, ne trouve point d'ambition plus digne d'un Chrétien que celle d' être
attaché à la croix de Ton Maître , & de profiter du prLx de ion fimg par la part qu'il
lui donnnc à Tes fouffrances.
Tels furent les icntimcns d'Anne Augierpendantlalongue cairiérc de fcs épreu-
ves. La patience &: la foumiflîon lui firent trouver la paix dans des maux fi extrê-
mes. Ni la vue continuelle d'une partie d'elle-même déjà morte & dcfl'échée, ni
les vives douleurs qu'elle refl'entoit dans l'autre partie de Ton corps que la mort pa-
roilToit épargner, rien ne trouble la tranquilité defoname.
Mais il luireftoit encore àfoutenirune épreuve plus difficile à fijportcr que tou-
tes les précédentes. Il talloit qu'elle fût privée de tout: querien ncpiit plus la dif-
traire de la vue accablante de l'état où elle étoit réduite: qu'elle devint entièrement
incapable de fe procurer les moindres alimens ; Se qu'après avoir efluyé pendant tant
d'années l'abandon de prefquetous les hommes que le feul ipcélacle de fon état met-
toit en fuite , elle parût enfuite rejettée en quelque forte de Dieu même.
Pendant 20. ans la foumiffion avec laquelle Anne Augier avoit baifé la main ado-
r.ible qui la frapoit, avoit été en quelque forte aidée par le travail affidu de fes
doigts , qui quoique d'un profit bien peu confidérable , fuffiioit pour lui donner de-
quoi prolonger fes mifércs avec fa vie ; mais cette rcffource étoit encore de trop
pour une perfonnc à qui Dieu veut tout ôtcr pour lui rendre tout avec ufure. Elle
va être forcée de refter dans une inaûion totale qui la plongera dans la miférc la
plus extrême: &c ce qui fnipcra d'abord fon cœur des plusfenfibles atteintes, ce
coup lui fera porté dans le tems même qu'elle implorera avec le plus d'ardeur la mi-
féricorde de Dieu fie la proteétion d'un de fes plus illuilres Serviteurs.
Le» calamités publiques de l'année lyif. ayant obligé la plupart des villes de
recourir à leurs faints proicclcurs : L>ellc de Reimsfitcxpoferlachâffe de faint Ré-
mi fon Evêquc, à l'interceffiondcqui Dieu a fouvent accordé de très-grands mirac-
les. Anne Augier en étant informée crut devoir profiter d'une circonlVunce fi favo-
rable. EUefc fait tranfporterà Reims -, m;\is envamy adre(Tc-t-clle :V Diru l s plus
fenentes prières: envain reclame- 1 -elle aveccmpreilcment rintcrccflîon du Saint
dont les précieufcs reliques font expofécs à fes yeux, Icsmomens de lamiféricor-
dc du Seigneur ne font p:vs encore arrivés pour elb. Dans quelque tems cllef^ra
guérie fubitemcnt de tous fes maux -, mais il faut qu'elle le foit par l'intercHlion d'un
AppcUant. Dieu veut que ce miracle foit un flambeau qui éxl.iire une multitude
d'.ivcuglcs ; & faint Rémi lui-même, bienplus jaloux de la gloire de la vérité que
de fa propre gloire, demande au Toutpuifl'ant dedift^érerlaguérifond'Annc Au-
Sier jufqu'au moment où fa providence la conduira fur le tombeau d'un de ceux
ont 10 témoignage rendu à la vérité .aura été plus public.
Aulli uon Iculcmcut Dieu icfufc d'exaucer pour lors les vœux d'.{innc Augier j
taMS
I
OPERE' SUR ANNE AUGIER. f
tnais il femble k traiter avec un furcroit de rigueur. La paralifie fait tout àcoup un
nouveau progrès : elle f-iifit un de Tes bras auquel elle ôte tout mouvement ; & fi
elle y laifTe le fentiment, cela ne fait que rendre encore plus trifte l'état d'Anne
Augier, puifque ce bras dont elle ne peut plus tirer aucun fervice, nefert qu'à aug-
menter fes douleurs. Et ce qui femble mettre le comble à fon infortune , lefufeau
lui tombe des mains , & par là elle fe voit réduite à la dernière indigence.
QiJcUe pourra être déformais fa confolation dans une fituation par elle-même fi
déferpérante ? Elle fouffre de vives douleurs dans la plus grande partie de fon
corp<; , & ceux de fes membres qui en font cxemts , ne font plus pour elle qu'un
poids à charge qui la fliit fins celfe pancher vers le tombeau fans avoir la force de
l'y f\ire entrer. Elle fe voir menacée des dernières extrémités de la mifére fans autre
reflource pour s'exemter de mourir de fiim que les aumônes qu'il ne lui eft pas
pofnble d'aller chercher. Enfin elle femble rebutée de Dieu même & de fes Saints.
Sa foi néanmoins ne fût point afFoiblie par de fi terribles épreuves. Elle trouve
dans la prière une confolation fi fenfible qu'elle paroît en avoir oublié tous fes maux.
Dieu fufcite M. Roufle & quelques autres perfonnes de piété qui viennent lui ap-
porter les fecours nécefiiiires pour la confervation de fa vie : des voifins ont la cha-
rité de la porter fouvent à l'Eglife , &: elle trouve le moyen de confacrer tout fon tems
à la piété, en le partageant entre la prière 8c l'inftruétion qu'elle donne à déjeunes
filles que fa patience & fa douceur fivent attirer autour d'elle. Elle leur apprend les
vérités de laReligion & la morale la plus pure. Mais fon amour pour Dieu , que les
fouflFrances qu'elle endure ne font quaugum.enter de plus en plus , leur fait fentir
encore mieux que fes leçons, combien eft efficace la force de li grâce qui fait lui
faire trouver la paix dans le fein même de la p.iuvreté , de l'impuiffiince & de la dou-
leur. Enfin, loin que l'expérience qu'elle vient de fiire des refus apparens du Sei-
gneur diminue fa foi & fi confiance, elle fait voir deux ans après que ces vertus
n'ont fait que croître dans fon cœur.
Au mois de Mai 17x7. elle apprend que M. RouifTe, dont la charité l'avoit fecou-
rue,dont les inftruftions l'avoient fortifiée, & dont la piété l'avoit extrêmement
édifiée, étoit mort à Avenai. Dieu lui faitpré.Tentir qu'il a couronné fes vertus en
l'unilîant à lui-même , & elle fent aufiî-tôt naître dans (on cœur un défir ardent de fè
faire tranfporter fur f^n tombeau. Mais comment s'y prendre pour l'exécuter?
Tout s'oppofoit à un projet que l'extrémité où elle étoit réduite paroifibit rendre
impraticable: la plupart mêmede ceux fans le fecours de qui il lui étoit impoffible
de changer de place , bllmoientune entreprife qui leur paroifibit téméraire, & lui
repréfentoient qu'une pu'cille tentative n'avoit déjà eu d'autre fuccès que de redou-
bler fes maux. Mais on a beau tâcher de la détourner de ce deflein, l'attrait do-
minant quî la prefle ne lui permet pas de fe rendre à ces timides confeils.
A fore? de prières clic trouve enfin des perfonnes qui ont la charité defcprê-
ter à exécMUer ce que fin cœur défire avec tant d'ardeur. Sa foi triomphe de tou-
tes les difficultés, le jour eft pris au 8. Juillet 1717.
Mais comment tranfpirter cette courageufe impotente qui n'eftpliis qu'un fque-
lette moitié mort, moitié mourant, dont une partie veut aller demander à Dieu
de refilifcitcr l'autre. On la lie de tous cotés à une chaife , afin que fon corps foi-
ble, langviifl"ant & incapable de f-; foutenir pût demeurer fixe oîi on alloit le mettre.
On la fouleve à force d:- bras ^ & on 1) place attachée à fa chaife dans un p.micr fur
une vile monture affortie à fa foibHHcj mais dans ce moment Dieu veut encore
éprouver fa foi, le Ciel même paroît s'opp^fer à fon deflein: il fu'-vi-ntune pluie fi
an-^ndant'* qu'on fe voit obligé -le la couvrir d'imgros manteau. Ce manteau bien--
tôt pénétré de la pluie fait coarber lu corps de cette foible panilitique : elle fe
A j fent:
^ DE'MONSTRATION DU MIRACLE.
fcnt prête d'étoutïcr Tous ce poids qui l'iiccablc ; mais rien ne peut diminuer {ii
confiance , l'ardeur en cft trop vive : elle veut partir, elle part.
Qiioiqu'un pareil voyage en l'ctat oùelleétoit, icmble entrepris comme de con-
cert avec la mort , qui ofera prcfcntcmcnt le blâmer? Reconnoiflons donc que ce qui
paroit téméraire aux prudens trop timides, ell quelquefois le moyen d'obtenir les
plus grands bicni^tits du Tout-puiilant , & apprenons de lui même qu'il récom-
pentc II foi quiefpére contre toute cfpcrance. Auiîiloin de punir- Anne Âugicr de d
prétendue témérité , non plus que ceux qui lui avoicnt fourni le moyen d'entre-
prendre un pèlerinage fi périlleux, il va au contraire dans un moment couronner
la confiance par un chef-d'œuvre de miféricorde à la vue de ceux qui lui avoicnt
aidé à venir le demander fur le tombeau de M. Rouifc.
Nôtre mourante plus foutcnue par la ^raiideur de fa foi que par le refte de vie
?ui l'anime encore, arrive enfin au lieu ou les défirs la portent avec tant d'ardeur,
)n cte le manteau fous lequel elle ell aftaifTée : on la délie : on la defcend : on la
porte avec fa chaifc j mais dans un état fi déplorable que les habitans d'Avcnai font
faifis d'effroi à fon afpeâ:. Ce vifage pâle, livide & décharné; ces yeux à demi
fermes de langueur & d'abattement : cette tête qui , panchée triilcment , n'a plus la
force de fc foutcnir : tout ce corps à demi courbé qui fe laifle aller au gré des atti-
tudes différentes qu'on lui donne > 6c fur tout le cliquetis de fes jambes qui fe cho-
quant l'une l'autre, font remarquer à ces habitans l'aRreux defféchement de ces
membres qui relTemblent plutôt aux offcmens d'un mort qu'à des membres d'un
corps vivant. Tout cet hideux fpcctaclc les pénétre d'horreur : ils fcmblent dou-
ter fi cette figure immobile qu'on porte ainfi lur une chailc n'ell pas plutôt un ca-
davre qu'un corps animé. Mais à peine font-ils revenus de cette cxcufable errem-,
qu'ils le récrient contre l'imprudence & la témérité de ceux qui l'ont conduite en
cet ét:it. ^'l'efi-ce i^ue ceci fd'Acnn-ïh. Ok ejl-ce qu onva mener cette fille qui fe meurt?
Elle fc mouroit en effet, & :il falloit fc hâter de la mettre fur le tombeau où elle
alloit trouver la vie 6c une forte de réfurrcdion. Auffi fc preffe-t-on de l'y poitcr
pour prévenir la mort.
Un minilhe du Seigneur aux prières de qui Anne Augicr s'étoit rccomm.mdée,
vient auffi-tôt célébrer le faint Sacrifice dans la chapelle où rcpofent les précieux
reftes de M. Rouffe. La mourante paralitique placée avec fi chaifc fur fa tombe,
invoquoit fon interceflîon avec ferveur, lorfque tout .à coup dans le moment de l'of-
fertoire une vertu puiffante defccnduc du Ciel, ou fortic du refpect.ible tombeau,
parcourt avec rapidité tous les membres de nôtre impotente. Aulli-tôt lés jam-
Des,qui depuis tant d'années n'étoient plus que des oflcmcns couverts d'une peau des-
féchee, fc raniment. Qiicl étonnemcnt pour Anne Augicr de leur fcntir une vie nou-
velle ! L'efprit du Seigneur vcnoit de fouiller fur ces os arides , & les avoir garnis en
un inftantdc mufcles, de tendons, 6v d'une infinité dedifférens vailléaux fans lef-
qucls il eût été phifiquemcnt impoffible qu'ils euffent été capables du moindre
mouvement.
Enmcmetemslaparalifie fc ditlîpe & s'évanouit: une chair faine &: fubitemcnt
régénérée remplit la place de la hltule &: du cancer ; toutes les écorchures &, les
filàies font couvertes d'une peau nouvelle: la miraculée Icvc au Ciel les bras, doiU
'unavoit été immobile depuis deux ans > & ne pouvant contaiir les tranfports de
fa joie. Serviteur de Dieu ^ s,'ccv'\c-t-c\\c^ lousairzprie pour Moi. Elle fc jette au-
ffi-tôt à genoux pour offrir au Tout-puillant le premier hommaife des membres
qu'il vient de lui rendre : elle entend dans cette pollure le relie de la Mcllc : clic
communie: elle fe levé cnfuite, aidée à la vérité de deux de fcs compagnes, les
jambes étant pcut-ctrc un peu chanccl;mtcs d;ms le prcjuier cfiai qu clic leur tait
fairj
ï
\
OPE'RE' SUR ANNE AUGIER." 7
faire des différens mouvcmens dont pendant vingt deux ans elles avoient totale-
ment perdu l'habitude ; mais un moment après elle marche feule.
Le bniit d'une fi éclatante merveille fe répand de toutes parts. Dès le premier
jour on accourt de tous côtés pour voir une perfonne fur qui Dieu venoit d'ope-
rerua fi 2;rand miracle ; fur tout une grande partie des habitans de Mareiiil qui a-
voient vu pendant fi long-tems l'affreux deffechement de fes jambes , viennent en
foule à Avcnai admirer un changement fi iui-prenant. Le gentil-homme & le pay-
fan, Teccléfiallique 8c le laiquc, l'Appellant & le Conititutionnaire, tous juT-
qu'àrAbbcfled^Avenai, quelque prévenue qu'elle fût contre l'Appel , s'empref-
fent d'examiner un prodige fi étonnant.
Cette Abbefle , dès le premier moment que le miracle fût opéré , ayant entent
du retentir de tous côtés les cris d'admiration que tous ceux qui enavoicnt été té-
moins poufibient vers le Ciel, voulut voir, examiner, 8c interroger elle-même
la miraculée. Elle l'envoie chercher fur le champ. Anne Augier monte à fon par-
loir , marche en fa préfcnce , 8c lui rend compte de tous les maux dont elle avoit
été affligée pendant les vingt-deux aas de fi paralific , 8c de la gutrifon fubite-
qu'elle venoit d'en obtenir par finterccffion de M. Roulfe.
Le miracle ell fi palpable 8c fi évident que l'Abbclfe malgré fes préjugés, ne
fauroit s'empêcher de faire éclater fa conviftion. Eneftet comment pouvoir dou-
ter de faits qui ont été vus par une infinité de perfonnes, 8c dont on voit foi-même
une paitie ? Aullî l'Abbefle ne contefte-t-ellc point la vérité du miracle : il n'y a que-
le canal par où Dieu a voulu l'opérer qui l'embarrafle 8c qui lui fait peine. Elle
témoigne qu'elle feroit prête d'en rendre gloire à Dieu s'il eût bien voulu choifir
tout autre qu'un AppcUant pour diftribuer fes faveurs. Mais comment lui rendre
grâces d'un miracle obtenu par rintcrceillon d'un homme à qui on avoit voulu rc-
nifer les Sacremens à la mort à caufc de fon attachement à l'Appel , 8c qui y avoit
hautement perfévéré iufqu'au dernier moment de fa vie? Comment concilier ce
jugement de Dieu avec l'idée qu'elle avoit de la Bulle? Regarder les Appellans
comme rébelles à une véritable décifion de l'Eglife, 8c avouer en même-temsque
Dieu canonife leurs démaixhes par des miracles. Cela eft trop contradidoire. II
faut opter : il faut abfolument profcrire les miracles , ou la Bulle : il n'y a point de
milieu. Auffi l'Abben*e forcée par l'évidence de reconnoître le miracle, tâche de
jetter au moins quelque doute fur fon auteur. Elle dit à la miraculée qu'elle auroif
mieux fait de fe recommander a S. Guiml/ert 6? à Ste. Bertbe,. Patrons du lieu, 8C
lui demande}? elle n' avoit pas eu intention.de prier ces Saints. Mais la fincére mira-
culée lui ayant répondu que non, 8c qu'elle n'avoir cû recours qu'a l'intcrcdriorr
de M. Roufie , l'Abbefie fe retire brulquemenr ftns rien répliquer.
Que ce filence dit de chofcs à qui en fent toute l'énergie ! Dieu venoit de déci-
der lui-même par la guérifon miraculeuie qu'il avoit accordée à Anne Augier, qu'el-
len'avoitpû mieux faire que de fe recommander à M. Rouflè, parce qu'il avoit rc-
folu que ce miracle ns fût pas fculcm.eiit pour elle , mais qu'il fei-vit en même-tems x
3rifer les fentimens dès défenfeurs dé lanéccfllté 8c de l'efficacité de fa G:race. Au?
auton
ffi l'éclat dun fi grand miracle fit-il par cette grâce toute- puiflante une très-forte
impretîîon fur l'cfpritSc le cœur d'une infinité de perfonnes d;\ns l'étendue de l'Ar-^
chevêche de Reims, où depuis plufieurs années les Appellans étoient profcrits. '
Le renouvellement fubit des jambes d'Anne Aubier frape d'autant plus vive-
ment, qu'en peu de jours elles acquièrent autant de vigueur 8c d'agilité que Ir
elles n'avoient jamais été privées de vie 8c entièrement dénuées de chairs, de
mufcles & de tendons.
La miraculée refte pendantneuf jours à Avcnai pom-rendi'c fes a«^ions de .eraccs-
à Diea,.
k
8 DEMONSTRATION DU MIRACLE
à Dieu , fur le tombcnu de celui par l'incerccfTion de qui elle avoir obtenu un fi grand
bienfait. Pendant ce tcras l'es jambes font examinées par une multitude de perfonnes ,
qui après avoirappris quefa paralifie avoit tout à coup cefle d'être, & que dans le mê-
me inllantfon cancer, fa filhile & fcs plaies avoient difparu , ont encore la fatisfa-
ftion de voir eux-mêmes que fcs jambes fc regamiflcnt de chairs d'un jour à l'autre,
& reprennent prefqu'à vue d'oeil toute la groffeur qu'elles avoient eue avant leur
dcflechemcnt.
La ncu\'ainc finie , Anne Augicr {c trouve tant de forces , qu'en retournant d' A-
venai à Mareiiil, elle fût les deux tiers du chemin ii pied, & rien ne lui rappelle
l'anéantiflemcnt oij avoient été fcs jambes pendant plus de ii. années, que lesfcn-
timcns d'une vive rcconnoilHince qui s'élèvent fms celle dans fon cœur.
Quimd elle- arrive à Mareiiil tout le monde s'uflemble autour d'elle, & les tranf-
ports de joie de tous les habitans de ce lieu font fi vifs , qu'on diroit à les voir qu'-
ils ont tous été l'objet des bienfiitsduTout-puifTant. Ils n? peuvent fc lafTerd ad-
mirer le renouvellement qu'il a daigné opérer de tout le corps de cette hcureufe
miraculée. Ce renouvellement eit h fcnfible & fi frapant qu'elle paroît une perfon-
ne toute différente de ce qu'elle étoit auparavant.
Encffet ce n'clt plus cette paralitiquc, qui depuis fi long-tems ne s'apperccvoit
qu'elle avoit des jambes que par l'embarras & la peine que lui caufoit leur poids, ÔC
p.xr l'horreur qu'elle voyoit que leur difformité donnoit à tous ceux qui les rcgar-
doient. Ce n'eit plus ce corp3 hideux , mangé par un cancer , pourri par unefiilulc ,
îgeneritiondc'cs jambes, t-^citunep
mé annonce la parfaite fitisr'action du cœur ; 6c qui jouit d'une fanté li foitc , fi ro-
bufte, & fi vigoureufc que peu après fa guérifon on la voit vaquer avec facilité aux
travaux les plus pénibles de la campagne , jufqu'à battre du bled à coups de flcau.
Ce miracle étoit trop évident pour ne pas ouvrir les yeux de ceux dont le cœur
n'étoit pas encore endurci. Aullî prefque tous ceux qui viennent à Mareiiil en appro-
fondir lu vérité , & entr'autrcs prefque tous les Curés voifins , quelque prévenus que
pluficurs d'cntr'cux eufllnt étc auparavant en faveur de la Bulle , ne pcuvcnts'empê-
cher dcreconnoîtreledoigt de Dieu dans un prodige fi admirable. Ils s'en retour-
nent frapés, convamcus, attendris, & bien-tot après nulrefpeét humain ne peut
les empêcherdefc ranger du côté de la vérité, & de lui rendre témoigfiagc.
En vain ceux qui Imiticnnent la Bulle vont ilss'cfi^'orccrd'ctoufter l'éclat de
ce
miracle qui la profcrit : en vain vont ils frémir, menacer , pcrfécutcr. Celui qui de-
meure dans les cicux fe rira de leurs efforts ; & malgré toutes leurs défcnfcs, il con-
tinuera d'illuftrcrparde nouveaux prodiges le tombeau v^u Bienlicurcux Appellant.
CARACTERE DES TEMOINS.
DE tous les faits dont la certitude nYft fondée qucfiir le témoignage des hom-
mes, il en cil peu qui ait des circonilances plus frapantes Se plus décifivcs,
une notoriété plus publique & plus confiante, & des preuves plus convaincantes
&plusincontcllables que le miracle opéré fur Anne Augicr.^
Il nVll pas ici qucllion d'une courte maladie p:u- rapport à laqiicllc on ait^ pu
en impofcr; mais d"un ét.u fixe Se permanent qui a dure un grand nombre d'an-
nées, il ne s'agit pas de quelque mal interne dont les iimptomes équivoques au nt
" 'aitiTs de l'Art -, mai
évidence manifclte.
rû tromper jiif(]u'anx M.iitirs de l'Art -, maisd'u i it;,t ralpabîc Se apparent dont
rinci.abililc étoit d'une évidc
Le
OPE'RE' SUR ANNE AUGIER. 9
Le miracle dont nous allons rapporter les preuves , eft opéré furuneparalitique
dont les jambes totalement defl'echees avoient été expofécs pendant prés de ri. ans à
la vue d'une infinité de perfonnes. Dieu lui rend en un moment des jambes nouvel-
les, & la guérit en même -temps d'un cancer ouvert, d'une fiftulej ôcdeplufieurs
autres plaies qui diparoiflcnt tout-à-coup. Et nous avons pour garants de ces faits
Î)rèsde 300. témoins, parmi Icfquels il y en a beaucoup qui font recommandablespar
cur naiflance, leurs dignités & leur caraftcre : ^ plufieurs qui, s' ils n avoient pas
foulé aux pieds leurs préjugés & leur intérêt , auroient été naturellement portés à dc-
renir des contradicteurs trésoblHnés du miracle qu'ils certifient.
Qu'on nous dife quel fera delormais le fait qui pourra mériter nôtre créance ; s'il
eft permis de la refufer à un événement , dont toutes les circonftances qui le caraété-
rifent 6c qui l'ont précédé ou fuivi, ont été pendant un grand nombre d'années , &
font encore aujourd'hui fous les yeux d'une infinité de perfonnes, ôcfont atteftées
par une multitude de témoins , dont plufieurs immolent leurs propres fentimcns, ha-
zardent leur repos 6c s'expofent à toutes fortes de perfécutions pour en rendre té-
moignage.
Tl feroit trop long de donner en détail le caraétére d'un fi grand nombre de té-
moins : ainfi nous nous contenterons de les préfenter fous trois différentes claffes,
ayant ici pour certificateurs d un fi grand prodige prefque tous ceux du Clergé , de
la Nobleife , & du tiers état de la province qui avoient vu l'état affreux d'Anne Au-
gier avant les régénérations fubitcs qu'il a plû à Dieu d'opérer dans fes membres} l'é-
vidence de ce miracle leur ayant donné à prefque tous le courage de le certifier.
Sous le titre du tiers état nous comprendrons les Maîtres de l'Art que nous confon-
drons ici avec le peuple. jSI ous n'ignorons pas ncanmoms que leur témoignage , quand
il eft queltion d'une guérilbn iiirnaturelle , mérite une attention finguliére; parce
qu'étant plus inltruits que le commun des hommes de l'effet des maladies & des
rcffouixes de la nature , ce qu'ils décident à cet égard a ordinairement plus de poids ,
& f.iit plus d"'impreffion que ce que difent d'autres perfonnes. Mais dans le fait
dont il s'agit , tout le monde elt expert 6c les témoins Se les leéteurs. Il n'eft point
néceffaire de fivoir l'anatomie, pour connoirre que des membres defféchés ont
perdu les parties qui lont effcnticllement néceffaires pour agir, 6c par conlequcnt
qu'ils font d'une incurabilité manifelte. Il n'y a qui que ce foit qui n'en iache af-
fez, pour ne pas ignorer qu'un cancer ouvert , une fiitulc, & même les moindres
plaies 6c les plus légères écorchurcs ne peuvent fe guérir en un moment, 6c fc cou-
vrir tout-à-coup d'une peau nouvelle. Ainfi les yeux du plus ignorant rendent ici
«n témoignage auiH infaillible, 6c prefque auflî convaincant j que les diflertations
6c les jugemcns des plus grands Maîtres de l'Art.
L E C L E R G E'.
La Vérité, quoiqu' attachée fur la croix, fait quand elle le veut forcer toutes
les barrières 6c furmonter tous les o'oitacles. Tranquille dans l'exécution de fes
deffeins, elle rit de toutes les cntreprifcs que les hommes forment pour les traver-
infpirer vui courage qui les cléve infiniment au defllis d'eux-mêmes. Elle reprend
de là fon vol pour aller fe faifir de quelques riches 6c de quelques nobles qu'elle fait
abaifllr au niveau des plus petits. JVIais fes plus glorieufes conquêtes, celles qui
manifeilent le plus fa force divine, c'eft lorfque fe montrant dans tout fon éclat à
des cœurs engagés parmi fes ennemis, elle met en pièces leurs liens ôcles enlevé
eux-mêmes pour les réunir aux pies de fa croix à fes heureux captifs.
/. Demonjl. tome IL B Dan?
to DE'MONSTRATION DU MIRACLE
Dans le grand nombre de Cures , Dofteurs en Théologie, Se Cbnnoines qui at-
tellent nôtre miracle , favoir 31. Curésqui ont d'abord prélcntc une première Re-
quctc aux Grands-\'icaires de M. l'Archevcquc de Reims, plufîcurs autres qui
fc font cnfuitc joints ù quelques-uns des premiers qui font avec eux le nombre de
58. Icfqucls ont prefenté-une deuxième Requête, 6c cinq autres éccléfialliqucs
conftitués en dignité qui ont donné leur certificat particulier: dans ce nombre,
dis-jc, il en ell pluficurs qui jufqu'à ce moment avoiciit paru entièrement foumis
à la Bulle; mais qui ayant été terraflcs comme S. Paul par l'éclatante lumière qui
foitoit d'un fi grand miracle, en font devenus les Evangeliiles. Sur le champ ils
ont abdiqué comme cet Apôtre tous les préjugés dont leur efprit étoit préoccupé,
6c ont forcé toute la réfilfancc de leur cœur pour rendre hommage à la Vérité
qu'ils avoient eu jufques là le malheur de méconnoîtrc,ou du moins de retenir captive.
. Quel nouveau prodige de la grâce ! Des Prêtres non appellans fouler aux pies
leur intérêt ! Dçs Conllitutionnaires revenir de leurs préventions , condamner par
de généreufes démarches leurs fentimcns précédens ; 6c non feulement croire un
miracle qui profcïit les décifions d'une Bulle que toutes les Puiflances foutiennent,
mais encore avoir le courage de le publier hatnemcnt ! Des Curés 6c des Chanoi-
nes qui à l'ombre de l'étendart de l'erreur jouifloicnt tranquillement de la paix de
ce monde, des fruits de leurs bénéfices, 6c de la protcétion de leurs Supérieurs,
te joindre tout-à-coup à ceux que l'on pourfuit de toutes parts : s'cxpofer à perdre
leur repos &c leurs revenus, pour atteftcr un miracle qui reprouve la conduite
qu'ils avoient tenue jufqu'alors : ofer fe déclarer parties contre les Puiflances dont
ils dépendent : dénoncer à leur Archevêque une guérifon opérée fur le tombeau
d'un Appellant comme miraaiktife : fommer juridiquement fcs Grands-\'"icaircs
d'en faire fiire l'information : les forcer de laiilcr voir à toute la terre que les mi-
rùcles qui décident contre la Bulle font fi certains qu'ils n'ofcnt entreprendre de
les examiner, parce qu'ils fcntent qu'il n'ell pas pofîlble d'en obfcurcir l'évidence ;
en un mot fc livrer de gaieté de cœur à la peifécution pour la défenfe des vérités
aufqucllcs ils ne prenoicnt auparavant nul intérêt.
Qiii peut méconnoître à ces traits celui qui tient en fa main les cœurs de tous les
hommes 6c qui en difpofe comme il lui plart? Qiicl autre que le Tout-puilTImt
ciît pu fc donner de pareils témoins ? 6c quel degré d'évidence ne faut-il pas qu'ait
■tù le miracle qui leur a fait ime fi forte impreflîon?
Mais a-t-il niUû une grâce moins puiirante pour ceux, qui déji fufpcéts à leurs
Supérieurs d'être attaches à la Vérité, n'ctoicnt foulTerts par eux qu'avec peine,
ou pour ceux qui l'ayant hautement confenëc étoicnt déjà chafTés de leurs places?
Comme ils étoient plus expofés que les premiers à toute la rigueur de la pcrfécu-
, tion , n'ont-ils pas eu befoin d'un courage que la Vérité feule peut donner ? Il en
cit dans ce nombre qu'il fuffit de nommer pour faire leur éloge.
, Tel cfl; le refpeftable M. Baudouin Docteur dcSorbonnc 6c ancien Vicaire
•de S. Leu, dont la Capitale du Royaume à tant admiré les talcns 6c la piété, &
dont elle ne ceflc point de rcgreter l'abfcnce.
Il faut auflî mettre drais la féconde clafle M. de Vaugcnci Licentic de Sorbonnc
& Chanoine de Chaalonsj M. Hermardel aufli Chanoine de Chaalonsj M. Am-
hroifc Chanoine d'Avcnai qui avoit été Vicaire à Marciiil pendant les dix années
2ui ont précède la guérifon d'.\nnc Augier; 6c tous ceux d'entre les 31. 6c }^.
^urés qui n'avoient point accepté la Conllitution: auxquels il faut ajouter M. le
Boiicq Curé de Fromcntiercs, qiii n'eft point un de ceux qui ont prcfcntc les
deux Rccuctcs, mais qui adonné Ion certificat particulier. Ce di^nc Paflcur étoit
d'autant ohcux inllruit de l'état oiî nvoit été Anne Augier avant îa guérifon , qu*il
étoit
OPE'RE^ SUR ANNE AUGIER. tr
étoit natif* de Mareiiil dont il avoit été Vicaire pendant pluficurs années, qu'il v
r.Uoit de tems-en-tems 8c qu'il fc faifoit un devoir d'aflîller Anne Augier & de Vc\-
horter de bien profiter pour fon liilut de Tétat aiFrcux où il la voyoit. Aufîl étoit-
il fî pénétré de l'incurabilité de fcs maladies qu'il ne pût croire la première nou-
velle qu'on lui dit de fa fubite guérifon. ivlais un tel événement interefloit trop fa
foi pour qu'il reftât tranquille. Il part aufîî-tôt pour venir lui-même à Avenai
examiner fi ce récit cft véritable. En arrivant en cette ville il apperçoit d'abord
Anne Augier qui vient au devant de lui. Ma furprife ^ dit-il, fut telle que je ne fa-
vois fi je devais en croire mes yeux. Plus il examine, plus il reconnoît l'opération
toute-puiffitnte de la Divinité, 8c il en demeure tellement convaincu qu'il ne
craint pas de prendre le Dieu de 'vérité à témoin des faits qu'il avance, fans crain-
dre , aioute--il , de me tromper ni d'être démenti de perfonné rien n'étant y? no-
toire ^ fi public comme la maladie 13 la guérifon de cette fille.
Ce miracle dont il rend auflî-tôt gloire à Dieu, rejaillit pour ainfi dire fur lui-
même. „ Dans l'admiration oii j'ai été (dit-il) de la guérifon de lad. Anne Augier,-
j, j'allai à l'Eglife paroiffiale dudit Avenai, oij . . . je priai M. RoufTe ... de de-
„ mander à Dieu pour moi les grâces dont j'aibefoin pour remplir les devoirs de
„ mon état, 8c la fanté pour pouvoir annoncer les vérités du falut à mes paroif--
„ fiens , étant incommodé 8c languiffant depuis plus de deux ans d'une fluxion dé
„ poitrine qui m'avoit ôté la voix. . . . Dès le Dimanche fuivant je m'apper-
„ eus que ma voix étoit rétablie telle que je Pavois eue avant lad. incommoclité.
„ Je chantai la Meflc de paroiflc fans peine . . . (8c) depuis ce tems ... je n'ai
„ point fenti les douleurs continuelles que je fentois auparavant dans la poitrine. "
Qu'il nous foit permis de ramaffer en paflant ces précicufes miettes de la libéralité du
Seigneur, qui recompcnfe fouvent des ce monde la foi que l'on a pour'fes œuvres-.
Avant que de finir cet article, ne pourrions nous point mettre aufll dans le nom-
bre de nos témoins du Clergé de Reims , M . l'Archevêque lui-même 8c fes Grands-
Vicaires, du moins dans une clafîc de témoins muets? Leur conduite n'ell-ellc
pas une preuve frapante de leur conviction ? La plus faine partie des Curés de leui-
Diocéfe les preffe par des Requêtes réitérées de faire les informations de ce mira-
cle : ils n'ignorent pas fins doute que des qu'iU en font requis par des témoins d'un
fi grand poids, un devoir indifpenfable envers Dieu 8c envers les hommes, les
obïii
ne
c'elt déclarer ouvertement qu'ils lont détermines à taire tous leurs ettorts pour
cher la lumière. Mais ils font eux-mêmes fi convaincus que la certitude des faits ne
peut ici recevoir aucune atteinte , qu'ils croient que l'unique parti qui leur refte',
c'ell autant qu'ils le pourront, d'enfévelir cette décifion divine dans les ténèbres du
filence. Aufll loin d'ofer entreprendre, en rédigeant avec art Se avec adrcfle une
information dans leurs vues, d'arrêter l'impreflion que ce miracle fait dans leur
Diocéfe, ils n'appliquent tous leurs foins, 8c ils n'cmployent toute leur autorité
8c leurs menaces , qu'à tâcher d'en diminuer le bruit 8c d'en amortir l'éclat, fuis
néanmoins ofer le nier.
Cependant les adverfaircs les plus déclarés de la Vérité, 8c fur tout cette So-
ciété antichrétienne qui combat toute la morale de l'Evangiîe, voyant que c'é-
toit en vain qu'ils s'obilinoient à contredire des faits qui avoient été vus par lin
fi grand nombre de perfonnes, prennent le parti delefpéré d'attribuer ce miracle
au Démon i^ aux enchant émeus de la magie .^ ainfi que l'attellent les 2:8. Curés quj
s'en plaignent dans leur Requête. ÎVI. l'Archevêque de Reims Se fes Grands- Vicai-
res laiflcnc tranquillement ces ennemis de Dieu donner ainfi fes œuvres à Sa«-ji*-j
^ ^ ^:ais
tz DE'MONSTRATION DU MIRACLE
hhia en fai(-int le Démon auteur de cette gucrifon, n'cft-cc par convenir formeF--
lemcnt de leur part, qu'elle eft un prodige évident qui n'a pu être opéré que par
des moyens fumaturcls ?
C'cll ainfi que tout rend témoignage à la Vérité, jufqu'aux vains efforts de ceux
qui cherchent à l'étoufFer. Tout parle en fa flivcur jufqu'au filence même. Tout
fcrt à fa gloire jufqu'aux impiétés de ceux qui pour tâcher de l.i noircir, ont re-
cours au Prince des ténèbres, & ofent lui attribuer un pouvoii- lans bornes pareil
À celui du Créateur.
LA NOBLESSE.
Si l'honneur & la probité font le plus illulbe appanage de la noblefTe 5c de la-
profdfion militaire, il faut avouer qu'en ce fiécle le caraétérc des pcrfonnes que
ces états dillinguent, n'eft pas de croire aifément un événement fumaturcl.
La plupart s'imaginent volontiers que c'eft une marque de fupériorité d'cfprit
ic refufcr de croire tout ce qui tient du men'cilleux. Ils ont honte d'adopter les
fcntimens populaires, & de fe confondre en quelque manière parmi la foule, en
joignant leur voix à celle du peuple. Mais lur-tout s'il eft quclHon de dcpofcr
"contre lefentiment de la Cour> de hazarder de lui dépl-.urev de s'expofcr à. Ces-
mépris ; de rifquerfi fortune ôc les bonnes gr.acesi & tout cela fans aucun dédom-
magement dans ce monde-ci V de quelle évidence ne faut-il point que foit un mi-
racle pour forcer des gens de cette trempe à lui rendre témoignage ?
C'ell toutefois cette générofité chrétienne que la grâce cxpofe a nos yeux dan»
les certificats de M. Le Picard Chevalier Seigneur d'Ablancourt , Se de Madame
fon cpoufe: de M. deTruiron Chevalier de l'Ordre de S. Louis & Major de Mar-
fal, &:desDemoifellesfesfœurs: de Madame Chevalier veuve de M. de Couct
Chevalier Seigneur desMarcts, & de M. de Couci leur fils Lieutenant au Régi-
ment de Navarre: de M. de la Boutillcrie Seigneur d'Aguilcourt ancien Capitaine
au Régiment duRoi, & de Madame fon époufe : de M. François Ecuier Seigneur
de M * ■ ' -- • ■ T, • ^ . ^ ., ^ ., .
dont
Picret de Tallange qui
Tous ces gens de condition , donc la plûp.ait ont leurs tcncs auprès de Mareiiil ,
eu même dans cette paroifle, avoient h'émi d'horreur une infinité de fois à la vue
des membres affreux d'Anne Augier. Auflî furent-ils (ï iarfis d'ctonnement & d'ad»
miration en voyant le rctabliiîemcnt fubit de fcs jiunbes , & la guérifon foudainc de
toutes fes autres plaies , que pluficurs d'entr'eux ne dédaignèrent point de mêler
leur rcconnoifTancc 6c leurs noms avec ceux des compatriotes de cette pauvre fille ,
pour attcfler conjointement vavcc eux l'état déplorable dans lequel ils l'avoient
vue pendant un ïi grand nombre d'années, & le changement merveilleux qui liri
ctoit arrivé.
A l'égard des autres Seigneurs voifins, qui apnt vu moins fouvcnt Anne Au-
gier, n'étoicnt pas inllruitsde toutes les particularités oui fe trouvent dans les pro-
cès- verbaux, ils ont donnés leurs certificats à part ocs faits qui étoient de leur
connoiflancc. Mais tous fe font cmprefl'ez de rendre gloire à Dieu, & ont micuK
aimés hazarder de dcplauc aux Puilfanccs dont iis pouvoient attendre la rccom-
pcnfc de leurs ferviccs, que de manquer de rendre témoignage à un prodige oq
le doigt de Dieu étoit fi marqué.
L E T I E R S ETAT.
C'cfl ici tout un peuple de témoins auflî varié dans fcs pallions, fcs vûes& Cc$ in-
térêts que Tell néccfl"aircniciit une multitude d'hommes ditfércns. Ce font d'Abord
l6i. pcxfoniics qui viirntcnt touchés d'uii miracle li éclatant, s'afTcmblent devant
ks.
ÔPE'RE' SUR ANNE AUGIERV ï^^
fcs Officiers de h Tuftice du lieu , & leur déclarent , „ qu'ils fe croiroient coupa-
„ blés devant Dieu, s'ils ne faifoient pas ce qui eft en leur pouvoir pour révélera
„ toute la terre , & publier hautement cette merveille qu'ils regardent comme
5, Pceuvre de Dieu. „
Ils fontdrcfler par le Greffier un procés-verbal de tous les faits qui font de leur
eonnoifT-ince , -dans lequel il atteftententr'autres chofes , „ que depuis le 1 3. Juillet
„ que (Anne Augier) eft revenue d' Avenai dans leur paroifle. ... Ils l'ont vue & la
„ voient tous les jours aller 6c venir comme fi elle n'avoit jamais cefTé de marcher. . .
„. & que fes jambes , qui ont toujours été dcffiîchées jufqu'au jour de fti guérifon ,
„ font revenues au même état qu'elle les avoit avant qu'elle fût paralitique. „
Tous ces 161. particuliers fignent leur déclaration, & non-fculcment le Lieute-
nant delà Prévôté & le Prociîreur fîfcal la légalifcnt, mais ils déclarent eux-mê-
mes que „ le contenu aud. procés-verbal eft fincére 6c véritable , (6c qu'ils ont)
„ une parfaite connoiflance de la vérité d'icelui. „
Tous les autres habitans de la paroiîTe qui fivenf fignei', èc quelques-uns de
ceux d' Avenai , le tout au nombre de prés de 86. fuivent peu après les traces de
ceux qui avaient déjà fait leur dcclaratiori, Se font drefter un fécond orocès-ver-
bal dans lequel ils certifient la vérité de tous les faits contenus dans le premier.
Les perfonnes qui avoicnt eu journellement la charité de fervir Anne Augier
pendant le grand nombre d'années qu'elle avoit été incapable de fe rendre à elle-
même aucun fervice, donnent leur certificat particulier, dont les récits ingénus
portent avec eux uncaraclére de francJiifc 6c de vérité auquel il n'eft par p^crmrs
de fe refufer.
Le Médecin d'Epcrnai, le Chirurgien deMareiiil, celui de Chaâlons 6c celui
d'' A y, joignent leurs rapports à la notoriété publique. Dans tout le pays ce n'cft
qu'une voix pour publier l'œuvre de Dieu.
Mais dans quelles circonftances tous ces témoins viennent-ils fe réunir ainfî
pour attefter ce miracle.'' C'eft dans un Dioccfe qui avant ce prodige étoitpref-
qu'entiéremcnt fubjugé par la Conftitution 6c fes adhérans , 6c où Ta vérité qui
ofoit lever publiquement la tête étoit fur le champ opprimée. C'eft dans im pays
ovi le peuple n'étant pas inftruit, regardoitles Appellans comme des rebelles à l'au-
torité del'Eglife. Enfin c'eft dans un tems où Dieu n'avoit point encore fait con--
noître lui-même aux fimples-par un nombre innombrable de miracles , de quel côté
et oit la vérité. Combien a-f-il donc follu que ce premier miracle fût évident pour ca-
lever tout d'un coup un fî grand nombre defuffrages, 6c pour foire jccter ainfi de
toutes parts un cri public de joie 6c d'admiration? Le leéleur n'en fera. plus étonné
lorfqu'il aura vu les preuves de l'état- horrible où étoit Anne Augier av;mt f i gué-
rifon , 6c du changement' auffi inconcevable que merveilleux qu'il a plu ùDiciM
d'y faire en un moment: Hâtons-nous donc de les luipréfenter 5c qu'il s'emprclïc
de le joindre à ceux qiri en ont rendu gloire à. Dieu.
îe{ffljsî5a52ïfiss2Kaî2:'5assîa5Sifficaîaî£ax3«ffiss5saî?ia;ffi2Sfflaxaî5Jiïcffl^ -
E R O P Q S I T 1 O N S,
SUJi I;ES§UELLES CEtfE DEMONSTRJTION SERJ ETABLIE,
PKEMIEUE PROPOSITION..
^ Anne Ai'GiERj îofs de fa gucrifon fubite, avoit les dtfux janibes t>crchT<-
ies_ depuis 21. ans par une paralifie complette, qui pendant zi. :";m>WriVoit:i-é>-
•ûUitcs à u»; delTcchement entier.
33. .b'èrss
r4 DE'MONSTRATION DU MIRACLE
SoM CORPS ctique le mcurtrifloit, & s'écorchoit de plus en plus par h nc-
rrtllté de rertcr continuellement dans la même pofture.
Depuis 7. ans elle avoit un cancer, qui depuis trois ans avoit formé un abccs
ulcéré , & peu après une fiftule qui rer\'oit de décharge à h corruption qu'en-
gcndroit le cancer.
E N r I N il lui lurvint auflî une paralific fur le bras gauche deux ans avant fa
guérifon.
I I. PROPOSITION.
L F. DESSECHEMENT dcs jambes d'Anne Augier , caufë par une parajiflc
complette qui avoit duré plus de 11. ans, étoit un état abfolument incurable.
I I I. PROPOSITION.
Anne Augter à été guérie fubitcmcnt fur le tombeau de M. Roufle, de f*
p-u'alifie & de tous fcs autres maux le 8. Juillet 1727. 5c peu de jours après Dieu
lui a donne la fanté la plus parfaite & la plus robufte.
IV. & DERNIERE PROPOSITION.
La Gt'ERisoN d'Anne Augier n'a pu être opérée que par le Toutpuifiluit.
L PROPOSITION.
Akne Augier, lors de fa guérifon fubite ^ avoit les deux jambes perclufes depuis
•vingt - deux ans par une paralifiè complette , qui depuis vingt - un ans Us avoit ré'
diiites à un de(fécbement entier.
Son corps étique fe meurtri [foit i^ s''écorchoit de plus en plus par la nicefftti dt
refier continuellement dans la même poflure.
Depuis fept ans elle avoit un cancer .y qui depuis trois ans avoit formé un abcès ulcéré ^
(^ peu après une fi fuie qui fcrvoit de décharge à la corruption qu^ engendrait le cancer.
Enfin // lui fur vint auffi une paralife fur le bras gauche deux ans avant fa guérifon.
LA Religion nous apprend que les maux qui affligent le corps humain font une
emblème fcnfible des maladies des âmes. Auflî il en ell de l'ordre de la nature
comme de celui de la grâce : ôc comme il y a de certaines âmes dont la corruption
crt fi grande & fi enracinée qu'elles n'en peuvent être délivrées que par un miracle
extraordinaire dcmiféricordc,il y a pareillement dans les corps des maladies qui par
leur malignité & leur durée , ont fait un tel ravage 5c caufé une fi grande dcllruétion,
ou'il ne faut rien moins que la main toute - puiflante du Créateur pour changer de na-
ture ce qui eft corrompu, 6c régénérer une féconde fois ce qui a été détruit.
Tels étoient la plupart des maux d'Anne Augier lors de la guérifon fubitc. Ce
fût dès l'année 1705. que commença leur première époque. Elle nous apprend
dans fa déclaration : „ Que le jour de la fttc de tous les Saints de l'année ijor.
„ étant dansTéglifc deMareiiil la paroiflc pour y affilier à l'office divin, elle fut
„ attaquée de paralific d'une manière fi fubite & fi violente, qu'elle tombatôut
„ d'un coup par terre : qu'elle ne pût être relevée quepr.r le fecours des peilonrics
„ qui étoient autour d'elle , „ £c qu'on fût obligé de la faire porter dans iamaifon.
^ Vn accident fi terrible en lui-même & fi déplorable par l'état aftVcux qui en a
été la trille iuite , fit une telle imprdlion fur tous ceux qui en étoient témoins, que
malgré le grand nombre des années on en confcna facilement le fouvcnir.
„ Nous nous reflbuvcnous très -bien, „ (difent plus de zp. paroiflicns_ de
Marciiil, Seigneurs, Gcutils-hommes, OlHciersde jiillice, BQurgcois, & fini
pics habitans, dans les deux pioccs-vcrbaux qu'ils ont lait drcller: ) „ QirAnn
)ï
nnc
Au-»
f
OPE'RE' SUR ANNE AUGIER. ' rp
, Augîer à été attaquée de fa paralific furies jambes dans l'églifcde nôtre paroifTc
„ le jour de la fête de tous les Saints en l'année ijof . & que cette maladie la
„ liiifit fi fubitement Se fi rudement qu'elle eit tombée tout d'un coup comme
„ morte fur le pavé de l'cglife en préfence de toute l'aflemblée, 6c qu'il fallût
y, aller chercher un âne pour la mettre defllis Se la reconduire chez elle.
Quoique ces témoins n'aient pas fpécifié que l'attaque fubite qui la fit tout â
coup tomber fur le pavé de l'cglife comme fi elle eût été morte, fût une attaque
d'apoplexie; les faits qu'ils raportent fuffifent pour le prouver inconteftablement,
cette maladie s'étant déclarée dès le premier moment par fcs fimptômes les plus
frapans . & plus encore par la paralific entièrement complette qui en a été l'clfct,
& qui d'abord a totalement privé les jambes d'Anne Augier de tout mouvement,
ôc peu après de tout fentiment ; effets qui font les fuites afTez ordinaires d'une vio-
lente attaque d'apoplexie, 8c qui ne peuvent guéres être produits que par elle.
On fût fur le champ chcrcherleSr. Robert Lieutenant delajuftice de Mareûil
& Ma!tre Chirurgien. Il déclare dans fon rapport, „ qu'il a une parfaite connoif-
,', fance que la nommée Anne Augier. . . . tomba malade fubitement d'une para-
„ lifie occupant les deux jambes le premier Novembre ijof. en telle forte que
5, CCS parties fe trouvèrent tout d'un coup entièrement privées de mouvement ....
„ A l'infiant (continue-t-il) je fus appelle comme Chirurgien de la paroifié pour-
„ tâcher de lui procurer du foulagement Je m'y tranfportai promtemcnt &
„ fis de mon mieux pour la foulagcr . .. mais voyant que je n'avançois en rien,
„ je propofxi à Augier fon père d'aller le lendemain confultcr M. rAllemant
„ Docteur en Médecine ... auquel j'écrivis le détail de cette trifle maladie; on
„ me rapporta fon ordonnance . . . que j'exécutai à la lettre . . . Cependant (Anne
„ Augier), n'en a été nullement ioulagée. ,,
Au contraire cette apoplexie foudroyante ne mit prefque aucun intervalle entre
l'attaque 6c la paralific la plus complette. Dès le premier jour , difent tous les pa-
roifiîens de Mareûil, elle perdit le moui'ement des jambes , ^ envinn douze jours
après elle y perdit entièrement le fentiment.
Le Sr. Robert s'en convainquit d'une manière à ne laifTer aucun doute. Les
connoifllmces de fon art lui ayant appris que tous fes foins 8c fes remèdes fcroient
inutiles, fi la perte totale du fentiment étoit jointe à celle du mouvement, il crût
important d'éprouver fi efFeébivement le fentiment étoit entièrement perdu. „ Te
5, pris (dit-il) la réiolution , en maniant 8c faifint des friélions aux parues para-
5, litiques, de la p/incer fortement, 8c même de lui piquer les jambes avec une
5, épingle que je tenois à ce fujet cachée dans mes doigts, en l'obfervant èc re-
5, gardant fixement pour fivoir au jufi;e ce que j'en devois croire, 8c fi ces parties
„ étoient, ou non, privées de fentiment 8c de mouvement; 8c ne m'ayant donné-
,, aucun figne de fenfibilité, je ne doutai pas que cette paralific écoit parvenue au
„ dernier degré qui eil: pour lors incurable de la parc des rcmcJes 8c du fa voir
j, des hommes, fi habiles qu'ils foient.
Voilà donc dès les premiers jours cette paralific reconnue abfolumcnt incura-
ble. „ En effet (ajoute-t- il) cette pauvre fille a encore tcniè depuis beaucoup
„ d'autres remèdes, le tout fans foulagement. . . . Toutfecours humain lui étoit
„ fort inutile, (dit -il plus bas) parce qu'encore un coup , je le répète, fa pan^■^-
j, lifie étoit inciu-able. „
Ce jugement fi décifif du Sr. Robert fut fondé fur ce principe reconnu par tous
les Maîtres de l'Art, 8c établi par des dèmonftrations d'anatomie, qu'il ellphifi-
giiement impoffiblc de ranimer des membres qui font reftés pendant un ternscou--
iidérable totalement privés de mouvement &; de fentiment ; parceque cette perte to-
»6 DEMONSTRATION DU MIRACLE
Talc cfl une preuve certaine que les efprits animaux n'y coulent plus. Or il cft de pria-
cipe que ni la nature ni les remèdes ne peuvent rien opérer que par l'aftion de ces ef-
prits, & que lorlqu'ils ont été lo;ig-tems fans eutrer dans des membres, les conduits
par Icfquds ils s'y infinuent, fe ferment & fe bouchent j & les organes par lefqueU
CCS efprits agifllnt, fe dctruifcnt : au moyen de quoi ilelKibfolument impoflibledc
les y taire rentrer, 6c plus encore de leur y fiire trouver le moyen d'agir.
il ell vrai que dans le moment que l'apoplexie vient de barrer l'entrée des efprits
animaux dans quelques racines de nerfs, par les obihuftionsdans lefquelles elles les a
enveloppés ; (ce qui fait tomber en paralific les membres dans lefquels ces nerfs por-
toicnt ces efprits; il cil vrai, dis-je, que d'abord la force des remèdes, ou les efforts
de la nature peuvent quelquefois déboucher cette ob llruftion , & que pour lors,
les nerfs 8c les mufcles des membres tombés en paralillc étant enco.'-e dans leur in-
tégrité , "les ci'prits animaux peuvent reprendre leur cours dans ces membres , & y
remettre le mouvement & lafenfibilité j mais cela ne peut arriver que dans les pre-
miers mois , ou tout au plus pendant le cours de la première année qui fuit l'attaque
de l'apoplexie , par la raifon que dès que les nerfs 6c les mufcles relient un peu long-
tems ians être humeftés par ces efprits , ils fe déficellent 6c fe relfcrrent ; les parties
internes des nerfs fc joignent, s'acrochcnt, 6c fe colent enfemble; les tuyaux des
■mufcles s'aftaifl'ent 6c perdent entièrement leur cavité : en forte que les nerfs ne font
plus que des ligamens dont les pores 6c les conduits font effacés , 6c les mufcles
qu'une maffedontlesorganesfont détruits. Ordanscecas, quand même on trouvc-
roit le moyen d'anéantir les premières obllruélions qui ont d'abord été la caufe de la
paralifie, cela ne pourroit plus rendre le mouvement ni la fenlibilité aux membres
qui enauroicnt été totalement privés pendant un tems conildérable , parce que les ef-
prits animaux ne pourroient plus agir d.ins ces membres, ne trouvant plus dans les
mufcles les tuyaux parle gonflcmeni: dciqucls ils exécutent le mouvement ; 6c même
ils ne pourroient plus reprendre leur cours pour rentrer dans ces membres, parce
qu'ils ne trouveroicnt plus dans les nerfs les conduits par lefquels ils coulent tout
le long de ces nerfs depuis leurs racines julqu' aux extrémités des membres.
Nous avons crû devoir placer ici ces obfervationsanatomiqucs, afin que le le- M
£leur fente toute l'importance du tait que nous allons lui prourcr: Qiie les jam- 1
d'Anne Augicr ont été pend.mt plus de ii. ans fims aucun fentiment 6c fans au- ■
cun mouvement, 6c qu'il t'oit convaincu par avance que li ce fait cil établi d'une
manière invincible, il en réfulte nécelîliirement , qu'il n'y a que celui qui lait ren-
dre l'être à ce qui n'cxiltc plus , 6c organifer une féconde fois ce qui a entièrement
perdu fi première forme, qui ait pu ranimer des membres réduits en cet état.
Que l'incrédule le plus prévenu écoute 6c pefe lui-même les preuves que nous
allons lui .prélenter. Et pour peu qu'il veuille confulter fa raifon, il aura le bon-
heur d'être contraint d'avouer fa défute : 6c peut-être que la grâce fera paflcr jui-
ques dans fon cœur, la conviélion forcée de l'on cfprit.
Non feulement tous les paroilllens de Mareiiil déclarent dans les termes les plus
foi-mcLs cette perte totale de fentiment 6c de mouvement d.ms les jambes d'.Annc
Augicr pendant prés de il. ans. Non fjulemci\t plufieursp;rfonncs de condition
l'attellent également comme cu.x , 6c cntr'autres M.idame deC^ouci veuve de M.
de Couci Seigneur des Marets, M. de Couci Lieutenant au Régiment de Navar-
re , 6c M.idamc Le Picard époufc de M. Le Picard Chevalier Seigneur d'Ablan-
couit, qui certifient, qu'ils eut toujo/iis regardé comme iuciirahlc la paralifte dont
Jnne Augicr fut attaquée il y a erniron li. ans ^ 6c qu ils ont connu pmreux-mèntes
que cette paralific l'avojt rendue entièrement impote.ite des jambes .^ en lui étant le
wonvcment,(^ le fentiment. Non feulement ces f.uts ibut encore .vllurés p.irlcsIut-
OPE'RE' SUR ANNE AUGIER. ij
frages refpeârables d'une multitude de Curés , de Chanoines & de Dofteurs de
Sorbomiej & entr'autres par l'atteftation de M. le Curé de Fromenticres natif de
Mareùil, qui certifie „ Qiie depuis plus de 2o.ans(il a) une connoiiTiince certaine
„ qu'Anne Augicr a été attaquée d'une paralifie furies jambes qui lui a fait perdre
„ entièrement le fentiracnt & le mouvement , (ce qu'il a) reconnu d'une manière
„ à n'en pouvoir douter : ( qu'il a ) toujours vu fes jambes immobiles comme fi
„ elles euflcnt été mortes, (Se Anne Augier) dans un état où elle nepouvoitfc
„ remaier ni fc foutenir ne pouvant être que là où on la portoit. „
Mais outre tous ces témoignages qui ne s'expliquent que d'une manière géné-
rale, tous les paroiffiens de Mareùil, & la plupart des autres témoins rapportent
des circonftances qui prouvent cette perce totale de fentiment 8c de mouvement d'une
manière fi convaincante 6c fi décifive, qu'elles ne laifieront aucune refiburce à
Pincrédule. Commençons par les faits qui concernent la perte du fentiment.
Le Sr. Robert Chirurgien ne fût pas le feul qui voulut éprouver s'il étoitvrai
qu'il ne reftât aucune fenfibilité dans les jambes de cette paralitique. Après qu'il
eût fait fon expérience, les habitans de Mareùil voulurent aufli faire les leurs i
mais ils ne fe contentèrent pas de percer les jambes d'Anne Augier avec des épin-
gles: bien-tôt leurs mains ruftiques trouvèrent cet inftrument trop délicat; ôc
poiu- être plus certains du fiit, quelques-uns d'entr'cux y enfoncèrent des doux.
Ils certifient tous en corps , c'ell-à-dire les Seigneurs, les Gentils-hommes, les
gens d'épée,les Officiers de Juiticc, les Bourgeois, & les fimples habitans. Qii'An-
ne Augier „ 12. jours après fon attaque avoit tellement ... perdu le fentiment
„ dans les jambes .... que plufieurs pcrfonnes pour l'éprouver, y ont enfoncé
„ des épingles 6c des doux fans qu'elle ait donné aucun figne de douleur 6c de
,5 fentiment. "
M. de Truflbn Chevalier de S. Louis 6c Major de Marfal, ^ Mefdemoifelles
fes fœurs qui avoicnt leur maifon de campagne à Mareùil, 8c qui avoicnt la cha-
rité devenir voir fouvent Anne AwgitY pour la cotifoîer £5? V exhorter à la patience ,
certifient aufll bien que tous les paroiffiens de Mareùil , qu'ils ont eu „ des preu-
„ ves certaines (qu''Anne Augier) avoit perdu entièrement le mouvement 6c le
j, fentiment des jambes dès le commencement de la paralifie, plufieurs perfonnes
„ lui ayant rdifent-ils) enfoncé des épingles, 6c des doux dedans, fans quelle
„ l'ait fenti (ce qu'ils déclarent avoir) vu. ,,
A quel degré ne fiUoit-il pas que fût pan'enue l'infenfibilité de ces jambes,
pour que le fentiment ne pût y être rappelle par des opérations fi cruelles? On ne
pouvoir enfoncer des doux dans ces jambes fans en déchirer la peau 8c les chairs,
ôc par ccnfcquent on brifoit une multitude de petits rameaux de nerfs qui aboutif-
fent à la peau, 6c qui font précifément ceux qui caufent le plus de fenfibilité. Ce-
pendant Anne Augier laifle faire tranquillement toutes ces épreuves inliumaines ,
8c ne prend plus aucun intérêt à des membres où il lui fernble que la vie ne réfide plus.
Les preuves de la perte totale du mouvement ne font ni moins décifives ni moins
frapantes. Tous les paroifiiens de Mareùil 6c la plupart des autres témoins décla-
rent qu'Anne Augier „ depuis le premier jour de fa maladie jufqu'à celui de
„ fa guérifon, a toujours été couchée fur un lit, ou afiîfe dims une chaife, 6c
5, qu'elle n'a jamais pu fans le fccours de quelque perfonne fe coucher, nife lever,
„ ni remuer les jambes pour leur fùre changer de place. {K quoi ils ajoutent que
„ pendant) les 10. ou 11. premières années, (ils) lui (ont) vu porter (la fainte
„ Euchariftie) deux ou trois fois par an dans fa maifon, (6c) qu'elle larecevoit
„ couchée ou affife. ,,
Ainfi le Sauveur du monde venoit lui-même pour ainfi dire à la tétc de fes Mi-
/ Demonfl. Tome II. C ni-
r8 DEMONSTRATION DU MIRACLE.
niftrcs Se de fon peuple fidcle, conftater en perfonnc qu'Anne Augicr étoit hors
d'état de venir elle-même le chercher dans fon temple , & de fe mettre pour le re-
cevoir en une pollurc plus refpcctueufe.
Pendant les dernières années où fes voifins curent la charité de la porter à l'égli-
fe, „ M. le Curé ou M. le Vicaire (difent les habitans de MareUili lui portoient
Nôtre-Seigneur à fa place dans la nef quand elle vouloit communier, & elle le
„ rccevoit toujours afïïfe dans fa chaife. „
Mais paffbns à des fiits encore plus frapans. Et pour inftruire plus particuhé-
rement le leftcur des circonlhnces les plus dccifives, rapportons le témoignage
paiticulier des pcrfonnes qui ont eu aflcs de charité pour prendre foin de cette pau-
vre impotente, & pour porter elles-mêmes en quelque façon le poids de fes ma-
ladies en lui rendant tous les fenices dont elle avoit bcfoin en ce trille état. Cet-
te charité qui les animoit fi fort, que la vue affreufe d'un demi cadavre & l'infe-
ftion qui s'cxhaloit de fon cancer Se de fi fîllule n'ont pas été capables de les de-
coutcr , rendra fans doute leurs témoignages bien refpectables à ceux qui elHmcnt
la vertu , & qui fa\ent qu'elle a toujours pour bafe & pour fondement l'amour de
la \'érité 5c 1 horreur de tout menfonge.
Françoife Thcveni, qui n'a prefque pas quitté nôtre paralitique pendant les l8.
ans qui ont précédé fa guérifon, certifie que „ pendant tout ce tcms clic l'a cou-
chée 8c levée prefque tous les jours à l'aide d'autres perlonnes qui s'y trouvoicnt
Qiie quand clic la couchoit, elle la prcnoit entre fes bras, & qu'en la foute-
nant elle fcntoit fes jambes qui pcndoicnt 6c frapoient fur fes jupes comme deux
morceaux de bois. Qii'cllc couchoit lad. Augicr en deux fois : que d'abord elle
mettoit fon corps fur le lit, puis elle prenoit fes jambes 8c les portoit pour les
mettre aulTi fur le lit ; ^ que quand elle la tranfportoit d'une place à une autre 8c
3ue fes jambes touchoicnt à terre, elles étoient traînées après fon corps comme
eux pièces de bois. „
' M. ^Archevêque de Sons, qui fuppofe fi volontiers que les maladies dont on a-
été wuéri d'une manière fubite a invocation d'un Appellant n'étoient que feintes
ofcroit-il bien foupçonncr qu'.^nne Augier ait joué un rôle fi trille 8c fi incom-
mode pendant ii. ans. Qii'il le repréfenre quel eft l'infupportable ennui, difons
mieux, quel eft le fupplicc d'une perfonnc qui relie fins ccffc pendant zz. ans im-
mobile dans un lit , 8c qui n'en peut fortir que par la charité de ceux qui viennent
à force de bras lui f^iire changer de tourment, en la plaçant dans un méchant fau-
teuil de paille, où il faut qu'elle demeure pareillement dans l'attitude où on la met
iufqu'à ce qvfon ait encore la cliarité de l'en ôtcr.
" Mais fi ces f^iits ne lui fuffifcnt point encore, en voici d'autres qui doivent le
fatisfaire, ou du moins lirHcrmcr la bouche.
Il cil fi vrai qu'Anne Augicr ne pouvoit tirer aucun feconrs de fes jambes, pas
même pour fe foutcnir 8c s'empêcher de tomber lorfqu'cUe étcit allîle ; aue Clau-
de Salmon, Françoife Thcveni, 8c Marie Landrin attellent que lorfqu'elle étoit à
réclife dans fa chaife portative, „ le moindiT mouvement qu'elle failbit en fe
„ bailTant ... la faifoit tomber Sc donner de la tête fur le pavé fi rudement qu'ils
„ ont criî plufieurs fois qu'elle en mourroir. „
Tous les paroifiîens certifient pareillement qu'ils l'ont „ vue plufieurs fois tom-
„ ber de dcflus fa clmifc fur le pavé de l'cglile, par fa grande fiiiblelle j 8c qu'il
„ falloit l'aller relever , 8c la mettre dans fa chaife comme une perfonnc morte : fc6
„ jambes ne lui fervant de rien, ni pour l'empêcher de tomber, ni pour la relever. ,,
Dira-t-on que des chutes C\ diuigercufcs ctoicnt faites exprès? Mais voiti en-
core quelque chafc de plus fort.
Tout
OPERE' SUR ANNE AUGIER; tj
Tout le monde fiiit que la crainte du feu fait des impreflîons fî vives , qu'elle
donne une force & une agilité extraordinaires aux plus foibles 6c aux plus débi-
les , quand il eft quelHon d'éviter une mort fi terrible.
On a même vu des paralitiques retrouver dans cette circonftancc des forces qui
Î>aroiflbient éteintes , fe fauver des flammes , êc retomber enfuite pour le refl:e de
curs jours dans leur premier état, auffi-tôt qu'ils s'étoient retirés du péril j mais
il faut pour cela que les organes ne foient pas détruits. La nature excitée par un
vif fentiment , peut envoyer une foule d'efprits ranimer des membres engourdis ,
languiflans, èc qui avoient été long-tems prefqu'entiérement privés de mouve-
ment, mais qui néanmoins n'avoicnt jamais été totalement dénués d'efprits ani-
maux, puifque les nerfs & les mufcles s'étoient confervés dans leur intégrité. Car
il eft évident que fl les tuyaux des mufcles , par le gonflement defquels ie fait l'a-
ârion , enflent perdu leurs cavités , & que ces muicles n'euflent plus été qu'une
mafle fms organes & applatie fur les os , la nature n'eût pas pu régénérer fubite-
ment des tuyaux qui n'exiftoient plus.
Or c'eft dans ce dernier état qu'étoit Anne Augier j puifqu étant tombée plu-
fieurs fois dans le feu, elle n'a eu d'autre moyen que fes cris pour éviter d'être brû-
lée vivej n'ayant pu elle-même fe retirer des flammes.
Tous les paroiflicns de Mareiiil dcpoient, qu „ elle efl: quelquefois tombée
„ ainfî dans fa maifon étant après du feu , & que fins le fecours de quelques per-
„ fonnes fubites ôc fortes qui l'ont retirée habilement, elle auroit été brûlée en-
„ tiérement, fes habits l'étant déjà en partie. „
Claude Bclot ajoute à fx fignature, qu'il „ a retiré du feu-lad. Anne Augier,
„ ainfi qu'il eft marqué à l'article „ ci-defllis.
Claude Salmon, Françoife Thevcni, & Marie Landrin attefl:ent, „ qu'ils ont
„ vu Anne Augier après qu'elle étoit tombée dans le feu , (& qu'ils ont) aidé à
,, refaire fes habits brûlés , & à la panfer de quelque plaies de brûlures qu'elle a-
5, voit aux bras qui avoient été dans le feu.
M. de Truflbn Major de Marfil & Mefdemoifclles fes fœurs certifient pareille-
ment, qu'ils ont „ eu dès le commencement de fii paralifle des preuves certaines
,, qu'elle avoit perdu entièrement le mouvement & le Icntiment des jambes, ayant
„ déjà brûlé une partie de fes habits ce qu'elle n'avoit pu éviter par-
j, ce qu'elle ne pouvoir pas fe fervir de fes jambes. „
Si la crainte de plus cruel des tourmens n'a pu faire retrouver aucun mouve-
ment à Anne Augier dans fes membres paralitiques, pour échapper aux flammes
qui commençoientdéja à embraferfes habits, & à la brûler elle-même, qui pourra
conteflrr que ces membres ne fuflent pas entièrement privés de mouvement.''
Mais nous avons encore un fait plus décifif & d'une notoriété encore plus gé-
nérale. C'eft le deflechement afi'reux de ces membres inanimés qui a été expofé
pendant plus de 21. ans à la vue de tout le public.
Tous les paroiflîens de Mareûil déclarent , „ que les jambes d'Anne Augier
„ s'étoient deflechées d'une manière fi extraordinaire au bout de fix à fept mois de
„ la première année de fa paralifie, que Claude Salmon femme de Pierre Guim-
„ bert les ayant confidérées attentivement pendant fa groflcfll;, mit au monde un
J, enfant qui avoit les jambes de même que celles de cette fille. L'enfant eft mort
„ quelque tems après (ajoutent-ils) 6c les jambes d'Anne Augier ont toujours été
J, deflechées jufqu'au jour de fa guérifon. ,,
Un état fi horrible , qui unit à un corps animé ce qui caraéterife le plus vifîblement
des membres morts , mérite bien que le leéteur en entende une delcription plus cir-
conftanciée de la part des perfonnes qui ont eu afles de charité pour rendre habituel-
C z k-
10 DEMONSTRATION DU MIRACLE
Icment à cette pauvre impotente les lecours qu'elle ne pouvoit le rendre à elle-
même. Comme cesperfonnes ont eu ces membres hideux fous leurs yeux & fous
leurs mains pendant un grand nombre d'années, elles ont ctc parfiiittmcnt en état
d'en faire une exaéte peinture. Aulîl celle qu'elles en font clt fi naïve, fi finiple , 6c
en même-tems fi frapante , qu'on croit voir foi-mcmc cet effroyable alTcmblage
des membres d'un cadavre defieché avec ceux d'un corps vivant.
Françoife Thcveni quia eu foin d'Anne Augier pendant 18. ans, & qui déclare
que pendant ce tems , „ elle aprefquc toujours été avec elle , (certifie) qu'elle
„ a fouvcnt vu , examiné & touché fcs jambes : qu'il n'yavoit ni chair ni molet,
„ les os (étant) couverts feulement d'une peau féche & livide, & toutes d'une
„ venue comme deux bâtons; (èc que quand fon corps remuoit, fes jambes) le
,, fuivoient comme deux morceaux de bois qui y auroient-étc attachés. (A quoi
5, elle ajoute qu'elle a aufil remarqué que pendant ces 18. ans) les ongles de {es
„ pieds n'ont point criî , Se qu'ils ont recommencé à croître après fa guérifon. „
Claude Salmon & Marie Landrin déclarent que „ quoiqu'ils n'aient pas vu li
„ fouvent lad. Anne Augier que lad. Françoife Theveni , (ils ont néanmoins)
,, une entière connoifTancc (de tous) les faits ci-defllis. „
Après cela on ne doit pas être étonné que la vue de ces os décharnés qui te-
noient lieu de membres à une pcrfomie vivante , ait frapé fi vivement l'imagina-
tion d'une femme enceinte, qu'elle lui ait fait mettre au monde un enfuit aont
une partie du corps reflembloit aux membres d'une momie. Mais fi l'imagination
qui a copié un tel portrait n'a pu enfinter qu'un monllre , combien le deflcchemcnt
de ces membres etoit-il donc affreux?
On a déjà vu qu'Anne Augier, ne pouvant trouver aucun fecours dansfes jam-
bes pour fc retenir . étoit expofée aux chutes les plus meutriércs , auflî-tôt qu'elle
perdoit l'équilibre ou elle étoit dans fon fauteuil. Cette cruelle nécelTité de paffer
ainfi les jours, les mois, les années immobile dans l'attitude où on la mettoit ,
ne pouvoit manquer de lui fiire des meurtrifTures 6c des plaies qui s'envenimoienc
de plus en plus par la continuité d'une même fituation qui prclToit lans cefle fon
corps aux mêmes endroits. Aulli tous les paroifi"iens de Mareiiil certifient-ils qu-
„ clic avoit des plaies en plufieurs endroits du corps , caufées par fi maigreur extra-
j, ordinaire 6c par la nécellîté d'être toujours dans la même pollure. „
Quel trille fpeétacle de la mifére humaine , de voir des membres déjà livrés au
froid 6c à l'immobilité du tombeau , &c û defiechés qu'on ne pouvoit les toucher
fans frémir 6c fans s'imaginer avoit mis la main fur les membres d'un mort ! Et
quand on Icvoit les yeux fur le refte de l'on corps pour fe rafl'urer 6c fc convaincre
que ces oflemens inanimés faifoient p.irtie d'un corps vivant, les meurtriflures 6c
les plaies dont il étoit couvert de toutes parts , ne faifoient qu'augmenter l'horreur.
AÎais détournons un moment les yeux du leéVeur d'un objet qui fait ibuffrir la
nature ; pour ménager fa dclicatefie 6c lui laifler le tcms de rcfpircr , prefen-
tons-lui la peinture édifiante de Tamc de ce nouveau Job couché fur fon fumier.
L'état auflî douloureux qu'accablant dans lequel fût Ci long-tems Anne Au-
gier, épuifa-t-il fa patience? Non : loin d'éclater en murmures, elle bénit fans
ccflc la main qui la frape, 6c n'envifage dans fes maux que la tendrclTe d'un pcrc
nui chât.c celle qu'il aime. Les accès redoublés de fe» douleurs ne peuvent vaincre
ii tranquilité : clic ajoute la peine du travail des mains à celle de fes foutfrances -, 6c
pour cmploycrtous Icsmomcns aufer\'icedu Dieu qu'elle aime: lorfqu'il l'eût ré-
duite dans un état où il ne lui fut plus polfible de faire aucun travail , elle engage par
fa douceur une multitude d'tnlans de venir apprendre d'elle à le connoitrc & à
l'aimer. „ Pendant les il. ans qu'a duré ion aâlitlion ^dilcnt tous ks-paroillicns
„ de
OPE'RE' SUR ANNE AUGIER. 21
„ de Mareiiil) elle nes'efl; occupée qu'à filer, 6c à inftruire nos cnfans fur leCa-
„ téchifme. „
PofTéder Ion ame dans la patience & la paix, malgré les plus vives douleurs &
lafituation la plus trifte & la plus délefperante : voilà la vie d'Anne Augier pen-
dant 21. ans. C'cll ainfi que la vertu la plus parfoite qui fuit la pompe iic l'éclat
fe plait fouvent à habiter ious la plus humble chaumière.
Ilfalloit qu'unevertu fi pure pafTât encore par déplus fortes épreuves. En 1720.
Dieu permit à l'efprit impur qui frémiflbit de rage contre cette charte colombe,
d'exciter la fureur & la cruauté d'un malheiu-eux pour mettre le comble à Tes maux.
Elle déclare qu'il lui vint „ une efpéce de cancer au fein qui provenoit d'un
„ coup qu'un gueux lui donna un jour, étant entré dans fa maifon oii elleétoit
„ feule, & la voulant infuker. ,,
Tous les paroiffiens de Mareiiil certifient pareillement „ qu'elle avoit une ef-
„ péce de cancer au fein qui avoit commence il y a environ fept-à-huitans Tavant
,,.fa guérifon) par un coup de fabot qu'un gueux lui donna, la trouvant feule
5, dans fa mailbn & voulant l'infulter. „
Anne Augier qui étoit depuis long-tems dans l'habitude démettre à profit fes
fouffrances par fa parfaite refignation, penfi peu à prévenir les fuites funelles que
f)ouvoit avoir ce coup. Ce ne fût qu'après plus de quatre ans , que forcée enfin par
a violence de la douleur, elle eût recours aux remèdes. LeSr. Pierrot Chirurgien
Juré demeurant à Ay , certifie avoir panfé & médicamenté Anne Augier demeurant
à Mareiiil d'une blcfTure au fein, en Septembre & Oétobre de l'année 1724.
- Mais tous fes foins furent inutiles. Auflî Anne Augier declare-t-elle que ce Chi-
rugien après ïzyoïr panfé e du dit cancer pendant deux mois, l'abandonna, parce
qu'il jugea que le mal étoit devenu incurable : & qu'en effet il lui a duré jusqu'au
moment du miracle qu'il a plu à Dieu d'opérer fur elle.
M. de Truffbn Major de Mariai & Mefdemoifelles fes fœurs attestent pareille-
ment, „ que jufqu'au huitième jotu- de Juillet (1727. Anne Augier a eu ) un
5, ulcère au fein que le Sr. Pierrot Chirurgien d'Ay a panfé long-tcms comme un
j, cancer , (6c que cet ulcère) l'avoit réduite à un état digne de compaffion : de
„ forte qu'on croyoit de tems-en-tems qu'elle alloit mourir.
Enfin tous les paroifllens de Mareiiil certifient que ,, ce cancer (a duré jufques)
■^5 au moment même de la guérifon de fa paralifie; (à quoi ils ajoutent plus bas)
„ que toutes fes maladies l'avoient réduite à une foibleffe extraordinaire , 6c fou-
„ vent à la mort. „
A la fin de l'année I7i4- o^^ ^^ commencement de i72f . il fan-int encore un
furcroit à fes peines. Son cancer, qui étoit déjà ulcéré, fc fit un nouvel écoule-
ment. Elle déclare qu'il lui vint,, une efpéce de fillule à l'aiflclle du bras gauche
„ qu'elle a tenue cachée autant qu'elle a pu, pour ne pas rebuter les perfonnesqui
„ avoient la charité de la venir voir , 6c de la loulagcr dans fes befoins. „
Ainfi elle refervc pour elle feule tout le dégoût de ce cloaque. Le pus qui cou-
le le long de fon corps , a beau l'infeélcr par fa contagion , elle n'ofe chercher à
s'en garantir en découvrant une plaie iî dégoûtante, dans la crainte de rebuter
ceux des fecours de qui il lui étoit impofîîble de fe pafier. C'eft un calice qu'elle
boit jufqu'à la lie fans en répandre une feule goûte.
Voici enfin la dernière 6c la plus grande de fes épreuves. Ce n' étoit pas afies
qu'une partie de fon corps fût couvcitc de plaies , d'ulcères , de pourriture 6c d'in-
feftion, tandis que l'autre éprouvoit déjà toutes les horreurs du tombeau par ion
immobilité glacée 6c fon afl-reux deffcchement : il fiiUoit encore que Dieu parût
infenfible à Tes prières 6c à fes larmes, 6c qu'elle fût livrée à la plus extrêçie
t , C 3 pau-
« DEMONSTRATION DU MIRACLE
pauvreté en perdant le foible fccours qu'elle tiroit du travail de fcs mains."
Tous les paroifficns de M;ircuil certifient que „ la paralifies'étoit étendue (ur
„ le bras gauche au retour du voyage qu'elle fit i Reims fiirune charetteen lyzf.
„ dans le tems des neuf jours de l'cxpofition du corps de S. Rémi, fans avoir ob-
„ tenu fa guérifon, que Dieu avoit refci-vce au jour qu'elle s'eft faite tranfporter
^, fur le tombeau de M. RoulTc. ,,
Ils ajoutent que d'abord on lui fit quelques remèdes „ dans l'efpcrance de pou-
„ voir lui fiuver (ce bras ) mais qu'on n'y a pas plus réuÏÏî qu'aux jambes , à la
„ différence que le fcntiment n'a pas été perdu comme aux jambes. „
Le Sr. Robert Chirurgien de Mareiiil déclare pareillement qu'en lyif. ,,ileft
„ furvcnu à cette fille une autre paralifie à un de fcs bras, quiaduré jufqu'au mo-
„ ment delà parfaite guérifon „ qu'elle obtint tout d'un couple 8. Juillet 17^7,
M. de Trunon 6c Mcfdemoifclles fes fœurs certifient également „ que depuis
„ environ deux ans (avant fa guérifon) la paralifie s'étoit jettcc fur un de {es
„ bras, £c l'avoic rendue impotente, (à quoi ils ajoutent qu'on avoit fait) il y
j, a deux ans (quelques remèdes) à ce bras paralitique j mais inutilement. „
La mifére la plus affrcufe , fuite naturelle de l'impuiflancc 011 Anne Augicr fe
trouva de continuer fon petit travail, s'étant jointe à tant de maux , la firent en-
fin tomber dans une défaillance prefque entière.
M. Ambroife Chanoine d'Avenai, qui avoit été jufqu'en 1717. Vicaire de
Mareiiil, déclare „ quefifolblcffecaufée par fes différentes maladies étoit fi gran-
„ de, qu'elle étoit fouvcnt réduite à la mort j & qu'une fois ayant été appelle pour
„ lui adminiilrcr l'Extréme-Onftion, il la trouva fi foible qu'il crût devoir com-
„ mencer par les onftions de peur de n'avoir pas le tems de réciter toutes les prières. „
Elle ètoit dans un état qui èpuifoit fi fort la comp;iirion , Sc qui cxcitoit tant
d'horreur, qu'on croyoit la féliciter en lui annonçant que le terme de fa délivrance
étoit proche. Auflî Françoife Theveni fa charitable compagne déclare -t -elle que
fcs " infirmités ètoient fi grandes (qu'elle) l'a crue prête à mourir plus de cent
„ fois, & qu'elle lui a fouvcnt dit, (apparemment pour la confoler & lui faire
„ prendre courage) Ce fera cette fois que jet'cnfevclirai. „
En effet, fi la mort paroît un gain à toute ame véritablement chrétienne, qui
peut douter qu'elle ne fût l'objet des dcfirs d'une agonifante qui depuis fi long-
tems faifoit une Ci rude pénitence? & qui, comme elle le dit elle-même, „ ne
„ voyoit point de moyen de fortir d'un état fi déplorable que par la mort. „
Mais Dieu en avoit autrement ordonné. Oliii qui fait entendre fi voix au néant
auffi facilement qu'à l'être, alloit dans peu réparer en un moment les membres dé-
chirés, pourris & dciicchés de cette moribonde, pour glorifier la mémoire d'un
Saint AppcUant, &c canonifer en fapcrfonne la julHceSclanécclTité de l'Appel.
Il met dans le cœur de cette impotente un vifdefirdefe faire porter fur le tom-
beau de M. Roufic. Mille obilacles naturellement invincibles s'oppofoient à l'cxc-
cution de ce projet: mais tout devient facile à celui qui fuit les mouvemcns que b
Tout puifTant fait naître : il n'eil: pas moins le Dieu des cfprits que celui des corps : il
dilpnfc auiïî fouverainemcnt des cœurs , qu'il commande en maître à la matière.
Il infpirc à ceux qui avoicnt le plus de compaflîon poilr cette pauvre agonifante
de lui fournir les moyeas d'exécuter une cnirepriic quip.U'oiifoit li téméraire, 5c
il lui donne à elle-même une telle confiance, que rien n'ell capable de la détour-
ner de fon dcflcin. Elle déclare qu'ayant appris „ que M. Rouflc étoit mort , &
„ faifant réflexion à la vie qu'il avoit menée -, à fa douceur, à fon humilité & à
„ fa charité ; elle eût la pcnlée qu'il étoit Bien- heureux, S: qu? û clic pouvoit
yf être fur fon tombeau , cela lui pourroit procurer quelques biens , foit pour le
„ corps'.
OPERE' SUR ANNE AUGIER. 2:5-
„ corps, foit pour l'amej mais que la chofeétoit bien difficile eu égard à fes infir-
mités. Qiic cependant cette pcnfée lui revenant toujours dans l'efprit, elle eût
lieu de la prendre pour une infpiration de Dieu : qu'elle en parla en fccret à
Iques perfonnes, dont les uns l'en détournèrent, d'autres l'y excitèrent.
55
5»
55
55
quel
Qii'enfin deux mois s'étant écoulés dans cette efpéce de combat, elle prit d'elle-
„ même la rclolution d'entreprendre ce voyage, &: que les plus fidèles amies ( pri-
rent avec elle) les mefi.n-es pour l'exécuter. ,,
Nous en verrons bien-tôt l'heurcuie illue ; mais avant que d'en fournir les preu-
ves au kfteur, il eft bon de commencer par lui démontrer que la guérifonfubite
d'un pareil état étoit aulîi impolTiblc à la nature que la réiurreétion d'un mort.
C'eft ce qui fera l'objet de nôtre féconde Propofition.
II. PROPOSITION.
Le desse'chemext des ja}7ihes cV Anne Augter canfé par uns paralïfie complète qui
wjoit duré plus de 11. ans ^ étoit iia état abj'olwinent incurable.
DAns ce fiécle d'cndurcilTement , c'eil: la rcffburce ordinaire de l'incrédule ,
loi-fqu'il ne peut contefter la vérité des faits, d'attribuer les guérifons les plus
évidemment miraculeufes , ou à la force de l'imagination , ou à des reflorts de la na--
ture inconnus jufqu'àpréfent. Mais ici, il aura beau chercher à fc foire illufion par
des fuppofitions chimériques 6c par de grands termes vuides de fens ; des membi-es
dcflechés pendant 21. ans par une paralifie complète, font d'une incurabilité fi
manifefte Se fi palpable, qu'il ne lui reliera pas la fatale fatisfaction de pouvoir fe
tromper foi-même. Il faut qu'il fe rende aux preuves de nôtre Propofition, ou que
non feulement il s'obfl:ine à combattre de front le jugement Scl'expéricnce de tous
les Maîtres de l'Art 6c les principes d'anatomielcs plus incontelbables ; mais même
qu'il choque ouvertement le fens commun, ?:C qu'il réfiile à fes propres lumières.
Tous les Livres de Médecine décident unanimement , qu'une paralifie complète
eft abfolument incurable, du moins après un certain tems : mais comme l'incrédu-
le pourroit rcfufer de fe foumettre à cette décifion, rapportons -lui les principes
fur lefquels elle eft fondée. Qii'il les écoute, qu'il confulte fa raifon , 6c qu'il déci--
de lui-même. Heureufcment ces principes font fi clairs, fi fenfibles, 6c fi con»-
vaincans qu'ils font à la portée de tous les lecteurs.
Je me fuis à la vérité déjafervi de quelques-uns de ces principes au fujet des-
guérifons miraculeufes des différentes paralifies dont j'ai fait les démonftrations dans-
mon premier Tome; mais comme les diflertations de M.Cannac6cde M. Souchah
dans lefquelles je les ai principalement puifés , ont été faites par rapport à laparali--
fie d'Anne Augier, 6c que le leâreur peut n'avoir pas fous les yeux ce que j'ai dé ja^
dit à cet égard, qu'il mepermete de les lui retracer, 6c d'en faire ici l'application,.
M. Cannac, M. Souchai , 8c tous les autres Maîtres de l'Art diftinguent deux-
fortes de paralifies: celle qui eft complète, 6c celle qui ne l'eft pas.
La paralifie complète eft celle qui prive les membres de tout mouvement 6c de"
tout fentiment.
„ Le pronoilique de la paralifie complète, dit M. Cannac, eft toujours qu'elle'
5, eft abfolument incurable. „ Une des principales raiions qu'il en donne, eft que"
les membres ne tombent jamais en paralifie complète que lorfqu'ils font totalemcni:
privés des efprits animaux, ce qui n'arrive que lorfque tous les nerfs de cette partie'
font obftrués. Car s'il reftoit dans les membres entrepris, quelque nerf qui ne"
fut pas obftrué les efpris animaux ne manqueroient pas d'y couler, 6c conféqucm--
nx^nt-
i4 DEMONSTRATION DU MIRACLE
ment de produire dans les membres quelque fentiment ou quelque mouvement.
Auflî M. Souchai ajoute - 1 - il , qu'on connoit par les effets que les nerfs qui
fe di ribuent dans les organes des mouvemens (^ des fenfaîions font ahfolutnent ob~
finies ou bouchés , lorfque tout mowjement £5? tout fentiment fe trouvent entièrement
perdus dans toute l'étendue de la partie affligée de paralifie. Or dès que toutes les
cavités des nerfs l'ont bouchées, 6c qu'en conféqucnce les membres fe trouvent
totalement depoun-us de ces elprits qui leur donnent le mouvement , le fentiment
£c la vie, leur état eft manifertcmenc incurable, parceque ce n'eft que parl'aftion
de ces ciprits que la nature ou les remèdes peuvent procurer une gucrifon.
■ Les efprits animaux fe forment dans le cerveau. Les nerfs, qui tous ont leur
racine dans le cei^vcau ou dans la moîle cpiniere , font les feuls canaux par lef-
quels CCS efprits font portés dans les membres. Ainfi lorlquc tous les nerfs d'une partie
du corps font obllrués, les efprits animaux ccllcnt entièrement de s'y répandre : ôc
c'cll préciiement Icurabfence qui caufe la perte du icntiment Se du mouvement.
Les nerfs font les feules organes du fentiment ; mais ils ne peuvent le produire
que lorfqu'ils font vivifiés par les efprits animaux -, &: lorfque ces efprits ceflenten-
tércment de les animer , ils reftent dans ''infcnfibilité.
C'ell: par le moyen des mufcles que s'exécutent tous les mouvemens quidépen-
pcndcnt de la volonté ; mais les mufcics ne forment aucun mouvement qu'autant
que les tuyaux dont ils font compoles, font travcrfés par des efprits animaux qui
les remuent.
Ce font donc proprement les efprits animaux qui donnent l'être au fentiment par
le moyen des nerfs, & qui opèrent le mouvement par le moyen des mufcics.
Ainfi loifqu'une partie du corps c(l entièrement privée de ces efprits, elle ne peut
que relier dans l'mfenfibilité ^l'inaétion; & comme ces efprits ne peuvent être
dans des membres fans agir, c'eft une preuve inconteftablc que ces efprits ont
difcontinué de fe répandre dans des membres , lorfque ces membres relient long-
terns fans mouvement 6c f.ms fentiment.
J'ai cru devoir expliquer ces principes, parcequ'ils m'ont paru fort utiles pour com-
prendre plus aifement toute la force des raifonnemensanatomiqucs de^i.C;mnac,
de M. Souchai 6c de M. Ganlard , dont je vais prcfcntcr quelques extraits au leéteur.
„ Pour pouvoir [dit M. Cannac] guérir (une paralilie complète , ) ilhiudroit
„ pouvoir dilliper l'obllruclion des nerfs fans le fecours de l'efprit animal qui
„ n'ell plus dans cette partie : or c'cfl ce que la nature ni l'art ne peuvent jamais
„ fiiire. . . . C'cll par l'aûion même des efprits animaux que la nature opère > ainlï
„ lorfqu'unc partie s'en trouve entièrement dépourvue, il ne relie plus aucune
„ reiTourcc} (6c pour lors la paralife) eft néccflairement incurable .... l'ob-
„ llruction des nerfs (continue-t-il; ne produit pasdes engorgcmcns.des inflam-
„ mations, des abccs dont la nature peut fe débarrafTer: elle produit une celTa-
„ tion d'action 6c de fentiment. Comment la nature fera-t-elle couler des efprits
„ dans une partie dont tous les nerfs font obllrucs, 6c qui par là a perdu la plus
„ grande partie de fa chaleur 6c de fa vie ? Ce font les efprits mêmes qui man-
„ quent, 6c qui manquent entièrement dans toute l'étendue de la partie affligée,
„ quelle rcHource pourroit avoir la nature? Auflt l'expérience confirme -t- elle
„ que jamais des membres qui font une fois tombés en piiralific complète, n'ont
„ repris leur aclion 6c leur mouvement.
11 prouve cnfuitc qu'en ce „ cas (tous les) remèdes (font) impuifTansSc inu-
,, tiles, ( parce qu'ils ne peuvent avoir d'effet ) à moins que la nature ne foit en
„ état d'obcir aux déterminations que les remèdes lui impolcnt ,„ 6c qu'il n'y aquc
les efprits animaux qui puilVcnt lui en fournir le moyen.
Il cil
OPE'RE' SUR ANNE AUGIER. zf
Il efl: donc confiant : il eft reconnu par tous les Maitres de l'Art : il eft démon-
tré par des principes incontcftablcs d'anatomie , que toute paralifie complctte ,
c'cft-à-dire , qui prive entièrement la partie affligée de mouvement 6c de fenti-
ment, cffc abfolument incurable. Or qui peut douter que la paralifie des jambes
d'Anne Augier n'ait dès les premiers jours produit cet effet ? Non feulernent 1»
Chirurgien qui la traitée le déclare en termes formels, & fur ce fondement la juge
incurable dès fon commencement > mais prenons ici pour juge l'incrédule le plus
endurci , ou le Conftitutionnaire le plus prévenu contre les miracles de nôtre
tcms, pourvu qu'il leur rcfte encore un peu de bonne foi, & qu'ils veuillent bien
fiire uf^ge de leur mifon , èc demandons-leur , fi des jambes dans lefquelles on en-
fonce des épingles & des doux fans y rappeller le fentiment font infenfibles ? 8c iî
celles qui relient dans l'inaélion 8c l'immobilité quand il ell queflion d'éviter la
mort la plus effrayante , ont perdu le mouvement ?
Cependant ce n'eflpas tout. Nous allons prouver d'une manière encore bien plus
frapante , qu'il étoit abfolument impoffible à tout être créé , de rétablir le mouve-
ment & le fentiment dans des jambes réduites à l'état où étoicnt celles d'Anne
Augier.
En effet quel reffort incompréhenfible , ou quelle vertu fccrette pourroit-on
fuppofer dans la nature, pour ranimer des membres qui depuis plus de zi. ans
reffembloient à ceux de ces momies d'Egipte, dont les chairs entièrement dcffé-
chées ne préfentent à la vue que de grofficrs débris qui furvivent à la perte irrépa-
rable d'un millier de tuyaux différens, & d'une infinité d'autres parties qui font
toutes abfolument néceifaires pour la fenfition & pour le mouvement?
Mais écoutons les Maîtres de l'Art nous en démontrer eux-mêmes l'impofîî-
bilité phifique. „ Vous me demandez (dit M. Souchai) s'il y avoit des rcflbur-
„ ces .dans la nature ou dans l'art pour procurer (à Anne Augier) le rétabliffement
,), (de fes jambes.) J'aimcrois prefque autant (continue-t-il) que vous me deman-
„ dafîîez fi la nature ou l'art ont quelques rcfiburccs pour créer une jambe aune
„ perfonne qui n'en a point. Les os feiTcnt de ibutien 6c la peau fert d'enveloppe à
„ toutes les parties du corps; mais les os 6c la peau ne font pas fine jambe par eux
„ fculs, 6c ce n'eft même ni la peau ni les os par l'aétion defquclsfe faitlemouve-
„ ment. Les mouvemens font produits par les corps mufculcux ; 6c la vie, l'aftion 6c
„ le fentiment confiflent dans l'affcmblage des tuyaux, dans les liqueurs qui les
„ traverfent , 6c dans lesefprits qui les animent. Ainfi ce feroit créer véritablement
„ une jambe à qui il ne relleroit précifément que les os 6c la peau , que de créer tou=-
5, tes les parties néceffaires pour lui donner la vie, l'aélion 6c le fentiment.
„ Lorfque tout mouvement 6c tout fentiment [continue-t-il plus bas] fe
„ trouvent entièrement perdus dans toute l'étendue de la partie affligée de para-
„ lifie, 6c que cette partie. . . s'efl défféchée , pour lors il eft clair qu'elle a été
„ entièrement privée des efprits animaux -, 6c fi cet état a duré pendant pluficurs
„ années 6c que le defféchcment paroiffe entier .... on en doit conclure que les
„ corps mufculeux, non feulement font aftaifles , mais que leurs fibres charnues
„ font entièrement détruites , auffi-bien que les tuyaux nerveux.
„ Il ell vrai [ajoute-t-il encore] qu'on peut fuppofer que les corps mufculeux
„ fubfifloient encore en partie dans les jambes d'Anne Augier, quoique fi fort
„ affaiffés qu'à peine paroilfoient-ils j mais il efl certain qu'en cet état ils n'é-
5, toient nullement capables d'aftion. L'efprit animal ne coulant plus depuis
„ vingt-deux ans le long des nerfs ni pour les mouvemens , ni pour les fenfi-
„ tions, il en rèfulte néceffiirement la conféquencc que pendant un fî
„ long efpace de tems toutes ces parties fc font affiiflees 6c deflëchées j 6c même
jj que la plus grande partie en a été détruite. (D'où il fuit que) tout ce qui étoit
/. Demonft. l'orne IL D né-
25 DEMONSTRATION DU MIRACLE
„ nécciï-iirc pour l'aftion mnnquoit abfolument dans les jambes d'Anne Augier.
„ J'ai obfcrvé [dit-il encore ] que c'efl par les fibres charnues qui compofent
„ le corps du muiclc que fe fait l'adion : (Or) les fibres charnues des jambes
„ d'Anne Augier s'étoicnt difTipécs , puifqucfes jambes étoient dcfiechécs 6c qu'on
„ n'y appcrcevoit plus de chah-s.
„ J'ai oblcrvc en fécond lieu que l'acTtion ne fe pouvoit point faire fans les
„ tuyaax nerveux: or... tous ces tuyaux dévoient être affaiflcs, diflîpcs, ôc
„ même détruits -, & étoient par conféqucnt abfolument incapables de porter dans
„ fcs jambes les efprits animaux pour les ranimer. „
Ces confcquences que tire M. Souchai des principes les plus inconteftables de
l'anatomie, fe trouvent encore fcnfiblement démontres dans une diflertation faite
par M. Gaulard par rapport à la gucrifon de Philippe Sergent, oùcefivant Mé-
decin prouve que , lorique „ les nerfs (font) pendant plus d'un an fans recevoir
„ la limphc fubtilc. . . les cavités de ces nerfs, [qui font les] feuls conduits ( par
„ où cette) limphe „ s'infinuë, fe collent , s'effacent 6c fe dctruifent.
„ C'cll un fait , dit-il , démontré par toutes les expériences anatomiques ,
„ que dans les corps animés tous les tuyaux ou cavités compofés de parties flé-
„ xiblcs , 6c deftinés à recevoir 6c à tranfmettrc un liquide, s'afFaincnt lorfquc
,, ce liquide ceffe pendant long-tcms d'y couler: les parois intérieurs de ces tuyaux
„ fc collent: les parties flexibles dont ils font compofés fc rapprochent: la ca-
„ vite s'efface entièrement , 5c il ne refte plus qu'un corps folide donc les con-
„ duits font abfolument détruits. Cela arrive même , non feulement aux cavités
„ qui font fi fines 6c fi déliées qu'on ne peut les appercevoir d'une manière fenfi-
„ ble , telles que font les cavités des nerfs par Icfquels la limphe fubtile coule
„ dans les membres , mais cela arrive aux plus larges canaux. „
S'il ne faut qu'un an |X)Ur que cet effet arrive, qui peut douter qu'il ne foit ar-
rivé dans l'cfpace de plus de lo. années, pendant lefqucUes les jambes d'Anne
Augier ont été réduites au dclTéchcment le plus hideux ?
Ce defféchcment, fuivant le même M. Gaulard, cil encore une preuve éviden-
te, „ que tous les tuyaux des fibres charnues qui compofent les mufcles, avoient
„ été affaiffés. Or il cl\ [dit-ilj abfolument impoffible à la nature &: à l'art de
„ r'ouvrirccs cavités lorfquellcs ont été effacées. Ainfi dans le cas propofé iln'efc
„ plus fimplemcnt qucftion de défobftruer des vaiffeaux bouchés, mais de for-
„ mer de nouveaux condiMts àla place de ceux qui n'cxiftent plus > 6c il cil évi-
„ dent que c'cfl ce que la nature 6c l'art ne peuvent jamais faire. „
M. Cannac fe fcrt auffi des mêmes principes ,^ 6c en tire les mêmes conféquen-
ces. „ Sans examiner [dit -il] fi les fibres charnues qui compofent le corps du
„ mufclc , 6c les tuyaux nen'cux par Icfquels les efprits animaux fe comrauni-
„ quent , avoient été ou non effacés 6c difiîpés pendant un fi longcfpace dctems}
„ au moins eft-il certain que fuivant ce qui rcfulte néceffaij-cment de Vcxpofé, ils
„ avoient été entièrement affaifi'és. Or cela fuflît pour qu'il fût abfolument im-
„ poiïiblc à la nature &c à l'art de rétablir des parties réduites à un pareil état,
„ 8c de les rendre capables d'aélion. (D'où il conclut que) tout manquant dan»
„ les jambes d'Anne Augier pour l'aélionSc pour lefcntimcnt, .... il ne pouvoit
„ jam.iis y avoir aucune rcffourcc ni du côte de la nature, ni du côté de l'art j
6c que cette guérifon ne pouvoit être opérée que par le Créateur de l'univers.
(A quoi il ajoute que) cette guérifon (le"i frape fi fort qu'elle ne (le) biffe
:ct égard. „
„ pas maître de drfiîmuler quels (ont (fes) fentimens à ce
C'cfl ainfi que les Maitrcs de l'Art faifis d'étonnement à la vue des œuvres du
Tout-puiffant, on: été forcés parleur évidence de lui en rendre hautcmentgloire^
maigre
OPE'RE' SUR ANNE AUGIER. ^7
Malgré tous les intérêts humains qui s'oppofoient à une démarche fi généreufc
& qui peut renvcrfer toute leur fortune. M. Gaukrd oublie qu'il eft Médecin
ordinaire du Roi. M. Cannac qu'il cft Chirurgien-Major des Gardes du Corps.
M. Souchai qu'il cil Chirurgien de M. le Prince de Conti. Dieu échauffe leurs
cœurs en éclairant leurs cfprits par la vive lumière que répandent ces merveilles.
Les plus grands Maîtres de l'Art frapés d'admiration ont beau dépendre de la
Cour , Dieu fcmble les forcer lui-même de faire la démonftration de fes miracles.
D'autre part leur éclat terralTe l'impie & lui fait abjurer fon incrédulité. Il effraie
le libertin ; & Dieu s'en fert pour le convertir. N'y aura-t-il donc que les Conftitu-
tionnaires fur qui l'opération fenfiblc de la Divinité ne fera aucune impreflîon ?
Oferont-ils encore chercher ici dans les forces occultes de l'imagination , des ref-
fources pour régénérer ce qui eft détruit : des agens pour donner l'être à ce qui
n'cxifte plus : des reflbrts pour rendre à des jambes défféchécs toutes les parties
qu'elles avoient perdues depuis plus de 20. ans : en un mot des moyens pour rcf-
fufciter des membres qui n'étant plus qu'une malle auffi aride qu'infenfible ,n'é-
toient propres qu'à entraîner dans le tombeau les membres vivans aufquels ils
étoient joints ?
Efpérons que l'évidence pourra enfin fraper leurs efprits , & que Dieu vou-
dra bien s'en fervir pour toucher leurs cœurs , lorfque nous leur aurons prouvé
quelaguérifon , difons mieux, que la régénération de tout ce qui manquoitdans
les jambes d'Anne Augier, a été opérée d'une manière fubite , & qu'en même-
tems cette fille a été guérie tout-a-coup de fon cancer, defafillule, de fes plaies,
le de tous fes autres maux , dont la plupart étoient aulîi incurables que l'anéan-
tiflement de fes jambes.
IIÎ. PROPOSITION.
Anne Augif.r a été guéris fubiîement fur le tombeau de M. Rtujfe de Ja paraïï-
fie 13 de tous fes autres maux le 8. Juillet 1727. 13 feu de jours après Dieu lui
a donné la faute la plus parfaite ist la plus robujle.
UNe guérifon fi fubite après zr. ans de l'état le plus déféfperé fait bien voir
que tout eft poffible à la foi , parce que rien n'eft impolTible à celui qui la
forme dans le cœur , 6c qui fiit la proportionner à la grandeur du bienfait dont
il veut couronner ce premier de fes dons. Auflî jamais foi ne parût plus inébranla-
ble que celle dont il voulût fortifier cette impuiffante moribonde ; jamais on n'eÇ-
péra plus contre toute efpérance que le fit Anne Augier, en fe faiiant porter fur
le tombeau du ferviteur de Dieu. Une partie d'elle même immobile, infcnfible,
8c deflechée n'offroit à fes yeux que l'image de la mort , & paroifloit plus propre à
repofer dans une bière, qu'à pendre inutilement après le reftede fon corps qu'elle
ne fiiifoit qu'entraîner vers la terre j l'autre à demi-mourante ne défcndoit plus
qu'à peine le fouffle de vie qui l'animoit encore. Mais hélas ! qu'elle vie que celle
qui ne fe faifoit fcntir que par les douleurs & l'infeétrion que lui c.iufoient le can-
cer ulcéré, la fiftule, les meurtrifi'ures , & les plaies dont fon corps étoit couvert.
Cependant Anne Augier foutcnue uniquement par la grandeur de fa foi , §c
mettant toute fon efpérance dans le fccours de celui qui lui infpiroit une entre-
prife qui paroiffoit fi téméraire, fait tranfpoitcr les débris de fon corps mourant
dans le bourg d'Avenai, oij étoit le tombeau de celui dont elle vouloit réclamer
l'intei ceflîon.
Dieu qui favoit quel degré de confiance il avoit mis dans fon cœur, redouble en
D z même-
L
a» DEMONSTRATION DU MIRACLE
même-tems l'épreuve. A peine Anne Augier eft-ellc liée à fa chaifc , afin que foa
coi"pç trop foible pour fe foutenir lui-même pût reftcr fixe dans la fituation ou il fal-
loit le mettre : à peine eft-ellc attachée en cet état fur la monture deftinéc à la porter,
qu'il furvient un orage dont les flots fcmblent prendre plaifir àfe précipiter iur elle.
Voici ce que nous en rapportent les habitans de Mareiiil, dontpluficurs attirés
par la fingularité d'un tel ipeftacle vinrent être témoins de ce périlleux voyage,
j, Nous avons [difcnt-ils] une connoifTance parfaite & le fouvenir préfent que nous
j, ne perdrons jamais, des circonftanccs qui ont accompagné le voya.<Te que lad.
„ Anne Aueicr a fait à Avenai le 8. Juillet dernier , jour heureux de fa guérilbn.
,, Elle a été mife fur un âne par quatre ou cinq pcrfonnes. On a mis fa chaifc
„ portative fur l'un des paniers de l'âne pour lui fervir à appuyer fon corps. Ons'efl:
„ fervi de grandes nappes pour la lier au travers du corps a ladite chaifc & au bât de
„ l'âne. Il pleuvoit fi fort qu'il a fallu lui mettre un manteau fur la tête, ce qui
„ la fait beaucoup foufFrirle Ions; du chemin, en ce que la pefanteur de ccman-
„ teau pénétré de la pluie lui faifoit plier le corps en deux , n'ayant pas la force
d'en foutenir le poids. „
Qiiellcs angoiflcs n'eût pas à fouffrir pendant le chemin cette pauvre agonifan-
tc, dont la foibleffc & les langueurs étoicnt accablées iousunfi lourd fardeau. Ce-
pendant elle arrive. Mais apprenons encore des habitans de Mareiiil à quelle ex-
trémité elle fc trouva réduite par le furcroit d'épuifement que lui caufa une fati-
gue C\ difproportionnée à fcs forces.
„ Qiiand elle arriva à Avenai [difcnt-ils] elle étoit dans un tel état, que les
„ pcrfonnes du bourg qui la virent s'étonnèrent fe difmt les uns aux autres . Qu'cll-
j, ce que c'cft que ceci? Où eil-ce qu'on va mener cette fille qui i'e meurt}
Il étoit naturel que ces pcrfonnes touchées de compafTion de l'état d'extrémité
où ils vovoicnt Anne Augier, fe récriaflent contre la témérité apparente de ceux
qui la conduifoicnt J mais c'efl. précifcment parce qu'elle fe meurt ^ c'clt parce que tout
paroît défefpérc qu'il cil tems qu'elle vienne chercher la réfurrcftion & lavie M;ùs
où trouver un tel iccours ? C'cft fur un tombeau , c'cft d:ms le fein même de la mort.
Qiie Dieu eft admir.ible ! Qii'il eft magnifique dans fcs Saints ! Plus ils ont
été humiliés fur la terre, plus Dieu fe plait a les glorifier dans le fccret de fi ficc,
& quelquefois même à illuftrer leur mémoire en opérant les plus grands miracles
à leur intercclTîon. Que ne peuvent point aujourd'hui la poulliére & la cendre?
Dieu les fait fervir d'inftrument aux plus éclatantes merveilles de fa puilTance &
de fa bonté. Anne Augier va bientôt éprouver combien fi confiance aux prières du
Bien-heureux M. Rouffc étoit agréable à celui qui la lui avoit infpirec; elle va
bientôt triompher tout à coup d'un état qui n'étoit gucres moins aftVcux que la mort.
On la détache. On la porte fur (x chaife dans la Chapelle de Ste Anne. On la
place fur la tombe du faint Appellant comme un cadavre inanimé. Son cœur à la
vérité vit encore, l'.irdeur de la foi qui l'cmbrafc lui a confervé lavie. Mais tout
le furplus de fon corps , dont la moitié couverte de plaies excite la compaflîon,j&:
dont l'autre moitié qui n'eft plus qu^unfquclette hideux donne de l'horreur, reflem-
ble moins à une pcribiuie vivante qu'à ce mort qu'on jctta autrefois fur Icfépul-
crc d'Elifée. L'Ecriture nous apprend que ce mort rcffufcita des que fcs memorcs
curent touché les os du Prophète. La même main qui fit autrefois ce grand pro-
dige a voulu encore opérer de nos jours une merveille prefque fcmblable.
iPeu :iprcs qu'Anne Augier eût été poféefur le tombeau du bienheureux Appel-
lant, „ M. Robeit Chanoine d'.\vcnai étant venu ,f dit-elle, dire laMcllc dans
„ cette chapelle J elle fcntit tout d'un coup vers l'offertoire une révolution cx-
„ traordinairc dans fcs membres qui lui fitconnoitrc que Dieu, avoit exauce la pric-
„ rc:
OPE'RE' SUR ANNE AUGIER. ip
„ rc: ce qui lui fit dire en levant les bras, fans fonger qu'elle en avoit un paralîtiqiïe.
j, Serviteur de Dieu, vous avez prie' pour moi. f Auffi-tôt elle] fe jetta
„ à terre fur fes genoux ... [&] entendit le refte delà Meffc en cette pofture : (6c)
„ non feulement [ ajoute -t- elle plus bas 3 elle a été guérie ainfî tout-à-coup de la
„ paralifie , (tant du bras que des deux jambes, ) mais encore de toutes fes autres
maladies , „ c'eft-à-diredefon cancer, de fa fiilule & de toutes les plaies.
A la vue d'une guérifon fi merveilleufe , oi^i la toutc-puilTimce du Créateur fe
manifefte d'une manière fi fenfible Se fi frapante , que ceux qui ofent décrier les
miracles de nos jours humilient enfin leurs têtes fuperbes , & ne refufent plus d'en
rendre gloire à celui feul dont la volonté peut créer les êtres.
Quoi ! Seigneur , en un moment une multitude de meurtrifilires 8c de plaies font
eflPacéesparune peau nouvelle qui les couvre ! Un cancer , quiformoit un abcès ul-
céré fub fi ftant depuis trois années , cen*e tout-à-coup d'être ; & une chair faine vient
auffi-tôt reprendre la place qu'occupoit l'abcès ! Unefiftule qui payoit chaque jour
à la mort un tribut de corruption , fe guérit fubitement , fe remplit , iè ferme & difpa-
roît ! Eft - il poflible que malgré de fi grands éclats de lumière , vos Miniftrcs qui font
chargés par état de publier vos œuvres , s'obftinent encore à vous méconnoître ?
Les Maîtres de l'Art n'ont pu refuferleur témoignage. M. de Reims Médecin du
Roi demeurant à Epcmai & le fieur Pierrot Chirurgien, qui dès 172.4. avoit panfé
inutilement pendant deux mois le cancer qu'Anne Augier avoit au fein, certifient
qu'ils l'ont examiné depuis fa guérifon fubite , 6c qu'elle „ eft parfaitement guérie de
„ l'abcès qu'elle avoit eu au fein gauche, & qu'elle jouit d'une fanté parfaite. „
Les gens d'épée, les perfonnes de condition lont touchés de l'évidence de cette
merveille, 6c la publient à haute voix. M. deTrufl'on Chevalier de SaintLouis6c
Major de Marfal 6c les Demoifelles de Truflbn , après avoir rendu compte dans leur
certificat commun , de la paralifie d'Anne Augier 6c de l'ulcère qu'elle avoit au fein ,
qui l'avoit réduite , difent-ils , à un état digne de compajfion , déclarent qu'ils ont été'
très-furpris d' apprendre la guérifon fubite de cette pauire fille , 8c encore plus lorfqu'ils
l'ont vue eux - mêmes parfaitement guérie de toutes fes infirmités ; à quoi ils ajoutent
qu'ils n'ont pu s' empêcher de regarder fa guérifon comme un effet miraculeux de la toute
fuiffance de Dieu accordée à Vinterceffion de feu M. Rouffe à qui elle a en recours.
Plus de 130. autres témoins attellent pareillement „ que fa guérifon eft amvée'
„ tout d'un coup , une demie heure après qu'elle eût été mife fur le tombeau de
,5 M. Rouife. „
N'y aura-t-il donc, ô mon Dieu, que la plupart de vos Miniftres qui s'obfti-
ne-ront à fe boucher les yeux ! Mais pour eOayer de vaincre leur incrédulité, hâ-
tons-nous de leur préfenter les preuves de la guérifon foudaine d'un état encore'
plus évidemment incurable, 6c beaucoup plus invétéré que n'étoient le cancer,.
la fiftule, 6c les plaies. Mettons fous leurs yeux des preuves invincibles delà xi--
génération fubite d'une infinité de parties détruites depuis plus de 20. ans.
Nous venons de dire que le premier mouvement d'Anne Augier, en fentant le
renouvellement qui venoit de s'opérer ttiut à coup dans fon corps , fût de lever
fes bras au ciel pour bénir l'auteur d'un fi grand bienfût , 6c que le fécond fût de
{ejetter à terre fur fes genoux vowr l'adorer.
A l'afpeft d'un effet fi fenfible de la puiflance divine , une des affiftantes nom-
mée Marie Landrin eft fi tranfportée hors d'elle-même 6c fi frapée de furprire6c
de joie, que fans penfer au filence qui doit toujours accompagner nos redouta-
bles miftéres, elle ,, s'écrie tout haut dans le tranfport d'admiration où elle étoit
j, (comme elle le dit elle-même) que c'étoit un grand miracle que Dieu venoit
jj d'opérer par rinterceflion de celui qui étoit enterré dans ce lieu. „
D 3 Ccpcn-
jô DEMONSTRATION DU MIRACLE
Cependant Anne i\ugier, comme elle le déclare cUe-mcmc, „cntenditlc re-
„ fte de 1.1 Meflc (à genoux , ) y communia , & après avoir fait fcs actions de gra-
„ ces, elle le Icvm aidée de deux de Ces compagnes, mais s' aidant de fcs jambes
„ pour marcher & fortir de Pcglifc. „
Quoi ! ces jambes entièrement deflcchées depuis tant d'années : ces jambe»
qu'on dcchiroit avec des clous f.ms y rappcUcr le fcntiment: ces jambes qui n'a-
voicnt plus ^;;' chair ni molet, difent plufieui-s témoins : ers jambes dont les os
ctoicnt feuhmcKt ctwvtrts (Pune peau feche (^ livide^ ont tout à coup recouvré l'in-
tégrité des nerfs, des mufclcs & des tendons, & cette multitude innombrable
de tuyaux fans Icfqucls il étoit phifiqucmcnt impoûiblc qu'elles euflent exécute
le moindre mouvement !
Mais écoutons lur ce fujct la décifion d'un Maître de l'Art , qui quoique Chi-
rurgien de la Cour, n'a pu fe réfufcr à rendre témoignage à la grandeur de ce
prodige. ,, Vous me demandez (dit M. Souchai) fi les jambes d'Anne Augicr
„ [que vous me dites avoir été fans aucun mouvement & lans aucun fentimcnt
5, pendant près de 2,2. ans, 6c avoir été même defléchécs pendans près de zi. ansj
„ ont pu naturellement fc ranimer dans un moment, & acquérir tout d'un coup
j, la force de la foutenir à genoux &: de la f.ùre marcher. C'cll-à dire que vous
j, me demandez fi des jambes peuvent m.archcr fans mufclcs &: fms nerfs. Je vous
„ répondrai tout fimpîcment qu'il ell encore plus difficile de comprendre qu'An-
„ ne Augicr ait pu marcher tout d'un coup, (es jambes étant dciléchécs dcpui»
„ 2.0. ans, que de croire que Dieu lui ait en un moment créé des corps mufcu-
„ leux garnis de toutes les priitics qui étoient nécefl'aires pour l'adlion. „
Une fi éclatante merveille ne pouvoit tarder à le répandre : dès le premier
moment elle retentit dans tout le bourg d'Avenai. Sitôt qu'Anne Augicr „ fc
„ Icntit guérie au milieu de la Méfie, j'en fus averti (dit M. Ambroifc Chanoine
„ d'Avenai) je courus à l'églife : 1 je) la trouvai à genoux dans la chapelle de Stc
J, Anne, d'où elle alla devant le S. Sacrement, aidée de fcs deux compagnes. „
„ Le bruit de cette merveille (dit-il encore) ayant été jufqu'aux oreilles de Ma-
„ dame l'Abbclfe, elle demanda à voir cette fille. Je l'accompagnai à la grille.
„ T'^i été témoin qu'elle a marché dans la falle de ion parloir, & s'cll tenue dc-
„ bout devant elle. „
Cette Abbefic tout à fait prévenue contre les A ppcllans , ne pouvant né;mmoins (c
refufcr à l'évidence d'un miracle fi palpable, eut bien voulu en faire honneur
aux Patrons du bourg. Elle interroge la mir.iculée, elle fait qucllions fur Quel-
tions. „ Elle lui demanda (dit encore M. Ambroifc) fi elle n'avoit point eu in-
„ tentionde prier Sainte Bcrthc& Saint Guimbcrt, (mais la fille) repondit tou-
,, jours fimpîcment que Ion intention avoit été de prier M. Roufle, ce qui fût
,, caufc que Madame l'Abbcfle fe retira lans rien dire davantage. „
M. de Vaugcnci Chanoine de Chaalons ajoute à ce récit ,,que Madame l'Ab-
bcfle d'Avenai ayant à l'heure même été informée (de ce miracle,) & ayant
mandé (Anne Augier) cette fille avoit monté l'cfcalicr qui conduit au parloir
de Madame l'Abbeflc, & avoit marché en fi préknce. Qu." lad. Dame lui
ayant demandé quelle avoit été fon intention, elle lui avoit répondu que fon
unique intention avoit été d'implorer le Iccours des prières de M. Roude.
(Que) Madame l'Abbeflc lui dit qu'elle auroit mieux fait de fc recommander
„ à S. Guimbcrt &; à Ste Bcrthc Patrons du lieu, (<Sc qu'après ce) dilcourS (cct-
„ te) D.ime s'étoit retirée. ,, Ainfi chacun paroit d'abord délirer d'être inlhuit
de la vérité. Chacun demande ^iiid eft irritas ? Pcrfonne ne veut convenir qu'il
refulc^dc la connoitrc. Mais lorfqu'ellc blcfle nos préjugés, on lui tourne bien-
tôt
OPE'RE' SUR ANNE AUGIER. 31
tôt le dos parce qu'on eft réfolu de le vefufcr à fon évidence.
Cette crainte , d'être vaincu par un prodige fait à l'interceffion d'un Appellant,
ne frapa néanmoins dans ce pays que trcs-peu de penonncs. Tous les paroifficns
de Mareùil, Gentils-homnaes & autres au nombre de plus 230. atteftent que „le
„ brait de la guérifon cd'Anne Augier' s'étant répandu prefque furie champ à
jjMareiiil, qui n'eft éloigné d'Avcnai que d'une demie lipue , aulTitôt une partie
„ des habitans y courut pour voir fi ce qu'on diloit étoit vrai. Cliaque perfonnc
„ qui venoit (ajoutent-ils) la faifoit marcher, ne voulant s'en fier qu'à ics yeux.
„ Ce concours de Marc ii il & des lieux voifins a duré les neufs jours qu'elle eft
„ rcftée (à Avenai'i pour ache\'er fa neuvaine. „
Quelle fatigue n'eurent donc pas à efiuyer les jambes nouvellement regénérées-
de la miraculée ! Il fxlloit qu'elle marchât fans ceffè pour fatisfaire à la fainte
curiofité , 6c fouvent à la défiance de cette multitude de perfonnes qui fe fuccé-
doicnt les unes aux autres. Il étoit fi incroyable que des jambes, qu'une infinité'
de gens avoient vijes deficchécs pendant plus de 13. ans. & dénuées p.ir confc-
quent de toutes les paities nécefiaires pour le mouvement , euflent été rétablies en
wnclin d'œil, qu'il falloit voir marcher foi-même la miraculée pour le croire.
Mais parmi cette multitude de rémoins , qui s'empreflent devenir examiner
un miracle fi étonnant, ne confondons pas dans la foule un Miniftre du Seigneur
aufîî refpcftable que le Curé de Fromentieres. Ce Palleur étant natif de Marciii!,
& y allant afiéz fouvent ,avoit une parftite connoiflance de l'état d'Anne Augicr.
Aufii fon étonnement fut extrême lorfqu'il apprit iagucrifon fubite. „ La choie
„ Cdit-il) me parût fi incroyable que je ne crûs point devoir ajouter foi à ce qu'on
„ m'en difoit, fi je n'étois témoin de la guérilon de cette fille comme je l'avons
„ été tant de fois de fa maladie. „
Il part pour venir lui-même approfondir un fait, qu'il étoit fi difficile de fe per-
fuader. Il arrive à Avenai le 11. Juillet, qui éccit le troifiéme jour de la ncu~-
vaine. „ Dès qu'Anne Augier (continue t-il) entendit ma voix dans la cour oij
„ j'arrivois, elle fortit de la maifon où elle étoit 8c vint au devant de moi. Ma
„ furprife fut telle que je ne favois fi je devois en croire mes yeux. Je la fis mar-
„ cher plufieurs fois devant moi, pour m'aflurer de la vérité. Et ayant demandé
„ à cette fille comment étoit arrivé un changement fi extraordinaire & fi furpre-
„nant, elle m'afiura (que s'étant) fait tranfi>orter à Avenai le E. de ce même
„ mois de Juillet-, Se ayant été portée dans fa chaife , & mife fur le tombeau de
„ M.Roufie , -à l'ofFerroire de la Méfie elle avoit commencé à fentir de la douleur
„ dans les jambes. Qu'auflîtôtelles'étoitjettée àgenoux Qiie dès ce momcnc
„ elle avoit été guérie , & que depuis elle fe foutenoit 6c mai-choit comme je voyois.,,- -
Qu'oppofera l'incrédule à un pareil prodige où l'opération de la Divinité le -
manifefte avec tant d'évidence? Objeélera-t-il que dans les premiers jours les -
jambes d'Anne Augier n'avoient point encore acq-ais toutes leurs forces ? Mais •
s'il a plû à Dieu de ne mettre qu'au bout de quelques jo-irrs dans les mufclcs, les ;
tendons, leurs tuyaux, les conduits des nerfs, 6c les autres parties qu'il vcnoic
de former ôc de fiire naitre, toute la fermeté, la vigueur 6c l'elailicitéqucragc ne '
donne aux enfans qu'après plufieurs années, en efi:-il moins certain qu'il n'v" ai
qiie le feul Créateur des étresqui ait pu rétablir ainfi d'une manière iubite.ùne ■
infinité départies qui depuis tant d'-années avoient perdu leur forme iSc prcfqus '
toute leur fubiiancc, 6è dont il y en avoit même une très-grande quantité qui!
étoient anéanties, ainfi qu'il réfulte des principes incontellablcs d'anaromie- que "
des M ait 1rs de l'Art ont eux'-mémes rapportés? N'cll-il pas évident qu'il etoiCC
iSopoiHble à. la nature &• à tout- être crée de ré.çénéi-er'ainlï-iiibixcment dansx.ie^s
.încmn-
^t DE^MONSTRATION DU MIRAC LE
membres fccs Se arides des conduits 6c des tuyaux qui n'exiftoient plus ? Cepen-
dant en un moment ces oflcmens hideux, qui n'étoient que les débris de jambes
qui avoicnt cefTé d'être, acquièrent tous les organes nécciraires p >ur routcr.i' un
corps 6c pour le faire marcher -, & au bout de quelques jours Anne Augier trou-
ve afTcs de force & de fermeté d;ms ces jambes nouvellement regénérées pour faire
à pied plus d'un quart de lieue.
Tous les paioimcns de Marciiil certifient, „ que le 17. dud. mois de Juillet
„ (qui étoit le ncuriémc jour de f;i neuvaine; Anne Augier cft revenue dans
„ leur paroific , ayant fait les deux tiers du chemin à pied.. . . Depuis ce jour,
„ (difent-ils) nous l'avons vue & la voyons tous les jours aller & venir comme les
„ autres, & comme fi elle n'avoit jamais ceflc de marcher, {h quoi ils ajoutent
5, plus bas.) Que fcs jambes (qui) s'ctoicnt deflcchécs aune manière fi extraor-
„ dinaire au bout de fcpt à huit mois de la première année de fa paralifie , . . . &
„ qui ont toujours été deflechées jufqu'au jour de fa guérifon, font revenues au
„ même état qu'elle les avoit avant qu'elle fiit paralitique. „
Françoife Theveni rapporte encore à ce fujct une circonilancc qui fait voir
jufqu'à quel point les jambes d'Anne Augier étoicnt privées de vie avant fa gué-
rifon fubite. Elle déclare que pendant tout le tems qu'Anne Augier cft rertéc para-
litique, „ les ongles de fcs pieds n'ont point cru, Se qu'ils ont commencé a croî-
„ tre auiîl-tôt après fa guérifon. (A quoi elle ajoute avec deux autres témoins ,)
5, qu'elles admirent tous les jours de plus en plus un fi grand miracle, envoyant
„ ladite Anne Augier marcher auflî librement qu'elles, & comme fi cUen'avoit
„ jamais été paralitique. ,,
Le Sr. Robert Chirurgien de la paroifTe de Marciiil n'a pas été moins convain-
cu que les autres habitans qu'une pareille guérifon n'avoit pu arriver que par un
miracle. Aufli ne craint-il pas d'iiflurer que cette fille a été entièrement guérie . . .
far un effet tout miraculeux.
Mais ne paflbns p;\s fous filence un témoin étranger que la Providence femble
avoir envoyé exprès à Mareiiil le même jour qu'Anne Augier y arriva. AL l'Ab-
bé de Vaugenci Chanoine de Chaalons „ déclare que s'étant trouvé à Mareiiil le
„ 17. Juillet I72-7. vers les dix heures du matin, je fus (dit-il) édifié de la joie
fainte répandue dans ce lieu à l'occafion de la guérifon miraculcufe d'une fille
paralitique qui neuf jours auparavant s'ctoit fiiit tranfpoiter de Marciiil à Ave-
nai ... & y avoit été fubitement guérie dès le premier jour de îx neuvaine . . . fur
j, le tombeau de M . Rouflc ... & cette neuvaine expirée , en étoit revenue à Ma-
„ rciiil une grande partie du chemin à pied ledit jour 17. Juillet. Qiielques habi-
„ tans de Marciiil (dit- il encore) m'ayant inlhuit des principales circonllanccs de
„ l'infirmité & de la guérifon miraculcufe de la malade , je crus voir dans la manière
„ fimplc & naïve avec laquelle ils m'en parlèrent, une perfuafion intime du fait
„ 6c une notoriété confiante. Pour m';ifi'urcr encore davantage, je nie tranl portai
„ chés M. le Curé de Mareiiil, 6c j'y reçus defabouciie,6cdecellc d'unChanoi-
„ noine qui y étoit alors , la confirmation de ce qui vcnoit dcm'ètre dit , 6c j'eus
„^la confolation d'y voir la perlonnc guérie quife foutcnoit 6c marchoit. „
L^n autre témoin encore bien rcl"pc£l:ablc va nous apprendre des circonftanccs
qui font voir quel degré de forces il plût à Dieu de donner bien-tôt à ces mufclcs
qu'il venoit de former. AL Baudoiiin Docteur de Sorbonne 6c VicairedeS. Leu
à Paris, pafTiint à Marciiil un mois après le miracle le i J. Août I7i7. avec M.
fon perc 6c un bourgeois de Reims, 6c ayant appris des habitans la merveille de
lag«^r//ô«yâ^;>f d'Anne Augier, fût curieux d'approfondir un prodige où le doi^
Je Dieu ctoit mai'qué d'une uir.n cvcfi frapantc. Ayant fu que la miraculée étoit
alors
Î5
55
OPERE' SUR ANNE AUGIER. ?î
alors chez le Curé dud. lieu, il fût l'y trouver. „ Je vis en effet (dit-il) cette fille
-,, joiiiff.int d'une (iuitc parfaite, & ayant des forces proportionnées à foa âge, &
„ & à fa complcxion. Elle tira en nôtre préience de l'eau au puits. On nous dit
„ qu'elle faifoit depuis du tems tout ce qui étoit néceffaire dans un ménage : &
„ en effet elle me parût en état de le faire. Cette fille me dit même que 3. ou 4.
^, jours auparavant elle avoir, pour effxyer fix force, battu le grain engrange
„ pendant l'efpace d'environ un quart d'heure; ce qui fût reconnu être très-vc-
„ ritable par quatre ou cinq perfonnes que je trouvai chez M. le Curé. „
Tout le monde lîxit que de tous les exercices du corps, il n'y en a point déplus
fatiguant , & où tous les mufclcs foient dans une plus grande contraction que lorfqu'on
bât du bled à coups de fléau. Aufli quelques robulles que foient les femimesdela
campagne, elles ne s'y emploient jamais : cela paffe leurs forces , Sc il n'y a même
que les hommes les plus vigoureux qui foient propres à ce métier. Quelle vigueur
dans les mufcles n'a-t-il donc pas fiUu qu'eût Anne Augier pour continuer pendant
un quart d'heure un travail li rude &; fi fupérieur aux forces ordinaires de fon fexe ?
Après des preuves fi palpables , fi notoires &: fi publiques de la régénération par-
faite d'un nombre infini de tuyaux applatis, collés, defféchés, anéimtis depuis
fi long-tems, fxut-il s'étonner que malgré les préventions oii plufieurs Curés de
rAchcvêchédeRcimsétoientenfavenrde la Bulle, ilsn'aycntpu toutefois fe refu-
fer à l'évidence de ce miracle ? Plus ils ont employé une judicieufe critique Se un fé-
vere examen pour en approfondir toutes les circojiftances , 6c plus ils ont été convain-
cus qu'il n'y avoit que le Maître de la nature qui eût pu vendre ainii la vie, l'agilité &
la force à des offcmcns décharnés. La vue d'un fi grand prodige a en même tems foit
imprdîlon fur leur cœur. Aulli dès le 2f . Septembre de la même année plufieurs
d'entre eux fe joignirent à ceux de leurs confrères qui étoient Appellans.
Tous enfemble au' nombre de ]u ils préfentent une requête à Mefiîeurs les
Grands- Vicaires de M. l'Archevêque de Reims, dans laquelle ils ont le courage de
leur rendre compte de „ l'éclat (qu'avoit eu) la guérifon fubite (d'Anne Augier)
„ an-ivée le 8. Juillet dernier fur le tombeau de M. Rouffe. ( Ils leur certi-
„ fient) que cette fille qui étoit affligée depuis 11. ans d'une paralific fur les
„ jambes . . . s'cft trouvée tout à coup guérie. . . . (Que) quelques jours après
„ .... elle cft revenue d'Avenai à Mareûil (faifant) la plus grande partie du che-
„ min à pied, & qu'elle joiiit à préfent d'une finté qui la met en état de vaquer
:,, aux emplois pénibles 6c ordinaires à une pcribnne de fii condition. (Ils leur dé-
„ clarent) qu'ils font pcrfuadés de ces faits également comme leurs paroilîîens,
„ (8c ils les fomment) de faire informer de leur vérité. „
C'eft ainfi , 6 mon Dieu! que les miracles que vous faites fur les corps, font
non feulement la figure, mais aufli le canal de ceux que vous fûtes fur les cœurs.
Puiffent les réflexions par leiqucUes nous allons établir d'une manière encore plus
•particulière qu'il n'y a que vous qui ayez pu opérer un pareil prodige ,f:iire enfin
impreflîon fur ceux qui jufqu'à préfent ont rcfufé de vous reconnoitre à vos œu-
vres. Mais, Seigneur, il n'appu-tient qu'à vous de faire entendre les fourds, 8c
de faire voir les aveugles. Ah! commandez à l'onèlion intérieure de vôtre grâce
de defcendre dans leurs cœurs , 6c tout à coup leurs oreilles 6c leurs yeux leront
ouverts, 6c ilss'étonneront eux -mêmes comment ils avoient pujufqu'à ce moment
s'empêcher d'être frapcs pu- le bruit éclattant de vos merveilles , &; par les vives
lumières qu'elles répandent de toutes parts.
/. Demonjl. 'Tome IL E IV.
L
»;
5f DE'MONSTRATION DU MIRACLE
IV. PROPOSITION.
La guerison cTJnne Jugier ;;'« pà être opérée que par le Tout- put (faitt.
'Errf.ur nutoriféc du moins indircftcment par la fatale Bulle qui a mis le
trouble dans TEglife , flùfoit ians ccïïc de nouveaux progrés. Cette fource
empcllcc s'ctcndoit de toutes parts, & innondoit de feseauxbourbcufes tous ceux
qui étoient attachés à la terre, 6c qui n'avoient pas afTcz de courage pour s'élancer
fans cefle vers le Ciel.
Il ert vrai qu'en 1717. l'Appel des IV. Evêques avoft planté fur là hauteur
l'étcndart delà Vérité > & qu'une infinité depcrfonncs, 8c même plufieurs Corps
& Facultés célèbres, & les Communautés religicufes les plus dillinguécs par une
piété éclairée, s'étant rangées fous cctétendart, avoient d'abord évité par ce mo-
yen d'être enveloppées dans ce débordement général, 6c d'être enfuite noyées dans
le déluge des faux dogmes répandus par les nouveaux Cafuillcs.
Ma:h 7, Maisbien-tôt toutes les PuilTImccsfe réunirent pour attaquer cet'O.zWt. La pluie eji'
tombée , les fleuves fe font débordés , les 'vents ont foufflc , (j? font -venus fondre fur
cette mai/on y & tous ceux dont l'édifice n'étoit pas fondé fur la pierre ont été
reni-erfés.
Chaque iour la Vérité faifoit quelque perte nouvelle : le plus grand nombre de
fes défcnfeurs fe laiflant affoiblir, cherchoit par des explications forcées, & des
accommodemens contraires à la fincérité chrétienne , à concilier enfemblc la vérité
& fi condamnation, la lumière &: les ténèbres, l'Evangile & le Molinifmc. Plu-
fieurs fe confiant dans leur vaine prudence, s'imaginoient pouvoir mettre la véri-
té à couvert fous les voiles de l'erreur, &fcflattoicnt qu'en fe confervant en place
par ce moyen, ils rendroientdc plus grands fèrvices à la Religion} comme fi le
Tout-puiiïiint avoit beloin de leiu* faultc politique pour la maintenir.
Eil-ce donc ainfi, ô mon Dieu! que vous avez fait établir par vos Apôtres
la vérité de vôtre Evangile, & que vous l'avez confcrvéc dans tous les tems?
Eft-ce ainfi que dévoient agir les défenfeurs de vôtre Toute-puiffince, de la gra-
tuité & de l'efficacité de votre grâce? Ont -ils donc oublié quec'eftdevousfcul
dont nous devons tout attendre? Ne fivcnt-ils plus que c'eli vôtre providence
qui arrange tous les événemens ; qu'elle difpofe comme il lui plaît des efprits Sc
des cœurs ; qu'elle fait même fci-vir à fes dcfieins jufqu'aux partions des hommes :
que du mal elle en fait tirer le bien, & qu'elle a fouvent permis que les plus im-
portantes vérités éprouvafrent les plus grandes contradiftions , pour les mettre
dans un plus grand jour, &: pour procurer le bonheur étemel de fes élus en leur
faifant fouffrir la plus vive perfécution ?
Comment n'ont- ils pas fenti que leur conduite dcmcntoit leurs principes} &
u'en cherchant ainfi par des voies obliques & tortucufcs à ménager les ennemis
e la vérité, c'étoit vous déclarer à vous-même, ô mon Dieu! qu'ils craignoicnc
les hommes plus que vous, &que ce n'étoit point en vôtre fccours qu'ils mettoienc
toute leur confiance ?
Des politiques fi charnels n'étoicnt pas dignes de foutenir la caufc qu'ils avoient
d'abord cmbriflee. Vous rejette?., ô mon Dieu ! tous ceux qui veulent fcrvirdeux
Mire. 8. v. maîtres \ 6c vous nous avez appris que celui qui z'or/dra fe fauier foi-même ^ fe perdra .
^l' Cot. I. -^f"' /*"' devenus les Sat^es ? s'écrie l'Apôtre de la grâce. J^te font devenus les Doc-
teurs de la Loi ? Dieu n'a-t-il pas convaincu de folie la figefj'c de ce monde ?
Auûi U Vérité n'a-t-cllc été vcritablcmcat défendue que par le petit nombre
de
1
y, 10
I
OPERE' SUR ANNE AUGIER. jj-
de ceux qui n'ont pas craint de le fiicrificr pour clic , Se qui peuvent dire avec ce
grand Apôtre : No:is ne fom-mes pas comme plnfieurs qui corrompent la p.irok de Dieu. ^ c .r. *.
mais nous la, prêchons avec une entière fmcerité. v. 17.
Cependant le nombre de ces généreux défenfeurs diminuoit uns cefle , 2c leurs
adverlaires fe préparoient en 1727. à leur porter les derniers coups, après au'ils
auroient condamne par un concile Hicrilége le plus (liint de tous nos Evêques.
Toutes les melurcs croient prilcs, tous les préparatifs étoicnt faits. Il étoit tems
que le Très-haut fe hâtât de venir lui-même faire cclatter fa Toute-puiiîance
qu'on outrageoit de toutes parts.
Ce grand Dieu paroît donc tout-à-coup environné de l'éclat de fii gloire , &
fe fait de nouveaux foldats qu'il joint aux anciens défenfeurs de l'Appel. Alais
quelles feront ces troupes invincibles à qui il va donner des armes di\ ines ? Ce
feront des aveugles, des muets, des hidropiques, des paralitiques , des cadavres
à dcmi-vivans , dont la pliipart des membres font déjà pourris 6c deffëchés j des
malades de toute cfpéce , dont quelques-uns paroifTcnt des fpeftres , tant ils font
défigurés. Voilà les guerriers que Dieu emploie pour porter de toutes parts les
drapeaux de la Vérité. Les miracles éclattans qu'il va faire fur eux à l'intcrcef-
fion des Appellans , feront une cuiraffe impénétrable qui mettra la doctrine du
Chrifrianifme à couvert de tous les coups que fes ennemis voudi'ont lui porter ;
^ ces mêmes miracles vont faire pénétrer la lumière jufques dans la nuit de l'abî-
me, jufques dims les ténèbres les plus épaillés , 6c convertir un grand nombre
d'Athées , de Déiftes , de pécheurs invétérés , 6c même de Conftitutionnaires qui
vont de\enir , par le plus grand des miracles , d'intrépides défenfeurs des vérités
qu'ils ne connoiHoient pas, ou même qu'ils avoient jufques-làblafphémées.
Aufli quel fpcctacle plus frapant 6c plus propre à convaincre les plus prév'enus , les
plus incrédules, les plus endurcis , qu'une guerifon pareille à celle d'Anne Augier !
Jcttons encore une fois les yeux fur ce corps hideux, couvert de meurtrilTurcs
6c de plaies, pourri par un cancer 6c par une fiftule , defféché depuis plus de 20.
uns par une paralifie complette, 6c ne fermons pas nos coeurs aux tranfports d'ad-
miration que doit nous donner {-x guerifon fubite.
C'eft dans le moment que la Victime fùnte cil offerte, que le Dieu de miféri-
corde répand iur le tombeau où repofcnt les précieux relies de la mortalité du
bien-heureux Appellant, une vertu divine qui ranime, qui vivifie, qui reffiifcite
tous les membres de notre impotente. Tout ce qu'ime longue fuite de maladies
avoir détruit pendant tant d'années fe trouve à l'inftant réparé. Le cancer, l'ab-
cès , la fiftule , les plaies , les mcurtrilTures, tout difparoit, 6c les os arides dont
une peau féche cachoit à peine l'hideufe forme , acquièrent en un moment toutes
les parties qui leurs étoicnt nécelîaires pour recouvrer le mouvement 6c la fenfibi-
lité. Ne femble-t-il pas qu'on entend le bienheureux Appellant dire du fond de
fon tombeau ces paroles du Prophète Ezechiel , OJfa arida aitdite verham Domini^en Ezech. 37,
voyant ces membres deiréchés prendre tout-à-coup une nouvelle vie ? "' ^'
Anne Augier levé au ciel fon bras paralitique j elle le jette à genoux, 6c y demeu-
re même aiïes long-tems , fans que cette pollurc gênante caufe aucune douleur
aux parties flexibles de les genoux qui ne venoient que d'être formées. La préfencc
d'un Dieu qui fe fait fcntir par un prodige fl magnifique pénétre d'admiration tous
les afiiflans : une d'entr'eux tranfportée hors d'elle-même ne peut retenir fes cris.
Cependant la miraculée fort de Téglife, après avoir fait fon action de grâces:
elle \'a trouver la défiante Abbeflè d'Avenai, qui e 11 impatiente d'examiner ce
miracle : elle monte' à fon parloir ; elle marche devant elle: iès jambes, qui pen-
dant tant d'années avoient pai'ù n'être plus que des oflemens de fquelctte, por-
E i tent
?« DE'MONSTRATION DU MIRACLE.
tent fans peine tout le poids de fon corps , Sc exécutent facilement tous les nroa-
vemens qu'il faut faire pour marcher.
Eft-il poflîble, ô mon Dieu! que de tels traits ne fnfnfcnt pas encore pour
faire reconnoîtrc vos oeuvres? Quel autre que l'auteur de la vie eût pu ranimer
ainfi tout-à-coup des membres qui depuis fi long-tcms paroiflbicnt appartenir à
la mort : Quel autre que le Maître de la nature eût pu rendre ù tous les nerfs les
conduits qui s'ctoient remplis, rcHcrrés & effaces pendant plus de 20. ans qu'ils
étoient demeurés inutiles ? Quel autre que celui qui n'a pas befoin de trouver
dans la matière des qualités propres à ce qu'il veut exécuter eût pu organifer de
nouveau des mufcles applattis , affaifles , diffipés , & prcfqu'anéantis : £c de cette
marte aride, confufe, inanimée, en compofcr en un inilant la multitude innom»
brable de tuyaux , de canaux & de vaiflcaux de tout genre néccffliires au mouve-
ment, & pour rendre à ces mufcles leur intégrité ? Quel autre que celui dont la-
volonté fait l'être, eût pu leur donner dès leur naifl'ance la flexibilité, l'ékllicité
êc la force fans Icfquels ils n'auroient pu agir? Enfin quel autre que le Créateur
eût pu faire naître dans ce corps affoibli&épuifé depuis tant d'années, cette af-
fluence de limphc fubtilr, fims laquelle tous ces- nouveaux tuyaux auroient encore-
été incapables àc fe mouvoir?
C'efi: dans les difl"crtations faites fur de femblables guérifons par d'habiles
Maîtres dc^ l'Art produites dans mon 1. Tome, qucj'avpnifé ces réflexions: mais.
le Icfteur aimera encore mieux entendre les propres paroles de deux des plus cé-
lèbres Chirargicns de la Cour , que le miracle opéré fur Anne Augier a telle-
ment frapé qu'ils n'ont p;is craint de prouver eux-mêmes par les principes de
leur art, que cette guérifon n'avoir pu être faite que par la création fubite d'une
infinité de fibres , de vairtcaux &c a'organes.
Lorfque ceux même qui font les plus jaloux des refTources de la nature , 8c des.
fecours de l'art, ne peuvent s'empêcher d'être fiifis d'admiration à l'aipeét d'une
guérifon, dont leurs connoiflànces leur font fentir le fumaturel d'une manière
encore plus diftinfte qu'à ceux qui ne voient pas comme eux à découvert toute
l'opération de la Divinité j lors dis-je , que fuccombant fous le poids de leur
étonnement , ils fe voient comme forcés de rendre hommage à la grandeur des
œuvres de Dieu , leur témoignage a tout autrement d'autorité que n'en ont les
mêmes raifonnemcns employés par d'autres peribnnes ; leur décifion ajoute en-
core quelque chofe à celle qu'avoit déjà faite notre raifon j mais pour y donner
toute fa confiance on veut les entendre dans leurs propres termes.
Voici d'abord ceirx de M. Gannac.
„ Depuis le long-tcms (dit-il) que les tuyaux nerveux étoient affiiiflcs , ils
„ étoient évidemment dcfiechés, & ils étoient devenus par-là, dans toute la
„ longueur de leur étendue Se de celle de toutes leurs bi-anchcs , ablolument in-
„ capables de recevoir les efprirs animaux, &: de les faire paficr dans ces parties.
5, I Inétoit pas feulement quellion (continue-t-il) pour guérir Anne Augier de
„ déboucher l'obftruftion des nerfs :il falloir rendre les tuyaux nerveux qui étoient
„ entièrement affaiflcs & dertechés , capables de recevoir les efprits animau.v , 6c de
„ les faire partcrjufqu'aux extrémités de toutes leurs branches, dans toutes les par'
„ ries de ces membres deflcchés ; ce qui ne fe pouvoit qu'en les rctablirtlint dans
„ leur premier état, ce qui efl: abfolumcnt impoflîble à la naturel: à fart.
„ Il falloir audî (dit-il encore) rétablir les hbrcs charnues, ix les rendre ca-
„ pablcs de force & d'élalHcitc.
„ En un mot (conclud-t-il) tout manquoit dans les jambes d'Anne Augier
„ pour l'aétion Ce pour le Iviuimcnt, Se tout ra;mcjuoii depuis jUus de iO. rois. . . .
„ Dans
\
OPE'RE' SUR ANNE AUGIER. 37
,, Dans cet état il eft certain qu'il ne pouvoit jamais y avoir aucune relîource ni du
„ côté de la nature ni du côté de l'art, 8c que cette guérifon n'a piî être opérée
5, que par le Créateur de l'univers , qui pour exécuter fes volontés n'a pas befoin
„ de trouver dans la nature des difpofitions qui y foient proportionées. „
La décifîon de M. Souchai n'eft pas moins frapante.
5, Suivant que vous me le marqués ( dit-il ) les jambes d'Anne Augier ont été
j, ranimées en un monent, 8c dans ce moment elle s'eft jettée à genoux, 8c
5, elle eft reftée plus d'ui quart d'heure dans cette fituation. Dès ce premier
„ jour elle a commencé à marcher, trois jours après elle a marché librement, 8c
„ le neuvième jour elle a fait plus d'un quart de lieue à pied , 8c en peu de tems
„ elle s'eft trouvée autant d'agilité 8c de force qu'elle en avoit cû avant fa para-
„ liflc. Eft-ce férieufement que vous me demandés (continue-t-il) fî cela a pu
„ aniver naturellement ? Je n'héfiterai point à vous répondre que non. Anne
5, Augier n'a pu faire naturellement tous ces mouvemens fans que fes jambes
„. aient été pourvues des organes nécclTaires pour les exécuter. Enfuppofantl'é-
j, tat oîi vous me dépeignés que fes jambes avoient été pendant plus de 21. ans.
„ elles avoient été long-tems dénuées des corps charnus ou mufculeux, ainfitous
„ les organes néccffl^ires pour l'aélion manquoient abfolument : (d'où) il fiu-
,j, droit néceftliircment en conclure qu'il s'eft fliit tout d'un coup dans fes jambes
y, une régénération nouvelle de fibres charnues, èc de vaifléaux de tout genre
„ capables de leur porter les fucsnouriciers 8c les efprits pour les animci'. Il nuroit
„ encore fallu pour rét-ablir la icnfibilité , que les filets des nerfs qui fe diftribuent
„ dans le tiflli de la peau pour la perception des objets extérieui-s, d'affaifles 8c
j, d'effixcés qu'ils étoient depuis tant d'années, repriftent leur vie, leur force Scieur
„ vertu d'éliifticité. Or tout cela n'eft point polfible ni à la nature ni à l'art. Il n'y a
j, (conclud-t-ilj que Dieu qui tafle des créations, 8c l'art Se la nature n'ont au-
j, cune relFource pour régénérer des parties qui font abfolument détruites. ,,
Ce miracle-ci n'a donc pu s'opérer que par la création, ou du moins par la ré-
génération fubite d'une infinité de parties diffipées , 8c détnjites depuis très-long-
tems. Par quelles exprelïïons pourrai -je développer la magnificence d'un fi grand
prodige, pour.faire paroître au plus grand jour le caractère ineffaçable de fon ado-
rable auteur ? Que vos merveilles fe louent, elles-mêmes , ô mon Dieu ! qu'elles
publient elles-mêmes leur éclat 8c leur gloire. Incapables que nous fommesd'en
comprendre toute la grandeur, comment pourrions-nous l'exprimer ?\^« «f s. Aug.cie^
'voù pas une chofe fi évidente eft avetigle ; qui la voit ^ n'en. loue. point Dieu eft ingrat ^^ ^'*° ^'
t? quiconque ne veut pas qu'on Ven loue eft inftenfe.
Ofera-t-on encore attribuer de pareilles guerifons à quelqu'autre erre qu'au
Tout puiflant ? Ceux qui lui conteftent l'empire qu'il a fur les cœurs pour les faire
dépendre entièrement de leur arbitre , voudront-ils fuppofer que la plus miférable
de toutes les créatures a le droit de produire les êtres, quoique cefoit l'attribut
eflentiel 8c incommunicable de la Divinité ? Oiii , dans ce fiécle oîi l'endurcirtc-
ment de plufieurs eft devenu femblable à celui des Pharificns , ce ne font pas feule-
ment des impies déclarés, ce font des Religieux , ce font des Prêtres , ce ibnt des
premiers Miniftres du Très-haut qui ofcnt faire préfent des plus g^i-ands miracles
au Démon.
On avoit d'abord voulu faire croire ara public que ces merveilleufes guerifons
n'avoient été opérées que par des effets furprenans de la force de l'imagination,
& par certaines reffourccs extraordinaires qu'on fuppofoit être dans la nature > mais-
d'habiles Maîtres de l'Art ayant démontré le faux 8c le ridicule de ces fuppofitions-, ■
|j.irdes explications nettes 8c précifes de l'aniitomie du corps humain,- où ilsent
E 3 , fais-
î8 DE'MONSTRATÎON DU MIRACLE
fait connottre qucrlufieurs de ces gucrilons n'avoient pu ctrc fûtes que par la créa-
tion d'une infinité de vaifTeaux qui avoient été ncceffiiircment anéantis pen-
dant le long cours des maladies: il a tallu abandonner ce poltc qui n'étoit pas
tenablc. Mais en l'abandonnant, les Conltitutionnaires fe l'ont-ils rendu à l'é-
vidence de l'opération divine? Non. Comme ils avoient déjà fenti eux-mêmes
que leur premier fillème ne pouvoitie ibutcnir, du moins par rapport à plulîcurs
dcsguérifons qu'il avoitp lu à Dieu d'opérer, ils ont cherché une autre relTource.
C'a été de mettre en problème fi ces guérifons étoient l'efTct de la miféricorde
de Dieu, ou de la méchanceté du Dcmon ? S'il falloit en rendre gloire à l'auteur
de tout bien, ou en faire honneur à P.iuteur de tout mal? Ainfi il relie à
approfondir fi des créations font l'ouvrage du Créateur, ou de la plus méchante
& de la plus malheureufc créature.
Quel cil le cœur véritablement Chrétien qui pourra s'empêcher de frémir à la
feule propofition de cette alternative ?Mais pourroit-on même tromer parmi les
peuples les plus fauvages quelqu'un qui héfite fur le principe d'une guerifonqui
dans un inftantrend la Icnfibiliié , le mouvement 6c la vie à des os décharnés,
6c les regarnit tout- à-coup de mufclcs ,de tendons , de fibres & de vaiflcauxdont
ils étoient dépouilles depuis plus de to. ans j d'une gucrifon qui transforme en un
moment les matières intccles & pullulantes d'un cancer &: d'une firtule, en une
chair faine & vive ; d'une guériibn qui referme en un clin-d'ocil une multitude
de plaies &d'écorchures, Scies couvre d'une peau iubitement formée. Enfin d'une
guérifon qui rend en peu de jours lafimté la plus robulle 6c la plus vigoureufe,
a une perfonne dont le coi ps hideux éprouvoit depuis long-temsledeiTéchement,
l'infcnfibilité, la pourriture ^ l'infcétion du tombeau } & qui fouvent réduite
à l'agonie, ne vivoit plus depuis plufieurs années qu'à la porte de la mort.
C^cft donner atteinte à un des principaux fondcmens de notre foi, que d'ofer
avancer que le Démon puifle être auteur de pareils miracles } mais pour fentir
l'abfurdité d'une telle fuppofition, il n'eil pas néceflliire de lavoir la Théologie j
on n'a bcfoin que de confulter fa raifon. La liimicre feule qui éclaire tout homme
jtan I. venant dans le monde , fuffit ici pour lui faire reconnoître l'opération du Maître de
♦• 9- la nature dans de pareils prodiges ; 6c il faut que ceux qui ont entrepris de fou-
tenir le contraire, écartent leur lurniere naturelle pour ne le plus conduire que
par les lauffcs lueurs que leur donne le Prince des ténèbres qu'ils ont entrepris
d'égaler à Dieu.
rr.Lxxvi. En effet Dieu feul peut faire de vrais miracles, ^loniam Faciens mhahilia^ tu
*• »*• es Deus foins, dit le Prophète Roi. I-e Démon n'en peut faire que de fiiux. La Reli-
gion nous l'apprend , la nature nous l'inipire , la raifon nous le crie. Non feulement
le Démon n a pas le pouvoir de créer un icul atome , mais il ne peut même rien
s. Tiiom. changer dans l'ordre que Dieu a établi dans la nature. Seins Dcus potcfl mntare
^■^ '.v^-natura: ordinem ^ dit S. Thomas. Il ne peut même changer les qualités des corps
*ib'id.7-'ci. fur lesquels Dieu lui permet d'agir. Ejusdcm f/7, dit le même Dofteur , tranfmu-
'3- '• »• tare crcattiras^ cnjus ejî cas confervare ; fed hoc ejl J'oUus Dci. C'tff-à-dire, celui-là
feul qui confcrvc les créatures peut les changer, 6c c'eil à Dieu feul qu'appar-
tient ce pouvoir. Ce qui fait dire à S. Augullin, que les cfpéces de miracles qu'on
dit que les Démons font dans leurs temples i qui font les lieux où Dieu a per-
mis qu'ils exercent principalement leur pouvoir ) ne font nullement comparables
Auf!. L. 11. aux miracles qui fc font fur les tombeaux des Martirs. Nec tamcn miraculis ^ aux
Peic7i'o. 1"^^' ^'^^orias iiofliortun mattyrum fi tint ^ tiilo modo compaiandct funt miracula qu<e
fa&a per templ.i perhihentur dcorum illorum.
D'iUUcurs les prclligcs diaboliques font rcconnoi/Tibles par leurs circonllan-
ccs.
OPE'RE' SUR ANNE AUGIER. ^9
ces. Ils Ce font, fuivant S. Irence , par les invocations des Démons , les enchante-
mens 6c les autres moyens employés par une curiofité per\'erfe. Invocationibus an-in-.. t.. j.
gelicis , incantaîionibus ^ reliquâ pravâ curiojttate. ad», hzr.-r.
Le miracle au contraire dont il s'agit ici s'efl fait, non dans un temple d'ido- * '*'
les , mais dans un lieu confacré au culte du Tout-puifîant , à la face des faints
Autels, pendant l'auguftc ficrificedeJefus-Chrift, & dans le tems même de l'of-
fertoire. C'efl dans ce moment qu'il plaît au Seigneur de guérir tout-à-coup une
Catholique pleine de foi , & d'une piété exemplaire. Ici tout rappelle au Créa-
teur ; tout manifefte fa préfence : tout annonce fi gloire. Comment donc ofcr
foutcnir que c'eft le Démon qui a exaucé Anne Augier dans le tems qu'elle ne
s'eft adrefrée qu'à Dieu: dans le tems qu'elle imploroit, pour obtenir la grâce
qu'elle demandoit au Très-haut , l'intcrceffion d'un Prêtre qu'il avoit orné lui-
même de toutes les vertus Chrétiennes, & qui étoit mort en odeur de fainteté,
muni de tous les Sacremens de l'Eglife? Ofera-t-on fuppofer qu'en mettant fa
confiance en l'interceffion de ce faint Prêtre, elle ait eu intention d'avoir recours
au Démon ? ou que Dieu , dont elle imploroit la miféricorde par les plus ferven-
tes prières, l'a livrée au Démon en punition de fa foi 6c de fa confiance, &: a
communiqué fa Toute-puifiance de Créateur à cet Ange Apoftat, pour fiire à fi
place , dans fon temple , Se en fon nom un miracle du premier ordre ?
Ce feroit faire trop d'honneur à des fuppofitionsfi impies, que de s'arrêter à les
réfuter i & c'eft fatiguer le lefteur en pure perte, que de lui prouver qu'un pareil
miracle, un miracle qui n'a pu fe faire que par la création d'une infinité de parties,
la régénération fubite d'une multitudfe d'oi-ganes, 8c [le changement dénature, de
chairs & de liqueurs infectées 6c corrompues depuis long -tems parun cancer ou-
vert, n'eft pas l'ouvrage du Démon. Palfons donc à quelqu'autre réflexion qui
puiflc l'interefier 6c l'édifier.
Si la grandeur de ce miracle manifefte quel en eft l'auteur: fi on y reconnoît
l'augufte empreinte du Créateur qui y f^it briller les carafteres de fa 'Toute-puif-
fance ; les efprits droits 6c attentifs découvrent pareillement dans les circonftan-
Cês de cette œuvre divine , 6c le tems oii il lui a plû de la faire , 6c la fagefle profon-
de avec laquelle il arrange fes voies qui font toujours mêlées de miféricorde 6c de
juftice.
Nôtre divin Sauveur voulut d'abord opérer lui-même en perfonne dans le
S. Sacrement de l'Autel les deux premiers miracles par lefquels il fe déclara en;
faveur des AppcUans. Je parle du miracle vérifié 6c publié hautement par feu.
M. le Cardinal de Noailles, qui fe fitàParis fur la Dame dèlaFofTe le 31. Mai
ijf). à la proceffion du S. Sacrement de laparoifle Ste Marguerite, 6c de celui
qui fe fitàAmfterdam le jour de l'Epiphanie de l'année 1717. i\ir Agathe Leen-
ders Stoutendel affligée depuis plus de iz. ans deplufieurs maladies jugées incu-
rables, dont elle fût fubiîement guérie en recevant la communion de k main de
feu M. l'Archevêque d'Utrecht, 6c en baifant fes habits pontificaux ; ce qui filt
attefté par les dépofitions de 160. témoins, dans le nombre dcfquels il y en a 30.
qui quoiqu'Hérétiques n'ont pu s'empêcher de le rcconnoitre, 6c n'ont pas refufé
de le certifier.
Quoique ces deux miracles fuflent fiits entre les mains de deux P.ifteurs Ap-
pcUans, les Conftitutionnaires n'ont pûcncontefter la vérité. Ils ont été réduits à.
prétendre que ces deux prodiges ne décidoicnt rien en faveur de l'Appel ; 6c comme
ils ne prévoyoicnt pas que ces deux miracles fuiïèntun fignal que leToiit-puiflant
élevoit , pour annoncer qu'il en alloit opérer une infinité d'autres encore plus ad—
naifablesfur les tombeaux 6c par l'intcrcelîîon de plufieurs Appelhxns , les Confti--
îution-^
40 DEMONSTRATION DU MIRACLE
tutionnaircs ne difconvinrent pas pour lors que de vrais miracles ne fuflent la voix
de Dieu , & que quand ils croient faits en témoignage d'une vérité , ce ne fût une
dccidon divine à laquelle on ctoit obligé de fe foumettre.
M. l'Archcvcque ûe Sens lui-même , aujourd'hui le plus grand antagonifte des
mci-vcillcs de nos jours, déclara alors étant Evcque de Soiflons , en parlant de la
gucrifon miraculcufc de la Dame de la FonTe dans fa fcptiéme Lettre Partoralc,
que fi un tel Dihic\eeûtùtci\\itpay l'invocatisu d'un ^ppellant ^ il prouvcroit pour
leur caufc, & fur tout s'il s'en ctoit fait qui eut été demandé (^ obtenu ... en témoi-
'»;• j'- 5'''^ù^ ^^ ^^ lérité du parti des yfppel/afis. C'eft ainfi que Dieu fût tirer la\éritéde
la bouche même de celui qui fait aujourd'hui le plus d'cflorts pour h combattre.
Cependant au commencement de l'année 1727. les PuifTanccs ayant rcfolu,
ainfi que nous l'avons dit ci-dcfllis, de proicrire tous les i/^ppcllans, & d'anéan-
tir l'Appel par ce moyen, on recommença dans plufieurs Dioccfcs, & entr 'au-
tres dans celui de Reims, àperfécutcr plus que jamais tous les Eccléllaftiques qui
ne vouloient pas recevoir le caraétere de la Bulle.
Ce fût pour lors que Dieu relblut de faire entendre fa voix de toutes parts
d'une manière fi claire, qu'il ne reltàt aucun vain prétexte de méconnoître fa
décifion. 11 voulut prendre les Conllirutionnaircs parleurs propres paroles : Jefus-
Chriil-fit d'abord d'éclatans miracles/)(ir V invocation d'un Jppcllant veconnxx incon-
tcflablcmcnt pour tel > îk dans la fuite, il en a fait qui omété demandés i^ obtenus
précifement en témoignage c\\ie la Vérité étoitdu cote des Jppcllans ; & entr'autrcs
celui qu'il a opéré fur laD le. Hardouin , dont les preuves font rapportées dans
mon premier Tome. Tel ell encore celui qu'il a fait en fiivcur du nommé M-ilfi Lut-
hérien, qui tout couvert d'une Icpre verte, & ayant dcfTcin de fc rendre Catholi-
que i mais étant dans l'incertitude s'il devoit fe ranger à la créance des Appellans ,
ou à celle des Conflitutionnaires, pria le B. M. de Paris de demander à Dieu
de le guérir d'une manière évidemment miraculcufc pour lui fervir de preuve que
les Appellans foutcnoient la vérité. Dieu lui accorda le figne qu'il fouhaitoit.
Des le troifiéme jour de la ncuvainc il fe trouva parfaitement guéri > 6c en con-
féquencc (après avoir donné une relation de ce miracle qu'on trouvera à la fuite
des pièces juitificativcs de celui-ci) il a fait ion abjuration à Notre-Dame , tout
brûlant de" foi & d'amour pour la vérité, le 21. Novembre 1757.
Mais le Très-haut qui dans l'arrangement qu'il fait des événemens , fuit en même
tems les confeils de fajulHce & de (a miféricorde, ne voulût pas que les premiers
miracles luy fulTent formellement demvmdés en témoignage de la vérité : il arrêta
feulement qu'il les feroit d'abord à l'intercefllon d'Appcllans reconnus pour tels
par tout le monde : ce qui étoit très fuffilant pour porter la lumière dans les cœurs
droits , quoiqu'il reliât encore un vain prétexte de rcfuièr d'ouvrir les yeux à
ceux dont le coeur eft endurci.
Ayant donc pour lors fimplemcnt defTein que la foi de M. Roufle ne put être
révoquée en doute , avant que de la couronner d'une manière éclatante à la face de
toute la terre, il permit que le Curé d'Avenai luy refufat les derniers Sacremcns
fous le frivole prétexte de l'on oppofition à la Bulle > 6c lorsque la démarche
fchifmatique de ce Curé, 6c la rèfillance inébranlable de r.^ppcUant curent fait
im éclat qui n'étoit ignoré de perfonne dans tout le Diocèl'e de Reims, il choilit
M. Roudc pour être le premier .à l'interccfllon de qui il ;;ccorderoit les plus
mcrvcilleufes guèrifons. En conlcqucnce peu après la mort de ce faint Appclhuu,
il infpire à Anne Augier de fe fiûrc porter iur Ion tombeau ; ^ à peine les mem-
bres pourris ou defi'cchés y font-ils pôles, qu'il rétablit £c renouvelle en un mo-
ment tout fon corps.
Mais
\M
^
OPE'RE' SUR ANNE AUGIER. 4t
Mais de combien de miracles fpirituels ce premier miracle n'a-t-il pas éti le
canal & la fource! Il n'y a pas jufqu'à des Moliniftes, & même un grand nom-
bre de Prêtres qui étoicnu-auparavant fournis à la Bulle, que es miracle n'ait con-
vaincus , convertis , & rendus enfuitc d'intrépides défcnfeurs des importantes vé-
rités dont la confcflion & la pratique avoicnt conduit M. RoufTe à la gloire.
Si on a interdit quelques-uns de ces minifti-es pour avoir publiquement rendu
gloire à Dieu d'avoir aintî manifefté la vérité d'une manière fi claire & fi con-
vincante, auflî-tôt le Bien-heureux Appelknt a prêché du fond de Ton tombeau
par de nouveaux miracles avec bien plus de force que n'auroient pu faire tous ces
miniftres interdits.
Ainfi le foleil de vérité a répandu fes rayons avec profufion dans tout ce Diocèfe.
De combien de cœurs n'a-t-il pas fondu la glace? A combien d'aveugles n'at'il pas
ouvert les yeux? Cependant il en cil encore relié un grand nombre dans ce pays,
qui femblables aux oifcaux de la nuit, ont été bleflés par la vive lumière qui for-
toit des œuvres divines , & qui, la regardant comme ennemie , ont ofé la maudire.
Ah , Seigneur ! pourquoi faut - il que tous ne fc rendent pas à l'éclat de vos
mer\^eilles? Vous prodiguez depuis un tems les miracles corporels avec tant de
magnificence. Ha Dieu de bonté ! agifiez encore plus puiffamment i'ur les amcs,
JLes êtres matériels ne vous ont jamais coûte qu une parole ; mais vous connoif-
fez tout le prix des âmes , puifque vous les avez rachetées par le fmg de votre
Fils. Vous guérilîez en un moment les maladies les plus incurables. Ah Seigneur!
n'y a-t-il point d'autres maux dont la guérilon foit encore plus digne de votre
gloire, & de vôtre miféricorde? Ah bon Maître! venez & voyez. Helas ! com-
bien parmi ceux mêmes qui combattent vos vérités, ou quirefufent delesconnoî-
tre, y en a-t-il dont le cœur n'eil pas ennemi du vrai : l'apparence de l'autorité la
plus refpeélable féduit les uns ; d'autres fucconibent fous le poids des menaces 5c
des mauvais traitemensi il en eil que les biens trompeurs de ce monde &desef-
pérances flatteufes éblouïflent & empêchent de dillinguer la vérité } un grand nom-
bre ne relie dans les ténèbres que parce que le foleil de vérité n'a pas encore per-
cé leurs nuages. Les canaux de vos grâces les plus prccieufcs font-ils donc fer-
més pour tant de pcrfonnes ? Non, Seigneur, vôtre miféricorde eil infinie , vôtre
miféricorde eil toute gratuite , & nous devons ne nous lalfer jamais d'cfpércr en
vous, & de prier pour elles. Hâtez donc vos momens, ô mon Dieu ! envoyez le
fouffle de vôtre Efprft pour les rappeller à la lumière & à la vie, & forcez-les par
la douce violence de vôtre grâce de rendre hommage à la gloire de vos œuvres,
& de fc ranger du côté de la vérité. Ainfi-foit-il.
STANCES INEGALES
^SUR LES MIRACLES DU TEMS,
Z/ en particulier fur celui opéré fur A n ne A u g i f. r par Vint(r:ejfi> n de M.
Rousse, à qui on ai'oit voulu refufer les Sacremens à la mon.
ORgueillei'x enfans de la terre ,
Quel enforcellement vous fafcine les yeux ?
Vous ofés oppofer un bras féditieux
Au bras qui lance le tonnerre ,
Et contre le Maitre des Cieux
Lever l'étendard de la guerre.
/. Demonjlration tome IL F Pen-
4» STANCES INEGALES
Penfcz-vous que le Tout-puifTint ,
Qul^fiuis armer fa m.iin de fa brûlante foudre,
D'un fcul mot peut réduire en poudre
L'Empire le plus florifTant,
Trop foiblc , ne poun-a de vos confeils inicjucs ,
Rompre les projets fanatiques ?
Aveugles ! ce Dieu protc<Etcur
Sorti de fon fecret , va fournir en vainqueur
Une carrière de merveilles.
Cieux , foyez attentifs. Terre, ouvres les oreilles.
Adores ce bras dcfcnfeur
Qiii va confondre l'oppreiTeur.
Ce bras avec magnificence
Etale aux yeux de l'univers
Cent Se cent prodiges divers,
Qui viennent au fccours de la foible innocence.
Ouvrez les yeux, ô coupables mortels!
Voyez ces membres morts, ces troncs paralitiqucs
Proftemés aux pieds des autels
Où l'on révère les reliques
D'un Jufle que les politiques
Vouloient , malgré le Ciel, malgré fa faintetc,
Par le poids de l'autorité
Placer au rang des Hérétiques.
A ces troncs demi-morts , la nature, ni l'art
Pcuvcnt-ils redonner une vigueur nouvelle ?
Leur fklut fcroit-il un eftct du hafard?
Accablés fous le poids d'une langueur mortelle,
De la nature les reiïbrts
Pourroicnt-il faire ici que d'impuifl'ans efforts ?
Ovous, que le devoir à leur fccours appelle.
Parlez, Maîtres de l'Art , inftruifcz le hdélc.
Lcliafird ne peut rien, l'art n'apliii de rcfTourcc :
Vainement les cfprits échappés de iiur fource
Heurtent contre des nerfs par le mal dcflcchés ,
ik ne trouvent pu: tout que des canaux bouchée.
i.c
i
SUR LES MIRACLES DU TEMS. 43
Le tems qui réduit tout en poudre.
Loin d'abattre ces durs remparts ,
En élevé de toutes paits
Que lui-même ne peut diflbudre.
Mais foudain à. nos yeux frappés d'ctonnement ,
Ces troncs morts 8c fans mouvement
Reprennent un eiprit de vie ,
De force, de vigueur, & de fanté fuivic.
On les voit cmprefTés courir rapidement,
Annoncer que ce Saint, ce Saint que l'on dctcftc,
Revêtu du pouvoir céleftc
Les a guéris fubitement.
Quoi donc ? les plus grands maux refpeftent ici la cendre
D'un homme qu'on avoit hautement condamné.
Ha ! vous l'avés , Seigneur, de vos mains courormc :
Mais les coeurs endurcis , refufant de fe rendre ,
Ferment les yeux à la clarté
Dont les frape la vérité.
S'il eft vrai , difent-ils , que l'art ni la nature
N''ont pu leur rendre la famé ,
Le mal n etoit qu'une impofture.
Mais cent & cent témoins l'ont vu l'ont conflaté.
Ici l'erreur accréditée
Secouant de fon front la honte & la pudeur ,
Attribue à l'Ange impolleur.
Les miracles certains dont elle eil irritée.
Quoi, le fidcle plein de foi
Implorera , Grand Dieu, l'appui de votre grâce,
Et vous, pour le tromper : Ciel ,j'en frémis d'effroi!
Subbrogcrez à votre place
L'ennemi de la piété ,
Qui du iufte affligé recevant les prières,
A fon corps rendra la fanté -,
Et même répandra les plus grandes lumières
Sur ceux dont l'incrédulité
Etoit autrefois le partage,
Qiii foudain animes d'une nouvelle ardeur
Parleront le plus faint langage.
Et n'auront que vous dans le cœur?
F i Eft-
44 STANCES INEGALES SUR LËSMtRACLES. «ce.
Eft-cc-la d'un crprit que la fagcflc infpirc
Le féricux raifonncment ?
Ou plutôt , n'cll-ce pas du plus affreux delirC
Le déplorable aveuglement ?
Détrompez-vous ; c'eft fur vous-même*
Que retombent ces noirs blafphémcs ,
Hommes vains dont l'orgueil féduit le jugcmoil.
Plutôt que d'avouer tant d'éclatans prodiges ,
Vous ébranlez les fondemens
De nos plus facrés monumens :
L'incrédule fur vos vefliges
Dans nos faftcs déjà ne voit que des prefîiges.
Ainfi l'aveugle paflîon
Change en ténèbres la lumiei-c
Que répandent au loin les cendres ôc la pouflîcrc
De ceux dont le Très-haut fe rend la caution.
Tremblez: duToutpuiffant vous attaquez l'ouvrage.
Ce Dieu qui met un frein à la fureur des flots,
Va faire évanouir vos fmiftres complots :
11 va combler d'honneur le Juftc qu'on outrage.
A la Vérité qu'on profcrit ,
Je vois tout l'univers s'emprefTer de fe renarc ,
Je vois tomber votre crédit.
apprenez, orgueillcufc cendre ,
Qu'à la fuprême Volonté
De celui qui régit le ciel , la terre 2c l'onde ,
Vainement les Maîtres du monde
Oppofent leur autorité.
^MOfMe cette Pièce de vers ne /oit pas de fyfuteur des DémohflratieHS; Héamnmis
êcmmc elleefl faite fur h même fujet que h DémonJiratiçH péftdctiie ,<ntaaujatre
f/aijir au Leiteur de la joindre ici.
PIECES
PIECES JUSTIFICATIVES
DU MIRACLE O P E' R E' SUR ANNE AUGIER
S U R L E TO MB EAU
DE MONSIEUR ROUSSE.
TiE'CLAKATlON L'ANNE A U C I E R.
î^^^ D f^"^"o J,?'" J*'^"" '= '«""e , Notaire
Ml ra R) ^°Y^\ au Baiiiage .^ Prévôté d'Epernay reli-
Jent a Mareiul fouffigné , fit pre(eute enper-
Tonne Anne Augier fille majeure demeurant à
Marcuil , laquelle nous a dit & déclaré que fe
inJZ.TT a"7^^ ° ''Sf P?' ''"'°'' ^ reconnoiirance
envetiD eu de fa.re connoître à tout le monde autant qu'il
ell en elle, l'œuvre miraculeufe qu'il a bien voulu opérer
en fa faveur par fa guenlon extraordinaire arrivée le8 luil-
let 1727. a Avcnay lut le tombeau de M. Gérard Rouiie vi-
vant 1 retre & Chanoine d'Avenay y demeurant: & n'avant
pas d autre moyen pour y paiTcnit que celui de notre mi-
rlri'- """' 'squicrtde redig.r les déclarations qu'elle en-
tend faire a ce lu)et lefqu-clles nous ont ete pai cUe faites
& par nous rédigées à l'inftant en la forme fuivaite
, Qije le jonr de la fère de tous les Saints de l'aimée i7oe
étant dans l'EgUfe de S.Hilairc de Maredil fa paroini- pour
y amrter à l'office divin el e fdt artaquee d'urne parridîe
dune manière fi fubite & G violente .qu'elle tomba tout
dun coup par terre, & qu'elle ne pût êlre relevée que par
f 11- ^.'^ '*" perfonnes qui etoient autour û'elle , & qu'il
tallur aller chercher un âne pour la mettre deflus & la re-
conduire a fa maifon. Qu'environ 8. jouis après elle perdit
entièrement le mouvement & le femiment dans les jambes
qui depuis ce tems font devenues feches & comme mortes-
de lorte qu'el e n'a pu s'en aider pour faite la moindre ac-
tion ce QUI la réduite à la trille néceffite d'êtie toujours
couchée ilir un ht, ou allife dans une chaife fa.is pouvoir
Changer de Ctuaiion que par le moyen de iVi.chcle Aubier
veuve de JeanGodara lafoeur, &j4nne Godard fa n.^ce &
quelques autres peilonnes charitables de la patoini qui l'ont
couchée, levée & portée à l'Egl.fe pendaiu l'efpace de lï
ans ou environ , qu'a dure cer-.e fàcheufe maladie
(jue pendant tout ce tems outre la paralifie , elle a eu en-
core ûauttes afflictions. 10. Uue cfpece d'epilepile qui la
fiiloit tomber de tems en tems dans une foiblelle f, grande
quelle demeuroit j. ou 4. jours , fans conuoilVauce & fans
prendre aucune nourriture. 2ù. Uue cfpece de cancer au fein
qui provenoit d'un coup qu'un gueux lui donna un jour , étant
entre dans (a mailon ou elle etoit feule , la voulant infulter
Ce mal a dure les_ ;. ou 8. dernières années de la paralifie
hr t:l\TT "'^'"^- Chirurgien i Ay l'a panfee oud.canl
cer pendaur deux mois, puis l'a abandonnée le jugeant incu-
aifieUe du bras gauche, qu'elle a renu cachée autant qu'el-
il'^''"; f,°"' "? P" 'e''"'" '" perfonnes qui avoi?nt la
chante de la venir voir & la foula|er dans fes befoins, a-
piehçndant que ce ne fût un mauvais mal qui pût fe com-
muniquer & par-ià fe voir abandonnée ; & en dernier lieu
ia paralifie s eft lettee fut fon bras gauche environ ,. ans
avant fa guenfon , & lui a ôte l'.fage libre qu'elle eii'avoit
auparavant, ce qui a mis le comble à fa mifeie d'autant que
ne pouvant plus filer , ni coudre comme auparavant qu'avec
grande peine elle ttoit extrêmement ennuice.
Que tous ces maux l'ayant teduite à un état d'autant plus
affligeant, quelle ne voyoit point de moyen d'en fortir que
p.arlamorr, ce fut alors que Dieu voulut rat mifericoide
Ijnguliere pour ede, & pour des fins de l'ordre de la provi-
ocnce,Ies fane cefier tous en même tems & tout à coup fans
aucun remède humain.
Q^e cette guerjfon mervcillcufe cil arrivée, ainfi qu'elle
. /. Demonfl. Tome U.
du mois de Mai de l'année 1727. uni de fes voilines lui
ayant dit quelle venoit d'Avenay, qu'elle avoir vu led. S.
Koulle tort mal, & qu'elle s'etoit recommandée à fes priè-
res, elle penia en elle même que c'etoit-là un bonheur
quelle auroir bien voulu avpir aulli bien que certe femme -
que quelques jours après elle apprit que led. Sr. Rcuflé é-
toir mort, & faifant réflexion a la vie qu'il avoit menée
a la douceur a fon humilité & à fa charité , elle em la pen'
leequil eioit 13.cn-heureiix 6c que fi elle pouvoir être fur foa
tombeau , elle le recommandeioit à fes prières comme lad
temme avoir fait lorfqu'elle le vit au lit de la mort; que et
leroitla même chofe, & que cela luipourroit procurer que'-
que bien, fou pour le corps, foir pour l'aine,- mais lacîiofc
etoit bien difficile pour elle eu égard à ^Zi infirmités : que
cependant cette peiike lui revenant toujours dans l'efprit el-
le eut heu de la prendre pour une infpirarion de Dieu. Elle
en parla en fecret à quelques perfonnes dont les uns i'cn dé-
tournèrent, d'airrtcs l'y excitèrent. Que z. mois 5'étantecou-
Ke dans cette elpecc de colnbat, enfin elle prit ^'elle-même
la lelolution d'entreprendre ce vcyage,- & ayant pris avecfes
plus hdeles amies les mefuies pour l'exécuter , elle fecoifef:
la a Mareiul pour pouvoir communier à Avenay. Ce fut le
lufd |our 8. Juillet I7i7. qu'on la mi. fur un âne pom ê rc
tranlportee aud. Avenay ou étant arrivée avec grande peine
elle fut remilc dans fa chaife ordinaire, & po.tee furlltom!
beau dudit feu St. Roufl'e dans la chapelle >le Sie. Anne de
1 b-giile paroifiiale dud. lieu. Après y avoir fait fa puere pen-
dant une demie heure avec toute la ferveut dont elle étoit
capable Mre. Jacques Robert Prê:te t:ha^ioinc dud. lieu
vint y dire la méfie pour elle comme on l'en avoir prié fans
lui faire connoître Ion intention : que vers l'offet.oire de la
melle, elle lentit tout d'un coup dans fes membres une ré-
volution extraordinaire qui lui ht connoirrc que Dieu avoit
exauce la prière ce qui lui fit dire en levant les bras- fans
longer qu'elle en avoit un paralitique , /frv/ffKr de Dl» vout
aves prie pcfr m!, qu'elle le jetta a terre fur fes genoux ce
qu elle n'avoit pu faire depuis zi. ans : puis elle entendit le
leltede la méfie en cette poftute , y communia; & après a-
voir fair les actions de grâces, elle fe leva aidée de deux de
les compagnes , mais s'aidaiit de fes jambes pour marcliec
& lortir de l'Eglile. Que cette guérifon merveilleufe s'eft
achevée & peife^tioniiee pen.iant les 9. jours qu'elle eft
reltee à Avenay , pour y remercier Dieu de cette giace fin-
guhere : que non leulement elle a ete guérie ainfi tout à
coup de la patahlie, mais encore de toutes les autres mala
dies dont elle vient de patler , fans s'être appercue du mo-
menr & de la manière que cela s'eft fait: qu'au bout de la
neuvainc elle ell revenue à Mareiiil, farfant plus delà moi-
tié du chemin a pied: qu'enfin de.niis ce tems - la fa fanté
s ell touiqurs fortifiée, & qu'elle n'a reirenri aucune attein-
te des fuld. maladies, de forte qu'elle cil à préfent dans un
état coinme li elle n'avoit jamais ete malade. De tout ce
que defius nous a requis acte , apies avoir affirme que le
contenu ci-deflus eft véritable: qu'elle eft toujours peneriéc
d admiration lur cet événement: qu'elle ne ceffe Se ne cefi'e-
ra jamais d'en rendre gloire a Dieu : & lui ai accoide le
prelent pour letyir & valoir ce que de raifon, promettant
6cc Pau & pafle en l'emde & par devant le Notaire Royal
liild. 1 année i-^iR. le 4, Août avant midi , picfens le Sr
Dcnys Pierre Greffier en la jufticc Je iMaieuil y demimanf
Piects jujtificatives du miracle
& Piene TTiierryTain^Bonkuiget demeurant aud. Maieiiil ,
«émoirs qui ont avec nous ligne : & quant a lad. compa-
rante a déclare ne lavoir ni ectue m figncr , de ce uitrtpcllee
lêâuic faite , avertie du contrôle , Jî^ni en fin Pierre Thicr-
jy, Dcnys Pierre Se loffiin «« farafht , & y/aj hai tft
iirii i Contrôle \ Av le lo. Août 1718- reçu 19. fols trois
derniers //nf Lefpinc Délivre pour eTpedition à lad. Augiet
ce requérant , pour lui fetvir 8c valoir ce que de railon ,
par moi Noiaiie fufd. fùulTignc : la minute leftcc en mes
iiaûes les jours, mois & an que deflus ; figné Joftin «i.v
farjphf. yl» d<is efi rcris ccnihe véritable ligne & paraphe
au défit de l'acte de dépôt pour minute , palle par devant
les Notaires au Chàielet de Paris fouflîgnez , ce 14. Juil-
kt 1-34. Signl , Carre' de Mon tgeron avec
LouoN & Raymond Notaires.
II.
CERTIFICAT.
D« Sieur Robert Chirugieit à Martuil,
JE foulTigne Pierre Robert Lieutenant oïdinaitc en la ju-
ftice & prévôté de Matciiil fur Marne, Vicomte d'Ay,
d'Avenay & autres lieux, & maître Chirurgien demeu-
rant aud. Mareiii). Certifie à tous qu'il appartiendra que
j'ai une pai&iie connoilTance , que la nomiiice Anne Au-
giet fille de dcfunt Pierre Augicr manœuvrier demeurant
aud. Mareiiil , tomba malade fubitemcnt d'une paraliûe oc-
cupant les deux jambes, en telle forte que ces parties -là le
trouvèrent tout d'un coup entièrement privées de £cntiment&
de mouvement. Ce fût le ptemict jour du mois de Novem-
bre, jour & bonne fête de tous les Saints, de l'année i^of.
que cette fille etoii à l'Eglife dud. Mareiiil , aflillant com-
me les autres fidèles au fervicc divin , que cette fàcheufe
maladie lui furvint, & que l'on fit oblige de la potter au
logis de fon pcrc , ne pouvant nullement matchcr ni le fou-
tenir, & à l'inftajit je fus appelle comme Chirurgien de la
Paroinfc pour tacher de lui procurer du loulageraent ce qui
fit que je m'y aanfportai promptemcnt Se fis de mon mieux
pour la (bulager. Je l'examinai d'abord avec beaucoup d'at-
tention; & après avoir manie fes jambes, je les trouvai ef-
fectivement privées de mouvement , mais non pas de cha-
leur naturelle : cette paralifie de Idij. Jambes croit encore
accompagnée d'une teullon & dureté fort douloureulc dans
les hypocondres, 3 quoi je m'etforçai de remédier par mes
remèdes que j'avois pour lors en main : mais voyant que je
r'avançois en rien, jepropofai aud. Augicr l'on pcre d'aller le
lendemain de grand matm confultet défunt M. l'Allemant
<n fon vivant Doûcur en Mcdecinc demeurant à Epernay ,
& qui etoit fans contredit dans ce tcms un des plus habiles
Médecins de la ptovincc , & auquel l'ectivis le détail de
cène uifte maladie. On me tappotia de fa patt l'on ordon-
nance par écrit en date dud. jour , que je confcrve encore à
ptefent avec d'autres pour la même nialidie, & par Icfquel
les il me prtfcrivit tous les remèdes qu'il jugea a propos
pour tiret d'affaire cène pauvre fille fi fùrt affligée ; Je que
s il me prtfcrivit tous les remèdes qu'il jugea a propos ,
jur tiret d'affaire cène pauvre fille fi fùrt affligée ; Je que
l'exécutai à la lettre pendant long-;ems: cependant la naïutc
n'a jamais réduit ccfd. remèdes, de puillar.ce en afle , &c
D'à été nullement fouhgce , fi non que ces douleurs des hy-
pocondres occafionnces par la grande tcnlion S: duicié qui
«toient furvenues en ces régions au commencement de cette
patalific des jambes, étoitnt entieieinent dilTigccs, mais non
pas cette paralifie des jambes, ce qui me fit loupçonner qu'il
T avoit peut-être de la £»ntaific dans cette jeune fille, pour
lors igee d'environ 20. ans & quelques mois ; ce qui me fit
ptcndic la rcfoluticn en maniant *c faifani des fiiction» aux
parties paralitiqucs , de pincer fottemcnt, Se même de lui
tiquer fes jambes avec une épingle, que je tenou a ce (u-
,rct cachée dans mes doiets , en l'obfeivaiit Se tcgaidani fise-
ipent peut &VOU au jiuTe ce que l'en dcvou cioiie,S; li ces
parties cioient ou non privées de femiinciii Se de mouve-
Sient , Se ne m'ayajit donne aucun figue de fcnlibilitc . je ne
doutai pas que c'eiic paralifie etoit parvenue au dernier dc-
^le . qui e(l pour lots incurable de la paît des lemedcs. Se
Ju favoii des hommes fi habiles qu'ils l'oient. En ellet cet-
te pauvtc fille a encoie tente depuis beaucoup d'autics re-
«icdc<, tant de la patt du même Médecin que d'auttcs, 8c
■lèine a'autres Chirurgiens foit habiles cntrautics M. Kauf-
6u £uDcuz Chiru^cA d« U ville de Cbaalwus , le tout Cuu
Ibulageirer.t ; au contraire il eft ftarern pit fncceflion d«
tems , unj autre paralifie à cetre fille a un de fes btas , qui
a dure jufqu'au moment de l'a parfaite guerifon. Je l'ai wùïs
pendant 21. ans à ccmmcncer dud. jour 1. Novembic.
1705. dans ce pitoiable état de paralifie de jambes com-
me dit eft; & quant au lutcroit de paraliûe de l'on bras, je
ne puis dite au vrai quand elle a commence, fi non que
^'a c;e environ en l'année l"if. Au refte je l'ai toujours
viie depuis le commenceinent du tout couchée fur fon grabat
ou aflïle dans une chaife ou on la mettoit, même on U
portoit de tems à autres à l'Eglife dud. Mareiiil dans ladite
chaife pour qu'elle pût afli(ler au (irvice Divin, Sx. recevoir
le S. Sacrement de l'Euchariftie de tems à autres; Se com-
me j'ai toujours regarde les parties paralitiques de cette fil-
le comme incurables , du moins depuis que j'ai fait mes
efforts pour l'en delivtct Se foulager avec le fecours de mes
remèdes , 8: ceux portés pat les ordonnances dud. M. l'Alle-
mant fameux Medecm ct-devant nomme Se icelles rappoi-*
tées il dattces ei-defllis 8c que j'ai exécutées avec l'exacti-
tude pofiible. Je ne fais nul doute de aoirc ainfi que cet-
te fille, 8c quantité de perfonnes dignes de foi me l'ont die
8c alTute , qu'elle a ete entièrement guérie , ainfi que cela
paroît aux yeux de tout le public par ua effet tout mitacu-
leux, puifque tout fecours humain lui cwtt lûtt inutile pour
là guérifon, 8c même j'ofe afl'urer iinpoflïble paifqu'encore
un coup je le répète , cette paralifie etoit incurable. D'ail-
leurs j'ajoute d'autant plus de foi au miracle que le bon Dieu
a Bit en faveut de cette fille, en la deliviani de l'infirmité
de cette paralifie par l'intercciTion de défunt M. Roufl'e ea
fon vivant très digne Prêtre Chanoine de l'Abbaie Royale
de S. Pierre d'.Avenay , decede l'an pafle Se auquel cette
fille a eu une grande confiance, que j'avois l'honneur Se le
bonheur de cotmoitre ce bon Prêtre S: fidèle lèrviteur de
Dieu, pour un homme qui mcaoit une vie ineptehenfibie
des plus vermeufes 8c édifiantes qu'il l'c puilTe voir. Tout ce
que delTus je certifie vctitablc , en foi de quoi j'ai figne ,
ce-jourd'hui 24. du mois de Février de l'an 17%%. figné
Pierre Robert avec pjrjphe. j4h drffuHi efi é^rit conaôle à
Paris le 1. Juin I7?4. reçii 11. fùls,yî[«e Dubois enfxlte
efi éirlt : certifie véritable , figne Se pataphé au dclir de
l'acte de depôr pour minute , palfe par devant les Notai-
res au Chiiclet de Paris foullignez ce 14. )niliet I7;4.
ftgné C A u R E' D E M O N T G £ R O s aVCC L O Y S O N St
R A Y MO N D Notaires.
III.
CERTIFICAT.
'Fnjfé fijr devjnt /es Officieri de la jufiiet de Ma-
reiiil le 29. Décembre nij. par \6i. paroiffiens^
dans le nombre def<jtiels il y a plufieurs perfon-
«es de condition , des Gentils • hommes , 8^ det
Officiers dont les noms font confondus avec ceux
des Jîmples habitans.
l
l
N
Ous foulTigncz habitans de b paroilTe de faintHilaire
de Mareuil fur Ay diocefe de Reims. Vivement tou-
ches de la gticrifon extraordinaire arrivée le 3. Juillet
dernier daus la chapelle de Ste. Anne de l'Eglife paroilTiale
d'Avenay, lut le tombeau de M Gérard Roùfle vivant Prê-
tre Chaiioine dud. lieu , en la pericnne d'Anne Augicr fille
paralytique igee de 47. ans , habitante de notre drte paroil-
Ic , nous nous croirions coupables devant Dieu , fi nous ne
failions pas ce qui citer, notre pouvoir rourrevéler àtoutc la
lette Se publiet hautement cette merveille , que nous regar-
dons comme l'oeiivie de Dieurc'eff pour quoi nous dcclaiont
Se cenifioos à tous Se à chacun de ceux qui ces ptéfentcsvet-
tont.
I. Que nous nous fouvenon» tous très bien , que lad. An-
ne Auji,>er a ete attaquée de d paialyfie fur les )ambes , dans
l'Eglilè de notie paroiQ'e oii elle etoit venue en bonne lame ,
puut affilier à l'Offiee Divin comme nous, le iour de la
tëie de tons les Saints en l'année foï. S< que cette mala-
die la failit \\ fuhitcmem Se ù rudement, qu'elle eff tom-
bée tout d'un coup comme morte far le p.ive de l'Eglilê
en ptelèiice de toute raflcmblee des paroilficrs Se qu'il a
failli aller eheichei ua àae £out la mettre dcQ'us Se la te-
couduiic chez elle,
1. Que
a
decins 6c Chirurgiciii nu l'iiia lui la jnaïauie, oc qu'on a em-
ployé tout les remèdes qu'ils on't ordonné pour la guérir , fans
qu'on ait pu y reiiffir en aucune forte.
■3. Que dès le premier jour de fa maladie , elle a perdu le
mouvement des jambes, & le fentiment cnviion 12. jours
après tellement que plufieurs petfonnes pour l'éprouver y ont
enfoncé des épingles & des doux, fans qu'elle ait donne au-
cun ligne de douleur ni de fentiment.
4. Que depuis ce tems-là jufqu'a celui de faguétifon, elle
a toujours été couchée fur un lit ou affife dans une chaife :
qu'elle n'a jamais pu fans le fecours de quelque perfoiine fe
coucher ni fe lever, ni remuer fes jambes pour les faire chan
ger de place; & que pendant les 22.. ans qu'à dure fon affli-
ûion , elle ne s'eff occupée qu'à filer ou à inftruire nos en-
fans fur le catechifme.
S- Que dans les 11. à 12. premières années de fon infirmi-
té , nous lui avons vu porter 2. ou 5. fois pat an en fa mai-
fon , notre Seigneur , qu'elle recevoir couchée ou aliîfc , par-
ce qu'elle ne pouvoit fe mettre à genou.Xi& dans les dernie-
les années nous avons vu qu'on la portoit àl'Eglifedansune
chaile qu'on lui avoit fait fane à cet effet :& loi (qu'elle vou-
loit communier M. le Cure ou M. le Vicaiie lui portoit no-
tre Seigneur à fa place dans la Nef, & elle le recevoit tou-
jours affife dans fa chaife.
6. Que nous l'avons vue plufieurs fois tomber de fa chai-
fe fur le pave de l'Eglife pat fa grande foiblefle ,& qu'il ftl-
lûit l'aller relever & la remettre dans fa chaife comme une
Ferfonne morte : lès jambes ne lui fervoient de rien , ni pour
empêcher de tomber , ni pour la relever.
, 7- Qu'elle eft quelques fois tombée ainfi dans fa maifon
étant auprès du feu , &c que fans le fecours de quelques per-
fcnnes fubites & fortes qui l'ont retirée habilement, elle au-
loit été brûlée entièrement; fes habits l'étoient déjà en par-
tie. "^
^ 8. Que pendant les 12. ans qu'à duré fa paralifie, elle a
ete affligée d'autres maladies qui l'avoient réduite à une foi-
blefle extraordinaire, & fouvent à la mort. Elle étoit atta-
quée de tems en tems d'une efpece de mal caduc, qui la pri-
voit de connoiflance pendant j. ou 4. jours, pendant lefquels
elle ne prenoit aucune nourriture: elle avoit des playes en
plufieurs endroits du corps caufees par fa maigreur extraor-
dinaire, & pat la néceflîté d'être toujours dans la même po-
fture: elle avoit auffi nne efpece de cancer au fein, quia com-
mence il y a environ 7. à 8. ans par un coup de fabot , qu'un
gueux lui donna la trouvant (èule en fa maifon & voulant l'in-
fulter, 6c a fini entièrement au moment même de lag'ieii-
fon de la paialifie. Enfin la paralifie s'etoit étendue fur le
bras gauche , au retour du voyage qu'elle fit à Reims fin une
Charette en i-'2j. dans le tems des 0. jouts de l'expofition
du corps de S. Remy , fans avoir obtenu fa gucrilbn , que
Dieu avoit refervee au jour qu'elle s'cft fait tranfporter fur
le tombeau de M. Roufiè.
9. Que nous avons toujours regardé avec tout le monde fa
paralifie comme incurable, & que nous favons que depuis
la première année qu'on à tâché de la guérir pat toutes for-
tes de remèdes , on n'y en a plus fait aucuns fi ce n'eft à Ion
bras gauche , fur lequel on en a applique quelques uns lort
que la paralyfie s'en eft faifie , dans l'cjpérance de pouvoir le
lui fauver; mais on n'y a pas plus réiiffi qu'aux jambes à la
dittcrence que le fentiment n'a pas été perdu comme aux
jambes.
10. Que nous avons une connoiflance parfaite & le (ôuve-
nir ptefent que nous ne perdrons jamais, des ciiconftanccsfui-
yantes qui ont accompagné le voyage que lad. Anne Augier
à fait a Avenay le 8. Juillet dernier, jour heureux de fa gué-
lifon. Elle a été mife fur un âne par 4. ou y. perfonnes : on
a mis là chaife portative fur un des panicis de l'âne pour lui
fervir à appuier fon corps: on s'eft fervi de grandes napcs,
qu'une voifine nommée Mlle. SaJmon a prêtées pour la lier
au travers du corps à lad. chaife & au bât de l'âne. Ilpleu-
Toit fi fort qu'il a fiiUii lui mettre un manteau fur la tête ,
ce qui la fit beaucoup fouffrir le long du chemin , en ce que
lapefanceur de ce manteau penétréJe la pluie , lui faifoit plier
le corps en deux n'ayant pas la. force d'en Ibutenir le poids.
Quand elle arriva à Avenay , elle étoit dans un tel état , que
les perfonnes du bourg qui la virent s'étonnèrent , fe diiant
les uns aux autres: tjti'cft irijm ce-c!> Où cj! ic cju^nvainemr
cuti file 5><i' femoet-i II ûllut autant de tems pour Iciiidcen-
opérj fur yfme jfugkf.
;. Que dans lad. année on itonfultè les plus habiles Mé- dte de HÏffîic i«în» «„>;i «» -.en t. ^--
al Eglile de la paroiflè dans la chapelle dedie à Sie. Anne ,
« on la pofâ fur l'endroit oii eft enterré M. Roiifl;. Le bruit
, ■ . uS"':"'°" S"' a"'va environ nne demie heure après,
vint bientôt ,ufqu'a Mareiiil qui n'eft éloigné d'Avenavquè
dune demie lieuë au plus: aufii-tôt une partie des habitlns
y courut pour voir fi ce qu'on difoit étoit vrai: chaque pet-
Jpnne qui venou la faifoit marcher ne voulant s'en èer qu'à
es yeux: le concours de Mareiiil & des lieux voifins àduié
les 9. lours qu'elle y eft reftee pour achever fa neuvaine
11. Que depuis le i r. dud. mois de Juillet qu'elle eftre-
venue dans notre paroiflè, ayant fait les deux tiers du che-
min a pied, nous l'avons vue & la voyons tous les jouts al-
ler & venir comme les autres , & comme (i elle n'avoir ja-
mais cefle de marcher! ce qui caufe ennousunétonnemcnt
ûont nous avons peine à revenir, après l'avoir vue comme elle
a ete pendant 22. ans ; ce que nous ne pouvons nous empê-
cner de regarder comme un grand miracle, que nous croyons
tous que Dieu a bien voulu faire en faveur de cette pauvre
fille par 1 imerceffion dud. iVl.Rouflèquenous.ivonstouscon-
"V""^""^ "«5-<*'g"e P'être qui nous a édifiés par fa 1110-
_ûeltie, la douceur. Ion humilité, fa charité & fa piété tou-
tes les fois que nous l'avons vii dans notre paroiflè , ou il eft
venu fouvent dire lamefle, particulièrement pendant les deur
années qu'il y a fait les fondions de Vicaire. Ayant con-
noillance de plus, que lad. Anne Augier ne s'eft fait tranP.
porter aud. lieu d'Avenay , que dans la confiance en ce bon
1 retre , & dans l'efpèrance qu'elle avoir de recevoir quelque
grâce particulière de Dieu par fon interceflion , & quefagué-
rilon eft arrivée tout d'un coup une demie heure après qu'el-
le y eût fait fa prière. i' <; qu ci
12. Enfin que nous ne connoiflbns aucune perfonne de no--
tre paroiflè, qui ne foit pleinement perluadée de tous les faits
ci-ccllus rapportés , & qui ne foit prête de l'attefter par fa fi-
gnarure & lerment ou autres témoignages. En foi de quoi
nous ayons tons figné volontiers & avec joie, pour rendre
gloue a Dieu de fon œuvre , & pour édifier les perfonnes
qui en auront la connoiflance.
Nous ne voulons pas omettre ici un événement dont nous-
avons aufli connoiflance. Savoir: que les jambes de lad. Anne
Augier s'ttoient deflechées d'une manière fi extraordinaire au
bout de 7. à 8. mois de la première année de fa paralyfie,
5h,^ ■"''"^ Salmon femme de Pierre Guiinbert, aujour-
d hui de la paroiflè de Fontaine près d'Avenay , qui demcu-
roit pour lois en notie paroiflè , les ayant confidérécs trop
artemivement pendant fa grofliflè, mit au monde un enfant
qui avoit les jambes de même que celles de cette fille. L'en-
fant eft mort quelque tems après, & les jambes d'Anne Au-
gier qui ont toujours été deflechées jufqu'au joui de (a gué-
rifijn , (ont revenues au même état qu'elle les avoit avant
qu'elle fût paralytique ; J/^nt Antoine Salmon, Nicolas Har-
dy, Henry Cartier, J. Bellot, Simon Baudouin, Jean Bel-
lot, Léger Bafli , P. Salmon, F. Hardy, P. Sarot pour ce
dont j'ai_ connoiflance , Catherine Bonnaire, P. Salmon le-
jeune. Colin, P. Baudouin, Louis Jacgnot, Jeanla Marie,'
Louis Michaut, Criftophle Robert, Jean Bouron, P. Maril-
giiier, Marguerite Boudin, Joachim Fournier, Anne Leu-
vie, Sarot, Anne Honore Louife Colin, Louife PoncetSa-
rot, Marie-Anne Colin , Jeanne Henneguin, Louis Bellot,
Claude Baudouin, Marguerite Thcielè Salmon , Nicole Bel-
lot, Nicolas Languet, Antoine Hardy, Marie Bellot, Jean-
ne Bellot, Jacques Patron, François, Guillaume Anceaux ,
Français la Marie, Jean Henry, Simon Robert refident à
Piery , Guibal Capitaine aide Major du Régiment de Cava-
lerie d'Anjou, Jeanne Beflot, Anne Setatdet, N. Bouché,
Hilaire Hardy, Pierret, comme vérité. P. Viletar, Depet
ger Deguibal, Marie Anne Pierret de Talange , Jeanne Sal-
mon, Marie Claude Salmon , Marguerite FrancoilèS'almon,
Femiadan, Jolèph Hébert .Pierre Bellot le jeiinc, Jean Go-
dan , Magdelainc Godait , Fiançoilè Adam , Frezein Hébert ,
Nicole Billecart, Marie S.ilraon , Jeanne ,'^almon veuve d'A-
dam Salmon, Anne Salmon, Hilaire Gallant . P. Hazart,
Jean Jacgnot, J. Jacgnot, JcanncHenry, Marie )eanneHer-
mouville, Nicole Henry, P. Maiigniei , le Fcvre,Jean Li-
gueue. N. Denizet, Jean Duval, Pierre Michaut le jeune,
Marguerite Denifc, )ean Thomas Jacgnot, Remy Aubry,.
Pierre Labey, Simon Velin, P. Buudin , Claude Billecart,
Simon Labey, Salmon le jeune Se MarguiUier, Satot Re-
A 5. Cvveut
4 Pièces juftificati'ves du Miracle
c(vear de neufchatel & dépendances, le Picard Dabbacourt ,
& aiitics. An ccmmen^emrnt de tj première f-t^e des Jî^natu'
Tii fft éirit , moi Tounîgaé Claude Bdlo;, ai rctiie du feu
lad. Au|iet, ainfi qu'il eft niarijué ici devant à l'article 7.
figné Claude Rcllot.. EnCmie dei fignutnm de ljfe;md!p,i-
ft fp écrit : Nous Pierre Robert Lieutenant en la jufticc &
revoté de Marciiil fut Ay , & Jean Joffrin le jeune Procu-
reur filcal en lad. juflice, certifions à tous qu'il appaiiiendra
C E R T
V.
I F
I C A T.
que les fignatures apcfecs en fi:i du procès - veibal ci-deffus
& des autres parts cctit , font veittabics ; Se que le contenu
auj. procès-retbal cA fincetc 8c véritable ayant une parfaite
connoifl'ancc de la vérité d'icclui. En foi de quoi nous avons
iîgnc ces ptéfentes, & iccUes fait Cgnei pat notre GteSet
oidinaire. Fait à Mareiiil ce IQ. Décembre I7a'. J/Vn? Pier-
re Robert, Jofftin ptocutcui fircal,c5- ?/«' ij( yr^wtl). Pièt-
re Greffier.
Enfttite tji é.rit comiôlé à Paris ce 1. Juin I7;4. reçu II
fols, Cgnc Dubois avec paraphe. An dtjfoui efl éirii : cetti-
fié veriiabic figné & paraphe au délit de rAtXe de dépôt pour
minute. Paflc pat devant les Notaiics au Chàreict de Paris
fo.:flignés ce 14 Juillet 1-54. i^/^uc' Carre" DE Montoe-
RON avec LoYsoN & Raymond Noiaucj.
IV.
Ce même certijlcat a été encore figné le 14. Janvier
1718. par fris de 8o. autres perfonnci ijiii fefont
«ffemblées devant les mêmes Officiers, &> ont fait
écrire ce qui fuit an pied de la minute de ce pre-
mier certifcat.
AYant apptis que la préfente déclaration avoit déjà été fi-
gnte de pluliruts pctfonnes de notie patoillè , Se ei.''nt
audi convaincus que nos compattiotcs de la vérité des
faits qu'elle contient. Puifquc Dieu nous a donne le talent
de favoit écrite , nous ctoions devoir l'employer aujourd'hui
pour at^eftct avec eux une metveilleaufli éclatante 8c anfli in-
comeftable. j^/rm- loffiin âge de 81. aosancien jugedud lieu
& Notaire Royal, P. T. Huchy, Claude Baudet, Hilaire
J.icgrot René Lpvin , Lonifc Hardi femme de maître Jean
ofttin le Jeune Notaire Royal & procureur fifcaKHemy la
Marie, P. Labcy, Louis Bcllot le jeune, Quencin Pucin,
Pierre le Maine, Antome Perot, Jacques Mea, Jacques Poi-
rot, Philippe Baillet, François Cuan , Anne Liegons, |can
Cocqueieaux, N. Lambert, Nicolas Bcllot, Pienc Hardy,
Pierre Thieny, Pierre Bcllot, Ftançois Robert, Margueri-
te la Marie, Jean Baudouin, Pliilippe Chafane , A. Robert ,
Antoine Ga, Didier Aro , Marguerite Liazart , Jean Li-
5ieiut, Frezain Baudin, J. Blondeau, J. Salmon, Matie-
canne Hardy, Antoine Cartier, Jacques Patron, Marie,
Marguerite Drout, Nicolas Haguinot, Anne Hardy, Gérard
Haguinot, Jeanne Jacgnot , Rciny Gctaid, Nicole Robett,
Ponce Jofeph Caiiier, Claude Uacy, Antoine Salmon le tils,
Jean Jacgnot, Matie Salmon, Claude Coutan Tapllfier de
Paris , Jeanne Baudoiiic , Piettc Hcbert , François Kolin ,
Jcaïuie l'arron, Gérard Bellecart , Claude Denilart, Jacques,
"Henneguin, Jacques Guimbert, Maiic Guimbcit, C'atlieti-
BcCîUimbett, Philippe Poirot de la paroifle de Verfay, Jean-
ne Ferat, Geneviève Durand de la patoiiVe d'Avenav , Pier-
re Robert, Ponce Jofeph Robett, Jeanne Robert oc la pi-
roifi'e d'Avenay Se autres, 8cc.
Nous fouflignés Lieutenant en la jnftice Se prévô:c de Ma-
rciiil & Procureur fifcal de lad. juftice,ccrtifionsatousqu'il
appaitiendra que les fignatures ci-delVus Se d'autres part t'ont
véritables, ainli que le contenu au proces-verbal aufli d'autte
pati , Se que foi doit y être aioutce. En foi de quoi nous
avilis lignes ces pnTentcs 8c icelles fait lignet pat noue Gtef-
tier oidinaire. Fait aud. Mareiiil ce 14. janvier l'iS. H-
/h' Pierre Robert Lieutenant, & fini bjs Jî^ur [oftiln Pto-
ciitcur filial. An dr/Jiut flfn/ Der.is Pierre Greilier: J tiié
eft ririt , contrôle 1 Paris le 1. Juin 1^54. leçù 11 fols,^!'-
fii' Dubois. En m.fft de I.1 frrmitre f,tg' tji éirit certifie
vciiiable figné 8c paraphe au dclir de l'.Acte de dépôt pour
minute, palic par devant les N^itaires au Chateler de Paris
louffignci ce 14. Juillet 1-54. .S',; ../ C^akre' de MoNroE-
KON avec LoYioN £c Kaymonu Noiaucj.
De Françoife The'jeny , Claude Salmon , Qfi Marie
Landrin , qui ont eu la charité pendant plufîeurl
années de prendre foin d'Anne Augier alors inca-
pable de fe remuer.
PAr devant moi Jean Joffrin Notaire Royal au Baillage
d'Epcrnay, reiident a M.nreuil fur Ay , prefcns les té-
moins ci aptes nommés fouifignez, furent préicntes en
leurs pcrfonnes , Françoife Theveny femme d'Antoine Salmoa
le jeune voimrier par eau fur la rivière de Marne, Claude
Salmon femme de Jacques Henneguin auBi voimrier par eau
fur lad. rivière, ic Marie Lar.diin fille majeure couturière,
toutes trois demeutant aud. Maieiiil. Lel^uelles nous ont
dit Se déclaré que, defitant contribuer aurant qu'il eft ea
elles à la gloiie qui eft due à Dieu , pour le miracle qu'il
a fait le 8. Juillet dernier en la chapelle de Ste. Anne de
l'Eglife patoiilîale n'Avenay fut le tombeau de feu M. Gé-
rard RoulVe , vivant Prêtre Chanoine dud. lieu a'Avenay.ea
la peifonne 8c faveui d'Anne Augier fille âgée de 47. an«,
habitante de lapatoilfedud. Mateuil,déclaienr publiquement
6c certifient à tous Se un chacun de ceux qui litont ces pté-
fcntcs, ce qui fuit, dont elles ont connoillance patticuliere,
pour avoir vu 8c fréquenté lad. Anne Augier plus que pet-
lonne pendant fon infirmité, à l'effet de quoi nous auroient
requis de rédiger par cctit les déclarations de chacune d'elles ,
qu'elles nous ont dictées Se par nous rédigées cola forme fui-
vante.
De la part de lad. Françoife Thcvery a é:é déclaré, qu'el-
le a prelque toujouts été avec lad A. Augier, depuis envi-
ton 18. ans qu'elle demeure proche la maifon où elle a de-
meuré pendant qu'elle a ère malade. Pendanr tour ce tems ,
elle la couchée Se levée prefque tous les jours à l'aide d'autres
peifonnes qui s'y trouvoient j cai quelque fois il falloit pins
d'une pcrfonne pour ce faire: qu'elle la fait apporter beaucoup
de fuis chci clic , ou elle reftoit quelques jours de fuite ; Se
alors elle couchoit avec lad. Theveny : qu'elle a fouvcnt va
examine Se touché fes jambes: qu'il n'y avoit nichait ni mol-
let, les os couverts feulement d'une peau fechc Se livide, fie
toute d'une venue comme deux bâtons: que quand el.e la
couchoit , elle la prenoit entre lés bras , Se la fourenant elle
fcntoit fes jambes qui pendoicni& fiapoicnt fut fes lupcs com-
me deux morceaux de bois: qu'elle couchoit lad. Augierrn
deux fois, d'abord elle raetioii fon cotps fur le lit, puis elle
prenoit fes jambes Se les portoit pour les mc.rre aulfi fur le
iir:que quand elle la tranfportoit a'une place à une autre, 8c
que les jambes touchoient a terre , elles croient ttaineesapré*
(on cotps comme deux pièces de bois : que loifque lad. .Au-
gier ctoit feule Se qu'elle vouloit changct de place , elle fai-
foit mouvoir là chaife par le moyen de fes bias, puis elle pre-
noit fes jambes l'une après l'autte poui les mente ou elle vou-
loit: qu'elle a lad. Theveny temaïqueplulieuisfois .que lor(^
qu'étant couchée , lad. Augier s'abaifloit dans le lit , fes ge-
noux reftoient élèves en f\jtme d'arcade, 8e qu'ils rclioietit
toujouts dans la même lituation, à moins que quelqu'un ne
les lui abaiflat ou qu'elle même ne le Hi comme elle pouvoit
avec les mains, ou bien en fe relevant le haut du corps; a-
lors fes jambes tomboient d'elles mêmes 8e fe mettoient de
niveau au corps. Se le fuivoient comme deux morceaux de
bois qui y auroiem ère attaches: qu'icellc Theveny a remai-
que que les orgies de k% pics, n'ont point crû pendant la ma-
ladie. 8c qu'ils ont recommence à croître atilVuôt après là
gueiifon: que dans le cours de fes maladies les intiimitcs
etoient li gtandcs Se qu'elle en ctoit tellement accablée , que
lad. Theveny la crut ptcre à mourir plus de cent fois , 8c
qu'elle lui a louvenr dit:c^ f,r,t tme ffii qmr je t'rnfrvcUrji.
De la part deld. Claude Salmon S< Matie Landrin a cté
déclare qu'outre les faits ci-dciVns rapoiies, dont elles difent
avoit une entière connoilVance , quoiqu'elles n'ayentpasvù li
lonvent lad. Augier pendant fa maladie, que lad. Fiançoilë
Theveny, elles cenifient avec lad. Theveny, que depuis la
piemicic annce de W patalylic, on n'a f^ii aucun rcincdc aux
ïambes de lad. Au^'ier, fàtce qu'on eixii pciluade qu'il n'y
en avoir aucmi n.iiniel, qui piu la gnetit.
(^l'elles l'ont vue toutes trois plulieurs fbif tomber ^ l'E-
^ilc, Se i'ont aidcc a le relever: que t'ilaiitvvit quelque fois
que
opéré fur Anne Augier
eue (on livie lui tombât rfes mains, le moindre mouvement
qu'elle faifoit en le baiHàut pour le reienir , la raifoit tomber ,
ix. itouncr lie la tête li ruiiement fui le pavé , qu'elles ont wù
plulîeurs fois qu'elle en mourtoit.
Qu'elles ont auiFi vii lad. Augier, quelques fois après qu'el-
le t:oit tombée chez elle dans l'on feu par uu lemblal)le ac-
cident, ont aide à refaite lès habits briiles,Sc à la panier de
Quelques plaies de brûlures qu'elle avoit aubiasquiavoit cie
ans le feu.
Qu'elles l'ont vue dans fon mal caduc 5. à 4. jours fans par-
ler ni raanscr, &; même après qu'elle etoit revenue de Ion
mal, elle croit encore plufieurs jours fans pouvoir parler,
& qu'on avoit peine à la faire manger. Ont encore décla-
ré avoir connoilfaucc des circonftances qui ont donne lieu
à lad. Augier de fe faire conduire à Avenay , ou elle a ete
guérie, & même de li guerifon, de la quelle déclaration la
teneur s'en luit.
C'eft-à-favoir , qu'un jour Anne Mignon Veuve de Nico-
las Blondcau, appellée vulgairement la grande Nanette, de-
meurant à Mareuil,enua chez lad. Augier , lui raconta qu'el-
le venoit d' Avenay, ou elle avoit vu M. Rouflé fort mal, &
qu'en le quittant e le s'etoit recommandée à les prières, ce
qui fit dire à lad. Augier, qu'elle auroit bien voulu avoir le
même bonheur, regardant cela comme un bonheur, par l'c-
ftirae qu'elle avoit pour led. Sr. Roufle : que lad. Tlievcny
entra chez lad. Augier un moment après , à qui elle fit le
récit de ce que la grande Nanette venoit de lui dire , & lui
communiqua la penfee.
Deux jours aptes, elle apprit la mort dud. Sr. Roufle. Ce
fiit dans ce moment que lad. Augiet conçût la penlce ic le
defir de pouvoir être conduite fur fon tombeau ; qu'elle di-
foit que ce léroit la même chofe que li elle eut ete auprès
de lui , lorlqu'il étoit au lit de la mott, poui fe recomman-
der à fes prières: qu'elle le dit à lad. Theveny danscetems-
là, & elle a toujours été dans ce feniimcnt jufqu'au 8. Juil-
let dernier.
Que lad. Augier l'a aulïï communiqué à lad. Landrin,
qu'elle l'a aidée a lui faire e.tccuter fon dellèrn, l'a luivie&;
accompagnée dans Ion voyage , Se a été témoin du miracle
arrive en un moment vers l'offertoire de la meflo, qu'elle en-
tendoit erant dans fa chaife , lut le tombeau du dit fieur Rouf-
fe: que c'eft elle qui a crie tout haut dans le ttaniportd'ad-
miiation ou elle étoit , que c'etoit un grand miracle que Dieu
venoit de faire pat l'interceffion de celui qui étoitentetreen
ce lieu.
Qu'elles pourroient encore raporter beaucoup d'autres par-
ticularités de la maladie extraordinaire de lad. Augier ; mais
que cela léroit trop long. Se qu'elles ctoyent que ce qu'el-
les en ont dit ci-deflirs , eft fuffifant pour pcrfiader les
perfonnes raifonnables , que la guetilon d'une telle maladie,
& de la manière qu'elle eft arrivée , ne peut qu'être l'effet
de la toute-puiflance de Dieu, 8c pat confequent un grand
miracle , qu'elles admirent tous les jours de plus en plus, en
voyant lad. Augier marcher auffi librement qu'elles, & com-
me li elle n'avoit jamais été paralytique; ce qui les porte fans
celle a en loiier Dieu , & à lui tendte grâces de ce bienfait ,
accorde en faveur de lad. Augier leur amie&co.iipagne, dont
de tout ce que defliis lefd. comparaniesontrequis Arte àmoi
Notaire fudt prefens lefd. témoins, 5c à elles accorde ces pré-
iêntes pour fetvir & valoir en tems,5c à qui ilapartiendra,
ce que de raifon. Promettant lefd. comparantes affirmer en
cas de befoin Se à toutes réquifitions , que le contenu en leuts
ptéfentes déclarations eft véritable , fut peine Sec. Renonçant
Fait Se palTé aud. Mareiiil en l'étude dud. JofFrin , l'.in 1 72S.
le 2.1. Avril après midi: préfens Denis Pierre Greffier en la
(uftice & Prévôté dud. Mateuil y demeurant. Se de Remy
Adam Maréchal demeurant aud. lieu, qui ont ligne avec nous.
Et quand auxd. Theveny Salmcn Se Landtin, ont déclare ne
favoir écrite ni figner, cle ce interpellées ;lc£ture faite, aver-
ties du contrôle , iihtfi ftgnc en fut de Li rrinute des préfentes ^
Denis Pierre, Remy Adam, & JoSrin avec f araphes ,& plus
ce 14. Juillet 1754. figné CaRRE' DE MONTGETION avec
LoYsoN éc Ray.mond Notaires.
C E
VJ.
R T I F
I C A T.
De M. de Truffon Major de Marjal , Qp des
Dlles. fes fœurs.
NOus fouiTgncs Chriftophle de TrulTon , Chevalier Je
l'ordre de"S. Louis Major de MaifalSc Louife Se Ca-
therine de Tiuflbn demcurans à Chaalons , certifions
à tous qu'il aparticndra,que nous avons connoifl'ancc qu'An-
ne Augier fille de la paroiflé de Mareiiil .îgce de 47. ans, a
été paralytique des jambes depuis l'an 1705. jufqu'au huitiè-
me jour de Juillet dernier, qu'elle a été guérie fubitcment
dans la chapelle de Sie. Anne de l'Eglife paroiffiale d'.'Vve-
nay, fur le tombeau de M. Rouflé, vivant Chanoine dud.
Avenay mott aud. lien le neuvième Mai dernier; que pen.
dant les 12. années qu'a duie la maladie de lad. .\ugier ap-
pellée communément dans le lieu dud. Mareiiil, Nanon, nous
l'avons vue un grand nombre de fois, notre coutume erant,
lorlque nous étions arrives dans notre maifon de campagne
fituce aud. lieu, d'aller voir cette paiiyte fille affligée, pour
la confoler Se l'exhorter à la patience: que nous ne l'avons
jamais vue dans d'autre fuuation que couchée fur Ion lit , ou
alfilé dans une chaife portative qui lervoit à la porter à l'E-
glife, lorfqu'elle vouloir y faire fes dévotions.
Que nous avons vu dès le 'commencement de fa paralyfie,
des pieuves cerraines qu'elle avoir perdu entièrement le mou-
vement Se le fentiment des jambes, plufieurs peifonnes lui
aj'ant enfoncé des épingles 5c des doux dedans, fans qu'elle
l'ait fenti, d'autres l'ayant reriree du feu où elle etoit tom-
bée , ce qu'elle n'avoit pu éviter , le feu ayant dejabriiie uns
I
tas efi écrit: contrôle i Ay le 21. Avril 1728. pat l'Efpine
<jui a reçu les droits de contrôle.
Délivre pour fimple expédition auxd. comparantes Se re-
queranres, pour leur fervir Se valoir ce que de raifon, par
moi Notaite fuld. fouffigné , les jour mois Se an que deniis.
J/rac' Joffrin avec paraphe ietifiiiie efi écrit: certifie véritable,
ligne Se paraphe au défit de l'.\i£le de dépôt pour minute,
paflTé par devant les Notaires au Châtçlet de Paris fouflignes ,
1, Demonfl. Tom IL
partie de fes habits, patce qu'elle ne pouvoit pas fe fervir de
lés jambes.
Que nous l'avons vue plnfieuts fois communier à l'EgliCc
auprès de notre banc, eu M. le Cure lui apporroit notre Sei-
gneur , qu'elle recevoir affile dans fa chaife , parce qu'elle ne
pouvoit lé mettre a genoux.
Qtie pendant tout ce tems , outre la patalyfie , plufieurs au-
tres infirmités, entt'autres un ulcère au fein , que le Sr, Pier-
rot Chirurgien d'Ay a panfe long-tems comme un cancer,
l'avoient réduite à un état digne de compaffion ; de fotte
qu'on croioit de tems à autie qu'elle alloit mourir: que de-
puis environ 2. ans la paralyfie s'etoitjettéefur undelésbias.
Se l'avoir rendue impotente.
Que depuis la piemiere année de cette maladie, dans la-
quelle nous avons aidé avec plufieutsperfonnes charitables, à
faire ce que les Médecins 5e Chiiuigiens cor.léilloient pour
la guérir, nous avonstoujoursregardé avec tous les autres cette
maladie comme incurable ; de forte que depuis plus de 20. ans ,
on ne lui a fait aucun remède , li ce n'ell à l'on bras paralyti-
que il y a 2. ans, mais auOlî inutilement. Tout cela à fait
que nous avons été très-fiupris d'apprendre la guerifon fubite
de certe pauvre fille. Se encore plus lorlque nous l'avons vue
marcher librement. Se paifiitement gueiie de toutes les in-
firmités, fur tout lorlque nous avons appris les circonftances.
de (i guerifon que nous n'.ivons pu nous empêcher de re-
garder comme un effet miraculeux de la toute-puiflance de
Dieu accorde à l'interceffion de feu M. Roufle, à qui elle
a eii recours: Se nous avons encore été confirmés dans ce fen-
timent, lorfquc nous avons vu dans le mois d'Août dernier
Marguerite Hazatd notre fervame pour notre mailôn de M.i-
reiiil,qui étoit attaquée d'un ihumatifme qui la faitfouffrir
depuis 3. ans St demi, fans lui laillér de repos ni jour ni
nuit , Se qui a été guérie tout d'un coup , pendant une neu-
vaine qu'elle avoit entreprife pour obtenir de Dieu fa gueri-
fon, par l'interceffion dud. M. Ronfle.
En foi de tout ce que defliis, nous ayons figné aud. Ma-
reiiil le quatoizicme jour de Novembre 1717. STgtié Trul^
fon , Louife Truflbn Se CatlierineTrulfon. ^n dcjfnus efi écrit
contrôlé à Paris le 2. juin 1754. reçu 17. fols j'/^îjc'pubois
avec paraphe. A» defprns efi écrit i certifie véritable, figne Se
paraphé au défit de l'Aite de dépôt pour minute paflè pat
devant les Notaires au Châtelet de Patis fouffigiiés, ce 14-
Juillet i7?4. J/>wf' Carre' de Montgeron avecLoïsoht
& Raymond Notaires.
VIT.
CERTIFICAT,
De M. de Mongeoi de la BoHtillerie.
Pièces jujlificatives du Miracle
vement de tous lis membres Itès libre; M que je certifie Té-
ritjble. Fait aiid. Ay ce i. Oûobie 1717. J^fn/ Pierrot, fc
en marge eft écrit: connôlc à Paris le l. ]uin 1734. '*$■
11 lois, Si^nc Lacroix: .i« rfo< rji éiril , <^c.
Jfc Jacques Chriftophlc de Mongeot de la BcutiUctie , E-
cuicr Seigneur d'Aguilcourt, Ancien Capitame au Régi-
ment du Roi, ccnific que j'ai vu & connu depuis ij. ans
Anne Augier native de Marciiil , attaquée d'une gtanue pa-
lalylîe.Sc que Dame Marie de Paris mon epoufc, a eu la mê-
me connoillincc depuis ce tems-li , & que nous l'avons vue
à la vandange dernière cntittement gucrie comme lit lie n'a-
Toit jamais eu d'incommodité. Fait à Reims ce 20. Mars
I7Z8. S!fni Mongeot de la lioutillerie : Marie de Paris. Ah
Jrjfoms tjl éir!i: contrôle à Paris le 2. Juin 17 H- "=î'î "^
fols, Signé Dubois: ju d-^s tft étrit : certifie véritable , ligné
& paraphe au dcfir de l'arte de dépôt, pour minute pafle par
devant les Notaires au Châtelet de Paiis foulTignes, ce 14.
Juillet 1754. J/V«f Carre' de Mostgeron avec Loyson
& Raymond Notaires.
VIII.
CERTIFICAT.
De M', de Coujjy des Marets,de M. de Cottfyfon
fis, de la D'. le Picard d' Ablancour fa fille ,&>
de la femme de chambre de cette Dame.
NOu s IbulTignés Marie Chevalier veuve de Pierre de
CoulTy en fon vivant Chevalier Seigneur des Marets ,
Bury & les Iftrcs, Pierre de Couil'y Lieutenant au Re-
eimerit de Navarre, Maiic-Marguerite de Coufly epoule Je
Charles le Picart, Chevalier Seigneur d'Ablancour, Marie
lacquotte femme de chambre de Me. de CoulTy ; certifions
que nous avons toujours regardé comme incurable laparaly-
(le dont Anne Augier de la patoilTe de MareuiUut Ay ,dio-
céle de Reims , fa: attaquée il y a environ 12. ans qui la
rendoit impotente des jambes, lui en ôtant le mouvement
& le fentimcnt: ce qne nous avons connu pat nous-mêmes,
8c que nous tenons pour miraculcufc la gutrifon qu'elle a re-
çue dans l'Eglile paroidiale dud. Avenay , auflî Dioccle de
Reims au mois de Juillet dernier.
En foi de quoi nous avons fignc i Ablancour Dioccfo de
Chaalons lieu de notre demrure aôuelle, ce ij. Février
1-28. S!s''é M. Chevalier de CcnOy, P.deCoully, MM.de
Coufly, d'Ablancour, Marie Jacquottc. y*« rf^/Ti'" rfi éirit:
contrôle à Pans le 2. Juin l'H- "î'i '2- 'o's. %«' I^":
bois. Enflai! rji hrU: certifie véritable, ligne & pataphe
au défit de l'arte de dépôt pour minute, pafle par devant
les Notaires au Chàtelct de Paris fouffigncs, ce 14. Juillet
1734. JiVm/ Carre' de Montceron avec Loyson & Ray-
mond Notaires.
IX.
CERTIFICAT.
"Du fieur Pierrot Chirurgie».
E SoulTignc maître Chirurgien au Baillage d'Epernay &
J
Cnirurcîen jure aux rapports demeurant a Ay , certifie i pui
tous qi.'il apariieiidta avoir panfe & mcdicamenrc Anne
Augict fille demeurant .1 Marcul fut Ay , d'une bleflure au
feiif en Septembre & Octobre I-'14. Pendant IcJ. tems, j'ai
leconnu îc remarque que lad. Augier etoit paralytique des
parties infciicutes .depuis les os ifcliion ,enlotic qiielescuif-
fes & fes jambes ctoient fansaucuii mouvement nifcntiment.
Comme elle étoit logée pour lors dans une perite mailonaud.
Mareùil , ou il n'y avoit point d'antre ouverture que la por-
te de lad. maifon . cela m'obligcoit afin de voit clair, de la
tirer de Ion lu pont découvrir les incommodités poutlapan-
fet , n'ayant aucun mouvement dcfd. parties. Depuis envi-
ton 1. mois <Sc demi , .lyant a faite dans led. lieu de Ma-
teuil,|e tenconiiai lad fille A iigiet , maichant dans une mai-
fon ttts libiement, allant 8c venant pat tout ,& dans les mes,
te qui me fuiptit ttcs-f.itt, ne pouvant m'imaginer que ce
fût cette dite fille Trois fcmaines en luivant , lad. Augiet
fft venue a Ay me voit Se me temttciet des bonsfoimque
j',«Tais cil pom cUe, ctaut co uis-bonu^ùntc.ayaiulcmuu-
CERTIFICAT.
De M. de Keims Médecin du Roi , & du S,
Pierrot Chirurgien d'Ay.
CE jourd'hui 7. jour de Novembre 1-2". nous foulîignù
Jacques de Reims, Coniciller, Médecin du Roi de-
meurant a Epctnay ,& Jean Pictrot Maître Chirurgien
Juré demeiranr à Ay , certifions qu'.^nne Augier fille dé-
nommée d'autte part , eft patfiiitcment guétie de l'abcèt
qu'elle a eu au fein gauche , âc qu'elle joiiit préfentcment
d'une famé patfaitc , ayant l'ufage de tous fes membres ; ce
que nous atfirmons véritable. En h\ de quoi nous avons
drcfle ce prefent certificat, les joui 8c an que deflus , fign^
de Reims, Pieirot. Ah irjpini rft écrit: contrôlé k Parii
le 2. Juin 1734. reçu 12. fols Sl^né Dubois utec pjr.Kht;
enfmii rfl écrit, certifie véritable: Cgne 8c paraphe au défit
de l'Ade de dépôt pour minute , paflè pat devant les Nc-
taiies au Châtelet Je Patis fouflignés, cejouid'hui I4.juil-
let 1734. .S^iV»;'-' Carre' de Montgerqn avec Loyson 6e
Raymond hîotaiies.
XI.
CERTIFICAT.
De M. Leboiicg Curé de Fromentieres.
JE fouffigné Prêtre 8c Cure de Fromentieies au Diocéfe de
Chaalons fut Marne, certifie que des le tems deraajeu-
nefle, 8c depuis plus de 20. ans , )'ai utie connoilfance
certaine, qu'.\nne Augiet fille de Mateiiil fut Av, dont je
fuis aulTi natif, a ete attaquée d'une paralyfie qui lui efttom-
bee fur les ïambes, 8c qui lui en a fait perdre entièrement
le fentimcnt 8c le mouvement: 3c qu'ayant fait les fonctions
de Vicaire dans la paroifie dud. Mareuil, pendant 4. ans 8c
demi, favoir depuis les fêtes de Piques de l'an 1713. juf-
qu'à la S. Rémi de l'an i;"!-. j'ai reconnu d'une manière i
n'en pouvoir douter, dans les fiequentes vifites que j'ai ten-
dues a lad. Anne Augiet, pour la confoler dans fon affliction,
que fa maladie croit tics-reelle, )'ai toujours vu fes jambes
immobiles, comme fi elles euflem été mortes: j'ai toujoui»
trouve lad. Anne Augier, dans la même fimation, couchée
ou alTife dans fa chaife ou fit l'on lit, dans un état à ne pou-
voir fe temuer ni le loutenir, ne pouvant êfe que là ou on
la poitoit. Je me Ibuviens qu'elle m'a dit plufieuis fois, les
larmes au.x yeu.t, 8c en m'cxpofant fa mifere 8c ki peines,
qiie li par malheur le feu ptcnoit à la maifon oii elle etoit ,
elle ne pourroit pas faite un feul pas pour s'en tetirer ; !(
comme dans le teins que j'ai fait les fonèiions de Vicaite dans
cette patoille.on n'ctoit point dans l'ufage de poitci lad. Au-
giet a l'Eglile , je lui ai pottc la Ste. &ichatirtie deux fois
pat an : elle la lecevoit toutes les fois aflife dans là chailé , ne
pouvant fe mettre dans une poftute plus humble ni plier (ti
jambes pout fe mente à genoux. Je certifie de plus , que de-
puis 10. ans 8c plus que je fuis dans cette paroilVe de Fro-
mentietes l'ai tendu encore quelque» vifites a lad. Anne Au-
giet, dans les voyages que j'ai faits aud. liende Matcutl,8c
que je l'ai toujouis'viie d.ins la même mifere 8c dans la mi-
me affliction julque au il. de Juillet dernier, que j'allai i
Avenay fiir la première nouvelle que j'apptis de fa gueiifon.
La chofe me parût lî incroyable , que je ne crûs point de-
voir ajoutet foi à ce qu'on en difoit fi je n'etois témoin de
la guctifon de cette fille comme je Pavois ete tantdefoisde
U maladie. Dès que lad. Anne Augiet entendit ma voix
dans la cour ou l'arrivois , elle lottit de la maifon ou elle ctoit
8c vint an devant de moi, ma luiptife fût telle que le ne li-
vois fi le devois en croire à mes yeux: je la fis marcher plu-
lîeurj fi)is devant moi pout m'alVutei de la vetite , 8c ayant
demande "i cette fille comment etoit aitivé un changement
fi extraordinaire 8c Ci furptenant ,elle m'alfura que c'ctoit pât
les piiercs 8c par rinterccfiion de dcfunt M. Cierard RoulVc
i'rêtie Chanoine d'.Xvenay. (^Jue ne doutant point qu'il ne
fût devint Dieu aptes tout le bien qu'elle en avoit toujours
en-
opéré fur Ame Augier.
entendu dirî , elle avoit crû qu'il pouvoit beaucoup auprès de
Dieu , que c'était ce qui l'avoir portée à recourir à lui dans
fâ mifere, & que dans la confiance entière qu'elle avoit d'ob-
tenir de Dieu par les prières & les mérites dud. défunt M.
Roufle, la gueiifon, ou du moins du fcalagement , elle s'é-
toit faite tranfpotrer en ce lieu d'Avenay le 8. dud. mois
de Juillet, & qu'ayant été portée dans fa'chaife & mile fur
le tombeau dud. M. Rouffe , à l'offerroiie de la MelTe qu'on
célébroit pont elle, elle avoit commence à lentit de la dou-
leur dans {a jambes; qu'aulTuôt elle fe jetta à genoux, ce
■ ■[ di ■
glilè de la paroifle dud. Aveua? , (ùt k
Roufle. '
7
tombeau de M,
Qjant à la maladie de lad. Anne Augiet ; lorfque j'arri-
vai au lieu dud. Mareiiil , il y a environ ii. ans, pour f
faire les fonclioiis de Vicaire, ce que j'ai fait pendant lo.
ans conlecutift ; une des premières chofes que j'appris fôt
qu'il y avoit une pauvre tille digne de corn paillon, par le»
maladies dont elle etoit attaquée depuis 12. ans, p;in:ipa-
lemcnt d'une paralifle qui l'avoit privée de tout m
llî,
u'elle n'avoit pas fait depuis 21. ans: que dès ce moment
choit comme je voyoisrelle m'ajouta encore que depuis 5
ins pour furcroit de mifere, ayant encore perdu l'ufage d'un
bras, dont elle n'avoit pu fe fervir depuis ce tcms-là, elle
l'avoit trouve rétabli & lain comme l'autre làns y avoir ie.\\-
ti aucune douleur. Je certifie de plus que depuis la gueri-
fon de lad. Anne Augier, au commencement du mois SO-
âobre, 6c au mois de Novembre de l'année dernière, ayant
feit encore z. voyages aud. Mareiiil, ou j'ai demeuré 3 ou
4. joins chaque fois, j'ai renconrré plulieors fois lad. An-
ne Augiet dans les rues, je l'ai vue tous les jours agir dans
la maiibn où elle ctoir , marcher làns le lécoius de pe;-
Ibnne, ni même d'un bâton, aller & venir comme uneper-
Ibnne qui auroit toujours eu les jambes faines. C'eft le té-
moignage que ma confcience m'oblige de rendre à la véri-
té , & j'olé prendre à témoin le Dieu de vérité , de la véri-
té des fiirs que j'ai avancés fans craindre de me tromper , ni
d'être démenti de perfonne, puifqueje n'avance rien dont je
n'aye été témoin : rien que je n'aye vu ou entendu : rien
n'étant fi notoire , Se fi public comme la maladie & la
fuétilbn de lad. fille : enfoire que de tous les habitans de
lateiiil , qui eft un lieu alTez confiderable , il n'y en a pas
un feul qui ne puille en rendre un remoignage conftant Sx.
uniforme. Je luis d'autant plus obligé à rendre ce témoi-
gnage que J'ai éprouve moi-même, & reflénii les effets
du pouvoir que M. Roufle a aup:és de Dieu. Dans l'ad-
miration ou j'ai ete de la guérilon de lad. Anne Augier ,
j'allai à l'Eglife paroifliale dud. Avcnay, ou après avoir a-
doré le S. Sacrement je priai M. Roufle à la porte de la
chapelle oii tepofe l'on corps , de demander à Dieu pour
moi les grâces dont j'ai bcfjin, pour remplir les devoirs de
mon état , •&: la lante pour pouvoir annoncer les vctites du
ftlut à mes paroiffiens, étant incommode & languiflant de-
puis plus de 2. ans d'une fluxion de poittine qui m'avoit
ote la voix ; de lotte que je ne pouvois chanter ni parler
(ans une extrême peine. Dès le Dimanche fuivant qui ctoit
le 15. dud. mois de Juillet 172". je m'apperçus que ma
voix étoit rétablie telle que je l'avois eue avant lad. incom-
modité : je chantai la meflTe de paioifle fans peine. Depuis
cetems j'ai parle avec plus de facilité, & je n'ai point Icn-
ti les douleurs continuelles que )e fentois auparavant dans la
poitrine , quoique je n'ofe pas afl'urer avoir reçu une en-
riere guérilon à caulé de la foiblefle de ma lànre ; cepen-
danr je fuis obligé de déclarer que j'ai reçu un foulagement
confiJcrable , dont je crois cire redevable après Dieu , aux
mérites & aux prières dud. défjnr M. Roultè. C'el^ en fji
de rous ces faits , que j'ai ligne à Fromenrieres le t. jour
de Février 1-18. f:gr,t Leboucg Curé de Fromenrieres. Au
deffùKS cfl nrît : contrôlé à Paris le 2. juin 1734. reçu 12.
lois , fgnr Dubois ; enfmtt fji éirit : cerrifiè véritable figne
& paraphé au défit de l'acte de dépôt pour minute , paflé
par devant les Notaires au Chàtclet de Paris Ibuffignez ,
ce-jour-d'hui 14. Juillet 1754. Signé, Carre" de
MoNTGERON ivec LoYSON & RAYMOND No-
taires.
XI I.
CERTIFICAT,
He M, Roiert Ambroife Chanoine d'Azen.ry , ci-
devant Vicaire de Adareiiil. Opéra Dei reve-
lare honorifîcum. Tob, 12. 7.
DA N s cette vue. Je foudignè Prèrre Chanoine d'.*.ve-
nay , déclare & certifie , que j'ai une connoiflànce
cerraine de la maladie d'Anne Augier fiile narive
& habitante de la paroifle de Mareiiil , & de la gucri-
extiaordinaiie aitivee le i. )uillct dctniei en TE-
,. qui l'avoit privée de tout mouvement
& lentiment dans les ïambes , ce qui m'obligea de l'al-
ler voir de tems en tems, pour la conlbler & lui porter les
Sacremens.
Sa foiblefl.è caufee par plufieurs différentes maladies, éroic
u grande , qu'elle étoit Ibuvent réduire à la mort. Une f jis
je fus appelle pour lui adminiftrer l'extièine onction: je It
trouvai li foible que je crûs devoir commencer pat les on-
âions , de peur de n'avoir pas le tems de reciter toutes les
prières. Au refte j'ai eu toutes les preuves qu'on peut a-
voir, que la paralifie étoit incurable par les remèdes natu-
rels , ce qui a fait que j'ai été plus lîirpris que perfonne
des citconflances de là guérilon , dont j'ai été un des pte-
miers témoins.
Le deflein de fe faire tranfporrct fur le tombeau de M.
Roufle , ayant été formé par cette pauvre fille afliigèe , dan»
i'Elperance d'obtenir de Dieu pat les priéies, quelque fou-
lagement à fes maux; & le jour étant piis pour cela, elle
me fit prier de dire la meflé pour elle à cette fin , à l'Au-
tel de la cliapeile ou le bon Prèrre eft émette j mais ne
pouvant pas le faireàcaufe que j'ctois femeniet en l'Eglife de
rAbbaye, je fus trouver M. Roberr un de mes Confrère»
Chanoine , pour le prier de vouloir dire la mefle à cet Au-
tel pour une pauvre fille iufirme, qui communieroit à cette
meflè, ce qu'il accepta fans connoitre ni la fille ni fes in-
tentions. Ce fat devant la porre de ma maifon qu'on dei^
cendir cette pauvre fille, de defliis l'âne qui l'avoir amenée
de Mareiiil a Avenay , d'où on la porta à l'Eglife dans ù.
chaile pottative.
Dès qu'elle le fentit guérie au milieu de la mefle, &que
la chofe fut connue , j'en fus aveiti : je courus a l'Eglilè ,
je le fis dire à M. le Curé dud. Avenay : je le portai i
clianter le Te Deim en actions de grâces de cet événement
que je tegardois comme miraculeux , ce qu'il ne voulut pas
faire.
_Le bruit de cette merveille ayant été jufju'aux oreilles de
Me. l'Abbcflè , elle demanda à voir la fille: je l'accompa-
gnai à la grille: j'ai ete témoin qu'elle a marche dans 1«
lalle de Ion parloir îc s'efl tenue debout devant elle , j'ai
entendu les queflions à elle faites par Me. l'AbbelVe Sx, les
reponics, eiiti'autres Me. l'Abbeflè lui ayant demande quel-
les avoicnt é:è les inten:ions dans cette demaiche C extiaor-
dinaiie , la fille répondit que ç'avoit été de prier Dieu par
l'interceffion de M. Ronfle ; & fur ce que Me. l'Abbeflè
lui demanda li elle n'avoit point eu intention de prier Ste.
Bcrthe & S. Guimbert , la fille repondit toujours fiinple-
ment que Ion intention avoir ete de prier M. Roufle , ce
qui fut caufe qje Me. l'Abbeflè fe reriia fans tien dire da.
vantage.
Lad. Anne Augier revenue chez moi , où elle démenti
9. jours de fuite, pendant lelquels elle alla à l'Eglife de la
paroiffe Sx à celle de l'Abbaye , jJour remercier Dieu de la
faveur fingulieie qu'eUe avoir reçue de lui , par les prières de
fon ferviteur, là faute s'eft rétablie en peu de tems, de ma-
niete qu'elle eft delivièe de toutes les infirmirés dont elle
étoit accablée depuis 22. ans, & qu'elle eft en état de faire
tous les ouvrages d'une petforme de fa condirion. En foi
de tout ce que deffus , j'ai Cgné ce-jouid'hui ly. Mars
1728. Jigné Robert Ambroife , Chanoine à Avenay. An
dejfotis efl écrit ; contrôle à Paris le 7. Juin f^^. reçu 12.
fols, /îg'ié Dubois, enfuiii tfi éirit : certifie vctitable , figné
& paraphé au défit de l'acte de dépôt pout minute paflc
pat devant les Notaires au Chârelet de Paris fouffignés ce
14, [uillet 17^4. Signe Car RI.' de MontgERON
avec LoYsoN & Raymond Noutics.
foa
Bz
xni
Pièces jujlificati'ves du miracle
xin.
CERTIFICAT.
Du même Chanoine.
JE fouffieni , Pré!te & Chanoine de l'Abbaye Royale
5: Àverav déclare & ccit.fie ce qui fu.t Depuis l'an-
née "i-. iufqu-i 1-annee 1-27. q"« "" ■''ïnnTAa
Mateiiil en qualité de Vicaire, j'ai tou,ours va Anne Au-
5!c"";;àa"ee^:k plufie."s infirmitcs, Se P»"'^'^;^--'";„'^.
ne Piralilie oui lui ôtoit le mouvement des ïambes , cnlor
?e que 'cto.s ÔbUge de l'allet voir fouvent pour la conter
danTronaffliaion=k de lu. poncr notre Se., ncur cn^ mai-
fon. Quelques jours avant de le &'[<=, '"°'l'0"' dema^e^
elle m^communique l'intention qu'elle "•°' , j= f'^'^ans
i Dieu pat les prières de M. Roufle, ^"5''!"' f,f ^^a-d-
fon afflution: elle me pria de dire la ™'«'j4"Vh. dfre à
le de Ste. Ame , où îl eft eutene ; ne .l°^'f'\f"^l
caufe que j'cto.s pour lors en fona.ne > "/?.f"' ^^'^'^Se
bert nion confrère, a vouloir la "''^''■'^/ i'°'tcrfon on
cet:e pauvre, fille ,;"«■-„ A" ^^Z^^ |èno'uTdT-
Tint m'avcr>jr: j'allai à 1 h-glile is. '^ """ .. j* ,,,. 1, s
dans la chapelle de Ste. Anne: de la eUe f ^ f ;-';'yt>lc-
Sacrement, aidée de fes <<="=' '«^P»?'" ^?Lt"é o^Ave-
ment , enfuitc on la mena chez moi. .vie 1 A''»'-|'%° ^^f ^
nav informée de l'événement fit ^?P<^' " '^„,f ^,1^°" ,e-
Toir, je l'accompagrai à la g.iUe au P" «' .' °" '4' %, ^,
mnin au'e'Ie a marche en prcfencc de Me. l .Abhciie. /A(res
i^tres.^En foi de quoi j'ai figue - /«'l'')' ".,'°";^^,S^„'J:
Mars i-^zi-MnéA. Ambro.le. ^'' '''^J" /^ 'Joubo s ■
V à Paris le 2 luin i-:4. reçu il- lob., y7|nf UuDois ,
ît/:;'">%:wr: cLifie vcritable'. «?- f ^^ les^Kor'!
de l'aae de dépôt pour minuie pafle par ^1"="'" Uet 1 7 ?1
res au Chàtelet de Paiis loulfignes , ce .+ >'"'"«'.' 4;
WCARRi- UE MONTGERON aveC L O Y SO N {Sc
R A Y M o N u Notaues.
XIV.
Itttre de M. Baudouin BoBeur de Sorbonne &>
Vicaire de S. Leu.
Vous m'avez demandé , Monfieur «n «"jfi"' <J=
tout ce que j'avois vu & entendu a '^'««^"'l 1"".'^
°y ai ete^l v a S. mois, pour ■"■"■f'i'" ". P»' ^
même ie la merveille que Dieu "o.t ope.ce en f.vcur û u
V: Zm ^r;rndFave'; j^^f^-onf^c^mandt"'
Tefiemn jamais de plus fince.e & J<=P'"'/.'^«-,'l"5;??"^
e trou"e une cccafioN, de publier e, ■"''^•''f'V",^'' ,",
3.f'm Dieu, comme il paroit trop clairement, '>"^y^"'/"-;-
fi relevé la gloire du dcfcnlbur de la vente, que pour lagloi-
" fe'te^n^U de Cb-aalons avec mon pcre, «^ "° »'Œt
de-" Reims nommé M, Marlot , quand raip^iyc^ '^'"^^^^^^^
U IV Août 1727. Apreî avoir parle ^ •l'«"7,\^^Xr;"
du villase fur le fu|ct .lu miracle arrive Uir la peilonne
ri^r.ne^A..g.er habiuntede lad. paroilTe , & que.ousjnont
:deTa ~--- ■-" ^ ""' '
du teins tout ce qui ttoit nectfùire dans un mcMgc, & eu
effet elle me parut en état de le faire. Cette fiUe me dit
même, que 5. ou 4. jours auparavant, elle avoit pour el-
fayer fes forces battu le grain en grange pendant 1 elpace
d'environ un quart d'heure ; ce qui fut reconnu être ttes-
vciitablc par 5. ou 6. perfonnes que je trouvai chez M. le
Cure &c. . . . Siin^, Baudouin Dodcur de Sotbonne Se
Vicaile de S. Leu a Pans, y» ""'r, 'y?.'-"'' ■: « ?■ Av>il
1-2S. ^» d-g-" 'fi ""■'■• contrôle a Pans le 2. Ju;0
!-,♦, reçu 12. fols. S:s,né Dubois. . .. Au do< ^J! nut :
cerrifie véritable ûgne Se paraphe au défit de lacle de dé-
pôt pour mmute parte pat devant les Notaires au Chite-
let de Paris foulfigncs , ce 14.. Judlct I7^4-„A.S"' '-A*"
RE' DE MONGERON avCC LoYSON ic RaYMONO
ISotaiies.
X V.
Déclaration de M. de Vailgency Chanoine
de Ch.talons.
J
r rnntc de la même manière, & qui avoicnt ctc aufli tous
é*moin. de la maladie de cette fille , 8c de Oi. '"»'."' g»"';
fon Comme je leur témoigna, le -'^fi', 1"\r»r"'^i ^^
celte fille, l'appris d'eux qu'elle ctou chez M. '« f^ W,',; L
mètranfportai donc chez M. le Cuic de Mareu.l. fans a-
Tou -honneur d'être cnnmi de lui: l'y vis en crtet cette fi-
le iou fiant dîme pa.fa.tc fantc , Se ayant des forces ptopor-
nonncc S Ion ige Je a fa complexion. El e ura en notre
,tXicc dcî'cau au puiu. on ^ d'il^'cUc fa.l«u depuis
E fouiriené. Diacre Licentie en Théologie de la Faculté
de Paris, Chanoine de TEglilc de Chaalons en Chani-
raene , déclare que m'ctant trouve le 17. JuiUct 1727.
vêts les 10. heures du matm au Village de Mareuil Diocefe
de Reims, & m'y étant arrête quelques heutu, )e fiis edihe
de la jove làinie 'répandue dans Icd. lieu, a loccalion de U
euetifon miraculeufe d'une fille paralytique, qui 9. |ours au-
paravant s'etoit faite tranfporter de Mareuil a Avenay, bourg
diftant dud. lieu u'cnvitoii une bonne demie lieue , y avoit
fait une neuvaine lut le tombeau de feu M. Roufle 1 rené
Chanoine dud Avenay, decede depuis quelque mots, y a-
voit ete fubicement guetie des le premier )our de la r.euvai-
ne cette neuvaine e.xpitce, en etoit revenue r Mareuil une
grande partie du chemin à pied , led. joui 1 7- juiUe; veri
6. heures du matin. Quelques habitans de Mareuil m ayant
inftruit des utincipales circonftanccs de l'inhrmitc & de la
euerilon de la maladie , je ctûs voir dans la manière hnijplc
Se naive avec laquelle ils m'en parlèrent , une pet uafiot»
intime du fait, & une notoriété coiilUnte. Pour m anuret
encore davantage , je me iranfporcai chez M. le Cure de
Mareuil, i^ont'ie n'avois pas l'honneur dette connu Se | y
reçus de la bouche Se de celle d'un Chanoine d Avenay quj
y etoitalots, la confirmation de ce qui venoit de m'eire
dir l'eus la confolation o'y voit la pctfonne guciie, quife
foutenoit 6c marchoit: elle me répéta avec beaucoup de can-
deur tout ce que je vcnois d'apprendre , fayoït que durant
22 ans, elle avoit eu une paralihc fur les (ambes, qui ne
lui' permettoit ni de le lever, ni de le foutenit, m de mar-
cher- que cette paraiifie lui avoit fait perdre tout fentiment
dans les parties attaquées. Se s'etoitmeine depuis quelques
années, étendue fur fon bras gauche. Que dans Ton affli.
ain du moment qu'elle connut M. Roufie Chanoine d .\-
venav, homme d'une clutite Cms bomes.clle avoit touiou.s
eu cbnfiance en lui , pour avoit remarque la grande piete
avec laquelle il cdebtoit l'Office Divm a Mareuil , ou U
vcnoit de tems en tems. Qu'aptes la mon de ce St. tcclc-
fiartique , elle avoit aidemmcnt fouhaiié dal.er pticr lui
fon îombeau : qu'avant enfin vaincu la refillance des pcrlon-
nes de qui elle dependoit pout cette dcmaichc, elle seioit
fait conâuiie à Avenay, liée lut un aiie, elle lupplia quon
célébrât la méfie à fou intention dans la clupelle ou M.
Roufie eft inhume. Que la vue n'eion autic que de ptiet
M Roufie de demander poui clic a Dieu quelque g.a-
cc Que placée à fon ordinaiie fui une chaile portative
& eniiadam la Sainte mcfie dans ladite cliapcde, elle
avoit au moment de l'offertoire , lenii un frcmincment
dans fes jambes , accompagne d'une vive douleur. Qu i
l'inftant , joignant les mains, elle s'ctoit mile a genoux;
ce que depuo 21. ans elle n'avoit pu faire , & que fe
femint guérie 'elle s'etoit ccticc ; S.;:,ijrmr df Dum v.mt
eu dans cittc pofiure la Sainte communion. Ciie Me. 1 Ab-
bcfic d'Avenarayant à l'heiue même ete infGrmce de c«
événement &" l'aVam mandée ^ Ab^^yî.-.f '^.r'^" ~
l-cliralici qui conduit au pailoii de Me. l'.Xbbcfie , !c jroit
marc ren li prelence. Que lad. De. lui ayant demande
marche en fa prciencc. m"* i«". ■ '*• --- -/ — --,
qu'elle avo.i ete" fon intei^^.n elle lui «V^'' -}-•;'" 4"?
dm un.que intention avant Se depuis Ion dcpXt J' M"*'' ;
& dmJi U Sauiic «eUc qu'eUc vcuuu d'oucuaic , avou
.,>. , , r , 'opiré fur Anne Juikr
tté (Timplorer le recours des pneres de M. RoufTe , & que " '
fur ce que We. l'Abbefle dit qu'elle auroir mieux fait V
fe recomi.ar..ier i St. Guimbeït & à Sce. Be"épatron du
heu, elle n-avoit rien réplique ; après quoi lad. Dame s'éto
retirée. Sur ce récit qui me fut foit plr cette perfonne pieu-
fe aquelle ,'ai lu depuis s-appeilet Anne Augier, je lui^con-
ieillai ce que lar.s coûte, elle s'etoit déjà dît à elle-même
de confetver avec foin l'œuvre de Dieu dans les lentiS
d'une vive teconnoillance & d'une humilité profonde. Tel
eft le pieci^ fidèle de ce que l'ai vu & entendu a Mireii"
le 17. Juillet I7Z7. & tel elt le témoignage que je cro
devoir a 'importance d'un fait fi éclatant, fen foi de quô
,;ai fignelaprelente déclaration à Chaalons ce 6. \vril i^"s
f£»e de Vaugency. ^« defc-.s ef, c.rU : contrôle i Pa-
"' .'^^- J"'" '■'H., reçu 11. fols, J7^,a p^bois eJhe
fj'"Â •■ .""'•''^ véritable , hgne & paraphe au defir de
lafte de dépôt pour minute , paAi par devant les Notai
res au Chacelet de Pans fouir.gnez'ce 14. Inilet .°u
fe'"- Carre de Montgeron avec Loyson J^
Raymond Notaires. ^uisoincc
xvr.
CERTIFICAT.
De M. Hemardd Prêtre Chanoine de Chaaiom.
LE bruit s'erant répandu en cette Ville d'un miracle
Z'm^^'T^' i'?- Jiii""^' '-^7. fur le tombeau de
bcs, allant & venant, & ayant un ufage libre de Ces brTs
Et pout m'affurer de la nature de fa ma'adie Mfii> l^^.'-.
parlai à M. Robert Chirurgien & à pliTem au^ret^èr b
nés dnd. lieu qui me déclarèrent avoir vu lad. Aune Augier
parahtique des jambes l'elpace de -'7 :.nc À, ^ug'ei
qu'elle "^ne pouviit le, foute^nit'nf Varche? &lê"dërs
Jeux ans cet.e paralihe/etoit étendue fur fônbr^ Juche
dont elle ne pouvoir e ervir Fn fiii A^ ^„„- ■• .«'""■"f'
prefent certiécat i Chaaions le 7 Avffl TA' V^"u'
maidel Prêtre Chanoine de l'Eglife de Chaa ons' ^'^'^ ^"
cfi «nV contrôle k Pans le 2. 1 un 1 7 r. ,éca , , '^,^''-''^^?'
g-;D"bois .„ ,,s ,fi ,r;n caille vVrttaMiiet'pf:
raphe au dehr de l'adte de dépôt pont minute pair>fp,r K
L" RAV^^i'o^fJotaher" "^ Montgbro.n f^ec LoYSot
^ cité efl ecrh: Icelle led. jour reçu 6. fols,
m^nrf .i?T"v^ ^i'^j ?'?'" ^""^'''=" ^o^me dit eft à II
«n?^r. I f'.''"''^'" ' '^ '°« demeure aud. Raymond
Notaire. Led. dépôt fait par M. de Montgeron CoiSr
Juillet 1754. le tout demeure aud.
au Parlement le i
Raymond Notaire
XVII.
I>'jrertaUo„ e» forme de Lettre très inliruBhe
& très i>,têrejrante de M. Souch.u CiLZ.
gien de M. h Prince de Conty.
M
O N s I E U R ,
tre'^%n"hi'i"n'\''°'" ^°"' ?" '^''" '= '«" dans vo're let-
îî^;a^,Ïen'nrî:/fi J« '" '^"'- - P^- - u^r"^
biumed^N;""'^"," /"">"" '='>°'"" qu'Anne Auçier ha-
an quelle perdit lut le champ tout mouvement" & gu^a°;
aevenuesiidenechecs qu'on n'y voyoit.m chair ni mollet,
/. Vemonft. Tome II.
& qu'il paroilToit qu'il n'y reftoit que la peau colée fur W
os; qu'Anne Augier eft reftée pendant plus^de 11 ans dans
l^ttt-u=fn-S:;r^^-^^=^
,^rqX","fi„'P"" 'f'''°"' '^'"- --fl^u' Ue'e cfnlT
Sh.r n ^"'•'^" " premier jour, elle a commence à
marcher: que 3. jours après elle a marche librement aue
le 17. du même mois de Juillet 1717 elle a ft if ni V ?
Be a qui il ne rcftetoit precUemeni que les os & h n..^
ra-oirr-n '/"^'"^ '^''' ™^^ nr'en" t!:?pa ':. itt'
iue "oÛ^s %t^ To?^" ^'^ ''^"-^ P^"'" '^ ''"fc-ion
Ss t: i-'c:si:îî?^^ik^?^5èiSil-
vt;v:î:l^:ifâ^^''^^''^----'^'-m<^ra:ii%i:Ltl^'^-
n'eV|5rafltt:?e""df trar" i" P^"'" ''^ """-"P'
uns fur les .InTt u^^^'\^'°^ genre _entaflis le-
les
çtoiflement aux parties, les autres font fiktees &?epa ce d^
la malle du laug pour fervir à des ufages particuUer tuile»
paiees, fortent hors du coips pour n'y pius rentrer
Il y a ou:re cela des efpfits, qui après avo"r été filtres V
fepares par le cerveau , cculent le lone des fibCnnnnr ?
:s$r-fv^^i^.^-d-âiiS?
Kfultent les duferens aiouvemens ^^ks^di^^ren^es \Z
lont volontaires, luvo ontaires & mivt..c '""5="2'« qm
c^.t par le moyen des r..^.!: ^^'^n ilj^'t^^,^
Les mufclcs ne font autre chofe, que des malTes nn nn.
n,efe.^p^^^^^^e£^^^
extrémités, lavoir par leur partie fupérieure & i^nobl
1. quou nomme la tè.e , & pat leui' partie infoC" qui
^ eft
Pièces jujfijîcatk'es du miracJe,
10
eft le point mobile qu'on appelle le tendon , ou la ijucùc
du mu(cle.
Les extrémités du corps tant fupéiicures qu'infctieurei ,
qui font les bras , les cuiUes & les jambes, (ont compolccs
d'os, de corps mufculeui & de la peau qui les recouvre :
c'eft par les corps mulcjleui que le font les raouveinens qui
dcBcnJent de notre volonté. . . .
h faut obrcrvct qu'il y a dans le coips murculeux quatre
pairies remarquables. . . .
La première eft celle qui fait l'aclion, ce font les fibres
charnues qui compofcnt le corps du mufcle.
La deuxième eft celle faiis laquelle l'aâion ne (c feioic
pas , ce (ont les ner ft Se les artères.
La troiûcme eft celle pat laquelle l'aftion eft mieuï fai-
te , c'cft le tendon ou la queiie du mulde.
Enfin la quatrième eft celle pai laquelle l'aélion eft coa-
fetvee. . . .
Il eft à obfervcr premièrement qu'on remarque de deux
fortes de mouvemens dans le corps mufculcux lorfqu'il agit :
celui de contraction, & celui d'cxcenfion.
Le premier le fait pat le racourcifliment des fibres char-
nues, le feccnd par l'allongemert de ces mêmes fibies. Tou-
te la force des mulcles dépend de la multitude , de l'agilite
& de l'étroite union de ces mêmes fibres qui font, comme
on la déjà dit , l'action.
neuvièmement , que les mufdes contiennent des vaifTeaux
de tout genre : il y a des neifs , des atteres & des vaiflcaux
limpha:iquc5.
Les nerfe portent l'etprit animal dans les fibres char-
nues pour les faire agir, & les artères portent le fâng ar-
tériel qui contient des parties nourticietes propres à repa-
rer , noiurit & donner l'accroifliimcnt à ces mêmes fi-
bres.
Le mouvement des mufdes dépend tellement de ces deux
agcns, que fi l'un manque, l'attion ne peut abfolument fe
faite i pat exemple , fi on aticte le coûts des efpriis ani.
maux dans un membre, ce membre n'aura plus de mou-
vement : en voici la preuve. Si on fait la ligatute duptin-
cipal cordon des nerf» qui fe trouve a la paitie fupeiieu-
te des membres, comme a la cuiflc ou au bras, la partie
irfciieure de ces mêmes membres , reftcra paralitique &
fans action. Cela prcluppolc , voici ptclentement quelles
font les caufcs , les différentes clpéces & les eftcis de la
pataliùe.
Les caufes éloignées font la mauvaife qualité des alimens
dont on ufe , leui défaut ou même leur trop grande quan-
tité , l'excès des pallions , fuitout les profonds chagrins j en
lin mot , tout ce qui eft capable d'altcicr les levains qui
fervent aux ptemietes digeftions.ou d'occafionner cette gran-
de diOipation d'elprirs , d'où il ne pcm refultet qu'un chilc
crû & indigefte , lequel mêle avec tes aiurcs fluides qu i com-
pofcnt la maflc du (àng , il ne peut s'cnfuivrc que des co-
dions inipai faites.
De CCS caufcs éloignées , fuivent les caufes picchaines ;
ces coûtions impaifàites produilènt des humeius vifqueul'es,
grofTictes , capables d'irriter , d'obftruer & boucher les
•uya'.ix nerveux , Ibit dans leur principe ou dans leur rou-
te i ce qui caufc la dimuiution de l'écoulement , Jc quel-
quefois même la ptivation totale de l'cfptit animal dans les
paities.
Ce font là les cau&s ptochaines ou immédiates de la pa-
talifie, \ quoi il faut aioutcr la comprefTion ou les dépôts
qui peuvent fe fane fur la roule des ncifs.
11 icfulte de tout ceci qu'il y a deux fortes de paraliiles,
la paralifie complctte & la paiâlifie incomplctte : on appel-
le paralilie complette celle ou il y a en même tems priva-
tion de tout nnjiivcmcnt & de tout fentlmem dans tou-
te l'ctendue de la partie afBigce de la paralilie j & para-
lifie ir.comiilcttc , celle ou il n'y a privation que de Icnti-
I -de mouvement , ii celle qui ne s'ctend que
< ic du memlne .iCligc de paialMic : la paralilie
; peut itie guciie quelquefois p.u le fccours du
Kii.i iX do icnicdcs quoique le plus (cuvent ils fuient fans
fucccs: mais la paralifie complette cil toujours incurable.
l'niir en I ■ - 1;^ raifons, il oft ncceflaite de lavoir
>; .'i! y a i. ncif. , dont les wv. font dilltihucs
ii'.i A les pj. e<; aux mouvemens , tels font ceux
qui le rcuCLPiuiciit daiis tes hhtcs clutiuics des cotps nmlcu-
Iiioi, lu auuc* (liai diikibucs dans les parues qui l'ctvcu
aux fcniations , comme ceux qui fê diftribuent dans le tiOâ
de la peau & ailleurs. Or la paralifie n'étant aunre chofe
qu'une ptivation de Pcfprit animal dans les parties , occa-
lionnee par l'obllmûion , la compreihon ou même quel-
quefois le dcflcchement des tuyaux nerveux, il s'en fuit que
Il tous les nerfs qui fe dilbibuent dans les panies oii s'opè-
rent les mouvemens & les fenlàtions , font obllrucs , com-
ptimes ou dcfliches , il y aura perte de mouvement & de
Icntiment conjointement; mais s'il n'y a qu'une portion de
ces nerfs affectée, ou l'aition reftcra tandis que le fenti-
mcnt fera perdu , ou l'action elle-même fera perdue fie le
fentiment tefteta.
11 cil encore bon de favoirque laptéfënce de l'efprit ani-
trial eft neceflairc non feulement pour les actions & les
tentations , mais aulTi pour la nourriture & l'embonpoint
des mêmes parties. On en peut tiret une preuve de ce qui
ne rnaiique jamais d'arriver dans la paralilie complene,
Lortiqu'une partie eft affligée de cette maladie . elle tombe
tlans rauophie ou amaignflcment, & par la fuite dans le
delTechemcnt (quoiqu'elle foit encore alfiftec du fang arté-
riel qui y circule. ) La caule en eft facile à appercevoir:
le làng artériel ne recevant plus cet cfprit capable d'animer
les pattictiles nourricières qu'il contient, l'avion des par-
ties fennentatives des fluides, le rrouvediminuce aufli bien
que la chaleur des membres , parce que toute chaleur pins
ou moins gr.inde , n'eft qu'un effet qui rdulte du mouve-
ment plus ou moins grand. Ce même fang n'étant donc
plu» qu'une malT'e languiflante & appauvrie, n'eft plus ca-
pable de réparer futSIainment les patties dans lel'quelles il
coule , ce qui fiit indilpenfablemcnt que peu à peu , les
corps graiOeux le diftipent, les mufculeux s'aft'aiflcnt : leiui
fibres charnues perdent leur vertu de reflbrt , ic par la fuite
fe dettuifent & s'effacent.
11 eft bien aile prelcntement de featir pourquoi la parali-
fie ineomplette peut quelquefois être guene, i>c pourquoi la.
paralifie complette eft toujours incurable.
La raifon de cène différence conlirte, en ce que dans la
paralifie ineomplette, les nerf> de la panie affligée ne font
pas tous obitrucs, les elprits anirnaiLX avant toujours leur
cours libre , ou dans ceux qui fervent a la fenlârion , ou
dans ceux qui fetvent aux mouvemens: ceux mêmes qui
Ibnt obftrues ne le font pas dans le principe commun d'oii
patient tant ceux qui fervent à la fenfation , que ceux qui
fervent aux mouvemens, puifqu'en ce cas l'un Se l'autre le
ttouveroicnt également perdus: or ces nerfs n'étant pas ob-
ftrues des leur origine, & le làng artériel étant toujoius
plus ou moins anime , par les efprirs qui Ibnt portes par les
neifs non obftrues, on peut cfpeter que les lemcdes, foie
extetieuts, fbit inteiicuis, pouiront diliipct les obllmêlions;
& qu'ainfi les elptits animaux tecommen^ant à couler le
long des fibres mufculeufes , avec pleine liberté , redotme-
ront aux patties affligées le fentiment ou le mouvement
qu'elles avoient perdu par leur abfcnce : il n'en pas de mè>
me de la paralilie com.plc:ie.
On connoit par les ert'eis que les portions des netfs qui (è
diftribuent dans les organes des mouvemens & des Icala-
tions font abfcinment obftiués ou bouches, non feulement
dans l'extrêmitc de lents branches mais même dans toute
leur toute & julqu'à leut principe, qui eft le cerveau, La
moelle allongée , ou la mocUc epinicrc , lotique tout
mouvement S: tout fentiment fi: trouve entièrement pei-
du dans toute l'rtendue de la patrie affligée de paiali-
lie , qife cette partie eft icftce privée de chaleur & qu'el-
le s'cft attophicc & s'clt dciVechce a la fin; parceque peu
lots il eft clair qu'elle a cte entièrement piivee des elpiirs
animaux , Se fi cet ctat a dure pendant plulicurs années ,
& que le dcflcchement paioilfe entier, aufli bien que l'a-
maigtifl'anent de tont le corps, on doit conclure que Icî
crps mulculcux non reniement font affait]i:smais que Icuis
fihics charnues li>nt aitierement dctiuites aufli bien que les
tuyaux iicivcux. Etqu'amù il cit impollibic à l'art fc à to
n.tiuie de leiablii des partie» tcduitcs en cet ctat.
Tel ctoit M. celui ou vous me maïqncz qu'i été An-
ne Augiet pendant plus de £i. ans. Vous me demandez
n les jambes (que vous me d:;es avoit été fans aucun
mouvement ^c lans aucun rci;t:incnt pétulant prcs de i:.
ans , Se avoir cic même delltchces |>cndant plus de îi.
ans ) ont pii namrcUeinent fe tanimer dans un moment ,
Ce acquciir tuut d'ua coup la fotcc de la l'outuiii à genoux
opère fur Anne Âugter.
fc de 11 feire mâicher. C'efl à dire cjua^ous me deman-
dez fi des jambes peuvent marcher (ans mulcles & fans
nerfs.
Je vous repondrai tout fimplenient, qu'il eft encoie plus
difficile de comprendre qu'Anne Augier ait pu marcher tout
d'un coup, (es jambes étant deflîchécs depuis zo ans, que
de croire que Dieu lui ait en un moment crée des corps mut
culeux garnis de toutes les parties, qui etoient abfoluraent
néceflaiies pour l'aftion.
Il eft vrai qu'on peut liippofer que les corps niufculeux fub-
lïftoient encore
En liippofant l'état où vous me dépeignez que <és jambes
avoient ete pendant plus de 2.1. ans, elles avoient été long-
lems dénuées des corps charnus ou mufcukux; en un mot
tous les organes qui etoient nècefiaires pour l'aftion man-
quoient abfoltiment, ainfi en fuppofanttous vos faits vrais, il
ftudroit nécellàirement en concluie, qu'il s'eft fait tout d'un
cùup dans fes jambes une rcgénétation nouvelle des fibres
charnues, & des vaifléaux de tout genr» capable de lent por-
ter les flics nourriciers & les efpiits pour les animer; il au-
roit encore fallu pour rétablir la fenfibilité , que les filets des
encore en partie cans les fambes_ d'Anne Augier, nerfs qui fe diftiibuent dans le tiflu de la peau pour la pet-
quoique (1 fort affaifles , qu'a peine pavoiflbient-ils, mais il ccption des objets extéiienrs, d'affaifles & d'effacés qu'ils é-
eft certain qu'en cet état, il n'etoient nullement capables d'à- toient depuis tant d'années, repriflént leur vie, leur force Sc-
ftion. L'efprit animal ne coulant plus depuis 2i. ans le long leur vertu d'élafticité. Or tout cela n'eft point poflible ni i
des nerfs, ni pour les mouvemens ni pour les fenfations , ce la nature ni à l'art.
qui fe prouve puilque depuis ce tems tout mouvement Se tout II n'y a que Dieu qui fafTe des créations, & l'art Sclana-
ientiment étoit perdu, & le fang artériel n'étant plus dans ture n'ont nulle reffource pour régénérer des parties quifent
ces parties qu'une maflè languiflante, appauvrie & delUtuée ablblument détruites: l'art peut bien quelque fois augmen-
des efprits qui doivent l'animer, &: n'étant plus pat conlequetit
capable de nourrir fiifHfamment les parties, il en reluire ne-
ceflaireraent la confequence, q^iie pendant un frjon» efpace
de tems, toutes ces parties fc lont atfaillees 6c dellecnecs , &
même que la plus grande partie en a eié détruite. En cet
état, tout ce qui éioit néceflaire pour l'action manquant ab-
folument dans les jambes d'Anne Augiet, comment fuppoler
qu'elle ait pu maicher naturellement;
J'ai obléive premièrement, que c'eft par les fibres char-
ter le mouvement des fluides qui coulent dans les tuiaux,
raminer les efprits qui s'etoient comme concentrés, & ai-
der à la nature à déboucher quelques obftruétions. La na-
ture par le moyen des liqueurs & des efprits animaux en-
tretient, nourrit, augmente même fes parties &les fait croî-
tre, & réjoint des parties divilees en rempliifant levuideqi'i
efi entre deux, par des liqueurs qui acquièrent de la folidi-
te & forment peu à peu un corps ferme qui eft ce qu'on ap-
pelle une cicatrice. Mais encoie un coup, ni la nature nr
mes qui compofent le coips du miifcle ,tjue fe faitTaélion ; l'art ne peuvent point renouveller des paiticsquiontéteanéan-
' ' '' ' ' '"" ' " "' "' ''*" tics. Voila M. tout ce que mes études & mon e.xpérience
m'ont appris à ce iîijet.
l'ai l'honneur d'être avecbiendurelpeft M. votre très hum-
ble & très-obéilTant lerviteur, Slgiiir. Souchai Chirurgien
Juré, à Paris le i. Janvier 1754. -^ c^é eft écrit: contrôlé
a Paris le 7. Juillet 1754. reçu 12. fols Signé la Croix. E>r
tête de 1,1 première pape eft écrit, certifié véritable, figné &
paraphé au defir de l'acle de dépôt pour minute, patTc par
devant les Notaires au Châcelet de Paris fouQignes ce 14.
or fuivant ce que vous me matquez. les bbres charnues des
ïambes d'Anne Augier s'etoient dilfipecs, puilque les jam-
kes etoient defl'échées &: qu'on n'y appetcevoitplus de chairs.
J'ai obfeivc en fécond lieu que l'action ne fe pouvoir point
faire fans les miaux nerveux : or en fuppofant les faits que
vous me matquez, tous ces tuiaux dévoient être affailles,
ditfipés & même détruits, & etoient pat confcquent ablblu-
ment incapables de porter dans ces jambes les efprits ani-
maux, pour les raminer.
J'ai obferve en troifiéme lieu, que le tendon eu nécellai- Juillet 1^54. Sipié Carre' de Montgeron, LoysoN Ôc
le pour la peifetlion de l'adion , c'eft proprement lui qui Raymond avec paraphes.
l'achevé, paice que quoique l'aéiion fe fille pat les fibres
charnues qui compofent le corps du mufcle, néanmoins l'ans
le fecours du tendon attache à l'extrémité des membres, la
texion & l'extenfion de ces mêmes membres , ne poutroit
s'accomplir :ainû par e.xemplejfi les tendons flechifleuts des
doigts etoient coupes , les doigts refteroient étendus Si. ne
pourroient être fléchis ; or les tendons des mufcles des jam-
oes d'Anne Augier, fans doute etoient, non-feulement tom-
bés dans l'afl-'aillèment, mais aufii dans le roidiflément; c'eft
ce qu'on remarque toujours en pareil cas; ainfi ayant perdu
leur vertu de rellbtt,refpiit animal ne coulant plus le long des
fibres tendineufes, & leur fuc nourricier étant de mauvailé
qualité, ces mêmes fibres s'etoient deflechees depuis long-
tenis ; 6c il eft certain que dans toutes ces circonflances , el-
les etoient incapables d'aétion.
J'ai obferve en dernier lieu, que l'aftion des mulcles eft
ccnfervée par leurs membranes, ou enveloppes qui conùlVnt
en une toile dont la fermeté contribue beaucoup à la vigueur
des mufcles ; de cette toile procedenr une quantité de filets
membraneux qui s'entrelalfcnt avec les fibres charnues , les lient
& les alfemblent, de manière qu'elles ont une direction à
peu près petpendiculaite à la direftion des tendons, ce qui
contribue beaucoup à la force des mufcles , 6c par confequent
à la facilite des mouvemens dont cette membrane conlèive
l'aftion. Mais fl les mufcles eux-mêmes font affaifles, C
leurs fibres font défiechées Se diflTipées , leur membrane de-
vient tout à fait inutile pour l'action.
- Cependant M. fuivant que vous me le matquez, les jam-
bes d'Anne Augier ont été ranimées en un moment, 6c dans
ce "moment elle s'eft jettée à genoux 8c elle eft reftee plus
d'nn quart d'heure dansicette lîtuation; dés ce i. jour elle
a commencé à marcher, 5. jours aptes elle a marche libre-
ment, le 9. jour elle a dit plus d'un quart deliciicàpied,
& en peu de tems elle s'clt trouvée autant d'agilité &(. de
force, qu'elle en avoit eu avant fa patalyfie.
Eft-ce ferieufement que vous me demandez fi celaapû ar-
river naturellement.
Je nliefitcrai point à vous répondre que non. Anne Au-
gier n^a pu faite naturcllenient tous ces mouvemens', fans
que fes jambes ay«m été fouivueï des organes iiéceflàiïcs gom
les exécuter.
XVIII.
Differtatlon de M. Cann^tc Chirurgien Major de^
Gardes ,aujp frafante Qp décijive que celle
de M. SoHcbai,
M
ONSIEUR-,
La m.miere dont vous me tiemandez moii avis au fiijet
d'Anne Augier habitante de Mareiiil, eft troppieflintcpouc
vous refufer cette marque de mon tefpedueux attachemenr.
&c.
Vous me marquez M. que lad. Augier fiit fi violemment
attaquée de paialyfie fur les jambes le t. Novembre i-o^".
étant alors igee de 20. ans, qu'elle perdit fur le champ
tout mouvement , 6t qu'au bout d'environ rz. jours elle y
perdit tout lêntiment: que 7. ou 8. mois aptes, fes jambes
font devenues fi delfechees qu'on n'y voioit ni chair ni mol-
let, 6c qu'il paroiftbit qu'il n'y reftoit que la peau côléefut
les os: qu'Anne Augier eft reftec pendant plus de 11. ani
dans cet état à compter depuis le i. Novembre foç. jour
de fon accident jufqu'.iu 8. Juillet r7l7. jour de fagueriforii
fans que les remèdes qu'on lui a donné lui ayent apporte au-
cun foulagement; qu'enfin la paralyfie avoit gagne lès cuif^
fes , qui de même avoient perdu tout mouvement Se tout
fentiment.
Que cependant le 8. Juillet 1717. fes jambes s'etoient (t
bien ranimées dans un moment, qu'elle te jetta à genouxv
6c s'y tint depuis l'oftertoire d'une meflc qu'elle entendoic
juiqu'à la fin: que des ce premier jour elle a commence 2.
marcher: que 5. jours après elle a marche librement; que
le 17. du mois de Juillet 1727. elle à fait plus d'un quart
de lieue a pied , 6c qu'en peu de jours elle a eu autant de for-
ce 6c d'agilité dans les jambes qu'elle en avoit avant là paia>-
lyfie.
Voilà l'expofé que vous me faites l'honneur de me faire..
Voici ce que je penfe fur ce prodige qui a de quoi étonnai
également , la Médecine Se la Chirurgie.
Je commeiicetai pit vous domiet une idée dt l'isconotnie
C 2. aaxg
13
animale ; elle fera fimple & courte , paice qu'il vous fuSt
de l'ivoir telle pour vous fiirc une image de l'jtat parfait
de nos parties: je vous ferai connoitrc cnfuite ce que c'ell
qac la paralylie & fes effcrs ; enfin je voaî dirai ;v:c liber-
té ce que je penlë, fur la dimculte de guérir ceue ficheufe
maladie , & je tâcherai de le faire de façon a vous faire ju-
ger de mes preuves, & de mes confequences.
Et) gênerai Taclion , le fentimcnt & la vie des partiel de
notre corps dépendent de l'cquiUbre des deux fubllances qui
le couiçofenc. Savoir des tiui.ics & des folidcs.
Les lolidcs doivent avoir des proportions dans leur ftru-
fture : ils Ton: creux ou potcuit pour être ttaverfes librement
£ar les diffcrens fluides, toit pour la nourriture & l'accroil-
Icracnt, l'oit pour c:re filtres pour des uûges particuliers ne-
«clTàiicmcut utiles i l'animal, foit enfin pour eue cliaflesSc
fenarcs au dehors. &c.
Les os Icrven: de lourien à toutes les parties du corps. Se
la peau leur Icrt d'enveloppe ; mais les os ni la peau ne
font point un membre, ni ne làiiroient être regardes com-
me des organes du mouvement jc'eft aux mulclcs Iculsàqui
certe aftion appartient.
La fubftance Iblide prife gjncralemenr , à tiois fortes de
mouvemcns. Savoir : de volontaires , d'involontaires Se de
roilttcs; Icfquels font produits particulièrement par les muf-
cles , qui for.t les fculs organes du mouvement.
Nous ne parlons pas des mouvemcns occaûoiineJ par le fcul
iciîbrt de certaines parties, pat le choc, ou impulûon exter-
ne , ou par la feule pcfanteur des parties mobiles.
La fubftance fluide a des mouvemcns qui lui font propres:
les Phificicns les compreaent fous trois fortes: Savoir, ce-
lui de fluidité , celui de irurioQ,& celui de fermentation. C'eft
pat CCS trois forics de mcuvemens, que le fang cft porte par
les artères, du centre à la cire onfcrence , & repo:;c de la
circonfcrcnce au centre. &c.
De toitej les parties ce la fibftance foliùc nous ne parle-
ions que des m .fclcs, qie ne.-.i ueïo-:s regarder Cvmme les
fculs o.gancs Jes mcuvemens .'c cese fubftaiice : nous les con-
fiilc.ons comme des raafl'^s fibrc-d';iC3mpofecsi'c filets char-
nus lufferemnienr figures & etendui, & rec-jvetîs d'une
nK-:nl>:a!:e ou cnvcl'Jjir': f!càc,ilit:c.
Ces malles ou ; V ' ; fiLts cha:nisor.îdireflort :
ellcUbnt cbftic :t:: .-i Is ;Tc:.et:cntr.rrtent, félon
l'opinion 11 pfiis f-. ... - -.; .t animal pour les feixe agit:
les aitetcs leur portent le iHn^. &c.
Le mouvement des mufcles, dont nous écartons le détail
phyfique, dépend pric;ipa:emcnt de ces 3. chofcs, l'tlaftici-
te des fibres charnues, l'clprit animal. Se le ftng artériel.
Les diffcrens Crtcmei des iViccani;ier.s fur le mouvement
mufculairc font étrangers à noue fujct, d'ailleurs il n'en
eft point qui n'admertc ces 3. agens comme les 3. caufes
cll'entielles du mouvement de nos parties folides.
Ces notions générales une fjis établies. . . Nous allons voie
prefentemeut quelles font les caufes , les différences & les ef-
f.:is de la paralyfie : nous examinerons autant qu'il dépendra
de nos lumières & de notre expérience, celles qui font in-
curables & celles qui peuvent être guéries; enfin nous indi-
qiierons pourquoi nous pcnibns, d'une telle manicte, par
rapport aux unes & aux autres. Sic.
La paralyfic prilc généralement eft de deux fortes, l'une
tompleltc i!i l'autre incomplette.
La première ei\ celle dans laquelle il y a en me nie rems ,
privation de mouvement Se de fentiment dans l'ctendue de
la i>.uiic affligée de paralyfie.
La deuxième eft celle dans laquelle il n'y a que privation
de mouvement ou de fentimcnt, ou diminution de l'un &
de l'autre.
Ces dnix par.-ilyfics font également caufees par l'obftruaion
des nerfs j mais on lent bien qu'elles dillcreat eu ce que
la eompletie dépend de l'obftmtlion totale du principe des
I ;' c dans celle quifuit l'apoplexie, oubiendel'ob-
I irone |>tincip.il du ncif de la par ie .itiligce; au
I 1 paralvlie incomplcitc a pour caulé l'obllniclion
de quelque branche du mcinc tronc, ou l'on oblUuiiion par-
lialc.
Il n' ' ' 'eux que rohftru:1ion des neifs ne foit la
cjiifc .lire Je II p41.1l.Mic, l'expcricncc le con-
firme .- ' l'adnp;e (><"■ di'hculc.
Si on lie ciioitcinem le cotdou piiiicip.il d'un nerf .la par-
tie tonibcta daoi l'impudlance 9c daib l'ainaigtiOcjncut ;
Pièces jujlificativei du tn'irac7t
qu'elle en eft la caufe, fi ce n'eft que la ligature attéte te
cours des efpritsî II eft donc certain que la paialvùe eft une
fuite de la privation de l'efprit animal. Et dcU ii fuit , que
fi le tronc du nerf qui le diftribue daus une partie , eft ob-
ftrue totalement, il y auua enlêmble pcr:e entière de mou-
vement & de fentiment: au lieu qu'il n'y a'jra que perte de
l'un ou de l'autre , dans l'obllruàion de quelque branche ,
ou dans l'obftruciion paiiiale du cordon principal.
De cet expofc que l'expérience aurorife, on doit conclure
ce que nous avons avance dans la première partie; quel'ef-
prit animal eft le mobile qui détermine les divers mouve-
mcns iSc les diftércmcô lénlatiOiis; mais il fa ir plus. Nous
l'avons déjà indique: il ramine & vivifie, il fcrt a la nour-
riture Se a raccroillcmenr. Se on en peut tirer une preuve,
de ce qui ne manque jamais d'anivei dans la paialylie eom-
pletie.
Lotiqu'ur.e partie eft affligée de cette maladie , elletombe
dans l'atrophie, ou amaigiifiemem: la caulé en ell facile à
appercevoir. Le fang artériel ne recevant plus cet efctit ca-
pable d'animer les parties nounicieres qu'il contient ;raâion
fermcntative des fluides, lé trouve diminuée aulTi bien que la
chaleur des membres. Ce même lâng ii'erant plus qu'un*
malle appauvrie , n'cft plus capable de réparer fuiiïfamment
les parties; les corps graiflcuxlêdiiripent;lcsmufculeuxs'af-
faiflcnt ; leurs fibres charnues perdent leur verw de teû'ort ;
Se par-ia deviennent incapables d'aucune aciion.
Ce que nous avons dit , nous a conduit aux eftéts de cet-
te maladie: nous nous renfermerons ici dans le pronoftique
que l'on en doit faire. Se pour éviter un détail ou ennuyeux,
ou inutile, nous ne parlerons que de celui qui regarde les
deux cfpeces de paralyfies, donr nous avons parlé.
Ce pronoftique le prefente de lui-même; la diftinâiondc
ces deux maladies en fait la difterence. Nous dirons donc
que le pronollique de la paralyfie comple'te eft toujours ,
qu'elle eft abl'olument incurable' Se que celui de la paralyfie
incomplerre eft , qu'elle eft rres-diScile à guérir: la raifun
de cette difterence confifte.en ce que dans la première, tous
les netfs font obftrues , au lieu que dans la féconde ils ne le
font qu'en partie.
Tous les nerft étant obftrues dans U paralyfie complette la
partie affligée fe trouve entièrement dépourvue des efprits
animaux :ainfi il ne refte plus aucune rellburce:au lieu que
dans la paralyfie incompletiC les nerfs n'eiant oblbues qu'en
partie, il refte des efprits animaux dont l'afiion peut s'au-
gmenter, 8c qui peuvent peu à peu déboucher les obftm-
elions, & ranimer la partie; ce qui n'arrive néanmoins que
rarement.
Si vous fouhaitez que je vous e!tpliquepIusaulon^lesrai-
fons pour lelqueUes la paralvfie complette eft Béceftairemcnt
incurable , il me fera ailé Je vous làtisfaire.
Pour la pouvoir guérir , il fjudroit pouvoir diftipet l'ob-
ftruftion des neift, fans le Iccoms de l'cfprit animal, qui
n'cft plus dans cette partie: or c'eft ce que ni la napjic ni
l'arr , ne peuvent jamais taire. . . .
" La nature à la vérité , peur bien quelque fois changer la
difpofitioii des humeurs, d'oti l'obftruc^ion des nerfs a pris
(î caulé; mais ces nouvelles humeurs, quoique d'une meil-
leure qualité que les préceJenres, ne portent pas pour cela
les efprits animaux dans les parties, dont tous les nefs font
obftrues; pnilôue la route desefpri:s animaux, qui ne cou-
lent que par (es neift, eft rotalement barrée p.ir leurs ob-
ftriulions ; aulli voit-on que même dans la paialyfie Incom-
plette , l'obftrurtion des nerfs liibfifte fouvenr , maigre le chan-
gement avantageux de nos liqueurs. La nanire le foulage
quelquefois par des évacuations critiques, ou des dci'otsde
tianfpon d'iuimeurs , d'une partie fur une autre. Ces tcf-
Ibuices e-ficaces Ibnt familières à la namte : elle peut
avec facilite diiriper des enjorgemeis Se des >' .Luu
des vaidéaux fa.^guins Se lymphatiques, de s Je
des al>ces dans les vifceres S: ailleurs; m;... ^,,,.,,,ci de
ces elpeces font connus en Médecine Se en Clurvirgie. Se l'on
peut en expliquer les caufes Se les moyens, d'ure m.miere
latisfaifante: mais il fuiTira d'obfervcr , que la natuie ne fait
tout cela que par l'action même des efprits animaux.
L'obft:u;!ion des vaillV- - ' — •"- .'• 1 ■■ ••• y-î, Je
de même celle des vjiflc; dui-
(cnt des cnjorgemeivs , di '.i-
turc peut quelquefois dillipct U'Ui c<.
anim.v.ix; mais tien8cpeu:fuplecià U
pariie. 1 . . o-
opéré fur
L'obftiuftiôll des netfs ne produit pas des engorgemens ,
dcs_ inflanimaiions , des abccs dont la nature peut Te dcba-
laflev: elle produit une ceUaiion d'aûion & ai fentiment,
d'eu s'cti fuit l'atrophie, raraaigrifleuient , & le déllcche-
inent des parties: comment la nature fera-:-cUe couler des
efprits, dans une partie dont tous les nerfs fomobftmcs,&
?[ui par-là a perdu la plus grande partie de fa chaleur Sx. de
a vie dans cette partie. Ce font les eiprits par l'artion dcf-
quels la nature fe foulage & le debarraiVc ; i!c ce font ces el-
prits mêmes qui manquent , & qui manquent entièrement
dans toute l'étendue de la partie affligée ; quelle rellource
pourroit donc avoir la nature î Auffi l'expérience confirme t'el-
le que jamais des membres qui font une fois tombes en pa-
lalyfie complette, n'ont repris leur attion & leur mouve-
ment.
Mais peut-être croira-t-on que l'art peut difTiper l'obftru-
ûion totale des nerfs dans une partie. . . .
L'art ne peut teuflir , à moins qu'il n'y ait une difpofi-
tion dans la nature , capable de prohier des lemedes ; il faut
qu'elle foit en état d'obeit aux deietminatious que les remè-
des lui impofent. &c. . . .
Si vous me demandez préfentement, M. de faire l'appli-
cation de ces principes a la gutrifon d'Anne Augier, elle
kra fort aifce : il eft certain que fuivant votre expofe , loil-
gu'Anne Augier a été guérie lans remèdes & en un moment,
il y avoir plus de 20. ans que fcs jambes étoient tombées
dans une paralyfie complette , puifqu'elle y avoit perdu eniic-
lement tout mouvement fc tout fentiment: il y a plus. Ses
jambes, depuis unfi long-tems, s'ctoient delTechees au point,
de faire croire aux perfonnes qui les voyoient , que les mul^
des avoient été en quelque forte anéantis : & qu'il ne reftoit
plus à ces déplorables extrémités, que la peau collée furies
os. Mais (ans examiner fi les fibres charnues qui compofent
le corps du mufcle , & les tuyaux nerveux par lefquels les cl-
prits animaux fe communiquent , avoient été ou non effa-
cés Se diffipes pendant un fi long e'pace de tems ; au moins
cft-il certain , que fuivant ce qu'il relulie néceflairemenr de
votre expofé ils avoient été entièrement affaifies ; or cela fuf-
fît pour qu'il fût abfolument impoffible , à la nauue & à
l'art , de rétablir des parties réduites à un pareil état , & de
les rendre capables d'aflion. Depuis le long-tems que les
tuyaux nerveux étoient affailVes , ils étoient évidemment del-
fechés, & ils étoient devenus par -là, dans toute la longueur
de leur étendue & de celle de toutes leurs branches , abfo-
lument incapables de recevoir les efprits animaux, & de les
faire pafl'er dans ces parties.
Il n'etoit pas feulement queftion pourguérir Anne Augier;
de déboucher l'obftrutlion des nerfs , il falloir rendre les
Jnne Jugier. 13
tuyaux nerveux , qui c'roieBt entièrement afFàilTcs Se (lellc-
ch'es , capables de recevoir les elprits animaux , &: de les fai-
re partir jufqu'aux extrémités de toutes leurs branches & dans
routes les pairies de ces membres dctVtcliés : cela ne le pou-
voir qu'en les retablilîant dans leur premier et.it; ce qui eft
abfoUimeiit impolfible à la nature ix à l'art: il fàiloit aulfi
rétablir les fibres charnues & les rendre capables de force Se
d'elafticiic.
En un mot, tout manqiioit dans les jambes d'Anne .'\ugiet
pour l'action Se pour le lentiment ; le tout mauquoit depuis
pkis de zo. ans, pendant lefquels le défaut d'efpriis animaux,
de chaleur & de nourriture fuifilànic , avoit rendu fa guéri-
fon de plus en plus iinpolVible.
Dans cet état il ell: certain qu'il ne pouvoir jamais y avoir
aucune leflburce, ni du cote de la nature, ni du côte de
l'art; S: que cette gucrifon n'a pu être opérée que par le Ctéa-
reur de l'univers qui pour exécuter fes volontés, n'a pas bc-
foin de trouver dans la nature , des difpofitions qui y l'oient
proportionnées.
Voila M. ce que je penlc , fur l'expofé de la maladie &
de la guétifon d'Anne Augier , que vous m'avez fait l'iion-
neut de me faire. Cette guerifon me frape (i forr, qu'elle
ne me laiflé pas maître de vous diffimuler, quels font mes
fentimens a cet égard: je vous les communique même avec
plaifir , pour en faire tel ufage qu'il vous plaira , peut-être
mes réflexions ne feront-elles pas du goût de tous les pliili-
ciens ; principalement de ceux qui ne conviennent jamais des
choies, mêmes évidentes. Au lefte M. ma dilTcrtation n'cft
point pour eux ; ce feroit une trop grande entrepriie, de vou-
loir perfuader à qui ne veut pas croire : mais j'cfpérc qu'el-
le fatisfera tous ceux qui examinent les choies fans pieven-
tion; Se qui conlultent leur railbn (8c non leur caprice,
lents palfions ou leurs intérêts ) pour former leurs jugemens.
J'ai l'honneur d'être avec un refpeftueux attachement Mon-
fieur, votre ties-humble Se très obeilTant fetviteur. Signé
Cannac. Â cité cfi é^rit ce i8. Février 1734. An. dcff^n
eft écrit contrôle à Paiis le 2?. Février I7;4. reçu 12. fols
Sîgné la Croix ; en marge de U frcmiere page eft écrit : certi-
fie véritable, figne Se paraphe au defir de l'afte de dépôt
pour minure, pallé par devant les Notaires au Châtelet de
l'aris fouflîgnez ce 14. Juillet i"';4. J(;c-«t'CAURE' deMoNT-
GERON avec LovsoN Se Raymond Noraites.
Es originaux defd. pièces dépofces comme dit eft le tout
demeuré aud. Raymond Notaire, led. dépôt fait par Meflîrc
Louis Bazile Carré de Montgeron ConfeiUer au Parlement ,
le 14. Juillet I7!|4. à la minute duquel lefd. pièces font de-
meurées annexées, le tout demeure au dit Raymond No-
taire , Signé Loyibn Se Raymond avec paraphes.
DECLARATION DE JOSEPH MASSY LUTHERIEN
Cuèri miracuhufement en preuve que les Appel/ans fitivent fa vérité: Guerifon que "Dieu à fait fervir
lui faire abjurer les erreurs dans lefquelles il avoit été élevé, à lui faire embraffer le
parti de la vérité, & à s'y attacher de tout fon cœur.
PAr devant les Confeillers du Roi Notaires au Châte-
let de i^aris foulTignes. Fût prcfent Joseph Massy âgé
de près de vingt ans, Irlandois de nation, fils de Jo-
feph Mafly Maître Tailleur d'habits. Se de Catherine Mor-
phy (à femme fes père Se mère demeurant à Corke en Ir-
lande, élevé dans la religion Luthérienne qui eft celle de
fes perc Se mère; mais dont il a reconnu l'erreur depuis
quelque tems , Se eft prêt d'en faire abjuration folcmnelle :
étant de préfent à Paris logé tue Poupée paroiflè S. Severin.
Lequel dans le delir de rendre gloire à Dieu de la grâce fin-
guliere qu'il lui a faite d'éclairer fon efprit cnguerillàntlcin
corps par un miracle évident, a requis les Notaires foufli-
gnes de recevoir fa déclaration fuivante.
Savoir : Qu'ayant été envoyé à Londres par fon peie pour
fe gerfeftionuer dans fon métier de Tailleur , il a cû la cu-
riohté de venir à Paris pour y aprendre les modes Se le goût
François. Qu'il arriva à Paris vers le ij. Décembre 1750.
& fe mit à travailler chez le fieur Donavant Irlandois Maî-
tre Tailleur demeuranr dans l'enclos de l'abbaye S. Germain
des Près: que led. Donavant eft Catholique, mais très-pré-
venu contre les Appel!ans,ce que le comparant reconnut très-
aifement par plufieurs difcours qu'il lui tint, qui lui faifant
/. Demonlî. Tom IL
appercevoit qu'il y avoir de grandes contcftations parmi les
Catholiques, lui donna encore plus d'eloignement qu'il n'a-
voit jamais eu pour cette religion : Que cependant au com-
mencement du mois de Février de la prefente année I7?7.
étant tombé daugeieufement malade d'un point de côté ac-
compagné d'une groflé fièvre continue avec des redoublemens,
il fe fi? porter à l'Hôtel-Dieu. Qri'au bout de 7. ou S. jours
les remèdes qu'on lui donna firent palier fon poiiit de côté ,
mais ne purent le guérir de la fievrej ils en diminuèrent
feulement l'ardeur. Et qu'aufli-tôt que fon point de côte eût
été guéri, il lui poufla en difterens endroits du corps uneet
péce de lèpre ou galle qui formoit des plaques de couleur ver-
te, qui s'etendoien; chacune de la largeur d'une pièce de 24.
fols ou environ, qui le rclevoient en boflè Se étoient ties-
profondes : Se qu'il y avoit autour Se au deflous de chaque
plaque , une efpece de bourlet de chair d'une grande dureté.
Que d'abord il lui vint de ces plaies aux deux mains, entte
le pouce Se le premier doigt: qu'il lui en poufla cnfuiteauï
cuifll'S, aux jambes, aux bras, au cou Se à l'oreille gau-
che: Se enfin qu'il lui en vint fur les deux mammelles, qui
lui couvroient précifement le milieu de chaque mammeile,
de la largeur d'un petit écu ou environ. Qwc toutes ces
D playes
14
plaves lui 6ifoient beaucoup de douleur pour peu que quelque
chôle ftotic comte , & pour peu qu'elles fuilent ccotchces ,
ou lorfqi^cllcs le fcivloicnt , qu'alors il en loitoit un lang
fort tougc, ce qui lui caufoit une cuiflbn inlupportablc :
qu'il fit d'abord quelques remèdes extericius qu'on lui indi-
qua; mais qu'avant éprouve que ces remèdes ne faifoicnt
qu'aigrir encore Ton fang & enflammer de plus en plus fes
layes , il les ccfli cnticremcm vers la hu du mors de
lais-
Qu'aufli -tôt que la violence de fa fievTC fût un peu di-
minuée , la religieufe qui avoit foin de la falle ou il etoit
lui donna un livre compofe pat M. Pes-Mahis qui avoit
cté un fameux rainilhe l^roteftant : & qui ayant depuis em-
brafle la religion Catholique , avoit conipolc ce livre pour
prouver que cette religion etoit la véritable : que la lecture
de ce livre lui fit une impreflîon très -vive, & lui donna le
deCr de s'iiirtruirc plus â fond de la religion Chrétienne
qu'il n'avoir fait jufqu'alors. Qu'ayant déclare les nouveaux
(cntimcits qui fe fbrmoicm dans l'on cœui , plulieuts perlon-
nés s'offrirent de l'inftruirc , Se cntr'autres M. Macmahon
Prêtre Irlandois qui eft en office a l'Hôtel Dieu ; mais que
ce Prêtre lui parla avec encore plus de force contre ceux de
fa religion qu'il appelloit Janlcniftcs , que contre les Lu-
thériens, lui dilant qu'il falloir qu'il prit bien gatde de le
kiflet feduire par ces gens la qui etoient une lecte condam-
née par le Pape & par prcfque tous les Evéques Catholi-
ques : que plulieurs autres perlonnes de l'on pays loi - dilkns
Catholiques lui tenoicnt à peu près les mêmes difcours, 6c
paroiflbicnt fort animes contre ceux qu'ils appelloicnt lan-
fenilles. Que d'autre part un Prctte d'an catactcrc fort doux
& foit infinuant, étant venu tous les jours lui expliquer les
dogmes & la morale de la religion Catholique, lans lui pat-
Icr contre les Janfcniftcs, il f: doura qu'il pourroir bien en
être un , d'autant plus qu'il lui parloir fouvcnt de la neccl-
fite de l'amour de Dieu, & de la Toute puillance de fa gta-
ce;& que les autres Prêtres lui avoienr dit que ceux qu'ils
«ppclloient janllnilUs étoient outres lur ces deux points:
que lui avant demande s'il n'etoit point un Janlenilte, ce
Ptctre lui dcdara qu'il etoit un AppcUant, & lui expliqua
les motifs pour Icfquels il croyoit être oblige de rcjcrtet la
nouvelle Conftitution, qui caufoit tant de trouble dans l'E-
elife Que le comparant fit fort fiche de voir que dans la
religion Catholique il y eut tant de divilion , dont il avoit
dcia eu quelque connoiflancc par les dilcours que lui avoit
tenus ledit licur Donavant : que fa lituation d'elptit ctoit
tfaurant plus cruelle , qu'il en favoit déjà allez pour voir
avec évidence qu'on r.'ctoit point dans la voie du lalut dans
la religion Protertante: qu'il fouhaitoit de toute l'atdcur de
fon coair de trouver la vérité & d'embtallér la religion ou
il piit fc fauver , mais qu'il y voyoit un obftaclc qui ctoit
prefqu'infurmontable à les yeux. Que d'une pan il ne fe
l'entoit pas alfa hardi en cmbraflant la religion Carholiquc,
de concfamncr en mcme-icms une dccilicn du Pape reçue
par ptclque tous les Evcqucs de fa communion : que d'au-
tre part il voyoit avec une peine extrême, que cctic deci-
lion prolctivoit àcs propolitions qui lui paroifloicnt fane le
fondement de la morale Chrétienne: mais que ce qui lui
Êifoit encote plus d'iinptcOion en faveur des Appellans
dont quelques uns venoient l'exhorter , etoit qu'ils allu-
roier.t que Dieu avjit décidé lui-même pat une infini-
té de miracles accordes .i l'imeicelHon de M. de Pans ,
qui etoit de leur même fentimcnt , que la vtrite ctoit
fait des miracles dans cette
leligion depuis fon ctablifl'cmcnt, au lieu qu'il n'en avoit
de leur cote : que comme une
le plus peifuaJe de b vérité de
étoit que Dieu avoit toujouts
leligion depuis fon ctabliflcm-... , , .
£ji; aucun dans les religions qui s'en etoient Upaices, il
lui Icinblou que les miracles croient une preuve incontefta-
ble que la vérité etoit du côte de ceux en faveur de qui
tjieu les f.iifoii ; mais qu'il avoit peur que les niitadcs
4unt les Appellans s'.iutotifoieiu ne fuflcnt pas vctitables ,
8c qu'il ne |K)';v(iit pas concevoir que tous les CitholiQucs
ne fc ranficadcm pas de leur cote fi ces miracles culTeiit
cte bien ccitanis: i|u'ctaiit daiv. tou.cs ces peines d'cfptit il
fc dchuil «gaiement de tout le monde & ne l'avoi; de quel
tôle fe Heiermuict; qu'il lifoit avec avidiic tous les livres
,, |. lur tu contre, mais qu'il n'oloit s'en
/, c dccilion, î< que La cuinte qu'il avoit
lit ., . jn luici ou il eioit i^ucAion de l'cieiut-
Dèclarat'ton de Jofeph Majfy Luthérien
te , lui mettoit le ling dans un mouvement prodigieux 8c
le plongeoit enluite dans une ptofonde triftcûé: qu'en cet
état tout l'on recours croit la prière , mais qu'il fe fenroit fi
indigne des grâces de Dieu, qu'il mouroitde peux qu'il ne
l'abandonnât à fes tenebtcs : que dans cette perplexité il é-
coutoit tout le monde , dilputoit contte chacun , fc ne ao-
yoit perfonne. Que 'le Jeudi 4. Avril dernier on lui vint
dire qu'un Confeiller au Parlcmenr M. de Montce-
R o N le demandoir , & le prioit de venit dans une cham-
bre ou il etoit , qu'il ne douta point que ce ne fut pour
l'attirer foit d'un coté (bit de l'autre, n'étant pas naturel
qu'un homme de cette condition qu'il ne coiuioilToit point
eut a lui patler : que craignant que ce fut une tcducHon
pour lui, il tcfiifa d'abord d'aller dans la chambre ou M-
DE iMoNTGERON l'atteiidoit , fc que ce ne fut que
comme par force qu'il confcntit enfuitc d'y aller fut la le-
prel'enralron que lui fit une religieufe , qu'il etoit mal-hon-
nête de tcf'jfcr d'aller trouver à quatre pas une perfonne de
condition qui fouhaitoit le voir; mais qu'en y allaor il te-
folut de fe bien tenir en garde contre tout ce que ce M,
pouttoit hii dite.
