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DUKE
UNIVERSITY
LIBRARY
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LA VIE
D E M""
DES CARTES
Réduite en ab/eoè.
A PARIS,
TGuiLLAUME DE LuYNES, Libraire Juré,dans
la Salle des Merciers, au Palais, à
l'Enfeigne de la Juftice.
/•Ca Veuve de P. Bouillerot , à rentre*
Cliez< de la rue S.André des Arcs, au bouc du
( Pont S.Michel, au bon Protc(^eur.
j ET
(Claude Cellier, Rue S.Jacques,
V. au grand Navire,
mTIdc X c 1 1.
uivcç FriviUgç du Roy.
MONSEIGNEUR
LE
CHANCELIER.
OT^SEIGNLVR,
L'union que Dieu a établie entre la,
Juftlce & la Vérité ^ me donne la har-
die^e de préfenter mon ouvrage a Votre
Grandeur. Quelque égalité qu2 cette
finion femble mettre entre elleSi V ordre
de la Sageffe ^éternelle a voulu que la
Vérité f lit fous la prote^ion de lajitfti^
A ce
E P i T R E.
te i c^ ojue Vhne étant naturellement tou^
tenue & fans armes y l'autre fe troHvâe
toujours armée pour fa défenfe,
C'eft peut-être dans cette vue, MO N^
SEIGNtZJT^, cjue Dieu nous a fait
repréf enter la P^érité fortant de la terre ^
dr la Jujiice placée au deffus des tem-
pêtes pour lui tendre la main. Le fort
de la Vérité femble dépendre tellement
de la préfence de la Jufiice , ijue pour
peu cjue celle-ci s'éloigne ^ celle-là fc
trouve fouvent en proye a fes ennemis.
Mais les intérêts de l'une font telles
ment attachez, ù ceux de t^ autre ( pour
ne pas dire que ce font les mêmes,) c^u'il
ne ferait pas poifihlealaju^lce d'aban-
donner la V érité fans fe détruire. Ce
nefi point faire des-honneura la Jujiice
de croire qu'elle ne peut fubf fier cjuepar
la Vérité ; (fr de dire après un Prophète ^
quon ne peut avoir d'accès auprès d'elle
que par le moicn de celle-ci. Dieu mê-
me dont la vie , au langage de l'Ecri-
ture ^ nefi ijue Vérité & que Juftice ^ a
voulu cjue l'une fut toujours injepara"
hle de l'autre dans tous fes ouvrages,
L'Homme qui s'imagine en être le chef-
dœuvre^ ne peut entretenir aucun com-
merce
E PITRE.
inerce avec fort Créateur^ que par la
'voîe de la Vérité & de lajuflice^ cjni
nonr quun même chemin pour le faire
*venir a nom^ ç^ pour nous conduire a lui.
Il femhle qu'il ne réferve fa miTericor^
de que pour ceux qui fuivront l'une &
l'autre également. En un moty ce nefl
que dans V union étroite de la Vérité &
de la Judice que nous fommes a luy en
qualité de fon peuple, comme il veut bien
être a nous en qualité de notre Dieu aves
les mêmes conditions,
C*eft par l'une & par l'autre qu il a
voulu principalement fe rendre vifihfe
à nous dans la perfonne du Roy^que nous
regardons comme l'image vivante de la
Divinité, A'faisfile plus grand honneur
^^ LOUIS LE GKi\l<[Dclîdavorcté
choifîde Dieu pour faire régner la Jufti-
ce & la Vérité fur la terre : y-a-t-il,
MONSEIGNEVR , quelque autre
honneur dans le monde après celui-là^
qui foit plus grand & plus folids que ce-
lui d'avoir été choifi par un f puijfant
Jl^onarque pour être le Chef de lajuf-
îice dans fon Royaume^ é' le prote^eur
de la Vérité fous fes ordres f
M ais Çi nous révérons dam votre Per^
A iij fome
E P 1 1 R E.
fonne le premiey A^iniflre de lajitfîtce
<jue le Roy a, reçîtë de *DieH pour ctre
dijiribiiée aux Peuples : je ferais prefcjue
ajfez. ha-'di pour regarderçJM . Def cartes
comme l un des principaux' Minifires de
Id Vérité que Dieu na Point révélée y &
dont il a bien voulu abandonner la re^
cherche ç^r la difcujfton aux Hommes..
Si M, Defcartes avoit été affe^ heu.
reux pour rétablir la vraye Philofcphie
par les foins quil a pris toute fa vie de
découvrir la Vérité dans le fonds de la
J^ature^ ce ferait un avantage dont le
genre hiimatn ferait encore redevable an.
règne de LOUIS LE GRAND : puif
<^ue Sa MajeTté la honoré de Ja protec-
tion particulière de fon vivant ; quelle
Va gratifié de penfions , pour faciliter
V exécution de fis grands deffetns j &
quelle l'a comblé de toutes les bontez,
avec lefquelles elle a coutume de recon"
nottre le vrai mérite,
M , Defcartes ne pouvoit mieux ré-
pondre aux honte z. du Roy^ qu'en facri^
fiant toutes fes facultez. a cette Vérité
que 1)ieu femble avoir cachée dans tout
ce qu'il a créé-, & dont la découverte
fmrr oit produire la félicité temporelle
des
É pitre;
^des hommes. Il avolc refâ de 'DiéuMri
amour violent four cette Vérité, Cet a-
moHr fe trouvant accompagné de toute
la droiture dufens & de toute la fwcerité
du fœur^ue l*on piit foithaiter, luy avait
fait pourfuivre cette Vérité par tout ou
il s' é toit douté cjuil pourrait la décou-
vrir. Et s* il fallait juger du fuccés de
fes travaux par V excellence des talens
tju'il y a emploie?:, nous aurions deijuoi
raifonnablement préfumer que cette Ve^
rite fe ferait enfin pref entée à luy fans
dèguifement.
Mais l'expérience de fa propre fai^
hleffe luiaiant perfuadé , <jHe Dieu,ejui
donne gratuitement la connoijfance des
Veritez. furnaturelles par larevelation,
t!c s'engage pas toujours à recompenfer
de la même manière les travaux c^ue l^on
ejfuie dans la recherche des Veritez. na-
turelles: il a taché de fatisfaire au moins
de fa fidélité & de faperfeverance, Vne
Jllaltrejfe telle cjue la Vérité ne pouvait
être mieux fervie cfuavec ces deux qua-
Utez.,fur tout lorfque l'on conftdere que
M. *'Defcartes joignait les fentimsns du
cœur avec les raifonnemens de Cefprit
four la rèconnottre.
A iiij Ce
E P I T R E.
CefonUa, MONSEIGNEVT^;
les motifs de la confiance avec laquelle
fai efferé que Vous voudriez^ bien hono^
rer de votre -proteBion Ihifloire d'un
homme c^ui a procuré a la France la gloi-
re d'avoir produit le chef âe la Philofo^
fhie nouvelle^ oulerefiaurareur de celle
^jue les Anciens cultivoient, avant que
les Grecs l'eufferit ernharaffèe de la divers
fitè de leurs opinions ,J'ofe me flater que
VÔTRE Grandeur w<?/^ trouvera pas en-'^
tierement indigne d*elle^ foit par la vue
des grandes relations delà Jujîice avec
la Vérité^ foit même par la confderéi,,
tion de la famille de ce cHehre Philo-
fophe, dont les parens ont été depuis plus
d'un [îecle l'ornement de l'un desprinci"
faux Tarlemens du %oyaume, C'efl à
la connoiffance que vous avez, eue de leur
application a leurs devoirs , quils font
redevables de cette bienveillance par-
ticuliere , avec laquelle vous les avez»
toujours diftinguez^ depms que vous êtes
entré lapremierefois dans leur Province^
aux Etats de laquelle vous avez, fi u--^
vent ajfifié pour fa Majeflé,
Mais, MONSEIGNEVR, toute
immenfe que votre bonté a paru juf^
E P I T R E.
'<qtt'icl aux pehples de cette grande Afa-
Turchie , il ne nous efl point permis de
douter cjue votre puijfance naît une éten-
due qui luy efi proportionnée, pwf^ii'ellâ
na point d'autres bornes que celle du
Roy, Cette autorité fuperieure <^ue vouf
avez, fur toute lajuft-ice ijuiefi l'ame des
Empires , ç^ qui eft capable de rendre la
Monarchie immort ell e p ar fon incorrup*
tibilitéy efl a la vérité L'ouvrage du plus
'puiffant des Princes de la terre, inais en
même tems duplttsfage de tous les %j)is.
De forte que le jugement que ce grand
Jl^ona'r-]He a fait de votre perfbune en
*vous élevant au comble des dignitez. de
fon Royaume, vous efl encore infiniment
plus glorieux que toute lapniffance cjuil
'VOUS a communiquée, j^prés lui avoir
donné durant une longue fuite d'années
des preuves continuelles de votre intéw
gritéy de votre fu^fance^çlr de votre ver^
tu^vous auriez, pent-étre été content qu il
en fut demeuré au jugement qu il faifoit
de votre mérite : parce qu encore que fa
puiffance fit capable d'élever de petites
chofes, fon jugement n'en peur eflimer
que de grandes. Ad ai s enfin il f ail oit a-
'voir éffard a la gloire de fon Royaume:&
A V il
E PITRE.
il a voulu joindre en vous fa pnîffancea-
fon eftime , par l'intérêt qu'il avoit de
rendre [es fujets heureux,
La fart que fai a cette félicité gênera^
le, cr les jufles rejfentimens des bontez,
particulières dont il vous a plu de rnbo-d
norer, rn ont fait emhraffer avec empref-
fement Coccafion d'en témoigner ma re*-
connoiffance au Tublic , qui doit être
perfuadé que votre illnfire maifon nefl:
pas moins Cafile de la P^érîtè que le tem-
ple de la Juftice. Si je dois regarder la '
vénération que fay pour l'une ^ pour
Vautre comme la règle de celle que je
dois avoir pour celui qui y prèjîde ; je
puif afurer avec vérité r& avec juftice
qnil n'y a point de rejpecl plus profond
ni plus fincere que celui avec lequel js^
fuis,
MONSEIGNEVR,
Di VÔTRi Grandeur,
Le trcs. humble,&: tres-obéilTant
fciTiteur Baillet.
AVER-^
AVERTISS EMENT.
JE ne me fui' pis contenté de luivre (îans
cet Abrège l'ordre que je m'étcis prclcric
dans riiiltoirede la vie de M. Delcartes,
& d'en obfcrver rocconomie dans la même
divifîon des livres & des chapitres . Je me fuis
encore affujecti autant que j'ai pu à ne le
compoTer que des mêmes exprelfions , afia
qu'on y pnitfe retrouver la vie de M.Delcaitcs
toute entière, mais en petit, comme une minia-
ture reprefente un poi trait qui fc trouve ail-
leurs dans un grand tr.b]eau.
Quoique la pluipart des Ecrivains denô^
tre tem.^s, qui fe jugent dignes de fervir de
modèle auï autres , aient fecoiié le joug in-
commode de la citation , j'aurois encore li-
brement franchi leur exemple, ii la marge de
ce petit volume avoir été capable de contenir
toutes les autoritez donc j'ai cril devoir char-
ger celle de l'ouvrage original que j'ai abrégé.
Je le lailTedonc aller fans bordures : mais je
ne lui ôte rien de l'avantage que l'on peut
attendre de la garantie èc des citations , par-
ce que l'hiftoire de la Vie in 4*" lui fournira
toutes fcs preuves.
• C'eft à quoi j'ai principalement butte en
marquant exactement tous les chapitres de
l'oiiginal aux marges de cet abrégé. On
fera libre d'y recourir, tant pour y voir les
fources où j ai puisé, que pour y trouver uti
plus grand détail, de ce que les loix de Tabré-
vfation m'ont oblige de mettre a l'étroit
«knste petit ouvrai^c.
SOMMAIRE DE CE QVÎ EST
contenH dans V Abrégé de U Vie
de M, Defcartes,
LIVRE PREMIER,
Depuis L'an \<i96 iufqt4>'en léij».
j. ^ A famille. II. 5a naiflaiice. m. Son baptême.
^Mort de ù mère. Etat de la fanté. Secondes nop-
ces de fon père. iv. Ses difpofirions pour l'étude.
On l'envoie étudier à la Flèche. Progrès, de Ces hu-
nianitez. v. Sa amis de collège. Tranfport du cœur
de Henry iv à la Flèche. Fruits de fes études de Lo"
^ique ôd de Morale, vi. ^on peu de fatisfadion dans
i'écuje de la Phyfique ftc de la Metaphyfique. Ses
doutes & fes embarras. Etude des Mathématiques. Sa
manière d'étudier ou de méditer, vit. Ilfortducol-
lége , peu fatisfait de Ces études, il renonce aux li-
vres & aux fciences ; ôC pourquoi ? VIII. Son fcjour à
Rennes, puis à Paris. Son oifiveté, fon amitié avec
hi, Mydc:rge ; avec le P. Merfenne. 5a retraite &
fon retour à l'érude. Il e(t interrompu par un ami fâ-
cheux qui le fait rentrer dans le monde, ix. Il va
porter les armes fous le Prince Maurice en HoHatide.
Ses vues en cela. U £îit connoiflance avec BeecKman.
X. Il fait fon traité de Mufique. xi. Autres ouvra-
ges commencez. Il quitte les Pays-bas. xii. Il paffe
en Allemagne. Il allilte au couronnement de Ferdi-
nand 11. Il fe met dans les troupes du Duc de Bavière.
Livre fécond.
"Depuis 1615 \ufquen 1619.
^.TL entre en quartier d'hiver. Sa folitude. Il t.îche
^j'e fc défaire de fes préjugez. Ses peines & (es
embarras fur ce fujet. 11. Recherche des Frères de la
RoCc-Croix. U va en 5ouabe ôc confloît Faulhabcr. Il
le trou.
Sommaire.
c trouve au fiége de Prague, in. Il paiïe en Hon-
grie ; mais il ne fer: pas contre les Turcs, iv. il
renonce à la prjfelfion dc5 armes. Sesvoiages dans le
Nord. Il ccurt rifque de la vie. v. Il revient dans
fon pays. Il va à Pans. Il détruit la calomnie qui
le faifoit p.ifler pour Rofe-croix. vi. Ses inquiétudes
l'ur un genre de vie. Il renonce aux Mathématiques 6c
àlaPhvfique. Etude d'une Mathématique univerfelle.
Il embrafl'e la Morale & reprend la Phyfiquc- Il va en
Bretagne & en Poitou ; il vend fa terre, vu. Son
voiage d'Italie, viii. Son retour en France, ix. Il
xevient demeurer à Paris : fa manière de vivre. Ma-
ximes pour fa conduite particulière, x &xi. Sa ré-
putation lui fiit des amis & l'accable de vilîtes.xii.
Taille dcî verres de lunettes &c de miroirs. Ferrier ou-
vrier d'inllrumcns de Mathématiques. M. Defcartcs
fe dégoûte des compagnies inutiles. Il fe cacjie ôc eft
découvert- xiii. Il va au fiége de la Rochelle, xiv.
Il fc trouve à une afl'emblée célèbre chez le Nonce
pour entendre Chandoux. On le fait expliquer fur
ce qu'il penfe de la Philofophie. Le Cardinal de Be-
rulle le détermine à donner fa Philofophie-
Livre troifîéme.
Depuis \6i9 jufqu'en i^^j-
i.'TL fe retire à la campagne, puis en Hollande, ii.'
ISa vie ambulante & cachée en Hollande. Il va
demeurer en Frife où il travaille à fes Méditations
Metaphyfîques. m. Ses vues touchant la Dioptrique.
Il retourne à Amfterdam. iv. Occ^fion de Ion traité
des Météores. Phénoméue des Parhelies. v. More de
fon direâcur le Cardinal de Berulle. Etude de la
Médecine, de l'Anatomie, 8c de la Chymie. vi & vu.
Mj.uvaife conduite de BeecKman ÔC de Ferrjer à foa
égard. VifireduP. Merfenne Livre du P.Gibieuf,
VIII. Il refufe d'aller au Levant. Il va en Angleterre.
Il ne veut plus propofer de problème à perfonn e ; ôC il
fe réduit à ne plus refoudre que ceux qu'on lui pro-
poleroir. ix. Il reçoit Ville-Brelficux chez lui. Il va
^kmcuïer à Deventcr. x. Son Traité du monde, xi ÔC
ôommam.
xîT. La condamnation de Galilée lui fait reflerrer es
Traiié. xiit. Il rerourne a Ainflerdam. JlvacnDa-
nemarK avec M. de ViUe-Brelfieux. xiv. Reneri palîe
dans rUniverfi:é d'Uirccht. M. Defcanes fait fes ob-
fervations fur la négc à fix pointes. Obfervation fur
les couronnes colorées des chandéles- Traité des Lu-
nettes, Mort de BcecKman.
Livre quatrième.
Depuis l'îs? jufqu'en 1658.
t '& II. TL fait imprinner les £llais de fa Philofophi'e.
iSon Difcours de la Méthode, m. 5a Diop^
txique. Ses Météores. Sa Géométrie, iv. Liaifon ÔC-
rapport de ces quatre traitez. Manière dont ils font
écrits. Origine de ranimoHié de M. de Roberval con,
tTe M. Defcartes. v. 71 va au fiége de Breda , puis en
Flandres, à Doiiayv I\ va demeurer à £gmond. /l
îépond aFromond, à Plerr.pius, 5c à Cicimans. vr.
Pons offices de M. Mydorge^ Bons offices de M. des
Argues. VII. Objedir.ns de M. de Fer.iiat contre la
Dioptriquc.Dbiedlions de M. Petit. Origine de la
double difpute de M. de Fermât contre M.Defcartes.
VIII. MeiT. Pafcal ÔC de Roberval époufent laque-
relie de M. de Fermât. M. Defcartes leur répond, ix.
Procédures du différent entre M. de Fermât &c JVï,Def-
cartes. M. Mydorge & M. Hardy du cofté de M. Def-
cartes ; comme M. Pafcal àc M. de Roberval du collé
de M. de Fermât^ x. M- de Fermât t'ait fa paix avec
J/I. Defcartes & devient fon amy avec M» Pafcal,
M. Rohaut & M. Clerfelier achèvent de convaincre
M. de Fermât, xi ôcxii. Difputes avec M. Petit,
avec M. Mcrin, avec M. de Beaugrand, 5on petit
Traité de Statique ou de Géodariquc. xiii, xiv ÔC xv.
De la Roulette, èc de la part que M. Defcartes eut à
cette quellion. xvi. Jl renonce de nouveau à la Geo^
rperrie. introdudtion à fon traité de Géométrie. Notes
«te-M.de Beaune fur ce Traité. Ses exercices fur l'Arith-
mctique avec M. de 5ainte.Cioix ôC Mt Frenicle. J\
c^fic de rtagadre aux problèmes.
Sommaire.
Livre cinquième.
Depuis léjS juj'qu'en 1641.
*"D Egiiis devient difciple de M. Defcartes & Pro-
IvtcUeur à Utrecht. 11. 21 commence à recevoir les
fccocirs de M. Defcartes. Amis de M. DefcartcS en
Hollandc.B.innius & Bloem.irt Prècres catholiques. m.
A/oïc de Reneri premier Dodtcur Cartelien. Panegyri-
qoede Moniteur Defcartes prononcé publ qucmcnt
par ordre du magiltrat à Urrecht. Kegius devient le
premier difciple de m. Defcartes. iv. QJuel écoit Voe-
tius. Ses mauvais defïenis contre la nouvelle philofo-
phie. V. Regius le précautionne contre Voetius. Son
indtfcrction. Inftruftions que lui donne m. Defcartes.
Mauvaife conduite de Plcmpius.vr. Coniques du jeune
P.ifcal âgé de 16 ans.Exerciccs avec m. de Beaune. vu.
M. Defcartes va demeurera HardervvicK, puis dans le
voiliiiagcd'Urrecht, puis à Leyde. Amitié avec Hey,
danus. Amjtiéavcr River. Gageure de ^tampion.Li^re
contre M. Defcartes. viii, Thefcs de Regius, Prati-
ques de Vociius contre lui, IX. Sentiment de M. Def-
cartes touchant le fiege de l'Auîc. Projet d'établifîemenc
en Angleterre. Son amitié avec Milord Candifch;avec
M.de5aumaifc. Méchante humeur de M de Sauinaifc,
X. Il fe brouille avec les Jefuites.Thefcs du P.Bourdin.
TJTfage des collèges dans les rhefes.il déclare la guerre
aux Jefuvces. xi. Différent pirfonnel avecl: P- Bour»
din. 21 fe prépare contre les Jefuites. Il entreprend
de réfuter la Icholaflique. xii. Mort de fon Père &C
de (a fil le, fon célibat, intrigues de Voetius contre
lui auprès du P. Merfennc. Le Koy l'appelle à la
CDur avec des propofitions honorables, mais en vain.
Livre {ixiéme..
Depuis 1641 juf qu'en 1644-
3.T)U'->l! cation de fes Méditations métaphyfiqucj. ti.
lA^Abrcgé de ce qu'elles contiennent. jUinierc dont
cUes
Sommaire*
fclles font écrites. Premières Obje£lîons. m. Se-
condes Objedions. Troifiémes Objedions pAi Morv*
ficur Hcbbcs. Autres Objections de Monficur Hob-
fces, IV, Quatrièmes ObjeÛions pat m. Arnaud.
Eilime & amitié de m. Defcarres pour ce Docteur, v.
Cinquièmes Objcdjons p.ir M. Gallendi. Origine de la
broiiillerie de M. G<iflendi avec m. Defcartes. dixiè-
mes Objeûions. vi. Voeti us devient Redteur de l'U-
Tiiverfité. Il fe fert de fon autorité pour détruire Re-
gius & M. Defcartes. Théfes de Rcgius. Thefes de
Voerius contre Regius, vu. Tempère excitée contre
Regius. Avis de m. Defcartes à Regius. Voetius fait
condamner la Philofophie nouvelle, viii. Sentimens
favorables des Pères de l'Oratoire & des Jefuites pour
la Philofophie de u^ Defcartes. Le Père Bourdin écrit
contre les méditations. HKloire des leptiémes Objec-
tions. IX. M. Defcarres demeure à Eyndegeefl ; ou Cor-
bière fait conpoiflance avec lui. Regius & Picot fc
voient à Eyndegeeft. M. le Duc de Luines & M Clerfc-
lier traduifent les Méditations, x & xi. Livre de Voe.
tius&de SchocKius contre M. Defcartes : ôC contre
la confrérie de N, D. de BoHeduc. Réponfe de M-Def.
cartes. Procédures d'Utrecht cotre M. Defcartes. 5chooc-
Kiuseft citéà Groning'je. xii & xiii. Libelle nou.
veau de Voetius. Inftances ou Réplique de M. Gaflendi
à la réponfe de M. Defcartes. Corbière les broiiiUe en-
fcmble. XIV. Tradudion latine des Efïais par Elt. de
Courcelles, Voiage de M. Defcartes en France. Il va
en Bretagne & en Poitou.
Livre feptiéme.
Depuis 1644 jufquen 1^50.
EDition des Principes de fa Philofophie. Eli-
zabeth Priaceffe Palatine difciple de M;
Sfii
Defcartes. m. Soa féjour à Paris où il void fes amis.
IV. & V. Il fe rerire à Egmond. Il fait terminer fon
procès de Groningue , ÔC Hnit avec Voetius à Urrechr.
vi.M.Gaflendi refufe d'écrire contre lesPrincipes de M;
D^efcartes. Heercboord enfeigne le Cartelianifme à
leydc. 5 cbjfme & ingratitude de Regius, vu. Traire
des
Sommaire.
ïesAnimaux pillé par Regius.Etudes & Trairez d'Ana*
tomîcQucrtions fut la quadraruredu cercle. M.Defcaf-
tes vold M.Chanut &C M.Porlier àAmfterdam.U fait
fa Réponfe aux Inftances de M.GalTendi,& une ébauche
de fon traiié des pallions de Tame. viii. Difpures
avec M, de Rohcrval fur les Vibrations , &c. Com-
merce dcPhilofophie morale avec la PrincefleElifabcth.
Il défavoiië Reg'us Se fon livre, ix. LiaifondeM.
Defcares avec M- de Hooghcland. Difperfion de Tes
amis de la Haye à la retraite de la Pnncelle Elizabeth.
Etar de fcsamis parmv le« Jefuies & ailleurs, x. H
répond à la Reine de Suéde Se à M. Chanut fur des
queihons de Morale, xi. Aftaires que Rcvius 5c Tri-
glandius luy fulcitcnt à Lcyde. xii. Second voyage en
France. Penfion du Roy. Entretien avec M. Pafcal.
Retour en Hollande. 1\ envoyé fon fentiment du
fouverain Bien Se fon traité des PalTions à la Rome
de Suéde. XIII. Ecrits de Revius, de Regius &c. Troi-
fiémc voiage de M.Defcartes en France.peu heureux- Sa
reconciliation ave: M. Gafîendi.xiv. Chicanes de Mds
Roberval.Rftour deM.Defcanesen Hollande, xv. Mort
du P.Merfennc.La Reine de Suéde devient C'rréfienne.
Morus Cartéficn, puis adverfaire de Defc. xvi. Attaches
de M. Defc. pour la Princefle Elizabeth. Ses inceni-
tudes fur k lieu de fa demeure. La Reine de Suéde veut
Tattiier à StocKholm. xvii. Edition latine de fa Géo-
métrie, M. Carcavi correfpondanr de M. Defcattes: fc
lailTe gouverner par M. de Roberval. xviii. Inquiétu-
des fur fon voiage de Suéde- Il arrive à StocKholm.Ses
conventions avec la Reine. Sa faveur auprès d'elle.
5tix. Jaloufie des Grammairiens de la Reine. Traité des
Paiïions. Ses œuvres poftumes. xx. Ses autres manuf-
crirs. La Reine veut l'établir en Suéde. Projet d'une
Académie, xxi. Maladie de M.Defcartes. S a mortxxu-
Ses funérailles. xxiii.Trâflation de fon corps en France.
Livre huitième.
Contenant Us qtiaLite\de fon eorps & àe (on efprit - Sa
manière de vivre avec Dieu & avec les hommes*
corps. Son régime. Sa fanté. ii. S^n domef-
quc. Son def-intereflemcnt pour les biens de U
fortune.
SOnco
ciquc.
Sommaire.
f<nîtune. lit.' Sa vie recirée. A/épris de la gloir?*
Ses hAbit'jdes d'écrire & de lire, Scn ftile. iv, Son
efprir, fa mémoire, fcn jugement , fon amour peut la
vérité, v. Sa docilité, fa modeftie, fa douceur > fa
modcration. vi. Ses amis , Ces ennemis eu adver-
faiies, fes aftoûions. Inclmation pour le fexe. Ses
vertus. VII. Ses fcntimens fur la Keligion, Ton teC-
peu pour la Divinité, viti. Uùge de fa raifon dans
lés chofes de la Religion, ix, Jif.miere d'expliquer'
la tr.iRlîubftantiation. Ses exercices de pieté. Sa foû-
niilHon à l'Eglife. x. Du caraéiére de nouveauté
dans fes opinions i ôc de fes rencontres avec ceux «^ui
L'avoicnt devance.
ABREGE^
ABREGE' DE LA VIE
DE M-^
DES CARTES.
LIVRE PREMIER,
Depuis 159^ ^ufqHen i6ip,
^ A maifon de Defcartes ^ ^
ia toujours été confide- ^ '
/ ' ,, , Sa Va-
ree comme lune des miit^
meilleures de la Ton-
- raine. Il ne s'y eft point
vu de mes-alliance qui en ait altéré
la noblelfe : & nous ne trouvons
point, de datte d annoblilTement qui
€11
% Ahregé de UVie
en puiflTe fixer ranciquité. La bran-
che des aînez s'écant fondue dans
la maifon de Lillette , puis en cel-
le de Maillé , celle des puînez s*ac-
crûc de beaucoup , & s'étendit par-
ticulièrement dans le haut Poitou. Elle
palTa même jufqu en Berry & en Anjoa
par le moien de fes alliances , jufqu'à
ce qu'au temps de la Ligue elle fe
trouva réduite du côté des mâles à l'u-
nique Pierre ^efcartes ayeul duPhilo-
fophe dont on entreprend d'écrire ici la
vie.
Pierre Defcartes après avoir utile-
ment fervi contre les ennemis de laRe.
ligion de fon pays , Se ceux de TEtat
de fon Prince , avoit quitté le fervicc'
d'afTez bonne-heure, pour goûter plus
long-temps les fruits du repos qu'il s'é-
toit procuré. Il n'eut qu'un fils de Glan-
de Ferrand fceur d'Antoine Ferrand
premier Lieutenant Particulier au Châ-
telet de Paris , & de Michel Ferrand
qui fut père de M. Ferrand Doien du
Parlement.
Ce fils nommé Joachim fut le pre-
mier de fa famille qui prit le parti de
la Robe , Se qui alla s'établir en Bre-
tagne,
de M. Départes. Liv. 1. 3
tagne , après s'êcre faii pourvoie d*une
charge de Confeiller au Parlement de
Rennes le 14 de Février i^S6, par la
tefignacion d'Emery Regnauld. Il épou-
ù enfuice par contrat du ly de Janvier
1589 Jeanne Brochard fille du Lieu-
tenant gênerai de Poitiers, qui lui don-
na trois enfans dans le peu de temps
qu'elle eût à vivre avec lui. L'ainé ap-
pelle Pierre Defcartes fieur de la
.Bretailliere Confeiller au Parlement de
Bretagne étoit peie de Monfieiir Def-
cartes "^ fieur de Kerleau qui elt main- *^o^chm
tenant Sous-Doicn du même Parlement.
Le fécond étoit une fille * mariée à '^^'^*"^*
M. Rogier du Crévis, & ayeule de M.
le Comte de Villeneuve d'aujour-
d'huy.
Le dernier étoit René' Descartes - . , ^
nocre Philofoplic , qui naquit à la H.
Haye en Touraine fur la rivière de SaNaïf
Creufe le 31 jour de Mars de l'an i^c)(S, ^*'*'**
dans la feptiéme année du règne de
Henry le Grand , &c dans le commen-
cement de la cinquième du pontificat
de Clément VIII. Il a témoigné dans
la fuite de (à vie qu'il n'étoit pas con-
sent quon euft remarqué le jour de Ta
naiffance,
4 "^ ,,
jihrez^ de la Vie
o
159^ naifTance , hors des regiftres baptiftéres
de fa paroifTe , &: des archives génea-
logicjues de fa maifont. S-araifon étoit,
qu'il avoir avcrfion four les faîfeitrs
d'horofcope , à l erreur àefcjitels il fem-
hle <^ue Von contribué (juand on publie
la raljfance de cjuelejitun. Mais c'eft
moins une raifon qu'un prétexte qu'il
allej,uoit à ceux qui vouloient emploier
cette circonftance pour le faire connoî-
tre au Public.
Il reçût le baptême le troifiétne
. jour d'Avril fuivanr, dans l'Eglife pu
^'''^'- roifiTiale de S.George delaKayei&onlui
fit porter le furnom^// Perron qui écoic
un fief à la maifon, pour être diflingué
de Ton aîné dans la famille.
Mort de Les couches de fa mère qui avoient
ete allez heurcuies pour lui , turem
fuivies d'une maladie qui l'empêcha de
relever. Elle avoic été travaillée dés le
temps de fa grolTelTe d'un mal de pou-
mon, qui lui avoir été caufé par quel-
ques déplaifirs qu'on ne nous a point
expliquez. Son fîls qui nous apprend
cette particularité s'cft contenté de nous
dire qu'elle mourut peu de jours après
qu'elle l'euft mis au monde.
Les
de M. Dejcartes. Lh. I. 5
Les foins du père purenc bien ga- 159(5
-rantir l'enfant des inconveniens que '
l'on devoit craindre de la privation de
la mère : mais ils ne purent le fauver Erat da
des infirmitez qui accompagnèrent la f^I^^^^^*
mauvaife fanté qu'il avoit apportée en
venant au monde. Il avoit hérité
de fa mère une toux fcche de une cou-
leur pâle qu'il garda jufqu'à l'âge
de plus de vingt ans : Se tous les Mé-
decins qui le voioient avant ce temps-
là le condamnoient à mourir jeune.
Mais parmi ces premières difgraces il
reçût un avantage dont il s'ell fouve-
nu toute fa vie ; c'efl: celui d'avoir été
confié à une Nourriiïe qui n'oublia rien
de ce que fes devoirs pouvoient exiger
d'elle. C'efl ce qu'il fçûtgenereufemcnc
reconncître par une penfion viagère
qu'il lui fit pour le relie de fes jours,
dés qu'il fe vid en état de poflcder quel-
que bien.
La mort de fa mère contribua beau-
coup à détacher fon perc des habitu- ^'^.^"'^
des qu'il avoit en Poitou , &' des in- dTfon^^
clinations qu'il fentoit pour la Tourai- ^^^'^*
ne. Le fejour de ces provinces dans
quelqu'une
6 j4hrege de la Vie
quelqu'une des maifons ou des terres
qu'il y poltedoic luy avoir plû juf-
ques.la-, & il y alloit volontiers paf.
fer le temps que Je fervice /emellre
du Parlement lui laifFoit libre. Mais il
(è reduifit entièrement à la Bretagne
peu d'années après , & il y fixa le refte
de fa vie par un nouveau manage qu'il
y contracta avec Anne Morin fille du
premier Prefident de la Chambre des
Comptes à Nantes, Il en eut un gar?^
çon & une fille. Le garçon fut Con-
feiller au Parlement, feigneur deCha-
vagnes , & père de M. de Chavagnes
d'aujourd'hui Confeiller au même Par-
lement, qui s'efl: fait d'Eglife depuis la
mort de fa femme. La fille époufa Loliis
d'Avaugour feigneur du Bois-de-Ker-
grais.
Les soins de cette nouvelle fa^
^ mille ne firent point diverfion à ceux
I Y^ que ]oachim Defcartes devoit à fon fils
Sesdiffo- du Perron^qu'ii avoir coutume d'appel-
ftficns jçj. f-g^ Philo fbpheÀ caufe de la curiofité
four ^ ^- . r • 1 1 '' ^ ] Il r
ifide. mlaiiable avec laquelle cet entant
lui demandoit les caufes & les ef-
fets de tout ce qui lui palîoit par les
fens.
La foi^.
de M, De/cartes. Liv.I. 7
La fjiblelle de (a complexion , & i^o^
rinconftance de fa fantc robligeueni à *
le laillèr Ion ^-temps fous la conduite
des femmes. Mais dans le temps qu'on
ne travailloic qu a liiy former le corps ,
êc à luy acquérir de l'en^b «n- point , il
donnoit des marques prel'quc conti-
nuelles de la beauté de fon {^énie. Il fie
paroicre au milieu de (es infinnitez des
difpofitions fi heureufes pour l'étude,
que fon père ne pût s'empêcher de luy
procurer les premiers exercices qui
convenoient au deircin qu'il nvoit de
cultiver ce fonds, malgré la réfoiutioii
qu'il avoit prife de s'alTurer de la fanté
corporelle de fon fils avant que de rien
entreprendre fur fon efprit.
On s'y conduifir avec tant de pré-
caution, qu'on ne gâta rien. AufiTi pou-
voir on dire que ces premières études
n'étoient que des elîais légers , & des
ébauches afTez fuperficielles de celles
qu'on avoit intention de luy faire faire
dans un âge plus avancé.
Son père le voiant fur la fin de fa OnVen
huitième année, crut devoir profiter du
nouvel écabliiTcment que l'on faifoic lûibc^
du fameiu collège de la Flèche en fa-
B veur
Lf et;t*
er a ix
s '^Jhregé de la Vie
^*^4 veut t^es Jefuites. Il l'y mit en penfion
^' après rhyvec de Tan 1604 , ^ le re-
commanda particulièrement aux foins
du P. Charlet fon parent. Ce Père
qui fut long- temps Redeur de ce col-
lège , avant que de palier aux premiers
emplois de la Compagnie , conçût une
afFedion fi tendre pour le jeune Def-
cartes-du-Perron, qu'il voulut fe char-
ger de tous les foins qui regardoient
le corps auffi-bien que Pefprit. Il luy
tint lieu de Père & de Gouverneur
pendant huit ans & plus qu'il demeura
dans le collège : & luy donna pour
Préfet particulier le P. Dinet qui fut
depuis Provincial Se ConfelTeur de nos
Rois. L'un & Tautre voiant le jeune
Ecolier allez fenfible à toutes leurs
bontez , ne tardèrent point de joindre
i'eftime àl'afïtc^ion : & après avoir été
fes Dire6l:euts pour l'étude ëc la con-
duite des moeurs, ils s*en firent unamy
qu'ils voulurent conferver jufqu'à la
mort 5 Se qu'ils eurent foin d'entretenir
par un commerce mutuel de lettres SC
de recommandations.
Tfogrés Le jeune Defcartes, que nousn'ap-
rJanitel, pcHerons plus du- Perron que lors qu'il
fera
de M. Dejcartes. Liv.I. 9
fera queftion de le diftinguer dans fa ï<^<^4
parenté , avoir apporté en venant au '
collège «ne palîion plus qu'ordinaire
pour apprendre les fciences : & cette
paiïîon (e trouvant appuïéc d'un efpric
îblide 5 mais vif & déjà tout ouvert ;
il répondit toiajours avantageufemenc
anx intentions de f)nPerc & aux foins
de fes Maîtres. Dans tout le cours de
fes Humanitez qni fut de cinq ans 3c
demi , on n'apperçût en liiy aucune af-
fectation de (ingularité, fmon celle que
pouvoir produire rétnulacion avec la-
quelle il fe piquoit de lailfcr derrière
luy ceux de fes compagnons qui paC
foient les autres. Aiant un bon naturel
avec line humeur facile 5c accommodan-
te , il ne fut jamais gêné dans la fcû-
miffion qu'il avuit pour la volonté de
fes Maîtres : & l'afliduité qu'il appor-
toit à fes devoirs de clafTe & de cham-
bre ne luy coiitoit lien.
Avec ces heureufes difpoficions il fît
de grands progrés dans la connoidancc
des deux langues , dont il comprit de
bonne heure l'importance Se la neceflité
pour l'intelligence des livres anciens.
Il aimoic les vers beaucoup plus que
B ij ne
10 Jhregé de la J^/e
ne pourroiciît fe l'imaginer ceux qiiî
* ne le conûdérenx que comme un Phi-
lofophe qujauroit renoncé à la baga-
telle. Il avoit même duraient pour la
Poefie ; &: il a fait voir qu'il n'en igno-
roit pas les delicarelTes , & qu'il n'étoit
pas entièrement inreniible à Tes dou-
ceurs. Il avoir trouvé aufli beaucoup de
plaiGr aux Fables de l'antiquité , non
pas tant à caufe des myftéres de Phy^
lîque ou de Morale qu'elles peuvent
renfermer , que parce qu'elles contri-
buoient à luy réveiller l'efpnt par leup
gentil lefc
Pour récompcnfe de la fidélité Se de
l'exadlicude avec laquelle il s'acquittoiç
de fes devoirs , il obtint de Tes Maî?i
très la liberté de ne s'en pas tenir aux
lecftures & aux xrompofitions qui luy
étoiejit communes avec les autres. Il
voulut cmploier cette liberté à fatis-
faire la paillon qu'il ientoit croître en
iuy pour acquérir une connoiffauce clai-
re & aj[w€e de tout ce ejui eft utile h
la ^t>,, qu'on luy avoit fait efpererpar
le moien des belles Lettres. C'eft dans
cette vue que non content de ce qui
s'enfeignoic dans le collège il /ivx)ij: p^r^
• coum
de M. De/c4rtes. Liv.I. rt
toûm , (i nous l'en croions , tous les « 1^04
Livres qdi traitent des Sciences qu'on « ~-
eftime le^ plus curienfes&rles plus ra- es. c<
Ce qui ne doit s'enrendte que de ce
qui pût alors luy tomber entre les mains,
l'a joûceray pour defabufer ceux qui l'ont
Soupçonné dans la fuite de (a vie d'avoir
peu d'inclination ou d'eftime pour les
livres , que nous trouvons peu de Cen^
timens plus avantageux que ceux qu^il
en avoit dés ce temps-là Jl s'étoit perfua- «
de que la ledure des bons livres cft «
comme une converfuion avec les plus "
honnêtes gens des fiécles palîez qui en «
ont été les auteurs , mais une conver- «
fation étudiée , dans laquelle ils ne «
nous découvrent que les meilleutes de «
ieurs pcnfées^ <*
Outre l'émulation pour l'étude
Ôc l'honnêteté des n^Œurs , les col'éges
produifent encore un autre avantage
dont M. Defcartes ne voulut pas
être privé. C'efl: celuy des connoillhn-
ces & des habitudes que l'on y contradlc
avec ceux de Ton âge ou de Ton hu-
meur, & qui font fouvent Icsfemences
de l'amitié la plus forte &c la plus dura-
ble. Les plus anciens de fes amis furent
B iij fans
Il Ahegiàe la rie
léio fans doute ceux qu il connut à la Flé-
- che. Mais outre René le Clerc qui
fut depuis Evêque de Glandéves , <k le
fieur Chauvean de Melun , qui de-
vint enfuite grand Mathématicien 5C
zélé Cartéfien , nous ne connoiflons
plus de ces premiers temps que le P.
Adarin Merfenne Minime qui apaflc
parmi le monde fçavant pour le Ren-
dent de M. Defcartes à Paris,
& pour le Doien de fes amis & de Tes
fedateurs , quoiqu'il fût de prés de huit
ans plus âgé que luy , & qu'il fût ea
Rhétorique lorfque celuy-cy commen-
çoit la Grammaire.
Tr^«/^ M. Defcartes étoit dans la pre-
Vilf'ù niiére année de fon cours de Philo o-
hemy phic , lorf.|ue la nouvelle de la mort
f/^'c/;I. ^ ^^ ^^^y ^^^^ ^^ vendredy iv de May 1610
fît ceflèr les exercices du collég . Ce
bon Prince en donnant fa mailon deU
Flèche aux Jefuites , a voit fouhaicé que
fon coeur , celuy de la Reine , & de
fes fuccelTeurs y fulTent portez aptes
leur mort , 6c gardez dans leur Eglife.
De forte que le temps qui s'écoula de-
puis cette funefte nouvelle jufqu'aii
tranfport du coeur du Roy à la Flèche ,
fut
de M. Defcartes. Liv. I.. 13
fut emploie dans le collège à des prie- i^i«
res publiques , à des compofuions funé- **^
bies de vers 6c de profe , & aux pré-
paratifs de la réception de ce depofl.
Elle fe fit le iv de juin avec beauc up de
cérémonie : & il fjt réglé dans Thotel
de ville de la Flèche ,qu'a pareil joue
il fe feroit tous les ans une procelîion
folennelle avec unfervice de même pour
]*ame du Roy ; 6c que ce jour feioit
chaume dorefnavant comme les fèces en
tenant fermées les audi'.^nces de la
plaidoirie, lesclnlfes du collège, & les
boutiques de la vi'le.
Le lundy fuivant qui ctoit le fcp- f>-uùs de
tiémede Juin on ouvrit les dallés pour fesâ^des
reprendre les exercices ordinaires du quel^dt
collège ; 6c M. Defcartes con- ^^ovaU^
tinualccude de la Philofophie morale.
La Logique qu'il avoir étudiée l'hyvcr
précèdent étoit de toutes les parties de
la Philofophie, celle à laquelle il a té-
moigné depuis avoir donné le plus d'ap-
plication dans le collège. Dès ce temps-
là il s'apperçût que les fyllogifmes 6c:
la plufpart des autres inftrudions de la
Logique de l'Ecole fervent moins rap-
prendre les chofes que l'on veut fça-
B iiij voie
14 ^yihregé de la vie
KTio voir , qu'à expliquer aux autres celles
que l'on fçaic, ou même a parler fans
jugement de celles qu'on ignore , qui
eft l'effet qu'on attribue à Tart de Rai-
mond Lulle. De tous les préceptes qu'il
avoir reçus de Tes Maîtres dans la Lo-
gique, Il ne voulut retenir que les qua-
tre règles qui ont (ervi depuis de fon-
deiiient a fa noi;velle Philofophie. La
première , ' e ne rien recevoir pour vray
ijuil ne connur être tel évidemment, La
féconde , De divifer les cho es le plus
t^hil feroîf paisible ponr les mieux refou-*
are, La troifiéme , De conduire fes pen^
sées par ordrf en commentant par les
objets les plus (impies pour monter par
devrez, jufejua la ccnnotffance de plus
compofez^, La quatrième , *De ne rien
émettre dans le dénombremenr des chnfes
dont il devoit examiner les parties. Mais
il fe forma dés-lors une méthode fin-
guliere de difpnter en Philofophie, c,ui
ne déi'lut pas au P. Charlct fon Di-
redeur perpétue' , ni au P. Dinet (on
Préfet ; c^uoi qu'elle doni ât un peu d'e-
xercice à fon Régent. Lorfq 'il étoit
queftion de pro oler un argument dans
la difpute , il faifoit d'abord plnfieurs
demandes
de M. Dejcarte^. Lîv.I. 15
flemandes couchant les définitions des i^i@
noms. Après , il vouloit Tçavoir ce que '■
l'on entendoicpar certains principes re-
çus dans l'Ecole. Enfuite , il demandoic
(1 l'on ne convenoit pas de certaines ve-
ritez connues dont il faifoit demeurée
d'accord. De là il formoit nfin un feul
argument dont il étoit fort difficile de
fe dcbarraller.
L'étude de la Morale fcholaftique
fervit principalement à luy faire diftin-
guer celle du Paien & de Thonneite
homme du fiécle, d'avec celle du Chré-
tien. Mais nous ne fçivons pas Ci c'eft
aux cahiers de fon Maître qu'il croie
redevable des quatre maximes dans lef-
quell s il a fait principalement confiller
fa Motale particulière. La première de
ces maximes étoit è! obéir mx loix (^
aux c Htiirnes de fon pays y retenant
€on(iamment la Religion dans laquelle
Dieu l'avoit fait naître, L^ féconde ^
D'être ferme & refolu dansfe.< nEltons^
(è* de fuivre auffi confiamment les opi^^
viens les plus doitteu ei lor^^uil s'yfe»
rcit une fois détermine\cfu^ft elles étaient
tres-affH'ées. Latroifiémej De travail-
hrkje vaincre foy-^mè me pi Ht cjh que la
B V ForfHng^
i^ 'Ahregè de laHe
i6iî fortune ; à changer [es défias plâtofl
?'■ (jnel* ordre dit Monde y ^ a feperfuader
que rien n'eft entièrement en notre foH-
voir que nos penfées, La quatrième , De
fe déterminer, fans blâmer le choix de i
mitres hommes dans leurs emplois er lenn
cccupaticns différentes * à celle de chU
tiver fa raifon ; & de rechercher U
vérité de toutes chojes dans tout le cours
_ de fa vie»
Yj^ L'étude qu'il fît l'année fuivante
Son feu de la Phyfique & de la Metaphyllque ,
ieja.ns- luv donna moins de fatisfadtion nue
dans l'é- navoit fait celle de la Log.que & de
'rh^fi'ie ^^ Morale. Il commença dés-lors à fe
& Meta, fcntir enjbaraflé de doutes 6c d'erreurs,
r^jffiv'e- au lieu de cette connoiffarjce claire &
fiffurêe de tout ce cjuiefi utile a la vie s
qu'on luy avoit fait efperer de Tes étu-
des. Plus il avarçoit, plus il découvroic
fon ignorance. Il voioit par les leçons
de Tes M^ucres & par la ledture de fes
Livres , que la Philofophie avoit été
cultivée de tout temps par ks plus ex-
cellens Efprits qui euTent paru dans le
monde ^ & que cependant il ne s'y trou-
voie encore aucune chofe dont on ne
difputâtp ^ qui par confequcnr ne fût
douteuie
àe M.Defurtes. Liv.I. 17
douceufe. Toute l'eftime qu il pouvoic k^ii
avoir pour Tes Maîtres ne luy donnoic •■ ■-
point la prefomption d'efperer qu'il pûc
rencontrer mieux que les autres. Con-
iîderanc la diverfité des opinions foû«
tenues par des ; erfonnes dodles tou-
chant une même m^ati-re , fans qu'il y
en puilTe avoir jamais plus d'une qui
foie vraye -, il s'accoûcumoic déjà à re-
puter prefque pour faux tout ce qui
n'étoit que vray-femhlable. S'il n'avoic
eu qu'un feul Maître , ou «'il n'avoic
point fçû ces différentes opinions qui
font parmi les Philoiophes , il protefte
qu'il ne luy feroit ja nais arrive de fe
retirer du no:i.bi e de ceux qui doivent
fe contenter de fuivre les opinions des
autres plûtoft que d'en chercher eux-
mêmes de meilleures. Mais aiant appris
dés le collège , ( ce font fes termes )
qu'on ne fçajroir rien imaginer de i\
étrange qui n'ait été avancé par quel-
qu'un des rhilofophes , il prétend n'a-
voir ^ û choifir un e-^ide dont les opi-
nions luy parulTent préférables à celles
des c'iutres. C'elt ce qui l'a obligé
dans la fuite des tenips à fe frayer un
chemin nouveau , 5c à encrepren-
B vj drç
i3 jéhre^édeU^ie
dre de fe conduire luy-me(me,
^^^^ Malgré les obftacles qui arrétoient
fnn efprit durant le cours de fa Philofo*
^uL ^ i'^*^ ' ^^ ^'^^^'^^ ^'^^^ ^^^^^ carrière en
ttMiiqne^ même temps que le refte de Tes com-
pagnons qui n'avoient trouvé ni doutes
à former, ni difficuliez à lever dans les
cahiers du Maître. On le fit pafTer en-
fuite à rétude des Mathématiques, auf-
quellesii donna la dernière année de fon
fejour a la Flèche. Le plaifir qu'il y
prit le paia avec ufure des peines que la
Philofophie ftholaltique luy avoir don-
nées : & les progrès qu'il y fit ont été
il extraordinaires , que le collège de la
FI xhe s'eft acquis par fon moien la
gloire d'avoir pioduit le plus grand Ma-
thématicien que Dieu euft encore mis
am jour. Entre les parues des Mathé-
matiques , il choilit r Analyse des Geo-
métrcs^^w V Ahèbre \ our en faire le fujet
de ton applicarion particulière , pour
les purger de ce qu'elles ^voient de
nuîhble ou d'inutile ^ 6c pour les por-
ter a leur perfection. C'eft à quoy il
iravail'a dés le collège indépendem-
ment de fon M.^ître & de fes compa-
gnons ,.fi nous en croions ceux, qui la
font
de M. De fartes. Liv.L 19
font auteur de *.ette efpéce d'Algèbre ^^^^
qu'ils appellent la clef de tous les Arts '^
libéraux & de toutes les Sciences , &
qu'ils eftiment êcre la meilleure mé-
thode qui ait jamais paru pour difcer-
ner le vray d'avec le faux.
Ladifpenfe qu'il avoii obtenue du Y/'l-^Z'-
V, l^rincipal du collège pour n'ct.cpas meronfk
obligé a toutes les pratiques de ladif- '^"^''*'"'
ciphne fch^ Sadique , luy fournit les
moicns necelTaires pour s'enfoncer dans
cette étude aufli profondément qu'il
pouvoir le fouhaiter. Le P Charles
Redeuc de la maifon luy avoit prati-
qué encre autres pr viléges ccluy de de-
meurer long-temps au lit , rantàcaufe
de fa fanté infirme , que parce qu'il re-
rrrarquojt en luy un efprit porté natu-
rellement a la médication. Defcartes
quiàfon réveil trouvoit toutes les for-
ces de Ton efprit recueillies , 6c tous fes
fens raiîîs par le repos de la nuit , pro-
fitoit de ces favorables conjondtcres
pour méditer. Cette pratique luy tour-
na, tellement en habiti.de, qu'il b'en fie
une manière d'étudier p. ur toute la vier
& l'on peut dire aue c'eft auxm.itinées
de fou lit. que aoiis foiiimes redevables,
de
ÏO jihregé de la ^ie
J^^^ de ce que fon cfpric a produit de plus
^ important dans la Philofophie & dans
'^ les Mathématiques.
'^ A I A N T fini le cours de fes études
y^ï* au mois d* oût de l'an 61 x il quitta
^wié^e" ^e collège de a Flèche après tiuit ans
ôc iemi defejour; &: il s'en retourna
chez fon Père comblé des benedidions
de f'js Maîtres. Il luy refta toute fa vie
un fonds de rcconnoilT.nce pour l'obli-
gation qu'il leur avoit , & d'cftime pour
leur collège qu'il avoit coutume d'éle-
ver au delTus de tous les autres 5 foie
parce que fa propre ex.-'erience luy en
avoit donné une connoilTance plus par-
ticulière; foit parcs que nous nous fen-
tons ordinairement portez a louer le lieu
de nôtre éducation cou. me celuy de
notre naiflance , & à vanter nos maî-
tres comme nos parens.
Mais s'il étoit fatisfait de fes Maîtres
au fortir du collég : , il ne Tétoit nul-
J^!*fftis- lement de luv même. Il fembloit n'a-
«tudes: voir remporte de les études qu une con-
noiiîance plus grande de fon ignorance.
Tous les avantages qu'il avoit eus aux
yeux de tout le monde & qu'on van-
loit comme des proJiges , ne fe re-
' duiibienç
de M. De/cartes. Liv. T. li
duifoient , félon luy , qu'à des cmbatr
ras , à des doutes , & à des peines d'ef- ^
prit. Les lauriers dont Tes Maîtres Ta-
voîent couronne pour le diftinguer du
refte de fe^ compagnons , ne iuy pa-
rurent que des épines.
Pour ne pas entiéremenr démentir le
jugement des connoilleurs de ces temps-
la , on ne devroit pas nier qu'il eut
mérité , tout jeune qu'il étoit , le rang
que le Fublic luy donnoit dés- lors par-
mi les do(ftes & les habiles gens du
fiecle. M«is jamais il ne fut plus dan-
gereux de prodiguer la qualité de Sfa-
vaut. Car il ne fe contenta pas de re-
jetter cette qualité qu'on luy avoic
donnée : mais voulant ji^ger des autres
par luy même , peu s'en fallut qu'il ne
prît pour de faux Sçavans ceux qui por-
toient la même qualité -, Si qu'il ne ^(ï
éclater fon mépris pour tout ce que les
hommes appellent Sciences,
Le déplaidr de fe voir defabufé de
l'erreur dans laquelle il s'éroit flaté de
pouvoir acquérir par fes études une
connoiffance claire ^ affUrre de tout ce
^ui eft- utile k la vie , penfi le jetter
ians le defefpoir. Voiant d'ailleurs que
fon
i6ti
iz jihregê de la Vie
'"^^ fonfiécleécoic aufli flotiirant qu'aucuS
"^ des préccdens , de s'imaginant que tous
les bons efpritsdont ce fucle étoit alTex
fertile , fe trouvoient dans le même «.as
que luy , fans qu'ils s'en apperçilïent
peut-être comme luy i il fut tenté da
croire qu'il n'y avoit aucune fcience
dans le monde qui fût telle qu'on lu^f
avoit fait efperer.
71 reHoH' Le refultat de toutes fes fàcheufcs
ee^ux deliberatioiis fut , qu'il renonça aux
Ltvres ér -. 1/1, ^, j 1 /- 1 r
aux sieu- Livres des l an iSi^ , & qu il le dtnt en-
pmr '^-2 ^^^'^^"^^'^'^ ^^ récude des Lettres. Par
'"cette efpéce d'abandon , il femblois
imiter la plufpart des jeunes gens
de qualité , qui n'ont pas bcfoin
d'ttude pour fubfifter , ou pour s'avan-
cer dr.ns h monde. Mais il v a cette
différence , que ceux cy en difnnt adieu
afUx livres , ne (bngent qu' fecolier un
Jo >g que le collège leur avoit rendu
infuprortabîe : au lieu que M. De (car-
tes n'a congédié les livres pour lef.
quels il étoit trcs paffionné d'ailleurs ,
que parce qu'il n'y trouvoit pas ce qu'il
y cherchoit fur la foy de ceux qui Vct^
voient en;Z.agé à l'étude. Quoiqu'il fe
fentift très- obligé aux foiiis de les Mai».
ues
de Mr De/cartes. Lîv.T. 13
très qui ri'avoient rien omis de ce qui
dépendoit d'eux pour le fatisFaire , il ne
fe croioit pourtant pas redevable à Tes
études de ce qu'il a fait dans la fuite
pour la recherche de la vérité dans les
Arts Se les Sciences. Il ne faifoic pas
difficulté de dire à Tes amis que quand
fon Père ne l'auroit pas fait étudier, il
ii'auroic pas lailVé d'écrire en nôtre lan-
gue les mêmes chofes qu'il a écrites en
Latin.
Il passa l'hy ver de la fin de 1^12
Ôc du commencement de 161^ dans la
ville de Rennes à revoir fa f^miWc , a nemsi
à monter à cheval , à faire des armes, Ç^'^iJl
&c à d'autres exercices convenables à
fà condition. On peut juf;er par foa
petit traité à'Ejenme s'ii y perdit en-
tièrement fon temps.
Son père quiavoit déjà fait prendre
le parti de la Robe à fon aîné , fem-
bloit le deftiner au fervice du Roy &
de l'Etat dans les armées. Mais fon
peu d'àj^e , Se la foiblelTe de fa com-
plexion ne luy permettoicnt pas de
î'expofer fi-tôt aux travaux de la guer-
re. Il crût qu'il feroit bon de luy faire
voit le grand monde auparavant. Ceffc
ce
14 -Ahregê de la V/V
l6\^ ce qui le fie refoudre à Tenvoier à Paris
r"" — ' vers le printems. Mais il fit peut-être
une faute de l'abandonner a fa propre
conduite, fans luy donner d'autre gou-
verneur qu'un valet de chambre , ni
d'autres infpe(fl:eurs que des laquais. Il
fe repofoit avec trop de fecunté fur la
Ùl2,'^^Q d'un jeune homme de dix-fept
ans qui n'a voit encore aucune expé-
rience , ni d'autre fecours que fes pro-
pres forces pour rcfifter aux occafions
de fe perdre.
^î,oH o'ft- ^^ ^^ ^^^ ^^^^ P^^^'^ ^ garantir des
<¥eté, grandes débauches , & pour ne pas
tomber dans les defordres de l'intempé-
rance : mais il ne fe trouva point à
l'épreuve des compagnies qui l'entraî-
nèrent aux promenades ,au jeu, & aux
aatres divertilTemcns qui pa'ient dans
le monde pour indifferens. Ce qui con-
tribua à le rendre plus naiticulicremenc
attaché au jeu , fut le fuccés àv^c le-
quel il y réuiÏÏfoit , fur tout dans ceux
qui dépendent plus de l'induftrie que
du hazard.
Mais ce qu'il fit de moins inutile
durant tout ce temps d'oifiveté fut la
connoiffance qu il rcnoETeila avec di-
verfes
de M. 'Dejcartes. Liv.ï. t]
verfes perfonnes 4U*il avoir vu^'s à la j^j>
Flèche, ôc Tamitié qu'il comrddaavec . ^
quelques gens de merise, qui fervirent
à le faire un peu revenir de ce grand
éloignemenc où il étoit pour l'étude
ôc les livres.
Le plus importanr de ces nouveaux ^'"'jv/
amis fut le célèbre Claude MydorgCy uyàorgn^
Treforier de France en la généralité
d'Amiens fils d'un Confeiller de la
Grand-Chambre , & fuccedeur de Vié-
te dans la réputation du premier Ma-
thématicien de France , pendant quel-
que temps. M. Defcarces qui étoit plu*
jeune de prés d'onze ans, trouva dans
ce nouvel ami je ne (çay quoy quiluy
revenoit extrêmement , (bit pour l'hu-
meur , foir pour le caradére d'efprir.
Ce qui les unit fi étroitement, qu'il n'y
eut que la mort de M. Mydorge qui les
fépara.
Ce fut aulTî vers le mefme temps qu'il Avêtu
retrouva à Paris Marin Merfenne , ^' '^^'
mais dans un extérieur fort ditrerent
de celuy fous lequel il l'avoir connu à
la Flèche. Merfenne s'étoit fait Mini-
me au lortir des écoles de Sorbonne,
Le renouvellement de leur connoiifan-
^6 ^Ahregé de [a Vk
^^^^ ce fut d'autant plus agréable àcePer^,
que M.Dcfcartes fe trouvoit alors moins
éloigné de fa portée que quand il Ta-
voit viJ petit garçon dans le collège.
D'un autre cô:é la rencontre Rit avan-
tageufe à M. Delcartes, puifqu'ellefer-
vit a le délivrer d.*s attaches qu'il avoit
au jeu Se aux autres palTe-temps inuti-
les. Ils commet çoient à go uer les
douceurs de leurs innocentes haï ita-
dcs , &: à s'entre- fouLiger dans la re-
jcherche de la vérité , lorfque le Perc
Alerfenne fut envoyé fur la fin de i6i^
à Nevers , pour y enleigner la Philofo-
phie aux eunes Religieux de fon ordre,
. ^ . Cette (eparation toucha M.Def ar-
te > fo.i tes allez vivement. Mai ^ au lieu de luy
Tétué ^^^^^^^ '^ penfée de retourner à lésdi-
vertilTèmens & à fon oifiveté , elle le
fit encore mieux rentrer en luy mefmc
que la prefence de Ton vertueux ami,
éc luy infpira la refolutiondefe retirée
du grand monde & de renoncer même
à Tes compagnies ordinaires , pour fê
remettre à l'étude qu'il av. it abandan-
née. l\ choifit un lieu de retraite dans
le faux-bourg Saint- Germain , où il loua
gne maifon écartée du bruit ^ ôc s'y ren-
ferma
Je M. Dcfcartis. Lîvl. 17
frnna avec un jou deux dômeftiques ^^^f
{èulemenc fans en avertir fes amis ni '''
fes parens. Et.int ainfi rentré dans le
gouc de l'étude, il s'enfonç.i dans celle
des Mat .emat'ques aurquellesil donna
tout ce grand loi fît qu'il venoit de fe
procurer, & qui fut de prés de deux ans.
Ceux de fes amis qui ne fervoionc
qu'aux paifetemps i^ aux parties de di-^
vertilfen.ent ,s'ennuicrent bien-toft de
ne leplusrevou-. Us le cherchèrent mu-
tilement dan^ a Ville, a la Cour, ë< dans
fa Province. Il av it eu la prudence au
commencement de fa i etraite , de fe pré-
Câutionner contre les hazards de la ren^
contre ,pour ne pas tomi^er entre les
mains de ces Fâcheux, lorfqu'il étoit obli-
gé ce fortir povîr fes befoins. La chofe
ne luyreuiiit point mal pendant prés
dedeuxar.s. iMais il fe repofa dans la
fuite avec un peu trop d'a^lùrancefurle
bon heur de fa folitude: de ne veillant
plus fu^: (a route & fes décours avec la
mcme précaution qu'auparavant lorfl
qu'il aJloit dans les rues , il fut rencon-
tré par un cie ces amis, qui ne voulut
p^s le quitter qu'il ne luy euft décou-
vert fa demeure.
Il
iS Ahregé delaVie
\6i6 ^^ ^" coûta la liberté à M. Defcartes,'
^ pour ne tien dire de plus. L'ami fit II
iiejt dé- ^^^^ P^^ ^^s vifites réitérées ^ par Tes
couvert importunitcz , qu'il vint about de trou-
tmiti!' ^^^^ premieremenr Ton repos , ^ de le
détourner enfuite de fa chère folitude
pour le ramener dans le monde , 8c le
replonger dans les divertiflemens com-
me auparavant.
Mais il s'aperçût bien-toft qu'il
avoit changé de goût pour les plaifirs.
Les jeux & les promenades n'avoient
plus pour kiy les mêmes attraits qu'au-
paravant : & les enchantemens des
voluptez ne purent agir fur luy que
trcs-foiblement contre les charmes de
la Philofophie 6c des Mathématiques,
dont ces amis de joie ne purent le dé-
livrer. Ils luy firent palTer les fêtes de
Noël de 1616 6c le commencement de
l'année fuivante jufqu'aux jours gras,
le moins triftement qu'il leur fut pof-
fible. Mais ils ne purent luy faire fentir
d'autres douceurs que celles de la Mu-
fique , aux concerts de laquelle il ne
pouvoir être infenfible avec la con-
noiflànce qu'il avoic des Matbéma-
Ûqucs,
de M. Dejcartes. Liv.I. 2^
Ne pouvant plus efperer des i6ij
importuns de fon âge ôc de fa qualité, "TTT**
la liberté de rentrer dans fa retraite ou ^^^'
d'en profiter ; & fe voiant d ailleurs HoU,t»de
âeé de vin^t & un ans , il crût devoir f°^"'' ^"
y 1 1 ,1 armes»
ic mettre dans lelervice. II partit vers
le mois de May [ our la Hollande , ÔC
fc mit dans les troupes du Prince Mau-
rice en qualité de Volontaire, à l'imi-
tation de plufieurs C adets de la no-
clclfe Françoile qui alloient apprendre
le métier de la guerre f us ce grand
Capitaine.
Mais comme fon cœur étoit prévenu Ses'vffSi
par une plus forte pafîion poui la reeher- ^'"^^^"^^
che de la vérité , à laquelle il étoit ?e^
fblude s'emploier tôt ou tard ,fonde(I
lein n ctoit pas de devenir grand guer-
rier à 1 école de ce Piince. En fe dé-
terminant à porter les armes , il prit la
refolution de ne fe rencontrer nulle part
comme acteur, mais de (c tiouver par
tout comme fpcdateur des rôles qui fè
■jouent dans toutes fortes d'états fur le
théâtre du Monde. Il ne fe fit foldat
que pour étudier les maurs différentes
des hommes plus au naturel , & pour
lâcher de fe mettre à l'épreuve de tous
les
56 "jihregê de la Vie
1(^17 les accidens de la vie. Afin de n*étrè
'■ gêné par aucune force fuperieure , il re-
nonça d abord à toute charge & à tout
engagement ; & il s'entretint toujours
à Tes dépens. Mais pour garder la forme,
il fallut recevoir au moins une fois la
paye : & il eut la curio' té de confer-
■ver cette folde pendant toute fa vie
comn>c un témoignage de fa milice.
Il aimoit veritabiement la guerre à
cet âge : mais cette inclination n'ctoic
que l'effet d'une chaleur de foye qui
s'appaifa dans la luite des temps. Quoi-
que la ville de Breda où il étoit en
garnifon joinft: alurs du repos que pro-
curoit la trêve faite entre les Hollan-
dois & les Espagnols , il ne laifïa pas
de fe montrer toûJGU4:s grand adveifairc
de loifiveié & du libertinage v^oitdans
fes occupations militaires aufquclles il
apportoit toute rafïiduité du plus ar-
dent des foldats, foie dans le loifirque
luy laiUbient fes fonûions , & qu'il
cmploïoit à l'étude lorfque les autres
le donnoient à la débauche.
Pendant ce temps là ,il arriva qu'un
inconnu fit afficher par les rucb de Bre-
^a un problème de Mathématique pouc
le.
âe M. Defcartes. LivJ. 31
k propcferaux fçavans , & endcman- j^iy
der la folution. M. Defcartes voiant le ^
concours des psflans qui sV;riêtoienc de-
vant l'affiche coiicenc en Flamand , pria
le premicL' qui fe trouva auprès de luy
de vouloir luy dire en Latin ou en Fran-
çois la fubftance de ce qu'el'e conte-
noit. L'homme à qui le hnzard le Ht ,,^.
1 Y I I • I 1 II l^att
adreller , voulut bien luy donner cette co„.„;/-
fatisFaction en Latin : mais ce fut à con /'"-«^'^J^^s
dition qu'il s'obligeroit à luy donner ,«.i»,
de fon cocé la lolution du problème qu'il
jugeoit en luy même très. difficile. M.
Defcartes accepta la condition d'un air
fi refolu , que cet homme qui n'atten-
doif rien defemblable d'un jeune c.idet
de l'armée , luy donna fon nom par
écrit avec le lieu de Ca de meure , afin
qu'il pût Iny porter la folution du pro-
blème quand il l'auroit trouvée. M.
Defcartes connut par fon biiltt^qu'il
s'appellv.'ic Ifaac Beechnian , & qu'il
étoit principal du collegedeDcrdre.hr.
Il ne fut pas ph'.tôt retourné chtz luy
que s'étant mis àexamirjcr le problème
de l'homm.' inconnu fur les relies de
fa méthode , il en trouva la folution avec
jutant de facilité '6i depromtitudc que
C , Viéte
31 ÂhregêdeUVk
-'^ Viéte en avoit apporté autrefois pouc
refondre en moins de trois heures le
fameux problème qu'Adrien Romain
avoir propofé à tous les Mathémati-
ciens de la terre. Pour ne point man*
quer à fa parole , il alla dés le lende-
main chez BeecKman , luy porta la fo-
lution du problème , 6c s'offrit même
à luy en donner la conftruélion , s'il
la fouhaitoit. Beeckman parut fort fur-
pris : mais fon étonnement augmenta
tout autrement jlorfqu'aiant ouvert une
longue converfation pour fonder Tcf-
prit & la capacité du jeune homme,
il le trouva plus habile que luy dans
des fciences dont il faifoit Ton étude
depuisplufieuFsannees.il luy demanda
f-.n amitié , luy offrit la fienne , ôc le
pria de confentir qu'ils entretinflènt un
commerce mutuel d'études & de lettres
pour le refte de leur vie. M, Defcartes
répondit à ces honnêtetez par tous les
.effets d'une r.mitié fincére , quoyqu'il
fe trouvât p'us jeune que luy de prés
de trente ans : ôc pour luy donner des
marques de la confiance qu'il avoit en
luy , il confèntit avec plaifir qu'il fût
fon correfpondant pour la Hollan-
de,
de M. Dejcartes. Liv.I. 35
de 5 comme il l'avoit fouhaité. ji^jj
Pendant que le Comte Maurice -
devenu Prince d'Orange par la mort X.
de fonfrére arrivée le xx de Fevrien6iS ^^^^ f/f**
11 • 1 • cl n tr*lte de
alloicpar les provinces & les vilksavec Mufii^tci
des troupes pour réduire les Arminiens :
M. Defcartes voulut refterà Breda,oii
il emploia fon loiiir à compofer divers
écrits 3 dont le plus connu eft fon traité
de la MuficjHe, Il le fit en Latin fui-
vant l'habitude qu'il avoit de concevoic
& d'écrire d'abord en cette langue ce
qui luyvenoit dans lapeufée. Il voulue
bien confier (on original à BeecKman à
la prière duquel il l'avoit compofé ,
mais à condition qu'il ne le feroit voir
à perfonne , parce que le jugeant tres-
imparFait , il apprehendoit qu'il ne de-
vint public par l'impreffion ou par la
multiplication des copies. Beeckmaii
qui fe contoit parmi les premiers Ma-
thématiciens du ficde , ne le trouva
point trop imparfait pour luy : Se croianc
que M. Defcartes y avoit renoncé , il
voulut s'en faire honneur comme s'il
en eût été l'auteur. M. Defcaites fe
crût obligé de rabatte Ç3( vanité , Se de
luy faire connoître combien il eft peu
Ç ij honncce
54 '^hren4 de la Vie,
ï^ïS honncte de vculoir acquérir de la répttî;
tfition a« préjudice de la vérité.
Ses amis ne purent le faire confen-
tir à la publication de ce petit ttaitéf
tant qu'il fut au monde. Ses ennemis
en ayant recouvré une copie aflez dé-
fedueufe cherchèrent à le vangerde luy
par la publication qu'ils en firent in-
continent après fa mort. Mais ils tra-
vaillèrent à leur propre confufion : &!
loin de des-honorer fa mémoire , ils lui
attirèrent Padmlrarion de tous ceux
qui ont feu que c'étoit l'ouvrage d'un
jeune-homme de vingt deux ans. A dire
vray ,- le public ne le juge pas main-
tenant auÔî mauvais que fon auteur
vouloic le faire croire. La multitude
deies éditions , & les tradudions qu'on
en a faites en Anglois &; en François
nous répondent de fon approbation.
B^eIcman. laiflant aux Mini (Ires &
j^.^jI^, aux Tiieologiens de fa fede le foin de
•uvragcs tenir leur Concile national dans fà
comaea- ^^||^ ^ ^^^^^ ^ Breda paiîer la meilleure
partie de ce temps auprès de M.Def.
cartes 5 pour s'exercer avec luy dans les
Mat4iematiques , & luy propofer des
.gueulions à refoudre. M. Defcar tes n'en
demeura
de M. Dc/cartes. Liv.l. 35
demeura pas aux léponfes qu'il luy fit. ^^^^
Il compola encore divers petits ouvra- '
ges quiauroient été d'excellens garans
du bon employ de fon temps , s'il leui^
avoit laiifé voirie jour. C'eft dans ces
ouvrages de fa jeuneileque l'on a trou-
vé Con fentiment de l'ame des Bêtes ou
des Automates^ vingt ans avant que d'a-
voir publié fon principe touchant la
diftindlion de la fubftance qui pcnfe,
& de la fubftance étendue. Il n'avoic
encore lu à cet âge ni S. Auguftin ,ni
Pereira 5 ni aucun autre auteur capable
de luy donner des ouvertures fur ce
fentiment. Il paroît même qu'il ne vid
jamais de fa vie le livre de Pereira j ^
que ce fut de fes amis 5c de fes envieux
qu'il apprit en i6-\\ ce que l'on trou-
voit de fcmblable entre fon opinion 6c
celle de cet Efpagnol.
Cependant M. Defcartes ne trou-
vant pas fous le Prince d'Oiange cette
variété d'occupations qu'il s'étoit pro-
iniie en quittant la France , chcrchoic
l'occafion de fortir des pais-bas pour fer-
vir ailleurs. Les nouvelles qu'on avoit
apportées àBreda des grands mouvcmens
de l'Allemagne réveillèrent la curioliré
C iij qu'il
3(^ khrcgé de la J^ie
Wjip qu'il avoit de le rendre fpedateur dé
— — tout ce qui fe palFeroit de plus confide-
rable dans TEurope. On parloit d'un
nouvel Empereur -, on parloit de la ré-
volte des états de Bohême contre leuc
Roy 5 & d'une guerre allumée entre les
Catholiques & les Proteftans à cefujet,
M. Defcartes voulant quitter la Hollan-
de , prit pour prétexte le peu d'exercice
que luy produifoit la fulpenfion d'ar-
mes qui étoit entre les troupes du Prin-
ce d'Orange & celles du Marquis de
Spinola,&qui devoir durer encore deux
ans félonies conventions de la trêve. Sa
refolution étoit de palier en Allemagne
pour fervir dans les armées Catholiquesj
mais avant que de fe déterminer à au-
cun engagement , il voulut aflifter au
couronnement du nouvel Empereur qui
^^ ^ devoir fe faire dans la ville de Francford.
XIÎ. Il partit de Breda au mois de
i/f4e Juillet de l'an 1619 pour fe rendre à
Z^^l^-i' Maftricht , & delà à Aix la Chapelle ,
oîi il apprit l'état des affaires d'Alle-
magne , & les préparatifs que cette
ville avoit coutume de faire pour le
couronnement des Empereurs. Etant
arrive à Mayence, il fçut que l'Elec-
teur
de M. Defcartes. Liv.I. 37
teur Jean Schvvichard avoitcité les au- j^j i
très Eledcursde l'Empire félon les for —
mes accoutumées , & les avoic fommez
de fc rendre à Francford le xx de Juillet
pour procéder à l'éledion d'un nouvel
Empereur.
Il fe trouva dans cette dernière ville
vers le temps que Ferdinand II. y ar- lUffiiU
riva comme Roy de Bohême 3c Elec- roJcmh
teur de l'Empire. Ce Prince y fat élâ d-Ferdim
Roy des Romains le xxvin d'Août ; & ^^*
fut couronné Empereur le xxx du même
mois félon Tancien ftile , c'eft à dire le
IX de Septembre félon nous. M. Def.
cartes ne parut pas à la première céré-
monie qui regardoit l'élection du Roy
des Romains , parce qu'on avoit don-
né ordre aux étrangers , c'eft à dire à
ceux qui n'étoient ni du lieu ni de la
fuite des Elefleuts jde fortir de la ville.
Mais il fut prefent à la féconde con-
cernant le couronnement de l'Empereur,
ôc il fiit curieux de voir une fois pour
toute fa vie ce qui s'y palTa,afin de ne pas
ignorer ce que les premiers adeurs de
ce monde reprefentent de plus pom^
peux fur le théâtre de l'Univers.
Avant que de fortir de Francford il
C iiij déli-
5 8 jéhregê de la Vie
j^jp de liberoit du paiti qu'il avoit à prendiT^
lorfqu'il apprit que le Duc de Bavière
lalsVs l^^^'^^^ ^^^ troupes. Cette nouvelle luy
jro.ïpcj fix. naître le dellein de s*y mettre , (ans
'i^iére' ^Ç^'''oir précifenient contre quel enne-
mi eFles dévoient marcher. Tout ce qu'il
en fçavoit fe reduifcit à ne pas i^noret
le bruit q^e faifoient les troubles de
Bohême par toute l'Allem^'gne. Cotii-
me il fe foncioit peu d'entrer dans les
interefts des Etats & des Princes fous
la domination desquels la providence ne
l'avoir pas fait naître , il ne prétendoic
pas porter le moulquet pour avancer
les affaires des uns , ni pour détruire
celles des aurres. Il fe mit donc dans les
troupes Bavaroifes comme (impie Vo-
lontaire fan^ vouloir prendre d'employ :
& l'on publioit alors, mais en gênerai
qu'elles étoient deftinées contre le bâ-
tard de Mansfeld , Ôc les autres géné-
raux àts révoltez de Bohême. Mais le
Duc de Bavière fit connoître peu de
temps après qu'elles dévoient marchec
contre l'Eledeur Palatin Frédéric V,
que les Etats de Bohème avoient élu
pour leur Roy quatre jours avant le
couromiement de l'Empereur Ferdinand
II.
de M.DeJcartes. Liv.II. 39
II. que l'on vouloir exclure de cette 1^1^
Couronne par cette entreprife. "
IIV RE SECOND,
Depuis 161^ JHJqHefi i6iS.
M
• Des. CARTES n'aiant pas deflein ^~J '"*'
de fervir autrement fous le Duc de ^, '
Bavière qu il avoit rait tous le Prince m qaar.
d'Orange , commença la campagne par ^'''" ^^^''
Çt mettre en quartier d'hiver dans le
Duché de Neubourg fur les bords du Da-
nube au mois d'Odobrc de l'an 1619.
Il fe trouva en un lieu fi écarté du com-
merce 5 & fi peu fréquenté de gens
dont la converfation fût capable de le
divertir, qu'il s'y procura une folitude
telle que fon état de vie ambulante
pouvoit la luy permettre.
S'étant ainfi a(îuré des dehors , &: «^;^A'i'*
n'aiant par bon-heur aucuns foins ni' *
aucunes paflions au dedans qui pulfenr
!e troubler ,-il demeuroit tout le jour
enfermé feul dans un pociîe , où il avoir
tout le Joifii: d£ s'entretenir de fespen-*
Ç y Çios:,'^
40 jihregéde la Vie
. fées. Ce n'étoient d'abord que des pré-
^ ludes d'imagination : & il ne devine
hardi que par degrez , en paiTant d'une
penfée aune autre, à mefure quil fen-^
toit augmenter le plaifir que fon efprit
trouvoit dans leur enchaînement. Une
de celles qui fe prefenterent à luy des
premières , fut de confîderer qu'il ne fe
trouve point tant de perfection dans les
ouvrages compofez de plufieurs pièces,
& feits de la main de divers maîtres ,
que dans ceux aufquels un feul a tra-
vaillé. Il iuyfiitaifè de trouver dequoy
foûtenir cette penfpe , non feulement
dans les arts où l'on remarque la diffi-
culté qu'il y a de faire quelque chofe
d'accompli en ne travaillant que fur
i'ouvrage d'autruy, mais même dans la
police qui regarde le gouvernement des
peuples 3 & dans rétaWifTement de la
religion qui eft l'ouvrage de Dieu feul.
Il appliqua enfuite cette penfée aux
Sciences dont la connoiflance ou les
préceptes fe trouvent en dépôt dans les
livres. Il s'imagina que les Sciences,
au moins celles dont les raifons ne font
que probables , & qui n ont aucunes
^émonftrationj , %^xm, groffies peu à
de M. Dejcartes. Liv.II. 41
peu des opinions de divers particuliers, 1(^19
& ne fe trouvant compofées que des i
réflexions de plufieurs perfonnes d'un
caradére d*efprit tout différent , ap-
prochent moins de la vérité que les
fîmples raifonnemens que peut faire na-
turellement un homme de bon fens tou-
chant les chofes qui fe prefentent à luy.
Delà 5 il entreprit de palTer à la jj f^j^^
raifon humaine avec la même penfce, ^«.P ^^-
11 conlidera que pour avoir ete entans )>, pr«j»-
avant que d'être hommes , & pour nous i^^
être laidèz gouverner long-temps par
nos appétits , & par nos maîtres qui
fe font fouvent trouvez contraires les
uns aux autres, il eft prefqueimpofTible
que nos jugemens foient aulîi purs ,
aufTifoIides qu*ils auroient été, fi nous
avions eu Tufage entier de nôtre raifon
dés le point de nôtre nailTance , bc ft
nous n'avion-s jamais été conduits que
par elle.
La liberté qu'il donnoic à fon génie
ne rencontrant point d'obftacles, le con-
duifoit infenfiblement au renverfement
de tous les anciens fyftémes, Mais il fe
retint par la vue de Tindifcretion qu il
auroit blâmée dans un homme qui au*
Az Ahreo-ê de la Vie
^^^9 roic entrepris de jetter par terre toutes
- les maifons d'une ville dans le feuldef-
fein de les rebâtir d*une autre manière.
Cependant comme on ne trouve point
à redire qu'un particulier falTe abatte
la fienne lorfqu elle le menace d'une
ruine inévitable , pour la rétablir fur des
fondemens plus folides : il fe perfuadà
qu'il y auroit en luy de la témérité à
vouloir reformer le corps des fciences
ou Tordre établi dans les écoles pour
Jes enfogner ; mais qu'on ne pourroic
le blâmer avec juftice d'en faire l'épreu-
ve fur luy-même , fans rien entreprendre
Hir autruy.
Aind il fe refolut une bonne fois dé
fe défaire de toutes les opinions qu'il
avoit reçues jufqu'alors -, mais fon in-
tention étoit de ne les oter de (a créan-
ce 5 qu'afin d'y en fubftituer d'autres
cnfuite qui faflènt meilleures , ou d'y
remettre les mêmes après qu'il les au^.
toit vérifiées , & qu'il les auroit ajnflees
an niveau de la raifort. Il crût trouver
en ce point les moiens de réuflir à ré-
gler la conduite de fa vie beaucoup
mieux que s'il ne bàtilToit que fiir dé
yicux fondemens ^appuie feulement fur
" "* ^ " [es
de M. Départes. Liv.II. 43
les principes qu'il s'étoit lailîé donner ^^^^
dans fa première jeunefTe , fans avoir ' "
jamais examiné s'ils étoient vrais. .
Ils prévoioic neantmoins qu'un pro-*
jet fi hardi & fi nouveau ne feroit pas
fans difficultez. Mais il fe flatoit que
ces difficultez ne feroient pas fans re-
mède j outre qu'il ne les jugeoit point
comparables, à celles qui fe rencon-
trent dans la reformarion des moindres
chofes qui touchent le public. Il met-
toit une grande diflPèrence entre ce qu'il
cntreprenoit de détruire dans luy^mê-
me , & les établiflemens publics de ce
monde qu'il comparoir à de grands
corps dont la chute ne peut être que
tres-rude • de qui font encore plus dif-
ficiles à relever quand ils font abatus',
<]u'à retenir quand ils font ébranlez» .
Mais fans prétendre porter fes vues juf.
qu'aux interefts du public , il ne vou-
loir reformer autre chofe que fes pro-
pres penfées , & il ne ibngeoit à bâtir
que dans un fonds qui fût tout à luy^,
Bn cas de mauvais (uccés, il ne croioit
pas rifquer beaucoup , puifjue le pis
qu'il en arriveroit ne pourrait être que
la perte de fon temps de de fes peines ,
guiî
4-f Ahregê de U^ie
i^ip qu'il ne jugeoit pas fort neceflaires aa
* bien du genre humain.
Sjsfnnes Dans la noiivclle ardeur de Tes refo-
karrls?' ^^^^^^^ ? i^ entreprit d'exécuter la pre-
mière partie de les delTeins qui ne con-
fîftoit qu'à détruire. C'écoit aflurément
la plus facile des deux. Mais il s'ap-
perçût bien-tôt qu'il n'eft pas auffiaifé
à un homme de fe défaire de fes pré-
jugez , que de brûler fa maifon. Il s'é-
loit déjà préparé à ce renoncement dés le
fbrtir du collège. 11 en avoit fait quel-
ques eiïàis premièrement durant fà re-
traire du fauxbourg S.Germain àPaiis,
& enfuite durant fon fejour à Breda.
Avec toutes ces difpofitions , il n'eèt
pas moins à foufïrir que s'il eût été
quefticn de fe dépoiiiller de foy même.
Il crût pourtant en être venu à bout.
Et à dire vray , c'étoit afTcz que fon
imagination luy prefemàt fon efpric
tout nud , pour luy faire croire qu*il
l'avoit mis efïcdivement en cet état.
11 ne luy reftoit que l'amour de la vé-
rité , dont la pourfuite devoit faire do-
rénavant toute l'occupation de fa vie»
Ce fut la matière unique des tourmens
qu'il pt fouffcir à fon efprit. Mais les
«aoiens
de AI. Defcartes. Liv.II. 45
ynoiens de parvenir à cette heureu(e j^j^
conquête ne luy cauférent pas moins -
d'embarras que la fin même. La recher-
che qu*il voulut faire de ces moiens ,
jetta fon efprit dans de violentes agi-
tations qui augmentèrent de plus en
plus par une contention continuelle
dont il le tenoit bandé , fans fouffrir
que la promenade ou les compagnies
y fillènt diverfion. Il le fatigua dételle
forte que le feu luy prit au cerveau :
& il tomba dans une efpece d'en-
thoufiafme q ui difpofa de telle maniè-
re fon efprit ^ déjà abatu , qu'il le mit
en état de recevoir les impreflions des
fonges & des vifions.
Il nous apprend que le x de Novem-
bre 1^19 s'étant couché tout rempli de
fon enthouftafme , &: tout occupé de la
penfée d'avoir trouvé ce jour - là les
fondement de la fcience admirable^ il
eut trois fonges confecutifs , mais affez
extraordinaires pour s*imagincr qu'ils
pouvoient luy être venus d'enhaut. Il
crût appercevoir à travers de leurs
cmbres les vertiges du chemin que
Dieu luy traçoit pour fuivre fa volonté
dans (on choix de vie , & dans la re-
^ '''^ cherche
j^^j Ahregeâe la F'ie
^^^9 cherche de cette vérité qui faifoit lé"
- (ùjet de Tes inquiétudes. Mais Tairfpi-
rituel & divin qu'il afïeda de donner
aux exyiHcations qu'il fît de ces fongeî
tenoit 11 fort de cet enthoufiafme donc
il fe croioit échauffé , que Ton auroic
été porté à croire qu'il auroit eu le
cerveau affbibli , ou qu'il auroit bu le
foir avant que de fe courber. En effet"
c'étoit la veille de S. Martin , au foir
de laquelle on avoit coutume de faire
la débauche au lieu où il étoit , com-
me en France. Mais il nous afTure qu'il
avoit paffé le foir & toute la journée
dans une grande fobrieté , & qu'il y
avoit trois mois entiers qu'il n'avoit bû
de vin.
Quoiqu'il en foit , rimprefîîon quf
luy refta de ces agitations luy fît faire
le lendemain diverfes réflexions fur le
parti qu'il devoit prendre. Sans trop
préfumer du fens favorable qu'il avoit
donné à Tes fonges , il recourut à Diea
tout de nouveau pour le prier de luy faire
connoître'fa volonté fans énigme,de vou-*
loir l'éclairer ,& le conduire dans la re-
cherche de la vérité. Il tâcha même
d4ntere(fer la faints Vierge dans cette af-»
de M, De/cartes. Liv.IÎ. 47
faire qu'il jugeoit la plus importante j^x^
de fa vie : &c prenant occafion d*un 'w^
voiage qu'il médicoit en Italie, il for-
ma le vœu d'un pèlerinage à N. D. de
Lorette qu'il ne pût accomplir que
quelques années après.
Son enthoufiafme le quitta peu de
jours enfuite. Mais quoique fon efprit-
eût repris fon aiîiére ordinaire , & fûc
rentré dans fon premier calme , il n'en
devint pas plus decifif fur les refolu*
tions qu'il a voit à prendre.
Sa solitude pendant cet hiver
ctoit toujours fort entière , principale-
ment à l'égard des perfonnes qui n'é-
toient point capables de fournir à fes
entretiens. Mais elle ne donnoit point
l'exclufion de fa chambre aux curieux
qui fçavoient difcourir de fciences ou
de nouvelles de literature. Ce fut dans
les converfations de ces derniers qu'il
entendit parler d'une confrérie de Sça-
vans, établie en Allemagne depuis quel-
que temps fous le nom de frères delà
Rofe croix. On luy en fit des éloges
fiirprenans. On luy fit entendre que
c'étoient des gens qui fçavoient tout,
6c qu'ils propaettoieni aux hommes una
novwelle
48 Alregé deUVie
ï^ïp nouvelle fagellè , c'eft à dire , la ve-
- ritable fcience qui n'avoit pas encore
été découverte. Joignant toutes les mer-
veilles que les particuliers luy en âpre-:
noient avec le bruit que cette focieté
faifbic par toute TAllemagne j il fe fen-
tit ébranlé d'autant plus que la nouvelle
luy en étoit venue dans le temps de forr
plus grand embarras fur les moiens
qu'il devoit prendre pour la recherche
de la vérité. >
Il ne crût pas devoir demeurer dans
l'indifïèrence au fiijec des ces Rofe-
croix , parce ( difbit-il à fon ami Mu^
fée ) que fi c'étoienc à^s impofteurs ,
il n'étoit pas jufte de les laiirer jouir
d'une réputation mal acquife aux dé-
pens de la bonne foy des peuples ; &
que s'ils apportoient quelque chofe de
nouveau dans le monde qui valût la
peine d'être Tçû^il auroit été mal bon-
îiête à luy de vouloir méprifer toutes
les fciences , parmi lefquelles il s'en
pourroit trouver une dont il auroit igno-
ré les fondemens. Il fe mit donc en de-
voir de rechercher quelqu'un de ces
nouveaux fçavans , afin de les connoître
par luy • même , & de conférer avec
eux.
de M. Dejcartes. Liv.II. 49
eux. Mais comme Tun de leurs ftatuts
étoic de ne poiiît paroître ce qu'ils
croient , de n'être diftinguez des autres
hommes , ni par l'habit , ni par la ma-
nière de vivre , Se de ne fe point dé-
couvrir dans leurs difcours, on ne doit
pas s'étonner que toute fa curiofité de
fes peines aient été perdues.
Il ne luy fut pas poffible de décou-
vrir un feul homme qui fe déclarât de
cette confrérie , ou qui fût même foup-
çonné d'en être. Peu s'en fallut qu'il ne
mît la focieté au rang des chimères.
Mais il en fut empêché par l'éclat que
faifoit le grand nombre des écrits apolo-
gétiques publiez en faveur de ces Ro(e-'
croix tant enLatin qu'en Allemand.Il ne
crût pas neanrmoins devoir s'en rappor-
ter à tousces écrits;foit parce que fon in-
clination le portoit à prendre ces nou-
veaux fçavans pour des impofteurs ; foit
parce qu'aiant renoncé aux Hvres,il vou*
loit s'accoutumer à ne juger de rien que
fur fa propre experience.Ceft pourquoy
il n'a point fait difficulté de dire quel-
ques années après, qu'il nefçavoit rien
des Rofe- croix : & il fut aulTî furpris
que fes amis de Paris , lorfqu'étant de
cetouç
50 ^Àhregé de la Vie
t(nc) retour en cette ville Tan 1625 , il ap-
■^^^ — ' prit que fon fejouu d'Allemagne luy
avoit valu la réputation d'être de la
, confrérie des Rofe- croix.
,, ^ Se voiant ainfi déchu de refperance
qu'il avoit eue , de trouver quelqu'un
, ^^( Y '''" S"^ ^ût en état de le foulager dans la re-
connoît cherche de la vérité , il retomba dans
f^«/^«. fgs premiers embarras. Il palTa le refte
de l'hiver & le carême dans Tes irrefa-
Idtions , Çq croiant d'ailleurs alTezbien
délivré des préjugez de fon éducation,
& s'entretenant toujours du delTein de
bâtir tout de neuf. Mais quoique cet
état d'incertitude dont fon efprit étoit
agité , luy rendît les difEcultez de Ton
delTein plus fenfîbles que sll eût pris
d'abord fa refolution, il ne fe lailTa ja-
mais tomber dans le découragement. Il
fe foutenoit toujours par le fuccés avec
lequel il fçavoit ajufter les fccrets de la
nature aux règles de la Mathématique
à mefure qu'il faifoit quelque nouvelle
découverte dans la Phyfique. Ces oc-
cupations le garantirent des chagrins &
des autres mauvais efïèts de roiiiveté:
& elles le menèrent jufqu'au temps que
k Duc ^.e Bavière fit avancer Tes trou-
pes vers la Soliabe, Il
de M. Defcartes. Liv. II. 51
Il prit cette occafion pour fe rendre ^^^^
à Ulm ville Impériale où les Amba[]a- ^
deurs de France dévoient tenir une af.
femblée célèbre pour remédier aux de-
ibrdres de l'Empire. Il n'y arriva qu'au
mois de juin de l'an i6zo : mais il y
palfa l'été entier. Il y fitdiverfes habi-
Uides avec les honnêtes gens du lieu,
Ôc particulièrement avec les perfoiines
qui étoient en réputation d'habileté
pour la Philofophie êc les Mathéma-
tiques. Perfonne n'étoit pluseftimé dans
le pais pour ces connoilTànccs c\i:^fe^n
Fadhaber i perfonne n'éprouva auffi
mieux que luy la capacité de nôtre
jeune foldat qui luy fie faire bien du
chemin en peu de jour^ On prétend
que ce fut en ce temps- là que par le
moien d'une farabole il découvrit l'art
de conftruire d'une manière générale
toutes fortes de probléLr>es folides ré-
duits à une i-^uation de trois ou quatre
dimenfions. C'efi: ce qui fe trouve ex-
pliqué dans le troifiéme livie de fa
Géométrie.
Sur la fin de Septembre il quitta la iifemui
SoUabe pour retourner en Bavière & '^^a^/^'
pafler en Autriche , où les Ambaifa- gue,.
deuts
51 Âhregede la Vie
4620 deurs de France après avoir conclu îcf
^-. ' traité d'Ulm croient allez trouver TEm-
pereur pour luy offrir encore leur mé-
diation envers les mécontens de Hon-
grie &c le Prince Betlen Gabor de
Tranflilvanie. Mais aiant appris que le
Duc de Bavière Ton gênerai avoir fait
marcher Tes troupes en Bohême : au
lieu de fuivre les Ambafladeurs en Hon-
grie , il alla de Vienne droit à fon
camp 5 &: fe trouva en perfonne aux
expéditions des Catholiques Impériaux
& Bavarois , de fur tout à la fameufe^
bataille de Prague , 011 il entra le ix
de Novembre avec les victorieux. Quel-
ques auteurs tînt prétendu qu'il fefer-
vit de cette occafion pour vifiter les
fameufes machines de TAdronomeTy-:
co Brahé. Mais il y avoit déjà plus»
d'un an qu'elles avoient été pillées ,
brifées, oudiftraites par l'armée del'E-
ledeur Palatin : & le grand Globe ce-'
lefte d'airain , Tunique de ces précieux
monumens qu'on étoit venu à bout
de fauver , avoit été tranfporté à Nei(Tè
en Silefie , & mis en dépôt chez les
Jefuites.
^InlïiT A P R e's la prifc de Prague , M. Def-
deAd.Defcartes. Liv.II. 55
cartes vint palTer le quartier d'hiver avec '^^*
une partie des troupes qne le Duc de J~^
Bavière laitTa fur les extrémitez de la comte de
Bohême méridionale. Là il fe remit à ^"'^"°-^'
fes méditations ordinaires fur la nature,
s'exerçant aux préludes de fes grands
delTeins , & profitant de l'avantage
qu'il avoit de pouvoir vivre feul au
milieu de ceux à qui il ne pouvoir en-
vier la liberté de boire & de jouer,
tant qu'ils luy lailToient celle d'étudier.
Cependant il fe trou voit toujours i^ii
embarraffé dans fes irréfolutions ,
fçachant encore à quoy fe déterminer
fur le choix d'un genre de vie qui fût
propre à fes delTeins. Il en remit la
decifion à une autre fois : Se pour tâ-
cher de faire quelque diverfion à fes
inquiétudes, il reprit le moufquetdans
la refolution de faire encore une cam-
pagne. Le defir de connoître d'autres
pais ^ d'autres mœurs, luy fit quitter
le fervice du -Duc de Bavière vers la
fin de Mars 1611 pour fe mettre dans
les troupes du Comte de Bacquoy qui
palTa de Bohême en Hongrie au mois
d'Avril fuivanr. Il (e trouva fous kiy
aux ficges de Prefbourg , de Ticnwi^
^ de
54 Abrégé de ïaVie
*^^ & de plufieurs autres places où Toii
prétend qu'il fe lignala. Mais la levée
du iiége de Neuhaufel qui n'avoit pas
été aulîi heureux que les autres pow les
Impériaux , jointe à la perte de fon Ge-
neral qui y avoit été tué , acheva de
le dégoûter de la profeiïîon des armes.
^Ua.ls il II eft inutile de remarquer ici l'er-
pls^comre ^^^ ^^ ^^^^ ^"^ prétendent qu il alla
iesinrci fervir exiiùite contre les Turcs, 6: que
fon courage luy acquit même beau-
coup de réputation contre ces infidèles.
Il fuffit de dire qu'aiant quitté l'armécln>
petiale dés le xxviii de Juillet qui étoic
le lendemain de la levée du fiége de
Neuhaufel , il revint à Prefbourg avec
quelques François & quelques Walons
qui étoient en grand nombre dans les
troupes du Comte de Eucquoy.
^ . Son delTein n'étoit pas de revenit
,, • fi-tôt en France , foit à caufe de la
JLr énonce i tt • J>
^ u i>n. guerre que les Huguenots venoientd y
^'fm/'' ^^^^^^^"^ > ^oit ^ caufe de la pefte qui
afïligeoit particulièrement la ville de
Paris depuis prés d'un an , 6c qui ne
^e(ïà qu'en 1^23. Il entrepiit donc de
voiager dans ce qui luy reftok à voir
des pais du Nord ; mais on peut dire
que
de M, De/cartes. Liv.II. 55
que ce fut fans changer d'écat. Car ce ^
qu'il entreprenoi: nétoit (ians le fonds ^^^^
qu'une continuation de voia.;ps qu'il
vouloit faiœ dorénavant lans s 'allr. jet-
tir à fuivic les anrées , croijnt avoir
fuffiranimcnt envl^^gé £n: dcconvcit le
geni'e huirain par rcndroit de fcs hoili-
Ltez. Il avQ-.t toujours parlé de ûpio-
feffion militaire d'une manière C\ indif-
férente (1\: A froide , qu'on ju^ieoit ai-
fé.nent qu'il regardoit Tes campagnes
comme de fimples voiages , ^ qu'il ne
fe fervoit de la bandoliéie eue coir.me
d'un pafTeport qui ioy donnoit accès
jusqu'au fonds des rentes 6c d. s tran-
chées, pour mieux lacis faire fa nuriofité.
Aiant donc thoifi p;)ur !a fjitedefes r
volages , des pais ou li n y a:oit pas de ges ci.%»^
guerres ,il s'appliqua particulièrement ^^^^''''^'
à voir &' examiner les cours des Prin-
ces , à fréquenter les perfo^mes de di^
verfcs humeurs 8c de ct;ndiiions difFe-
lentcs. Il s'étudia aufîi beaitc up à re-
cueillir diverfes exL.érierjces , tant fur
les chofes naturelles que produi oient
les difFetens climats par où il pafloit,
que fur les chofes civiles qu'il voio t
parmi les peuples concernant leurs ufa-
D ees.
^6 Àhregéde U Vïe
i^^i ges 3 leurs coutumes & leurs inclina-
•- — tions. C'eft ce qu'il appelloit U grand
livre àii monde àd^ns lequel il prtten-
doit chercher la vraye fcience , n'efpe-
rant pas la pouvoir trouver ailleurs que
dans ce volume ouvert publiquement,
& dans foy même , fuivant la perfua-
fion où il étoit que les femences que
Dieu a mifes en nous ne font pas en-
tièrement étouffées par l'ignorance ou
par les autres effets du péché.
Selon ces principes il voulut quefès
voiages luy (ervilïent à s'éprouver luy-
même dans les rencontres que la fortu-
.ne luy propofoit , & à luy faire faire
fur toutes les chofes qui fe préfentoient
des réflexions utiles à la conduite de fa
vie. Car il flatoit fon efprit de l'efpe-
rance de trouver plus de vérité dans les
raifonnemens que font les particuliers
touchant les affaires qui les regardent,
que dans ceux que fait un homme de
lettres au fonds de fon cabinet fur des
Ipéculations qui ne produifent prefque
point d'autres effets que la vanité qu'il
en tire d'autant plus volontiers, qu'el-
les font ordinairement plus éloignées
du feiis conamun , après avoir mis tout
fon
1
de M. Dejcdrtes. Liv.II. 57
fon efprit & toute fon indullrie à les 1^21
rendre probables. — —
Mais à dire vray , lofqu'il ne s'ap-
pliquoit qu'à confiderer les mœurs des
autres hommes , il n'y trcuvoit guéres
dequoy s'alîiirer de rien. Il y apperce-
voic prefque autant de diverfué qu'il eu
avoit remarqué autrefois dans les opi-
nions des Philofphes. De forte que le
plus grand profit qu'il en retiroit,étoit
<]ue voiant plufieurs chofes qui toutes
extravagantes & toutes ridicules qu'el-
les nous paroilTent , ne lailïent pas d'êcre
communément reçues & approuvées par
4'autces peuples , il apprenoit au moins
à ne rien croire légèrement , & à ne
point s'entêter de ce que l'exemple 5c
la coutume luy avoient autrefois per-
fuadé.
Aiant quitté laHongrie, il rentra dans
la Moravie où il avoit joint les trou-
pes de l'Empereur fous le Comte de
Bucquoy. Il vifita la Siléfie , les extré-
mitez de la Pologne , la Pomeranie , les
côtes de la mer Baltique , la marche de
Brandebourg ; & defcendit dans le
Holftein , d'où après s'être défait de fon
équipage , il s'embarqua avec un feul
D ij yalec
58 jéhregé de la vie
i^ii valet poui la Fiife orientale. Après l'à-
* voir examinée en peu de jours comme
il avoit fait les autres provinces d'Alle-
magne , il4e remit en mer avec la re-
folution de débaïquer en NVcft-Frife
dont il écoit ciirieux de voir aulîî les
principaux endroits, A fin de le faire avec
plus de liberté , il retint un petit batcaii
pour lui feul , d'autant plus volontiers
que \c trajet écoit court depuis Embdeu
jufqu'au premier abord de Weft-Frife.
Il court ^'^''^is cette difpofition qu*il n^avoit
r'Pjfiede prife que pour mieux pourvoir à fa
coirmodité , penfa luy are fatale. H
avoit affaire à des mariniers qui étoient
des plus ruftiques 3c des plus barbares
qu'on pût trouver parmi les gens de
cette profefiion. Il ne fut pas long-
temps uns reconnoître que c'étoient
desfcelerats ^mais après tout ils écoient
les maures du bateau. M. Defcartes
n'avoir point d'autre converfation que
celle de (on valet avec lequel il parloic
François. Les mariniers qui le prenoient
plutôt pour un marchand forain que
pour un cavalier, jugèrent qu'il dévoie
avoir de l'argent. Ceft ce qivi leur fit
prendre des" refplutions qui n'étoiçnt
• , nullemtnç
de M.DeJcaftes.LiwJl. $9
.tiullement favorables à fa hourfè , Ôc
pour luy oter les moiens de les dénon-
cer enfuice , ils fon^rerenc en même
temps à fe défaire de luy. Us voioicnt
que c'écoic un étranger venu de loin,
cjiii n'avoit aucune connoilîànce dans le
.pais, & que perfonne ne s'aviferoic de
réclamer quand il vicndroit à manquer*
Ils le trouvoient d'une humeur fort tran-
quille , fort patiente i & jucreant à la
douceur de la mine Se à Thonnaeté
.qu'il avoir pour eux que c'étoit un hom^
me fans expérience, ils conclurer.t qu'ils
en aaioient meilleur marché de fa vie.
Ils ne firent point difficulté détenir leiTr
confeil en k\ préfence , ne croiant pas
qu'il fcût d'autre langue que celle dont
il s'entretenoit avec Ion valet ; & leurs
délibérations alloi^nt à ralfornmer , a le
jetter dans l'eau , & à profiter de fes
dépoiiilles,
M. Dcfcartes voiant que c'étoit tout
de bon, fe leva tout d'un coup , changea
de contenance , tira Tépée d'une fierté
imprévue, leur parla en leur langue d'un
ton qui les faifit , di les menaça de les
percer s'ils ofoient luy faire inlùlte. Ce
fot en cette rencomie qu'il s'appercut
^ D iij de
lU
6o yihreo-é de la Vie
o
de Timpreflion que peut faire la haf-
léix diefTe d'un homme fur une ame balTe ;
'" mais une hardie(Të qui eft au delTus des
forces Se du pouvoir dans Texecution -,
une hardiefle qui en d'autres occafions
pouvoir palTer pour une pure rodomon-
tade. Celle qu'il fit paroître en cette oc-»
Cvnfion eut un effet merveilleux fur l'ef-
pric de ces miferables.L'épouvente qu'ils
en eurent fut fuivie d'un écourdi(ïement
qui les empêcha de confiderer leur avan-
tage , & ils ie conduifirent aufli paifi-
blement qu'il pût fonhaiter.
Delà NVeft Frife il vint en Hol-
lande où il palTa une bonne partie de
l'hiver attendant l'événement des deux
fîéges de Juliers 6i de TEclufe formez
par les Espagnols ou Flamans qui avoienc
repris les armes contre les Hollandois
depuis cinq mois que la trêve écoit ex-
lêii ?^^^* ^^ ""^^^^ ^^ Février fuivant il
m palTa dans les païs-bas Catholiques donc
il voulut voir les principales villes ; 8c
delà étant rentré en France , il alla
droit à Rennes en Bretagne chez M.fon
père vers le milieu du mois de Mars.
Il avoir alors vingt-fix ans achevez s
$c Ton père le voiant prcfent , prit oc-
j
de Al.Defcartes. Liv.II. (fi
cafion de fa mdjorité pour le mettre en i6i;i
podcfTion du bien de fa mère dont il — ' '
avoitdéja donné deux portionsaM.de
la Bretaillere & àMadame du Crévis Tes
aînez. Comme tout ce bien étoit (îtué
en Poitou , il fut curieux de l'aller re-
oonnoîcre , afin de voir Tufage qu'il en
pourroit faire. Il partit au mois de May
pour fe rendre en cette province , & il
fongea dés lors à chercher des traitans
pour U vendre , afin de trouver dequoy
acheter une charge qui pûft luy conve-
nir. Il retourna fur la fin de l'été prés
de fon père : & l'année s'écoula fans
que peilonne dans la parenté pût Iny
donner de bonnes ouvertures fur le gen-
re de vie qu'il devoir choifir.
Le peu d'occupation qu'il trouvoit ^ ^^
dans la maifon paternelle luy fit naître ji .^^ ^
le defir de faire un tour à Paris vers le ^^^^''^^
commencement du carême de l'année
fuivante. On commençoit à refpirec
dans cette grande ville un air plus pue
qu'on n'avoit fait depuis prés de trois
ans que la contagion i'avoit corrompu.
Lorfqu'il y arriva , les affaires de l'in-
fortuné Comte Palatin élu Roy de Bo-
hême, les courfesS: les expéditions du
D iiij bâtard
6^ yihregê de la Vie
1^13 bâtard de Mansfeldt , & la tuanftacion
— dj PEledloratdu C. Palatin au Duc de
Bavière faic à Ratifboiine le xv de Fé-
vrier précédent , fournilToient la matière
des entretiens publics. Il eut dequoy
fatisfaire la curiofué de Tes amis fur ce
point , mais en revanche ils luy firent
part d'une nouvelle qui leur caufoit
q'^elque chagrin,toute incroiable qu'elle
parûr. Ce n'étoit que depuis tres.peii
de jours qu'on parloir à Paris des con-
frères de la Rofe croix, qu'il avoir in-
utilement recherchez en Allemagne du-
rant rhiver de Tan 1(^19 : 6w l'on com-
mençoit à faire courir le bruit qu'il s'é-
toit enrôlé dans la confrérie.
,, ., . Il fot d'autant plus furpris de cette
21 détruit „ I t. r • • t
la cdora. nouvclle que la choie avoit moms de
fllfm' '^ ^'^PP^î^ï: ^^ caradére de fon efprit , & à
f^^lcr l'inclination quilavoit toujours eue de
£7^^ confiderer les Rofe-croix comme des
cm^. impofteurs 6c des vifionnaires. On les
appel loit à Paris les Invifibhs , & l'on
publioit que de trente-fix députez que
le chef de leur focicté avoit envoiez
par toute l'Europe , il en écoit venu fix
en France au mois de Février , & s'é-
toient logez au marais du Temple à
Paris
de At.Defurtes. Liv.II. 6^
Vmi imais qu'ils ne pouvoient Te com- .
muniqner au monde & que l'on ne
pouvoic communiquer avec eux que
par la penfée jointe à la volonté , c'efl:
a dire d'une maiiiéie impeiceptiblv aux
Le hazard qui avoir fait concourir
leur prétendue arrivée à Paris avec cel-
le de M. Defcartes auroic produit de
fâcheux effets pour fa réputation , s'il
eût cherché à fe cacher , où s'il fe fût
retiré en folitude dans la ville , comme
il avoir fait avant fes voiages. Mais il
confondit avantageufement ceux qui
vouloient fe fervir de cette conjondii-
re pojr établir leur calomnie^ Il fe ren-
dit vifible à tout le monde , & princi-
palement à fes amis qui ne voulurent
point d'autre argument pour fe perfua-
der qu'il n*étoit pas des confrères de la
Rofe- croix ou des Invifibles : & il fe
fervir de la même raifon de leur invi-
fibUiié poui; s'cxcufer auprès des cu-
rieux de n'en avoir pu découvrir aucun
en Allemagne^
^ Sa préfince fer-vit fur tout à calmer
l*agitawon oii étoit fon ami le P. Mer-
fenne que l'oaavoit fait revenir à Paris
D y depuie»
(T4 Mregéie Jk Pie
j6i3,. depuis la fin de Tan i6\<). & que ce faim
^— — ■ bruit avoir cbagiiné d'autant plus faci-
lement, qu'il étoit moins dirpoie à croire
que les Rofe- croix fulFent des inviftbles
ou des fruits de la chimère , après ce que-
plulîeurs Allemans oc Robert Fludd
Anglois avoient écrit en leur faveur.