Qu'effectivement M. de Montgeron lui patia d'une
maniete fort vive pour l'engager a le ranger du cote des
Appellans: qu'il lui dit qu'ii s'ctoit fait un gtanj nombre
de miracles inconteliables en leur faveur, 8c que lui-même
avoit cte converti le premier jour qu'il avoit cte au tom-
beau de M. de Paris qui etoit un Appellant reconnu pour
tel par les deux partis , & a l'intetccffion duquel Dieu avoit
accorde les miracles dont ilpatloit; que fon difcours ne laif-
fa pas de taire quelque imprcdion au comparant , mais qu'il
ne voulut pas le lui témoigner & qu'il lui dit au contraire ,
que s'il falloir tant que de quitter la religion de fespercs.cc
feroit pour enrrer dans la religion Catholique & pour s'unii
au Pape Se aux Evcqucs. Que cette reponfc parût piquer fort
M. DE MoNTGERON, & qu'il Iclaill* aulfitot en lui difant
que tout ce qu'il lui reeommaiidoit etoit de bien pria Dieu
qu'il lui fit Connoitre la vttite. Que quelques jouts aupara-
vant un M. Irlandois accompagne de >1. Macmahon ,
lui avoit ptopolc de le mettre à lés dépens chez un Chirur-
gien pour le faire guérir , lui reprelcntant qu'il ne gucri-
roit jamais a l'Hotcl Dieu tant a caulc du mauvais air qu'il
y relpiroit , que parce qu'il ctoii tourmente fans celle par
ceux qui lui pailoient pour & contte la Coiiftitution ; Se
que depuis ce jour Jeudi jufqu'a la fin de la Icmaine, M.
Macmalion Se ce M. Irlandois lepiefl'crent encore plus que ja-
mais o'accepter ces offres: que le comparant lui même louhai-
toit très fon de fonit de l'H6:el Dieu Jfc de te retuer dans
quelque endroit ou il fût plus uanquiUe, mais neanmoini
qu'il refijfa ablblument d'accepter les offies qu'on lui fai-
foit, pour ne fe livrer à aucun parti , & qu'il icfolnt de fe
retirer chez quelque bonne femme qui ne prit auctuic auto-
rite fur lui , chez laquelle il fut en paix Ûc ou il put s'oc-
cuoer itniqucment à lite tous les livres pour Se contre qu'un
luî avoit donnes , & a piiet Dieu de l'cdaitcr , étant bien
plus cmptcffe de connoiac la vcrire que de fe faire guérir
de fes maux: fcutam au furpins que tant que fon efptit fe-
roit aufii agite qu'il l'etoit, il lui ùroit tout à fait inutile
de tenter d eiiérifon. Que ne voulant pas fe livrer emreles
mains de iM. Macmahon , & ne lâchant i qui s'aJtelfet
pour lui chercher quelqu'un chez qui il put fe letircr , il
communiqua Ion dell'ein le Samedi au Prètie Appellant qui
venoit tous les jours le voir : que le Dimanche matin qui
etoit le Dimanche de la Pallton 7 Aviil, ce Prêtre lui dit
qu'il lui avoit trouve un endroit pour le même tel qu'il le
fouhaitoit, qu'il s'habiilàt, i>oui le fuivre. Mais que dans
le tems qu'il s'habilloit M. Macmahon vint avec uu hom-
me d'cpee qui difoit avoir un ordre pour l'emmener; qu'il
rcfafa conftamment de les fuivre Se fe déshabilla au plut
vire, en leur difant, ce qui n'etoit que trop %Tai , qu'il i,'é-
toit pjint eu itat de marcher , que néanmoins aulfi-to»
que M. Macmahon Je la pcifonnc qui etoit avec lui le fil-
tent retires il le r-liabilla Se fut trouver le Prêtre Appellant
qui l'attendoit dans un coin de l'Hotcl Dieu : ^qr.'il eût
beauc
ayant
des raifons qui l'avoit
la religion Catholique
I altenuuil oans un coin ac i num l/h.u . iji; n ^.u»
coup de peine à marcher tant a caufe de d foi^lefle ,
r él/ fai^né ^m.ifrxt ftii .1» hr.ti & n .. ':i
ftndjns /.i ri.t!.tdîf , qu'il caulé que les plaq.
avoii liir le corps lui fiifoient beaucoup de .
l'es lubits ftottoicnt contre: qu'en chemin !.
lajit lui ayant ptopolc de pallci chez M. DX.
guéri miracuïeufement en preuve de la vérité. ïc
y conrentit. Qu'aiiffî-tôt que M. de Mongerom le vit il te femme qu'il étoit rtfolu de commencer une neuvaine à
lui tcinoigr:a beaucoup de compaffion de^ l'état ou il le vo- M. de Pans , 6c qu'il voycit bien qu'il faUoit que ce faint
1 cnvo)-er Ion Clnratgieii pour le Appel.'ant eût grana crédit auprès de Dieu, puifque la terre
, ,1 (^ ,.,,„,„, r ,„.,. ,.,,■,1 i„, ,„ (]u, avoir touche fou tombeau produifoit de fi grands eftets:
que cette femme parût très-touclice & très-attendrie des dif-
polttions dans Iciquelles elle le voj-oit, & qu'elle lui dit que
s'il vouloit commencer une neuvaine, elle lui donneroit les
prières qu'il falloir qu'il dit pour implorer l'intercelllon de
M. de Pans, qu'il n'avoir qu'a les dire dans fa chambre n'é-
tant nullement en état n'aller lui-même à S. Medûrd ; mais
qu'elle & ion mari iroient pour lui & qu'ils fe joindroient
de tout leur cœur à fes prières, ce qu'il accepta bienvolon-
yoit
panfer chez la femme où il fe retireroit, mais qu'il lui rc-
liondit qu'il l'en lemercioit: que quand à prcfenr il ne vou-
loir nullement longer à là gucrilon parce que lôneiprir croit
trop agite: qu'il n'ctoit pas pollibleque des remèdes pul-
feni avoir aucune tculfite tant qu'il leroit en cette cruelle fi-
tuation , &: qu'il ne vouloir d'aboid fonger qu'a s'eclaircir
de la vérire. Que comme il étoit encore chez M. de
MoNTGERON il vuit clicz lui une troupe de payfans & de
payfannes pour lui demander des livres: que M. de iMont-
GERON fe fervit de l'occafion pour lui conter que la lille
d'un de ces paylans ( qui etoient tous habitans du village
d'Auteuil) Se qui s'appcUoit Marie- Anne de VilUers, avoit
cté guérie par un miracle que rous ces payfans avoiem vu
s'opérer fous leurs yeux : que cette fille qui avoit 7. à 8.
ans ayant eu une défcencc dans l'aine qui avoit etc négligée,
la galigrenne s'y croir mile & avoit pourri les chairs &: les
boyaux , en forre qu'elle avoit fait un trou dans l'aîue de
cette enfant à y foiirer un œuf de poule par lequel fes ex-
cremens fortoienr; que certe enfant étant réduite en cet état,
fa maitieflé d'école, qui ctoit picfente à ce récit , Sx. quel-
tiers. Qu'eftefirivement certe femme & l'on mari partirent
fur le champ pour aller à Sr. Medard, après que fes playcs eu-
rent Clé panfees une féconde fois avec de la terre du tom-
beau ; & qu'il refta dans fâ chambre à dire les prières qu'el-
le lui avoir indiquées qu'il recita avec confiance: que cette
femme étant revenue de S. Medard fût avertir M. de Mont--
GERON , qu'il y avoit un changement confidérable dans le»
playes du comparant, & qu'aulfitôt M. de Montgeron
vint les examiner: que le matin du jour fuivant qui ctoit le
Mccredi 10. Avril, ayant pareillement ôié d'abord le lint;e
qui etoit fur fon fein gauche , il vit avec une admiration qu'il
ques petlonnes de pitre , avoient fair une neuvaine pour el- ne fauroit expiimer que ce fein éroit cntieremenr & paifai-
le à M. de Paris ix lui avoient mis dans fa playe de la ter- tement gucri : que non feulement la plaque veitc qui etoit
re ramafiee auprès de Ion tombeau: & qd'en peu de jours li cpaiûc avoir dilparu fans qu'il en lefiàt aucun veiïife pas
?a
cette enfant avoit ete guérie. Que rous ces payfans & pay-
fannes lui certifièrent rous ces faits avec des termes qui fai-
foienr connoître qu'ils en étoient pénétrés d'.idmiration , Se
Ju'ils ne doutoient nullement que M. de Paris ne fût un
aint : que cela commença a faire quelque impreflion au
comparant ; & que M. de Moi^tgeron l'ayant regardé
avec un air fort animé lui dit: ,, Vous me paroillcz rouché
„ du récit de ce miracle &: je vois que vous cherchés la ve-
„ rite de tout votre cœur. Dieu qui a mis en vous ccsdif-
„ pofitions ne refufeia pas de vous la faire connoitte. Vous
„ ne fongés pas , diics-vous , quant à préfent à la guérilbn
„ de vorie corps. Mais il eft digne de Dieu qu'elle pro-
„ cure celle de votre ame. Demandez-lui votre guerifon
„ en figne pour connoirre fi la vérité eft du côre des Ap-
„ pellans: demandez-la par l'intercelTion de celui desAppel-
1 — — Dieu veur glorifier ; fervez-vous pour panfer
lans
même dans le linge qui la couvroir,mais que le bou:dece
fein avoit repris toutes fes couleurs natuielles fans qu'i! y re-
ftât aucune dureté, inflamm,ition , ni même aucune rou-
geur: qn'il reconnur aufTi-rôt la main de Dieu: qu'il décla-
ra dans le moment qu'il etoit Catholique; qu'il vouloit vi-
vre comme les Carholiques vivoient dans cette fainte femai-
ne , & fe réduire à ne manger que des fèves ou des racines
comme il voyoit faite aux peifijnnes avec qui ildemeuroit:
qu'il etpit prêt de faire fon abjurarion, & qu'il efperoic
moyennani la grâce de Dieu que rien ne pourroit jamais le
dei.iclier du parti des Appellans pour lefquels Dieu fe decla-
roit d'une manière fi fenfible & fi évidente. Ajoute le com-
parant qu'il fût même étonne de voir qu'il y eût danslare-
Hgion Catholique des gens qui s'obftinafiént contre les deci-
fions de Dieu même, & tefufafiént de le croire lorfqu'il
s'e.vpliqunit par des miracles fi pofitifi. Qu'il examina en-
que Dieu veut gloritier ; lervez-vous pour p. _ ^ _
„ vos playes de la rerre lamafl'ee auprès de fon tombeau, fuite le' furpli'is de lés playes don't il' troiiva"^ue Ta moi'tîe'o'u
„ Et je fuis perfuade que Dieu vous l'accordera. _ Et d'une enviroji etoit aufli parfaitement guérie que celle de fon fein
manière fi fubite & (\ évidemment miraculeule que cela gauche , mais qu'a l'égard de l'autre moitié il reftoit enco-
„ lèvera tous vos doutes ! "
Déclare ledit MASSYquece dilcours l'étonna d'abord
plus qu'il ne le convainquit, & qu'il trouva que l'alTurance
avec laquelle M. DE Montgeron lui parloit & lui
promettoit fa guerifon , étoit trop hardie : qu'il ne lui ré-
pondit rien & le retira chez la femme que le Prêtre Appel-
îant lui avoit indiquée, & qui étoit venue le chercher chez
M. DE M o N T G E R o N : mais que cependant le refte du
jour ; & même pendant la nuit qui fuivit 5c le lendemain
matin le difcouts que lui avoit fait M. de Montgeron
fe prefenta fans ceflc à fon elprit, ce qui l'engagea àretour-
rer le voir ce jour la qui étoit le Lundi 8. Avril; & que
re quelques rougeurs, & qu'il y avoir qirelques endroits qui
paroiflbienr un peu écorches qui ne rendoient néanmoins
point de fang , mais feulement un peu d'eau , Sx. qui etoient
encore doulouieux au toucher: mais qu'au furplus routes. les
plaques vertes etoient également difpaïues lans que le com-
parant en trouvât des veltiges dans les linges qui les couvroient ,
& qu'il n'y avoit plus nulle part de dureté ni d'inflammation
quoiqu'il y eût encore plulieurs endroits rouges: que cerre
différence qu'il trouva dans la guerifon de fes playes ne di-
minua rien de fa foi, érant évident qu',uiciine n'auroit pu
guérir d'une maniete fi fubire fans un miracle, même celles
dont la guerifon ne paroifibit pas entièrement paifaite: qu'il
M. DE M0NGER0N lui ayant encore répète à peu près 'les continua''a panfer avec de la terre celles de fes'playes ou" îî
mêmes paroles, & toujours avec une confiance qui i'eton- etoit refte quelqu'ecorcliure , & que des l'apres-m'idi il eût
noir, il fe fentit vivement porté à luivre le confeil qu'il lui le bonheiu d'aller adorer le S. Sacrement dans une Eglife,
donnoit : & que la femme chez qui il étoit lui ayant pro- ou on donnoit la benediaion avec le faint Ciboire , & de le
pofe le foir de lui donner de la terre du tombeau de iM. de remercier de toute l'ardeur & i'efiufion de fon cœur, du mi--
Pâris pour panfer fes playes, 8c depanfer elle même celles racle de mifericorde pai- lequel il lui avoit fait connoître d'u-
qui etoient dans les endroits de fon corps qu'elle pourroit ne manière fi frapante de quel cote etoit la vérité. Qiie M.
toucher fans immodcftie ; il y confentit, en mit lui-même, DE Montgeron vint le même jout examiner la guerifbii
& en fit mettre fur toutes fes playes & les couvrit avec du de fes playes dont il fût charme. Que le comparant trou-^
linge. Que le lendemain matin qui étoit le iV^ardi 9. Avril ' ' '
s'ctant apperçu dès le premier linge qu'il ôra qui etoir fur
fon fein gauche , que la plaque veire qui couvioit ce fein
ctoit bien moins enflammée qu'elle n'avoit éie jufqu'alois,
qu'il n'y avoit plus de dureté auiour de cetre plaque, il ne
douta ptefque point qu'un effet fi proint ne fut lurnarurel ;
mais que craignant néanmoins que le mal ne fût rentré en
dedans, il demanda à cette femme de lui donner au plus
vite à boire de l'eau ou il y auroit de cette terre , afin de
guérir en inêrae tems le dedans de fon corps ; & qu'ayant
vérifié enfuite que toutes fes autres playes croient bien moins
».ifiaiV.mées & que la chair qui ctoit autour etoit moins
dme 5i œc-iris enflée qu'elle nel.'ctoitla veille, il dit 3 cet-
va le Jeudr matin que tout ce qui etoit refte unpeuccorché
étoit guéri, Se qu'rl ne reftoit plus que quelques rougeurs:
mais qu'elles etoient enrieremeni feches Sx. ne lui faifoient
plus aucune doulem même en les touchant fortement, a l'ex--
ception feulement de la plaque qui avoir été entre le pouce
& le premier doigt de la main droite , ou il eft refte une
démangeailbn & plufieurs petits boutor.s en foiine de dartre .
mais lècs & fans douleur ; ce que Dieu n'a apparemment
laifté que pour lui remertrc lans celle devant les yeux le fôu--
venir du mii.-;cle fait en fa faveur. Que dès le même jour
qui étoit le Jeudi de la Paflion ii. Avril il fe fentit une for.'
ce, un apetit, & une vigueur de lànté qui étoit d'autant plus'
adinuable qri'il avoit été falinî jaù/Sf /wj d.:>n fa maladie ,.
D z aii^
Dichrat'm de Jofepb Mafy Luthérien , guéri 6?ci
relie Je lc5 jours unCitholique pénitent, humilié \ U vâe
l6
aiml qu'il l'a dit ci-deflus; que le lendemain il. Avril il
fit à pied à S. Medatd faire Ion artion de grâces, & en re-
vint de même fans en rcll"cn:ii aucune fatigue : & que le Lun-
di fuivam voulant éprouver davantage les forces, il fut le
matin a pied au Moni-Valciien; qu'il monta avec une gran-
de facilite à toutes les ftations du Calvaire , & en revint pa-
'leillcment à pied fans en reflcntir aucune laiTitudc ; & que
depuis ce tems là fantc a toujours continué d'ctrc parfaite,
& qu'il a même obferve qu'il s'eft ttcs-cngrailTc depuis le
Samedi de la femaine de la PalTion jufqu'a la fin àc la fe-
maine fainte; en forte que l'on vifage s'cll tout-i-fàit rcm-
li dans ce peu de jours & a repris des couleurs de famé ,
t
quoic
que
l"^" ^ -
teconnoiiîant qu'il a grand
mandant de tout fon coeur à Dieu qu'il lui donne le coura-
ge de la faire ; & qus 1= tendant Catholique il le falle le
de fes pèches & inviolablcnient attadie à la vérité.
De laquelle déclaration ci-deflus Icd. Joseph Massy quî
l'a ailirmee véritable es mains des Kotaiies fouflignes , a
requis & demandé afte aufdits Notaires pour lui fervii; 8e
à tous qui le rcquereront pour rendre juftice & témoignage
à la vciiic ; ce qui lui a été odroyé. A Paris en l'emde
de Sellier l'un des Notaires fouffignes l'an 1737. le 12. Mai
avant midi,& à ligne la minute des préfcmes demeurée au-
dit M. Sellier Notaire. Sifnc, Julliennbt & Sellier.
Scellé ledit jour, reçu Cx fols.
Depuis ce miracle' )ofcph MaflTy s'cfl fait inftmire à fond
de \i religion par un des plus habiles Appellans, & a ftit
'" ' uration folemnelle en l'Eglife de Notre Da-
embre 1757. ce qu'on n'a pas ofe lui refu-
rofeltion d'être inviolablement attache à
l'Ectitutc fainte & de la tradition, ex-
pliquée par les Petcs de l'Eglilc, & fgutcnue aujourd'hui
pai les Appellans.
MIKA.
IwaDame Stapart
u ^antlihi/Ui- (ùfHa.( Jnuuf Jt/ieil i/uuJii- ,ifuif\ir L'h.fbii^riu' tfle tU-tse^rh^m*
\ih turf(rjrbtp4/ctelrs auires ru/fs, amtf^ffiiu Ut hi/mrrf.le nunwrm ft/f sfftùnunt
f u,t /vv/.r ftJ'unr /anihe, st/ùitpi'ft-r à Ai'i-n.ii Itil'MM t-jSfwnr vi/tipL Trrl
r mJrrressu' Jt Mrjli/us.tf . L. 'tirc/a/r ai>ec Liifiull/- fU/'f'rir .turj^rnb'tnl'tini /u
rc/ui.a .iu.>f',iér ifu l'n lui n-fiisr Lti<'ninmnu 'n £Uf .ce /Mt tr.iim^ r JiUt.< /Éçfàrc
i/^.j- R<-Iu/uiUf.t i'u t •" lu li 'mntufUc- i/^/'i 'UJ- -r-. 'uA'ftHi'/'tir J^erst 'tuuj ■
etla;anihescrtit^cnni'u.f cù tmt ce fui leur étcnir iieiessaire f'crur aairZ. ailreccni -
iTe la lumière, la sg?isilnlùe', le irunivetLe maZde lèie et tvut les autres nuuùvsantauen.
9
MIRACLE OPERE
L A D\ S T A P A R T
PRIFE'E depuis plus de dix ans d'un œrl qui avait perdu la vue , la [enfibilitélS
le mouvement :
ACC A B LE" E depuis le même tems d'une violente i^ continuelle douleur de tête:
PARA LITIGE d'un bras &" d'une jambe:-
GUE' RIE en un moment de la manière la plus parfaite fur le Tombeau i$ .par
Vinterceffion de M. Rousse le 16, Mai .17I8.
II. DEMONSTRATION.
RECIT DE CE MIRACLE.
TIRE' DES PIECES JUSTIFICATIVES.
Amais Dieu ne fe montre plus jaloux de fa gloire que quand les hom-
mes^ont affez aveugles & affez téméraires pour vouloir ctoufFer l'éclat
de fes oeuvres. C'eil pour lors qu'il fe plaît davantage à confondre leurs
efforts , & à faire éclater la magnificence de fa voix au milieu du tu-
multe 6c du bruit des pixffions les plus animées.
On a vil dans la Démonflration précédente, que le rétablifîcment fubit à.c%
membres dclféchés Ôc pourrisd'AnneAugier,<:c prodige fl capable de convertir les
incrédules , & qui en effet a ouvert les yeux de plufîeurs perfonnes prévenues j on
a vu, dis-je, que ce miracle n'avoit fliit qu'exciter le dépit de ceux qui ont le plus
de zèle pour la Bulle , 6c qui font les ennemis les plus déclarés des faintcs vérités
aufquelles M. Rouffe étoit fi fort attaché.
Les menfonges , les calomnies , les blafphêmes furent leur première refTourcc
contre le glorieux témoignage que le Tout - puiflant venoit de rendre en faveur
de ce St. Appcllant. Mais à quoi pouvoit leur fcn'ir de nier un fait attefté par des
milliers de témoins? Tous les cœurs droits avoient été trop frapcs par l'éclat d'une
merveille fi clairement marquée au fceau de la Divinité , pour être touchés de cqs
vaines déclamations : tout un peuple de témoins élevoit fans ceffefa voix pour en
remercier le Seigneur, pour raconter fes prodiges, 6c louer fa bonté divine qui
avoit daigné le vifiter.
Il n'en falloit pas tant pour faire perdre patience à ceux que ces miracles cou-
vrent de confufion en canonifant l'Appel. FrémifFant de courroux de voir que leurs'
premières contradiétions n'avoient fei-vi qu'à manifefl:cr leur foiblcfîe'&: leur ira-j
puifïïince , on a vu qu'ils avoient eu recours à un moyen plus efficace. Ils engage-*
rcnt les Grands - Vicaires de M. l'Archevêque de Reims de défendre à tous les
fidèles fous peine de l'excommunication majeure encourue par le fcul fait, deve-'
nir chercher le remède à leurs maux fur le tombeau où le Tout - puiflant les appel- '
loit lui-même par la voix des miracles.
//. DeiHonJÎ. -Tme II. A Telles
l
z DEMONSTRATION DU MIRACLE
Telles furent hélas! les aélions de grâces que rendirent à leur Dieu des hom^
mes charges de \x conduite de fon peuple. En v.\in le Trcs-haut nvoit-il paru fur
ce tombeau par fcs bienfaits les plus éclatans , & invité par là les fidèles à y ve-
nir avec confiance implorer fa miféricordc : fuivant ces miniftres bien dignes de
compaflîon, c'étoit un crime d'obéir à fa voix & de recevoir des marques de fa
bonté. Ils ne firent paroitre leur zèle & n'employèrent le pouvoir qu'ils tiennent
de l'Epoul'e de nôtre divin Sauveur, que pour éloigner de lui fes enfans , & le-
forcer lui-même, s'il leur eût été poffible, de refermer le fein de fx miféricorde
pour eux. Mais que peut l'homme pour arrêter le bras dit Seigneur? Le foible-
mortel auroit-il donc le pouvoir d'empêcher le Tout-puifTant de manifcfter fes
arrêts? Non, qu'il s*irrite, qu'il menace, qu'il perfécute, qu'il lance fxns mé-
nagement les foudres de l'excommunication; il pourra bien par là féduirc les igno-
nms, intimider les foiblcs, engager les politiques à diflîmulcr leurs fentimens :
il pourra tenir la vérité comme captive : il pourra opprimer fes plus fidèles difci*
pies } mais tous fes efforts empêcheront -ils que la voix divine des miracles ne
forte du fond des tombeaux des Appellans, & que cette dccifion du Très - haut
n'anathcmatife la Bulle, & ne déconcerte fes défenfeurs?
Non> & nous allons voir au contraire la foi d'une panditiquc , que la crainte
d'une excommunication injufte 5c les timides confeils de celui en qui cllcavoitlr
lus de confiance , ne purent arrêter: nous allons voir, dis-je, fa foi inébranla-
Ic & fa pieufe défooéifTance obtenir dans le même moment le rétablifl'ement
d'un œil perdu depuis plus de lo ans, la guérifon d'un violent mal de tête qui
ne lui avoit donné aucun relâche pendant un fi long efpace de tcms , & le libre
5c parfait ufage d'un bras & d'une jambe accablés fous le poids d'une paralifif
complette, qui étant l'effet d'une troifiémc attaque d'apoplexie, étoit im funefie
préfage d'une mort prochaine. Mais le fouvcrain Médecin ayant fubitement anéanti
les principes de tous ces maux , & rétabli tout-à-coup tout ce qui avoit été dé-
truit , rendit à la malade la fnnté la plus parfaite.
Ce fût en 1717. le 24. Décembre que D*. Marie-Jeanne Gaulard époufe de
M. François Stapart Notaire Royal à Epcmai fût pour la première fois frapéc
d'apoplexie.
Tout-à-coup fcs yeux s'obfcurciffent : elle en perd bientôt entièrement l'ufagc:
fit langue s'épnifTit , la parnlc s'cmbarraffe : elle ne peut plus s'énoncer qu'en bé-
gaiant, mais fon état lufSt pour faire appercevoir les fymptômes de l'apoplexie
qui la faifit.
Le cen'eau (c trouvant inondé par une humeur gluante qui s*y répand i^vcc
abondance & oui y caufe de pernicieufes obitruclions, la malade perd bientôt le
mouvement , le fentimcnt & la connoiffiuicc. On s'empreffe de la fccourir : un célé-»-
brc Médecin lui fait prendre tous les fpécifiques les plus propres à cette maladie.
Enfin api'ès trois jours de combat entre la vie & la mort, l'apoplexie fc termine
à une paralific qui entreprend tout le côté gauche. Mais de toutes les parties af-
fèftces de cette triftc maladie, l'oeil fut celle qui en reçût Icsplus funeltes attein-
tes; les racines du nerf optique du côté gauche furent entièrement enveloppées
dans l'ob'>ruftion du cerveau > & comme ce nerfcft l'organe immédiat de la vue,
Vobftn ô:on qui le prive de toute aftion , rend cet a-il abfolumcnt incapable
d'appercevoir la lumière. En même-tcms les autirs nerfs qui fervoient au mc^u-
vemcnt & procuroicnt la fenfibilité tant au globe de l'oril qu'aux paupières , font
pareillement tout à fait obftrués : ainfi l'cril & les paupières pcrd'Ut tout fen-
timcnt Se demeurent immobiles. Les clprits animaux , qui ne font portés que
par les ncrfs,n'ayant plus de routes pour couler dans cet a-il, il tombe en p-rni-
lifie
OPE'RE' SUR LA D', STAPART. >
lifie complette, & par confégucnt il devient inaccefîîble à tons les feCDUrs de
l'art & de la nature : & fon infenfibilitc eft telle qu'on avoit beau mettre le doi^t
entre les paupières & toucher le globe , il relloit également immobile Se fans
douleur.
Cependant le Médecin Se quatre autres Maîtres de l'Art n'oublient rien pour le
foulagement de la malade: ils mettent en œuvre pendant fix à fept mois tout ce
ue leur favoir &; leur expérience peuvent leur fuggcrer. La paralifie du bras &;
e la jambe n'étant alors qu'incomplette, leur lailTe rcfperance de faire recou-
vrer à ces membres la fenfibilité 6c le mouvement ; ils parviennent en effet à dif-
iîper peu à peu une partie de l'engorgement du cerveau : les nerfs du bras 6c de la
jambe fe dégagent , reprennent leurs fonétions, 6c rendent à notre infirme l'ula-
ge de ces membres.
Ainfi elle fe trouve quitte de ce premier aflaut pour la perte d'un œil, que les
Maîtres de l'Art jugèrent dés ce tems être irréparable : pour une enflure aux jam-
bes que tous les remèdes ne purent jamais diffiper ; 6c pour un violent mal de tête ,
qui l'avertiffoit continuellement que l'obllruftion du cerveau, loin d'être entiè-
rement diflipée, s'étoit fixée en pai-tie: 6c qui lui faifoit vivement fentir qu'elle
portoit dans fi tête un principe d'apoplexie 6c une femence de mort qui la mcna-
çoicnt des accidens les plus terribles.
Cependant à force de régime 6c de précautions , elle trouva le moyen d'éloi-
gner l'effet de ce trilte pronoftique pendant prés de dix années} mais dans le tems
quelle y penfoit le moins, elle eil tout-à-coup frapée le if. Mars 1717. d'une
nouvelle attaque d'apoplexie, qui trouvant tout le côté gauche déjà affoibli, le
fait une deuxième fois tomber en paralifie.
Les maîtres de l'x'^.rt s'empreffent de faire ufage de tous les moyens qui leur
avoient réiiffi à la première attaque , 6c à force de remèdes ils parviennent à la
fin à faire évacuer encore cette fois une partie de l'obilniéVion du cen'eau ; les
nerfs du bras 6c de la jambe fc dégagent encore , fortcnt de leur atonie, 6c repren-
nent jufqu à certain point leur vertu de reffort 6c d'élafticité.
La D^. Stapart paroît revenue à peu-près au même état où elle étoit avant cette
deuxième attaque j mais la nature affoiblie par de fi violentes fecouffes, n'a plus
la force de réfiller aux levains funefles que tous les fpécifiques n'avoient pu diffi-
per: l'intervalle entre cette deuxième guérilon 6c une troifiéme rechute eût à peine
le tems de fe taire fentir. A peine cette convalefcente ell-cUe fortie de la fati"-ue
des remèdes : à peine commcnce-t-elle à rcfpirer 6c à goûter les douceurs d'une
fanté qui paroît vouloir fe renouveller en quelque forte, que le 7. Avril 1728.
elle eft faifie de nouveau par une troifiéme attaque d'apoplexie, qui cette fois la
frape fi rudement , que le bras 6c la jambe toujours du même côté , tombent en
paralifie complette.
En vain fon Médecin 6c les quatre autres Maîtres de l'Art auxquels elle a re-
cours, lui fourniffcnr-ils tous les fecours 6c les remèdes, qui les deux premières
fois lui avoient fait recouvrer ruflige de fa jambe 6c de fon bras, c'eft f.ms aucun
fuccés qu'ils les multiplient coup fur coup} les plus violens fpécifiques ne peu-
vent plus faire aucun effet fur ces membres dans lesquels la route des cfprits ani-
maux eft entièrement fermée } 6c tout au contraire , bientôt les mufcles 6c les
tendons totalement privés de ces cfprits qui en quelque forte leur donnent la vie,
fe defféchent 6c fe roidiffent : bientôt la main gauche de la malade fe ferme mal-
gré elle , enforte qu'elle ne peut l'ouvrir qvi'à l'aide de la droite, 6c que dés qu'elle
en lâche les doigts , ils fe précipitent dans la paume de la main , où ils font entrer
leurs ongles : bien-tôt le genou ne peut plus être ployé : il ne rcfte de mouvement
A 2. qu'à
». 9.
4 DE'MONSTRATION DU MIRACLE
qu'à la hanche , qui ne traîne qu'avec peine une jambe impotente & dont la pa-
ralifie efl lîcomplctte, qu'on appcrçoit fenfiblcmcnt que Tes chairs dcpcrifTent,
fe fcclient & diminuent , ainfi que celles de la main , quoi qu'elle (bit toujours enflée
par Teau qui Ta gonfle.
Les Maîtres de l'Art qui vo'/cnt que tous leurs remèdes ne font aucune
impreflion dans les membres paralitiqucs, & ne fervent plus qu'a fatiguer la ma-
lade en pure perte , fe voient réduits à l'abandonner, en lui déclarant que la mé-
decine n'a plus d'autre reffource pour tenter de lui rendre l'ufige de fes membres >.
que certains bains chauds & dangereux , & les eaux minérales ; mais la paraliti-
quc regarde avec raifon cette dernière tentative , moins comme un confcil que
ces Meilleurs lui donnent ,. que comme un cfpoir frivole dont ils la flattent pour
tâcher de la confoler de ce qu'ils l'abandonnent tous. Ses membres qui fe deflc-
chent de jour en jour, lui préfentent une preuve dont elle ne peut douter, que
fon état cil; incmédiable.
Etant donc bien convaincue que toutes lès refl^ourccs humaines n'étoient plus
capables de lui procurer aucun (oulagement , elle rappelle en fi mémoire le rnir
racle opéré fur Anne Augicr. La voix du Dieu dé toute confolation fc fait en-
tendre à fon cœur, èc y met une foi vive 8c une pleine confiance en l'intcrcefîîon
de M. Rouflè : elle fent un ardent defir de fe faire porter fur fon tombeau pour
y foiliciter la bonté du Tout-puifllmt par l'cntremife de fon ferviteur.
Un fongc, qu'elle prend pour un avis du ciel, la fortifie encore dans cette ré-
folution. Il lui fcmblc pendant la nuit avoir été tranfportée fur le tombe.iu dtf
M. Ronfle , & y avoir reçu tout d'un coup la guérifon la plus parfaite.
Que l'incrédule aveuglé par fon orgueil ne fe prcflc pis de tourner en ridicule
la fimplicité avec laquelle nous rendons compte de ce longe : qu'il apprenne au-
paravant des plus illufl.rcs auteurs de l'antiquité, & entr' autres de S. Augullin,.
que quelquefois Dieu n'a pas dédaigne d'annoncer ainfi fes bienfaits, il trouvera
au chapitre 8. du Livre XXII. de la Cité de Dieu, que S. Augullin rapporte de
fcmblables circonilances qui précédèrent la guérifon que quelques malades ob-
tinrent à l'invocation de S. Etienne.
Au refle fans décider abfolument fur la caufe de cette vifion, l'effet en fût trés-
avantagcux pour la De. Stapart. Un fi heureux préfage fit fur foncfprit & fur fon
cccurl'imprefiîonla plus vive. Depuis ce moment, il ne lui fût plus poflible de
réfifl:er à l'impatience où elle étoit de fe faire porter fur le tombeau du Bien-hcu-
rcux Appellant.
Elle, communiqua cependant fon projet à M. Stapart fon beau- frcrc Avocat au
Parlement & Bailli d'Avenai, en qui elle avoit une grande confiance.
Mais le rcfpcft ou la crainte des Puifl"ances avoit fi fort aflTijetti fon efprit 5c
fes lumières, qu'il fit tous fes efforts pour détourner fx bellc-focur de fa pieufeen-
trcprife. Il lui paroijjait ^ difoit-il fiiperftitieux cT invoque) un homme que r£^/;/?
n^ pas reconnu pour fainf. Comme fi le témoignage de Dieu même manifeflé par
des miracles inconteflables ne valloit pas bien celui des hommes? Si tejlimoniutn
^- bomininum aaipimus^ tcjlimonium Dei majus efl.
Le Bailli infifloit encore beaucoup fur la défcnfe des Gnnds Vicaires, & l'ex-
communication prononcée ipfo fario contre ceux qui iroient en pèlerinage deman-
der leur guérifon fur le tombeau de M. Roufl'e } mais la pieufc paralitique n'eût
g.ardc de rcfiller aux infpirations de l'Efprit faint , qui la pouflbit à aller cherches
la lumière , ta force & la fanté fur la tombe de cet Appellant.
Aufli rien n'ébranle fa foi , rien n'affbiblit fon courage. La grâce qui la rc-
inuc la rend invincible ï tout j Se malgré les confcils 5c les craintes de fon
beau-
OPE'RE' SUR LA D'. STAPART. f
beanfrere, elle fe prépare pour partir le jour même de la Pentecôte.
L'événement a appris à M. le Bailli à difcerner la voix véritable de l'Eglife de
celle de les minières, lorfqu'il eft évident qu'ils agifFent phr prévention, ^qu'ils
abufent d'une puiflance qui ne Icur'cft confiée que pour édifier & non pns pour
détruire. Cet homme fi fournis profitera de la généreufe réfiftance avec laquelle
{a. bclle-fœur refufa de fe rendre à fes avis, & nous le verrons bientôt fixire un
facrifice de fa prudence pour fe ranger lui-même au nombre des priacip.xux té-
moins du miracle qu'il vouloit empêcher.
La crainte d'un contradiéteur encore plus refpcétable obligea la D-. Stapartdc
faire un fecret de fon deffcin au Pcre Huart Vicaire d'Rpernai direéteur de fa con-
fcience. Cependant ayant refolu de fc purifier dans le bain filutaire de la péniten-
ce, afin de fe difpofer à recevoir fon Sauveur dans le tems même qu'elle lui de-
manderoit la grâce qu'elle efperoit obtenir par le crédit du bienheureux Appellant,
elk fe fit traîner à l'Eglife la veille de fon départ, & y fit appeller le P. Huarr,
à qui elle confclTii bien fes péchés , mais non pas la grâce que Dieu lui avoir faite
de lui mettre vivement dans le cœur d'aller implorer fa miféricorde par Tinter-
cefiîon de M. Roufie, ne doutant point que ce Père ne fût dans des fentimens qui
l'obligeroient à faire fes efforts pour l'empêcher d'exécuter fon pieux dcffein.
Crainte qui n'étoit que trop bien fondée, fuivant que le P. Huart l'a déclaré lui-
même dans la relation trés-circonftanciée qu'il a donnée de ce miracle.
Le lendemain 16. Mai, jour de la Pentecôte ; jour autrefois fi fécond en mer-
veilles, & qu'on peut appeller le grand jour des dons vifiblcs du S. Efprit j ce
fût , dis- je , en ce faint jour que la D^. Stapart fe fit conduire à Avenai accompa-
gnée de fa fille 8c de deux de fes amies.
Arrivée à Avenai, fes deux amies la prennent entre leurs bras, la foutien-
nent & la traînent comme elles peuvent à l'Eglife paroiifrale dans la Chapelle de
Ste Anne où repofent les précieux relies du corps de M.Roufle: mais en vain la
malade joint-elle d'ardcns ioupirs à fes prières, Dieu qui vouloit éprouver encore
fa foi, ne l'exauça pas dans ce moment.
Cependant une de fes compagnes va prier M. le Vicaire de lui donner la commu-
nion j mais ce Prêtre fchifmatique s'étant douté des intentions delaD^. Stapart , en
la- voyant accablée de tant d'infirmités, ne pouvant fe foutenir elle-même, privée
d'un œil, ôc priant Dieu avec tant de ferveur, refufc de la communier. Cette fille
d'Abraham toute pleine de foi, fouhaite avec empreflcment le gage le plus précieux
des miféricordes du Seigneur; & l'ardeur avec laquelle elle pouiTe fes gémidemens
vers le ciel , la fait traitter comme une profime & comme une excommuniée.
Ainfî, le recueillemervt & l'cfprit de prière qui font les fruits de la foi, de
Pefpérance & de l'amour, font aujourd'hui une des marques aufquelles lesfchif-
matiqucs reconnoiflent ceux de la communion defquels ils veulent fe féparcr ,
accompliflîmt ainfi à la lettre la vérité de cette propofition : qu'il n'arrive que trop tio^.x^vi},
fowvcnt que les membres les plus fainîetnent (^ lis plus étroitement unis à PEglife , font
r-egardés i^ traittés comme indignes d'y-être , ou comme en étant déjà féparés . . . Ainfî
on refufc le pain de vie aux enfans de la grâce, dans le tems qu'on le prodigue à
ceux qui n'ont rien de Chrétien que le nom : on réduit toute la Religion aune
obéiilance aveugle, 8c à ce que les Sacrcmens ont de purement extérieur : on
abfout fans peine & fans délai les pécheurs les plus fcandaleux , & on les envoie
à la fainte Table confommcr leur réprobation, dans le tems qu'ils font encore
tout fouillés des péchés dont l'amour n'a pas ccfle un moment d'être dans leur
cœur; & par les principes de la même morale, on ofe en exclure ceux qui font
tout brûlons de l'amour de leur Dieu.
A 3 La
« DEMONSTRATION DU MIRACLE
La D=. Stapart affligée fans aigreur d'un refus fi injufte, fe confolc de cette
infulte en faifant réflexion, que celui dont elle vient réclamer l'interccffionavoit
été ti-aitté de même ,puifque fon Curé avoit réfolu de lui refufer les Sacremens
à la mort -, elle fe rappelle encore que notre divin Sauveur a prédit àfesdifciplei
qu'ils feroient chaflcs de la Sinagogue, & qu'on leur fcroit toutes foitcs d'outra-
ges à caufe de lui> & elle comprend que c'cil une excellente préparation pour
s'attirer les faveurs fmgulicrcs que la vérité accorde à quelques uns de fes
cnfans, de commencer par participer à fes opprobres. Auffi, loin de fc plaindre, elle
remercie le Dieu des vertus de ce qu'il l'a jugée digne defoufFrir cette humiliation.
Cependant pcrfuadéc qu'elle ne doit point fe rebuter , elle prie fes compagnes
delà ti-anfporter dans l'églife des religieufes, où elle efpérc trouver la confolatioa
qu'on lui refufe à la paroilTe.
La providence qui arrange tous les événemens, la fait arriver dans cette égli-
fe précifément dans le moment qu'on donnoi: la communion aux religieufes. Les
compagnes de la D'. Stapart s'cmprclTent de la tranfporter au plus vite jufqu'à la
frillcP'le prêtre à qui elle fc prcfente pour recevoir le pain des Anges, la voyant
ors d'état de fe mettre à genoux , la communie debout foutcnuc par une de fes
compagnes. Amfi le Tout-puidant, pour augmenter le nombre des perfonnes
qui dévoient lui rendre glaire du miracle qu'il avoit réfolu d'opérer , voulut
que toutes les religieufes, dont la grille étoit encore ouverte, fuiïcnt à por-
tée de s'appercevoir que cette paralitique, dont la moitié du corps paroilfoit
comme morte, avoit outre cela un œil éteint qui reftoit toujours immobile.
Celui qui donne la foi ne fût pas oifif dans le cœur qu'il vcnoit d'honorer de
(il prcfence. A peine y fût-il entré qu'il y redoubla encore la confiance , 5c le ren-
dit capable de fupporter en paix tous les rebuts, 5c de furmonter tous les obfta-
cles. En vain déclara-t-on à nôtre impotente que ce fcroit inutilement qu'elle
retoumcroit à la paroiflc, que la chapelle oîà IVI. RoufTc étoit enterré étoit fer-
mée , 5c qu'elle ne pourroit jamais obtenir qu'on lui en ouvrit la porte : elle ne
craignit point de s'expofcr à de nouveaux refus , elle envoya prier le maître d'école
de lui ouvrir cette chapelle ; 5c cet homme ayant rejette bien loin cette proportion ,
cela ne l'empêcha piis de fe déterminer à le faire porter à l'Eglife, efpérant tout
malgré l'inutilité de fes tentatives, 5c avant une ferme confiance, fans s'aréter à
toutes les apparences contraires , qu'elle auroit bien-tôt le bonheur de pofer fes mem-
bres perclus fur les os de l'homme de Dieu , 5c qu'auJlî-tôt elle fcroit guérie.
O foi digne de tout obtenir! O don ineilimable du Dieudes vertus qu'elle vc-
noit de recevoir dans fon fein ! Partez fans que rien vous arrête, héritière de la
foi d'Abraham: partez, vôtre guérifon elt certaine. Dieu lui-même vous en a
donné fa parole : une foi qui n'hélîte point ne peut manquer de réufllr.
Elle fe fait donc encore tranfporter à la paroilfe à une heure après midi ; mais
les Prêtres fchifmatiques de cette Eglife avoient eu çrand foin de fiire fermer la
chapelle où repofc le tréfor qu'elle cherche , 5c la taifoient garder à vue.
L'ancien fcrpcnt l'ennemi de tout bien craignant que nôtre paralitique n'ob-
tînt le miracle qu'elle dcmandoit, faifoit ainii tous fes effoits & cmployoit fes
agcns pour multiplier les obftacles ; mais Dieu oppofe aux rulcs de ce fort-armé
la {implicite d'un jeune enfant, qui en enfcignant aux compagnes de la paraliti-
que un fccrct pour ouvrir la porte, détniit le fucccs des artifices du fcrpcnt ,5c
rend inutile tout ce que fa malice avoit fuggeré.
La De. Stapart profite à lahute de ce moment favorable peur faire fa priera fur
le tombeau t:mt déliré, dans l'appréhciiiionoùcUc clldcfc voir bicu-tôt chal?cc
de ce lieu de bcncdiftion.
£Uc
OPE'RE'SUR LA D'. STAPART. y
Elle ne (c trompoit pas. A peine a-t-elle commencé fa prière, que le maître d'é-
cole ayant éré averti fur le champ que la paralitiquecft fur le tombeau de M. Rouflc,
entre dans l'cglifc tout en fureur ,& commence par décharger fa colère & fes coups
fur Tinnoccnte viétimc quiavoit fourni le moyen d'ouvrir la chapelle.
Ce fût précifémentdans ce moment qu'il plut à Dieu de venger la gloire de fon
ferviteur outragée par les défenfes des Grands- Vicaires, & par les précautions
qu'on ofoit prendre pour l'empêcher defiire des miracles : ccfût, dis-je , dans ce
moment qu'il fit fortir une fource dévie du tombeau du Bien-heureux A ppcllant.
Tout-à-coup la D-. Stapartfe trouve faific d'untremblement fifort, quelcsper-
fonnes qui la foutiennent ont peine à la retenir , prélude qui annonce aux fpcétateurs
queDieu vafignalerfapuiflance. A cetremblementfe joint une légère douleur dans
les jointures de la main gauche, 6c auflî-tôt cette main dont les tendons & lesmuf-
cles étoientfi retirés êcfi deflech es, qu'ils la contraignoient fans ceffe de fe fermer
avec tant de force que les ongles entroient dans la peau) : cette main fi cftropiéc
s'ouvre, s'étend , fe déploie, & va fe joindre à l'autre pour conficrer à la gloi-
re de fon libérateur le premier ufage de la liberté qui vient de lui être rendue.
La Dï. Stapart reflcnt dans le même moment une pareille douleur à la jambe
qui lui faitorelfcntir qu'elle eft auffi guérie: ellecffiie de ployer le genou : elle le
fait avec aifance : elle s'appcrçoit que fa jambe a repris tout fon mouvement &
toute fa force: cUe prie la pcrfonne qui la foutenoit de la quitter, & elle (émet
à genoux.
Mais Dieu neborncpaslà fes bienfaits; une vive douleur qu'elle refient dans
ta tête l'avertit qu'une main divine y rétablit toutes les parties qui manquoif-nt
à l'oeil perdu: la douleur pafie comme un éclair , à peine a-t-clle letcmsde le
faire fentir , & dans cet inliant l'œil immobile reprend fon mouvement , fa fenfibi-
lité , fon éclat , fa vivacité , 6c voit clairement tous les objets.
Qui peut exprimer la joie, l'amour Se la recomioifiance de notre miraculée,
qui d'un moment à l'autre pafl*c des infîr.mités les plus incurables à la finté la
plus complette v Dieu ayant difilpé en même tems tous les levains de l'apoplexie ,
fait cefier le mal de tête habituel , fait difparoître l'enflure des jambes , 6c ayant
régénéré tout ce qui avoit été détruit 6c defieché dans les mufcles , les tendons
& les nerfs du bras 8c de la jambe, auflî bien que dans ceux de l'œil: en forte que
la miraculée fe trouve tout-à-coup autant de force 6c d'agilité 6c une fanté aufiî
parfaite que fi elle n'eût jamais été frapée d'apoplexie !
Le maîti'e d'école en préfence de qui fe font tous ces prodiges , doute d'abord
»'il doit en croire {ç.^ yeux ; cependant intimidé par l'impreffion de la Divinité
qui fe fait fentir vrfiblcmcnt, il arrête l'impétuofité de fa%reur. Bien-tôt même
Be pouvant plus douter de ce qu'il voit ; il fe trouble : il recule : il palpite : il chan-
celle : il n'ofè plus regarder qu'avec frayeur le tombeau du Bien-heureux Appellant :
il en redoute la vertu : il craint que l'odeur de vie qui en fort à fes yeux ne foie
pour lui une odeur de mort. Venez., lui crie une des compagnes de la D .Sapartj
venez , incrédule , voir le miracle (jueDieu a opéré par fon fer-vitcur. Mais ilfe fauve
tout effrayé: il fuit la préfence de la Divinité qu'il n'ofe plus foiitenir.
Le bruit d'un miracle fi fubit & fi éclatant fe répand aufiî-rôt dans tour le
hourg d'Avenai; chacun s'cmprefie d'en être témoin, 6c l'Eglife peut à peine
contenir la foule du peuple qu'une merveille fi admirable y fait accourir de tous
côtés. Les uns verfcnt des larmes de joie, les autres crient miracle-, tous ren-
dent gloire à Dieu.
Après ces premiers tranfports , le peuple,, au. défaut des prêtres- que la pré*
mention, l'entêtement ou la crainte tint d'abord ccaités, s'unitiju chœur des An»-
8 DEMONSTRATION DU MIRACLE',
ges, pour rendre grâces à celui qui cftaiïîs fur le Trône & à l'Agneau. Toute-lc-
glifc retentit des cris d'allcgreire de ce peuple fidèle : tous en même-tems élèvent
leurs voix pour chanter le Tf. Deum , tandis que notre miraculée profternéc fur
le tombeau de fon bicnfliitcur , l'arroîc d'un torrent de larmes que la reconnoif-
Cmce & la joie tirent de fon cœur.
Lorfqu'cllc CoTt^t^t de l'cglife ce fût encore un nouveau cri d'admiration en la
voyant padcr d'un pas ferme &c délibéré à travers la multitude qui rempliflbit
tout ce fiiint lieu. On la fuit comme en triornphe: tous les autres habitansdu
bourg attirés par les acclamations qu'ils entendent , accourent, fc prcflcnt , fc
précipitent autour d'elle, pour voir marcher avec tant de force 6c d'aifance cette
même pcrfonne qu'ils avoient vue le matin ne pouvoir fe foutenir.
Ce n'étoit plus ce corps paralitique que deux perfonnes trainoient à peine ; ce
n'étoit plus cette impotente qui, quoique foutcnuc par des mains étrangères,
chancelloit fur fes jambes enflées, lune defqucllcs etoit immobile: ce n'étoit
plus ce bras perclus dont'la main deflechée ne pouvoit s'ouvrir: ce n'étoit plus
enfin ce vifige défiguré par un œil terni & immobile. La miraculée s'avançoit à
grands pas au travers de la foule étonnée: fes deux yeux également vifs & ani-
més f.iiloient éclater la rcconnoifflincc 6c la faintc joïe dont fon cœur étoit tout
rempli : fa démarche afTurée & légère , 6c r;igîlité de tous fes mouvcmens , étoient
des preuves indubitables de la perfection de'fi guérifon.
Tout le peuple la voyant marcher avec tant de vigueur & de liberté, ne pou-
voitfe kfler de glorifier l'auteur d'un prodige fi magnifique , 6c d'augmenter en-
core fa vénération pour le Bicji-heurcux Appellant par le crédit duquel on obre-
noit de fi grandes fincurs du Très-haut. Il ne peut s'empêcher de gémir inté-
rieurement de la dcfcnfe téméraire que fes fupcricurs avoient faite de recourir à
l'interceïïîon de ce faint Prêtre , dont Dieu lui-même cauonifoit la vertu 6c marù-
feftoit la gloire par des effets fi merveilleux de fapuifTancc. Eit-cc-là , difoient-ils,
l'Eglifc enfcignante? Eil-ce-là la voix de l'Epoulc de Jekis-Chrirt ? Condam-
ncroit-elle ce qu'il autorife? reprouverait -elle ce qu'il glorifie? A qui donc croi-
rons-nous? L'oppofition entre la dccifion divine 6c celle de ces Meffieurs cft ici
trop clairement marquée. Mais y a-t-il à délibérer? Leur voix n'ell celle de la
vérité, qu'autant qu'elle eft conforme à la voix de Jefus-Chrifi:. On ne doit s'y
foumettrc que lorfqu'clle n eft pas évidemment contraire à ce qu'il déclare lui-
même. Ce font les miracles qui dans le commencement ont établi l'Auroriré. C'cft:
par réclat des miracles que Dieu a fut rcconnoître les Apôtres pour des miniftres
qu'il cnvoyoit j qu'il a fiiit recevoir l'Evangile par toute la terre, & qu'il a fondé
Ion Eglife. Peut-il être pcnnis aujour-d'hiii à des Minières de cette Eglifedefc
rcvoltW. contre des rniraclcs évidemment divins' L'Autorité leur a-t-cUe été don-
née pouï combattre la voix du Très-haut? Non fans doute. Ainfi en refpcétant
toujours leur Autorité, nous ne pouvons nous difpcnfer ^dc déplorer l'.ibus vifi-
'blc qu'ils en font.
Ces réflexions croient trop naturelles pour ne f.\s faifir l'cfpritdcs fidèles qui
fiiivoicnr la miraculée, 6c qui étoient frapés de Timpreffion delà Divinité gni-
vcc fur fes membres en quelque forte rcfrufcités.
Les plus notables du lieu fc joignirent bien-tot .à la mt:ltitude pour admirer
imc fi grande merveill'^ ; 6c pour en être encore plus convaincus , ils voulurent
s'afliircr de la guérifon parfaite de l'œil qui avoit été paralitique. L'und'cntr'eux
bien informé (]u • la D . Staparr avoit perdu Tœil gauche depuis plu ficurs années,
lui ferme l'œil droit, 6c lui préfente un livre où il y avoit deux lignes d'écriture
non iniprimcc^ la D". St.ipart les lit coiuammcnt ac l'œil nouvellement rétabli:
toute
OPERE' SUR LA D-. STAPART. ♦
toute l'afTcmblée fût fî touchée d'un miracle fi évident, que malgré toutes les
défenfes on en drcfTe un procès-verbal en préfcnce de tout le monde.
Cependant la miraculée impatiente de manifeftcr à Ton époux, à fa famille,
à fa patrie le prodige que Dieu venoit de faire en fa faveur, fe prefTe de retour-
ner ce même jour à Epernai. Avant que d'y arriver elle fort de fa voiture : elle
entre à pied dans la ville, & fait voira tout le peuple par la vîteflc & la liberté
de fa dcmarchc , Se par l'air de fanté Se de joie qui brillent fur fon vifage & dans
les yeux, les grandes chofcs quclc Tout-puillant vient d'opérer en elle. Tout le
monde à cette vue eftfrapc d'etonnemcnt & d'admiration. On ne fait même dans
le premier moment fi l'on doit croire ce qu'on voit. Eft-ce bien là ,difoit-on, Ma-
dame Stapart? Oui c'eft elle-même. Quelle métamorphofc ! Quel prodige! On
l'aborde, on l'inten-oge , on h aueftionne. Elle déclare que ce changement mer-
veilleux que la droite du Très-naut a fait en elle , cil l'effet de la foi qu'elle a eu
en l'intercefllon de M. Ronfle.
Lorfqu'elle arrive chez elle 6c que fon mari l'apperçoit, il cil: fi frapé d'admi-
ration qu'il en demeure interdit Se immobile, comme fi la paralifiedont fa femme
vient d'être guérie étoit pàflec dans tous fes membres : il eft fi faifi à la vue d'un
prodige fi merveilleux, qu'il en perd pour quelques momens l'ufige de la parole.
Se qu'il ne peut exprimer les tranfportsdefijoieque poi-un torrent de larmes qui
découle de fcs yeux.
Cependant la nouvelle d'une merveille fi furprcnante vole de bouche en bou-
che. Se dans uninftant fe répand de toutes parts. Aufii-tôt parens ,amis ,yoifins,
toute la ville vient en foule chez la De. Stapart pour fe perfuaderpar fcs propres
yeux de la réalité d'un miracle fi admirable. On la voit agir, aller, venir, lire de
l'œil qui étoit refté immobile pendant tant d'années, 6c donner les preuves les
plus fenfibles 6c les plus inconteftables d'une guérifon aufli entière & auflî par-
faite qu'elle avoit été fubite.
Tous font convaincus, font pénétrés d'admiration , jufqu'aux politiques; juf-
qu'à ceux mêmequi s'étoient îaifles éblouir par le f.mtôme de l'Autorité reipec-yrop.ji»^,
t.ible dont on f.iit un fi déplorable abus. On loue la miraculée de fon courage :
on bénit le Bien-heureux AppcUimt: on implore avec ardeur fon intercefllon pour
obtenir les grâces du Très-haut : on forme la réfolution de s'expoferàtout, de
facrifier tout, de tout fouffrir pour la vérité. Et nous allons faire voir dans le
caraftére des témoins , que cette éclatante mer\'cille fût le germe de plufieurs au-
tres miracles qu'il plût a Dieu de faire furies âmes. Mais avant que d'en rendre
compte , il eft bon d'inftruire encore le leéteur , que cette fanté fî pleine 6c fî
parfaite que Dieu a donné dans uninftant à la miraculée, a été fi perfévérante ,
que depuis cette année 1728. jufiju'à préfent , elle a toujours paru inaltérable jen
forte qu'il y a tout lieu de croire que tout fon corps a été renouvelle 5c en quelque
forte rajeuni par le miracle que Dieu a opéré en elle , 6c qu'il femblc qu'elle ait
acquis le droit de n*êtrc plus fujette à aucune incommodité, du moins un peu
confidérable.
CARACTERE DES TÉMOINS.
POuR fentir toute la force des témoignages nombreux qui fe font réiinis pour
attefter le miracle obtenu par la D~. Stapart, il ne faut que fe rendre atten-
tif à la fituation où fe trouvoicnt prefque tous les efprits dans l'Archevêché de
Re'ms lorfqu'il plût à Dieu de faire cet admirable prodige.
Le miracle éclatant opéré fur Anne Augier avoit d'abord frapé les efprits &
//. Demonji. Tome II. B tou-
10 DEMONSTRATION DU MIRACLE
touché les cœurs d'une infinité de perfonncs. Mille & mille cris d'admiration 5c
«i'aétion de çr-.iccs s'étoicnt d'abord élevés julqu'au Ciel ; mais les menaces des
Puiflanccs 6c la crainte de l'excommunication lancée contre tous ceux qui vien-
droicnt reclamer rintercclfion du Bicn-hcurcux Appcllant , avoient cnfuite inti-
midé le peuple 6c ictté prcfquc tout le monde dans le trouble Scia conftemation.
On avoit appris que les Pui(T;incesEccléfîalliques& Séculières paroidoient com-
me liguées enlemble contre les œuvres du Très-haut, que la Cour de France &
celle de Rome n'étoicnt pas moins indifpofées contre les miracles quelesGr.mds-
Vicaircs de l'Archevêché de Reims ,& que c'étoitnon feulement fc fermer la por-
te à toutes les faveurs du fiécle, mais même encourir l'indignation de tous les
Grands de la teiTC , que de louer Dieu publiquement des miracles qu'il faifoit à
rinterceflîon des Appellans.
Si d'une part les cris de fchifme & d';mathême que les Jcfuites ne cefloicnt de
lancer contre tous les Appellans & même contre M.Rouflé,ne faifoientpas gran-
de impreflîon, d'autre part l'Autorité des Puiflanccs fubjugoit prefque tout le
monde.
Les fimples par foiblefle , par ignorance, par pufillanimité croyoient qu'il ne-
leur étoit pas permis de juger desdéfenfes de leurs fuperieurs , quoiqu'ils ne puf-
fent s'empêcher de voir que ces défcnfes étoient manifeilcment contraires à la
décifion de Dieu même. Ils s'imaginoient leur devoir imc obéifl^mce aveugle,
fans faire réflexion que par cette foumiflîon mal placée ils défobéilToient à celui
à qui feu 1 il n'cll jamais permis de défobéir. Ils avoient oublié cette maxime con-
tre laquelle on ne prefcrira jamais ; qu'il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes..
Le Tout-pui/lant avoit déclaré par un miracle du premier ordre, en régénérant
fubitcment une infinité de parties détruites dans les membres d'Anne Augier,
qu'il avoit récompenfé d'un bonheur étemel les vertus & la pureté de la foi de
M. Roufle. Apres ce jugement rendu dans le Ciel Scmanitéllé a la terre par un
tel prodige , ctoit-il donc permis de douter que la foi de cet Appcllant canonifée
ainn de Dieu même, ne fût celle de l'Eglife triomphante ; & par conféquent celle
de l'Eglife qui combat actuellement fur la terre, puifque c'ell la même Eglifc
vTtam lanBam ecclefiam? Ne voyoient-ils pas clairement que ceux des Mini-
ilrcs du Seigneur , qui fe revoltoient contre cet arrêt qu'il avoit rendu lui mê-
me , ne le ^ifoient que parce qu'il combattoit leurs préventions & qu'il rcnver-
foit leur idole ? pouvoient-ils ignorer que ce qui fait le grand crédit de cette ido-
le , à laquelle tant de Prêtres lacrifient leurs lumières & leur confciencc, c'ell
qu'aujourd'huy on ne peut plus obtenir les grâces, les faveurs, les bénéfices 8c
toutes les autres dignités Eccléfiaftiques fans faire nrofcfllon de lui être foumis ,
fans porter fon caraftére fur le front ou à la main? Croyoient-ils au'il leur étoit
permis de fe laiflcr ainfi féduire par des perfonnes , à qui des intérêts humains
faifoicnt fermer volontairement les yeux à la décifion que Dieu venoit de pronon-
cer par un Miracle inconteftable.
D'autres perfonnes plus inftruites , ^ parla plus coupables, s'cfforçoient de fe
faire illufion & de fe tromper pour ainfi dire elles-mêmes. Elles voyoicnt que les
Appellans &: tous ceux qui étoient attaches aux miracles & à la vérité, devcnoient.
tous les jours plus odieux à toutes les Puifiances ; qu'ils étoient interdits , prof-
crits , perfccutés : elles croyoient faire encore beaucoup de confei-ver dans le fond
de leurs coeurs des fcntimens que leur bouche n'ofoit plus déclarer j & fouvent
après cette première infidélité, lalumicre que les miracles leur avoit fiit appercc-
Toir,s'effaçoitpeu à peu. Se difparoifToit enfin à leurs yeux ; tant il cil vra; que le
caurabicntôtléduit l'cfprit , & que l'intérêt étouffe les fcnumcns dclaconl'cience.
TcUc
OPE'RE' SUR LA D". STAPART. tl
Telle étoit la difpofition des efprits dans l'Archevêché de Reims , où un très grand
nombre de perfonnes intimidées ou furpriiesfelaiflbient chaque jour entraîner parle
toiTcnt de la féduftion. C'eft dans de telles circonftances , c'eit loifque prcfque toutes
les langues font devenues muettes Se que tout paroit alfen'i fous I^joug des perfon-
nes prévenues, qu'on entend éclatter tout à coup une infinité de voix, qui toutes
de concert s'emprefient de glorifier Dieu , ôc de publier un nouveau miracle opéré fur
le tombeau dont on s'efforçoit d'arrêter ou du moins de cacher la vertu.
Mais d'où vient une révolution fi fubitc à la vue de ce nouveau prodige? Qui
a pu rendre tous ces témoins fi fermes , fi généreux , fi intrépides , eux qu'on venoit
de voir fi timides , fi lâches , fi découragés ? Pourquoi ne craignent - ils plus l'ex-
communication , les interdits, la difgrace des Puiflances? C'eft que le Dieu fort
s'eft levé encore une fois, qu'il vient d'étendre de nouveau fon bras puifiant, &
qu'il a foudi-oyé du haut desCieux l'anathême qu'on avoit ofé prononcer contre
le Tombeau qu'il glorifie. C'cif que tous ceux qui ont eu le bonheur d'en être té-
moins, ont été fi frapés , fi ravis d'admiration a la vue de ce nouveau prodige,
que ni le cœur, ni la bouche, ni la main n'ont plus été maîtres de taire ni de
ûiffimuler l'imprcflîon qui les animoit. C'eil que Dieu eft le maître des eipritsSc
des coeurs: c'eft qu'il lui a plû de donner à la D^ Stapart & à fon mari afiez de
fermeté pour publier hautement ce miracle fans s'cmbarrafier des perfécutions qu'-
une telle démarche pourroit leur attirer. Enfin c'eft que lorfque le Très-haut pa-
roit par quelque coup d'éclat de fa puiilance, la préfence remplit de force 6c de
courage tous ceux à qui il veut en fiiire la grâce. Heureux ceux qui confcrvent bien
ce précieux tréfor, qui ne loufFrcnt point que cette divine femence leur toit enle-
vée par les oileaux du Ciel , & qui ne la laiflentpas dcflecherdans leur cœur, ni
étouffer par les épines !
Au furplus il a fiUù que ce miracle fut bien évident pour faire une imprefTion
fi vive fur tant de perfonnes qui vcnoicnt de donner de fi grandes marques de foi-
blefîe, 8cmême fur des Conftitutionnaires déclarés, comme nous allons le fiirevoir.
Mais comment auroicnt - ils pu s'empêcher d'être pénétrés d'admiration à la
vue d'un miracle où une guérifon parfaite prend tout à coup la place d'une incu-
rabilité manifeife !
L'état où étoit la D<^. Stapart avant la guérifon ne pouvoir être ignoré deper-
fomxc dans toute la Ville d'F,pernai. C'eit pendant plus de dix ans que tout le
monde lui avoit vu un œil éteint & paralirique, dont les paupières étoient aufiî
immobiles que le globe, 6c qui étoit li inlenfible qu'on y mettoit le doigt iansy
cauferaucunc douleur.
Ce n'étoit pas une infirmité qu'on eut pu feindre : ce n'étoit pas une maladie
interne qui ne fût bien connue que par les Maîtres de l'Art. C'étoit un état fixe £c
permanent, qui dès le premier jour avoit été inacceflîble à tous les remèdes,
6c dont l'incurabilité abioluc écoit devenue évidente parla continuité de fa durée.
Le retrccifiemcnt des muiclcs qui en fe racourciffans avoient forcé les doigts
de refter collés à la paume delà main, 6c le delféchcmcnt dubras 6c de la jambe
étoient encore des preuves palpables qu'il n'y avoit que le Maître de la nature qui
pût rétablir tout d'un coup des membres fl miierablcment perclus.
Cependant l'on voit cette impotente recouvrer en un moment l'uftge parfait de
tous ics membres. Son œil perdu eft tout à coup renouvelle. Le bras 6c la jam-
• be acquièrent en un moment autant de force 6c d'agilité que s'ils n'avoient ja-
mais été paralitiques. Au même inilant l'enflure des jambes fe diiTipe, le mal de
tête cefie; en un mot tout eit fi parfaitement réparé que la miraculée paroît com-
me refondue en une i>utre perfonne.
B t Toute
V
ri DE'MONSTRATION DU MIRACLE
Toute la ville qui avoit connu fcs infirmités Vient admirer un changement fî
foudain & Ci étonnant, iufqu'aux pcrfonnes les plus prévenues qui ne peuvent
s'empêcher de reconnoître que cette guérifon efl; un miracle incontcftablc.
Auffi n'étoit-il pas pcfTible de contredire les faits qui rendoient ce miracle évi-
dent ; faits qui avoient été expofés long-tcms à la vue de tout un peuple ; faits
arrivés dans une Ville où tout le monde fe connoît, 6cdont les plus confîdérables
habitans étoient parens ou amis de la miraculée.
Mais il eft tems d'entrer dans le détail du caraélére particulier de quelques-uns
de nos témoins , dont il y en a tel que fon feul témoignage devroit fuffire pour
forcer l'incrédulité la plus obltinée.
La miraculée mérite bien que nous commencions par elle. At-on vu depuis plus
d'un fiecle , une foi plus ferme , plus perfévérante , plus humble Se plus courageule !
Défapprouvée qu'elle eft par celui de fa famille qui a le plus d'autorité , n'o-
fant déclarer fon dcficin à fon direéteur dont elle prévoit l'oppofition , ayant à
craindre les cenfurcs des Grands- Vicaires &C la colère des PuifTanccs, enfin^yant
» redouter les fatigues d'un voyage qu'elle n'cft pas naturellement en état de fup-
portcr , rien ne l'arrère , elle part.
Cependant Dieu l'éprouve, ôc diffère de lui accorder ce qu'elle lui demande,
pendant que les hommes la rebutent, l'humilient , & lui rcfufcnt jufquà la com-
munion > mais fcmblable à la Cananée rien ne peut ébranler fa confiance. Elle
n'a pour tout foutien & pour toute refTource que fi foi, mais qu'elle eft vive ! qu'-
elle eft éclairée! qu'elle eft digne que Jekis-Chrift lui dife enfin du haut des Cieux,
après qu'elle aura fouftcrt tous les refus & toutes les humiliations dont il l'é-
Matik. ïT. prouve : O femme , vôtre foi efl grande ! ^'H vous foit fait comme vous le defrez:
»•• La D^ Stapart ne fe rebute de rien, non plus que cette femme de l'Evangile :
on lui repréfente que la Chapelle eft ferm.ée : qu'elle ne poun^a jamais obtenir
qu'on la lui ouvre : on le lui refufe avcd dureté : elle efpcre contre toute efpe-
rance> il femblc qu'elle prévoie que la providence la lui fera ouvrir malgré les hom-
mes : elle fe fait traîner à la porte de cette Chapelle : la porte s'ouvre : elle en-
tre : elle eft guérie.
Une perfonne à qui Dieu à donné une foi fi parfaite, 6c qu'il a lui-même ho-
norée par un grand miracle, ne méritc-t-elle pas bien que nous ayons confiance
en ce qu'elle atteftc? lorfqu'elle a encore le courage conjointement avec fon
époux, de dénoncer à toutes les Puifianccs le prodige de fa guérifon, pouvons-
nous croire qu'elle en impofc fur un fait public dont elle prend toute fa Ville à té-
moin, & fur le quel une multitude de pcrfonnes n'auroicnt pas manqué delà dé-
mentir, .s'il y avoit cû la moindre exagération dans ce qu'elle déclare ainfi à la
face de tout l'Univers?
M. Stapart fon mari a fiiit voir la générofité de fcs fcntimcns, & par k fcr^
xacté de (a conduite, qu'il étoit bien digne d'avoir une telle énoufc.
Nous avons déjà rapporté l'étonnement prodigieux dont ilfutf.iifi dans le pre-
mier moment qu'il appcrçvjt fa femme comme reifufcirée. Son exxefiîvc furprifc,
fon filcnce énergique, Ion immobilité fi parlante, l'abondance des larmes qu'il
répand, dont le langage eft encore plus cloquent que les exclamations les plus
TÏves, font des preuves fcnfiblcs & drapantes de la grandeur du prodige, Redon-
nent lieu de pcnfcr que fon époufe lui avoit cache fon dcficin, ou du moins
3u'il n'en cfpcroit pas un fi heureux fucccs. Mais fi fa confiance en l'interccflîon
e M. Rouffe n'étoit pas bien ferme avant que d'avoir vu ce miracle, l'ardeur
de fa reconnoifl^.mcc & l'intrépidité de fon zélc ont tnfujtc f.ùt tomioîtrc à quel
point il »voic été touché de cette merveille.
Dans
OPERE' SUR LA D^ STAPART. i?
Dans un tems aufîî malheureux que le nôtre, où les faveurs de Dieu attirent
les difgraces des hommes , ce qui engage la politique humaine à les cacher , une
ame moins généreufe , moins Chrétienne , moins détachée de tout intérêt que
celle de M. Stapart, auroit peut- être regardé la guérifon miraculeufedefafemme,
moins comme un bienfait fignalé que comme une fourcc d'infortunes jdu moins
dans les circonftances critiques où nous vivons , bien d'autres auroicnt ufc de
quelque ménagement envers les Puiflances. Hélas! combien de fois la crainte
a-t-elle étouffé dans un filence ingrat les effets les plus admirables de la puif-
fance & de la bonté de Dieu? Mais M. Stapait, loin d'écouter cette prudence
Çufillanime fait tous fes efforts pour manifeiter à toute la terre le miracle opéré
lur fon époufe. Il comprend que ce n'eft pas pour elle feule qu'il eft fait, mais pour
k gloire de Dieu, pour l'utilité de fon Eglile, & pour le foutien des vérités qui
y font combattues 8c prelque opprimées. Il regarde cet éclattant prodige comme
une décifion du ciel qu'il ne lui eft pas permis de cacher. Il fent" qu'un filence
politique dans de pareilles circonftances eft une foibleffe criminelle. Il prend
donc toutes les voies poffibles pour faire éclatter cette merveille dans toute la Fran-
ce : il foule aux pieds tout refpect humain : il impofe filence à tous les murmures
d'une prudence chamelle : il s'expofe à tout événement : il met toute fa confiance
dans le Seigneur, Se lui offre le iacrifice de fa perfonne £c de fa famille.
Non content de rafiembler les preuves de ce miracle, il en infti-uit lui-même les
Puiffances dont il n'ignore pas les préventions : il en écrit les circonftances àplu-
fieurs Grands du Royaume , . à des Evcques , des Intendans de Pro\'incc , des
premiers Magiflrats , & jufqu'à M. le Procureur gênerai & à M. le Chancelier,
dans ledefiein fans doute que M. le Cardinal Miniftre , Se le Roi lui -même en
fuffent inflruits par leur canal. Il croit avoir droit d'attendre de leur zélé pour
le fervicc de Sa Majeilé, qu'ils fe ierviront de l'avantage qu'ils ont d'approcher
d'EUe pour lui faire favoir ce qu'elle a un fi grand intérêt d'approfondir. Enfin il .
fait imprimer, ou du moins on imprime de fon confentement , non feulement
tous les certificats qui prouvent ce miracle , mats nTème fespropres lettres 6c quel-
ques unes des réponfes qui lui ont été faites.
Il fuffit de lire ces lettres pour fentir- que la Vérité a pu feule lui donner un fi
grand courage, & lui infpirer les fentimens qu'il y fuit paroître. „ Dès la naif= -
„ fance (dit-il) de cet événement (^en parlant de la guérifon de fa femme dans
une lettre qu'il écrit à M. l'Intendant de Bretagne} „ ma conduite a été de ren-
„ dre publiques les merveilles du Seigneur, 6c de les annoncer s'il m'étoitpof-
j, fible à toute la terre , afin que les opérations de Ca puifiance Scde ia bonté ne
„ reflaffent pas renfermées dans un petit coin delà Champagne dans l'oubli 6c le
,5 filence , 6c inconnues au refte des humains. „-
,, Très-fouvent (dit-il encore en parlant de plufieurs autres miracles opérés
„ depuis fur le tombeau de M.RoufTe; le Seigneur fait paroître fa gloire par. les
5, mérites 6c l'interceillon de fon fen'iteur; néanmoins ces prodiges reftcnt enr
„ fevelis dans les ténèbres, 6c celui fait en faveur de ma femme auroit eu la
5, même deitince 6c n' auroit point paffé les bornes de ce territoire, fi je n'avois
„ pris toutes les précautions néceffanxs pour empêcher qu'il ne tombât dims l'oubli-,
„ en le publiant par toute la. France, 6c en accept;mt un nombre fuffifantd'attefla-
„ tions que toute la Ville m'offre pourimmortalifer un événement auffi confidéra-
„ ble , non feulement pour l'édification des fidèles, mais encore comme untémoi-
„ gnage que je dois à la vérité , 6c une obligation indifpenfable de reconnoiffancc
„ envers Dieu 6c iVI. Rouffc par l'intercefiion duquel ce miracle aété opéré. „ .
Si ce miracle n'av oit par été inconteflable , les Puiffances dont xet oeuvre de
E 3- Diem
14 DEMONSTRATION DU MIRACLE.
Dieu blefTe les préventions Se condamne h conduite, auroient - elles laifTc M,
St.ip;u-t comme elles ont fait, fuivre impunément toute l'ardeur d: Ion zclc, ÔC
publier cette merveille /)nr toute la France, comme il s'en vante lui-même?
Qiii peut douter que s'il eût été poffible de donner quelque atteinte à \x certi-
tude de ce divin prodige, les Grands- Vicaires à qui il appartcnoit d'en informer,
ne fe fuflcnt pas fervi de ce moyen pout tâcher de l'obicurcir, 2c de cacher fon
évidence par quelques nuages?
Ce miracle, en levant h foUemnellement les anathcmcs qu'ils avoient eu la té-
mérité de prononcer, les couvrait de confulîon j 6c la manifcilation que faifoit
M. Stapart par tout le Royaume de cette dccifion divine, apprenoit à tout le mon-
de qu'ils avoiont ofé s'élever contre le Très - haut , & lancer les foudres de l'cx-
communication contre ceux qu'il invitoit lui-même à venir implorer f^ miféri-
corde fur un tombeau qu'il vouloit combler de gloire, fie par l'interceflion d'un
AppcUant dont il vouloit canonifer les fcntimcns.
Cepcnd-.mt les Grands- Vicaires demeurent dans un morne Se trille filence, fans
ofer rien oppofcr à la vivacité du zék de M. Stapart, ni au miracle qui les des-
honore, 6c qui découvre à la face de l'Univers le faux de leurs préjugés, l'abus
qu'ils font de leur minillcre, 6c l'injuftice de leurs défenfes.
Mais n'y avoit-il donc pas dans toute la Ville d'Epcrnai, des politiques qui
chcrchancnt par tous moyens à plaire aux Puiffanccs? N'y avoit-il point de
Conllitutionnaircs dévoués, d'outrés Moliniftes? 6c ne puuvoit-on point enga-
ger toutes ces pcrfonnes à dépofcr de manière à jetter du moins quelque doute
iur ce miracle? Il y avoit fans doute de tous ces gens là dans cette Ville, 6c nous
en allons même faire voir de chaque efpèce au nombre de nos témoins; mais
quelque envie qu'on en ait, comment nier, comment même obfcurcirdes laits
palpables, connus de toute une ville?
Convenons néanmoins qu'il a fallu qu'ils fuflcnt bien confiants 5c d'une notorié-
té bien avérée, puifque les Grands- Vicaires malgré l'intérêt preflîmt qu'ils en
avoient, n'ont jamais ofé les conteftcr ni les contredire ouvertement.
Mais paflons à un autre témoin, dont le caractère tout différent donne égale-
ment par d'autres raifons une force infinie à fon témoignage.
M'. Claude Stapart Avocat au Parlement 6c Bailli d'Avcnai, qui avoit fait tous
fcs efforts pour empêcher la bcUe-focur de fe faire traniporter fur le tombeau du
fervitcur de Dieu, voudra-t-il bien prendre part à la joie de fii famille? Refufera-
t-il encore fcs hommages à la puiffance d'un Saint dont VEglifc , à fon avis, n'a
pas reconnu lafxintcté? Craindra t-il encore les anathêmes ? Un homme fi fage,
un politique fi circonfpect ne fe rend pas aifément.
Aufii en apprenant la guérifon fubite de fa belle-fœur , il refte tellement incré-
dule, qu'il ne daigne pas feulement aller chez clic pour s'en informer.
„ A ion retour (dit-il dans fil déclaration ) ayant appris qu'elle avoit recouvré
„ une parfaite guérifon, je ne pus me rendre au bruit que i'entendois d'un pareil
„ événement. „ 11 ne peutfe rendre : il ne peut croire cette merveille, 6c cepen-
dant il ne fait aucune démarche pour s'éclaircir h le fait cil véritable ou ne l'ell
pas. Il craint apparemment qu'il ne foit pas de fa gravité de paroitrc avoir fait cas
d'une crédulité populaire. Il s'imagine qu'il cft plus digne de lui de mépriferfans
examen le bruit qui fe répand.
Sa femme plus faintement curicufe court chez fa belle- focur : elle voit ; clic
admire: elle cil convaincue : elle revient au plus vite dire à fon mari qu'il peut
fans commettre fa réputation «lier examiner une nierveille dont l'évidence <autc
aux yeux. „ Frapc d'étonncmcnt ( dit -il.) je fus chci M''"'. Stapart (.que) je
„ trou-
OPERE' SUR LA D^ STAPART. rf
„ trouvai agiffaiit , comme fi elle n'avoit jamais été incommodée. „
Se rendra-t-il enfin? Pas encore ; il lui fiiut du tems pour faire fes réflexions.
„ Etonné (dit-il) de ces merveilles fans autrement me déclarer, je rentrai
„ chez, moi. „ S. Thomas ne crût qu'après avoir vu } mais M. le Bailli voit, &
doute encore s'il doit croire. Car enfin pourquoi ne pas faire éclatter des ce mo-
ment fa joie & fa reconnoiflance? C'eftque les intérêts Se les craintes chamelles corn-
battoient encore dans fon cœur la vérité connue: mais enfin la grâce triomphe j
il fiicrifie tout refpcél humain à l'évidence du miracle. „ Je n'ai pu ( dit-il ) ré-
„ fifter à une vérité extraordinaire qui me frapoit, non feulement par la gué-
,, rifon de fon bras ôc de fa jambe gauche , mais bien plus par celle de fon œil ,-
„ d''autant plus que je voyois dans ù. guérifon l'efpace d'un moment , 6c
„ d'un autre côté une perfeftion qui ne convient qu'aux miracles. „
Que de peine à fe rendre ! Qu'il lui a fallu de preuves invincibles pour le dé-
terminer! Que Dieu eft bon de fouffrir ainfi tant de réfiftance de la part de
l'homme fans l'abandormer à la dureté de fon cœur! Mais le Tout-puiffant fait
la tourner à l'avantage 6c à la gloire de fes œuvres. Si l'incrédulité de S. Tho-
mas a plus fervi, fuivant les Pères , à conûater la réfurreftion de Jefus-Chrift
que la foi de tous les autres Apôtres, la répugnance extrême que Àl. Stapartle
Bailli a eue à croire ce miracle, fournit un argument invincible pour prouver
fon évidence , puifqu'elle ell venue à bout de terrafier un homme fi peu porté à
y ajouter foy. Un témoin d'une trempe fi dure qu'il diff^ére encore à confefier la
vérité après l'avoir vue & comme touchée de fes mains , un témoin quines'ell
rendu que parce qu'il a été comme accablé par fes propres réflexions , qui ne
lui laiflbient aucun moyen de former le moindre doute ni de fe tromper foi-mê-
me , doit à fon tour forcer toute incrédulité. Mais afin que laviftoire delà véri-
té fût plus complette, elle Ta oblige d'être lui-même le panégirillc du Bien-
heureux dont il trouvoit avant ce dernier miracle l'invocation fuperjiiîieufe.
Au préjudice des cenfures qu'il avoit tant refpeélées , il rend dans fon certificat
un témoignage glorieux à la mémoire de ce fiiint Prêtre qu'il avoit connu à
Avenai dont il eft le premier juge. Il déclare qu'il l'a „ toujours trouvé d'une
„ fimplicité de cœur il recommandée dans l'Evangile , 6c d'une charité qui ne
„ lui étoitpas, pour ainfi parler, permife, à cauie du petit revenu de fon bé-
„ néfice, (6c qu'ayant) fait l'inventaire des effets de fa fucceflîon en qualité de-
5, juge d'Avenai , (il n'a) trouvé que ce que les faints Prêtres devroient laifler
jy quand ils meurent. „
C'cft ainfi que d'un politique Dieu en a fait un témoin des plus intéreflans,,
& que de celui qui défapprouvoit qu'on eûtrecoursàrinterccffion dece laint Ap-
pellant, il s'en eft fervi pour publier hautement fes vertus 6c fa gloire.
Voici un autre témoin à peu prés duméme genre, mais quia encore quelque-
chofe de plus frapant.
La D. Stapart le lendemain defaguérifon fût voir le Père Huart fon direâeur
Chanoine régulier 6c Vicaire de la paroifle.
11 ne faut pour développer parfaitement fon caraétéie, ^ faire fcntir toute la for-
ce de fon témoignage , que rapporter ce qu'il dit lui-même, 6c ce qu'il a fait.
Ce Religieux étoit n prévenu contre les miracles opérés par l'intcrccifion de-
M. Roufl'e, 6c tellement connu fur ce pied, que la D". Stapart eût gnmd foin-
de lui cacher fon deflein, 6c il avoue lui-même ingénument dans la rel-ation qu'il!
a faite de cet admirable prodige , qu'il n'eût pas manqué de la détoumer de fe-
fiiirc porter fur le tombeau de M. Rouflie, „ de tels pellerinages (dit-il) nonfeur-
ii lement a'étant pas autorifés , mais même étant expreflemcnt défendus parMon-^
3,, feigneuiî-
16 DEMONSTRATION DU MIRACLE
„ fcigneur nôtre Archevêque. „ Au furplus il fe fùifoit gloire , fuivaiu qu'il
s'en vante lui-même , de n'être pas trop crédule à l'égard de ces fortes de prodiges.
Se fcroit-il perfuadé ce Religieux 11 peu crédule à l'égard des miracles obtenus à
l'invocation des Appcllans , que le moment approchoitoù il facrificroit nvec joie
fa place de Vicaire, Se bcniroit Dieu de loulfrir une interdiétion générale pourat-
telter un miracle obtenu par rmterccflîon du même Appellant dont ilrcjcttoit le
culte? Mais quand la vérité le fait voir dans tout Ton éclat aux yeux d'un cœur
droit, c'eftunfeuqui l'échauffc en même-tcin,s qu'il l'éclairc.
Ce même Religieux qui avoit une déférence fi timide Se fi aveugle pour les dc-
cifions injuftes de fcs iupericurs , va bien-tôt fe fentir animé d'un courage & d'un
zélé que la vérité feule peut donner > elle va en faire un difciple prêt à tout quit-
ter pour fes intérêts j elle va lui faire fouler aux pieds tous les ménagemens
d'une politique humaine, & s'expofer courageufcment à l'indignation defesfu-
peiieurs pour s'acquitter de tous les devoirs qu'elle exigera de lui.
Aufll comment eût-il pu réfiller à l'imprcffion d'un prodige fi merveilleux ?
La miraculée paroît à les yeux comme une perfonne refiufcitée: il voit; il s'é-
tonne : il admire : il fent par un heureux contre-coup la vertu du miracle s'em-
parer de fon cœur, & le remplir d'une vivacité encore plus falutairc que celle
qu'il voyoit animer les membres de fa pénitente. Ert-ce bien là, fe di(oit-il en
lui-même , cette impotente qui excitoit fi fort ma compailîon, £c que j'ai coa-
fcflce aflîfe encore avant-hier, fxrce.c\\îil ne lui étoit pas poffible ^ dit-il dans fa re-
lation , de fe mettre à genoux , ni même de fe tenir debout fans être foutenue par une ou
deux perfonnes} Elï-cc bien \k cet œil qu''elle avoit perdu ï\ y a plus de^;.v ans? U
lit : il eft clair: il eft beau. Qiie de merveilles! Et qui peut s'empêcher d'en
bénir le Seigneur? Mais d'où font fortis tous ces prodiges ? Du fond de ce tom-
beau couvert de ces anathêmes qui me faifoicnt tant de peur. Cenfures aveugles,
anathêmes impuifi^ms, le P.Huart ne vous craint plus! Il brave les menaces Se
les cenfures : rien ne l'arrête : il dreflc une relation des maladies & de la guéri-
fon de la D'. Stapart encore plus circonfianciée qu'aucun de nos témoins , fans
en excepter celle de la De. Stapart elle-même: il la finit en déclarant , qu';7/<ï«^
ajfurément prendre plaiftr à s'aveugler foi même pour ne point reconnoitre le doigt de Dieu
àins une guéri fon fi miraculcufe. A quoi il ajoute que /o«/f /^ Ville d' Epernai qui a
vu h De. Stapart dans le trijîe état oitfaparalifie l'avoit réduite ^ y qui la -voit au-
jourd'hui parfaitement guérie^ en attefie la, vérité ^ Se que lui-»/fV«^ n'a pu refujer
d^en rendre témoignage.
Il envoie cette relation à Reims, Sc en reçoit pour récompenfe une interdic-
tion qui le prive de toutes les fonctions du minillere dans l'étendue de tout le
Diocefe. Mais cette perfécution ne met-t-cllc pas le fceau le plus autcntiijuc à
la vérité du miracle ?
Comment réfuter de croire un tel témoin, qui quoique Religieux facrifie de
tout fon cœur tout fon petit établiflcmcnt pour le fouticn d'une vérité contre la-
quelle il étoit auparavant fi prévenu ;
Mais nous avons un autre témoin qui l'étoit encore fanscomparaifon davantage.
C'efi le Père SutaineCorrefteur des Minimes d'Epcrnai, qui fuivant qu'il eil marque
dans le recueil des pièces jufiificatives de ce miracle imprimées des lanncc 171p.
pag. 41 . a toujours ététrh Afolinijle, c'efi-à-dirc , imbù de la prrnicicufe doébrinc
des Jéfuitcs , Se par conféqucnt très-dévoué à la ConlHtution,Scoppolé par prin-
cipes à l'Appel Se à toute la doétrinc des Appcllans.
Cependant l'étonnemcnt que lui caufa la guérifon fubite de la D^ Stapart qu'il
connoiflbit depuis long-tcnis, le frapa à tel point, que fans s'cnibarrallcr du tort
I
OPE'RE' SUR LA D». STAPART. 17
Qu'il alloit faire à la Bulle, ou fans y faire réflexion, il écrivit à Reims dès le len-
demain de la guérifon, ^'on ne peut révoquer ce miracle en doute ^ £3* qtiileft trep
hienavéré-y déclarant dans la même lettre, qu'il s'étoit opéré àAvenai fur le tom-
beau de M. RoufTe.
Qiie vôtre vérité efl puiflante, ô mon Dieu! elle furmontc tousles obftaclcs ;
elle fait fe faire rendre hommage par ceux qui lui font le plus oppofés : elle a
même le fecret de fiire difparoître à leurs yeux leurs propres intérêts ; car il y a
tout lieu de préfumer que l'éclat de ce miracle avoit fi fort ébloui le P. Sutaine
qu'il ne fit pas alors attention , qu'en écrivant ainfi, il portoit un coup mortel à
pour jamais la confiance de fes fupérieurs. Mais s'il ne s'apperçût pas d'abord des
confé<|uences qui réfultoient de Ion témoignage , les Grands- Vicaires les fenti-
rent àtnei-veilie , & aufll-tôt que fa lettre eût été rendue publique , ils le traitterent
comme le Père Huait, & l'interdirent de toutes fonétions. Punition terrible
pour un Moine Mandiant & Molinifte. Aufîi le Père Sutaine fit-il tout ce qu'il
pût pour fléchir MM. les Grands- Vicaires } Mais en vain leur déclara -t- il,
non feulement qu'il avoit pour la Bulle la foumiflîon la plus entière & la plus
aveugle , mais même qu'il avoit toujours fait profeflîon d'un parfait dévouement
ù la Société des Jéfuites, & qu'il préferoit leur morale à celle de l'Evangile i
tout cela ne fût point encore iuffilànt. MM. les Grands- Vicaires lui répondi-
rent fans doute , du moins dans leur cœur. Nous approuvons vos fentimcns ,
mais nous n'en blâmons pas moins vôtre démarche. Il vous ficd bien avec vôtre
probité llupide, 6c vôtre imprudente fincerité de fournir des armes aux Janfé-
niiles. Ceft bien là comme il faut s'y prendre {^ourfervir la Conftitution. Il s'agit
biende tendre gloire à Dieu d'un miracle opéré par l'interccffion d'un Appellant.
Qiiand vous l'auriez vu, ne pouviez -vous pas du moins vous taire ? Tout Moli-
nille que vous êtes , vous ferez puni comme un Janfénilte , & vous demeurerez in-
terdit pour leur caufe.
Voilà donc le Pcre Sutaine parmi lesAppellans perfécutés, comme Saiil par-
mi les Prophètes. Heureux fi ce mauvais traittement eût pu lui ouvrir les yeux fur
l'injuftice èc la violence dont on ufe parmi les fiens pour foutenir une caufe que
Dieu combat par des traits fi marqués de fa puiffance. Heureux £c trop heu-
reux , fi en entrant en fociété de fouffrances avec les amis de la vérité , il partageoit
leurs avantages, & qu'il lui fût donné comme à eux de fouffrir avec joie tout ce
qu'ils fouffrent pour elle.
Oh ! Père Sutaine , qu'allez-vous devenir? Vous avez trop de franchife,
trop de droiture pour relier Molinifte } 6c trop de préjugés contre la vérité pour
être un de fescnfans. Gardez vôtre fincerité ■& vôtre bonne foi , priez beaucoup,
6c étudiez bien la vérité, elle vous éclairei-a 6c vous fera enfin avoir part au bon-
heur de fes difciples. *
Que pourroit-on oppolx;r à de tels témoignages que l'évidence a arrachés à l'in-
crédulité malgré tous les intérêts du cœur ?
Dira-t-on que ces témoins ont pu fe laifler féduire par quelque faufie apparen-
ce? Mais quel moyen de foutenir une pareille abfurdité? Les maladies de la De.
Stapartétoicnt-elles équivoques? Son œil paralitique depuis dix ans étoit-ilgué-
//. Demonfi. Tome II. G nlfa-
* On 7ie trouvera pas la letrre du Père Sutaine dans les pièces ci- après, farce qu'elle.ne m'a pas été remife en origt
nal, & que je n'ai fait imprimer que celles que j'ai d^pofées m'ii-même, mais on la trouvera dans 1? premier recueil Jei
piécfs juAificatives de ce miracle imprimé dès 1"
plus fait imprimer, & enir'autres lo ceriificjt d<
«e Chaalons, & piuiuîrfs leiires de M. Siapati,
piéCfS juftificatives de ce miracle imprimé dès l'année 1719. avec plufuurs astres pièces importâmes que je n'ai pas non
plus fait imprimer, & enir'autres lo certificat de M. l'Abfce de Vaucieniie aucienGrand-VicairedeM.dcNuaia "
pr:
ieniie aucienGraad-VicairtdeM.dcISIijailks £vê9|Ue
iS DEMONSTRATION DU MIRACLE
ridablc? Cependant la guérifon parfaite de toutes fes infirmités nes'eft-t-elle pay
opcrce en un moment? Et n'eft-ce pas la vue de ces m cive il les qui a forcé ces té-
moins de facrifier leurs intérêts 8c leurs préjugés à la vérité de ce miracle qu'il ne-
leur a pas été poffiblc de fe difîîmuler ?
Mais enfin fi on veut fuppofer que ces témoins aient pu Ce tromper f.mtc d^a-
voir bien connu la nature de ces maladies, ou d'avoir affez examiné fi la guéri-
fon en étoit réelle, à qui peut on mieux s'en rapporter qu'aux Maîtres de l'Arc
qui ont traitté la D^. Stapnrt pendant tout le cours de fes maladies, & qui dès le
lendemain de fi guérifon font venus l'examiner avec toute l'attention que méritoit
un prodige qui combattoit les préjugés des Puiflances , & qui ne pouvoit man-
quer d'attirer leur difgrace fur tous ceux qui le certifieroient ?
M. de Reims célèbre Dofteur en Médecine 6c le fieur Virard Chirurgien d'E-
pcmai ont déclaré dans leur rapport fait dès le lendemain du miracle, que,, l'œil
gauche (de la De. Stapart étoit) refté paralitique 8c privé de toute lumière
fixns cfpérance de guérifon (depuis) le 24. Décembre 1717. (jour de fa) pre-
mière attaque d'apoplexie, (jufqu'uu) i(î. Mai 1718. (Qu'après) la troifié-
me attaque.. .., quoiqu'on ait pratiqué les mêmes remèdes (quiavoienteuun
heureux fuccès par rapport au bras 8c à la jambe ,) cependant la malade (en
étoit) reftée paralitique jufqu'audit jour 16. Mai 1728. jour de la Pentecôte
(qu'elle s'étoit foit porter) fur le tombeau de feu M. Rouffe, (8c que) le
lendemain (17. Mai) après l'avoir examinée ferupuleufement, (ils ont) re-
connu ( qu'elle ) avoit recouvré d'une manière miraadeufe l'ufage , non feule-
ment de fonbras Scdefajambeparalitiques, mais encore de fon œil dont elle voit.
^^ parfaitement clair, ne lui reliant aucune douleur ni foiblefle dans toutes les
„ parties qui ont été attaquées de paralifie : „ ce qu'ils ont affirmé véritable.
Lorfque des Maîtres de l'Art fi portés par leur profelîion & leurs études à tout
attribuer à la nature, 8c fi bien inftruits de toutes fes reflburces, font forcés de
convenir qu'une guérifon eft miraculeufe , il faut porter l'incrédulité bien loin
pour les en dédire : mais indépendamment de leur jugement , n'cft-il pas de la
dernière évidence qu'une guérifon auflî fubite, auflî parfaite, auffi entière, une
guérifon qui ne laifle aucune foiblefle à une perfonne , qui le moment d'aupara-
vant étoit paralitique, 8c qui avoit déjà efluyé trois attaques d'apoplexie , n'eft-il
pas, dis-je, de la dernière évidence qu'une pareille guérifon n'a pu être opérée
que par celui qui par fa feule volonté peut anéantir en un inftant toutes les caufes
êr les effets des maladies, Se régénérer tout d'un coup tout ce qu'elles avoicnt
détruit ?
Deux autres Maîtres de l^Art dont la D^. Stapart s'ctoit encore fcn'ie dans
fes maladies, les ficurs de Villers 8c Berli ,. ont certifié tous les mêmes faits, ^
cntr'autrcs qu'ils avoicnt été „ témoins oculaires, (que lorfque la De Stapart
j, fut revenue) d'Avenai (où elle) avoit été le jour de la Pentecôte prier le Sci-
„ gncur fur le tombeau de M. RoulTe, (8c où) elle avoit recouvré fur le champ
„ d'une manière furnaturelle 13 miraculeufe l'ufage , non feulement de fon bras
„ & de fa jambe pai-alitiqucs, mais encore de fon œil gauche qu'elle avoit perdu
„ depuis plus de 10. ans, il ne lui (étoit) reftc aucune foiblcUc ni douleur dans
„ toutes ces parties j qu'elle voyoit parfaitement clair de fon œil (Sc qu'il y a
„ toute) apparence qu'il (ne lui eft) relié aucun Icfoùn de Ces apoplexies. „ Ce
que la fuite a bien confirmé, puifqu'ellc a toujours continué depuis ce miracle
jufqu'à préfcnt de jouir de la fantc k plus pamite.
Il y a encore un cinquième Maître dc l'Art, le licui' Emcriqui attcftc pareille-
ment les mêmes faits.
Ajouf-
OPERE' SUR LA D«. STAPART. i>
Ajoutons à leurs témoignages , celui d'un fameux Chirurgien de la Cour. M.
„ Souchai déclare qu' „ il ell de la dernière évidence que la paralifie (du bras &:
„ de la jambe) qui mivit la troifiéme attaque d'apoplexie , fut complette; (puif-
„ que) les mêmes remèdes qui avoient guéri les deux premières paralifies ne firent
„ plus aucun effet, d'oij ilconcludque cette paralifie étoit incurable. Mais (dit-
„ il) quand on fuppoferoit que (cette) paralifie n'étoit pas entièrement complettc,
„ le miracle de fa guérifonfubite n'en feroitguéres moins éclattant,,, parce qu'une
paralifie ne fe peut pas guérir parfaitement en un moment , ce qu'il démontre par
des principes d'Anatomie. Mais quelque admirable que foit la guérifon du bras
& de la jambe, le rétabliflement fait tout à coup d'un œil paralitique depuis dix
ans, lui paroît un miracle où l'opération de la Divinité eft encore bien plus fra-
pante. Il fait voir en expliquant les principales parties dont l'œil eft compofé
qu'il y en avoit d'eflentiellcs qui avoient infailliblement perdu leur fubfl;ance 5c
leur forme pendant le long cours de cette paralifie ; d'oii il conclud que la guéri-
fon en étoit abfolument impoflîble à toutes les reflburces de la nature 8c de l'art
& que ce frodige inconcevable n'a certainement -pu être opéré que par V Auteur de
la nature.
Après de pareils témoignages 5cdes preuves fi décifivcs , ilparoit fuperflu d'en-
trer dans le détail du caraétere des autres témoins. Nous nous contenterons donc
de faire feulement quelques réflexions fur une démarche folemnellc faite par
trente-huit Curés à l'occafion de ce miracle.
Celui qui avoit été opéré fur Anne Augier avoit déjà excité le zélé de quel-
ques uns d'entr'eux , 5c avoit ouvert les yeux à plufieurs qui n'avoient pu s'empc-
cherde rcconnoîtrcla voix de Dieu dans un miracle fi inconteftable. On a vu que
CCS Curés s'étoient joints enfcmblc au nombre de trente-deux, & avoient prefenté
une requête aux Grands - Vicaires le 2f. Septembre 17x7. pour les obliger d'en
faire l'information.
Cependant par la fuite quelques-uns d'entr'eux intimidés par les menaces des
Puiifancesfe retirent du camp d'Ifracl, ôcsenfcvelifllmt eux-mêmes dans leur lâche
politique, ne donnèrent plus aucun figue de vie 5 mais Dieu par l'éclat du miracle
opéré fur la De. Stapart répara avantageufemcnt le nombre de ces defertcurs.
Au lieu de trente-deux Curés , les Grands-Vicaires en virent paroître trente-huit,
dans le nombre defquels étoicnt les quatre Curés de la Ville de Reims , qui les
fommerent juridiquement le 2.5. Août 1718. de faire l'information, en même-
tcms du miracle que Dieu avoit fait fur Anne Augier, ôc de celui qu'il venoit
d'accorder à la D-. Stapart.
,, Il eft conftant (leur déclarent-ils dans cette requête ) êc vous l'avez fins
„ doute appris, MM. que la D-". Stapart étoit paralitique ; qu'elle avoit un œil
„ dont elle ne voyoit plus abfolument depuis 10. ans, & qu'elle a été parfai-
„ tcment guérie de cette double incommodité le jour de la Pentecôte fur le tom-
„ beau de M. RoulFe (Ce) nouveau miracle (ajoutent-ils plus bas) a pour
„ témoins les habitans d'une ville entière. . . . Les merveilles arrivées à Avc-
„ nai , 6c fur tout celle de la D=. Stapart, ont fait une fi grande impreffion dans
„ le public , C que ) les fupplians fe trouvent obligés de vous repréfenter
5, que les fidèles ne doivent pas être abandonnés plus long-tems à un état d'in-
„ certitude fur des objets de cette importance pour la Religion Ceconfidé-
„ ré, MM. il vous plaifc donner aéle aux lupplians de ce qu'ils vous dénoncent
„ les guérifons arrivées au tornbeau de M. RouflélcsS. Juillet 172,7. & 16. Mai
„ 1718. es perfonncs dAnne Augier 8c delà D^. Stapart comme miraculeufes
„ & furnaturellcs : en conféqucnce ordonner qu'à la requête de M. le Promo-
C a j, tcur
té DE'MONSTRATION DU MIRACLE
„ tcur de l'Archevêché , il fera procédé à l'information ( defd. miracles ) aux
„ offres que font les luppluins d'adminillrcr preuves 6c témoins fuffifans j & vous
ferez bien. „
MM. les Grands- Vicaires n'eurent garde de faire droit fur cette requête. Ils
ctoient eux-mêmes lî pcrfuadés de la certitude 6c de l'évidence de ces deux mi-
racles, qu'ils défcfpercnt entièrement de pouvoir les obfcurcir dans une infor-
mation. Ils aimèrent encore mieux qu'on tirât tout l'avantage qu'on pourroit de
leur filencc, 6c du refus qu'ils faifoient d'informer de la vérité, que de fe voir
obliges de la reconnoître 6c de prêter leur minillere pour la conllatcr eux-mêmes.
Ainti le parti qu'ils prirent fût de ne répondre que par des menaces 6c des inter-
dirions à une requête qui leur mettoit G. vivement leur devoir devant les yeux,
O vérité, quelle elt votre force! Ceux mêmes qui vous combattent vous ren-
dent témoignage en leur manière , en laiffant appevcevoir qu'ils rcfufent de def-
fcin formé d'ouvrir les yeux à la lumière, 6c qu'ils ne cherchent au contraire qu'a
étouffer la voix de Dieu.
Mais qui peut s'empêcher de reconnoître qu'il n'y a que celui qui difpofe de*
cfprits 6c des cœurs, qui ait pu infpircr à ces trente- huit Curés de s'cxpofer ainfî
à toutes les difgraccs que pouvoit leur attirer une démarche fi généreui'e , 6c cela
lans autre intérêt que de rendre un témoignage folcmncl à un miracle qui con-
damnoit les fentimens précedens de quelques-uns d'entr'eux. Car il ell bien digne
de remarque que dans le nombre de ces trente- huit Curés , il y en avoit quelques
uns , non feulement qui jufqu'au moment qu'ils avoient été éclairés par la lumière des
miracles avoient fait profellîon de recevoir la Bulle j mais même qu'il y en avoit qui,
cnfoukntaux piedstoutrefpe6thumain,pouratteftercc miracle-ci, doutoicnt en-
core s'ils ctoient oblijgés de fe rendre à cette décifion divine , 6c ne le ccrtifioicnt que
:omme un prodige évident, dont ils croyoient qu'il étoit indifpenlable de rendre
loire à Dieu, fans vouloir tout-a-fait convenir des conlequences qui en réfultoienr.
Aaffi déclarerent-ils dans leur requête que „ la différence des fentimens lur les
, difputes qui agitent l'Ealife, n'a pas empêché plufieurs peribnnes de fe réunir
j, pour publier que la gucrifon de cette D'. efl furnaturelle. „
Combien a -t- il donc fillu que ce miracle fût frapant 6c fut inconteftable pour
forcer ainfi la conviélion de ceux dont il reprouvoit les fentimens 6c la conduire?
Qiicls tcmoms que ceux qui terraffés par l'éclat d'une œuvre divine, dcpofent
contre eux-mêmes, 6c facrifient leurs propres intérêts pour foutcnir une vérité
qui les condamne !
PROPOSITIONS
/ *■
SUR LES CELLES CETTE DEMONSTRATION SERA ETABLIE.
PREMIERE PROPOSITION.
L A D'. S T A p A R T , lorfqu'ellc s'eft fait porter fur le tombeau de M. RouiTc
k i<î. Mai 1718. avoit l'œil gauche depuis le i^. Décembre 1717. privé de tou-
te lumière, de tout mouvement 6c de toute fcniibilitc ; ce qui étoit l'effet d'une
attaque d'apoplexie ,fuivic d'une panlifie complcttc qui avoit rendu cet œilabi'o-
Jumcnt incurable.
Un m a l de tête continuel depuis cette première attaque jSc une enflure aux
jambes qu'aucun remède ne pût jamais diffipcr, étoient des levains funcllcs qui
M'crtilToicnt la D-. Stapart qu'elle étoit contuiucUcmcntcn danger..
Enfih
».
OFE'RE SUR LA D*. STAPART. it
EfTFiN une troifiéme attaque arrivée le 7. Avril 1728. avoit fait tomber le
bras & la jambe du même côté en paralifie cômplette,
II. PROPOSITION.
L A D*". Stapart a été fubitement & parfaitement guérie de toutes Tes ma-
kdies furie tombeau de M. Roufle le 16. Mai 1718.
III. 6c DERNIERE PROPOSITION.
La guérifon de la D^ Stapart ne peut être attribuée qu'au Tout-puifTant.
I. P R O P O S I T I O N.
La D*. Stapart , lorfqii'eUe s'eji fait porter fur h tombeau de M. Roufe le i 6. Mai
Î728. avoît l'œil gauche depuis le 24. Décembre ijlj. privé de toute lumière j de
t-out mouver/ienî (s de toute fenjibilité ; ce qui et oit P effet d'une attaque d'apoplexie,
fuivie d'une par alifie cômplette qui a'voit rendu cet œil abfolument incurable.
Unmal de tête continuel depuis cette première attaque, {5? ««1? enflure aux jambes
qu'aucun remède fie pût difliper , étaient des levains funeftes de cette dangereufe ma--
ïadie , qui avertijfoient la D^. Stapart qiCelle et oit continuellement en danger.
Enfin nue troifiéme attaque arrivée le 7. Avril 1728. avoit fait tomber le bras £3*
la jambe du même côté en par alifie cômplette.
IL Esr bien aifé de prouver des faits, dont Tes principaux, les plus impor-
tans & les plus décififs ont été exjpofés pendant une longue fuite d'années à
la vue de toute une ville j faits qu'il etoit abfolument impoffible de contrefaire,
& par rapport aufquels perfonnc ne pouvoit fe tromper, tel qu'eft un œil éteint
& immobile pendant plus de lo. ansj faits par conlëquent qu'on nauroit jamais
ofé certifier s'ils n'avoient été conftans, parce qu'ils auroient été auflî-tôt démentis
par une multitude de pcrfonnes qui auroient été charmées de foire leur cour aux
Puiflances en leur découvrant une pareille impofture.
Ainfi l'on peut dire que leur feul expofé prouve qu'ils font d'une notoriété pu-
blique. Or le fait de l'œil perdu Screfte dans- une immobilité continuelle pendant
plus de 10. ans , [en y joignant celui de la guérifon fubire & parfaite qui a été
vue, examinée 8c admirée par toute une ville] fuffit toutfeul pour rendre ce mi-
racle inconteftable.
Mais néimmoins que le Lefteur ne fc difpenfe pas de la lc£ture des témoignages
& des preuves que nous allons lui rapporter j il trouvera une fource de motifs
d'admirer la grandeur de ce divin prodige , dans le détail & les circonftances de
l'état où étoit la D^ Stapart lors de faguérifonfubite, &: dans les preuves invinci-
bles que nous lui fournirons en m ême-tems que cet état, du moins la perte de l'œil,
ctoit abfolument irréparable. Car nous joindrons enfemble les preuves des mala-
dies , & de leur incurabilité.
La vie n'^ft fouvent qu'un tiffu de fouffrances, il ferrrblc qu'on ne foit dans
l'exil de ce monde que pour fouffrir 6c mourir. C'ellla punition du péché impo-
fée à tous les enfans d'Adam j mais la vie des élus, par un ordre particulier de
la providence , cft fouvent la plus pénible j la croix eil le chemin qui conduit au ciel",
fuivant que nous l'a appris nôtre divin Sauveur qui a voulu être nôtre modèle.
La D . Stapart d'une piété diftinguée eût long-tems à fupporter cette rigou--
reufc épreuve. Elle nous apprend dans la déclaration qu'elle a faite conjointe-
ment avec fon époux, ,, Que le 24. Décembre 171T. . . elle fut attaquée d'apo-^
„ plexie avec plufieurs rechutes confécutives qui dégénérèrent en paralilie fur 1»
„ moitié du corps du côté gauche, „
C j^ Lai
55
1^ DE'MONSTRATION DU MIRACLE
La D.'. Huguet de Couitaumé & la D le. Huguet détaillent dans Iciir dépo-
sition les circonftances de ce premier accident, dont elles furent d'autant mieux
inftruites qu'il arriva en leur mailbnSc en leur préfence. ,, Nons certifions (dilent-
„ elles) que la veille de Noël de l'année 1 717. la D-\ Stapart étant chez nous envi-
„ ron les 6. à 7. heures du foir, clic fc plaignit tout d'un coup qu'elle ne voyoit
„ plus clair, & enfuite en bégayant elle dit qu'ellefe trouvoitmal, Sctombaen
„ apoplexie; en forte qu'on fût obligé de la ramener chez clic dans un fauteuil,
„ n'ayant aucun mouvement ni connoiflancc. „
Cette dépofition nous répréfente tous les fimptômes Scies effets de l'apoplexie.
Une humeur épaiffe & gluante fe répand dans le cerveau ; elle forme un engor-
gement qui enveloppe les racines des nerfs , en bouche les conduits , & les met
hors d'état de fuccer lalimphe fubtile : ils perdent parla toute leur aftion, ce qui
fait que les facultés du corps font auffl-tôt altérées, tous les organes des fens font
interdits, la malade perd l'ufage de la vue, 2c tombe fans connoiffance , fans
mouvement 8c fins fcntimcnt.
Les Maîtres de l'Art furent appelles au plus vîre. On fit venir M. de Reims Mé-
decin d'une grande réputation , les ficurs Virard Se Bcrli Chirurgiens & le ficur
\''illers Apotiquaire.
Ces MM. n'oublièrent rien de tout ce que leur habileté 8c leur expérience pu-
rent leur fuggerer ; cependant la malade refta pendant trois jours flottante entre la
vie &c la mort. „ Nous certifions Mifcnt M. de Reims 6c le fieur Virard) que la
De. Stapart a eu dans l'Efpacc de 10. ans Se 4. mois trois attaques d'apoplexie,
qui en trois jours ont dégénéré chaque fois en paralifie fur la moitié du corps
du côté gauche, favoir k première attaque le 14. Décembre 1717. „
Les fleurs Villers 8c Bcrli attcftent également les mêmes faits.
Ainfi il efl conilant que chacune des trois attaques d'apoplexie à été fi violen-
te qu'elle a duré pendant trois jours p^r plu/îeurs rechutes coriféciitivcs , comme le
difcnt la D . Stapart & fon mari, & que des la première attaque la moitié ducorpt
du côté gauche cli tombée en paralifie.
Cependant la paralifie du bnis & de la jambe n'étant alors qu'incomplcrte, Se
les premiers remèdes ayant eu d'abord quelque ûicccs , ces MM. aulquels oncn
joignit encore un cinquième nommé le ficur Emeri , continuèrent leurs remèdes
f)endant l'cfpace de 6- à 7. mois, Sc enfin parvinrent au bout de ce temps à rendre à
a malade l'ulage de fcs membres.
M. de Reims & les ficurs Virard, Villers & Bcrli, déclarent que „ k D*.
,^ Stapart n'a pu être guérie ( c'cil-à-dire recouvrer l'ufage de fon bras & de fa
„ jambe) qu'après plulïcurs remèdes généraux 8c fpécifiqucs qui lui ont été ad-
„ minillrés pendant l'efpace de 6. a 7. mois; (mais qu'à l'égard) de fon œil gau-
„ che il cil rcfté paralitique 8c pnvédetoutclumicrefansefpénncedcguérifon. „
Ces quatre Maîtres de l'art, ainfi que le ficur Emeri, certifient cnmcmc-tcms
par ce qui réfultc de leurs rapports, que cet oeil cft relié en cet état jufqu'au 16.
Mai 1728. puifqu'ils attellent que dés la première attaque, il étoit j'aus e/pérance
de guérifon^ 8c que ce n'a pu être que d'une manicrc miraculeufe qu'il a été guéri
le 16. Mai 171». A quoi les ficurs Villers 8c Bcrli ajoutent que la De. Stapart
«voit perdu cet ail depuis plus de 10. aus lorfqu'il fût fubitement guéri.
Mais ce même fait fe trouve encore attelle par tons nos autres témoins.
Le Pcre Huart qui confclTa la D-. Stapart la veille du miracle, dédire que par
la première attaque d'apoplexie „ elle perdit entièrement l'œil gauche, dont cUc
j, n'a point vu jufqu'au moment de fa guérifon miraculeufe. „
^L Stapart le Bailli 8c k D^. fon époulé, après avoir dit que cet „ œil refla
„ faiis
OPERE' SUR LA D^ STAPART. rf
; après avoir déclare que „ h
„ D-le. Stapart avoit perdu l'œil gauche par la première attaque (de 1717.
„ certifient pareillement que) tous (cesj accidens lui durèrent jufqu'au jour de
„ la Pentecôte 1728.
Il eft inutile de citer un plus grand nombre de témoins pour un pareil fait qui
étoit dans tout le pays d'une notoriété publique, & qui eft déclaré par le Père
Sutaine lui-même.
„ Il vient (dit ce bon Molinifte dans la lettre qu'il écrivit à Reims) de fe faire
^ un nouveau miracle à Avenai au tombeau de M.RoufTcen faveur d'une per-
„ fonne que je connois . . . qui depuis 10. ans eft privée d'un ceil. „
Mais il eft bon d'obferver que cette première attaque d'apoplexie avoit non:
feulement affefté le nerf optique qui eft l'organe de la vue, mais que les racines
de tous les autres nerfs , qui lervoient à procurer le mouvement & la fenfibilité
tant au globe de l'œil qu'aux paupières, avoient été pareillement engorgées dans
le cerveau ; en forte que cet œil avoit non feulement perdu la lumière par l'ob-
ftruétion du nerf optique, mais avoit perdu en même-tems toute fenfibilité 6c
tout mouvement par l'engorgement des racines de tous les autres nerfs.
C'eft ce que M. de Reims Médecin , & les fieurs Virard & Berli Chirurgiens
& quelques autres témoins expriment en dilant que cet œil ej} rejîé paralitique ^
p-tvéde toute lumière ; ce qui comprend deux effets differens, dont le fécond avoit
été produit par l'obftuftion du nerf optique , & le premier par l'oblh-uftion des
autres nerfs j fur quoi il eft bon de ne pas omettre une circonftance rapportée
par le Père Huart , ce témoin fi peu fufpeét. „ Elle avoit (dit-il) tellement pcr-
„ du l'ufage de fon œil , que lonqu on mettoit le doigt dedans , la paupière ne
^ branloit pas. „
Au refte „ cette circonftance (dit M. Souchai) n'eft que l'effet tout naturel'
„ de la paralific complette dont cet œil étoit atteint, & fe trouve comprife &:
„ fuppoféc par l'expreffion dont MM. de Reims 6c Virard fe font fervi dans
„ leur certificat par lequel ils ont déclaré que cet œil étoit refté paralitique. ,,.
AVANT que de paifcr aux autres fuitesqu'aeû cette première attaque d'apo-
plexie , démontrons au Icfteur par des principes inconteftables d'anatomic , qu'il n'y
avoit nulle reflburce dans la nature , nul être créé qui pût rétablir cet œil , qui étoit
entièrement perdu comme le difent plufieurs de nos témoins.
Nous n'aurons befoin pour le prouver que de rapporter quelques extraits delà:
diflertation que M. Souchai a fait fur ce miracle.
„ Le nerf optique (dit-il) eft l'organe immédiat de la vue. Ce nerf part de là'--
„ bafe du cei-veau , 6c forme en s'epanouïflant dans l'intérieur du globe de l'œil ,
„ une membrane appellée la rétine compofée d'une infinité de petits filets d'une-
5, finefle 6c d'une delicatefle merveilleufe..
„ Il n'eft pas douteux (dit-ii plus bas) que le nerf optique n'aie été obflrué
„ dans toute fon étendue , dans l'œil gauche delà D"'. Stapart des fa première-
„ attaque d'apoplexie arrivée le 24. Décembre 17 17. La caufe de la privation:
„ de toute lumière dans cet œil n'eft pas incertaine ; elle eft la fuite d'une apo-
„ plexie qui avoit attaqué tous les nerfs du côté gauche dans leurs principes. . . .
y, Auffitôt la faculté de voir ceflli entièrement dans cet œil qui pendant plus dc'
„ 10. ans n'a recouvré aucune lumière , ce qui prouve que toutes les parties duî
„ nerf optique avoient été obftruées.
„ M;us il y a plus (dit-il encore;) non feulement toutes les parties du nei-f op*-
,3. tique?
5»
£4 DE'MONSTRATÎON DU MIRACLÏ^
„ tique avoient été obftruécs, mais aufli tous les autres nerfs qui fefvoiènt aux
autres lenfations dans le même œil, & tous Ceux auflî qui fcrvoient auxmou-
vcmcns ont été pareillement obllrués, ôcc'eftcequi arenducetœilparalitique,
c'eli-à-dirc fans mouvement & fms aucune fenfibilité. . . .
„ Voilà donc(conclut-il) tous les nerfs généralement quckonques, qui por-
toient l'cfprit animal dans cet œil obilmes : voilà donc cet œil privé de tout
cfprit animal) puilque les efprits animaux ne font portés dans tous les mem-
bres que par les nerfs. Voilà donc (ajoute-t-il encore) une paralifie complet-
J,' te , & par conféqucnt incurable. ,, Car c'cft un principe, que la nature ne pou-
vant opérer que par l'âétion des efprits animaux, toute partie du corps qui cil en-
tièrement dépourvue de ces ciprits a en quelque forte perdu la vie, &n'eftfufcc-
ptible d'aucune guérifon.
Mais n cette paralific de l'œil étoit incurable par fa qualité, parce qu'elle ctoit
complettc , fon incurabUité cft devenue^ encore bien plus palpable Se plus évi-
dente par fa durée , parce <iue cette durée a caufé la perte, ou du moins détruit
la forme de plufieurs parties clTentiellcs que l'art & la nature, ni aucun être créé
n'étoient point capables de rétablir.
„ La De. Stapart (continue M. Souchai) rcfte dans cet état pendant plus de
„ 10. ans. Que font devenus pendant un fi long-tcms ces fibres ou filets il fins,
„ fi déliés, fi délicats qui compofcnt la rétine & qui reçoivent toute leur aétion
„ de l'cfprit animal que leur porte le nerf optique? N'clt-il pus évident que tous
^, ces filets ayant été prives de l'efprit animal pendant un fi long-tems , fe font
„ affaiflcs ôc peut-être racornis ? Comment cette membrane rétine a-t-ellc pu
„ être rétablie après plus de lo. ans ?
Qu'il me foit permis d'ajouter à cette démonftrationd'anatomic un autre prin-
cipe que i'ai appris de M. Gendronundes plus célèbres Médecins, & le plus ha-
bile OcuUile qu'il y ait au monde , qui clique des que l'arrangement des petits
filets dont la rétine eft compofée le trouve détruit, il ne peut jamais être remis
dans fon premier état, parce qu'il n'y a nul remède qui puiflc produire cet effet.
Se l'œil par conféquent ne peut jamais recouvrer la lumière , ce qui fait dire aux
Oculiftcs , comme un principe fondé fur l'expérience de tous les uéclcs, que pour
peu que la rétine foit offenfce l'œil eft perdu fans reflburcc.
Or ici les filets n'avoient pas feulement perdu leur arrangement , mais ayant
été pendant plus de lo. ans fans recevoir l'efprit animal qui les humcétc K les
nourrit , ils s'ètoient d'abord deffèchés > & il n'cll pas même pofllble de douter qu'-
enfin ils n'aycnt été totalement détruits par une fi longue privation de nourriture.
Ainfi la rétine n'avoit pas feulement perdu fa forme & l'arrangement de fes filets ,
mais elle ne fubfiftoit plus ,2c par conféquent l'organe immédiat de la vue man-
^uoit entièrement dans cet œil.
Mais le nerf optique n' étoit gucres en meilleur état que la rétine. „ Comment
„ le nerf optique lui même (dit encore M. Souchai,) ayant étéaffaiflc pendiuit
„ fi long-tems, (8c) tous fes pores (ayant) été Ci long-tcms bouchés, eft-il dc-
„ venu capable de recevoir les efprits animaux & de les porter dans toutes les li-
„ brcs de la rétine! „
Le nerf optique privé pendant fi long-tems des efprits animauxqui le vivifient,
s'ctoit inrlubitablemcnt aefleché , & avoit perdu par l'affaificment de toutes fc$
parties les porcs ou conduits dans Icfqucls les efprits animaux coulent. Or il eft
cncorejde principe qu'un ncrfdeiïcché ne fej3cut rétablir; &: que lorfquc fes porcs
ou conduits fc lont colles , 8c par là ont ccflc d'être , rien ne peut les former une
féconde fois.
On
OPERE' SUR LA D\ STAPART. 24-
On en doit dire autant des autres nerfs deftinés pour fervir aux mouvcmens
8c aux fenfations de cet œil, qui ont été également privés des efprits qui leur
donnoient le mouvement & la vie.
Ainfl il eft incontellablc qu'il j avoit plu (leurs parties cfTentielles dans cet œil,
dont les unes avoient perdu leur forme ou pour mieux dire leurs organes Se dont
les autres ctoient détruites.
Concluons donc avec M. Souchai qu'une pareille guérifon étoit abfolument im-
poffible à tout être créé , & qu'elle ell „ un prodige inconcevable qui n'a ccrtai-
jj nement pu être opéré que par l'Auteur de la nature. „
Mais non feulement cette première attaque d'apoplexie fit perdre l'œil gauche à U
D^. Stapart, elle lui laifla encore deux dépôts auffi incommodes que dangereux.
EUedéclareconjointcmentavccfonmari „ que depuis l'attaque de 1717. il lui é-
„ toit relié fans difcontinuation une grande douleur de tête & une enflure aux jambes,
„ & que tous les remèdes qu'on lui a fait n'ont pu enlever ce levain de la maladie. „
Le Père Huart, la D-. Huguet de CourtauméScla D"^. Huguet déclarent pa-
reillement que „ depuis 17 17. .. elle avoit toujours cû les jambes extrême-
,y ment enflées. „
M''», de Bart Baronne de Somme-Vefleêc M''^ de Villers certifient de leur parc
„ Qiie la D"^ Stapart . . . depuis fi paralific de 1717. s'eft toujours plainte d'une
„ douleur de tête & d'une enflure aux jambes qu'elle leur fiifoit voir , ce qui
„ faifoit qu'ellemarchoit pefamment avant fa dernière attaque où elle relia paraliti-
„ que fins pouvoir agir. „
Ces deux levains d'apoplexie, 2c fur tout le mal de tête continuel formoient
une preuve qui n'étoit que trop fcnfible,que lesobftructions du cerveau n'avoient
pu être diflîpées qu'en partie par tous les remèdes qu'on avoit employés pendant
6. à 7. moisj 5c il n'ell: pas douteux que les humeurs gluantes qui formoient ces
ob ftru étions , ne fe foicnt épaifTies , durcies &coalblidees pendant l'efpace de plus
de 10. ans qu'elles ont relié dans ce lieu où elles s'étoient répandues i d'où il fuit
qu'il n'y avoit plus aucun moyen de les détruire , parce qu'elles ne faifoient plus
qu'un corps avec les parties aufquelles elles s'étoient unies , 6c qu'elles avoient
acquis une folidité que tous les remèdes ne pouvoicnt avoir la force de divifer en
parties aflez fines pour les diflîper par la tranfpiration.
Auffi tout l'art des Médecins ne pût rendre des lors à la D_>. Stapart qu'une fantc
bien imparfaite. La tête accablée par des douleurs continuelles, privée d'un œil 6c
ne fe foutenant qu'avec peine fur fes jambes appefanties par l'humeur qui les inondoit,
elle fe voyoit fans cefle pourfuivic parla mort > les levains d'apoplexie qu'elle fentoit
fubfifler en elle-même lui donnant lieu d'appréhender les rechutes les plus funelles.
Dans une fi trille fituation la D^. Stapart n'oublia rien pour reculer du moins ua
fi terrible pronoflique j mais on a beau prendre des précautions en pareil cas pour fe
garantirdcs rechutes , onpeutbien les éloigner pendant quelques années, mais l'ex-
périence n'apprend que trop qu'il cil impofilble de s'enprélerver entièrement.
Auiîî „ le if. Mars 1727. (difcnt prefquc tous nos témoins,) la D^. Stapart.
„ eût une féconde attaque d'apoplexie qui dégénéra pareillement en paralifie fui*
j, le même côté gauche. „
Cette féconde attaque arrivée le if. Mars \'Jirj. fuivant que le certifient M. de
Reims & le fieur Virard,eût les même fimp'omes Q^e\x première , c'ell-ù-dire que
l'apoplexie dura pendant trois jour s avec des rechutes confécutives ^ 8c que ce ne fût
qu'après une très gi'andc quantité de remèdes que la D?. Stapart pût recouvrer l'ufx*
gede fon bras Se de fa jambe , quoique les remèdes euflent lait quelque effet dès les
premiers jours.
//. Dèmenjl. l'orne IL D Un*'
i
àÀ DE'MONSTRATION DU MIRACLE
Une fi violente rechute ne pouvoit manquer d'affbiblir encore beaucoup la malade;
,, Il n'arrive prefcjue jamais (dit M. Souchai) qvie des membres qui ont été pa-
„ ralititiques à lafuite d'une apoplexie reprennent toute leur vigueur , Cpnrce que)
„ les filets des nerfs qui font obftrués s'aflRiiflcnt 8c fe racomiffent lorfqu'ils lonc
„ pendant quelauetems prives de la préfcnce de l'efprit animal .... Ainfi lorfquc
„ les nerfs ont déjà été affoiblis par une attaque d'apoplexie , s'il en fur\4ent une
3, féconde, fouvcnt la paraiifie qui la fuit, qui loi-s de la première attaque n'avoit
5, été qu'incomplettc , devient complette après la féconde attaque. Et fi cela
j, n'arrive pas à la féconde, cela arrive prcfque toujours à la troifiéme, p.arce
j, qu'encore un coup chaque paralifie qui cil la fuite d'une apoplexie, laiffetou-
„ jours, quoique guérie en apparence ; quelques fibres ou filets obftrucs,afFaifles
„ Se quelquefois racornis j & qu'ainfi la nature ayant moins de force, & les nerfs
„ fe trouvant déjà en partie obftrués à une féconde ou à une troifiéme attaque , il eft
5, tout naturel que pour lors l'obûniftion devienne totale, & la paralifie complette. „.
Voilà précifément ce qui eft arrivé à la D-. Stapart ; lu nature afFoiblie une fé-
conde fois par un coup fi violent, ne fût plus capable de fe défendre long-tems con-
tre les levains pernicieux que ces deux attaques avoieat laifles. Aufiî à peine une an-
née fut-elle écoulée depuis ce dernier accident: à peine la malade fut-elle quitte
des remèdes: à peine goutc-t-clle les fruits d'une foible convalefcence , qu'elle re-
tombe en une apoplexie qui dura trois jours comme les deux précédentes, & qui
lui laifla cette fois tout le côté gauche entrepris par une paralifie complette.
Les fieur oc De. Stapart & prefque tous les autres témoins déclarent „ Que le
„ 7. Avril 1718. elle fût encore attaquée d'apoplexie qui dégénéra aulîî en parali-
„ fie fur le même côté gauche. „
Quatre Maîtres de PArt furent aufiî-tôt appelles , ils s'appcrçurentdcs les pre-
miers jours que tous les remèdes ne faifoient plus aucun effet furies membres pa-
ralitiques.
M. de Reims, êc les fieurs Virard, Berli &: Villcrs certifient tous quatre dans
leurs rapports. Qu'après la troifiéme attaque „ arrivée le 7. Avril 17^8. quoi
5, (qu'ils aient) pratiqué les mêmes remèdes pour lafoulager, cependant la ma-
^ ladc eft reliée paralitique da bras Se de la jambe gauche jufqu'au jour de h
3, Pentecôte \6. Mai 1718. „
„ Le 7. Avril 1718. elle eût une troifiéme attaque (dit le Pcre Huart) avec
„ les mêmes fimptômcs, auflîcmploya-t-on les mêmes remèdes pour lafoulager,
„ mais pour cette fois ils furent inutiles. „
Ces remèdes étoient les mêmes que ceux qui avoient réufii après les deux prc-
«ïiieres attaques; il y avoit toujours en eux la même force & la même vertu, la
différence du fuccès ne venoit donc que de la différence de l'état où le trouvoit
la malade. Or quelle étoit cette différence ? C'eft que dans les deux premières
paralifies, comme dit M. Souchai, Us nerfs vC iio\ç.nx. pas entier tment ohfirués , niai-
folttment bouchés de façon quilnypaffàt encore quelque peu de Vefprit animal . . . . Pour
lors comme il coulait encore des efp'its animaux dans les membres attaqués , toute
reffource n étoit pas perdue , £î? les remèdes venant au fecours de la nature Va-v oient aidét
à débarrajferles obflruRions qui fe rencontraient feulement dans une partie des filets ou
fbcs qui compofent les nerfs-, au lieu que dans la paralifie qui fût la fuite delatroi-
iîcmc attaque d'apoplexie, la portion des tierf s attaquée de paralifie étoit entièrement
tbflruée ,cela fi vrai que les remèdes ne faifoient plus aucun effet & qu'il y avoit
perte totale . .. .de mouvement &f de fentiment . . . dans les membres affligés . . . pour
ioi s , continue -t -il, la paralifie ejl abfolunicnt incurable ^ parce que les membres
^0fit tntiértmeHt privés de i'cfprit animal j Une refic plus aucune reJf«Hri(àla nature y
(à
I
OPE'RE' SUR LA D«. STAPART. i^
^parconféquent il n'en peut rejîer à V art qui ne peut rien qu'avec V aide de ta nature,
Auflî les quatre Maîtres de l'Art ayant reconnu que tous leurs plus violeng
fpécifîqucs ne faifoicnt qu'altérer 6c fatiguer la malade fans pouvoir procurer au-
cun foulagement aux membres paralitiques qui étoient entièrement dénués d'cf-
prits, jugèrent très-fagement au bout de quelques jours qu'il étoit auflî inutile
que dangereux de les multiplier davantage, & fc retirèrent tous quatre en décla-
rant à la malade que „ la médecine (n'avoir) point d'autre reflburcc pour tenter
„ de lui procurer Tufagc de fes membres , que de lui confeiller les bains d'ieblcs
„ & de feuilles d'aulne, (qui eft un remède fort dangereux) ou de l'envoyer
5, aux eaux chaudes minérales. „
Au reftc il paroît clairement par les termes mêmes que nous venons de rap-
porter, que cette dernière reiïburce étoit moins un confeil que ces MM. donnoient
à la malade, qu'une foible 6c vaine cfpérance qu'ils vouloient fimplement lui laif-
fer entrevoir , afin de diminuer la peine qu'elle pouvoit reflcntir envoyant qu'ils
l'abandonoient tous. Ils ne lui difent point qu'il y a lieud'efpérer que ces Sains
& ces eaux minérales lui rendront l'ufage de fes membres ; mais feulement qu'il
n'y a plus pour elle d''autre rejfource dans la ntédecitie pour tenter de fe le procu-
Ter. Mais comme le principe du mal refidoit dans le cerveau , quel effet eufîcntpu
produire des bains 6c des eaux minérales j
Au furplus la fuite n'a que trop fait voir que cette tentative eût été tout à fait
inutile } la paralifîe n'a pas tardé à faire connoîtrc par fes plus triftes effets qu'elle
étoit entièrement complette, 6c par conféquent inacccfîîble à tous les remèdes.
La De. Huguet de Courtaumé 6c la D"^Huguet dépofent que,-, cette fois (la
„ D".) Stapart reftaparalitique du bras 6c de lajambe gauche fans fentimcnt 6c fans
„ mouvement. [Ce qui caraétérife eflentiellement la paralifîe complette.] En forte
5, Cdifent-elles encore) que pour la changer de place il falloir pour ainfi dire la traî-
-,, ner, laiflant aller le bras 6c lajambe comme s'ils euffent été morts. . . ne pouvant
5, en aucune manière s'en fervir, „ difent M. Stapart le Bailli 6c plufîeurs autres
témoins.
Qui peut à cette defcripti on nepas appercevoîr lesfîmptômes de la paralifie com-
plette , qui ne confîfte que dans la perte; totale du fenrimenr 6c du mouvement?
Mais ce fait paroîtra encore d'une manière plus fenfîble 6c plus frapante par les
effets extérieurs que cette paralifîe produifît dès les premiers jours. Les nerfs du bras
& de la jam"be gauche fe retirèrent , les mufcles fe denécherent prefque à vûed'œIL
La D"^ Marie Huguet de Courtaumé , laD"». LcfTart 6c la D"'. Stapart fille
de la malade nous apprennent que depuis l'attaque du 7. Avril 1718. „ la main
„ paralitique (de la De. Stapart) étoit toujours fermée fans pouvoir l'ouvrir. „
Le PereHuart certifie auflî le même h\t. La De. de Courtaumé 6c la De. An^»
ne Huguet atteflent que „ fa main affligée étoit tellement fermée que les ongles
„ commençoient à faire imprefîîon fur la peau. „
„ Sa main gauche paralitique (dépofent M"**, la Baronne de Somme- Vefîe &
„ M''*, de Villers) étoit tellement fermée que îcs ongles commençoient à entrer
„ dans la peau i ce que nous avons remarque (difent -elles) lorfque nous l'ou-
,,vrions avec effort. „
Ainfi cette main n'étoit pas feulement paralitique, les nerfs en étoient retirés
& racornis > les mufcles en étoient affaiffés 6c defléchés.
Ces témoins nous apprennent encore que le Iras 6c la jambe gauche . . . dimi-
nuoient infenfihlement de grojfetir^ ce qui prouve que la paralifîe avoit fait autant
d'imprefîîon fur la jambe 6c fur le bras que fur la main.
Aulfî le Pcre Huart 6c plufîeurs autres témoins certifient qu'elle ne pouvoit />/<?•=
D z ' ■ ^er
if DE'MONSTRATION DU MIRACLE
ytr Je genou gauche , ce qui fait encore connokre que les mufclcs en étoicnt dcfTé-
chés ainfi que ceux delà main.
Le dcflechcmcnt des muicles efl: le dcmier degré de la paralifie complettc, &
l'on voit que dès les premiers jours la paralille en queftion croit déjà pai-venuc à ce
dernier degré. Concluons donc avec M. Souchai,qu' „ il cft de la dernière éviden-
j, ce que la paralifie qui fuivit la troificme attaque d'apoplexie fûtcomplette. Or
„ (ajoute-t-il plus bas) ce n'eft pas une cliofe doutcule que les paralifies com-
plcttcs ne foicnt incurables. „
Il ne nous rcfte plus qu'à prouver que ces membres réduits à un état incurable^,
auflî-bicn que l'œil perdu depuis fi long-tems , & dont plufieurs parties cflenticlles c-
toient détruites , ont été guéries , 6c que les parties détruites ont été régénérées en un
moment avec une perfecîion qui m convient c[h' aux miracles , commedat M. Stapart
le Bailli.
C'eft ce que nous allons démcmtrcr dVne manière inconteftable dans la propo-
fition fuivante.
IL PROPOSITION.
La D^. Sr\v\KT a éié fubitement 6? parfaitement guérie de toutes [es maladies
fur le tombeau de M. Rouffe le i6. Mai 1728.
LE Seigneur n'abandonne point ceux qui mettent leur efpérance en lui. Que
tous le difent en adminmt la mifcricorde qu'il a Faite en faveur de fa Tenante.
Qu'y a-t-il en effet de plus digne d'admiration que de voir difparoitre en un
moment àe& maux démontrés incurables! que de voir un œil cnfevclï depuis plus
de dix ans fous les plus épaiiïcs ténèbres, & dont l'attitude toujours fixe & im-
mobile ne faifoit que trop voir qu'il avoit perdu la vie, rcffulciter tout àcoupSc
reprendre tout Ton éclat! 3c de voir danslemémcinftant des membres déjà à demi
dcfféchés recouvrer une force , une agilité , &: une vigueur parfaites !
C'eil ainfi qu'il pliit à Dieude couronner la foi de la D'. Stap;ut enkdélivrant
tout à la fois de tous Ces maux.
Cette picufe Dame fenîant fans cefTe en elle - même un principe de mort dont elle
avoit déjà éprouve de fi terribles atteintes , privée depuis long - tcms d'un œil , frapéc
enfin par fa troifiérae attaque d'apoplexie , d'une paralifie incurable qui lui avoit ôtc
l'ufage de la moitié de fcs membres, ne traînoit plus qu'une vie mourante.
Ses infirmités la rendant incapable d'agir, elle (c voyoit obligée de relier fiins
ccfTc d'ans un lit ou dans fauteuil, & de p.afl'er ainfi les jours lauguilîans, fans
avoir aucune efpérancc d'être délivrée que parla mort, du trille état quil'aecabloit.
Déjà les Maîtres de l'Art avoient inutilement épuife fur elle tout ce que Icurfi-
voir Se leur expérience avoient pu leur apprendre j les remèdes les plus forts, les
fbécifiques les plus violcns n'avoicnt plus pour elle qu'une impuifilmcc totale, éc ne
faifoient pas plus d'effet dans fcs membres paralitiques qu'ils en feroient dans les
membres d'un mort. Aiifli fon Médecin, fes Chirurgiens j tout l'abandonne.
Le Pcre Hi:art, ce témoin que fon interdiélion 5c la perte de fa place, qui
ont été la rccompenfe de la gloire qu'il a r-endue à Dieu malgré fcs préventions
préccdrntes , rendent fi recommandablc & fi digne de foi , depoie lui-même ; Que
la D'. Stap.irt fc voyant „ dans ce trille état abandonnée des Médecins , eût recours
„ ûu Seigneur, & quefc rappcUant la mémoire du miracle qu'il avoit opéré en fa-
„ veur d'une pauvre fille de Marciiil par l'interceGon de M. Rouffe , elle forma le
„ dtflcin d'alLr à Avenai fur le tombcaïU'dc ccraiutliommcpourlc prier d'obtc-
„ rùr de Dieu la gucrifon. „
•^' C'cil
OPERE' SUR LA D*. STAPART. 2*
j C*eft fouvent lorfque tout eftdéfefpéré du côté des reflburces humaines que Dieu
iparle plus fortement au cœur.
La D^. Stapart déclare qu'elle mit alors toute fon efpérance en la bonté du Seignenr
& en VtnierceJJion de M. Rouffe en qui elle avoit une vive foi £5? une grande confiance ,
fâchant qu'y/««(? Âugicr avoit déjà éprouvé fon potcvoir auprès de Dieupar la guérifon
^clattante qu"* elle avoit obtenue fur fon tombeau le 8. Juillet ijij.
Pénétrée de ces fentimens, elle forma la réfolution de fe faire fOK^«/r<? fur cette
tombe falutaire.
Un fonge, que l'événement peut fliire regarder comme furnaturel, l'affermit en-
core dans ce deflein. „ Quelques jours avant la Pentecôte (dit le P. Huart) il lui avoit
„ femblé pendant la nuit qu'ayant été au tombeau de M. Roufle, elle avoit été
„ parfaitement guérie. ... Si vous connoiffiez (ajoute-il) cette Dame comme je
jj la connois , vous ne douteriez nullement de la fijicérité de fes paroles. „
Ce fonge de quelque nature qu'il puifîe être fervit du moins à la fortifier. îl
lui parût un gage de fa future guérifon y & devint pour elle un heureux pronoftic
qui lui fit une impreffion fi vive, que rien ne fût plus capable de la détourner de fon
entreprife. En vain M. Stapart le Bailly tâcha- 1- il des'yoppoferjfes raifons qui
n'avoientqu'unefaufle apparence de lagefie, firent fi peu d'effet fin- l'efprit de la D".
Stapart que dès le lendemain elle fe difpofa à exécuter fon- deflein.
Son premier foin fût de blanchir de plus en plus fon amc dans le bainfacré de la-
Pénitence. „ Le if . Mai veille de la Pentecôte ^ditlePere Huart) on vint me prier
y^. de la, confcfier. . . . Comme il ne lui étoit pas pcffible de fe mettre à genoux , ni
„ même de fe tenir debout fans être foutenue par une ou deux perfonncî, je la fis
j, afleoir & je l'entendis. Elle ne me parla aucunement de fon deflein; elle craignoit
„ (ajoute-t-il J que je ne l'en détournafl'e , & eftcélivement je n'auroispas manqué
.„ de lefaii-e, de teispélerinagesctantexpreni'mentdéfenduspar M.nôtre Archc-
„ vêque, „. ou pour parler plus exaélcmentparMM. fes Grands -Vicaires.
Voilà ce même homme qui depuis a fouffert avec joie perfécutionpourla jufti-
ce, ayant facrifié fans regret tout intérêt humain pour atteflcr le miracle que Dieu
a accordéenrécompenfedu pèlerinage que ce Religieux trop fournis rcprouvoit
pour lors. Mais il étoit de ces gens qui ne croient qu'après avoir vu, &: qui juf-
ques là fiiivent le penchant de leur cœur qui les porte à une obéifl'ance aveugle,
parce que c'eft aujourd'hui le feul moyen pour confcrver la paix avec le monde,
&: l'unique degré pour monter aux dignités éccléfiaftiques. Difons mieux-, le mo-
ment où Dieu devoit l'éclairer par un rayon de fa grâce , étoit rcfervé pour, cc-lui oui
il verroit de fes yeux (x pénitente tnmsformée en une autre perfonne. .
Auflî dès qu'il eût vu, une guérifon fi merveilleufe , ne balança- 1- il plus j il
fentit aufîî-tôt qu'im pareil miracle ne pouvoir avoir que Dieu pour Auteur, &
qu'ainfi c'étoit ic révolter ouvertement contre lui-même 6:- cenfurcr fa conduite.,
que de défendre aux fidèles daller réclamer fa miféricorde fur un tombeau où il lui
plaifoit de faire écLitter fa Toute-puiflance, de diftribuer.fcs fivcurs , &: de rendre en
même -tems des arrêts parlefquels ilfaifoitconnoîtreà,fe.senfansque!s étoientceux
qui leur montroient la vérité,. & ceux qui leui^ prêdioient l'erreur. C'étoit précifé—
ment ce qui bleffbitMM. les Grands- Vicaires; mais quelle témérité d'oter s'en prcn--
dre à Dieu même .' Quelle folie de prétendre l'empêcher de s-'cxpliquer par des mira-
cles? Quel aveugle ment de combattre fes'décifions à force ouverte ! 11 étoit réfei'vé.à-
nôtre fiécle de voirde pareilsexcès. LesPhai-ifiensofercnt-bienchaflerdc lafinago-
gue ceux qui reconnoiflbicnr publiquement Jcfus-Chrifl pour le Meflâe,mais ils n'ofe—
rcnt défendre an pcuplede recourir àluiouàfcs Apôtres yourobtenir leur guériioHi.
Le 16. Mai 1718. jourdelaPentecôte, notre paralitiqucfe.fit conduirea Avcnai;.
D" 3j Gla-uàc-
;« DEMONSTRATION DU MIRACLE i
Claude Coidelat speffager dépofe que ^ le jour de la Pentecôte (il a) aide à
„ charger la D^. Stapart fur fa voiture (qu'il a) vue (dit-il) affligée de paralific ne po*-
„ vant fe feirir de fon bras & de fa jambe gauche, & ayant perdu l'œil gauche. „
,, Elle étoit accompagnée (dit-elle elle-même) de D;. Marie Huguetde Courtau-
„ mé, de Catherine Leflart , 2c de Jeanne Stapart fa fille. „
Jean Gaftin Se fa femme, chez qui elle fût dcfcendre i Avenai, déclarent
qu'ils ont „ aidé avec le dit Cordelat à defcendre de fa voiture ladite De. Stapart
„ qui ne pouvoit fe fervir de fon bras 6c de fa jambe gauche. „ ,
„ Etant arrivée à Avenai (dit le Pcre Huart) elle fe fit conduire à l'églifc dc f
„ la paroifTe, ôc elle entra dans la chapelle où eft enterré M. RoufTe. „
Ce monument fi rcfpeélable lui infpire encore une nouvelle confiance j cepen-
dant le Seigneur diffère de lui accorder l'accompliiTement de fes voeux j il la fait
feulement puifer fur cette tombe une furabondance de grâces & une augmentation
dc ferveur pour la difpofer à la communion. „ Le moment (dit le P. Huart; où Dieu
„ devoit faire fon miracle n'étoit pas encore arrivé j il vouloit éprouver la foi dc
„ cette parai itiquc, Se il falloir peut-être que lui-même l'augmentât par fa pré-
„ fcnce, „ 6c qu'opérant enfuitc ce miracle loriqu'elle feroit retournée fur ce
tombeau, on ne pût douter que ce neffltlui qui en fût l'auteur , par l'interceflioa
de celui dont il vouloit manifeftcr la gloire.
„ Pendant qu'elle étoit encore dans la chapelle (continue le Père Huart) elle
„ pria une D"'. qui l'avoit accompagnée , d'aller chez le Vicaire pour l'engager à vc-
,, nir les communier toutes les deux : il le refufa. Elle revint fort trille à la cha-
), pelle où M"'. Stapart étoit encore en prières, lui (dire) qu'il étoit inutile d'atten-
„ dre plus long-tems, & qu'on ne vouloit pas les communier dans cette églife. „
La D:. Stapart 6c fcs trois compagnes atteflent le même fait.
C'cft ainfi que l'cfprit de fchifmc s'introduit par tout au vu 6c aufûdesfupé-
ricurs majeurs, 6c même des Puiïïances qui femblcnt l'autorifer en quelque forte
par leur inaêtion à punir des excès fi crians.
Mais que dis- je ? des démarches fi fcandaleufes loin d'être reprimées, font dans
ce tems de fcduélion des coups de maître, qui fouvcnt fuppléent à tout mérite,
& qui élèvent quelquefois aux plus grandes dignités dcT Eglife. Le Vicaire n'eût
jamais ofé traitter fi indignement des perfonnes dedillinétion dans une petite Ville,
s'il n'eût été affuré d'être autorifé .6c même applaudi dans fa conduite par ceux
qui font en place.
Ce refus fi outrageant obligea la D*". Stapart 8c fa compagne d'aller chercher
ailleurs le pain cclellc qu'on leur refufoit. „ Elles réfolurcnt i^dk le Pcre Huart)
„ d'aller dans (l'églife) des Religieufcs. . . On y traîna nôtre paralitique , „ qui
y arriva prccifément dans le moment que les Religieufes v-enoient de communier,
& que leur chapelain n'étoit pas encore remonte a l'autel. La D*-". Stapart ,,trou-
„ vant l'occafion favorable crût devoir en profiter, (continue le Pcre Huart)
„ 8c reçut la communion avant d'avoir entendu la faintcMclfc, dc crainte que
„ le Vicaire ne vînt empêcher qu'on la lui donnât. „
O tems de larmes 6c de gémiMcmens où les entans de Dieu les plus fidèles font
traittés dansicfein de l'Eglifccommedcspaycns 6c dcspublicains, 6c cnpiuficurs
Dioccfcs ne peuvent recevoir le Sacrement de nos Autels que comme àladcrobcc
& par furpiile, tandis qu'on ne ccfTe de le profaner en lo livrant fans difccmement
à ceux qui fouillent publiquement tous les jours p.ar une vie criminelle l'augullc ca-
ractère de Chrétien !
O tems déplorable où la plupart des Mifiîons n'ont fouvcnt avec tout leur éclat 8c
Jcs indulgences que quelques Evcques prodiguent fi libéralement, n'ont, dis-jc,
pic»-
OPE'RE' SUR LA De. STAPART. ^r
isrefquc d'autre cfFet que de multiplier les facriléges, en pourtant indifcrctcmcnt à la
feinte table les pécheurs les plus invétérés fans leur donner le tems de s'éprouver eux-
mêmes , & de reconnoître par leurs œuvres quelles font leurs véritables difpofitiom !
O que les jugemens de Dieu font differens de ceux des hommes ! Tandis qu'il
regarde avec indignation, ôc les minirtres qui forcent en quelque forte des pécheurs
impénitens à recevoir le Saint des fiintsdans leur confcience impure, Scces mal-
heureux qui fe laiflent ainfi entraîner dans l'abîme: en même -tems il regarde avec
complaifance ceux à qui on refufe la manne divine en haine des vérités dont ils
font profefîîoni il les communie lui-même, il vient habiter dans leurs cœurs,
& y répand avec profufion une furabcndance de grâces. Qu'ils le lifent , qu'ils
l'entendent avec joie ces petits enf.ms de la grâce qu'on veutaftoiblir en leurre-
fufant le pain de vie. O vous qui fuivez la vérité , & qu'on traite à caufe d'elle
de Samaritains ainfi que l'a été vôtre divin Maître! loin de gémir d'une privation
11 dure & d'un traittement fi injurieux , faites réflexion qu'en vous privant du Sa-
crement des faints , on vous fait en même - tems communier aux humiliations de
vôtre Dieu : ne craignez pas que les hommes puiflcnt arrêter les grâces qu'il a
réfolu de vous faire j leurs paflîons ne lui fervent pas de régie > il a promis de
vous rendre au centuple tout ce que vous quitterez pour lui, Se ce que les hom-
mes vous refufcront injuflement ; il vous récompenfera avec une libéralité divine
de tous les opprobres que vous fouffrirez pour fa caufe. Songez que c'eft fur tout
à ceux qui foufFriront pour la juftice que le Royaume du ciel eft promis. Qiic
rien ne foit donc capable de vous détacher de la vérité, dût -on vous refuler
les Sacremens à la mort , 6c vôtre récorapenfe fera certaine.
Voici ce que vous a promis vôtre Maître , vôtre Sauveur 6c vôtre Dieu , qui
en parlant à^ fes difciples a parlé aux fidèles de tous les fiécles Ils vous chajferant J"" "vj.
des Jinagogues : (^ vous ferez haïs de tout le monde à caufe de mon nom; mais celui qui i^'f *"'*
perfévérera jufqu''à la fin fera fauve.
Dieu n'avoit permis le procédé fchifmatique du Vicaire que pour en tirer fa
gloire, ôc multiplier les admirateurs de fes œuvres en expofant les infirmités de
la D^ Stapart aux yeux de ceux qui la virent traîner d'une églife à l'autre , ôcfur
tout des Religieufes dont „ la grille (dit le Père Huart) étoit (encore) ouverte
), (lorfque la D^. Stapart reçut la communion ; en foite que toutes) les Religieufes
ff avec l'Abbefle furent témoins qu'elle reçût le corps de Nôtre-Seigneur debout
3, foutenue par une perfonne , tandis qu'une autre tenoit devant elle la nape de
3, la communion. Après avoir entendu la Méfie 6c fait fon aétion de grâces (con-
j, tinue le P. Huart) elle fe fit reconduire à l'auberge, (Une de lés compagnes lui
^ dit) que quand elle n'obtiendroit pas de Dieu la guérifon de fa maladie , il ne
„ faudroit par pour cela manquer de confiance en l'intercefllon de M. Roufle.
„ (Cette reflexion fi fage donna lieu à nôtre paralitiquedefaire connoîtreledé-
„ gré de foi dont elle étoit animée.) Non, lui repondit-elle , quand bien même on
„ me reconduiroit à Epernai dans l'état où je fuis , je n'en croirois pas moins fer-
„ mement que Dieu peut me guérir par foii moyen. Je fuis même perfuadée qu'il
3, me guérira, 6c j'ai un defir ardent d'aller encore une fois fur le tombeau de fon
3j ferviteur. ,^
Tel fût le fruit de fa communion: tel eft l'ordre des dons de Dieu j l'un nous
difpofe à recevoir l'autre , 6c en devient comme un gage infaillible.
Avant que de lui accorder la guérifon qu'elle demande. Dieu commence par lui
donner une foi parfiiite, une foi humble & foumife, 6c qui en même -tems n'hé-
fitepoint , 6c bannit du cœur toute timidité 6c toute défiance. Dût-elle s'en retour-
ner aiiffi infirme qu'elle ell venue, elle n'attribueroit qu'à fon indignité le refus
ëc
it DEMONSTRATION DU MIRACLE
de 11 grâce qu'elle demande, 8c elle n'en feroit pas moins convaincue du crédit de
M. Rouflc auprès de Dieu. En mcmc-tenis les délais que ce Dieu de bonté lui fait
fouflrir , & les mauvais traittemcns des hommes ne diminuent rien de l'a confiance.
Malgré toutes les épreuves qu'elle efluie, clic n'en elt pas moins perfuadée que Dieu
la guérira par l'interceflion de fon fervitetir , & elle fent un dejir ardent de le faire
conduire encore urm fois fur fon tombeau.
L'ennemi du genre humain s'effraye de pkis en plus à la vue d'une foi fi vive
5c fi parfaite. Aétif & vigilant il n'oublie rien pour fe parer de l'affront qu'il
craint de recevoir : il connoit la vertu qu'il plait à Dieu de donner au tombeau
de M. Rouffe. Le ferpcnt infernal en a dejavû les effets mer\xilleux : &; appercc-
vantdans la De. Stapart la foi qui obtient les miracles, il en appréhende Icfuccés.
11 le rafiurc cependant en fongeant que ce facré monument eft au pouvoir du Philiffin ,
à qui il met bien dans le cœur d'empêcher qu'lfraël ne puiffe davantage en approcher.
En effet Jean GalHn dcpofe que la De. Stapart ayant „ defiré qu'on laconduifit
„ f une féconde fois] fur le tombeau de M. Rouffe [il fût] chercher la clef delà cha-
„ pelle chez le Clerc de l'églifc qui la lui refufa ; ce qui obligea M. Stapart à dire,
„ que puifqu'clle ne pouvoit être conduite fur ce tombeau, que du moins clleau-
„ roit la confolation de faire fa prière à la porte de la chapelle , oii elle fut conduite
„ par Me. de Courtaumc & par une autre fille qui la foutcnoit. „
Ces deux perfonnes cependant font en vain tous leurs efforts pour ouvrir cette cha-
pelle. Dieu relie pend.uit quelques momcns comme ipcctatcur du combat} la pieté
de fes fervantcs d'une part & la malice du Démon de l'autre font l'objet de fon atten-
tion ; mais ilvabientôt humilier 2c confondre.refpritpervers. C'eût été lui faire trop
d'honneur que d'employer la puiffanccde fon bras pour brifcrles barrières que cet
ennemi de tout bien oppofc à l'ardente foi de nôtre paralitique ; il vcutié fcrvir
de la foibleffcmême d'un jeune enfant comme d'un autre David pour abattre Go-
liath 6c rendre toutes fcs ruies inutiles 6c fans fruit.
' Dans le tcms que les compagnes de la D-'. Stapart „ cherchoicnt les moyens
„ d'ouvrir cette chapelle (comme elles le déclarent elles-mêmes; un petit garçon
„ fe préfcnta qui le leur apprit £c elles conduifirent aulîi-tot la malade fur Ictcm-
„ beau de M. Rouffe. „
"Voilà doncnôtrc infirme triomphante ; plus ellca trouve d'obftacles, plus la joie
de les avoir furmontés eff vive 6c fcnfiblc.
La paralitique , dit le Père Huart, entra toute joyeufe àms cette chapelle.
Quelle confolation en effet pour elle! Elle regarde cette précieufe tombe com-
me une autre fontaine de Siloc qui va la délivrer dans un moment de toutes fcs
infirmités , 6c lui rendre une fanté parfaite. L'ardeur de fa foi p.iffedaui fes priè-
res, 8c les rend d'une ferveur extrême.
Cependant l'ennemi qui prévoit fa défaite entre en fureur 6c redouble Ces ef-
forts. Il envoie au plus vite le maître d'école chaffer nôtre infirme de ce lieu de
bénédiftion , 6c tirer vmgeance de l'enfant qui par fon innocent artifice a rcn-
verfé tous les fiens. „ A peine la paralitique (dit le P. Huart) avoit-elle commen-
„ ce fa prière que le maître d'école ayant appris qu'on avoit ouvert la chapelle, ac-
„ courut comme un furieux pour en challerceux qui y étoicnt, 6c commença à
„ fraper l'enfant qui en avoit facilité l'ouverture. „
La malade toute tremblante fe hâte par fes foupirs, fes gémiffemcns 5c fcs lar-
mcsd'obtcnir auplus vite fa guérifon, avant que d'être chaffec delà fainte pifcine
dont l'Ange vient de troubler l'eau. Ses fer\ entes prières ne furent point inutiles.
Ce fut dam ce moment ^ continue le Perc Huart, y«f le miracle j'ij/mi. Le ciel s'ou-
vre, le S. Efprit avec fes dons dcfccnd fur cette tombe pour taureau jour de cette
nou-
5>
55
OPE'RE'SUR LA D^ STAPART. jl
nouvelle Pentecôte un de ces éckttans prodiges qui dans les premiers tems établi-
rent la foi par toute la terre.
„ La D. Stapart (continue encore le Père Huart) fût faille tout d'un coup d'un
tremblement univerfcl dans tous fes membres, & s'apperçût qu'il le pafloitau
dedans d'elle quelque chofe d'extraordinaire. En même-temselle fcntit dans les
jointures des doigts de fi main paralitique une légère douleur, 6c cette main qui
depuis le 7. Avril ctoit demeurée fermée , s'ouvrit à l'inllant , 6c elle la joignit à
lauroite : une pareille douleur fe fit fentir dans la jambe gauche, Se ayant cllayé
„ de ployer le genou , elle en vint à bout& pria la larme à l'œil la pcrfonncqui la
„ foutenoit de la quitter. Le miracle ne fe borna pas là ; Dieu après avoir rendu le
j, mouvement à fon bras & à fi jambe paralitiques , voulut encore lui rendre l'ufa-
„ ge de l'œil qu'elle avoit perdu depuis fi long- tems. „
Mais écoutons la miraculée elle-même nous rendre compte du torrent de béne-
diétions qu'il plût au Seigneur de verfer iur elle.
„ A peine (dit-elle avec fon mari) fût-elle pofée furie tombeau de M . Rouf-
fe, [£c eût-elle] fait une prière à la hâte, pendant que le clerc de l'Eglife fra-
poit l'enfant qui avoit facilité l'ouverture de la porte de la chapelle , qu'elle fcn-
tit un tremblement univerfel dans tous fes membres , une légère douleur dans les
jointures de la main & de la jambe, &une douleur plus violente dans les muf-
cles de l'œil ,& qu'elle s'apperçût aufTi-tôt qu'elle avoit le mouvement libre d;m$
„ les parties affligées, même que l'œil paralitique dès 1717. avoit entièrement re-
,, couvre la lumière, & qu'elle fe trouvoit en état de revenir à pied fansfecours. „
Rapportons encore le témoignage des D"". Huguet de Courtaumé, Catherine
Leilart 5c Jeanne Stapart qui étoicnt avec la miraculée dans la chapelle.
„ Pendant que le clerc de l'églife [difent-ellcs] frapoit l'enfant qui avoit facilite
,^ l'ouverture de la chapelle j la paralitique fcntit un tremblement violent quidon-
„ noit de la peine aux comparantes pour la foutenir : elles s'apperçurent qu'elle
„ ouvroit avec focilité la main paralitique qui étoit toujours fermée fans pou-
„ voir l'ouvrir, êc qu'elle ployoit aifément le genou malade, Se enfuite elle leur
„ dit qu'elle voyoit parfaitement clair de l'œil gauche paralitique dès 1717.
Mais non feulement le Seigneur la délivra en un inltant de toutes fes maladies ,
il en détruifit en même tems la caufe Se en diilipa tous les effets.
Lesfieur Se D?. Stapart déclarent , „ Qiie depuis l'attaque de 1717. il lui étoit
„ relié fans difcontinuation une grande douleur de tête Se une enflure furies jam-
„ bes. Se que tous les remèdes qu'on lui a fait n'ont pu enlever ce levain de la ma-
„ ladie } mais que dès que le miracle s'eil fait, l'enflure furies jambes 6c la douleur
5, de tête fe font diflîpés en un moment. „
C'eft ainfi , ô mon Dieu ! que vous prodiguez vos faveurs à ceux qui mettent
en vous toute leur confiance &;que rien ne peut détacher de vôtre vérité. Vous les
répandez à pleines mains furcette humble icrvante dont la foi inébranlable rend
témoignage à la fainteté d'un de vos Appellans. Vous la faites pafler tout d'un
coup des maladies les plus incurables à la fimté la plus parfaite. La nature entre vos
mains cftune cire molle ,Sc une argile obéifl-mte qui reçoit toutes les empreintes
que vous voulez lui donner : vous commandez à ce qui n'eft pas , & vôtre com-
mandement le fait naître. Quel prodige ! Qiielle admn-able métamorphofe ! Un
bras Se une jambe privés de vie par une parahliecomplctte reprennent en un inftant
toute leur force ! On voit ce bras , qui ayant perdu tout mouvement pendoit triile-
ment vers la terre, fe porter avec rapidité vers le ciel ! On voit cette main qui étoit
continuellement forcée de relier repliée dans cllc-mcmc , 6c dont les nerfs étoient
retirés Scies mufcles atrophiés, avoir autant d'agilité que fi les nerf 6c fes muf-
^ //. Deinonjl. T'orne I L ^ __ E clcî
55
^4 DEMONSTRATION DU MIRACLE
des euflent toû jours confen'c leur intégrité ! Ce genou, dont Icsmufcles & les ten-
dons applatis & dcHcchcs ctoicnt devenus inflexibles, acquiert de nouveau le
mouvement! On voit cet œil éteint depuis fi long-tems: cet œil cloué fous une
paupière auflî immobile que lui: cet œil dont la rétine n'exiftoitplus , 6c dont le
nerf- optique , Se tous les autres nerfs , s'il en reftoit encore quelque débris, n'é-
toient plus que des filets fecs fie racornis, ayant été dcllitués pendant dix ans de la
limphe fubtilc qui leur donne la nourriture & la vie, & n'ayant plus de porcs ni
d'ouvertures pour la recevoir : on voit, dis-je, cet œil recouvrer tout àcouplalu-
micre, le mouvement fie le fentiment ; Se par conféquent avoir acquis les conduits
& les organes qui avoient été deflcchés , effacés fic détruits !
Dans le même moment ces humeurs corrompues, qui depuis tant d'années
croupifloicnt dans ces jambes appcfanties, fe diflîpcnt, s'évaporent fic difparoif-
fcnt ! Tous les principes fic les effets de la première attaque d'apoplexie, ces dé--
pots , ces oblbuélions, qui caufoient une douleur continuelle depuis fi long-tems
dans cette tétc cmbarrafice , font tout à coup anéimtis ! Dieu parle, fic tout ce qui
entière, la fanté la plus complette prend la place dcl'incurabilité
„ Le maître d'école (dit le Pcre Huart)étoit préfcnt , fic tout hors de lui-même
„ il ne favoit s'il devoit croire ce qu'il voyoit de fcsyeux. „
Cependant ce prodige lui caufc de Pétonncment fic lui donne de la crainte : fon
vifage où la fiircur eft encore peinte, paroît en mémc-tcms faifi de frayeur fic
d'effroi. Venez, \u\ dit une des D^"". qui accompagnoient la D-\ Stapart , venez ,
incrédule : lenez voir le miracle que Dieu a opéré par foi fervitenr.
Cette voix eft pour lui une voix de tonnerre qui achevé de leterraflcr. La pré-
fence de la Divinité imprimée par des traits fi lumineux fur ces membres fubite-
ment réparés, lui reproche le crime que fon aveuglement ^(-x fureur viennent de
lui faire commettre. Il ne voit en ce Dieu qui répimdfes bienfaits afcs yeux, qu'-
un Dieu terrible dont il redoute la colère. Il craint que la terre ne s'entr'ouvre 6c
ne rcngloutiflc comme un autre Coré. La place n'cft plus tenable pour lui Ilfe reti-
re , dit le Père Huart , to:tf couvert de confufton.
C'cft ainfi , ô mon Dieu ! que dans le tems que vous inondez le cœur de vos
enfans des confolations les plus fenfiblcs, les ennemis delà vérité font dans la con-
fufion fic le trouble. L^i feul de vos regards fuflît pour faire trouver à vos élus plus
de bonheur à vous fer\ir, qu'à joiiir de tous les vains plaifirs de la terre. Vous
paroiflczfic vous les rcmplilTc/, de joie, en méme-temsque vôtre préfencc ne don-
ne que des inquiétudes fie des allarmes à ceux qui combattent vos dccifions.
Tandis qucle maître d'école fefxuvc tout cftVayé , la miraculée reffent au con--
traire des tranfports d'une joie inexprimable : fon cœur pénétré de la plus vive rccon-
noiflance s'abîme tout en Dieu : ellearrofc le précieux monument de mille fic mil-
le larmes que l'amour ic la tendrcffe tirent en abondance de fcs yeux : elle fait à
Dieu un hommage entier del'ufagedcs membres qu'il vient de lui rendre: elle ne
veut plus vivre que pour fli gloire , fie pour publier fes bienfaits.
„ Opcndant (dit le Pcre Huart) le bruit de cette guérifon s'étant rcp.andu , on
accourût de tout le Bourg dans l'églife. C'étoit un Ipcftaclc bien touchant de voir
les uns verfer des larmes de joie, d'entendre les autres crier miracle , fie tous
rendre grâces à Dieu de la guérifon de la D.\ Stapart. „
„ Etant arrivé à la paroilTc (dit Claude Cordelat) je vis M""'*. Stapart guérie
de fcs infirmités , cntourrcc de beaucoup de monde qui rcndoit grâces à Dieu
V. du
OPERE' SUR LA D^ STAPART. ?f
^,, du miracle qu'il venoit d'opérer par l'intcrceflioii de M. RoufTe. „
„ Le bruit s'étant répandu dans le Bourg (dépofcnt Jean Gaftin & fii femme)
•j, qu'il venoit de fe faire un miracle furie tombeau de M. RouiTe ; nous courûmes
„ à réglife ,oîinous trouvâmes M"*"^. Stapart à genoux fur le tombeau qui remer-
■„ cioit le Seigncui- de la grâce extraordinaire qu'il venoit de lui accorder par l'in-
5, tercellion de M. Roufîc. Je chantai le Te Deum (dit le mari) avec quelques
„ perfonnesqui étoient accourues. „
Ainfi le peuple s'emprefle de rendre gloire à Dieu comme il f.iiioit au tems de J. C.
Il ouvre avec plaifirfon cœur à l'admiration, à la joie , à la reconnoiflance : toute
réglife retentit de fcs chants d'allegrefle , tandis que les JéluitesSc autres Prêtres
Conftitutionnaircs, loin de prendre part z cette bcnédiélion commune, s'irritoient
-contre la lumière qui venoit malgré eux les éclairer : ils fe cachoient dans le fond
de leurs maifons pour ne pas laifTer appercevoir leur dépit 6c leur confufion.
Cependant l'heure de Vêpres étant venue , la Iblemnité du jour les force de quit-
ter leur retraite & de venir mêler leurs chants à ceux du peuple; mais dans le tems
que les prêtres confternés de ce qui fiit la joie publique entonnent trillement le
Magnificat ^ la miraculée & tous les fidèles difent au fond de leurs cœurs avec
elle 6c pour elle : Mon ame glorifie le Seigneur , (^ mon efprit treJfaïUe de joie en Dieu
mon Sauveur ^ parce qu'il a regardé la hajfejfe ^ la mifére de fa fermante , y que le
l'ont -puiffant a fait en moi de grandes chofes. . . . il a déployé la force de [on bras : il a
confondu les fuperbes en dijfipant leurs dejfcins.
„ Après Vêpres (difent Jean GalHnéc la femme) elle fortit de l'églifc à pied
,, fins aucune aide, accompagnée du peuple qui la conduifit jufqu'à nôtre mai-
„ Ion, étonné de lagucrifon fubitedela De. Stapart, qu'il avoitvûc auparavant
„ Ç\ infirme qu'on avoit de la peine à la traîner. ,,
Qiielle diftîjrence en effet entre fon entrée à l'églife 6c fa fortie ! L'infirm.ité la
plus accablante l'y conduit : elle ne peut faire un pas que par un fecours étran-
ger : la moitié de l'on corps accable l'autre : tout fon coté gauche n'eft qu'une
mafie immobile , qui loin de pouvoir la foutenir , l'entraine fins cefic vers k
terre : elle épuife bientôt les forces des perfonncs qui la traînent 6c qui fupportent le
poids de fes membres paralitiqucs : fon œil immobile Se terni annonce à tous ceux
qui la voient, que tout fon côté gauche n'a preique plus de paît à la vie.
Mais au retour du tombeau ce n'eft plus la même perfonne. ,, Elle fortit facile-
,, ment à pied (dit Claude Cordelat) accompagnée du peuple qui la fuivit juf-
„ qu'à la maifonoii elle étoit defcendue.... Elle paffe au travers de tout le peuple
,, (dit le P. Huart) marchant feule d'un pas ferme 6c afiuré. „ La vigueur Se l'agilité
ont fuccédé tout à coup à la plus extrême foibleffe 6c à l'impuifllince la plus entière.
Tout le peuple pénétré d'admiration à la vue d'un fi grand miracle la fuit en foule,
en béniffant le Seigneur d'avoir encore manifefté par un fi éclattant prodige la (îiinte-
té.deM.Roufle : il s'indigne desanathêmes prononcés contre ceux qui viendroient
fur fon tombeau reclamer fon intercefiîon : il voit avec évidence que ces téméraires
cenfures, loin d'être ratifiées dans le ciel , y font formellement condamnées.
„ A peine lad. Dame (difentjean Gaftin 8c fa femme} fut-elle entrée à la maifon
5, qu'il y fun'int le fieurSarot, le fieur Merlin 6c plufieurs perfonncs. Le ficur Sa-
5, rot , qui avoit appris que la D \ Stapart , outre fon bras S: Çx jambe gauche parali-
5, tiques dont il voyoit qu'elle étoit parfaitement guérie, avoit aufiî perdu l'œil gau-
„ che plufieurs années auparavant ; pour éprouver "^i la guériion s'étoit étendue juf-
jj qu'au recouvrement de l'œil, prit un livre où il y avoit au deflus du titre deux
,) ou trois lignes d'écriture non imprimée, 6c après lui avoirfermé l'œil droit. Me.
5, Stapart lut hautement de fon œil gauche les deux lignes d'écriture en préfencc de
E z „ l'iis-
^S DEMONSTRATION DU MIRACLE
„ l'aflTemblée > ce qui confirma que fagucrifon ctoit parfaite &; le miracle évident. ,j
„ Un des principaux du lieu (dit le Père Huarty dreffii lors une efpécc depro-
„ ces-verbal de ce qui s'ctoit paHe. „
Il eft vrai que je n'ai pu avoir ce procès-verbal ; mais fi l'autorité de ceux qui
combattent les miracles a trouvé moyen de le fupprimcr, elle n'a pu empêcher
les particuliers derendrc témoignage à la vérité, ni même 38. Curés tant Ap-
pcUans que Conftitutionnaircs d'attcfter ce miracle parla démarche laplusgéné-
rcufe , la plus éclattantc & la plus autentique ; ayant déclaré dans leur requête
qu'il étoit coi/lantècque MM. les Grands- Vicaires l'avoient appris eux-mêmes $
Qiie la De. Stapart „ ctoit paralitiquc, qu'elle avoitun œil dont clic ne voyoit
,, plus abfolument depuis dix ans , & qu'elle a été partaitement guérie de cette
„ double incommodité le jour de la Pentecôte fur le tombeau de M. RoulTe, „
Cependant la miraculée prefTée du defir d'annoncer une Ci hcureufc nouvelle
à fon mari , à fa famille 6c a toute la Ville d'Epernai , partit auflî-tôt que le pro-
ecs-vcrbal dont on vient de parler eût été drcflc. „ nous partîmes peu de teras
„ après (drt le voiturier) & approchant d'Epernai U D-. Stapart defcendit de
„ la voiture & entra dans la Ville à pied lans aucun fecours. „
Qu'on fe repréfente la furprife des habitans de cette Ville qui connnoiflbicnt
routes fes infirmités, de la voirainfi marcher feule d'un pas agile 8c ferme , & avec
un air animé que la joie qui remplilloit fon cœur, Se l'éclat de fon œil rcflufcité
répandoient fur fon vifage.
,, Environ les cinq heures après midi ('dépofent la D«. de Courtaumé, Scia De.
„ Hugirct) nous vîmes la De. Stapart qui entroit à pied dans la Ville marchant for:
librement fans aucun fecours. „ Un prodige fi étonnant ne pouvoir manquer d'ex-
citer leur curiofité ; auflî fc prefl'erent - elles de le voir de plus près. „ Nous la joi-
„ gnîmes , (continuent - elles) Se elle nous dit qu'elle étoit fort bien guérie , agif-
„ faut de fon bras Se de fa jambe qui étoient paralitiques , comme s'ils n'euflcnt point
„ été attaqués , Se qu'elle voyoit parfaitement clair de fon œil gauche. . . Ce que
„ nous avons éprouvé en la faifant lire de l'œil gauche lui fermant l'œil droit. „
Le rétabliffement fubit de cet œil étoit quelque chofe de fi incroyable que ces
perfonnes n'attendent pas qu'elle loit rentrée chez elle pour éprouver fi elle avoit
parfaitement recouvre la lumière.
Elles déclarent au(îî qu'elles ont „ remarqué que l'enflure fur les jambes s'eft
„ diflîpée en même-tems, les lui ayant trouvées dans leur état naturel.^. On voit
encore dans leur dépofition que fur le champ la De. Stapart leur rendit compte de la
manière fubite dont ce miracle s'étoit opéré fur le tombeau de AI. Roiij[fe, dentelles
rapportent elles-mêmes toutes les circonrtanccs.
L^n récit fi intérellant, accompagné de l'examen public que la D'. de Courtau-
mé Se la D-\ Huguct firent en pleine luc de la parfaite guériibn de la D-. Stapart ,
ne pouvoit manquer de rafl'cmb er près d'elle bien des témoins, auflî le fieur Stap^art
déclarc-t-il dans plufieurs de fes lettres que tous les habitans de la Ville d'Epernai ont
admiré la guérifon fubite & parfaite de (Ii femme. Se lui ont tous offert delui en donr
ner leurs certificats.
Le fieur Langlicr 5c la De. Vervin fon cpoufe ne furent pas moins prcfles ni
moins impatiens que les deux témoins prccédcns, d'examiner (1 l'œil rétabli voyoit
parfaitement clair. „ A fon retour (difcnt-ils) fur les cinq heures du foir du même
jour (de la Pentecôte) nous l'avons vue entrer dans fa maifon à pied fans aucun fe-
11
cours, guérie de toutes fes infirmités, Sc fe fer\ant de tous (es membres qui é-
toicnt paraliticjucs lors de fon départ , avec autant de facilité que s'ils n'euflcnt
point été malades, ayant recouvre l'ufage non feulement de i.\ main Se de fa jambe,
„ mais
OPE'RE' SUR LA D'. STAPART. ?7
Après avoir pleinement f.itisfait la pieufe curiofité de ceux qu'elle rencontra dans
fon chemin , elle rentra enfin chez elle.
Son mari fut fi fi.irpris de lavoir dans un état fi différent de celui où elle étoit le
matin du même jour, qu'il ne pût dit le VcrcYinurt ^ -proférer aucune parole ; mais
les larmes qui coulaient de [es yeux en difoient ajfez.
Une joie foudaine laifit fon cœur avec tant de force qu'elle lui ôte le moyen '
de s'exprimer autrement que par une abondance de pleurs, qui en pareille circon-
Itance eft un langage plus vif, plus exprefîîf, & plus cloquent que les plus magni-
fiques difcours j mais lî dans ce premier moment il ne pût foire connoître par des pa-
roles les fentimens de fa tendre reconnoiffance , on le vit bien-tôt après devenir le
prédicateur intrépide des merveilles qui lui avoient fiit une fi vive impreffion , &;
pouffer des cris qu'il eût voulu faire entendre h tout ïuni'vers , comme il ledit dans
fes lettres, pour apprendre à tout le monde les décifionsde Dieu, & le bonheur éter-
nel des Appellans qui ont pratiqué les vérités qu'ils ont foutcnues.
Le fieur Vol déclare qu'il étoit „ led. jour de la Pentecôte avec le fieur Stapart
„ enfa maifon, lorfque lad. Dame entra à pied librement , & délivrée entièrement de
„ fa paralifie, 6c fe fei-vantde fes membres qui avoient été paralitiques avec autant
de facilité que s'ils n'euflént point été afHigés.
Me. de Bart Baronne de Somme- Vefle Se Me. de Villcrs dépofentque „ furie
„ foir du jour de la Pentecôte le bruit s'étant répandu dans la Ville que Af '^. Sta-
„ part étoit revenue d'Avenai parfaitement guérie, (elles furent) lavoir, (Se
„ qu'elles l'ont) trouvée agiflant librement, & fe fervant de fes membres qui
„ avoient été paralitiques, comme s'ils n enflent jamais été incommodés, „ &
que tous fes accidens , c'efî-à-dire non feulement fa paralifie & la perte de fon œil
gauche, mais fa douleur de tête dont elle s étoit toujours plaint^ 6c fon enflure fur
les jambes ne durèrent que jufqu''audit jour de la Pentecôte
,, Dès le foir même (dit le P. Huart) le b mit de fa guérifon s'étant répandu
foule la vifiter, 6c s'affurer de la véritédu miracle opéré
dans la Ville, on vint aa foule la vifiter, 6c s'affurer de la véritédu miracle ope
„ en fa faveur
La miraculée donne à tout le monde des preuves de fa parfaite guérifon : rien
ne put la lafîer : l'ardeur de fon zèle à rendre gloire à Dieu , 6c à manifeflcr la fain-
teté 6c le crédit auprès de lui du puifllint proteéVeur par l'interceifion de qui elle a
obtenu un fi grand bienfait, l'anime 6c renouvelle fans ceffefa vigueur 6c les for-
ces. Mais ce ne fût pas pendant un féal jourqu'elleeûtàfatisfaire ia pieufe curio-
fité ou la défiance incrédule de ceux qui venoient l'examiner, èc devant qui il
falloit qu'elle marchât, qu'elle agît de fon bras, 6c qu'elle lût de fon œil qui
avoient été paralitiques. „ Toute la Ville d'Epernai (dit le Père Huart) qui l'a
„ vue dans le trille état où fa paralifie l'avoit réduite, 6c qui la voit aujourd'hui
„ parfaitement guérie, attefle la vérité du miracle. „ C'étoit donc à toute une
Ville remplie d'eiprits èz de fentimens differens qu'elle avoit à répondre. Mais its
forces fuffilént à tout : elle fatisfait fans peine depuis le matin jufqu'au foir à tou-
tes les épreuves qu'on exige d'elle. N'en foyons pas furpris. Des membres récem-
ment rétablis par les mains de Dieu même-, des organes fubitement régénérés par
fa Toute-puifTance divine font infitigables. Auffi toute la Ville s'eft-cllc vue for-
cée de reconnoître en cette guérifon fi promte 6c fi parfaite l'ouvrage du Créateur,
& attefle , die le Pcrc Huart , la vérité du miracle.
M..le Bailli qui avoit donné à la D. Stapart des confcils qu'elle fût-nheurcufc
E 5 és:
»•)
}8 DEMONSTRATION DU MIRACLE
de ne pas fuivrc , ne viendra-t-il point s'unir à ceux qui rendent gloire à Dicudn
miracle éclatant opéré fur fa belle -fccur ? On a déjà vu dans le caractère des
témoins qu'il parût d'abord n'ajouter aucune foi au récit qu'on lui vint faire d'un
événement fi mei-veilleux , qu'il ne daigna pas même dans le premier moment aller
iufqucs chez Ci belle-fœur pour s'en informer, 6c qu'il eût enfuite bien de la peine
à en croire fes propres yeux. Ne lui en fâchons pas mauvais gré, puifqueDieus'eft
fcrvi de fon incrédulité pour donner encore plus de poids à fon témoignage. Se
qu'enfin l'évidence l'a forcé à ne plus rien ménager pouratteilcr ce miracle delà
manière la plus forte, &C même pour rendre témoignage à la vertu du Bien-heu-
reux Appellant dont les Puiflances reprouvent le culte.
L'on a vil aufiî que dès le lendemain du miracle, le fieur Stapart 6c fon époufe
firent venir M. de Reims 6c le fieur Virard qui avoienttraittélaD'^. Stapait pen-
dant toutes fes maladies, &c que ces MM. dreflcrent fur le champ leur rapport
de fa guérifon fubitc, qu'ils reconnurent être fi parfiitc 6c fi entière, ,, qu'il ne
„ rcfioit aucune foiblefl'eni à l'œil dont elle voy oit (difent-ils) parfaitement clair,
„ ni dans toutes les autres parties qui avoient été attaquées de paralifie, „ 6c qu'-
ils n'héfitcrent point d'affirmer que cette guérifon étoit viiraculeufe : ce que les
Sieurs de Villers 6cBcrli ccrtificrcnr pareillement, 6c ajoutèrent qu'on ne trouvoit
plus même aucune apparence qu'ail lui fut rejté aucun levain de maladie.
Ce jugement rendu par ces maîtres de l'art a été confirmé par l'événement, d'une
manière qui a paflc toute crpérancc, la Dame Stapart aiant joiii depuis ce jour
jufqu'à prêtent , de la famé la plus entière, la plus pleine, la plus parfaite: ce
qui eft une preuve fenfible 6c frappante que lors du Miracle, Dieu ne s'cll pas con-
tenté de rétablir ce qui avoir été altéré, de régénérer ce qui avoit été détruit 6c
d'anéantir tous les levains de la maladie : mais qu'il a même en quelque forte re-
nouvelle tout le corps de la Miraculée. En effet n'a-t-il pas fallu le refondre pouf
ainfi dire tout entier, pour donner à une perfonnc qui depuis fi longtems étoit
infirme, une fanté Se une vigueur qui paroifilnt inépuilables, 6c qui fubfiitcnt fans al-
tération depuis déjà plus de douze ans? Suivant que M. ton époux me la m;mdc.
Le même jour de ce rapport, c'efl-à-dire le lendemain de la guérifon, laD-.
Stapart fut fc montrer au PcrcHuart, &lui porter la preuve fur fes membres lel-
fufcités , qu'elle avoit fort bien fait de lui cacher fon dejfcin ^ puifqaiil convient lui-
même avec une humble fincérité qu'il n^ aurait pas mancjué^owr lors de l'en détourner.
„ Elle me vint voir (dit ce fincere Religieux J le lendemain du miracle
„ opéré en fit faveur.... Vous pouvez juger ( continuc-t-il) qu'elle fùrmafur-
„ prifc lorfque je lavis marcher leule ... d'un pas ferme 6c afliiré (dit-il plus haut,'.
„ l'eus la curiofité de la faire lire de l'œil dont elle n'avoit point vu depuis i\
„ iong-tems. . . LeSeigneurncl'apas feulement guérie de la paralifie, il lui en a cn-
„ coieoté lacaufe : elle avoit toujours eu les jambes extrêmement enflées, l'enflure
„ s'eft difiîpéetoutàcoupScnefubfifle plus... Il fautabfolument Cconcliit-il) pren-
„ dre plaifir à s'aveugler loi-même pour ne pxsrcconnoîtie ici|le doigt de Dieu. „
Nous avons déjà rapporté que ce bon Religieux fut (\ iVappé decemiiTiclequ'il
ne balança pas de fe facrifier lui-même pour en rendre le plus éclatant témoigna-
ge : que le Perc Sutsine, fans néanmoins quitter fes préventions, nr pût s'empê-
cher d'en être convaincu , ni même de l'attefier : enfin que ^8. Curés, dontplu-
fieurs n'étoient point Appellans, fe font cxpofes avec une genérofitè vraiment Chré-
tienne au rclTentimcnt de leurs fupéricurs pour les forcer eux -mêmes d'en conlla-
ter la vérité > 6c que MM. les Grands- \'icaircs ont été fi intimement pcrfuades
qu'il ne leur étoit pas ponîblc d'en ébranler la certitude, qu'ils ont mieux aimé
s envelopper dans un morne filencc, tjue d'hazardcr de fc voir contraints d'ouvrir
les
OPE'RE' SUR LA D^ STAPART. ^9
les yeux a la lumière, & d'être forcés de lui rendre eux-mêmes témoignage.
Mais ont -ils bien fcnti combien le parti qu'ils prenoient étoit pernicieux, 6c
combien leur refus blcfloit les régies de la Religion?
Il ne s'agifToit de rien moins, ainfi que les 38. Curés l'expofent afiez clairement
dans leur requête, que de laifler tomber une grande partiedes peuples de ce Dio-
eefe dans la fupcrilition ou dans le blafphême.
Si les miracles de M. Rouffe étoient faux, ceux qui en atteftoicnt la vérité, qui
en béniflbient le Seigneur, & qui en conféquence continuoient malgré les defcn-
fes d'avoir recours à l'interceffion de ce faint Appellant, étoient tout à la fois cou-
pables d'une fuperlHtion criminelle , faux témoins contre Dieu , & des gens féduits
qu'on ne pouvoit trop tôt détromper ; fi au contraire les miracles font vrais , ceux
qui publient qu'ils font fuppofés , ou qui vont même jufqu'à les attribuer à la malice
du démon £5? aux enchantemens de la magie ^ ainfî que s'en plaignent les 38. Curés
font des impies & des blafphémateurs , qui attaquent Dieu jufques dans fa gloire
en décriant fes Saints 6c en donnant fes oeuvres ati démon. Peut-il être permis ''d'aban-
donner les fidèles à cet état d'incertitude fur des objets de cette importance pour la Re-
ligion} comme difent les 38. Curés.
Encore un coup il a fillu qiie la certitude du miracle opéré fur la De. Stanart
ainfi que de celui fait en faveur d'Anne Augier fût bien inébranlable pour oblio-er
MM. les Grands-Vicaires à prendre un parti fi extrême, 6c qui donnoit con-
tr'eux de fi grands avantages. Mais ils ont dit dans leur coeur: Si par les preuves
qui réfulteront de nôtre information, nous nous voyons forcés de reconnoître
les miracles, où en ferons -nous? On en tirera la conféquence contre nous que la
do£trine des Appellans eft celle des Saints, 6c que leur caufe eft celle de Dicu'
même. Ce feroit bazarder de faire tomber la ConlHtution dans le dernier dccri;
Il vaut mieux tâcher par toutes fortesde voies d'étouffer l'éclat de ces prétendus
miracles fans en approfondir la vérité.
O déplorable aveuglement! O malheureufe politique! Les miracles en font-ils
donc moins vrais? en font -ils moins l'œuvre de Dieu, pour n'être pas conftatés
par l'autorité de ceux qui auroient dû le faire? Mais ce filence même, ce refus
obftiné d'en examiner les preuves, n'en eft-il pas une de leur évidence ? Oui la
conduite des Grands- Vicaires, 6c fur tout les menaces S^ les interdidions qu'ils
ont fubllituées à la place d'une information canonique , attellent d'une manière
fenfible la vérité de nos miracles ,6c protivent encore par l'injuftice de la perfécu-
tion, que nôtre caufe eil celle des difciplesdeJefus-Chrift, àquiil apréditqii'ils:
feroient dans tous les temps perfécutés pour fon nom.
Les adverlaires des œuvres de Dieu, loin d'obfcurcir la vérité , ne font donc
que la rendre plus éclatante? Loin de nuire aux vrais difciplcs de J. C, ils ne-
font que leur donner occafion de mériter des recompenfes éternelles: ainfi Ton-
geut dire qu'ils font en quelque forte femblables au Prophète Balaam , qui fc vit:
forcé de bénir le peuple de Dieu dans le tems qu'il avoit dcflein de le maudire..
Après avoir feit voir que les faits font établis d'une manière inrincible, il ne-
nous refte plus qu'à préienter au lecteur quelques réflexions pour lui prouver de.
plus en plus que cet admirable prodige n'a pu être opéré que par le Tout-puilKmt. .
lïL P R O P O S I T I ON.
La gue'rison de la D.\ Stapart ne peut être attribuée qu au Th<t-pm(Jant..
QUI Dieu feul a pu opérer la guêrifon de la D:. Stapart. Lui feul a pfu
rcndre_ la lumière à cet œil terni depuis plus de io,.ans,.& dont les pîiî>-
40 DE'MONSTRATION DU MIRACLE
tics les plus fines, les plus délicates , & en même-tems les plus efTenticllcs pour la
vue ctoient détruites. Lui fcul a pu briler en un moment les liens de la captivité
fous laquelle cette infirme gcmilloit depuis Ion dernier accident. Lui fcul enfin a
pu la tirer avec tant d'éclat du Icin des infirmités les plus incurable*;, pour la ré-
tablir tout à coup dans la lanté la plus vigourcufc 8c la plus parfaite.
Ici le Très - haut apjit à découvert èc rend fa préfcncc fenfiblc. Tout y porte les
traits d'un Dieu bon , d'un Dieu fige , d'un Dieu magnifique Se Touc-puilT!mt. Tout
y rappelle à la crc.iture que Dieu feul ell grand, que lui fcul ell à craindre, que
c'ell de lui feul dont nous devons tout attendre, & qu'il faut toujours lui obéir
préférablcment aux hommes.
On voit ici fa bonté qui accorde tout avec profufion : fa figcfTe qui arrange Sc
proportionne tout fuivant les befoinsde fes élus : fa fouverainc puifiancc qui com-
mande en maître à la nature, Se rétablit tout par fa feule volonté.
QUI pourroit méconnoîtrc ici la bonté d'un Dieu, fi tendre & fi compatifî^mtc
qu'elle va au devant de fa créature, 8c qu'elle forme elle même dans fon cœur des 1
défirs 8c une confiance qu'elle a réfolu de couronner? I
La D . Stapart n'ayant plus qu'une vie mourante, dont l'impuiflance 8c la 1
langueur étoient les compagnes inféparables , fe fcnt tout à coup infpirée d'aller
fe jctter aux pieds du célcflc Médecin, 8c de réclamer pour obtenir fa miféricor-
dc l'intcrccllîon d'un de fcs ferviteurs dont il veut faire honorer la mémoire mal-
gré toutes les Puiffimccs du monde.
Dés cette première réfolution on doit reconnoître qu'il n'y a que Dieu feul qui
ait pu donner à cette infirme une foi il vive, i\ éclairée , fi intrépide.
Tout étoit contr'cUe. Tout condamnoit fon etsireprife. Tout iembloit devoir
éteindre fa confiance.
En effet que ne pouvoient point naturellement fur la timidité de fon fexe,
l'oppofition déclarée d'une famille, les defenfes preflentics d'un confcn'eur , la
crainte d'encourir la difgracc des Puifiances 8c d'être blâmée de tout le monde,
êc plus que tout cela le foudroyant anathéme dont elle étoit menacée 8c qui de-
voit la fraper au tombeau même oii elle avoic delTein de fe faire trani'porter?
Néanmoins une femme accablée i'ous le poids delà foiblefleScde l'infirmité, fur-
monte courageufemcnt de fi redoutables obftacles. Qui pourra s'empêcher d'a-
vouer qu'il faut un autre cfprit que celui d'une malade débile 8c languifTante ,
pour parler fi puiflamment au cœur 8c le remuer avec tant de force?
Cependant ce ne font pas encore là toutes les épreuves par leiquellcs il plaît à
Dieu de la faire pafier. Tranf^:>ortée qu'elle clt fur le rcfpectable tombeau , elle
s'cmprcfic d'accelcrcr par la ferveur ue fes prières les momens de la délivnmcc -,
mais Dieu diffère de l'exaucer 8c femble lui rcfufer ce que fa foi lui demande.
Vous les formiez cependant vous-même, ô mon Dieu! ces cris du cœur que
vous paroiffiez ne pas entendre; mais ce délai n'étoit qu'un faint artifice de vôtre
amour 8c un effet de vôtre tendreflc pour cette afHigée que vous vouliez par cette
épreuve rendre encore plus digne de vos dons : vous exerciez la foi pour l'ac-
croître de plus en plus, 8c vous retardiez vos bienfliits pour les rendre plus ccla-
tans par les circonftanccs où vous aviez réfolu de les accorder.
En même-tems les ennemis du culte du bienheureux Appellant font fentir à
cette picufe impotente l'effet de l'injurte anathcmc prononcé contre ceux qui
viendroient fur l'on tombeau reclamer fon intcrccilîon: on l.i repo^ifie ignomi-
nieufcmcnt de la table des faints mylléres:on lui fait boire le même calice qu'au
Bien-heureux qu'elle vient invoquer: on lui rclufe le pain celélle qu'on jette tous
les jours à des chiens : 8c dans le tcms qu'elle va chercher ailleurs cette confola-
cion ,
OPE'RE' SUR LA D^ STAPART. 41
tion , on ferme l'entrée du tombeau, on y place un garde pour lui en empêcher
l'accès, & on lui déclare qu'on ne lui permettra pas d'en approcher. Mais rien n'é-
branle Hi confiance j femblable à une ancre battue par des flots agités parla tem-
pête , elle s'enracine de plus en plus par les fecoufles qu'elle foutient : fii foi s'aug-
mente encore par les épreuves : elle fe fait traîner à Tcntrée du fépulcrc fans
favoir, pour uier de l'expreflîon de l'Ecriture, qui fourra lui en ôter la pierre, k
O foi capable de tranfporter les montagnes ! O don mille foi plus précieux
que la faute qu'elle demande ! Qui ofera méconnoître la bonté de Dieu au pre-
mier de tous fes dons ?
Mais avec quelle libéralité , avec quelle magnificence le Tout-pui{r:mt ne récom-
penfe-t-il pas cette confiance qu'il lui a donnée ? G'eft en vain qu'en a fermé l'entrée
ou tombeau , la chapelle s'ouvre à fon approche ; le vigilant Argus commis à fa gar-
de a beau accourir avec fureur pour la chafler dece fanétuaire où repofeuncanal Je
grâces, il eft tout à coup arrêté par l'iraprcffion de la Divinité qui, en rendant ia
préfence fenfible par fes oeuvres, le confond, l'intimide & le met en fuite. Le
Créateur vient de fouffler fur les membres à demi morts de nôtre impotente ,
& les voilà qui reprennent dans l'inftant le mouvement & la vie : une vigueur tou-
te neuve fe répand dans tous fes membres : l'œil ténébreux eit poui-vu de nou-
veau des parties qu'il avoit perdues , rcfrufcire au fpeâracle de la nature : tout k
corps acquiert en un moment la fanté la plus parfaite.
C'ell: ainfi que la libéralité divine va beaucoup au delà des defirs de la miraculée j
êc cequicft encore un bien fait infiniment fupérieur à fa guérifon , Dieu remplit en
même-tcms fon cœur dela'plus vive reconnoiflance, d'un amour ardent, de zélé &
de courage pour publier fans crainte fes miféricordes & la gloire de fon ferviteur.
D'oii peuvent venir de fi grands dons que du Père des lumières de qui provient
toute vertu? L'ange de ténèbres a-t-il jamais infpiré l'amour de Dieu Scla recon-
noiflance de fes bienfiiits ?
Mais en admirant une bonté fi magnifique , ne perdons pas de vue la fagefle qui la
dirige ; méditons ks circonfl:ances où il plaît à Dieu d'opérer une guérifon fi mer-
veilleufe. '
Ceux qui s'étoient fentisbiefles parles premiers miracles que le Tout-puifl"atit
avoit fait fur le tombeau de M. Roufle , s'étoient flattés qu'en lançant des anathê-
mcs Se en employant les menaces Se les violences , ils parviendroient à en amortir
l'éclat, & à empêcher les fidèles de recourir à fon interceflîon. Le rcfpeél toujours
dû à l'autorité des Pafl:eursétoit un piège que l'on tendoit à la piété des fimples qui
ne favoient pas difcerner quand le Paileur ks conduit dans la voie de Dieu , ou au
contraire lorfqu'il eft évident qu'il les en écarte. La féduclion & la crainte , les
difgraces avoient refroidi le zélé des uns , 8c fait chanceler le courage des autres j
êc ceux même qui étoient les plus attachés à la vérité , fembloient n';n'oir plus
pour partage que le filence, les gémiflemensSc les larmes ; mais le Trcs haut par
ce nouveau prodige diflîpe l'illuuon, il éclaire les ignorans, il fortifie les foiblesï
il fe montre & parle en Dieu, mais avec tant de de force, tant de mijcflic , tanc
de grandeur qu'il porte auQi-tôt la joie, le calme & la paix dans ks conscien-
ces les plus craintives, ôc qu'il ouvre des milliers de bouches pour publiée fes
merveilles.
C'ell: ainfi que- la Sagefl'e étemelle triomphe avec éclat de ceux qui combattent;
fes œuvres. En vain avoient-ils prononcé des malédictions contre ceux quivien--
droient fur le tombeau du faintAppcllant rendre hommage à la vérité , en s'adref^
fantàluipour obtenir les grâces du ciel j le Très-haut bénit à leurs yeux la D'?,
Stapart qui avoit cû une foi afl"ez éclairée pour ne pas- craindre d'enfreindre leurs;
IL Demenjî. 'tome IL F dc&n»-
41 DE'MONSTRATION DU MIRACLE
défcnfes : il l'en récompcnfe avec une magnificence divine : il la comble de fes faveurs
ôc lui prodigue fcs bienfaits.
Ce jugement dclccndu ciel fait connoîtrc, fait comprendre aux plus fimples que
le S. Efprit , à qui il appartient par efTcnce de lier 6c de délier , ne (c rend jamais le
complice de l'iniullice 5c de raveuglcmcnt des hommes, quclqu'éminens qu'ils foient
en dignité ; que l'excommunicat ■ on ne peut nuire que quand on en cil frapé légitime-
ment, & qu'elle eft au contraire une occafion d'obtenir de Dieu les plus grandes fa-
veurs, loriqu'on la fouffrc injuileraent à caufc de l'attache qu'on a pour la vérité.
Auflî le fidèle qui étoit auparavant affoibli , abattu, conilcrné ne craint plus de
fiire éclatter fa reconnoifllince envers Dieu ôc fa confiance en l'interceffion du Bien-
heureux Appellant. O.is'emprelTeplusque jamais de venir à fon tombeau y chercher
la guérifon de fon ame ou de fon corps : on le regarde malgré les anathémcs com-
me un lieu de bénédictions où Dieu fe plaît à répandre fes faveurs les plus fignalécs :
le courage & la force rentrent dans tous les cœurs : plus de timidité , plus de refpeét
humain, plus d'autre crainte que celle de captiver la vérité fous l'injuftice.
Que de miracles encore plus grands que ceux que Dieu fait fur les corps! Le
politique oublie les intérêts de fa fortune Se rend hommage à la vérité : l'indif-
fèrent ceffe de l'être, 6c ne peut s'empêcher de s'intércfTcr à un événement qui le
frape à tel point qu'il le foit fortir de fon indolence : le plus llupide ouvre les
yeux à de fi prodigieufes merveilles ; & il n'y a pas jufqu'à des partifans de 1»
Bulle, qui touchés, convaincus par une guérifon h évidemment miraculeufe ne
s'cxpofcnt de leur plein gré pour en rendre gloire à Dieu.
Aufiî quel moyen de défendre fon cœur des imprefiions d'un prodige où le
Très-haut manifelle fi fenfiblcment fon opération toute-puifiante ? Ne faut-il pas
être livré à un aveuglement inconcevable pour ne pas reconnoître qu'il n'y a que
la Divinité qui puiflc difpofer ainfi en fouveraine de toutes les loix de la nature
& les changer comme il lui phît : Se qu'il n'appartient qu'au fcul Créateur de réfor-
mer fcs ouvrages avec autant de fiicilité & de promtitude qu'il les a tirés du néant ?
Que l'incrédulité épuife ici tous les doutes: qu'elle ramallc toutes les vrai-lem-
blanccs : qu'elle crcufe tous les fecrcts de la phifiquc: qu'elle approfondiffe tou-
tes les rcfiourccs qui fe peuvent trouver dans la nature : quelle en emploie tous
les agens, & qu'elle réunifie enfcmble la force 6c l'adrefle des hommes & des Dé-
mons: tous cela ne fcroit pas capable de produire les merveilles que nous allons
développer dans ce miracle. Nous ferons voir qu'il ne fuffiibit pas pour l'opérer
d'être maître de la matière, de la pouvoir modifier , 6c en changer en un moment
la nature & la forme, ce qui n'appartient qu'à Dieu; mais qu'il falloit encore
pouvoir donner un nouvel être à ce qui n'exiftoit plus , ce qui cil l'attribut in-
communicable du Créateur.
Nous avons déjà démontré plus d'une fois que la guérifon d'une paralifiecom-
plctte n'ctoit pas pofiîblc à la nature ni à tout être créé , i'ur tout lorfquc cette
paralifie avoit dcja retiré 6c rétréci les nerfs, 6c qu'elle avoit commence àdeiré-
cher les mufclcs , comme il ctoit arrivé à la D '. Stapart ; 6c cela parce que des
membres réduits en cet état font totalement privés d'efprits , 6c que d'ailleurs ces
membres ne pourroicnt être rétablis que -par la régénération d'un très grand nom-
bre de conduits, d'organes 6c de petits vaifl'eauxaftaifi'és 6c détruits. Ainfi pour ne
point trop fatiguer le Icdlcur, nous nous bornerons ici àlaguérifonfubitede l'oeil,
d'autant plus volontiers que ce prodige tout feul renferme quantité de miracles.
Ici une multitude d'opérations évidemment divines commencent, fe perfeûion-
nent & s'achèvent dans un fcul inllant, parce qu'un inllant fufïitauToutpuilTanc
j)our anéantir, régcncrcr fie rendre l'étje.
Nous
OPE'RE' SUR LA D^. STAPART. 45
Nous nvons ddja prouvé que les racines du nerf optique ^toierit depuis plus de dix ans totale,
ment obitruées dans le cerveau „ Il n'eft pas douteux (dit iVl. Souchai ) que le nerf optique n'ait
„ été obltrué dans toute fon étendue dans l'œil g?.uche de la De Stapart, dès fa première atta-
„ que d'apoplexie; ( puifque c'eft cette obftrudion qui fit perdre J auflitôtCàcec œil) la faculté
„ de voir. „
Voilà donc toutes les bouches par lefquelles ce nerf puifoit les efprits animaux dans le cerveau ,
qui font remplies par une matière i^rolTiere & gluante qui en ferme toutes les ouvertures & qui en
barre l'entrée à cette limphe fubtile. Voilà donc cet organe immédiat de la vue privé pendant plus
de dix ans de cette liqueur fpiritueufe qui ell toute fa nourriture , toute fa force & le principe de
toutes fes fondions.
Qui peut douter que pendant un fi long efpace de tems il ne fe foit entièrement defféché, &
qu'en fe rétrécilfant dans lui-même faute d'alimens, il n'ait perdu toutes les petites routes paroù
ces efprits couloient le long de fes fibres pour les humefter, & pour aller porter la nourriture à la
rétine, qui eft la queue de ce nerf qui s'épanouit en un nombre innombrable de petits filetsau fond
du globe de l'œil , & qui tire toute fa vie des efprits que ce nerf lui fournit?
Quel autre que celui qui commande à la nature eut pu anéantir en un indant cette matière é-
pailîe qui formoit l'obllruflion , que tous les remèdes donnés dès 17 17. pendant fix à fept mois n'a-
voient pu difîiper, & qui depuis ce tems s'étant durcie de plus en plus par un féjour de dix an-
nées , ne faifoit qu'un corps avec les racines du nerf optique aufquelles elle s'étoit jointe?
Mais ce n'étoit point alTez de la détruire, il falloit en mêmc-tems rendre fa première forme , tous
fes organes & les conduits au nerf optique defféché depuis fi long-tem?. Or „ il n'y a que l'Auteur
„ de la nature ( dit M. Souchai ) qui , fans s'affujettir à fes loix , puide rétablir tout d'un coup des
„ nerfs affaifiTés & dont les fibres font racornies. ,,
En effet quel autre que le Tout-puiffant eût pu rendre au nerf optique toutes les parties que la
privation totale de nourriture pendant dis ans lui avoit nécelTairement fait perdre? Qui eût pu ré-
tablir tous Ces pores applatis, collés, effacés par le defféchement? Qui eût pu creufer de nouvelles
routes entre toutes ces fibres pour y faire couler de nouveau les efprits animaux? Si la gaérifon
d'une paralifie complette fur des membres plus greffiers & plus robulks, & qui paroUTentparcon-
féquent plus fufceptibics de reffources, ne lailTe pas néanmoins d'être impoffible à tout autre Etre
qu'à celui dont le pouvoir eft fans bornes, combien cette impoflîbilité n'eft-elle pa^s encore plus
fenfible & plus évidente quand il s'agit d'un organe dont toutes les parties font d'une délicateffe &
à'une finelTe inconcevables?
Mais ces grandes opérations quelqu'adrairables qu'elles foient ne fuffifoient point encore pour ren-
dre la lumière à un œil qui l'avoit perdu dépuis fi longtems. Ce n'étoit point aîTez de rétablir le
Herf optique, il falloit en même-tems rendre l'être i la rétine.
Il efl évident que pendant tout le tems que le nerf optique avoit été obfirué & defféché, il n'a-
voit pu porter de limphe fubtile à la rétine. Or cette membrane fi délicate qui n'efl entretenue que
par cette limphe, ayant été pendant tout ce tems fans nourriture & fans vie, s'étoit infalliblcment
détruite. I! falloit donc régénérer en un inftant la multitude infinie de filets prefqu'imperceptibles
dont cette admirable membrane ert compofée : il falloit en même tems donner à tous ces filets une
force, une vigueur, une vertu de reflbrt Se d'élafticité, & plufieurs autres qualités occultes que
les plus grands Philofophcs n'ont jamais pu bien comprendre; car ,, c'ell fur cette rétine (comme
„ dit M. Souchai) que les rayons lumineux qui partent des objets font impreffion, & repréfentenc
„ à l'ame la figure & la couleur des objets. (Ce qui lui fait dire que) le rétabliffement du nerf op«
„ tique & de la rétine après dix ans de paralifie (.ei\) un prodige inconcevable qui (n'a,^ ccrtaine-
„ ment pu être opéré que par l'auteur de la nature Je ne puis (ajoute-t il plus bat) qu'adnà-
„ rer une guérifon fi fubite & fi parfaite; heureux fi la connoiffance de ces prodiges fait fur moi'
„ toute l'impreffiou qu'elle devroit faire I „
C'eft un Chirurgien de la Cour, c'efl; un des plus habiles Anatomiftes que cette merveille frape
& faifit d'une admiration qui le jette dans un faint tremblement, & lui fait faire les plus falutaires
réflexions à la vue de la majefié d'un Dieu qui rend fa préfence fenfible par la magnificence de
fes œuvres. Les Maîtres de l'Art tremblent à la vue d'un C grand prodige ; par quelle fatalité tanc
de Conftitutionnaircs n'en font-ils point ébranlés?
Nous ne parferons point des autres nerfs deftinés aux autres fenfations & i procurer le mouve-
ment à cet œil, qui étoient auflî endommagés que le nerf optique, & peut-être détruits comme
la rétine. 11 n'en coûte rien au Tout-puiffant pour multiplier fes prodiges : il a dit, & dans l'in-
ftant par le feul mouvement de fa volonté tout a été rétabli, régénéré , rendu- parfait. Di.\it., cr^C c«,vi'ijj
faùîafunt. "• !•
Mais la manière fubite avec laquelle tant de merveilles ont été exécutées , ne fervira telle qu'à-
nous éblouir fans nous éclairer nous mêmes ? Forcerons-nous nôtre e "prit à raéconnoitre nô're
Dieu, lorfqu'il veut bien (e dévoiler à nos yeux par des effets fi fenfibies & fi frapans? Ne leper--
mettez pas, à vous dont la miféricorde eft infinie!
Oui, mon Dieu! nous reconnoiffons de tout nôtre cœur qu'il n'y a que vôtre puifiSnce fansbors
Bcs qui foit capable de rendre en un initant à vos ouviagcs tout ce qu'ils avoient perdu par une-
longue fuite de dépénffeniens, & que mille & mille fibres tiffues avea tant J'art & rangées- avec*
44 DEMONSTRATION DU MIRACLE
«nt harmonie fi ad.riîr.ible que nous ne pouvons en concevoir les étonnantes propriétés, nepeo»
Tjnt être regénérées que p:r la main divine qui a fû d'abord les tirer du néant , pour leur faire
produire le pics beau & lé plus inexplicable des fens que vous avez donné à l'homme-
Q--pendant voici que le démon vûrre ennemi ofe aujourd'hui par la bouche de les malheureux
organi-s fe donner la gloire de vos plus brillans ouvrages. Nous n'tn devons pas être furpris. CcS
efprit qui n'eft qu'orgueil conferve toujours dans le fein même de la mifére la plus afFreufe, l'au-
dncicux deirein qu'il avoit d'abord formé de s'égaler à vous, ô mon Dieu! & dès que vôtre juftt-
cc lui abandonne ceux qui l'ont mérité par leur acharnement à combattre vos vérités, il les en-
gage à lui faire honneur de vos œuvres, &. à û'ofcurcir aiofl vos décifions par une noire vapeur
fortiede l'enfer.
Mais quoi oferont-ils donc foutenir que le démon également comme le Fils de Dieu, peut dire
Mircj. 41. aux maux les plus incurables: Je U vtux , foyn. guiris, 6i qu'auffi-tôt to«t ce quiavoit été détruit
eft régénéré? Qu'il peut dire à un fujet ruiné par trois attaques d'apoplexie, & accablé fous une
Matth. ix. paralifie complette; Vitre foi vous a jauvée, & qu'aufli-tôt cette impotente palTe, fans aucun inter-
**• vallf de convalefcenre, de la plus grande infirmité , de i iuipuiffance la plus e.xtrême , & de la foi-
blclle h plus débile à la force la plus vigoureufe & à la fanté la plus parfaite? Enfin qu'il peut dire:
Wircvij.34.£^^,,j , c'e/i-àdirt ouvrez-vout , à un œil immobile depuis dix ans, & dont les parties les plusdé-
licates & les plu5 elFenticiles écoicnt dilEpées, effacées, anéanties; & qu'auffi-tôt cet œil recouvre
la lumière avec toutes les paities qu'il avoit perdues?
Dieu n'a pas voulu qu'il pût relkr le moindre doute â cet égard dans l'efprit des vrais Chrétiens.
JciB 10. îi.La quefiion en cft faite en termes formels dans l'Evangile. L» dcmon ptut-il ouvrir les yeux dtt
avtHgles? Les Pharilîens n'ofcrent alors foutenir l'affirmative. Mais il y a aujourd'hui des gens qui
font plus harJis que les Pharifiens. Qu'ils fongent ces téméraires que J. C. n'a voulu donner lui-
Ibid, 57. &jx,j|jje que fgj miracles pour preuves de fa Divinité. Si je ?:e fais les au-^res de mon Père, difoit-il
aux Juifs , n< tni croyet. pas. Mais ji je les fais , quand vous neme voudriez pOi croire, croyez, à mes œuvres.
Les miracles fuivant J. C. font donc la preuve des preuves '1? Jls font la voix furnaturclle par la-
quelle Dieu parle lui-même aux hommes & leur manifeiie les plus grandes vérités ; & p.ir conféquent
ce fi une impiété de foutenir qu'il veuille permettre au démon de préfenter à des Chrétiens pour le»
féduire les mêmes lettres de créance que lui, & de faire de vrais miracles jufques dans fon Temple &
fur ceux qui ont recours à fa bonté &. qui détefbent le démon & tous fes noirs enchantemens.
Mais s'il ell certain fuivant les régies du Chrillianifme , qu'en général tous les vrais miracles faits
iu nom de Dieu & en faveur de ceux qui implorent fa miféricorde, ne peuvent avoir que lui pour
auteur, il faut étouffer toutes les lumières de la raifon pour s'empêcher d'être convaincu qu'il n'y
a que le maJtre de la nature qui ait le pouvoir de faire ceux qui ne peuvent s'opérer que par des
créations ou par la régénération fubite d'organes qui n'exilloient plus.
Comment donc eft il pollible qu'il y ait des Chrétiens qui ofent attribuer de pareils miracles &def
bienfaits fi fenfiblesà la plus méchante de toutes les créatures? Quel eft donc l'efficace d'erreur dt le
prodige d'aveuglement où la I>ulie jette ceux qui veulent la Jéfen<.i'e contre la décifion des miracles?
Ah Seigneur! Quel ell donc l'état où vôtre Eglife efl aujourd'hui réduite! En vain parlez-vous
Jfw j. f. vous-même, on ne veut plus vous en croire, on ne veut pas même vous écouter. En vain U lie*
mure iun dans les ténèbres, les ténèbres, ne l'ont pat £o/w/>r;/i, parce qu'elles ne veulent pas la com-
prendre , & qu'elles s'obftinent à prendre pour des exhalaifons infernales les rayons de clarté que
vous envoyez du ciel. Eh ! qui font ceux qui prêtent ainfi leur miniflere à l'ennemi de toute véri-
té & qui ofent lui faire préfent de vos œuvres? Je frémis de le dire. Ah Seigneur! Une Société
ambitieufe a répandu fon vecin jufques fur vos autels; elle a engagé dans fa querelle, elle a fait
adopter fes erreurs & fa pernicieufe dodrine â plulieurs môme de ceux qui font placés fur le chan-
delier! Ah Seigneur '■ il elt tems de venir au fecours de vôtre époufe. Vous favez quelles font vos
promelTes: la vérité ne peut périr. Vous nous avez annoncé vous-même que lorfiju'elle fera cou-
verte de ténèbres dans le fein même de vôtre Eglife, vous envolerez un Prophète qui rétablira toa-
Ma(tb.ZTij' tes chofes. Elias quidem vtniurus efl cr refiituit cmnia.
"' Ah Seigneur! nos maux font prcfque à leur comble. La foi difparolt : la charité s'évanouit. On
détruit le premier article du Simbolc: on anéantit le premier de vos commanîcmens : on ofe vous
contefter vôtre Toutc-puiffance fur les cœurs: on o.e combattre jufqu'au grand précepte de vôtre
amour: on réduit tout le culte qu'on 7ous doit i un hommage purement extérieur; &on traltte de
jébelles & de feftaircs dignss d'anathêmes, ceux qui étant convaincus de leur propre foiblelTcat-
lendent tout de vôtre fecours, & qui foulant aux pieds les faux biens , les frivoles honneurs & les
fains plaifirs de la terre , élèvent fans celfe leur cœur vers vous pour vous prier de le remplir de
plu» en plus de vôtre amour. Voilà ceux qu'on ell prêt de retrancher de vôtrt Eg'.ifc. Venez i nôtre
fecours, ô mon Dieu! hltez-vous d'rnvoyer Celui qui doit répandre par tout la lumière: qu il force
lout l'univers d'ouvrir les yeux i la vérité : que toute la terre vous connoilTc , vou<i adore & vous
aime: que tous les hommes cnfemblc ne fuient plus qu'un cœur & qu'une ame, ft qu'ils s'unifient
ff. HT. *."'"* pour vous berWr ^ chanter vôtre gloire & vos bienfaits. Otnr>n,ttrr» adortl $t ,cr fféllai libif
' J-ialmiun duat tàroini tui. Auieu. Awca. Amca^
~ PIECES
PIECES JUSTIFICATIVES
DU MIRACLE OPE'RF SUR LA DAME STAPART
Déclaration faJTée de^j.rnt Notaires far les Sieur &> TDame Stapart, dans laamUe Us rendent compte
des maladies de lad. Dame &' de fa ^uéri/o» fuiite &> parfaite opérée le 16.
Mai 1728. fur le Tombeau de Aï, Koujfe.
enflure fur les jambes , & tous les remèdes qu'on lui a fàic
noiit pu enlever ce levain de la maladie^ mais dès que le
miracle s'eftfair, l'enflure fur les jambes & la douleur de
tête le lanc diflipécs en un moment.
^:^ Ar devant les Notaires Royaux au lîail'age
Il m ^ Prévôté d'Epernaj;, demeurant en lad. Ville
i/^ foulTignes : furent prcfens en perlbnneM. Fran-
Ç^^ çois Stap.ut Notaire Royal en la même Vil-
Yr^i^ Çois Stap; _^
fe^ '^ ' ^"'^"■■" Eclievin & Afleffeur en l'HôLel
v^sSS^d commun dud. Epernav, & Demoifelle Ma-
rie-Jeanne Gaulard Ion epcufé qu'il amcrife , lefquels pour
la manfeftation de la veriie de l'événement extraordinaire
cpcre en la pctfonne de lad. Ganlatd ; ils jugent neceffaire
de rapporter routes les circonftanccs qui ont précédé & cel-
les qui ont accompagne cet événement, de la manière qui
iuit. ^
I 9^1^ '^ 24- Pccembrc 171 7. entre S.St/. heures du foir,
lad. Demoilelle Gaulard lots âgée d'environ 27. ans fiit at-
taquée d'apoplexie avec plulieuis lechutes confécutives , qui
dégénérèrent en paralyfie fur la moitié du coips du côte gau-
che ; de laquelle paralylie elle fut gneiie après l'efpacc de
6. a 7. mois , à l'exception de fon œil gauche qui cft re-
lie paralytique & prive de toute lumière.
Qye le 2y. Mars 1^2^. elle eut une féconde attaque d'a-
poplexie qui dégénéra pareillement en paralyfie lur le même
cote gauche de laquelle elle fût aufll guérie; & que le 7.
Avril 1728 elle fut encoie attaquée ci'apope.xie qui dce-
iiera auffi en paralyfie fur le même côté gauche. Quoique
Ion ait pratique les mêmes remèdes pour la foula^r ce-
pendant la malade refta paialvtique du bras & de l! jambe
gauches ,_ l'œil gauche étant toujouis refte prive de la lumiè-
re & inlenlible depuis la première attaque de 1 717. La ma-
lade étant lalîee a'avoir «prouve difterens remèdes inutile-
ment, s'elt entièrement abandonnée a la mifericorde du Sei-
gneur , mettant toute fon efperance en fa puiflance & eu fa
bonté , & penctiee d'une vive foi & d'une gtande confiance
en 1 intercellion de U. Roufiè, Prêtre Chanoine d'Avenay
decede le 9. Mai 171-. lut le tombeau duquel Anne Au-
gier. .. . avcit dcja éprouve le pouvoir qu'il avoir auprès de
Uieu pat la guerilon éclatante qu'elle y a obtenue 1:8. juil-
j" , T, meine année, s'eft fait conduire à Avenay le joui
de la Pentecôte 16. Mai dernier. Qu'étant accompa™ce de
Uemoifelle Marie Huguet de Couttaume fille m.ajeure de-
meurant aEpetnay, de Catherine Leflirt auffi fille majeure
demeurant enjad. Ville & de |e.inne Stapart fille des com-
rirans elles le rendirent en l'Eglife paroiffialc dnd.Avenav
dans elperance par Icfd. Gaulard, Huguet, & Jeanne Sta-
part d y communier: ce qu'on leur refufa. Elle f.irenrobli-
^ees de fe rendre a l'Eglife de l'Abbaye ou la malade fit fes
cevotions debout & foutenue par lad. Leflitt, en prefence
des Uames Religieufes, qui avoient leur grille ouverte: &
environ une heure après midi elles re:ouinerent à l'Eglife de
la paroifle, ou M. Rouflè e(t inhumé dans une Chipelle,
quelles trouvèrent fermée; & comme elles chetchcient le
moyeu de 1 ouvrir il le ptefema un petit garçon qui leur ap-
ptit la inamere d'ouvrir la porte de cette Chapelle. A peine
la malade y fut elle conduite & pofee fur le tombeau de M.
>°","=.^f-"t."ne pritre \ la hâte pendant que le Clerc de
lc.glile frapoit l'enfant qui avoir facilite l'ouverture de la
i.liapelle qu'elle Icntit un tremblement univerfel en tous
les membtes une légère douleur dans lesjointures delà main
, 1 ,.'^^°^,!.,P^ ""'^ douleur plus violente dans les muf-
cles de 1 oeil. Elle s'apperçùt au|-ptôt qu'elle avoit le mcu-
vement libre dans les parties affligées, même que l'œil pa-
ralytique des 1 717. avoir emicienient recouvré la lumieie,
« le trouvoit par-la en état de tevenir a pied fans fecours.
Ont en outre declaté que depuis l'attaquede i Ti -. illuieioit
Klte lans dilcontmuation une grande douleur detéte,&:ime
il. Demonjl. Tome 11.
Déclaration pajjee à la fuite de la première par les
Demoifelles Huguet de Court aumé , Lejart , &>
■ Stapart , lefquelles ont conduit la Dame Stapart
fur le Tombeau de M. Koup,ëfl ont été préfeU'
tes lors que le miracle s'efi opéré,
DEMOISELLES Matie Huguet de Courtaumé fiUe ma-
jeure demeurant à Eperuay , Catlierine Leflart aufll fil-
en ,'=,,"")«"'« demeurant en lad. ville, & Jeanne S apart
hile dcld. Sieur & Demoifelle Stapait dénommes dans la Dé-
claration ci-deflus, lefquelles ont dit que led. joui- 10. Mai
jour de la Pentecôte dernière ayant accompagne lad. Demoifel-
rfr- r '^"' Paralytique , en fon voyage d'Avenay , fe tendiient à
i Eglile patoifliale dud. lieu , pour par lefd. Huguet & Sta-
part y communier, ce que l'on leur refufa eu forte qu'elles
Kirent obligées de fe retirer à l'Eglife de l'Abbaye, ou eUes
firent leurs dévotions; & enTiron une heure après midi el-
les retournèrent avec la malade , en l'Eglife de la paioifle
ou M. Roulle eft inhume dans une Chapelle qu'elles trôu-
vetent feimee ; & comme elles cherchaient les moyens de
1 ouytir , un pe:it garçon le prefenta qui le leur apprit : eUes
conduifireiit auHuot la malade fur le tombeau de Ai. Riulfe
L-e Clerc de l'Egl.fe arriva enlaite, & pendant qu'il fiapoit
1 enfant qui avoit facilite l'ouvetture de la Chapelle , la pa-
ralytique lentit un tremblement violent qui donnoii aux com-
parantes de la peine de la foutcnir, elles apperçurent qu'el-
le ouvrit avec facilite fa main paralytique qui etoittoujouts
terme lans pouvoir l'ouvrir, qu'elle plioit aifementlege.iou
malade & enluite qu'cUe leur dit qu'elle voyoit parfii-e-
ment clair de t'œil gauche , paralytique dès 171 7. Laquelle
Déclaration les compa.antes nous ont dictée & ont a.-firme
contcmr vérité , & offrent de l'atnrmer telle devant qui U
appartiendra , requérant afte de leiu- Déclaration & amrma-
tion pour lervir en tems & lieu ; ce qui fut fait & pafli à
hpetnay es études deld. Notaires fouffignes l'an i^-S le-5
Août avant midi, ont les parties figne à la minute des pré-
fentes reftees à FUiatret l'un defd. Notaires, à l'excepfion
de lad. Leflart qui a déclare ne favoit figner ; é- pl.-s Ls t»
«r;; .-contrôle a Epernay le 26. Août i-zi. J,v„,- Robert .
lequel a reçu fes droits ; ,i;,^7%„rFiiiatret & Lorinet ^wc
fcirjphis^ çnfuite cft écrit: cetîifie véritable ligné & paraphé
au delir de l'Acte de dépôt pour minute, paflc.par dev'aut
les Notariés au Chitelec de Paris foulTignes ce 14 hiillet
1754- J««f, Carre' de MoNTCERONavecLoysoN^c Ray-
mond Notaires, ^^ixni
II.
Rapport fait le 17. Mai 1728. par M. de Reims Do.
ifeur en médecine &> le Sieur Virard Chiruroiai ,
dans lequel ils rendent compte des i. attaqua d'a-
poplexie de la Dame Stapart, des fuites qu'elles
ont eu &= entr' autres de la perte de fon ccil gau-
che dès 1717, &= certifient que la 'veille dud. rap-
port 16. Mai 1728. elle aétéparfaitement guérie.
NOus Soufllgncs Jacques de Reims Oofteur en médc-
cuic & ivlcdecin Confeilkt du Roi à Epernay & Pierre
\ irard mai;re Chirurgien de la même ville y demeu-
^ laiK,
I
2 Pièces jujlîficatk
rant, certifions à tous qu'il appartiendra que Marie Jean-
ne Gav:Iard igce rfc ;3. ans ou environ, femme de Fian-
çois Stapart Notaire Royal au Baillage d'Epernay y de-
incuant , a eu dans l'efpacc de dix ans & quatie mois ;. at-
taques d'apoplexie qui en 5. jours ont dcgeneie chaque fois
en paralvlie fut la moitié du corps du cote gauche. Savoii
la ptemîere attaque le r^. Décembre I7i7. entre les 6. à 7.
heutcs du foir.dont elle n'a pi'i être guctie qu'après plufieurs
temedcs généraux , & fpeciliques à cette maladie , qui lui on:
ete adminiftres dans l'clpacc de 6. à 7. mois, à l'exception
de fon ueil gauclie qui ell tcfte paralytique & prive de toute
lumière fans efpeiance degucrifon. La deuxième attaque avec
les mêmes fymptômes cil ariivce le 15. Mars 1-17. dont
on l'a tirée heutcufement avec les mêmes fecours. l.atroifie-
me qui eft la dernière arrivée le -. Avril I7z8. quoiqu'on
ait pratique les mêmes remèdes pout la foulager , cependant
la malade elt reftce paralytique du bras & de la jambe gau-
dtes, jufqu'au jour de la Pentecôte '6. Mai 1 "18. N'ayant
point d'autre reflource pour lui rendre l'ulâge de les mem-
bres, que de lui conleiller les bains d'Iebles Sx. de feuilles
d'aulnes cuites & amonies dans un four chaud, ou de l'envoyer
aux eaux chaudes minérales. La .T.alade étant laflce d'avoir
éproift'c diffcicns remèdes inutilemenr,s'eft abandonnée en-
tièrement î la mifcricordc du Seigneur; & pour cer effet
die nous a dit qu'elle avoir ete à Avenay le jour de la Pen-
tecôte dernière, prier Dieu fut le tombeau dcfcuM.Rouf-
fe , Prêtre Chanoine dud. Avenay , dcccde depuis un an oa
environ , & que dans ce moment elle avoir recouvre d'une
m.iniere miraculcufe l'ufage non feiJcment de fon bras & de
ià jambe paialytiques , mais encore de fon œil , dont elle voit
parfaitement clair, 8c qu'il ne lui relie aucuiie douleur ni
fbibleflc dans routes les parties qui ont ete attaquées de i>a-
lalylie. Ce que nous avons reconnu & affirmons vtritalne ,
après l'avoir e.samine fcrupuleufement le Icndctnain de la gue-
iifon. En foi de quoi nous avons drelVe le prtfcnt Cctiiii-
cat pour valoir ainli que de raifon. Fait à Ëpernay le 17
Mai \'7.%. aînji p.gHt iz Reims, Virard av:c paraphes.
JefoulTigne Prêtre Curé de Cumicrcs, certifie avoir copie
laprcfente copie mot à mot de l'original qui m'a ete mis en
main par la Dame Stapart dénommée dans l'aciie de l'autre
part: en foi de quoi j'ai ûgnc G. BiilauJet. ^« deffous efi
tcTÏt: contrôlé iPatis le 2. Juin 1754.. ^'^Ç'* '^- lo'^ S'S,"'
Dubois; .An dus efi écrit: Certifié véritable, figné & para-
phe au délit de l'aéle de dépôt pour minute palïè par devant
les Noraircs au Chàtelei de Patis foufljgncs, ce 14. Juillet
1754. J/jKt Caure' de MoNTGERON avec LoïSON ic Ray-
mond Noraircs.
HT.
Autre rapport fait le l. Juillet \yi^. par les Sieuri
de Vil/ers ëP Ber/i dans lecjuel ils attefient comme
témoins ocul.xires tous les faits portes dans le rap-
port précèdent , fif y ajoutent tfii' il n'y a aucuns
apparence <ju'il fait rejlé à la Dame ètapart au-
cun levain de fes apoplexies,
NOf s foudlgncs Jean de Villcrs, maître Apotiquaire
demeurant a Epcrnay.Sc Charles Be>li,maiiie Chi-
rurgien en lad. Ville , ccriifionç avoir ctc appelle
en trois (iilfcrcn<; tcms de la part de maître François Sra-
fart Notaire à Eperr.ay , pour voir Madcmoifcile Marie jesn-
te Gaulard fon cpoulc , agce de 38. ans ou environ, pour
lui piocuret les fecours qui lui étoient ncceiraires,^: qui lui
convcnoieni, chacun fuivant norre profÈfTion ,fuivant & con-
formément aux ordres de M. de Reims, Doûeur en méde-
cine demcuranr a Epcrnay, ddquels fecours nous l'avons ai-
<ke par le moyen de tous les remèdes que la médecine ju-
jeo;! lui convenir dans là maladie.
Nous certifions aiiffi en inàin«-tcme, ainfi que led« fient
>tc Reims & Pierre Virard raaiac Chirurgien 1 Ëpetnay ,
ont ci-devant fait.
Que lad. Demoifellc Gmiatd a eft trois attaques d'apoplexie ,
OUI au bout de quelques jours ont dcgcncices en paralylic
chaque fols lut la iD'ii.ic du corps du co:e gauche. La pre-
micte attaque c(l arrivée le 24.. Décembre I7i7. dont elle
■■•a pu cite guctie qu'après pluûeursremedesgéncrajx&fpc-
ciHqucs a ce re maladie, que iiniis lui avons .'tdminillrc avec
Skccs pendant 6. à '. mois, a rex..cpiion toutes fiLiidelbn
«U^chc >j^iic Doui ivoiis ap^tu ciic telle paralytique, fc
'es du miracle,
piivé entictcment de toute lumière fins ePpéranM de gué
tilbn. La 1. attaque ell arrivée le iç. Mars 172.^. dont on
l'a guérie hcureufement avec les mêmes fecours, encore à
l'exceptiotî de fon oeil gauche toujouts paralytique & prive de
toute lum iete ; & ta 3 . & deinicte attaque eft arrivée le 7.
Avril 1718.
Quoique nous ayons pratiqué les mêmes remèdes que les
prcccdens pour la foulager , cependant la malade cil reliée
paralytique du bras Se de la jambe gauches jufqu'au 16. Mai
de la prefente année. La médecine n'ayant point d'autre ref^
fbtucc pout tentet de lui procutet l'ulâge de les membres, qwe
de lui confciller les bains d'lcblts& des feuilles d'Aulnes, ou
de l'envoyer aux eaux chaudes Minérales: La malade étant
laflce & fatiguée d'avoir éprouve difterens remèdes inutile-
ment, s'ell abandonnée à la mifcricordc du Seignear pour
cet effet. Nous avons appris avec une infinité de perfônnes
de ccrte Ville & des environs dignes de foi qu'elle avoir été
à Avenay le jour de la Pentecôte deniiere , prier leSeigneui
fur le tombeau de feu M. Roufl'e, l'rêrrc Chanoine d*Ave-
nay , decede depuis un an ou environ ; & qu'après fa priè-
re finie, elle avoir recouvré d'une manière furnaturelle Se mi-
raculcufe fur le champ l'ufage, non feulement de fon bras Se
& de la jambe paralytiques, mais encore de fon oeil gauche
qu'elle avoir perdu depuis plus de 10. ans, donr elle voit par-
faitement clair , ne lui reliant aucune folbleffc ni douleur dans
toutes les parties qui ont ete attaquées de paralylic ;c'ell ce que
nous avons reconnu Se certifions véritable , ayant une patl\ii-
te connoillànce de»tous les faits fufd. comme en ayant ete les
témoins oculaires: & même que depuis là gucrilbn, elle
s'ell toujours portée de mieux en mieux, fans aucune appa-
rence qu'il lui foii refle aucun levain de cette maladie: ea
foi de quoi nous lui avons donne notreprefcnt certificat con-
tenant vérité. Fait à Epeinay le i. Juillet i7iS. Sifié j.dc
Villers, Charles de Berly;,i;i deffins efi éirit: contrôle a l'a-
ris le z. Juin 1734. reçu II. fols, J/fw/ Dubois, enfu ire efi
éiri'i : certifie véritable, ligne Se paraphé au defir de l'.Xéle
de dépôt pour minute pafle par devant les Notaires au Chi-
tclet de Paris foulTignès, ce 14. Juillet l"34. Sifa- CarrV
de MoKTGERON avcc LoYSON ^c Raymokd Nouitcs.
IV.
Pareil rapport fait par le Sr. Emeri.
JE foufligné Geoffroy Emcry Apotiquaire demeurant en Ij
Ville de Verm, certifie que l'ai ete appelle pour voir Ma-
deinoifclle Maiie Jeanne Gaulard , femme de M. Stapart
Notaire Royal demeurant à Epetnay, que j'ai trouvée au rc
tout d'une attaque d'apoplexie le 16. Décembre ITI', en-
core paralytique d'an bras & d'une jambe , Se privée de la
lumière de l'oeil gauche ; que pat dillctens remèdes employés,
le bras & la jambe lé font parfaitement rétablis, mais l'oeil
efi reflc entièrement prive de lumière fans elpcrance de guc-
rilbn ; que je l'ai encore vue attaquée d'une Hemiflcgie fur-
tout fur le bras Se la jambe le 16. Mars 1727. dont pat les
diflctens remèdes genctaux Se fpecifiques , elle a encore cté
guurie du bras Se de la jambe, l'oeil reliant prive de lumiè-
re ; enfin la troifitme fois que j'ai ete appelle, efi le 30. A-
vril jour auquel la malade après dillcrens remèdes employés
prudemment par M. de Reiras Ion Médecin, Se le lieut Vi-
rard Chirurgien à Epernay comme dans les attaques ptccc-
dentes, efi cependant demeurée fans pouvoii faire ufàge du
bras Se de la lambc. Se privée toujours de lumière de l'oeil
gauche: lui ayant propole diffcrens remèdes avec l'approba-
tion de fbn Médecin , la maladie me dit qu'elle etoit rcfo-
lue de n'employer aucun remède , qu'elle n eût eu tecoiirs ^
rinterccirion de feu M. Roulle Prêtre Chanoine d' Avenay,
qu'elle s'abandonnoit avec confiance à la Toute puifl'anoe >lc
Dieu Se au fecours qu'elle elpiroit de ce dévot moyen; oc
que je lais certainement lui avoit reulli le |out de là Pente-
côte, Se qu'elle cil entièrement guérie du bras Se de la jam-
be, & qu'elle voit de l'ixil gauche qui doit prive de lumiè-
re, comme il ell dit ci-devant, ce que je certifie véiirablel
Verni ce 1^. Septcmbte l'iS. Slfne Emcry. ><» drjpmt efi
f,rit: contrôle à Patis le 1, Juin |7;^. reçu li. fols, Sltnt
Dubois enCmite tfi etrh : cettifie vtoirable , ligne Se paraphé
au delîr de l'Aile de dtpôr pour minute, palïc pat devant
les Notaires au Chà:clet de Paris foiulignes , ce 14. Juillet
1-34. JV'i/Carhi' lie MoNriJïRûNavccLoYJaîiScRAT-
mon:> Nutaircj.
V.
V.
epêrè fur Madame Stapart.
Ktlittion en forme de Lettre faite par le Fere
Hnart Chanoine Régulier & Vicaire d'Efer-
nay , qui contient un détail fort circonftanciè
des maladies & de la guéri/on fubite , parfaite
& évidemment miraculeufe de la Dame Stapart.
M
A TRES CHERE MERE,
Vous me demandés une relation exafte & circonftanciée
du Miracle opéré en faveur de Mademoifelle Stapart , il
iii'eft fort facile de vous làtisfaire: je luis parfaitement in-
fttuit des circonftanccs de là guciilbn , & je vais en taire
le détail.
Il y a près de lo. ans que cette Demoifelle eut une atta-
•que d'apoplexie, qui en trois jours dégénéra en patalillefur
la moitié du corps du côte gauche; après 6. à 7. mois de
temedes elle fût guetie & les membres paralitiques repri-
rent leur première viguair, à l'exception de l'oeil gauche
qu'elle perdit entièrement, & dont elle n'a point vu juf-
qu'au moment de fa guerifon miraculeufe. En 1727. elle
tomba dans fon premier état , & elle fût keureufement
livrée avec les mêmes fecours ; mais cependant fans recou-
vrer l'œil qu'elle avoir perdu. Le 7. Avril 1718. elle eût
une troilleme attaque avec les mêmes Cmptômes, aullicm-
ploya-t-on les mêmes remèdes pour la foulager,- mais pour
cette fois ils furent inutiles. Dans ce trifte erat , abandon-
née des Médecins, elle eût recours au Seigneur, & fc rap-
pellant la mémoire du miracle qu'il avoir opeie en faveur
d'une_ pauvre fille de Marciiil , par l'mtercellîon de M.
Roullè, elle forina le deûèin d'aller à Avenay fur le tora-
beau de ce Saint homme, pour le prier d'obtenir de Dieu
fi guériion.
Le 15. de Mai veille de la Pentecôte elle fe fit conduire
dans notre Eglife: on vint me prier de la confcflcr, & le
dis aux perfonnes qui l'avoient conduite de l'amener dans la
Sacriftie: elles l'y tiaînerent. Comme il ne lui ctoit pas
çoflible de le mettre à genoux ni même de fe tenir debout,
fans être foutenue par une ou deux perfonnes , je la ris af-
leoir, & je l'entendis dans cette liiuation : elle ctaignoit,
comme elle me l'a dit depuis, & qu'elle l'a répète a plu-
sieurs aurres perfonnes, que je ne fen deiournaflé, & ef-
fectivement je n'aurois pas manque de le faue , de tds
pèlerinages non feulement n'étant pas autorifcs mais même
étant expreflèment defténdus par Monfeigneur notre Arche-
vêque.
f'oubliois à vous dire ce qu'elle m'a appris Dimanche
dcriiier, c'eft que quelques jours avant la Pentecôte, il lui
avoit femble pendant la nuit, qu'ayant été au tombeau de
M.Rouflè , elle avoit ete parfaitement guérie, & que les
perfonnes qui l'accompagnoient la preflànt de remonter dans
la voimre, elle leur diloit qu'elle n'etoit plus paraliiique ,
& qu'elle mareheroit bien jufqu'aEpernay. Si vous connoil-
liez cette Demoifelle comme je la connois, vous ne doute-
riez nullement de la lincetite de les paroles. Quoiqu'il en
foit de ce fonge, il paroit que Dieu a bien voulu lui faire
contioitre ce qu'il avoit deflein d'opérer en fa faveur. EUe
partit le Dimanche jour de la Pentecôte de grand matin
dans une charette , accompagnée de trois perfonnes ; étant
arrivée à Avenay, elle fe ht conduire à l'Eglife de la pa-
roifle : elle entre dans la Chapelle ou eft enterre M. Rouf-
fe, mais le moment ou Dieu devoit faire fon miracle n'e-
toit pas encore venu : il vouloir éprouver la foi de cette
faialitique, & il falloit peut-être que lui-même l'augmen-
tât par là préfcnce. Pendant qu'elle etoit encore dans la
Chapelle , elle pria une Demoifelle qui l'avoir accompa-
gnée, d'aller chez le Vicaire , pour l'engager à les venir
communier toutes les deux: il le reful'a , elle revint fort
trifte à la Chapelle oti Mademoifelle Stapart étoit encore
en prière, & lui ayant dit , qu'il etoit inutile d'attendre
plus long-tems , qu'on ne vouloit pas les communier dans
cette Eglife, elles rclblurent d'aller dans celle des Religieu-
fes. On y traira la paralytique, qui trouvant l'occaiion fa-
vorable , crût devoir en profiter & reçût la communion a-
■»aut que d'avoir entendu la Sainte MelTe, de crainte que le
VicaiiS ne vint empêcher qu'un la lui donnât.
/tl Ç"""^ ''^^ Religieufcs e'toit ouvert* , & toutes avec
1 Abbclie fiirent témoins , qu'elle reçût le Corps de Notre
ieigr.eur debout, louteuue pat une perfonnc, tandis qu'une
autre tenoit devant elle la nappe de la commmiion. Apres
avoir entendu la Mcile, & fait fon aftion de grâces , elle
le ht reconduire 'a l'auberge ou elle etoit defcendue. Pen-
dant le dîner, la Demoilelle dont je vous ai déjà patle lui
arant dit , que quand elle n'obtiendroit pas de Dieu la gue-
iilon de fa maladie , il ne faudroit pas pour cela manquer
de toi & de confiance en l'interceillon de M. Roullc. Non;
lui répondit elle , quand bien même on me reconduiroit à
fc-pernay dans l'état oii je luis , je n'en croirois pas moins
termement que Dieu i^eut me guctir par fon raoven , je
luis même perfuadée qu'il me gueiira, fc j'ai un defir ar-
dent d'aller encore une fois fur le tombeau de l'on Servi-
teur. La porte de la Chapelle ctoit alors fermée , Sx. on
leur dit dans l'auberge qu'elles ne pourroient pas obtenir
qu'on la leur ouvrit. Elles envoverent cependant ptier le
maître d'école de leur accorder cène grâce ; il la leur rcfu-
la. Cela n'empêcha point qu'elles ne le lendiftènt à l'Efli-
le de la paioifie ou il n'y avoit que peu de perfonnes. "La
Demoifelle qui l'accompagnoit , fit ce qu'elle pût pour ou-
vrir la porte de la Chapelle, & elle en vint à bout avec le
ene lecours d'un petit garçon , qui lui apprit comment on pou-
ae- voit l'ouvrir. La paralytique & elle y entrèrent toutes
■ou- joyeules, & la première s'etant agenouillée du pied droit
fur un degré de l'Autel au bas duquel eft enterré M. Roub-
le , en fe tenant fortement à une perfomie de la main droi-
te: pria avec ferveur le Setviteur de Dieu d'avoir pitié d'el-
le : elle avoit a peine commence fa prière , que le maitte
d'école ayant appris qu'on avoit ouvert la Chapelle, accou-
rut comme mi furieux pom- en chalVer ceux qui v éroient
& commença à frapper l'enfant qui en avoit facilite l'ou-
verture: ce fût dans ce moment que le Miracle s'opéra. Ma-
demoilelle Stapart fût faiùe tout a'un coup d'un tremblement
univetlel dans tous ùs membres, & s'apperçùt qu'il lé paObit
au dedans d'elle quelque chofe d'extraordinaire,- en même-
teras elle feiitit dans les joinmres des doigts de famain para-
lytique une légère douleur, & cette main qui, depuis le 7.
Avril, étoit demeurée fermée, s'ouviit à l'inftant ; comme
on la foutenoit alors elle joignit cette main à la droite, &
commua fà_priete,- une pareille douleur fe fit fentir dans iâ
jambe gauciie , & ayant efiayé de plier le genou , elle en vint
à bout, & pria la larme à l'œil la perforne qui la foutenoit
de la quitter. Le miracle ne fe borna pas U. Dieu après
avoir rendu le mouvement à fon bras & à fa jambe paialiri-
ques, voulut encore lui rendre l'ufage de l'œil qu'elle avoit
perdu depuis (i long-tems : elle foufftit alors une violente
douleur de tête , & ayant porté la main fur fon front pour
le foulager, elle mit le doigt fur l'œil dont elle voyoit clair ,
& s'apperçùt qu'elle .avoit recouvre celui qu'elle avoit perdu'.
Le maître d'école etoit ptefent, & tout hors de luimeme il
ne layoit s'il devoit croire ce qu'il voyoit de lès veux: venez,
lui dit la Demoifelle dont j'ai parlé, venez incrédule, voir
le Miracle que Dieu à opère par Ion Serviteur; il fe retira
tout couvert de confufion. Cependant le bruit de cette gue-
rifon s'etant répandu , on accoutiu de tout le Bourg dans l'E-
glife,- c'etoit un Ipeclacle bien touchant de voir les uns verlêr
des larmes de joye , d'entendre les autres crier Miracle , &
tous rendre gtacés au ciel de la guerifon de Mademoiiêlle-
Srapart Elle refta dans l'Eglife jufqu'environ la fin de Vê-
pres, d'oîi elle fortit, paflant au travers de tout le peuple Sc-
iriatchant feule d'un pas ferme & allure. Lorfqu'elle fût ar-
rivée à lôn auberge, un des principaux du lieu vint lui-mê-
me l'interroger, iic dtelfa un efpéce de procès verbal de ce
qui s'etoit paflè. Elle remonta dans fa voiture, & dès qu'elle
fut airivce a la porte d'Epeinay , elle en delccndit à viot
chez elle trouver fon mari, qui la voyant en cet état, ne pût
profei'er aucune parole; les larmes qui couloient de lés yeux
en difoient aûez. Dès le foir même le bruit de là guerifon
s'etant répandu dans la Ville, on vint en foule la valter &
s'aflTurer de la vérué du Miracle opère en là faveur. Elle mê-
me me vint voir le lendemain, & vous pouvez juger quelle
fiu ma furprife, lorfque je la vis marcher feule, & taire avec
moi plufieurs tours de cloître. Elle me raconta naïvement
tout le détail de fa guetilon , & ce fût alors qu'elle me die
la raifon cour laijuelle elle u'avoit pas jugé à proj-os de me'
""" '"" ' " lors qu'elle etoit venue à confefle ; elle
découvrit fon delleii
etoitCQnveuue avec la DemoUèUe dont j.'ai dcja gatle , Sx. 0^1^.
J
4 Pièces jujiificathes du miracle
je corfcflai aulTi li veille de U Pentecôte, de ne m'cti rien
d.tc. J'eus la cutiolîce de foire lire MademoifeUeStapartde
l'oeil dont elle n'avoit point vu depuis fi long-tems, comme
je vous l'ay déjà mandé. J'ai été Dimanche dernier clicz
elle avec un Eccldîafliquc qui ctoit bien aile de la voir , &
je l'ai encore tait lire du incm; œil; il ne doute non plus
que moi de fa guctifon mitaculeulc , Se il faut afluréracnt
prendre plaifit à s'avcugict loi-mcmc pour ne pas reconroîtrc
ici le doigt de Dieu. Vous remarquerez, s'il vous plait,
qu'elle avoit tellement perdu l'ulâge de fon œil, queloilque
l'on mettoit le doigt dedans , la paupière ne branfoit point.
Le Soigneur ne l'a pas feulement guérie de fa paralilie, il
lui en a encore ôie la caufe : elle avoir toûjouts cù les jam-
bes extrêmement enflées : l'enflure t'cft dilfipee tout icoup ,
& ne fublifte plus. Voilà, ma tri:s-chcre Mcrc, Icdctailde
fà gucrifon : Je ne crois pas que vous doutiez de lavcritcdn
miiacle ; toute la Viile d'Epctnay qui l'a vue dans le trille
érat ou (a patalylie l'avoir réduite; Se qui la voit aujourd'hui
pa:fai:cment guérie, en attelle la vc:i:e: 8c moi-même que
vous connoiflez n'être pas trop crédule à l'cgatd de ces fortes
de prodiges, je ne puis rcfulcr de tendre témoignage à la
veiire. Je joins a cette Relation le certiScat du Médecin &
du Chirurgien qui l'ont traitée pendant fa maladie: ce font
gens d'une probité reconnue , Ix. fut la parole defquels feule
on pourroit s'en rappor:er.
Je fuis avec le plus profond refpecl , ma chete Merc. Votre
très humble fetviteut & fils figné. Frère HuART Cha-
noine Régulier.
yl coir ejl nrtt: je IbulTigné certifie, que la prcfcnte copie
eft U feule à laquelle en puifle ajouter foi. S'il s'en ctoit
glilVc quelqu'autre fous mon nom qui n'y foit pas conforme,
je la dcfavoue /!^':é. F. Huart C. R. Eiijmte tfi écrit : con-
trôle à Paris le z. juin 1754. reçu 11. lois, yî^n/ Dubois ,
En tâe de U fremicre p.ijçc cji ccrlt: certifie véritable, ligne
& paraphe au defir de l'acle de dépôt pour m mute, paflcpai
devant les Notaires au Cliàtelet de Paris fouflîgncs, ce 14.
Juillet 17^4. y?»»t Carre' ue Montgeron a:cc Loyson
U Ray.mond Notaires.
\r. fols.yî^n/ Dubois ; ^n li.-Jfcus ej} /ml: copie pont
Huart; aM dos tjl écrit: certifie vétitable , ligne & pa-
de-
raphe au délit de l'acte de dépôt pour minute , paUi: par de-
vant les Notaiics au Chàtelet de Paris foufligncz , ce I4.
Juillet i--^\. Ji^né Carre' de Montgeron avec Loyson
& Raymond Nctaiies.
vir,
Certijîcat du Verc Huart du 8. Septembre 1728.
FojUrieur à fon interdiition.
E foudîgnc , Prêtre Chanoine Régulier de l'Abbaye de S.
M.irtin d'Epcmay , certifie ce qui fuit. Mademoifelle
S:aparr aflligee de paralilie fut la moitié du corps du cô-
te gauche , s'cil fait conduire le IJ. de Mai veiili de la
Pentecôte dernière dans la Sacrillie de notre Eglife parMa-
demuifclle fa fille , oii je l'ai confelVce ailife, ne pouvant
aucunement fléchir les genoux. Le lundi fuivant f. du même
mois elle m' cil venu voit: j'ai cte fort furpris de la voir
maichcr feule, & lui en ayant demande la railôn; elle m'a
dit qu'elle s'etoit fait conduire le 16. Mai jour de laPentc-
cote à Avenay fur le Tombeau de M. Roufle , oii elle avoir
été parfaitement guérie de fa paialiiïe, & ou elle avoir re-
couvre l'œil gauche, qu'elle avoit petdu depuis 10. ans par
une prcmieie attaque de p.iralille. En foi de quoi j'ai ligue
ce 8. Septembre 1718. /^5l^■ Frerc Huatt Chanoine Régulier.
jlii liejjhns rfl écrit : contrôle à Paris le z. Juin I'?4- "^"
çà II. fols, fyné Dubois enfiiiie tji écrit: certifie verirable,
ligné & paraphe au defir de l'acte de dépôt pour minute,
palfe pat devant les Notaires au Chatelet de Paris foulTi-
palie pat
gne;
R o N avec L o Y s
gnez ce 24. juillet 1734. ^^uc' (^ a R R E' ueMontge-
o N & R A
vr.
Zdandementdes Gr.tnds-Vicjiresde "Keirmdu î. Juil-
let 1728. portant interdiBion du P. Huart.
NO u s fouflignes Vicaires Généraux de fon AltelTe Mon-
feigneur Atmand Jules Prince de Rohau , Archevêijue
Duc de Reims, premier P.-iir de France &c. A Frè-
re Huatt Prêtre Chanoine Régulier de la Maifond'Epernay,
& Vicaire de la patoiûc dud. Epeinay , falut. Savoir fàifons
que pour caufes i» nous connues , & dont nous iic Ibinraes
comptables qu'à Dieu feul , nous avons révoqué , & révo-
quons par ces prcfemcs , tous pouvoirs qui pourroienr vous
avoir eié accordes ci-devant pour faire les fondions de Vi-
caire dans la p.iioiflc dud. Epetnay : y prêcher , y confeller,
y adininiftrcr les Sacremens de l'Eglifc & geneialement y
feite toutes autics forerions Vicatiàles. En conlequence ,
nous vons avons défendu, & défendons de plus à l'avenir
vous immiiccr es fondions que nous vous interdifons dans
toute l'étendue de tout noue Diocefc: & afin que vous ne
p.ctendiez caufe d'ignoiance de notre ptcfent Manderiient ,
voulons qu'il vous l'oit lignifie & notifie , à la requête du
promoteur de l'Archevêché, pour que vous ayez a vous y
coufoiinet fous les peines de droit; ce qui Icia exécute de
votre patt , nonobftant oppofition ou appellation quelcon-
ques, & fans y prejudicicr. Donne à Reims le 10. Juillet
1-28. fyii:' Langlois Vicaitc Général, 8c le Bègue Vicaire
Genaal. Par .\lM. les Vicaires Généraux, /^«r Iftattc ie-
cretaite Subllitur , fcellc.
L'an 172S. le 12. Juillet, î la requête de M. le Promo-
teur de l'Archevêché de Reims ). Pierre Cornette, ^ipari.
leur en l'OiTcialité Cour fpirituclle 8c Métropolitaine de
Reims, fouirignc. Etant à F-i'ernay exprès ttanipoitc , aile
contcruau mandement ci-defliis copie, ICi, momie, certifie,
êc diimcnt fait a lavoir a ficie Huart Prêtre Chanoine Rc-
gulicf de la maifon d'Epeir.ay , Se Vicaire de la paioillc
ud. Epeinay, denieuiant en lad. maifon, en parlant à la
petirnne du fiCic lluan à ce qu'il n'en ignore 8c air a i'y
conformer fou* les peines de droii , 8c ai aud ficrc Huatt ,
en patlant comme dcfluslaillc la pulenie copie; ,itv. farj-
fbi, À cité ffi éirii: coouolc à Palis le 2. Juillet I7}4. tc-
A Y M o N D Notaires.
VIII.
Certifeat du S. Claude Stafart Bailli d'Atienay
& de la Dame fon Epoufe , lequel , maigre ft
répugnance à croire au miracle fait par un Ap-
pelant , n'a pli i'empicher de reconnaître que
ladite Dame Stapari avoit été guérie en un
moment , &= avec une perfeûion qui ne con-
vient qu'aux miracles.
NO u s foulTignés Claude Stapaii , Avocat à la Cour
8c l'ancien au Baillage d'Epctnay , Bailly des rcrres
8c Seigneuries d'.Xvenay 8c Alutigny , demeurant en
lad Ville d'Epernay, 8c Françoife V-ilfier mon epoufe; dé-
clarons que nous avons une parfaite connoiffance de trois
attaques de patalifie , que Dcmoil'elle Marie Jeanne Gau-
lard, cpoulé de M. François Stapart, Notaite en cette Vil-
le , a louftert , pour l'avoir vii dans ces airaqucs , 8c qu'elle
aete guérie des deux ptemieies pat lesrenicdesquc lesChi-
luigiens & Médecins ont empK>yes, à l'exception de l'œil
gauche, qui eft relie fans lumière par la force de la premiè-
re attaque ; à l'eg-nd de la troificme qui e(l furvenue au
commeuccmcnt du mois d'.Aviil dernier , lad. Dcmoilelle
Stapart cil reliée paralytique du bras 8c de la jambe gau-
ches ne pouvant en aucun manière s'en fctvir , lefquclles in-
commodités ont dure julc]u'au joui delà Pentecôte i£. Mai
dernier , de forte que dégoûtée des différentes tc.tativcs
qu'elle avoit fait pat les voycs natuteUcs pour f; ptocu-
tei là gucrilôn , elle s'ell abandonnée à la mifericordc
du Seigneur, 8c comme je dois la jullice à la vente indé-
pendamment des obligations de reconno illance envers Dieu
8c feu M. Roulli: fon ferviteur, ce Miracle s'ctant opère
dans le fein de ma famille, je la dois encore cette nuiue
Jullice en q.ialiie de principal juge d'Avenav: je dirai donc
que la fuiveille de la Pentecôte MademoiléUe Srapatt dc-
tetminee de faite le voyage d'.Avcn-iy, f apj'cc qu'elle ctoit
d'un auue piemier Miracle opère en' la pcilonne d'une fille
de .Mateuil fur \y, vint me confulrcr lut Ion dcifein ; fem-
filoyai deux laifons pour l'en détourner ; l'une que M.Jtoul-
c n'étant pas reconnu pour Saint par l'Eglile, il niic pa-
roillôit luperiliîieux de l'aller invoquer , l'autre que Mon-
feigncur l'.Vicheyêque de Reims .lyaiii iuteidit ces [v^
gcs , à peine d'excommunication, ipft /j<7», il ne I
vctioit point d'aller impudemment expolet la foi
ncinmoint lad. I):inoilcii; Stap.ut paiiii le matin jour de
U Pcutccôtc, ïc fc fit couduiit fui uuc voituic , avec quel-
ques
ques unes de fes amies ; & à fon retour à Epernay, fut
le foij ayant appris qu'elle avoit recouvré une paifaite
guérilon je ne pus me rendre au bruit que j'entendois
rfun pareil événement ; mon époufe plus curicufe fût la
première voir la belle fœur, & me rapporta que cet évé-
neirient n'e'toit pas feulement lingulier , mais qu'il etoit
vrai. Frappe d'etonncment, je fus chez Maderaoilelle Sta-
part oir je trouvai le voituiier & autres perfonncs qui l'a-
voient accompagné , & la DemoifcUe Stapart agiflànt, com-
me fi elle n'avoit jamais été incommodée. Etonne de ces
merveilles, (ans autrement me déclarer, je rentrai chez moi,
& après in'ètre inftruit de la Demoifelk Stapart des effets
-r'A ^P"^""" .^uflî furptenante , je n'ai pu dans la fuite
refifter a une vérité extraordinaire qui me frappoit, non
leulement par la guerifon de fon bras & de fa jambe gau-
ches mais bien plus par celle de fon œil du même coté.
Ces faits merveilleux m'engagèrent à réfléchir fut la con-
duite que M. Rouflé avoit tenue pendant que j'ai été juge
d'Avenay de fon vivant, & il m'cll revenu par mes réfle-
xions: que je l'ai toujours trouve d'une fimplicité de cœur
u recommandée dans l'Evangile , d'une chante qui ne lui
etoit pas, pour ainfi parler, perraife a caufe du peu de re-
venu de fon petit bénéfice : ces réflexions autorifees pat ma
propre connoiflance , m'ont fortifie dans la certitude d'un
événement aufll fingulier, d'amant plus que je vovois dans
la guerilôn, l'elpace d'un moment, & d'un autre 'côte une
perfeûion qui ne convient qu'aux Miracles. Je dois encore
due, qu'en cette même qualité de juge d'Avenay, j'ai fait
mventaire des effets de la fucceffion de M. Rouflé: je n'ai
trouve que ce que les Saints Prêtres devroient laiiferqiiand
il meurent, & Ion Teftament que j'ai lu ne contenoit que
des legs faits aux pauvres du Heu d'Avenay , & la juftice
qu'il rendort à fes neveux. En foi de quoi nous avons fi-
gné ces prefentes. Fait à Epernay ce i. Septembre 1728.
fl>if Stapart avec paraphe , Vaflier Stapart. ^;. ^cjjh„s eft
Çcr,(; contrôle à Paiisle z. Juin 1754. ■'eçû n. fols ^c?
JJubois; en marge cfl e'crh : certifie véritable , figné 2c pa-
raphe au defir de l'a:ie de dépôt pour minute, paflépar de-
vant les Notaires au Châtele; de Paris foulfignes, ce 14.
luillet 1754. Sijiiié, Carre' de Montgeron avec
LoYsoN & Raymond Notaires.
I X.
Certificat de Claude Cordelat Meffager qui condtii-
duiftt la Dame Stapart a Avenay , &> la rame-
mena à Epernay parfaitement guérie.
JE foufligné Claude Cordelat, Mellaget d'Epernay en la
Ville de Reims , demeurant à Epernav , déclare que j'ai
vil Mademoifelle Stapart aiïiigee de paralifie , ne pou-
vant le fervir de fon bras & de fa jambe gauche, avant per-
du l'œil gauche il y avoit plufieurs années , & ayant été
niande chez elle le 15. de Mai dernier veille de la Pente-
cote, elle me dit de lui préparer une voiture couverte, &
place pour quatre perfonnes, pour partir le jour de la Pen-
tecôte, pour aller à Avenay, lequel jour de la Pentecôte
des 4. heures du matin, j'ai aide à charger lad. Demoifel-
le Stapart fur ma voiture, & nous arrivâmes a Avenay: &
environ une heure après midi 'étant aile ou nous étions
delcendus pour favoir le tems que lad. Demoifelle fouhai-
toit de revenir , l'on me dit qu'elle etoit à la paroifle fur le
toiTibeau de M. Roufle ou étant arrive, je vis Maderaoi-
lelle Stapart guérie de fes infirmités, entourrée de beaucoup
de monde qui rendaient grâces à Dieu du miracle qu'rlve-
noit d'opérer par l'interceffion de M. Rouflé ; & après être
relie quelque tems dans l'Eglife , lad. Demoilélle Stipait
Iprtit facilement a pied ; accompagnée du peuple qui la
luivitjufqu'a la maifon où elle etoit defcendue. Nous parti-
mes peu de tems après & approchant d'Epernay , lad. Demoi-
lélle Stapart delcendit de la voiture , & entra dans la Ville
a pied fans aucun fecours : ce que je certifie véritable &
offre de l'affirmer toutes fois &: qtiantes j'en ferai requis
l'ait a Avenay ce i. Juin 1728. Claude Cordelat avec pa-
raphe. jiK dejfciis eft écrit, contrôlé à Paris le 2. Juin 1754.
î^î"- '^; '°'s, figné Dubois, cnfwte eft écrit certifie vérita-
ble ligne & paraphé au defir de l'afte de dépôt pour mi-
nute,_ pané par devant les Notaires au CluteUt de Paris
opéré fur Madame Stapart
N Franc,
la Ma
//. Demonft, Tom II,
foulTignés ce 14. Juillet 1754- ^h"' CiRRE' DE MONT-
geron avec Loyson Se Raymond Notaires.
X.
Certificat de la Dame Huguet de Courtattmé & de
la Demoifelle Huguet dans lequel elles atteflent
entr'autres chofes,que les jambes de la DameSta.
part avaient toujours été enfe'es depuis 1717. ©»
que depuis fa dernière attaque , fa main était
tellement fermée , que les ongles commençaient à
faire impreffian dans la peau. Elles ajoutent
qu'elles la virent entrer a pied à Epernay le
16. Mai 1728. marchant fort librement, ©»
voyant parfaitement clair de fon œil perdu de-
puis 10. ans.
O u s foulTignés Marie Renneflon , veuve de Ceur
Fr;>nçois Hiigiiet de Coiirtaumé , vivant Exempt en
._ ...aièchauflee d'Epernay , & Arme Huguet fille
majeure demeurant en lad. Ville,- certifions à tous qu'il ap-
partiendra , que nous connoiflbns depuis plufieurs armées De-
.moilelle Marie Jeanne Gaulard femme de iVlaitre François
Stapart Notaire Royal en cette Ville; que depuis 10. ans
elle eft tombée 3. fois en paralifie ; la première fois la
veiUedeNoèl de l'année 1717. lad. Demoifelle Stapart étant
chez nous environ les 6. à 7- heures du foir, elle lé plai-
gnit tout d'un coup qu'elle ne voyoit plus clair, & enfuite
en bégayant elle du qu'elle le uouvoit mal & tomba en apo-
plexie , cnforte que l'on fiit oblige de la ramener chez elle
dans un fauteuil, n'ayant aucun mouvement ni connoiflan-
ce. Nous l'accompagnâmes en cet état en fa maifon qui eft
proche, ou nous paflames une partie de la nuit, & le len-
demain ayant recouvre la parole, elle tomba en paralyfie
lur la moitié du corps du cote gauche, & après beaucoup
de remèdes , eUes fut rétablie de fa paralifie , a l'exception
de Ion œil gauche qui refta paralique , & duquel elle ne
voyoit point clair. La féconde fois eft arrivée au mois de
Mars i-'27. elle tomba en apoplexie , & enfuite en parali-
lie Uir le même côte gauche, dont elle fUt encore guérie à
l'exception de l'œil gauche qui refta toujours fans claite &
la dernière fois qu'elle eft tombée dans la même maladie'au
conmiencement du mois d'Avril dernier, elle refta paraliti-
que du bras & de la jambe gauches , fans fentiment & fans
mouvement dans ces parties, fes jambes avoient toujours été
enflées depuis 171 7. Mais depuis le mois de Mars 17-' 7
pour la changer de place ; il falloir pour ainfi dire , la traî-
ner, laiflant aller le bras & la jambe comme s'il enflent
ete morts; même la main affligée etoit tellement fermée
que les ongles commcnçoient a faiie impreffion dans la
peau. Se trouvant dans cet état , elle piit la reiblution de
fe faire mener a Avenay, fur le tombeau de M. Rouflé Cha-
noine de l'Abbaye d'Avenay, fur ce qu'elle avoit appris
qu'Anne Augier fille demeurant à Mareuil: qui avoit été
long-tems paralitique , avoit été guéiie fur fon tombeau
& patfaitement rétablie de fes infirmités, elle excita Marié
Huguet fille de moi Marie Renneflon à l'accompagner en
fon voyage; ce qu'elle accepta avec plaifir. Elles partirent
le jour de la Pentecôte 16. Mai dernier dés 4. heures du
matin dans une voiture couverte , conduite par Claude Cor-
delat Meflàger d'Epernay a Reims, avec Ca:herine Leflatt
fille ,_ demeurant dans le voifinage , & la fille de lad. De-
moifelle Stapart, & environ les j. heures après midi, nou3
vimes lad. Demoifelle Stapart qui entroit à pied dans la
Ville, & marchoit fort librement fans aucun fecours ; nous
la joignîmes , & elle nous dit qu'elle etoit fort bien gué-
rie , agiflant de fon bras & de fa jambe qui etoient para-
litiques, comme s'il n'euflent point été attaques, elle nous
dit encore qu'elle voyoit parfaitement clair de fon œil gau-
che ; que ce Miracle s'étoit opère fur le tombeau de M
Roufle. Qu'étant pofee fur fon tombeau après bien des dif-
ficultés, après une courte prière, elle avoit refleuri irn grand
tremblement dans toutes les parties affligées ; une douleur
a la tête, à l'œil gauche, aux joinmtes de la main & de
la ïambe paralitiques, qu'elle s'etoit appercue auflîtôi qu'el-
le avoit le mouvement libre dans toutes les parties affligées
& que l'œil paralitique avoit recouvre dans le même tems
B U
Pièces jujlificatives du miracle
U daité: ce que nous avons éprouve en U fiifant liie de
l'oeil gauche, lui fermant l'oeil droit, depuis lequel teras
nous l'avons toujours ficquemec, ainfi que nous faiùons au-
paravant , & avons remarque qu'elle s'cft toujours fortificc
depuis fa gucrilon, 5c que l'cnHure des jambes s'eft diflïpec
en même tems, les lui ayant nouvecs dans leur ctat natu-
rel. Laquelle piefenre Déclaration nous affirmons véritable
& offrons de l'arfitinei de même quand nous en ferons rc-
quilès. Fait à Éperojy ce I. Septembre i-li. & avons li-
gne. La 2.1. ligne de la première page qui cft rayée, eft
aprouvce pour rature, /^//r, Marie RenelTon & Anne Mu-
guet. ^« itfJffHi fft /cm: contrôle à Paris le 1. Juin 1-54-
reçu II fols ligne Dubois; enjmite 'ft «r/r: certifie vérita-
ble, Cgne & paraphe au delir de l'Acte de dépôt pour mi-
nuttc paflc par devant les Notaires au Châtelct de Paris foulTi-
gnes: ce 14. Juillet 1754. fipié Cakre" ue Montgeron
avec LoYSON & raymond Notaires.
XI.
Certifiât de Jean Gaftin &> fa femme cher, tjui
la Dame Siapart fût defcendre en armant a A-
venay le 16. Mai. 1728. & qui furent témoins
dtja guèrifon fubite,
NOUS fouflignes Jean Gaftin Bourgeois demeurant
à Avenay, ôc Marie Jeanne Brodier ma femme dé-
clarons , & certifions à tous qu'il appittienjia que
le jour de la Pentecôte deiniere 1". ."^lai ptclcnt mois, en-
viron les 7. heures du marin , il arriva devant la^ porte
de ma maifon une voiture couverte , conduite par Claude
Cordelat Medagcr demeurant àEpernay, dans laquelle voi-
ture étoit Mademoifclle Stapart femme de M. Siapart No-
taire à Epernay avec (a fille , Mademoil'elle Courraume &
une autre' fille; que l'aidai avec Icd. CorJclat a dekendte
de la voinire lad. Stapart qui ne pouvoit le fervir de Ion
bras ni de fa jambe gauches, étant attaq^uee à ce aue j'ap-
pris de paralilie , que peu de tems après être delcendue , l'on
la mena à l'Eglife des Dames d'.^venay, ou elle fit les dé-
votions, & apies eue revenue à la maifon &c environ une
heure aptes midi , elle dcfira qu'on la conduifit fur le
tombeau de M. Roufl'e, qui ell enterré dans une Chapelle
de la parroiffe : 8c comme on la tenoit exailement fermée;
j'allai chercher la clef chez le Clerc de cette Eglile qui
me la refufa; ce qui obligea Mademoifclle Stapart à dire
que puifqu'elle ne pouvoit être conduite fur ce tombeau ;
que du moins elle aiuoit la confo'.ation de faire fa prière à
la porte de la Chapelle. Elle fiic conduite a l'Eglife par
Mademoifelle Courtaume , & par une fille qui la foure-
noit, & peu de tems après le bruit s'ctant répandu dans le
Bourg , qu'il venoit de fe faire un miracle fur le tombeau
de M. RoufTe , nous coutumes à l'Eglife ou nous trouvâ-
mes Mademoifelle Stapart à genoux fur ce tombeau qui
lemcrcioit le Seigneur de la grâce extraordinaire qu'il ve-
noit de lui accotdcr par l'intcrcdlion de M. Ronfle. Je chan-
tai le Te Deum avec quelques pcrfonnes oui Croient accou-
lues, & Mademoifelle Stapatt rcfta dans la Ch.ipcilc pen-
dant les vêpres qui fe dirent aulTitôt ; aptes quoi elle Ibt-
tit de l'Eglife a pied fans aucune aide , accompagnée du
peuple qui la conduifit jufqu'à notre maifon, étonne de la
gueiifon fubite de lad. Dcmoifelle Siapart , qu'il avoir vue
auparavant fi infirme qu'on avoit de fa peine à la traîner.
A peine lad Dcmoifelle fut elle entrée en la maifon , qu'il
r (uivint le Sieur Sarrot Bourgeois d'Avenay , le licur Mer-
.in le leune fon gendre, & pluficurs autres pcrfonnes, lequel
fieur Sarrot, qui avoit appris que lad. Dcmoifelle Stapart,
outre fon bras, *c là jambe gauches paralitiqucs , dont il
voyoit qu'elle e:oit parfaitement guérie , avoit aulTi perdu l'ccil
gauche pluiîeurs années auparavant: pour éprouver fi la gue-
iifon s'etoit étendue jufqu'au recouvrement de l'ocil, prit un
livre, ou il y avoit au dcfl'us du titre deux lignes d'ccriiure
non impiimce^, 4c aptes lui avoit ferme l'oeil droit, Made-
moifelle Stapart lut hautement de fon ocij gauche les deux li-
gnes d'ccrituie en prcfcnce de l'allémblce, ce qui confirma
que la gucrifon etoit paifaiie; S< le miracle évident. Tout
ce que defliis nous certifions eue véritable . pour en avoir été
jet témoins oculaires ; fnluite de quoi ted. fieiir Sarrot en pre-
frnce des mêmc^ perf mnes , ayant demande i lad. Demoilellc
iiapaxt de qu'cdc manicie cci evénemem cioii unve, elle
l
dit qu'un petit garçon ayant montre la manière d'ouvrir U
Chapelle, elle y fut conduite & poféc fut le tombeau de M.
Roullc, S< après la prière, qu'elle fit aflez promptement de
crainte qu'on ne la chaflàt, li on la ttouvoit dans cène Cha-
pelle, elle femit un gtand tremblement dans toutes les par-
ties du corps, une douleur violente a l'œil gauche , une dou-
leur plus légère dans les jointures de la main & de la jambe
paralytiques, fentit fon genou qui avoit du mouvement; ce
qui l'obligea à dire à la fille qui la foutenoit : Uchez-moi,
je me foutiendrai bien; fe mit à genoux. Se ouvrit la main
gauche facilement, & s'appcrçùtaufli-tôtqu'ellevoyoit clair,
ce qu'elle dit a Mademoilélle Courtaume & a la fille qui la
foutenoit, à laquelle déclaration faite pat lad. DemoifcUe
Stapart , nous étions ptelens. En foi de quoi noirs avons figné
ce que defliis , & offrons de l'affirmer véritable , quand nous
en lirons requis, ainfi que nous faifons par cette prefenre,
ce jourd'hui 2?. Mai i:i8. & avons figneainfi: Gallin, Ma-
rie Jeanne Brodier. Au dejfcm tfi éirit contrôle à Paris le
2. Juin I7?4. reçu 12. fols. Skné Dubois; .i» dm rfl icrit :
certifie véritable, figne & paraphé au defir de l'afte de dépôt
fiour minute, palfc par devant les Notaires au Châtelet de
'aris fouflignes, ce t 4. Juillet i-;4. J.vjwr Carre' de MoNT-
GERON avec LoYSON & Raymond Notaires.
XI I.
Certificat du fieur Langlier & fa femme tjui virent
le 16. Mai 1728. la Dame Stapart parfaitement
guérie &= voyant fort bien de fon œil gauche , ce
qu'ils vérifièrent dans le moment de fon retour.
NOus fouffigncs François Langlier Huiflier Royal au
grenier a Ici d'Epernay, demeurant en lad. Ville, &
Maiie Vetvin ma femme, certifions à tous qu'il ap-
parriendra que nous avons une parfaite connoiflànce de la der-
nière anaque de paralylie dont Mademoifelle Stapart a été
attaquée au commencement du mois d'Avril dernier, de-
meurant dans une patiic de fa maifon; Se tous les jours nout.
avons eie voir lad. Demoilclle pendant là maladie , de laquel-
le elle etoit reftee paralytique du bras 8c de la [ambe gau-
ches , fans pouvoir s'en fervir , étant obligée de le faire con-
duire ou elle avoit befoin; leli]uelles incommodités ont du-
ré jufqu'au jour de la Pentecôte prêtent mois qu'elle s'eft
fait conduire à Avenay dès le matin, 8c à fon retour fur les
J. heures du loir du même jour nous l'avons vue enucr en
a maifon a pied fans aucun fecours , guérie de toutes les in--
firmites 8c le fervant de tous fcs membres qui ctoicnt para-
lytiques lors de fon départ , avec autant de facilite que s'il
ri'euflènt point ete malades, laquelle nous dit que ce mira-
cle s'etoit opeie à Avenay fur le rombeau de NI. RoufTe , fut
lequel elle avoit recouvre l'ufage non feulement de fa main 8c
de là jambe, mais encore de fm oeil gauche paralytique,
duquel elle voit a prélent patfaiiement clair , lui ayant pre-
fcmc dans le même tems de fon retour, de l'eciitute qu'el-
le a bien lue de l'œil gauche , lui aj-ant ferme l'œil droit.
Ce que nous certifions véritable ayant été les témoins de là
malatiie , 8c remarque fes membres paralitiqucs , 8c les té-
moins comme elle eft revenue le jour de la Pentecôte entie^
rcment guetie. En foi de quoi nous avons figne le 20. Mai
fl8. J/r«f Langlier , Marie Vervin : ,>■ dtffoKt rft <•'.'//.•
contrôle a Paris le 1. Juin i'';4. reçu 12. Ibis. Sifné Du-
bois; cnfnhe rji r'irti : certifie véritable yTf ne' à" f^Jfhi au
defir de l'Acte de dépôt pour minute palTc par devant les
Noraires au Châtelet de Paris foulfignes ce 14. Juillet I734'
Slpir Carre' de Montgeron avec L o y s 0 s 8c
Raymond Notaires.
XIII.
Certificat de Mr. Legen.ire Receveur des configna-
lions , &> du Sr. Vol qui virent la Dame Stapart
parfaitement guérie aujfi-tôt après fon retour.
NOus fouflignes Pierre Legendre, Confeillet du Roi,
Receveur des eonfienaiions du BailUge d'Epernay , de-
meurant en ladite Ville, 8c Louis Vol, Ikmigeois. de-
meurant aud. Epernai cerrifions que nous avons connoulànce
de la dernière attaque de parai ifie dont .Vlademoifclle Stapart
a cic attaquée au cwouncucciBcni du mois d'AvtU dernier ,
K
de laquelle attaque elle étoit refte'e paralitique du bras Se de
la jambe gauche, fans pouvoir s'en letvir , ce quiadurejuf-
qu'au i6. Mai jour de la Pentecôte, que nous avons appris
qu'elle avoir été a Avenay , Se que fur le tombeau de M.
Koufle elle avoir recouvre l'ulage de fes membres paralitiques ;
ce que nous avons reconnu véritable , l'avant vue après Ion
retour marchant fort librement comme (i elle n'eût pas été
paralitique , Se le feivir de la main gauche auffi aifement que
de la droite , ne lui patoiflant plus aucun lefte de paialilie.
Déclare en outre moi Vol que led. jour de la Pentecôte j'etois
avec le fieur Stapart (bn mari en fa mailon environ les j. heu-
res du foir, lotfque lad. DemoifcUeentra a pied librement Se
délivrée entièrement de fa paralilie,Sc fefervant de fes mem-
bres qui avoient été pataliiiques, avec autant de facihteque
s'il n'euflcnt point ete affliges. Lcfquelles declaiations nous
affirmons vérirables. En foi de quoi nous avons (igné le lo.
Septembre 1728. Signé Legendie Se Vol. Andeffaiatji éirit :
contrôlé à Paris le 2. Juin 1734. reçu 12. fols, ^^«r'Dubois,
enfxits cji ctrit : certifie véritable, Jîpié ér p,ir^phé au dcllr
de l'afte de dépôt pour minute, paflé par devant les Notaires
au Chârelet de Paris fouflignes, ce 14. Juillet n;^. Si^tié
Carre' DE Montgeron avec LoYSON SeRAY-
M o N D Notaires.
XIV.
Certificat de Madame la Baronne de Somme-mejle &>
de' la Dame de Vi/lers qui attefient entr'atitres
chofes , ijiie la Dame Stapart avait perdu l'œil
gauche par la première attaque : qu'elle s'ejl tou-
jours plai>ite depuis , d'une douleur de tête , 0=
d'Une enflure aux jambes qu'elle leur faifoit voir ^
©= que depuis fa dernière attaque, fa main étoit
tellement fermée que les ongles commençaient à
entrer dans la peau tous lefquels maux lui ont
duré jufqu'au 16. Mai 1738. qu'elles l'ont lûe
parfaitement guérie,
NOus fouffignés Jeanne de la Feuille, époufe de Meflire
Louis de liait Chevalier , Baron de Sorame-vefle &
Chevalier de l'Ordre Militaire de Saint Louis, demeu-
rant à Eperiiay , Se Elilabeth Roger , veuve de Maître Clau-
de de Villers, vivant Gteffier en chefdesBaillageSePievôte
d'Epcrnay demeurant en lad. Ville, certifions que depuis plu-
iîeurs années nous fréquentons journellement Demoilelle Ma-
rie-Jeanne Gaulard, femme de Maître François Siapart, dans
toutes les maladies qui lui font arrivées depuis plus de 12.
ans Se notamment les attaques de paralifie, lapiemieredef-
quelles lui eft arrivée la veille de Noël de l'année i - 1 7. de
laquelle attaque elle avoir peidu l'œil gauche , n'eu voyant
nullement clair; Se à l'égard de la deinieie attaque qui lui
eft arrivée au commencement du mois d'Avril dernier, elle
refta paralitique du bras & de la jambe gauches , fans pou-
voir s'en fervir ;lefquelles parties diminuoientinfenfiblement
de grolfeur. Nous remarquons encore que depuis fa paraly-
fie de 1717. elle s'eft toujours plainr d'une douleur de tête
& d'une enflure fur les jambes, qu'elle nous faifoitvoir; ce
qui faifoit qu'elle marchoit pefamment avant fa dernière ar-
taque , où elle relia paralitique fans pouvoir agir. Même fa
main gauche paralytique etoit tellement fermée que les
ongles commençoient à entrer dans la peau , ce que nous
avons remarqué lorfque nous l'ouvrions avec effort. Tous lef-
quels accidens durèrent jufqu'au jour de la Pentecôte dernière ,
que nous avons appris qu'elle etoit partie des le matin avec
trois perfonnes pour Avenay , Se fui le foir du même jour le
bruit s'etant répandu dans la Ville que Maderaoilelle Stapart
étoit revenue o'Avenay parfaitement guérie, nousallàmes la
voir. Se l'avons trouvée effeftivement dans un état agiflant
librement , Se le iervant de fes membres qui avoient ete pa-
ralytiques, comme s'ilsn'euflènt jamais été incommodés. Elle
nous dit que cemiracles'étoirfaitfur le tombeau de M. Rouf-
fe , environ une heure après midi , après im grand rremble-
ment Se quelque douleur qu'elle avoir reflentie à la tète , à
l'oeil , dans les jointures de la main Se de la jambe paraly-
tiques. Se depuis ce rems nous avons remarque que falânté
s'eft toujours fortifiée de plus en plus. Ce que nous certi-
fions vétiiable ce-joiud'hui 4. Septembre 1728. i'/gn/Jeanne
de la Feuille , Baronne de Somme-vefle , Roger veuve de
opéré fur Madame Siapart.
Villers. ^H dcffuits tfi hr'tt contrôlé à Parisie T.Juin 1754.
reçu 12. fols /(>«(■■ Dubois; enfn'm cJl écrit : certifie véritable .
Jîgné ^ farafhé au defir de l'acle de dépôt pour minute,
pafle par devanr les Notaires au Châtelet de Paris , fouflignes
ce 14. Juillet 1754. J/jî;?' Carre' de Montgeron avec
LoYsoN <5c Raymond Notaires.
Es originaux defd. pièces dépofes comme dit eft , le tout
demeure aud. maîtie Raymond Notaire: led. dépôt faitpat
Melfue Louis Batîle Carre' de Montgeron, ConfeiUer
au Parlement, ce 14. Juillet 17^4. à la minute duquel lefd.
pièces font demeurées annexées. Le tout demeure aud. maître
Raymond Notaire.
XV.
Differtation faite par M. Souchai, Chirurgien de
Mr. le Prince de Conti , dans laquelle il prouve
par des démonjirations d'Anatomie , que la gué-
rifon de la Dame Stapart eji un miracle qui n'a
pu être opéré que par le Maître de la nature.
M
o N s I E U R ,
11 ne me fera pas forr difficile de vous fatisfaite par rapport
à la qucllion que vous me propofez , il ne faudia pour cet
effet que vous rappeller quelques uns des principes que vous
avez déjà vu dansja diflertation que je vous ai envoyée par
rapport a la gucufon fubite de la paralifie d'Anne Augier,
& vous mettre fous les yeux quelque peiitdétailanatomiquï
des parties dont l'oeil eft compofe , Se ce quicaufelaparalyfie
dans cet oigane. L'application de ces principes, Se les con-
lequences qui refulteront de la petite diflertation que je vais
vous faire par rapport à la paralyfie de l'œil, fe feront fentir
pour ainfi dire d'elles mêmes Se prouveront invinciblement
a qui ne voudra pas s'aveugler de deflein forme , que la dou-
ble guerifon fubite de la Dame Stapart de fon bras Se de là
jambe gauches, qui etoient tombes en patalyliecomplette de-
puis plus d'un mois. Se fur tout de fon œil gauche qui étoit
en paralyfie complette depuis plus de 10. ans, u'eft pas moins
furnaturelle que celle d'Anne Augier.
Vous me marquez que la Dame Stapart fut attaquée d'a-
poplexie le 24. Décembre 171 7. qui fût fuivie de paralyfie
fur la moitié du corps du côté gauche , fc'eft-a-dire depuis le
vertex jufqu'a l'extrémité du pied du même côte) Se que fon
oeil gauche devint auHi paralytique Se prive de totuc lumière.
Se qu'il eft refte dans cet état depuis ce jour 24. Décembre
1717. jufqu'au 16. Mai 1728. qu'elle fût guérie en un mo-
ment de la paralyfie qu'elle avoir à l'œil, au bras Se à la jam-
be gauche.
Vous me marquez auffi comme une circonftance remar- -
quable que pendanr rout le tems que l'œil de la Dame Stapart
demeura paralytique il avoit perdu toute fenfibilite , Se que
fa paupière ne branloit pas , lorfqu'on lui touchoit le dedans ■
de l'œil avec le doigt.
Cette circonftance fur laquelle vous appuiez beaucoup, n'eft
que i'efter tout naturel de la paralyfie compleue dont cet œ-il
etoit atteint, Se fe trouve comprilé Se fuppolce par l'exprel- -
fion dont M. de Reims Se M. Vitard Chirurgien de ladite
Dame Stapart fe font feivi dans le certificat que vous m'avez
fait voit, par lequel ils ont déclaré que cet œil etoit refté
paralytique l'ans efpérance de guerifon depuis le 24. Décembre
1717. jufqu'au 16. Mai 1728.
A l'égard du bias & de la jambe gauches delaDameSta- -
part , vous me marquez qu'elle en recouvra d'abord peu 3
peu l'ufage en l'année 17 18. quoiqu'imparfaitement , par le
moyen des remèdes qui lui furent adminiftrés , Se que fes
jambes demeuierem enflées jufques au 16. iMai 1728. jour de -
la guerifon fubite.
Qu'environ 10. ans après certe première attaque , le 2e,'
Mars 1 727. elle en eût une féconde qui fut encore fuivie de
paralyfie fur le même côté gauche , qu'on fe fervit encore
des mêmes remèdes qui lui rendirent encore l'ufage de fon
bras Se de fa jambe gauches.
Et qu'enfin le 7. Avril 1728. elle eût une troifiéme attaque
d'apoplexie après laquelle tout fon coté gauche étant encore
tombe en paralyfie , les remèdes qu'on lui fit n'eurent plus
aucim fuccès. Se ne lui apportèrent plus aucun foulageinent ,
fon bras Se fa jambe gauches étant reftés fans aucun mouvc-
meut & CuM aucun femimem comme s'ils étoicnt morts,
B z A-
I
8
A Tce.rd de l'acll gauche, vous m'ivcz obfcrve p.us luui
que depuis la première atuque d'apoplexie arnvee en 1,17.
?1 c<oi?tou,our» :eftc paralytique & pi.vc de coûte lum.ee
Que tel etoit Tecat de la Dame Stapart , lorfquc le i6. Mai
jour de la Pentecôte elle fc fit traîner fut le tombeau
Qu
de M
Rouûc
& qu'en un moment elle y recouvra l'uÇige
entier & partait de Von œil Se de tout Ton côte gauche Uns
qu' 1 V telUt même aucune foiblefTe, & que lut le champ
?es iiinbcs le ttouvcrcnt defenflees, & vous me dema.ulcz
fil y a quelque tefTouicc dans U natute qui ait pa opérer
un pareil changement. ■ . \/i a. 1.
len-uis bien peifuadé que vous ne doutci point, M. de la
leponfe qu'on doit vous faite, & je ne crois pas que perloii-
ne en ruiflc doutct de bonne foi ; mais )C comprends q'.e vous
voulez que je vous développe les raifons de mon avis; encore
un comî cela me fera fort aile , les ptinopes fut efquelsjc me
fonde étant également furs & cvidei.s,tantpat lathcorieque
parlaptarique le raifonnemcm & l'expeiiencesaccotdan. ici
ï merveille. Maispout le faire avec plus de netteie : le vous
rendrai compte d'abord de mes oblcrvatiom pat rapport 1 la
guerifon du bras & de la jambe paralytique., «-);"'«:
frai enfuite à vous rendre compte de cdles que c f^"', P"
rapport à la guerifon de l'ouil i l'égard de laquelle .1 faudra
que j'entre dins un petit détail an^^ornique de cet organe.
^L patalyf.e eft pour l'ordinaire la lu.te de ppoplexie : on
diRiniue deux fortes d'.ipoplexic , l'une vraie ^d'au-^efaufle.
La vrave eft celle de laquelle les malades p^r.lTent tou-
i15«s. pafce que non feule.nent elle attaque tous les nerfs
dès leur principe, qui eft le cerveau, le cervelet &c. mais
elle eft encore accompaance de luftocation. ■„„,„„,
Les malades attaques Se la faufte apop exie ordinairement
n'en meurent Point', mais aulT, cette maladie eft tou,ourslu.-
vie de paralylie ou fut la moitié du corps, ou fut quelques
unes de les parties. ,
C'eft un principe certain que toutes les parties du corps
de l'animal, ne font fufceptibles de mouvcinent & de fcnti-
mcnt, que par la prcfcncc de l'elpiit animal qui a ete filtre
par les glandes ou filières du cerveau , Se quicoule le long des
Pièces jujlificatives du miracle
- • de pavalvlîc , de mouvement : pour lors cette paralyfie eft
abfolume'nt incurable , parce que les membres étant entière-
ment prives de l'elprit animal il ne refte plus aucune re(-
fourcc a la nature , & par confcqucnt il n'en peut reftei \
l'art, qui ne peut tien faire qu'avec l'aide de la naure.
Mais il arrive allez, ordinaiiemcnt qu'après une première
attaque d'apophxic, la paralyfie qui fuit n'eft qu'incomplet-
te quoiqu'elle attaque les nerfs des leur ptincipe ; parce que
filets ou fibres qui compofcnt les nerfs, & qui laillerit
nerfs, lelqucls le depofcnt dans toutes les parties du corps.
L'anatomie nous apprend que tous les nerfs qui le diftri-
buent dans toutes les parties du corps , partent de la bazc du
cerveau ou moucUe allongée & de la mouelle cpin.ere.
Il V a dix paires de nerf, qui partent du cerveau, dix neifs
de chaque cote qui fe difttibuent ,tant pour les mouvemens ,
comme ceux qui fc vont rendre aux rauleles de routes les par-
ties,que pour les fenfations, comme ceux qui lervent alor-
ganè de la vue, de l'oiiye , de l'odorat, du goût, &dutou-
n v a trente paires de neifs qui fortent de la moiielle de
l'cpinc entre les vertèbres; trente de chaque cote qui fe di-
fttibuent pareillement dans les parties pour le mouvementé
le fentiment
les . .
enti'elles des cfpaces qu'on appelle porcs ne lont pas entiè-
rement obftrucs ni ablolument bouches , de façon qu'il n'y
pafle encore quelque peu de l'cfprit animal, ce qui fe re-
connoit en ce que le mouvement 8c le fentiment , lont feu-
lement diminues dans les mcmbtes,mais ne font pas entiè-
rement perdus ; pour lors comme il coule encore des efprits
animaux dans les membres attaques, toute rcdoutce n'eft pas
perdue , & les remèdes venant au fecours de la nature , peu-
vent l'aider à debaraftct les obftructions qui fe rencontrent
feulement dans une partie des filets, ou des fibres qui com-
polènt les neif>. Au furplus comme les fil:ts des nerft qui
font obftrucs, s'afVaiftent & fe racorniflcnt lotfqu'ils font pen-
dant quelque tems prives d» la prcfence de l'efpnr animal ,
il n'arrive prcfqiie jamais que des membres qui ont ete pa-
ralytiques a la Unte d'une apoplexie, reprennent toute leur
vigueur ;ainfi loifquc les nerfs ont déjà cte aftbiblis pat une
première attaque d'apoplexie; s'il en furvient une féconde,
fouveut la paralylie qui la fuit, (qui lors de la première
attaque d'apoplexie n'avoit été qu'incomplette , ) devient
cjmplcttc après la deuxième attaque; 8c fi cela n'arrive pas
à U féconde, cela arrive prefque toujours à la tioilie-mc , pat-
ce qu'encore un coup , chaque paralyfie qui eft la fuite d'u-
ne ap.ip'.exie, laifte toujours quoique guérie en apparence,
quelques fibres ou filets obftrucs, affailles 8c même quel-
ques-fois racornis; Se qu'ainfi la nature ayant moins de for-
ce, Se les nerfs fe trpuvant déjà en partie obftrucs à une fé-
conde ou à une troifieme attaque il eft tout naturel que pour-
lots l'obftruction devienne totale & la paialylie complette.
Tel etoit l'état de la Dame Stapatt lors de la ?e. attaque
d'apoplexie. Des le 14.. Decerabie 171^. elle en avon eu
une première qui fut fuivie d'une paralylie mcomplette lur
le bras &: la jambe gauches, dont elle recouvra peu à peu l'u-
fage quoique imparfaitement, par le moyen des remèdes qui
lui firent adminiftrcs pendant l'efpacc de 6. à 7. mois.
Dix ans aptes le if. Mars nz''. elle en eût une fé-
conde qui fut encote fuivie d'une paralyfie mcomplette lux
les mêmes parties , 8c avec les mêmes remèdes elle en re-
couvra encore l'ufage , mais avec encore moins d'agiliie 8c
de force que la première fois; 8c cela ne fc pouvoi: prel-
que pas autrement
Enfin le i''. Avril
Dans la patalyfie vraye toutes les paires de nerfs lont atta-
quées dans leur principe, c'eft ce qui fait qu'aun.tot ou elle
eft entièrement formée 8c que tous les nerfs lont obftrue-s,
le malade tombe en une paralyfie complette & iiniverlelle,
laquelle privant fon corps de '""V'''-"' ^'f'"ù' L„,r,,„lrir' ràrvfie°"'la'Vrëmie'redëfq'uelles avoir ete fi longue i gue'tir
cefrer par-la toutes les f'onehons, le tait infa.Uiblement périr. 'X;^,\;'^„P;^;;^"n^^^^ ^ qui marque que la plus grande
Mais il n'en n'eft pa, de même da"s l;apople_xie_fauire. ^^'"'fdl^^Xes qmœmpof^nt les nlift ïvoient'e.e o?ftrue_s
„ t728. elle eût encore une 5e. attaque,
apiériaqiicilc fon bias Se fa jambe g.iuches étant encote re-
tombes en paralylie, les remèdes qu'on lui fit n'aitcnt plus
aucun fucccs . Se ne lui apottetent plus aucun foulagement ;
Se fon bras 8c fa jambe gauches tefterent lans aucun mouve-
ment. U eft de la dernière évidence que la patalyfiequi lui-
vit la se. att.iquc d'apoplexie , fut complette: il eût ete allez
étonnant qu'elle ne l'eût pas ete aptes deux rechutes en pa-
parce que comme die n'attaque qu'ime portion des nerfs 8c
alTez fouvent tout un côte, il n'y a que cette portion on ce
côté des nerf; qui fe rrouvcm prives de l'clprit animal, tan-
dU que le même efprit coule fans ohftadc le long des nerfs
non obftrues, ce qui fuffit pour la coulervation de la vie.
Les paralvfics qui font une fuite de l'apoplexie ont en gé-
néral les plus difficiles à guérir , parce que l'apop exie aira-
que le principe des nerfs, 8c qu'ainli les nerft oblUues dans
la paralylie qui fuit l'apoplexie, le font ordinairement des
leur principe; au lieu que les paralflies qui ont une autie
caufe ne font fouvent qu'une obftruaion dans les branches,
ou tout au plus tUns le ttonc principal de quelques ncih , Se
n'attaquant que quelque paitie 3c non pas tout un cote des
nerfs, comme fait fouvent la paralvlie qui luit l'apoplexie.
Au furplus pour favoir en qud cas cette efpece de paraly-
fie peut-être guérie. Se en quel cas die eft incurable , il ftut
diftineuer fi elle eft complette ou mcomplette.
$1 elle eft complette, c'cft-i dite, fi la portion des ncifs
des cette pteinieic fois, 8c la féconde patalyfie n'ayant pu
l'être que bien imparfaitement. ,
Mais ce qui décide ablolument , c'eft en premier lieu , que
les mêmes remèdes qui avoient guéri les deux premières pa-
ralylies, ne fiient plus aucun effet lut la se. Se ne ptocute-
rent aucun fouLigement à la Dame Stapartiuivant que le Mé-
decin Se le Chiiurgien qui les ont admiuiftrcs, le marquent
precifcment dans leurs certificats.
Et en fécond lieu , que ces membres demeurèrent privéf
tout enfemble de tout mouvement 8c tout fentiment fuivant
qu'il rcfulte de plufieuis certificats que vous m'avci fan voit ,
ce qui cara;Urilc precifcment la paralylie complette Ot ce
n'eft pas une choie douteufe que les patalylicscomplettesne
foicnt incur.iblcs, ainli que )e ciois l'avoir démontre dans
une autre dillertation que je vous ai envoyée il y a quelque
tems par rapport à la guetilon d'Anne Augier.
Mais quand on fuppoferoit que la paralylie qui tut la lui-
de la Se attaque d'apoplexie, dans laquelle lad. Dame
attaques de paralyfie eft entièrement obftruee , ce qui le te- te ''"^ ',^„,,;;; '^^f ^;:\7:,sVc oitpascnucieinemcom-
CoMtMt lorfqu'il 7 a Ptrtc tot»lc dans le» membres affliges Stapatt tomba le ;■ Avtil i^.S.n ctoitpascnuc et» ^^^^^^^
opère fur Madame Stapart^
I
plette, le miracle de & guctifbn fubke n'en feioit gucrcs
moins édattant.
On ne peut au moins contefter que lors de faguétilbnfu-
bire, Ta paralyfie ne fût très conilSeiable.
Il avoir fallu 6. ou 7. mois de remèdes après (à premiè-
re paralyfie pour lui rendre l'ufage de Ion bras & de fa jam-
be, quoique très-imparfaitement; la paralyfie en queftion
étant la fuite d'une je. attaque S: étant une 5c. chute, com-
bien eût-il fallu de tcms & de remèdes pour lui rendre l'u-
iâge de fes membres! Cependant fuivant que vous nie le
marquez, elle ell guérie en un moment le 16. Mai 1718.
& elle l'eft aufll parfaitement que li elle n'avoit jamais eu
de paralyfie, en (orte qu'il ne lui refte aucune foiblefle ni
dans le bras ni dans la jambe, & même fes jambes fe trou-
vent defcnflées.
f La nature n'opère point de pareils prodiges. Des nerfs
obftruès dès leur principe & dans toute lem' route & toutes
leurs branches, & donr une partie des filets font aft'aiflcs &
lacotnis, ne fe rétabliflent point tout d'un coup dans un état
parfait: des jambes que l'abfence des elprits animaux alail-
le inonder par des humeurs aqueufes ne fe defenflent poiijt
tout d'un coup : ce ne peut être que par un progrès infenfi-
ble que les nerfs obftruès fe debouchenr , & reprennent leur
vertu d'èlafticité ; des humeurs aqueules infiltrées qu'elles font
dans les parties, ne s'échappent que peu à peu, foit qu'une
partie (bit repompée par les vaiflcaux qui fervent à la circu-
lation , 8c que l'autre s'échappe inleofiblement à travers les
pores & la peau.
Il n'y a que l'auteur de la natiu:e,qui (ans s'affujettiràlès
loix,puiflè rétablir rout d'un coup des nerfs affaiffcs, & dont
les fibres font racornies , & difliper des humeurs en un mo-
ment fans qu'on s'appcrçoive ce qu'elles font devenues.
Mais paflbns prcfentement àla guerifon fubite de l'œil pa-
ralytique qui eu encore plus furprenante.
l'our vous faire bien comprendre , Monfieur , combien cet-
te guerifon eft au deflus des forces de la narure, il ell ne-
ceflaire que je vous dife un mot de la ftiutlute du globe de
l'oeil.
L'oeil eft compofé de membranes, de mulcles, de vaif-
féaux Se d'humeurs &c.
Les membranes en forment le globe : les mulcles fervent
à fes mouvemens: les vaiffeaux font de 4. efpeces : les nerfs ,
les veines, les artères & les vaiffeaux lymphatiques.
Il y a 3. fortes d'humeurs contenues dans l'intèrieui du glo-
be , la vitrée , la criftaline & l'aqucufe.
La vitrée eft ainfi appellée , parce qu'elle reffemble à du
verre fondu: elle remplit la partie pofterieure de l'intérieur
du globe : c'eft elle qui donne la figure fphérique à l'œil.
La criftaline eft ainfi appellée, parce qu'elle efttranfparen-
te, & qu'elle eft ferme à prefque dure comme du criftal:
elle eft placée vis-à-vis la prunelle au devant de l'humeur vi-
trée.
L'aqueufe remplit le furplus du vuide de l'intérieur du
globe.
Mais ce qu'il faut que je vous explique plus particulière-
ment par rapport à votre objet , c'ell qu'elle eft la fonition
des netfs dans cet organe.
En général ils fervent comme aux aurres parties du corps
à y apporter l'efprit animal pour les lènfations £c pour les
mouvemens.
Mais ce qu'il faut obferver principalement, c'eft que le nerf
optique eft l'org-ane immédiat de la vue.
Ce nerf part de la baze du cerveau, & après avoir pafle
par un trou qui fe trouve dans le fond de l'orbite , il perce
poftérieuremcnr le globe de l'œil & forme en s'épanouillant
dans l'intérieur du globe, une membrane appellée la rétine,,
compofée d'une infinité de petits filets d'une fineffe & d'une
délicateffe merveilleufe : c'eft fur cette tétine que les rayons
lumineux qui partent des objets, font imprelhon, & repré-
fentent à l'ame la figure & la couleur des objets, ces rayous
«'étant réfléchis dans U criftalin Se la viuee.
11 n'eft pas douteus que le nctf optiqus, n'ait étéobftiué
dans toute fou étendue dans l'œil gauche de la Dame Sta*
part; des fa première attaque d'apoplexie arrivée le 20. Dé-
cembre 1717. Lacaulè de la privation de toute lumière dans
cet œil n'eft pas incertaine , elle eft la fuite d'une apoplexie
qui avoir attaqué tous les nerfs du côté gauche dans leur prin-
cipe , & qui avoir laiflé toutfon côté gauche en paralyfie;
auflitôt la faculté de voir cefla entièrement dans cet œil', qui
pendant plus de 10. ans n'a recouvré aucune lumière , ce qui
prouve que toutes les parties du nerf optique avoienr été ob-
ftruees; mais il y a plus. Non feulement toutes les paities
du nerf optique avoient été obftruees , mais aulfi tous les au-
tres nerfs qui fervoienr .ulx mouvemens, ont été pareillement
obfttues, & c'eft ce qui a rendu cet œil paraly:ique, c'cft-
à-dire, fans mouvement & fans aucune fenfibilite; cela eft
fi vrai que fuivant vos certificats, lotfqu'on lui mcttoit le
doigt entre les paupières, & qu'on lui touchoit le globe de
l'œil, on ne lui faifoit aucune douleur, & la paupière ne
branloir pas, dilènr les mêmes certificats ce qui prouveaufll
la paralyfie des paupières.
Voilà donc tous les nerfs généralement quelconques qui
portoienr l'efprit animal dans cet œil obftruès: voilà donc
cet œil prive de rout elprit animal: voilà donc une parali-
fie complerte & par confequcnt incurable , & la Dame
Stapart refte en cet é_tat pendant plus de lo. ans. Que font
devenus pendantun fi long-tems, ces fibres ou filets fi dé-
licats, fi fins, fi déliés qui compofent la rétine & qui re-
çoivent, pour ainfi dire, toute leur aftion del'elprit animal
que leur porte le nerf optique dont ils ne font que l'cpa-
nouiflement par petits filets î N'eft-ils pas évident que tous
ces filets ayant ete prives de l'efprit animal pendant un fi
long-tems, fe font aftaiUès & peut-être racornis? Commeit
cette membrane rétine a-t-elle pu être rétablie après plus
de 10. ans? Comment le nerf optique lui-même, affaifie
pendant un fi long-tems, & dont tous les potes ont été fî
long-tems bouchés , eft-il capable de recevoir les elprits
animaux & de les porter dans toutes les fibres de la.
rétine }
Voilà, Monfieur, ce qui me paroit de plus incompréhen-
fible dans cette guerifon. Qnand les autres nerfs de l'œil
n'auroient pas été obftruès : le rétablifièment du nerf opti-
que de la rétine & par conféquent de la vifion de cet œil
après 10. ans de paralifie du même nerf, fcroit toujours un
prodige inconcevable , & qui n'auroit certainement pu être
opère que par l'auteur de la nature; d'autant plus que fui-
vant que vous le marquez , la Dame Staparr à fur le champ-
lu de cerœil des écrituies privées avec autant de facilité qus
fi cet œil avoir toujours confervé toute fa lumière, il
Je ne puis, Monfieur, qu'admirer une guerifon fi fubite
& fi parfaite : Heureux fi la connoiflànce de ces prodiges
fait for moi toute l'impreGîon qu'elle devioit faite. J'ai
l'honneur d'être très refpeftueulèment.
MONSIEUR.
Vôtre très humble & très-obéiflint Serviteur , Jtpis SoiJ--
CHAi Chirurgien Juré.
>4 dté tji écrit: A M. de Montgeron Confèiller au Par-
lement : ait lierons ej! écrit: contrôlé à Patis le 7. |uillet
1734. reçu 12. fols Si^'ié Lacroix : en marge ejl écrit: cer-
tifie vérirable, Cgiié &c paraphé au dcfir de l'atie de dépôt
pour minute, palfe par devanr les Notaires au Châtelet de
Paris Souifignes, ce 14. Juillet 1734. J:g>ié Carre' de
Montgeron, Loyson & Raymond avec pa-
raphes.
L'original des préfentes dépofé comme dit eft, le tout de-
meuré aud. Raymond Notaire : led. dépôt fait par Meflîre
Louis Bazile Carre' de Montgeron Confeilier au Par-
lement le 14. Juillet 1734. à la minute duquel ledit ori-
ginal eft demeuré anne-xe. Le tout demeiue. audit Ras i
MOND Notaire,
//. Bimonfl, Tarn. IL
M I R ^
I
La D"^Fourcroi
ÎRtant en comntftion le i^lvnl i-S-x. Cintj /ours aprcj Icxanxcn dcj Chtnitxn-
tetu.decolc Icj os de SL>n pied jcudé.< a ceiuv de la fatnhc Le pied iv prend
J^a foniic netturelle et recourue Jaiu le incniient autant de souplcjjc, de vivaeitc'
f et de force, que s "il nUvoit famaui ete anehylose' m diffonnc .
MIRACLE OPERE
SUR
MARIE JEANNE FOURCROY ,
GUE'RTE fnbîteme'iit par rinterceffion du B. François de Paris le i^.Jvril ij-^z.
d'une anchylofe ^ dont r humeur corrofivc ^ brûlante avoit depuis plus d'un an racorni^
retiré £î? dejféché le tendon d'achilles du pied gauche : avoit fait remonter le talon
beaucoup plus haut tju'ilne devoit être : avoit renvcrfé le pied quaft fens dejfusdef-
fous : en avoit gonflé i^ contourné les os : ^ en cet état les avoit foudés à ceux
de la jambe , ce qui rendait ce pied d'une difformité hideufe ,(^ en avoit fait perdre
Vufage à la Dlle. Fourcroy.
TOtJT à coup dans une convulfion^ces os fe décollent ^ fe détachent de ceux de Is
jambe. Ils [e dégonflent : ils feréduifent à leur premier état. Ils fe retournent : ils fe
remettent dans leur fituaîion naturelle. Le tendon d'achilles fe ramollit , s'étend fi? de-
'vient fouple. Le talon de fcendl^ reprend faplace . Une groffeur confldérable qui étoit
à côté delà cheville .^rentre en elle-même 13 difparoit. 'Tout le pied qui avoit été fi
horriblement contrefait recouvre en un moment fa première forme : £jf des le 'même
inftant la Dlle. Fourcroy retrouve dans ce pied finouvelkment rétabli .^ toute la force
i§ r agilité qu'un pied peut avoir.
III. DEMONSTRATION.
RE'CIT , TIRE' DES PIE CES JUSTIFICATIVES , DE CE MIRACLE
ET DE PLU:>IEURS AUTRES OPE'RL'S SUR LAD. x\I. J. FOURCROY.
^^3^i?^ELui devant qui tous les évcnemens futurs font éternellement préfcns,
***^ C ^ prépare fes œuvres de loin , £c arrange toutes chofes félon les defleins
^ yf dit miféricorde ou de iuftice qu'il a fur fes créatures.
5K^]!^>?< Marie-Jeanne Fourcroy fille d'un marchand épicier de Paris, com-
mence àfentir de vives douleurs , & a être accablée d'infirmités avant que de fe
connoître elle-même. Née en 1706. à peine avoit elle acquis l'âge de cinq ans, qu'-
elle devint d'une difformité affreufe. Elle fût dans l'ordre de la nature un prodi-
ge de difgraces 8c de maux, parce que Dieu vouloit taire éclatter un jour fur elle
plufieurs prodiges de fi puiflance 6v de fi miféricorde.
„ En l'année 171 1. (dit-elle) étant lors âgée de cinq ans , je tombai en langueur
j, 6c en chartre .... je devins extracrdinaircmcnt nouée Tout mon corps
„ devint entièrement contrcfiit 8c tout contourné. L'épine démon dos fe courba
„ 8c prit la forme d'une S, ce qui me rendit extrêmement boffuc vers l'épaule
„ droite, Seau deffus de la hanche gauche : ces deux endroits de mon corps étant
„ fort élevés , 8c l'épaule gauche au contraire étant renfoncée , 8c aiant un grand
„ creux vers la hanche droite , attendu que les faufles côtes étoient renfoncées
„ j'eus toutes les clavicules dérangées, 8c matête fe trouva placée beaucoup plus
„ du côté gauche que du côté droit, de façon que mon épaule gauche étoit très-
„ courte, 8c que la droite étoit près d'une fois plus longue. „
La D"'. Fourcroy atoûjoursgardé cette figure contrefaite jufqu'après le miracle
///. Demonft. Tome II. A cch-
X DEMONSTRATION DU MIRACLE
éclatant de la gucrifon fubitc de Ton anchylofe arrivé le 14. Avril I75i.ainfi qu'it
cft prouvé par le rapport de la configuration mondrucufc de fcs os , f.iit par
un célèbre démonftratcur le 2. Avril 1732. par ceux de cinq autres fameux Chi-
rugicns, &: d'un grand Médecin faits les 9. &: if. du même mois, par les certi-
ficats de MM. Gui ôc Simart, &: par lanotorieté publique i ce qui certainement
auroit dû mettre cette fille à l'abri des calomnies atroces, que ceux qui font
blefTcs des œuvres de Dieu ont répandu contre elle: maisdans quel excès ne peu-
vent pas tomber ceux qui oient attaquer Dieu même dans fes oeuvres?
Ce fût eii vain que le père de cette fille emploia tous fes foins pour arrêter le pro-
pres d'une difformité fi humili;mtc. En vain tenta-t-il de fiiire plier les os de cette en-
fant fous la dureté du métail le plus inflexible. En vain s'aviia-t-il de l'habiller de fer,
& de la charger d'une dure prifon qui lui mit tout le corps à la gêne : cela n'eût d'au-
tre effet que d'altérer encore fonfoible tempérament, &de redoubler fes infirmités.
„ A l'àgc de 7, à 8. ans (dit-elle) mon père me fit mettre un corps de fer, mais
„ il ne fcrvit qu'à me fiirc foufirir fans me redrcffer. Au contraire je devins de
„ plus en plus contrefaite en grandiflant,& mon vifxge devint même tout de tra-
„ vers, & ma tété panchéc fur l'épaule gauche. „
Cependant une cohorte de maladies l'aHiége de toutes parts. „ Je fus affligée
„ fans difcontination (dit -elle) de maladies qui fc fuccedoicnt les unes aux au-
„ très , & dont l'une nepaflbit point qu'il n'en revint une autre. . . . Entr'autrcs
„ en 1716. à l'àgc de 10. ans, je fus attaquée d'un fi grand mal de poitrine &
„ d'eitomac que je crachois le fang &; vomiflbis quelque fois jufqu'aux matières
fécales, 6^ '" ' *" --■>■■•
être. Ce
un tems par les ditterens remèdes qu on m adonnes : mais lape
n'ont pas ccfle de me faire de la douleur: & je fuis toujours reliée fans appétit
6c fins pouvoir prcfquc manger, ôc tout cela fans aucune interruption depuis
cette année ij\6. jufqu'au 21. Mars 17J2. „
A ces douleurs continuelles & ce mortel dégoût fe joignit au mois de Janvier
175 I . . . uucgroffe fiéire continue avec, des redoubleiticns , ce qui la réduifità ne pou-
voir prefquc plus agir fans hafardcr de forcer fcs membres extrêmement débiles.
Elle en fit bien-tôt dès les premiers jours de cette année 17^1. laplustriilc
expérience. L'ennui de fa fituntion l'aiant emporté fur fa folbleOc, elle entreprit
de fe lever feule pour refaire elle-même fonlit. \'^oulant le changer de place, elle
ranime fon coumgc Se foit un grand effort ponr le pouffer avec le pied gauche , mais
la fccouffe qu'elle fe donne, trop peu proportionnée à fon état épuiié par de con-
tinuelles maladies , déboite ce foiblc pied. La chair s'enfle : les mufcles fe gonflent:
la douleur eft fans relâche: elle augmente tous les jours de plus en plus 5c devient
bien-tot fi vive , que pendant i f . mois Icfommcil fuit entièrement de fes paupières.
L'accablement a beau être exceflif, la douleur le furmontc encore.
„ Depuis cet accident (dit-elle) jufqu'au 21. Mars 1-5;. jcn'.ii pas dorn^iun
„ fcul moment, monpiedn'aiant pas celle de me faire de la douleur jour & nuit. „
Des fouflnmces fi continuelles la jettcrent d;msun tel épuifcment qu'elle fe vit
réduite à recevoir d'une main étrangère le peu de nourriture que fcs infirmités lui
permettoicnt de prendre. „ Je devins (^dit-elle) comme impotente de tous mes
„ membres, n'aiant pas la force de porter ma main à ma bouche , de forte qu'on
„ étoit oblige de me faire manger comme l'in enfant. „
Son pied d'ailleurs n'offroit à hi vue que le pronolliquc le plus affligeant. Al»
bout de 8. jours non-feulement il ne lui fut plus pollîble de marcher, mais même
H. ne lui fût plus permis de fc fouicnir fur te pied le moins du monde, t;uic
elle
OPERE' SUR M. J. FOURCROY. j
elle fouffroit de douleur dans \x jointure des os des qu'elle l'appuioit à terre.
Une grofTcur qui s'étoit formée au dcfius de la cheville extei'ne dans le moment
même de l'accident , augmentoit audi lans ceflc. Mais ce qni eflVaia davantage , c'cib
qu'on s'apperçût au bout de iîx iemaines que les os du pied le contournoient , &
fe renverfoicnt fens dcflus dcflbus : que le tendon d'achilles fe racomilToit : Se
que le talon tiré avec force par ce tendon qui fe deflechoit toujours de plus en
plus, remontoir dans la jambe.
On s'étoit contenté d'abord d'appcllerun garçon Chirurgien pour panfer le pied
de la malade , mais lorfqu'on vit quels trilles etlets cet accident produifoit , on eût
recours à M. Defvignes Chirurgien célèbre. Cefùtenvain: tout fonfiv^oir nepût
apporter aucun foulagement à un mal qui avoit déjà fait de fi grands progrés. Il
avoue lui-même dans fon rapport que tous les remèdes qu'il emploia furent fans
fuccès , & qu'il eût le chagrin de voir que la courbure de ce pied s'augmentoit de
plus en plus malgré tous lés foins , ce qui l'obligea de fe retirer. Il déclara en mê-
me-tems à la malade fuivant qu'elle le certifie, que tous les remèdes qu'on pourroit
lui Ç-Arc^n^aur oient d'autre ef'et que d'^irriter encore Phumeur, & qu'elle n'avoic
d'autre parti à prendre que de n'en plus faire aucun : auquel cas elle reiteroit à la vé-
rité eftropiée le relie de fcs jours , mais que fes douleurs diminueroient confidérable-
ment, lorfque la finovie n'étant plus agitée par les médicamcns fe feroit entière-
ment pétrifiée , 6c que la fermentation des liqueurs aigries qui cauloit l'inflam-
tion & la douleur fe feroit calmée.
Avant d'aller plus loin il ell bon d'apprendre au lecteur ce que c'efl que la fino-
vie 6c comment elle produit l'anchylofc. Nous puiferons tout ce que nous dirons à
ce fujet dans une favante difiertation faite par iVI. GauUard Médecin du Roi par
rapport à la D""'. Thibaut.
La fino'vie tiï vint liqueur mucilagineufe 6c gluante, (\ue àcsglandes qui/e trouvent
dans toutes les jointures (ont couler fans cefle dans la cavité des articulations des os
four en faciliter le rnowcement ^ l^ faire ghfj'er les unes fur les autres les têtes de ces os,
Lorfque cette liqueur^ dit encore M. Gaullard, „ toujours verfée dans l'efpa-
„ ce qui fe trouve à chaque articulation, n'eil point diffipée par le mouvement
„ des parties, elle s'épaillît par le long féjour 6c par la chaleur du lieu en
„ s'épaifillfitnt elle colle 6c fonde l'une à l'autre la tête de chaque os qui fe
„ touche, „ en forte que ces os ne font plus enfemble qu'un feul corps, 6c qu'il
feroit plus aifé de les brifer que de les détacher les uns des autres.
Ainfi le leéteur voit que l'épaifiiflement de la finovie 6c la jonftion qu'elle fiiit
des os les uns avec les autres , forme une anchylofe qui devient un malabfolumenc
incurable lorfque la finovie s'cfl entièrement pétrifiée.
La D"^Eourcroy ellropiée ainfi fans rcfiburce fuivant le jugement d'un desplus
célèbres Chirurgiens de Paris fe foumit en Chrétienne à tout ce qu'il plairoit à
Dieu d'ordonner de fon fort: elle cefla tous les remèdes, 6c le rélolut à relier tou-
te fil vie en cet état. Cette refoluiion ,dit-c\\e , me coûtait moins quàunauire ^ étant
toute accoutumée à ne powcoir fortir de mon lit.
Cependimt le talon remonte de plus en plus étant tiré fans relâche par le tendon
d'achylles , qui pénétré d'une humeur entîamméc , ne cellbit de fe déficcher 6c de
fe rétrécir. Ce talon fe fixe enfin quelques doigts au deflbus du mollet : le tendon tient
tout ce pied roidc 6c étendu perpendiculairement au bout de la jaifibe : 6c la même
humeur s'étantinfinuée dans les os du pied, les gonfle , les contourne, lesrenverfe.
D'autre part la finovie aiant rempli le vuide que le déboitement du pied avoit
caufé entre les os, s'épaifiît déplus en plus par fon féjour en ce lieu. Bien -tôt
après elle fc pétrifie : elle fonde les os de la jambe avec ceux du pied qui étoient
A i deve-
4 DEMONSTRATION DU MIRACLE
devenus Çi difFormes : & tUc rend le pied immobile èc prefquc retourné fcns des-
lus defTous , cnforte qu'il ne peut pofer à terre que fur le côté Se la partie fu-
pcrieure du petit doigt.
Au mois d'Avril de la même année 1731. Icsautrcs maladies de la D"'^. Four-
croy , fa fièvre continue & fcs douleurs de poitrine Scd'cftomac augmentèrent en-
core, Se la firent devenir hidropique.
Un autre Chirurgien que M. Dcfvignes, tenta la gucrifon de cette dernière ma-
ladie j mais ce fût aux dépens de fa vue. Il lui donna une forte médecine qui à la
vérité lui fit évacuer beaucoup d'eaux: mais ce dangereux remède agita trop vio-
lemment les liqueurs acres & caulliques qui inondoient le fang de la D '*. Fourcroy
ufé par des maladies fi doulourcufes 6c fi longues, ce qui fût caufc que ces hu-
meurs irritées fe répandirent aufiî-tôt dans les yeux.
Tout à coup les prunelles s'obfcurcifl'cnt , 8c les paupières étant rongées par l'a-
creté de cette humeur, perdent bien-tôt tous les rcflorts qui leur donnoicnt le
mouvement. „ En peu de jours (dit -elle) mes paupières fc fermèrent entiérc-
„ ment, de façon que je ne pouvois plus les lever qu'avec les doigts: mais c'é-
,. toit inutilement, mes pi-nncllcs étant toutes troubles & ne voiant plus du tout,
,, pas même les plus gros objets, mais feulement la lumière comme au travers
„ d'un épais brouillard.
„ Le même Chirurgien Mit-elle encore) me donna d'uneeau pour mettre fur
„ mes yeux : mais bien loin qu'elle me fit aucunbien, je m'apperçus à n'en pou-
„ voir douter qu'elle ne fervoit qu'à en augmenter le mal : 6c dès les premières
,, épreuves je ceflai de m'en fcrvir. „
La D'"'. Fourcroy fut plus fenfiblc à cette dernière infirmité qu"à tom fcs au-
tres maux i parce qu'en la privant du plaifir de la lecture, elle lui raviiïbit le
moicn dont Dieu s'étoit fervi jufqu'à ce moment pour lafoutenir. Le poids de fes
fouffranccs n'étant plus contrebalancé par la douceur des confolations qu'elle pui-
foit dans les livres de piété , elle fût prefque renverfée par cette dernière épreuve.
Elle n'avoit pas afles de force pour s'élever fans ce fecours à la contemplation des
vérités co:-.folantcs que la religion nous fournit dans les plus grands maux : elle
fe trouva en quelque forte abandonnée à clic - même : 6c elle éprouva que des
qu'on v efl: abandonné, on n'eil plus que foiblcfie 6c qu'impuifTimce.
„ Toute ma confolation ( dit-elle ) avoit été jufques - là dans la Icélurc des livres
„ de piété. Avec ce fecours j'avois fouffert avec quelque patience toutes mes au-
„ très incommodités, les regardant comme des châtimcns que Dieu me fliifoit dans
5, fa miféricordc pour m.e faire fiire pénitence de mes péchés : mais quand je me
5, vis privée abfolument du foutien de la leéture, je me laiflai entièrement ab.-
y, battre parlafiliétion. „
Auffi faut-il avouer qu'il eût fallu bien du courage pour fefoutenir dans imcfi-
tuation fi déplorable. Tout fcmbloit de concert pour épuiier la p:\tiencc. Tour-
mentée fans ceflc par la douleur: aiant la plupart des membres contrefaits, eftro-
piés : condamnée à relier perpétuellement dans un lit, dont le repos cruel ne fer-
voit qu'à lui faire goûter fcs fouffranccs à plus longs traits : fatiguée par des in-
fomnics continuelles: livrée à un dégoût général : confumée par une névre brû-
lante : le corps noie par Thidropifit- : enfin les paupières i';uis mouvement , 6c les
yeux prives de lumière. Tel étoit l'état de cette hllc fi affligée lors qu'il plAt au
Dieu des miféricordes de s'attendrir fur fes maux.
La providence dans l'ordre des caufes qu'elle dirige, & qu'elle rapporte toute?
à des fins dignes d'elle, jette quelque fois les premières femcnces de fes dons les
plus prccitux dans des leclurcs de piété, dont on ne connoit bien le grand avanta-
GPE'RE' SUR M. J. FOURCROY. f
gc que dans les momens marqués pour leur faire porter tout leur fruit. LaD"'. Four-
croy heurcufement pour elle, avoit lu pluficurs foislavie du Taumaturgedenos
jours. L'accablement oii elle eft,Scramertume dont fon cœur eft pénétré trouvent
tout à coup leur confolation dans Pefpérance quelle forme d'obtenir la proteftion
du B. à l'interceïïïon de qui le Seigneur fait aujourd'hui tant de merveilles.
„ Dans cet état ( dit-elle ) aiant entendu parler des miracles que le Seigneur
„ opéroit par l'interceflîon de M. de Paris, dont j'avois médité pluficurs fois la
„ folide piété, l'extrême mortification, & l'attachement infurmontable àlavé-
j, rite, aiant lu plufieurs fois la vie , je fis une neuvaine dans mon lit, le priant
„ avec infiance- d'intercéder pour moi auprès de Dieu pour qu'il me rendit l'ufa-
5, ge de la vue &: la confolation de la leéture. „
Elle fe borne à demander le recouvrement de fa vue, fe trouvant encore trop
heureufe de fouffrir tout le refte de fes maux, pourvu que par fcs Icétures elle
puifle en adoucir la rigueur. Elle efpére par ce fecours pouvoir appliquer fi fort
îbn ame aux confolations que nous donne l'efpérance de jouir un jour de Dieu ,
que cette vue faura fufpcndre le fentimcnt de fes fouffrances.
Le Pcre des miféricordes exauça fes prières au delà même de fcs defirs. Le der-
nier jour de fi neuvaine n'étoit pas encore expiré , que fes yeux furent fubitement
& parfaitement guéris. Tout à coup fcs paupières reprennent leur élafticité 6c leur
mouvement: elles s'ouvrent avec facilité : tous les reflbrts qu'elles avoient perdus
font à l'inftant régénérés. Dans le même moment l'humeur épailTc 6c téncbrcufe qui
avoit offufqué 8c terni {es prunelles, eft entièrement diffipee: tout le fpcélaclcde
la nature reparoit à fcs yeux delà manière la plus diilinfte 6c bpluslumincufe. Sa
guérifon fut même fi parfiite queues le premier Jour die reprit , àit-cWe, (oui es fes
leEfures fans en être aucunement fatiguée.
Ses defirs ctoient fatisfaits aiant obtenu tout ce qu'elle avoit demandé : mais le
Seigneur qui eft riche en miféricorde fe plaît fouvent à furpafler nos vœux. Quoi
qu'elle n'eût ofé l'en prier , il la foulage en même-tems de toutes fes autres Maladies.
L'hidropifie diminue confidérablement ; lafiévTc n'aplusd^ardcur : les maux de
poitrine 6c d'ellomac ne font plus fi vfolens : le pied anchylofé, quoiqu'il refte
toujours totalement perclus 6c défiguré, ne lui caufe plus tant de douleur , Scelle
peut même s'appuier fur la furface du petit doigt , le pied étant, comme on la dé-
jà dit, renverfc 6c retourné prefquc fcns defius defibus.
Me trouvant mêyne .y dit nôtre infirme , un peu de force vers le milieu du mois de:
Décembre de cette année in,\.je voulus nie faire conduire an.T'Qmbeau de M. de Pa-
ris pour y faire mon aBion de grâce.
„ Je fus (dit-elle) fi frapée d'épouvante des cris de douleur, 6cdesefpcces de-
„ hurlcmens que j'entendis faire à des Convulfionnaires dans le cimetière 6c fous le
5, charnier que je penfai m'en aller fans approcher de la tombe. „
Il faut convenir que cet extérieur n'avoit à la vérité rien que d'eftVaiant, rien qui
ne fût capable de rebuter r mars ce n'étoit qu'un voile dont Dieupcrmettoit que
fcs opérations fufient cachées. C'étoitun miftere d'humiliation propre à choquer
l'orgueil , mais aifé à pénétrer par ceux qui joignoient une humilité vciitable à
une foi vive. En effet tous ceux qui ont confideré de plus près ce qui fe pafioit
pour lors dans la plupart des Convulfionnaires, ont apperçu qu'une paix intérieure
ravifioit leur cœur dans le fecret, lors même que les plus violentes agitations
troubloient leur fang : 6c que leur ame étoit fouvent remplie d'im contentement
inexprimable , malgré les vives douleurs qu'ils reflcntoient fouvent dans leurs corps..
Aufli-eft ce une chofe qui a étonné tout le monde , amis 6c ennemis , que l'avi-
dité ôc l'emprcflcmcnE avec lefquels les convulfionnaires venoient dans ces premiers.
A 3 tcra&
6 DEMONSTRATION DU MIRACLE
tems chercher tous les jours aux pieds de l'illullrc pcaitent la inclure de rouftVan-
ces, qui ne manquoit pas de leur être diftribuée.
Les perfonnes attentives à dilcerner les voies du Seigneur n'ont pas cû de pei-
ne à découvrir que ce fpe£taclefi furprenant, fuivi de gucriions encore plus admi-
rables , étoit une image fenfiblc , une peinture furnaturellc , & un tableau vivant
que Dieu nous mcttoit fous les yeux, pour nous apprendre cnn'autrcs cliofes ,
qu'étant irrité des péchés des hommes, il ne vouloit guérir les maux dont l'Eglilc
vifiblc cil: inondée, qu'après avoir fait paffer fcsplus chers enfans pas les épreuves
les plus humiliantes, & les avoir purifiés par le feu des fouffrances: mais qu'il
donneroit des confolations fi abondantes à tous ceux qui auroient le bonheur de
fouffrir pour la vérité , qu'il leur feroit trouver une félicité raviflantc au milieu
même de leurs tourmens.
C'eft aufli ce que plufieurs Convulfionnaircs dont quelques-uns ne favoient
pas lire ont déclaré dans des difcours, dont la plupart ont été fi beaux, fi tou-
chans, fi fublimes, qu'on ne peut douter qu'ils n'aycnt été furnaturcls , du moins
dans leurs parties les plus brillantes : difcours dont Dieu s'eft fci-vi pour porter la
lumière dans les efprits & le feu de la charité dans les cœurs : difcours qui, en
démontrant que la Bulle Uni^caitus profcrit des maximes circnticUcs à la piété,
ont mervcillcufement fortifie & affermi nombre de ceux que les clameurs des
Conllitutionnaiies, qui rcpréfentcnt cette fatale Bulle comme une décifionde
l'Eglifc univcricUc, pouvoicnt ébranler: difcours qui en fiiilant connoître Sc
cmbraffer les vrais intérêts de l'Eglifc à une multitude de perfonnes qui les ig-
noroicnt les ont réunies à l'Appel: difcours enfin qui ne contenant, du moins la
plupart , que le langage de la foi , rien que de pur dans la morale , rien que d'exa£t
& d'édifiant, portent manifcllement les caraéteres delà vérité par excellence.
Qiii n'admirera la bonté de Dieu de délier ainfi la langue à des enfans que leur
f)cu d'intelligence retenoit pour ainfi dire à la mamelle , pour leur faire développer
es vérités les plus intérelTantcs ! C'elt ce qu'on a vu plufieurs fois dans des tems d'ob-
fcurité, de nuages, de pcrfécution: tems où la timidité fermoit la bouche à ceux
quiétoicnt les plus capables d'inllruire. Auilî dans ces tems où on retient la vérité
captive, le Tout-puilîant le plaît-il à faire parler les pierres, pour confondre lalà-
lucv.v.! cheté des fiivans, 6c pour humilier les grands génies. Car dit le P. Qiicnel, Ix
gloire de la grâce éclatte d^ autant plus , que [es injlruinens font fins faibles (y Moins
propres à Je s œuvres.
Que le leétcur ne m'impute pas néanmoins d'approuver fans exception tous
les difcours des Convulfionnaircs. Je penfc il cft vrai qu'il y en a eu beaucoup,
fur tout dans les premiers, dont Tefprit a été éclairé par une lumière furnatu-
rellc qui leur découvroit de fort grandes vérités: mais aulTi iùis-je bien pcrfuadé
Sie quelques-uns de leurs difcours n'ont été , du moins pour partie, quelaprodu-
ion d'une imagination échauffée. Au furplus il cff évident que ceux des Augufii-
niftcs £c des Vaillantiftes, faits pourautoriler leurs erreurs, n'ont pu être l'effet que
de l'égarement de leur propre cfprit , ou de la fuggeftion du Dcmon.
La D"'. Fourcroy alors peu inllruite de ce que l'œuvre énigmatiquc des con-
vulfions a de divin , & des confolations fenfibles qui furpafPcnt infiniment les dou-
leurs que fouffrent les Convulfionnaircs , fût fi effraiée de leurs cris & de leurs agi-
tations, dans l'appréhenfion de tomber dans un pareil état, que laperfonnequi l'ac-
compagnoit eût bien de la peine à l'engager d'aller fc mettre lur le tombeau.
Peu après qu'elle s'y fût afiifc, cette tombe falutairc commcn<^a à lui faire fen-
tir fa puiffmce.,. Après y avoir relié (dit-elle) environ un quart d'heure en
j, prière, je reffcntij tout d'un coup des douleurs par tout le corps, îîc il me
„ prit
OPERE' SUR M. J. FOURCROY. 7
„ prit des mouvemens qui firent dire à tous ceux qui étoient auprès de moi que
jj les convulfions m'alloient prendre. „
A ce mot de convulfion l'effroi s'empare de fon ame. Ni fii foumiflîon auxdef-
feins de Dieu fur elle, ni la reconnoidance pour le S. Diacre, ni l'efpérance du
recouvrement d'une fanté parfaite, qu'elle auroit infiiilliblement obtenue par ces
préparations douloureufes , rien ne pût la retenir. „ Je fus, (dit-elle) fi vive-
„ ment faific de crainte, que je donnai de l'argent au Suiflepour me faire pafTagc
„ pour me retirer: & cette appréhenfion d'avoir des convulfions me donna mc-
„ me des forces qui ne m'étoient pas ordinaires , pour fortir au plus vite de ce
j, cimetière. „
Une antipatie fi marquée pour un état où Dieu mettoit lui- même, & qu'il
récompenfoit pour lors par les guérifons les plus merveilleufcs , ne manqua pas
d'être punie: mais comme c'étoit plutôt une imprefiion naturelle & une erreur
de l'efprit qu'une oppofition réfléchie à la volonté du Très -haut, il ne la châtia
qu'en père , en la forçant de recourir volontairement au remède falutaire dont
elle avoit eii tant d'horreur.
„ Je fuis pcrfuadée (dit -elle) que Dieu voulut me faire connoître d'une ma-
„ niere fenfible qu'il me punifToit de l'éloignement que j'avois témoigné pour les
„ convulfions. Car depuis que jefûsrevenucainfi ducimeticredeS.Médard, mon
„ hidropifiequi étoitprcfquc palTée, augmenta de jour en jour : Seau lieu de la fi é-
„ vre lente qui ne m'avoit pas quittée , il m'en prit une très-violente avec des redou-
,, blemens , & mêiiie detems en tems quelques accès de tranfport au cerveau. „
Ce n'eit plus un refte de fièvre qui ne faifoit que l'affoiblir, c'eilun enibrafe-
tncnt du fang qui porte le feu 5c la douleur dans tous les membres , & qui inter-
rompt même les facultés de l'efprit.
Peu après une partie de fon corps devient d'une migreur hideufe, tandis que
l'autre épouvante par fon énorme grofieur. „ En moins de deux mois (dit-elle)
„ je devins étiquc du vifagc, des bras, & des pieds, de façon que je n'avois
j, que la peau fur les os: au lieu que mon ventre, mes cuiflès 6c mes jambes
j, etoient d'une grofl~eur prodigieule. ,,
Cette enflui-e qui croiflbit tous les jours monta bien tôt jufqu'à la poitrine,
Se rendit la refpiration fi contrainte & fi embarrafl^ée , que quoique la faignéc foit
pernicieufe dans l'hidropifie, on fut contraint d'y avoir recours. C'étoit toujours
un délai : il vaioit encore mieux augmenter Thiaropifie que d'étouffer.
„ Dès la fin de F'cvricr de l'année 1732.. (dit-elle) & au commencement du
„ mois de Mars, ma poitrine commença à s'engager au point que je ne pouvois
„ prefque plus refpirer , & que je rCdois continuellement , ce qui m'obligea
5, quoique je fûfic très -bien que la iaignée étoit très - contraire à mon hidropi-
„ lie .... de me faire faigner prefque tous les jours , un jour du pied , l'autre
„ du bras, ne pouvant la pliàpart du tems refpirer lans ce fecours, „ en foiteque
j''ai été faigiiée depuis le commencement de mes maladies jufqu'au 18. Aîais
1731 I fo. fois du bras , ^ 45. fois du pied.
„ Ces faignées (ajoute- 1- elle) me mirent dès le commencement du mois de
„ Mars, dans une foiblefTa fi grande que je fus plufieurs jours fans pouvoir rien
„ prendre , fi ce n'eft un peu de vin pur qu'on me faifoit avaler goûte à goûte. . .
„ Enfin le 18. Mars, comme on vouloit (encore,) me faigner on ne pût
„ plus trouver de fang, Sc il vint feulement de l'eau > ce qui obligea à refermer
„ aufll- tôt la veine.
A la vue d'un danger de mort fi prcfl^int, fes amies font de nouvelles tenta-
tives pour l'engager de recourir à celui qui lui avoit donné de fi grandes preuves
de
I Cor.
8 DEMONSTRATION DU MIRACLE';
de fa bonté pour clic, & de fon crédit auprès de Dieu : mais rien ne peut encore
lui faire furmontcr la crainte des convulfions. Elle s'obilinc à refulcr l'unique
moicn qui pouvoir, en reparant fa faute, lui faire obtenir le fecours dont clic
avoit tant de befoin.
„ Il y avoit déjà long-tems (dit -elle) que toutes les perfonnes qui s'intéref-
„ foicnt à moi rne preubient de recourir à l'interceflîon de M. de Paris, dont
„ javois éprouvé une protcftion fi fcnfible dans la guérifon de mes yeux , mais
,, je ne pouvois vaincre l'impreflîond'hoiTeur que m'avoient fait les cris desCon-
„ vulfionnaircs -, de fiçon que de crainte qu'il ne me vint des convulfions , je ne vou-
„ lois point avoir recours à fon intcrccfiion , 5c j'aimois mieux mourir tranquille. „
Elle étoit encore alors trop prévenue pour s'appcrcevoir que cette augmentation
de maladie n'étoit que le châtiment de l'averfion qu'elle confervoit pour un œu-
vre , que la juArice divine a couverte defombres nuages pout êtreTécueil de lapré-
fomptucufe iagefre du fiécle , 8c une lumière inftmétivc 6c fortifiante pour ceux
qui ne rougiflent jamais de la folie apparente £c de l'ignominie de la croix. Elle ne
rcfléchiflbit pas même que fon obllination étoit une efpécedccenfure de la con-
duite que Dieu tenoit pour lors dans la plupart des gucrifons miraculeufes qu'il
lui plaifoit d'accorder.
C'elt ainfi que l'orgueil bumain voudroit préfcrire au Très -haut le plan
6c la manière dont il doit fc conduire dans fes opérations les plus furnaturellcs ÔC
qu'il refufe de le rcconnoîtrc malgré les miracles les plus éclatans , lorfque les
arangemens de fa providence ne cadrent pas avec les idées de nôtre fiiufrcfageiïe.
Ce qui paroi t en Dieu une folie dit S. Paul, e fi plus fage que la fagcjfe de tous les
hommes. A quoi le célèbre auteur des réflexions morales ajoute : „ Dieu cil plus
„ f.ige dans la conduite qui puroit la plus indigne de fa fageflc, que tout ce qui
„ paroit de plus fage à l'ciprit humain. (Cependant l'homme cft afics témcrai-
„ re pour vouloir) reformer la conduite de Dieu : chacun le fiit en fa manière
„ & plus fouvent qu'on ne pcnfe. „
Ceji pour quoi il efl écrit ^ dit encore l'Apôtre des Gentils qui nous fait en tant
d'endroits defcs Epitres la peinture 6c la predicbionde ce que nous voions aujour-
d'hui ,yV détruirai la fagejfe des [âges ,6?./V rejetterai la fcience des favans. „ N'aions
„ point la folle préfomption (dit fur ce verfet le P. Qucfncb de vouloir reformer
,, les defleins de Dieu , d'en changer les voies (6c de prétendre) les accommoder
„ à la portée des hommes. „
La D"'. Fourcroy pouffix fon obftination jufqu'au moment où elle fe trouva,
commcc\\c\cà\tQ\\c-mèmc ^prête àrendreVame : mais le lo. Marsaufoir, fcntant
que la mort s'emparoitdéja de fes membres , une fccrctc horreur accompagnée de
remords, la réveille enfin de l'anbupiflement fatal oii fes préventions Tavoient
fait tomber : „ la peur (dit-elle) de la mort que je voiois fi proche Fcmporta
5, enfin fur la peur d'avoir des convulfions. Je priai qu'on m'allàt chercher le len-
„ demain de la terre du tombeau de M. de Paris, pour en mettre dans le vin
„ dont de tems en tems on me faifoit -xYÛcr quelques goûtes : 8c je déclarai que
„ fi j'étois encore en vie ce jour-là , je commcncerois une ncuvame. „
Cefl: ainfi que la bonté divine force en quelque forte cette moribonde à fe laiffcr
conduire par des voies, qui pour être moins du choix de la créature, n'en étoient
que plus conformes aux defleins du l"rc.ateur , êcn'cnportoicntquc nlusfenfiblc-
ment le fccau de fa main Toute -puifiante. Une multitude de prodiges de tout
genre opérés fur ccttemourantcva nien-tôt en convaincre tout lccl:cur judicieux.
„ Le II . (continue-t-elle) on me fit prendre à midi quelques goûtes de vin où on
„ avoit mis de la terre, £c je me mis en prière pour commencer ma ncuvainc. „
Cette
OPE'RE' SUR M. J. FOURCROY. ^
Cette prière ne tarda pas à avoir un fuccès qui fîtparoîtrc au grand jour larai-
fon pour laquelle le Seigneur avoit frapé de tant de maux cette obftinee malade
depuis fa fuite du f.xlutaire tombeau. L'effet prodigieux queproduifità l'inftanc
la refpeftablc pouffierc qu'elle venoit d'avaler dévoila le jugement de Dieu.
„ Prefque dans le moment (dit-elle) il méprit un grand friffbn, & peu après
„ une grande agitation dans tous mes membres qui me faifoit élancer tout mon
„ corps en l'air, & me donnoit une force que je ne m'étois jamais fentie : au point
„ que plufieurs perfonnes enfemble avoicnt de la peine à me retenir. „
Ainfi ce corps épuile depuis fi long-tcms par prés de zoo. faignées 6c par les
maladies les plus accablantes ; ce corps tout mourant s'élance en l'air avec une force
&une agilité qui l'emporte fur celles de plufieurs autres * filles en parfaite fanté.
Mais comment cette agonifantc eût-elle pu trouver dans fon propre fonds l'a-
bondance d'efprits ncceffaires pour exécuter des mouvemens fi violens POùauroit-
clie puifé le principe de vie qui ranime tout d'un coup des membres, dont les uns
ctoient noies dans l'hidropifie, & les autres fi exténués qu'ils étoicnt devenus éti-
■ques? L'incrédule ne peut ici ni foupçonner de fupercherie , ni donner une pareille
force aux imprcflions de l'imagination. Le fumaturel fe montre ici tellement à
découvert qu'on ne peut le révoquer en doute : & les guérifons miraculeufcs qui
en ont été les fuites, manifellcnt quel en eflTauteur à quiconque ne cherche pas
à s'aveugler. D'ailleurs qui ne fent qu'il n'y a que le Tout-puifiant qui ait pu
faire naître tout à Coup tant de forces danslefcin del'épuifement le plus déplora-
ble ? Tout palTe ici les rcflburces de la nature : tout y préfente l'empreinte de celui
qui n'a qu'à commander pour frire produire à la foibleffe la plus débile les mou-
vemens les plus rapides & les plus impétueux.
Dans le cours de ces mou-cemens violens , dit la D"*. Fourcroy , je perdis connoiffance.
Ceux qui n'étoicnt pasinllruits de l'effet ordinaire des convullîons , s'attendoient
que lorfque ces agitations fi vives feroient ceffécs , elle fe trouveroit dans un ab-
battement extrême, ou pour mieux dire dans un anéantiffement total. D'autre
part ceux qui favoient la crainte qu'elle avoit eu des convulfions, penfoient bien
que lorfqu'elle feroit revenue à elle-même, elle feroit pénétrée de douleur de (c
voir fujette à cette épreuve qu'elle avoit appréhendée plus que la mort. Mais ce-
lui dont la main bien-faifante venoit de lui donner des mouvemens fi furnaturels
cil également le Maître de changer les loix de la nature Sc la difpofition des cœurs.
La violence extrême de ces agitations , qui naturellement n'étoient propres qu'à
achever de détruire un corps auflîfoible , aufli débile que celui de cette fille, fût
non-feulement un baume vivifiant qui remit le calme dans fon fang , & lui ren-
dit la force Scia fanté ; mais en même tems le Maître fouverain des coeurs verfa
jufques dans le plus intime de fon ame un fleuve de délices;, qui la remplit d'une
joie fi fenfible qu'il frudroitpour pouvoir en donner quelqu'idee, enavoir éprou-
vé comme elle les inexprimables douceurs.
„ Auflî-tôt que ces mouvemens furent paffés fdit-elle) & que j'eus repris mes
„ fens, je me fentis une tranquillité Se une paix intérieure que je n'avois jamais
„ éprouvée & que j'aurois bien de lapeincà décrire Je me trouvai mie joie
„ tranquille qui étoit répandue dans tous mes fens , 5c qui étoit paffée jufques dans
„ l'ame. Il me fembloit que je jouiffois en repos d'une fanté parfaite, dont je
„ reffentois l'attrait d'une manière vive 6c fenfible : j'en goutois le plaifir firns au-
„ cun trouble; 6c toute la peine qui me relloit étoit une crainte timide que cet
„ état ne vint bien-tôt à ceffcr. „
///. Demonjl. l'orne IL B Ainfl
* Elle étO'tpour loridaBsIaitiaifcB extetieuredeStePelagleoù elle a demeuré p'ii(i,-i:rs anr^.'s en dlfferen!» fois qu'elle
t'y »ft teiirée, pour profiter Jes lumières & des exemples du Dircûeur & de la Suj-érieure de cecte mairon.
«> DEMONSTRATION DU MIRACLE
Ainfî toute la crainte qui lui refte , c eft d'être bien-tôt entièrement guérie , .
étant inflmite que pour lors les convulfions fe terminoicnt ordinairement par la
guérifon des maladies. Quel Changement fubit dans fcs fentimcns! Hier la D"'.
qu'elle aime autant qu'elle la exceffivement redouté. „ S'il mcrciloit qucl-
„ qu'appréhcnfion (dit-elle) c'étoit de voir cefTer bien-tôt mes convulfions par le
„ rétablifTcment entier (Se parfait de ma fanté que j'apprchendois qui ne vint trop
„ vue , brûlant du dcfir de me retrouver dans le même état où je m'étoisfentieà
„ à la fin de ma (première) convulfion. ,,
Qiiel autre que celui qui difpole des coeurs comme il lui plait, eût pu changer
ainfi tout à coup une forte antipathie &une horreur extrême en d'ardens defirs 5c
en un attrait raviHant? Nôtre malade juge-t-ellc des convulfions fur les apparences
extérieures, tout la révolte: les éprouvc-t-clle, tout la charme. Tel cit le carac-
tère des œuvres de Dieu. Qiiiconquclcscenfurcneles connoît pas: ce ne il: qu'en
les approfondiflant qu'on en reçoit rintclligcncc.
,, Dès ce premier moment (dit la D''^ Fourcroy) la fièvre, l'étouffemcnt ,
5, l'oppreffion & la douleur que j'avois à la poitrine, ccflerent abfolument & cn-
„ tiércmcnt, & ne m'ont pas repris depuis.
Dans le même inftant l'hidropifie diminue, 5c difparoît pour la plus grande
partie : les forces reviennent : les couleurs renaifTent : l'appétit le plus vif s'empreflc
a reparer l'épuifement Se le dégât des maladies. „ Après (dit-elle) que ce état d'une
„ paix &: d'une traquillité parfaire, que je crois fumaturel fût pafic, je
„ me trouvai un grand appétit que je n'avois pas fenti depuis ma première enfan-
„ ce. Je demandai à manger: on me donna une loupe que je mangeai entière-
5, ment, & que je trouvai excellente: Se quelques heures après je mangeai encore,
„ ne pouvant me raflafier. „
Dès ce premier jour fon eftomaccfi: parfaitement rétabli. Tout ce qu'il avoitcû
de défcétueux dès fanaiffance eft réparé : tout ce qui avoit été rongé & détruit par
les humeurs acres 6c cauftiquesqui l'avoient fi long-tcms rempli, eft fubitement
régénéré. „ Le changement (dit-cllc) opéré dans mon tempérament fût même fi
„ confiderablc que (dès le lendemain) iz. Mars comme on étoit en
„ carême, je voulus cflaier fi je pourrois faire maigre, ce que je n'avois pu faire
„ de ma vie. . . & aiant fenti qu'on grilloit des harangs , je voulus abfolument en
„ faire mon diner,Sc ils ne m'incommodèrent en aucune fiiçon. La joie tranquille
„ que j'avois éprouvée à la fin des convulfions que j'avois cû la veille, & le réta-
„ bliflement de ma fanté qui s'ètoit opéré prefqu'cn un moment, m'ôtoit toute
„ cfpcce de crainte à cet égard. „
Elle fcfent fous la main de Dieu, & fe croit par là en état de tout entreprendre
£ins aucun rifque. Elle continue défaire maigre toutkrejie du carême^ &c pendant
ce tems/o« hidropifie diminue encore de jour enjourprefau'à vue d'œtl : „ de fa-
„ çon (dit-cllc) que le ^i. du même mois de Mars , 1 enflure étoit prcfqu'en-
„ tiércmcnt diflïpèe: mes couleurs naturelles éroicnt revenues : monviiage 6c mes
„ bras commencoient à fe regarnir, de chairs : & je me trouvai plus de force & ea
„ meilleure fanté que je n'avois encore été de ma vie.
Voila les premiers effets que les convulfions produifirent en elle. Or félon U
vérité même, on doit juger de l'arbre par fcs fruits.
Ce même jour 3 1 . Mars elle alla loger chez M*, de Fitriqui fe fit un plaifir de
prendre avec elle une perfonne pour qui Dieu avoit opéré un miracle aujfi évident . „Jc
„ certifie (dit cette D^.) qu'aiont appris que M"'. Fourcroi, dont l'hidropifie
avoic
OPE'RE' SUR M. J. FOURCROY. t^
- ^, avoît n fort engage la poitrine qu'on avoit été obligé de lui tirer prcfque tout
„ fon fangpour lui faciliter la refpiration. .... avoit été prcfqu'cntieremcnt gué-
j, rie en un moment le ii . Mars à la fortie d'une violente convulfion
,, Je fouhaitai fort l'engager à venir demeurer chez moi, afin d'avoir le bonheur
j, de voir fous mes yeux la perfeftion defaguérifon. . . Elle y vint effcétivement
„ le 31. Mars, n'aiant plus que quelque reilc d'enflure de fon hidropifie qui
5, fe diflîpa absolument en 3. jours, quoiqu'elle s'obftinât à faire maigre , &qu'-
„ il parût encore évidemment à l'extrême maigreur de fon vifage & de fesbrasy
„ que Phidropifie dont elle venoit d'être guérie avoit été fort confidcrable. En
„ très peu tems fon vifage 6c fes bras reprirent chair , 6c je puis dire qu'on vo-
,5 ioit fa fanté fe fortifier tous les jours a vue d'œil. „
De toutes les maladies dont cette heureufe convulfiornaire avoir été prefqu'ac-
cablée, il ne lui rcftoit donc plus quel'anchylofe? La De de Vitri certifie ainfî
que plufieurs autres témoins, o^e fon pied gauche . . .. ctoit renverfé fcns de ffus def-
fous y de façon qu'elle ne pouvait appuier à terre que le dejjus des doigts , le talon de-
meurant élevé en Pair, 6? la plante du pied paroijfant prefque retournée.
La providence attentive à rendre fes oeuvres manifelles malgré l'oppofition des
puifTances , le mépris des orgueilleux, la critique des beaux efprits , êc l'aban-
don des pmdens du fiecle , avoit différé de guérir cette maladie la plus irrémé-
diable de toutes , afin d'en faire conltater auparavant l'exiftcnce £c l'incurabilité
d'une manière à ne laifler aucune reflburcc à l'incrédulité la plus obltinée.
5, Aiant rémarqué (dit la D. de Vitri) que dans fes convulfions. . . fa jambe
j, gauche s'agitoit avec une force inconcevable , Se frapoit contre tout ce qui fc
^, rencontroit près d'elle, je lui demandai à la fin de fa convulfion. . . fîellenefe
„ fentoit point bleflce à cette jambe: m'aiant repondu que non, &; lui aiant rap-
„ Dieu vouloit
LaD.Vi
ftater juridiquement l'état de ce pied, &: en même-tems les autres diffrirmités du
corps de la D'^ Fourcroy , perfuadéc à la vue des prodiges qui s'opéroient jour-
nellement fous fes yeux , qu'on pouvoit tout efpérer de la bonté d'un Dieu fî
magnifique en miféricordes. Elle fait venir à cet effet dès le z. Avril M. de Man-
teville ancien Démonflrateur en anatomie, & alors Prévôt des Chirur^fiens.
A l'égard du pied il ne lui fût pas difficile de reconnoître que l'articulation en
étoit gonflée 13 déjettée en dedans félon qu'il l'atte/le, tant dans fon premier que
dans fon fécond rapport : que ce pied ne pouvoit être fléchi aiant perdu [on mouve-
ment y étant anchylofé le talon étant en Vair, i3 le pied trcs-éiendu , viaiî
plié fur le côté en dedans^ ce qu'il déclara être incurable.
Il certifie en même tems qu' „ aiant examiné l'épine du dos , ( il la ) trouvée en-
,j tiércment déjettée, fiiifantuneS. Romaine depuis la première vertèbre du dos
„ jufqu'à l'os facrum , enfortc que les apophifes épineufes des vertèbres du dos
„ font prefque fous la bafe de l'omoplatte du côté droit l'épine fe jette en-
„ fuite furie côté gauche à l'endroit des lombes, qui font à leur tour une bofîc
j, de ce côté, 6c unvuidedu côté oppofé.
Si les premières vertèbres de l'épine du dos fe jettoient fi fort du côté droit qu'el-
les étoient prefque fous l'épaule , ainfi que ce rapport le certifie , les côtes qui for»
toient de ce côté là de l'épine ne pouvoient manquer de former une très grofic
boffe, puifque leur étendue naturelle ne pouvoit trouver fa place qu'en s'élevant
prodigieufcmcnt en cercle : 6c par conféquent il n'eft pas poflîble de douter aux
termes de ce rapport que la D'ic. fourcroi ne fut pour brs très boITue à l'épaule
B 2 4roitc,
-la DEMONSTRATION DU MIRACLE
droite. Ce même rapport ajoute , qu'au delTous de cette bofTc , l'épine C^ jette en-
Juite du coté gauche , ce qui formoit une autre bojfe de ce côté là au deffiis de la han-
.che, y iinvuide du côté àxo\x.. Ainfi le coi-ps de cette fille avoit proprement la
figure d'un zigue-zague, ou comme dit M. de Manteville, la figure d'une S. Ro-
maine. Aufli ces deux bolTes étoient-elles fi apparentes Se fautoicnt-elle Ci fort
aux yeux de tous ceux qui appercevoicnt la D"^. Fourcroi que, quoique dans les
certificats de nos témoins il ne fût point queftion d'en parler, {c<:<. certificats
n'ayant eu pour objet que de rendre compte de l'Anchylofc que cette fiUc avoit au
pied gauche & de "la gucrifon fubite Sc miraculeufe que Dieu lui en avoit accor-
dée] néanmoins deux de nos témoins parlent de ces deux bofies parcequ'ils avoient
été frapés de la figure choquante de cette fille.
M. Gui certifie que lorsqu'il la vit chez la Dame de Vitri au commencement du
mois d''J'vril 1731. elle avoit alors le corps tout contrefait étant extrêmement
bojfue à l'épaule droite 13 "^'ers la hanche gauche.
M. Simart déclare pareillement, qu'au premier afpeïl elle lui parut trèr
contrefaite , ayant le vifage de travers , la têtt enfoncée dans les épaules , dont ta droite
formait une hoffe confidérahk ^ qui était accompagnée cFune autre boffe prèsquaujjî
forte vers la hanche gauche.
Qiielque confidcration que j'ayc pour MM. les Docteurs Anti-fecouriftcs, je ne
puis me dirpcnfer de rapporter ces preuves, que cette fille a eu la taille très dif-
forme iufqu'en 1755. parcequ'elles fervent à démontrer le ridicule §cla faufTcté pal-
pables des énormes calomnies qu'on a publiées contre elle. Mais quoiqu'il foit très
vrai qu'en 1733. ^^^ deux bofics ont prefqu'entiérement difparu , enforte que de-
puis ce tems la D'''^ fourcroi ne paroit plus du tout bofiue, du moins lorsqu'on ne
la voit qu'habillée , néanmoins je n'infilterai point par rapport à ce prodige. Com-
me il a été vifiblement opéré par les Tiolens fecours que cette fille a receus en
1733. il choque étrangement ces MM. Ainfi pour leur épargner la peine que je
fai qu'ils fe donnent pour tâcher de prouver, ou que la D'''= fourcroi cft encore
usuellement tout aufli bofiue qu'elle étoit avant 173 3. ou bien qu'elle ne l'ijamais
été , car cela leur eft égal & ils ramaficnt en même tems des preuves de ces deux
faits contraires, je veux bien ne point parler de ce miracle, qui ne m'ell nulle-
ment nécefiairc pour établir aucune de mes propofitions.
Pendant que M. de Manterille cxaminoit encore ce pied C\ étrangement contre-
fait, il eft tout à coup interrompu dans fcs obfervationsChirurgiques parles con-
vulfions qui prennent à la D'!'-'. Fourcroy. Il fcinblc que ces mouvemens en re-
poufiluit la main de ce Chirurgien, foient envoies exprès pour confirmer ce qu'il
venoit de décider lui-même, que cette cure ne nouvoit être opérée ni par V effet
d'aucun remède ^ ni par la force de la nature ^ ainfi qu'il l'affirme dans U)n fécond
rapport: ou plutôt le fouverain Médecin, pour le rccompenfer de la fidélité
avec laquelle il déclaroit ce quefon art lui failoitconnoîtrcfi.,s être retenu par au-
cun rcfpeét humain , a voulu le rendre témoin du moien furn?.turel dont il jugeoit
à propos de fe fervir pour une guérilbn 'îi admirable.
„ Nous certifions (dit ce célèbre Chinngicn dans fon premier rapport) qu'ert
„ nôtre préfcnce la D''"-'. Fourcroy.a été conhdérablement agitée de mouvemens
„ convulfifs CCS mouvemens (dit-il plus bas) nous ont été annoncés pat
„ un poux convulfif, &: qui a totalement manque un inftant avant que d'y tomber. „
Il n'y a pcrfonne qui ne fâche que le poux ne peut totalement manquer que par
la ccŒuiondclacirculationdu f.mg , & que cet état eft mortel j>our peu qu'il dure.
Auffi la Dame de Vitri déclare t-clle , que M. de Manteville parût étonné
it voir y qu'après lui avoir trouvé u»£9Hx (onviélfîf, ilneluy en trouva plus du tout.
Cepcn-
O'PE'RE' SUR M. J. FOURCROY. i?
• Cependant cette intermption de la circulation du fang , qui étoit capable
de caufer la mort ou du moins qui dcvoit mettre la D"«. fourcroi hors d'état de
fiire aucun mouvement , produit en elle un eftet tout contraire : fonfang s'arrête
tout à coup , & en même tems fes forces augmentent. Son <:or/)5dit M.deMan-
teville, s^eft agité avec- vxnt de violence qiCelle ne pouvait qu'avec beaucoup de peine
être retenue par 3. ou 4. perfonnes aff'ez fortes. AufTi cet habile anatomifte ne ba-
lancc-t-il point à déclarer que ces convuljians .... font au dejfus de la nature i3
des connoijfances humaines.
Le rapport de M. de Manteville quoique fi bien circonflancié Se fî décifîf, ne
partit pas néanmoins encore fuffifiuità la D"''. Fourcroy pour conftater autant qu'-
elle le défiroit la certitude de l'état irrémédiable oîi étoit fon pied anchy lofé. Pleine
de confiance en celui qui lui parloit au cœur, & qui lui donnoit je ne fai quelle
fecrette aflurance de fa guérifon prochaine, elle auroit voulu que tous les plus
grands Chirurgiens de Paris fuffent venus fe convaincre par leurs yeux dcTincura-
bilité abfolue de ce pied tout contrefait, & de l'impofïïbilité d'en décoller , d'en
réduire 6c d'en replacer les os. Pour la fatisfaire on aflembla le p. du même mois
d'Avril 1731. cinq des plus fameux Chirurgiens dont quatre font liés parleurfor-
tune à la Cour, & qui par conféquent ne peuvent être fufpecls. Le Chirurgien
Major des Gardes du Corps, le Chirurgien Major des Hôpitaux de l'armée, le Ch;"-
riirgien de M. le Prince de Conti, le Chirurgien Majpr du Régiment du Roi , 6c
un ancien Prévôt des Chirurgiens.
Ils déclarèrent tous unanimement fuivant que l'attelle laD"'. Fourcroy ,• que
ctxttincommodité n'était point dénature à pouvoir jamais être guérie Ils obfer*
verent [après revoir e (fai é en vain à plafcurs reprifcs de faire faire quelque mouvement
à ce pied, dit M. Simart,] ^/^^/^/^of/f , continue la D"'. Fourcroy, .f '^7 «7 f«///-
rement pétrifiée , ce qui avait joint enfembie les os du pied avec ceux de lajambe , dé
façon qu'ils ne faifoient plus qu'un feul corps ; ^ même que Vos du pied étoit tout con-^
tourné y ^ qu'ainjî comme Un y avait point de remède qui puiffe changer la forme des
«j, ni les disjoindre quand ils font foudés enfembie .^ ce n' étoit pas une maladie dont
la guérifon fût propofable : à quoi ils ajoutèrent qu''il n'' avait pas été nécejfairedeles
ajfembkr en fi grand nombre pour examiner une incommodité à laquelle il étoit évident
qu'on ne pouvait apporter aucun remède.
Ils fc fervirent même de cette raifon pour refufer d'abord démettre leur rapport
par écrit, mais néanmoins en aiant été preiles par laD"°. Fourcroy , ils dreflercrkt
tous cinqun proccs-verbai , oii ils font unedefcriptiondecepied qui confirme tout
ce que nous avons rapporté ci-defllis, fans oublier même la grefieur extraordi-
naire qui étoit audeflus d'une des chevilles , 6c ils ne balancèrent point â certifier
que cet état étoit incurable.
Je remecs à rapporter dans ma première propofition les termes de cette partie"
de leur procès-verbal , en aiant befoin pour me fcrvir de preuves : mais je puis
autres rappc
6cauffi " ^
La D"'. Fourcroy les aiant priécie faire auffi mention dans leur procès-verbal de
la difformité de fon coqis, ils y certifient qu''aiaKt auffî vifté l'épine , nousPavons
/ro«'ue'i?,difcnt-ils , contournée eu forme d'S. Romaine .^ les vertèbres fejettant depuis Pos
facrum de droit à gauche ., 13 de gauche à droit jufquaHx vertèbres du cou-.
Au relie le lecteur n'a befoin d'être parfaitement inltruit que de l'état du pied
gauche : or à cet égard on ne peut rien de plus précis ni de nvicux détaillé que
kurs obfervations : il en refulte que les os étoient rcnverfés presque fens deflb^
B 5 dcf»'
14 DE'MONSTRATION DU MIRACLE;
dcfTous , qu'ils ctoicnt gonflés, contrefaits Se foudés en cet état à ceux de la jam»
be par une maladie abfolument incurable, & qui étoit devenue un état fixe 8c
permanent. Qui ofcra réfuter d'ajouter foi à de tels témoins ? Ce font , y compris
M. de Manteville, fix des plus fameux Chirugiens de Paris, qui ont drcfle avec
toute l'attention pofTiblc des procés-verbaux de l'cfïet qu'avoit produit une ma-
ladie qui cil de leur reflort 8c de la connoifTance de leur art : pièces autentiques
qui font foi en juftice : rapports faits par des perfonncs d'une grande réputation
6c d'une probité reconnue, qui bien certainement n'auroient pas cfé attefter un
pareil fait s'il eût été faux, puifque la fauflcté en eût été vifible, palpable, &
de la connoifTlince de tous ceux qui avoicnt vu la D"'. Fourcroy.
Le fait étant incontertable, l'incurabilité cfl évidente: car qui ne fait, comme
ces Chirurgiens le dirent à laD''. Fourcroy 8c à la D-. de Vitri , fuivant que cette
dernière l'attelle j qu'il n'y a point de remèdes qui puifTent rétablir des os qui ont
/>erd/t leur forme naturelle, qui ont été tous dérangés £s? tous contournés par la force
6? râcreté de l'humeur qui avoit produit cette incommodité , ni détacher ces os les
uns des autres lorfqu'ils ont été foudés enfemble"par une finovie pétrifiée?
Mais fi jamais maladie ne fût plusautentiquemcnt conftatée, nifon incurabilitc
plus évidente Se plus incontcftable, jamais gucrifon ne fût plus fubite 8c plus parfaite.
Le 1 4. Avril vers le foir, cinq jours après le procès-verbal des cinq derniers Chirur-
giens, Dieu l'opératout d'un coup dans le plus fort des convulfions de la D"'. Four-
croy , en préfencc de plufieurs perfonncs ilont la plupart en ont rendu témoignage.
Le Très-haut voulant donner aux fpeftateurs le moicn de mieux contempler la
merveille qu'il va opérer à leurs yeux, envoie à nôtre Convulfionnaire une forte
convulfion , dont l'inlfinét la force à mettre fon pied malade à nud. Elle prend
delà main droite cet horrible pied, ce pied tout renverfé 6c d'une roideur inflexi-
ble : elle paroit vouloir le retourner : 6c dans le moment la finovie pétrifiée fe fond
fubitement , fc diflîpe 6c s'évapore? les os foudés à ceux de la jambe s'en détachent
ôc s'en féparcnt : ces os gonfles , contournés , contrefaits , recouvrent leur première
forme 6c fe rangent à leur première place : la grofleur cui étoit au deflus de k
cheville s'évanouit 6c ceflc d'être: le talon fe remet dans hifituation: tous les muf-
cles 6c les tendons , dont lesunsétoientdéflcchés, retirés, rétrécis, 6c dont les au-
tres du côté oppofé avoient été forcés 6c étendus beaucoup au delà de ce qu'ils dé-
voient , reprennent chacun leur jufte grandeur. En un mot, ce pied fi diftormcfc
trouve dans l'inftant revenu à une figure parfaite , à fon état naturel.
Dieu voulut en même tems faire connoître d'une manière fcnfible qu'il lui avoit
peine pouvoit-on diftinguer ce pied qui échappoitprcfqu'àla vue, tantfon mou-
vement étoit rapide.
imi
lente , . ^ ^ . . .
qui un moment auparavant étoit fi contrefait, avoit été rendu à fa forme naturel-
le, leur fiirprifc fut fi grande que quelques-uns voulurent éprouver avccla main,
lî leurs yeux ne les trompoicnt pas. Mais quel fût le redoublement de leur admira-
tion en touchant ce pied 8c le regardant de plus près? Non feulement ilsne trou-
vèrent plus aucune apparence des bofics , des rides, des endroits enfoncés Se de la
contorfion qui avoit rendu ce pied fi diflormc , mais même ils fcntcnt qu'il cil tout
a coup devenu aufli fouplc, & qu'il aune auili grande liberté de flexion en tous les
fcns
OPERE' SUR M. J. FOURCROY. ij-
fcns que s'il n'eût jamais été anchylofé. Aufli tous nos témoins déclarent-ils qu'ils ne
purent retenir leurs larmes dans les tranfports d'admiration & de joie où ils fe trouvè-
rent. Hé ! Quel cœur eût pu être infeniible à la vue d'une merveille fî frapante ?
Les convulfîons de la D''^. Fourcroy aiant cefie peu après, elle ne fût p.is moins
étonnée que les autres de trouver fon pied parfaitement guéri. Son premier foin
fût de fc proilerncr à terre pour remercier un Dieu fi libéral envers elle. Les alîîllans
pleurant tous de joie , chantèrent avec elle le Te Deum.
Après avoir ainfi fatisf;\it aux juftes mouvemensde fa reconnôiflance , elle fe lève
& s'emprefl'e d'eflaier iufqu'à quel point ce pied a recouvré fon mouvcm.ent & fes
forces. Elle marche : elle court : elle s'élance en l'air le plus haut qu'elle peut, 5c
retombe fur ce pied fi fraîchement guéri fans pouvoir le fatiguer. Son cœur ardent
pour la gloire de Dieu, &cduB. à l'interceffion de qui il a accordé un fi grand mira-
cle, la porte aulîi-tôt à chercher le moiende le faire éclatter& de le rendre inconte-
flable. Elle charge un des alîi flans d'aller au plus vite annoncer cette étonnante mer-
veille à tous les Chirurgiens qui avoient examiné ce pied fi contrefait, 6c qui n'avoient
pas balancé à décider que cette difformité étoit un état fixe 8c abfolumenr incurable.
Dès le lendemain ôc le fur- lendemain, cinq de ces Chirurgiens s'cmprelTent de
s'afTurer par leurs yeux de la vérité d'un événement qui leur paroit incroiable. La
vue augmente encore leur furprife. Non feulement ils trouvent que ce pied a repris
fa forme naturelle, & qu'il a toute la force, la liberté 8c l'agilité qu'un pied peut
avoir, mais ils ont beau chercher quelques veiliges, quelques légères traces de
tout ce qu'ils avoient vu de difforme dans les os, dans la peau, dans lesmufclesSc
les tendons, tout eft fi pleinement réparé, tout efl rétabli dans un étatfî parfait
qu'ils ne peuvent retrouver aucune indice de l'état précèdent. Leur cœurne peut
tenir contre un prodige fi admirable , 6c oii l'opération du fouverain Etre leur paroit
fi fort à découvert. Ils en drelTent chacun leur rapport particulier , dans lefquels
quatre d'entr'eux déclarent en termes formels qu'une pareille guérifon n'a pu s'opé-
rer que d'une manière fumaturcUe.
Un fameux Médecin vient aulîi dès le lendemain de la guérifon examiner le
miracle: on ne fait par quel motif. La D''». Fouirroy perfuadée que Dieu refor-
mera par la fuite le furplus de la difformité de fon corps , fefertdel'occafion pour
le prier de faire un procès-verbal de l'état où il trouvera l'épine de fon dos. Ce
Médecin y confentSc déclare dans fon rapport, prefque dans les mêmes termes que
les fix Chirurgiens: que V épine du dos était contournée en façon d'une S . Romaine ^ (^
que les vertèbres fe jettoient depuis Vos facrum de droit à gauche , 6? enfuite de gau-
gauche à droite jufqu aux vertèbres du fo« . Au furplus ce grand Maître de l'art , après
avoir épuifé tout ce qu'un doute fage 6c éclairé , mais pouffé aufîi loin qu'il efl pof-
fible , peut former de difficultés , 6c peut exiger de preuves , fe voit enfin forcé de
reconnoître que la guérifon de l'anchylofe eft parfaite, & qu'une télé. guérifon jugée
impraticable par Vart , était d'autant plus éclatante Cj? fur prenante , quelle était arrivée
fubitement : ce font les termes de fon rapport.
Que fouhàiteroit déplus l'incrédule pour ouvrir les yeux à la grandeur d'une telle
merveille ? Si la notoriété publique , qui prouve que depuis ce moment la D'•^ Four-
croy a été aufïï agile , 6c qu'elle a marché avec autant de liberté qu'elle étoit aupa-
ravant impotente 6c incapable de fc foutenir fans être aidée de quelqu'un: {\ dis-
jc, cette notoriété ne lui fuffit pas , à qui peut -il mieux s'en rapporter qu'à des
maîtres de l'art au defîus de tout foupçon, qui peu de jours avant, 6c immédia-
tement après ce miracle , ont examine l'état de ce pied , en ont fait dans les deux
tems la defcription la plus cxafte , 6c qui malgré l'intérêt fenfible qu'ils avoient de
renfermer dans leurs cœurs l'impreffion que leur faifoit cet admirable prodige,
n'ont
i5 DEMONSTRATION DU MIRACLE
n'ont pu s'empêcher de déclarer que cette étonnante guérifon palîoit toutes les for-
ces , les relTorts & les agens qui font dans la nature ?
Qui Cl l'incrédule ne veut pas s'en rapporter à leur dccifion, du moins il ne peut
rcfulcr de les en croire fur les faits. Qii'il life avec attention leurs procès-verbaux :
qu'il confulte enfuite fa raifon: & il fe verra forcé de devenir lui- même , fi non
le prédicateur public , au moins l'admirateur fecret d'un fi grand miracle.
Au refte ce n'a pas été la feule merveille qu'il à plu à Dieu d'opérer fur la D"*.
Fourcroy par Taftion des convul fions. Les terribles lecours qu'elle s'eft fait don-
ner, principalement depuis le mois de Mai i7?2-- jufqu'à la fin de 17^3. ont fi
fort applati fes deux bofles qu'elles ne paroiffcnt plus, du moins quand on ne la
voit qu'habillée.
Ce fait eft fi certain que deux Notaires de Paris n'ont pas craint de l'atteftcr
dans un afte qu'ils ont paffé en leur qualité de Notaires.
Le lefteur trouvera dans l'aéte de dépôt que la D"'. Fourcroifitle ij. Novem-
bre 1755. ^^^^ MM. Lovfon & Raimond Notaires, des pièces qui prouvent la
gucriibn miraculeufe de fon anchylofe, qu'elle y déclare: que depuis \x relatioa
par elle faite de ce miracle , dattce du 7. juin 17^2. . . . // a plus à Dieu d'opérer
encore en elle plufieurs cbnngemens dans fa figure (^ dans la conftruclion de fes os ^
71'ctant plus boffue comme elle Vétoit alors : ainfi , difcnt ces deux Notaires , qu'ail
eft apparu aux Notaires foufjignés par Vinfpeilionde fa perfonne.
Ces deux Notaires auroicnt-ils ofé certifier un pareil fait expofé journellement
fous les yeux du public, s'il n'avoit pas été véritable: & comment ofe-t-oncon-
tciler, ce qui eft encore aujourd'hui fous la vue de tout le monde ?
Mais au furplus comme ce changement de figure fait en 1733. à grands coup»
d'une groffc pierre de Port-Royal , fouftVe contradiction de la part des Anti-te-
couriftcs , 6c que d'ailleurs la D"^ Fourcroi n'a fongé à recueillir, ou du moins
n'a depofé que les preuves de la gucrifon fubitc de fon anchilofc , je ne vais faire
la démonftration que de ce feul miracle. Je la commencerai fuivant mon^ufagc
par quelques obfcrvations fur la force des témoignages par Icfquels cette mer-
veille ell conll:atée,£c principalement fur la foi qui elt due aux rapports que plu-
fieurs fameux experts onr fait de l'état de ce pied , avant £c après la fubite méta-
morphafc.
CARACTÈRE DES TEMOINS.
LA vérité fc fait ferv'ir pour elle-même. Loin d'emprunter aucun fecours de.s
partions, elle les immole toutes à (1 gloire. Elle clcvc l'homme au deflu? de
fa foibleflc : clic le fait triompherdesrcfiilanccsdefoncœur, &: lui fait fouleraux
pieds tout intérêt humain, pour avoir le bonheur plus folidedclui rendre témoi-
gnage.
C'eft ainfi qu'elle a contraint par fon éclat fept des plus fameux Chinirgicns de
Paris, un Médecin célèbre, & plufieurs autres pcrfonncs de rifquer leur fortune
pour rendre hommage à des œuvres divines , qui bleflcnt les préjugés des puilTan-
ccs écclefialliques & féculicres. .
Le premier de ces témoins ell M. Defvignes Chirurgien d'une grande réputa-
tion, qui aiant été invité des le commencement de l'année 1731- de donner fes
foins pour tâcher d'arrêter les funeilcs progrès de l'humeurbrûlantequi r.ivagcoit
le pied de la D''. Fourcroy, déclare que i'csrcmidcs furent tous fans fuccés&C
qu'après avoir cpuifé toutes les reHourccs de l'art , /'/ trouva que la courbure étoit
cenftdérablement augmentée malgré les remèdes : (c qui lui dotuta lie.t de juger dci
]o.s
OPERE' SUR M. J. FOURCROY. 17
lors que Varticîe fe foudercit y s' anchy loferait , auquel cas la maladie deviendroît iti'
curable ^ & ce qui lui aiant peu après fait perdre toute cfpérance defoulagerla ma-
lade , le força de l'abandonner , Se de lui confciller comme elle l'attefte elle-même,
tïe ne plus faire aucun rejnede ^tx.enâi\ic\\\'''i\srf auraient d'autre effet que d^irriter enco-
re V humeur^ lui déclarant qu'cUcn'avoit d'autre jparti à prendre que de fe réfoudre à
refier ainfi, eflrapiée tout le refle de fa vie.
Ce même Chirurgien certifie que cette maladie qu'il avoit jugée furie point de
devenir incurable des le commencement de 173 1. avoit été guérie en un moment le
Lundi de Pâques 1732.. fuivant que la D"^. Fourcroy le lui avoit déclaré & qu'il
l'avoit vérifié lui-même, aiant trouvé yô» pied entièrement guéri & aiant tous
les mauvemens libres.
Les deux rapports deM.de Manteville , le premier fait 12. jours avant la gué-
rifon, & le fécond peu de jours après, font encore plus frapans ; voici qu'elle en
fût l'occafion.
Il plût au Seigneur d'annoncer par un prodige, qu'il alloit bien-tôt rendre au
pied fi difforme de la D"*. Fourcroy fa première figure, fon mouvement &: fon
agilité. Apres la guérifonparfliitedefon hidropifie, la jambe au bout de laquelle
étoit fondé ce pied fi contrefait , s'agite par des mouvemens convulfifs d'une force
extraordinaire , & cette jambe a beau fe cogner avec une impétuofité extrême contre
tout ce qu'elle trouve près d'elle , elle n'en cft point blefiee.
La D"'. Fourcroy perfuadéc par ce prodige que Dieu alloit inceflamment lui ren-
dre l'ufage de ce pied , en fit examiner l'état par M . de Manteville alors Prévôt des
Chirurgiens. Cet habile anatomifte ne refufa pas d'en faire une exaéte defcription
dont il délivra fur le champ fon rapport, dans lequel il certifie que ce mal ctoit
incurable.
Douze jours après ce pied eft fubitement guéri. M. de Manteville l' aiant appris
accourt au plus vite , ne pouvant croire une telle merveille s'il ne la voit de fes yeux.
Quellefût falurprife, fuivant qu'il le déclare lui mêmedans fonfecond rapport, de
trouver ce pied dans Pétat naturel fans aucun gonflement. . . . fans aucun vcfiige de l'anchy-
îofe qu'il avoit vue. . . ^faifant tous les mowUemens poflîbles dans tousle^ fens f Un mi-
racle fi inconte ilab le le touche tellement , qu'il ne craint point d'attelter à la face de
toute la terre , qu'une pareille l^ ftfubite guàifon n'a pu être opérée par T effet d"" aucun
remède., niparla forcede la nature ., l^ qu' ainfi elle efi évidemment furnaturelle.
Cinq jours avant ce miracle , cinq autres Chirurgiens avoient encore été man-
dés. M. Leauté Chirurgien Major des Gardes du Corps : M. Sivert Chirurgien Ma-
jor des Hôpitaux de l'armée : M. Souchai Chirurgien de M. le Prince de Conti :
M. Granier ancien Prévôt des Chirurgiens : & M. de Launai Chirurgien Major
du Régiment Roial.
Il femble que la providence les ait choifis tout exprés pour faire voir qu'elle dif-
pofe fouverainement des cœurs , & qu'elle leur fait quand il lui plaît, facrificr les
intérêts les plus fenfiblcs. On voit par les qualités de quatre de ces Chirurgiens
qu'ils font dépendans de la Cour, de qui ils tiennent déjà, 6c dont ils attendent
encore toute leur fortune. Pouvoit-il y avoir des témoins plus au dcfllis de tout
foupçon étant queilion d'attefler un miracle qui foudroie le funefte décret que la
Cour appuie de toute fon pouvoir, 8c qui autorife en même tcms les convulfions
que la Cour pourfuit à tout outrance ? Cependant les quatre premiers n'ont rien
ménagé pour conftatcr cette décifion divine.
Le p. Avril 1731. cesMM. dreflent tous cinq enfcmbleim procès -verbal de l'af-
freufe difformité de ce pied tout renverfé, & foudé aux os de la jambe dans cet
état de eontorfion , 6c ils déclarent que cette maladie eft incurable,
III. Demonfl. l'orne II. C C'cfl
I» DEMONSTRATION DU MIRACLE
C'crt le 14. Avril f. jours après cet aftc autcntique que ce pied rcprcncTtout-à»
coup une forme miturelle, &C autant de force & de vigueur que fi fes mufclesSc
ics tendons n'avoient jamais été rétrécis ni dcflcchcs , & fes os gonfles , contournés
& changés de figure.
Un de ceux en préfence de qui cet admirable prodige s'exécute en un moment,
s'cmprclTc d'aller au plus vite en avertir tous les Maîtres de l'art qui n'avoient pas
balancé de décider, que la loudure 8c la difformité de ce pied étant devenues un
état fixe, n'étoient plus fufceptiblcs d'aucun changement.
„ Le If. Avril (dit M. Souchai dans fon fécond rapport) le S. Gui mar-
„ chand Bonnetier. . . m'étant venu dire que l'anchylofe que cette fille avoit au
„ pied avoit été guérie en im moment en fa préfence , la veille Lundi de Pâques ,.
„ je me tranfportai auflî-tôt chez elle avec M. Leauté mon confrère, que je pris
„ en pafîant. Nous y trouvâmes MM. Séron & l eauté Médecins: 8c l'aiantexa-
„ minée, nous vîmes avec une fuiprife extrême que l'anchylofe qu'elle avoit au
„ pied s'ctoit entièrement diffipée fans qu'il en reliât aucun veîlige: que fon pied
„ avoit pris une forme 8c une fituation naturelle , comme s'il n'eijt jamais été in-
„ commode ,8c qu'elle avoit tous les mouvcmcns du pied libres dans tous lesfens,
„ le pofant à plat à terre, le remuant 8c s'en fervant avec autant defiicilité que de
„ fon pied droit: ce qui nous parût fumaturel, n'y aiant pas d'exemple que des an-
„ chylofcs qui ont contourné les os comme avoit fait celle-là , aient pu être guéries.
Le fécond rapport de M. Leauté, celui de M. Sivert,8c celuideM.Granicrne
font pas moins exprcflifs. Tous ces rapports font tels qu'il n'y a pei-fonne qui ne
fente en les lifant que ces Maîtres de l'art parlent comme des gens qui n'ont pu fc
fouflraire à rimpreflîon que kur faifoit l'opération manifeile de la divinité, qui
préfentoit à leurs yeux une lumière fi brillante , que tous les intérêts du cœur n'ont
oféfe révolter contre la conviction de l'efprit. Ils n'ont pas ignoré ce qu'ils ha-
zardoient en rendant le témoignage que la vérité exigeoit d'eux : mais frapcs d'u-
ne admiration qui avoit faifi toute leur ame, 8c fubjugué toutes leurs pafTions,
ils ont craint le Tout-puifTant plus que toutes les puiflances de la ten-c.
Si bien loin de pouvoir regarder ces témoignages comme fufpeéts, on eft obligé
d'avouer quil n'y a qu'une pleine conviélion qui ait pu les engager â parler com-
me ils ont fait , que pourront oppofer les plus incrédules à de pareilles dépolîtions?
Elles font faites par des pcrfonnes en place, qui n'ont piî parvenir aux poftcs ho-
norables qu'ils occupent fans avoir auparavant donné bien des preuves de leur ha-
bileté. Ce font des témoins parfaitement inftmits de l'effet des maladies & des
reflbrts de la nature: ce font des témoins qui ont droit de décider fur ce qui re-
garde ces matières; témoins qui ont à cet égard ferment en jullice, 8c fui' la foi
'dcfqucls les Parlemens rendent plufieurs de Icius atrêts.
Mais l'Eglife elle-même, précifcment dans le cas dont il eft iciqucftion, IT-
glife quand il s'agit de prononcer fur un miracle, ne fe détermine que fur l'avis de
pareils experts pour décider que la guérifon qu'on lui a donnée comme miraculeu-
Ic, n'a pu être opérée, ni parles fecours de l'art, ni paricsrefiburcesde la natu-
re. C'cft fur leur décifionquelePape 8c les Evêques s'appuient pour déclarer qu'-
une maladie étoitabfolument rncuKiblc, Se qu'il n'y a que Dieu qui ait pù-la gué-
rir. Auflj dans toutes les informations qui fe font par l'autorité de l'Eglife pour
conftatcr des miracles, les rapports des experts, leurs procès-verbaux Se leure
avis , font regardés comme les pièces décifivcs par nippon à la queftion de l'incura-
bilitc : ninfi l'on peut dire que c'eft en quelqu*; forte fui- leur jugement, que le
Pape 8c les Evéqucs conftatcnt les miracles.
Klnis, dira - 1 - on , les Chirurgiens en qucftion n'^nt peint été requis tri par
k
OPERE' SUR M. J. FOURCROY. r>
îc Pape , ni par aucun Evoque de donner le témoignage qu'ils ont rendu. Hclas !
II n'eft que trop vrai: mais leur déclaration en cft-elle pour cela moins forte,
moins décifive, moins capable de convaincre , moins digne-d'être crde? On peut
dire au contraire que s'ils en avoient été requis par de fi grands peri'onnages , les
incrédules foupçonncroient peut-être que le dcfir de faire leur cour à ces puif-
fances, auroitpû influer en quelque forte dans leurs rapports. Mais ici ces Chirur-
giens célèbres n'ont pu avoir d'autre motif que de plaire à Dieu fouverainement
ennemi du menfonge, & à qui on ne peut devenir agréable que parla vérité. U
a même fiillu que ce motif fût bien puiïïlmt en eux , pour leur faire ainil fermer
les yeux fur tout autre intérêt. iVIais qu'elle force , quel zcle, quel courage ne don-
ne point la pleine conviction d'un miracle fur lequel il n'elt pas poffible de for-
mer le moindre doute ? Comment ofer fe dlfpenfcr de rendre gloire à Dieu lorf-
que l'éclat de fes œuvres le rend en quelque forte préfent à nos yeux ? A fon afpeét re^
doutable ils ont été faiiis d'un faint tremblement : leur cœur s'ell ému : leurs paflîons
n'ont plus ofé faire aucune réfiftance : leur volonté , quoique toujours libre, s'eft
vue comme entraînée à s'expofer à tout plutôt que de manquer à rendre hommage
au Tout-puifTant , perfaadés qu'ils étoient , que comme Chrétiens ilneleurétoit
pas permis d'enfevelir dans un filence ingrat un auiîî grand miracle dont le Très-
haut les avoit rendus témoins; & que, quand même ils n'auroient été que des
Philofophes, ils fcroient coupables félon S. Paul, fi après avoir connu l'Etre fu-
prême dans fes opérations divines , ils ne leglorihoient pas comme Dieu ^ 6c s'ils re-
tenoient la vérité dans Pinjujîice.
Mais de quelle évidence n'a-t-il pas fallu que fût ce miracle pour fiiire uneim»
prefi!îon Ci vive fur ces MM. qui par la dépendance où ils font par des polies qui
font toute leur fortune , avoient un intérêt fi preflant d'éviter de iè compyomeitre
avec les puifTances.
Auffi cette vive imprefiîon étoit-elle fi marquée fur leurs vifiges, qu'elle for-
ça un grand Médecin auflî-tôt qu'il Tapperçût, à en être lui-même ébranlé, quoi-
qu'il fût naturellement peu porté à croire de pareils prodiges : elle l'obligea eiiiliite
à examiner les preuves de ce miracle , ce qu'il fit avec toute l'attention & 1 c's précau-
tions que la critique la plus févére peut exiger: Mais plus il les redoubla, plus la vé-
rité fc montra-t-elle à fes yeux avec une évidence qui le convainquit lui-même
pleinement.
Je parle de M. Séron Régent de la faculté de Paris , Doéteur de celle de Montpel-
lier, Médecin du Roi en fon aitillerie , Médecin ordinaire de l'Hôtcl-Dieu. M'é-
tznt tranfpo/ té ^ài\.-i\ en fonrapport, le if. jivfil ij^i. f/zlamaifon oii demeuroit
la D"*. Fourcroy. . . .en entrant dans la chambre où elle était j'ai "jû lafiirprife^ /'<?«
tonnement ^ V admiration peints fur le rifage de tous les affîjfans , dans le nombre def-
<juels éioïtnt plufieiir s Maîtres Chirurgiens qui Vaioient i-ifitée avant fa guérifon.
Qiii ne reconnoît à ces traits les fignes les plus caracterifès des fcntimens inti-
mes de l'ame? C'elt le langage de la nature elle-même : ce font ici les exprefiîons
du cœur inimitables à l'artifice : c'elt le premier hommage qu'une ame Chrétienne
eft forcée de rendre à l'impreflîon que lui fait la vue d'un miracle incontellabîe.
Mais par qui ce témoignage ell-il rendu, ce témoignage d'autant plus perfuafif
qu'il part d'abord du cœur fans confultcr la volonté? C'cil tout à la fois par une
multitude de perfonnes difi-erentcs : c'eil par tous les ajftftans , & entr'autres par des
Chirurgiens de la Cour.
Ce premier coup d'œilne fût pas néanmoins lûfïifant pour Convaincre le déi-
fiant Médecin: il veut n'en croire que fes propres lumières : il commence pars'afi-
furer de l'état où avoit été le pied de la D' '. Fourcroy avant le changemcn; qui
C i yétoit.
20 DE'MONSTRATION DU MIRACLE
y étoit fubiremcnnirnivc. Il interroge zvcc(om plu fieurs de ces Chirurgiens qtiîa-
lant la guérifon aveient été confultés^^ avoient en conféqucnce examiné l'état de ce
pied , fdifant , dit-il , feu d'attention à ce que difoicnt le refle des afjijlans. „ Ces Chi-
„ rurgiens (continiic-t-il) m'atteftcrent la difformité de fon pied gauche , dont
„ elle ne pouvoit faire aucun mouvement par la réunion intime des os anchylo-
„ fés de la jambe du même côté , avec ceux du pied : fen forte) que ces os paroif-
„ foicnt confondus , continus, Z<. ne plus faire qu'un fcul corps, ou plutôt un feul
„ os : (ils m'ajoutèrent) qu'ils avoient de plus obfervé que cette réunion des os
„ de la jambe & du pied gauche étoit accompagnée d'une tumeuraudeiïlisdela
„ malléole externe grofTe comme une noix : que le pied gauche étoit renvcrfé de
„ manière que la partie interne du pied s'étoit tournée vers la face fupérieure , 6c
„ que l'os du talon rcmontoit en haut parle froncement du tendon d'Achilles. „
Apres s'être ainfi bien affuré de l'état précédent , nôtre Médecin voulut examiner
lui même le pied ^ina-vecles Chirurgiens qui étaient préfens. Mais quercfulta-t-il
de cet examen fi cxaét , fi attentif , & fait conjointement par pluheurs Maîtres de
l'art? Nous ne trouvâmes^ dit il, aucun i-cjlige d''anchylofe dans l'articulation de l»
jambe avec le pied, dont les mowvemens en tout fens étaient libres 13 faciles. Nous
trouvâmes même que la tumeur au de (fus de la malléole externe étoit totalement dis-
fipée^ èc que le pied ai' oit repris une figure (^ une Jituation naturelles r/ttiérement con-
formes à celles du pred droit.
Il nercftoit plus qu'à éprouver fi la D'-'. Fourcroy avoit un ufage parfaitement
libre de ce pied fi récemment rétabli, £c dont preique toutes les parties a-
voienten un moment changé de forme, écfi cellcsmême qui venoicnt d'être régé-
nérées , a\oicnt toute la force & la folidité qui ne s'acquiert naturellement que
par un long ufage : cette épreuve ne fût pas oubliée.
„ Je déclare (dit encore nôtre Médecin) que lad. M:u-ie-Jeanne Fourcroy
„ marcha devant tous les afiîltans , dont j'en etois un , avec liberté , fans boi-
„ ter, &: d'un pas aufli ferme que fi elle n'eût jamais été incommodée de fajara-
„ bc & de fon pied gauche. „
A voir ce grand Maître de l'art agir avec tant de circonfpcéVion , n'avancer qu'à
mcfurc qu'il eil pleinement convaincu d'un premier fait, & fe conduire ainfi pas
ï pas avec toutes les précautions que la défiance poulVcc auflî loin qu'il cltpoflïble
peut faire prendre à l'homme le moins crédule, ne fcroit-onpoint cxculabledc
le prendre pour un envoie de la Police, mais qui d'ailleurs a eu trop d'honneur Se
de religion pour déguifcr, ou même pour taire une œuvre divine, dont l'Auteur
s'ctoit en quelque forte manifellé à fes yeux?
Je n'ai point fû à la vérité qui avoit fait venir là M. Séron qui n'étolt pas dans
l'habitude de chercher à voir des prodiges i maisaianteû l'eulcment connoifiîincc
de l'examen attentif qu'il avoit fait le lendemain matin , du miracle opéré la veil-
le au foir fur la D"*. Fourcroy , je l'ai été trouver : & lui aiant reprélenté vivement
l'obligation où il étoit de contribuer de fa part à faire rendre gloire à Dieu d'une fi
grande men'eiile, en rendant lui-même témoignage de ce qu'il avoitvû , & de ce
que la connoifHmcc qu'il avoit des effets que l'art & la nature peuvent produire,
lui en avoient fliit juger, il n'a pu refulcr de m'en délivrer ion rapport, dans
lequel il déclare outre les faits ci-delfus , ,, que cette guériion (lui) parût hore
„ de toute atteinte de foupçon, moins par le témoignage du plus grand nombre
„ des affidans, fouvent trop faciles à croire fins un ex;unen fuffifant & lansafTés
„ de connoifTancc, que parle témoignage que rendirent en (fa) prél'cnce plu-
„ ficurs Maîtres Chirurgiens qui avoient vifité ( la D ''. Fourcroy) avant fa guc-
„ rifon & qui l'avoicnt afTuré , par la connoifTancc que leur donne Icuiart,
jj qu'elle
OPE'RE' SUR M. J. FOURCROY. iz
qu elle ne pouvoir attendre de foulagement , ni à plus forte raifon de guéri-
fon des fecours de la médecine. L-.i capacité Se les lumières (dit-il encore)
que ces Chirurgiens joignent à l'expérience Se à la réputation qu'ils ont lé-
gitimement méritée, leur honneur & leur probité, m'aflurerent de k vérité
„ d'une guérifon auffi étonnante, que je n'aurois pu croire fims des garans aufli
„ certains. „
A quoi il ajoute qu'aiant examiné lui - même cette D"^. il a trouvé „ qu'en
„ toutes Tes circonftances l'anchyloie étoit parfaitement guérie, Scquelaguéri-
„ fon qui avoit été ju^^ée impraticable par l'art , étoit d'autant plus éclatante 6c
5, furprenante quelle etoit arrivée fubitement. „
Après la conviéiiion pleine 8c entière d'un Médecin fi peu difpofé à ajouter foi
à de pareils miracles, qui pourra s'empêcher de plier fous le poids des preuves qui
l'ont forcé de fe rendre ?
Mais n'en déplaifc à ce grand Maître de l'art , n'a- 1- il pas pouffé trop loin
la féverité de fa critique & l'étendue de fa défiimce? Le témoignage d'un grand
nombre de perfonnes dune probité reconnue , tel que celui de la D-.de Vitri, de
la D"*. de Lunaque fîUe du Chirurgien de la maiibn RoialedesGobelins, du S.
Gui & autres, dont plufieurs avoient été témoins oculaires de la guérifon, feroit-
il donc à rejetter ? Ell-il permis de taxer aulH facilement qu'il le fait , tous ceux qui
ne font pas Maîtres de l'art , d'être des gens trop faciles à croire fans examen fuff faut ,
6? f(i»s aff'ez de connoiJJ'ance ?
Ce jugement fi défavantageux qu'il forme de la trop grande crédulité de tant
de perionnes qu'il ne connoît pas . auroiteû peut-être quelque prétexte, s'ils'étoit
agi de la guériion d'une maladie interne &: cachée qui n'auroit pu être bien con-
nue que par les Maîtres de l'art : mais ici il étoit quelHon d'un mal très apparent }
d'un état fixe & invariable d'une anchylofe qui avoit defféché 6c racorni lesmuf^
des 6c les tendons du pied : qui en avoit enflé, bouleverfé, corrompu les os, 6c
qui les avoit liés à la jambe dans l'attitude contrefaite à laquelle elle les avoit ré-
duits. Cependant en prcfence 6c fous les yeux de ces témoins , cette affrcufc dif-
formité étoit difparue tout à coup, 6c ce pied fi hideux avoit recouvré en un
clin d'œil une figure naturelle ! Etoit - il donc nécelTaire d'être Expert en anato-
mie pour juger que des os difformes 6c contournés, plufieurs tendons 6c plufieurs
mufcles retirés 6c rétrécis , d'autres forcés Se allongés beaucoup au delà de leur éten-
due naturelle , 6c qui avoient été confolidés depuis long-tcms dans cet état , ne
pouvoient naturellement être rétablis tout d'un coup dans l'ancienne figure qu'ils
avoient perdue ? Qiioi ! Des témoins qui avoient eu pendant long-tems fous les^
yeux la difformité choquante de ce pied, 8c qui l'avoient vu le foirdu 14. Avril
changer fubitement de figure : des témoins qui en avoient vu les os gonflés
8c renverfés contre nature , rentrer dans eux - mêmes 6c fe rcdreffer : une grofTeur
confidérable difparoître; des tendons racourcis 6c devenus arides Se immobiles,
s'accroître & devenir fouples : des mufcles trop étendus fe réduire à la propor-
tion qu'ils dévoient avoir. Ces témoins, dis -je, n'étoient - ils donc pas en état
de certifier le miracle en queftion j ôc avoient - ils bcfoin pour cela de plus gran-
des connoijffances que celles que leur donnoient leurs lumières naturelles 6c le té-
moignage de leurs fens ?
Au refte ces lémoinshienloïn d'élretrcp faciles à croire fans un examen fnffifanf y
avoient d'abord été fi incrédules dans le premier moment defurpriié, qu'ils n'a-
voient ofé s'en fier à leurs yeux, 6c qu'ils s'étoient empreflës d'éprouver avec la
main, s'il étoit vrai commeilslevoioient, que cepiedeiitreprisfa place, fonmou-
vcment 6c fa forme naturelle : ôc après s'en être convaincus , ils avoient encore vou-
C 5 la
11 DEMONSTRATION DU MIRACLE
lu e(Taicr s'il avoit recouvre dès ce premier moment une grande vigueur, une eti-
tiëre foupleflc , & une parfaite agilité. De tels témoins peuvent-ils donc être accufcj
d'être trop crédules, & de n'examiner pas fufiirammcnt?
C'cll: pnncip:\lemcnt par la voie des miracles qu'il aplii à Dieu d'établir la Reli-
gion par toute la terre , & de détruire l'idolâtrie. Auffi les Paiens dans les beaux
liecles d? l'Eglifc, le convertilToient - ils en foule à la viîe de ces œuvres divines.
Ils n'avoient pas befoin pour croire une guériion miraculcufe, qu'on leur prou*
vat qu'elle avoit été prévue quelques jours auparavant : qu'en conféquencc on
aToit aflemblé pluiîeurs Maîtres de l'art d'une grande réputation, pour conftatcf
préalablement d'une manière juridique l'incurabilité de la maladie dont on avoit
cfpéré la guérifon: qu'aufll-tôt après le miracle on avoit appelle de nouveau les
mêmes Maîtres de l'art pour l'examiner : 6c que l'évidence manifeftc 8c palpable
du prodige les avoit forces de le certifier par écrit, malgré l'intérêt fenfible qu'ils
auroient eu de ne le point faire. Mais fi alors on étoit difpenlc de prendre de tel-
les précautions pour atteftcr les miracles, il n'en eft pas de même aujourd'hui. 11
fcmble à la plilpart des hommes que le très haut cfl obligé, pour leur faire ajou-
ter foi à fes merveilles , de s'aflujettir à leurs caprices , 6c aux règles que la dureté
de leur cœur leur fait defirer.
Mais 11 l'incrédulité de notre ficcle va jufqu'àvouloir exiger des preuves de cette
efpece , n'eft - ce pas un terrible jugement pour ce fieclc infidèle , que Dieu veuille
bien quelque fois les lui donner, 6c que malgré cela il ne laifle pas de fe trouver
encore parmi les Chrétiens prefqu'autant de contradiéteurs de ces œuvres divines,
3ue notre divin Sauveur en trouva lui-même au milieu de Ton peuple, qui en punition
c cette incrédulité eft rcilé jufqu'àce jour dans l'endurcificment & la réprobation ?
Hclas Seigneur ! C'ell en vain que vous multiplicrés les circOnllanccs les plus
frapantes 6c les témoignages les plus convaincans , fi vous - même ne touchés les
cœurs' Le défaut n'eft nullement ici dans les preuves, mais dans les préjugés, dans
rentêtcmcnt, 8c dans un aveuglement volontaire. Y eiit-il encore s'il étoit pof-
fible , une évidence plus palpable 8c plus accablante , l'incrédule fera toujours in-
crédule fi l'onétion intérieure de vôtre grâce ne change fon cœur ! Mais un tel
changement eft un miracle de vôtre droite bien au defiiis de la guérifon des ma-
ladies les plus incurables ! Ha ! Dieu de bonté , dont la miféricorde eft toute gra-
tuite, daignes accompagner les preuves inconteftablcs que que nous allons préfcn-
ter au Icfteur , d'une lumière fortic de vôtre fcin , qui éclaire les cfprits & em-
brafe les cœurs! Amen, Amen.
PROPOSITIONS
S^I SERONT PROUFE'ES DJNS CETTE DEMONSTRATION.
PREMIERE PROPOSITION.
Une anchylofc complette avoit rendu la difformité du pied gauche de la D"'.
Fourcroy un état fixe 6c invariable, lorfqu'il plût au Tout-puiïlant de luy faire
reprendre tout à coup une forme naturelle.
II. P R O P O S I T I O N.
I L n'y avoit aucun moien au pouvoir des êtres créés, qui fut capable de faire
reprendre fa première forme au pied anchylofé de la D'". Fourcroy.
III. PRO-
OPE'RE' SUR M. J. FOURCROY. 23
III. PROPOSITION.
Le pied difforme de la D'l^ Foiircroy à tout d'un coup recouvré une figure
naturelle au milieu de Tes convlfions le 14. Avril 173 t. 6c s'eft trouvé furie
champ dans un état parfait.
IV. ET DERNIERE PROPOSITION.
;d de
: mouv c-
Topércr ce pi
I. PROPOSITION.
Une anchyhfe complet te avait rendu la difformité du pied gauche de laDlIe. Four-
croy un état fixe £s? invariable ^ lorfiqu'il plût au T'out-puiffant de lui faire reprendre
tout à coup une forme naturelle.
Quoique la guérifon fubite & parfîiite de l'anchylofe qui avoiteftropié laD"*.
Fourcroy ne foit peut - être pas la plus grande des merveilles que Dieu ait
Elit en fa faveur, néanmoins comme elle n'a pris foin de recueillir des té-
moignages que de cette guérifon miraculeufe, nous nous bornerons à fiire feu-
lement la démonftration de ce miracle.
Ce n'eft pas qu'il n'y ait des preuves très convaincantes de plufieurs autres mi-
racles, tant dans fa relation que dans les pièces qu'elle a dépofces; mais comme
ces preuves, dont cette D"^. n'a pas eu la précaution de raflemblcr la totalité, ne
s'y trouvent qu'en petit nombre , & feulement par occafion , nous nous contente-
rons à cet égard de renvoier le leéleur au récit que nous en avons fiiit , Seaux piè-
ces juftificatives d'oii nous l'avons tiré.
Si les preuves qu'il y trouvera ne font pas aflez multipliées pour terrafTer les in-
crédules , elles feront .du moins fuffifantes pour porter tous les cœurs droits à rendre
gloire à Dieu de la magnificence avec laquelle il rend fon opération fenfible , au mi-
lieu des contradiélions par lefquellcs il permet que fes œuvres foient combattues.
Qui peut en effet refufer de le reconnoîtrc 8c d'adorer fa Toute - puiiïance 6cfîi
bonté, en volant une hidropilie monftrueufe guérie parfaitement en très peu de
jours avec un peu de terre? En volant une foibleffe habituelle de plufieurs années
produite par une multitude d'infirmités, portée à fon comble par près de 200.
îkignées 6c par une maladie mortelle qui avoit réduit la malade à la dernière extré-
mité, fe changer fubitement en une vigueur fumaturelle qui rétablit tout d'un coup
6c pour toujours les forces de cette agonifante ? En volant une perfonne très boffue
6c toute contrefaite depuis fon enfance, devenir droite à vj . ans, par des moyens
auffi furprenans qne le merveilleux changement arrivé dans fa figure ?
Tous ces faits font conftans : ils font même de notoriété publique. Pènt-on.
révoquei- en doute que cette fille n'ait été hidropique depuis le mois d'Avril;
1731^ 8c qu'elle n'ait été parfaitement guérie de cette maladie , finon fubitement ,,
au moins en très peu de tems, à commencer au 11. Mars 1732.. qu étant réduite:
à l'agonie , elk eût des convulfions pour la première fois .''
Une hidropifie qui rend le corps d'une grofîêur prodigieufe pendant pres d'uni
an , eft une maladie très apparente 6c très vifiblc , d(Mit il n'cft pas poffible de fein-
dre ou fuppofcr ni l'exiftence, ni la guérifon. L'une 6c l'autre ont eu pour té^
moins un très grand nombre de peribnnes , 5c entr'uutres toute la communauté des-
Religieufes de S-«- Pélagie. La De . de Vitri qui les certifie , 6c chez qui la D'"". Four^
eroy alla loger le 31. du même mois de Mars, 6ctous ceaox qui l'ont vue chez elle-
ii'"onî>-
l
Z4 DE'MONSTRATION DU MIRACLE
n'ont-ils pas admiré Ci-tte guérilon fi pronite 5c fi complctte ? Les Ciimrgiens qui
ont cx:\;nin6r.-)aanciiylorj -.wec tant d'utteiition le i. & p. Avril luivans ont-ils re-
marqué qu'elle ciât aucun rcftc de cette hidropific ?
N'cll-il pas également c.-rtain que des le premier moment que cette mourante
eût des convulfions, fon corps fi débile depuis tant d'années reprit une vigueur
étonnante , & q}i'il recouvra fiir le champ fes forces 5c fa fanté accompagnées
d'un appétit inlktiablc qui lui rendit en peu de jour? fon embonpoint, amd que
le dépolc la De, de Vitri ? Les Chirurgiens qui examinèrent cette miraculée les
1. ^ p. Avril, ne lui trouvèrent - ils pas une famé parfiiite, à l'exception feule-
ment de l'anchylofp qui la rcndoit, non pas malade, mais eftropiéc?
A l'égard de la difformité choquante de la taille , peut-on la révoquer en dou-
te , après qu'elle a été conftatée en 1732. par les rapports de plufieurs Maîtres
de l'art, 5c notamment par celui de M. de Mantevillc , êc qu'elle fe trouve en-
core prouvée par deux certificats d'autant moins fufpcfts que les témoins qui
ont fait menti-m des deux boffcs de cette fille, l'ont fait fans aucun dcficin, Se
n'en ont parlé que parce que fa figure contrefaite leur avoir frappé la vue? D'autre
part n'étoit-il pas d'une notoriété publique que depuis 1733. elle ne paroîtplus
:)ofrue, du moins lorfqu'elic e(t habillée? Comment nier une chofe qui depuis
plufieurs années effc expoféc à la vue de tout le monde, 5c dont chacun elt en
état de fc convaincre encore aujourd'hui ?
Mais fi tous ces faits font incontcflablcs,rcxi(lencc,rincurabilité 5c laguérifon
fubitc Scmiraculeufe de fon anchylofe le font encore bien davantage. Ils font por-
tes à un tel degré d'évidence Se d'authenticité par les aéles dont nous allons rendre
compte, que les plus incrédules ne pourronty réfillerdcbonnefoi , 5c quccemi-
racle feroit capable de convertir les plus prévenus, foit contre l'Appel, foit contre
les convulfions, fi les miracles changeoient les cœurs : mais helas! Cette voix di-
vine ne parle qu'aux fcnsôc à la railon : elle ne fait qu'une imprdiion fuperficicUe
fî le Créateur des vertus ne parle en même tcms au cœur.
Il n'eft pas ici quellion d'une de ces maladies pallageres.Jont l'origine e(l in-
certaine, les fimptômes équivoques, les fuites 5c les effets difficiles à diiccrner.
L'état oîiétoitla D''. Fourcroy lorfqu'cUe a été guérie d'une manière lî mcrveil-
Icufe , n'étoit plus une maladie > c'étoit une diflormité des os fixe 5c permanente.
L'origine de ce mal cft connue , fes fimptômes font fenfibles , fes fuites Se fcs effets
ont été vifiblcs 5c palpables : cnfortc qu'il n'a fallu que des yeux pour être en état
de juger de h qualité d'un tel mal. Outre cela c'cll à la lumière, c'elt fur l'exa-
men de fix des plus habiles Chirurgiens de Paris que ce mal a été reconnu pour
une anchylofe complettc 5c confomméc.
Au fimple récit de l'accident qui en fût la première caufe, on commence à préf-
fcntir les fuites qu'il pouvoit avoir. „ Au mois de Janvier 1751. (dit la D'''«.
„ Fourcroy) quoiqu'à mes autres infirmités ordinaires, il fe fût joint une grofTc
„ fièvre continue avec des rcdoublcmens, je m'avifai étant feule de me lever,
„ 5c de vouloir refaire mon lit. Pour cet effet aiant voulu Icpoufler du picdgau-
5, chc, je fis un effort beaucoup au dcfilis de mes forces ; ccquifitenflcrmonpicd
„ confidérablcmcnt à l'endroit de la cheville, 5c me fit beaucoup de douleur lorf-
„ que je voulus m'en fcn-ir pour marcher Dès le premier jourde mo 1 acci-
„ dent, il vint une grofleur à la cheville de mon pied en dehors, d'abord grofle
„ comme le pouce, mais qui a toujours augmente. Cependant j'étois fiennuiéc
„ de demeurer toujours au lit, que je m'obllinai pend.mtT. ou 8. jours à vouloir
5, rcfter levée quelques heures de la journée : mais mon mal au pied aiant toujours
„ augmenté S\ ne pouvant plus non feulement marcher, mais même l'appuiera
„ tClTC
I
OPERE' SUR M. T. FOURCROY. If
,, terre le moins du monde , je fus obligée de refterau lit fans en pouvoir fortir :
„ de façon qu'on étoit obligé de me porter pour me mettre dans un fauteuil , lorf-
„ qu'on vouloit refaire mon lit. „
Si les premiers effets que produifit cet accident : 11 le déboîtement du pied qui
le fit enfler confidérablcment à l'endoit de la jointure des os : fi l'épanchement
de l'humeur finoviale qui forma fur le champ une groffe tumeur au dcflus de la
cheville : fi les vives douleurs qui augmentèrent fans cefle& qui forcei'ent la ma-
lade de laifier continuellement fon pied dans un repos en tel cas fi dangereux , é-
toient les voies ordinaires par lefqucUes fc forme l'anchylofe ; le mauvais effet
des remèdes qui ne firent qu'aigrir le mal, bien loin de le guérir, ôc la figure dif-
forme 6c contrefaite que prit bien-tôt ce pied, en furent un pronoftique infaillible.
„ On fe contenta d'abord (dit la D"*^. Fourcroy) de me faire venir un gar-
„ çon Chirurgien pour panfer mon pied: mais loin que les cataplàmes & autres
„ drogues qu'il me m it fur le pied m'apportaiîent aucun foulagement , je m'apper-
„ cevois au contraire &; fcnfiblement, que chaque remedequ'il y mettoit , aigrif-
„ foit mon mal & augmentoit ma douleur . . . Un mois ou fixfemaines après, mon
„ talon commença à fe retirer 6c mon pied à fe tourner en dedans fens defllis de-
„ fous : 8c je fentis dans mon lit queje n'en pouvois plus faire aucun mouvement. „
Voici le mal bien-tôt à fon comble: & ces trois derniers carafteres lèvent en-
tièrement toute incertitude fiir fii nature.
I. Les remèdes ne font qu'augmenter la douleur, parce que l'humeur finoviale
s'étoit déjà trop aigrie 6c trop épaiilie dans les cavités du déboîtement où elles'é-
toit épanchée, pour que les remèdes fuITent capables de lui faire reprendre une
«qualité douce , onftucufe 6c coulante.
1. Cette humeur devenue au contraire cauftique 6c corrofive s'étoit infinuée
dans les mufcles 6c dans les os : elle avoit déjà defléché 6c raconii le tendon d'A-
chilles , étant de la dernière évidence que c'eft le racourcifTementde ce tendon
qui faifoit lemonter le talon dans la jambe : elle avoit en m ême-tems gonflé les
os du pied, 6c peu à peu elle les contournoit fens dcflus deflôus, &, leur faifoit
changer de figure.
3 . Enfin elle s'étoit déjà fi fort coagulée entre les os de l'articulation , que la ma-
lade ne pouvoit plus faire aucun mouvement de fon pied.
Dans ce trifte état la D"^ Fourcroy fit prier , dit-elle , M. Depvignes Chirurgien
de réputation de la 'venir voir. ,, Il me traitta pendant quelques mois (ajoute-t-elle :)
„ mais les remèdes n'eurent pas plusdefuccès que ceux que m'avoit donné le gar-
„ çon Chirurgien, 6c je lui fis même obferver que mon piedfe toumoit toujours
„ de plus en plus , £c que mon talon étoit toujours de plus en plus retiré : 6c lui-
„ même après avoir éprouvé tous les remèdes qu'il pût imaginer, me déclara que
„ mon mal étoit abfolument incurable : que tous les remèdes que je pourrois faire
„ n'auroient d'autre effet que d'irriter encore l'humeur, 6c que je n'avois d'au-
„ tre parti à prendre que de n'en plus faire aucun , 6c de me réfoudre à fouffrir
„ cette incommodité, dont la douleur diminucroit en ccfHinttous lesrem.edes. „
Mais écoutons M. Dcfvignes s'expliquer lui-même fur l'état où il trouva le
pied de la malade , 6c fur l'inutilité de tous les remèdes qu'il lui fit. „ Je certifie
5, (dit-il) que ce pied étoit tourné en dedans, letcndond'Achilles en aiant retiré
„ le talon, 6c qu'elle ne pouvoit appuicr fon pied que fur la partie externe S<.
„ vers le petit doigt Il me parût lors àcôté de la malléole externe unetu-
5, meur molle : je lui fis faiie plufieuvs remèdes lefqucls furent tous fins fuc-
„ ces, 6c après Icfqucls je trouvai que la courbure étoit confidérablcment aug-
• j, mcntée malgré les rcmtdcs: ce qui me donna lieu d- juger que l'arricle fe
///. Demonjl. Toîne IL D „ feu-
16 DE'MONSTRATION DU MIRACLE
„ fouderoit & s'anchyloferoit, auquel cas lu maladie devicndroit incurable. „
Voilà donc M. DeiVi£;ncs qui attcrte qu'il trouva le pied de la D'''. Fourcroy
déjà prcfque retourné kns dciïiis dcflbus, puifqu'cllc ne pouvoitplus 1 appuier a
terre que fur la furface : voilà ce célèbre Chirurgien qui convient humblement qu'en
vain lui fit-il plufieurs remèdes, ils furent tous fms fuccès , & qu'il ne pur même
empêcher que les os de ce pied ne fc courbaiïcnt de plus en plus malgré tous- fes
médicamens : voilà cet habile Maître de l'art qui juge que l'humeur finoviale s'étoit
déjà fi fort épaifiîe que l'articulation du pied étoitfur le point de s'unchylofer.
Il fût même fi convaincu que cet accident étoit inévitable, en voiantque tous
fcs remèdes n'avoient produit aucun bon effet , qu'il prit le parti de les difconti-
nuer, ôc de déclarer à la malade que fon unique refiource étoit de n'en plus faire,
de fe refoudre à reftcr eftropiée , 6c de laiflcr tranquillement la finovie achever de
s'ofiîfier, ce qui dimimieroit confidérablcment les douleurs qu'elle fouffroit.
La D''*. Foiuxroy ayant compris par ce fagc confeil que la difformité de fon pied
étoit devenue irrémédiable, ic réfolut fans peine à cefler des médicamens qui n'a,-
voicnt d'autre effet que d'augmenter fcs fouffrancts fans cmpêclier le progrès du
mal. FJle prit volontiers le parti de laiflcr fon pied dans une immobilité continuel-
le, n'afpirant plus qu'à fc procurer par ce moicn la diminution de fes douleurs.
Qiii peut douter que la finovie, qui des le tems que M. Dclvignes défefpénidc
la gucrifon, étoit déjatoute prête àfcpctrificr, ne l'ait été pendant un long re-
pos fi propre à cet effet ?
AufTî ce pied prit-il bien-tôt une figure folide ce permanente: fesoscoitrbés &
contournés fe fondèrent à ceux de la jambe : le talon demeura comme enchaflc un
peu au delTous du mollet: £c le pied rcnverfé relia immobile dans cette fituation
contre nature.
II y avoir déjà près d'un an que ce pied étoit en cet état, lorfque laD"'. Four-
croy réduite à l'agonie par une hydropificmonllrucufe, fût tirée des portes de la
mort le ii. Mars 1732. par des convulfions pour Icfquellcs elle avoit eu jusqu'à
ce moment une averfion fi marquée.
Ces convulfions, qui dans ce tems étoicnt fouvent le figne aufTi bien que le
moien de la guérifon des plus grandes infirmités , aiant continue après la gucrifon
f)arfaite de l'hydropifie, & de tous les autres maux qu'avoit la D"'. Fourcroy, à
'exception feulement de fon anchylofc, 6c aiant agité d'une force extraordinaire
fa jambe cflropièe , ce qui étoit accompagne d'une cfpece de prodige, cela lui fît
concevoir l'efpérance que Dieu vouloit ret.ablir ce pied fi difforme. „ Comme
„ l'on me dit que dans mes convulfions ( déclare-t-ellc) j'avois des mouvemens
„ cxtrcmcmcnt violens dans ma jambe gauche, fie qu'elle frapoit d'une force in-
j, croiablc contre tout ce qui le trouvoit auprès de moi fans me faire aucun mal ,
„ il me vint dans l'cfprit que Dieu vouloit apparemment me guérir de l'incom-
5, modité que j'avois au pied gauche.
„ Aiant remarqué (dit laD^. de Vitri, chez qui la D"'. Fourcroy dcmcuroit
„ alors "i que fi jambe gauche s'agitoit avec une force incroiable , 6c frapoit
„ tout ce qui fc rcncontroit auprès d'elle, je lui demandai à la fin defaconvul-
,5 fion, C\ clic ne fe fentoit pas blcffée à la jambe gauche : m'aiant repondu que
,, non, 6c lui aiant rapporté les mouvemens extraordinaires qu'elle en fail'oit,
„ 6c les coups qu'elle donnoit contre tout ce qui étoit proche d'elle , elle me ré-
„ pondit que ce que je lui difois lui fàifoit grand plaifir,6cque c'etoit un figne
„ que Dieu vouloit la guérir de l'incommodité qu'elle avoit à ce pied là.
C'cfl ici l'époque mémorable du degré èmincnt de certitude où Dieu a voulu
Bicttrc la diflorniit^ extrême fie l'état vïûblcmcnt incurable 011 ctoit le pied de cet-
te
OPERE' SUR M. J. FOURCROY. zy
te fille : il n'épargne pas les prodiges à dcfTcin de fiiire préflentir qu'il alloic bien-
tôt rendre une forme nouvelle à ce pied fi contrefait : il le rend invulnérable en
même tems qu'il l'ugite par les plus fortes convulfions. Tous les fpeétateurs éton-
nés de cette men-eille en conclurent unanimement qu'il falloit repreilcrde faire
onftater l'état de ce pied par les nétes les plus autcntiqucs.
M. de Manteville Prévôt de la Compagnie des Chirurgiens , 6c Déraondrateur en
anatomie eft appelle le premier. Il certifie dans fon rapport du i. Avril 17^1. que
IfiDHe. Fourcroy ne pou voit /o/n- à terre que la pointe du pied gauche , le talon étant
en l'air, le pied très étendu , mais plié fur le côté en dedans que V articulation
de ce pied éio'it gonflée t^ dejettée : que /(î malléole externe f ai fait en dehors une bojj'if
plus conftdérahle que dans l'état naturel : & que ce pied ne pouvoit être fléchi, aiant
perdu fon mouvement , étant anchylofé ; ce qu'il déclare être incurable.
Lep. dumème moisd'Avril 1752. cinq autres Chirurgiens de marque font enco-
re mandés pour examiner tous enfcmble cette hideufc difformité. Ce furent MM.
Leauté, Sivert, Souchai, Granicr & de Launay, Chirurgiens dont la réputation
cil: également étabhc à la Cour, à la Ville, dans les Hôpitaux & dans les Armées.
D'abord ils s'étonnent qu'on les ait affemblés pour leur faire voir un pied con-
-^trefeit , qui aiant pris depuis long-tems une confill:ance fixe & folide n'étoitplus
fufceptibie d'aucun remède à cet égard , 8c ne pouvoit jamais recouvrer la figure
qu'il avoir perdue. On les prie cependant de faire un examen très ferieux de l'état de
ce pied, & d'endreffer tous enfemble un procès- verbal. Ils fe doutent que c'eft
dans l'efpérance d'un miracle qu'on leur fiit une telle prière pour une convulfion-
naire: ils fentent de qu'elle conféquence peut devenir pourcux-même le rapport
qu'on cxiged'eux : ils favent que toute leur fortune dépend de la Cour de qui ils
tiennent leurs emplois : ils n'ignorent pas fes préventions contre les convulfions.
Peut-on douter qu'ils n'ayent apporté à cet examen toute l'attention poffib le, afin
de ne rien mettre dans leur procès-verbal qui ne fût cxaélcmcnt conforme à la vé-
rité , Se à ce qui étoit de la connoifflince de tous ceux qui avoient examiné ce pied
avant eux? Aulurplus l'état de ce pied, fie la caufe de fi difformité ctoient fi vifibles
& fi palpables qu'il n'étoit pas pofiible de s'y méprendre, n'y deriendéguifer.
Ils certifient dans ce proces-verbal fait le 9. Avril 1731. qu'aiant „ vifité ... &
„ examiné. . . le pied gauche (de la) D"^. Fourcroy (ils ont) trouve une anchy-
„ lofe à l'articulation de ce pied avec la jambe ; (que cette) anchylofe a donné
„ occafionà une contorilon de pied , de fiçon que fa pointe fc jette en dedans &:
„ (que) la partie interne du pied (eft) retournée vers la face fupérieure : (que)
,, le talon retiré par le tendon d'Achilles fait que le pied ne peut pofer à terre que
„ fur fon extrémité 6c fur la furface externe 6c fupérieure, qu'il y a une tumeur
„ au deffus de la malléole externe groffe comme \\n œuf de pigeon , occafionnée par
„ la dilatation de la cnpfule deTarticuh^ion : (5c) que le pied ell: abfolument fans
„ mouvement (ce qu'ils déclarent) être incurable.
Il fiiUoit que cette incurabilité fût bien évidente ^ bien inconteftablepour en-
gager cinq célèbres Chirurgiens, dont trois font au fcrvice de fa Majcilié à le cer-
tifier ainfi unanimement dans un procès-verbal qu'ils prévoioient devoir faire un
grand éclat, s'il plaiiôit à Dieu de rendre a cepied fa premia'e forme, ainfi qu'il
cil amvé cinq jours après.
Aufll ce miraculeux événement ne leur fit-il rien rabatti'C , non plus qu'à M. de
Manteville, du jugement qu'ils en -avoient portés. L'intime perfuafion oi^i ils fu-
rent que Dieu feul avoit pu faire une telle transformation Ci contraire aux loix de
la nature, leur donna un courage intrépide pcurattcilerdc nouveau le lendemain
6clefur-lcndem;ùndu mir. cle, l'état où ils avoient vu ce pied , 6c fon incurabilité
D 2 mani-
î8 DEMONSTRATION DU MIRACLE,
manifefte & pnlpable : ils fcmblentmêmc s'exprimer dans ce fécond rapport avec
encore plus de force & d'énergie que dans le premier, parcequeplulieurs d*cn-
tr'cux y entrent dans un détail plus circonilancic.
„ Nous reconnûmes (dit M. Leauté dans le rapport de fa vifite du if. A-
„ vril, en parlant du proccs-verbal du 9. du même mois) que la D' ''. Fourcroy
„ avoit le pied gauche tout contourné, & ne pouvant en faire aucun mouve-
„ ment... . Qii'cUe avoit uncanchylofeà l'articulation du dit pied gauche avec la
„ jambe, qui en avoit foudé les os cnfcmble, de façon que ces os ne faifoienc
„ plus qu'un feul corps ; ce qui devoit ôter toute efpérance d'avoir jamais de mou>--
„ vemcnt dans cette articulation, n'y aiant point de remèdes d;uis la médecine qui
„ fût capable de diflbudre une anchylofe lorfque la finovie s'cft entièrement pétrr-
j, fiée au point qu'étoit celle-là : nous obfervâmes même que cette anchylofe
„ avoit produit une tumeur au defTus de la malléole externe grofle comme une
5, noix , occafionnéc par la dilatation de la capfule : & qu'elle avoit caufé une
„ contorfion au pied , de façon que fa pointe s'ctoit jcttée en dedans. Se quek
„ partie interne du pied s'étoit tournée vers la face fupérieure : 6c qucl'osduta-
„ Ion étoit retiré par le tendon d'Achilles: de forte que cette fille ne pouvoit en
„ aucune façon poierfon pied à terre que fur fon extrémité, & fur fa face externe
,, Se fupérieure, Se que s'appuicr fur le côté des doigts du pied : 8c nous lui dccla-
,, rames tous qu'il n'y avoit nuls remèdes à faire pour une pareille incommodité,.
„ qui de fa nature étoit incurable.
„ Je certifie (dit pareillement M. Souchai dans le rapport de ia vifite faite le
„ même jour if . Avril) que le p. du même mois nous trouvâmes que la D"'. Four-
„ croy avoit une anchylofe formée à l'articulation des os du pied gauche avec ceux
„ de la jambe , de façon que ces os étant joints, unis Se comme incoi-porés enfem-
„ blc, il ne Kii étoit pas poflîble d'avoir aucun mouvement dans l'articulation.
,, Nous trouvâmes aufîî que cette anchylofe avoit donné occafion à une contorfion
„ du pied : fur quoi nous fûmes tous d'avis que cette incommodité étoit incurable.
„ Nous trouvâmes (dit M. Sivert) fon pied gauche tout contourné Qu'il
., y avoit une anchilofe dans l'articulation du pied avec les os de la jambe fans au-
„ cun mouvement Nous lui dimes tous que fon mal étoit mcurable.
Peut-il y avoir des témoignages plus pofitifs Se donnés par des perfonnes
mieux au fait de ce qu'ils atteifent ? Ce feroit perdre le tcms que d'ajouter encore
d'autres preuves à des rapports fi décififs. Non feulement ils fufftfent pour perfua-
der pleinement tous ceux qui voudront faire ufage de leur raiibn , mais ils font
même capables de défefpérer l'incrédulité la plus déterminée.
Au furplus , quoique tans le vouloir j'aie déjà prouvé l'incurabilité de cet état
en mcmetems que fon exillencc , néanmoins je conjure lelcfteur de ne fe pas pri-
ver delà leélurc de la propofition fuivante. Dans un fieclc comme le notre, où
on ofe attribuer à fatan jufqu'àdes miracles dignes de Tadmiration de tout l'IUii-
vcrs , lors même que l'opération de la Divinité cil évidente Se fenfiblc , il devient
néceflaire pour être en état d'anéantir toute objeétion, d'être initruit qu'il n'y a
aucun moien dans la nature capable (par exemple) d'opérer le changement mer-
veilleux qui cil arrivé tout d'un coyp à ce pied l\ contrefait : d'ailleurs il eit bon
«jue le kéteur après avoit été periuadé par la décifion des Maitrcs de l'art que le
mal étoit incurable , foit convaincu par fa propre raifon que cette fubitcmctamor-
phofe étcit au defTus du pouvoir de tout être créé. Les fiiits que je vais relever
jans la propofition
yiront de bafc aux
I fuivante, &c les principes importans que j'y vais établir fcr-
confcqucnces qucj'cn tirerai dans ma 4'. propolicion.
1 1.
OPERE' SUR M. J. FOURCROY. Z9
IL PROPOSITION.
I L n'y avoit aucun moien au pouvoir dts êtres créés , qui fût capable de faire reprendre
fa preraiere forme au pied anchylofé de la Dlîe. Fourcroy.
Quelque hardie que cette propofition paroiffe, je puis aflurer avec confiance
que la démonllration que je vais en feire ieraporteei un tel degré d'éviden-
ce, que les plus prévenus ne pourront jouïr de la fatale fatisfaclion d'avoir quel-
que chofe de fpécieux à y répliquer, 6c qu'il ne reftera pas même aux plus in-
crédules la moindre ombre de prétexte pour en contefter la vérité.
Pour l'établir invinciblement il ne s'agit que de prouver i°. Qiie la finovie étoit
oflîfiée dans l'articulation du pied.
2". Qu'une fînovie oiîîfïée ne peut jamais recouvrer fes premières qualités par
aucun moien qui foit dans la nature.
A quoi j'ajouterai encore la preuve que des os contournés & contrefiiits ne peu-
vent point non plus être rétablis dans leur premier état, du moins dans uncper-
fonae d'un âge parfait.
QUE la finovie ait été oflîfiée dans l'articulation du pied gauche delà D''^ Four-
croy , c'ell un fiit qui fe trouve établi de la m;micre la plus décihve dans tous
les rapports de nos Chirurgiens.
Dès les premiers mois de Tannée 1731. M. Delvignes eût beau multiplier les
remèdes intérieurs, & les topiques réiolutifs, il étoit déjà trop tard. Non feule-
ment la finovie avoit déjà commencé à s'épaiflir, mais elle commençoir même à
s'ofiifier. Aufil tous les médicamens de cet habile' Chirurgien n'eurent- ils qu'un
trille fuccès : il reconnut par expérience qu'ils ne faifoient qu'aigrir l'humeur fino-
viale par leur fermentation , fans avoir aifez de force pour pouvoir diflbudre les
parties coagulées, qui malgré tous fes effoits s'accrochoient enfemble dcplusen
plus. C'eft ce quiluifit juger que V article fe fouder oit i^ 5'«»r/&y/o/^;-o;V infaillible-
ment, & que n'étant plus à tems d'y remédier, il devoir confeiller à la malade
de n'ufer plus d'aucun remède , afin de diminuer par là fes foufi-r.mces en laiilanc
la finovie s'endurcir tout-à-fait.
La D'ie. Fourcroy aiant fuivi cet avis, & en conféquence aiant tenu ce pied
douloureux pendant près d'un an dans une immobilité prefque continuelle , quand
même la- finovie n'eût pas été dès ce tems - là fur le point de fe pétrifier , im fi long,
repos n'auroit pii manquer de produire cet effet , fuivant que l'attefte le célèbre
M. Gaulard Aledecin du Roi, dans une diflertation qu'il a f ;ite fur les anchyid-
fes , produite dans mon premier tome.
„ Toutes les articulations (dit- il) font fujettes à cette maladie loi-fqu'cirrspie.-csmmt
« font dans un Ions; repos, parceque ... la finovie ... toujours verfée dans l'ef-'^".'^''?'^^','
„ pace qui le trouve a chaque articulation , n étant point duiipee par le mouve- ui:e. tiù-
„ ment des parties , s'épaiffit par le long féjour & par la chaleur du lieu : RT-^is en^'^'^^'^xy^-
„ s'épaiffifllxnt & acquérant une confiftance dure & folide comme du plâtre, elle
'~'^'le & foude l'une à l'autre la tète de chaque os qui fe touche.'
-,'expcrience nous
)3
co
5>
nous apprend (dit-il ailleurs), que cette liqueur, quand eliepieccjjïi.'Ko
„.a. commence à s'épaiflîr & à fecoaguler , à moins qu'on n'apporte fur le champ Ju^t'^"'--
„ les remèdes nécefllures pour empêcher le progrés du mal, ne tarde gucres afh^ïer.^cnr,-
j, s'oflîfier, A uiîî éprouvons- nous que toute anchylofe qui ell un peu ancienne 5.^- ^^^"•
„ ne peut plus être guérie. „
Ces remèdes néceffaires furent appliqués par M. Defvignes : muisih fetroiîve-
D X renr>-
'{o DE'MONSTRATIOîSr DU MIRACLE
rcnt tous fans force & lans vertu, parce que la finovie s'ctoit déjà trop cpaifTic.
Cet habile Chirurgien fe vit oblige d'en abandonner la cure , ôc la D"^ Fourcroy
de cciïer tous les remèdes. Elle lailVe Ton pied pendant près d'un an dans une iniic-
tion parfaite : comment la finovie ne fc fcroit-cllc pas oflîfiée ?
Mais nous ne fommes pas réduits à le prouver par conjeftures : nous en rappor-
tons les prouves Us plus politives 6c les plus fortes qu'on puillc fouhaiter. Que
le lecteur me permette de lui rappellcr encore ici les rapports de nos Chimrgicns. Jà/
trouvé, dit M. Granier, que la D'^ Fourcroy a^'oit le ped gauche entièrement
foudé ai-ec la jambe.
„ Nous trouvâmes (dit M. Siveit) qu'il y avoit une anchylofc dans l'articu-
„ lation du pied avec les os de la jambe , fans aucun mouvement comme s'ils a-
„ voient ctc joints Se incorporés enfcmble.
„ Nous reconnûmes (dit M. Leauté) qu'elle avoit une anchylofc à l'articu-
„ lation du pied avec les os de la jambe, qui en avoit foudé les os enfemble, de
„ façon que ces os ne tailbicnt plus qu'un fcul corps.
„ Nous trouvâmes (dit M. Souchai) qu'elle avoit une anchylofc formée à
„ l'articulation des os du pied gauche avec ceux de la jambe; de façon que ces
„ os étoient joints, unis 6c comme incorporés enfcmble j (à quoi il ajoute plils
„ bas) que fes os étoient contournés.
Rapportons encore la réponfe que ces Chimrgicns firent aux interrogations de
M. Seron, ce grand Médecin fi difficile à convaincre en fait de miracles: il at-
telle qu'ils lui certifièrent unanimement que la D''^ Fourcroy,, ne pouvoir faire au-
„ cun mouvement de fon pied gauche par la réunion intime des
„ os anchylofés de la jambe avec ceux du pied {?x) que ces os paroiflbient confondus,
„ continus, 6c ne plus faire qu'un fcul corps, ou plutôt qu'un fcul os. „
Si les os contrefiits du pied ont été fbudésj>zr la finovie, à ceux de la jambe
avec lo/e religion fi intime, que tous ces os differens étoient yo;»/;, tifiis, confondus ,
continus u? incorporés enfemble ....de façon qu'ils ne f ai [oient plus qii un feul corps , ou
plutôt ^«'«« yèw/ OJ , la' finovie qui les réunilToit ainfi ctoit donc oififiée ? Cela
ibid. cil d'autant plus inconteftablc que fuivant M. GauUard : s'il ne refle plus dutmtde
moui-cmcnt dans une articulation anchylofée, c'efî une preuve que la finovie s'ejl en-
tièrement offifiée. Or tous nos Chimrgicns fans exception ont attclié aprcs toutes
leurs différentes expériences, qu'il ne relloit aucun mouvement dans l'articula-
tion du pied gauche de la D'■'^ Fourcroy.
C'ell donc un fait indubitable que la finovie ctoit oflîfiée? Reftc à établir qu'il
n'y a aucun moicn au pouvoir des êtres créés qui foit cap.^blede lui faire rcprcndi-e
fes premières qualités, lorfqu'cllc a ainfi totalement changé de nature 6c de
forme. Nous allons d'abord prouver par des autorités que cclan'cll jamais arrivé;
nous prouverons cnfuite par une démonlhation métaphifiquc qu'il n'y a que Dieu
qui puillc le fiiire.
„ Il n'y a point de remèdes dans la Médecine (dit M. Leauté) quiffltcapa-
„ blc de di (foudre une anchylofc, lorfquc la finovie s'cll entièrement pétrifiée
„ au point qu'étoit celle (de la D'''. Fourcroy.)
Uij. „ Tous les Médecins convicnrttnt (dit M. GauUard' que lorfquc l'anchylo-
„ fc cil entièrement formée, elle cil abfolumcnt incurable, parccque, lorfquc la
„ finovie s'cft non feulement épaiflie 6c coagulée, mais s'cll olfifiér, il n'y aau-
„ cun remède ni intérieur, m extérieur qui lui puillc faire reprendre fa lluidité,
„ 8c cctcc foudure qui joint les os enfcmble cil i'\ forte, qu'on brifcroit les os
„ plutôt que de les disjoindre à cet endroit là : 6c clk' dc\ icnt fi dure que les to-
„ piques détruiroient plutôt les tégumcns qui couvrent r;uidhyloic que de dé-
truire la finovie ollihcc. „ Ccll
OPE'RE' SUR M. J. FOURCROY. ;i
Ceft donc une expérience de tous les tems fpuifque tous les Médecins en con-
viennent) qu'il n'y a aucun remède capable de liquifier une finovieofîîfiée: Scquc
cette fînovie acquiert une conllftancc encore plus folide que celle des os qu'elle
a incorporés entcmble, puifqu'on les roniproit plutôt en tout autre endroit que
diins celui de leur foudure ?
Mais ce n'eft pas aflez que le fentiment unanime des Médecins de tous les fic-
elés pour établir ma propofition : il peut y avoit desfpécifîques dont ils aient tou-
jours ignoré la vertu. D'ailleurs je me fuis non feulement engagé à prouver, que
"la tranfmutation d'une lînovie pétrifiée, en la première qualité d'une liqueur dou-
ée ôc onélueufe, ne fe peut pas faire naturellement, j'ai aufiî promis d'établir que
cela ne peut jamais arriver que par une opération Divine , puifquc je foutiens que
cela eft au deflus du pouvoir de tout être créé. Mais hcureufement j'ai ici cet
avantage qu'il ne faut pour le démontrer que préfenter quelques principes demé-
taphifique, aufquels je prie le leéteur de donner toute fon attention.
Tout fd* régit dans la nature par les loix que Dieu y a d'abord établies. Toutes
les transformations que nous y volons, ne font que le développement, la fuite Se
l'cfl^et des germes, 6c des difpofitions que le Créateur a renfermé dans differens
êtres matériels dès le premier inftant de leur exiilence: mais dès que la transfor-
mation à laquelle ils font deftinés eil une fois faite, leur matière, qui lorfqu'ellc
change totalement de nature perd toutes fcs qualités précédentes , ne peut plus
les recouvrer : parce que Dieu n'a pas mis , du moins dans la plupart des êtres
corporels, des difpofitions revcrfiblcs pour leur faire reprendre leurs premières
qualités, lorfqu'elles en ont tout à tait changé. Un exemple qui a un parfait rap-
port avec celui de ranchylofc, va rendre cette vérité palpable.
Les os ne font produits que par une liqueur à peu-prcs pareille à l'humeur fi-
noviale. Dieu a mis dans cette liqueur une difpofition propre à s'offificr. Pour
cet effet fcs parties les plus fluides s'évaporent & fediffipent : les plus fermes, les
plus féches &; les plus groifieres s'unifient, 6c s'accrochent cnfemble. Cependant
tant que les os font encore à ce premier état, ils n'ont que très peu de folidité,
ainfi que font ceux des enfans nouveaux nés : mais bientôt les fucs remplis de
fels qui fervent à la nourriture de ces os, leur fourniflcnt des parties très dures qui
fe joignent, fe confondent &:.fe coniblident avec ces os, enforte qu'ils ne font
pius avec eux qu'un fcul tout de la même efpece, & de la même nature.
Lorfque les os ont une fois acquis leur dernier degré de con fi Itanccfic de folidité,
il n'y a aucun moien dans la nature qui foit capable de leur fiiire reprendre tou--
tes les qualités de la première liqueur qui les a d'abord formes. Cela eft même
phifiqucment impoflible, parce que la matière de ces qualités nefubfifteplur: que •
Dieu n'a point mis dans les os une difpofition propre à le refondre en une liqueur
qui ait toutes les mêmes qualités, que celle par qui ils ont d'abord été produits :
& qu'aucontraire il a voulu que les os acquerafient une confiftancefécheôcdure, .
qui eil d'une nature toute oppofée à celle de cette première liqueur.
Tout ce que je viens de dire des os fe doit appliquer également à une finovie
pétrifiée. Cette humeur ne peut prendre une confilhmce folide, &. même encore -
plus dure que celle des os , fans prendre toutes les particules qui la renùoient aupa-
ravant liquide,. doute 6c. onchieufe, puifqu'elle acquiert en le pétri fiant- des quali--
tés toutes contraires. Or toute liqueur dont les premières qualités ont été anéanties en i
prenantla forme d'un corps folide , ne peut plus les recouvrer, parce qu'elle n'eft plijs ■
la même qu'elle étoit , & qu'elle a entièrement changé de nature. Sa première foiTUc
ctant totalement pcnc: en vain prétendroit r on en retrouver la matière dans la for- -
me contraire qui lui a fuccedé : cette matière à été difiîpée pour la plus graln^-
de partie, 6c le furplus a totalement changé de configuration 6c d'tfpçcc- . •
ji DE'MONSTRATION DU MIRACLE
Mais quand on fuppofcroitquc le Démon çourroit trouver parmi les êtres créé*
quelque difTolvant capable de liquificr une linovie ofllllée &: de luy rendre en mê-
me tems toutes fcs premières qualités; du moins ne pourroit-on pas difconvenir
qu'il faudroit que ce diflolvant fut d'une force extraordinaire , & même que fou
aftiv^ité fût encore augmentée par le feu. Il eft par confcquent de la dernière
évidence que le Démon luy même malgré toute fon induftric , ne pourroit en
faire ufage pour guérir imc anchylofe : {-(uifqu'il e ftvifiblc qu'un diifolvant de cette
force brûleroit la peau £c les ch;urs , au travers dcfquelles il f\udroit qucle Démon
le fit pafTcr pour luy faire atteindre lafinovie oflîtiéc: ainfi bien loin qu'un tel cau-
ftique procurât laguérifon, il ne pourroit au contraire produire d'autre effet, que
de détruire les membres anchilofcs.
Il cft donc inconte Ilable: il cft donc démontré qu'il ne peut y avoir dans la
nature aucun moien propre à. diflbudre & à fure reprendre fcs premières qualités
à une finovie pétrifiée dans une articulation d'un corps vivant. Or nilcs Anges,
ni les hommes, ni les Démons ne peuvent rien opérer d'eux-mêmes fur la matière
par leur feule volonté , &c fans trouver dans la nature des moiens capables d'exé-
cuter ce qu'ils veulent faire: ainfi il cil donc vrai de dire que la fi;uérifondupied
difforme de la D"'. Fourcrov, palfoit le pouvoir de tout être crée ?
Au furplus pour rendre cette guérifon parfaite, il ne fuffifoit pas de changer
de nature la finovic ofllfiée : il y avoit encore bien d'autres chofcs à faire.
Des le mois de Janvier 173 1. dés le premier tems que la D''<^. Fourcroy eût
le pied déboîté par une detorfe, les vives couleurs qu'elle y fouffrit, enHammcrcnt
l'humeur fiaoviale qui s'étoit ép.inchée dans le vuidc qu'avoit caufé le déboîte-
ment de l'articulation. Bientôt cette humeur aiant acquis une fermentation très
violente, pénétra les mufcles 8c les tendons, &c ne tarda pas aies dcilccher. Elle
fit cnfuitc im eifctencorebicn plus fâcheux. EUegonflales osdupiedens'inCinuar.t
entre les feuilles dont ces os font compofés. Elle brifi par ce gonllement les atta-
ches avec lefquellcs ces feuilles font liées les unes aux autres. Apres la deilriiftion
de ces attaches, ces feuilles étant agitées déplus en plus par cette humeur quiac-
qucroit tous les jours une plus grande force, elles fc bojleverfcrcnt , fe dcrart-
gerent & fc confondirent enfcmble, ce qui changea peu à peu la forme des os , &
fit retourner tout le pied prcfque fens dciïiis dcflbus.
M. Dcfvigncs déclare lui-même que la cotirbure de ce Y>\'^à augmenta confîdéra-
blcment malgré fcs remèdes. Les aiant tous fait ccfler, les os de ce pied déjà rcn-
verlcs &: à demi contournés, fe fondèrent enfcmble en cet état, Se cnfuite à ceux
de la jambe, par la pétrification de la finovic. La figure contrefaite de ce pied
devint par coméqucnt un état fixe <Sc incom mutable. Auflî pluficurs Chirugicns,
qui l'ont examine un an après, ont -ils certifié qu'ils avoient trouvé ce pied
f)refqu'entiéremcnt rcnverfé, Se fondé de cette façon aux os de la jambe, & que
es os du pied étoient contournés unis i^ incorpores enfewhL\ enforte qu'ils ne fai-
foient plus qu^un [eul os d'une figure monrtrueufe , ou du moins très difforme.
A t'on jamais imaginé qu'il y ait dans la nature quelques remèdes poiu' rendre
leur première forme à des os contrefaits dans une pcrfonne de z-. ans? Qiicl mé-
dicament feroit capable de rétablir dans leur premier état toute;; les feuilles de
ces os qui s'étoient rcnverfécs, mêlées & confondues? Qiul fpécifiquc auroit-la
vertu de leur rendre toutes leurs attaches qui avoient été brifécs, détruites 6c
anéanties?
Il cft donc doublement démontré que le rétablinemcnt du pied de la D""^. Four-
croy ctoit impofiible à toute créature? Nous allons prélentement prouver dans la
propofition fuivanie que cejrétabliircment au JclTus du pouvoirde tour être crée,
s'clt opéré dans un inllaiu au l'ius haut degré de pcrkifcion qu'on ruille imaginer.
ù 1 1 jjj_
OPE'RE' SUR M. J. FOURCROY. 55
Iir. PROPOSITION.
MuC pied difforme de la Z)"«. Fourcroy a tout d'un coup recouvré une figure naturelle aa
milieu de fes convulfions le 14. Avril 1732. ^ s'efi trouvé fur le champ dans uné-
tat parfait.
LA Sageflc éternelle proportionne toujours les moiens aux difFerentes fins quVlIc
fe propofe. Plus les œuvres font combattues , plus elle prend foin de frapcrdc
tems en tems les yeux par quelques traits lî lumineux, fi vifs, 8c fi brillans , qu'ils
diffipenttoutes les obfcurités en faveur de ceux qui cherchent de bonne foi la lu'nie~
re, Se qu'ils rendent incxcufibles ceux qui s'obftincnt à refufer de la voir. Plus
ce miracle né dans le fcin des convulfions , & opéré fubitemcnt par des mouvemens
convulfifs devoir avoir de contradicteurs , plus la providence a été attentive à lui
donner le plus haut degré de certitude que la raifon humaine puiOc dcfirer.
Il n'yavoitque f. jours que le dernier proccs-vcrbal de l'état du pied de laD"'.
Fourcroy avoit été fait par cinq célèbres Chirurgiens , loriqu'il plût au Tout-puif-
fant de manifefterfii préfcnce Se fon opération dans les convulfions de cette fille
par la guérifon fubite & parfaite de ce pied fi contrefait.
Il ne faut que la defcription que font ces Chirurgiens de l'horrible contorfioti
de ce pied, dont tous les os contournés s'étoient fi intimement réunis, 6c fi fort
confolidés enfemble par la pétrification de la finovie , qu'ils ne faifoient plus qu'-
un feul os: il ne faut, dis-je, que cette defcription pour perfuader toute pcrfonne
qui f.iitulage de fa raifon, que le fcul Maître delà nature pouvoir refondre en un
inllant cette finovie ofiîfiée, & tous ces os contrefaits : faire difparoîtrc toutes les
difformités de ce membre eftropié : 6c en remettre toutes les différentes parties dans
le plus grand point de perfcétion.
Le moment même qui précéda ce magnifique .prodige n'offroit encore aux
yeux des fpcétateurs qu'un pied renvcrfé fcns deflus deflous , &; qui paroiâbit cloué
en ligne directe au bout de la jambe : un talon prodigieufement remonté, 8c fixé eti
cette place par un tendon tout deiféchéSc tout racorni :des os confondus enfemble,
6c ^\ bien incorporés à ceux de la jambe , qu'ils donnoient à ce pied l'immobilité d'un
rocher, 8c l'inflexibilité du marbre : une bofic grofTe comme une noix, 8c dure
comme une pierre au defilis de la cheville : une peau tendue à l'excès d'un cô-
té, 8c du côté oppofé une multitude de rides entafiees les unes fur les autres.
Tel étoit l'hideux objet à qui Dieu redonne tout à coup une forme régulière:
tel étoit ce pied qui devient en un inftant plus agile, plus ferme, ^ plus infa-
tigable que s'il avoit été toujours endurci depuis fit naiflance par l'exercice le
plus continuel.
naiv(
deur 8c une finccrité inimitables à l'artifice, des mouv-emens qui fe font paf-
fés en eux-mêmes, perfuaderont mieux le leéteur que tout ce que nous pourrions
dire, 8c commençons par rendre compte des circonllanccs fingulieres dont Dieu
a voulu que ce miracle fût accompagné.
„ La D"*. Fourcroy dit la D"^. de Lunaque) avoit le pied gauche anchy-
„ lofé, tout fens defllis defibus je l'examinai avec d'autant pkrs d'atten-
„ tion, que comme fa jambe gauche s'agitoit avec i;ne extrême force dans des
„ convxilfions qui lui prenoient tous les jours, cela lui faifoit efpérer que Dieu
„ la guériroit de l'incommodité qu'elle avoit à ce pied. l'ai été plufieurs fois té-
3, moin de fes convulfions : elles commcnçoient par un trcmb.c nent univerfcl
///. Demonfi. 'tome 11. E „ dans
Il-)
54 DEMONSTRATION DU MIRACLE
„ dans tout fon corps: après quoi elle ctoit involontiurement diins de fî vîolen-
„ tes agitations que quatre perfonnes avoicnt bien de la peine à la retenir. Dans
„ CCS agitations elle cogucùt Ta jambe gauche avec tant de force qu'elle auroit
„ dû naturellement fc la calfer plufleurs fois.
Que les plus hardis critiques ne fe prcdent pas de répandre le venin de leurs
mordantes fatircs fur ces agitations involontaires : qu'il arrêtent la vivacité de
leur bile, en confidérant que de pareilles convuHîons, des le premier jour
que Dieu les a envoyées à la D '*. Fourcroy, ont été le moicn dont il a jugé
à propos de fe fervir pour la retirer de l'agonie le 21. Mars 17? i- qu'elles ont
fait cej/er abfoltiment ,tâ cniiérement ^ ainfi qu'elle le certifie, ^^/^^•;•(? , fon //oa^i'-
ment ^ fon oppyeJJIon^ & fa douleur de poitrine qui la conduifoicnt à la mort :
qu'elles lui ont rendu fur le champ /'^//'f///' , \cs forces^ \-x fauté : &: qu'elles Tont
prcfquc totalement délivrée de fon hidropifie , dont l'énorme étendue parût dès
le IcKdemain. . . confidérablemcnt diminuée , quoi ^«ffans aucune évacuation naturelle.
„ Le 14. Avril vers les 7. heures du foir (ajoute la D"e. de Lunaque ) la
D''*. Fourcroy étant dans le fort de fa convulfion, 5c paroiiïlint évidemment
,, lans connoiiTimce , fe dcchaufTa prit fon pied gauche. . . . de la main droite
„ . . . &: fc mit à le remuer. . . Audî-tôt ce pied qui avoit été fi long-temsimmo-
„ bile , s'agita de droit à gauche &: de gauclic à droit avec une rapidité tout
„ à fait extraordinaire, 8c qu'il ne fcroit pas poilible à qui que ce foit d'imiter.
\'"oilà donc la finovie pétrifiée qui devient en un infiant une liqueur coulante :
voilà tous les os contrefaits , réunis & confolidcs enfemble , qui fe trouvent tout à
coup rétablis chacun dans fa place & en la forme naturelle : puiique fins cette
admirable métamorphofe le pied n'eût pas pu le remuer:
Mais pour quoi Dieu agite-til ce pied d'une manière fi finguliere,&:fivifible-
mcnt convulfive , dans ce moment où il rcndoit fa préicnce fcnfible par un fi
grand miracle ? Qiii pourras'cmpêcher de rcconnoitre que le Très-haut à vou-
lu taire voir claircmcRt par cette agitation furnaturelle , qu'il lui avoit pIû d'o-
pérer ce miracle par le mouvement de la convulfion.
„ Je redoublai mon attention, ainfi que les autres perfonnes qin étoicnt pré-
,, fentes (continue la D '^ de Lunaque) Se aulfi-tôt que ce mouvement fi vio-
„ lent fût ccflc, nous touchâmes tous ce pied , & nous vérifiâmes parnos mains
„ qu'il avoit repris un mouvement libre dans tous les fens.
L'n tel événement ttoit trop extraordinaire &: caufoit trop de furprifc pour
que In main ne fût pas aufiî promteque les yeux à s'aflluer d'un fi grand prodige :
Il ne fhlloit pas moins qu'une pareille expérience pour fe convaincre pleinement
d'une transformation fi étonnante. Quand un objet aufiî frapant que la vue d'un
membre horriblement conti'cfait, qui reprend fubitcmcnt une figure régulière ,
paroît à nos regards , on a peine à s'en rapporter au témoignage de fcs yeux : on
veut toucher: 6c la main n'eft pas de trop pour s'aflluer de la réalité d'une telle
mcvvcillc. Qiii ircuveroit à redire à cet empr^lTcmcnt , ne connoitroit guéres
quelle cfl l'impefiofité des premiers mouvemens que caufe la furprife d'un pro-
dige avifl" grand 6c auffi fubit.
„ Nous vîmes (ajortc la même D''"". ) que ce pied avoit enmêmc tcms repris
„ une fituation 6c une forme naturelle, ik qu'il ne rcftoit plus mtmc aucune ap-
„ parcncc de la difformité qu'il avoit eue.
Qu'étoit donc devenue cette bofic fi dure qui écoit au dcfilis de la cheville,
ainll que le certifient tous nos témoini? Comment la finovie qui avoit formé cet-
te grofitur en s'emparant de cette efpacc , Se qui s'y étoit pétrifiée depuis près d'un
an, vt-cllcpû s'évaporer fie difparoîtrc tout d'un coup fims avoir aucune ifluc,
&.
OPERE' SUR M. J. FOURCROY. j^-
& fans kifler aucune trace de l'ctendue, qu'elle avoit occupée. Comment ce ten-
don defTéché & extrêmcmoit nicourci , & qui depuis fi long-tems avoit forcé le
talon de remonter dans la jambe , s'efl-il fubitement ramolli, s'eft-il rallonge, 6c
a-t-il recouvré toutes les qualités qu'il avoit perdues par Ton déflechement? Com-
ment les os 8c toutes les autres parties difformes de ce pied, ont-ils pu reprendre
en un clin d'œil une nouvelle figure fi parfaite, qu'il n'eft refté aucun vellige de
leurs diffomiités précédentes? Qiiel autre que celui qui crée &c qui anéantit tout
ce qu'il lui plait, eût pu faire un pareil prodige ?
Auffi nos témoins nous peignent-ils par les expreflîons les plus animées , par
celles qui font fournies par les fcntimcns du cœur, l'imprefllon vive que leur fit
la vue d'un fi grand miracle. „ ]e m'écriai (dit l'un) envolant fon pied feredref-
„ fer tout d'un coup , & reprendre fa fituation naturelle ma joie ôcrna fur-
5, prife furent extrêmes après ce que favois entendu dire aux Chirurgiens cinq
„ jours devant: qu'il n'y avoit que Dieu qui ptit opérer une telle merveille.
,, Nous ne pûmes retenir nos larmes (dit le S. Gui) dans le tranfport de joie ,
„ & l'étonnement où nous nous trouvâmes, de voir en moins d'un demi quart
„ d'heure s'opérer en nôtre préfcnce une fi grande merveille, voiant ce pied que
„ nous venions de voir un moment auparavant tout contrefait , avoir repris une
„ figure naturelle.
A ces premiers mouvemens , témoins fi furs & fi naïfs de la grandeur de ce
miracle, fuccéderent auifi-tôt les aftions de grâces. ,, Pénétres d'admiration
„ (dit la D^'"'. de Lunaquc) d'un prodige auffi évident &c auffi frapant, 6c pleu-
„ rant tous de joie 8c de faififlcment nous dîmes tous enfemble le T'e Denm.
Un moment après l'admiration 8c la joie de nos témoins redoublèrent encore ,
lorfque la D"*. Fourcroy étant fortie de convulfion , leur donna les preuves les plus
fenfiblcs 8c les plus fortes de la perfcétion de fa guérifon. „ Elle fût aufll étonnée
„ que nous (dit la D""". de Lunaquc) de trouver fon pied gauche entièrement guéri ,
& en même fituation que s'il n'avoit jamais été incommodé. . . . Son premier
mouvement fût de fe prollerner à terre pour en rendre grâces à Dieu par le T'e
Deum qu'elle nous fit recommencer : après quoi s'étant relevée, elle fit tous les
ufages de fon pied dont elle pût s'aviier , 8c y trouva autant de force 8c d'agilité
„ que s'il n'avoit jamais eu d'incommodité: non feulement marchant 8c courant
„ fans boiter 6c fans peine, mais auffii le frapant contre terre 8c fautant defl'us.
Mais écoutons la miraculée nous rendre compte elle-même de Ht furprife, ^
de fa reconnoiffiince. „ Le lundi de Pâques 14. Avril (dit-elle) fortant de ma
convulfion, je m'apperçus que mon pied gauche étoit entièrement 8c parfai-
tement guéri : qu'il avoit repris une fituation 6c une forme natui-elle , toute pa-
reille à celle de mon pied droit : que je le pofois à plat à terre, 8c le rcmuois
avec une entière liberté : en un mot qu'il étoit en même fituation, 8c avec les
mêmes mouvemens 8c auffi libres que s'il n'avoit jamais été incommodé: une
bofie grofle comme une noix , qui étoit au deffiis de la cheville du pied en de-
hors, aiant même entièrement difparu , fms qu'il en rcftât le moindre vciH-
ge. Le S. Gui, le S. Simart, la D'*. Lmraqire èc les D"". de Gouge qui
étoient avec moi pendant ma convulfion, me déclarèrent que le changement
que je voiois à mon pied , s'étoit fait à leurs yeux dans un moment que
dans l'inftant il avoit repris une figure naturelle , telle que je voiois : 8c qu'-
enfuite ils l'avoient vu remuer cntousfens avec une impetuofité extraordinaire.
Je me profternai auffi-tôt à terre pleine d'admiration Scdereconnoiffimce. Je me
„ relevai enfuitc pour faire faire à mon pied toutes fortes de mouvemens : je mar-
„ chai fans boiter en aucune façon 8c aufiî ferme que fi je n'avois jamais étéin-
E i " 55 corn'
j<S DE'MONSTRATION DU MIRACLE
„ commodce de ce pied : je fautai en l'air aufll haut que je pus, 6c me retins en
„ tombant fur mon pied gauche. Je ne me luis jamais trouvée fi alerte : ilmcfcm-
„ bloit que laguérifon fubitcqui ctoit amvcc à mon pied avoit remis de nouveaux
„ efprits dans tout mon corps.
La D.'. de Vitri qui étoit dehors , tandis que le Trcs-haut paroiiïbit dans fa.
maiibn par des effets fi fenfibles de fa Toutc-puillancc , en fut en quelque forte
dédommagée par la ravilVante furprife qui lalaifit fi-tot qu'elle rentra chez elle.
„ On me dit tout en entrant i^dcclarc-t-cUc que le pied de la D"'. Fourcroy
„ ctoit entièrement guéri & avoit changé tout d'un coup de figure dans le tcms
„ qu'elle étoit en convulfion. Je montai au plus vite dans fa chambre pour être
témoin d'une fi grande merveille. Elle courût àmoiaufll-tôt qu'elle m'apper-
çût,& mefitvoir fon pied , que j'avois encore vu le matin tout tourné, .qui étoit
51
5>
53
alors dans la même fituation qu'il auroitdii être fi elle n'y avoit jamais cii d'in-
commodité. Elle le remua devant moi de tous Icsfens : marcha ferme , vite 6c
fans boiter; fe jctta en l'air, 6c fe retint fur le feul pied gauche.
Le lefteur eft fans doute empreffé de voir qu'elle imprefiion une guérifon fi
meneilleufe fit lur les Maîtres de l'art qui l'avoicnt déclarée impofiîblc : il faut fc
hâter de le fatisfairc. D'ailleurs nous devons ne point épargner nos efforts pour
les plus incrédules. Peut-être que s'ils n'ont pas été touches de la candeur 6c de
la fincérité qui cclatte de toutes parts dans les témoignages dont nous venons de
rendre compte, leurs préventions ne pourront refillcr aux rapports juridiques 6c
unanimes de plufieurs célèbres experts , qu'il feroit infcnfé de ioupçonner d'igno-
rance ou de miiuvaife foi. Si de telles preuves , qui , viitoutes leurs circonlbinces ,
lont tout ce que la raifon pcutdefircr de plus fort pour fe convaincre de la vérité
d'un fait, ne fuffifcnt pas encore pour taire apperccvoir la lumière à ceux qui fc
font rangés du côté des ténèbres , leurs yeux ne font pas feulement obfcurcis ,leur
ame a entièrement perdu la vue.
Comme ces rapports font très importans , j'efpère que le IcéVcur ne trouvera
pas mauvais que je les lui détaille avec un peu d'étendue.
M. de Mantcville certifie qu'aiant^/i/ir/j ^ite la Z)"«. Fourcroy étoit guérie de Van-
chylofe qu'elle aïoit au -pied gauche: pour s'' a (jurer du fait , il s'emprefTa de l'aller
„ voir. Nous l'avons trouvée debout (dit-il) marchant aulîî aifémcnt qu'une pcr-
,, fonne qui n'auroit jamais été incommodée. Aiant examiné fon pied gauche. . . .
„ nous avons été furpris de le trouver dans l'état naturel, fins aucun gonflement,
„ faifant tous les mouvemens de flexion, d'extenfion , d'adduârion, 6c en rond
„ dans tous les fens, fans aucun vefiige de l'anchylofe que j'avois vue.
Ainfi toute ladifiormitcdecepied ctoit donc fi parfaitement réparée qu'il n'en
rrftoit plus aucune marque : ainfi toutes fcsboflcs 6c fcs groficurs : tous les tendons
dcHc-chés : tous les os gonflés 6c contrefaits , tout avoit changé fubitement de figure.
Aufiî M. de Mantcville en fut-il (\ pénétre d'admiration, qu'il ne craignit point
de déclarer. Qu'étant obligé de rendre témoignage à la i-érité ^ il affirmoit qu'une pa'
reille l^ fi fubite guéri fon. n'a pu être opérée^ ni par V effet d'' aucun remède^ ni par la
force de la naiure^ (^ qu' ainfi elle efi évidentment fur naturelle.
Le rapport du Chirurgien Majgr des gardes n'ell ni moins frapant , ni moins
précis: il cil même encore bien plus circonilancic. „ Je certifie ( dit M.Leauté)
yf que <î. jours après (notre procès- verbal) le Mardi iuivant if. Avril, M. Sou-
,^ chai m'èuuit venu dire qu'on l'avoit afllirè que cette fille étoit parfaitement gué-
„ rie de fon anchylofc, je quittai tout pour aller lavoiravcc lui , ne pouvant croi-
y^ rc une chofc aulîî fingulicre à moins que je ne le vifle de mes propres yeux. J'j
yyy trouvai mou neveu 6c M. Séron Médecins, 6c nous fûmes tous convaincasp.ir
„ nos
OPE'RE' SUR M. J. FOURCROY. jr
„ nos yeux & par nos mains que ion anchyloie avoit été entièrement difîîpée fans
„ qu'il y reliât aucun vcftige : nous trouvâmes au contraire que ce pied avoit
„ repris une figure ôc une fituation naturelle & entièrement conforme à l'on pied
„ droit: qu'elle le remuoit en tous iens, s'en fervoit avec autant de facilité que fî
„ elle n'en avoit jamais été incommodée , & qu'on ne trouvoit plus même de veftige
„ de la tumeur qu'elle avoit au defllis de la malléole externe. Nous luifimesre-
„ muer Se nous remuâmes nous même Ion pied de tous côtés, 8c la fimes marcher de- •
„ vant nous, ce qu'elle fit fans boiter en aucune manière Elle nous aflura . . .
„ que fa guérifons'étoit opérée tout d'un coup le lundi de Pâques 14. de ce mois :
,y fon pied aiant en un mcnnent repris la forme naturelle , & recouvré tout fon
„ mouvement, & la tumeur qu'elle avoit au dcffus de la cheville du pied aiant fur
„ le champ entièrement dii'paru, fans qu'il y en reliât aucune trace: & cffeélivc--
„ ment nous ne trouvâmes, ainfi que je l'ai dit, aucun veftige ni de cette tumeur,
„ ni de l'anchyiofe ? ce que je ne puis m'empêcher de déclarer n'avoir pille faire
„ que d'une manière furnaturelle. „
Que cette façon de s'énoncer: ce ^m je 71c fuis m'' empêcher de déclarer , exprime
de choies ! Qiielle caraftcrife bien la perfuafion la plus intime , & furtout dans'
la perfonnc d'un Chirurgien de la Mailbn du Roi qui tieirt de lui toute fa fortu-
ne ! Car enfin qui le force à faire cette déclaration ? Ce n'ell certainement pas
un intérêt humain, puifqu'au contraire il rifque tout pour rendre ce témoignage.
C'ell donc l'évidence même ? C'ell la conviélion la plus forte qu'un tel prodige
ne peut être que l'œuvre de Dieu : c'ell la crainte de l'ofiènfcr en retenant la vérité
captive, n'y aiant que lui pour qui on puilîé lacrihcr de fi grands intérêts, qui
s'oppofoient de toute leur force à une démarche fi généreufe & fi Chrétienne.
Aîais plus cet habile Chirurgien ell verfé dans la connoiflance del'anatomie &
de toutes les rcflburces de la nature 8c de l'art, 8c plus il voit clairement qu'il n'y
a que le fouvcrain Maître de la nature qui ait pu opérer une pareille transforma-
tion. Voilà ce qui l'oblige malgré tous les confeils d'une politique humaine, de
rendre hommage à la vérité : il ne peut refiller à l'aipccl d'un miracle qui le mon-
tre dans un fi grand jour: qu'il voit de fes yeux: qu'il touche de les mains: 8c
qu'il fent fupérieur à toutes fortes d'objcétions.
Le Chirurgien Major des Hôpitaux des armées n'en fût pas moinsfrapé que lui r-
auflî n'en rend-il pas un témoignage moins décifif. „ le 16. dudit mois d'Avril
5, (dit M. Sivert ; je fàs mande poin- aller voir lad. Fourcroy , que je trouvai mar--
„ chant dans fa chambre fans boiter ^ d'un pas ferme, ce qui me furprit très
„ fort. Aiant examiné le pied gauche qui étoit tout contourné 8c anchylofé, js
„ le trouvai guéri , Se la tumeur qui étoit au dcirus de la malléole diffipée'lans qu'-
„ il en reliât aucun veftige , je trouvai le pied dans l'état qu'il doit avoir naturel -•
„ lement , i^. l'anchyiofe entièrement diffipéc , le pied aiant tous les mouvemens
5, qu'il doit avoir ... ce qui me parut . . . furnaturel. „
Pour ne point trop fitiguer le lecteur , je paile ici fous filence le rapport de Mi
Séron Doèteur en Médecine £c ceux de ÀIM. Defvignes 8c Granier Chirurgiens
& je vais me réduire à ne plus donner qu'un extrait de celui du Chirurgien de M;
„ le Prince de Conti. „ Le if. Avril (dit M. Souchai) nous vîmes avec une fur-
„ prife extrême que l'anchyloie qu'elle avoit au pied s'ètoit entièrement difllpce
yy fans qu'il en reliât aucun veftige : que fon pied avoit pris une forme 8c une fitua-
„ tion naturelle, comme s'il n'eût jamais été incommodé : Sc qu'elle avoit tous les
5, mouvemens du pied libres dans tous les fens , le pofant à plat à terre , le re-
j, muant 8c s'en fervant avec autant de ficilité que de fon pied droit : ce qui nous
y, parût furnaturel, n'y aiant pas d'exemples que des '.mchylofcs qui ont contourné
E î „ les;
^8 DE'MONSTRATION DU MIRACLE
„ les os comme avoic fait celle-là, aient pu être guéries. Je l'ens (ajoute- 1- il plus
,, bas) qu'on aura bien de la peine à croire une gucrifon auflî furprcnantc &: aulli
„ lurnaturellc : mais je n'ai pu rcfufcr de déclarer une vérité que j'ai vue de mes
„ yeux , Se que fai examinée avec une attention 6c des précautions qui ne peuvent
me laiiTer aucun doute. „
•?
Se peut-il un témoignage plusfrapant & de la certitude de ce miracle, £c de
l'incrédulité étonnante de notre lléclc ? D'où peut venir à ce Maitrcde l'art qui a
lermcnt en iullicc , 6c qui en f;;it de rapports ell un témoin juridique : d'où
lui peut donc venir cette crainte de n'être pas ci-u, quand il attelle un fait dont la
certitude ne peut pas étreconteftée: unfait conftaté parpluflcurs procès -verbaux
au dcfl'us de tout contredit : un fait qu'il a lui-même vu de fcs yeux 6c qu'ilacxa-
miné avec une attention & des précautions qui ne peuvent lui laiff'er aucun doute ?
Quoi ! Nicra-t-on que la D ''. Fourcroy n'ait cii pendant près d'un an le pied
gauche tout renverfé, hidcufement contrefait 6c foudé aux os de la jambe par une
ancbvlofe complctte? Mais c'eil im fait qui eil de la connoilTance de tous ceux qui
ont vu cette fille pendant cette année, 6c qui cinq jours avant le miracle a été encore
vérifié p:u-cinq célèbres Chirurgiens, qui i'ur le champ en ont drclle leur rapport.
Niera - 1 - on que toute la diflx)rmité du pied de cette fille n'ait tout à coup difpa-
nie le foir du la. Avril 173 z ? que les os 6c toutes les autres parties de ce pied n'a-
ient repris dans ce moment une forme régulière 6c qu'il n'ait acquis fur le champ
toute laforceôc l'agilité qu'un pied peutavoir? Maisc'elUc if . Avril: c'eft le len-
demain de ce miracle, que M. Souchai voit lui- même ce pied dans l'état le plus
parfait, êc fans qu'il relie aucun vellige, aucunetracc, aucune indice de toutes fes
difformités paflccs. Cette mei-veille cil en même tems certifiée par pluficurs autres
Maîtres de l'art, à qui l'admiration qu'elle leur caufcn'a p;is permis dercfuferd'cn
rendre témoignage. Enfin la démarche aiféc, ferme 6c légère de la D'''. Fourcroy
depuis cette transformation fi admirable, n'elt-elle pas une preuve palpable &
publique de la perfeélion de fa guérilon?
Comment donc M. Souchai peut-il craindre qu'on rcfufe d'en croire àfon rap-
port? C'elt qu'il voit toutes les puilTances, c'cll qu'il voit prçfque tout le monde
ligué en ce fiecle contre les œuvres de Dieu, 6c fur tout contre les convulfions ,
& qu'il fent que tous ces puiflans adveiiaires n'appercevront dans ce miracle qu'-
une décifion qui condamne leurs fentimens, 6c qui par conféqucnt ne peut man-
qucT de leur être odicufe.
Ha Scisneur ! C
'5
"cft en vain que vôtre lumière frapera les yeux fi vous ne la répan-
des dans les cœurs ! Qu'elle foit en même teins une tlamnicqui no is éclaire 6c un
feu qui nous embraie ! Mais afin qu'elle fille pUis d'imnidlion, daignes me faire prou-
ver d'une manière fi forte que ce prodige n'a pu être fiit que par vous, que tout le
monde foit forcé de vous en rendre gloire , 6c de vous reconnoître dans toutes vos
œuvres! C'eil la fin que je me propofe dans la piopolition luiv;mte : mais tous
mes efforts feront inutiles fi vous ne daignés les bénir !
IV. PROPOSITION.
L» transformation fubite ^ 6? la guéri fon parfaite de la difformité dn pied de la D '■' .
Fourcroy , ne peuvent être attribuées qu'à Dici , non plus <jue Us moicienuKS cotivuljîfs
par le/quels il lui a plù d'annoncer y d^pcrcr ce prodige.
UE de mcn'cillcs nous prélente cette guérifon mir.iculcufc ! A combien de
traits la Toutc-puilTance nes'yell-cllepas fait connoitie? QiicUe multitude
de prodiges fortis tout à la fois des mains de la Divinité ! Qiic (.ropcrations au
de il us
Q
OPE'RE' SUR M. J. FOURCROY. 39
âeffvis du pouvoir de tout être créé 113 falloit - il pas faire pour produire cette gue-
rifon avec tant de perfection Se de promtitude ?
II fàlloit d'abord guérir ir.iC anchylofc complette : & voilà que tout à coup I:i
finovie pétrifiée dans l'articulation depuis près d'un an, cette lînovie qui avoit per-
du toutes fes premières qiuilirés, & qui avoit .icquis encore plus de dureté que les
os, fe change en une liqueur douce, coulante £c onctueufe !
Il filloit rendre leur première forme à des os gonflés , contournés, èc dont les
feuilles s'étoient dérangées & confondues: à des os réunis & confolidésenfemble
d'une manière contrefaite : & voilà que ces os fe décollent & recouvrent en un
inftant leur ancienne figure '
Il falloit fondre 8c diiTîper une grofleur confidérable 8c très dure qui étoit au
deflus de la cheville: Scvoilà que cette groffeur difparoît en un clin d' œil ! La fi-
novie pétrifiée qui la rempliflbit ell fubitemcnt anéantie ; la peau dilatée qui la
couvroit eft réduite à fa première étendue : Se cette bofle en cerfant d'être , ne laific
aucune ride, aucune marque, aucune trace qui puifîe fiire reconnoitre la place
où elle avoit été !
11 falloit rétablir le tendon d'Achilles, qui aiant été brûlé par une humeur cor-
rofive, s'étoit fi deffëché, i\ racorni & fi excéflîvement racourci qu'il avoit forcé
le talon de remonter dans la jambe : &: voilà que toutes les parties que ce tendon
avoit perdu font fur le champ régénérées ! Il s'allonge: il s'étend: il fe remue: ilfe
retrouve avoir tout le jeu, tous les refibrts, toute la vigueur 5c toute l'élafticitc
qu'il avoit cû avant fon defi'échement.
Il falloit réparer tous les mufcles, dont les uns av oient été forcés bien au delà
de leur étendue naturelle par le rcnverfcmcnt du pied :& les autres ayant été pref-
fés, comprimes, & afiaiOes par cette contorfion, étoienr rentrés en eux-mêmes
& s'étoient depuis long-tems fixés dansée racourciflcment : & voilà que tout eft re-
nouvelle , la finovie , les os , les tendons & les mufcles dans un fi grand point de per-
feétion , eue ce pied non feulement reprend toute fi fouplefTe 6c fon agilité ; mais il
acquiert fur le champ tant de force , qu'il foutient lans peine tout le poids d'un corps
qui s'élance en l'air, & qui retombe à plomb fur toutes ces parties fi récemment
régénérées , changées de forme & rétablies dans leur état naturel !
Il y a ici tout à la fois anéantiifement , création, tranfmutation d'efpeces. Or
ce feroit un blafphcme d'attribuer aucune de ces trois opérations au Démon.
Non feulement Dieu feul peut créer & anéantir, mais il peut feul rendre leur
première forme à des parties qui ont changé de nature, parce qu'il peut feul pro-
duire un effet qui n'ell contenu dans aucune caufe.
Le Démon ne peut agu- fur la matière qii'en cm.ploiant les moiens qu'il trouve dans
la nature : i! ne peut rien opérer que par l'application & ia vertu des caufcs naturel- J',^' ^''^'
les : applicatione a£fi-vornm pafjïvis ^ dit S.Thomas dans fa Somme Théologique. '^'^'f-
AmTi ce fcavant Père de lEglife donne-t-il pour principe que „ tout change-
„ ment de forme dans les corps, qui ne peut naître des caufes naturelles , ne peut
„ fe rapporter en aucune manière à l'opération des Démons : /r.-z«/»/«/i7//o»n(ror-
poraliion renim, qua; ■nonpojj'unt virîntc nature fier i jinllomodo opérât ionc chsmoniorum i'>'<i a rit,
fecundum rei yeritatem ^perfici polj'iint . „ Ainfi (ajoute-t-il) fi les Démons paroiflent*'^''" '"''"
„ quelquefois produire de tels effets , ce n'eff que felori de trompeuies apparences
„ non félon la vérité. Et fi aliquando aliquid talc opcratione d.-e'moniorumficrividea-'^^''^'-
fur, hoc non eft fecundum rci •veritatem , fed fiecundum apparentiara tantum.
De forte , fuivant ce g-nnd Théologien, qu'on doit regarder comme un prin-
cipe inconteftable que toute opération merveilleufe du Démon , ou n'efl: qu':'.ppâren-'
îc : fecundum apparentiamîantum. Ou fi elle eil réelle , ne paffe point les forces delà.
nature,.
49 DE'MONSTRATION DU MIRACLE
•«>y. a> nature, ^lidqttid facit yingelus.. . . dit -il encore, hoc fctcit fecundum ordiHtmnH'
■no. Cf. f,jy^ créât if.
On doit conclure de ce principe iî chir, li précisée fl lumineux, que fi le Dé-
mon a p;iru autrefois &: paroit peut-être encore aujourd'huy foire quelque elpece
de tranformations , ce ne font que des prodiges me.iteurs , comme S. Paul appelle
les merveilles que fcmble faire cet cfprit impolteur. Ce n'ellqu'illufion^: qu'ar-
tifice opérés avec encore plus d'adrclTc, Se une plus prompte agilité que ne font
les joueurs de gobelets , lorfqu'ils paroifient changer tout à coup leur baguette
en un fcrpent, ou en quelqu'autre chofe. Ainfi l'on doit croire que ces transfor-
mations n'ont cffccrivement rien de réel 8c de merveilleux, que la fubtilité avec
laquelle le Démon fubllitue une choie à la place d'une autre, ce qu'il fait avec
une fi prodigieufe vitefle que les yeux y font trompes.
Mais quand il s'agit de rétablir réellement des membres eftropicsdans un corps
vivant , toute la fubtilité du Démon lui ell inutile : to'.is lirs artifices font impuillans,
.parce qu'un tour d'adrefle , ou une vainc apparence ne fuffifent point en pareil cas.
En un mot il ne faut p;is perdre de vue que le Démon ne peut produire aucun
cftct réel que par'dcs moicns naturels. Dieu feu! ^ dit encore S. Thomas en plu-
fieurs endroits de fa Somme 'i'Iiéologique peut faire ce qui ejl audejj'us de Vordre gé-
néral de la nature. D'où il fuit encore que Dieu Icul peut régénérer d'une manière
iubite, parce qu'agir de la forte c'ell s élever au dclllis des régies qu'il a établies,
aiant voulu que la nature n'opérât rien que fuccelîivement , 6c avec un tems pro-
portionné à l'effet qu'il lui fait produire
part
fe comme il lui plait des êtres. Mais h celt Dieu qui
teur de ce miracle, les mouvemens convulfifs qui l'ont annoncé ôc qui ont con-
couru à fon opération , peuvent - ils avoir un autre Auteur ?
Le Icétcur à déjà viî la preuve dans les faits que j'ai rapportés, que ces mou-
vemens convulfifs avoient été dès leur premier infiant, un écoulement delaver-
\\x que Dieu a déjà tant de fois donnée à la précicufe poufiiere du Tombeau de
celui qu'il a rendu le plus illufire des Ap(>ellans : 6c que le Tout-puilfant avoit
.d'abord emploie ces mouvemens impétueux pour guérir fubitement la D'''î Four-
cro.y de plulkurs maladies qui l'avoicnt réduite à la drrniere extrémité. S'il a dif-
féré de la guérir en même tems de fon anchylole, l'événement a rendu m.-.nifeilc
qu'il ne l'a fait, que parce qu'il a voulu qu'on fit auparavant conllater delà ma-
nière la plus autentique la difformité extrême 2c lincunibilite palpable de ce
pied tout contrefliit.
Mais de quel moicn le Très haut s'ell-il fervi pour mettre d.ins le cœur de la
D'ie. Fourcroy rcmpreflcment avec leqiiel elle a fait faire des procès- verb.iux de
l'état de ce pied par tant de célèbres Chirurgiens.' Câ été en lui cnvoiantunfig-
ne de la guerifon prochaine de fon cilropiment : figne ' qui la remplit d'une confian-
ce "il parfaite ou'cllc rendoit déjà grâces à Dieu de la guerifon avant de l'avoir ob-
tenue, & qu'elle auroit voulu pouvoir faire affembler chez elle tous les Chirur-
giens de P-iris pour leur montrer une difformité fi hideufe, Sc les convaincre par
leurs propres yeux que cet état ctoit abfolument irrémédiable à toutes les rcfibur-
CCS de la n.'iture 6c de l'art.
Or quel à été ce figne? Il a confifi;é en des convulfions d'une violence extrê-
me précifémcut dans la jambe au bout de l.iquelle ctoit le membre eliropié. Nos
témoins certifient que cette jambe frapoit avec tant de force tout ce qui fetrou-
voil auprès d'elle , qiCi ilc auroit dû naturellement Je cajJhpUiJieursfois , 5c né;mmoins
que
OPERE' SUR M. J. FOURCROY. 41
que les coups qu'elle s'y donnoit n'y caufoient pas la plus legcrc meurtrinurc.
Qui ofera faire honneur de ce prodige à l'Ange de ténèbres? Quoi! Dieu
lui avoit il révèle qu'il vouloir guérir ce pied fi contrefait ? Quoi ! cet efprit in-
fernal eft-il donc devenu un Ange de lumière, enforte que brûlant du defir de con-
tribuer à la gloire de Dieu & à l'édification des hommes , il ait fiit un prodige dans
la vue défaire prendre à la D"''. Fourcroy Icsmoiensde rendre inconteftable le mi-
racle qui s'alloit opérer fur elle ? Enfin ceprodige a été lafource & le canal de la
foi vive avec laquelle la D"^. Fourcroy a efpéré ce bienfait de Dieu: l'opération
du Démon feroit-cllc naître dans les âmes la foi qui obtient les miracles ?
Il feroit donc d'une abiurdité palpable d'attribuer ce prodige à fatan ? Et-
n'eft-il pas au contraire d'une évidence manifefte que les mouvemens convul-
fîfs qui ont annoncé ce miracle ont eu le même Auteur que le miracle même ?
Ce n'cll; pas tout: Dans l'in fiant précis du miracle, Dieu a voulu marùfellcr
encore que ces mouvemens étoient fon ouvrage. Dans le tems qu'il dilfoud la
finovie pétrifiée: dans le moment qu'il rend aux os leur forme naturelle, dans l'inf-
tant même qu'il fait toutes les autres merveilles dont nous avons parlé: dans cet
infl:ant, dis-je, il remue ce pied de tous côtés avec une fi prodigieufe vitefle que
(Il figure échappe prefqu'à la vue.
Qui ne voit que Dieu a voulu emploier ce mouvement convulfif pour ache-
ver de broier & de liquifier la finovie : pour allonger les mufcles rétrécis & les
tendons racourcis & retirés : en un mot poin- mettre le dernier degré de perfec-
tion à cette guérifon fi merveilleufe ? OrleTout-puifiantn'apasbeioin de moiens
pour exécuter ce qu'il lui plait de faire : dès qu'il veut tout eftfait; dixit ^ fa&a
Junt. Donc s'il s'ell fervi de ce moien , ce n'ell que parce qu'il a voulu nous faire
connoître qu'il étoit l'Auteur furnatuel de ces mouvemens convulfifs, puifqu'il
les emploioit à opérer vifiblement un miracle.
Au refte je ne prétens nullement conclure de cet exemple que Dieu foit le
principe de toutes les convulfions , ni autorifcr par là tout ce que la D''. Four-
croy a pu faire ou dire en cet état. Je prétens feulement prouver que Dieu agit
dans cette œuvre. Or s'il y prend part , ce ne peut être qu'en Maître abfolu :
s'il manifefte la préfence dans une œuvre fi obfcure & fi extraordinaire, il a lans
doute de grands defi'eins : des defleins dignes de fa haute haute fagefle , Se de la profon-
deur de les confeils : & s'il permet aux hommes & au Démons de mêler du leur
dans cette œuvre, il ne le permet qu'autant que tout ce qu'ils font cadre à fes
vues, & entre dans le plan qu'il s'ell propofe.
Je fuis d'ailleurs très convaincu que les Convulfionnaires dans l'état ordinaire
de 1cm" convulfion ne font point totalement privés de leur liberté : qu'ils ne font
nullement exempts de fe laiflèr tromper par les artifices & les fuggellions de fii-
tan, Se qu'ils font la plupart de leurs actions par la détermination de leur libre
arbitre : mais tout cela demande une trop longue explication pourctredévclopé
dans la propofition que je traite.
Ah ! Qu'il feroit important pour le Public d'avoir une idée jufle de cette œu-
vre , qui nous annonce tout :i la fois de grandes miféricordes & une grande colè-
re , de grandes grâces Se de grands châtimens : Sc qui par fes obfcurités , Se par la
malice des hommes Se les artifices des Démons , crt devenue une pierre d'acho-
pement Se unfujet de fcandale pour un fi grand nombre de perfonnes : A quoi ne
m'expoferai je pas de tout mon cœur pour rendre un fi grand fervice à mes frères.
C'eft vous fans doute , 6 mon Dieu qui formés en moi un defir fi généreux ! Ha !
fi c'cft vous, fourniflcsmoi donc, je vousfiipplic, les moiens de l'exécuter > Voui
favcs combien j'en luis incapable par moi-mcme : vous le favés , je ne fuis qu'erreur ,
///. Dsmonjl. Tome IL F que
I
4i DE'MONSTRATION DU iMIRACLE
quefoiblefle, £c qu'ignorance. Mais quel trait de lumière me f-ntes vous entrevoir!
Vous me mettes ious les yeux l'exemple de l'aveugle ne , qui fit paroître au grand
jour l'aveuglement des Doâreurs par la lagcnc de fcs reponfes , parceque vous les
formâtes vous même dans Ion cœur & dans fon cfprit. Vous me faites trouver
lufl. mor. fous la main cette réflexion fi judicieufe : „ on eft bien fort quand on a la vérité
' '"*■ °'„ de Ion côte. Un ignorant s'engage à difputer contre dcsfavans èc des Doéteurs
„ de la loi , & les confond : parce que la vérité combat en lui , & que fcs ad-
„ verfiires combattent la vérité. „
Au. !'i'.'" -^ppoUon , quoiqu'il ne fût que Cathécumcne, fût emploie par l'Efprit Saint à
V. aj. expliquer la i-oie du Seigneur. . .
„ Qiiand un homme eft capable de faire connoître .... la vérité Se que Dieu lui
„ en préfente l'occafionj fon talent & fon zélé font voir fa vocation en ce point,
„ ne fût-il que Laique 6c que Cathécumcne comme AppoUon. Dieu en lufcite
„ quelquefois de tels dans l'Eglife. „
Qiiiconquc marche fous l'étendart de la vérité eft affuré de la victoire j mais par
la voie des hiHïiî liât ions 8c des fouffrances.
Qiioi Seigneur? Voulés-vous me fiire comprendre en me montrant ces exem-
ples , que par amour pour mes frères je dois entreprendre un ou^■ragc fi fort au
dcfius de mes lumières , de mon courage 8c de mes forces? Mais il vous eft ordi-
naire de vous fervir pour les plus grandes chofcs des inftrumcns les moins propres :
vous voulés tout faire de rien, afin que l'homme nepuiilefc rien attribuer , 8c que
toute la gloire du fucccs vous en foit rendue. Si vous daignés m'emploiera cette œu-
vre, je rcconnois que ce n'eft qu'à titre du plus incapable 8c du plus indigne.
Vous le f.n'cs, tout ce qucjedefirc,c'eft de faire vôtre volonté. Qu'ai je à crain-
dre de ma foiblcflc , fi vous êtes vous-même ma force ? Dois-je me défier de mes
ténèbres, fi vous êtes vous même ma lumière, vous fans qui nous ne pouvons for-
mer une feule bonne penfée?
Je vais donc quitter les démonftrations des miracles: je vais faire tous mes ef-
forts pour donner à mes frères une idée véritable de l'œuvre des convulfions , 8c
de l'état des Convulfionnaires. Vous me faites appercevoir, ô mon Dieu! Sans
doute pour m'cncouragcr, que la multitude des préjugés differens qui ont ébloui
une grande quantité de pcrfonnes, ne font fondés , du moins la plApait, que fur
deseiTcursde fait qu'il eft très facile de détniirc: qu'il ne fuit pour cela que leur
montrer la vérité toute nue : 8c que fon éclat fera fuffifant pour faire difparoîtrc
la plus grande partie des ombres , dont les hommes 8c les Démons fefont eft'orcés
de l'envelopper.
Mais avant de commencer un fi grand ouvrage, finiiïbns la préfente démonf-
tration par quelques réflexions fur la force du témoignage des miracles : 8c tâchons
de faire fcntir à mes frères de quelle conféquence il eft de ne point abandonner
de vrais miracles à fatan , par le mépris ^ la haine qu'on a pour les convulfions.
Je viens de rapporter des preuves inconteftablcs d'un miracle évidemment divin,
8c qui eft fi intimement lié à des mouvcmens convulfifs qu'il n'eft pas pofllble de leur
donner un difl-'crent principe. Dieu déclare donc par des miracles qu'il agit dans
l'œuvre des convulfions? Or c'eft une efpcce d'impiété de rcfiftcr à fon témoignage.
I/évidcncc qu'un miradevicnt de Dieu fuftît pour lui donner le plus haut degré
d'autorité, 8c pourrcndrcinexcuf.iblcs tous ceux qui rcfufcnt de fe foumcttre à ce
qu'il décide. En effet comment ceux de Corofain 8c dcBcthfaide auroicnt-ils mé-
rité le terrible anathcmcqucj. C. prononce contr'cux dans l'Evangile, s'ils n'avoicnt
été indifpenfabicmcnt obligés de fc rendre aux miracles qu'ils .ivoient vus, quoi-
«juc ces miracles fuflcnt alors combattus par tous les Chefs de k Religion?
LC5
I.2I- 11<
OPE'RE' SUR M. J. FOURCROY. 4$
Les mînicles font le langage par lequel Dieu parle aux hommes, Se par lequel
il leur manifefte fa préfence & la volonté de la manière la plus frapante. Aufli
c'cft par la perfuafion qui réfulte des miracles qu'il a fait recevoir l'Evangile par
toute la terre ^ predicaverunt uhiquè^ Domino coopérante , l^ fermonem confirmai- Min. \0.
te fequentibas fignis. **''
C'eft donc ébranler le fondement principal de la Religion que de combattre l'auto-
rité des miracles, parce qu'en dernière analife l'unique moien extérieur d'une
conviétion infiillible par rapport aux vérités qui paflcnt l'intelligence humaine
fe réduit aux miracles? Nous ne nous foumettons aux décifions de l'Eglife que
parce que nous croions en J. C. Or J. G. n'a prouvé fa Divinité d'une manière
vifible que par des miracles , les Prophéties ne failant preuve qu'en tant qu'elles
font une efpece de miracle.
Si les miracles font le fondement de la Religion : fi les miracles font la voix de
Dieu, qu'elle témérité n'y a-t-il point de les méprifer , de les rejettcr fxns exa-
men, ^ de les attribuer au Démon lorfqu'ils font au contraire manifeitement Di-
vins , n'aiant été obtenus que par la foi & par la prière, 6c n'aiant pu être opérés
que par le fouverain Maître de la nature.
Voilà néanmoins ce que font aujourd'hui, non pas feulement des Conftitu-
tionnaires,mais même des Doéteurs Appellans! MM. les Confultans aiant réfolu
de profcrire les Convulfionnaires, 6c ne fâchant comment fe debarralTer de l'au-
torité des miracles , ont oie fins avoir examiné les faits , décider que toutes les
guérifons furnaturcUes fxites avec les convulfions.... ou par le miniftere des Convulfion-
naires dévoient être attribuées à un agent fort diftingué de Dieu . Ces M M . à la vérité
n'ont pas ofé nommer le Démon. Aiant peine à lui ficrificr ainfi des œuvres di-
vines, fon nom leur a fait peur: mais ne font-ils pas la même chofe que s'ils le
nommoient, lorfqu'ils le déiigncnt ?
Quoi? L'on verra s'opérer tout à coup les merveilles les plus admirables!
l'on verra des membres contrefaits changer fubitement de figure : des membres
eftropiés guérir en un clin d'œil dans le plus haut point de pcrfeétion : ôc quan-
tité d'autres miracles tousaufli évidemment Divins opérés par le mouvement de
la convulfion ou par le miniftere des Convulfionnaires: 6c parceque les convul-
fîons ne plaifent pas à ces MM. non plus qu'aux puiiTances delà terre, il fiudra
{ans examen livrer tous ces miracles à l'Ange apollat, & le regarder dorénavant
comme un fécond maître de la nature, Se comme partageant avec Dieu fa Toute-
puiffance & fi qualité incommunicable de Créateur !
Ces MM. y penfent-ils de mettre de telles armes à la main des plus grands
ennemis de leur Appel ? Comment n'ont-ils point prévii le fatal avantage qu'on
tireroit contre la vérité du pas qu'ils ont fait d'attribuer à fatan les miracles opé-
rés en convulfion, &: entre les mains des Convulfionnaires?
Ces miracles font tout aulfi grands , tout aufli éclatans , tout aufii marqués au
fceau delaToute-puiflluicedc la Divinité que les autres miracles opérés fans con-
vulfions à l'interccflion du B. Diacre: ils le font même tout autant que la plu-
part des miracles opérés fur les tombeaux des plus grands Saints.
En convenant que les miracles faits à l'intcrccfiion .de ce B. Appellant, ont
le Démon pour auteur lorfqu'ils font accompagnés de convulfions, quelques
grands que puilfent être ces miracles , & quoi qu'ils foient le fruit de la foi 5c
de la prière, comment ces MM. pourront - ils juRificr que les autres miracles
faits par la même interceilion ont eii un auteur différent?
S'ils fe font mis en quelque forte hors d'état de le prouver , quelles funeftcs
conféqucnccs ne rél"ukc-t-il pas d'un fi téméraire aveu ? Si c'cft le Dcmon qui
■ F 2 fait
44 DE'MONSTRATION DU MIRACLE.
f.ut des miracles, dont le but principal cft de prouver que la caufe de l'Appel eft
celle de la vérité , la caufe de l'Appel eft donc celle du Dcmon? Et conféquem-
ment le fiftcme des Moliniftes, qui eft dirctStement contraire à la doctrine des
Appellans , eft donc la faine doftrinc? Cependant les Appcllans ne foutiennent
que ce qu'ont enfcigné S- Paul, S. Auguftin, S. Thomas , Se ce qui a été crû
6c pratiqué par tous les Saints : favoir.
ir!>- >• 4- -^^ prédeftination gratuite : c'eft à dire que Dieu „ nous a élus en J-C. avant
" s- „ la création du monde par l'amour qu'il nous a porté, afin que nous fuHîons
„ faints & irréprehcnfiblcs à fes yeux : nous aiant prédeftinés par un pur effet de
„ fa bonne volonté, pour nous rendre fes enf;\ns adoptifs par J. C.
ibid, i. s. La grâce efficace : c eft à dire que c^efi par la- grâce que nous fommes fauves en
vertu de la foi ^ {5? que cela ne vient pas de nous .^ c'ejl un don de Dieu. La grâce f^iit
tout, la volonté fixit auffi tout , l'une & l'autre agiflant par une opération indi-
vifible : mais la grâce fait tout dans la volonté , Se la volonté Ciit tout par la grâce :
ît.Berrara totum(juidemhoc , {i? totum illa : fed ut totum inillo ^fic totnmex illâ. La grâce ef-
ficace loin de contraindre la volonté , la rend bien plus libre qu'elle n'etoit : fon
effet eft de lui faire connoîtrc les véritables intérêts ,dc les lui faire aimer , 6c de
les lui faire fuivre par (\\ propre détermination. Lorsqu'au contraire la volonté
n'eft point éclairée par une grâce efficace, elle fe laifTe entraîner par le poids de
la concupifcence , elle cft déréglée , aveugle, infenféc , &: clic s'enchaîne elle-mâ-
me fous le joug tiranniquc des pnffions.
La ncceffitc de l'amour de Dieu, dont le Sacrement de Pénitence ne peut difpcnfer.
L'obligation où font les péclieurs pour obtenir par ce Sacrement la rémiffion
des péchés , d'en avoir un véritable repentir & une réfolution iînccre Se très fer-
me de n'y plus retomber : ce qu'il cft louvent néccflairc d'éprouver pendant
quelque tems, du moins par rapport aux péchés mortels.
AINSI fi l'on trouve moiend'infinuer, en attribuant au Démon les miracles
faits en faveur de l'Appel, que la caufe des Appellans eft celle del'cfprit demen-
fonge, &: qu'au contraire la doftrinc relâchée des Molinillcs eft celle de l'Efprit
Saint , il s'en fuivra que S. Paul , S. Auguftin , S. Thomas 2c tous les autres Saints
qui ont enfcigné les mêmes vérités que ics Appellans, ont tous été dansl'illufion,
6c quelques miracles que Dieu ait fait pour canonifer leur foi, & confirmer
leur doctrine, cela ne prouvera plus rien, parce qu'on pourra également tuppofer
que c'eft le Dcmon qui a opéré tous ces miracles pour accréditer les erreurs qu'il
leur avoit fuggcrées, & qu'il avoit commencé d'introduire dans l'EgUie dès le
premier tems de fon établiffement.
Ainfi les Moliniftes & leurs adhérans fe trouveront en quelque forte autorifés
à livrer au Dcmon , les miracles, les Pères de l'Eglifc , une partie confidérable
de la tradition, 6c même jufqu'aux Ecrits de S. P.uil, 6c (Ingulicrcment fes Epi-
trcs aux Romains 6c aux Ephéflens, comme étant diamétralement oppolccs au
fond de leur nouveau fiftcme: ^ il faudra dorénavant regarder Molina , San-
chez, Efcobart, 6c les autres Auteurs Jefuites les plus relâchés, comme des gens
infpirés par le S. Efprit pour reformer la Religion : en ouvrant aux pécheurs imc
voie auffi large pour panenir au'bonheur éternel que |. C. l'avoit faite étroite:
en déchargeant les Chrétiens du joug trop lourd de la néccffité de l'amour de
Dieu : en leur apprenant qu'ils font les fculs arbitres , 6c les maîtres uniques 8c
abfblus de leur falut: en leur promettant que quelques crimes qu'ils commettent,
ils auront toujours une grâce fuffifante , dont Dieu fera oblige d'augmenter la force
à mcfure qu'ils augmenteront leur concupifcence , afin qu ils foicnt toujours dans
rtijuiUbrc, £c qu'avec cette grâce commune à tous , ils puiflcJ^t en tout temsfc
con-
I
OPERE' SUR M. J. FOURCROY. 4^-
convertir tout d'un coup par leurs propres forces: en reduifant tout ce qu'on doit
à Dieu à un culte purement extérieur & à la réception des Sacremens, fansgu'il
foit bcioin d'y apporter la plupart des difpofitions que les Pères- de l'Eglile &
plufieurs autres SS. Docteurs ont décidé être nécefraires : & en enfeignant qu'on
doit fur le champ abfoudre les plus grands pécheurs fans s'cmbarrafler de leur
faire commettre des ftcriléges.
Quelles terribles fuites ne peut point avoir une fuifle démarche ! Ha ! Vé-
nérables vieillards retournés au jugement : 6c hatez,-vousderetra6ter une condam-
nation û inconfidérée !
Mais par quelle fttalité ces MM. ont -ils donc hazardé une décifion fi perni-
cieufe ! C'eil parce que lapliipartdes Conlultans n'aiant point vu de Convulfion-
naires , on leur à fait confondre ceux dont les convulfions font marquées au fceau
de Dieu , avec les Auguftinifles 6c les Vaillantiiles, qui font deux fcéles particu-
lières formées par l'cfprit de mcnfonge: 6c qu'on a répandu tant de calomnies
contre les Convulfionnaires en général, 6c même en particulier contre quelques
uns de ceux qui font de la piété la plus éminente, que ces MM. ont regarde tous
les Convulfionnaires fans exception comme des pcrfonnes d'une conduite très luf-
pefte. Sur quoi je dois avertir leLeélcur que fous le nom de MM. les Conlultans
je n'entendrai plus dorénavant tous les ^o. Dofteurs qui ont foufcrit la confulta-
tion, dans le nombre defquels ie fii qu'il y en a plulieurs qui ne l'ont fait que fau-
te de connoître l'œuvre des convulfions, s'en étant malheureufement rapportés à
la faufle idée qu'on leur en a donnée: je fai même qu'il y en a quelques-uns
qui font aujourd'hui fichés de l'avoir fignée.
Je ne comprendrai donc fous ce nom 6c fous celui d'Anti-convulfioniftes, que les
véritables auteurs 6c promoteurs de la confultation , 6c ceux qui y ont donné lieu,
ou l'ont défendue par des écrits calomnieux, tels que les Auteurs du Journal, des
Siftêmes, des Vains-efforts, des libelles contre Charlote Laporte, du Naturalif-
me, des Examens &:c.
Je reconnois au furplus que dans le nombre de ceux qui font oppofés aux con-
vulfions, il y a piufieurs perfonnes très refpeftables , mais qui ont eu le malheur
de s'être laiflees prévenir par les affreufes calomnies , 6c les fables impertinentes
qu'on a débitées contre les Convulfionnaires.
Pour donner un exemple frapant de l'aveugle fureur avec laquelle on s'eft dé-
chaîné contre les Convulfionnaires, il ne faut que rapporter ce que le [ournal à
eu la témérité de publiicr contre la D"*. Fourcroy fous le nom de Roialie.
Rcfalle, enla perfonrie de qui ^ dit cet infâme libelle, on a prétendu qu il s'était
fait unmiracle {^ qu'elle avait été guérie d''nne achylofe . . .était alors ^i S te. Péla-
gie dans la mai fan de force.
L'Auteur de cet 'impudent Journal ofe enfuite avancer , qu'un Curé de Paris
qu'il ne nomme point, qui eft M. le Curé dcS. Severin (car à nôtre égard, com-
me nous marchons à la lumière de la vérité, 6c que nous ne craignons point d'ê-
tre démentis , nous nommons tout le monde) cet Auteur (dis-je) avance que ce
refpcftable Curé avoit dit que , cette Convulfionnaire avoit fut pendant bien des
„ années le métier de courtifane fous fa paroifle, 6c qu'au bout de cetemsellefc
„ mit entre les mains des Chirurgiens pour être guérie d'un malquielld'ordi-
„ naire la fuite d'une telle vie. „
A quoi l'Auteur du Journal ajoute „ que fon état aiant rendu la maifon defer-
„ te, elle feignit pour fuppléer au défaut de fes revenus, d'avoir une maladie
„ extraordinaire .^. . cet artifice lui réuflit : les aumônes lui vinrent en abondant
„ ce, 6c on la crût fi mal qu'on lui fit adminiftrerrExtrême-onftjon. Quequel-
F 5 „ que
4(î DE'MONSTRATION DU MIRACLR
„ que tems après elle recommença la même Icéne, Se M ***. Vicaire de kpa-
, roifle très relpcâic , & qui lui avoit dorme l'Extréme-onftion la première fois , lui
,, ce dernier Sacrement à cette créature qui en ctoit bien indigne.
Voilà iufqu'à quel excès on poudc les plus noires calomnies, qu'on s'efforce
d'autorilcr dans le public, en attribuant à des perlbnncs dignes de reipcd:, des
dilcours fi indignes de leur carafterc. Mais le public ne peut manquer d'en être
indigné, quand il laura quels font les faits dans leur exacte vérité, ôc quels font
les faux prétextes d'une il injurieuic déclamation.
La D'". Fourcroy, qui avoit pafTc fil première jcunciïe dans le couvent des
Béncdiftines de Contlans, Sc dans le petit couvent de S. Cir, fût cnfuite mifeen
apprcntifage chez la D'"- Aboulard ouvrière en dentelle, qui demeuroit alors
6c demeure encore fur la paroilTeS. Scverin. La D"^ Fourcroy y ell reliée pen-
dant 3. ans, depuis le mois de Mai 1711. jufqu'au mois de Mai 1714. C'ell: de
cette époque de la vie dont il eft ici qucition, puilqu'il s'agit du tems qu'elle
a demeure fur cette paroifle.
J'ai été moi-même m'informcr de la D''*. Aboulard qui pafic pour Hvoir une
forte de piété, lî la D""'. Fourcroy lui avoit donné quelque fujet de le défier de
fa conduite. Elle m'a fait réponic que cette fille avoit prefque toujours été ma-
lade pendant les 3. ans qu'elle étoit demeurée cliez-elle; qu'elle nevoioit qui que
ce foit : & qu'elle ne Ibrtoit que pour aller à l'Eglife.
Voici préientement quels ont été les trois differens prétextes des calomnies du
Join-nal.
11 y a cû fous la même paroiffe de S. Scverin une autre D"^ Fourcroy, belle,
jirande, très bien faite, & aimant beaucoup le monde, mais néanmoins de qui
on auroit grand tort de parler dans les termes dont fe lert l'Auteur du Journal.
Cet Auteur ou quelqu'un de fesadhérans fit entendre à M. le Curé de S. Scverin
que la Convulfionnaire qui avoit été miraculcufcment guérie d'une anchylofe, c-
toit la belle D'^". L'ourcroy : fur quoi ce Curé, qui apparemment ne connoilfoit
de réputation que celle-là, dit à la vérité à pluheurs perfonnes, qu'elle avoit de-
meure bien des années fur fa paroifle, & que là conduite étoit fort fufpe.fte. Ter-
mes qui ne préfcntcnt qu'une vie trop mondaine , îîc qui font très differens des
difcours aulîi faux qu'injurieux qu'on attribue à ce refpcclable Curé, trop pm-
dent & trop làge pour en tenir de pareils à l'égard de perfonnes telles que l'une
èc l'autre des D'ie*. Fourcroi^
Au furplus le lefteur m'a fans doute déjà prévenu £c a de lui-même fait ré-
fléxien, qu'il ell fouvcrainemcnt ridicule de fuppolér qu'une petite bollue toute
contrefaite ait fait pendant bien des années le métier de courtifane.
A l'éiiard du difcours qu'on attribue au Vicaire, il regarde eiVcftivcment la Con-
vulfionnaire , &; non pas la belle D'"-'. Fourcroy qui a toujours joiii d'une très bonne
fantc tandis qu'elle ctoit fur cette paroifle. Mais voici le fiit dans fa fimplicité.
La petite oofliie fc croiant bien plus malade qu'elle n'étoit, le fit adminillror
deux fois coup fur coup l'Extréme-ondion par M. le V^icaire de S. Scverin. La
deuxième fois ce Vicaire s'appercevant qu'elle n'étoit point du tout en danger de
mort, lui repréfentàt qu'il n'étoit pas d'uiage de donner fi fouventrKxtrêmc-onc-
tion à des malades, fur tout lorlqu'ils n'etoicnt point en un péril cmincnt , &
lui dit qu il la prioit de ne plus requérir ce Sacrement des mourans à moins qu'elle
n'eût le certifier d'un Médecin qu'elle ctoit \ériiablemcnt en danger.
Voilà
\
OPE'RE' SUR M. J. FOURCROY. 47
Voilà comme on empoifonne jufqu'aux mouvemens d'une piété, dont le dé-
faut n'étoit que d'être un peu trop craintive.
Au relie il ne faut que du bon fens pour être convaincu de la vérité de ce que
je dis, & de l'irnpofture de l'Auteur du Journal. Un ledeur unpcufenfé peut -il
croire qu'un Prêtre aulll prudent que le Vicaire de S. Severin ait été capable, dans
le tems même qu'il finiffbit d'adminillrer l'Extrême-on6bion à une malade de décla-
rer à tous les alîîftans que la pcrfonne à qui il venoit de donner le corps adorable
de J. C. étoit une créature qui en éîoit bien indigne"^. N'eft-ce pas deshonorer un
Miniftre du Seigneur que de l'accufer d'avoir tenu un tel difcours ?
C'eft ainfi que Dieu permet que la fureur de la calomnie aveugle à tel point
ceux qui en font pofledes , qu'elle leur fait avancerdes faits dont la faufletéelt pal-
pable : mentita eft iniqiiitas Jîbi. pr. z6. it.
Je ne prétens point au furplus me rendre garant de toute la conduite de la D"^
Fourcroy. Je fii que fon frère, qui pafle pour avoir toujous eu une efpece d'an-
tipatie pour elle , obtint en 1730. une lettre de cachet pour la foire enfermer dans
la maifon de force de Ste. Pélagie: mais je fai auffi que tout le reftedefa fimille
s'y oppofa & la fît révoquer.
Au refte il n'cit point vrai que la D"^ Fourcroy ait été un feul moment dans
la maifon de force de Ste. Pélagie. La Supérieure & le rcfpeétable Directeur de
cette maifon, m'ont certifié que lorfqu'on amena la D"'. Fourcroy pour être en-
fermée dans la maifon de force, la Supérieure fe douta en voi;mt la figure contre-
faite de cette fille , que l'expofé fur lequel on avoir obtenu cet ordre n'avoit pas été
fort fincere. Elle l'interrogea, & elle fût h édifiée de (es rcponies , que dès ce mo-
ment elle la retint auprès^ d'elle dans la communauté extérieure des Religicufes ,
qui eft féparée de la mailon de force.
La D-. Cancelcre femme d'un Contrôleur des rentes, tante 6c tutrice delaD''«.
Fourcroy l'y aiant été voir peu après, voulut l'emmener chez-elle: mais la D'i«.
Fourcroy qui déjà étoit très attachée à la Supérieure, pria inftamment fa tante de
la laifier là , ce qu'elle obtint. Cependant quelque tems aprèsn'aiant pu refifteràux
follicitations 6c aux ordres réitérés de cette tante, elle alla enfin dans fa maifon.
La D"^ Fourcroy y aiant paffe un mois, la conjura avec tant d'inftance delà
laifler fe remettre fous la conduite de la Supérieure de Ste. Pélagie, 6c fous la di-
reftion du digne Miniftre qui en eft le confefleur, qu'elle en obtint la pcrmiffion.
Elle y refta jufqu'après la guérilbn de fon hidropifie, qu'elle alla chez la D^. de
Vitri, qui l'aiant defiréc avec ardeur, la reçût avec beaucoup de pie : elleyeût
les plus vives 6c les plus fortes couvulfions , après quoi elle voulut encore retourner
à Ste. Pélagie , où elle a refté plufîeurs années.
Cet emprelfemcnt à vouloir toujours vivre ibus les yeux d'une Supérieure fi dig-
ne de gouverner, 6c d'être fous la conduite d'un guide auili éclairé que le Directeur
de cette maifon, ne marque certainement pas un cœur corrompu.
Mais au furplus que prétendent donc ces MM. en débitant tout ce fatras de li-
belles diffiimatoires contre les Convulfionnaires ! Croient-ils que ce foitlà un bon
moien pour répondre à des miracles incontcftables ? Qiioi ! Veulent -ils donc blâ-
mer la conduite de Dieu , 6c prouver qu'il a tor4; de faire des prodiges fur des per-
fonnes qu'ils en jugent indignes? .
Qiiand il feroit vrai que plufieurs Convulfionnaires auroient eu une conduite très
rcpréhenfible > qu'en pourroit-il réfultcr? Ces grands Doéteurs ont - ils donc ou-
blié que la rémijîon des péchés eft un article du Credo ? Qiioi ! Ne fivent-ils plus que
Dieu fait miféricordc à qui il lui plaît , 6c qu'il change les cœurs dès qu'il lèvent?
Qii'ils ouvrent l'Evangile ôc ils y trouveront que la Samaritaine eft une des pre-
mic-
4» DE'MONSTRATION DU MIRACLE
R. M. miercs à qui J. C. a déclare clairement qu'il étoit le Mdlîc. Sur quoi le célèbre Au-
J*" ■*• tcur des Réflexions morales obicrve que „J.C. confond les Docteurs orgueilleux,
„ en le découvi-ant à cette pauvre femme qui eit dans l'erreur, dans le fchifme ,
„ 6c dans le défordre, plutôt qu'aux Hivans. „
Mais J. C. fait encore plus : il fe iert de cette femme pour annoncer aux Samari-
tains qu'il cft le Chrifl h Aleffic ... . le Sauveur du monde : ils vont le trou-
ver, 6c ils apprcmicnt ces grandes vérités de fa propre bouche.
Si J. C. avoit pris l'ai-is de quelqu'un des Auteurs qui ont écrit avec tant de cha-
leur contre les convul fions, 6c en particulier de l'Auteur des Vains-efforts, avec
quelle force, avec combien d'éloquence ce gnmd déclamateurncluiauroit-ii pas
déclaré qu'il n'étoit pas digne de lui de fe fervir d'une telle créature pour publier
de fi grandes 6c de li importantes vérités ! Mais Dieu juge au contraire que rien
n'eft plus digne de fa grandeur 6c de {x fagelTe que d'emploier aux plus grandes
J«n4. 3?. oeuvres les inlhumens qui nous paroiflent les plus vils. „ Il fait voir (dit le P. Quef-
„ nel) en fe fcrvant du minillére d'une (telle ) femme pour laconverfion de ces
„ amcs fi éloignées de la vérité, que tout iniboiment eft égal 6c mdifferent à celui
„ à qui nul n'eft néccfîaire. ,,
Que les Samaritains euflcnt été à plaindre fi le mépris qu'ils avoicnt fujet d'a-
voir pour le canal par lequel cette vérité leur étoit déclarée, leur cûtfervi depré-
ibu. v. 4i.texte pour la rejctter fans examen! „ S'ils l'avoicnt rejette (dit encore le P. Quef-
„ nel) quand elle leur fiît annoncée par cette femme, ils ne l'auroicnt pas entcn-
Apo. If. J. » ^'^^ '^^ ^^ bouche de J. C. ... Dieu (dit-il ailleurs) découvre fcs confeils à
„ une foi humble 6c refpcftueufc : il les cache à la raifon orgueilleufe 6c téméraire. „
Ali Seigneur ! Qiie notre orgueil 6c la trop grande opinion que nous avons de
nos lumières, ne nous fille pas oublier que vos confeils font infiniment au dcfl'us
de notre foible intelligence, 6c très difterens de nos foibles penfécs!
Ne perdons jamais de vue, qu'il eft de principe que la raiibn humaine ne peut
découvrir en Dieu que les décrets néccflaires. Qii'à l'égard des décrets libres 6c pure-
ment gratuits, l'homme n'eft pas capable d'cnjuger l'uivant que le décide S. Tho-
mas: 6c que ce n'eft que par la comparailon des exemples qu'on trouve dans les
jhc;ii. 5. livres SS. qu'on peut en pénétrer quelque chofe : ea qu£ ex fola Dei volunîate
part. 9- 1- ^proveniunt J'upra omne debiîum creatura , nobis innotefcere nonpojfunî , nifi quatenui
in facra firiptura tradunîur.
Ah mon Dieu ! Que vôtre infinie miféricorde nous délivre de cette faufle fagcP-
fc qui veut être plus fage que vous !
Mat.i'5ii. „ L'homme tout aveugle qu'il eft (dit le P. Qiicfncl) fe mêle toujours de
„ trouver à redire à la conduite de Dieu, 6c de juger de fcs dcfieins £c de fes voies. „
Ah Seigneur ! Donnés nous au contraire un cœur d'enfant : donnés-nous cette
fimplicitc Chrétienne que vous vous plaifés d'éclairer, parce qu'elle cherche avec
humilité la lumière, 6c qu'elle ne l'attend que de vous !
Je n'ai rien à vous offrir, ô mon Dieu! que l'aveu de mon extrême indignité,
êc de mon incapacité notoire. Qu'il attire fur moi vos m iféricordcs, voslumieres,
Je vôtre Efprit ! C'cft par l'effet de votre grâce que je connoi^ mon néant : j'cf-
pére que cette même grâce me /cndra d'autant plus reconnoilîiint de vos faveurs,
que je m'en fcns plus indigne. Ainfi foit-il.
PIECES
&®m
^Cr
PIECES JUSTIFICATIVES
DU MIRACLE OPE'RE' SUR LA DEMOISELLE FOURCROY.
PREMIER ACTE DE DEPOST.
E 13. jour de Novembre 1753. après midi
eft comparu par devam les Notaires au Châ-
telct de Paris-fouirignes , Marie-jeaniic Fom-
cioy fille majeure demeurant à Paris tue des
Gobelins quartier S. Marcel Paioifie Saint
Hipollitei laquelle craignant que les pièces
qui conllatent la guerilon miraculcufe qu'il a plù à Dieu
de lui accorder le 14.. Avril I7;2. d'une anchylole qu'elle a-
voit au pied gauche, qui fat ce jour là enricrement diffipee
en un moment, ne viennent à s'égarer, a dépofe pour mi-
nute audit Raymond Notaire douze pièces.
La première eft la déclaration que ladite comparante a
faite des maladies dont elle avoit été arteinie julqu'audrt
jour 14. Avril 1737. & de la guerifon fubite arrivte ledit
jour, de l'anchylofe qu'elle avoir au pied gauche; laquelle
déclaration ou relation datiee à la fin, du 7. Juin de ladite
année i"3i. contient quatre pages, & environ les deuxriers
delà cinquième page, le tout entièrement ecrir de la main
de ladite Comparaute , ainfi qu'elle le déclare, & par elle
Cgne &i ccnttôle a Paris par la Croix, le 14. Novembre
prefent mois. Declaiant ladite comparante, que depuis le
6. juin 1731. qu'elle a fait ladite déclaration, il a p'.u à
Pieu d'opeicr encore en elle plufieuis changemens dans la
figure & dans la conftiuftion de fes os: n'eranr plus bùlTue
comme elle eroit alors, ainfi qu'il eft appaiu aux Noraire»
fouflignes par l'infpeâion de la perlonne , & aurres change-
mens qu'il a plu a Dieu d'oj-erer en elle par le recours
qu'elle a toujours eu depuis ledit tems a l'interclfion
du Bien-heureux François de Pâtis, defquels changemens
elle n'a point encore drefl'e la declaiation , & n'en a point
raflemble les preuves.
La féconde eft un certificat du Sieur Defvignes Chimt-
gien entièrement eciit de fa main, amli que ladite Com-
paranre la déclaré, en datte duio. Janvier ae la prcleme an-
née, figné Defvignes, & conrtole par ledit la Croix le 23.
du même mois.
La troifieme eft un autre Certificat du S. de Manteville
aufC Chirugien 5c Démonftiareur en Chirurgie, pareille-
ment écrit de fa main , ainfi que la Comparante l'a décla-
ré, eu datte du 27. Decembte 173'. Cgne de Manteville
avec paraphe. Contrôlé par ledir de la Croix le 28. Mars
dernier.
La quatrième eft un autre Certificat du Sieur Leaurc Chi-
rurgien Major, des Gardes du Corps du Roi aufli entière-
ment écrir de (à main, ainfi que la Comparante l'adcclaté,
Tans datte figne Leautc , avec paraphe. Courroie par ledit la
Croix, le 19. Janvier dernier.
La cinquième eft un autre certificat du Sieur Souchay Pré-
voft en charge de la Communauté des Chirurgiens , &
Chirurgien de S. A S. Monfeigneur le Prince de Conty ,
aufli entièrement écrit de la mam dudit Souchay , ainfi que
la Comparante l'a dcclaié, en datte du 10. Janvier dernier,
figne Souchay. Contrôle par ledit la Croix le 24. du mê-
me mois.
La fixiéme eft un autre Certific.it du Sieur Sivert Chi-
rurgien major des Hôpitaux de l'Armée , entièrement écrit
de fa main, ainfi que ladite Comparante l'a déclare, datte
du 16. Janvier dernier, figne Sivert avec paraphe. Contrôle
par ledir la Croix le 19. du même mois.
La fèpriéme eft un autre Certificat du Sieur Granier an-
cien Prevoft de la Communauté des Chirurgiens, entière-
ment écrit de fa main , ainfi que la Comparante l'a décla-
ré , datré du 16. Janvier dernier, figne Granier, Conrrôle
par ledit la Croix le 21. Mars aufli dernier.
La huitième eft un autre certificat du Sieur Séron Méde-
cin de l'Arrillerie & de l'Hôrel-Dieu , entièrement écrit de
ù main , ainfi que la Comparanre l'a déclaré , du 2 J. JuiU
III, Demonft. Tome IL
1er dernier, figné Séron avec paraphe. Contrôlé pat ledit de
la Croix le 16. Septembre dernier.
La neuvième eft un autre certificat du Sieur Guy Mar-
chand Bonnetier , entièrement écrir de fa main , ainfi que
la Comparante a déclare , du 14. Janvier dernier , figue
Guy , avec paraphe. Contrôle par ledit de la Croix le 2î.
du même mois.
La dixième eft un autre certificat du S. Simart Libraire,
entièrement écrit de fa main , amfi que la Comparante a
déclare, du il. Aoûr dernier , figné N. Simart. Contrôlé
par ledit de la Croix le 14. du même mois.
La onzième eft un autre certificat de la Demoifelle de
Lunaque fille majeure , entièrement écrit de fa main , ainfi
que la Comparante a déclaré , datte du premier Mats der-
nier , figne Lunaque. Conrrôle pat ledit la Croix , le 28,
du même mois.
Et la douzième & dernière eft un autre certificat donne
par la Dame Veuve de Vitry Marchande Teinruriere da
grand & bon teint , entièrement écrit de fa main , ainfi que
ladite Comparante a déclare , datte du 12. Fevriet dernier,
figné J . B. veuve de Vitry. Contrôlé par ledit la Croix le
28. Mars auifi dernier.
Lefquelles douze pièces, &c. le tout demeuré audit Ray-
mond Notaire.
I.
Re/ation faite par la Demoifelle FouRCROY , de
fes mal.idies ôf de fes giiévifons S' entr'autret
de la guérifo>i fitbite & parfaite de fon Anchy'
lofe le l^. Avrtl \-j-^i. pendant une de fes convul-
ftons. Elle rend aiijjl un compte très intèreffant
de l'effet que firent fur elle fes convuljîons.
JE fouflignée Marie - (eanne Fourcroy fille majeure âgée
de 26 ans & quelques mois. Pénétrée d'une vive re-
connoiflance des miiaclcs qu'il a plii au Seigneur d'opé-
rer en ma peifunne, ai fait la dédaiation faivantc pour ren-
dre gloire a Pieu & rcmoignage à la vérité.
En l'année i""!!. étant lors âgée de cinq ans ou envi-
ron, je tombai en langueur & en chartre; toutes mes dents
même tomberenr & je devins extraorrfinairement nouée: âc
comme je ne pouvois plus manger, mon pete me remit ea
nourrice.
Tout mon corps devint entièrement contrefait & tout con-
tourné , l'épine de mon dos fe courba & prir la forme d'u-
ne S. ce qui me rendit extrêmement bolVue vers l'cpaule
droite , Se au dcflirs de la hanche gauche , ces deux endroits
de mon corps étant fort élevés , 6c l'epaulc gauche au con-
traire étant renfoncée, & y ayant un grand ci eux vers la han-
che droite; attendu que les fauflés côces étoient renfoncées
aufli. De plus, l'os de macuifle gauche devint toutcouibé,
& celui de ma jambe gauche devint en arc: j'eus toutes les
clavicules dérangées, & ma rête fe trouva placce beaucoup
plus du côte gauche que du co:e droit; de façon que mo«
épaule gauche étoit très courte , 5c que la droite ctoit prés
d'tme fois plus longue.
A l'âge de fept i huit ans mon pcre me fit mettre un
corps de ftr , mais il ne fervit qu'à me faire fouffrir fans
me redreflér: au contraire je devins de plus en plus contre-
faite en grandiflanr, & mon vifage devint même tout de
travers , & ma tête panchee fur l'épaule gauche : l'on me
mit en même tems une bottine de fer à la jambe gauche,
& elle fir aufli peu d'effet que le corps de fer. Je fus ou-
tre cela affligée fans difcontinuation de quelques maladies
qui fe fiiccedoient les unes aux autres , & dont l'une ne p.il-
loit point q[ii'il n'eu leviat une autre ; ce qui m'a dure juf-
A qu'au
Pièces jufiificatives du miracle
qu*iu 11. Mâts 17^1. ioor Al (ommenccment de ma gué- après je devins aveugle. Le mîme Chirurgien m: dann»
iilbn. Emt'autrcs maladies, cii \~i6. à l'âge de dix ans , d'une eau pour mernelUrmciycui-.niaisbienloinqu'eUeme
je fus anaq^ee d'une It grande mal.\dîc de poiuinc Jcd'cflo; fie aucun bien, je m'apper^ôs à ii'ca pouvoir douter qu'elle
mac , que le crachois Te Ung & vomilTois quelquefois iul- ce feivoic qu'a en augmenrer le mal : & des les premières
qu'aux marieres fccalcs.îc que j'ctois fouvent plulicuis jours épreuves je ceflai de m'en fervir
uns pouvoir avaler quoi que ce put être.
Ce mal de poitrine & d*cftoniaca cependant éic' quelque-
fois foulage pour un tenis par les difurens remèdes qu'on
m'a donnes; mais la poiuine Se l'cllcmac n'ont point celle
de me faire de la douleur, £c je (uis toujoutt relWe fans ap-
pétit & (ans pouvoir prefque mange: : Se tout cela fans au-
cune intcnuptioa depuis cette atmee 1715. juiqu' audit jour
11. Mars i';2.
En peu de jouis mes paupieics fe f^irmcfem cmicrement ,
de fa^on que je ne pouvois plus les lever qu'avec les doigts :
maisc'etoit inutilement, mes prunelles étant toutes aoubles
& Qc voyant plusdu tout, pas même les plus gros objets, mais
feulement la lumière comme au travers d'un épais brouillard.
Je ne m'adreffai point à aucun autre Chiiurgieu, eiaut û
rebutée de la quantité de remèdes que j'avois pris inuilemew
par rapport à mes autres maladies, que j'avois perdu toute
Au mois de Janvier I7;t. quoi qu'à mes autres infitmi- confiance en leur ait, & que j'etois perfuadee par expeticnce
tés ordinaires il fe fut joint une gtolfe tievie continue avec que j'etois conl^imeedefa^on, que quand ils me foulageoieiu
des redoublemens , je m'avifai étant feule de me lever & dans quelques maladies, il ne nunquoit jamais de m'enre-
de vouloir refaire mon lit. l'ouï cet etîet, ayant voulu le venit une autre plus conlîderable prefque fut le cham;). Je
pouflcr du pied gauche: je fis un effjrt beaucoup au delTus tombai en mcmetems en un fi grand chagrin que tout me
de mes forces, ce qui fit enBer mon pied conliJctablement faifoit peine: & j'avoue avec confjùon que jcnepùsfuppor^
l'endroit de la cheville, & me fit beaucoup de douleut
lorfque j( voulus m'en fervir pour marcher. Cependant j'e-
tois fi ennuyée de demeiuer toujours au lit, que jem'oblli-
lui pendant' lept ou huit jours à vouloir refter levée quel-
ques heures de la journée: mais mon mal au pied ayant
toujours augmente & ne pouvanr plus, non feulement mar-
cher, mais même l'appuyer à terre le moins du monde, je
f'\s obligée de refter au lit fans en pouvoit Ibitir , de fa^on
qu'on etoit oblige de me poitei pout me mettre dans un feu
ter ce dernier accident.
Toute ma conlblation avoit été julquc-là dans la leâure
des livres de pie:e; avec ce fccours j'avois fouifert avec quel-
que patience toutes mes autres incommodités, les iejardai'.c
comme des chàtimens que Dieu me faifoit dans (à inileticor-
de pour me faire faire pénitence de mespechc;: mais quand
je me vis privée abfolument du Ibutieu de laleâute, jetnc
laiflai entièrement abbattre par l'affliction.
Dans cet état, ayant entendu patletdcsmiraelesque leSei-
teuil lorfqu'on vouloit tefàire mon lit; ce qui n'attivoirque gneur operoit pat l'interccffion de M. de Paris; dont j'avois
médite pluùeurs fois la ib'ide pieté, l'extrême mortification,
& l'attachement infurmontable à la vérité , aiant lu plulieuis
fois là vie. je fis une neuvaine dans mon lit, le priantavec
inlfance d'intercéder pour moiaupièsde Dieu , pour qu'il me
rendit l'ufage de la vue, & la confolation de la lecture.
Le Seigneur eêt egaid à l'interceûion de fon ferviteut , &
ptécifemcnt le neuvième jour de ma neuvaine , pendant la-
quelle j'attefte devant Dieu que je ne (îs aucun remède , mes
yeux qui depuis trois femaines etoient tous troubles, &avec
lefquels en les ouvrant avec les doigts je ne pouvois appercevoii
les plus gros objets, s'ouvrirent ÎSc fe ttouvetem entièrement
guéris au point que j'en vis parfaitement dés le prcmiei joui,
& que je repris auifuôt toutes mes lec^res fans en être au-
cunement fatiguée: & même, quoique je n'cufl'eprie M.de
Paris que de demander pout moi à Dieu cette guerilbn , je
me trouvai dans le même tems foulagee de toutes mes autres
maladies, au point que je fus en état de me lever aucom-
niencemcnt du mois de Décembre , ne pouvant néanmoins
me fourenit fans douleur fut mon pied gauche qui ctoittou-
jours reltc au même erat, & dont je ne pouvois pofer a terre
que l'extrémité, Se m'appuyer que fur la furface Se le cote du
petit doigt, ce pied étant tout reiiverfe Se le talon tout retire ,
ainfi que je l'ai dcja dit; mais au futplus il me faifoit moins
M. Defvignes Chirurgien ''de réputation de me vemt de douleur depuis que je n'y faifois plus de remèdes.
Me trouvant même un peu de force vers le milieu du mois
Il me traitta pendant quelques mois : mais (es remèdes de Décembre, je voulus me faire conduite au Tombeau Je
n'eurent pas plus de liicces nue ceux que m'avoit donne le M. de Pitis pour y faire mon aélion degrace. Eianr entrée
garçon Chirurgien, 8c je lui fis même obfeivcr que mon dans le Cimetière de Saint Medatd ou eft ce Tombeau , avant
pied fe toumoit toujours de plus en plus, & que mon talon la tête ercore foible du rcfte de mes maladies, je fù' lî ftapee
étoit auffi de plus en plus retiré: & lui-même .ipics avoir d'épouvante des cris de douleur & des efpeces dehurlemens
éprouvé tous les remèdes qu'il put imaginet , me declata que j'entendis faire à des Convullïonnaites dans le cimetière
que mon mal etoit abfolument incutable: que tous les re- Se Ibus le Charnier; que je penlàj m'en aller làns m'appro-
tous les huit jours , me tiouvam lois fort fatiguée loilqu'on
me fottoit de mon lit.
Depuis cet accident jufqu'au 11. Mats i^?i. je n'ai pas
dormi un feul moment, mon pied n'ayant pas cefle de me
faire de la douleui joui & nuit; je devins même comme
impotente de tous mes membies , n'ayant pai la fotce de
poitei ma main a ma bouche: de forte qu'on etoit oblige
de me faire manger comme un enfant.
On fe contenta d'abord de me faire venir un gaiçon Chi-
lurgien pour panier mon pied: mais loin que les cataplaf
mes & autres drogues qu'il me mit fur le pied m'apportal-
fent aucun foulagement , je m'appeicevois au contraire Se fcn-
fiblement, que chaque remède qu'il y meaoit aigrifloit mon
mal & augmentoit ma douleur.
Des le premier jour de mon accident . il vint une grof-
feui à la cneville de mon pied en dehots : d'abord grofle
comme le pouce , mais qui a toujoius augmente : Se un
mois ou Cx femaines après , mon talon commença à le re-
tirer , & mon pied à fe tourner en dedans Icns deflUs def-
fous , & je fentis dans mon lit que |e n'en pouvois plus
faire aucun mouvement. Aptes avoir eptouvc pendant quel-
que teras que toutes les drogues que ce garçon Chiiuigicn
me mettoit ne faifoicnt qu'augmenter mon mal , je fis
prier " t->./-.: ^>i.: :._ j. : —
voit
medes que je pourrois faire n'auroiem d'auttë effet que d'ir-
titct encore l'humeur. Se que je n'avois d'autte parti a pten-
dre que de n'en plus faire aucun. Se demetcfoudre a fuuf-
frii cette incommodité, dont b douleur diminueroic eu cel-
(int tons les remèdes.
cher de la Tombe: mais la perlbiine qui m'accompagnoit
m'ayant encouragée, je fus m'alVeoir deflus
Après y avoir lelle environ un quan a'heureenptiete , je
refléntis tout d'un coup des douleurs par tout le corps , Se il me
piii des mouvcmens qui firent dite a tous ceux qui étoient au-
Sur (on avis je pris mon parti de quittet abfolument tous prcs de moi, i^ue le» convulfions m'alloient prendre. A ce
les remèdes à cet cptd , Se de me rcloudre à icfter ainli mot de convuUion, me rappcllam les ciis quei'avois enten-
cOiupiee tout le telle de ma vie. Cette téfolutiou me cou-
foit moins ciu'a un autre étant toute accoutumée à ne pou-
voir forti; de mon lit. 8c mes autres maladies ayanr enco-
le augmetué deptns le mois d'Avril de ceirc année i";i.
Pepuis ce tems j'etois devenue hidtopique, mon ventre cn-
floit tous les jours de plus en plus, ^ je oe pouvois plus
prendre d'autre nouriiturc que des bouillons. Quelque teins
aptes que .^1. Defvignes m'eût abandonnée, un autre Chirur-
gien me donna une médecine, qui à la vciitc me lit éva-
cuer beaucoup d'eau , Se me ptocuia un loulagcincui con(i-
dtiible p«i lapport ^ mon hidiopi(îc, mais peu de loius
dus fous le Charnier en arrivant . je fus failié de crainte , 5c (i
vivement que je donnai de l'argent au Suillc pout me faire
faite paOàge pout me leiirer : S< cette apprehenfion d'avoir
des convulfions me donna même des fbicesqui nem'eroieiv
pas oïdinaires. pour fortir au plus vite de ce Cimetière.
)e luis peri'.iadce que Dieu voulut me faire connoUre d'une
manière Icnfible qu'il ineiMinitlbir de l'eloignement que j'a-
vois tcmoigiie avoil p<»ir les convulfions: car depuis que le
fus revenue ainli du C'iincïicre de S. Mcdard, mon hidro-
piiic qui éroJt pielque palWe augmenta de jour en J<>ur: 5:
au lieu de U hevrc lem« qui oe m'avait patquiuc. il»v-n
prit
opéré fur Marie-yeame Fourcroy.
prit une ttts violtnte avec cîes redoubleinens , & même de
tems en tems quelques accès de [lanlport au cerveau.
En moins de deux mois |C devms eiiquc du vilage , des
bras & des pieds, de façon que je n'avois plus que la peau
fur les os; au lieu que mon ventre .mes cuifles & mes jam-
bes ctoient d'une grcfleur prodigieul'e.
Dès la 6n de février de l'année 1752. & au commence-
ment du mois de Mars, ma poitrine commença a s'engager
au point que je ne pouvois prefque plus refpiret, & que )e
i,ilois continuellement, ce qui m'obligea de me faire faigner,
quoique je fçufle fort bien que la faigr.ee etoit trescontraiie
à mon hydropiùe. Et comme depuis ce tems jufqu'au 21.
Mars ma poitrine s'engageoit toujours de plus en plus, )e me
vis obligée de me faire fàigner prefque rous les jours, un jour
du pied", Ik l'autre du bras , ne pouvant la pliipait du tems
relpirer fans ce fecours.
Les faignées que j'ctoisainfi forcée de me faite faire prefque
tous les jours pour me donner delà relpiration, me mirent
des le commencement du mois de Mars dans une foiblcliè
C grande, que je fus plulieius jours fans pouvoir tien prendre,
iî ce n'eft un peu de vin put qu'en me failoit avaler goure à
foute en me paffant en même tems le doigt le long du cou.
^nfin le 18. Mars, comme on vouloir me faigner pour m'em-
pécher d'étouffer, on ne pût plus trouver defang, & il vinr
feulement de l'eau ; ce qui obligea a refermer aulU-iôt la veine.
Comme le tems de cette faignce a ete le terme ou toutes
mes infirmités ont bientôt aptes celle, ainli que je vais dite ,
j'obferverai ici que julqu'à ce jour j'ai ctc laignee cent cin-
quante fors du bras , 6c quarante lix fois du pied.
Il y avoir déjà long-rems que toutes lesperfonnesquis'in-
téicfloient à moi me preûbient de rccoiuir àl'interccifîonde
M. de Paris, dont j'avois éprouve une proteftion li fenlible
dans la gucrifon de mes yeux : mais )e ne pouvois vaincre
l'impreflion d'horreur que m'avoicm fait les cris des Con-
vulfionnaires ; de façon que de crainte qu'il ne me vint des
convuliïons, je ne v'oulois point avoir recours à fon intercel-
ïion,& l'aimois micu.x mourir tranquille: je ne faifois pas
même la reflexion que j'ai faite depuis: que je n'etois tom-
bée dans cet état u'augmentation de maladie , qu'en punition
de l'averfion que j'avois témoignée pour les Convuliïons le
jour que j'avois ete lut le Tombeau du S- Diacte.
Néanmoins le 20. Mars au foir, me lèntant prête à rendre
l'ame, la peur de la mort que je voyois fi proche l'emporta
enfin fur la peur d'avoir des convuliïons. Je priai qu'on ra'al-
lât chetchet le lendemain de la tetre du 1 ombeau de M. de
Pâtis pour en mettte dans le vin, dont de tems en tems on
me failoit avalet quelques goûtes, & je déclarai que fi j'etois
encote en vie ce jour-la, je commencerois une ncuvaine.
Le 21. on me fîr prendre à midi quelques goûtes de vin
où on avoir mis de la terre, & je me mis en prière peut
commencet ma neuvaine. Prefque dans le moment il me
prit un grand frilTon & peu après une grande agitation dans
tous mes membres qui me faifoit élancer tout mon cotps en
l'ait; & me donnoit une force que je nem'eioisiamaisfcn-
tie , au point que pluiieuis perfonncs enlèmble avoicnt de la
peine à me retenir.
Dans le cours de ces mouvemens violens , qui étoicnt de
véritables convuliïons je perdis même connoiflânce,
Aufli-tôt que ces mouvemens furent pafl'cs & que j'eus rc-
ptis mes fens, je me feniis une tranquillité 5t une paix inté-
rieure que je n'avois jamais éprouvée, & que j'aurois bien
de la peine à décrire, quoique je l'aie refTntie très ibuvent
à la fin de mes convuliïons, qui grâces à Dieu, n'ont pas
ceflé depuis de me reprendre tous les jours jufqu'a prefent.
■ Je me trouvai une certaine joye tranquille quieroit répan-
due oans tous mes lèns, & qui etoit palleejufque dansl'ame :
il me fenibloit qi;e je jouifiois en repos d'iuie fante_ paifai-
te, dont je tellentois l'attrait d'une manière vive & fcnfible ;
j'en goutcis le plailïr fans aucun trouble , & toute la peine
qui me teftoit eicit une ciainte timide que cet état ne vint
■bien-tôt à ceflcr.
Dès ce premier moment la fièvre, l'étouffement , l'oppref-
fion & la douleur que j'avois à !a poirrine, ceflèrent ablo-
lament & entietement, & ne m'ont pas repris depuis.
Après que cer eta: d'une paix 6c d'une tranquillité parfaite,
que je crois furnaturel , & qui ne duia qu'une petite demie-
heure d'une manière bien fenfîble fut paffé, je me trouvai
un grand appérir que je n'avois pas fenti depuis ma première
enfance. ]e demandai à mangei : on hi« tioiina une Ibupc
que )e mangeai entièrement, & que je trouvai ejtcellenre:
ôc quelques heures après je mangeai encore, ne pouvant me
rafl'alier.
Dès le lendemain 21. Mars je m'apperçus que mon hi-
diopifïc étoit conlïdérablement diminuée , quoique je n'eul^
fe fait aucune évacuation naturelle; & je me trouvai même
en fi bonne fante & avec lant de fotces, que je me levai.
Et comme on etoit en Carême, je voulus eflayer (î je pour-
rois faite maigre, ce que je n'avois pu faire de ma vie: car
toutes les fois que je le voulois faire dans le tems que ma
fante etoit moins mauvailé, j'etois obligée de vomit pteP
que fut le champ tout le maigre que )'avois mange.
Le changement opété dans mon tempérament fut même
fi confuieiable , que ce jour 22, Mars ayant fenti qu'on gril-.
loir des harangs , je voulus abiblument en faire mon diner,
& ils ne m'incommodèrent en aucune façon.
La joye rranquille que j'avois éprouvée à la fin des con-
vuliïons que j'avois ei"i la veille , & le tctablilièment de
ma fanté qui s'etoii opère preiqu'en unmcmenr: m'ôtoient
toute efpece de crainte à cet égard : & s'il me teftoit quel-
que appreheufion , c'etoit de voir ceiTer bientôt mes con-*
vulfions par le tetabliirement entier & parfait de ma fanté
que j'apprendois qui ne vinr rrop vite , brûlanr du défit de
me retrouver dans le même étar ou je m'étois fentie la veil-
le a la fin de ma convulfion: ce que le Seigneur voulut
bien m'accotder ce jour -là, & m'a accorde encore depuis
très fouvent.
Au furplus je ne fiis en façon quelconque, comme je !'ai
dcja dit , incommodée du diner que j'avois fait , & je con-
tinuai à faire maigre tout le refte du Carême: ce qui non
feulement ne me fit aucun mal, mais même mon hidropi-
fie diminua de jour en jour prefqu'à vue d'œil: de façon
que le 51. du même nrois de Mars, l'enflure étoit prel^
qu'entièrement diilïpée: mes couleurs namrelles eroienr re-
venues: mon vifageScmes bras conimençoient àfe regarnie
de chairs, & je me rrouvai plus de force à en meillciue fau-
te que je n'avois encore été de ma vie.
]e fus ce jour là loger chez Madame de Vitry tue Gobe-
lin, qui fe fit un plaifir de ptendre avec elle une perlbnne
pour qui Dieu avoir opéré un miracle autfi évident.
Dès les deux premiers jours du mois d'Avril , ce qui
nie reftoit d'enflure de mon hidropifie fe dillïpa enriére-
ment: ainfi de toutes mes maladies il ne me tefta plus que
l'incommodité que j'avois au pied gauche , qui étoit tou-
jouts demeure au même et.it, & que je ne pouvois polct
à tetre que lur le côté du petit doigt, ne pouvant même
m'appuyer defllis un peu fort fans Ibutfrit beaucoup de
douleur : de façon que non léiilement je ne pouvois mat-
chet, mais je ne pouvois même me tenir debout fans me
foutenit fur quelque chofe , ne me fetvant pielque pas de
ce pied gauche.
Cependant comme l'on me dit que dans mes convulfions
j'avois des mouvemens exttêmement violens dans ma jam-
be gauche, & qu'elle frappoit <'.'une force incroyable comte
tout ce qui fe trouvoit auprès de moi fans me taire aucun
mal, il me vint dans l'elprit que Dieu vouloit appatem-
ment me guérir de l'incommodité que j'avois au pied g.iu-
che, je le dis à MadarnedeVury , qui entrant dans mapen-
fee fût d'avis de faire auparavanr conltater l'etar de mon pied
gauche par quelque Chirurgien de grande réputation, & mê-
me Petat de tous mes os, ne lui paroiûant point impolfible
que Dieu voulut aulTi les redreflèr.
Elle envoya pour cer eftet dès le 2. Avril chercher M.
de Manteville qui étoit lors le Prevoft en charge de la Com-
pagnie des Chirurgiens de Paris, & qui étoit depuis long-
tems Dcmonftrateur en Chirurgie : il vint dès le même
jour. Elle le pria d'examiner la conformarion & la fitua-
tion de mes os: mais fur tout l'état démon pied & de ma
jambe gauche, & de lui due s'il ne lètoit pas polTible de
me procurer quelque foulagement qui pi"it me donner un
peu de facilité pour marcher.
Après m'avoir examinée avec grande attention, il déclara
que l'articularion de ce pied etoit anchylofee , ce qui avoit
joint & foude l'os du pied à celui de la jambe , Se qu'il
n'y avoit nul remède qui pur me procurer aucun foulage -
menr, cette incommodité étant abfclumcnt incutable lod-
que l'anchylofe eft entièrement formée.
Mes convulfions me prirenr devant lui coirime il fàiloil lis
obfetvatioDS : ii lefta jufqu'à ce qu'elles fuli'ent entièrement
I
Pièces juflificativei du miracle ,
pilTcCS. Et l'jyant ptiê do me donner fon certificat de Tctat
ou il m'avoii truuvce, & de la nature dc< convullions dont
il ivoi: etc le témoin, il me le donna d'alTez bonne grâce
après s'en ctre néanmoins défendu iquclquc tems.
Sut le compte qu'on me rendit que la violence avec la-
quelle mon pied 6c ma jambe eauchc etoient agites dans
mes convulùons , augmentoii tous les jours, je ne doutai pi cf-
que plus que Dieu n'eut dcflcin de me rendre l'ufagc de ce
.pied, d'autant plus que hors de mes convulfions, il me
cftoit jour & nuit un mouvement convullif dans cette jam-
be gauche rculemcnt: & comme j'en patlois avec confian-
ce aM. Guy Marchand Bonnetier, il nie remontra que ce
n'ïtoit pas aflez d'en avoit fiit conftatcr l'eiat par un fcul
Chirurgien, & me propola d'en aflcmbler cinq ou lix de
ceun qui etoient en plus grande tcpuutiontje l'en priai avec
inftancc.
Il fût fur le champ chez plufieurs, & enfin il parvint le 9.
du même mois d'Avril i en ralTcmblcr ci:iq qui furent Mrs.
Leaute Chirurgien Major des Gardes du Corps , Siveri Chi-
rurgien Major des Hôpitaux d'Armées, Souch,iv ("hiruigien
de M. le Prince de Conty , Granier ancien l'revoft de là
Compagnie , & de Launay Chirurgien Major du Régiment
du Roi.
On fit à ces Meflicurs la même propofition tju'on avoit
fait à M. de Mantcvijle, d'examiner s'il n'y avoir point de
remède qui me pût procurer quelque facilité pour me let-
vir de mon pied gauche. Après l'avoir examiné touscnîem-
ble , ils me déclarèrent tous unanimement que mon incom-
modité n'etoit point de nature i pouvoir jaiiiais être gué-
rie, ni même fbulagee: ils obrcrvcrent que la l'ynovie s'e-
toit entiiiement pctrificc, ce qui avoit loint enfemble les
os du pied avec ceux de la jambe , de fa^oii qu'ils ne fai-
foient plus qu'i;n fcul corps :& même que l'os dupiedttoit
tout contourné: Scqu'ainfi comme il n'y avoit pointde remè-
de qui puifl'e changer la forme dcsos, ni lesdisjoindre quand
ils lont foud«s cnîemble , ce feroit fort inutilement que je
tenterois des tcnicdcs qui ne pouvoicm avoir jamais d'autre
effet que d'irriter le mal.
)c les priai de me donner un certificat détaillé, où ils ex-
pliûuaflent la nature de mon incommodité: ils en firent d'a-
bord beaucoup de ditïicultc , dil'ant qu'il ne falloir pas être
fort habile dans leur art pour juger en me voyant que mon
incommodité etoit incurable, ite qu'il n'avoit pas eic nc-
cefl'aire de les atrcmblcr en fi grand nombre, pour examiner
une iiicommoditc à LiqucUe il etoit évident qu'on ne pou-
voit apporter aucun remède. Ni.anmoins comme je lespref-
fai de me donner pat écrit ce qu'ils avoient obfcrve , & ce
qu'ils pcnloienr de mon mal, ils me le donncieni enfin tous
cinq par un feul Se même certificat.
Cependant cinq jours aptes le lundi de Piques 1 4. du mois
d'Avril, fortani de ma convuUion, je m'appcrçus que mon
pied gauche etoit entièrement & parfaitement gucri : qu'il
avoit repris une fmiation ôc une forme naturelle, toute pa-
reille à celle de mon pied droit ; que je le pofois à plat i
terre & le rcmuois avec une entière liberté: en un mot qu'il
itoit en même fitiiation Se avec les mêmcsmouvemcns.Sc
auflï libre que s'il n'.ivoit jamais ne incommode , une bode
comme une noix qui etoit au dclfus de la cheville du pied
en dehors, ayant même cnticremcm difparue (ans qu'il en
icftât le moindre vertige
Le Sieur Guy, le h'ieur .Simarr, la Demoifellc de Luna-
que. Se les Dcmoifcllcs Dcgougc qui etoient avec moi pen-
dant ma convuJlion , me déclarèrent que le changement que
je voyois à mon pied s'ctoit fait a leuts ycu.x dans un mo-
mem: que m'etant mis les jambes nues, j'avoii pris mon
pied gauche avec nu main, que je l'avois nianic (jnclquc
tems, & enfin l'avois tourne. & que dans l'inlhnt il avou
repris une figuie naturelle, telle que je le voyois; Se qu'en-
fuitc ils l'avoicnt vu remuer en tous fcns avec une impctuo-
{»c extraordinaire.
Je me ptortcrnav aurti tôt ^ terre pleine d'admiration &
de reconnoiOàiicc , ic je icciiai le Tt Dram avec les pcrfonncs
qui eioicni avec moi.
Je me relevai enfuiie pour faire faire ^ mon pied toutes
fortet de mouvomcns; |e marchai fans boiter en aucune fi-
fonj & aulfi ferme que fi |e n'avois jamais cic incomnto-
die de ce pied. Je fautai en l'air aulTi haut que je pus , Se
me retins en loinbaiit fur mon pied gauche: je ne me liiis
iaïuai» aouviic £ aluic : il uic Icmbloit que la guctiloo fu-
bite qui étoii arrivée ^ mon pietl aTOtc remis de nouveaux
cfpriis dans tout mon corps.
le priai le Sr. Guy d'aller chercher au plus vite les cinq
CKiruigicns qui m'avoient eximi.iée le 9. du même moi»
& de me les amener. Dés le lendemain , Se le lur-lcnd»-
main ils viiuent rous cinq l'un apiès l'aurre.
Il feroit diSicile de bien peindre qu'elle fût leur extrême
firprilc. Ils recoiu>aretTt tous que la guerilôn de mon pied
étoir entière, parfaite 8c évidemment lutnatutclle. Se obfcr-
vcrent même chacun en leur particulier qu'il n'etoit refté
aucune aace ni de l'anchylofc m de la bofle qui ctoit au-
dcHlis de la cheville. Se que l'os du pied qu'ils avoient trou-
ve tout contourne le 9. du même mois, avoit cha:ige de fi-
gute, & avoit repris celle qu'il auroit du avoir naturelle-
ment: ils s'écrièrent chacun qu'il n'y avoit que l'Auteur de
la nature qui eut pu faire un pareil changement, & ils me
promirent de me donner chacun en leur parriculier leur cer-
tificat, qui contiendroit la defcription exacte de l'état ou ils
avoient trouve mon pied gauche le 9. Av.il 8c celle du chan-
gement eniicr, même dans la forme des os qu'ils y avoient
trouve le i f ôc le r6. du nicnic mois.
Comme mes convullions ont encore continué fans inter-
ruption depuis la gucrifon pa fài.e de rentes mes m.iUdies 8c
de l'incommodité que j'avois au pied gauche , |e ne fais au-
cun doute que Dieu ne \euille aulli redrellét rout le rcfte
démon corps; je ne fuis pas ail -z iiilcnlce pour le louhaiter
pat rapport à ma figuie , m'embatiallant tort peu grâces i
Dieu de reftcr ou ne pas relier conire&ite: rnais je facrifie-
rcis volontiers ma vie p.ur obtenir cette guctilbn de ia mi-
fcricordc , dans l'efpetance qu'un miracle aulfi cciaiani pour-
roit enfin f.)rccr les incrédules à ouvrir les yeux a la venté.
Ainfi foit-il. Fait à Paiis ce 7. Juin 1732. J/£»f Marie-
)eanne Fourcrov.
II.
Rapport du Sieur "Dépeignes Chirurgien , <fui a trait-
te la Demoifelle Fourcroy dès le commencement
du mal qui lui furvint au pied gauche.
JE fouflTigné Chirurgien Juré à Paris, certifie qu'en I7}I.
)'ai ete appelle pour voir &t. vifitcr Marie Jeanne Four-
croy au lujct d'une indifpolition qu'elle avoit au pic J gau-
che: que ce pied étoit tout tourne en dedans, le tendon d'a-
chille en ayant reti e le talon, qu'elle ne pouvoii appuyée
fon uied que fur la par.ic externe 8c vers le petit doigt , &
qu'elle ne pouvoir marclier fans boiter : il me parût lors à
cote de la malléole externe une tumeur molle de la grofleut
d'un oeuf de pigeon, que je jugeai être faite par l'numcur
finoviaic: je lui hs faire plufieuts remèdes convenables en pa-
reils cas, lefqucls furent tous fans liic:ès, 8c après lefquels
je trouvai que la courbure etoit confiJerable;ueiit augmen-
tée malgré les remèdes ; ce qui me donna lieu de juger que
l'article fc foudcroit & s'anchylofcroit ; auquel cas la mala-
die devicndioit incurable, je cetiifie de plus que l'ayant vue
long-tems après. Se enti'autres vers le commencement de ce
mois , elle m'a fait voir Ion pied que l'avois vu incommo-
de dès litii. entièrement gucri , en ayant tous les muuve-
niens libres. Se qu'elle me dit qu'elle avoit été guérie en
un moment le lundi de Pâo|ucs l'?z. En foi dequoij'ai fi-
gue le prcfcnt Certificat. l'ait à Paris le 10. Janvier 17J5.
S'inr Desvignes.
III.
Rapport du Sieur de Manteville ,dans lequel il cer-
tifie que peu de jours aprèi avoir donné fon pre-
mier rapport , /'/ a trouvé le pied gauche de ladi-
te Demoifellr dans fon état naturel , &= /r«-
fant toutes fortes de nt.ouiemens avec facilité ,
fV affirme qu'une pareille guérifon eji éwdem-
ment furnaturelle.
NO'is lôulTipne Chirargicn Juré \ Paris, Prévoft en
ChaiRC de îiotic C'omp.igiiië. ancien Dcmonllrateur
en Chirurgie , ccitifioiis à tous qu'il appartiendra j
que le deuxième jour d' .Avril i-n. nous avons ete requis
par ta Dcmoilcllc Marie Jeanne Fourcroy de la Tifiier . fie
de lui donnes noue ccnificat fui fcs dilpoCtioia Ion ptéfen-
ict:
tes: nous le lui avons délivré le même Jour: nous y rap-
portons qu'enri'auires infirmités dont la Demoifelk Four-
croy ctoit incommodée fc que nous avons conftatées , nous
avons remarqué qu'elle fe tenoit à peine debout foutenue
fous les bras par quelqu'un , ne pouvant pofer que la pointe
du pied gauche fur le plancher, le ralon reliant en l'air, &
le même pied étant très étendu & plie fur le côté en de-
dans, l'articulation en étant gonflce, & la malléole externe
faifant une boflè beaucoup plus confidérable que dans l'ctat
naturel; & ce même pied ne pouvant être fléchi ayant per-
du fon mouvement & étant anchylofé. Nous avons reconnu
que cette incommodité , ainfi que toutes les autres infiimi-
tés qui font détaillées dans notre Certificat du jour ci-deflus
mentionné ctoiect incurables , lequel Cerrificat nous a été
repréfenté en une expédition délivrée pat Raymond Notaire
au Châtelet; chez lequel il a cté dépofc pour minute avec
l'Acte de depoft en datte du 14. jour de Décembre 1732.
J/fnc' le Gouftôc Raymond, & nous confirmons en tant que
bèibin feroit ce même Cerrificat.
D'abondant nous certifions à tous qu'il appartiendra , que
peu de tems après que nous avons délivré le Certificat ci-
defliis mentionné , nous avons appiis que la Demoifelle Four-
croy ci-deflus nommée étoit guerre de l'anchylofe qu'elle a-
voit au pied gauche.
Pour nous allurer du fiit, une pcrfonne des amis de la-
dite Demoilelle nous a conduit dans le tems en la maifon
de Madame de Vitry file rue des Gobelins , ou nous avions
déjà vifité la Demoifelle Fourcroy. Etant monté dans fa
chambre, nous l'avons trouver debout mai'chant auflî aifé-
ment qu'une perlbnne qui n'auroit jamais été incommodée:
ayant examine fon pied gauche que nous avions vu ci - de-
Tant auchylofc 8c dans l'ctat ci-deflus rapporté , nous avons
été furpris de le ttouver dans l'état natuiel fans aucun gon-
flement, fàifant tous les mouvemens de flexion, d'exicn-
tion , d'adduâion , d'abduftion & en rond dans tous les fens
fans aucim veftige de l'anchylofe que j'avois vue , & ci-
devant mentionnée: ayant demande à la Demoifelle Fonr-
ctoy fi elle avoit fait quelques remèdes , quoique nous ful-
fions bien peifuadés qu'aucun n'ei'it pu la guérir , elle nous
a repondu qu'elle n'en avoit point fait d'auttes que des priè-
res a Dieu pour obtenir fa guérifon par l'interceiTion de dé-
funt François de Paris Diacre enterré en laParroiffedeSaint
Médard , & elle nous a ajouré que fa guérifon s'etoit opérée
tout d'un coup le Lundi de Pâques 14. Avril 1752..
Etant oblige de rendre remoignagè a la vérité , ainfi que
la Demoifelle Fourcroy nous en a lequis, nous affirmons
qu'une pareille & fi lubite guérifon n'a pii êtte opérée ni
par l'eftet d'aucun remède , ni par la force de la natute , &
qu'ainfî elle eù évidemment furnaturelle, en foi de quoi
nous avons figné & délivré le prefent Certificat 3 la De-
moifelle Fourcroy ci-dcfl'us nommée, pour lui fervir Se va-
loir ce que de raifon. Fait à Paris ce 27. Décembre 1732.
Jï^nr De MantEVILLE nvcc /'.îr.Tf/jc.
IV.
Second rapport du Sieur Leauie dans lequel il cer-
tifie que le If. Avril il trouva que l'a>7cbylofe
en queflion e'toit entièrement dijftpce , Ofi que le
pied delà Demoifelle Fourchoy avoit repris
tine fgure Qp une fiiuation naturelles , ce qui
n'a pu fe faire que d'une manière furnaturelle.
Nota, n^^ie le premier rapport fait pur les Sieurs
Leauié , Souchay , Sivert , Granier, Qp de Lau-
nay , efl la quartorzième & dernière des pièces
imprimées.
JE foudîgné Chirurgien Juré à Paris, certifie que le 9.
Avril dernier je me rranfportai en une maifon lîfe tue
de Lourfine Faubourg. S. Marcel à la requifiticn d'une
fille nommée Jeanne Fouicroy, âgée de 25. ans Se quatre
mois , pour la voir & vifiter à l'occaficn d'une di&culte
qu'elle avoir de marcher, ayant le pie.i gauche tout con-
tourne, Sx. ne pouvant en ftite aucun mouvement ; que je
l'examinai avec les Sieius Souchay , Sivert & Granier mes
<"onfteres qui fe trouvèrent là avec moi, & avec M. de
Launay Chiiurgien Major du Régiment Royal Infametie:
que nous reconnûmes qu'elle avoit une anchyloiê à l'articu-
lation dudit pied gauche avec la jambe qui en avoit fondé
Us os enfcmble , de façon que ces os ne faifoient plus
111. Demonft. Tom II.
opirê fur Mark-Jeame Fourcroy.
qu'un feul corps, ce qtli devort ôtCt toati; efpérancê d'avoir
jamais de mouvement dans cette articulation , n'y ayant
point de remèdes dans la Médecine qui fût capable de dif-
loudre une anchylofé lorfquc la fynovie s'eft entièrement pé-
tiifiéc au point qu'ctoit celle là: que nous obfervâmes mè-
me que cette anchylofé avoit produit une tumeur au deffiis
de la malléole externe , grollc comme une noix , occafionnee
par la dilatation de la capfule , & qu'elle avoit caufe une
contoifion au pied: de façon que fa pointe s'etoit jettée ea
dedans , Se que la paitie inférieure du pied s'etoit tournée
vers la face fupérieuie , Se que l'os du talon étoit rétiré par
le tendon d'achille , de lorte que cette fille ne pouvoit en
aucune façon pofer fon pied à terre que fur fon extrémité
Se fur fa face externe Se liiperieure, Se que s'appuyer fur le
côté des doigts du pied. Et nous lui déclarâmes tous qu'il
n'y avoit nul remède à faire pour une pareille incommodi-
té , qui de là natute étoit incmable. Nous remarquâmes
auflî que le ribia de la même jambe formoit un arc du cô-
te de la partie inférieure jufqu'a la fuperieure; de plus, que
l'épine de fon dos étoit contournée en forme d'une S. Ro-
maine, les vertèbres fe jettant depuis l'os factum de droit à
gauche, & enfuite de gauche à droit jufqu'aux vertèbres du
cou,- de tous lefqucis faits nous délivrâmes tous notre Cer-
tificat le même jour neuf Aviil, elle le requérant pour lui
fervir ic valoir ce que de raifon.
Je certifie de plus, que fîx jours après, le Mardi fuivant
quinze Avril, M. Souchay mon Confrère , m'étant venu,
dite qu'on l'avoit afliiie que cette fille etoit paifiitemenc
guérie de fon anchylofé, je quittai tout pour aller la voit
arec lui , ne pouvanr croire une chofe auffi finguliere , à
moins que je ne la vifle de mes propres yeux: j'y troirvai
mon neveu Se M. Séron Médecins, Se nous fûmes tous
convaincus par nos yeux Se par nos mains que fon anchylo-
fé avoit été entièrement diltipée fans qu'il y reftât ailcun
veftige ; nous trouvâmes au contraire que ce pied avoit re-
pris une figure Se une fituation naturelles, Se entiétement
confjime à fon pied droit; qu'elle le remuoit en tous fens,
Se s'en fervoii avec autant de facilite que fi elle n'en a-
voit jamais été incommodée, l<. qu'on netrouvoit plus mê-
me de veftige de la tumeur qu'elle avoit au deffjs de la
malléole externe. Nous lui fimes remuer , Se nous remuâ-
mes nous mêmes fon pied de tous côtés, Se la fiincs mar-
cher devant nous , ce qu'elle fit fans boiter en aucune ma-
nière, ayant les deux jambes de longueur égale, quoique le
tibia de la jambe gauche fût cambré, Sx. les ayant toutes
deux fort courtes Se allez grofles.
Lui ayant demande ce qu'elle avoit fait pour fe procurer
une guérifon ii extraordinaire , elle^nous allura qu'elle n'a-
voit fait que des prières. Se que la guérifon s'etoit opérée
tout d'un coup le Lundi de Pâques quatorzième de ce mois,
fon pied ayant en un moment repris la forme naturelle. Se
recouvré rbur (on mouvement, Sx la tumeur qu'elle avoit
au defiiis de la cheville du pied ayant fur le champ eiriere-
ment dilparu , lins qu'il y en reliât aucune trace : 8c ef-
fectivement nous ne trouvâmes aii:h que je l'ai dit, aucun
veftige, ni de cène mineur, ni de l'anchylofe, ce que je ne
puis m'empêcher de déclarer n'avoir pu fe faire que d'une
manière fuinamrelle : en foi de quoi j'ai figné ce certificat
h fa requifition pour lui fervir Se valoir ce que de raifon.
S\in€ Leaute' Chirurgien Major des Gardes de Corps du
Roy avec ^.iraphc,
V.
Second rapport du Sieur Souchai , qui certifie pn-
reillement que le i f . Avril il trouva l'anchylofe
en queflion parfaitement gue'rie , &= que la 'De-
moifelle Fourcroy avoit tous les mouvemens du
pied libres dans tous les fens, ce qui lui parût
furnaturel.
JE fouffigné Chirurgien Juré à Paris, Prévôt en Char-
ge de la Compagnie des Chiruigiens Jures de Paris, iic
Chirurgien de S. A. S- Monfeigneur le Prince deCon-
ty , cerrifie que le neuf Avril dernier je fus appelle avec
Melfieurs Leauté , Sivert Se Granier Maîtres Chirurgiens
Jurez, Se .M. de Launay Chirurgien Major du Régiment
Royal Infanterie, à la requifition de Marie -Jeanne Four-
croy fille âgée de 26. ans ou environ , pour la voir Se vifi-
ter à l'occafion de la dimcuhc qu'elle avoit lors de marcher,
ayant le pied gauche tout contourné S: fans en pouvo:i fai-
B ce
Pieees jajlificati'ves âa itùrach
& peur CQufultcr cnrcm:.lc C elle fc-icurc ctoit retournée du côté de la fiCcTupérieure, le wlo»
ic aucun mouvement .,
pojrtcit li cr oi-.eUiu; fccûuci de l'atr. Que l'ayant exami-
iicc-irnscnlimlil-, nous trouvâmes qu'elle avoii une ancliy-
Ijfc fo.nicc à l'articulation des os du pied gauche avec ceux
de !a jambe; de façon ijue ces os étant joinu, unis Se com-
me incorr jrcs enfcmblc , il ne lui étoii pas pofliblc d'avoir
aucun rajuvcmc'it dans l'articulatron : nous trouvâmes aiilu
q te cet:c anclivlolc avoir donne occafion à une contotlion
du pied , de façon que fa pointe fe jectoit en dedans . & la
pari: inieirc du pied etoit tctoutncc vers la face rupcricu-
ic, *: le talcn rctiic par le tendon d'achilles, ce qm fjifoit
«lue le pied ne pouvoir pofcï à terre que fut fon cxttcmi:e
& fut !i fil. face eïtcrnc & rupciicurc, c'eft-à-dire , pour
m'expiimcr en termes vulgaires, qu'elle ne pouvoir appuyer
le pied à terre que de cô.c Je fur les doigts (ans pouvoir
feire aucin mouvemenr de fon pied , fur quoi nous fumes
tous d'avis que cette incoramodiic ctoit incurable, n'y ayant
aucun icuied; capable de la guérir en l'era: ou elle etou;
ce don: nous lui donnâmes tous notre Ccaificat datte dudit
jour neuf Avril dernier: nous remarquâmes auîTi une m-
tncur au delTus de la malléole externe , vulgaiicment due la
ciieviilc du pied.groOc comme un auf de pigeon , occa-
fionnic par la dilatation de la capfulc ou cnvcljppe de l'ar-
ticubtion, c; qui avoii ctc caufc par l'epanchcmcnt de la
fynovie dans ce te cnvclopj^c, c*eft-à-ditc , par l'humeur
de l'anchyiofc qui s'etoit infiltrée dans cette partie. Nous
remarquâmes en même tems que le tibia de (a jambe gau-
che ctoit cam'ré du cote de la partie interne qui formoit
un a:c depuis fa partie inférieure jufqu'a fa partie fuperieu-
rc- & avant examine l'cpine de Ion des, nous trouvâmes P<
qu'elle ctoit comcurncc eu façon d'une S. Romaine, les ver- L ^J^t .^„= °°"""^
tebrcs fe jettant depuis l'os facmm de la droite a gauche, quel.c boitât , elle
& cnfuitc de la ga jctic à droi: jufqu'aux vertèbres du cou ,
ce que nous énonçâmes dans noac Cettifical.
Le Mardi fuivânt 15. Avril, le Sieur Guy Marchand
Bonnetier demeurant au haut de la rue S. Jaques, m'étant
venu dire que l'anchyljfe que cet:e fille avoit au pied avoir
été guérie en un m.^raent en fa préfcr.cc , la veille Lundi de
Pâques, je me traiifportai au(ri-!0;ch:z e.lc avec M. Leauie
mou Confère que je pris en paiTan: : nous y trouvâmes
Mctîieurs Séxoa & l.cautc Médecins, & l'ayant exaiTiinec,
r.ous vîmes avec une futprife extrême que l'anchylole qi'cl-
ctoi: tetitc pat le tendon d'achilles , ce qui faifoitque le pied
ne pouvoir pofcr à terre que fur les otteils ou doigts du
pied, 8c de cote: il y avoic une anchylofe dans l'aiiicula-
lion du pied avec les os de la jambe fans aucun mouve-
mciit, comme s'ils avoient été joints Se inc.<rpo£és enlcm-
ble. Nous rema:quimes aufll une tumeur ajdcflus de U
malléole externe ou cheville du pied , grofle comme un
auf de pigeon, occaùonnce par l'hum;ur de la fynovie qui
s'etoit infiluée dans cette partie : nous uouvàmes le tibia de
ladite jambe gauche cambré en manière u'aïc du côte de la
partie interne depuis fa partie fupéricure jufqu'a l'inférieu-
re: cnfuite nous examinâmes l'épine du dos qui ctoit toute
contournée en manière de S. Romaine, les vertèbres fe jet-
tan: de dtoi: à gauche, & de gauche à droit depuis l'osfa-
crum julqu'aiix vertèbres du cou. La dite Fourcioy nous a-
yanc demande quel remède nous lui ordonnerions pour ia
giierifon : nous lui dimcs tous que fon mal ctoit incura-
ble , & que de la part de l'art , nous ne pouvions tien ,
comme nous lui avons mis dans le rapport que nous en fi-
mes pour lors ledit jour.
Le .Vlcrctedy 16. dudit mois d'Avril je fus mandé pour
aller voit ladite Fourcroy, que je -rouvai marchan: dans la
chambre (ans boiter & d'un pas fcimc, ce qui rac (urprit
très fotr: ayan: examiné le pied gauche qai etoit tout con-
tourné & anchvbfé, je le trouvai guéri; Se la mmeurqui
droit au dcdus de la malieole externe dilfitKe lans qu'il y
en reflàt aucun vcftigc: je trouvai le pied dans l'ctat qu'il
c;re. naturellcmenr , & l'aiichyblc entièrement dilTi.
le pied ayant tous les mouvemens qu'il doit avoir,
de nouveau fait marcher , je ne m'apperjài pas
maichoit fort vite & lil-cucut lans
peine ; ce qui me paiùt être quelque choie de furnatuicl,
qu'en lî peu de tems elle eût pii guétir de fon pied. Je
lui demandai de qucj remède elle s'etoit fcrvie pour avoir
été (i ptomptcmcnt guérie , elle me dit qu'elle n'en av.)it
point fait , & que le LunJi de Pàqncj dernier fa gicrifon
s'e:oit faite tout d'un coup Se en un inilant; ce que ded'us
je certifie être v.ritable : en foi de quoi je donne le pré-
fent pour fervir Se vjloir ainfi que de laifon. Fait à Pa-
ris, ce 16. Janvier 1/53- ^'i"' SivERT. avec farapbc.
doir
pce
le avoir aa pied s'éroir cntictemeur dilTipce , fa;is qu'il en
reflàc aucim vcftigc : que fon pie.1 avoi: pris iiuc fo.ine &
une fituation namreilc comme s'il n'eût lamais éic incom-
mode , 8e qu'elle avoi: tous les mouvemens du pied libres
dans toi;s les fens, le pian; à pla: à terre, le remuant 8c
s'en fervant avec autant de facilite que de fon pied droir , ce
qui nous pariir fjma urel n'v ayant pas d'exemple que des
Bnchvlufes qui on: coniournc les os comme avoit fait celle-
Ja avent pu cne guéries, 8e fut tout en u;i cfpace de tenis
fi court: elle noui afTura même que fa guétilon s'etoit opc-
lée tout d'un coup Se en un moment. En examinant fon
pied guéri l'obfervai que fcs deux jam'jcs éioient fjrt ceur-
tes , & que quoiqu'il v en eut une don! le tibia ctoit cam-
bre, elles croient néanmoins ég.ilcs 8c qu'clle^matchojt dans
le cen:re de g'avitc , 6c ne boiroit en nulle façon. Je fens
qu'on aura bcaucnip de peine à ctoirc une guciilon aufTi
Surprenante Se auffi (uir.aturcllc : mais je n'ai pu refafer de
aucnip d
aufTi lut:'.:
déclarer une vérité que j'ai vue de mes yeux. Se q-jc )'ay
exaartince av-c une attention 8e des précautions qm ne peu-
vent me laille auCLin doute : en foi de quoi j'ai fignc Se
délivré le p dcni Certificat à la tcquilitiou de ladite Ma-
lie -Jeanne Fourcroy pour lui valoit» 8c le;vir ce que de
Mifon. Fait à Paris ce dixième joui de Janvier 1733. >
iné S o u C H A Y.
VI.
Stcontl rapport du Sieur Sivert , qui ctrtife- la
mimti f.titi que tes fricidem Chirurgiens.
T Chirurgien Juré à l'.i le
1 ' viil 17 ù j'ai ce m,. de
^1 i ^ ■■■' --cl Pa;„ :-. ■■■■i,
il, Foutctoy fiiic igce de 1?.
i : [ avec Mvfiieu.'S , Gtaiiict
Il . >'x M. de Lauiuy Chiuitgicn
ni Inf.intciie, îl l'occdïon de lauif-
f^ ■ • . I • ' . icj gau,.hc que
l^ il cil faite AU-
cujj .... : u paiiiciu-
VII.
Second rapport du Sieur Granier , qui certifie «»»
cort les mîmes faits.
JE fjulTigné Maiitc Chirurgien Juté , tt. ancien Prévoft
de S. Ccfme , certifie que le 9. jout il'Avtil de l'année
1751. je me (uis ttanfportc rue de Lourû;iC Fauxbourg
Saint Marcel , à l'effet de voit la noiiunce Marie -Jeanne
Fouicroy fille igcc d'environ 25. ans; 8c l'ayant vilitee, je
rrcuvai qu'elle avoit le pied gauche entièrement Ibude avec
la jambe; maladie que Von nomme anchylcfc, qui ctoit i
ce qu'elle m'a dit la luire d'une maladie qu'elle avoi: eu en
cette partie : le pied ctoit tourne en dedans, i>e ne poitoi:
eu marchant que fur la partie antétieuie Se externe , le ta-
lon étant retire par le tendon d'achilks : delquellcs indilpo-
fitions elle demanda noue certificat qui lui fût dclivie à
l'iiilUnt. , ,,.,,..,-.,.
Et le Matdi faivant quinzième duJit Mo'S d Aviil , le
fus d: nouveau piié d'aller revoir la fulhommec Matie-
J?.inne Fourcroy, pour obl'crver le cha^igemcnt qui ctoitar-
rivè \ l'atlicularicn du pied anchylofe. Se vis à mon i;i.v ,1
etonnemem que cette articulation etoit a'a(li libre qie s ;1
n'y avoi: jamais eu de mal: en foi de quoi j'ai dc.iv,«. le
pici'cnt pour fetvir Se valait ce que de raalon. APacis le 16.
|Our de Janvici i7;3. AC"' Gkanier.
VIII.
Rapport de AI. Sèron DoHeur en Médecine , dans
lequel il certife que le If. Airil 1•■^l. iiy.int e.vj-
mine le pied gauche de la Deinaifelle Fourcroy , il
n'y trouva aucun tcfiige d\tnchylofe-, ëfi que II-
fitd avoit refrit une fgure fâr» une fituation na-
turelles.
E (■.uiriRné DoAeur Régent de la Faculté de Mcdccire de
Pans, IKvlicuc de ia Faculté de Mompcllicr, <.:o, le ll.r
Mc.lecin oïdiiiauc du Roi en Ion Ariillenc, U .\
oiduiauc de l'ilo-d Dku. Ayant ttc prie ïar M. i:
J
opère fur Marte-Jeanne Fourcrey,
giron, Confeiller au Parlement, de déclarer ce que je livois
des infirinites & de k guérilbn de Marie-Jeanne Fourcroy ,
fur ce qu'il étoit venu à fa connoilTance que j'avois été voir
cette fîLe, déclare & certifie gte je me luis tiaiifporté le i j.
Avril 1752. rue de Louilîne Fauxbourg S. Marcel, en une
maifcn pour viCier la nommée [viavie Jeanne Fourcroy , &
<lu'en entrant dans la chambre où ell; étoit, j'ai vûlaliiipri-
fe , l'ctonnemcni & l'admiration peints fut les vifages de tous
les afliflans qui fe tapportoient niiiiuelkmeut les meiveilles
qui s'étoient opérées lùbiteiner.t la veille aufoir fiir laditte
Marie-Jeanne Fourcroy, dans la guérilbn d'une ditïiculté de
marcher, dont elle fe trouvoit paitàiieinent & radicalement
guérie au moment que je la voyois; que cette guéàfoa,
quoique je n'cirCé pas vifice précedeinirrent Marie -Jeanne
Feurcroy, me parût hors de toute atteiute de foupçoii , moins
par le témoignage du plus grand nombre des afiïrtansibuvcnt
trop faciles à croire fans un examen luUifant , îclâns allez de
connoiflince , que par le témoignage que tendirent en ma
préfence plufieurs Maîtres Chirurgrens qui l'avoieat vilitee
avant fa guérilbn , & qui avoient été confubés (ur toues lés
infirmités .principalement fur (à diiKciilte de marcher , & qui
l'avoient afiurée oar la connoillance que leur donne leur art,
qu'elle ne pouvoir attendre de foulagemcnt , ni à plus forte
lailbn de guérilbn des fecours de la Medecme.
Que la ca-pacité & les lumières que ces Chirurgiens joi-
gnent à l'expérience Se à la repiuation qu'ils ont Icgitime-
iiien; meritce, leur honneur & leur probiré m'aftttrerent de la
vetite d'une guérifon aiiffi étonnante, que je u'aurois pu croi-
re fans des garans auflî certains.
Que j'appris de ces Chi urgiens (faifant peu d'attention à
ce que ditoient le refle desaî£ftans)quel'intinni:e principale
de ivlarie-jeanne Fouraoy , pour laquelle ces Chirurgiens
avoient étc principalement confultes, étoit une diiîtcuhé de
marcher par la difFoririité de fon pied gauche, dont elle ne
pouvoir faire auarn mouvement par laicunion intime des es
ancliylofes de la jambe du même côté avec ceux du pied ,
cnibrte que ces os paroiffoient confondus , continus , ô: ne
plus faite qu'un fcul corps, ou plutôt rui feul os.
Qu'ils avoic.it de plus obfervé que celte reunion des os de
La jambe & du pied g.iuche , ou cette anchylofe , étoit ac-
compagiiée d'une tumeur au deffus de la malléole externe ,
grofle comme une noix: que le pied gauche etoit renverfe
oe manière que la partie interne du pied S'étoit tournée vers
la face fupcricure: que l'os du talon remontoir en haut par
le froncement du tendon b'achill:, & que le pied nepofoit
à terre que fur l'extérieur des orteils.
Je déclare que ladite Marie-Jeanne Fourcroy marcha de-
vant tous les aflîftans , dont j'en crois un , avec libené , làns
boiter & d'un pas auflî ferme que fi elle n'eut jamais eré
incommodée de fa jambe & de fon pied gauche : c'éfl en
cette partie de les infiiraités que confifte fa "uérifon. "
Que l'ayant enfuite exaininée avec les Chituigiens qui
étcient prélens , nous ne trouvâmes aucun veftige d'anchyl'jfe
dans l'articulation de la jambe avec le pied djnt les mouve-
niens en tous (êns etoient libres & faciles: que la tumeur au
deflus de la malléole externe etoit totalement difiipee : que
le pied tvoit repris une figure & une lituatiin naturelles c;;-
tiétement conformes à celles du pied droit, qu'en toutes fes
circonftances elle étoir paifaitement guérie, & que fa guéri-
fon qui avoir été jugée impraticable par l'art etoit d'autant
plus éclatante & fitrp'renante qu'elle etoit arrivée fubite;ncnt :
«jue cependant je remarquai que la jambe gauche fqrmoit in-
térieurement un arc depuis (a partie lupcrieure , jufqu'à l'in-
férieure, fans que cette jambe fi:t plus courte que la droite:
que l'épine du dos étoit contournée en façon d'uueS- lomai-
iie, & qiie les vertèbres fe jcttoient depuis l'os factura de
droit a gauchs, & enfui- é cle gauche à droit jufqu'aux ver-
tèbres du cou. Tous lefquels faits je certifie véritables : en
foi de quoi j'.iy figné le jréfent pour Icrvir Se valoir ce que
de raifon. A Paris ce zf. juillet 1733. Ji^néSERON, avec
I X.
Certijsc.1t d:i Sieur Guy , qui e'toit fréfetit da^s le
moment que cette guérifon fitbite s'eji opérée.
JE foulTigné Jean Guy, Marchand Bonnetier à Paris, y de-
meurant me & Porte S. Jaques , Paroilfe Saint Benoit,
certifie ctnn hte dès 1; commencement du mois d'Avril
1732- Matie-Jcanne Feurcroy fille lors âgce à ce qu'elle ine
dit de 15. ans, iacommoclée' de pliUicms maladies , ayant le
■
corps rout contrefait depuis la tête jufqu'aux pieds, extrême"
ment boflue à l'épaule droite &. vers la hanche gauche , ayant
l'os de la jambe gauche tout en arc depuis l'extrèmi;e d'en
bas jufqu'au genou; enforte qu'il fembloit fjrmer le mollet
de la jambe ; le pie.l de la même jambe gauche etoit tout
tourité en dedans, de façon que lorfqu'ellemarchoit fon talon
demeuroit en l'air, & elle n'appuyolt que fur le côté du pied
dont on voyoit le delfous lotf^u'elle vouloir l'appuyer par ter-
re. En cet état elle boitoit extraordinairement: &:e!leav»tc
d'autant plus de peine à marcher, qu'elle avoit les deux jam-
bes fo. t courtes , & une gtoffeur grolfe comme une gvoflë
noix à la cheville externe du même pied: que pltifieurs Chî-
lurgiens l'ayant viùtée en ma préfence pour confulter s'il ne
feroit pas poffible ..'apporter quelque loulagement à fou état ,
ils avoient tous dedate que fes incommodités étoientablblu-
ment incurables, & qu'il n'y avoit dans leur art aucuns remè-
des qui puflènc la metue en état de mieux marcher Se de de-
venir plus droite.
Que cette fille ne trouvant aucun fecours du côté des remè-
des ni des hommes, réfolut pour lors de demander à Dieti
par riiiterceflîon de M. François de Paris quelque foulage ■
ment dans fes différentes maladies & incommodités, le tout
pour la manifeftation de la vérité & pour fa gloire: qu'ayant
d'abord été guétie en peu de tcms de toiues fes maladies,
elle fût pénétrée d'une fi vive foi que Dieu lagueriroit audi
de fes autres incommodités, qu'elle réfolut, fi elle le pou-
voir, de faire confiater l'eta: de fon corps & de fon pied d'une
manière qui ne pût laiflet aucun doute, fi Dieu jugeoit à
propos d'opérer quelques merveilles en fa faveur , que m'ayaiit
fait communiquer Ibn deflein, j'aflémblai chez elle le neuf
Avril de l'année dernière cinq Chirurgiens les plus habiles
que je connuflé: fçavoir, Mrs. Leaute_,Sivert,Souchay, Cra-
mer & de Laimay', par lefquels elle fe fit viCter en ma préfen-
ce , & leur demanda s'ils ne pouvoient pas lui donner quel-
ques remèdes qui la puirent faire marcher plus facilement:
ils répondirent tous unanimement que fon incommodité ii'c"
toit pas de na.ure à pouvoit être jamais guérie par aucuns re-
mèdes humains , & qu'ils ne leur etoit [ as plus po'.fible de
lui pouvoir donner aucun foulagemear ; ce dont ils lui don-
nèrent tous leur certificat. Cinq jours après , le Lundi des
Fêtes de Pà-]aes 14.. Avril '1752. cette fille entra fir les fix
heures du foir en convulfion: elle fe mitennotrep éfence la
tête, les jambes, & les pieds nitds: elle prit l'extrémité des
doigts de fbn pied gauche malade avec fa maindtjite. Scie
fit plier , & au bout de très peu de teins elle le tourna de
tous fcns avec une impéiuofite extrême, Se mêle pièlen;a en-
fuite: je pris ce pied, & lui fis faire tous les raotivemeris
qu'un pied peut faire. Nous ise pûmes rereni: 1:0s larmes
clans le tranlport de joye,& d'étontiemenc ou nous nous trou-
vâmes de voir en moiiis d'un demi qiiait d'heure opéier en
notre préfence une fi grande merveille; vi^yant que ce pied que
nous venions de v^dr un moment auparavant tout contrefait,
avoit repris une figure naturelle; nous en rendîmes liir le
champ nos très humbles actions de grâces à Dieu par un te
Daim que no.is lécitàmes Auffi-iô; qtie fes convulùons fu-
rent finies; voyant fon pied parfaitement guéri, elle lepro-
fterna toute étendue par terre, Scn^ us recommençâmes avec
elle le Te D.am: enfuite nous la finies marcher les pieds 5c
les jambes nuds, & nous admirâmes de nouveau qu'elle ne
boitoit nou plus que fi jamais elle n'avoit ete efttopiee. Je
fiis trouver les Chirurgiens qui l'avoient yifiee le neuf du
mois, ik avoient déclare en ma préfence la guérifon impoflî-
ble. J'obtins d'eux de la venir voir; iSt ils f.ireut tous aufH
étonnez que moi : ils trouvèrent fon pied libre & entière-
ment guéri: ils la firenr marcher pltifieurs fois'devant eux',
& leur lurprife leur fit dire dans le tranlport de leur admi-
ration: ceci cft evideinm.ent i'ccuv.e de Dieu, n'y ayant que
fa Tonte-puilib:-.ce qui puilTe opérer une pareille merveilii.
Tous le(^.juels faits je certifie véritables: en foi de quoi l'ai
figné. A Paris ie 14. jour de janvier i?;";. Signi y Gur.
X,
Certif.cat dn Sieur St'm.irt, qui était aujft -^réfenf
dans le moment de la guérifon,
JE foufTignc Nicolas Simart Libraire à Paris, y dem.nj-
• rant rue Saint Jaques x l'enfeigne du Dauphin, Paroilié
Saint Scverin; certifie que le neuvième jour du nioiS
d'.'Vvrii de l'aV.nce i'5i. j'ai ete prcfer.t a un e.xamen que
firent .Mrs. Leautc, Siverr, Granicr, .Souchay Se de Lad-
Bsy , tous ChireraicDS , de l'état ptcfciu de Marie Jamne
B.2. ïwui-
- Pièces iufltfic.iù'vti du miracle
^ - /, i,.-r\\,' mr picd-lj- ie vis auffi qu'il y ivolt une grotTcur très datftsuder-
Fourcroy. fiUc igée de ^^ »« «■^^"°"'^?,.4<= Zk\^t fÙ' de ù chev.Ilc : V V ''«^S-a' avec d'au.am plus
dit alors. Au picm.ci afpea, a^^nt la ulitc ^«^ ^.'^""J d'attention, que comme & jambe gauche s'agiroit avec une
gicns, elle roc patut ""/''iiti'rfa.tc , ajant le vna c ac ^ f ^J jjnj des convulfions qui lui pienoiem tous
travcts . la tête .enfoncée dans les «ri»"'"; f°"' '^f °,''= les You" cela lui faifoit efpciet q.t? D.cu la guc.toit de
agitations, que quatre pcifonncs avoient bien de la pcme
Via teenir : & que dans ces agitations eUe cognoit (a
a la teenir : « qut u.»:» >-" •&"- . — . 7 " ,
jambe gauche avec tant de force qu'elle autou dii naturel-
lement fc la carter plufiems fois. -, r c
Que néanmoins on ne voyoït point qu il le ht aucun
changement à fon pied: qu'il icftoit dans le même état Se
la même difformité , & fans avoir aucun mouvement or-
dinaite , mais toujours comme li fon pied âc la jambe
euflcnt été d'une même piccc; ce qui a dure jufqu'au 14.
du même mois d'Avril vers les 7- heures du loir , que
lad. Fourctoy étant dans le foit de fa convuliion , & ça-
roirtànt évidemment être fans connoiflance, fe dechaulia ,
& q'ielque tems après s'eîant mife en fon feant , elle prit
quelle boitoit très bas du pied gauche dont elle n'appu
?oiti terre que le côte externe vers le bout, enforte qu'en
'dedans on voyoït la plante en l'air & le talon ne pofo.
point du tout : pendant l'examen des Çhiturgieiis , ayant
confi Jéré attentivement cette jambe gauche , )c vis que le
pied ctoit contourné en dedans: qu'a la cheviUc esteii-e 1
y avoit une turaeut de la gtortcut d'un oeuf de pigeon; &.
que les Chirurgiens cffaycrent en vain à plufieu.s lepri es
de faire faite quelque mouvement a ce pied quelle dit eue
dans cet eut depuis quinze mois environ. Les Lnuur-
rîe^s déclarèrent Vil^^o" '"^'hylofe :, je v,s de plus que
Pos de certe même jambe etoit cambre du -jo'^ ^e a P":
tic interne, & faifoit comme un ave depuis la cheville |ul
qu'au genou , incommodité qu'elle du avoir d^ on cas , ^5 ^^^^^ ^^,.^,„ .„..^ ^„ .„ „. , .... ^...
h<^ ou elle s'eft nouée, au(r. bien que celle des deux bof- ? 'l,^f'3"= X \ ^^^^^ fa „,„, gauche fous le pied,
fe-s du dos que. les Chirurgiens f ''-^-J/^;'"^; ^ , & p? lanf'e la'mtin droite l'e.trêmi^ de ce même^pied
que "épine etoit contournée en S. Romaine Aptes a\o>r F ^^^^ . ^j,^ ^^ tournoit & rc-
gien elamine tout, ils «"'"''^f J" ifil^^f-fl^^^^ fournoit avec la mam droite d'une viterté fans e«le. Ce
ctrrîeu'f %l '"é°erfi iTn? y'a^r°drt^"mè?:e'[our f-u dans ce mouvement qu'elle remit ion pici <L,s fa C-
^'uTvel: l^fin du m'ois de Vars p/ecédent , e^ant us dan- -i;--"" 'd'eUe , nou. n'eûmes pas de peine à nou.
lereufement malade e le avoir eu recours a I^euP^^^^^ appercevok d" n changement f. fubit.' AulT. - tôt ce pied
ttrceir.on de M. de Pans enterre dans le pe it Cimctie e ^FP""™ b j ^ile , s'agita de droit k
de S. Mcdard: qu'ayant avale de la terre de Ion tombeau q"' g'°'- ^" j^ '°J.^^ ^ j^^,, ^ ,,ec une%apid,té tout i
elle avoit depuis ce tems li des Convullions tous les |ou", f,'"'7_ ' rdinaitf & qu'il ne feroit pas pkible a qui
& qu'elle joâifloit d'une pa.faite &nte , ,'a. continu^ depu s f a t ^| j^^'^ l'^^^^j^^^ '^^ ^''.j.^blai mon a«ntfon ainfi que
ce ^our à la voir, & j'ai remarque que P^"-»"' '« ^ •°"- ?e" autres pefônnes q.i croient ptefentes , & aulfi-tôt que
vt.lfions fa jambe gauche avoir des raouvcmensconvuUfs '=/ "^'^'^J P^";'°\, ,„,,„£ f^^t ^effe , nous le touchâmes
très forts, & que même hors de fes Convulfions il y e- " "'°r^,"",.„-fiia,cs par nos mains que ce pied avoit
ftoit un petit riouvement convulfif rcgic & continuel. Le ;°" j'^ «„ ■'"'Jf^, ™, U^ dans tous lesîens , d noi:s vi-
v;i manier les jcurs prcccdens. Je vis au bour de très peu _ 1 «-netree ;i,aJm^">V°", "j'i l,, ^ ^, fiiOffement . nous
de tems, comme elle etoit dans cet exercice, fon pied e
ledrefTet tour d'un coup, & reprendre la fituation naturel-
le fut quoi je m'écriai : fon pied eft remis. Dans le mê-
me inftant tenant ce pied par le bout des doigts, elle lui _ _ _
fit faire tous les mouvemens de tous fcns avec ""<= /.vaciic "•""■;'» ^= roCr f^n p ed gauche entièrement gueri &
extrême, comme s'il n'eur ,ama.s ete incommode puis q"'= "?^'^ jf,J™^„" ° ..iU'avoit jainais ete incommode,
s'ctam ccriee: je fuis guei.e, elle fit exammer fon pied par '"(^"^Va,ne de iguerifon , fon premier mouvement fiit de
l^S r$r^u-:ï'di^r ^"^ ^Ma n;;^iiéT;^ r. "^^^'^-^^^ .!?- - ^^i.^-^ 2!- r.^::.
l'enetree ûaumiraiion u un t-iuu.g. .^^. ■..—
f.-apant & pleurant tous de joyc Ce de JaiQflemcnt , nous
dîmes tous enlcmble le Tt- Dtum.
Peu aptes fcs convulfions étant 6nies , les premières pa-
roles qu'elle profera , furent mon pied eft gueri : |>uis le
mettant à le regarder & a le tarer , elle fat aulTi étonnée
iove fiirent exnêmes: & recor.noinant après ce que i avois
entendu dite aux Chirurgiens cinq jours devant, qu i n y
avoit que Dieu qui ei'it pu opeiet une pareille racrveiUe, |c
lui en rendis mes très-humbles aûions de grâces. AulTi-tot
que fcs convulfions furent finies , & qu'cl.e fat revenue
«ans fa raifon na'.urelle , s'etant apperçuc de fa guerilon,
elle fc proftcrna contre tertc, Se dans cette pofture elle ré-
cita le rf Vcnm avec la compagnie: enfuite layamfait
marcher dans la chambre, je vis qu'elle avoir im ulagc li-
bre de fon pied; Se qu'elle ne boitoit plus. Toutes lc(
Tf Dinm qu'elle nous fit recommencer ; aptes quoi s ctant
relevée , elle fit tous les ufages de fon pied dont elle put
s'avifer Se y trouva au:ant de torcc Se d'agilitc que s il
n'avoit jamais eu d'incûm.«odi;e: non feulement marchant
Se couLint fans boiter Se fans peine , mus auffi le frapant
contre rerre Se fautant dcrtus. . /-i.- -•-„, „.,:
Le lendemain Se lur-lenderaam, les cinqChitutgiens qui
l'avoiem vifitce le neuf du même moij , vinrent la voir .
Se furent chacun d'une fuipiifc extrême de voir la perte;tion
de fa cucriIbn.Sc de ne plus trouver aucune trace dune in-
^ , ■ .,!: «- i*« /se Af cf ni(».4 . & les
ht^^i^X^<^^^^ ^''^^^^ A ^^^^ ^^.^^ q..ùl'aXientd,cla.e:SciU .en,
Piiis ce II. Août 1733. S;gr,é N. Si.siart a-.tc fjr^fU.
X I.
Certijtat di la Demoi/el/e de Luna<fiie qui ctoit pa-
ra/lement prc fente au moment de la guerifon.
JE feurtignce Marie Claude de Lunaquc fille majeuie de
Dominique de Lunaquc Mairre Chirurgien Jure de
Samt Corne, Se ordinaire de la Maifon Royale desGo-
belins , certifie qu'au commencement du mois u'.\vriJ dct-
rier , je vis pie'ipie tous les jouis chez Madame de Vitry,
b Dcmoifclle Fouicroy qu'on difoir avoit ete guérie d'une
Hidiopifie qui lui avoit engage la poitrine , Se dont elle
nu'ilSL.
dïrînt tous témoignage qu'if n'y avoit que Dieu qui eit pu
optiet un pareil prodige. Tous Ici lueU tai« |c certihe c..e
véii ailles: en foi de quoi l'aiccntie ligue le preem cenih-
cit. Fait i Paris ce premier. Mars 1753' A»/ LUNAQitE.
X I T.
Certifcat de U "Dame de Vitry , qui iint dant U
(himbre de Ai Demoi/el/e Fourcroy , d.tns le mo-
ment qu'elle zenoit d'être gucrie.
JF foiifflgnce IeanneBjiiillciot,VcuveaeClaudcde Vitty
a
March.ii'id tciiif.iuet du giand Se bon leint.certifie qii'ayant
j appris que Madcmoilclle Foutctoy , doiitThidropilic avoir
fi fo t eneasf '» ?<>'""'<: qu'on avoir ete oblige de lui ruer
i^ '.?.?,-._ K „.,, i..i fj.-,li'er itei.irationfaupoi.'C
opéré fur Marie-Jeame Pour cm.
t îl, du »3m« Mois \ la fôrti* d'une violente convuliioo
qui lui avoit pris ce jour -là, qui étoit le premier d'une neu-
vainc , que prête à rendre l'ame , elle avoit commencé à iM
de Paris. Je fouhaitai fort de l'engager \ venir demeurer
chez-moi , afin d'avoir le boniieur de voir fous mes yeux la per-
fedlion de fa gue'tifon. Elle y vint efFeCtivement le 3 1 . Mars
n'ayant plus que quelque relie d'enflui'e de fonliidropifie, qui
fe diffipa abfolument en trois jours , quoiqu'elle s'obftina \
faire maigre, & qu'il parût encore évidemment à l'extrême
maigreur de fon vifage & de fes bras, que l'hidropilîe dont
elle venoit d'être guérie avoit été fort confiderable.
En très peu de rems Ton vifage & fes bras reprirent chair &
je puis due qu'on voyoit fa fante fe fortiiiet tous les jours à vue
d'œil-
Mais fi elle fat en fi peu de tems entièrement quitte de fon
AidropiGe, il lui refta une autre incommodité qui l'obligeoit
de refter prefque roujouts dans fon lit ne pouvant prefque faire
aucun ufage de fon pied gauche, qu'elle ne pouvoir appuyer
à terre Uns douleur, & qui eroit renverfe fens delVus dcllous
de façon qu'elle ne pouvoir appuyer à terre queledefliis des
doigts, le talon demeurant élevé en l'ait, & la plante du pied
paroiflant prefque retournée.
Cependant ayant remarqué que dans fes convulfions qui lui
prenoient tous les jours l'après midi avec tant de violence que
quatre perlonnes avoient de la peine à la retenir , fa jambe
gauche s agitoit avec une force inconcevable, & frapoit contre
tout ce qui Iç rencontroit près d'elle, je lui demandai à la fin
de la convullion qu'elle eût chez moi le premier Avril ,fi elle
ne le lentoit pas blefiee à la jambe gauche; m'ayant répondu
que non, & lui ayant rapporre les mouvemcns extraordinai-
les qii'clle en faifoit , & les coups qu'elle donnoit contre tout
ce qui etoit près d'elle , elle me répondit que ce que je lui
dilois lui faifoit grand piaifir, & que c'étoit un ligne que
IJieu vouloit la guérir de l'incommodité qu'elle avoit à ce
pied la. Je lui dis qu'en ce cas il feroitbond'en faire con-
Marer auparavant l'état , & lui propofai d'envoyer prier M de
Manreville Chirurgien de réputation , & Démonftrateur en
t^hirurgie , de venir chez moi fous prétexte d'examiner s'il
n'etoit pas poffible de lui procuier par quelque remed- le
moyen de pouvoir fe fervir de ce pied. Elle acccpra la pro-
polition avec joye , & dès le lendemain dcu-ï Avril, je fis
venir M. de Manteville chez-moi.
Après avoir bien examiné fon pied , il me déclara qu'il
ny_ avoir aucun remède à y faire, parce quclesosenavoicnt
ete loudes avec ceux de la jambe par une anchylofe , & qu'il
ny avoir aucun remède dans la Médecine qui pût détruire cet-
te loudure.
Coinme il l'cxaminoit encore, fes convulfions lui prirent-
U violence de les mouvemens parût l'étonner, d'autant plus
qu après lui avoit trouvé un poux convullîf, il ne lui en trouva
Plus du tour II refta lufqu'à la fin de fes convulfions : & la
L)empileUe Fourcroy l'ayant prié de lui donner un certificat
de letat ou 1 avoit trouvé fon pied , & de la fituation du tefte
de les os qu il avoit aulfi examinés, & même de ce qu'il avoit
glerve dans les convulfions, U le lui donna après s'en être
Quelques jours après le fieut Guy nous ayant propofé de fai-
te venir encore d'autres Chirurgiens tous les plus habiles qu'où
pourroitranembler, nous l'en chargeâmes, & effectivement
le neuf du même mois d'Avril , il alTembla Mrs. Leauté .
touchai, Sivert, Granier& de Launay.
n„. ? î^'"' '"? M*",^ '°"' ""animement que l'incommodité
que la DemoifeUe Fourcroy avoit au pied croit incurable .les
os du pied & de la ïambe étant liés enfemble & ne faifant
plus qu un feul corps : l'os du pied ayant perdu fa forme
natureUe, & s'e_tant tout dérange & tout contourné par la force
oc iacretc de l'humeur qui avoir produit cette incommodité
lis ne vouloient pas même donner leur confultation par écrit
flilant gue c'ctoit une chofe toute vifible & toute évidente '
mais néanmoins comme la DemoifeUe Fourcroy perfifta à là
JcHt demander , ils la donnèrent. ' ^
Le pied de la DemoifeUe Fourcroy refta encore cinq jours
au même état lans qu'il parût aucune dipolîtion à fa gueri-
lOD. tnhn le cinquième qui étoit le Lundi de Pâques qua-
-?"^ ''",,"î5™e ,™ois. en revenant le loir d'une vifite que
J etois aile faire dans mon quartier, on medittouten entrant
que le pied de la DemoifeUe Foiicroy étoit entièrement pué-
n, avoir change tout d'un coup de figure dans le tcmsqS'el-
le etoit enconvulfion. Je montai au plus vite dans fa cham-
bre pour être rcmoin d'une fi grancîe merveille: elle cou-
rut a moi aufli-tot qu^le m'appctçut, c\ me fit voir fon
///. Dmonfl. Tome IL
pied que j'avois encore vu le matin fout tourné , qui étoit
pour^lors dans la même fituation qu'il auroit du être fi el-
le n y avoir jamais eu d'incommodité. Elle le remua devant
moi de tous les lens, marcha ferme, vite, & fans boiter;
le jetraen l'air & fe retint fur le fcul pied gauche. Elle a-
voit même fur le vifage & dans les yeux une gayetê & un
certain air vif dans toutes fes aftions que je ne lui ayois ja-
mais vu a ce point là jufqu'à ce jour?
Le Sieur Guy qui avoit été témoin de cette guérifon , le
ciiargea de faue revenir tous les Chirugiens qu'il avoir ame-
nés le neuf du même mois; & efteciivement il en revinc
trois des le lendemain ; & les deux autres le jour d'enfuite,
qui tous confeflcrent que cette guerifon éroit évidemment
luinaturelle , & promirent c'en donner chacun en leur par-
ticulier leur certificat, qui contiendroitune defcriptionexafte
de 1 erat ou ils avoient vu ce pied le neuf Avril , & de l'é-
'-r °"i r '■^''O'ent trouvé le quinze & fciiedumême mois,
lous lelquels faits j'airefte devant Dieu être exaftement vé-
ritables: en foi de quoi j'ai ecrir & figné le prefent certifi.
cat, & protefte d'eue ptête de les certifier toutes fois &
quantes j'en ferai requife. Fait ce 12. Février 1753. nr„£
J . 13. Veuve ueVitry. 'jjj.
If. ACTE DE DEP 0 ST.
Aujourd'hui eft comparue par devant les Notaires au Chà-
telet de Paris fouffignes , Marie-Je.\nne Fourcroy
r . ,™^'^"'^ demeuranr à Paris rue des Gobelins quar-
tier 5. Marcel ParoiCTc Saint Hipolite. Laquelle a depole
pour rninute à Raymond l'un des Notaires foulllgnts, l'ori-
ginal d un Cerrificat datte du deux Avril dernier, Cmé de
ManrcyUle, au fujet d'une maladie de ladite Comptante,
cpntrole le 27. Août aulfi dernier par Blondelu; lequel ori'
gmal ecrir en quatre pages & demie de papier non timbré
elt demeure annexé à la minute des prélentes, après que la-
dite Comparante l'a certifie véritable, figné 6c paraphe en
prclence des Notaires foufllgnes, fair & paflé à Paris l'an mil
lept cens trente deux, le quatoizieme jour de Décembre a-
pres midi, îc a figné la minute des prcfemes demcweeau-
ûit Raymond Notaire.
XIII.
^'^t^"'^ /'"''^ ^« '^eux Avril 173 J, p^r Je Sieur de
Manteville , ancien Démonftrateur en Anatomie ,
&■ Prévôt des Chirurgiens , de la forme gp de l'é-
tat des os de la DemoifeUe Fourcroy, &> fur tout
de ceux de fon fied gauche: il déclare que l'arti-
culation en eft anchyhfée , & juge que cette ma-
ladie eft incurable, Qp fait auffi le rapport de fes
convulfions qui lui prirent en fa préjence.
NOu s foufligné Chiruigien Juré à Paris , Prevô: en Char-
ge de rioire Compagnie, ancien Demonftiateur en
• ^[""'■g'e, Cerrifions à rous qu'il appartiendra, que
ce-)ourd'hui deuxième Avril mil fcpt cens trente deux ,
Nous avons été mandé dans la tue des Gobelins Faubourg Saint
Marcel près Sainr Hyppolite, en la maifon de Madame la
Veuve de Vitry reinturiere. Nous y érant tranfportc , l'oa
nous a conduit dans une féconde cour, dans un corps de lo-
gis fur la droite. Etant monté d.ins une chambre au premier
étage , nous y avons trouvé Mademoifclle Marie Jeanne Four-
croy fille majeure deJean-BaprifteFourcrovBoiiigeoisde Pa-
ns ci-devant Marchand Epicier; & de Daine Marie Valen-
tin fes pete & mcre , giflante au lit ; laquelle Demoife.'-
le tourcroy ci-dcflus nommée, nous a requis de l'enrcndre
fia -fes infirmirés & de conftater fon état prcfcnt: y ayant
procccie , elle nous a déclare qu'à l'âge de cinq ans elle eft;
tombée dans une grande mélancolie , parceque M. fon peic
l'empêchoir de foriir,& la gênoir en rout par letropdeten-
drefte & d'atrention qu'il avoit pour elle, qu'elle cfttombee
dans des incommodités de toutes les parties de fon corps-
que (pour parler le langage vulgaire ) elle eft devenue nouée :
qua lage de dix ans elle a reliènti un grand mal de poitri-
ne & d'eftomac, faifant très mal les digeftions:quc vers ce
tems-la elle crachoir du fang, faignoit du nez très fouvent,
& vomiftbit quelquefois jufqu'aux matières fteicorales ; Icf-
quclles incommocfitcs ont dure environ fix mois. Dai;s cet
intervalle , elle a été neuf jours & neuf nuirs fans prendre de
nourrituie, ni folide ni liquide: que depuis ce rems elle a
çtt preîquc toujouis malade: que las de fei i«jles quifoit
C V*.
10
tenues d'iffcz bonne heure , & qui ont été long-tcras fufpcn-
dues , elle a ci"i une jaunifle pendant un mois , caufée pat Icui
iLpptcllion: ijue pat la fuite elle a é:c pendant quaueansun
peu moins incommodée par les remèdes généraux dont elle
a ufc : que pendant fes infirmités elle a été faignéc cnvitoii
cent fois du btas , & quaiante l'ix fois du pied : que depuis
dix huit mois, elle a cte impotente de tous fes membres plus
que jamais : enforte qu'elle ne pouvoit porter la nourriture
à là bouche, & que l'on étoit obligé de h faire manger:
que vers ce tems-là , elle a perdu la vue pendant trois femai-
ncs , qu'ejle l'a_rccouvrec par rintetceflTioude défunt M. Fran-
çois de ■ . « ^ ...... .
^ois de Paris Diacre enterre en la Paroiffc de Saint Medard,
auquel elle a foit une neuvaine. Ayant cnfuite examine la
lùldite Demoilelle Fourcroy : nous l'avons fait lever de fon lit
pour voir fa démarche : nous avons remarqué qu'elle fc tient
a peine debout loutenue (bus les bras par quelqu'un; qu'a-
rec ce recours elle peut à peine mettre un pied devant l'au-
tre, ne pouvant polcr que la pointe dii pied gauche ,1e talon
étant en l'air. Se le même picJ très étendu, mais plie fiit
le côte en dedans. L'ayant fait remettre au lit pour exami-
ner fon corps, nous avons trouve la jambe gauche contre -
fcite;le tibia conliderablcmcnt courbe en dedans , faifaiit plus
patticulicrement une porrion de cercle dans fa paitie moyen-
ne; l'articulation dn pied gonflée Je dejettée en dedans; la
malléole externe faifaut cn'dchors une boflc plus confideta-
ble que dans l'ctat naturel: ce même pied ne peut être flé-
chi, ayant perdu Ton mouvement, & étant anchylofé. Ayaiu
examine l'epinc du dos, nous l'avons trouvée entièrement
dejcttce, failant une S. Romaine depuis la premietevcrte-
bie du clos julqu'à l'os làcram : enlone que lesapophilesepi-
neufes des vcrtebics du dos , font prcfque fous la oafe de l'o-
moplate du côté droit , l'épine le jette enfuite fut le côté
gauche à l'endroit des lombes , qui font à leur tour une bof-
le de ce côte , & un vuide du côte oppofe : enfuite l'cpine
letourne dans fon milieu à l'endroit cfcs derniotes vertèbres
«les lombes pour rejoindre l'os facrum qui eft dans là fiiua-
tion naturelle. Plus , nous avons trouve l'os de la cuifle du
côté gauche plus courbe intérieurement qu'il ne doit ëtte
dans l'état naturel, & plus que celui du coté droit, les deux
os radius des avant-bras un peu courbes.
Nous certifions d'abondant qu'en nottc préfcnce la Demoi-
Jëlle Fciucroy ci-deflus nommée à été conlîderablement agi-
tée de mouvemens convulfifs , qui ont commence par des
baillemcns & un tremblement univerlcl: fes yeux fe font
tournés , enforte que l'on n'en voyoit que le blanc , les muf-
des obliques & telcveurs des yeux étant en contraiiion : le
corps s'cit agité avec violence, fe pliant Se fc repliant dans
tous les fens aufli bien que les extrémités: fe roulant de tou-
tes les façons fur le lit fur lequel elle ne pouvoir, qu'avec
beaucoup de peine , être retenue par trois ou quatre (>erfon-
ncs allez fortes. Pendant quelques intervalles ta jambe gau-
che 8c les deux bras ont frapé violemment Se avec précipi-
tation fur le lu oi» elle étoi: étendue. Tous cesmouvcmcns
diffetens ont diué environ un bon quart d'heure, pcnd-int
lequel rems, elle nous a paru fans connoi(îânce:puis la fut
dite DemoifeUe Fourcrcy eft rentrée fubitement dans le re-
pos Se dans fon état naturel. Environ un demi quart d'hcu-
le après, clic eft retombée en noue prefcncc dans les mêmes
motivcmcns convulfifs, qui nous ont îte annonces par un poux
sonvulfif , 6c qui a totalement manque un inftaiu avant que
d'y retomber: ces dernières agitations ont duic cnvironautant
de tcms que les premières. ...
Nous eftimons que la -maladiff ci-dctTus détaillée eft incu-
rable , 'i que les convallions d^^n: la Demoilelle Fourctoy ci-
delTus nommée a été tourmemtc en notre ptefciice, loin au-
dertiis de la nature 8c des connoillànccs humaines : ce que
nous certifions véritable. En foi de quoi nous avons figné
& délivre le préfcnt certifirat à la Demoilelle Fourcroy ci-
drfHis nommée, ainfi qu'elle nous en a requis, pour luifer-
»ir comme de raifon. A Paris le joui Se an que dcfl'us: Ji-
^nr DE MaNTEVILLE avec fariipht.
1\\. ACTE D2 DEPOST:
AUjoiiR !>' H i; I eft comp.irue par devant les Notai-
res au Chiteict de Paiis foullipici , Matie-Jeannc Four-
croy fille niajcutc, dciucui.iiii aP.trisrue ilesGobclins
luartier Saint Marcel Patcidc 5.iiiit ilypçoliie. L.iquclle à
cpofc pour minute .» Raymond l'un des (Notaires IbulTigncs,
IJjiiginal d'un Certificat da te du neuf .Avril deinicr, ligne
Leaùte , S iichay, .^^ivert, (i:anict, ^ de Launay Cliimtgicii
V.a;ot duRcgimcaiRo74luif.iDtcaCi aufujct ti'uiic maladie
Pièces juflificathei du miracle ,
de ladite Fourcroy , Contrôlé le îp. Mai suffi dernier p^
Blondelu , lequel original écrit fut les deux premières pages
d'une petite feuille de papier non timbré , eft demeuré an-
nexe a la minute des ptelèntes aptes avoir été par ladite
Fourcroy certifié véritable, Cgné Se paraphé en ptélencc des
Notaites fouflîgnés , &c.
Fait Se parte à Paris en la demeure de ladite Fourcroy
ci-defliis dehgnée, l'an 17^2. le 19. jour de Juin aprèsmi>
di. Se a figne la minute des ptefcmes demeuiec à Raymocûi
l'un des Notaires fouftigncs.
Enfuite la tiniur lindit Eirii.
l
XIV.
Rapport fait le 9. Avril i7}î. pJr Us Sieur Lian-
te Chirurgien Major des Gardes du Corps , Soh-
chay Chirurgien de Motifeigneur le Prince de
Conty , Siiert Chirurgien Major des Hôpitaux
de l'Armée , Granier ancien Frt'vôt des Chirur-
giens ^ &• de Launay Chirurgien Major du Re'-
gimcnt Royal Infanterie } de l'état oit ils ont
irouié ledit jour 9. Airil 173i. le pied gauche
de la DemoifeUe Fourcroy , dont ils déclarent <jue
les os étoient tournés en dedans , Qp foudés avec
ceux de la jambe ,- ce qui rendait cette maladi»
incurable.