' ^T Le grand monde que M. Def-
Ses'iy:. cartes voioit à Paris n'étoit pas capable
tjuUmdes de remplir touslesvuidesdefbn féjour,.
ge-:rj\ ^^^ ^^^ 1^ ^^^^^ perpétuellement occupé
'«'«• hors de luy-même. Lorfqu'il rentroit
chez luy , il fèntoic revenir Tes inquié-
tudes fur le choix d'un genre de vie-
c]m fût conforme â fa vocation ^d< qui:
fut commode pour l'exécution des def*.
feins qu'il avoir conçus touchant Ja re-
cherche de la vérité. L'écablilTemenc où
il voioit la plupart de (es amis, placez,
chacun dans des portes à garder le refte
de leurs jours, ne feivoit de rien pouc
fixer fes irrefolutions.
fuTtiT- li y avoit déjà long-temps que fa
themati- propre expericuce l'avoit convaincu àw
u'phfi- peu d'utilité des Mathématiques, fur
fA«- tout lorfqu'on ne les cultive que pour
elles-mêmes, fans les appliquera d*au-
tres chofçs. Depuis l*an 1610 il avoir
de M, Defcartes. Liv.II. ^5
entièrement néglige les règles de l'A- _'[
rithmetique. Les attaches qu'il eut
pour la Géométrie fabfifterent un peu
plus longtemps dans (on cctar, parce
que les Mathématiciens de Hollande
& d'Allemagne qu'il avoit vus pendant
fes voiages avoient contribué à les re-
tenir par les queftions & les problèmes
qu'ils luy avoient propofez à refoudre.
Mais on peut dire qu'elles étoient tom-
bées dés l'an 1613, s'il eft vrai qu'en i6$S
il y avoit plus de ejiùnze ans cjutlfaU
foit profejjion de négliger la Géométrie ,.
& de ne plus s^ arrêter jamais à la fh~.
lution d'aucun problème qua la prière
de quel que ami»
Il ne voioit rien de moins folide que
de s'occuper de nombres tout (impies,
& de figures imaginaires, fans porter
ics vues au delà. Il y trouvoit même
quelque chofe de plus qu'inutile : 6c il
croioit qu'il étoit dangereux de s'appli-
quer trop ferieufemenc à ces demonftra-
îions fuperficielles , que i'induftrie &
l'expérience fournilïeni moins fouvenc
. que le hazard \ iSc qui font plutôt du ref-
fort des yeux !U de rimagination que
de ceîuy de rentendement^.Sa maxime-
^(^ Jhregé de la Tie
^^ > ccoic que cette application nous clefâc-
co'itume infenfiblement de Tufage de-
nôtre raifon , de nous expofe à perdre
la route que fa lumière nous trace.
itude 2^2jg Qj^ pçyp jjj.g ^^>j| n*abandonna.
Mat: e. l'étude particulière de l'Arithmétique ÔC
u^ver' ^^ ^^ Géométrie, que pour fe donnée:
feiu.^ roue entier à la recherche de cette Scien-
ce générale, mais vraie & infaillible^
que \es Grecs ont nommée judicieufe-
ment Afathefts^ôc dont toutes les Ma-
theniaiiques ne font que des parties^
Il prétendoit que ces connoilTànces par-
ticulières pour mériter le nom de Ma-
thématiques devoienc avoir des rapports^
des proportions, & des mefures pouc
objet. Delà il jugcoit qu'il y avoir une
Science générale deftinée à expliquer
toutes les queftions que l'on pourroit
faire toucLmt Tes rapports, les propor-
tions,&: les mefures, en les conlideranc
comme détachées de toute matière : ÔC
que cette Science générale pouvoit à
tres-jufte titre porter le nom de Aîathe-
fis , ou tJ^athemaîîcjHe uviverfelle ^
puifqu'elle renferme tout ce qui peur
fàiie mériter le nom de Science & de
Mathématique particulière aux antres^
coiinQiiîaûces^ " ^ Voilà
de M, De/cartes. Liv.II. 6j
Voilà le dénouement de la difficulté ^^^'
qii'ily auroir à croire que M. Defcartes ;/ cm-
eut abfolament renoncé aux Mathema- ^;';'^fi"^^
tiques , en un temps ou il ne luy etoit .-([rendu
plus libre de les ignorer. Il fit auffi ^^#1"^*
dans le même temps quelques tentati-
ves pour fe défaire de l'étude delà Phy-
fique, le trouvant découragé par le peu
de certitude qu'il remarquoit dans Tes
obfervations. Refolii de ne plus s'appH-
quer qu'à la fcicnce de bien vivre , il
reprit l'étude de laMorale,pour laquelle
il avoit déjà témoigné de la prédiledion
avant Tes voiages : & l'on peut dire qu'il
la continua pendant toute fa vie. Mais
ce ftît (ans oftentation , «5c plus pour ré-
gler (a con 'uite que celle des autres. Il
ne fut pas long-temps néanmoins fans
s'appercevoir que l'étude de laPhyfiqiîe-
n*ell point inutile à celle de la Morale*,
& que les démarches qu'il pourroit fai-
re dans le difcernement du vrai 6c à\x^
faux lui feroient avantagée fes pour ré-
gler fes adions. Cela le fit retourner à
fès obfervations fur la Nature, perfuadé
qne"Ie^ moien le plus alîuré pourfça- <c
voir comment nous devons vivre, efl: ce
l^e cojinoître auparavant quels nous «^
^8^ Ahregê de U Vît
i^ij » fommes ; quel eft le monde dans lequel
?*"^" nous vivons ; & qui eft k Créateur de
" cet Univers oii nous habitons. Il a té-
" moigné long-temps que depuis la con-
noiftance qu'il avoit acquife de la Phy-
fîque luy avoit beaucoup fervi pour éta-
" blir des fond emens certains dans la Mo-
'' raie \ & qu*il luy avoit été plus facile de
" trouver la fatisfadion qu'il cherchoit en
" ce point , que dans plufieurs autres qui
*' regardoient la Médecine, quoiqu'il y eût
" emploie beaucoup plus de temps. De
** forte qu'après toutes fès recherches il
'* poavoit (è vanter, non d'avoir trouvé les
moiens de conferver la vie, mais celuy
de ne pas craindre la mort ; & de s'y
préparer fans cette inquiétucfe ordinaire
à ceux dont la fageffe eft toute tirée des
enfeignemens d'autruy , appuiée fur des
fondemens qui ne dépendent que de la
prudence & de l'autorité des hommes.
Il VA e^t M, Defcartesfut deux mois &quel-
&^enp7- 4^^^^ jours à Paris , entretenant fes amfs
tm f il de cette illufion où il étoit touchant
Tens^^ fon prétendu renoncement aux Mathé-
matiques & à la Phyfîque. Ils fe don-
noient fouvent le plaifîr de démentit
fes tefoluuous : ^ les moindres occa-
de M. Def cartes. Lîv.IÎ. 69
•^ons qu'ils luy prefentoient pour re-
foudre un problème , ou pour faire une
expérience , étoient des pièges inévi-
tables pour luy. Les embarras de fou
elpric joints au befoin qu'il avoir de
régler Tes affaires le firent retourner
en Bretagne vers le commencement de
de May. De là il alla en Poitou , &
pendant les mois de Juin Se de Juillet
qu'il y demeura , il vendit du confen-
tement de Ton Père la plus grande
partie des biens qui luy étoient venus
du côté de fa mère , & principalement
la terre du Perron , dont il retint le nom
pour fatisfaire au defir de fes parens.
Etant retourné à Paris au mois ^J^'/i^f^
d'Aoufl: fans avoir trouvé loccafion de
bien placer fbn argent ; il refolut de
feire enfin le voiage d'Italie qu'il avoit
toujours différé jufques-là^avantque de
(è faire pourvoir d'une charge qui luy
en ôtaft les moiens. Il partit après avoir
mandé à fes Parens " qu'un voiage au
delà des Alpes kiy feroir d'une grande "
milité pour s'inllruire des affaires , '^
acquérir quelque expérience du mon- ^*
de , Se former des habitudes qu'il n'a- "
y^oit pas encore 5. ajoutant que s'il nen *^
VII.
70 Ahregé de la Vie
i6i^ revenoît plus riche , an moins en reviefr-
■ droit'ilplus capable.-
Il prit £à route p^ir les Suiflès avee
la refolution de vilicer ce qu'il n'avoir
pu voir de la haute Allemagne daiîs
fès premieirs voiages. Il luy auroit été
facile de trouver à Bafle , à Zurich
& dans d'autres villes, des Philofophes
^ des Mathématiciens capables de l'en-
tretenir : mais il fut plus curieux de
voir des animaux , des eaux ^.des mon«-
tagnes , l'air de chaque pays avec Tes
météores ^ 3c généralement ce qui écoit
le plus éloigné de la fréquentation des
hommes 3 pour mieux: connoître la na-
ture des chofes qui paroillent les moins
connues au vulgaire des fçavans. Lors
qu'il palTôit dans les villes , il n'y voioiî
les fçavansque comme les autres hom^
mes , &: il n'obfervoiî pas moins leurs
adions que leurs diiconrs.
Des Suiiles il pallà chez les Gri-
fons , parmi lef'qaels les mouvcmens de
la Valtelline le retinrent pendant quel-
que temps. Il continua les voiages
par le Conné de Tirol , d'où il fe
rendit à Venife vers le temps des Ro-
• gâtions pour y VQir la cérémonie des
é^oufaillef
de Ad, De/cartes. Liv. II. jl
époufailles du Doge avec la mer Adria- i^i^
tique. De Venife ilfongeaà fc déchar- ""^
ger de l'obligation qu'il s'étoit impo-
îee en Allemagne au mois de Novem-
bre del'an iji^, par un vœu qu'il avoic
fait d aller à Lorette , & donc il n'a-
voit pu s'acquiter en ce temps- là. Son
voeu accompli , il eut le ioitlr avant
que d'aller à Rome de vacquer aux af-
faires domelHques qui luy avoient fcr-
vi de prétexte pour fon voiage auprès
de Tes Paren?. Le prétexte étoit de
travailler à fe faire Intendant de l'ar-
mée de France en Piémont fous le con-
nétable de Lefdiguiéres j ce qui ne
réuffit pas.
. L'occadon du Jubilé des xxv ans
^ont l'ouverture devoir fe faire la veille
.<îe Noël à continuer toute l'année fui-
-vante , fit naître dans l'on efprit quel-
ques mouvemens de dévotion , quoi-
X|ue l'unique motif de fon voiage n'cufl:
.été d'abord que la curiofité de voir la
iVille de Rome ôc la Cour du Pape. Il
^arriva dans la ville fur la fin de Novem-
bre : le concours prodigiei^x des peuples
qui y abordoient de tous les endroits
cle l'Europe Catholique , luy parut (i
favorable
yi Ahregé de U Vie
161^ favorable à la padion qu'il avoit toujours
• eue de connoître le genre humain par
^-5 lu y. même , qu'au lieu de palPer fon
temps à examiner des édifices, des (la-
tucs , des tableaux , des antiques , des
manufcrits , Se les autres raretez de l'an-
cienne 5c de la nouvelle Rome , il s'ap-
|. pliqua particulièrement à étudier les in-
clinations , les moeurs , les difpofitions ,
^ les caradéres d'efprit dans la foule
ôc le mélange de tant de nations diffé-
rentes. Cette commodité le difpenfade
faire d'autres voiages , de luy ôta l'en-
vie d'aller au fonds de la Sicile Se de
rEfpagne chercher les peuples qui luy
reftoient à voir.
Il partit de Rome pour reve-
nir en France dans le même temps que
le Cardinal François Barberin neveu du
Pape dont il avoit acquis l'eftime Se l'a-
mitié s'embarqua pour fa légation auprès
du Roy tres-chrétien. Mais il voulut
s'en retourner par terre pour ne pas per-
d're l'occadon de voir un pays qu'il ctoic
bien aife de connoître. Il palTa par la
Tofcane , où il ne manqua point de vi-
fiter le célèbre Galilée, (inous en croions
ceux qui ont parlé de fon volage d'Ita-
de M. Defcanes. Liv.ll. 73
lie. Mais cela ne s'eft écrit que fur de i^ij
fau(ïes relations : de nous fommes obli- """'■
gez de reconnoître fur Ton propre témoi-
gnage ^u'ti n'a jamais vu ce Mathéma-
ticien 5 & cfiiU na en aucune commii^^
nicanon avec luy.
Tout ctoit rempli du bruit des expé-."
ditions que le Duc de Savoye 6c le Con-
nétable de Lefdiguiéres faifoient fur les
Génois & les Efpaonols. C'eft ce qui
donnaàM.Defcartes lacuriofité d'aller
nu fortir de la Tofcane vifîter Tarmée
d'i Connétable qu'il trouva occupé du
Ticge de Gavi lors qu'il arriva dans foti
camp, La ville prifele dernier jour d'A-
vril , il voulut être encore témoin d'une
partie des merveilleux progrés que fai-'
foit l'armée du duc de Savoie. De là il
vint à Turin vers le milieu de May ; mais
pafTant par le pas de Sufe pour rentrer en
France,il fe détourna du côté delà Savoye
pour examiner la hauteur des Alpes. Ce
fut en cette occafion qu'après quelques
obfervations fur les neiges échauffées
puis appefanties par le Soleil que la
moindre émotion d'air fait tomber les
unes fur les autres avec grand bruit , il
crût avoir deviné la caufe du tonnerre.
74 y^hregédela VU. d
î<3^5 & rrouvéla railon pour laquelle il ton*
' , • ^ ne plus rarement l'hiver que rété.
». . Il V I NT en porte de Lion enPoi-
I X. ton , èi'O^ aiaiK appris que Ton Père
1/ -vknt^ étoit à paris , il partie (ur la fin de Juin
iL^TarL poiîJ^ l'alleL joindre & prendre (es avis
touchant la charge de Lieucenanc Gene-
ral de Chatellerauc qu'on luy offrok
avec une allez bonne compofition. Etant
arrivé il trouva fon Père parti pour re-
tourner en Bretagne: ce qui étant joint
avec les (olliçitations des amis qui fou-
haitoient de le voir établi à Paris,.ne conw
tribua pas peu à faire échouer fon affixi-
re de Chatelleraut,& à le dégoûter de
la Province,
s^ YM- Aiant pris un logement chez M. le
vilu^ ^ Valîeur d'Etiolés père de M. le Vadeuc
au jourd'huiConfeiller à la Grand'Cham-
bre , il fe fit une efpéce d'étaWiiîèment
à Paris. Là s'étant formé un modèle de
conduite fur la manière de vivre que les
honnêtes gens du monde ont coutume
de (e prefcrire ,il embrafia le genre de
vie le plus fimple & le plus éloigné de
la fingularité & de TafFedation qu'il
puft s'imaginer. Tout écoit aîîcz com-
mun chez luy en apparence ; fon meuble
de M, Départes. Liv.II. 7^
^ (àtable écoienc coûjonrs cres-propres, i^if
maisfnns fiipeiflu". Il étoitfervid'niipe- . m
tic iiombrc de valets i il marchoit (ans
train dans les rues -, vêtu d'un fimple
taffetas verd félon la mode de ces temps-
l;i , ne portant le plumet l'écharpc SC
répée que comme des marques de fa
qualité, dont il n'étoic point libre alors
à un Gentilhomme de fe dif^enfer.
Il avoit remis à la fin de fes voiages
à (e déterminer fur le choix d'une pro-
fedîon fiable pour le relie de fcs jours.
Mais quoiqu'il ne parût pas beaucoup
plus avancé dans fes délibérations qu'au
coiTKnencement , il ne lailloit pas de
s'afFermir infenfiblement dans la penfée
de ne s'adùjettir à aucun employ. Ce
ïi'eft pas qu'il ne iîft encore une revue
fort ferieufe fur les occupations diverfes
•qu'ont les hommes en cette vie , pour
voir s'il en irouveroit quelqu'une à fa
Jjienféance , ik qui fnft conforme aux
difpofîtions de fon efprit. Mais après
avoir examiné folidement toutes chofes
au poids de la raifon , il 'u^ea qu'il ne
pouvoit rien faire de mieux que de con-
tinuer dans l'occupation où il fe trou-
A^oii adtuellem^ic , depuis qu'il s'étoic
défait
y 6 hhregé de U V ici
ièi^ défait des préjugez de Ton éducatioîii
g- ' Cette occupation ctnfiftoit unique^
ment à emploier toute fa vie à cultiver
fa raifonj & à s avancer de tout fon poU^
(îble dans la connoifTance de la vcri^
té 5 fuivant la méthode qu'il s'étoiif
prefcrite. I
Ma^mes l\ ne fe trouvoit , par la grâce do
mdmte. ^^^" y efclave d'aucune des paffions qui
rendent les jeunes gens vicieux. Il étoic
parfaitement guéri derinclination qu'on
luy avoir autrefois infpirée pour le jeu ,
& de l'indifFerence pour la perte de fon
temps.Uirrefolution qui pouvoir luy re-
fter touchant les vues générales de (on
état ne tomboit point fur fes actions par*
ticulieres. Il vivoit & agilPoit indépen-
demment de l'incertitude qu'il trouvoit
dans les jugemens qu'il faifoit fur les
fciences. Selon les maximes de la Mo-
rale qu'il s'étoit faites, il ptetendoit em-
brafTer les opinions les plus modérées;
les plus communément reçues dans la
pratique, & les plus éloignées de l'ex-
cès, pour régler fa conduite -, fe faifant
cl'ailleurs la juftice de ne pas préférer
fes opinions particulières a celles des
perfonnes qu'il jugeoit plus fages 6c
mieu}C
de M.Defcartes.Liv.U. 77
mieux fenfées que luy. i^i^
Il paroiflToic en toutes rencontres tel- *— ^
lement jaloux de fa liberté , qu'il ne pou-
voir diflïmuler l'éloignement qu'il avoir
pour tous les engagemens qui font ca-
pables de nous priver de nôtre indiffé-
rence dans nos aâions. Ce n'eft pas qu'il
pretendift trouver à redire aux loix qui
pour remédier à Tinconftance des ef-
prits foibles , ou pour établir des fure-
tez dans le commerce de la vie , per-
mettent qu'on faire des vœux ou des
contrats, qui obligent ceux qui les font
volontairement 6i légitimement , à per-
feverer dans leur entieprife. Mais ne
voiant rien au monde qui demeurait
toujours en même état , & fe promet-
tant de perfedionner fes jugemens de
plus en plus , il auroit crû offenfer le bon
fens s'il fe fuft obligé à prendre une cho-
fe pour bonne lors qu'elle auroit cefle
de Tctre ou de luy paroître telle , fous
prétexte qu'il l'auroit trouvée bonne
dans un autre temps.
A l'égard des adVions de fa vie qu'il
necroioit point pouvoir foufftir de de-
lai , lors qu'il n'étoit point en état de
dilcerner les opinions les plus vérita-
bles.
7 2 A'hregé de la Vie.
/ . bles,il s'atcachoit toûjoius aux plus prow"
■ bables. S'il arrivoit qu'il ne trouvafl:
point plus de probabilité dans les unes'
que daus les autres , il ne lailfoit pas de
fe déterminer à quelqu'une, &de les'
condderer enfuitenon plus comme dou-
teufes par rapport à la pratique , mais
comme très - vraies d>: tres-certaines ,
parce qu'il croioit que la raifon qui Ty
avoit fait déterminer fe tiouvoit telle.
Par ce moien il vint à bout de fe délivrée ,
des repentirs &c des remords qui ont
coutume d'agiter les confciences des ef-
prits foibles & chancelans , qui fe por-
tent trop légèrement à pratiquer comme-
bonnes les chofes qu'ils jugent après'
être mauvaTes. Perfuadé que fa volon.
té ne fe portoit à fuivre ou à fuir aucu*
ne chofè qu'autant que fon entende- ,
ment la luy reprefentoit bonne ou mau-
vaife , il croioit qu'il luy fufHfoit de
bien ju2;er pour bien faite ,c'eftàdire,
pour acquérir toutes les vertus , & tousi
les biens qu'elles peuvent produire.
Avec ces difpoftions intérieures , il
vivoit en apparence de la même manière
que ceux qui étant libres de tout em-
ploi ne fongent qu'à palier une vie
., - - douce
de Ad. Dejcanes. Liv.II. 79
^ouce ôc innocente aux yeux des hom- 1^25
mes ', qui s'étudient à féparer les plaifirs ~''
des vices j 6c qui pour jouk de leur loi-
fir fans s'ennuiei: ont recours de temps
en temps à des di vertillemens honnêtes.
Ainfi (a conduite n*aiant rien de (ingu-
liei* qui fuft capable defraper les yeux
ou l'imagination des autres , pei Tonne
ne formoit d'obftacle à la continu atioa
de Ces delTeins , &z il avançoit de jour en
jour dans la recherche de la vérité qui
regarde les chofes naturelles.
QuoiQjiE M. Defcartes fe full Y,
procuré une efpéce d'établitïement à &XÎ.
Paris , il ne s'alfuiectit pourtant pas
11 ^ 1 ri 1 1 * . ^.^ repu-
tellement a la relidence pendant les trois ,^iio„ luy
ans qu'il y demeura , qu'il ne fe donnait /-"^ 'V
1. j ' i 17711s C?"
la liberté d'entreprendre de temps en lac.àbie
temps des promenades à la campagne, '^ei'fites^
de des voiages même en province.
Quelques femaines après Ton retour
d'Italie, le defir de revoir la Cour de
France le fit aller à Fontainebleau où il
eut occalion de (aluer le Légat qu'il n'a-
voit poinr vu depuis Ton départ de Ro-
me. Il fe fervit du crédit qu'il avoit ac-
quis auprès de lui pour lui recomman-
der quelques perfoimes de lettres d'en-
E tre
8o yihregé de UV ie
'^^5 tre Tes amis , è>c nommément M. de
Balz^ac , dont il défendit la caufe de-
vant ce Cardinal ^contre le Père Goulu
General desFcuillans.
i6i6 Après un voiage qu'il fit l'année fui-
vante en Bretagne & en Poitou , avec
M. le Vaileur fonhofte & Ton parent ,
il alla (e loger au fauxbourg S. Germaia
pour y vivre plus retiré. Mais il ne lui
tut plus auiïi aifé qu'auparavant de jouir
de Ton loifir. Ses anciens amis , & par-
ticulièrement M. Mydorge & le Père
Merfenne avoient tellement étendu (a
réputation , qu'il fe trouva en peu de
temps accable de vifites , d>c que le lieu
de fa retraite fe vid changé en un ren-
dez-vous de conférences. Il ne pût em-
pêcher que le nombre de fes amis ne
muitipliaft , mais au moins fut il le
maître de fon difcernemeat dans le
choix qu'il en fit.
Les principaux de ces amis outre M,
de Balzac dont nous venons de parler,
furent M, //.fî'^j' confeiller au châtelec
habile dans la connoiflancedes Mathé-
matiques ^ d'un très-grand nombre de
ianeues. M. </f ^^/^««^fieur deGouliou
confeiller au prefidial de Blois l'un des
plus
i
de M. Dejcartes. Liv.II. 8i
plus grands génies de Ton temps , en j ^^-
ce qui concernoic les Mathematio^ues.
M. Morin profeffèur Royal des Mathé-
matiques à Paris &c do6leur en Médeci-
ne. Le Père GihicHfdoôieur de Sorbon-
ne & Prêtre de l'Oratoire l'un des plus
grands Théologiens de Ton fiécle. Le
Père de la Barde , , le Père de Sancy -,
le Père de Gondren tous de la même
congrégation outre le Cardinal de Be-
r fil le qui en étoit le chef. M. Des Anr^ues
tjentilhomm: Lionnois habile dans les
Méchaniques. M. de Boiffat Gentil-
homme du Dauphiné qu'il avoit vu au
frége de Gavi. M. de Seri^ay Inten-
dant de laMaifon de M. de la Roche-
fbucaud. M. Saradn qui fut fecretaire
de M. îe Prince de Conty. M. Silhon
Gentilhomme de Gafcogne. M. Freni-
de fieurde Belîy. M. lumean Piieur de
fainte Croix, qui palfoit pour l'un des
grands Arithméticiens du Gécle avec M.
Frenicle , & qui avoit été Précepteur
de M. le Duc de VerneUil. M. de Ma-
raudé Greffier de la cour des Aydes. M,
l'Abbé de Laiw^iy. M. des Ba^reaii.v,
M. l'Abbé de Toifche'ays l'aîné. M. de
Çandais. M- de Fille- Jrmux, M. de
■-'^\ E ij Filles
Si Abrège de U Vie
J^ZL ^^^'^ Breffietix Médecin de Grenoble ;
& plusieurs autres encore, dont nous ne
nommerons que M. 'Ticot Prieur du
Rouvre qui voulut être dans la fuite des
temps ton correfpondant , & l'agent de
Tes affaires domeftiques.
i M Aïs de tous fes amis il ne voioic
XII. alors , après le Père Merfenne, perfon-
TaiUe ne avec plus d'afliduité que M. Mv-
àes "verres . k rr * --l ' ^
de Lunet- dorge. Aulii n en avoit-il trouve aucun
tes & de (JQj-jj [^ converfation luy fût plus avan- .
miroirs, ^ « i r- • • i ^ / •
tageufe , & les fervices plus réels &
plus fenfibles. C'efi; ce qu'il éprouva"
particulièrement au fujet des verres que
M. Mydorge luy fit tailler à Paris du-
rant les années 1617 & kjiS , qu'ils
joLiïlIoient l'un de l'autre à loifir. Rien
ne lui parût plus utile que ces verres .
pour coi>noître &: pour expliquer la na-
ture de la lumière , de la vifion , & de
la réfradion. M. Mydorge luy en fie
faire de paraboUques , & d'hyperboli-
ques ,d'ovaleç,&' d'elliptiques. Et com-
me il avoir la main auflî fûre &: aufli
délicate que l'efprit fubtil , il voulut dé-
crire luy -même les hyperboles & Jes
eilipfes.
«Sr ^« Defcartes devint Jui-.meme en
pea
"tAJe Defcartes. Liv.TI. S3
jeu de temps un grand maître dans l'auc / ^
de tailler les verres. Et comme i'induftrie d'i^itr^'
des Mathématiciens fe trouve fouvent '"^l^'Y^"
inutile par la faute des ouvriers donc n^lrquij,
TadrelTe ne répond pas toujours à l'ef-
pric des auteurs qui les font travailler ,
il s'appliqua particulièrement à formel
la main de quelques tourneurs qu'il
trouva les plus experts , & les mieux
difpofez à ce travail. Ceft ce qu'il fie
particulièrement en faveur du fameux
Terrier faifeur d'inftrumens de Mathé-
matiques , qui n'ècoit pas un fimple ar-
tifan qui ne fçût que remuer la main. Il
poire:!oit encore la théorie de fa pro-
feffion , & n'ètoit pas ignorant dans les
Mathématiques. Il s'attacha particuliè-
rement à M. Defcartes qui le prit en
nflfèdion , & qui non content de l'em-
ploier d'une manière à rehaulTer fa for-
tune , voulut encore lui apprendre les
moiens de fe peifedionner dans fon arc.
Cependant il s'apperçût qu'il étoit ^^ ^^^^
retombé dans l'enfoncement des fcien- c^>'f^./^
ces abftraites aufquelles il avoit renon- ^l^'^Zm^
ce. Il s'en retira de nouveau , voianc />t^yf«.
combien il y avoit peu de gens dans
tout Paris avec qui il en pûft commu-
E iij niquer.
84 Abrégé âe la Vie'
niquer. Mais il reprit avec encore plus
d'ardear que jamais Téiude de THomme
qu'il avoit tant cultivée durant fes voia-
ges. Elle lui fit alfez connoître que ces
iciences ahftraites ne nous font pas trop
convenables , & que lui même en les
^^^^ pénétrant s'égaroit encore plus que les
autres hommes en les ignorant. Il avoit
crû trouver au moins parmi tantdhon-
nêtes gens beaucoup de compagnons
dans l'étL.de de l'Homme , puifque c'eft
celle qui nous convient le plus. Mais
il fe vid trompé , & il remarqua que
dans cette grande ville qui palfe pour
Tabregé du monde , de même qu'à
Rome , à Venile , & par tout 011 il s'é-
toit irouvé , il y a encore moins de gens
qui étudient l'Homme que laGéomctrîe,
Cela le fit refondre encore une fois à
fe palTer de lui feul autant qu'il lui le-
roit poffible , & à fe contenter d'un
petit nombre d*amis choifîs pour le fou-
lagement de la vie. Mais fa réputation
fut un grand obftècle à cette refolution.
Elle avoit fait de la maifon de M. le
VafTeur où il étoit retourné du faux-
bourg S. Germain , une efpéce d'aca-
démie en y attirant une infinité de gens
qui
deM,r)eJcartes. Liv.II. 85
qui s*introcluifoient chez lui à la fa- i6i^
venr de fes amis. Les curieux de litera- *
turc ne manquèrent pas de s'y glillcr
parmi les autres ; & fe joignant à ceux
de fes amis qui fe plaifoient le plus à
répandre fa réputation , ils fe hazarde-
rent de lui propofer de prendre la plu-
me pour faire part de (es connoilîances
au public. Les libraires même qui ne
cherchent qu'à trafiquer de la réputa-
tion des auteurs , /èmblerent vouloir
étreauflî de la confpiratien de ceux qui
Taffiegeoient chez M. le ValTeur. Il
nous apprend que dés ce temps-là des
gens de cettepiofeiïion lui fiient offrir
des préfens pour l'engager à leur pro-
mettre la copie de ce qu'il pourroic
compofer , n'étant pas honteux de vou-
loir acheter l'honneur de le fervir.
Voila ce qui lui rendoit le féjourde j//;^^,
Paris onéreux , &c qui lui faifbit fentir c^f o- ^fi
fa propre réputation comme un poids '^'"•*'^^''^
infupportable. Il n^ trouva de remcde
que dans la retraite , & pour commen-
cer à fe délivrer des importunitez dj?
ceux qui le frequentoient trop fouvent,
il quitta encore une fois la maifon de
M. k ValTeur , &c fe retira aux extré-
E iiij mitez
î(^ Ahege de la Vie
^ ^ micez de Ja ville en un quartier où (\
dévoie ne fe rendre vifible qu'à un très-
petit nombre d'amis qui avoient Ton fe-
cret. M.le VafTeur à qui il n'avoir pas
jugé à propos de le communiquer fut
quelque temps en inquiétude , jufqu'à
ce que le hazard lui aiantfait rencon-
trer le valet de notre rhilofophe au bout
de cinq ou fix femaines ,il 1 obligea de
lui déclarer la demeure de fon maître.
Se de l'y conduire. Il étoit plus d'onze
heures lors qu'il le trouva fur le point de
le lever , après avoir quelque temps con-
fideré fa manière d étudier ôc d'écrire
dans le îic j par l'artifice du valet qui lui
avoit déclaré le fecret de Ton maître.
;■ M. Des CARTES fe voiant ainfî
XIÏI. découvert eut beau regreter la douleur
^l^fdfu ^^ ^^ retraite , & chercher les moiens
Ro\heUe. de reparer la perte de fa liberté. Il ne
pût détourner le cours de (a mauvaife
fortune , ôc il fe vid en peu de jours
retombé dans les inconvéniens dont il
s'ètoit délivré en fe cachant. Le déplai-
fir qu'il en eut le chalTa de fon quartier,
ôc lui fit naître le defir d'aller voir le
fiége de la Rochelle.
Il fe rendit au pais d'Aunis vers la fin
' du
de M. T>efcart€s. Liv JI. S/
du mois d'Aouft de l'an i6iS, pour être i6iS
feul':ment le témoin du (iége qui écoit ' "
déjà fort avancé, &: pour examiner en
Mathématicien la fameufc digue du
Cardinal de Richelieu , & la li!:;ne de^
communication. Mais il ne pût honnê-
tement fe défendre d'y fervir en qualité
de Volontaire , voiant l'adivité avec '
laquelle le Roy di po(oit en perfonnc
fbn armée par terre 6v par mer. En quoy
il fut fuivi par divers autres Gentilshom-
mes de fon âge qui n'étoienc venus au'
fiége que par une curiofité femblable à'
la Tienne.
Il entra dans la ville avec l'armée du
Roy le jour de la ToiilTaints qui étoic
un mercredi. Il affifta le lendemain des
Morts à la procefîîon folenneile du 5.
Sacrement qui fe fit par les rjcs : Çc
n'aiant plus rien à voir' dans ce pays
après la confommation de cette célèbre
expédition , il revint en pofte à Paris
où il fe trouva pour la faint Maicin.
Peu de jours après fon retour il (è XiV.
tint une aflemblée de perfonnes fça- u,etrolm
vantes ^ curieufes chez le Nonce du ^Jf/"^'
Pape M. de Bagne qui fut Cardinal peu ]i.,ib.^^
de temps après ^ ^ qui honoroit notre ;^f^^.^^,
E V- P-hilofophe'
88 'Ahngèàe h Vie
ï5i8 Philofophe de Ton amitié depuis quet-
que temps. M. Defcartes y fut convié,
& il y mena le P. Merfenne & M. de
Ville - Breffieux pour entendre le Sieur
CloandoHx quidevoity débiter desfen-.
timens nouveaux fur la philofophie.
Chandoux fit un grand difccurs pour
réfuter la manière d'enfeigner la phi-
lofophie qui eft ordinaire dans l'école.
Il propofa même un fyftéme affez fuivi
pour la philofophie qu'il prétendoit
établir , & qu'il vouloir faire palfer pour
nouvelle.
L'agrément dont il accompagna Çqv\
difcours impofa tellement à la compa-
gnie qu'il en reçût des applaudiflemen^
prefque univer(els. Il n'y eut que M^
Defcartes qui afFcda de ne point faire
éclater au dehors les fignes d'une fatis-
fadlion qu*il n'avoit pas efFedivement
reçue du difcours du fieur de Chandoux.
^jj Le Cardinal de Berulle qui étoit de l'af-
femblée s'apperçût de fon filence, Cç
qui le porta à lui demander fonfenti-
ment fur ce qu'il vcnoit d'entendre, &
qui avoir paru li beau à la compagnie,
o» /ff^if M. Defcartes fit ce qu'il pût pour s'en
jttr ce exculer , témoignant qu il n avoit neti
à dire
t>ki<*
de M. Ue/carm. Liv.II. 89
fi dire après les approbations de tant de i6i§
fçavans hommes. Cetce défaire accom- ■ •
^„„, ' ji ■ ■ 1 qu'il ven^
pagnee d un accent qui avoit quelque fe cUU
chofe de fufped , fit conjedurer au f/'^^"^^"
Cardinal qu'il n'en jugeoit pas entière-
ment comme les autres. Cela Texcita
encore davantage à lui faire déclarer
ce qu'il en penfoit. M. le Nonce & les
autres perfonnes les plus remarquables
de Tairemblée joignirent leurs inftan-
ces à celles du Cardinal pour le prelîec
de parler. De forte que ne pouvant plus
reculer fans incivilité , il dit à la com-
pagnie qu'il n'avoir certainement enW
core entendu peifonne qui dût fe van-
ter de parler mieux que venoit de faire
le fieur de Cbandoux. Il loua d'abord
leloquence de fon difcours, & les beaux
talens qu'il avoir pour la parole. Il ap-
prouva même cette genereufe libené
qu'il avoir fait paroître pour tâcher de
tirer la philofophie de la vexation des
Scholaftiques, Mais il prit occafion de-
ce difcours pour faire remarquera for-
ce de la vrai femblance qui occupe la
place de la vérité , ôi qui dans cette
rencontre paroilloit avoir triomphé du
jugemew de tant de perfonnes graves Ôc
E vj judicieufes».
5)0 ^j^hregé de la Vie
Î(îi8 j'jdicieufes. Il ajouta que lors qu'on 5
— — afFcire a des gens alTez faciles pour vou*.
loir bien fe contenter du vrai fembla-
ble , comme venoit de faire Tilludre af-
femblée devant laquelle il avoir l'hon-
neur de parler i il n'étoit pas difficile de
débiter le faux pour le vrai , & de faire
réciproquement pafler le vrai pour le
faux à la faveur de l'apparent.
Pour en faire l'épreuve fur le champ,
il demanda à ralfemblée que quelqu'un
de la compagnie voulût prendre la pei-
ne de lui propofer telle vérité qu'il lut
plairoit , & qui fût du nombre de celles
qui paroilTent les plus inconteftables.
On le fit , & avec douze argumens
tous plus vrai-femblables l'un que l'au-
tre , il vint à bout de prouver à la
compagnie qu'elle étoit faulfe. Il fe fie
enfuite propofer une faufietc de celles
que l'on a coutume de prendre pour les
plus évidentes , & par le moien d'une
douzaine d'autres argumens vrai-fem-
blables , il porta fes auditeurs à la re-
connoîcre pour une vérité plaufible.
L'aflcmblée Çin furprife de la force &
de retendue de génie queM. Defcar-
tcs faifoit paroîcre dans fes raifonne-
mens:
de M. De/canes. Liv.IÏ. ^r
ïYiens : mais elle fut encore plus éton- iCii
née de fe voir fi clairement convaincue *— — r
de la facilité avec laquelle nôrre efpric
devient la duppe de la vrai-femblance.
On lui demanda enfuite s*il necon-
noilloit pas quelque moien infeillible
pouu éviter les fophifmes. Il répondit
qu'il n'en connoilTbit point de plus in-
faillible que celui dont il avoit coûcu^
me de fe fervir , ajoutant qu'il l'avoit
tiré du fonds des Mathématiques , &
qu'il ne cioioit pas qu'il y euft de ve-
litez qu'il ne pûft démontrer clairement
avec ce moien fuivant Tes propres prin-
cipes.
Ce moien n'étoit autre que fa règle
univerfelle qu'il appelloit autrement (a
Mehode natHrelle ^Cut laquelle il met-
tait à l'épteuve tontes fortes de propo-
fitions. Le premier fruit de cette mé-
thode étoit de faire voir d'abord fi la
propofition étoit poQTble ou non. L'au-
tre fruit confiftoit a lui fiire foudre in-
failliblement la difficulté- de la même i^cardi.
propofition. naUeBe.
Il n'y eut perfonne dans la compa- ^l'nnine
gnie qui ne parût touché de fes raifon- ^ ««««er
nemens : mais perfonne ne les goûta ^'^D^f "'
mieux.
çt j4hregê de la Vie
j ^ mieux que le Cardinal de Berulle , qui
témoigna à M. Defcaites qu'il fouhai-
teroit l'entendre encore une autre fois-
fur le même fujet en particulier. M.DcC
cartes fenfible à Thonneur que lui fai-
fbit une perfonne de cette importance^
lui rendit vilîte peu de jours après , Se
l'entretint des premières penfèes qui
lui étoient venues fur la philofophie,
après s'être apperçû de l'inutilité des
moiens qu'on emploie communément
pour la traiter. Il lui fît entrevoir les
fuites que ces penfées pourroient avoir
fi elles étoient 'nen conduites, & Tu-
tilité que le public en retireioit fi l'on
appliquoit fa manière de philofopher à
la Médecine & àlaMechanique, donc
l'une produiroit le rètablilTement & la
confervation de la fanté , l'autre la di-
minution & le foulasiement des travaux
des hpmmes.
Le Cardinal n'eût pas de peine à com-
prendre l'importance du delîein ; & le
jugeant très- propre pour l'exécuter, il
emploia l'autorité qu'il avoit fur fon
efprit pour le porter à entreprendre ce
grand ouvrage. U lui en fit même
une obligatiçn de cojûfcience. Il lui fit
emendte
de M. De/cartes. Liv.II. ^3
entendre qu'aianc reçu de Dieu une i6i2
force & une pénétration d'efprit avec ^
des lumières fur cela qu il n*avoitpoinc
accordées à d'autres, il lui rendroitun
compte exad de l'emploi de fes lalens,
ôc feroit refponfable devant ce juge fbu-
verain des hommes du tort qu'il feroic
au genre humain en le privant du fruit
de fes méditations. Il alla même jut
qu'à l'alTurer qu'avec des intentions
auflî pures , & une capacité d'efpriraufli
vafte que celle qu'il lui connoilToit,
Dieu ne manqueroit pas de bénir fou
travail, & de le combler de tout le
fuccés qu'il en pourroit attendre.
L'impreflion que les exhortations de
ce pieux Cardinal firent fur lui, fe trou-
vant jointe à ce que fon naturel , & (à
raifon lui didoient depuis long-temps,
acheva de le déterminer. Jufques la il
n'avoir encore embi alfé aucun parti dans
la philofophie i &c il n'avoit point choifi
de feâ:e,comme nous l'apprenons de lui-
même.ll feconfirma dans la refoiution de
confeiver fa liberté , ôc de travailler fur
la Nature même , fans s'arrêter à voir en
quoi il s'approcheroit ou s'éloigneroic
de ceux qui avoieni traité la philofo-
phie ayant lui, Le8
94 ^Ahrege de la Vie
^^^ Les inftances que Tes amis renolivél-'
lerent pour le prefler de communiquée'
fes lumières au Public ne lui permirent
pas de reculer plus loin. Il lie délibéra
plus que fur les moiens d'exécuter fou
deffein plus commodément : & aiant
marqué deux principaux obftacles qui
pourroient Tempêcher de reliOTir -, fça-
voir la chaleur du climat , &: la foule'
du grand monde , il refoluc de fe retirer'
pour toujours du lieu de fes habitudes,
& de fe procurer une folitude parfaite
dans un pays médiocrement froid , ol!
il ne feroit pas connu.
LIVRE TROISIE^ME'
depuis i6t^ jufqu en 1^57.
*ir" )| I A NT choifi la Hollande pout
^/^/''/' jfJL le lieu de fa retraite, comiie lé
câfagm, plus favorable à l'exécution de fe$
^HllJd ^^^^^^"^ 5 ^^ établit le P. Merfenne foii
' correfpondant pour le commerce des let-
tres qu'il devoir entretenir en France,
^ commit le foin de fes affaires do-
nieftiqu©^-
de Ai.Defcàtrtes. Liv.tll. 95
ir.eftiques à /Abbé Picoc. Etant forti '^^^
de la Ville vers le commenrement de
TAvent de l'an 16 iS , il ne jugea point
à propos d'aller droit en Hollaixle poUE
ne pas expofer d'abord fa (ànté à la ri-
gueur de lai (àifon : mais il Te retira en
un endroit de la campagne où il pa(îa
l'hiver loin des commoditez des villes
pour s'accoutumer par dégrez au froid
& à la folitude.
Après un apprentifïage de prés de i^^^
quatre mois, il prit la route de Hollan- «—
de fur la dn de Mars de l'an léip. Il
achevoit alors la trente-troifiéme année
de-fèn âge : & à peine fut- il arrivé à
o\mfterdam , qu'il reçût avis du mécon-*
lentement Me ceux qui murmuroienC
contre fa refoîution , ôc qui blâmoient
fa retraite. Les plaintes qu'on en forma
n'avoient point, à vrai dire, d'autre four-
ce que l'eftime 6»: l'amitié des perfcnnes
de fa connoillàncequi fe croioient aban-
données. Elles fe reduifoient à trois
fortes de reprocbes qu'on lui faifoit ;
premièrement d'avoir quitté la France,
ou la reconnoilTance pour fa nailTance &
fon éducatio fembloit devoir l'attacher-,
CFifuite d'avoir choiii la Hollande pré-
férable-
'fd Jihregè de la Vie
j^2p ferablement à tout autre endroit de:
- rEurope j ^ enfin d'avoir renoncé à Jâ,
fociecé humaine en fui^u les coinpa-'
gnies.
Comme il avoir préparé fonefprit à-
tout événement , il s'^toit aufli endur--
61 le cosur contre lafaulTe tendrelle : ô^,'
perfuadé que fa conduite n'avoit beroiii:
4 aucune juftification , il ne fe mit pas-
en peine défaire cefler les plaintes dej
fes proches & de fes amis. Mais voiant
^ue le temps avoit diflipé leurs rellenti-»»
mens dont la raifon n'auroit peut-êtrév
pu venir à bout fur l'heure, il voulut,
bien donner des éclaircillèmens à faV
conduite pour la (atisfa^tion de ceux
qui auioient été touchez de ces fortes,
de reproches. Pour raifon d'avoir quit-
té la France , il alleguoit les importu-
nirez du grand monde qu'il auroitécé
obligé de voir &: de fouffiir dans fon
pays au préjudice de fes écudes, outre
la chaleur du climat qu'il ne tiouvoit
point favorable à fon tempérament pai*
rapport à la liberté de fon efprir. Pour
juftiner le choix qu'il avoit £ii[ de la
Hollande ^ il rapportoit la tranquillité'
i&ii: le funds.de ce pays jquilïoit,en-
viionnc
de M. Dejcartes. Liv. III. 57
vironné des armées qui fervoient à le i^î^
conferver ; les commoditcz de Id vie ^
que le commeice y produifoic ; les
moiens d'y vivre folitaire ôc inconnu
au milieu d'une foule de peuple occu-
pé de Tes propres affaires Ôc enfin la
qualité du climat préférable pour ia famé
à la chaleur de lair d'Italie dont il au-
roit choifi le féjour fans cela par la
confideration de la Religion Catholique,
Mais pour ce qui eft du reproche qu'on
lui faifoit de fuir la compagnie des
hommes, il étoitbien perfuadé quec'é-
toit moins fà caufe particulière que
celle de tous les grands Philofophes ^
qui pour fe procurer la liberté devac-
qucr à l'étude & à la méditation ont
abandonné la Cour des Princes, & le
féjour de leur patrie.
Etant arrivé en Hollande il fie -*— ^=J
connoître d'abord qu'il s'y regarderoit ^^^
toujours comme un étranger qui n'afpi- ambuut
roic point aux droits de citoien , ôc il re&ca^
ne chercha à fe loger qu'avec la refo- HcLaJi
lution de changer louvent de demeure.
L'efpace de plus de vingt ans qu'il palla
en Hollande , qu'il appelloit fon hermi-
tage , n'eût prefque rien de plus ftable
que
5>8 Alregé de la Vie
^"^^ que le féjour des Ifraelices dans l'Arabie
' déferre. Quoiqu'il fe vanrât de pouvoir
garder la folicude dans la plus grande
toule des peuples aufli aiféinent que
dans le fond des defeits , il évitoic néan-
moins le coeur des grandes villes , &
nffedoit de loger au bout de leurs faux-
bourgs. Il leur préferoit toujours les
villages & les maifons détachées au mi-
lieu de lacampagne^autant qu'il en pou-
voir trouver de comn:iodes , & qui fuf-
fent alPez voifuies des villes pour eit
tirer fa fubfiftance plus facilement.
Jamais ou rarement faifoit- il addrefTet
ks lettres &: les paquets qu'on luien-
Voioit au lieu de fa demeure en droiture,
afin d'êcre mieux caché. Cétoit tantôt à
Dort par M. BecKman , à Harlem pat
M. Bloemaërt, àAmfterdam par Made-
nioifelle Reyniers , ou M. Van-Sureck
. de Bergen j à Lcyde par M. Hooghe-
land i & tantôt à Utrecht par M. Re-
gius, ou M. Schurmans, frère de la
fçavante Demoifclle de ce nom. Il n'y
avoit ordinairement que le P. MeiTenne
en France qui eût fon fecret là delTus j
& il le luy garda fi religieufement que
plufieqrs des gens de lettres & des cu-
rieux
de Al. Defcartes. Liv. III. 957
tkux de France qui voiagérenc pendant ^^^^^
tout ce tenaps en Hollande , forent pri-
vez de la facisfadion de le voir pour
n'avoir pu le déterrer. De Ton côté
lorfqu'il écrivoit à fes amis, fur tout
avant qu'il fe fût établi à Egmond , il
dattoit ordinairement fes lettres non
pas du lieu où il demeuroit , mais de
quelque ville , comme Amfterdam , Ley-
de, &c. où il ctoit allùré qu'on ne le
trouveroit pas. Lorfqu'il commcncoit à
être trop connu en un endroit de qu'il
fe voioit vifité trop fréquemment par
des perfonnes qui lui étoient inuti-
les 5 il ne tardoit pas de déloger pour
rompre ces ha'Mtudes , 3c fe retirer en
un autre lieu où il ne fût pas connu.
Ce qui luy reiiffic jufqu'à ce que fa
réputation fervît à le découvrir par tout
où elle le fuivoit comme fon ombie.
D*Amfterdam où il s'étoit arrêté d'à- ,; j
bord il palla en Frile \ & le retira près meureren
de Franexer. Il fe logea dans un petit ^/^^Hfiu
château qui n'étoit feparé de cette ville ■^f<-' »>^-
que pat un folfé. Il jugea ce lieu d'au- ''l'^^Jtafhy^
tant plus commode pour lui que l'on M^i\
y difoit la Melfe en toute fureté , &
c^u'on y trouYoit une liberté entière pour
tous
ïOO 'Àhregê de U Vie
tous les aurres exercices de la Religion
Catholique,
Ce fût là qu'aiant renouvelle devant
les autels fes anciennes proceftations
de ne travailler que pour la gloire de
Dieu & l'utilité du genre humain , il
voulut commencer Tes études par fes
Méditations fur Texiftence de Dieu &
l'immortalité de nôtre Ame. Mais pour
ne rien entreprendre fur ce qui étoit du
relfort de la Théologie , il ne voulut
envifager Dieu dans tout Ton travail
que comme l'Auteur de la Nature, à
qui il prétendoit confacrer tous fes ta-
iens. Ce n'étoit pas la Théologie na-
Y turelle , mais feulement celle de reve-
lïl. Jation qu'il excluoit de fes defleins.
Ses -vues II. ne donnoit pas tellement foti
twchant temps à la Metaphyfique ou Theolo-
t%ue°^' gie naturelle qu'il n'en refeivât quelque
portion pour les expériences de Phy-
nque , & particulièrement pour celles
de la Dioptrique , aufquclles il s'étoit
dé)a beaucoup appliqué en France. A
peine fe vit-il établi en Frife qu'il fe
fouvint d'avoir laillé à Paris le fieur
Ferrier , ce célèbre ouvrier d'inftru-
•mens de Mathématiques qu'il avoir em#
ploié
de M. Defcdrtes. Liv. lu, loi
ploie pour la caille des verres. Il ne fe ^^^9
crut pas dcchaigé du foin qu'il avoit ^
pris autrefois de ("a fortune 6c de Ton
inftrudion. Mais les offres qu il lui
fit de le recevoir chez lui ôc de l'en-
tretenir comme Ton ftére, dans une
communication égale de biens ik d'étu-
des devinrent inutiles par le défaut de
conduite dans Ferrier 5 que la négligen-
ce fit tomber depuis dans diverfes mi-
sères aufquelles M. Defcartes qui les
lui avoit prédites , ne pût remédier
qu'à demi de fi loin.
Les irrefolutions de Ferrier lui firent Ji retour^
changer les mefures prifes pour di- ]urdamT
vers laboratoires qu'il avoit déjà pré-
parez dans fa maifon prés de Frane-
Ker afin de le faire travailler aux inftru-
mens Se aux verres. Au bout de fix
mois il quitta cette demeure pour reve-
nir à Amfterdam , où il emploia encore
trois mois à fes Méditations Metaphy-
fiques. Mais le traité qu'il en avoir com-
mencé fut interrompu par d'auties étu-
des au commencement de l'année fui-
vante,& il ne le reprit que dix ans après. • ^
I L E T o I T encore en Frife lorfqu'il I V. *;
fut follicité de donner fes réflexions lur ffio»
, dt (on
*c trutU (Us
Ï02, Abrège de la Vie
y^^S> le fameux phénomène des FarhHîesovL,
^7" ' faux Soleils obfervé à Rome le xx de
Metcores t » i r • i »
•phénome- Mars de 1 an 16x9. L oblervation lui avoïc
^rJélkff' ^^^ envoiée par le P.Merrene,& dés au-
paravant par le (îeur Henry Reneri oïl
"Hunier nouvel ami qu'il avoit fait à fou
arrivée en Hollande, & qui fut depuis
confideré comme le premier de fesdif-
ciplesou fedateurs ,qui aient enfeigné
publiquement fa Philofophie. Reneii
î'avoit receuë de M. GalTendi qui écoit
alors en Hollande, ^ qui y fit lui-mê-
me une diirertation dans le cours de fou
voiage,avant M. Defcartes,
C'eft a cette obfervation des Parhélies
que le public eft redevable en partie du
beau traité des Météores que M. Def-
cartes lui donna quelques années après.
Il interrompit fes Méditations Metaphy-
fiques pour examiner par ordre tous les
Météores : & il travailla plufieurs jours
fur cette matière avant que d'y trouver
dequoi le fatisfaire. Mais enfin s'étanc
mis en état par plufieurs obfervations
tres-exades de rendre raifon de la plus-
part des Météores , & fur tout des cou-
leurs de l'Arc- en-Ciel qui lui avoienc
donné plus de peine que le relk^ ii re.
foluc
âe M.DeJcarteî. Liv.IIL 105
folut d'en Bire un Traité qui finie par là J^^P
diiîertanondes Parhélies, — —
A SON retour de Frife il perdit un
excellent dire6teur&: unamitrcs-fincé- V.
reen la perfonne du Cardinal de Berul- r^^'2^.
le mort fubitement à Paris le i jour ''^f"»- le
d'Odobre. Il avoit toujours eu beau- ^'^^^^
coup de vénération pour Ton mérite , ^c.
beaucoup de déférence pour fesavis. Il
le confidtroit après Dieu comme le
principal auteur de Tes delVeins : & il
eût la fatisfadtion après fa mort de trou-
ver de Tes difciples , je veux dire , des
Prêtres de l'Oratoire entre les mains
defquels il pût confier la diredion de fa
confcience pendant tout le temps de fa
demeure en Hollande.
Il ne fe vid pas plutôt établi à Amfter- ^tude ds
dam que ne pouvant oublier la Ç[\\ de (a cine^'d^^'
Philofophie qui n'écoit autre que Tuti- ^' -^«-'^-
li:é du genre humain, il entreprit ferieu- aijrÎLJ^
fement l'étude de la Médecine , & s'a-
pli qua en particulier à TAnatomie & à la
Chymie. Il s'étoit imaginé que rien n'é-
toit plus capable de produire la félicite
temporelle de ce monde qu'une heu-
reule union de la Médecine avec les Ma-
thématiques. Mais avant que de pou-
F voit
•10 4 'Ahegeàe la Vt^
aéip voir Contribuèi- au ibulagcment des tra- '
' vaux de l'hon-ime , &: à la multiplication
<îes commoditcz de la vie par la Mécha-
nique , il jugea qu'il falloic cheixheu les
nioicns de garantir le corps humain de
tous les maux qui peuvent troubler fa
faute , & lui ôter la force de travailler^
Ce fut dans cette perfuafion qu'il
commença l'exécution de Tes d^llcins
par rémde de l'Anatomie , à laquelle il
cmploia tout l'hiver qu'il palTa à Am-
fterdam. Il témoigne que l'ardeur qu'il
avoit pour cette connoilTance le faifoif
aller prefque tous les jours chez un
boucher pour lui voir tuer des bêtes,.
& que de là il faifoit apporter chez lui
les parties des animaux qu'il vouloic
anatomifer plus àloifir. Il en ufa de mê-
me très -fou vent dans les autres lieux où
il fe trouva depuis j ne croiant pas qu'il
y eût rien de honteux pour lui , ni rien
â*indigne de fa condition dans une pra^,
tique qui étoit trcs-innocente en elle-
même 3 Se qui poayoit devenir très- utile
dans fcs eft-èts.
Il joignit l'étude de laChymie à celle
,de l'Anacomie dés la fin de l'an 1629: &
il nous allure qu'il apprenoit tous les
jours
éAl.VeJcdrtes.Liw.lU, Î05
jours dans cette fçience , comme dans j^,(5
Tautre, quelque chofe qu'il ne trouvoic -î
pas dans les livres. Mais avant que de
fe mettre à la recherche des maladies &
des remèdes , il voulut fçavoir s'il y
avoit moien de trouver une Médecine
qui fud fondée en demonftrations in- ^ ^
faillibles. yj ^
Ces commencemens furent pour yi j.
lui beaucoup plus heureux qu'il n*avoit Mauvai.
ofé refperer : & il ne pouvoit manquer ("/^J^"^"*"
à la fatisfâ(5tion qu'il avoit de voir les éee^mayt
premiers fuccés de fes études que TaiTu- c>"^«^''-
rance d'en voir laluite. Le plailir qu'il
en recevoir lui faifoit goûter de plus en
plus les douceurs de (a retraire ; ik. rien
ne troubla fon repos cette année que la
mauvaife conduite de Becckman de de
"Ferrier à fon é^ard.
Le premier plus âgé que lui de prés
de trente ans voiant croître la belle ré-
putation aux yeux du public, ht éclater
une demangeaifon pedantefque pour fai-
re croire qu'il avoit été autrefois fon
Maître : quoiqu'il eût appris lui-même
de M. Defcartes , ce qu'il fe vantoit de
lui avoir enleigné. Il lui fit là delTuà
des leçons néce flaires pour le faire ren-
F ij ttec
I
lOt; Jhregé de la F'ie
1^30 trer en lay- même :& quoiqu'il voulût
"'■- ■" bien lui abandonner ce qu'il lui avoic
autrefois donné fur TAlgébreJa Dioptri-
que Se la Géométrie , il lui fît rendre
l'original de ion traité de Mufique qu'il
lui avoix laillé depuis dix ans pour
mettre au moins quelques bornes à fa
vanité.
L'autre reconnoilfant la faute qu'il
avoit faite Tannée précédente , en refu-
fant d'aller demeurer avec M. Defcarces^
en Frife ', &c voulant la réparer en un
temps on M. Defcartes n'étoit plus en
état de lui faire .de femblables avanta-
ges , feignit defe plaindre de ù mauvai-
fc fortune pour former de véritables
plaintes contre fon bienfaiteur. Il les
porta par tout Paris auprès de tout ce
qu'il y avoit de gens de confideration
dont il étoit connu , Ôc dont plufieurs
écrivirent en fa faveur à M. Defcartes.
Lui pour ne pas devenir fufpe6td,e du-
reté fe vid obligé d'en veniï à des éclair-
çiiïemens avec eux, & de juftifîer l'é-
loignement & TimpoflTibilité où il étoit
d'accorder pour lors à Ferrier les condi-
tions qu'il l'avoit prelfé d'accepter lors
gWiil l'avoit follicité de venir prés de luy
à
de M Delcar(es.Liv.lU. ioy
à Franeker. Cependant après l'avoir ^^5^
eonvaincaenparticuliec qu'il étoit l'u- ^
nique auteur du mal qu'il (oufFroit &C
dont il fe plaignoit , il voulut bien re-
prendre pour lui Tes prenriers {èntimens
cle bienveillance comme il fit à Tégard
deBeecxman.
Mais pour leconfoler des petits fu- ^■^^/^'J.*
jecs de chagrin que ces deux homnies A»>«-
lui avoient caufez , \] lui arriva deux p'^'^V*
chofes du cofté de deux autres de fes bkuf.
amis qu'il conta au nombre des bonnes
fortunes de cette année. La première fuc
la vifite que le P. Merfenne alla lui ren-
dre dans Amfterdam. La féconde Ric la
publication du livre du P. Gibieuf tou-
chant la liberté de Dieu & de laCreature
ou il eût le plaifîr de trouver de quoi au-
torifer ce qu'il penfoit de Tindiference
&c du libre arbitre,
C E F u T dans le même temps que -
le Comte de Marcheville nommé par le VIII
Roi pour être fon Amballadeur à la \l /;*/'*/'
r» \ r 1 1•^ -i r » aller Oii
rorte , le hr prier de vouloir être de la u,
compagnie avec M. de Challeuil , M.
Bouchard , M. Holftein , M. Galfendi ,
le P. Théophile Minuti , 6c plufieurs au-
tres fçavans qu'il pretendoit mener à
F iij Conftan-
'■jam*
io« Abrégé de la F'/e.
^^30 Conftantinople & dans le Levant. !t
euil: (ouhaité qu'une femblablc occadoil
fè fufl: prcfentée à lui quatre ou cinq
ans auparavant. Mais s'écant mis hors
d'état de plus vofager , il s'en excufa fur
fes occupanons,qui ne lui pcrmettoient
pas de quitter le lieu de fa retraite.
—— - Il ne lailfa point de faire le voîage
^^y^ d'Angleterre peu de temps après, ôc il-
ji -VA en ^^ ^'^"^ ^^ voifinîge de Londres quel-
AniU' ques obfervations far les declinaifons de
^*'^^' l'Ayman qui varient en Angleterre. Ce
voiage qu'il qualifioit de {impie prome-
nade fut adez court. A Ton retour il fon-
gea aux moiens de fe décharger & !«• P.
Merfenne avec lui d'une partie des im-
portunitez que fa réputation luiattiroit
de la part des Mathématiciens , afin de
ménager le loifir de l'un &: de l'autre
Il ne pour des études plus importantes.
rveut^ius Lçs particuliers fcachant qu'il n'y
defrohié. avoit point d autre voie de communica-
w^^^/;er- fJQj^ q^g |g q^j^^\ jg ce Père pour en-
fe réduit voiet leurs confultations à M. Defcar-
refoJdn ^^5^ P°^^ ^'^ recevoir les réponfes;
^ue ceux allolcnt en foule à fon convcnt lui por-
PoZt-^ ter leurs queftions , de retournoienc y
Toiu prendre lesfolutions & les éclairciffe-
mens.
de M. Dejcar te s. ViwJll. 105?
mens de M, Defcartes. Ce concours 16^1
donnoic an Père une occupation donc il ""^"^
avoir la bonté de ne janiais fe plaindre:
6c non content d'exhorter M. Defcar-
tes à répondre à toutes les queilions qui
lui écoient propofées dans les pacqi^ets
qu'il luienvoioit, il le provoquoit en-
core à lui envoier de Ton coté des pro-
blèmes à prcpofer aux autres , donc il fe
chargeoit de lui renvoier les foiutions.
M. Defcartes le fît fouvenir qu'il avoic
renoncé à l'étude des Mathématiques
depuis pliîfieurs années , de qu'il étoic
refelu plufque jamais de ne plus perdre
Ton temps à des opérations fteriles de
Géométrie & d'Arithmétique , donc la
fin n'aboutiiroit à rien d'important. Mais
fur tout il lui fit entendre qu'il n'étoic
plus dan"^ le dellein do propoler aucun
problème à qui que ce full ; ôc qu'il
croioit beaucoup prendre fur lui-même,
que de fe réduire dorefnavant à ne re-
foudre que ceux des autres , dont il té-
moignoit d'ailleurs être déjà fort fitigué.
D'un grand nombre d'amis en Fran-
ce à qui Ton abfence paroillmc difficile à
fupporter, «Scqui luideclaroient la paf- yniehref.
fioa qu'ils auroieiu eue d'aller demeurer luy^'^
F iiij avec
210 Jhregè de la Vie
1^31. avec lui, nous ne connoiflbns qne M^
- — — cieBalzicdontiltémoignoic qu*ilauroit
agréé la compagnie. Mais il faut que les
obftacles qui fe (ont oppofcz à Texecu-
tion du deflèin de M. de Balzac aient été
bien infurmontables , s'il eft vrai com*
me il le protefte bien ferieufenneni qu'il
moifroit d'envie de ferèùnir h lui afin àe
ne s^en feparer 'jamais.
M. de Ville- BrefTienx fut plus heu-
reux que lui en ce point : & fa prefenGC
fut d'autant plus agréable à M. Defcar-
tes qu'il connoidoit en lui avec une
- grande facilité d'efprit beaucoup de g€-
1^32. riie pour les Mechaniques , & beaucoup
d'inclination pour la Chymie. Ville-
Brefîicux non content de devenir fon
difciple voulut encore être fon domefti-
que pour étudier fa conduite aufli bien
que (es fentimens.
~7 Henty Reneri que nous avons die
• ^^'' avoir été le premier des fedateurs de
M. Defcartes qui eût profefTé publique-
11 vx de ment fa Philofophie,c'e{l à dire fes prin-
meunr a ^ipes felou fa mcthodc , aiaut été fait
Profeiïcur en Philofophieà Devent^r,
donna envie à M. Defcartes d'aller de-
meurer en cette ville. C'eft ce qu'il fit
vers
d^e Ad.Defcanes.LïvMl. m
^ers le printemps de l'année 1633. ^^ ^^ ^^35
reprit le foin de continuer divers ouvra- "
ges qu'il avoit interrompus l'année pré-
cédente , Se particulièrement fa Diop-
trique & Ton traité du Monde. Il s'ap-
pliqua auffi tout de nouveau à la con-
noilfance des chofes celeftes , ^' Ces ob-
. fervacions aftronon-uques lui firent bien-
toll: connoître la ncceiïîté d'étudier à
fonds la nature des-cométes.
Il prit occalTon de cette forte d'étude
pour faire au P. Merfenne le plan d'une
hiftoire des Apparences celeftes telle
qu'il la concevoir , afin de contribuer aa
foulagemenc de ceux qae ce Père lui
avoir mandé qui Ce plaifoient à travaillée
pour l'avancement des f<^iences jufqu'à
vouloir mêc-ne faire toutes fortes d'expé-
riences à leurs dépens. -.- ,^-
I L ACHEVA durant l'été de cette X.
année fon traité du Monde, que le P. ^"''^^'''^^
Merfenne. (S: fes amis de Paris atten-"*'^"
doient avec beaucoup d'impatience. II-
Tappelloic pm Monde , parcequc c'é-
toit l'idée d'un Monde qu'il avoir ima-
giné fur celui ou nous v-ivons \ $<. il
îenfernx)it en abrégé toute fa Phyfique^
c^èftàdire tpuccequ'il pouvcàc fçavoir
m yihr^géde la THi
J633 des chofes matérielles, hormis ce c^\
**—• conceme la Lumière qu'il àvoit voultu
expliquer dans toucefon étendue.
Pour ne pas s'engager à fuivre ou 4.
réfuter les opinions qui (ont remues paf-
miles Do6les , il voulut laiilèr ce Mon[-
de.ci à leurs difputes, 6c parler feulc^-
nienc de ce qui arriveroit dans un noii--
veau Monde , Ç\ Dieu créoit dans les ef.
paces inwginaires alTez de matière podc:
îe compofer. Il fuppofoic que Dieu vou-
lût agiter diveifemeni & fans oidre tou-
tes les parties de cette matière , de force:
qu'il en compcfaH: un chaos ou une malîe
confufe i & qu'en fuite il ne fift autre,
chofe que prêter fon concours ordinaire
à la Nature , Ôc la lailFer agir fuivanc les..
loixqu il a établies.
Dans cette fuppofîcion il décrivit d'a-
bord cette matière. Il fîc voir quelles
ctoientles loix de la Nature. Il montra
enfliîte comment la plus grande partie
de la matiér; de ce chaos devoir en con-
féquenee de ces loix fe difpolèr & s'ar-
ranger d'une certaine manière qai.Ia:
lendoit femblable à nos cieux , ôcc.
De la defcLiption de tous les corps,
ïsnaginablesjqui pouyofent être compo-
de M. De/cartes, Liv. m. 113
fez de cette matière, il voulut paOir à i^55
rexpofitioii de TAme laifonnablejui: la- ""^""^
quelle il ciût qu'il étoit à puopos de s'é-
tendre plus au long. Il fie voir qu'elle
Ile peut être tirée de la puillance de la
matière comme les autres chofes dont il
avoit parle , mais qu'elle doit être cx-
prelTément créée. ^ — *
Il k e V o 1 o I t fon traité du Mon- -^ ï- ^
de pour Tenvoicr au Père Merfenne, de ^^^'
le faire imprimer à Pans avec le privilè-
ge du Roy , lorfqu'il apprit la nouvelle damn^'
de l'accident qui étoit arrivé à Galilée. f'-O'^ , /^«
r^ \ 1 \ ■ • -''fi' Galilée
Le Mathématicien avoit ece oblige par i„i f^r-
les Inq-uifiteurs du faint Office d'abjurer ^'^^'JJ'!'^^
publiquement fon opinion du mouve-
ment de la Terre comme une véritable
herefie ; & il avoit été renfermé dans les
prifonsde riliquifition .
Cette aventure farprit d'autant plus
M. Defcartes qu'il avoit d'un côté beau--
coup de foûmiiïïon pour le faine fiége ,
èc que de l'autre il étoit perfuadc que
l'opinion du mouvement de la Terre efi:
la plus vrai-femblable ,&: la plus com-
mode pour expliquer tous les phénomè-
nes. Ceil fur cette hypothéfe qu'il avoir
conilruic la plus grande parue de fon
F- vj Mqndôi.
ie tratt9
Il 4 j4hregè de la Vie
Monde. De force que ne la pouvant ôcer -
fans rendre le refte tout defedueux , il
aima mieux relTerrer fon traité , que de
le faire paroître eftropié , ou de s'cxpoi-
fer à la méchante humeur des Inquisi-
teurs de Rome, en publiant Thypothcfè
qu'ils avoient condamnée fans la com-
prendre. Il voulut neantmoins donner
un tour nouveau à fon explication dit'
mouvement de la Terre , ^ montrer
comment , à la différence de Galilée, on
peut nier ce mouvement : quoi qu'ell'e
foit véritablement emportée , & que
Thypothéfe de Copernic fubfifte en fon-
entier. Ce qu'il fit non pas tant po»r
jettcrde la pouffiere aux yeux des Inqui-
fîteurs, que pour expliquer les endroits
J^54 de l'Ecriture qu'on a coutume d'alle-
XIII g^'^^^^'ontrecefentiment.
iLraou,'- ^ L E S E j o u R de M. Defcartes à De*
«^ <Vy^^;- venter oiV il écoit depuis le mois d'A-
vril de Tnn 1655 lui produifoit unefoli-
tude fort entière & fort tranquille,
n'aiant point en ce lieu d'autre conver-
facion que celle de fon ami Bencri qui
y profetfoit la Philofophie. Mais com-
me/ elle écoit un peu trop écartée des-
grandes routes des Meflagers pour l'en,-
tietieu»
lier dam.
de M.Defcartes.Liw.lU. 115
cretien de Ton commerce avec le P. Mer- i(^^
fenne Ôc le5 antres fcavans , il quitta -
cette demeure Tannée fuivante pour re-
tourner Amfterdam.
Peu de temps après il fit un voiage ^^ ^^ ««
en Danemarc &: en baiîe Allemagne ,narc'
avec M. de Ville-Bceflieux , qui ne pro- ^^'^.^:
fitoic pas moins de Tes inftrudions fur bre[[tMx%
les chemins que dans leur maifon d'Am-
fterdam. Ce fut fur fes préceptes , &
principalement fut fa grande maxime
que les chojQn les plui Jimples font d'or^
dtnaire It^ plus excellentes , que M. de
Ville-Breffieux inventa tant de belles
machines pour les ufages de la vie.
Il lui inculqua divers autres princi-
pes fur lefquels cet homme a fait depuis
des expériences qui l'ont fait paffer pour
un ^enie extraordinaire dans laChymie,
la Mcchanique . & l'Optique.
D A N s le temps que M. Defcartes
quitta la ville de Devcntcr , Reneri en
foitit aufli pour palTer à Ucrecht où le ««,%««
Magiftrat l'avoit attiré pour protcilerla funiinié'
-Philolophie dans le collcge que Tonde- ^^rrechu
voit bien- tôt changer en Univerfité, Ce
fç^vant homme qui avoit puifé tout à
loiiu la Philofophie de M. Defcartes
dans
rr^j Ahegé de la Vie .
1^3^. dans fa fource lorfqu'il jouilToit de fa
r- ■- prefence , fe fervic d'une C\ favorable
conjonâiare pour rendre l'Univer/îcé
Cartefienne dans fe nalifance. C'eft ce
qu'il fie avec tant de prudence ^ dedif-
cretion que jannais il n'y feioit arrivé de
troubles Ci le zèle précipité de celui qui
vint après lui n'eue gâté fa belle éco-
3^35. nomie.
I L'hiver fuivant fournit à M. Def-
^,. cartes de la nriatiere aux obfervations •
Tio-2s fur qu il ht lur la nege a fix pointes , &
(^ »'^ie p^f occafion furlaerêle ^ la pluie. Il
en ht depuis le iujctdu nxicme dilcours
que l'on voit dans le traité de fes Mé-
téores. Mais fur tout il parut (î content
des obfervations- que la nége qui tom-
ba cet hiver lui fit Faire, qu'il auroicfoiT.
haité que toutes les expériences dont il
avoit befoin pour le refte de fa Phyllque
piiffent luy tomber ainfi des nu'és > ôc
qu'il ne fallût que des yeux pour 1er
c-onnoître.
Le fou venir de fa belle folitude de
Deventer le fit enfuite retourner en cet-
te ville pour éviter les fréquentes vifites
que lui attiroit le fejour d'Amfterdam.
Cinq cfu fix mois après , c'eft à dire vers
^' ' la.
de M,DefcartesX\v M\. 117
là fin de l'automne de Tan 1^3 f , il pafTa lél^
en Fiife , & alla fe retirer à Lieuvarden ■ ^
ville principale de la province, à deux
lieues de Frane^er, où il avoit demeuré
dés l'an i^ic?* Là il compofa , ou pour
jne fexvir de fes termes , il brocha fon
petit traité de Mechanique pour M. de
^ZitytUclosm (on ami & fon Correfpon-
dant qui étoit un Gentilhomme de grand
meriteXonfeiller &: Secrétaire du Prin-
ce d'Orange. ^^3<^^
Il revint à Amfteidam vers le com- "
mencement du mois de Mars, 6c il fit Obfer-vx^
en pallànt fur le Zuyderzée une obfer- 'l^^^^^Z
vation fout curieufe fur les couronnes ronna
'ou cercles colorez qui fe forment au- '^n^^
tour des chandelles par rapport à nos
yeux. Aiant appris à fon retour qu*un de
fcs amis travail loit à un traité des lunet-
tes, il lui envoia genereufement celui
qu'il avoit fait fur le même fujet. Son
lami en prit tout ce qui pouvoir être à
fon ufage, Se il s'accommoda particu-
lièrement de la partie du traité qui re-
gardort la pratique. Le refte ne fut pas
entièrement perdu pour le public , èc il
s'eft trouvé depuis fondu dans la Diop-
trique de M. Defcattes.
ri8 Ahregê de la Wk
i^^6 Vers U fin de ia même année il pesî-
' dit le plus ancien des amis qu'il eût ac-
quis dans la Hollande a la mort d'ifaac
BeecKman Principal du collège de Dord-
rechr.
LIVRE QUATRIE'ME.
Depuis 1637 jufqucn 1538,
l^ jj A Pre's la refolution que M. Def-
JTjL cartes avoir faite de ne point laif-
f^(>rim% Ter imprimer fes ouvrages de fon vivant,
i"M^i' il femble qu'il ne s'acriiroit plus^quede
lofofhie, le tuer pour mettre le public en poiiel-
fion d'un bien qui dcvoit lui apparte-
nir. Ses ai-nis lui firent faire réflexion
fur l'injudice de fa conduite , «Se ils le
tirèrent du danger de fe voir immoler à
la colère publique en le déterminant à
publier ce qu'il avoir mis en état de
voir le jour.
Il redujfu ce qui s'en trouva parmi
fes papiers à quatre traitez, pour lef--
quels il fî^: demander le Privilège du
Roiy. qui lui fut accordé avec de î»ran-
des iiiarques d'eriin"i€ de de diftindioii ■
I
de M. Defcdrtes.Viv.lv. HP
le IV de May 1657 , pour faire imprimer 1^3,1?
non feulement les quatre traitez dont il "— ^
écoit queftion , mais encore tout ce qu*il
avoit écrit jufques-là , 5^ tout ce qu'il
pourroit écrire dans la fuite de fa vie ,
en telle part que bon lui femhleroiî , de-
dans (jr dehors le Royaume de Fran-
ce , crc.
Ces quatre traitez qu'il voLiloit faire
pafler pour leselFais de fi Philofopbie,
fuient imprimez à Leyde fous le titre
de Difcours de la méthode pour bien con-
duire fa ralfon y ^ chercher la vérité
dans les fciences. Fins y la Diof trique ,
les Météores , & la Géométrie qui font
des ejfais de cette méthode.
Son delTein n'étoit pas d'enfeigner
toute fa méthode dans le premier de
ces traites ; mais de n*en propofer que
ce qu'il eftimoit fuftiGint pour faire ju-
ger que les nouvelles opinions qui fè
verroient dans la Dioptrique , & dans
les Météores n'étoient point conçues à
la légère , &c qu'elles valoient peut-être
la peine d'être examinées^
Il commence ce premier Traité ou
jytfcours de la Méthode par divecfès
confiderations fur les fciences. Il pro-
pofe
tzo j^hrcgé de la Vte
T 16^6 ?^^^ enfuite les principales règles de la;
— . Méthode qu'il a cherchée pour fou ufa.
ge particulier dans la manière de con-
duire fa raif n. Après il avance quel-
cjues maximes de la Kiorale qu'il a tirée
de cette Méthode. Puis il fait une dé-
dudion des raifons par lefquelles il
prouve l'exiftence de Dieu &c de l'Ame
humaine qui font les fondemens de fa
Metaphyfique, On y void cnfaite l'or-
dre des Quclïions de Phyfique qu'il a
cherchées avec la difFeience qui fe trou-
ve entre nôtre Ame 6^: celle des Bêtes.
En dernier lieu il y fait une dédudion
des chofes qu'il croid eftre requifes pouc
aller plus avant dans la recherche de la
Nature qu'on n^avoit fait jufqu^alors.
Il finit en proteltanc que toutes fes vues
ne tendent qu'à l'utilité du prochain:
mais qu'il efl: très- éloigné de vouloir ja-
mais s'appliquer a ce qui ne peut efire
utile aux uns quen nuisant aux an^
très.
Il ne prétendoit point par ce traité
prefcrire aucune méthode à perfonne,
mais feulement faire connoitre celle
qu'il avoit fuivie lui-mefme par le droit
que lui donnoitla liberté de fe condui-
re
de M.Defcarîes. Liv.III. iiî
re félon les lumières natuielles qu'il a- Kj^y
voit ceçiics de Dieu. — —
Le Premier elTai de cette Mé- ■ •
thodeeftletiaité de la Dioptrlcjne^dX-. ^^^'
ragé en dix parties qui font autant de ]^i^u^^^'
Difcours ou Ditreications fort courtes,
fur la lumière \ fur la réfradion',fur l'œil
de les fens ; furies images qui le forment
dans le fonds de Tœil i fur la vifion -, fur
les lunettes & la taille des verres.
Le delîein de l'Auteur dans ce traité
^toit de nous faire voir que l'on peut al-
ler alTez avant dans la rhilofophie pour
arriver par fon moien jufqu'à la con-
noidance des arts qui font utiles à
la vie.
Le traité qui fait le fécond elTai de fa ^^^
Méthode ell: celui des ^Mtheores qu'il a uQrzfi
divifé en autant de parties que celui de
la Dioptrique. Il y traite des corps tcr-
reftres ; des vapeurs & exhalaifons \ du
fel , des vents ides nues j de la pluie, de
Ja nége , 6<: de la greile j des tempeftes ,.
de la foudre , & des autres feux qui s'al-
lument en l'air j del'Arc-en-ciel \ delà
couleur des nues ^ des cercles ou cou-
ronnes qui paroilTent quelquefois au-
tour des aftces 3 des pathélies ou ap-
paritions-
JUtnie.
ni yéhre^é deUVie
^^^"7 paritions de plufieurs foleils.
" " Le dernier des elTais de fa Methoda
s^Geo' efl: Ton traité de Géométrie qui comprend
troiMivreSjOÛ il s'agit principalement
de la conftrudion des problèmes. Le
de(fein de l'Aïueur dans cet ouvrage
étoit de faire voir par voie de démon-
ftratioiTqu'ilavoic trouvé beaucoup de
chofes ignorées avant lui ; & d'infinuci:
en même temps qu'on en pouvoit dé-
couvrir encore beaucoup d'autres , afin
d'exciter plus efficacement tous les hom-
mes à la recherche delà Vérité.
Mais on fe tromperoit de croire que
M. Dcfcaites eût eu intention de donner
les élemens de la Géométrie dans cet
ouvrage , qui demande d'autres ledeurs
que des écoliers en Mathématique. Il
s'étoit étudié dans les trois traitez qui
précèdent celui-ci,à fe rendre intelli-
gible à tout le monde, parce quil éroic
queftion défaire comprendre des chofes
qui n'avoient pas encore été enfeignées,
ou dont on n'avoit pas encore donné les
véritables principes. Mais voiant quil
s'étoitfait avant lui beaucoup d'ouvra-
ges de Géométrie aufquels il ne trouvoit
lien, à redire ^ il ne crût pas devoir ré-
pétée
de M.DeJcartesXiv.lV. iij
peter dans Ton ttaicé-ce qu'il a voit vu de 1657
bon 3c de fort bien démontré dans les - ^
«utres. Ainfi , loin de vouloir les rendre
inutiles , il travailla aies rendre nccef-
faires en commençant par où ils ont fînij
De forte qu'il faut les avoir lus pour
comprendre fa Géomeciie. Il fupprima
les principes de la plus grande partie de
Tes règles , Si leurs denionftrations. Il
avoit prévu même que plufieurs de ceux
qui auroient lu les autres Gcon:erres,
mais qui n'auroicnt acquis qu'une con- ■
noilTànce commune de cette fçience,
pourroienttres-difficilemcnt parvenir à .
rintelligencc de fon écrit. j y
<5^i G I Qu E les matières de ^es qua- i/..-/è«
tre trairez femblent d'abord alTt z éloi- ^^'■'î''^
f '\ r ■ r de ces
gnees , il a faH: en iorte neantmoins que 4. nxi- ,
les trois derniers eullént une liaifon très- ^'^ ^
étroite avec le premier. C'eftpour cela
qu après avoir nropofé un échantillon
d'une Méthode générale qu'il nvoic
adoptée , fans pourtant pret.^ndre î'en-
fèigner aux autres , il a choifi dans fa
Vtoptriefue un fujet méfié de Phiîofo-
phie de de Mathématique j dfins fes ^
M(?rf(?r^j , unde Philofophie pure fans
mélange;^- dans fa Géométrie ^un de
--i Mathema-
Ï14 P^hrege de U Vie.
ï(^37 Mathématique pure : pour faire voir
^ qu'il n'y auroit rien dans tout ce qu'il
pouiToic avoir de connoKI^^nces natu-
relles qu'il n'euft defTein de rapporter
6^ de réduire àcstte Méthode , Ôc où
il n'efperât rélidir parfaitement *, pour-'
vu qu'il eût les expériences qui y fe-
roient neceilaires , & le temps pour les
confiderer.
^Uniere Quant à fa manière de raifonner , il
dont lis fr j 1 1 / • r ^ > i
font é- paroïc qu elle etoit condderee par les
cùîs, autres d'une façon toute différente de
ce qu'elle étoit cfîedivement félon lui.
Il n'écoit point d'accord fur ce fu jet avec
ceux qui publioient que les explications
deschofes qu'il a données peuvent bien
être rejettées & meprifées , mais qu'eU^
les ne peuvent êtrecombatues 6c réfu-
tées par raifon. Car n'admettant aucuns
principes qu'il ne crût tres-manifeftes,
& ne confiderant rien autre cliofe que !
les grandeurs , les figures , & le mouve-
tïîentà lamaniere^ies Mathématiciens',
il s'eft exclu de toutes les reirources que
Ton fe referve pour fe fauver au befoin,
& il s'cft fermé tous les fubteifuges des
rhilofophes. De forte que la moindre
erreur qui fe fera gliCTée dans fes princi-
pes
de M, Dcfcaries. Liv.lV. 115
pes pourra fc.cilcmcnc êcre apperçûc iSc .
réfutée par une demonftration Mathé-
matique. Mais au contraire , s'il s'y
trouve quelque chofe qui paroilTc telle-
ment vrai &c alTaré qu'on ne puille le
renverfer par aucune demonftration fem-
blable , cela ne peut fans doute être mé-
prifé impunément , du moins par ceux
qui font profefTicn d'enfcigner. Car en-
core qu'il femhle ne faire autre ch^fe pan
tout que propofcr ce qu'il dit fans le
prouver : il efl: neantmoins trestacile
-de tirer des fyllcgifmcs de (es explica-
tions , par le moien defquels il a ciû que
les autres opinions touchant les mêmes
matières pourroicnt être manifedement
détruites , & que ceux oui voudroienc
les défendre auroient de la peine à ré-
pondre à ceux qui entendent Tes prin-
cipes.
La liberté qu'il a prife de publier ces
Trairez en langue vulgaire plutôt qu'en
celle des fçavans, & d'y (upprinier Ton
nom ne lui a point fait d'affaires, quoi-
qu'il eût tout fujet d'en appréhender de
la part des critiques. Mais il n'en fut pas
demêmedeladiltribution qu'il fi: faire
de fes exemplaires, li lui fut plus perni-
cieux
1^57
1
11^ Àhrezé de la V/>
o
ïé;y cieux de n'en avoir pas donné à M. de
* — — Roberval fenl qu'il ne connoilToic pas
Origme niais qui profelloic les Mathématiques à
de L'ani- r-. • >\ \ - r i>
rncfité de Pauis , qu il nc lui rut avantcigeux u en
Kobervai avoiu donné un grand nombre a la cour
D^fcartes de France ôc à celle de Rome. M. de
Roberval fe tint offenfc de cette omif-
fion , & quoiqu'elle fût venue du P.
Merfenne plutôt que de M.Defcartes,
il fe prépara deflors à bien critiquer la
Géométrie de celui-ci. Telle fut l'origi-
ne de cette animofité immortelle qu'il
conçût contre lui , de dont il n'eût pas-
même la difcretion de diffimulerle pré-
texte aux amis qu'il fçavoit d'ailleurs lui
être communs avec M. Defcartes.
Pour refpirer de l'embarras que lui
avoir caufé la publication de fes elTais ,
il voulut aller fe piomener au fiége de
Breda, ville qui ne luiétoit pas indiffé-
rente à caufe du fejour de deux ans qu'il
y avoit fait lors qu'il portoit les armes^
Apres la prife de cette ville par le Prince
d'Orange il fit un voiageen Flandres, &:
alla voir M. de la Bajfecourt Gouverneur
ou Commandant pour le Roi d'Efpagne
dans la ville de Doiiay. Ce Gentil-hom-
me qui éxoic l'un de ibs meilleurs amis ,
n'oublia
d^M.Defcdrtes Liv.IV. 12.7
ia'oubUa rien pour le bien régaler, &: il lui "^^^7 .
procura entre autres chofes la conveifa- "^
don du Dodleur Silvlus pendant huit
jouis entiers. Silvius écoit Tun des grands
Théologiens de Ton fiécle , & le pre-
mier ornement dé rUniverficé de Dotiay
depuis la mort d'Eltius. Il parut tres^fa-
tisfait de M . Defcartes , mais il neûc pas
grand fujet de l'être d'un Centil-hom-
me Polonois que celui ci avoit amené à
fa compagnie , & qui avoit fouvenc
poulie à bout le Dodteur dans les con-
ierences qui s'étoient tenues chez M. de
la Batr^court après les repas.
M. Defcartes à Ton retour alla fe lo- ]i'"^rer%
ger dans Egmond le pliis beau village de t-gmoui*
la Nord - Hollande où l'exercice de la
Religion catholique étoit libre &: tout
public. A peine y fut-il établi t]u'il s'ap-
peiçût des fruits que ptoduifoit la lectu-
re de fon livre.
L*un de ceux qui parurent des pi^e-^/'^f"^^'^
miers a lui en rendre compre fut le Do- i'io>.d , à.
(Steur f r,?wo«/^Profeireur Roial des SS. ^^^^^
Ecritures dans l'Univerfité de Louvain.
Il lui propofa quelques objedions fur
divers endroits de fa Méthode , de fa
Dioptrique ., & fur tout de fes Metéo-
G res
i'/LiflSt
•îiS Abrégé de la Vie
tr^ — ^ res , dont il avoit lui-même publié ua
i6p Traité en 1651 qui avoit été fort eftimé,
M. Defcartes lui répondit, 6c ils ftireiic
aflèz fatisfaits l'un de l'autre pour de^
meureramislereftede leurs jours.
Il répondit auffi vers le même temps
aux objections d'un Médecin Hollan-
dois établi à Louvain nommé P/^wpw^
qui étoit de Tes amis depuis quelques an-
nées. Ces obje<flions regardoient ce
qu'il avoit écrit touchant le mouvement
du c<3eur. Elles contenoient félon lui
tout ce qu'on pou voit lui objeder rai-
fonnablement fur cette matière. Plem-
pius qui témoignoit ne les avoir faites
que dans le deflein de s'inftruire, 6c pout
mieux découvrir la vérité , fit connoître
pour lors à M. Defcartes qu'il étoit coa-
tent de ce qu'il lui avoit répondu.
La réponfe qu'il fit au Père Ciermans
ProfeiTeur des Mathématiques au collè-
ge des Jefuites de Louvain n'eût pas
moins de fuccés. Il trouva les objedions
de cePere fort judicieufes & fort folides.
Elles rouloient fur la <^eometrie & fes
Mécéores,principalement en ce qui con-
xernoit les couleurs de l'Arc-en-ciel. le
Pçre de fon cofté parut fi fatisfaii de la
réponfe
de Ad.Defcaytes Liv. IV. 119
réponfe que fit M. Delcaites qu'il con-
fencic qu'on impriiràc Tes objedions
avec elle. Il ne put s'empêchei de té-
moigner que ce qui lui plaifbit princi-
palement en M. Defcartes , étoit cette
hardielle qui f^iifoit que s'écartant des
chemins battus Se des routes ordinai-
res 5 il avoit l'adurance de chercher de
nouvelles terres , &: de fcure de nouvel-
les découvertes.
M. Defcartes n'ayant point d'autre
paflTion dans tout ce qu'il ccrivoit que
celle de découvrir la vérité , ôc ne fe
croiant point capable d'en venir à bouc
feul , cherchoit pour ainfi dire des Ad-
verfaires plutôt que des Approbateurs ,
afin que robli2,anon de leur répondre
ôc d'examiner leurs objections le rendit
de plus en plus e-^c^di.&c lui fit ouvrir les
yeux fur ce qu'il n'auroit pu découvrir
auparavant. D-ais cette vue il attendoic
avec jcye les objections que lesJcTuites
de la Flèche, de Louvain, de Lille &: de
quelques autres endroits lui avoient
fait efpercr par leurs lettres. Mais il fut
allez furptii d'aprendre de quelques uns
<llentr'eux , qu'il étoit fort dans leur ap-
frohtiilon 5 ^uils ne defiroient rien en ce
" . . <G ij qu'il
1657
130 j4hreq-é de U Vie
1037 ejîiil avoit voulu expllt^Her , mais feule-
■* ment en cecjnll n avoit pas voulu écrire y
(fr qu'ils demandoient fa T^hyficjue & fa-
»— Jl^etaphyfi<jU€ avec grafîde inftance ,
VI. E N F R A N c E la ledure de fon li-
'^ccs^ieM. ^^^ operoic fur les efprits félon qu'ils-
^jdQr^e. étoient bien ou mal préparez. Il fe trou-
va peu de chofe dans tout ce qu'il avoit
écrit qui ne parut douteux pour les uns,
& nouveau pour les autres. Les vrais^
(cavans ne furent pas efFraiez de tout ce
qu'il y avoit de nouveau5& qui ne pou-'
voit rendre TAuteur odieux qu'à ceux
qui étoient entêtez de leurs préjugez:
mais ils prirent occalion de ce qui leur
paroiiïbit douteux pour lui faire des
objeélions.
M. Mydorge fon ami auroit été des
plus propres à cela, s'il ne s'étoit déjà
trouvé par avance de même fentimenc
que lui dans plufieurs chofes dés le
temps qu'ils fe voioient à Paris. Il au-
roic pu du moins lui propofer des diffi-
♦ cultez fur divers endroits du fixiémeDif-
coursde fa Dioptrique où il traite de la
Viiîon d'une manière différente de celle
dont il avoit coutume d'expliquer lui-
{nême cette matière. Il le contenta d'en
parlée
de M^DefcdTtes Liv. IV. 13/
parlei: au Père Merfenne qui en écrivit 1657
a M. Defcartes. Il ne fe trouva point mal •
de quelques avis que celui-ci lui donna
dans faréponfeà ce Père. Après cela il
n'eue plus d'objedions à faire à fon ami;
& loin de le fatiguer avec beaucoup
d'autres par cet endroit , on peut dire
qu'il fie le Defcartes à Paris en fe char-
geant de répondre pour cet ami abfent
aux objeiftions qu'on ne voulut pas en-
voier en Hollande.
Il ne fut pas le feul à Paris qui s'étu- ^f"J/^
dia à lui rendre de bons offices. M. Des dcsAr^'
Argues qui s'étoit déjà emploie avec le ^"^^'
P. Merfenne pour faire réiifllr le privilè-
ge de fôn livre contre les pratiques dtfo-
bligeantes dufîeur de Beaiig>and n'ou-
blia rien pour le fervir auprès du Cardi-
nal de Richelieu , & pour faire valoir • r
fes inventions de Dioptrique à ceux qui
approchoientdefon tminence. Il lui fit
fçavoir par le P. Merfenne que le Cardi-
nal avoir écouté les propofitions qu'on
luiavoitfiites detravai lerà des lunet-
tus fur les règles qu'il en donne dans là
Dioptrique.
M. Defcartes crût devoir s*oppo{er
à cette entiepiife , 6c il pria le P. Mer-
G ii) fenne
ï3 ^ Àhegc de la Vie.
b<537 fènne de tcmoigner à M. Des Argfles
<r & aux autres perfonnes qui fe méloient
de cette affaire , qu'il leur étoit tres-
obligc de la bonne opinion qu'ils avoienc
donnée à la Cour de Tes inventions de
Dioptiiquc : mais qu'il ne croioiî -pas que
les penfées de M. le Cardinal diijfent
s*ahha''Jpr jup^ii<i une perfonne de fn
forte. Ce n'étoit point par une modeftie
de contre temps qu'il refiftoic aux in-
tentions de ces Mefïîeurs : c'étoit par
Ja crainte qu'on ne réuiïît mal en Ion
^bfence , & qu'on ne réjettât enfuite
fur lui-même les fautes des ouvriers. Car
il croioit que fà préfence étoit neceflài-
ïe pour diriger la main des Tourneurs,.
& leur donner de nouvelles indrudlions
à mefure qu'ils avanceroient ou qu'ils
manqueroienr.
Entre les fçavans de France qui
voulurent éprouver leurs forces contre
M. Defcartes , il ne s'en trouva point
de plus diligent ni de plus capable que
M. de Fermât^ Confeiller au Parle-
ment de Touloufe , l'un des premiers
hommes du (îécle pour les belles con-
noiflànces de l'efpritj & fur tout pour
les Mathématiques. Dés le mois de No-
vembre "
de M.DeJcartes. Liv.IV. 133
Vembre il avoir envoie au P. Merfenne 1^3?
des objedions contre la Dioptrique de ^"
M. Defcartes : de ce Père en récent la
rcponfe dés le mois de Décembre, fiofi-
obftant la diftance des lieux qui pou-
voir fervir de prétexte à des retarde-
ïnens.
Dans le même temps d^. Petit qui ^-.^^^''J;
écoit pour lors CommiiTaire de TArtille- m. vmi.
rie 6c Ingénieur du Roi, & qui fut
depuis Intendant des Fortifications, fit
au(îi fur le même Traité de la Dioptri-
que des objedlions que M. de Fermât
trouva pour k moins auffi bonnes que
les fiennes.
M. de Fermât avant que d*'avoir re- i^mt de
çû la réponfe à fes objedions , ht en. tll^j^
voier en diligence à M. Defcartes par /«»; u
le P. Merfenne un écrit Géométrique J^J/f'^'
de fa compofition , de Maximis & yî^i-
mmis , c'eft à dire des plus grandes é*
des moindres cjitanntez, : & pour ne pas
encore déclarer {on nomàM. Defcartes
il fe fervit de celui de M. Carcavi, ^j^^f^
Lionnois fon ami, qui étoir alors fon biedifpu-
confrére au Pailemenr de Touloufe. [\if''de
Ce prefenr que M de Fermar faifoit ^f^^^-^t
à M. Defcartes nétoit pas feulement ^efcaria
G iiij une
154 J^hregé delaVie
^^37 une marque de fon edime & de fa re^
^ ^'^ connoilFance , mais encore un avertilTe-
ment de ce qu'il croioic que M. Def-
cartes avoir oublié fans y penfer, ou
omis mal à propos , dans fà Géométrie.
Cela fit un nouvel incident dans la pe-
tite querelle que M. de Fermât venoit
d'exciter , & qu'il croioit être en état
de terminer en peu de jours.
Mais il ne lui fut pas aifé d'éteindre
ces premières étincelles. Le feu de la
difpute prit de grands accroifTemens par
le zèle de ceux qui voulurent y entrer :
& elle roula toute dans la fuite fur
deux ipoints importans , dont l'un regar-
doit la Dioptrique, & l'autre la Géo-
métrie. Voilà le fujet de cette fameufe
querelle qui a duré même au delà de
la mort de M, Defcartes, Voilà ce que
M. de Fermât appelloit fa petite gnerre
contre M. Defcartes -, & ce que M.
^ Defcartes appelloit fon petit procès dç
VIII ^JMathèmaticiHe contre \^, de Fermât,
Mc^ieurs Pendant que M. de Fermât au
yafcd& milieu des occupations du Palais & de
'vai épou. tes aftaires domelhques s appliquoic a
^Te/etie ^^^^^ ""^ répHquc à la réponfe que M.
de M. «ie. Defcartes avoit faite à (es obiedtions
ternir, - ^j.
de Ad. Defcartes Xiy. IV. 135
fur la Dioptrique, le P. Meifenne re- i(j37
eut les remarques de M. Defcartes fur *~~"
fonTraité de M aximis (y M inirnis. Mais
au lieu de les envoier droit à M. de
Fermât fuivant Tincention de M. Delcar-
tes , il jugea à propos de les faire voir
à deux des amis particuliers de ce Ma-
giftrat qui étoient à Paris. L'un étoic
M. PAfcal le père, ci-devant Prefidenc
en la Cour des Aides d'Auvergne ;
Pautre étoit M. de Robervd Profeileur
des Mathématiques à Paris.
Ces Meiïîeurs crurent devoir époufec
la querelle de leur ami, & le voiant oc-
cupé de fa réplique fur la Dioptrique ,
ils le difpenferent du foin de pourfuivre
la querelle deGéometrie,6K fe chargèrent
de répondre aux remarques de M. Def-
cartes contre fon Traité ^^ Maximis c^
JUimmis. M. Defcartes aiant lu leur ré-
ponfe avant que d'avoir reçu la réplique
de M. de Fermât loua leur zèle , approu-
va les difpofitions de leur cœur, & ju-
gea M. de Fermât heureux d'avoir été
prévenu d'un tel fecours dans un (î
grand befoin. Il ne put mêi-ne s'empê-
cher de concevoir de l'eftime pour la
capacité dont il voioit des marques dans
G V leur
^ ^ 1^6 Ahre^ de lâP7e
■ leuL* cent : mais îi trouva que s ils âVoiçnV
bien rempli les devoirs de l*amicié à l'é-
gard de M. de Fermât , ils s'étoient allez •
mal acquitez de la commiffion qu'ils *
avoienc prife de le décharger, 6c de le
défendre.
^■'Def- Cet écrit qui étoit tout entier du •
leur ri- ftile de M. de Roberval fut réfuté par-
-prtvl, j^^ Defcartes avant la fin du mois de '
Février. Et la réplique de M.deFermac-'
touchant la Dioptrique étant enfin ve-
nue dans le même mois , il y fit fur le
champ diverfes réponfes qu'il addrelTa '
à Tes principaux amis, une à M. My--
^orge, un autre à M. Hardi , une troi-
fîcme au P. Mcrfenne.
V G I A N T qu'il n'y avoir aucune ne-
cefîké qui eôt obligé M. de Fermât à lui '
envoiér le traité deMaximis (^Mintmis "
,, à examiner, il avoir pris cette adioii
4ieFermat pour uu dcH. La manière de lappeller
^Jart'es P^^^^ ^^^ mérite & à la dignité de la
perfonne qwi lui envoioit le cartel ,
Tempêcha d'éviter cette rencontre. L'é-
crit qu'il envoia au P. Merfenne contre
le Traité de Aiaximis^Qn étoit un efpece
d'acceptation. La ville de Touloufe &
àeM.'DefcaYtes.'LW.W. 137
le defetc d'Egmond écoient desextrémi- ^^ ^
tez où il paroilToit difficile que les par-
ties pulTent agir : & elles avoienc alTez
de fierté pour ne vouloir pas avancer
l'une en faveur de l'autre. La Provi-
dence y ménagea un milieu , &: difpofa
tellement les chofes que la ville de Pa-
ris où étoient leurs habitudes , leurs amis
& leurs adverfaircs, devint inlenfible-
ment le bureau où leurs differens dé-
voient être examinez. Le P. Metfenne
fans y fonger avoit donné lieu à cette
dirpoiuion en mettant entre les mains de
Meiïieurs Pafcal & de Roberval à Pa-
ris récric de M. Defcartes qu'il devoit
envoier à Touloufe pour M. de Fermât.
Ces deux Meilleurs s'étajit chargez de
répondre pour M. de Fermât fembloicnt
agir fuivant la même difpofition fans la
connoitre. M. Delcarces de Ton côté
s'étant mis en devoir de répondre à ces
deux MefTieurs parut confentir que l'on M.'My.
connût de Ton affaire à Paris. ^^i' à*
Mais puifque ces Mcffieurs avùient AuwUt
iueé à propos de fe rendre les Avocats ^''- ^'f-
\^r • -1 1 c t. '1 cartes M.
de la partie -, il leur ht trouver bon qu ils rajcd &
ne fe rendiflent pas fes iuaes, ou qu'il ^'-^'cRo.
Içs reeulac avec quelques autres des amis ^otUet^î-
G vi , de-^"*>'»'*''
13 8 jihregèâe UVie
de M. de Fermât. Les aunes Mathenfatû
ciens que Ion aurcit pu engager à con-
noîcre de cette affaire n'étoient pas fans
doute en petit nombre à Paris. Mais les
uns n'étoient pas en état d'entendre alTez
parfaitement la Géométrie de M. Def-
cartes, les autres n'étoient pas aiîea
connus de lui , fl l'on en excepte deux
illuftresGéom€tres,au jugement defquels
il pouvoitfurement s'en rapporter. C'é-
toient M. Mydorge & M. Hardi qui
palToient tout publiquement pour fes
intimes amis. Cette confideration ne les
rendoit p.is moins récufables à M. de
Fermât, que M. Pa(cal & M. de Rober-
val l'étoient à M. Defcartes pour leur
amitié avec M. de Fermât. Il fallut donc
fe refoudre à les choifir non pour fes
juges , mais pour fes Avocats : ou pour
parler aux termes du cartel prefenté
par M. de Fermât, M. Mydorge & M.
Hardy furent retenus par M. Defcartes
pour être [es féconds, & pour être op-
pofez à M . Pafcal &: a M. de Roberval ,
qui s'étoient offerts à M. de Fermât pour
Je féconder dans le combat. Le P. Mer-
fenne fut prié de demeurer dansla neu-
tralité, ôc de fe contenter de la fon(ftion
de
de M.De/cartes.LiwJV . i}9
de fimple fpedaceur, afin de ne deve- 1^3$
nir fufped à aucun des partis dans les """^
fervices qu'il devoit rendre aux uns de
la parc des autres.
M. Defcares envoia incontinent à M.
Mydorge, &: à M. Hardi les pièces 6c
les inftrudions necellaires pour la con- .
noiirance de fon procès de Mathémati-
que ; &: il leur recommanda en même
temps d'oublier ou de fufpendre les fen-
timens de leur amitié , pour ne fuivre
que les règles de la juftice & de la vé-
rité. Si M. de Fermât eût pris trois Avo-
cats de fon côté , M. Defcartes n'auroit
pas manqué à prendre pour fon troilic-
me M. des Argues , qui n'étoit ni moins
habile , ni moins iift\ dionné à fon égard
que M. xVIydorge & M. Hardi. Il pria
au moins le P.Merfenne de lui commu-
niquer toutes chofes de fa part , ôc de
lui donner la ledure de toutes les pie-
ces s'il le fouhaitoit.
Entre autres pièces, il avoir envoie
en droiture à M. Mydorge la réponfe à
l'écrit de Meflieurs Pafcal & deRober-
val. M. Mydorge la fit porter auffi-tôt
à M. de Roberval par le P. Merfenne,
M. de Roberval fans laitier rallentic
la chaleur où i'avoic n^is la le6bure de
cetie
140 yéhregé de la Vie
1^38' cette réponfe , compofa incontinent une
"* réplique fous le nom des deux amis
de M, de Fermât ^ c'eft à dire, de M,
Pafcal & du fien. Mais ou il impofoit
pour cette fois àM.Pafcal^ou il avait ^ a 0-
le de lui pour continuer en Ton nom la
difpnte de M. de Fermât contre M. Defl
cartes. M. Pafcal n'étoit plu^ à Paris
pour lors. Il s'étoit éloigné de la ville
à l'occafion de quelques troubles exci-
tez au fujet de Tun de fes amis. Aufli
M. de Roberval eut il allez de bonne foi
pour marquer fon abfence , en foufcri-
vant feul à leur réplique commune. M.
Pafcal n'eut prefque plus de part à cette
difpute 5 parce qu'à fon retout il fut fait
Intendant dejuftice à Roiien.
La dureté des manières que M. DeC
cartes remarqua dans le ftile de Cette
réplique lui fit juger que M. Pafcal étoit
véritablement ab(ent, ou qu'il n*avoit
pas eu de part à la compoficion de cet
écrit. CVft pourquoi fe trouvant rebuté
d'abord du peu de politelTe de M. de
Roberval & de fa précipitation , il man-
da au P, Merfenne qu'il n'étoit pasre-
folu de lui répondre , ^i\\Çc^\y'\\fepicejHoh'
iir qtiil fi mettok en colère ^\x lieu d*i.
îHJtes'^
Je M^DeJcartes. Liv.IV. 141
muer rhonnêceté & la modcLation avec ^ [,
laquelle Meffieurs Pafcal 6c de Fermât ,
en ufoienc à Ion égard. Il le pria ce-
pendant d'aifurer M. deRoberval qu'il
éiok fon tres-humble fervltenr , (fr <]ti'il
ne s'offenfoif pas plus de tout ce ^Ht êtoit
âAnsfon écrit cjne Von fait ordinairement
dans le jeu de U colère Je ceux (]ui per^
dent, M. de Roberval malç;ré la fin^u«
larité de fon humeur auroit fans doute '
é;é (atisfaic de tant d'honnêteté : mais
le P. Merfenne qui avoit un talent par-
ticulier pour commettre les fçavans en-
tre eux , & pour prolonger les difputes,
craignant de voir (i- tôt finir celle-ci, n'eue
pt)int de repos que M. Defcartes ne lui
promît une réponfe à ce fécond écrit.
Il la lui envoia au mois d'Avril, mais il
prit garde de n'y rien lailTer g'ider qui
pK remuer encore la bile de M. de Ro-
berval. ^
Cepen DAN T M. de Fermât com- ^
mençoit à fe lalfer de la dlfpute : & crai- Vermat
gnant que le zèle de M. de Roberval f"^'-^. f^
ne la fit prolonger , non feulement il m. DeC-
lailfa fans repartie ce que M. Defcartes ^^^'^" ^
. , . I ri- 1- devient
avoit cent contre la dernière réplique fin ami
touchant la Dioptriquc^ mais il écrivit ^Jrça^''
en- * ' '
J41 Ahregé deU'Vie]
^^ encore au P. Merfenne pour le prier de
faire fa paix avec M. Defcartes, & de
lui procurer en même temps l'honneur
de fa connoiirance. D'un autre côté M.
Mydorge & M. Hardi qui foufFroienc
avec peine qu'un homme du mérite &
du rang de M. de Fermât fe brouillât fi
mal à propos avec M. Defcartes , fon-
geoient aux moiens de les réconcilier ,
& de changer leur difpute en une cor-
refpondance parfaite, dont il pûlîent
goûter les fruits dans une communica-
tion mutuelle de leurs lumières. Us en
parlèrent au P. Merfenne , qui follicité
d'un autre côté par les avances de M. de
Fermât ne put fe défendre d'en écrire à
M. Defcartes, non obftant l'envie qu'il
auroit eue de les voir continuer,
M. Defcartes en reçut la propofition
avec beaucoup de joie ^ & après avoir re-
mercié Meffieurs Mydorge & Hardi du.
fuccés de leurs bons offices , il chargea
le P. Merfenne de marquer à m. de Fer-
mat fon eftime &' les difpofitions de fon
cœur à ^on égard, m. de Fermât aianc
reçu du P. Merfenne toutes les alîuran-
ces qu'il pouvo.t fouhaiter de la parc
de M. Defcartes, fe donna enfin la fatis-
fadion
1
deW.DeJcartes.LW.lV. 145
fadion de lui écrire en droiture pour lui *^5*
offiir fon amitié <5c (es (ervices. L'acqui-
fition d'an tel ami pouvoir être contée
au nombre des meilleures fortunes de
M. Defcartes. Il connut parfaitement le
prix d une amitié fi importante , &: ily
fut fi fenfible qu'il n'eut point de ter-
mes allez paflionnez pour l'en remer-
cier.
i Afin de n'être point fatisfait à demi de
fa reconciliation , il voulut qu'elle s'é-
tendît aufîi jufqu'aux deux amis de M-
de Fermât qui avoient pris la défenfe de
fon écrit Géométrique deMaximis é*
Mlnimiu II pria leP.Merfenne de leur
témoigner qu'il ne recherchoit rien tant
que l'amitié des honnêtes gens , & que
par cette confideration il faifoit beau-
coup de cas de la leur. M. Pafcal y ré-
pondit en homme d'honneur : mais m.
de Roberval fit bien-tôt connoitre que
Ton cœur n'étoit pas fait pour M. Def-
cartes. Il n'en étoit pas de même de
celui de M. de Fermât. Mais ce qui eft
alTez ordinaire dans des amis qui ont
des lumières différentes , il eft certain
que leurs efprits ne fuivirent pas tou-
jours la loi de leur cœurs. M. de Fermât
per-.
î4 4 Ahregêde la Vie
Voi^ perfuaclé comme auparavant de labontë^
-*' ' de fa Méthode, f c'eft à dire de la règle
qu'il s*écoit faite pour trouver les fins
grandes & les moindres quantitez en
Géométrie ) avoit peine à convenir des
exceptions que M. Defcartes y avoit ap-
portées pour la rendre bonne. Il eue
fur cela diverfes conteftations non pas
avec M. Defcartes, qui devoit fon temps^"
èc fes talens à autre chofe qu'à la difpu-
te 5 mais avec le jeune Gillot qui avoit
-été domeftique de M, Defcartes , avec
M.Chauveau, qui avoit été fon com-
pagnon d'études à la Flèche , avec M,"
des Argues U avec d'autres Mathéma-
ticiens, qui depuis cet éclat fe déclaroient
Cartefîens de jour en jour malgré la
jaloufie de M. de Roberval.
M. Ko- i^our l'autre difpute de M.Fermatquî
aTcz^ concernoit la Dioptrique , il ne s'avifa
feàer a- poiut de la re veiller du vivant de M.
chevent Dèfcattes. Mais après fa mort , il s'en
•vaincre cxpuqua d uue manière a vouloir nous
M'^^ faire douter qu'il l'eût pleinement fatis-
iair,- Comme il lembloit inviter de temps
en temps quelqu'un des amis deM.DeC
cartes à reprendre cette ancienne que-
relle^, M.Rohault lui répondit d'abord.