NOus fonfTignés Chirurgiens Jurés à Paris, & Chi-
rurgien Major du Régiment Royal Infontetie ; certi-
fions que le neuvième jour d'Avril de la piefeme an-
née 1-52. nous nous Ibmmes ttanfportes en une maifon
fituee rue de Lourfiae Fauxboutg Saint Marcel, à la requi-
fition de Marie -Jeanne Fourctoy, fille de )ean-Baprifte
Fourcroy, ci-devanr Marchand à Paris, Se de preferu dans
les Illes de la Martinique; Se de defume Marie Valentin ;
ladite Marie-Jeanne Fourcroy igee de vingt-cinq ans quatre
mois , pour la voir & vifitet en confcquence d'une dimcul-
té qu'elle a de marcher. L'ayant viie Se examinée , nous a-
vons trouvé une anchylofé à l'articulation du pied gauche a«
vec la jambe ; laquelle anchylofé a donne occalion à une
contorfion du pied : de façon que fa pointe fe jette en de-
dans. Se la partie interne du pied eft retournée vers la fiice
fuperieure , & le ralon retire par le tendon d'achillcs , ce
qui fait que le pied ne peut poler à rerre que fur fon ei-
tiêmite Se fur fa furface externe 8c fuperieure. Nous avons
remarque une tumeur au delTus de la malléole externe gtoffc
comme un oeuf de pigeon, occalionnec par la dilatation de
la capGile de l'articulation; enfoite que le pied eft abfolu-
ment fans mouvement: nous avons aulTi obfetvé que le tibia
de la même jambe gauche eft cambre du côte de la pat-
tic interne. Ayant aufli viliié l'épine , nous l'avons uouvee
contournée en façon de S Romaine , les vertebtes fe jcttatu
depuis l'os facrum de droit à gauche , Se de gauche à droit
julqu'aux vertèbres du cou ; maladie que nous appelions Ra-
kitis ou courbure des os, laquelle maladie nous auroit don-
né occaCon de demander à ladite Maiie-Jeanne Fouicroy,
depuis quel teins elle eft attaquée de l'anchylofc du pied
gauche. Se ce qui autoit pu y donner occalion: elle nous
a repondu qu'elle avoit été nouée à l'âge de cinq ans: que
1 anchylofé ne lui étoit furvenue que dcpuisquinze mois pat
un dépôt qui s'étoit fait dans l'articulation, laquelle etoic
une fuite de plulieurs maladies diflèremes defquelles elle a-
Toit cte attaquée en difl^ctens tems ; d'où s'ctoitenluivi l'im-
puiflancc de mouvoir le pied. Selon l'exaincn que nous
avons fait de cette maladie, nous déclarons qu'elle ell incu-
'- ~ fane. En foi de
table far l'art , n'ayant aucun remède à y
quoi nous avons figné Se délivre le prclent Certificat pour
valoit Se Icrvir ce que de taiibn. A Paris ce jour Se an que
1
v.
detfus
fiînè Lcaiûe . Souchay , Siveri , (iranier , Se de
Launay Chirureicn Major du Régiment Royal Inlàntcrie,
avec paraphe. En marge eft écrit: contiôle a Paru le 19.
Mav i-;i Reçu douze fols, figné lilondeUi avec paraphe:
en iiiaige re:to eft cent: certifie vétitabic, figne Se paraphé
au défit Je l'Ade de dej'ôt pour minute parte pat devant les
Notaites foulTignes , ce |ourU'hui 19. juin 17:1. /ïfic' Ma-
rik-Jf.annf. FouRCROif , avec Loyson et Ravmono
Notaires .tvit rjrjthit. _ .
Et rotiginal dudit Eciii le tout demeuré comme dit eft
aanut, ca U garde Se polTçilion dudil Ravmon.l N.xaiie.
OBSERVA-
OBSERVATIONS.
SUR
LES CONVULSIONS.
PREMIERE PARTIE
IDE'E DE L' OEUVRE
DES CONVULSIONS.
AVANT PROPOS.
5K^^5^E n'est jamais fans dcffein que l'Etemel rend fa préfence fcnfible aux
^ r^ )^i yeux de les créatures : ce n'a point été fans objet qu'il a fait éclatter
^ yf parmi nous un fi grand nombre de prodiges.
>N^]^^ Depuis un tems le Dieu des fieclcs nous parle par une infinité de
merveilles. Rendons -nous donc attentifs, Se tâchons de pénétrer ce qu'il nous
déckre. Malheur à nous fi nous négligeons de l'écouter, & fi nous méprifons fa
voix, fous prétexte que les raions de lumière qu'il nous envoie, fortent d'un nua-
ge obfcur dont les ténèbres nous rebutent.
En fe plaçant dans le vrai point de vue des diffcrens deffeins de Dieu dans l'œu-
vre des convulfions, tout s'éclaircit. D'une part on eft éclairé par les traits les plus
lumineux j d'autre part on entrevoit les motifs pour lefquels il a permis que cette
cemTC fût obfcurcie par les plusfombrcs nuages : on a toujours devant les yeux une
trace de feu qui perce Se qui brille au milieu même des plus épaifles ténèbres, 6c
qui fuffit pour nous faire découvrir ce qui nous intérefle davantage dans un évé-
nement fi fingulier. Mais c'eft la feule place d'oii il eft pollib le de démêler la vé-
rité : ainfî rien n'cft fi important que de s'y mettre.
De cette place on apperçoit Dieu agiffant dans des vues de miféricorde par rap- •
port à quelques perfonnes à qui il lui plaît de faire grâce. On l'apperçoit enmê-
tems laiflant faire à l'homme Se au Démon une multitude de chofes qu'il con-
damne; mais qu'il permet néanmoins, parceque fa juftice l'engage d'abandonner
à leur aveuglement un très-grand nombre de perfonnes , & de leur fournir les té-
nèbres qu'ils ont mieux aimé que la lumière : Dieu fera pleuvoir des pièges fur les
méchans ^ dit le Roi Prophète: pUiet fuper peccatores laqueos. P" 10.7,
De quelle conféquencen'eft-il pas pour tous ceux dont les defirs tendent vers le
bonheur étemel , de fe joindre au petit nombre de ceux que le Très-haut daigne
éclairer , Se de profiter des lumières qu'il leur envoie par un moyen aulll extraor-
dinaire que le phénomène qui paroît à nos yeux?
N'eft-il point à craindre qu'une nuit toute noire ne s'empare bien-tôt de pref-
que tout le monde , félon cette prédiébion des tems qui précéderont le rappel des
Juifs ? Nous attendions la lumière ^ £5? nous voilà dans les ténèbres : nousefpérionsun
grand jour ^ 13 nous marchons dans une nuit fombre : nous allons comtne des aveugles içi\e. jf.
le long des murai lies : nous marchons à tâtons comme fi nous étions fans yeux. "' ?• ^ "•
Obfervat. I. Part. Tome. IL A Et
2 lT>E-t DE V OEUVRE DES CONVULSIONS.
Et n*cft-il pas également à craindre que h divifion qui eft parmi les Appcllans
au fujet des prodiges que Dieu opcrc parmi nous , ne foit l'accompliflemcnt de
ce que le Saint Efprit a prédit par labouche du premier des Apôtres: Voici le tems
«• '•"■H- ot! Dieu va commencer fon jugement par fa propre maifon: mais s'il commence par
''" nous ^ quelle fera la fin de ceux qui rejettent fon Ezangile?
Que ceux qui veulent éviter d'être enveloppés dans ces ténèbres dangereufes qui
fe répandent aeplusenplus, £c qui fuivant toute apparence doivent augmenter enco-
re, cherchent donc avec emprcflement à profiter de la clarté qui peut les en garantir. -
Le Dieu de toute miféricordc n'a pas voulu que fon plan dans l'événement pro-
tligiciLX des convulfions fût difficile à pénétrer par ceux dont le cœur feroit droit,,
les intentions pures , 8c l'amc abaiffee profondément à fes pieds ; mais s'il donne ici fa
grâce aux humbles , il réfille aux fuperbes.
Plufieurs Convulfionnaires ont expofé aiïcz clairement pour les perfonnes fort
attentives, quel étoit le double deficindeDicu dans l'œuvre des convulfions: quel-
ques Auteurs l'ont laiffé entrevoir dans leurs écrits ; mais il m'a paru qu'on ne l'a
pas montre au public d'une manière afTez précifc ni afiez marquée. J'eipére qu'en
l'uivant les lumières que j'ai puifées dans les difcoursde quelques Convulfionnai-
res , & en faifant voir que le fond de ce qu'ils ont dit à cet égard eft établi dans le
nouveau Teftament , & qu'il eft conforme aux fentimens que Dieu avoit mis dans
le cœur du Bien-hrureux François de Paris , je pouii-ai en pcrfuadcr tout leâcur
qui cherchera fincérement la vérité.
On s'étonnera fans doute qu'un laïque, un ignorant, dans le tems même qu'il
eft captif, enfermé, gardé à vijc, dénué de tout fccours, & prcfque ilms aucun
livre, ofe entixprendre un pareil ouvrage. Mais lorfque nôtre divin Sauveur
cliafla du Temple ceux qui faifoicnt un lieu de trafic de cette maifon de prière,
ce fut par des cntans qu'il fe fit rendre témoignage, par des aveugles & des
boiteux qu'il guérit à l'heure même: tandis que plufieurs Pi'êtrcs & quelques
Dofteurs le calomnioicnt , méprifoicnt fes œuvres, 6c attribuoieut fes miracles
a Béelzebub.
L'intime pcrfuafion où je fuis de mon extrême incapacité, me fera recourir
fans ceflc à l'Auteur de toute lumière: & me fera obtenir fon fecours. C'cft pour
la vérité que j'écris : c'eft la vérité qui me donne le courage de fouler aux pieds
toute crainte 6c tout intérêt humain : j'efpére que la vérité fera elle-même le
flambeau qui guidera mes pas dans la carrière oisfcure où je vais entrer.
Au refte je ne fuis pas affez préfomptueux pour croire avoir pénétré tous les
ccfleins de Dieu dans une œuvre fi extraordinaire, ni pour m'imaginer être en
état d'éclaircir tout ce qu'elle renferme d'obfcur. Ceque jeprétens, c'eft de faire
remarquer ce que Dieu veut que nous y voyions j ce qu'il eft très-d;mgereux pour
le falut de n'y pas voir, & cependant ce que prcfque pcrfonne ne voit, parcc-
que la plupart ne le regardent qu'avec dédain, & que les autres n'y font pas aflcz
d'attention. Je n'ofe même entieprendrc de parcourir toute cette mer de prodi-
ges où on trouve tant d'écueils: je me contenterai de cotoicr le long des rivages ,
& je ne m'appuycrai que fur des faits , ou connus de tout le monde , ou dont je
produirai des preuves inconte ftables. Ce qui a été expofé à la vue de tout le Pu-
blic fuffit ici pour faire pénétrer jufqu'à un certain point les dclTcins de Dieu à
ceux qui cherchent de bonne foi à les connoître.
Voici lapropofition à laquelle fc rapporten tout ce que j'obfcrvcni dans cette
première partie de mon ouvrage. .
PRO-
JDÈ'E D3 VOEU F RE DES CO NFULS lONH. 5
PROPOSITION.
DE CETTE PREMIERE PARTIE.
!DiEU Préf.de à Vœw^rc des con'vul fions : Elle font même en partie fan ouvrage j
tnais elles entrent toutes dans fes v fies pour deux fins bien différentes : V une de purt
tniféricordc , r autre de jujlice à? de vengeance.
E lefteur entrevoit que j'iivance par cette propofition, que Dicuopci-c
lui-même dans l'œuvre des convullîons par des defleins de miréricor-
de, 6c que d'autre paft il y fouffre par lesconfeils de fajufticedescho-
fes qui obfcurcinent fon ouvrage. JVIais avant de pouvoir développer
ce que cette oblcure propofition renferme de très-intéreflant pour ceux qui pré-
•ferent leur falut à toutes chofes, il faut nécefTairement que je préfente au Icfteur
un tableau fidèle de ce qui s'cft paflë de principal dans cette œuvre fi extraor-
dinaire , afin qu'étant inftruit de la vérité des faits , il puiffe fentir la juftcfle des
eonféquences que j'en tirerai.
Pour prendre une idée juftc des convulfions, la première chofe qu'il faut con- î.
iîderer c'efirle lieu de leur origine, les merveilles que Dieu leur a d'abord faitpro- "^«^^"s"*-
j • o 1 • • o î 1 ' 1, 1 j ' r ge lie M.
duire, ce le premier jugicmcnt que tout le monde en d abord porte. i'Ev?4u»<1o
Tout véritable Chrétien, tout amateur de la vérité recevra avec une pleine pOTÎ^ined'éj
confiance & écoutera avec un profond refpcét le témoignage que je vais lui en<^o"vuiû-
préfenter. C'efl; celui d'un grand Evêque encore plus illuftre parles vertus émi-prêm}^™^?.
nentes dont le Très-haut l'avoit orné , que par les lumières fupérieures qu'il lui.*""' ^ '^
avoit données : c'eft celui d'un grand Saint dont Dieu canonife la vie & les fentimens 'on en Ti'V-
■par un grand nombre de miracles. Je vais copier ce témoignage dans une Lettre ''"''' P"'""
de feu M. L'Evêque de Senez, qu'on peut regarder comme une Inftnictions Pa-
iloralc pour preferver les fidèles de la féduétion où la Confultation des trente
Docteurs , & l'Ecrit intitulé fains efforts pouvoient les précipiter. Le morceau que
je vais en donner au Public doit lui être d'autant plus précieux j que cette Lettre
toute éclatante de lumière 6c toute remplie del'Efprit de Dieu, n'a point été im-
primée par confidération pour Mrs. les Dofcciu's Confultans & pour l'Auteur
des vains efforts.
Ce Prélat digne des premiers fiecles voyoit avec douleur que tous ceux dont
le buteft de décrier l'œuvre des convulfions, diflîmulent dans leurs Ecrits, &: tâ-
chent par ce moien de faire oublier tout ce qui a d'abord imprimé fur cette œu-
vre im cara£tere diftinftif, où la main de fon Auteur s'eft gravée par des traits
que rien n'ell capable d'effacer.
„ A juger des comailfions parle portrait qu'ils en font, {s"" écrie ce tresrefpe-j^^^^^^^^^^^
table Prédicateur de la vérité) qui ne croiroit qu'il s'agir d'un phénomène ifo- M.i-E-.-ant
, dj Seitez. ,^n-
„ lé, qui ne tient à rien, qui n'a nul trait aux ati'iircs deTEglife, & quia paru, ;j/j'^^^y^X
„ tout d'un coup dans le monde fans origine certaine? '•'î'™ f" f,^
„ Puisqu'on fait toutes fortes d'efforts, dit -il plus i^^y, pour diilraire î'attcn- raim'efru.
tion des hommes des objets qu'ils ne doivent jamais perdre de vue , de notre côté
n'ayons pas moins de zèle pour confcrver la mém oirc de ces menées faits , £c pour
les rétablir dans toute leur fimplicité, leurs circonllanccs & leurs effets.
„ Rappelions le fouvcnir de ce fpeftacle dont le petit cimetière de St. Médard
fût le 'Théâtre en 1751. & qui Jura plus do fix mois fans interruption fo\is les
yeux de quiconque voulut en être le fpeéVatcur.
„ Du haut de cette montagne où la Providence m'avoit placé comme en fen-
A i 55 tincl'
>J
î>
»?
î>
î»
î»
5»
»?
>J
»?
»?
3?
»?
»?
»?
»?
IDE'E DE VOEUFRE DES CONVULSIONS..
tinelle, je fuivois attentivement les oeuvres de Dieu, Se j'obfcrvois tous les
differens effets de fa protection fur fon Eglifc.
„ Diverfes pcrfonnes de mérite voulurent bien me mettre au fait de tout ce qui
fe piffoit , comme étant les témoins oculaires d'un événement (î merveilleux.
„ Je fai que ces pcrfonnes n'ont pas toutes marché fur la même ligne, &: que
pluficurs ont depuis fuivi des routes différentes & pris des partis très oppoles :
mais je fai aulTi, 6c je ne l'oublierai jamais , que tous ces témoins uniformes
dans le compte qu'ils me rcndoient des faits ,nc l'étoicntpas moins d'abord dans
le jugement favorable qu'ils en portoient.
„ De quel poids n'eft point un pareil témoignage, rendu par des pcrfonnes éclai-
rées , attentives , pleines de probité : rendu avec tant de liberté &; d'uniformité :
rendu dans un tcms où la vérité feule ouvroit les bouches , & où les paffions humai-
nes , comme fufpendues par la nouveauté & le merveilleux du fpeclacle , n'avoient
point encore eu le loifir de confulter leurs intérêts & de forger des fillêmes?
„ Tous ces témoins s'accordoicnt à me faire les peintures les plus touchantes
de cette multitude de malades & d'infirmes de toute efpece qu'on apportoit,
ou qui fc traînoientde tous les quartiers de la Ville 2c des campagnes, & qui
répandus & couchés dans l'Egliie, dans les charniers, ou dans le petit cime-
tière , en attendant le moment heureux de pouvoir être placés fur le tombeau du
Serviteur de Dieu Se d'y avoir des convuUions, rctracoient une vive image de
cette piicine falutaire dont parle l'Evangile : avec cette différence que la venue
de l'Ange étoit rare. Se ne profitoit chaque fois qu'à un fcul malade, aulieu
,, qu'au tombeau du S. Diacre il n'y avoir gucreS de jours qu'on ne vie un ou
„ plufieurs malades recouvrer une parfaite fauté , ou recevoir du moins un fou-
„ lagement confidérable.
„ Ces mêmes témoins ne pouvoicnt fe taire fur le concours prodigieux de per-
„ fonncs de tout rang, de tout âge, de tout Pais, de toute Religion, que la piété
„ ou la fnnple curiolîté attiroit à S. Médard. Us admiroicnt que ce concours,
„ qui devoit naturellement occafionner le trouble Se la confufion , ne fcrvoit au
,, contraire qu'à rendre plusfenfible Se plus touchant le bon ordre, la modeftie,
„ le recueillement, l'efprit de pieté Se de prière qui regnoit au tombeau de l'hom-
„ me de Dieu. La pfdmodie presque continuelle n'y étoit interrompue que par
,, la joye Se l'admiration que caufoicnt les ccuvrcs mei-veillcufes dont on ctoic
„ témoin. Les hommes les moins fenfibles aux iniprcffions de la piété avouoient
„ qu'ils icfentoientfaifis de rcfpcét& d'un religieux tremblement en entrant dans
„ ce faint lieu. On y voyoit de toutes parts des pcrfonnes humiliées Se proller-
„ nées , qui fembloient parler à Dieu comme s'ils l'euffent vu de leui-s yeux prc-
„ fent, agiffiint Se répandant à pleines mains fcs faveurs.
„ Mais l'objet qui frappoit davantage Se qui tenoit plus continuellement les
5, yeux arrêtes Se l'efprit diUisTétonnement, c étoit le fpeétaclc des convulfionsSc
„ des agitations violentes qui prenoient aux malades fi-tot qu'on les mettoit fur
„ le tombeau, qui ccffoicnt à l'inllant même qu'oncles en retiroit , 8equirevc-
„ noient au moment qu'ils touchoient de nouveau la tombe. Ces malades étoicnt
„ preiquc toujours entourrés d'un grand nombre de Médecins Se de Chirurgiens
„ habiles Sc de grande réputation , qui obfervoient Se étudioient ce phénomène
„ avec toute forte d'attention Se d'afliduité. Toujours en garde contre la fur-
„ prifc , l'impollure Se l'imagination ,ils ufoicnt de toute la liberté qu'ils avoicnt
„ de faire mille expériences pour découvrir la fource Se le principe d'.icitations
„ (î extraordinaires. Ils conferoient cnfemble fur tout ce qui fc paffoit (ous leurs
„ yeux : ils fc commuuiquoicnt mutucllcmcat leurs vues Se Icms rcHcxions: &
ù.
n
IDE'E DE nOEUFRE DES CONVULSIONS. f
„ fi l'on en excepte quelques uns , dont le dévouement à k Conllitution efl con-
„ nu, le jugement uniforme des autres & le relultat de prefque toutes leurs dé-
„ libérations , étoit qu'on ne pouvoit s'empêcher d'attribuer ces mouvemens à
„ une opération iurnaturcUedeDieu, & à la vertu du tombeau dont ils paroiffbienc
„ fî évidemment fortir & avec lequel ils avoient des liaifons fi marquées.
„ Telles furent les premières ôc profondes imprefllons que produifitun événe-
„ ment qui fe paflbit au plus grand jour, à la vue de tous ceux qui vouloicntcn
„ être les témoins : qui foutenoit la lumière des yeux les plus pénétrans & des
„ examens les plus rigoureux £<: qui domptoit la fierté de l'incrédule jus-
„ qu'à le forcer de frapper fa poitrine , & de confefîer la préfence de celui au-
„ quel il avoit toujours refiilé. „
La fuite de cette admirable Lettre étant trop étendue pour être copiée ici tout
au long, je vais me contenter de donner un extrait des principaux faits qu'attelle
cet intrépide deffcnfeur de toute vérité & des confequences qu'il en tire.
„ Les convulfions , dit-il , ne prirent d'abord qu'à des perlbnnes malades ou
„ affligées de quelque infirmité : ces convulfions fe faifoient principalement Se
5, même uniquement fentir dans les membres perclus. „
C'cft ce qui cauibitle plus d'étonnement aux Maîtres de l'art, de voir des mem-
bres eftropiés, paralitiques & delîéchés , dans lefquels les organes du mouvement
avoient été détruits depuis long-tems , fe remuer avec violence dès qu'ils étoient
pofés fur ce tombeau fi fécond en merveilles.
„ Les convulfions , ajoute le S. Prélat , ne prenoient pas feulement à de grandes
„ perfonncs , mais encore à des enfans de l'âge le plus tendre 8c avec toutes les mè-
„ mes circonftances: ce qui paroît: {continue-t-il) digne de la plus gnmde attention. „
En effet n'ell: ce pas une chofe qui détruit abfolument toutfoupçon d'impofturc
& d'opération Diabolique, de voir que lorsqu'on apportoit fur cette tombe falutaire
de petits enfans malades , ces pauvres innocens y étoient auifi-tôt agités par des mou-
vemens convulfifs qui leurs donnoient une force vifiblementfuperieure à leur âge ?
„ Il s'opéra durant tout ce tems (ajoute ce généreux Prifonnier de J . C. qui a
5, fouffert avec tant de joie perfécution pour lajuftice) quantité de guérifons rai-
„ raculeufes de toute efpece par la voie & avec le concours des convulfions.
Or les miracles opérés foit parle moien des convulfions , foit fans convulfions,
ne doivent-ils pas être également un fujet fingulier deconfolationsScd'aétionsdc
grâces pour tous ceux qui font véritablement attachés à la vérité ? Ils font , dit
le Saint Evêque , le flambeau que la bonté Divine nous met à la main pour nous
conduire dans ce tems d'objcurcijfement. Ils font la voix de Dieu : ils moirifellcnc
fa préfence: ils caracterifent fes œuvres.
Aulîî l'illuftre Captif pour la vérité attefle-t-il, que lorfque les convulfions com-
mencèrent au petit cimetière de S. Médard ,, on fût généralement porté à les pre:':dre en
bonne part , 6? que ceux-mêmes qui étoient les plus dévoués à la Conftitution enpA^
rurent étonnés {5? déconcertés.
„ La penfée (ajoute-t-il) que ces convulfions étoient feintes iSc volontaires
„ dans tous ceux qui les éprouvoient , fût regardée alors comme une prétention
„ abfurde ôc extravagante. La circonftance des plus jeunes enfans qui avoient
„ de femblables convulfions fur la tombe, & la remarque que firent à une in-
„ finité de rcprifcs les Médecins 6c Chirurgiens, que le pouls fc troirvoit con-
„ vulfif dans tous ceux qui avoient ces tremblemcns ou agitations , leur paru.-
„ rent feules & indépendamment de toutes autres confidérations, des preuves dé-
j, cifives contre le volontaire de ces mouvemens.
„ La i^iaiiTance incontellable des convulfions fur k tombeau. Se leurliaifon. évi-
A 3 deutc
5^
»>
55
55
I3E'E DE VOEUrRE DES CONVULSIONS
dente avec ce tombeau prouvée par un nombre innombrable d'expériences^
convainquit dans ce tems là prelque tout le monde que ces convulilons avoient
la mémo origine que les miracles, c'eil-a-dire, qu'elles naifloient du tombeau
mcmc par la vertu toutc-puilTantc de Dieu.
,, La multitude des miracle; qui avoicnt précédé, & le grand nombre de ceux
qui accompagnèrent & fuivirent les convulilons , furent encore jugés autant
de prcuve> invincibles de cette unité de principe & d'origine.
„ Les premières convnlfions piroilToient tclicment marquées au coin du fur-
naturel divin, que M. Fouillou, malgré l'inclination qu'il avoir dès lors à les
„ donner à la nature , c'ell-a-dirc à la force de l'imagination où des paflîons ,
„ fe vit obligé de referver à Dieu toutes celles qui étoient accompagnées ou fui-
„ vies de gucriions miraculeufes.
„ La co'.rcfpondance exacte de ces convulfions avec pluficurs guérifcn.-;, Scieur
„ proportion merveilleufes avec le rétablilTement des parties malades frapa encore
„ très fmguliérement. Il pa(fa pour confiant^ dit M. Fouillou, quec'étoit Dieu
„ qui agijoit d'une manicre particulière dans ces opérations fi furprenautes (^ fi mer-
„ z-eilL'ufes. L'on fe Cent oit comme forcé, dit-il encore , de recourir à D:eu cor/t-
j, tf-eà h caufe iy/imédiate d'effets fi fingulicr s 13 fi inouis.
., Enfin le doigt de Dieu fe mor.tioit fi évidemment dans le concours de ces
„ convulilons avec les miracles, que deshommes très connus qui faifoient profel-
„ ilon d'incrédulité, rendirent les ..rmes à ce fpeclacle , fe fournirent au jougfa-
„ lutairc de la foi , éc font devenus depuis des modèles conftans de pénitence &
„ de vertu Chrétienne. „
De tous ces laits le S. Prélat en tire la confcquence. „ Que voilà fans contredit
„ l'événement le plus mémorable qui foit arrivé depuis plufieurs (lecles dans l'or-
„ dre de la Religion , du moins en genre de prodiges. 11 faut remonter bien haut
„ dansThilloirc de rEglil'e,pour rencontrer un aufïl grand nombre de miracles réu-
„ nis dans un efpace de tems aufll court : il faut fe tranfportcr jufqu'aux tombeaux
„ des M artirs & de quelques autres Saints de l'antiquité , pour trouver cette foule de
„ malades agités de convulilons, qu'on a vu au petit cimetière de S. Médard.
„ Tout a concouru , di:-il encore , à donner la plus grande célébrité à cetévé-
5, nement, & c'cll vouloir s'aveugler que de n'y pas rcconnoître le delTeindcDieu.
C'eft dans la Capitale du Royaume que ces faits fe l'ont pafles, c'eft-à-dire,
d-.ms une Ville prodigieufement peuplée, qui cil l'abord continuel de toutes les
provinces & d'une multitude d'étrangers de toutes les nations, & qui depuis
plus de 8o. ans ellle théâtre principal de la guerre faite à toutes les vérités prof-
crites par la Bulle Vnigenitus , 6c à tous ceux qui ont pris hautement la delfcn-
fe de ces^'érités. C'eil fur le tombeau d'un Saint Ecclcfiallique qui s'ell ren-
du volontairement viélimc de la pénitence pour les intérêts de l'Eglife,quia
vécu 6c eft mort dans le fcin de l'unité, qui a reccu les derniers Sacremcnsdes
mains de (on propre Palleur , quiaeu'des funérailles comblées d'honneur &: de
gloire, qui a fini fes jours précieuxfousl'Epil'copat d'un Cardinal Arche\cquc
„ plein dcvéncration pour famémoire, quoiqu'il l'ut parfaitement 8c qu'il fut de
„ notoriété publique, que cet illullre pcmtent avoit pcrfévéré juiqu'au derniQr
j, ioupir de la vie dans fon oppofition à la fignature pure Se fimple du Formulaire,
„ 6c à la Conllitution Unigenifus dont il ctoit Appellant 8c Rcappellant. Ccft
„ après un grand nombre de miracles éclatais opérés durant l'cl'paccde quatre an-
„ nées fur fon tombeau , te dont quelques uns avoient été dcja vérifiés juridiquc-
,, ment par les ordres de ce Cardinal, que l'urvient l'événement des convulfions,
8c ce tbnt des centaines de malades qui en ont été agites, 6c grand nombre
5, ^11"
1
55
55
55
55
55
>5
55
55
5>
5»
55
ÏDE'E DE VOEU r RE DES CONFULSION.<r. j
,', qui ont été guéris en tout ou du moins en partie par cette voye aufîl cxtraor-
„■ dinaire que vifiblement miratuleufe ! „
Que peuvent répondre à des faits fi décififs ceux des Dofteurs Appellans ^ui ir.
réprouvent toutes les convullions fans exception? Ils s'unifient à M. L'Archevê-if';^"'''^ .^
que Sens pour foutenir que ces premières convulfions ont été une punition de la ob»ei;'tK>n'"
témérité avec laquelle ces malades font ve-jus demander des miracles. mnvu'îuoni.
Une multitude de railbns .plus fcîrtes le? unes que les autres démontrent toutes"»""-
le faux d'une telle fuppofition : Se elle ne rr.ériteroit pas de réponfc , fî toute abfurdc
qu'elle eft , elle n'avoit pas été faite 6c acoptée par de (î grands perfonnages.
Qiioi Dieu par un grand nombre de miracles ne cefToit point d'inviter ces ma-
lades d'aller' chercher leur guérifon fur ce tombeau, Dieu marquoit par des fa-
veurs extraordinaires 6c chaque jour multipliées avec plus de magnificnce, qu'il
fe plaifoit à exaucer les vœux de ceux qui y vendent implorer fa miféricorde, 6c
lui demander quelques grâces par l'intercefllon du Bien-hcurcux Appcllant dont
il vouloit canoniferles fentimens d'une manière éclatante, 6c l'on ofeluppofer qu'il
ait puni ceux qui font accourus avec foi au fignal qu'il élevoit lui-même ? Au-
roit-il donc aum fait tomber les traits de fi colère fur de petits enfans qui n'avoient
pas encore afTez d'intelligence pour favoir pourquoi on les mettoit fur ce tombeau?
D'ailleurs les convulfions ont pris par la fuite à quelques - uns de ceux qui
y font venus remercier Dieu des guérifons qu'ils y avoient auparavant obtenues
fans conyulfîons , 6c même à quelques perfonnes qui ne demandoicnt que leur
converfion , ou d'autres grâces fpirituelles. M. l'Archevêque de Sens 6c fes ad-
hérans en ce point, oferont - ils donc prétendre qu'il y ait de la témérité à de- '
mander à Dieu- fa converfion, ou à le remercier de fes bienfaits ?
Mais pour tméantir entièrement cette fuppofition, qui quelque dénuée qu'cl-"
le foit de boii fcns, eft néanmoins la bafe & le fondement du fiftême de la plû- "
part de ceuX qui ofent attribuer au Démon tout le furnaturel des convulfions
je vais rapporter des preuves incontellables qu'une perfonne agitée par les plus
violentes convulfions fi-tôt qu'elle étoit furie miraculeux tombeau, a été ex-'
citée à s'y mettre par un inllinét furnaturel , dont U eft évident que Dieu feu! '
pouvoit être l'Auteur.
Le miracle éclatant dont ces convulfions ont été le figne, le berceau Scpèut- '
être le moien phyfique, renferme encore plufieurs autres faits qui juftifient que '
les convulfions ont d'abord été l'ouvrage de Dieu , qui eft un des points que
j'ai deflcin de prouver, ce qui m'obligera de rapporter avec aiTez d'étendue les
circonftances de ce miracle, dont le leéteur trouvera toutes les pièces iuftifica- "
tives imprimées à la fin de cette première partie de mes Obfervations.^
II s'agit en ce miracle de la création fubite d'un organe dont Catherine Bigot, - m.^
k" 1 ' * 1 .-.,-. - 1 ,•, , , . ' 1 -Bigot.
démontrerons, que les parties mteneures de i organe de 1 ouïe n'avoient
point été formées.
Dans l'jnftant qu'on la met fur le tombeau le 2,7. Aouft' 17^1. à y.Ticures du ^
matin , fon vifage devient pâle comme celui d'un mort: elle tombe en défaillant "
ce : 6c uOi moment après , il lui prend des mouvemens d'une fi grande violence "
qu'on a peine à la retenir. Elle témoigne par fon air 6c fes geftes qu'elle fouffre ■
les plus vives douleurs dans la tête, les oreilles 6c la gorge : fi tête tourne ^ fg •"
porte de' droit à gauche 6c de gauche à droit avec tme fi prodigieufe vîtefie qu'on ^
ne diftingue plus fes traits, 6c que la couleur de fa bouche paroittr'averfer toute ^
^« largeur de -fon vifagç. Lèr'^ -
S- IDE'E DE VOEUFRE DES CONVULSIONS
Les femmes qui l'avoient conduite , étonnées d'un tel fpeftacle auquel on n'c-
toit point encore accoutumé, la retirent de deflus le tombeau: mais la fourde &
muette fait connoîtte un moment après qu'elle veut y être remife.
Elli; n'y cft pas plutôt que fes agitations accompagnées des plus vives dou-
âion, & toutes les trois fois elle témoigne par fes geftes l'empreffement qu'elle
a d'aller chercher la douleur fur un tombeau dont elle ne pouvoit connoîtrc la
vertu par aucune voie naturelle : fa furdité totale l'aiant mife hors d'état d'être in-
formée des guérifons miraculeufes que Qieu fe plaifoit a y opérer par un moicn
aufli furprenant que des agitations convulfîves.
Cependant chaque fois qu'elle approche de ce marbre fi vénérable, on eft é-
toané de voir que, quoiqu'on ne lui en eût fait aucun figne, clic le baifc avec
toutes les marques de relpeél, de dévotion , d'amour & de confiance que la per-
fonne la mieux inllruite êc la plus touchée auroit pu donner.
Tous ces préludes de la main Divine aboutifient enfin dès le matin du 31.
Aoull à lui former l'organe de l'ouie avec toute la fineflc 6c la perfection que cet
organe peut avoir.
Tout à coup la fourde Se muette entend & parle : le pîaifir qu'elle a d'enten-
dre lui fait répéter depuis le matin jufqu'au foir tout ce qu'on dit auprès d'elle:
elle imite même tous les fons différons qui parviennent à les oreilles : il fcmblc
Qu'elle veuille fe dédommager du trille iilencc qu'elle avoir gardé pendant plus
c 2(5. ans: elle ne cefle de faire ulage de l'organe de la parole pour copier tous
les bruits qu'elle entend: & elle n'en entend aucun, difent la plupart de nos plus
illuftres témoins, „ que cela ne lui donne un mouvement de vivacité Se un air
„ de contentement fur le vifage Se dans les yeux. „
1*^- Un fi grand miracle fait accourir tout Paris pour le venir voir. Auffi, quoique
d« T^moi-cc miracle ait été fait par convulfion, avons nous pour le prouver les témoigna-
«• ges des perfonnes les plus rcfpcftables , qui en ont été fi frapécs qu'elles n'ont
pas craint de l'attefter à la fice de tout la terre.
Telle cfl: Me. Dagueffcau fœur de Monfieur le Chancelier, veuve de feu Mon-
fieurlc GuerchoisConfeillcr d'Etat. Tout Paris admire les vertus de cette illuilre
Dame. Elle n'a pas ignoré qu'en attcftant un miracle, fur-tout opéré par con-
vulfion, elle s'cxpofoit à la plus foitc critique de ce que IcRoiaumcadeplusref-
pcétablc: n'eft-il pas évident qu'il n'y a que le dcfir de plaire au Dieu de toute
vérité qui ait pu la déterminer à faire une telle démarche ?
Si Monfieur l'Abbé Boifot Prêtre Docteur de Sorbonne , Abbé du Mont de
Sainte Marie, Se frcrc de Monfieur le premier Préfident du Parlement de Be-
fançon , fi, dis- je, cet Abbé très ellimé à la Cour, Se qui joint à la nobleficdc
fa naiffance toutes les qualités naturelles propres à le faire parvenir aux plus gran-
des dignités de l'Eglifc, n'eût confulté que les intérêts temporels, le trouvcroit-
il au nombre de nos témoins? Le facrifice des plus flattcufcs efuérances qu'il fait
en rcnd.ant ce témoignage , prouve combien il a été touché de la grandeur de ce
miracle : difons mieux , le Dieu des coeurs en difpofe comme il lui pLiit : rccon-
noifibns le à fon pouvoir fur la volonté libre des hommes : il n'y a que lui qui
dans de telles circonftanccs puifie fe donner de pareils témoins.
La piété émincntc de feu Monfieur L.ibbé, ce C'uré de S. André fi ilignc de
l'être , rend pareillement fon témoignage bien rcfpcclable : la bonne odair de fes ver-
tus fcrt encore aujourd'hui de contrcpoiibn à pluficurb de les paroilliens pour Icsga-
rwitir
IT>E'E DE L'OEUF RE D E S CO N FULS IONS. 9
Tantir de l'air contagieux qui depuis fîi mort s'eft répandu dans fa paroifîc : fon
extrême candeur & fa fimplicite évangeliquc ennemie déclarée de toute duplicité
.& de tout déguitcment , le mettent à couvert de tout foupçon d'avoir rien avan-
cé dans fon témoignage qui ne fût pas dans la plus exaéle vérité.
La fermeté de M. l'Abbé de la Monnoixe Prêtre habitué de la paroi ffe de S. Afé-
■dard. . . .y faifant pour Ion les fonElions de Sacriftain.. . à la place de M. Defroches ,
^ui était pour lors exilé pour avoir fuivi tout ion zélé à publier les miracles, méri-
te bien qu'on en fallc auffi quelque mention. Semblable à un brave foldat qui
prend fans trembler la place de fon compagnon qu'un coup mortel vient d'àbbat-
tre, M. l'Abbé de la Monnoirc remplit celle d'un exilé : &s'cxpofant de tout fon
cœur au feu de la même perfccution, il attelle les œuvres de Dieu avec le même
courage qui a fait exiler fon prédecelTcur.
Mais afin que le miracle en qucfi:ion eût des témoins de toute efpece, la pro-
vidence nous H fourni dans la perionne de M. Seblon un Prêtre de la congréga-
tion de la Million très-zéic conllitutionnairc, qui a néanmoins certifié un fait
fort important relatif à ce miracle , & pafié i Véruiilles ou il étoit alors habitué.
Il feroit trop long d'entrer dans le détail du caraétere de chacun de tous nos
autres témoins : d'ailleurs il y en a dont le nom fcul fait l'éloge. On y voit cn-
rr'autresplufieurs Magiftrats. M. de Voigni Préfident enla Cour des Aides: M.
Clément Confeiller au Parlement. M. de Mcrri greffier en Chef de la prévôté
de l'Hôtel, quiavoit eu fouvent la lourde & muette fous les yeux pendant les
4. ans qui on précédé l'a guérilbn, parce que c'étoit cette fille qui balayoit fon
ireffe de FcrfaiUes : &: comme ilfçavoit qu'elle étoit fourde Sc muette denaifance
Une lui comrnandoit ^ dit-il, rien que par Jignes.
Quoique je fois du nombre des Magiftrats qui ont certifié ce miracle, je n'ai
ofé néanmoins me citer moi-même. Cependant les grâces que Dieu m'a fait mal-
gré mon extrême indignité, & la fituation même où je luis actuellement , ne
doivent-elles pas donner quelque poids à mon témoignage ? Tout le monde icait
que loriqu'il plût au Dieu des mùericordes le 7. feptembre 173 1. d'éclairer tout
à coup., au pied du tombeau fi fertile en miracles , mon efprit plongé depuis
plus de 20. ans dans le nair abîme du Déifrae, de me donner de l'horreur des
ordures qui avoient fait mes délices jufqu'à ce moment , Se de changer en un
feul jaur tous les fentimens de mon cœur , & les difpofitions de mon ame , je jouïs-
fois pour lors avec abondance de tous les plaifirs qui font l'objet des defirs de la
cupidité. Quel autre que le Maître des cœurs eût pu changer ainfi entiéi-ementlc
ne rien épargner pour obtenir (x miiericorde? J'ofe dire que depuis ce jour, je
n'ai plus eu d'autre bût, du moins d'autre bût principal que de tâcher de lui plaire.
L'ouvrage que je fais aétuellcment pour expliquer & QciFcndre l'œuvre desconvul-
fions clt une preuve autenrique de mes fentimens. Je n'ignore pas quelle récom-
penfe je puis en eipérer dans ce monde : cependant malgré ma foiblefTe 6c ma
lâcheté naturelles, Dieu me fût la grâce de n'en être point effrayé : j'attens en'
paix dans les liens de la captivité tout ce qu'il me faudra fouffrir; & lefçai que
d'autre part je vais m'attirer le mépris, la haine, & la plus violente critique
non feukment de tous les gens du monde, & de tous les Conftitutionnaircs,
mais même d'une grande partie des Appellans. Ainfi je puis dire qu'en me
facrifiiuit moi-même, je kicrifie en mêrne-tcms ma réputation. Qiiel autre
motif que l'amour de mon Dieu, & le dcfir d'être utile a mon prochain en
Obfervat. J. Part. 'Tomi IL B ren*-.
• TO IDTL'E DE VOEUFRE DES CONFULSIONS.
. r-ndant témoignage à toute vérité, pourroit me faire faire de tels facrifîces?
On trouve aufTi dans le nombre de nos témoins deux Chirurgiens de la plus
grande réputation : l'un de la Cour l'autre de Paris. On en trouve encore un
troifiéme avec le Curé &c tous les principaux bnbitansdu bourg de Couture , où
la fourdc 6c muette eft née , &: où elle avoit pafle chez (ii mère iufqu'à l'âge de
22,. ans , que le fieur Hogu fon oncle Concierge des priions de Vcrfaillcs la reti-
ra chez-lui en 1717.
La foi intrépide de cet oncle efl un don de Dieu trop précieux pour l'cnfevelir
entièrement lous le filcnce. Cet homme, dont toute la fortune confiée dans fon
emploi de Concierge des prifons de Vcrfailles, n'ignoroit pas les préventions de
la Cour contre les miracles : cependant c'eft le plus cmprefTé de tous nos témoins.
Peu de jours après le miracle , il va le premier chez un Notaire , où il fait la
déclaration la plus circonftanciée de tous les faits qui conftatent cette œuvre di-
vine. Il fçait qu'il rifque tout 6c qu'il n*eft pas un homme que les puiffanccs donc
il dépend , 6c lous la main dcfqucUcs il eft daignent ménager. Mais il met en
Dîcu toute fa confiance , ce il ne croit p:is pouvoir jamais trop facrifier qu.uid il
cil queftion de lui rendre gloire.
Outre tous ces ténioins nous en produifons encore un aflez grand nombre d'au-
tres, tant de Paris que de Verfaillcs. Dieu fe fait des témoins par tout où il lui
plaît , fans qu'aucun motif humain puifle les retenir.
Qiicl fait pourra déformais mériter la créance des hommes, fi une multitude
de pareils témoins ne fuffit pas pour afllircr des faits pofitifs fur lefquels il n'a
pas été poflîble de fe tromper.* Catherine Bigot étoit fourde 6c muette denaif-
lancc : Catherine Bigot entend 6c parle : fit furdité étoit fi entière qu'il eft évi-
dent que l'organe intérieur de l'ouïe ne lui avoit point été donné lors de la for-
ination de fon corps : les expériences qu'on en a f;iit pendant 2.6. ans ne peuvent
laiflcr aucun doute à cet égard. Cependant tout à coup elle entend mieux que
perfonne: elle entend jufqu'au moindre bruit, 6c elle imite avec fi bouche tout
ce qu'elle entend: Par confcqucnt l'organe del'ouic, dont elle avoit été privée
dés fa naiiTance , liù a été rendu dans un état parfait. L'art , la nature, ni le Dé-
mon ne peuvent point créer des organes que Dieu n'a pas voulu faire naitrc ; 6c
il eft incontertablc qu'il n'y a que lui qui vingt fix ans après fa naillance puifle
tout-à-coup les former.
Tous ces faits, &C toutes les conféqucnces qui en réfultent, font à la portée du
plus fimple comme du plus habile : ainfi pour donner à ce miracle le dernier de-
gré de certitude, il fuftxra de rapporter la preuve de ces faits.
V. Ce fiit en-i70f. que Catherine Bigot naquit dans le bourg de Couture.
ci'-T'BiKo't Marie Hogu fa mcrc déclare „ que de fon manage avec feu Denis Bigot , cn-
etoit Sourde tt'autrcs eufaus, elle a eu une fille nommée Catherine Bi^ot , qui depuis fa naif-
<c muette de" r ■ ' r i o i ■ ^ ■ j ° ,-
sïiiLnce. 55 lance a etc lourde ce muette : ne lui ayant jamais entendu proférer aucune paro-
„ le, ni (être) fcnfible à quelque bruit qu'on ait pu lui faire. „
Le fieur Dubois maître Chirurgien du Bourg,, certifie que Catherine Bigot na-
„ tivc de Coulure eft née fourde 6c muette. „
Le même Chirurgien avec i f. autres des principaux 6c plus anciens habitans , dans
le nombre dcfquels il y a dcuxperfonncs de condition, affirment devant un Notai-
re que C'athcrinc Bigot , qu'ils onteufous leurs yeux peruiant il. ans „ depuis le
„ jour de fa naidlmce julqu'cn 1717. qu'elle fortit du pais pour aller demeurera
„ Vcrfailles chez le fieur Hogu fon oncle, (a toujours été) fourde 6v muette, n'a-
5, yant jamais articulé aucune parole, ni donné aucun fignc d'entendement. „
Le fieur Hogu qui la prit chez lui en 1717. certifie „ qu'il fçavoit parfaitement
IDE'Ë DE L'OEUrRE DES C ONP'CJ LSIONS. ii
j, (qu'elle étoit ) lourde Se muette de naifflince .... (&) que depuis le dit
„ tems il a gardé lad. Catherine Bigot toujours lourde 8c muette: n'entendant"
j, point quand on l'appelloit fi haut que l'on parlât , ôc ne ( proférant jamais)
j, aucune parole. „
Mais ne nous contentons pas des expreflîons générales de la plupart de nos té-
moins; prélcntons des faits qui emportent forcément la conviftion des plus in-
crédules.
Voici d'abord ime décifion du Curé de Verniilles,^-: du Chapelain des prifcns,
rendue dans des circonftances qui ne peuvent laifler aucun doute que cette fille ne
fût effeétivement fourdc & muette de naiflance.
3, Je me refibuviens parfaitement (dit M. Scblon lors Chapelain des prifons de
,) Verfaillcs) qu'en l'année 1718. la nièce du Sieur Hogu Concierge des prifons
„ de Verfailles nommée Catherine Bigot, entièrement fourde 8c muette, étant
), malade à l'extrémité, je fus appelle pour lui donner les derniers facremens : je
J, me trouvai fort embarrafle. . .. Etant queftion deluiadminiftrerl'Euchariftic,
5, je crus qu'il étoit bien délicat de juger fur des fignes équivoques qu'elle efit
„ compris que Jefus-Chrill étoit dans l'Euchariftie, d'autant plus que cette fille
„ ne paroifloit pas avoir aucune intelligence. Je m'informai à fon oncle 8c à la
), tante li elle avoit reçu quelque inftruétion dans fajeunefie: mais ils m'avoue^
„ rcnt qu'étant fourde & muette de naiflance, on ne l'avoit pii inftmireqae par
„ fignes. J'allai trouver M. Bailli Curé de la paroiflc à qui je propofiii madifficuî-
5, te ; lui faifant obferver que cette fille ne m'avoit point alTez fait connoitre par
„ les fignes qu'elle m'avoit donnés, qu'elle conçut bien un fi grand miilérc. Sur
„ quoi il fût du même avis que moi, qu'il ne lui fiiUoit donner quel' Extrême-
5, onétion, 8c non le faint Viatique : ce fût le parti que je pris. „
M. Bailli Curé de Vcrffilles, 8c M. Scblon ne font pas des perfonnes fufpeétes
aux Conftitutionnaires j ainfi il n'y a pas jufqu'aux partifans les plus outrés de la
Bulle qui ne peuvent refuferde croire le fiiit attefté par M. Seblon, qui rapporte
en même tems la décifion de M. Bailli. Ce même fait fe trouve encore certifié par
le Sieur Hogu 8c fa femme, 8c une autre perfonne de Verlailles. Or fi dans une
pareille circonllance le Sieur Hogu 8c la femme , quelque dcfir qu'ils enflent que
leur niccc reçût le faint Viatique avant de mourir, furent néanmoins forcés d'a-
vouer à M. Seblon qu'elle étoit fourde 8c muette de naiffimce , quoiqu'ils vif-
fent bien que cela alloit le déterminer à lui rcfufcr ce Sacrement > qui pourra
révoquer en doute que la déclaration que firent alors le Sieur Hogu 8c fa femme
ne fût trés-fincere?
Mais ce n'cft pas afl'ez de prouver que Catherine Bigot étoit fourde 8c muet-
te de nailfimce ; allons encore plus loin : démontrons par des faits décifift qu'elle
étoit abfolument privée de l'organe intérieur de l'ouïe.
La femme du Sieur Hogu certifie qu'elle „ a oui dire à la mère de ladite Bi-
,, got, 8c à tout les habitans du Bourg de Couture.... que la dite Bigot..-.. n'en-
5, tendoit pas même le plus grand bruit, Sc qu'on avoit fouvent éprouvé qu'en
„ failant du bruit à les oreilles ou derrière fa tête, elle ne faiibit aucun mouve-
„ ment, 8c ne donnoit aucun figne qu'elle entendit. ,,
A quoi elle ajoute conjointement avec la femme du nommé Beaufils poftillon
du Roi, „ quelles ont fouvent éprouvé, 8c vu éprouver par d'autres perfonnes,
„ fi on pourroit la furprcndre en hiilant quelque grand bruit derrière elle donc
5, elle ne pourroit fe douter j mais qu'elle n'en branloit pas. „
Voici encore un autre témoin de Verfaillcs qui rapporte un fait qui lui eft per-
fonnel. Ayant „ remarqué, (dit le Sieur IDarragon; qu'elle ne dilbit jamais une
B 2 5, feule
I
12 IDE'E DE VOEUFRE DES CONFULSIONS.
„ feule parole, mais feulement qu'elle remuoit les lèvres, lorfquellc voyoit par»
„ 1er. . . . j'ai eu une fois la curiofitc de me mettre derrière elle, 6c de faire tout
„ d'un coup un grand cri à fcs oreilles pourvoir fi elle retourneroit la tête ; mai»
„ elle ne remua en aucune façon. „
Pour ne point trop fatiguer le Icfteur, je ne rapporterai plus qu'un foit , mais
ce dernier mettra dans la plus grande évidence la vérité que je veux prouver.
Le fieur Sabi principal locataire de la maifon oii Catherine Bigot fût conduite
à Paris dans le deffcin de la faire mettre fur le tombeau du Bien-heureux M. de
Paris, ayant vu après que le miracle eût été opéré, i^ue cette filte entendoit parfai-
tement clair -, mais néamnoins qu'elle ne répétait pas coireRement les mots qu'on lui
difdit ^ cela, lui donna quelques foupçons. Il s'imagina qu'on vouloit en impofcr au
public. Il va tout exprès chercher des perfonnes de Verfailles de fa connoilTance
pour s'informer „ s'il ctoit vrai que cette fille avoit toujours été fourde &: muette
„ pendant tout le tems qu'elle avoit refté dans cette Ville. Je trouvai (dit-il) plu-
„ fieurs perfonnes qui la connoinbient , qui m'aiîurerent tous unanimcnt qu'elle
„ n'entcndoit rien du tout; 6c plufieurs d'entr'eux me contèrent différentes cx-
„ périenccs qui en avoient été faites ; 6c entr'autrcs qu'elle n'avoit pios mcme
„ entendu un coup de piilolet qu'on avoit tiré derrière fcs oreilles , n'ayant pas
,, fait le moindre mouvement : ils m'affurerent audî en même tems qu'ils n'avoicnt
„ jamais entendu un fcul mot fortir de fa bouche -, mais feulement qu'elle rc«-
„ muoit les lèvres fans en faire fortir aucun fon, loriqu'elle voyoit parler: 6c
„ leur ayant dit qu'elle entcndoit prcfcntemcnt fort bien .... plulieurs-dentr'cux
„ font venus la voir, 6c ont témoigné une llirprife extrême de l'entendre rcpc-
„ ter ce qu'ils lui diloient. „
La femme du fieur Sabi certifie de fit part qu'elle a été témoin de l'extrême
furprife qu'ont témoigne tous ces habitans de Verfailles , 6c qu'elle a „ entendu
„ plufieurs .... d'entr'eux répéter à (fon) mari les expériences qu'ils avoient
„ fiiitcs pendant que cette fille étoit a Verfailles, par lefquciles on avoit (difoient-
„ ils ) reconnu qu'elle n'entendoit abfolument rien du tout , 6c qu'il falloir que
„ fcs oreilles fuflcnt entièrement bouchées, ou qu'elles n'euflent point les paitici
„ qui font ncceflaires pour entendre.
Il cft en effet de la dernière évidence que fi le timpnn ou tambour de l'oreille
eût été formé, auffi bien que les nerfs finguliers propres à tranfmettre par leurs
divers ébranlcmcns la vibration des dift'érens fons jufqu'au cerveau, ime aufli
grande commotion de l'air que celle que fait un coup de piilolet tiré près des
oreilles, auroit néccflaircment ébranlé ce timpan 6c ces nerfs : il cft même cer-
tain que quand l'ouverture des orcillcs auroit été entièrement bouchée, celan'au-
roit point empêché un auffi grand mouvement de l'air, de fiire impreflion fur
le timpan 6c fur les nerfs dertinès à faire diftinguer les fons, fi ce timpan 6c ces
nerfs cuffcnt cxifté. L^n air fi vivement agité entre par tous les pores j 6c quand
même il n'aûroit pu trouver de palTiigc par les trous des oreilles, il ne pouvoit
lïianqucr de pénétrer parle nez & par la bouche, jufqu'au timpan, 8c jufqu'à
ces nerfs , de retentir dans ce tambour, 6c de faire remuer ces nerfs s'il* avoiciu
été formés dans la tète.
C'ell ce qui arrive à tous ceux qui fons devenus fourds par accident , par ca-
ducité ou par maladie, à moins que le tambour de l'oreille aufii bien que les
nerfs fitits pourTufage de l'ouïe, n'aient été totalement détruits. On voit même
Î|ue des fourds de naiffance , lorfque leur furdité ne vient que de lamauvaifeccn-
ormation de l'organe fans qu'ils aient été entièrement dèpounùs du timpan 6c
àsi nerfs dont rèbrAnlcmcnt fait difccmcr les fons: ou voit, dis -je, que ces fourds
ÎDE'E DE L'OEUVRE DES CO NFU LS IONS. 15
de naifirmcc, quoiqu'ils n'entendent point un bruit ordinaire, entendent néanmoins
ks coups d'armes à feu tirés près d'eux, & mêmes des bruits bien moins violens ,
îorfqu'ils font faits près de leurs oreilles.
Puilque Cathcrmc Bigot n'entendoit pas même des coups de piftoict tirés àfcs
oreilles , il n'eft donc pas poiïïblc de révoquer en doute qu'elle ne fut entièrement pri-
vée des parties néccjfaires pour entendre ^ comme difoient ces perfonncs de Verlaillcs.
Il ne nous refte donc plus pour faire une démonftration complette de ce mira-
cle , que de prouver que ces parties ont été formées à 26. ans pafTés, dans la tête
de Catherine Bigot fur le tombeau du Bien-heureux Appellant.
Nous ne pouvons mieux commencer cette preuve que par la réflexion fi chré- vi.
tienne que nous trouvons dans le certificat commun de la femme du conciero-e'>circonr!an.
des priions de Verfailles, 6c de celle du poftiUon du Roi. Elles déclarent „ queeUcs&'Ca
„ le refus que M. Seblon avoitfaitd'adminiftrerrEuchariftie à cette fille, quoi-'*'*^^"'''":
„ qu'on la crût prête d'expirer, leur fit fiitde trilles réflexions fur l'état de cette "nV'Vr'écéJé
„ -fille d'autant plus qu'il paroiflbit abfolument lans remède. Mais qu'avant en-'l ',?'"""''
„ tendu parler en 173 1. des miracles qui s operoicnt lur le tombeau de M. de<i2 ■''^"^e.
„ Paris, elles' crurent qu'il ne falloit pas manquer l'occafion d'éprouver fi Dieu
„ ne voudroit point faire la grâce à cette pauvre malheureufe de la mettre eri
„ état de le connoitre? qu'il y avoit déjà quelques jours qu'elles étoient occu-
5, pées de cette penfée , loi-fque le if. Aouft 1731. le Sieur Chevalier vint voir
„ le Sieur Hogu ; qu'elles lui déclarèrent la penlec qu'elles avoient ; 6c que le
„ Sieur Chevalier leur ayant fait ofi^i-e de prendre cette fille chez lui , & de la
„ garder à Paris pendant qu'on feroit une neuvaine pour elle . . . elles acceptèrent
„ la, propofition avec bien de la joie. „
Le Sieur Chevalier déclare de fii part „ qu'ayant été voir le Sieur Hoo-u à
„ Verfailles à la fête de S. Louis la femme du Sieur Hogu lui témoio-na
„ qu'elle avoit envie d'envoier fa nièce à Paris , afin de la faire mettre fur lé
3, tombeau de M. de Paris , & de faire faire une neuvaine pour elle pour '
„ obtenir de Dieu la guérifon d'une infirmité aulTi fâchcufe .\ . . qu'il lui offrit
5, de recevoir cette fille chez lui, & de la faire conduire par fa femme tous' les
5, matins fur le tombeau de M. de Paris : & que dès le lendemain z6. Aouft il
„ mena cette fille chez lui à Paris avec la femme du Sieur Hogu , &: celle du ■
.5, nommé Beaufils poftiUon du Roi. „
La femme du Sieur Chevalier certifie la même chôfe ainfi que les femmes des
Sieurs Hogu 8c Beaufils , à quoi elles ajoutent „ que dès le lendemain 27. Aouft
„ <" elles ) ^conduifirent Catherine Bigotà S. Médard, & qu'aulTi-tôt que ( cette "
„ fille) fût fur le tombeau de M. de Paris, elle tomba comme évanouis, & que
5, fon vifage fe couvrit fi fort de fueurqueles goûtes d'eau en découloicnt grofles
„ comme des pois : êc qu'il lui prit enfuite des mouvemens d'une violence épouvaii-
3, table, ce qui les furprit extrêmement , (n'aiant^ encore jartais rien vft deparcil. ,,
Pierre Guilbert Suifle de S . Médard attefte auffi le même fait. „ Dans le moment
„ (dit-il) que j'eus fiit placer cette fille fur le tombeau , fon vifage thangea-, 6c
„ devint pâle com.me la mort, & tout couvert de fueurrmai^un moment après "
j, elle s'agita avec des mouvemens d'une violence fi extraoï^^inaire , qu'on licnou- ~
„ voit la retenir. „
Les femmes des Sieurs Hogu& Beaufils obfervenc, „ quelle parbifToitfouffTir ■
5, principalement dans la tête qu'elle remuoit d'une fi prodigieufe vîtefTe , qu'oa -*
„ ne reconnoifToit plus fes traits, •& qu'il fcnvbloit mx'. ïû bouche fût de toutdla -^
3, largeur de fa tête. „ •
La. Dame Chevalier certifie pareiMemient;- ainfî qaé îe Sieur HôgUy^jV^quW'^
B ^ „ voîcrr*'
14 IDE'E DE VOEUFRE DES CQNrULSIONS.
„ voioit à fes geftes qu'elle fouftroit infiniment dans la tête , dans les oreilles ,
„ dans la gorge, y portant la main avec violence , ôc que fa tête étoit Ci agitée
,, c.M'on ne fçavoit ce que c'ctoit. „
Crell ainfi qu'une main invifible, avant d'opérer le miracle qu'elle avoir rcfo-
In Je faire, prcparoit pour ainfi dire la place ; & brifoit par ces agitations doulou-
reutes, tous les obllacles que la nature Icmbloit avoir mis à cette régénération.
C'elt fouvent par la douleur que Dieu fait en quelque forte aclictcr fcsbicnfait^.
Les plaifirs nous corrompent: les fouffrances nous purifient ,& obligent la julli-
ce divine de faire place à la miiericorde.
Mais voici une autre circonilance où l'opération toutc-puiflante de la Divinité
paroît d'une manière bien plus évidente.
Le SuilTe de S. Médard rend compte ainfi que pluficurs autres témoins , que „
„ les femmes qui étoient avec (la fourde 8c muette) la retirèrent deux ou trois
, fois de defllis le tombeau; mais qu'à chaque fois elles le prièrent un moment
j, après de l'y remettre: cette fille paroilT-int le defirer: & (que) toutes les fois ...
„ fes asitarions recommencèrent avec plus de force qu'auparavant. „
Les Dames Hogu 2c Beaufils dépolent ainfi que le Sieur Hogu, qu'après que
Catherine Bigot eut cû fes premières agitations,, elle retomba comme évanouie,
j, ce qui les engagea de la faire ôter de delfus ce tombeau , & de la faire porter
dans le erand cimetière? mais qu'aufll-tôt qu'elle fut un peu revenue , elle don-
„ na à comioître par fes fignes qu'elle vouloir qu'on la remît fur le tombeau. Que
„ dans le moment qu'on l'y remit, fes grandes agitations recommencèrent, &
„ plus fortes encore qu'auparavant, qu'on l'en ota une féconde fois comme malgré
„ elle: ce qu'aiant fait connoître par fes geftes, on l'y remit encore une troifierac
„ fois : êc qu'elle y eût encore des agitations plus fortes que les premières. „
Le récit de la Dame Chevalier ell encore plus circonllancié &c plus frapant.
Elle déclare , „ qu'elle fût fort étonnée de voir faire à cette fille qui cftnaturel-
„ Icment fort tranquille des mouvemens fi violens qu'il étoit bien évident qu'ils
„ ne pouvoient être naturels QLi'après ces mouvemens convulfifs elle demeu-
„ ra iur le tombeau fans connollfancc comme évanouie: que œla obligea les afîî-
„ ilans de la porter (hns le grand cimetière, où étant fevenue à elle, elle fit fig-
j, ne qu'elle vouloit retourner fur le tombeau. . . Qii'clle n'y fût pas plutôt que
„ ces mouvemens convullifs lui reprirent avec encore plus de force qu'auparavant :
„ que fon air même faifoit peur, ayant le vilage £c le regard d'une pcrfonne à l'a-
,, gonic qui fe combat avec la dernière violence contre la mort. Qii'ayanteûpeur
qu'elle ne mourût cfFccStivement , clic la fit encore ôter comme de force de dcf-
„ fus le tombeau; mais que cette fille ayant fiiit connoître par fes mouvemens 5c
„ fon a£tion qu'elle vouloit qu'on la remit fur ce tombeau, (cela lui fit faire)
„ réflexion que tout cela étoit l'ouvrage de Dieu , Se que loin de la faire mou-
., rir, cela lui procureroit apparemment fa guénlbn, i,ce qui rengagea de) l'y
'„ faire reporter prefqu'aufTi-tôt. „
Qiii a pu mettre dans le cœur de cette f nirde 6c muette un dcfir fi ardent de
fc livrer aux plus violentes agitations & d'aller chercher les plus vives douleurs
fur un tombeau dont elle ne pouvoit avoir appris la vertu falutairc?
Le Dcmon ne peut remuer nos cœurs que par les rcilorrs de mStrc propre con-
cupifcence : il excite bien dans nous le goût des plaifirs 6c des voluptés, l'amour
des richefics & des grandeurs , le defir de l'honneur & de la "loire ; mais il tic
peut vaincre que p.ir des moyens puiles d.ins nôtre propre fond, l'horreur ScTé-
loigncment que la nature nous infpire pour les tourmens 6c la douleur. Jlnyaquc
Pieu fcul qui puifl'c fiiirc rechercher les fouffrances fans aucun motif humain,
paicc
IDE'E DE VOËUFRE DES CONVULSIONS. if
parce quil n'y a que Dieu feul qui difpofe des cœurs comme il lui plaît 6c qui
Ibit maître d'y produire des fentiraensfupérieurs àceux delanature. Sic'ellDieu
qui a domié iurnaturcllement à cette fourde & muette le defîr d'aller chercher
fur ce tombeau ces mouvemens convulflfs quoiqu'ils lui caulalTent des douleurs
très violentes, on ne peut fans impiété attribuer ces mouvemens au Démon. Quoi
donc le Saint des Saints, le Dieu de toute mifcricordeengageroit- il fes créatu-
res par un inftinct qu'il leur iafpireroit lui-même, à fe livrer à leur ennemi qui
cil l'objet de fon exécration? fi on n'ofe le dire, on eft donc forcé de convenir
que Dieu, qui feul a pu faire naître dans le cœur de cette fille l'inllinct qui l'a
portée à fe plaire fur un tombeau où elle foufFroir une eipece de martire , lans qu'-
elle pût preffentir quelle en feroît l'heureufe iflue, ei\ également l'Auteur de ces dou-
lourcufcs convuUîons qui étoient le gage de la grâce qu'il avoit rcfolu de lui faire.
Le Souverain Maître des cœurs nous a encore donné une autre preuve quel'in-
iHnÛ qui faifoit alors agir la fourde & muette ne pouvoit venir que de lui.
Les Dam.es Hogu & Beaufils certifient, „ qu'âuffi-tôt qu'on Peut approchée
5, du tombeau , elle en baila le marbre avec un air empreflé fans qu'on lui en eût
„ -fait aucun fîgne , 8c qu'elle parût fort aife qu'on la mît deffus. „
„ Je remarquai, (dit le Suiflc de faint Médard) que toutes les fois que je la
„ mettois fur le tombeau, elle le baifoit avec une grande dévotion. „
De qui pouvoit venir ce vif fcntiment de piété , &; ce goût pourbailcr un tom-
beau qui devoit naturellement lui paroître un inftrument defupplîce? ceux qui
font agités par le Démon ne peuvent fouifrir qu'on leur filTe toucher des relîq^ucs.
D'ailleurs cet Ange apoftat ne peut infpîrer de véritables fentimens de dévo-
tion. Cet empreflement, ces fentimens de vénération Se de confiance que la four-
de £c muette avoit pour le miraculeux tombeau , quoiqu'elle n'y eût encore éprou-
vé que de violentes fouffrances , ne pouvoient être naturels : on ne peut les attri-
buer au Démon : n'héfitons donc point à recdnnoître qu'ils étoient formés par
l'Auteur de toute vertu.
• Après que Catherine Bigot eût éprouvé pour ktroifiémefois les plus violen-
tes agitations, elle relia comme morte , difent les Dames Hogu 6c Beaufils,, elles
„ refolurent avec la' Dame Chevalier d'envoier quérir un fiacre , 6c de la rame-
„ ner chez la Dame Chevalier : ce quelles firent fans que la dite Bigot revint à
„ elle pendant tout le chemin. „
Le Sieur Chevalier déclare „ qu'il fût fort furpris lorfqu'elles arrivèrent chez lui
„ de voir que plufieurs perfonnes portoient cette fille qui étoit fans connoifilmce
„ & dans des agitations épouvantables: que quoiqu'elle n'eût rien pris du jour,
5, il ne fut pas poffiblc de lui rien faire prendre jufqii'à 9. heures du foir que fes
„ convulfions la quittèrent. Qii'il fût d'autant plus lurpris de ces convuUîons qu'-^
„ il fçavoit que cette fille étoit d'une fort bonne fanté, 6c (qu'elle feportoîtpar-
„ faîtement bien le matin lorfqu'elle partitpour allerà S. Medard : que craignant
„ qiie cette fille nemourût, il fût chercher le Sieur Tripier Chirurgien qui la vint'
„ voir fur les 7. heures du foir : que ce Chirurgien la trouva fans connoifiiince^
„ mais fans fièvre, cc avec un pouls exceffivcmcnt convulfif , 5c qu'aiantoblen'e
„ qu'elle n'avoit aucune autre maladie que fes convulfions , il lui dit qu'il n'y-
5, avoit rien à lui faire. „
Les Dames Hogu 6c Beaufils ajoutent „ que ce Chirurgien leur dit que cet
5j état étoit furnaturel : qu'il n'auroit aucunes mauvaifes fuîtes : qu'elles pouvoient:
„ demeurer tranquilles, 6c que c'étoit un figne que la dite Bigot guériroit , cc
„ que qu.'lques autres perfonnes qui la virent en cet état dirent pareillement lui-^
vaut que le rapporte le Sieur Sabi principal locataire de la maiion où demeuroitle
Sieui- Chevalier. -^^
16 IDE'E DE VOEU F RE DES CONFULSIOMS.
En cfrct dans ce premier ccmsde l'originedes convulflons , elles ont étéd'aborï
un pronofiic prefqu'-.illuré de gucrifon: elles étoicnt même la plùp.irt le moicnphi-
iique dont Dieu ic fervoit pour opérer fcs miracles, ainfi qu'il tùtrccinnvi pour loi*
p-,v M.agnmd nombre de Médecins Se Chirurgiens qui vinrent examiner ces mer-
veilles.
. U\- lî CCS. premières convuUions étoientlc figne, le gage, le pronoilique, le
moicn phifique des faveurs que Dieu avoit rélolu d'accorder iurcc tombeau, doit-
on croire que l'Auteur des miracles le loit icrvi de l'opération de faran pour les
annoncer ôc les promettre en fon nom? la vertu i'urnaturelle que Dieu faifoit for-
tir de ce tombeau n'étoit-clle pas également la lource des convulfions & desgué-
rifons miraculeufcs , qui pour lors en ctoient le fruit ? doit-on féparer le moien de
l'effet ? cll-il permis de les partager entre Dieu ôc le diable , qui en ce cas auroicnt
concouru à la même fin, ce qu'on ne peut dire fans blafphême ?
Mais voici encore un autre pliénoraéne quijulHfic de quel principe venoient
les convulfions de la fourde S\. muette.
„ Apres que la dite Bigot (difent les Dames Hos;u&; Bcaufils) eût refté dans.
„ cet état jufqu'à ç. heures du foir, elle revint tout d'un coup à elle, «Scelle n^pa-
„ rût point fatiguée, ni de les violentes agitations, ni de fon évanouiflement qui
„ avoit duré fi long-tems , & pendant lequel il fût impoffibledc lui faire rifnava-
„ 1er ,1a dite Bigot n'aiant rien pris depuis la veille jufqu'à p. heures dti foir. „
,, Elle refta ainfi jufqu'à 9. heures du foir, 'difent les Sieurs Sabi & i\\ femme ,)
„ ôc ce qui nous furprit fort-fùt que lorfqu'elle fût revenue à elle, elle ne fe trou-
5, va point du tout fatiguée : elle avoit au contraire l'air fort gai , 5c fort alerte,
.„ & elle mangea de fort bon apétit. „
Dans quel abattement extrême , dans quel anéanti flcmcnt total n'auroit pas
dû être imc perfonne épuifée par une inanition de 24. heures, 6c qui depuis 7.
heiuTS du matin jufqu'à p. heures du foir avoir été fucccffivemait £c fans relâche
tourmentée par les mouvemens convulfifs les plus impétueux, Scaffoiblie parles
langueurs d'un évanouifiement très-long.
Qiii a donc pu rendre fi fubitement les forces à une perfonne dont l'épuife-
ment ne pouvoit manquer d'être excelïïf ? qui a pu faire celfer dans un inli:anc
l'afîbibliflemcnt général qu'avoient dû lui caufer, une diète fi long-tems proloa-
gée, des mouvemens fi précipités & fi violens, une défaillance C\. entière &: fi lon-
gue ? qui a pu joindre à ce rctablilTement fi prompt , l'air vif, fatistàit, animé,
qui a caufé l'admiration de nos témoins.
Reconnoiflons à ces traits celui dont la volonté produit les êtres : celui qui frapc
Scquiguciit tout à la fois : celui qui peut faire fuccéder fans intervalle le calme dc
la paix à l'agitation la plus violente, la force & la vigueur à l'anéantiflcment des
plus longs cvanouifl'emens , la gaieté &: la joie aux douleurs les plus cxcelîîvcs.
Le Maître fouverain de la nature n'a pas befoin d'y trouver les agens qu'il a
deilcin d'emploier: fa volonté donne l'être à ce dont il veut fe fervir: & fans
épuifcr Ça créatures, il leur fait faire tous les mouvemens qu'il lui plait, parce
qu'il leur fournit en mênic-tems toute l'.ibondance d'efprits nécellaires pour exé-
cuter tout ce qu'il veut.
J-e lendemain matin fût encore marqué parunc autre preuve queJefu^-Chrill don-
na lui même en perfonne , qu'il étoit l'Auteur des convulfions de la lourde & muette.
La Dame Chevalier dcpofe que le lendemain i8. Aoult, aiant d'abord été cit'
tendre la me[l'e à S.Mcdnrd avec la femme ilu Sieur Hogu, celle du Sieur Beau-
fils, 8c Catherine Bigot „ les convulfions avoicnt: pris à cette fille d.in^ TEglifc,
„ quelque] tcms Avaiw i'clcvation avec une violence épouvantable > de façon qu'el-
„ les
IDKE DE VOEUP-RÊ DES CONFULSIONS. 17
Ci les avoicnt été obligées de k foire tenir pendant le refte de la mefîe. „
Ainfi la préfence du Maître produit le- même effet que le tombeau du fervi-
teur. Jefus-Chriil: paroit voilé fous les efpeces qui le couvrent ; & afin qu'on ne
puiflc douter que les convulfions qui fortoient du tombeau du Bien-heureux Appel-
lant ne fuffent cnvoiées par lui, il veut que fa préfence en donne de pareilles.
Les Dames Ho,2;u Se Beaufils certifient comme la Dame Chevalier, que le
2.8. Aouft Catherine Bigot eût ,, des agitations toutes auffi vives que la veille,
„ qui commencèrent dans l'Eglife de S. Médard pendant qu'elles entendoient la
„ mefle avant qu'on l'eût menée dans le cimetière. „
Le Sieur Chevalier déclare pareillement que ce Jour îei convulfton: prirent (Ta-
lord à Catherine Bigot avec la dernière violence au milieu de la mejje , que les per-
fonnesqui la conduifoient , avoicnt ^ahord été entendre dans l'Eglife de S. Médard.
On la fit enluite mettre/?^' le tombeau , dit le Sieur Hogu , ok elle fe laijjfa mettre
"volontairement , i3 comme faroijj'ant U foubaiter.
Elle parût fort aifc eju^on la mît deffiis /? tombeau , difent les Dames Hogu&c
Beaufils :«f^«»«/«5 auff.-tôt qu'elle y fût fes agitations devinrent fi furienfes que per -
fonne ne pouvoit plus la retenir. Oneiît toutes les peines poffibles à la ramener dans
une voiture chez la Dame Chevalier j C> tout le long de la journ-ée jufqiià p. heu-
res du fcir y elle eût de pareilles agitations.
„ Elle refla encore, (dilent le Sieur Sabi & i^\^ femme , ) fans connoiflancc
5, jufqu'à 5. heures du foir ; mais s'agitant avec encore plus de violence qu'elle
„ n'avoit fait le jour précédent :& cependant lorfqu'elle fût revenue à elle , elle
„ parût auflî fraiche, aufli tranquille, & fc portant auiTi-bien que fi ce n'avoit
j, pas été elle qui eût eu ces furieufcs agitations. „
Auffi les Dames Hogu & Beaufils, déclarent-elles „ que le jour d'enfuite qui
„ étoit le ip. Aouft , quoique cette fille eût été fi violemment agitée la veille de-
„ puis 7. heures du matin julqu'à p. heures du foir, elle leur parût fi fraiche,
„ n tranquille 6c fi peu fatiguée , quelles réfolurent avec la Dame Chevalier de
„ la mener à pied à S. Médard. ,,
La Dame Chevalier certifie pareillement „ que le lendemain ip. cette fille
„ s'étant trouvée trés-fnùche , & nullement fatiguée de fes convulfions de laveil-
„ le, elles partirent toutes quatre à pied pour fe rendre .^ S. Médard.. . où aiant
„ d'abord été entendre la mefle, les convulfions a\'oicnt commencé à prendre à
„ cette fille avec la dernière violence au même endroit de la mefle qu'elles lui
„ avoient pris le jour précédent. Que l'aiant fait mettre fur la tombe, elles ■
„ avoient encore augmenté d'une manière horrible jmais que ce jour elles avoient
„ ceffé auffi-tôt que cette fille avoit été ôtée de defllis la tombe. „
Le Jeudi les convulfions de lafourde & muette furent bien moins fortes que les vît.
jours précédens. Preuvfs a«
C]c fut le lendemain 5 1 . Aouft qu'il plût au Maître de la nature de faire éclat-do ï-^àànt
ter fon ouvrage. ''^ ''"""'
Aulli-tôt qu'on l'eût mife fur le tombeau, elle tomba en une efpecc d'extafc. ,, Elle
„ tomba comme en létargie, paroifllmt fins mouvement & fans fentiment (dit ic
„ Suiffe de S. Médard.) Après qu'elle eût refté aflcz long-tems de cette façon, la
,, femme qui étoit avec elle la tira par le bras pour la faire fortir de dcfliis le
„ tombeau en lui difant: allons. Cette fille ouvrit les yeux, leva la tête & lui ré-
„ péta le même mot : ce qui fit faire une grande exclamation à la pcrfonne qui
„ la tiroit par le bras. Auffi-tôt plufieurs perfonncs fe mirent à crier : miracle.
IjX Dame Chevalier dépofe pareillement. „ que le 31. Acuft l'aiant fait mettre
„ fur la tombe , elle y eût une efpece d'évanouiffcment qui dura aflcz long-tems ,
Ohjn^cat. Ptirt. 2. Tome IL C &
i
i8 IDE'E DE LOEUVRE DES CONFULSIONS
„ & que l'aiant tiicc par le bnis êc lui aiant dit: allons , allons } voulant la faire
fortir de dcflus la tombe , elle entendit cette fille qui lui répéta tout haut le
,, mot , allons j ce qui la furprit fi fort qu'elle relia tout hors d'clle-mcinc ; que
„ cependant pluficurs pcrfonncs qui fçavoicnt que cette fille ctoit lourde &
„ muette de naiflancc, fc mirent à crier: miracle. „
C'ell ainfi , ô mon Dieu ! qu'après nous avoir fait pafTer par de douloureufes
épreuves, vous nous donnez tout à coup des marques fenfibles de votre bonté.
Vous nous avez appris vous même que c'eft par les fruits qu'il fiait juger de 1%
qualité des arbres: fi c'crtpar les effets qu'il faut juger delà caufe qui les produit,
à qui devons nous attribuer des convulfions que vous couronnés par une œuvre
de votre droite , où votre bonté & votre Toute-puifiixnce fe montrent à découvert.^
En effet à quoi aboutiflcnt au bout de quatre jours les convulfions de la fourdc
Se muette? à un miracle du premier ordre, qui ne peut être l'ouvrage ciuc de
celui qui fcul fait entendre les fourds , ôc parler les muets : quifcul peut créer des
organes qu'il avoit refufés lors de la naiflance. C'cll; dans letems même que cct-
tc'^fiUe cil dans un évanouifiement de convulfion que ce miracle s'opère i ce mi-
racle annoncé par les foulfranccs des plus violentes convulfions, en eil en quel-
que forte la récompcnfe : ainfi ce miracle Se ces convulfions ne font proprement
qu'un feul tout : les convulfions fervent de préparation au miracle , le miracle
en eft le fruit.
„ Je la pris par le bras (dit le Suifie) pour lui fiiire faire place , 6c la mener
„ à la facriltie faire fa déclaration: je la prefentai à M. Graflart notre Vicaire à
,, qui plufieurs pcrfonnes déclarèrent que cette fille étoit fourdc & muette
,j de naiflancc. M. Graftart lui dit en la regardant : mon Dieu ! & fur le champ
^ elle lui répéta les mêmes mots. M. delà Monnoirc Sacriftain lui dit auflî qucl-
„ qucs mots, qu'elle répéta pareillement. „
Mais écoutons M. l'Abbe de la Monnoire nous rendre compte lui-même
de cet événement. „ Je certifie (dit-il) que le 31. Aouft ly^i.taifant les fonc-
„ tions de Sacriftain dans la paroiflc de S. Médard à la place de M. Defroches
,, qui étoit pour lors exilé, plufieurs perfonnes vinrent en foule à la facrillic
„ dire qu'une fille fourde 6c muette de naiffance venoit d'entendre 6c de par-
,, 1er étant fur la tombeau du Bien-heureux François de Paris : qu'on préfenta
„ un moment après cette fille ii iVl. Thomas Grafiart Vicaire de S. Mcdard en
„ ma préfcnce: que les femmes qui l'accompagnoicnt lui dirent qu'elle s'appel-
„ loit Catherine Bigot , 6c qu'elle étoit nièce du Sieur Hogu Geôlier des pri-
„ fons de Verfailles. Que M. Graffart aiant voulu éprouver s il étoit vrai qu'cl-
„ le entendit 6c qu'elle parlât, lui dit ces mots : mon Dieu, qu'elle répéta furie
„ champ fort dillinctement: je lui dis cnfuitc ces mots: mon Perc, qu'elle rc-
„ péta auflî. Et comme les femmes qui étoient avec avec elle nous aflurcrent
„ qu'elle n'avnit jamais rien entendu , pasmcrac le plus grand bruit, je pris une
„ note d'un miracle aulfi éclattant. „
Qu'oppoferont à un tel miracle les incrédules, les Confiitutionnaircs, & ceux
des Appcllans qui attribuent tout le furnaturcl des convulfions au Démon? Ofe-
ront-ils dir? qu'une privation d'organes depuis la naiffance puiife être réparée
par le Démon? Il cil ici queflion d'organes qui n'avoicnt jamais cxillé, & par
conféqucnt d'une création nouvelle. Auront-ils donc le front de foutcnir que
Dieu donne à la plus détcllable de fes créatures le pouvoir de créer , qui cil le
caraftcre cfrentècl Se incommunicable de la Divinité? Ceferoit un blaiphcmc, ou
du moins une grande erreur. Il ne leur relie donc d'autre parti que de nier les
faits. Rapportons-cnqui foicnt encore plus frap.uis, Sc accablons tous les adver-
fairci
I
IDE'E DE VOEUVRE DES CONFULSIONS. 19
{aires des œuncs de Dieu par le poids d'une multitude de témoignages , dont il
y en aura de fi refpeftables qu'ils n'oferont fe fouftraire à leur autorité.
La D"*. Chevalier étant, dit-elle „ accablée, .de la foule du monde qui cnviron-
,^ noit la miraculée, ne fongea qu'à gagner au plus vite ia maifon avec cette fille."
„ Auflî-tôt qu'elle y fut de retour, aiant dit à fon mari tout ce qui venoit d'arriver,
„ fon mari parla à cette fille qui lui répéta prefque toutes les paroles qu'il lui
„ dit: ce qui la mit dans un C\ grand étonncment qu'elle en étoit toute faifie. „
Le Sieur Chevalier déclare pareillement, „ que fa femme lui aiant raconté
„ cela toute tranfportcc dans le moment qu'elle fût de retour chez lui , il dit
„ quelques mots à cette fille aflez haut , 6c qu'il fût aufli frapé d'admiration
„ que fa femme, quand il entendit que cette fille lui répéta les mêmes mots du
„ même ton : qu'il lui en dit encore d'autres aflez bas , qu'elle répéta de même ,
„ ... ce qui étoit une preuve inconteitable qu'elle avoit entièrement recouvré
j, dès ce jour-là l'uf.ige de l'ouïe qu'elle n'avoit jamais cû auparavant. „
Le Récit du Sieur Sabi & de fa femme a quelque chofe de \\ naturel , & en
même-tems défi bien circonilancié par rapport à cet événement , que nous croi-
ons ne pouvoir mieux fiiirc que de le rapporter prefque tout au long.
5, Le 31. Aouft, (difent-ils ) la Dame Chevalier un moment après qu'el-
„ le fût arrivée . . . entra dans notre appartement avec un air tout efïaré , &:
„ nous dit paroiiïlint toute hors d'elle-même , que nous vinfiions voir au plus vite :
„ que Catherine Bigot entendoit & parloit nous y courûmes avec empref-
„ fement le Sieur Chevalier lui dit devant nous plufieurs mots qu'elle ré-
„ péta > mais un peu imparfaitement, mangeant fouvent la fin des mots. Nous
,, lui dîmes aufil chacun plufieurs mots qu'elle répéta paflablement-bien : £c
„ nous étant avifez de lui dire les mots fyllabe à fyllabe , nous entendîmes avec
„ plaifir qu'elle répétoit la plupart des fyllabes auiîi parfaitement que nous-mê-
„ mes, y en aiant néanmoins quelques autres, fur-tout lors qu'il y avoit desR.
„ qu'elle avoit delà peine à prononcer , ayant encore la langue fort épaifle. Mais
„ nous pouvons aflurcr que dès ce premier jour elle entendoit aufil parfaitement
„ que l'on puifie entendre. Le bruit de ce miracle s'étant en peu de tems foit
„ répandu, il vint une infinité de perfonnes de tout état, &: de toutes condi-
„ tions pour la voir dès ce premier jour-là &: les jours fuivans pendant plus d'un
„ moisi & d'abord que quelqu'un fe prélentoit à elle, elle répétoit ce qu'il lui
„ difoit ne refufmt perfonne ; & quand on ne lui difoit plus mot elle répétoit
„ ce qu'elle entendoit dire derrière elle au monde qui étoit dans la chambre,
„ ou imitoit le mieux qu'elle pouvoit tous les fons qu'elle entendoit, parlant
j, prefque fans cefiej mais à la vérité ne prononçant les mots qu'imparfaite-
„ ment, parce qu'elle ne fçavoit point ce qu'ils vouloicnt dire, 6c ne répétant que
„ le bruit : ce qu'elle faifoit continuellement , paroiiTant y avoir un véritable plai-
„ fir; 6c d'abord que quelqu'un cognoit à la porte, elle étoit toujours la pre-
„ miere à l'entendre 6c à montrer la porte du bout du doigt, ^ fi elle enctoit
5, proche elle l'ouvroit au plus vite. „
Epargnons au leéteur une plus grande quantité de pareils témoignages , qu'il
trouvera dans les pièces jiiftificatives : bornons-nous à celui dont les témoins font
fi refpeftables que qui que ce foit n'ofera refufer de les croire : il eft rendu par
Madame Dagucffeau de Gucixhois fœur de M. le Chancelier: par M. L'Ab-
bé Boifot, par feu M. Labbé Curé de S. André, par M. le Préfident de
Voigni, par M. Clément Confeillcr au Parlement 6c plufieurs autres perfon-
nes rccommandablcs. „ nous attcilons , (difent-ils) que dans le mois de fcp-
„ tembrc 173 1. aiant oui dire qu'une fille fourde 6c: muette de naiflance nom-
C z mec
zù IDE'E DE VOLVVRE DES CONVULSIONS.
, „ mce Githciinc Bigot nicce du Sieur Hogu Concierge des priions de Vciniillcs,
„ avoit recouvert riiHigc de l'ouïe 5c de la parole le 31. du mois d'Aoult pré-
„ cèdent fur le tombeau de M. de Paris, nous avons été la voir. . . Qiie nous
5, avons trouve que cette fille entendoit fort bien, Se même qu'elle répétoit
„ quoiqu'imparfiitement la plupart des mots que chacun lui difoit. Qii'^^i lavé-
„ rite il lui rclloit une épaiflcur dans la langue qui l'empcchoit de bicnpronon-
,, cer certaines fyllabes -, mais qu'il y en avoit plufieurs qu'elle répétoit afTcz
„ exaélcmcnt. Qii'au furplus elle ne difoit aucun mot d'elle même, 6c qu'on
„ voioit bien par fes repétitions, qu'elle ne comprcnoit point la lignification
„ de ceux qu'elle difoit : ce qui f^ifoit afiez connoitrc que ce n étoit que depuis
„ peu qu'elle commençoit à entendre. Qiie cela fe voioit encore par l'empref"
j, femcnt qu'elle avoit à répéter tout ce que chacun difoit, ôc même quelque-
„ fois à imiter le mieux qu'elle pouvoit avec fa bouche les bruits qu'elle entcn-
„ doit, 8c le plus fouvcnt à marquer de la main Se des yeux d'où vcnoit ce bruit ,
„ n'en entendant aucun que cela ne lui donnât un mouvement de vivacité Se un
„ air de contentement fur le vifage 5c dans les yeux. „
D'où venoit à cette fille ce mouvement de vivacité 5c cet air de contentement fur
le vifage 5c dans les yeux fitôt qu'elle entendoit quelque bruit , fi ce n'cil du
plaifir qu'elle avoit à entendre, qui étoit pour elle un plaifir tout nouveau? Pour-
quoi ne comprenoit-elle point la fignification des mots qu'elle répétoit. Il ce
n'eil: parcequ'cUe avoit été jufqu'à l'âge de 16. ans fans les avoir entendus ? ^infî
le témoignage authentique qui attelle tous ces faits, prouve en mcme-tems , 5c
que cette fille entendoit parfaitement, 5c que cen''étoit (^ue depuis peu qu'elle coni'
?i:ençoit à entendit^ fuivant que tous ces rcfpcétables témoins l'ont jugé cux-mc-
mcs en la voiant.
Qui ofera révoquer en doute qu'il n'y ait que l'Etre des êtres qu-i ait pu rendre
ainfi' l'organe de l'ouïe après l'âge de z6. ans à une perfonne qu'il en avoit privée
lors de la formation de Ion corps.'' C'cll: donc ici un miracle incontcft.ablc dont
on ne peut fins impiété rcfufcr de rendre gloire à Dieu. C'ell un miracle pa-
reil à l'un de ceux que Jefus-Chrift donne en preuve aux difciples de S. Jean
Mt. II. de fa qualité de Fils de Dieu. ^Ikz, dit-il, racontez à Jean ce que "Joiis ai'ez
4-^ s- ^.^ jg^ fourds entendent , les muets reffufcitent.
Vin. Mais, dira-t-on, pourquoi Dieu a-t-il laific tant d'cpailTeur dans la langue de
«ix'obKa!* "ïïc fi'^c 5 qu'elle l'empêche de bien prononcer une grande partie des mots ? Pour-
ons qu'on quoi nc lui a-t-il pas donné l'cfprit de comprendre le lens de ce qu'elle entend?
""j'Dieu ne fiait pas des miracles en vain: cependant ce miracle qu'on nous vante
tant, pnroit prcfque entièrement inutile à cette fille. Deux témoins, la femme
d'Hogu 5c celle de Beaufils déclarent même, qu'étant venues la revoir quelque
tcms après,, elles ont remarqué qu'elle ne fait que foit peu de progrés, commen-
,, çant feulement à dire quelques mots d'elle-même, à nommer les choies les plus
,, néccnaircs à la vie, 5c A dire : au nom du Pcre, du Fils, 5c du S. Efprit. Mais
,, d'ailleurs qu'elle a perdu la vivacité qu'elle avoit d'abord , 5c le plaifir qu'on
„ voioit. qu'elle avoit de répéter ce que chacun difoit, 5c qu'elle cil devenue
„ plus timide qu'elle n'avoit jamais été de fa vie , 5c qu'elle a un air trille, étonné
j, cC cmbarralTc, qui vient apparemment de ce qu'elle a peine de voir qu'elle nc
„ comprend point ce que chacun dit : ce qui la rend toute farouche. „
A quoi on peut encore ajouter que cet air farouche, trille, timide , étonne,
cmbarralTc lui cil demeuré jufqu'à prefcnt depuis qu'elle s'ell appcrçuc qu'elle
n'a pas la facilité qu'ont toutes les autres pcrfonnes de comprendre tout d'un coup
'x fcns de ce qu'on dit. Eu forte qu'il n'y a préfcntcmcnt que ceux avec qui clic
f»ie contre
'IDE'E DE VOEUFRE DES CONVULSIONS. zi
cft la plus familière qui puiflent tirer quelque parole d'elle, & qu'elle demeure
le plus fouvent avec les autres dans un morne & trille fdence, qui la fait paroî-
tre prefque imbécile} êc qu'au fond elle a ii peu d'intelligence qu'à peine a-t-on
pu l'inftruire des premiers élémens de la Religion, 6c qu'elle pargît incapable de
rien apprendre au delà.
Or, dira-t-on, fi Dieu avoit voulu faire un miracle en faveur de cette fille,
ne l'auroit-il pas fiit d'une manière plus parfaite & plus digne de lui? N'auroit-il
pas pu en lui rendant l'ouïe, lui ôter en même tems la difficulté qui lui refte à
prononcer certains mots , Se lui donner plus d'intelligence pour la rendre capable de
mieux profiter d'une fiiveur qu'on repréfente comme fî finguliere Se iî admirable ?
Tel eil: l'égarement de notre fieclc. Qui fom mes -nous donc, ô mon Dieu,
pour vous prefcrire des règles dans la manière dont vous devez opérer vos mer-
veilles! Qui fommcs-nous pour ofer décider à la lueur de nos lumières téné-
breufes de ce que vous auriez dû faire !
Il n'y a que Dieu qui puiflc rendre des organes à une perfonequi ena été dé-
pourvue ennaiffant. Le Tout-puiflant pouvoit fans doute diminuer en même tems
i'épaifleur de la langue de la miraculée: il pouvoit éclairer fon efprit d'une maniè-
re furnaturelle, ou du moins lui donner beaucoup plus d'intelligence Se de péné-
tration qu'elle n'en avoit eu jufqu'à ce moment. Mais parcequ'il n'a pas jugé à
propos de faire ces deux autres miracles, en eft-il moins l'auteur du premier ?
L'intention de la Dame Hogu en faifmt mettre la nièce fur le tombeau de iVîv
de Paris n'étoit que de demander à Dieu par l'interceffion de ce Bien-heureux
Appellant de faire la grâce à cette fauvre malbeureufe , de la mettre en état de h
cownoiîrc : ce font fes termes.
Dieu lui a accordé tout ce qu'elle demandoit : il a rendu à fa nièce Torgane
de l'ouïe. Se par ce moyen il l'a mife en état d'apprendre les principaux points
de la Religion: il l'a mife à portée de le connoître Se de l'aimer. Cette grâce lî
importante pour le falut éternel, n'ell-cUe donc pas allez précieufe ? Et parcetjue
Dieu n'a pas accompagné ce miracle de tout l'éclat qu'il auroit eu , s'il avoit ea
même tems donné à cette fille une plus grande facilité de parler Se de compren-
dre le fens de tous les mots qu'elle entendoit , eft-il permis de dire qu'il n'a rien
fait pour elle , Se que ce miracle lui eft prefqu'inutile.
Au furplus fi cette fille avoit aifément comprisla fignification des mots, les ad-
vcrfaires des miracles n'auroient pas manqué d'en conclure que c'étoit une preuvs
évidente qu'elle les avoit entendus dès fa jeuneffe. Peut-être Dieu a-t-il voulu
leur ôter ce prétexte d'incrédulité , en kilTant une preuve toujours fubfiftantê
que cette fille n'avoit jamais rien entendu jufqu'au 31. Aouft. 173 1. puisqu'elle a
cû depuis tant de peine à comprendre le fens des mots quoiqu'elle en entendit fort
bien le fon. Mais ce qif on ne peut révoquer en doute c'eft que cette fille, après
avoir été 26. ans f\rs entendre, pas même le plus grand bruit, pas même des coups
d'armes à feu tirés à fes oreilles, à tout à coup entendu auffibien qu'on puifle en*
tendre : ce qui démontre que l'organe de l'ouïe lui^aété rendu dans le dé<jré le plus
parfait. Or que! autre que le Créateur eût pu former cet organe?"
Il ne me relie plus qu'à répondre à une autre cfpecc dobjcctiorî.;
On m'a mandé qu'un des plus gnmds^ adverfaircs des miracles, qui vient d'avoir'
le malheur de fe fiiire Evéque à force de blafphêmes } avoittàchéd'obfcurcir l'é-
clat de ce miracle, en avançant que l'hiftoire prophane fournit trois exemples
d'cvénemens qui lui paroilfent prefque femblables à celui-ci: d'ocr il conclut
qu'il a pu arriver fans miracle, Mais' outre que ce téméraire Auteur n'ofc donner'
pour certains les faits q^u'il i>af porte, étant lui-même obligé de convsuii: que les=
C 3 Pere»>
it IDE'E DE VOEU F RE DES CONVULSIONS.
Pcres de l'Eglife ont reproclié aux Paicns d'avoir fouvent fer^é de pareils faits qui
n'avoient d'être que par le menfonge , quand même on fuppoieroit ces trois exem-
ples comme conftans, il fuffir d'en comparer les faits avec le miracle en qucftion
pour en fentir toute la diftcrence.
Le premier des exemples rapporté, dit -on, par DomLatafte dont je n'ai point
lu. les ouvrages, eft celui de trois lourds de nailTmcc, & qui par uiic fuite nc-
ceflaire étoient relies fans parler, à qui un homme , à force de foins Se d'indulbie
avoit fait comprendre le fcns des mots, leur avoit même appris à écrire 6c à pro-
noncer pluficurs paroles.
Quand il feroit vrai qu'un homme fort inventif, très-attentif & très-patient,
auroit trouvé le moien de faire comprendre à des fourds la fignifi cation de plu-
fieurs mots, en les leur montrant par écrit & leur fiilunt remarquer en même
tems les chofes qu'ils lîgnitîcnt , 6c qu'il auroit eu le talent de leur faire prononcée
quelques paroles, en leur failant imiter le mouvement de la langue, des dents 6c
des lèvres? quel rapport toute cette ingénieufe mécanique a-t-ellc avec un mira-
cle par lequel le Tout-puiiïimt rend tout à coup l'organe de l'ouïe dans un degré
parfait à une perfonne qui en avoit été privée lors de la formation de fon corps?
J^'homme cité par Dom Latalle n'a pas prétendu avec toute fon indurtric pou-
voir donner la faculté d'entendre aux fourds qu'il inllruifoit: il s'efl: appliqué
au contraire à leur faire comprendre le fens des mots quoiqu'ils n'en cntcndifîent
pas le fon. Il n'y a jamais eu qui que ce foit aflez peu fenfé pour s'imaginer pou-
voir rétablir des organes à une perfonne qui en eft dépourvue. Qiiand même
un fourd de naifîance n'auroit pas été totalement privé du timpan des oreille? ,
5c que la iurdité ne vicndroit que de la mauvaife conformation de ce tambour,
l'expérience de tous les lîecles ne laiffepas douter , que des organes mal conftruits
ne le rctabliffcnt jamais , &: que tous les dél^autsdanscequi forme eflcntiellemcnt
l'organe comme cil le timpan de l'oreille, font ablblument irrémédiables. Auflî
jamais la médecine n'a-t-elle ofé tenter d'y apporter aucun remède : il n'y a que
celui fcul qui fait les organes qui puilfe reformer Ion ouvrage.
Le fécond exemple cité par Dom Lataftc ell celui du fils du Roi Crccfus qui étoit
muet de nailTance , mais qui n'étoit pas fourd , puifqu'il fçavoit parfaitement ce que
tous les mots llgnifloient. Ce Prince voiantun foldatprct àtuer fon père, fit un lî
grand effort de la langue qu'il cria; ayrête^ ce qui lui fît recouvrer la faculté de
parler.
Il ell: évident que le fils de Crœfus n'étoit muet que parce que le mouvement de
fa langue étoit arrêté par quelques filets , qui furent tout à coup brifés par le
violent effort qu'il fît.
Il ne falloit point créer d'organe pour lui donner la facilité déparier. Le terme
d'organe ne convient mémo proprement qu'à ce qui eft eflcnticl a la perception
des cinq lens. Or la faculté de parler n'en eft point un. Au furplus le fils de
Crccfus avoit toutes les parties néceffaires pour parler : la langue etoit feulement
cmbarrafféc par quelque empêchement aifc à rompre : mais s'il avoit été fourd
de naifllmce, tous les efforts poflîbles n'auroicnt pu former les parties qui luiau-
roicnt manqué pour entendre.
Il en eft de même du troifiémc exemple qui eft celui d'un athlète muet 6c non
pas lourd, à qui Tcffort de la colère dégagea la langue.
Ces trois exemples recherchés avec tant de loin jufqucs dans l'antiquité la plus
reculée, jufques dans les livres des idolâtres fi fouvent remplis de fiiblcs , neprou-
vcnt donc autre chofe que l'inutilité des efforts, que ceux qui cherchent à Icfou-
llraire auxdccifions des miracles font pour tâcher d'en diminuer le poids.
Dieu
IBE^'E DE VOEUFRE DES CONFULSIONS. 25
Dieu nous parle par des miracles : Dieu nous parle par des prodiges : mais on
ne veut pas l'écouter. On affefte de décrier les prodiges : on s'efForce d'éluder fcs **
miracles. Hélas , Seigneur ! En vain nous parlerez-vous fi vous ne nous donnez
vous-même des oreilles pour entendre. La plupart des Chrétiens font devenus
fourds à vôtre voix. Ha! formez vous-même en nous tout ce qu'il faut pour la
faire retentir jufqu'au fond de nos cœurs , avant que le tems des vengeances vous
engage à nous punir de notre furdité volontaire.
Le miracle dont je viens de rapporter les preuves, avoit non feulement été
annoncé par de doulourcufes convulfions auxquelles la fourde & muette n'avoit
pu fe livrer avec empreffement que par un inftinét furnaturel que Dieu fcul pou-
voit lui donner : mais ce miracle ell né dans lefeinmêmcde la convulfion, Dieu
aiant voulu l'opérer pendant le tems d'un évanouiflement convulfif. Ainfi il neft
pas polfible de refufer de fentir la liaifon qu'il y a eu entre les convulfions de cette
fille & le miracle qui en a été pour ainfi dire le couronnement.
Mais fournilTons encore au lecteur des preuves plus fenfiblcs 6c plus frapantcs , ix.
que dans les premiers tems des convulfions, il y en a eu plufieurs que Dieu a unies 1^" ""on""'"
lui-même d'une manière fi marquée à des miracles, quelles ontétévifiblementle'^'''2''°f'' '«
moien phifique dont il lui a plii de fe fervir pour les opérer. ^e'"^a'r"'i'^
C'eft ce qui a été publiquement reconnu par quantité de Médecins & de Chi-'i'""' ^^'"'^ »
rurgiens, qui dans ces premiers tems venoicnt enfouie examiner ces prodiges, mê-lSrades!'
me par quelques-uns de ceux qui étoient envoies par la Cour.
Tous ces maîtres de l'art ne pouvoient alors fe laffer de dire que s'ils avoient
le pouvoir de difpofer à leurgre de l'action des efprits animaux 5 de les fiire obéir
à tous leurs commandcmensi de les envoier déboucher tous les canaux oblhués
divifer les matières groffieres qui s'étoient fixées & épaiflies , chaflcr toutes les
liqueurs corrompues , réchauffer les parties froides , ranimer les languiflantcs &
leur faire faire toutes les autres opérations que le mouvement de la convulfion
leur fiiifoit exécuter à leurs yeux -, il n'y a prefque pas de maladies qu'ils ne trou-
vafient le moien de guérir très promtement.
Ils prétendoient même dans ce tems-là que les convulfions opéroient lesguéri-
fons d'une manière en quelque façon naturelle , en proportionnant le mouvement
des efprits animaux aux différens effets qu'il falloit leur faire produire pour guérir
les maladies.
Ces fiiits ont été trop publics pour pouvoir être démentis. Feu M. l'Evêquc de
Montpellier dont le témoignage eit fi refpcélable , du moins pour tous ceux qui
n'ont pas pris la vérité en haine, attefle lui-même qu' „ un grand nombre des
„ plus habiles maîtres de l'art qui avoient étudié ce phénomène avec une appli- in^. r,({.
„ cation infatigable , reconnoifloicnt hautement que les convulfions étoient pour''" ^♦•^""'^
„ plufieurs un moien phifique de guérilbn. Lemoien (continue-t-il)leurparoifibitpfio"/'"^*
„ tellement afibrti 6c proportionné qu'ils avouoient ingénument qu'ils n'auroient
„ pu s'y prendre autrement que la main invifible dont ils admiroient l'opération,
5, s'il leur avoit été dônnné d'opérer au dedans du corps humain , 6c de fe faire
„ obéir par les efprits vitaux. „
Mais il n'y a pas jufqu'au x plus grands antagonifles des convulfions, qui n'aient
reconnu ces faits. Feu M. Fouillou Auteur du libelle diffamatoire contre Charlotc
la Porte Convulfionnaire d'une très grande piété , en étoit lui-même convenu
dans un petit écrit qu'il publia lorfque les convulfions commencèrent àparoîtrc.
L'Auteur des Examens quoique fi horriblement prévenu contre les convul-
fions, rapporte lui-même page izi, (\\.\c les. Médecins ... aclrfiirotent la proportion
quifc trouvait entre le mouvement des efprits envoies par la convulfion, (J le
réta'
14 IDE'E DE VOEUFRE DES CONrULSIONS
rétahUJfement des parties a fêlées, l'ouïes les règles de T art , continue-t-il , leurypét^
rciffoieut merveille iifement obfcrvées ^ (^ . . . ils avouaient que s'ils avoie^it été mai'
très de diriger le cours des efprits , ils n'y procéderaient pas autrement.
Au refte je pouiTois démontrer cette vérité par plufieurs faits dont l'induc-
tion ell 11 fcnfiblc & fi fnip.mtc qu'il ne feroit p;is ponibled'" la contredire. Mais
comme cela dcmandcroit un très -long détail & un fort grand nombre de pièces
juilificativcî, je crois devoir me contenter d'en citer ici un exemple dont tou-
tes les preuves font déjà fous les yeux du public. C'eft celui de la guérifoQ
fubitc de la D '^ Hardouin, S', démonlbation de mon premier Tome.
Cette D"', avoit depuis fix ans les deux jambes pcrclufc'; par une paralific
*^"."™''''°'"ir,curable. Pendant ces fix années elle avoit été fr.ipéc périodiquement par un
goer llii'rfs , , ,. ., .'^'». ' ri
ic u D. e grand nombre d attaques d apoplexie qui luy avoicnt luccciiivcmcnt fait perdre
HarJouiD. p^fJ^ge ^ç prcfque tous fes membres : enfortc qu'elle étoit devenue comme une
.v^.i<T% ; 1-.-1 m /^l-, ; 1 /i ,<?.- ;i->rr.nnmi' mur Çnn rnvrx: f-t\r\r nrp'nnVnriprpmpnr ri^iirtiirvA
e
maffe immobile Se infenfible, tout fon corps étant prefqu'cnrieremcnt dépourvu
des efprits vitiux qui procurent le mouvement &: la feniibilité.
Cependant à peine fut-elle pofcc lut le tombeau du S . Di.icre , que frs membres dé-
nués depuis fi long-tcms de tout ce qui leur ctoit nécen-iire pour faire le moindie
mouvement , furent aufli-tôt agités par les plus violentes convulfions , qui fe terminè-
rent prcfque fur le champ par une guérifonaiifll parfaite qu'elle avoit été fubite.
11 cil de la dernière évidence que les fccoudes \\ violentes que fes convulfions
donnoient à fes membres, n'ont pu être produites par un corps auifi épuifé ,
au!!! languiflant , aufll inanimé que celui de la D ". Hardouin, fans que Dieu y
ait fiit naitrc d'une manière furnaturellc une grande abondance d'efprits vitau.K
capables d'exécuter ces mouvemens.
Le cerveau de la D'''. Hardouin prefque obllmé de tous côtés par les humeur.^
cpaides qu'un très i^rand nombre d'attaques d'apoplexie y avoient de plus en plus
répandues & coagulées, n'étoit certainement pas capable de former en un mo-
ment cette abondance d'efprits de vie. Ce cerveau débile n' avoit au contraire
confervé que fi peu de chaleur Se de force, qu'il laillbit prcfque tout ion corps
dans un froid mortel ficune entière infenfiblité, f.iutc de pouvoir lui fournir des
efprits qui Icranimaflent. Par quelle vertu nouvelle auroit-il donc pu en produi-
re tout à coup une quantité prodigicufe?
Il n'y a que le Créateur des êtres qui ait pu faire naître ces efprits de feu dans
le fond d'un cerveau glacé par une obilruclion prdque tot.de, £c leur fiircaulîl-
tôt exécuter les mouvemens les plus impétueux.
Mais pour produire ces mouvemens, ce n'étoit point encore afTez de crécï
cette multitude d'efprits vitaux : il falloit en même tems ouvrir à ces efprits une
route nouvelle tout le long des nerfs pour les faire couler depuis le cerveau juf-
qucs d.\ns les membres paralitiques.
Les nerfs qui aboutiflcnt aux jambes de la D'^ Hardouin, aiant été plufieurs
années fans être humcftés par ces efprits de vie, s'étoicnt infailliblement deifé-
chés , d'où il réfulte que tous les petits conduits par où ces efprits palTent, avoient
été détruits: en effet n'cft-il pas évident que le délVcchcmcnt de ces nerfs pen-
dant fi longtcms, les avoit cxccnîvcment rcfferrés, 6c par conféqucnt qu'il avoic
comprimé, collé, efiRicétous les cm.iux par où ces efprits coullcnt.
Qiicl autre que le Tout-puiflantciu pu creuferdenouvc.iu tous ces petits con-
duits dam des nerfs racornis , dcflcchcs & rétrécis ? Or Ci Dieu fcul a pu rétablir
tout ce qui étoit néccfTiire pour exécuter ces mouvemens, qui peut douter que
ec ne foit lui qui 'es ait produits?
Mais oa cd fera encore plus conv;ùncu en voiant qu'il lui à plà de fc fervird-
ces
IDE'E DE L'OEUFRE DES CO NFU LS IONS. if
ces mouvemens convulfifs pour procurer enfuite à la D"*. Hardouin tout ce qui
lui étoit encore néceiraire pour être parfaitement guérie de fa paralific.
Lorfqiie les efprits vitaux apportés par les nerfs fe répandirent dans les membres
paralitiqucs de cette impotente , ils trouvèrent infailliblement tous les partages
fermés pour entrer dans les mufcles par le gonflement desquels ils opèrent les
mouvemens ; tous les tuiaux de ces mufcles étant reftcs durant plufieurs années-
fans avoir été traverfés par ces efprits, s'étoient néccflairement applatis 5c col-
lés , ou avoient été remplis par des matières qui s'étoient épaiilîes par le lonç
féjour qu'elles avoient fait dans ces tuiaux immobiles. M-.iis on voit tout à
coup ces efprits qui accourant en foule, frapent avec impétuofité toutes les ou-
vertures de ces tuiaux : brifent , écartent , dilîbudent toutes les matières qui leurs
en fermoient l'entrée. C'eft pour lors que les Médecins, apperçevant l'aélion
de ces efprits qui rouvrent de toutes parts les tuiaux des mufcles dans des mem-
bres perclus & à demi deflechés, & les voiant gonfler ces mufcles, qui le mo-
ment d'auparavant étoient applatis ou engorgés, s'écrient remplis d'admiration
à la vue de cette opération évidemment divine : que s'ils pouvoient difpofcr
ainfi du cours des efprits & leur faire exécuter tout ce qu'ils voudroient , ils
guériroient facilement les plus grandes maladies ; & qu'ils reconnoiffent haute-
ment que de pareils mouvemens convulfifs font des moicns infaillibles de guéri-
fon , emploies par une main invifible & toute-puilFantc.
Ainfi il cil donc vrai de dire que les convulfions de la D"-. Hardouin, &
toutes les autres femblables, ont été doublement marquées au fçeau du Tout-
puiilant. I. parcequ'clles n'ont pu être produites que par la création fubitc
d'une infinité d'efprits vitaux, & par le rétabliflement de tous les conduits des
nerfs S<. des mufcles deflechés : or il n'y a que le maître de la nature qui ait pu
exécuter de pareilles opérations , & par conféquent elles font elles-mêmes de
véritables miracles, t. parccqu'il a été vifible que Dieu s'eft enfuite iervi de ces
mêmes mouvemens convulfifs pour aioùter'à ces premières opérations miraculeu-
fes , tout ce qui étoit encore néceflliire au rétabuifement parfait des membres
perclus qu'il guériflbit parce moien.
Ainfi ces fortes de convulfions guériflantesont du leur être à des opérations que
Dieu feul apii faire, & toutdefuiteontétéparluiemploiéesàrachcvertoutcequi
manquoit encore à la perfcftion des guérifons qui ont été des miracles inconteilables.
Ne faut-il pas fe fermer obflinémcnt les yeux pour ne pas voir qu'elles ont fait en ce
cas partie de l'opération par laquelle il a plù au Très- haut d'exécuter ces miracles j
& par conféquent que l'Auteur des miracles , l'a été de ces fortes de convulfions.
Aufli feu M. de Montpellier donne-t-il pour règle que „ les convulfions (qui) ini-i"»*."}»
„ ont contribué à des miracles de guérifon , doivent être attribuées en premier W'-s^""^'
„ à la même caufe qui a opéré les guérifons C'eft (dit-il) le jugement ^''•'"'•
,, que nos Pères ont porté conflamment des convulfions qui. . . accompa-
„ gnoient les guériibns miraculcuies , (opérées autrefois aux t-Tmbea.ux de plu-
„ ficurs Saints. . . leur ingénient doit fiiire notre règle. Vérité qu'il i-lmt foutc-
„ nir pour ne point défarmer TEglilc, en la mettant hors d'état de répondre aux
„ objections des hérétiques. „
„ La liaifon (dit-il plus bas) de ces convulfions avec les miracles, ell une cin- 5. Rtg!e>
„ quiémc vérité: qu'on ne pouvoit, da.ns les premiers t':ms, Çq dilTîmuIcr : dont
„ on ne peut conféquem ment aujourd'hui renverfr les fôndcmens, & que tout
5, le monde , amis & emicmis reconnoifient encore, à l'exception d'un très petit
„ nombre d'Appcllans, qui en jugeoient eux-m.êmes prefque tous dans les pre-
.,, miers tems comme le refte des hommes. „
Ob[er-vat. 1. Part. Tome. IL D Au»
atf ^ IDE'E DE VOEUVRE DES CONVULSIONS.
Auflî dans le nombre de ceux qui font aujourd'hui les plus prévenus contre les
convuifions, tous ceux qui ont confervé du rcfpcft pour les miracles, fc font vus
forces de féparcr des autres convuifions les convullîons guériflantcs , &derecon-
ont publiquement déclaré qu'ils étoient de ce fcntimcnt
Mais Ç\ l'on ne peut raifonnablcment contefter que les convuifions gucriffàntes
n'aient Dieu pour auteur dans le genre merveilleux, pourquoi des agitations tou-
tes femblables , qui ont pris dans le méme-tems 6c fur le même tombeau à d'au-
tres perfonnes, qui venoient avecMa même foi demander pareillement leurguéri-
fon , feroient-elles d'une efpece toute contraire, lorfqu'ellcs n'ont par elles-mê-
mes rien de différent de celles dont il a plû au Très-haut de fe feiTir pour opérer
des guérifons miraculeulcs?
^ X'- , ^ Le Dieu de toute miféricorde a prévu que quelques perfonnes de piété qui fe
c.'.nvHif:rr.$ font laiflécs prévenir contre les convuifions, quoiqu'elles n'aient pas perdu lere-
J^^j'""\'','fpcct qu'elles doivent aux miracles , s'autoriferoicnt de cette dillinftionpourpou-
f.ntei & voir rcjetter k plupart des convuifions fins donner atteinte aux miracles : fa oon-
d^iuVrev'ud-'^^ infinie l'a porté à leur découvrir le faux de cette vainc diilinction, & à leur
riions, qui montrer très clairement qu'il étoit également l'auteur des premières convuifions
r.e'&tsau-gui paroifloicnt contraires à la guérifon , comme ill'étoit des convuifions guci-if-
tics, fviiwe-fantes. Pour cet eflet il a voulu que dans les mêmes perfonnes, les mêmes con-
miuciii'eu- vulfions fulfcut quclqucfois gucriflantes par rapporta certaines maladies, &:cvi-
''■'• demmcnt contraires à la guérifon de quelques autres: & il a guéri cnméme-tems
ces différentes maladies dans le cours des mêmes convuifions.
ycw fournirai un exemple bien frapant : je le choifirai comme le précédent
dans les miracles dont j'ii produit les preuves dans mon premier Tome, afin d'ê-
tre difpcnfé de faire imprimer de nouvelles pièces jultificatives.
ro^r"f,<ms *^'^*^ '■* guérifon de la D"'. Duchcnc, 4(.-. Démonftration. Cette D"'. étoit
liuériffaiiî'e! accablcc depuis plufieurs années de tant de maladies , que les Médecins ne pou-
8;con:rairctponvoicnt couccvoit Comment elle pouvoit continuer de vivre,
griérifontde luitr autrcs elle ctoit lujctte depuis trois ans a un vomilTemcnt de fang jour-
'.jjf„ç''^'''nalier par la rupture de plufieurs veines confidérablcs dans l'eftomac & dans la
poitrine, qui n'avoient jamais pu être rejointes , ce qui lui faifoit perdre tous
les jours une grande quantité de fang qui fortoit par la bouche.
Elle fembldit toute prête d'être îuftoquée par une hidropi fie généiwle qui
avoir rendu tout fon corps d'une groficur prodigieufe , & qui lui lailfoit à peine
la refpiration.
Enfin tout fon côté gauche étoit tombé enparalifie, & le bras du même côté
avoit entièrement perdu toute fcnfibilité , £c tout mouvement.
Dès le premier moment qu'elle fût fur le tombeau , tous fcs membres furent
agités d'une force inconcevable : il finit avouer que rien n'étoit plus oppofé que
ces violentes agitations à la réunion des veines qui étoient rompues dans fa poi-
trine & fon eftomac. Cependant c'efl: au milieu decesfecouffes impétueufes qu'il
plait.au Tout-puiffiint de les rejoindre, de lui rétablir en même tcms l'eftomac
& la poitrine, &: de faire ccflcr pour toujours fcs affrcufcs hémoragies.
Si le Très-haut n'eût fait que ce miracle en faveur de cette malade, on eût
été en quelque forte cxcufable d'attribuer à un autre agent que lui , les convui-
fions gui l'avoicnt agitée avec t.int de force & qui fenililoient C\ contraires à fa
guérilon : mais après ce premier miracle , Dieu fe fcrt de ces mêmes agitatioa*;
con-
IDE'E DE UOEUFRE DES CONVULSIONS. 27
convulfîves pour opérer plulleurs autres miracles fur la même pcrfonne.
Après h réiinion de fes veines, fes agitations devenues encore plus violertes,
débouchent tout à coup & ouvrent tous fes pores: une fue'ur prodigieufc coule de
tous fes membres qui ctoient d'une monilrueufe grofleur : ils fe dcfenffent en
un moment à la vue d'une infinité de peifonncs qui relient comme im.mobilcs de
lurprifc, d'ctonncmcnt & d'admiration.
Mais voici une autre gucriibn où l'aélion de la convulfion paroît encore d'u'ne
manierebien plusmarqucc : c'cil dans la guérifon de-f^paralifie, 6cfur-tout defon
bras qui avoit entièrement perdu tout mouvement 6c tout fcntimcnt. On voioit les
nerfs & les mufclcs de ce bras s'agiter fous la peau avec une vivacité tout à fait
extraordinaire: on appercevoit vifiblement l'action des efprits, qui par une vive
impulfion débouchoit toutes les obftniftions qui avoient rendu ce bras également
immobile & infenilble : & la convulfion y mcttoit tant de force que pluficurs
perfonnes qui la tenoient avoient de la peine à rcfîiler à fes fccoufles. Auflil'ef-
îet de cette convulfion fût non feulement de diflîper entièrement cette parali-
fie ; mais dès le lendemain la D"". Duchêne fe trouva d'une fanté parfaite, Se
d'une vigueur infatigable, qu'elle conferve encore aujourd'hui. On trouvera la
preuve de tous ces faits dans les pièces produites dans mon i. Tome.
Voilà donc fuccefiîvement dans la même pcrfonne des mouvcmens convul- xu!.
fifs très contraires à une première guérifon, & les mêmes mouvcmens emploiésD^ra^a ïté
enfuitc par le Tout-puifiant pour la guérir de deux autres maladies. Si l'on ne'''"'"^'^''. ''"
peut fe difpenler d'attribuer à Dieu les mouvcmens convulfifs dont il s'cft fei-vigùeriiianus.
pour guérir cette fille de fon hydropifie ôc de (-.x paralyfie, parcequ'ils ont été
vifiblement le moienphifique par lequel il lui a plû d'opérer ces deuxguérifonsmi-
raculeufes } ne feroit-il pas fouverainement ridicule d'attribuer à un agent tout
différent les premières agitations produites par la même convulfion dans la même
pcrfonne , &: qui étoient précifément les mêmes que celles dont le Très-haut a
voulu enfuite fe fervir ? MM. les Confultans fi oppofés au mélange , voudroient-ils
en iinaginer un û contraire au bon fens ? Si ces premières agitations étoient na-
turellement contraires à la réunion des veines rompues, qui ne fçait que dans les
mains de Dieu tout devient moien , même ce qui paroît le plus oppolé à l'effet
qu'il lui plaît de produire ? Loin de s'appuier fur ce prétexte pour méconnoitre
les opérations de la divinité , difons avec le célèbre Auteur des Réflexions mo-
rales : „ O profondeur adorable de la conduite de Dieu ! qui fait les œuvres. . . p- Q?"'
,, tantôt par des voies... vifiblement proportionnées, tantôt par des voies. . . i,'.''î"!' **
„ qui paroifient contraires : „ & reconnoilfons que le Très-haut a voulu nous fai-
re voir par cet exemple & quelques autres pareils, que les premières convulfions
nées fur le tombeau , ctoient également fon ouvrage , foit qu'elles ferviflent à
procurer des guérifons miraculeufes, foit qu'elles n'y fervident pas.
Je ne prétens pas néanmoins pour cela, que ces premières convulfions qui ne xiv.
confiftoient pour lors que dans de fimples mouvcmens convulfifs, doivent être '""„?"
regardées comme un don-, mais leulcment comme im état lurnaturel ou DieuconvuiLts.
mettoit le corps de certaines peribnnes qu'il attachoit en même temp à la véri-
té: état qui par lui-même n'a rien que d'humiliant j mais que Dieu a d'abord
favorifé par des guérifons miraculeufes , & auquel dans la leconde époque des
convulfions dont nous rendrons compte dans un moment, il a joint affcz com-
munément pluficurs dons extérieurs.
Au furplus il ell évident , il efl décidé par des miracles , que ces premières
convulfions venoient de Dieu, puifque plufietu's ont été le moien phifique donc
il a voulu fc fervir d'une rnamere vifiblc pour opérer des guérifons miraculeufes.
iS JT>EE DE VOEUFRE DES CONVULSIONS.
C'cft; le Trcs-haut lui-même qui parlant en Dieu a déclaré par ces miracles que
CCS mouvemens convulfifs étoient fon ouvrage, du moins entant qu'ils étoient
fumaturcls & que la volonté des convulfionnaires n'y mcttoit rien du fien. Ofer
le cont-cftcr c'cft rcfuier d'en croire fon témoignage. „ C'eft fermer l'oreille à la
s''j«r"7!» ^''^'^ ^'^ Dieu, (dit le rcfpcftable Auteur que j'ai déjà cité,) que de ne pas
a+- j, fe rendre aux miracles par lefqucls Dieu feu) peut parler aux hommes. „
Il n'y a qu'une feule exception à faire dans cette première époque des convul-
fions : c'eft qu'il ne faut pas croire que toutes les pcrfonnes qui fe font imagi-
nées en avoir, en aient eu véritablement. 11 a été aifé de reconnoître qu'il y en
a eu quelques unes, dont l'imagination frapée par le fpcélaclc des convulfions,
& animées par le dcfir d'obtenir par cette voie Li guérifon de leurs maladies, fe
font fauflcment pcrfuadccs qu'elles en avoicnt, 6c en ont imité les mouvemens
autant qu'elles ont pu. Il ne feroit pas jufte de confondre les convulfions véri-
tables avec celles qui n'avoient d'autre principe qu'une imagination échauffée, ni
d'attribuer aux convulfions fumaturcUcs que Dieu envoioit, ce qu'on a remar-
qué de répréhenfiblc dans ces f.uifTes convulfions.
Au reftc il n'a pas été fort difficile d'en faire la diflinélion. i°. L'effet des
mouvemens convulfifs que Dieu envoie a prefque toujours été de répandre une
tranquillité parfiitc dans le fang des convulfionnaires des l'inftant que leurs agita-
tions cefTent j en forte que loin d'être fiitigucs des mouvemens violens qu'ils viciï-
ncnt d'éprouver, il fe trouvent plus de fanté, de force, de vigueur qu'ils n'en
avoicnt auparavant: la plupart même ne font point du tout échauffés dans le tems mê-
me que leur corps efl agité par les mouvemens les plus impétueux ; au lieu que les
perfonncs dont les convulfions font l'effet de leur imagination, ibnt ordinairement
tout en nage dans le tems de leurs agitations , Se font enfuite très épuifécs.
t°. Les premières convulfions qui ont pris fur le tombeau du Bienheureux Appellant
a des malades ou à des eftropiés, ont prefque toutes été fuivies d'une guérifon plus
ou moins prompte par rapport aux maladies , & de quelque changement avanta-
geux plus ou moins grand par rapport aux membres perclus : au lieu que les fauf-
fes convulfions n'ont jamais produit aucun bon effet.
XV. Mais, dit-on, la plupart des cflropiés qui ont eu des convulfions , même ceux
,.„^,'"j^''^""dont les violentes agitations ne les fatiguoient point 6c qui leur prenoient juf-
eiifnns im- qucs daus Ics mcmbrcs perclus 6c incapables de mouvement, n'ont point étébicn
piitii:ts. gi,^.,-i5 S'il cfl: arrivé quelque changement dans leurs membres; ce léger change-
ment n'a point produit le retabliffcment entier de ces membres , 6c les a laifTés
prclqu'aufn contrefaits qu'ils étoient auparavant. Or , ajoute-t-on , Dieu ne peut
rien faire d'imparfait; cela ne feroit pas digne de lui: ainfi on ne doit point le
croire auteur de pareilles gucrifons , qui n'étant fliitcs qu'à demi , lont pour ainfi
dire des miracles manques. Un tel ouvrage marqué d'un caractère d'impuifîancc ,
ne convient qu'à l'Ange apoftat. D'où l'on va jufqu'à conclure , que comme on doit
lui attribuer les guérifons imparfaites opérées par convulfions fur le tombeau de
M. de Paris, il faut parcillenient lui attribuer les autres guérifons plus parfaites
opérées fur le même tombeau p.ar de femblables convulfions, paiccquc ccsguéri-
fons ont toutes la même fourcc 5c le même moien phifique.
ïTT. Voilà dans toute la force à quoi fc réduit tout ce qu'on a dit de plus fcduifant
h" impir-^''"^''^ ^" ïTfiiiacles opérés par le mouvement des convulfions.
uiiM font Comme je fuis perf'uadé qu'il faut d'abord pour ne point s'égarer prendre pour
»!»!•"""" P"'"^ j^^ç ^ jjyç ^^^^ ççj miracles ont cû au contraire Dieu pour auteur, ileftné-
fcfTairc avant de continuer mon récit , d'anéantir entièrement cette objcûion,
ce qui ne fera p.vs difficile.
Je
ILË'È DE rOEUFRE DES CONFULSIONS. 19
Je conviens qu'il y a cû plufieurs cftropiés, dont les membres difformes n'ont
été rétablis que d'une manière imparfaite, entr'autres M. l'Abbé de Bccheran,
Charlote la Porte & Catherine Turpin, que je cite plutôt que d'autres, pdrccque
les preuves de leur guérifon imparfaite font entre les mains du public.
Alais je nie très fort que de pareilles guérifons ne doivent pas être attribuées
à Dieu. Rien n'eft imparfait à ies yeux que le péché. Il eft le Créateur des êtres
qui nous paroiffent les moins parfaits, comme il l'cft de ceux qui ont le plus de
perfeétion & de beauté. Sa fîigeffe eil bien différente de celle des hommes: fes
vues font infiniment élevées au dcffus de nos penfées: illuieft libre de faire tout
ce qu'il veut, 6c de ne piis achever ce qu'il a commencé : il a fouvent des motifs
que nous ne pénétrons pas , & qui font même au deffus de notre foiblc intelligen-
ce. Il ne nous appartient donc point de juger de ce qui eft digne de lui; Se c'eft
ofer donner des bornes à fa puiffance, & tomber même précifément dans l'erreur
des Manichéens , que de décider que tout ce qui nous paroît imparfait n'ell pas fon
ouvrage. Aufîî dans différens écrits a-t-on prouvé par quantité d'exemples , que Dieu
a fait plufieurs guérifons imparfaites fur les tombeaux des plus grands faints.
On ne peut nier qu'il n'y ait eu fur celui de M. de Paris des guérifons fubites
& parfaites de maux naturellement incurables , qui étoient par conféquent de
très grands miracles opérés par des mouvemensconvulfifs comme moienphifique.
De pareils miracles ne peuvent être attribués fans impiété à un autre aiient que
Dieu : ainfi au lieu de dire qu il faut faire préfent de ces miracles éclatans à l'Ange
apoftat, fous prétexte qu'on doit le regarder comme l'auteur des guérifons im-
parfaites , il faut dire au contraire que Dieu étant évidemment l'auteur de plu-
fieurs miracles complets, opérés par l'aébion de la convulfion fur le tombeau de
M. de Paris , il l'eil également des guérifons moins parfliites opérées fur le mê-
me tombeau parle même moien.
Mais je veux encore aller plus loin , 8c prouver qu'indépendamment de la liaifoa
indiffoluble que ces guérifons imparfaites ont avec de fort grands miracles , elles
font par elles-mêmes des miracles inconteflables qui n'ont pu être opérés que par
le Maître de la nature.
Toutes les guérifons imparfaites qu'ont obtenu un aflcz grand nombre d'ellro-
piés fur le tombeau de M. de Paris par le mouvement des convulfions, ont pro-
duit un changement évidemment furnaturcl dans la forme de leurs os.
Il eft conflaté, par exemple, jufques dans les procès -verbaux faits par ordre
de la Cour dans la vue de décrier le miracle opéré fur M. Pz'^bbé de Bécheranj^j^^^f • '^'
qu'il y a eu un changement confidérable dans les os de fon pied Sc de fa jambe, m. iic sens,
quoiqu'il y rcfle encore quelque difformité.
Il eft prouvé par la première requête que Charlotte la Porte a prefentée au
Parlement & par les rapports des Médecins joints à cette requête, que cette vieille
fille née le 16. février 1681. avoit encore à l'âge de plus de cinquante ans l'é-
pine du dos tournée en zigue-zague : & qu'au lieu de jambes & de pieds elle
n'avoit que des morceaux de chair molaffc qui n'étoient point grandis depuis fon
plus bas âge,& qui pendoient inutilement au bout de fes genoux n'ayant ni con-
fiftence, ni fenfibihté , ni mouvement.
Mais a peine ces lambeaux auffi hideux qu'informes furent -ils pofés fur le
tombeau de M. de Paris, qu'ils devinrent auffi-tôt animés & furent acitcs ixir
des convulfions. Depuis ce moment ils fe font allongés prcfqu'à vue à'oeil, &: ils
ont été metamorphofés en des jambes &: des pied? proportionnés au furplus du
corj)s. On a même fenti les os s'y former 6c acquérir en peu de tems une foli-
dite parfaite. Néanmoins il jr a de la defeduofité dans ces membres nouvclle-
D 3 ment
In ft. part.
p IDE'E DE UOEUFRE DES CONFULSIONS.
ment régénérés , & Charlotte la Porte ne peut prefque en f^ire uGigc.
Voilà donc une merveille manifcllcmcnt divine puifqu'elle équipole àunc créa-
tion, qui vcilc cependant inparfaicc. Qu'elle impiété, ou du moins quelle erreur
nV auroit-il point à fiippolér que c'eit le Dcmon qui a donné l'être à la multi-
tude innombrable de vaifleaux & autres parties qu'il a fallu tirer du néant pour for-
mer CCS nouveaux membres à cette vieille fille.
En même tcms l'épine de fon dos s'efl redreiïce, ce qui n'a pu encore fe faire
fims que Dieu ait opéré dans toutes les cotes un changement auiîi prodigieux
qu'inconcevable.
En effet il ell évident que lorfquc l'épine étoit contournée, les côtes qui for-
toient du côté où cette épine s'étoit entièrement jettéc, ctoicnt très courtes, Sc
que celles qui étoient au côté oppofé ctoient beaucoup plus longues, puifqu'elles
tr.tverfoient prefque toute la largeur du dos. Or l'épine n'a pu ic icdrcfler £c re-
prendre fa place naturelle ians que les côtes qui étoient vis-à-vis les unes des
autres ne ibient devenues de longueur égale , & par confcquent il a fallu que cel-
les qui étoient très courtes s'allongcafrcnt pour fuivrc l'épine qui vcnoit fe repla-
cer au milieu du dos , & qu'en même tems celles qui travcrfoient preique toute
la largeur du dos fe racourciffent. Y eût-il jamais un changement dans la forme
des os plus étonnant & plus admirable >
Il elt pareillement établi par la requête de Catherine Turpin, que depuis le
moment qu'il lui a pris des convullîons fi:r le tombeau de JVl. de Paris, il eft
arrivé dans les os de cette fille extraordinairemcnt contrefaite , des changcmens
de toute efpcce : les os de fon cou, de fcs bras î^: de fcs cuifics le font très confi-
dérablement allongés. Ceux de fes épaules ont changé de forme & fe font abaif-
fcs : ceux de fes hanches fe font diminués de plus de moitié : ceux de fes jambes
fe font redrefîcs en partie. Se cette monilrucufe nine a grandi en moins d'un an
de 7. a b'. pouces étant alors âgée de plus de 17. ans.
On trouve dans ces requêtes la preuve de tous ces faits attelles au Parlement
par des perfonnes qui font déjà dans les liens , Se qui n'auroicnt pas eu par con-
fcquent la témérité de les aviuicer fous les yeux de leurs Juges, fi la preuve n'en
eût pas été certaine.
Il ell; vrai que MM. de la grande Chambre ont pris le parti de refufer d'en
faire une information juridique, apparemment pour n'être pas forcés dcconila-
ter juridiquement des miracles, & de les publier par des arrêts. Mais il cil évi-
dent que fi ces faits n'eulfent pas été d'une certitude incontellablc , la grande
Charnbrc chargée par la Cour de faire le procès à ces deux convulfionnaires,
n'eût pas manqué d'en conllaterrimpollurc. Auilî en lifant ces requêtes £c les preu-
ves qu'elles contiennent, cft-il impolîîblc de douter de la vérité de tous ces faits.
C'eft néanmoins de pareils prodiges que M. l' Archevêque de Sens ofe appellerdcs
miracles miférables, des miracles honteux, des miracles marqués à un caniûerc
dimpuiffance, qui découvre qu'il n'y a que le Dcmon qui puillc en être l'auteur.
C'ell: d'abord convenir de là part, que tous ces prodiges n'ont pu arriver d'une
manière naturelle. En effet y a-t-il quelqu'un qui ignore mic lorfquc les os ont
acquis toute leur confillnnce & leur dernier degré de Iblidité, ils derneurent
dans un état fixe, ôc que rien ne peut plus en changer la forme fans la détruire;
rareeque la matière dont ils font compofés eff par fa nature, dure, lechc, mriexi-
ble? Cela cil fi notoire que M. l'Archevêque de Sens, quoique fi fertile en dé-
noumens, n'a pu jufqu'à préfent imaginer defecrct, pour allonger, racourcirou
diminuer les os contrefaits.
Auffi ce n'clt point à la nature ou à l'art que ccPrclat , uni en ce point à ceux
des
IBE'E DE L'OEUVRE DES CONVULSIONS. 51
des Appelions qui ofent profcrire les miracles faits par l'aftion de la convulfion,
s'efForce d'attribuer ces guérifons, c'eft au Démon; fous prétexte que la plupart
des membres difformes de ces eonvullîonn;ures n'ont pas été totalement refondus
ni rétablis dans un état entièrement parfait.
Mais les changemens fi évidemment furnaturels qui y font arrivés, en font-ils
moins pour
contraire qu'
à chacun dcfquels
communiqué une
le pouvoir de créer des pieds Se des jambes , 6c de changer jufqu'à la forme des
os, qui, de toutes les métamorphofes que Dieu peut faire dans un corps vivant,
cft une des plus admirables 6c des plus contraires aux loix qu'il a établies dans
la nature? Depuis quand cet Ange apoftat, devenu comme il lefouhaitoitcgal
en quelque forte au Créateur, partage-t-il avec lui le droit de difpofcr ainfi de
nos corps , 6c d'y former 6c réfornier ce qu'il lui plaît par une puiflance fouverai-
ne qui s'élève au deffus des loix que Dieu a impofées a toute la nature lorfqu'il
l'a fait fortir du néant ?
J'ai déjà prouvé tant de fois qu'une pareille fuppofition eit auffi infcnfée qu'-
elle eft impie , qu'il feroit fuperflu de s'étendre davantage à ce fujet, d'autant
plus que je vais prouver qu'une de ces guérifons irnparfiites a été précédée de
plufieurs miracles, où l'opération de la divinité a paru avec la dernière évidence.
On y va voir l'Etre des êtres rétablir, régénérer, recréer dans une pcrfonne xvir.
de 50. ans plufieurs de fes membres, qui aiant été fracafîes dès l'âge de 3. ans"^'"-'" ^
avoient perdu jufqu'à leur figure , 6c dont quelques-uns n'étoient plus que dcsxenird"
oflemens fecs & contrefaits, 6c qu'une mafle aride, informe ^ fans vie.
On y appercevra le Maitre de la nature guérir des anchylofes complettcs èc
très invétérées, 6c redonner une forme régulière 6c naturelle aux os d'un ge-
nou qui l'avoient entièrement perdue.
On y découvrira l'aétiondu Créateur de toutes chofes , régénérer tous lesmuf-
cks, les tuiaux 6c les vaifleaux d'un bras totalement décharné, 6c y former de
nouveau tous les os de l'articulation du coude , qui avoient été écraiés 6c anéan-
tis il y avoit plus de z6. ans.
Enfin on y reconnoîtra l'opération de celui dont la \^olonté produit les êtres , fiire
fortir une main toute entière d'un monceau confus de matière aride 6c inanimée.
Plus ces faits font incroiables, plus la providence a pris foin de nous en four- -^'^'Hf-
nir des preuves aufquelles il n'eft pas pofilblc de réfifter. les itmyiut
D'une part l'état déplorable de la pauvre païfane en faveur de qui Dieu a fait
tant de merveilles, préfentoit à la viie un objet trop affreux pour n'être pas re-
marqué. D'autre parties métamorphofes , les régénérations, les créations que
le Tout-puiffant a jugé à propos de faire de ces membres cftropiés 6c anéantis y
n'ont pas été cachés dans l'obfcurité d'une chambre. C'eft fur le tombeau dit
B-H. Appellant qu'elles ont paru: c'eft avec l'éclat du fpeélacle des plus violen-
tes convulfions : c'eft en préfence d'une multitude depcrfonnes : c'eft à lit face des
efpions de la police : c'eft à la vue des Chirurgiens chargés par la Cour de dé-
mêler les artifices dont on foupçonnoit alors les convulfionnaires. Mais par une-
providence qui expofe au grand jour, que Dieu agit également en maître furies
efprits 6c furies cœurs , ainfi que fur les corps, quelques-uns de ces Chirurgiens»
députés par la Police nous ferviront eux-mêmes de témoins.
On trouvera à la fin de cet ouvrage, dans les pièces juftificatives des miracles
opérés fur cette pa'jiane, julqu'au témoignage de M, le Dran, qui non-feulemenc
X étc
51 ID^E DE VOEUFRE DES CONFULSIONS.
a été emploie p.ir l-.i Cour pour examiner les convulfionnaircs à S. Médard , mnis
qui ell mcme le plus fameux des Chirurgiens qui ont ilgné les procès-verbaux de
la Baftille , faits dans le dcllcin qu'on avoit d'abord formé de faire paHcrlescon-
vuUionnaires pour des impolleurs. Ony trouvera les rapports de M. Mouton an-
cien Prévôt des Chirurgiens, de M.Sivert Chirurgien major des Hôpitaux des ar-
mées du Roi, de M. Souchai pour lors Prévôt en charge de fa compagnie, &
de M. de Mantcville auflî alors Prévôt en charge & ancien Dcmonllrateur en
iinrtoniie ; & on verra que ces cinq célèbres Chirurgiens ont cié 11 frapcsd'ad-
miration à la vue de ces opérations évidemment divines , qu'iis n'ont pu s'em-
ptcher de déclarer, du moins d'une manière équivalente, que les transformations,
les régénérations, & les créations arrivées dans les membres cftv pies & anéan-
tis de cette fille, n'ont piî z-enir que de la main toutc-puijfante de Dieu, dit en pro-
pres termes M. Mouton à la fin de Ion npport.
Quel témoignage pourra terrafler l'incrédulité de notre fieclc, fi ceux-ci ne
le font pas? En général tous les Chirurgiens Ju'-és ont ferm-nt en jullice pour
tout ce qui concerne l'anatomie : leurs rapportsfont foi , & les Juges nj balancent
p.is d"y prendre une entière confiance. Mais ici ce ne font pas feulement des Chi-
-ïxrgiens jurés, ce font les Chefs de la compagnie: gens d'une '"xpcricnce con-
fommée, £c par conféqueut très inllruits de tout ce que la natm-c eil: capable de
faire: ce font de gnuids maîtres en anatomie, fciencc de démonftration qui a
des principes cctains j 8c par confcquent ce font ces juges pnfqu'inhiilliblcsdc
■la quelliop de fçavoir fi un état ell ou non abfolunieataucurable, & h une opéra-
tien eft ou non poflible à la nature.
Ce font donc ici, non feulement des témoins dont on ne peut rccufcr le té-
moignage -, mais ce font les juges naturels de la qucition dont il s'agit : juges
dont la dccifion ell d'autant plus digne de la plus entière confiance, qu'il n'y a
qu'une grâce émanée du fein du Père des lumières 6c des vertus qui ait pu les
engager à la donner.
En efi"et dans quelles circonftances ces fameux maîtres de l'art rendent-ils ici
gloireàDieu? Ils font, du moins quelques-uns d'entr'eux,choifis par la Cour pour
examiner les convullîonnaires avec la plus févcre attention: ik n'ignorent pas
dans qu'elle intention on les emploie, & qu'on n'a defi'ein que de trouver dans
leurs rapports, des moicns ou du moins des prétextes de condamner les con-
vulfionnaires , & de deshonorer les convulfions. Qui ne fçait avec quelle rigueur
la Police pourfuit ces inllrumens de Dieu , qu'on reprouve 6c qu'on perlécutc
avec d'autant plus d'animofitc , qu'on voit qu'ils font , indépendamment de leur
volonté, chargés par un état furnaturel de décrier la Bulle, & d'annoncer des
vérités qui irritent le formidable parti qui a fu infcétcr de fa pernicicufe morale
la plupart des puiOances , & s'attirer leur proteélion déclarée ?
C'ell dans cette fituation critique que ces Chirurgiens ont le courage d'attef-
tcr que Dieu autorifc les convulfions & favorife les convulfionnaires par des
miracles. On les envoie pour maudire les convulfionnaires , 6c Dieu les force
à les bénir en faifant une imprefîion fi vive fur leurs cfprits & fur leurs cœurs
par la magnificence de fcs œuvres, qu'ils ne peuvent y relîller ni refufcr de lui
rendre témoignage ! N'cll-il p.is de la dernière évidence qu'il n'y a que lapcrfua-
Con la plus entière, & la plus intime qui ait pu les engager à laire une telle dé-
marcher Difons plus: il n'y a que la piéfcncc de la Divinité rendue fenlîble par
la toute-puiff.mce de fcs opérations , qui ait pu leur faire facriher ainfi tout in-
térêt humain, & les déterminer à ne le point ménager eux-mêmes p mr rendre té-
moignage aux œuvres de Dieu : la prudence ch.uiuUe n'a pu fe faire écouter,
piuco
IDE'E DE VOEU F RE DÈS CO ISTFU LS 10 NS. ?5
^arcc que la fugefTe qui vient d'en haut tonnoit jufqu'au fond de leurs coeurs
Au relie les faits dont il ci\ ici qucftion n'avoient pas befoin du témoignage
de fçavans experts pour être invinciblement prouvés. Il ne s'^xgit pas ici de ma-
ladies dont l'incuriibilité foit équivoque: il s'agit d'os fracafîés dès la plus tendrî
enfince, qui depuis ce tems avoient perdu leur première forme, ôc dont plu-
iieurs étoient totalement anéantis : il s'agit de membres déllechés : il s'agit de l;i
création totale d'une main qui ne fubfiftoit plus. Pour pouvoir être en état de
rendre compte de pareils faits avec la plus parfaite exaélitudc, il n'efl: nullement
néceflaire d'être habile en anatomie? il ne faut que les avoir vus. Ainfi ceux qui
ont vu qu'une grande partie des membres de cette pauvre fille étoient les uns
difloqués, les autres contrefaits, quelques uns deflechés , d'autres même anéan-
tis , hc les perfonncs fous les yeux de qui Dieu a fait les prodigieux changemens
& les créations qui ont rétabli 6c régénéré ces membres , ont été en état d'en
rendre un témoignage qui eit prefque d'un aufli grand poids que les rapports des
plus grands maîtres de l'art.
Entr'autres la déclaration faite devant tni Notaire de Brai- fur- Seine par la
veuve Tenard mère de Jeanne Tenard qui cft la miraculée, mérite une entière
confiance par trois confidérations.
1. Les principaux fiÎTsdont elle rend compte, c'cft-à-dire la defcription qu'elle
fait de l'état affreux oià étoient tombés les membres défit fille dès l'âge de 3. ans,
avoient été expofés dans ce païsaux regards de tout le public pendant 26. ans. Or
il n'eft pas pomble de préfumer qu'elle eût eu le front de les attcller publique-
ment par im acte authentique, s'ils avoient pu être démentis par tous ceux qui
avoient vu fa fille depuis la première enfance. Avec quel emprcflement une mul-
titude de perfonnes ne l'auroient-ils pas convaincue d'impoilure dans un lieu qui
dépendant de T Archevêché de Sens, eit préfentement tout rempli d'ennemis dé-
clarés des convulfions 8c des miracles?
2. Sa déclaration fe trouve autorilce par la préfence Se confirmée par ra\'eudc'
deux Curés voifins: témoins d'autant plus dignes de foi qu'il n'y a qu'une grâce-
bien efficace qui ait pu les déterminer à l'être. La charité de M. Acier Curéde
Fontaine, 6c de M. Morru de Fourronne Ciu'c de Courceaux , les avoit portés
depuis pluficurs années à donner des fccours fpiritucls & temporels à la pauvre
cftropice fur qui il a plu à Dieu de faire éclater fa puiifance. Lorfqueces Mrs.-
curent appris l'cnchaincment de merveilles que Dieu avoit opéré à Paris fur cette
fille fi horriblement contrefaite, ils accompagnèrent eux-mêmes fimereahezlc
Notaire, oij elle fit une déclaration très circonltanciée de l'état oii avoit été fa
fille depuis I70f .jufqu'cn 173 1.& ils eurent le courage de fervir eux-mêmes de
témoins au bas de l'aéfe fims fc mettre en peine de ce que M. l'Archevêque de
Sens, dont ils dépendent, pourroit faire contr'eux. Qiiels témoins, fuivant la
penfée de M. Pafcal, que ceux qui ne craignent point de voir rcnverfer toute
leur fortune, de perdre leur établifiement , 6c de fe lacrifier eux-mêmes? De
qu'elle grâce ne faut-il point qu'ils foient animes! Ceux qui s'immolent ainfi pour
la vérité, voudroient-ils fe perdre par le menfonge?
3 . Les faits les plus frapans & les plus décififs de cette déclaration fe trouvent
également certifiés à Paris par pluficurs autres témoins oculaires. Se même par
M. Sivert Chirurgien major des Hôpitaux des armées du Roi, Se pur M. le Dran
Chirurgien choifi par la Cour pour l'examen des convulfionnaires.
Le témoignage de la veuve de Brai eit encore plus important que celui de la
mère de Jeanne Tenard, puifqu'elle a vu s'opérer fous fcs yeux tous les prodiges
ç[uc Dieu a fait fucccfîivcment fur cette pauvre fille. Cette veuve n'clt qu'une
' Ohfervat. I. Part. l'orne IL E mar-
54 IDE'E DE UOEUVRE DES CONVULSIONS.
marchande de grains ; mais fa vertu doit faire prendre une grande confiance co-.
ce qu'elle dépofc.
J. Tenard dont les membres préfentoient à la vue ce que la mifére bumainc
peut avoir de plus hideux , étant venue à Paris fans y avoir aucune connoiiïancc ,
& n'ayant d'autre rcflource que dans la providence divine qui n'abandonne ja-
mais ceux qui mettent en elle toute leur confiance, fût recueillie par la veuve de
Brai. Elle la prit chez elle avec joie, Se en eût foin comme fi elle avoit ctéfon
enfant , jufqu'à la veiller les nuits à caufe de fcs convulfions. Une charité fi gé-
néreufc , fi attentive & fi vifiblementfupcricure aux fcntimcns naturels, ne meri-
tc-t-elle donc pas qu'on ait quelque eftime pour la perfonne qui la pratique ?
La charité cft un don de Dieu, elle a fa fource dans ion fcin, elle eft un écou-
lement de fon amour 6c de celui qu'on a pour lui. Lorfqu'il la met dans un cœur
à un fi haut degré, il ne permet pas ordinairement que la perfonne à qui il a fait
un préfcnt fi précieux, foit capable dans le même tems de faire un mcnfongc
fiicrilégc de deflein formé. Se de rendre un fxux témoignage contre lui-même,
en lui attribuant ce qu'il n'a pas fait. Dieu efl: la vérité par excellence : fon amour
infpire néceffliiremcnt l'horreur du menfonge.
Mais fi l'incrédule ne veut prendre confiance qu'en des gens confidérables aux
yeux de la chair, il trouvera prcfque tous les mêmes fiits dans le certificat de M.
de Chantepie Seigneur d'un très grand nombre de terres, fuivant qu'il paroîtpar
£cs qualités qui font en tête de fon certificat.
Je n'entrerai p;is davantage dans le détail des circonftanccs qui rendent recom-
mandables les dépofitions des autres témoins. J'ai même crû n'en devoir faire pa»
roître qu'une partie. J'ai entre les mains 50. pièces qui conftatent les faits dont
il s'agit : cependant je n'en ai produit que i j. en ce compris 4. rapports Se deux
lettres de chirurgiens: parcequc la longueur, la dépcnfe, 5c les rifques de l'im-
prciîion , joints encore à quelques autres confidérations m'ont déterminé à n'en
taire imprimer que ce nombre. Les 17. autres font en lieu fur. Se verront le jour
s'il eft néceflaire. J'obferverai feulement que parmi ces 17. pièces ily aplufieurs
certificats donnés par de fidèles minillres du Seigneur, qui malgré l'éclat de leur
vertu , font néanmoins encore en place j mais ça été pour moi une raifon de plus,
de ne pas fiire paroîtrc leur témoignage, n'aiant pas du les expofer fans aucune
néccfiité, puifquc j'avois d'ailleurs des preuves plus que fuffifantcs. M. de Bre-
vignan Trcforicr de l'Eglifc Collégiale de Brai-iiir- Seine, elHefculdont j'ai pro-
duit le certificat, parcequ'il m'a paru être moins en prife qu'aucun autre aux
traits de l'animadverfion de Monfieur l'Archevêque de Sens.
j,j Mais ne différons pas davantage de préfentcr les preuves de l'état où étoit J.Tc--
ïrtmiiTfnard lorfqu'il plût au Dieu des miféricordes de faire éclater fur elle tantd'admi-
Tf'^'je /. râbles prodiges. Sa mcrc déclare „ qu'en I70f . un tourbillon de vent enlevaj. Te-
TfBwJ. ^^ nmj f^ f^iic cadette quin'étoit lors âgée que de ^. ans, Se la jetta fi i\idemcnt par
„ terre fur le côte droit , qu'elle eût ce cote-là de fon corps tout moulu : qu'-
„ elle fût plus de 6. femaines fims pouvoir aucunement fe foutenirnife grouiller:.
„ Se que quand elle commença à fc foutenir un peu , elle s'appcrçut que tout for\
„ côte droit depuis latcte juiqu'au bout du pied ctoit comme mort. (Elle ajoute)
„ que les os de fongenoudroit , qui avoicnt été tous brifés de cette chûte-là, font
„ reftés liors de leur place, laifi'.mt des boffcs à coté du genou: ccquiluia tour-
„ né ce genou , & la jambe droite en dedans , Se l'iV retirée en arrière ; ce qui lui a
„ ôté autiîtout mouvement dans le genou, n'aiant pu depuis ce tems porter fa jam-
„ bc droite que tout d'une pictc depuis k hanche jufqu'au pied, ce qui la fait
„ boiter. „
n
ÏDE^E DE VOEUVRE DES CONFULSIONS. ?f
II a été tout naturel que les os tendres du genou de cetLx enfant, niant été
"mis en pièces par un coup fi violent n'aient pu recouvrer tout-à-fkit leur première
forme, ni leur fituation naturelle : 6c qu'en reprenant de la con fi ftance, 'Sclbréunif-
fant au fiirplus des os de la cuifie Se de la jambe, ils les aient foudés enfemblc.
C'efi: ce qui a fait que ces os ainfi collés les uns aux autres n'ont plus Elit que com-
me un ieul corps, & font reftés toujours fixes dans l'attitude contrefaite où les
parties inégales de ces os brifés les avoient contraints de fe placer.
La merc dépofeen fécond lieu: „ que fon épaule, fon bras 6c fa main droite fc
5, font défiechés , & ont toujours relié dans cet état (depuis l'âge de 3. ans)
„ fans croître ni grandir ... (8c que ce) petit bras qui n'uvoit ni figure, nimou-
3, vement,ni fentiment ne paroifibit qu'un fcul os courbé en rond, fans
„ qu'il parût rien qui marquât le coude : le tout couvert d'une peau entre noire ,
5, rouge , & bleuâtre.
Ce récit fournit la preuve que les os qui compofoient l'articulation du coude,
aiant été encore plus fracafles que ceux du genou , ont entièrement perdu leur
figure 5c leur confiftancc , & n'ont plus été qu'un tas de parties divifées , qui
s'étant joint 8c confolidé avec les relies des os du bras 8c de l'avant-bras, lésa
réunis enfemble : enforte que tous ces os n'en ont plus fait qu'un fcul , fans avoir
rien confervé de la figure du coude: l'os qui depuis ce tems a occupé toute l'é-
tendue depuis l'épaule jufqu'au poignet, s'étant au contraire courbé en rond.
A quoi il faut ajouter qu'en même tems les mufcles , tant de l'épaule que du
bras, ont été fi excefilvcment meurtris, qu'ils n'ont pu fe rétablir } que la plus
grande partie en eft tombée en fupuration 8c en pourriture, 8c que le rcfte s'ell
délFéche , aiant perdu les vaifieaux qui lui fourniffbicnt fa nourriture.
Enfin la mère déclare , qu'à l'égard de fa main droite , elle fût prefquc anéan-
tie , n'étant plus relié à fa place „ qu'un petit vilain morceau de chair tout ri«
„ dé 8c tout couvert de terre, au bout duquel il y avoit f. autres petits mor-
„ ceaux de chair . . . tout ratatinés dans le fond du premier morceau : ce qui n'a-
„ voit pas plus de groficur ni de longeur que la moitié de fa main 8c de fes
„ doigts du côté gauche , fans qu'il y eût dans tout cela ni os , ni nerfs , ni ongles ;
„ de fiçon que cela ne fiiifoit que comme une petite boule , laquelle ctoit re-
„ tournée en dedans au bout de fon petit bras. „
Cette hideufe defcription qui fera confirmée ainfi que les précédentes, par
plufieurs témoins au nombre defquels on trouvera jufqu'aux Chirurgiens qui al-
loient examiner les convulfionnaires à S. Médard, nous fait connoitre que gé-
néralement toutes les parties qui compoloient la main de cette enfant, ont été
fi brifées , fi moulues , ?>: fi broïécs qu'elles ont entièrement perdu leurs qua-
lités 8c leur forme : la fubllance des os 8c des ongles fracaflee ^ mife en pièces,
s'eft confondue avec celle de la peau, des chairs, des vaifieaux, 8c des autres
parties molles qui avoient été totalement écrafées, lacérées 8c déchirées: 8c tout
cela, mêlé confufément enfemble, n'a plus fitit qu'une mafie informe 8c fans or-
ganes , qui ne recevant plus de nourriture s'eft entièrement défîcchéc.
A peu prés dans le même tems que la mère faifoit la déclaration devant le
Notaire de Brai-lur-Scinc , fa fille interrogée à Paris par deux Chirurgiens l'un
après l'autre, M. Souchai8c M. de Manteville, leur cxpolatous les mêmes faits.
Elle „ nous a déclaré, (dit M. de Manteville, ) qu'à l'agc de 3. ans elle avoit
„ été renverfée par un tourbillon de vent : qu'étant tonibce par terre elle s'étoit
„ fentie toute brifée du côté droit. (Qu'à la fuite de cet accident) fa jambe
„ droite s'étoit retirée, 8c le genou du même côté s'étoit tourné entièrement
„ en dedans n'aiant aucun mouvement : en forte qu'elle ne pouvoit remuer la
E i cuifie
^6 IDE'E DE rOEUFRE DES CONVULSIONS
„ cuiflc 6c la jambe que tout d'une pièce Qiic la cuiffe & fa jambe étoient
„ (devenues) d'une grande maigreur, toujours froides, 6c plus courtes que la,
„ cuific 6c la jambe gauches. (Qiie) Ion épaule droite ctoit (reliée) plusbalTe,
,, plus étroite, 6c plus maigre que l'épaule gauche. Qiie fonbras du même côté
,, ctoit refté prefquc tout déflechc 6c fans fentimcnt : qu'il n'avoit prcfquc point
„ allongé ni groflî : 6c que la peau collée fur les os étoit d'une couleur violette.
„ Qiie tout fon bras ne lui fembloit qu'un feul 6c même os qui formokundemL
„ cercle qui remontoit en devant, 6c qu'il n'y avoit ni pointe ni grolTcur au coude,
,, qui lui paroiObit d'une feule pièce. (Enfin) que fa main du même côtén'étoit
„ que de la grandeur de celle d'un très petit enfant. Qu'elle n'y fcntoit ni nerfs ,
„ ni veines, tant dans la main que dans des efpeces de doigts fans ongjcs , 6c
„ qui étoient recroquevillés dans le fond de fa main, ce font les termes (dit M.
,, de Manteville) fans qu'il parût aucun nccud à aucun endroit des doigts qui
„ étoient fans jointures. „
M. Souchai rapporte également les mêmes fliits , dont les principaux foatat-
teftés par tous nos témoins.
XX. Jeanne Tenard étoit rcftée dans cet état depuis l'âge de 3. ans jufqu'à près de
Yil'..!VpaVii3^* ^o^'s qu'au mois d'Octobre 175 1. aiant entendu parler „ d'un nouveau Saint
kidevio-., (dit f\ mère) nommé M. de Paris dont on racontoit de grands miracles ...
vû'.r"ns'^ùisî» elle voulut abfolumcnt aller à Paris fur l'efpérance que Dieu lui accorderoit
q .-elle !e met ^^ pcut-étre Ic mouvemcnt libre de fa jambe droite, 6: peut -être même lui rc-
b.-iu. ' J5 formeroit fon bras 6c fa main par l'interccflîon de (ce; nouveau Saint. „
Sa mère la fit accompagner par une autre ck fes filles .. .pour avoir foin d^elle ^
6c la laiffa ainfi partir à la garde de Dieu.
Ces z.pellerines arrivèrent à Paris le dernier Oélobrc, 6c n'y connoilTimt quique
ce fait, elles allèrent fe réfugier à l'Hôpital de Ste. Catherine.
Le lendemain dés la paintc du jour J. Tenard ne manqua pas d'aller au cime-
titre de S. Médard^ 6c tout en arrivant elle fe mit fur le /'owi'i?/î«oîielleefpéroic
trouver la refuj-reétion de les membres perclus , déiféchés , 6c anéantis.
A peine y fût -die „ qu'aufli-tôt Celle) fcntit, (dit-cUe à la veuve de Brai , )
„ tout fon corps s'élever, 6c s'élancer en l'air 6c s'agiter malgré elle avec une
„ violence infinie: (ce qui, dit-elle, la iurprit très fort > ) mais aiant remarque
„ qu'elle ne fe fliifoit pomt de mal en retombant fur le tombeau, cela lui avoir
„ perfuadé que c'étoit Dieu qui l'agitoit ainfi. „
La veuve de Brai qui le trouva préfcnte à ces convulfions, „ s'étant (dit-elle)
„ apperçuc que cette fille avoit le bras droit tout dcllcchc 6c d'un tiers plus
„ court que l'autre, 6c lui étant venu dans l'efprit , que puifque Dieu lui en-
„ voioit de fi violentes convulfions, il y avoit tout lieu de croire qu'il ranime-
„ roit quelque jour ce bras qui étoit comme mort .... s'attacha à la regarder
„ avec grand foin, (6c à la fin de fes convulfions aiant) remarqué avec admira-
,, tion qu'elle devint tout d'un coup fraîche 6c tranquille, (elle s'informa"! de fou
„ nom 6c du détail de fcs incommodités : „ 6c dès le lendemain elle la prit chez elle.
J . Tenard décLu'c elle-même , que dés qu'elle fût „ revenue à elle j elle fe trouva
„ très fraîche, fe portant mieux qu'elle n'avoit jamais fait, 6c ne fc femant
„ nullement fatiguée. „
Je ne relèverai que cette circonflancc de fes convulfions, parce qu'elle doit
être fuffifaruc pour réconcilier avec elles ceux dont les préjugés n'ont piaibufFrir
qu'avec princ le récit des agitations impétucufes qu'elle éprouva dès qu'elle fuc
fur le tombe.iu.
Quel prodige de voir des membres cftropics, arides, inauiipésfc remuer avec
tant
IDE'E DE VOEUFRE DES CONVULSIONS. 37
tant de force ! De voir un corps accable d'infirmités fe trouver tout d'un coup
après de fi vives fccoufles, auflî frais, aufiî tranquiie que s'il avoit joui du plus doux
repos! Le Démon a-t-il donc le pouvoir d'opérer de telles merveilles? Mais
quand même on oferoit le fuppofcr, les convulfions de J. Tenard aiant été ac-
compagnées & fuivics de plufieurs guérilons évidemment miraculeufes, que dis-
je ? aiant été le fignal de la transformation des os d'un genou brifé , de la régé-
nération des mufcles d'un bras défleché , & de la création d'une main détruite j
pouflera-t-on la témérité jufqu'à prétendre que Dieu ait voulu le fenirdc Satan
pour en faire le héraut chargé d'amiocer de fi grands miracles, 6c d'inviter les
îpeélatcurs à s'y rendre attentifs ?
Il femble que ce feroit ici le lieu de commencer à rendre compte des opéra-
tions merveilleufes que le Tout-puiffant a fait fur les membres hideux de cette fil-
le: mais il faut auparavant prouver d'une manière fi inconteftable l'état oîi étoient
fcs membres, que l'incrédule, ôc même le conilitutionnairc le plus prévenu ne
puifle le révoquer en doute.
D'ailleurs fi nous rapportions tout de luite la multitude de prodiges que Dieu
a fait coup fur coup i'ur cette convulfionnaire , leur éclat trop multiplié pourroit
éblouir le leébcur. Divifons donc le récit de ces merveillespar l'apport aux mem-
bres difi'érens fur Icfquels elles ont été opérées, Sc préfentons le furplus de nos
preuves fous trois propofitions.
/. PROPOSiriON.
Les os d:i renou de J. Tenard aiant été fracajj'és à Page de 3.. a7is ^ ont perdu leur
forme., £> n'ont pu reprendre leur fituation naturelle : s' étant néanmoins réuriis tout
brifés qu'ils étoient , à ceux de la cuijfe 5? de lajanihe., ils ks ont fondés enfemble
dans une attitude contre nature.
Cet e'tat s'étant confolidé ., ^ aiant fubfijîé adnfi depuis ijo<ç. jusqu'en 173 1.
et oit abfolumenî irrémédiable à tout autre être qu'à celui qui difpofe en maître de
la nature ., ^ qui peut changer quand il lui plait jufqii'h la forme de nos os.
Cette admirable mer'veiUe a été opérée par le Tout-puiffant en la perfonne de J ,-
Tenard. Les os de la jointure de [on genou ont été reconflruits , Ci? /* ^«(^^ ^ y<?-
jambe ont été rétablies dans un état parfait.-
LOrsqlte la veuve de Brai prit chez elle J. Tenard , fon premfer fi)in fûc
d'examiner avec grande attention l'état où l'accident qui lui ctoit arrivé iv
l'âge de 3. ans avoit réduit fcs membres.
Elle déclare, „ qu'elle vifita (x ciiifie & fi jumbe droites, qu'elle trouva ex- ^xr..
5, traoriinaircment maigres , Sc que les os du genou étoient tous déboîtes, tour- Preuve is-
„ nés en dedans & hors de leur place : ce qui lui faifoit porter la jambe en dc-te'abi'iiTe- "^
„ dans, &: ce qui la retiroit en même tcms en arrière: qu'elle n'avoit aucun """"^" S"*
„ mouvement dans le genou dont les os paroilioient colles eniemble , deraçon
„ que fa cuifie & fi jambe reHoient toujours en même crar j dr forte que quand
„ elle étoit afnfe,fi j-ambe droite avançoit en devant comme une jambe de bois.. \.-
„ cette jambe reliant toujours en même fituation.... fans qifelle pût lar plier ni
„ l'étendre davantage j ce qui la faifoit paroitre plus courte de 2. 0113-. pouces
„ que la jambe gauche, 6c fiifoit qu'elle ne pouvoit s'appuierque fur la pointe"
J, du pied , qui etoit tout tourné en dedans auflî bien que la jambe^ „
Plufieurs autres témoi/is nous attellent les mêmes faits. „ Je certifie, ;dit M. dc-
„ Chantcpie,) qu'elle avoit la jambe Scie pied droits tout iTtoiU'nés en dedans y.
J, Se qu'elle portoit fa jambe & fa cuiûc tout d'une pièce-, -j
E 5 ' 59-1^-
5? IDE'E DE VOEUFRE DES CONFULSTONS
„ Je confidérois cette pauvre fille, (dit le Sieur Hurtatit,) qui boïtoit de la jambe
„ droitequictoit retirée.... le genou étant démanché Se tourné en dedans. „
Mais prélentons au lecteur un témoignage qui le force , fùt-il Conllitutionnai-
re, de convenir de la vérité de ce premier ftit Ce l'era le rapport de M. Sivert
Chirurgien-major des Hôpitaux cies armées du Roi , qui n'étant point alors
occupé damleswmces, exuminoit avec attention , comme i\ le déclare lui-même,
les convuliîonnaires rians le cimetière de S. MédArd : & qui aiantvijque J- Tcnard
cxo'it agit ce des plus violentes convulfions , s'attacha ;i l'exiiminer avec grand foin.
„ J'obfei-vai, (dit-il,) que fa jambe droite relloit toujours tournée en dedans,
„ & un peu retirée en an-icre : &; que, quoiqu'elle fît des mouvemens très
„ violens avec cette jambe , tous les mouvemens partoient de la hanche & de
„ l'articulation du pied ; la jambe au furplus reftant toujours dans la même figure
„ (lins qu'il y eut aucun mouvement dans l'articul.ition du genou : & l'aiant vu
„ marcher lorfque l'es convulfions furent pafiees, jem'appercus qu'elle boïtoitdc
„ cette jambe : qu'elle la trainoitSc la portoit tout d'une pièce, comme li c'eût
,, été une jambe de bois. „
Ce n'cll pas une chofe qu'on puifTe révoquer en doute qu'un pareil état ne fût
abfolument incurable. 11 n'eft pas ici quellion d'une maladie paflagere > mais de
membres eftropiés des l'enfuice, &: dont les os s'étoicnt confolidés d'une manière
fixe & permanente; & cela depuis 16. ans. Il s'agit d'os brilésdcs i7Cf. Se dont
les morceaux divifés d'une manière inégale, loin d'avoir repris leur place naturel-
le n'avoient fervi qu'ùfouder enfemblc le fui-plus des os de la cuifle ôc de la jam-
be dans une attitude contrefaite.
Si une enchylofe complette & invétérée , qui ne confifte que dans l'épaifllfTe-
ment d'une liqueur qui colle enfcmble le-s os d'une articulation , eft de l'aveu de
tous les Médecins un mal au deiïus de toutes les reflburces de l'art 6c de la natu-
re , à combien plus forte raifon une loudure des os formée par le brifemcnt de leurs
têtes, qui en fe guériffant fe font réiinis enfcmble dansuncfituation contre nature,
crt-elle d'une incurabilité manifefte? Il ne s'agilToit pas Amplement ici de rendre cou-
lante une liqueur pétrifiée : il falloit refondre tous les os du genou de J- Tcnard pour
le rendre capable de mouvement : il falloit , en féparant ces os en deux parties , redon-
ner à la tête de chacun, la forme fingulicre qu'elle avoit perdue lorfqu'elle avoit été
fracaflee à l'âgée de j . ans. Ofera-t-on attribuer une pareille opération dans un corp>
vivant à quelqu' autre être qu'à celui dont la puiflancc ell fans bornes.
Il ne relie donc plus pour remplir tout le titre de cette propofition que de
prouver que cette inconcevable merveille ell effcélivcment arrivée.
La veuve de Brai déclare qu'elle fit „ coucher (J. Tcnard) dans un petit lit....
„ proche du fien, (pour être plus à portée) d'examiner avec grande attention. . .
„ les changemens qui pourroient arriver (dans fes membres ellropiés , 6c) qu'-
„ elle s'apperçut d abord que prefque tous les jours il fe faifoit des changemens
dans fon genou droit, dont les os reprirent leur place Se leur figure naturelle. . .
Qiie fa jambe Se fon pied fe retournèrent tout à fait en dehors. . . Que peu de
jours après (au) commencement de Décembre (17^1. elle recouvra) dans le
genou un mouvement entièrement libre, & que fa jambe &fa cuîfTe fe regar-
nirent de chairs préfqu'à vue d'oeil. „
Tout le monde l'a vue depuis ce tems,5c la voit encore tous les jours marcher
avec autant de facilité, de force 6c de légèreté que fi elle n'eut jamais été boï-
tcufc : ce n'ell donc pas un fait qu'on puilTc révoquer en doute. Ainfi bornons-
nous aux rapports des Chirurgiens qui ont cNaminc en nv.iitres de l'art les mer-
veilleux changemens faits dans ces membres difformes.
Voici
IL'^E DE VOÊUFRË DES CONVULSIONS. ^p
Voici d'abord le rapport de M. Sivert. „ J'ai examiné , (dit-il,) la longueur
y, de Tes cuifles & de fcs jambes que j'ai trouvé égales : j'ai trouvé que fa jambe
„ droite avoit repris la fituation qu'elle dcvoit avoir. . , Qiie Ton genou droit n'é-
„ toit plus tourné en dedans : que la rotule étoit à fa place : que l'articulation de
,. cette jambe avec la cuifTe étoit dans fon état naturel , & qu'elle avoit dans le
„ genou tous les mouvemcns libres y cnforte que la guérifon de cette partie eft
„ entière & complette. „
Une décifion fi précife n'a pas befoin de commentaire. Voilà donc les os d'un
genou écrafés 6c mis en pièces dès l'âge de 3. ans, qui depuis lyof. avoient
foudé enfcmble ceux de la cuifle 6c de la jambe , & qui , par l'inégalité de leurs
cfquilles , leur avoient fait prendre une figure difforme 6c une fituation contre"
nature: les voilà qui ont eux-mêmes recouvré une figure régulière: les voilà qui
forment une ariiculatisn qui atout fon jeu 6c tous les mouvemens libres. Voilà un
genou, une cuifle 6c une jambe eftropiés depuis la plus tendre enfance, dont la
guérifon... eft entière £3* complette^ dit M. Sivert.
Un fi grand prodige mérite bien la peine que nous préfentions encore au lec-
teur deux autres rapports de Chirurgiens. M. Souchai alors Prévôt de fa compa-
gnie certifie qii'aiantvifi.tê les jambes de J. Tenard , il a reconnu , „ que l'arti-
„ culation de la jambe di-oite avec la cuifle étoit dans fon état naturel, de même
„ que la rotule, alant tous les mouvemens de flexion 6c d'extenfion libres. . . fans
„ qu'il reftàt aucun vellige de contorfion. „
Ce rapport quoique plus court, n'cfl: ni moins décifif ni moins frapant que ce-
lui de M. Sivert, puis qu'il attefl:e j non-feulement que l'articulation étoit dans un
état parfait , mais qu'il n'étoit pas même demeuré aucun veftige de k difformité
que ces os avoient eii pendant tant d'années.
Il ne reftoit plus qu'à déclarer qu'il n'y avoit queleTout-puiflantquipût fiiirc'
un pareil ouvrage. Cefl; ce qu'a fait M. de Manteville célèbre démonllrateur cn=
anatomie. Nous avons trouvé ., dit-il dans fon rapport, que les extrémités inférieu-
res... depuis les hanches jufqu'' aux orteils , c'cft à dire les cuifles, les genoux, les
jambes&les pieds, tantdu côté droit que du côté gauche, font „ également
'„ bien conformées, fiiiflxnt parfaitement tous les mouvemens naturels à ces par-
„ ties. . . . Nous eftimons , (ajoûte-t-il plus bas ,j que ces heureux changcmcns
„ arrivés depuis le mois de Novembre 17^1. aux parties affeétées, n'ont pu être
„ opérés par le fecours de l'art, ni par les forces de la nature.
En effet quel autre que le Créateur peut ainfi difpoferde nos corps , 8c repaî-
trir fuivant la volonté la fubllance dont il les a faits ? Quel autre peut reparer une
difformité, qui a été pendant z6. ans une partie vivante de nous-mêmes PQiicl
autre peut donner après un fi long-tems une nouvelle forme à nos os, 6c s'élever
ainfi au deffus des loix qu'il a impofées à la nature?
Avions-nous même ici befoin du témoignage d'un maître de l'art pour con-
ïîoitre qu'un tel ouvrage n'a pu être fiit que par celui qui tient tous les êtres
dans fa main , 6c qui en fait tout ce qu'il lui plaît ? Non : il ne faut que du bon
fenspour le décider auffi furement que les plus habiles anatomiftcs. La lumière
qui eft donnée a tout homme qui vient dans le monde, fuflît ici pour porter un
jugement auffi jufte , auflî lur, auflî infaillible que celui des plus favans experts.
Mais c'eft pour confondre les vains prétextes de ceux qui s'obftinent à ne pas
voir , que Dieu fe fait rendre ainfi témoignage par ceux qui font les mieux inf--
truits de toutes les opérations que peut faire la nature.
Voilà donc un premier miracle inconteftable, qui eft au' bout d'un mois k
première récompenfe deS' convulfions de J, Tenard : voilà une guérifon entière
j^.-i IDE'E DE UOEUP^RE DES CONVULSIONS.
Se complcttc d'un état manifertcmcntincuniblc. Qu.indleTrcs-H:\ut n'-.uiroitfnic
que ce Icul prodige en faveur de cette convuliîonnaire, il s'enlliivroit toujours,
que fcs convuUlons auroicut été le moien que Dieu auroit choilî pour lui accor-
diT une grâce aulli finguliere que le rétablifTemcnt parfait d'un genou , d'une
cuifle & d'une jambe cltropiés depuis V-igc de 3. ans. Mais le Tout-puifiant ne
s'cll pas borné à cette merveille j & nous allons en voir encore de bien plus
grandes dans les deux propofitions fuivantes.
//. PROPOSITION.
L'e p a V l p. y fout le bras droit de J. Tenard ont été fracajfés en ï'^année IJOf.
mais fur fout les os dri coude ont été mis entièrement en pièces.
Les efquilks de ces os brifés s' étant réunies au fu-rplus des os de a bras , les ont fou-
dèsenfemble : en forte que tous ces os ti'ont plus fait qu''un feul corps , quia occupé
toute l'étendue depuis f épaule jufqu' au poignet , Çff qui s'ejl courbé en cercle fans
avoir rien confcrvé de la figure des os du coude.
Ex métne-icnis V épaule s'eji prefque totalement dé (féchée .^ ^ le bras qui avait en'
core plus fouffert que V épaule a perdu tout mouvement (^ tout fcntiment :ile(l dt~
meure dans la petite [fe oii il était alors , ^ il a été fi dépouillé de fes chairs , {§ des
•vai (féaux quelles contenoient ^ qu'il ne par oiff oit plus y être reflé qti'un os aride cou-
•vert par une peau féche £5? pleine de terre.
Une multitude de démonfirations anatomiques fe préfentent ici tout à la fois^ pour
prouver que des membres réduits à un pareil anéanttjfement ., nt peuvent être rétablis
que par celui qui les à créés : mais h s faits font ici fi frapans qu'ils emportent par
eux-mêmes la pleine conviction de l'incurabilité d'un tel état , du moins dans tef"
prit de tous ce us qui font ufage de leur raifon.
C'est donc évidemment le Créateur de toutes chofes qui a produit dans ces membres
décharnés les prodigieux changemens dont nous allons rapporter les preuves.
Non seulement les osdel'épaule déjféchée^ (^ qui était bienplus mince., plus baffe
ij plus étroite que l'autre épaule , ont repris la grandeur qu'ils dévoient avoir , i^
Pépaule a en mé?ne tems recouvré toutes les autres parties qu'élis avoit perdues de-
puis fi long-tcms : mais Dieu a rendu aux rejles hideux dubrasprefqu'ané.mti ^tous
les mufcles (3 les vaiffeaux de toute efpect dont ils étaient dépourvus : 6? // a ral-
longé très confidérable/ncnt ^ l^ repaitri T os qui fubfifloit encore , (^ luia fait un nou-
veau coude auquel il a donné une articulation parfaite.
XX"- T"^^^ Faits fi inconcevables 6c fi difficiles à croire ont bcfoin d'être prou-
Preuv» de |^^ ycs d'uuc manicrc qui force la perfuafion malgré toutes les rcfiitances de
1/ 'r"(;<n^,-a- rcfprit 6c du cocur. Mais auOî d'autre part ce font des faits palpables : des faits,
tion de l'-fiii- Icfqucls il n'a ras été polîîblc de fcirompcr : des faits, qu'aucun témoin n'au-
& de lafor- roit ole ccttificr s us n avoicnt pas etc vrais, parccqu u n'auroit pas manqued e-
"'iu^coLdc! frc convaincu d'impofture par les Chirurgiens chargés d'examiner les convul-
"fionnaircs à S. Médard. Les plus incrédules & les nlus prévenus contre les mira-
cles de notre tems oferont-ils bicncnaccufer jufqu'a ces mêmes Chirurgiens em-
ploies par la Cour? Je leur annonce d'avance qu'il ne leur reliera néanmoins que
ce fcul parti pour coutelier cette oeuvre divine.
Mais commençons par le témoignage de la charitable veuve qui a examiné
avec tant de foin les membres difformes de ). Tcnard , & qui a vu s'opérer jour-
nellement fous fcs yeux le progrés de leur renouvellement. „ Je remarquai (dit-
„ elle) qu'elle avoit l'épaule droite prcfquc toute défTéchcc, & beaucoup plus
„ balle que la gauche : qu'elle paroilloit toute diiloquéc , les os en étant écartés
» l'un
IBE'-E DE L'OEUrRE DES CONFULSIONS. 41
^, l'un de l'autre , 8c l'os de l'omoplate faifant faillie 6c fortant extrêmement en
5, dehors, & maigre comme une planche: que le bras qui pendoit à cette épaule
„ étoit extrêmement dcfleché & ini'enfible , & n'étoit pas plus gros ni plus long
„ que celui d'un enfant de 8. ans: qu'il ne confiftoit qu'en un feul os rond Se
„ un peu plat couvert d'une peau très rude, noire & violette , remplie déterre^
„ Se féche comme du parchemin: que cet os étoit courbé en rond, mais plié
„ vers le milieu , fans qu'on apperçût la forme des os qu'on a ordinairement au
5, coude. . cet os étant lans aucune groffeur depuis l'épaule jufqu'au poignet. „
Il n'efl guéres poflîble de faire une delcription plus exafle & mieux circonftanciéc.
On voit que c'eft l'ouvrage d'une peribnne qui dans l'efpérance des prodiges que
Dieu a en effet opérés , avoit examiné ces membres hideux avec la dernière at-
tention , comme elle le déclare elle-même.
Joignons d'abord à ce témoignage celui de M. de Chantepie. C'eft un Seigneur,
c'eft un homme de condition. Ces qualités extérieures font fouvcnt celles qui font
le plus d'impreflîon fur la plupart des gens du monde. „ Je certifie ( dit-il )
5, que fon bras droit étoit tout décharné depuis l'épaule jufqu'au poignet : qu'il
5, etoit même dcfleché : qu'il n'avoit que la peau attachée fur l'os ; &: que ce bras
j, n'étoit pas plus long que celui d'un enfant de ^. ou 4. ans : que -ce bras étoit
,, en demi-cercle n'aiant qu'un pli au milieu, fans qu'on y diftingàt aucun des
„ os qui forment le coude. „ Ce témoignage quoique plus court eft du moins.,
iuiffi frapant que celui de la veuve de Brai.
„ Ce bras, (dit le Sieur Bertrand,) n'étoit qu'un os encore bien mince &
„ bien petit , fur lequel il y avoitcomme une cfpéce de vieux parchemin de cou-
„ leur de terre. „
„ Le bras droit (dit le Sieur Hurtaut ) étoit de moitié ou environ plus court
„ que l'autre... ce bras jufqu'à l'épaule étoit tout démanché , fans mouvement,
„ n'aiant point pris de nourriture, d'une couleur brune, tout delléché,toutren-
„ verfé en dedans. „
Mais pour forcer jufqu'aux Conflitutionnaires les plus prévenus, de convenir
malgré eux de l'état évidciiiment inciu'able où étoient ces membres deflcchés,
préfentons leur des témoins que ceux qui combattent les œuvres de Dieu nous
ont eux-mêmes fournis, du moins en partie : mettons fous leurs yeux les témoi-
gnages des Chirurgiens qui ont vifité l'épaule 6c le bras droit de J. Tenard dans
le cimetière mêioe de S. JNÎédard, dans le tems qu'ilsy examinoient lesConvul-
fionnaires ; Se commençons par celui de M. le Dran emploie parla Cour, non-
feulcmcnt dans le célèbre cimetière, mais même aux procès-verbaux delà Baftille.
„ Son bras ( dit-il ) deflccî-ié 6c paralitique me frupa. Je l'inferrogcai , 6c elle
me dit quelle en étoit eftropiée depuis l'âge de 5. ans ... je trouvai fon bras
droit de près d'un demi -pied plus court que l'autre, en le mefurant du moi-
gnon de l'épaule ( jufqu'à l'avant-bnis ; l'épaule étoit plus baffe que l'autre :
les inulcles de l'omoplate étoient autli comme defféchés 6c fans aélion. . . L'a-
„ vant-bnis aufll defl'éché que le bnts, étoit à demi plié fans que je le puffe
„ plier davantage ni l'étendre, la jointure s'étant anchylofée . . la couleur de la
„ peau de tout le bras jufqu'à la main . . brune 6c tcrreule . . Je ne vous dirai
„ point minuciérement (aioute-t-il) l'irrégularité de toutes ces parties : il eft
„ aifé de fentir que le fuc nourricier y a manqué prefqu'cntiérement, 6c ne s'y eft
„ porté qu'autant qu'il le falloit pour qu'elles ne tombaffent pasen cangréne. „
Qiioique cette defcription ne ibit pas tout- a -fait aulîi circonftanciée , par
rapport à certains points , que celle des témoins préccdcns, elle contient cepen-
dant tous les principaux faits. Il eft aifé de fentir par la mamere même dont M.
Ohferiat. I. Fart. Tome II. F le
4Z IDE'E DE VOEUFRE DES CONVULSIONS.
\c Dnn a tourné ce qu'il a crû ne pouvoir diffimulcr , que dans la fituation cm-
barrafiantc où il fe trouvoit, il a été bien plus porté à diminuer qu'à augmenter
les circonilanccs. Mais ne voulant néanmoins rien dire que de vrai , il a pris le
parti de s'envelopper autant qu'il a pu dans des exprcfllons vagues & générales,
trouvant de tous côtés trop d'inconvénient ^^ àcixiWcx minuciérement V inégularitê
de toutes ces parties. Il fcroit trop dur de lui en favoir mauvais gré. N'eil-cepas
encore beaucoup pour un Chirurgien célèbre en qui la Cour avoit mis fa confian-
ce pour démêler les impollures prétendues des Convulfionnaires, d'atteilcr des
faits qui fuffifent pleinement pour démontrer que l'état d'une Convuliîonnaire ,
avant le miracle opéré fur elle, étoit abfolument incurable. Car qui ne fait que
l'art n'a nul remède, la nature nulle refTource pour régénérer des membres dcf-
fjchés, rétablir des jointures depuis long-tcms ancbj'lolécs , ni pour allonger un
bras qui étoit rcftc fans prefque grandir depuis l'âge de 3. ans jufqu'à 2p. pafles.
Si M. le Dran a crû n'être pas obligé de particularifer certains faits qui fer\'ent
a
dit
pei
croître à tout âge julqu'à des os arides ôc totalement décharnés.
Quoique le rapport de M. Sivert entre encore moins dans le détail au fujet
de ce bras que le témoignage de M. le Dran, il renferme néanmoins plufieurscir-
conlbinccs trcs frapantcs. „ J'obfervai (dit-il,^ qu'elle avoir l'épaule droite beau-
qu a i'arncuiation uc 1 cpauic, «x q
„ furplus un demi-cercle , le poignet reliant toujous en l'air &: remontant jufqu'-
„ au dclfus de lamammclle droite: & que malgré l'impétuoli té des mouvemcns de
„ tout fon corps que pluficurs pcrfonncs avoicnt bien de la peine à retenir, le de-
„ mi-cercle que décrivoit fon bras droit confervoit toujours la même figure fms
„ s'étendre ni fléchir quoiqu'on la tirât , 6c qu'on la retînt par ce bras pour l'em-
pcchcr de fe brifcr le corps contre terre.
Ce fcroit fatiguer le lecteur en pure perte que de lui préfentcrdefavantcs dif-
fcrtations pour lui prouver que des membres en cet état font incui-ables. He ! qui
pourroit en douter.'' Bornons-nous donc à faire quelques réflexions fur l'ouvrage
du Tout-puiflaat, en même tcnis que nous en fournirons les preuves.
Si l'épaule droite de J. Tenard toute deff'échée. . . £5? toute ^///o^/z/tf, dit la veuve
de Brai : fi cette épaule dont les mufcks de roinoplate et oient auffi comme dé£'cchés (^
fans aHion dit A'I. le Dran : fi cette épaule beaucoup plus haJJ'e ^ plus menue que Is.
gauche., dit M. Sivert : fi cette épaule dont les os n'avoicnt pu prendre leur croifllin-
ce pendant plus de x6. ans , tant parcequ'ils avoient été briles dcslage de j. ans ,
que par ce qu'ils n'avoient pu trouver dans des muiclcs arides , applatis 6c prcfqu'-
anéantis le fuc nourricier dont ils avoient befoin, ce qui avoit rendu cette épaule
fi petite, fi mince & fi balfc. Si, dis-je, cette ép.iules'cfl: regarnie en peu de tcms
de toutes les parties qu'elle avoit perdues des l'amiéc lyof . £c fi les os de cette
épaule ont ircouvré toute l'étendue qu'ils dévoient avoir, en forte qu'elle eft de-
venue autfi haute que l'épaule gauche & qu'elle a acquisla facilité d'exercer libre-
ment toutes fortes de mouvemens: qui pourra s'empêcher de rcconooitre l'opé-
ration de l'Etre fouvcrain dans un tel prodige?
Si en même tcms cchras qui n'était qu''un os fur lequel il y az'oit comme uneefpéce
et vieux parchemin de couleur de terre ^ dit M. Bcrir.md : fi ce bras qui n étoit pas
plus
IDE'E DE L'OEUTRE DES CON f^ULS 10 NS. 4;
pJus long que celui d'un petit enfant de 3. eu 4. ans . . fans qu'on y difingât aucu)t
des os qui forment le coude , dit M. de Chantcpie : fi ce bras , dont les os qui iwoient
perdu leur forme naturelie décrivoicnt un dcnn-ccrclc qui confer'-joit toujours Ici
même figure ^ ôcLi M. Sivert: '^i c(i hras défféché (:c\>x\%co\\v(:xt £\xnzpeaubrurie{^
de 173 1. s'efl; en peu de tems regarni de chairs , fi les nerfs, les tuyiuixo: les
vaifleaux de toute efpcce qui avoient été détruits dès l'âge de 3. ans lui ont été
rendus : fi fes os ont repris dins toute l'étendue du bras 6c de l'avant-bras prcf-
qu'autant de longueur que ceux du bras gauche : enfin s'il s'eft formé une nou-
velle articulation;! la place desosbrifés , dont les efquilles avoient réuni enfem-
ble le furplus des os du bras &: de l'avant-bras : qui pourra rcfufer dcbcnir l'Au-
teur de la nature de s'être ainfi montré fi à découvert parmi nous!
Voilà cependant les faits que vont nous atteller jufqu'aux examinateurs d'of-
fice emploies par la Cour: mais commençons par le témoignage de la pcrfonnc
qui a été continuellement attentive à ces opérations du Tout-puifFant, 5c qui par
ce moien en a été la plus particulièrement inllruite. ,
Vers le milieu du mois de novembre 173 1. dit la veuve de Brai les os deV épaule as.
J. Tenard j'^_^//«y»/ (^.'?;2i «^fj fo/rjz/ //?(?;« particulières , dont cette charitable veuve
rapporte les circonftances qui font fort fingulieres, &; propres à faire connoître
aux perfonnes attentives que Dieu emploioit ces convulfions , pour foire pafler
par des fccoufies réitérées une grande multitude d'efprirs animaux dans les muf-
des dcflcchés de cette épaule, & qu'il fc fervoit de ces cfprits pour rétablir ces
mufcles applatis, inanimés ^ prefqu'anéantis , 6c pour fiire entrer une fi grande
quantité de fucs nourriciers dans les os arides 6c rétrécis de cette épaule, qu'en peu
de tems ces os recouvrèrent toute la longueur Zl la groficur qu'ils dévoient avoir,
„ En même tems (dit cette veuve Chrétienne) la peau de cette épaule qui
„ étoit auparavant defiechée 6c qui rcflcmbloit tant potir la couleur qu'au tou-
„ cher, à un morceau de vieux parchemin qui auroit été collé fur des os, s'adou-
„ cit au toucher 6c reprit une couleur de chair naturelle, 6c l'épaule s'enaraifTIi
„ prefqu'à vue d'œil. (A quoi elle ajoute plus bas) que dans les premiers^ jours
„ du mois de Décembre, étant à la regarder fous les charniers, elle s'appèrçût
„ avec admiration qu'elle levoit fon coude jufqu'à la hauteur de fou épaule, ce
,, qui lui fit comprendre que les os de cette épaule, qui étoit C dit-elle plus
„ haut) toute didoquée 6<: beaucoup plus bafie que la gauche, avoient rcpns leur
„ place naturelle ; ce qui lui ht cfpérer que dans peu J . Tenard auroit un mouve-
„ ment libre dans cette ép;iule , ce qui effectivement arriva ainfi peu de join-s
„ après: cnforte que cette épaule fe trouva guérie, 6c toute pareille à l'épaule
„ gauche à la fin du mois de Décembre 173 1. à l'exception feulement qu'elle
n'étoit pas encore tout-à-fait aufli groffe.
„ Qii'aufll-tôt que cette épaule eût coram.encé à s'engraifier, le haut du bras
, droit commença aufiî peu a peu à reprendre une couleur naturelle Se à fe rem-
plir de chairs, ce qui gagnoit tous les jours un peu le long du bras : 6c qu'auf-
fi-tôt que ce bras fe fût rempli de quelques chairs.... les os du coudecommcn-
cercnt à fe former.
„ Qii'clle fe refiouviendra toute (îi vie qu'une nuit, à la fin de Novembre, on
„ au commencement de Décembre 173 i.J. Tenard la reveilla pour ..lui direqu-
„ il lui étoit pnufié un os en pointe aii milieu du br;\s à l'endroit où dev^oit être le
„ coude : qu'elle y tâta auîfi-tôt , 6c "qu'elle trouva que l'angle du coude venoic
„ de fe former. F z „ Qiie
44 IDE'E DE LOEUFRE DES CONVULSIONS.
„ Qiic dans le courant du reftc du mois de Décembre les autres os du coude fc
„ formèrent aufll l'un aprcs l'autre ; de façon que ce bras qui n'avoit point de coude
„ ni de marque de jointureau mois de Novembre 1731 . . . eneiit unfi bien forme
,j avec les jointures, l'ant;le 6c IcsgrofTcusquifont ordinairement à côte à la fin du
,, mois de Décembre de la même année, que J. Tcnard commença à fefervirdc
„ cette jointure, êc à pouvoir étendre un peu ce bras &: à le plier. „
M. de Chantepic certifie pareillement que le bras droit de J. Tenard s'ejl rani-
mé (^ regarni de chairs (y fi confidérahlement allongé i^ groJJÏ ., qu'il ejl fréfentement
prefqiî'aHJji long 13 J>re [qu'au JJi gros que fon bras gauche. A quoi le fleur Bertrand
ajoute qu'il a remarque qu'en même tcms les os de fon coude s'étoient formés.
Mais ne prenons plus pour témoins de faits par eux-mêmes fi incroiables, que
des Maîtres de l'art qui aient fcnti toute la force Scia conféquence du témoignage
qu'ils rendoient : ne préicntons plus au leéleur que de célèbres Chirurgiens qui
inftruits par leur art, aient parfaitement connu l'impofTibilité phifique qu'il y a
que la nature rcproduifc la multitude infinie de vaifleaux qui étoicnt détmits dans
ces membres deflcchés : qu'elle fific croître des os qui étoicnt reliés pendant t6.
i^ns fans prendre leur grandeur naturelle : 6c qu'elle forme de nouveau une arti -
culation dans des os, qui aiant été fracafies avoient perdu leur première figure,
& dont les efquilles s'etoicnt anchylofés 6c foudés cnlemble dans la fituation de-
rangée où leur brifemcnt les avoit mis.
Commençons par le Chirurgien qui déclare lui-même avoir examiné notre
cdropiéc avec attention fous le charnier du cimetière de S. Médard. J'ai
„ d'abord vifité fon épaule droite (dit M. Sivert) que j'ai trouvée placée com-
„ me elle doit être, 6c de hauteur égale à la gauche. „
Qiiand nous n'aurions prr rapport à l'épaule que ce témoignage, joint à celui
de la veuve de Brai, il devroit luffire pour convaincre pleinement que les os de
cette épaule ont repris toute leur étendue 6c leur groffeur , puifqueM. Siveit,
qui déclare dans le mêmerap}X)rt qu'il avoit d'abord trouve cette épaule /^^,?«rort^
;plus haffe ^ plus menue que la gauche , certifie que dans une autre vifitc il l'a trouvée
placée comme elle doit être (^ de hauteur eç^/c à l'autre épaule. Or fi les os n'en cuf-
fcnt pas recouvré la grandeur qu'ils dévoient avoir , comment cette épaule fi bafle ,
fi mince 6c fi petite, feroit-cUc devenue aufli haute que l'autre épaule qui avoi'.
toujours cû fi grandeur naturelle? mais pour ne lailTer aucun doute à cet égard
joignons à ce premier article du rapport de M. Sivert, le témoignage de quatre
autres Chirurgiens.
Voyons d'abord ce que M. le Dran n'a pu s'empêcher de déclarer. J'avoue ,
dit -il dans fa 2c. Lettre, que le jeu de l'épaule eft entièrement libre. Il eft bort
d'obfcrvcr qu'il ctoit convenu dans fa ic lettre que vers la fin du mois de
Novembre 173 1. Il avoit vu J. Ternard dans fa convulf on lever le coude à la hau-
teur de V épaule , ce qu'elle ne pouvoit faire, dit-il, les premiers jours.
Apres avoir avoue dans fa z°. lettre que cette épaule avoit recouvré un mou-
vement parfait, il ajoute que cette épaule a repris chair y étant prefqu'aufî formée (^
tharnue que le côté gauche , y que la peau qui la recouvre a perdu fa couleur terreu-
ft 13 fa féchercjfe.
Quoique ces deux aveux ne s'expriment pas nommément fur tous les points,
ils les comprennent néanmoins tous par les conféquences qui en réfultent. M. le
Dr.in convient que le jeu de l'épaule cil entièrement libre. Or comment l'au-
Toit -il été fi les os n'en euficnt pas été rétablisdans une forme parfaite ? Au fur-
plus il avoue encore que cette cp.aule deflcchée depuis fi long-tcms a repris chair;
qu'elle eft prcfquaulfi clurauc quç celle du côté gauche 6c que fa peau aride 6c
remplie-
IDË'E DE L'OEUrRE DES CONVULSIONS. 4r
remplie de terre a perdu flifécherefle; d'où il fuit que fesmufcles, qui avoient été
pendant tant d'années prcfqu'entiérement anéantis auflî bien que le nombre in-
nombrable de vaifleaux de tout genre qui fourniffent la nourriture aux mui'cles,
avoient été régénérés à l'âge de 30. ans. N'eft-ce pas làavoirtirc de M. le Dran
plus qu'on n'en dcvoit nat'lîrellement attendre?
Joignons à ce témoignage fi peu fufpcéi celui de trois autres Chirurgiens qui at-
tellent encore plus clairement que les os fi petits 6c fi étroits de cette épaule
avoient acquis toute l'étendue qu'ils dévoient avoir.
„ Je trouvai (dit M. Mouton) que lesdcux omoplates étoient égales que la
„ peau avoit perdu fa couleur violette , & qu'elle avoit repris fa couleur naturelle. „
Les deux épaules nous ont paru, dit M. de Manteville, à feu près égales , faisant
tous les wowvemens propres à ces parties très librement , leurs articulations étant bien
conformées.
On fent la conféquence qui réfulte de ces deux rapports. Comment les deux
omoplates cuflent-elles été égales? Comment l'épaule nouvellement rétablie eût-
elle f\iit librement toutes fortes dcmouvemens? Comment les os de l'articularion
cufîent - ils été bien conformés , fi tous les os de cette épaule n'eufient pas recouvré
leur grandeur naturelle ?
Mais voici encore un témoignage plus précis. „ J'ai reconnu (dit M. Souchai)
pu relier quelque doute furlaqueftiondclavoirfiles os de cette épaule
avoient acquis ou non toute l'étendue qu'ils dévoient avoir ; ce dernier rapport
fait difparoître jufqu'à la moindrcombre d'incertitude. Tous les autres iefuppo-
foient } mais celui-ci l'exprime dans les termes les plus clairs.
Il efi: donc prouvé inconteflablement par tous ces rapports unanimes que l'é-
paule en quellion a été renouvellée & mife dans un état parfait : que fes os ont
repris autant de grandeur que s'ils n' étoient pas reliés fins prcfque grandir depuis
l'âge de 3. ans, 6c que fes mufcles ont été régénérés avec tous lesvailTeaux , les
nerfs , 6c les tuiaux nécelîaires pour leur apporter toute la nourriture dont ils
avoient bcfoin pour s'entretenir dans un état parfait, pour leur fournir la lym-
phe fubtile, 6c pour exécuter tous les mouvemens dont les mufcles font fufcep-
tibles. Auflî depuis fon admirable rétabliflement cette épaule a-t-elle eu (on je»
tntierement libre , fuivant que M. le Dran l'avoue lui-même. Voilà donc encore
une gucrifon entière 6c parfaite.
Reprenons préfentcmcnt la fuite du rapport de M. Sivert, qui en nous met-
tant fous les yeux l'opénuion de la Divinité fans comparaifon plus fenfible dans
la régénération du bras que dans celle de l'épaule, nous frapera d'une admira-
tion encore bien plus grande. „ J'ai enfuite (déclare-t-il) vifité fon bras . . . que
,, j'ai trouvé rallongé très confidérablement : 6c en aiant prislamefure ... j'ai
„ trouvé que ce bras (y compris la longueur de la nouvelle main, dont nous par-
5, lerons dans la propofition fuivante) avoit z. pieds ï . pouce 7. lignes : ^ aiant aulfi
,, mcfuré la longueur de fon bras 6c de fa main gauche , j'ai trouvé qu'il avoit x.
,5 pieds 4. pouces i. ligne de façon qu'il n'y avoit que z. pouces & demi de
5, différence entre la longueur de fon bras droit 6c celle de fon bras gauche ....
3, ce qui ne me peut laiflcr aucun doute que depuis le mois de Novembre 1731...
„ les os de fon bras droit ... ne fefoient allongés très confidérablement : ce que
î» je "e puis m'empécher de dire être au defilis des forces de la nature ,n'v aiant point
.,, d'exemple qu'après l'âge de zf. ans, des os fefoient allongés. „
S'il n'y pas d'exemple que des os fefoient allongés après ï'àgc de if » ans, quel
F 3 prodige
46 IDE'R DE VOEUVRE DES CONVULSIONS.
prodir^c n'cll ce point que des os décharnés, des os d' -mouilles depuis z6. ans de
preiqù .• tous les vaifleaux qui leur auroient du fournir la nourriture : des os quj
par conféqucnt s'étoicnt endurcis , rétrécis & defTcch-s, le ibicnt ibudainement
accrus à l'âge de p. ans ?
Deux autres Chinirgicns ont encore vérifié ce prodige. M. Souchai , après
avoir rapporté les mefures qu'il avoit prifes des deux bras de la miraculée, àé-
c\xvc c\x':' K'y apas préfenteme-'it ^.ponces de différence entre la longueur de fcs de:m
br-ii. AI. de Mantcville déclare la même choie, à quelques lignes près.
Cependant avant le miracle ce bras, dit le Sieur Hurtaud, ctoit ^? moitié ou
environ plus court que l'autre . Ce bras , dit M . Sivert , était plus d'un tiers plus court
que le bras gauche. Ce bras indépendamment de la pctitefle de l'avant-bras éio\X. dt
près d'un demi-pied plus court que T autre , dit M. le Dran.
Le Icfteur cft Tins doutccurieuxde voir comment M. le Dran fe tirera d'affaire
p.ir iT.ppoit à l'allongement fi évidemment furnaturel des os d'un bras, dont lui-
même avoit certifié l'extrême .petitelîe.
Voici fa réponfe à laqucftion que ic lui ai fliite, s'il n'avoit pas reconnu que les os
du bras Se de l'avant- bras de J- Tcnard avoient trcs cxtraordinairemcnt augmenté
de longueurdcpuis les premiers jours qu'il avoit examiné ces membres cftropiés : y«
}.'i peux , dit-il dans fi i.'. Lettre , déftgner par des mefures ki degrez d^accroiffement
que ces parties ont acouifes . parceque j; li'en ai jafnais pris la mcfure.
. Si M. le Dran ne fpécifie pas de combien les os du bras en qucflion s'étoient
allonges, du moins convient-il bien pofitivemcnt qu'ils fc font etFeftivement al-
longes d'une manière fi vifible qu'il n*a pu s'empêcher de l'appcrccvoir. Ce
n'ct!: , fuivant lui, que faute d'en avoir pris une exacte mcfure avant un évé-
nement \\ incfpcré, qu'il n'cft pas en état de defigaer par des mefures ']uilcslesde-
grez d'accroijfc'ment que ces p.irties ot'i .icjuifes. N'elt ce pas là avouer formellement
que ces parties ont acquis des degrez d'accroiiïcment fenfibles & palpables ?
Au relie non-feulement les os de ce bras dcflcclié ic font allongés -, mais les
mufcles , les nerfs & les vailleaux dont il avoit été fi long-tems dépouillé fc font
régénérés à vàe /œil, comme le déclare la veuve de Brai, ce qui fe trouve aufïï
conilaté par les rapports de nos Chirurgiens.
„ Au furplus (dit M. Sivert) ce bras droit commence à fe bien regarnir de
„ chairs aiant préfentement 7. pouces £c 7. lignes de grofieur, Sc l'avant brasf.
„ pouces 6c f . lignes. „
AI. lo Dran lui-même eil convenu que tout le bras 6? l* aïoitié fupérieurede^^t-
■vant-bras ont repris chair, étant prcfque au [fi formés £jf charnus que le côté gauche , &:
que la peau qui les couvre a perdu fa coulrur terrcufe £<? fa fécherefj'e.
S'il n'a pas pris la mefurc de l'étendue proJuite par cette adminible régénéra-
tion, d'autres Chirurgiens ont eu l'attention de la prendre. M. Souchai & M. de
Manteville déclarent tous deux également , chacun dans Ion rapport , qu'il ont trou-
lé que ce bras . . . avoit préfentement 7. pouces 7. ligi:es de gro/fcur . . . o favant-
bras ^.pouces f . lignes : ce qui eft entièrement conforme au rappoit de M. Siveit.
S'il n'eft pas poiTiblc de révoquer en doute un fait aullî exaftcmcnt vérifié par
pluficurs rapports unanimes faits par des Chirurgiens de la première réputation ,
qui pourra s'cmpccher d'y rcconnoitrc l'opération du Cré itcur. Qiioi ! ce bnis
qui rcficmbloit aux membres de ces momies d'Egypte qui ne fe conlcrvent que
1->ar leur dcd'échcment : ce brwt tout décharné depuis Pépaule juiqu'aù poignet : ce
iras qui étoit mcnie dcfféché (^ qui n'avoit que la peau attachée fur F os dit M. de
Chantcpic : ce bras qui ne toit qu'un os . . . fur lequel il y avoit comme une rfpéce depar-
(bcmin de couleur de terre, dit le S. Bcnrand : ce bnis a été h bien regaini de
chairs
IDE-'E DE VOEVVRE DES CONVULSIONS. 47
chairs qu'il a -. pouces & 7. lignes de tour à fa partie fupéricurc &f .pouces r.
lignes a l'autre partie?
Les chairs, autrement dit Icsmufclcs, font compofés ou du moins remplis d'un
nombre innombrable de nerfs, de tuiaux, ôc devaideaux qui leur font néccflaires
pour leur conferv^ationSc leurs u' âges i les nerfs pourlssrendiefeniîblcs: les tuiaux
pour leur faire exécuter tous les mouvemens : les vadîeaux pour leur fournir la
ipent ce s aneantnlent , les derniers s afraiflcnt & fe collent enforte
que leur cavité ccfle d'être , au moien de quoi ces muiclcs ne font plus qu'une
mafle aride 5c fans organe. Mais ici ce n'eft pas proprement le deffechement
du bnis qui a produit peu à peu la deftraftion de fes nerfs, de fes tuiaux &c de
fes vaifleaux. C'eit au contraire la deUmélion fubite de tout-js ces parties fracaf-
fées , brifées, déchirées en l'année I70f. qui a caufé le d': Téchement du bras.
Toutes ces parties mifes en pièces par la chute que fit à l'âge de 5. ans [. Teinrd
enlevée par un tourbillon de vent 6c précipitée avec violence contre terre ne
purent fe rétablir. Aiant été meurtries , divifécs & lacérées , elles font pour la
plus grande partie tombées en pourriture, & le furplus s'ell totalement defte-
ché : & il n'elt refté de ce bras, que les os couverts d'une peau, qui bien-tôt eft
devenue féche êc refîemblante à de la terre foute d'être humectée par les vaif-
feaux , qui aiant cefle d'être ne lui fournifToient plus les liqueurs dont elle avoit
bcfoin pour fe nourrir.
C'eft après que ce bras cH demeuré x6. ans dans cet état, qu'il plaît au Tout-
puilTant de lui rendre toutes les parties qu'il avoit perdues depuis fi lono--tems.
Ofera-t-on donner la gloire d'une régénération fi miraculeufe au malheureux au-
teur de tout mal ? Cnx il n'eft pas polîlble de l'attribuer à la nature , qui pendant
tant d'années Se pendant tout le tems qu'elle a fiiit croître le refte du corps , clt
demeurée à cet égard dans l'inaélion, & dans une impuiffance totale. La nature
n'eft pas un être diftingué de Dieu : elle n'ell autre chofe que l'ordre commun
que Dieu a d'abord établi, & félon lequel il agit ordinairement. Or des membres
defféchés qui ont perdu une infinité de parties, font dans une entière impoffibili-
té de les régénérer fuivant les loix que le Maître de la nature lui a données en-
fermant la matière. Il a donc fallu que Dieu agit d'une manière extreordinaire
d'une manière furnaturelle fc par conféquent miraculeufe pourrenouveilcr cette
multitude de tuiaux, de vaifleaux , 8c de nerfs qui ne fubfiftoient plus. Quel-
le impiété ne feroit-ce point d'en faire honneur à fonmiférable ennemi ' Qiiel au-
tre que celui qui eft la Sagefie infinie , la fçiencc univerfelle , la piiifTance fins
bornes , eut pu donner un nouvel être à cette quantité prodigieuie de peti-
tes parties fi fines, fi déliées, fi délicates, & leur faire avoir a chacune , ou la for--
ce & le reffort , ou la moUeffe Se la flexibilité dans le degré précis qui leurcon--
riennent ?
Mais cet admirable prodige a été accompagné d'un autre prodige encore plus-
grand. Ce coude écrafé a l'âge de 5. ans a été rctabh dans un état parf ut : ce"
coude dont tous les os fracaftes & réduits en efquiiles n'avoicnt plus fenà que
comme d'un ciment qui avoit fondé enfemble le furplus des os du bras&del'a--
vant-bras. C'eft au milieu de ces os fi étroitement réunis qu'ils ne faifoient plus-
qu'un feul cot^ç^^^ fans qu'on y difttngât aucun dei os qui forment le coude, dit'
M. de Chantepie; c'eft au milieu de ce bras qui ne conf:fiû:t qu'en un fcnl os,-.
fans qu^on y apperçût la forme des os qu^on a ordinairement au coude , cet os étant-'
jtms aucune gtyjjeur depuis Vépaule jufqu au poignet-, dît h charitable veuve: c'eft ^
dis-jp--
4S IDEE DE VOEUFRE DES CONVULSIONS.
tiis-jc, ;iu milieu de cet os décharné, qu'il a plu à Dieu de compofcr une joi»'
turc toute neuve, giUT.ie de toutes fes emboiturcs!
Quel miracle que de former une nouvelle articulation au milcu d'un os dcf-
fcché ! de divifcr cet os en deux parties, & de conllruirela tête de chacune avec
des proportions li julles, qu'elles foyent toutes deux capables de s'emboîter l'une
d.xns l'autre comme les crans d'une charnière, & de rouler en tous lens fans em-
barras dans leur cavités réciproques! Avec quelle prodigalité Dieu n'a-t-il donc
pas mukipHé les merveilles dans l'œuvre des convulfions? Nous avonsdéjà rap-
porté les preuves de l'état où a été ce bras depuis iTOf . jufqu'à la fin de 1731.
nous avons produit des témoins oculaires qui ont certifié avoir vu les os de cette
articulation le former fous leurs yeux : il ne nous rcfte qu'à prouver par des rap-
ports d'experts que cette articulation a été rétablie d'une manière parfaite. C'cft
ce que nous allons faire.
„ Cette fille (dit M. Sivert dans fon rapport déjà tant de fois cité) m'a aufli
„ fait voir qu'elle a préfcntement du mouvementdans l'articulation de l'avant-bras
„ droit avec le bras ; elle a le mouvement de flexion entièrement libre ; mais elle n'a
„ pas celui d'extenfionjufqu'au degré où il doit être naturellement, le tendon du
,^ ir.ufcle biceps n'obéiflant point allez : elle levé le brxs au dcflùs de la tête. ôcc. ,,
Cette obfcrv^ation de M. Sivert, qu'il y a un tendon dans les mufclcs qui
n'obéit point aficz, ne dit pas que cette articulation formée par un fi merveil-
leux prodige ne fut pas entièrement libre : elle l'étoit puifque J. Tenard ou-
vroit & fermoit le bras & en faifoit toutes fortes de mouvemens. Ce défaut de
fouplefié du tendon d'un mufclc qui empcciic qu'un mouvement n'ait toute fon
étendue , ne prouve nullement que le mouvement de l'articulation ne Ibit pas
parfùt. C'eft ce qu'un autre célèbre Chirurgien, qui a auflî examiné cette arti-
culation miraculcufcmcnt rcnouvcUée , va nous décider de manière à ne laifler au-
cun doute. ,, L'articulation du coude (dit M. Mouton) fait les deux mouve-
„ mens, celui de flexion parfaitement > mais celui d'extenfionn'eft par parfait à
„ caufe de la tenfion du tendon du biceps : (ce qui ne l'empêche pas de certi-
fier que) cette articulation qui cil irrite par charnière , cil parfaitement libre. „
Aufli iM/*lc Dran a-t-il avoué dans fa ic. lettre, que prcfcntemcnt f. Ténard
porte fon bras cJc tous côtés très facilenient ^ quoiqu'elle eût de la peine à l'étendre
jufqu au dernier degré.
Deux autres Chirurgiens ont encore vérifié ce prodige. M. de Mantcville déclare
qu'il a trouvé que préfcntement J. Tenard fléchit libreinent... le bras droit... mais
qu'elle ne peut retendre toiit-à-fuit.
M. Souchai certifie que J. "Tenard „ a étendu Se fléchi ce bras en fa préfcncc
„ à difterentcs rcprifcs : (que) cependant elle n'a pas étendu l'avant-bras entié-
„ icment, les tendons fléchilTcurs n'aiant pas allez de fouplcife pour pouvoir
„ obéir jufqu'à l'extcnfion parfaite. „
La conformité de tous ces rapports fait voir avec qu'elle attention, & quelle
cxaditudc ces Chirurgiens ont hut leur examen chacun en fon particulier. Or il
en iéfult« clairement qu'il n'y a aucun défaut dans l'articulation nouvellement
formée , & qu'elle a tout fon jeu & toute la liberté qu'une articulation peut
avoir: car encore un coup le manque de fouplcflc du tendon d'un mufcle n'in-
flue point d.ms l'articulation, & n'empêche point qu'elle n'aie de là part une
agilité p.irfaite, quoique fon aéVion fe trouve arrêtée après une certaine étendue
par le déf.uit de louplclle d'un tendon.
Qiic de merveilles déjà opérées fur J. Tenard ! Qiii fcroit aflc/. aveugle
ou allez téméraire pour rcfulcr de rccounoitrc l'action de Djcu durs toutes ces
tnuis-
iDE'E DE VOETJFRE DES CONVULSIONS. 49
transformations de membres difloqués, rappetifles , contrefaits, &: même d'oHemcr.s
arides qui depuis z6. ans n'étoient plus couverts que d'une peau féche ! Dieu a
changé ces membres eilropics, Se jufqu'aux reiles hideux de ceux qui avoient
été presqu'entiéremcnt détioiits , en des membres entiers , en des membres fains,
en des membres agiles : & il les a de nouveau revêtus de toutes les parties donc
ils avoient été privés pendant tant d'années.
Les maîtres de l'art étonnés n'ont pu s'empêcher d'yreconnoître fon ouvrage.
Entr'autres M. Souchai déclare ^{■x fin de fon rapport: „ premièrement que nous
„ n'avons, dit-il, aucune obfervation d'un pareil exemple : fecondemcnc qu'en
„ confultanc la ftructure du corps humain , il ne paroît pas poflîble qu'une mala-
„ die de cette nature arrivée en bas âge en conféquence d'une chute d'où s'efl;
„ enfuivi la contorfion des membres , la perte de leur action & l'atrophie ou mai-
„ greur des parties , qui a duré l'efpace de if . ans : il n'cft pas , dis- je , poflîble
„ à la nature de réhabiliter ces membres Scde leur redonner leurfubllance, leur
„ aélion , leur fituation naturelle 6c qu'à l'âge de 30. ans il fe falîe pour ainli
„ dire une nouvelle création d'os , de tendons, de ligamens , de mufcles ,, &c.
Si toutes les admirables métamorphofcs arrivées aux membres de J. Tcnard
à l'âge de 30. ans ou environ n'ont pu fe faire iuivant les principes del'anatomie
3ue par tme nouvelle Création d'os , détendons., de ligamens ., de mufcles ^c. qui peut
outer qu'elles ne foient autant de miracles? Qui fcroit aflcz impie pour attri-
buer au Démon le pouvoir de créer, qui eft le propre caractère & la qualité in-
communicable de l'être des êtres j Mais nous allons encore fournir les preuves
d'une autre merveille , où la création d'une infinité de parties eit bien plus mani-
feile , plus fenfible 6c plus palpable , quoiqu'il n'ait pas plu à celui dont les con-
leils font impénétrables à nos foibles lumières, de donner à cet étonnant prodi-
ge tout le degré de perfeélion qu'on auroit pu fouhaiter.
///. PROPOSITION.
La main tendre i3 délicate de Jeanne Tenard aiant été tout h fait êcrafée par la
chute quelle fit en ijof. n"" étant alors âgée que de ^.ans ., toutes les parties dont
cette main et oit composée furent fràcaffées (^ tnifes en pièces : les efqmUes des os fe
carnifierenî {5? fe confondirent avec les débris de la peau , des chairs ^ des antres
parties qui avoient été entièrement meurtries (3 déchirées.
Tous c^S débris mêlés enfembk ne compoferent plus qu' une maffeconfufe^ fansorganes
qui fe deffécha totalement : cette petite malfe inanimée fe plaça , non pas au bout du poi'
gnet du bras defféché., mais au de fous ^ y forma une efpéce de boule de la groffèur d'une
groffé noix, quirenfertnoit en elle-même ^.petits bouts de je ns fai quelle matière qui
navoit ni ongles, ni os, ni nerfs , non plus que le rejle de cette hideufe houle.
C'est de cette maJJ'e informe dont il a plu au Créateur défaire fortirune maintoute
entière , qui ejî auffi grande que la main gauche , qui a des doigts fort bien formés ,
i3 t otites les autres parties; mais qui néanmoins , quoique très bien faite (y d'une
belle couleur de chair, n'a cependant que fort peu de force ,i^ refie à demipanchfe
tiu bout du poignet.
DIeu nous parle aujourd'hui par les plus étonnans prodiges ; mais il nous
parle en paraboles: on diroit qu'en le découvrant il affecte en m.êmc-tcms
de fe cacher: il laifle toujours quelque nuage qui paroît ternir la lumière dont
il nous fixit préfent : il femble vouloir par un jugement terrible, fournir lui-mô-
me des voiles pour obfcurcir fes œuvres à ceux qui fe complaiient dans la fe-
duélion de leur cfprits , 6c dans les illufion de leur cœur.
Obfervat. I. Part. Tome II. Q Rien
fo ILTE DE VOEUVRE DES CONVULSIONS.
Rien de plus admirable que la création d'une main dans une performc de ^O,
ans. Rien de fi furprenant que de voir que Dieu laille une fi grande mer\'eillc en
quelque forte imparfaite. Alais avant de pouficr plus loin nos réflexions com-
mençons par prouver les faits.
ïxiii. _ j, Je certifie ( dit M. de Brevignan Tréforier de l'Eglifc Collégiale de Notre-
iîT/Venoit,, Dame de Brai-fur-Scinc) que J. Tenard. . . âgée d'environ ^o. ans, paflant
pïuiiia r:«-jj par cette ville de Brai fur la fin du mois d'Oftobre 1731. m'aiant dit qu'elle
droite JeVc-,, alloit à Paris pour implorer le Iccours de Dieu, 6c lui demander fa guérifon
'"■""n^eu"'''' P^^ l'interceffion du Bienheureux M. de Paris, au tombeau duquel elle avoit
marirre fc-,, OUI dire qu'il le faifoit beaucoup de miracles , me montra fa main droite qui
vltLts^'"\') me parût. . . d'une couleur tcrreufe , renverfce au dcfl*ous du. . . bout d'un bras
„ . . . tout deflcchc. . . les doigts fans aucune articulation , 6c qui ne paroifibicnt
,, point avoir d'os & n'avoient point d'ongles , Sc qui n'étoient pas plus gros que
„ le tuiau d'une plume à écrire: le tout rentrant en cercle dans la paume de la
„ main, fans pouvoir les rcdreflcr : enforte que fes doigts & fa main n'avoient l'air
„ que d'une boule de terre, groflc comme une grofic noix avccfonécorcc. „
Si cette hidcufc peinture faite à Brai-fur-Scinc par imepcrfonne rcfpcftable eiï
toutfens, contient déjà, du moins par confcqucnce , les preuves de ce que nous
avons avancé dans la première partie de cette 3'. Propofition, voici encore une au-
tre dcfcription plus circonllanciéc qui doit achever d'en convaincre le Iccbeur.
,, Au bout du poignet de J. Tenard, dit la veuve de Brai, il y avoit une
„ efpéce de main. .. qui ne paroifibit avoir ni os, ni nerfs, ni veines, & fem-
„ bloit un morceau de chair informe couverte de terre, &: étoit toute repliée
■„ en dedans du bras , le poignet étant entièrement courbé. A cette main il y
„ avoit cinq petits morceaux de chair . . . qui ne paroilToicnt ni plus gros ni plus
„ longs que les doigts d'un enfant de 3 . ans. A ces doigts qui étoient renfer-
„ mes au dedans de la main , il n'y avoit ni os , ni nerfs , ni ongles : mais cha-
„ que doigt paroiflbit un morceau de chair tout d'une pièce fans aucune jointure:
„ les trois gnmds doigts étoient d'une matière aflcz ferme, 3c étoient cmu-bcs
„ en rond lans aucun ongle , 6c rentroient dans la main lans qu'on pût les ou-
„ vrir. . . A l'égard du pouce Se du petit doigt , ils n'avoient point de dureté ni
„ de fermeté j mais ils étoient comme des morceaux de chair morte Se molle qu'-
„ on rcnvcrfoit 6c qu'on plioit comme on vouloit. ,,
On ne peut gueres fouliaiter un détail mieux circonfiancié : on voit bien qu'il
:([ fait par une perfonne qui a examiné plus d'une fois l'objet difforme dont elle
fait une defcription fi exaéte. Voici cependant un troifiémc portrait de cette
efpéce de main , qui efl; peut-être encore plus frapant que les deux précédens.
„ Je certifie , dit M. de Chantepie , qu'au lieu de main il n'y avoit au bout de
„ ce bras qu'un morceau de quelque chofe couvert de terre fort difforme y
„ fans qu'on pût dire ce que c'écoit, 8c fans qu'on fentit ni os, ni nerfs , ni rien
„ qui pût faire prendre cela pour une main: qu'il y avoit pourtant des figures
,, de doigts extrêmement menus Se très courts, fans jointures & fans ongles , qui
„ étoici.t plies cnrond dans ce morceau difforme 6c que le tout enfcmble qui
„ étoit ;out en un tas 6c rond prcfque comme une boule, n'étoit pas plus gros
„ qu'une groflc noix, 6c étoit recourbé en dedans fous le poignet qui etoit tout
„ renvrrlV -, cnfortc que cette boule étoit comme collée au dcflbus du bout de
„ ce bras icfl'éché. ,,
Ces irni' tableaux font C\ bien peints d'après nature, qu'il fcmble fupcrflu de
fatiguer le icftcur par un plus grand nombre de témoignages -, fur tout pour un
iait qui a été cxpofc aux yeux de tout le public pendant z6. ans, fie pendant
plus
c
TI>E'E DE VOEUFRE DES CONFULSIONS. ft
plus d'un mois à l'examen des Chirurgiens envoies parla Cour dans le cimetière
de S. Médard, &z aux regards critiques des cfpions de la Police : fait par confé-
quent . par rapport auquel aucun témoin n'auroit ofc avoir la hardiefic d'en im-
pofcr. Ainfi je crois luffilant d'ajouter à ces trois témoignages , un extrait du
rapport de M. Sivcrt.
„ J'oblcrvai : (dit-il ) que la main ctoît comme collée à la partie interne de l'a-
5j vant-bras, l'articulation du poignet étant entièrement fléchie. . . que cette main
„ étoit toute informe. . . que ces doigts rcftoient toujours fermés & rentrés dans
„ la paume. . fans qu'il parût aucune articulation à ces doigts , qui étoient très
„ courts & très menus, que les os de cette petite main 5c de ces petits doigts
,, étoient carnifiés. „ Plus bas il ajoute encore; qu'^« mois de Novembre 173 1.
il a vu que les os de cette mai» étoient carnifiés , fans forme ^ fans confifance.
Voilà, comme l'on voit, tous lesprincipaux fiits , tous les faits décilîts avan-
cés par nos témoins , bien conllatés dans ce rapport. A l'égard de M. le Dran,
il a pris le parti de ne parler de l'état de cette cipéce de main avant fa régéné-
ration, que d'une manière un peu fuperficiclle, s'étant contenté d'avouer que
„ la main étoit à proportion (encore) plus dclTéchée que le bras ; (que) cette
„ main fléchie entièrement , faifoit l'angle aigu avec l'avant-bras contre lequel
„ elle fembloit prefque collée, fans' que je pufle (dit-il) la faire étendre, Se
,, que les doigts très grêles 5c mal conformes étoient collés dans la main,Ians
5, pouvoir être étendus. ,,
Tout cela n'a rien de contraire au rapport de M. Sivert, êc à la dépofitioiî
de tous nos témoins. Ce qui manque feulement dans les aveux de M. le Dran,
c''ei^ qu'ils n'entrent pas aflcz dans le détail , ce qui caufe l'omilîion de plufieurs
circonftances. Aufli avertit-il de bonne foi qu'il n'a pas jugé à propos dedétail-
1er miniiciéremtnt VirrégMlarité de toutes ces parties. Il y a cependant un petit ar-
ticle oLi il n'eft pas tout-à-fait d'accord avec le rcfte de nos témoins : il ajoute
à ce que nous venons de rapporter, que cette ni'xmnêtdxt pas plus grande ni
plus groffe que celle d'une fille de 10. ans. On ne peut reprocher à M. le Dran
d'avoir rien dit de faux à cet égard ? car il efl très éxaétcment vrai que cette
main n'étoit pas plus groflc que celle d'une fille de 10. ans: mais ileilenmêmetcms
très certain qu'elle l'étoit beaucoup moins , félon que tous nos témoins l'ont décla-
ré. M Mouton Chirurgien de la plus grande réputation va même jufqu'à dire dans
fon rapport, que cette main étoit fi petite qu'elle lui a paru a peu près co;r.me
celle (Vun enfant de 7. mois. Mais il y a toute apparence qu'à cet égard le coup d'oeil
6c de M. Mouton & de M. le Dran n'ont pas été tout-à-fait iuftcs: ou plutôt
que les deux comparaifons dont ils fe font fcrvis, n'ont été ni l'une ni l'autre
d'une exactitude géométrique ; l'une rcpréfentant l'objet comme trop petit , 6c
l'autre comme trop grand: ce qui ne doit pas paroître fort étonnant, attendu
que ces fortes de comparaifons qu'on fiifit fans beaucoup de réflexion dans les
premières figures que l'imagination préfente, ne font prefque jamais parfaitement
exaftcs. Au furplus il eft fort indifterent pour la grandeur du miracle que ce refl:e
informe de main fût un peu plus grand ou un peu plus petit : ce qui elt ici déci-
fif, c'cfl. que cette main étoit toute informe ., ainfi que l'attcile M. Sivcrt , èc en-
core plus de [féchée que le bras ^ comme l'avoue M. le Dran: que tous (es os auflî
bien que ceux de fe s petits doigts étoient carnifiés., fans forme l^ fans con ft fiance ^
dit M. Sivert; 6c (\ue fes doigts très grêles &" mal conformés .^ félon M. le Dran,
n'avoient aucune articulation .^ ajoute M. Sivcrt.
Qui peut douter que des os qui ontété carnifiés ï l'âge de ^. ans, 6c qui depuis
ce tems iontrefkés fans confifiancei^ fans forme ]\.\((\n' à làge de 30. ne peuvent être
z rege-
fi IDE'E DE VOEUFRE DES CONVULSIONS
régénères que par l'Auteur de la nature? Qui ofcra conteller que des articula-
tions qui ne fubfiilent plus en aucune forte , ne peuvent recouvrer leur figure
finguliére , aue par l'opération de celui qui rcpaîtrit quand il lui plaît lesoiqu'iL
nous a donnes ? Q.ui pourra s'aveugler jufqu'au point de ne pas voir que les reftes
informes &z deneches d'un membre qui a perdu toutes fcs principales parties ,
ne peuvent reprendre un nouvel être , ni s'organifer une féconde fois que par
Tiiction du Créateur ? Il ne me relie donc qu'à prouver que tous ces prodiges,
font arrives. C'cil ce que ]c me hâte de faire.
Commençons par le témoignage de celle qui a reçu J. Tenard chez elle.
xiiv. La veuve de Brui déclare que „ vers les fêtes de Noël 173 1. fi petite main
u'ilZJln ^I"-" ^^^'^^ renvcrfce fous le moignon qui lui fcrvoit de poignet, commença à fe
,...ntma.>;d(-j, làchcr pcu à pcu. . . . quc la couleur de cette petite malîe de chair s'éclaircit
.^Lic roain. ^^ ^^ mémc tcms s'ctant toute pelée , 6c devint beaucoup plus mollette qu'elle
„ n'étoit auparavant; 6c que comme elle la tâtoit trèsfouvent, elle fentit
„ au mois de Jimvicr 1752.. qu'il s'étoit formé de petits os fort menus & fort
„ minces dans cette main au deflous des f. doigts qu'en même tems il fe
„ forma de petits os à la partie de chacun de fcs doigts qui touchoit à fa main ,,
„ & que, (peu après elle remarqua que ces petits os étoicnt conftruits de fi-
çon qu'ils faifoient chacun une jointure , ou pour mieux dire une articulation)
avec ceux qui s'etoicnt d'abord ibrmés dans la main : cl- qu'elle appcrçûtnon
„ feulement a la vue , ces jointures faiflmt l'angle. . . . m;us auOî au toucher ,.
,5 ces jointures lui aimt donné la facilité de faire remuer ces doigts. Que
,j les 3. doigts du milieu prirent Li forme de doi^t beaucoup plus vite que
„ le pouce 6c le petitdoigt, qui relièrent encore long-tems tout à fait mollalfcs,
comme de la chair morte, quoi qu'ils euffcnt déjà chacun un petit o.sprcsdc
la main. Qu'elle appercût aulli dans le.... mois de Février . . . qu'ils'étoit formé
des nerfs & des veines dims cette petite main. . . . Que comme la miiin de J.
Tenard étoit encore dans cet état, on vint à fermer le petit cimetière, Se que
le bruit s'étant répandu qu'on alloit enfermer tous les ConvuUîonnaires elle lui
confeilla de s'en retourner chez lii mère; ce qu'elle fit le z6. février 1732..
„ Qii'clle ne refla dans Ion païs que jufqu'au 25). Mars qu'elle revint à Paris.
(Qiie pendant ce tems la main ne fit prefqu'aucun progrès) mais qu'aullî-tôt
après fon retour. Dieu lui fit regagner bientôt le tems perdu Qu'cl-
5»
n
y»
55
?>
le remarqua que (a main 6c fes doigts fe formoicnt , s'allongeoient 6c ic rem-
pliiroient de chairs d'une manière fi ienlible qu'on en appcrcevoit la elii}ércnce
d'un jour à autre. Que les os qui manquoient encore à fes doigts furent for-
mes en très peu de jours, 6c que fa main 6c ics doigts, qui n'étoicntp.is enco-
„ re plus longs que la main 6c les doigts d'un entant de 4. ou f. ans , quand elle
„ revint de ion p.Vis le ip. Mars 1732. devinrent enfuite dans l'efpacc de deux
„ mois ou environ , tout auflî longs que la main 6c les doigts du côté gauche :.
„ de façon que la main 6c fur-tout les doigts, criuent pendant ce tcms-là de
,, plusque le double de ce qu'ils étoicnt auparavant. „
Joignons d'abord à ce témoignage celui de M. de Chantcpie qui quoiqu'-
liomme de condition, ne dédaignoit pas de venir voir très fouvent J. Tenard,
pour être témoin des merveilles que Dieu , qui du haut de fa gloire fe plaît à jctter
des regards de miféricorde fur les créatures qui paroilfent les plus viles aux
yeux cnarnels, opcroit journellement fur cette pauvre païlane à qui il avoit don-
né des con\ulfions. „ je certifie (dit-il) qu'au lieu du petit bout de matière
„ difTorme qui étoit recourbé fous fon poignet ... il s'elt peu à peu formé une
„ maia £c uc véritables doigts, qui ont toutes les p.utics qu'une main 6c des
„ doigts
/2)E'E DE VOEVFRE DES CONVULSIONS. f^
,, doigts doivent avoir, aiant préfentemcnt des os, des jointures, des nerfs,
„ des ongles j en un mot tout ce qui forme une main 6c des doigts : cette main
5, & ces doigts étant même préfentement auffi longs que fa main & fes doigts
„ du côté gauche. Et comme Dieu m'a fait la grâce de me faire voir & admirer
5, une fi grande merveille, qui eft évidemment une création j'ai crû être
„ obligé en confciencc de donner le préfent certificat pour rendre témoignage à
5, la vérité : attellant devant Dieu que je n'y ai rien mis dont je n'aie une entière
j, connoifiance. „
Le Sieur Hurtaut , qui venoit aufll examiner afiez fouvent un aufiî grand
prodige attefte pareillement que „ l'on fentoit de jour en jour les os fe former ,
j, les ongles poufler, la peau peler ôc changer de couleur: car on peut dire que
„ c'eft à préfent une main toute nouvelle, qui eft bien plus belle & plus blanche
j, que l'autre avec de petits trous comme la main d'un jeune enfant. „
M. Bertrand déclare auill qu';V lui eft lenu des os ^ des nerfs ... ^ des ongles.
Ajoutons à toutes ces preuves la dépofition d'un témoin dont nous n'avons
pas encore parlé. „ Je certifie (dit M. Sauvage Echevin de la Ville de Paris )■
5, avoir vu auprès du tombeau du S. Diacre F, de Paris la nommée J. Te-
„ nard Je remarquai qu'elle avoir le bras droit extrêmement court & défie-
„ ché, êc qu'au bout il y paroifibit une efpéce de moignon , au deflbus duquel-
•„ pendoit un morceau de chair d'un violée couvert de terre, quin'étoit pasplus-
„ gros qu'une grofie noix. . . Depuis aiant appris que fon bras & fi main avoient-
„ repi'is vie . . . j'ai retourné la voir: j'ai trouvé . . . que ce vilain petit morceau
„ de chair informe que j'avois vii au deflbus de fon moignon, avoit grandi Sc'
„ groflî de plus de moitié, &: avoit pris la forme d'une main , & avoit prcfcn-
„ tement des doigts prefqu'aufil grands que ceux de la main gauche: ce qui eft
„ une véritable création. . . 6c un miracle évident, qui n'a pu être opéré que
„ par la Toute-paifiancedeDicu. „
M. de Chantepie Se M. Sauvage ne font pas les feuls qui ont hautement re-
connu que cet admirable prodige ctoit une véritable création , dont on ne pouvoir
par coniéquent fans impiété refufer de rendre gloire au Créateur : tous nos Chi-
rurgiens fans exception en ont porté le même jugem-cnt, quoiqu'ils ne fe foienî»
pas tous expliqués avec la même énergie.
,, J'aiaufli obfcrvé (dit M. Sivert) que les os de la main droite que i';ivois vu
5, au mois de Novembre 173 1. caiTiifiés , fans forme 6c lans confift:ance, avoient
„ pris leur forme 6c leur dureté naturelles aufii-bien que leur étendue. . .fes dcu:s
5, mains étant de préfent de longueur égale. . . ce qui n'a pii s'opérer- dans uno
„ fille de cet âge par les forces- de la nature , ni par aucun remède. . . . EUecom-»
„ raence à fe fcrvir de- fa main droite: je lui ai vu remuer les doigts: mais néan»
,, moins le poignet demeure toujours fléchi , 6c la main à demi courbée. ( Au
„ furplus) cette main a repris fa croifiance 6c l'étendue qu'ctk devoit avoir...,
„ ce que je ne puis m'cmpêch'^r de dire être au deflus des forces delà nature.,,
Tout ce qui cil au dcfllis des forces de la nature eft conféqueinment au deflu»
de la puifiance de tout être créé -, parce qu'encoi-e un coup la nature n'cft autra^
chofe que l'ordre que Dieu a d'abord établi, qu'aucun être que lui ne-pcut dés
ranger, ni fe difpcnfer des loix qu'il a prefcrites. L'art ne fait que fournir de«
moiens à la nature, ou la débarraflbr de ce qui lui fiit obllacle: mais ilnepeuv
rien exécuter que par les refibrts qu'il y trouve, qu'il tiîchc de mettre cnaci:ion<
]1 en eft à peu près de même du Démon : il ne iauroit opérer fans moiens : !]>
ne peut que fe fervirde ce qu'il trouve dans la nature , 6c le mettre en mouve-"-
anent; mais il n'a pas le pouvoir, ni de créerce qui manque, ai de f&foullraire à-
G 5^ aucunsi
f4 IDE'E DE VOEUFRE DES CONVULSIONS.
aucune des loix que Dieu .i impofccs à lu matière , ni de lui faire rien produire au delà
des propriétés que Dieu lui a donnés. Ici quels moicns, quels rciForts, quelles
qualités propres à exécuter un tel prodige, auroit-il pil trouver dans unemafîc
informe , inanimée & defTéchéc ? Ofera-t-on attribuer à cette miférable créatu-
re la puiffancc fuprémc u^ transfigurer une pareille matière, pour en conltruirc
tous les os diffcrcns , les mufcles , les tendons , 6c une infinité d'autres parties qui
entrent dans la compofition d'une main, aulTi-bien que cette multitude innom-
brable de nerfs ; de ligamcns, de tuiaux, 6c de vaiflcaux de toute cfpécc qui font
clTenticlS pour procurer l'action Scia confcrvation des membres? Il n'y a que Dieu
qui peut créer : 6^ c'ell une véritable création de faire fortir d'une maffc aiùde
une infinité de parties dont elle ne renferme point le germe. Quoique Dieu ait
pris un peu de terre pour former le corps du premier homme, il ne l'a pas moins
crée que tous les autres êtres, qui à fa parole font fortis du néant.
Aufll M. le Dran lui-même , en voiant la régénération de la maindeJ.Tc-
nard , n'a pu s'empêcher d'y reconnoître l'œuvre de Dieu , quoique cette main
fût reftéc dans une forte d'imperfeétion.
,, La main ( dit-il ) n'eft pas encore au point où font les autres parties que
5, je viens d'énoncer. Les quatre doigts font, ce qui m'étonne, formes ic pref-
„ que au point où font ceux de l'autre main : cependant ils n'ont p.is un jeu li-
„ bre. . . Mais il y a lieu de croire 6c d'efpérer , que celui qui a commencé fa
„ guéri fon l'achèvera. ,,
"Tous ces termes à la vérité font ménagés avec bien de la circonfpection :
néanmoins il en réfultc toujours , qu'il ne balance pas à regarder Dieu comme
étant incontcftablcment l'auteur de cette furprenante merveille.
M. de Mantcvillc, après avoir déclaré que la main droite àc ] .Tcn^yà .^ quoique
plus maigre i^ de figure différente : :iXtcnà.\i qu'elle eft, ainfi que le certifie le S.
Hurtaut , plus belle que l'autre , lui a paru à peu près de même grandeur que la
gauche .f ajoute pareillement à la fin de fon rapport, que cet heureux cba>igemeiit n"a
pu être opéré par le fecours de l'art ni par les forces de la nature.
M. Souchai aiant dit fimplement, que cette miin à pré fentemoit toute la longueur
qu'elle doit avoir •■, prouve à la fin de fon procez-vcrbal qu'il eji impoffiblc au.x feules
forces de la nature d'opérer un événement auffi prodigieux.
Mais voici un rapport plus détaillé que les trois précédens, 6c où le célèbre Chi-
rurgien qui le fait ne cr.iint point de lailTcr cchapcr les fentimcns d'admiration
qu'une merveille fi évidemment divine a fut naître dans ion cœur. „ La main 6c les
„ doigts, dit M. Mouton, font de la même grandeur 6c grollcur que fa main
„ gauche : cette main qui n'étoit pas plus groilir que celle d'un enfant de -.
,, mois , 6c dont les petits doigts étoicnt caches 6c collés fous le poignet fléchi ,
j, font aujourd'hui auflî grands 6c aulfi gros que ceux de l'autre main, avecmou-
„ vcmcnt dans toutes les articulations des phalanges des doigts : mais le pouce
„ quoique bien formé n'a pas fcs mouvcmcns libres, ne pouvant fe rclc\-cr à
,, caufc de la tenfion du mufcle fléchificur. (A quoi il ajoute) jcnc puis m'cm-
„ pécher de dire que tout ce qui s'eft opéré en faveur de cette pauvre fille nr
„ peut venir que de la main toute-puiflante de Dieu , cette création ct.mt au
„ dcfilis de la nature £c des remèdes humains. En foi de quoi je lui ai délivré le
„ préfent certificat pour rendre témoignage à la Vérité, 6c à Dieu l'honneur 6c
„ la gloire q\ii lui font dûs. „
Cette admirable régénération d'une main toute entière à l'âge de p. ans, cil
donc une véritable f;V<î//o« dont on doit rendre gloire à Dieu. F,n effet ce n'cll p.is
fewlcJTXcnt ici un accroinement 6c un changement de figure d -ms des os reliés pen-
d.Ult
IDÉE DE VOEVVRE DE S CO NVUL S 10 KS. ff
dant plus de 3 6. ans dans iine forme contrefaite & rappetifTée , comme étoit l'os du
bras delTeché : c'eft une reproduction totale de tous les os qui entrent dans la com-
poiition d'une mmn. Dès l'âge de 3. ans ces osavoient été carnifiés, félon l'expres-
fion de M. Sivert : ils avoient par conféquent changé de nature : leur fubftance avoit
donc totalement perdu fès premières qualités.
Au furplus ce n'étoit point encore afîèz de créer des os pour reproduire cette
main: toutes fes autres parties manquoient également. Non feulement il a fallu que
Dieu donnât un nouvel être à toutes les parties les plus groffiéres & les plus apparen-
tes, comme font les os , les mufcles , la peau & les ongles: mais qui pourroit con-
çe\'oir le nombre innombrable de parties qui entrent nécelfairement dans la conllxuc-
don d'une main ) Quelle prodigieufe multitude de nerfs n'a-t-il pas fallu produire pour
y porter de toutes parts la lymphe fubtile ) En combien de différentes touffes n'a-t-il
pas été néceffaire de partager l'exti'émité de ces nerfs pour rendre la peau fenfible >
Combien de vaiflèaux de mille eQ^éces différentes pour faire couler dans cette main
toutes les liqueurs de diverfes qualités qui étoient néceffaires pour en nourrir & en hu-
meder toutes les différentes parties > Combien d'artères & de veines ? Combien de fi-
bres ôc de tendons ? Mais H eft inutile d'entier diins ce détail anatomique. Le démon
ne peut créer un fèul atome : & il n'en coûte pas plus au Créateur de donner l'être à
une infinité de parties de figures toutes différentes , que de le donner à une feule. II
parle, Sctout eft fait: il veut, & tout eft exécuté.
Mais dira-t-on , étoit-ii digne de fa Toute-puifPance de ne former toutes les parties
de cette main que fucceffivement ôc peu à peu , & de la laillèr enfuite panchée, lan-
guifïànte & fans forces >
. Sans doute qu'il n'a tenu qu'à lui de la créer en un moment, de la faire paroître '^^^'■.
tout à coup à nos yeux, & de lui donner toute l'acte & la vigueur qu'une main i'ob)?a."!f-^
peut avoir. Mais il ne l'a pas voulu puifqu'il ne l'a pas fdt, peut-être parce que les ''"/V'"'"d"
blafphémateurs de fes œuvres méritent d'êne livrés au défir de leur cœur , & que par fa"r«atîon de
un terrible Jugement , il a voulu leur fournir un prétexte firivole d'attribuer à Satan ""' '"^''"
jufqu'à des créations. Ne perdons pas de vue que dans l'œuvre des Convulfions fà
julïce marche à côté de fa miféricorde. Ce nouveau Phénomène avec les prodiges
qui l'accompagnent eft deftmé, comme je le prouverai dans la fuite, à ouvrir les yeux
des uns & à les fermer aux autres. AuiTi a-t-il un rapport fingulier avec la colomne
de feu que Dieu plaça entre le camp des Ifraëlites Se celui des E^priens. Cette co- ^xod xiv.
lomne myftérieufe fournit au Peuple de Dieu une lumière brillante qui fervit à l'éclairer '°^^'^-
pendant la nuit, tandis qu'elle fut pour les enneinis une nuée fombre Se ténébreufe qui
les aveugla même en plein jour. C'eft le double effet que produit encore aujourd'hui
l'œuvre limbolique des ConvuUions. Elle édifie les uns en leur donnant de grandes
lumières dans la nuit obfcure où nous fommes : elle fcandalife les autres qui n'y voient
que des ténèbres malgré le grand jour que répandent les Miracles.
Mais par quelle régie Dieu eft-il obligé de donner lans exception à chacun de iès
Miracles toute la perfèéHon poffible ? Quoi ! N'eft-il pas auifi Ibuverainement libre dans
Fordi-e merv-cilleux que dans l'ordi-e naturel ? On voit continuellement dans l'ordre or-
dinaire , qu'il ne diltribue que comme par mefure la perfèélion plus ou moins grande
fuivant qu'il le juge à projX)s. N'eft-il pas également maître de ne donner à (es mer-
veilles que le degré de perfeélion qui convient à iès diflférens delTèins de miféricorde
& de juftice > Qui fommes-nous pour trouver à redire à fes œuvres ) N'y a-t-il pas une
témérité extrême d'ofer décider par nos goûts Se nos propres {Tenfèes , fans confulter
d'autre règle que les lumières obfcures de notre foible raifon , de ce qui eft ou n'eft
pas digne de Dieu ; 5c de porter notre jugement fui" ce qu'à peut ou ne peut j^as ?
D peut tout ce qu'il veut: Se tout ce qu'il veut eft toujours iniinin^ent lage , quoique
t'C
56 IDKE DE L'OEUTRE DES CONVULSIONS.
ce qu'il fait , paroi{Tc quelquefois contraire aux lumières trompeufes de notre fàufïè
fagelfe. Y a-t-il donc lieu derrc furoris que fouvcut nous ne piiillions point pénétrer
la profondeu^de fes vues & de les dcifeins ? Ne nous a-t-il pas djclaré liu-même que
irsij LV. 3. la dùbnce de fes penfées aux nôtres eft inrinic? Mes penfées ne [ont pai vos pen-
* '• fées , dit le Sei<^neur : mais autant que les deux 'ont élevés au deffui de la terri ^
autant mes voles font élevées au def[us de vos voies, & mes penfées au de ff us de
vos penfées.
Ce^iendant quoique Dieu foit incompréhenfible daas la fublimité de fes conlèils , il
ne s'enfuit nullement qu'il foit impénétrable dans les merveillGs de la pulillince : & bien
loin qu'il nous dil]Tcnfe d'y être attentifs, il nous l'ordonne exprellément. Aufli toutes
lès œuvres brillent-elles par certains tr^ts fi lunineux , & ix)rtent-elles toujours quel-
ques caratléres de Di\inité fi diltinctifs, que l'on ell inexcufable chaque fois qu'on
les méconnoît. Comme c'eft pour notre inftnidion qu'il fait des NÎracles & des
Prodiges , il veut que nous les conlidénons attentivement : qu'à l'éclat de leur lumiéfe
nous énidions fa conduite à notre égard : & que nous faJTions tous nos eflfbrts pour
décou\Tir dans le fecret de fes delïèins ce qu'il nous eft important d'en appercevoir.
Luc.x1l.56. C'eft ce qui paroît par ce reproche que Jéfus-Chrift fit aux Juifs: Hipocrites que vous
êtes, vous [avez, fi bien reconnaître ce que préjugent les diverfes apparences du
ciel ^ de la terre : comment donc ne reconnoijez-vous pas ce tcms ci ? Malheur
à ceux qui n'ont pas de difcemcment pour les lignes des tems & des vnfites du Sei-
gneur, &qui ne font point d'attention à fes œuvres! Jcnifalem a été détruite de
fond en comble pour n'avoir pas reconnu ce qui pouvoir lui a}')porter la paLx. Airffi
Jéfus-Chrift ayant déclaré à cette Ville ingrate , rebelle & }^rtide tous les fléaux qui
dévoient fondre fur elle, lui dit-il enfuite: Tes ennemis ne te taifjeront t>as pierre jur
*id. XIX. //Vrr^ , parce que tu n'as pas connu le tcms auquel l<ieu t'a vifitee. Mais com-
*>*>■ ment difcemer fes œuvres > Quel moyen de les diftinguer des preftiges du démon ?
C'eft d'y faire une férieulè attention , & d'être néanmoins intimement com'aincu que
1 Cor n II ^"^ ^ connaît ce qui efl en Dieu que l'eiprit de Dm* : c'ell -de s'abailTèr proibndé-
ImI I. 4. "^^"t aux pieds de celui qui eft la lumière des hommes & de lui demander avec in-
Um.ni'iy. ft^ce une participation de fon efprit de \^érité : c'eft de mettre humMement/<î bmtcbe
' dans la poufftére , afin d'obtenir cette grâce , & non pas de s'éle^'er par un vol au-
dacieux julqu'à prétendre juger le Très-haut lui-même , ou vouloir décider arbitraire-
ment qu'une chofe eft indigne de lui parce qu'elle ne cadre pas avec notre prétendue
fagelTè, toujours fauftè , orgueilleufe & téméraire , li elle n'eft dirigée par cdui qui
eft vraiment le feul Sage.
RE'PRESENTATION SUCCINCTE DE CE QUI S'EST PAS-
SE' DANS LA PREMIE'RE E'POQUE DES CONVULSIONS.
LOrfque Dieu fit éclorre l'œinTe myftérieufe des Convulfions, cette œu\Te fi fin-
guliére qu'il avoir deCbnce par fes décrets étemels a être dans notre fiécle une
étoile propre à conduire quelqiies-uns au falut * , & une pierre d'achoppement jx)ur
quao-
•[11 eft évident que par ces termes l'Auteur n'en- foiir <\ae ttttt cewjrt iu Srigntur i\ui ^ unt ftUt
tend point (dans la 1 . Edition , non plus que dans fcitr Ui uns O* «n fcanJalt four Iti luurii , fait ptur
ccllc-ci) que l'oeuvre des Convullions loit «Bf no»!- noui un monn U'cfrrer notre JlniHi/ieMtion. M. cte
itUt flirte Ju cri, ainli que le Nouvcllille l'en a Montgcron , d'un bout à l'autre de les Oblcrva-
acculc par fa Feuille du ;o. Septembre 1741. M. tiens , reprcfente l'oeuvre myftérieufe des Con-
«le Monti;eron n'a prétendu rien dite de plus que vullions coirtme une oeuvre SiiTibolic]uc qui nous
ce que diloit tcu M. Colbert Ev£que de Montpei- annonce la proxin.ite des grands Evenemcns pre-
licr , que nous devons Jen»fr toutt notre ntitntitn dits par les anciens Prophètes , par S. Paul , par
Je-
I
l-DE'E VE rOEVrRB DES CONrUlSIONS. 5-7
-Quantité d'autres, il commença par y manitèfter fa préfence de la manière la plus
, claire 8c la plus briUanta
■_ Ce fut d'abord pai- de très grands Miracles , par des guérilbns fubites & parfeites
de maux notoirement incurables, qu'il fit connoître qu'il agitTolt dans cette œuvre
& que les ConvToliions étoient ion ouvTage , ayant voulu opérer ces guérilbns Mira-
culeufès par des mouvemens con\'ulfifs , qui en étoient viliblement le moyen phylî-.
que, 8c qui prouvoient par conféquent qu'il en étoit lui-même le moteur.
Mais comme cette œuvre ei\ ime œuvre reprélèntative, une œuvre de fignesSc
de Simboles : après que le Très-haut eût fait ces premiers Miracles , qui étoient un
emblème fenfible de la Converfion pleine 8c entière de quelques grands pécheurs ,
dont dans ce même-tems il changea tout à coup les fentimens , le cœur ce l'ame ; il
voulut enfuite figurer , par la longueur 8c l'imperfedUon du moins apparente d^ j)iu-
fieurs autres guérifons opérées par les mêmes mouvemens convuHlfs , la lenteLir du
cdmmun des Converfions , qui le plus fouvent ne fe font que par dégrès 8c par deâ
convuHions de l'ame qui ne guérilTent pas toujom-s tous lès maux.
Si cependant toutes les Converfions véritables, quoiqu'elles ne foient pas entière-
ment parfaites , n'en font pas moins l'ouvrage de Dieu ; de même les guérifons de
maux corporels , lorfqu'elles n'ont pu le faire que par un pouvoir au delfus de tous
les reflbrts 8c de tous les agens qui font dans la nature , n'en font pas moins Miracu-
kufes, quoi qu'eUerne foient pas entières Se fubites.
Bien-tôt après Dieu voulut nous faire comprendre que dans fes profonds confeilj
les Convulfions avoient une autre fin , un autre objet bien plus grand , plus magni-
fique 8c plus intèrellànt que la délivrance des maux du corps. Polu" nous en aver-
tir il envoya des Comoilfions à plufieurs perfonnes qui joulifoient d'une fanté parfai-
te , 8c qui ne fe tenoient profternées au pied du célèbre Tombeau que pour y pui-
1èr des grâces lî^irituelles. Ainfi ces Convuliions fiarent la fuite 8c l'erfèt de leurs fer-
ventes prières , au milieu defquelles ces perfonnes fe trouvèrent agitées de mouvemens
cônvulfifs dans le tems. même qu'elles répandoient leur cœur devant Dieu en lui ex-
polànt les miféres de leur ame, qu'elles le conjuroient de les conduire lui-même au
port du làlut par les voies qu'il lui plairoit de choilîr , 8c qu'elles imploroient l'inter-
ceffion du Bienheureux AppeUant dont le Très-haut fe plaifoit à manifefter le crédit
par une multitude de Miracles.
Pendant toute cette première époque des Convulfions qui dura fix à fept mois , le
(pedlacle admirable de tant de Men.?eilles que le Tout-piuflànt opèroit coup fur coup
Ibit par des mouvemens convuUifs, foit fans Convulfion, frappa d'une elpèce de
llupeur tous les Conftitutionnaires, leiu- fauteurs 8c adliérans.
Quoiqu'ils flillènt outrés de dépit contre ces Décifions du Souverain Juge , ils le
lèntirent néanmoins comme forcés de céder à la crainte: l'effroi les iaifit malgré
eux : la terreur s'empara même des chefs de leurs guerriers. Le Dieu des armées les
contraignit de refter dans Finadion : fa préfence fenfible dans le célèbre Cimetière
ayant répandu le trouble 8c l'épouvante dans le camp ennemi , tandis qu'elle com-
bloit d'une joie inexprimable , d'une vive reconnoiiTànce 8c d'une admiration remplie du
plus profond refpeèt , tous ccllx qui étoient attachés à toute Vérité. Aulïi prioit-on
dans ce faint lieu avec la ferveur la plus ardente ; 8c la vue des Merveilles que Dieu
opé-
Jefus-Chrift même. A quoi il ajoute que les ex- cheurs ont déjà été convertis. En même tems
iiortations des Convulhonnaires à s'y préparer , il ne dilTimulc aucun des voiles ténébreux dont
font d'autant plus utiles Se plus frappantes , que Dieu a permis que cette œuvre fût en partie cou-
leurs Difcours l'ont très fouvent accompagnés de veite. Au refte il fe juftifie dans le Tome 111.
grands Prodiges & de Miracles proprement dits, contre les imputations du Nouvellifte & de Ion
à la vue defquels nombre d'incrédules & de pé- Confeil. Hôte de l'i.dittHr.']
Obfervat. I, Part. Tome II, H
5-8 JDE'E DE L'OEUVRE DES CO NFULSIONS.
opcroit prcfque continuellement failbit-elle fondre en larmes la dureté des cœurs de
quantité de pécheurs , fubjuguoir-elle des c:|'rits-forts , renverfbit-ellc des Dciftes,
& terralToit-elle des Athées. Les faints cantiques qu'on y recitoit fans ceflè , la piété
qui y brilloit, l'édification qui y re^noit, tout j^ortoit les-ames à s'élever vers Dieu,
tout excitoit les cœurs à lui offrir des vœux, & tout paroilîbit de concert à lui de-
mander par Jéfus-Chrift & j-)ar l'interceffion de fon fcrviteur , que ceux qui combat-
toient la Vérité reftalTent immobiles comme une pierre : Fiant immobiles quaft lapis.
Mais d'autre part ces Converfions,qui attachoient journellement à l'Api^el des per-
fonnes de tout état , dont plufieurs ne connoilTbient auparavant ni la véritable piété
ni l'cfprit de la Religion , ne firent qu'augmenter le chagrin & le dépit que les Ad-
verfaires de la Vérité avoient déjà conçii contre les Miracles & les Convullions : ils
(buhaitoient de tout leur cœur que d'épaiilès ténèbres vinfïènt bien-tôt obfcurcir
ks traits de lumière répandus par les Miracles , & ils briiloient d'impatience de fà-
risfaire leur animolité contre les foibles Inftrumens fur lefquels le Très-haut agilTbic
viliblemenL
Dieu dans fa colère n'a que trop exaucé leurs défirs, mais ce n'a été que dans
les tems arrêtés par fes confeils. Car il entre dans l'ordre ordinaire de fa Providence
que la Vérité paroifTe dans tout fon jour, avant qu'elle Ibit couverte de voiles: & ce
n eft qu'après que les hommes fe font rendus abfolument indignes de la connoître ,
qu'il déchaîne tout-à-fait le dragon infernal , & qu'il lui permet de faire fortir du
puits de l'abîme les noires vajxurs qui répandent une eiîicace d'erreur , ôc qui font
écliplèr prefqu'entiérement la lumière.
C'eft ce qui el^ arrivé , mais fucceflTivement & feulement par degrés dans la fécon-
de éjxxjue des Convullbns à laquelle nous allons palier.
P'
IL EPOQUE DES CONVULSIONS.
^Endant tout le tems marqué dans les décrets étemels , Celui qui infpire les de-
lirs (Se les prières des humbles, & qui les exauce autant que cela cadre à fes
dellèins, fufpendit la malice de leurs Adverfaires. Mais le moment de les lailTcr agir
étant enlin venu , ils le failirent avec avidité.
Voyiint que lei Miracles de punition étoient très rares , ils s'enhardirent & s'animè-
rent mutuellement. Ayant refufé d'ou\Tir les yeux à la lumière , Dieu les laiilà s'en-
foncer de plus en plus dans les ténèbres. Elles devinrent li èpaillès pour eux, que
s'imaginant }X)Uvoir faire fléchir l'oix-ration divine fous l'autorité & par les armes des
PuilTances de la terre, ils n'épargnèrent ni follicitadons ni faux expofés pour les in-
duire à déclarer aux Convullionnaires une guerre ouverte, & à interdire l'entrée du
refpeèbble Cimetière où Dieu le plaifoit à faire èclatter fes Merveilles.
Bientôt à force de calomnies ils les engagèrent à ix)urfui\Te les Comoilfionnaires
avec une extrême rigueur, & à en faire mettre pluiieuis à la BalUlle. C'ert ainlî
qu'on ef}")èroit par la violence faire difparoître cette œu\Te en {">cu de tems. En etièt
c'en eût été un moyen intaiUible 11 les Convullions n'avoient {xis été fumaturelles:
mais ce Phénomaie venant du ciel , quel moyea de l'anèiintir ) Aulfi plus les Con-
vullionnaires ont-lis été maltraites , plus leur nombre s'eft-il accru. Comment ceux
qui les i")erfècutait encore aujourd'hui avec tsuit d'acharnement, quoiqu'ils voient que
les plus rudes traitemcns ne produifent d'autres effet que d'engager Celui qui }x;ut
tout , à en\-oycr des Convullions à plus de pcrfonnes , ne font-ils point d'attention
A A V. i«. ^^^ ce confcil de Gciraaliel ? Si cette œuvre vient des bom'ws, elle fe détruira.
«c 39. ' J^vf /; elle iiicrit de Dieu, vous ne fattrtef:>ia détruire , O" "x-'ous feriez, même en
danger de combattre contre Dieu.
^ Apres
IDE'E DE VOEUFRE DES CONFULSIONS. fr>
Après ce premier coupd'éclat les adverfalres de la Vérité obtinrent de ceux qui
difpofent de l'autorité duRoi, uneordonnanceen date du 17. Janvier 172 z. ornée
du nom refpcétablcdefa Majellé, pour faire condamner & murer les portes du pe-
tit cimetière de S. Médard, & elle fût exécutée dés le ip. avec un appareil tout à
fait terrible, avec un grand bruit militaire, comme fi on eût voulu en impolcr à
cdui^ui fcul fait les merveilles , ou qu'on eût craint quelque révolte de la part àe^^' "'' '*'
fes ferviteurs. Vaine précaution! Les feules armes dont devrais chrétien'! font
ufage contre les Puiffances , font d'ardentes prières à Dieu , une parfaite confiance
en la providence, une entière refignation ù la volonté : & en confcquence une
paix inaltérable dans la pérfecution , une humilité profonde dans les outrages
une patience invincible dans les maux.
Rien ne paroîtfi foiblc que ces armes à des yeux charnels : mais c'eft pour cela
•même que Dieu leur donne une force &; une vertu qui jadis a fubjugué prcfque
tout le monde , & qui dans tous les fiecles rendra la ^'érité triomphante, qucl-
qu'opprimée qu'elle puifle être.
En effet qu'cll-il réfulté de toutes les violences que ceux qui combattent lc«T.™^!f: ^
œuvres de Dieu ont exercées? A peine eut-on interdit l'entrée du S. lieu que'-s convun,:
Dieu paroiflbit avoir choifi pour y opérer fes prodiges, qu'il les multiplia plusm"!'""^'"""
> mence d'
que jamais. treaccompa.
Un peu de terre recueillie auprès de l'illuHre tombeau fit éclattcr les plus mer- n"s&Vprf-
veillcuics guérifons dans tous les quartiers de Paris , 6c jufques dans les Provinces. '^'•^"•
Des convulfions bien plus furprenantes que toutes celles qui avoicnt paru juf-
qu'à lors prirent tout à coup à une multitude dcperfonnes: La plupart furent ac-
compagnées de quantité de prodiges admirables: plufieurs miraculés qui n'en
avoient pas eu au tombeau , en furent faifis dans l'Egîife de S. Médard où ils ren-
doient grâces à Dieu de leurs guérifons : d'autres qui les redoutoientfi fort qu'ils
n'ofoient invoquer le B. Diacre pour être délivrés de leurs maladies , furent guéris
comme malgré eux par les convulfions : grand nombre en reçurent en récompenfe
des prières qu'ils lançoicnt vers le ciel ."^Dieu en cnvoiaméme à des enfans de l'âge
le plus tendre. On a vu jufqu'a de petits innocens, qui quoiqu'encore à la ma-
melle, avoient néanmoins des agitations convuUIves , qui les faifoient tomber
dans des extaics d'une beauté raviflantc.
Parmi cette multitude deperfonncs agitées tout àcouppardesmouvcmenscon-p^^^^^'^'i^-.
vulfifs accompagnés de prodiges, il y en eût quelques-unes très rcfpedlables cnii u piûfarc
tout fens, comme je le prouverai en fon lieu. Mais il faut convenir qu'en général onna'ir7s'da-
Dieu a choifi les Convulfionnaires dans le commua du peuple: que de jeunes en- "?."■'« c"o-
fans , principalement des filles , en ont compolé le plus grand nombre : que prcf- ç^^^e'^ "
que tous avoient vécu jufqucs-là dans l'ignorance & l'obfcurité : que plufieurs é-
toient très diigracics de la nature : qu'il y en avoit qui hors de leur état furna-
turcl paroidbient même imbecillcs.
Telles ont été la plupart des perfonnes dont Dieu s'c fi: fcrvi , 6c fcfert encore
actuellement pour fiire cclattcr à nos yeux la puidance. Non leulemcnt il a voulu les
éclairer fur le champ par le moicn des convulfions : r lais encore faire en elles 2c par
elles des prodiges lans nombre 6c de grands mirac'^s. Cette conduite du Très-haut
ne lurprendra pas ceux qui aiant appris dans les Ecritures qu'il s'cft toujours plû à
confondre l'orgueil des hommes , réfléchiront <" a'il a fouvcnt choifi les petits pour
en fiiire les inîtrumcns de fes œuvres. Il ram Je parmi le peuple ceux en qui il
trouve de l'humilité, tandis qu'il humilie lui-même l'œil altier des fuperbes : tu
populum hutnllem ftilvum fecics^ &? ccuhs fuptrhoritm hionlliabis. C'eft ce quiapa- " '7- » •
ru dans touslcstcms: 6c fi iîngulicrement lors de l'établificmcnt du Chrillianifme,
H z fclon
do TDE'E DE LOEUFRE DES CONVULSIONS.
félon ce que l'Apôtre des Gentils écrit à l'une des Eglifes qu'il avoit (armées confi-
i.Ctr.i.ie.iie'rés , mes frères, ceux cV entre i-otis tjtie Dieu a appelles : il y en a peu de fages félon
la cbair, peu de puiffans ^peii de nobles. Aufll voions-nous que dans la multitude
innombrable de ceux qui embrafTcrcnt la toi , parmi lefquels une grande quantité
de pcrfonnes furent favorifécs de dons fumaturels, ce ne fût quafi que fur une po-
pulace fouveraincmcnt mcprifée par les grands du monde & les Docteurs de ce
tcms-là, que le S. Efprit jugea à propos de répandre fes dons.
XXVIII. Mais ce qui cft bien digne de remarque, 6c qui mérite même une attention fîn-
rf'"r-c'V:'tgulicrc , c'cil que Dieu en envoyant des convullîons à tant de pcrfonnes, laplû-
fi.?-.ra"r7s"&P^'''^ fi peu inftruites qu'elles n'avoicnt aucune idée du moins diftincVe des trou-
lïs» rendusbles qui agitent TEglife, leur a tellement ouvert l'efprit aux chofcs qui la con-
SlI^Appd^cernent , que ces Convulfionnaires ont eu aufli-tôt, du moins pendant leurs cx-
tafes & leurs dilcours, l'intelligence de fes véritables biens, & delà grandeur
de fes maux. En même tems le Dieu des vertus les a fi fort attacht-s à la
caufe de l'Appel, qu'il en a fait autant de prédicateurs infatigables. Remplis dans
Vinftant d'un courage qui paroît intrépide, qui cfl: très réel dans quelques-uns,
5<: qui dins les autres eft une belle repréfcntation qu'ils fe icntent comme forcés de
faire par une imprelllon furnaturcUe , ils ont commencé à publier hautement, &
continuent encore d'annoncer malgré la guerre qu'on leur fait, les plus fortes £c
les plus importantes Vérités qu'ils n'ont pu apprcndi'e aiiflî fubitement que de
celui qui éclaire furnaturellement qui il lui plaît.
Tout à coup on a vu cette troupe d'idiots rcpouffer avec force tout ce qui
.s''éleve contre la Vérité. On les a entendus avec joie ôc furprife parler magnifi-
quement fur tout ce qui intérefic la pureté de la foi qu'on s'efforce d'obfcurcir ,
5c prononcer des difcours véhémcns dans lefquels ils ont fut fentir par les traits
les plus vifs, & de k manière la plus claire, l'importance des Vérités con-
damnées par la Bulle. Ils ont peint par des images frapantes cette Société de
fcducleurs , dont le Dragon infernal ne ccflé de fc fcrvir pour fcmer des erreurs
de toute cfpece fie fans nombre dans le fein de l'Egtife. On a vu cette mul-
titude d'cnfans , d'ignorans & d'imbéciles s'écrier de toutes parts, plulîeurs dans
un ftile fublime 6v figuré, rempli de paffagcs 6c d'expreflions de l'Ecriture fain-
tc. Ah Seigneur! de nouveaux Juifs ont envahi vôtre héritage: de nouveaux
Pharificns fe font emparés de vôtre Temple. Une troupe de faux Doéteurs, exacts
obfcrvateurs de l'extérieur de la loi 6c les plus redoutables ennemis de fon efprit,
aféduit la plupart des Princes des Prêtres, 6c jufqu'au Souverain Pontife. Elle
leur a fait rendre inutile le premier de vos commandemcns, le grand précepte
de votre amour, en leui' fiilant adojitcr fes traditions relâchées. Elle les a hiic
déroger au premier article du Symbole. Elle leur a fait mettre le libre arbitre
à votre place. Suivant ces nouveaux Dofteiu-s vous n'êtes plus fon maître, vous-
n'êtes plus le Tout-puiffant , vous n'êtes plus fon Dieu : vous n'êtes que fontré-
forier, chargé de lui fournir fcrvileraent vos propres tréiors , dont il hiit tel ufa-
rc qu'il veut. Ce n*efl: plus vous, c'eff lui feul qui forme à fon gré votre Chrift .
c'efl lui qui difpoié fouvcraincment des membres de votre Fils, 6c lui doimc ceu.x
qu'il lui plaît.
O Vérité incamée! qu'êtes -vous donc venu faire fur la terre? N'clt-cc pas
pour vcus faire un peuple d'adorateurs, qui animés de votre grâce loicnt tou.o-
brûlans de votre amour? Qiioi! n'avez-vous pas réprouve vous-même ceux qui
ne vous honorent que des. lèvres, mais dont le cccur cil: bien loin de vous : aufl]-
»Mi. »o, j.bien que ceux qui ne cunnoi [feint pas la jiijiice tjui vient de ioks , s'efforcent d'établir
leur propre juflicc ^ qu'ils attendent de leurs propres forces.
De
IDE'E DE L'OEUFRE DES C ONFU LSIONNS. 6t
Délivrez-nous, Dieu Tout-puilTant, des pièges que tendent de tous côtés
ces faux Apôtres, qui ne font de la Compagnie de Jefus que comme Judas pour
trahir la Vérité. Délivrez-nous de ces hypocrites dont le maintien modclle cache
fouvent le cœur le plus corrompu : pieux par oftentationj fimplcs par artifice y
humbles par orgueil; détachés de tout en apparence, & ambitieux à l'excès i
pauvres à l'extérieur, & riches fans mefure; ne délirant rien, & dérobant tout.
Et ce qui eft bien digne de tels gens: corrupteurs de toute morale, ennemis de-
toute Vérité , perfécuteurs de toute vertu.
Les Convulfionnaires ont fait en même tems , & continuent de faire les ta-
Meaux les plus touchans de l'état oîi l'Eglifc eft préfentement réduite , & ils ont
annoncé les reffources que Dieu a préparées pour rétablir toutes chofes. Par tous ces
traits accompagnés d'un grand nombre d'autres prodiges, ils ont rendu le petit
peuple, lesplus fimplcs, les plus ignorans, aufii-bien qu'un nombre très confidé-
rable d'autres pcrfonnes, attentifs à quantité de grandes Vérités, dont la pliipart
n'avoient qu'une connoiffimce très fuperficicUe & fort imparfiiite: en forte qu'on peut
dire que par leur moien V Evangile a été annoncé aux pauvres. ^^' " ^"
Mais afin que le lefteur ne puiife me foupçonner de lui préfenter une fauffe xxix.
idée du furnaturel de cesdifcours, & des autres prodiges qui ont accompagnérur"'i'-expo're-
les convulfions, je vais lui en prouver la Vérité par l'expofé de la Confukationj!*'* '^°'^-
même des 50. Doéteurs faite exprés pour les décrier. Je îe prie feulementjo! dqû^
de ne point perdre de viic, que commecctexpoféaétédrefle avec beaucoup d'art^""*
dans le defiéin formé de condamner les convulfions, non feulement on y a exa-
géré à l'excès tout ce qu'on a crû capable de les rendre odieuies> mais qu'on n'a
qui
quoiqu'il fut connu de tout le monde.
Cependnnt malgré toute la partialité avec laquelle MM. les Confultans onc
fait cetexpofé , la Vérité a eu ici tant de force : elle a fi bien percé les voiles donc
ces MM. ont tâché de la couvrir, qu'ils en ont encore avoué affcz pour prouver
invinciblement le contraire de ce qu'ils avoient deflein d'établir.
10. La prétendue pcrionne qui confulte les 30. Doétcurs pour leur donner oc—
cafion de rendre un jugement général contre toutes les convulfions, expofe d'a-
bord qu'elle a z'û naître ces convulfions il y a quelque tems.
Mais où les a t-elle vues naître? C'eftcequeces MM. ne jugent pas à propor
de lui faire déclarer. Etoit-il donc permis, en voulant s'aiToger le droit de con-
damner une œuvre oi^i Topérationdivine eft marquée à plufieurs traits , de diflimuler ■
que cette œuvre avoit d'abord pris nniiTance fur un tombeau que Dieu illuftroit
en même-tems ptirles plus éclattans miracles? Que diroit-on d'un Juge qui dans
le deflein de fiire paroître criminelles des pcrfonnes qu'il auroitrcfoludccotidam*
ner, fupprimei-oit les principales pièces de leurs déffenfes.
20. Le pcrfonnage emprunté fous le nom duquel ces MM. font Texpoféde leur
confultation déclareenfuite : qu'ila <?«i dire qu'il s'était fait far des malades phcfiems
miracles auxquels il paroi Ifioit que ces convulfions avoient contribué'., l^ qu'il s'en éioit'
fait même quelques-uns par le minifierc y par l'intervention des Convulfionnaires.
Je prie le leftcur de remarquer avec quel art 6c quelle adrefie cet expofé cS:
tourné. C'étoit ici le point abfolumenrdécifif. Dieu ne peut aatorifer les œuvras-
du Démon par des miracles. Suivant M. Pafcal, les miracles difcernent aux cBir-'^'^"^^"ï-*%i'
fes- doiiieufa : ils ont l'autarité fuprême pour décider les choies- obfcurc? , prcc'^'*
H. % qu'ilsi.
61 IDE'E DE rOEUf^RE DES CONVULSIONS.
D>\i. p. 149. qu'ils Tont le témoignage de Dieu même qui ne peut induire en erreur. Mais plus ce tc-
moignage divin étoitdécifif, plus MM.lesConfultans i'e font trouvés embaiTaH es.
D une part ils ont lenti que s'ils alloient jufqu'à avancer qu'il n'étoit pas vrai
que Dieu eut opéré plulicurs miracles parle mouvement même des convulfions,
6c plufieurs autres par le minillcre des Convulfionnaires, ils rcvokeroient tout le
monde : n'y aiant prefqu: pcrfonne qui n'ait connoillancc de ces miracles : en-
ibrte que les plus grands ennemis de l'Appel n'oient eux-mêmes le mer d'une ma-
nière précité.
D'un autre côté ils ont bien vu que s'ils convcnoient formellement de la Vérité
de ces miracles , il ne leur rcllcroit plus d'autre parti pour condamner les con-
vulilons, que de fe joindre à Dom la Talte, & d'adopter tous les blafphcmcs
pnr lefquels il a donné à l'Ange apollàtun pouvoir égal en quelque iorte à celui
de Dieu: ce qui ne manqueroit pas de rendre leur Conlultationtrèsodieufe.
Le pas ctoit glilVant. Que falloit-il faire pour s'en tirer? Comment franchir
ime telle barrière fi capable d'arrêter une délibération proiettéc ? Qiicl confeil
pouvoit fuggérer une prudence toute humaine ! C'étoit de laitier la chofc dans
le doute, £c de ne la rapporter que comme un oui-dire. C'cft aullî le parti qu'-
ont pris MM. les Confultans. Mais fi le fait principal qui auroit dû former leur
dccifion leur a paru audi peu afluré que l'cll: un oui-dire-, quel poids peut avoir
un Jugement doéVrinal dont l'unique fondement ell l'incertitude?
^^. MM. les docteurs font avouer cnfuitc à la pcrfonne qu'ils fuppofent les con-
fulter qu'f//^ a entendu plufieurs fois des difcours qui lui ont paru fort au dcJJ'us de
ia portée 13 de Vàge de ceux y celles qui les faifoient.
Étoit-il permis à ces MM. de palier lous filencc , ou du moins de ne laiiïcr
anpcrcevoir que par quelques mots comme échappés , que ces difcours iî beaux
6c il lumineux avoient pour but de prouver l'cxaétitudc de la doétrrinc des Ap-
pellans, la canonicité de l'Appel, le devoir indipenfable de s'attacher inviolablc-
ment à la Vérité, 8c de Çc foumcttrc volontiers aux humiliations dont elle alloit
être couverte encore plus que jamais ? Etoit il convenable de ne faire entre-
voir qu'avec une féchercflc de termes fi villblement aftcctcc, que ces difcours fi
pleins de force & d'onction étoient des trompettes éclatantes, dont le Très-haut
s'clt fervi pour faire retentir de tous cotés les miracles & les prodiges p.ar lefquels
il canonifoit hautement la pureté de la foi du B. Appellant : pour iairc publier
la ncceflîté d'imiter fon exemple ce de tâcher de fléchir lacolcrc divine par lapc-
nitcncc, les gemiffcmens & les larmes : enfin pour taire annoncer qu'il ctoit tcms
«.le hâter par l'ardeur des dcfirs , Se les prières les plus ferventes , la venue du
Prophète qui doit rétablir toutes cliofes, & faire triompher la Vérité par toute
la terre? Qiioi! Etoit - il donc conforme à la droiture , qui doit être l'amc de
tous les jvigemens , de taire de fi beaux traits, pour avoir plus de liberté de con-
damner ce qu'on avoit pris en averlîon ? Cependant malgré une affectation fi mar-
quée, les aveux de celui qui a dreflié la Confultation, fi imparfaits qu'ils loient,
fuffifent encore pour fiirc fentir le faux de la dccifion des Confultans: carcll-il
poflible de douter que des difcours fort au defj'us de la port ce (J de i'à^e de ceux 13
celles qui les faifoient n'cuflent quelque chofc de furnaturel, à n'en ju"er même que
fur cet expofé ? Or ce furnaturel dans des difcours dont l'effet a étc de porter U
lumière dans les efprits & le feu de la charité dans les cœurs, peut-il eue attribué
au Démon? Mais combien ce furnaturel auroit-il paru avec plusd'ccbt, fi com-
me on le dcvoit , on eût fait ajouter au perfonnage parabolique qui a requis la
Confultation, ce qui cft de la connoiffiuice de lous ceux oui ont luivi i'auvre,
qu'il y a un très grand nombre de difcours d'une bcaulc parfaite : que ccua ik
ccl-
f
IDE'E DE L'OEUFRE DES CONVULSIONS. 6^,
celles qui les faifoient étoicnt pour la plupart des perfonnes fans éducation, f-ins
étude , fans aucun talent naturel : & que dans ce nombre même il y a eu des en-
fans de 15. 14. 6c If. ans, qui ont fait pendant fort long-tcms fans manquer unfeul
jour, des difcours quelquefois très profonds , très frapansSctrèsfublimes qui du-
roient fouvent plus d'une heure , fur des points très intcreffans ?
Ce feroit une mauvaife défaite de recourir ici à un imagination échauffée. // ejl
impojfible que V 'nnagijw.tion difoit feu M. de Montpellier, puijfe pro)duire de ft belles
cbefes. L'imagination peut bien fournir quelques traits à une perfonne fans fcicn-
ce: mais il n'eft pas pofîîblc qu'elle lui fournifle régulièrement tous les jours pen-
dant un fort long - tems des difcours d'une heure êc plus , auffi fuivis que le font
ceux d'un grand nombre de Convulfionnaircs. On ne peut donc s'empêcher de
reconnoîtrc qu'il a fdlu néccffairement que ces Convulfionnaires aient été éclai-
rés de quelqu'illumination fupéricure. Aufll MM. les Confukans confentent- ils
far rapport à ces difcours de recourir à un agent furnaturd ^ pourvu qu'il foit fort^^f.' ^^^
difiingué de Dieu.
Mais comment cft-il poffible que des Appcllans lai/Tcnt entrevoir qu'ils font
difpofés à foutenir cjue c'eft le Démon qui a lî bien inflruit cette troupe d'enfans ,
d'ignorans & d'imbéciles, plutôt que d'attribuer à Dieu ce qu'on a vu de plus
édifiant dans les convulfions ? Quoi ! oferoicnt - ils donc convenir que c'eft cet
cfprit de mcnfonge qui leur a fait découvrir le venin de la Conftitution , prou-
ver la jufticc 5c la nécclTité de l'Appel, 8c inftiiiire le peuple de toutes les Vérités
eflcntiellcs au falut profcritcs par cette Bulle !
Qii'il eil digne au contraire de la grandeur & de la figeffc de Dieu, tandis que
plufieurs de ceux, qui autrefois défendoientla Vérité avec tant d'éclat, font de-
venus muets pour elle, ou n'en parlent plus qu'en bégaïant: êcqui dans la crain-
te de déplaire aux puilTances de la terre, n'ofcnt même tirer avantage des mira-
cles que la bonté divine prodigue pour Autorifer leur Appel: Qu'il cft digne,
dis-je, de la juftice du Très-haut & de fa puifl'ance , de laiffer là les timides qui
n'ont plus la fainte audace de foutenir fa caufej ôc de faire parler des pierres,
en ouvrant la bouche à des enfans, à qui il donne en même tems, du moins à
plufieurs d'entre eux, un zélé & un courage que rien ne peut ébranler !
40. La prétendue perfonne qui femble confulter déclare : ap.'elle était touchée
d" entendre ces Convulfionnaires parler de la venue d' Elle ^ 6? de la converfion pro-
chaine des Juifs , du renouvellement de l'Eglife ^ (^ de la nécejftté de fe préparer par
la pénitence k ce grand éiénement.
Mais par qui ces prédiftiuns fi intéreflantcs Sc fi dignes de toute notre attention:
font-elles faites ! Par une multitude de perfonnes que Dieu iufcite tout à coup ^
dont la plupart ne favoicnt feulement pas le moment d'auparavant, qu'ilyavoit ^^^^
un Prophète que Dieu avoit refervé pour rétablir toutes chofes. t. si.
C'eft par ces ignorans que Dieu nous fait expliquer les prophéties, 5c en même
tems il leur donne des talens dignes d'admiration pour exhorter à la pénitence-
de la manière la plus patétique 6c la plus touchante, 6c leur en fait pratiquer li-
eux-mêmes de fi auftercs 5c de fi cxceÛives qu'elles paroiflcnten plufieiu's fur—
pafler les forces de la nature.
fo. Cette perfonne apocriphe déclare à la place de MM. les Confulcans : qu'-
tlleles a vues (les Convulfionnaires) dans une efpéce d'e.rtafe adrejfer à Dieu desprierei^
très vives ^ faire à ceux qui étaient préfens ydes exhortations très belles ^ trè f fervent eU-
L'extafe eft un état furnacurel qui ne peut venir que de Dieu ou du Démon.
Mais peut-on croire que ce foit fatan qui f-àlt adrejèr à Dieu des prières très vives,-
& {ùt faire aux hommes des exhortations- irèj belles G" très ferverJes Csxis mélange-
d'aaa-
6± IDE'E DE VOEUP'RE DES CONFULSIONS.
d'aucune erreui? Exhortations dont Dieu s'eft Icrvi pour éclairer &; convertir
quantité d'incrédules 6c de pcchcurs. Ccquiclt fî public que M. Poncet ne craint
7 tmrc. point d'atteilcr : qu'il y a aujourd'htiy un grand nombre de perfonnes , qw, n'ont été
'''^' ' ' ■ injîruitcs que par les convulfions , ou qui n'ont été touchées qu'à leur occafion , que Vefprit
v.m.-x\\M.dc Dieu a conduit dans la retraitepour y mener une "vic pénitente : ce quiellmêmc
I». 19- avoué par les ennemis les plus déclarés de l'œuvre des convulfions.
Depuis quand l'Ange de ténèbres devenu tout à coup un véritable Ange de
lumière, travaillc-t-il avec tant d'efficace à faire connoître la Vérité, &à faire
cmbrafTcr la pénitence ? Comment au contraire ne pas recoanoitre ici l'opcra-
jc«n ;. 8. j.jp[^ jg l'Efprit f.iint qui fou ffi< où il "veut , qui fait annoncer la Vérité par quiii
hii plaît , Se qui feul convertit les cœurs ?
6^. Cette pcrfonne parabolique déclare : c[VLellea entendu prédire des événemens
futurs tj-ès inicrcffans quelles figuroient par des nmrcemens i3 p^r des avions qui y
avcient une efpece de rapport.
Mais clic auroit dû ajouter que dans le nombre de ces éi-énemens futurs, iljea
a eu pluficurs de publics, qui quoiqu'ils fuilcnt pour lors contre toute apparence,
font néanmoins arrivés avec toutes les circonftanccsannoncécspar les Convulfion-
naires, ainfi que ^e le prouverai par la fuite.
70. Elle ajoute qu'o« lui a dit que ces Ccnvulfionnaires fe regardent i^ font -regar-
àces par pluficurs perfonnes , comme defiiiiées de Dieu peur prédire 13 pour figurer parce
quelles difenî i^ par ce qu'elles font , ce qui doit arriver incefamment à VEglife , £5?
qu'elles font comme autant de tableaux anifnés (^ parlans qui repréfentent de grandes
chofes dont le tems cfl prochain.
Ce caracbere e 11 vrai par rapport à plufieursConvulfionnaires dans certains états
Gii les mettent leurs convulfions, 6c clt fouvcnt accompagné de grands prodiges:
mais il s'en faut beaucoup qu'il convienne généralement à tous lesConvuUîonnai-
rcsj y en ayant même quelques-uns que le Démon a féduit, 6c dont il fc fert
pour obfcurcir la Vérité 8c répandre des nuages fort épais fur l'œuvre de Dieu,
ce que j'expliquerai dans la fuite.
80. Elle déclare qu'f//f en a fû quelques-unes repréfenter dans leurs convulfions
divers mifiéres de Nôtre Seigneur J. C. fes fouffrances ,fon agonie, fa mort.
La pcrfonne à qui le rôle de confulter a été dévolu, auroit du, pour mettre
les Doétcurs à qui elle s'addrcfTe en état de porter leur déciilon en connoiflancc
de caufe , leur expliquer un peu dav;mtage la plupart des chofes qu'elle fcntoit
ne pouvoir fe difpenfcr de leur cxpofcr. Par exemple ces reprcfentations dont elle
parle, n'étoient-elles que de fimples figures froides 6c inanimées? n'étoient elles
fas au contraire fouvcnt accompagnées de caraétcres, non-feulement dignes d'être
remarqués, mais même évidemment furnaturels ! Ne falloit-il pas expliquer, en
rapportant ces fimboles fi édifians, qu'une ni;iin invifiblc imprimoit fur les corps
de certains Convulfionnaires à la vue de tous les fpcélatcurs les marques exté-
rieures des fouffranccs de J. C. Qii'on voioit d'abord tous les fimptomes d'une
vive douleur fe peindre fur le vifagc de ceux par qui il fiiifoit repréfenter fa paf-
ficn: qu'on à vu dans le creux des mains de quelques-uns fe former peu à peu
des tiaccs précifément aux endroits 011 les clous avoicnt percé les mains dcnotre
divin Maître, 6c que ces endroits étoient dans prcfquc tous les Convulfionnaires
en cet état, d'une fcnfibilité extrême: que dans le moment qui rcpréfcntoit i'a-
conic, leurs yeux s'étcignoient d'une manière l'enfiblc, 6c dcnuuroient fixés 6c à
demi fermés: qu'cnfuitc une pi'ilcur mortelle couvroit tout leur vifagc, 6c que
leur tête ne p uvant plus fc Ibutcnir tomboitde foibicfle fur leur poitrine? Ces re-
prcfentations fi touchantes le font faites journellement pendant afiéz, long tems
p.a-
IDÈ'E LE rOEUFRE DES CONVULSIONS. 6j
par plus de cent perfonnes, & ont été vues par un nombre innombrable de té-
moins qui y ont reconnu les mêmes traits qu'on lit dans la vie de quelques
"Saints des derniers fiecles.
Scroit-ce aujourd'hui le Démon qui s'efForccroit ainfi de nous remettre vive-
ment fous les veux tout ce que le Sauveur a bien voulu fbuffrir pour nous retirer des
fuppliccs éternels de l'enfer? Seroit-cedonc cet efprit tentateur qui en nous at-
tendriflknt par des images fi frapantes , nous feroit concevoir une horreur extrême
du péclié , que Dieu a voulu punir d'une manière fi effrarante jufques fiir Ion propre
Fils, parce qu'il avoit voulu le charger des nôtres? Les larmes que les atîiltans
répandoient fur eux-mêmes, excites parles réflexions qu'un fpeâ:aclc fi touchant
leur faifoit fliire , venoicnt-elles donc des imprefilons de l'Ange apoflat ?
po. MM. les Conùiltans qui fe confultent eux-mêmes conviennent par l'aveu
de la perfonne qu'ils font parler qu'elle a vu d'autres Convulfionnaires q^ni fai-
Çoient le difceritemenî des reUqries ^ qui révélaient des chofcs cachées .y même le fecret
des cœurs.
Le dernier de ces caractères auroit dû feul fuffire pour pcrfuadcr MM. les.
Confultans que Dieu agilToit dans cette œuvre. Ignorent-ils donc ces ÎSlaîtres en
Ifraël qui veulent s'attrilîucr le droit de condamner une oeuvre oîi l'aftiondeDicu
eft marquée à tant de traits , ignorent-ils qu'il n'y a que lui feul qui pénétre le
fecret des cœurs, comme il nous l'a déclaré lui même? £or hominis infcrutabile .,^
guis cûgriofcet illud. Ego Dominus fcrutans corda. Si Dieu feul connoît le fecret
des cœurs , lui feul peut le révéler.
Je ne rapporterai point ici les prétendus caraftercs defavantageux fur lefquels
ces MM. tâchent de s'appuier pour étaier leur décifion , cela demande imc dif-
cufiîon trop grande qui fera im des principaux objets des trois autres parties de cet
Ecrit : j'obferverai feulement en pafl'ant que c'cli une erreur de fait démentie par
une infinité de preuves, de croire que les Convullionnaircs ne jouifiént point du
tout de leur liberté pendant tout le tcms que dure leur convulfion. Je prouverai
iiii contraire dans la 2.?. partie de cet ouvrage que la plupart des chofcs qu'ils font
en cet état, ne font point produites par une imprcfiîon de leur convulfion qui les
contraint forcément de les foire, ou qui les leur fait foire fons connoillance, fi
ce n'ell: dans leurs extafes & autres états finguliers : qu'ordinairement elles font
feulement une fuite d'une imprcflion furnaturelle, à laquelle leur volonté con-
court librement & y mêle fouvent du fien : & même qu'ils font & difent plu-
fieurs chofcs qui ne partent que de leur propre fond,& qui quelquefois ont leur
principe dans leurs paflions : enfin que dans les choies mêmes où ils femblent n'a-
gir que par Pimpullion de la con^•ulfion, ils confervent encore le plus fouvent
quelque forte de liberté : attendu que l'inftinct de leur convulfion les détermine
bien plus communément qu'il ne les force.
11 fuit de cette Vérité de foit que l'expérience rend inconteftable , que c'cftla
plus mauvaife méthode dont on puifie fe fervir pour juger des convulfions, que
d'attribuer à l'inilinct de la convulfion tout ce que le Convulfionnaire peut foire
ileTTpréheniible en cet état. 11 fout au contraire prendre bien garde de ne pas
confondre ce que foit le Convulfionnaire par le mouvement de fa propre volonté,
ou même par les iuggcftions du Démon , avec ccqucrinilinétou le mouvemcni
forcé de fir convulfion lui fait faire.
Ceux qui veulent exclure l'Auteur de tout bien &; de toiit« bonne penféc de
tout ce qui elt furnaturcl dans les convulfions, fe foiulent principalement fur
quelques aébions repréhenfibles qui ont été faites par quel^jues Convulfionnaires,
mais il faut ici diftingucr l'aétion de Dieu des fautes de l'homme , & des féduc-
Obfervat. I. Part. Tome II. 1 tiens
t6 IDEE DE VOEUVRE DES CONFULSIONS.
tions de l'efprit tentateur : 6c ne pas condamner 7. ou 800. pcrfonncs , parmi leP
quciS il y en a pluficurs d'une très grande vertu, fur k fondement qu'il y en a
quelques unes dont la conduite eft blâmable.
M.pi-r. 3. Qiron me permette à cette occafion de faire tifagc de la réflexion d'un Au-
i^jT&^i - - . ^^^'' • ^^^'^ '"'^ parufi belle Scfijuilcqueie ncpuis m'empcchcr de la rapporter ici
en entier. Voici comme il parle : „ On attribue au Dcmon tout ce qui cmbarrafle
„ avec une facilité Se un mépris qui me font peur : on ne fait attention ni au
„ nombre , ni à la qualité des pcrfonncs, ni à la réunion de tant de merv'cilles,
,, ni à l'origine de ces évcnemens. Il luHît d'avoir remarqué des défauts dans
„ (certains) Convulfionnaircs pour attribuer au Démon tout lefumuturel,quel-
„ que grand, quelque multiplié qu'il foit. On ne mefure point fes forces: il pour-
„ ra tout : il s'emparera de ceux qui vont invoquer Dieu dans la fimplicitéde leur
„ cœur : il ira fe placer fur un tombeau oii Dieu même avoit établi fon trône
„ pour faire miiericorde : il profitera d'un concours que des miracles fignalés y
„ (avoient) attiré pour féduire avec plus de facilité: il imprimera fur un grand
„ nombre de Convulfionnaires le fceau facré de la Croix de J. C. il deviendra le
,, prédicateur de l'Appel & l'adverfaire de la Bulle: il unira aux Appellans tous
„ ceux dont il fc fera faifi : il infpirera du refpcél: 6c de la vénération pour les
„ reliques des Saints, 6c pour tous ceux qui auront dcifendu la Vérité avec plus
„ de zélé: il fera fur la confiance en Dieu , fur fon amour, fur fa Toute-puifllm-
,, ce, 6c fur les autres Vérités importantes de la Religion, les plus beaux dif-
„ cours: il fera des prodiges pour rendre fenfiblc ^obligation de faire pénitence
„ pour fléchir la colère de Dieu : il réiiiîîra à la faire embraficr à un très-grand
„ nombre de perfonnes. . . Enfin il fera des miracles.
*c*nVui- Voilà jufqu'à quelexcès quelques Appellans fe font portés , pour pouvoir cxc-
lins ff i.nicuter le dcflcin qu'ils avoient formé de condamner inditlinftement toutes lescon-
'°n"emis"'^cVulfions. Ils fc fout unis en ce point aux plus grands adverfaires de l'Appel, 6c
lAppçipoïraux PuilTanccs qui veulent faire régner la Bulle. Cependant ces PuilTances ne fe
ïon'ï'oitwn-'font irritécs contre les convuHîons, 6c n'ont pouriuivi les C'onvulfionn;ures avec
"»"«»• tant de rigueur, que parcequ'ils font attaches par état à la caufe de l'Appel, 6c
que Dieu s'ell fervi d'eux pour inftruire une multitude de perfonnes de toute
condition de l'importance des Vérités que la Bulle condamne.
xxxi. Ces PuilTances regardent avec raifon les Convulfionnaires comme les plus rc-
»aiÉ;onna'ir""sdoutablcs dcs AppclIans. C'eft par eux que Dieu a renverfé le grand projet qu'el-
fo:.i 1rs ad- les avoicut formé, de faire bien-tot évanoiiir tous les fruits de l'Appel, 6c d'en
plu» redou- anéantir en peu de tcms tous les plus lalutaires errcts, en mtcrdilant lun aprts
îo.'eî "^^ ''l'autre tous les Eccléfiaftiques attachés à la doélrine de l'Evangile 6c des SS.
Pcres. Elles efpéroicnt qu'en fermant ainfi la bouche à tous ceux qui étoient ca-
pables d'inflruirc les fidèles, les Vérités profcritcs par la Bulle ceflcroient bien-tot
d'être ccHinucs. Elles avoient réiolu avec prelquc tous les Evcques duRoiaume,
de ne prendre plus pour Minillres des Autels que descarcailcs quin'auroient pc-uu'
ame que l'intérêt ou l'ambition , 6c pour mouvement qu'une foumifiion aveu-
gle. Elles fe flattoicnt que par ce moicn, n'y aiant plus perlônnc qui fit con-
noîtrc au public le danger de prendre la Conllitution pour règle de la foi, cette
fatale Bulle rcgneroit paifiblcmcnt dans toute l'Eglile. Mais que peuvent tous les
efforts de la prudence humaine contre les décrets du Tout-puilfant. I-e Saint-
Efpritaditpour cetems aufîî-bienquc pour celui de J. C. par la bouche de David
»f 1 I fci.& celle de S. Pierre: Pourquoi les nations fe font-elles émues ; pourquoi les peuples
k'1',s*" '-ott-ili formé de v.iius d-fj'eins : les Rois de ta terre fc font élei-és^ 6? les Princes fc
ftnl unis cnfpible. Mais le Seigneur qui exauça la prière des Apôtres Se des fre-
»»
IDE'E DE rOÊUFRE DES CONFULSIONS. 67
TCS affemblés, a auflî écouté la nôtre. Il a donné à ks ferviteurs la force (Pa;mon- ^^-^ 4 »♦•
cer fa farole avec um entkre liberté j 8c il a étendu fa main pour faire des guérifons ' *""
miraculeufes ^ des prodiges 13 des merveilles au nom de ion faint Fils Jefus ,pari'in-
terceffion du S. Diacre & autres Appellans.
Dans le tems même que les plus grands ennemis de l'Appel s'applaudifloient au
fond de leur cœur d'avoir enfin trouvé un moien infaillible de le faire bien-tôt
difparoître de deflus la terre , tout à coup deux ou trois cent bouches s'ouvrent
au milieu de ce peuple à qui on avoit commencé de ravir la lumière, & elles
s'ouvrent d'une manière vifiblement furnatu relie , 8c accompagnée de quantité
d'autres prodiges. Dans tous les quartiers de Paris le venin que renferme la Bulle
cft découvert par des traits plus frapans qu'il ne l'avoit encore été, Se les Vérités
qu'elle condamne font publiées avec plus d'énergie , font expofées avec plus de
force 8c de clarté, font développées d'une manière plus fenfible que jamais. Celles
même qui jufqu'alors ne paroiflbient point à la portée du peuple, deviennent par
ce moien nouveau fimilieres aux plus fimples. Pénétrés d'admiration de les en-
tendre expliquer par leurs propres enfans , par leurs frères , par leurs fœurs , par
des perfonnes qui leur font entièrement femblables , & qui n'avoient pu les
apprendre ainfi tout à coup 8c d'une manière fi parfaite que par une voie furna-
turelle^ ils écoutent ces grandes Vérités avec empreflement : ils les reçoivent avec
avidité dans leurs coeurs : 8c cette heureufe difpofition ouvre leurcfprit, Scieur
donne une intelligence pour les comprendre , bien au delà de ce qu'on auroit cru
■qu'ils en eufient été capables. C'eft ainfi que l'Auteur Tout- puiflant d'une fi gran-
de merveille touche leurs cœurs en même tems qu'il éclaire leurs efprits. Aufli
quoique les Convulfionnaires publient les maximes les plus contraires à la cupi-
dité , la plupart de ceux qui les écoutent , loin d'en être rebutés, fentent une
onétion qui coule jufqu'au fond du cœur, qui les attendrit, qui les touche, 8c qui
leur fait goûter avec plaifir la plus pure morale de l'Evangile, quoiqu'elle bleffc
fi fenfiblement l'intérêt de toutes les pafiions.
Cependant l'éclat 5c l'imprcfiion que fait ce prodige fe répandent de tous côtés :
la renommée le publie jufqu'aux extrémités de la terre. Pour lors le public com-
prit mieux que jamais, que les troubles qui agitent l'Eglifc ne font pas des quef-
tions fpéculatives qui n'intéreifent que les Théologiens , mais que la plupart des
propofitions condamnées par la Bulle font eflentiellement l'ame de la Religion,
8c que tous ceux qui portent avec foi le nom de Chrétien font obligés de s'yinté-
reffer plus encore par le cœur que de toute autre manière. Dès-lors une grande
multitude de perfonnes furent convaincues par les difcoursdes Convulfionnaires ,
3ue la pénitence, l'humiliation ^ la refignation la plus entière, dévoient faire
eformais le partage de ceux qui défiroicnt fincercment leur bonheur éternel j
que la croix Sc les foufirances ctoient l'appanage des vrais difciples de la Vérité cru-
cifiée, 8c qu'il falloit aujourd'hui pour marcher dans la voie du falut, non-feu-
lement renoncer à tout crédit ^ à toute efpérancc de fortune, mais même être
difpofé à fc voir dépouillé de tout.
Qiii n'admirera que des Vérités qui paroiflbient fi dures à la nature corrompue,
8c qui font aujourd'hui fi peu cnfeignées Se fi mal pratiquées par'une grande partie
•des plus fivans Théologiens chargés par état d'en inltruire les autres: qui n'ad-
mirera qu'elles foient devenues le pain quotidien dont une multitude de perfon-
nes fc font nourries avec joie par les mains des ConvuHionnaires?
Il n'eft pas étonnant que les ennemis de l'Appel, aiant appris que ces inftni-
mens de la bonté divine diltribuoicnt de toutes parts une fi excellente nourriture ,
aient pris la réfolution de les periccuter à toute outrance-: mais qui peut voir
I i fans
tfg IDE'E DE VOEU F RE DES CONrULS 10 N^.
fans la plus vive douleur, des Appellans féconder cette violence par leurs écrits
Se leurs calomnicufes dénonciations ? Qiioi ceux qui devroient être les protec-
teurs ^ les pères de ces innocentes victimes , qui s'cxpofent ainli pour h caufe donc
ces Appellans fe font honneur , font eux-mêmes les premiers à les décrier 6c à au-
torifcr par leurs fuffragcs & leurs cenfures tém<;rHires tout ce qu'on leur faitfouf-
frir en haine de la Vérité !
Auflî tout le poids de la perfécution eft-il tombé furlesConvulfionnairesScfur
ceux qui les protègent , tandis que ceux des Appellans qui les condamnent par
leurs écrits rentrent en grâce auprès des Grands du fieclc, qui les laiflent jouir
tranquillement de la paix de ce monde. Mais helas! que cette paix leur coûte
cher! Feu M. l'Abbé Duguet en expliquant les paroles de J. C. dans l'admirable
^''»''- ^' '* tcrmon qu'il fit après la Cène, lui fait tenir ce difcours : C'efl un fnncjle préju-
«h. 4. a z gé contre mes difciples fi mes ennemis les laijfent en -paix. Et ce divin Sauveur dit lui-
Mst.'iô.ij."'"^"^c: Celui qui xoudra faU^cer [ci vie ^ la perdra.
Le caraftere de publier hautement, êc d'annoncer fans aucune crainte les Vé-
rités importantes au falut , lorfqu'elles font ouvertement combattues par les Puif-
fanccs de la terre, clt décUîf pour fliire connoitre quel cft l'cfprit qui fait agir.
Comment donc , lorfque ce carafterc paroît vifiblcment en une multitude de
ConvuUîonnaires , peut - on s'obilincr à ne pas voir que Dieu donne prefquc fans
ceflc des preuves de fon opération dans cette œuvre? s'il n'y a qu'un petit nom-
bre de Convulfionnaires qu'il ait gratifiés par une grâce permanente d'un coura-
ge à toute épreuve, du moins fe fert-il de !a plupart pour faire retentir publi-
quement la Vérité de tous côtés.
• Il cil manifelle, il eil vilîble que pluficurs Convulfionnaires font forcés parunc
imprelllon furnaturcUc de dévoiler au public les égarcmcnsoii la Bulle peut préci-
piter, & d'y répandre la connoidance des Vérités qui font condamnées par ce
funeftc Décret. Mais ce qui ell bien digne de remarque, l'inilinétde leur con-
vulfion, en éclairant leur efprit , forme en méme-tcms les fentimens de leur
cœur, du moins pour te moment où ils reçoivent la lumière, & dans plufieurs
ces fentimens demeurent dans toute leur force. Non-i'culement de jeûnes enfans
oui à peine lavoicnt les premiers élemens de la Religion, & qui n'étoient nul-
lement au fait des combats qu'on livre à la Vérité dans le fein même de l'Egli-
fe , s'en font trouvés tout à coup parfaitement inllruits dans le moment que
i'inilinftde leur convulfion leur a tait prononcer leurs diicours : mais ils fe font en
méme-tcms fcntis attachés furnaturcllemcnt à la caufe de l'.'lppel d'une manière
vive ôc durable: & ce qui cil encore plus furprcnant & plus merveilleux, la
même cliofc cil arrivée à d'autres perfonncs , qui avant d'avoir cû des couvulfions
ctoient dans des fentimens tout contraires.
. C'eil un fait d'une notoriété publique que quiconque devient Convulfionnaire,
fe trouve auflî-tôt intimement lié à la caufe de l'Appel parunc impreilion furna-
turcUc de cet état: cnfortc que s'il étoit auparavant Conllitutionnaire, fescon-
vulfions dès le premier moment changent à cet égard tous les faux préjugés au'il
avoit. Se les mauvais fcntimois qui en ctoient la fuite} parccqu'en répandant
dans fon cfprit des lumières qu'il n'avoit pas, elles donnent à fon cœur des affec-
tions toutes différentes de celles dont fes préventions étoicnt la fource. Auflî des
au'on entend dire que quelqu'un vient d'être fiifi par des convulfions, on ne
oute point que fur le champ l'F.fnrit de Vérité ne l'ait rendu très- oppofé à la
Bulle, quclqu'élnignc qu'il eût été julqu'alors du ianduaire de IWppcl. Ce fcn-
timcnt général cil fondé fur l'expérience qui ne s'ell jamais démentie, qu'on n'a:
¥Û aucun vrai Convulfiounaire qui dans l'inllant que lc$ convulfions l'ont pris,
n'aie
I
IDE'E DE L'OEUF RE DES CONVULSIONS. 69
n'ait été d'abord fincérement attaché à toutes les Vérités que la Conftitution con-
damne , quoique plufieurs d'entr'eux, & même des plus confidérablcs, fuflciit
fournis H ce Décret avant l'heureufe époque, où devenus l'objet du mépris du
mon Je 6c des Conlultans, ils ont commencé à partager avec les petits les lumières
que Dieu donne par le moien des convuliîons.
On en voit entr'autres un exemple bien marqué en laperfonne de M. Fontaine
ci-devant Secrétaire du Roi, 6c chargé des placets qu'on préfente à Sa-Majefté.