- ' Après
! de M. De/canes. Liv. IVc 145
Apres quoi Ad.Clerfelier s*offi:it,& ter- ^^^^
mina la querelle à la gloire de m, Ded
■cartes, & à la fatisfadion de M.de Fer-
niac qui lui rendit les armes. —— ^
M. Petit ne fut pas fi long - temps X I 6^
à fe rendre for les difHcultez de Diop- X IL
trique qu'il avoit propofées à M. Def- roifputes
cartes. Il profita de Tavantage qu'il avoit *^''^ *^*
fur M. de Fermât par le moien de fes
[expériences , qui s*accordant merveil-
leufement avec la dodrine ide M. Def-
_ cartes ne fervirent pas peu à le defabu-
fer, & à lui faire rechercher de bonne
heure fon amitié. Il devint même deux
ou trois ans après l'un des zelez feda-
teurs de fa Philofophie, après que la
ledurede fes MeditationsMetaphyfiques
l'eut tiré de quelques difficultez fuc
Texiftence de Dieu , & la diftindion
■de TAme d'avec le Corps dans les hom-
mes.
La difpute que M.Defcartes eut avec ^^Jf. ^'■
M.Morin Profelfeur Roial^des Mathéma- * '**
tiques à Paris lui donna plus d'exercice
que celle de M. Petit, mais elle le &,
»gua moin s que celle de M. de Fermât.
Elle commença le 22 de Février i6^S par
des objedions queM.Modn lui fit iuc
I4<? Ahregè de la Vie
j(j,S la lumière. M. Defcartes en fit tout fe
i^" . cas que meritoient des objedtions qu'il
metcoit au nombre des plus folides d'eiv»
tre celles qu'on lui eut encore formées
contre fes nouvelles opinions. Cette
cftime enfla le cœur à M. Morin qui-
voulut montrer par une réplique à fà
réponfe qu'il n'en étoit pas indigne»
M. Defcartes fit une féconde réponfe,
dont M. Morin feignit n'être pasentié-
rement fatisfait , & voulant fe procurer
l'honneur d'écrite le dernier, il fit une
nouvelle réplique à laquelle il témoigna
qu'il ne fouhaitoit pas de réponfe. M.
Defcartes acheva de reconnoître à cette
marque le caradere de Tefprit de m,
Morin. Il ne voulut pas lui refufer la fatisw
fadion qu'il defiroit de lui , puifqu'elle
lui coutoit fi peu.
'Avec M, L'occafion qu'il eut dans le même
rfc Bexu. temps de réfuter un alTez mauvais livre ,'
^^^'^ ' lui fît faire une dilTertation deGeoftati-
S»K petit que 5 c'eft à dire , fur la queftion de fç3-
cToiîatt ^^^^ ^ "" corps péfe plus ou moins étant
que ou fa ptoche du ccutrc de la terre qu'ctt étant
Statique. ^iQJgj^^ j Lg ljyj.g q^ji y avoit donné lieii
avoit pour auteur le Sieur de Beau-
grand Secrétaire du Roy , alTez médio-
cre
l62,§.
I
deM.DeJcartes.Liy^V' 147
cre Mathématicien , mais qui ne fe fai-
foit pas alTez de juftice en ce point. Il
étoit ami de M. de Fermât, Ô{ ennemi de
M, des Argues. La confidcration de ce
dernier l'avoit porté à rendre de mauvais
offices àM.DcfcarteSjà caufe du zele
avec lequel il voioit que celui-ci s'atta-
choit à le fervir. Il n'avoir pu s'empê-
cher même de faire ghlTer dans Ton li,
vre quelques traits de fa mauvaife vo-
lonté. "M. Defcartes auroit peut-être
bien fait de refifter au defir de ceux qui
le portoienc à le réfuter , pour ne pas
fe rendre rufpe(fl de reiTentiment. Mais
il fe releva promtement de cette {ou
bleflTe , en révoquant la pexmiffion qu'il
avoit donnée d'imprimer cette réfuta-
tion 5 & en la détachant de Ton petit
traité de Statique ou Geoftatioue , au-
^luel il ne prétendoit pas interdite la
lumière.
Ce FUT cette même année que s'é-
leva parmi les Mathématiciens de France
la queftion fameufe de la Roulette , dont
on netrouvoit aucun veftige, ni parmi
les anciens, ni dans les livres d'aucun
des Methématiciens qui avoient vécu i>^^^ ^'^
lufqu'àlors, quoiqu'il ni ait rien à^ X^^[]
pliis
Î48 jéhregé de la vie
plus commun que cette ligne, & qu'elle,
ne foit guère moins fréquente dans l'u-
fage du mouvement que la ligne droite/
& la ligne circulaire.
La Roulette n'eft antre chofe que le
chemin que fait en l'air le clou d'une-
roue quand elle roule de fon mouvement
ordinaire, depuis que ce clou commen-
ce à s'élever de terre, jufqu'à ce que le-
mouvement continu de la roue Tait rap-
porté à terre après un tour entier ache-
vé.Mais dans cette définition il faut fup-
pofer pour la commodité des opéra-
tions géométriques que la rou'è eft un.
cercle parfait ; que le don eft un point
marqué dans la circonférence de ce cer-
cle y ôc que h terre que touche *ce point
en commençant Se en finiiTant Ton tour
eft parfaitement unie ou plane.
Le P.Merfenne fut le premier qui
la remarqua , Se qui lui donna le nom de
Roulette. Il voulut enfuite en reconnoî-
tre la nature 5c les proprietez.Mais com-
me il n'étoit pas auffi heureux à veCoM^
dre les belles queftions qu'à les former,
il n*eut pas aiTez de pénétration pouc
venir à bout de jellc-cy. Cela l'oblir
gea de la propofer à d'autres. M. de
Robe r val
de M. D ejcar tes, LivJV. 149
-Rôberval fut le premier qui démontra j^^<^
queVefpAce delà Rouletts âfi triple de , m
la roué cjui la forme. Après cela M. de
Fermât^ M.Defcartes en donnérentila
démonftration j & leurs folutions fe
trouvèrent non feulement différentes
rune de l'autre , mais encore de celle de
M,de Rôberval. Le P. Merfenne aianc
mandé à M.Defcartes que M. de Rôber-
val trouvoit fa démonftrationtrop cour-
te pour eftre bonne , il en receut là-
delTus les éciaircilTemens qu*il (ouhai-
toit. M. Defcartes en lui envoiant une
explication fort ample de fadémonftra-
lion de la Roulette , l'avertit qu'il n'y
avoir rien à changer dans cette demon-
ftration^.Si que TéclairciiTement qu'il
venoit d'y ajouter n'écoit diffus qu afin
de pouvoir être entendu par ceux qui
ne fe fervoient point d'Analyfe , les au-
tres n'aiant befoin que de trois coups de
phtme pour la trouver par le calcul.
Dans diverfes que (lions dépendantes
de celle de la Roulette il fe trouvoit plu-
fieurschofes dont M. de Rôberval té-
moignoit n'avoir point de connoiffance.
Il fallut pour l'en inl^ruire que le Père
Merfenne recourut à M, Defcartes fa
^-■^' relfource
Ï50 Khregê de la Vie
1^58. fource ordinaire, de il en reçût toutes
t^- les folutions que lui Se M. de Roberval
pouvoient fouhaicer. Avec ce fccours ,
celui-ci donna encore deux autres (blu-
tions 5 dont l'une fut la dimenfîon du
folide de la, Roulette au tour delà bafe;
Tautre, V invent ion des tangentes ou tou^
chantes de cette ligne. Mais il n'eut pas
pour ces petits fervices de M.Defcarœs
toute la reconnoiirance qu'on en dévoie,
' attendre. Sa diŒmulation bi les procé-
dures indireBes de Ça conduite dégoû-
tèrent tellement M. Defcartcs, qu'il ne
voulut plus avoir de part à ce qui le paf-
fà depuis touchant la Roulette. Dés la
fin du mois de Septembre , il tacha de
de s'en débarralfer pour une bonne fois >
& fans prétendre rien à la gloire de cet-
te invention qu'il lailToit de bon cceur à
M. de Roberval pour s'appliquer à d'au-
tres chofes 5 il écrivit au Père Merfenne ,
afin qu'il fit fcavoir fon defiftement à
tous les Machematiciens qui s'en mê-
loienr.
— La Raison qu'il alleguoit pour
XVI. fe difpenfer de travailler davantage fur
jir.non- la Roulctce étoit qu'il renonçoittout de
bon a la Gconiettie. Cette nouvelle ne
plût
Geome
de AÎ.Defcartes.Vw. IV. 151
plût pas aux Géomètres de Paris du i^^^»
nombre de fes amis. M. des Argues fur ^
tous les autres ne pût s'cm^êcheL d*eti
témoigner Ton déplaifir. M. Derc:]rtes
le prit en bonne parc , & pour Tôtec
d'inquiétude, il lui Ht fçavoirpar le P.
Merfenne que fon renoncement ne re-
gardoic que la Gcometrie abftraite:mais
qu'il continuëroic de cultiver une au-
tre force de Géométrie qui fe propofe
pourqueftion l'explication des phéno-
mènes de la nature comme il avoit fait
dans ce qu'il avoir écrie des Météores,
c\c.
Il voulut donner des marques plus SacouJI^
précifes de la confideration qu'il avoit ^^'"^ °'*
pour cet ami. Car aiant (eu que les en- des Ar-j
droits de fi Géométrie imprimée , ou il ^""*
avoit afFedé d'être obfcur, lui faifoient
de la peine , il voulut lui en donner
lui-même les éclaircilfemens par un
écrit qu'il fit exprés , pour lui faiie con-
fioîtrejufqu'oùalloit le zèle qu'il avoit
pour Ion fervice.
Outre ces éclairciflemens fur quelques i-ntrod».
endroits propoi'ez par M. des Argues, <^'^'<'»*/^«
il confentit qu'un Gentilhomme Hol- nii.
landois de fes amis entreprit une intro-
H dudlion
T 5 1 Ahegé de la Vie
■J^^ duction rcîiuliere & fuivie de toute fa
Gcomccrie,i?oui: en faciliter rintelliaen-
ce à toutes fortes de ledeurs. Elle foc
trouvée fi excellente & fi courte , qu'on
crut qu'il en étoit l'auteur. Ceux qui fe
plaie,nirent de la brièveté de cet écrie
furent priez de conlidcrer que c etoïc
une introduction ôi non pas un com-
mentaire. Mais on pouvoit donner le
titre de commentaire aux excellentes
^omàz notes que M. de Beaune Confeiller au
M. de prefidial de Blois , fit cette même année
Tur la Géométrie de M. Defcartes. Il ne
s'y trouva rien qui ne fût parfaitement
conforme à la penfée de l'auteur ,& fe-
Ion fon imentlon. La joie qu'en eut M,
Defcartes augmenta encore , lorfqn'il
vid la pénétration avec laquelle M. de
. Beaune avoit pu reconnoitre des chofes
qu'il n'avoit mifes dans fa Géométrie
que d'une manière tres-obfcure.
"Exerckes On peut conter encore au nombre
m'ai^^e' ^^^ principales occupations que M. Dell
Avec M. cartes eut cette année l'exercice que lui
Croix & donnèrent les deux premiers Arithmeti-
M. Fre- ciens du (îccle M. de fainte Croix &" M^
Frenicle fur diverfes quellions de nom-
bres. Mais la réponfe qu'il fit à celles de
M. de
de M. Defcartes, Liv. ÎV. 153
1A, de fainte Croix au mois de Juin , le k^^S.
fatigua tellement , qu'il conjura le Père ——*
Merfenne de ne lui en plus envoier îiu-
cune de cette nature , telles qu'elles
pullent eftre. Il tâcha auflide fe défaire
.des problèmes & des objedionsfteriles lUefedi
des autres , fous les prétextes les plus rcpo»dre
, A ,.| A . ' . ^ aux r»».
honnêtes qu il put imaguier. blémety
Ainfi las de porter 'a qualité one.
reufe d*oracle , il fe difpenfa prefque
entièrement de répondre avant la fin de
l'an 1638 : & il fe contenta de faire un
triage des meilleures objections qui lui
avoient été faites jufqu'alors , ôz des
plus beaux problèmes qui lui avoient
été propofez , pour les faire imprimer
avec fes réponfes , quand il plairoic à
celui à qui il appartient de difpo.er de
toutes chofes.
Hi) LIVRE
kjs
154 Ahrcgé de la Vie
LIVRE CINQUIE'ME
'f^^ depuis i6^%.jufquen iC^\.
PENDANT qu*on fatiguoit M,
Defcattes en France par des objec*
tions & des problèmes , on ne fongeoit
pr.efque en Hollande quàfe dépouiller
de la vieille philofophie pour prendre
la fienne. L'Uni vcrfité d'Utrech qui
ftmbloic être née Cartefienne , après
qu'on eut fait venir de De venter le Pro-
felTèur Reneri pour prévenir même fon
érection , fe rempliiroic infenfiblement
de fesdifciples fous la dircipline de cet
habile homme.
Celui qui fe diftingua le plus , fut un
jeune Médecin nommé Henri de Roi ,
dit T^egifis, à qui Reneri communiqua
cette méthode excellente qu'il avoit re-|
çûë de M. Defcartes pour conduire fa
raifon dans la recherche de toutes for-j
tes de veritez. Recrius ne borna point fà
reconnoififance à Reneri, mais il la fit
remonter jufqu'à M. Defcattes , pour
lequel
de M. De/cartes. Liv.V. iy>,
lequel il conçût dés lors une haute efti- 1(538
me. Ce n'étoient encore là que les fruits "
des converfations de Reneri. Le livre
de M. Defcartes vint enfuice à paroître.
Regius Ce montra des plus ardens à le
lire ,& l'eftime qu'il avoit conçue pour
M. DefcaLtes , fe toui-na incontinent en
une vraie paiïion.
Non content de s'être imprimé dans
refprit les principes de fa nouvelle Phi-
lofop''iie,dont il avoit trouvé les eflais
dans Ton livre conformes à ce queReneri
Jui en avoit appris auparavant , & de les
avoir adoptez à la place de ceux qu'on
lui avoit autrefois enfeignez dans les é-
coles, il fe mit en devoir de lesdigeiec
encore poui l'ufage des autres. Ilenfei»
gnoit aduellement la Phylofophie Ôc la
Médecine à des Particuliers dans la vil-
le : & pour ne point faire diverfion à
l'étude qu'il faifoit de la philofophie de
M. Defcartes , il s*avifa de la mettre
par cahiers , &: de la débiter à fcs éco-
liers fous le nom de Phyfiologie à me-
fure qu'il la comprenoit.
La fimplicité de l'hypothéfe,le bel en-
chainementdes principes & des raifon-
nemens , la netteté 6c la facilité avec
H iij laquelle
1^6 Ahegéàe la Vte
1633 laquelle il leur en faifoic déduire les
- " verirez , les ravit de telle forte , que fans
en demeurer aux termes d'une recon-
noiirance ordinaire pour le maître à qui
ils fe fentoient fi redevables , ils firent
une efpece de ligue pour coopérer à fon
avancement , ^ pour s'emploier à le
faire mettre en place , foit dans le Con-
feil de ville , foit dans TUniverfité. Pea
de temps après , Ton parla d'établir un-
nouveau ProfelTeur en médecine pouc
la botanique & la theoreiique. Les difl
ciples de Regius, qui la plupart étoienr
enfans de famille , crurent que l'occa-
lion qu'ils cherchoient de lefervir étoir
venue, & ils n'épargnèrent ni leurs pa-
ïens ni leurs amis, pour obtenir les fuf-
firages du Sénat en fa faveur. Regius^
avoir de puiiîans concurrents , mais l'ap-
probation qu'avoit fa Phyfiologie jointe-
à la différence que Ton remarquoit dans
la manière de raifonner qui diftinguoir
fes difciples d'avec ceux des écoles pu-
bliques 6c vulgaires , fit juger qu'il a-
voit une philofopbie toute particulière,.
& qu'il devoir eftre un excellent maître
dans l'art ou la méthode d'enfeigner..
^'eft ce qui porta le Magiftrat à le
préférer
de M. Dejcartes. Liv. V. 157
préférer aux autres pour remplir la chai- i^^S
tQ -y Se qui le fît recevoir avec plaifir pour
collègue par tous les Profedeurs de l'U-
fiiverfité donc Reneri avoic difpofc les
cfprits.
Regius crut avoir toute Tobligatiou
du fuccés de cette affaire à M. Defcar*
tes , dont la Philofophie avoit forme eu
lui ce mérite qui l'avoit fait palPer fur les
autres concurrens. Il prit la liberté par
nne première lettre du iSd'Aouftde le
remercier d'unfervicefi important qu'il
lui avoit rendu (ans le fçavoir. Il le
conjura enfuite de ne point abandonner
fon propre ouvrage^ Se de ne pas lui re-
flifcr les afliftances necelfaires pour foûv
tenir cette première reputition. Il lui
promit de fon côté tout ce qui dépeur
droit de lui pour ne rien flvire qui fût
indigne de la qualité de ion difciple
qu'il preferoit à tous les autres avanta-
ges de la vie ; Se qu'il fuivroit les pas de
Reneri le plus prés qu'il lui feroit
pofîible.
Pour fe mettre d'abord en pofTeflîon
des droits attachez à cette qualité, il lui
envoia Tes Effais de médecine pour les
examiner avec toute la feverité d'un
H iiij Maître^
158 khregê de laV ie
1^38 Maître j & il lui demanda les objections
qui lui avoient été faites depuis peu
contre la circulation du fang avec les
réponfes qu'il y avoit données.
M. Descartes qui avoit été in-
formé de tout ce qui s*étoit paffé à
Utrecht par Reneri qui Tétoit allé voir à
Egmond au mois d'Aouft , accorda fon
amitié à Regius avec tous les fruits
Defcanes qu'elle pourroit produire. Il n'eût aucu-
ne violence à fe foire pour lui donner ce
qu'il lui demandoit concernant la Mé-
decine , parce qu'il en faifoit aduelle-
ment fon occupation , & qu'il compre-
noit l'importance qu'il y avoit de ménju
' gec fagement le zèle d'un nouveau did
ciple fi bien intentionné.Il achevoit alors
fon Abrégé de Médecine qu'il avoit tiré
en partie des livres , & en partie de fes
raifonnemens. Et il efperoit pouvoir (e
fervir par provifion de cô travail ponreh^
tenir quelque délai de la Nature > ^ re^
tarder les poils blancs qui commençaient
à lui venir»
Arau de Rcncri & Regius n'étoient pas les
M.Def- feuls qu'il eût pour amis , ou que (à
êlïunde Piulofophie eût pour feftateurs à U-
uechc ^ dans le voifînage. Il pouvoit
encore
de M. Defunes. Liv. V. 159
conter encore parmi les Profedeurs de i^jS
rUniverficé Antoine Emiliu> &: Cy- *
prien Regneri ; & parmi les Magiftiats
delavilîe jMeŒeuLS Mander- H oolck^y
Van heevv , Pa^mentier ^ &c. outre les
deux Van- Dam Médecins ,Jes deux
Vyaeffenaer Mathcmiuicicns \ Made-
tnoifelle Anne Marie Sehnrma*7f Se ion
ftére, Jean Alphonfe ofticier de l'armée,
Godefroy de H^e[irecht Gentilhomme
Liégeois retiré prés d'Utrecht.ll n'en a-
voit pas moins à Am(lerdam,à Leyde, à
la Haye,oii toutes les perfonnes de mé-
rite le faifoient honneur de fa connoif-
fance. Mais l'idée du pays où il vivoic
ne doit pas nous faire croire quefes ami-
tiez fe terminalTent aux feuls Proteftans.
Tout ce qu'il y avoir de Catholiques
tant fo't peu di{li:igucz écoient Tes amis.
On peut conter au rang des principaux
non feulement Corneille de HoogheUnd
Gentilhomme de Leyde , mais encore
deux Preftres de Harlem, dont l'un étoic
Jean Albert Bannitis , & l'autre Augu- ^f^^"'
ftin Aelftein 7?/<?^w4rr très. riche de fon ^tan
patrimoine 2ranc\ aumônier à Téeard des r-A"
1?auvres , & Ion cortelpondant pour les
^«ttes & les çacquets qu'on lui addref-
4 H V foit-
?^cX.
lî^o Abrège de laYie
1^3^ foit. Ils étoienc tons deux Mathémati-
' ' ciens , amateurs de la paix & des fçien-
ces , vertueux , d'une vie jFrugaîe &
exemplaire au milieu des Proteftans donc
ils s'écoient prefque généralement ac-
quis l'eftime &c TafFedlion. M. Defcar-
tes quittoit de temps en temps fa foli-
tude d'Egmond pour les aller voir à Har-
lem, ou dans une maifonde campagne
qui en éioit proche. Comme ils n'é-
toient guéres plus grands buveurs ni
plus grands joueurs que lui , la dé*
biuche ordinaire qu'ils faifoient en-
fèmbleétoit quelque concert de Mud-
que dont Bannius avoit coutume de les
régaler. M. Defcartes dont l'amitié n'é-
toit ftérile pourperfonne leur rendit fur
fur la ^\-\ de cette année un fervice très-
important aaprés du Pri-nce d'Orange Sc
des Etats de Hollande parle moien de M. ,
de Zuyclichem & de quelqu'autres Sei-
gneurs de fes amis qui ctoient en crédit,.
I L N E plût point à Dieu de lailFer
long-temps à M. Defcartes le double
plaifir de voir enfeigner publiquement:
tes principes dans les écoles de Philofo-
phie & de Médecine à UtreclK par les-
deux plus habiles ProfelTeurs de l'Uni-
V€rfité;t
de M. DeJcartesXivy. i<^^i
verfîcé. A peine Regias étoic-il afferaii ^^59
dans Ton nouvel établillement que l'on
perdit Reneri au milieu du mois de
Mars de l'an 163p. le jour même de Tes
nopces après 4.5. ans de vie.
• On lui fit dans la grande Eglife de la
Avilie de fplendides funérailles, aufqueî-
les le Scnat ou les Magirtrats afîiilcrenc
en corps avec l'Univerfîté. L'Or^nfoii
funèbre fut prononcée le lendemain au
nom de l'Univerfuè par Ant. Emilius
Profelleur en éloquence &r en hiftoire.
On admira la beauté du difcours , & on
fut touché des reflexions de rOi-ateur.
Mais on s'apperç'it bien tôt que ce n'c*
toit pas moins le panégyrique de M. Pane^y.
Defcartes vivant , que roraifon funèbre \iJl[*'^lr
de feu M. Reneri. La principale lou n- certes
ge qu'Emilius avoir adonner à Tilludre ^:°^^^;^,
^defunt , que Ton avoit regardé comme r'ie:!t par
le principal appui de l'Univerfîté naif- 1;^^^^^^
faute &, comme fon plus bel ornement , * vimhi
étoit d'avoir eu alfez de courage poiir fe
défaire de raùtoritédes Anciens Se des
'Modernes qui Tavoient précédé , afin
'de rentrer dans la liberté que Dieu a
'donnée à nôtre raifon pour fe conduire
'dans la recliercbe de la Vérité , qui eit
i6t Ahregé deUVie
la feule maicrelTe donc nous foions obli-
"■ gez de nous rendre fedtaceurs, C'étoic
une refolucion véritablement héroïque
qui ne pouvoit convenir qu'à des efprits
du premier ordre. Mais il falloir que M.
Defcarces, ^ui Ta lui avoit infpirée com-
me à quelques autres de ceux qui s*é-
toient attachez à lui dés le commence-
ment de fa retraite en Hollande , fût le
diredeur de cette encreprife. Emilius fit
valoir avec beaucoup d'éloquence les
grands progrés que Reneri avoit faits
dans la connoilTance de la Nature fous
un chef de cette qualité. Il rehaulTa de
couleurs fort vives l'avantage que la
Ville & rUniveifîté avoient reçu de la
difpoficion où s'étoit trouvé Reneri de
pouvoir y enfeigner les principes de la
véritable Philofophie, qu'il prétendoit
être demeurée inconnue au genre hu-
main jufqu'à M. Defcartes.
L'auditoire en parut perfuadé j bc les
Magiftrats après avoir honoré ce difl
cours de leur approbation ordonnèrent
qu'il fèroit imprimé , & pubHquement
diftribué fous leur autorité , tant pour
honorer 1 a mémoire de leur Profefîeur,
que pour donner des marques éclatan-
tes
de M. Defcartes. Liv.V. î(?3
tes de la rcconnoilfance qu'ils a voient
du fervice fignaléque leur avoir rendu
M. Defcartes , en formant un tel difci-
ple, Emilius , qui depuis long temps
cherchoit à s'introduire dans la Familia-
rité de M. Defcartes, avoit reçu comme
un coup de providence Tordre que îfe
Magiftrat lui avoit envoie, de faire fes
éloges & ceux de U nouvelle ^hilofi-
phie dans l'oraifon funèbre de Reneri.
Après l'avoir prononcée,il lui en envoia
une copie manufcrite avec des lettres
pleines de refped & d'eftime , fous pré-
texte que ce difcours le regardant per-
fonnellement , & que le Magillrat en
aiant ordonné la publication , il étoit à
propos qu'il vît ce qu'il y avoit à chan-
ger avant qu'on le mît fous la prefle. La
modellie de M. Defcartes eut à fouffrir
à la ledurede tant d'éloges. Mais com-
me il ne lui appartenoit pas de trouver à
redire au jugement & à la conduite du
premier Mai^iftrat ,il n'ofa y toucher.
Peu de jours après il ht connoître
qu'il n'avoit fouffeit ces éloges que par-
ce qu'il n'avoit pas été en fon pouvoir
de les fupprimer. Car Emilius lui aiant
envoie avec ui> peu trop de confiance
des
iS^
:t64- ^hregé de la Vie
iS^c} des vers qu'il avoic faits fur le même
•^ fujet pour en fçavoir fon fentiinent , 5<:
les lui aiant enfuite redemandez , parce
qu'il n'en avoir point retenu de copie ,
éc qu'il defiroit de les faire imprimer;
.M. Defcartes chercha une excufe pour
ne les lui pas renvoier , &: il vengea le
mieux qu'il put par cette f uppreflîon fa^
pudeur &: fa modeftie offenfée dans l'o-
raifon funèbre de Reneri.
La perte que Regius avoic faite ea
liegius particulier d'un excellent diredleur de
devient le ç^^ écudes daus la monde Reneri Tavoic
■premier . > -, r t^ r
difcipiede fait recouL'ir de nouveau a M.Delcartes^-
^rt ^y' I^ ^^ conjura de vouloir lui donner au^
prés de lui la placequeledéfunty pof-
fedoitj ajoutant ques'ill'a luiaccordoic
ils'efiimero'.t anlJi heureux que i*il étoit~
■■ élevé jnfcjiiaii troifieme ciel.
Il eft certain qu'après Reneri perfon-
ne ne pouvoir alors fe vanter de méri-
ter mieux que Regius la qualité de pre-
mier difciple de M. Defcartes. Il avoir
du coté de l'efprit les talens les plus
propres à foûtenir ce rang avec la digni-
té ^ la fuffiQmce necelTaire, La profeÇ-
fion qu'il faifoitde la Medecineavec \^
J^hvfique -luii do^]n9ii; eiiçpre xj^q ^9rRr:
modité--
deM.DeJcartes.Liy.y.T6^
modicé pour cela & un avantage que ipj^-
n*avoienc pas les autres Cartéfiens de -
Hollande ôc de France qui n'enfei-
gnoienc pas publiquement , 5c quin'é-
toient philofophes que pour eux-mê-
mes. Mais il auroitété à fouhaiter pouc
fa réptitation particuliére,que Reneri en
lui apprenant la méthode 3c les princi-
pes de M. Defcarteseûc fçû lui infpireî:
en même temps fa modeftie 6c fa pru-
dence.
Quelque temps après la mort de Re-
neri 5 Ton augmenta Tes gages de la^
moitié 5 Se Ton attacha à fa profeflion
un nouvel emploi qui confiftoit à expli-
quer les Problèmes de Phyfique , lors
qu'il ne feroit pas occupé de fa Botani-
que , c'eft-à-dire de l'explication des
plantes & des fimples. 11 fit part à M.
Dekartes de la joie qu'il avoir reçue de
cette commiiïion , parce qu'elle lui pre-
fèntoit de nouvelles occafions d'enfei-
gner &c d'étendre fa Philofophie. Il avoic
adroitement brigué cet emploi qui étoic
defurérogarion dans rUniverfité : & il
avoit été fervi dans fa pourfuite par
Foetitis ProfelTeur en Théologie qui
étoit encore alors dans fes iiicerêts. Mais
iC(^ khregédeUVïe
J^ ce qu'il avoit envifagé comme un avan-
^ — tage confiderable pour faire valoir Tes
talens , de pour débiter avec plus d'é-
clat les opinions nouvelles ds Phyfique
ôcde Médecine que les vieux Peripaeti-
eiens & Galeniftes ne fouffroient pas vo-
lontiers qu'on enfeignât dans les Ecoles
où ils regnoient , fut un prétexte enfui-
te au mên^ Voetius povr lui fufciter des
affaires. Son peu de conduite fut caufe
que l'embarras retomba fur M.Defcartes,
& que l'affaire dégénéra enfuite en un
long & fâcheux procez qu'il fut oblige
de foutenirau préjudice de fa folitude
■ & de la tranquillité de fa vie.
IV. Personne n'étoit alors plus élevé
^ielé. ni plus confideré dans rUniverfité d'U,
toit Foe- *■ . f, -.\ I • \
tins ffes trech quefe Voenus. Il etoit le premier
devins, jfes ProfelTeurs en Théologie , & le
principal Miniftre ouPafteur de la Vil-
le. Il portoit partout cet air triomphant
qu'il avoit rapporté du Synode de E>or-
drechtoûil s'étoit trouvé du codé des
vidtorieux , c'eft-à-dire , de ceux qui
afïïftez del'épée & du crédit du Prince
Maurice étoient venus à bout de con-
damner le parti des Remontrans : & il
s'étok ac<yjis pac iâ ville une efpece
d'auiOr
de A4.DeJcdrte$XW.V. 1(^7
d^autorité fur les efprits par je ne fçay 1^39
quelle tepucation de gravité & de fuf. -
fifance. Il avoit î'efpnî naturellement
porté à la conteftation , <Sc gâté par la
Icduie des controverfiftes de Ton parti ,
& des livres d'impiété & de bouffonne-
rie , aufquels il avoit donné beaucoup de
temps. Il étoit d'une humeur fort bi-
zarre, d'un jugement fort médiocre , &
d'une érudition fort fuperficielle.
Les bonnes qualitez qu'il pouvoit a-
Yoir étoient foûtenucs par un peu d'a-
iriv^ur propre pour fa perfonne^accompa-
gné d'un mépris intérieur pour toutes
celles qu'il n'avoit pas. De forte que
s*étant accoutumé de longue habitude
à ne pas eftimer ce qu'il ignoroit , 5^
ignorant en philofophie tout ce qui n'é-
toit pas renfermé dans les bornes de
la fcholaftique triviale , on auroit pu
lui pardonner le peu de goût , & l'é-
loignement qu'il avoit eu d'abord pour
les ouvrages de M. Defcartes , s'il n'en
avoit pris Tallarme comme d'une nou-
veauté pernicieufe qu'il eût fallu exter-
miner.
La confideration qui étoit due à Re-
neri, l'avoic retenu dans le filence juf-
qu'à
168 Ahreff de la Vie
1^39 qu'à fa mort. Mais étant allé à fon oraîw
" fon funèbre avec fa prévention , les
éloges inefpérez qu'il y entendit de
M. Defcartes lui donnèrent tant de ja-
loufîe 5 qu'il en fortit avec la refolution
de mettre en œuvre tout ce que fon
induftrie pourroit lui fournir pour dé-
truire cette nouveauté. Neantmoins
l'approbation que le Magiftrat avoic
donnée à ces éloges , l'obligea d'aller
bride en main , pour ne pas fe commet-
tre mal à propos avec Tes fuperieurs,
C'efl; pourquoi abandonnant ce qui é-
îoit du refTort de la Philofophie, contre*
quoi il ne lui étoit ni feur ni honnête
de s'élever , il fè reduifit à ramafler ce
qui pourroit fe rapporter à la Théolo-
gie dans le difcours de la Méthode de
M. Defcartes pour en faire la matière
de Tes cenfures , ^ tâcher par ce moieii
de faire bannir de l'Univerfité fa Philo-
fophie comme pernicieufe à la Religion
Proteftance & au repos des Etats des
Provinces-Unies.
Il commença fes hoftilitez par des
théfes qu'il fit au mois de Juin 1(539
touchant l'Athéifme. Et pour garder
quelque ordre dans les productions de
fa
de M.DeJcartes. Liv.V. 1(^9
k mauvaife volonté , il s'abftint d'y iG^t)
nommer d'abord celui à qui il en vou- ■■
loic , & fe contenta d'y jerter les fonde-
mens de la calomnie , dont il croioit de-
voir le charger pour venir à bout de
le ruiner.
Cette calomnie dans laquelle il a
toujours perfifté depuis , ccnfiftoit à
faire paifer M. Defcartes pour un Athée:
& afin qu'on ne pût s'y tromper en
prenant quclqn'autre pour lui, il mêla
dans Tes ihéfcs parmi les marques de
rAthéifme toutes les chofes qu'il fça-
voit eftre attribuées à M. Defcartes par
îe bruit commun.
Ces premières démarches de Voe-
tius firent connoître à Regius qu'il fal-
loit ufer de quelque diffimuiation s'il
vouloit fe conferver auprès de lui. Ce-
la lui donna la penfée de fe précaution- 'rwiiai
lier dans fa chaire de Médecine plus
qu'il n'avoit fait jufques-là : & de re-
ferver le principal de la nouvelle Philo-
fophie pour les problèmes qu'il enfei-
gnoit certains jours de la femaine hors
des heures des leçons publiques. En
quoi il fembloit fe repofer fur le con-
fsntement des Profelleuis , fans en ex-
cepter
T/O Ahrege de la Vie
'71^59 cepter Voetins qui Tavoit même fervr
^ ^ une féconde fois dans la demande de
cette nouvelle commiffion.
Mais quelque liberté qu'il lailTât à
fes auditeurs pour la créance des Pro-
blèmes 5 il ne rejettoitpas lesoceafions
de faire voir le ridicule ou le foible des
anciennes opinions. Cette manière ar-
tifi ieufe de détruire infenfiblement les
principes delà Philofophie vulgaire qui
eft reçue dans les écoles étoit encore
plus dangereufe pour elle que fa ma^
niere ouverte & fincere d'enfeigner les
principes de M. Defcartes dans fes le-
vons de Médecine. Ceft ce qui fit pei-
ne à ceux de fes collègues qui confer-
voient quelque eftime pour ha Philbfou
phie qu^'on leur a voit apprife , & qui
croioient avoir beaucoup accordé à Re-
gius en lui permettant d'enfeigner les
nouvelles opinions avec les anciennes,
^*? ]^' ResLius ne s'alTuiettiflant pas alTez
ùon. (hors de les écrits & de les leçons ) a
prendre Tefprit de M. Defcartes , qui
étoit un efprit de douceur &: de modé-
ration , donna encore à fes collègues un
nouveau fujet de mécontentement par
un traie de légèreté qu'il fit paroître à
une
cle M. Defcanes.Livy. tyi
aine thefe de Philofophie foûrenuc le 9
de Juillet fous le ProFelTeur Senguer-
dius par Florent Schuyl qui devint neant-
moins Cartéfien dans la fuite. L'aggred
feur qui difputoit avoit compofé Ces ar-
gumens félon les opinions de la Philo-
fophie nouvelle , 6c il avoit choifi la
nature & les proprietez de l'ayman pouc
en h\x.ç. le fujet. Le répond.'int quoique
fort bien exercé fur les cahiers de low
Maître parut un peu embarraiîé. Mais
le Profeffeur aiant pris la parole pour
le dégager, Regius le leva, ^ fans ref-
pe(flvrr ni Tallèmblée ni la proFc(Tion,rin-
cerrompit , lui infulta mal à propos , 6C
voulut adjuger à Paggrelîcur une vic-
dloire que l'honnêteté & la coutume
l'obligeoient de lailfer au répondaïK.
Cette adion q*e nous n'avons appris
d'ailleurs que par le canal de fes enne-
mis , choqua ^généralement tous les Pro-
fedéurs de l'Univeifué , 6c les difpofa
la plupart à écouter ce que Voetius
vouloit leur infinuer contre les nouveau-
tez.
Les exercices finirent peu de jours
^prés cette thcfe , & Régius écrivant
à M. Defcaries le 14. de Juillet qui
commençoic
Î72- Alregé de U Vie
.j^,n conimençoit les vacances, fe garda bien
"î de lui mander ce qu'il avoic fait à la
théfe. Il fe contenta de lui faire fçavoir
qu'il avoir achevé Ton cours public de
„ Â4edecine cette année j qu'il étoit te û-
,5 jours demeuré fortement attaché à fes
5> principes & à fa méthode ; &: qu'il fou-
it} haitoit avec paffion de pouvoir confe^
« rer avec lui fur la meilleure manière de
•) faire un nouveau cours Tannée fuivan-
te qui commençoit après la foire da
mois d' Aouft félon le règlement de l'U-
iiivcrfité.
Jn^fut' Quoique les mefures qu'il avoir pri-
tTdomie ^^^ P°"^ ^^^^^ ^ Egmond fulfent ïom-
M. T)ef pues par le befoin que la grolTeire de fà
partes f femme avoir de fa préfence , le temps
de M. Defcartes n'en fut pas plus épar-
gné. Il ne fut prefque occupé que de
fes réponfes auxconfultations de ce Pro-
felTeur pendant les mois deSeptembre &c
d'Odobre. Quelque longues quelque
fréquentes que fullent les lettres d'un
difciple (i zélé , il ne plaignoit pas pour
î'fnftruire un temps qu'il ne cioioit pas
devoir jamais regretter. L'importance
des queftions «?c des difîicuîtcz qu'il lui
propofoit 5 Tempêchoit de rien négliger
pour
i
deAd.DeJcartes.Viw.V. 173
-jpouc le mettre en état d'âablir fes piin- 1(^3^
cipes. Elles rouloienc la plupart fur la -*'-~*
nature des Anges, fur celle derAn:îe de
rhomme , fur fon union avec le corps ,
•fur l'ame des bêtes 6c des plantes, fur la
vie, fur le mouvement du cosur, 6c fui:
la circulation du fang.
M. Defcartes avoir mis cette dernière Maaval.
queftion en grand crédit parmi lesfça- f^^oj^f*^'
vans : & il avoir merveilleufement ré- iHempiust
tabli fur ce fujet la réputation de Harvée
qui avoit été maltraitée par les fatires
èc le decri de divers Mcdecins des Païs-
baSjla plupart ignorans ou entêtez des
anciennes maximes de leurs Facultez,
Ce qu'on pouvoit alléguer de plaufible
contre ce fentiment , avoit été objedté
18 mois auparavant à M. Defcartes par
fon ami Plempius Médecin à Louvaii-,
Mais quoique celui-ci parût alors con-
tent de fes rcponfes , il fit enfuite une
chofe tout- à-fait indigne de leur ami-
tié. Il jugea à propos pour augmenter
l'éclat de fa propre réputation de parler
dans un livre qu'il devoir bien -tôt don-
ner au public de ce qui s'ctoit paGTé en-
tre M. Defcartes de lui, touchant les deux
queftions du mouvement du cœur ôc de
la
Ï74 y4hregê de la Vie
la circulation du iàng. Il donna pour
cet efTec tout !e luftre necefTaire aux
objedions qu'il Im avoit faites. Mais
lors qu'il flit queftiondes réponfes qu'il
en avoit reçues , loin de traiter M. DeC
cartes comme un ami qui méticoit d'ê-
tre confideré , il n'eut pas même pour
-ces réponfes la fidélité qui s'exige entre
des adverfaires qui fe réfutent, & qui fe
regardent comme ennemis.
Regius fut outré d'une conduite fi*
malhonnête, & aiant confronté fon livre
avec les réponfes que m. Defcartes avoit
faites à fes objedions , il ne put retenir
l'indignation qui lui fit prendre la plu-
me pour en marquer fcs redentimens à
M. Defcartes^ Les couleurs qu'il donne
dans ùk lettre à l'ingratitude & à la
mauvaife foi de Plempius font fi vives,
qu'on ne peut les exprimer de fa langue
en la nôtre fans entrer dans de fembla-
bles tranf^)ofEs de colère contre une
conduite {\ lâche. Il dit qu'à l'égard des
endroits où m, Defcartes découvroit les
Tecrets les plus cachez de la nature, &
ou confiftoit la principale force de (es
réponfes , Plerppius a eu la malice de
faite le niuec , ou d'en omettre au moins
la
■
de Ad.Defcartes. Liv. V. 175
la plus grande partie. Et que pour 1640,
ceux qu'il rapporte , il les cftropie de — •
telle manière qu'il en corrompt entiè-
rement lefens. Qu'a l'endroit où il trai-
te de la circulation du fang, il (e con-
tente de rapporter fîmplement les dif-
ficul ez 5 comme fion n'y avoir pas en-
core fait de réponles , quoique cel-
les que M. Defcartes y avoit données
fudent tres-convaincantes, Qj^à l'en-
droit où M. Defcartes rapporte plu^
fleurs caufes qui jointes enfemble pro-
duifent le battement du cœur , Plem-
pius n'en rapporte qu'une qui eft la
chaleur. Si M. Defcartes après avoir
allégué les raifons necelTaires pour la
conviction d'une chofe , y en ajoute
quelque autre moins neceflTaire fecvant
feulement à un plus i^rand èclairciffe-
ment : Plcmpius eft aflez de mauvaile
foi pour ne s'attacher qu'à cette der-
nière raifon , comme fi elle avoit été
donnée pour fondamentale ou eflèn-
liclle ; ôc lailîant à fuppoler que ce
feroit l'unique qui auioit été alléguée
par M. Defcartes , il s'étudie à la rendre
; ridicule : ce qu'il fait ordinairement dans
les cndioits qu'il ne comprend pas.
I Pleg».
1 7 ^ Abrégé de la Vie
, 16^0 Plempius ne Te fouvenoit plus d'iU
^'"' voir écrie auparavant qu'il ne croioic
pas que l'on piic convaincre M. DeG-
cartes d'az-oir jamais avancé une fauf-
fêté ou même une bagatelle. Mais s'il
avoir à révoquer les louanges qu'il lui
avoir données , c'étoit une pitoiable
reciadtationque de les effacer avec des
injures. M. Defcartes ne parut pas fort
^mu d'une conduire fî extraordinaire,
& il avoir été d'avis de n'y oppofer
•que le (îlence. Regiusn'en jugea pas de
•même. Il vengea Ion maître d'une ma-
nière qui fit apparemment ouvrir les
yeux à Plempius ^puifqu'il changea fon
iêntiment fur la circulation du fang pout
embrairer celui de M. Defcartes.
• Au MOIS de Novembre de la mê-
Vï. rne année le P. Merfenne revenu de
d^'il^ul qt^elques voiages lui donna avis d'un
M.vaf. prodige qui venoit de paiourc parmi
16 !lf//' l^s fçavans de Paris. Le prodi:;e étoic
-qu'un jeune garçon de \6 ans avoic
compofé un Traité des Coniques qui
faifoit l'éronnement de tous les vieux
Mathématiciens à qui on l'avoit fait
voir. Ce jeune Auteur étoit le fils
irtr M. Pafcal , Intendant de judice à
Roiien,
de M, De/cartes. Liv. V. 177
Rouen: Se l'on ne croioic point le fia- 16^0
ter en publiant qu'il avoit été plus —
• heureux qu'Apollonius en quelques
points. M. Defcartes qui n'admiroic
prefqLierien, difli'.ïiulant la fuL'pLife, ré-
pondit alfez froidement qu'il ne lui
paroiifoit pas étrange qu'il le trouvât
des gens qui pudènt démontrer les Co-
niques plus aifément qu'Apollonius:
jîiais qu'on pouvoit bien propofer d'au-
tres cbofes touchant les Coniques qu'-
un enfant de feize ans auroit de la
peine à démêler.
N'aiant voulu s'en npporter qu'au
•témoignage de fes yeux pour la créance
.de ce fait , il fallut que le P. Merfen-
■ne lui envoiàt une copie du Traité,
;Il n'en avoit pas lu la moitié qu'il ju-
gea que M. des Argues y avo t eu beau-
coup de part, fous prétexte que celui-
ci y étoit allégué. Aiant reconnu après
quelques éclaircilTeaiens qu'on lui don-
na fur ce fait, qu'il étoit hors d'appa-
rence de rien attribuer de cet ou-
vrage à fon ami M. des Argues , il
aima mieux croire que M. Pafcal -'e
père en étoit l'Auteur, que de fe per-
fuadei* qu'uu enfant de cet âge fût
I ij capable
î/S jéhregé de la Vie
_^^ capable d'un ouvrage de cette forcd' |
*" Le doute d'un (î grand homme fuc '
plus glorieux à ce merveilleux enfanc
que l'admiration de tous ceux qui é* .
toient afliirez du fait. ■ I
Son incrédulité n*étoic pas feulement
appuiée fur le défaut d'âge & de vrai-
femblance , elleavoit encore pour fon-
dement le projet d'un beau defTein fur
les Coniques que M. des Argues lui
avoît fait envoier depuis peu par le P.
Metfenne. Mais il ne foupçonna point
M. Mydorge d'à» oir prcté (on miniftér
re ou (on nom au jeune M. Pafcal , quoi
qu'on vît for tir de la pre(re fes quatre
livres des Coniques en cette même an-
née , &c qu'il n'ignorât pas ce que cet
ami avoir déjà fait fur le même fujet
quelques années auparavant.
exercices Dans le même temps M. de Beaune ,
4eBeau^'e ^^^ n'ctoit pas moins de fes amis que M.
Mydorge &:M.desArgues,roccupoit de
la(blutiondcdiverfesque(iions qu'il lui
propofoit fur les Mathématiques : SC
fous prétexte de l'entretenir de fes pro-
pres delTeins, il tachoit d'avoir la com-
munication des fiens. Dans une des ré-
ponfe^ que lui fit M.Defcartes , il lui
étoif
de M,DeJcartesXiv,V. 179
étoic échappé de dire que fa PhyfîcjHe ^
fi et oit autre chofe tjue ^J^echanitjfite ;
êc qu'il lui avoit déclaré comme à ton
confident des chofes qu'il n'avoit point
voulu dire ailleurs , k caitfe ^ue ta prctt.
ve en dependoit dejon tJ^onde, M. de
Beaune ne laifTa point peiir cet avertille-
ment. Il lui fit de foctes inrtances pour
le porter à la publication de ion Monde
que l'accident de Galilée lui avoit fait
reilèner. Mais il n'en pût venir à bout,
quoiqu'il fût alors celui de Tes amis à
qui il étoit le moins en état de rien re-
fufer.
M. Descartes avoit quitte le
féjour d'Egmond depuis quelque temps, ■
& il s'étoitretiré a Hardervvic... Re- •
glus le trouvant encore trou e:oign. de „f«rfr \
lui , crût qu'étant une fois hors de fa fo- ^'^i<^r-
liciide de Nord-Hollande , toute autre prTrd'v
demeure lui feroit atîez indifférente. '/'^'">
C'eft pourquoi il ie conjura de vouloir "* ^^ ''
s'approcher davantage d'Utrecht jtant
pourlafatisfadtion de plufieurs de les
amis de la vilîe,que pour une plus gran-
de commodité qu il auroit de le con-
fulter de plus prés.
Il vint donc loger peu de mois après
I iij en
Igo Jhea-édelaVie
ÎG40 en une mailon de campagne prés dé
"" cette ville dans le voifinage de M. dt
Haeftrecht Ton ami qui dtmeuroit au
Château de Renoude. Mais foit que
l'hiver fur trop violent à la campagne^
foit qu'il appréhendât les pratiques de
Voetius , il alla dés le commencement
de Tannée fuivante demeurer à Lcyde
011 il avoir encore plus d'amis qu'à
Utrechr. Outre M. de Hooghland
Gentilhomme Catholique de quelques
Magiftrats ^il pouvoir y conter plus de
la moitié des ProfelTeuts dont les prin-
cipaux étoient GoHif^^Schooten ôc M.de
Sanmmfe fils d'un Con(eiIîer au Parle-
ment de Bourgogne -, fans oublier Rivtt
qui étoit du Poitou, 6c un autre Miniftre
clu lieu nommé Abraham Heide ou
Heydantis,
'Am'réde Ce dernier qui étoit en fort grande-
Hiydantis confideration dans le pays n'avoit gue-
res des défauts ordinaires aux autreffi
Miniftres Protefl:ans:& quoiqueM.Def-
cartes fift profeflîon de n*etre ami d'au-
cun d'eux 5 le mérite extraordinaire de
Heidanus le fit bien-tot excepter de
leur nombre. Il ne fe contenta pas de fe
rendre le fedateur de fa Philofophie
comme
j
de M.Defcartes^LiwV. iSî
Comt^e les auties , il en fut encore le ^
protedeuu &c l'appui. Comme il étoit
en réputation d'être le plus éloquent
Prédicateur du pays , il fe feivoit fore
heureufenjent de Ton avantage pour in-
fpirer a Tes Auditeurs l'ellime qu'il avoic
lui même de cette pliilofophie, dont il
tiroic les raifonnemens , les comparai-
fons, 6c les explications qui le faifoienr
admirer.
Il n'en croit pas de même de Rivet Am-néde
quifevantoic d'être Carte fien fans en- ^'^"''' <^
tendre les écrits de M. Defcartes. Toute ^c^^r4,;i-
fon amitié conliftoit prefquc en une dé- ^*^'^'
mangeai(on qu'ilavoit de parler de lui
incelîàmment dans fes lettres & dans Tes
Converfations. Les moindres bagatelles
écoieiic pour lui des fujccs d'écrire au
Père Merfenne , à M. Galîcndi, ^S: aux
autres fçavans de FranLe,pnuivû qu'il y
ftit queilion de M. Defcaitcs. Ce tut lui
qui les informa de la fameufc gageure de
Mathématique entre le jeune WaiTenar
& Stampion,où M. Defcartes fe trouva
meflé par l'indifcretion 6c la mauvaife
volonté de ce dernier. Qnoique la vic-
toire de Walîènar fût fort glorieufe à
notre Philofophe qui palîoit tout pu.
I iiij blique-
lit j^hregê de la Vie
^^^ bliquemenc par fon maître , il traita
neantmoiiis toute cette affaiie dont il
avoit eu la conduite d'une pure badine-
Wf,qui n'étoit pas digne de l'inquiétude
de Rivet, ni de la curiodté des Mathé-
maticiens de France.
ne^^P'*' Cependant on vid fortir de la preîTe
Defcams. à la Haye un livre fait contre m. Def-
cartes. C'étoit le premier des ouvrages
qu*on eut encore entrepris de publier
pour combatte & ruiner fa Philofophie :
&c il étoit de la dernière confequence
que Tauteur y rélidît , afin que les autres
Aciveriaires qui dévoient venir après ,
puflènt en tirer d'heureux augures.
L'Auteur rifquoit beaucoup en fe pre-
fentant le premier au combat : mais il
eut la difcretion de fupprimer fon nom,
pour ne pasl'expofer à la flétriflùre en
cas de mauvais fuccés. L'événement
iuftifia fa prudence. Le livre parut pour
les étreines de l'an 1640. Le grand nom
d'e celui qu'il attaquoit excita la curio-
(îté de le voir , & en peu de temps il (e
trouva entre les mains des Curieux de
France & d'Angleterre. La chofe tour-
na toute à la gloire de m. Defcartes. Oa
di/penfa l'Auteur de fe nommer, & Toh
fut
de M.Defcmes. Liv. V. 183
fat indigné feulement de voir que TA- i^^o
nonyme eût abufé de l'attente de ceux ■
qui demandoient autre chofe que des
fottifes , contre les principes d'une Phi-
lofophie qu'il étoit queftion de rét'uter
fcrieufement. M. Oefcartes n'en parut
ni plus humilié ni plus élevé , & il laillk
ce petit nuage fe dilTiper de lui-mêaie. yjjj
VoETius prenoit fes mefures à iinj./de
Utrecht pendant ce temps la, pour ^^•"*^-
réiiflTir dans le deflein de perdre M. Def- d''rl'ê"
cartes de réputation , &: dele faiie dé- "'*' ^.°**''
clarer ennemi de la Religion retormee
ôc des Eglifes proteftantes , par ceux
même qui l'honoroient le plus de leur
bienveillance. Il avoir fait foûcenir ce
fécondes &c de troifiémes théleSjCvi il
avoir renouvelle la calomnie deratbeif-
me comte lui, afin de préparer peu à peu
l'efpritdu peuple , &c de faire changer
cnfuite les bonnes difpofitions du Ma-
giftrat. Mais pour venir à bout de cette
entreprife, il falloir ruiner Regius. C'cft
à quoi il travailla en cherchant dans fes
leçons & fes écrits de quoi lui fufciter
nn procès.
Il commença par Texamen des opi-
nions nouvelles que Regius debitoic
1 V dans
f
184 Jhregè de U Vie
1^40 (^ans la chaire de Médecine , & il lui'
■ • fît un crime devant Tes collègues de tour
ce qui ne s*y trouvoit pas conforme aux
maximes des anciens Médecins & Vhu
lofophes , établies & reçues dans les-
CJniverfitezde Hollande. Il fit éclater
enfin Tes plaintes au fujet d'une théfe ou =
difpute publique que ce Profelleur dé-
voie faire le 10 jour de Juin touchant la/
circulation du fang qu'il enfeignoir
comme M. Defcartes & Harvée , maië-
qui palToic encore pour une héréfie par--
mi les ignorans & les cnrétez. Il par-
vint paries intrigues à faire révolter la
plupart des Profetleurs de l'Uni verfîtè
contre ce fentiment. De forte que le
Redeur Bernard Schotanus ,qui d'ail-
leurs éroit des amis de M. Defcartes, 5<r
c|ui favorifoit même Regius, ne pût re-
nfler aux inftances qu'on lui fit pour
Kempécher d'enfeigner fes nouveautez, .
Le Recteur lui propofa la chofe d'u-
ne telle manière qu'il fembloit vouloir
l'exhorter fîmplement à prendre quel-
ques mefures pour prévenir les murmu-
res de Tes collègues , & ne pasrroub'er
la paix de l'Univerfité. Regius lui re-
prefenta Timportance qu'il y a de ne
pas
de M.DeJcartesXiv.V. 185
pasrejecter ou trahir une vérité fous le 16/^6
prétexte feul qu'elle auroit le caradére '
de nouveauté j &l de ne pas adopter les
erreurs (bus le voile d'une vénérable
antiquité. Deforte qu'il fallut alTembler
rUniverfité , pour délibérer fur le re-
fus qu'il fembloit faire d'acquiefcer au
defir de fes confrères. Il y fut refolu que
Regias prendroic quelque autre fuj.t
qui feroic moins éloigné des opinions
reçuifs dans la Médecine vulgaire ; ou
que s'il étoit ferme à vouloir retenir
celui de h circulation du lan ; au fens de
Harvée , il le feroit au moins par maniè-
re de corollaire ou d'addition à Ces thé-
fes , avec la formule ordinaire excrciîii
eau fa défi n ie m n ; .
Voetius dans le manifefte qu'il en fie
imprimer au nom de l'Univerfité pré-
tend que Regins au lieu d'acquiefcec
à cette délibération , fit imprimer fes
théfcs fans autre expédient que celui de
les avoir fait corriger par M. Defcartes
pour les mettre hors d'atteinte. Regius
après avoir receu fes corrcdions , prie
occafion de l'en remercier pour le prier
de vouloir honorer f.'5 théfcs de fa pré-
ience, M. Defcartes v avoir donné les
L V mains^
i8(^ j^hreq-é de UYie
o
KJ40 mains , pourvu que ce fut dans récoute
^""" — * ou la tribune de Mademoifelle Schur-
mans , parce qu*il ne vouloit pas êcre
vu. Mais la chofe n'eut point d'efFct,
parce que cette adion aiant été difFerée
jufqu'à la fin dumois dejuin^elle con-
courut avec ie déménagement qu'il fit
pour palier de Leyde à Amersfort àttois
petites lieues d Utrecht,
Le grand fi-iccés des rhéfes de Régius
déplut fort à Voetius ; & les îiledecins
de la vieille dodlrine en murmurèrent
un peu. Quelques-uns même entrepri-
rent de les rtfuter,6^ entre autres Pri-
merofe & Silvius aufquels il jugea à
propos de répondre. Les manières inju-
rie u Tes & outrageufes dont il en a voit
été traité, lui avoient tellement échauf-
fé la bile , que fans fonger à fe garen-
tir comme nn homme fage du mauvais
effet de leur exemple, il avoit emploie
contre eux tantôt l'aigreur , tantôt la
plaifantcrie , lorfqu'il n'étoit queftion
que d'une rcfutation ferieufe & mo-
delée.