Des fa plus tendre jeuneflc il eût beaucoup de piété : mais indruit p; r des per-
fonnes perfuadces qu'on doit une foumiffion entière à tout ce qui ell décoré du
nom toujours refpeftable du Souverain Pontife, & ébloui de l'accord apparent
du très -grand nombre des Evêques à recevoir la Conftitution , il crût qu'une
obéiflancc aveugle étoit due à cette Bulle. Dieu ne l'abandonna pas à un fentiment
fi dangereux dans les circonftances préfentes : il lui cnvoia des convulfions qui
le détrompèrent. En même tems qu'elles éclairèrent ion efprit d'une vive lumiè-
re , elles embraferent fon cœur d'un feu fi ardent , qu'elles le détachèrent auffi-
tôt de tout ce qui ell périflable > enforte qu'il en ell venu au point, non -feule-
ment d'abandonner un emploi qui lui rapportoit 6000. livres d'appointcmcns ;.
mais encore de fe dépouiller de fes biens pour mener une vie fi auilére, que les-
jeûnes qu'il fait paffent quelquefois les forces de la nature.
On a vu aufïï plufieurs Déillcs, qui aiant été iaifis de convulfions, ont été
dans l'inilant-même inftruits 6c perfuadés de toutes les Vérités de la religion fo-
ndement convertis , 6c remplis de zélé pour la caufe des Appellans. "Tel étoit
par exemple M. le Chevalier Folard, qui avoit acquis une fi grande réputation
dans les armées, où il s'étoit rendu également rccommandi-.ble paria valeur, fon
expérience,. 6c fes oavrages fur l'art de la guerre, mais qui fivoir ctî le malheur
de fe laiHér féduire par les lophifmes des prétendus efprits-forts : au moins étoit-il
devenu d'une fi grande indifférence fur la religion qu'il n'en faifoit depuis long-
tems aucun aclc, 6c qu'il avoit même oublié jufqu'aux prières les plus communes.
Dans cet état il à plaît à celui qui lauve quand il lui plaît, ôcdontlamiféricorde
cil toute gratuite , de dillîper en un moment toutes fes erreurs ou fes ténèbres ,
en lui envoiant les plus violentes convulfions : de le guérir d'une partie des incom-
modités incurables que lui avoient caufé plufieurs blclîures ; 6c de mettre tant de
perfeéhon dans les fentimens de fon cœur, qu'il a facrifié fans balancer toutes les
cfpérances de fortune que lui donnoient l'éclat £c la longueur de fes fervices, aux
clpérances plus élevées que lui donne la vie humble, mortifiée 6c pénitente qu'il
mène depuis ce tcms-là.
Un moien fi efficace qui éclaire 1 efprit, qui convertit les cœurs, 6c qui atta-
che à la Vérité tous ceux fur qui il agit, fcroit-il donc une opération de Saran?
Quoi! feroit-ce le ténébreux Prince de l'a' *
l'abîme qui difliperoit ainfi tout d'un coup-
l'aveuglement des Déifies , qui les convaincroit en méme-tcms de toutes les Vé-
rités de la religion, qui les feroit entrer dans le fein de la lumière, 6c quichan—
geroit tellement leurs difpofitions , qu'ils mépriferoient auffi-tût tous les- faix:"
biens de la terre,. 6c deviendroient les deffenfeurs les plus intrépides de la Vérité?
Les plus ardcns Conltitutionnaires qui ofent bienferoidir contre la décificndes
miracles,- pourroient peut-être le foutenir: mais feroit -il polfible que des Ap--
pell.iiis en vinflcnt au point de nefentir aucun remords d'une telle hipothefe ? MM..
•les Confultans font priés de fe conlûlter fur cette quellion. Un cas fi impor--
tant, quin'auroit pas dû être omis dans leur jugement doèhinal, mérite bien.,.
lUie Confiiltation nouvelle.
Rien de plus- admirable que le zèle que font éclatter plufieurs de ceux que les-.
1 5, coite-
70 IDE'E DE VOEVVRE DES CONFULSIONS.
convulfions ont rendu difciplesde l'Appel. Chaque jour on les voit marcher d'ua
pas ferme vers la Croix où leur état iurnaturcl les conduit : ils favent qu'il n'eft
plus pour eux dans ce monde ni fortune, ni repos, 6c qu'une guerre violente
leur ert déclarée par les PuilTances dont ils dépendent. De tcmsen tems quelque
expédition nouvelle avertit fans cefle ceux qui n'en font point encore l'objet , que
leur tour ne tardera pas. Déjà plufieurs perlonnes de mérite de l'un & de l'autre
fcxe ont foutcnu de grandes épreuves: déjà des enfins, de jeunes filles d'une
piété exemplaire, ou du moins de la plus grande fimplicitéde mœurs, ont paffc
nombre d'années dans des prifons rigoureufes, y font encore retenus, fans qu'on
fachc quand ni comment leur captivité finira. La paix dont la plupart jouiflent
n'eft-cUc donc pas évidemment un don de Dieu, qui les foutient lui-même dans
la pénible carrière où fa main les a fiiit entrer.
Mais c'en eft allez fur ce lujct, qui ne peut manquer de fe préfenter encore
dans la fuite de cet Ecrit. Paflbns à ce qu'il peut y avoir de plus intércflant pour
les fidèles dans l'œuvre des convulfions, 6c à ce qui peut leur fiure découvrir
quel en ell le but 6c l'objet principal dans les dcfieins du Très-haut.
xxxii. La plupart des Convulfionnaires après avoir fait dans leurs premiers difcoui-s des
rld^cTiorT tableaux frapans de l'extrémité des maux de l'Eglife, prédirent que lorfquc la
desconvui- V'érité feroit profcrite de toutes parts, 6c que les plus zélés dcffcnfeursTcroient
fionnaire». j-^^. j^ p^jj^j. j'ètrc chaflcs comme des hérétiques de la communion de l'Eglife vi-
W»rc.9.ii.fible, Dieu envcrroit le Prophète Elie qu'il a refervé pour rétablir toutes chofes:
ils firent en même tems des exhortations très-belles £> très-ferventes, ainfi que l'a-
vouent MM. les Confultans, où ils montrèrent la nécciîlté de fe préparer par la
pénitence à ce grand événement.
La prédiction d'un événement fi peu attendu par le très-grand nombre des Ca-
tholiques, quoiqu'il foit fi clairement marqué dans les Ecritures, 6c annoncé par
la Vérité même dans l'Evangile, ne pouvoit manquer de faire des imprefiions dif-
férentes fuivant ladifpofition des cœurs. La plupart de ceux qui l'entendirent la
regardèrent comme une rêverie, mais les autres faifant attention à la promeflcde
J. C. à l'état préfent de l'Eglife, 6c aux prodiges qui avoient accompagné cet-
te prédicbion ; confiderant d'ailleurs avec étonnement que les difcours magnifi-
ques 6c fublimcs où elle venoit d'être faite en plus de loo. endroits diffcrcns par
une multitude de perfonnes prefquc toutes fans lettres, fans art, 6c fans talcns,
étoient eux mêmes des prodiges: 6c n'oubliant pas d'autre part que les Com-ul-
fionnaires qui parloient ainfi , n'avoient ni caraétcre ni autorité, crurent que le par-
ti le plus fage étoit d'être attentifs à tout, perfuadés que Dieu peut fc fer\'ir de
qui il lui plait pour nous donner les avertiircraens les plus importans , comme il
fc fcrvit autrefois de Jcfus fils d'Ananus pour annoncer la ruine de Jéruhdcm.
Cependant TElprit de Vérité aiant en même tems fait prédire à plufieurs Con-
vulfionaircs nombre de chofes, dont l'événement arriva peu après a nos yeux:
on eût encore plus d'attention qu'auparavant à ce qu'ils avoient ci-devant annoncé,
xxxiii. Il cil vr.ii qu'alors plufieurs perfonnes éblouies par la julteflc de quelques pré-
Vita'u.""" dictions particulières dont elles venoicnt devoir l'accomplillcmcnt, curent la té-
méraire fimplicitéde coniijlter les Convulllonnaircs fur lavenir, 6c de les inter-
roger fur ce qu'elles defiroient (avoir. Dieu punit enfcmble & l'indifcrete curiofité
des uns, 6c laprcfomptiondcs autres qui avoient ofc donner leurs propres idées
pour des tfpcccs de révélations: toutes leurs réponfcs fe trouveront fuiiles. Il
Icmble même que ces imprudentes tonfultations, 6c les rcponfes téméraires que
plufieurs Convulfionnaires y firent, leur aycnt porté malheur. Depuis ce mo-
ment on appcrçut dans leurs difcours bien plus de faullcs enonciations qu'il n'y en
avok
IT>E'E DE VOEVrKE DES C 0 N W L S 1 0 N S. Jl
avoît eu d'abord: car il faut convenir que même dans les premiers, il s'y en étoit
quelquefois glilTé quelqu'une.
Au refte cen'efl: pas un motif fufïifant pour juger qu'on ne doit faire aucune attention à
tout ce qu'ils amx)ncent. On n'en peut tirer une telle conféquence que faute d'être au fait de
la dilïèraice des imprelTions qu'ils reçoivent en faifmt leurs difcours. Il eft vrai que quelque-
fois ils les prononcent comme des automates, leur bouche formant leurs paroles fans que leur
intelligence ni leur volonté y aient aucune part. Mais le plus fbuvent au contraire leur elî-irit
eft feulement éclairé par une lumière fumaturelle qui leur fait appercevoir tout-à-coup des
Vérités qu'ils ignoroient , des faits dans l'avaiir qu'ils n'auroient pu deviner , & des figures
fimboliques dont ordinairement Us ne favent pas eux-i%êmes l'expUcation : & comme les ter-
mes ne leur font pas toujours didlés , en ce cas étant obligés d'exprimer , 8c d'expliquer à leur
façon les choies qu'ils viennent d'apprendre ou de voir, ce qu'ils en difent peut aifément fè
reflèntir de leur ignorance , de leurs préjugés , ou même des fantômes que leur imagination
peut en même tems leur préfenter. Enfin même quelquefois les lumières qui leur font données
n'éclairent leur efprit d'une manière bien vive , bien lumineulè & bien fènfible que pendant
un infiant rapide , après' lequel il leur femble que ces lumières s'écliplènt juiqu'à certain point,
ôcfè confondent avec leurs propres idées, enforte qu'ils ont alors bien de la peine aies dif-
cinguerles unes des auu-es : auffi en ce cas leur arrive-t-il fouventde s'y méprendre , & de
joindre leurs conjectures & les penfées de leur efprit aux connoifTances furnaturelles qui
ne leur ont apparu que comme un éclair.
L'aveu des Gonvulfionnaires & l'expérience qu'on en a eu , nous aiant donc appris qu'ils
mêlent quelquefois du leur quoique fans le vouloir, avec les lumières furnaturelles qu'ils
reçoivent , cela futiit pour prouver parfaitement qu'ils ne font pas des Prophètes , & que ce
qu'ils difent ne doit point êffe regardé comme intaillible : mais loriqu'on voit d'autre part
que ces mêmes Gonvulfionnaires ont fait plufieurs prédicHons de chofes qui n'avoient aucu-
ne apparence , 8c qui néanmoins font arrivées avec toutes les circonftances prédites , enfor-
te qu'il eft évident que ces faits n'ont pu leur avoir été révélés que par Celui (èul à qui l'ave-
nir eft préfènt de toute éternité, n'y auroit-il pas une témérité bien dangereule de rejetter avec
dédaintout ce qu'ils ont annoncé: fur-tout lorlqu'un inftinduniformeleurafait prédire la
même chofè généralement à tous, &que ces diicoiu's font évidemment furnaturels& pai-
ent manifeftement la portée de ceux qui les font )
s S'il eft manifeftequeles Convullionnaires parlent quelquefois par l'efprit de Dieu, ne
doit-on pas craindre de méprifer-ce qui vient de lui? & s'il nous eft d'une extrême confé-
quence de ne nous pas méprendre par rapport aux grands événemens que tous les Convul-
iionnaires nous annoncent, n'eft-il pas bien plus prudent de nous tenir attentifs, de tout
examiner, &de pefer tout au poids du Sandluaire?
Mais comme cette queftion qui eft très importante, demande une aflèz longue difcuffion,
fur-tout pour expliquer en détail toutes les différentes manières, tantôt forcées & tantôt li-
bres, dont les Gonvulfionnaires font leurs difcours, je reniets à en rendre compte dans la
iècondc Partie de mes Obfervations : & je vais feulement rapporter deux de leurs premières
prédidUons, parce qu'elles entrent ici naturellement dans le fil de mon récit
- Quoique ces deux prédiilions fulTenr contraires à toute vrai-femblance , qui que ce foit ^^^ty-
ne pourra nier , ni qu'elles ayent été faites , ni qu elles n'ayent été confirmées par l'événement. dr"1'fvé'-"*
Toutes deux ont été publiés chacune dans leur teins par prelque tous les Gonvulfionnaires "='"^'"'"<^
tout à la fois, aiiifieUes ont cû des témoins lans nombre: & par rapport à la première on en^"^'"'
trouve des preuves ou du moins des indices dans prefque tous les premiers Ecrits pour &
contre les Gonvulfions,mêmeiufques dans la première dècifionquefeu M. l'Abbé Duguet
lit contre cette œuvre de prodiges.
MM. les Gonfultans qui reprouvent aujourd'hui fans diftincTion tous les Gonvulfionnai-
res, nedèlavouerontpasquedcs I732.tems des premiers difcours, lorfquc prefque tous
ceuxqui étoicnt attachés à la Vérité , Itapiiès par l'éclat des nou\'caux prodiges qui s'étoient
joints
j% IDE'E DE L'OEUVRE DES CO NVULS IONS.
joints aux convulfions, ne témoigiioient que trop de confidération auxperfonnesqui en
étoient les inftrumens: lors qu'aucun desAppellans, du moins à Paris, ne paroilîbieni
douter que celte œuvre n'eût en pi-emier Dieu ix>ur Auteur; ces MM. ne difconviendront
pas, dis-jc, que prelque tous les Convuliionnaires annoncèrent qu'un nombre coniidéra*
ble de ceux des Apix:llans qui avoient acquis le plus de réputation , alloient bien-tôt les
traiter avec le dernier mépris, ainfiqu'avoicnt fait les ennemis les plus déclarés de la Véri-
té : qu'ils emploieroient leurs talens pour lâcher do couvrir d'opprobres ceux fur qui Dieu
oj->éroitdeschofesmen.-eilleufes: qu'ils fe déchaîneroient contr'cux : & qu'ils les repréferb
teroient comme des gens ai délire déjà en quelque foite livrés au démon, A quoi ils ajourè-
rent qu'il n'y auroit que ceux qui aiment la Venté \>ow elle même & dans £ès plus grandes
humiliations, qui prendroientleurdeBènfè.
Tout le mondefait que dans letcms que cette prédicHon générale fut faite, elle révolta
quantité de peribnnes, qui nepouvoient le pcrfuader alors qu'aucun des AppeUans diftingués
en \înt au point de reprouver fans refei^ve uneœuvre fi liée aux miracles , & qui en eft elle»
même toute éclatante: de deshonorer par des imputations odieuics les inftrumcns dont il
plaifoit à Dieu de fe fervir : de les profcrire fans dii tinclion ; & de juflifier par cette condam-
nation, les jx^rfécutions que ceux qui combattent la Vèité leur font fouHrir. Cependant
IV • • ..„..,, ,. .• ^ •. ,
qui
puiiqu'U nous déclare lui-même qu'il n'appartient qu';
Ifiie A^-^-:' j)écouvrez,-nous ce qiù doit arriver À l'avenir-, & -aous j aurons que vous êtes des
Dieux ^ fait -il dire à fon Prophète : Annunciate qux ventura j'unt m futur um^ CT
fciemus quod Dti ejiis vos. S'il n'y a que Dieu qui puiiïè pénéu-er & faire prédire un
avenir qui n'eft pas vrai-femblablc , ofera-t-on attribuer à t»n autre agent que lui , une pré*
didion fi contraire aux idées des hommes lorfqu'ellc a été faite?
Ce qui peut en quelque forte nous confolcr de l'accomplilTement fi complet d'une fi trifte
prédittion, c'ert queles Convuliionnaires ont dit en même tems, que la plus grande parrie
des AppeUans quifeporteroient à les condamner ainli fans iniféricorde , reconnoîtroient un
jour leur erreur, (Sclbuttnroient avec joie pour la deifenlê des Vérités qu'ils auroient eux-
mêmes combattues. ^ ^ . -•
Si cette première prédiéHon fi jieu vraifemblable quand elle a été faite a eâ une cxf^
cution 11 publique, li marquée 5c fi littérale; en voici une deuxième dont l'événement
n'a été ni moins f;icheux , iii moins déplorable , ni moins connu.
. Preique tous les Convuliionnaires annoncèrent tout à coup en i 7 3 3. que dans pai Dieu
alloit faire ennr'eux un difcememait terrible : que ceux qui abufoient le plus de fcs dons , al-
loient eue li\rés aux illufions de fatan : & qu'ils de\-iendroient les pnncipaux inftrumens
dont cet Efprit de ténèbres fe iêrviroit ix)ur oblcurcir la Vérité ^ \X)ux couvrir des voiles les
plus épais les prodiges que le Très-haut oi^ére parmi nous , & même les dcslionorer auxyeux
des hommes. , • , , r
Di etîct cet Ange apoflat , voyant qu'une grande multitude de pcrfonnes embral loient la
Vérité à la viie des prodigesqui accomjxignoient les convulùons , & craignant que les lu-
mières que tant de merwiUes répandoieiu , ne d juuililTent le fruit qu'il tiroii de la Coiîilitu-
tion, lit les derniers étions pour ivrvemr pluiicurs Convullionnaii-cs,
11 en a\ oit déjà féduit quelques-iuis en leur perfuadant que tout ce que leur imagi-
nauon leur préiêntoit, ou ce qu'il leur fuggèroit lul-nùmie , étoient d-i> inl]nrations di-
vines: ce qui le; avoit enflés d'orgueil, les avûit raîjus indjciles , & leur avoit faic
commettre quelque indécence fans fcrupule.
XXXV P<-'u après la prédiction que je \ieas de rapix)rtct parut le nommé Frère Augufiin,
Aiiiuiiinif. qui fe donna pour un fécond S. Jean, &ixjur k précurleur immédiat du Prophète Elie.
L"i!fic?'' Plufieurs jîerfonnc-; ai qui j'avois alors luie pleine conliance, m'ont allure que ce Frè-
re Augaùui dons la vin; de suiura des dJciplcs Ck de fe faire chct de paru, a\'oit ré-
digé
IVE'E DE L'OEUVRE DES CONVULSIONS. 73
digé en un fiftême fui\a tout ce que l'orgueil faifoit penfer à ceux des Convulfionnai'
res qui vouloient vivre dans l'indépendance & faire prendre toutes leurs fantaifies pour
des inftinds qui venoient de Dieo. Elle m'ajoutèrent même que non feulement il ap>->
prouva, mais qu'il augmenta encore leur préfomption en leur donnant pour principe,
que Dieu étoit l'auteur immédiat de tout ce qu'Us penfbient & faifoient pendant tout le
tems que duroient leurs Convulfions. Enfin on a publié de tout côté qu'en fe fondant fur
cette maxime pernicieufe, il les avoitautorifésà commettre de très grandes immodefties,
Ibus le frivole prétexte quelles étoient des figures que Dieu leurinfpiroit derepréfenter.
Ce qu'il y a de certain, c'efique dans les premières années où le Frère Auguftin parut,
ce dételkble liftême infeâa l'efprit & le cœur de pkiTieurs Convuliionnaires & autres
perfonnes, & qu'adueUenient il y en a encore quelques-unes qui en font imbues.
Au refte il y a tout lieu de croire qu'on a beaucoup exagéré dans ce qu'on a débi-
té d'abord contre les Auguftiniftes. La calomnie n'a pas épargné les Convuliionnaires
qui \Tvoient avec une grande piété : peut-on préfumcr qu'elle ait traité fiworablement
ceux qui, comme les vrais Auguftiniltes, donnoiait fur eux dettes grandes prifes?
A l'égard du Frère Auguftin , j'ai une elpéce de preuve que du moms il n'a pas tou-
jours perlifté à foutenir les erreurs dont on accufe les Augudiniftes. Car les fontimens
que depuis quelques années il dit avoir fur l'état des Convuliionnaires, font bien plus
fupportables & moins dangereux pour les mœurs que ceux que cette fsileavoit dans fon
origine. Il avoue que les Convuliionnaires en Convulfion peuvent dans certains mo-
mens, où ils ne font point, dit-il, remués & conduits par l'efprit de Dieu, agir parleur
propre efprit, & qu'ils font même alors capables de fe lailTèr furprendre par toutes les
mauvaifes impreffions que Satan peut faire dans leur imagination & dans leur cœur: enfin
il fe vante de publier lui-même de toutes fes forces, qu'il faut conduire les Convuliion-
naires par les régies, attendu l'incertitude où l'on elt quelquefois fi les inftmîls qu'ils
croient avoir , viennent de Dieu ou noa
J'ignore fi cette déclaration eft bien fincère, mais au moins elle eft publique parmi
ceux qui le fuivent: ainfi il ne feroit pas jufte de les regarder tous comme étant empoi-
fonnés par la première erreur, qui a d'abord été la bafedu fanatiline complet qu'on ap-
le l'Auguftinifme. Il faut au conti'aire diftinguer trois différentes clalTès parmi eux.
■ La première eft de ceux qui font encore perfuadés que pendant tout le tems qu'un
Gonvulfionnaire ell: en Convulfion, il ne celle point d'être ibus la motion immédiate de
Dieu; & qui, s'appuyans fur cette fmlTè fuppolition , adorent comme des opérations di-
vines & des paroles prophétiques tout ce que leurs Convuliionnaires font & difent en cet
état. Ces fanatiques ont même dans les premiers tems pou (Té li loin ce pernicieux principe ,
qu'il les a conduit iufqu'à divimfer ce que leurs Convuliionnaires faifoient de plus blâmable ,
& jufqu'à prendre leurs imaginations erronées pour des régies infiiillibles de croyance & de
conduite. Voilà jufqu'à quel excès certains Auguftiniftes le font égarés : mais à préfent
il n'y en a prefque plus qui penfent de cette façon.
La féconde clalîc, qui elt bien plusnombreufe, eft compofée de ceux qui s'étoient
d'abord laiflés éblouir par le faux préjugé qu'il ne peut point y avoir de mélange dans une
œuvre où Dieu manifelte fa préfence par des Prodiges & des Miracles. Mais depuis ils ont
eux-mànes reconnu par un grand nombre d'expériences, que fouvent leurs Convulfion-
nçdres agilToient par leur propre mouvement, quoiqu'en Convulfion, & même qu'ils fui-
voient quelquefois ce que leur didoicnt leurs paffions, ou que leur fuggéroit l'Efprit tenta-
teur. Ceux-là le vantent aujourd'hui d'être attachés aux régies , & conviennent que les Con-
vull ionnaircs pouvant fc tromper ou être féduits dans certains momais , on ne doit pas fuivre
à l'aveugle tout ce qu'ils difent, quoiqu'ils reftentd;ins une forte de Convulfion , mais que
c'eft par les règles qu'on en doit juger.
Ennn la trouiéme claife eft de ceux qui n'ont jamais donné dans aucune des illufions
pernicieufes qui ont d'ab 3rd été dans cette fecle , éc qui prennent pour des calomrucs géné-
Obj'ervi.u. I. Fart. Tome II, K raie-
74 I D E'E DE L'OEU FRE D ES CONVULSIONS.
ralement tout ce qu'on a publié contre les Auguftiniftes. L'eftimc qu'ils onr du Frère AuguP
dn & de tous fes adhérans , leur fait croire que rien de cela n'eft ixjfTible ; & les difciplej> de
ce Convoilfionnaire qui dans les premiers tems font tombés dans quelque illulion , n'ont
garde de les defàbuler.
A l'égard de ces derniers il faoit très injufte de les regarder comme des fanatiques. Leur
erreur qui ne confifte qu'à trop eftimer le Frère Auguftin , n'eft proprement qu'une erreur
de fait , qui par elle-même n'a rien de criminel , mais qui j^at leur être très pernicieufè , fi le
Frère Augullin n'a i'>as réellement les derniers lèntimens que j'ai rapportés. Je crois auiîi
qu'en général on doit juger favorablement des perfonnes de la (ccondc claflè. Il n'appartient
qu'à Dieu de lire dans le fond des cœurs : & il fuffit qu'une perfonne qui a été dans quelque
erreur, déclare bien nettement qu'elle n'y eft plus, pour qu'on doive l'en croire, à moins
qu'on n'ait des preuves très fortes de fa dilîimulatioa
Ainfi je déclare que fous le nom d'Auguftiniflcs , je ne parle que de ceux de la pre-
mière clalfe, & que je crois qu'il n'y a proprement que ceux-là par rapport auxquels on
peut décider avec une pleine connoillance de caufè , qu'ils font de \Tais fanatiques.
Peu après que les premières erreurs de ce dangereux fanatifine le furent répandus dans
Paris, ce qui fer\it de moyen au père du menfonge pour décrier dans l'efprit de quantité
dej-^ofonnes l'œuvre entière des Con\'ulfions, il anploya encore d'autres artifices pour
jetter un voUe ténébreux fur l'objet principal de cette œuvre. Ce rufé Serpent fentant que
fon principal intérêt étoir détourner en ridicule la prédidïon générale qui venoit d'être
Maïc IX. 1 1. faite parprefque tous les Convullionnaires, que le grand Prophète qui doit venir rétablir
toutes chofes , alloit bien-tôt paroître : n'en trouN'a point de meilleur mo}en dans lès noires
profondeurs, que de préfcnter comme étant ce Prophète, un homme qui ne l'étoit nullement.
Pour cet effet il infpira à deux payfanes d'auprès de Troues, foi-difantes Convulfionnaires,
de publier dans Paris (en 17.^+). que M. Vaillant étoit le Prophète Elle. Trois ou quatre
Convulfionnaires à qui ces deux hUes firent entendre qu'ils étoient deftinés à être fes pre-
miers Apôtres , fe joignirent à elles, & féduifirent d'abord plufieurs autres perfonnes. Mais,
grâces à Dieu, ce lànarifme ne fubiilleplus, M. Vaillant ayant déclaré par écrit & très
prècifémcnt, qu'il n'étoit ix)int du tout le Prophète F.lie, & qu'il ne prètendoit pas mê-
me le repréfenter en aucune manière. i
XXXVI. Cei->endant M. l'Archevêque de Sais , Dom la Tafte (ou M. de Bethléem) MM les Doc-
putVtîonsdes ^^^''^ Confultans 8c généralement tous ceux qui réprouvent toutes les ConvuKions fansnul-
/<i.iicor.»ui. le dillindtion ni rélerve, ont bâti leur fauxSillêmc fur la fuppolirion erronée qu'il falloir
fiomCcs. confondre enfemble tous les Convulfionnaires, fans vouloir féparer des autres lesAuguf
tinififcs ni les Vaillanriftcs. >
Corfuita- MM les :;o. Docteurs commencent même leur Décifion par dire , qu'ils efHment „que
-"jj'n^i'c/" n pour fe former une idée jufte des Convulfions, ileft nècelfairede les envifager dans leai
•73Î. „ tout, &deconiidérerqueles dirtërentes patries qui les compofcnt concourent toutes à
„ former une feule & unique œuvre. Et quoique îespartifansde cette œuvre (difent-ils)
„ fe foient divifés en pluiieurs branches, & qu'il y en ait même une qui doit être fon dii-
„ ringuée des autres parceque ceux qui y riennent, reconnoilfant du divin dans les Con-
„ vuU ions, font profdiion de condamner tous les excès qui s'y rencontrent, on ne yeux néan-
„ moins admettre les dilHncHons & les réfer\'cs qu'ils voudroicnt foire: attendu que les
f, traits les plus marqués, & les caraâères les plus elîèntiels font communs à tous les(>on-
„ vullionruires. Ils font unis cntr'eux par les liens d'unefociétèpaniculièrequialemcmc
y, langage, les mêmes vues, les mêmes fonClions: ils (è regardent & veulent qu'on les re-
„ garde comme une troupe fufatéee.xtraordinaii"cmcnt de Dieu pour une même lin, com-
„ me chargée d'un même minillèrc, comme dellinèe à annoncer de concatles dcllcins
„ de Dieu llir fin Fglife, à en reprclcnter y^x leurs aclions ik en prédire \^ leurs
y, dilcours uniformes, les malheurs prochains, & les reiTburces qui doivent les reparer.
y, Ils fc traitent de !• rires »!5c d;: Sœurs : ils le rendant témoignage les uris aux aut res
« d'être
IDE'E DE L'OEUFRE DES CONFULSIONS. 7f
,) d'être animés de l'Efpric de Dieu, & de parler en Ton nom : ils adoptent réci-
„ proquement ce que les autres ont dit & fiiit de fingulier : ils enprenent hautc-
„ ment la dcffcnfc. „
J'avoue que je ne puis comprendre comment on peut expofer fi hardiment à
la face de toute la ten-c des faits dont le contraire eft fi connu ? Quoi ! cft-il
vrai que ceux des Convulfionnaires qui font profeiîîonde ne tenir qu'à la Vérité,
rendent aux Auguftiniftcs & aux Vuillantiftcs \c témoignage d'être animés de V Ef-
frit de Dieu , i^ de parler en fun nom ? Eil-il vrai qu'//; adoptent ce qiî'ih difent
^ font de fingulier ^ c'eil-à-dirc les erreurs qu'il débitent, les aétions mauvaifes
qu'ils peuvent faire? Eft-il vrai qu'/'/^ en prenent hautement la défcnfe ? N'efl;-il
pas au contraire d'une notoriété confiante , qu'ils condamnent hautement tout
ce que les Auguiliniftes & les Vaillantiftes difent & font de repréhenfible ?
Il y a même une oppofition fi marquée entre ces deux Seétes 6c prefque tous les
Convulfionnaires qui font attachés à la Vérité, qu'à peine ceux-ci peuvcnt-il»
foutenir la rencontre des autres , ni refter tranquilles dans un lieu oîi ils en trou-
vent. Quelques uns même des meilleurs Convulfionnaires reconnoificnt les Au-
guftiniltes &; les Vaillantiftes par un preflentiment d'horreur qui les faifit lors
; qu'ils envoient, £c qui leur f\it deviner ce qu'ils ibnt, quoi qu'ils ne les connoif-
; fent pas. Enfin il y en a qui les fentent de loin avant que de pouvoir lesapper-
cevoir.
Quantité de gens font témoins de ces fiiits ; je l'ai été moi-même de plufieurs.
J'ai vu entr'autres une bonne Convulfionnaire fouftrir tout à coup une peine ex-
trême, parcequ'elle fentoit, dit-elle, qu'un Auguftinifte approchoit de la cham-
bre où elle étoit. Une perfonne préfente étant aufiltot fortie pour voir fi quel-
qu'un de cette feftc p.ifibit eft^ectivement prés de cette chambre , en trouva un
bien connu pour tel, qui étoit encore à plus de dix pas , & qui n'avoit pu être
vu par la Convulfionnaire.
Voici un autre fait encore plus marqué, dont j'ai auffi été témoin. Le frère
Amable, que les Vaillantiftes regardent comme leur premier Apôtre, étant en-
tré dans la chambre d'une Convulfionnaire de laquelle il n'étoit nullement con-
nu : dès qu'elle l'apperçût elle s'écria avec un air d'effroi peint fur fon vifigeSc
vivement repréfenté par fes geftcs, qu'on em.pêchât cet homme, qu'elle mon-
troitau doigt, d'approcher d'elle, déclarant qu'elle voioit un Demoh fortirde fa
bouche. Le frère Amable aiant néanmoins voulu avancer , elle redoubla fi fort fes
cris, qu'il fût obligé de fortir tout couvert de confufion.
Voilà quelle eft l'union qui fe trouve entre ces Convulfionnaires ^\ diamétrale-
ment oppofés de fcntimens. Au furplus il eft arrivé un fi grand nombre de pareils
faits, qu'il n'eft guércs pofiible qu'ils foient entièrement ignorés de ceux qui ont
du connoitre à fond l'état des chofes, avant de juger & de condamner.
Comment donc ofe-t-on , dans le tems que Dieu lui-même paroit avoir mis une
oppofition marquée par des im préfixons furnaturelles entre ces differens Convulfion-
naires afin qu'on ne pût s'y méprendre; comment ofe-t'on publier qu'ils font fi étroi-
tement unis cnfemblc , qu'ils forment uyi tout dont les différentes parties fe réunij/ent
comme celles d'un anneau^ ainfi que le difent MM. les Confultans .''
Comment ! tandis que ceux qui ne font attachés qu'à l'Appel, déclam.ent avec
tant de force contre tout ce que difent & font de repréhenfible les Auguftiniftes
6c les Vaillantiftes , ofe-t'on faire imprimer dans un Ecrit qu'on donne pour une
décifionautentiquc, que tous les Convulfionnaires adoptent reciproq^uernent ce que
les autres ont dit ^ fait de fingulier ?
Comment ! lorfque les premiers difent anathêmc à ceux qui font dans l'illu-
K i Coa
^6 IDE'E DE VOEUFRE DES CONFULSIONS.
fion, 6c qu'ils blâment ouvertement tout ce qu'il y ade mauvais dans leursdifcours
5c dans leurs aftions, ofc-t'on déclarer au public qu'ils enprenent hautement la deffenfe?
Comment? pendant qu'ils déclarent par des difcours publics que les Augufli-
niilcs & les Vaillantiftes font les principaux inrtrumens dont le Démon fe fcrt
pour couvrir la Vérité d'un voile d'opprobres, 5c pour déshonnrer aux yeux des
hommes julqu'aux prodiges que le Très-haut opère, ofc-t'on avancer qu'/Vj r?»-
dent ténidignage à ces fanatiques qu'ils font unimés de VEfprit de Dieu , 13 qu'ils
parlent en [on nom ?
Comment enfin ofe-t'on s'appuier fur des faits aufll publiquement faux, pour
rcpréfenter tous ceux des Convulfionnaires qui ne tiennent qu'à la Vérirc , com-
me complices 6c folidairement refponlables de tous les cxeés qu'ils détcitent ,
dont ils gcmiflènt avec larmes, 6c qu'ils fout les premiers à reprocher aux Augu-
lliniftes & aux Vaillantiftcs?
Ce fût ainfi qu'autrefois les Juifs & les Paiens, pour décrier les premiers Chré-
tiens, leurs attribuoient à tous ce que certaines fectcs d'hérétiques failoicnt de
J|'^'j,^";plus condamnable. „ Comme tous ces hérétiques (dit M. l'abbé Fleuri) prc-
„ noient le nom de Chrétiens, les extravagances qu'ils cnfcignoient, rcndoienc
„ le Chriftianifme méprifablc, 6c les abominations qu'ils commettoient, Iç ren-
„ doicnt odieux : car les Paiens n'examinoient pas aflez pourdiftinguer les vrais
„ Chrétiens d'avec les taux. De là vinrent ces calomnies qui étoient alors ftuni-
„ vcrfellemcnt reçues. ,,
N'eft-ce pas encore aujourd'hui par le même artifice que ceux qui ont pris en
haine les convulfions, ^ qui les combattent avec tant de chaleur, ont trouvé le
raoicn de les rendre odicufes à ceux qui ne font pas inftruits des faits? mais n'ou-
vriront-ils pas les yeux fur une injuftice aulTi criante que celle de condamner in-
diilinétemcnt fcpt à huit cent perfonncs , dans le nombre defquclles il y en a
plufieurs d'une grande piété, 6c cela fous le fcul prétexte qu'elles ont le nom
de Convulfionnaires, également comme d'autres perfonnes dont les fentimcns
font très difFcrens des leurs, 6c dont la conduite de quelques-uns l'eft encore
davantage ? „
Tout leétcur judicieux fera pcrfuadé au contraire, que pour fe former une
idée jufte des convulfions que Dieu favorifc par des dons qui ne peuvent venir
que de lui, 6c qu'il autorifc même par des miracles, il faut les diftinguer à.ç%
convulfions infcclées par l'cforit d'illufion, telles que celles des Auguifinilles &
des Vaillantiftes: 6c qu'il ne faut pas non plus confondre les convulfions furnatu-
rcUcs, avec certaines agitations volontaires qui n'ont d'autre caufe qu'une ima-
gination trop échauffée.
On doit cependant convenir que dans le nombre des vrais Convulfionnaires qui
ne fuivent aucune feéle 6c même parmi ceux que Dieu avoit ornés de dons fur-
naturels, il y en a eu quelques-uns dont la conduite n'a pas été fort régulière ,'5c
quelques autres, mais en très petit nombre, que Dieu paroit avoir comme aban-
donnés aux féduftions du Démon, apparemment pour les punir des fautes qu'ils
avoicnt faites. Il faut avouer encore que quantité de bons Convulfionnaires ont con-
fcrvc nombre de défauts 6c d'imperteétions qu'ils mêlent quelquefois jufques dans
les chofes que l'inilinét de leur convulfion leur fait faire: car la fragilité humai-
ne eft telle , que les dons extérieurs , fufient-ils joints à celui des miracles, ne
fanâifier.t point par eux-mêmes. Mais s'il ell vrai que les convulfions n'ont pas
toujours fait naître des vertus réelles 6c permanentes dans les cœurs de tous les
convulfionnaires que Dieu a di flingues p;u- des faveurs gratuites , il ell certain au-
fii que parmi eux il y en a Jiombrc qui font parvenus à une piété cmincnte.
L'Au-
IT>^E DE rOEUFRE DES CONFU LSIONNS. 77
L'Auteur des Vîiins-eff»rts , fuivant en cela les traces de M. l'Archevêque de
Sens , de Dom la Tafte , & des Docteurs Confultans , repréfente en général tous
les Convulfionnaircs comme une troupe d'infenfés & d'impudiques, qui font un
nombre inF.nl d'aSîions honteufes & extravagantes. Cependant, qui le croiroit ? ^^s- ?•
dans cet endroit de Ton ouvrage, il ne rapporte pour toute preuve d'une im-
putation fi flétriflante pour tant de perfonnes, qu'une defcription très-infidele des
convulfions d'une Vaillantifte. C'eit néanmoins fur un tel fondement qu'il dé-
crie par les injures les plus atroces une multitude d'innoccns , parmi Icfquels il y
en a plufieurs dont les vertus 5c la pénitence extraordinaire, font des images vi-
vantes de ce qui paroît prefque incroyable dans la vie des Saints.
Je remets à détruire pleinement dans la le. & 3e. partie de cet Ecrit, toutes
les calomnies dont on a tâché de noircir fans diftinétion, la totalité des Convul-
fionnaires : j'efpére y convaincre tout Icfteur raifonnablc , non-feulement que
toutes les fuppofitions générales qu'on a faites font évidemment fliufTcs , mais mê-
me fouverainemcnt ridicules ? & qu'elles choquent prefqu'autant le fens com-
mun, qu'elles blcflent la Vérité. Mais afin de ne point trop charger mon récit,
je me contenterai maintenant de rapporter des fûts fi publics , qu'ils ne pourront
être conteftcs : ils fuffiront pour faire voir que plufieurs de ceux que l'on déchire
fi calomnieufcmcnt , devroient être l'objet de l'admiration de leurs calomniateurs.
Qiioique Dieu ait choifi dans le plus bas étage le très-grand nombre de ceux
à qui il a envoie des convulfions , il n'a pas laiiîé néanmoins d'en donner à une
afiez grande quantité de perfonnes dilHnguées.
Le ieftcur ne s'attend pas lans doute que j'aie l'imprudence de mettre ici le ca- xxxvm,
taloguc de leurs noms & de leurs qualités : il y en a plufieurs dont les convulfions ont fi''il^Ma.
fi fort éclatté que toutlcpublic en aété inilruit, cequifuffit pour juilifierce que je'-"'i''n"5 à
viens d'avancer : mais il y en a un bien plus grand nombre dont les convulfions ne font ro"nn«" dT
connues que p.ar des perfonnes attachées de tout leur cœur à toute Vérité. dimoaiou.
Ce feroit une indifcrétion incxcufiible de les cxpofer à une perfécution que la
Providence a voulu leur épargner jufqu'à préfent : leurs convulfions font un ie-
cret de Dieu qu'il découvrira lui-même dès qu'il le jugera à propos : iln'cfipas
permis de prévenir fes momens. Je dois donc me contenter d'arfurer le leéteur que
dans ce nombre , il y a des gens d'une grande diftinélion de l'un & de l'autre fexe :
il y a même deux filles d'une Princefl'e. Je connois particulièrement des fils 6c
des frères de grands MaQiftrats, qui depuis qu'ils ont des convulfions font devenus
de la piété la plus émincntc, & d'une charité ians bornes: il y a enfin plufieurS
Miniftrcs du Seigneur, la plupart perfccutés pour avoir pris contre la Bulle le
parti de la doctrme de l'Evangile, &: qui joignent à une vie humble & retirée, la
pénitence la plus aufterc.
Quelques refpeélables que foicnt ces Confcfieurs intrépides de la Vérité , néan-
moins l'Auteur des Vains efi^orts com.prend fans diftinftion tous les Convulfionnai-
rcs , ainfi que je l'ai déjà dit , fous la défignation générale d'une troupe de gens fans
pudeur qui commettent im nombre infini d'avions honteufes ^ extravagantes.
Si cet Auteur n'étoit pas un Appcllant, cela ne devroit pas beaucoup furpren-
drc , puifquc fuivant une obfcrvation de feu M. l'Abbé Duguet qu'il a puiféc
dans les prophéties que nous a fait la Vérité incarnée : „ tous les véritables dif- p^^ ^^ ,
„ pies de J. C. . . feront traités de fous & d'infenfés par les figes du fiecle, quiPÎfl'T. 8.?.
„ ne comprendront rien dans leur patience , dans leurs humiliations , dans leur'''*
„ détachement &:c. C'eft être réellement infcnie (ajoutc-t-ilplus bas) que d'être
5, fage iclon l'opinion des gens du monde il faut leur paroîtrc. . . . fou, pour rag- !33>
3, être véritablement fagc aux yeux de Dieu. „
K 3 Auffi
yS IDE'E DE VOEUFRE DES CONVULSIONS.
Aufll les annales Eccléfiaftiques nous fouiniflcnt-ellcs quantité de preuves qu'on
a traité ainfi dans tous les tems pluficurs de ceux à qui Dieu avoit donné les ver-
tus les plus extraordinaires. Mais convci:oit-il à des Appellans d'être eux-mêmes
les calomniateurs de leurs frères? N'auroient-ils pas dû être frapcs de ce qui
En s. Jcarell dit dans les réflexions morales, que Dieu confondra toujours ceux quientrepreit^
'*•"• dront d'humilier fcs Elus.
Mais ne nous arrêtons pas aux feuls Convulfionnaircs que Dieu a choifi dans
un état dirtingué aux yeux du fieclc. Ne confidcrons que les vertus fans avoir
égard à la condition des perfonnes : ne jugeons pas des hommes ainfl que fonr
les amatcun des biens terrcftrc-s , qui ne font frapcs que du faux brillant des
avantages mondains , qui ne font aucun c;xs de la piété la plus éminente lorfqu'-
elle ell placée dans Icsliuniiliations de la pauvreté, êc chez qui le mépris qu'ils ont
pour tous ceux qui font d'une condition baflc, paflejufqu'à leurs vertus. Ces or-
gueilleux cnfans de la terre devroient cependant favoir que J. C. nous a déclaré
en termes formels , que c'ell principalement aux pauvres que le Roiaume du Ciel
cil dellinc. Ils auroicnt dû apprendre dans l'Evangile que c'cft parmi les fimples
fie les petits, & non parmi les grands du iîccle, ni parmi les do(£teurs,quc la fa-
geffe éternelle a choifi fes Apôtres, ^ prcfque tous fes diiciples.
DtrsiaKCt.C'eJ} peu de c/jofe aux yeux du monde .^ dit l'Auteur des réflexions morales ^/<'«« fé-
^' 3*' 7»oigHage de gens fi méprijablcs en apparence : mais c'ejl ce qui fait la gloire de Dieu ,
de îe fervir d'inflrununs fi foibles. Ccft la marque de fon cfprit.. .. qu'un grand
nombre de miracles qui autorifent \.\ parole qu'il fait annoncer, un courage intrépide
dans les m^vumtn^ dont il fc fcrtjts' une patience à toute épreuve au mÙien des en-
nemis les plus puijfians.
Ainfl pour prouver toujours de plus en plus que Dieu agit dans l'œuvre des
convulfions, ne négligeons pas de rendre compte des vertus qu'il donne, ou du
moins qu'il fait paroîtrc dans le plus grand nombre des Convullionnaires.
Je dis, qu'il fait paroitrc : car il faut avouer que les fcntimens héroïques du plus
parfait Chrillianifmc qui brillent fi fouvent non feulement dans les difcours, mais
même dans tout l'extérieur d'un très grand nombre de Convulfionnaircs, ne font
pas dans tous des qualités permanentes. Je conviens avec l'Auteur des Nouvelles
N». Fceié. Eccléfiaftiques , que dans la plupart ils ne font que les repréfentations i^ les fimbo'
*'• '""'/fi des plus éniinentes -vertus .^ Sc que tous n'en ont pas la réalité.
''''**' Mais fi ces vertus fublimes ne iont prefquc que des figures dans le commun des
Convulfionnaires, elles n'en font pas moins pour cela manifellement l'œuvre de
Dieu. Qiii ofera révoquer en doute que cenefoit l'Auteur de tout bien, qui nous
prcfcntc ces fimboles fi inftruclifs, li frapans, fi proportionnés à nos bcfoins, &
fi propres à nous humilier , en nous montrant dans un grand jour les vertus qui nous
manquent , Se en nous donnant lieu de comparer la toiblellc de notre foi 6c notre
lâcheté pufillanime, avec la foi vive & le courage intrépide dont il nous fait voir
de fi brillantes peintures? Qu'elle imprudence n'y a-t-il donc pas à décrier fans
ménagement & fans rcferve l'œuvre entière des convulfions, 5c a vouloir détour-
ner les fidèles de fpcélaclcs d édifians, 6c que Dieu forme lui-même pour l'inftru-
étion de ceux qui les voycnt ?
Que ce fpc<ftaclc eft digne de fa grandeur! Qiie ce prodige eft admirable, &
qu'il mérite notre rcconnoifl'ance ! Tandis qu'un nombre innombrable de Catho-
liques fédiiits pur de nouveaux Pelagicns rctufcnt à Dieu l'honneur de le reconnoî-
trc pour l'Auteur de toutes les vertus, cc mettent en quelque i'orte à cet égard le
libre arbitre à fa place, ce Dieu Tout-puiffant , non_ feulement prouve par les
convcrfions éclatantes & fubites qu'il a opérées en pluficurs Convulfionnaircs pir
l'imprcf-
/i)5'5 T>E VOEUFRE DES CONVULSIONS. 79
l'impreflîon de leur convulfion, que c'eft lui qui forme les vertus dans les cœurs
par tels moiens qu'il lui plaît , mais il nous démontre auffi par des images animées ,
vivantes Se parlantes, que même fans donner de véritables vertus, il les fait pr.i-
quer quand il veut dans le degré le plus fublime. Il nous fait voir dans une mul-
titude de Convulfionnaires peu parfaits, une foi qui paroît fi ferme, qu'elle leur
fait publier les Vérités qui bleflent le plus les Puiffimccs de ce fiecle, fans rien
craindre dans ce moment de tout ce qu'on peut leur faire foufFrir. Il leur fait vi-
vement fentir pendant le tems que dure cette imprcfllon de leur convulfion, l'a-
vantage ineftimable qu'il y a d'être perfécuté pour la juftice. Il leur fait compa-
rer le paiïïige fi court des fouffrances de cette vie avec l'éternité du bonheur divin
qui en fera la récompcnfe. Il met pour cet infiant dans leur cœur un ardent defir
d'endurer des outrages &c des tourmens pour la caufe de la Vérité : & ce defir n'cft
pas feulement exprimé par leurs paroles pleines de feu , mais il eft peint fur leur
vifage 6c dans leur yeux, dans leur attitude & dans tous leurs geftes. Il femble
que leur cœur brûlant d'emprefiement de s'envoler dans le ciel , afpire après la
croix comme étant le chemin qui y conduit. Ah ! Dieu des venus fiites que ces
tableaux fi touchans que vous mettes fous nos yeux faflcnt une imprefiîon perfé-
verante dans l'ame de tous les fpeclateurs & de tous les Convulfionnaires par qui vous
faites faire de fi belles repréicntations.
Au relie fi ces vertus ne font qu'apparentes dans beaucoup de Convulfionnai-
res, ou pour mieux dire, fi elle ne font à leur égard que l'effet momentané d'un
infiiinét furnaturel, qui fouvent trop fcmblable à un éclair fe difiîpc & s'évanouit
fans laifler aucune trace de la grande lumière qu'il vient de faire paroître : ces mê-
mes vertus au contraire fubfiftent 8c continuent d'être dans les meilleurs Convulfion-
naires d'une manière très réelle & très permanente. L'Auteur des Nouvelles en
convient lui-même dans l'article où il critique cet endroit de mon premier Ecrit,
oîi j'avoue qu'il m'étoit échappe de marquer la diftinftion des inftinéVs paflagers
d'avec les imprcflîons perfévérantes.
En effet qu'elle foi ne remarque t-on pas dans quantité de Convulfionnaires, xxxviti.
5c quel courage, quelle confiance, quelle intrépidité cette foi ne leur donne t-elle^y^'j^^^P'^yj'.
point presqu'égalemcnt lorfqu'ils font rendus à leur naturel, quelorfqu'ilsfontenfunnaires.
convulfion? ils fwent qu'ils font à toute heure cxpcfcs à cîretraînés igominieu-
fement dans les prifons : qu'ils font en bute à toutes les Puifiances, dont la pliipart
les regardent avec indignation : qu'ils font l'objet de la critique d'une infinité de
perfonnes qui fe font ime efpece de fiux honneur de les décrier par les plus noi-
res calomnies, 5c dont quelques-unes font encore toutes prêtes à fervir de témoins
contr'eux au Parlement, de faits qu'elles même ont imaginés, ou qu'elles ont
cû l'art d'envenimer avec une malice infernale.
Dans une fituation Ci affligeante qu''elle paix ne confcrvent ils point ?n'eil-il pas
évident qu'il n'y a que le Créateur des vertus qui puiflc leur donner un fi grand
courage? D'ailleurs les germes qui font croître de plus en plus leur foi le dé-
montrent manifeftement. C'eft d'abo'-d un feu furnaturel qui , quand ils font en
convulfion, éclaire leur efprit 6c échauffe leur cœur : ce font en même tems plu-
fieurs autres prodiges que la bonté divine ftit fur leur corps, finguliérement en
le rendant tout-a-coup invulnérable aux coups les plus meurtriers: enfin ce font
les guérifons miraculcufcs que le très haut opère quelquefois par leur miniftere.
Tous ces prodiges 8c ces miracles étant des preixves fenfibles 8c frapantes de la
vérité de la Religion , leur rappellent continuellement les grandes promeffes qu'elle
fait à ceux qui feront perfecutes pour fa caufe. Aufii loin de craindre de fouft'rir pour
h Vérité 6c la juftice, plufieui's en attendent les momens avec une forte d'impa-
tieuce.
So IDE'E DE VOEUVRE DES CONTULSIONS
tience. Et quoiqu'ils lâchent qu'on les pouifuitde tous côtés comme des crimi-
nels, 1:1 plupart ne fc cachent point, tant ils font animés par l'efpérancc que ce-
lui pour qui ils hafardent fi volontiers leur liberté, fera lui-même kur force ôc
leur confolation.
Mais fi l'on veut quelques exemples particuliers de cette conftancc à toute é-
preuvc, qu'elle fermeté n'a-t-on pas remarque dans Charlotte la Porte, &! la
plupart de celles qu'on a traitées avec le plus d'ignominie, & qu'on ad'ab)rd
renfermées dans la maifon de force de la falpctriere avec les créatures les plus
méprifables & les plus corrompues? Tranquilles parmi de telles pcrlonncs, ÔC
portcdant leur ame dans la patience au milieu d'un affront (1 déshonorant , elles
emploioicnt toutes leurs journées 5c fouvent une partie des nuits à remercier le
Dieu de toute confolation de la paix qu'il mettoit dans leur cœur , & de les avoir
jugées dignes de fouffrir des opprobres pour J.C. 6c pour fa Vérité. QL''ons'en
informe à la fupcricurc de cet endroit , elle déclarera qu'elle a été frapce d'ad-
miration de leur vertu, de leur douceur, de leurs prières prcfquc continuelles,
& des pénitences auftcres qu'elles ajoutoicnt aux peines 5c aux mortifications in-
féparablcs d'un tel état. Elles font encore aujourd'hui dans les fers, où elles con-
tinuent leur vie pénitente } fans que tant d'années de prifon paroiflcnt avoir en-
core altéré ni même diminué la paix 5c la joie qui régnent dans leur ame.
Le lecteur comprend fans doute qu'il n'eil point ici queihoa de la le Fcvrc :
elle fe trouve dans une de ces cfpéces fingulicres dont je ne fais aucune mention
dans cet Ecrit.
On a vu d'autre part il y a déjà plufieurs années deux jeunes enfans, Jeanne
Mouler &: fon petit frère, être remplis de joie 6c bénir hautement le Seigneur
lorfqu'on les conduifoit à laBaftiUe, où ils ont confervé toute la tranquillité
pofiîble pendant tout le tcms qu'ils y ont été captifs, 6c y ont rendu témoignage
à toute Vérité devant M. Hérault avec un courage intrépide,' fur les interroga-
tions que ce Lieutenant de Police a voulu leur faire. A la fin de 1737. lafccur
aiant été renfermée pour la féconde fois , n'a pas témoigné moins de force qu'à la
première. Armée d'une Croix qu'elle avoir à la main , on l'a vîîe Çc préfcnter elle-
même aux fatcUites chargés de l'enlever, 6c donner toutes les marqnes qu'elle ac-
ceptoit avec joie cette nouvelle part aux ignominies de fon divin Maitrc. Ce fait
connu de tout Paris eft arrivé au milieu d'une nombrcufc affcmblée, chez une
pcifonne encore plus refpc(ftable par l'émincnce de fa piété, que par la dillinclion
de fon illuftre naiflancc.
Qiic ceux qui témoignent un fi fourerain mépris pour tous les Convulfionnai-
res, interrogent eux-mêmes leur propre cœur, 6c qu'ils y examinent devant ce-
lui qui en cil le fcrut.atcur, s'ils le fentcnt aulll difpofés que ces pcrfonncs qu'ils
jugent fi méprifables, à facrifier leur liberté avec joie, 6c à s'cxpofcr à toutfouf-
frir pour rendre témoignage à la Vérité .-*
x\xix Voici un autre caraftérc dont les fens font encore plus frapés , 6c que l'on voit
r/n„cr'cci dans la plupart des bons Convulfionnaires, c'cll l'attrait fingulier que TinllinCr
io'nna'itV." '^'-' 1^"'" convulfion Icur donne pour les aullerités les plus rigoureufes de la péni-
tence. On en voit de tout âge, même déjeunes filles fe livrer à des macérations
dont le fcul récit fait frémir. Il n'cll point de moicns dont elles ne .s'avifcnt pour
mortifier, pour abattre , pour affoiblir leur corps. Pluficui-s depuis qu'elles ont
des convulfions ne font prcfque plus d'ufage de leur lit : elles fe couchent toutes
habillées Hiver 5c Eté, enveloppées feulement d'une couverture, les unes fur des
planches, les autres à plate terre: d'autres fur des bûches, quelques-unes fur des
chcncu ou des barres de fer, ou fur d'autres inllrumcns qui paroilîcnc plu-
tôt
IDE'E DE VOEUFRE DES CONFULSIONS. 8r
tôt un fupplice qu'une fituation où l'on puifTe prendre quelque repos.
Il eft vnii que dans le grand nombre de ceux qui pratiquent ces incroyables pé-
nitences , il y en a quelques uns qui ne le font que machinalement par une impul-
fion fi forte de leurs convulfions qu'elle leur ôte la liberté. Il y en a même qui dès
que cette impreffion cefle, murmurent de la douleur que leur caufcnt ces macé-
rations qu'ils fe font faites. Il eft clair qu'à l'égard de ces derniers, ces péniten-
ces ne font nullement méritoires. Mais nous devons les regarder comme un pro-
dige qui mérite toute notre attention, étant manifefte que Dieu l'opère /z^ utilita-
tcm ecckfia , pour nous mettre vivement fous les yeux le befoin que nous avons
aujourd'hui de fléchir fa jul'tice par une pénitence extraordinaire.
Il en eft de même de leurs jeûnes. Quelques Convulfionnaires font forcés d'en
faire de très grands, non feulement pendant que dure leur convulfion, mais mê-
me de les continuer lorfqu'ils font dans leur état naturel. Dès qu'ils veulent man-
ger, leur bouche tourne ou ie ferme malgré eux , ou s'ils y rhettent quelque cho-
ie , il leur eft impoflîble de l'avaler. C'eft ce que j'expliquerai plus au long dans la
féconde partie de mes Obfervations , en rendant compte de l'état des Convul-
fionnaires. Je mets feulement icy celle petite note, afin qu'on ne me reproche
point de donner les jeûnes de tous les Convulfionnaires comme le fruit de leur vo-
lonté & de leur am.our pour la mortification.
Au rcfte comme la plupart, après s'être impofés ces jeûnes par des paroles que
leur Convulfion leur fait prononcer ians liberté , les exécutent enfuite avec joye
dans leur état naturel , il eft de la dernière évidence que ces jeûnes font pour eux
une vertu, puisqu'ils font une foumiffion volontaire à un ordre de Dieu , qui quel-
quefois paroît bien rigoureux. Car fouvent ces jeunes font lî cxceflîfs qu'ils fem-
blent paflrr les bornes de la nature.
Il y a par cxeinple des Convulfionnaires qui pendant tout le Carême ne man-
gent que les Dimanches Sc les jeudis. Un autre depuis fept années ne mange pen-
dant ce faint tems que tous les huit jours : beaucoup jeûnent tous les jours au
pain & à l'eau tant que dure ce tems de pénitence , ne fiiifant qu'un repas à fix
heures du foir. J'ai une parfiite connoiflance qu'il y a une convulfionnaire, qui
pendant tout un carême n'a mangé chaque jour pour toute nourriture qu'un pa-
nais cru, fe refufant jufqu'au pain.
Mais bornons-nous au récit d'un fait dont le lurnaturel eft évident. C'eft la xr..
privation continuelle de toute nourriture qu'a fouffcrte pendant 40. jours de fnite,j.^^^''j'^^^"
M. Fontaine ci-devant Secrétaire du Roi, ce qui a été précédé d'un préliminairejoa" Jî m.
non moms lurnaturel, que par conlequent je ne dois pas omettre. de ce qui la
Forcé par fii convulfion de iortir du lieu de fon domicile le Lundi p. Mars 1739. pr«>-eae.
fins pouvoir y retourner quelques efforts qu'il pût faire, il alla par l'effet de la
même impulfion qui l'avoit chafle de fa retraite, chez un de fes amis qui mène
une vie fort pénitente.
Le lendemain matin il fût contraint d'annoncer que tout le reftcdu Carême,
excepté les Dimanches, il ne prendroit qu'un repas par jour, qu'il feroit au painêc
à l'eau à fix heures du foir : ce qu'il ne manqua pas d'exécuter très ponétuellement.
Après Pâques il fût encore reilraint au pain & à l'e.iu fans pouvoir faire autre-'
ment, avec la liberté néanmoins de manger à midi 6c au foir: & d'y joindre quel-
quefois II. olives: ce qui dura jufqu'au 19. Avril, que l'imprcfiion de fi convul-
fion lui fit déclarer forcément qu'il pafîeroit 40. jours de fuite fins prendre aucune
nouiTiture, mais fans fpécificr quand commencerojt ce terrible jeûne.
L'impofiîbilité où il fe vit dcsle lendemain lundi 20. Avril de pouvoir rien por-
ter à fa bouche , non plus que les jours fuivans malgré toutes fes tentatives, lui fit
Oh/ef-jat. J. Part. Tome IL L ju-
gi IDEE DE VOEUVRE DES CONFULSIONS.
juger que le tcms d'exécuter ce grand jeûne étoit déjà venu: mais ilfe trompa j
celui-ci qui ne dura, que i8. jours, n'en ctoit que la préparation. Cependant fi
l'on fait attention à tout ce qu'il a été forcé de taire dans ce jeune fi fin^ulier, on
vaira qu'il cft aufli fiirnaturel que celui de la quanuitaine, 6c qu'il a étébien plus
rigoureux par rapport aux effets.
Non-iciilement JVI. Fontaine à été privé de toute nourriture 2c boiffon pendant
ces i8. jours, mais en même tcms il travailloit tout le jour à un ouvrage des mains,
auffi pénible qu'appliquant: il ne l'interrompoit que pour réciter les otfices aux.
heures canoniales: & il étoit forcé de pafler les nuits prelqu'cntieres à prier 6c à
reciter des Pfeaumes jufqu'à deux heures qu'il difoit matines avec fon compagnon
de retraite: enfiùte de quoi , toujours entraîné par une impulfion contre laquelle
fcs rcfiftances étoicnt vaines, il étoit oblige d'aller à une melîe qui le dit à quatre
heures du matin à l'Eglile de S. Euftache dont il étoit aflcz éloigné.
Mais ce qui l'a le plus épuifé, c'eft un très étonnant gargarifine auquel l'inftinét
défit convulfion l'a oblige dès le f. jour de fon jeûne, quelques fois avec du vi-
naigre très fort 6c tout pur, qui lui enlevoit la peau de la bouche & de la langue :
ce que néanmoins il fut forcé de continuer prefque fans relâche le jour 6c la nuit
jufqu'au i8. joiu' de ce jeûne, oii il ne lui reiloit plus qu'un fouffle de vie.
Ce gargarifme dont il n'avaloit jamais une feule goûte, faifoit faire à fon go-
fier precifément l'effet d'une pompe foit cxaéte, qui tire continuellement, 6c ne
laiffc rien tomber.
Si ce tuant exercice fe fût terminé à l'afl'oiblir beaucoup, en \t dégageant avec
effort des eaux acres 6c dés fcrofités de la tête, de la poitrine, de l'cllomac, 6c à
le débaraffcr de la bile, des glaires, des humeurs, 6c des mauvais levains qu'il
pouvoit avoir, on n'en auroit été ni ilirpris ni allarmé : mais ce gargarifme meur-
trier a bien produit un autre effet. 11 a pompé 6c expulfé de fon corps tout ce qu'il
y avoit d'humide ic d'onctueux : il en a difiipé les efprits : il a détruit tout ce qui
y donnoit de la vigueur: il a abforbé la fubilance la plus fpiritucufe du fimg: il
a confumé jufqu'à la moelle des os, fuivant que l'afluroit le Convulfionnaire. Et
après lui avoir ôtc toutes fes forces , 6c l'avoir réduit à une féchereflc extrême , il
r.i laiffé prefque fans mouvement 5c fans \ie.
Tant de pertes 6c de fatigues jointes à une privation totale de nourriture 6c de
boiffon l'exténuèrent enfin tellement , que dès le 4. Mai , i f . jour de fon jeune il
étoit d'une maigreur affreufe. Déjà l'ardeur du feu qui dévoroit fcs cntniilles avoit
prcfqu'entiérement confumé le peu de chairs qui lui étoicnt reliées. 11 paroiffoit
n'être plus qu'un fquelette : fa peau féche 6c livide étant collée fur fes osenrepré-
fcntoit toute la forme. On l'eût pris volontiers pour une de ces momies d'E-
giptc qui ne fe confervent que par leur entier dcfléchement.
Depuis ce jour-là il baiflbit à vue d'oeil. Néanmoins le lendemain f. Mai il
voulut à fon ordinaire aller à la meffe de quatre heures , comme il avoit encore fait
la veille. Son ami le voiant fi foible, ne voulut point f abandonner dans une Ci pc-
rillcufe entrcprifc. Ils partirent enfemble avant trois heures 6c demie du niatm,6c
ne rentrèrent qu'à plus de 8. fans avoir pu faire que la moitié du chemin de leur
wnifon à S. Eullache. A peine avoient-ils fut 10. pas que M. Fontaine étoit obli-
gé de s'affcoir où il pouvoit. Avant que le jour fût venu il pria deux fois fon con-
dufteur de lui ramaflcrdaiis le ruiffeau de l'ôau bourbeufe 6c croupie avec laquelle
il fe gargarila. Lorfqu'pn commenc,'oit à ouvrir les boutiques, il entra dans une
oii l'on vcndoit lie la bicrre , 6c en demand.i pour fe gargarilcr. Le maîtixT
voiant qu'il la rcjcttoit {\ tôt qu'elle écoit dans fa bouche, frape de i'a figure
«tique 6t,de vou' qu'il ne pouvoit prefque fc foutcnir ni piuler, le prit pour un
ivro-
IDE'E DE L'OEUFRÈ DES CONFULSIONS. %\
rvrogne & le chafTa honteufcment malgré les repréfentations de fon ami.
On n'aura pas de peine à croire qtie celui-ci fit tout ce qu'il pût pour engager
le Convulfionnairc ;i reprendre le chemin de leur maifon afin d'éviter de pareils af-
fronts : mais fil convuliîon le contraignit malgré lui d'entrer encore dans 4. au-
tres boutiques, à deux defquelles on le traita à peu près de même.
Dans cet état forcé il coniervoit une entière liberté d'efprit qui lui fiifoit vive-
■mentfentir toutes les inlultes que fon ami partageoit avec lui. On comprend de
refte combien de telles fccnes font humiliantes pour des perfonnes qui ont tenu un
certain rang dans le monde. Mais J. C. qui leur préfcntoit cette portion de fon
calice , la leur fit boire avec la douceur & la paix qui conviennent fî fort aux di-
fciplcs de celui quia dit: apprenez de moi que je fuis doux ^ humble de cœur .y i^Mut.u.ip.
lious trouverez le repos de vos âmes.
M. Fontaine de retour chez fon ami , ne pût plus fortir : à peine pouvoit-ilfc
tenir fur fes jambes. Je fuis ^ difoit-il, m\\ç araignée défj'échée ^ aufjï niavie ne tient-
t-elle plus qu'à un fil. Mais quelqu'effraiant que fût l'état oùilfe trouvoit, il n'en
étoit point ébranlé. Cependant le lendemain 6. Mai , 17°. jour de fon jeûne , il pa-
rût réduit à la dernière extrémité, fans qu'il fût pofllble de lui faire rien avaler
du tout. Tous ceux qui le voioient ne trouvoicnt plus aucun milieu entre la mort
& un miracle:; lui feul confcrvoit un calme 8c une fécurité parfeitc qu'il faifoit
connoître, non-feulement par fon air content & tranquille, mais auflîparces p.i-pc ,j
rôles; non moriar, fed vivam^ les feules qu'il pût pour lors articuler.
11 les dit encore en balbutiant le 7e. Mai, 18'. jour de fon jeûne, à 7. heures
du matin. Mais peu après il tomba dans une défaillance fi complette, fie un tel
anéantilfement qu'on croioit à tout moment qu'il alloit pafler. Plus de parole :
prefque fans mouvement & fans poux : un vifage totalement défait , des yeux
éteins: un râle avant-coureur de la mort: tout annonçant qu^'elle étoit proche,
5c qu'il alloit rendre le dernier foupir. Lorfqu'on n'en efpéroit plus rien, les per-
fonnes qui le gardoient la nuit , & quidetemsen tems lui mettoient dans la bouche
quelque liqueur qu'il rcjettoit auffi tôt, s'apperçurent que tout à coup le pafTage
•etoir devenu entièrement libre.
Dès le lendemain fon direébeur lui ordonna de fc mettre entre les mains d'un
Médecin, 6c d'en exécuter tous les avis: il s'y fournit avec une humble obéiflan-
ce. Mais ce moien n'étoit pas celui dont Dieu vouloit fe fervir pour le retirer
des bras de la mort. Auflî les ordonnances du Médecin n'eurent-elles pas un heu-
reux fuccez. Les bouillons 5c les médecines ne fervirent qu'à lui donner un mor-
tel dégoût & un dcvoîment prefque continuel, à lui faire enfler prodigicufe-
ment les pieds & les jambes , ôc à lui rendre le vifage tout bouffi , fans rétablir les for-
ces, ni diminuer l'hideufe maigreur qui avoit fi exceilîvemcnt exténué fon corps,
Mr. Fontaine eft reilé dans cet état jufqu'au 2z. Juin, que l'inftinft de fi
convulfion lui fit déclarer qu'il alloit ce jour-là commencer fon gnmd jeûne an-
noncé le ipj. Avril, & que pendant cette privation totale de nourriture durant
40. jours de fuite , fa fanté 6c fes forces fe rétabliroient entièrement.
En effet à peine fût-il entré dans cette féconde carrière d'inanition , que fes
pieds 6c fes jambes dcfenflcrcnt à vue d'oeil, fon devoimcnt cefTi, fes forces
revinrent de jour en jour. La fanté reparût avec tous fes attraits, 6c lui donna une
gaieté, qui dans le cours d'un jeune fi prodigieux, eft peut-être aufîî étonnante
que tout le refle.
Je ne puis en fournir de meilleure preuve au lecteur, que de tralifcrire ici
l'extrait d'une lettre qu'il m'écrivit le 17. Juillet. 1^59.
„ Je fuis cher frère (me mande-t-il) aflez prêt d'arriver au terme d'uiide mes
L z „ plus
84 IDE'E DE VOEU f^ RE DES CONFULSIONS.
„ plus grands évcncmens : c'efl: aujourd'hui le j6-'. jour Ma fanté qui
„ Fait une partie très intércflante de mon état prêtent, eil Dieu merci très bon-
„ ne .... au commencement de ce jeûne, je n'ctois point du tout remis de Vc-
„ puifTcment où j'étois tombé par celui qui l'avoit précédé. J'avois toujours ks
„ jambes très enfîécs & très foibles , & un devoîment continuel. Tout cela ma
,, ccflc dans un moment. // faut a'vouer que la dictte efi un excellent remède. Mais il
„ f.iut avouer aufli qu'il faut qu'elle foit ordonnée fie dirigée par un aulliexccl-
„ lent Médecin. „
Qui peut douter qu'un pareil jeûne, commencé lorfque le corps ctoit déjà dans
un épuifemcnt total, 5c qui a été exécuté dans les plus excefllves chaleurs de
l'Eté, ne foit furnaturel? L-e fait ne peut être révoqué en doute: plufieurs per-
fonncs fous les yeux deiquellcs il s'ell paflc , font prêtes d'en rendre témoienage.
D'ailleurs la probité & la vertu de M. Fontaine connues de tous les gens de bien
le mettent à couvert du foupçon d'impofture. Celle-ci feroit des plus crimi-
nelles: or qui feroit affez téméraire pour l'en accufer gratuitement?
Mais dira-t-on à quelle fin Dieu fait-il de pareils prodiges? LaiÏÏbns nu cé-
T. Q.ts.lébre auteur des réflexions morales à répondre à cette queftion. „ Dieu, dit-il,
iiirc. I. É. Jonne ordinairement des exemples extraordinaires de pénitence dans le tcms
„ de la plus grande corruption j pour réveiller les pécheurs ôc confondre la lâche-
,, té des hommes fenfuels.
Qii'il cft digne de la Majeflé du Très-haut, dans ce fieclc où la pénitence eft
devenue fi rare parmi le commun des Catholiques, dans ce fiecle où la plupart
pouffent fi loin le relâchement , de fiire paroitre tout à coup une multitude de
prédicateurs d'une nouvelle efpcce, qui en même-tems qu'ils nous excitent à
la pénitence parles plus vives exhortations, l'exécutent eux-mêmes à nos yeux
jufqu'à im point qui pafle de beaucoup les forces de la nature, pour nous foire
voir d'une manière fenfible que Dieu fecourt par une protection marquée ceux
qui ne s'épargnent point dans le dcfir de lui plaire! Mais en même-tems qu'il
cft digne de la bonté de Dieu de nous manifefter, en leur confervant la vie d'une
manière miraculeufe &: en les nourriilant de fon efprit & de fa grâce , que ceux qui
préch?nt ainiî la pénitence agificnt par fon mouvement & fuivant fes ordres !
Je ne fai point à la vérité qu'il y ait eu aucun Convulfionnaire qui ait fait un jeune
fi prodigieux : mais il y en a plufieurs qui ont pallc des p. lo. fie 1 1. jours fins
boire ni manger, pendant Icfquels on les gardoit à vue: fie quoiqu'ils aient fouf-
fert, du moins pour la plupart, toutes les rigueurs d'une foif brûlante fie d'une
faim qui les dévoroit , néanmoins on remarquoit avec admiration que leurs for-
ces n'en étoient point diminuées , fie que leur fanté n'en Ibuffroit aucune altération.
Au reftc un affez grand nombre de Convulfionnaires pratiquent encore beau-
coup d'autres jeûnes dont je ne dis rien, parceque je n'en fuis pas ailes inllruit :
je ne parle pas même de tous ceux dont j'ai connoillance, afin de ne point hiti-
"guer le Icéleur par un trop long détail : il iùHit de lui dire qu'outre les jeûnes ex-
traordinaires , la plupart le nourriffcnt pendant tout le cours de l'année d'une
manière ^\ fimplc , ii frugale, ^ fi dure j qu'on peut dire avec Vérité que leur
vie cft un jeûne prefque continuel.
Si on joint à cela les inftrumens de fer hériffés de pointes dont plufieurs cou-
vrent une partie de leur corps, fie tant d'autres pénitences qu'ils mettent enulage,
fe peut-il qu'on ne reconnoifl'e là le même efprit quia anmié tant de Saints donc
les auftcritcs nous fcml.loient prefqu'incroiables , avant que Dieu eut mis fous nos
yeux la vie fi mortifirc de ceux des ConvuUionnaires qu'il favorife davantage?
Il y a même des filles qui fe donnent de violcns coups de pierre, prccifcmcnt
fui
\
IDE'E DE rOEUFRE DES CONFULSIONS. Sf
fur les endroits de leurs corps où font placés ces inftrumens de pénitence : cnfor-
te que toutes les pointes ne peuvent manquer d'entrer dans leur chair. Il elt
vrai que c'eft en convuUîon qu'elhs fe donnent ces coups : mais elles ne Tentent
pas moins dans leur état naturel la rigueur de toutes ces pointes, qui étant ref-
tées dans la chair , y enveniment (ims cefTe la multitude des petites plaies qu'el-
les y ont faites. Cependant on en voit plufieurs dans le temsde leur liberté fouf-
frir cette efpece deiupplice avec une joie qui fe peint fur leur ^àftge, parce qu'el-
les font perfuadécs qu'elles fuivent en cela l'ordre de Dieu. Et loin de murmurer
des vives douleurs qu'elles reffentcnt, elles le beniflent du courage qu'il leur
donne. Se le fupplient avec inftancc de vouloir unir leurs fouflPrances à celles de
nôtre divin Sauveur feul capable de donner du mérite à ce que nous faifons , puif-
que fans lui nous ne pouvons rien faire : Il n'y a de véritables vertus que celles
dont il cil le principe & la fin.
Eft-ce pour expier leurs crimes que Dieu porte ainfi les Convulfionnaires à
des macérations fi étonnantes? On ne le peut dire de ceux de l'àgc de 12. à 13,
ans, qui aiant été élevés dans la piété , ont toûjoui-s vécu d'une manière inno-
cente : encore moins de plufieurs d'une jcuneflc encore plus tendre. Le fuppofer
de ceux de qui la conduite a paru de tout tems régulière, édifiante, irréprocha-
ble , ne feroit-ce pas commettre une grande injuliice à leur égard ? Le dire de
quelques filles qu'un corps contrefait & une figure hideufe, ont mis dans l'hcu-
reufe néceflité de fe féparer de tout commerce du monde pour ne penfer qu'aux
choies du falut 6c à ce qui rappelle à l'éternité, feroit encore une injuftice plus
criante ! Qu'elle eft donc l'extrême témérité de ceux qui confondent tout ? Qj.ici
fera-t-il permis de déchirer la réputation de telles pcrfonnes malgré leur inno-
cence , parccqu'elles ont des convulfions qu'on a pris en haine , & qu'on mépri-
fe tous ceux à qui Dieu en donne.
Si l'on vouloit une bonne fois fe dépouiller de fes préventions pour exajniner
les chofes de fang froid , & les pcfer au poids du fanftuaire , l'on verroit que s'il
y a des Convuliionnaires qui ont eu le malheur de tomber dans le fonatifme, 6c
peut-être par-là dans le dérèglement , 6c quelques autres dont la conduite n'a
pas été entièrement exempte de choies repréhenfibles, il y en a d'autre part un af-
lez grand nombre qui ont toujours vécu dans une grande pureté de mœurs , ^
plufieurs autres qui paroiflent bien convertis depuis qu'ils ont des convulfions :
& l'on ne fe boucheroit pas les yeux pour s'obflriner à ne pas voir que Dieu nous
manifefte par une multitude de prodiges , qu'il lui a plu de choifir , non feu-
lement ceux qu'il a préfervés de la corruption , mais auffi ceux qu'il en a reti-
rés , pour leur fiiire publier jufques fur les toits la néccflîté delà pénitence 6c la
prêcher encore plus par leurs exemples que par leurs difcours. N'eft-ce pas une
merveille oii le doigt de Dieu eft marqué par des traits qui portent l'augufte ca-
raétere de fa bonté , 6c de fi Toute-puilTlince , que tout un peuple de Convulfi-
onnaires remués par une imprefiionfurnaturelle , crient publiquement à tout le mon»
de, 6c même à ceux qui font aj/is dans la région des ombres de la mort. .. faites
■pénitence parcequc le Royaume du ciel efl proche. Prépares vous à recevoir la grande uîn. iV/
îumicre qui va bientôt paroitre , 6c qui diflipera les ténèbres de tous ceux que ki'" '''• ^'*
grâce aura difpoies à cet effet ?
Mais s'il elt évident que c'eil: Dieu qui les fiiit parler, combien ne doit-on
pas gémir fur l'endurciffement de notre ficelé, de voir qu'on fefoit fi fort achar-
né à décrier tous les Convulfionnaires en général : 6c qu'on ait réulfi par ce moien
à engager p. Docteurs à les condamner fansconnoidance, fans examen, fansdi-
itinftion.? Peut-on ne pas frémir à la vue des impertinentes fables publiées coa-
L 5 u-c
86 IDE'E DE DOEUVRE DES CONVULSIONS.
que Ion corps
niitrcfois difVorme avant les guénfons miraculeufcs qu'il lui aplùde lui accorder?
Comment fes calomniateurs n'ont-il pas été touchés, lorfqu'ils ont fû que cette
picufe fille ajoutoit encore la plus auftere pénitence aux peines qu'elle ne peut
manquer de Ibuftrir dans les dures priions où elle e(l: depuis fi long-tems renfermée!
■«Li. Il feroitfans doute trop long d'entrer dans le détail de toutes les vcitus que Dieu
j^p'imî'ufs^ mis dans le coeur d'un grand nombre de Convulfionnaires : de leur amour pour la
convuiûon- pauvreté : de leur entier & partait détachement de toutes choies : de la vie retirée de
"""■ pluiieurs qui ne s'occupent qu'à prier Dieu. Mais je ne puis me dilpenfer de parler
du caraélere qui diftingue le plus furement les bons Convulfionnaires d'avec les
autres. C'cll l'humilité, qui dans plufieurs paroît portée à un digré très parfait.
Nous avons dit plus haut que dans les premiers tcms oh l'admiration des nou-
veaux prodiges qui s'étoient joints aux convul fions, ne faifoit témoigner que
tnp deconiidération aux Convulfionnaires, plufieurs, dont la plupart ont de-
puis fiiivi le frerc Auguilin, s'étoient perdus par l'orgueil : mais il iemblc qu'ils
devroient tous être bien guéris de ce vice , préicntcmcnt que fuivant leurs pre-
mières prédiétions, pluiîeurs Appcllans Icfont joints à M. l'Archevêque de Sens,
à Dom la Tallc, 6c à tous les plus furieux Conllitutionn.iircs poirr les décrier par
les imputations les plus odieulcs : 6c que ces fables, quelques ridicules qu'elles
foicnt , ont néanmoins produit l'effet de couvrir tous les Convulfionnaires en
général d'un tel opprobre , que la plupart des gens ne les regardent que comme
des extravagans dignes du dernier mépris.
Qui ne croiroit qu'un état fi humiliant 5c fi méprile parle grand nombre,
auroit dû les guérir de la maladie conragicufe de l'orgueil? Cependant il faut
convenir que tous n'ont pas encore profité de l'humiliation cxceilivc où la provi-
dence a permis qu'ils foient tombés , 6c qu'il y en a encore quelques-uns qui fe
roidiflcnt contre les opprobres dont on les couvre -, qui veulent fuivre toutes leurs
fantaifies qu'ils s'imaginent venir de Dieu, 6c qui affcéteut une indépendance qui
ne peut que les jetter dans de dangereux précipices. Auflî quelques-uns d'cntr'cux
ont-ils eu des convulfions qui paroifient venir du Démon. Mais le nombre de ceux-là
n'efl pas fort grand , iur tout depuis que les ignominies ic iont multipliées lùr
leur tête, & ce petit nombre doit être préfentcmcnt regardé comme taiiant en
quelque forte une cipecc particulière, qui ne doit point déranger l'idée qu'on a
lieu de fe former de tous les bons Convulfionnaires en générai.
Il faut encore avouer qu'il y en a quelques uns qui , quoiqu'ils fafîcnt paroîtrc
l'humilité la plus profonde dans des dilcours magnifiques qu'ils font en convullion
n'ont pas néanmoins une conduite qui réponde toujours a ces fcntimens : cnlorte
que ces diicours fcmblent n'être que des avcrtifTcmcns que Dieu leur donne, flc
dont ils ne profitent que foiblcmcnt : mais leur nombre cil fort petit , 6c ce n'ell
point d'eux dont je vais parler.
A l'cgard du grand nombre dans qui l'humilité cft une vertu habituelle , on
appcrçoit fcnfiblcment que plus les hommes les accablent d'outrages , plus Dieu
fe plait à les bénir. Ils faveur qu'on les mépriic, qu'on les décrie, qu'on les noir-
cit injuftement aux yeux des Puiflances 6c du monde : comment ic vengent-ils
de leurs ennemis, 6c de leurs calomniateurs ? Ils prient pour eux, 6c le conten-
«. Rn.i i«.tcnt de dire dans leur cœur, 6c à ceux qui connoillant leur innocence , prennent
II. k 11. p^^j, ^ leurs peines: lai(f'éi-\i:s faire ^laifJ'ésAci nous nniiidnc : petiS-ctre que h Seig-
neur regardera aotre ajfiiiïion j qu'il nou^ fera quelque bien four <o titaUàtUtom
qnc
IDE'E DE VOEUFRE DES CONFULSIONS. ^y
que nous recevons. Auffi eft-il manifefte, que plus on les charge d'injures , plus
le Très-haut augmente leur vertu. En faut-il une plus grande preuve que de voir que
plufieurs d'entr'cux , de ceux même qui dans les premiers tems qu'ils ont eu des con-
vulfîons paroifToient avoir moins de piété, ont acquis une patience qui leur Eutfup-
porter fans peine la plus violente perfécution & les ignominies les plus flétrillantes ?
Je ne prètens pas néanmoins que tous les Convulfîonnaires attachés à la Vérité,
«Se quifouffrent fans murmure les humiliations qui font à préfent comme les fui-
tes inféparables de la fituation où Dieu les a mis, foicnt pnur cela devenus par-
faits. Je (îii au contraire qu'il y en a encore plufieurs parmi eux qui font fujets
à de grands défiiuts : mais fi quelques uns n'ont fait que peu de progrès dans la
piété , malgré les moiens de fan6tification que leur état leur fournit , cela doit-il
nous faire fermer les yeux fur le degré de vertu où beaucoup d'autres font parvenus?
Jie dois ce témoignage à ces derniers, qu'il y en a plufieurs dont la vertu m'a fl
fort édifié, que je crois leur être redevable de bien des grâces que Dieu m'a fai-
tes , en me mettant dans le cœur de les prendre pour mes modèles , quoique je ne
les imite que très imparfaitement: Se que c'eft parmi eux & ceuxsqui fontaffez
humbles & aflez détachés de toutes chofcs pour leur rendre iei-vice, queî'ai vuk
pratique la plus cxafte de tous les préceptes, & même des confeils de l'Evangile.
Ceux qui les fuivent avec le plus de régularité font aifés à reconnoître. Ce
font précifément les mêmes que Dieu a marqués au fceau de l'humilité la plus pro-
fonde : ce font ceux qu'on voitfe rabaifier encoreplus qu'on ne les humilie , & qui
paroifient entièrement ignorer les vertus dont Dieu embellit leur ame. Je me
contenterai de rapporter im fcul trait de l'humilité de quelques-uns : Il fuffira
pout faire juger à quel point celui qui répand fes grâces fur qui illui plaît, leur
a donné cette vertu.
On n'a pas manque de rapporter à plufieurs les calomnies atroces qu'on publioif
contre eux, & tous les contes ridicules que l'efprit dcnîenfonge avoit forgé pour'
les rendre méprifables , ainfi que toutes les immodellies honteulcs &lesdifcours im-
pertinens qu'on leur attribuoit. Car ce font plufieurs de ceux Se de celles qui ont ^
une vertu plus digne d'admiration qu'on calomnie avec plus d'acharnement.
Qui n'auroit pas été fenfible à des traits fi perçans, fur tout dans la circon-
llance où ils fe trouvent, d'être en butte à toutes les puiflances qui faififTent les-
moindres prétextes pour les traiter avec la dernière ignominie ? Cependant des-
impoftures fi outrageantes n'ont nullemement altéré la paix de leurs âmes. Ils of=-
frent à Dieu de tout leur cœur le facrificede leur honneur Se de leur réputation
aufli-bien que celui de leur liberté Se de leur vie: Sc loin de fe plaindre de ceux
qui les noircifient d'une manière fi inhumaine , dans le tems qu'ils font pourfui- ■
vis de toutes parts Se qu'on ne cherche que le moien de les perdre , on les a vus -
fe proftcrner le vifage contre terre en apprenant ce qu'on publioit d'eux, conju- -
rer le Seigneur avec inftance de les faire bien profiter de cet excès d'humiliation
qu'ils regardent comme un avantage, en ce que cela leur donne lieu d'imiter
en quelque fiiçon le divin Sauveur du monde qui s'eft fournis volontairement k-
fouffrir les outrages les plus fanglans. Enfin on les a vus prier Dieu de tout leur"
cœur pour ceux qui les couvrent d'opprobres 6c qu'ils regavdenten quelque forte
comme leurs bienfaiteurs.
Ces fiiits font fi ailés à vérifier, qu'il n'y a q^e des écrivains opiniâtrement'"
déterminés à fermer les yeux à la lumière quipuiflènt les nier. Que ces hommes"
fî prévenus fe donnent la peine d'aller entr'autres prifons à la Conciergerie, ils y^
trouveront deux innocentes vierges , fur l'une defqucliesla malignité laplusnoi--
rc.a principalement répandu le ppifoa des calomnies les plus- envenimées ! Qu'ils-
le?%.
88 TDE'E DE VOEVVRE DES CONVULSIONS.
les interrogent : 6c loin d'nppcrcevoir dans leurs réponfes le plus léger vcflige
d'impatience ou de refTentiment , ils ne pourront s'empêcher d'être édifies de Is
paix qui rcgne dans leur cœur , de leur patience à toute épreuve, Scde leur cha-
rité fincere pour tous leurs pcrfccutcurs.
jtr i. 4. y. ,1 L^ patience parfaite cft la perfection du Chrillianifme (dit le P. Qucfnel )
„ parccqu'clle foumct le Chrétien à tout ce qui cft de la volontés des ordres de
„ Dieu, & qu'elle lui facrifie tout. La vraie fligeflc d'un Chrétien (dit -il plus
„ bas) eft de lavoir louffrir: mais la fagelTceft un don de Dieu, & ce don un fruit
„ de la prière, mais d'un pricre fervente, humble, pcrféverante „ Aufll les Con-
vulfi innaires à qui Dieu a fait le don précieux d'une patience fi humble & d'une
fagefic fi Chrétienne, le prient-elles prcfquc fiuis cefTe avec une ardeur qui porte
le feu jufque dans le cœur de ceux qui en font les témoins.
Voilà en particulier les peribnnes qu'on outrage fans mefure. Voilà en général
quels font ceux dont on voudroit fiire regarder l'état furnaturel, comme un accès
1. Cir. .V' de folie. Mais ils ont la confolation de pouvoir dire avec l'Apôtre : „ nousfom-
10. II. 13.^^ j^^^^ £-çjyj pour l'amour de J. C on nous pcrfécute, & nous le fouffrons :
„ ou nous dit des injures, & nous répondons par des prières: nous fommes devc-
,, nus comme les ordures demondc, comme les balaieurcs qui t'ont rejettéesdc tous.
Qiic MM. les Docteurs me permettent de les confukcr fur cette quelHon ;
qui font ceux en qui l'Efprit de Dieu p:'roit agir, ou dans ceux qui décrient par
d'odieufcs calomnies des perfonncs attachées à la Vérité, lorfquelcs Puiflances du
monde en haine de cette Vérité, ne cherchent que des prétextes pour les oppri-
mes 5c les accabler d'outrages, ou dans ceux qui fupportent toutes ces calomnies
auffi bien que toutes les autres perfécutions qu'on leur fait fouffrir, avec une pa-
tience Se un paix que rien ne peut altérer > 5c qui dans le tems même qu'ils font
dans les fers, ne cetFent de prier pour leurs calomniateurs?
i.Ep.àTim. En attendant leur décifion, voici celle que je trouve dans S. Paul. „ La fin
i.r.j. .7.^^ ^^^ commandcmens eft la charité .... dont quelque -uns fe détournant fe font
j, égarés en de vains difcours -, voulant être les Docteurs de la loi , £cne fâchant
„ ni ce qu'ils difent ni ce qu'ils affurent fi hardiment. „
XLir. Mais quel a donc c^té le motif qui a pu porter d'illuftrcs Appcllans à décrier
Motifs de jçs perfonnes d'une finguliere piété , 6c d'une patience 'î\ extraordinaire ? C'ell dit
peiun» pouf l'un d'cux qu'il n'eft pas i-rai-femhlable que Dieu donne le don viiraciilcux des giié-
tn"vuùoi"*'^f'^"^ ^ '^^^ perfonnes qui lui femblcnt fi viles 6c fi mcprifablcs : c'eft ditl'.\utcur
Biire5. desVains-ciForts , qu'elles font indignes de faire des miracles.
En effet qui n'eut pas cru que Dieu, pour opérer d'éclatantes merveilles, au-
roit pliitôt choifi de grands perfonnages 6c des Doéteurs célèbres, que de pau-
vres filles la plupart contrefaites , qui p.uoificnt à des yeux mondains le rebut 8c
la b.i'aieure du monde? Mais la foi, l'humilité 6clacharitc ne vont pas toujours
de pair avec la fcience &c les grands talens : l'eftimc des hommes n'attire pas
toujours celle de Dieu : il ne fait cas que des vertus, 6c fouventillcs place avec
une libéralité digne de lui, dans des perfonnes dont l'extérieur n'a rien que de
jic a. s- méprilable. Dieu n a-î- il pas choifi .,à.\x. l' Efprit Saint ,ff//.v qui étaient pauires dans
le monde pour les rendre riches dans la foi ?
E:rp. dci» •)•> Qu'elle différence (dit M. r.'\bbé Duguct en parlant des aveugles 6c des
Taiï.T I p-„ boiteux qucj. C. guérit dans le temple) qu'elle différence mit aloi-s la foi
^'■'^' „ entre ces aveugles 6c ces boiteux fi méprifables félon le ficelé, fi difgraciés de
„ lan.iture, Cx négligés en apparence par la divine providence julqu'à ce mo-
„ ment : 6c Ls Princes des Prêtres 6c les Doéteurs de la loi, ù diilingues par
„ leur rang , par leur crédit 6c par l'opinion que le monde avoit de leur ha'oir?
Au
IDE'E DE L'OEUFRE DES CONVULSIONS. ?p
Au furplusles Doéleursles plus oppofcs aux convulfions n'ofent nier que Dieu j-Ltir.
n'ait efieétivement opéré plufieurs miracles entre les mains, ScparleminifteredesLcsadverrii-
Convulfionnaires : ils font même quelquefois forcés d'en convenir ex prefTé ment, vulût^sn-"-
MM. les Confultans eux-mêmes n'ont pas cru pouvoir fc difpenfer de fùre'"'^"' "'"i"»
déclarer au perfonnage parabolique qu'ils ont emploie à faire Pexpofé de leurii^nnairM '
confultation : ciu'il avoit oui dife qu'il s'était fait.. . . quelques miracles. . . . parls^y^V}} *V'
mimjtere cs» par r intervention des Convulftonnaires.
M. Fouilloux quoi qu'un des plus prévenus, l'avoue d'une manière encore plus
formelle jufques dans fon libelle diffamatoire contre Charlote la Porte , qui ell
une de celles par qui Dieu en a fait un plus grand nombre. //«f/««/^^j-«'o/r(f, dit-
il, que ces filles fajfent des jniracles toutes les feisqu'elksfe mettent^ ou qu'elle s font
mifes en mouvement pour opérer.
Raifonner ainfi, n'eft-ce pas convenir précifement que fi les Convulfionnaircs
ne font pas des miracles toutes les fois qu'elles fe mettent ou qu'' elle s font mifes en mou-
'vement pour en opérer ., du moins elles en font quelquefois?
Ce qu'elles font .^ dit -il plus haut , p9ur opérer fur les corps des guérifons mervsil-
leufes. .. . ne réujfit pas toujours. Donc de ion propre aveu, ce qu'elles font opère
quelquefois des guérifons merveillcufes.
Mais quoique ces MM. fe voient hors d'état de nier que Dieu fefoit efFeftivc-
ment fervi de plufieurs Convulfionnaircs pour faire de miracles, ces miracles
aiant eu trop de témoins pour pouvoir être révoqués en doute , cela ne les empê-
che pas d'inmiuer dans leurs écrits, que néanmoins cela ne peut pas être, par
l'unique raifon que fuivant eux cela n'cfl: pas digne de Dieu.
Feu M. l'Abbé Duguet en parlant des Doéteurs de la loi dit qu' „ ils prcfcri- Expi. dt la
5, voient à Dicuce qu'il devoit foire pour fa propre gloire. ... ils s'ctabliffbient7^a';^'^:''p.*
„ fon confeil ils prétendoient favoir mieux que lui ce qui convenoit ou cci^'*"^?-
„ qui ne convenoit pas au plan qu'ils s'étoient fait de la religion. (Sur quoi il
„ s'écrie) : aveugles & infenfés qui ne favoient pas que les penfées de Dieu font
„ plus éloignées de celles des hommes, que le ciel ne Tell; de la terre: que fes
„ jugemcns font un abîme impénétrable: & que quiconque ofe fonder fa Ma-
,, jellé, eft accablé par le poids de fa gloire ?
Cette réflexion fî judicieufe d'un Auteur fi renommé n'a pas empêché plufieurs
Doéteurs de décider, qu'il ne convenoit pas à la majefté de la SagefTe divinedc
choifir pour opérer de fi grandes merveilles, des peribnnes qui paroiffent à ces
MM. fi viles & fi méprif'ables. Ainfi le Très-haut avant de faire des miracles
par le miniftere des Convulfionnaircs, a eu grand tort de ne pas confulter MM.
les Dofteurs : ils lui auroient appris ce qui eft digne de lui : Se foute par lui de
l'avoir fait, ou de ne les avoir pas choifis eux-mêmes, ils le déchaînent contre
les œuvres de fa Toute-puiflance. Ils ontétéjufqu'à of'cr attribuer des miracles
inconteffables à un agent fort di flingue de Dieu^ s'il n'cll paspofiible, difent-ils,
d'en chercher le principe dans la nature.
Qui auroit jamais pu croire que des Appellans en feroient venus jufqu'au point
d'attribuer au Démon des miracles opérés à l'interceffion du B. Appellant dont
Dieu fe plaît à canoniier la foi par tantdc merveilles? Dans quelles ténèbres, ô
mon Dieu! l'eiprit des plus grands hommes ell-il donc capable de tomber fitôt
que vous l'abandonnés ;i lui-même!
„ Quelque vifiblc que loit le doigt de Dieu (dit le Père Qiiefnel) le monde ^^' ■♦• ^*
„ n'a point d'yeux pour le rcconnoitre. Ne voit-on pas tous les jours (dit-il euLuc. ,,. ,j.
„ un autre endroit) que par des jugemens téméraires & aveugles , on attribue à
„ l'efprit malin ce qui eft de l'efprit de Dieu. Etrange état (dit«il ailleurs) de
Où/ervat. I. Part, Tome IL M uc
po IDE'E D E VOEU F RE DES CONVULSIONS.
Aa.4.v,i<." "^ pouvoir réfifter à l'cvidence des preuves d'un miracle. ... & de continuer
„ de combattre les Vérités 6c lesperfonnesque Dieu veut autorifer par ce mo-
„ ien ! . . . Mon Dieu délivrés nous d'un tel endurciflemcnt de cœur ! Faites
„ nous aimer tout le bien. . . par qui que ce foit qu'il fe fafle! Préfervés-nous
„ des paflîons , des engagemens 6c des préventions qui ferment les yeux & les oreil-
„ les à la Vérité. „
c^'r'^tn- ^ Qiiand il n'y auroit en faveur des Convulfionnaives que les miracles qu'il a plû
«tid.i mira- à Dieu d'opérer par leur mains, ce feroit fe révolter contre le témoignage de
paVifTnt-JDieu même que d'ofer attribuer toute cette œuvre à l'opération du Démon. Les
cIptTvLif." niiracles font la voix de Dieu : les miracles difcerncnt aux chofes douteufcs : les
njirti. "miracles font une preuve fî incontellablc que J. C. pendant lli vie n'a point voulu
en cmploicr d'autres pour prouver fa Divinité ? Lesœuires ^uej'e fais au nom de
'^'^^^°'-^n:onPcre^ dit-il, rendent témoignage de moi.
Auflî le célèbre Auteur que je ne me lafle point de citer, va-t-il jufqu'àdirc,
rQ^fi.jcan^^ que ceux qui neveulentpointreconnoitre aujourd'hui la voix des miracles
ibij.11.4S.,, font en cela dignes fucceffeurs des Juifs incrédules. (Il déclare que) fe re-
„ volter contre le témoignage des miracles, qui marquent évidemment l'ap-
„ probation de Dieu . . . (c'eil le plus) effoiable exemple des extrémités où
„ conduifent infenfiblement la prévention, l'entêtement, l'envie, & l'amour
„ de la gloire humaine. (Il dit encore) : il n'y a qae l'Auteur de la nature qui
jran. j. 50.,, puiffc la rcparcr, 6c s'affranchir de fcs loix ordinaires. „ D'où il fuit que c'eft
une impiété d'attribuer de véritables miracles au Démon.
Que Dieu ait opéré pluficurs miracles par les mains des ConvulHonnaircs, c'eft
un tait d'une notoriété h publique que feu M. l'Evêque de Montpellier, dont le té-
moignage cft d'un fi grand poids, ne craint pas d'avancer comme une Vérité incon-
inft Pa.i autcflablc, que ,, depuis le jour que l'accès du tombeau a été interdit à la pieté des
i/jsf"""' 5» fidèles, Dieu n*a pointceflcjufqu'aujourd'hui d'opérer parmi nous desguérifons
„ rairaculeufcs , 6c pluficurs même par le miniftere des Convulfionnaires, Vérité
„ (ajoute-t-il) également propre à confondre les ennemis de l'appel, à confoler au
„ milieu des plus affligeantes contradiétions, 6c à fei-vir de flambeau au travers
„ des nuages épais dont Dieu a permis que fcs oeuvres fufient couvertes. „
Servons-nous donc de ce flambeau pour nous conduire dans le chemin de la Vé-
rité : 6c comme il peut y avoir quelques Icétcurs qui n'aient pas été fuffifamment in-
ilruirsde ces miracles, rapportons-en quelques-uns, afinquc perfonne ne puifle
douter que Dieu n'ait rendu ce témoignage décifif en faveur des convulfions.
XI.V Je m'attacherai principalement à celui qui fût opéré le i. Juin 1733. fur Ma-
J!^"fur'*'J'r!cdame Loifel dite de Stc. Clotilde Religicufc du Calvaire, parcequeles pièces ju-
Rtr^ifufe ûificatives en font entre les mains du public.
pr'<dii'7»'* Dans le tcmsque cette Dame eft dévorée par une fièvre continue, dont les
ontconvi:! rcdoublcmcns journaliers embrafent 6c exténuent de plus en plus fon Corps :
faii.àfa prie- dans le tems quelle elt opprciicc par une nuxion de poitrine qui a déjà li tort
*•* corrompu tout fon fang qu'il a entièrement perdu les qualités 6c jufqu'à fa
couleur : dans le tems que l'inflammation de fes poulmons annonce leur dc-
flruftion prochaine : dans le tems qu'après avoir épuifé prcfquc tout fon fang par
7. faignées confécutivcs qui ne lui ont apporté aucun foulagcmcnt , clic fe voie
réduite à la folblcffe la plus extrême, 6c à une forte d'anèantilTemcnt qui prc-
difcnt fa dernière heure ; dans le tems enfin qu'elle fe prépare à recevoir les
Sacremcns des mourans qu'on cil fur le point de lui adminillicr, il paroît une
Convulliormairc qui aptes avoir fait pluficurs prières 6c lui avoir donné à boi-
re de l'eau de hprécicufc terre pnfc au tombeau du B. Appellaiit, lui comman-
de
qui pr
ventcc mi»
IDE'E DE VOEUFRE DES CONVULSIONS. 91
de au nom du Seigneur de fortir du lit de mort où clic eft comme enfevélie.
Dans l'inflant k fièvre ccfle , l'opprefllon fe diflipe, les poulmons embrafcs
reprennent leur fraîcheur naturelle : un fang nouveau auquel Dieu donne l'être, fc
répand dans toutes les veines : la moribonde recouvre tout à coup une fanté par-
faite : elle fe levé avec fiicilité Se va à la tribune chanter folemnellemeut le Te
Deum avec les autres Religieufes.
Son Médecin curieux de voir fi elle efi: encore en vie, 8c s'il ne pourra point
trouver moien de la lui prolonger de quelques momens , fe préfente à la porte
du Couvent. Mais quelle eft fi furprife ! Il voit fa malade qui ne l'eft plus , accou-
rir au devant de lui avec une démarche ferme i<i un vifage où brille la fanté : il
lui tâte le pouls: il le trouve aufli bien réglé 6c auffi fort que fi tout fon fang n'avoit
point été corrompu par une maladie fi violente, ni épuifé par tant de fiiignées.
frappé d'adnjiration , il ne peut refufcr de rendre hommage à un miracle fi évident. Fu^cV'de»
Tous ces faits font prouvés par tant de témoignages fi refpeétablcs que les plus "'T°''K"^6e«
incrédules ne pourront fans renoncer à leur rai fon refufcr d'y ajouter foi. Ils font vent ''""'"
atteftés par 28. Religieufes témoins oculaires, à la tête defquelles fe trouvent la'"''
Prieure , la Soupricure & la perfonne guérie , qui toutes n'ont pas craint de les
certifier à la face de toute la terre par un acte padé devant Notaire dès le lende-
main de la guérifon fubite de la Dame de Ste. Clotilde: ils le font par Mde. de
Vinx veuve d'un Lieutenant général des armées du Roi , qui commandoit les
Moufquetaires , laquelle en qualité de bienfaitrice de ce Couvent s'y étoit retirée
depuis quelques iours, £c qui certifie avec fes femmes au pied de l'aéte pafiepar
les Religieufes, qu'elles ont une parfaite connoijjance de la 'maladie^ guérifon fithiîg
de la Dame de Ste. Clotilde : ils le font par Mde. de Couefquen Supérieure Générale
de la Congrégation du Calvaire , qui avoit été informée de l'extrémité où cette
Rcligieufe étoit réduite : Se qui aiant appris fa guérifon évidemment miraculeufe
alla auffi-tôt s'en aiTurer par les yeux; ils le font enfin par M. Reneau me Méde-
cin célèbre, Se par M. Sauré Chirurgien d'une grande réputation, qui tous deux
ne partent point pour être trop crédules en fiiit de miracles, & qui néanmoins
ont été fi frapés de celui-ci, qu'ils n'ont pas balancé dès le lendemain du miracle
de donner leurs rapports de l'extrémité de la maladie & de la guérifon parfaite
opérée dans un inftant.
Croira - 1 - on que toute une Communauté de Stes. filles confacrces à Dieu fc
foit concertée pour forger une impofture ? Mais quel fruit pouvoient - elles en
efpérer dans ce monde? 11 étoit queftion d'un miracle que Dieu venoit d'opérer
dans l'inftant même qu'il avoit été demandé, prédit &: déclaré par une Convul-
fionnairc. Perfonne n'ignore à quel point le public eft prévenu contre les convul-
fions, & que c'eft fe livrer de gaieté de cœur à fon mépris que d'atteftcr des faits
décififs en faveur des Convulfionnaires. Quelle étoit donc la récompcnfc que tou-
tes ces Stes. filles avoient lieu d'attendre du témoignage autentiquc qu'elles ren-
doicnt à un miracle qui blefle fi fort les préjugés du fiécle où nous vivons. D'ê-
tre blâmées, critiquées , méprifées, non-feulciuent par les gens du monde, mais
même par une partie des Appellans : defc mettre en butte à tous lesConftitution-
naires ennemis des convulfions par état & par intérêt, & qui, piqués contre ce
miracle , ne manqucroient pas de chercher les moiens de renverfer la Communauté
qui avoit ofé en rendre témoignage. Enfin elles dévoient s'attendre, comme il
vient d'arriver effeclivement , que les plus grandes PuifTances Ecclcfiaftiques &
féculieres fe joindroient enfemblc pour les opprimer.
*= 11 eft donc évident que cette Communauté n'a pu avoir d'autre motif que celui
de plaire à Dieu en fe facrifiant ainfi. Or qui ne fait qu'on ne lui plaît point par
M z l'im-
■fit IDE'E DE VOEUFRE DES CONFULSIONS.
rimpofture 6c le mcnfongc? Tous ceux qui n'attendent leur récompenfe que dans
l'autre vie, ne l'attendent que de la Vérité.
D'ailleurs dans une Communauté compolced'efpritsdifïerens, fi ces faits n'euf-
fcnt p;is été inconteftables : difonsplu3> Si toutes les Rcligicufes qui en ont cer-
tifie la vérité, n'y cuflcnt pas été en quelque forte forcées parla vive lumière avec
laquelle ce miracle avoit éclairé leur cfprit & échauffé leur cœur, fc feroient-
cUcs toutes déterminées, quelques -unes mêmes contre leurs premiers préjugés,
à s'expofer ainfi aux contradiétions £c aux travcrfcs qu'un pareil témoignage ne
pouvoit manquer de leur fufciter?
Penfera-t-on aiilTî qu'une pcrfonne de la condition de Mdc. de Vinx , dont
tout Paris connoit le mérite à La pieté, fe fut portée à atteller un pareil fait s'il
n'eût pas été véritable?
Ofera - t - on avancer que Mdc. de Couefquen dont la vertu efl fi éclattante &: les
lumières fi fupérieures, 6c qui vient encore d'en donner de fi grandes preuves,,
ait été capable d'entrer dans un complot facrilegc qui ne pouvoit que lui attire?
la pcrfécution qu'on lui fuit fouffrir? Et fi la Vérité n'étoit pas le flambeau qui la
conduit, Dieu la fouticndroit-il comme il fiit d'une manière fi marquée?
Enfin prétendra- 1- on qu'on a trouvé le moien de féduirc un Médecin 6c ua
Chirurgien qui ont autant de réputation que M. Rcneaume 6c M.Sauré? Quel
autre motif que la vive impreflîon que l'opération de la Divinité a fait dans leur
ame à la vue d'une fi grande merveille, eut pu les engager à fournir eux-mêmes
les preuves d'un pareil miracle, qui choque fi fort les préventions du public dont
ils ont tant d'intérêt de mérutger la bienveillance ?
La Vérité feule a la force de convaincre entièrement les efprits , defubjugucr
en mcme-tems les cœurs, 6c de fc faire rendre témoignage malgré tous les in-
térêts humains: mais aulîî lorfqu'on voit qu'elle a produit de tels effets, il n'cfb
pas permis de rcfufcr de la rcconnoître.
Tous les principaux fiits dont je vais rendre compte, font appuicspar la dé~
pofition de ces témoins. Leurs certificats fontimprimés 6c répandus depuis long-
tems entre les mains du public j ainfi j'ai lieu d'éfpérer que le leftcur prendra
confiance aux extraits que je vais en rapporter.
TLvii. Des le mois de Février 17^3. une jeune pcnfionnairc du Couvent du Calvaire
»rJd7aion' ^voit eu des convulfions dans Icfquelles elle avoit été fort occupée de la Dame de
et la en- Ste. Clotilde. Elle lui annonça acs le mois d'Avril que J. C. alloit bien-tôt la
""''"""'"''faire boire dans fon calice: qu'elle auroit une maladie très dangereufc,. mais que
cette maladie feroit pour la gloire de Dieu , 6c fcrviroit à faire éclatter fa puifTancc.
La De. de Ste. Clotilde fe fcntant dans une faute parfaite ne s'inquiétoit pas
beaucoup de cette prédiéVion qui étoit fuc de tout le Couvent , 6c demandoit fou-
vent à la jeune Convulfionnaire /< ce feroit birn-iôt.
TLvni. „ Le 14. Mai elle fe trouva attaquée d'un rhume, avccunc touxconfidérabley,
r'c'xu/m.fj >i î'^qu'^l ^^ joignit un grand mal 6c opprcffion àc poitrine, qui augmenta de jour
dfii ma.a ^^ en jour „ fuivant que l'ont déclaré toutes les Rcligicufes dans l'aétc pan*é iep.
Juin, qui efi: le lendemain du miracle.
Pendant aflcs long-tems la De. de Ste. Clotilde ne voulût faire aucun remède,,
apparemment parccqu'elle avoit appris que la Convulfionnaire rcjfentoit une gran-
de partie de fcs maux , aiant une toux [iche y continuelle^ 6c un grand mal à la jpoir
trine y difcnt les Religieufes.
Ccp ndant le Mccredi 3. Juin une fièvre brûlante s'ctant jointe à l'inflamma-
tion ce la poitrine, rcduifit la De. de Ste. Clotilde à une fi grande folblcffc qu'elle
n'cûl plus la force de fc mettre à fon féant dans foti lit ^ fuivant qu'elle le déclare
avec toutes les Rcligicufes. ^ Se
4>e.
IB'E'E DE VOEUFRE DES CONVULSIONS. s>3
Se volant en cet état elle fe détermina enfin ^ fe faire faig/îer : nins'ûya.ton-
te apparence que dès ce jour le mal étoit déjà venu à un point où il n'y avoit plus
de rem éde . Cette première faignée n'aiant fait aucun effet ^ on en fit une féconde le lende-
main qui n'aiant pas cû plus de fuccès que la première, on envola chercher le foir AI.
Reneaume Médecin célèbre qui ordonna une ^e. faignéeen cas de redoublement .
„ Je la trouvai, dit ce grand Médecin dans fon rapport , avec fièvre, difficulté
„ de refpirer, toux fréquente & féche. Elle avoit déjà été faignée deux fois :
y, fon fang étoit coineux & d'une couleur grife, tel qu'on le tire dans les difpo-
5, fitions inflammatoires. Je la fis refiigner les jours fuivans 6c le fang étoit tou-
„ jours de plus en plus mauvais. „
Ainfi des les premières faignées fon fang avoit déjà perdu fes qualités & fa cou-
leur, étant dès lors coineux 6? d'une couleur grife. Depuis ce moment il eH toujours-
devenu de plus en plus 'mauvais^ dit M.Renéaume. Que le leéteur juge lui-même
à quel point il étoit coiTompu dans les derniers jours.
Àuffi le Vendredi f. Juin, M. Reneaume étant revenu le foir voir la malade,
„ ordonna une 4?. faignée pour le lendemain: ce qui fût exécuté par M. Sauré
„ Chimrgien qui trouva (la malade) en très grand danger : ajoutant qu'il étoit
„ abfolument néceflaire d'envoier chercher le Médecin pour qu'il vit le fang qu'il'
„ vcnoit de tirer. ,,
Ce jugement de Ivl. Sauré efi; trop important pour ne pas joindre les termes
de fon rapport au témoignage des Religicufcs. „ Je fouffigné, dit-il , certifie que
„ le Samedi 6. jour de Juin 173^. j'ai été mandé pour fiigner Me. Loifcl de
5, Ste. Clorilde, que je trouvai avec une fièvre continue, une opprefiion de poi-
„ trinc (& autres fimptômes) d'une inflammation dans le poulmon , de laquelle elle
„ avoit déjà été faignnée 3. fois du bras fans avoir reçu aucun foulagement. Te
„ la faignai pour la 4'. fois , & lui tirai un fang coineux inflammatoire : ce qui
„ m'engagea à dire qu'il falloit promtement faire avertir le Médecin, attendu
„ que la malade m'a paru en très grand danger. „.
A la vue de ce lang coineux inflammatoire qui portoit avec lui des preuves d' une-
inflammation dans le poulmon^ le Médecin ne fût pas moins convaincu que le
Chirurgien, que l'état de la malade dénotoit une mort prochaine. Il fût étonné ^
difent les Religicufes, devoir du fang ft mauvais ^^ ordonna une cinquième faig--
fiée pour le foir du même jour: mais en même tems- il fe crut obligé d'avertir
la malade de fc conduire comme s'il y avoit du danger.
Tout le monde fxit ce que fignifient ces termes dans la bouche d'un Médecin ^
qui dans la crainte de trop effraier une malade, adoucit toujours fes expreflions.
Aufil la Dî. de Ste. Clotilde comprit-elle fort bien la valeur de celles de M. Re-
neaume: en eonféquence elle fe confefia, dès le même jour ; 6c après cette fala-
taire précaution, elle fût faignée le foir.
Mais tant de ftignées réitérées coup fur coup avoient lî fort épuifé fon fang , 3c
cllefût fi foible à cette f^.f.ùgnéequ'on ne pût en tirer que deux paletes^àitM.R.c-
neaume. Cependant comme les indications fuhfifîoient ., continue-t-il, j ordonnai
qt'.t fi le redoublement revenoit ^ on r^héfttât point à faire uîie rt?. faignée.
Le lendemain Dimanche 7. du dit mois h Médecin ^ difent les Religicufes, Ttî/^»/
irauvén cncorcplus mal, il ordonna qu'on fit cette 6e. faignée , qui fut faite fur les 6.
heures du foir : 13 étant revenu peu après la dite faignée , il en ordonna une 7-. pour ■
ie même jour.
5, L'étant, venu vifiter après cette 6e. faignée (dit-il lui-même) je la trouvai'
„ très-opprefl'éc , ne crachant point , fon fang extrêmement coineux 6c plus mau-
„ vais qu'à l'ordinaire : la foiblelfe me fit héfiter fur cequej'avoisàiàire. Cepen-
M i „ dànt:
P4 IDE>E DE VOEUFRE DES CONFU LSIONS.
,, dant comme. ... le pcril me paroifloit évident , je me determimi à faire faire
„ une 7e. faignce fur les 10. heures du foir. „
y, Après cette fcptiéme faignée (difent les Religicufcs) elle tomba dans un
„ état de foiblcfTc qui dura près de 4. heures. „
Le trifte fpeélacle d'une fi longue défaillance peu différente de l'agonie ,ai:'jit
fait connoître qu'il ncrciloit prefque plus de iang à la malade, 6c que toutes fcs
forces étoicnt anéanties, il ne fût plus qucition de nouvelle faignée. Lorfqu'ellc
fut revenue de cette cfpccc d'évannuinenicnt,cllc comprit aulfi bien que toutes
les Religieufcs qui l'environnoicnt , qu'il n'y avoit plus aucune rcflburcc pour
elle dans le fccours des hommes. Cette pcnfée lui fit demander de Veau mêlée ■xvtc
de la teiTe du tombeau de M. de P;"' ri s: &cnaiant pris une cueillerée^elle demeura
tranquille^ cette précieufe poullicre aiant calmé pour quelque tems tous les maux :
mais elle n'empêcha pas ^ difent les Rcligieufes, que /i; lendemain La«///' 8. du dit mois
fur hj ^.heures du mati;: l: redoublement de fièvre ne la prit avec de grandes agitations.
„ Le Médecin vint fur les p. heures du matin & la trouva trop foible pour
„ rifquer une 8-\ fiignée quoi qu'il en comprit le bcfoin. „
yf 5. heures après tnidi ., aiant eu encore un fécond redoublement ^ ^ étant tom-
bée dans une extrême foiblejj'e. . . . [on ConfeJJeur & les Rcligieufes crurent qu'il ne
ftlloit plus différer delui faire recevoir les Sacrcmens. Oal'avertit de s'y difpoier , 8c
on fe prépara pom- les lui adminiftrcr après le falut. Sans doute dans l'appréhcn-
fion où on étoit qu'elle ne patTùt pas la nuit.
Depuis le Jour que la D'. de S te. Clotilde s'étoit alitée, difent les Rcligieufes,
la CoHvulfiorinaire. ... s'étoit trouvée fans coNvulJion....f{ ce n'ejl qu'cllcuvoïi conti'
nue de paroître avoir une grande partie des maux de la malade.
Mais le 8-\ Juin à 3. heures précifcs ^Axr\% le même moment que k D ■. dcSte.
Clotilde eût {ow fécond redoublement &: fût réduite a la plus extrême foible ffe. . .\\
ConvuUîonnaire qui étoit dans une chambre fort éloignée de l'infirmerie des Re-
ligieufcs, tomba en convulfion: Se après avoir prié aflc?. long-tems avec beaucoup
d'ardeur^ elle annonça ce qui allait arriver; fuiv.ant que l'ont certifié la Prieure du
Couvent, & k Maîtrefl'e des pcnfionnaires.
XLTX. 5, Non ma chcrc fœur (difoit-ellc en parlant de la D.-. de Ste. Clotilde) ne
stc.^nitpi- craiencs point : le Seigneur ne vous rejettera pas. . . ha , Seigneur , que vous êtes
cnnvuiGon-,, bon dc traiter ccttc lœtir dans votre milcncorde ! Seigneur que vos delTeins
,, font grands. ... ha chère fœur ne perdes point courage! Dieu vous fait boire
„ dans fon calice.. . vous voilà d.ms l'amertume. . .. mais ... ne craignes point
„ redoublés (feulement; vos prières. „
VA\c fe (raine cnfuitc hors de fi chambre, fans fivoiroii cUealloit. 0« va votre
enfant^ Seigneur! difoit-elle, elle ne le fait pas. CQ\iQ\M\.ir\t en priant t oui ours cWc
arriva à la galerie de l'infirmerie: 5c quoi qu'elle ignorât dans qu'elle ch.imbre étoit
la vialade., elle l'a trouva néanmoins i3 fe préfenta à la porte. Sa prière finie elle
entra à grands pas avec un air de majefté qui fit impreffion aux perfonnes pré fentes.
Elle fe mit à genoux les bras en croix , difent toutes les Religicufcs,/!' releva en-
fuite., s'aprocha du litdc k malade: Un mit en main une croix de bois de la couche de
M. de Paris & lui fit boire à plufieurs reprifes dc feau dans laquelle on mit de U
terre du tombeau , recommandant à la malade de prier Disu avec confiance^ l'aflu-
rant que certainement Dieu l'exauccroit .
Auflî dès ce moment la main Divine commença pour ainfi dire à préluder la
guérifon,„&k malade (^difent les Rcligieufes) Icnrit tellement k confi.mce
„ naître dans fon cœur , qu'elle n'héfiia point dc prier la mcrc infirmicrc
„ d'apporter fcs habits , dans l'cfpérancc d'aller chanter le 7e Deum au chœur
aiire.
IDKE DE L'OEUFRE DES CONVU LSIONNS. 95-
), en aftion de grâces „ dans le moment qu'elle feroit guérie.
Les prières de la Convulfionnairc entre-mêlées de la, leUure àc phfteurs endroits
de r Evangile ij' de la récitation des Pfcanmes durèrent depuis 3. heures ^àcmï...
jufqu'à environ 7. heures du foir: pendant lequel tems la mzhdc (ommença à feniir
fa poitrine fe dégager , i^ .... [es forces revenir: & même vers Ics(5. heures & demie
toutes fes douleurs ceffcrent. Ellefeynit àfonféant dans fon lit .^ce qu'elle n avait pu
faire pendant fa maladie^ elle demanda auffi plufieurs fois de fe mettre à genoux
fur fon lit, & enfuite de fe lever. Mats la Convuljionnaire répondit que le moment
nen et oit pas encore venu. En effet ce commencement de guérifon n'étoit encore
comme on la dit, qu'un prélude par lequel le Tout - puiffant , pour augmenter
k confiance & les prières de la malade, lui annonçoit les merveilles qu'il etoit fur
le point d'opérer.
Vers les 7. heures la Convulfîonnaire aiant redouble fes prières, fe mettant ^•
k tête fur le carreau , elle fe fent tout à coup animée par un inftinftqui n'a pùia'^gurrïron
provenir que de celui qui fi^it les miracles. Elle/^ relevé: elle déclare à la malade '^^■''''."''''f
que fa guérifon va s'opérer dansuninftant. Courage^ ma chère fœur , lui dit-elle rcrotiidc
efpérés le moment approche. Elle s'adrefle àl'Auteur de tout bien. Seigneur Jefus^
s'écrie-t-elle : dites-lui une parole ^ faites vous entendre comme vous fites à Lazare.
Commandez. 6c vous fer es obéi : dites-lui : levés-vous je vous le commande. Elle fe
tourne enfuite vers la m^alade avec un air plein de majefté : Allés ., ma chcre fœur,
lui dit-elle , le Seigneur vous le dit : levés vous donc au plutôt ^ fortes de ce lit de
mort où. vous êtes ?
Dans l'inflant les poulmons font rétablis dans toute leur intégrité , le feu qui
les dévoroit ceffe tout à fait d'être: tous les dégâts qu'il avoitcaufé font répares:
k fîevre s'éteint totalement : un fmg nouvellement créé Se tout rempli d'efprits de
vie, s'empreffe de porter la force dans tout le corps. Il va être prouvé par une mul-
titude de faits que dès ce moment Dieu lui rendit toute la vigueur de kfiintéU
plus parfaite.
Aufîî-tôt que la Convulfionnairc lui eût dit de fe lever .^ elle s'habilla avec Lr.
une grande facilité, difent les Religieufes, elle „ vint au milieu de 1'^' chambre ''//f"^'o„^j*'
„ où elle fe mit à genoux auprès de la Convulfionnairc fans aidedeperfonne. . . .cecie^gueri-
„ enfuite la Convulfionnairc la prit par la main avec de grands tranfports de joie, ^''°^"'"""
„ Se la mena devant le S. Sacrement, où elles fe tim-ent à genoux toutes deux..
„ . . . enfuite elle la conduifît à la tribune. . . où elle demeura debout pendant
„ le 'te Deum qui fût chanté folemnellement en aftion de grâces : elle entendit en-
j, fuite le falut 6c monta après au parloir , d'où elle defccndit avec vîteffe pour
„ aller au devant du Médecin qu'elle reçût elle même à la porte „ du Couvent.
L'état où le Médecin la trouva efl fi bien circonflancié dans fbn rapport fait des
le lendemain y que nous ne pouvons trop priei* le leéleur de n'en pas perdre ua
feul mot.
„ Le I^undi 8. du même mois étant revenu , dit M. Réneaurrre , fur les 7: heu-
„ res trois quarts du foir pour la voir , je fus fort furpris quand on m'ou\Tit la:
„ porte, de la voir fur fes pieds avec un bon vifage , une voix ferme : 6c lui aiant
„■ tâté le pous je le lui trouvai vigom-eux , avec très peu de vîteffe par rapport
5, à tout le mouvement qu'elle s'étoit donné. Elle me conduifît dans une cham-
,, bre haute, cù \t l'examinai une 2e. fois. (Cette chambre étoir la même dont:
elle étoit defcendue avec tant de vîteffe fuivant le témoignage des Religieufes,)
,, Je trouvai (continue M. Rencaume) que le même- état fe foutenoit parfaite-
„ ment. Je n'apperçois aucune caufe naturelle à laquelle je puilfc attribuer um
j,. pareil changemcm;. „.
Yoiia
P(Ç IDE'E DE VOEU F RE DES CONVULSIONS
Voilà cette pcrlonnc dont le fang étoit déjà tout corrompu lorfqu'oa lui fit
les premières fiiignces ! Le Icfteura vu que pi-u après ce lang avoit perdu toutes
fcs qualités, £c qu'il portoic il vifiblcmcnt avec lui les fimptômes d'une mort pro-
chaine , que M. Saurc crut qu'on ne pouvoit trop le prcitcv de faire profnptcment
avertir le MéJeci»^ attendu ^iX\i-'\\^que la malade lui paroilloit f ;/ trh grand danger.
ou , . „ , . . . , - ■ ,
Voilà cette perlbnne dont toutes les forces étoicnt(îcntiéK;ment anéanties ^w'-
d'un
uourcaui
2. heures après midi etoitcncore tomoce aansune/6';i^/fyf UfA-^rfWf , qu
ne devoir pas différer davantage de lui donner les Sacremens desmourans.
Cependant à l'inlbiat même que la ConvuUlonnaire lui ordonne pu nom du
Sei"ncurdcquittcrlclitdcmort, ou depuis plulîcurs jours l'accablement la tcnoit
comme enchainée , elle le levé fans aucune peine > elle marche d'un pas airurc:
clic s'cmprcfle d'aller à l'Eglife où'elle reile fort long-tems en prières, tantôt
debout, tantôt à genoux. Elle va, elle vient, elle monte, elle dcfcend avec vi-
te Je d'une chambre haute: elle court avec légèreté pour aller recevoir elle même
fon Médecin à la porte du Couvent.
LIT. Si fon corps fut reilé prcfqu'enticrement vuidc de Hing-, Se fi le peu qui étoit
yn' K""'-(lci-ncuré, eût encore été coineux inflammatoire ^ & il corrompu qu'il étoit devenu
&"fi pariaîte^'a?;^ couktir grlfe ; comment auroir-elle pu fc donner tout ce inouvement ? Toute
^^*P"J*p^';pcrfonne qui a perdu prcfque tout fon fang, a perdu prcfqiie toutes fcs forces,
it créieion^c ne pcut Ics l'ccouvrer qu'à mefurc qu'un f.ing nouveau , qui ne fe forme que
[u."^ fucceflîvement par l'ufage de la nourriture, les reparc peu à peu.
Il a donc fallu aécefluirement , pour donner tout d'un coup tant de vigueur &
d'agilité à cette moribonde, que Dieu ait remis dans fon corps tout le lang qui
y manquoit. Il ell inconteilable que ce lang nouveau tout rempli d'eiprits vitaux
n'a pu fc régénérer ainfi fubitcment que par une voie furnaturelle. Encore un coup
le fang ne peut être produit naturellement que peu à peu & par le moicn de la
nourriture. Or la malade depuis la /c/^/e^T* extrême où elle étoit encore tombée à
trois heures du même iour,n'avoit pris que de l'eau & de la terre j 6c il cil évident
que les jours prccedcns , l'accablement où elle étoit réduite, l'ardcurde laficvrc
6c l'opprefllon de fa poitrine , ne lui avoicnt pas permis de prendre aucune nour-
riture lolidc: le fang nouveau, qui tout à coup a ranimé fon corps a donc été
créé-, puifqu'il cil: phifiqucmcnt impoflîble qu'il ait été formé par aucun moicn
naturel fans le fccours de la nourrirure , 6c en fi peu de tems ?
Mais nous trouvons dans le rapport du Médecin des preuves encore plus frapan-
tcs, que dans le premier moment qu'il vit la miraculée, un fang nouvellement
forme avoit déjà rempli toutes les veines-
Il déclare premièrement qu'il a trouvé la De. dcSte. C\ox\\àc avec an bon vtf.i9f.
Cette même perfonne, qui 4. heures auparavant étoit réduite à la dernière ex-
trémité 6c à la tbiblclTe de l'agonie, n'a pu recouvrer tout à coup un bon vifagé,
à moins qu'un fang pur 6c vermeil n'ait rendu des couleurs à fon tcin ! Or quel
autre que le Maître de la nature a pu remplir ainliliibitement toutes fes veines d'un
fang d'une belle couleur 6c tout animé d'cfprits, à la place du fangcoincux^c de
couleur crife qui y étoit relié.
Il oblcrve en Iccond lieu qu'il lui a trouvé une voix feni:c.
Non -feulement cette circonllancc prouve lerétablillemenc de fcsfvivcs ,mais
elle
IDE'E DE VOEUVRE DES CONTULSIOMS. p/
elle prouve en même tems le retabliffcment total de les poulmons , que le feu qui
les confumoit n'avoit pu manquer d'altérer très conlldérabiemcnt. Or quel autre
que le Tout-puiffant eût pu rcnouveller en un moment & remettre dans un état
parfait des poulmons ulcérés par une inflammation violente?
Enfin il certifie que lu^ ayant tàté le ■pouls il l'a trouvé vigoureux : Se ce qui cfl
encore bien digne de remarque , avec très peu de viteffe par rapport à tout le mouve-
ment qu'elle s'était donné ^ & qu'elle fe donna encore fur le champ en le faifant
monter avec elle dans une chambre haute ^ou il l'examina une 2.^. fois , ôc où il trou-
va que le même état fefttitenoit parfaitement .
Ce n'eft que par une grande abondance de fing que le pouls peut être vigou-
reux fans être agité , parccquc fi fa force ne vient poiatde rimpétuofité du mou-
vement, elle ne peut provenir que de la quantité &de la bonne qualité du fing,
Ainfi M. Reneaume en certifiant qu'il a trouvé fon pouls vigoureux quoique fon
fang ne coulât c[\i'avec très peu de vîtejfe , fournit une preuve incontertablc que
toutes fes veines étoient pour lors remplies de iang , qui couloit avec une abon-
dance qui lui donnoit beaucoup de force. Or de qui tout ce fang formé en un inf-
tant avoit-il pu recevoir l'être.
Tout le mouvement quelle s'était donné ^ Ait encore ce Médecin , fans que fon fang
en ftit plus agité , fournit encore une autre preuve de l'abondance de ce fang.
Le moindre mouvement épuife une perfonnc qui en a beaucoup perdu, parce-
■qu'il faut que le peu de fang qui lui relie s'agite avec rapidité pour qu'elle puifle
faire la moindre aélion. On ne peut remuer im corps avec un petit filet d'eau,
fans faire couler ce petit filet d'eau avec beaucoup d'impétuofité : au lieu qu'un
ruificaii confidérable, quoiqu'il ne coule que lentement, remue aifement un
corps par la force que lui donne la quantité de fes eaux : il en eft de même du
fang. Rien ne prouve mieux qu'une perfonne en eft pourvue au degré d'abondan-
ce qui procure la fanté parfaite , que lorfque les mouvemens qu'elle fait n'y caufent
point d'agitation, parce qu'en ce cas ileil vifiblc quec'eft l'abondance de fon fang
qui par elle-même lui donne des forces, fans que cette perfonne foie obligée de
fe les procurer en l'agitant.
Il eft donc prouvé avec la dernière évidence par plufieurs faits qu'on ne peut
nier , & par des dcmonftrations d'anatomic d'autant plus inconteftables qu'elles
font plus fenfibles, que Dieu pour guérir la De. de Ste. Clotilde aufiî fubitement
& aufil parfaitement qu'elle l'a été , a fait naître fur le champ dans fes veines une
grande abondance de fang, en même tems qu'il a rétabli fes poulmons , 6c qu'il
a anéanti les humeurs corrompues qui caufoient la fièvre.
Si ce miracle n'a pu fe ftire fans une création , qui fera aflez téméraire pour
en donner l'honneur à la plus méchante de toutes les créatures .'' Qui oiera attri-
buer à cet impofteur le pouvoir de créer ce dont il a bcibin pour exécuter fes
defleins, qui ne peuvent être que mauvais ?
Mais comment notre divin Sauveur lui auroit-il permis de prendre fa place 2c
d'agir fous fon nom.' N'eft-ce pas à J. C. à qui la Convulfionnaire a demandé
ce miracle? N'eft-ce pas en fon nom qu'il a été izxt'? Seigneur Jefus^s'écric-t-
elle par un inftinét dont l'événement prouve le principe, dites-lui une parole cf
faites-vous entendre comme a Lazare .... dites-lui^ levez-vous je vous le ce7n-
7nande : & dans l'inftant le miracle fe fût !
Qelque grande que foit la témérité avec laquelle on ofe aujourd'hui attribuer
au Démon les œuvres de Dieu , il n'y a pas d'apparence qu'on fe porte jufqu'à
prétendre que le Démon puifle faire des miracles au nom de J. C. une telle impiété
feroit horreur,
Obfervaî. I. Part, Tome IL N Mais
9f IDEE DE DOEUFRE DES CONFULSIONS.
ttii. Mais n ce miracle ne peut être attribué qu'à Dieu, la prédiction qui en a été
rijieu7d/u faite par la ConvuUîonnaire plus d'un mois avant la maladie, a-t-elle pu avoir
Fuçrifon , il y„ autrc auteur? Le Dcmon ne fliit point l'avenir: il ne peut que le deviner à la.
préjiaions faveur des circonltances qui lervent a le lui raire pénétrer. Mais comment au-
c^'" ^2"^' roit-il pu prévoir cette guérilon miraculeufe dans le tems que la De. de Stc.
•iifc. Clotilde jouifToit encore de la fanté la plus parfaite.
D'ailleurs les miracles n'entrent point dans l'ordre commun > ainfi Satan ne
peut les deviner. Le Très-haut lui auroit-il donc fait confidence long-tems avant
l'événement, d'une merveille qu'il avoit dcfl'ein de faire ? 11 n'y a pas d'appa-
rence qu'on avance une telle abfurdité.
Il elt donc confiant que la prédiétion de ce miracle n'a pu être fliite que par
rEfprit de Dieu. Si Dieu eft l'auteur de cette prédiftion , il opère donc , du moins
en quelques occafions dans l'OEuvre des convuHionsPIl y opère dans le genre fumatu-
rcl : & des lors la Confultation & les autres Ecrits où on bannit l'opération divine de
tout le fumaturel des convulfions, tombent tous enfemble dans le puits de l'abîme,
te demeurent convaincus d'avoir attribué au Démon ce qui efl: de Dieu?
Cette même prédiction a encore été renouvcUée parla Convulfionnaire, dans
tin tems dont les circonltances n'étoient nullement propres à faire deviner à l'ef-
prit de ténèbres l'événement merveilleux qui alloit arriver.
La jeune penfionnaire n'avoit point cû de convulfion parlante pendant tout le
tems de la maladie de la De. de Ste. Clotilde: mais le Lundi 8. Juin (i 3. beuret
précifes du foir , dans le même inihmt que la malade tombe dans une foibkjfe fi
(xtrcmc qu'on croit devoir fe prcfTer de lui fiirc recevoir les Sacremcnsdrsmou-
rans, la jeune penfionnaire tombe de fon côté en convuUion: & après plufieurs
prières très ferventes , elle annonce avec luie pleine confiance que la moribonde
va être guérie d'une manière miraculeufe.
Ma chère fœur ^ dit -elle en parlant de la D-'. de Ste. Clotilde: ne craignez
foint ne perdez peint courage : demandez iculement au Seigneur ejn'il augmen-
^ te votre foi ... & redoublez vos prières ha Seigneur, que vous êtes bon de traiter
cette fœur dans votre miféricorde ! Seigneur, que vos de (feins font grands ! Elle recom-
mande enfuite à la vialade de prier Dieu avec confiance , l'alfurant que certainement
Dieu P exaucer oit : & elle l'avertit enfin du moment précis où le miracle va fe faire.
Courage , ma fœur : efpérez^ dit-elle, le moment approche : 6c effcéciveraent l'inftant
d'après la Toute-puifl'ancc divine exécute ce miracle.
Scroit-ce le Démon qui auroit fuggéré ainli à la Convulfionnaire d'exciter la
malade à augmenter fa foi, fa confiance en Dieu & l'ardeur de fes prières , en lui
annonçant que le moment approchoit où Dieu alloit faire éclater ia miféricorde
fur ellci' Satan s'cmploier pour redoubler la foi, l'cfpérance, £c pour animer les
prières du feu de l'amour divin , en promettant un miracle que le Très-liaut accor-
de en effet dims le moment ! Il faudroii pour le f;ùrc croire prouver préalablement
que le Diable s'cfl converti.
Mais non feulement la Convulfionnaire prédit ce miracle prccifément lorfque
la guérifon paroit la plus défcfpéréc, elle elt en mcme-tcnis l'inftrumentdont il
plaît au Tout-puiffant de fe Icrvir en quelque forte pour l'opérer.
La malade avoit eu recours la veille au Bien -heureux M. de Paris. Elle avoit
pris de l'eau & de la terre : elle en avoit été foulagée pour quelques momens;
mais après, elle étoit retombée dans le même état qu'auparavant, fans doute par-
ce que Dieihvouloit que le miracle qu'il avoit dcllein de faire, fût accompagné
des circonll.mccs que révéncmcnt nous a manifellc être entrées dans le plan de
iSis confcib. La Coavulfiomuirc intervient : la Convullionuairc prie: la Convul-
fionu;ùrc
I
IBE'E r>E L'OEUFRE DES CONFULSIONS. 09
fîonnaire demande le miracle à f. C. le miracle femble accordé en quelque forte
à fa prière, puifque J. C. l'opère dans l'inftant même qu'elle le lui demande.
aire, mi-
es C'j>n-
I
Il n'y a pas d'apparence néanmoins, que ce foit pour honorer cette Convul- tAV.
fîonnaire en particulier, que J. C. a voulu faire ce miracle dans le moment précis^?- '""^'^'*.
de fa prière. Dieu nous a marqué par trop de traits qu'il ne vouloit point qu'onpo'jr"'')"'!'-
eiàt un refpeél cxceflîf pour les Convulllonnaires parle minifteredequi ilopéroitc^s'clnvure-
des miracles, ni qu'on prit en eux une entière confiance. Il nous a fait connoître?"",^'
par quantité de faits qu'il ne les cmployoit que comme de fimplcs inftnmiens.'v^uifio
Quelquefois même il a choifi, pour en fiire les miniftres de quelques-uns de fess««>«"^-
miracles , précifément ceux qui paroifloient les moins dignes defcsdons , & il les
à laifTés tomber enfuite dans de grandes fautes. Peut-être a-t-il voulu par cette
conduite fî éloignée de nos peniecs, nous rendre ces deux Vérités plus fcnfibles:
la première que tous fes dons & finguliérement les dons extérieurs, font tout-à-
fait gratuits, & que nos mérites précédens, quoiqu'ils ne viennent pareillement
3ue de lui, n'en font pas toujours la caufc : la féconde que les dons extérieurs ne
onnent point la jullice par eux-mêmes: que le don même des miracles ne fup»
pofe qu'une foi qui n'hélîte point, 6c qu'il n'exige pas nécelTiiirement aucune au-
tre des vertus.
Mais fi Dieu n'a pas eu defl'ein d'honorer en particulier cette jeune Convul-
lîonnaire par ce miracle, il n'a pu avoir d'autre vue en l'opérant avec toutes les
circonftances que je viens de rapporter, que de nous donner des preuves incon-
teftablcs qu'il agit furnaturellemcnt dans l'OEuvre des convulfions & qu'il dirige
quelquefois les aétions 6c même les paroles des Convulfionnaircs pour des fins
dignes de lui , telles que font les miracles.
Les Auteurs les plus prévenus contre les convulfions n'ont pas ofé nier ce mi-
racle, ni les circonuancesdont il aplû à Dieu de l'accompagner. Le témoignage
de z8. Religieufes dont la piété eft des plus exemplaires, a été une barrie'repar
defllis laquelle ils n'ont pas cru pouvoir paffer. Mais ils s'y font pris de deux au-
tres façons pour tâcher de cacher leur défaite , 6c d'obfcurcir, s'ils pouvoient , cette
œuvre 5c cette décifion divines.
Ils ont d'abord exercé la plus mordante critique fur la mmiere contraire ^ di-
fent-ils, à la bienféance ^ dontl'inftinét delaconvulfioa a conduit cette jeune pen-
fionnaire à la chambre de la malade.
Par quel motif ou quel caprice ces MM. ont-ils donc été fi choqués , de ce que
la convulfion de cette petite fille l'a portée à le proftemer à terre 6c à s'y traincr
pendant quelque tems , tandis qu'elle profcernoit fes prières encore plus que fa
perfonne aux pieds de la Majcfté Divine, peur lui demander avec inftance la guéri-
fon miraculeufe que Dieu a effectivement orérée Cette pofture humiliée qui en foi
n'a rien d'indécent , du moins lorfqu'elle n'a, comme ici, que des Religieufes pour
témoins, avant été accompagnée de prédictions qui n'ont pu venir que d'cnhaut,
& aiant enfuite été couronnée par un miracle f^it par leminiilcrc de cette Convul-
fionnaire, n'auroit pas du, ce me femble, paroître fi rcpréhenfible à ces MM.
Un fcandalc fi mal fondé ne peut donc fervir qu'à faire connoitre que lafigeflc
humaine, qui eft d'autant plus ténébreufe qu'elle croit avoir plus de lumières,
n'eft guéres propre à difcerner les voies de Dieu. L^ne action d'humilité ne peut
bleflcr que les efprits fuperbes, or Dieu n'a promis d'éclairer que les humbles.
„ Qiic ceux qui refuicnt de reconnoître le bras duTout-puiflant, s'applaudif-
„ fcnt dans leur fagcfle : je veux être de ces infcnfcs qui croient que Dieu fcul
„ peut faire parmi nous de il grandes chofes. „ difoit le grand Evêque de Montpellier
dans une lettre qu'il écrivit à ce fujel le 16. tuin 17? î . aux Relieicufcs du Calvaire.
N i „ Heu-
100 IDE'E DE VOEUrRE DES CONVULSIONS.
„ Heureux le Paftcur (s'écric-t-il encore) qui fcroir pour la guérilbndesames^
?»
î?
5î
55
55
5)
35
35
55
55
55
55
55
5>
55
ce que votre petite pcnfionnairc a fait pour la guérilbn de fa malade. Elle s'cft
chargée de fcs langueurs 6c de fcs infirmités. Elle a pleuré amèrement. Elle a prié
avec ardeur. Elle a pris la pofturc du pécheur atterré devant Dieu. Elle en a éprou-
ve [.? agitations (Se le trouble. ..Son humiliationeft devenue le principe dcficon-
fi.mcc ... EUccft entrée dans la chambre de la malade avec un air de majcfté ,qui
reprélcntoit la gloire de celui au nom duquel elle alloit fiiirc des prodiges. Elle
a invoqué, elle a prié avec inftance le Saint qui devoit lui attirer le fecours d'cn-
haut. Ses reliques , la terre de fon tombeau font les fculs remèdes qu'elle ait em-
ploies. EUca redoublé fcs prières &:fesgemiflemens. Elle a excité la foi de celle
qu'elle vouloit guérir. Elle la nourrie du pain de la parole de Dieu. Enfin elle
a marque le moment où fes forces alloicnt lui être rendues. Elle a dit : levez
vous, 5c à l'inftant la malade s'ell levée. Elle la conduite avec des tranfpoits de
joie dans le temple du Seigneur pour lui rendre hommage. Où trouver dans
toutes CCS circonltances le fujet de fe mal-édifier? il me Icmblc qu'un infidèle
qui auroit été préfent, n'auroit pu s'empêcher de s'écrier que Dieu habite vé-
'^ ritablcment au milieu de nous. Qiii de vous dans ce moment n'eût eu horreur
,, d'attribuer au Démon le prodige qu'elle voyoit : moment décififoù la Vérité
„ fc montre, où Dieu parle au cœur, où les fcns fe taifent , où l'homme s'oublie,
„ pour ne s'occuper que de la grandeur 5v de la puiflancc de celui feul qui fait
„ des chofcs admirables. „
Quelques-uns des plus grands adverfaires des convulfions, ont cnfuitc ofé ré-
pandre l'amertume de leur fatirc juiqucs fur la pcrfonnc de la petite Convulfionnai-
re, & fur-tout ils lui ont fait un crime d'une prétendue faulfe prédiction, qu'ils
avancent qu'elle a fait quelque tcms après ce miracle.
Mais tout ce qu'ils ont tâche d'infinucr qui Ibit capable de donner quelque foupçon
contre fes mœurs, a été démenti par le témoignage avantageux de fa conduite,
qu'ont rendu 5c que rendent encore toute la rcfpccVablc Communauté des Reli-
gicufes où elle demeure, £c le Directeur d'un mérite diilingué, par les avis de
qui elle fe conduit depuis pluileurs années.
Il ne refte donc d'objet a leur ci-itiqueque la prétendue prédiction fiiuflc qu'-
ils difcnt qu'elle a fait de la guérilbn lubitc d'un autre malade.
Je n'en ai pas été informé : mais en fuppolant la vérité du fait, toute la con-
fèqucncc qu'on en devroit tirer, ce fcroit que cette jeune perfonne, en annonçant
une guèrifon miraculeufc qui n'elt point arrivée , auroit pour lors parlé par fon
propre efprit , 6c qu'elle auroit pris pour une efpecc de révélation, ce que fon
imagination lui prefentoit. Au relie cette méprifcnc feroit nullement capable de
donner aucune atteinte ni au miracle, ni aux circonltances qui l'ont accompa-
gné: & n'cmpêchcroit point qu'il n'en rcfultât une preuve évidente que Dieu agit
ruelqncfois furnaturellcment fur les Convullïonnaiies, qu'il leur tait faire des
prédictions qui ne peuvent venir que de lui, 6c qu'il s'en fcrt comme d'inltru-
mens pour opérer des miracles par leur minillère. Qiioi? L'erreur de cette jeune
perfonne qui a pu prendre pour un inltmct de ta convuliion une fauflc idée qui
«'clt prèfcntée à fon efprit, auroit-clle donc un effet rétronètif pour détruire des
merveilles incontcftablement divines dont clic avoit été auparavant l'inltrumcnt?
., V. Perfonne ne fouticnt quclesConvuUlonnairesfoient infaillibles. Tout le monde
ifiCoMui convient au contraire qu'ils font très capables défaire des fautes, 6cmême dctrc,s
^!'nt'*p'l "grandes, l< que dans le cours de leurs convulfions ils agillcnt & parlent très fou-
inf«iiiik>» yçf^j par leur propre efprit. Plufieurs déclarent eux-mêmes quelcDcmonles tente
îJl»ï!'J»r;"trcs tortcmcni dans «et état: qu'il tâche de leur faire acioirc que tout ce qm
s'oftrc
/D^'JE DE VOEUFRE DES CONFULSIONS. loi
s'offre à leur imarïinarion vient de Dieu: qu'il les excite même à aj uterplufieiirs
chofcs aux lumières que leurs convulfions leur préfententquelqucs-f is : er. unmot
qu'il fait tous fes efforts pour les tromper & les faire tomber danscuelqiie piège.
D'ailleurs les lumières qui leur font données pendant leurs co::vulf ori'> , ne, ^,'*^.'
les éclairent pas toujours d'une manière affez vive, affcz marque '.* , aucZcM.'4"'rfn-
diftinfte pour qu'il lïur foit facile de difcerner avec certitude les penfées de leur"**' ,-' '" *^"""
propre efprit, d'avec les connoifTances qui leur font découvertes par un inftinctfontpjsiou-
furnaturel. Dans une telle fituation il faudroitune opération de Dieu continuelle^'"" ''''^'°'
dans le genre merveilleux , pour empêcher que les Convulfionnaires ne fe trom-
paflent jamais : mais parce qu'il leur envoie quelquefois des lumieresfurnaturelles,
il n'a pas promis pour cela de les éclairer furnaturellement pendant tout le cours
de leurs convulfions. Ainfi il n'ert nullement étonnant qu'ils ne diflingucnt pas
toujours ce qui vient de leur propre efprit, d'avec ce qui vient de PEfprir de Dieu.
Auiîi aftuellement prcfque tous font-ils à l'égard des prédirions que l'inflincl:
de la convulfion leur prcfentc, dans une difpofition toute contraire à celle où ils
étoient en 1731. 1733. Se 1734. La plupart ont aujourd'hui fi grande peur de
prendre les rêveries de leur imagination pour des lumières furnaturellcs qu'ils
s'obllinent à ne point déclarer les chofcs que Dieu leur découvre: il faut pré-
fcntement qu'ils y foient forcés, & encore ne le font-ils qu'en tremblant Se avec
une extrême répugnance.
Je remets à traiter cette queftion d'une manière plus étendue dans la^î. partie
de cet écrit, oiî je prouverai entr'autres chofes , que prcfque tous les Saints depuis
les premiers ficelés de l'Eglife, &cn particulier tous les miftiques à qui Dieu a
Mais, difcnt les Anticonvulfionnillcs, il eft impoffible que l'Efprit de Dieu fe lvit.
communique à des perfonnes en délire, qui ont des mouvemenshontcux, qui font ^^t^'^f'^
des aftions criminelles j ôc Qii'il fe ferve de leur minillcre pour fliire des miracles ol!'Jûion^d«
5c des prédirions. a.iveri.,tcs
c ferai voir dans la i'. 5c y. partie de cet ouvrage , que ce prétendu dclirc ScGons.
■ le honteux prétendu de ces mouvcmcns , ne réfident que dans l'imagination des
advcriaires. Quant aux aftions criminelles que ces MM. reprochent à tous les Con-
vulfionnaires en général , il eit certain que prcfque tous ces prétendus crimes ne
font que des inventions de la mauvaife humeur de ces MM. C'elt unfiit public
que quelques-uns d'cntr'eux, pour s'empêcher dercconnoître que Dieu opère dans
l'œuvre des convulfions , quoique cela foit démontré par des miracles inconteftablcs
& par une infinité d'autres preuves, n'ont pu trouver de meilleur fecret que de
noircir les Convulfionnaires par toutes fortes de faufics imputations , de pures ca-
lomnies , 8c de fables ridicules ou indécentes qu'ils ont affeftéde répandredc tous
côtés. Mais il me femble qu'avec un tel artifice on ne fait que jettcr delà poudre
aux yeux de ceux qui ne font point attentifs aux pièges qu'on leur tend , 6c qu'on
ne prouve rien du tout à ceux qui font uiage de leurs lumières &de leurrailbn.
En effet quand tous les faits imaginés par les ennemis des œuvres de Dieu fe-
roient auffi réels qu'ils font fauffemcnt fuppofés, quelle conféquencc en réfulte-
roit-il.^ Qui ne fait que le S. Efprit, dont les divins rayons ne font jamais fouilles
quelque part qu'ils fe répandent, fouffle où il veut, & dillribuc fes dons à qui il
lui plaît , ians les ^çcompagii r toujours de vertus intérieures ? L'Ecriture Ste. n'ap-
prend-cllc^pas à tous les Chrécicns, que Dieu a flùt faire des miracles, & de gran-
des prophéties à des ]; crfonnes très vicicufes , tels que Judas jCaïphejBulaam &c?
N 5 J. C\
loi IDË'E DE VOEVFRE DES CONVULSIONS.
J. C. a voulu nous inftruire lui-même qu'il y aurades ouvriers d'iniquiré dat«
le nombre de ceux qui prophétifcront , & qui feront des miracles en Ion nora: il
M«. 7. SI. déclare qu'-.iu jour du jugement pluileurs lui diront: Seigneur, n avons-nous pm
" - >■ prophétisé en votre nom ? N' aïons-fious pas fait plufieurs miracles en votre nom ? Et qu'-
il leur répondra : 7'e tirez-vous de moi ouvriers i'ini<{uité.
C'eil donc en vain: c'cft en pure perte que quelques-uns de ceux qui veulent
attribuer tout le lurnaturel des convuUions au Démon, ont forge tantd'impoilu-
rcs contre les Convulfionnaircs -, puifque quand même tout ce qu'ils débitent con-
tr'eux fcroit vrai , il ne s'cnluivroit point encore que Dieu n'auroit pu fcfervir de
cc<: pcrlonnes pour faire par leur minirtèrc des miracles & des prédictions: pourvu
néanmoins que ces prédictions 8c ces miracles foicnt dirigés par tout ce qui'les
caractérire , à une fin digne de l^icu, à laconnoiflancedc la Vérité , à l'infpira-
tion de la charité, à la réformation des mœurs, êcc.
C'ell prendre le change que de chicaner fur le caraétcrc des perfonncs que
Dieu emploie, fur ce qu'elles font par l'ciprit &parle cœur : fur leurs fentimens
particuliers , ou fur leurs vices : au lieu de confidércr l'œuvre racrveilleufe en elle-
même, diuis fes caraftères 5c fes effets.
Nous lifons dans l'Evangile que le traitre Judas a eu le don de faire des mi-
iif. 10. I. racles auflî bien que les autres Apôtres, puifqu'il y eft dit quejefus donna-
puiffance à fes douze Difciplcs fur les efprits pour les chajfer , ^ pour guérir toutes
fortes de maladies tîf d'infirmités.
Balaam , ce fcelerat à qui l'avarice infpire le plus iniu^e dejfein contre Ifraè'l ,
fcrt d'organe au Très-haut pour annoncer 1rs plus magnifiques prédictions en fa-
Nonib. i+. veur de ce peuple : VEfprit du Seigneur fe fat fit de lui & Dieu lui met dans la bou-
che ce qu'il doit dire. C'eil: pourtant ce Balaam que la vulgate appelle xiadevin un
augure^ £c que prefque tous les interprètes anciens & modernes prennent pour une
efpéce de magicien, pour un organe Se agent de Satan, que l'imprelîîon pafla-
gcre de l'Efprit divin ne rendit ni moins aveugle ni moins méchant.
Saiil cfl: agité & comme habituellement pofiedé par le Deraon , qui opère fcn-
fiblement les plus violens mouvemcns dans fon corps ôc diuis fon amc. Cependant
l'Efprit du Seigneur, l'Elprit Saint qui agifToit dans Samuel ôc dans D;ivid,
s'empare de Saiil dans une occafion particulière : l'Efprit de Dieu mec fon corps
en de violentes convulfions qui le font rouler parterre & en mè-Tietems il éclaire
fon amc: il lui fait chanter les louanges de Dieu Se prédire les grandeurs futures
de David qu'il pourfuivoit avec tant d'nnimolîté. Ce court intervale qui fufpend
les opérations de Satan & les fait céder à celles de la divinité, ne change rien dans
l'état habituel de Saiil, 6c fon malheureux état n'cltpointunobllaclea lafaintctc
des opérations divines.
Ciïphc ne penfe qu'à ii-.fpircr aux autres les noires fureurs de fa cruelle politi-
3ue : il ouvre la bouche, & voilà que l'efprit Saint, l'ciprit prophétique s'empare
e l'efprit & de la langue de Caïphe, pour lui faire exprimer cette admirable
prophétie qui eft: le fondement inébranlable de la confiance de tous les Elus. Les
mêmes paroles , dit le P. Quefnel , ont un fais impie (à facrikge dans l'intention de ce
fcelerat : l^ un fens religieu.^ ^ falutaire , Gf tout divin dans Vintcntion du St.Efprit.
Ces exemples, fans parler des fongcs miftcricux &: fumaturels d'.^bimelec, de
Pharaon, de Nabuchodonofor qui étoient des idolâtres: ces exemples font voir
que Dieu peut fc fcrvir de qui il lui plaît & même de perfonncs (cduites par l'er-
reur , ou corrompues par le vice , pour opérer fis merveilles : quil faut donc exa-
mi:ier les prodiges dans leur être propre, dans leur origine &: dans leur fin,
indcpcndcmmcnt des qualités des inllrumcns qui y font employés: &: que tout
effet
IiyE'E DE VOEU F RE DES CONVULSIONS. loj
effet fumaturel doit être regardé comme venant de Dieu , lorfqu'il tend au bien
par toutes les circonftances qui lui font propres & les effets qu'il produit.
Quelle eft donc rérrange manière de raifonner des adverfaires des convulfions?
Comment ofcnt-ils loutenir que Dieu ne peut pas faire des miracles 6c des pré-
dirions par des perfonncs telles que les ConvuUîonnaires , parmi lelquels il y en
a plufîeurs qui font d'une grande piété, tandis qu'il eft prouvé par ks livres SS.
qu'il en a fait par le miniilèrc des perfonnes les plus' criminelles? Leur raifonnc-
ment eft même d'autant plus faux, qu'ils n'ofcnt nier ouvertement les fhits. Se
que toute leur adrefle & leur reflburce ne confiftcnt qu'à tâcher, pardesimpofli-
biiités chimériques 6c qui n'ont d'être que dans leur idée, de faire douter de la
réalité de ces miracles, & de la vérité depkifieurs prédiélions dont l'événement
a déjà juA-ifié que Dieu en étoit l'auteur. Mais fi les faits font certains, s'ils font
prouvés par une multitude de témoignages , à l'autorité defquels il n'cft pas pof-
fîble de rcfifter , comment ces MM. ne fentent-ils pas que c'eft une abfiirdité ,
d'oppofer de prétendus défauts de vraifemblance à la certitude d'événemensattef-
tés par une infinité de perfonnes dignes de foi ? Ignorent -ils donc que c'eft un axi-
ome inconteftablc que rien ne prouve tnieux la pojfibilité que Pexiflence 'in-hne du fait.
Ab aSlu adfojfe -valet confequentia. D'ailleurs comment u'ont-ils pas appris par
cent paflages de l'Ecriture, que c'eft une folle témérité à de foibies mortels de s'i-
maginer qu'ils ont afiez de lumières 8c figefie pour difcerner fùrement ce qui
eft digne de Dieu, ôc pour pouvoir décider de ce qu'il peut & de ce qu'il ne peut
pas? Il peut encore aujourd'hui comme autrefois, fa^-cdes prédiclions &: des mi-
racles par des perfonnes très imparfaites : Se il eft fi certain qu'il le peut , qu'il s'cft
effeélivement fervi du miniftère de deux Convulfionuaires , qui d?puis ont été
des plus décriées , pour opérer deux miracles inconteftablcs , l'un illuitré parla,
convcrfion d'un Prêtre frappé d'étonncnnent d'entendre la Convulfionnairc par
les mains de qui ce miracle venoit d'être fait , lui découvrir tout ce qui fe pafToit
de plus fecret dans fon ame; l'autre accompagné dcplufieurs prédiétions qui tou-
tes ont été accomplies avec la plus parf\nte exaélitudc.
Le premier de ces miracles eft arrivé le 17. Janvier 173?. fur Anne Dcflbs, i.7i|i.
dite Dubois, par le miniftère de la Convulfionnairc nommée Duflon. cm'wgIu*^
Quoique la Dubois eût du refpcél: pour M. de Paris Se qu'elle crût les mi-P" le raini-
racles opérés par fon interceflîon, néanmoins elle avoit été fi. prévenue contre IcsûjObn/ *
Convulfionnaires qu'elle avoit fait tous fes efforts pour faire chaflerlaDuffon
de la maifon où elle demeuroit avec elle, Se qu'elle avoit même été prier le
Commiffaire du quartier de la délirrer de cette Convulfionnairc.
Admirons combien les confeils de Dieu font profonds Se combien fi mifé^
ricorde eil gratuite L C'eft par les mains de cette- Convulfionnairc qu'elle per-
fécute , qu'il a réfolu de l'arracher d'entre les bras de là mort , Se par ce moicn de luii
faire refpecter une œuvre qu'elle ne méprife, que parce qu'elle ne la connoit pas.
La ruit du14.au if. Janvier 173^. la Dubois reflent dans tout fon corps les-
douleurs les plus vives auec un fi grand étouffement qu'elle ne peut rcfpirer..
Sur les onze heures du matin il lui prend une fièvre fi violente qu'elle lui
caufe le tranfport au cersxau. On fait venir le Maître garçon de M Lombart
Chirurgien qui la faigne auili-tôt du bras Se lui ordonne de boire beaucoup , ce
qu'elle exécute d'autant plus volontiers qu'elle fent dans fes entrailles un feu'
qu'elle ne peut calmer. Cependant la fièvre , l'opprcffion , les douleurs , Se l'ac-
cablement augmentent de plus en plus.
Le lendemain 16. Janvier la malade devient froide comme un marbre : elle"
reile même les dents ferrées Se fans connoiffance pendant une dcmlehcure, lans-
que:
104 IDE'E DE VOEU F RE DES CONruLSIONS.
que le vinaigre & le fcl d'Angleterre qu'on lui met dans l.i bouche puilTcnt la
faire revenir. Le garçon Chirurgien accourt Se déclare qu'il n'y a d'autre remède
que de la faigner du pied, mais que comme il y a tout lieu de craindre qu'elle
ne pafle pendant cette laignée, il taut auparavant lui faire recevoir tous fes S:,-
crcmcns. On fait vaiir une Prêtre qui la confciTc le mieux qu'il peut & on va
avertir M. Sabartés fécond Vicaire de St. Jaques de la bouclierie, Parollfe de la
malade. Il la trouve fi mal qu'il précipite (c^ prières dans la crainte de n'avoir
p.xs le tcms de lui adminirtrer le S. Viatique 6cl'Extrcme-on6tio:i.
Cette falutaire précaution prife , on lafaigne le foir du pied : elle paroît d'abord
en être un peu foulagée, mais la nuit l'opprelllon s'augmente encore plus que ja-
mais , 6c le lendemain 17. depuis fix heures du matin cette opprclîîon devient û
forte que !a malade , quoique dévorée par une foif ardente , ne peut plus nean?
moins avaler une feule goutte d'eau ; aullî tombe-t-cllc dans une foibleHc extrê-
me : bien-tôt fon corps perd tout fcntiment , & elle croit à chaque infiant , audî-bica
que toutes les perfonnes qui cntourrent fon lit, qu'elle va rendre le dernier fou-
pir. M. Lombart vient lui-même la voir, mais la jugeant hors de toute efpé-
rance, il s'en retourne fins lui rien faire.
Elle relie en cet état julqu'à midi Se demi que la Duflon en cxtafc, les yeux
fixés vers le ciel, entre dans lachambrc de cette agonifante. Se lui crie : As-U>. de
la foi! as tu confiance au Bien-heureux François de Paris! ta foi efî elle ajfez forte
pour boire ce que je te vais donner ? la moribonde aiant répondu :o«/. LaConvul-
fionnaire verfe quelques goûte» d'eaudansungobclît,y met delà precieufe terre
ramaflce auprès du miraculeux tombeau , Se la lui fait boire. Dans l'inftant la
malade s'apperçoit que fa poitrine s'eft tout d'un coup dégagée, la Convulfionnai-
rc lui aiant auflltôt demandé fi elle fouffroit encore du tnal? Je me fcns bien,
rcpnnd la malade. Je n'ai plus d'oppreffion à la poitrine, mais j'en ai encore au
dcfibus de l'eftomac. Joins tes prières aux miennes , réplique la Convulfionnaire:
elle lui fait eniuite boire encore un peu d'eau remplie de terre, Se lui demande
y? elle efi guérie, [c n'ai plus d'opprcflîon ni de douleurs, repond la malade: je
fens feulement que mon cœur eji encore enveloppé ^ mais une petite purgation em-
portera cela, ^oi tu veux donc rendre l'ouvrage de Dieu inutile , s'écrie la Con-
vulfionnaire en fondant en larmes ? ^uoi après les merveilles que tu viens ^d'éprouver
tu veux te fervir de remèdes ! Si tu f en fers turetemberasi^ tu mourras. La ma-
lade ayant promis qu'elle ne prendroit aucune médecine, la Convulfionnaire lui
donne encoie un peu d'eau Se de terre , en lui difant : bois cela , c'e/l la médecine
que tu dois prendre. A peine l'a-telle prife, que tous fcs maux font entièrement
difîîpés , Se qu'elle fe trouve en une fanté aulfi parfaite que fi elle n'avoit jamais
é;é malade y if!!0!(fue la fupprej/îon cniiAvoit éiéh\->rcmic\t caufedc fa maladie, con-
tiuue encore plufieurs jours après fa gucrifon parfaite , ainfi qu'elle le certifie
dans fa Relation.
Des ce moment, 'elle fc levé, elles'h.abillc : elle fentmêmcaufTi-tôtun fi grand
appétit qu'elle mange tout de fuite un bifcuit, une Ibuppe, Se un morcc.ut de
pain, elle qui depuis fix heures julqu'à midi Sc demi n'avoit pu avaler une feule
goûte d'eau, quoiqu'elle fût tourmentée par une foif infupport.ablc. Elle dcf-
ccnd enfuite dajis la boutique de fon hotc pom- fe faire voir aux perfonnes que
le bruit de ce miracle venoit d'y attirer: elle remonte dans û chambre où
d'autres perfonnes l'attcndoient : clic vaau fécond étage remercier la Convulfion-
naire; clic cfl fans rcffc en mouvement fms en reficntir avtrune fatigue: mais elle
fait bien plus : elle fort à pied accompagnée de pluficur.s perfonnes qu ne ic
laflbicnt point de la voir agir ainfi : clic va chez M. Lombart pour le rendre
tcmom
IDEE DE L'OEUFRE DES CONVULSIONS. lo;
témoin de fa fubitc & parfaite guérifon; elle ne le trouve pas: mais à fi place
<3ès que le garçon chirurgien qui l'avoit faignée du pied la veille au foir, l'ap-
perçoit marchant librement & avec un air de fanté , il en paflit 6c il s'é-
crie tout tremblant, qu'une telle guérifon n'a pu fe faire que par un grand m-
racle. Il s'empreflc de défaire la bande qu'il avoit mis au pied : il en trouve la
plaie fi folidement refermée qu'il ne juge pas à propos de l'y remettre , Se il
déclare que tout ce qu'il voit par rapport à cette foudaine guérifon eil incom-
prchenfible.
La miraculée dont l'appctit efl: infatiable , envoie chercher un pain chez le
premier boulanger, & en mange un fort gros morceau avec une telle avidité
qu'elle furprcnd tous les aflillans.
Aiant ainfi repris de nouvelles forces, elle entreprend un fécond voiage encore
plus long que le premier : elle va à pied avec fi compagnie à S. Jacques de la
boucherie, qui cil loin de chez M. Lombart pour y chercher M. Sabartcsqui
la veille lui avoit adminiftré les derniers ficremens. On ne peut exprimer qu'elle
fut la furprife de cet Ecclefiaftique : il ne pouvoit croire que ce fût la mcmcper-
fonne qu'il avoit vu la veille à la dernière extrémité , & qu'il \'oioit alors avec
tout l'air de gaieté que domie une fanté parfaite. Non content du témoignage
de tous ceux qui l'accompagnoient il va interroger le lendemain matin tous les
voifins de la miraculée, & il s'informe avec grand foin de toutes les circonftan-
ccs du miracle : mais tout ce qu'il en apprend ne fert qu'à augmenter fa conviéiiion.
Ne pouvant plus douter de faélion de Dieu, fa confcicnce lui reproche auilî-
tôt d'avoir trahi la vérité en fignant le Formulaire &: en acceptant la Conllitution
pour recevoir les faints Ordres. Cependant la vue de ce miracle ne lui donne d'a-
bord que des remords ciiifaKS , mais fans le convertir, dit-il lui-même, dans fon
certificat , ou il fait une confeflion fi édifiante Se fi humble. Le Seigneur , ajou-
te-t-il, aiant "voulu que le même rnoien dont il s'était fervi pour opérer le miracle
de la guérifon de la Dubois fi'.t aujji celui de ma ccnverfion . . . minfpira dès le
famedi au foir un grand defir de voir la Dujfon dans [es convulfians . . . /allai à cet
effet chez elle le dimanche i8. Janvier.
Elle le prit enfuite en particulier, lui développa tout ce qui fe paffbit dans
fon amc, & lui reprocha la refiflance aux faints mouvemcns que la grâce formoic
dans fon cœur.
„ Le Seigneur, dit-il, m'inftruifant par la bouche de cette fille, Toulut accom-
„ pagner les paroles qu'il lui infpira pourmaconverfion , de l'infuf on intcricu-
„ re de fon ciprit dans mon cœur. Elles devinrent par la grâce des paroles defii-
„ lut 6c d'onétion, des paroles efficaces, des paroles pleines de force 6c depuif-
„ f\nce qui me percèrent de la plus vive douleur : 6c me firent prendre la reio-
5, lution de chercher dans une liumble pénitence , 6c dans une conduite oppo-
„ fée à celle que j'avois tenu juiqu'alors des remèdes convenables à mes prevari-
„ cations 6c à mes infidélités pafl'écs. Ce fut dans ce moment que feniant mon
„ indignité 6c tout le poids de mon crime, je pris le parti de me feparer de
„ l'autel & des fondions du miniftère. „
Dés le lendemain il fut trouver le Curé dont il étoit fécond Vicaire. Il lui
rendit compte du miracle &c des autres merveilles qui lui avoient fait impres-
fion : il lui déclara qu'il voudrait de tout fon cœur pouvoir expier par Veffufion de
tout fon fang le crime qu'il avoit commis d'avoir accepté la Conflitution, 6c qu'il
étoit refolu de s'abjienir , du moins pendant un tems des fonclions du facerdoce.
Au lieu des pièces juftificativcs de ces taits qu'il feroit bien long de flaire im-
Ohfervat. L Pdrt. Terne II. O pri-
jôg /DE'E DE VOEUFRE DES CONVULSIONS.
v«y-'fT«- primer, je vai à leur place prefentcr au ledeur le jugement que le faint Evéque
^'t.nrii ^, de Scnez à porté , tant des convulfions , que de la guerifon miraculeufe de la Dubois
Ruaùins^ ^^ & dc k Couvcrfion de M. Sabartcs. Il eft écrit dans une lettre de ce fiiint Pré-
fuiT.commtht du 20. Avtil 1733. rapportée dans la feuille des Nouvelles du x6. Mai fuivant.
lie pr<i!i'/** 51 Tous les ttiits (dit-il) qui paroifTent venir de la main de Dieu dans l'afFai-
^"'&f • » ^^ '^^ '^ Duffbn , j'entends la guerifon foudaine & bien prouvée de la Dubois ,
ij uiv.^^ ^^ prcdict:ion dite à l'oreille touchant l'état intérieur du ficur Sabartès, fa promp-
„ te converfion par un généreux retour à la vérité , ne pourront jamais être des ou-
„ vrages du Démon ni de l'Epidémie. „
Cette lettre contient au furplus des fcntimcns fi édifians , des réflexions (î
confolantcs , 5c des traits fi propres à nous éclairer dans ce tems où on répand
de toutes parts tant de nuages pour faire éclipfer la lumière, que quiconque
cherche la vérité de tout fon cœur fera charmé que j'interrompe le fil de moa
récit pour lui en donner la Icéture.
Lftr. Je M. Que puis-je dire (s'écrie le faint Prélat; fur le tonnerre qui vient de gronder (l'Or-
ssnei'juio.îî donancc du 17. Février contrelesConvulfionnaircs) finon qu'il faut redoubler
A\ù\ Ï733-,, nos gemifîèmens fur ceux qui nous hailTcnt, Se notre fidélité pour le Seigneur
„ qui veut nous éprouver. J'avoue que l'épreuve eft des plus humiliantes , par
„ les caraftères infiimansdonton defigne l'œuvre de Dieu. Mais il y a long-tcms
,, que le monde eft ennemi de Dieu, Se il ne rendra juftice aux gens de bien
„ que quand le démon fe fera Chrétien. Je plaindrois tant d'ames qui font à
j, Dieu , fi elles fe laiflbicnt afFoiblir par les plus indignes menaces , ou même
„ par les plus rudes coups. Mais celui pour qui elles parlent & pour qui elles
„ fouffrcnt , faura bien les confolcr par fa grâce & les fortifier dans leurs af-
„ fliétions. Je fuis plus fenfible aux leurs qu'aux miennes , &: en effet les mien-
„ nés font des carefics en comparaifon des leurs. Mais Dicu-merci jemefensdif-
„ pofé à être mis à l'épreuve qu'il voudra, Se je m'cftimcrai trop heureux d'c--
„ trc affocié aux fouffrances des amis du Seigneur Se à celles des dignes compa-
„ gnes de fa croix. Il y a déjà quelque tems que vous ne nous avez rien envoie
j, touchant leurs aff"aii-cs qui font les nôtres parla difpofition de nos cœurs , qui
„ fera immuable s'il plaît à Dieu. „
Quelle eft l'œuvre que le fiiint Evéque appelle l'œuvre de Dieu ? Il eft incontcfta-
ble que c'cft l'œuvre des convulfions. Qui font ces a7nis du Seigneur Se ce» com-
fagnes de fa croix , aux fou ffrances de qui ce faint auflî humble que charitable s'eftime-
ro//, dit-il, trop heureux d'être ajfoxié. On ne peut révoquer en doute qu'il ne
parle des Convulfionnaires. Mais il eft bien digne de remarque que cette let-
tre eft poilericure de 4. mois à ladécifion de M. l'Abbé d'Asfeld Se des dix au-
tres Doéleurs qui conjointement avec lui vcnoicnt de condamner les grands fecours ,
Se de juger que tous les Convulfionnaires qui fe les faifoient donner étoient tris
toupablcs. Cependant le faint Prélat , non feulement ne les excepte point dans l'é-
loge qu'il fait des Convulfionnaires en général, mais il femble au contraire qu'il
les a principalement en vue, puisque ce font précilbment ceux que la Cour & la
police pourfuivoicnt des lors avec le plus de chaleur, parcequc le fpeéVacle des
grands fecours eft ce qui a donné le plus d'éclat à l'a^uvre ucs convulfions , 6c
ce qui y a attiré un plus grand nombre de fpcétateurs , dont pluficurs frappés
d'admiration à la vue âa (urprcnans prodiges que les fecours les plus terribles
leur mettoicnt fous les yeux, ont été convertis. Se fe font unis aux Appellans.
Bt.f?,r,*ni.- Le fécond miracle que j'ai dit ci-defius avoir été accompagné de prcdiélions^
>icuiiuic ats'cft opéré en cette mcmc aimcc 1753. par le miniflcrc de Virginie fur iSL-.Maf-
foa
\
I
IDE'E DE VOEU F RE DES CONFULSIONS. 107
foiî dite de Ste Pélagie religieufede S. Nicolasde Pontoifc. Au PrinternsdecetteP^'^'^'"'
année cette vieille religieufc alors âgée de f/. ans, vint à Paris pour chercher m',niVta-Vde
quelque foulagcment à un cancer qui luidévoroit le fein du côté droit. Elle fc^'fg'^'S'
mit entre les mains de M. Boudou ce fameux Chirurgien de l'hôtel-Dieu, qui
lui déclara qu'il n'y avoit point d'autre moien de la guérir , que de lui extirper
entièrement lamammellcqui étoit toute remplie de ce funelle poifon, & lui dit
nettement qu'il n'y avoit pas de tems à perdre: mais d'autres perfonnes l'en dé-
tournèrent croiant qu'il n'étoit plus tems , ôc que Ton mal étoit parvenu au point
que cette cruelle opération ne feroit qu'avancer fa moit, & lui dirent qu'il ne lui
rcftoit plus d'autre parti à prendre que de fupportcr fon mal ch patience, 5c à.(t
tâcher feulement de l'adoucir par des remèdes anodins.
Tel étoit le trifte état de cette religieufe, lorfqu'une Dame chez qui elle (c
trouva , lui propofa de la mener voir les convuliions de Virginie , qui avoit pour lors
une forte de piété, 6c qui étoit chez des perfonnes de bien qui par leurs exemples
augmentoient en elle ces bons fcntimcns. La religieule accepta volontiers la pro-
pofition parle feul motif d'une pure curioilté. Cependant dans le moment que
cette D . ^ la religieufe fonnercnt à la porte delà maiibn où étoit Virginie, cette
Convulfionnaire qui ne pouvoit en avoir été inllruitc par aucun moien naturel ,
déclara à plufieurs perfonnes préfentes , que celle qui fonnoit à la porte ctoic
une religieufe que Dieu lui envoioit pour la guérir. EUecourut même au devant
d'elle : lui déclara la miffion qu'elle venoit de recevoir de la panfer : découvrit fon
afFreufe mammellequi étoit couleur de pourpre , dure conime une pierre , Se ou-
verte par une profonde plaie qui exhaloit une odeur infupportable : fucça ce trou
fi infeét , en avala le pus, &: y vcrfa enfuitc de l'eau mêlée de la terre du aiiracu-
leux tombeau.
En moins de if. jours l'efFroiable ouverture qu'avoit fait le cancer, fut entiè-
rement remplie par des chairs faines 8c couverte d'une peau nouvelle. Cependant
la Supérieure du couvent de Pontoife aiant mandé à la religieufe qu'elle lui or-
donnoit de revenir, la Convallîonnairc lui dit qu'il falloit obéir , qu'elle conti-
nueroit de la panfer en fon abfcnce, & elle l'afTura que Dieu acheveroit de k
guérir lorfqu'elle feroit retournée dans fon couvent.
En effet Virginie continua de la panfer par repréfentation, en fiiifant les mê-
mes geftes Se prenant les mêmes attitudes que fi elle la panfoit effcftivcmcnt.
Mais ce qui ell bien digne de remarque, c'eit que Virginie détailloit chaque jour
le progrès que faifoit la guérifon, 5c même les petits accidens qui fembloieut
quelquefois la retarder.
Une perfonne de diftinétion voulant éprouver fi ce que difoit la Convulfionnai-
re étoit vr.ù, prit la précaution d'écrire à la religieule pour la prier de lui man-
der chaque jour ce qui lui arriveroit , &; vérifia chaque fois par les lettres de la
religieufe, que tout ce qu'avoit déclaré la Convulfionnaire étoit dans la plus e-
xafte vérité.
Enfin la Convulfionnaire aiant annoncé la guérifon parfiùte du fein de la reli-
gieufe pour un jour marque, l'effet confirma la vérité de la prédiétion qu'elle en
avoit fixité.
Quelque honte 8c quelque danger qu'il y ait aujourd'hui à rendre témoigna-
ge aux vérités qui prouvent que Dieu agit dans l'œuvre des convulfions, cepen-
dant la perlonnc qui étoit en relation avec la religieufe 6c qui m'a envoie le dé-
tail de tous les faits figné de fa main, ma affuré qu'elle étoit prête de les certifier,
comme en aiant une entière 6c parfaite connoifiance.
Au furplus les principaux , tels que la prompte guérifon du trou profond que
O z . le
ïo8 IDE'E DE VOEUFRE DES CONFULSIONS
le cancer avoit déjà fliit , ont eu tant de témoins , qu'on eft en droit de les rappor-
ter comme étant de notoriété publique.
Pcrionnc n'ignore qu'il n'y a aucun remède qui puifle guérir un cancer ou-
vert , ni même en refermer la plaie, qui s'augmente fans cefle par le poifon dé-
vorant dont un cancer abbreuvc tous les endroits dont il s'eftemparc. Ainfile mi-
racle cil évident.
Cependant 2. ou 3. ans après la Convulfionnaire qui en a étérinflrument,s'c{l
(1 fort dér.ingéc que fi ce qu'on m'en a rapporté cft véritable, il faut la placer tout
à la tête de l'exception, c'efl; à dire du petit nombre de celles dont la conduite cft
devenue très rcpréhenfiblc , & dont les convulfions ont été parla fuite marquées
à des traits qui donnent lieu de croire que le démon cft préfentement l'agent, du
moins le plus ordinaire, de leurs convulfions; quoique d'abord leurs premières
convulfions vinflent de Dieu. Au refte cft-il étonnant que le Très-haut donne
quelque pouvoir à fatan fur des Convulfionnaircs, fnit en punition des fliutcs
qu'ils auront comniifes, ou pour d'autres raifons au defllis de notre intelligence.''
Mais fi celui dont la fagcflc cft infiniment élevée au defTusde nos penlées, a
voulu quelquefois pour opérer des miracles fe fervir du miniftere de quelques
Convulfionnaircs dont la piété n'étoit bâtie que fur le fable, ce font ordinaire-
ment ceux & celles qui joignent la vertu la plus folide à l'inimilité la plus pro-
fonde, 6c à une vie extrêmement pénitente , qu'il lui a plù d'emploier à de pa-
reilles œuvres.
Par exemple Cliarlote Laportc , cette ame C\ pure qui pendant plus de fo. an?
n'avoit eu qu'un corps à demi formé : cette pieuic fille à qui, par une impoflurc
diabolique, on a attribué les plus impertinchs dilcours forgés par d'impudens
calomniateurs, 6c qui dans les fers ne ccfic de gémir pour eux : cette vertueufe
priibnnicrc de Jefus-Chriil , qui depuis plufieurs années édifie les prifons par la
paix qui règne dans fon ame , par la douceur que rien ne peut altérer, par fe,s
mortifications 6c fes prières prefque continuelles, eft une de celles par le minif-
tere de qui Dieu a guéri un plus grand nombre de perfonncs , fouvent en lui fiii-
fant fuceer les trous d'écrouellcs Se les autres plaies invétérées 6c incurables qui
avoicnt pourri les membres de ces malades, 6c en lui faihmt avaler tous ces poi-
fons, dont l'odeur infupportablc infcctoit l'air 6c faifoit manquer le cœur.
Il fcroit trop long d'entrer dans le détail de toutes les gucrifons miraculeufes
qu'il a plû à Dieu d'opérer par le minifière de cette pieufc fille. Ainfi je me con-
tenterai d'inviter le Icébcur à lire fi Requête en forme de plainte, où il trouvera
les preuves de quelques-uns de ces miracles.
Mais fi ce récit par rapport à elle feule ne pourroit (c faii-c fins fc livrer à une
difcuffion d'une très grande étendue, quel travail ne feroit-ce point que de rap-
porter les différentes circonfl:ances 6c les preuves de toutes les autres guérifons mira-
culeufes que Dieu a faites par les mains de quantité d'autres Convulfionnaircs?
Si le fait en général étoit abfolumcntcontcfté, je ne m'épargnerois paspouren
fournir des preuves, aiant moi-même été témoin de quelques-uns de ces miracles
qui fe font opérés âmes yeux fous les mainsdcsConvulfionn-aircs, après avoir pris
la précaution de faire examiner la nature des maladies par des Ciiirurgiens de la
plus grande réputation, 6c avoir été afTuré par eux qu'elles étoicntabfolument in-
curables. Maispuifquc ceux qui font les plus oppofés aux convulfions n'ofcnt cux-
jnêmts nier qu'il y a eu plufieurs guérifons évidcmmcntfumaturcllcs, faites par le
minifièrc 6c l'aébion des Convulfionnaircs, je craindrois de liflcr la patience du
1cél;cur , fi je m'êtendois beaucoup pour prouver des faits dont on ne contefte
point en général la rciilitc j ainfi je crois devoir me réduire à rapporter encore
iculc-
IDEE DE L'OEUFRE DES CONFULSIONS. 109
feulement les circonftanccs de pluficurs miracles opérés fur une perfonne de condi-
tionnent la piété devenue éminente rend fon témoignage au defflis de toute critique.
M. le Chevalier Deydc Capitaine reformé de Cavalerie m'a envoie lui-même lï.
un récit très circonftancié écrit de fa main & figné de lui, de fesaffreufesmala- *''/"'",**'
dies, & de la manière auflî finguliere qu'admirable dont il en a été guéri. C'eil '•':.!« che-
dans ce récit que je vais prendre tous les faits que je rapporterai , dont il fera par je.'" ^""
conféquent garand envers le public aufli bien que moi.
Dès la tendre jeunefleil avoit reflenti quelques petits mouvemensépileptiques:
mais en 171 f. après la guérifon de deux blefTures qu'il avoit reçues au lîége de
Barcellone, cette terrible maladie fe déclara tout à fait par des attaques complè-
tes, où il perdoit connoiiTance , tomboit à terre , s'agitoit avec violence, 6c ecu-
moit prodigieufement par la bouche.
Ce fût en vain qu'il confulta les plus grands Médecins du Roiaume : tous les
remèdes qu'ils lui indiquèrent ne purent le guérir.
Outre ces attaques complètes , 011 il ne manquoit jamais de tomber une ou
deux fois par mois, il en avoit fouvent d'incomplètes.
A cette épouvantable maladie fe joignirent bientôt une grande palpitation de
cœur auffi-tot qu'il marchoit, un mal d'eftomac continuel, & des vapeurs d'une
force extraordinaire accompagnées de maux de tête d'une violence infupportable
qui lui rendoient fouvent tout le vifigc bouffi.
Il n'étoit foulage de fes maux que par deviolensvomiflemensoù ilrendoitunc
quantité prodigieufe de bile, & de glaires. ,, Dans ce miférable état par rapport
„ au corps (dit-il dans fon récit) j'etois encore dans une plus triile fituationpar
„ rapport à l'ame. Bien inftruit dès mon enfance des principes de ma religion,
„ j'agiflbis comme 11 je n'en avois eu aucune: je croiois un Dieu, Se jen'yfon-
j, geois pas A ma honte 6c à ma confufion j'avouerai que depuis plufîeurs
5, années, je ne difois pas feulement un Pater.
Il y avoit dcià 18. ans que M. le Chevalier Deydé étoit dans un état n déplo-
rable de toutes façons, lors qu'en 1733. un procès l'obligea devenir à Paris.
En cette année il lui lurvint encore une nouvelle maladie, qui l'attaquant plu.ç
fouvent que l'cpilcpfîe, lui paroilToit encore plus infupportable. Il devint i'ujct
journellement à de fî grands étourdiflemens , qu'il lui fembloit que tout tournoit
'autour de lui, 6c auffi-tôt il étoit prêt à tomber.
Cependant tous ces coups redoublés ne lui fxifoicnt point fonger à l'éternité.
Semblable aux animaux , il n'étoit touché que de ce qui frappe les fens j Se quoi-
qu'il ait beaucoup d'efprit, il n'en faifoit aucun ufigepourfe rappeller fes inté-
rêts éternels: il ne s'en fervoit au contraire que pour fufpendre le vif fentiuient de
fes maux par de frivoles amufemens.
Le Dieu de toute miféricorde jetta enfin fur lui des regards de compaffion. L'ex-
cès de fes miféres lui parut unfujet propre àfiire éclater la gratuité de fes faveurs.
Il le conduifit comme par la main chez quelques Convullionnaires , où il lui iît
trouver la guérifon de tous fes maux.
La fœur Angélique appelée communément Liquctte, fut la première qui îui
annonça fa guérifon future dans une extafe qu'elle eut le 17. Octobre 1733.
Auffi tôt elle lui mit fur l'ellomac des reliques du Bien-heureux M. de Paris.,
6c elle lui fit boire de l'eau avec de la teire de fon célèbre tombeau : 6c à la fia de
fon extafe, elle tomba dans une attaque d'épilepfie incomplète, 6c fit enfuite une
prière pour lui fî magnifique, fi touchante 6c qiù convcnoit fi parfaitement à l'en-
tât où étoit fon corps 6c fon ame dont elle ne pouvoit naturellement avoir de
connoiffance , qu'il ne put retenir fes larmes,
O j Ce
,10 IDE'E DE DOEUFRE DES CONFULSTONS.
Ce n'ctoit pas néanmoins du minitlère de cette Convulfionnairedont Dieu avoit
rcfolu de fc feivir pour opérer le miracle qu'il lui avoit fait prédire. Les panfc-
mens qu'elle lui fit pendant quelque tems en lui donnant à boire de l'eau Se de la
terre , & en fuifant pour lui de fort belles prières en extafe, ne lui procurèrent
que quelques petits loulagcmcns fans le guérir d'aucun de fes m:iux : 5c elle lui
nt connoître elle-même par un figne qu'il feroit guéri par deux autres Convulfion-
naires Peu après elle alla à la campagne, & il la perdit entièrement de vue.
La providence le conduifit cnfuirc chez la petite fœur Jeanne Mouler , qui
ai.mt pris fes étourdifferaens, lui annonça avec une pleine affurance le z,'. ou je.
Décembre de cette même année 1753- qu'il n'en auroit plus à l'avenir ; & en effet
depuis ce jour là il cri fut entièrement délivré.
On croira f.ms peine qu'.iprcs avoir éprouvé une guérifon qui s'étoic opérée fur
lui-même par un moien auili admirable & fi évidemment miraculeux , il ne man-
qua pas d'aller trcs-rcguli-remeut chez cette jeune Convulfionnairc, fille très
fimple . d'une grande innocence & d'une tendre piété, & dont Dieu s'efl: fouvent
fervi pour faire plufieurs prédictions, & des difcours fort cdifians & quelquefois
même très-fublimes : mais il ne jugea pas à propos de l'emploier à guérir le Che-
valier Deydé de fes autres maladies, aiant dcffcin que ce fécond miracle fervît à
fiire éclater la gloire d'un autre Appellant que M. de Paris.
Dans le tcms que M. le Chevalier Deydé ailîlloit aux convulfions de la foeur
Jeanne , il vit venir chez clic la fœur de la Croix , Convulfionnairc qui joint beau-
coup de piété & d'iiumilité au détachement le plus complet , Se par le minillcrc
de qui Dieu a fait plufieurs miracles à l'invocation du Bien-heureux M. Dcfangins
Curé de Calais & chafië de fa Cure à caufc de fon attachement à l'appel. C;r
cette vertucufe fille n'efl pas Convulfionnairc de M. de Paris , mais de ce faint Cu-
ré qui a été Confeficur du fiint Diacre.
Elle avoit un bras dcfi*éché 5c une main fi horriblement contrefaite, êc dont
les doigts étoicnt fi eftropiés qu'elle ne pouvoit en faire ufage. En cet état étant
alors âgée de 39. ans, elle fait plufieurs prières fur le tombeau du Bien heureux
M. Defangins à S. Severin, oîi il lui prit des convulfions qui furent bien-tôt fui-
▼ies du rétabliflement parfait de fes membres perclus.
En peu de jours fon bj'as defieché fe garnit de chairs: fa main fi difforme &
dont les os étoient tous contrefaits reprit une forme naturelle ; en forte que depuis
ce tems elle s'en fcrt très-adroitement, &: qu'il n'y cil pas même rcfté de vciligcs
de la figure hideufc qu'elle avoit avant d'être guérie.
Tous ceux qui ont vu cette fille avant fa guérifon font témoins de ce miracle;
le deflecliement de fon bras &: la difformité extrême de fa main étant des objets
trop frapp.ins pour n'avoir pas été appcrçus. Je citerai entr' autres témoins M. Pcy-
rat Accoucheur de la Reine. Cet iiluftre Chirurgien dont les lumières 6c la pro-
bité font généralement cflimées à la Cour & à la ville, aiant connu cette fille
dans le tems qu'elle étoit ellropice, fut fi étonne de fi guérifon qu'il ne put alors
s'empêcher de rcconnoîtrc qu'elle étoit un miracle incontcllahle, n'y aiant jamais
eu d'exemple que des membres dilloqués, contrefaits 6c dciféchés depuis long-
tems fe foient rétablis & aient repris une figure régulière que par mirnclc.
Cette pieufc fille alloit dans la maifon de la fœur Je.mne pour y panier le petit
Mouler fon frerc alors âgé de 14. ans, dont tout le corps étoit clfroiablemcnt con-
trefait. Il étoit bolTu dev.Mit & derrière : il avoit les jambes toutes tournées : il ne
pouvoit presque faire aucun ufage de les bras , fie il ne m;u"choit que fur les genoux.
J'obfcrvcrai en paflant que M. le Chevalier Deydé a eu le bonheur d'être tc-
fll^uvn du miracle opéré fur ce jeune g.uçoii , dont tous les membres fc rétablirent,
de
IDE*E DE L'OEUVRE DES CONVULSIONS. m
& les os fe redreflcrent pendant le cours des panfemens que lui fit la fœur de la Croix
avec des reliques du Bien-heureux M. Defangins. C'eft ce petit Mouler qui quel-
que tems après fa guérifon aiant été mis à la Baftille avec fa fœur Jeanne, rendit
un témoignage fi intrépide du miracle que Dieu avoit fait en fa faveur , en répondant
à M. Hérault qui l'interrogeoit dans cette prifon en préfencedeplufieurspcrfonnes.
Ce fut par le miniftère de cette fœur de la Croix, qu'il plut au Tout-puiffiint
de guérir M. le Chevalier Deydé de tout le relte de fes maux. Elle lui déclara en
convulfion le 1 1. Décembre 1733. quelefaintDiacreM. de Paris, aprèsavoir de-
mandé à Dieu de le délivrer de fes étourdiflemens journaliers , le renvoioit au faint
Prêtre M. Defangins pour obtenir par fon interceflîon la guérifon du furplus de
toutes fes maladies : Se que le Bien-heureux M. Defangins favoit chargée, quoi-
que la plus indigne des Convulfionnaires , de le panfer avec fes reliques , ôc avec
de la terre prife auprès de fon tombeau.
Ce panfement coûta cher à la fœur de h Croix, mais fins en être attriftéc.
Elle prit généralement toutes les maladies de M. le Chevalier Deydé, dont elle eut
tous les limptômes : entr' autres elle tomba plufieurs fois en épilepfie complète.
Tous fes membres fe roidiffoient de la même façon que ceux du Chevalier. Elle
écumoit par la bouche d'une manière prodigieufe, Se n'étoit foulagéc non plus
que lui, que par des vomiffcmens d'une violence extrême qui lui faifoient jetter
une quantité prodigieufe de bile & de glaires. Cependant loin d'être affligée des
maux effroiables qu'elle fouftroit ainfi pour lui, elle en beniffoit Dieu par des
prières d'une beauté magnifique; le Père des lumières lui aiant donné de faire eu
convulfion des difcours très touchans, &: quelquefois fi élevés, qu'ils font extrê-
mement au delfus de fa portée dans fon état naturel.
Cette vertueufe fille fit même de fon propre mouvement, je veux dire fans y
être pouffce par l'inftinft de la convulfion, un jeûne de neuf jours au pain & à
l'eau, pour obtenir par l'interceflîon du Bien-heureux M. Defingins, non feule-
ment la gucrifor parfaite du Chevalier Deydé , mais encore qu'il plût au Créateur
des vertus d'augmenter de plus en plus par l'efficace de fa grâce les impretfions
qu'il avoit déjà commencé de faire fur fon ame Se dans fon cœur.
Seroit-il permis de demander à ceux qui jugent les convulfions 8c tous les Con-
vulfionnaires dignes du plus grand mépris, s'ils fe fentent autant de zèle & dç
courage qu'eux, pour s'impoier de très-rigoureufes pénitences Scpourfefoumcc-
tre volontairement à tout ce que des maladies affreufes ont d'humiliant & de pé-
nible, afin d'en obtenir la guérifon pour des malades avec qui ils ne feroient unis
que par les liens généraux de la charité?
La fœur delà Croix obtint du Tout-puiflanttoutce qu'elle luidemandoirpoiu'
le Chevalier Deydé. Il recouvra la fanté la plus entière, la plus parfaite & même
la plus robufte , ainfi qu'il paroît par la grande pénitence qu'il a fait depuis ce
tems là fans en être incommodé.
Qu'elle multitude de mci-veilles ne trouveroit-on pas dans cette guérifon , fi on:
entroit dans le détail de l'opération phyfique qu'il a fallu que Dieu fafle dans le
corps du Chevalier Deydé, pour en changer de qualité toutes les liqueurs dont
la plupart depuis long-tems n'étoient plus proprement que des poifons : pour y ré-
parer tous les ravages, les dégâts & les brèches que ces poifons avoient fait dans
les fohdes pendant tant d'années : ôc pour le guérir ainfi parfaitement, en anéan-
tifiant tout ce qui étoit corrompu-, en rétabliflant tout ce qui ctoit altéré, 2c ciï
donnant un nouvel être à tout ce qui avoit été entièrement détruit? Mais il rnc
paroît prefque fuperflu d'entrer dans une fi grande difcnflîon., parce qu'il n'y a
perfoûne qui ne fâche que l'épilepfîe lorfqu'clle cft complète , & fur tout (ju'elle
nr IDE'E DE VOEUVRE DES CONFULSIONS.
cft invctcric , cil une malidic abfolumcnt incurable ; & qu'ainfi perfonne i\c
pourra contcllcr que la gucrifon parfliitc d'une pareille maladie, ne foit un mi-
racle, & même un fort grand miracle.
Mais en voici un fécond bien plus grand aux yeux de la foi. M. le Chevalier
Dcydc, quiavoit été pendant toute fa vie fi peu (enfible aux vérités de la religion,
a été fi vivement touche de tout ce qu'il avoit vu d'édifiant parmi les bons Convul-
fionnaircs , fi frappe des prodiges dont cette œuvre cft toute remplie, fi pénétré
d'adminuion des miracles opérés à fes yeux ôc iur lui-même, & a convaincu de
la néccllîté de changer de vie, qu'il a renoncé tout à fait au monde : qu'il a dif-
tribué aux pauvres une grande partie de fon bien ; 6c qu'il s'eft retiré dans une cf-
péce d'hermitage à la Verune auprès de feu IVI, l'Evcque de Montpellier, où de-
puis ce tems il continue de vivre dans une pénitence fi au ft ère qu'elle égale pres-
que celle des anciens anachorètes.
Ainfi lesConvulfionnaires n'ont pas été feulement les miniftres des miracles que
le Tout-puiflant a opérés pour la guérifon de fon corps, mais elles ontétél'oc-
cafion , & en quelque forte le canal des grâces infiniment plus précicufes que ce
Dieu de bonté lui a prodiguées , £c p.ir lefquclles ill'afait parvenir en peu de tems
à un haut degré de vertu.
Si les convulfions n ctoicnt qu'un fpcftacle d'impudicité , fuivant qu'on ofc
l'avancer par une calomnie fuggcrce par l'ennemi Je tout bien, ce fpcétacle pro-
duiroit-il de pareils effets? Le fiint des faints, le Créateur de toute pureté,
le Dieu des vertus y répandroit-il de pareilles faveurs Se une bénédiction fi mar-
quée? Voudroit-il î'autorifcr par des prodiges de toute efpcce fur les âmes 6c
fur les corps?
F.n S. Mire. C'cft Une maxime inconteftable , dit le Perc Quefnel , que Dieu ne peut fa'vorifcr
une illufton par des miracles. „ Ce qui cft fondé fur ce principe immobile que Dieu
pjnf. fur les ^j ne peut induire en erreur (dit le célèbre M. Pafcal) . . . ce qu'il feroit néanmoins
""■ ■ *'■ „ s'il permettoit que dans une queftion obfcure , il le fît des miracles du côté de la
„ faufleté . . . D'abord donc qu'on voit un miracle il faut , ou le foumettre , ou
„ avoir d'étranges marques du contraire. ,, Et les feuls motifs que cet illuftrc
auteur croit légitimes pour refufer de rcconnoître l'opération de Dieu dans un
miracle, c'eft lorfque celui qui le fait nie un Dieu, ou J. C. Sc l'Eglife.
Si dès qu'on voit des miracles certains, indubitables, demandes 5c obtenus au
nomdeJ.C. on doit en conclure que Dieu eft là & que c'eft lui qui y opère: com-
ment donc refufer de voir le doigt du Très-haut dans une oeuvre, nonfculement
accompagnée de miracles, mais dont les miracles font cncntiellcment partie?
Qiie ceux qui ofent s'attribuer le droit de décider parleurs foiblcs lumières de
ccquieftdigne de la fagefle divine ,fairent réficxionfur ces paroles deS.Paul.^w»
^' '■*■ ' ' connoit l' El prit du Seigneur , iy (j ni petit Pin/Iruirc y le coiifeiller ? N'aions point la
folle préfomption de nous croire capables de pénétrer toutes les différentes vues de
la providence , 6c défions nous de notre propre fageffe , qui , fi Dieu l'abandonne i
elle-même , ne peut que nous égarer : car Ai fagcjj'e de ce monde efi une folie devant
.j.j9.Z)/>«, dit le même Apôtre.
En vain fc revolte-t-on contre les preuves qui réfultcnt des miracles : en vain
rcfufe t-ondcreconnoitre IcTout-puiffant dans les œuvres, fous prétexte que les
grands efprits ne les trouvent pas dignes de lui : cela ne fait que mettre d:ins un
J)lus grand jour cette vérité aullî humiliante pour les génies fupérieurs,quccon-
blantc pour les petits: que les fimples dont lame cft'humblc , dont le cœur cft
droit, & qui ont recours à la prière, pcnfcntfouvent d'une manière plus juftc par
npport aux œuvres de Dieu, que ne font Icsfavans qui fc hiiffcnt éblouir par leurs
fauffcs lumières, AulVi
ÏDE'E DE VOEXJVRE DES CONFULSIONS. Ï15
Auflî l'Auteur des Réflexions morales donne-t-il pour maxime, que „ c'cfl: de la""- "5- ""'^'
„ bouche du fimple peuple que Dieu tire la louange de les œuvres , plutôt que de
,3 celle des favans. Les chofes de Dieu (dit-il encore) font plus d'impreflîonfurleibii. v. t.
„ cœur d'un peuple peu éclairé , que fur des Docteurs enflés de leurfciencc.
En efi"et c'eft précifément par rapport à l'impreflion que doivent faire les mira-
cles, & aux conféquences qu'on en doit tirer que notre divin Sauveur s'é-
crie : Je vous rends gloire , mon Père , Seigneur du ciel £5? de la terre , de ce que vousm^^^-n^ ly,
avez caché ces chefes auxfages ^ auxprudens ^ que vous les avez révélées aux ftmples
6f aux petits.
S'\ à la preuve auflî invincible que refpeétable qui réfuke des miracles , opérés
d'abord par le mouvement delà convulfion comme moienphyfique , &eniuitepar
le miniftèredesConvuliîonnaires ,on joint encore la preuve qui fe tire deplufieurs
prédissions, dont la juftefle de l'événement a déjà fait connoitreque les Convul-
fîonnaircs qui les ont faites n'avoicnt pu les apprendre que de celui qui de toute
éternité a arrangé tous les évenemens , & qui voit par avance à quoi fe détermine-
ra la volonté libre des hommes ; comment pouvoir ne pas reconnoître que Dieu
opère furnaturellement dans l'œuvre des convulfions ?
Les preuves que j'ai rapportées fufiîfent pleinement pourne laifler aucun doute
fur la vérité des miracles : il ne me relie plus qu'à ajouter quelque faits par rapport
aux prédiétions. Je craindrois néanmoins de rebuter le leétcur fi je luicnrappor-
tois un grand nombre', d'autant plus que je ne fuis pas en fituation d'en recueillir
des preuves par écrit pour les lui fournir: mais qu'il me permette du moins d'en
citer deux qui me fontperfonnelles, 6c qui ont cû beaucoup de témoins.
Marie Sonnet dite la falamandre ., contre qui M. le Doéteur A. vient de faire pr^]^'o„,
une fi mordante fatire , quoique Dieu l'ait guérie par miracle en lui envoyant qui me fonc
des convulfions , & qu'il y ait fouvent fait paroître des preuves fenfibles de fon ope- F//. °°"^'*
ration toute- puifl'ante, eft une de celles par qui il a fait faire les prédirions les
plus marquées à fon coin: puisque plufieurs évenemens qu'il lui a fait prédire
font arrivés avec des circonltanccs incroyables qu'elle avoit annoncées. En voici
un exemple bien frappant. Elle voyoit fouvent une boule blanche dans Ton feu.
Elle déclaroit devant tous ceux qui aflîftoient à fes convulfions que cette boule
ctoit à moi, & qu'elle m'avoit été donnée par l'interceflion du Bien-heureux.
C'ell ainfi qu'elle nommoit M. de Paris, dont elle me faifoit l'honneur de m'a-
pellerle fils , parce que j'ai été converti au pied de fon tombeau. Elle difoit que dans
l'intérieur de cette boule, qu'elle voioit de tems en tcms s'ouvrir en deux, elle
apperçcvoit de l'écriture dont il fortoit plufieurs traits de lumière. Je rcconnoif-
fois à n'en pouvoir douter que cette boule ctoit le livre que je compoi'ois, dont
certainement la Convulfionnaire ne pouvoit avoir aucune connoifiance , ôc dont
néanmoins elle parloit ^\ clairement, que fouvent j'avois peur que d'autres per-
fonnes que moi ne comprificnt ce que fignifioit cette boule blanche.
Quelques jours avant que M. Hérault eut découvert 6c fixit fiiifir le lieu 011 je
faifois imprimer mon premier Tome, elle s'écria en préfence de plufieurs perfon-
nes avec un air d'effroi peint fur fon vifagc : Mon Bien-heureux ^ venez dont vite :
voilà les Exemts qui prennent la houle blanche de votre fils. Elle prononça enfuitc
dans une efpècc d'extafe : ils l'auront fous les yeux fjf ne la voiront point : ils Vaw
r ont fous leurs mains ^ ne la prendront pas.
Quantité de gens favent que cette prédiétion a eu un accompliflement com-
plet 6c qu'elle a même été excç,v}tée par un événement fi peu naturel que l'a-
ction de Dieu y eft toute vifible.
Lorfqu'on faifit mon imprimerie, on ne manqua pas d'y mettre le fcèlé, ainfi
Obfervat. I. Part, Tome IL P qu'à
• hinnt
Uoala.
tt4 IDE'E DE VOEXJVRE DTS CONTULSTONS:
qu'à tous les lieux qui en dépcndoient , fans oublier une chambre où étoient mej
minutes êc un grand nombre de feuilles imprimées.
Le tems de lever ce fcclé étant venu, le Commi(ÎIiircRegnard avec l'ExemtDu-
but 6c autres fatellites, s'y tranfportcrent à cet effet. Le nom feul de ces deux
hommes fi avides de captures , parce qu'ils le font du profit qui leur en revient ,
fait aflcz juger avec qu'elle ardeur, quelle rufe, & quelle attention ils fouillèrent
partout. iVlais une preuve que Dieu les aveugla en cette occafion, c'eft qu'après
avoir tout mis fens dcflus deflous pour faire leur exafte recherche, ils rendirent
la clef de la chambre où étoient mes minutes & les feuilles imprimées , comme
n'y aiant rien trouvé.
L'Epicier principal locataire de lamaifon aiant reçu d'eux la clef de cette cham-
bre , y en voia un de les garç ons ranger les meubles bouleverfés par les perquifiteurs.
Quel fut l'étonnement de celui qui y alla, d'y trouver mes manufcrits Se tous les
imprimés, que par confequent les Exemts n'avoient point vus ! Il fe faifit auflî-
tot des minutes qu'il m'apporta chez moi , où il arriva encore tout pâle &
tout interdit de fa furprife. ' ~
Le démon ne peut deviner l'avenir que par conjefture. Certainement il ne lui
étoit pas poflîble de prévoir que le CommilTairc & les Exemts ne verroient point
mes minutes quoiqu'elles fuiïent fous leurs yeux , & ne les prendroient pas quoi-
qu'elles fuflent fous leurs mains. On ne peut pas non plus attribuer au hazard l'ac-
compliffement fi littéral d'une prédiftion fi claire & fi contraire à toute apparence.
Il efi: donc évident qu'elle n'a pu être diétée que par celui qui a prévu de toute
éternité les évenemens les moins vraifemblables , parce qu'il les a ordonnés lui mê-
me , & qu'il difpofe de tout comme il lui plaît ?
Auflî des amis particuliers de M. le Gros m'ontils écrit, qu'ayant été infor-
mé à Utrecht de cette prédiftion, il enavoit regardé l'accompliflement comme
un véritable miracle , & qu'il avoit dit, qu'on ne pouvoit en attribuer la pré-
diction qu'à Dieu. Us m'ont même ajouté que c'eît fingulierement cette prc-
diélion \\ étonnante & fon exécution fi complette que M. le Gros a eu en vue
dans r yivcrîijfetnent qu'il a fait mettre en tête de l'Edition d'Utrecht de mon
premier Tome, lorfqu'il y dit , qu'il parott qu'une providence particulière a faci-
lité l'éxecution de mon projet par des circonjlanccs fort extraordinaires dont quel'
ques-unes font de irais miracles.
La féconde prédiétion qui me concerne , n'efl: guéres moins frappante que la pre-
mière. Je prie le lefteur de s'y rendre attentif.
Une jeune Convulfionnaire * , qui fouventa fiiit pour différentes perfonncs des
difcours très-beaux , dans lefqucls elle leur a quelquefois développe tout l'inté-
rieur de leur ame , en a fait auffi pour moi quelques-uns , fur tout dans le tcms que
j'étois fur le point de préfenter mon livre au Roi.
En voici un extrait où ilfemble qu'elle me parle, d'abord au nom del'Eglife,
«nfuite au nom de Jcfus-Chrifl; ; quoiqu'il en (oit, ce difcours contient pluheurs
prédiftions que l'événement a rendu trés-claires.
„ Ma ! (dit-elle) ne remettez-plus Approchez: venez petit enfant : préfcntet
,, votre offrande à votre Maître.... Paffez au milieu de ce peuple incrédule. Ilsn'o-
„ feront mettre la main fur vous, parce que le Très-haut cltavcc vous. Levez vos
„ armes : levez vos yeux j & confidérez celui qui ell dans les cicux oui prend votre
„ défcnfe.... Cependant hàtoz-vous de dcfcendre dans le lieu de ma demeu-
„ re : hâtez-vous de vous rendre dans cette fombrc cellule. Vous y recevrez toute
„ forte de bcnédidions. Ils vous tiendront long-tems dans les prifons : mais le con-
„ folatcur feraayccvous : hàtcz-vous, mon entant : ne craignez point. . .vous êtes
„ atuchc
IDÉE DE L'OEUVRE DES CONVULSIONS. llf
" attaché & fcèlé à mes entrailles : vous êtes un fruit de la croix de mon Epoux.
• Que votre cœur demeure fans celle élevé vers moi. Cet Epoux eft avec moi: il efl;
pour moi: il ell au dedans de moi. . . C'ell: pourquoi ne craignez poiiit. Toutes
j, leurs injures ne vous feront point perdre votre confiance : je vous la confèrverai
^ moi-même La joie des opprobres & des fouffrances fera peinte fur votre vifà-
^ ge C'eit moi qui vous préfenterai à mon Epoux, & qui vous oHiirai à lui
„ comme une vi61ime que je lui ai préparée... *Ce jour heureux pour toi eft bien * Ce qui fuit
„ prêt d'arriver . . . Les fruits de ton travail vont paroître entre tes mains : ces fruits te en iL" f°!'&
^ reconcilieront entièrement avec moi." d'un air tout
Il n'eft pas dilîicile de reconnoître que ce Difcours avoit pour objet de m'inviter à Tucux.""'*^'"
préfenter au plutôt mon Livre à Sa Majefté. Cependans il eft certain que cette Con-
vulfionnaire ne pouvoit avoir connoiftànce de ce projet , que je tenois très-fècret.
Mais il y a plus :fon Difcours annonce d'abord très-clairement que je ne fèrois point
arrêté en préfentant mon Livre au RoL Pajfez , dit-elle , an milieu de ce peuple
incrédule : ils fi o fer ont mettre la main fur vous.
Tout le monde à été très étonné , qu'un des grands Seigneurs de la Cour m'ait in-
troduit dans la chambre du Roi , fans me connoître : qu'on m'ait laifTé approcher très
près de Sa Majefté : que le Roi le foit arrêté pour écouter mon Difcours : que , quoi-
qu'il en parût furpris , il ait reçu le Livre que je lui préfentois : que M. le Cardinal de
Fleuiy , ayant fur le feul titre de ce Livre donné ordre de m'arrêter , on ne l'ait pas
fait fur le champ, quoique je ne me cachalTe point, ceux qui étoient chargés de fe
làifir de ma perlbnne, ayant palfé à côté de mon caroflè fans s'appercevoir que c'étoic
moi; & que la Providence m'ait ainlî fourni le moyen de revenir à Paris faire pendant
le refte du jour, tous les arrangemens dont j'avois belbin. Comment le démon auroit-
il pu conjedurer cette chaîne d'évenemens 11 contraires à toute apparence?
., Le même Difcours m'exhorte enfuite à me rendre volontairement dans la prifon
qu'on me deftineroir. Cependant , dit laConvulfionnaire , hâtez-vous de vous ren-^
are dans cette [ombre cellule.
■ , C'étoit bien en effet ma réfolution. Dieu l'avoit mife dans mon cœur dès le pre-
mier moment qu'il m'inlpira le deiïèin de rccueilHr les preuves des Miracles , d'en taire
les Démonftrations & de les préfenta: au Roi. Auffi l'ai-je exécuté très poniluelle-
jnent, ayant attendu fort trimquiUement dans ma maifon les ordres qu'il lui plairoit de
lïie donner. Satan pouvoit-il prévoir que Dieu me donncroit mi zèle li inébranlable
pour pro.u\'er par la fermeté de ma conduite aulTi bien que par mes Ecrits , la vérité
des Miracles que j'ai atteftés ?
. Le furplus de cette Prédiction fe vérifie encore tous les jours. Je puis afTurer a-\'ec vérité ,
que de ma vie je n'ai été fi content que je le fuis : que je n'ai jamais eCrune fanté fi parfaite
que celle dont Dieu me fait jouïr depuis qu'il m'a mis en captivité pour & caule; oc quek
fcnfible confolation qu'il daigne répandre dans mon cœar , me rend fans comparailbri
plus heureux , que je ne l'ai été pendant tout le tems que j'ai paffé dans le monde.
Au refte cette jeune iille , qui hors de Convulfion m'a paru d'une grande f implicite,
a fiîit quantité d'auti-es Difcours, la plupart fort touchans, quelques-uns même très fu-
blimes: & fes Convulfions ont été illuftrées par de U'ès graiids Prodiges, & même par
des Miracles; Il eft de ma connoifTance qu'elle a été pluiieurs fois l'inlfrument dont le
ToQt-puilïIint s'eft lervi pour opérer des guérifbns Miraculeufes dans les corps (Se dans
les âmes. Il a encore fait en 1742. un grand Miracle fur elle môme. Ayant été en
1 735). renfermé à la Salpétriére par ordre du Roi ,1e Chirurgien de cette prifon l'avoit
faignée avec tant d'excès, pour faire celfcr fes Convullions, qu'elle étoit devenue h)--
dropique. Dès j.. 741. fon enflure étoit monftrueufe. Anfti au commencement de 1 742.
ctok-elle réduite à une telle extrémité , qu'on s'attendoit à tous moaiens qu'elle alloit
P - H'i'Oiirir.
II(Î IDE'E BE L'OEVrRE DES CONVULSIONS.
mourir. Mais le l f. Février, tandis qu'on récitoit autour de fon lit les Prières des
Agonilans , elle met fur fon ell:omach des Reliques de M. de P;iris , & elle demande
une cucillerée de la prccieule teiTC ramalTée {:irès de fon Tombeau. Djs qu'elle l'a ava-
lée, elle eft aulTitôt guérie; & tous les AlTlrtans immobiles de furprife, voient tout à
coup (es pieds, i^i^ jambes, fon ventre & fon ellomach dimiiiiier de grolTèur avec u-
ne 11 prodigieuiè promptitude , qu'en moins d'une heure il ne relie plus aucun vertige
de leur énorme enflure !
L'œuvre des Convulfions illufîrée d'un côté par des dons furnaturels , des prédic'
tioHS, des Conver fions j des Prodiges & des Miracles-, & de l'autre avilie par
les artifices du démon , a nécefjairement dans les confeils de Dieu quelque grand
objet que tout Chrétien a un intérêt Jenfible d'approfondir.
•L\\\.
Ditu prffidc
a l'oeuvre des
Convulfions
df-n' j'rîuT naturellement dansl'osuvre des Comoilfionb^on en doit tirer la conféquence que fa û-
'""" * "'* gcllc y prélide pour des fins dignes d'elle : que s'il a permis au démon de fe mêler dans
cène œuvre , & de féduii-e plul leurs Convulfionnaires , il le traite en efclave , & ne
lui lailTc fîiire que ce qui cadre à les dolTèins , auxquels il fuit tout lèiTir , jusqu'aux
nuages dont il permet que fcs propres opérations foient quelquefois convertes : jufqu'aïuc
choies défedueufès oc même mauvailès , que les Convullionnaires {leuvent y mêler de
leur propre fond ; ôc jufqu'aux artifices de fEfprit jx;rvcrs, qui par les efforts mène
qu'il fait pour traverfer les delTeins de Dieu , fert toujours ù leur accomplilTèment.
Mais failbns en même tems réflexion que lorfque le Très-haut donne plus de puis-
fancc qu'à l'ordinaire à cet ennemi du genre humain , c'eft prelque toujours ix)ur pu-
nir les hommes qui ont mérité de l'être. Si les œuvres de Dieu font des efièts de fà
miféricorde, les opérations diaboliques nous meruicent de fa jullica
Nous voyons ici une œuvre qui prife dans fon tout n'a jiimais eii d'exemple : une
œuvTe où le furnaturel éclatte de toutes parts; 6c qui d'un côté eft éclairée par quan-
tité de dons & d'eflcts merveilleux, jxir un grand nombre de miracles, & p;ir plul leurs
prédi<flions que Dieu feul a pu révèlen Cej^ndant d'un autre côté elle eft oblcurcie
par les prcftiges de Sat.in , par des prédi£Uons taulfes , 6c par beaucoup d'autres cho-
ies qu'on ne peut attribuer à Dieu : <Sc nous voyons tout à la fois plus de 800. perfon-
nes qui tombent tout à coup dans l'état furnaturel d'où nalifent tant de différens prodi-
ges, & qui par leur état même font attachées à l'Apiiel.
Il n'eft pas polTible qu'un événement fi étonnant & fi fin^ulicr , n'ait des fuites con-
fidérables dons les delTcins du Toiit-pui liant. Il n'a pas ojxiié & iiermis pour rien une
cholè fi extraordinaire , dans laquelle il agit lui-même en Dieu d'une nviniére mai-quée
pr les plus grands o-aits. Ses projets tels qu'ils foiait, ne ixuvcnt manquer d'être très-
intérellans pour nous.
Quelle eft donc la témérité de ceux qui rejettent toute cette œu\Te avec un mépris
dédaigneux, fans fe mettre en peine des fuites qu'elle {■«uta\'oir,nides motifs qui ont poné
Celui qui ne lait rien fans des vues d.gnes de lui, à o;x.4-cr toiit de Mer\nlle'<?
(;;cne infeniibilité, cette léthargie fpirituelle, ce mépris fi téméraire des chofo où
k Touie-puilTàncc divine éclatte le plus viliblement, lèroient cux-mènes une efiiécc
de prodige, fi Dieu n'y avoit pour ainli dire donné lieu jxir les conlcils de fa jus-
tice C^ai- il paroît évidemmenr que le Très-haut , par un jugement d'autant plus
terrible qu'il cl t fecret, a voulu que les Convullinns, les Piédictions, les Prodiges &
même de grands Miracles fliflènt avilis aux )cax de; hommes , |x)ur les punir de leiu*
orgueil & de leur jjicrédulitc. Mais .plus cgt crlét de Ui colore cil caclxî , jiJus
now
IDKE DE VOEVVRE BES CONVULSIONS. 117
nous avons un intérêt effentiel de le connoître , pour tâcher de nous en garantir
&: de ne pas tomber entre les mains de fa jullice.
Si Dieu avoit fuit faire par de faints Ëvêqucs, par exemple par feu MM. de
Senez & de Montpellier, cette quantité de miracles qu'il lui a plu d'opérer par les
mains de quelques Convulfionnaires,&plufieurs prédirions dont l'événement eût
manifellé qu'il en étoit l'auteur, qui auroit pu s'empêcher d'être frappé de l'éclat
qu'auroicnt eu ces merveilles divines? Mais il plaît à celui dont la fageflc eft infi-
niment élevée au-deffiis de nos penfées, de choifir pour faire fcs œuvres, de petites
filles la plupart pauvres, ignorantes, contrefaites, quelques-unes prefqu'imbécil-
les, & dont l'extérieur n'a rien que de très méprifable aux yeux de la chair; & le
mépris qu'on fait de ces perfonnes pafle jufqu'aux miracles que le Très-haut opère
par leurs mains , & jufqu'aux prédirions qu'il fait par leur bouche.
C'eft ainfi que très-fouvent Dieu a caché fcs œuvres les plus merveillcufcs fous
une baflefle apparente pour humilier l'orgueil des hommes , & ne fe lailFer décou-
vrir que par ceux qui font humbles de cœur. Et pour citerle plus grand des exem-
ples , qu'il me foit permis de préfcnter celui du Meflîe , mais uniquement dans la
vue de prouver en général cette conduite de Dieu, 6c fans prétendre en ftire ici
aucune application.
Lorfque la fagefle éternelle a pris un corps parmi nous , elle a voulu vivre dans
une pauvreté oui obfcurcît tout l'éclat de les miracles : elle a choifi pour établir k
religion , non des Doéteurs , des perfonnes éloquentes , des gens refpeétablcs dans
le monde; mais de pauvres pêcheurs, des gens fimplcs: &: ce n'eft que par les
miracles que ceux à qui Dieu en a fait la grâce , ont apperçû le fçeau de la divi-
nité caché fous des apparences qui fembloient fi viles.
Mars ici le Très-haut ne s'eft pas contenté de choifir des perfonnes la plupart
d'une condition très-bafle, il en a laiffé tomber quelques-unes dans des fi^utcs qui
en les deshonorant, ont fait rejaillir l'opprobre dont elles fe font couvertes jufques
fur le miniftère auquel elles avoient été employées. Il a permis que des Appellans
aient imputé ces fautes perfonnelles à tous les Convulfionnaires en général , ôc fe
foient fervis de ce moicn pour décrier tous les inftrumens dont il jugeoit à propos
de fc fervir. Enfin il a «n quelque forte lâché la bride au démon, tant pour féduirc
des Convulfionnaires, que pour cmploier une infinité d'artifices & fiiirc méprifer
par la plupart des gens du monde les prodiges les plus furprenans , des prédictions
évidemment révélées, 6c des miracles inconteftables.
Il eft vifible que le dellein de Dieu, en foufFrant que fes miracles, fes prodiges,
Se les prédirions qu'il a fait faire, fuficnt ainfi avilis aux yeux des hommes, n'a
pu être qu'un confeil de juftice, un projet de vengeance, une punition d'autant
plus terrible qu'elle conduit aux ténèbres, 6c dans l'endurciflement. Ainfi tous
ceux qui n'ont pas encore perdu tout fentiment de religion, doivent frémir, doi-
vent trembler jufqu'au fond des entrailles , en voiant que Dieu eft fi irrité contre
nous, qu'il ne nous préfente plus la lumière que cachée dans de fombres nuages,,
qu'aujourd'hui il cnfevclit lui-même fous des voiles épais les merveilles 6c les vé-
rités qu'il nous laifie encore entrevoir ; 6c que les éclairs dont il frappe nos yeux ^
fe perdent auflî-tôt dans d'épaifles ténèbres.
En cet état nous ne pouvons trop redoubler nos prières pour tâcher d'obtenir de
fa miféricorde d'être du nombre de ceux qui fontdeftinés à difcerner la vérité mal-
gré la nuit obfcure où elle eft comme enfevelie, ni trop redoubler nos efforts pour
pouvoir découvrir cette lumière que le Très-haut ne nous montre plus préfente-
ment qu'à demi.
Afin de pouvoir aujourd'hui nous conduire au travers de ces nuages qui nouR
P i car
ii8 IDE'E DE VOEUFRE D ES CO NTULS ÏO NS.
environnent, il faut profiter des grands éclats de lumière que Dieu nous avoit
d'abord fait voir. Pour cet effet il faut faire attention que l'œuvre des convulfions
fait une partie conGdérable des merveilles de toute efpèce que Dieu opère conti-
nuellement par l'interccflion du Bienheureux M. de- Paris : merveilles qu'on doit
regarder, en les réuniflant toutes cnfemblc , comme une feule œuvre que Dieu a
comrr, ncé de former fur le tombeau de ce Bien-heureux AppcUant.
Ce Dieu de miféricorde a d'abord paru fur ce tombeau par les miracles les plus
éclatais. Quimtitc de maladies incurables ont été guéries tout à coup fous les yeux
d'une multitude innombrable de témoins. On a vu par exemple des hydropiques
dont les membres étoient monftrueux perdre fubitement leur énorme enflure, ècfe
trouver en un inftant réduits à leur état naturel.
Cependant de fi grandes men'eilles , où l'opération de la divinité fe montroic
avec tant d'évidence , n'ont fait qu'irriter la plupart des adverfaires de l'Appel.
ir.ft. Part.,, Les premiers miracles (difoit le grand Evêque de Montpellier) n'ouvrent pas
>^7j6*«^i»i»> ^^^ y^"'^ •' Dieu fort de fon fecrct , 6c on ne veut pas l'entendre. . . . L'aveugle-
„ ment pénal va fuivre. Déformais la miléricorde ne marchera plus feule: les ef-
„ fets de la jullice marcheront à fes côtés. „
En effet des mouvemcns convulfifs 8c douloureux ont enfuite faifî une grande
partie des malades, Se ont été d'abord le moien phyfique par lequel Dieu guérif-
ibit vifiblement les maladies 8c rétabliffoit les membres elfaopics. Les premières
guérifons qu'il a faites par ce moien ont été affés promptes jmais bien tôt il vou-
lut que la plijpart de ceux qu'il opcroit par l'aftion de la convulfion , ne fe fiffent
que d'une manière trcs-lente , 8c même que quelques-unes reftaffcnt imparfaites.
Peu après il a envoie des convulfions à quantité de perfonnes qui n'avoient au-
cune maladie 8cquinevenoient lui demander fur ce tombeau que des grâces fpiri-
tuellcs , ouïe remercier des guérifons qu'elles avoicnt obtenues fms convulfion.
Et comme ces mouvemcns convulfifs paroiffoient plutôt une épreuve qu'une fa-»
veur , ne voulant pas cependant qu'on les prît pour une punition, il les accom-
pagna la plupart de dons furnaturcls, fur tout depuis le moment que Dieu ou-
vrit la bouche à une multitude d'enfans 8c de perfonnes ignorantes : qu'il leur fit
prononcer tous les jours des difcours magnifiques : qu'il leur fit découvrir au
fjublic l'état préfent de l'Eglifc vifiblc, &c l'importance des vérités profcrites par
a Bulle } 5c qu'il leur fit faire plufieurs prédictions , dont la plupart des pre-
mières ont été d'une jullcffe parfaite. En mcme-tems il découvrit à quelques-
uns d'entr'eux l'intérieur le plus caché des confcicnccs. 11 dicta à quelques-au-
tres des difcours en langue inconnue ou étrangère : il fit faire à plufieurs des
repréfentations de la paffion de J. C. 5c des fuppliccs des Martyrs, ce qu'il a fou-
vent accompagné de différens prodiges, dont un des plus étonnans a ctédcren-
A&- i- >>
ons
que tout cela ne tait enicmble qu une
feule 5c même œuvre de prodiges , qui ont toujours eu entr'cux, fpéciiUcmcnt
avec les miracles, la liaifon la plus marquée > puifquc les guérifons miraculcu-
fcs ont d'abord été produites par les convulfions comme moien phyfique , Sc
qu'elles ont enfuite été opérées par les Convulfionnaircs comme inltrumcns.
Toutes ces merveilles n'ont pas été faites pour rien. Dieu ne prodigue point ain-
, n le furnaturel inutilement : /'/ nous parle dans tous les pands é^cticmem , dit le P.
Qucfncl , Gf nous y veut dire quelque chofepour notre injîrutlion. L'cruvrc du tombeau
du Bienheureux Diacre, dont celle des convuliions fait partie, a donc nccefljiiiTmcnt
ctc formée poui quelque tia? £c puifquc Dieu a vouluy manitcllcr vifiblement
IDÉ'E DE VOEUFRE LES CONrULSIONS. ï!>
fon 'Opération par quantité de miracles , elle a donc certainement des objets dignes
de lui , foit de fa miféricorde , foit de fa juftice, foit de toutes les deux enfcmble ?
Pour pouvoir parvenir à pénétrer fes vues de miféricorde, 6c les confeils de i.xnr.
fa iuftice , il faut d'abord examiner fi cette œuvre ne nous préfente point à décou- '-''*'";"''"
vert quelque grand objet, quelque objet gênerai auquel elle parome fe rapporter, '"""«« '»
& pour lequel elle femble faite. ^ ^ P^pLe"
Dieu ne nous l'a pas caché : il nous a déclaré une grande partie de fes defleins^''**
par des prédiélions faites tout à coup 6c de tous côtés généralement par tous lès
bons Convulfîonnaires , ou du moins par prefque tous, & par la plupart avec des
circonftances évidemment furnaturelles. Il nous a découvert d'une manière fi
claire 5c fi marquée quel eft l'objet auquel toute cette œuvre fe rapporte , que; ceux
qui font les plus prévenus contre les convulfions , n'ont pu s'empêcher de l'apper-
cevoir. On n'a qu'à lire la confultation des 50. Doéteurs, on y trouvera que ces
MM. l'ont eux-mêmes fort bien démêlé.
Apres avoir dit dans l'expofé de leur confultation que la perfonne qu'ils fuppo-
fent les confulter, a entendu plu fleurs Convulfîonnaires /«ir^ des dlfcours qui lui ont
paru fort ati-dejfus de leur portée {5? de leur âge , 8c qu'elle et oit touchée de les entendre
parler de la venue d'Elie , de la converfion prochaine des Juifs , du renouvellement de
fEglife ,^ de la nécejfité de fe préparer par la pénitence à ce grand événement : ils dé-
clarent eux-mêmes dans le corps de leur confultation, que dans les plus beaux {^
les plus fameux difcours en y trouve un fifiéme propre aux Convulfîonnaires ...
c'eft que la venue d'Elie eft très-prochaine.
„ Ils font unis entr'eux (difent encore MM. les confultans) parles liens d'une
„ focièté particulière, qui a le même langage, les mêmes viies, les mêmes fonc-
„ tions. Ils fe regardent 6c veulent qu'on les regarde comme une troupe fufcitée
5, extraordinairement de Dieu pour une même tin, comme chargée d'un même
„ miniftère , comme dellinée à annoncer de concert les deffeins de Dieu fur fon
„ Eglife, à en rcpréfenter par leurs aurions, 6c à en prédire par leurs difcours
„ uniformes, les malheurs prochains 6c les relTources qui doivent les reparer. „
Voilà donc, fuivant MM. les confultans, une troupe de plus de 800. perfonnes
qui tout à coup entrent dans un état évidemment furnaturel, qui font aufîi-tôt
unis entr''eux par une main invifible qui leur donne à tous le même langage^ les mê-
fnes vues , les mêmes fonSlions : qui/? regardent ^ qui veulent qu''on les regarde com-
me une troupe fufcitée extraordinairement de Dieu pour une même fin , comme char-
gée d'un même miniftère , comme deftinée à annoncer les defj'eins de Dieu fur fon £"■//-
je .^ à en repréfentcr par leurs aflions^ ^ à en prédire par leurs difcours uniformes les
malheurs prochains ^ 6? les reffources qui doivent les réparer.
Un événement fi extraordinaire n'a-t-il donc rien qui mérite notre attention?
Mais ce n'eft pas afîez de favoir que l'œuvre des convulfions a vifiblement été for-
mée pour annoncer la venue du Prophète Elle , il faut auiïï favoir , pour pénétrer
tout le plan de Dieu, que cette œuvre eft en mêmc-tems deftinée à couA'rir d'un
voile d'ignominie la miffion de ce Prophète, 6c à le faire rejctter par la Gentilité
malgré tous les prodiges par lefquels il doit prouver fa mifîlon.
Dieu dans fa miféricorde a emploie les Convulfionnaires à avertir de la venue
de ce Prophète ceux qu'il a deftinésàlereconnoîtreauffi-tôtqu'ilparoîtra. Mais
en même tems Dieu dans (x\ juftice a voulu qiie l'œuvre des convulfions répandit
des nuages ténébreux fur la perfonne même dvi Prophète , 6c qu'elle fût une pier-
re de fcandale qui fervît à le faire méconnoître parles cœurs fuperbes, ^ par
tous ceux qui font prévenus contre la vérité. Il a voulu que cette œuvre avilît fi
fort à leurs yeux, 6c les miracles ^ 6c les plus étonnans prodiges, quelorlque le
Pro.
ito IDE'E DE VOEUFRE DES CONTULSIONS.
Prophète viendra , ils le méprifent & le rejcttem quelque merveille qu'il f-iffc.
Pour cela Dieu a pennis , comme nous l'avons déjà dir, que l'œuvre des con*
vulfions fût en quelque forte fouillée par la conduite repréhenfible de quelques
Convulfionnaircs, & que la calomnie olât atribucr àtous lesConvuHîonnaircsen
général les vices de quelques particuliers. Il a même permis que le démon eût de
fon côté des Convulfionnaircs, ou du moins qu'il en féduifit pluficurs , dont il a
fait deux différentes fentes, lesAuguftiniftes6clesVaillantifl.es, que ce rulc fcduc-
teur à fait agir de façon que toutes leurs démarches ont contribué à faire regarder
comme une illufion &c une folie la venue prochaine dufaint Prophète promis par
Jefus Chrift.
D'abord le tentateur a fuggéré dans la profondeur de fa malice au chef de la
f>rcmiere fcfte, de fe donner pour le précurfeur du Prophète: 8ccnmcme-tcms il
ui a fait publier pluficurs erreurs, & autorifer ouvertemer
difties , fous le prétexte infcnfé qu'elles étoicnt des figures.
autorifer ouvertement de honteufesimmo-
Ce fcrpcnt plein de rufes empoifonnées a enfuite engagé quelques-autres Con-
vulfionnaircs a publier qu'un Prêtre, dont la conduite inégale a toujours donné
lieu de fe défier de fon jugement , etoit ce Prophète admirable deftiné par les
décrets éternels à renouvcUer la jeunefle de l'Eglife.
Cette application du prince des ténèbres à prévenir les efprits par tant d'artifices
contre la venue du véritable Prophète, fait connoître que cet efprit fi pénétrant a
lui-même reconnu par l'état de l'Eglife, que l'avènement de celui par qui Dieu
a promis de rétablir toutes chofes ne pouvoit être fort éloigné ; ce qui lui a fait
faire toutes fortes d'efforts , Se emploicr toutes les rufes dont il cil capable pour
répandre un voile de ridicule fur l'efiièrance de l'arrivée de ce Prophète , 5c pour
le décrier par avance avant qu'il p;iriit à nos yeux.
Enfin Dieu a permis que de grands Doftcurs Appellansfe rangeafPent du côté
des Conftitutionnaires pour réprouver en général toute l'œuvre des convulfions Se
la couvrir d'opprobre , en contondant avec les Convulfionnaircs du démon , 6c avec
le petit nombre des autres qui ont eu une conduite repréhenfible , ceux que Dieu
conduit lui-même : ceux à qui il révèle l'avenir 6c le fecret des cœurs : ceux par
les mains de qui il opère fouvcnt des miracles: ceux en un mot par qui il fait an-
noncer la venue prochaine du Prophète, qu'il a déclaré lui-même tant dans l'An-
_^. . cicn que dans le Nouveau Teftament avoir defiiné pour adoucir fa colère par des
"* ''^'jugcmens que ce Prophète excercera au tetns pi-efcrit , pour réunir les cœurs des
feres à leurs en/ans , £3* pour rétablir les tribus d Jfraël.
Il cft ailé de reconnoître dans tout cela , que Dieu aiant réfolu par un con-
fcil de fa jufticc de voiler fi bien la mifllon de ce Prophète que la Gentilité fc
portât à le rcjctter, il ne pouvoit guères permettre des choies plus propres à
donner lieu à ce terrible jugement.
Ainfi pour prendre une idée juftc des deffeins de Dieu dans l'œuvre des con-
vulfions, il faut joindre cnfcmblc deux vues très-différentes 6c quifemblcnt en
quelque forte contraires.
Dieu dans fi miféricordc a formé l'œuvre des convulfions pour annoncer la
venue du Prophète Elic.
Dieu dans fa jufticc a permis que l'œuvre des convulfions fût deshonnorèc par
une infinité de diftèrentes circonllances, cnforte qu'elle fcrvit par ce moicnàfairc
mèprilcr les mir;icles, les prodiges, les prèdiétions ; 6c que cl- mépris formât une
difpofiiion dans les cTprits qui fit rcjctter le Prophète p;n- prcl()uc toute la Gcnti- I
litc malgré toutes Ub merveilles par lefquellcs [\\ million lu a autorifce. I
Ce fynt Jeux vérités bieu intèrcffantcs , dont je vais prékntcr au lefteur f
des
IDEE DE L'OEUFRE DES CONFULSTONS. l'ir
des preuves capables de convaincre tous ceux qui cherchent de bonne foi la lu-
mière.
PREMIERE VERITE'.
' Dieu dans fa miféri corde a fermé l'œuvre des convuJfcns pour annoncer
la venue du Prophète Elle.
L 'Avènement du Prophète Elie, que Dieu a promis d'envoier, lorfque la mo- lkiv.
raie de l'Evangile fera prefqu'entièrcment renverfée,6cquelesfondemens ^^^YÂ^xlix^^xx
la piété folide feront prcfque totalement détruits au milieu mcmcderEglirc,eni'a«nemeLc
un mot lorfque toutes chofes auront befoin d'y être rétablies, laconverfion fubi-'^^'""
te de tout le peuple Juif par le miniftère de ce Prophète, & l'ctabliflement de la
religion par toute la terre par la prédication des Juifs, font des vérités révélées
de la manière la plus claire & la plus formelle} non feulement par les Prophètes,
maisauffi dans le Nouveau Teftament. „ Je vous envolerai le Prophète Elie (dit.
„ l'Efprit faint parlabouche de Malachie) avant que le grand & l'épouvantable Mai. iv j.
5, jour du Seigneur arrive : & il réiinira le cœur des pères avec leurs enfans , Ôc*^"
„ le cœur des enfans avec leurs pères. „ Jefus-Chrift nous déclare lui-même
Q^il eft vrai qu'Elie doit venir ^ & qu'il rétablira toutes chofes. Mat. xvii.
. S. Paul nous aflure que le rappel des Juifs fera pour le mende entier un retour de ^^^^ y^^^
la mort à la vie. Et voici jufqu'à quel point il nous apprend que leur converfiontj.
fera entière 6c parfaite.
„ Il viendra un tems, dit le Seigneur, où je ferai une nouvelle alliance avec laHci». viii.
^, maifon d'Ifraël & la maifon de Juda: non félon l'alliance que j'ai faite avec^-s- ^°- &
„ leurs pères au jour que je les pris par la main pour les faire fortir de l'Egypte : "'
„ parce qu'ils ne font point demeurés dans cette alliance que j'avois faite avec
,j eux } & c'eft pourquoi je les ai méprifés , dit le Seigneur.
„ Mais voici l'alliance que ferai avec la maifon d'Ifracl après que le tems fera
55 venu, dit le Seigneur : j'imprimerai mes loix dans leur efprit,2c je les écrirai
„ dans leur cœur,& je ferai leur Dieu, & il feront mon peuple : &c chacun d'eux
j, n'aura plus befoin d'enfeigner fon prochain & fon frcrc en dilant : connoiflez le
5, Seigneur , parce que tous me comioîtront depuis le plus petit jufqu'au plus
5, grand. „ ^ ^
■ Mais quoique CCS vérités foicnt fî clairement exprimées dans les faintes Ecritu-
res & que les Pères de l'Eglife en aient été fort occupés, néanmoins depuis long-
tems elles paroiflbient ignorées ou comme oubliées prefque par tout le monde, ou
tout au moins par le très-grand nom.bre.
Le Bien-heureux Diacre François de Paris dont la mémoire eft illuftrée par ,i-xv. '
tant de miracles , a été un des premiers dans cette lie des fiéclcs , à qui le Pcre des j/IuTbI"*-
lumieres a fait fiire une fèricufe attention fur les prédiélions qui fe trouvent dans^^"?^"?^*
les Prophètes fur l'état préient de l'Eglife, 6c les promeffes qui y font faites de fonu vécue
renouvellement. On voit par plufieurs mémoires écrits de ia main qu'il avoit f^^é:^i°f,^ôtùit
pendant fa vie très-attentif à méditer ces prophéties, qu'il lifoit dans les langucsEUc.
originales qu'il avoit apprifcj pour cet effet. On trouve dans fes manufcrits qu'il
voioit l'état digne de larmes où (c trouve aujourd'hui l'Eglife, peint au naturel
dans les lamentations de Jeremie, 6c dans plufieurs autres Prophètes. L'Eglife de
nos jours lui paroifloit cette Sion autrefois dans la gloire 6c dans l'éclat, maîtres-. '
fe des nations 6c riche en toutes fortes de venus ; prélentement aflcrvie lous la ty--
ranie de l'orgueil , avilie par les relûchemens les plus outrés, aflaillie par une in^i
■finité d'erreurs, foulée.aux pieds par les Do&eurs du menfongc. Mais ce qui fai-j
...Qifervai. I. Fart. 'Tome II. Q, foit
nz IDE'E DE VOEUVRE DES CONVULSIONS.
foit fa confolation , c'eft que les prcmellcs les plus magnifiques fc trouvent jointes
dnns les prophéties à la peinture de l'extrémité des maux. Il fentoit que ceux
d'aujourd'hui font trop grands pour être durables : & que la fituation déplorable
de l'Eglife vifible eft trop extraordinaire pour pouvoir être guérie que par des re-
mèdes aufli extraordinaires que ion état. Eniin il découvroit , tant dans l'ancien
que dans le nouveau Teftamcnt, que la détrefTc lamentable où la vérité fe trouve
réduite ,&; l'opprcflion générale de tous fcs dcfcnfeurs , annoncent très-clairement
la venue du Prophète qui doit rétablir toutes chofes.
Vie impri- ^^ i\ croioit voir dans toute l'œuvre de laConftitution (dit le premier auteur de
xrîes eo" „ fa vic) l'apoitaile prédite par S. Paul, 6c plus anciennement prédite & figurée
•■'''• P- „ dans les anciens livres: mais il croioit aufli qu'un mal fi extrême préparoit au
„ renouvellement prédit par le même Apôtre ôc par les Prophètes , lorfque Dieu
„ rappellera le peuple Juif, ôc que par ce rappel, il fera palfer tout à la fois le
„ monde entier comme d'un état de mort à celui d'une vie rcffuicitée, en inon-
,, dant les hommes d'un déluge de grâces félon l'exprcfiion d'Iia'ie. „
Au furplus ces vues importantes n'ont pas été pour le fùnt Diacre une ftcrilc
fpéculation : il en étoit fi pénétré qu'il en faiibit la nourriture de fon ame, l'objet
de la tendre piété , le principal motif de fa pénitence extraordinaire : parce que la
même lumière qui éclairoit fon efprit, faifoit fentir à fon cœur, que d'une paît
tant d'outrages faits à l'efprit de vérité & de faintcté par le fcandalc de la Bulle
& de tout ce qui en a été la funelle fuite, dévoient être expiés par l'humilLition,
les larmes & la plus auilcre pénitence : & que d'autre part les grandes promefles
de la miiericorde divine, qui mettront fin à tant de maux, dévoient être obte-
nues 6c hâtées , pour ainfi dire , par l'ardeur des défirs , 6c par les gémifTemens d'un
cœur contrit 6c humilié,
i-xvt. Dieu s'cft en mcmc-tems fervi de feu M. l'Abbé Duguet cet auteur fi célèbre,
^c'm'^i- Abr pour nous avertir p;u- un livre imprimé en 172S. avec approbation des Doftcurs
„ a été l'occafion de la miféricordc que les Gentils ont reçue, aufli l'incrédulité
„ des Gentils fera l'occafion de la miféricorde que les Juifs recevront. (Et après
f4M- avoir fiiit la peinture de l'état où l'Eglife cil aujourd'hui réduite:) „ ces déclins
„ (dit-il) qui deviennent fort rapides . . . font craindre que notre tems ne foit pro-
f. +,8. 5, che, ou plutôt nous font efpèrcr que celui des Juifs n'ell pas éloigné. Je par-
t^^!- „ le (continue-t-ilj du retour des Juifs à la foi, comme d'un bonheur que nous
,, devons efpérer Car il eit cxaètement vrai (dit-il plus bas) que l'elpérance
„ de l'Eglilc ert étroitement ôc inféparablement urne à l'attente où nous lommes
j, du retour des Juifs. „
Il c\\ étonnant qu'après des termes aufll précis, MM. les confultans qui citent
M. l'Abbé Duguet avec tant de compkifancc, aient ofé avancer <\uc\c fiftcms
propre aux Convulftonnaires que la -venue d^Elie eji très prochaine eft aujfi
irioui dans l'Eglife qu'il eft hardi éf téméraire. Ce filbême, ou pour mieux dire,
l'efprit de ce grand événement n'eft il donc p.is fondé fur Us termes précis des
Prophètes 6c de J. C. même? Les Pcrcs de l'Eglife dans tous les tems n'ont-ils
pas regarde cette prediftion comme la reffourcc promife à l'Eglife dan fa vicillcs-
fc, peur la rajeunir comme l'aigle? Enfin l'illullrc Appell.int dont la gloire eft
manifcllée à la terre par tant de prodiges, 6c le fivant Abbé Duguet, n'ont-ilt
pas déclare hautement que l'état prcfcnt de l'Eglife vifiblc ctoic une preuve con-
IBL'E DE L'OEUVRE DES CONFULSIONS. it?
vainquante que le tems de ce grand événement s'avançoit à grands pas? Par
3uelle fatalité l'efperance de cette rellburcc à l'extrémité de nos maux paroît-ellc
onc inouïe à MM. les Confultans? Mais voici quelque chofe qui augmente en-
core la furprife. Avant que les Convulfionnaires publiaflent de tous côtés ce que
l'inftint de leur Convulfion leur a fait dire à cet égard , plufieurs de ces MM. en
étoient eux-mêmes perfuadés & s'en entrctenoient avec plaifîr : quelques-uns mê-
me d'entre eux ont cnfeignés dans des conférences publiques ce qu'ils en penfoient
alors. Quelle eft donc la force de l'antipathie qu'ils ont pris pour les Convul-
fîons, puifqu'elle va jufqu'à leur faire abandonner des vérités efTentielles , parce-
qu'elles fortent avec éclat de la bouche des ConvuUîonnaires.
Au reftc cela prouve que les lumières que Dieu avoit données fur un point fî
intéreflant au faint Diacre , & au célèbre Théologien que je viens de citer , n'avoient
pas jette de profondes racines dans beaucoup d'efprits , encore moins dans les coeurs.
Aufli les manufcrits de M. de Paris font-ils connus de bien peu de perfonnes , &
les ouvrages de M. l'Abbé Duguet ne font pas à la portée des fimples : ils ne font
pas même afles répandus. Or pour rendre populaires ces grandes vérités, 8c les
fe fi fort au 30. Doéteurs 6c à tous les ConlHtutionnaircs.
Le Tout-puilTlint fufcite tout à coup une multitude de perfonnes , la plupart Lxvir.
fans inftruftion : il ouvre la bouche à un grand nombre de petites filles, dont quel-' rquéffE)'-
ques-unes ne fivoient pas lire, & il leur fait annoncer dans les termes les plus ma-«" ""'^' »"-
gninques ; que les tems lont arrives ; qu on va voir dans peu d années paroitreresm u vi.--
le Prophète Elle i qu'il fera méprifé & traité avec outrage par les catholiques;""^ du fr«.
qu'il fera même mis à mort, ainfi que plufieurs de ceux qui l'auront attendu,^ '
Î'ui le reconnoîtront , le fuivront 2c s'attacheront à lui ; que Dieu cependant fe
ervirade ce Prophète, pour convertir tous les Juifs; que ce peuple lui-même
lorfqu'il fera éclairé, ira enfuitc rempli de zèle porter la lumière dans toutes les
nations , rétablira le chriilianifme par tout le monde , prêchera la morale de l'E-
vangile dans toute fa pureté , Se fera triompher la vérité par toute la terre.
En même tems cette troupe d'ignorans animée par un feu qui les élevé au def-
fus d'eux-mêmes fait engager fes auditeurs par les exhortations les plus touchantes
& les plus pathétiques, à fe préparer par la pénitence à ce grand événement; 5c
comme elle ne parle que pour des élus , elle ne craint point de leur annoncer des
foufirances & des fupplices.
Il y a dans tout cela quelque chofe de fi extraordinaire 6c en méme-tems de fi
grand , qu'il faut fe fermer volontairement les yeux pour n'y pas rcconnoître le
doigt de Dieu. Qii'il eil digne de lui ! Qu'il eft digne de fafagcfle , defa grandeur,
de fa tovite-puifiance , de délier ainfi la langue à des enfms , à des perfonnes fimples
& groflîeres ; 6c d'emploier une voie fi abrégée pour pcrfuader tout d'un coup à
une grande multitude de perfonnes, les plus grandes 6c les plus terribles vérités!
Aufll eit-il certain que le fpectacle des convulfions a plus converti de perfon-
nes, 6c que les difcours des Convulfionnaies en ont plus attaché à l'Appel, 8c
mieux inllruit de toutes ces vérités, que n'auroient pu faire les plus favans
Ecrits.
Comment refufer de reconnoîtrc l'opération de la divinité, envolant ime mul-
titude de perfonnes la plupart fans fcience, fans capacité, 6c même une très-grande
quantité de filles fans éducation ôc prefque fans intelligence, nous annoncer d'aufii
gr^jl^^ C.hQfe5.dont elle n'avoient auparavant aucune connoiffancc : 6c le faire
A-à - " Q^i par
ti4 IDE'E DE VOEUVRE DES CONFULSiONS
par les expreflîons les plus magnifiques : y joindre beaucoup d'autres vérités ren-
dues Icnfibles par les images les plus brillantes , 2c par les traits les plus capa-
bles, de faire impreffion?
Que le Icâreur me permette de lui rapporter ici deux ou trois de ces difcour?
qui prédifcnt la convcrfion prochaine des Juifs.
Le premier a été fait par un Convul donnai rc qui vit dans une grande pieté
& une très auftère pénitence , «5c qui a le don de fc rellbuvenir mot pour mot
hors de convulfion, de tout ce qu'ila dit même en extafc.
„ voier
« ^^"^^
„ ces cadavres dont l'ame n'a point encore reçu la vie, mais en taveur de qui
vous faites entendre aujourd'hui parmi nous le fon éclatant de vos trompettes !
„ Mais, mon Dieu, ne permettez pas que ces trompettes nefoicnt elles-mêmes que
des airains ionnans! Animez-les de votre ibuffle , 6c ouvrez les oreilles de ceux
j, qui les entendent!
„ RcjouiOcz -vous, Perc Abraham: reiouifTcz-vous, Ifaac : rejouiflez-vous,
„ Jacob. Voici les tems de l'accomplifremcnt des promelTes qui vous ont été fifo-
^, lemnellemcnt jurées. Vous l'aviez bien compris. Père Abraham , qu'une petite
„ portion de la terre ne pouvoit être l'objet des promcffes d'un Dieu magnifique
„ & tout-puiffant , ni des défirs de ceux à qui le cielne pourroit fufiîre, fi celui
„ qui en cil le maitre ne s'y donnoit lui-même. Auffi dans cette tene figurative
„ qui vous étoit promile, n'avez-vous poficdé qu'un fépulcre , pour nous aprcn-
„ drc que toute la terre n'eft en effet qu'un tombeau, où font enlévélies avec les
„ corps toutes les vaines efpérances de ceux qui n'ont aimé que le monde. Vous
„ Taviczbicn compris, hommes pleins de foi, quelcsrécompenfcspromifes par un
„ Dieu ne pouvoicnt le borner qu'a lui-même, <k qu'il étoit par conlequcnt lui-
„ même la vérité de la promcfle. Vos enfans félon la chair n'ont point ouvert
„ leur coeur à ces grandes vérités : fc d'autres enfans qui leur ont été fubftitués
„ 6c à qui le Pcrc des lumières avoit d'abord révélé fonlécrct , font enfin dcvc-
TI4I.1;. „ nus eux mêmes fans intelligence. Après avoir été élevés en honneur 6c en gloi-
re: ils fe font dégrades: ils fe font enfin rendus femblables aux b êtes qui ne
„ vivent que pour mourir.
„ Voici le tems que vos enfansfclonlachair vont reprendre leur place, 6c vont
devenir vos enfans félon la promelTe. Saints Patriarches, alfociez-nous à votre
„ joie ! Mais que dis-ie,ô mon Dieu ! Comment nous réjouir d'un événement qui
„ cft infcparablc de la condamnation déjà prononcée contre nous? Oui, Pcre
„ Abraham, votre joie doit être la nôtre, puifque dans notre condamnation,
„ elle eft notre unique rellburce. „
Mais fi un tel dilcours ne paroit pas manifcftement furnaturel , aiant étéf-uc
par une perfonnc capable de le faire , qui peut s'empêcher de reconnoitre 6c
d'admirer l'œuvre de Dieu, en entendant une très jeune Convulfionnairc en
cxtafe 6c en convulfion d'enfance , prononcer le difcouri fuivant au milieu de
pluficurs vifions manifcllcmcnt fimboliqucs, de la plupart dcfquelles la con-
vulfion fie fon état d'enfance ne lui permettent de rendre compte qu'en langue
inconniic ou avec un langage enfantin: vifions qui lui font aulurplusditlcrentcs
imprcfilons f\ vives qu'elles font marquées fur fon vh'agc , d;ms les yeux, dan$
,fcs gcfies, 6c toutes les attitudes de fon corps.
„ Enfans crr.ins par toute la terre , (s'écrie-t-ellc de toutes fcs forces) peuple
„ mort j celui qui cft U refuuc»^ion va vous rendre \x vie. Le Seigneur va
foi-
" IDE'E DE VOEUFRE DES CONVULSIONS. iij-
^ faire éclater la vérité de fes promefTes. Vous n'êtes, ô Jerufalcm, qu'une cam-
„ pagne couverte d'oiïemens arides , mais l'elprit va foufflcr fur vous.
„ Ecoutez, ô Ifrael : la juftice va faire place à la mifericorde pour vous. Vo-
„ tre délivrance eft proche, votre retour cft prêt d'arriver, votre falut eit à la
„ porte. Ouvrez les yeux que vous tenez fermés depuis fi long-tems. Ouvrez
„ les yeux , ces yeux qui n'ont point encore connu la lumière, ces yeux qui
„ n'ont vu que des ombres & des figures ; ouvrez-les 6c voiez ce que le Sei-
„ gneur fait dès aujourd'hui en votre fiiveur. Entendez avec emprefiemcnt le ré-
„ cit des merveilles dont nous fommes les trompettes ôc les fpcftateurs, mais
j, qui ne font faites que pour vous : Dieu les defline à vous éclairer , tandis
„ qu elles aveuglent une multitude de mauvais Chrétiens : il veut qu'elles fer-
j, vent à vous inftruire 6c à les confondre > à vous faire connoitre la vérité , 6c à
j, la voiler à leurs yeux.
■ „ Peuple maudit, peuple Déicide, peuple l'horreur de toutes les nations , mais
„ moins coupable que les mauvais Chrétiens, vous allez à leur place être com-
„ blé des faveurs de mon Dieu. J'entends fa voix qui vous appelle. Accourez;
„ hâtez-vous: venez le fcrvir en enfins, ne foiez plus de vils efclaves. Mais-
„ Seigneur, venez les chercher vous même. Je les vois répandus dans cette
5, campagne qui ont encore tous un bandeau lur les yeux : ils ont encore un
„ cœur de pierre: mais j'apperçois une grande lumière qui defccnd du ciel &
„ qui les environne. Ah! divin Soleil, venez forcer leurs yeux de voir. Ovous
„ qui êtes un feu dévorant , venez fondre la grâce de leurs cœurs : c'eft à vous
„ ftul qu'il appaiticnt de leur fliire entendre une voix alfcz forte pour les réveil-
„ 1er de leur afioûpHrement mortel. Ouï, Seigneur, vous allez abolir leurs vains
J, facrifices, S<. vous leur ferez immoler pour votre gloii-e un cœurnouveauquc
„ vous formerez en eux. Vous allez leur donner un cfprit de feu, un elprit de
jj force, de fciencc 6c d'intelligence.
„ Ouvrez vos portes, ô Jerufalem, pour recevoir les véritables cnflms du
„ père de famille, les enfans de la promeflé : Dieu s'efl: enfin fouvenu d'eux,
„ parce que ia mifericorde cil éternelle: je l'entends qui prononce en leur fa-
;, veur une fentencc de vie 6c de grâce. Mais helas I je tremis d'effroi; j'eh-
j, tends un autre arreft bien terrible.
Elle parle enfuite en langue inconnue.
Mais voici un autre difcours d'autant plus frappant qu'il ne fiiit que rapporter
les propres paroles des Prophètes : 6c il mérite d'autant plus toute notre atten-
tion, qu'en même tems qu'on y trouve la prédiâiion de la venue d'EIie, du
rappel des Juifs, 6c de la punition d'une grande partie de la Gentilité chrétienne-
que le Seigneur ^f^dle Jm peuple , on y voit que les Prophètes ont fait laprc-
difti'on de l'étonnant phénomène que nous voions de nos yeux, 6c qu'ils ont:
clairement annoncé qu'il arriveroit dans le tems de tous ces grands événemcns. ''*
„ Dans les derniers tems, dit le Seigneur, je répandrai mon ef'prit fur tonte ^a„ x?.
„ chiiir: vos fils 6c vos filles prophetiferont , vos jeunes gens auront des vi-'?. is-
„ fions, 6c vos vieillards feront inuruits par des fonges.
„ Alors je répandrai mon efprit fur mes ferviteurs 6c mes fervantes , 6c ils
„ prophetiferont.
„ Ils feront agités de convul fions , 6c de douleun : ils fouffriront des raaux,r,ie5j,î.
3, comme une femme en travail; ils fe regarderont avec étonnementi 6c leurs»-
,j vifagcs feront comme s'ils avoient été dans le feu.
■ 5, Voici le jour du Seigneur qui va venir; le jour cruel, plein d'indignation , j^-j
Q>i « de
116 IDE'E DE VOEUFRE DES CONFULSIONS.
„ de colère 6c de fureur, pour dépeupler la terre 6c réduire en poudre tous les
„ méchans.
iv.d. ti. )î Les étoiles du ciel les plus éclatantes ne répandront plus leur lumière.
Amosix. j, Te ferai mourir par l'épce tous ceux de mon peuple qui s'abandonnent au
■•• „ péché -, tous ceux qui difcnt : Ces maux qu'on nous prédit ne viendront pas
„ jufqu'à nousv ils n'arriveront jamais.
M.îtch. ni. 11 Mais ceux qui craignent le "Seigneur ont tenu dans leurs entretiens un autre
><• „ langage: le Seigneur s'eft rendu attentif à leurs paroles: il les a écoutées ;
,, &: il a fait écrire un livre qui doit fcrvir de monument en faveur de ceux qui
„ craignent le Seigneur, & qui s'occupent de la grandeur de fon nom.
Wii. n. „ Et dans le jour où je dois agir, dit le Seigneur, ils feront le peuple que
„ je me refervc: 8c je les traiterai avec indulgence , comme une perc traite Ion
„ fils qui le fert.
nii.iv.f. n Je vous envolerai le Prophète Elle, avant que le grand, l'épouvantable
„ jour du '-Seigneur arrive.
„ Et il réunira le cœur des pères avec leurs enfans , Sclecccurdesenfànsavcc
ib.i. c. ^^ leurs pères.
,v ,» En CCS iours-U ic relèverai la maifon de David qui cft ruinée. Je m'en
II. „ vai hure des mn-aclcs tous nouveaux: ils vont paroitre ce vous les verrez,
'i*^!^^^"'' 11 Lorfque vous ferez dans les eaux, je ferai avec vous, & les fleuves ne vous
xbid. 1. ^j fubmcrgeront point. Lorfque vous marcherez dans le feu, vous n'en ferez
„ point brûlés, & la flamme fera fans ardeur pour vous. „
Comment n'eft-on point cmû en voiant dès aujourd'hui une partie de ces pré-
diétions s'exécuter à la lettre par des prodiges. Tout Paris n'a-t-il pas vu nom-
bre de fois GabricUe Mouler fe mettre toute habillée dans l'eau pendant le plus
grand froid de l'hiver, fans en foufi^rir aucune incommodité: Marie Sonnet fc
coucher dans le feu 6c fur les braficrs les plus ardens, lims que les flammes fis-
fent aucune imprellion ni fur fon corps, ni mc.ne lur le drap dout elle étoit
enveloppée : plufieurs autres Convulfionnaires manger, f.ms fe brûler, les char-
bons les'plus allumés j 6c aftucllement n'y en a-t-il pas qui fe plongent le vi-
fage dans les flammes &z au milieu d'un très grand feu, fans en rien foufFrir,
6c fans que leurs cheveux en reçoivent même aucune atteinte.
iTriTi. Au refte la converfion du peuple Juif , 6c la venue du Prophète par qui le Tout-
h'"nue"'puiflant doit l'opérer, ne font pas les feules vérités que ce Dieu de bonté a fait
«tPrn-h<;e,publicr aux Convulfionnaires jufqucsfurles toits. Il leur afaiten même temsdc-
vranuvui clarcr la caufe de la réprobation de la plus grande partie de la Gentilité: il leur
de rEgiiff,^ fait faire les tableaux les plus vifs des maux de l'Eglifc : il leur a fait développer
^a'ntcX'c de la manière la plushimineufc Timport-uice des vérités condamnées par la Bulle.
d'oiwci IC- Q^ jçj ^ ^«,5 repréfcnter par les expreflions les plus énergiques le prince des
** * ténèbres fc fervant de cette Bulle pour faire rejctter ces vérités divines, 6c les faire
attacher à la croix oti les Juifs ont fait mourircelui qui eft venu les apporter d.ins
le monde. On les a vus quelquefois les yeux baignes de pleurs, déplorer de la
manière la plus tendre 6c la plus touchante l'abus énorme qu'on fait aujourd'hui
des Sacrcmens. Ils mettoient pour ainli dire fous les yeux des fpcdateurs pu- une
vive peinture , le corps vivant de J. C. livré entre les mains de Prêtres facriléges,
qui en difpofcnt à leur gré, qui le jettent dans la gueule d'une troupe de chiens
excités par ces minières téméraires à venir le dévorer au pieds des autels, lors mê-
me que ces animaux imnondcs font encore infcdés de la puanteur de leurs cri-
mes. Les Convullionnaircs effraies des images terribles qui leur eu étoiait prélcn-
tces ,
\
IDE'E DE L'OEUVRE DÉS CONVULS 10 N S. 127
tées, |è proftemoient à terre conjurant avec larmes tous les fpedateurs de fè met-
tre le^Tlàge dans la pouifiére, & de s'anéantir en efprit aux pieds de notre divin
Sauveur , pour expier autant qu'il étoit en eux les outrages qu'on lui fait dans fon
Eglife, & tâcher pai de dignes fruits de pénitence, d'appailèr la colère d'un Dieu
vangeur, fi juftement irnré de voir traiter ainfi l'objet de toutes fes complaifànces.
Quelle impreifion de pareils difcours n'ont-ils pas fait fur la plupart des audi-
teurs , fur tout quand ils ont vu les Cracifixs au pied delquels on faiibit ces
prières , répandre tout à coup un fang liquide par les f. ouvaiures marquées
pour repréfenter les f. plaies de Jéfus-Chrift ?
Cet étonnant Prodige eft arrixé déjà plus de cent fois; Se il y a dans Paris
nombre de Témoins de toute forte de conditions, qui l'ont vu de leurs propres
yeux: plulieurs même, entre Icfquels font des Eccléliaitiques refpeclables , ont re-
cueilli dans des linges le fang qui fortoit de ces Caicifixs. Il n'y a aucun lieu de
douter du furnatLirel de ce Prodige , après toutes les précautions qu'on a prifes
ix)ur s'en alïïirer : & ce n'eft pas feulement les Crucilixs d'ivoire , de buis, de
bois , de fonte , de cuivre & autres pareils , dont on voit ainfi couler du fang ;
on a vfi même plulieius fois des images de Jéfus-Clirift cruciiié verier pareillement
du fang, à l'endroit qui figure les clous qui percent les mains & les pieds de ce
Divin Sauveur.
Comment ne fremit-on pas jufqu au fond des entrailles , en voyant que Jéfus-Chrifi;
fait de fi fiuprenans Prodiges , pour nous déclarer qu'aujourd'hui un grand nom-
bre de Catholiques le crucifient pour ainfi dire de nouveau > Ah ! conjurons-le
avec les plus vives inftances, que la grâce nous falïè être du nombre de ceux
qui profiteront du prix de fon fang , & qu'il ne permette pas que nous foyons de
ces profanateurs qui le font répandre pour leur condamnation!
Mais fi les Convulfionnaires nous efitaient par des difcours accompagnés d'un
tel Prodige , quelle confolation , quelle efpérance ne nous donaent-ils pas , lors
qu'on les voit, le vilage & les yeux animés d'un feu qui paroît tout divin, nous
annoncer une pluie abondante de bénédic5tions , dont le Dieu de miféricorde va
dans peu innonder toute la 'terre par le miniftère des Juifs ? Qui peut s'empêcher
d'être fàifi d'admiration en les entendant prononcer avec un air majeflueux:
„ Peuples, foyez attentifs; toi. Terre, prêtes l'oreiMc! Que tout le monde écou-
„ te les Merveilles que Dieu va bientôt opérer parmi nous!
„ G vous rejettons d'iui peuple maudit, d'un peuple mort avant que de naître,
„ & qui depuis long-tems ne \Ai plus que dans le fein de la mort & dans les ténèbres .
y, de l'enfer , ou\Tez vos coeurs à l'efpérance, vous allez refiufciter! Vous allez vi-
„ vre de la \ie de Jéfiis-Chrifi ! Vous allez devenir iks Apôtres ! Dans peu vous
„ répandrez par toute la Terre la connoiiTance & l'amour de fon nom!
„ Levez-vous , Jerufahm , recevez, la lumière : car voilà que votre lumière ifaïeLX. i,
„ éji venue , lé" que la gloire du Seigneur s'ejî levée fur vous.
„ Lorique les ténèbres couvriront la terre é" qif'une nuit/ombre enveloppera ibid. 2.
,, les peuples , le Seigneur fe lèvera fur vous & l'on verra fa gloire éclater ait
,, milieu de vous.
„ Alors vous verrez, clair ^ vous ferez, dans une abondance de joie : votre im. r.
„ cœur s'étonnera (j' fe répandra hors de vous-même.
„ Je ferai venir vos enfans de l'Orient, & je vous rafièmblerai de l'Occident. itid. xliil
; „ Je dirai à l'Aquilon, rendez-moi mes enfans; & au midi, ne les empêchez p^ ^'\b\à. c.
„ de venir.
„ Faites fortir hors des ténèbres un peuple qui étok aveugle, quoiqu'il eût des ibiJ- ^
„ yeux; qui éroit fourd, quoiqu'il eût des oreilles.
„Que
i:8 IDE'E DE LOEUVRE DES CONVULSIONS.
ibij. 9. ^j Que toutes les nations fe réunilïent & que tous les peuples s'alTèmblent.
„ Que les Cieux trelTaillent d^ joie! Que la terre bondllTè comme un fan! Que
„ tout ce qui exifte admire & publie la grandeur & la magnificence des niilcricor-
„ des du Seignair!" &c.
Quelle farisladlion pour nous d'apprendre par une voie fi vifiblement furnaturelle,
que bientôt ce ^"«uple rétablira la Religion dans tout le monde: & qu'en y prêchant
la plus pure Morale , il formera par le iecours tout-ixiilTant de la grâce , des adora-
teurs en efprit & en vérité , dont les cœurs animés par l'cfpérancc brûleront du feu
de l'amour di\-in > Quelle joie ne ra\it-elle pas en meme-tems nos cœurs , lorfque le$
Con\-ulfionnaircs préfentent vivcmait à nos yeux les récompenfes étemelles qui font
promilès à tous ceux qui pendant ce tems d'épreuve demeureront in\-iolablcment at-
tachés à la Vérité , feule voie qui conduit à la vie ? De quel courage ne nous fen-
tons-nous pas animés , loriqu'en nous exhortant à lui rendre témoignage aux dépens
de tout, ils nous jx^igncnt avec des traits de lumière qui portent le feu dans nos a-
mcs , le bonlici'-r imnienlè de ceux qui, après avoir un peu fouflèn fur la terre, fe-
ront dans le ciel éiernellemcnt enchantés de la plus vive admiration , & pour jamiûs
embraies du plus ardent amour , en voyant dans une lumière incflaçable , fims limi-
tes & fans fin , les j-)eifections infinies de Celui qui connoît tout , qui dirige tout dans
l'univers , & qui a promis ds combler d'une béatitude divine & d'un ravilTèment in-
exjorimable tous ceux qui lui auront facrifié toutes choies?
Si de pareils difcours taits régulièrement tous les jours par des perfonnes la plû-
pait fans éducation , fans efprit , fans talens ; difcours néanmoins qui chaque jour
Ibnt remplis de traits nomeaux , tous les jours ornés d'images les plus frappantes, &
prononcés dans un état évidemment fumatu'-el, qui fouvent donne au corps des
Con\-ulfior.n. lires une force fi fupérieure à celles de la nature , qu'il ne p^aavent être
bleiîés par les coups les plus alTbmmans: fi , dis-je, tout ce concours de Prodiges ne
paroît digne que de mépris , & qu'on palTè de là jufqu'à rejetter les Miracles par le?r-
quels Dieu lui-même a rendu témoignage qu'il agillbit dans ceuc œuvre , je ne crains
jx)int de le dire , je doute que l'cndurciiTement des hommes puillè guéres aller
plus loin.
LXix. Mais dira-t-on : tout le monde convient que les Convuifionnaires ont fait quanti-
Rcpcnfe i yjji (jc prédicHons faullès; or il n'en faut pas davantage mur les rendre indignes de
dcufiuflcte toure créance , lur tout lorfquil cit qucltion de la prédiction devencmcns aulli ex-
''"rs'fà'i'iVs traordinaires & aulfi incroyables que ceux qu'ils annoncent.
f'a'r icsCon- J'avoue qu'un allez grand nombre de Convulilonnaircs ont fait de faulTès prédic-
vuiiiouuai- çJQj^j . j^^jjjj jj j^Y>n cft pas moins vrai que pluiîeurs ont prédit des évencmcns qui n'é-
toient nullement \raiicmblables , que le démon par conféquent ne pouvoit dex'iner,
& qui cependant font amvés avec toutes les circonlbnces que ces Convoihionnair
res avoient prédites.
Dis que le démon ne pouvoit prévoir ces évcnemçns qui dépcndoient d'une mul-
titude de rirconltancesdificrcntes, & du pani qu'il falloit que prillcnt per-
fonnes, quoique ce parti fût contraire à celui qu'elles auroicnt d il prcn...c .....j.relle-
mcTit : il ell incontcfiab.e que les Convuifionnaires qui ont prédit de j-^eils évene-
mens avec une jullellè parfaite , n'ont pu en être infiiints que par ;! di-
\-ine. Or litot qu'il cil certain que les Convaillionnairos ont q'.;^ , , ,c i^ar
l'Efprit de Dieu, il s'enfuit qu'on ne doit pas rejetter indiliëremmcnt, liuis cxiunai &
làns difiinc"Uon , tout ce qu'ils difent : mais qu'il faut fuivn: îi leur égaixi ce que pres-
crit S. Paul i:il]nré iX)ur inllruiro la Genulite.
' Il jïiroît clairement i">ar lès Ej-àtrcs que Ijtirs de la fonTi;irion de l'Rglifè , un grand
nomlîrc de nou\cuux CliréùciVi avoient en quelque ai^iruvrc le don de propliétic,
UUli
IDE'E DE VOEUFRE DES CONFULSIONS. itp
îtiais la plupart dans un degré très-imparfait : qu'il y en avoit qui prcnoicnt quel-
quefois ce que leur imagination leur préfentoit, pour des révélations de l'Efprit
Saint : Se que cela obligea l'Apôtre d'avertir les fidèles d'éprouver tout & de dif-
ccrner par la lumière des vérités révélées, fî ce que difoienc ceux qui parloicnt
comme infpirés, venoit ou non de l'Efprit de Dieu.
On voit même que ceux qui avoient le don de prophétifer Se de découvrir le fe-
cret des cœurs , en faifoient quelquefois un ufage aflez indifcret & fort peu décent.
Saint Paul leur reproche que ceux qui étoient infpirés . . . pour révéler les fecrets
de Dieu ^ parloient plufieurs enfembledans leurs aflemblées, aufîl bien que ceux
qui avoient le don des langues : ce qui ne pouvoit manquer de troubler V ordre ^ Sc
de bleffer la hienféance. 11 leur donne pour régie qu'il n'y en ait point plus de deux t. cor. 14;
ou trois qui parlent . . . qu'ils prophétifent Pun après Pautre . . . . ^ que les autres-^' ^ '*•
jugent fi ce qu'ils difent vient de l'Efprit de Dieu.
„ N'éteignez pas l'Efprit (dit-il ailleurs) ne méprifez pas les prophéties. E-iToiTr.
„ prouvez tout, 6c approuvez ce qui ell bon: abllenez-vous de tout ce qui a^^ '''''*
„ quelque apparence de mal. „
Puifqu'il falloit///^<?r,puifqu'il falloit éprouver ^W. efl évident qu'il y avoit donc
quelquefois du mélange dans les prophéties des nouveaux chrétiens. Cependant
l'Apôtre défend de les méprifer. Il veut qu'en s'abltenant de tout ce quia quelque ap~
farence de mal^ cela n'empêche point cV approuver ce qui ejt bon ^ parce que tout
bien vient dé Dieu. Il déclare que c'eft vouloir éteindre les opérations du faint
Efprit que de méprifer . . . les prophéties à caufe du faux que ceux qui ont des ré- -
relations y peuvent mêler, 6c fous prétexte qu'on leur peut reprocher quelque ap-
farence de mal.
Sur quoi l'auteur célèbre que nous avons déjà cité tant de fois fiit cette judi-
cieufe réflexion. ,, C'eft vraiment éteindre le iaint Efprit que de s'oppofer aux,bij.
,, defleins, aux œuvres, aux inllruclions qui vont à l'édification de l'Eglife ....
„ 8c d'étoulFer la voix des miracles. Dieu fouffre plutôt une humble crédulité
„ moins éclairée, qu'une lumière orgueiilcufe & méprif.uite qui veut juger de
5, tout, & même des œuvres & de la conduite de Dieu. „
Qiiediroit ftint Paul s'il venoit parmi nous de voir qu'on méprife aujourd'hui
des dilcoiu^s fublimes remplis de la morale \x plus pure & des vérités les plus im-
portantes du chriftianifme, quoique ces difcours foient prononcés avec un zèle
plein de feu par des ignorans que Dieu éclaire d'une manière évidemment furna-
turelle, 6c qu'ils foient accompagnés de prodiges, de miracles, 6c de prédiélions
dont l'événement a déjà juftifié qu'il y en a plufieurs qui n'ont pu être faites que
par l'efprit de Dieu ?
Si de fon tems c'eût été une témérité trcs-crimincllc de décider que les dons
furnaturels dont les premiers chrétiens étoient favorites ne venoient pas de Dieu,
parce qu'ils en faifoient quelquefois u'.age contre les régies du bon ordre 6c de la
hienféance, 6c qu'ils mêloient quelquefois ce que Icin- propre efprit leur fuggé-
roit, aux révélations qui leurs étoient faites, comment excuferla témérité avec
laquelle on ofe rcjctter aujourd'hui totalement une œuvre dans laquelle l'opéra-
tion du Tout-puiflant paroit par tant de traits .''
Si les Convulfionnaircs ont fiit quelquefois des prédiétions faufl'cs, tout ce
qu'on en doit conclure, c'elt qu'il ne faut pas pr ndre une confiance entière à ce
qu'ils difent , 6c qu'il faut fuivre à leur égard l'avis que donne faint Paul aux
chrétiens de tous les tems, fcs Epitres aiant été infpirécs pour l'inllruclion de
tous les fidèles. Il faut, dit le faint Eprit par la bouche de cet Apôtre, y«-
ger éprouver .... approuver es qui eft bon .... s'abllenir de tout ce qui tt
OhfcrvȔ. I. Part. Tome IL R quel-
ijo IDE'E DE VOEUFRE DES CONVULSIONS,
quelque apparence de mal: mais fous ce prétexte ne méprifcr pas les prophéties'.
Au iurplus on doit taire une grande diflérencc entre des prcdiftions particuliè-
res, dont chacune n'a été faite que par un fcul Convulfionnairc qui a pii très aifc-
ment fe tromper en prenant les pcnlécs de fon propre efpric, ou les fantômes de
fon imagination , pour des révélations divines ; & une prédiélion générale faite ea
mémc-tems par tous les Convulfionnaircs , ou du moins par prefque tous, & qui
paroît vifiblement un des principaux objets pour Icfqucls Dieu a formé l'œuvre
des convulfions.
Qu'on méprife fi l'on veut les prédiftions particulières des Convulfionnaircs:
Dieu n'a pas fut de miracle pour les autorifer, du moins la plupart: il a peiTnis
au contraire qu'ils fe foient fouvent trompés lorfqu'ils en ont fait de pareilles,
parce qu'il n'a pas voulu qu'on les prît pour des Prophètes ni pour des perionncs
qui en convulfion parleroient toujours par fon efprit, & parce que fa juftice l'a
engagé à fournir des ténèbres à ceux qui haïroicnt la lumière & qui ne cherche-
roient que les mpicns de l'obfcurcirj mais Dieu a fiit quantité de miracles pour
autorifer en général l'œuvre des convulfions par rapport à certains points princi-
paux, 6c pour nous manifcfter qu'il agit lui-même dans cette œuvre. Or s'il y
agit lui-même vifiblement, elle renferme donc de grandes chofes? Elle contient
donc de grands objets dans fes décrets éternels ? On ne doit donc pas la méprifcr
quoi qu'en difent MM. les Confultans?
Car enfin puifque le Très-haut s'eft montré à découvert par des miracles dans
une œuvre aulîl extraordinaire &: aufiî mêlée que celle des convulfions, il eil cer-
tain que ce n'a pas été fans de grandes vues, & que cette œuvre fcrt à des def-
fcins dignes de l'immenfité de fa lagefic. Or quel eit le principal objet auquel tou-
te cette œuvre fe rapporte, ce font vifiblement les grandes prédiètions fiites uni-
formément par prefque tous les bons Convulfionnaircs? Auffi puifque Dieu nous
fiit connoître par quantité de miracles qu'il agit furnaturellcment dans cette œu-
vre, n'ell-ce pas nous déclarer clairement que la fin principale pour laquelle elle
cil formée entre dans le plan de les confcils.'' N'ell-ce pas nous dire qu'il autori-
fe par ces miracles les grandes prédictions, les prédictions unanimes qui font l'a-
mc de cette œuvre. Se le motif pour lequel il paroît manifellemcnt qu'elle cft
fiitc ?
Je ne prétenspas néanmoins que préientement l'onfoit encore obligé de croire
comme un fait infaillible que la venue d'Elie eft proche fur la feule autorité des
prédictions uniformes des Convulfionnaircs.
Je crois qu'on peut encore fufpcndrc fon jugement pourvu qu'on le faffe avec
la droiture & la fimplicité d'un cœur qui défirc finccrcment la lumière & qui la
Aâ. 17. lî. cherche avec foin, comme ceux dont il efi: écrit qu'ils exami noient tous les jours
les Ecritures ^ pour l'oirfi ce qu'on leur difoit était '■véritable. Mais je fuis très pcr-
fuadè qu'il y a une témérité très grande, très-dangereufe & qui peut avoir des
fuites funeftes pour le falut, à rcjctter avec mépris un avcrtiflcment qui peut de-
venir fi intérefilmt & qui cil accompagné de tant de choies où le doigt de Dieu
fe montre vifiblement. Je crois qu'un tel avcrtilVemcnt doit du moins nous enga-
ger à faire nous-mêmes nos réflexions fur l'ét.at de l'Eglilc : 6c que fi nous en tal-
ions de bien juftes, de bien folidcs &c de bien profondes, elles nous conduiront
elles-mêmes a être auffi convaincus que le Bienheureux pénitent dont Dieu autori-
fc les fcntimcns par tant de miracles, & à croire comme feu M. l'Abbé Duguct,
3u'il y a tout lieu de craindre que le tems de la répiobation de la plus grande partie
c laGentilitè;/!? l'oit prtche ^ou plutôt c^uW y a tout \'\c\\d'efpcrcr que celui du rappel
des Juifs iCefl pas éloigné : ce qui nous obligera à nous tenir prêts a tout cvencmeni .
IDE'E DE VOEUFRE DES CONFULSIONS. rji
II n'y a nul danger pour le falut à être attentifs 5c à nous préparer à tout par la
prière & la pénitence, fuivant que les Convulfionnaircs nous j exhortent : mais
il peut y en avoir beaucoup à fc laiffer prévenir contre la venue du Prophète par le
mépris téméraire qu'on fait d'une œuvre oii Dieu manifelle fa préfence par des
miracles, Ôc quantité d'autres prodiges.
C'eft très-mal à propos qu'on objefte qu'il n'efi: pas naturel de penfer que Dieu lxx.
ait voulu fe fervir de petites créatures aum méprifables que la plupart des Convul-i^ft^^n j°'^*
fionnaires pour annoncer des évenemens auffi grands, auffi importans , auffi peu''='f^''"':'*« u
vraifemblables que le retour du Prophète Elie , la réprobation de prefque toute c^uîcta-
la Gentilité , le rappel des Juifs , la converfion de toute la terre. riMeu
A cela trois réponles. i °. Dans le nombre des Convulfionnaires il y a des Prêtres,
qui ayant eu toute leur vie une très-grande piété, vivent depuis qu'ils ont des con-
vulfîons dans une profonde retraite , où ils ne s'occupent qu'à la prière : il y a des
perfonnes de diftinébion , qui depuis ce moment ont embraffé une vie extrême-
ment pénitente : 8c fi la plupart des autres font des perfonnes de plus bas étage ,
combien dans ce grand nombre , y en a-t-il que Dieu a fait parvenir à une très
grande piété? J'en puis parler avec aflurance, aiant étudié avec application les
grâces que Dieu a faites à plulîeurs. Combien de fois pénétré d'admiration de
leurs vertus , ai-je élevé mes yeux vers le ciel pour prier celui qui les leur a don-
dées de me faire profiter de fi grands exemples que je fuis fi éloigné d'imiter. Com-
bien leur humilité profonde qui leur iait fupporter fans peine les calomnies dont on
les noircit, les opprobres dont on les couvre , les perfécutions dont on les accable,
êc qui leur fait en mêmetems ignorer toutes leurs vertus; ne m'a-t-clle pas fait
honte des mouvemens de vanité qui s'élèvent malgré moi dans mon cœur, quoi-
que le fouvenir de majeuneflediàt fi fort m'humilier! Combien leurs pénitences
qui font incroiablcs 6c la joie avec laquelle ils fouffrcnt les macérations dont ils
crucifient leurs corps, ne m'ont-elles pas fait rougir de ma délicateffe , démon
immortification, de mon impénitence ! Combien leuramour pour la croix, leur
efprit de ficrificeSc leur ardent défir de fouftnrpour la vérité, ne m'ont-ils pas
reproché ma tiédeur, ma lâcheté, mafoiblcfle!
La vertu qui rend les hommes dignes de pofieder Dieu même, cfl leur vérita-
ble grandeur : toute autre aux yeux du Très-haut n'eft que vanité , n'eft que néant.
On ne doit donc pas regarder tous les Convulfionnaires comme étant indignes
d'être les inftrumens dont Dieu le fert pour manifeftcr fes arrêts?
Il eft vrai qu'il s'en faut beaucoup que tous les Convulfionnaires foient par-
venus au même degré de vertu, 6c qu'il y en a même quelques-uns qui ont paru
en tout fens très-peu dignes d'être les inftrumens de Dieu. Mais qui peut pénétrer
tous les confeils du Très-haut?
Ce qui paroît à nos yeux , c'eft que Dieu , pour préparer fes plus fidèles fervi-
teurs aux grandes épreuves qu'il auront à efluyer, a voulu leur faire connoître,
non feulement par des difcours dont le furnaturel eft évident , mais aufiî
par des peintures animées Se des tableaux vivans, l'état oîi l'Eglife vifible eft
aujourd'hui réduite : leur apprendre les moyens qu'il a refolu d'employer pour
en produire le renouvellement -, 8c leur faire efperer que s'ils foufFrent pour la
vérité, il remplira leur ame d'un courage qui foutenu par une vive efpérance,
les comblera de joie dans le fein même de la douleur. Or pour rcpréfcntcr tou-
tes les différentes figures qui entrent dans fon plan , il lui a plu de prendre des
perfonnages de toutes fortes d'étals 8c de ciu^aéteres , 8c de ne leur pas fiiire les
mêmes faveurs également à tous. Il y en a un certain nombre, qu'il a élevés
eu fort peu de tems à une très-grande vertu: plufieurs, à qui leur état a été
R i fort
Luc I9« S».
iji IDE'R DE LOEUFRE DES CONFULSIONS.
fort utile. Se le devient tous les jours de plus en plus: enfin quelques-uns, dont
la conduite n'en cil pas moins reprehcnfiblc depuis leur^ convulfions , & qui
font même fârhés d'en avoir. Cependant il les a tous Attaches à la caufe de l'Ap-
Î'el ; & lorfqu'ils font eu convulfion , il leur donne à prefque tous les dehors de
i pieté.
2.O. C'eft ne pas connoître les voies de Dieu que d'ignorer qu'il fe plaît (bu-
vent à faire annoncer les plus grandes vérités par des pcrfonnes qui paroifTcnt vi-
les & mépriflibles.
L'homme qui ne peut fe diffimuler entièrement fon impuiflance, fa foiblcflc &
fon néant, cherche à fe relever par des choies extérieures, ce qui lui fiit fouhait-
tcr que tous ceux qui agiffent cnfon nom , aient quelque chofe d'impofant 6c qui
brille au yeux des hommes. Le Très-haut tout au contraire affcéte fouvcnt de ca-
cher l'extérieur de fcs plus grands delTeins &: de fes plus profonds confcils , fous des
apparences trcs-baflcs , & emploie fouvent pour exécuter fcs plus grandes oeuvres,
des pcrfonnes que les eiprits fuperbes ne jugent dignes que de mépris.
Quatre réflexions du Père Qiicfncl vont faire l'application de ces principes à l'cf-
péce dont il s'agit. Cet auteur, dont les ConvuHîonnaires foulienncnt la caufe,
paroît de fon côté danspluiîeurs endroits de fcs écrits avoir été delliné de Dieu
pour les défendre par avance , quoique les convulfions n'aient paru que long-tcms
après fon ouvrage; mais il y a quelque lieu de prcfumer que celui quiTéclairoit ,
6c à qui l'avenir eft éternellement préient, a voulu qu'on trouvât dans fes écrits
de quoi défendre ceux qui feroient perfécutés pour fa caufe.
. ,, Dieu fe plaît (dit-il) à figurer les plus grands defleins par les chofes les plus
„ viles & les plus baffes. . . L'œuvre de Dieu etl: une oeuvre d'humilité : cette
„ vertu doit être aufli le caraétèrc des ouvriers qu'il daigne y cmploier.
Ad. 4. 11. V P'"5 on eft rejette, méprifé , perfecuté du monde, plus on ell propre pour
„ les œuvres de Dieu,
jbid. 7. 3j. j^ C'eft ainfi que Dieu a coutume de préparer par l'humiliation, Se les rebuts,
„ ceux dont il veut fe fervir pour fcs œuvres,
loid 21, 5. ^^ Dieu donne quelquefois à des filles humbles, fidelles, délmtcreflecs, qui lui
„ lont confacrécs par la pureté du cœur 6c du corps , 6c animées d'amour 6c de
„ zèle pour J. C. pour fa parole, pour fon Eglife , des lumières qu'il ne donne
„ pas à des Prêtres 6c à des Doéleurs. „
Dieu eft le maître de fes dons , S<. conduit fes œuvres par des voies toutes diffé-
rentes de nos pcnfées. Ilfe fertdc qui il lui plaît pour annoncer fes plus grands def-
feins j 6c l'on trouve même des exemples qu'il y a quelquefois emploie des per-
fonnages qui fembloient fort indignes d'être fes inftrumens.
Jefus fils d'Ananus cet ancien Convulfionnaire de Judée, qui courut fans ceffe
pendant 7. ans en criant jour 6c nuit: malheur à Jcyttfalc7n ^ paroiffoit n'avoit aucun
ufagc de fi raifon. Se fembloit par là ne mériter aucune créance. Cependant l'é-
vénement a prouvé , 6c les auteurs Eccléfiaftiques conviennent tous , que Dieu s'é-
toit fcrvi de cet homme pour annoncer la deftruélion tic cette ville. Quel malheur
pour les Juifs d'avoir rejette cette prédiélion avec mépris ! Et qui ofcralesexcu-
fer aujourd'hui de n'avoir pas fait réflexion que l'état de cet homme étant évi-
demment furnaturel, méritoit qu'on fît gr.mae attention à ce qu'il annoncoit?
La baffclTc, les imperfections, les défauts même des inftrumens, ne doivent
donc point nous faire rejctter ce qui paroît d'ailleurs venir de Dieu, fur tout s'il
y a lieu de croire qu'il l'autorife par des miracles.
Dans le tcms que toute la nature eft cnfevelie dans les ténèbres. Dieu fait
fortir unclumicrc brillante du corps d'un petit vcrmifTcau : mais fous prétexte que
tout
IDE'E DE L'OEUFRE DES CONVULSIONS. t^
tout le corps de cet infcfte n'cft pas luifant , &: qu'il nouspnroît trcs-pcu digne
que Dieu lui donne un pareil éclat ,■ devons-nous refufer de voir la lumière que
Dieu lui a effectivement donnée 8c par laquelle il nous éclaire? Ainfi dans le
tems que di fombres nuages obfcurcinent de toutes parts le flambeau de la vérité,
6c que rhoramc ennemi Fait tous fes efforts potu" l'éteindre, il plaît au Père des
lumières de nous en découvrir de très grandes par des inftrumens d'autant plus
propres aux deffeins de fa Sagcfle, qu'ils font moins conformes aux fentiraens de
notre orgueil.
Profitons de ces faveurs du Tout-puilTant au lieu de chercher des prétextes
dans les imperfcétions desfujets, pour méprifer les prodiges les plus étonnans , 6c
jufqu'à des miracles inconteftables.
30. 11 ne faut pas perdre de viie que le deffein de Dieu dans l'œuvre des con-
vulfions, n'a pas feulement été de faire annoncer la venue d'Elie à ceux qu'il de-
ftine à le rcconnoître , mais qu'en même-tems (a juftice l'a engagé de traiter la
plupart des hommes fuivant le délîr de leur cœur , & de fournir des ténèbres à
ceux qui feroient affez malheureux pour en fouhaiter.
N'étoit-ce pas une fuite toute naturelle de ce plan de lajuftice divine, défaire
entrer dans l'œuvre des convulfions quelques perfonncs qui paroilTent très -indi-
gnes d'être fes inftrumens, &C de choiiîr la plupart des autres dans une condition
baffe , afin que l'orgueil des cfprits fuperbes en fût blcflcSc refufât d'y prendre
confiance?
Mais d'un autre côté y a-t-il rien où l'opération de la divinité éclate avec plus
d'évidence , que' de frire faire régulièrement tous les jours des difcours d'une
beauté magnifique , à de petites filles 6c à d'autres perfonnes élevées dans les om-
bres de la pauvreté 6c dans la crafle de l'ignorance ; 6c de leur faire prédire ces
grands événemens dans des difcours fub limes, dont le furnaturel eft d'autant plus
marqué quelles iont plus incapables de les faire?
. Y a-t-il rien de plus digne de la bonté d'un Dieu, quineméprifenilcs pauvres
ni les petits 6c qui fouvcnt les préfère aux grands du monde, que de leur;uinon-
çer des prédiélions très-importantes, 6c en même-tems d? les inftruire des maux
de l'Eglife ainfi que des plus grandes vérités de la religion, Sc tout cela par des
perfonnes qui étant de leur état , font à leur portée ?
Enfin y a-t-il un moien plus court pour répandre tout à coup de toutes parts la
prédiélion de ces grands événemens ?
Si ces inftruélions, d'autant plus admirables qu'elles font faites par des igno-
rans, n'ont pas produit tout l'effet qu'elles auroient dû naturellement produire,
c'eft que Dieu eft irrité contre les hommes qui fe font rendus très-indio-ncsdefes
grâces : c'eft que l'œuvre des convulfions eft encore plus une œuvre de juftice qu'-
une œuvre de mifericorde : c'eft qu'elle eft encore plusdeftinée à voiler la mifllon
du Prophète, qu'à annoncer fa venue.
C'eft la z°. vérité qui me refte à prouver & qui , en développant de plus en
plus le plan de Dieu, fournira peut-être des preuves encore plus frappantes que
toutes celles que j'ai rapportées jufqu'ici, q_u'il y a tout lieu de pcnfcr que la
venue du Prophète ne peut être fort éloignée.
R 5 SE-
154 IDE'E DE VOEUFRE DES CONVULSIONS.
SECONDE VERITE'.
Le vie pris qt^ on fait nujourtïhui des convul fions , des prodiges ^ ta même des miracle i
<r/? une difpofiîion des efprits trbs-extraordi>:aire . Il efl vif.hle que Dieu Pa permis
dans fa juflice pour faire rejetter le Prophète par prefque toute la communion
catholique.
î'ï^'r'(?jT-T ^ Verbe fut chair nous a prédit lui-même que lorfqu'Elic viendra rétablir
a.oncJej.c. I Joutes chofcs ., il fouffrira beaucoup., i^ fera rejette aiec le même mépris qu'il a été
t^nll7 écrit que le fils de t homme le doit être.
icschrë ^ Rien ne paroît plus étonnant que cette prophétie de J. C. En effet comment
i'Abordin"'" concevoir qu'un aufli grand Prophète qu'Elie, un Prophète dont la venue cil an-
•onccTabie. nonccepar la Vérité incamée , un Prophète qui paroiflant tout à coup parmi nou<;,
prouvera fa million par les plus grands miracles te les mer/eilles les plus furprc-
nantes, fera néanmoins rejette avec exécration parles principaux chefs de l'Eglife,
par le très-grand nombre des Prêtres Se des Do£lcurs, par prefque toute la com-
munion catholique -, & qu'on fe portera jufqu'à cet excès , de le condamner
comme un impoileur, & de le faire mourir dans les fuppliccs comme un fcélerar.
Cette prédiftion elt d'autant plus incomprchenfible qu'il n'y a aucun bon ca-
tholique qui ne doive être pcrfuadé de l'avencmcnt futur de ce Prophète. Les
termes dont T- C. fe fert pour nous le déclarer, ne peuvent être plus précis: il
hu-.xj.M.pii ..jy^i qji' £iji, doit z'cnir , (^ qu'il rétablira toutes chofcs , Elï as quidem l'etiturus efl ,
é? reftituet omni.x. Aullî les Percs de l'Eglife nous ont-ils entretenu de lîèclc cr»
fiècle de la venue de ce Prophète & de.- effet., merveilleux qu'elle doit produire
dans tout l'univers.
Dieu même ne celfe de nous la prouver par une merveille toujours fubfiftantc
depuis XVII. ficelés. Je parle de la confervation du peuple Juif depuis la def-
truétion ds Jérufalem. Ce peuple eft depuis cetemsf.ms états, fins armes, fms
foutien, fans fccours. Il ell haï, méprii'é, pcrfécuté par toute la terre: Scilfub-
fifte toujours quoique drfpcrfc parmi les nations qui le dédaignent, qui le mal-
traitent & qui l'outragent, tandis que tous les autres peuples qui pofledoient
des roiaumes dans le tcms que Jérulalcm fut détruite, £c même les Romains qui
ctoient alors les maîtres du monde, ont difparu de dcdus la terre.
Tout change de face lous les cieux : les plus puiffans empires ne durent qu'un
tcms limité > chaque nation dans le cours de peu de ficelés fe mêle &: fe confond
avec d'autres peuples : elle perd {c:% coutumes, fa langue, fon nom ; &: l'on n'en
trouve plus de traces que dans les livres. Les leuls Juifs , quoiqu'crransde tous
côtés depuis XVJI. fièclcs , 6c dénués de toute force &: de tout appui, fe confcr\'ent
malgré tout ce qui auroit dû cent mille fois les détruire. Il eft vifiblc que Dieu rc-
ferve ce peuple afin d'exécuter un jour le< grandes promclTes qu'il lui a faites.
Auflî les mêmes Prophètes qui ont prédit l'état aufiim.ilhcurcux que fingu lier où
ce peuple fe trouve réduit depuis tant d'années, ont en mcmc-tcms préciit fa
converiion & fon rappel dans les derniers tems, qui fera, nous dit S. Paul, un
retour de la mort à la -vie pour le monde ,&qui doit être le fruit de la venue d*E-
lie , fuivant les anciens Prophètes, la tradition de l'Fglifc, & la promeflc for-
melle qu'en a fiite J. C. Il n'y a donc que des incrédules qui puiiTcnt le révo-
quer en doute !
Mais s'il c(l certain , s'il cfi de foi que ce Prophète doit venir un jour r/tal/lir
Joutes chofes, comment peut-on comprendre que prefque toute la communion c.itho-
liquc le méprifcra & le traitera ainfi que Icsjuifs ont traité le Sauveur du monde?
IDE'E DE VOEVVRE DES CONVULSIONS. i^y
Il eft fans doute que cette prédiftiondevoit paroître contraire à toute vraifem-
blance , avant que ce que nous voions de nos yeux fut arrivé : mais pour peu qu'on
faffe attention à l'état préfent de l'Eglife vifible , il eft aifé de s'appercevoir que
prcfque toute la catholicité cil aujourd'hui difpofée à méconnoître cet envoie de
Dieu, & même à le condamner à mort , quelques miracles que Riflcle Très-haut
pour autorifer fa miilîon: & il eft manifefte que l'œuvre entière des mei-vcillcs
commencée liir le tombeau du Bienheureux M. de Paris , ôc finguliernnent l'œuvre
des convullioHs qui en fait partie, a fait éclore, ou du moins a augmenté ces
funeites difpofitions, en portant la plupart des catholiques à méprifer les prodi-
ges & les miracles par les diff"érentes circonftances qui les ont accompagnés.
Il n'eft pas douteux que le Prophète que Dieu doit envoler pour rétablir toutes
chofes, ne prêche la plus pure morale du chriftianifme , qu'en conféquence il ne
foudroie la Bulle , & qu'il ne condamne comme des prévaricateurs, ou du moins
comme des pcribnncs fédilites , tous les fiuteursSc adhérans de ce fatal décret. Or
ce fera un moien intaillible de révolter contre lui prefque tous les chefs de l'Egli-
fe, & tout le gros de la communion catholique.
Depais long-tems la Cour de Rome a pris pour principe invariable delà con- Di^p^i^ao»
duite, de ne jamais revenir fur fes pas. Se de foutenir toutes fesdécilions, quel-''* '» i-"»"'
ques iiiites qu'elle puiiïent avoir, avec une inflexibilité à laquelle elle eft difpofée
de ficrifier tout. Rien ne lui eft fi précieux que le privilège divin d'être infail-
lible, qu'elle a ofé s'attribuer. Ainfi fon parti eft prisincommutablement par rap-
port à laConftitution, quelque chofe que Dieu fafte pour déclarer qu'il reprouve
cette pernicieufe Bulle. Auffi c'eft en vain que le Tout- puiflant a déjà fait un
nombre infini de miracles à l'interccllion de pluficurs Appellans, 6c principale-
ment à celle du Bienheureux M. de Paris. La facrée congrégation des Inquifitcurs nacrer de
généraux- a déjà prononcé en conféquence de Tordre exprès au. Pape Clément XII.ju moi'j''de'
que le Bienheureux Diacre, dont Dieu publie la gloire éternelle par tant de pro- f«v. 1759.
diges , eil un hérétique (^ un fchifmatique ; elle a profcrit fans examen tous les
miracles que le Très-haut a opèi-ès à fon interceflîon > clic a fiiit brûler publique-
ment mon premier Tome qui en contient plufieurs preuves, auxquelles cepen-
dant il n'eft paspodibleni derépondre, ni de rèfiiler de bonne foi.
Cette lacréc congrégation aura-t-clle plus de rcfpcct pour un Prophète, qui
lui reprochera à elle-même l'iniquité de ce jugement , qui donnera , à leur chère
Bulle tous les noms qu'elle mérite, & qui publiera toute vérité avec une intrépi-
dité inébranlable ?
La Cour de Rome s'eft eng.agée p.ar une telle démarche d'anathématifer tous
les miracles, tels qu'ils puificnt être ,qui porteront avec eux la condamnation de
la Bulle. La Cour de Rome ne recule point. Le procès eft donc déjà fait au Pro-
phète! Sa condamnation cil déjà prononcée quelques merveilles, quelques pro-
diges, quelques miracles qu'il pu iile faire. S'il réprouve la Conftitution, s'il blâ-
me les décifions de la Cour de Rome , s'il veut reformer tous les abus qui fe font
introduits dans l'Eglife t<. fingulièremcnt parmi fes chefs, comme il ne peut
manquer de le fiiire puiiqu'il fera envoie pour cela, on le traitera fans doute
d'impoftcur:on déclarera qu'il eft un hérétique, encore mille fois plus dangereux
que le Bienheureux François de Paris : on le condamnera comme le plus pernicieux
de tous les ennemis qu'ait jamais eu l'Eglife : & l'on croira qu'en 'ne peut trop fe
preftér d'en purger la terre, & d'arrêter par là le cours de toutes fes cntreprifcs.
Tous les dift'ercns nuages qui ont obfcurci l'œuvre des convulfions ferviront
encore de prétexte à ce terrible jugement. Il y atout lieu de croire que plufieurs
des meilleurs ConvuUiomiaires par qui Dieu a fiùt annoncer ce Prophète, s'em-
pref-
1^6 IDE'E DE VOEUrRE DES CONVULSIONS.
prcfl*eront de le fuivre auflî-tôt qu'il paroitr.i , & que le Prophète tout brûlant de
charité les recevra comme fes cnfans. Il n'en faudra pas davantage pour faire re-
garder cet envoie de Di'^u comme un chef de fanatiques, & pour le rendre ref-
Îjonfable, fuivant la maxime de la Confultation, de toutes les erreurs & de tous
es crimes où ont pu tomber les Augultinirtcs Scies Vaillantifl.es, & généralement
de tout ce que le démon a pu joindre du ficn à l'œuvre des convulfions prifecn
fa totalité, & iln'eit pas hors d'apparence que le tribunal de l'inquifition ncpuif-
fe fe lailTcr éblouir par toutes les calomnies qu'on débitera à cette occafi on con-
tre le faint Prophérc , & que cela ne lui ferve de fondement pour le condamner
comme un impoitcur, & comme un fauteur d'héréfies.
La décifion de la Cour de Rome, telle qu'elle puilTc être, entraine avec elle
aujourd'hui celle de prefque toutes les puiflances Ecclefiailiques & feculiercsdc
tous les Roiaumes catholiques, fpécialement celle du très grand nombre des
Evêques, & Rome cit en état par ce moicn deperfuader tout ce qu'illuiplaità
prefque toute la catholicité. Nous en voionsunterribl'' exemple dans l'acceptation
devenue en peu de tems prefque générale de la fiitale Bulle qui caufe t:mt de
maux dans l'Eglifc. Qiioique ce décret ait excité contre lui le cri général de la foi
auflî-tôt qu'il a paru, & de la tradition profcnte par cette Bulle antichrétiennc,
néanmoins la crainte de déplaire à la Cour de Rome s'étant jointe à tous les au-
tres motifs d'intérêts & d'ambition , a bientôt fubjugué prefque tous les minières
des autels. La plupart même des Prélats, qui d'abord s'étoient récriés contre la
condamnation de la morale Evangelique portée par cette Bulle, fe font depuis
laides emporter au torrent de la réduction.
ixxT'i Nous ne fommes plus dans ces premiers ."lècles de l'Eglife où le plus grand
Birpotiiiin nombre des Evêques étoit prêt de tout ficrificr pour la vérité: nous ne fommes
nombr^dosPl^sdans cetemsdebénédiftion,où on choififlbit pour premiers Pail:eurs,dciaints
ifiqun. folitaires qu'on arrachoit malgré eux de la retraite où ils s'étoient enfevclis , qui
continuoient à la tête de leurs diocéfes la vie humble, auftèrefic pénitente qu'ils
avoient menée dans le défert , èc qui n'avoient d'autre ambition que d'acquérir
des âmes à Dieu , & de confen'cr au prix de leur fang le dépôt de toutes les vérités
confltcrécs par la tr.idition. Cependant l'Evangile n'a point changé: fes régies
J»an 10. i.font toujours les mêmes. En i-érité en vérité je veus le fiis ^ nous a déclare le
Sauveur du monde: celui qui n'entre point par la bergerie des brebis^ mais qui y
monte par un autre endroit eft un voleur (^ un larron.
Entrer par la porte, c'efl n'cmbraflcr l'état Ecclc(î:'.fl:iquc, & ne fe charger des
emplois de l'Eglifc , que par le mouvement de l'Efprit faint , qui fcul peut donner
une vocation véritable : c'cftne s'y dcllincr que par des motifs qi'i tendent tous à
la gloire de Dieu : c'cll n'y porter d'autres vues que le f.Uut des amcs : c'efl ne s'y
prcfcnter qu'avec une volonté déterminée de ne rien ménager p'^urconfervcrdiins
it>,j. II. toute fon intégrité la pureté de la morale duchrillianilme. Lcbcn PafieurÇu'wAnt
que J. C. le déclare, doit être prêt adonner fa vie pour fes brebis. Si un Padenr entre
dans la bergerie fins avoir ces fcntimcns, fie fi fon intérêt pcrfonncl a été Icprin-
ili.d 1 1. cipal de fes motifs , il ell un mercenaire , dit la V crité incarnée. L'auteur du connnen-
Tri.ic it%^ taire imparfait fur S. Mathieu , quiapaffé long-tems pour S. Cbrifofome^ii'it M . N ico-
l'd'ù juKtm le ^ifouticnt m émc que ceux qui briguent des Evichés ne croient point !c jugement de Dieu ;
ti. i- 1- i i7 ■ c''ejl à dire que félon lui., la foi du jugement ne peut fubftfter avec ta y c cherche ambi'
tieufe des dignités de lEglife. Ainfi tou.-. ceux quialpireni aux dignités dcl'Eglifo
par le dcfir de fe procurer un grand érablilfenient d.T!is le monde, & géi\éralc-
ment tous ceux qui y ont apporté des vûrs d'intérêt îk d';imbi;ion, iont trcsfiii-
pcéVs de n'avoir tj^uc bien peu de fci, ou du moins ils ne font que des mcrcetui-
jcs fuivant la dcciiiou de }. C. Dan
ÏDE'E DE L'OEUP'RE DES CONFULSIDNS. 1^7
Dans cette lie des fîècles où il n'cft que trop vifiblc que le très grand nombre
des Evcques n'entrent point dans la bergerie par la porte, c'ell: à aire parla vo-
cation & dans l'Efprit de Jefus-Chrift, font-ils bien propres chacun en particu-
lier, à devenir les organes de l'Elprit Saint, & les oracles de la vérité? Et fi
Dieu s'eft engagé d'alTîiler toujours le corps paftoral, lorfque dans l'unanimité
gligent notoirement les moicns prefcrits par les loix divines 8c humaines pour
connoître la vérité, 5c que la plupart ne donnent même leur décillon que par
des motifs purement humains ?