M. Defcartes à qui Regins envoia fà
réponfe au moisd'Odobre pourlacor-
nger à Ton ordinaire , ufa de fon droit
d'autant
de M.DeJcartes. Liv.V. 187
d'autant plus volontiers, que ceProfef- ^^^
fèur Pavoit averti qu'il y alloit de fon
intérêt. Il y corrigea diverfes chofes qui
marquoient fa précipitation *> il y en fit
ajouter quelques-unes -, & en fit retran-
cher d'autres , parmi lefquelles étoient
les termes d*aigreur qu'il lui fît bannir
en lui montrant Timportance qu'il y a de
traiter un adverfaire avec beaucoup de
douceur ik d'honnêteté*
Cependant les Curateurs de TUniver-
fité d'Ucrecht follicitez par Voetius &
quelques autres ProfcfTeurs de remédier
aux troubles qu'ils feignoient que les
ihéfes& les opinions (înguliéres de Re-
gius commençoient à exciter parmi eux,
publièrent une Ordonnance pour défen-
dre d'introduire des nouveautez ou des
Hîaxiines contraires aux ftatuts de l'U-
niverficé. La chofe étoit affez équivo'
que. C'eft ce qui porta M. Defcartes à
la démêler , 6c à faire une explication de
l'Ordonnance des Curateurs en forme
dcréponfe. M.Vander-HooîcK l'un des
principaux Magiftratsde la ville qui fut
même ConfuI l'année fuivante , trouva
cette répon(è fort belle & fort judicieu-
fe ; & il goLita merveilleufement le def-
fein
iS8 Jhregêde la Vie
^4Q Tein qu'avoic M. Defcartes de lailîer
continuer Regius dans la manière d'en-
feigner la Philofophie nouvelle , en fe
contentant de modérer Ton zélé , & de
reformer ce qu'il y auroit de trop har-
di dans fcs opinions.
„- Regius n'étoit pas le fèul des diH-
ÏX. ciples de la nouvelle Philofophie que-
r!«îw'^^-Pefcartes eut à inftruire. Il s'en
le Siège prefentoit tous les jours de nouveaux
"*^* quin'étoientni moins finccres ni moins
ardens que lui dans la recherche des ve-
ritez naturelles > nrxais qui nous font de-*
meurez la plufpart inconnus par l'indif-
férence qu'ils ont témoignée pour fe'
faire connoître à d'autres qu'à M. Def-
cartes. C'ed à l'un de ces derniers ve-
nus que nous ioirraes redevables de'
l'explication de (on (entiment tojchanc-
le uége de l'Ame dans le cerveau , qu'il
écnbliiToic dans la petite glande appellée
tondre ou fine il:. Le même Inconnu'
qui n'étoit pasnn homme de petite con-
fideration lui fit déclarer dans le même'
îèms ce qu'il penfoit des efpeces (jiii
firvent a la Alemoire qu'il croioit ré-
pandues d-ins tojte la fubftance du
Gerveau , & qu'il regardoit comme les
de Ad. De/cartes. Liv. V. ïS^-
plis qui fe confervenc dans du papier, "^ ,
après qu'il a été une fois plié. ?rc,e[
Ce fut pour lorsque M. Defcartes f;;f/^{-
fut averti du projet que Ton faifoit fans --^«g^e-
ft participation d'un établillement pour ^^"Amitié
lui (Se pour fon ami m. Mydorgeen An- ^:^f ^^a»
gleterre fous la piotedtion Se par les
bienfaits du Roy Charles ï. M. Defcar-
tes n'en parut pas fort éloigné fur ce
qu'on l'avoir allure que le Roi etoit ca-
tholique de volonté. Le promoteur de
cette entreprife étoit un feigneur An-
glois nomméCharlesC^vefî^ish ou Can^
dtche frère du Duc de Nevvcaftle tous
deux amis de nôtre Pi^.ilofophe. Can-
difclie écoit orand Mathématicien. Il
croit devenu outre cela cperdûmcnc
amoureux de la phi!ofbphie de M . Def-
cartes , 6c il regard oit fa Méthode com-
me un excellent moien pour porter les
Mathématiques à leur perfedion. On.
pei.t juger de là qu'elle pouvoir être la
joie qu'il avoitde voir que M, Defcartes
ne formât point d'obftacles aux dedeins
de fon érablilTement en Angleterre. M,
Mydorge attaché dans Paris par fa fa-
mille fut plus difficile à ébranler. Le
Roi Charles auroic peut-être levé fes
difEcnl-
10 o jihrezedeUVie
lîl^ difficultez par la bonté qu'il avoit eue
de promettre à M.Candifche de pour-
voir fort amplement à tour. Mais les
commencemens des troubles de la
Grand'Bretagne leur aiant fait aprehen-
de à M.Defcartes ^ à lui,que les gran-
des l'ommesque le Roi vouloit deltinec
aux expériences Phyfiques n'allalTent
aux frais de la guerre , qu'eux-mêmes
ne flident privez du repos dont on les
flatoit , & en même temps des autres
efFeis de la borné de ce Prince : ils re(^
térenc l'un en Hollande, l'autre à Pa-
ris , & continuèrent les exercices de
leur amitié avecMonfieur Candifche
comme auparavant.
Amitié Celle qucM.Defcarces entretenoit avec
mlife^^* M.deSaumaifc ne lui auroic pas été moins,
convenable fi celui-ci avoit fait profef-
fion de Philofophie ou de Mathémati-,
ques. Ce défaut n'a pourtant pas cm-;
péché qu'on ne l'ait mis au nombre defr
Cartéhcns , & il n'a jamais fait un ob-
ftacle à l'amitié de M. Defcartes ^dontt
le commerce n'étoit pas borné aux feulsi
exercices de Philofophie &: de Math é-.
jAkhame matiqucs. Mais comme c'étoit une ef*-
iatmtije. pecc de tatahte attachée a ceux d entre,
les
de A4. De/cartes. Liv. V. Ipt
les amis de M. de Saumaifequi avoient ^ ^
du mérite d^épronver les effets de fa
maiivaife humeur : la bonne fortune de
M. Defcartes voulut qu'il fe trouvât en-
veloppé dans leur fort , de peur que la
calomnie ne le contât un jour parmi
certains amis de M. deSaumaift qui
avoient refprit alfez bas pour eftimer
les défauts de ce fcavant homme , ou le
cœur afTez lâche pour les adorer. Il eft
vrai qu'il ne lui arriva qu'une feule oc-
cafion en fa vie d'elTuier fon chagrin ,
mais une occafion de néant : & il en fut
redevable à fa propre prudence qui le
tint prefque toujours éloigné de Ça con-
verfation, lorsm3me qu'il demeuroit à
Leyde où refidoit M. de Saumaife. Je dis
une occafion de néant , mais jamais elle
n'auroit dû même être occafion de cha-
grin à un homme équitable. M. de Sau-
maife foupçonnoitM. Defcartes d'être
ami de Heinfius qu'il n'aimoit pas. Ce
qui étoit d'ailleurs une jaloufie trop
baife & trop indigne d'un honnête
homme. Mais ce foupçon de m. de Sau-
maife éroit fort injufte, puifque M.Def-
cartes n'avoit de fa vie encore jamais par-
le à Heinfius , qui bien qu'homme de
pfierite
j.g t5?i Jhregé delaVie
, merire & de grande confideration dafijr
rUniveificé de Leyde par Tes emplois ^
fou fçavoir n'avoit neantrvjois aucune'
relation avec lui. Bien plus , il fçavoic^
>5 que Heinfius avoir averfion de luide-
J3 puis long-temps , à caufe qu'il étoit
ami de Balzafc quiavoit cenfuié la cra-
^'Z- g^^^^ d'Herode.
-. . / .. M A î s les fuites de la méchante lui-
aie avec meuu de M de Saumaile etoient pour lui
lef lejui- ^Q nulle confequence auprès de celles
d'une facheufe a^ràre qui penfa le
brouiller avec une Compagnie entière,
dans laquelle il fe flatoïc d'avoir plu-
fieurs amis. Tout fembloic êcre riant
pour fa philofophie , lorfque peu dô'
jouis après avoir trion[iphé à Ûcrecht
dans les théfes publiques de Regius^
elle fut attaquée à Paris dans d'autres
théfes foucenues au collège de Cler-
mont.
Thfesdu II crût d*abord que cette conduite
^din!^°^^^' ïi'^toit que raccompliirement des priè-
res qu'il a voit faites aux Jefuites de vou-
loir examiner fes ouvrages. Mais fur
l'idée qu'il s'ètoit formé de la correfpon-
pondance (fr de T union cjiii e^ entre tous
çeptx de l'ordre des lefiûtes , il prit l'a-
larme
deM.DeJcdrtes. Liv. Ve 153 ^^ ^
Jarme de ce qui fe Et contre lui par leur , .
Profeiîcur de Mathématiques dans ce
colleté , croianc que cela auroit été co/7'
certè avec Tes fuperieurs ou Tes con-
frères.
Ce Profcireur croit le P. Bourdin
qui voulant réfuter deux ou trois en-
droits de la Dioptrique de M.Defcnr-
tes,au lieu de lui envoier Tes objection?,
comme en a\ oienc ufc Meffieursde Fer-
mat , Petit , Moiinj& les autres Mathé-
maticiens les avoit inférées à l'ufage
<ie Tes Ecoliers dans fes théfts fcûtcnucs
le 50 de Juin & le i de Juillet par Pun
d'eux nommé Charles Potier qui fe fie
quelques années après Cartcfien malgré
fcs premières impreffions.
Le Père Merfcnne non content d*a^
voir publiquement défendu les opi-
nions de fon ami contre l'Ecolier & le
Profefleur , lui envoia Pextrait de la
'théfe qui le regardoit avec le fréam^
hnle y c'eft-à-dire le difcours prélimi-
naire , compofé par ie ProfèiTeur pour
Pouverture de la difpute , parce qu'il
etoit entiéiement contre lui, en lui mar-
quant que c'étoit le ProfclTeur même-
qui le lui envoioit par fon minidére.
M. Defcar-
194 ^hregéde la Vie
^^ M.Defcarrcsquiavoitoublié la tna^
^ fige des niére dont on fe comporte dans les col-
2«jf« ^^§^^ ' ^^^"^ ^" ^^ difcours préliminai-
ihéfes. re & les articles de la Théfe, s'imagi-
na qu'on avoic eu intention de lui fai-
re infulte publiquement. îl ctud que
les Jefuites au lieu de l'avertir de Tes
fautes en particulier , s'étoient étudiez
à le traduire en ridicule devant le plus
beau monde de Paris. Cela lui fit per-
dre l'indifférence qu'il avoit témoignée
en tant de rencontres pour ce qui fe
pafToit à Ton préjudice : & il fe mit fe-
rieufement en colère lorfqu'il vid que le
ProfcOTeur, fous prétexte déformer un
fujet de difpute à fes écoliers , lui avoic
attiibuédes opinions qu'il n'avoit point,
pour les réfuter plus facilement. Il eut
peut être tort de ne pas confidérer qu'en
ces occafions les Maîtres font fouvent
obligez de forger des chimères à leurs
difciples pour les accoutumer au com-
bat i que tout ce qui fe palTe dans ces
actions publiques , n'eft qu'un jeu ôc
un divertiflement d'efprit ; que ce qui
s'y dit n'eft d'aucune conféquence con-
tre la vérité des opinions d'un Auteur
qu'on y attaque j que félon l'ufage des
de M*Defcartes.Li\r.Y. 19$
écoles , il efl: de l'honneur du Maître ôc 1^40
du Répondant de paroître au moins for- •
tir vidorieux de la difpute -, que ces pe-
tits triomphes n'ont qu'un jour de du-
rée i & que les applaudilTemens ne re-
gardent ni le Maître , ni les opinions du
Maître , mais feulement l'Ecolier de
qui oneft content, lotfqu'il a bien ré-
pété un argument , de qu'il a répondu
( bien ou mal ) conformément aux le-
.çons de fon Maître.
L'union qu'il croioit être et tre tous les lUecUr
membres de la Compagnie de Jefus , lui ^^^J^/J^
fit conclure de l'exemple du P. Bourdin /;*»«.
qu* il alloit avoir tous les Jefuites fur
les bras , & il regarda dés lors cette
Compagnie comme une armée formi-
dable qui venoit à lui. Il n'en fût pour-
tant pas déconcerté , mais raflemolant
tout fon courage , il refolut de marcher
feul contre tous , fans s'arrêter à com-
battre ni le P. Bourdin , ni aucun autre
en particulier.
Dans cette étrange refolution il s*a-
drefla au P. Redeur du Collège de
Clermont , auquel il écrivit en latin le
21 de Juillet une lettre pleine de vi-
gueur (3c de refpedt. Il le conjura d'era-
15? cT Ahegé de la F'ie
i<^40 ploier fon aucorké pour engagei" les
■"■ Pères de la Compagnie à lui découvrir
une bonne fois tout ce qu'ils trouvoiens
à redire dans fes ouvrages , afin qu'il
pût ou Te corriger ou leur répondra.
C'étoit une honnête declaracion de
guerre pour tous les Jefuites en fon
nom. Il crut devoir la confier à une
perfonne fage ôv difcréte : & par cette
<:on(ideration il en chargea fon ami M,
Mydorge pour la rendre au P. Re£teur,
& lui faire comprendre qu'il n'y avoir
aucune témérité de s'écre adrelTé en
droiture à fa Révérence , après que le
P. Bourdm avoir commencé la guerre
dans les formes , non point par fa théfe
dont il ne feroit plus queftion , mais
par une Velitation ou efcarmouche qu'il
lui avoir envolée depuis.
Il répondit à cette velitation en at- '
tendant l'effet de fa lettre au \\ Reéleur,
'qui la receut,non pas des mains de M.
Mydorge qui avait appréhendé d'attirer
la tempête fur fon ami par cette dé-
marche, mais de celles du P. Merfenne
qni éroit moins fcrupuleux , quand il
s'agiilbit de commettre les fçavans , &
de faire des querelles utiles à l'a-
vance-
de M. DeJcartes.Liv.Y, 197
vancemenc des fciences. i^4o
Le Recteur ne parue point mal , , ^
f.uisfait lies raiions de NI. Defcartes &c ^■p,,.',^
des fentimcns de Ion cocur.Mais il ne perfonnet
crut pas que la Compagnie dût s'inte- ^■"ol'j.tJ/
lelfer dans un difrerent où elle n'avoit
aucune parc. Il (e contenta de permet-
tre au P. Bourdin de vuider fa querelle
perfonnelle comme il pourroit avec lui,
(^ au lieu de répondre à fa lettre , il
ordonna à ce Père de fii:e lui-même la
réponle, ex' de rendre r:àfon de fon pro^
ccdé à M. Defcartes.
Le P. Bourdin lui déclara dans fa let-
tre qu*il n'avoic pas entrepris. Se qu'il ,,
îi'enrreprendroic jamais aucun combat «
particulier contre fcs opinions. Mais «c
1! lui promit de lui envoier d/>ns huit
jours Ces traitez , c'cft à dire , les raifons
dont il s'écoit (ervi pour ne pas approu-
ver Tes fentimens. Le terme des huic
jours au bout defque s M. Defcartes at-
tendoit ces traic^^z étant expiré plufieur s
fois , il commençoit à en dcfcfperer
lors qu'il reçut des lettres de quelques
autres Pères de la Compagnie ^par lef-
q leiles on lui demandoic encore /T.v mois
de délai. Il ne douta plus que ce ne
15)8 Khregê de la Vie
} ^^ fût un ftratagéme pour corriger ces é-
dits à loifir , & les mettre en état de
ne plus craindre (a cenfure. Il conjec-
tura par les lettres de ces Pères, que
non obftant TalTurance qu*on luy avoir
donnée d'une querelle fiîTjplement per-
fonnelle avec le P. Bourdin , il alloit
fe détacher du corps de la Compagnie
un puilTanr parti de Je fuites contre lui,
pour foûtenir leur confrère.
jifefre- Sçachaut que Icurs forces principa-
înYeT ^^^ confiftoient dans Tart de la Dialec-
7efuirei' tique^dont on fait de grands exercices
dans la Compagnie pour fe rendre aguer-
ri par la difpute contre toutes fortes
d'adverfaires i il crut devoir de fon côté
recourir aux armes de la Scholaftique,
dont il fembloic s'être dépouillé depuis
tant d'années , fans fonger qu'il en
dût jamais avoir befoin.
Il communiqua fon delîein au P. Mer*
fenne qui Tattendoit à Paris fur la fin
de cette année , Se il lui en écrivit en
j> ces termes. Je ne ferai point encore mon
» voiage pour cet hiver. Car puifque je
^ w dois recevoir les objections des Pères
fy Jefuites dans quatre ou cinq mois, je"
« crois qu'il faut que je me tiennne en
pofture
deÂd.Defcartes.Liw.V, 15??
pofture pour les attendre. Cependant «
j'ai envie de relire un peu leur Ihilofo- «
phie, ( ce que je n'ai pas fait depuis 20 «c
ans,) afin de voir C\ elle me fennblera ce
maintenant meilleure qu'elle ne faifoit «
autrefois. Pour cet cfFet , je vous prie <e
de me mander les noms des Auteurs qui ce
ont écrit des cours de Philofophie , lef- <c
quels font les plus fuivis parmi les Je- c<
fuites, ôis'ils en ont quelques nouveaux, ce
Je ne me fouviens plus que des Conim- ce
bres . ee
Il le pria aulîî de lui mander fi l'on // ^»,r^.
n'avoic pas fait quelque abrégé ou r'\^'^ j'
coinpendtHm de toute la Philolophie de schoUfiè*
l'école qui fût fuivi ^ pour s'épargner le î««'
temps de lire les gros livres des Scho-
laftiques , à peu prés comme avoir fait
le F £ Ht liant Eufiache de S, PauL
Le P. Merfcnne ne put lui indiquer
que de Raconis qui fe trouva moins pro-
pre à fes dedeins que le Feuillant. Mais
il l'exhorta puilîamment à ne point é-
pargncr la Philofophie de l'Ecole, telle
qu'on l'enfeignoit alors dans les Collè-
ges , croiant que l'heure de la facrifier à
la Vérité écoit venue j & lui faifant en-
tendre qu'il étoit le feul de qui les ama-
K teurs
ICO jihregé de la Vie
1^40. tcurs de la Vcricé & de laSagellè atten-
- i^ doient ce fcrvice.
M. Defcattes lui répondit le 11 de
Novembre qu'il ne croioit pas la Philo-
(bphie de l'Ecole difficile à réfuter, à
caufe delà diverfité des opinions qui s'y
enfeignent. 11 lui déclara en même temps
les vues qu'i' avoir fur la Philofophie par
raport à celle des écoles.
Son deifein étoit d'écrire par ordre un
cours entier de fa Philofophie en forme
de théfes , où fans aucune fuperfluité de
difcours , il mettroit feulement toutes
fes conclufions avec les vraycs raifons
d'où il les tiroir :ce qu'il efperoit pou-
voir faire en peu de mots. Dans le même
livre fuivanc fon projet , il devoir faire
imprimer un cours de la Philofophie
vulgaire tel que pouvoir être celui du
Feuillant , avec fes notes à la fin de
chaque queftion : où il prétendoit ajou-
ter les diverfes opinions des autres, &
ce qu'on devoit croire de toutes félon
lui. Enfin il faifoit efperer pour fervic
de conclufion à fon ouvrage, qu'il fe-
roit un paralelle ou comparaifon àç%
deux Philofophics , c'eft à dire , de U
fienne & de celle des autres, U fut feu-
kment i
de M. D efcar tes, Liv Y. toi
îemenc en peine de fçavoir fi le Feuil-
lant é:oic encore au monde , parce que
n'en voulant ni à fa perfonne ni à Tes
écrits en particulier , il vouloir ufer de
ménagement & de toiite forte d'honnê-
teté à Ton éi^ard. Pour les Conimbres,
( c'cft à dire le cours de Philofophiedes
Jefuites de Conimbre en Portugal , ) il
les trouva trop longs. Mais il auroit fou-
haité qu'ils eulTent écrit aufTi ^uccinte-
ment que le Feuillant , parce qu'aiant
affaire aux Jefuites , il auroit piétéré
leurs cours à tous les autres.
Cette année parut fatale à nôtre XI F.
Philofophe par la perte qu'il fit non ^''- '^^
feulement de trois ou quatre de fes a- -'^^, ;*
niis Mathématiciens ou Philofophes , ^/^«»
mais principalement des deux perfon.
nés les plus chères qu'il eût au monde,
fa fille Francine ^ dcCon Père Doien du
Parlement de Bretagne, qui mourut au
mois d'06Vobre âgé de yS ans.
Francine étoit morte des le 7 de Sep-
tembre à Amersfort àe.ée feulement d«
cinq ans. Il la reconnut publiquement
pour fa fille , quoique nous n'en con-
connoiflfions point la mère , 8c que
jiousu'aions aucune preuve de fon ma-
Kij riage
lOi Ahrcgé de la Vie
16^0. "^gf. ïl î^ pleura avec une tendrefîe
• — • qui lui fît éprouver que la vraie Philo-
(bphie n'étoufFe point le naturel. La
douleur qu'il en eut étoit capable de
faire conjedurer que cette enfant étoit
unique. Mais les médifans n ont rien
oublié pour lui en fubfticuer d'autres,
La calomnie quoique foûtenue par l'au-
torité ôc les écrits d'un grave Miniftre
des Reformez d'Utrecht lui parut fi mal
établie , qu'il fe contenta d'en rire -, ÔC
de répondre au reproche que lui en fai-
foit Ton ennemi , que n'aiant point fait
voeu de chafteté , &C n'étant point
exempt des foiblelTes qui font naturel-
les à l'homme, il ne fcroit point diffi-
culté de les avouer publiquement s'il en
avoit. Mais encore qu'il n'en eût au^
cun,il confentoit néanmoins de ne point
palier pour un grand Saint dans refprit
d'un Miniftre qui n'avoit pas grande
opinion de la continence des Ecclefiall
tiques de l'Eglife Romaine qui vivent
dans le célibat.
Il ne tarda point à reparer la brèche
quis'étoit faite à l'intégrité de vie dont
il honoroit fa folitude & la profefîion de
fa Philofopbiie i 6c il rétablit fon célibat
dan$
de M.D(?/c^r/^.(.Liv.V. 203
dans fa première perfedlion , avant mê-
me qu'il eût acquis la qualité de Père.
Au refle le Public n'auroit jama's fçea
cette circonftance humiliante de fa vie,
s'il n'en avoit fait lui-même une con-
feiïion publique en écrivant Thiftoire
de fa Francine fur la première feuille
d'un livre qui devoit- être lu de plu-
fleurs.
Trois femaines après la mort de cette [•"'■^nes
enfmt, il quita la ville d'Amersfort pour ^^'"'^[
aller reprendre fa demeure à Leide. Il •^■'/"■^•r
étoit dégoûté du voifinage d'Utreclic à Jiurlnn^
caufe des intrigues de Voetius qui répan-
doit l'allarme dans tout le pays , vou-
lant faire regarder Retins , comme un
brouillon fufcité pour troubler les Eco-
les, & M. Defcartescomme un ennemi
de la Religion Proteftant?, & un cî-
pion envoie de France contre les inté-
rêts des Provinces unies. Ne jugeant
pas le fecours des Ecrivains de fa fei^e
& de (on pays fuffifant pour l'extermi-
ner , il crut en devoir chercher parmi
les Catholiques, & dans le cœur même
de la France. Pour en obtenir , il falloic
fclon lui changer de langage. Il tâcha
de leur perfuader qu'ils avoicnt affaire
K lij à
204 Ahregê de la Vie
164.0 à un ennemi commun, & qu'il s*agiC.
- ' ■ foie de défendie la Religion en gênerai
contre un Sceptique 6c un Athée, à quoi
les Catholiques n'écoient pas moins in-
terellez que les Froreftans. Il alla folii-
citer les efprits jufqu'au fonds des cloî-
tres de Paris, & il eut la hardielTe mê-
me de tenter le P. Merfenne , fous pré-
texte que ce Père écoit déjà tout aguerri
contre les Athées (?c les Deiftes qu il a-
voit combattus par divers ouvrages. Il
reprefenta à ce Père qu'étant d'ailleurs
Fhilofophe & Géomètre, ce travail é-
toit digne de fon érudition 6c def/îfMÙ-'
îilifé. Et pour l'y engager avec des
termes encore plus preifans , il lui dit
qu'après s'être montre jufqueS'là , U
défenfeur ds la P^erité dans fa manière
de traiter la Théologie , il ne de voie
pas douter que la mêoie Vérité ne l'at-
tendit pour la garantir de la vexation
de ce nouveau Fhilofophe.
C'étoic peut-être la première fois
qu'on avoic entendu les Minifties Pro^
teftans fehciter des Catholiques Ro-
mains, & fur tout des Religieux d'avoir
heureufement défendu la Vérité en ma-
tière de Théologie. La chofe ètoit d'au-
tant
I
d^ M. D ejcar tes, Liv.V. 105
tant plus remarquable que Voerius feai- ^""^^
bloit devoir être le dernier de qui on '^
eue dû efpérer une femblable confeffion,
après s'être déchaîné fans fujet contre
l'Eglife Romaine en d'autres occafions ,
& s'être brouillé même avec quelques
autres Minières, qui n'avoient pu fouf-
frir Tes excès cSr Tes impoftures. Mais
comme les Catholiques ne fçùrent au-
cun gré de cet aveu à Voetius , 3c que
les PiOteftans ne lui en firent aucun
crime : on le regarda comme une fuite
du dérèglement de fon elprit , auquel
les uns 3c les autres étoient déjà tout
accoûcumez. Il ne falloit point d'autre
marque de ce dérèglement que la ma-
lignité avec laquelle il aftédloit de faire
palTer M. Defcartes pour nnJcTinte fan-
-1/4^^, afin de le décrier dc de le rendre
odieux par un autre endroit.
Le P. Merfenne feignit de fe lai(Tec
attirer aux enchantemens du difcours de
Voetius ; & pour montrer qu'il ètoit
encore plus ami de la Vérité que de M.
Defcartes, il lui promit leminiftéredc
fà plume, pourvu qu'on lui fournidde
la matière & des raifons fuftifantes pour
attaquer les opinions de ce Philofophe.
K iiij Oï\
ro6 Ahregé de la Vie
1640 On prétend que ce Religieux pailoic
-— — tout ferieufement.Voetius enfui fi per-
fiiadé qu'il fit répandre incontinent le
bruit que le P. Merfenne écrivoit contre
: M. Defcartes. Il chercha enfuite des
matériaux de tous cotez, & foUicita tous
fes amis pour envoier du fecours au P.
Merfenne. Mais une année entière fe
pafla fans qu'il pût faire tenir à ce Père
autre chofe qu'une comparaifon qu'il
avoir faite de M. Defcartes avec Vanin,
le priant de bien (<\\xe valoir ce mor-
ceau comme une pièce importante , &
de mettre dans un beau jour le paralelle
du nouveau Philofophe avec cet impie
qui avoir été brûlé à Toulouze.
Ze Rai On n'étoit point fans doute fi mal in-
lyppeiie tentionné pour M, Defcartes à la Cour
* Je des de France , puifque le Roi Loliis XlII.
■profofi" fie mander fur la fin de cette année ou
tions ho- I 1 ij ••1
norMes , 1^ Commencement de 1 autre qu il vou-
m^is en joie reconnoîcrc publiquement fon mé-
rire. Ce Prince aveni par le Cardinal
de Richelieu,ou par ceux qui lui avoient
prefenté fon livre, que cet ornement de
ion Roiaume feroit toujours hors de (a
place, tant qu'il feroit hors de fes états,
fongeoit à le placer dans un rang alTez
élevé ;i
r.
de M, De/car tes, Liv.V. 207
élevé jfoiràlaCoLir , foi: dans le Parle- i^^o.
ment , pour le faire voir à tous Tes peu-
plcs-&: a lui fcurefoûcjnir ce rang par
une guolTe penlîon. Mais il n'y eut point
de follicitations allez foites pour le fai-
re fortir de (a retraite. Il regardoit les
délices de la Cour & les occupations les
lus glorieufes des Confeils &: des Par-
emens, comme également préjudicia-
bles au repos & au loifiu dont il avoic
befoin pour fervirle genre humain d^ns
la profjjîion qu'il avoir choifie. Et fai-
fant infiniment plus de cas des bontez de
fon Roi que de tous les honneurs 6v' de
toutes les richeires dont il l'auroit voulu
combler, il aima mieux vivre feul & con-
tent dans de perpétuelles reconnoiHan-
ces pour ces bontez , que de s'expofec
au hazard de perdre les avantages de fa-
Philofophie , fous prétexte de vouloir
foûtenir le poids de ces honneurs, & de
juftifier le choix d'un Ci grand Prince.
Kv
10 8 Ahreq-éde la Wk
1641
LIVRE SIXIE'ME.
Depuis i6^i.jufqu*en i^-^4.
I. jf"^ E FUT en. 1(^41. que Ton vid
Tubitca- m paroîtreen public le fécond des
non de jt s ^ l^ f
Meditx- ^»^^ Ouvrages de M. Defcarces avec
ll7ijfi.'' ^^ l^rivilege du Roy ôc l'approbation des
^uts. Dodeurs à Paris fous le titre de Medù
rations touchant la -première Philofi-
pble,o}i l'on démontre l'exifîence deOieiSy
& l'immortalité de l' Ame, Mais il faut
remarquer que ce fut contre l'inten-
tion de l'Auteur qu'on lailla gHlfer le
mot d'immortalité 3iU lieu de celui ^7///-
materialité.
Cet ouvrage dont il pretendoit que
nous ne devions la publication qu'a fa
coîîfcience^étoit d'une compofition plus
ancienne,que fes Eilàis , puifque c'étoic
le premier fruit de (a retraite en Hol-
lande. L'importance du fujet l'avoit
porté avant que de Is mettre fous la
preiTe ,à le faire voir aux plus habiles
Théologiens de l'Eglife catholique, Se
à queL
de M.DeJcartesXiv.Vl. 10^ ^
à quelques fçavans même des autres ,
communions qaipa'ilbienc pour les plus
fubtilsen Philofophie & enMecaphyfi-
que 5 afin qu'il puft profiter de leurs
cenfures , répondre à leursdifficulcez,
ôc faire imprimer leurs objections 3c fes
réponfes en même temps que Ton traité.
Son Manufcrit fut plus d'an an pouc
cet effet entre les mains du P. Mcrfen-
ne,qui avoit commiffion de lui de cher-
cher à cet ouvrage des Cenfeurs ou des
Approbateurs de toute robbe,tandis que
de Ton codé il fit la même chofe dans les
Pays- bas Catholiques 5c Pioteluin?.
Il voulut même le dédier à Meilleurs
de Sorbonne , c'eft à-dire à toute la
Faculté de Théologie de Paris , par ce
dit-il , que les cavilUtions de qiielcjHet
performes C avaient fait refondre a fe
munir cCorefnAvant de V autorité d'an^
truiypHtf^ue U Vérité efl fi peu eflimèe
lors ciHellee(l feult. Il recommanda cet-
te afïlùre au P. Gibieuf de l'Oratoire
fou ami, qui par fa capacité s'étoit mis .
en grand crédit dans la Sorbonne & W. de
parmi tous les habiles gens : 5c lailfa Abngé ^
le foin de tout le relie au P. Merfenne. "«w/^/
Tandis que ce Perecherchoit des «««'•
K vj cenfeurs
iio A hregéde la Vie
JL^^î cenfeurs à Ton ouvrage , Se qu'il ramaf-
?' foit les objedions des Théologiens de
Philofophes qu'il pouvoir trouver à Pa-
ris , il en reçût un Abrégé des princi-
paux points qui touclioient Dieu ÔC
l'Ame humaine, pour fervir d'argument
à tout l'ouvrage, qu'il avoic divifé en
Jlx Méditations,
Dans la première \\ propofe les rai-
sons pour lefquelles nous pouvons dou-
ter généralement de toutes chofes , &C
fur tout des matérielles , jufqu'à ce que
nous aions établi de meilleurs fonde-
mens dans les fçiences que ceux que
nous avons eu jufqu'à prefenr. Il fait
voir que l'utilité de ce doute gênerai
conllfte à nous déli vrer de toutes fortes
de préjugez , à détacher nôtre efprit des
fens, de à faire que nous ne puiffions
plusdouter jamais des chofes que nous
relconoitrons enfuite être t res-veritables.
Dans hfecoyjde il fait voir que l'Ef^
pritufant de fa propre liberté pour fup-
pofer que les chofes de rexiftence def-
quelles il a le moindre doLite n'exiftent
pas en effet , reconnoit qu'il eft impoffi-
ble que cependant il n'exille pas lui mê-
me. Ce qui ferc àlui faire diftinguer les
chofes
deAd.Defcartes.Liw.Vh irr ,
chofes qui lui appartiennent , d'avec j^^i
celles qui appartiennent au corps.
Dans la troifième il développe le
principal argument qu'il a pour prou-
ver Texiftence de Dieu , Qns emploiec
aucune comparaiiun tirée des chofes
corporelles.
Dans la (juatnérneW prouve que rou-
tes les chofes que nous concevons fore
clairement & fort diftindlement font
toutes vraies. Il y expliq e auffi en quoi
coniifte la nature de Terreur qui fe trou-
ve dans le jugement, & le difcernemenc
du vrai &: du faux.
Dans la clncjuieme il explique la na-
ture corporelle en gênerai. Il y démon-
tre encore 1 exiftence de Dieu d'une
nouvelle manière -, ^ il fut voir que la
certitude même des démontirations oéo-
métriques dépend de la connoîllance
de Dieu.
Dans la fïxiéme il diftingue l'adion
de l'entendement d'avec celle de l'ima-
gination. Il y montre que l'Ame de
l'homme efl: réellement diftincfte du
corps, & que néanmoins elle lui elt fi
étroitement unie qu'elle ne compofe
que comme une même chofe aveclui.
Il
II i Ahregé de la Vie
1(^41 II y expofe audî toutes les erreurs qui
— procèdent des fens , avec les moiens de
les éviter. Enfin il y rapporte les raifons
dont on peut conclurre l exiftence des
chofes matérielles.
MAniin II f^Qt remarquer que l'Auteur ne
dont elies , n . % r i
font écr,' S ctt point attache dans tout cet ouvrage
^^^' à fuivre l'ordre des matières , mais feu-
lement celui des raifons. C'eft-à-dire
qu'il n'a point entrepris de dire en un
même Heu tout ce qui appartient à un
même fujet, parce qu'il lui auroit été
fouvent impoiïiblede le bien prouver,
dautant qu'il y avoit des raifons qui dé-
voient être tirées de bien plus loin les
unes que les autres. Mais en raifonnanc
par ordre , c'etl; à dire , en commen-
çant parles choies les plus faciles pour
palier enfuite aux plus difficiles , il en
déduit ce qu'il a pu tantôt pour une
matière, tantôt pour une autre. Ce qui
étoit à fon avis le vrai chemin pour trou-
ver précifement la Vérité, & pour la bien
expliquer. Il eftimoit que l'ordre des
matières n'ell b jn que pour ceux dont
routes les raifons lont détachées , & qui
peuvent dire autant d'une difficulté que
d'une autre,
CeÛ:
de M.Defcartes.ViV.Vl. ii^
C'eft pour cela qu'il ne jugeoit pas lé^t
à propos , ni même poflîble d'inférer ^
dans le texte de Tes Médications la lé-
ponfe aux Objedions qu'on y pour-
roit faire, parceque cela auroit inter-
rompu toute la fuite , 6<. auroit même
ôté toute la force de fes raifons, laquel-
le dépend principalement de ce qu'on
doit détourner ù penfée des chofes fen-
fibles, d'où la plufpart des objections
(croient tirées. Mais il avoit mis celles
qui lui étoient déjà venues des Pais-bas
à la fin de fon traité , pour fervir de mo-
dèle aux autres s'il en venoit , &c pour
montrer le rang où l'on pourroit les fai-
re fuivre dans l'imprertion en inferanc
fes réponfes à la fin de chaque obje-
ction.
Qqs premier et objeElionf 2iVo\çni pour ^rem^f/'^
Auteur M. Caterus ou Carters Doàeur " ^^*'
de Louvain emploie dans les MifTions
de Hollande. Il les accompagna de tou-
tes les honnctetez 6c de toute la mo-
deftie qui précède & qui conduit ordi-
nairement les vrais fçavans , & les ama-
teurs de la Vérité. Elles étoient adrelfées
à deux de fes amis Bloemart^ Bannius,
qui étoient aufli ceux de M. Defcartes ,
tX4 Ahe^éàe la Vte
'iCi\u ^ ^"^ connoiitanr la capacité de ce
'-*- — Do(fi:eur , les lui avoient demandées les
plus fortes qu'il pourroit les faire pouc
fuivre les intentions de nôtre Philofo-
phe. Les deux amis les avoient envoiées
à M. Defcartes telles qu'ils les avoient
reçues , & ce fut à eux pareillement
qu'il adrelfa là réponfe qu'il y fit. Il
tâcha fur tout de ne pas fe laiiîer vain-
cre en honnêtetez , & en témoigniges
d'eftime pour M. Caterus dont il fe fit
un nouvel ami pour le refte de fes
jours.
. Le Père Merfenne pour lui faire
IIL voir des efïèts de fa commiiïîon , lui en-
Seron}es vois dés le mois de Janvier les objec-
"^ — . ^-^^g ^^^».j ^^^,^ p^ recueillir de la bou-
che des Théologiens 6: des Philofophes
qu'il avoit confultez dans Paris. Leurs
difficultés n'âoient ni fort confidera-
bles 3 ni en grand nombre ; quoique ce
Père eût tâché d'y joindre quelques-
unes des fiennes , ^ c]ii'il eût fait fon
pofTible pour en faire naître auffi fur
fa réponfe 2iU\ premières objcBions , qu'il
lui avoit fait tenir dans le dellein de la
faire examiner avec le refte. Il parut à
M. Defcai'ces que ces fécondes objeEliom
avoient
cbeciion
de ÂLDeJcartes. Liv.Vl. 115
avaient écé faites par des peiTonnes fin- "^
céres , Se perfuadées de la folidicé de Tes '^^'
principes. Il y fie une réponfe fi^rt exac-
te. Et parce que les Auteurs de ces ob-
jedionsavoîenc téinoigné par !a plume
du P. Merfenne que ce feroit une cho-
fe fort utile , Ci à la fin de Tes folutions ,
après avoir premi>: rement avancé quel-
ques définitions , quelques demandes ,
éc quelques axiones , il concluoit le tout
félon la métnode des Géomètres j afin
que d'un feul regard les ledteurs puf-
fent y voir ce qui devoit les fatisfai-
re : il fut ravi qu'ils lui eulTent fait une
propofition fi agréable, &c Ci facile à exé-
cuter. Il joignit donc à fa réponfe pour
leur fatisfadion un autre écrit conte-
nant les ratfons pour prouver f e xi fl en-
ce de Dieu, ç^la difti nation qui eft en-
tre l'efprit ô* le corps humain , difpo*
fées d'une manière geométricjue.
Il n'avoitpas achevé de répondre aux r/o/yî/-
fecondes objeBions ^ qu il reçut celles du ^^ "^z *•
fameux M. Hobbes Philofophe An^lois nih^o?.
qui cherchoit depuis longtemps Tocca- ^«^'
(ion de (é faire connoitre à lui. Le P.
Merfenne la fit naître en lui communi-
quant la ledlure du manufcrit des Mé-
ditations
ii(^ jéhregè de la t^ie
î6±i^ ditations pour y faire des objedionsj
mais il lui déclara que le moiende mé-
riter foii amitié & Ton eftime écoic de
ne îe pas épargner. M.Hobbes le criit-
Le Père envoiant ces objedions à Mr
Defcnrtes , les avoit accompagnées d'un
mot de recommandation pour fonami^
afin qu'il connut Ton mérite , ôc qu'il
fçûi: de quelle I hilofophie ce fçavant
Anglois faifoit profelTion.
M. Defcartes ravi d'apprendre que
le nombre des vrais Philofophes fûc
augmenté d'un auffi noble fujet qu'é-
toit M. Hobbes , voulut étudier Ton gé-
nie dans Tes objedions. Mais il ne les
trouva point afiez propres pour lui faire
juger de fa folidité &: de fa profondeur^
Il infera dans le corps même de ces ob-
jedions la réponfe qu'il y fit à chaque
article. C'eft ce que nous avons fous le
titre de Troijîémes obieEiions,
\Aums Nonobstant la prière que M. Det
^dl'ÎL^' cartes avoit faites au Père Merfenne
Bobbes. de ne lui point envoier d'autres, ob-
jections que celles qui regarderoient
(es Méditations Métaphyfiques , ce
Père ne pût s'empêcher de lui commu-
niquer les remarques que M. Hobbes
avoit
I
de M. De/carte f.Liv.Vl. 117
avoic faites fur fa Dioptrique , ni M. ^^^^
Defcarces lui refufer la fàtis(â6tion de
répondre à (on ami. M. Hobbes dé-
fcutoit dans fon écrit par un commen-
cement qui ne regardoit point la Diop-
trique de M. Defcartes. il yparloit de
Dieu ôc de l'Ame comme de chofes cor-
forelles. Il y difcouroit fur fon efprit
interne qu'il établifToit comme le prin-
cipe de toutes chofes , & il y traitoic
beaucoup d'autres fujets étrangers, qui
étoient éloignez de ce qu'il avoir entre-
pris d'examiner. Car encore qu'il pré-
tendît que la matière fubtile de celui-ci
fut la même cho(e que fon effrit interne^
l'une n'étoit nullement reconnoillable
dans l'autre. M. Hobbes fit une longue
réplique qui futenvoiée à M.Defcartes
dés le 7 de Février. Maïs tout le com-
merce de cette paifible difpute refidoit
dans le P. Merfenne qui en étoit le cen-
tre,(àns que M.Defcartes 6c M. Hobbes
s'écrivilTent immediatement.Leur com-
munication ne s'étendit point au delà,&
quoique M. Defcartes envoiât une der-
nière réponfè à la réplique de M.Hob-
bes,il pria ce Père ou de la retenir pour
luifeul ,ou de la débiter de fon chef,
fans
iiS Ahrege de U Vie
1^41 fans qu'il parût à M .Hobbes ou à cfa»-^
VI * très qu'elle fut venue de plus loin que'
du Couvent des Mininaes de Paris.
Il marqua en même temps à ce Pécc
les raifons qu'il avoit de rompre tout
commerce avec cet Anglois , afin de
pouvoir le conferver au nombre de ces
amis du commun qui s eftiment de loin,
& qui s'aiment fans communication. Il
lui manda de nouveau Topinion qu'il
avoit de cet efprit , qu'il jugcoit opinià-J
ire , Se dangereux mcme dans fa (ingu-
larité ,• quoiqu'il ne fut pas doué d'une
grande juftefîè, ni d'une grande force
pour le raifbnnemenr.
Dans toute la Maifon ou Société
de Sorbonne , il ne fe trouva pas un
Cenfeur de M. Defcartes , quelques
foins que le P.Gibieuf Se le P. Mer-
fenne prilîent pour lui en procurer. Il
en faut excepter un jeune Docteur ou
Licentié , lequel aiant lu autrefois les
Elfais de la Méthode de nôtre Philofo-
phe avecplaifir, avoit acqaiefcé au de-
iir du P. Merfenne , efpérant retrouver
U même plaifîr dans la ledur e des Mé-
ditations.
Ce Docteur étoic le célèbre M. ^y^
rtand
de M. DeJcartes.Lh y l. iJ^
raid âgé pour lors de prcs de 19 ans. ^^.j
i K'aiant pu obtenir du Père Merfenne :
I .qu'il liroic les Méditations gratuitement,
I il fe crud oSligé de faire deux perfon-
I nages dans Texamen qu'on demandoit
■ de lui. Il parut d'abord en Philofopbe
pour reprefenter les principales difti-
j cultez qu'on pourroit objecter à M.
! Defcaites touchant les deux grandesque-
flions de la nature de nôrre Ame &: de
i'exiilence de Dieu. Il fit enfuite la fonc-
; tion de Théologien pour marquer les
chofes qu'il jugeoît capables de cho-
quer les oreilles accoutumées aux ex-
preflions ordinaires de fa Théologie.
M. Defcartes n'avoir pas encore ea
d'adverfaire plus raifonnable ni pins ha-
bile que ce jeune Dodtcur qui non con-
tent de s*être rendu très profond dans
toutes fortes de connoilLinces , faifoic
encore régner un efpric parfaitement
géométrique dans tous fès raifonne-
mens. Mais au lieu de perdre letemps
à l'admirer , il mit toute fbn application
à lui répondre. Ce qui lui donna d'au-
tant plus d'exercice qu'il avoir à fatis-
fairc un efpiit auquel il ne lui étoit pas
poflTible d'impofec ou de donner le
change,
iio ^hregé de la Vie
1^41 change , & qu'il s'agilTbit de foudre
• en rrkcme temps des difficukez tres-fo-
lides & tres-fubtilcmeni: propofécs.
li manda au P. Meifenne qu'il n*au-
roic pu fonhaiter un examinateur de foa
livre plus clair-voiant ôc plus officieux.
Qu'il en avoit été traité avec tant de
douceur & d'honnêteté, qu'il ne pcu-
voit prefque s'imaginer que ce fût un
adverfaire qui eût voulu écrire contre
lui : mais qu il avoit examiné ce qu'il
avoit combattu avec tant de foin , qu'il
efpéroit que rien ne lui feroit échapé;
& que fes manières vives & pénétran-
tes à pouller les chofes aufquelles il ne
pouvoir accorder fon approbation, lui
faifoienc croire qu'il n'avoir point eu
la complaifance de lui rien diiïimuler.
Il envoia fa réponfe au P. Merfenne
le jour de Pâques , avec un remerci-
ment à M. Arnaud pour deux bons of-
fices qu'il lui avoit rendus en écrivant
contre lui. Le premier étoit d'avoir pro-
pofé les raifons de fon livre , de telle
manière qu'il fembloit avoir eu peut
que les autiesne les trouvalTent pasaf.
fez fortes & convainquantes. L'autre
étoit de l'avoir fortifié d'un grand fe-
COUlS
de M. DefcartesXiwyi. iti
cours en le munillani de l'autorité de 1^41
faint Auguftin, dont la Philofophie a- — — ^
voie pour hafe & foûcien le premier
principe de la Tienne.
Apres avoir confuieré longtemps la
force des argumens de M. Arnaud tou-
chant la Ihilofophie, il jugea u;'.i'aianc
taché de refoudre ceux qui reg.^.rdoient
,I«i nature de l'ame on de l'eTprit humai??,
ïl dévoie changer de méthode , craignant
de ne pouvoir pas refifter à la force de
ceux qu'il lui avoit propofez touchant
Vexiflence de Dieu, C'eft pourquoi au
lieu de fe m.ptcre en devoir de foûtenic
fes efforts comme il a\oit fait jufques-
là, il voulut imiter ceux qui ont à fe
défendre contre un adverfaire qui a l'a-
vantage ; 6c il ne s'étudia plus qu'à é.
virer adroitement fes coups plutôt que
de s'oppofer direétement à leur vio-
lence.
Quand il en fut venu à la réponfe
qu'il avoit à faire aux difficultez qui
pouvoienc arvêrer les Théologiens , il
déclara qu'il s'étoit oppofé ^uxp^emié- ^
res raifons de M. Arnaud ( concernant <«
Fefprit humain -,') qu'il avoit tâché de «,
parer \qs. fécondes ( concernant TexiC „
tvnce
lit yihregê de la ^ie
1641 tence de Dieu j ) mais qu'il donnoit en-
' tiéremenc les mains aux troifièmes^ ex-
cepté la dernière qui concernoit l'Eu-
chanftie , à laquelle il encreprit de ré-
pondre.
M. Arnaud avoit donné à M. Defl
cartes divers avis également importans
& judicieux pour aller au devant des
chicanes qu'on pouvoir appréhender de
la part des efprirs mal intentionnez. M»
Defcarces voulant faire voir la déféren-
ce qu'il avoit pour fon jugement & l'eC
time qu'il 1-aifoit de Tes confeils, envoia
au P. Merfenne feparément de fa ré-
ponfe les endroits que ce Doéteur ju-
geoit à propos de retoucher &: de chan-
ger dans fes Méditations. Il pria ce Pe-
re de faire mettre les additions ou cor*
reélions dans le texte même de fon ou-
vrage , mais feparées avec des crochets
par manière de parenthefes,afin de mon-
trer la docilité qu'il avoit pour les avis
d'autrui, fans prétendre s'en attribuer
la gloire , & d'exciter par une genero(i-
té (i modefte tous fes examinateurs &
fes adverfaires mêmes à lui donner de
femblables avis dans l'cfpérance d'une
juîlice femblable.
il
de}A.T)eJcartes,Liv.VJ. 113
11 fouhaicoit que M. Arnaud vît ù\ ^^
réponfe afin qu'il en jugeât, & qu'il pût
lui communiquer Tes répliques ou lui
donner de nouveaux avis. Mais la chofe
n'alla pas plus loin : Cic M. Arnaud té-
moigna au P. Merfenne qu'il fe tenoic
pleinement fatisfaic.U ajoura qu'il avoit
lui-même enfeigné , &c publiquement
foûcenu la même rhilofophieen partie >
qu'elle avoit été fortement combatuë en
pleine alfemblée par plufieurs fçivans
liomnivS , mais qu'elle n'avoit pu être
ab.\tuc ni même ébranlée.
Cette dirpofuion forma dans M. Def- ^^''"f ^
carces un préjuge pour la Philolophie w. Def-
d'autaut plus ava.nrageux, qu'il jugeoit ^'^/^^^^^>f.
cet Adverfaire moins capable d'erreur Arn.uU.
dans Tes connoillances , ou de diQmiu-
lation dans ù\ conduite. Il ne fit point
difficulté de mander depuis aux Pè-
res de l'Oratoire, que tout jeune Do-
deur que fut M, Arnaud , il ne lailToit
Îias d'v.^(limer plus fon jugement que ce-
lui d'une moitié des Anciens de toute kt
Faculté.
De toutes les objections qui fe firent
contre Ces Méditations , il ne s'en trou-
va point à qui le Public fil! plus d'hon-
L neuc
114 Àhregé de la V te
'^41 neur qu'à celles de ce Dodeur : wS: M.
Defcarces les jugeant préférables à tou-
tes les autres, ne fut point honteux de
s'en faire honneur de fon côté comme
d'un nouvel appui pour fa Philofophie*
Il ne tint pas à lui qu'il u'entretinft cet-
te habitude naiiîànte avec un ami de
cette importance. Mais N"". Arnaud,
quoique grand Philofophe &c grand
Géomètre, avoir deilors tellement dé-
voué fon temps à la Théologie, qu'il ne
lui en reftoit piefque plus pour les exer*.
ci ces des fçiences humaines. De forte
qu'ils s'aimèrent depuis fans beaucoup
de communication , mais néanmoins
avec tant de fympathie du côté de M>
Dcfcartes , qu'il croioit avoir fujet de
craindre que les ennemis de M. Arnaud
ne fu lient auffi les fiens.
Outre les objedions de M. Hob^-
bcs & de M. Arnaud il reçût encore celi.
uâtuf'''^ les de M. GairendJ, qui étoit venu de (a
province à Paris fart à propos pour y
travailler. L'amitié de ces deux Philo-
fophes étoit allez ancie4îne , mais elle
n'étoit jamais montée jufqu'au degré ciV
les amis ne font plus en état de découi-
vrir ou de fe reprocher leurs défaut*?.
Telle
de Ad,DeJcartes,Lwyi. 115
Telle qu*ellc écoit dans les commence- ^^4-^
mens de leur connoilTance , M.Defcar- ^
tes i'avoic toujours confervée dans une
fituacion égale : mais depuis l'édition de
fon traité des Météores , il n*en étoic
plus de même du côté de iM. Gaflendi.
M. Defcarres n*avoic pas oublié dans ce
traité le phénomène des Parhélies ou
faux foleils qui avoient paru à Rome en
1629, &: dont M. GafTendi a voit fait une Or-v/^e
dilTertation. Mais fon filence Rit un '/^f*^
fujet de chagrin & de refroid iiremenc de^^î!'^
pour celui- ci, oui trouva mauvais que M. G^ff^ndi
Delcartes n eut point tait mention de Dcftartes
lui en cette occaîîon.
Cette mauvaife difpofition de Tefprit
de M, Galfendi accompagnée d'une
jaloufie fecréte,que la réputation ou les
delfeins de notre Philofophe avoient
fait naître en lui ,futun préfervacif ex-
cellent contre fa douceur naturelle , qui
auroit été à craindre dans fes objedlions
contre les Méditations Metaphyfiques,
où M. Defcartes avoit befoin de toute
la fevérité des plus habiles cenfeurs. Il
n'oublia rien pour febien acquitcr de la
réfutation qu'il avoir entreprife j mais
fur la fin de fon ouvrage reprenant fa
L ij compUi»
■22 G Ahrege de la Vie
1641 complaifance qu'il avoir tâché defuf-
"— " pendre dans le corps de l'Ecrit, il prote-
fta cjLie Ton delîèin en écrivant contre.
M. Defcartes n'avoit été que de s'en-
tretenir dans l'honneur de fon amitié. Il
ajouta que s'il lui étoit échappé quelque
chofe de trop dur , il le defavouoit fur
l'heure, & confentoit que tout ce qui
pourroit déplaire à M. Defcartes fùc
ray€ de fon Ecrit.
Ses honnétetezne fe bornèrent pas à
une fi belle fin. il écrivit encore en par-
ticulier une lettre pleine d'éloges non
feulement pour l'cfprit de M. Defcar-
tes , mais pour l'ouvrage même qu'il
avoir entrepris de cenfurer. Mais ce
c]u'il ajouta eî>(inre touchant la neceffi.
té 011 l'avoit mis le P. Merfenne de lui
envoler fes doutes Ôc fes -fcrupules ;
touchant fa prétendue incapacité ; tou-
chant la foiblelfe de fes raifonneniens,
& l'inutilité de fes reflexions j étoit le
fruit d'une diiïlmulation fi fine & fi ap-
prochante de la modeftie , que plafieurs
ne firent point difficulté de la préfé-
rer à la fincerité fimple & aullére
de Monfieur Defcartes , & d'improu-
■yer la drpitutje choquante avec laquel-
^ . le
fie M.DefcaneslAwXl. iiy
le celui-ci jugea à propos de liii rc- 1^41
pondre. • — "'
Ce lnnî;age affe<fté de M. GafTendi
n'éroit que pour M. Defcartes. Il en
avoit un autre pour ceux avec lefquels il
trdicoic fans difïîmulation , tels qu'c-
toient les Minières Daillé en France d€
Rivet en Hollande. Une fut pas hon-
te'jx d'avouer à ce dernier , ^hH n'avoJt
examiné de (ï près la Afet/tphyJîijHe de
rJM . Defcnrtes , cjue parce if fi' il ria^
voit pas recii de IhI toute l'hotinefleti
€juil en attendait en une certaine oc^
cajlon,
Mais quoique fa vengeance fût fans
fondement &: rres-injullc en elle -mê-
me, elle fut néanmoins utile à M. De(^
cartes,qui reçût Ton écrit p.ir la voie du
P. Merienne fous le titre de DifjHifirio
^JMstaphyfica , feu Dhbitationes , Sec.
Il y repondit d'une manière moins affe-
ctée fans doute que n'avoit été celle de
M. GalFendi , dont le ftile lui parut
très- beau Se tres-agréable , quoi qu'il
voulue fe perfuader qu'il avoit moins
emploie les raifons d'un Philofophe
pour réfuter, fes opinions que les artifi-
ces d'un Orateur pour les éluder. Mais
L iij le
fiS Ahiegé de la Vk
!ï<^4.i ^^ tiefirde ménager davantage fon Ad-
f. verfaire Tempécha de foûtenir le cara-
ctère de fa fimplicité ordinaire. Car s'é-
tantmis en léte de faire répondre /'£/!
frit à la Chair, comme fi c'étoient deux
perfonnages qu'il eût voulu introduire
fur le théâtre , il donna lieu à M. GaC
fendi de fe reconnoître fous celui de la
Chair. Ce fut en vain qu'après avoir
levé le mafque il fit les éloges de M.
Gaflendi. Celui-ci s'imagina qu'il avoit
voulu payer fes complimens en efpeces
femblables.il lui en fit une queielle,que
quelques uns de fcs amis ,& quelques
cfprits brouillons eurent grand foin
d'entretenir par de faux rapports &c des
medifances^, qui détruifirent une partie
de la charité que ces deux Philofophes
chrétiens fe dévoient l'un à l'autre. L'E-
crit de M.Gadendi avecla réponfe de
M. Defcartes eft ce qui compofe les
tincjmémes obje[lioiis dans le livre des
Méditations.
Sixièmes Cependant le P. Merfenne ramafToic
tout ce qu il pouvoit tirer d objections
dans Paris & les Provinces, & les en-
voioit à M. Defcartes à mefure qu'il
les recevoir , outre celles qu'il tâchoit
de
de M, Defcart es. Liv.Vl. 219
de former lui même par une étude réi- 1(^41
terce de Tes Médications. M . Defcartes
les voiant de diverfes pièces 6c de corn-
pofnions différentes tacha de leuu don-
ner quelque ordre. Il les renvoia enfuite
avec la réponfe qu'il y fie au P. Merfen-
ne , qui les nomma fixiémes objeBions \
après quoi il fit achever l'impreflion du
livre des Méditations.
Pendant que M. Defcarcesétoit
occupé de fes réponfes aux objcdions
que l'on faifoic à les Méditations Mera-
phyfîques , le Miniftie Voetius procura
un grand renfort à fa fidion par le Rec-
torat de rUniverfité d lltrecht , où il
s'étoit fait élever le 16 de Mus en i 64^ i.
Re2;ius le voiant ainfi revcty de prcù
que toute l'autorité qui écoit necellàirc
pour l'exécution des dedeins quM avoic
uir M. Defcartes & (ur lui , chercha
tous les moiens de le gagner , ou de
prévenir au moins les eF^ts defamau-
vaife volonté. Le Reéleur fut charmé
d'abord de fes foûmirhons, & voiant
qu'il lui offloit de fi bonne grâce fes
thefes a corri .;er , il fe content.i d'y fai-
re quelques nores pour fuiver l'honneur
de la Philofophie ancienne , 6^: il lui
L iv laifla
230 hhregè de la Vie
1^41 îailFa Ces paradoxes ou nouvelles opi-
' '" nions par manière de corollaires, avec
la permiffion de mettre même le nom de
M. Defcartesàlatêtedefesthefes.
Thefesde La première difpute de ces thefes fc
Reclus, g^ j^ j^ d'Avril. Regius y préfidoir , Se
celui qui la foûtenoit étoitle Sieur J^^;i
Je Raey qui vit encore , & qui s'eft
rendu depuis fort célèbre par Tes écrits
& fon fçavoir. L'habileté du Prefidenc
& du Répondant à faire triompher les
opinions nouvelles fit bientôt repentir
Voetius de routes Tes condefcendances»
Il prit occafion d'un tumulte & de quel-
ques fifïlemens que les Profefleurs Peri-
pateticiens firent faire à leurs Ecoliers
contre Regius,pour rentrer dans le def-
fein qu'il avoir eu de lui faire perdre (à
chaire , 6c de le chaflèr de PUniver-
fîté.
Regius pour fe défendre fit imprimer
une expofition fimple de cette première
difpute. Il demanda en même temps da
fecours à M. Defcartes , U lui envoia la
fuite des théfes qu'il devoit encore faire
foûtenir le f.de Mayjavec les remarques
que le Reéleur y avoir faites avant que
4e les lui palPer. M^. Defcartes ne trou-
va
2-5^
JeM.DeJcartes, Liv.VI,
va rien de trop déraifonnable dans les ^
remarques du Recfleur. Mais s'étant len-
dii à la pri:re que Regius lui faifoic d'e-
xaminer Tes thefes à toute rigueur , il y
corrigea divetfcs cbofes qu'il auioit été
fâché qu'on pût lui attribuer. Car on
croioit déjà tout communément dans le
pays que Regius n'avoit point d'autres
opinions que celles de M. Defcartes. De
forte que le monde n'étant plus en état
de fe défaire de cette perfée , il étoit im-
portant que M.Dcfcartes ne palTaft rien
à Regius qu'il ne voulût bien adopter,
& dont il ne [ ut avantageufement en-
treprendre la dcfenfe.
Il commençoit dcflors à remarquer
des femences d'erreur dans ce que Re-
gius imaginoit de fa tcre , & fur tout en
ce qui concerne l'Ame raifonnable ^
mais il étoit encore le maître de foi>
efprit , & il n'avoit aucun fujet de fe
plaindre de fa docilité,-
Les fécondes thefes foûtenues le 5. de
May ne firent pas moins d'éclat que les
premières. Elles furent fuivies pendant
tout l'Efté de diverfes autres difputes,.
qui ne fervirent qu'à angmentcr-la ja-
lokifie ^u'on avoii de fa réputation , & oi-
13 1 Àhregt de la V^ie
i(tA.i aigrir les efpritsdes antres Profelfenrs
— — ^ déjà mal difpofez pour lui. De forte
qu'on prit une refolution ferieufe de-
s'oppofer aux progrès de Tes nouveau-
tez , ^ d'en faire la caufe commune de
rUniverfité contre lui 6^ M, Defcartes...
Voetius qui avoir été jufques là retenu
extérieurement par les foûmiŒons de
Regius , leva enfin le mafque , & fe dé-
clara le chef de fes adverfaires , fous
prétexte que dans quelques endroits d&
les dernières thefes il s'éioit glilFé quel-
ques exprefïions différentes du lan-
gage ordinaire de l'Ecole , qu'il ne lui
avoir pas montrée?..
Ce Miniftre n'aiant plus rien à efpe-
rer du P. Merfenne, qui , pour toute la
réfutation qu'il en attendoit, ne lui
avoir envoie qu'une fage reprimende
iur l'injufticc de îa conduite , prit le
parti d'attaquer M, .Defcartes par deux
endroits -, preniieremcnt par la difruie.
en oppofint fes thefes à celles de Re-
gius, & enfuite par la plume en refutcinc
fes écrits. En q.Talitéde Redeur il or-
donna àStratenus Profeifeuren Méde-
cine & à Ravenfperpcr ProFelTeur en-
Mathématiques de réfuter toutes ki
nouvelles
imS'
de M.DeJcartesXxwVl. 135
nouvelles opinions dans leurs théfes de ^""^^
Novembre S>: de Décembre. Pour lui il ^
fe referva le foin d'attaquer dans Tes
tliéfes de Tiieologie ce qu'il jugeoic être
préjudiciable à la Religion.
Comme les dernières théfes de Re- ^''/"^-' ^^.
pus ttoient remplies de d.veifes que- contre
ftionsqui n'avoient point de rapport ni ^^-S*
de liai/bn entre elles, & comme elles
étoicnt pliKÔt félon la fcUiraifie de ceux
quiles foûtenoitnt que de celui qui y
préfidoit : quelqu'un des Soûcenans
avoit mis inconfideréaient dans une de
leurs aHTe irions ,Q^'^ de l'union de l'A-
me & du Corps il ne fc faifoit pas un être
de foy , m aU feulement par accident:
appellantétre par accident tout ce qui
étoit compofé de deux furftances tont-
à-faic dit^èrenres -, fans nier pour cela
Tunion fubftantielle par laquelle l'Ame
efl: jointe avec le Corps, ni cette aptitu-
de ou inclination naturelle que l'une Se
l'autre de ces parties ont peur cette
union, Regius voiant que ces expref-
ûons déplailoicnt à M. Dcfcarccs qui
lestrouvoit trop dures , tacha de s*ex-
cufer auprès de Voetius, Mais ce Ru en
7aiii, CeMiiiiflreen prit occaGon pour
L vj Î0'
13 4 khregede la Vie
164A '^ ^"^^^^ déclarer hérétique <!§c procéder
à fa dépoficion. An nom de la Faculté
Theologique ,c'eft-à-dire , de lui-mêi
me , de fes deux collègues Charles De^
matins Se Mainard Schotanus & des-
Pafteurs de la ville, il ordonna que les
étudians en Théologie s'abftiendroient
des leçons de Rcgius comme de dogmes
pernicieux à la Religion. Il fit enfuite
imprimer des théfes qu'on devoir foute,
nir au mois de Décembre contre les pa-
radoxes de Vèire par accident dans
l'homme \ dn mouvement delà Terrei
Se de l'opinion qui rejette \çs formes
fubliantiellea. Son defTein étoit de les
frire (igner auparavant par les deux au-
tres Prof<:ileurs en Théologie , & pac
toutce qu'il y avoir de Théologiens qui
étoient M'nillres ca Prédicateurs dans
la vilic ; de députer enfuite vers le Ma-
giftrat, rour lui donner avis que Regius
auroit été condamné d'héréiie par un
coniîftoire ou aifemblée Ecclefiaftique ,
afin que par ce moienle Magiflrat ne
pût fe difoenfer honnêtement de i'ôter
de la chaire.
Regiusaia;it eu vent de ce qui fe tra-
Ejoit contre lui , alla promtemcnt aver-
tir
de M.DeJcartes, Lîv.VI. 135
tic M.Vander-HoolctC l'un desconfuls 16*41*
qui le proregeoic , & qui étoic ami inci- ^
me de M. Defcarces. Le conful manda
le Redeur Voecius , lui or-donna de cor-
riger Tes théfes , d'en ôter le titre , &
tout ce qui pourroit interelfer la réputa-
tion de Regius. LeRedeur qui dévoie
lui-même préfider à ces théfes fore
étourdi de l'ordre du Conful ne parla
plusdeconfiftoire ni de fignature. Mais
comme les endroits des théfes qui re-
gardoient Regius & M. Defcartes
étoienc déjà imprimer , & qu'on étoie
à la veille de les foûtenir , il fe fervit de- '
ce prétexte pour couvrir fa defobeiiran"
ce & fa mauvaife volonté.
Ces théfes furent foûcenucs les 18^,
23 & 14 de Décembre. Le répondant
qui s'appelloit Lambert Vauden W^r^r-
Uet s'y (ignala autant que fon Prési-
dent contre les opinions nouvelles , dé-
fendues avec une ardeur égale par leS'
oppofinSjqui croient prefque tous éco--
liers de Regius. Le Preiîdentfe voianc
Cùr la fin un peu trop prelTé par l'un des
Oppofans qui ne vouloit pas fe paier de
(es réponfes , ne put fe tirer d'embarras
qu'en diCant par dépit ^ Que ceux qui
714
i
t5^ -^iS-rfge de la ^ie
^ ne s accùmmodoient pas de la manière
ordinaire de phllofopher , pouvaient en
attendre une autre de M , Defcartea,
comme les Juifs attendent leur Elie ^ui
doit leur apprendre tomeveritè,
^^^ VoETins parut triompher de la
yjj Philofophie nouvelle pendant les trois
Tempé'te jouts dc Tadtion publique félon la me-
txcitée thode des collèges concernant 1 iffué
Xf^«f. ^^s théfes. Mais Regius prévoiant que
s'il ne difoit mot, plufieurs le croi-
roient ferieufemenc vaincu : Se d'uiv
autre coré , que s'il eiurcprenoit de fe
défendre par des thefes publiques, on
ne manqueroit pas de lui étouffer la
voix par des huées , des fifflemens , àc
des battemens de mains, comme on
avoir fait à fes dernières thefes du %■
de Décembre , prit le parti de répon-
dre par écrit aux thefes de Voetius. Il
envoia fa réponfe à M.Defcartes pour
l'examiner , en lui marquant néanmoins
que les efprics s'aiguilfoient de plus en
plus contre lui, & que le Condil
Yander-Hoolck étoit d'avis qu'il gar--
Avisde ^ât le (î^eiice,.
M. Def ^yf ^ Defcartes itiformé par le Colo--
Reiiy.s. nel Alfonfe^de tout ce qui s'étoit pa(fé ■
carrés
de M. De/cartes. Liv.VI, 2.37
à Utrecht , ne fçavoir à Regius qu'il i6^t,
écoic de même avis que le Conful.
Qi^e (a penlee avoit toujours été qu'il
ne falloic point propofer d opinions
nouvelles comme nouvelles ; mais
qu'en retenant le nom & Tapparence
des anciennes , on devoit fe contenter
d'apporter des raifons nouvelles , &
emploier les moiens propres à les fai-
re goûter. "Qu'étoit-il necedaire , lui «
dit-il , que vous aîlalTiez rejetter fi pu. c«
bliquenKnt \qs formes fubfiantielles (jj* «
les cjitnlitez. réelles} '^e vous /ouvenez cr
Vous pas qne j'avois déclaré en ternies «
exprès dans mon traité des Météores, «
que je ne les rejettois pas , & que je <î
• ne pretendois pas les nier : mais feu- »
lement qu'elles ne m'étoient pas ne- «
ceflàires pour expliquer ma penrée,& «
que je pouvois fans elles faire compren- «
dre mes raifons. Si vous en aviez ufé c?
de même , aucun de vos auditeurs ne «
fe feroit révolté, i5e vous ne vous fe- a
riez point fait d'adverfaires. »
Mais fans s'amufer à condamner «
inutilement le palTé , il faut fonger à «
faiie un bon ufagc de l'avenir. Il ne «
s'agit plus que de défendre avec la <s
plus
^ 138 JhregédetaVie
-^,5 plus grande modeftie qu'il vous (èr^
pofîîble , ce qu'il y a de vrai dans
ce que vous avez propofé ; Ôc de cor-
riger fans entêtement ce qui ne paroît
pas tel , ou qui eft mal exprimé : étant
perfuadè qu'il n'eft: rien de plus
louable, ni de plus digne d'un philo-
fophe que l'aveu (incere de Tes fautes,-
Ces remontrances non plus que les
avis du Conful Vander- Hoolck , du
Gonfeiller Van Leevv , du Colonel Al.-
phonfe, ôc du Profefleur Emilius ne
purent changer la refolution de Regiusj.
qui jugea que (î fa réponfe n'étoit bon-
ne pour le Public, elle feroit au moins
de quelque utilité pont Tes écoliers. M,.
Defcartes touché de fon entêtement
crut devoir ufer de quelque condefcen-
dance pour ne le pas rebuter : & après
avoir corrigé fon écrit fur Tes inftan-
ces réitérées , il lui drelTa un nouveaii'
projet de réponfe rempli de termes
obligeans Se de loiianges pour Voetius...
Il lui fournit des formules d'eftime pour.
les autres, & de modeftie pour lui mê-
me. Ce modèle de réponfe avec les-
matières, lesraifons, ôc lesmoiens de;
la remplir nou5 eft refté parmi fes let-
tres^
de M. V> e fcar te s, 'Liv Ml, 155)
très, comme l'un des plus beaux mo- 1(^42
numens de fa douceur (^ de fa pruden- '
ce. Mais quoiqu'il lui eût marqué de
nouveau que fou filence vaudroic en-
core mieux que la aieilleure icponfe
du monde , il ne lailfa point de publier
Ton écrit , dont le fuccés repondit aux
apprehenfions qu'on en avoit er.cs.
En efîct on le fit pader pour un 11- voetkV
belle imprime fans ordre du M:^s;in:rat/";'^'^j/«»'
par un Imprimeur catholique, débité i^^j/o^.
par un Libraire remontrant contre [^'* ^«'*'
l'honneur du RecVenr , de toute l'Uni- "
verfné, 6c même de la Reli^^ion Pro-
teftante. Voetius obtint que le Juge de
Police en faifiroit les exemplaires. Ce
qui aiant rendu le livre plus rare , &:
l'aiant fait rechercher avec plus d'em-
prelTement , irrita le Reéteur de telle
forte , qu'aiant gagne par Tes intrigues
la plufpart des Profefleurs de l'Univer-
fité & des Sénateurs du confeil de ville,
il obtint un décret des Magiftrats , puis
un jugement de l'Univerfité contre la
Philofophie nouvelle , pour défendre à
Regius d'enfeigner autre chofe que la
Médecine, & de tenir des conféren-
ces particulières.
Regius
140 Ahregé de la Vie
^y^^ RegiusQ^anda toutes ces procedureé'
à VI. Deicartesle 51 cieMars 1641*5 Sc
lui envoia le décret des Magiftrats du
15 du mois , avec le ju'2^ea"jent de l'Uni-
verficé , Se les théfes du jeune Voetius
fils du Redeur. M.DercartesUu récrivit
qu'on pouvoir négliger ces théfes , ôc
mênfie le j'.i_;ement de l'Univerfité, qui
étoit un a(fte illecritime & irregulier :
mais qu'il n'en écoit pas de même du
décret des Magiftrats ,c]ue le Sénat n*a-
Voit donné que pour fe délivrer des
importunitez de Voetius & de fes col-
lègues. Il lai confeilla de fuivte le dé-
cret à la lettre, 6c de n'enfeigner autre
chofe que k Médecine félon Hippo-
crate ôc Galien, ajoutant que la véri-
té ne tarderoit pas à fe faire rechercher
quelque part qu'elle fe trouvât.
Cependant Voetius non content de
ces procédures écrivoit & fc^ifoit écri-
re par fon fils & fes difciples contre la
réponfe de Reç^ius. Son fils publia fes
théfes en faveur des Formes fubi^antieL
hf ; & Waterlaet fon écolier imprima
un libelle fous le titre de Troirçme^
comme fi c'eut été Tavancoureur de
celui qu il préparoit lui-raênae , mais
dont
de M. Defcarte^Liv.Vl. 241
donc la foraine ne fiu pas fi heiireu- ^^
Ce, Car voianc que les gens de bien
n'écoient pas foie contens de fes ma-
nières à Ucrecht, tx' l'aiant envoie à
Leyde pour l'y faire imprimer fous la
direction d'un Moine lenegat : Le
Redcur de cette Uiiiverfîté qui étoit
Golius le fuprima avant qu'il fût entiè-
rement imprimé , de le Moine prit la
fuite.
Les bonnes nouvelles que M. — —
Defcarces receut en ce temps- là tou. ^^ .^^
chant le fuccés de fa Philofophie en fj-t^o'ra^
France , Se fur tout de la paît des Pères ^^^-f ^es
de l'Oratoire dont il avoit alors l'ap- i'ol\m.
probation univerfelle ferviient un peu '"^^ ^"
a didîper la mortification qu il rece- ^our^\»
voit à Utrecht. p/jj/o/è-
Les Je'uites paroifloient un peu m. txç.
plus partagez. Les uns fe contentoient ^'''"^-
de goûter fes principes & fes raifon-
nemens, ou de loiier fes bonnes inten-
tions & fes efforts , fans aller au delà :
les autres ne fîifoienc point difficulté
d'embralfer fa Philofophie & de s'en
déclarer les Sectateurs. Perfonne n'alla
plus loin que le P» Faticr qui lui man-
da
I
±41 j4lre^é de la t^ie
t'^42 da nettement qu'il avoit fort approuvé
""* tout ce qu'il avoit écrit , fans en é^x-
cepter Ion explication de lEucharidie ,
& le P. Aiejlmd ^ qui pour faire hon-
neur à (a Philofophie, compofa un
abrégé de Tes Méditations Metaphyfi-
fiques , 6c les mit en llile fcholaftique ^
& intelligible aux efprits les plus mé-
diocres.
Le Cartéfianifme faifoit de grands
progrés dans la compagnie desjefuites,
non feulement en Flandre, mais même en
France fous la proreâiion des deux prin-
cipaux de cet ordre, je veux dire du
Père CharletAiïiftant François du Ge-
neral à Rome , & du Père Dinec Pro-
vincial à Paris , puis ConfeiTeur du Roy
Louis Xin. qui honoroient M. Defcar-
tes de leureftime &de leur amitié, ^
qui Tencourageoient à continuer.
le Tere Mais entre tant d'amis Se de feda^i
écTitcm- tc^^s qu'il pouvoit conter parmi lesje-
tre les fuites , il nc devoir pas- douter qu'il
tions. n ^lïc quelques envieux qui parloient
mal de fes écrits , t^ qui le décrioicnt
fourdement. Le P. Bourdin en ufoic
avec lui de meilleure foi , dépuis que fa
difpute fur la Dioptrique l'eût rendu
fon
de M,Dej2art€S.Liv.Vl. 143
fon Adverfaiie. Il voulut Tattaquer ou- 164.1
vertement par des objedions qu'il fie '
contre Tes Méditations , en protcftant
néanmoins qu'il ne blefferoit point Us
loix de l'amitié ijul étoit entre eux ^ ni
Us règles de l'homiètetè qui [e pratique
entre-les Ccavan^,
»,
M. Defcartes prétendant qu'il avoic
fort mal obfervé fes conditions , outre
la Réponfe qu'il fit à Tes objeâ:ions,
écrivit pour s'en plaindre au P. Dinet ,
qui étoit encore Provincial, une longue
lettre en forme de dilFertation , où il fit
aufîî unedefcription des troublts d'U-
•trecht , & déceignit le Miniftie Voe-
tius dans toutes fes intrigues. Les cou-
leurs qu'il y emploia fuient des fcmen-
-ces pour de nouveaux chagrins qu'il eue
à recueillir dans la fuite des temps de
la part de Voetius 5c de (a cabale. Kiais
le mécontentement qu'il avoit reçu du
P. Bourdin aboutit à une bonne récon-
ciliation , qui fut accompagnée d'une
amitié folide qu'ils fe jurèrent depuis
par l'entremife du P. Dinet & de quel-
ques autres Jefuices des plus confiderez
de la compagnie.
L'écrit du P. Bourdin contre les Mé-
ditations
1
i 4 4 ^hrege de la Vie
^^^ ditacions avec la Rcponfe de M, Dell
cartes & la lettre au l\ Dinet fut impri-
mé fous le titre de Septièmes objeEliom
à la fin de la féconde édition latine des
Méditations , qui Ç\: iit .à Amfterdam
eni6'4i.
Depuis Pafques de l'année prece-
car.es de- dcntc M. Defcaites s ccoic logé dans le
ï.y'»de^ château d'un village nommé Einde-
ge4 où geeft ou Endegeft à une demi lieue de
U^onZît Leyde ducôté de la mer dans une des
plus belles fituations de la Hollande,
Là il recevoit des vifîtes plus volontiers
qu'il n'avoit fait ailleurs , foit que l'âge
& les difputcs l'eiilTent humanifc plus
qu'auparavant , foit qu'il fallût accor-
der quelque chofe au bruit de (à répu-
tation ou aux agrémens de fa demeure.
Il y fut vifité au commencement de
l'année 1^42. par Samuel Sorbiere Pro-
vençal homme d'efprit , & curieux de
connoîtie les vertus & les vices des fça-
vans de fon temps. Il crnd devoir étu-
dier M. Defcartes plus dans fes conver-
fations que dans les livres. Mais lata*-
cituinité de nôtre PLilofophe fut iMi
grand obftacle à fes delTeins. Et quoi-
qu'il en ait dit beaucoup de bien , il faut
avcucr
deM Defcartes.LWyi. 1^^
avouer que le defir de fervir M. Gaf- .
fendi ôc de les biouiller enfeaibie lui a
faic commettre bien desinjullices à l'é-
gard de M. Deicarces.
Cécoic par un autre efprit , de par pf'^^f^
d'autres inteiefls que Reg,ius renJoit à -t^oienfa,
M.Uefcartes de fréquentes viluesdans ^^éfi!'
Eyndegeert qu'il regardoitcoQ^me fon
école. Ce fut là qu'il connut l'Abbé
Picot , Cjui depuis la fin de Tannée pré-
cédente étoit venu voir ne ire Philofo-
phe avec l'Abbé de Touchelaye le puiC
né , & qui lui fervoit prefque de fecré-
taire pour répondre au place aux que-
ftions de Phyfiquc &: de Mathémati-
ques qu'on lui fiifoir.
Cependant Moniieur le Duc ^e Lni- , "^onht^n.
nés fit pour Tuiilité de tous les François ç-ifi^des
une traduc1:ion des Méditations de M. fiçj^"
Defcartes en langue vulç^aire. M. Cler~
Jeliet l'un des plus zelez ôc des plus
vertueux amis de M. Defcartes exdté
par cet exem.ple en fit une des Objec-
tions (is: desRéponfes jointes à cet ou-
vrage. Ces deux tradudlions furent
données à M.. Defcartes lon^ - temps
après pour les revoir ; ce qu'il fit avec
lam- d'exadicude qu'il leur communia .
qua
2^6 Ahregé de la Vie
lè^i qua un caradére d'original , de les ren-
' die même meilleui-es que fon latin.
X. Tandis que les amis que M. Def-
Livres de catces avoïc en France venoient en fou-
cvntreM^ le à Eyndcgeeft, où ils fcavoient qu'il
Défîmes s*écoit rendu plus vifibie qu'ailleurs i les
ennemis de fa Philofophie avançoienc
leurs dellèins à Utrecht. Voetius las
d'écrire d.s libelles fous fon nom contre
elle , & contre la perfonne de M. Def-
cartes 6c de Regius , avoit débauché un
jeune Profelfeur de Groningue nommé
Schoockjui qui avoit été de fes Ecoliers,
pour prendre la plume, ou lui prêter au
moins fon nom , dans le délié in de faire
croire au Public que M. Defcaites avoit
encore d'autres ennemis que lui.
Il avoit fous la prelfe un nouveau \i-.
belle contre lui à Utrecht :& fçachanc
que M. Defcartes à qui l'on en envoioic
les feuilles le réfutoit a mefure qu'on
l'imprimoit, il en mit la copie entre les
mains de Schoockius pour en prendre le
foin j & lui fît mettre Çon nom a la tête ,
afin de faire condamner M. Defcartes
de précipitation, & de pouvoir le traitée
comme un calomniateur 6c un impofteur
qui lui attribuoit les livres d'autrui.
Il
deM^DeJcartes.Liv.Vl. 147
Il arriva cependant un incident qui ^^
fit diverfion à ce libelle & à fa réfuta- contre u
tion , par un autre libelle que Voetius "/{j^ ^^
fie dans l'intervalle de l'impie (Tion con^ cUBo^i.
tre les Magiftrats & la Bourgeoifie de ^**'*
Bofleduc , c'eft-à-dire contre la confré-
rie de N.D. du RofairCjqui depuis la ré-
dudion de cette ville écoic devenue
commune aux Proteflans & aux Catho-
liques par une convention de Police.
Le Miniftre Defmareti le refiita par
ordre de Mefîîeurs de Bofleduc. Mais
comme il avoir écrit plutôt pour ces
Meflleurs que contre Voetius, M. Def-
cartes fe chargea de fuppléer à céder»
nier point > ôc s'attira ainfi Teftime
des principaux de Bofleduc , & l'amitic
particulière de Defmarets ,cuoiquefoii
intention eût été non de faire la cour
aux Proteftans , mais de rendre fervice
à la Religion catholique. Il ne fe mie
pas en peine d'en faire un traité à part :
mais il joignit cet écrit de fuite à la ré-
futation qu'il avoit commencée de
l'autre libelle qui devoir porter le
nom de Schoockius ; 6c il continua
cette réfutation après l'écrit con-
cernant la confrérie , comme fi ce
M n'eue
t6S Ahregé de la Vie
1^45 n'eue été qu'un même ouvrage.'
1 Le Livre que SchoocKius fai-
XJ. foie imprimer fous les ordres Ôi la di-
Livre de redion de Voetius ne parut à Utrechc
é-^d^^ qu'au mois de Mars de l'an 1645. fous
SchûoKjus le titre double de Philofophia Car^
9efcanei' tejïana , fiv€ Admiranda methodus no^
VA Philofophi(t Renati Defcartes, L'au-
teur avoit affèdté l'équivoque dans
l'un & dans l'autre titre , afin de trom-
per plus feurement ceux dont il aprei-
hendoit d'eftre refuté. Le livre eftoic
muni d'une longue préface contre la
lettre de M. Defcartes au P. Dinet
que Voetius avoit fait condamnée dans
le Confiftoire comme injurieufe à la
Religion reformée & au principal Mi-
niftredela ville.
Kf on^t ^^^ "^^ i^"^^ après l'^on vid paroître
rJfi u/ à Amfterdam la réponfe de M.Defcar-
Defiuru, jçs ^ ^Q^s ig j-jj.g à'Epi/iola Ren. Def-
cartes ad celeberrirnum virum D, Gif-
kertum Voetium , in quà examinantur
duolibri nnperprof^oetio VltrajeBi/i"
rnul editl^ unus de conf rat émit ate M A"
rianâ , aiter de Philofophia cartefianâ.
L'ouvrage quoique alTez court fe trou-
ve diviféen neuf parties que l'auteur
n'a
de Ad.Defcartes. Liw.Vl. 169
n*a point jugé necclTaire delierenfem- i^^^j
i>le par une fuite trop raifonnée. La i, -—»
la 3. la 5.1a 8. & la p. contiennent la ré-
ponfe au livre de la Philofophie carte^
fienne , ou de la tJMethode admirable^
La ^. eft un examen du livre contre la
Confrérie de N.D.de Bofleduc. La 2, &:
la 7. font une efpéce d'information par-
ticulière que Ton fait de la conduite
de Voetius. La 4. eft un jugement de
fes livres & de fa Dodrine.
Cet ouvrage dit déféré par Voetius i.us
aux Magiftrats avec la lettre au P. ^^^'"^
Dinet, comme deux libelles injurieux i>t/,^r.'
au Miniftere Evangelique. Il en obtint ''■*'
un A 6te le 23. de Juin qu'il fit publier au
fon de la cloche. M. Defcartes aprenanc
par cet ade que non ieulement fes
deux écrits avoient été condamnez ,
mais que lui-mcme étoit cité publi-
quement pour les vérifier devant des
Juges incompetens , répondit à cetrc
publication par un écrit Flamand datte
du6. deJuilletàEgmont de Hocf, oiV
il étoit allé demeurer dés le i. de May
après avoir quitté le voifinagcde Ley-
de. Il s'offiit en même temps à véri-
fier tout ce qu'il avoit avance dans (t%
M ij deux
X50 jihregé de U Vie
1^45 deux écuics, quoi qu'il ne fe reconnût
• point jufticiable de leur tribunal. Voe-
tius qui ne pouvoit prouver autre cho-
fe contre lui, finon qu'il lui avoit at-
tribué le liyre qui porioit le nom de
$chpockius, ^iant fuborné cinq témoins
tres-récufables à M. Defcartes, pour
dépofer fur le fait de calomnie Se de
diffamation , obtint une fentence con-
tre M. Defcartes le 2,3 de Septembre.
Dix jours après il le fit citer par l'Offi-
cier dejuftice pour comparoître devant
le Magiftrat comme criminel.
SchoGC' M. Defcartes ne fut averti déroutes
^f^ ,v ces procédures que vers le milieu
tjt Cite a, r , ^* r • > 11
Gronm- d'Odobre .: ôc fans fçavoir quelles
^"^' fuirent encore fi avancées. , ni même
qu'on y eût violé toutes les formes
de juftice comme il l'aprit depuis , il
cmploia l'autorité du Prince d'Orange
par le moyen de M. de la Thuillerie
AmbalFadeur de France pour remédier
à ce defoidre. Le Prince d'Orange fît
arrefter les procédures des Magifxrats
de la ville par les Eftats de la Province
particulière d'Utrechr. Mais M. Def-
jcarces ayant fceu que Schoockius pour
iavofifer Voetius s'étoit déclaré fcul
Auteur
de M.Defcartes, Li^.Yl. 151
Auteur du livre qui portoic Ton nom , j^ij^
il prie le parti de le citer perfonnclle- — ^
ment à Groningue devant fes Juges
naturels, afin d'y répondre en fon nom
des calomnies dont ce livre étoit rempli.
Le Chagrin qu'eut Voetius du
mauvais fuccés de fes intrigues, prod-n- XII. &
fit un nouveau libelle qu'il fit paroîcre XIII.
peu de temps après contre fes Medi- J-iheiicde
tations Metaphyfiques , fous le faux ^*''"*^*
nom de Théophile Cofinopolite. L'ou-
vrage tomba dés fa naiitance,parce que
le public eut horreur non feulement dç.
Textravagance du fiile & de la grof-
fiereté des injures, mais encore de l'im-
pofture qui y regnoit depuis le titre juf-
qu à la fin.
Il n'en fut pas de même à l'égard ivflancts
d'un nouvel écrit que M.Galfendi ve <" '"^J^-
noit decompofer fous le titre ^']n[tan- oltilndi
ces pour répliquer à la réponfe que M.
Defcartes avoir faite à fes Objedions
fur les Méditations. L'auteur avoir fait
courir cet écrit de main en main dans
Paris avant que de l'envoyer à M. Sor-
biére pour le faire imprimer à Amfter.
dam.
M. Defcartes en Rit averti : 'mais
M iij ii'aiânt
151 jihregé de la Vk
jiS'43 n*aiant pas le don de diflîmulation , il
?- — • alla innocemment découvrit à M.Sor-
biere ce qu'il penfoit d'une femblable
conduite. Ne fçachant pas qu il parloit
à refpion de M. Ga(ïèndi qu'il recevoit
chez lui comme un ami 5 il luy décla-
ra un peu trop franchement que c'étoit
M. GalTendi qu'il avoit dans la penfée,,
îorfqu'il s'étoit plaint de cettaines gens
aiui donnoient a lire fecretement a fei
ennemis ce cjuils écrîvoient contre htU
M. Sorbiére qui en avoit été le follici-
t eut 5, ne laifla point périr cette decla*
ration : & après l'avoir envenimée de-
là manière qu'il jugeoit la plus propre
pour ble(ïèr M. Gadendi , il la lui en-
voia en lui marquant que puifque M^
Defcartes trouvoit mauvais qu'il tinft
fès Inflances ou répliques cachées , it
devoit lui donner la fàtisfadion de les
Yoir paroître en public.
M.GafTendi lui envoîa donc (a co-
pie dont il lui abandonna la difpofition,,
fans autre obligation que cellede fe fou*,
venir que ion écrit n avoit ete fait que-
pour ceux de leurs amis qui ne pou*
voient foufFrir que M.Defcartes/"^ van^
taft d'avoir en des jûdverfaires, M. Sor-
biére
fie M. Defcartes.LWyi. 253
bière fie imprimer l'ouvrage à Amfter- 1^4.4-,
dam avec la difquifition ouïes premiè-
res Objedions contre les Méditations
& la Réponfe de M.Dcfcartes. Il com-
pofa même fous le nom du Libraire
une préface 5 dans laquelle il maltraita
celui- ci autant qu'il lui plut fans s'cx.
pofer ouvertement à fon chagrin.
Regius indigné de la conduite de
Sorbiere tâcha d'animer M. Defcartes
contre les Ivft.^rjces de M. Gallendi, ÔC
de lui perfuader qu'elles croient rem-
plies d'aigreur &c d'infultes : reproches
alTèz contraires d'ailleurs au caraé^érc
de l'efpnt de cet auteur. M. Defcarres fit
ce qu'il put pour mepnfcr ct^JnjlanceSy.
& s'en interdire la ledure par la crainte
d'y trouver. matière de réponfe , & de
prolonger ainfi une querelle dont il
étoit las. Aiant appris de l'un de fes
amis que l'ouvrage meritoit quelque
lépohfe 5 il voulut bien en promettre
une : mais il en remit l'exécution après
l'édition de fes Principes qui ètoient
fous la prelle , fon voiage en France, sorhieré
& fon nouveau procez de Groningue irounu
qui devoit fe vuider à fon retour. ff^'a %^
Il efperoit voir la fin de l'impreflion ^' ^^f-
M iiij de
cartes.
1 5 4 Ahrege de la Vie
^^44 de Tes Principes avant fon voiage. Maiî
"- les longueurs de ceux qui tailloient les
figures l'obligèrent d*en laitier le foin à
M. Schooten, & de partir avec M. de
Ville-Breffieux dés le premier de May
après avoir mis fon procez de Gronin-
gue hors d'état de pouvoir lui caufer
aucune furprife. D'Egmond du Hoef il
vint à Lcyde , delà il Fut à Amfterdam^
& pafTa enfuite par la Haye pour y pren-
dre congé de fes amis. M. Sorbiérequi
feignoit d'en être , l'y attendoit avec
les armes qu'il avoit demandées à M.
GaTendi,pour l'attaquer fur ton opinion
du P^iridc, M, Defcartes eut la patience
de répondre à toutes fes difficutez,'
fans le plaindre du contre-temps. M.
Sorbiére aiant ufé toute fa poudre con-
tre lui, 6c ne pouvant demander de
nouveaux argumens fur le vuide à M.
GalTendi , chercha d'autres fujets pour
ne point fatiguer M. Defcartes à demi,
s'apliquant plutôt à trouver dequoi ob-
jeàer,qu'à comprendre ce qu'on lui ré-
pondoit. Dés le lendemain qui étoit le-
lo de Mai , il écrivit à M. Galïcndi^
pour lui rendre compte de tout ce qu'il
^voit fait contre M. Defcartes pour fon
fervice,
de K\.DeJcanes,Liv,Vl, 2/5
fervice , & il les brouilla C\ bien qu'ils fe 1(^4^
traitèrent avec affczd'indiffereriCe pen- "
dant quelque cemps/ans fe foucier de fe
voir lors qu'ils étoient Tun 6c Tautre à ■
Paris. XIV.
E L z E V I E R voiant avancer l'im- j^^j'^uti-
prellîon des Principes de M. Defcartes «* des
vers fa fin, fit folliciter l'Auteur de lui tj^^^j'f
permettre d'imprimer en même temps cound*
Ici tradudion latine de Tes Ellâis , après '"•
laquelle afpiroient les Etrangers qui
n'avoient point l'iifage de nôtre lan-
gue. Cette Tradudion avoit pour au-
teur M. de Courcelles l'ancien, Miniftre
& ProfcITeur Arminien , qui pria M.
Defcartes de la revoir avant que d'en
permettre la publication. Il le fit , & fe
lervit même de cette occafion pour re-
toucher quelques unes de fes penfèes ,
& faire quelques changemens a fon oii-
ginal. De force que cette traduction a
le même avantage que celle de fes Mé-
ditations & celle de fes Principes,
qui valent mieux que les originaux".
Mais M. de Courcelles n*avoit traduit
que le Difcours de la Metbcde, le traité
At la Dioptrique,&: celui des Météores.
U'îie toucha point à la Géométrie ^ lojt
M V qu'il
15^ Ahregé de la Pie
- ^^ qu'il la jugeât au defliis de fa portée/oicr
qu'il eût avis que M.. Schooteii s'étoic-
chargé de la traduire.
roUgeen y[^ Dcfcartcs s*embatqua pour la*'
France au grand regret de Tes amis de
Hollande,qui apprehendoient les obfta^
clés de Ton retour ,. & fur tout le relVen-
timent des indignitez comnciifes à fon-
égard par les Magiftrats & les Profef-
(èurs d'Utrecht. ïi arriva à Paris fur la-
fin de Juin , & alla loger chez TAbbé'
Picot dans la rue des Ecouffes. Il en
. partit le II dejuillet pour Gileans,d'oiV/
il defcendit à Blois chez M.de Beaune
confciller au Préfidial , de là à Tours>
chez l'Abbé de Touchelaye le jeune en.
Tabfence de Taifné,. Il y. vid un grand»
nombre de Çgs amis, & quelques uns de
fès parens,. Il palfaenfuite à Nantes puis
à Rennes.. D'où étant accompagne de-
fes deux frères confeillers au Parlement:
il alla au crévis dans le diocéfe de Sainte
Malo chez fon beau-frére M.. Rogiec
veuf de Jeanne Defcartes.Là ils tra-
vaillèrent conjointement à l'accommo.
dément de leurs affaires domeftiques..
Delà il fallut aller à Kerîeau prés de:
Vannes chez fon aifné, puis à Chava-
gne5o
de M.Defcartes.Liw.VU, 257
gnes au diocéfe de Nantes chez (on puiû 1^44
né. Il paira enfuite en Poitou pour y ?
faire comme en Bretagne la vifite de Ton
bien , de Tes parens 6c de Tes amis , & il
revint à Paris vers le milieu d'Odobre.
LIVRE SEPTIE^ME.
Depuis 1(^44. jufqucn 16^0.
A SON arrivée il trouva Pcdi-
tion de fçs Principes & de la Tra- i ^ jj^
dudlion btine de Tes Eflais,ôc les exem- tciuion
plaires venus de Hollande. Le Traité '^." ^','":
des Fnnctpes n etoit m 1 ouvrage qu il p/,i/ofo-
appelloit fon Monde , ni fon Cours de '■'"^'
Th'lofophie , qui font demeurez Tun &
l'autre fupprimez. Il voulut le divifec
en quatre parties, dont la première con-
tient les principes de la connoilîance'
humaine , qui eft ce qu'on peut appeU
1er la première Philofophie ou la Me-
îaphyfique : En quoi elle a beaucoup de '
rapport & de liaifon avec fes Medi--
^ations.-
La féconde contienrce qu il j--^-àh^
W' vi> pli*S5
zc^ Khrezè de la Vie
'Hf plus gênerai dans la Phyfîque, fc. l'ex-i
~ plication des premières loix de la Natu-
re & des principes des chofcs matériel-
les , les proprietcz du corps , de Tefpa-
ce , du mouvement , &:c.
La troifiéme contient Texplication
particulière du fyftème du Monde , &
principalement de tout ce que nous en-
tendons par les cieux & les corps ce-
Jeftes. -
La dernière consprend tour ce qui
concerne la Terre.
Ce qu'il y a de remarquable dans cet
ouvrage eft que l'Auteur après avoir
premièrement établi la diftindtion qu'il
met entre Tefprit & le corps, après avoir
pofé pour principes des chofes corpo-
relles la grandeur , la figure,& le mou-
vement local , qui font toutes chofes fi
claires & fi intelligibles qu*elles font
reçues de tout le monde, il a fçû expli-
quer prefque toute la Nature ;&: rendre
raifon de fes effets les plus étonnans
fans changer de principes , & fans fef
démentir en quoi que ce Ço\x.
Il n'avoir pourtant pas la prèfi^mption
«le aoire qu'il eût expliqué toutes les
f hofes naturelles , fur c©ut celles qui ne
tombent
de M.Defcartes.LW.Yll. 2^9
tambent pas fous nos fens,delamanié- 1^44.
re qu*ellej font vétitablemenc en elles " -^
mêmes. Il croioic faire beaucoup en ap-
prochant le plus prés de la vrai-fem-
blance à laquelle les autres avant lui
n'étoient point parvenus , & en faifanC
en forte que tout ce qu'il avoit écrit,rc-
pondîtexadement à tous les phénomé-'
nés de la Nature.C'eft ce qui lui paroiC
foit fuffifant pour l'ufage de la vie, donc
rutilité l'emble être l'unique fin que Ton
fe doit propofer dans la Méchanique,»îa
Médecine , & dans les Arts qui peuvent
fè perfedionner par les fecours de la
Phyfique.
Mais de toutes les chbfes qu'il" a ex-
pliquées , il n'y ^11 a point qui ne pâ-
roilfent au moins moralement certaines
par rapport à l'ufage de la vie , quoi-
qu'elles foient incertaines par rapport à" ■
lapuilTànce abfolue de Dieu. Il y en a
même plufieurs qui font abfolument ou
plus que moralement certaines , telles
que font les demonfrrations mathémati-
ques , Se les raifonnemens évidens qu'il
a faits- fur l'exiftence des chofes maté-
rielles. Il a néanmoins eu allez de mo-
deftie poui: ne fe donner nulle patt
l'autorité
id'o yilregê de U^Vie
^<^44 l'autorité de décider & pour ne jamais
"* rienalTurer.
Quoique ce qu'il avoit eu intention
de donner fous le titre de Principes de
Philofophie fût achevé de telle force,
qu'on ne fût point endroit de rien de-
mander de plus pour la perfedion de
fon defTein , il ne lailToii pas de faire ef-
perer à fes amis Texplication de tou-
tes les autres chofes qui faifbient dire
que faPhyfique n'étoit point complète.
11 fe promettoit d'explicper de la même
manière la nature des autres corps plus
particuliers qui appartiennent au globe
rerreftre, comme les minerauxjes plan-
tes , les animaux, 6c particulièrement
l'homme. Après quoi il fe propofoit fur
la mefure des jours qu'il plairoit à Dieu-
de lui donner , de traiter avec la même
exaditude de toute la Médecine , de
toute la Méchanique , & de toute la-
Morale, pour donner un corps entier de-
pHilofophie.
zii^heih II dédia fon livre des Principes à fon>
PaUrine ïHuftre difciple la Princ<.'{re' Palatine'
^^¥eàe Eliz,aùeth ^ Taince des filles de Tinfor-
^•^'' Tuné Frédéric Vo-Elecfteur Palatin élu
"Si-QÏ de Bohéiue. Cette Pritieelfe avoiï
M^ W cté^
de M.DeJcartes.Liv.VU. zci
été élevée dans la connoilTance d'un 1^44:.
grand nombre de langues , & de tout ce — — •
que Ion comprend fous le nom de
Belles lettres. Mais l'élévation & la
profondeur de Ion génie ne permit
point qu'elle s'arrêtât à ces connoiiran-
ces oii le bornent ordinairement les
plus beaux efprits de Ton fexe , qui fe
contentent de vouloir briller.Elle vou-
lut palTer à celles qui demandent la plus
forte application des hommes -, & elle
fe rendit habile dans ia Philofophie &
les Mathematiquesijufqu'àce qu'aiant-
vû lesElTais de la philofophie de M.Def-
cartcs , elle conçut une fi forte paflion
pour fa doélrine , qu'elle conta pour
rien tour ce qu'elle avoir appris jufques
là 5 & fe mit fous fa difcipline pour éle-
ver un nouvel édifice fur fes principes..
Elle le fit donc prier de la venir voir^.
afin qu'elle pût puifer la vraie Philofo-
phie dans fa fource : & le defir de la fer-
vir de plus prcs avoir été l'une des rai-
fons qui l'avoient attiré à Leyde & à
Eyndegeeft. Jamais maître ne profita:
mieux de la docilité ^ de la pénétration,,
& en même temps de la folidi*
lie refgtit d'un difciple, L'aiant ac-
coûtu^
1^1 Ahregé de la Vie
i£44 coûtumée infen(îblement à ^ la médu
tâtion profonde des plas grands myfté-
res de la Nature , & Taiant exercée fuf-
fi/amment dans les queftions les plus
abftraites de la Géométrie &c les plus
fublimes de la Metaphyfique , il n'eue
plus rien de caché pour elle: & il ne
fie point difficulté de reconnoître qu'il' '
n'avoir encore trouvé qu'elle (il en a
excepté Regius ailleurs ) qui fût par-
venue à une intelligence parfaite des
ouvrages qu'il avoit publiez jufqu'àlors.
Par ce témoignage qu'il rendoit à la
capacité extraordinaire de la Princefle ,
il le contentoit de la vouloir diftinguer
de ceux qui n'avoient pu comprendre
fa Metaphyfique quoiqu'ils eulTent l'in-
telligence de la Géométrie, & de ceux
qui n'avoient pu entendre fa Geomè-'^
trie quoiqu'ils fudent exercez dans les *
veritez Metaphyfiques.
Elle continua de philofopher de vive
voix avec lui jufqa'à ce qu'un accident
l'obligea de s'éloigner de lar préfence de*
la Reine de Bohême fa mère , & de quit-
ter le féjour de la Hollande pour l'Alle-
magne. Alors elle changea fes habitu-^
des en ua commerce de lettres qu'elle
€nw€-
de MXiefcartesXWMW. i<5'5
entretint avec lui par le miniftére des iCa.a
PrincelTes fes fœurs. .
Sur les mefures que M.Defcartes ■-*
avoir prifes à Ton retour du Poitou pour ^^^»
fe rendre en Hollande avant les glaces, -.o^y^â'
il s'étoit réduit à la neceffité de ne pou- p^"; ««
voir point palTer plus de dix ou douze 'j^j^.
jours à Paris. Il les emploia en des vifi-
tes continuelles qu'il rendit à fes an-
ciens amis qu'il n'avoir point vus de-
puis le fiége de la Rochelle , & à ceux
que fa réputation lui avoit faits pendant
ion abfence,
L*un de fes premiers foins fut de voir
les Jefuites du collège de Clermont 5OÙ
fè fcenr les uciifirrcs ccrrmonies de fa-
réconciliation av#c le P. Bourdin fon
ancien adverfaire, qui pour rendre fon
amitié agilTante & utile voulut être fon
correfpondant pour les lettres qu'il au-
roit à envoier aux Pères de la Com»
pagniedans les provinces du Roiaume ,
& en Italie , & pour celles qu'il auroit
à recevoir d'eux.
Il vid encore outre M. le Duc de
Luines & M. Clerfelier qui avoient
traduit fes Méditations ^M. Chanut dont
il connoilToit déjà le mérite par le moieiï
du
1^4 j4hregêàe la Vie
du P. Merfenne. Cet ami voulut le me-
ner chez M. le Chancellier, qui le reçut
avec tous les témoignages d'eftime
qu'on pouvoir attendre d'un Magiftrat
qui favorifoit les fçavans , qui aimoit les
fçiences, & qui écoit déjà tres-avanta^
geufement prévenu pour nôtre Philo,
fophepar laledluredesElîaisde fa Phi-
lofophie.
Il eut aufli de fréquentes conféren-
ces avec le Chevalier d'Içby fci^^neur
Anglois catholique qui étoit alors à Pa-
ris , & qui étoit du nombre de Tes prin-
cipaux amis depuis quelques années.
Mais quoiqu'il s'attachât piincipale-
ment à voir ceux de (es amis qu'il n'a-
voit jamais vus , le nombre en étoit trop
grand , ^ le terme qu'il avoir prefcrit à
fon féjour étoit trop court pour pou-
voir leur donner à tous la fatisfaàioii
qu'il auroit fouhaitée. Il fe crût néan-
moins obligé de ne point palTer M. de
RobervaL II voulut l'alTurer de Ton efti-
me, lui offrir de nouveau fonamitiéjôd
lui déclarer de vive voix que routes les
impreflîons de leurs petits démeflez
étoient parfaitement effacées de fon ef-
prit. M, de Roberval Bt ce qu'il put
pour
de M.DefcdrteslAv.Vll. 1^5
pour bien répondre à l'honneur que lui 1^44
faifoit M. Defcartes; & il protefta de ■
la difpofition où il etoit de lui rendre ce
^hil devait k fin mérite ^ a fa condi^
tion. Mais le peu de liaifon que M. Def-
cartcs remarqua dans fes entretiens lui
fit aifémenc reconnoitre la vérité de
ridée qu'il s'étoit formée de Ton efprit :
& il ne lui fiit pas difficile de juger que
Tamiiiédece grand Géomètre étoitun
bien tres-perifTable. Il lui fit pourtant
la juftice de croire qu'il y avoir moins
de malice ou d'afïedation que de natu*'
rel & de tempérament dans fes maniè-
res peu polies & defobligeantes -, 6c il
reçut Ton amitié relie qv/il !a pouvoir
donner,fans l'obliger à la garantir plus
folide & plus durable qu'elle n*étoit.
Aiant lailfé ce qui lui reftoit d'exem-
plaires de fes Principes fous la difpofî-
tion, de l'Abbé Picot fon hôte , qui
en avoit déjà traduit la moitié en nô-
tre langue , il partit pour la Hollan-
de fur la fin d'Octobre. Et le P. Mer-
fenne qui n'avoir plus rien à ce départ
qui put le retenir à Paris , fe mit en che-
min pour un voiage de huit ou neuf
mois qu'il avoit à faire en Italie,
Les
tire a
mend%
16 S AhrezêdeU Vie'
o
Les nouvelles du retour de M.DeC.
cartes diflîpérent le trouble & les in-
quiétudes où étoi^nt fes amis de Hol.
2ife r'c- lande fur quelques foupçons qu'ils
^^- avoient qu'on vouloit le retenir eh
France. A Ton arrivée qui fut le 15 de
Novembre, il alla d'Amfterdam droic
en Nord- Hollande fe retirer à Egmond
de Binnen avec la refolution de fe ren-
fermer plus profondement que jamais
dans fon ancienne folitude, Ôc des'a-
pliquer loin des importunitez de fes
voifms & des vifites de fes amis à la
cronnoiiîancedes animaux , des plantes,
de des minéraux.
Il fait Afin de fe procurer le repos necef-
foTprocr^ faire à fes études , il fongea d'abord à
de Gro. terminer le procez qu'il avoir à Gro-
nff^^ue» ,;jingiie contre SchoocKius ProfeiTeur Se
Reâeur de l'Univerfué, Se qui étoit un
démembrement de ce'ui que Voetius
lui avoit fufcité à Utrecht. La face de
celui-ci s'écoit enfin changée à fon
honneur , quoique par la mauvaife vo-
lonté des juges que Voetius avoit cor-
rompus , il en retiraft peu d'avantages :
mais il lui fuffifoit que l'irrégularité de
leurs procédures eût tourné loute à
leuc
I
de M.DeJcirtes.Liv.Vll. t^j
leur confafion. Uéclat que fit leur in- i^^j
juftice nefervit pas peu aux Juges de •
Groningue , pour régler leurs démar-
ches dans le jugement qu'ils avoientà
rendie entre leur ProfclTeur ôc M.
Defcartes.
L'affaire étoic pendante au Sénat
Académique ou Confeil de TUniver-
fité , qui écoit le tribunal légitime où
dévoient naturellement rellortir les cau-
fes de Schoocriius ; & il s'agiiToit de ré-
paration publique des calomnies dont
étoit coinpofé le livre latin intitulé
^hilofopht.^ Carte fiana ou Admi-ancU
^ty^ethodiis , Ôc publié par Voetius
fous le nom de Schoockius , qui s'en
déclaroit l'Auteur, ôc par confcquent
la caution. Sur la lettre que M. Defcar-
tes en écrivit le 7 de Février à Tobie
d'André l'un des ProfelTeurs de l'U-
mvevfiié Ôc des juges de cette afïàire,
Schoockius fut cité : ôc fur fon aveu,
fans qu'on crût nectCl^ire d'entendre
fa pavtie , on rendit une Sentence en
faveur de M. Defcartes le lO d'Avril
164). M.îis l'or- y traita Schoockius
avec indulgence , parce qu'il étoit col-
lègue des juges , qu'il reconuoilîoir fes
erreurs?
î^4î
i6Z JhregêdelaVie
erreurs , & qu'il n'avoit été que le mî-
niftre des calomnies ôc des excez de
Voetius.
La furprife qu*eut M. Defcartes
de fe voir jugé en fon abfence,&: avant
même la produdion de Tes pièces , luy
fie prendre cette promte expédition
pour un efE;t de révidence de la bon-
té de fa caufe. Mefïieurs de Groningue
lui aiant feit tenir une copie de la
Sentence avec les adbes qui avoient
fervi au procez , il jugea à propos de les
envoier aux Magillratsd'Utrecht avec
cinq lettres de leur Miniftre Voetius
écrites au Père Merfenne , afin qu'ils
ouvrilTent enfin les yeux furies impof-
tures & la malignité de cet hypocrite.
Mais au lieu de fonger aux moiens de
réparer le pafTé , la eonfufion qu'ils en
eurent Te tourna en une mau vai(è honte,
qui ne produifit autre chofe qu un ade
fait le II de Juin , pour défendre Tim-
preflion & le débit de tout ce qui étoic
pour ou contre îvî. Defcartes.