11 n'eft donc pas fort étonnant que dans ce fiècle déplorable , où la foi eft fi foi-
blc , & la charité fi refroidie, Dieu ait permis que le très-grand nombre des pre-
miers Paftcurs aient abandonné le parti de la vérité pour le ranger fous les étcn-
dans de la Bulle, en voiant qu'elle ell: appuiéepar l'autorité de toutes les Puiflau-
ces. Or après une telle -démarche la plupart de ces Prélats feront-ils bien difpo-
fés à rcconnoîcre le Prophète? Voudront-ils fe brouiller avec la Cour de Rome 5c
avec les PuilTlmces féculieres dont ils dépendent , pour avouer à la face de toute
la terre qu'ils s'étoient laifles féduire lorfqu'ils ont reçu la Conilitution ? Les
grands miracles que fera le Prophète leur donneront-ils aficz de vertu pour fa'ire
une démarche fi généreufe Se fi humble, ôcaflcz de-courage pour s'expofer de gaie-
té de cœur à toutes lesdifgraces qu'un pareil aveu ne manqueroit pas de leur atti-
rer? Sans-doute que tout cela eit très facile à l'efficacité de la grâce du Tout-
puiffant : mais il n'y a qu'elle qui puifle les y déterminer. Ainfi tous ceux que Dieu
abandonnera à leur propre foiblefle ne manqueront pas de fe joindre au grand
nombre , qui ne cherchera <iue de fauflcs couleurs pour décrier le faint Prophète en
le confondant avec tous les Convulfionnaires bons & mauvais, en le chargeant
par ce moien de toutes les erre^irs 6c déroutes les actions criminelles des Augufii-
niftes 6c des Vaillantiftes , 6c en le deshonorant par toutes les calomnies dont on
a tâché de noircir tous les Convulfionnaires fans exception.
Si les Confultans ont prétendu rendre les meilleurs Convulfionnaires garans de
tout ce qu'ont pu fiirc de mauvais ceux qui font tombés dans le finvatilmc , mal-
gré la diftinétion vifible que Dieu a mife entre les uns 6c les autres , & l'efpècc
d'antipathie des premiers contre les finatiques, qui éclate par tant d'effets furna-
turels ; combien les partifans de la Bulle auront-ils encore un plus grand intérêt
d'accufcr le fiiint Prophète d'autorifer par fon union avec plufieurs Convulfionnai-
res, toutes lesinfimies 6c les fentimens hérétiques qu'on reproche à ceux qui ont
été féduits par le démon ?
Si la Ceurde Rome 6c prefque tous les Evcques reprouvent l'envoie de Dieu, Lxxrv
fera-t-il mieux accueilli par kmultitude mnombrable de Conllitutionnaircs 6c dcj^'^^niu"
Moliniftes qui inondent aujourd'hui l'Eglife ? Le Prophète fera envoie précifément tutionnaire»;
pour dévoiler 6c pour combattre toutes leurs erreurs : & il y a toute apparence qu'il (i",'dts aux
ne les ménagera point , lui qui fera dévoré par le zèle de la maifon de Dieu. Les-'^'"''»'"^''
Conftitutionnaires 6c les Molinilfes fe laiffcront-ils ainfi décrier fi;ns en conce-'^""""*'
voir aucun rellentiment, 6c lans faire aucun effort pour en repouffer l'injure?
Non feulement dans ce nombre ilv a une quantité prodigieufc de perfonnes que
des engagemcns humains, le point d'honneur, la honte de reculer, 6c différente?
vues d'ambition 6c d'intérêt attachent à la fortune de la Conilitution , auifi bien qu'à
la morale relâchée de la Société antichrétienne: mais il yaencore une grandemulti-.
tude de fiuix dévots , dont le zèle amer , fondé lur la plus profonde ignorance du vé-
ritable cfprit de la religion , prend la Bulle pour l'Evangile , Se en tait un des princi-
' Obferviit. /. Part. Tçnie II. S paux
,58 TDrE DE VOEUFRE DES CONVULSIONS.
eaux objets de fon culte. Or les fi\ux dévots ignorons ne reviennent prefque jam^s
de leurs préjugés : ce font ordinairement les plus entêtés de tous les hommes.
Mais ce qui c(l encore plus déplorable , c'eftquc dans la plupart des païs fou-
rnis àl'Inquifuion, à peine y connoît-on la morale du nouveau Teftament. Pref-
quc toute la religion s'y réduit à un culte pharifaïquc & purement extérieur :1a
foumidîon la plus aveugle à tout ce qui émane de la Cour de Rome^ y fliit l'el-
fentielle partie de la pieté: ainiî n'cft-il pas évident que le Prophète y pafTcrapour
un hérétique ?
La France eft le Roiaume où Dieu aconfci-vélcplusdelGmieres : mais l'amour
de la vérité n'en fuit pas toujours laconnoilfance. C'eft dans ce Roiaume Se fur-
tout dans fa capitale que le Très-haut a déjà fait éclater une grande multitude de
miracles , qui étant tous opérés à l'interccflion d^Appellans , prononcent du haut
du ciel la condamnation de la Bulle. Qui n'auroit cru que tant de merveilles au-
roient fait triompher l'Appel par tout le Roiaume ? Car enfin qu'elle témérité n'y
»-t-il pas à fe révolter contre la décifion de Dieu même? Cqjcndant ces miracles
nont ouvert les yeux qu'à un petit nombre de pcrfonnes , en comparaifon de ceux
qui fe font obftinésà les fermer : pluficurs même ont poutTé leur zèle impie, juf-
qu'à noircir de calomnies ceux dont leTout-puifl-mt manifelle la gloire. Scmbla-
A 6 blés à la bête de l'Apocaliple, ils ont ofé ouvrir la bouche pour blafphêmer contre
*°' '^ ceux qui habitent dans h ciel. Auront-ils plus de retenue à l'égard da Prophète Se de
fes miracles ! Avec quel emprelTcment ne chercheront-ils pas, pour cJmcrlccride
leur confciencc , dont les miracles du premier ordre que fera l'envoie de Diai , trou-
Notre cfprit n'clt que trop fouvcnt le vil complaifant de notre cœur: au lieu
de reformer fes préjugés & de combattre fes paffions , il ne cherche fouvent que
le moiendclcsjuil:iher,delesfoutenir,dclesautorifer : il en faiiît avec ardeur le
prétexte le plus frivole. Et comme la plupart des œuvres divines ont leurs nuag«,
que Dieu permet dans fa juflice pour fournir des ténèbres à ceux qui défirent il'en
trouver , quand notre cfprit cherche en pareil cas à fe tromper lui-même , il ne man-
oue point de moiens de le faire : il réalife la moindre ombre: il fe faitunmonftre de
prit & n'en pratiquent que
-mêmes? Qii'il ell à craindre que leurs préventions ne leur faflcnt prendre le
Prophète pour un fauteur de flmatiqucs , de fchifmatiqiies & d'hérétiques , mal-
Evé la grandeur des miracles par kfquels il prouvera qu'il eft l'homme de Dieu.
Lxxv. Mais la communion catholique n'eil p:is feulement infccléc parune infinité de
r.fpoti'wn pharificns, qui n'ont prefque confcrv'é qtie les dehors de la religion: clic l'cll
4« /rpVi!'." encore par une multitude innombrable dcSadducéens, qui n'ont de chrétien que
*"'"• le nom. Ces incrédules, ennemis déclarés de tout furnaturcl , ont recueilli avec
une extrême avidité tout ce qu'on a débité contre les miracles & lesconvulfions.
L'œuvre du tombeau du Bienheureux Diacre , Liouelle renferme , tant les miracles
tclatans quilont commencée, que les prodiges & les figues fumaturels qui ont fuivi,
& dont la venue du Prophète leraraccompHilcmcnt : cette œuvre fi extraordinaire
eft untiflu de merveilles prefque fans exemple: mais ces merveilles ont été obfcur-
cies, contredites, & combattues par une multitude d'hommes à qui les dignités
8c la réputation donnent un très-grand crédit : & enfin elles ont étéprofcritcspar
les plus grandes Puiffanccs du monde chrétien , p.n- la Cour de RoHie , & la Cour
de ri.incc II n'en a pas fallu davantage pour autorifcr les prétendus efprits forts
à rc-
IDE^E DE VOEUFRE DES CONFULSIONS. t?^
à révoquer en doute , non feulement tous ks prodiges de notre fîèclc , mais auffî
tous ceux des fiècles précédens Ils ne répondent plus aux preuves tirées des mi-
racles que par un ris moqueur. Qu' El ie vienne donc au milieu de nous , Sc qu'il
prouve fon mini ftere par les merveilles les plus évidemment divines, leur réponfc
'cft toute prête. Quoi toujours des miracles ? Ces derniers font-ils plus fûrs que les
précédens? Les gens en place, les perfonncs les plus refpeélables , les Dcéteurs ,
les princes des Prêtres 5c les plus grandes Puiflanccs de la terre, croient-ils en ce nou-
veau faifeurde prodiges? Tous ces prétendus miracles tels qu'ils foient, ne méritent
donc que d'être auffi méprifés, que ceux que la canaille fmatique des Convulfion-
naires &: des Convulfionnifl.es publioient il y a peu de tems avec tant de bruit?"
Il feroit naturel de penfer que du moins tous les Appellans reconnoîtront le
Prophète ^ fe joindront à lui avec empreflcmcnt : mais il y aura peut-être par-
mi eux bien des retranchemens à faire: ils fontafluellement divifésen plufieurs
clafl*es, Dieu veuille que par la fuite ils n'en fiflent plus qu'une bonne !
Qiii auroit jamais pu. croire que dans le nombre de ceux qui ont pris le titre lxxvt.
d'Appellans, il y en eût qu'on pourroit juftcment nommer demi efprits foits ?dafl>rdp«
Qiielques-vms d'entr'eux s'étant habitués à vouloir tout décider parleurfoiblelu-^PP'""'-
miere , en font venus au point d'égarement de méprilcr les témoignages de la tradi-
tion , les fentimens des Pères, ^ l'autorité même des livres faints. Ils ont pris occafion
du décri des convulfions pour débiter impunément une multitude d'erreurs , qui
prefque toutes ont leur racine dans l'incrédulité : & entre autres , malgré la parole
précife de J. C. ils ont ofé avancer auflî hardiment qu'auroient pu faire les Soci-
niens les plus déterminés, que l'efpérance de l'avénemcnt futur d'Elie, efl: une
puérilité imbécille & qu'il n'y a que des efprits foibles 2c des fanatiques, tels que
les ConvulfioniiTies 5c les refpeélables Docteurs qu'ils appellent figurilles , qui foient
capables de s'occuper d'une telle penféc. Ils auroient dû ajouter, tels encore que le
Bienheureux François de Paris, Sc feu M. l'Abbé Duguet : cax ils favent fort
bien que c'étoit leur fentiment & leur efpérance. Ils n'ignorent pas non plus que
lcs,'Peres de l'Eglife ont regardé le retour de ce Prophète dans les derniers tem.s
comme une vérité révélée dont il n'elt p;is permis de douter, la promelTe en
étant faite tant dans l'ancien que dans le nouveau Tefl:ament de la manière la
plus claire &; la plus formelle : mais nulle autorité n'arrête ces fuperbes efprits.
Ce qui eft bien déplorable c'eft qu'ils ont déjà répandu de tous côtés le poi-
fon de leurs maximes Pyrrhonienes, qui tendent direétement à refufcr de croire
tout ce qui paffe notre intelligence fans être un des articles fondamentaux de la
foi, ou à atribuer à de prétendus refiorts inconnus ce qui eft le plus évidem-
ment furnaturel. Cependant l'autorité publique les a laiffesdogmatifer tant qu'ils
■ont voulu , parce qvi'cn même-tems ils parloient fortement contre les convul-
fions. Comment ces demi-mécreans, ces railleurs de profellîon qui tournent ea
ridicule tout ce qui ne fimpathife pas avec leur foible raifon & leurs lumières
très-courtes & très-bornées , jugeront-ils de celui qui fe déclarera le Prophète
Elie ? Son nom feul fera pour eux une preuve incontcfl:able du fanatifmc le plus
complet: & quelques éclatans que foient les miracles qu'il fera, leurefprit in-
ventif ôc très-porté à l'incrédulité, trouvera toujours quelque mauvais prétexte
pour les révoquer en doute.
Ce qui nous confole, ce qui nous raflure par rapport à MM-lcsConfultans,
- &à tous les partifans de leur dccifion Doctorale, c'eltque les mêmes Convulfion-
naîies qui ont prédit, lorfque cela n'étoit nullement vraifemblable, qu'un grand
nombre d'Appellans des plus diftingués, deviendroient encore plus acharnés que
les Conititutionnaires à les décrier , à les calomnier , à les pcrfécuter , ont en
même-tems annoncé que la plupart reviendroient à la Vérité ,& qu'ils reconnoî-
S 1 troienî
140 TDE'E DÉ VOEUVRE DES CONVULSIONS
troicnt le Prophète. Il faut néanmoins avouer que dans le moment prclent l.i fé-
conde partie de cette prédiction n'aguéres plus d'apparence que n'en avoir là pre-
mière. Si de tout tcms 1rs grands eiprits, & fur tout les fçavans&lcs Dofteurs,
ont eu une peine extrême à fe réfoudre de confeficr humblement qu'ils s'étoienc
trompés, combien cela fera-t-il encore plus difficile dans ce fiècle d'orgueil êc
d'entêtement, dont un des caraftcrcs fniguliers cil: que la plupart des hommes ,
Îour peu qu'ils foient recommandablcs, veulent fe donner pour infaillibles ?■
,cs partifans de la Confultation fe font emportés à des excès incroiables contre
les Convulfionnaires 6c contre les convuifions. Ces perfonncs qui d'ailleurs font
refpecftablcs par 'oicn des endroits, n'ont épargné ni fauffes maximes, ni fauflcs
citations, ni artifices , ni calomnies, pour prévenir le public contre cette oeuvre.
qu'ils ont prife en avcrfion. Il fera bien dur pour des Docteurs d'être obligés de
fc dédire après des démarches fi outrées & fi publiques. Quelques prodiges que
faiTe Elle, comme il ne manquera pas de prendre la dcfenfe des bons Convul-
fionnaires êc conféquemment de blâmer la Confultation, les partifans les plus
outrés de cette pièce feront-ils tous^ allez humbles pour rcconnoîti-e leur ci-
reur?
Quoique MM. les Confukans foient convenus eux-mêmes dansl'expofc de leur-
jugement Doftoral , que les convuifions ctoient accompagnées de plufieurs chofcs
évidemment furnaturelles , &même de guérifons miraculeufes , néanmoins ces
prodiges Se ces merveilleufcs guérifons ne leur ont fait aucune impreflîon. Ils n'ont
pu dèfavouer qu' il s' était fait fur des malades plu fienvi miracles ^aufquels il par oijf oit
f«e les coHVul fions axaient contribué^ ^ qu'il s'en était fa.it mcrne quelques-uns par le
TKiniftère des Convulfiennaires. Cependant qucile cil la conclufion-qu'ils en ont tiré
•JL la fin de leur Confultation ? C'eft que ce prodige de nos jours d^it être livré-
à tout le mépris qu'il ruérite.
Méprifcr des prodiges reconnus pour tels ! Méprifer Jufqu'à des miracles opérés
à l'interceflîon du Bienheureux Appellant dont Dieu canonife ainfi la foi ! Qui au-
roit jamais penfé que des Doéteurs quife font illuftrés par leur Appel , auroienf
été capables de prononcer un tel jugement ?
Quand il n'y auroit fimplement que des prodiges & qu'on miroit tout licude-
croire que le Démon en feroit l'auteur, cela devroit encore nous rendre attentifs
pour tâcher de pénétrer les motifs qui auroicnt pu porter le Très-haut adonner
tant de pouvoir a l'Ange apoftat, finguliercmcnt fur des pcrionncs que Dieu au-
roit en même tems attachées à l'Appel par un inÛinér furnaturci, 6c dont il en'
auroit fait pai-venir plufieurs à de trcs-gnindes vertus : mais ce fumatuirl eil ac-
compagné de plufieurs miracles: ce furnaturci paroît fait exprès pour nous an-
nonccr'lcs plus gnuids évcnemcns : 8c la manière dontccscvenemcnsfi intérelfans
font annoncés cil elle-même fumaturclle. Cependant on ofc dire qu'il faut livrer-
ce prodige de nos jours ....à tout le mépris qu'il mérite.
Eft-il croiable, cil-il naturel que des Théologiens Appellans aient ofé tenir un
tel langage ? Ignorent-ils donc ces grands Dofteurs en Ifracl que la voix des mi-
racles eft la VOIX de Dieu , & qu''ainfi toute œuvre autorifée en partie par de vé-
ritables miracles mérite certainement grande attention, quelques nuages qu'il
puiflc y avoir d'un autre côté?
Qu'il eft à craindre que quelques-uns de ceux quiréprou\"cnt gcnénlemcrrt l'œu-
vre des convuifions avec tant de mépris, ik" rejettent pareillemcnr le Prophète!
Mxvn. Ct enfin ciuc pourra-t-il faire dont on ne trouve quelque exemple chez les Con*
t;»<)u-Eiitvulfionnairesr Fcr.>-t-il Us difcours les plus fublimcs? Mais on en a entendu de
jXtfntilu'tcls faits par des cnfans & des perfonncs fans intelligence, ce qui n'.i pas empêché
iu pi. « », Q.^ç Ttcuvrc des convuifions ne tombât dans le dernier dccri.
^ Peut-
IDE'E DE rOEVVRE DES CONVULSIONS. 141
Pénétrera-t-il le fond des cœurs & les peniees les plus fecretes ? Mais plu lîeurs qu'on a vu
Ctmvulfionnaircs ont eu ce don juiqu'à certain point. d«*'«t"ïiu-
P.irlent-t-il toute forte de langues ? Mais on voit un afîez grand nombre de Con- iJons.
vulflounaires fiire de longs difcours en langue inconnue , 8c l'un d'entre eux entendre
en françois ce qu'on lui dit en quelque langue que ce foit & y répondre très-jufte.
Enfin fera-t-il de très grands miracles & convertira-t-il un grand nombre d'in-
crédules 6c de pécheurs? Mais Dieu s'eft fervi du miniilère de pluficui-s Convul-
fîonnaircs pour faire des guérifons évidemment miraculeules : 8c le furnaturel qui
éclatte de la manière la plus frappante 8c la plus fenfible dans les convulilons a cer-
tainement converti plus d'incrédules 8c de pécheurs endurcis, que n'avoient ja-
mais fait tous les Ecrits des Confultans.
La différence cffentielle qu'il y aura entre ce que fera le Propliéte 8c ce que font
les Convulfionnaircs, c'eft que le Prophète aura les plus grands dons dans un
degré très-éminent : au lieu que les Convulfionnaircs n'en ont prefque aucun qiifc
dans un ordre fort bas; de façon qu'ils paroifient en quelque forte n'avoir reçu
ces dons que pour les faire méprifer; 8cn\ivoir mêmeété lesinftrumcns dont Dieu
s'eft fervi pour faire des miracles, que pour avihr fes miracles mêmes aux yeuxdc
la plûpait des hommes, qui font venus au point de regarder ces merveilles divi-
nes avec une infenfibilité incompréhenfible? Eft-ce donc parce qu'elles font au*-
iourd'hui fi communes, qu'ils s'imaginent ne devoir plus en être touchés?
Queles Conftitutionnaires conduits par leurs préjugés àrejettertous les miracles
qui canonifent l'Appel, réprouvent en même-tems ks Convulfionnaircs chargés
par état d'annoncer que le Prophète fera rentrer leur Bulle dans les ténèbres ; ils
agiflent conféqucmment aux principes qu'ils fe font faits. Que les Puiflances
qui protègent cette Bulle , pcrfécutent les Convulfionnaires qui ne ceflent de la dé-
crier 8c d'inftmire les fimples par des difcours dont le furnatureleft évident, de
l'importance des grandes vérités que cette Bulle condamne j ces Puiflances fui-
vent en cela les engagemens que leur politique leura fait prendre. Mais que des Ap-
pellansfe joignent aux Conftitutionnaires les plus outrés pour profcrire avec eux
les Convulfionnaircs que Dieu a attachés à l'Appel d'une manière fi vifiblement fur-
naturelle-: qu'ils frappent d'un coup fi cruel grand nombre d'innocens , dont ils au-
raient dû prendre la défenfe: que par cette démarche ils autorifent les Puiflances à
ks perfécutcr : enfin qu'ils fe portent jufqu'à cet excès d'attribuer au Démon les mi-
racles que Dieu faitparleminiftère des inftrumens qu'il lui aplûdechoifir, rien ne
découvre plus clairement le jugement terrible qu'il eft fur le point de rendre con-
tre prefque toute la Gentilité : rien ne fait mieux voir qu'elle eft toute difpofée , par
l'efficace de la même erreur qui lui fait aujourd'hui méprifer les miracles 8c condam-
ner les œuvres de Dieu, à méconnoîtrc 8càrejetîerleProphèteEliejquoiqueJ.C~.
nous ait prédit lui-même, qu'il doit venir rétablir toutes chofes.
5, L'efprit de contradiétion , de haine 8c d'envie ( dit le P; Qucfnel) peut-il ii»:Mi.ii.
„ aller plus loin, que d'aimer mieux donner au Démon qu'à Dieu, l'honucur"
5, d'une ceuvre qu'on eft forcé de reconnoître pour miraculeufe ! „
Qîie ceux des Appellans qui réprouvent l'œuvre entière des convulficns, {ans
vouloir faire aucun difcernemcnt , me permettent de leur demander quelle preu-
ve plus grande, plus décifive que les miracles, ilsauroient voulu que Dieu leur
donnât, pour leur perfuader qu'il préfide dans cette œuvre, 8c que par rapport à
certains- objets-les convulfions font fon ouvrage?
A en juger par leurs Ecrits ils répondront, qu'ils auroient fouhaité que Dieu n'eût
pas permis qu'il fe mêlât dans cette œuvre une infinité de chofes indignes de lui.
G'cft-donc à dire qucfuivant eux Dieu ne peut point agir dans l'ordre merveil-
S 3 leuxi.
141 IDE'K DE DOEUFRE DES CONFULSIONS.
Icux, à moins qu'il n'écarte , ou qu'il ne rectifie toutes les imperfcârions dcsfujetsfuf
Icfqucls, ou parle minillèredciquelsil lui plait d'opérer fcs merveilles? Mais une
telle hipothéle cit démentie par une multitude de fi\its de l'Ecr turc Sainte.
Dieu a fait faire, comme \c l'ai déjà dit , de très-grandes Prophéties par des
Î)crfonncs très criminelles, entre autres par Balaam , qui n'en a pas moins parlé par
a motion immédiate de l'Efprit Saint, puis qu'il parloit forcément. Dieu peut
autli laiflcr agir les fuggcftionsdu Démon fur la même perfonnc fur laquelle il vient
M«T. \6\6 d'agir furnaturcllemcnt lui même. J. C. rcprochâC à S. Pierre qu'il étoit un fatan
Se par conléqucnt qu'il parloit par fon inlligation, prefque dans le moment où il
venoit de lui déclarer, que la conteffion qu'il venoit de faire qu'il étoit le Chrill
lui avoit été révélée par ion Pcre. Tout le mélange qui fc trouve dans les convul-
. fions, n'cil qu'un mélange de concomitance qui n'eft nullement incompatible avec
l'opération divine. Dieu ne refond pas toujours l'ame 6c le cœur de ceux fur qui
il agit d'une manière furnaturcUc, & dont il fc fert pour fes deflcins.
Ainlî quand même les calomnies qu'on a publiées contre les Convulfionnaircs
fcroient vraies, quand toutes les fuppoHtions par Icfqucllcs on a tâché de défigu-
rer généralement toute cette oeuvre , fcroient aulTi réelles quelles font mal imagi-
nées, tout cela ne fcroit point encore un motif fuffifant pour la rcjctter entière-
ment, lorfque d'ailleurs l'opération de Dieu y ell conftatéc par des miracles.
Cependant ces miracles n'ont point retenu les partilans de la Confultation : plu-
ficurs d'entre eux les ont méprifés avec une audace qui fait trembler. Y a-t-il lieu
de fe.flatter que Dieu les convertira tous à la vue de ceux que fera le Prophète?
Nous devons le fouhaitci- avec .ïrdeur, & l'en prici' avec inllance j mais nous ne
pouvons nous empêcher de craindre que quelques-uns d'entre eux ne difcnt, en
parlant du véritable Elie : Tous les prodiges que fait ce nouveau venu, ne font dilî*é-
rcns que du plus au moins de ceux qu'ont déjà fiitlcsConvullionnaires > ces derniers
prodiges font la fuite des autres, & il eil manifefte qu'ils ont tous le mcmc agent.
Or cet agent cllfort dijiingué de Dtcu. D'ailleurs cet inconnu devient rcfponf ible de
toutes les erreurs , de tous les crimes , de toutes les opérations diaboliques qui fe font
trouvées dans quelques Convulûonnaries que ce foit,puifqu'ils s'unit à l'ceuvre, &
qu'en général ùs conviil/îons foym^fii un tout ^ dont les dtffcrcntes parties fe réunijferft
comme celles d' un anneau ^àxx. la Confultation, dont cet étrange paradoxe ell la baie
•ôc le grand motif de décifion. Ce prétendu Prophète, conclurront-ils rcut-ètrc,
mérite donc tout l'opprobre dont les homiètes gens Se les pcrfonncs fcnfèes jugent
■que les convullîons font couvertes.
Pu- qui l'envoie de Dieu fera-t-il donc reconnu? Par un petit nombre d'Ap-
pell.ins attachés à toutes les auvrcs divines m.nlgrè tout intérêt humiiin ; par une
foule de fimples & de petits, que le Pcrc des miléricordes éclairera par la lumière
éclatante des miracles que fera le Prophète, ou pour mieu.x dire, par tous ceux à
qui Dieu en fera la grâce par une miféricorde toute gratuite.
Lxxvni. J'ajouterai ici qu'une infinité de circonflances faifmt Bianifeftcmcnt connoîtrc
,i',oJ,c,'j°n'qu une partie des vues de Dieu dans l'œuvre des convulfrons a été qu'elle fcrvit à
itt que 1(1 fiiirc méprifcr les prodiges & les miracles, & à faire rejettcr cnfuite le Prophète
jmfni'cnt " P'^r prcfquc toute la Gentilité, il y a tout lieu de prcfumcr que les voiles s'èp;ufli-
«Kcr*. ront toujours de plus en plus jui'qu'au moment que le Prophète paroîtra: que
Dieu irrité contre ccu.x qui refufcnt do le reconnoître à fes miracles, leur en four-
nira des prétextes toujours plus plaufibks, & (]u'il ne leur épargnera pas les té-
nèbres qu'ils ont eux-mêmes recherchées avec tant d'avidité.
Comme je ne fuis plus à portée depuis ma captivité de favoir ce qui fc parte
dans l'oeuvre, peut- être dans le tems que j'ccris ce que j'ai vu , les nu.agc3 font-ils
déjà bien plus épais qu'ils n'ètoient d'abord. Je
IBEE DE VOEU F RE DES CONFULSTONS. 14-}
Je prévois par exemple que l'étvit d'enfance, avec ks petiteflcs Se puérilités ap-
parentes dont il cil accompagné, deviendra furnaturcUement le caraélère com-
mun de la plupart des ConvuHîonnaires de tout âge, même des plus férieux , &z
de ceux qui ont une plus grande piété : préciiement parce que toutes ces préten-
dues balTefles choquent étrangement les beaux efprits, 5c qu'il ell vilîble qu'il en-
tre dans le plan des confcils éternels que l'œuvre tombe dans un abandon prefque
général, 6c qu'elle devienne IVoiet du plus fouvcrain mépris de tous ceux qui,
dans ce tems où la vérité doit être humiliée, confervcront un efprit fuperbe.
Je crains auffi que les faufies prédirions 6c beaucoup d'autres qtii paioîtront
telles , ne fe multiplient Gins mefure : que Dieu en augmentant prodit^ieufement le
nombre des Convulfionnaires, n'en foflc entrer dans cette œuvre plùficurs qui la
deshonorent : qu'il n'y en ait qui ioicnt très-fâchés de leur état , &: à qui les con--
vulfions deviennent une pieiTC deicandale & de chute: que d'autres au contraire
ne s'autorifent des dons qu'ils recevront pour s'enfler d'orgueil, 6c pour vouloir
fous ce prétexte fe conduire eux-mêmes, vivre dans l'indépendance 6c fims fou-
miflîon pour les guides qui doivent les conduire: qu'uTi grand nombre ne prenne"
occafion des prodiges que Dieu fera fur eux pour mener une vie diflîpée, une vie '
prefque fans prière, fuis humilité, fans recueillement : que d'autre part plufieurs
ne fe dégoûtent des humiliations attachées à leur état , ou qu'ils n'aient pas le cou-
rage de foutenir les perfécutions qu'ils auront à fouftVir.
Enfin je tremble qu'en punition de toutes ces fautes, 6c de quantité d'autres-
qu'ils pourront commettre , Dieu ne lâche la bride à fàtan pour obféder de toutes
façons le plus grand nombre des Convulfionnaires. Peut-être même lui permettra-
t-il de tourmenter leurs corps , &z de leur faire différentes imprefîlons , comme il lui
a autrefois permis de frapper celui de Job , d'agir fur ceux de plufieurs Anachorètes
6c autres Saints, 8c notamment fur nombre de Myftiques.
Tout cela peut cadrer à l'arrangement des defleins de celui dont la juftice 6c la
miféncorde font également impénétrables, fans que l'œuvre des convulfions celfe
d'être la fienne, 6c fans qu'il difcontinue de protéger un grand nombre de Con-
vulfionnaires, à qui toutes ces fàchcufes humiliations peuvent être une occafion de
mériter en faifant pénétrer jufqu'au fond de leurs cœurs l'abbaiirement d'une hu-
milité profonde qui manquoit à la plupart.
Cependant fi toutcela arrive , combien ceux qui ont pris cette œuvre en averfion ,
ne trouveront- ils pas de moiens très-frappans de ladécrier de plus en plus .'' Com-
bien même de perfonnes qui d'abord y étoient attachées , ne s'en dégoûteront-elles •
pas? Lxxfx,
Mais il faut que ccu:; qui ne voudront pas abandonner la lumière que Dieu leur a^jifi'fjl,'^*^
d'abord montrée, ne perdent jamais de vue, qu'il a paru dans cette œuvre par des^V"'^ ?""
traits qui ont manifellé fa préfence 6c fon opération d'une manière inconteftable. po!nt»ïCB-
II faut qu'ils fe rappellent fans cefle qac cette œuvre eft née dans le fein des mira- so-
cles, furun tombeau dontDicuavoit fait un fim£tuaire de bénédiétion : que les pre-
mières convulfions n'ont d'abord été que des mouvemens furnarjrels, parlefquels
Dieu opéroit vifiblement des guérifons miraculeufes, 6c par conféqucnt que ces
mouvemens faifoicnt partie de ces miracles dont ils étoient le moien phifique : que
il CCS mouvemens ont bien-tôt cefie d'être emploies à cet effet , 6c fi Dieu y a joint :
à la place quantité d'admirables prodiges, 6c entre autres celui de rendre le corps
de plufieurs Convulfionnaires en certains momens d'une force infiniment au deflus
de celles de la nature, 6c incapable d'être bleflé par les coups les plus violens , c'a été m. d».
pour nous inftruire que les convulfions , ainfi que Icdéclare l'Illuftre Evêque à qui Mon.p.iii ».
le Très-haut avcit donné tant de Uunicrcs , c'a e:c , dis-jc , pour nous apprendre çue AÙi/ïr*,*'.
leî
,44 T3E'E DE VOEUFRE DES CONFULSK^NS.
les convulfions a'.'cient dans ledcj/l'inde Dieu une dejîinatiùnplus étendue i^ plusintêref'
faute que la Jimple giiérifon des malades.
.11 faut qu'ils tlinent attention que ces delTeins du Très-haut fc lontmanifeftés
par une grande quantité de difcours d'une admirable beauté , qu'il a mis tout à coup
a labouche d'une multitude d'cnfans Se dcpetitcs filles , fuivant la prophétie de Joël.
Jb<1i. ï8- Dans les derniers te?»s, dit le Seigneur , fos fils^ 'vos filhs propbéti feront.
Il faut quils fc remettent devant les yeux que par ces difcours Dieu a fait«»«£)»-
Ma;. ix-. 5-cer V Evangile aux pairjres: qu'il leur a découvert l'état del'Eî^life, &: l'impor-
tance des vérités condamnées par laBulle, qu'il afait publier julques fur les toits
qu'il altoit envoler le Prophète Elie qui rétablira toutes chofes ; mais qu'auparavant
ce Prophète feroit méprifé Se rejette aulTi-bien que l'œuvre delHnée a l'annoncer,
5c qu'il falloit fe préparer à ccgrand événement par la pénitence , pour obtenir de fa
miféricordc d'être du nombre de ces relies précieux qu'il devoit unir à fon Prophète.
Il fiiut qu'ils n'oublient pas qu'en raéme-tems Dieus'ell fcrvi du miniftèrcdes
mêmes Convullîonnaires pour faire des miracles , afin qu'il fut évident que les Coni-
vuHlonnaires agîflbient quelquefois par fon mouvement, & qu'ils étoient des in-
flrumens qu'il cmploioitpour fes oeuvres les plus merveilleufes : 6c qu'afin que fon
opération fût marquée à plus de traits, ila répandu fur plufieurs de ces Convulfion-
naires difïcrens dons qui ne pouvoicnt venir qucde lui , tels que celui de pénétrer le
fccret des cœurs, & de faire plufieurs prcdiétions. d'évcnemcns qui étoient contre
toute apparence, &; qui font néanmoins arrivés avec toutes les circonflanccs prédites.
■Qiiefi Dieu a permis au Démon d'agir de fon côté dans cette.œuvrc ; s'il a per-
mis qu'ils'y mêlât beaucoupde choies qui fervent à la déshonorer; s'il a permis
que MM. les Confultans la condaninaFcnt fans diftinclion , c'eil qu'en cette œu-
vre fa juftice marche à côté de fii miféricordc.
Cette œuvre ell fcmblablc à cctte.nuée my fi.érieufe,qui d'un côté éclairoit les Ifraë-
lites , 6c de l'autre répandoit les plus profondes ténèbres fur les fuperbes Egyptiens.
.'Hà! Plaçons-nous du côté delà lumière , Scnefuivons pas ccux.qui..ne cher-
chent 6c qui ne voient que les ténèbres.
"Si d'une part les nuages font très épais, de l'autre la lumière eft trcs-brillantc :
mais malhcureufcment aujourd'hui le furnaturel , les prodiges, les miracles mê-
mes ne touchent prefque plus. C'efl; ce qui devroit nous glacer d'effroi!
--p Quttn 5^ Rien(ditlecèlèbrc Auteur que je cite fi fouvent :) rien ne découvre davantage
jjq. j. lo. jj la corruption du fiècle, 6c ne doit plus faire craindre la colère de Dieu que d'y
5, voir croître l'oppofition à la lumière à mefure que Dieu la répand avec plus
„ d'abondance. Malheureux ceux qui l'obfcurciflent par les .taièbrcs de l'er-
„ rcur ou de la calomnie ! ,,
Quoi ? Des Chrétiens qui font pcrfuadcs qu'après cette vie, ou nous jouirons à ja-
mais du bonheur de Dieu même, ou nous fouffrirons des tournicns aflrrcux6c éter-
nels: dcsChrétiens ofcnt rejctter avec.dcdain des prodiges qui rendent fenfible la prc-
fenccde ladivinité ! Ofent mépriferfavoixqui fc ftit entendre par des miracles !
Une difpofitiori fi étonnante 6c fi peu naturelle n'a pu fe former que par le concours
d'une infinité dccirconfianccs , que Dieu n'a pas permis pour rien. Cetcndurcifie-
ment, cette infenfibilitè léthargique font eux mêmes les preuves frappantes, que la
venue du Prophète n'cft pas éloignée, puifquc la plupart des efprits font aujourd'hui
f «revenus au pointqu'il n'y aura plus lieu d'être furpris lorfqu'ils le mcprifcront,qu'ils
e pcrfècuteront 6c le feront mourir, quelques preuves qu'il donne de fa million.
Tout cftdifpofé : tout efi: prêt pour exécuter l'étonnante Piophétie que J. C.
notis a faite, 6c par conféqucnt il y a tout lieu de croire que le tcms tic fon ac-
. compliflcmcnt cil proche.
PIECES
€&€&«&€fS®€&
PIECES JUSTIFICATIVES
DU MIRACLE OPE'RE' SUR CATHERINE BIGOT.
I.
'Déclaration pajfée devant Notaires le i\. Septemlre 1731, parle S. Hogu Concierge des prifont
de Versailles ■, oncle de lafourde & muette.
UjouRD'HUi eft comparu devant les Confeil-
Urs Notaires du Roiau ChâteletdeParisfoul^
lignes en l'Etude de Scilicr l'un d'eux, Sieur
! Joftph Hogu Concierge desprifonsde Verfail-
les y demeurant étant ce jour à Paris,- lequel
a requis les dits Notaires de recevoir là décla-
ration fuivante , qu'il leur a diâée. C'eft à favoir ; que de-
puis le decés de Denis Bigot laboureur en la paroiQe de Cou.
ture Diocefe du Mans, mari de Marie Hogu foeur du com-
parant: le dit décès arrivé il y a 9. à 10. ans, lui compa-
rant qui n'avoit aucun enfant, a fuccefTivement pris chez lui
4^. des 8. enfans que le dit Bigot avoit laide lors de fondé-
ces : & ce pour foulager fa fœur veuve & hors d'état de nour-
rit commodément fa femille : & entt'autres qu'il piit il y a 4.
ans Catherine Bigot l'une des dits enfans lors âgée dezi.à
21. ans , qu'il favoit parfaitement être lourde & muette de
naillànce l'ayant vue, plufieurs fois chez fa Ibeur qu'il alloit
voit de tems en tems.
Que depuis le dit tems, il a gardé la dite Catherine Bi-
got toujours fourde & muette , n'entendant point quand on
l'appelloit fi haut que l'on parlât, 8c ne pouvant lui tien fai-
re entendre que par lignes: qu'il ne lui a jamais entendu
proférer aucune parole : que tous les habitans de VerlàillesSc
autres perfonnes qui la connoillbient ne lui patloient jamais
que par lignes, & qu'elle ne leur repondoit que par lignes;
ce dont les Officiers auquels leurs charges donnent accès dans
les dites prifons de VcrlaïUes, peuvent rendre témoignage.
Que le S. Chevalier fon ami'.ci-devant Concierge du fort
l'Eveque à Paris demeurant rue de Grenelle paroilfe S. Eu-
ftache, étant venu le voir à Verfailles à la fête de S. Louis
dernière; lui comparanr & fa femme déclarèrent au dit Che-
valier qu'ils avoientdefieindemenercettefi leàParis&dela
faire conduire au tombeau de M. dePàrisaS. Medard ,&d'y
faire une neuvaine pour obtenir de Dieu fa guerifon. Que
le dit Sieiu- Chevalier lui ayant déclare que lui & fa femme
s'en chargeroient volontiers , le Dmianche 26. Août dernier,
la femme du dit S. comparant avecuneautrefemmedeVer-
lailles nommée Catherine le Merle, femme de Bc.iufilspo-
ftillon chez le Roi & le S. Chevalier amenèrent la dite Ca-
therine Bigot, chez le dit S. Chevalier, ou elie eft encore
aûuellement: que le Sieur comparant a oui dire à fa fem-
me, à celle du S. Chevalier & à celle du S. Beaufils, que
dès le lendemain ri. Août, elles conduifirent la dite Bigot
à _ pied à l'Eglife de S. Médard, & au tombeau de M. de
Pâtis: qu'auQi-tôt que cette fille fût fiu le tombeau, elle
tomba dans des convulfions effroyables accompagnées d'une
grande fueur , témoignant par fes geftes qu'elle fouffroit prin-
cipalement dans la tête, dans les oreilles, ii dans la gorge:
qu'après fes convullions, elle demeura comme motte; de
façon que l'on fût obligé de l'ôtet de defliis le tombeau &
de la traniporter dans le grand cimetière ; qu'ayant mi peu
repris fes lens , elle donna à connoîrre par des lignes qu'elle
fit, qu'elle fouhaitoit qu'on la remît fur le tombeau, ce qu'on
exécuta: qu'aulTi-tôt lés convullions la reprirent avec plus de
violence qu'auparavant: qu'on l'en ôta une féconde fois pour
ia laiflet lefpirér fous les charniers , d'où on laconduifitpour
la troiliéme fois fur le tombeau pour latisfaiie à l'emprelTe-
ment qu'elle témoignoit d'y retourner. Que fes convulfions
lui ayant encore repris , on fut obligé d'envoyer quérir un
carroffe pour la remener en la maifon du S. Chevalier où lés
convulfions lui durèrent jufqu'a 9. heures du foir:que néan-
moins le lendemain 28. Août, les mêmes perfonnes la firent
tranfporter dans une roulette à S. Mèdard,& la remirent fur
le tombeau oii elle fe laiflà mettre volontaitement,& com-
me paroiflant le fouhaitcr : qu'elle y elTuya les mêmes con-
Obfervat, 1. Part,
vulfions que le jour précédent , & que de retour chez le S.
Chevalier , elles lui durèrent jufqu'à la même heure du loir :
que le lendemain 19. fes convulfions fiirent bien moins for-
tes: que la femme du S. Beaufils Se celle dudit S. compa-
rant retournèrent à Verfailles, & laiflérent la dite Bigot en-
tre les mains de la Dame Chevalier qui lui a dit, qu'elle
avoit continué de la menet fur le tombeau: que le 30. 8c 51.
elle fût fort tranquille, 8c que dès le dit jour 31. qui étoit
le 5. de fa neuvaine, la dite Dame Chevalier voulant s'en re-
tournet 8c lui ayant dit fans réflexion: allons, allons: elle
fût fort furprife que la dite Bigot lui répéta le même mot:
allons. Et l'ayant préléntée à M. le Vicaire de S. Médard ,
il lui fit repeter ces deux mots: mon Dieu; déclare en ou-
tre que jamais il n'a pris aucune convulûon à cette fille pen-
dant les 4. ans qu'elle a été chez lui: qu'il n'a point oui
dite qu'il lui en eiît jamais pris auparavant, &c qu'il nes'é«
toit point apperçu que fes deux infirmités lui caulàflent au-
cune douleur: qu'il l'a toujours vue d'une très-bonne 8c par-
faite faute à l'exception d'une fièvre très-confidéiable dans la-
quelle elle fût adminiftreeduSacremenr derextfême-onftion
feulement: patceque les Prêtres jugèrent qu'étant fourde 8c
muette, elle n'avoit pas allez de dilcernement pour recevoir
le S. Viatique ainfi qu'ils le déclarèrent au dit Sieur compa-
rant 8c à la femme; laquelle maladie lui arriva il y a 5. ans,
?<. dura environ 3. femaines. Déclare en outre qu'étant venu
chez le dit Sieur Chevalier le 8. du prclént mois pour voir
la di:e Bigot, il la trouva entendant parfaitement, 8c repé-
rant les fyllabes ii quelques uns des mots qu'on lui diloit :
de laquelle déclaration dictée par le dit Sieur Hogu com-
parant , aux Notaires foufiignés , 8c qu'il a certifiée contenir
vérité 8c affirmé en fon ame Se conicience, il a requis afte
aux Noraires fouffignès, 8c qu'il en loir délivre expédi-
tion à qui le requerera : ce qui lui a ete accorde. A Paris
en l'Etude du dit Me. Sellier Notaire l'an 1751.1e 21 Sep-
tembre après midi 8c a figné la minute des prcfentes demeu-
rée au dit Me. Sellier l'un des Notaires foiuTignés.
II.
Déclaration pajfée devant Notaires par le Sieur CIh-
valier Bourgeois de Paris , chez qui on mena la
fourde Qp muette pour la faire conduire fur le tom-
beau du B. M. de Paris.
ET le 7. Février i-;i. après midi, eft compam devant
les Notaires à Paris fouffignès, en l'Etude du dit Sel-
lier l'un d'eux. Sieur Antoine Chevalier Bourgeois de
Paris y demeurant me des Auguftins paioillé S. André des
arts; lequel a requis les dits Notaires de recevoir fa decla.
ration (tiivante qu'il leur a didée. C'eft à lavoir: que dc«
puis 4. ans ou environ il connoit Catherine Bigot ptéfente-
ment âgée de 27. ans ou environ, nièce du S. Joléph Ho-
gu Concierge des oiifons de Verfailles , pour l'avoir vue plu-
fieurs fois chez le dit Sieur Hogu chez qui ellelogeoit: quil
favoit que cette fille etoit lourde 8c muette de nailVance ,
l'ayant oui dire au dit Sieur Hogu 8c à tous ceux qui la con-
iioiftoient comme une chofe noroire; Se que quand il la
voyoii chez le dit Sieur Hogu , il ne lui parloir que par li-
gnes, 8c qu'il étoit évident qu'elle n'entendoit que pat lignes
ce qu'on lui vouloir faite entendre , qu'elle ne le faifoit non-
plus entendre que par fignes, 8c qu'il a oui dire à ceux qui
la connoiflbient qu'on ne lui avoit jamais entendu pronon-
cer aucune parole, ayant outre fafurdite, quelque empê-
chement dans la langue qui faifoit qu'elle ne pouvoir atti-
culet aucune fyllabe.
A Qu'afam
_ • Pièces jujiificattves du miracle
Qu'avait été voir le dit S. Hogu i Verfaillcs à la fetc de
S Louis dcinicre, Pemoilclle Angélique Chauvcau femme
dudit Situi Hogu lui témoigna qu'elle avou envie d'envoyer
fa nicce a Paris , afin de la faire même fur le tombeau de
M. de Pâtis, & de faire faire une neuvaine pour elle à S.
Médard pour obtenir de Dieu la guerilon d'une infirmité
aulTi ftcheufeiquc ledit Sicurcomparant la confirma fort dans
ce (leflein , & lui offrit de recevoir cetrc fille chez lui , & de
la faite conduire par fa femme tous les maiias fur le tom-
beau de M. de Paris.
Que des le lendemain 16. Aoiit, il mena cette fille chez
luiî Paris avec la femme du dit Sieur Hogu & celle du
nomme Bcaufils poftillon du Roi: que le lendemain 17. ces
deux femmes avec celle du dit comparant , menèrent cette
fille à S. Medard : & après avoii entendu la mcflc en cette
' Eglife, elles la firenr metne fur le tombeau de M. de Paris
Qu'elles lui ont toutes trois rapporté qu'aufli-tot que cette fil-
le fut fur le rombeau , il lui ptit des convullions fi violen-
tes, que ceux qui la voyoient la croyoicnt pofledee: qu'on
l'ota trois fois de deflus le tombeau, ces femmes ayant peur
que ces convulfions ne la fiflént expirer. Qu'enfin elles fir-
renr obligées d'envoyer quérir un carrofTc pour la ramener
chc7. lui: qu'il fi'it fon furpiis loirqu'ellesarrivcrent chez lui ,
de voir que plufieurs pcrlonnes portoiem cette fille qui etoit
fans connoiflance dans des agitations épouvantables : que quoi-
qu'elle n'eût rien pris du jour , il ne fur pas poOible de lui
lien faire prendre jufqu'a 9. heures du loir que les convul-
lions la quittèrent : que le dit compaiam fût d'autant pliislui-
pris de ces convulfions, qu'il lavoit que cette fille etoit d'u-
ne forr bonne fante , & qu'elle fe portoit parfaitement bien
le matin lorfqu'clle partit pour aller prier a S. Médard , que
craignanr que cette fiile ne mourût il fût chercher le Sieur
Tripier Cliimrgicn du fort l'Evêque qui la vint voir fur les
fcpt heures du foir ; que ce Chirurgien la trouva fans con-
noiflance , mais lans hevre & avec un pouls exctflivcraent
convulfif , & qu'ayant obfctve qu'elle n'avo'- aucu-c autre
maladie que fes convulfions , il dit au dit comparant qu'il n'y
avoit rien a y faire , & fe retira
Que depuis neuf heures du loir jufqu'au lendemain matin
28. cette fille ayant paflè la nuit allez tianquillement ,1a fem-
me dudit comparant, celle dudit S. Hogu Sx. celle du dit
Beaufils,la remenerent à S. Medard dans une brouette: que
ces trois femmes lui ont rapporte qu'ayant d'abord ete en-
tendre la méfie dans l'Eglil'e de S. Medard , les convulfions
avoienr commence à reprendre à cette fille avec la dernière
violence, dans ladite EgUl'e au milieu de la mefle,aprcs la-
quelle elles l'avoienr fait meure fur la tombe , ou (es con-
vulfions avoicnt encore augmente , & qu'elles eurent toutes
les peines du monde a la fjire revenir chez lui dansia brouet-
te , oii il avoit fallu avoir toujours une pcrlonne pour la te-
nir: qu'on la porta dans fa chambte au même ctatouonl'a-
voit apportée la veille, & que ces convulfions lui dutetent
pareillement ce jour-la juCqu'a neuf heures du foir , Uns qu'on
pût lui rien faite prendre jufqu'a cette heute Ik.
Que le Mecrcdi 29. clic fut encore à S. Medard avec les
trois mêmes perfonnes qui lui rapportèrent que les convulfions
lui avoicnt pris à la meflc comme le jour prcccdcnr, 8c a-
voiem ete extrêmement violentes lar la tombe , mais qu'el-
les avoicnt cède aulTi-tot qu'elle avoit ete hors de deflus la
ce, encrent miracle, St la eonduifitent à U facriftie où le
Vicaire de S. Medard lui fir repeter les mots: Mon Dieu,
& mon Pcrc. Que la femme du dir comparant lui ayant ra-
conté cela toute rranfporree dans le moment qu'elle fut de re-
tour chez lui avec cette fille, il dit quelques mots a cette
fille aflez haut. Se qu'il fût aulTi fiape d'admirarion que fa
femme, quand il enrcndit, que cette fille lui répéta les mê-
mes mots du même ton, qu'il lui en dit encore d'autres al^
fez bas qu'elle repéra de même: qu'à la vérité il y avoit plu-
fieurs mots qu'elle prononçoit aflez mal , lui étant relie une
grande épailTeur Se di-licultc dans la langue ; mais qu'elle
tepetoit aflez bien les fyllabes, au moins b plupart, quoi-
qu'on lui en dit aflez bas, ce qui etoit une preuve inconre-
Itable qu'elle avoit entiêtement recouvert dès ce jour-là l'u-
iàge de l'ouie qu'elle n'avoit jamais eu auparavant.
Que le bruit de ce miracle s'ctant répandu, quantité de
perfonnes de toutes conditions l'etoient venu voit dès ce jour-
là S: les jouis faivans,Sc qu'elle repetoit prefquetoutccque
chacun lui difoit; mais impaifaitcment, à l'exception des
fyllabes qu'elle prononçoit beaucoup mieux que les mots:
que dans les premiers jours le plailir qu'elle avoir d'enteiir
dre & de repeter ce qu'on lui difoit, failoit qu'elle ne le
laflbit point , & ètoit toujours prête à repeter tout ce que
chacun difoit depuis fon retour cfe S. Medard jufqu'_au foir.
Qu'au liirplus la femme du dit compatant ayant continué
de la mener tous les matins à S. Medard , afin qu'il plût à
Dieu aptes lui avoir donne l'ouie, de lui augmenter la li-
berté de la langue & la facilite de la prononciation, elle
tombe,*: qu'on la ramena ce jout-la chez lui fort tranquil-
le- ce qui cngaeca la femme dudit S. Hogu S: celle dudit
5. Bcaufils , de ?etourrer a Verfailles dès le lendemain ma-
tin 30 Aoûr, & de laiflèr cette fiUe aux foins du dit com-
parant & de fa femme.
Qiie le Jeudi 30. la femme du dit compatant, mena cet-
te fille à S. Médard & la fit mcttie (ur la tombe , &
qu'elle lui a rapporte à fon retour, Que cette fille avoit eu
encore quelques convulfions , mais qu'elles avoient ete moins
forres que les jours prcccdcns.
Que le Vendredi u- q"' etoit le cinquième lourde la pre-
mière neuvaine. la femme du dit compatant l'ayant encore
menée au même lieu: elle lui rapporta à fon ictout, que
cette fille étant fur la tombe y ctoii tombée dans une clpe-
cc d'cvanouirtement ou d'aflbupiflcmcnt profond jcc qui lui
ayant donne quelque inquiétude, elle la tita pat le btas en
lut dilànt: allons: allons, voulant la retirer de defliis la tom-
be, & qu'elle fût bien furpiilè que cette fille ouvrant les yeux
lui'iepcia le même mot: allons. Qu'aufT to! plufieuis pcr-
foQiJcs qui favoicnt qu'elle Ctoit four Je îc muette de naiflan-
n'eùt plus de convulfions julqu' au dernier jour de la premiè-
re neuvaine, qui etoit le 4. Septembre qu'elles lui repri-
renr, en la maifon du dit comparant à 4. heures après mi-
di, par des mouvemens d'une violence exuaordioïite quia-
gitoient en même-tems tout fon corps.
Que depuis ce jour les convulfions ne lui ont repris que
6. fois: lavoir, le 10. Se le 16. Septembre, la veille Se le
joui de la "Touflâins; la veille & le jour de S. André, tous
lefquels jouts (es convulfions ont été très violenres tant i
l'eglife, fur la tombe, que dans la mailbn du dit compa-
rant , ou il l'a vue dans des agirarions fi violentes de tout
fon corps, que cela faifoit ftcmir, après quoi elle tomboit
comme pimce, fans mouvement 8c fans connoiflance. Elle
revenoit Se s'agitoit plus vivement encore qu'auparavanr , Se
enfuite elle devenoit tout à fait ttanquille.
Déclare le dit comparant que depuis que la dite Bigot a
rccouvcu l'ulâge de l'ouie. Se que la curioCte de ceux qui
l'occupoient entièrement, acte un peu paflèe, il s'eft appli-
que lui Se fa femme a tàchei de lui faire comprendre la
telijgion , Se de lui apprendre à parler S: à comprendre les
différentes fignifications des mots : qu'elle fait ptcfentemcnt
le ligne de la croix 8c dit aflez bien: au nom du Père, du
Fils, 8c du S. Efprit: qu'elle prononce plufieurs autres mots:
qu'elle commence à connoitte toutes les lettres , & à com-
prendre la lignification de diffetens motsj ce qui fe petfc-
cUonnc en elle tous les jours.
De hquelle déclaration le dit S. Chevalier a requis aôe
aux dits Notaires foulfignés, 8c qu'il en foit délivre expé-
dition à qui le requierera: ce qui lui a été accorde. A Pa-
ris en l'Etude du clit Sieur Sellier , les dirs jouts 8c an , 8c
a figne la minute dès prefcntcs étant enluite de celle dont
expédition cft des autres parts: le tout demeure au dit Maî-
tre Sellier Notaire.
I I r.
De'chr.ition de Ja Femme du S. Chev.itier /.tjue/U
condiiifoit I.1 fourde ^ muette fur fe tombe ju du
B. M. de Paris, &>fût témoin de fet convulfions
G» de fa guérifan le cinquième jour,
ET le même jour le feptieme Février l'tl; après midi
eft comparue devant les Notaires à Paris foullignes en
l'K.tude du dit Sellier, Margueiitc Harlay fcmine dudit
S. Antoine Chevalier, Bourgeois' de l'ati$,y dcmeuiantruc
des Auguftiiis natoiflè S. André des arts: laquelle a requis le»
dits Notaires de recevoir fa déclaration qu'elle leur a diàee
ainll qu'il luit. C'cft à l'avoir; que le î6 Août dernier le du
S. Chevalier fon mati amena cheziui enro-enantdeVetfail-
lcs, la Femme du nomme Bcaufils, portillon du Roi Se celle
du S. lloRii, Concierge des priions j. Vctfaillcj, avec la
Niccc
opéré fur C. Bigot
Kiece du dit S. Hogii appellée Catherine Bigot , âgée de z6.
iz'. ans, qu'elle favoic écie foutde 5c muette de naifl'ancc ,
l'aiant vue plufîeiu-s fois à Verûilles chez le ditS. Hogu ami
de Ibii dit mari : qu'auflî-tôt qu'Us furent arrives , le ait Che-
valier lui déclara qu'il avoir fait venir cette tille chez lui , pour
qu'elle la menât tous les matins à S. Medard fur le tombeau
de M. de Pâtis, & qu'elle y fit une neuvainc pour elle pour
tâcher d'obtenir de Dieu par l'interceflion de M. de Paris
qu'il lui donnât l'ufage de l'ouie & de la parole , dont elle
n'avoit jamais joiii depuis fa naiflance: qu'elle s'ottat volon-
tiers à la mener & à faire cette neuvaine.
Que dès le lendemain z'. Août la dite comparante avec la
femme du dit St. Hogu & celle du dit Beaufils, menèrent
cette fille àS. Médaid: qu'elles commencèrent par y entendre
la meffe, après laquelle aiant fait mettre cette fille lût le tom-
beau de M. de Pâtis, elles fiirenr fort étonnées de voir faire
à cette fille qui namrellement eft forr tranquille , des mouvc-
mens fi violens qu'il étoit bien évident qu'ils ne pouvoient
être naturels: qu'on voyoit a fes geftes qu'elle IbutFtoit infi-
Dimenr dans la tète , dans les oreilles Se dans la gorge , y por-
tantjes mains avec violence , & fa tête étant li agitée qu'on
ne favoit ce que c'etoit : que ces mouvemcns etoient li ex-
traordinaires, que quelques perfonnes qui etoient prefentes
leur demandèrent li elle n'ctoit pas polledee : qu'après ces
mouvemens convulCft , elle demeura fur le tombeau fans
connoilTance comme évanouie: que cela obligea les affillans
de la porter dans le grand cimetière ou étant revenue à elle ,
elle fit ligne qu'elle vouloit terouruer liir le tombeau : que la
dite comparante l'y aiant ramenée, elle n'y fût pas plutôt que
Tes mouvemens convuhifs lui reprirent avec encore plus de
force qu'auparavant: que fon air même fàifoit peur aiaut k
vilage & le regard d'une peifonne a l'agonie qui fe combat
avec la dernière violence contre la mort: que la dite compa-
rante aiant eu peur qu'elle ne mouiùt effectivement , la fit
encore ôtet comme de force de deflus le tombeau & la fit
porter fous les charniers ; mais que cette fille aiant fait con-
noitrc par fes mouvemens & fon adlion, qu'elle vouloir qu'on
la remit fur le tombeau, la dire comparante qui fit réflexion
que tout cela etoit l'ouvrage de Dieu, & que loin de la faire
mouiir cela lui procureroit appatemment la guerilbn, l'y fit
reporter prelqu'aufli-tôt : que fes convuUions loin de dimiuuei ,
ne firent encoie qu'augmentet 5 ce qui embairaflà beaucoup
la dite comparante aufli bien que les deux femmes qui etoient
avec elle, ne fâchant comme elles pourroient faire pour la
ramener en leur maifon cjui étoit lors dans la rue de Gre-
ne'Je près l'Hôtel de Soijlons : qu'elles prirent le parti d'en-
voier quérir un carrofié de place, dans lequel elles la mirent
avec elles : qu'elle refta dans ce carrofle fans connoifiance Se
arriva ainfichez ladite comparante, de façon qu'on fut oblige
de la porter fur fon lit ou les convuUîons lui duterenr jufqu'a
9. heures du foir, pendant lequel rems elle demeura prefquc
toujours lans connoilTance & lans qu'il futpoffibledeluirien
faire prendre. Que le maii de la dite compatante volant
qu'elle ne tevenoit point, eût à la fin peur qu'elk ne mou-
rût en cet état, & fut quérir le S. Tripier Chirurgien qui
la vint voir fur les 7. hemes du foir, & qui ayant obfervé
qu'elle n'avoit aucune autre maladie que les convultious qui
la rendoient aintî fans connoifTance , leur dit qu'il n'y a-
voit tien à y faire. Qu'a y. heures du foir la connoilTance
lui revint , & qu'elle demeura jufqu'au lendemain allez tran-
quille.
Que ce jour qui éroit le 18. Août, la dite comparante avec
la femme du dit Sr. Hogu & celle tiu dit Beaufils envoietem
de grand matin quérir une brouette dans laquelle elles mirent
cette fille & la menèrent ainfi à S. IVlédatd: qu'aiant d'abord
été entendre la mefle comme elles avoient fait le jour précé-
dent , les convulfions avoient ptis à cette fille dans l'Eglife quel
que rems avant l'élévation avec une violence épouvantable, de
façon qu'elles avoient été obligées de la faite tenir pendant le
refte de la meHè pat le broiieteur qui l'avoir amenée ;après-
quoy ils la fircnr porter fur la tombe , ou fes convulfions
augmentèrent encore de façon qu'elles firrent aufTi violentes
que le joiu précèdent; qu'après l'y avoir lailTée aflcz long-
tems , ils la firent remettre dans la btouctte poui la ramenet ;
mais qu'elle s'y agitoit fi violemment qu'elles eurent petit
ju'elle ne s'y cafsàt la tête ; de façon que la dite comparante
e mit d'abord dans la broUette avec elle pouf la tenit , mais
que n'en aiant pas la force, elle pria le S. Saby fils d'un tail-
leur qui demeoioit dans leur même maifon , Se qui fe trouva
?e
fourde fjf muette. 3
là, de le mettre dans la broiiette avec elle pour la tenir, ce
qu'il voulut bien faire : qu'elle arriva dans leur maifon au
même état qi'eile avoir e:e la veille , ïc refta pareillement
jufqu'a 9. heures du foir fans manger, agitée prefque lins celle
par f;s conrallions , & prefquc toujours fans connoilTance.
Que le lendemain 29. cette fille s'etanttrouvèerrèsfiaiche
& nullement fatiguée de les convulfions de la veilli , elles
partirent toutes quatre à pied pour fe rendre à S. Medard; mais
que quelque petit commencement de convulùon ayant pris
a cette fille lut le quai des Auguftins , elles fe tiouvetent
obligées de prendre un carrolTe qui les mena à S. Medard,
ou ayant d'abord été entendre la melTe , les convulfioni
avoient commencé à ptendie à cette fille avec la dernière
violence au même endroit de la melTe qu'elles lui avoient
pris le jour précèdent: que l'ayant fait mettre fur la tombe,
elles avoient e:icoie augmente d'une nianiete hoiribleimais
que ce jour elles avoient celle aulTi-tôt que cette fille ayoit
été ôtée de delFas la tombe; de façon qu'elle avoit été en
état de venir avec ell: à Sainte Geneviève, à Njtre Dame
& dans leur maifon, ce qui donna la liberté à la femme du
dit Sieur Hogu & à celle du dit Sieur Beaufils , de retour-
ner a Veifailles dès le lendemain matin qui etoit le ^o. Août
8: de lailTet à la dite comparante le foin de cette fille.
Que le dit jout 50. Août, elle la mena à S. Medird &
fur la tombe comme les jours prccedcns; mais qu'elle n'y
eût que des convuUions beaucoup moins fortes que les pré-
cédentes.
Que le 51. Août qui étoit le y. jour de la première neii-
vaine , l'ayant fait mettre fur la rombe , elle y eût ime elpè-
ce d'evanouifiement qui dura allez long-tems , & que l'ayant
tirée par le bras &c lui ayant dit : allons allons , voulant la fai-
re fortir de deflus la tombe , elle entendit cette fiile qui lui
répéta tout haut le mot: allons, ce qui furprit 11 fort la dite
compatante qu'elle relU toute hois d'elle même: quecepen-
dant plufiems perfonnes qui etoient prefentes , & qui layoient:
que cette fille etoit fourde & muette de naiflance, fe mi-
renr à crier : miracle, & la conduifirenr â laSacriflie oîilc
Vicaire de S. MeJard dit à cette fille les mots: mon Dieu:
qu'aulTi - tôt elle répéta : qu'il lui dit enluitc les mors : mon
Père, qu'elle répéta pareillemenr , &c que comme la dite com-
parante etoit accablée aulTi bien que cette fille de la foule
du monde qui les envitonnoit, elle ne fongea qu'a gagner
au plus vite fa maifon aveccette fille : qu'aulU-tot qu'elle y
fût de retour, ayant dit à fon mati tout ce qui venoit d'ar-
river, fon mari' parla à cette fille, qui lui lepeta prefque
toutes les paroles qu'il lui dit, ce qui mit la dite compa-
rante dans un fi grand etonnement qu'elle en etoit toute
laine : que d'autres perfonnes étant venues dans leur cham-
bre , firenr aulTi repeter à certe fille les mots qu'ils lui di-.
foient, fur tout les mots courts Se les fyllabes, y ayant plu-
fieurs mots qu'elle ne prononçoit pas fort_ bien , mais qu'au
furplus elle ne demandoit qu'a repeter, ne lelalTant poinrdans
les premiers jours de repeter tout ce que chacun lui dilbit,
quoiqu'elle fût accablée de monde de toutes conditions qui
venoient la voir.
Que comme il étoit relié à cette fille une afTez grande
difficulté de prononcer certains mots, fa langueetant fort
epaiile, & qu'elle n'avoit encore aucime connoifiance de ce
que les mots (ignifioicnt , elle a continue de la menet preC
que rous les matins à S. Medard pour qu'il plûr à Dieu de
lui donner la facilité de la prononciation , & l'intelligence
pour comprendre le fens des mots , afin qu'elle pût appien-
tlre fa religion , qu'elle n'a plus eu de convulfions que 7.
differens jours: favoir le 4. Septembre , dernier jour de la
première neuvaine, qu'elles lui prirent dans leur maifon i
4. heures du foir avec une violence épouvantable, & dure-
tenr julqn'a 1 1 . heures du lendemain matin avec des mou.
vemens & des convulfions de tout le corps fi épouvantables
que cela fiifoit trembler: qu'il lui en prit encoie le 10.
Septembre pareillement l'aprés midi à la maifon, qui lui
durèrent jufqu'au lendemain matin: qu'il lui en ptit le 16.
à S. Medard , la veille & le jour de la Touflàins , la veil-
le Se le jour de S. André , qui furent toutes très fortes tant
fur la tombe que de retoui à la mailbn : que dans fes con-
vulfions elle s'agitoit d'une raaniete C furiculè que perfon-
nenepouvoit la tenir: qu'elle tomboit enfuite comme pâmée
fans donner aucun figne de connoifiance , après quoi la vio-
lence de fes mouvemens recommençoit : mais qu'aulTi - tôt
que fes convulûons, qui lui duroient «dinaiieinent prerque
A 2 touc
Pièces jufttficati'vei ^t* miracle
X
tout le jour , & quelquefois même une partie de la nuit &
d'aunes fois la nuit entière , étoicnt paflces , elle patoiflbit
«n fon bon leos Se fort tranquille.
Que ladite comparante fait ce qu'elle peut pour lui appren-
dre la religion: quVllc ptononce déjà affez bien: au nom
du Père du Fils Jt du S. Elptit , & plulicurs autres mots :
qu'elle connoit toutes les lettres: que tous les jouis on tà-
àie de lui apprendre la Cgnification de quelque mot: qu'el-
le a l'ouie paifaitenient bonne, & qu'il ne lui manque plus
que de comprendre la lignification des mots Se de les pou-
voii répétée plus cortc^teinem , à quoi elle le petfcctionne
tous les jours.
De laquelle déclaration la dite comparante a requis afte
aux dits No'uâires loulfignes, fie qu'il en l'oit délivre des ex-
péditions à qui le requierera ; ce qui lui a etc accoidc.
A Paris en l'Etude du dit Sieur Sellier les dits jour & ari ,
& a déclare ne favoir êciire ni ligner , de ce interpellée
fuivant l'ordonnance, ainli qu'il eft dir en la minute des
prefentes , étant cnluitc de celle dont expédition eft ci-def-
fus : le tout demeure au dit M. S E L L i E R l'un des Notai-
i«s Ibuffignés,
IV.
'Déclaration de Marie Hogu Veuve Bigot , mère
de la fourde &P muette,
ET le 14. Février nsz. eft comparue devant les No-
taires à Paris Ibulljgncs en l'Etude de Sellier l'un d'eux,
Marie Hogu veuve de Pénis Bigot labouieur en la pa-
roifle de Courure Diocéle du Mans, demeurant ordinaire-
ment au dit Coutuic étant de prcfcnr à Paris logcc rue des
grands Aiiguftins a l'Horel de Btiflàc paroifle S- André des
ans: laquelle a déclare que de Ton mariage avec le dit De-
nis Bigot enti'autrcs enfjns , elle a eu une fille nommée
Catlieiine Bigot, qui depuis fa naill'ance a cte fourde & muet-
te , ne lui avant jamais entendu proférer aucune parole, ni
fcnfible au fon de la voix, même à quelque bruit qu'on ait
DÛ lui 6ire. Qii'il y a 4. ans & demi que le Sieur |ofeph
Hogu Concierge des priions de Vetfailles frère de la dire
comparante , a bien voulu pour la foulager retirer avec lui
la dite Catherine Bigot, lots âgée de ii. à 11. ans. Que
fur l'avis qui lui a cte donné que depuis 6. mois ou environ
h dite fille avoit recouvert la faculté de les organes par l'in-
tetcclTionde M. de Paris inhume à S. Medard, elle eft venue
la voir , Se s'eft confirmée par elle - même que fa fille en-
tend Se parle réellement, lui ayant parle: qu'elle l'a enten-
due Se lui a répété plufieurs mots qu'elle lui a profères :
& pour d'autant plus aflurcr l'état précèdent de fa tille, elle
a requis le dit Sellier Notaire d'annexer à la minute des
piefentes le certificat du dit précèdent état de là fille don-
ne par nombre des habitans du Bour" de Couture , de-
vant Boulier Notaire & Tabellion au dit lieu le 11. Octo-
bre i";i. contrôle le même jour, au bas Se en marge du-
quel eft le certificat du S. ("lairion Cure du dit Couture
uns datte, mais contiôlc a Paris le 7. Février I7?2. pat
Blondclu , ce qui a cte accordé à la dite Bigot après qu'el-
le a eenifie vcri'ablc le dir certificat , dcmcitrc joint à
la minute des prtfentes , qui a été fignie feulement des
Notaires foulfigncs, attendu que la dite veuve Bigot leur a
déclaré ne favoir ligner, dont Se desquelles déclarations Se
dépôt ci-deflus, elle a requis Se demandé aûe aux Noiai-
its fouflignés, qui lui ont oittoie le prefcnt. A Paris en
l'Etude les dits joui 8c an , Se a la dite Marie Hogu dé-
claré ne ftvoir écrire ni ligner, de ce faire interpellée fui-
vant l'otdonnance , ainfi qu'il eft dit en la minute des pré-
fenies étant enfiiiie de celle dont expédition eft des auites
pans , le tout dcniciué au dit M. SeiUct l'un des Notaires
joulTigncs.
V.
Déclaration des principaux hahitant du Bourg de
Couture , oii ej} née la fourde ft» muette , ëfi
où elle avait demeuré jufqu' à l'âge de il. ans.
PA R devant nous Jofeph Boutier Noiaite Se Tabellion
de la haute juftice de Couluie y demeurant bas Ven-
dominuis Diocife du Mans fuudignc , font cumpaïus
en pcifuaoes , Julcp h DuUiis M. Chuuigica , Jean Vcuaiil
direfteut du bureau de la pofte du dit Couture, Michel
Dclfctre menuillcr Se findic de la dite patoilfe, Martin
Coupé Procureur de la fabrique du dir Coutute, Vincent
Chaivau menuificr, Louis Cnefner Cordonnier, René Brée
matéchal de forge, Julien Durier aulTi maréchal, Dame
Catherine Bigot veuve , Claude le Moine Sieiu de la Chaula
fce, Demoifclle Elifabeth de Sanee, le Sieui Jaques Pillan
Bourgeois , François de Barte M. d'Ecole , 8c Léonard Chet
neau laboureur, ruus habirans du Bourg 8c Paroifle de Coutu-
te; lefquels aneftent 8c affirment à tous qu'il appartiendra
connoitre Catherine Bigot fille âgée environ de là. ans,
ilfue de defjnt Denis Bigot Se de Matie Hogu , native de
cette patoifle , Se que depuis le jour de fa uaiilance, ils
l'ont toujouis vue fourde Se muette n'ayant jamais articulé
aucune parole , ni donné aucun ligne d'entendement jufqu'à
l'âge de zt. à zz. ans. qu'elle eft partie de ce pais poui
aller demeurer a Vetlàilles chez le Sieur Hogu Ion oncle,
dont Se de laquelle déclaration, après que les dits habitans
l'ont aifitmé veiitable devant nous fufJiis Notaires âc les té-
moins (bulTigncs, les en avons jugé, fait Se paflé au Bourg
du dit Coutute en notre Erude en prelcnce de M. J ;>ph
Renon grener de la juftice du dit Couture , demeurant (,a-
roifle de S. Eflàids , Se d'Antoine Fteniblay teiflîer demeu-
rant au dit Couture , témoins à ce requis Se appelles ; &
ont les dits habitans ligne avec nous Notaite Se tes dits té-
moins foufljgnes 21. Oclobre 1751. avant midi, aiiili fi-
gne M. Couppc , C. Bigot , de la Chauflee , M. Delferre fin-
dic, Elifabeth de Sanee, J. Veiiard, V. Charvau , M. Co-
lo, de Barte , Pillan, J. Dubois Chiiuigien, certifie que
Catheiine Bigot native de Coutute eft née fourde 8c muet-
te. Se qu'elle l'a eie jufqu'a fon départ pour Vetfailles: ce
que j'amtme véritable ). Dubois, Dutier , L. Cheli-.eau ,
R. Bree, L. Chenier , Aiitoine Franblay , Renon, avec Bou-
tiet Notaiie. En m^r^e eft r^rii : contrôle à Coutuic le 2.1.
Octobre 1731. ligne Boutier ; c- "•> dtjJiHi, Sec.
VI.
CERTIFICAT
De M, Clairion Curé du Bourg de Couture.
NOvs Gérard Clairion Piètre Curé de Couture Ibuf.
ligne , certifions qu'après avoir lu l'acte ci-deflus Se
de l'autre part, 8c vii les fignatures de plufieurs de
nos paroilfiens, qui atîirmeni le fjit véritable concernant l'é-
tat de lourde 8c muette dans lequel la furnommee Cathe-
rine Bigot a vécu parmi eux julqu'a l'àgc de iz. ans ,
qu'elle eft partie de notre paroifTe pour aller refider i Vet-
failles, nous nous croyons oblige d'aflurer que nous avons
fouvent oui parler de la dite Catheiine Bigot depuis 4. ans
qu'il y a que nous fommesCurc de cette paioiflo , Se qu'iui
grand nombre de nos habitans nous ont fouvent alfuté
qu'elle etoit fourde 8c muette, Se qu'elle étoit parrie en cet
état pour aller a Vetfailles: en foi de quoi nous avons (i-
gne , Clairion Cure de Courute: à cote eft encore écrit:
conttôle à Patis le 7. Février l'^z. fignc Blondclu, Se
en marge : cerrifie véritable , figne Se pataphe au delTouj
de l'aitc de déclaration 8c dcpot de ce-joutd'hui 24. Fe-
vtict i~7z. fignc H<;erne 8c Sellier Nuuucs , kellé
le dit jour.
V I I.
Déclaration de la femme du S. Hogu Concierge des
prifons de Ver f.ii lies , Çfde celle de Charles Beau-
fis Pojlillon du Roi , lefyuelles ont conduit la
fourde ^ muette fur le tombeau du B. A/, de
Paris, ô» ont été témoins de fes premières con-
vuljions.
les
,uc
ET le 21. janvier i'5+; lont comparus pat devant 1
Kotaites i Patis foulTigncs , Demoifelle Angeliqi
Chauveau femme du S. Joléph Hogu concieige i<
prifons de Verliilles y demeurant étant ce )0ur à Paiis, Se
Demoifclle Catherine le Meile fèmine du S. Charles Beau-
fils portillon chez le Roi , demeuranr au dit Vetfailles étant
aulfi ce dit jour à Paris. lelquclles pour rendre rcmoignage
i la vciitc, ont lequis les Nouucs l'uulligiics , de lecevoit
Icats
opère fur C. Bigot four de Cjf fnuette *-
leurs declaraaons far lefqueUes elle, leur on. attefté ôc affir- de pareil, que cecce fil,; ^.ançoir tout fo„ corps en l-air l
De la part de la dite DemoifeUe Hogu , qu'elle connoît qui tous^.^î'v n" ■"°"'''""" /' ^'°1=>1'& û extraordinaires
h dite Caiherine Bigot nicce de fon i4i, Wis î'anneê quelque un?dâï,.n1°""' P"''"' '" ^""'" '""^P"^' ^^ q"'
I7Z7. qu-U la prifc chez lui, & que comme k | Ho^u Se Zfi eUe .orî^hnifTT'''''"'^ '"'""'= '^"^ "°'^
fon nian a des vignes dans la pa?oi(le de Couture dont il louffiï DHnr ô,!» =°'"°°" ^" "î^^f '"a!: qu'elle paroilToic
eft or ginaire; & que Marie H^gu fa fœurvëÙve de De Prod éic'uirvfte lî "' ■ '^'"' '' '"' 'î";'"'^ •emuoit'^d'une fi
nis B.got & mère de la dite Catherine Bigot, a toujours T^illmMoi ou.V? h^" !," '1!^°™°'"°" P'"' '"" "»*"'&
demeure dans la dite pato.nè , la compaîante qu"'y a t^"e q 'aprè s^'êuea.S /".M.''' '°'''l '" '^'^^"^ '^' '"^
«e de tems en rems depuis quelques années, a oui dite t évanoiiie cf nn^ ,nL ^ , "^ retomba encore comme
la mère de la due BigoV. &* à tius les habi ans dt^ b"^' deTaÛs'la tolnie ^"|^?^t '" .^'^Parantes de la faire ôrer
de Coutuie avec qui elle en a parle, que la dite Bigot é- ^ete mai. Snr ,^ ^ f u"?- P°"" ''""^ '^S""'* ^■''"«-
to.t fourde & muette depuis fa naiiTa^ice : qu'e le n'fnten- na à connoît?. ?,.. ri? V^"'"' '^'„"" P'" '"'""=> ^1-= don-
doit pas même le plus grand biuit, & qu'on avoitfouvent fur le ton h.^,^ ^^ a '"§"," ^"^"^ ^°"'°'' 1"'°" '^ r^'"''
éprouve qu'en failint dS bruit à ks orimes ou dér kre lï grandes ài^at^onf^.?'"' '' moment que l'oS l'y remit fes
tête elle ne faifoit aucun mouvement, & ne do^Ôït au- SpLaSnr n - f P^'"^'"'"^"!- ^ P'"'' ^''"^ «"'°'e
cun figne qu'elle entendit , & qu'elle n'avoi? ianV^is o?n me X r.^ . 'î'' '^'V':^" °'^ l^^-^ féconde fois comme mal-
ITlZr^'T'' ' ""f" q'elle^entendohrfèureirn-t Î^:^Ù^!Z^^:^/^J°T^1^J^ ^[^^^^'^^ Vy.^n..
par lignes , & donnoit de même à
vouloir.
Et de la part de la dite DemoifeUe Beaufils, elle a certi-
he & attefte qu'étant des ainies imimes de la dite Demoi-
R J;. °^^"' f\f ^ "'- ^""^' "^"^ ^"^ '^ '!'« Catherine
tT.l^,^ 3m ' i" ""'' P'^*?"^ '°"^ '" i°"" Pei'i^nt tout
le tems qu'elle a demeure clîez la dite DemoifeUe Hoeu
uÂVoT ^""" '°"" ' '^'•"' '^'"^^ ^^ '^"^ DemoilélI
Et ont les dites Demoifelles Hogu & Beaufîls déclaré &
attefte con)ointement, que pendant tout le tems que la dke
Catherine Bigot eft demeurée chez la dite Demoifeile Ho-
gu. la dite Bigot eft toujours reftee entièrement fourde &
muette, & quelles ont même fouvent epiouvé & vti éprou-
ver pat d'autres DCrfnnrps r, ^n „„„„„:. i. r >;t"""
.tendojt; l.ui;i^;;r ?--û.;^tioH^'ë^;r?^"ÛXr:tr^ôi^der:r^
entendre ce qu'elle --^^1- foues que les premLs'!:i^.è:^lfX'e"e1"ft^;
coirvme morte.
Qjie les comparantes fe trouvèrent plus embatraflees qu'el-
les n ont jamais cte de leur vie, ne Lhant quel par Pprar-
va iêr d'I" '"^" '^'" ''^"^T"' ^^" '■' ''«^ I^emoil-elle C:he-
eotrevi, -Su '"''".' " 1"^'" ^''""^ ^^"' q"= la due Bi-
got tevmt a elle pendant toiu le chemin, étant reftee tou-
)ours évanouie: qu'elle demeura encore e'n cet é a depuis
Zfo t""' '."T' '''"" '^^'"' DemoifeUe ChevalieiVl?
llL fL. ''r '?"•■ 1"= "'^ "^ '^'""■1 Pa5 i la fin de
cherche ,fn'rh"'^'" '"'"il""'" ''"^'^"^ CheVaiier, qui fût
auelerh?n .^ '7?''" ^'«".S"''! vit ce qu'il falloit lui faire:
que le Chirurgien lu, ayant tite le pouls leur dit que ceteiat
etoitfurnaturel. & nn'il n-,,,,-^;. „f„..,. .„ / Mu'-.'-eteiai
, ,- .!« ^j.vj vjiiL jiiciiic luuvcnu éprouve ce va cnron niip f» f^ hji-i.p^:»^ i ■ ,---... — -j" .^^.myi^ ,ui iduc;
ver pat d'autres petfonnes C on pourroit la furpienuFe e,^ «oit fhmat3 V %^"' "'"-'" ^""''''"^ ^'" l"'^ ^««^'^
fai ant quelque grand bruit derrière elle, donr el e ne pour les con.ni^^^^^^^^^^ ^ "î" '' "?"™"^ ^'-"^''^ niauvaif? fuke : que
roit fe douter , .r.ais qu'elle n'entendoit rien du tout : E m 1?^ f Z /dï^^^lV ' ^'="'"'"- "^l^il^" ' & 1^^ c'etoit
''„^!/' ! /"-.«S." ^""-^ ''°""5 (--e, & que depuis ,?d- e QÙ^k^'c ,t 1 ".'?.!!"" ^°"
,.ft. 11 ;„; ." ,,1" ^''>- "<.i"i-imuii lieu au tout: qu'au
lefte elle paroilToit d'une bonne faute, & que depuis iJdite
vrh-n„f • '"f'î"'" '■^- ^?"' '7?i. qu'elle eiit des con-
u:Ikons pour la première fois de fa vie: elle n'a jama s
ete malade qu'une leule fois qui fàt en l'année 1728 oii
elle eut une hevre li confiderable que les comparantes du-
rent qu'elle n'en reviendroit pas, qu'elle f.it même f, mil
que M. Seblon Prêtre de la paroilVe de Notre-Dame de
Verfailles lui admmiftra l'Extrême -onftion, mais que s'e
Uu après que la dite Bigot eût refté dans cet état lufqu'à
9. heures du loir, ellerevim tout d'un coup a cUe &au'elt
dltlT ^'"'r- ''"^'^- "' ^^ '" ^'"''^"«^ agitations ni
de Ion evarouificmenc qui avoit duré fi long-tenis, & pen-
dant lequel II fût implffible de lui rien faire aiakr*^ "a
ies'du'f^r.°'^'°' "'" P"' ''"''"'' '^^ ^""= '"'"^"'•' 9- heu-
tant informe fi on lui av^iTXn le quelque co^noil^ane de" ^Srs"d",.^n^'"'ru'''nr''" '" comparantes accompa-
a.religion . & qu'ayant juge qu'il n'a^voit^pas été podib e de dan une broi^er '"' if '''^'^'i" '^ '"'""^"^ ^ S. iMeda^d
"' ^f:^'^^^' P- "S"" nos princip'au.. m^rcs, 1 v qu^la ve f n^f t"'„,^"LtlJt!"!i'?"= '"f" -# vl
,„: ..=—--> — -J"";'"" )"B<. 4uii 11 avoir pas ete polhble
ui taire comprendre par fignes nos principau.v milk-rcs il
ne voulut jamais lui adminiftier l'Euchaiiftie , &qi'il ftten
conférer avec M. le Cure de la dite paroifie ^m fut demé"
me lentiment que lui. 1 i ^ uv un.
Que quelque tems après la dite Bigot revint en parfaite
,A^'T" ,.T'u''-î'f"' 1"= ^'^- S=^bIon avoir fait de lui
admmiftrer l'fcuchanftie, quoiqu'on la crût prête d'expi ei
leur fit faire de triftes réflexions fur l'état '^de cette '^fit
le , d aut.ant plus qu'il paroiiToit être abfolument fins remè-
de; mais que 2 ou 5. ans après ayant entendu parler en
dopJ 'f."^'^'' 1"' s'operoier.t fur le tombeau de M.
de Pans, elles cmrent qu'il ne falloir pas manquer l'occa-
fion d eprotiyer fi D.eu ne voudroit point Vaue la grâce à cet?e
pauvre malheureule, de la mettre en état de le connoîtte
H.^'„ ^ avoitden quelques jours qu'elles étoient occupées
de cette penlee, Iprfiiue le jour de fa S. Louis 17,,. Is
W rh.'T' '?" '' r ""g"' 1'^'^"" déclarèrent au dii
Sieur Chevalier la pcnfee qu'elles avoieur, & que le dit S
£ k'J";.'"" ?/'•" °*'f <*= P'^^"'*re cette fille\liez lu &
îue Ir." ' "'" P'"'^='°' "5"'°" f"°" ""<= neuvainepou^
tt defe ^dî^^pi^: 'ftmrs: tLSiîV.:
fition avec bien dV , i^t, ï' • ^'^'^^P'"™' '^ propo- cette fille fût fur
^^<? ^.l /^i"'' T' <^°"""encerent même dans l'Eelife
de S, Medaid pendant que les comparantes entendoient la
raefle avant qu'on l'eût menée dans le cimetière
Quaufli-tor qu'on l'eût approché du tombeaLi elle en bai-
amnn'Znf t""' ""„"'' ^"^^'f^ '"^"' qu'on lui eu eût fait
auLun figne, & quelle parût fort aife qu'on la mit deflîis;
que néanmoins aufll-tot qu'elle y fût les agitations devin-
rent fi furieules que perfonne ne pouvoir plu? la retenir ce
qui obligea les comparantes de la faire remetite dans la bro-
uette pour la ramener, mais qu'elle s'agitoit fi fort dans
cette brouette, qu'il fallut qu'il lèmit un? petfonne dedans
avec elle pour, la tenir,- & que tout le long de la journée
uqua 9_ heures du foir elle eût de pareilles agitations étant
toujours lans connoiflance.
r.^^u" '°"' ''r^'"';^ "1"' "°" '^ -9- Août; quoique
cette hlle eut ete fi violemment agitée la veille depuis' 7
heiires du matin jufqu'à 9. heures du foir , elle leur parût fi
fraîche, fi tranquille, h peu fitiguée, que les comparante,
refolurent avec la Demoilelle Chevaliei- de la mènera pied
a i Medaid ; mais que les agitations ayant commence à
la prendre en chemin et.ant lots fur le quai des Auguftins ,
elles furent obligées de prendre un caroiiè; & que^lorfime
cette fille fut fur le tombeau , elle eût des mouvemens encore
n.,^ Vii; 1 1 j ■ " '•"" *•"" leaitùieurCheva er.
Ch^^Ii^ J , ''"''^"^^'" ^7. Août la femme duditSietu
Sotl'". Médarr^''""'"' ^°"'^"""""" '^ 'ii'^Catliermc
àe%^f"jâ\'^''i la dite Bigot fût fur le tombeau de M.
de lans elle tomba comme évanouie, & que fonvaiaefe
iî:^dr™^if^?e^:^ôu?e^;!, i^, ^'c^îîXnt^sr
. ' "- •--•- ~i"^ i««j »,i.u,-^ i.iiii s:ii:icnt
pouvoientluAreala retenir ,& qu'elle elan-
coit h fort tout ion corps en l'air & fi haut, qJe cela naf-
loit toutes les forces de la nature: m.;is que ce jour-là fcs
agitations ceflerent aulîi - tôt qu'elle fût dcliors de dclfus le
tombeau, & qu'eUes la ramenèrent à pied étant très tran-
quille & même qu'elles fuient avec elle à Sainre Geneviève
ce a INotrc-Dame.
Que comme les comparantes cmrent qu'elle oourroit avoir
encore long - tems de pareilles agitations avant qu'il plût à
Dm de la guetii, & qu'elles avoicm à faire chez elles.
B d-
Pietés jujîificatïves du miracUf
tWci prirent le patii et jout - là de la lainfer entre les mains
de la DcmoifcUc Chevalier & de retourner a Verfailles,ou
elles appiircm ;. ou 4. jours aptes que le ;i. du même
mois d'Août au matin, les oteilles de cette tille s'etoient
tout d'un coup débouchées pendant qu'elle ctoit fur le tom-
beau, & fa langue s'ctoit en partie déliée, enferre qu'elle
e;itcndoit très clairement, & qu'elle tcpctoit mcincplullcurs
des mots qu'on lui difjit.
Que les comparantes ayant une connoi (Tance paifaite de la
futilité entière dont cette fille a%'oit toujours cte affligée juf-
qu'à ce jour-li, rendirent gloire à Dieu d'un fi grand mi-
racle, & qu'aufli - rot que leurs affaires le leur permirent,
elles vinrent à Paris pour la voit chez la DiMnoilélle Clic-
valier.
Qu'elles trouvèrent qu'elle en:endoit aufli parfaitement Se
aufli clair que il elle n'avoit jamais ctc fourJe , entendant
même fon bien quand on lui pailoit allez bas, mais qu'el-
le ne comprenoit encore rien du tout aux chofes qu'on lui
demandoit, & qu'elle ne failoit que repeter imparfaitement
ce qu'on lui difoit, ce qu'elle paroiflbit pout lots faire avec
grand plailir.
Qu'elle trouvèrent aulTi que ladite DcmoifcUc Chevalier
avoit commencé à lui apprendre à connoître les lettres, &
qu'elle difoit alfez bien qu'elle etoit la lettre qu'on lui mou-
troit, à l'exception de quelques-unes qu'elle avoit bien de la
peine à prononcer ayant encore la langue fort epailTe.
Qu'elles font revenues depuis la voir enfcmble & qu'elles
ont remarque qu'elle ne fait que fort peu de progrès, com-
mençant leulement à dire quelques mots d'elle-même,- à
nommer les chofes les plus ncccltàires a la vie & adiré: au
nom du Père , du Fils & du Saint Efprit: mais d'ailleurs
Î[u'elle a perdu la vivacité qu'elle avoit d'abord, & le plai-
ir qu'on voyoit qu'elle avoit de repeter ce que chacun di-
foit, & qu'elle ell devenue plus timide qu'elle n'avoit ja-
mais ete de la vie,& qu'elle a un air trille , étonne & em-
bariafle qui vient apparemment de ce qu'elle a de la peine
de voir qu'elle ne comprend point ce que chacun dit, ce
qui la rend route farouche: mais qu'au relie elle entend tou-
jours aulfi clair qu'on peut entendre, ce que les comparan-
tes ont éprouvé bien des fois en lui partant aflcz bas , iSc que
quelqu'un ayant cogné fort doucement à la chambre oii c-
toient les comparantes, elle fut celle qui entendit le mieux:
elle fe leva & fut fut le champ ouvrir la porte. Tous lef-
quels fairs les dites comparantes ont certilie & attelle vérita-
bles & en ont requis aûe, ce qui leur a étc oclroyépar les
Notaires foulîlgnes. Fait & pafle a Paris en l'Etude de Sel-
lier l'un des dits Notaires foulligncs, ledit jour zi. Janvier
I7?4. & ont ligné la minute des prtfenres étant enlùite de
celle des aftes <^s autres parts ; le rout demeuré au dit Maî-
tre Sellier Notaire. Slpié Huerne Se Sellier, jt coté
tjl ivn'r : fccllc ledit joiu , 1C9U 6. lois,
VIII.
ACTE DE D E' P 0 S T.
Fait chez Maître Sellier Notaire à Taris par
Catherine Bigot ci-devant fiurde fy' muette , la-
quelle a elle-même requis ce Notaire d'annexer
a la minute de fon atte de comparution , 8. pie-
ces. ,., tfu'elle lui a apportée Qp lui a déclaré
ne /.noir écrire ni Jîgner.
ET le huit Février audit an ITH- '^ compatuc devant
les Notaiies fourtignes, Catherine Bigot hlle majeure
demeurant a Pans en appteniiifaec chez Demoifelle
Jeanne Margiierire Duiillicux maitreflc lingete rue de la Ca-
landre pics Te Palais paroilfe S. Germain le viel, alTiIlce de
la Demoifelle Dutillieux a ce prefentej laquelle a apporte à
Sellier l'iind'eux S< l'a requis d'annexer il fa minute desprc-
fenies huit pièces.
La première cft une lettre miiTive addrelfcc à M.deyont-
ccion Confeiller au Parlement, pat M. Seblon Prêtre delà
Coneregarion de la MilTioii demeurant aux invalides datée
en tête du premier du prcfcnt mois.
La Seconde ell une autre lettre milfive addreflce audit
Sieur de Mon-geron pat M. de Metry , que ladite r>einoi-
fellc Duiillicux dcclaie (iretScr en chef de la Prévoie de
l'Hâtcl,Uditc Ictuc ûoi dite. LclqucUci 4cui Ictucsùdiia
Demoifelle Duiillieu» a dit avoir été lemilcsàladite Bigot
pat le dit S. de Montgeton.
La Troifiéme ell un certificat ligné par )aques Saby mai?
tre tailleur, & Marie Anne CampaignoUc fa femme en da-
te du 1. de ce mois.
La quatrième ell un autre certificat du 4.. de ce dit mois
ligne du S. Datagon marchand mercier à Verliilles.
La cinquième ell un auttc certificat lîgnc A. de la Mon-
noirc Prêtre habitué de la paroiflc S. Medatd date du pte?
micr dudit prcfcnt mois.
La fisicme ell un certificat donné le même jour premier
de ce mois par le S Antoine Moincty ancien Sindic des ten-
tes de l'Hôtel de viUc , & ancien Marguilliet de la patoillc
de S. Medard.
La fcptiemeellun certificat domié le même jour pat Pièt-
re Guilbert Suilfe de l'Eglife de S. Medard.
Et la huitième cft un certificat en date du 18. Janvicc
dernier donne par M. l'Abbc Boilbt, M. Labbe Cure de S.
André, Madame DagucITau de Guerchois fœut de M. la
Chancelier, M. le Prefident de Voigui. MM. de .Vlontgc-
lon & Clément Confcillcts au Parlement , &. autres peifon-
nés y dénommées.
Les huit pièces contrôlées à Paris le 6. de ce mois
par la Croix, lequel annexe a été à l'indant fait, aptes que
les dites pièces ont été certifiées véritables , fignees & para-
phées par ladite Demoifelle Dutillieux en prefence des dits
Notaires foufligncs , 8c par la dite Bigot qui a déclare ne fa-
voir figner.
Donr Si de quoi IcIHits Notaires ont donne afte lùr le
requilitoirc de ladite Demoifelle Dutillieux. fait & pafle à
Pans en l'Etude les dits jours & an; ladite Demoifelle Du-
tillieux a figne , & la dite Bigot a déclare ne favoir écrire
ni figner de ce interpcUcc , ainû qu'il eft dit en la minute
des préfentes , étant enlùite de celle de la déclaration dont ex-
pédition cil des autres parts , le tout demeure au dit Sel-
lier Notaire.
Enfuite la tencm dit .innexci,
I X.
Lettre écrite par M. Seblon Prêtre de la Congre'
gation de la Mijfion , qui avoit refufé en 1718.
d'adminiftrer le S. Viatique à la fourde^ muet'
te y qui était pour lors a l'extrémité , fous pré-
texte que trayant jamais rien entendu y elle ne
pouvait être fûffifamment injiruite.
Du I. Février 17J+.
E me reflouviens parfaitement , Monfieur ,
nec l'iS. la nièce du S. Hogu ("oncictgc
de Vcriaillcs , nommée C?atherine Bigot , eniieioment
fourde *c muette, ct.int malade à l'extrémité, je fus appel-
le pour lui donner les detnieis Sacremens: je me trouvai
fort embarraflc : j'avois rcyu fa conf.lfion autant qu'elle
avoir pu me faite entendre par figncs les fautes qu'elle cro-
yoir avoir fiites, mais étant quellion de lui adminillret
l'E icharillie, je crus qu'il ctoit bien délicat de juger llic
des lignes équivoques qu'elle eût compris que Jcfus-Chrill
ctoit dans l'Euchanllic , d'autant plus que cette Hlle ne pa--
roiflbit pas avoir aucune intelligence. Je m'informai à Ion
oncle & a fa tante lî elle avoit reçu quelque injlrucHon
dans fi jeuneH'e, mais ils m'avouèrent qu'étant lourde &
inucrtc de naillàncc, ou
gnes. J'allai trouver M
J
r:
en l'an-,
priions
ne l'avoir pi inllruire que par lî-
j . _. Bally Cure de la patoilVc ;k qui je
propofii ma diUiculté, lui obfcrvant que cenc fille ne m'a-
voit point alfez fait conno'ittc pat les figncs qu'elle in'avoit
donnes qu'elle conçût bien un fi grand millerc , furquoi
il fût de même avis qiic moi, qii'il ne falloii lui donner
que l'Exttêmc-onilion « non le S. Viatique: ce fût le pat-
II que je pris. J'ai l'honneur d'être , Monlicut, avec un pro-
fond rcfpCLl. Votre ttcs humble & très-obciflant fcrviicur.
Jîfii/ H.. Seblon Prêite de la Congrégation de la Million de-
meurant .» l'Hotcl des invalides. 'L'.iJJrtJJi cft à MM. de
Montgeton Coafcillct au Parlement à Pain.
X
Lettre écrite par M. de Merry Greffier en chef de
JaFrévôté de /'Hôtel qui avait viifouvent lafouf
de Çy muette avant fa guérifoit.
MONSIEUR tout ce que je peux rcpondie à la lettre que
vous me faites l'honneur de m'ectire , eft que j'ai vii
1j nièce du nomme Hogu Concierge des priions de
Vetlailles depuis l'année 1727. ou environ, julqu'a la fin du
mois d'Août 1731. lourde & muette, & qu'on me dit l'ê-
tre de naiflànce. Comme elle balayoit mon greffe de Ver-
lailles, je la voyois Ibuvent 6c ne lui commandois rien que
par fignes, & ne lui ai jamais entendu prononcer aucune
parole. J'ai depuis oui dire qu'elle avoit recouvcrr l'ufa-
j;e de l'ouie & de la parole le 31. Août 1751. mais je
n'en ai aucune connoiffance par moi-même. J'ai l'hon-
neur d'être très refpcdueurement , Moniieur , votre très hum-
ble & très obeifiant lirviteur , S'ipié de Meiry : mi dejfms efi
écrit. Monfieur de Montgeton Confeiller au Parlement L'j-
dnjfi eji a Monfieut de Montgeton Confeillei au l'aile-
menc rue S. André des Ans à Paris.
X r.
Certificat du S. Sahy &> de fa femme principaux lo-
cataires de la maifon ou la fourde &' muette fût
menée à Paris pour être conduite fur le tombeau
du B. M. de Paris , & qui ont été témoins de fa
guérifon.
NOus Cjufligncs Jaques Saby maître tailleur & Marie
Anne CampaignoUe femme du dit Saby demeurans
rue de Grenelle paroiffe S. Euftache; certifions & at-
teftons tous les faits qui fuivent pour lendie gloire a Dieu
& témoignage à la vérité.
Le 12. Août fu. le S. Chevalier qui avoir lors un ap-
partement dans notie maifon revint de Veifailles ou il etoit
allé voir le S. Hogu fon ami & ramena avec lui la femme
du S. Hogu , une aurrc femme de Verfailles , & la nièce de
ce Sieur Hogu nommée Catherine Bigot : il nous dit en at-
rivant que cette fille étoit fourde & muerte de nailTance , &
qu'il l'avoit amenée à Paris afin de la faire mettre (ûr le tom-
beau de M. de Paris, cfpérant que peut eue Dieu voudroit
bien lui accorder par l'intercelTion de ce Bien-heureux la gué-
rifon d'ime fi fâcheufe infirmité.
Le lendemain dés le grand matin, la femme du Sieur Che-
valier, celle du Sieur Hogu, & une autre femme de Ver-
failles conduifirent cette fille à S. Medard dont elles ne re-
vinrent que fur les II. heures dans un fiacre.
Nous les entendîmes faire des cris en arrivant & nous vî-
mes qu'elles avoient l'air fort eploté , mais nous fûmes nous-
mêmes bien furpris loifque nous vîmes retirer de dedans le
fiacre- Catherine Bigot qui nous fembla être morte n'ayant
aucun mouvement.
Le Fiacre la chargea fur fês épaulés, & une autre petfon-
ne la foutint par les jambes, & on la porta comme un corps
mort le long de notre elcalier , 6c on fût la coucher fut un
lit chez la Dame Chevalier: nous ne doutâmes point d'a-
bord qu'elle ne fût morrc fubitement, mais nous étant ap-
prochés, nous vîmes qu'elle n'étoit qu'évanouie: & comme
nous la regardions , elle fe mit tout d'un coup à s'agiter avec
beaucoup de violence fur ce lit , fans cependant paroitre a-
voir aucune connoiffance.
Les femmes qui l'avcient menée à S. Medatd nous con-
tèrent qu'aufli-tôt que cette fille avoit été fur le tombeau de
M. de Paris, elle étoit tombée comme évanouie ,& que fon
vifage étoit tout couvett de fueur ; mais qu'un moment après
elle s'éroit agitée avec des mouvemens fi violens qu'on ne
pouvoit la retenir; qu'on l'avoit trois fois ôtée de deffus le
tombeau; mais que toutes les trois fois elle avoit fait figne
qu'elle vouloit qu'on l'y remît, & que depuis ce tems elle
étoit toujouts demeurée fans connoiffance dans l'état où nous
Ja voyons, tantôt comme évanouie, & tantôt s'agitant avec
la dernière violence.
Chacun difoit là deffus fon fentiment : les uns que cela
c'appclloit des convuHîons , & que c'étoit un ûgne qu'elle
guétiioitilesauttes au contraire ctoioienc que c'etoit quelque
Opère fur C. Bigot fourde iâ muette. 7
gtande maladie, & qu'il y avoit très-fort à craindre qu'ello
ne mourût dans cet état-la.
Le S. Chevalier voyant que cela ne fe paffoit point fût
cherchet u:i Chirurgien, qui dit que cet état là n'etoit pas
naturel, 6c qu'il r.'y avoit rien a lui faire. Cependant elle
rcftaainfi juique fur les neuf heures du loir; Se ce qui nous
furprit foit , fut que lotfqu'elle fût revenue à elle , elle ne fe
trouva point du tout fatiguée: elle avoit au contraiie l'air
fort gay Sx. forr alerte , & elle mangea de fort bon apetit.
Le jour d'enfuire qui étoit le 28. Août, notre fils voulut
les accompagner, à quoi nous confêntîmes: elles revinrent
de meilleure heure que la veille, & elles ramenèrent Ca-
therine Bigot dans une brouette, dans laquelle elle s'agitoit
fi fort, que notre fils fut obligé de fe mettre dans_ la brouet-
te avec elle pour la tenir & l'empêcher de fe brifcr la tête.
On fût oblige de la porter comme la veille pour la montet
chez le S. Chevalier: & elle refta encore fans connoiffance
jufqu'à neuf heures du foir ; mais s'agitant avec encore bien
plus de Violence qu'elle n'avoit fait le jour précédent: &
cependant lotlqu'elle fût revenue a elle , elle parût auffi fraî-
che & auffi tranquille, 6c le portant auffi bien que û ce n'a-
voir pas éré elle qui eût eu ces furieufes agitations.
Les 29. ;o. 6c 31. Août elle revint à pied de S. Médard
avec la Daine Chevalier étant en paifàite connoiffance; mais
ce jourji. Août un moment après qu'elle fût arrivée, la
Dame Chevalier entra dans notre appartement avec un air ,
tout éftàté , 6c nous dit paroiffant toute hors d'elle-même ,
que nous vinffions voit au plus vite, que Catherine Bigot
entcndoir 6c patloit ; qu'elle lui avoit rcponSu étant encore
fur le tombeau : qu'elle avoit répète dans la facrillie ce que
lui avoit dit M. le Vicaire de S. Medard , 6c qu'acbrellement '
elle repetoit ce que le Sieur Chevalier lui dilbit.
Nous y courûmes avec empreffenrent: quand nous entrâmes'
dans la chambre, elle fe tourna auffi-tot de notre coté, le
Sieur Chevalier lui dit devant nous plufieurs mots qu'elle
répéta; mais un peu imparfaitement, mangeant fouvent la
fin des mots qu'elle répéta paffablement bien; 6c nous étant
avilès de lui dire les mots fyilabe à fyllabe, nous entendî-
mes avec pîaifir qu'elle repetoit la plupart des fyllabes auffi
parfaitement que nous-mêmes, y en ayant néannïoins quel-
ques autres , futrout lorlqu'il y avoit des R. qu'elle avoit de-
la peine à prononcer ayant encore la langue fort épaiffe ; mais
nous pouvons affûter que des ce premier jour, elle enten-
doir aulîî paifaitement que l'on puiffe entendre.
Le btuit de ce miracle s'ctant en peu de tems fort répan-
du, il y vint une infinité de perfonnes de tout état & de tou-
tes conditions pour la voir, dès ce premier jour-la 6c les
jours fuivans pendant plus d'un mois, 6c d'abord que quel-
qu'un fe préîèntoit à elle, elle repetoit ce qu'il lui difoit,
ne refirfanr perfonne; 6c quand on ne lui difoit plus mot,
elle repetoit ce qu'elle entendoit dire derrière elle au mon-
de qui étoit dans la cliambre, ou imitoit le mieux qu'elle
pouvoit tous les fons qu'elle entendoit, parlant prefque (ànr
ceffe: mais à la vérité ne prononçant les mots qu'imparfai-
tement , p.iicequ'elle ne lavoir point ce qu'ils vouloient di-
re, 6c qu'elle ne repetoir que le biuit, ce qu'elle failbit con-
tinuellement, paroiflànt y avoir un véritable plaifit; 6c d'à- -
bord que quelqu'un cognoit à la porte , elle étoit toujours
la première à l'entendre 6c à montrer la pottedu doigt; 6c
li elle en étoit proche , elle l'ouvroit au plus vî'-e.
A quoi moi Jaques Saby ajouterai que voyant que cette
fille entendoit li parfaitement clair , 6c que néanmoins elle
ne repetoit pas coireilement les mots qu'on lui difoit, cela
me donna quelque foupçon ; ce qui m'engagea d'aller trou-
ver quelques perfonnes de Verfailles que je connois pour leur
demander s'ils avoient vu à Verfailles Catherine Bigot , &
s'il étoit vrai que cette fille avoit toujours été lourde «muet-
te pendant tout le tems qu'elle avoit été en cette ville. J'en
trouvai plufieurs qui la connoiflbient, qui m'affurcrent tous
imanimement qu'elle n'entendoit tien du tout, ^ plufieurs
d'entt'eux me contèrent différentes expériences qui en avoient
été faites, 6c entt'auttes qu'elle n'avsit pas même entendu
un coup de piltolet qu'on avoit tire derrière les oreilles ,
n'ayant pas fait le moindre mouvement: ils m'affurerent auffi
en même tems qu'ils n'avoient jamais entendu un feul mot
fortir de la bouche ; mais feulement qu'elle remuoit les lèvres
fans en faire fortir aucun fon , lorfqu'elle voioit parler : 6c
leur ayant dit qu'elle entendoit préfenteraent fort bien ,_ 6c
qu'elle repetoit ce qu'on lui difoit, plufieurs d'eiiti'eu.t font
g Pièces jttflificatrjes du miracle
venus 11 voir , Se ont témoigné une furprili extrême de l'cn-
ttndre rcpctcr ce qu'ils lui dilbient.de lai^ucUc liirprifc moi
femme iiaby j'ai aufli ctt témoin, & |'ai cmcndii pluficuis
d'entt'cux répéter i mon nuri les cxptricnccs qu'ils avoicnt
faites pendant que cette fille ctoit à Vetliiilcs , par lelcjue!-
Ics on avùit reconnu qu'elle n'cutendoit abfolument tien du
tout,& qu'il falloit que les otciUcs fiillcnt entièrement bou-
chées ou qu'elles n'ciillciit point les paitics qui (ont nccel-
faites pour enten.ltc. Tous lefquels faits nous afliitons &
atSrmons derechef être vetitablcs: en foi de quoi nous eii
avons dtcflii le prefent certificat, que moi femme Saby ai
ecfit de ma msin. Fait a Patis ce i. Février 1734. Si^né
Marie Aune Cainpaignollc, âc Saby.
XI I.
XIV.
Certificat de M. Moinery tjiii etoit k la facrifiie dé
S. Aiedard lorjtjii'on.y mena Catherine Bigot dans
le moment qu'elle venait de recouvrer l'organe de
l'oiiie.
JE foulTigné Antoine Moinery ancien Sindic des rentes de
l'fHôtel de Ville, ancien Marguilliet 8c ancien Conimil^
Certificat du S. Daragon Marchand à Ver failles ^
qui a éprouvé la furdité entière de Cathe-
rine Bigot.
JE foulTigné Jean-Uaptiftc Datagon Marchand Mercier à
Verfailles place du marche , ceitifie avoir vu fouvcnt de-
puis l'année t'ij. julqu'au mois d'Août 1751. chez M,
Hogu Concierge des priions de Verfailles, la nommée Ca-
theiine Bigot la niccc que l'on dilôit Ctie foutde & muette
de naiffancc, Se effectivement je rematquai qu'elle ncdilbit
jamais une leulc parole , mais feulement qu'elle remuoit les
Icvres loifqu'elle voyoit parler ,& qu'elle ne donnoit aucune
marque qu'eile«cnte'ndit quand on ptononçoit fon nom, en-
forte qu'il falloit cae à fa viie pour lui faire entcndie que
c'ctoit à elle à qui l'on patloit ; 8c même j'ai cû une fois la
cutiolîtc de me mettre dcitierc elle , 8c de faire tout d'un
coup un grand cii à fes oreilles pour voir fi elle tetoume-
roit la tête; mais elle ne remua en aucune façon.
]e certifie de plus avoir oui dire que cette fille avoit re-
couvert tout d'un coup l'ouic & même en quelque façon la
ficultc de parler le 31. Août fji. fur le tombeau du B.
François de IMis, ce qui cil un gtand miracle, puilqu'a-
vant ce jour-là il cft certain qu'elle n'emendoit riendutqut,
ce que je certifie véritable. En foi de quoi j'en ai dreflclc
ptcfeiu certificat, fait ce 4. Février 1731. .î/g«i:' Daragon.
XIIJ.
Ifcat de M. l'Abbé de la Monnoire qui , lorf-
que Catherine Bigot recouvra l'organe de l'ouie
fur le tombeau du B, M. de Paris , faifoit les
fon&ions de facrijlain a S. Mèdard a la place
de M. Befroches lors exilé,
JE foufligiic M. Auguflin de la Monnoire l'rétrc habitué
de la pareille de S. Mcdaid , certifie que le 3 1 . Août i - 3 1 .
faifant dcs-lots les fonctions de Sacrilbin dam la paroif-
fc de S. Médard à la place de M. Defrochcs qui étoit pour
lors exile , plufieurs petfonnes vinient en foule h la làcrirtic
dire qu'une fille fourde 8c muette de naifiàncc venoit d'en-
tendte 8c de parler , étant fur le tombeau du Bien-heureux
François de 1 àtis; qu'on ptcfenta un moment aptes cette
fille 'à M. Thomas vicaire de S. Mcdatd en ma prefence:
que les femmes qui l'accompagnoicnt lui dirent qu'elle s'ap-
pclloit C'aclxcrine Bigot, 8c qu'elle etoit nicce du S. Hogu
Geôlier des pnfons de Vetlàillcs: que M. Thomas Gtaffatt
ayant voulu eptouvet s'il ctoit vrai qu'elle entendit 8c qu'elle
parlât, il lui dit ces mois: mon Dieu, qu'elle répéta fur le
champ fort dillinâcment: je lui dis ciifuite ces mots; mon
Peic, qu'elle icpeia aufli ;(< comme les femmes qui ctoicnt
avec clic nous atTuictcnt ou'cllc n'avoit jamais lien entendu ,
p.ii nicme I: plus gtand bruit, je ptis une note d'un mira-
cle aurti (.datant. )e l'ai depuis icnconttce au fortir du fa-
lut des Cqjdclicrs.cllc me reconnut foit bien 8c médit quel-
ques mois trts fignificaiifs: tous lefquels faits je certifie vt-
iiiables. En foi de quoi j'en ai dicfTc le prefent acte , fiiii
"i l'atis ce picnuci (cviict 1734. Sl^né A. de la Monnoire
Ptiuc,
Certlfi
faire des pauvres de la paroifle deS Mcdard , certifie que
le 31 . Août 1731. ciant dans la facriftie de S. Medard où
j'étois tous les jours , on y amena une fille qu'on dit avoii
été fourde 8c muette de naidance, & avoir recouvert dans le
moment l'ufagc de l'ouie Se de la parole fur le tombeau du
Bien-heureux Hiacre François de Pâtis: j'entendis M. Grafiàtt
Vicaire de ladite patoifl'e lui dire cesmots, mon Dieu, qu'el-
le repéra aufli-tot: 8c M. de la Monnoire failint les fon-
dions de Sacriftain lui dit aulTi quelques mots qn'elle répé-
ta pareillement. Je m'infoimai du nom 8c de la demeure
de cette fille , & j'appris qu'elle s'appelloit Catherine Bigot :
qu'elle étoit nièce du Geôlier des piifons de Verfailles , 8c
qu'elle dcmeuroit rue de Grenelle chez un nommé Cheva-
lier. Je l'ai vue depuis plufieurs fois, 8c j'ai remarqué qu'el-
le entendoit parfaitement bien, 8c qu'elle rcpetqit tout ce
qu'on lui difoit: mais peu cotrectcinent. Tous lefquels faits
je certifie véritables: en foi de quoi j'en ai dreiTc lepiélcot
aile fait ce ptcmier Février 1734. J/fne Moineiy.
X V.
Certificat du Stiijfe de S, Médard, qui a été té'
moin des convulfions & du miracle.
JE foufligné Pierre Guilbert Suiflc de l'Eglife de S. Mé-
dard, certifie que le 17. Août 173 1. quelques femmes
m'ayant pué de faire mettre fur le tombeau de M. de
Pàtis une gtolTc fille qu'elles avoient avec elles: comme
ceite fille n',avoit pas du tout l'air d'être malade , je leur de-
mandai quelle incommodité elle avoit , à quoi m'ayant le-
pondu qu'elle ctoit fourde 8c muette de nailTance, cela me
donna une grande attention pour elle , Se fit que tant qu'elle
vint au tombeau du B. je ne la perdis prefque pas de vite ,
étant extrêmement cutieux de voir li elle gueritoit d'une pa-
reille incommodité.
Dans le moment que j'eus fait placer cette fille fut le tom-
beau , fon vilàge changea 8c devint pâle comme la mort 8c
tout couvert de fiieur , 8c elle parût lans connoidancc 8c lâns
mouvement comme fi elle ctoit tombée en letargie , mais
un moment aptes elle s'agita avec des mouvemcnsd'une vio-
lence a extraordinaire qu'on ne pouvoit la tetenir.
Les femmes qui ctoicnt avec elle la letiterentdeu-t ou trois
fois de deflus le rombeau ; mais à chaque fois un moment
après elles me prièrent de l'y remettte , cette fille paioiflànt
le (lelircr: 8c toutes les fois que je la remis fiit le tombeau ,
fes agitations tecommenceicnc avec plus de force qu'aupa-
ravant.
Le lendemain 8« le fut-lendemain ces mêmes femmes la
tamcneteut encore ; mais ces deux jouts-là elle s'agita avec
tant de violence que pcifonnc ne pouvoit la retenir, ce qui
fit que les femmes qui la menoient ne l'ylaiflcientpaslong-
tcms. Je rematquai que tomes les fois que je la mettois
fur le tombeau, elle le baifoit avec une giandc dcvofion.
Le 30. 8c le 3 1 . du même mois les convulfions fiitcnt
bien moins violentes pour les agitations: mais lurtout le 31.
aptes quelques petits mouvcmens , elle tomba comme en lé-
tarjgic , paioillant fans mouvement Se fans fcmimem, 8c le
vilage li p.ile qu'on eût dit qu'elle Otoit mette.
Aptes qu'elle eût teftc allez long-tcms de cette façon, ta
femme qui etoit avec elle la tita "pat le bras pout la faire
Ibitii de deflus le tombcan, en lui difanti allons. Cette fil-
le ouvrit les yeux, leva la tête, 8c lui te(>etale mèmemot,
ce qui fit faire une exclamation a la femme qui la tiroit
pat le bias. Aufli tôt pluliouts petfonnes le mitent \ crict
miracle: ce que voyant je la ptis pat le btas pout lui faire
faite place, à la mener à la laciiltie faite là dcclatation. Je
la ptilcmai à M Gtatfatt notre Vicaire qui le trouva i la
facrirtie, à qui plufieurs pctionnes declareient que cette fil-
le s'appelloit Caiheiinc Bigot: qu'elle ctoit nicce d'un nom-
me llogu Gcolici de la coDCieigcric de Veifaillc$,8cqu'cl-
le étoit (burde & muette de naiflance. M. Giaffart lui dit en
la regardant: Mon Dieu: & fur le champ elle lui répéta les
mêmes mots. M. de la Monnoire qui faifoit lors les fon-
dions de Sacriftain lui dit aulH quelques mots qu'elle répé-
ta pareillement, enfuite de quoi quand on eût pris à la là-
ctiftie la déclaration de Ion nom , de fon incommodité , &
de fa guerifon, je l'accompagnai pour lui douner le moyen
de Ibrtir de l'Eglife.
Depuis ce tems-la je l'ai vue plufieurs autres fois revenir
^ Ct j\/1^J>-.J SI» J^ni- la narit- /•! tTï oT-i oro . Xr i^111n.-1 i i» lui -il
opéré fur C. Bigot fourde 6? muette.
roiile S. Euftache, Marie-Madelaîne Moflaron demeurant
fufdite rue , Marie Labbe demeurant tue du cimetière & pa^.
roiflè S. André , Robert Mareft demeurant lued'O.lcanspa-
roiflc S. Euftache, Jacques Saby, demeurant rue de Gte-
nelle paroifle S. Euftache.
Arteftons à qui il appartiendra, que dans le mois de Sep-
ternbre 173 1. ayant oui dire qu'une fille foiudeSc muette de
naiflance , nommée Catherine Bigor nièce du S. Hogu Con-
cierge des prifons de Verfailles , avoir recouvert l'ufage de
à St. Médard & dans le petit cimetière: & quand je lui ai l'ouie & de la parole le 51. du mois d'Août précédent, fijc
dit quelques mots, au lieu de me repondre, elle nr'a repe- le tombeau de M. de Paris, nous avons été la voir chez le S.
té les mêmes mots que je lui difois ; ce qui fait voir que du Chevalier qui deraeiiroit lois rue de Grenelle près la rue S.
moins fi elle ne fait pas parler d'elle-même, elle entend bien Honoré.
ce qu'on lui dit, puifqu'elle le répète. Que nous avons trouvé que cette fille entendoit fort bien:
>■ J'attefte tous les dits faits véritables, & je déclare que je fuis & même qu'elle repetoit, quoiqu'imparfaitement, la plû-
pret de les affirmer toutes & quantes fois. Fait ce preiniec part des mots que chacun lui difoit : qu'à la vérité il lui re
Fevtier 1734. Si^né Pierre GuUbert
XVI.
Certificat de M. l'Abbé Boifot BoBeitr de Sorbonne
& Abbé du Mont de Sainte Marie , de fett M.
Labbé Curé de S. André, de M'. Dagueffeau veu-
ve de M. le Guerchois Conseiller d'Etat , Qf fœur
de M. le Chancelier , de M. le PréfidentdeVoi-
gni , de MM. de Montgeron & Clément Con-
feillen au Parlement , de M. de Manteville lors
Prévôt en charge des Chirurgiens , de M. Sou-
chai Chirurgien de M. le Prince de Conti , de M.
Mojfaron Agent des affaires de M. le grandDuç
de Tojcancy Qp de cinq autres perfonnes.
NOus fouffignés Jean-Claude Boifot Prêtre Dofleur de
Sorbonne Abbe du Mont de Sainte Marie en Franche-
Comre demeurant rue du Bacq paroifle S. Sulpice:
Jaques Labbe Curé de S. André des Arts: Madelaine Da-
guelîeau époufe de Mre. Pierre le Guerchois Confeiller du
Roi en tous les Confcils & en fon Confeil d'Etat, demeu-
rant rue & paroifle S. André; Jean-Louis de Voigni Con-
feiller du Roi en rous fcs confeils Préfident en la Cour des
Aides, demeurant tue des Poulies paroifle S. Germain l'Auxer-
lois: Louis-15alile Carré de Montgeron Confeiller au Parle-
menc demeurant rue du Cimetière & paroifle S. André :
Alexandre Clément Confcillei au Pailement , demeurant rue
Chriftine paroifle S. André : Marie-Antoine de Manteville
Itoit une épaifléur à la langue qui l'empéchoit de bien pro-
noncer certaines (yllabes ; mais qu'il y en avoit plufieurs qu'el-
le repctoit aflez exaftement.
Qu'aux furplus elle ne difoit aucun mot d'elle-même, Se
qu'on voyoit bien par les répétitions mêmes qu'elle ne com.
prenoit point la fignificaiion de ceux qu'elle difoit, ce qui
failbit affez connoître que ce n'étoit qne depuis peu qu'elle
commençoit à entendre; que cela fe voyoit encore par l'em-
prcflTement qu'elle avoit à repeter tout ce que chacun dilôit,
es: même quelquefois à imiter le mieux qu'ellepouvoitavec
fa bouche les bruits qu'elle entendoit, & le plus fouvent à
marquer ae la main ïc des yeux , d'où venoit ce bruit , n'en
entendant aucun que cela ne lui donnât un mouvement de
vivacité , & un air de contentement fui le vilâgc & dans les
yeux.
Tous lefquels faits nous certifions être véritables: en foi
de quoi nous avons figne le préfent certificat. Fait à Paris
ce 15. Janvier 1734.
Au ncjfom cjl écrit : j'ai vu chez moi les faits énoncés ci-
deflus, Sf^rié J. Labbe Curé de S. André: Signe Souchîi ,
Carré de Montgeron, de Manteville, Clément, M. Labbé,
Marie Guillier Bachelier , Dagueflcau le Guerchois , Voi-
gni, Saby, M. A. CampagnoUe, Saby, Mareft , Moflaron ,
M. Moflaron. vî« dcjfaui cjl emorc écrit :'\'i\ vu tous les faits
ci-defliis chez M. le. . . . où l'on avoit amené ladite Bigot ,
ce qui a été vu par toute la maifon , Signé l'Abbé Boiibt.
Enfuite en rn.nge de ch.unnc ihfdltes lettrei ô- certificats
eft écrit: contrôlé à Paris le 6. Février 1734. reçu iz. (bis,
Signé la Croix.
Certifie vé|jtable , figné & paraphé au défit de l'aûe de
Chirurgien juré Prévôt en charge, demeurant rue Contref^ dépôt paflfé devant les Notaires foulTignés ce 8. Février i^ji.
carpe paroifle S. Audré: François-Guillaume Souchai Chi- étant enfuite d'une déclaration paflcedevantSellier l'un d'eux
rurgien jure ancien Prévôt & Chirurgien de S. A. S. Mon- le2.i.Scp:embre 1731. Ji.j»« J. M. DuTiLLiEUxavecHuER-
fêigneur le Prince de C'onti , demeurant rue Gucnegaud pa- KE & Sellier Noraires. A cité eft écrit: fcellé le dit joui
roifle S André: Charles Moflaron agent des affaires de S. A. reju 6. fols.
R. le Gland Duc de Tolcane , demeurant rue Vivienne pa-
PIECES JUSTIFICATIVES
DES MIRACLES OPE'RE'S SUR JEANNE TENARD.
déclaration pajjee par devant Notaire à Bray fur Seine , par Anne Mortier veuve Tenard & mère
de Jeanne Tenard en préfence de M, Acier Curé de Fontaine , & de M, Aisrru
de Fouronne Curé de Courceaux.
P.\r devant Auguftin Lcgendre Notaire & Tabellion de
Bray fur Seine , de ViUuis , Babi , Noyen , Villiers
fur Seine, Grily, Vernoy, & autres lieux fouflîgné,
fût préfeute en perfonne Anne Mortier veuve d'Edme
Tenard vigneron demeurant au PlelTis - Dumée , laquelle a
déclaré &: attelle qu'en 170^. un tourbillon de vent enleva
Jeanne Tenard une de fes filles cadete, qui n'etoit lors âgée
que de trois ans, & la jetta fi rudement par terre fur le côté
droit, qu'elle en eût ce côte-là de fon corps tout moulu , &
qu'elle fût plus de fix femaines fans pouvoir aucunement fe
loutenir , ni fe gtouillier. Que quand elle commença à fe
Ibutenir un peu, la comparante s'apperçùt que tout fon côté
droit depuis la tête jufqu'au bout du pied étoit comme moit,
n'ayant aucun fentiment ni mouvement: que fa fille a été très
lon'g-tems fans pouvoir revenir de cet accident, & que tout
Je monde a cru pendant tout ce tems qu'elle ne vivioit pas :
Obfervat, 1. Part,
néanmoins qu'elle s'eft à la fin rérablie à l'exception (êule-
ment que fon épaule, fon bras, & fa main droites fe (ont
defleches, & ont toujours été dans cet état fans aoître ni
grandir, & fans avoir aucun mouvement, fi ce n'eft de l'é-
paule. Les os de fon genou droit qui avoient été tous brifés
de cette chute là font teftes hors de leur place , laillint des
bofles à côté de (on genou , ce qui lui a tourné ce genou
& la jambe droite en dedans , & la retitée en arrière , ce
qui lui a ôté aufli tout mouvement dans le genou , n'ayant
pu depuis ce tems porter fa jambe droite que d'une pièce
depuis la hanche julqu'au pied ce qui la faifoit boiter , &
n'ayant de mouvement de ce côté là de fon corps , que dans
l'épaule, Ja hanche & le pied,& à l'exception aulTi qu'à l'é-
gard de fa main droite, c'etoit feulement un petitvilaiii mor-
ceau de chair tout ride & couvert de terre , au bout duquel
il y avoit cinq autres petits morceaux de chair figure de doigts
C ions
lo
tons ratatines dans le fond du premier morceau, & qui n'a-
voit pas plus de grofleut ni de longueur que la moitié de fa
main & de fcs doigts du côté gauche, fans qu'il y eut dans
tout cela ni os, ni neifs, ni ongles: de façon ^uc cela ne fài-
foit que comme une petite boule, laquelle etoit retournée
en dedans au bout de fon petit bias , qui n'avoit ni figure,
ni mouvement , ni fentiment non plus que !c tcfte du btas
qui ne paroiflbit qu'an feul os courbé en tond , fans qu'il
parût rien qui marquât le coude, le tout couvert d'une peau
entre noir, rouge & bleuâirc.
Qu'elle a tou|OUis vu fa fille en cet eut julqu'i la fin da
mois d'Oftobie de l'année 1751. qu'elle voulût abfolumcnt
aller à Patis fut l'efpeiacce que Dieu lui accorderoit peut-
être le mouvement libre de fa jambe droite , 8c pcut-ctte
même lui reformeroit fon bras ôc fa main droite par l'intcr-
cclîion d'un nouveau î>. nomme M. de Pâtis, dont on la-
contoit de grands miracles. Qu'une autre des filles de la com-
parante nommée Nanon l'y accompagna pour avoir foin d'el-
le par les chemins, & qu'elle (ont toutes deux reftees à Pa-
ris jufqu'au 19. Février 1751. qu'elles font revenues chez el-
les: que lotfqu'elles furent atrivees elle examina avec gran-
de attention lad. Jeanne Tenard pour voir U elle croit bien
euerie. Qu'elle trouva en premier lieu que les os de fon genou
droit s'étoient refotmes & remis à leur place naturelle, en-
Ibrte qu'ils étoient pour lors de la même figure que les os
de fon genou gauche, & que fa jambe droite s'ctoit aiUfi
retournée en dchots, Se allongée aulfi longue que la gauche.
Qu'elle trouva en fécond lieu qu'elle avoit le mouvement
libre dans le genou droit, & qu'elle ne boîtoit plus du tout
de cette jambe, & que cette jambe Se cette cuifle avoient
confidcrablcment rcgtofli. Qu'elle trouva en troificme lieu
que fon épaule droite , qui avoit toujours ete depuis fon ac-
cident beaucoup plus petite, plus maigre & plus baflc que
l'épaule gauche, ctoit prefentemcnt auRî haute & aulfi gtof-
fe , & que les os qui en poudbient en dehots pat derrière
elle , étoient rentrés en leur place. Qu'elle trouva en qua-
trième lieu que fon bras droirctoit allonge Scgrofll; mais qu'il
s'en falloir encore beaucoup qu'il ne fût au0î long & aufli
gros que fon btas gauche. Qu'elle trouva en cinquième lieu
?u'il s'ctoit formé un coude au milieu de ce bras ,& qu'elle
ouvroit & le fermoir un peu ; mais qu'elle ne pouvoit pas
encore l'étendre beaucoup. Enfin qu'elle trouva que fa petite
main avoit bien plus l'air d'une main qu'elle n'avoit aupa-
ravant : que fcs doigts s'ctoicnt dégagés du dedans de cette
main , Se s'etoicnt un peu allonges ; & que la main , les
doigis, & tout le tcfte du bras a'voient changé de couleur,
& en avoient pris une natuicUe ; mais que 1*1 qu'elle pût
faite aucun ulage de fa nouvelle main pour travailler, elle
ne pouvoit toucher à rien avec cette main que cela ne lui fit
du ma), cette main auffi bien que les doigts étant devenus
ejttrémement fcnliblc!.
Certifie & attelle de plus que pendant environ un mois
qu'elle eft rcftce chez elle, depuis le 19. Février 1^31. juf-
que vers la fin du mois de Matsfuivant, il prit tous les jours
à fa fille des mouvemcns extrêmement violcns, comme fi
elle eût tombé du haut-mal ce qui furprit ttcs fort la com-
patante: mais nue voyant qu'aulTi-tôt que ces mouvemens
étoient paflïs, la fille étoit aulTi tranquille, aulfi fraiche, 6c
fe portoit aufll bien que fi elle ne les avoit pas eû,clles'ac-
coytqma bientôt à les voir fans aucune peine, d'autant plus
que li fille l'adiita que c'ctoit par ces mouvemcns fi cxtiaor-
dinaires que Dieu la gucriflbit. Mais que deux petfonties
mal intentionnées, foupijoniiant mal de ces mouvemens vio-
lens, maigre l'évidence du changement arrive îi lad. Tenard,
la menacèrent de la faite enlever fi elle ne fortoit au plus
»îie du [ais, ce qui obligea lad. fille à for:ir de chez elle
une féconde fois vers la fin de Mars 1731. depuis lequel
lems elle ef> toujours rcftée à Paris, fans que la comparan-
te l'air vue, mais a feulement oui dite que fon bras & là
main droites fe formoient & grandiflôient i vue d'oeil , &
(à fille lui ayanr fait dite qu'elle la prioit de lui envoyer à
Paris un certificat tout le plus citconftancié qu'elle pourroit
de l'état dans leouel clic l'avoir vue depuis l'âge de ttois ans
jufqu'a la fin d'iWnhic i''n- qu'elle partit laptcmierc fois
pour aller à Patis, (c des changement qu'elle avoit remar-
ques s'être faits dans Tes mcinbtcs eftiopiés loifqu'elle
ïU revenue au pals au mois de Février l'iî. Ladite cotn-
rantc nous a requis de tecevoii lad. déclaration qui a été
(cdigéc fiu lu fnu pu cUc dcd^tcs , lefijucU Um «Uc uk-
Pièces jujtificative! des Miracles
l\z devant nous ; de laquelle déclaration elle noiu 1 ttqwa
acte ce que nous lui avons oc1t()j-c pour lui fervir 6c valoir
ce que de raifon. Fait & paife Uir la terre & fcigneurie de
Villuis le 2". Juin 17;^. prefcns MeiTire Jean Acier Prétie
& Cufé de Fontainc-Fouiche y demeurant ,& .Mclfue Etien.
ne Motru de Fouronne Prêtre Cure de Courceaux auffi
y demeurant, témoins qui ont figné for la minute des pié-
fentes avec le Notaire fourtigiié: & quant à ladite Anne
Mortier comparante, a dcclaté ne favoii fignet, de ce re-
quife fuivant l'ordonnance. El flui h.ts fur ta minuit ej! tir!i:
conrrôle à Bray le 2. Juillet 1753. par Mangin Commis qui
a reçu 12.. fols, Jigné en fin Mangin avec [arapkt , figné Lf
feindre Notaire aiet parafki.
Déclaration paffee par devant Notaires à Paris par
la leuve de Brai,qui a pris chez-e/le f. Tenard,
Qp a 111 s'opérer fous fes yeux tes changemens ,
régénérations , Qp créations arrivées dans les meni'
brss ejlropiés &» dejfechès de cette fille,
AUlouRD'HUi eft comparue par devanr lesConlciUersda
Roi Notaires au Cnàielet de Patis foulTignes, Marie
Gautard veuve de Pierre de Btai Maitre grenetiet à Pa-
ris , y demeurant rae de la Mortellctie patoifle S. Gervais;
laquelle a certifié 8c atteftc que le jourdelaTouflaint f7;i.
étant allée de giand matin au cimetière de S. Medard , elle
y vit fur le tombeau de M. iz Pàrisunepaifanne qui lui pa-
rût âgée de ?o. ans qui ctoit agitée des plus violentes con-
vulfions qu'elle eût encore vu. Qu'elle clançoit tout fon cotps
en l'air avec tant de foice, qu'il s'clevoit ttés-haut «quoi-
qu'elle fût couchée, ic fe rerournoit Se s'agitoit avec tant de
violence, que pluficurs perfonnes qui la renoient pour l'em-
pêcher de te brilér contre le marbre de ce tombeau ,nepou-
voicnr prclque fa retenir, 8c qu'elle les fatiguoit li fort qu'ils
étoient tout en nage , & étoient obligés de fe relayer l'ut»
l'autre à rout moment.
Qu'elle s'attacha à la regarder avec grand foin.s'éram ap-
pcrçuc que cette fille avoit le bras droit tout dclfcché Se près
d'un riers plus court que l'autre, 8c lui étant venu dans l'cf-
prit que puilque Uicu lui envoyoit de li violentes convul-
fions , il V avoit tout lieu de croire qu'il ranimeroir quelque
jour fon bras qui étoit comme morr:Sc lui redonneroirune
forme n.iturelle. Que pleine de cette idée elle fût bien aile
de s'infotmcr plus patticuliciement de fon état: 8c qu'ayant
attendu à cet effet juliju'à ce que ks convulfions fulfcnt fi-
nies, cette fille s'étant retirée fous les charniers, elle l'yfui-
vit S< vit avec admiration qu'elle devint tout d'un coup frai-
che 8c tranquille, 8c lui ayant demande fon nom 8c le dé-
tail de fcs incommodités , cette fille lui dit qu'elle s'appel-
loit Jeanne Tenatd : qu'elle ctoit de la paioilTe du Plelfis-
Dumcc diccefe de Sens, 8c qu'elle étoit âgée de ptèsde 50..
ans. Qu'en 170T. n'ayant lors que 5. ans. Un tourbillon de
venr l'avoir renveifee contre terre avec tant de violence,
qu'elle en eût tout le côte droit brifc; que depuis ce tems
tout ce côté n'avoit preique pas pris de nourritute: 8c qu'ou-
tre le bras Se la main droite que la comparanre lui voyoit
tout deflcchcs, elle avoit eu encore le genou droit tout bri-
fc ; 8c que les os n'en ayant pas bien lepris. ce genou s'c-
toit tourne en dedans, 8c lui avoir tctitc la jambe en arriè-
re, ce qui la falloir boiter: qu'elle eioir néanmoins venue
de fon pais i pied avec fa (œur dans l'efperance d'êrrc gué-
rie au rombeau de M. de Paris, ou tout le monde dilbit
qu'il s'ctoit fait une fi grande quanritc de mitacles: qu'elle
ctoit attirée la veille au (bit. 8c que n'ayant auaine cotw
noiflancc a Patis; elle avoit cté couchci avec fa (crut i l'hô-
pital Ste Catherine: que dés la pointe du jour elle croit ve-
nue au cimetiete de S. Mcdatd 8c s'ctoit mife fur le tom-
beau :qu'aul1i-iât qu'elle y avoit ctc couchée elle avoit l'en-
ti tout fon corps s'cicver 8c s'clancet en l'air ,8c s'agircr mai-
gre elle avec une violence infinie: que cela l'avoir d'abord
forr lîirprife, mais qu'ayanr remarque qu'elle ne fe faifoit
point de mal en retombant fut le tombeau , cela lui avait
petfuadc que c'ctoit Pieu qui t'agitoit ainfi : qu'elle avoit
Icnti dans le fott de les agitations qu'elle petdoit connoif-
fancc:que depuis qu'elle ctoit icvenue â elle elle fe ttouvoit
ttésfiaiche, ttès tranquille: feponanr m ieux qu'elle n'avoit ja-
mais fait , 8c ne lé (entant nullement fiti);ucc : que néanmoins
cUe ne t'affei(CYQit pou» qu'il fût cocotc atiivc aucun chan-
getuect^
cpêrés fur Jeanne Tenard.
îfment à (on bras ni à Ton gei)ûu liioit, & gii'U lui paroif-
loit que tout ce côte de fon corps etoic toujouts au raème
tut qu'il eioit avant les violeiis inouvemens qu'elle venoit
d'éprouver, (jue la comparante lui dit qu'il talloit qu'elle
redoublât là foi, fa confiance, & les prières: qu'au relie les
mouvemens qui l'avoient agitée & qui l'etonnoient fi fart
s'appelloient des convullions: que c'etoit un ligne que Dieu
vouloir la gutrir, & qu'il y avoir bien d'autres peilbnnes
qu'elle qui en avoient ce qui loin de s'en effrayer eu remer-
cient Dieu.
Que le lendemain matin qui étoit le jour des morts i.
Novembre 1731. elle la trouva encore au même lieu avec
les mêmes convullions , &: que quand elles furent finies ayant
fait refle.\ion que cetre fille ne pouvoir pas relier toujours à
l'iiôpital Ste. Catherine Sx. qu'elle ne làuroit que devenir,
elle lui propofa de la retirer chez.-eUe avec fa fœur , ce qu'el-
les^ acceptèrent avec grand plailîr , & qu'elles vinrent le jour
même demeurer chez la comparante; ou elles font reftces
jufqu'au 26. Février 1731. qu'elles font parties pour retour-
ner en leur pais.
Qu'aufli-tor que la dite Tenard fût dans la maifon de la
comparante j elle vifita tout fon côte avec une grande atten-
tion, afin d'être en état de mieu.x reconnoître les change-
mens que Dieu voudroit faire en elle. Qu'elle remarqua
qu'elle avoir l'épaule droite prefque toute dellecliee &. beau-
coup plus balle que la gauche: qu'elle paroiflbit toute diflo-
quee,les os en e;ant écartes l'un de l'autre :& l'os de l'omo-
plate failànt lâillic & fortant extrêmement en dehors & mai-
gre comme une planclie ; Sx. qu'auûl elle n'avoir aucune lin-
libilite dans cette épaule.
Que le bras qui pendoit à cette épaule étoit aufTi entiére-
inent deifeché & infenfible, & n'etoit pas plus gros ni plus
long que celui a'un eii£int de 3. ans: qu'il ne confiltoit
qu'en im feul os rond & un peu plat couvert d'une peau
très rude , noire & violette , & remplie de terre 6c fcche
comme un parchemin: que cet os ctoit courbe en rond ,
mais plie vers le milieu làns qu'on apperciit la forme des
os qu'on a ordinairement au coude & au poignet, cet os e-
tant fans aucune gtofleur depuis l'cpaule jufqu'au poignet, &
ayant tout l'air d'un moignon , rant au pli qui lui tenoit
lieu de coude qu'au bout ou devoir être le poignet: qu'au
bout de ce poignet il y avoit une efpece de main près de
moitié plus petite que la main gauche qui ne paroillbir a-
voir ni os , ni nerfs , ni veines , & lèmbloic un morceau de
chair informe couverte de terre, & etoit route repliée en.
dedans dii bras , le poigner étant entièrement courbe : qu'a
cette main il y avoit 5. petits morceaux de chair qui fer-
voient de doigts, beaucoup plus courts que ceux de la main
gauche, & qui ne paroiflbient ni plus gros ni plus longs
que ceux d'un enfant de 3. ans: qu'a ces doigts qui etoient
renfermes au dedans de la main , il n'y avoit ni os ni neifs
ni ongles , mais que chaque doigt paroilToit un morceau de
chair tout d'une pièce fans aucune jointure: que les 3. grands
doigts étoienr d'une matière alfez ferme, & etoient courbés
en rond fans aucun ongle, & remroient dans la main fans
qu'on pût les ouvrir : qu'elle l'cflaya dès les premiers jours ,
mais que voyant qu'ils ne prêtoieni point, elle ne voulut
pas les forcer de crainte de les caffer : qu'a l'égard du pouce
« du petit doigt, ils n'avoient point de dureté ni fermeté,
mais etoient comme des morceaux de chair morte & mol-
le qu'on renverfoit & qu'on plioii comme on vouloir, fans.
que Jeanne Tenard le fentîr.
Qu'elle vifita aulïï fa cuiffe Se fa jambe droites qu'elle
troiiva extraordinairement maigres , & que les os du genou
etoient tous déboîtés & tournés en dedans & hors de leur
place, ce qui fàifoit porter la jambe en dedans, & ce qui
la retiroit en même. rems en arrière : qu'elle n'avoir au-
cun mouvement dans le genou dont les os patoiifoient col-
les enfemble , de façon que fa cuifle Sx. fa jambe reftoient
toujours en même état; de forre que quand elle étoit affile
la jambe droite avançoit en devant comme une jambe de
bois, ce qui faifoit qu'elle ne pouvoir rien rerenir fut fes
genoux , (à jambe droite reliant toujours, en même fi-
tuation , moitié pliée & moitié étendue fans qu'elle pût
1^ plier ni l'étendre davantage , ce qui la faifoit paroîtte
plus courte de deux ou trois pouces que la jambe gauche,
« faifoit qu'elle ne pouvoir s'appuyer que fur la poinre du
pied qui «toit toute touince en dedans aufli bien que la
XI
Que pendant tout le rems que le petit cimetière de S.
Medatd fit ouvert, certe fille ne manqua pas d'y aller tous
les jours le matin invoquer M. de Paris, & n'en revenoit
qu'a 4. ou 5. heures du loir fans avoir bû ni mangé depuis
la petite pointe du jour qu'elle etoit levée : que dans les
pre:nicrs jours fes convullions ne lui prenoieiit que lorl^
|ainbc,
quelle le mettoit fur le tombeau tout en arrivant, mais
qu'enfuite elles lui continuoicnt fous les charniers julqu'au
loir, & que pendant tour ce tems elle avoit les mouvemens
les plus violcns, & lafToit une infinité de petfonnes l'une a-
pres l'autre qui avoient la charité de la renir.
QH'= 1«s premières guerilbns qui s'opérèrent en elle furent
d'abord de la jambe, & de fon cpaule. Que la comparante
qui avoit glande attention à examiner les changemens qui
pouvoient arriver en elle, & qui pour cet effet la failoit
coucher dans un petit lit qu'elle avoit mis proche le fien .
s'apperçiir d'abord que prefque tous les jours il fe faifoit des
changemens dans Ion genou droit , dont les os rcprirenr leur
place & leur figure naturelle avant que le mois de Décem-
bre fut fini : que fa jambe & fon pied s'allongèrent & fc
retournerenr rout à fait en dehors , Se que peu à peu il lui
vint du mouvement daps le genoux, de forte qu'au com-
mencement de Décembre elle commença à pouvoir plier un
peu&étendie fa jambe, & en eût enfuite peu de jours après
le mouvement entièrement libre; &que cette jambe & cet-
te cuifle fe regarnirent de chairs prelqu'à vue d'œil.
Qu'en même rems, c'eft-à-dire vers le milieu de Novem-
bre ks os de Ion épaule droite s'agitèrent dans des convul-
fions particulières qui lui priient la nuit, & qui lui ont du-
re lix femaines de fuite , pendant lefquelles la comparan-
te fût obligée de la veiller pour lui donner du fecours. Qiic
pendant ces convullions nouvelles qui duroicnt prelque rou-
te la nuit, les os de cette cpaule le cognoient l'un contre
l'autre. Se faifoient precilement le même bruit que font,
des cliquenes, c'elV'a-dire de perits morceaux de bois qu'on
cogneioir dans les doigts l'un contre l'autre ce qui fuiprit
fort la comparante. Mais que non -feulement les os de
cette épaule le cognoient , mais qu'il y avoit dans tout le
dedans de l'épaule un mouvement étonnant; Se que la com-
parante qui mettoit fouvent la main defllis, fentoit fous la
main comme des nerfs qui s'elevoient & fe baiflbient fous
la peau , Se qui paflbient Se repaflbient avec beaucoup de
vivacité.
Que l'os de l'omoplate qui faifoit d'abord beaucoup de
(aillie en dehors & reftoit toujours en même Ctuation , re-
muoir pour lors avec bien de la force Se le replaquoi't de
rems en tems contre fes côtés. Se aufli tôt aptes revenoit
en dehors, mais qu'à la fin il cft demeuré joignanr les cô-
tés comme il doit être naturellement fans s'en écarter , &
que le furplus des os de l'cpaule s'eft relevé dès le com-
mencemenr de Décembre à la hauteur à très peu de choie
près de l'épaule gauche.
Qu'en même tems la peau de cette épaule qui étoit au-
paravant deflecliée Se qui reflembloit, tant pour la couleur
qii'au toucher à un morceau de vieux parchemin qui au-
roiteté colle fur des os, s'adoucit au toucher Se reprit une
couleur de chair naturelle, Se que cette épaule s'engraifla à
vue d'œil.
Que quoique ces nouvelles convulfions qui duroient preP
que route la nuit duflenr bien fatiguer Jeanne Tenard , el-
le n'en alloit pas moins le lendemain matin au tombeau
Se que fes convullions du jour qui lui agitoient lors en mê-
me tems 8c l'cpaule droite Se tout le corps, n'en etoient
ni moins fortes ni moins longues , Se que cependant elle
n'en paroiffoit point du tout fatiguée aufli -tôt qu'elles é-
toient finies.
Que la comparante qui admiroit les opérations que Dieu
faifoit en elle, la fuivoit à S. Mcdard très fouvent. Se tou-
tes les fois que les forces le lui ont permis. Que la com-
parante avoue qu'à fon égard elle s'efl: fentie quelque fois
très fatiguée , mais néanmoins qu'il s'en faut beaucoup
qu'elle ne le fût autant qu'elle devoit naturellement l'être ,
Si qu'elle a regardé comme quelque chofe de merveilleus
de ce qu'elle le trouvoit en état de foutenir cette fatieue à
Ion âge.
Que dans les premiers jours de ce mois de Décembre, é-
tant a la regarder Ibus les charniers , elle s'apperçût avec ad
miration qu'elle levoit fon coude jufqu'à la hauteur de fon.'
épaule , ce qui lui fit comprendre que les os de cette épau-
Ï2
le avolent repris Init place naturelle , & lui fit elpcicr que
dans peu Jeanne Ten.iril auioU un mouYcmcot libre dans
cette epi'.ile , ce qui effcaivemem atiiva ainli peu de jours
après , cnfone que cette cpaule le trouva entièrement guérie
& toute pareille i l'épaule gauche à la fin de ce mois de
Décembre irji. ï l'exception l'eulemcnt qu'elle n'etoit pas
encore tout à fait aufli grofle. ^
Qu'aufli-iôt que cette cpaule eût commence a s engiaiUcr,
le haut du bras droit commença aufli peu à peu à prendre
une couleur natureUe & à fc remplir de chair , ce qui ga-
gnoir tous les jours un peu le long du bras : & qu'aulli-
tôt que fon bras fe fût rempli de quelques chairs, ce qui
avançoit bien plus vite & bien davantage au haut du bras
qu'au bas , les os du coude de ce bras commencèrent a le
former. ^ . . • . , c-
Qu'elle fe reflbuviendra toute fa vie qu une nuit a la hn
de Novembre ou au commencement de Décembre i " 51.
leanneTcnard la reveilla pour lui dire qu'il lui croit pouffe
un os en pointe au milieu du bras i l'endroit ou devoit être
le coude, qu'elle y tàta auffi-tôt, & qu'eUe uouva que l'an-
gle du coude venoit de fe former. _
Que dans le courant du refte du même mois de Décem-
bre , les aunes os du coude fe formèrent aufli l'un après l'au-
tre , de façon que ce bras qui n'avoir point encoie de coude
ni de marque de jointure au mois de Novembre 175 1. mais
dont l'os ctoit feulement plie à l'endroit ou dcvoit être le
coude , en eût un G bien forme avec les jointures , l'angle
& les gtoflcurs qui font ordinairement à cote a la fin du
mois de Décembre de la même année, que Jeanne Tenard
commença à fe fer>-ir de cette joinmre , & a pouvoir eren-
drc un peu ce bras , à le plier quand elle le vouloir , uii peu
plus qu'il ne l'etoit ordinairement.
Que dans le même mois il fe forma aufli de petites che-
villes à fon poignet , & que fon bras allongea très conlide-
rablemcnt. ,
Qu'aptes que ces opérations furenr commencées , c cft-a-
dire vers les fêtes de Noël 175 1. fa petite main qui é-
toir extrêmement renvctlee (bus le moignon qui lui 1er-
voit de poignet, commença à fe lâcher peu à peu, de fa-
çon que tous les jours la courbure de fon poignet fe deicn-
doit, ce quipoita la comparante H eflayer li les troisdoigrs
du milieu qui croient comme colles & enfonces dans le
fond de fa petite main , pouvoicnt aulîi s'étendre , & qu'el-
le les ouvrit d'abord un peu & tous les jours enfuite de plus
en plus; 8c qu'elle apperçùt que le bout de ces trois doigts
avoir fait trois creux au milieu de la petite maffe de chair
qui lui fcrvoit de main.
Que la couleur de cette petite maflc de chair s'cdaircit
en même rems, s'etaïutou.e pelée, & devint beaucoup plus
mollette qu'elle n'ctoit auparavant . & que la comparante qui
la titoit tics fouvent fcntit au mois de Janvier iT?i. qu'il
i'êtoit forme des petits os fort menus Se fort minces dans
cette main au deflbus des cinq Joigts.
Que dans le couranr de ce même mois de Janvier il lui
vint un gros vilain bouron blanc au-bcut de chacun de ces
0$, qui paroiflbit tout rempli de matière, 8c qui fupu-
loit continuellement une el'pecc de pus qui fcntoit extrême-
ment mauvais. .
Qu'en raême-tems ilfe fjrma de petits os à la partie de
chacun de fes doigts qui touchoit a fa main, 8c que lorf-
Qiie ces boutons blans furent léchés, elle apperçùt la join-
ture qui s'ctoit formée de ces petits os avec ceux qui s'c-
toient d'abord formes dans la main, ce qu'elle apperçùt ,
non feulement a la vue (ces jointures faifant l'angle , au lieu
qu'auparavant que les boutons eiillcnt pouffe , la main 8c les
doigts ctoicm plies en rond ) mais auffi au toucher , ces
joinnucs lui ayant donne la facilite de lui ftire branler
fes trois doigts du milieu, qui auparavant la guciifon des
boutons, avoient toujours ctc comme tout d'une pièce avec
la main.
Qu'au mois de Fcviietil lui pouffa encore de pareils bou-
tons au bout du piemict os qui s'ctoit formé dans les trois
doigts du milieu , Se que ces trois doigts ivaiKcrent 8c
prirent la forme de doigts, beaucoup plus vite que le pou-
ce 8t le peut doigt , qui reftcient encote long-iem; tout
i fait motlaffes comme de la chair morte, quoiqu'ils eul-
fem dcia chacun un petit os près de la main, mais fi min-
ce qu'on ne pouvoit le fcmu qu'en y liuat avec grande at-
tcutioo.
Pièces jujlificatives des miracles
Qu'elle apperçùt aufli dans le même tems qu'il s'ctoit for-
me des ncifs Se des veines dans cette pente main , &c. que
cette main allongea aufli bien que les trois doigrs du mi-
lieu, mais peu conlidcrablemcnt ; de façon que la main 8c
les doigts n'etoicm pas encore gueres plus longs que ceux
d'un enfant de 4. ou y. ans.
Que néanmoins à la fin du même mois de Février, il
commença à lui pouflcrdc petits ongles, tout à l'extrémité
de CCS doigts, lelquels petits ongles paroiffoient comme at-
taches au bout des doigrs , fans paffer prefque par deffus le
bour des doigts , comme ils font ordinairement, 8c com-
me ils font devenus depuis , ayant gagne pat dcfliis les
doigts tx. ayant repris la place que des ongles ont ordinai-
rement.
(Juc comme elle ctoit en cet état on vint à fermer le pe-
tit cimetière, 8c que le bruit s'etant répandu qu'on alloit
enfermer toutes les convullionnaires , la comparante lui con-
(èilla de s'en retourner chez fa mère, ce qu'elle fit étant
fortie de chez la comparante le 10. du même mois de Fé-
vrier 1752.
Qu'elle ne refta dans fon pais que julqu'au zp. Mars
qu'elle revint à Paris, 8c qu'elle alla demeurer chez le S.
Meufnier Maître menuifier qui l'avoir fuivic avec grande at-
rention, depuis que le Seigneur eût commence à opérer des
changemcns fi merveilleux dans les parties de fon corps qui
avoient été julque là fi difformes.
Que la comparante l'alla voir avec grand empreffement
auflT-tôt qu'elle apptir qu'elle etoit de retour à l'aris, étant
fort ecvieufe de voir fi la création de Ion bras, de (à main,
8c de fes doigrs s'etoit avancée pendant qu'elle etoit dans
fon pais: que l'ayant examinée, tout le changement qu'elle
y trouva, tùr que les ongles de fa maindroire a 'oient gran-
di, Se avoient commence a couvrir le bout de les doigts,
ayant avance dans la chair. Mais qu'au fuiplus il lui parût
que fes doigts, fa main 8c fon bras n'avoient ni grandi ni
groffi; mais qu'auiVi-tôt aptes fon retour. Dieu lui fit rega-
gner bientôt le tems perdu : que quoi qu'elle fût logée fort
loin de la compar.inre, cela n'empêcha pas la comparante de
venir la voir très fouvent, 8c toujours avec une nouvelle (à-
tisfaction , remarquant que fon bras , fa main 8c fes doigts
fe formoicnt, s'allongeoient 8c fe rempliffoient de chair d'u-
ne manière fi feufibie , qu'on en appercevoit la différence
d'un jout à l'autre.
Que les os qui manquoient encore \ fes doigts furent for-
mes en très peu de jours, 8c que (à main 8c les doigts qui
n'ctoient pas encore plus longs que la main Scies doigts d'un
enfant de 4. ou ç. ans quand elle revint de fon pais le 19.
Mars 1752. devinrent enluite dans l'efpacc de deux mois ou
environ , tout auffi longs que la main Se les doigts du côté
gauche ; de façon que la main 8c fur tout les doigts crurent
pcndanr ce rems -la de plus que le double de ce qu'ils c-
toient auparavant; que (on bras s'allongea aulfi confijctable-
menr, mais non pas néanmoins d'une manière fi frapante
que les doigrs , d'autant pli;s qu'elle ne peut pas encote reten-
dre entièrement , 6c que Ion poignet eil eiKore relie affez
courbé, au lieu qu'elle etecd librement fes nouveaux doigts
de toute Iciu longueur.
Tous lelquels faits la dite compatante anefte être de là
parfaire connoiflance 8c entièrement conformes à la Té-
rité: 8c Icdure ^ elle faite très [Kifcmenr du prefent ceni-
ficat rédige à loifit fur les faits par elle déclares, elle a de-
rechef alîirme que tous les diis fjiis Ion verirables 8c en a
requis acte aux Notaires fouffigncs, qui lui om oclroic le
prcfcnt pour lèrvir U valoir cn'tems Se lieu ce que de rai-
fon. A Paris en l'Emde de Raimond l'un des Notaires CovS-
figncs. L'an 1735. le huitième jour de |uiller après midi,
8c a déclare ne lavoir écrite ni figner,de ce faite interpellée
fuivant l'ordonnance, ainfi qu'ireft dir en la minurcdcspre-
fentes demeurée au dit Raymond Noraire: /ïfn/ Le Court
8< RAY.MOND aiii fmjfhti. A côté cft éoit fcelle le dit
joui icçû 8. (bis.
ACTE DE DE'P05T.
AUJOURD'HUI cil comparu pat devant les ronfeillcrsdu
Roy Notaires 1 l'aris fouffigncs, fieur Charles Lajus
ancien olKciet de la maifon du Roi demeurant à Pans
rue de la Calandre paroiflè S. Germain le Vieux. Lequel a ap-
poac à Dclanglaid l'un d'cuiOnie pièces. La pienuctc&ç.
'fpérés fur Jeanne Temrd.
r-5
IL
Certifcat de M. de Chantepie.
JE (biirtigne l\iaitre Anne-Emmanuel de Pennard Cheva-
lier Seigneiu de Chantepie , Gand-lemes, Le Bois lu-
bcxuf, Courbns, La Reiniere: Seigneur Châtelain des
Châtelknies de Lamboult , FoulTay , iSc des Fieft & Sei-
gneuries de la Boiffiete, le ChatcUcr, Jagu, le Vaupieton,
la Petchaye , la Renaudicre, Oyc,Si_lly, Lânerie & Aver-
ton : & Seigneur fondateur de l'eghfe , S. Martin de Lon-
fougere demeurant rue & paroifl'e S. Louis ille Notre-Da-
me. Certifie a tous qu'il appartiendra avoir vii environ les
premiers jours de Novembr.; de l'année I7JI. la nommée
Jeanne Tenaid native de la paroifl'e du Pleliis - Di;raee dio-
céfedeSens venir au rombeau du Bien-heuteux Diacre Fran-
çois de Paris, pour demander à Dieu par fon mterccffion
i'ulâge détour le côté droit dont elle etoit eftropiee.
Comme fon état etoit aftVeux, je fus charme d'avoir oc-
cafion de m'edifier & de foiiitîei ma foi par la vue d'une
pareille guerilôn: ce qui m'a engage à l'examiner avecfoin,
& à la voir le plus louvent qu'il m'a ete poinble.
Je Certifie que dans les premiers jours que |e lavis, fon
bras droit étoit tout décharné depuis l'épaule jufqu'au poi-
gnet : qu'il étoit même delTeche: & qu'il n'avoit que la
peau attachée fur l'os, & que ce bras n'etoit pas plus long
que celui d'un enfant de ?. ou 4. ans: que ce bras etoit
en demi cercle n'ayant qu'on pli au milieu fans qu'on y
diftingât aucun des os qui forment le coude : qu'au heu de
main il n'y avoit au bout de ce bras qu'un morceau de
Quelque chofe couvert de terre fort difforme, fans qu'on pût
ire ce que c'etoit & fans qu'on y fcntit ni os ni nerfs ,
ni rien qui put faire prendre cela pour nne main: qu'il y
avoit pturtant des figures de doigts extrêmement menus &
très courts fans jointures & fans ongles, qui étoient plies
en rond dans ce morceau difforme , & que le tout enfemble
qui croit tout en un tas & rond prefque comme une bou-
le , n'etoit pas plus gros qu'une grofle noix , & etoit recour-
bé en dedans fows Con poignet qui etoit tout tenvetfé, de
ibtte que cette boule étoit comme coUie au deflbus du bout
du btas delTechc.
Je certifie auifi qu'elle avoit la jambe, & le pied droit
tout tournés en dedans, & retirés de forte qn'elle ne s'ap-
puyoii que fur la pointe du pied en dedans , & qu'elle por-
toit fa jambe & la cuiflé toute d'une pièce. Je certifie de
plus que depuis que j'en ai fait la rencontre au tombeau du
Bien-hcuieux François de Pâtis jufqu'à ptefênt, je l'ai prel-
que roujours trouvée avec des convullions exttêmemeut vio-
lentes: que j'ai vu que dans les premiers mois fa jambe s'é-
toit entièrement gtierie , de forte qu'elle s'appuyoit Itir fon
pied droir à plat fans boiter , 6c que depuis fcn btas droit
s'eft ranime & regarni de chairs & fi confiderablement al-
longe & grofC , qu'il eft prcfentement presqu'audi long 8c
preuju'auUi gros que fon bras gauche , & qu'au lieu du pe-
tir bourde matière dilïcime qui y etoit, il s'eft peu à peu
forme une main & de véritables djigts qui ont toutes les
patries qu'une main & des doigts doivent avoir , ayant pré-
fentement des os , des jointures, des nerfs, des ongles, en
un mot tout ce qui forme une main 5c des doigts, cette
main & ces doigts étant même prelcnteminent aufïi longs
& prefqu'auffi gros que fa main Cx fes doigts du côte gau-
che. Et comme Dieu m'a fait la grâce de me faire voir
*c admirer une fi grande merveille qui eftevidemment une
création , laquelle eft d'autant plus étonnante que cette fille
a prcfentement près de 31. ans fiiivant fon extrait batiftai-
re que j'ai vii , j'ai ctû être obligé en confcience de don-
ner le prcicnr ceirificat pout rendre témoignage à la vérité ,
atteftant devant Dieu que je n'y a rien mis donr |e n'aye
une entière connoifi'ance , ayant toujours vu cette fille de
tems en tems depuis la première fois que je la ttouvai à S.
Médard: En foi nequci j'ai figne le prciènr Fait ce 2.2.
Juin I7;r awfî Ppué DE ChANTEPIE. ^i! rlrffh:!s:
contrôlé à Paris lé 4. Juillet 1733. reçu 12. fols,/c?(t LA
C R O 1 X , &C.
Obfervat. 1, Part.
Certifcat de M. 'Rrévigiitn TrèCorîer de PEgtife cot'
coHegi.iU de Bray fur Seine.
JE fouflignc Fiacre Brevignan Prêtre Treforier & Cha-
noine ue l'Eglife Collégiale de Notre Dame de BraV
fur Seine, ceitifie avoir vu la nommée Jeanne Tenard
mie de feu Edme Tenard , & d'Anne Mortier de la paroif^
(c du PlelTis-Dumce , âgée d'environ 30. ans paflant par cet-
te ville lur la fin du mois d'oaobrede l'année it^i. laquel-
le m'ayanr dit qu'elle alloit à Paris pour implorer le (è-
cours de Dieu & lui demander fa guerifon par l'interceffion
du B. iM. de Paris au tombeau duquel elle avoit oui dire
qu'il fe faifoit beaucoup de miracles, me montta fâ main
droite qui me parut une fois plus petite que la gauche fans
mouvement & d'une coideur terreufe, renverfee au deflous
du poignet, les doigts fans aucune articulation, & qui ne
paroifloient poinr avoir d'os & n'avoient point d'ongles. Se
qui n'eroient pas plus gros que le tuyau d'une plume à écri-
re , le tout rentrant en cercle dans la paume de la main ,
fans pouvoir les redrefler ni allonger, enforte que fes doigts
& là main n'avoient l'air que d'une boule de terre groSe
comme un grofle noix avec ton ecorce & néanmoins plus
applatie: le bout du bras que je vis feulement 8c la main :
ctant^ tous delfechcs. En foi de quoi j'ai figné le piefent
certificat pour fervir à ce que de raifon. A.' Bray fur Sei-
ne le vingt -deuxième joui de Mai 1733. Signé?. Iîre'-
V I G N A N , &c.
III.
Certifcat de M. Sflwjage Marchand en gros , G»
Echevin de la ville de Parti,
JE (bufligné Marchand de mouflTeline en gros, demeurant
à Paris rue de l'Kgnillerie paroillè Sainte Oportune , cer-
tifie à tous qu'il appartiendra avoir vii auprès du tom-
beau du S. Diacre François de Paris à la fin d? l'année i';i.
la nommée Jeanne Tenard qui m'a dit êttc native duPlef^"
us-Dumce diocefe de Sens , laquelle étoit pour lors en con-
vulfion 8c paroiflToit foufftit beaucoup. Je remarquai qu'el-
le avoit le bras droit extrêmement court 6c defllche , &
qu'aubout il y paroifToit une efpece de moignon au delTous
duquel penJoit un morceau de chair d'un violet couvert de
terre qui n'etoit pas plus gros qu'une groHe noix, tout ra-
tatine en rond, 8: que Çùn état me fit beaucoup de pitié.
Que depuis ayant appris que fon bias 6c fà main avoienc
repris vie, 8c qu'il y avoit un changement fjit conlldéra-
ble, j'ai retourne la voir-, 8c que j'ai trouve que fon bras
droit s'etoit confiderablement allongé Se s'étoit garni de chairs,
8c que ce vilajn petit morceau de chair informe que j'a-
vois vu au deflous de fon moignon avoir giandi 6c grofli de
plus de mciitie, &<. avoir pris la forme d'une main 6c avoit
même prélenteraenr des doigts prefqu'aulfi grands que ceux
de la main gauche, ce qui eft une véritable création vu l'e-
tat diffeient ou elle etoit à la fin de l'année 1731. ce que
je certifie être un miracle évident qui n'a pu être opéré
que par la Toute-puiflànce de Dieu , qui l'a accordé parl'in-
terceflion du S. Diacre François de Paris à qui elle s'ad-
drelibir continuellement, Fait à Paris ce zo. Mai 1733. yf-
lat uiin.iv.iit vjw cm. cLuii a la im tic i auuee 1/31. te que
je certifie être un miracle évident qui n'a pu être opéré
.-jue par la Toute-puiflànce de Di" • "■ '' — -■•-
terceflion du S. Diacre Françoi;
drelibir continuellement ^■- "-
int Sauvage, 8cc.
IV.
Certifcat du Si'.ur 'Bertrand.
TE fbufligné |ean-Baptifte Bertrand Receveur de Mon-
feigneur le Grand Prieur de France à la Commandcrie
de Launay, demeurant prcfentement au Château de la
paroiflè de Vinneuf diocele de Sens , de préfent à Paris.
Pour rendre gloire a la Toute - puilfance de mon Dieu, je
déclare dans toute la fîncetité de la vérité, qu'étant aile à
Paris pour mes affaires environ la fin de Novembre 1^53.
je fus à S. Medard pour y voir les merveilles que Dieu y
operoit, 8c pour lui demander ma conveifion par l'intercet
fion du Bien - heureux Diacre : ou étant frappe autant pat
les miracles qui s'y operoient qu'édifie par la grande cliari.
té qui s'y exerçoit, Se par l'onction des prières qui s'yicci-
toient; j'éprouvai moi-même la force de la grâce qui méfie
voir, aimei, vouloir, & pratiquer ce qu'aupavaraot non-feu-
D Je,
j , Pièces jujîificatives des miraéïes
Jeraent ie ne tiroU pas, mais encore ne pouvois le faite
fluoique je le lus 8c que je le vis. Après ina pncre je fus
ftus les charniers pour y voit ceux qui étoicnt agites de
convulfions, & pour leur pictet du fccours: j'y remarquai
eoti'autres une fille qui me parut âgée de ;o. ans, & dont
Je bias droit etoit extrêmement dclleche Sx. reflembloit à
la patte d'un chapon rôti , & dont les agitations etoicnt ter-
liblcmem violentes, ce qui m'obligea de demander d'où el-
le ctoit. Sa fœur prit la parole & me dit qu'elles s'appcl-
Joient Tenatd , & qu'elles ctoient du PlelTis - Dumec dioce-
jê de Sens , ce qui m'attacha plus paniculiexement à l'e-
xaminer , & à lui porter du Iccours étant du même pais.
Elle m'ajouta qu'il y avoit déjà plufieurs jours qu'elles c-
toicnt à Taris , Sx. que Dieu s'ctoit déjà manifclle fur la
futur qui auparavant ctoit boiteufe n'ayant aucun mouvement
dans le gcnoudroit depuis l'âge de 3. ans, & ayant la jam-
be du mime c6:c rciirce & tournée en dedans : & que
depuis le commencement du mois qu'elles ctoient venues à
S. Médard Ton genou s'ctoit deflbuJc, & fa jambe s'etoit
allongée : de façon qu'elle marchoit pour lots lans prelquc
boiter.
Comme je lui prctois fecours dans fes convultions , )e
m'occupai à examiner fon bras dans les intervalles de fes
agitations ; je vis qu'il reflembljit plutôt "a un petit mor-
ceau de bois crochu au bout duquel etoit comme un petit
fouchon, qu'.i un bras Se une main. Ce bras n'etoit qu'un
os encore bien mince & bien petit , fur lequel il y avoir
sonjine une crpccc de vieux parchemin de couleur de tctre
oui le couvroit: au bout de ce bras il y avoit une efpece
de morceau de chair de la même couleur que ce bras, rout
informe & ou il paroinoit de petits doigts foit couits qui
stoicnt colles enfcmble, & tenvetfts dans ce morceau de
chair , & qui n'eioienr pas plus gros que de gros fourchons
de fourchettes : le bout en etoit courbe en dedans au dedous
de l'cndtoit ou auroit dii être le poignet , & plufieurs per-
ibnnes elTayetent devant inoi fi on pourroit detaclier ces elpe-
ces de doigts de dedans cerre efpece de main pour les exa-
miner davantage, mais on ne put en venir a bout quoiqu'il
n'y eut aucune fcnfibilite , tout ce bras ne prenant aucune
Bourriture & étant fec comme un itTotceau de bois.
Enfin j'afluic qu'au bout d'un mois ou environ que je
teftai à Paris, je m'appcrçus qu'il s'etoit fait de grands
changemens à ce bras: au lieu qu'il étoit de couleur de ter-
le quand je le vis la première fois, il prit d'abord unecou-
Jcnr violette & enfuite prit peu à peu une couleur dechair,
ce qui me fit juger qu'il alloit (è ranimer.
Quelque tems apr(;s étant de retour au pais l'on me dit
^ucla dite Tcnard ctoit revenue chei e;le,& qu'elle y a-
voit de fi grandes convulfions que le dellctvant de I.1 pa-
loillc la dcfoloit & fembloit vouloir commander à l|œu-
«e de Dieu en lui défendant d'enrrer à l'Eglifc, & lui di-
fant de finir fes agitations , fi non qu'il la feroii prendre ,
& qu'elle fcandalifoit toute fa paroUlc avec fa prétendue
gucrifon. ...
Il fit fibien par les difcours que les pcrfonncs qui ctoient
dans l'habirude de donner quelques fecours à la Mère de la
dite Tenard, ceflcrent de l'artilter; de façon qu'elle fc vit
abandonnée de tout le monde, 5c tomba avec (es filles dans
une extrême pauvreté. L'avant appris je fus les voit, tant
poux Vj. conliiler , que pour connoitre fi la gutrilon du
bras de la dite Tenard | etoit avancée depuis que je ne l'a.-
*ois vue: je la trouvai au lit ,. parce que fes convulfions c-
toient G fortes & C fréquentes qu'elle ne pouvoit (e tenir
de bout , n'»ya;it pas du monde fjffifâmmant pout la te-
nir. Je vis fa Mcre Se fes foeurs auprès d'elle qui ne ccf-
li'ient de louer & de remercier le Seigneur, & qui dans
l'abandon total ou elles ctoient , mettoicnt toute fcui cga-
fiance en Dieu.
La Mère i qui je demandai depuis quand fa fille avoit
ite incommodée , me dit que c'cioit depuis l'.ige de trois
ans, & me confirma ainfi que bien d'autres me l'avoient dit,
au'elle .ivoit la cuill'c & la jambe droites ptcfque deflè-
c>iees . 8c les os du genou tout contournes , 8c ce genou 3c
la jambe tournrs en dedans 8t reiitcs en atticre avant
que d'aller à Paris, 8c qu'elle en ctoit revenue parfaiicmcnt
gucric a cet cg;id. j'examinai Ion bras, fon poignet 8c i<%
auig;i ou |e trouvai un fi grand progrès que je ne pouvois
collet d'en louer le Seigneur. Je vis 'que ce bras s'ctoit ga^-
Ai de ctuiu & lue U couJcui co ctoit dcvcaue picfq^u'c*
gale à celle de fon bras gauche , & qu'il étoit confidérable»
menr gtofii Se allonge : que les os de fon coude , 8c de fon
poignet s'etoieni formes Se mis en place oii ils dévoient
etic, 8c que fes doigts s'ctoient ouverts i< dégages de de-
dans fa main , 8c que fa main Se fes doigts s'etoicnt for-
mes de façon qu'ils avoient pour lors l'air d'une main; au
lieu qu'auparavant on ne favoit ce que c'ctoit, tant tout é-
toit difforme.
le vis même qu'il lui étoit venu des bouts d'ongles à l'ex-
trcmitë du bout des doigts qiii ctoient encore extrêmement
courts, quoi qu'ils debordaflem le bourdes doigts, mais qui
avoient prefque leur largeur: au lieu qu'au mois de No-
vembre prccedent il n'y avoit point d'apparence qu'il vint ja-
mais des onç;les au bout des petits morceaux de chair qui
lui tenoient lieu de doigts.
Je vis de plus qu'elle commençoit à avoit quelque mou-
vement dans le bras qu'elle ctend'oit un peu , ce le replioit,
8c même qu'elle commençoit à s'en fervir , lui ayant vu
prendre une chailc avec ce bras, après quoi il lui prit de-
vant moi de lî terribles convulfions, que |e fus obligé de
prêter la main à fes fœurs fans pouvoir la tenir qu'avec une
très grande peine : fes agitations etoient ft violcrues que -fi
vis fa gorge s'enfler extraoïdinairement, de façon que les
veines de Ion cou ctoient de la grolVcur d'un doigt , îc tous
fes nerfs ctoient extrêmement rendus. J'ai fù que peu après
elle revint à Paris , depuis lequel tems je ne l'ai plus
vue que le zi. Juin 1753. qu'étant lors à Paris, 8c ayant
fù ou elle etoit, je l'ai été voit avec grand empreflcnient.
J'ai trouvé que fon bras s'ctoit très conlidcrablcment allon-
ge, fortifie 8c groffi: de façon qu'il eft prefentement ptef-
qu'aulTi long 5c auflî gios que l'autre. Sa main âc iès doigrs
le font entieteinent formes , allonges , accrus Se grolTis de
plus d'un riers qu'ils n'etoient lors que je la vis la deuxiè-
me fois dans fon pais. Il lui eft venu des os 8c des nerf»,
de façon que c'cft prefentement une vctitable main qui eft
même audi longue que l'autre, mais pas tout à fait li grof-
le. Elle a le mouvement beaucoup plus libre qu'cUe'n'i-
voit dans le bras mais fon poignet eft encore courbe quoi
qu'il le foit beaucoup moins qu'il n'ctoit. Tous lefquels
faits j'attefte devant Dieu vctitables Se fincetes ce que je
me crois oblige , en confcicnce de publier toutes fois Se
quand bcfoin fera. En foi de quoi j'ai drefle, écrit Se fi-
gue le prelènt certificat. Fiit à Paris ce 2i. juin 1753.^»"
(flé J. IJ. Bertrand, Sec.
Certifcat du S. Heurtaut.
E certifie très Vcritable le recii fuivant. Le jour de U
fête de tous les Saints en l'année 1^52. Je fus à S. Mer
dard fur les 11. heures du matin. Enconlidcrantlegrand
nombre de Convulllonnaires qu'il y avoit Ibus les chainiets ,
«'attachai à voir une pauvre fille de la c
J
le
campagne qui av
de ttès fortes convulfions) qui avoit fa loeui avec elle à qoi
le demandai d'où elle ctoft. Elle me du qu'elle etoit du
Pleflis-Dumce diocefe de Sens: elle fe nommoit Jeanne Te-
nard; je lui demandai oii elles avoient couche, 8c (a fœur
lue dit qu'elles avoient etc à l'hôpital de Ste. Caihetine
n'ayant aucune connoiilance à Paris, & n'ayant rienpourvir
vre, 8c qu'elle avoit accompagne fa focur qui avoit voulu
venir à Paris au tombeau du Bicn-hcutcux de Paris, dont
elle avoit entendu parler dans fon pais : 8c même elle me cTit
qu'elle avoit commence à moitié chemin à tencmitdesconr
vulfions, 8c que cela ne l'avoit pas empêche de m archet:
mais que dès ce premier jour qu'elle s'ctoit mile fut la tomr
bc du B. P. elles lui avoient teJoublc. Elle etoit du nom-
bre de celles qui en avoient des plus violentes. Elle prioit
ceux qui la tenoient de la mener fut la tombe 8c quand elle
y etoit elle n'en vouloir pas lortir. Je confidcrois cette pau»
vre fille àgce d'environ xo. ans qui boitoit de la jambe
droite qui etoit retiîtc, 8c le bras îlioit de moitié ou envi-
ton plus court que l'autre. Sa focur me dit que depuis l'ige
de 5. ans il n'avoir point ptoHic : que c'ctoit un toutbillon
qui Pavoit tenvcifccSc bicflëe de la forte. Son bris iufqu'à
Icpaule etoit tout démanche lans mouvement n'ay.int point
pris de noutrituie; d'une couleur brune, tout delVcche , Se
tout tenvetlc en dedans. Sa main ou pout mieux dite fon
moignon , car cela n'avoit [loint forme de main . tons le»
petite tluigts ctuknt coUc» l'un coauc l'aïuic iua forme de
tloigtl
^- opérés fur feanne Tenar^
re le neit, 6a iœur me raconta comment cela lui étoit ar-
Quvil<?f ,> T""'^ '\'" '''^"■^ '™' fo" "« droit Ôuo-
qu elle fut Tur un oreiller, ne IVmpéclioit pjs de crrer tant
elle «nentoit de dcaleur. C'eft pourquoi elle a etéobl.'re
de demander fa v,e dans fon pars, n'ayant pas du bien pSur
Je la laiflài à S. Medard.le lendemain fe l'ai trouvée à la
f;onsle'"lnn:T\'"''"'"i ^^ S' M^^^^d 'ayant des convu !
fous les bris 1 f "7" K^T~^"^°""" ^hiritables la tenant
lous es bras Je parlai à la Iœur qui me dit qu'elle cher-
chou l-,mage Ste Geneviève du petit jardinet: ]e lui mon-
trai la porte ou demeuroit Mademoifelle de Brai marchan-
avoit n^n.'V"h '^l' '"'""'?;' 'I" '^ ^^"'^ à S. Medard qu'eUe
le lésT.M '"'''' r".'"= '" '^'"""""^ toutes deur &Vel-
suerl bif n ,'.°". ^"'^'-^ " 1"'" P'^'''= ^ Dieu d'acheter fa
guenion que ai vue augmenter de jour en iour Car Hr
meurant fur le Pont-Mari?, je pan'ois' très IbJvTn^paT- . |e"
In l'^"f P^^"^' tems après fa jambe s'eft allongée :1e gi
nou étant tout démanché & tourne en dedans, s-?ft fortifie
pa£ne'es''de' .nnf ,r "'°"l '"" ''? grandes douleurs accom-
pagnées de convuUions, & peu de tems après elle ne boî-
elle ntvoif n '""," ?"^ '"'""" ^"^ ^"''" ^ S Medard:
heurëuv Fili ' '°/' "^u' ''""'' fur la tombe du Bien-
neureux. Elle partoit a huit heures du matin avec fa fœur
fvol^lT" P"f?""" ''""'^Wcs quilaconduifoient,cardï^
ven? r n,.rr™"!°"' """' K ''^"S '^^ chemin, & euè ne re-
vulfiÔn ^^1 n'i'f ff ■'^7"' heures du foir. toujours en con-
Se X;r ' "^ ^'1'°" ''■" P"'^'" "' ^^ """"g" "i de boire:
elle alloit a ,eun & revenoit de même. Ce qu'il v avoitdé
a^^s^Convuî- '''"'■'"'' P^""-^ fille, commîdan's JouTlt
ro nr f"™""'»™^"-" que fai vu.c'eft qu'on ne la voyoit
grandes peines: ce qui fait croire qu'ils reflèment une «race
inteueure gui la leur fait aimer, tar je lui ai entendu dî-
mes V.'^"'' ^^ "'^'" dans des douleurs qui tiroicnt leslar-
Ms elle in".'' f" f^'"'' 1"'^" ""l'eu^de tomes ces pei-
Rnvf ^ ' P'"' ' ' '^'^ 1"^ dans la poniûion de tous'^les
CS d'abori^r"'''- '"'i '" ^°"^ ^%' ^=S'" defaguerifon
ni;,! H ,r, ,. '°° 'P^"^ 1"' ^'^^ retournée en prenant
mer fn^ h"" '' n"^ ^roffir jufqti'au coude, la chai fefor-
fcmmS v-^"/ s-allonger. Dans fes convulf.ons nous nous
lonimes vus douze perlonnes, f,x de chaque côte la rirer
ce qui u, fa^foit plailir & lui faifoit allonger, toujours dans
es douleurs. On a vu la chair fe former ,na peau blanchir
éninble f?V"'- 'f P""^,do.gts qui ctJient "attachés toÛ
four en i'n,fr [""' '^"f^P '"" "P^" '■^""^' l'"" fentoitde
celer l 'Tn " T " ^"""> '" °"g'" P"""", la peau
nrirJn, '2'' ''^ ""'^"'^' "' 1'°" peut dire que c'eft à
Dlus hLn"h "'^'"..'"«^ "°"velle, qui eil bien plis belle &
pus blanche que l'autre, avec des petits nous cotf^me la mahï
a un ,eune enfant, Le jour de S. Matthias de l'annce ,^5-
3^
l'on, prit le parti d^la renv^ye^à'^ pais^le l'a'iVouYo'urs t^' ^°T'? ^"<= "-^'^ '"^ "^^^^
Pere?d''e''.a'n''";'"' ^" T"^^''- ="= ^'ete dans h rue di e lôn'bras l^'îf ^ ' ""/'" P'"^ ""''S''- J'^ ^"^^^"^
mes de la ^Doctrine, enfuite rue de la Mortellerie à H.," '!_,?".'",''? ^^ '^ '"3'" droite, que l'ai trouve rallonges très
Perp. hV I, r.^ V 'evcuue: elle a eie dans la rue des
,nJ • i?„P''<^^""e, enfuite rue de la Mortelleiie à deux
endroits difterens. L'on a été encore obligé de la chanc^èl
fait la Pr','/."!,.-'"^'°'" °^'^ ^■^' ^°"J'"'=' D.eu m'ayin
que le bras gauche & que l'avanf-bras qu'elle laiffbit à dé-
couvert; etoit prefque delleche & avoir la peau de couleur
violet.e:quece bras n'avoir de mouvement qu'a l'articulation
de 1 épaule & qu'il fotmoit au furplus un demi cercle , le
f^TZ r T>T' ^" ''"" ^" remontant jufqu'au def-
|ous de la mamelle droite , & que maigre l'impetuolîté des
b^enTfrn'^' ""'' '°" '"'P^ queplufie^uxsperfo^nnesavoient
b ! dro t .^ r^ a retenir, le demi cercle que décrivaitfon
b as droit conlervoit tou,ours la même figure fans s'étendre
nar ce hr'' '^"'" T''"V'"^' & l"'»" la retint quelquefoil
par ce bras pour 1 empêcher de fe brifer le corps conrre ter-
de '\ ""' '"}''r'^ "eu que la main qui eto.r au bout
de ce bras eto.t de la même couleur quel'aVant-bras,cW
bf, ?Z" T" ^'^"'^eollee à la partie interne de i'avant-
n'I 'i ' 1 '°" ""^ poignet et.,nt entièrement fléchie, fans
â rinn ^i'"'^" ^igitations fiflènt aucun changement à fa ^-
ës S,. 1^"' ""' ""'" -î"' "°" '°"'= '"f°'"^e Je dont
me 'l" ,S'f„f;'"euro,ent rou,ours fermés & rentres dans la pau
me netoit pas plus grolle que celle d'un enfant de 7. à
». ans, ians qu il parut aucune articulation à fes doi«ts oui
etoient très courts .Sc très mince.: ce qui me fit ju»er q^uè-
mfi^ Infin' P''r' ""'" Se de ces petits doigts eiëientcT,!
nihes. Enfin )'oofervai que la ambe droite etoit toujours
quele fit des mouvemens très violens avec cette jambe que
tous ces mouvemens parroient de la hanche & de l'anicuh-
tion du pied a |ambe au furplus reftant toujours en même
ee^ou V l"?"'' ^ ^."^^"""J mouvemens en l'articulatSu
genou: & l'ayant vue marcher loifjue fes convuUions furent
pallees, je m'apperçiis qu'elle boîtoir de cette j.-uiibe qu'eî-
îe la ttainoit & qu'elle la portoit toute d'une pièce comine
fi -c'eut ete une jambe de bois. comme
Je certifie de plus que M. de Momgeron Confeiller a»
Parement m'etanc venu voir le 30. Mai i-„ m'adem-n
de 11 ,e me rellouyenois d'avoir v'ù fous les charniers dë'3
Medard, une pailane dont le bras droit etoit defleche t
beaucoup plus court que le bras gauche, & dont la jambe
du même cote etoit retirée & recourbée en dedans -que lui
9)anr du que )e m'en refiouvenois fort bien, il me pronafa
de me mener la voir, m'alfurant que fon bras&iamam^
toient confidérablement allonges, & que fa jambe du me"m;
cote s-etoit remife dans fon^erat natiel : & étant con^nu
aveclui d'y aller le lendemaui, il m'eft venu prendr^ce
our-la 31. Mai à deux heures dans fon carofle.&rX",
mené dans la rue des Boulangers Faubourg S. Viâor o^:
il m'a fiiu entrer chez un menuilîer nomme Me'mTe'r m'
premier étage ou ,'ai trouve cette même paiûne que.'avô^
vue au njois de Novembre 175 1. fous les charniers de S
Medard, laquelle fai fort bien reconnue, & qui m?a dit
sappeller Jeanne-Tenard native du Pleffis-Dumee^ JiÔëefedc
tens. Jai q'abord v.hte fon épaule droite que j'ai trouvé
pacee comme elle doir être & de hauteur- égale'à lagau
che , mais feulement un peu plus maisre. l-,i .n.T,;-! ?T,t
. 7 - — •-^^•"w'M uti oeuvres meiveiueuJes qu'il a
uperees depuis plufieurs années fous nos yeux, & en parri- ^n,. ' T"" ■""."" f"""' "" l:'o"cc lept lignes, lavoir
« Iffie ;^ f "' P"""" ^"=' -î"^ '■^' '"""^"'^ 'ùivie!do'nT e Tte cL°,v" f "°f '■^?" ''^P"" '^ rebordVupedeu; de ^t'
cerrifie le temoimaop iT„= ,..;i„i,i. r.:'. i n. r_ ""i '^ flite cavité glenoide lufqu'à l'e.'itrêmire dp l'.il...-r4„« A.
,-„„(- j II -•""■■ vxiv^ni. , 4UC ai trouve ra longes très
confidérablement, & en ayant pris la mefure avec des ban-
pes de papier , ; a; trouvé que ce bras depuis le rebord fu.-
peneur de la cavité^ glenoide jufqu'à l'eitaêmite du do »t
nn,f±".•/<,™.l:''^'lLP'^=^."■' P<'"'^.= %l l'gnes, favoTt
«•/.rr;*;, I . — f ' M""^ ■*' toujours mivie , dont ii
«mbre !-=TT''?'> «"J"«^ble. Fau à Pans ceZ4. De
££mbte 1/39. ^'£>': Jean Heurtant &:c. ^
VI.
i^port fait par M. Si-vert Chirurgie» major des
Hôpitaux des armées , qui a examiné J. Tenard
dans le cimetière de S. Medard, & depuis a vé.
ripe Us chavgemens , régénérations, &> créations
que Dieu a fait dans fes membres.
JE fouffigné Chirurgien jute à Paris & Chirurgien Major
des Hop.raux des armées du Roi, certifie qu'au mois de
tiere dTs^^M /^r- ''= "°'V' '""^ '" eharn/ers dû dme!
î< à ,0 '^l^^dard, une perfonne qui me parût .rgee de
fions r.'niil"!!!.' "î"' "°",^S"ee des plus violentes convul-
va] û'u'eîll "^"pgea 3 l'examiner avec attention, l'oblèr-
«XI vil" ' 'P',"'l '^'°'l' ''^^"'""P P'"^ baffe que la
gauîhe , qu elle avwt le bias dtgic près dUia ii«s p)uicomt
nnn.^ff ■°p"°"'^'"'^"'f l'e-'<"èmite de l'olecràne , fe^
pouces huit lignes depuis la partie fuperieure de l'olecr/,'^
(ufqu'a l'articulation du poignet, & L pouces huit hgn '!
miL^i S^"""" ''" ^?'8"^'r '"'^1"'^ l'e.xtrêmite du doig? du
milieu : & ayant aulîl mefure la longueur de fon bras Sl
de la main gauche, j'ai rrouve qu'il y avoir deu^rpiedsqua*
tre pouces une ligne depuis le rebord fupérieur de ladite cl-
vite glenoide ,ulqu'à l'e.mêmite du doigt du milieu; de fa. "
çon quil ny a pins que deux pouces & demi de differenca
entre la longueur de Ion bras droit & celle de fon bras gau-
che :,e dis entre ia longueur de fes bras, car la diifererice
au. fe rencontre n'eft qu'entre la longueur de fes bras & a.ïnt.
bras, fes deux mains étant de prefem de longueur e-alè ce
qui ne peur me lailfer aucun doute- que depuis le mois' de
ï^t^'c^ '"''!"■' " r"^-''- ^^' '^n- les os de fonbra"
iëde P,r? Tn-'"'f"i:" 1'"= '= "e puis m'empêchei-
d'!-..^„i " ''■'"v/- des forces de la nau.Te, n'v avant pas ,
difxeinple qij'apres l'âge de z^. ans des os fe Ibicm àUonLies.
Plecei juftifiatives des miracles
ï6
J'ii auiTi oblcrv^ que iM OS de la main droiie que l'avois
Tiis au mois de Novembre I7?i. carnifics, fans forme Se
lâns conlîrtance, avoient pris leur forme & leur durerc na-
turelle aulTi bien que leur étendue i ce qui n'a pu encore s'c-
percr dans une fille de cet âge , pat les forces de la nature
ni par aucuns rcmeJes. Au (utplus ce bras droit commence
à fc bien regarnit de chairs, le bras ayant prcfentement Icpt
pouces l'ept lignes de groffeur Se i'avant - bras cinq pouces
cinq lignes. Cette fille m'a aulTi fait voir qu'elle a prefen-
tem-nt du mouvement dans l'articulation de i'avant-bras droit
avec le bras. Elle a le mouvement de flexion cnticremcnt
libre, mais elle n'a pas celui d'cxtcnûon julqu'au degré ou
il doit être naturellement, le tendon du niulcle biceps n'o-
bcifiànr pas alTcs. Elle levé le bras au defiiis defaiêcc, mais
pour le porter de bas en arrière , le tendon du grand pecto-
jal le trouve tics tendu de empêche une giande partie de ce
nioiivement. Elle commence suffi à fe fcrvir de fa main
droite. Je lui ai vu icmucr les doigts, mais néanmoins le
poignet demeuie toujours fléchi, & la main à demi recour-
bée vers la partie interne de l'avant-bras, mais non pas au
point ou je l'avois vu au mois de Novembre 175 t. lors du-
quel tems la petite main informe qu'elle avoir ctoir entic-
icmcnt recourbée fous I'avant-bras ai' lieu que prcfenrcmcnt
que cette main a repris fa conCftance & l'crendue nacutelle
<)u'cl!c doit avoit peut être femblable à la gauche , elle n'ell
çlus qu'à demi flcchie. Enfin j'ai examine la longueur de
les cuilfes & de fcs jambes que )'ai trouvées égales, & que
la jambe droite avoit repris la fituation qu'elle devoit avoii
pout eue pareille à la gauche : que Ion genou droit n'ctoit
flus tourne en dedans : que la rotule ctoit à la place : que
articulation de cette jambe avec la cuifle etoit dans Ion ctat
nati;rel , & qu'elle avoir & dans le genou & dans le pied ,
tous les mouvemens libres enloite que la guorilon de cette
partie eft cniicre & parfaite. Tous Iclqucls faits je certifie
ettc véritables en foi dequoi j'ai fait îc déhvte le prcfent
cctiiâcat fait à Paiis ce 4. Juin I7;3. iT^^nc Siveit &C.
V I I.
R.ipfort de lA. Mouton ancien "Prévôt de la corn-
rnunautè 1 dei Chirurgiens ., Cjui a iû y. Tenard
fur le tombeiju de Ai. de P.îrij , Qp a depuis exa-
miné le rétahlijfement fip la création que Dieu a
fait de fes membres eJlropJès'bu anéantis.
JE l'oufligne Chirurgien juie à Paris & ancien Prévôt de
ma Communauté certifie qu'au mois de Novembre de
l'année 1731. j'ai vu fur le tombeau de M. l'.Abbc de
l'iris, qui eft dans le petit cimetière de la paroifTe de S.
Medard, la nommée Jeanne Tcnard fille âgée d'cnvironî".
à 28. ans, native du Pleffis - Dumcc dioccfe de Sens, agi-
tée pat de violentes convulfions. Je m'arrêtai pour exami-
ner cette pauvre fille: l'appcrçus qu'elle avoit l'avanr-bras at
fept mois , & dont les petits doigts étoient cachas 8c eoU^a
fous le poignet flcchi , lont aujourd'hui auffi grands & aufli
gros que ceux de l'autte main, ave- mouvement de toutes
les articulations des phalanges des quatre doigts: le pouce
quoi que bien forme n'a pas les mouvemens libres, ne pou-
vant le iclcvei à caufe de la tenfion du mulcle flechilfeu
Se du tenatd , n'ayant pas encore fa flexibilité Se fa lon-
gueur ordinaire: il ell tenu rappi(x:hc dans la paume de la
main. Je ne puis m'cmpccher de dire que tout ce quis'eH
opère en faveur de cette pauvre fille ne peut venu que de
la main Toute - puilfanie de Dieu, cette création étant au
delTjs de la nature & des remèdes humains. En foi de
quoi, je lui ai délivré le prefent, cenificat pour rendre té-
moignage à la veri;e de à Dieu l'honneur Se b gloire qui
lut Ibni dus. A Pairs ce u. Juillet n'i'^- fignt. Mou-
ton, &c.
VIII.
Lettre de Aï. Le Dran Chirurgien chargé fMr la
Cour d'examiner les Convul/tonnaires. Il rend
compte a Ad. de Adontgeron de l'état oit etoit
Jeanne Ten.trd lors qu'il l'examina dans le ci'
metiére de S. Aiedara.
MONSIEUR. Vous me faites UD lënfible plaifîr de
me donnei des nouvelles de |eanne Tenait!. L'état
pitoyable ou j'avois vu fon bras a S. Mtdard m'a-
voit fait l'ouhaiter ardemment de la voir guérir : Se fa fbi
vive me l'avoir fait efpcret. L'ayant petdue de vue lotfque
le Roi fit fermer lecimcticte, j'en avois demande des nou-
velles à nombre de perlonnes, mais inutilement. C'cll poui
cela que je pris la liberté de m'addretlér a vous la lemaine
paflce: mais il ne me tutlit pas de lavoit qu'elle e(l beau-
coup mieux , Se je me flatte que vous vouilres bien litis-
faite ma curiolite en me la failint voir puilqu'elle eft à Pa-
lis. Il cfl julle que de mon côte je fatisfadc à ce que vous
me demandes dans votte lettre. Se que je vous marque l'é-
tat ou je l'ai vue. La pteiuiete fois que j'allai à o. Me-
dard , )e fus comme tour le monde étonne des convulfions
que j'y vis, Se peu de jours après je me ttouvai engage d'y
aller autant que mes aftaites le pcimettoient pout en tecon-
noitre la nature Se les caufcs s'il ecoit poUible. Ainfi j'y
failbis toutes les feinaines au moins une vilite, m'aitachant
à diflinguet les convulfions ve^tables, des contoifions pat
lefijueiles on pouvoit les iniiiet. De plus je ne m'attachois
à examiner que ceux dont les maladies croient du reflort
de la Chirurgie , ou du moins fiappoient la vue Se ne pou-
voicnt être feintes J'y sis le jour de la Toufl'aint f;i,
la dite Jeanne Tcnard dont le bras dclVcche Se paraly.iquc
me fi^appa. Je l'interrogeai Se elle me dit qu'elle en etoit
eltropiee depuis l'âge de trois ans, ainfi qu'elle l'avoit appris
de les parens: que pour lors elle en avoit 50. ou enviion :
ttophié, & la main très "pètiic à peu ptes comme celle d'un q'i'clle etoit d'auprès de Sens en Bourgogne demeurant au
entant de fept mois. Se la peau de couleur violette, le poi- Village du PlclTisDumte: qii'elle n'en etoit atrivcegue de
gnct Se l'articulation du coude flcchie: ce bras formoit un
angle aigu fat:: aucun mouvement dans les articulations.
Plus je certifie que ce jour 10. Juillet i"3 3. )'ai vu à la
icquifiiion de M. de ."vlonigeron Coniciller au l'aileinent,
lacf. Jeanne Tcnard chci le nomme Meufiiict m.iitre mcnui-
lier rue des boulangers fuibourg S. Victor, laquelle j'ai re-
connue pour l'avoir vue dans le petit cimetière de S. Me-
dard comme j'ai dit cidcfl'us. J'examinai Ion bias : je ttou-
vai que la peau avoit perdu fa couleur violette . Se qu'elle 3-
voit repris ta couleur naturelle femblable a celle du bras gau-
che , les deux omoplates cg.\les:qiie la tète de l'humérus ou
l'o; du bras, le incui en tous Uns avec facilite, hors celui
en arrière qui eft encore un peu gcnc pat le tendon du grand
pectoral , qui n'a pas encore Ion étendue Se la longitcui or-
dinaire: l'avant -bras s'cft garni de chair. Se a gtoifi confi-
dcrablcmeni: l'aiiiculaiiun '•lu coude fait les deux mouve-
mens, celui .le flexion p.irfaitcmeni, mais celui d'extcnfion
n'en pas paifait à caufe de la tenfion du tendon du biceps:
cette aiticulaiion qui efl faite pat gingiimc ou cliatiiiete,
paifaitemen* liSrr.
Lr • flichi , mais avec mruvement
dans A: les doigts bien formes, de
la nu.i.v ^ u... .. vx L..., Liii que la main gauche. ( ctte
Kiain, qui n'ctoit pat plus giolle que celle d'un cntaM de
la veille de ce jout , Se qu'elle vcnoit demander à Dieu la
guerilbn. fc le etoir alors avec une autre paifanne que ("ai
vue tou:es les fois avec elle. Je trouvai ton bras d.oit de
près d'un demi pied plus court que l'autre , en le nielù ant
du moignon de l'épaule, ('e bras etoit pielquc delléclicSc là
maigreur commenjoit dès l'e(iau;e qui etoit plus baflè que
l'autre , les inulcles de l'omoplate erani aulli comme detlè»
chcs Se laiis adion. La maigreur de ce bras ctoii telle ,
qu'il cioit au moins de moitié plus menu que le bras
gauche i l'avant -btas suffi defllchc que le bras eioit a de-
mi plie, fans que je mille le pliet davantage ni l'etendte ,
la i.nnture s'ctant anchylolce , Se je ne m'en étoniui pas
puilque les mulclcs flechilf.-urs Se cxrenleuis n'avoicnt ci
aucun jeu depuis d tendre jeuncife ; la main «oit à pro-
portion plus dcfllchee que le btas Se l'avant - bras , ii'eunt
pas plus j'.rande ni plus grolVe que celle o'un enfimi de 10.
ans. De plus cei:e inain flcchie entièrement failoit l'an-
gle aigu avec l'avant - bras contre lequel elle l'emolou pref-
que collée , lans que je pufl'e la faire étendre; Se les doigrs
1res grêles Se mal conforincs étoicnt colles dans la m«m
fans pouvoir être étendus Je ne vous ditai point minuçic-
tcinent l'irrégularité de tontes ces parties: il ell aile de lén-
lit que le liic noiuiicier y ayant manque ptclqu'entiete.
incni, Se ae s'y ciam pun< qu'autaac qu'il le falloii pout
qu'cl-
€pèrés fur Jeanne Tenard. iy
T^flw e^ AT^5^?M??' '" ^"S''f ■■ '" i'^^H?^"^^"^ refpeauculemen. , Monficut . Votre &c. //»/ L E D R A «.
Sui sy eft fait en crpiûam un peu depuis fon accident à ^ (i.V.- ce premier luiliec I7î? &c
etc très léger & très itreguJier. Vous inc paries dans votre ^ "^ "
lettre de la jambe qui etoit eftiopiee & paralytique : je
VOUS dirai de bonne foi que la décence du lieu ne m'a pas „ , , .
pcimis de l'examiner en Chirurgien ; tout ce que j'ai vu AJpport de M. Souchay Prévôt en Charge des Cht.
ceit qu elle ne s'en fervoit pas aufli librement que de l'au. riirgiem , gp Chirurgien de Monfeiemur le
tte: & ,e me fouviens qu'elle me dit alors a.e fa iaml,. Pri»ce de Conti , de l'ét.n des me>,,bres réublis.
I
(
; quelle ne s'en letvoit pas aum Ubiement que uc i ^u.
tte: & je me fouviens qu'elle me dit alors que fa jambe
ctoit aufll lin peu malade , mais non comme (on bras. Les
premières fois que je la vis, elle n'avoit point de convul-
.lions, mais au bout de quelque tems je lui en vis 3c alors
elle le plaignoit de fenùr de grandes douleurs dans l'épaule
& dans tout le bias: je la vis mùmc dans la convullion le-
ver le coude i la hauteur de l'épaule , ce qu'elle ne pouvoir
taire les premiers jouis. Au bout de quelque tems j'apper-
cus que la couleur de la peau de tout le bras jufqu'a la
main qui ctoit brune & terreufe s'eclairciûbit, & il main
Je deracha de l'avant-bras ou elle ecoit collée auparavant &
je pu^ l'étendre un peu avec un léger effort. Cette e,\ten-
lion le fat pat degrés & arriva jufqu'i pouvoir dcctire une
ligne droite avec l'avant - bras , mais elle n'ctoit pas volon-
taire, c'eft-a-dire que ce n'etoit pas les mufclesextenfeurs
delà main qui la failoient, mais l'effort que je faifois moi
même, auquel effort que je faifois, fes mulcles flechiflcurs
auparavant racourcis & tendus, cedoient fans peine & repre-
noient le'jr premier ctat dès que je ceflois de faire l'exten-
fion. La roideur des doigts fléchis céda prefqu'en même
tems que ceUe du poignet, & je pus les étendre par deçre
Je ne puis vous dire h. pendant trois mois que je l'ai fou-
vent examinée, ce membre prit chair ou non: s'il en prit
c'e:oic û peu de choie que \z ne m'y arrêtai pas. e fou-
régénérés fip recrées de Jeanne Tenard.
JE foufligne Chirurgien jute i Paris, Prévôt en charge.
Chirurgien de Son .Alteffe SereniiTimc Monfcigneur le
Prince de Conti. Certifie que le i8. Mai 1 75 ?. j'ai ete requis
par M. de Monrgeron Confeiller au Parlement, de metraiif-
porter rue des Boulangers fauxbourg S. Victor chez le nom-
me Meufnier maître menuiiîer , pour y voir & vifiter la
nommée Jeanne Tenard native du Plelïïs-Dumee diocéfe de
ozn%. Y étant j'y ai trouve cette fille qui m'a dit qu'elle c'-
toit âgt-e de 50. ans ou environ : qu'en 1705-. à l'â^e de
trois ans un tourbillon de vent l'avant tenveifee par° terre
lui avoit btife tout ie côté droit, 'de façon que depuis ce
tems jufqu'au mois de Novembre i - j ■-. 'elle avoir la jam-
be droite retirée & le genou entièrement retourne en de-
dans, n'ayant aucun mouvement dans ce genou , eu forte
qu'elle ne pouvoit remuet fa jambe & fa cuifle que tout
d'une pièce, & que fa jambe & fa cuilfe etoieut reftes juf-
qu'audit mois de Novembre i-?;!. d'une grande maigreur
toujours roides & plus courtes que fa cuifle & fa ,ambc'
gauches Elle m'a enfuite ajouté: que depuis le mois de
Novembtc 1751. la jambe droite s'éioit étendue: qu'elle
s'etoit fenti le mouvement du genou libre: qu'elle marchoit
^iteiois de voir i^'^^^'^^ ^^^^i ^ ;;:;^;t;m^;'(- ;^[^r& ^i^-^rii^iirqiïfi^'l^/r^S
ceux qui voudioient l'entendre. ^ voudrois, Monfieur pou- jamais été incommodée de cette jambe ,V même que fa
-__.. -j — ^ — ...... , ..i.i^..^»,. j^ vuuuiois, ivioniieur pou-
voir vous en rendre un compte plus exact, & le fetois li je
ne l'avois perdue de vue à la fetmetute du cimetière Si
vous voulez bien me procurer le plaifir de la voir, le chan-
gem.cnt qu'il peur y avoir me frappera d'autant plus qu'il y
a plus de ij. mois que je ne l'ai vue. J'atteiis de vous
cette grâce & la juftice de me croire très refpeftueuleinent
Monfieur, Voue . &c. S!^ne Le D R an. Ce 1 5. luia
1735. Sec. ' ■'
I X.
Seconde Lettre de M. le Br/in à M. de Montge-
ron , dans laquelle il avoue qu'il s'eji fait plu-
fleurs changemens , ô= accroijfemens dans les
membres efiropiés & dejéchés de Jeanne Te-
nard. -^
MONSIEUR. L'jfiiduité avec laquelle j'ai été pen-
dant uois mois de huit jours en huit jours voir
Jean.^c Tenard au tombeau de M. de Pâtis, eil
moins une preuve de curiofite que l'envie que j'avois de la
voir guctir : 6c les légers progrès que j'y avois vu me fai-
loient elpcrer qu'ayant ete i ^. mois fans la voir je la trou-
verois guette, ce qui n'eft pas encore. J'avoue, il eft vrai,
qu'elle eft mieux que je ne l'avois laifll-e: qu'elle porte fon
bras de tous les côtes très facilement, c'cft i diie que le jeu
de l'épaule eft entièrement libre: que cette épaule, tout le
bras , & la moitié iupcrieute de i'avant-bras ont repris
chair, étant prefqu'auili formes & charnus que le côte gau.
che : que la peau qui les tecouvte a perdu fa couleur tei-
reule & la lechereae; mais la moitié mfcrieure de l'avant-
bras & la mam , quoi qu'ils Ibient plus formes qu'Us n'é-
toicnt ne lont pas cncoie au point ou font les autics parties
que le viens d'énoncer: les quatre doigts font, ce qui m'e-
tonne, formes & prefqu'au point ou font ceux de l'auire
main ; cependant ils n'ont pas un jeu libre ce qui ne pour-
ta être tant que la main & l'avant -btas Iciont au point ou
lis lont aujourd'hui. Je ne puis defignet par des mefures
carc^°n„5l';'"n!'^'""'^°- '^"^- '""?" '," ^'^'"" °"' acquifes, joinmre; de taçon que les doigts & la main ne fonnoient
f ?, n„;^r ' • , ^- '^î'^^" P"'- '"^ ''''''" ''^' «'^«^«'■e q"'""« «I'"'-' de boule tonde qui fe trouvoit couchée & re.
au point ou )c les ai vues ces jouis paffcs, on ne peut la courbée ai. bonr A,- fnn hro« f^u,^■ r^„^n.1.nr a„.,..:. t. _ •_
dite guérie i mais il y a lieu de croire & d'cfpcrer que ce-
lui qui a commence la guerifon l'achèvera, le le fouhaite
<1 autant plus que je n'ai pas encore ete aûcz heureux pour voir
guérir parfairement aucun des malades aufquels je m'etois
attache pour fuivre leur guéiifon. J'ai l'iioaneur d'eue très
Obfervat, I. Part,
cuilie Se la jambe avoient repris chair, & qu'elle me priait
de vérifier fi préfentement fes deux cuifles &fes deux jam-
bes etoient égales , 3c d'examiner fi les os du genou de Ii
jambe .droite etoient places dans leur fituation naturelle, âc
li elle avoir tous les mouvemens libres.
Surquoi l'ayant vifitée couchée dans fon lit à plat fur Iç
dos & lui tirant les jambes dans la ligne de diredion, j'ai
oblervé que les deux jambes & fes deux cuifles etoient d't-
galelongucur: que l'articulation de la jambe droite avec la
cuifle etoit dans fon état namrel de même que la rotule
avant tous les mouvemens de flexion & d'extenlion libres au!
flî bien qu'au pied , fins qu'il rcftât aucun veftige de la con-
torfion qu'elle m'a dit avoir eu au genou; & j'ai feulement
obferveqneja cuifle & jambe droites etoient moins ■JroUés
que la cuifle & jambe gauches, ce qui fait conaoîtiê que
l'extièmite inférieure droite a ete affettee de quelqu'ancien.
ne maladie.
Elle m'a enfuite déclaré que le même tourbillon de vent
lui avoit encore plus eftropié le bras droit que la jambe :
que depuis l'âge de ttois ans jufq-r'au mois de Novembre
1731. lôn épaule droite avoit ete beaucoup plus baflè, plu»
étroite âc plus maigre que l'épaule gauche, & que fon bras
du même cote etoit refte prefqu'entierement defleclie Si
lâns aucun fentiment: qu'il n'avoit prelque pas allongé ni
giofll , & que l'os avoit été feulement couvett d'une peau
violette: qu'elle n'y avoit même fenti pendant tout ce tems
qu'un feul & même os qui tenoit tout fon bras & formoit
un demi cercle qui remonioit eu devant, (ans qu'il y eût
aucune pointe ni aucune grolTeur au coude, Se qu'au bout
de ce bras elle n'y avoit eu pendant tout ce tems qu'u-
ne efpece de petite main de longueur de 20. lignes & de
largeur de ij. qui n'avcit ni os , ni veines, ni nerfs (ce
font fes termes) qui n'etoit compofee que d'une même fub-
ftance toute de la même qualité, avec des elpeces de petits
doigts qui n'avoient non plus ni os, ni veines, ni nerfs, &
qui etoient courbes 8c teaoquevilles dans la main, fans q'u'il
parut aucun nœud , ni au bout de la main , ni en aucun au-
tre endroit des doigts , qui n'avoient aucune apparence de
jointure; de façon que les doigts & la main ne fonnoient
qu'une efpece de boule tonde qui fe trouvoit couchée & re-
courbée au bout de fon bras. Que cependant depuis le mois
de Novembre i"3i. ce bras & cène main avoient repris
vie ôc fentiment : que fon épaule droite s'etoit remontée
& étoit devenue femblable à la gauche : que fon bras s'e-
toit très confideiablement allonge , & avoit reptis chairs •
& qu'il s'etoit forme peu à peu des os , des veines , des
£• oeift.
>8
Piecei juftiflcaiives des Miracles,
nerK, de la diaif, & He la peau dans (à pente main &
dans fcs ctoigrs, qui s'ctoient garnis d'ongles & qui s'ctoicnt
11 fort allonges auQi-bien que le lefte de la main , que cette
RiaJnluiparoilToit prifentemeni aufTi longue qiie fa main gau-
che: qu'elle y avoir auianr de fcnfibilitc qvie dans la gauchcj,
4c qu'elle cominençoit même à en avoir un ufage aDcz libre.
Et elle m'a requis d'examiner fon épaule droite pour eon-
Boitre fi elle ctoit en fa place: de prendre les niclutes delà
longueur & de la grolTeur de (i:s deux bias & de fes mains,
& d'exannner fi elle avoir une fcnfihiliré parfaite au bras Se
à la main droite: fi les os avoicnt leur forme naturelle fe
6 la peu & la chair avoient leur couleur & leurs qualités
ordinaires. Surquoi l'ayant vifirce avec grande attention ,
j'ai reconnu que Ion épaule droite ctoit placée ou elle doit
être & tout auûî elevce que l'épaule gauche , & que la
conformation des os eft égale ^ celle de l'cpaule gauche. Et
ayant tncfuié fes deux bras & fes deux mains avec des ban-
des de papier j'ai trouve que Iba bras droit depuis le rebord
fujpérieur de la cavité glenoide de l'omoplate jufqu'a l'ex-
iremite fupcrieurc de l'olectânc, avoir onze pouces 8c trois
lignes de longueur: & le bras gauche, les niefutes prilcs
dans les mêmes endroits, treize pouces moins uJie ligne.
Que l'avaiu-bras droit depuis La partie fupérieure de l'olc-
ciane jiifqu'à l'articulation du poignet, avoir fcpt pouces huit
lignes: & l'avant-bras gauche neuf pouces moins une ligne,
enlbrtc qu'il n'y a pas prcfcntcment trois pouces de difteren-
ee entre la longueur de fes deux bras. Et à l'cgard des deux
mains, j'ai rrouvé que la main droite depuis l'articulation
du poignet avec l'avant-bras, julqu'à l'extrémité du doigt du
milieu avoii Cx pouces fept lignes de longueur :fayoir , trois
pouces fcpt lignes depuis l'articulation des os du poignet avec
ceux de l'avant-bras , julqu'à l'articulation du ptcinier os du
doigr du milieu avec le métacarpe ; & trois pouces depuis
cette articulation jufqu'à l'cxtrcmite dudit doigt, de fajon
^uc cette main a prelcnreracnr toute la longueur qu'elle doit
avoir .paroidant même d'une ligne ou deux plus longue que
la gauche , fuivant la racfure esaôtc que j'en ai prrfe. Et
m'ayant lequis de prendre la mefure de la groll'eur de fou
bras droit, j'ai trouvé que ce bras qu'elle m'a dit avoir été
delTcché pendant plus de 2J. ans avoitprcfentcmcnt fept pou-
ces fept lignes de grolTeur en le mcliirant fur le ventre du
mufde biceps, & que l'avant-bras dans fon milieu avoir cinq
pouces cinq lignes de grollVur. Elle m'a fait aufli obferver
qu'elle a prcfentement quelques mouvemens dans toutes les
articulations du bras dioir , fc elle a étendu & fléchi ce bras
en ma prcfencc à diffeientcs réprifes: cependant elle n'a pu
étendre l'avant bras entièrement, les tendons des flcchilléuis
Se fur tout du mufcle biceps ii'.yant pas ailes de Ibuplcflc pour
pouvoir obéir jufqu'au point qu'il cA neccllaitcpourl'cxten-
lion patfaite. J'ai de plus remarque qu'elle peut néanmoins
lever le même bras au dcfliis de fa teic , & même le por-
ter derrière elle de haut en bas; mais à l'cgaid de ce der-
nier mouvemenr die ne le peut faire entièrement en corift-
quencc de la renfion du tendon viu grand pcftoral. Selon
rcxamen que j'ai fait de l'ctat actuel de ladite Jeanne Te-
nard & félon l'expofé qu'elle fair de celui dans lequel elle a
été depuis fa chiite arrivce en 1705. à l'âge de ?. ans, elle
m'a requis de lui déclarer fi le changemenr qu'elle annonce
qui s'ch f.xir depuis le mois de Novembic 1731. julqu'à
litefcnt dans fon cpaule droite , fon bras , fa main , fon ge-
nou 8c fa jambe au même cote, fans s'être fervic d'aucun
lemedcs ni avoir eu recours à l'art ; fi ce changement a pu
fc fiire d'une manière natuielle 8c par les forces feulcsdcla
nature. Je déclare premicreiricnt que nous n'avons aueuties
oblcrvations d'un pareil exemple: (ccondcmcnr qu'en conful-
Unt la ftruituie du corps humain il ne paroît pas polTible
qu'une maladie de cette nature arrive en bas àgc en conlc-
qiience d'une chute d'où s'eft enfuivi la contorlion des mem-
bres, la perte de leur aftion , & l'atrophie ou maigreur des
parties qui a duré l'cfpace de 15. ans: il n'cft pas, dis-je,
polTible A la nature de réhabilite: ces membres, 8c de leui
donner leur (ubfiftancc, leur aftion, leur ulage, 8c leur ii-
niarion naturelle; 8c qu'à l'Sge de ?o. ans, il fe fàllc pout
ainfi dite une nouvelle création d'os, détendons, de liga-
mcns, de mufdes Sec. La taifun en c(\ évidente {c'cft qu'à
ers Iges toutes les parties du corps ont pris leur accioillc-
meni.foU dans l'tiar contre njtutetc'etl-àdite que des mem-
bres qui fe trouvent contournes ou crtnipics des le bas âge
f«ii l'u cbùtc , couf^, OU auucmcoi , 8c qui oui icOctlaïucti
état jufqu'à l'igc de 50. ans on enTÎfOB, les fibres qui en-
trent foir dans la compofition des os , des membranes , muC
des, tendons, ligamens &c. font affaiflés de façon qu'elles ont
perdu abfoliunenr leur vertu de rellbrt ; par eonfequenr elles
ne font plus eu état ni de pouvoir être multipliées au point
de redonner aux parries leur nombre , grandeur , figure ,
8c fituatioo , qui (ont les conditions abfoîumcnt nécellàires
à toutes les parties organiques de norre corps : d'ailleurs les
Cics noiuriciets qui circulent dans les vaiffcaux dans un âge
avancé, ne font pas capables non plus de communiquer aux
mêmes parties ces mêmes conditions. Pourquoi; C'eft que
ces incmes lues font d'une qualité à ne pouvoir pas fe figer
Se fe mouler aux parries folides pour l'accroiffemenr , atten-
du que les rncmes parties folides étant dans l'aflailTement ,
ayant été divifeesoudilaceréesparrapportauxaccidcnsfafdits,
les Huides ou fucs nourriciers n'y peuvent faire aucune im-
prefiîon ; d'où je conclus qu'il eft impolTible aux feules for-
ces de la nature d'opérer un événement aufli prodigieux fans
le fccours de l'atr, lequel feroit toujours très mcerrain en pa-
reil cas 8c dans un âge fi avance. Kt comme ladite Jeanne
Tenard m'a requis de lui donner le prcfent certificat, je le
lui ai délivré poiu lui fervir 8c valoir à ce (tue de raifon.
Fait à Paii^ les joui U an que deUus, Si'ini Soucbay 8cc.
XI.
Rapport de M, de Manteville des régénérations ,,
Qp créations opérées dans les membres de
Jeanne Tenard.
NOus foudigné Chirurgien jure à Paris , Prévôt en char-
ge de notre Compagnie 8c ancien Demonflratetir eti
Chiriugie, certifions à tous qu'il appartiendra, que le
28. Mai 17??. nous avons eré requis par M. de Montgc-
lon Conleillei du Roi en fà Cour de Parlement de Pans,
de nous rranfportet rue des Boulangers près la communauté
des filles Angloifes faubourg S. Victor, où il nous a accom-
pagné dans Ion carrofle, 8c étant entres en binaifon du Sieur
Meulbier martre mcnuifîer dans une chambre au premier
étage , M. de Montgeron nous a prefêncé la nommée
Jeanne Tenard native du PleflisDumce diocefede Sens âgée
d'environ 50. ans couchée dans fon lit , 8c il nous a requis
de la vifttcr. Y ayanr procède , nous avons examine les ex-
trémités fupeticures: les deux épaules nous ont paru à peu-
près égales failànt tous les mouvemens propres à ces parties
très libiement , leurs articulations érant bien conformées.
Nous avons trouve le bras droit plus coun 8c plus maigre
que le gauche, la Tenard ci-delliis nommée le fîéchininr'li-
brement à l'endroit du pli du bras , mais ne pouvanr l'etenilrc
tout 3 faitila main du même côte nous a paru auffi plus inaL-
gre,le poignet fléchi en dedans fans pouvoir l'étendre ; aj-aut
cependant un peu de mouvement de flexion 8c d'extention,
les doigts faifant ces mouvemens à peu près de même , en-
fortc que ladite Tenard peiK faire un peu ulàgedc fa main:
le carpe ou dos de la main eft un peu plus arrondi 8c moins plat
que la m.iin gauche. Nous .ivons poufTc notre examen plus loin ;
nous avons coupe des b.indes de papier avec Icfquellcs nous
avons mefure les parties de rextrcmitcfupcrievue droite pout
en faire le parallelleavecl'exrrêmitefupericuregauchc. Nous
avons uouve que le bras droir mefure depuis la partie fupé-
rieure de la cavité glenoide de l'omoplate jufqu'a l'extrcmi-
tc de l'oleciânc avoit onze pouces trois lignes 8c fept pou-
ces fept lignes de grolfeur mefure prilt fur le ventre du muf-
cle biceps: 8c le bras g.iuchc mcfuic fur les mêmes endroits
s'eft rrouve avoir treize pouces de longueur fur huit pouces
onze lignes de grollcur: l'avant-bras dtoit depuis l'extrémi-
té de Polecrânc julqu'au pli du poignet en delfous, s'eft
trouve de la longueur de fcpr pouces huit lignes, fut quattc
pouces cinq lignes de groiVcur meliireptilèfurla paitie moyen-
ne: 8c l'avant-bras g.iuche mefuie fur les mêmes endroits,
avoir huit pouces huit lignes de longiieiu fur lcp< pouces huit
ligues de gtoflcur. La main droircquoique plus maigre 8c
de figure différente , nous a paru à peu ptés de la même
glandent que îa main ga:Khe. Toutes proportions teliimécs
iV compaiees il s'eft trouve que le bras droir eft plus court
d'un pouce neuf lignes i<c plus menu d'un pouce quatre lignes
que le gauche : l'avant-bias droir plus court d'un pouce Itoii
lignes, 8c plus menu de deux pouces rrois lignes que le gal^■
(hé. Nous avtfiu culuiK (w. coudici U maUJc lui le ven-
us
«le peur examiner Iss extrémités inférieures depuis les han-
ches jufqu'aux orteils: nous avons trouve la diuiteicU gau-
che égalemeut bien conformées failânt parfairemcnt tous les
mouvemens naïuiels à ces parties : rextrémrre inférieure droi-
te depuis la hanche jufqu'aux orteils étant lèjlemem un peu
plus margrc que la gauche , & le cou du pied du côte dioit
nn peu plus arrondi & moins plat que le pied gauche. No-
ne examen a cte plufieurs fois interrompu par des mouve-
mens violens, dont la dite Teuard a cte tourmentée dans
toutes les parties de fon corps en notie prelênce , & qui nous
ont paru convulCft. Dans les inteivales de ces mouvemens
ladite Tenard nous a déclare qu'en i7oy. étant alors âgée
de 5. ans, elle avoir été renvetfee pat un tourbillon de
vent: qu'étant tombée par tetie elle s'etoit iêntie toute bri-
fée du côté droit: que depuis jurqu'au mois de Novem-
bre 1^51. fa jambe droite s'etoit retirée & le genou duraê-
me côte s'etoit tourne entièrement en dedans n'ayant au-
cun mouvement, enlbrte qu'elle ne pouvoit remuer la cuif-
fe & la jambe que tout d'une pièce; ce font fes termes.
Que (à cuifle & fa jambe etoient très maigres, toujouis
roides & plus cou. tes que la cuifle & la jambe gauches,
Elle a ajoure que depuis le moisde Novembre 17; i.fajam-
be droite s'etoit allongée: qu'elle avoit fenti les mouvemens
de la cuilTe & de la jambe libres, & qu'elle marchoit aulH
aifement que fî elle n'avoit jamais été incommodée: que cette
partie avoir repris chair. Elle nous a dit de plus que là chute
ci-defliis mentionnée l'avoit beaucoup plus eiiropiee du bras
droit : que depuis l'âge de ? . ans que l'accident lui etoit arrivé , Janglatd J
fon épaule etoit plus balfe, plui etioite & plus maigre que phii &e.
l'épaule gauche; que k bras du misai côté etcit telle prêt '
opérés fur Jeanne Temrâ. j^
que tout deffcché & /ans (intiment: qu'il n'avoit prefque
point allonge ni groffi, & que la peau collée fur les os e-
toit d une couleur violette: que tout fon bras ne lui fembloit
qu un leul & même os qui formoit un demi cercle qui re.
montoit en devant: qu'if n'y avoir ni pointe ni grofleur au
coudequi lui paroifloit d'une feule pièce : que fa main
du même coteétoit très petite & delagtonèur decelled'un
très petit enfant: qu'elle n'y fentoit ni os, ni ncrft, ni vei-
nés tant dans la main que dans des cfpeccs de doigts fars
ongle & qm etoient recroquevilles dans le fond de iSmain,
ce ont les termes, fans qu'il partit aucun nœud en aucutî
endroit des doigts qui etoient (ans jointures, enfotte que la
main & les doigts ne formoient qu'une cfpece de boule .
& que Ion bras la main & fes doigts etoient reftés dans cet
état jutqu'au mois de Novembre 1T51.
, Nous eftimons, fuppofe la déclaration de Jeanne Tenard
ci-(leflus mentionnée veriiable , que les heureux changemens
arrives depuis le mois de Novembre 17^. aux parties af-
teaees, n ont pu être opères pat l'art ni par la nature. Nous
elt.mons auffi que les affections reliées & qui font aftuel-
lement aux parties ne peuvent être guéries par ces mêmes
lecours : ce que nous certifions véritable , en foi de quoi
nous avons figne & délivre le prefent certificat. A Paris ce
L n'ïr-'/"" A^'"'J'^ Manreville az-u paraphi. A iité
&c._paire devant les Notaues fouffignes ce 19. .Mars i'i6
Af«.LAjusavec TouvENOT & DeLanglarÙ
^ V'J\^ .°"S'™"x des preiêntes demeures au dit Dc-
langlaM Notaire Ugne Touvcnot 8c DdangUid «« ^ara-
Et
SECON-
I
I
OBSERVATIONS.
SUR
LES CONVULSIONS.
DEUXIE'ME PARTIE
IDE'E DE L'ETAT DES
CONVULSION N AIRES
Du moiris jtifqu'au ts>. juillet 1737. ^que V Auteur ayant perdu fa liberté^
ti'a pu continuer de les i-oir.
AVANT PROPOS.
->>s-:^^5?<OrTF.s Içs œuvres de Dieu qui ont une grande étendue, paroifTent en i.
i^ "p V^J quelque façon mêlées de pluficurs chofcs qui ne viennent point de lui.^"^™," ^l'
'^ ^ Comme il fait marcher d'un pas égal farailéricorde&fajuftice, & que du Dieu qui ont
î^^^^ mal il en iait tirer le bien, il fait entrer d;uis le plan de Tes profonds é"nju7p''a-
confeils jufqu'aiLX volontés qui lui font les plus rebelles. Non feulement il fouf-.'''^'^'="= "=-
fre eue le Démon emploie tous fes artifices à tâcher de traverfcr les projets de fes
mifericordes : non feulement il endure que la plupart des hommes fuiventles pen-
chans corrompus de leur cœur: mais il permet même qiic ceux qu'il emploie
dans fes defTeins, joignent quelque fois leurs propres vues a celles qu'illcur infpire
6c les mouvemens de leurs paffions à ceux qu'il leur imprime.
La plus grande de toutes fes œuvres, celle à laquelle toutes les autres fe rap- ^^•
portent , c'cll la formation de ion Chriil: , 8c par conféquent de l'Eglife , qui com- r/dT/'ahuî
prend tous ceux qu'il a prédeftinés à être les membres de fonfils , & à former avec l^J'^ ^'"^
lui le Chrift entier qui doit être à jamais le très-heureux adorateur de fes per- l'adminiAr"!
ferions infinies. gu?e wû'bf.:
Cependant combien l'œuvre de la formation de l'Eglife du ciel ne fe trouve-
t-clle pas mêlée de chofcs indignes de Dieu dans l'Eglife viuble qui eftfur la ter-
re ? Combien d'erreurs 8c de paffions dans l'efprit 8c dans le cœur de pluheurs de
ceux qui en font les cliefs Sc les principaux minirtres! Dès letcmsdes Apôtres il
y avoir dcja de fuix Docteurs qui altéroicnt la pureté de la morale chrétienne : il
y avoit même parmi ceux que Dieu emploioit à établir la Religion, des perfon-
nés qui m.éloient-7?; cfprit dépique £> de jaloufiel un fi St. minifterc, te qui en pré- Philip. 1. 17.
chant l'Evangile , le faifoient avec la maligne intention d'aggraver par là les liens
de S. Paul. Mais qi'!' importe , dit ce grand Apôtre ^pourvu que J. C.foit annoncé... ^^''^' ^' '*'
ye ni' en réjouis.^ £5? /> m'en réjouirai toujours.
L'Hiiloire Eccléfiaftiqucne nous fournit que trop de preuves que depuis lès pre-
miers fiécîes de l'Eglil'e , l'ambition, le fiifte8c l'orgueil ont pris la place chez la
plupart des Prélats , du détachement général, dclamodeftc fimplicité,Sc de l'hu-
milité fi édifiante des Apôtres 8c de ïeurs premiers fucceflxurs: auffi plufieurs de
Obferx-at. IL Part. Tome //. -A ccilx
2 IDEE DE VETAT DES CON VU LSIO NN AIRES.
ceux qui après ce premier tcms font devenus les chefs de l'Eglifc vifible, dégéné-
rants de plus en plus de la vertu de leurs prédccefîcurs , ont-ils été bien plus atten-
tifs à s'attirer la faveur des Puifflmces , qu'à faire régner les vertus dans leurs dio-
céfes: ils ont préfère l'amitié des Rois de la terre, a celle du Roi des Rois dont
ils étoient les miniftrcs. Qiiile croiroit? Celacilvcnu jufqu'à ce cffroiable excès
que lorfqucles Souverains font tombés dans quelque hcrcfie , la phlpart des Evê-
qucs de leurs états ont embraffé leur erreur, facrifiant ainil jufqu'à leur Religion
pour fe confervcr leurs bonnes grâces. Pluficursmcme de ces Prélats font enluitc
devenus les plus ardens pcrfécutcurs de ceux qui demcuroicnt inviolablcment at-
tachés à la doélrine do l'Evangile & à toutes les vérités tranfmifes par la tradition.
Avant que ces héréiics cud'ent été condamnées par des Conciles généraux, les
Prélats qui les foutenoient n'en étoient pas moins les premiers minillrcs de l'Eglife.
Mais pour quoi Dieu a-t-il'fouffert que plulîcurs des principaux chefs de fon
Eglife, pluficurs de ceux qui par leur lacre, paroiflcnt avoir été choifis parlui-
mcme pour être les organes de la Vérité^ fe foient égarés jufqu'à ce point , ôc
foient devenus les fauteurs 6c les partilàns des fuggcftions du Dcmon ! Il ell làns
doute que Dieu ne l'a permis que pour le bien de les Elus. Tout ce qui arrive dans
le monde tourne toujours à leur avantage , par la puifTance fuis bornes de celui
qui a arrangé avant les ficelés tous les événcmens par rapport à eux.
J. C. nous a prédit que fesplus fidèles difciplcs foulï"! iront perfécution : il nous
a fait déclarer par l'Apôtre qu'il a inftfuit de la manière la plus viiîblement fur-
j^,^ , naturelle , que /û«j cens qui veulent vivre avec piété en J. C. feront perf édités. Il
»!• faut pour raccompliiTcmcnt de cette prophétie qui regarde tous les fiécles qu'-.
une partie des Puilfances EccléfialHqucs & féculicrcs embraflcnt de tems en tcms
le parti de l'erreur, parce qu'il faut que les plus fidèles Chrétiens fouffrent perfé-
cution pour la juflice.
Dieu ne peut jamais être l'Auteur du mal: mais il laifTc agir les payions des
hommes & la malice des Démons : &; contre leurs intentions, il les hût fer\'ir à
la fanétification de ceux qu'il a choifis pour être les membres de ion fils. L'Eglift
Mit. ii.îf.tf toujours été pcrfécutée dans tous fes Ages ^ dit l'Auteur des réflexions morales, qui
étoic fi bien inlbuit des annales de l'Eglife : i^ il s\y ejî toujours trouvé des mini-
fires corrompus qui ont eu la plus grande part à la perfécution.
Voici encore une forte de mélange bien plus furprcnant : la profanation des
choies faintes change pour ainfi dire leur dcllination. Notre divin Sauveur de-
vient lui-même lefceau de la réprobation des pécheure téméraires qui ofent le re-
cevoir indignement. Combien les abus qui font prcfentcment fi communs dans
l'adminiftration du Sacrement dePénitcncc , fout - ils iouvcnt trouver la mort dans
k fource même de la vie !
Mais tous les abus qui fe font de plus en plus introduits dans l'adminiftration
de l'Eglife vifible, £c qui comme une ivraie, en couvrent aujourd'hui prefquc tou-
te la fin-face , n'empêchent point qu'elle ncfoit l'œuvre de Dieu , 5cle feul champ
où il forme 5c où il fait croitre les Elus.
C'efi donc un raifonncment très fiuix de foutenir qu*une oeuvre ne doit point
être attribuée à Dieu, parce qu'on y apnerçoit des choies qui ne peuvent venir de
lui. C'cft mcllirer lafublimité & la profondeur de ics conicils, l'ur la pctitefie des
deffeins & des œuvres de l'homme. Gardons nous bien., dit le Perc Quesncl , de
Mat ii.i'j.'vouloir juger de Dieu , de fes dejfcins , de fes auvres, par la feule raifon ; ccft le dé-
grader de l'infinité de fon E.tre .,{3 de VincompréhcnjUnlitc de fa grandeur. „ Sa Tou-
Aft iJ " ïc-puiffance (dit-il encore) cclattc dans l'exécution de les dclicins juiqu'à (y) faire
' ^ ,, lervir..,. les créatures les plus corrompues & les plus criminelles, 6càacc<implir
„ fc> volontés faintes paries volontés les plus rebelles. L'hoci-
IB^E DE L'ETJT DES CON FULS 10 NNJIRES. 5
L'homme foible & impuiiTant n befoin pour pouvoir réuffir dans fes projets, que
tous ceux dont ilfeiert pour un ouvrage qu'il veut faire, fc conduiicnt par les
vues, &n'agi{rent tous que conformément à fcs dcficins. Ainiiun Architeftequi
veut bâtir une maifon, ne pourroit en venir à bout fi tous Icsdiffcrens ouvriers qui
y travaillent , ne fuivoient pas Ton plan , êc s'il y en avoit une partie qui fiircnt mal
leur ouvrage , de d'une manière toute oppofée aux ordres qu'il leur auroit donné.
Il n'en eil pas ainfi de Dieu : il fait faire fervir à fcs defleins tout ce que le Dé-
mon fait pour les traverfer ,& même ce que les hommes qu'il emploie font contre
fes ordres. Rien ne peut jamais empêcher le fuccés de fes œuvres : il forme fou
Eglife , &: il la perfeftionne au milieu des plus grands abus : il la conduit 6c la
gouverne félon fes décrets éternels, fous la direftion même des plus mauvais mi-
niftres , & des prédicateurs de l'erreur : Ht fouverainc puifflince fiit tout tourner
au bien de fes Elus, Se leur fait tirer avantage de tous les obftacles, les tentations,
les traverfes , & les perfécutions aufquelles il permet qu'ils Icicnt expofés.
Ce feroit très mal à propos qu'on répondroit que la conduite de Dieu fur fes
Elus, qui font la partie eflentielle de l' Eglife viable, n'eilpas une œuvre furna-
turelle dans le genre merveilleux. La plus grande de toutes les merveilles que Dieu
opère , c'cft la formation de fon Chrifb , & par conféqucnt de Tes memJorcs. D'ailleurs
la même figefle qui conduit les œuvres qui font fimplement furnaturelles , conduit
également celles qui font dans la clafle des prodiges. Cette fageflc n'a pas deux
différentes mefures , fes principes font toujours les mêmes ^ parce qu'elle ne peut
recevoir de diminution ni d'accroiffcment. Mais pour ne laifler aucun prétexte à
cette objeéîrion, citons l'exemple d'une autre œuvre divine, qui foit entièrement
dans le genre merveilleux, & à laquelle néanmoins Dieu ait permis que les hom-
mes aient joint bien des chofes rcprchenfibles.
Je parle de l'œuvre perfonnelle du S. Efprit , c'efl à dire de l'efFufion des m.
dons furnaturels qu'ils répandit fi communément dans les deux 6c trois premiers fj"'"/Jf ""
fiécles de l'Eglife fur ceux qui embraffbient la foi. vre dei-effa-
Nous voions par les Epitres de S . Paul , que des les premiers tems plufieurs de ceux du" s" ^u-
qui avoient reçu ces dons divins, en faifoient quelque fois un ufige très indifcret : p"'*
par exemple ils parloient tous à la fois jufque dans l'Egliie, ce qui ctoit fort indécent.
Si toute une Eglife étant ajfemhlée en un lien , dit ce grand Apôtre, tous parlent di- , cor. 14.
lerfes langues^ y que des ignorans ou des infidèles entrent dans cette ajfemhlée ^ ne-l-
diront-ils pas que "vous êtes des infenfés ?
Sur quoi il leur ordonne de ne parler que Pun après l'autre, 6c qtie tout fe fajfe Mi. 7. t-.
d.ins la bienféance (y avec ordre. 45-
Ce don des langues venoit certainement du S. Efprit : l'indifcrétion avec laquelle
plufieurs Corinthiens ufoient de ce don, étoit un m.ëlange repréhenfible qui venoit
de l'homme, & qui cependant fetrouvoit intimement joint à Tufige de ce don.
Ceux qui avoient reçu le don de prophétie tomboient encore dans de plus gran-
des fautes , puisqu'ils méloient quelquefois ce qui venoit de leur propre eiprit aux
choies qui leur avoient été divinement révélées. Ce qui obligea l'Apôtre d'ordon-
ner qu'on jugeât de ceqvi'ils difoient par les règles delà foi. Pour ce (jui ejl ^«^ ibid. t. i j.
des Prophètes^ dit-il, qiïiln'y en ait point plus di deux ou trois qui parlent ,1^ que
les autres en jugent.
Nous trouvons dans les plus anciens monumcns dcl'hiftoire Eccléfiaftiquc ,que
depuis le premier fiécle de l'Eglife, il fe glifïïi encore de bien plus grands abus
dans l'ufage de ces dons. Ces abus étoient contraires à l'Efprit de Dieu j mais néan-
moins ils paroiflbient en quelque forte réunis à fon opération: ils étoient des nua-
ges, des ombres & des taches, qui daiis un ccitainfcns, fembloient fiiire partie'
Ai de
4 IDE'E DR VET AT DES CONFULS 10 NNA IRES.
de l'œuvre générale de l'cffufion des dons, parce qu'ils les accompagnoient. Diea
n« permit tout cela , & en général il ne permet au Démon detraverfcr toutes fes
oeuvres que parce qu'il fait en tirer fa gloire, l'avantage de fes Elus, Se qu'il fait
tout fervir à fes dcffeins.
Tl cft vifible que le phénomène extraordinaire qui paroît aujourd'hui dans l'E-
glife , auquel on a donné ailes improprement le nom de convulfions , fur le fon-
dement unique des premiers fimptônies par Icfquels il a commencé à fe faire voir:
il eft vifible, dis-je, que ce phénomène a de grands rapports avec l'œuvre de
l'cfFufion des dons du S. Efprit, quoi qu'il foit dans un degré beaucoup plus bas
Se bien moins parfait que cette œuvre,
vv. Je crois pouvoir le définir un état furnaturcl , accompagne fouvcnt de prodiges,
iV,'louyu\-^^ un grand nombre de pcrfonncsque Dieu a toutes attachées à la caulcdcTAp-
ton*. pel , fc trouvcnten certains tems , fans cependant , du moins la plupart , perdre en-
tièrement leur liberté, ni l'ufagc de leur raifon. Ci ce n'cil dans des états fingu-
licrs 6c extraordinaires , dont je rendrai compte en faifant le détail de tous les dif-
fcrens états ou les convulfionnaires pafTent fuccéHîvement.
Un an ou deux après que Dieu eût joint à cet état pluficurs prodiges , qui attirè-
rent d'abord l'admiration de quantité de pcrfonnes , il permit au Démon deféduirc
quelques Convulfionnaires, dont il forma les deux iectcs des x'\uguil:iniiles & des
Vaillantiftes. Mais ce n'efl point de ces fortesde Convulfionnaires dont je parle
dans cet ouvrage , ni de quelques autres qui femblent encore avoir été pervertis
par le Démon , ou fur lefqucis Dieu lui a donné quelque pouvoir particulier. Je ne
me fuis attaché qu'avoir les Convulfionnaires qui publient toute vérité fiins y mê-
ler aucune erreur, & dont les convulfions font illuftréespardes prodiges ; ce qui
fîiit certainement le très grand nombre des Convulfionnaires. Comme je n'ai exa-
miné que ceux là, je ne puis rendre compte qucdeleur état, &nondc celui des
Convulfionnaires qui font dans des fcctes, où même dans des cfpeces finguliercs..
T. En retranchant du nombre des vrais Convulfionnaires, les Auguilinillcs 6c les
J,"'j^4""c^'^-^'''^"ïi'^'^s, qui font chacun une clafie à part vifiblemcnt féduite parle De-
iiticonvM fi mon : & en fcparant du furnaturel des convulfions tout ce que les Convulfionnaires-
qui* ne fa^foHt cn cct ctat dc Icur propre mouvement Se par leur pure volonté , 6c tout ce que
r<.ini pa:tif]c Dcmou a pû v "liffcr par féduccion ou autrement (ce qu'il clljultede retnm-
witrt defti cncr attendu que tout cela ne fait pomtvcntablemcnt partie de 1 œuvre des con-
"J^°^',n'"^.vulfions dans fa première defiination) il ne refte plus en ce clis que l'œuvre de Dieu :
«ontcftibje. ainfi en regardant l'œuvre des convulfions fous ce point de vue, il n'y a nulle
Œîiit ivi- jjif^cuif^ ^ jj,,(; qj^jç fctte œuvre vient de lui.
■^■'- Mais même en donnant au terme d'œwcre des convulfions l'idée la plus étendue,
vrc'pauiiuir. on pcut cncorc dire dans un fens très véritable, que cette œuvre cfl. l'œuvre de
>i"''uj'eun''^''^" ■ P-irce nue fon origine vient évidemment dc lui: qu'il y opère vifiblemcnt
ju'.è rf»p un grand nomore d'effets : qu'elle entre dans fes confeils pour des fins dignes delà
^J^'Jp^J' grandeur dc fi miféricordc Sc de la Icvcrité de fijullicc: 6c qu'il fait fervir tout-
ce qui V arrive, à l'exécution de fes projets.
I". 11 n'efl pas douteux qiic l'origine des convulfions ne vienne de Dieu: elles-
font nées fur un tombeau ou il manifelloit fiprcfcncc p-ar fes bienfaits, Scprèci-
fémcnt dans le îcms qu'il y a fait les plus éclaltans miracles: il y a plus encore. Non
feulement elles ont été elles-mêmes accompagnées de guèrifons miraculeufcs dans
leur orii^inc, mais pluficurs ont été le moicn phifiquc dont Dieu s'ell fcrvi poul-
ies opérer.
Z'\ On ne peut pas non plus contcfler raifonnablcment que Dieu n'opère un,
grand nombre d'effets p.u- le minilluc de* Convulfionnaires, puifqu'U fait des gué-
xifc^os
IDE'E DS VET JT DES CO NFULS 10 NNJ I RE S. f
rifons évidemment miraculeufes par les panfemens furnaturels qu'il leur hix. faire j
qu'il leur découvre l'intérieur des confcicnces 6c lefecret des cœurs, 6c qu'il leur
a fait faire pUifieurs prédirions très circonftanciées 6c contraires à toute vrai-fcm-
blancc, dont les événemens ont pleinement juftifîé qu'il en étoit l'Auteur.
90. Les pcrfonnes les plus attentives ont reconnu manifcflement , que cette
oeuvre a pour fin. m. d'annoncer la venue du Prophète Elie à ceux que Dieu dcf-
tine à le reconnoître, 6c de les engager à fe préparer à ce grand événement par la
Eénitence 6c la prière, io. qu'elle eu: deftinée à répandre d'avance d'épaiflcs téné-
res fur les miracles 6c les prodiges par lefquels ce Prophète prouvera fi miffion,
afin d'aveugler de plus en plus ceux qui méritent de l'être , 6c de porter la Genti-
lité, en punition du mépris qu'elle aura fait des miracles 6c des autres œuvres de
Dieu , à rejetter ce grand Prophète, 6c à le faire mourir comme un impolleur.
Qiii peut douter que des objets fi grands ne foient dignes, les uns de la bonté ic
les autres de la juftice de Dieu?
Enfin il eft vifible qu'il foit fervirto\it ce qui arrive dans cette œuvre, ou même-
par rapport à elle, à ces deux difi'ereiis projets de miféricorde 6c de vengeance.
Mais en donnant au terme <X œuvre' des con-vuljions unfens Ci étendu qui comprend
tout ce que les Démons 6c les hommes y ont joint à l'action de Dieu , il cil évident
qu'en ce cas , cette œuvre ne doit point être regardée comme une opération indi-
viducle, ni même comme un tout compofé de parties qui tendent par elles-mêmes
directement à une même fin: mais on doit au contraire la confidcrer comme une
multitude d'effets produits par des principes fort differens : à laquelle œuvre pré-
fide néanmoins le Maître de tous les êtres qui fait entrer dans les confc ils foitde'
miféricorde, foitde juftice, non feulement tout ce qu'il opère lui-même dans cette
teuvre, mais auflî tout ce que les liommes 6c le Démon- y joignent de mauvais.
Les de [feins des hommes^ dit le P. Qiiefnel , quoique contraires à ceux de J-C.daMSf^^^
leurs intentions , en font pourtant les moiens pm fa- fowveraine fagejfe. 44,
C'eft donc une erreur manifeilede foiiienir, comme font MM', les Confialtans
que les convulfons forment un tout , dont les différentes parties fe réuniJJ'ent comme
eelles d'un anneau. Car ces MM. ne- manquent pas de ralTembler dans la peinture
qu'ils font de l'œuvre des coavuliîons , tout ce que les hommes ou mcmc les Dé-
mons y ont mis du leur.
Cette pernicieufe erreur, fondée fur la faufTc maxime que dans un même évé>
nement il ne peut y avoir divers agens 6c différentes cauîcs cflicientcs , a été la.
fource des deux differens égaremens oiï font tombés j MM. les Confultans d'uns.
côté, 6c les Augufliniites de l'autre.
Les uns 6c les autres en fe fondant fur le même principe, .en ont tiré des con^
féquences dianîétralernent oppoiees.
MrvI. les Confultans ont dit: l'œuvre des convulfions forme un feul tout dont;
toutes les parties concourent enfemble à une même fin, à peu prés comme une.
montre dont toutes les pièces font tellement aflorties les unes aux autres , qu'elles
contribuent toutes enfemble à leur mouvement général : ainfi cette œuvre nepeut
avoir qu'un fcul 6c même principe. Or il eit clair qu'on y trouve bien clés chofcs.
-videmment repréhcnfibles 6c doM Dieu ne peut être l'Auteur: par conicqucnt il'
e
, ^ . . , ^ . "Pc
la même fuppohtion, ont dit au contraire: nous foutenons ainfi queMM. lei
Confultans que l'œnivre des convulfions eft une œuvre indivifible dont toutes les
pmies font intimement liées cntr'elles. Mais^c'cft une impiété uuuifeiic d'olbcdi-
A 3^ KL-
6 IDE'E DE L'ETAT DES CO NFULS 10 N NJ IRES.
rc que Dieu n'agit point d;uis cette œuvre , puisqu'il y paroit avec éclat par des
miracles inconteilables : les attribuer à Bcelzébut c'cft renouveller leblalphcmc.
des Pharilîens. Or puifquc dans les convuliions il y adcscaraftercsincontellable-
mcnt divins, ôcque cette ixuvre ne peut avoir qu'un feul Auteur, on doit attribuer
tout ce qu'on y voit à l'opération furnaturellc & immédiate de la Divinité, jufqu'-
aux chot'cs qui paroiircnt les plus choquantes & même jufqu'à celle* que la loi de
Dieu obligcroit de condamner dans toute autre circonltance.
C'cll; ainfi qu'un faux principe produit des conléqucnces toutes contraires, 5c
qui font également nulles.
Revenons à la Vérité. L'oeuvre des convulfions, fi on en féparct»ut ce que les
liommes & les Dcmons y ont joint, & qu'on ne comprenne fous ce terme que le
luvnaturel que Dieu y opère , elt purement une œuvre divine. Si au contraire on
entend par ce terme, tour ce que les Convulfionnaircs font ou difcnt en cet état,
fans examiner par quel principe ils agiflent, & fans en faire la différence : pour lors
cette œuvre n'ell autre chofe qu'une multitude d'opérations qui ont des principes
très difîerens, mais que Dieu par fi fouverainc puillancc fait fervir tous à les
dcllcins.
C'eft ce qui paroîtra d'une manière encore plus frapante par l'expofition que je
vais f\ire du véritable état du très grand nombre des Convulfionnaircs, du moins
pendant tout le tcms que j'ai fuivi cette œuvre. Mais je ne puis me lallér d'avertir
que je ne parle que de ceux dont les convulfions font marquées à quelques earac-
tcres qui font connoître qu'elles viennent de Dieu, & qui ne font point tombés
dans les erreurs des Augullinites & des Vaillantiiles.
Comme je ne me fuis attaché qu'à ceux en qui j'ai cru voir quelques traces des
dons de l'Éfprit Saint , je ne puis rendre compte que de ceux là : mais même parmi
eux je n'ai pas lailTé de remarquer bien des chofcs qui m'ont paru n'avoir pour
principe" que leur pure volonté, 6c même quelque fois les artifices de Satan.
Avant néanmoins que j'entre dans ce détail , je prie le lecteur de me permettre
de lui préfenter quelques rèfiéxions de diffcrcns Auteurs qui mç paroiilént avoir
ici l'application la plus hcurcufc. J'ai tout lieu d'efpércr qu'elles éclaireront
par une lumière vive Se brillante les laits fingulicrs que j'ai à rapporter, &:lcsob-
fcrvations que j'aurai à f^iire.
REFLEXIONS DE DIFFERENS AUTEURS PROPRES
à répandre la lumière fur Pœuz-re des convulfions , (^ à écarter la plupart des nuages
dont cette œuvre paroit couverte.
or« ia /^^Eux (dit le favant Theodoret) qui connoifllMcnt bien la bonté & l'amour
*?• '• ^ y que Dieu a pour les hommes, & comme il ordonne tout par rapporta leur
lalut, trouveront occafion de le louer de cela même que les autres mèpri-
fcnt Voiant que les paroles ne faifoicnt aucune imprdlîon fur les hom-
mes, à caufe qu'ils croient alfoupis par une lètargic invétérée, il s'ell fcrvi de
fimbolcs pour figurer les choies futures : & il a emploie des fignes dontla nou-
veauté fîit capable d'attirer leur attention.
lib.fi.Jeco- Le même Auteur dit dans un autre endroit. „ \'otre hardiciTc Se votre folie
"rum°'tfr,, font extrêmes , fi vous vous croies plus fagcs que la fa^cfic elle-même qui a
«'i«"- j, fait toutes choies , & Ci vous défaprpuvés ce qu'elle a tait.
liC; s» ^^ fiéclc (dit l'Auteur de Irtv'ic de S. Thomas) cil: rempli d'hommes char-
nels, qui ne goûtent que ce qui touche les l'cns , ou de faux fpiritucls , dedc-
mi-fcavans pleins d'orgueil & prcfqu'idoiàtres de leurs fcntimens particuliers.
Les premiers iclon rcxprcflion de l'Apotrc, ne ion t point capables ilcschofa
de
51
■>■>
5)
Î5
5»
55
IDEE DE L'ETJT DES C ONFU LSIONNNJ IRE S. 7
,, de rEfprit de Dieu : elles leurparoifient une folie : ils ne peuvent lescompren-
„ drc parce que c'eft par une lumicrefpirituelle qu'on en doit juger. Les derniers
„ font profeflîon de décider de tout félon leur caprice , & de condamner fans exa-
„ men tout ce qui n'étant p-as dans les voies ordinaires, fe trouve au deflus des
„ règles qu'ils fe font faites. „
Malheur aux efprits fuperbes qui prétendent juger des œuvres de Dieu par la
feule lumière de l'efprit humain. Ce n'eft que par les humbles 6c non par les plus
grands génies que Dieu laifTe pénétrer fes defleins . C'eft lorfque les confeils de fa figef-
fe font les plus profonds , que les charnels ne les trouvent dignes que de mépris.
Les fer formes de bon fens , dit M. Nicole par rapport à l'état de Ste. Tcrefe très^"" ^^ "'°'''
femblable à celui des Convulfionnaires d'aujourd'hui, auront bien de la peine à fe'iio.' ^' ^^'
ferfuader . . . que Dieu ait voulu joindre tant de faits tniracnleux à des illuftons
fhantafiiques.
„ Il faut avoir grand foin (dit M. l'Abbé de S. Cyran) de bien confcrver tous
„ les prodiges, les miracles , les prédirions Se les autres effets extraordinaires que
„ Dieu fiit paroîtrc de tems en tems dans fon Eglife pour l'inftruire , & la préparer
„ à des choies plus grandes: en cela confifte une grande partie de notre piété. „
Quelle eft donc la témérité de ceux quiméprifent, & même qui décrient par des
impoftures tous les prodiges de nos jours? Il eft vrai que Dieu par les confeils de
fa juftice a voulu fatisfaire le defirde l'incrédulité : il a traité l'infcnië félon fa fo-
lie: il a fourni des ténèbres à ceux qui les préferoient à la lumière: il a lui-même
tendu des pièges à ceux qui, au lieu des'abaifierà fes pieds, levoientinfolcmment
la tête , 8c prétendoicnt mefurer toute l'étendue de Ç-à fagcffc avec leurs vues fi cour-
tes & fi bornées. Pendant qu'ils promènent ainfi leurs regards téméi-aires fur les abî-
mes impénétrables de fa profonde fageffe fi différente de la leur, leurs pieds s*em-.
barraffcnt dans des filets d'où il ne peuvent plus fe tirer.
C'efi aux fimples que Dieu fe communique , dit le reipcétable Auteur des réflexions "arc. 10.
morales. '''■'
„ O mon Dieu! (s'écrie M. l'Abbé Duguet) qu'il eft digne de votre miféri- Exp. de u
„ corde de vous manifefter ainii aux humbles & aux petits , pendant que vous vous ^'^p'' ^^g*"
„ cachés aux fuperbes , afin que ceux qui ne voient point voient , £s? que ceux qui voient Ji^n- 9- î»»
3, deviennent aveugles f „
„ C'eft pourquoi il eft écrit, dit S. Paul, je détruirai la fageffe des fages & je,, cir. i.
„ rejetterai la fciencedesfavans.Qiie font devenus les fages ? Que font devenus les '?• '■"'
„ Doâreursdelaloi? . . . Dieu n'a-t- il pas convaincu de folie la fageffe de ce monde?,.
Car le Seigneur connaît que les penfées des hommes m font que vanité ^ dit le Roipr. 39. n.
Prophète.
Cependant malheur à qui s'enfoncera dans les ténèbres! Malheur à qui, ens'en-
durciffant contre les merveilles que Dieu fut fous nos yeux, méritera d'être livré
à l'efprit d'erreur! Malheur à qui s'accoutumera fi fort à regarder avec m épris ce
qui eft furnaturel , qu'il ne fera plus touché de celui qui autorifcra la roiliîon du
Prophète qui doit rétablir toutes chofes !
Si c'eft par les fruits qu'on doit juger de l'arbre, fuivant que nous l'avons ap-
pris de la bouche de J. C. que le letSeur confidére ce qu'à déjà produit l'œuvre
des convulfîons.
Il eft certain que Dieu s'eft fervi 6c fe fert de cette œuvre pour fiire publier,
eonnoître 6c aimer la vérité avec un fucccs bien autrement plus confidérable quen'a-
yoient fait tous les meilleurs Ecrits des Appellans : Une très grande multitude
de perfonncs de tout état 6c de toute condition , qui n'avoicnt jamais bien con-
*u le véritable efprit du Chriftianifmej 5c qui av oient le mallicur de vivre en
paLs
6 IDE'E DR VET AT DES CO NFU LS 10 N NJ F RES.
paix dans les ténèbres de leur ignorance, ontappcrçiidansles dilcours desConvul-
lîonnaires des traits brillans de lumicre qui les ont il vivement frapécs, qu'elles
le font au plutôt adreflees à des guides éclaires capables de les conduire dans les
voies du falut : quantité d'incrédules le font convertis à la vue des prodiges que
Dieu a fait & opère encore dans cette oeuvre. Combien de mondains & de pé-
cheurs dont la foi étoit prefqu'ctcinte , n'ont-ils pas été convaincus, touchés, at-
tendris, & vivent maintenant dans les rigueurs de la pénitence!
Auilî quels efforts le Démon ne fait-il point pour détruire une oeuvre quiluicft
fi contraire? 11 fou levé prcfque tout contr'elle : les amateurs du monde la regar-
dent avec le plus fouverain mépris : les Conftitutionnaircs la détellent parce
qu'elle découvre leurs erreurs : les Confultans ne peuvent la fouffrir, quoiqu'elle
fouticnne fi efficacement la caufe de leur Appel : quelques Appcllans ont même
publié les calomnies les plus atroces, non feulement contre les ConvuHîonnaires
dont la conduite peut en avoir fourni quelque prétexte , mais même contre plu-
fieurs de ceux qui vivent dans une grande piété. Enfin les puiflances de l'air
femblcnt liguées avec celles de la terre pour periccuter ceux que Dieu a placé
dans cette œuvre: on les traîne à Bicccrc, à laSalpétricre, dans les prifons : on
les y retient fans nulle forme de jullice , du moins la plupart: c'ell encourir la
difgracc de la Cour que de jullifier leur innocence : on ne leur laific aucun moicn
légitime de recouver leur liberté : on leur fait entrevoir que ce n'cll qu'en abju-
rant la Vérité qu'ils pourroicnt l'obtenir. Des prifons on en transfère à l'Hôpital:
on les y dépouille de leurs habits: on les revct de ceux des mandians : on les
traite comme des fcelcrats: on leur fait fouffrir toute ibrte d'ignominie: & afin
qu'il ne trouvent aucun fccours fur la terre, on pouffe la perfécution jufquecon-
trc ceux qui leur donnent quelqu'affillance. Mais la violence ne peut pas vaincre la
charité, lorfqu'il plait au Dieu des vertus de la bien enraciner dans le coeur.
Si celui fans la pcrmiffion de qui rien n'arrive, fouffrc qu'on traite les Convul-
fionnaircs avec tant d'inhumanité parce qu'il les a attachés à l'Appel, parce qu'il
s'en fert pour faire des miracles , & qu'il les rend quelque fois forcément des trom-
pétcs qui font retentir de toutes parts l'importance des vérités condamnées p.ir la
Bulle, il fiiura bien les récompcnfercn Dieu de tout ce qu'ils endureront pourfa
w j .caufe. J. C. lui même Icurcn adonné fa parole. Bien- heureux ^ dit ce divin Sauveur,
£€ux qui fouffrcnt perfécul ion pour la jiifiice ^ parce que le Roiaumedu Cieleft hetix !
Quelle preuve plus grande peut-on defircrquelcs ConvuHîonnaires font fcsinf-
tiTjmcns , que de voir la perfécution qu'ils éprouvent en haine des vérités qu'ils
publient par une impreffion furnaturelie à laquelle ils ne font pas maîtres de réfiller ?
Aâ. 7. îf. „ C'eir ainfi que Dieu fditle P. Qiiefnell a coutume de préparer par l'humilia-
tion 3c les rebuts, ceux dont il lé veut fervir pour fcs œuvres, foit les plus gran-
ibid. 4. II. Jpg ^ Çç^\j^ içj p|u5 petites. Plus on elt rejette, méprifé 2c pcrlccuté du monde,
,^ plus on c'a propre pour les œuvres de Dieu, dit-il plus haut. „
Aullî n'eii ce pas d'aujourd'hui que Dieu fe plait àfe fervir d'inlbumcns mépri-
fablcs aux veux dt la chair : il a quelquefois infpiré des cnfans fans intelligence : & il
fcmble que fa gloire & le merveilleux de fon opération en éclattent encore da-
I#jt.ii.iy.vanta2;e. Les eafans oui crioient dans le temple: hofanna falut t^ gloire an fils de
^ '*• David ^ étoicnt ca-taincment infpirés, puifque J. C. lui-même nous a apprisquc
rr. 8. 3. c'ell: d'eux dont le Roi Prophète avoit dit: vous avés tiré la louange la plus par-
faite de la bouche desrufans, (^ de ceux qui font encore à lama>/jel.'e. Surquoi S.Chri-
Hom. «7- Vofiomc fait cette réflexion. „ C'ell parler très jullede dire de la bouche : car ce n'è-
„ toit point l'intelligence de ces enfans qui leur faifoit prononcer ces paroles , mais la
„ vertu de Dieu qui dirigcoit leurs langues qui n'èioient pas encore déliées. ,,
Dieu
IBE'E DE VET AT DES CON FU LS 10 NN J IRES. >
Dieu peut donc infpirer des cnfans qui n'ont point encore Tufage de la raifon?
il peut leur faire déclarer les plus grandes Vérités, & s'en fervir pour les révéler
aux autres. Après cette preuve tirée du Nouveau Teftament, il n'eft pas permis
de foutenir, connme font quelques-uns des adverfaires des convulfions , qu'oa
ne peut pas parler par l'Efprit de Dieu lorfqu'on eft fans intelligence.
Au refte ce n'eil point là l'état général des Convulfionnaires, puifquc la plu-
part ne confervent que trop de liberté dans la plus grande partie des dilcours qu'ils
prononcent , ainfi que j'en rapporterai des preuves infurmontables : mais c'eft néan-
moins un des principaux prétextes dont ceux qui font les plus acharnés à décrier
les convulfions , fe font fervis pour prétendre que les Convulfionnaires ne parloienc
jamais par l'Efprit de Dieu. Ces MM. fe font vus réduits à fuppofercontrela Vé-
rité que les Convulfionnaires faifoicnt tous leurs difcours fans aucune intelligen-
ce, parce qu'ils n'ont trouvé que ce moien pour tâcher de fe débarrafier de
l^induétion accablante quiréfultoit du furnaturel évident de ces difcours, quel-
que fois ti-ès fublimes & très fuivis, 8c prononcés avec feu , avec nobleiTe 6c
dignité par des enfins & des perfonnes dont la plupart n'avoicnt nulle fcience ,
ni aucun talent naturel.
Il y en a à la vérité de "bien plus inftruits : car parmi les Convulfionnaires, il y
a pour ainfi dire des perfonnes de toute efpece. Non feulement il y a des gens de
condition, il y a même des miniilres du Seigneur, qui avoient déjà le bonheur
d'être perfécutés pour fa caufe.
Mais il faut convenir que Dieu a choifi la plus grande partie des Convulfionnai-
res dans l'état le plus bas ; ce qui ne peut les rendre fufpc(Sts& méprilables,qu'à ^
ceux qui ne connoifient pas les voies de Dieu. Ce ne fut point aux Grands du
monde : ce ne fût point à des Doéteurs , à qui J. C. manifella d'abord fon incai"-
nation: ce ne fût qu'à de pauvres bergers.
Pendant que toute la nature étoiî dans les ténèbres, une lumière divine les ^«-luc, i. >
vironna^ dit l'Efprit Saint.
„ Pourquoi J. C. (dit le P. Quefuel fur ce verfet) fe manifefte - 1 -il aux
„ fimplcs & aux pauvres plutôt qu'aux favansSc aux riches, finon pour nous ap- ''■^■' •'
„ prendre qu'il vient confondre l'orgueil des riches & la vanité des favans ? Sa
„ gloire (dit-il plus bas) éclattc d'autant plus que les inllrumens font plus foibles
5, & moins propres à fcs œuvres. „
„ Pendant que les Doélcurs (dit -il encore) s'endurciiïènt contre Févidencei,,.,
„ des miracles & attribuent au Démon les œuvres du S. Efprit , le peuple feul en
„ elî: touché: 6c du milieu de ce peuple, une femme élève fivoix , ôcrend té-
55 moignage à la vérité. „
Ce n'ell n'eft pas d'aujourd'hui que ceux qui fe croient de grands génies ont
voulu juger des œuvres de Dieu par la vanité de leurs penfccs , &; qu'ils ont
prétendu mefurcr fa lagefie fur la leur. II y a eu dans tous les âges du monde des
gens qui ontméprifé & traité d'infcnfcs la plupart des perionncs diftinguées par
des grâces furnaturellcs ; parceque le Très-haut dans la vue d'humilier l'orgueil
des hommes , a fouvent permis que ceux qu'il favoriioit par des dons du S. Ef-
prit, confervaflent en eux des chofes qui paruflcnt baflcs & puériles aux yeux deS
Grands, des beaux efprits, des charnels , & des amateurs du fiécle.
Nous voions par exemple que parmi les Juifs , ceux que l'Ecriture appelle enfani 4'P^3'S- ^t•
des Prophètes , étoient très méprifes , fur tout par les Grands , quoi qu'ils eufient des
dons furnaturels, & que Dieu les cmploiât quelquefois à de grandes œuvres , ap-
paremment parce qu'il y avoit en ces perfonnes quelque chofe d'extraordinaire
dans leur maintien, leurs manières , ou leur façon d'agir ou de parler. Un de ces
Ohjh-jat. II. Part. T'ume II. ' B enfan*
10 IDI?E DE UETJT DES CON rU LS 10 NNJ IRE S.
cnfans des Prophètes efl: envoie par Elifcc à Ramoth poury facrcrjéhu Roi d'If-
raël. Le jeune homme minijlre de ce Prophète ^ lelon que le qualifie l'Elprit Saint,
y va & trouve Jchu avec les principaux officiers de l'armcc. Il entre avec lui
dans une chamÇre fecrete &lui déclare que le Seigneur le choifit pour régner fur
fon peuple, 6c pour exterminer Joram Roi d'Ifraëlavcc toute lamaifon d'Achab.
En conicquencc il répand l'huile lainte fur la tête, l'inibuit de ce qu'il doit faire,
ouvre la porte &; s'enfuit. Jehu rentre oij ctoient les autres Seigneurs, ils lui font
une queftion qui prouve manifcftemcnt ainfi qucfaréponfe, le cas qu'ils font tous
Kc.i. 9. de celui dont Dieu vient dcfcrvir. ^'ejl-ceque ce fou là vous eji venu dire ; lui de-
*• " mandent-ils. Vousconnoijfésle -perfor.nage ^ repond Jéhu. C'cllainfi quc".ccs Grands
& Jéhu lui-même mépriicnt l'envoie du Prophète, 6c le traitent d'extravagant.
Mais qu'arrive- t-il un moment après? Le Trcs-haut agit fur leurs coeurs :Jèhu
rapporte ce qui vient de fc paffcr : 6c les grands Seigneurs apprenant de fa bouche
que celui qu'ils regardoient comme un infenfè, l'a lacrè Roi d'Ifraël, tous le rc-
connoillcnt pour leur Souverain, touss'emprcncnt de lui rendre hommage, tous le
fuivent avec joie. Heureux ceux qui abandonnent ainfi leurs faux préjugés, ôcfc
foumettent à la voix du Tout-puiflunt dès qu'elle fc fait entendre .'
Mais les plusgrands Prophètes eux-mêmes ont fouvcntété regardes comme des
Wd. i+. fous par les beaux cfpritsdeleur tems Je fuis devenu^ dit Jércmie, r objet de leur
tf. 7- 8. 'ifioqucrie pendant tout le jour. . . La parole du Seigneur ejî devenue pour moitinfu"
jet d'opprobre.
Enfin les Apôtres n'ont-ils pas été traité de gens ivres, lorfquele Saint Efprit
a:\. 1. is-ètoit vifiblement fur eux? Les uns étoient daas r admiration .y dit l'Ecriture •.mais
'^' les autres s'en moquoient, (^difoient. C'efi qu'ils font ivres l^ pleins de vin nouveau.
Apres cela on ne doit plus être furpris que l'Auteur des Vains efforts , ait oie dire
qucquclques unsdes SS. miiliqucs, quoi qu'il foient fanoniièsparl'Eglife, 6c que
p""»!,"^'"' -Dieu ait opéré des miracles parleurs mains ou à leur intcrccllion , avoient fait /«
extravagances les plus déclarées : ni à plus forte raifon qu'il ait traité les ConvuUîon-
naircs avec un mépris encore plus injurieux qu'il ne traite les Saints.
Apoe./.ij. Souvent les perfonnes favorifées de Dieu 0;// été fur la terre ., ditlcP.QvicfncI,
méprifées^ abandonnées ., regardées comme des fous.. . ^tclle différence entre le juge'
ment de T)ieu , 13 celui du monde !
jforiesjug':» •>-, Phis Ics moicns dont Dieu s'eft fervi (dit M. de Sacii paroifl'cnt à ces faux
ij- »»• j, fiigcs, rabaifics 6c cxtravagans,plus ils doivent s'accufcr eux mêmesd'cxtrav.a-
„ gance , 6c reconnoître la foiblcHc de leur efprit , puifque les chofes les plus mc-
„ prifables deviennent toutes puifTantes entre les mains du Tout-puillant :6c que
„ c'ell même pour la confufion de leur orgueil qu'il a emploie fouvent dans fes
„ plu-; grands ouvrages, ce qui choque davantage leur foiblc railbnnemcnt. „
C'efl un principe qu'il ne faut point perdre de vue , que les chofes les plus mé-
prifables deviennent toutes puiffxntcs entre les mains du Tout-puif/ant : car je ne prétcns
nullement canonifcr par les autorités que je viens de citer, toutes les avions des
ConvuUîonnaircs: je fuis au contraire très pcrfuadè qu'ils en font plufîeursencon-
vulfion, qui partent de leur volonté propre, 6c non de l'inllinét de leur état fur-
naturel , ainfi que je le prouverai d'une manière incontellable.
M.iis c'cll un principe très faux de prétendre que l'opération de Dieu de l'or-
dre furnaturel ne puilTc jamais fc trouver au milieu de circoniVances dont il ne
peut être l'Auteur. Nôtre indignité n'empêche pas toujours les opérations ni de
fa grâce , ni de la puiilance. Le Saint Kfprit foufHc où il veut , 6c non pas toujours
où il nous fembleriMt convenable qu'il le fît.
Des le tcms des Apôtres, il s'ècoit mêlé plulkius abus dans l'ufagc des don*
fur-
IDE'E DE VET JT DES CO NFU LS ÏO NN J IRE S. ir
furaaturels. Par exemple il y avoir des femmes & des filles qui prophétifoient la
tête nue, ce que S. Paul reprend comme une grande indécence. Il n'enconclud-
pas néanmoins qu'elles ne parloient point par l'impulfion de l'Efprit Saint : il le
îuppofe au contraire: ce qui eft une preuve incontellable que la prclencedcrEf-
prit de Dieu peut donc compatir avec des abusrcpréhenfilîles. Auffi la maxime
que donne S. Paul ell-elle: qu'il ne faut pas méprifcr les dons à caufe des abus,
ni autorifer les abus à caufe des dons : n'éteignes pas refp7-it , dit-il, neméprifés pas ' "^^"^ f-
les prophéties : éproui-és tout-., approuvés ce qui efi bon: abftenés vous de tout ce qui 11.''°' *''
a ^apparence du mal.
j, Par ces prophéties (dit Eftius fur ces paroles de S. Paul) l'Apôtre entend
„ en général tout difcours infpiré de Dieu, 6c proféré par fon mouvement
j, Or il ne veut pas qu'on méprife ôc qu'onrcjctte généralement ces fortes de dif-
j, cours, de peur qu'on n'étouffe & qu'on n'éteigne l'Efprit : & il aprend par là
„ à ne p;\s rejcttcr ni méprifer généralement & fans dillinftion les révélations
,, particulières. „
Je ne puis mieux terminer ces réflexions préliminaires, que par un paflage de
S. Auguftin qui détruit de fond en comble tout le fiftcme de ceux qui ont avancé
que tous les difcours faits par les Convulfionnaires, ainfi que tous les autres in-
ftinds de leurs convulfions , ne pouvoient venir de Dieu, 6c cclafur Icfeul fonde-
ment qu'ils n'avoicnt pss toutes les qualités des Prophètes. En particulier le
monltrucux écrit de l'Auteur des Vains efforts paroit n'être fondé que fur ce faux
principe que tous ceux qui n'ont pas toutes les qualités des Prophètes , ne peu-
vent parler par l'Efprit de Dieu dans un état furnaturel. Cet Auteur ne connoît
que deux degrés pour toutes clpcces de révélations : ou le degré fublime où font
élevés les Prophètes par état : ou de fimples inlHncts qui ne font accompagnés
d'aucune connoidance , ainfi qu'en eurent les foldats qui partagèrent les vêtemens
de J. C. 6c tirèrent fa robe au fort. S. Auguftin reconnoît au contraire qu'il y a
une infinité de degrés differcns dans la manière dont l'Efprit de Dieu peutfe com-
muniquer aux hommes , 6c que Dieu ell libre de diftrilDuer fes dons en fi petite
mcfure qu'il lui plait.
„ Les impreffions de l'Efprit de Dieu fdit-il) ne font pas les mêmes fur tous ^J (ïmpiïc.
„ ceux fur qui il agit. On peut être infpiré iîms le favoir , fmsmêmelefoupçon- i'."io-.°' ''
„ ner , fans pouvoir le difcerncr. On peut avoir des vifions 8c des fonges pro-
„ phétiques fans favoir ce qu'ils fignifient ni même s'ils fignifient quelque chofc
„ 6c fans s'en fouvenir comme Nabuchodonofor. On peuten avoir dans des exta-
„ fes oîi l'on ell totalement aliéné des fens, 6c dans le fommcil, oîi l'on eft fans
„ l'ufage libre de la raifon. Tous ces degrés de l'cfprit prophétique peuvent être
„ communiqués fcparément , 8c font tous inférieurs au don de prophétie propre-
„ ment dit. On n'eft fenfé avoir reçu le don de prophétie proprement dit, que
„ lorfqu'on en ufe avec liberté , qu'on fait ce qu'on dit, que l'on en a l'intelli-
„ gence , ^ que l'on eft affuré que ce que l'on a reçu nous vient de la part de Dieu.
Après ces réflexions préliminaires, encore plus propres à écarter lesobjeclions
qu'à faire concevoir quel eft l'état des Convulfiomiaires , tâchons de le dévelop-
per aux yeux du lefteur.
B 2 OBSER-
Ï2
OBSERVAT IONS
SUR L'ETAT DES
CONVULSIONNAIRES.
POUR pouvoir en donner une idée plus cxaftc , il n è faut pas confondre leurs
états diffcrens : il faut au contraire diftinguer d'abord leur état ordinaire
en convulfion, des extafcs qui font des états fingulicrsoii ils tombent affés fou-
vent : & il faut encore faire une claflc à part d'autres états extraordinaires , oiî
quelques-uns font tombés quelquefois , tels que les états de mort , êc les étatJ
d'enfance. Je traiterai dan> cette propofitiondetous ces differens états, en com-
mençant par l'état ordinaire.
J'obfcrvcrai d'abord que c'cft une erreur de s'imaginer que tout ce que font les
Convulfionnaires en convulfion foit furnaturcl :cVll à dire que c'eft fe tromper de
croire que pendant tout le tcms que les Convulfionnaires font en convulfion , ils
foicnt continuellement dirigés par une pu i fiance fupérieure, qui les remue com-
me des machines fans leur laifler aucune liberté, j'ai reconnu au contraire par
beaucoup d'expériences, qu'une pirtie de ce que font les Convulfionnaires en
convulfion n'a d'autre principe que leur propre volonté.
Il eil vrai qu'il y a vifiblcmcnt bien du furnaturel dans la plupart desconvul-
fions véritables : mais il s'en fuit beaucoup que tout ce quis'vpaOe ne le foit. Une
grande partie des actions des Convulfionnaires dépendent de leur libre arbitre : &C
j'ai même remarqué qu'ils gardent dans leur convulfion toutes leurs inclinations
bonnes & mauvaii'cs, & qu'excepté à certains égards , &: dans certains états que j'ex-
pliquerai, ils confervcnt prefqu'cmicremcnt leur liberté: d'où l'on doit conclure
qu'on y doit rapporter tout ce qu'ils font où il n'v a rien de furnaturel , à moins
qu'on n'ait d'ailleurs quelques preuves que ce n'elt pas alors leur volonté qui agit.
Ainfi je fuis bien éloigné du fcntiment de quelques pcrfonnes, qui ont écrit
contre les convulfions, apparamment fans en avoir vu , & qui paroifient pcnfcr
que les Convulfionnaires lont continuellement comme des automates qui n'agif-
ftnt que machinalement fims favoir ce qu'ils font.
Jl y a deux erreurs oppofécs qu'il faut également éviter pour fe former une idée
véritable de l'état des Convulfionnaires.
Les gens du bel air, qui ne jugent des convulfionsquepar les préjugés de leur
efprit , qui les portent à ne vouloir rien reconnoître dcfin-naturel , prennent le par-
ti d'attribuer à la force de l'imagination tout ce que les Convulhonnairesfont de
plusfurprcnant. Mais quand ils parlent ainfi, favent-ils bien ce que c'ell que l'i-
magination? Point du tout: & c'efl précifénient parce qu'ils n'en ont point d'i-
dée diftinfte, qu'ils lui attribuent ainfi une efpéce de pouvoir fans bornes.
L'imagination n'cll autre chofe qu'une vue de l'ame, qui apperçoit des images
qui fe préfcntentà elle à l'occafion des traces formées dans le cerveau indépendam-
ment de fil volonté : ou bien c'efi l'ame qui fe rappelle les imprcrnons que les objets
extérieurs ont fait, ou peuvent faire fur elle par le moicn des fcns , &: qui , en s'en
rappcllint le fouvenir, remue & ébranle quelques fois les organes de ion corps.
Voihi prérifémcnt ce que c'elt que l'imagination. Suivant cette définition qu<r
je crois exacte, je les prie de me permettre de leur demander , comment ils conçoi-
vent que cette vue ou ce fouvenir de l'ame j peut donner aux corps des Convulfion-
iviircs
IBEE DE VETJT DES CONFU LS lONNyîIRE S. i?
naires une force prodigieufement fupérieureà toutes celles de la nature, & les ren-
dre en quelque forte invulnérables? Comment ces affeftions de l'amc peuvent faire
faire tous les jours pendant plus d'une heure les difcours les plus fublimes, & les
mieux fuivis à des perfonncs ignorantes? Par quelle vertu auffioculte qu'incompré-
henfible , elles leur donnent le pouvoir de pénétrer lefecretdes cœurs, de guérir des
malades d'une manière évidemment miraculeufe, & de faire plufieurs autres cho-
fes dont le furnaturel eft évident ?
Mais fi d'une part il eft abfurde d'atribuer à la force prétendue de l'imaginati-
on toutes les choies vifiblement furnaturelles que font les Convulfionaires , d'autre
part ce n'eft pas une moindre erreur de regarder comme furnaturel tout ce que
font les Convulfionnaires pendant qu'ils font en convulfion. L'inftinétdeleurcon-
vulfion ne les anime pas toujours: 6c lorfque cet inilinétne les excite à rien faire j
Se que la convulfion ne produit aucun mouvement ni dans leur corps ni dans leur
îime , ils font prefque comme dans leur état naturel , quoi qu'ils ne ceflent pas
entièrement pour cela d'être en convulfion, parce que dans cet état tranquille,
leur ame continue toujours d'être plus dégagée des fcns qu'elle n'eft dans l'état
naturel , §c qu'il refte dans leur corps ime difpofition prochiùne à être remue
par la convulfion;
Il faut néanmoins obferver que quelquefois l'imprcfilon furnaturelle qu'ils reçoi-
vent en convulfion , les met dans certaines difpofitions qui font une fuite de cette
première imprefilon. Par exemple après qu'ils iont tombés en état d'enfance, 6c
que dans cet état ils viennent de faire un difcours ou quelqu'autre chofe vifible-
ment furnaturelle , il leur arrive afiez fouvent de fiire des badinerics auxquelles
ils Ibnt portés par les affections 6c les goûts enfmtins que cet état leur a îaifTés.
Ces puérilités à moins qu'elles ne foient des figures , ne doivent pas être regar-
dées comme une chofe furnaturelle, mais feulement comme une fuite du gniit
que leur a donné leur état d'enfance. Excités par la difpofition qu'ils fentent
encore en eux-mêmes, ils fe portent volontairement à faire ces niaiferics qu'ils
ne feroient pas néanmoins s'ils avoient repris l'ufage entier de leur raifon : ainfi
elles font bien l'eflFet de leur volonté , mais d'une volonté déterminée par une
diipofition formée par la convulfion.
En mettant à part ces fortes de difpofitions qui entraînent la volonté des Con^
vulfionnaires quoiqu'elles ne la forcent pas entièrement, 6c ce que le véritable'
inltinét de leur convulfion leur fait faire, quelquefois forcément, mais le plus
fouvent en y déterminant leur volonté , je puis dire que dans l'état ordinaire de
la Convulfion les Convulfionnairi's jouiflcnf d'une liberté prelqu'cntiere : 6c je:
prouverai même qu'ils coniervent quafi toujours quelque iorte de liberté , jufqucs
dans les chofes les plus furnaturelles que l'initinét de leur convulfion leur fait faire.
Or il eit inconteilablc qu'il faut mettre fur le compte des Convulfionnaires tout-
ce qu'ils font par leur pure volonté-, 6c même tout ce que leur imagination,,
qui peut iouvent être trompée, leur fait prendre mal à propos pour un inftin£t
de leur convulfion: 6c qu'on ne doit attribuera la convulfion que ce que le
Convulfionnaire fait par une impreffioniurnaturelle, ou par la violence extérieure-
de la convulfion.
Je vais même encore plus loin, 6c je dis que dans les chofes que l'inftînft de-
là convulfion fait faire aux Convulfionnaires, ils y mettent fouvent du leur. Or"
tout ce qui part de leur volonté, doit leur être généralement attribué, 6c non à
l'inltinct de la convulfion, qui n'a avec ces choies qu'une liaifonde concomi--
tance, mais non pas une union intime 6c réelle. Lorfque Dieu envoyé qucl-
qu-'indlind à un Convulfionnaire, il ne f empêche pas toujours de joindre à ce-
14 IDEE DE VETJT DES CO N TU LS 10 N N A I RE S.
que cet inftinct lui fa.it faire , des chofcs qui partent de fa propre volonté 6c qui
peuvent être dcfeftueufes. Il en cft de cela à peu près comme des f.iutcs qu'on
commet quelques fois en faifxnt une bonne œuvre. On peut, par exemple,
relient ir un mouvement de vanité en fatfarit une aumône conlldcrablc, quoiqu'on
ne la fiilc néanmoins qu'en vue de plaire à Dieu: or quoique ce mouvement de
vanité naifTc à l'occafion de la même action que la grâce a fait faire, il n'a ce»
pendant aucune union véritable avec cette grâce.
Ainfi pour juger fainement des convulfiohs , je fuis perluadé qu'il faut rcfpec-
ter le doigt de Dieu dans tout ce qui en porte le caractère: lui rendre glaire com-
me Auteur immédiat de tout fumaturel qui fc trouve marqué à fon coin: lui rendre
grâce comme Auteur de tout bien , par rapport à tout ce qui ell bon & qui n'ell pas
au dcffus de l'ordre ordinaire : donner à la nature tout ce qui eft dans la fpherc
d'activité : attribuer à l'homme tout ce qui eil péché , ou qui peut y tendre : fe
défier du Démon comme pouvant avoir reçu plus de pouvoir fur les ConvuHlonnai-
rcs que fur le commua des hommes, parce qu'il cil afles ordinaire que Dieu lui
en donne davantage fur ceux qui font dans un état fumaturel : mais ne rccon-
noitrc cet efprit ennemi de tout bien pour Auteur de quelque effet fumaturel,
qu'autant que cet effet tend viliblemcnt à établir quelque erreur, à corrompre le
coeur , ou à faire quclqu'aurre péché : & au furplus fufpendrc fon jugement toutes
les fois que la caufe immédiate d'un effet qui paroit fumaturel , ne nous ell pas
clairement marquée par quelque caraétére déciiîf.
11 cil: évident que li Dieu permettoit communément aux Démons d'agir fur
nos corps d'une manière fcnfiblc & qui ]\uut furnaturelic , ils uferoient de ce
pouvoir bien plus fouvent qu'ils ne font. Ils ne celîént de nous tenter parcequ'il
entre dans les arrangemens de î\ providence de leur en accorder ordinairement
la pcrmiffîon : mais il cil rare qu'il leur donne celle de produire aucun effet vifi-
ble. Ils ne peuvent pas même, à moins que Dieu ne juge à propos de leur en
laifler la puiflance, difpofer du corps du moindre des animaux: à plus forte
raifon n'ont -ils aucun empire fur celui des hommes, fuis une permilîîon fpé-
ciale & fingulierc, que Dieu ne leur accorde point à moins que cela ne cadre
à quelqu'un de fes dcffcins.
Il n'y a perfonne qui ait été mieux en état de nous apprendre jufqu'où peut
s'étendre le pouvoir du Démon, que S. Antoine que les Démons combattoicnt
vifiblcment & à force ouverte. Quoi qu'ils euTent reçu de Dieu plus d'une fois
le pouvoir de frapper fon corps, cependant on voit dans fa vie écrite parle grand
Vie Je S. S. Athanafe, & traduite par M. Arnaud d'Andilli , que S. Antoine répetoit fans
Ancoine. ^^çç^. ^ j^j djfciples , quc Ics Dcmous ne l'ont que foibleffe, C/ que tout leur pou-
>■ !'• voir fe réduit à des menaces.
Voici ce qu'il ajoute encore dans cet admirable difcours qu'il fit à fes difciplcs,
p. ^1. exprés pour leur faire connoitrc ^«f //f eft rimpuifancedes Dénions. „ Lorfque notre
„ Seigneur Mit-il) eft venu au monde, il a tcrralVé cet ennemi de notre falut ;
& toutes fes forces ont été détruites. Ainfi ne pouvant plus rien maintenant ...
tout leur pouvoir fc réduit à nous menacer. S'ils en avoient de nous mal fiiire,
il n'y a rien qu'ils ne tcntaffcnt pour cela , leur volonté étant toujours portée à
P w- \\ nuire aux hommes... S'ils avoient quelque puiflance, ils ne laiircroient pasen
„ vie un fcul des Chrétiens S'ils avoient quelque puiirancc ils ne riendroicnt
„ point en troupes, ils ncnous préfenteroient point des fantômes Scilsncfetranf-
„ figurcroicnt pas pour tâcher de nous tromper j mais leur pouvoir fécondant lem-
volonté, ils le contentcroient de noui attaquer fculs : car ceux qui ne manquent
pas de force , ne fc fervent point d'illufion^ ni de bruits pour nou» épouvanter :
„ mais
51
3»
n
55
35
35
3>
55
>5
55
55
55
35
55
13
53
55
/DTE DE VETJT DES CO NFU LS ION NJI RES. if
mais fans emploier tous ces artifices, ils ufentfoudain de leur puiflance pour
exécuter leurs delTeins. Les Démons au contraire, à caufe qu'ils ne peuvent rien,
fcmblent jouer lur un théâtre, changeant de figure comme pour étonner des
enfans par la multitude de tant de tantômcs Se de vifions i ce qui témoignant
leur extrême foibkire , nous oblige encore davantage aies mcprifer. Qiielqu'un
me dira peut-être en m'allcguant l'exemple de Job : comment elt-ce donc que
le Démon lui a pu faire tout le mal qu'il a voulu? ... Je répons que ce pouvoir P- fi-
n'eft pas procédé du Démon, mais de Dieu qui lui a permis de traiter Job de la
forte, afin d'éprouver la vertu: car ne pouvant rien de lui- même, il lui de-
manda & obtint cette permiffion : ce qui fait encore voir plus clairement que
cet ennemi mortel de notre falut, ne peut faire aucun mal aux juftes quelque
defir qu'il ait de leur nuire : car s'il avoit ce pouvoir il ncledemanderoit pas :
au lieu que l'aiant demandé, non feulement une fois, mais diverfes fois : il fait
afles connoîtrc quelle eft fa foiblefle &: fon impuiflance. Or il ne faut pas vous
étonner qu'il n'ait rien pu de lui même contre Job , puifqu'iln'afû nuire à un
feul des animaux qui lui appartenoient , qu'après que Dieu le lui eut permis. Sa
puiffance ne s'étend pas feulement fur les pourceaux : car ne lifons-nous pas
„ dans l'Evangile , que les Démons fupplioient notre Seigneur en lui difant :
„ fermettés-nous d'entrer dans ce troupeau de pourceaux. Qiie s'ils n'ont aucun luc s. 31.
„ pouvoir fur les bêtes, à combien plus forte raifon n'ont-ils point d'empire llir
„ l'homme qui eft créé à l'image de Dieu ?
Ce ne peut donc être que par un préjugé très faux, que quantité de pcrfon-
ncs font aujourd'hui portées à attribuer les eifcts iiirnaturcls au Dcmon avant
que de les avoir bien exam.inés , comme fi ce miferable forçat enchuîné par la
jurtice divine avoit un libre pouvoir d'agir fur les corps? C'efb démentir ce
que S. Antoine un des mieux inftruits de tous les hommes à cet égard, nous
en a appris : C'eft méprifcr le fentimcnt de S. Athanafc, qui a lui même rap-
porté ce difcours de St. Antoine pour l'inftruélion des fidèles de tous les fiecles
& pour fervir à nous éclairer fur ce fujet. Qu'elle témérité de préférer ainfi fcs
propres idées aux lumières de cet illuftre Père de l'Eglife, qui étoit la mer-z'eillsi-'<^<^- fur '«
de [on fié de (3 que Dieu a'uoit montré à S. Paul premier hermite ^ comme le défen-''^^\'il^ ^
feur invincible de la foi, ^ le fuccefTeur des travaux i^ du grand courage del'Âpôtri
S. Paul,^ dit M. Arnaud d'Andilli.
Il ne faut donc pas fuppofer aifément & fans preuves que ce fnit le Démon
qui agit, lorfqu'on voit un effet furnaturel qui a quelque chofe de réel ; Sic'cll
une erreur dangereufe d'attribuer à Dieu ce qui fa-oit opéré par leDemon, quelle
impiété n'ert-cc point d'attribuer au Dcmon l'opération de Dieu ?
Il eft fans doute que Dieu ne peut être caufe directe & furnaturclle de ce qui
eft mauvais, de tout ce qui eft faux, en un mot de tout ce qui eit péché : mais
avant de recourir au Démon , je crois qu'il faut attribuer à la nature tout ce qui
n'eft pas au dclTus de fcs forces; ou pour mieux dire il faut attribuer tout ce qui
eft mauvais l;ms être furnaturel , à la corruption de l'homme mife en oeuvre par
la fuggcftion du Démon, non comme opérant furnaturellcmcnt, mais feulement
comme tentateur.
Au rcftc , afin qu'on ne m'objeéle point des faits dont je n'ai pas eûconnoiflance y
Je crois devoir répeter encore ici, que je ne parle point dans cet écrit, ni des
Auguftiniftcs , ni des Vaillantiftes, ni de quelques-autres Convulfionnaires donc
les convulfions font dans des efpeces fingulieres ôcfufpcâres , & encore moins de-
ceux dont les prétendues convulfions ne font marquées par aucun effet furnaturel ^
êc qui peut-être ne font agités que par leur imagination. Ledétailoù ilfaudroit:
entrer
tS /DTE DE VETjr DES CO N FU LS 10 KN J I RES.
entrer pour développer toutes ces efpcccs différentes eft une mer toute pleine d';i-
bimes, ou je ne pourrois que hxire naufrage : encore un coup je neprctens rcprc-
fcntcr que l'état général des Convulfionnairesaui font attachés à la vérité, qui n'y
mêlent les erreurs d'aucune feétc, & dont la réalité des convulfions cil maniteftée
par des prodiges.
I. Je ne trouve que trois différences bien marquées entre l'état ordinaire des Con-
^]f,''.JJ!,'i'|j"j"vulfionnaires en convulfion , & leur état naturel.
convuifion- La première , qu'en convulfion leur ame ell bien plus dégagée des fcns , que
"""• dans l'état naturel.
La féconde, qu'ils font fujets à éprouver dans leur mcmtrcs, des agitations in-
volontaires.
La troifiéme , qu'ils ont differens inftinéts, qui les portent vivement à faire
certaines chofes. Leur ame étant plus dégagée des fcns lorfqu'ils font en convul-
fion que dans leur état naturel , elle a communément bien plus de pénétration &:
d'intelligence que dans fi fituation ordinaire. C'eft ce que je vais d'abord prouver.
A l'égard des agitations involontaires que les Convulfionnaires éprouvent dans
leurs membres > comme c'ell là le principal fujet de la critique de MM. les Con-
fultans, & de tous ceux qui réprouvent lesconvulfions, & que cette explication
demande un affcs grand détail, j'cmploirai toute la 5^. partie de cet Ecrit à faire
mes obfervations fur ce qu'on doit pcnfer de ces agitations forcées.
A l'égard des inllinéts des Convulfionnaires, le plus extraoï-dinaire eft celui
qui les porte à demander avec de vives inftances qu'on les frappe avec grande
force : ce qui a donné lieu aux i'ecours violens qu'on a très mal à propos appelles
meurtriers, puifquc loin de leur faire aucun mal, ils leur font très fouvcnt ne-
ceffaircs pour leur foulagement, 6c que dans leur extrême violence ils font pro-
portionnes à l'état furnaturel où fc trouvent alors les Convulfionnaires. I\Iais
comme la dcfcription de cet inconcevable prodige m'obligera de traitter en mê-
me tems plufieurs queftions très importantes, je remets à le fiire dans laqua-
triém.e partie de mes Obfervations , qui fera employée toute entière à examiner
ce qu'on doit juger des fecours les plus terribles.
il vais préfentcment rendre compte du furplus des principaux infiincts des Con-
vulfionnaires après que j'aurai fiit voir qu'ils ont en convulfion bien plus d'efprit
que dans leur état naturel.
Je parlerai cnfuitc de leurs extafes, ^ en mcme-tems de leurs difcours, & de
quelques dons qui ont quelque fois accompagné ces extafes.
Enfin je ferai mes remarques fur les états de mort , & les états d'enfance , où beau-
coup font tombés & tombent encore allés fouvent.
Après avoir ainfi fait une exaéte analifc de l'état véritable des Convulfionnai-
res , il me fera aifé de faire voir la faufletc de ce qu'avance l'Auteur des Vains ef-
forts, en difantquclcs Convulfionnaires font dans une cfpece de fureur, dans la
démence , dans une véritable folie : le lecteur convaincu par des faits incontelta-
blcs, fcntira lui-même que cette fuppofition n'cll qu'une pure calomnie, égale-
ment dénuée de fondement, de vrai-femblance , Se de tout prétexte.
C'eft un malheur que prefquc tous ceux qui ont écrit contre les Convulfionnai-
res, l'aient fait par pure prévention, 8c aient icfufc obllinément d'examiner leur
état: mais ce malheur n'cft proprement que pour ces Auteurs téméraires. Qu'ils
font à plaindre d'avoir publié tant de calomnies contre des innocen< (ans avoir
voulu les voir ni les entendre. Ellimons au contraire heureux ceux qui étant dé-
criés i\ injuftement, le fouffrent en patience dans la paix 6c lach;u-ité de J. C
qu'ils ne ccflcnt de prier pour leurs calomniateurs.
/!)£'£ DE L'ETJT DES C 0 NFU LS lONNNJ IRE S. ly
Il eft de notoriété publique que les Convulfionmiircs en général, ont ordinaire- ir.
ment beaucoup plus d'cfprit , de pénétration & d'intellieence lorfqu'ils font en \)^ '^°''
convuliion, que dans leur état naturel. Chi voit juiqu'a de ieuncs filles extre-on cimmu-
mcment timides, dont le fond n'eft qu'ignorance & llupidité, qui dès qu'elleSd.'^,'Jl°,"^ '''^''
font en convuliion parlent néanmoins avec exactitude, avec feu, avec élégance, con^u'^on
tantôt de la corruption de l'homme par le péché orginel : de la nécefîîtè de la?"ur /«"ni-
grâce du Sauveur pour s'en garcntir, & faire faintementfes actions : del'impor-'"'!-
tance qu'il y a de demander a Dieu cette grâce, toute gratuite de Çx part : de
l'obligation indifpenlablc de fiirc toutes nos œuvres en vue de lui plaire: dube-
foin que nous avons de reparer par de dignes fruits de pénitence, celles qui font
mortes par le defiut de ce principe : de toutes les autres Vérités de la foi 6c de la
morale chrétienne condamnées dans la Bulle, & combattues parle grand nombre:
tantôt du miftere d'iniquité qui s'opère au milieu de l'Eglife à la faveur de cette
conflitution : enfin de tout ce qui concerne 6c intérefle la religion. Auffieil-on cha-
que fois nouvellement furpris : non feulement d'entendre parler de tel les perfonncs
avec énergie , dignité, élévation 6c d'une manière tout à fiit touchante 5 mais en-
core de la façon pleine de piété 6c de lumière dont elles répondent fouvcnt auxque-
llions qu'on leur fiit. Sont cc-là des traits de fureur, de démence, de folie?
Auflî M. Poncet qui elt un de ceux qui ont fuivi les Convulfionnaires avec le+e. iet.r.6+.
plus d'attention, déclare t-il qu'il en a „ vii un grand nombre (6c qu'il les a) exa-
,, minés (avec grand foin.) Je n'en ai point vu ( dit il ) pendant fes convulfions;
„ qui ne m'ait paru élevé au dcfllis de fon état naturel : qui ne m'ait paru avoir
„ plus d'efprit , raifonner avec plus de fuite , 6c faire des réflexions dont je crois
„ qu'il aaroit été incapable hors de convulfion. „
Mais ce fait n'eft pas feulement de notoriété publique. Soit que l'on confultc
l'autorité, la r.iifon, ou fa propre expérience, tout nous apprendra qu'il a dû être
néceiïiiirement une fuite de l'état furnaturel où font les Convulfionnaires.
On ne peut pas nier quel'ame d'une perfonne en convulfion , nefoit plus déga-
gée des fens que dans l'état naturel: il y a même pluficurs Convulfionnaires dont
les membres deviennent alors prefqu'infenfibles, parceque leur ame eft jufqu'à
certain point diftraite par rapport à fon corps. L'infenfibilité dans l'état "naturel
n'eft jamais produite que par l'abience, ou le défaut de mouvement des efprits
animaux : mais il en eit tout au contraire de l'infenfibilité qui naît de la convul-
fion. Celle-ci eft fouvent accompagnée d'une affluence excefiîve des efprits ani-
maux qui coulent avec impétuofité dans les membres, ce qui donne quelquefois
à quelques uns d'cntr'eux une force tout à fait extraordinaire. L'infenfibilité
qui vient de la convulfion ne provenant donc pas de l'inaction des clprits ani-
maux, elle ne peut avoir pour caufe que le dégagement plus ou moins grand où
l'ame eft des fens, qui fait qu'elle n'eft que très peu fcniiblc à leur imprcfilon.
Il eft donc inconteftable que Tame eft moins vivement frapée en convulfion
que dans l'état naturel par l'imprefiion que les fens font ordinairement fur elle?
Or l'autorité des hommes les plus fivans 6c des plus grands Théologiens , les lumiè-
res de la raifon 6c notre expérience perfonnelk , concourent enfcmblc à nous in-
ftruirc, que plus l'ame elt débarraflee de l'impreffion des choies extérieures,
plus elle a d'a£tivité;_plus elle eft propre à former des pcnfées: plus elle cftfuf-
ceptiblc de lumières.
Philon pofe poiu* principe que ïanK: eft d' autant fins à elle ^ qu'elle eft plus Lbre
i^ plus dégagée des fais.
S. Thomas donne pour maxime que dans rabftraBion des feus ^ V ame eft plus à
portée de recevoir les iùftuences des efprits.
Obferi-at. IL Part. Tome IL C Au
i8 IDEE DE DETAT DES CON FU LS 10 N N A IRES.
Au relie notre raifon feule fuffit pour nous faire concevoir que lame eft d'au-
tant plus à elle-même, que l'impreflion que lui font les objets qui l'environnent
cft diminuée : que pour lors elle cfl plus en état de s'élever à une pénétration
plus grande , de former des penfées 6c de les développer , parce qu'elle n'en eft
plus détournée par les diftraftions que fes organes & fcs fcns lui caufent prefquc
fans ceflc : qu'étant moins abforbée dans h matière , elle reprend fon activité na-
turelle, fe trouve par là plus de lumière, & des connoiflanccs plus claires que
lorfqu'elle étoit plus occupée par fes fcns : &: que comme alors elle conçoit d'une
manière plus nette & plus diilincte toutes les idées qui lui viennent d'en-haut , il eft
naturel qu'elle les exprime d'une façon plus vive , plus exaéte & plus lumineufc.
Mais au moins rapportons-nous en à notre propre expérience. Qui clH'homme
qui n'a pas éprouvé lui-même que lorfquc l'on veut approfondir quelque pcnfée,
on fc porte naturellement à' faire tous les efforts pour débarrafler fon ame, autant
qu'il eft en foi, de Pimprcflîon des fcns? On ferme les yeux : on voudroit s'il étoit
pofîible, oublier fon corps pour le tems auquel on s'applique profondément à pé-
nétrer ce qu'on a dcflcin d'eclaircir : ôccn parvient par là à former des idées plus
dégagées , plus dilHnéVes , plus claires, êc on les explique avec plus de juilefre.
Ce qu'on ne fiiit dans l'état naturel qu'en s'efforçantdelefaire, la convulfion
le produit elle même dans les Convulfionnaires. Son efïctcft de rendre quelque-
fois le corps qualî infenfible, & prcfque toujours de donner à l'ame une péné-
tration extraordinaire 6c de la rendre capable de former les plus gi-andes idées.
Mais il eft à obferver que cet état n'affoiblit pas toujours les pallions, parcequ'il,
n'ôte point la liberté : 6c par conféquent il ne rend point les Convuliîonnaires
incapables de pécher, ni même de mêler les defiuts de leur propre efprit avec
les lumières furnaturcUes que l'inftinél: de leur convulfion leur donne quelquefois.
Je pourrois rapporter une multitude de faits qui prouvent invinciblement que
l'effet ordinaire de la convulfion eft de donner à l'ame plus de lumières, d'aéti-
vité 6c de facilite à concevoir les chofes , même les plus élevées : mais pour éviter
un trop grand détail, je mécontenterai de citer l'exemple de Madelaine Durand ,
par rapport à laquelle ce fait eit certifié par plufieurs grands Magillnits, 6c
quantité d'autres perfonnes au delTus de tout foupç^on.
Ils ont entendu ainfi que moi cette jeune Convullionnaire, de labouchedc qui
fortoit un cancer affreux, dont elle a été guérie dans le cours de (a convulfions
par des opérations auffi étonnantes 6c aufli évidemment furnaturellcs que la gué-
rifon miraculeufe qui en a été la fuite, fiirc de très beaux difcours dont elle ctoit
naturellement tout-a-fait incapable. J'en rapporterai le fait 6c les preuves dans la
quatrième jxirtie de mes Obfervations.
Cette jeune enfant hors de convulfion étoit d'abord fi timide 6c fi farouche qu'-
on ne pouvoir tirer d'elle une feule parole, 6c qu'elle paroifloit prefqu'imbecile.
Cependant auflî-tot qu'elle étoit en convulfion, ellercpondoit à tout avec tant
de juHefle : elle fembloit avoir tant de pénétration , qu'on l'eiàt prife pour une per-
fonne qui auroit cû de grands talens naturels, 6c l'éducation la plus parfaite.
Prcfque tout ce qu'elle difoit étoit rempli d\ine pieté li tendre, qu'elle enchan-
toit les fpcéf ateurs : fa morale étoit (x pure & fiexaftc que ceuxquinela voioienc
qu'en cet état, la croioient très inilruite de fi religion. Néanmoins on reconnut
peu après, que hors de convulfion elle ne favoit fculemcn't pas fonCatèchifme,
flc l'on fût obligé de le lui faire apprendre. Quoique fon vifage fit horreur, l'air
pieux 6c modellc qui accoinpagnoit les paroles, faifoit oublier la figure: onfuppor-
loit volontiers l'extrême puanteur qui fortoit de fa bouche , pour avoir la fatisfa«Eli-
€>u de ^entendre p.uler. Car non feulement elle prcnoitoccalion de prefquc toutes
les
IDE'E DE L'ETJT DES CO N FULS lONN AIRES, ip
îcs quellions qu'on lui ftifoit pour dire des chofcs fi belles 8c fi édifiantes qu'on en
ctoit toujours étonné , mais même plufieursfois par jour elle élevoitfcs regards &
fes mains vers le ciel , ou fc proftcrnoit le viflige contre terre : 6c en cette fituation
elle faifoit des difcours qui duroient quelquefois près d'une heure, & qui étoient
remplis de pcnlees très fublimes, ainfi que d'images très vives 8c très frapantcs.
Mais quoique les Convulfionnaires, au moins la plupart, aient bien plus de lu-
mière en convulfion que dans leur état ordinaire , cette lumière n'eftpas toujours
furnaturelle : fouvcnt elle n'ell l'effet que de l'aftivité de refprit qui s'augmente à
mefiire que l'ame cft plus dégagée des fens. Il y a même quelques exemples
que des Convulfionnaires fe font lérvis de la fijperiorité d'efprit qu'ils avoient en
convulfion , pour faire des mémoires qui ne regardoient que des affaires tempo-
relles. Aufii cette lumière ne iubjugue-t-clle pas toujours leurs paffions , ainfi
que je l'ai déjà obfervé : 8c je fuis même perfuadé qu'ils peuvent quelquefois en
faire un mauvais ufagc.
Non feulement les Convulfionnaires confervent de la liberté dans l'état ordi- i n.
naire de leurs convulfions , mais ils en confervent même dans les chofcs où ils fem- con'v'u'iw
blent n'agir que par l'impulfion de la convulfion, 8c par des impreflîons furnaturel- "■*''"•
les. C'eft ce que je vais prouver en rendant compte des diffcrens inftincls que leurs
convulfions leur donnent.
Ces inftinéls les portent principalement lo. à panfer des malades lo. àfiiire dif- t v.
fcrcntes repréfcntations. 50. à s'impofer des pénitences très rigoureufes. d«^"'iujes'
Ils panfcntlcs malades de deux laçons différentes. Qiiclque fois c'eft fimplement
en faifant pour eux des prières, en leur appliquant des reliques du B. M. de Paris,
8c leur faiiànt boire de l'eau oli ils mettent de la terre prife auprès du tombeau de
ce S. Appellant : mais le plus fouvent la convulfion les porte outre cela à fuc-
cer les plaies les plus dégoûtantes, & quelquefois elle leur fait prendre fur eux-mê-
mes les fimptômes extérieurs des maladies dont ils demandent à Dieu la guériibn.
Comme la première manière de panfer les malades n'a rien par elle-même où
le furnaturel foit marqué d'une manière bien frapante , 8c qu'au furplus j'en ai
déjà tiré les conféquenccs dans la première partie de cet Ecrit , je ne m'y arrêterai
point ici : je me bornerai à faire mes remarques iur les circonftances étonnantes
dont la convulfion accompagne fouvent ces panfemens, en leur faifant fuccerlcs
plaies , ou recevoir fur leur corps les fimptômes des maladies.
Ces panfemens ont été fi fréqucns, 8c vus par un fi grand nombre de pcrfon-
nes , qu'ils n'ont nul befoin d'être prouvés, ainfi je mécontenterai à cet égard de
rapporter feulement le témoignage de celui qui a fùivi 8c examiné les Convulfion-
naires avec plus de foin.
„ Ils pimient (dit M. Poncet) des ccrouelles ouvertes, pleines de pus 8c hor-
„ ribles avoir. Ils les lèchent : ils en attirent le pus avec la langue : ils lesfuccent[*J','' •'" '"
„ jufqu'à ce qu'ils aient parfiitcment nétoié les plaies : ils l'avalent fansenrcce-
„ voir aucune incommodité: ils lavent les linges qui ont fcrvi de compreffc dans
„ de l'eau qu'il boivent enfuitc. Il y en a pluiieurs qui avant que d'entreprendre
„ ces horribles panfemens, en ont toute l'horreur que nous en aurions nous-
„ mêmes fi nous étions condamnés à les faire (mais) . . . cette horreur paffeau-
„ fiî-tôt qu'ils font déterminés à obéir. „
Il faut ajouter à cet article ce que le même Auteur rapporte plus haut par rap-
port aux fimptômes des maladies.
„ Y a-t-il rien (dit-il) de plus furprenant 8c de plus évidemment furnatu-
„ rel, que de prendre la maladie d'une autre pcrfonne , 8c d'en avoir tous les
,5 fimptômes? Y a - 1 - il uo plus grand prodige quand on ell affui"é des faits , 8c
Ci „ qu'on
10 IDE'E DE L'ETJT DES CONVULS 10 NN AIRES.
„ quon eft certiiinde ne pouvoir être trompé comme on l'cft ouand on voit que
„ cela arrive à zod. pcrfonnes . . . qui portent ce caradere par état, Se en qui on
„ le remarque tous les jours & à toutes heures?
„ Il arrive fouvent aux Convulfionnaires (ajnutc-t-il plus bas) de prendre les
„ maladies kins favoir fi les çerfonncs font malades, ni la nature de leurs maux :
„ ils en font inlhuits par le Icntimcnt de douleur qu'ils éprouvent dans les mêmes
5, parties. Il iuffit quelquefois de leur dire de prier pour des pcrfonnes mabdcs
„ fans leur dire qui elles lont ... on les voit fur le champ reprcfenter l'état de
„ ces pcrfonnes, & deviner quelle cil leur incommodité.
tH- '44- M Ou voit fouvent (dit-il cncorcj les malades dont les Convulfionnaires prcn-
„ ncnt les maladies, perdre le fcntiment de tous leurs maux dans le tems que les
„ Convulfionnaires les éprouvent. ,,
Si de pareils faits dont je pourrois rapporter quantité d'exemrplesainfi que fait
M. Poncet , n'étoicnt pas arrivés iournellcment pendant plufieurs années, & s'ils
n'avoient pas été vijs par une multitude innombrable de pcrfonnes, ils ne feroicnt
pas croiablcs: £c peut-être ceux qui vicndaront après nous ne pourront-ils fc les
perfuadcr; mai<s on ne peut les révoquer en doute,, fur -tout à Paris , où petits2i
grands, gens de tout efpece en ont été témoins.
Mais quelques extraordinaires que foicnt ces panfemens , quelques contraires
qu'ils loient à la dclicatcfle des répugnances les plus naturelles, î^: quoiqu'il y ait
dans tout cela un furnaturel évident, je ne balancerai jwint à dire que lesConvul-
lionnaires font la plupart de ces panfemens avec une forte de liberté. Je n'ai bc-
loin pour en convaincre pleinement le Icftcur, que de le prier de faire lui-même
attention aux figues extérieurs de tout ce qui fe pailc poui- lors dans l'ame dc3
Convulfionnaires.
Rapportons en un exemple bien caraftcrifé , ^ que le leéleur daigne y Paire fes
réflexions: pour peu qu'il confulte fa propre raifon, il fera bientôt tout aulfi pcr-
fuadé que moi , que les Convulfionnaires agiflcnt en cela avec liberté, au moins
jufqu'à certain poiut.
On apporte aux pieds d'une Convuliîonnairc une petite fille pale, étiquete qui
iroît moribonde. Aulfi-tôt que la Convulhonnairc l'appcrçoit, la joie fc pcmC
ur fon vifigc: elle ell intériciu-ement inilruitc par l'inllinétdeficonvulfion, que
cette jeune fille a une jambe pourrie pardcsécrouellcs: elle le déclare aux anillans
6c clic remercie le Seigneur avec de vives aélions de gr.ices de ce qu'il lui com-
mande de la panfer. „ N'ell-il pas juile ô mon Dieu! (s'écric-t-cllc tout haut
„ dans le tranfport qui l'imime) n'ell-il pasjuftc qu'étant dellinés à être tous en-
j, femblc les membres de votre fils nous prenions part aux maux les uns des autres ^
j, Non mon Dieu, je ne crains point de prendre fur moi une partie du venin qui
„ confomnie cette enfant , &: qui a déjà pourri un membre de fon corps 1 Ne fuis-
„ je pas trop heurcufc que vous daigniés m'cniploicr à cette œuvre de milcricor-
5, de ? Vôtre puifllmcc fins bornes ne tardera pas à nous guérir toutes deux, poiur.
„ faire éclatter qu'elle cft vôtre bonté fur tout ceux qui mettent en vous leur.
„ cfpérancc. ,,.
Elle prend avec cmprcfTcmcnt la jambe de cette petite fille : clic ôte toutes les ban-
des dont elle efl. enveloppée: elle levé enfin un linge tout imbibé d'un pus rougea-
tre & gluant, qui découle fans ccfic d'un grand nombre de trous qui percent
cette jambe de tous les côtés. Plufieurs de ces trous font fi larges &: fi profond.^
«qu'ils tout apperccvoir Vos, do»it. Li noirceur cil un fignc certain qu'il cit aufii
corrompu que les chairs. Aufll-tôt tout l'air de la chambre cil infeftc d'une puan*
tcur inlupporcablc. Le coeur de tous ceux qui yfoatfc foulcve : cette jambe leur
jaroit
l
IjDE'K de LETJT des CONFULSIONNJIRES. Il
paroît plutôt celle d'un cadavre à demi pourri que d'un corps vivant.
La Convulfionnairc pâlit elle-même à la vue d'un objet fi affreux & fi dégoû-
tant. Elle ne peut s'empêcher de reculer d'horreur. Tout ion corps frémit & trem-
ble lorfqu'clle penfe qu'il lui eit ordonné de fiiccer toutes ces plaies. Elle paroît
incertaine fi elle pourra fe refoudre d'obéir. Ses yeux verfcnt des pleurs : fon amc
ell toute troublée : tous fes mouvemens font connoîrre le combat qui fe paiTe dans
fon cœur. Enfin élevant fes regards vers le ciel, elle s'écrie. „ Venés à mon fc-
„ cours, ô mon Sauveur, dont la grâce eft toute puifllinte! Vous voiez qu'elle eft
„ ma foiblcflc ! je vous beniflois de m'avoir deftinee à panfer cette jeune fi lie fi dig-
„ ne de compafiîon : maisàlavûedefes plaies, l'ardeur qui m'imimoit s'cil tout à
„ coup éteinte. Jcfcns que le cœur me manque? Tout mon courage s'eft évanoui.
„ Ha ! Si vous m'ordonnez une chofe pour laquelle j'ai tant de répugnance , don-
„ nez-moi donc en même tems la force de l'exécuter. Ha Bien-heureux Péni-
„ tent ! Hàtez-vous d'être mon intercefleur. Je fuis une de vos fervantes : je
„ porte vos livrées: votre nom eft gravédansmoncœur: obtenez du Tout-puif-
„ lant que la force de fi grâce furmonte ma foiblcfle. „
On voit dans ce moment le vilagc de la Convulfionnaii-e reprendre fes couleurs-
naturelles : le calme paroit avoir fuccédéau trouble qui l'agitoit : elle s'approche
de la jambe infefte dont les chairs tombent en poun-iturc : elle y préfente fa bou-
che, mais aufli-tôtelle la retire : elle n'ell point encore maîtrefie de fon cœur : elle
aencorebefoin de jetter quelques regardavcrsle ciel. Enfin pour forcer la réfiilan-
ce qu'elle fent en elle-même , elle prend tout à coup le parti de précipiter fa bouche
ouverte fur la plus large de ces plaies. Des qu'elle a commencé une première fois
à la fuccer, elle paroit n'y avoir plus de peine: & fes prières ne font plus que
des aétions de grâces de ce qu'il a plû au Seigneur de lui faire vaincre fafoiblefic.
Qui ne voit ici un combat entre le mouvement de la convulfion & celui del.i
nature qui y refiile. La Convulfionnairc loin d'être privée de toute liberté , fent en
elle même deux volontés contraires : la loi delà chair s'oppofe à celle de l'efprit ,
&ce n'cftquepar la prière que la Convulfionnairc obtient la force de vaincre en-
fin fes répugnances.
Loin que les combats intérieurs qui fe pafient afies fréquemment d'ans Pâme dès-
Convulfionnaires , &: dont il eftaifé de s'appercevoir par les fignes extérieurs qu'ils-^
en donnent, doivent faire croire qu'ils n'ont pour lors aucune liberté, ilsmeparoif-
fcnt au contraire une vive image de la manière dont la grâce opère dans les cœurs..
Elle y fait d'abord naître de faintsdefirs: elle excite enfuite la volonté à les exé-
cuter: elle la détermine lans la contraindre : elle triomphe des refiftanccs de la
nature- fins les détiuire: Se tout cela , à ce qu'il me fcmblc, à peu-prés de ln-
même manière que fiiit ici l'infiinél de la convulfion.
La petite fille, après avoir été panfée de cette façon pendant quelque tcms,^»*,
été enfin parfaitement guérie de fes écrouelles.
Ceux gui font tous leurs efi^orts pour décrier les Convulfionnaires, n'ont ofe-
nier ces faits : ils font trop publics. Le parti qu'ils ont pris a été de s'en moquci:,,
de les traveftir & de les repréfcnter avec un mafque ridicule..
Mais quel eft l'aveuglement dans lequel leur prévention les précipite? Quoi!'
Ces grands Théologiens ignorent-ils donc que ce n'ell pas d'aujourd'hur que-
Dieu a fait des miracles accompagnés dcfemblables circonrtaHces,'6cque ces mi-
racles font depuis long-tcms confacrés par la vénénition des- fidèles.? N'ont-iis-
donc jamais lu les vies des SS. miftiques, ôclesBulles des Papes qui ontmanifef-
tc leur gloire ? S'ils les ont lues , par quelle fatalité ont-ils doncoublié que de pa-
reils faits ont été cuioniféspar les Souverains Pontifes duxQnfentement de teute^
C 3, l^Er-
-ir IDE'E DE VET JT DES CONf^ULSTONNAIRES.
l'E^liic ? Je pourrois en produire quantité de preuves , mais il fuffit d'en citer ua
rouf exemple: il eft appuyé d'un telle autorité qu'il n'en faut pas davantage pour
confondre toutes les oDJeftions que font à cet égard les advcrl'aircs , 6c pour con-
vaincre de témérité toutes leurs vaines déclamations,
v-edeusre L'Autcur dc la vie de Stc. Madelaine de Pazzi rapporte „ qu'un matin après
'■ ^**' „ qu'elle eut communié, étant ravie en cxtafe, elle courût au lit dc la mère Or-
,, landi dangereufcment malade d'une efpccc de leprc. . . qui occupoit particulie-
„ renient la tête. D'abord qu'elle y fût , elle leva les linges qui couvroicntfatétc
„ & la Iccha toute entière , 6c particulièrement les oreilles , s'arrétant aux lieux
„ les plus infeéts , ôc icmbhmt en vouloir tirer avec fa langue tout le venin. Cct-
„ te grande aélion de la plus ardente charité plût fi fort à J. C. qu'il rendit en
„ peu de jours la lanté à cette pauvre affligée , qui toute pleine de rcconnoiflancc
„ pour fa bienfaitrice , en a donné ladépofition en jullice, 6c a confirmé par fcr-
„ ment qu'elle devoit ce grand miracle à l'interceflîon de l'incomparable fœur
„ Madelaine. „
Le Pape Clément X. a cru que ce miracle, quoiqu'il ne fût pas fubit,ctoit fi
digne de la grandeur 6c de la fageffc de Dieu, par la circonllance de la charité
extraordinaire qui en avoit été l'inlbument , qu'il n'a pas balancé dc le propofcr
aux fidèles dans la Bulle de canonifation de cette Sainte, comme un objet capa-
ble d'édifier leur foi, d'animer leur piété, 6c dc leur faire vivement fentir com-
BuUedïCie- bien une charité fi hcroïqueavoit plu à celui qui l'avoit infpirée. „ Elle rendit
«""' *• „ (dit ce Pape) la fanté à la ibcur Bénigne Orlandi qui étoit malade d'une galle
„ qui la pourrifloit : 6c elle fit cette gucriibn en léchant avec la langue le pus qui
„ fortoit de fcs plaies. „
LamêmeBuUc fait encore mention de deux autres miracles faits par cette Sainte
ix-XTitaliénée de fcs feus comme les Convulfionnaircs, l'un fur la /à-wr Foi malade
d'un retirement de nerfs , l'autre fur la fœur Chérubine de Rabatha qui avoit un
horrible ulcère à la tête.
Le Pape obferve encore dans un autre endroit de la Bulle que „ l'ardeur dck
„ charité avec laquelle elle fervoit les malades étoit iî grande , qu'il arriva une
„ fois qu'elle netoia avec fa langue la pourriture 6c les vers de deux plaies horri-
„ blcs: 6c comrrte elle Icchoit les cavités de cette plaie qui étoit toute pourrie, elle
„ s'écria. O que Jefus a beaucoup plus fouffert que nous ! Une autre fois elle le-
„ cha de même avec fa langue les croûtes d'une horrible galle que la focur Barbe
„ dc Baflls avoir fur fon corps, 6c qui n'ctoit pus fort diftcrcntc dc la Icpre. „
Le Pape ne dit point que ces deux panfcmens aient produit la guériionnides
deux plaies horribles, ni de cette horrible galle. Il ne rapporte ces deux derniers
faits que comme des preuves d'une ardente charité, qui n'avoit pu être infpirée
que par celui qui ell le principe de toute vertu.
11 fcmblc que le Saint Efprit qui a prévu de toute éternité qu'on traiteroit aujour-
d'hui avec le plus fouvcrain mépris de pareilles aftions , maigre les prodiges 6c les mi-
racles dont elles font fouvent accompagnées, ait voulu profcrire par avance, 6c
condamner par cette Bulle tous les vains prétextes dont on cherche à s'autorifcr.
On ofe tourner en ridicule des guérilbns évidemment miraculcul'es, prccilc-
mcnt parce qu'elles font faites avec les mêmes circonilances que Stc. IVladelainc
de Pazzi a opéré la guérifon de la focur Orlandi : S-c voilà que Ir Pape Clément X.
relevé cette action de la Sainte, comme une vertu digne de l'admiration de tous
les ficelés, 6c qui aiant été canonifce de Dieu mcmc parle miracle qui en a été en
quelque forte l'ctTct, doit faire l'objet de la vénération de tous le.s (Chrétiens.
Ce qu'on a objecté dc plus Ipccicux aux Convulfionnaircs par rapport à ces
p;mfc-
IDrE DE VETâT DES CONFULS ION NJIRES. 25
panfemens, c'cft, comme difoit M. Fouillou, que ces panfemens neréuffiffent pas
toujours : & voila que le Pape rapporte dans fa Bulle de pareils panfemens faits
ptir une Sainte qui ne paroiflent pas avoir été fuivis d'aucune guérifon : ce qui
n'empêche point le Pape de regarder comme un grand préfcntdu ciel , Vardeur
de h charité qui les lui a fait faire.
Si cette Sainte n'a pas toujours obtenu de Dieu la guérifon des maladies qu'il lui
mettoit au cœur de panfer d'une manière fi étonnante, quoique ce fût une grâce
fumaturelle qui lui donnoit la force de vaincre ainfi toutes les répugnances de la
nature , on ne doit p;xs être furpris qu'il traite de même les Convulfionnaires , 6c
qu'il ne leur accorde pas toujous la guérifon des maladies que l'inftinâ: de leur
convulfion les porte à panfer.
Celui qui refifte aux fujjcrbcs & qui ne donne fa grâce qu'aux humbles , a fou-
vent permis que ce qu'il faifoit faire, même à des SS. 6c dans l'ordre furnaturcl ,
fût obfcurci par quelque defliut apparent, pour laiffer aux efprits bouffis de leur
faufle fagclTe , des prétextes de les dédaigner. Aufîî plufieurs des SS. miftiques
ont-ils étcméprifés pendant leur vie par les beaux elprits de leur tems.
Si Dieu a voulu qu'il y eût quelques nuages qui dérobaflent aux âmes alticres l'é-
clat des vertus des SS. miftiques , peut-on s'étonner qu'il permette qu'il s'en
répande encore davantage dans une œuvre mêlée de miféricorde 6cdciulHce, de
lumières 6c de ténèbres , telle que celle des convullîons ? Il s'cltfervi des Convul-
fionnaires pour opérer plufieurs gucrifons miraculeufcs , afin que tous les cœurs
droits reconnuficnt qu'il agit dans cette œuvre : il n'a pas toujours guéri tous ceux
qu'il a fait panfer par les Convulfionnaires d'une manière furnaturelle , parce qu'il
entre dans fcs deffeins que cette œuvre foit contredite, qu'elle foit méprifée ,
qu'elle foit foulée aux pieds.
Ah Seigneur que ce ne foit pas par nous ! Ne permettez-pas que nousfuivions
des guides aveugles, qui ne voiant que ténèbres où brille votre éclatante lumière,,
ne pourroient que nous foire tomber ! Que les œuvres de vôtre miféricorde foient
toujours le flambeau qui conduife nos pas , quelques nuages que vous y répandiez
par des deffeins de votre juftice ! Préfei-vez-nous de deux écueils également dan-
gereux ; de rejettcr ce qui eft bon, qui ne peut venir que de vous : ou d'approu-
ver ce qui eft mal, qui ne peut venir que d'un principe pervers! Donnez nous
des yeux fi purs que nous puiiTîons éviter la malédiction de votre Prophète !
„ Malheur à vous qui dites que le mal eft bien 6c que le bien eft mal; qui don-""- ;• îo^
5, nez aux ténèbres le nom de lumière & à la lumière le nom de ténèbres. „.
,, Quiconque. . . (dit le P. Qiiefnel) ne tient qu'à Dieu par un pur amour dc'-*^'"'-^-'?'
„ fa loi , juge lainement des choies de Dieu. (Et ailleurs il dit'i Qiii conque rougit
„ de la Vérité humiliée dans ce monde, fera confondu 6c humilié devant la Vérité
„ même gloricufe 6c triomphante dans le ciel.
Qiii peut douter que l'inftinâ: qui porte les Convulfionnaires à panfer les mala--
des, ne vienne de Dieu lorfqu'on voit qu'il en a donné de femblables à des Saints.,
D'ailleurs n'eft-il pas viable que les Convulfionnaires qui prennent lur eux pen-
dant quelque tems les maladies de ceux qu'ils guériflcnr, reprèfaitent une figure
littérale 6c très frapante de cette grande Prophétie d'Iiaie qui regarde notre divin
Sauveur: // a pris fur lai nos infirmités 6? il s'^ejl chargé de nos maladies-. Maisirair^/j^.
quand on ne jugeroit de ces inftinéts que parleurs effets, leur fource n'en fe-^' '^■
roit pas moins évidente. On ne peut nier qu'ils ne foient formés par une impref-
fion furnaturelle, puifqu'iîs font manifeftement contraires aux répugnanccs^ de-
là nature , 6c que louvent ils font accompagnés de prodiges , tels que celui de ■
prendre les ûmptômes extérieurs des maladies d'une manière apparente 6c vifible.
o
Ci!
H IDE'E DE VETAT DES CON VU LS 10 NN A IRE §.
Si cet inltinâ: cil furnaturcl , il ne peut venir que de Dieu ou du Dcmon. Or \
quoi porte cet iiidinct? A faire une acbion de chririrc qui paOe les bornes des
vertus ordinau'cs, & que Dieu canonilc Ibuvcnt lui-même par des guérilbns mi-
raculeufes de maux évidemment incurables. Ofcra-t-on rendre le Dcmon tout à
Irï Kfis auteur des miracles &: des vertus?
La grâce qui fait vaincre à plufieurs Convulfionnaires les répugnances les plus
naturelles pour leur faire fuivre les bons mouvemens de leurs convulllons , n'ell-
cllc pasvihblcmcnt un don de Dieu, qu'ils n'obtiennent même ordinairement que
parla prière? Quoi! Dira t-on que c'eft fatan qui exauce les prières qu'ils adres-
fent à Dieu , & que ce monrtre infcmal devenu le maitre de difpofer comme il lui
plaît des cœurs, leur fait vaincre U rclîilance de la nature pour leur faire faire une
action de la plus éminente charité ? Cette miférable créature n'a que le funefte
pouvoir de nous tenter par notre propre concupifcence : mais il n'y a queleTout-
puillant qui foit le maitre de nos cœurs. Si c'eft Dieu qui fouvent donne vifible-
mcnc fa grâce à plufieurs ConvuUîoimaircs pour leur faire exécuter ce à quoi les por-
te l'indintSt de leur convulfion , qui peut douter que cet initinft ne vienne de lui ?
Oui Seigneur, c'eft vous qui par dcsfiits fi fingulicrs & fi frapans, avez vou-
lu nous mettre vivement fous les yeux jufqu'à quel point peut aller la charité, afin
de nous faire honte durcfroidilTcment de la nôtre, de nous fiirc condamner nôtre
dureté pour nos frères , 5c de nous faire prendre a l'avenir plus départ que nous ne
faifions à leurs maux fpirituels 6c corporels ! Mais fi c'eft vous qui nous parlez par
ces emblèmes , combien ne devons nous pas plaindre ceux de nos frères qui trai-
tent avec tant de mépris les perfonnes dont vous vous fervcz pour nous peindre
ainfi les vertus , 8c qui loin de vous en bénir , s'en fcandalifent au contraire. Se
en font un de leurs prétextes pour couvrir d'ignominie les inftrumcns que vous
daignez employer à ce miniftere d'édification.
Car il ne faut pas croire que tous les ConvuHîonnaircs n'aient aucun mérite de-
vant Dieu en fucçant comme ils font les plaies les plus infeftes , Se en fe chargeant
avec joie de prendre i'ur eux-mêmes une partie des maladies les plus cruelles Se
les plus dégoûtantes , pour en guérir les perfonnes qui en font atteintes.
Ce n'cft pas un prétexte fuflîlant pour leur en ôtcr tout le mérite, de dire qu'ils
font forcés de le faire par l'inftinct de leur convulfion. Cela cft vrai par rapport
à quelques Convullionnaires , mais celancreft pas par rapport à tous.
Premièrement. Je viens de prouver au contraire que louvcnt la convullîonnefait
que les y exciter vivement, mais qu'elle ne les y contraint pas toujours, du moins
entièrement , ce qui eft fi vrai qu'on a vu quelquefois les Convulfionnaircs s'obftincr
contre l'inftinét de leur convulfion , 5c refufcr dcfucccr les plaies qui leur faifoicnt
trop d'horreur, quoique l'inftind de leur convulfion le leur commandât expref-
fément, fuivant qu'ils le décluoient eux-mêmes.
Secondement. Comme les ConvuHionnaires confci-vcnt prcfque toujours quel-
qu'ufagede leur raifon i quand on fuppoferoit que leurs convulfions les forceroient
abfolu'ment à panfer certains malades, ils feroicnt encore capables de mériter par
l'acceptation volontaire de ce que Dieu leur fcroic taire , 5c par la (oumillîon avec
laquelle ils ficrificroient leurs répugnances n.iturellcs. Pourquoi ne mériteroicnt-
ils pas , puifquc quelques-uns d'entr'cux font fans doute une faute lorl'qu'ils mur-
murent contre le commandement qu'ils reconnoilTent leur être fait!
Troiliémement. Les Convullionnaires qui panlcnt les nial.ides, conlervent l.i
plupart horsde convulfion, la vive affeclion que cet état leur a donné pour eux.
Quoiqu'ils fouffrcnt quelque fois pendant allés long-tems 5c même fans être en
convulfion, de très grandes incommodités des maux dont ils ont pris les iîmp-
tômcs
IDE'E DE DETjr DES CON FUL S 10 NNJ I RES. zf
tomes auprès de ces malades , cela ne les empêche nullement de leur témoigner
une tendre amitié aufll bien dans leur état naturel que lorfqu'ils font enconvul-
ilon, & de bénir Dieu de ce qu'il les emploie à les guérir. C'eft de quoi font té'
moins tous ceux qui ont fuivi les Convulfionnaires.
Mais, dira-t-on, c'eft la vanité quiefl le principe de ces fentimcns. Ils font fi
charmés de faire des guérifons qui paroiflent miraculeufes , qu'ils ne regardent
pas ce qu'il leur en coûte.
On elt à préfent fi porte à calomnier les Convulfionnaires , qu'il n'ell pas éton--
nant qu'on leur prête de mauvaifes intentions jufquc dans ce qu'ils font de plus é-
difiant. Mais de quoi leur fcrt-il aujourd'hui d'être les inllrumens dont Dieu fc
fert pour faire des miracles ? Cela portc-t-il ceux qui les perfécutent ou qui les
décrient, à les ménager davantage? Tout au contraire. Avoir été guéri par mi-
cle , ou être emploie à en fiire , c'eft précifémcnt ce qui excite encore plus con-
tre un Convulfionnairc les pourfuites de la Police, & les impoftures de ceux qui
font le plus oppofés à l'œuvre. N'a-t-on pas forgé les difcours les plus ridicules
& les plus propres à attirer le mépris , pour les attribuer à Charlote Laporte , afin de
la couvrir d'un voile d'ignominie: & cela quoiqu'il foit d'une notoriété publique qu'il
a plû à Dieu de fe fervir d'elle pour opérer un grand nombre de guérifons des plus
admirables ? L'en a-t-on moins renfermée à la Salpctriere avec les créatures les
plus débordées? En a-t-elle moins étédénoncécau Parlement par quelques calom-
niateurs? Dans ce fiecle de réprobation, dans ces jours de colère. Dieu permet
que fes dons deviennent des fources d'humiliation ôc d'opprobres. Aufll loin que
les Convulfionnaires prétendent tirer avantage d'être emploies à faire des guérifons
miraculeufes : loin de chercher à en fiire parade : loin de defircr par aucune vue
humaine que cela foit divulgué, ils ont au contraire un grand intérêt de le tenir
fecret, aujourd'hui qu'on les en punit comme d'un mal: aujoud'hiù que les fiveurs
du Très-haut font devenues des crimes en ceux qui en font les objets : aujour-
d'hui qu'elles leurs attirent l'envie, la calomnie , & la pcrfécution.
Il eft donc clair que le fcul motif qu'ont les Convulfionnaires lorfqu'ils entre-
prennent volontairement de pareilles guérifons , eft de faire des œuvres d'une gran-
de charité , dont ils efpércnt la rccompenfe du Dieu des miféricordes qui en eft
l'Auteur.
S'IL eft évident qu'ils confervent quelque forte de libeité dan^ le panfemcnt v.
des maladies, il eft- encore plus manifefte qu'ils en confervent dans la plupart de ^'' P^'=''«'!t**
leurs reprelcntations.
Il eft vrai qu'ils en font quelques-unes dans leurs états d'extafe , 6c qu'alors
leur ame paroit prefqu'entiércment abforbée dans la contemplation des grands
objets qui l'occupent. Mais il eft vifibleque danslaplûpart des autres, ils ontjuf-
qu'à certain point l'ufage de leur raifon & de leur liberté. Cela même a fervide
prétexte à l'Auteur des Vains-eff'orts , d'infinuer au public que les rcpréibntations
des Convulfionnaires n'avoicnt rien de furnaturel. 11 fiut pour ofer le ibutenir,
n'avoir vu aucune de celles qui font les plus dignes de remarque. S'il y en a plu-
fieurs dont le furnaturel n'eft pas frapant , il y en a beaucoup d'autres où il
éclatte Svfe manifefte avec la dernière évidence.
L'objet le plus ordinaire de ces repréfentations eft de nous mettre fous les yeux
une vive image de tout ce que nôtre divin Sauveur a bien voulu foufFrir pour
nous: mais cet objet n'cft pas le feul. Plulîeurs Convulilonnaires exécutent en
quelque forte & jufqu'à certain point fur leurs corps , tous les diftcrens fuppliccs
qu'ils aimoncent qu'on fera fouffrir r.ux difciples du Prophét *Elie. Or dans l'u-
ne 6c l'autre de ces reprél'entations , 6c fur tout dans la dernière, il y afouvent
Ohfer-jal. IL Part. Time JI. D plu-
z6 IDE'E DE VETJT DES CONFULS 10 NNJ I RE S.
plufieurs chofes où le furnaturcl cft marqué d'une manière fi palpable 5c fi fenfî*
blc , que les incrédules les plus endurcis en font frapcs lorfqu'ils le voient.
VI. Commençons par rapporter quelques traits de la peinture fi touchante des
jc/fÔX" foufFrances de Jeius-Chrill.
ceide'i. c. H cll bon d'obfervcr qu'il arrive quelquefois que les Convulïïonnaires , avant de
^j'Jé'^''o"c£,'fraper les fcns par ces images fi édifiantes, font d'abord des difcours admirables
ton. 2^ tr^-s patétiques, qui prononcés avec une onétion pleine de force, ébranlent les
cfprits 6c touchent tellement ks cœurs les plus durs qu^ils en fondait la glace.
On en a vu par exemple, montrant un crucifix, parler de cette forte.
„ Regarde pécheur quelle el\ l'énormité de ces crimes , puifqu'il a fallu qu'un-
„ Dieu s'incarnât & fouffrît un fi cruel fupplice pour t'en obtenir le pardon..
„ Ecoute ton Maître, ton Sauveur 6c ton Dieu te dire du haut de fa Croix: Je fuis la
„ Sageffb éternellement engendrée dans le fein du Pcre : je fuis la fplendeur con-
„ fubftantielle de fa gloire : c'eft en moi qu'il fc voit lui-même : c'eft par moi 6c
„ pour moi qu'il a tout créé.
,, Sa juftice l'obligeoit à vous punir tous par des fupplices étemels :vousn'é-
„ tiés tous que les rejcttons corrompus d'une maffc intcclée par le premier 6c le
,, plus grand des crimes : 6c combien d'autres péchés n'avcs-vous pas commis vous
„ mêmes? Mais ma compafiion pour vous m'a fait prendre un corps comme le
„ vôtre pour fatisfaire à vôtre place.
„ C'eit pour toi méprilable impudique que j'ai voulu fouffrir les plus cruelles
„ doulcui's: mais profite de mon lang en prenant part àmesfouffranccs. En fouf-
„ frantpour toi je n'ai pas prétendu te difpenfer de IbufFrir : ce n'cit pas à des là-
„ ches6cà des impénitens à qui j'ai promis mon Roiaume. J'ai voulu fculcmcnr
„ donner un mérite infini aux travaux de la pénitence , 6c à tout ce qu'on pourroit
„ endurer pour me plaire , pour me fervir 6c pour fatisfaire à ma jullice. J'adopte
„ toutes les foutfrances de mes membres : joies unis aux miennes , 6c je les préiente à
„ mon Pcre comme étant celles de fon propre fils. Que cela te fade fentir le grand
„ intérêt que tu as d'endurer en cette vie des fouffrances que je rendrai d'un fi
de
les
pécheurs impénitens. Tu ne peux aujourd'hui fupportcr fans impatience la
„ moindre douleur: quel fera donc l'excès de ton affreux défefpoir, lorfque tu te
„ fentiras dévoré pas ces flammes qui te feront éprouver tout à la fois les douleurs
„ les plus cuifintcs dans toutes les parties de ton corps ! Quelle fera tarage defir-
voir qu'un fi cruel fupplice n'aura jamais de fin , jamais un moment de relâche ?
Ha ! acpêche toi de profiter de mon fmg : il en elt tems encore : tu peux encore
éviter ce châtiment fi terrible. Je tetens les bras du haut de ma Croix :embrarre
la avec ardeur 6c avec confiance: porte la toi-même avec empreffcment. C'eft
l'inflrument de ton lalut : c'eft le prix de ta délivrance : mais il faut pour en pro-
fiter que tu t'en charges à ma fuite. Mets ton vilage dans la poufllere, mais lève
_. __ • ^ ^ j i_ _• 1 i/-- 1.. „i_: i-,..,. :•,. ;„,,:- . „., u.i.,»:»...j«'
»■>
5»
„ en même tems tes regards vers le ciel. Vois la gloire dont j'y jouis : ma béatitude
„ égale ma Toute-puillance. C'eft à cette félicité fuprcme que je t'invite d'afpirer..
Je t'offre de t'unira moi-même : je t'offre de te prendre pour un de mes mem-
bres : je t'offre de te faire participer à mon bonheur , à ma gloire , 6c en quelque
forte à ma Divinité. Je te comblerai d'une félicité immuable, éternelle 6c divi--
ne. Méprilc donc pour y parvenir ces vains , ces frivoles , ces infimes plaiflrs ,,
qui fcdifllpcnt, nui s'évaporent , qui s'évanouiffcnt dès le premier inftant que tu
commence à les llntir : longe qu'il n'y a de bonheur véritable que celui qui ne
ccflera jamais d'être ., C'cil
IDEE DE VETJT DES CONFU LS lONNATR E S. 27
„ C'eft pour toi av:ire inienfc que j'ai voulu être ainfi dépouillé de tout. Je fuis
„ le Roi de l'univers : je fuis le Maître de toute la terre : tout m'appartient : tout
j, eft à moi. J'aurois pu même créer un million de mondes, Scies remplir de juiles
,j qui auroient été fans celle profternésàmes pieds pour m'adorer. Mais en ce cas
5, toute kpoltérité d'Adam feroitpérie lansreflburce : j'aimieuxaimé venir dans
,) ce monde 6c y naître vivre &; mourir dans la pauvreté, pour te faire connoître
„ combien les richelîes de la terre font méprifibles. Conçois donc qu'elle eft ta folie
,5 de préférera un bonheur éternel, de faux biens que tu vas être forcé de quitter
4, dans un moment. Miférable ! Ne fais tu pas que tu n'emporteras rien avec toi
„ de CCS vaines richefles où tu places tout ton amour ? Pourquoi fi tu les aimes , veux
„ tu les laifler dans une auberge où tu ne dois refter que fi peu de tems? As-tu
j, donc oublié que tues entré tout nud dans le monde, 8c que tu en fortiras de
„ même? Songe que tu n'avois-pashierccs faufiesrichcfles aufquclles tu fiicrifie
„ un bonheur infini: fonge que tu ne les auras plus demain, 8c vois qu'elle eft ton
,j extravagance, de te perdre toi-même en t'y attachant aujourd'hui pour unmo-
5, ment. Les vrais biens font la foi qui dédaigne les honneurs du monde, l'efpé-
„ rancequi méprilc les plaifirs, la charité qui diftribue avec joie les biens pafiagers
„ 8c périfflibles. Si tu veux confervcr toutes tes richefles, mets les entre mes mains
5, en les fiiifiint pafler dans celles de mes membres qui en ontbeibin : je telesren-
„ drai au centuple. Elles te rachèteront de la miiere univerfelle , alFreufe , éternelle
„ où tu courois te précipiter : elles deviendront de véritables tréfors qu'on ne pourra
j, jamais te ravir : elles te feront pai-venir à un bonheur qui n'aura jamais de fin.^
„ C'eft pour toi homme vain 8c tout bouffi d'orgueil que j'ai voulu fouftrir défi
,, grandes lumiiliations : mais il faut y participer fi tu veux avoit part à ma gloire.
„ Superbe que tu es, tu rougis des opprobres dont on couvre aujourd'hui mes
„ œuvres. En même tems que je parle à ton cœur, ta vanité y combat ma grâce.
,j Tu crains d'être enveloppé dans le mépris dont on déshonore mes cnfans: tu
„ voudrois bien me fervir fi tun'appréhendois d'être blâmé des hommes. Infenfé!
„ Quel vaut-il mieux à ton avis, d'être méprifé ou des hommes, ou de ton Dieu?
„ Je t'avertis que les orgueilleux feront punis par des humiliations éternelles :
„ qu'ils feront à jamais les vils elclavcs des Démons : qu'ils deviendront pour tou-
„ jours un objet d'exécration 8c d'horreur fans pouvoir ie fouftrir eux-mêmes.
5, Vois d'autre part quelle fera l'incomparable 8c brillante fortune de ceux qui
„ fouffi-iront des mépris 8c des outrages pour ra'avoir iervi aux dépens de tout.
„ Les humiliations d'ici-bas font des fources de gloire , qui réjailhifent jufquc
„ dans la vie éternelle. Je recevrai dans mon fein ceux qui en auront fouftert pour
„ mon nom ; ils ne feront qu'un avec moi : ils jouiront de ma propre gloire : ils
„ brilleront comme des foleils dans leRoiaume de mon Père: ils feront l'admira-
„ tion des Anges , parce que les rayons de ma iplendcur divine les entoureront
„ de toutes parts. „
Non feulement de jeunes Convulfionnaires prononcent de tels difcours avec di-
gnité , mais ils repréfentcnt delà manière la plus vive 8c la plus frapante ,fur leurs
vifiges , par leurs geftes 8c toute leur attitude , les diftcrens fentimens qui font
contenus dans leurs difcours. L'air de majeftéfait bientôt place à l'air de compaf-
fion : une impreflion d'horreur 8c d'eff'roi, lorfqu'ils parlent des fupplices des re-
prouvés , le fait voir dans leur maintien. Dans l'inftant une joie qui paroît avoir
quelque chofe de celefte, brille iur leur tein 8c dans leurs yeux, lorfqu'ils annon-
cent le bonheur infini , dont jouiront ceux que le fils de Dieu doit unir à lui-même.
Souvent après de pareils difcours , le Convulfionnaire devient lui-même le por-
trait vivant de la paillon de J. C. il tient fes bras en croix d'une manière immobile
D 2, pen-
difcours à JLCS
«Icje:. péché,
z8 IDE'E DE VET JT DES CONFULS lONNJ I RES.
pendant tout le tcms que dure cette repréfentation , &: toute l'attitude de fon corps
prend celle d'un crucifix.
Une douleur vive Se tendre, fupportée avec k patience la plus héroiquc, &
la réfignation k plus parfaite , fc peint avec les traits les plus caraAerifés fur fon vi-
ivige devenu plombé , dans fes yeux mourans , & dans les treflaillemens de fon corps.
Apres être reftélong-tcmsdans cet état, la pâleur de la mort couvre entièrement
fon vifage : k couleur de fes lèvres defféchées devient noirâtre : fes yeux à demi fer-
més paroiflent tout à fait éteins : fa tête ne pouvant plus le foutenir tombe fur fa poi-
tiine , 6c i'cn ai même vu une , dont k langue s'ctoit fi fort retirée dans le gofier, qu'on
n'en appercevoit plus aucune partie dans la bouche quiétoit reftée entrouverte. A
quoi il fiut ajouter qu'onta vu pluficurs Convulfionnaires , dans les mains defquels le
font formées fous les yeux des perfonnes préfentes , des rougeurs ou d'autres marques,
précifcment aux endroits où les mains de J. C. ont été percées par des clous.
Il eft vrai que tous ces differcns fimboles ne fe trouvent pas dans toutes lesre-
préfentations de k paflîon que font les Convulfionnaires : mais il fuffit qu'ils s'ap-
pcrçoivcnt dafts quelques-unes pour qu'on ne puriîe contefter, qu'en général il
n'y ait dufurnaturel dans plufieurs de ces repréientacions.
Au reite le furnaturel y eft encore bien plus marqué & plus frap.mt, dans lea
vîi. '. tableaux vivans qu'ils mettent fous nos yeux, des fupplices que doivent endurer
^md«rup- pluficurs des difciples du Prophète :_ tableaux qui ne l'ont gucres moins propre»
tiicfs dis j édifier notre piété, que ceux des fouffrances de notre divin modèle.
' s premiers excitent en nous la componétion , Se nous donnent de l'horreur dii
f , en nous fiiifiint voir une image fenfible de tout ce que nôtre divin Sauveur
â fouftcrt pour nous délivrer des fupplices de l'enfer, 2c en nous faifant réfléchir-
combien le péché déplaît à Dieu, puifqu'il l'a puni d'une manière fi rigoureufe
jufque fur fon propre fils l'objet de toutes fes complaiiances, qui a bien voulu fa-
tisfaire pour nous à k iulHcc.
Les fcconds nous encouragent, nous fortifient, nous confolent ; ils raniment
r.otrc foi Se nôtre confiance, en nous mettant fous les yeux avec quelle profufiot>
Dieu prodia;uc les merveilles, pour nous afllarer qu'il fera lui-même lefoutien de
ceux qui fouffriront pour la "Vérité, 6c qu'il leur fera trouver leur bonheur dans
les foufirances mêmes, par la vive efpcrance de la félicité fuprêmc qui en fera
cternellcmewt la récompenfe. C'eft par d'admirables prodiges encore plus que par
les difcours que Dieu touche nos cœurs, 6c qu'ilnous fait dire par le miniftcre 6c
k bouche des Convulfionnaires.
LM.ii 3:. ,y Ne craignéi-point petit troupeau^ refte de laGentilitérefervéparmiféricordc -
„ ne craignes point , car il a plù à votre Père de vous donner fon Roiatime. 11 vous a
„. aimé d'un amour éternel : il vous aime de ce même amour dont il aime fon pro-
„ pre fils, parce qull vous deiline à faire partie de ce fils unique, 6cà jouir con--
„ jointemcnt avec lui de la gloire 6c de fon bonheur. Mais il veut que vous le fui-
„ vies auparavant fur le calvaire. N 'appréhendés point votre foiblcflc , J. C. fera lui-
„ même vôtre force. Ne craignes point ceux qui tuent le corps lescbtveux même
ibid.T. 47.^^ ^^ ^.^ij.g ^^fg i^g^if fg,^^ comptés . Dites avec le Roi Prophète : k Seigneur ejî ma lumic'
rr ifi 1 -. " ''*' ^ mon faht^ii craindrai- je. Le Seigueur efi le déjenfeur de ma vie , qui pourra me
*» s' ' * >» /"^'■^ trembler f ^and des armées fer oient campées contre moi. ^ mon cœur n'en
yj ferait point effrayé.
y, C'eft pour augmenter vôtre confiance que ce Dieu Je bonté étale tant de mer-
„ veilles u vos yeux. Confidércs avec quelle alTurance, avec quelle intrépidité nous
,, nous mettons au milieu des Hammcs fans en fcntir aucune imprclllon : nousnous
„. f.ufoQs ttranglcr comme û nous étions pendus àdcs gibets : nous nous failbns at-
-.y. ta--
ÎDE'E DE VETJT DES CONFULS lONNJ IRES. 19
y, tacher comme fî nous étions fur la roue & l'on nous donne les coups les plus aflb-
>3
73
„ fomans f;;ns que nous enrecevionsaucuneatteinte.Dieu veut vous apprendre par
„ tous ces prodiges, qu'il ne les épargnera pas pour ceux qui mettent en lui toute
„ leur confiance: regardés avec quelle magnificence il les prodigue fous vos yeux
„ pour vous inûruire de cette Vérité & pour vous donner l'afllirance qu'il viendra à
vôtre fecours.
„ Ce n'eft pas néanmoins fon deflein devons épargner entièrement les fouffrancesr
votre facrifice importe à fa gloire , & eft néceffiure pour votre falut : il faut que
„ vous rempliillés votre vocation. Mais il vous déclare par ces prodiges que vous
„ poflederés votre ame dans k patience , & que la vivacité de votre efpérance vous
5, y fera trouvervotrcbonhcur. C'eftfaprovidence quiregle &quiarrangc tous les
„ événemens : les hommes ne font que d'impuiflantes macliines , qui renferment une
5, ame qui n'a en propre que fa volonté , laquelle fait fes mérites & fcs crimes :
j, mais elle ne peut rien exécuter que par l'aftion de Dieu. C'eft Dieu feul qui opé-
„ re tout le mouvement dans l'univers : il ne permettra pas que vous foies tentés oli
„ delà de vos forces : vous ne pouvés fouftrir qu'autant qu'il le voudra, & qu'il l'exé-
,•, cutera lui-même : il connoît votre foibleiïê : il mcfurera le degré de vos fouffran-
„ ces précilement audegré de gloire qu'il vous a préparé , & au degré de force qu'-
„ il vous donnera. Ne craignes donc point petit troupeau : hâtés au contraire cet
,5 heureux moment par vos defirs les plusempre{îes& les plus ardens. Ne craignes
„ point: vous pouvez tout en celui qui vous fortifie : vous êtes foibles à la Vérité , £c
„ bien plus foibles encore que vous ne penfés : mais Dieu eft infiniment plus puii-
„ fant que vous n'êtes foibles. Ne craignes point ^vonsâxt-W^parcequeicvousarra- iraïe. 43.
„ chetés , ne craignes point , ^ la flamme fera fans ardeur pour vous parce que je fuis "' '' '*
„ ïe feignear votre Dieu^'jous êtes à moi Lorfque vos marcherés dans le feu , vousvCio.v, 16.
„ n'en feres point brûlés .^ Dites -lui donc avec une ferme confiance : vous êtes mon
3, Dieu , mon fort eft entre vos mains : vous me lauverés , parce que j'ai mis en vous
j, mon efpérance : jeneierai point confondu, parce que je vous ai invoqué.
„ Quel pouvoir ceux qui combattent la Vérité pourroient-ils avoir furies Elus,
^ eux pour qui le Tout-Puiflant a fait le ciel & la terre , & en faveur de qui il
„ a arrangé tous les événemens? s'ils vous frapent , fongés que ce n'cft que
„ par la permifiîon de celui qui veut vous en recompenfer avec une libéralité-
„ divine : regardés les coups qu'ils vous portent comme des pierres prétieuics
„ qu'ils attachent à votre couronne: ne perdes pas de vue que la recompenfccn
„ fera éternelle. Chaque iniirant de fouffrances produira un furcroit de bonheur
„ ic de gloire qui ne finiront jamais. Ah! Seigneur !' avec quelle magnificence
5, repandés-vous vos faveurs fur vos Elus ! une éternité pour un moment !
„ Ceux qui mettent lair confiance dans le Seigneur feront inébranlables comme la mon- pr. 1 14.^ i» •
j, tagnede Sion, dit le Roi Prophète. Celui dont les defirs tendent avec ardeur vers le
„ bonheur infini de jouir éternellement de Dieu même, ne iTgardcrp ceux qui le-
„ fraperont que comme des inilrumens de la miféricorde deDieu, qui le fera par'
„ ce moien profiter du mérite des fouffrances defon fils. Sans fa grâce le moindre
3, péril vous renverferoit ■ avec fa grâce dans les plus grands vous fcrésinvincible^.^
,, Elle vous ell i"iécefiaire pour vous foutcnir contre la moindre attaque : elle vcas"
„ fuffit pour triompher des plus violentes. C'efl: principalement dans les plus grands;
„ dangers que le Tout-puillant fc plait à fortifier ceux quin'efpérent qu'en lui,,
„ parce que c'eft pour lors que lapuilTiincedelagraccéclattc avec plus de gloire..
„ ^giflés donc avec courage (3 fortifés-vous dans votre confiance : m foie s point émus D«ar.- jj ; jf .
,5 de fraieur à la vue de vos ennanis , parce que le Seigneur votre- Dieu eft vôtre- ccr.'-
„ duUeur ^ if! quil m- vras-abandeantrafas h Seigwur-vôty^DieH eft au ?^-i\Ai.-i.w.ti,-
5, lieitdevous. D 5 ' ,yLe-:
M
Ztcb. 2. >-.
30 IDE'E DE VET AT DES CONFULS ION N AIRES.
tf 4f. II. ,, Le Seigneur des années ejl avecuous : le Dieu de Jacob cjl notre défenfeur. Je ferai
„ moi-même , dit le Seigneur .^ un mur de feu qui vous environnera de toutes parts.
Qiiand vous verriés l'abimc ouvert fous vos pieds , ne craignes donc point : jetrés-
vous hardiment entre les bras de votre Dieu, il ne le retirera point pour vous laif-
fer tomber: il vous recevra fur fa main; il vous délivrera } il vous fauveraj car
votre ficrificc fera votre filut : votre mort fera votre vie : votre mort fera une
fourcc d'immortalité dans le fein de Dieu même. Le ciel Sc la terre p.iflcront : mais
les paroles par lefquelles il a promis avec ferment de ne point abandonner tous
„ ceux qui efpérent en lui, ne palîeront jamais.
„ Voies jufqu'à quel point il fait aujourd'hui éclattcr fa miféricordc: il va ramaffcr
„ le pauvre dans la pouilîerc : il va le chercher jufque dans le fumier, &: il le comble
de fes dons. Confidcréscc qu'il fiit pour nous : nousnefommes la plupart que des
trompétcs retenti (Tantes: nous ne fommes que des airains fonans; cependant c'eft
dans ccsinftmmens vuides de toute vertu qu'il lui plaît de mettre une confiance fi
„ parlaite en fon fccours , qu'elle nous rend la plupart inébranlables à toutes les mc-
„ naces des hommes. Nous fommes à toute heure expoies à être enfermés dans les
„ plus trilles prifons , <5c nous nous y attendons fans en refientir aucune peine: nous
„ lavons que plufieurs d'entre nous iont delHnés à la mort, & nous nous y prépa-
rons fans aucune crainte. Un foufflcde votre bouche , 0 Dieu Tout-puilTant fuffit
pour nous donner une intrépidité que rien n'ébranle, parce que vous nous avés
appris que votre force fe plait à paroitre dans notre foiblelTe , & à foutcnirleplus
humble rofcau , le plus foible &c le plus fragile contre les vents les plus impétueux,
tandis qu'un fouffle vient d'abbattre plufieurs des Cèdres du Liban , peutêtre par-
„ ce qu'ils avoicnt mis leur confiance dans leurs propres forces.
„ Ha mes frères! Ne celFés point d'être bien convaincus de vôtre foiblciTe: plus
„ vousfcrés pénétrés de ce fentiment, plus vous ferés forts : celui qui ne met iacon-
,, fiance que dans le fecours du Tout-puiOant , trouve une lource intarilTable de for-
,, ces dans la perfuafion de fon propre néant , parce qu'il rend gloire par là à la bon-
„ té & à la puilTance de celui dont il attend le fecours. Aulfia-t-il folemnellement
,, juré que quiconque mettra en lui feul toute fonefpérance, fera fur de vaincre les
„ hommes, les Démons, &; la mort.
If. fa. I 5? QP^ pourries -vous donc avoir à craindre ; lehras de Dieu efl-il donc racourci ,
„ 6? ne peut-il pins vousfauver , lui qui fait éclatter tant de merveilles fous vos yeux,
„ pour vous donner des gages de l'on fecours & de fa protection déclarée ? N'appré-
„ hcndés donc plus leshommes : Dieu ne cefle de verfer l'huile de les confolations
„ dans un vafe préparé par la refignation Scia confiance. Nous lommcs indignes de
„ les grâces , mais fon amour n'attend pas nos mérites: il n'a fa fource que dans fon
„ élection toute gratuite : c'e 11 lui q^ui met en nous les mérites qu'il y veut aimer :
„ c'eft dans lui-même, c'cil dans le tond infini de la bonté qu'il trouve lesmotiftqui
Eccif.i. 1;. îî le portent à exercer fur nous fv miféricordc. Malheur à ceux qui manquent de cœur ^
▼• »• „ qui ne fe fient peint à Dieu , y que Dieu par cette rai fon ne protège point. Efpérés au
„ Seigjieur (^ il vous fera miféricorde., & fa miféricorde fera votre joie.
I. mkc. i. 5, A^<^ cTAignés pas les paroles i^ les menaces d'un homme pécheur ., parce que fagloire
éj. & 6j. ^^ fi'gji qng f{f l'ordure (J la pâture des vers. Il s'élève aujourd'hui (s/ il difparoltra
„ demain ; parce qu''il fera retourné dans la terre d'oit il ejl venu , ^ que toutes
„ fes pcnfées feront évanouies.
ir«. 8. 11. „ Ne craignes donc point les menaces des hommes 6? m vous en épouvantés point.
„ N'appréhendés que de déplaire à Dieu: comme il veut être feul l'objet de vôtre
«poe.i4.7.>j îi"ioui' il veut aufli être feul l'objet de vôtre crainte. Craignes le Seigneur ^ rendes
„ lui gloire .... i^ adorés celui qui a fait le ciel î^ la te/rc.
„ Son-
55
55
55
55
51
■>>
IBE'E DE VET AT DES CONFU LS ION NJI RES. u
5, Songes qu'il vous a choifis pour vous unir éternellement à fon fils : ne foies plus
„ de ce monde: habités déjà dans le ciel. Soies déjà par votre foi, votre efpéran-
„ ce & votre amour les citoicns dekmêmccitéquc les Saints. Neperdés point de
5, vue que Dieu vous y prépare une félicité vraiment digne de fa bonté qui eft infinie,
„ de fa puifTancc qui n'a point de bornes, de la grandeur de fa magnificence qui
5, cft au dcfitis de toute cxprefîîon.
„ Ah quel éclat delumiere! Levés touslatête: levés lesyeux auplusvîtc: regardes
„ lescieux quis'entr'ouvrent: n'yvoiés-vous pas vôtre divin Sauveur tout brillant
„ de gloire qui vous regarde avec complaifance : voies comme il vous tend les bras.
„ Ecoutés il vous appelle : c'eft à vous à qui il dit : confcfles toute Vérité devant les
„ hommes , & je vous confeiTerai devant mon Père : ne craignes point des douleurs
„ d'un moment : hatés-vous de venir jouir avec moi de ma félicité divine. „
QUELLE impreflîon ne doivent point faire de pareils difcourslorfqu'ilsfetrou-j,^^^Jf'J;j_
vent autoriies parles plus étonnans prodiges ? Un volume ne fuffiroit pas pour les t>r.n du fup-
rapporter tous. D'ailleurs comme la plupart de ces prodiges font partie de ceux''''"''"^'"''
qui ont donné lieu aux fecours , que j'examinerai dans la 4'. partie de cet Ecrit, je
me contenterai de rapporter ici la repréfentation du fupplicc du feu, que je choi-
fis préférablement à tout autre , parce que j'en trouve la preuve dans l'Ecrit de
l'Auteur des Vains-efforts, qui en voulant fiiire regarder ce fpeéiracle comme une
chofc indécente Se condamnable, fournit en même -tcms une preuve complette,-
qu'il y a eu un furnarurel évident dans cette repréfentation.
Voici la defcription qu'il fait des fçenes fcandalenfei^ dit-il, qu'a donaées à tant-
de reprifes différentes la Sonnet dite la falamandre .
Au furplus comme ce récit ell envenimé de toute la malice que la critique l^forTs.'p!i-*a!
plus mordante peut inventer, & que la circonftance la plus frapantey cft omifc,i7t- N"'"-
le leéteur me permettra de relever par quelques remarques le défaut d'exaétitude
qui s'y rencontre, Se de paiTer les circonftanccs inutiles ou apocriphes , qui n'ont
cté forgées par l'efprit ennemi des œuvres de Dieu que pour tâcher de deshonorer
s'il pouvoir les plus grands prodiges.
„ La Sonnet (dit cet Auteur) paffbit dcrriereunctapiflcricoùon ladeshabilloic
„ jufqu'à la chemifc Se une petite camifole exclufivemenr : & fans doute qu'elle-
„ avoit alors, non des valets de chambre, mais des femmes de chambre. Enfuirc
„ on l'enveloppoit dans un drap que l'on attachoit avec de fortes épingles. „
Il n'eft point vrai que fous le drap qui l'enveloppoit de toutes parts, ellcn'ciîr
que fa chemife {5? une camifole exch'.fivement. Elle gardoit un corcet , un jupon 8c
des bas. L'aftcétation maligne avec laquelle on a mis fans «^w;/^ pour laificr le leéteur
dans uneefpcce d'inccrtinidc fi c'étoient des hommes ou des femmes qui la dcsha-
billoient , fait voir quel eft l'efprit qui a préfidé à la redaftion de ce récit , qui
bien certainement n'eft pas celui de Dieu. La Sonnet n'a point cefle pendant îcS'
convulfions de demeurer avec fa mère, & c'a toujours été elle qui la deshabilloit:
dans une efpece de petit cabinet qui étoit caché derrière une tapiflerie.
„ Ainfi légèrement emmaillotée (continue le récit) elle crioit tabous, tabous,,
„ ce qui vouloir dire tabourets : &: auffi-tôt deux frères portoicnt près de lâche—
„ minée oii il y avoit bon feu, deux tabourets fur lefquels onpolbit la Sonnet:
„ qui de cette opération avoit reçu le nom de Salamandre. „
Il femble à en juger par les termes de cette relation , qu'on ne plaçoirlcs tabou-
rets que vis à vis le feu. Or c'cft un fait qui a été vu. peut-être plus de cent fois*"
par des perfonnes fans nombre, & de toute condition , parconféquentc'eftunfait:
qu'on ne peut révoquer en doute, qu'à chaque repréfentation ces deux tabourets,,,
qui étoient de fer àrexccption de deux planches fur lefqucUcs la Sonnet apjuioit fa;
ji IDE'E DE L'ETAT DES CON FU LS 10 NN A fRES.
tète & fespicds, ctoient mis dans la cheminée des deux côtésdufeu, enlbrtc qwc
lorfque cette fille fe inettoit deffus, elle étoit précifément au defTus des flammes ,
6c que quelque grand feu qu'il y eût:, non feulement elle n'en fouffroit aucune in-
commodité , mais même le drap dans lequel elle étoit enveloppée n'a jamaisété
endommagé, ni feulement roufll , quoiqu'il fut quelque fois dans la flamme.
Comme ce fait, quoique public , ne manquera pas de paroître incroiable à ceux
qui n'ont pas vu les prodiges qite Dieu opère fur lesConvulflonnaires, leleftcur
ne trouvera pas mauvais que pour en aflurer la vérité d'une manière inconteflable,
je rapporte ici une cfpccc de procès- verbal qui en a été Riitpar onze pcrfonnes ,
d<int la plupart font d'une condition Se d'un mérite qui ne peuvent laiffcr aucun dou-
te fur la vérité de leur témoignage. Ony trouvera entr'autres un Mildrd Anglois,
qui a été converti parles miracles 6c le furnaturel évident des convulfions.
„ Nous foullîgnés François Defvernays Prêtre Doéteur en Théologie de h
„ inaifon 8c fociété de Sorbonne, Pierre Jourdan licencié de Sorbonne Chanoine
„ de Baycux , Milord Edouard de Rumond de Pcrtli , Louis Bazilc Carré de
„ Montgeron Confeiller au Parlement, Armand Arouet Tréforier de la Cham-
„ brc des Comptes, Alexandre Robert BoindinEcuier Sieur de Boibellin , Pierre
„ Pigeon Bourgeois de Paris, Denis Villot Bourgeois de Paris, Jean Baptiltc
,» Cornet Bourgeois de Paris, Loiiis Antoine Archambault, 6c Amablc François
,, Pierre Archambault fon frerc E,cuiers : certifions que nous avons vu ce jour-
„ d'hui cntrcS. 6c i o. heures du foir la nommée Marie Sonnet étant cnconvulfion,
,, la tête fur un tabouret , 6c les pieds fur un autre , lefdits tabourets étar.t entiére-
„ ment dans les deux côtés d'une grande cheminée 6c fous le manteau d'iccUc,
cnforte que fon corps étoit en l'air au defllis du feu qui étoit d'une violence ex-
55
„ trême , ^ qu'elle cil reftéel'cfpacede 3<î. minutes en cette fituation, en quatre
,, différentes reprifes , fans que le drap dans lequel elle étoit enveloppée n'aiant
,, pas d'habits, ait brulc quoique la flamme paflVit quelquefois au deflus : ce qui
„ nous a paru tout à fait furnaturel. En foi de quoi nous avons figné ce-jourd'hui
„ iz. Mai \r]6. ,, Signé DeiVcrnavs, Jourdan , E. D. Rumond dePerth, Carré
de Montgeron, Armand Arouet, Boindin, P. Pigeon, Denis Villot, J. B. Cor-
net, L. A. Archambault, A. F. P. Archambault.
„ Plus nous certifions que pendant que l'on fignoit le préfent certificat, ladite
,, Sonnet s'cll rcmife fur le feu en la manière cy deflus énoncée , 6c y eil reliée pen-
,, dant p. minutes, paroiflant dormir au deflus du brafier qui étoit très ardent, y
5, niant eu i f .bûches 6c un cottcret de brûlés pendant Icfdites deux heures 6c quart.
„ Fait ledit jour 6c an que deflus. „ Signé Defvernays, Jourd.m , E. de Rumond
de Perth, Carré de Montgeron, Armand Arouet, Boindin, P. Pigeon, D Villot,
L. A. Archambault, A. F. P. Archambault. Et plus bas cfl: écrit: contrôlé à
Paris le il. Mars 1740. reçu 11. fols figné Pipereau.
Quelle étoit la violence extrême, queïle étoit l'ardeur dévorante d'un feu qui
en deux heures a pu réduire i f. bûches en cendres ! Qiiel prodige qu'une pcrfon-
jic fc couche fans cminte immédiatement au defllis d'un feu li ardent : qu'elle y relie
lî tranquille qu'elle femble y dormir: 6c que l'on drap qui étoit dans les flam-
mes 6c même au deflus duquel les flammes pafloicnt quelque fois, y ibitrelté fans
en recevoir aucune atteinte ? Mais quel autre prodige encore plus grand , qu'il y
ait des gens qui loin d'être frapés d'une telle merveille, foicnt capables de la
tourner en ridicule !
Au relie cette Convulfionnairc demcuroit quelque fois dans le feu bien plus long-
tcms qu'elle n'y ell reliée le jour que ce procès-verbal à été drefl'é: l'Auteur des
Vains-cfforticn rend lyi-uiêmc lémoigiuge : il déclare dans la relation, qu'ordi-
naire-
IDE'E r>E VETJt DES CO NFU LS ION N AIRE S. ??
■nairement la Convulftonnaire demeuroit expofée au feu le tems néceJJ'aire pour faire
rôtir une pièce de mouton ou de veau.
Quoi ? Cet auteur convient que la Convulfionnaire demeuroit aflezlong-tems
expofée au feu pour que fon corps fût entièrement pénétré par les pointes brûlan-
tes des flammes , au même point que le font des viandes rôties, dont lafubftance
change de qualité : il convient en même-tems eue la Convulfionnaire n'en rcfTen-
toit aucune impreffion, & que le drap qui l'enveloppait n'a point été pendant un
fi loîîg-tems entamé par les flammes v& cependant un tel prodige ne lui paroit
digne que de mépris ! Quel eft donc le llèclc de fer dans lequel nous vivons ? Quel-
le eft donc aujourd'hui la dureté des cœurs ? Quelle ell l'infcnfibilité léthargi-
que des âmes ?
Quels eflPets n'ont point produit autrefois des prodiges , dont la plupart étoient
bien moins frappans? Lorfque Pierre Ignée pafîli entre deux bûchers ardens en
1067. à la vue de toute la ville de Florence pour prouver que Pierre de Pavie
Evêque de cette ville étoit entré par la fimonie dans l'épifcopat , Dieufefervit
de ce prodige pour convertir fi bien cet Evêque qu'il fe fitÀIoine dans le cou-
vent de Pierre ïgnée.
Aujourd'hui Dieu nous prodigue des merveilles, qui fotis certain point de vue
font encore plus étonnantes : ce n'cll pas feulement entre deux braficrs quepafle
une Convulfionnaire, mais elle demeure au delîus d'un bralier très ardent pendant
un tems confidérable : elle relie tranquille au milieu des flammes ; & les flammes
perdent à fon égard toute leur chaleur: leur vivacité n'a plus même la force
de faire aucune impreflîon fur le linge dont elle eft couverte. Cependant non
feulement cela ne convertit point d'Evêque , ce qui cil: une des plus grandes
oeuvres de la droite du Tout-puiflant : mais des Appellans traitent avec'le der-
nier méprisées prodiges faits en faveur de l'Appel ! En 1067. le Pape admira la
foi, le zèle , 6c l'intrépidité de Pierre Ignée, & le fit Cardinal: en 1737. des
Appellans oient qualifier de fç'ènesfcaiidaleufesï^s merveilles que Dieu opère pour
-augmenter notre zèle, & notre confiance.
II eft bon d'ajouter ici, pour éviter toute contradiftion par rapport aux faits,
que la Convulfionnaire dont parle l'auteur des Vains efforts , r/a pas chaque jour
repréfenté le fupphcedu feu de la même manière, 6c que lorfqu'cllc l'a fait d'une
façon dift^érente, le prodige n'a pas été accompagné des mêmes circonftanccs. [e
l'ai vue par exemple f . ou 6. fois, uutfi bicnqu'une multitude d'autres pcrfonncs,
fe mettre les deux pieds chauffés au milieu d'un brafier ardent : pour lors le feu
ne refpcétoit point Icslouiieis, ainn qu'il paroiffuit avoir refpeété l'on drap : les
fouliers s'embraloicnt 5 la flamme y prenoit, fie la femelle fe reduifoit en cendres,
fans que la Convulfionnaire rellcntît aucune douleur à les pieds, qui relloicnt un
tems confidérable au milieu du feu. J'ai eu même une fois ou deux la curiofité
d'examiner fi les femelles de l'es bas étoient brûlées ainfi que l'es fouliers : la femelle
tomba en poufiîerc aufii tôt que j'y touchai, enfortc qu'une partie dudcffous de
fon pied reila nud.
Qiioique ce prodige d^avoir ainfi les pieds dans le feu ne paroiffe peut-être pas
auffi frappant que d'avoir tout le corps dans l's flammes, néanmoins en le coniî-
derant avec attention il n'ell pas moins adnurable : fie leurs différentes circon-
ftances réunies manifeilent de plus en plus que le Tout-puiffant a pu feul être
l'auteur de l'un fie de l'autre. Dans le premier, les flammes fe;n!->lcnt avoir chan-
gé de qualités & avoii perdu toute leur force, puitqu'elles ne font p.is même au-
cune imprcflîon iur le linge. Dans le fécond au contraire, le feu conferve toute
la vivacité de fon action , puil'qu'il brûle , enflamme 6c coiilume les foUlicrs 6c les
Qhfcf-jat. H. Part. Tunn IL E bas:
34 IDE'E DE VEtJT DES CO NFULS TO NNJIRES.
bas : mais a'cft-ce pas une merveille que celui feul qui le dirpenfc quand il lui plaît
des loix qu'il a impolc à la nature, peut exécuter, qu'en même tcms ce feu ne
caufe pas la moindre douleur 8c ne porte pas la moindre atteinte ni à la peau ni à
la chair des pieds qui font 11 délicates & îi fenfihles ?
IX. CE n'eil pas ainlî que raifonnc M. le Docteur A, dans la LcMre fatiricinc qu'il
^ctvedu'* a fliite contre cette Convulilonnaire. Mais il me fera aifé de convaincre le lecteur
UuiteurA. quc tout y cft également luppofé, £c la plupart des faits outrageux qu'il avance
contre cette fille, & les deux prétendus principes de Théologie fur Icfquels il fc
fonde pour prouver que les convuUlons venoient du démon,
tfrt.da II rapporte lui-même qu'elle ne recevoit aucune atteirite ia feu ttu milieu des
DoA. A, flammes t3 étendue fur les brafiers les plus ardens : qu'après avoir pofé f épine de
*"' '' fon dos fur un pieu «igu , on lu: laijfàt tomber en fuite fur le "jentre du haut du plan-
cher une pierre du poids de cinquante livres , c'étoit un foulagement pour elle : . . .
gu'on lapreffat de toutes les forces^ plufieurs hommes à la fois ^ avec des broches de
fer , les pointes appliquées contre fa gorge ou contre fa poitrine , ces parties de fon cirps
ti'en étaient aucunement entamées.
Il convient encore, qu'elle s'efl fait admirer par fes belles prières ^ par fcs pré-
dirions^ par fes difcours, par fes extafes. A quoi il auroit du ajouter que Dieu
s'eil: fcrvi plus d'une fois de toutes ces merveilles pour convaincre des incrédules,
5c pour toucher des pécheurs.
Cependant malgré tout cela M. le Docteur K. a conçu de fi hautes idées du
pouvoir de démon, qu'il ne relient aucune peine à lui faire honneur de tous ces
merveilleux prodiges. Mais malheureufcment pour ce grand Docteur, fes prin-
cipes de Théologie ne font pas plus vrais que les faits pas Icfquels il prétend en
faire l'application aux convulfions de Marie Sonnet ; & je vais prouver qu'il faut
que fes préventions contre les cmvulfions l'aient totalement ébloui, pour avoir
compolé 6c fiit paroître dans le Public une Lettre telle nue la fienne. Mais ce
qui me paroît encore plus étonnant que tout le refte, c'ell le ton d'afiurance avec
lequel il m'attribue à moi-même le principe erroné fur lequel il bTitit principale-
ment tout fon fyiléme.
X. Fous établi fjez pour principe., me dit-il dans fa Lettre fiitiriquc qu'il lui plaît
ccr'cft jg m'addreflcr, que lorfqu'il s'agit de prononcer fur l'état divin oh diabolique oii fe
ruru'rs des tYOUvcroit unc pcrfonne ... on doit fe décider . . . fur tout par les circonfiances iiui
^°^^"'ul°,\;-f^rtrr/f«/ les mœurs , la bonne ou mauvaife conduite. î
rioit 'iécia A Dieu ne plaife que j'aie jamais avancé une propofition fi faudc. Mais bien
fotn; par
mccurs des
'^°"'"''^"°\yegardent les mœurs , la bonne ou mauvaife conduite.
io'convui- loin de l'avoir f7<îW;V dans mon fécond Tome, comme il ledit, je la combats au
fioni. contraire de toutes mes forces par grand nombre d'exemples 6c d'autorités que
^'^' j'y rapporte.
i'»/»fr. n. Le leétcur a déjà vu qu'à l'article LVH. de la \. partie de mes Ohfervations j'y
i.viK pp. fouticns, ainfi que j'avoit fait dans la i . édition, que quand tous les faits imaginés par
Icsenncmis des ConvuUionnan-es (croient auHi vrais qu ils (ontraullcment luppolcs,
il n'en réfulteroit aucune conicqucncc pour attribuer leurs convulfions au démon.
„ Qiii ne fait (m'écriai-je) que le faint El'prit, dont les divins rayons ne font
„ jamais fouillés quelque part qu'ils fc répandent , foufflc où il veut & dillribue
„ fes dons à qui il lui plait, (ans les accomp.igner toujours de vertus intérieures?
„ L'Ecriture faintc n'apprend-cllc pas à tous les Chrétiens que Dieu a fait faire
,, des miracles Se de grandes prophéties à des perfonncs tics vicieulcs, tels que
„ que judas, Caïphe,Balaam, 6cc.
„ Jcfus-Chrill a voulu nous inllruirc lui-même qu'il y aura des ouvriers d'ini-
„ quitc dans le nombre de ceux qui prophctifcront , Se qui feront des minicles
„ en
IDE'E DE VErjT DES CO N FUL S 10 NNJIRES. ^y
^, en fon nom : il déclare qu'au jour du jugement plufieurs lui diront ; Seigneur^^i^^
„ n'ai-ons-nouspas prophétiféen votre noyn ? N''a-vons-nous pas fait pinfîeurs miracles^ l'j- * ^^
„ en votre nom? Et qu'il leur repondra: retirez-vous de moi ouvriers d'iniquité.
„ C'eft donc en vain, c'ell en pure perte, que quelques-uns de ceux qui veulent
„ attribuer tout le furnaturel des convulfions au démon, ont forgé tant d'impo-
„ ftures contre les Convulfionnaires j puilque quand même tout ce qu'ils debi-
„ tent contre eux feroit vrai , il ne s'enluivroit point encore que Dieu n'auroit
5, pii fe fervir de ces pcrfonncs pour faire par leur minilfère des miracles & Aes
„ prédiârions : pourvii néanmoins que ces prédirions & ces miracles foient di-
„ rigés par tout ce qui les caraétérife, à une fin digne de Dieu, à la connoiffiin-
„ ce de la Vérité, à l'infpiration de la charité, à la réformation des mœurs, 6cc.
„ C'ell prendre le change que de chicaner fur le caraftère des perfonnes que
„ Dieu emploie, fur ce qu'elles font parl'efprit & parlecœur, fur leurs fentimens
„ particuliers, ou fur leurs vices : au lieu de conlidérer l'œuvre mcrveillcufe en
„ elle-même, dans fes caraélères 6c fes effets. ,,
Je prouve enluite par les miracles faits par Judas, & par les prédictions fii-
tes par Balaam , Saiil 6c Caïphe, que Dieu peut fe fervir de qui il lui plaît 8c
même de perfonnes féduites par l'erreur ou corrompues par le vice , pour exé-
cuter fes merveilles : qu'il faut donc examiner les prodiges par eux-mêmes ,
dans leur origine & dans leur fin, indépendemmcnt des qualités des inftrumens
qui y font employés -, & que tout effet merveilleux doit être regardé comme
venant de Dieu, lorfqu'il tend au bien par toutes les circonftances qui lui font
propres, 6c les effets qu'il produit.
De crainte d'ennuyer le lecteur, je ne répéterai point ici ce qu'il a vu que
j'ai obfervc-par rapport aux miracles & aux prédiftions de ces quatre malheu-
heux : je me contenterai de faire la remarque , qu'à juger de leurs prédiétions
par le taux pricipe qui faitlabafe du iyflême du Docteur A. il s'enluivroit que
ces prédiélions ne pourroient avoir Dieu pour auteur. Ainfi on fe trouveroit
obligé d'en donner le démenti à fEcriture lainte.
En effet Balaam étoit un fcélerat, & par coniequcnt fi c'ed par les mœurs
qu'o» doit Je décider fur Pétat divin ou diabolique oîi fe trouveroit une perfonne ^
les prophéties qu'il a faites forcé par une imprtflîon furnarurelle à laquelle il
ne pouvoit réfilter, ne peuvent être attribuées qu'à l'cfprit pervers, £c il n'a
pu convenir à la iagefle divine de ie fervir d'un tel organe.
Saiil étoit un réprouvé, habituellement agité par des convulfions diaboli-
ques: donc celles qu'il eut à Naïoth près Ramatha, oi^i il fe dépouilla lui-7nè-
me de fes habits. . . demeura nud par terre tout le jour (^ toute la nuit . . . i^ prû-\' f'°^^'^^'
fhétifa devant Samuel., ne pouvoient \'enir de Dieu.
Caiphe étoit un monftre d'orgueil, (\ livré à fitan que ce prince des fupcr-
bcs luiavoit inlpiréla réfoiution de faire mourir Jeùis-Chrill; îfc par conféquent
il n'ell: pas polfible que dans le tems qu'il ne cherchoit qu'à exécuter cette hor-
rible injuftice, lefaint Elpritait voulu parler par ia bouche.
Telles font les conléqucnces qui naiiTcnt du prciencu principe de Théologie
fur lequel fe fonde le Docteur A.: principe qui lui paroît cependant fi certain
& fi lumineux qu'il le répète prefque à chaque page. Or rien ne prouve mieux la
faufleté d'un principe, que lorfqu'il en rélmte des confcqucnces fi infouten.bles.
Mais comment ce Docteur a t-il donc ofé avancer que f établi (J'ois ce princi-
pe dans mon fécond Tome. 11 faut de necelîité que l'éblouilicment ait été îi fort,
qu'il ait pris à contrefens ce qu'il y liipit.
Voici au contraire les régies quej'ypropolepourjuger de la nature des prodiges.
E z lo, Lorf-
56 IDE'E DE VE'rjT DES CO NFULS 10 NN A IRE ^.
lo. Lorfqu'un prodige eft fi grand qu'il cft certain qu'il n'a pu être opéré que
par le rcnvcrfement des loix fuivant Iclqucls Dieu a voulu que les êtres maté-
riels fufTcnt régis , pour lors on ne peut l'attribuer qj.rà lui : parce qu'il n'y
a que lui qui puifTc s'affranchir de l'ordre univcrfcl qu'il a établi dans le monde
lorfqu'il l'a fait fortir du néant.
Ce principe quoique copié d'après S. Thomas, cft fi oppoféàla Théologie
du Docteur A. qu'il lui paroit une erreur. Il avance au contraire avec une con-
jjg.j. fiance merveillcufe, que c'ell un fcntiment univerfellcmcnt établi. .. qn^il cfi au
pouvoir du démon .y lorfque Dieu le lui permet, de cor/imu>iiquer à^rtomme des
degrés de forces qui l'oient au dessus des forces de la nature. Et que l'onne
dife pas ^ ajoute-t-ii , que Dieu ne le permettra, jamais : Vexemple de la Sonnet . . .
ejl à ce fujet un exemple fans réplique : (^ cet exemple feul fuffit , dit- il , pour con-
vaincre en ce point mon Ecrit d''erreur.
Avant de ra'accufer ainfi d'eireur, il auroit fallu répondre aux paflliges- des Pè-
res que j'ai cités, & qui contiennent précifémcnt la même doârrine que je fou-
tiens: ce que le Doétcur A. n'a pu ignorer, puifqu'il n'cll pas poflible qu'il n'aie
pas lu ces citations tant dans mon premier que dans mon fécond Tome qu'il s'a-
vife de critiquer, & entre autres dans la Demonllration du miracle opéré fur la
Dcmoifelle Fourcroy j où je rapporte que S. Thomas, non feulement donne
pour régie d;ins fa Somme théologique que Dieufeiil peut faire ce qui efi au de [jus de
r ordre général de la nature, mais ajoute que le démon ne peut agir fur la raa-
•uzif.Tio. tiere que par l'application des moyens qu'il y trouve, applicatione aEiivorum pas-
a .1. incjrp.yj^.;;^ 5c même que les Anges ne peuvent rien faire que félon l'ordre établi dans
;ViH. a. 4. ^ nature: quidquid facit Angélus. .. hac facit fecundum ordinemnatura creat£.
C'eft au contraiie le Docteur A. qui avance encore ici une fauflc propofition
qui cft même très dangercufc , en luutenant que le démon peut donner à l'hom-
me des forces qui [oient au dejfus de celles de la nature. JMais comme cette «|ues-
tion eft très importante, 6c que je m'ccartcrois trop de mon objet actuel fi je
la traitois ici à fond , je remets à le taire dans V Avant-propos de ma IV. Partie
où je prouverai en même tcms que l'objeéVion que ce Dofteur empiointe des
Rituels n'eft qu'une pure équivoque. Les Rituels ne parlent que d'une force
extraordinaire, mais il eft de principe qu'il n'y a que Dieu feul qui puifie pro-
duire des merveilles qui foient véritablement au deiïiis des forces qu'il a mifes
dans le monde. Au furplus les opérations ne manquent jamais d'être accompa-
gnées, par d'autres caraélèrcs qui ne conviennent qu'à lui: & fi un prodige avoir
pour fin de porterau péché ou d'autorifer quelque erreur, par exemple s'il por-
loit à l'idolâtrie, il n'y auroit aucun doute que ce prodige quelque merveilleux
qu'il parût ne feroit qu'une illuCon de fatan.
io. Lorfiiue les prodiges font d'un ordre inférieur, c'eft à dire lorfqu'il n'cft
point imprniblc qu'ils aient été opérés par des moyens naturels, & qu'ainfi il
peut y avoir du doute fur leur auteur, pour lors il faut principalement exami-
ner à quelle occafion ils font nés, quel elt le but que s'elt propofé l'être qui les
•père, 'v quels effets ils ont produits.
Voila les principes que les Pères nous ont enfeigné fur ce fujet, 6c non pas de
décider de l'auteur des prodiges par les qualités perionnellcs de ceux lur qui ,
ou par le miniftere de qui, il les fait.
j T. AU-kIvSTF, fi M. le Docteur A. n'cd pas fort exaét dans (^:i principes de
M. 1» Doc-Thcologic . il i'eit encore moins dans le récit des fiiits qu'il rapporte.
yoinr rijft Ricn n clt plus affreux que le portrait qu il fait de Marie bonnet. L amertu-
j'/iw'-g",',™'^ de foQ zclc ic porte julqu^à duc qu'elle ctoit um mijhable hypacritt, dont on
tappori*. nP
IDE'E DE VE'fjr DES CONFULSIONNJIRES. ^j
ne doit parler qu'avec les fe>itimens d'horreur 13 (l'indignation que mérite un fiijet ^^ ^
dont fat an a fait rinflrument le plus marqué de fcs noirs artifices.
Qui oferoiten dire autant du plus grand des l'célerats ? Cependant voici encore
un trait bien plus terrible.
l'eue ^'/?, telle fin! s'écrie-t-il. La Sonnet pendant quelle a vécu^ a joué Dieu (Si? p,- .
îa Religion : elle meurt en iffipie.
Peut-on lire ces elfraiantcs paroles fans en frémir, Se fans être pénétré de dou-
leur de voir qu'elles ioient forties de la bouche d'un Dofteur qui fe dit attaché à
f Appel? Quel jugement en porte Jefus-Chrift dans le ciel, lui qui nous défend
fi pofitivcment de juger perfonne? ,, Ne jugez point (nous dit-il) afin que vous Mat:h. v:i.
„ ne foyez point jugés. Car vous ferez jugés félon que vous aurez juge les au- '' ^'
„ très , 6c on fe fervira envers vous de la même mefure dont vous vous ferez fer-
„ vi envers eux. „
Ce pacage de l'Evangile n'auroit-il pas dû arrêter la main du Dofteur A. lorf-
qu'il a écrit la fentence de réprobation qu'il ofe prononcer contre Marie Sonnet.'
Mais fur quels faits cet impitoiable jugement cft-il donc fondé. Pour les dé-
gager de la confufion où ce Docteur les préfente , je vais les ranger fous 4. époques.
La première contiendra les faits qu'il rapporte concernant les moeurs de cette
fille avant fes convuHlons.
La féconde , ceux que fon imagination lui a fait croire à l'occafîon du miracle
de guérilon opéré fur cette fille à la naiflance de fes convulfions.
La troifiémc , ceux qu'il exagère à l'égard de la conduite pendant fes con-
Tulfions.
La quatrième, ceux qu'il fuppofe par rapport à fa dernière maladie &: à fa mort.
I. Epoque. M. le Doéleur A. prétend que la Sonnet avant fes convulfions,
avoit été renfermée en la maifsn de fiorce à l'Hôpital^ ij quelle ne fiai fait que de
fortir de celle du Sauveur.
A cet égard j'avoue que je ne fuis pas afîez inftruit pour lui répondre, n'ayant
commence à connoitre cette fille qu'à l'occafion de la grande maladie qui pré-
céda fes convulfions ; 6c depuis ce tems ne m'étant jamais bien informé de la
conduite qu'elle avoit tenue auparavant. J'ai feulement ouï dire que fa mère l'a-
voit fait mettre à S. Sauveur j mais je croi que c'eft plutôt pour lui avoir man-
qué de refpeâ: que pour avoir eu des mœurs corrompues. Ce qui me le fait pcn-
fer, c'eft que pendant près de deux ans que je l'ai régulièrement fuivie, je ne
lui ai jamais connu aucun penchant pour l'impureté : auflî M. le Dofteur À. ne
rapporte-t-il aucun fait qui ait rapport à ce vice depuis que cette fille a eu des
convulfions. Au rcfte elle étoit pulmonique de naifiiince, petite, fort noire, af-
fez laide, & avant fes convulfions elle tomboit du haut mal ; ainfi il s'en falloit
beaucoup que ce fût un objet tentant.
A cette occafion je ne puis m'empêcher de relever jufqu'à quel excès ce Do-
fteur s'ell laifle prévenir contre les Convulfionnaires. Tout ce qui leur arrive
lui paroît impofturc, jufqu'aux accidms de maladie qu'il ne feroit pas pofiîblc
de contrefaire, 6c même jufqu'aux prodiges dont le furna'urel eft manifcfie.
Par exemple il reproche à Marie Sonnet comme un artifice de ce qu'avant fes
convulfions^////^ roulsit far le plancher comme un fierpcnt ., elle écumoit comme unetag. f,
furieufie , eïle ?nordoit comme uncbiei. Cet habile Dofteur fait-il quelque fccret
pour écumer ainfi par fiélinn? Et s'il n'avoit pas été c'MouY par fes préjugés,
n'auroit-il pas reconnu que c'ctoient là des accès très réels d'épilepfie? Bien plus.
En parlant d'une autre Convulfionnaire nommée Dcnife, il rapporte entre au-
tres chofes, c^M'dvec de grojj es pierres on lui déchargeoit finr h poitrine ks coups lesn^. ,,
L 3 plus
r-g
38 IDE'E DE VE'Tjr LES CONFULS TONNJ TRES,
plus capables d'affommer . . . fans qu'il parût en arriver d'accident -, & il veut que
nous croioni bonnement que tout cela n'a été de la part de cette fille quimpollu"
re y que jeu. Ainfi c'étoitpar forme de récréation que les coups les plus allom-
mms ne 1 aflbmmoient pas, 8cque les plus horribles coups de pierre . .. donnés di
toutes les forces fur la poitrine ne lui faifoient aucun mal!
On ne mérite plus aucune confiance quand la prévention cft capable de faire
tomber dans de tels écarts. Mais quand il feroit vrai que la Sonnet auroit été
dans la première jeunefl'e telle que ce Doélcur le veut faire accroire , en ce cas il
ne peut nier que les convuUions ne l'aient à cet égard totalement changée : ainli
ce ne feroit nullement une preuve que le démon en étoit l'auteur.
II. Epoque. La maladie à l'occafion de laquelle cette fille eut des convul-
Cons, étoit très confiderable. M. le Docteur A. convient lui-même qu'elle avoit
..para fericufe, pui [qu'on lui avoit adminifré les Sacr émeus.
Cette maladie confilloiten un abcès qu'elle avoit au foie, qui lui donnoit de
tcms en tems une fièvre violente, & qui avoit occafionné une tumeur au côte
qui lui faifoit de fi vives douleurs qu'elle vouloit abiblument qu'un Chirurgien lui
ouvrit cette tumeur. La cuifle 6c la jambe du même côté tombèrent en même
tcms en une efpèce de paralyfie qui leur ôtoit prefque entièrement le mouve-
ment. Lorfqu'on lui eut déclaré que cette cruelle incifion qu'elle fouhaitoit fî
fort, ne lui apporteroit aucun foulagement, & qu'il ne lui relloit d'autre parti
que de fouffrir fon mal en patience , elle penfa tomber dans le defefpoir. Mais il
parut que Dieu eut pitié d'elle. Son defefpoir fe convertit tout à coup en con-
fiance, & elle conjura avec larmes quelques perfonncs de pieté qui s'eft'orçoicnt
de la confoler, de commencer avec elle une ncuvaine au Bienheureux M. de Pa-
ris pour obtenir de Dieu qu'il diminuât fes foutîVances, puifqu'cUe n'avoit p.\s la
force de les fupporter.
A peine laneuvainc fut-elle commencée qu'il lui prit de violentes convulfions
qui la portèrent d'abord à taire des pénitences extraordinaires, malgré l'cxtrèn-c
foiblcflc où fa maladie l'avoit réduite-, entre autres elle fe couchoit lur les bar-
res de bois de fon lit. Elle fe mit peu après les pieds dans le feu, fins en rclTen-
tir aucune atteinte : 6c au bout de quelques ]ours elle le trouva parfaitement gué-
rie de fon abcès au foie , de latumeur qui la faifoit tant fouffrir, 6c de la païa'yfic.
Le lendemain ou le l'ur-lendemain étant venue chez moi fans becquille, 6c
marchant même très librement, M. le Docteur A. qui le vit ou à qui on le
dit , publia aullîtot que cette fille étoit une fourbe 6c que la maladie n'.ivoit
été qu'impoilure.
On eut beau lui repréfenter que cette guériibn étoit un miracle évident, il
s'écria qu'une telle créature étoit indigne que Dieu fit des miracles en la fa-
veur -, 6c qu'ainfî puifqu'elle prércndoit avoir été guérie par fes convulfions
d'une maladie naturellement incurable, il falloit en conclurre que la maladie
n'avoit été qu'artifice.
Voila précifément la même Théologie qu'on retrouve dans la Lettre de ce
Doéteur : il n'a point ch.ingé de principes. Mais étoit-cc donc là un légitime
fondement pour révoquer en doute cette maladie, quoiqu'auparavant le mira-
cle elle cin paru fcricufe ., ainfi qu'il en convient?
En cftet les fymptômes n'en étoiini-ils pas vifibles, même très apparens ?
N'ya-t-il pas eu quantité de perfonnes qui ont vu luili bien que moi, cette
malade prcfqve réduite à l'extrémité' l'ouvoit-ellc feindre quelle avoit uncvio-
Icntc fièvre? La grod'cur qui paroilloit à Ion côté étoit-ellc un artifice? Etoit-
cc par plaifir qu'elle prioit avtc les plus vives inllances qu'un Chirurgien lui
pcrt.it cette grolltur? M.iis
TDE'E DE VETjr DES CONFULS ION NJ IRES. ?p
Mais fi la maladie étoit réelle, le miracle eft inconteliable. Qiiel autre que
le Tout-puilTant eût pu la changer en fi peu de tems en une fanté parfliite ?
N'c(l-il pas certain qu'en très peu de jours cette maladie a totalement ccflc
d'être, que la tumeur au coté a dilparu, que la cuifie & la jambe paralytiques
ont tout à coup recouvré tout leur mouvement, & qu'en même tems Marie
Sonnet s'cft trouvée rétablie dans une parflùte ianté j 6c tout cela fans aucun
remède humain.
M. ie Doéteur A. convient lui-même que quantité de gens furent perfuadés
du miracle. Combien de pcrfonncs ., dit-il, y furent trompées? Eh! qui étoientfa^ $■■
toutes ces perfonnes ? Tous ceux qui avoient été témoins de la maladie & de
la guérifon.
Ce que je dois à Dieu ^ à la Religion (continue le Dofteur A.) ne mù pennit pas
de me taire. Je parlai fi haut que le miracle efî demeuré dans un entier oubli.
Je ne l'ai cependant pas oublié , non plus que bien d'autres perfonnes : mais
comme on n'en fit point fur le champ de relation & qu'on n'en recueillit point
les preuves par écrit, j'avoue qu'il n'a pas fort éclaté dans le Public. Mais
elt-ce là un prétexte fufiifant pour en contefter aujourd'hui la réalité? Et
peut-on entendre fins- peine le Doéleur A. emploier, comme il foit, les noms
facrés de Dieu & de la Religion., pour combattre les oeuvres de Dieu Se les pré-
fens qu'il fait à la Religion en lui rendant fa prélence Icnfiblepar des miracles?
Le Icftcur va être encore bien plus convaincu de la témérité de ce Doéteur,
lorfque je lui aurai rendu compte des preuves fur lefquelles U s'appuie pour taxer
ce miracle d'impollure.
Voici l'unique qu'on trouve dans fi Lettre. Deux Prêtres dignes de foi, me^'s**'
dit-il, vous l'ont atteflé dans le tems comme témoins oculaires : y l'un deux me le
certifia de nouveau Vété dernier en préfence de plu fleurs perfonnes refpeHables.
Comme perfonne ne m'a jamais attelle ce fait, je ne favois d'abord de qui
il vouloit parler: mais je viens d'apprendre que c'eit de MM. Frémi, ainfi qu'il
l'a déclaré à la plupart de ceux à qui il a fait préfent de fa Lettre.
Quel va être l'ctonnement du Icfteur, lorfqu'il faura que ces deux Prêtres très
dignes de foi nient pofitivement tous les faits dont ce Doéteur les prend à témoin.
Une perfonne curieufe d'approfondir fi le miracle opéré fur Marie Sonnet étoit
véritable, ou fi ce n'étoit qu'une impoflure, ainil que le Doéteur le qualifie, a
envoie fi Lettre imprimée à MM. Frémi, 8c les a priés de lui mander s'il étoit
Yjai qu'il euffent été témoins oculaires des faits qui y font rapportés.
Voici leur réponfe dont on m'a donné copie.
„ Monfieur Ilcftfaux i o. que nous ayons été témoins oculaires du fiiit dont l:i
„ Lettre veut nous rendre garants, ni que nous l'aionsattefté comme tel à M.
„ de Montgeron. Il eft faux zo. que l'un de nous l'ait certifié l'été dernier à
„ l'auteur. Ce qu'il y a de vrai fur ce point , 6c ce dont nous nous fouvenons
„ bien, c'eft que ladite Sonnet fut en effet accufée d'être montée aifément 6c
„ fans becquilles le degré de la mailon où elle demcuroit pour lors, aufiî bien
j, que celui de M. de Montgeron ; mais ftns avoir aflez de preuve pour pou-
j, voir l'aflurer*, bien loin de pouvoir l'atteiler comme témoins oculaires. „
Loin donc que MM. Frémi aient été témoins de vifu d'aucune fupcrcherie
de la part de la Sonnet, tout ce qu'ils favent c'eft qu'on l'en a accufée. Mais
qui a été fon accufatcur? On n'a pas de peine à le deviner, il ne fe découvre
que trop lui-même: M. le Doéleur A. convient que dès qu'on parla du miracle
opéré fur cette fille, il cria: yf Pimpofiure; 6c il ne défavouera pas qu'il publia
de tous côtés , que fa prétendue, guérifon miraculeufe ne devoit être regardée
40 idt:e lu vEtjr des confulsionnjtres.
que comme une preuve que fa maladie n'avoit été qu'artiiîce. Il n'en falloit pas
davantage pour que cela ic répandît dans tout Paris , où la prévention cft (i
générale contre les convulfiotis & les Convulfionnaires. Tout ce qu'on y dé-
ite contre eux y ^^ft l'cçu avec avidité par la plupart du monde. Aulîi le Doc-
teur A. a-t-il eu le plaiiir de voir fes injulles foiipçons voler bientôt débouche
en bouche ; ainfî il n'f il pas étonnant que MM. Frémi aiant ouï dire à quel-
qu'un que la Sonnet ctpit loupçonnée de fourberie, l'aient rapporté au Doftcur
A. fans f '• ->ir que c'cr iit lui qui étoit l'auteur de tous ces faux bruits. Et voila
ce qui fai' aujourd'hui toute fa preuve.
Au furpius qu'cil-cc que MM. Frémi ont entendu dire? Que d;;ns le tems
qu'on croyoit e- zc e :ette fille paralytique on l'a vue tnonter aij'é»::nt y fans
becquilles le dr -vu. de fa n nifon & l'elcalicr de la mienne. La folution de ce tait
n'ell pas difficile : c'eil que pour lors elle venoit dctre miraculeufemcnt gué-
rie. Car ce tait que le Doéteur A. donne encore aujourd'hui pour preuve de
l'impofture de la Sonnet, eit fans doute le même qui arriva le jour que ce Doc-
teur fit tant de bruit, qui étoit le lendemain ou le fur-lendcmain du muMcle.
Mais quand même on fuppoferoit que la maladie de la Sonnet n'auroit été qu'un
artifice, il feroit encore contre le bon fens d'imaginer qxie cette fille, dans le
tems qu'elle auroit voulu continuer de fe faire croire p.ualytiquc , fijt fortie
dans les rues fins becquilles & fut venue chez moi en cet état. Ce huiaucon-
tniire n'eft propre qu'à juftifier que dans ce moment là elle fe prétendoit gué-
rie, 8c par conféqucnt il ne peut jamais fervir de preuve à l'impofture dont le
Dofteur l'accufc. Ainfi il cft évident que de toutes façons cette accufationbitlTe
la raif«n auiîî bien que la vérité.
AuiTi M. le Dofteur A. a-t-il été fort picqué de voir que les deux rcfpecta-
bles Prêtres qu'il s'étoit avifé de citer comme témoins oculaires, avoient fait
une déclaration qui renvcrfe toutes les preuves de l'acculation qu'il avoit fi lé-
gèrement intentée. Il a d'abord voulu foutenir la gageure, i?c pour cet eft'ct il
a engagé M. Souchai fameux Chirurgien, qui depuis quelque tems fe prête à
l'excès contre moi à MM. les Docteurs Antifecouriftes, de déclarer de tous cô-
tés que M. Frémi l'aîné lui avoit attelle le même tait qu'on trouve dans la Let-
tre du Docteur A. comme l'ayant vu de fes yeux.
Ce digne Curé l'aiant appris a écrit, qu'il n'avoit aucune mémoire d'avoir ja-
mais parlé de ce fait à M. Souchai, mais qu'au i'urplus il ne peut pas lui avoir
dit qu'il en avoit été témoin oculaire, puifque dans le tems de la maladie & de la
{jucrifon de Marie Sonnet il n'étoit point à Paris, ^ qu'il en étoit même pour
ors éloigné de foixante lieues. Cela efi clair, net & précis, ^ no peut fouftrir
de réponfe. Ainfi M. le Docteur A. le trouve dcdit par fes ceux uniques té-
moins, l'un defquels étoit à l'oixantc lieues de Paris dans- le tems qu'il le donne
comme un témoin clevifa.
Voila cependant les fculs témoignages fur lefquels ce D< ércur le fondcpour
nier un miracle reconnu pour tel p;.r tous ceux fous les veux de qui les faits
fc font paflcs, Se pour accufer d'une uifigne impolluiv la CtMnuUionnaire fur qui
il a plu à Dieu de l'opérer. Plaignons- le de prendre ainfi les foup(,'ons téméraires
pour des preuves réelles , & fes taufles opinions poin- des prince* de Théologie.
III. Epoque. La mémoire du Do£teur A. n'a pas cie plus bcureufc à l'égard
des hiits qu'il rapporte conccrnans la conduite de la Sonnet j^enJant fes con-
vulfions, que par rapport à ceux que fon imagination lui a piclcntes à l'occa-
fion de fa guéufon miiaculcufc.
Il n'y a qu'un fcul fait bien cifconftancié dont ce Docteur r.:ccmc rhidoirc.
Tout
IBE'E DE VETJT DES CONFULS lONN AIRES. 41
Tout le furplus de ce qu'il débite contre cette fille, fe réduit prefque à des in-
veâives.
Voici d'abord ce grand fut dont le Do(3:eur conclud , que les circonftances tvi^K* s j
font Ji graves qu'elles font capables de dijjîpcr les plus éhlouijfans préjugés.
„ Je ne vous diflîmulerai pas (me dit-il dans fi lettre) qu'apprenant tous le P»ie i<
5, jours le funefte fucccs avec lequel cette créature féduifoit les efprits , je la
j, fis fuivre & examiner de près : & cela afin de pouvoir vous détromper fur ce
5, que vous penficz à fon fujet. La Providence me lervit comme je pouvois le
55 defirer. Je fivois déjà qu'elle entretenoit des liaiions avec les Auguftiniftcs ,
j, êc quelle en recevoit de l'argent. Vous nepouviez le croire, & il falloit vous
„ le prouver. Et quelle preuve ne vous en donnai-je pas en apprenant l'infignc
5, impofturc qu'elle venoit de pratiquer? Je viens au fait.
„ Vous veniez, Monfieur, de lui donner une robe toute neuve. Elle oublie
J, qu'elle fc dit paralytique , elle prend fur elle un mauvais habit 6c met cette
.. robe dans fon tablier. Elle prie une perfonne d'aller avec elle. D'un pas léger
„ elle va chez une Dame Auguftinilte „ ( Madame Simart , fuivant que M.
le Dofteur A. l'a déclaré , comme on me l'a écrit. ) „ CetteDanielui témoigns
„ fa peine de la voir fi mal vêtue. Madame, lui repond la Convulfionnaire, je
„ n'ai pas le moyen de me mettre mieux. Je veux ma fille, continue la Dame
„ te donner une robe, & il fout en chercher. En voila une, pourfuit la Son-
„ net , qu'on veut me vendre , & clleefl: faite comme pour moi. On eflaie cette
„ robe. La Dame charmée de voir qu'elle va fi bien à la taille de notre four-
,, be, lui demande combien on la veut vendre. Un Louis de vingt- quatre francs,
„ lui répond-elle. On reçoit les vingt-quatre livres, & l'on va le divertir. „
A ce récit le Dofteur ajoute plufieurs autres particularités dont le long dé-
tail ne manqucroit pas vraiicmblablcment d'ennuier le lefteur. Mais je ne puis
lui épargner la principale de celles dont ce Doéteur a jugé à propos de me pren-
dre à témoin : lavoir , que cette hypocrite démafq^uée cf confondue . . . me. fit à moi-
même l'aveu forcé de fes impoflures.
Croiroit-on bien que dans tout ce récit fi fort chargé de circenftances , il
n'y a pas un feul mot de vrai.
La feule chofe dont je me refibuviais qui y ait quelque rapport, c'eft que
ce Doftcur m'a jadis raconté une hiftoire prefque pareille qu'il mcttoit alors lîir
le compte d'une autre Convulfionnaire: ainfi toutel'exculcque je puis lui four-
nir, eft que l'infidélité de fa mémoire lui a fait en cette occafion prendre une
Convulfionnaire pour l'autre.
que c etoit une pi
Mais dans le récit même de ce Docteur il y appuie très fort fur une circon-
ftance dont la faudeté cil palpable, ôc qui choque toute vraifcmblance. Ilfup-
pofe que la Sonnet fe difoit encort paralytique , ïoû(\\i'c\\t ini d'un pas lîger chez
la Dame Auguitinifte, mais qu'elle l'avoit oublié. Or il eil certain que pendant
tout le tems que la Sonnet a été paralytique, elle ne pouvoir faire un pas lans
becquilles > & qu elle n'a ctc connue de Madame Simart qu'à l'occafion du fpec-
tacle de fes étonnantes convulfions que tout Paris venoit voir, & qui n'ont fait
ce grand éclat que plus d'un mois après qu'elle a été miraculeufcment guérie.
A l'égard du reproche qu'il lui fait , ([w'elle recevait de V argent ... des Aw
guflnijies^ il elt bien vrai que les Auguftmiftes frappés du brillant de fes con-
vulfions ont fait tout leur polllble pour l'attirer dans leur parti j mais il efl: de
Obfciiat. II. Part, tome IL F note-
^4* /i>£'£ DE UETJT DES CON TULS 10 NNJIRES.
notoriété publique que loin de fe ranger de leur coté , elle a toujours public
hautement qu'ils étoient dans l'erreur; d'où il fuit qu'elle a été inébranlable à
toutes leurs foUicitations.
PuHons au fcul titre d'accufation qui a quelque efpccc de fondement , mais que
ce Doélcur exagère à l'excès.
Uj» }. Elle confer-joit touiours ( dit-il ) un fonds d" a-ver fion pour fa mire , averf.on qu^eîle
faifo'U éclater par les parties les plus oittrageufes.
Il eft vrai que cette fille a plus d'une fois manque de refpeét à fa mère, fbît
par des p-aroles peu mefurccs, foit par des lignes & des mouvemens d'impatient-
ce, lorfqu'clle la voioit agir mal-adroitement ou avec trop de lenteur-, mais je
ne l'ai jamais entendu lui dire aucune parole outrageufe , &i'ai mêmedcs preu-
ves qu'elle avoit au fonds de fon ame une vraie eftime pour elle, & qu'elle la
regardoit, difoit-clle, comme une faintc. Cependant c'eft moi feul que M. le
Doârcur A. prend à témoin de ce fonds d'/iver/îon, ic àc ces paroles les plus
outrageufes dont il prétend que je lui ai fait confidence ! Ne feroit-ce pas que
comme ce Doélcur voit avec un microscope les défauts des ConvuKionnaires ,
il entend au bout d'une trompette tout ce qu'on lia dit de dcfavantageux à leur
fîijet?
Mais quand même cette fille vive jufqu'à l'excès, feferoit emportée jufqu'à
dire des injures à fa mère, en réfultcroit-il que Dieu n'auroit pas pà faire un
miracle fur elle, & que les admirables merveilles qu'on voioit s'opérer toits les
jours dans fcs convullions n'étoient pas des effets de la routc-puifTmce divinq?
Tous les malades, les ellropiés, les aveugles que fefus-Chrill a guéris font-ils
donc devenus des faints? Et parce que plu iieui's font peut-être demeurés tout
auffi grands pécheurs qu'ils étoient auparavant , les Pharifiens auroicnt-ils été eu
droit d'en conclurrc que les miracles que Jcfus-Chrilb avoit fait fur eux n'é-
toient pas véritables, fous prétexte que ces pécheurs étoient indignes que Dieu
Icm- fît une tcUe laveur? Jt iérois bien malheureux fi Dieu ne faifoit jamais de
grâces à des indignes.
Il ne refte plus à répondre qu'aux invcélivcs du Doéleur. Il ne les épargne
pas : il ne cédé d'appellcr cette ConvuHîonnaire fourbe . . . vialheiireufe , infigne
hypocrite. Mais comme il ne cite aucun autre fait que ceux dont j'ai parlé ci-
dcfTus, la meilleure réponfc que je puiffe y donner , c'cll de rapporter exaéte-
ment quel étoit le caraétere de cette fille , 6c quelle a été la conduite dans
fcs convulfions.
Son principal défaut étoit d'être exceffivcment vive, & très portée à l'im-
patience : & c'eft ce qui étoit caiife qu'elle manquoit aile?, louvcnt de refpcéb
a fa merc , qui eft une vieille femme d'une lenteur extraordinaire dans toutes
f<"s aétions & jufque dans fon parler. Mais lorfqu'il lui étoit échappé quelque
«larque d'impatience, ou quelque terme peu convenable, elle huen demandoit
excufe i ôc fouvent fa convulfion la forçoit de fe condamner elle-même à des
pénitences très rigoureufcs. Au furplus dès qu'elle avoit commis quelque faute
confidérable, fcs convullions difcontinuoicnt ; & Dieu lui envoyoit auffitot une
maladie, qui étoit le plus fouvent une violente attaque de pulmonie accom-
■pagnéc de fièvre. Qiielqucfois elle s'impaticntoit d'ab<>rd contre fa maladie,
& p-^ur lors U maladie ne manquoit pas d'.uit;mentcr , & ovdjnaircmcnc ne le-
gucrifloit point que cette fille n'eût confcllc humblement fcs fautes devant
tout le monde, qu'elle n'eût fupplié ceux qui la vcnoicnt voir de prier pour
<llc.,, &: qu'elle n'eût fait quelque pénitence cxtriorduiaire : elle le mcttoit par
txcroplc fur le corps, toute malade qri'cUc étoit ^ une haire^ un ci lice , un
cccur
IDEE DE rSTJr DES CONFULSIONNAIRES. 4^
cœur & une ceinture garnis de pointes. Enfin chaque maladie finiffbit parle
retour de fes convulfions qui lui rendoient tout à coup une fanté parfaite.
De telles convulfions , qui fe retirent dès qu'on fait quelque faute notable ,
qui ne reviennent que quand on s'en eft publiquement humilié 5c qu'on en a
fait une grande pénitence , feroient-cUes donc l'ouvrage du démon ?
Au retour de fes convulfions elle paroilîbit d'abord pendant quelque tems
avoir de la pieté, même hors de convulfion. Pour lors elle employoit toute fa
journée , dès que fes convulfions la laifibient libre , à travailler , à lire de bons
livres & à faire beaucoup de prières. Mais cette vie fort occupée l'ennuyoit
bientôt; & dès qu'elle difcontinuoit de travailler, de lire & de prier, la pieté
s'évanouï{roit,les mouvemens d'impatience rcprenoient le deflus. Auffitôt qu'el-
le avoit fait une certaine quantité de fautes, ou quelque faute confidérable,
les convulfions ne revenoient plus, & il furvenoit une maladie qu'elle reconnois-
foit elle-même & qu'elle déclaroit publiquement être une punition de Dieu.
Voila fa vie : & quoique je ne prétende en aucune façon excufer fes défauts , je
puis dire que l'aélion de Dieu fur elle étoit marquée même hors de convulfion.
Il fembloit que la grâce combattoit contre le penchant naturel de cette fille ,
& qu'elle le ibumettoit de tems en tems : qu'enfuite ellefe retiroit , & qu'après
l'avoir laiflee à elle-même, elle revenoit en prendre pofl'effion: ce qui me pa-
roiffbit un fimbole qui répréfentoit vivement , que dès que la grâce celfe de nous
foutcnir nous ne fommes plus capables d'aucun bien.
Comment le Doéteur A. peut-il accufer une perfonned'un tel caraétèrc d'être
une infigne hypocrite'? Qiioi! parce que cette fille a eu une vie fort inégale,
une vie qui étoit une akernatirc de fautes 8c de pénitences, de maladies 6c de
convulfions ; peut-on conclurre que la pieté qu'elle faifoit paroître de tems en
tems, n' étoit hypocrifie ? Si ce n'eût été qu'impofturc, elle eût affefté d'en
conferver toujours les apparences , ce qu'elle ne faifoit point. C'étoit une per-
fonne trop vive pour difiîmuler aucun de fes fentimens. Au furplus qui a donc
donné à ce Doéleur le droit de juger ainfi du fonds des cœurs ? Cependant ce
jugement, quelque téméraire qu'il foit, n'ell encore rien en comparaifon de
celui qu'il ofé porter par rapport à la mort de cette fille .
IV. Epoaue. Marie Sonnet eft morte à l'Hôtel- Dieu de la pulmonie dont
■elle avoit été traitée plufieurs fois dans cette maifon depuis fa première jeunefie.
Mais avant que de s'y faire porter, comme elle eut peur que les Prêtres de
cette maifon, la plupart Irlandois & ConlHtutionnaires outres , ne la tourmen-
laflent pour lui faire déclarer quelque chofe contre fa confcience , 5c que fur fes
refus ils ne lui refufaflent les Sacrcmens , elle prit la fagc précaution de fe les
faire adminiftrer par un Prêtre de S. Severin ia paroifle. C'ell un fait public
que le Doéteur A. ne pourra nier. Au furplus l'a mcre engagea une peribnnc
d'une grande pieté à venir l'exhorter pendant fa maladie ; il y vint très régu-
lièrement avec la mère, 8c il certifie &: a même déclaré par écrit que Marie
Sonnet pnroijjoit bien recevoir les exhortations ôc les lectures de pieté qu'il lui fai-
foit , ^ que pendant tout le tems qu'eUe a été à l' Hôtel-Dieu elle étoit en bonne
intelligence avec fa mère.
Voila les faits tels qu'ils font atteftés par cette perfonne de pieté. Voici au
contraire ceux qu'a imaginés M. le Doéteur A.
„ Pendant cinq femaines qu'à duré (dit-il) la maladie. . . de cette infigne hy-pjgj..fe g.
„ pocrite. . . non feulement clic ne donne pas le moindre figne de pieté: non
„ feulement au grand fcandale des Religieuics 6c des autres perfonnes qui l'ap-
„ prêchent, _ellc continue de traiter la merc avec la dernière iiidignité ,clle ne
Fa ., veut
1 Co
IV. S
44 IDE'S DE VETJT DES CO N FU LS FONNJ TRES.
„ veut pas même entendre parler de Dieu. . . Mais telle vie , telle fin ! La Son-
j, net pendant qu'elle a vécu a joué Dieu & la Religion: elle meurt en impie. „
Ne frcmit-on pas en entendant fortir de la bouche d'un Picire un fi ter-
rible anathême ? Qui lui a donc révélé que cette fille efl morte de la mort des
impics ? Quelle preuve en rapporte-t-il ? Aucune autre que les noires idées
que fes préventions ont forgées : fauiïcs idées qui font détruites par le té-
moignage précis de ceux qui ont aflîfté cette fille à la mort. Mais quand il (c-
roit vrai que cette moribonde trop attentive à fes mau.\ , n'eût pas toujours
écouté avec tout le recueillement défirable les IcéturcsSc les exhortations qu'on
lui flùfoit : quand il feroit vrai qu'elle auroit laiflc échapper quelque marque de
mauvaife humeur lorfqu'elle fcntoit redoubler fes fouffrances , feroit-ce donc là
un prétexte fuffifant pour prononcer qu'elle eft condamnée à des fupplices éter-
nels , ainfi que le font ceux qui meurent en impies ?
rînth. ,, Ne iugez point avant le tems (s'écrie S. Paul:) ne jugez point iufqu'àcc
„ que le Seigneur vienne, qui produira à la lumière ce qui eft caché dans ks
„ ténèbres , & découvrira les plus fccrettes penfées des cœurs.
Rom. II. 1. „ C'cft-pourquoi , ô homme qui que vous foyez, qui condamnez les autres,
„ vous vous rendez inexcufable.
ibii. XIV. 51 Qpi ctes-vous, pour ofer ainfi condamner la ferviteur d'autrai ? „
♦• Sur quoi le Père Quefnel fait cette judicieufe reflexion .' „ Qu'il eft dange-
„ reux de vouloir fe rendre le juge de la confcicncc des autres. C'cft entreprcn-
„ dre fur les droits de Dieu , fcul juge aufii bien que feul maître de tous. „
Mais, dira-t-on, vous convenez que la Sonnet avoit de grands défauts. Pour-
qaoi Dieu l'auroit-il choifie, &: pluficurs autres Convulfionnaires tout aufli im-
parfaits qu'elle , pour fliire fur eux des prodiges éclatans , pour les rendre de<)
trompettes qui fiflcnt retentir de toutes parts les plus importantes vérités , &
pour opérer par leur miniftère des miracles Ôc des convcrfions? N'étoit-il pas
bien plus conforme à la fagcfi'e du Très-haut, ôc plus digne de fi majefté di-
vine, d'employer à de fi grandes œuvres les célèbres Doébeurs dont il s'ctoit
deia fcrvi pour foutenir l'Appel ?
Je trouve la rcponfe toute prête dans plufieurs difcours de Convulfionnaires
faits dès 1735. Il y en a un fur tout qui me paroît mériter grande attention ;
mais les expreftions en font fi fortes & les traits fi perçans, que je croi devoir
cn fupprimer \x plus grande partie.
xir. „ Dieu veut montrer qu'il eft Dieu (s'écrie un Convulfionnaire.) II veut faire
r>ifcour« fur^ ^.^:^^ c^vCW n'a befoin de perfonncs. Il veut fc paflcr de tous ceux qui fc croient
»,fuTf2"'„ nécefTiircs à fa caufe : & c'cft du fein de la miferc dont il va tirer ceux qu'il
*^nM,Ttt 11 lui plaira d'employer. Les Appellans qui fe parent du titre honorable d'amis
fcw opffcr^^ de la Verifé ^ ne fentent point aflcz toute la force des vérités qu'ils ont dé-
df.prodi- ^'^ fendues, & ne s'en font point à eux-mêmes l'application : Dieu veut les leur
„ faire éprouver par leur propre expérience. Ils ne font point aflcz pénétrés de
„ la gratuité de la miféricordc & de la puiH'ance de kigracc. Dieu pour les en
,, convaincre veut aujourd'hui prendre pour défendre fa caufe ce qui y eft le
., moins propre: il va choifir ce qui en paroît plus indigne aux yeux des hom-
y, mes. Il veut confondre lafageflc des fagcs qui s'imaginent être prcfque infiiil-
„ liblcs. Dès à préfcnt il permet qu'ils d^écidcnt cofitVe fes œuvres, £c bicntÔ3
„ il permettra qu'ils s'obilinent cnfuite dans leurs fentimens arec une pnllion
„ qui éclatera comme un vent impétueux. Il veut qu'ils reconnoilîcnt un jour
„ le monftrc qui ctoit caché, fans qu'ils le fuiîcnt, dans le fond de leurs cn-
„ traillcs.. ..
^ Lor-
5>
IBE'E DE L'ETJT DES CONFULS lONN AIRES. 4^
5, L'orgueil a été de tout tems le vice le plus univerfel. Plufieurs le portent
dans leur fcin fans qu'ils s'en apperçoivent , jufqu'à ce que quelque occafion
„ faflc paroître au grand jour l'énorme enflure que les piqueures de ce ferpent
ont caufée dans leur ame. Pour lors ce monflre, fortant des fombres brouil-
lars d'une humilité affcftéc qui le rcndoient prefque invifible, paroit tout à
découvert : on le voit qui agite leurs cœurs, qui remue leurs paffions, quidi-
55
5, rigc tous leurs mouvemcns
„ Dieu ne veut pas les perdre tous, mais il veut guérir cette mortelle en-
5, flure par une humiliation profonde , & par tout ce qui peut le plus les ra-
„ baiffer un jour à leurs propres yeux : 6c jufque-là il veut fe fervir à leur pla-
ce d'inftrumens qui paroifîcnt tout à fait indignes de cette faveur. Illeschoi-
fit ainfi tout exprès afin que le mépris du mondelesforçant de devenir hum-
bles , ils acquierrent par la conviélion de leur foiblefîc , toute la force né-
3J
„ cefliiire pour vaincre le fort armé. C'elt ainfî que Dieu manifefte fur les uns
,', la iuftice de fes jugeraens, fur d'autres la force toute-puifTante de fa grâce,
,', fui- tous la gratuité des miféricordes qu'il leur a faites. „
On ne doit donc pas être furpris que celui dont la profondeur des confeils eft
impénétrable, choififle des fujets très imparfaits pour opérer fur eux 6c par eux
les prodiges qu'il veut faire : & par confequent ce n'eft point par les qualités des
personnes qu'on doit juger du principe de leurs convulfions, ou pour mieux dire
des prodiges qui les accompagnent: c'eft pai" leur origine, par la fin que s'cft
propofée leur auteur , 6c par les effets qu'ils ont produit , qu'on doit fe déterminer.
A juger des convulfions de Marie So)inet fuivant ces principes qui font ceux '^ xm.
des Pères , on ne peut douter qu'elles ne viennent de Dieu. Lagranoeur
Si d'abord on confiderc la grandeur des prodiges qui en naiffent, ([ui ne voitjoims^u'l"
que le feul maître de la nature peut ainfi en renverfer toutes les loix ? îl ne faut^j""j;"]i.',°'"
pour s'en convaincre que lire fans prévention le récit qu'en tait le Doftcur A. ce^™^" ma-
témoin à cet égard fi peu fufpea. S.Toit
On lui Uijfe tomber fur le ventre du haut du plancher , dit-il lui même, une pkr-^'^^^^'^^-
re du poids de fo. livres tandis que tout fon corps renverfé en arc n'eft foutenu °^'^''
que fur la pointe d'un pieu aigu placé fous l'épine de fon dos : cependant loin d'en
être écrafée 6c que ce pieu perce fon corps, c'efl un foulagement pour elle.
En faut-il davantage pour perfuader tout lefteur judicieux, qu'il n'y a que la
volonté toutè-puifiante de Dieu qui puifle opérer un tel prodige, puifqu'iln'a pu.
s'exécuter que par le renverfement des loix qui régifTcnt toute k nature?
Mais plus on fait d'attention aux circonftances de cette merveille , plus l'opé-
î'ation de la divinité s'y manifefte avec évidence.
Ce n'efl: pas une feule fois, c'eft chaque jour cent fois de fuite, qu'on élcvoit
à force de bras cette groffe pierre avec une poulie jufqu'au haut du plancher, 6c
qu'on la laiflbit enfuite retomber tojut d'un coup fur le ventre 6c l'eftomac de cet-
te Convulfionnnire.
Cette pierre à la vérité ne pefoit que fo. livres, mais en tombant de très haut^
fon poids s'augmentoit fans mcfure par l'impétuofité avec laquelle elle fe précipi-
toit , dès qu'on lâchoit tout d'un coup la corde qui la rctenoit en l'air. Auflî les
côtes de la Convulfionnaire plioient -elles fous ce poids énorme, elles s'affaiflbient
confidérablcment 6c fon ventre s'applatifioit fi fort que la pierre fcmbloit en avoir
pris toute U place. Cependant loin que cela lui fit aucun mal, elle en étoit fou-
îagée, ainfi qu'en convient le Dodeur A.
Il avoue aufli que le corps de la Convulfionnaire renverfée en ai'c la tète 6c les;
f ieds en bas , n'étoit foutenu que fur la pointe aiguë d'un pieu qui ctoit droit fous;
F 5 "^ i£S.
46 IDE'E DE VE'TJTDES CO NFULSIO MNJIR ES
fes reins , Se placé perpendiculairement au deflbus de l'endroit où devoit tomber
h pierre. L'impétuofité de la chute de cette pierre n'étoit donc arrêtée que par
la pointe de ce pieu , le corps de la Convulllonnaire entre deux : ainfi toute 1»
force du coup le raflembloit vis à vis de cette pointe. Avec quelle violence un
coup de cette force ne preifoit-il pas la pointe aiguë de ce pieu de percer la peati
6c les chairs qui étoicnt immédiatement au defius d'elle? Auili le pieu paroiffoit-
il s'enfoncer dans le corps iufqu'à certain point. Cependant la peau & les chairs
n'en rccevoicnt pas la moindre atteinte, éc n'en fouffroient pas la moindre dou-
leur! Le plus fragile rameau de leurs plus petites veines n'en a jamais été brifcl
La plus délicate de leurs petites glandes n'a pu en être écrafée ! L'épidcrme de
la peau n'en a pas feulement été effleurée ! Et tout l'effet de coups fi terribles
qui faifoient pâlir d'effroi la plupart des fpeélateurs & trembler tout le plancher
de la chambre, s'cft toujours terminé à procurer un foulagrivent réel à la Con-
vulfionnaire , en la guériOlmt quand elle étoit la malade, ou en fortifiant fa fan-
té , fans lui avoir jamais fliit aucune impreflîon nuifible !
Comment ofc-t-on refufer de reconnoitre l'opération de Dieu dans un effet fî
manifcllemcnt contraire à toutes les loix de la nature, 6c fi fupérieur au pouvoir
de tous les êtres créés?
Pour l'opérer il a fallu donner aux chairs 6c à la peau de cette Convulfionnai-
re, c'ell n dire à des p.inies très tendres 6c très molles, 6c à une multitude in-
nombrable de veines, d'artères tSc d'autres petits vaifTcaux d'une extrême délica-
tcffe, dont la peau éc les chairs font travcrfés de toutes parts, plus de force que
n'en ont les corps les plus durs.
Il efl certain par exemple, qu'une barre de fer, en la pinçant en l'air fur une
pointe, comme étoit le Corps de la Convulfionnaire , auroit été calféc par le
poids immcnfc d'une pierre de fo. livres tombant à plomb de très haut: cepen-
dant ce qu'il y avoit de plus délicat 6c de plus tendre dans la chau- de cette fille,
n'en a rien fouffert ; 6c par conlequent il a eu dans ce moment, pour réillterà ■
de tels coups, plus de confiftance 6c de foliditc qu'une barre de fer. Or cette II
folidité, cette confiflancc dans des parties très délicates 6c très molles, n'étant ■'
point dans la nature , étant même diamétralement oppofce à fes loix , n'a pu être '
produite que par une volonté particulière de Dieu , Se contraire à l'ordre univer-
fel qu'il a établi dans le monde, ordre dont lui feul peut fe difpenfer.
Quel avocat du diable fera alfcz hardi pour foutenir que ce malheureux apo-
ftat a le pouvoir de forcer les loix par lefquelles Dieu a voulu que tout l'univers
fût régi depuis Çx création ? Si on ne peut le dire fms une efpece de blafphêmc,
il n'efl donc pas permis de lui attribuer un prodige qui n'a pu s'opérer ians un
Tcnverfemcnt de ces loix.
tiii 7- Le Dofteur A. rapporte encore que pîufteurs hommei k la fois prejftitnt cette
Convulfionnairc de toutes leurs forets avec des hrocbes de fer ^ les pointes appliquées
contre fa'gorgc eu contre fa poitrine i 6c que ces partis s de fon corps n'en étaient au-
cunement entamées.
Quoi ! n'efl-il pas de la dernière évidence que pour rendre la peau & la chair
impénétrables jufqu'à un point (1 prodigieux, il a fallu leur donner une maniè-
re d'être furnaturclle: ce qui équipoUe à une création, 6c que Dieu ftul peut taire?
M. le Doftcur A. imagine-r-il quelque rcHort dans les matières lolidcs, ou
«juclque vertu occulte dans les liquides, capable de produire des qualités lî in-
compréhcnfiblcs 8c fi contraires aux règles de la nature? Si la raifon détend de
le fuppofer, comment ce Doétcur, qui doit favoir qiie le démon ne peut rien
faire que par des moyens naturels, ofc-t-il foutenir qu il cfl Tauccurdc tels pro-
diges: ^C"
IDE'E DE L'E'TAT DES CO NVULS 10 NN A I RE S. 4.7
" Cekii qui a paru le plus admirable à ce Dodleur , mais qu'il donne néanmoins au
diable aiilfi bien que toutes les autres merveilles qui ont éclaté dans les convullions de
Marie Sonnet, celui, dit-il, qui l'a rendue bien plus fameufe que tous les autres
Co7tvHlfiormatresi, c'ejî le privilège [pécial . . . de n'avoir reçu aucune atteinte du
feu au milieu des flammes (^ étendue fur les br a fier s les plus ardens.
Mais comment ce Dodeur a-t-il pu penfer que le démon ait le pouvoir de donner
une telle invulnérabilité à des corps vivans ?
Le feu eft de tous les êtres matériels celui dont l'adHon efl: la plus vive: & il ne
peut même fubfifter un feul inllant fans un mouvement continuel.
Pour en garantir une per{bnne,loric[u'elle eft au milieu des flammes (^ étendue fur
les brafiers les plus ardettsfA faut ou faire perdre à cet élément lespropriétés qui con-
ftituent elîèntiellement fon être , & par conféquent il faut le changer alors de nature ;
ou il faut donner au corps de cette peribnne & même à fes habits, des qualités très
furnaturelles. Car en pareils cas il n'y a point d'autre moyen de les mettre en état de
réfifta à la violence dévorante d'un feu qui les enveloppe de tous côtés , & qui leur
lance fans celle des traits ardens.
Or de tels prodiges étant diredement contraires aux régies continuelles qui , félon
l'ordre de Dieu , régilïènt l'univers matériel depuis fa création, il ert de la dernière
évidence qu'ils paiTènt le pouvoir des démons.
Si M. le Dodeur A. avoit pris la peine de lire ce que les Pérès de l'Eglife 6c les
plus célèbres Théologiens enfèignent fur ce fujet, il y auroit appris, non feulement
que les démons, mais même les Saints Anges, ne peuvent rien exécuter que par les
moyens qu'ils trouvent dans la nature.
Entr'autres grands Dodeurs,S. Thomas l'Ange de l'Ecole ne fe lallè point de répé-
ter en vingt endroits de lès Ouvrages, que „tout ce qui i">eut être tait par les démons
„ ne peut s'opérer que par la vertu de quelques caufes naturelles: ^^ poffunt fieri
per dxmones . . . fiunt virtute aliquarum caufarum -naturalium. „ A quoi il a-^j"" '■?»«•
^ joute que même tout ce que fait un Ange par fa propre force , ou toute autre créa-wu 4'.'°'
^ ture que ce foit, ne fêtait que conformément à l'ordre de la nature: £luidqmd facit
Angélus uel quxcumque alia creatura propriâ virtute , hoc fit fecundum ordinem
nature créât &.
'C'cft aulli ce que décide exprefTément le (avant Alphonlè Toftat , Evêque d'Avila.
„ Tout ce que les Anges (dit-il) optèrent parmi nous fur les chofes corporelles, n'eft 3.„f*"'°'''
„ que NATUREL. Car ils n'ont point dans eux-mêmes le pouvoir de rien changer cap. t.' i. %,
„ dans ces chofes, & ils ne peuvent erre en elles le principe d'auctm ellèt que par l'ap- 1^ ^59-
f, plicarion des cauiès atlives & naturelles , capables de le produire fur des corps pro-
„ près à recevoir cette impreffion: Omnes qutdem acîus, quos inter nos exercent An-
gehci Spiritus fuper res corporales, . . funt naturali S; quotiiam nullam in
ipfis habent virtutem immutativam harum corporalium rerum, nec in eis aliquam
aciionem naturalem principiare poffunt ^ nifi applicando aéîiva naturalia aliis na~
tur aliter ad paffionem difpofttis.
Ajoutons encore ici un Palfage de S. Jean Chryfoflome , dans lequel il donne pour
principe , que les démons ne font que de faux prodiges , qui ne font proprement qu'u-
ne ombre & un vain fimulachre des prodiges véritables.
„ Si Dieu (dit-ii) a quelquefois accordé (aux démons) la pcrmiflion de faire de ."^.ChtyC
„ FAUX prodiges ce n'a été qu'aiin de relever davantage la grandeur des vrais. C'elf |!^r"o!V.'s{
„ pour cela qu'au tems des Prophètes & des Apôtres , il a permis qu'il parût ''<^7(<- Hom.
„ de faux-Apôires & de taux - Prophètes , pour nous apprendre que les prodiges o.'i'au"'^'
„ de l'Enfer qui ne font qu'une apparence & qu'une ombre, ne peuvent en
f, aucune ibne obfcurcir les brillantes Merveilles qu'il fait lui-même: Ideo interdiim
FALSA
4.8 IDE'E DE L'E'TAT DES CO NVUL SIO NM A tîiE S
F A L s A fieri Deui ftgna concejjtt , ut abundantiùs vera monjiraret : proptereà, ^
Pfeudû-prophetas tempore Prophetarum , & Pfeudo-apOjhlos cu?n Apoi}olis appare-
re permifit , ut difceres quia fplendentes ejns ubiqt'.c Hrtutes nequaquÀm obfcurare
tofet fimilitudo & timbra quidam virtutum.
Selon cas Textes & nombre d'autres que le Leâeur a vu ci-delTus d;ins ma Differ-
tation fur l'autorité des Miracles , c'ert donc un prindj^ incontef table qu'il n'y a
que le Nlaîtrc de la nature qui puifTe faire des prodiges réellement furnaturels. Or le
prodige qui a prélen-é Marie Sonnet de recevoir auc(^»e atteinte du feu au milieu des
flammes & étendue fur les br a fiers les plus ardens, étoit incontcrtablement fupérieur
aux loLx qui gom^ement la nature; & par conféquent il n'a pu être exécuté que par la
ruilTance fans bornes de Celui qui opère tout ce qu'il veuL
La féconde manière dont la Sonnet reprefaitoit le fupplice du feu , n'eft pas moins
mcrveilleufe que lapreniiérc: & il eft également évident, qu'il fcroit abfolument im-
poffible au démon de fliiie rien de pareil. En e.lèt par quelle adrellè, par quel artitî-
ce, par quel moyen nauirel pourroit-il empêcher que les pieds d'une perfonne ne ftis-
fcnt brûlés dans un grand feu , tandis que ce feu confumeroit fes fouliers & réduiroit
en cendres jufqu'à la femelle de les bas ?
Au fuiplus ces prodiges étant joints à plufieurs autres que f ai démontré ci-ddlus n'a-
voir pu s'opérçr que par un boulcverfement des loix naturelles , & qu'en donnant à la
peau & à la chair des qualités furhumaines que certainement le démon n'a pas le pou-
voir de créer, quel doute peut-il refter à cet égard au plus incrédule pourvu qu'il
faite ufage de fa raifon ?
XIV. Mais oublions fi l'on \'eut pour un moment, la grandeur de ces Men'eilles,& n'exa-
fotigincd «minons les convulfions de Marie Sonnet que par les régies que les Pérès nous ont
dria"soT données pour juger des prodiges où la Toute-puilfance di\-uie ne fe manifelte pas avec
net, Tubict . ^ d'éclat.
t/uî'& ks' Quelle a été l'origine des Comoilfions de cette fille > Accablée par des maux dont
UioTfô- elle ne peut fupporter la rigueur, elle a recours à desperfonnes attachées à la Vérité;
àm°°\îol' elle les fupplie de commencer une neuvaine avec elle, pour obtenir de la miféricordc de
vcnôilm'de" Dieu quelque foulagement dans fes foutirances par l'interceiîion du Bienheureux Ap-
bTc^" ' pellant en l'honneur de qui il fe plaît à faire tant de Men'eilles.
Les pnéres que la clwité de ces perfonnes les engagent de faire , montent jufqu'au
thrône de Dieu ; & pour faire voir à la tciTe qu'il a daigné les entendre , il envoie à
la malade les plus violentes convulfions accompgnées du prodige de fe mettre les
pieds dans le feu fans en fouftrir aucun mal.
Le Dodeur A. pretcnd-il que Dieu a livTé cette malade à des convulfions diaboli-
ques parce que des perfonnes de pieté le prioient pour elle?
Mais à quoi ces convulfions ont-elles \>on^ la malade .> A faire d'étonnantes péniten-
ces mïJgré fon excdllve foiblelTe Quel a été leur erfct ? De la guénr Miraculeufe-
ment de fon abcès au foie, de fa tumeur au côté, & de fa paralylie.
Examinons préfcntcment quel a pu êffc l'objet que s'elt propolé l'auteur de ces con-
Il cft d'abord de la dernière évidence que les grands prodiges qui les ont accompagnés
font fimboliques. K'efl-il pas vif îble par exemple , que le l]x.'^kclc de cette Convulfionnaire
au milieu des flammes qui loin de la brûler la guéniTont & la forriliait, nous met fous
l'es yeux que le plus grand feu de la perfécution ne jxjurra détruire la Vérité, & qu'au
contraire elle en recevra plus de force ? Il ai ell de même des couj s de pierre capa-
bles de brifer le fer, qu'elle fupixjnc fans aucune peine, & des broclies qui ne ix;u-
vcnt percer fa ixau. Enfin remprcircment avec lequel elle fe li\'re à tous ces genres
de fuppliccs, uns ai avoir aucune crainte, ne fignifie-l-il Y'Xi clairement que ceux
' qui
7D£'5 DE D^TJT DES CONFULS lONNJlRES. 4;>
'iqui s'offriront à la mort pour la défcnfe de la Vérité, feront foutenus par une
grâce qui leur fera affronter tous les tourmens avec joie ?
Au furplus quel effet tous ces prodiges ont-ils produit? Ils ont augmenté la
foi des fpeftateurs , leur confiance en Dieu , leur amour pour lui : ils ont con-
vaincu des incrédules, & converti des pécheurs. J'en ai vu. moi-même fondre
en larmes à l'afpcâ; de toutes les merveilles que Dieu opcroit fur cette Con-
vulfionnaire.
A fon égard les convulfions lui ont auflî toujours été falutaircs. Elles l'ont
d'abord guérie d'une maladie très douloureufe , &: qui la conduifoit à la mort.
-Elles lui ont même donné de tems en tems une forte de pieté. M. le Doéteur A.
convient lui-même, cruelle s'ejl fait admirer par fes belles prières^ par fes prédi-iig^'
nions, par/es di/cours , par/es extafes ... èc quelle s'eft difiinguée par fa charité
h panfer les malades, par fon courage à fuccer le pus des écr Quelles ^ des ulcères.
Il eft vrai qu'elle s'eft plus d'une fois dégoûtée de fon état, Se de toutes les
bonnes œuvres que fes convulfions lui faifoient faire: mais auffi-tôt les convul-
fions ceffoicnt, & il furveiwit une maladie qui ne fe guériffoit que par la péni-
tence , l'humiliation 6c les prières qui faifoient revenir les convulfions.
Si c'eft fatan qui pendant près de deux ans n'a ceffc prefque tous les jours où
^ettc Convulfionnaire n'étoit pas malade, de faire fur elle d'admirables prodi-
ges, quoiqu'il vît que l'effet qu'ils produifoicnt ctoit d'accroître la foi, la con-
fiance & l'amour des afiîftans, de redoubler leur courage 6c leur attache à la Vé-
rité, de faire cmbraffer la pénitence par des gens qui jufque-là avoient vécu dans
Je defordrc 6c l'incrédulité, enfin de forcer pour ainfi dire la Convulfionnairc à
faire des aétions de pieté prefque malgré elle j il faut afoucr que ce rufc fcdu-
■éleur eft devenu bien imbécile.
Eft-ce dans la logique ou dans fa Théologie que M. le Doéteur A. a puifé les. '^'^•
principes qui conduifent à de telles confcquenccs? C'eft fins doute dans la mcmeiiorsde De-
iburce que celle où il a pris ce qu'il dit d'une autre Convulfionnairc dont il par-"ctiiet"""'
Je, nommée Dcnifc j qui, fuivantlui, n'a jamais eu de convulfions réelles, 6cquiP-'S«'-
cependant fe raiioit écarteler ... pendre ... étrangler ... ajfoyumer ...à coups
de grofi'es pierres qu'on lui déchargeait de toutes les forces fur la poitrine , le tout par
jeu, par irupojîure S<: pouv Con bon plaifir, fans néanmoins qu'il en arrivât d''acc!'
-dent, parce que le démon, par compaffion pour elle, venoit empêcher, quoi-
xju'à fon infçu, que tout cela lui fît aucun mal.
Je ne croi pas que le Icéteur exige de moi que je m'amufe à répondre à de fi é-
trangcs paradoxes : ce fcroit fe battre contre des chimères. Il lui iuffira fans dou-
te que je lui donne des preuves invincibles de la réalité des convulfions de cette fille.
Elle ctoit née paralytique de tout le côté droit. Tout ce côté depuis la moi-
tié de la tête jufqu'iUi bout du pied, avoit toujours été infcnfiblc, prefque fans
mouvement, 6c plus qu'à demi dcffeché. Sur tout le bras 6c la jambe ne paroif-
foicnt que des os couverts d'une peau noire 6c tcrreufe, à peu près comme les
membres d'une momie: le bras étoit renverfé, la main toujours fermée, le pied
retourné en dedans.
On la mit en cet état au mois de Décembre 173 1. fur le tombeau de M. de
Paris: auifitôt il lui prit des convulfions qui mirent en mouvement jufqu'aux
membres paralytiques 6c deffechés. Au bout de quelques jours ces membres pa-
rurent reprendre pour ainfi dire une nouvelle vie; ils fe garnirent peu à peu de
chair: leur peau noire 6c aride devint bientôt blanche 6c fraîche: la main com-
mença à s'ouvrir, 6c le pied à fe placer dans une fituation naturelle. Mais ces
merveilleux changemens ne continuèrent que pendant quelques mois. Dès que
Obfer-cat. H. Part. Time IL G De-
jo IDEE DE VE'TJT DES CON rULSTONNJIRE'S.
Denife fe vit prefque guérie, elle en conçut de la vanité: elle voulut plaire au
monde, & ccfla de faire la plus grande parcie de fes prières. Dieu l'en punit d'u-
ne manière vilîble ; Ton bras & l'a jambe retombèrent prci'que entièrement dans
leur premier état, & elle devint quafi imbecille.
Elle ctoitdans cet état lorfqu'un jour M. le Doéteur A. l'étourdit Ti fort par
la véhémence de fes difcours, & l'effraya tellement parla violence de fes mena-
ces , qu'il lui fit convenir que les convulfions n'avoient rien eu de réel, fie qu'el-
les n'etoient qu'une fourberie. Mais fitôt qu'elle fut hors de fii préfcnce, elle fe
plaignit du mcnfonge qu'il lui avoit fait faire.
Tel cil l'unique fondement fur lequel ce Doéteur s'appuie, pour foutenir que
cette fille avoit trouvée le merveilleux fecrct de fe faire ajfûmmer à coups de pierre
fans en rien ibuffrir, de fe faire étrangler fans que cela lui fit aucune douleur, en
un mot de fe faire tuer fans en mourir !
Comment clt-il poflible qu'on fe prévienne jufqu'au point d'imaginer que des
convulfions qui ont d'abord produit le commencement d'une guérifon des plus in-
contcflablement miraculeufes, & qui étoicnt tous les jours accompagnées de pro-
diges que l'artifice ne pourvoit jamais imiter, n'aient été v^c jeu & c^impojlure?
Mais qui peut donc avoir aveuglé ce Doéircur jufqu'àun exccsquiparoît fi in-
compréhcnfible? C'efl qu'd veut abfolument juger par fes préventions d'une œu-
vre qu'il ne connoit pas.
EN effet il ignore tellement ce qui fe paiïè dans cette oeuvre, qu'il s'efl ima-
s'.rokïie" ginéquc la Sonnet étoit la feule Convulfionnaire qui avoit été prefervéc de l'a-
TrcTc*«u ^ivite du feu, tandis que tout Paris en a vu & en voit encore nombre d'autres
par quatre fut qui Ic même prodige arrive.
CuiûonMi-' Le lecteur ne fera pas fâché que je lui en rapporte quelques exemples. Il doit
««« prendre d'autant plus de confiance au récit que je lui en ferai, que tous les faits
en font conllatés par des proccs-verbaux , fignés par quantité de témoins oculai-
res bien dignes de foi, puifqucla plupart font des pcrlonnes dont tous les défirs
ne tendent qu'au ciel, ôc qui par conféquent font bien éloignés de vouloir atteller
une fauflcté. Les fbldats de la Vérité font l'.s ennemis du mcnfonge.
Dés le commencement de 1733. Denife Régné, appellée communément Ni-
fettc, mettoit un monceau de charbons ardens au milieu de fa chambre, & (e
faifoit tenir en l'air couchée au de/lus de ces charbons julqu'à ce qu'elle parût
morte. En effet au bout de quelque tems la pâleur Se pluficurs autres fymptô-
mes de la mort défiguroient fou vifage , & tous fes membres devenoient aufli roi-
des que ceux d'un cadavre. JVIais après être refiée environ un quart d'heure en
cet état, on la voyoit changer iubitemcnt de figure: une couleur vive £c animée
prcnoit tout d'un coup la place de la pâleur j fes yeux fixés vers le ciel, bril-
loicnt d'un feu extraordinaire; elle paroifToit jouir d'un contentement inexpri-
mable i fon corps en treflai lloit de joie i quelquefois il s'élançoit en l'air, 6c par
fon attitude il fembloit prêt à s'y envoler.
Un fimbole auffi frappant n'a pas bcfoin d'explication. Qui ne voit qu'elle re-
préfcntoit la moi t d'un Martyr, &: le bonheur au dcfl'us de toute cxpveiîion qui
en cfl la récompenfe ?
Souvent clic mangeoit auffi des charbons ardens, quelquefois jufqu'à zo. tout
de fuite. Elle les (ouffloit pour les allumer encore davantage ; iC lorfqu'ils é-
toient bien enflammés, elle les mettoit dans fa bouche , les biifoit fous fes dents,
£c les avaloit encore tout rouges avec l'air d'une joie fi vive qu'à moins de l'avoir
vu l'imagination ne peut la rcpréfcntcr.
Mais voici un fprftaclc encore plus étonnant. Pcnd;mt les fccours aufîî admi-
rables
IDE'E DE VETjr DES CONFULS ION NOIRES, fr
tables que prodigieux que fe faifoit donner Gabrielle Mouler, on allumoit un
très grand feu : il falloit pour la contenter que tout le foyer de la cheminée fût
plein de bois bien flamboyant. Après s'être tait donner la bénédiéfcion par un
Prêtre, elle prenoit de l'eau benîte, en faifoit prendre aux aflîftans, & en jet-
toit dans le feu. Elle fe mettoit enfuite tout debout fous le manteau de la che-
minée vis à vis le milieu du feu. Deux perfonnes placées aux deux piliers de la
cheminée la tenant chacune par une main Se fe prêtant aux mouvemens qu'elle
vouloit faire, elle fe baiffbit précipitamment tout le corps dans les flammes la
tête la première, en forte quefa tête plongcoit quelquefois fi avant dans le feu qu'el-
le frappoit contre les charbons 8c les tifons embrafés. Une perfonne qui étoit der-
rière elle lafaifoit relever, en la tirant par une lifiere attachée pour cet effxît i
fes reins. Mais fitôt qu'elle étoit redrcflee, elle lançoit de rechef fa tête dans les
flammes j de fiiçon que pendant plus d'un quart-d'heurc, & quelquefois plus
long-tems, elle ne difcontinuoit point de la précipiter ainfi dans le feu dès qu'el-
le en étoit retirée. Même de tems entems elle ne vouloit pas qu'on l'en retirât-
& pour lors au lieu de fe relever, elle portoit fa tête de côté 6c d'autre au deflus
des flammes.
Cependant la vue de ces flammes qui entroient dans fes yeux & dans fa bouche,
Tembarrafloit fi peu, que pendant qu'elle y étoit, elle chantoit le Feni creator
du ton majeftueux dont on le chante dans les fêtes les plus folemnelles : elle chan-
toit le Fexilla d'une voix fi touchante qu'elle attçndrilfoit les fpeftateurs ; êc
lorsqu'elle avoit fini, elle leur feifoit chanter le cantique des trois Entans dans koame! j.
fournaife. Après cela comme pour fe repofer, elle fe couchoit à terre le long du
feu, & plaçoit fa tête dans la cheminée, quelquefois fur l'un des chenets qui é-
toient fi chauds qu'on ne pouvoit y toucher fi légèrement que ce fût fins fe brû-
ler: fon vifage tourné vis à vis du feu, n'en étoit éloigné que de quatre pouces.
Pendant ce tems elle prenoit quelques charbons des plus ardens, les mettoit dans
fa bouche, les broioit dans fes dents, & les avaloit tout rouges en s'écriant : ha,
que cela eft bon ! Et après avoir ainfi repris fon repos, fourent elle recommençoit
'tout ce que je viens de rapporter ci-deflus.
On me mande qu'il y a aéluellement deux autres Convulfionnaires, qui depuis
■quelques mois font très fouvent cette même repréfcntation avec prcfque toutes
les mêmes circonftances que Gabrielle: à quoi l'on ajoute, qu'on a fait l'épreu-
ve de faire cuire des pommes & durcir des œufs en les attachant à leur cou.
L'Hiftoire eccléfiaftique fournit très grand nombre d'exemples, qu'une des
merveilles que Dieu a opéré afl'ez fouvent, a été de préfcrver de la violence
du feu.
Sans parler des trois Enfans dans la foUrnaife , de S . Jean l'Evangé'ifte, & de nom*
içoit pas a crou-e que
Dieu qui les en avoit garantis : 6c cependant il faut avouer que ceux quifefoumet
toient volontairement à cette épreuve , paroifibient tenter Dieu.
Aufll par la fuite ces épreuves ont-elles été prohibées. Mais ce feroit très mal xvir.
à propos qu'on voudroit fe fcrvir de ce prétexte pour blâmer les repréfentations ^^f- à l'obJ
faites par les Convulfionnaires. C'eft par de très juftes motifs que l'Eglifc a dé-if'a'dJféat
"fendu de faire ces épreuves , mais ces motifs ne peuvent jamais avoir d'application ^^ '^"«'pfes!
aux repréfentations dont il s'agit. L.es juges qui ordonnoicnt ces épreuves 6c qui*^''
condamnoient des perfonnes qui n'étoient que fnupçonnées , à p afier par le feu
pour juftificr qu'elles étoient innocentes , étoîent eux-mêmes très coupables.
G z C'cîoiS
f2 IDE'E DE VETAT DES CONFU LS 10 NKAIRES\
C'ctoit de leur part tenter Dieu de la manière l.i plus formelle, que de lui pre^
fcrire ainfi en quelque forte de faire un miracle s'il vouloit fixuver la vie à des in-
noccns, pendant que les juges étoicnt eux-mêmes obliges par le droit naturel ôc
les plus anciennes loix, de rcnvoier les accufcs abfous dès qu'ils ne pouvoicnr
trouver des preuves fuffi famés pour les condamner. AulU Dieu ne faifoit-il p»s
toujours, ni même très fouvent les prodiges que ces juges téméraires cxigeoicnt
de lui, éc lorfqu'il ne les accordoit pas, ces malheureux juges fe trouvoient for-
cés par leur premier jugement de punir des pcrfonnes qui n'ctoient pas coupables.
Ainfi l'Eglifc ne pouvoit condamner trop tévére-ment une telle prévarication.
Mais quelle application peut-on faire de ce fagc jugement de l'Eglife aux reprc-
fcntations des Convulfionnaircs, qui n'agilîcnt point en cela par la détermination
libre de leur volonté, mais par une imprefllon qui eft évidemment furnaturelle ?
Il ell même aflez ordinaire que quand ils commencent ces fortes de rcpréfentations
ils tombent en cxtafe , ou du moins dans un état d'aliénation des fens bien plus
forte Se bien plus marquée que dans l'état ordinaire de leurconvulfionr & quoique
pour lors ils ne perdent pas l'intelligence, ils font fi fortement occupés des objets
^ue l'inilinét de leur convuliîon leur prélentc, qu'à peine s'appcrçoivent-ils de
tout ee qui les environne. Leurs regards font pour lors prclque toujours fixés vers
le ciel : leur air & leur attitude reprcfentcnt un cœur qui brûle d'y. voler : ce qui^
f.iit connoîtrc quel cit l'objet qui les occupe.
Mais non feulement l'Eglile n'a nullement prétendu condamner lés imprcflîonT
d'un genre merveilleux que Dieu pourroit donner dans un état furnaturel, tel que
celui des Convulfionnaircs, ni les prodiges qu'il fcroit en conféquence : ce ieroit
même une abfurdité de foutcnir qu'elle auroit condiimné les mouvemcns contraircî
aux régies communes , que l'Eipritdc Dieu donne quelquefois dans un état ordi-
naire. Sa volonté cil la loi fouveraine : on ne peut jamais t-aillir en la fuivaiit : touc
le point eonlillc à ne s'y pas méprendre. Auili malgré la défcnfc fi précité des épreu-
ves, le Pape Lcon X. n'a-t'il pas balancé de regarder comme des marques ligna-
lées dclainteté & d'une protcAion particulière de Dieu, deux preuves de ce genre
que S. François de Paulc avoit données qu'il, agillbit pari' Efprit de Dieu , & qu'it
mar<:hoit dans fa voie. Ce Pape a même crû devoir les inférer dans la Bulle de ca-
nonifation de ce Saint 2i les propofcr aux fidèles comme des merveilles dont ils doi-
vent bénir Dieu , & qui étoicnt propres à faire croître leur confiance 8c leur foi : il'
rapporte dans fa BuHe, qu'«« Religieux nommé Atitoitje blâmoit publiquejsent Fran-
çois de Paule de ce que n ci f.nî qiC un fiiti-ple laiqiie i^ fans lettres ^ il avoit Teffronteiie
de promettre la fanté aux -malades par le vioien de quelques herbes... Aiant été chargé
par les autres frcres de foncowjcnt de l'aller trouver ...pour lui faire des reproches fut-
fa conduite .... il le chargea d'injures ^ lui reprochant fa groffîéreté i^ fa pareffe.
JWhcmriie de Dieu demeura dans fa tranquillité ordinaire kfouffrir avec une estréme
f aliénée tous ces mépris: comme font aujourd'hui les Convulfionnaircs. Maiss'appro-
ehant du feu, il prit entre fes mains da tifons ardens . . Pour lors Antoine valant . . que tout
Cl' que faifoit cet homme était l'effet de la grâce (J d'une foi très animée , dit le Pape dans
fa Bulle, il fe jet ta à fes pieds. . . Cif lui demanda très humblement pardon^ (^ il v-,*
toulut p$int fe lever que le Bienheureux Père ne lui eût donné fa bénédidion Et il ar-
riva que cet homyne qui auparavant chargeait l'homme de Dieud'unatuultitude d'inju-
fes y confeffa fon erreur. . . (j lui donna les louanges qu'il méritait ,
Les coeurs n'étoicnt pas pour lors endurcis au point qu'ils le font aujourd'hui.
Des que l'opération de la divinité paioifloit pir quelque prodig(S,^lcs pluslupcr-
bcs s'humilioicnt : les plus prévenus reconnoilVoicnt leur erreur , Scl'on rcgardoit
<:« merveilles commr un fignc ccruinqnc Dieu protégeoit ceux eafavcur de qin
lî
iDE'n DE VET JT DES CONFU LS ION N JIRE S. fj
n avoir la bonté de les faire. Il étoit refeivé à notre fiécle, non feulement d'être
infenfîble aux plus grands prodiges, mais même d'ofer les traiter avec un fouvc-
rain mépris dans des écrits publies'.
La féconde épreuve dont parle Léon X. dans fa Bulle, eft un autre prodige de
la même efpéce. Paul II. , dit-il , informé du hruit que faifoient . ... les miracles ds
S. Francçois de Panle ., envola un de fes Cameriers à Pirrhus Archevêque pourle char-
ger d'examiner ces miracles . . Le-Camerieryalla lui même autorifé par V Archevêque.
... I^ faii.t homme ...s'approcha du feu , t^ prit entre fes mains fans fe hràler .,des char-
Ions ardens , y dit au Canierier : toutes chofes obeiffent à ceux qui fervent Dieu de
ieuî leur cœur. Le Camerier épouvanté retourna vers le Ptntife, à qui il raconta les
miracles dont il avoit été témoin:
Voilà donc deux Papes ,Paul IL & Léon X. à qui l'événement de ces deux
prodiges, quoique tentés contre les régies ordinaires, à paru une preuve certaine
que S. François de Paule étoit très tavorifé de Dieu : & par conféqucnt il eft cer-
tain que l'Eglife en condamnant les épreuves, n'a point prétendu défendre de fui-
vre tous les mouvcmens que l'efprit de Dieu peut deuner. Et quoique l'évcnenicnt
du prodige ne foit pas toujours une régie infaillible, c'eft néanmoins une des plus
fùres que nous aions pour juger dans ces fort es de cas, fi c'eft ou non l'efprit de Dieu-
qui a fait agir.
Mais encore un coup les repréféntatiods des ConvulfioiiHaires font dans une'
efpéce toute difterente , 6c où la défenfe des épreuves ne peut jamais avoir d'ap-
plication, parce qu'il eft inconteftable qu'ils font leurs repréfcntations , du moins-
la plupart, par une imprefllon furn-aturelle > & par exemple lorfqu'ils fe mettent
dans le feu fans en avoir la moindre crainte, il eft vifible qu'ils agiflent par un
inftinâ: qui eft au dcffus des fentimensde la nature : quelques-ims même y- fonc
farces par l'impreflionde leur convulfion, Se lorfqu'ils y réllftent, ils fentent
tout à coup de vives douleurs.
Au refte ce n'cft pas-feulement de notre tems que Dieu donne de tels fpeétacles à xvTn.
fon Eglife. On trouve des exemples, principalement de la répréfentation de laprJfJmV-'^**
paffion, dans les vies de plufieurs Saints fur tout dans celles des Saints Myftiques^'O"' faites
qui ont tant de rapport aux Corrvulfionnaires. ft^^nes! "'''
Entre autres on voit dans la vie de Sainte Madeleine dé Pazzi , qu^'tlle eut fouvent
des extafes ou ellerepréfentoit les myfiéres de la paffion : elle en eut um particulière ^ où '
yC. lui imprima fesfacrécs plaies aux pieds .^au mains i3 au côté.,d''une manière invifibh.
L'auteur de la vie de S. Elifabeth de Spalbeck rapporte que , „ toutes les fois
'„ qu'elle corn munioit, elle ne manquoitpasde tomber en extafe . . . fon corps pre=^
„ noit une attitude très furprenante & très propre à infpirer une grande dévotion.
5, ... il fcmbloit qu'elle repréfentoit toute la paflîon.-. . Dieu aiant voulu donner'
5, au monde cette nouvelle image de ... ce que J. C.a fouffert, ila (dit cetau--
,,. tcai-) choifi une vierge humble , & d'une complexion très délicate , afin qu'on '
35 reconnût qu'un tel état étoit au dcftus des forces humaines. „
La fcqur Marguerite du S. Sacrement ne repréfentoit pas feulement les tour- -
mens de notre divin Sauveur, elle figuroit auffi les fupplices des Martyrs, & l'au-
teur de fa vie ne fe laiTe point d'en faire des dcfcriptions*
„ J'en ai vu une (dit le Cardinal de Vitri au rapport de S. Antonin) en qui s- -iftî'-.oiij
„.Dieu agifîoit d'une manière fi merveilleufe . . . qu'elle fejettoit quelquefois dans j.TiJ"!.''."
y^ le feu, & d'autres fois pendant l'hiver, elle demcuroitunterasconfidérable au**-
j,. milieu de l'eau glacée. „
S . ^Antonin qui rapporte ces faits- fur la foi du Cardliîal de V-itri qui çd avoit été ■
C- 5 ' îé--
5-4 IDE'E DE VET AT DES CONrU LS 10 N N AIRES.
témoin, n'hélîtepas, non plus que ce Cardinal à les regarder comme des mervcîî-
Ics de la puiirdncc divine , & à juger que la perfonne fur qui elles ont été opé-
rées ctoit Cngulicremcnt , à\(ent-\\s.y favorilée de Dieu.
XIX. En effet ces repréfentations étant évidemment fnrnaturelles , il faut ncccffai-
i«'tffe"q'V nient les attribuer à Dieu ou au démon. Orn'y auroit-il pas de l'extravagance,
if furrjmrtifjnauliercmcnt par rapport aux principales repréfentations faites parles Convul-
fcntanont, lioonanes , ûcprctcnare queceleroit le démon qui augmcnteroit amli notre amour
Biw''' ^ notre reconnoiflancc pour J. C. en nous faiiant repréfenter vivement tout ce
qu'il afouffcrt pour, nous '■ Que ce feroit cetefprit pervers qui nous auroit fait con- .
ccvoir une grande horreur de nos péchés, en nous rappellant d'une manière fenfi- •
ble 6c frappanccpar quel fanglant fao-ificc notre divin Sauveur les a expiés pour
nous racheter de l'enfer? Qiie ce feroit ce pcrc du menfonge qui nous inftruiroit
de vérités fi importantes par la bouche des Convulfionnaires , & nous exhorteroit
Jfi puiflammcnt a la pénitence? Queccfcroit cet Ange apoftat qui opéreroit tant
de mervcillcspouraugmciiternotre confiance en Dieu, 6c qui parce moien auroit
donné réellement à pluficurs d'entre nous , de la force à notre foi , de l'ardeur à
notre efpérancc , du feu à notre charité! Enfin que ce feroit ce prince des incrédu-
les , qui par tant d'admirables prodiges répétés prefque tous les jours , auroit con-
verti un grand nombre de Déifies &: de pécheurs qui vivent aujourd'hui dansune
très rude pénitence î Le doigt de Dieu cil: fi marqué à tant de traits dans lapliî-
part de ces fpcétacles , qu'il faut être entièrement aveuglé parfes préjugés 6c fes
paflions pour ne l'y pas rcconnoître. A mon égard ^e puis attefter à toute la terre
<^uc c
dont
qu il ma ûoimc de courage ce de rorcc : qu elles ont cte le canal des pnncipi:
grâces qu'il a bien vouhnne faire malgré mon extrême indignité, depuis qu'il
m'a retiré des profondes ténèbres oii j'avofs été fi long-tcms enfevéli. •
XX. Ce n'cft pas feulement par ces effets fi falufaires de la miféricorde divine qu'il
Aj;ret ^ prouvé Quc Ic fumaturcl de ces repréfentations a Dieu pour auteur: tout y
lefurnarurcimanitcltc unc puiflancc qui nappartient qu'au Icul Maître de la nature.
frn"io?/^ Une première circonftance digne de remarque, c'eft que fouvent ce furnaturel
viçrt de s'opère tout à coup dès que les Convulfionnaires le fouhaitent. Or il n'y a que Dieu
^""* qui puiffc faire de fi grandes merveilles dès le premier inifant que fes créatures
le défirent.
Unc perfonne de difiiiruftion accompagnée d'im fijrand cortège vient
chez une Convulfionnaire dans le dcfir de voir des prodiges, pour fe con-
vaincre par fis yeux que Dieu le déclare vifiblement en faveur ds l'Appel. La
Convulfionnaire alors dans ion état naturel fe met aullitôt en prières. Dans le
moment elle tombe en convulfion, elle devient invTilnerable , 6c elle demande
qu'on la frappe à coup-s de bûche fans aucun ménagement par tout où on voti-
dra. On le fait: elle crie fans ceiTc: plus fort. On lui donne enfin des coups hor-
ribles, des coups capables d'affommer un bœuf : mais on a beau en augmenter
de plus en plus la violence , on a beau les précipiter fur fon corps avec tant de
force 6c d'impctuofité que le plancher de la cnambrc ai tremble, ils ne lui
font aucune imprefl'ion. Pluficurs des affifians qui n'avoicnt jamais vu dcpareik
fecours , reculent d'horreur 6c pâliffent d'clfroi, d'autres en font touches juf-
qu'aux larmes-, la perfonne de dilbnftion txjnfefic hautement, qu'il n'y a que
celui qui jadis par un grand nombre de merveilles tira les llracliccs de la cap-
tivité d'E,gyptc, qui puiffe aujourd'hui fiirc de tels prodiges pour retirer qui il
lui plaît de la captivité de Teneur. ^
IDE'E T>n VR'TJT' DES CONrVLSIONNJIRES. ff
'■ ' Il n'eft pas étonnant que celui qui a prévu de toute éternité, Scquivoit conti-
nuellement à quoi fe déterminera dans le tems la volonté libre de hommes, &
qui eft toujours le maître de tourner leur volonté comme il lui plaît j opère fes pro-
diges dès le premier moment que les Convulfionnaires paroiffcnt le vouloir. Il
n'a pas befoin pour les faire de s'y préparer, fa feule volonté les opère dans l'in-
ftant même qu'il le veut.
Il n'en eft pas ainfi du démon. Ce monflre infernal n'étant pas le maître de nos
volontés : ne pouvant même les prévoir que par conjectures, ni faire fes preftiges
ïwns fe lervir de moiens , & fans emploier le tems nécefTaire pour les raiîèmbler
& les mettre en œuvre, il ne lui feroit pas polSble en pareil cas d'exécuter ainli -
tout d'un coup la volonté des hommes.
Mais faut-il d'autres preuves de l'opération de la divinité dans ces fpeélacles
fi capables de faire croître notre foi , que la grandeur même des merveilles que Dieu
y a exécutées ; puisqu'il a fallu pour les faire , donner aux corps des qualités
qui ne font point dans la- nature ?
Quel autre que le Tout-puiffhntpourroitainfi s'élever audefliisdesloixqu'ily
a établies & fuivant lefquellcs il a lui-même fait toutes chofes ? Qjiel autre que lui ,
auroit le pouvoir de foire devenir i m paffib les des corps auffi aifés à blcfîer , aufli
fujets à la douleur que font les nôtres ? Quel autre feroit le maître, en les chan-
geant tout à coup de nature , de les rendre capables de foutcnir les coups les plus
violens fans en fouffrir aucun mal , fans en reflentir la moindre atteinte? Il faut
pour cela donner à ime multitude innombrable de petits vaiffeaux d'une fincffe &
d'une délicateffe extrême , dont nos chairs font traverlées de toutes parts, plus de
force que n'en ont lès corps les plus durs , les plus ferrés Scies plus fermes. Or ce
feroit une véritable impiété d'attribuer un tel pouvoir au démon.»
De vrais chrétiens oferoient-ils donc foutenir que ce malheureux fcrpent foit le
maître de donner à nos corps des qualités infiniment fupérieures à celles qu'il a plu
au Très-haut de leur donner en les formant ? Ignorent-ils donc, ou feignent-ils
d'ignorer que cet efprit de ténèbres n'eil proprement capable que de faire illufion
par de vains preftiges : que du moins il ne peut rien faire fans y emploier des
moiens proportionnés , 8c que comme il n'y a point dans nos corps de refiorts aflez
forts pour produire un tel effet, il lui feroit impoiîiblede l'exécuter? Il s'agit ici
de qualités furnaturelles très fupérieures à celles que Dieu a mis dans la matière:
iront-ils donc jufqu'à fuppofer que cet efprit impur a le pouvoir de leur donner
l'être? Il faut cependant ou qu'ils -.ùllent jufque là, ou qu'ils reconnoiflènt qu'il
n'y a que Dieu qui puiffe rendre des corps comme les nôtres , impaffibles ôi
invulnérables.
C'eft ce que je développerai avec plus de force Sc d'étendue dans la 4e. partie de
cet écrit, 6c ce que je prouverai de manière à ne pouvoir laiffcr lieu àla réplique,-
parce que j'y emploierai entre autres moiens,des démonftrations anaîomiqucs, aux^»
quelles il ne peut y avoit de bonnes réponfes.
Si donc tout s'accorde,, tout concourt à nous faire connoître que le furnaturel xxt;
qui paroît dans les répréfentations des Convulfionnaires vient de Dieu , & la mag- J''"'*''."^ .
nificence des prodiges, & la toute-puiflance qui les opère , 6c les impreffions ciuevLîûonùiïir
ces merveilles font fur les fpeftateurs : quelle témérité n'y a-t-il pas de qualiher
àcfçèKcs fcandakîifes ces fpcélficles que Dieu nous donne dans ce tems de féduèlioii
pour augmenter en lui notre confiance ? Ne faut-il pas être d'une audace extrê-
me, ou être bien mal informé des faits, pour ofer traiter de prévaricateur s. pu-
blics , les inftrumens dont Dieu l"e fert pour nous faire cette mifèricorcte , en
opérant fur eux-ôe par eux des prodiges qui nous rempliffent d'admiration?
Quel
- ^ IDE'E DE Vrrjf LES CÙNruiSlôNNA IRE^:
Quel front ne faut-il pas avoir pournous accufer nous mêmes Ôl cireàts coupable: ^
pour avoir profité avec cmprefTeraent des grâces que le Dieu des vertus nous a
accordées par ce moien.
La pofl-erité pouira-r- elle le croire, qu'il y ait des Appellans & même des
Docteurs renommés , qui fe foicnt portés à de tels excès ? Mais dit le Père Qucfncl ,
Jein 7. 46. quand Dieu penne t que le cœur Ce ferme à la vérité , la lumière naturelle devient mêm$
un obflacle ^13 on ne voit rien que d'' humain dans les chofes qui font vifiblemtnt de Dieu.
ibid.f.jj. „ Ceux qui ne veulent pas croire, oublient Scies miracles & toutes les preuves
„ qui autoriicnt la vérité , pour ne s'attacher qu'à ce qui paroit la combattre. . . Pour
mj. s. 17.^^ profiter de la connoiflance des œuvres de Dieu, il faut descceursdc difciplcs,
humbles, fournis, dociles: non des cfprits envieux, 6c orgueilleux qui s'éri-
5»
„ rigcnt en juges de fes œuvres, & qui les combattent. „
Auflî voions-nous aujourd'hui des Déifies &: des pécheurs, qui font éclairés ,
qui font convertis à la vue des prodiges que Dieu fait dans l'œuvre des convul-
fions, tandis que des DoiTceurs Appellans les mcprifcnt, les critiquent, lescalom-
J"n9-i9- nient. Mais c'ell la fuite 6c l'exécution de cette parole dcj. C. Je fuis venu dans
ce monde pour exercer unjugement , afin que ceux qui ne vtient point voient , ^ que ceux
r QueroeL ?"^ "^"'^"^ deviennent aveugks . Surquoi l'Auteur que le S. Efpritadeftinépour être
A\i. en même tcms dans ce fiècle une lumière 5c une pierre defcandale, fait cette réfle-
xion. „ Adorons avec fraieur ce jugement terrible de Dieu il aveugle les fa-
„ vans orgueilleux en les lai (Tant dans leurs ténèbres. Se en leur annonçant ....
„ des vérités qu'ils rejettent par la dureté de leur cœur : 6c il éclaire les humbles
„ ignorans, en leur communiquant fa lumière. „
Mais afin que le leéteur ne croie pas que j'en impofe^ en rapportant les termes
outrageans dont quelques-uns de ceux qui reprouvent les Convulfionnaircs fefont
fervis en parlant de leurs repréfentations, voici ceux de l'auteur des Vains-efforts.
p»ge 173. Nous fommes en droit ^ dit-il , de regarderies Convulfionnaires qui fe font donnés e»
fpeElacle , comme des prévaricateurs publics ^ 6cc. Plus bas il qualifie l'admiraolepro-
r'f«.^'°' <^ig^ "T-'C Dieu opère fur leur corps, en les rendant invulnérables d^opérations les
plus fcandaleufes.
f»E« '♦)■•■ „ Au lieu (dit-il dans un autre endroit) de fe tenir pour bien averties par les
„ aftions folles i$ indécentes qu'elles avoient commifcs dans le tems de leur con-
„ vulfion, que leur état ne pouvoit être f^w' un état honteux S^ humiliant ^ elles fe
„ préparoient avec joie à y rentrer. Loin donc qu'il foit permis de les exculcr .. . .
Tige 140. ,, elles font trh coupables Ce ne font pas feulement (ajoutc-t-il) les Convultion-
„ naircs quiiont coupables , tous ceux qui ont continué d'afTillcr à de tels fpcûaclcs
j, font peut-être encore plus coupables.
^xxu. He ! Qiii font ces perfonnes qu'il ju"e 5c qu'il condamne fi dcfpotiquemcnt ?
«Vx qui' al-' Ce font félon lui cinq ou/tx cens Convulfionnaircs, Se 3. o« 4. mille hommes , y
"Xl'(\"t P^^^-^'^^'^ ^^ double.
ti/.n!."'" Qiie le lecteur rac permette d'interrompre bu moment mon récit pour rc-
^«Â'^s- pondre à l'injurtc critique que l'Auteur des Nouvelles a fait de cet endroit de
mon fécond Tome dans fa feuille du 11. Janvier 1741. art IV. H m'y accufc
d'y avoir fauflement fuppofé f«'/7 y avait cinq ou Jix cens Convulfionnaires à qui
on donnoit des fecours violens , ce qui occa/ionnoit des aj/emblées nombreu/'cs , Çj trois
iu quatre mille hommes {^ peut-être le double perpétuellement occupés à fervir eu à
»ffifitr à ce fpcflacle. Il ioutient au contraire que depuis le commenoemcnt des
convulfions à peine cotnpteroit-t-on en tout trente Convaljionnaires à fecours.
io. A 1» page que citcect Auteur de la première édition de mon fécond To-
me, je n'y ai dit d: tout ce qu'il m'impute, que ce que le Icétcur vient de voir
ci-
IDKE DE L'ErJT DES CGN FULS 10 NN AIRES. S7
ci-deffus, & je n'ai fliit en cela que rapporter ce qu'attefle l'Auteur des Vains-
efForts , fans me rendre en aucune forte garant de l'exaétitude de fon calcul.
S'il y a quelque exagération , celui de l'Auteur des Nouvelles , qui réduit au nom-
bre de trente tous les Convulfionnaires à fecours depuis le commencement des
convul fions, s'éloigne encore bien plus de la vérité. Apparemment qu'il s'eft ima-
giné qu'il n'y a que ceux qu'il connoît qui fe font donner des fecours : &:que com-
me il n'en a vu que très peu, & qu'étant obligé de fe tenir fort caché, il n'a
de relation qu'avec un très-petit nombre de perfonnes qui n'en ont peut-être pas plus
vu que lui , il n'ell: point du tout inftruit de ce qui fe paffe chez les Convul-
fionnaires. Cependant il eft d'une notoriété fî publique, qu'il y en a un bien
plus grand nombre qu'il ne dit, qui reçoivent d'étonnans fecours , quec'eftune
chofe inconcevable qu'il l'ait ignoré: M. Poncet en comptoit, de fa connoif-
fance, en 1^36. foixante ou quatre-vingts. Au furplus avant que de me dénon-^"''''^!!^
cer au public comme coupable d'une exagération que le calcul de l'Auteur de/' ^'
Nouvelles fiiit paroîtrc fi énorme , n'auroit-il pas du s'informer de la vérité des
faits ? J'avoiie que je fuis d'autant plus fenfible aux traits qu'il me lance . que
j'ai pour lui l'amitié la plus tendre & la plus parfaite eftimc.
20. En cet endroit de mon Ecrit il n'y efl: point queftion en particulier des
grands fecours, mais du fpeébacle général des Convulfions êc de toutes les dif-
férentes repréfentations que font de tous côtés une multitude de Convulfion-
naires. Ainfi de toute façon cet Auteur n'a pas eu le moindre prétexte de me
reprocher, comme il fait, que j'y fuppofe qu'il y a f . ou 600. Convulfionnaires
à qui on donne des fecours violens, & 3. ou 4000. hom.mes perpétuellement
occupés à fervir ou à affifter au fpeftacle de ces fecours. Ce n'eft pas là le feul
article o'j je me fuis apperçu que cet Auteur lorfqu'il a fait la critique de mon
fécond Tome par fa feuille du zi. Janvier, ne l'avoit parcouru que très fuper-
fîciellement. C'eft fans doute ce qui eft caufe qu'il m'impute ainfi ce que je ne
dis point, Se que fur un fondement auîlî fauffement imaginé, il m'accufe à la
face de toute la terre d'une exagération fi exceffive.
Mais en voila plus qu'il n'en faut pour me laver de ce reproche. Reprenons
au plus vite le fil de mon récit.
Quelle efl: cette multitude de perionnes que l'Auteur des Vains-efForts traite de
coupables. Ce font ceux de qui la foi paroît la plus vive , Se qui foulant aux pieds tout
intérêt humain , s'expcfent avec une réfignation parfiite au mépris des gens du mon-
de , à la critique des Confultans, à la perfécution des Puifiances , pour profiter des
grâces que Dieu verfe dans le cœur de ceux qui afiiitent à ces fpeâacles, oii fa
puifîance 5c la bonté éclatent à l'envi l'une de l'autre.
Ce font , dit- il lui-même, des perfonnes de tout ordre l^ de toute ccnditioti., foit^- 'h* J
far leur état {ff leur cara'Eii're ., feit par leur mérite t^ par leur nom. ""'"'
Ce font fuivant un avitre célèbre Théologien qui à cû le malheur d'adopter les
fentimens de l'Auteur des Vains-efforts , des hemnies , des femmes de toute condition ,
des Mdgifrats , des Prêtres ^ des Religieux.
Mais quelles font ces perfonnes de condition? Ce font des gens que Icurgran*
de naiflance ne rend que plus humbles, Se qui fe voient avec joie confondus dans
ces Ipectacles vraiment chrétiens , avec les moindres du peuple qui font profefiîon
cotes.
ble , d'ccrc pendant toute l'éternité unis à Jcfus-Chrift.
Quels font ces Magiftrats? Ceux qui font les plus attachés à la Vérité ; ceux
■ Oyfervat. H. Part. Terne II. ' H qui
^2 IDEE DE VET Af DES CONVU LSIONN AIRES
qui ont facrific avec ioie toutes les crpéranccs de fortune qu'ils pouvoient avoir
dans le ficclc: ceux qui n'ont plus d'autre ambition que de plaire à Dieu. Voilà
prccifcmcnt quels lont les Magiilrats chrétiens qui ne rougiiïcnt point d'aller à
ces fpeclacles pour s'y édifier ^ y puifer de nouvelles forces i &y obtenir par d'ar-
dentes prières de h bonté divine qui les a éclairés, lagracc d'être difpofés à fouf-
frir avec confiance les exils Se les autres psrfécutions, plutôt que de manquera
foutcnir de tout leur pouvoir la Vérité qu'ils ont eu le bonheur de connoître.
Quels font ces Prêtres? Ceux qui pourfuivre J. C. ont tout quitté; ceux qu'-
on a dépouillés 6c chafl'és de leurs bénéfices ; parce que l'éclat de leur vertu , la pu-
reté de leur morale, leur fermeté à prêcher toutes les vérités évangcliques, leur
confiance inébranlable u refufer de foufcrire :\ rien de ce qui pouvoity donner la
moindre atteinte , blcfToit les yeux des Conftitutionnnircs & de la Cour : en un
mot ce font ceux qui ont déjà fouflert perfécution pour la juftice, qui dans l'ar-
dent défir de profiter de toutes lesfiiveurs de leur Dieu s'emprefTcnt d'afliileràecs
picufes repréfentations, dont l'effet eft d'augmenter encore dans leur cœur l'efprit
de facrifice, qui les rend prêts à tout foufïi-ir en témoignage des grandes vérités
pour Iclquclles ils ont déjà tout abandonné.
Quels font ces Religieux ? Ceux que la Vérité éclaire : que la grâce foutient ;
que le torrent de la féduction ne peut ébranler: 6c qui étant expoles à tous mo-
mens à fubir toutes les rigueurs de la dureté monacale, accourent à ces fpeéta-
clcs d'édification pour s'y pénétrer encore davantage du vrai bonheur de fouffrir
pour Jefus-Chrift.
A tant de perfonnes fi refpcdables fe font joints plufieurs folitaires , qui après
s'être féparés du monde 6v avoir diflribué aux pauvres prefque tous leurs biens , fc
font retirés dans des greniers pour y vivre daas la plus aullère pénitence 6v vôtre
inconnus des hommes: mais qui aiant entendu parler des miracles de nos jours, n'héfi-
tent point de paroitre àces affcmblées édifiantes où il plait à Dieu de prodiguer
fes merveilles. On les y voit tous remplis d'admiration à la viie des prodiges que
le Tout-puiffant ne ceffe d'opérer à nos yeux : on les y voit prier d'une manière an-
gclique , qui édifie 6c embrafe les cœurs : on les y voit bénir le Très-haut 6c lui ren-
dre grâces avec unenrdeur qui pénétre jufqu'au fond dcsamcs, de ce qu'il daigne
fe manifcfler au milieu de nous pour augmenter le courage de ceux qu'on oppri-
me i de ce qu'il fait annoncer par tant de bouches notre délivrance prochaine , qui
doit être fuiviede la rédemption d'Ifracl 6c delà converfion du monde entier >
6c de ce qu'il conlblc ceux qui fbuffrcnt pour fon nom , par une promcfle dont
l'accomplifTement comblera d'une joie ineffable tous ks fervitcurs de f. C.
Obligé de rendre gloire à mon Dieu de toutes les faveurs que j'en ai reçues, je
dois ici déclarer qu'entre tant de grâces qu'il m'a faitcsdepuis ma converfion, celle
de m'avoir donnélaconnoiflancede ces faintspénitcns, n'cll pas une des moindres.
Sa bonté s'eft l'ervie de l'exemple de leurs éminentes vertus pour me rabbaillcr à mes
Fropresyeux jufqu'à lapoufTiere, en me faifant comparer ma molle délicatcfrc .à
auflcrité de leurs pénitences , ma foiblcfTe à leur force , m.\ lâcheté àl'cl'prit de
fiicrifice dont il font animes, 6c mon orgueil à leur humilité profonde.
Ha! Dieu des vertus, faites moi profiter de 'î\ grands exemples mieux que je
n'ai fait jufqu'a prêtent ! Qii'au moins je les f'uive de loin! J'avoue, Seigneur,
que je fuis tout-à-fait indigne d'arriver au degré où vous les faites atteindre! Ce
font des cnfansqui vous ont toujours aimé, parccquc vous les avez toujours ché-
ris ! Mais fi j'ai perdu par mescrniiesle droit d'être appelle votre fils ,ne retuiez pas
de me traiter comme un de vos ferviteurs ! Que du moins je profite des miettes
qui tombent de la table de vos culans ! Vous m'avez étroitement uni avec eux : plu-
fieurs
IDE'E DE L'Erjr DES CONVU LS lONN AIRES. f!)
iîeurs ont la charité de vous prier pour moi , & ils me font la grâce de m'aimer.
Que leurs exemples, ô mon Dieu ! continuent de plus enplus am'humilier : mais
qu'en même tems ils m'animent & me portent à les imiter de mon mieux !
Voilà en général quels font ces quatre mille hommes que l'Auteur des Vains ef-
forts juge être encore plus coupables que des prévaricateurs publics.
Comme ce font prefque tous des difciples de Jefus-Chrift , qui portant tous leurs
défirs vers le ciel ne regardent qu'avec dédain les bien paflagcrsqui font l'amour
du monde, il n'cft pas étonnant que le monde critique 5c méprife ceux dont les
fentimens font fi contraires aux fiens. Mais que des pcrfonnes qui ont fait autre-
fois une profeflïon éclatante d'être attachés à la Vérité, oublient les maximes de
l'Evangile jufqu'au point d'adopter tous les fentimens des enfans de la terre, ôc
que fous le frirole prétexte que les Convulfionnaires éprouvent quelquefois des
mouvemens convuUîfs , ils préfentent à l'imagination de leurs leéVeurs de très
falcs images qui n'ont de réalité que dans leur propre efprit, voilà ce qui devroit
nous faire verfer des larmes de fang.
Croient-ils donc ces cenfeurs téméraires qu'il ne refte plus de pudeur que
parmi eux , qu'en l'Auteur de l'infamc Journal , en ion copiite Dom Latalle , 6c en
quelques autres , qui à leur imitation déchirent tous les Convulfionnaires fins au-
cune retenue? Peuvent-ils donc pcnfer qu'une infinité de perfonnes qui ont tout
ficrifié pour fe conficrer entièrement à la piété , & juiqu'à des Prêtres & des Re-
ligieux de la plus éminente vertu, vouluflent afiîitcr à des fpeélacles fouillés des
plus grandes immodeilies, fclon que ces calomniateurs s'efforcent de les faire en-
vifager parles traits malins & lesodieufes épithétes qu'ils fément de toutes parts
dans leurs Ecrits ? Je leur paflerois fans peine d'avoir cette opinion de moi .-il n'y
auroit proprement à cela qu'une fmte de chronologie.
Je conviendrai volontiers avec eux qu'avant ma converfion,je n'étois qu'un
monltre d'impudicité. Je puis cependant les afiiu-cr que Dieu parunemifcricorde
_ ipan
aufiî je confens qu'ils penfent de moi tout ce qu'il leur plaira. Mais comment
pourront-ils jamais fe laver devant Dieu 6c devant les hommes, d'avoir ré-
pandu de pareils fuopçons fur une multitude de perfonnes de la piété la plus
ex-emplaire , qui dans la vue de fortifier de plus enplus leur foi, ranimer leur cf-
pérance, 6c embrafer leur cœur du feu de la charité , fe font taits un devoir
de religion d'alfilter à ces repréfentations pour être témoins des merveilles du
Tout-puillant ?
,, Ne jugeons pas facilement les gens de bien , (dit le P. Qiiefnel) quoiqu'ils nousJean 4. ^7.
„ femblcnt faire quelque chofe contre la bienféance. On ne rifque rien en fufpen-
„ dant fon jugement On hazarde beaucoup en s'expofant à violer la jullice 6c
j, la charité par un jugement précipite 6c téméraire. ,,
Mais qui a donc établi ces MM. pour être les juges déroutes les perfonnes en
qui on voit les plus grandes vertus? Qui leur a donné le droit de condamner ainfi
& de deshonorer par des Ecrits publics un grand nombre de gens de condition ,
des Maoiitnus , des Prêtres, des Religieux , qui iont prccifément ceux qui font
tous prêtsàiéfacrifier eux-mêmes pour la Vérité, 6c qui portent julque fur le
front tous les caraélcres des Elus?
Qiie répondra l'Auteur des Vains-efforts à l'Apôtre S. Jaques , qui Tintcrroi^e 6c
lui demande dans fon Epitreadreflee à tous les fidèles : ^i étes-vous pour juger'^^-^'V.f''
ainfi votre prochain ? Tu qui s es .y ejù judicas proximum?
Hz Que
^o IDE'E DE UETjr DES CO N FU LS 10 NNAIRES.
Que cet Auteur auroit bien mieux fait de fuivrcle confeil que lui donne cet Apô-
tre ! Si vous avez ciit-il , un zèle amer & un cœur rempli de critique , ne vous
eh. 3. V. 14.51 en glorifiez pas, & ne mentez point contre la vérité. Sizelum amarum bahetit
i^ content iones fmt in cordibus vejîris , noHtcgIcriari {5? mendaces ejfc adverfus verita-
»• »^' tem. „ La fagefle qui vient d'en-haut, c'cft à direde Dieu qui elt charité & bonté,
„ en porte lecaraétcrc & en produit les fruits, „ dit le P. Quefnelfur leverfct
fuivant. O charité ! que devrent-on quand on vous a abandonnée? Dans quelles
, ces lampes éteintes en qui on ne trouve plus ni la. lumière de la vérité, ni la
„ chaleur de la charité! „ dit-il ailleurs.
Helas, Seigneur ! Les plus brillantes étoiles font tombées du cicl,Scparoi{rent
avoir perdu toute leur lumière ! Ne permettez pas qu'elles fe précipitent dans l'a-
bîme' Faites que ce ne foit qu'un éblouiffemcnt paflager ! Rendez-leur leur plaça
£c leur éclat ! Eelairez-les vous-même, ô mon Dieu ! Diûlpczlcs ténèbres quilcj
empéchentdevoir qui font ceux qu'ils condamnent, qu'ils outragent, qu'ils ca-
lomnient, qu'ils diffament ! Faites qu'ils s'abbaiflent à vos pieds avec une véritable
componftion ! Pour lors, Seigneur, vous Icsrclcvercz vous-même, & vous les fe-
rez monter par les ailcsde l'humilité encore plus haut qu'ils n'étoient. C'elt à l'hu-
milité à qui vous accordez le plus fouvent la foi la plus éclairée ! C'cA: cette foi
que l'Efprit Saint met lui-même dans le cœur de ceux qui ié prosternent dans la
poufllcre ! C'ell cette foi qui perce les voiles, fidjui développe les lignes ! C'eftclle
qui y découvre l'efpritêc la vie qui y font cachés! O humilité par qui l'on reçoit
tant de grands biens , foiez notre vertu ? Vous fcul , ô Tout-puillant , pouvez nous
La donner! Qui ne confulte quefon orgueilleuiéraifon , n'en reçoit fouvent qu'u-
ne rcponfe ténébvcule qui ne peut conduire qu'à l'erreur & qu'à la mort.
A l'égard desConvulfionnaires qui ibnt l'objet principal des calomnies ; j'ai déjà
dit que quelques-uns, mais en fort petit nombre, ont très mal profité des grâces
extérieures qu'ils avoient reçues : & que le plusgrand nombre mêle encore bien de^
défauts à leurs vertus : mais je certifie qu'il y en a pluficurs qui me paroiffent
parvenus à la piété la plus éminente, & dont je ne me crois pas digne de délier les
foulicrs. C'cft même la très-grande opinion que j'ai de ces derniers, qui fait que je
m'cxpofc volontiers à tout pour les défendre : parce que j'cfpére qu'ils m'obtien-
dront par leurs prières ardentes , le fccours de celui en qui je mets toute mon
efpcrancc. ^ ^
Au refte il eft à obferver que les brillantes vertus que font paroîtrc quantité
de Gonvulfionnaircs , ne font pas toujours réelles. Quelquefois ce n'efl: qu'une
belle figure que leur convulfion leur fiiit faire. Mais dans la plupart ces vertus,
repréfentativcs leur font une forte d'imprefiîon plusou moins grande , ciui paflc
iufqu'à leur cœur : & plufieurs en ont enfin acquis la réalité à force de les avoir.
Tcprcfcntécs comme machinalement. Il y en a , par exemple , un certain nombre qui
font parvenus à avoir dans leur état naturel tout le zclc & le courage donr
leurs convulfions font les fimbolcs. Généralement pariant les convulfions font
pour eux un moien dcfaniStification : mais toutes les pcrfonncs qui ont fuivi cette
«cuvrc avec l'attention qu'elle mérite, ont rtconnu qu il n'y a ordinairement
que les Gonvulfionnaircs humbles & parfaitement fournis à la volonté de Dieu
qui retirent un grand profit de leurs convulfions 1 qu'il n'y a que ceux qui bien
convaincus de leurs mifcics, bien pcrfundé,-, qu'ils fimt très-indignes d'être les
inftrumcns du Très-haut, & bien pénétres , de rcconnoiUancc de la mifericorde
toujc
IDE'E DE VETJT DES CONVULS lONNJIRE S. Si
toute gratuite qu'il leur a faite , fe profternent & s'anéantiflent prcfque conti-
nuellement à fes pieds. Tu populum humilem falvum faciès.
Au furplus ce n'cft point de leurs qualités perfonnelles dont il eft véritablement ' '''' ^ '
quertion dans les Ecrits de ceux qui réprouvent les convuHions: ce n'eft point la per-
fonncdes Convulfionnaires, c'eli leur état furnaturel que l'Auteur des Vains-efforts
attaque, ainlî que font pareillement tous fes fauteurs & adhérans. Si ces Auteurs
relèvent les foutes de certains Convulfionnaires : s'ils les exagèrent à l'excès : s'ils
adoptent fins nul examen toutes les calomnies qu'on a forgées contre quelques-
uns d'entre eux, il cil évident par les conféquences qu'ils en tirent, qu'ils ne font
tout cela que pour en faire retomber la honte fur les convulfions en général. C'eft
à l'œuvre même qu'ils en veulent, ainfi que les Puiffances quifefententbleflees
par les prodiges qu'elle renferme. C'eil toute cette œuvre qu'ils s'efforcent de dé-
crier, fans vouloir faire aucune dift'érence des chofes furnaturelles oii l'aétion de
Dieu paroît d'une manière évidente, de celles qui ne peuvent jamais lui être attri-
buées. Ce n'eiVquc pour pouvoir peindre cette œuvre d'odieufes couleurs, qu'ils af-
feébent de confondre ce que font les Convulfionnaires par leur propre volonté , avec
toutes les merveilles que le Très-haut allées aux convulfions. Gen'ellquepour en
donner de l'horreur qu'ils font ce qu'ils peuvent pour la repréfentcr comme un feul
tout. Auffi ell: ce-toute l'œuvre en général que la Cour détcfte, prircc qu'elle tend
vifiblement à faire tomber la Conititution dans le dernier décri, & qu'elle a dé-
couvert au peuple tout le venin de cette pièce infortunée. C'ell néanmoins cette
même œuvre que MM. les Confultans & l'Auteur des Vains-efforts traitcntavcc le
plus fouvcrain mépris. Ce font en général toutes les chofes furnaturelles que font
les Convulfionnaires, que cet Auteur qualifie d'aâ:ions/t?//ey, honteufes l^ indécentes..^
fans en foire aucune dil'rinètion du moins clairement marquée. C'eft leur état qu'il
appelle un état honteux i^ huîniliant. Ceft pour avoir fait leurs repréfentations en
préfense des gens de bien dont j'ai parlé, qu'il, décide qu'ils Çont àcsprévarica^
ttiirs publies ,
Qui auroit jamais penfé qu'on e ûtofé donner pour des ^ff/Vw folles^ parexem*
pie , ces difcours fi touchans , fi pathétiques 8c quelquefois fi fublimes? Diicours par
lefquels des enfans évidemment éclairés d'une lumière iurnaturelle, ont mis d'une
manière fi claire fous les yeux des fpeftateurs, les vérités de la religion aujour--
d'hui les plus combatues & les plus obfcurcies : difcours qui ont inftruit une mul-
titude d'ignorans , ont remue tant de cœurs , & ont fait fi fouvent treflaillir nos
entrailles par la joie d'entendre expliquer auxplusfîmples de fi grandes vérités î
Des avions folles portent-elles de tels caraâères ?
Qiii pourroit fe perfuaderqu'ily auroit des gens aflez téméraires pour compren-
dre 'lous le nom d'aSions indécentes , ces pieufes repréfentations dans lefquelles les
fouffranccs de notre divin Sauveur font peintes par des traits fi vifs? Repréfen-
tations qui n'aui-oicnt jamais pu fans une impreflîon furnaturelle, figurer {i par^
faitement ces fouffrances fi touchantes, fur le vifage, dans les regards, 6c dans
toute l'attitude des Convulfionnaires : repréfentations où Dieu rendoit même quel-
quefois fon opération tout à fait fenfible, en formant tout à coup dans les mains
des Convulfionnaires une image vifible des plaies de fon divin Eils : repréfentations
enfin que le Père des miféricordes a fouvent acompagnées d'une pluie abondante
de grâces , qui fe répandant dans les cœurs des afllilans, les faifoient quelquefois
fondre en larmes. Sont-cc là des avions indécentes? Des actions indécentes pro-
duifent - elles de tels effets ?
Qui pourroit croire qu'on voudroit faire regarder comme un état honteux, \e
prodige admirablç par lequelil a plu au Tout-puiffiuat, de rcndi'e detems «a
H 3 temss
et IDE'E T>E VETAt DES CO NFU LS 10 NNJ I RES.
tems pluficursConvuUîonnaires invulnérables à la plus Grande ardeur des flammes,
Se aux coups les plus meurtriers ? Prodige dont il s'ell fcrvi pour éclairer, toucher
ôc Convertir nombre de Déiiles ou d'incrédules; pour accroître nôtre foi, fortifier
notre courage 6c augmenter notre confiance dans fonlccours, en nous faifant voir
avec quelle profufion il prodigue les merveilles pour afTurer de {■iprotcftion divi-
ne tous ceux qui combattent pour fa caufc. Scroit-ce donc là un étai honteux?
Comment elt-il pollible que cefoit aux yeux de ces MM. un étathumillant , que
la grâce fingulicrc que Dieu a faite à plufieurî Convulfionnaircs, de les prendre
pour minières des guérifons miraculcufes qu'il vouloir opérer; 5c quelquefois de
leur faire faire ces guérifons par des panfemens qui ne font p.is moins furnaturels
que les miracles mêmes? Panfemens qui nous marquant de la manière la plus frap-
pante jufqu'a quel point Dieu veut que nous nions de la charité pour nos frères,
nous ont mtérieurcment reproché notre peu defcnfibilité poureux, ôcnous ont
f:\it prier celui qui donne les vertus de brifor la dureté de nos cœurs, ou pour mi-
eux dire d'en creei en nous de nouveaux ! Quels veux que ceux qui voient ;.';; f7(î/
/'*»;.7/«r/ dans l'emblème de la plus parfaite chanté! N'y auroit-il point ici qucl-
Mit. 10. i/.q^jç rapport à ces paroles de notre divin Maitrc ! Vôtre œil eji-il mauvais ^parce q.a
je fuis bon ?
N'cft-ce pas s'en prendre à Dieu même que d'avoir la hardieHe de qualifier de
frévaricaieurs py.ùlics , les inflrumens dont il jugea propos de le fcrvirpour faire
éclater fa puifiance &i i\\ bonté par des prodiges & des miracles ? N'ell-ilpasvifi-
blc que les merveilles que le Très- haut opère par les Convulfionnaircs fervent à
convertir des incrédules, des Déiilcs, des libertins : à dévoiler laféduction qui
nous afliége de toutes parts : à empêcher qu'une infinité de fimples £c de cœuvs
droits ne fe laillcnt emporter à cette féduétion d'autant plus terrible, qu'elle fc
couvre du voile de l'autorité la plus refpcctable : à affermir dans la Vérité ainfi
• que dans l'œuvre de Dieu ceux qui en font inllruits: 6c à nous préparer à fouf-
frir avec joie 6c rcconnoiflancc , toutes fortes de pcrfécutions , pour la gloire de
fon nom ?
Enfin quelle témérité n'y a-t-il pas de nous condamner tous comme des cou-
pables, pour avoir voulu profiter de ces faveurs de nôtre Dieu?
ïxiTi. JE, ne m'étendrai pas beaucoup par rapport aux grandes pénitences qui font com-
. o''''"'»- mandées aux Convulfionnaires par l'inltinâ: de leur convulfion, parce que j'en ai
lions lur Ici , , , , , i i r r» • J t-- •
jeniienct» parlc avcc quclquc étendue dans la 1. fartic de cet tcnt.
iV.??"'"'^' Te me réduirai donc à obfen'er que dans la plupart de ces pénitences, il y entre
1. rirtie du furnaturel 6c du volontaue, amfi que dans les autres choies que les Convul-
fu'îr.*''" ^ fionnaires font par l'imprefllon de leur convulfion-, & que l'inilinél qui les porte
à faire ces pénitences i\ extraordinaires, vient évidemment de Dieu.
L'abllinence terrible qu'a gardé M. Fontaine pendant 40. jours de fuite dans le
tems des plus grandes chaleurs de l'été, ôclorfquc fon corps étoit déjà totalement
exténue par un jeûne précèdent, cft fi vifiblemcnt furnarurcUe , qu'il ne faut que
cet exemple pour prouver qu'il y a un bns tout-puillant quiconferve 6c même
répare la lanté des Convulfionnaires au milieu des étonnantes pénitences qu'il leur
fait faire.
Il cft vrai que je ne fai point qu'il y ait eu d'autre Convulfionnairc à qui Dieu
ait ainfi fait imiter le jeûne de ]. C. mais il ycnapluficurs à qui il cft fouvcnt or-
donné de taire 6^% nèuvaines pendant Icfqucllcs il leur cft détendu de rien boire
ni de rien manger: 6c quoique la plupart fcuftVcnt toute la douleur dévorante de
la faim, & toute l'ardeur brûlante de la foif, néanmoins leurs forces ne dimi-
nuent point: lUfc trouvent en état mieux que jamais de vaquer à tous leun tra-
vaux
P'
I
IDÉE DE VET JT DES CONFULSIONNJIRES. 6;
vaux ordinaires , 6c ils jouifTent pendant ce tems de la fanté la plus p;irfaitc.
Dieu à la vérité ne leur épargne point la fouffrancc, du moinsà la plupart, pour
ne pas leur en ôter le mérite : mais il les excmte de toutes les fuites que dcsabf-
tinences fi longues dcvroient naturellement avoir : 8c il fait que ces jeûnes fi fore
au dcfllis des forces de la nature, ne dérangent rien, ni dans leur finté ,ni dans
leur travail. Cela cil; arrivé à tant de Convuliîonnaircs , 6c cela eft connu d'un lî
grand nombre de perfonnes, qu'on ne peut le révoquer en doute.
Voici comme en parle M.Poncet. „ Y a-t-il rien de plus extraordinaire quece?- Lettre
„ que nous volons aujourd'hui fous nos yeux , 6c qui foit plus fcnfiblement fur-^'^' ''*'
„ naturel? de voir peut-être cent ou cent cinquante perfonnes de tout âge ,
,, de tout fcxe, de toute condition, faire des jeûnes affreux, .... les faire comme
„ contraints par une puiflunce fupérieure, 6c avertir en même tems que ce qu'ils
„ font obliges de faire, eil un prodige de la part de Dieu pour annoncer
„ que la pénitence elt le feul moien d'éviter. ... fa colère. „ (A quoi ilajoute plus
bas) „ qu'il n'y a point de Convulfionnaire qui foit incommodé par les péni-pj,, ,.y
j, tenccs auxquelles ils font ainiî forcés par leur convulfion. „
Jl eft remarquable qu'on trouve précifément toutes les mêmes circonftances
dans laviedepluficurs Saints myftiques, je pourrois en rapporter nombre d'exem-
ples, mais deux fuffiront ici.
Le Cardinal de Vitri attefte dans la vie de la Bien-heurcufe Marie d'Oignics,
dont il avoit été le confeilcur, que cette fainte fille „ étoit quelquefois plulieurs
„ jours fans prendre aucune nourriture. . . Ce qui , dit-il , doit paroitre très furpre-
„ nant, c'eft que cela ne lui faifoit aucun mal : elle étoit auffi forte 6cauflî agif-
„ fante le dernier jour de jeûne que le premier. „
L'Auteur de la vie de Sainte Madeleine de Pazzi rapporte que „ ce qui caufoit de
„ l'admiration à tout le monde, c'eft que bien loin qu'elle en devînt plus foible
,, par fes excefilvesauftèrités, il fembloit que la grâce voulant l'emporter fur la
,, nature, lui donna plus de force 6c de courage. „
Tous les Auteurs qui ont parlé de cettte proteétion fi vifible de Dieu, fur ceux àçs
myftiques qui fiiifoicnt des pénitences extraordinaires, l'ont regardée comme un
prodige admirable, qui ne pouvoir venir que de celui qui tient dans fa main 6c la
vie 6c la mort. Mais s'il faut quelque chofe de plus que le fentiment de ces Auteurs,
voici la décifion d'un chef de l'Eglife.
Le Pape Clément X. dans la Bulle de canonifation de Sainte Madeleine de
Pazzi, n'héfitc point en parlant de fes grands jeûnes de dire : qu'elle foutenoit fa
"vie par miracle au milieu d'un jeûne fi furprenant.
Mais s'il eft évident qu'il y a eu du furnaturel dans ces prodigieufes pénitences ,
pendant le cours delquelles Dieu confcrye aux Convulfionnaires comme aux Saints
myftiques toutes leurs forces 6v leur famé, il eft encore plus vifible que la volonté
de la plupart des Convulfionnaires concourt à les exécuter, puifqu'ils continuent
ces longs jeûnes également hors de convulfion, comme en convulfion. Surquoi il y
a néanmoins quelque diftinétion à faire : car il y en a quelques-uns dont les péni-
tences font entièrement forcées, 6c à qui la bouche tourne, ou fe ferme malgré
eux, lorfqu'ils veulent y porter quelque chofe avant le jour ou l'heure qu'il leur eft
permis de manger, ou qui après l'avoir mis dans la bouche, ne peuvent l'avaler,
quelque liquide qu'il foit , 6c quelques efforts qu'ils foffent.
_ On en a même vu pleurer de dépit de ce qu'il ne leur étoit pas poffible de boire
ni de manger, quoiqu'ils fouffriflcnt toutes les rigueurs de la faim 8c de la foif.
Mais la convulfion laiffe la plupart des Convulfionnaires maîtres d'exéc.iter ou
dp n'exécuter pas les rigoureufes pénitences qu'elle leur a impofées , 8c ne les cxem-
te pas
64 IDE'E DE DErjr DES CO NTULS lONNJIRES.
te pas d'être quelauefois très violemment tentes de rompre leurs jeûnes. Il y en a
même gui y ont luccombé : mais ordinairement lorfqu'ils commettent cette faute,
ils en lont punis dans le moment par quelque accident qui leur arrive aufll-tôt.
J'en ai vu une qui dans le cours d'une neuvaine qu'elle devoir padcr fans man-
ger, fccognala tête par mcgarde en rentrant dans la chambre , & s'y fit uneboflc
confidérablc. Elle déclara fur le champ qu'elle ne doutoit point que cet accident ne
fût une punition de Dieu, parce qu'en palfant devant la boutique d'un boulanger
elle venoit d'être fi vivement tentée de manger un petit pain, qu'elle n'avoitpas
eii la force d'y réfifter : qu'elle l'avoir acheté , & qu'elle Tavoit mangé dans une
allée. Ce qu'elle confelfa à tous les alfillans avec une profonde humilité, en les con-
jurant de prier Dieu pour elle.
Au reile ces exemples de fragilité font rares parmi ceux des Convulfionnaircs que
l'indinéi: de leur convulfion charge de faire les pénitences les plus dures & les
plus extraordinaires: la plupart s'y portent avec une joie qui eft peut-être aufli
admirable que leurs plus grandes abllinenccs.
Il y a encore uncchofe très fingulicre ,qui arrive communément à ceux qui ac-
ceptent le plus volontiers les pénitences qui leurfont impofécs parleur convulfion.
C'cft quclorfquc leur perc, mère, dtrettcur, ou autres perfonnes qui ont autori-
té fur eux, veulent les forcer à rompre leurs jeunes , Se qu'ils s'y foumettent par
obéifnince&. contre leur gré, alors il ne manque presque jamais de fe faire quel-
que prodige qui les empêche vifiblcment de pouvoir exécuter ce qu'on leur com-
mande : leur goficr par exemple ié rcfferrc , &: fe ferme de telle forte qu'il ne leur
ell pas poflîblc d'y fiire entr r une feule goutc d'eau.
Tous ces faits font fi finguliers & fi peu croiables , que je n'aurois pas ofé les rap-
porter fi cela n'étoit pas arrivé une infinité de fois : mais ces expériences ont été réi-
térées fi fouvent Se par tant d perlonnes, qu'il n'y a que ceux qui ignorent tota-
lement ce qui arrive tous les jours à une multitude de Convulfionnaircs qui puif-
fent en douter.
Au furplus on trouve encore des exemples de ce dernier fait dans les vies des Saints
myftiques. Le Pape Clément X. rapporte dans fa Bulle de canonifatien de la mê-
me Sainte Magdelcine de Pazzi, que ,, ceux qui la conduifoient voulurent éprou-
5, ver fi c'étoit par l'ordre de Dieu qu'elle fe mortifioit par un fi grand jeûne , &:
j, qu'ils lui ordonnerentde prendre une meilleure nourriture : mais elle trouva une
„ a grande difficulté à l'avaler, qu'elle penfa en être futfoquée. „
Les Convulfionnaircs n'ont pas moinsimité les Saints myiîiques dans leurs autres
auftèrités que dans leurs grands jeûnes. Les inllrumens de fer herrilTés de pointes
dont jufqu'à de jeunes cnfims couvrent leur corps, le déchirent &: le mettent en
fang , ont quelque chofc qui frappe encore davantage , & qui paroit plus cffr.û.tnt
que leurs jeûnes les plus prolongés.
La foumifilun avec laquelle ils crucifient fi volontiers leur corps par des péni-
tences fi dures dans le dcfirde pLiircàDieu, elUncontellablcmcntunc vertu: or
toute vertu vient de lui.
L'Evangile nous ordonne de juger du principe par les effets qu'il opcrc: voilà
la régie que J. C. nous prefcrit. Or quels effets falutaircs n'ont point produit ces
étonnantes pénitences, & fur quantité de Convulfionnaircs, 6c fur plufieurs de
leurs fpcctatcurs.''
Qui peut douter qu'elles ne foient un moicn de falut pour les Convulfionnai-
rcs qui s'^ foumettent volontairement .'
Ces pénitences font même quelquefois accompagnées d'une humiliation bien
propre à guérir le plus incurable de nos maux. Il cil arrivé par exemple , à de
griuids
ÏDE'E DE VEtJT DES CON FUL S 10 NNJ 1RES. 6f
•grands pécheurs que leurs convulfionsavoient commencé de convertir, que quoi-
reconnoifToienr très indignes: 8c même après qu'ils écoinit entrés, ils ne pou-
voient pafler au delà du bénitier ou du premier pilier quelques efl'orts qu'ils
fificnt : ce qui en quelques-uns a duré jufqu'à ce qu'ils aient été intimement
Convaincus de leur indignité extrême , & qu'ils aient eu aflcz d'humilité pour
confefîer publiquement l'humiliation qu'ils avoicnt ibuffcrte.
Il eft encore bien digne de remarque que dans pluficurs la rigueur cxccfTive des pé-
nitences que l'inftinft de leur convulfion leur avoit impolees, a été confidérablcment
diminuée, & quelquefois même a totalement cefle , dujour qu'ils ont reçul'ab-
folution , pourvu qu'ils f« ioient addrelTés à des guides éclairés qui les aient
éprouvé fuffifamment avant qne de leur accorder le fceau de la réconciliation.
Ces faits font certifiés par les principaux direéVcurs des Convulfionnaircs, 5c
on en trouve même des preuves dans la grande lettre du très refpeûablc M.B.
dont plufieurs perfonnes ont des copies.
Qui ne rcconnoît, en voyant cette conduite qui ne peut venir que de Dieu,
qu'il veut aujourd'hui nous rappeller le fouvenir des régies qu'on iiiivoit dans lu,
primitive Eglifc , & que le relâchement exceffif qui s'eil depuis introduit, a
tellement abolies qu'elles font prefquc totalement oubliées ?
il ell: vrai que Dieu ne fait pas à tous les Convulfionnaircs la grâce de les for-
cer ainfi par des prodiges à pratiquer les ftintcs régies, mais il fuffit qu'il la
fiifie à quelques-uns pour qu'on doive en conclurrc que fa miiericorde agit vifi-
blement dans l'œuvre des convulfions, 6c par conféquent qu'elles font par leur
première defiination une voie propre à conduire au fiilut, quoique tous les Con-
vulfionnaircs n'en profitent pas.
Au Tcfbe ce n'eft pas feulement à de gi-ands pécheurs que Dieu a fait faire
des pénitences extraordinaires, c'cftaufiî à de très jeunes perfonnes , qui avoicnt
toujours vécu dans l'innocence telles par exemple que Gabridle Mouler j Se ce
font même celles qui les exécutent avec plus de joie, parce que c'eft un amour
pKis pur qui les leur fait exécuter.
A l'égard de ceux qui en font les fpeélateurs, combien de pécheurs , d'ama»
mateurs des plaifirs & du monde qui avoient d'abord été ébranlés par les difcours
des Convulfionnaircs, ont-ils été tout à fitit touches à la vue de leurs incroi-
ables pénitences : fur tout lorfquc ces Convulilonnaires , poufles par une géné-
rofité que Dieu leur avoit infpirée, leur ont offert de faire pour eux les péni-
tences les plus rudes, non pour les exemter d'en faire eux-mêmes, mais pour
leur en donner l'exemple & leur en obtenir la grâce. Aufli y a-t-il aélucUement
à' Paris, & fuivant que Tattefte M. Poncet, un très grand nombre de perfon-
nes qui converties par les exhortations, 5c les grandes aullérités qu'ils ont vu
pratiquer aux Convulfionnaircs, vivent prcfentement dans une très grande^ pé-
nitence.
Ofcra-t-on attribuer au démon la charité plus qu'humaine, qui a porté 6c qui
porte tous les jours un très grand nombre de Convulfionnaircs à macérer leurs corps
6c à taire les jeûnes les plus rigoureux poin- engager des mondains à fe convertir,
6c po'ur ob-tenir de Dieu qu'il leur flifie mifencorde?
Quoi ! Ne rougira- t-on pas de donner l'Ange apollat pour auteur des vertus qui
paroiilcnt les plus héroïques, 6c des converfions les plus parfaites?
Qiielle différence entre les imprefiions qu'ont reflcnties ceux qui s'édifient des
Ohfervaî. IL Part, Tome il. 1 ad«
46 /DTE DE VETJf DES CO N T'ULS 10 NN J IRE S.
admirables vertus dont IcsConvulfionnnircsfontau moins les figues, & celles dc«
pcrfonncs qui s'en fcandalilent & les décrient !
„ HcurcuK , dit S. Aug.irtin, ceux à qui la bonne odeur donne la vie ! Mais y
„ a-t-il unplusfunellc malheur que celui des perfonncs à qui la bonne odeur cau-
Trift. 8 i" ,, te 1^ mort ? Felices qui beno odore v'rjunt ? j^tjid autem iafelictus , qui hono odore
jpinn 7 moriuntur? Aimez-vous, continue ce grand Docteur, le bien dans quiconque
„ le fait? N'êtes-vous attentifs, qu'à ccbicn? Croiez-vous que l'intéiêidevôtrc
„ frcre efl: le vôtre? Dcs-lorsk bonne odeur de fes avions vous donne la vie ? Etcs-
„ vous au contraire bleHes de l'approbation qu'on lui donne? Cherchez-vous avec
„ malignité de quoi obfcurcirou Ton aftion ou fes motifs? Alors la bonne odeur
„ de fon parfum vous tue , en convertiffant pour vous en poifon , ce qui fait la joie
„ & la confolation des autres. „
C'eft en fuivant ces principes que le favant Abbé Duguet fait cette judicieufc
ri?i. de 'aréfléxion : „ Plufieurs , dit-il, qui fc croient remplis de zèle condamnent fouvent
p>(r. I. p. ^^ jgj ^Qj^j ^j. Dieu. . . tout ce qui eft au de là des bornes étroites de leurs lumières
'* * „ ou de leur cara£tcrc perlonnel, leur paro'it une fingularitc vicieufc, une igno-
„ rancc des régies. . . Ils ne fivent pa.s que leur cfpritqui ell: très limité , ne peut
„ être le juge de ce que TEfpritdc Dieu qui cil infini, cil capable d'infpirer à fes
„ ferviteurs : & ils oublient ce que S . Paul nous a étroitement recommandé : de ne
5, point entreprendre déjuger les ferviteurs de Dieu. „
XTTV. APRES avoir fait mes obfervationsfur les principaux inllincls que les convulfions
donnent aux Convulfionnaires , il entre dans l'arrangement que je me fuis prefcrit ,
de rendre compte de leurs extafes,qui eilenmcme-temslcplus commun Scie plus
digne de remarque des états extraordinaires où ils tombent quelquefois.
"^Pour n'avoir point de contradicteurs fur la définition de l'extafe, jela prendrai
dans l'Ecrit des Vains-efforts. ^
v«ns ff- L'extafe, dit cet Auteur après S. Thomas, eft un état où l'ame entraînée par
«»fcjp. 5<5. ^^ une force fupérieurc, fortpourainfi dire d'elle-même, & devient étrangère»
„ tous les objets extérieurs qui l'environnent , pour s'occuper des objets qui font
„ préfcntés à fon imagination.
„ Cet état, continue cet Auteur , fuppofe l'aliénation desfcns: mais qui a une
„ autre caufc que le fommeil. Cette aliénation deslcns peut être parfaite ou im-
„ parfaite. Elle cil parfaite, lorfque tous les fens font fans aucun exercice : impar-
,, faite,lorfque l'homme confcrve encore l'empire fur fes fens, mais fans pouvoir
„ difcerner pleinement les objets extérieurs qu'il appcrçoit, de ceux qu'il voit
„ par l'imagination. „
Cette dernière efpcce d'extafe où l'aliénation des fens n'eft qu'imparfaite, &
où ceux qui font dans cet état appcrçoivcnt en même tems les objets réels qui le»
environnent, & ceux dontun être fupéricurpréfeme les images à leurs yeux ou à
leur imagination, eft prccifément l'état où (ont les Convulfionnaires dans la plu-
part de leurs extafes.
Mb voient ordinairement les perfonncs préfentes : ils leur parlent , îc ils enten-
dent même quelquefois ce que ces pcrfonncs leur difcnt, quoique d'ailleurs leur
amc paroirfcpnrque abforbcc dans la contemplationdcsobjct;» qu'une puiiVaace fu-
périeurc leur fait voir.
Il y a néanmoins une autre efpécc d'cxtafes, qu'on appelle communément é-
tatdcmort, où plufieurs Convulfionnaires lont tombes. 11 eft vrai que dans cet
état ils perdent entièrement ou prefqu'entièrcmcnt l'ufagc de tous leurs fens, mc-
«nc quelquefois pendant des deux ou trois jours fans interruption : mais ce n'cll
foiiit de celle clpccc d'cxiafcs dont je vais prcfcntcmcnt parler. Je remets à en ren-
dre
IDE'E DE VErjT DES CONFULSIONNJIRES. 6y
dre compte après que j'aurai fait mes obfervations fur leurs cxtafes ordinaires ,
qui ne font proprement que des ravilTemcns, & fur les chofes les plus remarqua-
bles, particulièrement fur les dilcours qu'ils font fouvent en cet état.
Dans ces extafes , celles du moins qui font marquées aux traits les plus propres p ^^^\
à faire juger du principe qui les produit , les Convulfionnaircs font frappés tout à"'^'""'
coup par rafpcét imprévu d? quelque objet dont la vue les ravit ordinairement de
joie, lis dardent avec avidité leurs regards & ils élèvent leurs mains vers le ciel;
ils femblent vouloir y voler. A les voir abforbés cnfuite dans une contemplation pro-
fonde avec un contentement inexprimable, on diroit qu'ils admirent la beauté
divine. Leur vifigeeft animé d'un feu vif & brillant, Scieurs yeux qu'on ne peut
leur faire fermer tant que dure l'exrafc, demeurent toujours immobiles, ouverts
8c fixés fur ce qui les occupe. Ils font en quelque forte transfigurés: ils paroiflent
tout autres. Ceux mêmes qui hors de cet état ont quelque chofe en eux de bas 8c de
rebutant, changent fi fort qu'à peine font-ils reconnoiiîables : mais leur éclat n'a ri-
en qui n'édifie, rien qui n'inlpire de la piété, rien qui ne porte à Dieu : puifque cet
état furnaturelrepréfente vivement une ame dégagée de tout ce qui n'eft: que terref-
tre 8c pafiager, une ame qui s'élance avec amour vers la Divinité, une ame qui n'af-
pire qu'à la béatitude cclefte, une ame qu'on diroiten jouir déjà, 8c qui nousfiit
appercevoir une image fenfible Se frappante d'un bonheur infiniment fupérieur à tous
les plaifirs de la terre. Auffi ne fe lafie-t'on point de confidérer un fpcftaclc fi pieux:
il femblc que quelques raions de la félicité fublime que l'on croit voir dans le
Convulfionnaire, réjailliflent fur les fpeétateurs attentifs, qui touchés , attendris
8c pleins de ferveur, fe trouvent élevés 8c comme tranfportés hors d'eux-mêmes.
Mais il faut en même tems convenir que ces extafes fi belles, 8c où les Con-
vulfionnaircs paroiflent fi remplis de Dieu , ne font pour la plupart que com-
me un fonge magnifique, dont plufieurs ne confervent même aucun reflouvenir.
C'eft cependant afiez fouvent pendant ces extafes que plufieurs Convulfion-
naircs font leurs plus beaux dilcours, 8c leurs principales prédiélions : qu'ils
parlent des langues étrangères: qu'ils découvrent les fecrets des cœurs: ^ mê-
me qu'ils font quelquefois une partie de leurs repréfentations.
L'x'^utcur des Vains-efi-orts , MM. les Confultans, Se les autres qui ont écrit xjrvi.
contre les convulfions, pour foutenir que ces difcoursScces prédiftions ne pou- ^^^e^de^àn'
voient venir de Dieu, fe font principalement fondés fur ce que les plus beaux dif-'''<=™»'''f'o-
cours & les principales prédictions des Convulfionnaircs étoient faits en extafes. "'*^"'
L'Auteur des Vains-efforts ofe avancer avec fa confiance ordinaire , „ quelesSS.
„ Pcres en écrivant contre les Montaniftcs , ont convaincu leurs prophéties d'être
„ fiiufies , parce qu'ils parloient dans l'extaie. „
MM. les Confultans donnent pour principal motif de leur dccifion par rap-
port aux prédiiftions Se aux difcours des Convulfionnaircs, que,, c'cfi dans des a-
„ liénations Se des tranfports qui ne laiflent pas à ces filles le libre ufage de la rai-
„ fon Se des fcns, qu'elles font leurs prédirions 8e leurs découvertes. Or, dit la
5, Confultation c'eft une vérité établie dans toute la tradition, que pour être mis
„ au rang de ceux qui parlent par l'efprit de Dieu, il îwx être maître defoncf-
„ prit 8e de fes fens. En effet qui pourroit concevoir que Dieu pour communi-
„ quer fon cfprit, dégradât des créatures raifonnables , 8c les rcduifiten unétat
5, de délire 8c de folie .^ „
Quoique je ne fois qu'un ignorant, il ne me fera pas difficile de démontrer que
ce grand motif de leur décifioneft contraire en tous les points au fait particulier, au
droit général, au fcntiment des SS. Pérès, Seaux régies qu'ils ont établies fur
cette matière : Se qu'un tel jugement n'a pu avoir pour caufe qu'un éblouiffemcnt fu-
1 i bit
'65 IDE'E DE VETjr DES CONFUL SIO NNJIRES^.
bit qui a caché à ces MM. ce qu'ils ne pouvoicnt ignorer : en forte qu'il paroîtra
clairement que Dieu a voulu nous faire connoîtrc par un eftet fi vifible &z U palpa-
ble de fii providence, que lorfque ces grands Théologiens ont pris la réfolution
de profcrire fins dilHnàion tous les ConvuUionnaircs &; toutes leurs prédictions^
leur cfprit s'cll: trouvé tout à coup enveloppé des plus épailfes ténèbres.
Premièrement , il cil contre le boa lens de donmr les extafes des ConvuUîonnai-
res pour un état iie (délire ^ de folie : puifque leurs extafes, dans lesquelles ils ref-
tent le plus fouvent immobiles les yeux fixés vers le ciel, dans une contempla-
tion'très profonde , très paifible 6c dans la joie de l'ame, font entièrement f< m-
blables n celles- qu'ont eu un grand nombre de Saints & en particulier les faints
mylliques.
'Secondement, il eft encore plus abfurdcdc donner en général les extafes pour
état où l'homme foit dégradé , fous prétexte qu'il ne jouit pas alors du libre u-
un
fément l'état où Dieu a fouvent mis les plus grands Prophètes pour fe communi-
quer à eux : entre autres S. Paul, qui dansfes extafes a ctéinlli-uitdc Dieu même
des plus grandes vérités de la religion.
Auflî les plusgrands Théologiens ont-ils regardé toutes les extafes qui n'étoicnt
point marquées à quelqiicsm.uivais caractères , comme des opérations du S. Hiprit :
& les Papes dans les Bulles de canonilat ion, en ont-ils fait louvent mention com-
me de fliveurs fingulicres que Dieu avoit faites aux Saints qu'ils canonifoient.
Le Pape Clément X. rapporte dans dans fa Bulle de canonilation de Sainte Rofe ,
ou' „ on l'a fouvent vue dans fon enfance étendue par terre, les yeux élevés vers
„ le ciel qu'elle régardoit avec un air de joie, comme fi elle fentoitdéja qu'elle
„ étoit étrangère fur la terre, Scqu'elledemandàt par un filencc fi éloquent d'être
„ au nombre des citoiens de la Jcrufalem célelle. ,^
Le Pape Paul V. rapporte dans fa Bulle de cmonifation de S. François Xa-
vier, „ qu'il étoit quelquefois, tellement ravi en cxtafc, que fon corps étoit éle-
vé de terre par une force divine , pendant qu'il avoit les yeux élevés & arrêtés
vers le ciel. Son vifiige paroifioit alors tellement enflammé qu'il rcpréfentoit par-
faitement l'amour dont brûlent les Anges. Et comme il ne pouvoit contenir
„ en lui-même l'ardeur de fil charité il s'écrioit fouvent : cejî ajfez Seigneur:
„ fVy? a£ez.
Mais, dira- t-on, s'il y a desvifions & des extafes qui viennent de Dieu, il y
en a auflî que fiitan trouve le moicn de procurer. U eft vrai ; mais quelle eft la régie
eue tous les Théologiens nous ont donnée pour taire ce difccmemcnt ?
T^e» V.'» . ■>■> ^' l'el'ptit ell d'abord troublé , mais que la crainte fe diil'ipe auflî-tôt , 2c que
If irLucAVj, Tame rentre dans fon calme ordinaire , la vifion ell véritablement divine : mais
** fi la crainte & le trouble croiiTent de plus en plus , c'ell une marque que la vifion
" vient du démon. „ Ce font les termes de Théophilaûe, qui font conformes
au fentiment de tous les autres Théologiens.
Mais citons un Auteur dont le témoignage ait quelque chofc qui foit encore
plus frappant: citons un Saint que Dieu a louvent élevé à cet état: un faint fur oui il
a fouvent permis au démon d'exercer la malice &: fa rage : un fiiint envers lequel cet
efprit pervers a eu la liberté de faire tous fes efforts pour le tromper par fcs prelli-
gcs & (es illufions.
Voici qu'elles font les réî^les que S. Antoine donne à fes difciples pour leur ap-
prendre à dilUncucr les vifioiu cnvoiccs de Dieu 6c formées pai- le miiiillère des
bonj
IDE'E DE VETâT DES CO NFU LS ION N AIRE S. 6^
Bons Anges , d'avec celles qui font préfentées par fatan.
„ Il eft facile avec la grâce de Dieu , dit ce grand faint , de difcerner les uns des vic de z.
„ auLres. Car la vue des bons Anges n'apporte aucun trouble. . . . mais leur pré- "*" "'"^ =.
„ fcnce cil iî douce Se fi tranquille qu'elle remplit foudain l'ame de joie, decon-6o^ ■^^'
„ tentemcnt 6c de confiance, parce que le Seigneur qui eft notre joie &; lapuiflan-
„ cède Dieu ion Pcre eft avec eux : Scies penlecs qu'ils nous infpirent étant tran-
„ quilles & fims aucun trouble, ils illuminint de telle forte ceux à qui ils appa-
„ roiflent qu'ils peuvent lans peine confidérer ces bienheureux cfprits : ôc ils leur
„ donnent un tel amour pour les chofes divines 6c futures, qu'ils voudroicnt
„ s'unir étroitement à eux, 6c fouhaiteroient de les pouvoir fuivrc dans le ciel. „
Ne diroit-onpasque S. Antoine ait voulu pemdre par avance l'air 6c l'attitude
des Convulfionnaires en extafe ?
„ Au contraire , continue ce faint, la furprife 6c l'afpeft des mauvais Anges , rem-
„ plit l'ame de trouble porte refprit dans le découragement , dans la triftefte.
„ . . . Ainfi lorfqu'il nous arrive des vifions qui nous étonnent ; fi cette cminte pafTe
j, foudain , 6c qu'une pic extrême lui fuccede .... cette joie 6c cet état de notre
„ ame, eft une marque de la fainteté de l'efprit qui nous apparoît. „
Cette régie donnée par S. Antoine pour dilccrner les vifions qui viennent de
Dieu, de celles qui font des illufions du démon, a d'autant plus de poids qu'elle
eft rapportée, 6c autorifée par conféquent , par S. Athanafe une des plus brillantes
lumières de l'Eglife, 6c une colomnc inébranlable de la Véiité.
A juger p.ir cette régie des extafes des Convulfionnaires , dans lefqucUcs ils par
roifient jouu- d'un contentement inexprimable, comment douter de l'efprit qui les
produit?
MM. les Confultans ont-ils quelques régies à nous propofcr plusfiàres que cel-
les données par S.Antoine? Croient-ils avoir plus d'expérience que ce grand faint
fur de pareils états où il avoit fi fouvent pafle lui-même ? Et peniei;t-ils être de plus,
grands Théologiens que S. Athanafe?
Nous avons déjà rapporté quel eft le fondem.ent fur lequel ils s'appuient pour
prouver que les extafes des Convulfionaires ne peuvent avoir Dieu pour auteur.
G'efl que les Convulfionaires parlent en cet état. Or fuivant ces MM. on ne peut
point parler par refprit de Dieu quand on n'cft pas maître de [on efpritj^ de [es feus...
... . l'efprit des. Prophètes ejî fournis aux Prophètes , ainfi que le dit S. Paul. Ce qui
de quelque manière^ qu'on. Pentefide, difent ces MM. 'montre également que ceux que-
le S. Efprit fait parler detneurent maîtres d^eux-mé;ncs.
„ Surquoi l'Auteur des Vains-eftorts s'écrie. ,, N'eft-cepas choquer vifiblc--
„ ment l'idée de l'être fouverain 6cpleindemaiefté qui a établi parmi leshommïs
„ un ordre de conduite qui tend à les rendre conformes à fon image , que de fuppofer
„ que Dieu puilTe lui-même renverfer cet ordre, 6c changer les hommes en des~
„ el'peces d'automates couverts de la honte de leurs aétions, 6cen.raême-tems ré—
„ pandre fur eux les faveurs les plus furnaturcUes ? „
Toute cette pompeufe déclamaticwi tend vifiblcment àinfinuer , ainfi que 'fait la*
Confultation, que l'extafe eft un état oi^i l'homme eft dégradé, 6c que n'aiant plus-
pour lors le libre ufage de fes fens 6c de fa raifon, il eft changé en une cfpécc
d'automate. Or fuivant cet Auteur, il ne feroit pas digne de la Majcfté. de Dieu
de fe communiquer à des hommes qui fcroient réduit en cet état..
Je crois avoir déjà fufiîfamment prouvé que l'extafe eft fouvent au rontraire une"
faveur divine, 6c non pas une dégradation de l'homme : il ne me refte qu'à fiiirc:
Voir que lorfqu'on parle dans une extafe , cela ne prouve nullement qu'elle nefoit:
I 3_ ^ASi
xxii. is- Pierre
& i.0.
70 /i)r£ DE VE'-rjr DES confulsionnaires.
p;\s divine: 5c que dans cet état pluficurspcrfonnes, & mcmcles plus grands Pro-
phétesont quelquefois parlé par l'Efprit de Dieu.
Pour préfcnter d'abord au lefteur une preuve au dcfTus de tout contredit , que
ce n'eft point une circonftance qui ait en foi rien de lufpeét, de parler dans une
extafe ; je n'ai eu befoin que d'ouvrir le nouveau Tellament. On y trouve que S.
parla dans l'cxtafe qu'il eut à Joppc, où Dieu voulut le préparer par une
vifion à aller prêcher la foi aux Gentils; Sc que S. Paul parla aufli dans celle
qu'il eut dans le Temple de Jeruftlcm.
Il cil bien étonnant qu'après de tels exemples qui font fous les yeux de tous les
fidèles , on ofc infinuer qu'une extafe ne vient point de Dieu lorfqu'on parle dans
cet état, 6c qu'on en faflc un moien pour reprouver celles des Convuluonnaires.
Comment de grands Théologiens ont-ils pu oublier de pareils traits d'hilloire
rapportés dans les Aftes, Ôc auflifrappansquelcsextafcsdeS.Picrrc&: deS.Paul.
Il eft donc inconteftable que ce n'efl; nullement un caraélère dclavantageux de
parler dans une extafe. Cela même ne peut manquer d'arriver fouvcnt, parce que
l'aliénation des fcns n'étant pas totale dans la plupart des extafcs, ceux qui font
cians cet état ne font pas ordinairement privés delà faculté de parler : 6c il eft tout
naturel qu'ils enfaffcnt ufige pour exprimer les fcntimens lubits dont ils fe fentcnt
pénétrés, ou pour rendre compte des lumières nouvelles qui le prcfcntcnt à leur
efprir.
Mais non feulement on peut parler dans les extafes divines par fon propre efpritj
on peut aufli parler par l'Efprit de Dieu ; 6c cela cil: fouvent arrivé.
3.Ro;sch.-. Il y a tout lieu de croire que Salomon étoit en extafe lorsqu'il fit cette mag-
nifique prière rapportée dans l'Ecriture : il cil du moins certain qu'il étoit aliéné
de fes fens , 6c néanmoins que fon amc avoit intelligence 6c liberté , puifque
Dieu loué 6c récompenfe fix prière.
On ne peut douter que S. Jean ne fût en extafe lorfqu'il écrivit l'Apocalipfe.
Or fi l'Efprit de Dieu peut faire écrire en extafe , il peut également faire parler.
On a confervé précieufement le difcours que S. Pacômefitcn extale, 6c que (es
diciples écrivirent pendant qu'il le prononçoit en cet état.
S. Cyprien rapporte que de fon tenis il y avoit des cnfans à qui Dieu fiiifoit pré-
dire en extafe la perfècution qui étoit prête d'arriver.
Prefque tous les difcours des faints myftiqucs ont été fiiits en extafe.
Enfin les SS. Pères nous apprennent que les Prophètes même du premierordrc
ont quelquefois prononcé leurs prophéties étant en cet état.
Entre autres S. Ambroifcle fuppofc comme une chofc d'une notoriété conftante.
"Voici fes termes dans fon commentaire fur ces paroles du Roi Prophète: Heureux
V homme qui ne s'eft point attaché à la vanité , fjf qui n'a point donné dans des folies plei-
inTC. s>- «^j (/e mcnfonge. „ Le Pfilmiile (dit cePcre) donne à entendre qu'il y a d'autres
„ folies pleines de vérités , ou fi l'on veut de fagcs folies : & ce font peut-être celles
j, d^s Prophètes qui prophétifoient en extafe tî? dans le ravijfement de Vefprit , étant
5, tellement remplis de cslui du Seigneur qu'ils paroijjoient à pluficurs comme feus (J
,,infenfés. „
Les Convulfionnaircs auroient grand tort de fe plaindre que MM. les Conful-
tans les accufcnt d'être dans le délire, puifque du tems des Prophètes, les beaux
cfprits les prenoicnt pour des fous 6c des inlenfès.
S. Hilaire n'eft pas moins précis pour afllncr que l'cfprit de Dieu fait quelquc-
lB?r. 118, fois parler en extafe , 6c même les plus grands Prophètes. ,, Lorfquc par une o-
iitt. II. ^^ pération divine, dit ccPérc, l'homme fe trouve élevé au dcllus de fes propres
j, pcnfccs j 6c comme enlevé hors de la fphfrc de l'cfprit humain, fa langue ne
le
o.
Ï5
IDE'E DE UETJT DES CO NFU LS lONNJIRES. 71
5', le fert plus au défir de f;i volonté: mais refprit qui s'ennùfit, & qui en ufe
„ comme d'un infiniment qui lui eft propre , la meut comme il lui plaît , &: parle
„ lui-même par notre bouche en proférant par elle fes oracles divins. „
11 n'y a que des Prophètes par état de qui l'on puifTe dire proprement que Dieu
parle farXcnx bouche^^\>roicrepar elle fes oracles (:/m«.f. Ainfiluivant S. Hilairelcs
plus grands Prophètes ont donc quelquefois prophétifé en extafe ?
Si les plus grands Prophètes ont quelquefois prononcé leurs prophéties dans le
tems que leurs fens étoient aliénés, qui peut douter que Dieu ne puifle communi-
quer quelque lumière furnaturelle à d'autres perfonnes pendant qu'elles font pareil-
lement dans l'aliénation des fens, & qu'il ne puifîe leur Hiire déclarer en cet état
ce qu'il leur a fait connoîtrc ? Et par quelle raifon ceux à qui Dieu donne dans cet
état quelque connoifTance de l'avenir, ne fe ferviront-ils pas fur le champ de la
faculté qu'ils ont de parler pour dire ce qu'ils viennent d'apprendre.
11 eil: vrai que les difcours prononcés en extafe, même par des Prophètes, n'ont
pas une entière autorité pour aflujettir notre créance, parce qu'il faut que le Pro-
phète foit maître de fes fens & de fon efprit lorfqu'il déclare qu'il eil afluré que ce
qui lui a été révélé vient de l'efprit de Dieu.
Les Pérès de l'Eglife &tous les autres Théologiens nous ont marqué ladiflinc-
tion qu'on doit faire à cet égard , entre la réception de la révélation , 6c le tems
dans lequel le Prophète publie de la part de Dieu & avec autorité ce qu'illui a or-
donné de dire. A l'égard de la révélation , Dieu la fait aflez fouvent pendant l'a-
liénation des fens , foit aux Prophètes , foit à d 'autres perfonnes ; étant le maître de
révéler tout ce qui lui plaît à qui bon lui femble. Mais pour avoir l'autorité de
déclarer au nom du Seigneurie comme parlant de fa part ce qui a été révélé il
faut être rendu à foi- même : & il n'y a que les Prophètes par état qui aient ce droit-
& lorfqu'ils font une telle déclaration en fon nom , ils doivent pour lors avoir l'u-
flige entièrement libre de leur efprit & de leurs fens, & c'eil; précifément à quoi
s'applique fui vaut tous les Théologiens le paflage de S. Paul : refprit des Prophète s 1. cor
eft fournis :î«a.- P;-o/>/;f/c.f ; lequel partage ne regarde que renonciation prophétique »*■.
c'eil-à-dire la déclaration que fait le Prophète de la part de Dieu , de ce qu'il lui
a ordonne de dire.
Lorfqu'au contraire quelqu'un , foit un Prophète foit une autre perfonne, fait une
prédiétion étant en extafe, comme il y en a quantité d'exemples } pour lors ce que
dit cette perfonne , fut-il un Prophète par état , n'a pas une entière autorité. Encore
un COUJ3 il fout pour nous obliger à nous foumettre avec une pleine foi à une pré-
diftion faite en extafe par un Prophète , que ce Prophète après avoir repris tout
l'ufige de fon efprit & de fes fens, déclare que ce qu'il a dit en extafe luiaètèinf-
piréde Dieu, ou qu'il le répète librement au nom du Seigneur. Mais tout ce qui
fuit de ceprincipe,c'ellquetoutce qui eft dit en extafe & pendant l'aliénation des
fens, fur tout par une perlonne qui revenue à elle-méne n'eft pas afflirèe que ce
qu'elle a dit lui ait été donné de Dieu , ne doit être reçu qu'avec précaution , qu'a-
vec examen , & n'a pas l'autorité d'une prophétie divine , quoique ce qu'a dit cette
perfonneaitpû lui avoir été révélé par le S. Efprit. En un un mot il rèfulte feule-
ment de là que les perfonnes qui font les prédirions en extafe & à qui il n'eft pas
donné de les répéter au nom du Seigneur , quand elles font revenues à elles-mê-
mes, n'ont pas l'autorité ni les caraftcres qui conviennent aux Prophètes par état :
mais il n'en réfulte nullement que les révélations qu'ont eu ces perfonnes ne foicnt
pAs venues de Dieu.
^Ces principes fontfi communs parmi les Théologiens, fi clairs & fi fortàla por-
tée de tout le inonde, qu'il eft inconcevable quêtant de DodeursrenoBamés,les
wcnt
7i IDE'E DE VET Jt DES CONFU LS 10 N l^JIRES.
aient tont à coup oubliés, précifément dans le tcms qu'ils s'ingcrent à porter une
dccifioniur cette matière pour condamner &: profcrire une infinité deperfonnes.
Que cette cfpcce de prodige nous fafle reconnoitre avec humilité que toute lumière
vient de Dieu , 5c que les plus grands efprits, Scies plus favans, ne font que ténè-
bres des que Dieu leslaifTe à cux-mcmcs.
Txvti. Ccn'ell donc point un caraftcrc dcf;\vorablc de parler en cxtafc : on peut au con-
u-gJt'în-*" traire y parler parl'cfpritde Dieu : & la joie cclcftcqui brille fur le vifage des Con-
cviunuc oa vulfionnaircs pendant qu'ils font dans cet état , cil une preuve que leurs extafes vien-
ncnt de lui : mais cette preuve nelt pas lalcule. Pour les parcourir il ne raut qu -
examiner ce que Tinflinâ: de leur convullîon leur fait faire en cet état. J'ai déjà
rendu compte de leurs réprcfentations ; je vais préfcntcmcnt faire quelques obfer-
vations fur les difcours en langue inconnue ou étrangère qu'ils font quelquefois
dans le plus fort de leurs extafes , & lorfque leur amc paroît fi abforbce par les
grands objets qui la frappent, qu'ils ne s'apperçoivent plus de tout ce qui fepaifc
auprès d'eux.
Je paiierai cnfuitc du don que plufieurs ont cû de découvrir les fccrets des
cœurs: & enfin des difcours fublimes dans lefquels leurs principales prédièlions
font ordinairement contenues.
LA PLUPART de ceux qui ont écrit pour ou contre les convulfions, ontat*-
telle ou avoué que plufieurs Convulfionnaires parlent en cxtafe des langues incon-
nues Se étrangère,'? , dont il cil vifible qu'ils comprennent alors le fens.
Entre autres l'Auteur de la Recherche delavérité furl'ccuvre des convulfion;:,
cet Auteur fi exaftdans'toiis les faits qu'il avance, 5c qui joint la plus févere criti-
que des chofes qui lui paroilTcnt reprèhenfibles , à l'admiration qu'on doit à celles où
l'opération divine eft marquée, donne comme un des caraètcrcs avantageux d'un
affcz grand nombre de Com'ulfionnaires , de parler des langues inconnues.
?ig« n: L'Auteur des Vains-efforts en rapporte lui-même quelques preuves, aufiî bien
que de plufieurs autres dons, 6c entre autres de la décowjerte des fecretsdes cœurs.
Mais comment fe defcnd-il de l'induètion qui réfulte de faits fi décififs? Les
nie- 1- il? Il n'oferoit-, il fcnt bien qu'il fcroit démenti par un très grand nom-
bre de témoins oculaires. Il n'y donne pour tout coutredit que des injures, 5c une
déclamation auffi vaine que fiilueufe: il s'avife même de comparcrdcfon propre
mouvement ces dons à ceux des premiers chrétiens , 6c il s'écrie auffi-tôt : „ Qui
„ ne rougiroit de penfer que l'Eglifc dans fa naiflance , ornée de tous les dons a-
,, poftoliques, eût pu être une affemblée de pcrfonnes aliénées de l'efprit 6c des
„ fens , mêlant le faux avec le vrai dans leurs prédictions 5c leurs difcours , accom-
„ pagnant leurs prophéties d'une irfinitéd'aélionsbaiïcs cruelles 5c honteufcs ? „
Il entend apparemment par ces derniers termes les rcpréfcntations 5c lexfecouis.
Voilà en quoi confiile toute fa rèponfe, du moins par raport aux difcours en
lan^c inconnue ou étrangère.
Avant d'examiner fi le parallèle des dons des premiers chrétiens, avec ceux <ic
plufieurs Convulfionnaires peut avoir quelque conformité, il faut commencer pai"
établir le fait.
J'ai déjà obfervé quec'cfl dans le plus fort de leurs ext.ifcs, que plufieurs Con-
vulfionnaires font ces difcours en langue inconnue ou étrangère: je dois nj^titcr
<iuc la plupart ne conçoivent eux-mêmes tout ce qu'ils fignificnt que dans l'in-
Itant 5c à mefujc qu'ils les prononcent, 5c qu'ils ne s'en rcifouvicnncnt plus, du
moins que d'une manière générale , des qu'ils ont ccfië de parler. Il y en ace-
pendant quelques-uns qui, après que leurs difcours font finis , répètent cn-fran-
çois ce qu'ils ont dit en langue étrangère.
A l'é-
Sj. 40.
rȣ. t,x.
IDE'E DE L'ETJT DES CONTU LS lONNJIRES. 7j
A l'égard des autres, la feule preuve que nous aions qu'ils les entendent lorf-
qu'ils les prononcent, c'eft que fouvent ils expriment de la manière la plus vive
tous les difFérens fentimens contenus dans ces difcours , non feulement par leurs
geftes, mais même par l'attitude queprcnd leur corps, Se par l'air de leur vifîge,
fur lequel ces différens fentimens fe peignent tour à tour par les traits & les carac-
tères les plus frappans : enforte qu'on eil en état de pénétrer jufqu'à certain point,
quels font les fentimens qui les remuent} & qu'il a été facile à ceux qui ont
examiné avec attention tous leurs divers mouvemens & leurs diftcrcns geftes,
d'y reconnoître que la plupart de ces difcours font des prédiâ:ions détaillées de
la venue du Prophète Elle, desfupplices qu'on lui fera fou ffrirainiî qu'à fes dif-
ciples, de la converlîon des Juifs, oc enfin de l'établiflcment de la religion par
toute la terre : il n'a fallu pour découvrir que ces dilcours en langue inconnue
étoient la plupart des prophéties de ces grands événemens , que confronter les
différentes impreffions qu'on a vu furie vifage des Convulfionnaires en faifant leurs
difcours, & les gelles dont ils' les ont accompagnés, avec des imprcdîons fem-
blables & des mouvemens pareils qu'on avoit rémarqués en eux lorfqu'ils pro-
noncoient des difcours françois, oi^i ils avoient annoncé les mêmes événemens :
ce qui a été confirmé par la déclaration de plufieurs Convulfionnaires, qui après
leurs difcours fe font reffouvenus en général, qu'ils y avoient parlé de la venue
dufaint prophète, &: de ce qui en fera la fuite ,6c encore plus particulièrement par
ceux quife rappellent tout ce qu'ils ont dit Se qui le répètent en langue françoife.
Au furplus ces difcours en langue inconnue ou étrangère ,ont étéaccompai^nés
de chofes très remarquables dans quelques Convulfionnaires. Par exemple il efl de
notoriété publique que M"^ Lordelotfceur d'un Avocat du Parlement, qui de-
puis fa naiflance a toujours eu une allez grande difficulté de parler, prononce né-»
anmoins fés difcours en langue inconnue avec toutes les grâces &: la facilité pos-
fible, malgré nombre d'afpirations & de mots tellement difficiles, que d'autres
perfonnes ne pourroient les articuler qu'avec beaucoup de peine : & quoiqu'elle
n'ait point du tout de voix, elle chante très melodieufen^ent des cantiques en
cette langue.
M"^. Dancogné dont les convulfions font fi intéreflantes , & qu'on fait aufîi
n'avoir jamais eu de voix, chante de même parfaitement bien des cantiques en
langue inconnue & d'une mufiquc extraordinaire, qui fait l'admiration de tous
ceux qui Pentendent : mais ce qui furprend encore davantage , il lui arrive fou-
Vent dans certains temsde fesextafes, d'entendre le fens de tout ce qu'on lui dit
en quelque langue qu'on lui parle , & de répondre à tout d'une manière très julle ,
c'eft ce que quantité de peribnnes ont éprouvé.
FaifoHs maintenant la comparaifon de ces difcours en langue étrangère, avec
ceux que prononcoient les premiers chrétiens par un don du S. Efprit fuivanc
que S. Paul nous l'apprend.
Il ne faut que jetter les yeux fur le chapitre 14. de fa première Epitre aux Co-
rinthiens pour y reconnoître clairement que plufieurs de ceux à qui TEfprit Saint
faifoit prononcer des difcours prophétiques en langue inconnue , ne les enten-
doient pas.
5, Celui qui parle une langue inconnue, dit ce grand Apôtre, ne parle pas aux' Cor. 141
„ hommes, mais à Dieu: puifque perfonne ne l'entend, Se qu'il p-.,rlc en efprit ^'
5, des chofes cachées. C'eif pourquoi que celui qui parle une langue inconnu:;, < 3. & iv
j, demande à Dieu le don de l'interpréter. Car fi je prie en une langue inconnue,
j, mon cœur prie: mais mon efprit & mon intelligence efl ians fruir. „
]1 efl doncinconteflablcfuivant cetémoign.ige de S. Paulj que parmi les fidé-
Obfervat. IL Part. Tome IL K ks
74 J'DE'E DE VEtAt DES CO NFULS 10 NNJ I RES.
«, ij.
fcrieurà celui dcsConvuUlonnaùxs, puifquc ces derniers, du moins la plupart,
paroiflcnt entendre le fcns de leurs prédictions dans le tems qu'ils les prononcent,
&;que quelques-uns même le reflouviennent parfaitement de tout ce qu'ils ont dit.
Il eft vrai que la plupart, dès que leurs ditcours en langue étrangère font fi-
nis, n'en confervent que des idées vagues, &: même que ^plufieurs n'en ont plus
aucune mémoire : mais cette circonftimce n*a rien de décilif. De tout tcms il a
été aflez ordinaire que ceux qui parlent en cxtafe ne fe reflbuviennent point de
ce qu'ils y ont dit, ni même de ce qu'ils y ont vu : Sainte Thérefe le déclare
formellement d'elle-même,
lib.ii. de S. Auguftin en parlant despcrfonnes en cxtafe qu'il avoit lui-même examinées
ecn.adiicier.jjj. ^^ jA^ ^j ^,^ ^^j parloicut avec ceux qui étoicnt véritablement devant eux
„ fie qui parloient en niême-temsavec despcrfonnes abfentes comme fi elles é-
„ toient réellement préfentes : 5c après qu'ils font revenus à eux , il y en a qui
j, rapportent ce qu'ils ont vil, & d'autres qui ne s'en refibuviennent point. „
Bailleurs il eft évident que le même motif qui acngagé celui dont les confcils
font fi fort au-deflus de nos penfées , à f\ire prononcer ces prédirions aux Convul-
fîonnaircs en langue inconnue , pour en fouibaire la connoiiïance à ceux qu'il n'avoit
pas deftinésà en être inftruits, le porte en même tcms a enôterlc fouvcniraux
Convulfionnaires, afin qu'ils ne puiflcnt les leur expliquer , du moins dans un cer-
tain détail.
Mais dira-t-on : à quoi peuvent fcrvir des prédiétions que pcrfonne n'entend.'
Quelle fin Dieu pourroit-il avoir pour opérer un prodige qui paroit tout à fut
inutile ?
Ce fera S. Paul qui répondra lui-même à cette queftion, en parlant de pareils
M.difcours que faifoient les Corinthiens. „ 11 eft dit dans l'Ecriture , dit ce grand A-
,,.„ pôtrc: je parlerai à ce peuple en des langues étrangères & inconnues. Auflî
cet Apôtre nous apprend-il, que ces difcours étoient un figne qui n'ctoit que
pour les infidèles.
Mais que fignific ce figne? Iln'eft que trop vifiblcquec'eftun fignc de colère:
c'cftun figne par lequel Dieu manifeftc aux hommes qu'il a réfolu de cacher fous
unfçeau prefque impénétrable les vérités qu'il leur fait annoncer, parce qu'ils fe
font rendus indignes de les connoître : c'eft un fignc que Dieu veut traiter aujour-
d'hui la plus grande partie de la Gentilité comme ilfaifoit autrefois les liraclites.
iip. de la II étoit commandé aux Prophètes , dit feu x\I. l'Abbé Duguct , de cacher les vé-
pai'p. ;îi.^^ ^fj^5 importantes fous des obfcurités Haie reçût ordre de fermer le livre
'^^' „ oùilécrivoitcequ'il voioit , afin qu'il n'y eût que les dilciplcs privilégiés qui
„ en euffcnt l'intelligence Dieu découvrit au même Prophète à quel petit
4, Cor.
■ a.
ir. li
nombre feroicnt ré'duits lesrcftesd'Ifracl qui ne fe laifleroient pas entraîner par
l'incrédulité générale: il les lui rcpréfentoit comme quelques olives éch-apècs
\\ à la recherche de ceux qui avoient fait tomber les autres.
'«»• m-' ^^ Mais en même-tems il lui étoit expreffcment défendu de parler fans énigfne . .
„ ... & il eut ordre de mêler tant de chofes ohfcurcs à quelques traits fort hrillans^
qu'il eft ohligé de s''écrier : Envérité ^Seigneur^ious êtes un Dieu bien attentif à
„ vous cacher.
Ce n'cft donc pas une chofe nouvelle que Dieu faffe faire les prédirions les
plus importantes , & qu'il les couvre en mèmc-tcms dans fa colère paruncobf-
"■ '^' '*■ curité qui en dérobe la vue? // seft caché dans les ténèbres ^ dit le Roi Prophète,
des nuées ohfcurcs l'ont enveloppé de toutes parts. Des
IDE'E DE VET AT B ES C ON FU LS 10 NNJIRES. jf
•î Des Com'ulfiol-maires à la vérité ont expliqué , déclaré , développé dans des dif^
•cours François la plupart d'une beauté furprenante , les mêmes prédiftions qu'ils
avoient faites en langue inconnue: ils les ont publiées jufque fur les toîts : leur
voix s'eft fait entendre de toutes parts } & perfonne n'ignore ce qu'ils ont annoncé.
Mais le décri ou on a fait bien-tôt tomber leurs perfonnes a réjailli jufaue fur leurs
prédiétions, & a été un fécond voile , qui pour bien des gens cil tout a'ufïï capable
de leur cacher la Vérité , que lorfque les Convulfionnaircs ont parle en langue in-
connue. Par les mêmes préjugés , le mépris que ces perfonnes vont avoir pour moi
parce que j'aurai pris la défenié des ConvuHlonnaires , ou pour mieux dire que j'au-
rai expliqué l'œuvre des convulfions d'une manière très-différente de la faufle idée
qu'ils s'en font formée, fera peut-être caufe que toutes les ventés que je metslbus
leurs yeux, ne leur feront aucune impreflion.
VOICI cependant un autre caractère qui a accompagné les extafes de plu- „^^^"^-
r /^ M~ • 1 1 A -i/^.P,.-,-^'/ Découverte
heurs Convulùonnaires, lequel ne peut être attribue qu a celui ieul qui pénètre des recre«
les fecrets des cœurs , Se à qui les fentimcns les plus intimes de notre aine ne peu- "" '"""•
vent être cachés.
J'ai déjà obfervédansma première Propofition que MM. les Confultansétoienti. Part. p.
eux-mêmes convenus dans l'cxpoié de leurConfultanon, qu'il y avoit des Convuifio- *^" ^'^'
Toaires qui révéloient des chofes très cachées , même les fctreîs des cœurs , & il m'a été
facile de faire voir que cette circonltance, fût-elle toute feule, feroitdécifivepour
prouver que Dieu agit dans l'œuvre des convulfions, parce qu'il n'y a que luifeul
qui puifTe découvrir ce qui fe paflb dans le fond du cœur, à moins que quelque
ligne ne l'ait donné à connoître.
Je pourrois rapporter des fiits qui me font perfonnels, & qui démontrent que
Dieu a révélé à des Convulfionnaircs des chofes c|ui me regardent, & quin'étoient
fues que de liai: mais comameje ne pourrois en produire d'avitrcs preuves que mon
feul témoignage, il fera plus convainquant de citer celui de quelques Auteurs qui
ojit écrit fur les convulfions avec connoiffiince de caufe.
M. Foncer doit certainement être mis de ce nombre. L'Auteur des Vains-efforts
dit de lui: (^'\\ a écrit pour ^ centre les convulf.ons. Ccc^i-x donné ■çr'mc\Yi^\eraQX\t pag. iji,
lieu à ce bon mot, c'eft la fincérité parfaite de M. Poncet dans le récit des faits,
loit contraires, foit frvorables. Comme il n'a rien dilîimulé de ce qu'il croioitdé-
favantageux, on ne peut l'accufer d'avoir exagéré fur ce qui eft en leur faveur.
Voici cependant de quelle manière il s'exprime dans fa réponfe à l'Auteur des
nouvelles obfervations , en parlant de la découverte du fecret des cœurs que font
plufieurs Convulfionnaircs „ Vous auriez , dit-il , bien moins de difficulté , fi vous lj^ _
,, aviez été témoin des faits. . . Si étant chezunConvulfionnaire, il vous eût dit 129!"
„ les penfées les plus fecretes de votre cœur : qu'il vous eût averti d'une faute
„ confidérable où vous feriez tombé : qu'il vous eût marqué uneoccafion précife
„ oii vous auriez négligé de prendre le meilleur parti, celui que votre confciencc
„ vous indiquoit , pour lui en préférer un qui convenoit moins , mais qui étoit plus
5, félon votre goût : s'il vous eut prefcrit d'y revenir, & que votre confciencc vous
„ eût répondu intérieurement que le Convulfionnaire avoit raifon. Si, dis-je, ce
„ fait, qui eft arrivé auflî bien que plufieurs autres aufîî circonftanciés , étoit
„ arrivé à vous-même, vous en feriez demeuré bi^-n étonné: vous en auriez été ren-
^, verfé , &: vous n'auriez pu vous empêcher de reconnoître qu'un pareil avér-
j, tiflementvenoirde Dieu, & étoit l'effet d'une grande miféricorde fur vous. ,,
Comment en effet peut-on s'aveugler au point de ne pas reconnoître à de tels
traits celui dont la lumière univerfçlle perce jufque dans les replis les plus profonds
de nos confciences .'' Quoi donc ofera-t-on attribuer au démon une pénétration fi
K 2. intime
<j6 IDE'E DE VETJT DES CONVULS lONNJIRES.
intime êc fi parfaite de nos fenti mens les plus fccrets? Le regardcra-t-on comme
l'Apotrc dont Dieu fe fera fcrvi pour donner des avis falutaires?
S. Paul ne donnc-t-il pas la découverte du iecrct des cœurs pour une preuve
que Dieu ell véritablement parmi ceux qui font gratifiés de ce don ? „ Si tous pro-
»c*f- '+•„ phctifent, dit cet organe du S. Efprit, 6c qu'un infidèle ou un ignorant entre
*■*' ^^' „ dans votre allcmblée , tous le convainquent , tous le jugent. LeYecret de fo»
„ cœur cil: découvert : de forte que fe proftcrnant le vifage contre terre il
„ adorera Dieu, rendant témoignage que Dieu ell: véritablement parmi vous. „
Ce n'ell p:is feulement en quelques occafions particulières , ou à un fort petic
nombre de Convulfionnaires que Dieu a révélé des choies cachées dans l'intérieur
des âmes.
L'Ecclefiaftiquede province qui a examiné les Convulfionnaires avec tant d'at-
tention, & qui fait un détail fi exaft Se fi fcrupulcux de tout ce qu'il a remarque
foit d'admirable foit de choquant, iXtc^e qu'il y a des exetnples fans nombre que-
pluficurs Convulfionnaires,, découvrent les fecrcts des cœurs dans le plus grand
„ détail. Dire par exemple : En tel tems de votre vie vous avez flxit telle chofe : dé-
„ couvrir à des perfonnes que depuis tant de tems elles font dans de telles difpofi-
„ tions,auxqucllcsclles a' avoient jamais fait attention. Dire à quelqu'un : Aéiuel-
„ Icment vous avez une penféc d'orgueil; à un autre : Vous avez dit telle chofe
„ avant de venir ici , &c.
Le très favant, le très pieux, & très rcfpeétable Théologien, fm- les obferva-
conpd'œii tions dc qui on a compote le Coup d'œil, dit „ que dans plufieurs diicours de
P- *■ „ Convulfionnaires le furnnturcl & le divin fc manifeftent par des fignes indubi--
j, tables. Ces figncs-font plufieurs prédiftionsjullifiées par l'événement, l'intérieur
„ des confcienccs manifellé pluficurs fois,ô:c.
L'Auteur de la Recherche de la vérité ,. cet Auteur fi attentif à pcfer fcrupuleufe-
mcnt tous les caraftères favorables ou defavantageux qu'il remarquoit dans les
Convulfionnaires , donne pour un de ceux où l'opération de ladi\inité paroît avec
plus d'évidence, la m.xnijcjiation qu'ils font dcspenfées ^ la dccowjerts des chofa
fecretes.
Mais il feroit fupcrflu de multiplier davantage les témoignages pour attcflerun
fait dont tout le monde convient, jufqu'aux adverfaires les plus déclarés dcscon-
vulfions. Il n'ont même trouvé aucun autre m.uien d'y répondre ,. que dc faire
l'honneur à fatan dc le proclamer auteur de ces révélations , quoique la plupart
foipnt fi importantes pour le falut;: ôc cela fous le frivole prétexte que plufieurs
Convulfionnaires fe font quelquefois trompés dans les chofes qu'ils ont déclarées.
Mais rien n'ell ^\ foiblc que cette réponfe : pcrfonne ne prétend que les Convuliion-
naircs parlent toujours par l'Efpritdc Dieu; Sclorfqu'ils parlent par le leur, il cil
tout naturel qu'ils fc trompent.
Plufieurs ont découvert des chofes oui n'étoient connues que de Dieu fcul, &
par conféquent ils n'ont pu les apprendre que de lui i d'où ilrcfultc incontcftablc-
ment qu'ils parlent quelquefois par fon Efprit : Sc c'cll: tout ce que nous foutenons.
Il n'y a que Dieu qui connoiHc L'intérieur des hommes Se qui lifcdans leurs
penfées : c*eft heurter les principes les plus^ incontellablcs que d'attribuer un tel
pouvoirau démon , a moins que les penfées ne fe foicnt manifcftces piuquclquc fi-
gne fenfiblc. Mais il ne s'enfuit pas dc ce que Dieu découvre dc temscntcms les
chofes les plus cachées aux Convulfionnaires, qu'il les mette par là hors d'état de
iè tromper cux-mcmcs, & dc prendre quelquefois pour une révélation dc la part ,
ce qui nait dc leur propre fond.
Les plus gr^ds Théologiens ont au contr.ùrc adopté comme un principe que
l'cx-
»«?• »;•
JDE'E DE L'EtJTDES CONFULS lONNJIRE S. 77
l'expérience rend indubitable, que les perfonnes qui font accoutumées à recevoir
des révélations fans être élevées à l'état des Prophètes, font fujetes à s'imaginer
que des chofes qui ne viennent que de leur propre efprit leur ont été révélées. M.
Poncet a cit.; un grand nombre d'autorités qui démontrent que cela eft arrivé très
communément à de grands Saints , & à prefque tous les myftiques : ce qui n'a point
empêché que les plus brillantes lumières qui étoient alors dans l'Eglife , Se même
les Papes dans leurs Bulles , n'aient reconnu que la plupart des chofes contenues
dans le? difcours que les Saints myftiques aroient faits en ext?ic , venoient de
l'impreffion de l'Efprit de Dieu.
C'eft donc un raifonnement très faux de foutenir que les Convulfionnaires ne par-
lent jamais par l'Efprit de Dieu , fous prétexte qu'ils parlent quelquefois par le leur.
L'imagination échauffée d'un Convulfionnaire , qui flatté de ce que Dieu lui a dé-
couvert des chofes très fecretes , croit qu'atout moment il va l'éclairer par une lu-
mière lurnaturcUe, ne fuffit-elle pas pour lui faire hafarder de dire ce qu'il n'ap-
perçoit que dans fes propres idées. Mais cela empcchc-t-il que lorfque ce même
Convulfionnaire découvre une chofe qui n'étoit fûe que Dieu, il ne foit évident
que c'eft par fon opération qu'il en a été inftruit ?
Cette évidence va paroître encore dans un plus grand jour par les obfervations-
que je vais fiire fur lei> difcburs françoisdcs Convulfionnaires, queje crois la par-
tie la plus importante de l'œuvre des convulfions.
VOICI la deicription qu'en fiitl'Ecclefialtique de province, qui acxaminécet^
te œuvre avec tant d'attention, & qui rnarqueavec tant d'exaétitude tout ce qu'il ob'erva-
a trouvé de rcpréhcnfible dans les Convulfionnaires, auffi bien que tout ce qu'il a.'j°,"'"^ •''
vu d'admirable dans les convulfions. „
„ Difcours fur la religion , les plus vifs , les plus touchans , les plus profonds y pj^^ , g,.
,., énoncés avec une éloquence & une dignité , dont nos plus grands maîtres ne
„ pourroient approcher , fie avec des gcftes Se des grâces que l'on ne trouve point
j, dans les plus habiles aéleurs Il y en a qui développent les plus- grandes.
„ vérités de la religion: celles qui enfont l'ame, l'efprit & le cœur: comme les.
„ vérités de la confiance, de h grâce, de l'amour de Dieu, avec une profondeur
,, une folidité , une netteté, & une élévation qu'on n'a encore vu nulle part.
3, Une de celles qui font les beaux difcours, n'a que ij;. ans fie demi : fie la
„ pliipart font abiolument incapables-de faire de pareils difcours infiniment au
„ defius de leur portée. „
L'Auteur de la Rfcherche de la vérité n'a pas été moins frappé que l'Ecclefiafti--
que de province , du furnnturel que tout le monde a apperçu dans les premiers dif-
cours qu'ont f lit les Convulfionnaires , furtout lorfqu'ils ont parlé en extafe. Cet
Auteur convient qu'on trouve dans ces difcours- „ la fublimitédes pcnfées, ladé-
„ licateile des fentimens, la nobleife des tours, l'énergie des ex prelfions, fied'au-
5, très caraétcres femblabies, qui paroiflent fort au deifus de la portée de ceux qui
5, font ces difcours. „
En effet qui font les fameux orateurs qui ont fait journellement des difcoui*
d'une fi grande beauté? La plupart font des enfans, de petits garçons fie de peti-
tes filles élevées dans l'obfcure poulliere de la pauvreté : èc qui hors de leurs con-
vulfions ne font que timidité, itupidité, ignorance. Voilà les grands perfonnages
que tout Paris à vus prononcer régulièrement pend;mt plufieurs années- des oiG-
cours tous les jours diftérens^ fie chaque jour fur un fujetnouveaa : difcours plus.-
fublimes, plus pathétiques . plus folides, plus touchans les uns que les autrcj-.
Auffi le grand Colbeit Evcque de Montpellier ne balança-t-il p.is ày re—
connoître le doigt de Dieu. Voici dans une de fes Lettres, le jugement qu'U sx
K 3 porté-
P=ge i>*
jS IDTE DE UEtJiT DES CON FU LS 10 N NJ IRES.
porté entre autres des difcours d'un jeune enfant. Je joindrai ici un allez grand
extrait de cette Lettre qui contiendra quelques autres objets, perluadé que ja
fuis que ceux qui cherchent la vérité de tout leur cœur, feront bien aife d'y
trouver la juile idée qu'on doit avoir de l'œuvre des convulfions , d'y ;ip perce-
voir des traits propres à (c décider fur tout ce qui caufe les difputes parmi les
AppcUans, 6c d'y apprendre quelles font les marques extérieures par lefqucllcs
on peut difcerner le parti le plus fur par rapport au falut.
Xftr.DCix. „ Les Extraits des difcours dont vous me parlez , m'ont été envoyés (écrie
b'rfd'.j t' )» ^^ grand Prélat à Madame de Coctquen. ) Je les ai lus, & j'en ai été frappé.
Février ^ Lcs exprclTions CH font nobles, les vues grandes, la Théologie cxaéle. Ilelt
''''■ „ impofllble que l'imagmation , & fur tout l'imagination d'un entant , puifTc
„ produire de h belles chofes. Le fublime plein d'onétion y règne par tout.
5, J'avoue que les nuages qu'il a plu à Dieu de jettcr fur les convullîons,
„ m'ont fait lufpcndrc mon jugement jufqu'à un certain point. Il y avoit des
„ chofes qui me faifoient de la peine, & quoique je fcntifle que le doigt de
„ Dieu étoit dans cette œuvre , néanmoins je voulois voir s'il ne fe montrcroic-
,, pas plus clairement. Lcs nuages fe diffipent , 6c les miracles opérés par les
,, ConvuUîonnaires nous apprennent à ne pas juger témérairement de l'œuvre
„ du Seigneur.
„ Elle eft une folie pour les uns, un fcandalc pour les autres. Qiicllc foie
j, pour nous un moien pour opérer notre fanétification. Je trois voir d'une
„ manière très claire que Dieu veut aveugler. Il a desdcflcins de mifcricordc;
„ mais ils n'éclatteront fur les uns qu'en laiflant agir fur les autres fa jullice dans
,, toute (à rigueur. Ce qui m'attriilc le plus, eft qu'il y ait parmi nous des fe-
„ mences de divi(ion, dont les fuites peuvent être très funeftes. Je ne crains
„ point pour la vérité, mais je crains pour plufieurs qui l'ont défendue avec le
„ plus de courage ; 8c en craignant pour eux, je ne puis qu'être l:\ifidcfrayeur
,, pour moi-même ï'cfpére néanmoins que Dieu ne permettra pas que je le mé-:
„ connoillé. Le voile qui le dérobe aux yeux de tant de perfonnes, ne m'em-
„ pêche point de le voir. Je laifTfe le coté obl'cur, 6c j'entre dans fon fmétuanc
„ par l'endroit lumineux. Heureux celui qui ne prendra point de ce qu'il ren-
„ contre d'obfcur, un fujet de Icandale!
„ Il V a bien de l'apparence que dans peu la marque dillinétivc de Appcllans,
„ fera de ne pas rougir de ce que le monde appelle fanatifme. On laifléra tran-
„ quilles ceux qui s'uniront avec les ennemis de la vérité contre les con-
,, vulfions: préjugé deiavantngcux. Je n'aimerois pas à être en paix avec ceux
„ qui font en gucVrc contre Dieu. QiianJ la vérité ell attaquée 6c la pcrfécu-
„ tion ouverte , je ne vois rien de plus prudent que de fe jctter du cote des op-
„ primés: c'eft là ou eft la force, 8c où la victoire fera infailliblement. „
Le mei-veillcux des difcours des Convulfionnaircs,n;crveilleux h frappant qu'il
a caufé de l'admiration à un aufli grand cfprit que M. Colbert , a été un fait
fi public que l'Auteur des Vains-cftoits n'a ofé le nier, 8c qu'au contraire le
parti qu'il a pris a été de s'efforcer d'en faire une el'péce d'argument contre les
convulfions. 11 donne comme une régie générale que la fréquence des réyélat'ions ^
Put i8+. ç{\ u„ fjfrg pour les regarder comme fufpcties. Voici la conclufion qu'il en tire.
, Q.ue pcnlcr donc, dit-il, des Convuliionnaircs, qui pendant des années entiè-
res chaque jour, 8c plufieurs fois dans le jour, fe prétendent infpirées pour pro-
noncer des "difcours fublimes, préJire dés cvencmens futurs, découvrir le fc-
„ crct des cœurs, parler des langues inconnues, faire des miracles ,8cc?
C'eft là au moins avouer les f.iits bien polîtivcmcnt , 8c on doit lui favoir gré
d'une
55
55
55
IDE'E D-E L'EtJT DES CON FU LS TONNJ IRES. 75
d'une telle lîncéritéi Suivant lui-même toute la qucftion neconfifte qu'à exami-
ner quel eft l'auteur de tous ces prodiges. Mais s'il y a des miracles joints à une
infinité d'autres merveilles, ainfi qu'il en convient auffi bien que MM. les Con-
fultans, quel poids peut avoit toute leur vaine critique qui ne roule 10. que fur des
calomnies, qui ne regardant que quelques particuliers, ne pouiToient porter au-
cune atteinte à une oeuvre auiîl étendue : 20. que fur de prétendues régies la plu-
part contraires aux fentimcns des plus grands Théologiens , ou qui ne préfentcnt
que de fimples préjugés qui peuvent être en quelque façon défavorables , mais qui
font abfolument infuffiians pour fc déterminer, quand de l'autre côté on voit ces
miracles incontellables ?
Quoi ! Ces Meflieurs ont-ils donc oublié que les miracles font le témoignage de
Dieu? Qiie les ?niyacks ^(mv^nx. M. Pafcal , difcernent aux cbofes do/i(eufes : p^xr é- ?eniéis r,.r
xemple entre les calomnies l^ les calomniateurs? les miraccs
Efl-ce que Dieu autoriferoitlafuperfiitionpar des miracles ; dit le favant Auteur Va! 5.'+».
des iR.éflexions morales.
Au furplus les miracles n'ont pas été le feultémoignagc par lequel le Très-haut
a déclaré en Dieu qu'il agiffoit dans l'œuvre des convuliîons : la découverte de ce
qui fe pafTc dans rame,& piuiieurs prédirions particulières très circonllanciécs,
dont on a déjà vu l'accompliflcment, ne peuvent non plus être atribuées qu'à lui.
Les difcours même dont il s'agit dans cet article , ont été canonifés jufqu'à cer-
tain point par une multitude de circonllanccs où le doigt de celui qui léul donne
la gnice, fe trouve marqué. Leur iuniaturel évident n. convaincu , a converti des
incrédules & des pécheurs; Dieu s'enelt fervi pour inftruire une grande quantité
de perfonncs des vérités les plus eifentielles au falut, furtout de celles qui font
aujourd'hui les plus combattues : il a fait icntir par ces difcours d'une manière fî
vive & fi touchante lanécefiîté de la pénitence , qu'il la faite embrafier à un grand
nombre deperfonnes. Quoi! fatan feroit-il donc l'auteur de toutes ces conver-
iîons,de toutes ces fitveurs divines, de toutes ces vertus?
A l'égard des prédictions générales qui ibnt la partie la plus intérefllxnre de ces, ^■^^:
difcours, quelle témérité n'y a-t-il pas de fe hâter de les accufer de fiinatifmeaiLf/grn'e'-
dans le tcms qu'elles font appuiées du moins en quelque façon, par un grand nom-"' "tQ.tj"','
bre de miracles 6c de prodiges de toute efpéce ? bous c n-
Ces importantes prédictions étant vifiblcment la fin 8c l'objet principal de l'œu-re" (on',r!b.
vre des convuUIons , l'on doit conclure que toutes les merveilles qui éclatent dans 'f' ''^ '■'^^-
cette œuvre, ne font faites que pour nous y rendre attentifs. vu^dJuir"'
Les miracles lorique Dieu les multiplie avec une prodigalité extraordinaire,
font fouvent par eux-mêmes un fignal par lequel il nous avertit qu'il va bien-tôt
arriver des é^-éncmens très intérelîans. Ce n'eft pas envain que Dieu s'approche
ainfi de nous , 6c qu'il nous manifelle fa préfence d'une manière fi lenfible. Les^^^ ,j ^^
marques infaillibles du tems de falut , ce font les miracles , dit le P. Qiiefnel . Ceux de
J. C. qui n'ont pu forcer l'incrédulité des Juifs, ont étéen même tems le pronoi-
tique de leur réprobation prochaine & de la vocation des Gentils: prenons garde
que ceux de nos jours ne foicnt tout enfemble, ôcpournotre ruine & pour la ré-
conciliation du peuple de Dieu.
Dès que je vois par des miracles certains , 5c par plufieurs autres merveilles , que
Dieu agit dans l'œuvre des convulfions, je dois êtreperfuadé que fa fagciïeades
vues dignes d'elle ; 6c même qu'elle fait tout fervir à fes deficins , foitdc miiericor-
de foit de juftice, jufqu'aux nuages dont ellcpermet que fes opérations foient cou-
vertes, julqu'aux chofes défcétucuies 6c même mauvaife^ , qu'elle fouffrequc les
Convulfionnaires mêlent de leur propre fond, aux différeiis inftinéts que leurcon-
vulfion leur donne. Je
8o IDE'E DE L'ETAT DES CO NVU LS lONN AIRES
Je dois même être perfuadc qu'une œuvre fi extraordinaire & où l'opération du
Tout-piiîïïvmt paroît par tant de traits , en même tcms qu'il permet que cette œu-
vre foit t^éfiî^urcc par pluficurs choies qui ne peuventvenir de lui : je dois, dis- je,
être perfuadé qu'une œuvre fi grande & fi finguliere , ne peut manquer d'avoir une
fin digne des confeils profonds de fa fagefle infinie.
TXXT; Je vois en même-tems, & je vois avec douleur, que le tableau que les Convul-
giiîèviab.u fionnaires nous font de Tctat de l'Eglife, n'ell que trop véritable : je la vois pref-
que toute in'-'ndéc de dogmes pervers que l'on débite hardiment par tout avec im-
punité: je vois une morale nouvelle prendre la place de l'ancienne, morale relâ-
chée qui ne conduifant que dans une voie large, ne mène qu'à la perdition: je
vois que la plupart des chrétiens n'honorent plus Dieu que des lèvres, &quel'ef-
prit dcpnèrcs'cll prcfque entièrement éteint dans leur cœur : jcvois<)uelafource
de ce malheur vient de ce qu'on les a pcrfuadés qu'ils font les maîtres de leur fort,
& que quelqu' s cri ncs qu'ils commettent ils ne ceflcront jamais d'avoir une grâce
fuffiiantc, avec laquelle ils fe convertiront quand il leur plaira : je vois que cro-
iant n'avoir nul bcfoin d'un fecours particulier de lagrnce, ils ne prient plus que
pour la forme: je vois qu'on réduit prefque toute la religion à un culte purement
extérieur : je vois que l'amour de Dieu qui en efl: l'amc , l'cfprit & la vie , n'eft plus
regardé comme nccélTaire au falut par une infinité de catholiques : je vois toute
l'Eglife en proie à une troupe de cafuillcs antichréticns , qui introduifcnt toutes for-
tes de rclùchcmcns : je vois une nuée ténébrcufc d'hommes que S. Paul nous dé-
4." 3."«C4.. figne très clairement fous \c nom d' Ufie foiik de docteurs (\n\àoi\cx\t dans les dernitrs
tems combattre la faine do6lrine qui doivent flatter les hommes ^ ^ Ibus
*■ ^* une apparence de piété en ruiner la -vérité (^ Pefprit : je les vois fe dire de la com-
pagnie de Jefus, tandis qu'ils s'efforcent de détruire toute la morale de fon Evan-
}■ t. gile: je vois ces hommes amoureus d'eux-mêmes ^a'cares ^ fuperbcs ^ glorieux ^ mé-
*' difans . . . ces hommes corrompus dans l'cfprit i^ pervertis dans la foi , dit cet Apôtre ,
faire de plus en plus une guerre cruelle à toute vérité , 6c perfccuter à force ouverte
tous ceux qui s'oppofent à leurs erreurs : je vois les maux eflProiables que cesdc-
ftrufteurs de tout bien ont fait, font & feront dans l'Eglife, dans les royau-
mes, dans le monde entier: je vois déjà arrivé le tems prédit par le même
lUê. 4. 3. _Apôtre, où les hommes ne pouvant plus fouffrir la faine dotlrine & aiattt une e.v-
trême démangeaifon d'^entendre ce qui les flatte „ ont ré-cc/ov à cette foule de Docteurs
propres à fatis faire leurs deflrs : je vois que la pernicieufe doctrine de ces cor-
rupteurs, d'abord profcrite par pluficurs Papes, mais avec trop de ménagement,
eft à prefcnt autorifée par un grand nombre des premiers Pafteuis 6c tolérée par
prcfque tous les autres ; je vois l'abus du Sacrement de pénitence porté jufqu'au
dernier excès: je vois qu'au lieu d'être pour les pécheurs une planche qui les fauve
du naufrage , il eft devenu pour eux un piège qui en précipite une multitude énor-
me dans des facrilégcs horribles, par le défaut des difpolitionsrequifcs: jevoislc
corps adorable de notre divin Sauveur livré aux plus indignes, lofqu'onlc rchife
avec une dureté inconcevable à ceux en qui habitent avec l'cfprit de Vérité
ks vertus les plus émincntes, & que Dieu a préfcrvés Je la contagion générale:
je vois que non feulement on leur ravit cette divine confolation à la mort , mai»
même qu'on refufc à leur corps la fépulturc ordinaire à tous les enfans de l'E-
glilc : je voiiilc fchifme s'avancer à grand pas dans fonfcin, & mettre tout en œuvre
pour challtr de l'Eglife vifible ceux qui en font la partie la plus vivante & la
plus faine : mais que- fait-on par ces vains efforts ? Ignorc-t-on qu'en voulant ré-
parer d'elle l'cfprit & la vie, on s'en fépare foi-mémc? Je vois que pour le très
grand malheur de la Gc'ntilitc, ce ravage déplorable fait continuellement de nou-
veaux
ir>E'E DE VKTAt DES CO NFULS lONNJIRES. 8r
"veaux progrès ; je vois le terrible jugement que le tribunal de l'Inquifition vient
-de porter fur lui-même, en fulminant fes anathémes avec une témérité qui fait
frémir, contre le Bienheureux Appellant dont Dieu raanifelle fi hautement Ix
gloire , 6c contre des miracles qu'il a opérés oc qu'il continue de foire briller à
nos yeux par fon intercefllon : je vois enfin, ce qui paroît devoir mettre bien-
tôt le comble à nos malheurs êc qui les rendroit en effet irrémédiables fi le Très-
haut ne venoit à notre fecours par des coups extraordinaires de ia puiflance, je
vois, dis-je, qu'il a permis au prince des ténèbres de difpofcr fi bien de pref-
quc tous les elprits , qu'on ne peut quafi plus devenir miniftre des autels, fi
l'on ne commence par accepter le fiital décret qui condamne les Vérités les plus ef-
ientielles à la religion, fi l'on ne renonce à la plus pure morale du Chriftianifme,
6c fi Tonne fait un fuix ferment, cnfignant le Formulaire, les vms enconnoifian-
ce de caufe malgré les remords de leur confcience , les autres fiins fovoir ce qu'ils
font, & tous ou par crainte, ou par foibleflc, ou par ignorance, ou par ambi-
tion. Mais Dieu laurafe fuicitera toujours des miniftres hdélcs, qui feront des
défenfeurs intrépides de toute Vérité.
Si tous les paftcurs abandonnoient fa caufc , s'ils n'étoient plus que des merce-
naires £c des voleurs qui ne conduifificnt leurs ouailles que dans des pâturages em-
poifonnés, que deviendroient les promefies fliites à l'Eglife? Aulli Ci d'un côte
je vois la défection de la Gcntilité prédite par S. Paul prefque générale, & nos
prévarications prcfqu'à leur comble > je vois de l'autre imerellburceaflurée à tous
-nos maux : heureux qui en profitera î J'ouvre l'Evangile, j'y cherche fi J. C ne
nous a point promis un remède à des maux fi extrêmes, 6c j'y trouve que ce di-
vin Sauveur nous à déclaré lui-même ce que nous annoncent les Convulfionnaires :
„ Elie 'nous dit-il) doit venir , 8c il rétablira toutes chofes Elixs quidc-iwcenturits Manii. 17,
efl i§ refiituet omn'ui "•
Mais dcmandcra-t-on, quand cela doit-il arriver? La réponfe fe trouve toute
faite dans la prédiction de J. C. ce fera lorfque toutes chofes auront bcfoin d'ê-
tre rétablies.
Comment des Docteurs Appellans qui connoifi'ent l'état où ell: aujourd'hui
l'Eglife 6c qui en gémiflcnt, peuvent-ils rejetter avec mépris une prédiélion qui
fitit toute leur refiburce 6c qui doit être l'objet de leurs vœux , de leurs prières
8c de leur efpérance s'ils pcrfillent dans leur Appel? Faut-il que le mépris qu'ils
■ont des inltrumcns dont il a plû au Très-haui de fe i'ervir pour prononcer leur
délivrance 6c le rctablifTement de toutes choies, leur en faffc dédaigner la pro- p- Quefn^i
méfie? Qj-i'ils faficnt réflexion avec celui qu'ils refpeftent comme nous: o^n'ilf^^i^^^l^'
ne faut point regarder ceux qui nous enfeignent les vérités , mais les vérités qu'' ils nous
en feignent , 6c que fouvent Jefus-Cbrifi a choif, les Jim fies ^ les pauvres pour leur
confier .... les tréfors de la grâce Ci? du [alut-, xx.Yir.
Mais dit l'x^uteur des nouvelles obfervations contre les convulfions, doit-on ^uJfo.s''"dô"
regarder les difcours des Convulfionnaires comme divins? mélange
La réponfe n'efi pas difficile. Il n'y aproprcment que l'Ecriture Sainte qui foitcourV"e/"
un livre divin : il faut faire une grande différence entre une chofe divine en foi 6c convu'fion-
à tous égards , & une autre où l'opération du Saint Efprit a fimplement influé. Les ""^"'
Evangéliites, les Apôtres , les Prophètes ibnt fon organe > il eil de foi que leurs
écrits jufqu'à la moindre fyllabe, font la parole de Dieu. Tout au contraire les
prédiélions faites par pluficurs Saints depuis l'établiflement de l'Evangile ^ ont fou-
vent été mêlées des idées dont leur efprit étoit préocupé: 6c cependant il y a des
chofes dans ces prédictions qui ont été jugées par le conientement unanime de
l'Eglife, avoir été inljpirèes de Dicu.^A l'égard des Convulfionnaires, ilcllrecon-
Obfervat. H. Part. 'Tome IL *'" L nu
ÎCi IDEE DE VETJt DES CON FU LS lONNJ I RES.
nu même par ceux qui font les plus prévenus en leur faveur, que quelquefois lis
joignent aux lumières furnaturcllcs qui leur font données, fans même s'cnapper-
cevoir, plullcurs chofes que leur propre efprit ou leur imauination leur prefen-
tcnt. Mais pour cclaircir ce point qui cil très dclicat & très un portant, je crois
néccfTairc d'entrer dans le détail des trois différentes manières dont les Convul-
fionnaires font furnatui'ellemcQt éclairés, Se dont ils prononcent leurs difcours ÔC
xxxTîr. leurs prédictions.
„?"»"'« lé's Communément les paroles ne leur font pas diétécs: il n'y a que les penfées qui
penicfj qu.foicnt préfcntécs à leur efprit par un inrtinct furnaiurel, auquel cas il faut qu'ils
^tZxuéTti"'^ expriment eux-mêmes ces pcnfces par des termes qu'ils font obligés de prendre
dans leur propre génie, ce qui fait que même dans quelques-uns de leuis plus
beaux difcours , il y a des expreflîons impropres & peu exa£bes& qu'il y a quel-
quefois des phrafes obfcures & très mal tournées, enforte que la beauté de plufieurs
de ces difcours ne confiile prefque que dans le fond des penfées , dans la grandeur des
fujcts qu'ils traitent, dans la nobleflc des images, & non dans la manière dont
cela cft rendu, où il y a quelquefois beaucoup de défauts, quoiqu'on y trouve
en mcme-tems des traits d'une grande beauté , & les idées les plus fublimes.
Il cfl évident q e lorfqu'ils font ainfî chargés du foin de rédiger les idées qui
leur ont été données, ils font les maures d'y ajouter ce qu'ils veulent: auflî la
plupart ont-ils déclaré qu'ils fentent avoir fouvent le pouvoir de mêler leur pro-
pres idées , à celles qui les fxififlcnc d'une manière furnaturclie. Se dont leur ef-
prit fe trouve tout à coup fortement occupé : Se qu'ils lont même obligés d'avoir
une grande attention pour tâcher de ne point confondre leurs propres penfées
avec ces idées dont ils font frappés furnatureilement , £c qu'ils connoiffcnt jufqu'à
certain peint leur être données par une intelligence fupérieure.
Mais ce difccrnement leur cil fouvent très difficile, parce que l'imprefiionlu--
mincufe qui fert à leur faire connoitre que certaines idées leur font données fur-
naturellement, n'cft pas toujours dans le même degré de clarté: quelquefois elle
leur femble fe mêler avec d'autres penfées: ou bien, après leur avoir fait con-
noitre certaines vérités, elle difparoit comme un éclairi quelquefois même ils
ont de la peine à fe rappeller ce qui vient de leur être montré ; & dans tous ces
cas ils font fort embarraffés pour bien diicerner les idées qui leur ont étépréfen-
tées , d'avec celles que leur propre efprit a pu en même tcms former.
Q^^^J^Ài II arrive auflî aflcz fouvent à plufieurs, que les termes leur font diélés inté-
)t« termes rieurcmcnt, fans qu'ils foient néanmoins alors forcés de les prononcer, niempê-
Irjr Ion I ' 1. • . »i 11' '
Adiis. ches d y ajouter , s ils en avoient la volonté.
XXXV. Enfin à l'égard de certains objets, par exemple lorfque la lumière qui lesfr.ip-
Oufiqutfoispg Jcs oblige d'annoncer le retour du Prophète Elle, & tout ce qui a rapport à ce
fortement, grand événement : lorlquclle leur commande de iuçcr les ulcères les plus degou-
tans, ou de faire certaines rcpréfentations : lorfqu'ellc leur enjoint de s'impol'er
des jeûnes 6c des pénitences extraordinaires, Se qu'elle les force de le déclarer d'a-
vance, afin qu'on fâche qu'ils y font obligés, qu'on les avertifrcdc^es faire quand
ils font res'cnus à leur état naturel, & que ceux dont ils dépendent les leur laif-
fent exécuter : pour lors il leur arrive fouvent que leur bouche prononce une fui-
te de paroles indépendamment de leur volonté : enforte qu'ils s'écoutent eux-mê-
mes comme font les aflîllans, & qu'ils n'ont de connoiflancc de ce qu'ils difcnt
qu'à mcfure qu'ils le prononcent.
Il arrive même quelquefois que d.ins la durée d'un même difcours, ils éprou-
Trnt fuccefTivcment ces trois différentes manières d'être conduits dans ce qu'ils
doivent divc, lis commencent pai- exemple un dilcours dans b feule vue défaire
parc
IDl'E LE LETjr DES CO NFULS ION NJIRES. 8?
part aux perfonnes préfentes des idées qui viennent de les faifir d'une manière
•qu'ils Tentent être furnaturelle : mais après avoir exprimé pendant quelque mo-
ment ces idées le mieux qu'ils ont pu, en cherchant les termes dans leur efprir,
tout à coup les expreffions leur font didlées intérieurement pendant quelque tcms,
après quoi ils fe voient derechef abandonnés à leur génie : ôcpeu après ils s'éton-
nent de fentir que leur bouche parle fans confulter ni leur volonté ni leur intelli-
gence, ce qui ne dure ordinairement qu'un intervale affcz court ; enfuitc de quoi
ils font encore quelquefois rendus à eux-mêmes, pour exprimer à leur manierclc
furphis des penfees qui leur ont été données.
Ce prodige d'être forcés de prononcer des paroles dont ils ne comprennent
le fens qu'à mcfure qu'ils les difent , a eu de tout tems des exemples, non feule-
ment parmi les Prophètes par état, mais même parnii ceux qui n'ont que des
illullrations pafTixgéres, & dont Dieu s'eil quelquefois fervi pour foire desprè-
diftions , fans leur donner néanmoins toutes les qualités , ni l'autorité des Prophètes.
Le célèbre Toftat fait mention de ce prodige comme d'une chofe aflcz ordinaire
5c qui le trouve également dans les Prophètes & dans les autres perfonnes par
qui Dieu fait faire quelquefois des prédiftions. „ De même, dit- il, que Dieucii.ic.aii.
-,, par fa lumière prophétique éclaire notre entendement malgré nous, il peutauffij("^ '"^
,, remuer nos lèvres pour nous obliger de publier les chofes que nous connoillbns.ftion 7.
„ Et de même que ceux qui font véritablement Prophètes peuvent quelque-
-5, fois être forcés de prononcer les chofes qui leur font révélées , ceux aufii qui ne
„ font pas proprement Prophètes . . . font quelquefois contraints de dire les clio-
^, Ces qu'ils ont conçues. „
La différence elleiuiellc qui eft entre les Prophètes & ceux qui n'ont que quel- xxxvr.
eues lumières momemanées , qui quoique furnaturcUes ne leur donnent aucune ^Jj^^iyfjj'ï"^'''^
autorité, n'eft pas proprement dans la différente manière dont Dieu peut éclairer fn^f^ '•«
les uns éc autres, Se les faire parler l'oit librement foit forcément: cette diffè- &'cfux'q^
rence confilte principalement, ainfi que l'a prouvé M. Poucet par les ientimens "'""^^'i"^,
des plus célèbres Théologiens, en ccquele Prophète rendu à lui-même, non feu- tnms fani-
lement fe reflbuvient parfaitement de ce que Dieu lui a fiiit voir, mais qu'il efc™"""'
pleinement affuré par l'Efprit iaint que c'cft lui-même qui lui a révélé les chofes
qui fe font préfentécs à fon efprit , ce qui donne à ce Prophète l'autorité de le dé-
clarer de fa part, & comme parlant en fon nom : au lieu qu'une perfonnequi a eu
quelques révélations fans être Prophète, fouvent ne fe relTouvient pas après fon
extale, du moins que d'une manière générale, des lumières qu'elle a eu en cet
état, ni de ce qu'elle a dit: quand même elle s'en reflbuviendroit parfaitement ,
comme cela arrive à pluficurs Convulfionnaires, elle n'a pas pour cela d'alTurance
pofitive , que ce qu'elle trouve alors dans la mémoire lui ait été révélé par l'El^
prit de Dieu.
C'ell cette pleine aflurance qui fait le caractère propre des Prophètes : c'eil: cette
affurancequi leur donne une autorité qui eft incompatible avec le mélange du vrai
& du faux , parccque Dieu qui ordonne de les croire le rend lui-même garant de ce
qu'il difent: au lieu que lorfqu'il ne donne aucune autorité à des perfonnes à qui
il fait quelques révélations, il n'eii pas caution qu'elles n'ont point mêlé leurs pro-
pres idées aux lumières qu'il leur a envoièes : fouvent même il permet qu'elles le
faflent, parce que fouvent fa mifèricorde pour les uns efb accompagnée de fa
juflice pour les autres , & qu'il entre dans fes confeils que les faveurs qu'il fiit
aux humbles, foient une occafion de chute pour les fuperbes. Pour cet effet il
iouffre que fes oeuvres foient prcfque toujours obfcurcies par quelques nuages. Il
a niis lui-même des obfcurités rcfpeâables jufquc dans les livres facrés. C'cllun
L 2, des
54 IDE'E DE VET'JT DES CO N VU LS 10 N NJ 1RES.
des c.ir.ictcrcs des opcrations de fa profonde lageffe, d'être propres à humilier
l'homme, d'éclairer les aveugles & d'aveugler ceux qui croient voir: d'être à la
portée des petits, 5c d'être rc)ettccs par ceux qui ne confukcnt que leurorgucil-
Icufe raifon. 11 ne peut jamais être l'auteur du faux , mais il peut le permettre & le
fige i+j. faire fcrvir à fes defleins. „ Dieu ne peut jamais , dit l'Examinateur de la Confulta-
„ tion, proférer le menfongc , vouloir le mal, m autorifer le péché : mais nul ne
„ fait jufqu'à quel point h providence peut le tolérer & le permettre, Sec.
Après ce que nous venons de rapporter des trois différentes manières fouvent
fticccflîves , aontlcs Convulfionnaircs font conduits dans la prononciation de leurs,
difcours , on fent qu'il cil tout naturel, que lorfqu'ilsfe trouvent dans lancceffité
de rédiger eux-mêmes à leur façon Icspenfées qui leur font prcfentées par une lu»
niicre fupérieure , ils mêlent quelquefois leurs propres idées dans leurs dilcours,.
&: que fouvent ils ne dillingucnt pas même ce qui vient de leur propre fond,
d'avec les connoiffances furnaturellcs qui our éclaii-é leur cfprit. Caria plupart
ne font pas volontairement ce mélange: ils prennent même garde le plus- qu'ils
peuvent i ne rien ajoutei du leur aux lumières extraordinaires dont ils iéfcntenc.
irappés : mais ce difcernement leur eft quelquefois très diflicile , ainfi que je l'ai
déjà obfervé , ce qui ne doit pas furprcndre, puifque la même chofe clt arrivée.
à de grands Saints à qui Dieu donnoit pareillement des connoiiïlinces furnaturellcs,.
fuis néanmoins leur donner le don de difcerner d'une manière fùre 6c précife,
ce qui étoit né de leur propre cfprit , d'avec ce qui IciU' ctoit donné par une lu-
mière divine,
xxxvii. On en voit un exemple bien frappant dans la pcrfonncdu grand S. Cyprien „
K y icu-nc,ui aiant été indruit par pluficurs révélations divines, que l'Eglile alloit fouf-
^ntè oan? rir unc grande perfécution , joignit à cette prédiétion, celles de la venue pro--
les P'éJitii-j,v,.^jpç ^j. l'Antechrift Scdelafin du monde, qu'il prit dans l'opinion où les chré-
qui n-(-;o- ncns ctoicnt alors allez communément que cela alloit bien tôt arriver.
Broph"»." îï Puifque le Seigneur , dit cet illuftre Evêque dans une de fes inlbuétions
Ep;:re xs. ,, pallorales , uous tait la gracc de nous préchcr fi fouvcnt £c de uous avertir , il cil.
„ jufte que nous vous falllon.s part des avertidèmcns qu'il nous donne. Vousfau-
„ rez donc, mes frères , Ôc vous devez le tenir pour très aHuré, que le jour de la.
„ tribulation efl déjà tout proche de nous , & que l'orage de la perlccution cil déjà
„ forme furnos têtes : & déplus que la fin du monde, 6c que le tems de l'Anté-
,, chrill approche. . . Voilà ce qui nous eil fouvent montré : ce qtie Dieu nous.
5, révèle en mille manières. Se à quoi vous devez vous attendre. „
Si Dieu a permis qu'un auffigrand fxint, un célèbre martyr, unc des grandes lu--
micresdcrEglife ait confon.'.u dans ("on propre efprit le préjugéoù il ètoitquela.
vcnuedel'Antéchrill 6c la fin du monde étoient proches ,. avec la révélation que
Dieu lui faifoit de la perfécution qui étoit fur le point d'arriver, 6c qu'il lui ait
lailTè prédire tout cnlcmble à fon peuple ces trois evénemens comme lui aiant été
également révèles, comment MM. les Confultansofcnt-ils donner pour une ma-
xime générale oucdans tous les f.écki. . .une feule prédiction faiifje a parufiiffifante....
pour taire rcjetter pour toujours fans autre examen. . . ceux qui s' ingèrent de prédire
J'at-enir ? Cette maxime peut être vraie par rapport à ceux qui fe donnent pour des
Prophètes par état ; ma:selle ell d'une faudètè notoire par rapport à tous ceux qui,,
fans avoir la qualité de Piophète, ont cù. quelque révélation.
M. Poncct dans fa 6 . lettre contre les Vains-ellorts prouve par un grand nom-
bre d'exemples 6c d'autorités, que prefque tous les Saints qui depuis la forma-
tion de l'Eglifc ont eu des révélations y ont quelquefois mêlé du faux qui ne ve-
noit que de leur propre cfprit ; il fait voir q,u; la „ prétcniioa de MM. les Con-
fui-
99-
IDE'E DE VETjr DES CONFULS lONNJ IRES. 8f
■;, fultans, qu^an ne doit faire aucun cas des révélations de perfonncs qu'on pourra^^^^ ,j.
„ convaincre de s' être trompées dans qudiues-uncs eft, contraire fà ce que] di-
,,. fent. . . tous les Auteurs généralement, & que fi ce principe etoit vrai, on
„ feroit obligé d'abandonner prefque toutes les révélations qui ont été faites
5, aux Saints depuis les Apôtres 6c les hommes Apolloliques. Il s'en trouvera
„ très peu, ajoute-t-il,qui n'aient mêlé quelque faulîeté parmi les chofes qu'ils
„ croioient tenir de la révélation. „
Mais il ne fliut qu'ouvrir l'Ecriture fainte pour y trouver des preiives invinci-
bles, que la fuppofition de l'impoflîbilité du mélange de la part de l'homme dans
la manière dont il rend les choies qui lui été découvertes par l'Efprit de Dieu,
cil une erreur manifefte : fuppofition néanmoins que MM. les Confultans, 6c pref-
que tous les autres Auteurs qui fe font acharnés à décrier les prédictions des Con-
vulfionnaires, ont pris pour un principe fur lequel ils fe font eflentiellement fon-
dés. Je vais en prouver le faux par des faits fi décififs6c par des autorités fi fortes,
qu'il ne foudra que des yeux pour s'en convaincre : mais avant d'entrer dans cet-
te difcuffion, il me reflc à citer encore un trait d'hiftoire de S. Cyprien, qui con-
vient très fort aux queftions que je traite.
Il rapporte que lorfque la pcrfécution qui lui avoit été révélée , étoit prête à
fondre fin- l'Eglife, Dieu pour y préparer les fidèles, ftiibit tomber de jeunes en-
fvms en cxtafe : que dans cet état il peignoit à leurs yeux l'image des maux où les
chrétiens alloient être livrés, & les leur foifoit prédu-c. „ Dieu ne celle point, difEpitre j,-
5, ce grand fiint, dcnous reprendre jour 6c nuit : car outre les vifions nocturnes, le
„ jour même les enfa.ns innoccns qui font avec nous , fontremplisdu S. Efprit :
„ ils voient en extafe de leurs yeux, 6c entendent 6c difent leschofes dontleSei--
„ gneur à la bonté de nous avertir. „
On voit que S. Cyprien étoit bien éloigné de méprifcr les extales de ces cn-
fans : il regardoit ce qu'ils difoiept en cet état comme des avertiflemens du Sci--
gneur , dont il vouloit qu'on profitât. Cet événement lui paroifloit donc un efirt
de la bonté de Dieu. 11 n'eft donc pas indigne de fa lagcflc, quoiqu'en difent les
Doéteurs Confultans , d'infpircr 6c de faire parler dans l'aliénation des fens , ceux
qu'il lui plaît, quand il lui plaît, 6c en la manière qu'il lui plaît. Ces MM.,
voudroient ils qu'on préférât leurs fentimens à ceux de ce célèbre martyr ?
Il eft de la dernière évidence que ces jeunes cnfans étoient de véritables Con--
vulfionnaires entièrement femblablcs-à un grand nombre de ceux que nous voions:
de nos jours.
Ce n'eft donc pas une chofe nouvelle dans l'Eglife que Dieu fiuTc prédire en'
extafe par de jeunes enfans, les grands événemens qui lontlur le point d'arriver , .
ni qu'il permette que ceux à qui il envoie quelques révélations fins les élever à
la qualité de IVophétes, mêlent fins qu'ils s'en apperçoivent .leurji propres idées-"
aux révélations qu'il leur a faites.
Mais on trouve, ainfi que je viens de l'avancer, des preuves de ce dernier fait xxxviir:.
dans les livres diètes par le S. Efprit. Tout ce qui' cil écrit dans ces livres fa- f''™"" . ,
crés , l'a été pour l'inllruftion de tous les fiécles. „ Toute Ecriture qui elt inlpirée-nèiange a-
5, de Dieu eft utile pour inilruire ,pour reprendre , pourcorriger , 6c peur condui-c-Y/urV^ '^"
j, re à la piété 6c à la juftice. „ i.Tini..îj.
Dieu a prévu. de toute éternité ce qui devoir arriver dans tous les tems: il a '^*
connu tous les befoins de lumière qu'auroienttous leshommesdanrlesdifFérentes-
circonftances où il les plact roit : 6c il a voulu que l'Ecriture fainte en fût la fource-
intariflable. C'eit donc principalement dans ce tréfor divin qu'il- faut puifer notre"
inftriiètion , qu'il faut cliercher l'éclairciiTement de tous nosdoutcs>ôc h réponict
à' toutes les difficultés. . L j^ L-'ao*-
cL. 1 ;
85 IDE-E DE VETAT DES CONFÛLS lONNJ IRES.
J/.incicn 5c le nouveau Tcftumcnc nous fourniflcnc des preuves inconteftablcs,
que Dieu à foutïcrc que ceux à qui iltaitbit quelques révélations fans leur donner
l'autorité des Prophètes par état , fiflent un mélange de ce qui naiflbit de leur pro-
pre fond, avec les chofes qu'il leur avoit révélées.
Tous les Pcrcs conviennent que dans les difcours infultans qu'Eliu fit à Job , il y
a des prophéties qui lui étoient infpirées par l'Efprit fiiint.
Voici entre autres de quelle manière s'exprime le commentaire fur Job qui fc
f^,, g,, trouve dans les ouvrages de S. Jérôme. „ Eliu a auflî l'efprit de prophétie,
mais comme je crois , il ne l'a pas cû de la même manière ou dans le même genre
de don que les Saints Prophètes : c'cll pourquoi Dieu dit à Job en parlant de lui
T/iieTi celui-là qui tnéle des fsntences avec des difcours inconftdérés ^ ignorans ? Ce
' * „ qui fignifie quclefcns prophétique de fes difcours étoit mêle avec des paroles in-
juricufcs fie des difcours inconfidércs. Dieu ne reprouve pas tout ce que dit Eliu ;
"il reprend feulement ce qu'il avoit dit mal à propos. . . Mais fi quelqu'un cft
choqué que cet Eliu prédife plufieurs chofcs qui regardent le tems de [. C. que
„ cœur, parce qu'en cela il a parlé par fon propre cfprit. „
Peut-il jamais y avoir un mélange plus marqué d'une révélation divine jointe
à ce que la pcrfonne infpirée y ajoute de fon propre fond ? Eliu rempli du Saint
Efprit qui l'anime, qui l'éclairé, qui lui fait une i m prej/: on ïi vive qu'il ne peut,
dit-il, y r<f/;7?«-,fait des prophéties qui regardent la venue du Sauveur du monde:
6c en même-tcmsdans le même difcours , Eliu s'abandonnant à les préjuges con-
tre Tob, porte le jugement le plus téméraire de ce grand fcivitcur de Dieu!
Il eft bien remarquable qu'Eliu ell en quelque forte contraint de parler
par une imprtilîon furnaturelle, qui paroit toute femblable au mouvement in-
térieur qui force quelquefois les Convulfionnaircs à faire leurs difcours 6c leurs
prédiétions.
j.b.;i. 8. „ ]e vois, dit-il, que c'efl: l'Elprit de Dieu qui agit dans les hommes, 5c que
lit. & 15. ^^ j,'£.jj. l'infpiration du Tout-puiflant qui donne l'intelligence. . . Je fuis tout rem-
5, pli de paroles qui font effort pour fortir: fie je fciisùnns mes entrailles un efprit
„ qui me contraint de parler. Mon ventre en cii: tout plein comme d'un vin nou-
„ veau , qui n'aiant point d'air, rompt les vaillcaux qui le contiennent. „
Cependant l'Efprit faint qui le force d'ouvrir la bouche pour lui faire décla-
ib.d. -8. i.rcr plufieurs vérités fublimcs, ne l'empêche pas d'y joindre des dtfcours inconfi-
di.rés iy ignorans.
S. Grégoire dans le portrait qu'il fait d'Eliu décide encore une autre queftion
contre le fiftcme de MM. les Confultans. Cet illullre Pcre de l'Eglife étuMit
comme une maxime incontertable : qu'on peut être rempli de l'elprit de prophc-
M'^f. fur tie, quoiqu'on ait de grands défauts. „ Eliu, dit-il, nous repréfcntc certains Doc-
jcbi./. 13.^^ x.cx.\xs entre les fidèles, quifont arrogans fie préfomptueux : mais pour bien juger
„ de fcs paroles il faut confidércr celles dont le Seigneur fcfert cnluitepour Icrc-
„ prendre , lorfqu'il lui dit : J^/ eft celui-ci qui mêle des l'eut cnces f ami des difcours
„ impcrti/ie/is .' . . . Ainfi Eliu qui n'éioit pas moins prciompiucux que favant , fait
„ quelquefois des difcours comme tous parfumés de la bonne odeur de la vérité :
„ & il en fiit quelquefois d'autres tous hcrilVés d'épines piquantes... Il faut éviter
„ avec gr.ind loin cet efprit d'orgueil qui peut nous blclîcr Et il n'y a pas
„ lieu de s'étonner qu'un fuperbe comnime lui, ait pu être rempli de l'c'.prit de
„ prophétie, puifquc nous voions bien un Saiil parmi les Prophètes. „
Le
IDE'E DE VET jr DES CONFU LS 10 NNJIRES. Sj
Le Prêtre Philippe , ce célèbre difciple de S. |erôme avance ainfi que pliificurs
autres Théologiens, que non feulement Llin , mais auffi les autres amis de Job
onttouseûrefprit de prophétie : & qu'ils ont tous mêlé leurs préventions contre
Job , aux révélations que leur faifoit l'EfpritdeDieu. „ Les amis de Job , dit-il ,Com. in joi.'
„ ont prophétiie quand ils ont été remplis de l'elprit de prophétie : & ils ont dit •'"'''''■ *^"
„ des choies mauvailes & vaines par leur propre efprit, lorlqu'ils ont fait des re-
„ proches au fiint homme Job. „ Et ce qui ell bien digne de remarque, c'cll
que tout cela fc trouve confondu dans les mêmes difcours.
iS. Grezoire & les autres ^héoloviens ^ dit le Cardinal Bona , têmeiment que la Difcermî- ;
ré^élation qui fut jatte a Ltipbas , qui etoit un des amis de Job , fut véritable , maiSfùis. ch. 7.
f«V/ en abufa. i-n-^ _
Après de tels exemples que l'Efprit faint nous met fous les yeux dans un livre
qu'il a difté lui-même, &: qui par conféquent eft un flambeau qui doit nous
éclairer, que devient la grande maxime des Anticonvulfionniiles : que le moin-
dre mélange doit faire rejetier toute prédi^ion ?
Les préjugés de ces MAL les éblouiflent fi fort qu'ils leur font prendre pour
principe inconteftablc , que Dieu ne peut pas faire ce que toute la tradition , fondée
fur des faits qu'on trouve dans les livres Saints, a reconnu qu'il a fait.
Au furplus quelque décififs que foient ces exemples pour prouver que Dieu
permet quelquefois que ceux qu'il éclaire d'une manière lurnaturelle, joignent
ce qui vient de leur propre fond aux révélations qu'il leur fait 5 on en trouve des
preuves peut-être encore plus frappantes dans le nouveau Tcft.tment.
Il n'eil pas poffible de lire le chapitre 14. de la première Epitrc deS.Paul aux
Corinthiens, fans y reconnoître que cet Apôtre étoit convaincu que ceux des Co-
rinthiens , qui avoicnt fouvent des révélations, y raéloient quelquefois du leur :
mais comme j'ai déjà emploie cette preuve, je n'ajouterai ici qu'une feulcrél^C"
xion que j'appuierai de quelques autorités.
Il ell inconteftablc que le don de prophétie qui étoit très commun parmi les
Corinthiens, venoit de l'efprit de Dieu. Cependant S. Paul étoit fi convaincu
qu'ils pouvoient mêler les eireurs & les préventions de leur propre efprit avec
ce qui leur avoit été révélé par l'Efprit faint, qu'il ordonne qu'on examine ce
qu'ils difoicnt , & qu'on en juge en le confrontant avec les règles & les maxi-
mes du chriilianifme. Pour ce qui efl des Prophètes^ dit ce grand Apôtre, qu'il '-(^or: i+i-
ny en ait point plus de deux ou trois qui parlent ^ (^ que les autres en jugent. ^^'
„ C'étoit, dit Eilius, pour examiner & éprouver fi les chofes que difoicnt
„ ces Prophètes dons le tcras de leurs prophéties étoient vraies 6c conformes à.
„ la fiine doétrine.
,, C'étoit, dit Fromond, pour conftater 6c vérifier s'il n'y avoit rien d'erroné':
5, qu'ils y eufient mêlé , ou par l'illufion de leur propre efprit, oup^ut-êtrepar'
„ la féduélion 6c l'opération de l'efprit de menfonge. „
„ C'étoit, comme on le lit dans une note qui fe trouve dans la Bible de Sacr, dé"
„ peur que l'efprit de menfonge ou l'eiprit humain, nemélalTent dans ces fortes.;
5, de difcours, des chofes fiiufTes , vaines 6c contraires à l'efprit de l'Evan.o-ile. „.
S.PauU'appréhendoit : il étoit donc convaincu que cela étoit très poflîble? Ce-
pendant cet Apôtre défend àzméprifer /w /)J'(;/)/:'é//fj- , de crainte d'en éteindre l'ef- î.T.'tî. ?.--
frit : il. veut qu'on éprouve 2foa^ , 6c qu'on approuve ce qui eft bon.. "• -°'^
C'eft ici l'Efprit fiint qui nous avertit par la bouche de S. Paul, que commet''
les hommes peuvent mêler du leur avec la lumière iurnaturelle qu'il leur envoie,,
on ne doit recevoir qu'avec précaution £c avec difcemeraent les prédidions faites^
parles perfonnes qui n'onfm le caradère yjii ràutorité des Prophètes parctar::
aaaiià
88 IDE'E DE VEtAT DES CONFULS 10 NNJ IRE S.
mais qu'il ne faut pas néanmoins rcjcttcr leurs révélations fans les examiner, fui -
tout quand elles font illullrées par quelque l'uraatuiol , parce que Dieu parle par la
bouche de qui il veut, & qu'il peut fe fervir de qui il lui plaie pour nous donner
les avcrtiflcmcns les plus ellcnticls. Mais lî cclaelt vrai cngcnéral , qu'elle témé-
rité n'y a-t-il point de dédaigner d'une manière outragcufe des prédictions accom-
pagnées d'une multitude de prodiges ôc de miracles, qui fe trouvent cadrer à une
vérité révélée par Jefus-Chrilt même ?
XXXIX. Cette témérité cit d'autant plus inexcufablc que depuis les derniers fîècles, l'E-
lî-cWi mi q\[îq x eû fous les yeux un aiiéz grand nombre de ncrfonnes en qui elle a vu tout
ir'^jifcrurs ce qu il y a de plus linguiier d-ans les convullions: que pluiieurs deccsperlonncs
^'jî,"/^^^'"ont fait comme les Convulfionnaires, des difcours 5c des prédirions en extafc : quf
ss. myfli. la manière dont elles ont rendu ce qu'elles avoient appris par la révélation di-
^''"" vinc, n'a pas toujours été cxenne de mélange : Se que néanmoins l'Eglife a porté
un jugement à leur égard diamétralement oppofc a celuidcMM.lesConfultans,
Lc lecteur me prévient avunt que j'explique de qui j'cntcns parler: il » déjà
compris que c'ell des Saints My ftiques , qui pour m'exprimcr fuivant le langage du
tcms , ont été la plupart de véritables Coû\ uUionnaires. S'ils paroilToicnt aujourd'-
hui parmi nous , à quelle marque MM. les Confultans les diltingueroient-ils des au-
tres? Ce ne pouiroit être que par leur grande piété : mais ne trouve-t-on pas parmi
les Conrulfionnaires , plufieurs exemples d'une vertu qui imite de bien prcs la leur ?
Prouvons d^tbord que les difcours & les prédiétions de ces Saints ont eû précilc-
ment les mêmes déhiuts, & ont été accompagnés delà même forte d'aliénation
qu'on reproche aux ConvuUîonauircs comme une dégradation honteufc. Les Bul-
les de c.tnonifation de ces Mylliques & le fentiment commun des plus grands
Théologiens, manifelteront enfuitc le jugement que l'Eglife a porté de leurs ré-
vélations ôc de leut état.
Sainte Théréfe déclare en termes formels, qu'elle pouvoit aifémentfc tromper
dans les révélations qu'elle croioit avoir, 6c y mêler fes préjugés. Elle fait con-
noître par plufieurs traits de Çw vie, qu'elle fedéfioit extrêmement d'elle-même,
récardant néanmoins lans héfitcr lesextafcs oîi elle tomboit comme un état oii
Dieu la mettoit, mais dans lequel elle n'étoit pas cependant à couvert des illufi-
ons du démon , ni de celles de fon propre efprit.
Les plus célèbres Théologiens ont penfé à fon égard , ce qu'elle en pcnfoit elle-
même. La prédiétion qu'elle a faite que les Jefuites , qu'elle défigne à ne pouvoir
s'y méprendre, rcndroient un jour un grand fervicc à l'Egliie: prédié^tion qui
ne peut être vraie que dans le fcns que Dieu tire le bien du mal , & que la Conlli-
tution qui cft le plus grand ouvrage de ces féduclcurs a réellement été caufc
qu'une infinité de perfonncs fe font inftrui tes de la Vérité, qu'elles ne fe fcroient
pas cmprcflecs d'approfondir, fi les points les plus eOcntiels de la religion &dcla
morale chrétienne n'avoicnt pas été vifiblcmcnt profcrits par cette Bulle : cet-
ce prédiction, dis-je, n'a pas empêché les Tiiéologiens de croire que pluficursde
les révélations venoient de Dieu.
Entre autres M. Nicole, ce Théologicnfi judicieux, dit dans un endroit de fes
ouvrages, en parlant des principales révélations faites à cette Sainte, & de îcs
Eff.Jc mcr.plus célébres vi fions ; queles perfonmsdcbon feus auront de la peine à Je pcrfua-
T *••••' f dcr .-■■ (jiie Dlataiti-oulu joindre tant de fait i iniraculcux à des iH» fions pbantafii'jues.
Et le même .Auteur déclare dans une autre endroit : que des gens d'un: grande piété
(. i?t ia 1-. f<f de grand cfprlt , très affrEltonnés à Sainte Tberefe étaient pcrj'uadc s que parmi fes ré-
'""*■ 'délations , il y en arjoit de fauffes.
Aulll fuivant cet Auteur à qui Dicuavoit donné des lumières fi fûres, les per-
foH-
IDEE DE VETAt DES CONFULS lONNJIRES. 8j>
fsmes de bon fens doivent d'une part , reconnoître que les principales révélations
de Sainte Théréfe ont cû Dieu pour auteur , ce qu'il nous a manifefté lui même en
les autorifant en quelque forte par des effets miraculeux : mais qu'en même-tems
cela n'empêche pas que dafts le grand nombre de (ts vifions , il n'y en ait quelques-
cnes de faufles, ce qui ne doit pas fervir de prétexte pour rejetter celles qui pa-
roiflent marquées au coin de Dieu.
Papcbrockn'héfitepasà croire que Sainte Magdeleine de Pazzi & Sainte Brigi- vit. ss.
te ontfouvent mêlé les idées de leur propre efprit avec les révélations qui leur ont""'' •"?•
été faites en extafe par l'Efpritfaint: il prétend même que cela eft aflcz ordinaire dans **'^" ** '
ces forces des révélations, & il fait fes efforts pour expliquer comment arrive ce
mélange, „ Il faut , dit-il, quej'explique ici une chofe ; c'eft comment il eft poffiblc
,, d'un côté que les raviffemcns de ces deux Saintes , aient été fumaturels &: di-
„ vins quant à ce qui faifoit le fond de ce qui leuravoit été révélé: & comment
j, de l'autre ces vifions ont pu être déterminées par des impreffions qui fe trou-
„ voient dans les efprits de ces Saintes , de manière qu'elles fc trouvent mêlées de
„ chofes non feulement incertaines , mais même faufles. C'eft que ces fortes d'er-
jj reurs n'étant pas contraires à la fin qne le S. Efprit fe propofoit, il les alaif-
jj fées agir à cet égard : „ d'où Papebrock conclud que (dans ces fortes de ré-
vélations) il s'' y mêle beaucoup de chofes de la fiature, que Dieu n'empêche pas d'a-
gir , conformément aux idées dont elle eft prévenue.
En ne perdant pas de vue que dans l'œuvre des convulfions Dieu a dcsdeffeins
de miféricordc & de jufticc, & que cette œuvre eft deftinée à éclairer les uns , &
à aveugler les autres, on comprend fort aifément que Dieu ,après avoir fait faire
d'abord à plufîeurs Convulfionnaires quelques prédiétions particulières , dont l'évé-
nement arrivé dans toutes les circonftances prédites, fitauffi-tôt une grande im-
preflîon fur l'efprit de bien des gens, il ait enfuitelaiffé faire aux Convulfionnaires
plufieurs prédictions fauffes pour amortir ce grand éclat , &: diminuer cette im-
preffion qu'il ne vouloit laiffer fubfiftcr que dans le cœur de certaines perfonncs.
Ici fon motif eft bien plus facile à pénétrer que par rapport aux Saints Myftiques ,
qu'il fembloit n'avoir deftinés qu'à donner de l'édification : mais il entroit dans la
profondeur de fes confeils qui ont en vue tous les tems ,'qu'il y eût quantité d'exem-
ples dans l'Eglife, qui condamnaflent la témérité de ceux qui oferoient avancer,
comme on fait aujourd'hui , qu'une feule prédiction fauffe doit fuffirepour faire
Fejetter toutes les autres fans examen.
Ubertin cité par Joanncs Chimencis, en parlant des révélations faites à quelques
fainîs des derniers tems , y fuppofe ce que j'ai dit ci-dcffus de celles faites aux Convul-
fionnaires, qu'une des principales caufes du mélange qui s'y rencontre eft que
dans la plupart de ces révélations , les termes ne font pas dictés continuellement
par le S. Efprit, qui quelquefois n'éclaire même ceux à qui il les fait que par
des vues générales : auquel cas ceux qui ont ces révélations , étant obligés de les
rédiger à leur manière, ilsfont fujets a y mettre du leur &: à y joindre , fms même
s'en appercevoir, ce qu'ils trouvent dans leur propre efprit.
5, L'efprit de prophétie, dit Ubertin, ne touche Se n'éclaire fouvent celui de
„ quelque Prophète , que pour lui découvrir & lui montrer dans l'avenir des
„ chofes & des idées générales, & le laiffeenfuite comme travailler fur ces vues
j, par une opération qui lui eft propre. En quoi il peut arriver par une fuite delà
„ foibleffe humaine, qu'il fe mêle quelque fauffe opinion, ou que quelque erreur
5, fe gliffe, fans que la lumière qui vient de l'infpiration puiffe être pour cela, ni
„ fauffe, ni erronée. ,i
Obfervat. II. Fart, l'orne IL M Mais
*!•«• «+•
S)D IDE'L DE VEtjr DES CONVU LS lONN AIRES.
Mais pour ne pas allonger mon ouvrage à un excès qui pourroit rebuter le lec^-.
tcur , je vais me réduire à ne lui préfenter plus qu'un exemple qui a une rcflemblan- -
ce lî parfiiite avec ce qui Te paiïe dans les convulfions, que les Anticonvirifioniftes .
eux-mêmes ont été forcés de l'avouer. ••
Plufieurs de ces MM. font convenus que l'état fumaturcl de Sainte Catherine
de Sienne, 6c le mélange vifible qui fc trouve dans fes difcours, font fort fem-
blablcs à l'état & aux difcours des Convulfionnaires d'aujourd'hui. Voions donc
quel ell le jugement que les plus célèbres Auteurs, 6c même le chef de l'Eglife,
ont porté des difcours de cette Sainte.
Cron. tit. „ Catherine de Sienne, dit S. Antonin, avoitfortàcœurlacompofitiond'un .
j, livre qu'elle diéloit fous l'impreffion du S. Efprit: 6c elle avoit prié ceux qui
„ ccrivoicnc d'chferver le tems où félon fi coutume elle étoit aliénée de (es
„ fens , afin d'écrire exaétement tout ce qu'elle diftoit pour lors , 6cc'elHquoi
„ ils s'aDpliquoient : 6e par ce moien ils ont recueilli un livre rempli de grandes
„ 6c d'importantes vérités, que Dieu lui a révélées 6c qu'elle diéloit de vive voix.
„ Il y eut cela de fmgulier 6c d'admirable dans la compofition de ce livre, que
„ tout ce qu'elle diéloit ne fut prononcé que lorfqu'elle étoit en extafe , 6c que
„ tous fcs fens étoient privés de leiu-s fonélions. „
Voilà bien l'état des Convulfionnaires: cet état d'extafe 6c d'aliénation des fens -.
qu'on rcprélente comme une dégradation de l'humanité, 6c qui tout aueontnure ■
paroît à S. Antonin ime chofe auffi admirable que finguliere.
Il ne faut pas croire néanmoins que quoique S. Antonin ait été pcifuadé que
Sainte Catherine de Sienne ctoit fous Timpreffion du S. Efprit dans le tems qu'elle
parloit en extafe, il ait crû pour cela que le livre qu'elle a dicté en cet état fût en-
tièrement expmt de mélange : on voit au contraire que cemêmcfaint, en parlant
dans un autre endroit des révélations de cette Sainte, 6c de celles de Sainte Brigite ,
fiit aflcz connoitre qu'il eft convaincu, ainfi que prefque tous les autres Théologiens,
qu'il y a des chofes dans les révélations de ces deux Saintes qui ne pouvoient ve-
nir de TEfprit de Dieu, 6c qui s'cx.oxcnt formées dans leur imagination. Il donne
pour maxime fur ce fujetque lesperfonncs àqui Dieu faiti'ouvent des révélations ,
croient quelquefois qu& c\'ft l' Efprit ck prophétie qui leur découvre certaines chofes (sf
Cron.psr 3t
c:C. 14.
:que;
f :>is confondu les propres penfées ou les vilîons que fon imagination lui avoit préfcn ■
cées , avec les lumières furnaturelles qu'elle avoit reçues , il n'en étoit pas moins pcr-
ftiadc qucc'étoit Dieu qui lui avoit révélé les gra>fdcs (^ importantes vérités dont fon
livre é:oit rempli.
Cç fentiment par rapport au mélange qui fc rencontre d;ms les révélations de
cette S.iinte, acte l'opinion unanime de tous les Théologiens. Les uns à la vérité
plus :"'ortés à admirer qu'à examiner à la lumière d'une fevere critique, des dif-
cours fiits dans un état dont le furnaturcl étoit évident, ont paru comme S. An-
tonin, r.voir été bien plus frappés des traits de lumière, que des grands défauts
qui fc trouvent dans les difcours de cette Sainte. Mais- quoiqu'ils aient rendu
hautcmcn: gloire à I^icu des grandes vérités qui font répandues dajis ces difcom'S
comme cri "^aiant été l'auteur dans le genre merveilleux , ils n'ont pu cependant
s'empêcher de convenir qu'il s'y étoit glilTc plufieurs chofes qui ne pouvoient lui
être attribuées. Les autres plus portes au contraire à la critique qu'à l'admiration,
'-^Dt relevé 'c peu d'exactitude 6c même les cl:ofts évidemment t-iullcs qui i'c trou-
vent
fDWE DE VET Jr DES CONFU LS ION NJIRE S. n
Tcnt dans ces difcours, quoique prononcés en extafe : mais ils n'ont eu garde d'en
conclure, comme font MM. les Anticonvulfionniiles, qu'il falloit rcjetter toutes
ces révélations avec mépris : ils font au contraire convenus , du moins la plupart ,
qu'il n'étoit point contre les régies d'attribuer à Dieu toutes les vérités qui brillenc
dans CCS difcours : ils ont feulement prétendu qu'on ne devcit les recevoir qu'avec
examen, 6c que les Saints qui parloient en extafe n'étoient pas exemtscn cet état
de confondre leur propres idées avec les lumières furnaturelles qui leur étoient
données.
Rapportons le fentiment de deux des plus célèbres critiques : il fervira à afTu-
rer que les difcours que cette Sainte, prononçoit en extafe, n'étoit nullement
cxemts de mélange : nous prouverons enfuite quel eft leiueement qu'en a porté le
chef de l;Eglife.
Lencicius foutient oue dans les difcours de cette Sainte „ il s'y mêloit beaucoup
55 de chofes qu'elle difoitde fon propre efpritôc félon fon fentiment particulier. . .^p,"'^\[p^*
„ Car il Elut favdir, continue-t-il , que lorfque de Saintes perfonnes prononcent"- p- 43.*
5, des difcours étantaliénécs de leurs fens , fouvent elles parlent par leur propre
5, efprit , & tonibent dans des méprifes. C'eft une chofe très certaine , que recon-
j, noiffent tous ceux qui ont Texpérience de ces fortes de chofes, & qui d'ailleurs
„ eft inconteftabîe par des hiftoires authentiques. Je pourrois nommer des Saintes
„ canonifées, dontj'ai lu les difcours 6c les écrits qu'elles avoientfeits en extafe...
„ qui font remplis de fl grandes méprifes , qu'on n'a pas permis qu'ils fuffent im-
^, primés: 6c c'eft ce.û^u'on doit dire qui eft arrivé plus d'une fois à Sainte Catheri-
jj ne de Sienne.
Sibillanus avance pareillement que „ fi oftconfîdére avec attention fes écrits,
5, on y trouve foitdansce qu'elle dit, foitdans la manière de le dire, des chofes
„ fans goût , d'autres quiparoiffentpeuraifonnables , d'autres enfin qui font con-
„ traires à la vérité. . . Il peut cependant arriver, dit-il plus bas , que Dieu pour
„ fuppléer à la négligence des Ordinaires, 6c pour leur caufer une plus grande
„ confufion, ait fufcité 6c fufcite encore quelquefois, des femmes qu'il éta-
j,, blit au milieu de fon peuple, comme des Docteurs 6c des Prophétefles,
j, ainfi qu'il paroît qu'il a fait dans l'ancien peuple , où l'on voit des Prophètes
„ des deux fexes. „
Ainfi ces grands critiques , non feulement ne fe font pas avifés de penfer com-
me MM. les Confultans , qu'il fût indigne de lafageiîe de Dieu de faire parler
des perfonnes en extafe j mais même, quoiqu'ils ne parufient que trop frappés du
mélange qu'ils avoient remarqué dans les difcours de Sainte Catherine de Sienne,
auffi bien que dans quelques autres difcours pareillement faits en extafe par des
Saintes canonifées, ils n'ont pas cru que ce mélange fût une preuve dècifive que
les grands traits de lumière qui éclatent en même tems dans ces difcours , ne ve-
noient pas de Dieu. Ils femblent au contraire le fuppoier en quelques endroits de
leurs écrits , quoique dans d'autres ils paroiflent affeèter de le laifler indécis , n'aiant
véritablement porté de jugement formel que fur l'univerfalitè de ce qui fe trouve
dans ces difcours , ôcaiant feulement décidé que tout ce que ces difcours con-
tiennent , ne devoit pas être regardé comme indubitable , ni comme venant du
Saint Efprit. Car il eft évident que ce n'eft que de cette fiçon qu'on peut ex-
pliquer raifonnabkment les contradidions apparentes qu'on trouve dans leurs rai-
lenncmens.
Mais fi les critiques les plus hardis, jufqu'à ceux à qui tout furnaturel paroît
fiifpect, n'ontpasofé décider pofitivcment qu'il n'y avoit rien dans ces difcours
j,i JDE'E DE VETAT DES CONVULS ION N AIRES.
qui vînt de l'Efprit de Dieu , les plus grands Théologiens , les Saints 8c les Pâ»
pcs n'ont pas balance à reconnoîtrc que ces difcours contcnoient des révélations
jcrpc£tablcs , quoique ceux qui les avoient prononcés y cuflent quelaucfois mê-
le du leur: au moins tous font-ils convenus unanimement que ce mélange étoit»
très poflible.
Voici d'abord le jugement que le Pape Pie II. à porté des difcours de Saint©
Catherine de Sienne. Quoique les grands critiques y aient trouvé tant de chofcs
à reprendre, cela n'a pas néanmoins empêché ce Souverain Pontife de décider»
formellement dans la Bulle de canonifation de cette Sainte, que fa fcience n^étoit
pas acqitife , mais infufe : ce qui ne peut avoir d'application qu'à fes révélations , que:
ce chef de l'Egliie juge par confequent avoir ete généralement parlant l'ouvrage
duS.Efprit. Il z\ô\x\.t qu'elle parut maîtrejje av^nt que d'avoir été difciple : ce qut>
fuppofe qu'elle avoit été éclairée par une lumière furnaturelle. Enfin il rapporte
comme une faveur fingulierede 'Dveu^qu elle avoit de fréquens ravïjftmem. . .dans.
Icfquels elle et oit tellement aliénée de fes fens ^qu'elle étoit abfolument privée de tout fen-,
timcnt. . . ce qui Ini arrivait fouvent lorfqu''elle recevait la divine Eucharijlie.
Suivant ladécifion de ce Pape, on doit donc regarder comme h production,
d'une lumière furnaturelle les grands traits qu'on apperçoit dans les difcours de.
cette Sainte, quoiqu'ils foient accompagnés de chofes defeducufes ? Et bien loin,
que les extaies, l'aliénation des fcns 6c la privation de tout fentiment foient une.
dégradation de l'homme, c'eft au contraire un état , où la préience réelle de J. C.
reçu dans la divine EucharilHe, met quelquefois les Saints pour les éclairer alors,
d'une manière furnaturelle. Combien les principes de cette Bulle & de beaucoup
d'autres femblablcs qui ont canonifé la vic^ 6c par confequent jufqu'à certain
point le gros des aécions 6c des difcours de plufieurs Myftiques , font-ils différcns
des f mflcs maximes lur Icfquellcs fe font fondés les adverfaires des convulilons ?
Comment après un tel jugement rendu plufieurs fois par plufieurs Papes avec
l'approbation de l'Eglifè univerfelle, MM. les Confultans & l'Auteur des Vains -
efforts, ont ils ofé rcprcfentcr l'aliénation des fens comme un état fouveraine-
ment mcprilable , îk dans lequel il ell: indigne de la fagcfle de Dieu de fc com-,
muniqucr à l'homme?
JVlais pour ne pas nous écarter dil point qui fait notre objet dans cet article,,
scr^.mens bornons -nous à rappoiter les fentimcns des Papes, des SS. Pères 6c des Auteurs
.i?s Auteurs £cclcfialtiqucs , feulement par rapport au mélange qui s'ell trouvé très fouvei.t'
f"rVp^?i joint aux révélations que TÉfprit de Dieu a fait à quantité de Samts 6c en parti—
ju nwunge.culier aux Saints Myiliqucs. La comparaifon de ces Myftiques avec les meilleurs'
Convulfionnaircs eft d'autant plus frappante, que plufieurs de ces Saints ont éprouve-
les mcmcs chofes qu'eux ^ 6c ont eu précifémcnt les mêmes dons avec la plupart
des mêmes défauts.
Benoit Hœpthcne rapporte,, que félon S. Thomas, qui le dit d'après S. Grc-
„ goire, ceux qui font accoutumés à recevoir des révélation/ mêmes véritables. . .
„ difcnt quelquefois par leur propre efprit des chofes qu'ils foupçonnent venir de-
„ l'cfprit de prophétie & qu'ils croient connoître par révélation, ce qui n'en;.
„ en eux quune opinion 6c la fuite de leur raifonnemcnt. „
S. Ifidorc de Scville avance comme une chofe que l'expérience rend incontcf-
r.r. î. fftit. table, que „ quelquefois les vifions font mêlées : cju'il y en a une partie qui vient,
c.<. D. 6. ^^ j^ notre propre efprit, 6c Taijtre ... de la rêvcLition divine. „
Théophile Raynaud prouve par plufieurs exemples, que,, la même pcrfonne
Kfiffod. j, peut avoir des vraies révélations, ,6c prendre eniuitc (es propres opinions pour
rp.r. f. %.u^^ j^j révélations. „ ¥ruf
IDE'E DE VETJT r>E^ CONrULSTONNJIRES. 55
François Pic de la Mirandolepofe pour maxime, que,, les perfonnes qui (fonOoeprinote.
^. des prophéties (font) conduites par un inftinft quelquefois certain & quel-"* '■*■»•
j^.quefois douteux, enibrte qu'ils ne difcernent pas fi c'eft par (leur; propre ef-
^. prit cupar rEfprit de Dieu qu*îls (ont) eu une-peni'ée: & cette forte d'inf-
j^ tin6t, ajoute-t-il, eft comme leditS. Thomas, quelque chofe d'imparfait dans
„ le genre prophétique. „
Le célèbre Gerfon dit qu'il cil poiîible que les mêmes perfonnes reçoivent Deorn«m
tantôt des révélations véritables, &que d'autrefois elles foient fatiguées ou ten-['"^,'.^" ""^''
tées par de faufles illufîons •.poffibileejî eandemperfonam tune veris revelattonibus vi~ '
fitari , nunc fatigari , vel tentari faîjls illufionibus. Auffi trouvc-t-on dans les
difcours de telles - perfonnes , plufieurs chofes fauffes ou mal expliquées, quoi^
qu'on en trouve un grand nombre de divines 8c de très fublimes : intaJibus quippe
plurimn fape repmmus aut fcilfa, a-ut maie explicata,.. q^uamquam in multis di-
'vitia aîtijji^naque fmt.
M. Bâillet en parlant des révélations de Sainte Catherine de Sienne dit : „ nous vie de sie.
5^ nous croions obligé de laiffcr toutes ces faveurs qu'elle a reçues du ciel, telles ^^'''•'^"Si.
„ qu'il a plû à Dieu de les lui départir, fans prétendre développer ce qui eft vc-
), nu de lui, d'avec ce que l'efprit d'erreur Se de menfonge a pu y ajouter. „
Le Cardinal Bona donne pour principe, „ qu'il arrive quelquefois qu'il fc mêle ou dir«ro.
,j des erreurs & des défauts dans les infpirations faintes & divines, ou par ]e''"j'^P_'^-7-
„ vice de la nature, ou par la tromperie du démon: tout de même que notre ef-
,j. prit, tire- quelquefois de fauffes concluions de principes qui font véritables. „
Au refte ce neft pas dans ce feul paffage que ce Cardinal fait cette décifion.
Tout fon livre Du dilcernement des efprits eft rempli de maximes £c de réflexions
qui font connoître qu'il étoit pleinement convaincu, que le mélange qui fe voit
prefque en toutes chofes dans l'ordre ordinaire, peut fe trouver affcz communé-
ment dans les chofes qui tiennent à l'ordre fumaturel. Ce favant Cardinal ne fait
même prefque aucune différence à cet égard entre ces deux ordres, &il applique
également aux chofes qui dépendent de l'ordre fumaturel , ôc à celles qui font dans
l'ordre ordinaire , toutes les régies qu'il donne pour apprendre à difcerner ce qui
vient de l'Efprit de Dieu , de ce qui naît de la corruption de l'homme 6c de
ce qui peut être l'effet des artifices de fatan. Ainfi tout l'ouvrage de ce grand
Auteur eft un contredit perpétuel des faux principes de MM. les Confultans.
Finiffons parlefentiment de M, Nicole ce Théologien célèbre, dont les ouvra-
ges lumineux répandus entre les mains des fidèles , lont fi généralement eftimés
parmi les gens de bien. „ C'eft une vérité importante à l'Egi"'^ que celle-ci (dit ^"- ♦^*
„ cet Auteur) que Dieu permet qu'il fe méledefàuffes imr-^îîons dans les lumié-
„ res véritables. . . & qu'ainfi il faut tout examiner- -^ 11e pas conclure que qui
„ a tort en un point , ait tort en tout.
5, Tous ceux, dit-il ailleurs,qui ont de véritables impreffions qui viennent de Dieu, ^"- 3-*-*-
;, en ont prefque toujours de fauffes qui font mêlées avec les véritables. Ainfi la fauf-
5, fêté reconnue d'une impreflîon , ne conclud rien du tout à l'égarddcs autres. „
Il réfulte de ces autorités 6c d'un grand nombre d'autres t^u'il feroit aifé de
rappuiicr, que les plu3 grands Théologiens ont reconnu que c'eft une chofe affez
ordinaire que les perfonnes à qui l'Efprit faint donne des lumières fumaturelles,
fans les élever à la qualité des Prophètes , mêlent quelquefois leurs propres idées
aux révélations qu'elles ont reçues: d'où l'on doit conclure que c'eft une véritable
erreur d© foutenir , qu'il faut rejetter toutes les révélations de tous ceux qu'on
pouiTa convaincre de s'être trompés dans quelques-unes. Si ce principe étoit vrai,
il faudroit abandonner prefque toutes les révélations que^Dieu a faites depuis la fin
dupreœicr fiècle derÈglile. M 3 ' C'eft
5)4 IDE'E DE VEtAT DES CONVULS lONN AIRES.
C 'cil une chofc qui pavoît inconcevable, que le zélc contre les convulfions ait
ctc capable d'uvcuglcr des perlonnes aufli éclairées que MM. les Confultans
iufqu'à leur faire avancer comme une maxime incontertable , ce qui iroit à dcshono-
Vcr un très grand nombre de Saints 6c à les faire pafler pour des perfonnes qui ne
méritent aucune créance. Suivant ces MM.une feule jpréiiicliûnfaujefuffxt pour iàire
rejetter pour toujours fans autre examen quiconque fe mêle de prédire Pavenir.
^lais cette régie qui avoit lieu dans l'ancien teftament, n'aiant été f;ute que pour
difccmer les Prophètes du Très-haut d'avec les faux qui fe donnoient pour des
Prophètes par état, c'cft en fiiire un abus manifefte que de l'appliquer à toutes les
perfonnes qui peuvent recevoir quelques révélations particulières, fans néanmoins
qu'elles prétendent en aucune forte être élevées à la qualité de Prophètes.
XLi. Suivant tous les Théologiens, il faut faire une très grande difrcrcnceentreles
DifFérenceJnfpirations des Prophètes par état , dont toutes les paroles ont été néccffairement
.^u'iin'dtsdirigées par l'Efprit Saint, Scies connoifTances furnaturelles communiquées à des
prophstcs&perforincs fans caraûère, auxquelles l'Efprit Saint laifTe fouvent le foin de les
cdl«d«au.^, ,. __ , , ____ ^ T-»' .1_? : '^rt-l U Ar- r»;^„ .^.î.^„. J-„-l--/--
vél:
apable de confondre fcs prop
préfentées. Tout ce que difent les premiers doit fervir de règle : c'cil par les ré-
gies qu'il faut jugerde toutce que difent les féconds. Les premiers font de vrais
Prophètes qui parlent au nom du Seigneur : les féconds lont des perfonnes fans
aucune autorite , à qui l'Efprit fiint qui fouffle où il veut , peut néanmoins révéler
des chofcs très importantes, 6c en toutes les différentes manières qu'il lui plaît,
mais à qui il peutaufil fuivantla diveriité de fesdefl'eins, ne leur donner quelque-
fois qu'une efpéce d'inilinft qui ne leur préfente pas une lumière afTez vive ni
allez marquée, pour leur faire toujours diftinguer d'une manière fûre ce qui leur
ell montré par cette illumination fumaturellc, d'avec ce qui vient de leur propre
cfprit; d'où il fuit qu'il eft tout naturel qu'elles fe trompent q^uelquefois; mais c'eft
une confèquencc très foulTc d'en conclure que toutes leurs révélations ne viennent
pas de l'Elprit de Dieu.
L'unique raifon qui nous afTure pleinement que les Prophètes par état font
infaillibles , c'efl l'autorité que Dieu leur a donnée qui le rend en quelque forte
reiponfable de ce qu'ils nous ont dit de fipart : mais à l'égard de toute autre per-
cnne fimpleinent dans un état furnaturcl qui ne lui donne aucune autorité. Dieu
en l'éclairant poui Jes momens rapides , ne fe rend point garant de toutes les
paroles qu'elle peut av-e. Le mélange qui fe rencontre dans l'ordre ordinaire de la
grâce , peut fe trouver claire ces perfonnes : ainfi c'cll par le concours de toutes
les circonftances diftérentes qu'. accompagnent ce qu'elles ont dit, qu'on doit ju-
ger du principe qui les a fait parler.
Lw^iui ^^^ P'"^ habiles Théologiens ont tous été convaincus qu'il n'y avoit rien de fi
grtndsThé-difficile quc de faire ce difccrncmeni d'une manière iVire : 6v plufieurs ont mc-
p"Squ-,i™c ppnfè qu'on ne le pouvoit faire avec une pleine aQurance que par un don du
eft trài dif-S. tfprit.
feu d'r«l- S. lîonaventure dit qu'„il y a de grandes précautions à prendre par rapport à
Ticment de ^^ tous Ics gcurcs de rèvèlatious 6c de vifions , pour empêcher qu'on ne fe méprenne,
de ?Efp'c!t"',, 6c qu'on ne confonde. ... ce qu'on doit recevoir dans ces vifions 6c ces rcvé-
*'Tr^i't7'du '> lotions, avec ce qu'on doit reprouver.. . Il n'y a, ajoulc-t-il , que le faint
progrès de „ EfpHt qui puiflc par le don du dilcerncmcnt des cfprits, éclairer les hom-
i1m'iïc'i^l'5> ï"cs 6c leur taire difcerner avec aflurancc, ce qu'il faut recevoir dans les ré-
11.chj.76. ,j vcla*
IDE'E I>E L'ETAT DES CONFULSIONNJIRES. pf
jj vcktions, ce qu'il faut rcjcttei-, 6c In manière dont on en doit ufer. „
L,e Bienheureux Jean d'Avila donne pour principe que „ comme il n'appar-
\f, tient pas à tous de prophétifer , ou d'opérer de femblablcs miracles, mais qu'il
„, n'appartient qu'à ceux-là feulement qui ont reçu ces grâces parla volonté duS.
5,. Efprit : de même il n'appartient pas à l'cfprit humain , quelque grand qu'il
j, puiffe être, déjuger avec certitude de la différence des efprits, à moins qu'il
3j. ne s'y trouve quelque chofe qui contredite vifiblement l'Ecriture, ouquicom-
„ .batte manifeftement la Sainte Eglife de Dieu : 6c pour cela il eil toujours befoin
j, de la lumière du S. Efprit, qui s'appelle dans les lettres facrées le dilcerne-
„ ment des efprits. „
Or c'eft par une prière humble qu'on obtient ce difcernement : Se non pas par
un orgueil dédaigneux. Ainfi de la façon dont s'y prennent MM. les Conful-
tans, il n'y a nulle apparence qu'ils aient reçu ce don.
Le Cardinal Bona rapporte que S . Auguftin étoit auflî très perfuadé que ce dif- s.' AÙg°'c *
ccrnement étoit fort difficile. „ Je fouhaiterois defwoir,dit cet illuftre Père de ^« p." "
Cl-
5, l'Eglife, comment on doit dillinguer ces vidons dont onfe moque touvent par «rnsment
J, erreur, ou par impiété, lorfqu'on en rapporte de femblablcs à celles qui font^_" ^[^^'''"^
„ arrivées à des faints. „
MM. les Confultans fe croient apparemment bien plus habiles que S. Auguftin ^^^^JJJ.- ^
oC tous les plus grands hommes de l'antiquité : car ils ne trouvent aucune difficul-desAn'ticon*
té à décider une telle queftion. Il leurfufîlt d'avoir remarqué dans les Convulfion-'^'^j'™",'j""
naires quelque caractère qui les choque, ou de favoir que pluiîeurs d'entre eux fe non ftuie-
font trompés dans quelques prédiétions particulières, pour rejetter indiiHn6le-^,e'j'iû"r,s
ment toutes les révélations que Dieu peut avoir faites à chacun des ConvuUion-'J^co'ivui-
naires en particulier cC à tous en général, quoique leurs difcours foient évidem- mairaunl
ment furnaturels , du moins pour la plus grande partie , 6c qu'ils foient autorifés lf^^\^ ^"
en quelque forte par des miracles, par une multitude de prodiges, 6c par des niques, &
prédictions très circonftanciées , dont l'événement a déjà juftifîé que Dieu en gf,;"'",^"''''
étoit l'auteur. pas été in
L'Auteur des Vains-efforts va même encore bien plus loin. Comme lacom-^'^°^
paraifon de fétat 6c des difcours des Convulfionnaires , avec l'état 6c les difcours
de plufieurs Saintes 6c Saintes Myftiques eftfi jufte éc fi frappante qu'il n'a pu
en difconvcnir, il a pris le parti de traiter ces Saints avec prefque autant de mé-
pris qu'il fait les Convulfionnaires. Ne feroit-cepoint là, félon S. Auguftin, une
erreur & une impiété ?
Mais ce n'eft pas feulement des Saints Myftiques, dont cet Auteur flétrit la
mémoire, fes principes tendent également à ternir celle de S. Cyprien , 6c de tous
les autres Saints à qui le S. Efprit a fait quelques révélations fms leur donner l'aiïto-
rité ni l'infaillibilité des Prophètes , 6c a qui il a feulement montré quelques vé-
rités dans l'avenir, en leur laiftant le foin de les exprimer } puifque ces Saints en
les rédigeant, ont pu y ajouter quelquefois lespenféesde leur propre efprit , fxns
même s'en appercevoir.
Les Pères de PEglife nous ont tranfmis que le don de prophétie doit toujous y ^-ÎVJv
fubfifter.
glife , il ait pu
Dieu a communie
fonnes fans leur
mérité n'y auroit-il donc pas de rejetter généralement toutes les révélations, les"«-
vifions &; les difcours, où l'on peut craindre qu'il fe foit mêlé quelque cliofe
d'étranger qui ait eu fa fource dans l'imagination, ou dans les propres pcnfées de
ceux
•ères de PEglife nous ont tranfmis que le don de prophétie doit toujous y cJ^Valx
r. Cependant nous ne voions point que depuis la fin du premier fiècle de l'E- prmcipe ra-
PS IDE'E DE VETJT DES CONrULSJON'NArRES
ceux à qui l'Efprit faint a laifle rendre compte à leur manière des rcvélatîona
qu'il leur avoit faites? Il cft évident que ce feroitôtcr à l'Eglife une des marques
qui doit fervir à la faire rcconnoîtrc, puifquece fcroitlui ravir entièrement toute
la preuve qu'elle a que ce don a toujours fubfifté dans fon fein.
Tous ceux qui ont écrit contre les hérétiques, n'ont pas balancé àfoutcnirque
ce don n'a^'oit jamais ccfl'é d'être dans l'Eglifc : mais ils n'ont pu prouver qu'il
avoit continué dans les cinq derniers (icclcs , qu'en citant les révélations faites
aux Myftiqucs , qui font prcfque les feuls qui paroiflcnt depuis ce tems avoir câ
quelque portion du don de prophétie. Tous ces Controveriiiles n'ont pas ignoré,
que généralement parlant les difcours des Myftiques n'étoient pas exemts de mé-
lange : mais ils ont été p£rfuadés que cela ne dcvoit pas empêcher de les citer en
preuve. Dieu n'a pas promis de continuer toujours le don de prophétie dans l'E-
glifc d'une manière parfoite : il dillribue fes dons en tel dégre 6c en fi petite me-
lure qu'il lui plaît : & tous les Controverfiiles ont crû avec railbn , qu'il fuffifoit
?ue les Myftiques euiïent fait plufieurs prédiétionsquils n'avoientpû favoir que de
)icu, pour qu'il en refultât une preuve invincible que. le don de -prophétie étoit
toujours relie dans l'Eglife , quoixjue la plùpartdc ces Myftiques le fulfent trom-
pés en quelques occafions , & eulfent pris quelquefois leurs propres penfées pour
des révélations divines,
corc.s.ad Cc HC pcut être que des Myftiques dont le Cardinal Bcllarmindit : qu'il pour-
d°"ono'pro-*r°'t nommer un très grand nombre de perfonncs qui dans les cinq derniers ftkits. .-.
fbïiiit. ont eu des vi fions 13 des révélations admirables: (^ ce qui efi encore plus ftiblime ^ qui
ont reçu le don de connaître les fecrets des cœurs. D'où cc Cardin.^l conclud contre nos
frères errans , que le don de prophétie n'a jamais ccjfé dans l'Eglife 6c c^Wfubftfie de
notre tems comme dans les fiècles pajfés.
MM, les Anticonvulfionniftcs veulent-ils donc fc joindre à cet égard aux héré-
tiques, pour foutenir conjointement avec eux, que depuis plufieurs fiècles ce don
a totalement difparu parmi nous? Veulent-ils contefter à l'Eglifc la glorieufe pré-
rogative d'avoir toujous eu dans fon fein ce don , qui cft un des plus brillans ca-
ractères qui doit la diftingucr dans tous les tems de toutes les feftcsqlii font dans
l'erreur? Sans doute que ces MM. n'ont pas de telles intentions : cependant voilà
où conduiroit leur principe, puifqu'en faifant rejetter toutes les révélations faites
aux perfonncs qui ont pu quelquefois fe tromper, on mcttroit l'Eglifc dans l'im-
poflîbilitè de prouver qu'elle a confervé ce don.
Que CCS MM. me permettent encore de leur demander en quelles perfonncs
ils prétendent que ce don fubfiftc aujourd'hui? S'imaginent-ils en être gratifiés
eux-mêmes ? Ou ofcroient-ils dire qu'il cft chez les Conltitutionnaires 6c les Moli-
niftes , pendant qu'ils inondent toute f Eglifc de Dieu par un débordement de fiiux
dogmes? Ce don ne peut être que du coté de ceux qui foutienncnt 6c défendent
toute vérité. Comme il forme, ainfi que les miracles, un des caraètères qui doit à
jamais diftingucr le parti de ceux dont la foi fera toujours demeurée pure, fur
tout dans un tems de trouble où les maximes de l'Evangile font attaquées, ce don
ne peut manquer d'être parmi les Appcllans. Or y a-t-il au milieu ue nous quel-
ques autres perfonncs que les Convulfionnaires qui aient des révélations ? Dieu
les a unis 6c attachés à l'Appel d'une manière furnaturcUe par l'état même où il
les a mis: il s'en fert pour faire des prodiges 6c des miracles. N'eft-il pas égale-
ment maître de s'en fervir pour nous tawe prédire les grands évèuemens auxquels
il veut que nous nous préparions par la pénitence, par la prière, 6c par l'ardeur
de nos dcfirs? l'^t n'cft-cc pas un très fort préjugé que le Tics-haut les a choifis
pour cela, de cc qu'il leur fait faire ces prcdiétions par des dilcoursla plupart fi
tou-
IDE^E DE DETJT DES CON FU LS ION N AIRES.
97
tôùchans & il fublimes, que fouvcnt il elt vifiblc qu'ils n'en font que les orea-
nes, ou du moins qu'ils lont pour lors éclairés par une lumière très Yupérieure à
leurs talons naturels.
S'il a permis que plufieurs Convulfionnaires fe foient quelquefois trompés par xr.v.
rapport à des prédiélions particulières, l'induftionla plus forte qu'on enpuilleti- °''^'''^'^'
mer
tions
que les prédirions q„. ..^...„^.. -„..,.. .„„...,,^„ ^u pcupiC JUir,:cs générale
& le renouvellement de l'Eglife : prediéhons qui tout à coup ont éclaté de toutes""^"' ■'"
pans dans les premiers dilcours : prédiaions qui ont été publiées par un nombre co^V?Kr|«
d'enfans, qui iufque là n'avoient jamais entendu parler de ce Prophète- nréHir '''" ■="■""-
tions qui ont ete prononcées torcement par une multitude de Convullionnaircs dont namrt.ict.
une puifTance fuprcme remuoit la langue & les lèvres , lans que leur volonté ni
leur intelligence y euïïent aucune part, eniorte qu'ils ne comprenoient ce qu'ils
difoient qu'à mefure qu'ils le prononçoient : prédictions enfin qui font évi-
demment un des principaux objets que Dieu a eu en vue dans l'œuvre des con-
vulfions qu'il a fi remplie de prodiges , & qu'il a accompagnée de tant de mi-
racles fpirituels 8c corporels.
Les fautes dans lefquelles quelques Convulfionnaires font réellement tombés
6c toutes les calomnies qu'on a répandues contre un grand nombre d'autres ne
peuvent fcrvir de prétexte pour rejetter ces prédiètions générales.
Si parmi les Convulfionnaires il s'en trouve quelques-uns de qui la conduite
foit véritablement repréhcnfible, il y en a un bien plus grand nombre que Dieu a
ornés de vertus qui dans plufieurs font d'autant plus grandes qu'elles font accom-
pagnées d'une profonde humilité. Ces perfonnes fi méprifées & fi avilies par les
charnels, à caufe des calomnies dont on les noircit , des opprobres dont on les
couvre , & des perfécutions qu'elles efluient} font d'autant plus chères au Très-
haut . Se plus elHmables aux yeux de la foi , qu'elles fouffrent pour la iuftice.
Auflî eft-ce prècifémcnt par ces bons Convulfionnaires vrais difciples de la croix
de J. C. que ces importantes prédictions ont été prononcées de la manière où le
furnaturel étoit le plus évident & le plus marqué.
Au refte c'ell un principe inconîeiVable fondé iur plufieurs exemples de l'Ecri-
ture, que le don de prophétie ainfi que toute autre grâce que les Théologiens ap-
pellent gratuite , peut fe trouver dans les -méchans , parceque ces fortes de grâces , dit le Ler. -, rcS-
favant Dominicus , n' ont pas pour fin principale ^ intrinféque lafanElification de ceux 7- chap."}'."
qui les reçoivent ^ (3 qu'elles font accordées pour l'utilité i3 lafanBification des autres.
C'cft donc une vraie puérilité de dire qu'il ne feroit pas digne de Dieu de fc
fervir de pareils inllruraens pour taire d'importantes prédictions, puifque les
divines Ecritures fourniflent des preuves du contraire ? Balaam a fiit les plus
lublimes prcdiélions de la venue de Jefus-Chrift. La lumière divine , non plus
que celle du folcil , ne contraèle aucune feuillure en quelque lieu qu'elle fe répande.
Il ne refte plus qu'une feule objeftion par rapport aux prédiclions générales xLvr
qui puifiè valoir la peine qu'on y réponde. Ceux qui font de vains eftoris pour les Reponfe à
décrier, afi-eftent de reprèiçnter comme un caractère extrêmement déiavorab le, li^'j^Jd^dT-
que la plupart des Convulfionnaires au fortir de leurs extafcs, ne fe reflbuvien-'^"- ''"'uù-
nent plus de ce qu'ils ont dit j & ils infinuent que cettte feule circonfcance doit""''"
fuffire pour faire^rcjcttcr toutes leurs prédictions, & en attribuer tout lciurn.\tu-
rel à l'efprit de féduètion.
Il me fera aifé de détruire cette objeétion par le foit Sc par le droit.
Obfervat. IL Part. Tome II. N "ï>i-c.
5.8 IDE'E DE VETjr DES CON rULS lONNJIRES.
Prcmicrcmcnt il cft de notoriété publique que ce caiaétcrc n'eft point général
parmi les Convuirionnaircs,cc qui cil fi certain que les adverlaires les plus décla-
rés des conxulfions n'ont oie l'avancer.
xLVii. Tous ceux qui ont luivi cette oeuvre lavent par expérience qu'il y a grand nom-
cLnluuion- bre de ConvuHîonnaircs , & tous des meilleurs , qui ne perdent jamais la prcfence
niiresrerer-(j'cfp,.i[ pendant tout le cours de leurs convuHions , & qui le rcilbuvienncnt par-
parfiircmenifaitcmcntde tout cc qu ils ont tait ùC de tout ce qu ils ont dit , loriqu ilsiont re--
cou'r??or!'^^'^^'''"5 à leur état naturel : enfortc que lorlqu'on a écrit leurs diicours pendant
«nème.)u-i:squ'ils Ics faifoient , ils corrigent après leur convulllon finie, les tantes qu'on pu
"Zc'/s !^''' i'i'irc ceux qui ont écrit avec précipitation ce qu'ils diloient , £c ils rcmpHifent
ïxufo. if.3 lacunes , que la vîtefie avec laquelle ils prononcent ordinairement leurs dii-
cours, oblige louvcnt d'y laificr. 11 y enamême plufieurs , qui lorfque leursdil-
cours n'ont pas été écrits, le rappellent prcfque de luite ce qui y étoic contenu,
avec autant ou plus de facilité que pourroit le faire toute autre pcrfonne qui n'au-
roit point parlé enextafe . & ils le refibuvicnnent tnêmc très diltinétcment des en-
droits de leurs diicours qu'ils ont prononcé forcément, & dont ils n'ont conçu le
lens qu'à mefure qu'ils le prononcoient , en écoutant eux-mêmes leurs propres pa-
roles, comme fi c'étoit un autre qu'eux qui parlât.
Entre autres M. Fontaine, cet illullrc Convulfionnaire, qui eftun de ceux qui
a fiit les plus beaux diicours fur l'étst prêtent de l'Eglife , fur la venue prochaine
du Prophète Elie, fur la converfion desjuifs, & fur le renouvellement delà reli-.
f^ion Se d'une véritable piété par toute la terre > qui prononce d'une manière forcée
ïa plus grande partie de fes difcours, de façon qu'il lent qu'une puiflancc fupéri-
cure remue fii bouche Se forme les paroles fans que fa volonté ait belbin d'y con-
tribuer: M. Fontaine, dis-je, ne ceife jamais dé conferver toute fa prcfence
d'efprit dans fes convuHions, & pendant "tout le tems que durent fcs cxtafesril
a même une mémoire furprcnantc qui le fait pleinement rcifouvenir de tout cc qu'-
il y a dit, enforte que lorfqu'il ell forti de convulfion, il fe trouve en état de
répéter prefque mot pour mot tous les diicours qu'il a fait.
Cette mémoire prodigieufe ne lui ell pas tout à tait particulière: il y a encore
quelques autres ConvulVionnaires qui ont le même avantage. Ccpend.mt il faut
avouer que la plupart de ceux qui confcrvcnt toute leur intelligence pendant leur
convulfion n'ont pas un fouvcnir parfait de ce qu'ils ont dit, fur tout lorfqu'ils
ont parlé en cxtafc: ils le rcllbuvicnnent à la vérité fort bien de ce qu'il yavoit
de principal dans leurs difcours, mais fouvent ils ne peuvent s'en rappcUerd'un
bout à l'autre tous les termes: il faut pour cela qu'on leur rcpréfente leurs dif-
cours par écrit, cc qui aidant leur mémoire, les met en état d'en corriger ics
fautes & de remplir les lacunes. 11 ell encore vrai qu'il y en a aulTi plufieurs qui
ne le refl'buviennent du tout que du fond des chofes & non pas des figures ni
des autres beaux traits dont leurs difcours étoient ornés : en lorte que lorlquils
veulent répéter après leur convulfion finie , ce qu'ils ont dit en extalc, ils ne peu-
vent le fiircque d'une manière tort fimple , quelquefois même allez grofiicre,
& fouvent un peu confufe : ce qui paroit bien dilVéïent dos difcours magnifiques
& fublimes qu'ils ont quelquefois faits, mais qui cependant contient au fond les
mêmes véritt-s dénuées cependant de toutes les grâces & de l'énergie avec les-
quelles ils les avoient exprimées. Enfin il faut convenir que ceux des Convul-
fionnaircs dont l'aliénation des fens ell prefque totale lorfqu'ils font en cxtalc,nc
confcrvcnt 1i plupart que fort peu d'idées, Cfc feulement de ce qu'il y avoit de
plus importun d.mi ce qu'ils ont dit en cet état, Se même que quelques-uns ne
s'ca rcirouvicnncni point du tout. Mais il fuffit que cc détauidc louvemrnefoic
pas
I
IDE'E DE nETjr DES CON FU L S lONNJlRES. 99
pas. général pour qu'on n'en puilîc pas tirer d'induftion contre les prédirions
qu'ils font. Car fi les Anticonvullionniftes prétendent que ce caraétèrecfttrcs
défavorable , & qu'il doit rendre fufpeâes toutes les prédictions faites par ceux
qui après leurs convuUions ne s'en fouviennent plus, ils feront forcés de con-
venir par les mêmes raifons qu'ils auront cmploiées pour le prouver, que le
caraélcre oppofé ellune prérogative confidérable , & qui mérite qu'onaitbcau-
Goup de confiance aux prédictions laites par les perfonncs qui font en état de les
répéter, quand même ils les ont faites en extafc: & dans la vérité, quoique ce
ne ibit pas un caraétère qui foie fuffifant pour donner aucune autorité à ceux
qui n'ont ni miffion marquée, ni certitude entière d'avoir parlé prr l'Efprit de
Dieu, cVll néanmoins une des qualités des Prophètes. Or les mêmes prédi-
rions de la venue d'Elie, & de tout ce qui doit la précéder & la fuivre, ont
été également foites,&: par ceux qui confervantenextafetoutclapréiencedeleur
cfprit, le reflouvicnnent parfaitement de tout ce qu'ils y ont dit ,& par ceux qui
ne s'en fouviennent point , ou du moins que d'une manière générale , & qui dans
leur cxtafe font dans une aliénation des fcns prefque totale. Ainfienfuivantùcet
égard les principes des AnticonvuHîonnillcs, fi on ne doit pas ajouter foi à la pré-
diélion de la venue d'Elie quand elle eft faite p.ar ceux qui revenus à leur état na-
turel ne font pas capables de rendre compte de tout ce qu'ils ont dit enextafe,
on doit en conféquencedes mêmes principes être très frappé de cette même pré-
diétion, parcequ'elle a été faite par des perfonnes dont l'efprit pendant leur ex-
tafc a conierve toute fon intelligence, fes opérations & fcs lumières naturelles,
quoiqu'il fût en même-tems éclaire par une illumination extraordinaire : & que
ces perfonnes rendues à elles-mêmes, ontcû une connoiflance parfaite , Scie fou-
venir très préiènt de tout ce qu'elles y avoient dit.
Secondement: il y a non feulement plufieurs Convulfionnaires qui fe rcflbu- ^^^ç^2}l'
viennent parfaitement de tout ce qu'ils ont dit en extafe : mais ily en a mêmeunconvuifion-
aflez grand nombre en qui les lumières furnaturelles qu'ils ont reçu en cet état "ervem'^drns
ont été un don permanent: en forte que toutes les grandes vérités qu'ils ont '""■ «'""'^-
for r 1 ' 1 ■ • '1- •- 1 .- • turel toutes
en extale font demeurées depuis ce tems toujours preientes a leur eiprit , les lumière»
foit étant en convulfion, foit dans leur état naturel. 5"';'' °^^
On a vu plufieurs perfonnes de l'un 5c de l'autre fexe, qu'on fivoit n'avoir au- ex^ft.
cune teinture de Théologie, être tout à coup remplies par rinftinét de leur con-
vulfion, d'une fcience profonde par rapport à la religion & à la morale de l'E-
vangile: d'une connoiflance très exaéte de l'état préfent de l'Eglifevifible, de ce
qui à été lacaufe des faneftes progrés que l'yvraie a fait dans le champ du Sei-
gneur, & du remède qu'il a rcfolu d'y apporter, digne de toute la grandeur de
fa miféricorde 6c de ia puiflance.
Qii'on interroge hors de convulfion le Frère Hilairc , le Frère Pierre , IcFrcrc
Noël, la Sœur Catherine, & nombre d'autres, l'on fera étonné des lumières
qu'ils ont fur tous ces points , lumières qu'ils n'ont point acquifes par leurs foins,
mais qui leiir ont été infufcs pendant leurs cxtafcs. Se qui dès ce moment leur
font devenues propres 6c pcrfonnelles.
Combien de grands Théologiens ont été d'une furprife extrême d'entendre
de petites filles & tant d'autres perfonnes fans étude, fans aucune fcience, la plu-
part même fins talens naturels, développer d'une manière fcnfible 6c frappante
les vérités les plus importantes du Chriltianifme, fur tout celles qui en font Ta-
me , fpécialcment tous les dogmes précieux que la Bulle paroît condamner ôc
que l'Appel revendique : rendre compte avec des exprcflîons auffi touchantes
que lumineufcs de la profondeur des JViyfLéres de la naiiiance , de la vie , delà pas-
N 2. fion
8J8UOrH£CA
100 IDE'E DE VETJT DES CON FU LS 10 N N AIRES.
lion & de la mort de Jcfus-Chrift : rcprélenter par exemple la grandeur de fa
croix, dont une extrcmitc tenant à la terre, & l'autre s'clevint au tlirône de la
gloire, a porté l'Adorable Victime qui s'cll chargée de réconcilier le Dieu
du ciel avec les cnfans de la terre : parler avec énergie de la hauteur de cette
croix qui pénétre iufquc dans le fein du Père éternel, pour forcer fa jufticc
de céder à (x clémence > de fa profondeur qui dcfcend julqu'aux enfers pour en
retirer les âmes des juftes ; de fa largeur qui s'étend dans les deux extrémités
du monde, pour inviter tous les peuples de l'univers à fe jetccr entre les bras
étendus de leur divin Sauveur: dévoiler le plan du Très-haut dans l'œuvre des
convullîons avec une onftion qui ravit & qui touche tous les auditeurs ; décou-
vrir & expliquer quelles font les véritables caufes de la terrible colère de ce Dieu
irrité, qui pour fe venger du mépris formel qu'on a fait de la morale de l'Evan-
gile, permet que prefque tous ceux qui portent le nom de Chrétiens fe préci-
pitent aujourd'hui dans les ténèbres : ranimer notre confiance, & nous confoler
en nous faifant voir que ce fera dans le fein même de notre pauvreté , dans l'excès
de nos miféres , &fous les coups les plus rigoureux delà jultice du Seigneur , que
fa miféricorde nous fera trouver une rellburce qui mettra fin à tous nos maux i
reflburce qui devant être pour l'Eglilc un rajeuniflcment , la rendra plus belle,
plus riche, plus brillante & plus étendue qu'elle ne fut jamais. Combien de cé-
lèbres Théologiens de la vertu la plus folide, n'ont-ils pas, dis-je, admiré le
doigt de Dieu en entendant de fi belles choies dites par de telles perfonncs ?
11 ne faut pas confondre le don d'une intelligence habituelle dont plufieurs
ConvuHionnaires de l'un & de l'autre fexe ont été gratifiés jufqu'à certain point,
avec d'autres opérations fimplementfurnaturcUesqui nelaiflcnt aucune impreflîon
dans l'efprit 6c dans le cœur. Ce don ell un don proprement dit : ce qui cil fi
ï.Cor. II. vrai que S. Paul compte au nombre des dons du S. Efprit celui de parler avec
*' fcience des chofes de Dieu.
Mais fi ce donft étonnant dans des perfonnes qui n'ont fiùt aucune étude par-
ticulière de la religion, Se même dans des perfonnes du fexe , ne peut être at-
tribué qu'au foufflc du S. Efprit, Icsconvulfionsquicncntété le canal, peuvent-
elles avoir un autre principe ? Seroit-ce donc le prince des ténèbres qui auroit répan^
du de fi gnmdcs lumières , qui ont inrtruit , touché , converti im très grand nombre
de perfonnes, & qui ont fait annnonccr l'Evangile aux fimples 6c aux pauvres?
Au furplus fi le défaut de fouvenir cil fuivant les adverfaircs des convulfions
UQ caradtcrefi défavorable, combien lo don d'uiîe lumière permanente 6c continu-
elle doit-il être un caraétère décifif ?
TLix. Troifiémement : il s'en faut beaucoup que ledéfiiut de fouvenirfoit un caraèlc-
l^ll'^^YJ ^/' rc auflî défavantageux que ces JVlefficurs le fuppofent. N'en déplaife à ces grands
pj! rf(iimvt-Théologiens,cc fcroit un principe très faux que ae prétendre que toute vifion , tou-
r»c'r«'ex?a- ^c révélation, toute prédiètion dont onnefefouvient pas, nefont pas vcnucsdc la
fcjdfcequ'-part de Dieu : le contraire fe trouve formellement prouvé dans rÉcriture Sainte.
j„'"°""'Ccs MM. n'oferont pas fans doute coutelier que la célèbre vifion qu'eut Nabu-
O"'«^=''î-chodonofor, par laquelle Dieu lui caraèlèrifa l'état 6c lui marqua la rcvolutioa
des quatre grands Empires, ne fù.t une révélation divine. Cependant ce Prince
qui en avoit été extrêmement frappé, ne lailla pas d'oublier totalement ce qu'il
avoit vu, lans que nul dans fon Roiaumc pût lui en rappeller le fouvenir, finon
le Prophète Daniel à qui le Très-haut en révéla tout le détail pour le dire au Roi,.
Se lui en donner rèclaircidement.
A la lumière d'une telle preuve que fournit l'ancien Tellament , le principe de ces
MM. qui y cil dircélcmcnt contraire, difpaioit comme une ombre: par con-
lé-
I
(
IBE'E DE VETJT DES CONFULS lONNJ IRES. ici
féqucnt il ne mérite pas qu'on s'arrête davantage à combattre une telle chimère.
Mais il cil même fi peu vrai que le défaut de fouvenir après les extaics lof t un
caraftcre extrêmement défectueux , que c'a été le caraftère le plus ordinaire de cel-
les des Saints Myrtiques que nous refpcctons le plus.
C'étoit entre autres celui desextafes de Sainte Thérefe, qui leplusfouvent nefc
reflouvenoit pas desviiions qu'elle y avoiteûes, ni decequ'elle y avoit dit. Cette
illuftre Sainte étoit même fi perfuadée que ce caraétère étoit prefquc général , qu'el-
le avance comme une chofe ordinaire : „ que lorfqu'uneameefl revenue à elle après
„ un ravificment, elle ne fauroit rien raconter aux autres de ce qu'elle a vu, ni
„ en conferver elle-même qu'une connoifllince confufe 6c générale. „
Si une perfonne à qui Dieu a fait des faveurs auffi finguliéres qu'à Sainte Théréfe ,
ne confcrvoit pas le fouvenir de ce qu' elle avoit vu , ni de ce qu'elle avoit dit dans
la plupart de fcs extafes , comment ofc-t-on repréfemer ce caraélère comme extrê-
mement fufpeél, & tout à ftit défovorable ?•
Ce n'eft pas le jugement qu'en a porté Sj Augufiin. Il dit en parlant de ceuJC
qui ont des extafes & des vifions qui peuvent venir d'un bon principe, qu'il en a
vu lui-même, qui après qu'ils font revenus à eux rapportent ce qu'Us ont l'/J, ^ Degen. ad'
cV autres qui m 's' en fûuviennent pas : &■ il ne donne nullement ce défaut de fou-'"- '•'-•^p-
venir comme une des marques qui puifie ièrvir à dillingucr les vifions qui nezs.^'ji "*
viennent pas de Dieu.
Le Cardinal Bona dit pareillement, ,, qu'il arrive fouvent après les extafes qu'on ne
„ fc fouvient pas de ce qu'on a vu, & qu'il n'en demeure qu'une idée confufe. „
Le Cardinal de Vitri qui a écrit lui - même la vie de la Bienheureufe Marie
d'Oignies , dont il avoit été le confelLur , déclare que „ lorfqu'elle revenoit à elle
„ & qu'elle fe réveilloit de cette efpéce d'ivrelle dont elle avoit été faifie , ou
„ elle ne fe reiTouvenoit de rien de ce qu'elle avoit dit . . . ou fi par hafard elle
„ fe reflouvenoit de quelque chofe . . . (elle étoit) toute étonnée de ce qui lui -
„ étoit arrivé. „
Mais bornons-nous à rapporter des exemples par lefquelsil paroifie que quel-
quefois Dieu a lui-même ôté lurnaturellement le fouvenir de ce qu'il avoit révélé;
Il ell rapporté dans la vie de la Vénérable Mcre de Ponfonas , que,, très fou-
„ vent elle pénétroit l'intérieur des pcrfonncs: Scieur diiant ce qu'ellefavoit de
„ leurs propres pcnfées .... elle les furprenoit fi étrangement , qu'elles n'avoienc
,, pas la force de lui défavou?r l'état de mort dans lequel elles vivoient. Elle ra-
,, mena par ce moien pluficurs perlonncs à la pratique des confeilsévangéliques,
„ &: entre autres im Prêtre qui fous l'apparence d'une piété difiîmuléecommet-
,, toit les derniers excès ; &c des femmes allez quafifiées, dont les crimes étoicnc
,, horribles. . . Mais ce qu'il y avoit en cela de plus merveilleux, c'eftque comme
5, elle ne révéloit ces myftéres d'iniquité que par une lumière extraordinaire, 6c
,, par une impulfion de l'Efprit de Dieu, lorfque cette lumière étoit diflîpée 6c-
,, que ce mouvement étoit pafle, il ne lui relloit aucune idée des chofes qu'elle
„ avoit dites : enforîe que quand on les lui redifoit 6c qu'on lui montroit même les'
„ lettres où elle les avoit écrites , elle en étoit extrêmement étonnée , 6c à peine en:
,, pouvoit -elle croire' fes oreilles 6c fes yeux. „
11 eft évident que l'Efprit faint qui les lui avoit révélées, les lui Faifoit Oublier'
en effaçant lui-même dans le cerveau de cette Sainte les traces des connoifiances de
l'intérieur des confcienccs qu'il lui avoit découvert : parce qu'il étoit de l'avanta^cr'^
dé cette Sainte que ces traces ne refl:afrent imprimées dans fa mémoire, qu'autant de
tenis qu'il le falloit pour qu'elle en fit le laint uiage pour lequel il les lui avoit données .
Il eft dit pareillement dans la vie de la Bienheureufe Marie dcl' Incarnation fon*-
N 3 datrice-
IC2 IDE'E DE VET AT DES CON rULSIONNJ IRE S.
diitiice des Caimclitcs, vie approuvée par trois Evèques , &; par conl'cqucnt par
tous les Théologiens qui formoient leur confcil, que „ Dieu lui a iouvent don-
„ né la connoillance des plus iccretes penlecs, lui a révélé i'état le plus cache
„ des confciences . . . mais que quand Dieu lui donnoit de telles lumières, après
„ qu'elle les avoit déclarées aux pcribnnes qu'elles regardoient, elle en perdoitcn-
„ tiércment le louvenir. „
La différence qu'il y a entre ces deux exemples, 6c ce qui arrive à ceux des Con-
vuliionnaires qui oublient ce qu'ils ont dit en extalc, coniillc principalement en
ce que dans ces exemples on voit clairement que c'elt Dieu lui-mèinc, qui par
éclairé par les lumières extraordinaires qu'il a cû en extafe , & qu'il retombe dans
fon état naturel , il ne conlcrve qu'une idée conFule îc générale de ce qu'il a
vu CJi cet état: & je crois que ce n'eilquep-arune faveur iinguliérc de Dieu que
plufieurs d'entre eux le reffouviennent li parfaitement de tout ce qu'ils y ont dit.
Qiioiqu'il en loit : des qu'il ell certain que Dieu tait quelquefois oublier lui-
même ce qu'il a tait connoître dans des cxtalcs, on ne peut plusfoutenir que le
défaut de ibuvcnir Ibit une preuve que ce qu'on a apperçu en cet état ne Ibit pas
venu de lui. Dieu diibibue ics dons comme il lui plaît: il n'eit pas obligé de trai-
ter de la même façon tous ceux à qui il découvre quelques vérités dans l'avenir :
il peut avoir en cela des vues au-dclî'us de notre intelligence. Les Convulfionnaircs
ne font que des inlhumens dont il fc iért en différentes manières pour nous révt--
Icr ce qu'il veut nous taire annoncer : ils ne font que des timbales retentillantes,
comme ils le difent fi fouvent eux-mêmes. Mais de ce qu'il ne leur donne pas à
tous la même prérogative, dcfereffouvenir exaétement detout ce qu'ils difent en
extafe , tout ce qu'on en doit conclure, c'eit qu'il n'entre pas dans l'ordre defes
confeils qu'ils s'en reffouvicnnent tous d'une manière parfaite.
Au rcltc ceux des Convulfionnaircs à qui il ne tnit pas cette faveur n'ont pas
fujet de s'en attriller, ni de s'inquiéter de la critique qu'on fiit à celujctdelcur
état , puifqu'ils ont laconfolation de favoir que c'elt uncaraétère qui leur ell com-
mun avec Sainte l'hértfc, & plufieurs autres Saints Mylliques.
X.. Avant de finir cet article, ic crois néceffaire de taire encore une obfcrvation
i^llV^lT?^^' l'^^ppo't ^ux f^iuffes prédictions de quelques Convuliionnaires.
<i1a,oiii'"* J'ai reconnu à n'en pouvoir douter que quelques-unes de ces prédirions, n'é-
ia«nes. toient fauffes que d.ins l'application que les Convuliionnaires en avoient faites à
certaines perfonnes , 6c dans les interprétations qu'ils s'étoicnt avifés de donner
aux vilîons qu'ils avoient eues.
Par exemple il ell: révélé à un Convulfionnairc, qu'il doit arriver à une perfon-
ne qui ne lui ell pas marquée, un accident qui lui ell développé dans le plus
grand détail: en même-tems le Convulfionnairc lent intérieurement qu'il lui ell
ordonné de déclarer aux ailîllans ce qui vient de lui être montré, afin que cette
pcrlbnne reconnoiffc la main de Dieu dans l'accident où elle tombera: qu'elle lâ-
che que cet accident cil un avertillément de fa part qu'elle doit beaucoup :i la juf-
ticc: qu'il s'en faut bien qu'elle ibit parvenue au degré de vertu où elle s'imagine
être: que la pénitence qu'elle tait n'elt pas fuffifante i 6c qu'elle ne peut trops'hu-
nulicr aux pieds de Jefus - Ciirill, ni trop implorer fa milcricorde.
Mais en ménic-tcms queleConvulfionnairc reçoit cette rével.ition , ion propre
cfprit lui fait imaginer qu'elle regarde une certaine pcrfonnc: 6c en rapportant la
vilion qu'il a tûc , il k nomme ou la déligne contormémcnt à fon idée.
La
IDE'E DE VE'tJT DES CONFULSIONNJIRES. loy
La prédiction n'a point lieu fur la pcrfonne defignéc, & tous ceux qui en ont
connoillance demeurent convaincus qu'elle eft fauO'e. Cependantelles'exécuteiur
un autre, à qui l'accident arrive avec toutes les circonllances prédites. Cette pcr-
icnnc voiant ians en pouvoir douter que Dieu a envoie cette révélation pour elle,
quoi que le ConvuUionnaire ié foit trompé dans l'application qu'il en a faite , fe fent
extrêmement touchée: elle gémit, elle s'humilie, & profite de tous les avis qui ont
accompagné la prédiction," Ians ie mettre en peine de l'erreur du Convulfionnaire
ni que cela l'empêche de reconnoître le doigt de Dieu.
Il arrive encore afiez fouv;nt qu'un Convulhonnaire voit en extafe certaines
images, & que pendant qu'il les confidére, fon efprit s'ingère d'interpréter cette
vifion qu'il explique luivant les idées : quelquefois même il ne le contente pas de
rendre compte de ce qui lui a étémontré, ilyjoint encorefes réflexions. Ortou-
tcs les fois qu'un ConvuHîonnaire £iit de fon propre efprit l'interprétation de ce
qu'il a vu, elle n'elt jamais jufte: par ce moien la fauffeté de fon interprétation
donne une faufle idée de la vifion, qui a un objet tout différent de celui que le
Convulfionnaire apenfé. Car , comme dit S. Thomas : „ Le S. Elprit peut agir fi.ir e?- ""'«
„ la connoiflance , en donnant en méme-tems l'intelligence de ce qu'il fait^f^^.^' ""
„ voir, & Ians donner cette intelligence. .. Or il ellelîcnticl pour être Prophète
„ deconnoître ce qu'on voit, ce qu'on dit, & ce qu'on fait: & lorfqu'on ne le
,, connoît p:'.s, on n'cft pas véritablement Prophète: on participe iculcmentà.
„ l'ordre de la prophétie. „
Au furplus, comme il n'arrive rien qui ait rapport à la fauflc application du:
Convulfionnaire fur ce qu'il a vu , on regarde cette vifion comme un pur effet de
fon imagination, & quelques perlonnes en prennent occafion de méprifcr toutes
CCS ibrtcs de révélations : cependant ilfurvient un événement, qui loriqu'on le
compare à ce que le Convulfionnaire a vu , 6c qu'on en fépare fon interprétation ,
cadre à merveille à fa vifion, qui paroit fenfiblement en avoir été irae peiutiue
toute naturelle.
Dans tous ces cas^, dont on a plufieurs exemples très frappans , je crois nouvoir •
dire que la révélation eft très véritable lors même qu'il paroit que la prédiction ne
l'eiL point , parce que la faufietc ne vient que de la faulfe application ou interpré-
tation qu'à fait le Convulfionnaire de ce qui lui avoit été révélé.
Aurclte je neprétens nullement juitificr toutes les prédicirions particulières des-
Convulfionnaires. Si j'en ai reconiiu beaucoup de vraies , j'en ai encore plus trouve
qui ne l'étoient en aucune forte , & qui par conféquent ne venoicnt que de leur -
propre efprit : j'obfcrverai feulement que toutes les v-irédiètions totalement fiiufiès .
dont •■ ■ "
tca: iie.^
enext
celles qui ne ic loni que aans i application ou i inicrpretationq
COM M E je ir.e fuis extrêmement étendu par rapport aux difcours des Convul- - ^'
fionnaires &fur leurs prédictions générales faites en extale, parce que le fécond
de ces objets qui eit lié au premier , m'a paru trop intéreflant pour ncpasemplo-
ier tous mes foins à en approfondir les véritables difficultés , à en écarter les mau- -
vailes objections, 6c a tâcher d'en pénétrer la vérité : 6c que jem'appcrcoisquc
mon ouvrage devient d'une longueur qui pourroit rebuter le ledeur , je m'étcn--
drai peu fur l'état de mort 6c lur celui d'enfiince, qui ibnt deux états" cxti-aci^i—
nairesoii plufieurs Convulfionnaires font quelquefois tombés.
L'état de mort eit une efpéce d' extafe où.le Convulfionnaire, dont l'amc (c trou--
Ve comme entièrement abfoibée par quelque vifion, perd quelquefois totale-
ment l'uiage de tous fes fens , 6c d'autres fois feulement: en partie,
Quel--
tc4 rDE'R DE VETAt DES CO NFU LS 10 N NJ IRES.
Quelques Convulfionnaires font relies deux ou mcmc trois jours de fuite, les
veux ouverts fans aucun mouvement, le vifiige trcs pùlc, tout le corps in-
ienfiblc, immobile, S<. roide comme celui d'un mort, & pendant tout ce temsils
ne donnoient aucun autre figne de vie qu'une refpiration très foible & prefque im-
perceptible. Mais la plupart des Convulfionnaires n'ont pa« eu ces fortes d 'ex tafcs
d'une manière fi forte: pluficurs, quoiqu'ils rcllaflcnt immobiles pendant plus
d'un jour , n'ont pas continuellement celle de voir ni d'entendre, & n'ont pas
perdu entièrement toute fcnfibilité : ôc quoique leurs membres devinficnt fort
roides dans certains momcns , quelquefois peu après ils ne l'étoicnt prclquc plus
ou point du tout.
Je ne ferai point de réflexions fur cet état : je me réduirai feulement à prouver
que Dieu y a mis piufieurs Saints , fie à rapporter ce qu'ont dit fur pareils états
le Cardinal de Vitri, S. Antonin, le Clergé de France, & deux Papes.
Cet état dans toute fa forceétoit fi connu de Sainte Thérefe, que voici la def-
cription qu'elle en tait , citée fie par conlcquent adoptée par le Cardinal Bona.
„ L'ame dans le raviflement (dit cette Sainte) fcmble n'avoir plus fon corps , fie ne
l'animer plus : la chaleur manque : la reipiration cefle , eniortc qu'on ne fau-
ruit plus apperccvoir le moindre foufflc , ni le moindre mouvement. Tous les
membres deviennent roides Se froids , le vifagc pâlit , fie on ne voit plus que des
apparences d'un corps mourant oudeja mort. „
Blofius fait à peu près la même peinture des extafcs où tomboit très fouvcnt
très fainte fille Eliftbeth de Spalbecx : il rapporte qu'elle étoit dans cet état
fansfentimcnt , fans mouvement, pas même celui de la refpiration : fon corps
étoit tellement roide , qu'on ne pouvoit en remuer une partie que tout le relie
du corps ne luivit. „
Il cil dit dans la vie de la Sœur Marguerite du S. Sacrement, qu'elle „devenoit
quelquefois roide comme un corps mort, en forte qu'on ne lui pouvoit remuer le
bout du pied G\ns remuer tout fon corps. „
Cette vie a toute l'autorité qu'on peut défirer. M.d'Attichi Evêque d'Autun
excité par le bruit des miracles que Dieu fiifoit à l'interceflîon de cette lainte
fille , fe tranfporta à Beaunc dans le couvent des Carmélites où elle avoitvécu,
fit une information juridique de fa vie fie de fes miracles, reçut lui même ladé-
pofition des témoins, fie approuva enfuite la vie de cette fainte fille , compofée par
le Pcrc Amelote, déclarant qu'il l'avoit trouvée conforme à l'information qu'il
en avoit faite.
Mais ne citons plus que des exemples qui foicnt accompagnés du jugement
que des perfonnes de l'autorité la plus rcfpeclablc, ont porte fur des états pareils.
Le Cardinal de Vitri en parlant de pluficurs faintes perlonnes à qui il arrivcit
de fon tems précifément toutes les mêmes chofcs qu'on voit aujourd'hui dans les
T.tt. de « Convulfionnaires, dit qu' „ il y en en avoit quietoient ravies hors d'elles-mêmes,
îî"'''"i<t » P^r ""<^ fiinte ivrefl'e que leur caufoit l'abondance de l'Efprit de Dieu Elles
p.rs. Ar,(o-j^ dcmcuroicnt ( ajoute-t-il j fans voix Sc fans aucun femiment par rapport aux
p«t'. ""tic M cliofcs extérieures : la paix du Seigneur qui les remplilToit cnfeveliiroit tellement
ly.cb. 11. ^^ leurs fcns , qu'il n'y avoit point de bruit capable de les réveiller, fie qu'elles
„ ne fentoicnt point les blefiures qu'on leur faifoit, ni les coups qu'on leur
„ donnoit. „
La même chofe cfl: arrivée à quelques Convulfionnaires , qu'on piquoit en cet
état d'une manière très inliumainc, lans qu'ils le fentifient.
(^icl jugement le Cardinal de Vitri, fie S. Antonin oui rapporte fon témoi-
gnage, ont-ils fait de cet état? ils déclarent qu'ils le rcgiruoicnt comme tiiicfahite
iirejjc caulce par l'abcndan.t ck l'Efprit de Dieu ? L'ai-
r-.'i:.
d»
Jî
r'p. c.
p.jii
14.
?5
»5
Conci
ani-
la
irz p.
II.
z. c
liv. ,.
chjp
S-
5'
ÏDE'E DE DUT AT DES CONSULS lOUN AIRE S. lOf
L'aflemblce du Clergé de France a pcnlë comme eux. On voit dans la lettre
qu'il écrivit en corps au Pape Innocent X. pour lui demander la canonifation de
la vénérable Marie de l'Incarnation fondatrice des Carmélites en France , qu'il
relève comme une grande faveur de Dieu que cette fainteperfonne ait mené pen-
dant 30. ans une vie fi élevée, que fouvent dans fes extafes „ on eût cru quelle
„ ctoit morte , pendant que fon ame toute ravie en Dieu , qui l'avoit choifie 6c
5, auquel elle étoit finguliércmcnt agréable, recevoit l'impreflion des chofes
5j divines. „
Les Papes n'ont pas été à cet égard d'un autre fentiraent que le Clergé de Fran-
ce : voici un jugement authentique que deux de ces chefs de l'Eglife vifible, ont
porté de ces états.
Il eft dit dans la vie de Sainte Magdeleine dePazzi, (\\\' elle to'ûihoit parterre^
tiemeuroit des 6. heures erJiéres dans une efpéce de léthargie. Mais quelquefois cet
état lui duroit bien plus long-tems , puifque le Pape Clément X. dansfi Bulle de
canoniiation de cette Sainte dit , qu'cw /'<«««/^ \^%<^.latrhfainte 'Trinité lui fit
mie faveur tris fingulicre : car depuis la 'veille de la Pentecôte ^ elle fût aliénée de fes
feris pendant 8. nuits de fuite.
Le Pape Benoit XIII. déclare dans celle de la canonifation de Sainte Margue-
rite de Cortone, qu' „ elle a été rendue participante, comme elle l'avoit défiré
„ ardemment, des douleurs de J. C. étant aliénée de fesfens, & pai-oiflant quel-
„ quefois comme fi elle étoit véritablement morte. „
Ces deux Souverains Pontifes ont donc regardé ces fortes d'états , l'un comme
une faveur très fînguliere de la fainte Trinité: l'autre comme une participation ^é"/
douleurs de Jefus-Chrifl?
A L'EGARD de l'état d'enfance: je crois qu'il faut bien diftinguer les petitefles, lit.
les badineries que de jeunes Convulfionnaires peuvent faire de leur propre mou- Eiatd'es-
vement, où même les puérilités que des Convulfionnaires , dont quelques-uns font '""'
d'ailleurs fort graves, font en convulfion par une fuite du goût enfantin que leur
laifie l'imprefTion qu'ils ont reçue en cet état, d'avec plufieurs chofes qui paroif-
fent enfantines & néanmoins qu'un inftinét furnaturel leur fait faire. Car il eft
certain qu'il y a un état furnaturel d'enfance où la convulfion a mis afiez fou-
vent plufieurs Convulfionnaires, même ceux qui font d'un âge très mûr 8c d'un
caraftere fort férieuxj 6c il ell manifelle qu'elle leur a fait faire 6c dire en cet
état, plufieurs chofes par une imprefiion furnaturelle.
Cela ne peut être révoqué en doute que par ceux qui n'ont gueres vu de Con-
vulfionnaires , parce que dans la plupart le furnaturel eil marqué par des traits
que l'artifice ne peut jamais imiter. On voit un air enfantin fe répandre tout à
coup fur leurs vifxges , dans leurs geiles , dans le ton de leur voix , dans l'atti-
tude de leur corps , dans toutes leurs fiçons d'agir : 6c quoique l'inftinél de leur
convulfion leur fafle foire alors des raifonnemens à la manière des enfans, par
rapport aux termes dont ils fe fervent, ôc à la façon fimplc, innocente 6c timi-
de avec laquelle ils énoncent leurs penlecs , néanmoins cet initinét leur fait lou-
vcnt dire tout bonnement des vérités très fortes , très haixiies , très frapantes ,
& fort inftruclives fur tout ce qui fe paffe aujourd'hui dans l'Eglife, 6c même
parmi les Appelîans. Souvent dans cet état ils ont befoin des fecours les plus
violens 6c les plus terribles , ce qui prouve que leur corps cil dans ce tems-li
révétu d'une force furnaturelle 6c miraculeufe, qui ne peut venir que de Dieu,
ainfique j'eipére le démontrer dans la IV. Partie de cet Ecrit. C'eli; auifi en cet
■ état que plufieurs Convulfionnaires ont été inltruits furnaturellement du fecret
des confçiences , 6c qu'ils ont pris à part des pcrlbnnes qu'ils ne connoiflbicnt
Qbfervaî. II. Fart. Tome II. O p.;s,
io6 IBE-E DE VETÂt DES CONFU LS 10 N N AIRES.
pas, à qui ils ont développé les replis les plus profonds de leur intérieur, &
leur ont tous donné les avis les plus lalutuircs avec leurs exprelîions naïves , 8c
leurs -tons de voix enfantins. Enfin c'eft en cet état que quelques Convulfîonnai-
res ont f;iit des prédiélions particulières qui n'avoicnt aucune vraifemblance, &
dont la jullcflc parfaite de l'événement a prouve que Dieu en étoit l'auteur.
Il n ell donc pas permis de foutenir qu'il n'y a rien dans cet état qui vienne de
Dieu, puifqu'il n'y a que lui qui connoiirc intérieurement le fccrec des cœurs, 8c
qui puilfe révéler l'avenir, au moins dans un certain détixil ?
Si cet état cft iurnaturel, il ell de la dernière évidence qu'il eftfimbolique, 5c
qu'il renferme d'importantes leçons , Dieu ne faifant pas inutilement & Tans de
grandes vues une multitude de prodiges fi finguliers.
La Sagcfle éternelle qui a voulu s'incarner, & paroîtredanscc monde ré vétuc
de foibleire, & même de celle de l'enflmce , fe cache fouvcnt fous des voiles pour
fe dérober à la vâe de ces efprits altiers qui Te confient dans leurfcicnce, leurs
talens ôc leur prétendue fagefle, tandis qu'elle brille aux yeux des humbles &des-
fimplcs , qui s'édifient 6c profitent des traits lumineux & di\ins qui fe font jour au
travers des nuages où il lui plaît de s'envelopper : tachons d'en découvrir quelquc-
uns , & Q*ctre du nombre de ceux qui en tirent du fiuir.
Un état d'enfance formé par une impicflion furnaturellc ,.cft fans doute une in-
ftruftion que Dieu donne aux petits & en mcme-tems une pierre d'achoppement oh
l'orgueil des fuperbes va fe heurter. Il me paroît étrcuncrepréfentationfenfiblede
l'enfance fpirituelle dans laquelle il fiiut être aujourd'hui pour comprendre quelque
chofc aux œuvres de Dieu; 6c une imat^e parlante que le Très- haut trace à nos
yeux pour nous inftruire de la néccflîté d'être petit, afinde profiter de la vue des
merveilles qu'il opère au milieu de nous. iM'eit-il point auifi un tableau vivant
dans lequel il nous peint,, par la petitefle des aitions que font des perfonnes dans
cet état furnaturcl, le vuideôclc néant des occupations des hommes qu'il a placés
aux plus hauts rangs? La vue de l'Eternité dont les Convulfionnaires nous par-
lent li fouvent, fuffit feule quand nous y fommes attentifs ^pour nous faire réfié-
chir que ce que les Puillances de la terre regardent comme leurs plus importantes-
affaires , font aux yeux de la Vérité par excellence , lorfque Dieu n'en cil pas le
principe 6c la fin, des jeux d'entans,. des niaifcries beaucoup plus grandes, 6c des
petiteflcs bien plus rccllcs que tout ce qui choque davantage les beaux efprits dans
l'état d'eniance des Convulliomiaires. Par rapport aux derniers , cet état ne ic-
roit-il point aulli une leçon que leur donne la Sagcfle Divine, de former leur caraété-
re fur la fimplicité , la douceur, la ibumiflion, l'humilité des enf.uis? Ncferoit-
cc point un avis auxfpeétaicurs de fiiire attention que le tems approche, où pour
parvenir au bonheur étemel il faudra n'avoir non plus d'attache aux biens, aux"
grandeurs 6c à l'ellime des Iiommes, que n'en paroill'ent avoirles Convulfionnaires
dans leur état d'enfance? Enfin le prodige par lequel ils- reçoivent alors Icscoups
les plus terribles 6c les plus afTommans, ne nous annonce -t-il point que le Tout-
puifiiint a réiblu de fe fcrvir de ce qui paroit le plus foible 6c le plus mcprilable au.K.
yeux charnels, pour faire éclater la force de fa grâce, qui fera triompher un grand
nombre de petits par une patience invincible, de toutes les violences qu'une per-
Iccuiion montée à fon comble pourra exercer ?
Les Convulfionnaires nous ont explique ce fimbolc de toutes ces diftcrcntca
manières , 6c y ont encore ajouté plulieurs tr.iits.
„ Pourquoi, Seigneur (s'écrie l'un d'eux) imprimez-vous furnous les fimptô—
«, mes de l'ciifancc ? C'elt afin de qous apprciidrcque nos ccturs ne feront guc-
,, ris de leur mortelle cxillure que quand uac humble fimpliciic nous aura ren-
rt dus
ÏT>rE DE HETJT DES CONFULSIONNJIRES. 107
5, dus vils aux yeux du monde & petits ;\ nos propres yeux. Pourquoi nous fai-
5, tes-vous porter l'extérieur de la foibleffe & les apparences de la folie ? C'efl
5, parce que nos efprits ont été autrefois follement fages , 6c que vous voulez
5, les purifier de cette fagefle infenfée par la folie de la Croix; qui nous rendant
„ meprifables aux fages de la terre, nous attirera de fi grandes humiUations
,} qu'elles feront capables de nous faire parvenir à une gloire éternelle. „
Mais pour donner une idée jufte de l'enfance myftericufc dont il s'agit, je
crois qu'il convient mieux, au lieu d'extraire des penfces brillantes, que je nie
rcftraigne à rapporter quelques morceaux de difcours faits par des Convulfion-
naires en cet état.
5, Mon cher Papa (dit-une d'entre elles à Dieu) puisque je fuis un'enfant , donnez-
„ moi donc la foumiffion, la docilité, la fimplicité d'un enfant un petit
,5 enfant le lailTc condun-e : il va partout où on le mené: il met toute fa con-
„ fiance en fonPapa; il lui dit avec la joie du cœur : Papa , ménez-moi. Et
„ où? ou vous voudrez: je ferai bien avec vous par tout. Pourvu que vous ne
-j, me quittiez pas , c'eil tout ce qu'il me faut. Je ne connois que vous. C'eft
„ vous qui me donnez tout : c'eildc vous feul que j'attends tout . . . Ha, Papa î
-,, voiez, voiez ce grand Prophète, comme il regarde avec compaiîion ce petit
,, enfuit qui eft mort. Ha, Papa ! il fe couche fur le corps de ce petit enfant:
„ voiez comme il met fa bouche fur la ficnne, comme il rapetifie tout fon corps
5, pour fe mettre fur cet enfant. Ha, Papa ! que cela eft beau! voila cet enfant
j, qui eft rellùfcité ! Voiez comme il eft bien aife: quelle joie brille dans fes
„ yeux? Mais, Papa, pourquoi ce grand Prophète ne relTufcite-t-il qu'un petit
5, enfant? pourquoi ne reffufcite-t-il pas auftî ces cadavres de grands -hommes
5, que je vois là bas ? Vous dites que c'eft pour nous apprendre que ce Prophète
„ ne viendra apporter la vie qu'à ceux qui feront auffi petits que des enfans.
5, Ha, Papa! que je devienne donc toujours de plus petite en plus petite, afin que
„ j'aie part à cette vie. Vous m'avez dit que le chemin du ciel eft étroit, & que
5, la porte en eft petite, il faut donc être petit pour y entrer. Mais que de-
„ viendront donc ces grands hommes , qui vous méprifeat tant? Ils font les fa-
5, ges , ils font les grands doétcurs, 6c ils ne fivent feulement pas que c'eft bien
3, gentil d'être petit! Ils veulent juger tout parleurs lumières, ils veulent tout
„ conduire par leur efprit : mais moi je veux ne rien faire de moi-même, 6c
„ que ce foit vous qui me conduifiez comme il vous plaira. Ils fe haufient , ils
5, fe redreflcnt , ils le relèvent tout le plus qu'ils peuvent : comment pourront-
5, ils entrer par cette petite porte? J'entens une voix qui leur crie: Je l'ous
„ dis en vérité que fi vous ne vous converti ffez,, (s' fi l'ous ne devenez femblabks i^'^' '
„ à de petits enfans^ vous h'' entrerez pas dans le Royaume des deux. „
L'Evangile eft toute pleine de cet avcrtiflemcnt.
Depuis que le Verbe s'eft abaifie julqu'à fe revêtir de notre chair , il (e plaît
à jetter des regards favorables fur les petits & fur les humbles.
Notre Sauveur s'étant fait petit, ce n'eft qu'en imitant fon abaifiement qu'on peut
monteràfa grandeur : cen'eftqueparl'humiliation qu'on peut parvenirà la gloire.
Dieu relevé ceux qui fe profternent ; il rabaiffe ceux qui s'élèvent.
Trois des Evangeliftes rapportent que Jefus-Chrift a déclaré que le Royaume
eu Ciel efl pour ceux qui rcjficmhlent . . . . aux petits enfans. Mais préfcntement
que les hommes n'écoutent plus l'Evangile, préfcntement qu'ils font enfcvelis
dans un iommcil léthargique, pour les en tirer Dieu fait un prodige: il leur
reprèfcnte cette rsicmc vérité en l'imprimant fur des figures vivantes 6c par-
lantes, 6c prefque tous regardent ce prodige avec dédain!
O i Au
io8 IDE'E DE VET JT DES CONFULS lONNJIRES:
Au furplus ce phénomène aujourd'hui fi mcprile par l'orgueil humain, a déjà
paru dans l'Eglifc. On trouve dans les vies de plufieurs Myftiqucs très refpectables
que Dieu les a fait tomber furnaturellement dans des états d'enfance tous pareils
à ceux des Convulfionnaires d'à-prcfent.
Il ell dit entre autres dans celle de la Bienheureufe Marie de l'Incarnation,
cette pcrfonncàqui Dieu avoit accorde plufieurs dons fiirnaturels, iîcquiétoit fi.
généralement ellimée, que le Clergé de France a demande en corps fa canonifii-
tion au Pape Innocent X. il eil, dis- je , rapporté dans fa vie approuvée par trois
it^tisj. Evêqucs, qu'elle reçut la „ grâce de l'enfance fpirituelle , dans un ravifTement
„ qu'elle eut en \6o6. qui dura près de trois jours. .. Elle revint à elle avec la-
„ douceur &: l'innocence d'un enfant de 6. ou 7. ans & demeura quelques heures
„ toute étonnée comme une perfonne qui feroit revenue de l'autre monde. Je n'ai
„ point vu d'enfant, continue l'Auteur de fa vie, au vil^ige & aux petits geftes
,j dcfquels parût une fi grande innocence. „
La vie de la Sœur Marguerite du S. Sacrement écrite par le Père Amelote^
j_j.^^ contient mille chofes qui pavoiflent tout à fait puériles, qu'elle Ç\tdam une con-
' vuljîon d'enfance. . . qui dura pendant 3. mois prej'que fans aucune interruption.
On en trouve encore davantage dans la vie de Sainte Magdeleine de Pazzi.
En général il efl certain que plufieurs Myliiqucs très révérés, Se dont quelques-
uns ont été canonifés , font de tems en tems tombées dans des états d'enfance , où ils
Ut. : p.as- ont fait Se dit bien des chofes qu''on regarderait aujourd'hui cortme une folie , dit M.
Poncet. Aufîi ne craint- il pas d'avancer en parlant de fainte Magdeleine de
Pazzi, c^tWt a'-joit h petit , le choquant qu'ion remarque dans nos Convulfionnai"
res , i^ il y en a certainement , ajoute-t-il , oii on en trouve moins.
Ainfi ce n'ert donc pas feulement iur les Convulfionnaires, c'ell auflî fur ks Saints
Myrtiques que tombent les mordantes fixtircs que plufieurs Auteurs ont fait de ce
qui fe pafle dans les convulfions d'enfance. Dieu a marqué par des prodiges, 6c
même quelquefois par desmiraclcs,la préfence jufqu'à certain point parmi les Con-
vulfionnaires qui font en cet état, ainfi qu'ilavoit fait parmi les Myitiques. C'efl
donc en vain que ces Meffieurs s'écrient : qu'il cft indigne de la (ageflc éc de la ma-
jefié de Dieu de mêler fon opération avec tant de petitcifes & de niiifcrics, puil-
"que dans le fait ces prétendues petiteflcs font fou vent accompagnées de plufieurs
effets merveilleux, qu'on ne peut attribuer qu'à lui? Enfin quelle témérité
n'y a-t-il pas de reprèfenter cet état comme une folie réelle, 6c comme un dé-
lire honteux , tandis que plufieuis Saiats y font tombés par une imprefiîon fur-
I aturcllc ?
Mais, dira-t-on, eft-on obligé de regarder tout ce que ces Saints ont fait en
cet état, comme des opérations de l'Elprit de Dieu?
J'avoue que je ne crois pas, 6c qu'il ne me paroît point du tout impoffiblc
que les Myftiqucs, ainfi que les Convulfionnaiixs , aient fait en cet état pluficiu-s
puérilités par leur mouvement naturel , y étant portés par une luite de l'im-
prefTion que leur avoit fait l'état furnaturcl qui les avoit réduits à la figure re-
préicntative d'un enfant. Tout ce que font les Convulfionnaires en convulfion^
n'cll pxs toujours furnaturcl: il cfl; au contraire d'une expérience palpable qu'ils
font en cet état plufieurs chofes par le pur mouvement de leur volonté : il ell mê-
me vifiblc que rimprcflîon que leur fait leur convulfion, ell tantôt plus forte 6c
tantôt moindre. Je crois qu'il en a été de mérac des Mylliques : 6c il y a toute ap-
parence qu'ils n'ont pas été entièrement privés de leur liberté en leur état d'en-
fance, puifquc cet état étoitmanifellement tout fcrablable à celui des Convulfion-
joaiics d'à-préfcnt. Mais parce que ces Samts ont pu faire d;uis leurs convulfions.
en-
IDE'E DE r Et AT T) ES CONFULS lONNJIRES. lor,
cnfimtincs deschofesqui ne venoient pas de l'Efprit de Dieu , rnais feulement
de la difpofition où les mettoitleur état d'enfance , cela autoriferoit-il à jui^erque
leur état étoit une folie réelle, un délire honteux ? Il faudroit même encore al-
ler plus loin pour pouvoir décider que Dieu n'avoit aucune part à leur état : car
comme cet état ell évidemment furnaturel , il faudroit nécenairement en attri-
buer la première caute, ou à l'Auteur de tout bien, ou à l'efprit pervers. Mais
qu'en a jugé l'Egliie ? Elle a déjà manifcfté plus d'une fois qu'elle penfoit que cet
ctat venoitde Dieu: elle acanoniféplufieurs Saints & Saintes qui yavoicnt pafle;
elle a regardé leurs convullions comme des faveurs divines, ainfi qu'il paroit par
des Bulles de canonifation dont j'ai déjà rapporté quelques extraits.
Après un jugement d'une telle autorité, quelle infigne témérité n'ya-t-ilpas
de regarder comme une folie, ou d'attribuer au démon, un état entièrement fem-
blable , lorfquc les difficultés qu'il renferme font également levées par plufîeurs
prodiges & autres merveilles qui ne peuvent avoir que Dieu pour Auteur
J'ajouterai qu'il n'ell pas même fans exemple que l'Efprit de Dieu ait fait faire
à des Saints des chofe? capables de choquer notre ténébreufefageflc. Je n'emploie-
rai point ici les exemples d'Ifaïe 6c d'Ezéchiel, qui prouvent beaucoup au delà
de lapropofition que j'ai feulement deflèin d'établir : je neveux citer que des faits
qui foicnt plus à notre portée.
C'étoit certainement par un principe d'humilité que S. Philippe de Néri, par
les mains de qui Dieu faifoit plufîeurs miracles, afteétoit de faire l'imbécile, &
qu'il avait coutume de fauter devant tout le monde ,{îf même en préfence des Cardi-
naux : il ell marqué dans fa vie c^ il [e fit faire la barbe d'un côté feulement , i^ fcrtit
ainfi en public pour fe rendre l'objet du mépris y de Urifje du peuple. Dieu a fi hau-
tement juftifié ce faint , l'ornant «'.? tous les dons firnaturels . . . de celui de prophétie,
du difcernement des efpnts , de la comioifiance du fecret des cœurs Sc de celui des miracles:,
qu'il faudroit être bien hardi pour décider que fon humilité extraordinaire n'avoit
pas (x fource dans la grâce de l'Auteur de toute vertu.
Mais fi ce faint agilîbit en cela par un mouvement de la grâce , Dieu peut donc
être le principe d'aftions qui nous paroiflent pleines de folie, parce que nous n'en
jugeons que par les dehors ! Nous paiTons pour des infenfés , difoit S. Paul : '• Cor. +.
nos flulti propter Chriflirm. Leur vie nous fembloit une folie, diront un jour lcs'°'
fages de la terre avec un affreux délefpoir : vitam illorum afiimabamus iiifaniam. Sap. ;. 4.
Si Dieu peut être auteur dans l'ordre de la grâce d'aétions qui paroilîént in-
fenfées aux grands efprits du monde, il le peut pareillement dans l'ordre mervcilr
leux : il eft également libre dans l'un &; l'autre de ces deux ordres , & fcs confcils y
font également au defius de nos penfées. Sa fagefiedont la profondeur nous cil im-
pénétrable, n'a pas deux différentes mefurcs, l'une pour leschofesfpirituelles , îk
l'autre pour celles qui font au deifus de l'ordre commun-.
Finifîbns cet article par un exemple pris dans l'ordre du genre prophétique-
rapporté dans l'Ecriture Sainte.
Nous voions dans l'hilloire facrée que David contrefit le fou pour fe fauver des iRoL-crrv
mains d'Achis Roi de Geth.
Suivant S. Auguftin & les autres Percs de l'Eglife, cette folie apparente étoit''' ^'^^ ''"
myftérieufc & prophétique : elle fervoit à prédire que le monde feroit fauve par
la folie de la croix. Ce fût donc par infpiration que David eut recours à ce moyen
pour conferver fa vie, ainfi qu'il cil prouvé par le Pfeaume XXXIil. qu'il fit
en reconnoiffance d'avoir été délivré du péril oij avoit été fa vie ? Ainfi cette folie ap-
parente étoit vme fuite, un effet, une exécution de l'impreflîonde l' Eiprit faintr-
& elle appartenoit comme prophétique , à l'ordre du genre furnaturel,
O 3 Sî
110 IDE'E DE VEtAT DES CONFU LS lONN J I RES.
Si l'Elprit de Dieu peut quelquefois faire faire des aftions qui ont le dehors de la
folie, quelle témérité n'ya-t-il point de la part des fameux Confiiltansà décider
doftoralemcnt qu'un état d'cnflmce, quoiqu'illullré par des prodiges , ne peut
avoir Dieu pour auteur, parce qu'il choque la gravité de cesMeflleurs?
r~- Quoi! ert-il donc impolîible que le Très- haut ait des motifs au deflus de notre
foiblc intelligencePQuoi! ces Meflieurss'attribucroient-ils le privilège qui n'a jamais
été donné à aucune créature, excepte à l'humanité de J. C. de pénétrer dans la
profondeur de tous les confeils de Dieu? Croient-ils donc être en droit de mcfu-
rcr fi; fagcfle, & dclareftraindre fur la très petite étendue de la fligefle humaine?
u-tuci/bn APRES avoir fait un détail exaft de tous les diftércns états où tombent lesCon-
ic\i tiuiTe vuliîonnaires , il ne me fera pas ditHcilc de prouver quec'cll une pure fuppofition
rÀutrtVdes ou polir mieux dire une véritable calomnie, de foutenir comme fait l'Auteur des
J''j"'^'^°^'* Vains-efforts j que l'état des Convul lîonnaires eft une ^raie folie , une folie réelle , une
co.ivMmns.foi.'c complète , uneefpécede fureur : ce font les exprcflions dont ilfe fert en pluficurs
fj;i>^ jj'/- endroits de fon libelle diftamatoire.
Qui croiroit que pour ofer avancer un paradoxe auûî révoltant , & qui tend à
flétrir un très grand nombre de pcrfonne.- parmi lefquelles il y en a beaucoup de
très rcfpectablcs en tous fens , cet Auteur n'auroit d'autre appui que de fuppofer
contre la notoriété publique & contre la propre connoilîancc , que tous les Difccr-
^ nans, c'cil-à-dire tous ceux qui ont reconnu du divin dans l'œuvre des convul-
lions, conviennent eux-mêmes que les Convulfionnaires font dans l'état desho-
norant qu'il lui plait de leur attribuer?
D iTe^wilee Le fecrct qu'il a trouvé pour pouvoir faire une fuppofition fi hardie, ça été de
rntrerjiie- confoudrc l'aliénation de l'cfprit & des ftns, avec une folie véritable & réelle.
}/nJ""„f" Ainfi pour pulvérifer tout d'un coup une grande partie de fon ouvrage, Se eu
de l'eiprit f^jj-g ér\'aporer tous les pompeux raifonnemens comme une fumée qu'un feu clair
& '* ^'*- (JiHlpe auffi-tôt qu'il paroît, il ne faut quediilinguer ce qu'il affecte de confondre.
Le terme d'aliénation des fens n'exprime que la ful'penfion de leur ufage.
Celui d'aliénation de l'efprit dans fa fignificationla plus naturelle, marque feu-
lement un ame diflraite par rapport aux objets préfens : ce qui arrive lorfqu'elle
cit fort occupée de quelque pcntee ou de quelque vifion , 6cl'ur-tout lorfqu'il plaît
à l'Efprit faint de la remplir lui-même fi totalement qu'elle ne s'ap perçoit plus
des objets qui environnent fon corps, ou m êmequi frappent fes fens. C'cll ce qu'ont
fouveiit éprouvé les plus grands Prophètes, mais ians que cela caufàt aucun dé-
ranf^ement dans les fibres de leur cerveau : ce que S. Thomas explique par ces ter-
mes: que Tabjîra^ion des fens doit être fans aucun dérangement delà nature.
La folie au contraire confillc dans un dérangement réel & effectif des fibres du
cerveau, qui font pour ainfi dire les organes par Icfquelsrame exerce fes facultés, Sc
reçoit les imprcflions que les objets extérieurs font iur les fens du corps qu'elle
anime.
Lorfquc tous ces fibres font dérangés , pour lors la folie eft continuelle &: com-
plète : quand au contraire il n'y en a qu'une partie , en ce cas la folie ne paroît que
par accès, 6c feulement lorfquc l'ame le fert ou reçoit quelqu'impreflîon des fibres
4]ui font en deforJre.
Ainfi outre pluficurs autres différences très confidérablcs entre la folie & l'a-
liénation d'cfprit , il y a celle-ci qui cil eOcnticUe : que la folie elt une maladie
véritable dont le principe ne ccffe point de fubfiller quoique les accès n'en foient
pas continuels, maladie qui ne peut être guérie que par des remèdes, 6c qui ne
l'eft que très rarement : au lieu que l'aliénation île l'cfprit n'cll qu'un état mo-
mcnt;iné, qui n'altérant point l'intégrité du cerveau ^ ne caufant aucun dc-
ran-
IDE'E DE L'ETJT DES CONFU LS lONN^IRES. m
rangement dans Tes fibres , n'y laifTe nulle mauvaife imprcffion.
J'ai déjà obfervé que les ConvuUîonnaircs dans l'état ordinaire de leur convul-
fîon font dans une forte d'aliénation des fens, quiconfiilc en ce que généralement
parlant leurs fens , quoiqu'ils reçoivent les imprcffions des objets extérieurs , en
font moins émus que dans leur état naturel : ce qui occupant moins l'ame , lui don-
ne plus de facilite pour concevoir les objets intelleétuels.
Il cil d'abord évident que cet état qui procure à l'efprit plus de pénétration que
lorfqu'il ell plus abiorbé par les fens, na nul rapport à la folie. Cette forte d'a-
liénation des fens a même été regardée en plufieurs Saints comme un don deDieu.
Le Pape Paul V.dansfaBuUedecanonifationdeS. François Xavier relève com-
me une chofe digne d'admiration , que „ pendant qu'il difoit la Mcfle il arrivoit
5, très fouvcnt qu'il étoit dans une telle aliénation de fes fens , que ceux qui
^ lui répondoient, ne pouvoient le rappeller à lui qu'après un très long-tems,
„ quoiqu'ils le tiraflent fortement par les habits. „
On rapporte comme une faveur de Dieu très finguliérc que S.Thomas „ avoir
„ lo privilège de pouvoir s'aliéner de fes fens toutes les fois qu'il le vouloit , en-
„ forte que lorfqu'on devoit lui faire quelque opération douloureufe ... on le
„ trouvoit dans une telle abftraétion qu'il ne fentoit abiolument rien de tout ce
j, qu'on lui faifoit. „
A l'égard de l'aliénation de l'efprit qui confifle dans une forte aplication cfc
l'arae qui la diilrait par rapport aux objets extérieurs, & qui produit par-îà iuf-
qu'à certain point la fufpcniion de l'imprefiîon des lens , cet état eit précisément
celui des extafes. Or n'y a-til pas une témérité fans égale de donner cette forte
d'aliénation pour une vraie folie , tandis que les plus grands Saints y l'ont tombes?
Lorfque S. Paul fut ravi jufqu'au troiiîéme ciel fans fivoir il ce fût avec fon corps , t. cor. ch,
n'étoit-il pas dans cette ibrte d'aliénation de l'efprit? S. Pierre n'y étoit -il pas' -•
lorfqu'il s'écria lur le Thabor : „ Maître, nous fommes bien ici : fliifons-y trois ten- Marc. g. ^.
„ tes , une pour vous , une pour Moïic , & une pour Elie : car il ne ftvoitce qu'ili-
„ diioit,, luivant que le S. Elprit nous l'a déclaré lui-même?
S. Auguftin nous apprend que Dieu, quand il veut fe communiquer auxhom--
mes,met quelquefois leur cfprit dans l'aliénation Se le dégage des fens du corps, a-
fin qu'étant comme enlevé par l'Efprit faint il foit plus en état de donner toute
fon application aux images qu'il veut lui faire voir. Cum fit mentis alknatio à fenfi- v.h. aJ.
bus corporis, ut fpiritus hominis a divaSfirituaJfumptus ^ capiendis atque iutuencUs^^'^^''^^'^/
imaginibus i-acet. p- 1^^-
Ainfi cet état loin d'être une dégradation de la nature humaine ni un état hoQ--
tcux (Se humiliant , fiùvant que l'Auteur des Vains-efForts le qualifie , eft au contraire '
Dieu a fait fimplement quelques révélations paiticuliéres, c'a été l'état le plus oi"-
dinaire des Prophètes lorfqu'ils ont reçu la comnmmcarion de l'Efprit fainr.
Théodoret en parlant des anciens Prophètes s'exprime ainfi. „ La grâce de lâ^""- ^°^-
„ prophétie en fe iaifiOant tout d'un coup de leurcfprit, lesféparoit de toutes les
j, chofes humaines , & les préparoit par là à fervir aux difcours prophétiques. „.
Cela étoit même fi notoire parmi les Juifs que c'eft l'idée qu'ils ontconfervée
de leurs Prophètes: voici de quelle manière en parle Philon, un des plus anciens
& des plus autonfés de leurs auteurs. ,, Lorfque la lumière divine fe montre, celle-'iiiiop.ff«;--
j, de l'homme fe cache: fie elle ne rcparoît que lorfque celle de Dieu fe cache.
„ C'eit ce qui a coutume d'arriver aux Prophètes: car leur eipîitfort pour ainfî
dira;
112 IDE'E DE VET AT B ES CONVULS ION N AIRES.
„ dire d'eux-mêmes lorfque l'Elpiit de Dieu arrive, &: il n'y rentre que lorfque
„ celui-ci fe retire. „
Cela même a donne lieu à quelques Juifs charnels de regarder autrefois leurs
Prophètes comme des fous , parce que l'elprit de ces Prophètes étant entièrement
occupe par les objets qui leur ètoient divinement montrés, ils paroiflbient tout à
fiiit dUVraits par rapport aux objets extérieurs : ce qui leur faifoit quelquefois dire
des chofcs, ou faire des geftes, qui n'aiant point de rapport aux objets préfens ,
fcmbloient deliituès de niifon.
Serm. io+. Aufli S. Augullin obfei-ve-t-il que „ du tems qu'Elifèe étoit en Judée , ni lui
„ ni les autres Prophètes n'étoient point refpectès par la plus grande partie du
„ peuple, & qu'on les regardoit comme des infenfés. ,,
Surifch.+'- îf'dorus Clarus dit que ,, les méchans appelloient les Prophètes fous Se infen-
'," «'■!''"•„ fés , parce que fouvcnt ils ètoient privés de fcntiment ,& qu'ils n'appcrccvoicnt
„ pas ce qui iè pafToit autour d'eux. „ Carolus Maria, qu „ on regardoit autre-
„ rois comme un des cavaftèrcs des Prophètes , d'être hors d'eux-mêmes 6c
„ peu à eux , lorfqu'ils ètoient faifis de l'Efprit de Dieu. „
Antoine Fonfèca remarque que „ ceux qui ètoient infpirés par le bon cfprit dif-
„ couroient des chofcs divines, & accompagnoient leurs difcours de hgnes 6c
„ d'a£tions qui les faiibicnt paflcr pour tous aux yeux des hommes charnels. „
Aufli voit-on dans l'ancien Tellament que les amis & les voifins d'Ezèchiel,
choques des gelles qu'il tailbit , le prirent pour un fou , & le lièrent avec des cordes.
Trî-.ré du Su«]uoi ]5om Martianai fait cette réHexion que ,, les Prophètes que Dieu
canon dos choififloit Dout êttc commc des lignes & des prodiges à la maifon d'ifraël ,
écr.t. p. I. " .. r O j r o j r • ■
ch. I. „ ont louvcnt pafle aux yeux de ce peuple pour des tous & des tananques,mais
„ que ce qui étoit une folie aux yeux des hommes étoit lafagelTc de Dieumê-
„ me, renfermée dans des myfteres 6c des emblèmes, dont le développement à
„ toujours été très funcfte aux incrédules. „ paroles bien menaçantes & qui
méritent une grande attention.
Tiifoi.mîxt. „ La grâce furabondante del'ivrcflefpirituelle (dit Henricus Arphius) fe fait
'• *■ '^' »■ „ jour au dehors par des geftes extérieurs en différentes mimières : dans les uns par
„ des cantiques divins : dans d'autres par de grands gémiffemens & une grande
„ abondance de larmes: dans les autres par des cris , des voix Se des tons extra-
„ ordinaires de toute efpéce. Il y en a qui tremblent de tous les membres; Se d'au-
„ très qui ne fentent des agitations que dans quelques-uns, mais fi grandes qu'el-
„ les les obligent de courir ou de l'.iutcr : les autres frappent des mains. ..D'au-
„ très éprouvent des chofes Icmblables, maisdiverfificesen mille manières ditfc-
„ rentes, qui toutes marquent l'abondance de l'Efprit dont ils font remplis. „
T.. É. ftc.fi. „ Ceux qui font enivres du divin amour (dit Dominicus) deviennent des fous
"' *■ „ pour le monde 6c pour les mondains : ou plutôt ils font des chofes qui Ibnt
,, telles, qu'elles font crcîire qu'ils le font. „
11 y a donc eu dans tous les tems des pcrfonncs qui ont traité de folie l'état d'a-
liénation où met l'Efprit de Dieu lorfqu'il s'empare des amcs ! Il ne faut cepen-
dant qu'une légère attention pour fentir laditlcrcncc extrême qu'il yacnlre cet
ctat 6c une folie réelle : mais Dieu p.ir un confcil terrible de fa juftice, permet
que ceux qui font allez téméraires pour repudcr avec dédain les prodiges qu il
opère, confondent cnfcmble deux états fi diftèrens, & même fi oppofès.
Que l'Auteur des 'Vains-efforts me permette de lui demander à quels traits il a
donc reconnu que l'état général des Convulllonnaircs cjî une i-raie folie ^ une fo-
lie réelle^ &Cc.
Ilcft vrai qu'il y a quelques Convulfionnaircs parmi les Augulliniftcs 5c les
'Vail-
IDE'E DE VETjr DES CONFUL S TONNJ 1RES. 115
Vaillantiltes qui difent pluficurs chofcs , Se font des aftions véritablement ex-
travagantes , mais quelle injufticc n'y a-t-il pas de vouloir faire retomber fur
les Convulfionnaires qui ne font point dans leurs erreurs , les folies que le démon
fait foire à cette autre efpéce de Convulfionnaires, & qu'il foit agir ainfi lui-mê-
me exprès pour deshonorer 8c décrier ceux qui font les inftrumcns de Dieu ?
C'eft favorifer les noirs projets de ce féduéteur , c'eft fervir à fesdefîeins , que
de confondre enfemble des perfonnes entre qui Dieu a mis lui-même une op-
pofition fi marquée ; oppofition qui s'eft même manifeftée dans plufieurs bons
Convulfionnaires par un preflentimcnt fumaturel d'horreur oui leur fait connoître
les Auguftiniftes 5c les Vaillantiftes, £c fait même qu'ils les fentent de loin fans
les voir, ainfi que je l'ai prouvé dans la I. Partie de cet Ouvrage. C'cfl:^3l,- i.pMt.
néanmoins fur ce faux planque la Confultationaété dreflee, 6c qu'on a fait pref-p- is-
que tous les Ecrits qui attaquent lesconvulfions. Mais, je ne puis trop le répéter,
ce n'eft point de cette forte de Convulfionnaires féduits par le démon dont je parle :
ce n'eft pas même de ceux dont les convulfions paroiflent alternatives, & en qui
onapperçoit detems entems des chofcs évidemment furnaturelles , qui néanmoins
ne peuvent venir d'un bon principe : enfin je ne parle pas non plus du petit nom-
bre de ceux , dont les convulfions ont d'abord été marquées à des caractères divins ,
mais dont la mauvaife conduite fcmble avoir éloigné l'Efprit de Dieu. Jelaifie à
part toutes ces efpéces particulières :je ne prends la défenfeque des Convulfionnai-
res en général qui ne donnentpoint dans l'erreur, & parmi Icfquels il yen a quan-
tité dont la piété ell très édifiante. C'eft par rapport à ces Convulfionnaires qui
font le très grand nombre, que je demande à l'Auteur des Vains-efforts , quel
prétexte il peut avoir de les accufer de folie.
J'ai rendu compte de tous les étatsdans leiquels ils tombentdans une forte d'alié-
nation d'efprit, de leurs extafcs ou ravifiemens, de leur états de mort, & de leur étatg
d'enfance. A l'égard de leurs extafes ou ravifiemens pendant lefquels ils font le
plus fouvent les plus beaux difcours, comment cet état pourroit-il être regardé
comme une preuve de folie, puifqu'un des caraélcres efientiels de la folie eft de
faire parler les hommes fins fuite , fons ordre 8c fans railon ? Mais comment ofe-t-on
faire tant de vains efforts pour décrier cet état, après que Dieu l'a fouvent déco-
ré par des traits de lumière , où fon aétion s'eft foit voir avec évidence, tels que
font les miracles, les prédiélions véritables, la découverte du fecret des amcs.''
Il eft vrai que comme les Convulfionnaires font entièrement ou prel'que entiè-
rement privés de l'ufage de leurs fens dans leur état de mort , leur efprit devient
pour lors incapable de toute fonétion extérieure; mais il y atout lieu de croire
qu'il eft intérieurement très occupé : 8c il paroît même que ce n'cft que la force de
l'imprcffion que lui font les grands objets dont il eft rempli , qui réduit fon corps
ù cette fituation inanimée. Au furplus loin que cet état ait aucun r.ipport à la
folie, on doit le regarder comme une efpéce de prodige, d'autant plus que plu-
fieurs Saints Myrtiques y font tombés ainfi que les Convulfionnaires.
Enfin à l'égard de l'état d'enfance, il eft évident qu'il eft en lui-même furnatu-
rcl, fimboliquc 8c repréfcntatif Auffife trouve-t-il fouvent accompagné de cho-
fcs merveillculcs : 8c il eft im de ceux dont il y a pluficurs exemples parmi les My-
iliques les plus refpeélés.
Je ne puis m'cmpêchcr àcefujet d'obfervcr encore, qu'on trouve dans les vies ^'^-
de quelques uns de ces Saints Myftiques plus de chofcs capables de blefler une or- pius dèl-ho-
gucillcuie délicateflc, qu'on n'en voit en quantité de Convulfionnaires , 'ii'ifi[^^j j'^^'^'j"'""
que l'atteftc M. Poncet. Cependant les Papes, les Evêques Scies grands Théo- vi." de pu-
iogiens n'ont pas balancé pendant f. fièclcs de décider que l'état furnatureldejjy""'*^-,"'*.
Obferi'at. IL Part. Tome II. P ces
114 IBE-E DE VETAT DES CONFULS FO NNJ IRE S:
ftm\ Ici ccs Snints vcnoit de Dieu , quoique dans cet état plufieurs de ces Saints aient
cJnvu'fion- quelquefois fait ou dit des cbofes qu'il fcroit bien difficile de pouvoir lui attribuer,
"k"' s Après un jugement auffi uniforme de toute l'Eglifc pendant plufieurs lîccles,
'n'efl-ce pxs une cntrcprife trop hardie d'imaginer à prcfcnt d'autres principes que
ceux que l'Eglifc a fuivi pendant tant de tcms : de nous donner ces nouveaux
principes pour des régies dont il n'eft pas permis de s'écarter : ôc de vouloir nous
contraindre de réprouver aujourd'hui le même état que l'Eglifc a canonifé tant de
fois? Il n'y a pas même jufqu'àdes chofcsquc MM. les Coniultans, s'ils les voioi-
cnt faire à des Convulfionnaircs , ne manqucroient pas de leur reprocher comme des
preuves décifivcs de la folie la plus complète , que le Pape Clément X. n'ait cru
devoir relever dans la Bulle de canonifation de Sainte Madeleine de Pazzi. Il y ob-
fcrve quV//f couroit avec une agilité cxtraordtnairc par toute la ■maifon: qu'elle dé-
chirait fes bahits^ {5? jet toit de côté ^ d'autre ce qu elle rencontrait fous fa main. Ce-
pendant ce chef de l'Eglife décide : que cette aliénation d'efprit étoit un état très
heureux, Se qu'il étoit par conféquentun donde l'Auteurde tout bien. Z,6r/^«V//*
étoit , dit ce Saint Père , rei-enue à elle de cette bienbcureufe abfence d'efprit izc. A fcli-
cijftmo mentis exilio regreffa.
Ce qui a fans doute déterminé ce Souverain Pontife à porter ce jugement, c'cft
que Dieu a honoré cet état par des merveilles , où fon opération paroifl'oit avec évi-
dence. C'eft dans le cours de pareilles aliénations qu'il s'eft fervi de cette Sainte pour
opérer trois guérifons miraculeufes, & qu'il lui a fait prédire au Cardinal de Mé-
dias qu^il ferait Pape^ mais que le tans de fcn pontificat fcroit très court : cequiar--
riva en effet, ainfi que Clément X. l'attelle dans fa Bulle.
L'aliénation d'cfprit où tomboit cette Sainteétoit certainement des plus fortes,.
&C n'étoit que trop capable de choquer la fuperbe fagede des grands efprits. Cepen-
dant c'eft précifément dans le tems que cette Sainte eften cet état, que Dieu fait
trois miracles par fon miniftcrc, êc qu'il lui fiiit faire des prédiétions trèscirconftan-
eiées dont elle n'avoit pu être inftruitc que par une lumière infufe de l'Efprit faint.
Qiic les jugcmens de Dieu font différcns de ceux des hommes ! Que fescon-
fcils font éloignés de nos penfccs ! Qiic fa fagelTe eft élevée audefilis de nos foiblcs .
lumières ! Malheur à qui veut juger des chofes de Dieu par l'orgueil de fes propres
fentimens, fans être arrêté par les caraélcrcs éclatans où le fçeaude la Divinité fe
trouve imprimé! L'Ange fuperbe méconnut Jcfus-Chrift même à caufe de fes
humiliations, parcequ'il ola mefurer la lagelTe divine fur fon propre orgueil.
Le même Pape obferve dans fa Bulle de canonifation de Sainte Rofe , qu'elle'
étcit fouvent attaquée par des convulfions , 6c qu'elle avoir fouvent des extafes , dans
lefquellcs elle failoit des chofes qui paroifloient bien enfantines: parexcmplc de
jouer avec ]cfus-Chrift, ce que l'Auteur des Vains-cfForrs reproche à un Convul-
flonnaire comme le comble del'cx-tra'vagance. Cependant Clément X. ne craint point-
de qualifier les états où tomboit cette Sainte du nomaugufte de donscélcjles.
Le Pape Pie II. atterte dans fa Bulle de canonifation de Sainte Catherine de Sien- -
ne , que pendant qu'elle étoit dans fon état d'aliénation, elle a prédit bcaucoupde
chofes avant qu'elles nrrivaffent , Ï3 révélé des chofes très cachées. Entre autres elle fit ■
connaître au Pape Grégoire XI. qu^elle avait découvert par une lumière fur naturelle le •
vau qu'il avoit fait de retournera Rome., qui n'étoit connu que de lui ^ de Dieu. Ce-
pendant cette Sainte eft une de celles dans la vie de qui on trouve plus de chofes
extraordinaires, ôc qui peuvent même paroître choquantes.
Il fcmblequcla providence, à qui tous les tcmsont toujours été préfens, ait vou-
lu confondre par avance les critiques outrées qu'elle a prévu qu'on feroit dans ce
fièclc d'incrédulité , de l'état des Convulfionnaircs. Elle a permis que les mêmes ob-
fcurités ,
IDE'E DE VE'TJT DES CO NFU LSIONNJ IRES, iiç
fcurités, difons plus, les chofcs mêmes les plus viiiblement défectueufes qui fc
trouvent dans les bons Convulfionnuircs , fe rcncontraflcnt également dans plullcurs
Saints Myiliques. Il y a une conformité fi entière entre les uns & les autres, que
les yies de nombre de Myftiques femblent une hiiloire faite par avance de ce que
nous voionstous les jours dans nos meilleurs Convulfionnaires. Ceux qui ont écrit
ces vies n'étoient pas des Prophètes : cependant il y ont peint avec un fi parfaite
exaditude ce qui fe paiîé aujourd'hui fous nos yeux, qu'il n'y a pas un feul trait
qui y manque. Une chofe fi finguliérc n'a pu êtrel'eflx^t duhazard. Ileffc vifible
qu'une intelligence fuprème a arrangé en ces différens tems , des faits conformes
pour les foire tous fcrvir à fes defîeins : il eft manifcfte que le même efprit qui a
préfidé à l'état des Myiliques, Se qui a permis que plufieurs chofes choquantes, ôc
même évidemment mauvaifes, telles que les prédiétions faufles , accompa^naffent
les merveilles dont il a illuilré cet état , préfide encore aujourd'hui à celui des bons
Convulfionnaires: ÔC il eft démontré parle fiiit, qu'avant de faire paroître ces
derniers , ce même efprit a voulu que plufieurs des Myftiques fuflcnt canonifés & ré-
vérés comme de grands Saints par toute l'EgHié, afin de prémunir les cœurs droits
contre les mordantes fatires qu'on fait en nos jours d'ua état tout pareil à celui
de ces Saints.
L'Auteur des Vains-efi'orts ne nie pas lui-même la conformité frappante qu'il y a
entre l'état de plufieurs Saints Myftiques 6c celui des bons Convulfionnaires. ,,r3g? 177.
„ C'eft , dit-il , aux états finguliers de quelques Myftiques que les Mélangiftes ont
jj recours pour établir la compatibilité de finfpiration divine avec l'aliénation de
„ l'efprit ôc le dérèglement des iens , avec le mélange du vrai 6c du fiiux, 6c avec ce
„ concours d'aétions fcandaleufcs qu'on reproche avec fondement aux Convul-
„ fionnaires. „
Loin que cet Auteur contefte la juftice du parallèle, voici au contraire comme
il y répond. „ Rien n eft moins raifonnable, dit-il , que de iaifir l'obfcuricé ou Page i8».
„ l'incertitude des états des quelques Myftiques , ou les extravagances les plus
5, déclarées de quelques autres, pour combattre les principes établis cl.ùremcnt
,j dans la tradition. „
. Lorfqu'un Auteur eft afiez hardi pour traiter ainfi des Saints révérés par tou-
te FEglife, 6c qu'il ne craint pas de les deshonorer par les injures les plus ou-
trageantes, qu'elle confiance de vrais chrétiens dont la foi eft fimple 6c le cœur
humble , doivent-ils prendre en les Ecrits ? Mais quels font donc ces principes
établis clairement dans la tradition , qui ont été néanmoins ignorés dans l'Eglife 6c
par les Papes qui ont canonifé ces Saints 6c qui ont décidé que leur état fur-
naturel venoit de Dieu ? J'en vais produire un échantillon qui lùffira pour faire
connoitre le cas qu'on doit faire des principes que l'Auteur des Vains-cff'orts
nous donne pour des régies fondées fur la tradition.
J'ai déjà oblervé que cet xA.utcur n'aiant aucun moien pour prouver fit téméraire
propofition, o^ucPétat des Convulfionnaires était une folie réelle^ avoit eu le front
d'infinuer que tous les Dilcernansl'avoicnt eux-mêmes reconnu, cependant com-
me ces MM. font fimplement convenus , que les Convulfionnaires étoicnt quelque-
fois dans une forte d'aliénation de l'efprit Cic des fenspar rapport aux objets cxté-
que toute eipece d'aliénation d'elprit ctoit une vcntable tolie : 6c ce qui
eft d'une témérité inconcevable, il a ofé donner une aufli faufle maxime pour le
femiment des Pères de l'Eglife.
Il It fait a iui-niême l'objection; que les feints Doreurs n'' ont pas prétendu exclure dcix^ ,4.
P i /'/■».
ii6 IDEE DE VErjr DES CO N FU LS lONN AIRES.
rinfpiration divine toute aliénation de Te/prit. Surquoi il prononce comme s'il étoit
un oracle in'.\iiUible : que les F ères n'ont point connu cette vaine dijlin&ion : ils ont ^
ajoute-t-il, exclu fans aucune exception ni rejîri^ion , toute aliénation de Pefprit en
quelque degré qu'elle pût être , de l'infpiration divine , 6cc.
Il cllailëdes'apperccvoir qu'il s'enfuivvoit de ce principe erroné, que rEfprit
de Dieu ne le Icroitjamais communiqué dans des extales : ce qui obligcroit de rc-
jcttcr l'Apocalipfe, Scies plus fublimes révélations de S. Paul; étant incontcfta-
ole que dans les extafes , l'erpritcil: dans une forte d'aliénation. Voilà un des prin-
cipes que cet Auteur donne pour une régie, dont on ne peut s'écarter fans tomber
dans l'erreur des Montanilles. Car cet Auteur pour donner du poids à ce qu'il lui
plaît d'avancer, le décore du nom rcfpcélable de régie, ainil que tous les autres
faux principes que MM. les Confultans ont hazardés. Auffi tous ces MM. dès qu'on
ne fuit pas aveuglément leurs fentimcns,ne manquent-ils pas de fe récrier qu'on
blefle les régies.
Enfin cet Auteur, qui flmte d'avoir de bonnes armes , fait flèche de toutes fortes
de bois , s'ellencorcavifédedonnerpour des preuves de folie, les repréfentations
fimboliquesque font les Convulfionnaires, les terribles fccours qu'ils fe font quel-
quefois donner , £c leurs agitations involontaires. A l'égard de leurs repréfentations
il y en a de fi belles & fi édifiantes , il y en a qui font marquées à des traits fi
lumineux, enfin il y ena qui font accompagnées d'un furnaturcl li évidemment di-
vin, que je ne faurois croire qu'un véritable chrétien en oui la foi n'eft pas éteinte
puilTe les méprifer toutes fansdiilinétion. Or fi l'on eit force d'en rcfpeéter plufieurs,
quelle témérité n'y a-t-il pas de chercher à couvrir les autres d'un mafque ridi-
cule fous le prétexte frivole que leur fignification ne nous ell pas connue.
Pour ce qui regarde les fccours violens, les Convulfionnaires ne les demandent
& ne font en état de lesrecevoir, que lorfque leurs membres fc trouvent dans un
degré de force prodigieufement au defius de celle des corps ordinaires. Or il
n'y a que Dieu qui puifie leur donner des qualités fi lupérieures & fi contraires
aux loix qu'il a d'abord établies dans la nature. C'ell ce que je prouverai dans
la IV. Partie de cet Ouvrage: il me fuffit ici de demandera l'Auteur des Vains-
efforts, quel rapport il trouve que des qualités fi vifiblement furnaturelles peu-
vent avoir avec la folie?
Ce n'cll; pas non plus ici le lieu de parler dans un certain détail des agitations
involontaires : je remets à en examiner le principe dans la II 1. Partie d; cet Ecrit.
Mais où cet Auteur a-t-il pris que des mouvemens furnaturels imprimés parune
puifiance fupérieure, ou formes machinalement par une atfluence fubitc des ef-
prits animaux, quife fliitfansla particip.ation de la volonté, fuffent des preuves
de folie? Quel rapport ces mouvemens forcés ont-ils avec les opérations de l'ef-
prit , qui n'y a aucune part ? Si Pefprit n'y contribue en rien , ik fila volonté ne
peut ni les faire naître ni les arrêter, comment font-ils des preuves de folie, puif-
qu'elle confifte cnentiellementdans le dérangement des opérât ions de l'efprit , &
dans le dérèglement de la volonté, qui produiient des aétions cxtr.ivagantcs ?
Ce feroit "perdre mon tems que de m'arrètcr davantage à combattre à cet égard
les raifonncniens de cet Auteur , qui ne font qu'une pure déclamation : ou propre-
ment il ne rapporte d'.uitres preuves de la folie qu'il lui pl.ut d'attribuer aux Con-
vulfionnaires, que les injures gratuites qu'il leur dit. Ncferoit-cc p.as fatiguer le
lecteur en pure perte , que de continuer à lui démontrer que des perfonncs à qui
Dieu fait faire des difcours également fublimes, pathétiques & touchans: à qui il
révèle la comoiilance de l'.ivenir, les fecrcis des cœurs & l'intérieur des confci-
coccs: dw's pcrfo;i:ies dont il fefertpjui" faire des niiniclcs îîv des convcrfions tcla-
tan-
çufaîiins de
des
IDE'E DE VErJT DES CONFULS 10 NNJIRES. 117
tantes , ne font pas des fous pofledés par un efprit de vertige ?
Ce fera S. Paul qui répondra lui-même au furplus des objeftions qu'on leur fait.
5, L'homme charnel , dit-il , ne connoît pas les chofes qui font de rEfpnt de Dieu,'-Cor,2 14,.
„ elles lui paroiflcnt une folie , £c il ne les peut comprendre : parcequc c'cft par
,, une lumière fpirituelle qu'on en doit juger. „ Mais qui font ces hommes char-
nels donc parle l'Apôtre ? Et qui font au contraire ceux à qui Dieu donne une
lumière fpirituelle pour difcerner les chofes qui viennent de lui ?
„ Pour (en) mériter l'intelligence, il faut s'humilier (dit lecélébre Auteurdcs p. a'^i-Cn."
„ Réflexions morales : & un peu plus haut.) La foi humble & docile des pauvres \"2 V. !o."
„ d'efprit leur applanit toutes les difficultés ; la confiance préfomptcufe des maî-iï>''J- <:h- 7-
„ très de la loi , les aveugle. L'humilité & la fimplicité (dit-il plus bas) ouvrent'"'''
5, l'efprit 6c le :oeur aux vérités divines , comme l'orgueil £c l'enflure de l'efprit le
5, ferment â toutes preuves, 6c y endurcifl'ent le cœur. „
C'eft dans le nouveau Teftamenr que cet Auteur a puifé ces principes , qui font
fi contraires à nos préjugés. Ce livre divin nous apprend en cent endroits , que c'ell
la fimplicité 6c l'humilité qui iont les qualités les plus propres à recevoir d'cn-
haut la lumière qui fait difcerner les œuvres de Dieu ; c'elt aux fimples i3 'Jî/fMat. n.iy.
■petits à qui Jefus-Chrill: déclare que fon Pcre ré'véle fes œuvres, en même tcms
qu'il les cache aux fages (j' auxprudens ; fur quoi le Père Queincl s'écrie: „ Saçes du
„ monde, craignez d'être abandonnés à vos propres ténèbres pendant q'ue les
j, humbles marcheront à la lumière de Dieu. „
Que le leéteur me permette de faire encore une obiervation , avant de finir cet- l y r.
te IL Partie. L'Auteur des Vains-efforts qui n'épargne pas les faufles fuppofi-pu'j^",
tionsa repréfente tous les Convulfionnaires en général comme une troupe de'/;-' '^"''
fous , d'impudiques , de furieux. Pour étaier une déclamation fi injurieufe , ilûar'*
affeâre d'abord de confondre les meilleurs Convulfionnaires avec les AugulHni-
lles 6c les VaiUantilles : mais ce n'eft pas à ceux - ci à qui il en veut : il
emprunte feulement d'eux de quoi tâcher découvrir tous les autres d'opprobres:
6c c'eft enfuite contre ceux 6c celles qui ont la plus émiuentc piété, qu'il
témoigne le plus d'acharnement.
Voici par exemple, qui font les deux Convulfionnaires contre qui il exerce fa plus
mordante critique. Le premier qu'il appelle Frerc Pierre ,eft un homme qui s'é-
tant livré entièrement des l'a jeuneifeàdes études profanes , avoit conçu pour el-
les une pafiîon qui lui devenoit de jour en jour plus nuifible : il en a été heu-
reufcment dégoûté par fes convulfions, dans lefquclles inftruit par un meilleur
maître il a appris que les vérités du falut dévoient faire toutes les délices. Ja-
mais il n'en avoit fiiit d'étude particulière : il avoit même très peu lu les li-
vres qui en traitent. Cependant Dieu lui a fait faire en convulfion un nombre
prodigieux de difcours magnifiques, qui font répandus entre les mains de tout
le monde, 6c qui font l'admiration de tous ceux qui les lifent.
Voici néanmoins de quelle manière en parle l'Auteur des Vains-efforts :„ Frère p. i fi note»
„ Pierre un des Convulfionnaires les plus renommés , cff auffi un de ceux qui , je
„ crois, a fait le plus de folies : (6c plus bas) Quand il eit qucftionde folies 6c ''^' °''"
„ d'extravagances , perfonnc n'en fournit plus d'exemples que Frerc Pierre. „
Pour tacher de le perfuader au public, cet Auteur fait des dcicriptions aulH fauf-
fes que ridicules de quelques-unes de fes convulfions, 6c de fes repréfentations
fimboliques , 6c pour décrier fes difcours il en détache quelques mots auxquels
il joint des exprefiions baffes 6c boufonncs , ce qu'il accompagne des traits les plus
malins. Avec une pareille méthode il n'y a rien qu'on nefoit en état de tourner en
ridicule : mais quoi qu'il fafle, feseiïbrts feront toujours vains : il n'effacera jamais
P 3 l'im-
.nS IDE>E DE VETJT DES CONVU LS 10 N NJIREs.
rimprdîîon que les difcours ont fl\it dans l'eiprit &: le cœur de tous ceux qui
en ùivent goûter la beauté 6c la Ibliditc.
Le deuxième qu'il paroît avoir plus d'envie de décrier, & qui efl mort depuis
peu en odeur de n\intcté,s'appclloit M. Aufroi.C'étoit un homme de bonne famille,
qui avoit un bien contiderable : mais qui marchant l'ur les traces du Bienheu-
reux Appellant que Dieu honore par tant de miracles , joignoit la pénitence la
plus au litre à mie humilité très profonde, cC à une charité fans bornes.
r. Si. tous L'Auteur des Vains-efforts dit lui-même, en parlant de feu M. Aufroi:,, Il
„ jeûne beaucoup , couche fur la dure , mange à terre dans fa propre maifonj 6c
„ uniquement d'un pain très groflicr , pendant que la table ell honnêtement
„ fcrvie. „ Mais pour le tourner en ridicule , cet Auteur s'avife de lui attribuer un
fait rapporté dans une lettre de M. Poncct qui regarde une perfonne toute dif-
férente qui faifoit quelques pénitences forcées, &; qui étoit enmême-tems très
fâchée de les faire. Enfin cet Auteur lui donne le nom injurieux de Juif -errant ^
ce qui n'a d'autre fondement qu'un pèlerinage fait en convuliîon, 5c les fréquen-
tes retraites que ce laint pénitent alloit ibuvcnt faire hors de Paris : entre au-
tres endroits dans ma terre de Treignv, pour chercher le Père Terraflbnpar les
confeils de qui il fc conduiioit. Feu M. de Montpellier ellimoit tant cet hum-
ble pénitent , qu'il l'avoit chargé de îx procuration : & néanmoins l'Auteur des
Vains-efforts le repréfentc comme un extravagant , un fou , un infenfé. De la
part de M. Auffroi pour toute réponfc à ces injures , il difoitavec S. Jérôme :
"^'"^'f*'^' Nous fofinnes devenus fous four V amour de Jefus-Cbrifi .y mais la folie de ceux qui
/co. "'^ foft à lui furpajfe toute la fagejfe humaine.
Finiffons cette II. Partie par un trait qui fiifTe connoîtrc jufqu'à quel point
Tun^l'ie l'Auteur des Vains-efforts porte les préventions contre les Convullionnaircs. Per-
rrxcès lieiafonne n'ignore l'étonnant prodige par lequel Dieu fit continuellement annoncer
îe "Au'furaux Juifs pendant pluficurs annécs la ruine dejerufalem. Plus de fept ans avant
ir' Vains- jg fiége de ccttc Ville dans le tems que ce peuple étoit dans une profonde paix ,
un llmple païlan nomme Jcfus fils d'Ananus,fut tout à coup frappé par uneim-
preffion divine qui lui fit crier avec une force plus qu'humaine : inalhcur au tem-
ple ^ ?>ialbeur à y érufalem ^ècc.Dc\iuh ce prcm'iev moment cet homme ne ccffa de
crier lans ceffe jour & nuit, malheur fur jérufaleni , jufqu'à ce que cette ville eût
été alTiégée par les Romains : dès le commencement du fiège il prédit fa propre
mort, aiant ajouté à fes cris ordinaires malheur auffi fur moi ^ & il tut écralédans
l'inilant par une pierre l.incée par les afliégcans.
Dieu réduifit cet homme à l'état d'un fimple automate pour le rendre /^Pro-
fhétedes fnalhenrsde Jérufakm , ainfi que l'appelle 1? célèbre AI. Bolïïiet Evêquedc
.Meaux : il ne fepLiignoit point de ceux qui le battoicnt : il ne rcmcrcioit point
ceux qui lui donnoicnt à manger : 6c les Magiltrats l'aiant fait touettcr d'abord
très cruellement pour le forcer à lé taire, il parut infenfibleà tous les coups qu'or»
lui donna: 6c même pendant qu'on le frappoit avec une extrême violence, il ne
ceila point de crier : malheur fur Jérufaletn.
Lorfqu'on vit qu'on ne pouvoit venir à bout de le f;iire taire , on prit le parti
de lemeprifcr , 6c de regarder ce prodige comme une pure lolie. Cependant après
l'événement , lorlque Jerullilem eutètc détruite de fond en con^blc, les Juifi; re-
connurent, mais trop tard, que la voix de Dieu s'ètoit tait entendre parle canal
de cet homme pour les avertir de leur perte prochaine , 6c qu'ils avoicnt cCi grand
tort d'avoir meprifé cet avertiffement.
Que leur incrédulité , leur témérité, Se leur malheureux fort , Ici vent aujour-
d'hui ànous inllruii'c. Les prodiges que nous avons fous les Ntux lont lans com-
pa-
IDE'E DE UErjr DES CONVULS ION NJIRES. iiff^
panifon plus frappans que celui dont les Juifs fe font fi fort repentis de n'avoir
pas profité. Cen'eftpas par unfeul homme que Dieu nous avertit, c'eft par une
multitude de peifonnes de toute condition , fur qui & par qui il opère des merveil-
les detouteefpcce. Ce ne peut être fins de grandes vues qu'il en fait un fi grand
nombre. „ Dans tous les grands événcmens, ditlePéreQuefnel, nous devrions Aa. 2. n,;
„ nous dire à nous-mêmes. . . Que veut dire ceci ? Car Dieu nous y parle, £c
„ nous y veut dire quelque chofe pour notre inftruction. „ Les nuages dont il per-
met que ces prodiges foient enveloppes , loin de nous fervir de prétexte pour les mé-
prifer, doivent au contraire redoubler notre attention & notre crainte. Ces nua-
ges font les miniftres de ia jufl:ice : il ne nous dérobent la lumière que parce que
nous nous fommes rendus indignes de la voir: ils renferment un tonnerre , dont le
bruit redoutable menace de briferles têtes fupcrbes qui ofcront regarder avec dé-
dain les éclairs qu'il fait paroîtrc avant de tomber.
L'Auteur des Vains-efforts qui ofe avancer, non feulement qu'on peut impu-
nément, mais même qu'on doit, méprifer les prodiges que nous voions aujourd'-
hui , quoiqu'il ne puiffe nier que les Juifs n'aient été b-ès impnidens de n'avoir
fait aucun c;is des prédirions faites par Jcfus fils d'Ananus dans un état fur-
naturel, prend le parti de relever ce malheureux Juif fort au dcfllis de nos
Convulfionnaires. Après avoir obfervé lui- même qu'il étoit un Juif rehllc à 73^. sj.
l' Evangile èc un enfant de la Sinagogue réprouvée : il le trouve néanmoins malgré
tout cela encore moins indigne que les Conuulfionnaires d'être fonsritnpreffîon
prophétique du S. Efprit . . . Je fus fils d'Jnanus^ dit-il, n''avoit aucun des vices ^^^^' '"'
des défauts ft communément répandus dans les Convulfionnaires yil ne parlait pas dans
l'aliéna tien dg Pefprit,.&cc.
Auflî, fclon cet Auteur, les Convulfionnaires font encore plus indignes d'être les
inftrumens de Dieu, qu'un Juif de la Sinagogue réprouvée : Scl'alicMiationde leur '
efprit eft bien plus marquée, qu'elle ne l'étoit dans ce Jefus fils d'Ananus..
Quoi! Ce malheureux Juif que Dieu réduit à n'être plus qu'une pure machi-
ne, dépourvue de tout fentiment & de tout ufage de raifon, paroit à cet Au--
teur n'être pas dans une aliénation d'efprit aufil forte que les Convulfionnaires. -
Qiiand la prévention aveugle à un tel excès, on eft capable de tout dire: mais^
an ne mérite plus aucune créance.
TROISIEME'
1rs très in
térofTiEi.
OBSERVATIONS.
SUR
LES CONVULSIONS.
TROISIE'ME PARTIE
IDE'E DES MOUVEMENS
CONVULSIFS.
X^/ç:5ï<;Es agitations involontaires qui procèdent purement de la con'ailfion,
^ j ^i ne font pas des péchés, & ne portent point au péché.
^ "* ^^ Ces mouvemcns forcés ne peuvent pas néanmoins être regardés com-
L«5 /gi!»'i- ^^^ ^'^^ ^^ ^'^'^ • '^ femblcnt pliitôt être une cfpécc de pénitence. Ils n'ont
ons furnatu- p^j. cux - mêmcs ricu que d'humiliant : mais ils font partie d'un état fumaturel,
coniuifion qul Ic plus Ordinairement vient de Dieu. Ils ont d'abord étélcmoicn phifique
3"T 'b" dont il s'cll fervi à la vue d'une multitude innombrable de perfonnes, pour
opérer des guérifons miraculcufcs : il les a cnfuite accompagnés de differens
dons: £c fouvcnt ceux qui ont été les plus tourmentés par ces violentes agita-
tions , ont en même -tcms été éclairés par une lumière furnaturelle : enfin Dieu
nous a déclaré par quantité de prodiges, que les bons Convulfionnaircs font en
cet état fous fa protection. Mais encore un coup ces mouvcmens par eux-mê-
mes, & en les confidérant indépendamment des grâces finguliéres qui fouvcnt
les accompagnent , font plutôt une épreuve qu'une faveur. Difons mieux : ils
font des fimboles très intcrc flans pour ceux qui comprennent bien tout ce qu'ils
fignifient, & qui font affez humbles pour vouloir en profiter.
Premièrement , ce fimbole ne feroit-il par dcfliné à nous remettre fous les
Petirp. du ycux ccttc grande vérité que la plupart des hommes paroilTent avoir oubliée:
î 73/.^""'" qu'on ne pafTc pas ordinairement de la mort du pèche à la vie de la grâce fans
de grandes convulfions du cœur : ne fcroit-ce point , dis-je , pour nous rcpré-
fentcr une image vivante de cette importante vérité, que Dieu a voulu fiiirc
précéder plufieurs guérifons miraculcufcs par des agitations d'une violence ex-
trême ?
La plus grande plaie de l'Eglife eft aujourd'hui la profanation fi commune des
facremens Se la condamnation de fit morale qui s'efïorcoit dV mettre quelque frein.
On abfout tout d'un coup les pécheurs les plus fcandaleux, f.uis leur avoir
donné feulement le temps de fentir le poids de leurs crimes : on les endort dans
la mort, en leur faiiant accroire qu'ils vivent ,6c on les engage à recevoir le
Saint des faints , dans le temps qu'ils font encore des cadavres pourris d'ordures.
Pécheurs, ne vous flattez, pas de vivre, avant d'avoir commencé daimer : les
guides aveugles qui vous en aiïurent, font eux-mêmes privés de vie. C'ell or-
dinairement la crainte qui d'abord remue le cœur de ceux qui retournent vers
Dieu , c'clt cnfuite l'amour qui les jultific Mais comment les pécheurs paflc-
roient-
I.ct. de M
Pe
I
IBE'E DES MOUFEMENS CONFULSIFS m
feroient'ils par ces dégrés? Ils font ablbus des qu'ils le préfentent .' C'eflainfî
que la plupart des Miniftres des Autels s'étant reqdu aujourd'hui les agens du
prince des ténèbres, enfevelilTent ces malheureux dans un fommeil léthargique,
dans une paix trompeufe 6c dans un calme meurtrier.
Il eft vrai que Dieu change tout d'un couple cœur de très grands pécheurs:
on en a vu nombre d'exemples arrivés au pied du célèbre tombeau, 6c furtout
par le moyen des convulfions. Mais en ce cas les eiïets prouvent manifeftement
ces prodiges de la miféricorde divine. On voit ces cadavres fortis de la pourri-
ture de leurs fépulchres à la voix du Tout-puiflant , donner à tous momens des
fîgnes dévie : on les voit s'emprefTer de faire pafler leurs biens dans les mains des
pauvres, pour couvrir la multitude de leurs péchés : on les voit quitter leurs
vanités frivoles , pour vivre dans l'humiliation , la retraite & la pénitence. C'efl
de cette fxçon que Dieu opère de véritables converfions dignes d'être couron-
nées par des Sacremens qui portent la vie dans les âmes , &: y détruifent le pé-
ché : au lieu que l'abfolution précipitée des Miniftres facrileges,quifemblables
au bouc émiftaire font chargés des crimes du peuple ians pour cela l'en délivrer,
laifient fouvent le cœur des pécheurs tout auftî corrompu qu'il l'étoit. A quoi
fert l'abfolution quand il n'y a aucun changement dans une ame livrée à fatan
par le péché mortel ? Dans l'ordre ordinaire , fa converfion ne fe fait pas tout
d'un coup : ibuvent Dieu remue long-tems par des fecouftcs violentes le cœur
de ceux qu'il veut retirer de la mortj & c'cft peut-être ce qu'il a voulu nous
peindre dans les agitations des Convulfionnaires qu'il a enfuite guéris d'une ma-
nière miraculeufe. Aufll plufieurs Convullîonnaires fe font-ils écriés: „ Votre
„ juftice. Seigneur , apénétrèjufques dans nos os, pour les guérir de leur corrup-
„ tion : elle les remue , elle les agite , elle les boulleverfe } elle détruit la léthar-
„ gie funefte qui les tenoit engourdis ; mais c'cll pour leur rendre la vie, lafor-
,, ce Se la fantè. Frappez , mon Dieu , je m'y ibumets de tout mon cœur !
„ trop heureux de pouvoir dire avec le Roi Prophète: Nonejlpax ojjlbus mcis rr.
3, a facie peccatorum meornm.
Secondement , rien n'eft plus humiliant que les mouvemens convulfifs ; ils expo-
fcnt tous ceux qui les ont à la riféc du peuple , à la haine des Conftitutionnaires , au
mépris des mondains, aux railleries des efprits forts, à la critique des Confultans ,
à la perfécution des Puiflances. Mais c'eft par l'humiliation de la croix que Dieu
veut fiuvcr les reftes de la Gentilitè. Les convulfions font un chemin hèriffé
d'épines, par lequel la juftice conduit à la miféricorde.
La Vérité chaflee des Palais , pourfuivie dans les tribunaux, foulée aux pieds
dans les places publiques, profcrite dans prefque tous les fanftuaires , bannie
de tous les lieux oii elle devroit régner, s'eit réfugiée dans la pouffiere. Elle y
n ramafle un certain nombre de perfonnes à qui elle fait fouffrir des humiliations
de tout efpèce, pour les mieux marquer à fon coin. C'eft même préciiement
par ce qu'elles lui font attachées, c'eft parce qu'elle leur fiit publier forcément
toute Vérité que les enfans de la terre les perlecutcnt à toute outrance.
Tout cela ne fuffit-il pas pour fiire appercevoir à ceux dont tous les défirs
tendent vers le ciel, que l'œuvre des convulfions eft l'œuvre de la Vérité, qui
par un terrible conleil de la juftice veut être de plus en plus humiliée en fes
membres par fes adverfaires.
Or en ce cas eft-il douteux que cette œuvre myfterieufe ne foit un avcrtifle-
ment pour nous , que les humiliations font aujourd'hui la feule voie du falut }
& qu'il faut confentir d'être rejettes, profcrits, couverts d'opprobres avec la
Venté , n l'on veut avoir part à fa gloire.
Obfcrvat. IIL Part. Tome IL Q, Troifîe-
Tzz IBE'E D2S MOUFEMENS CONVULSIFS
Troiriémcmcnt, voici un prodige bien digne de remarque. Il eftde notoriété pu-
blique quelaloufFrance cft h compagne ordinaire des agitations comvuUlves. Celles
qui prcnoient fur le tombeau du Bienheureux Appcllant , caufoient les plusvi*
vcs douleurs. Cependant tout Paris a vu que tous les Convulfionnaircs avoienc
une ardeur extrême de puifcr leur portion de fouflrances fur cette tombe mi-
raculeufe , que la plupart ne manquoient pas d'y revenir tous les jours , 2c que
des qu'il y avoit place fur ce tombeau qui fembloit être Imllrument de leur
fupplice , ils s'cmprcffoicnt de s'y mettre. Les douleurs ont-elles donc quelque
choie d'aimable 6c d'attirant ? non certes, ^1ais celles des Convulfionnaircs lonc
accompagnées d'une certaine conlblation intérieure, & d'une forte de joie ma-
nifcftcment iurnaturelle , qui eft fupérieure à leurs foufiPrançcs , Se qui les
leur tait fouhaiter. Un effet auflî contraire aux loix qui régifTent la nature,
ne prouvc-t-il'pas l'aélion de Dieu? Lui feul peut faire aimer la douleur, lui
fcul peut la rendre une fource de fatisf-iftions &: de douceurs fpirituelles.
Mais que cette figure eft aimable .' Qiiclle ellr confolantc pour nous ! Elle eft
au furplus fi claire qu'elle eft à la portée de tout le monde. -Qiii ne voit que
I>ieu fait ce prodige exprès pour nous aflurer qu'il foutiendra par des confo-
lations fi abondantes cçuy. qui auront l'avantage de fouffrir pour fi caufe , qu'il
leur fera trouver une forte de plaifir dans le fcin même de la douleur.
Sa juftice n'eft rigoureufe qu'à l'égard de ceux qui ne l'aiment pas. Le pé-
cheur endurci boit dés ce monde le vin de fa colcrç jufqu'à la lie : rien n'adoucit
fcs afflictions : rien ne guérit fcs plaies : la douleur eft pour lui un mal tout pur
5c fans mélange, qui ne le porte qu'à l'impatience &: au defefpoir. Mais les dif-
ciples de la croix n'éprouvent pour ainfi dire que les apparences & le dehors de
la douleur : la grandeur de leur efpcrance , furtout lorfqu'ils, fouffrent pour la
Venté, leur fait goûter des confolations qui calment toutes leurs peines, 6c qui-
émouflcnt toutes les pointes de leurs foaffrances.
C'cft ce qui fait dire à S. Pierre: qu'on eft heureux lorfqu'on/ô//^;r des tnju'^
res ^ des diffamations pour le mm de Jcfus-Chrifi ; parccqn: Phofineur ^la gloire y
l^y""'''la vertu de Dieu, l^ J on efprit -repaient fur ceux qui les endurent.
Aufiî veut -il qu'on les accepte avec joie comme une faveur très pré-
cicufe.
ibii. ij „ Réjouiftez-vous, dit il , de ce que vous participez aux fouffrançcs de Je-
„ fus-Chrift, afin que vous foyez aufil combles de joie lors de la manifcftatioa
„ de fa gloire. „
Qiiellc eft donc , ô mon Dieu , le mente & la dignité qu'il vous plaît de dnn-
?. Quefn. nerù ces fortes de fouffrances? Elles nous unijfent à Jefus-Cbrijl fotiffrant , (die
*'"^' fur cet article le Père Qiiefnel :) elles nous font entrer dans [on facrifice, (j'arve-
air avec lui une même vicHme.
Mais quelle eft la grandeur inconcevable de leur rccompcnfe? Elles nous af-
focicnt à la gloire de Jefus-Chrift & à f i qualité do Fils unique de Dieu. Elles
nous feront paiticipcr à la joie ineffable de la divinité pendant toute- rcternité
Mittij. i;. jç.5 fiécles : Intra in gaudium Doniini tai.
Qiîc de fi mas^nifiqucs promclfes nous fafTcnt donc plus d'imprcffion , ô mon
Dieu ! Mettez î^ins ccftc devant nos yeux l'étcrni-té de la béatitude divine dont
vous comblerez vos faints! Chaque moment, chaque degré de fouffrances feront
rccompcnfcs par un furcroît de bonheur nu dcflus de toute pcnfce, puiiquc
ce fera une participation & un écoulement du bonheur de Dieu même : puil-
qtie ce fera une félicite digne d'être le chef-d'œuvre de k libéralité, de la mag-
âitliccnce 6c de l.v toute-puiQancc divines î
Mais.
■». Pierr» .-,.
ÏÎ)£'EDES MOUFEMENS CONFULSIFS. I^î
^lais quel en eft le chemin ? On ne peut y parvenir qu'en qualité de
înembre de Jefus - Chriil: , qu'en l'imitant, Se qu'en le fuivant jufque fur la
croix.
„ Votre croix, Seigneur, (dit le frère Pierre dans fon difcours furccfujct)
„ eft plantée fur l'Appel , appuïeé fur vos miracles , environnée des prodiges
5, myfterieux que votre œuvre des Convulfions renferme. Voilà notre croix ,
, Seigneur: quiconque s'en écarte, s'éloigne de la lumière Se de la vie. Je l'ai-
, me, je l'honore, jedéfire de m'y voir attaché par les fouffranccs que les ennc-
, mis de la Vérité nous deftinent. Qu'elle foit un fcandale pour les fauxfages,
, un fujet de raillerie pour les mondains , un objet d'horreur pour vos advcr-
, faires ; les contradiétions des uns , le mépris 6c la fureur des autres ne m'en
, dégoûteront pas. Plus \c l'a verrai perfecutéc, plus je la regarderai comme
, ma gloire Se le centre de mon bonheur ! Heureux ceux qui y font déjà atta-
, chés : hcureufcs ces viélimes qui font déjà liées aux cornes de l'autel, fur le-
, quel mon Sauveur va bientôt fiire dcfcendre le feu de fon holocaufte! Qu'ils
, font aimables ces tendres agneaux, qui doivent accompagner la principale vi-
, étime, Se qui doivent être offerts avec elle ! ...J'unirai mes cantiques aux
leurs. Se je publierai avec eux les grandes merveilles démon Dieu: je chan-
, terai fes œuvres: j'inviterai toutes les créatures à louer avec moi mon Sau-
, veur Souffrons, Sc mourons pour notre Dieu. V^oilà notre cantique ,
, ô mon Dieu , rendez-nous dignes de le chanter. „
Si ce font là les fentimens d'un grand nombre de Convulfionnaires, ne doit-on
pas dire avec S. Pierre , que la vertu de Dieu ^ fon efprit repofenî fur eux, puis-
que dès à préfent ils ont déjà le bonheur de fouffrir des injures (^ des diffa-
mations en haine des Vérités que l'inftinâ: de leurs convulfions leur fait publier.
Tout Icfteur non prévenu eft fans doute bien perfuadé que les agitations con-
vulfives dont je parle dans cet Ecrit, font très dift'érentes des mouvemensob-
fcênes qui ont l'impureté pour caufe ou pour fin. Il eft évident que ces mou-
vcmens honteux font produits par la concupifcence, fource infcélée qui n'a au-
cun rapport avec les convulfions furnaturellcs : du moins avec celles que Dieu au-
torife par des marques fenfibles de fx préfence.
Je ne parle pas non plus desmouvemens que les Convulfionnaires peuvent faire
librement , Se qui par conféquent peuvent avoir leur principe , foit dans une imagi-
nation trop vive , foit dans une volonté déréglée , foit dans les fuggeftions du
démon.
Je ne traite en cette Partie de mon Ecrit , que des agitations forcées qui procè-
dent de convulfions qui d'ailleurs font marquées à des caraétères qui ne peuvent
être attribués qu'à l'Auteur de tout bien. Car je n'ai fuivi que les convulfions de
cette cfpéce : Se ce n'eft que de ces fculs Convulfionnaires dont je prens la défenfe.
Il ne s'agit donc ici que des mouvcmensfurnaturels Se involontaires, caufés par
des convulfions illuftrées d'ailleurs par quelque trait divin: mouvcmens qui font
phifiqucment produits par des fecouffes inégales, impétueufcs Se contre natiu-e
des efprits animaux, lefquelsfe précipitent tumultueufcment dans les mufclcsdcs
bras Se des jambes , quelquefois dans ceux de la tète , Se quelquefois aufli dans
ceux de tout le corps.
Plufieurs leéVeurs regarderont cette obfcr\'ation comme bien fiipcrflue : elle n.
ne manquera pas de leur paroître un hors-d'œuvre fort inutile: elle eft cependant j^s vITns-
très néccffaire, par la raifon que le grand adverfaire des convulfions, l'Auteur de •"^"j'^^'^'™^*
l'Ecrit intitulé Vains-eftorts, emploie toute fon adreffc Se la fubtilitc de fon ef- i,ur en ioi
prix à faire prendre à fon lecteur les mouvcmens furnaturels qui naifient de l'-^ j^'^jont^jn!"
Ç^z. con-
u
Ï24 IDE'E DES MOUVEMENS CONFULSITS.
jreîMaRît»- convulfion , pour des faillies d'impureté, ou du moins à lui faire confondre en-
iiï«"«"''fcmble deux chofes fi différentes. Pour cet effet cet Auteur ne parle jamais des
dtsmouïf- agitations convulfives, qu'en les accompagnant d'épithctes qui préfentcnt àl'imaci-
puit!<. nation les plus fales images ; enlorte qu a en juger par les expreflions, il femblc
d'abord qu'il veuille parler des mouvemcns impurs produits par la concupifcen*
ce. Ce n'eft pas là néanmoins l'objet de fa critique : ce font au contraire toutes
les agitations involontaires des Convulfionnaires , fans en excepter celles dont
Dieu s'ell vifiblcment fervi pour opérer des guérifons miraculeufes, que cet Au-
teur appelle des mouvemens honteux ^ indécens ^ extravagatis : 6c ce lont même
fingulieremcnt les mouvemens convuHîh, qui ont pris d'abord fur le célèbre
tombeau aux malades qui alloient y demander leur guérifon, que cet Auteur
apoftrophe par les qualifications les plus odieufes. C'eft en parlant de ce rcfpcfta-
Psg.tS.r.o ble tombeau qu'il dit: „ C'eft là en effet que les indécences ont commencé. .. .
"• „ Prefque toutes les convulfions du tombeau étoient accompagnées de mouve-
„ mens ou affreux, ou indécens ; mais une telle origine (ajoute t-il) ne les rend ni
j, moins honteux, ni moins condamnables. „
C'eft donc le tombeau même que Dieu a illuftré par tant de prodiges & de mi-
racles, que cet Auteur donne à fes leéteurs pour un théâtre où fatan faifoit com-
mettre par une impreffion fumaturelle des aélions honteufcs, indécentes, extra-
vagantes ? Car il n'cft pas douteux que les mouvemens convulfifs qui prenoient
forcément fur le tombeau, jufquc dans des membres qui depuis long-tems étoient
totalement dénués d'efprits de vie , dans des membres paralitiqucs , difloqués & def-
féchés , ne fuffcnt furnaturels. Ainfi on ne peut les attribuer qu'à Dieu ou au démon.
Quoi donc ? Ofcr rcpréfentev ce tombeau fur lequel le Très - haut avoit établi
un thrône de fcs miféricorJes, 6c dont le fpeftacle édifiant 6c tout brillant de mer-
veilles a converti tant de pécheurs 6c d'incrédules: ofer dis-je, le repréfenter
comme un fpcéiaclc d'infamie, 6c nous peindre les convulfions qui y agitoientles
malades comme des fçenes d'une honteufc obfcénité !^
iDft.pan.au Je laifle à M. de jMontpellicr à répondre à une telle déclamation fi injuricufeau
»4. Anùt Bienheureux que Dieu glorifie. Il y a , difoit cet illuftre Prélat , autant d'impiété que
prl.^n.i'io de folie ^à faire du lieu faint oit repofe \tcorp du Bienheureux M. de Paris le Jié-
' ^ ^"- ge de fatan.
1 1 1. C'eft même en parlant des mouvemens convulfifs qui faififfoicnt les malades dans
Sentiment ^e fanftuaire de bcncdiftion que ce grand Evêque s'écrie. „ Les favans n'étoient-
MonVciiier,, ils pas d'accord avec le peuple pour rcconnoitre qu'une vertu divine préfidoic
^xm^vV » «^^"s ce faint lieu, 6c y opéroit les oeuvres admirables qu'on y voioit?
mcD. con. j, Qiiel eft celui des pécheurs converti au tombeau de M. de Paris qui n'ait dit
jrlf r.ft. n. j) le Seigneur eft vraiment en ce lieu , 6c je ne le favois pas ! En voiant les fourds ,
110. 14c. jj les boiteux, les paralitiqucs agités de convulfions, ils ne difoient pas : ce font des
„ hommes que Dieu livre au démon. . . Mais la multitude^ des guérifons qu'ils
„ voioient arriver à la fuite des convulfions ... les portoit à dire : Que ce lieu cfl
„ terrible! c'eft vraiment la maifon de Dieu 6c laportc ducicl. . . Mais les mê-
„ mes convulfions qui ont été pour les uns une odeur de vie, font devenue»
„ pour les autres une odeur de mort „ dit-il plus bas.
Voici quelques-unes des régies que ce Prélat donne cnfuite pour juger des
mouvemens convulfifs.
V. 117. 4- „ Les premières convulfions, dit-il, qui ont pam de nos jours, ont eu incon-
"'•''• „ teftablcmcnt la même origine que les miracles. Je veux dire le tombeau de M.
„ de Paris & la vertu de ce tombeau.
Indépendamment de l'unité dcprincipc 6v d'origine, les premières conyul-
„ lîoas
IBE'E DES MOVVE MENS CONFULS IFS. iif
„ fions qui n'ctoicntaue de fîmples mouvemensconvulfifs, ont été étroitement
„ & favorablement liées par plus d'un endroit avec les miracles de guérifon,
„ Nées au milieu des miracles & dans le fein mêmedes miracles, ellesontcom-^' '**'
„ mencé dans plufîeurs malades en même-tems que la ^uérifoncommencoit, &
„ cefle au moment même que la guérifon étoit achevée. Laconvulfionfefaifoit
j, uniquement ou principalement lentir dans la partie affligée : & d'ailleurs un
„ grand nombre des plus habiles maîtres de l'art qui avoient étudié ce phénomène
„ avec une application infatigable, reconnoiflent hautement que les convul-
j, fions étoientpour plufieurs unmoien phifique de guérifon. Le moien leur pa-
„ de fe faire obéir par les efprits vitaux. La liaifon de ces convuHîons avec les
„ miracles eft donc une vérité qu'on ne pouvoit alors diffimukr , dont on ne peut
„ conféquemment aujourd'hui renverfer les fondemens , & que tout le monde a-
„ mis & ennemis reconnoiflent encore, à l'exception d'un très-petit nombre d'Ap-
, pellans , qui en jugeoient eux-mêmes prefque tous dans les premiers tems com-
> _ - _
„ me le refte des hommes.
X
n;
émis
C'ell au furplus une chofe bien finguliere que dans le tems que les convulfions iv.
ne confiftoient que dans des agitations violentes qui prenoient fur le tombeau,'^'?"' "'."'
tous ceux qui étoient attachés à la Vérité, & même tous ceux qui n'y étoientpaî'ènnè'in
pas oppofés , regardoient fans héilter ces agitations comme aiant Dieu pour Au- ''^ '"""1"
* ' ,11^- 1 r- 11 • , -^ , r ' „" ont regardé
teur , parce qu elles étaient pour plufieurs malades , un moien pbijique de gue'rifon :<i'i^ord les
ainfi que le déclaroient hautement une multitude de Médecins & de Chirur-oinTu^i^r/s"'
giens : 6c que c'a été feulement depuis qu'on a vu les mouvcmens convulfifs ac-"-"'"^"^^ *=•
compagnes de dons évidemment furnaturels, que MM. les Confultans 6c tous Dieu '''
leurs adhérans ont changé d'avis.
Pour en convaincre le leéteur , je vaisexpofer au grand jour quels ont été les pre-
miers fentimens des deux plus grands adverfaires de l'œuvre des convulfions , de M.
l'Abbé d'Asfcld Se de M. Fouillou. C'eft le faint Evêque de Senez qui en in-
ftruira lui-même le leéteur par fa grande Lettre que j'ai dcja citée au commen-
cement de la L Partie de mes Obïervations.
Il y rapporte qu'à la fin de l'année 173 1 . un célèbre Doétcur en afl'emblachez
lui plufieurs autres, pour conférer enfemble fur l'événement des convulfions qui
devenoit tous les jours plus furprenant.
Voici de quelle façon M. l'Abbé d'Asfeld parla dans cette Afi*cmblée, ainfi
qu'il ell porté drns le Mémoire qu'on en di-cffa pour lors.
„ Dieu, dit-il, fait ici comme un peintre qui commence fon tableau par ^fj- Lettre de m
„ coups de crayon qu'il paraît jctter au Lazard de coté 13 d'autre. Les étourdis croient ^^ pa""
„ que ce n'eft qu''un barbouillage -, les gens fenfés attendent que V ouvrage fait plus
j, avancé : mais les connoifj'enrs découvrent dans ces premiers traits des marques de
jj rhabilcté de V ouvrier , ^ des préjugés de la beauté future du tableau.
„ On peut même dire , continua- 1- il , qu'il y a plus ici.^ ^ qu'on apperçoit dans
5, ce qui fe pajfe des cara^cres qui font reconnaître clairement la main pleine de
5, fageffe qui a préftdé à F ouvrage. Ce font comme des morceaux du grand tableau,
„ qui dans leur genre (^ dans leur enceinte font déjà finis , ou du, moins très voifins
„ de leur perfeUion.
„ Pour mieux foire fentir ce qu'il diil.it, il rem arqua (continue le faint Prc-
5, lat) <\\\' ordinairement dans les guérifons miraculeifes on ne voit pas ^ à parler avec
5> j^^fl^U'^-) t" opération de la main de Dieu. On a vu Vétat d'oii elle a tiré , on voit
Q. 3 „ i'état
ri? TDE'E DES MOUFEMENS CQNFULSIFS.
„ Vctat quelle y fait fuc céder : 7naislc pajfage d'un état à l'autre , efl [ouventSunt
rapidité qui fait que perfonne ne peut dire l'avoir vu , ni par conféqucnt avoir vu
îj
„ le miracle qui confifle proprement dans ce pajfage. Ici ^ difoit avcccomplaifiincc
„ M. l'Abbé d'Asfeld , Dieu fe met pour ainfi dire à fon attelier, y invite les
„ hommes à Je venir voir travailler. On voit fon opération fe développer peu à peu
j, y en détail : ^ ce qu''il y a d'extraordinaire fert à tirer les hommes de leur af-
5, foupijfcment , (^ à les rendre attentifs. On dit : je vais à S. Médard voir Popé-
„ ration de la main toute-puijfante de Dieu; je la verrai pendant deux , trois , qti*-
„ ire , cinq^ ftx heures .^ (^ j'examinerai tout avec une attentionfuivie. On ledit,
5, (j? la chofe s'exécute de point en point comme on Pavoit projette.
,, Le démon a fes théâtres ouverts , oit il donne fes fpeàacles à des jours 6? à
5, des heures marquées à ceux qui le fervent. Dieu veut auffi avoir aujourd'hui par-
5, mi nous un théâtre^ £s? donner à fes enfans un fpeElacle digne de lui. Ce n'ejl point
„ à des jours {jf à des heures réglées : c'ejl chaque jour ^ à toute heure. En al-
,, lant à S. Alédard, on efl aJJ'uré au inoment qiCony arrive (Py voir la main de
„ Dieu agir fenfiblement ^ opérer des merveilles ^ les variera l'infini.
„ prifc de la nouveauté? Non: il eil évident que c'efl: rcxprcflîon naturelle d'un
„ coeur tranfportc de joie à la vue des merveilles dont on a été témoin ; c'eft
„ le tribut de louange qu'une vive rcconnoifTance fe hâte de paiera une bonté
„ toutc-puiflante qui vient fe manifefterj c'clHe témoignage plein de candeur ,
„ d'une ame qui d'elle-même 5c fans nul effort fe livrcà une juile admiration.
„ D'où pourroit procéder en cflct ce témoignage que d'un goût naturel du
5, vrai, qui a C.vfi fon objet , 6c qui n'a point encore été altéré par la ccntra-
„ diélion? D'où pourroit- il venir que d'une lumière pure, qui cil préfente, &:
„ qui n'a point encore été ofFufquée par le^ nuage des niifonnemcns &: des fi-
„ ftémcs humains? Or fur quoi porte ce témoignage? C'eft lans doute fur les
„ miracles, mais beaucoup plus fur les convulfions. „
J'ai fans doute fait plaifirau leéteur de lui copier après le témoignage de M.
d'Asfeld, celui que rend tout de fuite le très fiint Evéque de Scne?, par rapport
aux convulfions du tombeau. Qii'il me foit préfentcmcnt }icrmisde faire quel-
ques réflexions fur la première imprcdion que les convuUIons ont faites à M.
l'Abbé d'Asfeld, Se fur le jugement qu'il en d'abord porte.
Il les appelle l'opération de la -main toufe-puiffante de Dieu . . . un fpeHach digne
de lui qu'il donne à fes enfans. Il dit qu'on y voit la main de Dieu agir fenflle-
tnent , opérer des merveilles (3 li:^ varier à l'infini.^
Par rapport aux fpeélateurs il donne la préférence aux guérifons miraculcu-
fes produites par dégrés 6c d'une manière lucccfiivc par les convulfions comme
moien phifique, fur les autres miracles que Dieu a fait tout d'un coup: par-
ce que dans les guérifons fubites P opération de la mai,i de Dieu efl^ fouvcnt d'une
trop grande rapidité, pour être vifiblc j au lieu que dans les guérifons opéréej
parles mouvemens de convulfions, il invite les hommes à le venir voir travail-
ler. 6c qu'en effet on y voit fon opération fe développer peu à peu.
Mais comment un audi grand génie que M. l'Abbé d'Asfeld, après avoir
connu & fi fort admiré l'aélion de Dieu d;ms les convulfions, a-t-il pu p.idcr
tout d'un coup du blanc au noir?
Feu
IBE'E DES MOUVEMENS CONFULSIFS. 127
Feu M. Fouiilou a été le premier mobile d'un changement (î lurprenant. J'en
rapporterai l'hiftoire tout nu long : mais avant que de le faire, il faut que je com-
mence par établir quel avoit d'abord été le fentiment de M. Fouiilou. C cil
encore le ftint Evêque de Senez qui nous en foin-nira la preuve par les Extraits
des L/Cttres de ce Dofteur qu'il rapporte dans la ficnne.
Voici d'abord l'idée générale que M. Fouiilou donne des convulfions dans une
kttre du 4. Novembre 173 1. écrite, ainfi que la plupart des iuivantes, à M.
Pctitpàed retiré pour lors en Hollande.
„ Je n'entreprendrai point (dit-il) de vous foire le détail de tous les miracles^^TeJ^M
j, nouveaiLX. C'ell une continuation de guérifons de tous les maux qu'on peut^'^xo''" '^
„ imaginer de paralitiques , d'hidropiques, de^ boiteux, d'ellropiés, de'^î'-'
3, fourds & muets ... tous avec de grandes convulfions. „
Voilà donc les convulfions qui de fon aveu font liées à une multitude de mi-
racles : auffi dans le fui-plus de cette lettre les appellc-t-il conjointement avec les
miracles les œirjycs dn Seigneur.
Mais voici dans une autre de fes lettres , une preuve invincible que les convulfions
font produites par une opération fumaturelle de Dieu. Il y obferve que/fjiV//-f.e'tce jj
dedns (^ Chirurgiens font obligés de convenir . . . que par les rnouvemens convulJifs'^<^'^^'i-'7'
ks efprits font pouffes dans des nerfs qui n'avoient aucune lie. °^' ''^^"
En effet on a vu les membres deflechés de plufieurs paralitiques & d'eflro-
piés, s'agiter avec une violence extrême dès qu'ils étoient fur le tombeau. Or
des nerfs defiechcs & privés de vie ne peuvent jamais être rétablis dans leurpre-
mia- état, 6c devenir une ieconde fois propres à former des rnouvemens , que
par un miracle que Dieu ieul peut foire.
Des nerfs privés de vie ont perdu les mer\'eilleufes qualités qui les rendent
capables de produire toutes les différentes ienlations du corps. Lorfqus de pa-
reilles qualités font détruites , quel autre que le créateur peut les faire naître de
iTouveau ^
Des nerfs defféchés ne font plus que des filets fans organes: ils n'ont plus les
refîbrts par le moyen defquels les efprits animaux opèrent leurs admirables
effets : ils n'ont plus même les conduits, par où ces efprits coulent depuis le cer-
veau jufqu'aux extrémités des membres. Qiiel autre que le maître de la nature-
auroit le pouvoir de donner un nouvel être à tous les différcns relforts des nerfs ,
qui font nécefiaires pour la diverfité des opérations des efprits ? Qiiel autre que
lui pouvoir trouver le moyen de creufcr de nouveau dans toutes les branches
d'une multitude de nerfs dcfTéchcs, le nombre innombrable de petits pafîagcs
dont les efprits animaux ont beioin pour remuer les nerfs en tous les fens .^
S'il a fallu que Dieu fît plufieurs opérations manifeftement furnaturclles, pour
rendre capables de mouvement des nerfs arides & privés de vie , les agitation^
convulfives de ces nerfs ne peuvent donc venir qnc de lui.
Auffi M. Fouiilou ajoute-t-il dans la même lettre, qu'il en fut alors parlé à
la Faculté de Médecine , & que plufieurs Médecins dirent qu'ils et oient prêts d'at-
tefîer que ces rnouvemens co;rculfifs s'opéraient d'une manière fumaturelle..
Il obferve encore à la fin de la même lettre, que depuis un tcms les convul-
fions ont toujours précédé les guérifons i3 en font comme des gages. Et fur tout cela-
il fait cette judicieule- réflexion, que f aveuglement- des Sulpiciens fur ces miracles
fait peur.
Voici préfentement des aveux de fix part que Dieu emploie les convulfions a
guérir les âmes comme les corps.
Dans une lettre du i<5. Septembre 175 1. il dit que cz qui eff plus confolattt ^
iiS IDE'E DES MOUFEMENS CONFULSIFS.
^^fi%Y. '■^fi «/«''V paraît que Dieu 7i"agit pas moins fur Va-ûic que fur le corps.
Dans une autre du 9. Décembre: Il y a, dit-il, un Cbei-alier Folltird ancien
rVc"/"?'*^-^^'" ' '^"' ^ '^^ ^ ^' ^^^^^^^' '^ ^ ^^^ convulftons comme les autres ... il trouve
"' ^''^''du fo:iIagemcnt dans fa fur dite 13 dans des plaies mal fermées. Mais ce qui eft bien
fhts ffimable^ ccfl que n'aiant jamais eu de Religion, il eft très touché de Dieu.
Dnns une troifiémc du 30. du même mois, voici ce qu'il ajoute en parlant
Lrttr.^du îo.cncore du Chevalier Follard : „ 11 entend aifémcnt , quoiqu'auparavant il fut fî
■ „ fourd qu'il fliUoit lui crier aux oreilles pour lui faire entendre quelque chofc.
X/I„:„ 1 l 1 _.; 1- r^'n '. t ■ . .- ^ ^
„ Mais le plus grand miracle C'eft que cet homme, qui de l'on propre aveu a
immi" " ^^^ 'durant 3f . ans à chercher une Religion qui fût de fon gou: , paroit très
obi!" 65. îî touché de Dieu. „
Ainfi les convulfions ne font donc pas feulement un moicn pliifique, par le-
quel Dieu opère quantité de guéiilbns miracuk-ufcs: mais il lui a plû de les
rendre encore un canal de fuictification à l'égard de pluficurs perfonncs , Se il
cil vifible que c'eft leur principale deftination par rapport aux ConvuHionnaires.
Enfin ce Théologien , ce Doclcur, fournit lui-même des preuves manifelles
que les convuliionsnc peuvent pas être attribuées à l'imagination &: à la fourberie.
L«r. des 19. Dans deux lettres des 19. 6c 13. Décembre il rapporte que des enfans qu'on
17'!!°"" ^'^°'' *".'s f"'" îc tombeau, y avoicnt cû des convulfions : d'oii il tire lui-même
la conféqucncc c\u il eft impojfible d'attribuer de telles convulfions à la force de
rimngination ou à la violence des pafftons.
Dans une autre du f . Janvier 1751. il dit qu'o» ne peut foupçonner les Conrul-
^'ïyjïDï'^^"'^^" ''-^ de la moindre impofture , puifque ceux qui ont eu des convulftons ont été
I7Î1. guéris ou font en train de Vétre: Et dans une autre du vj. du même mois il s'é-
crie : Comment ne pas regarder comme miraculeufes ^ furnaturelles les convulfions
qui ont été accompagnées ou fuivics d'une guéri fon qui paraît être au deffus des for'
ces de la nature.
Terminons ces Extraits par celui d'une lettre du 11. Février, où M. Fouil-
lou fait une réflexion qui nous apprend que Dieu lui avoit fait appercevoir
juiqu'à certain point le plan fui\'ant lequel il a formé l'œuvre des convulfions.
p'"rier" "" " J*^ regarde , dit-il , comme très convenable aux circonftances préfentes , où il
'731' îî y a des hommes fi rebelles à la Vérité qu'ils méritent d'être aveuglés, que
„ s'il plaît à Dieu de fortir de fon fccret, ce foit par des figncs qui étant fuffifans pour
„ confolcr 6c fortifier fcs ferviteurs , 6c même pour éclairer ceux qui ont de
„ la droiture 6c de la fincérité, ne le font pas à l'égard de ceux quilahaïnent. „
Mais comment de fi grandes lumières qui avoient d'abord éclairé ceDoârcur,
ont-elles pu fe convertir en ténèbres.''
Voici ce qui paroît en avoir été Toccafion, S<: pour ainfi dire la première cau(c.
Il eft connu de tout le public, que dès 1752,. dans le tems des premiers dif-
cours , on entendit tout à coup une multitude de Convulfionnaircs prédire de
tous côtés : que Dieu alloit faire un difcerncmcnt parmi les Dotlcurs Appel-
lans: qu'ils fe croioient la plupart néceffaires pour ladcfenfc de fa caufe : qu'ils
s'applaudiiïbicnt de leurs écrits 6c de leur talcns , &z qu'ils regardoient les lu-
mières dont il les avoit gratifiés , comme fi elles étoicnt des fruits de leur pro-
pre fond : qu'il alloit difcontinuer pendant quelque tcms de leur en donner de
jicuvcllcs , 6c que pour faire connoîtrc à toute la terre qu'il n'avoit aucun be-
foin d'eux , 6c qu'entre fcs mains tout inftrument étoit égal, il ramafleroit dans
la poufiiere, dans l'ordure, dans les ténèbres , ceux dont il vouloit le fei"virpour
annoncer la venue du Prophète qui doit rétablir toutes choies, pour prédire les
autres grands èvcncmciu qui alloient arriver, 6c pour exhorter les fidèles à s'y
préparer
IDE'E DES MOUrEMENS CONFULSIFS rip
préparer par la prière & la pénitence : que Dieu n'éclairant plus ces Dofteurs
par de nouvelles lumières, ils fe trompcroient dans le jugement qu'il porteroienc
de fes œuvres : que la honte de reculer leur feroit enfuite tout ofer pour fou-
tenir leurs déciuons , & qu'en conféqucnce ils deviendroient les contradi6teurs
de fes plus merveilleux prodiges , 6c les cenfeurs des inftrumens qu'il emploieroir.
Ils ajoutèrent, qu'il y avoit même pluficurs d'entre les Dofteurs qui n'étoient
attachés qu'au brillant de la Vérité : qu'ils s'étoient volontiers réjouis à fa lu-
mière, mais qu'ils l'abandonneroient dès qu'ils la vcrroient fe couvrir d'un voile
& tomber dans le mépris : qu'ils l'avoient fuivie avec joie quand l'éclat de fes
premiers miracles lui attiroit la vénération du public , mais qu'aufli-tôt qu'elle
feroit l'objet des infultes 6c des railleries d'Herode 6c de toute fa Cour ils fe ran-
geroient eux-mêmes du côté des mocqueurs : qu'ils fe porteroient enfuite jufqu'à
fe rendre les perfécuteurs des trompettes de la Vérité , & à les décrier par tou-
tes fortes de faufTcs imputations.
Il y eut quelques Doéteurs 6c quelque Théologiens célèbres qui profitèrent
humblement de ces avertiHcmcns , 6c qui , fuivant le confeil desConvulfonnai-
res, eurent recours à la prière 6c à la pénitence pour détourner de deflus leurs
têtes ces flots de la jullicc de Dieu, 6c pour obtenir de fa miféricorde d'c'trc
de ces enfans de la grâce qui fuivroient la Vérité avec une conllance inébran-
lable dans les plus grandes humiliations.
De ce nombre fut entre autres M. Poncet. C'eft un témoignage que je lui
rends avec joie, quoique fon changement de fentiment par rapport aux grands
fecours l'ait fait devenir un des plus ardens contradiéteurs de mon fécond To-
me. Un de fes amis m'écrit qu'il lui a dit plufieurs fois que les reproches des
Convulftonnaires l'avoient fort irrité d'abord, mais qu'y aiant réfléchi il avoit trou-
l'é qu'on y avoit donné lieu, y qas ce ne pouvoit être que Dieu qui fit donner de
tels averti Ifcmens. Car, difoit-il, de ces Convulfionnaires , ki uns ne nous connoif-
fent pas , les autres nous refpe^ent trop pour nous parler d'eux-mêmes comme ils nous
parlent. Ce ne peut pas être le démon qui les infpire : il n'y a que Dieu qui puiffe nous
exhorter à Phumilité , à la pénitence, à la prière . Ce mêmelThéologien afouventafTu-
ré que ces reproches qui avaient éloigné nombre de gens des convulfions^Vy avoient attaché.
Le parti que prirent au contraire la plupart des Doétcurs qui fe font depuis
donné le nom de Diicernans , futdeméprifercesavertifTemens&cesprédiétions,
fans cependant cefl'er alors d'être encore attachés à l'œuvre des convulfions.
Mais ils jugèrent, en fe conduifant par les lumières de leur dilcernement , que
les Convulfionnaires n'aiant ni caraètère ni autorité, leurs remontrances ne mè-
ritoicnt pas qu'on y fît attention : d'autant plus que la prédiètion qu'ils joi-
gnoient à leurs exhortations, que plufieurs célèbres Docteurs alloient bientôt fe join-
dre contre eux aux ennemis de la Vérité , devenir eux-mêmes leurs accufateurs , les
noircir par des calomnies, (^ attribuer l'œuvre des convulfions au démon , étoit
manifeftement fauffe.
En effet rien ne paroiiïbit alors plus contraire à la vi aifemblance , que d'ima-
giner que des Doèteurs qui avoient foutenu l'Appel avec tant de courage 6c qui
publioient les miracles avec tant de zèle, fe rendroient dans peu les contra-
dièteurs d'une œuvre née fur le tombeau de l'illullre Appellant pour qui ils
avoient une vénération Anguliére , d'une œuvre unie intimement 6c de toutes
façons aux miracles, d'une œuvre qui avoit d'abord excité leur admiration 6c
leur reconnoiffimce envers Dieu, enfin d'une œuvre dont le caraètère fingulier
étoit de lier à l'Appel 6c d'attacher à toutes les Vérités défendues par les Ap-
pelons tous ceux fur qui elle répandoit fes influences. Cependant l'événement
Obfiervat, JII. Part. J'orne II. R. n'a
ip IDL'E DES MOUFEMENS CONFULSIFS.
n'a que trop juftifié que cette prcdidion ctoit d'une parfaite exaftitudc.
A peine fut-elle répandue de toutes parts, que nombre de Doftcurs s'em-
prefTerent de l'accomplir. Loin d'ctre touchés des avcrtilTcmcns & des" mena-
ces des Convulfionnaircs , ils s'irritèrent contre eux , ils ne voulurent plus rc-
connoîtrc que Dieu ctoit l'Auteur de leurs convulfions , ils formèrent la rcfo-
lution de réprimer par tous moicns les exhortations piquantes qu'ils avoierit la
hardicfTc de leur faire.
Il convient bien (difolent quelques-uns d'entre eux) à de petites créatures,
à des filles fans éducation, fans elprit , fans intelligence Se prcfque fans con-
noiOance de la Religion, de vouloir faire la leçon aux plus habiles Dofteurs.
Il leur ficd bien de prétendre ainfi pénétrer jufquc dans le fond de nos coeurs,
& de découvrir à tout le public les jugemens téméraires qu'elles forment de nos
fentimens les plus fecrets. Cette licence effrénée eft une preuve manifcfte que
les convulfions ne viennent pas d'un bon principe. N'eft-il pas de la dernière
évidence que ce ne peut-être que latan qui leur infpire de tels difcours, puif-
que ces difcours ne font propres qu'à faire perdre au peuple fidèle la confiance
qu'il a en nous ? yf de tels caraBcres on tCefl plus excufable de prendre ■part aune telle
œuvre viftbkmetit réprouvée de Dieu.
Néanmoins la liaifon manifelle des convulfions avec les miracles, & le fur-
naturel évident de ces difcours remplis de traits magnifiques , &c prononcés
journellement la plupart par de petites filles qui en étoicnt abfolument incapa-
bles, cmbarralTercnt ces Mcflieurs. Auffi fe partagerent-ilsendeux claflcs. Quel-
ques-uns fe portèrent jufqu'à cet excès d'attribuer tout le merveilleux des con-
vulfions, fans s'cmbarrafler des miracles, à un agent tout à fait dijîingné de
Dieu. Les autres confcrvant du refpcét pour les miracles, même pour ceux
opérés par convulfion 8c par le minillère des Convulfionnaircs, s'aviferent de
l'expédient de féparcr les miracles d'avec les convulfions, malgré leur intime
liaifon: de donner les miracles à Dicuj 6c de foutenir que tout le furplusdcce
qui paroiflbit furprenant dans les convulfions, n'étoit que l'effet naturel d'une
maladie extraordinaire , ou le jeu d'une imagination extrêmement échauffée.
Ce fut ce dernier fyftême qu'embrafla M. Fouillou, ainfi qu'il paroit par
fon Ecrit intitulé : Obfervations fur l'origine Ci? le progris des Convulfions : ou-
vrage qu'il compofa dans le courant de l'année 1751. après les lettres dont j'ai
donné les extraits.
Cet Ecrit ne fit pas fortune. Auflî eil-cc une chofc très finguliére, qu'il y
rend compte de quantité de faits qui prouvent invinciblement tout le contraire
de la propofition qu'il a dcffcin d'établir, & qu'il fe fuit à lui-même des ob-
jections qu'il ne lui ell pas pofliblc de retondre : en forte qu'un lecteur judicieux
qui lit fcs Obfervations avec attention , demeure perfuadé de la tbèt'c diamé-
tralement oppoféc à celle que ce Doéteur fouticnt.
Pour en convaincre mon Icfteur, je n'ai bcfoin que de lui en rapporter un
extrait, que je trouve dans la lettre du f.iint Evêquc de Scncz.
cbffrv. fcr „ C'cft unc pcnféc (dit M. Fouillou) dans laquelle on cil: entré dans lecom-
if, o.i.iuT.^^ mcncement des convulfions que des mouvemcns fi extraordinaires, fi varies,
* )> fi inouis , & qui fe faifoient fcntir principalement dans les parties malades
„ ( fufrcnt-clles entièrement dcfféchées) étoient furnaturcllcs daiis leur principe.
,, 11 étoit évident qu'ils n'étoicnt pas feints. . . On n'a pu féricufcment Icsre-
„ garder de la forte, & il ne fallo-it que venir au cimcticrrc de S. Mèdard
„ pour fc defabufcr. . . |c n'avois, comme tout le monde, que de l'indignation
„ contre les faifcurs dc'libclles qui vouloicnt faire croire à tout Paris que ce qu'il
„ voyoit
IDÉE DES MOVrÈM'Èï^i ^bJ^PVLSÎFS. 131
„ voyoit de fes propres yeux à S. Médard n etoit que jeu & fourberie ...
„ Or il fuffifoit prefque à la plupart (ajoute plus bas M. FouiUou) dëtre afluré que
„ lés convLiliions n'étoient point des fourberies , pour fuppofer qu'elles étoient fur-
^ naturelles. Des perfonnes éclairées & qui font fort attentives à ce qui fe palîc danj
„ lEglife, s'en étant formé cette idée , il étoit fort naturel qu'elles n'en demeuras-
^, fent pas là , & que regardant les convulilons conune niiraculeufcs , elles les re-
„ gardalTent en même tems comme des effets myftérieux par lefquels Dieu fîgni-
^ toit des chofès importantes & convenables à l'état préfent de l'Eglife -, . . J'a-
„ voue que dans ces commencemens je fuivis afïèz le torrent. Ce que j'entendois
^ dire de men-eilleux de ces mouvemens qui avoient tous les jours grand nombre
„ de Médecins & de Chirurgiens pour témoins & obfervateurs, & encore plus ce
„ qu'on diibit des effets qu'ils produiibient , me mettoit dans une fituation où je
„ me lailTois aller fans peine à porter le même jugement que prefque tout le mon-
„ de en portoit. Les Chirurgiens les plus habiles étoient diuis l'admiration à la vue
j, de ces mouvemens extraordinaires : ils y trouvoient une proportion merveilleulè
„ avec le rétabliiTèment des parties malades : les régies de l'art leur y paroilToient
^ parfaitement obfervées; & il étoit ordinaire de leur eiuendre dire que s'ils étoient
„ les maîtres de diriger le cours des efprits & de produire de pareils mouvemens,
y, ils ne procederoienc point d'une autre manière. Ce jugement des Maîtres de
„ l'ait devint le jugement commua U pafTa pour confiant que c'étoit Dieu qui
„ agillbit d'une manière particulière dans ces opérations 11 fuiprenantes & fi mer-
„ veilleufes. C'étoit en fuivant cette imprelfion générale qu'un Auteur renommé di-
„ foit: Dieu n'opère la plupart des guérifons que que par degrés: il fuit l'ordre
j, de la nature [urnaturellement. Il agit comme ferait u?t habile Chirurgien
,, qui, s'il étoit affez, puifjant pour cela , donnerait un nouveau cours au fang,
„ ferait couler infenfiblement les efprits animaux dans les nerfs qui étoient
„ morts ér fdfis mouvement : de lÀ ces grandes douleurs & ces violentes con^^
„ vulfwns.
„ Ce qui a fait entrer communément dans la penfée que les convulfions étoient
„ fumaturelles (dit encore M. Fouillou) & ce qui y affènnit encore aujourd'hui,
„ c'eft que l'on a vu qu'elles étoient jointes à des guèrilbns que l'on ne croyoit
„ pas pouvoir douter qu'elles ne fulfent miraculeufes . . . Voilà la grande preuve
„ fur laquelle des perfonnes de mérite , qui en ont entraîné bien d'autres , ont ju-
„ gé que les convuliions étoient furnartirelles & en ont parlé en ces termes. On
^ a vu d'un côté des guérifons miraculeufes, de l'autre des convuliions .... Le
„ miraculeux des guèrilbns a tellement faili les efprits que fans réfléchir davantage ,
y, on l'a attaché à des convuliions dont tout ce qu'on en favoit c'eft qu'elles s'é-
„ toiait rencontrées dans des perfonnes fur lefquelles il avoit plû à Dieu de ligna-
„ 1er là puiflànce en les guériilànt.
„ Ce qui a auffi contribué beaucoup à faire regarder les convulfions comme
„ fumaturelles , & ce qui en effet devoit faire une grande imprefïion , c'étoit de
„ voir des effets des plus étonnans, dont il ne pai'oillbit pas qu'on pût affigner au-
„ cune caufe naturelle. Les mouvemens , les agitarions violentes' de toute d]Tèce
„ qu'on voyoit dans les malades , dans des enfans même allez jeunes , mou\-emens
„ qiù duroient autant de tems qu'ils étoient fur la Tombe , & qui celToient lors-
„ qu'on les en retiroit, palFoient toute imagination; & l'on fe fentoit comme forcé
„ de recourir à Dieu , comme à la caufe immédiate d'effets fi linguliers & li inouïs ,
„ & dont on cherchoit inutilement des exemples."
Après de telles preuves que M Fouillou rapporte lui-même , & auxquelles il ne
répond point , comment a-t-il pu douter du fumaturel des convuliions > Mais dans
R 2 quel-
i;i IDE'E DES MOUVEMENS CONFULSIFS.
quelles ténèbres notre efprit ne tombc-t-il pas , ô mon Dieu , dès que vous celTèz t'e
l'éclairer !
D.ms le tcms que ce Théologien achevoitde compolcr fon Ecrit, il lui \Tnt en penfée
qu'un des meilleurs moyens de l'accréditer étoit d'engager M. l'Abbé d'Asfcld dans
(on fcntiment. Il l'invita pour cet eHèt à un grand dîner , où il lui repréfenta vive«
ment que ks Convulfionnaircs féduits par leur imagination ne cefïïient de décrier '
par leurs dilcours les Docleurs les plus refpedables. Il pofa pour principe que ces
Dodeurs étant les foutiens de la Vérité & les colomnes de rApi:)el , il étoit du bien
de l'Eglifè de leur confèrver l'ertime & la vénération publiques ; & que pour cela il ne
reftoit d'autre parti que de ruiner abfolument la conliance que bien des gens commen-»
çoient à prendre dans les dilcours des Convulfionnaires.
Il lui Ht une telle imprelFion par la véhémence de fes paroles , que depuis ce mo^
ment M d'Asfeld changea entièrement fur l'œuvTe des ConvuUions , 8c que dans les
Conférences que plulieurs Théologiens tinrent {X)ur examiner ce qu'il falloit penfer de
cette œuvre, il ne cclTà point de déclamer contre les Convullionnaires. Un jour en-
tr'autres il fit un violent dilcours , où il prétendit que cette œuvre admirable n'étoit
qu'impureté , meurtre dr menfonge : 8c il termina fa déclamation , par cette phrafe
qui fe répandit aulfitot dans tout Paris , qui/ falloit faire rentrer cette canaille (de9
Convullionnaires) dans la pouijtére doit, elle étoit [ortie.
Ces dernières paroles ont été bien rélevées dans plufieurs beaux difcours de Con^
vullionnaires , non [xjur s'en plaindre ou pour y ré|X)ndre , mais ils s'en font (oyis
pour fc mettre encore plus bas que ce grand homme ne les rabaiiroit. . .'| ^■
Je ne rapporterai point ici la Lettre de M. Petltpied du i f. Janvier 1752. je tntf
contenterai do citer feulement ce qu'en dit le Bienheureux E\-cque de Scnez dans Ll
fienne. •
Lf t«. Je M. „ Perfonne n'ignore (dit ce fùnt Prélat) que ce célèbre Dofleur a depuis change
de Scr.cî. j. ^ jg fentiincnt & retradé publiquement fa Lettre : mais en la retraitant il n'a \K)\^t
^""' „ détruit les folides raifons fur lefquelles il avoit fonné fon premier jugement , & cc'S
„ raifons conlerveront à jamais la lumière & la force qui leur font propres indèpen-
„ damment de fon approbation .... "
„I1 s'agit ici (ajoute plus bas M. de Senez) deflfitsqui (è font palTés à la plus grande
„ kuïiièro, qui ont été vus tous les jours j-cndant fix mois entiers, qui ont eii des
„ milliers de Témoins, 8c qui ont été examiiiés par les yeux les plus )X;rçans. Or on
^ comprend alfez que des tiiiis qui font de\'enus l'objet de la contradicdon des Puis-
^ fances , ont pu être obfcurcis 8c perdre leur notoriété par l'intérêt qu'on a eu de les
y, taire ou de les déguiler. Mais (cela ne peut détruire) les preuves de la vive 8c prcf-
^ fonde imprdfion que lit fur toute forte d'cfprits la vue de cet étonnant (peclada
• Mais helas ! cette prarùére miprclTion fut bientôt prcfque ertàcée par des impres^
fions contraires , dans le cœur de bien des gens. Combien y en eut-il à qui la
crainte d'encourir quelque difgrace, tir changer de fenrimcnt par rapix)rt aux con-
vulllons, d^s qu'ils virent qu'elles étoient devenu l'objet principal de la haine, des
mépris affectés oc de la ixjfècution des grands de la teiTe ?
V. Pendant plus de fix mois l'autorité des Puilfanccs demeura dans l'inadion par
E»enenicnj rapport u'xx convullioas : cet admirable Phéaomei;e leur caulli d'abord une furprilè
qui ont en- '•',,•■11 '
gjje bien qui les Tendit comme munobiles.
chlf'eTfur E^ ^'^f^ ^'^ P^"s grands ennemis de la Vérité étoient-ils piqués jufôu'au vif,
ie^Mmiui- ^e ce que Dieu ne ccllbit point de fiiirc fur le Tombeau de M. de Paris "u[ie
**""• multitude de miracles par l'impétuolité convulfive des efprits animaux, qui fous
les yeux de tout le monde opéroient ces guènfons miraculeui'es : en vaui leur
fureur xed jubloit-cUe en voyant que ce fi^ecUcic attiroit tous les jours un plus
grand
i
IDE'E DES MOUFEMENS CONFULSIFS. ijj
rand nombre de perfonnes de toute condition, qui venoicnt admirer une cho-
e fi extraordinaire : en vain les plus zélés Conllitutionnaircs étoient-ils outrés
de dépit de voir leur chère Bulle flétrie jourrcDcment lur la tonr.bc d'un Ap-
pellent par des merveilles fans nombre, qui découvroient à tout le public que
Dieu profcrivoit cette Conftitution fatale: ils avoient beau en frémir de rage,
quel moien de pouvoir arrêter les opérations du Tout-pui0ant ? Ils fe flattèrent
néanmoins à la fin d'y réuflir par une voie que leur infpira le perc du menfonge.
Ils noircirent l'œuvre de Dieu , & à force de faux expofés ils engagèrent l'au-
torité fouveraine à faire fermer le cimetière où rcpofe le faint Diacre, 6c à faire
mettre plufieurs Convulfionnaires à la Bailille. Vains-efForts ! Des qu'on com-
mença à perfécijtcr les Convulfionnaires, les convulfions fe multiplièrent plus
que jamais: elles privent de tous côtés à un grand nombre de perfonnes qui n'a-
voient point de maladie: 8c Dieu les accompagna de différens dons, & les il-
luflra par quantité de prodiges.
Ce fut alors qu'il ouvrit la bouche à une multitude d'enfans , & de perfonnes Am-
ples 6c ignorantes; 6c qu'il leur fit faire journellement des difcours d'une gran-
de beauté.
Il leur fit développer le poifon renfermé dans la Bulle , déplorer les maux de
l'Eglife , annoncer que fa jeunefle feroit bien-tôt rénouvellée comme celle de l'ai-
gle, par la venue du prophète Elie : mais qu'avant ce tems les enfans delà Vé-
rité feroicnt perfécutes à toute outrance, 6c même que plufieurs Appellans re-
nommés fe joindroient aux adverfaircs de l'Appel pour décrier l'œuvre des con-
vulfions 6c couvrir d'opprobres les Convulfionnaires. Enfin il leur fit déclarer
que le tems de la réprobation de la plus grande partie de la Gentilité appro-
choit, 6c que tous ceux qui demcureroicnt attachés à la Conftitution éprouve-
roient de terribles effets de la colère de Dieu.
Toute lafureur des Conftitutionraires fe tourna pour lors contre ces foiblesin-
ftrumens , devenus forcément des trompetes retentifiantes de la Vérité : il ne fut
plus défendu d'être Appellant, pourvu qu'on fe prêtât à deshonorer les convulfions.
Toute la politique des partifms de la Bulle s'emploia à faire méprifer les Convul-
fionnaires par tout le public , 6c à les faire tomber dans le dernier décri : 6c le prin-
ce de l'abime ne manqua p sde féconder leurs projets par toutes fortes d'artifices.
Mais ce qui devr.it nous faire verfer des larmes de fang, quelques Appellans
diftingués joignirent peu après leurs voix à celles des plus ardens Conftitutionnai-
res , 6c ne témoignèrent pas moins de zèle à flétrir les convulfions qu'en avoient les
ennemis les plus déclarés de l'Appel.
Les uns ôc les autres niant cherché quelque moien de décrier généralement tou-
tes les convulfions fins aucune exception .n'en trouvèrent point de meilleur que de
repréfenterlesmouvcmensconvulfifs, quoiqu'ils euficnt été d'abord des inftrumens
de miracle, comme la chofe du monde la plus honteufe, la- plus immodefte 6c
la plus condamnable.
L'Auteur des Vains-efForts a même été jufqu'à cet excès defuppoferqueceux
qui ont de pareilles agitations, font plus indign.^s d'être les inftrumens de Dieu,
que le plus criminel des déicides. On avoir o'^-jecté que c'étoit en vain qu'on faifoit
tant d'efîorts pour déshonorer les Convulfionnaires, puifquc quand même tout ce
qu'on leur rcprochoit feroit conforme à latérite , cela ne décideroit point encore
que Dieu ne pourroit p.is s'en fervir pour annonc r d'importantes vérités : on
avoit obfervéquel'Efprir fùnt a déclaré lui-même qu'il fouffle où il veut. Ff pour
prouver qu'il parle quelquefois par la bouche d?s perfonnes les plus criminelles,
on avoit cité qu'il efi dit dans l'Evant^'U" que Qi\-çh.Q prophétifa parles pn-olcs
R 3 même»
154 IDEE DES MOUFEMENS CONFULSIFS.
mcmes par Icfauellcsil voulut pcrfuadcrau confeil dcsjuifs qu'ilfalloit fairemcm-
lir Jcfus-Chrilt , & qu'ainfi en proférant ccs^parolcs il avoit , maigre la noiceur dc-
tellable de fon intention, fervi d'organe au S. Efprit. C«}//;f, repond froidement
Pijf I5. l'Auteur des Vains efforts, n'avait point de convulfions fon corps n^ et oit point
agité par des cont or fions indécentes,
Ainfi fuivant cet Auteur , les agitations convulfives font un état qui rend les per-
fonncs qui les éprouvent , plus indignes & plus incapables de recevoir rimprcffion
de l'Efprit faint , que le crime de vouloir par envie faire crucifier le fils de Dieu!
Lorfque la pafTion aveugle à un tel excès, elle devient une efficace d'erreur qui
fait voir les chofes tout différemment de ce qu'elles font.
Il faut néanmoins convenir que les agitations convulfives ont quelque chofc de
fort choquant: mais c'eft un principe Manichéen de prétendre que tout ce qui
choque les fens efl indigne de Dieu. Qiiclqucs dcfagreablcsque ces mouvemens
furnaturcls nous paroiflcnt , cela n'empêche point que Dieu ne puifle en être
l'Auteur dans l'ordre merveilleux : d'autant plus qu'ils peuvent être unfimbo-
le , 6c pour ainfi dire un voile dont fc couvre la Vérité , qui veut peut-être par
ce moien réduire fcs enfans à une grande humiliation, & fe faire méconnoîtrc
& méprifer elle-même de ceux qui veulent juger des chofes de Dieu par la
prudence de la chair & en décider fuivant le goût de leur orgueil.
La multitude de prodiges qui accompagne les convulfions , donne tout lieu
de croire qu'elles ont un objet confidcrable dans le plan de Dieu. Qui fait fi
les Convulfionnaires ne font point, ainfi qu'ils le difent, les avant- coureurs du
Prophète que Dieu a promis d'cnvoicr rétablir toutes chofes. Si ce grand évé-
nement arrive , malheur à ceux qui fe feront endurcis dans un funeftc préjugé ,
par le mépris qu'ils auront fait des inftrumens par qui il le fait annoncer: heu-
reux au contraire ceux qui auront pénétré dans ce myftere des humiliations de
la Vérité, £c qui lui feront demeurés fidèles aux dépens de tout !
Il eft vrai que l'extérieur de convulfions ne montre fouvent que des mouve-
mens dcfigréablcs, des agitations choquantes, & de violentes douleurs : mais ce
n'cll point par ce dehors qui ne frappe que les fens, c'eil par des caraétcrcs^C
des circonllances capables d'éclairer l'cfprit, qu'on en doit ju^er.
y- La régie que les Pères nous ont donnée pourdifcerncr quel elt le principe des
«iir«mtr"kchofes furnaturellesdans Icfquellcs il y a quelquefois de grandes obfcuricés, c'eft
p^"'^''P»^^"d'examiner quelle en a été l'origine , quel effets elles ont produits, 8c defedéter-
tureit qui mincrpar ce qui cil: clair, fans prétendre pouvoirpénétrcr tout ce qu'on y trouve
°';V'|'''"'''^d'obicur, écarter tous les nuages Se lever toutes les difficultés. Or la première
origine des mouvemens convulfifscll toute faintc: ilsfontnés fur un fombeau où
Dieu par d'éclatans bienfaits rendoit lapréfencc fenfible. Encore aujourd'hui les
reliques de M. de Paris ou des autres Saints font fouvent tomber les Convulfionnai-
res en convulfion. Le premier effet de ces mouvemens à été la guérilonmiraculeu-
fe de plufieurs malades: les principales circonllances qui les ont enfuite accom-
pagnées, ont été différens dons & plufieurs prodiges que Dieu a emploies ù inf-
truire une infinité de perfbnnes de vérités très importantes au falut, à les unir à
l'Appel , à leur perfuader la néccfllté de la pénitence , & à convertir un grand nom-
bre de pécheurs & d'incrédules. Mais ce qui doit décider & qui eft d'une clarté fi
brillante qu'il n'efl pa,s polTible qu'on n'en foit frappé, à moins que de fermer
obflinémcnt les yeux à la lumière , c'elt cjue les premières agitations convulfi-
ves, qui ctoient de la même nature, Se navoicnt par elles-mêmes aucune dif-
férence avec celles qui ont fuivi , ont été un moien dont Dieu s'cll vifiblcmcnt
fcrvi pour opérer des miracles.
Le
IBE'E BES MOUFEMENS CONFULSIFS 15^
Le fait ne peut être révoqué en doute. Une multitude de Médecins 5c deChi-,
rurgiens , en préfence d'un nombre innombrable d'autres perfonnes, ont vu par
exemple pluueurs fois, & toujours avec une fiirprife extrême, le Créateur de
tous les êtres , donner tout à coup un mouvement impétueux à des membres defTé-
chés ou tombés depuis plufieurs années en paralifie complète. Ces maîtres de l'art
ne pouvoicnt ignorer que tous les nerfs de ces membres inanimés , aiant été prives
pendant long-tems des efprits animaux qui les humeétent & les vivifient, s'é-
toient par conféquent reflerrés 6c rétrécis , 6c qu'ils avoient perdu tous les con-
duits qui fervent de pafTage à ces efprits. Ils favoient que pour faire couler ces
efprits dans ces membres arides, il avoit fliUu ainfi que je l'ai déjàobiervé,
que le Tout-puifîant leur formât de nouvelles routes tout le long de ces nerfs
racornis 6c retirés. Ils ne pouvoient donc révoquer en doute que Dieu n'eût
déjà fliit plufieurs opérations miraculeufes , avant que d'agiter par des mouvc-
mens convulfifs des membres qui depuis long-tcms étoient devenus incapables
de toute, aftion ? Comment auroient-ils pu douter que ces agitations furnaturcl-
les n'euffcnt Dieu pour auteur , puifquellcs n'avoient pu être exécutées que par
des miracles , qui avoient commencé à rétablir ces membres perclus.'' Mais
leur admiration redoubloit encore lors qu'ils appcrcevoient enfuite ces efprits
animaux conduits avec une juftefl'e merveilleufe par une main toute-puifnmtc
faire dans des bras 6c des mains deflechées toutes les opérations nécefiaires
pour leur procurer leur parfait rétabUifement ,êc qu'ils remarquoicnt qu'en mê-
me tems Dieu y régéneroit fubitement tout ce que la maladie y avoit détruit.
Attribuer en pareil cas les miracles à Dieu, 6c les mouvemens convulfifs aif
démon , ceferoit faire coopérer le Très-haut avec l'ange apoftat , pour fiirc con-
jointement avec lui des guérifons miraculeufes, ce qu'on ne pourroit foutenirians
impiété. Faire préfcnt à Béelzebut de tous les miracles accompagnes de mouve-
mens convulfifs , quoique dans le nombre de ces miracles il y en ait qui n'ont pu
s'opérer que par la création de plufieurs parties détruites, ce icroit renouvellerle
blafpbême des Pharifiens. Vouloir imaginer une différence entre les agitations
convulfivcs dont Dieu s'eft fcrvi pour exécuter des guérifons miraculeufes 6c
d'autres agitations toutes pareilles , 6c qui font phifiqucment les mêmes , du moins
dans toutes lesconvulfions que Dieu a marquées à fon fçeau par quelques traits,
ce feroit une abfurdité.
Aufli feu M. de Montpellier nebalancc-t-il pas à donner pour régie que /fjco^-Snft v^n.
^:ul fions qui ont contribué aux miracles de guéri fon , doi-vent être attribuées en premier'^'^'^^-^"'^"
à l'Auteur des miracles. A quoi 'û-^]outc, que Js au contraire les con'i-ulfions étoient lU'',uî\y.
propres par leur nature à empêcher la guéri f on ^ elles la rendent plus merveilleufe y
relèvent V opération de Dieu loin de l'obfcurcir. En eftct il eft uniquement réfcr-
vé à la fouveraine puiflance de faire fervir des moiens contraires aux effets qu'il
lui plaît de produire.
Sur quoi le Prélat attefle que r'^7? le jugement que nos pères ont porté conjïamnient
des convul fions qui précédaient les miracles o« quiles accompagnoient. A quoi il faut
ajouter que c'ell; aufiî les jugement que plufieurs Papes ont fait des afTitations
convulfivcs de plufieurs Saints Myfl,iques, quoiqu'elles ne fuiîcnt point accom-
pagnées de guérifons miraculeufes.
Ce qu'on objcéte de plus fpécieux contre ces agitations furnaturelles , c'cd qu*- ^if.
elles peuvent être caufe de grandes immodeftics dans les perfonnes du fexe. robièaion
La réponfe eft que non feulement les Convulfionnairesfont obligées de prendre i"f '" '?'■
toutes les précautions poffibles pour empêcher que cela n'arrive; mais même que ieme"'e.-<V,>-
les perfonnes de leur fexe qui fe trouvent auprès d'elles, doivent y avoir une trcs*""'!^
grande attention. Au^i""^
jj(5 IDE'E DES MOUrEMENS CONFULSIFS.
Au furplus fi dans les premiers tems quelques Convulfionnaires n'ont pas toU-
joui-s eu toute la prévoiance ncceflairc pour prévenir ce fâcheux inconvénient , on
f )cut dire avec vérité que dans la fuite la plupart d'entre elles ont pouffé à cet égard
curs précautions jufqu'au dernier fcmpule. Non feulement elles fe font tait faire
des robes qui les couvrent jufqu'au haut de la poitrine, mais elles mettent encore
unmouchoiipardciïbus qui remonte jufqu'au cou. Non feulement la plupart ont
des jupes Se des jupons qui defcendent prelquejufqu'à terre, mais plufieurs d'entre
elles les lient avec des cordes au dcffus de leurs pieds dès qu'elles fentent qu'elles vont
être violemment agitées, ou qu'elles vont avoir befoin de quelques fccours qui les
obligeront de fc mettre à terre. Auflî puis-je attefter que quoique j'aie vu un afTez
grand nombre de Convulfionnaires dans leurs plus grandes agitations, je n'ai pref-
quc jamais appcrçû le bas de la jambe d'aucune, du moins depuis la fin de 1752.
qu'elles ont commencé à prendre bien plus de précautions qu'elles n'en prenoient
auparavant. Il m'a même paru en quelques occafions queDieu leur accordoità
cet égard une proteftion finguliére, en aiant vu qui s'étoient trouvées iurprifes
f)ar un mouvement fubit qui Icsavoit précipitées tout d'un coup à terre : 6c pour
ors j'ai chaque fois admiré que tous leurs vétemensfc tiennent fi parfaitement co-
lés a leurs pieds, qu'on n'apperçoit jamais le bout de leurs jambes: cequin'eft pas
fims exemple, l'hilloirc Ecclefiailiquc nous fourniffiint des preuves que furies
tombeaux des Martyrs , les énerguménes étoicnt quelquefois enlevés en l'air & ren-
verfés la tête en bas parle démon, 6c que pour lors, fi c'ctoient desperfonncs du
fexc, leurs jupes fe tenoient comme coufues à leurs jambes par un prodige qui ne
pouvoit veiiir que de Dieu. Mais il n'a pas été néceflaire qu'il fit Ibuvent de tels
prodiges en faveur des Convulfionnaires , aiant mis dans le cœur de prefque toutes
de prévenir ces fâcheux accidcns par toutes les précautions poflîbics.
Voilà néanmoins le principal prétexte dont fefont fervisles adverfaircs les plus
outrés des convulfions, pour infinuer dans l'efprit de leurs Icéteurs toutes les
idées obfcénes que leur propre imagination leur avoit fixit concevoir. Voilà le
principal fujet de leurs déclamations, aufli indécentes qu'elles font peu conformes
a la vérité.
L^Auteur des Vains-cfïbrts n'efl pas néanmoins lepremier qui fe foit avifé de pré-
fcntcr à fon leéteur toutes ces falesimages : il n'a fait que les copier d'après les In-
llruétionspalloralesdeM. l'Archevcqu: de Sens, les lettres du nouvel Evêque Dom
La Tafte , le calomnieux journal, 6cc. Mais il efl étonnant qu'après la réponfe que
feu M. l'Evcque de Montpellier avoit faite à M. de Sens , ont ait ofé faire rcparoî-
tre de nouveau ces fcandaleux tableaux , qui n'ont d'être que dans l'imagination de
leurs peintres.
inft.p.ft.du Feu M. de Montpellier avoit reproche à ce Prélat que la critique odicufc qu'il
14-AQuii. faifoit des agitations involontaires qu'éprouvent les infirmes au tombeau de M. de
parf nn?' Pâris , cu Ics qualifiant de culbutes hontcufes 6c d'infâmes indécences , étoit préci-
1C7. 108. fjîmcnt la même que les hérétiques 6c les libertins avoient faites autrefois d'agita-
'"*' lions toutes pareilles qui avoient précédé ou accompagné quantité de miracles, que
Dieu avoit opérés fur le tombeau de plufieurs Saints> 6c qu'ainfi c'étoit imiter, rc-
nouvcller, 6c autorifer les infultes que les plus grands ennemis de l'Eglife avoient
faites àlaRcH^ion.
Il avoit oblei-vé qu'il étoit prouvé par des miracles multipliés de fièclc en fièclc ,
6c par un jugement conlVant de h tradition, que les miracles accompagnés des
mouvcmciis convulfifs les plus violens n'en avoient pas paru moins divms, non
plus que ces mnuvcmens qui en étoient comme le prélude , quoiqu'on ne pût nier
quL- de parcillci -.igitations n'cullcnt cxpolc les pcrlbnncsdu fexc à de grandes im-
mode-
ÏX>rEDES MOUVEMENS CONFULSIFS. t]y
modefties, fî Dieu n'avoit en m é me-tems infpiréù des femmes aufli attentives que
charitables , d'avoir foin d'empêcher cet accident.
Ce Prélat avoit lui-même rapporte le fait de plufieurs miracles opérés avec ces
circonftancesfur le tombeau de S. Guillaume : & entre autres la gucriion parfaite
d'une femme aveugle de naiflance , qui étant allée prier au tombeau de ce fiint fut
faifie de convnlfions qui la renverferent plufieurs fois furie pavé de l'Eglifc. Sur-
quoi il efl: bien digne de remarque que ce fut précifément dans le tems que ces
mouvemensconvulfifs l'agttoient avec tant de force qu'ils la précipitoient par terre,
que Dieu forma dans fcs yeux tout ce qui leur manquoit pour voir. „ Que M. de ibij. «;,
„ Sens (difoit feu M. de Montpellier) péfe bien toutes les circonllances de cet'"''*
,, événement: tremblement dans tous les membres de la femme aveugle : extafe
5, qui lui ôte la connoifTance de ce qu'elle éprouve dans fon corps : convulfions fi
„ violentes que tantôt elle efl: jettée par terre, tantôt elle efl: remifefurfes pieds
5, en battant des mains d'une flrçon extraordinaire. Ce n'efl: ni une ni deux fois
„ qu'elle efl: renverfée, mais par des fréquentes alternatives. Le miracle efl: du
„ nombre de ceux que M. de Sens reconnoît pour manifeftement divins : il s'a-
„ git de la guénfon d'une aveugle de naifllince. Prions-le de nous dire à quel a-
„ gent il faut attribuer les convulfions qui l'ont précédé. „
Dieu efl: celui qui frappe y qui, guérit , dit l'Efprit Saint ; cependant „ on nci''-'''f- ?»■
,, peut douter (ajoute plus bas cet illuftre Evêque) quelesperibnnesdufexedans''"''^'"'"'''
5, de pareilles agitations qui n'étoient pas libres , n'euflent été expofées à des ii-N
„ décences, s'il n'y avoit eu perfonne pour arrêter leurs habits, & veiller à ce
,, que la modefl;ie ne fût point bleflee. „ Mais il n'efl: point difficile à celui qui
efl: •préfent à tout, qui opère tout dans dans l'univers, qui a tout prévu & tout arrangé
dansfes confeils, de parer aux inconveniens d'une chofe qu'il lui plaît de faire.
C'efl: donc fuivant le fentiment de feu M. de Montpellier, une abfurdité de
prétendre que Dieu ne peut être auteur furnatUTellement 6c par miracle d'agita-
tions violentes , fous prétexte qu'elles pourroient être caufe de dangereufes immo-
defties s'il ne mettoit en même-tcms dans le cœur de quelques perfonncs d'avoir
attention à les prévenir? Difons plus : c'efl: un erreur de Manichéen de foutenir
que Dieu ne peut pas fiire une chofe parce qu'elle feroit naturellement fufceptiblc
de fâcheux inconveniens , puifqu'il ne tient qu'à lui d'en empêcher l'efi^et.
„ Pour impofer filence à M. de Sens (ajoute M. de Montpellier au mêmeen-
„ droit) citons-lui encore d'autres exemples de convulfions qui naturellement de-
„ voient expofer à des indécences.
„ Dans la tranflation de S. Gotard Evéqucd'Hildesheim, unefemmemxiette,
j, dont le fils étoit aveugle , étant venue pour prier devant le faint coips pour elle 6c
„ pour fon fils, tomba tout d'un coup comme en extafe, & le roula par terre l'ef-
„ pace d'une heure : quelque tems après la langue fe délia, Scfon fils recouvra la
„ vue. Une femme en extafe fe rouler par terre durant une heure ! Qu'il y a là
„ (continue le Prélat) de quoi exercer le talent d'un homme fait comme M. de
„ Sens pour la déclamation !
„ Une fille affligée d'une contraétion de tous les membres va implorer le fecoure
„ de S. Riquicr. . . Elle -efl: faifie d'un tremblement dans tous les membres : elle
„ fe jette & s'étend parterre: enfin elle recouvre une fmté parfaite. Voilà encore
5, des convulfions qui jettent 6c qui étendent une perfonne par terre. N'y avoit-iï
„ rien à craindre pour la modefl:ic, fi on l'eût laiflee feule 6c fins ufer de précaution.
„ Au 7, fiécle une Dame porta à l'Eghfe du monallcrcde S. Gai fa fille unique
„ aveugle de naiflance, 6cla mit devant l'autel du faint Abbé. Tandis qu'elle prioit
„ avec beaucoup de dévotion , tout à coup fa fille fe roula à droit 6c à gauche fur
Obfervat. III. Part. Tome IL S k
15» IBE'E DES MOUrEMENS CONVULSIFS
„ le pavé de l'Eglife en jettant des cris lamentables, Scelle recouvra la vue. ,y
Enfin une femme „ fourde, muette & boiteulc de naifTance fut guérie au tom-
„ beau de S. Auguftin de Canrorberi, à la fuite de convulfions qui la faifoient
^, tomber tantôt fur le dos, tantôt fur le vifage, écumer&grincei- des dents. N'y
„ avoit-il rien en tout cela de choquant & qui fût capable de faire peine?
Ce n'eft donc pas une chofe nouvelle dans l'Eglife, que Dieu, dont les confcils
font fi éloignés de nos penfccs, ait voulu de fiècle en fiècle accompagner par de
pareilles circonftances les miracles qu'il lui aplûde faire? Mais iufqu'àpréfentil
n'y avoit eu que des hérétiques 6c des gens fans religion qui avoient ofé répandre
fur de pareils faits le venin d'une mordante fatire. Ç^'il ell trille de voir aujour-
d'hui, non feulement des Evéqucs Conftitutionnaires, mais même des Doéicurs
Appellans les imiter en ce point.
Nous ne pouvons trop refpeélcr la dignité des premiers , ^ nous eftimons les ta-
lens 6c la fcience des autres : mais nous ne devons pas nous lailTer éblouir par les
qualités de ceux qui ofcnt critiquer la conduite 6c les œuvres de Dieu. Pour trou-
ver notre fureté nous ne pouvons mieux faire que de fuivre avec fimplicité la foi
des Pères de l'Eglife , que le grand Evêquedc Montpellier nous a tranfmife à cet
égard. EmbraObnsdonc avec confiance le fentimcnt de ce digne défenfeur de tou-
te vérité, qui fe conformant à la conduite des Pères 6c s'appuiant fur les exemples
de ce que Dieu a déjà fait tant de fois fur le tombeau de plufieurs Saints, décide fi
judicieufcment que , non feulement les agitations convulfives dont le Très-haut fe
fert quelquefois pour opérer des miracles, mais même celles par lefquclles il les
H. tiy.r^ fait précéder ou accompagner , doivent lui être attribuées, 6c que c*c(iuncvérité
* ' '°* qu'il faut foutcnir , pour ne point defarmer PEglifc , en la mettant hors iétat de répon-
dre aux objc&ions des hérétiques.
V- 111. • „ Les Auteurs Ecclélîalliques. .. chacun dans leur fiècle (dit encore ce grand
„ Evêque) voioient dans les convulfions qui précédoient la guérifon, la main de
„ Dieu qui frappoit , mais qui confoloit en même- tenis. Ils ne trouvoicnt point
„ indigne de Dieu qu'il annonçât par les douleurs 6c les contorfions des malades,
j, le mirach' qu'il alloit faire. La juftice préparoit la voie à la miféricorde: ôclcs
), convulfions fcrvoient à y rendre plus attentifs. „
Qiiel prétexte légitime peut-on avoir prcfentcment de s'écarter du jugement
qu'ont autrefois porté nos Percs demouvcmcns convulfifs entièrement femblables
à ceux qui de notre tems ont pris naidance fur un tombeau , où Dieu fignale fa pré-
fence par un grand nombre de miracles.
Maispourne Inidcr aucun doute au lcél:cur fur les fcntimens des Percs à ce fu-
jet, qu'il me permette de tranfcrire ici ce qu'en attelle M. Poncet, qui a fait
tant de recherches pour s'inllruire à fond de ce que la tradition nous a tranfmis
à cet égard.
R.fltx. far j, Tous les Pères fins exception, dit cet Auteur, ont reconnu une opération de
p ^' '"'"'■), Dieu dans routes les convulfions qu'on a vu arriver dans chaque fiècle. .. . fur
„ les tombeaux des Saints.
EiTai de 5, C'cfl dans Ic <îc. fiècle, dit-il ailleurs, qu'on doit placer l'époque du tems où
•âdpag. 70.^^ les Auteurs Eccléfiaftiques ont commencé à parler des guérifons miraculcufes
„ précédées 6c accompagnées de convulfions. Il yen a une multitude prodigieufe
„ qui font mention de ces guérifons j 6vleur témoignage forme une tradition non
„ interrompue depuis S. Grégoire inclufivement julqu'a nréfent. Les faits ont tou-
„ te la certitude qu'on peut défircr : ce font des faits publics qui fe font pafies à la
„ vue de tout un peuple , & dont il y a cû un grand nombre de témoins. Ces faits
„ font de nature '.]u'il clt impofllblcdc s'y méprendre 6c de les rapporter autrc-
„ ment
IDPE DES MOUFEMENS CONFULSIFS. t?*
„ ment qu'ils fe font pafles. Ceux qui les rapportent en ont eux-mêmes été té-
,) moins: ils racontent ce qu'ils ont vu eux-mêmes de leurs yeux: ils le font dans
„ un tems où ils auroient pu être démentis par un million de perfonnes, s'ils a-
„ voient voulu en impofer. Il y en a une fuite de ce caraétère pendant mille ans;
„ il y auroit de la folie à fuppofer que tous, ou ont été trompés , ou ont voulu
^, tromper. ... Le jugement de tous ces difFércns Auteurs eft uniforme pendant dix
„ fiècles. . . Il n'y enapasun feul qui donne le plus léger prétexte de penfer qu'il
„ réprouve les convulfions, qu'il les attribue ou au démon, ou à une caufe
„ naturelle ? Aucunn'en eft embarafle : Se la plupart les regardent comme le moien
„ dont Dieu fe fervoitpour opérer les guérifons. „
Si les mouvemens convulflfs ont été un moien que Dieu a fouvent emploie pour
faire des miracles , il eft inconteftablequedu moins dans cette circonftance ilena
été l'Auteuren fonnom. Quelle audace n'y at-il donc pas de les repréfcnter en
général par les épithétes les plus Hétrifflintes comme des fçènes d'une horrible
indécence, fous prétexte d'accidens qui ne peuvent jamais arriver, à moins que
Dieu ne le permette par un confeil de iajuftice contre ceux qui ont mérité d'être
livrés à ce fcandale.
Au refte depuis que l'accès du tombeau du Bienheureux M. de Paris a été inter-
dit , & que les Convulfionnaires ont ufé de plus de prévoiancc que dans les premiers
tems, il eft devenu inutile , pour répondre aux inconveniens de leurs agitations , de
recourir aux exemples de ce qui s'eft paffe fur les tombeaux des Saints, parce que les
précautions que prennent depuis plufieurs années les Convulfionnaires dont les
convulfions font marquées au bon coin , & même les Vaillantiftes & la plûpaix
des Auguftiniftes, les mettent à couvert de tout accident à cet égard j cnforte qu'-
elles n'ont plus befoin de l'attention des perfonnes de leur fexe pour en prévenir
les inconveniens.
Le dernier retranchement des advei-fiiires des convulfions a été de dire, que du vrir.
moins il eft certain que de pareilles agitations blcftent la bienféancc, d'où ils ont i^obiesion
conclu que les Convulfionnaires étoicnt obligés de fe dérober à la vue de toutleq"^''-sag''-
monde pendant tout le tems que duroient leurs convulfions. vuicvescho^
Il faut fiiire une grande difterence entre les chofes qui font réellement oppofécsg!'"^ '*
aux bonnes mœui"s , 6c qui tendent direétement au péché , d'avec celles qui ne ""'
font que choquer une certaine bienféance , quia fon principe dans les régies d'une
politefle établie par les hommes. On doit {ans doute dans l'ufage ordinaire fuivre
ces régies de bienféance: mais Dieu n'eft peint obligé de s'y afluiettir, ôcilen
difpenfe qui il lui plaît, lorfque cela convient aux confeils de fa iagefle.
La volonté de Dieu connue eft la première de toutes les régies , & celle qu'il
faut toujours préférer à toutes les autres telles qu'elles foient. On ne doit donc
pas balancer de méprifer les régies de pure bienféance , lorfque Dieu fait manife-
uement connoîtreque telle eft fon intention. Or on ne peut raifonnablcment dou-
ter que la volonté de Dieu n'ait été que l'état furnatiirel où il a mis les Convulfion-
naires , fût vu Se connu de beaucoup de perfonnes : il a fouvent illuftré cet état par
de grands prodiges: il n'a pas fait toutes ces merveilles pour qu'elles fufient cnfe-
velies dans l'obfcurité & ignorées de tout le monde. Dieu a fans doute fes defieins
dans une œuvre auflî extraordinaire, & où le furnaturel éclate de toutes parts;
eft-il donc permis de fe fouftraire aux defieins de Dieu, & de refufer d'être fcs
inftrumens ?
Je ne dis pas que dans certaines circonftances.particulieres, quelques Convulfion-
naires ne faflent bien de fe renfermer dans la retraite ; mais il eil évident que ce
u'eft pas là communément la volonté de Dieu, nuifqu'auconcraire il a voulu fc
S i ' fer-
Î40 IBE'E DES MOUFEMENS CONFULSIFS.
fervir fumaturellcment d'un très grand nombre de Convulfionnaires, pour iri^"
truire une infinité de pcrfonnes de vérités très importantes au fa!ut: qu'il en a em-
ploie plufieurs à faire des guérifons miraculeufcs : & que les merveilleux prodiges
qu'il a fait fur leurs corps, ont été le canal de fes grâces pour convertir quantité
d'incrédules, 6c pourtoucherun grand nombre depecheurs. C'efl: doncuneinfigns
témérité de prononcer avec emphafe, que tous les Convulfionnaires en général doi-
vent fe cacher à la vue de tout le monde , & que tous ceux qui fe donnent en fpc»
ftacle font des prévaricateurs publics , puilqu'au contraire il cil vihble que Dieu a
voulu fe fervir d'eux pour opérer de très grands biens ? C'clls'oppoferàfes miféri-
cordes : c'eft décider contre '.fa volonté très clairement manifeftée par des effets
également fumaturels & bien-faifans : c'cil préférer les foibles lueurs de notre
fauflc fagefTe, aux lumières infaillibles de la fagefle divine;
li n'y a guéres d'erreur plus dangereufc en matière de religion, que de vouloir ju-
ger de ce qui eft digne de Dieu parles idées do l'cfprit humain , 8c par les régies de
pure bienicance. C'eft cette erreur qui a fait méconnoître le Meffie par les Dofteurs
delà loi, qui ont entrainé avec eux le gros de la nation Juive. C'eft une pareille
erreur qui a trompe jufqu'aux démons, 6c qui leur a fait croire que tout ce qu'il*
remarquoient d'humiliant dans la perfonne de Jcfus-Chrift ne pouvoit convenir
au Fils de Dieu.
Ne donnons pas dans une erreur qui eut jadis dés fuites fi fiineftes pour ceux qui
y tombèrent, & qui a fa fource dans l'orgueil, la plus incurable 8c la plus invé-
térée des plaies de l'homme. Ne nous y trompons pas: l'empire de l'orgueil n'a pu
ètTcvaincu-quepar les humiliations d'un Dieu ; 8c ce quia été le remède nécc/Tairc
dfc cette pcrnicieufe gangrène, fera le fcul vraiment efficace jufqu'à la confomma-
tiondesfièclcs. La volonté du Très-haut eft telle, il ne nous reftequ'ànousyfou-
mcttre en adorant fes fecrets. Au lieu donc d'avoir la témérité de contredire fes mi-
racles,de critiquer fes œuvres, de prétendre les juger au tribunal de notre raifon
ténébrcufeêc fragile, humilions aies pieds noscfpritsalticrs 8c nos cœurs bouffi.A
C'eft lefeulmoicn d'éviteraujourd'hui le piège terrible oîi les Juifs font tombés. Ils
s'en relèveront néanmoins , 8c peut-être plutôt qu'on ne penfe: Icspromeffes pour
eux y, font formelles ; mais ce ne fera que par une foi humble , fimplc 8c loumife.
Dieu veuille que lors qu'ils abandonneront la vanité de leurs pcnfèes , nous ne de-
venions pas les héritiers de leur révolte : 8c qu'aucontraire nous embrallions avec
eux les humiliations du Sauveur, fous quelque forme qu'il lui plaife de les cacher
dans fes membres.
1%. La proteétion fumaturelle que Dieu accorde à ceux qu'il agite par dcsmouvc-
^"*'Dl',u''mens convulfifs, eft encore une preuve fcnfibleque ces mouvemens viennent de
»iit en f». lui. Il eft par exemple de notoriété publique que lorfquc les Convulfionnaires fe
cw.-ui'fior,. blcffent par quelque accident caufé par leurs violentes agitations , ils en font prefque
in.iei. fontfu,- le champ "uèris avec de la teiTcdu tombeau , quckuics confidérnblcs que foicnt
une preuve , •■,...''-'•. i> . - i i. .- • i> •'.-•ni r
SU* leuri leurs blefTures. Je 1 ai vu arriver plus d une fois d une manière fi vifiblcmcnt iuma-
»K'r*Dèm'de ^"relle , quc Ics plus incrèdulcs ne rouvoient s'cmpèchcr d'en être frappés, Voi-
Uii ce entre autres un fait qui a eu nombre de témoins rclpci^ablcs.
Un jeune Convulfionnairc étant chez une perfonne de diftinébion dans une
chambre très cirée, tomba en arricrcfinidement qu'ilfe fit un trou fort confidéra-
ble à la tète. Le parquet fut aufifi-tôt couvert d'une plaque de fang : il s'en répan-
dit aufTi beaucoup iiir l'habit 8cle lingedu Convulfionnairc. On fe prefla de rem- •
piir fa plaie avec de ta terre du célèbre tombeau , 8c on lui b;\nda la tére. t'ne per-
fonne d'un rang diftingué arrivée peu après aiant appris cet accident, fut curiculd
d'examiner la profondeur dclableflurc. Le Convulûonnairc aiant défait fon bai>
dcau j
TDKE DES MOV FE MENS CONFULSIFS. 141
dcair, quelle fut k furprifc de tous ceux qui avoicnt vu cette plaie! Le trou en
étoit fi parfaitement rebouché , & la peau fî bien rejointe fans la moindre cicatrice
qu'il ne leur fut pas poflible de reconnoîtrcpar aucune marque l'endroit où avoit
été la blefTure , la terre qu'on y avoit mife étant aulfidifparue. Et quoique la per-
fbnnequi ne venoit que d'entrer vît le fang qui étoit encore fur le parquet , fur le
linge 6c fur l'habit du Convulfionnairc , elle laifla entrevoir qu'elle avoit peine à
croire ce qu'on difoit , & que tous les afiîllans avoient vii.
C'eft encore un fait conliant qu'il y a pluficurs Convulfionnaires qui n'ufcnt
d'aucun autre remède que de cette terre , non feulement pour les bleflurcs qu'ils fe
font quelquefois en convulfion , mais auflî pour toutes les maladies qui leur arri-
vent dans leur état naturel & qu'ils en font ordinairement guéris d'une manière
fort prompte.
Mais ce n'eft pas feulement fur le corps des Convulfionnaires que Dieu exerce fa x.
miféricorde , c'èft principalement far leurs âmes. Sitous-n'ontnas profité de leur/"^","'
état , du moms y en a-t-il un très grand nombre dont la piete scfl beaucoupi^o i^it"
augmentée depuis le premier moment qu'ils ont été agités par des mouvemcns con-convuuion-
vulfifs: & plufieurs autres dont la converfion a commencé en même-tems que leurs "■'''■"?';'."''
convulfions , 6ç s'-eft depuis perfeélionnée de plus en plus. ' efu-A^urar
La paix 8c le contentement qui eclarent fur levifogc de la'pliipart, dans le''','';'"":°=i-
tems même que leur corps eft tourmenté avec plus de violence 6c qu'il paroît^"'"'"^
fouffrir quelquefois les plus vives douleurs, font des fiits publics, qui pour être
répétés tous les jours depuis pluficurs années, n'en font que plus admirables &
plus vifiblement furnaturcls. Leur joie dans les fouffrances : leur réfif^nation à
tout ce qu'il plaît à Dieu ordonner: leur entière confiance en lui-: leur intrépi-
dité par rapport à tout ce qu'ils ont à craindre : leur patience inébranlable qui
leur fait fupporter fans peine l'humiliation extrême ou ils font réduits, èc qui
leur fiiit dire avec S. Paul : Nous nous glorifions dans les affligions. . . par l'efpé-Knm.- u tt-
ranee de la gloire desenfans de Dieu ; ne font- ils pas des dons de l'Auteur de tou-
tes les vertus ? On ne peut difconvenir que ces dons aujourd'hui fi rares même-
parmi les Appellans, ne fe trouvent en plufieurs Convulfionnaires.
Enfin c'eft un fait inconte ilab le que l'inllinét qui ac-compagnc les mouvcmerrs;
convulfifs attache à la caufe de l'Appel tous ceux qui font agités par ces mou--
vemens de quelque fentiment qu'ils aient été jui'qu'alors.
Les convulfions remuent en même-tems le corps, le coeur 6c l'amc. Ellésfontv
un moien de falut : mais elles ne détruifent pas le fond de concupifcence que •
nous apportons en naifiant, 6c elles n'empêchent poirrt ordinairement le démon;
d'emploier fes artifices pour perdre les Convulfionnaires. L'inftinéi: deleurcon--
vulfion les éclaire fur leurs péchés 6c fur leurs devoirs, les reprend, les humi-
lie: mais cet inftinét n'cft le plus fouvent qu'une grâce deçombat ; il leurfour--
nit des armes pour fe défendre contre les attaques du démon, mais il ne les en'-
garantit pas toujours.
Au reftc la lumière qu'il répand dans leurs âmes ^ell' quelquefois très vive: ils
y a même plufieurs Convulfionnaires dont l'efprit s'eft trouve infiruit de la Vé-
rité d'une manière vifiblement furnaturelle dès le prem ier> moment qu'ils onrctit
des convul'fioîTs , & dont le cœur a tout à coup change entièrement de fcnti--
ment: mais dans- l'ordre ordinaire l'inftinét de la convulfion combat les pafiîons •
pendant afiez long-tems, avant que de les furmonter j 6c alors le démonfaittousc
les efforts pour dégoûter les Convulfionnaires de leurs convulfions?, pour leur'
en donner de la défiance 6c- leur fiiire fouhaiter de n'en plus avoir.' S'ilnVréuf--
fit pas, il eft vaincu: 6c l'on voit communément que les GonvulfîonnaiEcs-cn—
S 5 tjô--
I4t FDE^E DES MOUVEMENS CONFULSIFS.
tiércmcnt fournis à la volonté de Dieu» & qui acceptent de tout leur cœur le»
humiliations de leur état, parviennent en peu de tems à une piété eminente.
Lorfqu'au contraire fatan trouve le moicn de leur faire prendre leurs convul-
fions en averfion, £c de leur faire défirer & prier d'en être délivrés, fi Dieu
par le confcil de la juftice leur accorde ce qu'ils fouhaitent , ainlî qu'il a fait i
plufieurs, leur chute tnalheureufe ne nous a que trop appris que pour lors le
démon fc rend bientôt le maitre de leur cœur. Mais il ell déjà arrivé plus d'u-
ne fois que Dieu, après les avoir laiiïes s'égarer pendant quelque tems, les a
rappelles à lui en leur rendant des convullions plus fortes & plus efficaces que
les premières.
Les exemples ne me manquent pas, pour prouver ce que je viens d'avancer t
mais afin de ne point trop allonger mon Ecrit, je me contenterai d'en rappor-
ter un de chaque crpccc.
On verra dans le premier, les convulfions changer en un moment tous lesferk-
timcns d'un homme de Ccur, éclairer fon efprit, détruire toutes (es préven-
tions , toucher puifTamment fon cœur, le détacher de tout , 6c en faire depuis ce
tcms-là un humble pénitent, dont le cœur tout brûlant d'amour s'élance fans
ccfle vers le bonheur éternel.
On verra dans le fécond, une Dcmoifelle fort répandue dans le monde, con-
vertie tout à coup par des convulfions : mais qui cependant effiiic les premiers
jours de terribles combats. On la verra aux pnfcs avec fatan, qui emploie d'a-
bord fes artifices pour lui donner du dégoût de cet état , en lui faifant vivement
fcntir les humiliations auxquelles il l'cxpofe , 5c en réveillant dans fon cœur
l'amour des biens Se des plaifirs dont cet état va la priver : on admirera les puif-
fans fecours que l'inftinét de fa convulfion lui fournit: on verra enfuite l'ange
de ténèbres lui infinuer que fes convulfions ne font qu'une fource d'illu-
fion , & qu'ainfi loin de fe livrer à leurs imprcflîons, elle doit faire les efforts
pour y rcfilter : on tremblera pour elle, en la voiant prefquc fcduite par cette
tentation : on bénira Dieu de ce qu'il la châtie en père, & qu'il lui fait parce
moicn voir tout à découvert les rufes du ferpcnt. Enfin quelle confolation,
quelle édification ne recevra-t-on pas, en voiant cette Demoifclle parvenue peu
après à une vertu d'autant plus grande qu'elle eft accompagnée d'une humilité
profonde !
Le troifiéme exemple eft celui d'un favant , d'un homme de lettres, qui après
avoir effuié pendant neuf mois le combat intérieur que l'inilinét de fes convul-
fions livroit au penchant de fon cœur, fut privé de fes convullions ainfi qu'il
le fouhaitoit. Mais dans quel abime ne fe precipita-t-il pas, fitôt qu'il fut rendu
à lui même! Dieu, quoiqu'il eût cependant fur lui de grands dcilcins de mifc-
ricorde, le laifla ainfi s'égarer pendant plus d'un an & demi, afin qu'il n'oubliât
jamais ce que c'eil que l'homme lorfqu'il n'ell pas foutcnu par une grâce effica-
ce. Au bout de ce tems , celui dont la miféricorde eft toute gratuite , le retira
de cet état , en lui renvoiant des convulfions qui le firent auffitôt devenir un pé-
nitent , dans le cœur de qui l'humilité dilpute avec l'amour à qui le rendra plus
agré.ible à Dieu.
x\. La grâce toute-puiflante qui dès le premier moment que M. Fontaine eut de
^*J'J'^^'' convullions, fit defcendrc une lumière célelle dans fon ame, diflipa tous les pré
des
pré-
'** M. Fon- jugés de fon efprit, & s'empara entièrement de fon cœur, a cû un fi grand éclat
'*'"'■ que je ne puis mieux faire pour prouver le premier fait que j'ai avancé, que de
rapporter les faveurs infignes 6c lubitcs dont Dieu u gratifié ce Secrétaire du
Roi par le caïul des convulfiom.
Ce
IDE'E DES MOVVEMENS CONFULSIFS 14^
Ce fut dans le tems que M. Fontaine étoit en faveur àla Cour, où il exer-
çoit avec un applaudiflement général la commiffionaufli honorable que lucrative
de recevoir les placets qu'on préfente au Roi : ce fut , dis-je , dans ce tems que Dieu
éclaira fon efprit , Se toucha fon cœur , en agitant fon corps par les convulfions les
plus extraordinaires. Tant qu'il n'eut point de convulfions, les préjugés qu'il a-
voit fuccés avec le lait, & que fon éducation avoit toujours fortifiés de plus en
plus, le rendoient un zélé Conilitutionnaire : mais fitôt qu'il eut des convul-
fions une lumière divine lui fit connoître que la Bulle étoit la condamnation de
la morale de l'Evangile , des fentimens des Pères , & de la voie qu'avoicnt fuivi
les fiints : & que pour être dans leur communion il falloit s'unir à l'Appel, ou
du moins fuivre dans la pratique les vérités eflcntielles que les Appellans défen-
doient. Il y a plus : jufqu'à ce jour fes préventions lui avoient fait regarder les
Réflexions morales du Père Quefncl fur le nouveau Teftament , comme un livre
qu'il n'étoit pas permis de lire. Mais Dieu avoit au contraire arrêté que la leftu-
re de ce livre feroit le canal par lequel il répandroit dans fon efprit les plus vives
lumières, 6c par lequel il embraferoit en même tems fon cœur du feu d'une ar-
dente charité : 6c afin que fon opération divine fût manifefte, il voulut que cette
leéture fût accompagnée de convulfions aufli étonnantes que finguliéres.
En 1733- M. Fontaine étant à Paris dans une maifon on on l'avoit invité à
dîner avec une grande compagnie , fe fentit tout à coup forcé par une puiflance
invifible de tourner fur un pied avec une vîtefle prodigieufe fans pouvoir fe re-
tenir, ce qui dura plus d'une heure fans un feul inftant de relâche. Dès le pre-
mier moment de cette convulfion, un inftinét qui vcnoit d'enhaut lui fit deman-
der qu'on lui donnât au plus vite un livre de piété. Celui qu'on trouva le pre-
mier fous la main 6c qu'on lui prélenta, fut un tome des Réflexions morales du
Pcre Quefnel. Quoique M. Fontaine ne cefTât pas de tourner avec une rapidité
éblouifTante, il lut tout haut dans ce livre tant que dura fa convulfion tournan-
te, avec une facilité parfaite, 6c un contentement inexprimable, qui pénétroit
iufqu'au fond de fon cœur, & qui édifioit tous ceux qui étoient préi'ensj 6c dès
ce moment toutes fes anciennes préventions s'èclipferent comme une ombre qui
fuit 6c cefl"e d'être dès que la lumière paroît : il le fentit convaincu de toutes les
grandes vérités condamnées par la Bulle 6c revendiquées par l'Appel j 6c même
il fe fentit difpofé à tout facrifier pour leur rendre un éclatant témoignage.
Cette convulfion fi étonnante dans fa forme 6c fi admirable dans fes effets , fc
répéta depuis ce jour pendant plufieurs mois, ^ a été vue par un nombre in-
nombrable de perfonnes de toute condition. Elle fe fixa même régulièrement à
deux fois par jour, 6c elle n'a quitté M. Fontaine que le 6. Août 1733. dès
qu'il eût achevé de lire , en tournant toujours d'une force prodigieufe , les 8.
Tomes des Réflexions du Père Qiiefnel iur le nouveau Teftament : ce que M.
Fontaine accompagnoit de plufieurs élévations de fon cœur vers Dieu.
La convulfion tournante du matin lui prenoit tous les jours précifément à neuf
heures , 6c duroit une heure 6c demie ou deux heures tout de fuite. Celle de l'après-
midi commençoit à trois heures , 6c duroit autant que celle du matin. Tous les
jours M. Fontaine fe trouvoit en fe levant une fi grande foiblefie dans les jambes
qu'il ne lui étoit pas poflible de fe foutenir, ce qui continuoit jufqu'à neuf heu-
res que fa convulfion tournante le faififloit. Pour lors fon corps fe pofoit fur une
de fes jambes, qui pendant l'heure 6c demie ou les deux heures que duroit le
tournoiement, ne quittoit pas le centre où elle avoit été placée, pendant que
l'autre jambe décrivoit un cercle avec une rapidité inconcevable , fe tenant pref-
que toujours en l'air, £c pofant néanmoins quelquefois tros légèrement à terré,
mais
144 IDE'E DES AfOUTEMENS CONrXJLSTFS.
mais fans rien perdre de l'impctuofitc de Ton mouvement. Le tournoiement de
tout le corps le failoit avec une vîteflc 11 prodigieule qu'un grand nombre de
perfonnes ont compté jufqu'à foixantc tours dans une minute; enforte que fui-
vant le calcul de leurs obfcrvations , l'étendue de tous les tours que failoit une
des jambes de M. Fontaine pendant une de fes convulfions tournantes, paflbit
la longueur de deux ou trois lieues, tandis que l'autre jambe, qui ne pofoit que fur
la pointe du pied, portoit durant ce tems tout le poids de fon corps.
Après que laconvullîon tournante du matin étoit finie ^ M . Fontaine fe trouvoic
en état de fe foutenir un peu fur fes jambes: mais elles nercprcnoicnt toute leur
vigueur qu'après celle de l'après-midi : 6c pour lors ilfe fcntoit dans une force 6c
une lanté parfaites jufqu'au lendemain matin.
L'cftet que l'inftinct de cette convulfion fit furfoname,fut ainfi que je l'ai déjà
dit, de changer tout d'un coup tous fes fentimens par rapport à l'Appel : de lui
faire connoître la Vérité, de la lui faire voir clairement & del'y attacher parles
liens les plus foits ; de lui faire regarder les Réflexions inorales comme une fourcc
de lumière & de bénédictions, &; de le détacher entièrement de toutes leschofcs
de la terre : de le porter à remettre fa commiffion : de lui faire donner des aumô-
nes confidérables : de fe dépouiller de tout jufqu'à fe réduire à l'état de pau-
vre, pour vivre dans la retraite, l'humiliation 6c la pénitence la plus auftère:
enfin d'élever fon ame vers le ciel , où fes xiéfîrs fe portent fans celle , 6c toujours
avec plus d'ardeur.
Voilà ceque toutParis avû: voilà des faits qui ont des témoins fans nombre,
£c qui par conféqucnt ne peuvent être contellés.
Au relie la pieté de M. Fontaine, fon humilité, fon efprit de pénitence &
de ficrifice, acquièrent encore tous les jours de nouveaux accroiflcmens , depuis
v.Mficî-de qu'il s'ell renfermé dans une profonde retraite où il ne s'occupe que de Dieu, 6c
r*v>-'' o'^^'^'^ ^^^ convulfions illuftrécs de pluficurs dons, ont pris une forme ordinaire.
r.g. si. & Jelus-Chrill nous dit lui-même qu'on doit juger de la qualité de l'arbre parles
Jj"'^**^'" **'fn.uts qu'il produit: des agitations convulfives que Dieu a inondées d'une telle
pluie de bénédiébions , doivent-elles donc être attribuées à l'efprit pervers?
XTi. ^ Quoique les grâces que Dieu a faites à la Sœur H. que je vais prendre pour
^n^""n ''preuves du fécond fait que j';ii avancé , ne paroiilcnt pas d'abord aufll fortes 6c
delà Sœur aufïï brillantes que celles dont il a tout d'un coup inondé l'ame de M. Fontai-
ne, cependant en confidérant les merveilleux effets qu'elles ont enfin produit,
elles ne font pas moins dignes d'admiration.
Cette Sœur cil une fille de bonne famille qui aimoit beaucoup le monde,
& qui méprifoit fort l'œuvre des convulfions. Ce fut cependant par ce canal
cjue Dieu voulut lui faire quitter la vie mondaine qu'elle ménoit, 6c pratiquera
la place une très grande pénitence.
Dans le tems qu'elle s'y attcndoit le moins , elle eft f.iifie par des mouvcmens
convulfifs qui profternent fon efprit aullî bien que fon corps au pied de la croix. La
vue de l'éternité frappe aufli-tôt fon amc, 6c y porte la teiTCur. Tous les pé-
chés qu'elle a commis, fe prèfcntcnt en foule à fes yeux. Elle croit voir l'en-
fer ouvert fous les pieds. Sîiféricorde ^ mi[(yicorcle ^ è mon Dieu! s'écrie-t-cllc
toute hors d'elle-même > 6c dès ce moment elle forme la rèfolution de quitter
tous les divcrtiflemcns 6c les compagnies pour qui elle avoit tant d'attrait, 8c
2c de mener dorcnavavant une vie de retraite , de pénitence ?:C de prières.
Pénétrée de ces fentimens, elle fc met fous la conduite d'un Directeur desplus
éclairés, à oui elle rend compte de fon eut précédent 6c des projets de con-
vcrûon que la grâce a rais dans fon cœur.
Ce-
IDE'E DES MOVVEMENS CONPVLSIFS, 145"
Cependant le démon écumant de rage de voir ainfi échapper fa proie, em-
ploie tous fes artifices pour lui faire abandonner fès bons del&ns. Il remue le
fond de concupifcence qu'il trouve encore dans fon cœur , & il s'en fert iX)ur lui
fuggérer les plus dangereufes réflexions.
Que vas-tu devenir ? (fe difoit-elle intérieurement à elle-même.) Tu vas te ren-
dre la fable du public & l'objet des railleries de toutes tes connoillances , dès
qu'on faura que tu as des Convulfions 8c que tu veux vivre déformais dans la pé-
nitence & la Iblitude. Mais crois-tu avoir allez de courage pour pouvoir exécu-
ter un tel deflèin , & le foutenir pendant long-tems ) Jeune comine tu es , auras-
tu aflèz de confiance pour t'enfevelir ainfi dans la retraite tout le refle de tes
jours ? Tu vas te couvrir d'un mafque ridicule qui te fera perdre toute efpéran-
ce d'établifîèment : il n'y aura plus pour toi , ni fortune , ni plaillrs , à efpérer dans
le monde; & lorfque tu auras tout perdu , le dégoût & l'ennui inféparables de la
trifle vie que tu prétens embraflèr , te feront retourner dans le monde qui te raé-
prifèra à fon tour encore plus que tu n'auras paru le mépriièr.
Mais aufTitôt l'inftbit de fà Convulfion lui fait fè répondre à elle-même : Quoi
donc , malheureufe que je fuis , je vois que Jéfus-Chrift me tend les bras & je re-
flifè d'aller à lui ! ISTefl-il pas évident que c'eft ce divin Sauveur qui tout à coup
m'a ouvert les yeux , pour me fiire connoître l'état funefte où j'ètois plongée >
N'efl-ce pas lui qui a formé dans mon cœur les fàintes rèiblurions que mon or-
gueil & ma corruption combattent. Eh ! qu'eft-ce que ces vains plailirs dont je
regrette tant la {lerte , en comparaifbn du bonheur étemel où cette j^erte me fera
parvenir ? Quelle proportion entre un moment & une éternité ? Quelle prodigieu-
îè ditiérence entre ces amulèmens fîivoles que tôt ou tard il me faudra bientôt
Quitter, & la joie inetïable de la di\Tnité dont je jouirai éternellement dans le fèin
e Jéfus-Chrift ? Qui peut douter que la béatitude du ciel ne foit inlinimcnt fu-
périeufè à tous les plailirs de la terre ? En vain la lâcheté de mon cœur me fait-
elle craindre de ne pas perfévérer ! Eft-ce donc fur mes forces & mon courage
que je dois compter , pour pouvoir fuivre Jéfus-Chrift ? C'eft lui-même qui m'a}>
pelle : dois-je être lourde à fa voix , aveugle à fi lumière , infènfible à fes faveurs ?
Il me fèmble que je le vois fior la Croix , les mains ouvertes pour répandre fur
moi fes dons, pour me conduire dans fès voies, pour me protéger par fa puilTan-
ce: refufèrai-je de me prêter aux deflèins de miféricorde qu'il a fur moi ) C'eft
lui qui me met dans un état furnaturel, qui par l'humiliation de fa Croix me con-
duira fans doute dans la gloire , fi j'accepte avec fbumiirion les douleurs & les
mépris, les jTeines & les dangers attachés à cet état. Un tel facrifice qu'il me de-
mande, ne me fèra-t-il pas , pouu'û que je le failè de bon cœur , un fur garant
qu'il ne m'abandonnera point ? N'eft-ce pas fa grâce qui aduellement m'invite à
en former la réiblution ) N'eft-ce pas elle qui me la tèra exécuter .> Jéfus-Clirift
ignore-t-il que je ne fuis que foiblelTe ? Puifqu'il me recherche dans le teins que je
fuis fi indigne d'une h grande miféricorde , & qu'il me choilit po'jr porter les li-
vrées de fes humiliations , je dois efpérer qu'il achèvera fon ouvrage: je dois mê-
me n'en pas douter , pourvu que je ne le forre point de m'abandonner par mes
infidélités. Quelle feroit donc ma déplorable folie de commencer par refufer la
grâce qu'il me fait, dans la crainte qu'il ne continue pas de m'en faire! Ce fèroit
au contraire en la refufant , que j'aïu'ois tout lieu d'appréhender qu'il me reprou-
vât ix)ur toujours. Infcnfée que je fuis , veux-je donc bazarder de me perdre po.ir
toute l'éternité ) Ne le jxrmettez pas , ô mon Dieu ! je me Ibumcts à tout : mais
ne m'abandonnez pas un feul moment à ma fbiblelTe , & faites-moi pro/iter de
tout par la force toute-puilTante de votre grâce;
Obfervat. III. Part. Tome II. T P<-n-
' 1^6 IDE'E DES MOVVEMENS CONFULSIF 5.
Pendant quelques jours ces fentimens régnèrent a(Tèz paifiblement dans (on coeur;
ils y étoicnt Ibutcnus par de ferventes prières où elle trouvoit une confolation len-
fible , qui la dédommageoient abondamment des amufcmcns mondains qu'elle avoit
quittés. EUlc poulToit cependant jirefque fans celTe de profonds foupirs , dont la
plûj'^rt à la vérité s'élevoient vers le ciel , mais dont quelqucs-iuis néanmoins s'é-
chapixjient encore vers la terre.
i.Le-t.ccm- ^ans cct état elle commence en ConvulTion une Lettre qu'elle avoit iiuention
h'sH'ipcùr d'envoyer h. M. N. fon Direi'teur , & qu'elle lui a remile depuis. „ Monlieur (y
Du'dc'u°? >' ^'^"'' ^^^ "^" "'^'^ l^'"-'^ capable de fure connoître que les Convullions viennent
^ de Dieu , que mon état. J'étois dans un abîme eiîroiable de péché , quand el-
„ les m'ont pniès. Dieu s'en eft fer\a pour me faire connoître combien j'etois hor-
„ rible à fes yeux . . . Mais, iiifenfée que je fuis, au lieu de m'abailTèr fous votre
„ main falutaire, ô mon Dieu, & plutôt que d'accepter l'humiliadon , dans laquel-
„ le vous voulez me réduire" , . . Elle s'arrête tout à coup à ces derniers mots
iîms finir la phralc, parce que le démon lui préfente l'idée que les Convullions ne
font j-^ut-être que 1 effet de fon imaginarion , ou une fuggeftion de Satan. Elle
difcontinue ià Lettre: elle s'occupe volontairement de cette pernicieulè penfée, qui
favorilè le pcnichanr naturel de fon cœur. La ConvuUion la quitte: rendue à die-
même, cUc fe dit:
Qui m'alfurera que les Convulfions, qui me portent à m'enterrer ainfi t6ufe vi-
ve , viennent de Dieu ? Si j'en crois une grande partie des Miniftres de l'Eglifè,
elles ne \iennent que du démon, ou elles ne font qu'une maladie Non feulement
tous les Conftitutionnaires , mais même plufieurs Doaeurs Appellans, l'ont formelle-
ment décidé. Si quelques Docteurs refj-icclables en ont d'abord pris la défenfe,
prefque tous depuis un tems femblent les abandonner: ils publient eux-mêmes que
l état des Convullionnaii-es ell: très dangereux 8c très fujet à l'iUufion , & que tous
ceux qui fe font donner les Secours prodigieux que cet état fait forcément de-
mander , font criminels. Qu'allois-je donc laire ? Me priver de tout , renoncer K
tout , jx>ur me mettre au nombre de gens que prefque tout le monde regarde conK
me des fanatiques. N'eft-il pas bien plus prudent, & par conféquent plus confor-
me à l'ordre de Dieu, que je cache avec grand foin mes Convulfions , & que je
le prie de m'en délivrer?
Dieu exauÇj-a i^endant quelque tems cette fatale prière : les Convulfions ne re\'in-
rent plus. Mais qu'arriva-t-il ? Cette fille qui dqiuis le commencement de fes Con-
vulfions avoit goûté dans la {-«riére des confolarions très fenlibles , devint aufîitôt
prefque entièrement incapable de tout ce qui a rapport à la piété.
î.Lct:rede Voïci unc l.cttre qu'elle écrivit en cet état à Ion Diredeur. „ Je vous ai dit
iM^N."' ^ q'-i'il y ^^'oit huit jours que j'étois fins Convulfions, & que depiùs ce tems-là
„ j'étois prefque faas aucun goût p-our tous mes dc\-oii-s. Je ne puis \-ous cxypn-
^ mer combien il faut que je me lalTè de violence pour m'acquiter de mes de-
„ voirs les plus indifjxjifables. Je ne puis, ni j^icr, ni liia Le tems auquel je ne
„ puis m'en difjienfeT, m'ennuie extraordinairement. Si je poin^ois ne point alla à
„ i'Eglifc , je le fcrois . . . Vous m'avez ordonné de demander la délivrance de
„ cet état par le B. Paris: je n'ai encore pu m'y réfoudre; il femble qu'il y a qucl-
y, que chofe en moi qui me détourne de le faire. J'ai bien lieu de cr;iindre que,
„ Il Dieu ne xicnt promptement à mon fecours, je ne retombe dans quelque fiiute
„ confidérablc."
Il ne fut pas difficile au Direâclir de convaincre fa pénitente que cct état étott
vn<.- {xjnirion de Dieu , parce qu'elle s'étoit volotitairement livrée à lu fètUi(;:1ion tfc
Suiou en écoutant 8c eix rccevauL ckiis foa cœur les ^xuiùciciLK coi;feils qu'il lui
avoit
IDE'E T>ES MOUVEMENS CONFULSIFS. 147
av'olt donnés. Comment, lui dit-il, ne vous êtes vous pas apixrçue que cetoitcet
Elpnt iëduéleur qui vous fuggéroit le faux jugement que vous a\ez poité de vos
Convulfions > N'a\aez-vous pas reconnu auparavant qu'elles font évidemment la
voie par où Dieu veut vous conduire au fàlut ? N'eft-ce pas à la grâce qui a ac-
compagné vos Comoillions que vous êtes redevable des réflexions falutaires qtii
vous ont déterminé à changer de \ae ? Ne m'avez- vous pas déclaré vous même,
que tous les bons mouvemens que Dieu a produit dans votre ame , ont toujours
été précédés , accompagnés , ou fuivis de mouvemens convulllfs , & que cet état
humiliant a été \ifiblement le canal des grandes miféncordes que Dieu vous a lai-
tes ) Enfin n'éprou\-ez-\'ous pas aduellement que depuis que Dieu vous a ôté \'0S
Convuliions, tout le goût que vous aviez potu: la piété s'eft é\'anoui )
H lui coriîeilla, fi elle ne {X)uvoit plus faire aucune prière iluvie, de fè pirollemer
au pied de la CroLx, afin d'expofer ]X)ur abfi dire Ton extrême rnilére aux regards
de celui qui ell fi riche en mifericorde : & il lui fit efpérer qu'après qu'elle auroit
été pendant quelque tems en cette humble pofture , Jéfus-Chrilt lui mem-oit lui-
même dans le cœur ce qu'il vouloit qu'elle lui demandât.
Elle luivit ce confèil , & l'efiét en fut très heureux: une abondance de lannes
fît bientôt fondre la glace de fon cœur, & le fit fortir de l'iniénlibilité léthargique
où il étoit comme enlê\'eli depuis que les Convuliions avoient celTé. Elle lé re-
proche vivement à elle-même l'ingratitude qui lui a fait méconnoître les faveurs de
fon Dieu, & repoufTer fa main bienfailante. Elle reconnoît humblement que les
mauvailès raifons que Satan lui a fuggéré pour la féduire , ne lui ont fait tant d'im-
prefîîon que parce qu'en la détachant de fes Convulfions , elles favorifoient les pen-
chons de fon cœur que l'inftincl de fa Convullion réprimoit, & qu'elles la détour-
noient d'embrallèr la vie pénitente à laquelle cet infnnc} la portoit malgié la ré-
pugnance de fon amour propre. Dans ce moment elle a recours à l'intercdrion
du fàint Diacre. Elle le conjure avec les plus fortes inftances de demander à Dieu
qu'il lui renvoie fès Convuliions. Elle déclare qu'elle fè Ibumet à tout : trop heu-
reufè d'obtenir mifericorde par quelque moien que ce puillê êtreî
AtiiFitôt fes Convulfions lui font rendues , & elle écrit en cet état le Difcours
fuivant.
y, O mon Dieu ! Que ne puis-je effacer julqu'aux moindres velliges de toutes Dif.-. de \x
„ les intidélités que i}i'a fait commettre mon incrédulité ! Que je ferois heureofe , '''*'" "•
„ fi je pôuvois réparer tous mes blafphémes contre votre œuvre , & verlèr jufqu'à
^ la dernière goûte de mon fang pour lui rendre témoignage ! Que ne puis-je pu-
„ blier jufques fur les toits, qu'elle vient de \"ous: que \'ous Icul, ô mon Dieu,
„ pouvez être l'autetir de chofes fi falutaires : que c'ell vous qtii les donnez , quand
„ vous voulez & à qtii \-ous voulez . . non fuivant les mérites , mais pas votre
„ feule bonté , qui fait mifericorde à qui i! lui plaît ! ... Oh ! donnez-m'en tou-
,, jours , 6 mon Dieu ; mais faites que j'y fois à l'avenir plus ridelle par vou-e gra-
j, ce ! Vous m'aviez retirée du bourbier où j'étois enfoncée depuis il long-tems,
^ & j'ai dit que ce n'étoit pas vous. H eft bien jtifle qu'une telle uigradtude foit
.,, ptmic, & que je fente que c'ell vous fèul qui pouvez anêrer ce déluge d'iniqui-
j, tés dont mon cœui' ell: inondé. Mais , mon Dieu, faites que déformais une é-
„ teraelle reconnoillance répare mon incrédulité , qui me rend plus horrible à vos
„ yeux que toutes les miféres dont je fuis chai-gée. Quelle ingratiaide de ne p;;s
„ reconnoitre votre œuvxe , parce qu'elle m'humilie , parce qu'elle me force à dé-
^ clarer tous ces jTéchés que je voudrois moi-même ne pas voir ! Ah ! qu'au con-
„ traire toute la terre connoiiTe la grandeur de ma rnifére , pour vous raidi-e gra-
„ ces de votre mifericorde!"
T 2 Quel
148 IDE'E DES MOVrE MENS CONVULSIFS.
Quel changement ! Quelle heureufe méumorphofe ! Quelle difierence entre cet-
te arae troublée, languitTantc , abbatuc, iitôt que fcs Convulfions l'ont quittée; 8c
le zèle, le courage & l'humilité de cette même polbnne, des que les Convullions
xiennent la ranimer !
Mais depuis ce jour quel progrès n*a-t-elle point fait dans la vertu ! D y a déjà
Lett. de M. quelques années que M. N. fon Diredeur a rendu témoignage que „ depuis près
^" „ de cinq ans (cette Demoifclle) mène la vie la plus aultère , & qu'elle eft tou-
„ jours intimement convaincue qu'elle n'a encore rien f;iit pour expier fès péchés..;
„ Elle jeune tous les jours ( ajoute-t-il : ) elle ne mange que des légumes ou des
„ œufs : elle porte tous les jours le cilice , & y ajoute fou\-ent la haire. Elle ne
„ couche jamais que fur une planche : elle ne dort que quatre ou cinq heures au
„ plus : elle fe lève tous les jours à deux ou trois heures pour dire fon Office,
„ & ne fe recouche jx)int."
i!. i,ett. de CCj'^ndant elle fe reproche encore ce repos indifi'ienfable. Je ne me mortifie
k Saui H. pQiyif jujr le fommeil , écrit-elle à fon Diredeur , moi qut ai pajjé tant de nmti
dans des ajjemb/ées criminelles . . . Helas ! quel repos pourrois-je goûter , 0
mon Dieu , fi j'étais touchée de mes crimes ? Je n'en trouverais qu'à vous
demander miiériccrde. Brifez mon cœur , que mes larmes étouffent ma voix y
(jr que/les fajfent connaître combien Je fuis coupable.
^^"h' „ Soiez perfuadé (écrit-elle encore) qu'il n'y a pcànt de pénitence trop auftère
"*'" ■ „ jxjur moi ... Je voudrois qu'il me fût |iermis de ne vi\Te que de pain & d'eau.
„ Je me reproche tout ce que je prends de plus. Car je fuis (i miférable que je
„ de\Tois être privée de tout ... Si ce n'étoit l'obéiffance que je vous dois , je
„ n'attend rois pas votre perrmffioa .... Je voudrois avoir mille vies pour les fà-
„ criher. "
Ce brûlant defir que fa vie {bit immolée pour la Vérité , fè manifefte très fou-
vent par un prodige que chacun peut voir quand il veut. Toutes les fois que
quelqu'un lui parle Azs cruelles & fanglantes perfécutions que les Convullionnaires
difent que ceux qui fuivront le Prophète Elic auront à elUiyer , auffitôt la joie la
plus vive fe peint fur ion vilage & dans lès yeux, IcMt qu'elle foit en Convulfion,
Ibit qu'elle n'y fbit pas.
Des Conviilfions qui font naître de tds {èntimens , & où Dieu rend vifibles &
palpables les q-)érations de la grâce, font-elles donc l'ouvrage du démon?
Le L.e^iteur va voir encore un ExaTiple fenlible de leurs falutaires effets, dans
le troilicme que j'ai promis ô<: rapporter.
XIII. L'hcsnme de lettres dont je veux parler , étoit très inftruit de la Vérité : mais
?:onïuinons ^ ^^ ^^^i^ tjjen plus uni par les lumières de l'efprit , que par les mouvemens du
duF.cic cœur. Uniquement occupé d'études toutes profanes, à peine fe donnoit-il le tems
•'■ de fonger à Dieu & de penfèr à fon falut ; fa curieufe Bibliothèque étoit fon ido-
k , & le délit d'acquérir une grande réputation parmi les gens de lettres étoit (à
paillon dominante.
Au commcnccmciit de 17?^. un inltincl , qui fans doute vcnoit de Dieu , le
porta à aller voir quelques Con\-ullionnaircs. Il fut vi\-cmcnt touclié de la beau-
té de leurs Dicours, ik des Prodiges qui les accompagnoiemt. La prélènce de
Dieu rendue lènllble à les yeux par la gi;indeur de toutes ces Meiveilles, lui rap-
pela le Ibuvenir de l'étemiré, <Sc lui lit tiiire des réflexions làlutaircs fur la léth;irgie
îi'nntudlc dans laquelle il croupilfoit depuis fa première jeunelîè. Il rélblut enfin de
oerrandcr à Dieu là ("o^sverlion ; & fe jugcint indigne de l'obtenir , il voulut ii>
ti^rtnèr en fa ta\'eur ceux que l'amour de la Vérité avoit rempli de l'efprit faint.
Pour t« Ciict au mois d'A\ril de cette mcmc année 1733. :il fut à Port Roval
des
IDE'E DES MOXJVEMENS COKVULSIES. i^p
des Champs (où le Bienheureux Diacre alloit quelquefois) fe profterna fur les ivir
nés de cette fainte Mailbn, & pria les feivireurs & les lèrvantes de Dieu qui y a-
\'oient reçu tant de grâces , de demander miiericorde poior lui ôc de conjurer le
Père des lumières de le conduire dans la voie du falut par tels moyens qu'il lui
plairoit.
■: Sa prière fut exaucée : & à peine fut-elle finie que Dieu pour réponfè lui eiv
voya des Convulfions , dans le tems qu'il étoit encore le vifage dans k poufTiére
de ce lieu de bénédi6"tion.
/ Le Frère Jean Baptifte (c'eft le nom de ce Convulfionnaire) ayant fait quelques
jours après une neuvaine au Bienheureux M. de Paris, {es Convulfions augmentè-
rent confidérablement de toutes façons , prècifèment dans l'inftant qu'il venoit de
faire une œuvre de charité, dont il ne peut être qu'utile de rendre compte.
n demeuroit avec de jeunes Ecclèfiaftiques à qui un Appellant fort connu
foumifToit tout ce dont ils avoient belbin. Cet Appellant étant lié avec des per-
fonnes oppolees foit aux Convulfions foit aux grands Secours, fe trouva engagé
de défendre' à ces jeunes Ecclélialiiques d'aller voir les Convulfionnaires ; leur dé-
clarant que ceux qui refuferoient de le faire, n'avoient qu'à fe retirer & chercher
à fe placer où ils pourroient. Deux d'entre eux lui répondirent qu'ils avoient é-
prouvé que la vue des Convulfionnaires étoit pour eux une fource de grâces:
que le merveilleux prodige que les grands Secours rendoient vifible, avoit fer\i à
faire croître leur foi, & à leur doni:ier plus de zèle poui* la Vérité : qu'ils ne cro-
yoient pas pouvoir en confcience, confenrir à fe priver du canal par où il plaifoit
à Dieu de répandre ces précieux dons dans leur ame; & que quoiqu'ils ne lùiîènt
que devenir fi on les renvoyoit de la maifbn où on leur donnoit retraite , ils ai-
moient mieux entièrement s'abandonner à la Providence que de renonça aux mi-
féricordes que Dieu leur fiiilbit par ce moyen.
Cette réponfe fit deux efi:èts fort différens. Elle irrita le célèbre Appellant, qui
fur le champ chaffa ces deux Ecclèfiaffiques pleins de fol Elle édifia celui dont
j'écris l'hiftoire, qui, quoiqu'il ne fût gueres en état de fouteiiir une telle dépenle,
leur ofiiit aulfi-tôt de les recevoir chez lui & de partager avec eiLX fon modi-
que revena
A peine ces deux nouveaux hôtes furent-ils dans fon appartement , qu'il eut des
Convulfions plus fortes , plus puiiTàntes & plus intérellantes que les précédentes
n'avoient été. Jufqu'à ce moment elles n'avoient prefque conlifté que dans des-
agitations & de vives douleurs , que la grâce qui accompagnoit les Convulfions
lui faiibit fbuffiir avec patience , mais néanmoins ians calmer toutes les inquiétudes
qui troubloient fon cœur. Ses nouvelles Convulfions lui firent reprèfcnter divers
Simboles & faire des Dilcours magnifiques , quelquefois même forcément , fur les
maux de l'Eglilè & les remèdes exti-aordinaires que Dieu étoit prêt d'y apporter.
On l'entendoit par exemple , prier le Père des milèricordes de taire bien-tot def-
cendre du Ciel cette admirabh lumière qui viendroit luire dans la ténèbres y
éf éclairer ceux qui étaient affis dans la région de la mort. „, O vous , Pro-
„ phéte , Envoyé de Dieu , vous qui bmlez d'un feu cèlefte , paroifTez pour
„ conjurer le Seigneur de taire tomber fur la terre , depuis fi long-tems frappée
„ de malèdidions , cette pluie falutiiire de la grâce qiu peut ieule la tan'e gcr-
D'autres fois fès difcours n'étoient que des exhortations humiliantes, ôc de feve>
re réprimandes que fa Comoillion le tbrçoit de fe faii'e à lui-mcnia
Mais l'effet fpiriaiel que ces Convuliions produillrent en lui, cil; encore plus di-
gne de remarque. Dons fon ame , c'étoit de lui runertre fans ceilc rcvc^Viiié de-
T 3 vant
I5-0 IT>t:è des MOVyEMENS CONTULSIFS.
vanr les yeux : dans Ion efpnt , de l'huralicr à !a vue prefque continuelle de (es
péchés: dans fon cœar, d'y faire naître l'elprit de pnéres , & avec ces armes \i-
tlorieufo de lui faire furmonter les palfions. Elles erolent vaincues, rmâs noii pas
éroarfees. Elles revenoieiir à la char^ après leui-s détaires , ôc lui Ûvroient de nou-
\-eaux combats. Elles l'emj'^êchoient mém: quelquefois d'exécuter ce que l'inltmcl
de fa Con\ailiion l'excitoit à taire: par exemple, il ne put jamais fe rélbudre pour
lors h vendre fa Bibliothèque, quoique Tiaftinct de fà Gonvuilion ne ceiïat de te
lui conleilier.
A la iin du mois d'Août de cette année i~7,^. cet infhnét le porta à aller à
la Chaife-Dieu pour découvrir l'état de fon ame au faint E\'êque de Senez, ôc lé
coiifulter fur ce que Dieu demandoit de lui par fes Convullions pour la réforme
de fon cœur: du moins il partit bien relblu d'accomplir ce falutaire projet. Il fui
examiné avec grande attention j^ar un très habile Médecin attaché à M. de Se-
ne?:, 8c qui trompa dans ce qui fe pallbit pendant les mouvemens convukifs, plu-
fleurs choies contraires â l'ordre de la nature , dont il fit un long Procès-verbaL
Le fauit Prélat le reçut avec tout l'accuél pollible. Le Frère J. R eut devant
lui 6c en prélènce de plulieurs autres perfonnes de li belles Convullions, foit par
les Simboles imixDrtans qu'il répréfcnta d'une manière très frappante , foit par les
Difcours auffi fublimes que pathétiques dont ces Simboles furent accompagnés, que
le faint Prélat y reconnoilTant l'efprit de Dieu, & croyant ne pouvoir trop s'humi-
lier devant la Majefté Divine lorfqu'il rendoit ainli fa préfence fenlible, fe mit d'a-
bord à genoux, fe projkrna enfuit e le vifage contre terre, & s'y tint un feras
cmfidérable , en baignant le plancher de [es larmes , ainfi que ce Comniluoi-uiai-
rc me l'a cerrihé.
Quelle différence entre les dif}X)fnions avec lefquelles cet Evêque tout rempli de
rc{}"'nt làint, \'oyoit & cxaminoit l'œuvre des Convulfions, & le mépris dédaigneux
avec lequel nombre de Do6teurs l'ont regardée!
Au relie notre Com-ullionnaii-e ne tint pas parole à l'inftinfl de fa ConvuLion:
il ne confuka pobt le faint Prélat , & ne lui rendit aucun compte de ce qui ic
paiTôit dans fon ame: une mau\-aile honte le retint; ou plutôt le démon qiu fen-
loit toute la conféqumce de cette démarche, employa tant d'artifices qu'il l'émisé-
cha de la liiirc.
Ce Convullionnairc en fut terriblement puni L'imprdTion que lui avoicnt fiic
jufqu'alors les a\'emlïèmens que lui donnoit i'inliinit de fa Gonvuilion, comnença
à n'être plus fi vive, Satan qui s'en api-)erçut redoubla fes eMbrts , ix>ur réveiller
^11% palTîons qui n'a\-oient été qu'alTbupies. Le délir de fe tiiirc un nom dans le
monde, rc\Tnî s'emparer de fon cœur. Bien-tôt îcs Com'ullions , qui occupoient
une grande partie de f )n toms , lui devinrent inlupporrables ; & comme leur inlbnit
ne ceifoit jx)int encore de combattre fes iiKlin.itions naturelles, il commença à les
haïr & à foi'Jiaiier de n'en plus avoir. Elles celïèrent etiedivcm.Tit a\-ant la fin
de cette année i 7 vi •
Rendu à lui-même , il ne fonpjea plus qu'à ftiivre les \ûcs d'ambition que le
démon kù fuggéroit: il le remit à les énides protanes avec pîv.s d'acharnement que
jamais: le délit de fe procurer la gloire d'avoir j->énétré par fes rxxherclies dans les
Tofondcurs de l'Antiquité la plus ircuiée, l'occujxnt à un tel pjint qu'il ne foilbit
■•lus aucune prière , & qudquelbis il n'olloit Iculeinent po^ les Dimanches à I9
AîelTe
Ccpendaiu, dans les premiers rems qui fui\'ircnt la privation de fes Conmliions,
il rcllenrit encore quelques trniords qui lui rapjvlloient malgré lui les lèntimens de
piéié que l'inlbncl de ics Con\iilfions avoit lui mes, j^aidant luat mois , dons fon
cnir
IDÉE DES MOVFEMENS CONVULSIES. i^l
cœur. Mais ne voulant plus fuivre la voix de Dieu, il ti'irrita contre ces avertif^
femens falutaires ; & Satan lui aidant à les écarter, lui periuada que les Convul-
fîons dans le fën delqucllcs ces aveitilTèmens avoient pris nailTànce , n'avoient été
qu'un dérangement de Ion efprit, & que le furnaturcl qui y avoit paru ne pouvoir
être qu'une ojiération du démon.
Qui pourroit croire qu'un tel homme, qu'un homme qui avoit goûté le don de
Dieu, & qui avoit été pendant un tems confidérable embrafé du défir du bon-
heur éternel, feroit parvenu par une telle voie à étouffer tous ïos. remords & à vi-
vre enfuite pend^int plus d'un an comme fans Dieu dans ce monde , n'étant plus
frappé que des chofes vifibles, ne s'embaralTant plus de ce qu'il deviendroit pai-
dant toute l'éternité , & n'y faifant pas plus de réflexion que les bètes qui font fans
intelligence & qui ne vivent que pour mourir ? Mais , o mon Dieu , dans quel
ténébreux abîme refrrit de l'homme n'eft-il pas capable de fe précipiter , dis que
vous ne l'éclairez plus par un rayon de vos regards ! Cependant , ô Dieu , dont
ia bonté pafTe tout ce que nous pouvons concevoir , vous aviez réfolu de lui fai-
re m-iféricorde ; mais vous vouliez auparavant le lailler long-tems dans le plus pro-
fond aveuglement, afin que le refte de fà vie il ne perdît jamds de vue qu'il né-
toit par lui-même que mil'ére, que corruption, que ténèbres, & que vous fèul, ô
mon Dieu, êtes la lumière du monde & le principe de la verta
Au mois de Mai i/^f. différens évenemens engagèrent ce favant aveug^ie à al-
ler datas les pays étrangers. La veille de fon départ, il fe fentit troublé par quel-
ques remords, mais ils ne lui firent alors qu'une impreffion fuperficielle. Amvc
âu lieu où il alloit, &; où il avoit porté avec lui fes mémoires Se quelques livres,
il veut s'occuper à fes recherclies encore plus inutiles que curieufes : mais cliaque
fois qu'il fe met au travail, il efi empêché de le continuer par une eQiécc de Con-
vullion fort fmgLiliére. Une main invilible le fait tomber malgré lui le vilage con-
tre terre, en même tems tous fes péchés lui font reprélêntés dans toute leur dit-
formité : une foule de réflexions fur la miiére aflreufe de fon état , s'empare de foa
efprit, quelques efforts qu'il ftffe pour s'en diftraire; & il prie Dieu machinalement
<î'avoir pidé de lui , fans que fon cœur ait pour lors prefque aucune part à fes
prières. Mais au bout de quelques jours , il eft tout à coup agité par des mou-
vemens convulfifs d'une violence extraordinaire : & c'eft dans ce moment que Dieu
lui fait éprouver la grandeur inconcevable de fa miiericorde. Tous fes fenùmens
font fubitement changés : il fent que Dieu feul mérite d'être aimé ; 6c fon efprit eil
•éclairé d'une lumière fi vive que connoiffant tout le néant des vaincs occupadons
& des efpèrances monddnes qu'il avoit préféré au bonheur éternel, il fait vœu de
ne s'occuper plus que de ]éfus-Chrifi cruciflé & d'en faire 'îo'a unique étude.
Depuis ce tems il vit dans la retraite: il a vendu tous les livres de fcience inu-
tile : il a fans celTe tous fes péchés devant les yeux ; & en même tems que cette
vue fert à l'humilier , elle augmente tous les jours de plus en plus fon amour &^ la.
reconnoiilànce envers Dieu, qui l'a retiré du fommeil de la mort par une miieri-
corde dont il reconnoît qu'il étoit tout à fait indigne.
Des Convuliions qui produifent de tels eftèts peuvent-elles être attribuées à l'eri-
nemi de toute vertu? Que les figes du fiècle font à plaindre, de cenfurer, criri-
quer , méprifer les niiféricordes que Dieu fait à tant d'ames par ce moyen : ôc de
n'appercevoir que les nuages dont la, Vérité fe coirvre, fans être frappés des traits ^j^
de lumière qu'elle lance en même tems avec tant d'éclat! l'iuiicursSS-
Les fatires fiétrilTantes qu'ils ont fait de tous les mouvemens convulfifi que la ^J,-;"^'^"/,*
riûpart des Ckjnvulfionnaires éprouvent, Ibat d'autant plus téméraires qu'il ella:,"-:ons
prouvé ';.^;.';:/dV
lyi; IT)E'E "DES MOUVEMENS CONFULSIFS.
prouvé par les Vies des Saints MylTiques que plufieurs d'mtre eux en- ont eu de
pareils.
Par exemple, la Bienheureufe Marie de l'Incarnation Fondatrice des Carmélites,
cette peribnne que Dieu avoit ornée de dons fumaturcls ôc de grâces lî linguliéres
Vie de cette que le Clcrgé de france a demandé fa Ciinonifation j fouffroit jouvent . ... des
^,"»^tcl» agitations extérieures fi 'violentes , qu'il fernbloit que tout fan corps dût fe met-
Biuiicui» ffg en pièces, dit l'Auteur de fa Vie : à quoi il ajoute qu'o« a quelquefois re-
\eques f. ^jj,^^^ qijg j-^,^ \-iolentes agitarions , qui étoient prccifément ce qu'on apj^lle au-
jourd'hui des Convullions, lui font arrivées en regardant avec beaucoup d'amour
un Crucijix.
n eft donc inconteftable que ces Convulfions n'étoicnt pas une punition que Dieu
lui envoyoit, mais un nouveau mo)-en de mériter, & pour ainli dire, le canal des
grâces qu'il vouloir lui taire.
AulTi eil-cc le jugement qut le Pape Clément X. a {X)rté de celles de Sainte
Rôle : il a cru devoir expfer à la piété des fidèles dans la Bulle de Canonifation
de cette Sainte , qt* elle et oit fouvent attaquée par des Convulfions . . . mais que
Rofe comprenait parfaitement que ces maux ne provenoient pas tant d'aucune
tndifpofition, que de la bonté de fon Epoux. A quoi le Pape ajoute, comme un
excnijlc de \eiTu qu'on doit s'elibrcer d'imiter, (\\iclle met toit tous ces maux ait
nombre des plus infignes faveurs quelle avoit reçues de Dieu.
11 ell dit dans la Vie de S. Philipjxi de Néri, qu'unmédiatement après la premier
re faveur du genre mei-vdlleux que Dieu lui ht , fon corps commença à être agi-
té par un mouvement extraordinaire. Il reçut cnfuitc le don de prophétie , dit
difceraement des efprits, de la connoifjance du fecrel des cœurs , & celui des mi-
rades.
Le Cardinal de Vitri qui a écrit la Vie de la Bienlieureufe Marie d'Oignies,
dont il avoit été le Confeiîèur , déclare que „ Dieu qui l'aimoit , l'affligea d'une
„ li terrible manière que tous fes membres étoient cruellement tourmentés: que î^
,, bras étoient fortement agités, 8c fe tournoient en cercle par la violaice de la dou-
,, leur; & qu'elle éioit obligée de fe donner de grands coups avec ks mains fur la
„ ix)itrine : & lorsque fon mal lui donnoit du relâche , & qu'elle revenoit à elle-
„ même, elle en rcndoit à Dieu des adioas de giaccs avec de grandes tranf^xjrts
„ de jola " C'eft précifàncnt ce qu'on voit arriver tous les jours à quantité de
Convullionnaires.
L'excès des douleurs que fouffroit la Bienheureulè Urfule de Benincafe Fondatri-
ce des Théatins , lui cauja des Convulfions univerf elles dans tous les membres^
qui étoient telles qu'il jembloit que jes membles voulurent fe jéparer les uns
des autres , dit l'Autciu- de fa \'ic. Elle éprouvoit particulièrement dans la tête
des mouvemens . . . horribles, il y avoit plufieurs perfonnes, continue-t-il, qui
crcyoient que c'étoit le démon qui la tourmeritoit ainfi : car il y a cù de tout
tcms des gais qui ont attnbué à Satan tout ce qui ne leur plailbit pas d;ins les
œuvTcs de Dica Elle fouffroit cette humiliatmi avec beaucoup de joie, comme
font encore aujourd'hui plmieurs Convullionnaires', ne ceffint de demander à Dieu
d'augmenter fes douleurs. . . Ses extafes CT Jon état juruaturel , qui et oit tout
ren.'pli de chofes extraordinaires , commuèrent juJqu'À fa mort. . . En un grand
ncn.br e d oc c a fions elle découvrit a, ceux qui la venaient voir le Jecret de leurs
tœurs , leur prédit ce qui leur devoit arriver. Grégoire Xt^. entre autres l'alla
loir étant Cardinal •■ elle lut prédit qu'il leroit élevé jur le S. Siège.
Santé Thcrclè & Sainte Catherine de Sicnix* éprouvèrent dans Icius manbres
de
de fi violentes agitations pendant leurs ravnfTemens , qu'il leur fembloit , abfi qu'il
efl marqué dans leurs Vies , que toutes les parties de leurs corps n'avoient plus
de liaijon les unes avec les autres.
n ell; rapixjité dans celle de Sainte Madeleine de Pazzi, que les \-iolentes agita-
bons qui lui prenoient dans lès extafes, la renverfèrent quelquefois par terre.
Tous ces mouvemens impétueux, involontaires & accompagnés de vives dou-
leurs qui agitoient ces Saintes fouvent dans le tems qu'elles étoient aliénées de leur*
fèns, ne pouvoiait-ils pas les expofer à des bdécences aulîi bien que les Convul-
fionnaires d'aujourd'hui, fî Dieu ne les en avoit préfervées foit d'une façon foit d'u-
ne autre?
Pour en convaincre pldnement le Le6leur, citons-lui encore un fait qu'on trou-
ve dans la Vie de Sainte Marguerite de Cortone , & que le Pape Be.ioîc XIIL a
cru devoir relever dans fa Bulle de canonifation de cette Sainte.
L'Auteur de fa Vie rapporte que cette Sainte „ étant dans l'Eglifb des Frères
^ Mineurs . . . iè trouva tout d'un coup ablbrbée en Dieu , 6c qu'elle apperçut en
^ viilon toute la fuite de la Paflion de Notre Seigneur, comme li elle eût été pré-
^ fente à ce Ipedacle. . . Elle difoit tout haut ce qu'elle voyoit à mêfure que la
^■- fuite des évenemens de la Paillon fe préfentoit à fon efprit. . . Toute la Ville de
j, Cortone accourut à ce Ipeicacle. . . . L'-on voj'oit en elle des marques d'une li
^ exceffive douleur que nous croyions tous (dit l'Auteur de fa Vie qui étoit préfent)
j, qu'elle alloit paflèr : car fa douleur étoit fi grande qu'elle lui faifoit grincer les
„ dents: elle fe rouloit , ôc fe replioit comme un ver, (Se cela dans une Eglife à
la vue de toute la Ville : mais il ne faut pas douter que les Dames qui étoient
auprès d'elle ne priiTèntj foin d'empêcher les fâcheux inconveraens qui pouvoient
naturellement en arriver.) „ EUe perdit tellement l'ulage de fes fens jufqu'à trois heu-
^ res (continue l'Auteur de fa Vie) qu'elle ne s'apperçut point du concours du peu-
j, pie qui pleuroit auprès d'elle, & qu'elle ne reconnut point les Dames qui la te-
. ^ noient entre leurs m^s pour la foutenir. A l'heure que Jéfus-Chrift elt mort ,
^ elle bailîà la tête fur la poitrine. Nous crûmes qu'elle étoit morte. Elle demeu-
„ ra dans cet état jufqu'au foir."
Que diroient MM. les Confultans s'ils voyoient une Convulfionnaire fe rouler à
terre dans une Eglife en préfence d'une multitude de peribnnes? Cependant Benoît
XnL a regardé cette extafe de Sainte Marguerite de Cortone, quoiqu'accompagnée
d'agitations fi fujettes à critique , comme une faveur finguliére de Dieu. Il a cru
même qu'il étoit de fon devoir d'en faire mention dans fa Bulle , comme d'iuie preu-
ve de l'éminente iàinteté de cette fille, 8c des grâces extraordinaires que Dieu lui
a faite. Elle a été ^ dit-il , rendue participante , comme elle l'avait défiré ar-
demment , des douleurs de Jefus-Chrijl . . • étant aliénée de [es fens , & paroif-
fant quelquefois comme fi elle étoit véritablement morte.
Après la Décifion d'un fi grand Pape, ne peut-on pas dire que les DocSleurs de
ce tems-là auroient été très-repréhenfibles de reprocher à cette Sainte par des Ecrits
publics , que fes agitations involontaires l'ayant expofée à la plus honteufe des im-
modefties , n'avoient pu venir que du démon ? N'auroient-ils pas été plus que té-
méraires , de dire que c'étoit une preuve que tout l'état fumamrel où étoit cette
peufe fille devoit être attribué à l'Ange apollat : qu'après l'exjTérience d'une indé-
cence qui auroit pu avoir des fuites fi infâmes, elle devoit ne plus fonger qu'à fe
cacher: & qu'elle feroit très criminelle fi jamais elle ofoit reparoître en public dans
les tems de les extafes?
Cependant cette Sainte a penfé tout différemment. Deux jours après elle retour-
na dans la même Eglife lorfqu'elle étoit pleine de monde, elle y tomba encore en
Obfervat. IJI. Part. Tome II. V exta-
1^4- IDE'E DES MOUr^EMENS CONSUL S IF S.
extafe; 8c Dieu a canonifé fa conduite, & fon état extraordinaire par une vertu H
éminente qu'elle l'a fait arriver au rang des Saints , dans cette gloire qui n'aura
point de tin, ôc où l'on s'embaralTè peu de la critique des Doileurs.
S'il n'eft pas permis de condamner les af^ons des Saints lors qu'elles font furna-
tiirclles, on doit être très retenu à blâmer de fcmbhbles chofes que font forcément
des perfbnnes qui fe trouvent dans lui état pareil au leur , fur-tout lorsqu'il n'eft
quefhon que d'accidens qui dans le fait n'arrivent jamais aux bons Convulfîonnai-
rcs qui ont un foin extrême à les éviter.
Mais non , ce ne font pas ces accidens qui font le véritable objet des outragean-
tes doclainations qu'on a faites généralement contre tous les Convulfionnaires. Ces
inconvéniens qui depuis long-tems ne fubfiflent plus, n'ont pu fervir que d'uii faux
prétexte jx)ur reprélenter comme une troupe d'impudiques tous les Convulfionnaires
fans exceprion , & la multitude de ceux qui s'édifient des Prodiges que Dieu fait
en leur faveur , & des autres Merveilles dont ils les rend les inftrumens. On ne s'efl
pas môme cmbarralTé de fàvoir que dans ce grand nombre de perfonnes il y en a
plulîeurs qui font de la piété la plus éminente , qui mènent la vie la plus auftère,
qui paroiitènt entièrement détachés de toutes les chofej du monde, & dont l'ame
fcmble habiter déjà dans le Cid par la joie que leur donne l'efpérance d'y arriver.
C'eft afin de nous faire tous palTèr pour des gens fans pudeur & fans modefHe,
auffi bien que tous les Comoilfionnaires , qu'on a employé l'art le plus féduifant &
le plus fubtil à repréfenter les Convulfions comme un f{:)edacle d'obfcénités : & pour
cer elfet on a rap}">ellé avec une emphafe indécente, les inconvéniens qui avoient pu
naître des premières agitations qu'ont éprouvé qudques Convulfionnaires. Mais
comme on a fènti que ces inconvéruens ne pouvoient être reprochés qu'à un petit
nombre , y aj'ant quantité de Convulfionnaires dont les mouvemens modérés où
même prcfque imperceptibles, ne font point du tout fujets à de pareils accidens, il
a fallu attaquer tous les mouvemens convuliifs en général tels quUs puiflènt être.
Auflî en ell-on venu jufqu'à cet excès que de s'ertbrcer de les fîérrir tous fans
exception , }->ar les épithétes les plus outrageufcs ; fans fe mettre en i">eine que cette
fuppofition retombe fur plufieurs Saints, & même fur les Prophètes du premier
ordre.
vuZ'm% Suivant les Adverfaires des Convulfions, rien ne rend une perfbnne plus incEgnc
ffand» l'io- de recevoir les imprefTions de l'Efprit faint du genre merveilleux , que d'être agi-
«a'd'cs mou- ^'^^ r^r ^^5 mouvemens convulfift. Cependant li l'on confulte bien l'Ecriture Sain-
vemenscon- te, OU appcrçoit quc Ics Prophètes de l'Ancien Teftament étoicnt eux-mêmçs ari-
'■ tés par des mouvemens de cette cfpéce. Comme je veux éutcr le reproche ae
comparer les Convullionnaires à ces Prophètes , je ne m'arrêterai pcànt à traiter à
fond ce point de fait, je me contenterai pour appuyer ce que je \icns de dire,
d'employer l'autorité du favant Père Calmct.
J^ûioo de ^ Comme les \Tais Prophètes (dit-ii) , dans le tems qu'ils étoient tranfportés par
k moi 'pr'-n l'Efpi'it de Dieu s'agiîoicnt quelquefois d'une manière violente, on appella proi^ié-
1*''"- „ rifcr les mouvemens que fe dounoient ceux qui étoicnt remplis du bon & du
„ mau\-ais EfjTit. Par c>:emple SaiH prophéof)it dans fa maifon: c'cft-à-dirc.il s'a-
„ gitoit avec violence & d'une manière convuUivT, comme fidibicm les Pi-ophctcs.'"
Cet Auteur qui a W bien approfbntli rAnfiqi:ité par rapport à tout ce qui regar-
de la Biiilc, fuppofe donc comme luic chofc inconteliable, que les vrais Prophé-
ies^ dans le tems qiiils étoient tranfportés par l'Efprit de Dieu, i'agitoient d^k^
ae Tjijriicre l'ioletitc CT convuifive? , ,
Aulfiefl-il évident p;ir pUdieurs textes cfe l'EbriturC: , que îa préfcncc de iTîf^
1^ divin faifoi: quelquefois des imprcfTionû ii vives fur le coips des Prophètes
c^u'ils
IBE'E DES MOXJ^EMENS CONFULSIFS. iff
qu'ils eii étoient violemment agités; de forte qu'en les voyant d'aflèz loin, on re-
connoilToit s'ils prophétiibieut : ce qu'on n'auroit pu appercevoir fi l'adion de î'Ef^
prit Saint fur leur ame n'avoit été manifeftée par des mouvemens extraordinaires
de leur corps.
Si des Prophètes dii premier ordre ont eii des mouvemens convulfifs dans le
tems même qu'ils étoient fous la motion immédiate de l'Efprit de Dieu, que de-
viennent les fatires fi diffamantes qu'on a fait de ces fortes de mouvemens ? Un
tel Exemple n'eft-il pas une preuve décifive que l'opération fumaturelle de Dieu
peut être accompagnée d'agitations qui ne nous paroilTent choquantes que parce
que nos yeux font trop délicats & notre raifon trop hautaine?
Mais allons encore plus loin, & prouvons par une autre Exemple de l'Ecriture ^'^^■
fainte, que quand il feroit vrai que les agitations qu'éprouvent les Convulfionnai- raon"re'ro^
res fa-oient caufées par le démon , cela ne les rendroit point incapables d'ère les inf '"'S"' •'"
trumens dont Dieu pourroit fe fervir. ™nvuî"ft"
-■•Job etoit tourmente par le démon dans le tems même qu'il prononçoit fès dif- "'^"^ ''""
cours, que tous les Pères ont regardé comme de fublimes prophéties. Convuifio'"
Si Dieu a pu permettre à Satan de frapper le corps de Job, il pouvoit égale- pabi"d°"'
ment lui permettre de l'agiter par des Convulfions: & il n'eft pas hors d'apparen- '" '"«'u-"^
ce que les vives douleurs qu'il enduroit n'aient caufé de violens mouvemens dans dku **'
tous ies membres. Cependant c'eft précifément dans le tems que fon corps eft en
quelque forte livré à la méchanceté de l'Efprit pervers, que Dieu en iàit un Pro-
phète, & une figure prophétique pour prédire & repréfenter les foufirances de Te-
fus-Chrift. ■■
Job étoit-il moins grand aux yeux de Dieu Idrs que Satan tourmentoit fon corps
que quand ce Prophète jouiflbit de la plus parfaite tranquiUité .> Ce font au con-
traires les douleurs exceffives que le démon lui a fait foufîrir, qui l'ont rendu fi
vénérable, & qui ont été le fujet pour lequel l'Elprit Saint a lui-mène écrit l'hif-
toire de fa vie. Quand le démon auroit agité fon corps par des convulfions af-
freufes aufiTi bien que par des vives fouffrances , devroit-il pour cela nous en pa-
roître moins refpeélable? N'imitons pas les faux amis de Job, qui le raépriferent 8c
le crurent puni de Dieu parce qu'il le voyoient dans un état qui blelTbit leurs re-
gards. Préfervez-nous, Seigneur, d'une fcience orgueiUeufe fi propre à nous faire
leflèmbler à ces faux fàges!
C'eft donc en vain que ceux qui ont entrepris de décrier les ComTilfionnaires,
& de faire paflèr toutes leurs prédiéHons pour des illufions de Satan , font tant
d'efforts pour prouver qu'il eft l'auteur de leurs agitations : puifque quand ils réuf'
firoient à le perfuader, cela ne concluroit rien pour leur objet .>
Dieu paroît vifiblcment dans l'œuvre des Convulfions par des Miracles & des
Prodiges qui ne peuvent êffe attribués qu'à lui: ainli il eft certain qu'il y prend part.
S'il y prend part, ce ne peut. être qu'en Maître abfolu: & s'il y laiiTe agir fon en-
nemi , il le ne lui permet de faire que ce qui cadre à Cqs dellèins. Cherchons
Dieu dans cette œuvre puisqu'il y elt : défioub-nous de l'Efprit pen,-crs qui s'y
gliflè, mais n'allons pas lui atuibuer affirmativement ce qui peut avoir Dieu pour
auteur. Sufpendons notre jugement dans ce qui paroit obfcur , mais profitom a-
vec empreiTenient des traits de lumière que l'Auteur de tout bien y fait éclater.
On ne jieut être trop réfervé à condamner les chofes évidemiuent fumaturelles
lorsque l'adlion de Dieu s'y manifefte par des Miracles , & qu'elles ne font point
crimiueiles par elles-mêmes.
Moditons cet Oracle que l'Efprit Saint a prononcé pour notre inftru6lioa i'/zir- Ecc'.lir. i^
rir/ia enim [nper fenfum haminum ojienfa fmt tibi: multos qnociue fu^piantavn^ "^^
fufjpici»
1^6 IDE'E DES MOVVEMENS CONnjLSIFS.
ffi/pich illorum , & in vanhate detinuit [enfui illorum. „ Dieu noiB montre
„ plulieurs choies qui "font au defTus de rintclligence des hommes : la manière
^ dont on les a regardées a été caufe de la chute de pluiieurs , parce que leur
^ efprit s'eft arrêté à la vanité de leurs penfées."
Ktpi. Je^u Dans la crainte d'un pareil malheur, difons avec feu M. l'Abbé Dugiiet.
ï'i'Jion ' ' -
Dé-
.ch.î.
»
li\Tez-moi, Seigneur, de cette pernicieufe fagelTe. . . Faites que je devienne in-
1^ fenfe lelon le liécle, pour devenir lage félon l'Evangile: Stultus fiam, ut [m
", fapiens. Ne permettez pas que je me laiiTe éblouir déformais par une intellh
'„ gence qui augmente l'enflure de l'efprit & du cœur. ...
L'àneire & l'ânon fur lefquels vous daignâtes vous alTèoir fuccelTivement, é-
toient incapables de rien comprendre dans vos dellèins , ni dans l'ufage que
vous vouliez iàire d'eiLX. Mais en le laiiTant conduire à vous , ils eurent part
à votre triomphe: 8c ils contribuèrent à l'accompliflèment d'une augufte prophé-
tie. .. . Nous ne faurions pénétrer vos dellèins, ni conjeèlurer ce que vous pen-
fez: nous difcemons avec beaucoup de peine 6c d'incertitude ce qui eft près de
nous & cxpofé à nos fens. Mais ù nous fbmmes dociles: & fi vous nous pra-
nez par la main, votre fageflè devient la nôtre : vous nous tirez de nos ténè-
bres 8c de notre ballèiTe, en nous feifant entrer dans vos vues, 8c en nous af
fociant à vos myftères." Ainsi s o i t- i l.
FIN DU SECOND TOME.
BIBLIOTHECA
'ié>
'%'
m
'■^S^
3CN|
Soi
pOJI
=un|
=0)
iO
in
iO|
ËO(
ZW'
^■ <T^
>.* •
i'^