Nonobftant cette ordonnance, Voe-
tius au defcfpoir de ce qui s'étoit pa(ïé
à Groningue, ne lailTa point d'impii-
n^r une lettre au nom de Schoockius
contre
Je Ad.Defcartes.Liv.Vll.i^p
contre le gré clc Tauteur qui la defa- ^
vouoic :ôc fon fils attaqua les juges de
Groningue par un libelle des plus info-
lens intitulé Tribunal iniejmm. Il fallut
que M. Defcartes prît la defenfe de ces
Medîeurs & de leur jugement.
Cependant Voetius le Père & Dé-
matius fon collègue notez dans la Sen-
tence comme faulfaires & calomnia-
teurs , concertèrent les moiens de pu-
nir l'ingratitude deSchoocKius,quiavoit
été l'écolier 6c le confident du premier.
Ils apelloicnt ingratitude l'ooligation
qu'avoit eue celui-ci de préfei er la vé-
rité aumenfonge devant le tribunal de
Tes juges. Mais parce qu'il n'étoit plus
fous la ferule , ils luy intentèrent un
procez d injures , comme s'il les avoit
calomniez. Toutefois les menaces que
SchoocKius fit à Voetius de découvrir
fes fecrets en juftice furent caufe dude-
fiftement de celui <:i,lorfque le procez
fut fur le point d'être jugé àUtrecht,
& ils ne fe pardonnèrent jamais ferieu-
femcint depuis.
Il n'en fut pas de même des difpofi-
tions de M.Defcartes à leur égard. La
tempae finie , il ne fit aucune difficulté
de
i 70 1 ^ ^ Ahregê de la Vie
^^ de découvrir fon cœar : & il fut aiïèî^
généreux pour leur faciliter la rccocilia-
cion,6c leur offrir fon amitié. Mais Voe-
tius parut infenfiblé à toutes ces boniez^
Il fe vanta de garder encore une ac-
tion contre lui, dont il pou rr oit fefeCt.
viren fon temps. C'eft c€ qui porta M.
Defcartes à dretTer un manifefte Apo-
logétique pour les Magiftrats d'U-
trecht, afin de pouvoir enfevelir une
bonne fois toute cette affaire. Il leur
fit un abrégé hiftorique $< raifonné de
ce qui s'étoit paiTé dans leur ville de-
puis l'an 1^39 touchant fa philofophie
& fa perfonne. Il leur expofa toute la
juftice de fa caufe & l'injudice de fes
ennemis , pour les porter à lui faire en-
fin raifon du tort qu'ils avoient fait à
fa réputation par la Eweur qu'ils a-
voient donnée à Voetius.
Cependant la ledure de fes Prin-
cipes pfoduifoit de bons ou de mauvais
effets dans les efprits , felcn qu'ils fe
trouvoient difpofez à l'égard de leur
auteur. Suivant cette penfée , M. Def-
carxes ne devoir rien efpercr nue de fa-
vorable de la part de Rivet qui fe difbit
fon anr^i , 6c qui fe ciéclaroit n ême
Seda*.
ri
11
de M.DeJcarte's.Liwyil. lyf
fedateiu de ù dodrine, pour imiter iï?45'
plufienrs Cattefiens avec lefqucls il "
avoic à vivre. N4ais comme il ne la com-
prenoit pas , il crut faire un compli-
ment agréable à M. Galfendi de lui
propofer de faire fur fes Piincipcs, ce
qu'il avoic fait fur fes Méditation?.
M. Galfendi s'en excufa première-
ment fous le prétexte de ne pas renou-
veller une plaie qu'il croioit fermée , &
enfuice fur le mépris qu'il faifoit de ces
Principes ; & il fe contenta de lui dire
quelques injures pour la décharae de
fon cœur. Les Jefuitcs n'en i^îoienc
pas de même dans le jugement qu'ils
portoient de fon dernier ouvrage. II
en receut des témoi ;nages tres-avanta-
geuxdela part des principaux de leur
corps , jufqu'à lui faire croire que/^ So.
cietè vovloit être t^e fon parti.
Les progtcs de fa Philofophie n'é- ^^"re-
coient pas moin 1res en H-llande qu'à ^-^«t /ï"
Paris, Dés le mois de Février M. de ^'rfcfiji.
Hoo<^heîand lui avoit envoie trois thé. uyl^
fès différentes foutenues depuis peu à
Leyde , & ne contena? t que fes opi-
nions. Elles s'inrtoduifoierc allez hea-
reufeaieiic d,»ns cette Univci (Ité par Tin-
N duftûs
iy ^ Ahregê de la Vie
J^^il duftrie èJ Adrien Hereboord Profe(΀UJl
^ en Philofophie Se fous - Principal du
collège Théologique , à la faveur de
Hcydanus Miniilre & Prédicateur cci
■Jébre,de Golius,de Schoocen,& de que.U
qyes autres Profedeurs qui s'étoienj
jrendus eux-mêmes fedtateurs de cette
.nouvelle Philofophie. Le zèle de Hee-
leboord dans fes premières leçons
n'étoit peut-être pas ardent au mê#.
me degré de chaleur que celui de Re-
gius à Utrecht , mais il fembloit être
plus circonfpedt & mieux réglé. Audi
fut-il de plus longue durée & d'un fuc-
cés plus fenfible.
ScUfme II auroit été à fouhaiter pour M,
ttuàfZ' ï^^^^^^f^s que Regius eût gardé la mç-,
iieiiuf. me conduite, ou qu'il eût perfeveré du
moins dans fa première docilité à l'é^
gard de fon Maître. Depuis qu'il s'é-
toit hazardé à dogmatifer de fon chef
fur Tunion de TAme humaine avec le
corps 5 & fur quelques autres points
délicats , il avoit donné beaucoup d'e-
xercice à M,Defcartes,qui par fes exhor-
tations particulières & par les correc-
lions qu'il av oit faites à fes autres écrits,
«ivoit tâché de retenir fon efpnc dans fes
bornes.
de Ad.DeJcartes.Liv.Vll. 175
bornes. Regius s'écoit infenfiblement i<5j.
écarté depuis ce temps :& foie qu'il fût •
enfin retourné à Ton premier génie, foit
qu'il cherchât quelque milieu pour le
raccommoder avec (es etmemis d'U-
trecht , & s'alTurer la paifiSle polTedîon
^e (à chaire , il avoir pendant le voiage
de M. Defcartes en France dreflc des
EfTais d'une Philofophie à fa mode ,
aufquels il prétendoit donner le ti'rc
de Fondemens d? T^hyftcjne,
L'expérience qu'il avoir des bontez
de M. Defcartes , lui fit croire qu'il lui
palTeroit cet ouvrage de la manière qu'il
î'avoit compofé. Il le lui envoia pour
l'examiner , plutôt afin de nepaslaillèt
périr fa coutume tout d'un coup , que
pour profiter véritablement des leçons
de Ton maître. M. Defcartes n'eut
point la complaifince dont il s'étoic
flaté. Il trouva dans ce dernier Ecrit
plus de licence qu'il n'en avoit remar-
qué dans tous les autres : & au lieu d'en-
voier à Regius les corredions des en-
droits qui en avoient befoin comme il
l'avoit pratique juf^ues-là, il lui man-
da nettement qu'il ne pouvoit donner
une approbation générale à cet ouvra-
N ij gc,
X74 ' Abrégé de la Vie >>. ^
x^45 ge. Il ajouta qae s'il écoit alfez amoi/iv
reux de fes fentimens particuliers potiTi
ne pas Cuivre l'avis qu'il lui donnoit de^
le fupprimer ou de le réformer , il feroit^
obligé de le defavouer, & dedécrompeç^
le Public , qui avoir ciû jufqu'alots^
qu'il n'avoir point d'autres fencinieiiSc^
que les fiens. .l'^^uc r^î"
Regius qui avoir déjà pris Ton partiV
&: qui s'écoit fortifié contre toutes for»^
tes de remontrances, ne lailîa point dej.
remercier M. Defcartes de fes avis j)
mais au lieu de les fuivre comme aupa--*
ravanc , il fe mit en devoir d'excufer foit
ouvrage , &r d'en faire voir 1 oecono-
mie i3i les beautcz à (on maître, comme
fi ces chofes enflent échappé à fes refle-
xions. Il lui fie valoir fur tout fa métho-
de d'Anal yfejêi fa belle manière dedof>
finir & de divifèr. Mais pour éviter Icj^»
inconveniens dont M. Defcartes l'avait-^
averti, il lui envoia ce modèle d'aver-
tifferaent au Lcéteur avec lequel il pre*
lendoit finir la préface de fbn livre, Pour
dètrom-per ceux <j/ii s' imaginer oient cjue
les choTes contenues dans cet ouvrage fs'»
raient les fentimens purs de eJ?/. DeÇ.
Çétrfts , /> jms bien aife à' avertir le Pu-
bliG
de M.DeJcartes.Liv.VU, 17J
blic^nUy 4 tffcfiivfmenî pln/ieurs en- "^^ ^
droits oU je fais frnfeffton de fuivre les
opirnons de cet excellent homme ^ mais
^u'il V en d'autres aujjl oit je fuis d'une
opinion contraire , ^ d'autres encore '7/r-
hfcjnels il napasjtigé à p'^opos de s'ev
plicjuer. Pour tacher de prévenir le defa-
veu public dont il fe croioit menace p^r
M. Defcartes , il lui fît ofïre d'ajouter
encore dans fa préface tout ce qu'il ju-
geroit à propos , parce qu'il apprehen-
doit ce defaveu con^me une réfutation
de Ton ouvrage, capable de l'étoufl-er ou
de le décrier dans fa naillance. Mais il
ne parla point de le retoucher dans le
fonds.
M.Defcartes lui manda qu'il approu-
voit fort la manière de traiter la Phyfu
que par définitions & divifions , pourvu
qu'il y ajoutât les preuves neceffaires.
Mais il lui fit connoître en même temps
qu'il ne lui paroifToit pas encore aiîèz
verfé dans la Metaphyfique, ni dans la
Théologie,pour entreprendre d'en pu-
blier quelque chofe : & que s'il étoit
abfolument déterminé a rimpreffîon de
{es Fondemens de Phyfique , il dévoie
au moins retrancher ce qui regardoit
N iij l'Ame
17^ Ahregcàe la F'ie
7^ l'Ame de THomme & la Divinité, 5C
ne rien falfifier dece qu'il emprun toit
de lui : en un mot , qu'il lui feroic pki-
fîr de ne le pas rendre participant de fes
égaremens dans la Metaphyfique y ni
de fes vifions dans la Phyhque & la
Médecine.
Cette dernière lettre fit enfin lever le
mafque à Regius , Se refolu de facri-
fier rhonneur de fon maître au (îen , il
renonça tout de bon à fa difcipline par
une déclaration écrite du x3 de Juillet de
lan 1^45, d'une manière fi cavaliére,qiie
ce quon nous dit de l'ingratitude d'A-
liftote envers Platon , & de l'infolence
de Maxime le cynique envers Grégoire
deNazianze n'aplus rien d'incroiablCo
Regius enchérit (ur eux par Tinfulte , Ôc
perdit par fon fchifme la gloire que lui
■avoient acquife les dangers & les perfe-
cutions qui Tavoient penfé rendre le
premier Martyr de la fede Gartéfienne».
tl joignit même l'injuftice & l'infidélité
à la révolte. Car après avoir retenu la
plus grande partie de ladoftrine de fon
maître pour s'en faire toujours le même
Honneur qu'auparavant , il la défigura
& la coacmpit comme il lui plut. Et
fous
^e Jld.VeJcartes.Livyil. 277 ,
fous prétexte que M. Defcartes refufa Zl
tant qu'il vécut de la reconnoitre pour
fienneàcaufedecet extérieur étranger,
il s'en faifit après {a mort , en fuppri-
mant même Ton nom , avec tant d'indi-
gnité, qu'on le regarde autant comme le
premier Plagiaire de fa doctrine, que
comme le premier Schifmatique de fa
fcae.
M. Defcartes répondit anx outrages
de Regius avec une douceur de une fa-
geffe qui auroit été capable de faire fou
apologie s'il en avoit eu befoin : & il ne
voulut finir fon commerce avec cet in-
grat qu'en lui donnant les avis les plus
lalutaires qu'on pût attendre d'un bon
maître & d'un véritable ami. — —
La Partie la plus odieufe du ^^^^'
vol qui rendit Regius plagiaire de M. de^An
Defcartes confiftoit dans des Memoi- *^^!^^^
res que celui- ci avoit drelfez depuis l'é- k-JJ'
dition de fes Principes avec le dellein
d'en faire un jufte traité ^^; édnimauw
La copie que Regius lui avoit dérobée ,
je nefçai par quelle adrelfe , étoit tres-
defeélueufe • ôc par une indifcretion qui
fervit à le trahir , il en avoit prefquc
tout inféré dans fon livre des Fonde-
N iiij wcns
178 jibregedelaKic - -nz
ï^4f msns de Phyfi^ne fans Tavoir pu cottiJ
~~ preirdre, tant parce que les figures loi-
nianquoient , qu*à caufe que ce qu'^voit
fait M. Defcartes n'écoic pas achevé. ■
.. En eflret ce que Regius voulue mettre
en oeuvre n'étoit qu'une ébauche fotc
imparfaite de ce que M. Defcartes mc-
ditoitfurcefujet. Après le gain de fon-
prorésde Groningue Je defir d'exécu-
ter fon grand dellein Tavoic fait remet-
tre aux opérations anatomiques avec
une applicr.tion nouvelle. Ce fut dans
le temps de ces occupations qu'il fut vi-
(\ik par un Gentilhomme qui lui de-
manda à voir fa Bibliothèque , & à qui
il ne montra autre chofe,qu'un veau ^à
ladiffedion duquel il alloic travailler.
S^ , ^^ laconnoidancedes bêtes il paffa
iei'AnA' à Celle du corps humain par le fecours
xomn. ^g p^g expériences. Et il commença dés
l'automne de cette année fon traité fe-
paré de V Homme , & même celui de la
fqrmanon de Foetus, quoiqu'il n'eût pas
achevé celui des ^«/w^/^a;.
^^f- Il fit une petite diverfion àcette étude
iions lit ». ^ \ •% r
u qua, par 1 engagement ou il le trouva avec
àrature ^ les premiers Mathématiciens de J'Eq-ï
eL ^ rope de prendre part au fameux diffé-
rent.
de M. Dejcartes Liv.VII. 279
rent qui s'éleva en cette année entre ^
Longomontanus & Pellius touchant la . .
quadrature du cercle. Il y avoir long-
temps qu'il ctoit convaincu CjU'elle
étoit impoflTible : & depuis qu'il en^
avoit fait la preuve par le moien de fa
Méthode & de Ton Analyfe , il s'étoic
abftenu de cette opération, comme
d^unechofe impraticable Ôc inutile.
r Au commencement d'0<5bobrc il ;/^,o,-,
quitta fa folitude pour aller embralfer ^^- <^i'^-
r • % # /-1 • «T'A mit&M.
Ion ami M.Cnanut qui palloïc a Am- poriicr a
fterdam pour la Suéde en qualité de -^^tii^r-
Refident de France. Là il fit amitié
avec M. F or lier, qui étoit de la com-
pagnie de M.Chanut, & qui pendant
les quatre jours qu'ils demeurer et à Am-
fterdam, fe fit un plaifir (îngulier d'ap-
prendre le détail de div^rfes particulaii-
tez propres à ruiner les calcrmnies des^
ennemis de nôtre rhilofophe.
M. Delcartes s'en retourna fort fatis-
fair le 10 du mois à Egmond , cù il palla-
l'biver , qui fut fort rude cette année,
à compofct deux petits Ouvrages de
pjfle-temps, parce que les plantes de
fôn jardin n'étoient pas encore en état
ie lui fournir les eicperiencçs qui lui
1 8 o Ahregè de la Yie
2_l étoienc necelTaires pour continuer &
riponfe Lc ptemicr de ces Ouvrages étoit la:
^ix m- î^éponfe qu'il avoir refufée d'abord au
fiances ^'' , * , ■'^ --,
M. 6af' livredesInItancesdeM.Gali&ndi,queM,-
ftfiii^ Clerfelier traduifit en nôtre langue avec
Et un ^"C^ues adoucilTemens en faveur de
effai de ce demicr qu'il vouloir raccommoder
%fs, ^^^^ nôtre Philofophe. L'autre étoit;
un petit traité de la nature des Paffions
de l'Ame. Son delTein n'étoit pas de
faire quelque chofe de fini qui meri*
tât de voir le jour, mais feulement de
s'exercer fur la Morale pour fa propre
édification, & de voir fi fa Phyfique
pourroit lui fervir autant qu'il l'avoir:
efperé pour établir des fondemens cer-
-■-„"" ï^ii^s dans la Morale.
virùns Cependant M. de Roberval
nvec M. oubliant peu à peu la refolution qu'il
^- ^ober- avoit prife de vivre en bonne intcUi-
fal fur r r 1 I
les ribra^ gçnce avec m. Deicartes après l'hon-
!*«»/. j^ç^j. ^y>j| ^y^jj fçç^ d'une de fes vifi-
tes à Paris, retonrnoit infenfiblemenc
à fon génie inquiet , & parloir de ce/
qu'il fçavoit ou qu'il ne fçavoit pas
avec affez peu de précaution. M. DeC
«ânes en fut. averti par des gens quii
de Ad.DeJcartesXiw.VU. i8i
lui ficenc peut être m. deRobervalplus ^ ^
criminel qu'il n'écoit , fans confiderec ..
qu'il y avoir plus de foibleire que de
malignité dans fes manières.
On lui donna avis dés le commen-
cement de Tan 164(5 de deux princi-
paux points , fur lefquels m. de Rober-
val fe vantoit de lui faire de la peine.
Le premier regardoit la queftion de
Pappus , fur laquelle néanmoins il ne
lui fit point de difficulté nouvelle pour
lors. L'autre concernoit les Vibrations^, -
c'eft à dire , la grandeur que doit avoic
chaque corps de quelque figure qu'il
foit étant fufpenduen l'air par Tune de
fes extréraitez , pour y faire fes tours
& fes retours égaux à ceux d'un plomb
pendu à un filet de longueur don-
née.
La queftioa des Vibrations lui fut-
propofeé par le P. Meifenne, auquel il
lépondit le ii Février (?cle 2 de Mars j &
enfuite par m. Candifche qui étoit pour
lors à paris. Il envoia la folution de la
queftionà ce Seigneur le 30 de Mars:
& M. de Rcberval y fit auffi-tôt des •
obfervations que m, Candifche ne man»
qua pasd envoiet à M. Defcartes, îî en
%%z ■' Jfihregt de la T>'f\h es
, ^ j" reçût la réponfe quelque temps aprcsj i*
; &L M. Defcartes voiant que M. de Roi'
berval s*appuioit principalemeni £ir fcsr
expériences , il manda au P. Merfennc'
qu'il ne préfurnoit pas aHezde lui-même^
pour entreprendre d'abord de rendre
raifon de tout ce qu'on peut avoir ex-
perinienté. Mais qu'il croioit que la'>
principale adrefTe dans l'examen des ex-
périences confiftoir à choifir celles qui^*
dépendent de r^ioinsde caufes diverfès,,
ôc dont on peut le plus aifément dé-:
couvrir les vraies raifons.
M. Defcartes auroic fouhaité finir'
de bonne heure une difpute qu'il voioir
dégénérer enfin en quêtions inutiles r
mais il plut à M. de Roberval de vou-
loir la prolonger même au delà de l'an- *
née. Cette conduite de les fanfiironna- >
des fur la queftioii de Pappus lui atti*
rérent la cenfure de Ion ^rifiarcjne -^r
c'eil à dire, de Ton livre touchant le -
lylléme du monde , avec un jugement '^ ,
Commerce ^^^ l'cfprit &c lacapaciié de ce Géome-
de L^hUo- trc, que M. Defcartes envoia au P..
mZu Merfenne.
a-i^ec u Ce fut prefque dans le même temps^
t.lisabith ^^^ " examina le livre de Seneque ae.>
U
de MrDefcartes.LwlVlL 183
U vie henr'eufe en faveur de là Princeiïs ^ ^4^
Elizabeth (a difciple, qui lui avoit de-
mandé dequoi fe divertir dans fes dif-
grâces aux eaux de Spa ,où les Méde-
cins lui avoient inreidit 1 étude & la
contention d'efprit. Les reflexions ju-
dicieufesque la PrincefTe fit de fon co-
té fur le même ouvrage l'engagèrent à
ttaiter avec elle dans la fuite diverfes-
autres queftions de la Morale des plus
importantes , touchant le fôuverain
Bien , la liberté de l'Hi^mme , l'état de
TAme , l'ufage de la Raifbn , l'ufage des^
Pafîîons , les adions vertueufes ik vi^
cieufes ^Tufage des biens & des maux j^ ^r^^
de la vie. lom Re^
Rien ne troubla pourlors la joie qu'il ;^J^'/,^^^,.
rccevoit de cet heureux commerce de
philofophie morale avec cettePrincelfe,
que la publication du livre deRe-^ius
fous le titre deFondemensde Phyfique.
Il fe crût obligé de ledefavoiier publia,
quement pour les raifons que nous en ,-
avons rapportées.'^ il infera fon defaveu IX.
dans l'édition françoifè de fes Principes ^^^^fo»
qui parut peu de temps après. Deft.avec
Dans le temps que Regius faifoit f^^ ''^
éelat-er fon fchifme contre M. Defcar- u^t
tes ,
184 Ahregéde laVie
^ ^ tes , M. de Hooghland Gentilhomme'
catholique , célèbre pac fa vertu 6c par
Tes charitez, Ton hôte à Leyde & ion
correfpondant , donna au public des
marques de fon étroite union avec lui.
C'eftce qu'il fit parla publication d'un
livre qu'il lui dédia concernant Texi-
ftence de Dieu , la fpiritualité de l'A-
me 5 & fon union avec le corps \ outre
Topconomie du corps de l'Animal ex-
pliquée méchaniquement.
L'honnêteté qu'eut l'Auteur de recon-
noître ce qu'il de voit à M.Defcarres lui
attira de la part de celui-ci un parallèle
d'oppofition avec Regius qui lui fut fort
glorieux. ' Mon bon ami M.de Hooghe-
lande (dit-il à la Princefie Elizabeth)
a fait tout le contraire de Redus , en ce
que Regius n'a rien écrit qui ne foit pris^
de moi , & qui ne foit avec cela contre
moi : au lieu que l'autre n'a rien écrit
qui foit proprement de moi, & toutes-
fois il n'a rien qui ne foit pour moi, en
ce qu il a luivi les mêmes principes.
Mais le Public n'a point crû devoir
s'arrêter à une déclaration qu'on foup-
(Çonnoit n'avoir été donnée que pour
paier plus genereufcment l'honneur que
de M.DeJcartes.Uv.yU. 185
cet ami lui avoic fait à la tête 6c dans ^^4^'
tout le corps de fon livre. On a même "'
été tellement perfuadé du contraire à
Rome, que fur le rapport qu en fit deux
on trois ans après le P. Magnan Minime
à M. Carcavi, quelques-uns prenoient
lenom de Hooghe lande pour un maf-
que fous lequel M. Defcartes auroic
voulu paroitre deguifé afin de publier
un nouvel ouvrage.
L'état des autres amis que M. Def- ^^'ffj^'
cartes entrctenoit en Hollande , prin- /es amis
cipalement à la Haye , fe trouva un peu ï ^'^ , ,
dérange pour lors par la retraite de la m;-.«>c
PrincefTe Elizabeth fon illuftre difci- 'If /'*.
pie. Plulieurs de ceux qui avoieiit eu Uï^bak
des relations avec elle , fe trouvèrent
volontairement écartez. Il y en eut peu
qui furent admis à la fuivre dans fcs
voiages. Quelques-uns fe virent rete-
nus par leur établilTement & leurs em-
plois auprès du Prince & de la Princelîe
d'Grange. M. de BecJ^ltn refta auprès
des Princeffes fœurs de Madame Eliza-
beth. M. de Pollot fut pourvu d'une
chaire de Fhilofophie & de Mathéma-
tiques à Brcda dans le nouveau collège
du Prince d'Orange avecle fieur Jean-'
2.S(Î Ahrege de fa Vie
lÔ^ Pell ci-devanc Profeireiir à Amftec^'
*^ ' dam. Lefieur Samfofijonjfon ç[u on ^ic-
noie à Paiis pour le Pieceptcur de la
Prineelïe Elizabeth , ma! s qui étok feu-
lement Prédicateur de la Reine de
Bohême fa mère, fut aufli re^ii dans le '
m^me collège pour profelTer la Théo-'"
logie. Tous ces nouveaux Profeireurs
qui faifoienr gloire de fuivre la doctri-
ne de M. DefcarteSjfendirent leur Uni-
veffité 5 qu'on qualifioit du nom ^'£-
coie illuftre , Cariéfienne dans fa naiC
fènce 5 à la faveur des Curateurs qui
ctoietît le grand Veneur de Hollande,'
M. Rivet Aumônier & Théologien du'
Prince ,& M. Hnyghens fécond fils de
M. de Zuytlichem élevé dans les princi-
pes de M. Defcartes.
Parmi ceux qui demeurèrent à laHaye
il ne s'en tiouva point déplus confide-
rables que M.de ^r^j^e^r gentil- homme
François,qui étoit fon correrpondant,&
qui hit depuis Refident de France au-
près des Éltats Généraux \ & M. le
Btirggrave de Dhona le jeune, gouver-
neur de la ville d'Orange, qui ne lailTà
pas de continuer dans les exercises de
la Philofophie C-artifiej[?ne avec la Ptîf^--
ccflg abkiite. Oucrfe-^
. Outre rant de fujets de farisfadion, 16^6^
M. Defcaites reçut encore pendant ton- •" 7
, *,. »^ ,. , huit d€
te cette année divers complimens de fcs amu
la part des Jcfuites de France Ôc des Y}!!ius^
Pays-Bas. Lachofe lui fut d'autant plus c-'aU-
agréable que ces Pérès fembloient de- ^'"'^^
voir être ceux qui fe fentiroient les
plus intereflèz dans la publication d'une
nouvelle philofophie ; &: qui/elon lui,
auroient dû le lui pardonner le moins,
s'ils y avoient trouvé quelque chofeà
redire. IJ eut ménne le iplaifir de voir
revenir de leurs préventions quelques-
uns de ceux d'Allemagne & d'Italie,
^ particulièrement le P. j^thanafe
Kirker^ qui lui demanda fon amitié par
la médiation du P. Merfenne. Auflî re-
connut-il par la leéture dedeux ouvra-
ges de Phyfique, dont le P. Eftienne
"Noël Redeur du Collège de Clermont
à Paris luifitpréfent dans cette année,
que les Pères de la Compagnie dejefui
ne s'attachent pas tant aux anciennes
opinions^ qu'ils n'en ofent propofer anfft
de nouvelles. Le P. Noël étoit fi bien
defesamis qu'il fe crut obligé l'année
fuivame de prendre fa défènfe contre
Ivl» Pafcal le jeune,avant que celui-ci fe
£u&
i88 Airegî de la F/>
î6j^6, furt: entièrement rangé du coté desCaf-
r* ' — téfiens.
Ce fut vers le mên:ie temps qu'il re-
çût laPhilofophie diu Père F^^W Jefuite
qui profeflbic les Mathématiques à
Lyon. Cette Philofophie étoit en ré-
putation d'êcre bonne quoi qu*elle fuft
contraire à la dodrine de M. Defcartes.
On fit prefque le même jugement d'un
autre ouvrage de ce Père qui parut la-
même année touchant le mouvement'
local. M. Defcartes en recevant ces*
deux ouvrages, eut avis que le même
Auteur fongeoit à faire un cours de Phi-
lofophie pour loppofer à la fienne.-
C'eft ce qui lui fit prendre la refolution
d'écrire contre fes fentimens , au cas
qu'il foft avoiié de fa Compagnie , &
qu'il parût que les Jefuites voululTent
adopter fa dodrine» Mais Tcvenemenr
lui fit connoître que le P. Fabri n'étoit
pas alors dans toute l'approbation de fa
Compagnie.
Au mois de Septembre de la même
année M. Defcartes perdit un ami à la
mort du P. Niceron Minime : mais il
en acquit un autre en la perfonne de
M, le Comte Gontcolleur général da
l'ordi.
deM,DeJcartes.UwyiL z85>
rordinaire des guerres ^ qui 1 etoit déjà 164.6,
de Meffîeurs Chanuc, Clerfelier , & - — --^
Poilier. -Il mérita Ton amitié par des
ob jetions qu'il fit fur Ton livre des
Principes , aufquelles TAbbé Picot &
l'Auteur lui-même fe firent un plaifir
de répondre. ^
A p E I N E M. Defcartesavoit-il fini j^ \._
avec M. le Comte & M. Porlier fès pondku
nouveaux amis , qu'il fallut répondre ^^"l ^
à M. Chanut fur l'une des plus impor- i m.
tantes queftions de la Morale ; &r fe ^.^Tx
préparer à fatisfaire les delîrs de la Rei- queponr
ne de Suéde, conformément à la haute f^f^""^"^*
opinion que ceRéfident avoitdonnée de
lui à cette Princeffc. La dernière lettre
qu'il lui avoit écrite de Stockholm con-
cernant les rares qualitez de Chrijîine y
Tentretien qu'il avoit eu fur le même
fîijec avec M. de la Thuillerie au re-
tour de fon AmbaiTade de Suéde, & l'e-
xemple de fon illuftre difciple la Prin-
cefTe Elizabeth, neluipermettoient pas-
de douter de la poffibilité de toutes les-
merveilles que la renommée publioic
de cette grande Reine qui n'avoii en-
core alors que 19 ans.
Le gouft que M. Chanut lui âvoic
déj.a
1 5> O Ahrcgê de U Vk •
i6j^6, déjà infpiré poni: fa philofophie lui fit
"•--■-- demander fon fentiment fur une quef-
tion de Morale qui s*éroic agitée eiuie-
elle & ce Refident au mois de Novem-
bre \6àf.6é La queftion étoic de fçavoir^
quand on ufe mal de l'amour ou de la
haine, lequel de ces deuxdéréglemens
ou mauvais ufages eft le pire. M.Qia-
nut priant M. Defcartes de la part de la=
Reine de lui envoler Ton fentiment fur
cette queflion, s'étoit cmuenré de lui
mander qu'elle & luia\^ienr été d'opi-
nion contraire , fans lui dire quelle
avoit é[é celle de la Princelfe ou !a
fîenner
M.Defcartes pouf donner à la Reine
la fatisfadbion qu'elle demandoit, fie fur
le champ , c'ell à dire au commence-
ment de Tan ié4'7 , une belle dilTeita-
tion fur l* Arnonr que nous avons au-
premier volume de les lettres. Il y exa-
mina trois chofes avec fa méthode or-
dinaire ; I ce que c'eft que TAmonr *,
1 fi la feule lumière naturelle nous en-
feigne à aimer Dieu *, 3 lequel des dtux
déréglemens eft le pire , de l'Araoui'
ou de la Haine. La ledure de cette
pièce qui fut envoiée en Suéde au mois
de-
de Ad.DeJcanes.Liv. Vil, 191
deFévrier fie juger à laReine que tout ce 1^47.
qufe M.Chanut luiavoit ditdeM.Def- '
Cïlrtes, étoic encore au delFous de la ve-
rké. Elle en parut (1 contente qu'elle
•ne pouvoit enfuite fe lallcr de donner
des loliinges à T Auteur , & de s'en-
quérir des particularitez de fa perfonne
éc de fa vie. A^. Def cartes (dit- çWek
M. Chanut) aurant (^ns je le puis voir
JJAr cet écrit , ç^ par la peinture ejne
vous m'en faites^ efi le plus henreuv de
tous les hommes j ^ fa condition me
femhle digne d'envi^, l^ous me fcez.
plai/ïr de l'affurer de la grande eftime
^ue je fais de lui.
Elle donna fon confentement atout
ce que contenoic l'écrit, hors un mot,
qui faifoit voir en pafTant que M. Def-
cartes n*étoit pas de l'opinion de ceux
qui veulent que le t*J^îa-ide foit fini.
Elle témoigna douter qu'on pût admet-
tre l'hypothéfe du Monde vifini (ans
blelTer la religion chrct-enne. M. Cha-
nut fut chargé de lui en écrire poui lui
den^ander l'éclaircilTement de la diffi-
culté , à laquelle il répondit qu'il ne te-
noic pas le monde in fi fit mais in infini ^
c'eft à dire qu'il n'avoit pas de raifons
pour
zcf t Ahrp^ê (IçkU Vie
1^47. pour prouver qW. ^i^rfini. Il fatisfîc en
, même tems M. Chaoui.,qui'av oit ajouté
du fien une autre qUQâ?i3n touchaos la
véritable régie que lîdJ^i^kii^; 5.fai-
vre dans le partage dr:^!^^! tsKlanations
concernant Tanair' : / nféchangcdes
offices mutuçts:'^*]! , .i .enveillance, 6c
dans la diftindtion ae leftime d*avec
raffedion.
Le plaisir que M. Defcartes
goûtoit dans la communication qe'il
avoir avec la Reine de Suéde ôc M.
Chanut fur la Philofophie morale fut
troublé au commencement de cette an-
imée par quelques Théologiens de Ley-
-de qui tâchèrent de lui faire des affaires
dans leur Univerfité. Revins Principal
du collège des Théologiens fuborné
(comme on Ta crû ) par les artifices fe-
crets de Voetius qui ne foaffroit qu'a-
vec peine que le Cartefianifme qu'd
avoit tâché de détruire à Utrecht prît
racine à Leyde , s*ctoit avifé de faire
foûtenir aux mois de Janvier Se de Fé-
vrier quatre théfes différentes contre
M. Defcartes.
L'intention de Revins étoit de per-
vertir le fens des Méditations Meta-
phyriques
de A<f.DeJcartes.pw.Vll.ts>$
piiyfiques de ntirii.'^Philofbphe. En 1^47*
quoi il fut fecoftwt par le miniftre Tr/- -
^/^W///fvpreia' c Profelleur en Théo-
Jogi^ <»^ ; ■ iverfité. Leur dclTein
ccoit c ': , condamner parleurs
clalfes &c leu ''Inires comme un
Blarphemateur , ..^xc ^ Ôc un Pela-
gien. M. Defcarces aianc appris que ces
nouveaux calomniateurs n'attaquoienc
aucune de fes vraies opinions , mais
feulement qu'ils lui en atcribuoient de
fuilFes , qui avoient toujours été fore
éloignées de fa penfée : écrivit aux Cu-
rateurs de leur Univerfité pour en de,
mander juftice. Les Curateurs aiant ci-
té le Redeur ôc les Profelîeurs pour
fçavoir dequoi il s'agidoit, donnèrent
à la hâte un décret le 20 de Mai pour
leur défendre de ftiire dorefnavant au*
cune mention de M. Defcartes de de
(es opinions dans leurs leçons. Apres
quoi ils récrivirent à M. Defcartes pour
lui marquer " qu'aiant fatisfait félon leur •*
pouvoir à ce qu'il avoir defiré d'eux, "
ils efperoient que de fon côté il cor- "
refpondroit auffi à leurs defirs. Qu^à «
cet eftet ils le prioient de s'abftenir d'à- <t
giter davantage la queftion qu'il difoit «
avoir
194 Ahregéàela Vie
_/^^ avoir été attaquée & combatuc par les
Profelîeurs de leur Univerfitéjpoiir pré-
venir les inconveniens qui en pour-
roient arriver de part <3c d'autre.
M. Defcartes fut allez mal fatisf.iit
de cette conduite, 6c il n y trouva de
louable queTbonnêteté des termes. Il
leur écrivit pour leur marquer l'éton-
nement oii il étoit de n* avoir pu com-
prendre leur penfée, ou de ne leur avoir
pu expliquer la fienne à\nyc manière
alTez claire pour leur faire entendre ce
qu'il defîroit d'eux. Ces Meilleurs s'é-
toient trompez de croire qu'il s'agît
d'aucune queftion qui eût été attaquée
par les deux Théologiens Revins 6^
Triglandius. Il ne s'agilTbit que de la ré-
paration d'une calomnie dont les fuites
étoientàcraindreàcaufedu rangée du
crédit des caîomni*iteurs.
M. Defcartes voianc la moîlefle des
Curateurs qui appréhendoient de faire
une tache à l'honneur de leur Univcr-
fité , & fçachant d'ailleurs que la cabale
de Revins & de Triglandius^qui avoienc
déjà ga;né la plupart des Minières, des
Théologiens, & des Profelîeurs , alloit
le fiaire coiidamner comme Pelagien
dians
de MiDeJcartes.LWyU. 1^5
dans leurs confitloires ou leurs fynodes , i^^y
prit le parti d'emploier Tautorité du ' ■ —
Prince d'Orange comme il avoit fait
pour l'affaire d'Utrechc.
tii.ill écrivit donc à M.Servien Plénipo-
tentiaire pour la Paix de Munftcr , qui
faifoit la fondion d'Ambaflàdeur à la
Haye pour un temps. L'efFet de fa let-
tre tut qu'on -fit taire les Théologiens,
& qu'on ôca la connoillance de cette
affaire a la Faculté de Théologie. Mais
on prit garde de ne rien faire qui pût
chagriner ou décourager les Miniftres
& les Profclle.urs dans leurs fendions
ik dans le zèle qu'ils cémoignoient pour
ie fervice de leur religion.
Les Théologiens affligez néanmoins
de voir M. Defcartes 6c fes écries arra-
chez de leurs mains , déchargèrent :eur
mauvaifehume-nr fur ceux de leurs col-
lègues qu'ils fçavoient être ftiftP.teurs
de fa Philofophie. La tempête tom-
ba par-ticulieiemeht fur les Piofc-iïc'irs
Heei-^booid 5^ du Ban , 6<: 'ur le Muii-
ftreHeyianus quMs accuseLent de fa-
-vorifer la Relipon Catholique à caufe
qu'il piéchoit à la Cartéficnne.Mais ils
ii'ofereiiC toucheu ni à Colius ni aux
O deux
19^ khregédeUVie
1^47 deux Schoocen, pi au jeunedo6leur de
•" Raeï qui piofclloic la Médecine en par-
ticulier.
- . Ces nouveaux troubles ne fu-
XII. rent point capables de rompre le voiage
Second de France dont M. Defcartes avoit for-
vouge en f \ y iT • A ' \
Iraace. me ie dellein dcs leur Commencement.
Il partit de la Haye le 7 de Juin : & ar-
riva à Paris dans la refolution de pafTec
en Bretagne dés le commencement de
Juillet , pour régler les aff-aires qui fer-
voient de prétexte à Ton voidge. Mais
Tédicion françoife AqÇqs Principes qui
s*achevoit entre les mains de l'Abbé Pi-
cot leur tradii(fleur lui donna occafion
de différer quelques jours , tant pour y
faire une préface que pour voir entiè-
rement débarralfé de cette occupation
un homme qui devoit être de fa compa-
gnie daîis Ton voiage. Il ne vid pendant
cet intervalle que le P. Merfenne , M.
Mydorge qu'il ne devoit plus revoir de
fa vie, & M. Clerrelier,qui après une
longue maladie avoir procuré -depuis
quelques mois la publication des Mé-
ditations en Françoir de latradu6tion de
M. le Duc de Luines & de la fienne.
Apiés avoir réglé Tes affiiires en Bre-
tagne
de M DcJcartes.Lïy.Vll i^y
t.igne Se en Poitou, il revint par laToiu "^"^
raine où M. de Cienan Gentilhomme de
fes aii:iis le retint pendant queltjue
temps. A Ton retour il trouva bien du
defordre dans les amitiez , le Père
Merfenne malade , 6^ Monlîeur My-
dorge moit depuis huit ou quinze
jours.
Mais il avoitd*autresamis à la Cour duKn.^'
qui fongeoient à lui, (ans qu'il s'avisât de
fonger à eux , & qui travaillèrent au^
prés du Cardinal Miniftre , pour lui ob-
tenir une penfion duRoy. Elle lui fut
accordée en confideration de fes grands
mer i' es ^ç^ de l' milité ]he f' phiîoCo^
phie c^ les re. herches de fes longues értt'
des frocitroient au genre humain : corn-
me aiiffi pour l* aider k continuer fes bel-
les expériences (jnt requéraient de la dé'
penfe , &c. Il fut furpris de voir l'expé-
dition des lettres patentes portant le
don d'une penfion de 3000 îiv. fcellées
le (j de Septen^bre avant que d'avoir
oiii parler des démarches que fes amis
avoient faites pour ccîa : 3c il trouva
dans le Maiéchal de la Meilleraye qui
^ouvernoit alots les Finances , & qui
rlionoroii de fon amitié en particulier
O ij uue
15» 8 Alre^é de la Vie
ï^4~ une nerfonne exade & affedionnce à
' la Ini faire paier.
Dés le lendemain il foiigeoic à fou
retoiii: en Hollande lois qu'il fut ren-
contré aux Minimes de la place Roya-
s^itretie» ]^ par M.Pafcalle jeune qui therchoic
Valaf^' ^^- ^^ ^'^^^ depuis qu'il avoit fçeu qu'il
étoit en France. M. Defcaitcs eut du
plnifir à l'entendre fur les expériences
du Vuidc qu'il avoit faites à Rouen au-
près de Ton Père depuis plus de quinze
mois. Il trouva que toutes ces expérien-
ces étoient alTez conformes aux princi-
pes de faphilofophie, quoique M. Paf-
çal y fût encore alors oppofé par ren-
gagement & l'uniformité d'opinions ou
il étoit avec M.deRoberval &" les au-
tres qui foûtcnoient leyuide. Mais pour
k recompenfer de fa convetfation , il
lui donna avis de faire d*ai]tres expé-
riences fur la madè de l'air , à la pefan-
teur duquel il rapportoit ce que les Phi-
lofophes du commun avoient attribué
vainement à l'horreur du vuide. Il l'af-
fura du fuccés de ces experienc\"s , quoi-
qu'il ne les eût point faites , parce quil
pn paîloit conformémer>t à fes princi-
jpes, M. Pafcal qui iiéioit pas encore
peifuadé
perfucKié de lafolidité de ces principe? , ^^ '^'^
Se qui lui promit dc-flors quelques ob-
jections contre fa matière fubtile , n'au-
roit peut être pas eu grand é^ard à Ton
avis , s'il n'eût été averti vers le même
temps d'une penfée toute femb'able
qu'avoiteuè Torricelli Mathématicien
de Florence. Les expériences qu'il fie
fur ces avis , de qu'il fie faire fur le Puy
de Domme par fon beau frère M.Perriec
en 1648, fe trouvèrent fort heureufes,
mais il fembîe qu'il aiiiia mieux en fça-
voir gré à Torricelli qu'a Monfieur Def-
cartes.
Celui-ci partit incontinent après ^'^o-f/»
avoir rcç.i les Lettres patentes de (a
penfion. Il arriva en Holbnde fur la fii
de Septembre avec l'Abbè Picot qui lui
tint compagnie dans fon aimable folitu-
de d'Egmond jufqu'au milieu du mois
de Janvier de Tannée fuivante. Ils paf-
férent les trois derniers mois de Pannée
à jolîir l'un de l'autre , & à cultiver (a
Philofophie dans une tranquillité pro-
fonde , s'occupant principalement aux
diverfes expériences du vuide qu'ils:
trojvoientde plus en p'us conformes à
Tes principes , (^profitant de la dou^.
O iij ceuc
300 khregê de la Vie
1647 ceur de Thivet qui fut extraordinaire
cecte année.
fon}7»n Ces occupations furent interrompues
ra:ntd:. par une lettre duo de Novembre que
£itar&" M. Defcartes reçût de M.Chanut,qui le
fin Tra.. prioit de la part de la Reine de Suéde
Taffîoyts ^^ îui expliquer Ton fentiment touchant
te^d^^^' ^^/^^^^^^^^'^ Bier?, Il s'en acquitta com-
Sucde, iî put fans raifonner furies lumières de
la Foy, parce que la Reine avoit mar-
qué qu'elle ne confideroit le fouverain
Bien qu'au fens des Thilofophes anciens.
Il accompagna fon écrit des letrres qu*il
avoit addredées autrefois o.h PrincelTe
Eiizabeth fur le même fujet avec fon
traité manufcrit des Paiïions. La Rei-
ne en fut fi contente qu'elle voulut lui
écrire de fa main pour l'en remercier ,
& quelle fongea deflois à l'attirer au-
* '" ' prés d'elle.
XllI. Sur la fin de l'année Ton vid paroi-
'^J^Zfj treen Hollande deux écrits latins , auf-
i&deEe- quels il fembloit que M. Defcartes ne
r^j.e^c. devoir point fe montrer indiffèrent. 11
crud néanmoins devoir méprifer le pre-
mier qui étoit direftement contre lui
intitulé , Confiderationfur la Méthode
de U Philofbphie Carttfienne , parce
qu'il
de M.Defcartes.LW. VIL 501
qu'il avoit (on ennemi Revins pour
auteur , & qu'il étoit rempli de cavil-
■ latio?7s immles , 6c de calomnies grof-
iiéres.
L'autre le toucha davantage quoi-
qu'il ne s'adrefsât à lui qu'indiitcfle-
menr. Il avoir pour auteur Ton ancien
difcJpleRégius, &pour titre £xp!ica-
4ion de V Efvnt hii?nai?j » ou de l'y^me
rAÎfonnnble. xM. Defcartes y remarqua
plufieurs opinions qu'il jugcoic f ulles
& pernicieufes. Et parce qu'on ccoic
encore alTcz communcment perfuadé
que Regius écoit toujours dans les fen-
timens qu'il lui avoir infpirez autrefois ,
il fe crud obligé de découvrir les erreurs
de cet Ecrit , de peur qu'elles ne lui
fullènt imputées par ceux qui n'aianc
pas lu Tes ouvrages , & fur tout fcs Mé-
ditations tomberoient par hazard (ur la
ledure de cet Ecrit. La réfutation qu'il
en fit en latin fons le titre de Remarcjuet
fur un certain pUcart , &:c. fut impri.
mce fans fa participation. Regius y ré-
pondit, fans que M Defcartes fe fou-
ciât de fa réponfe , qni fut refutée après
fa mort parTobie d'André.
Il ne fit pas plus de cas de deux au-
O iiij très
30x Ahregê de la Vie
1(^48 ^^^^ libelles qui parurent contre lui dans
— le même temps: & fon mépris fut fuivi
de celui du Public qui leslailTa périr.
Troifié. A peine l'hiver étoit-il palTé qu il rcw
mzoiagc eut une efpéce d'ordre de la Coiir, ÔC
feu heu. ^^^^^ «^ la part du Roy de revenir en
renx» France fous des oflPires avantageufes. El-
les confiftoient dans l'agrément d'une
nouvelle penfion & d'un emploi confi-
derable , qui devoit lui procurer plus
d'honneur que d'occupation , afin de
lui lailFer le loifir de continuer Tes étu-
des. Ilavoitune répugnance extraordi-
naire pour ce voiagedonc le fucccs lui
paroilloic lufpeâ: par le preffèntiment
qu'il, avoit des affaires du Roiaume.
Mais aiant reçij dez la fin de Mars le
brevet de fa nouvelle penfion qu'un of-
ficier de la Cour qui étoit de fes amis
lui avoit envoie par M. de Martigny j il
ne fut plus en état de reculer.
Il partit donc au mois de Mai : mais
à peine fut-il arrivé à Paris que l'état
.des afïàires publiques lui fit ouvrir les
yeux fur l'incertitude des chofes hu-
maines , & fur la facihté qu'il avoit eue
à fe laiffer vaincre. Les troubles inopi-
praem furvenus , firent qu'au lieu des
effets
de MXiefcartes.Liv, VII 503
efïèts qu'on lui avoir promis , il trouva i^^S
qu'on avoir fair paicr par un de Tes pio- ■ •
ches les letcres qu'on lui avoir envoiées,
& qu'il lui en devoir Targenr. De forre
qu'il fembloir n'cci-e venu à Paris que
pour acheter un parchemin le plus cher
1^ le plus inutile qu'il eût jamais eu
entre les mains. Ce qui le dcci;oura le
plus 5 c'ell: qu'aucun de ceux qui Ta-
voient fait venir à la Cour ne témoi^ina
vouloir connoître autre choie de lui
que Ton vifage, comme s'il eût cré quel-
que Eléphant ou quelque Panthère.
Une aventure Ç\ inefperée lui apprit à
ne plus entreprendre de voiages fur des
promelTes, fuirent- elles écrites en par-
chemin : 6c il feroit parti fur le champ
fans dire mot pour retourner en Hol-
lande , &: pour ne pas augmenter par (a
préfence la confufion de ceux qui l'a-
voient fait venir. Mais fes amis après
lui avoir lailTé faire fes adieux à la Cour
le retinrent à Pans pendant prés do
trois mois , & ils n'oublièrent rien ponc *
lui rendre ce temps fort court ^ fort
agréable. Sarecon-
" Ce fut pendant cet intervalle que '^';^7gÏ/-
Monfieut l'Abbé d'Etrées depuis Evc> fc^^u
O V que
XIV.
504 Ahregé^de la Vie
que Bue de Laon , ôc maintenant Car-
dinaljVoulut faire fa réconciliation avec
M. Gaflèndi. Ce qui fe paffa en préfen-
ce de.plufieurs perfonnes de mérite &
de confideraiion au grand contente-
ment des deux Philofophes, fie de tousv
leurs an^iis communs.
chica-àes Ce FUT le jout de Cette fameufe lé-
^« Ko. conciliation que M, de Roberval entre-
prit pour la première fois de démontrer
rimpoiïibilité du mouvement fans ad-
mettre le vuide. M. Defcartes à qui-
s'addrefloiemperfonnellement les pré-
tentions de ce Mathématicien , ne fit:
point de difficulté de répondre d'abord
à toutes fes objedions. Mais il le fit.
avec tous les égards qui étoient dus à la
préfence de M. TAbbé d'Etrées & de fa
compagnie 5 fans changer la face d'une
converfation honnête ôc paifible.
L'humeur de M. de Roberval , qui
avoir par tout befoin de l'indulgence de
ceux à qui il avoit affaire , ne s'accom-
modoit pas afifez du flegme qui accom-
pagnoit ordinairement les difcours dê^'
M. Defcaiies. Auffinefucil pas long-
temsTans s'échaufïer : 6c il lui fit fentir
en toutes rencontres pendant le refte de
fon
1648
Ton fejour à Paris les effets de ce feu
que nulle confidciation ne fut capable
d'éteindre ou de rallentir.
Les perfecutions de cet honnme qui ^^/°'!:'i'
aftecloit de ne s abienter d aucune af tniioi^
fembiée où Jfçavoit qu'il devoir fetrou- ^^''^'^
vetyôc de le chicaner fur fa taciturnité
ne contribuèrent guéres moins que les
troubles publics à le dégoûter de la
ville. Il prit occafion des barricades
pour en fortir dés le lendemain à travers
de toute la confafion. Il arriva en Hol-
lande dés le 4 jour de Septembre : &
après quelque fejour qu'il fit à Leyde
chez M. de Hooghelande & à Amfter-
dam , il alla fe renfermer le 9 du même
mois dans fonEgmondjComme dans un
port alfuré contre les tempêtes dont il
avoit déjà vu les préludes dans fr>n
voiage. XV.
A PEINE goûtoit - il les premiers ^^'y^"*
fruits defon repos qu'il reçût les nou- /;»»<,
velles de la mort du P. Merfenne qu'il
avoit laide fort malade à fon départ de
Paris. C'étoi: Tancien de fes amis & de
fes fedateurs , & il lui étoit toujours
demeuré attaché avec une confiance
& une fidélité mife à toute épreuve.
O vj Rien
3 o 6 Ahregé de la Vie
2^^ Rien ne put lui être plus fenfible que la
^ perte d'un tel ami : mais pour montrer
que l'afflidionnelui avoitpas ôté le ju-
gement , il pria quelques mois après 1
TAbbé Picot de fçavoir ce qu'étoient^
devenues toutes les lettres qu'il avoic - !
écrites à ce Père depuis prés de ic> ans , <
parce qu'il êtoit alTuré qu'elles avoient
été toutes fort foigneufement confer-
vées. Il lui donna en même temps cpm-'
mifîîon de les retirer d'entre les mains
des Minimes pour des raifons très- im-
portantes. Mais fa prévoiance pour
avoir été un peu trop tardive devint:
inutile par la négligence de ces Reli-
gieux qui en avoienc lailTé périr un.
grand nombre ,. &c par la diligence ar-
tificieufe de M. de Roberval qui s'é-
loitdeja rendu le Maître d'une partie
de ces lettres,
ta 'Reine Cependant la Reine de Suéde debar-
è^f-»f' raifée des négociations de laTaix de»
cam^ l'Europe conclue à Munfler le 24 d Oc-
fiime. iQ^y^Q fe n^i,. ^ l'étude du petit traité des ,
Paflions de M. Defcaites : & les im-
prefîions qu'elle en reçût la firent re-
fbudre de paiTer à celle de toute fa Phi-
lofophie. Elle ordonna eu mçjixie lemps
à-
de M .De/cartes. Li v. VIT. 307
hrFreirJihemtHsCon Bibliothécaire d'é- '^
tudier Ces Principes afin de lui préparer
les voies pour l intelligence de cette
Phiiofophie : & le Refident de France
M. Chanut eut commilïion de l'alTifter
dans ce travail.
M. Defcartes êtoit alors occupé à fa- f.^J°l^^
tîsfaire les premières ardeurs d'un nou- fien r«'>
veau difciple que fa Philofophie lui ;f 7/''*'
avoir fliit en Angleterre. C'ctoit Henry rocfc
tJ^oriis dont la pafîion de le culte pour
nôtre Philofophe alloitprefque jufqu'à
Tidolatrie. M. Deicartes fans faire at*
tention à Cqs éloges ne s'appliquoit qu'à"
Tinftruire &c à lui lever fes difticultez à
mefure qu'il les lui faifoit connoître. Ce
commerce dura jufqu'à la mort de M.
Defcartes , après laquelle cette ardeur
de Morus pour leCartefianifîne parut fe'
rallentir par la diverllon que d'autres
occupations y apportèrent : jufqu'à ce
qu'une (impie lettre de M. Clerfelier le
fit revivre en 16^5 , & lui fit donner de
ncHivclles preuves de fon attachement
pour fa dodViine. Q^i croiroit que ce'
Morus fept ou huit ans après s'avifa d'at-
taquer les Méditations de M. Defcartes
pour tacher de les détruire j & de de-
clamei:
30^ Ahtegê àe la Vie
clamer contre fa Phyfique dans le def-
fein de la faire palTer pour libertine >
L'anne'e 1649 fournit à la Prin-
Attaà^es celIeElizabe h divers fujets confidera.
Vefc.i:o:.r bles de mettre fa philofophie morale en
u(?e'mi- o^'Jvre j &: à M .Defcarte^ Ton cher mai-'
\Abet!). tre de la confolcr fur les accidens de
cette vie , ^ fur la l izarrerie des ca-'
taftrophcs de ce monde. Ces fujets fu-
rent la maladie de la Princelfe ; le parri-
cide commis par les Anglois en la per-
fonne de leur Roy qui étoit Ton oncle
maternel ; ia fierté ou l'indifférence,
qu'elle cruJ que la Reine de Suéde'
avoit pour elle j le peu de fatisfcidion
que l Eleéteur Palatin Ton frère avoic:
reçLi à la paix de Munfter.
La Princefïè qui étoit alors à la cour
de Berlin Pavoit fouvent entretenu de^'
la fatisfadion qu'elle auroit de le pof--;
feder au Palatinat où elle faifoit fon ^
compte de fe retirer après le rétablifTe-
ment de fon frère ; & il l*avoit alTurée
de fon côté du plaifir qu'il auroit d'al-
ler vivre auprès d'elle dans un pays qu'il
avoic connu dés l'an 1619, & qu'il efli-
moit Pun des plus beaux & des plus
commodes de PEurope, Il n'avoir plus
alors
deM.Defcartes.Liv.yU.josji
alors aucune attache à la demeure de j^^p
quelque lieu que ce fût. Quoiqu'il pa- -
rut ccre dans le fein du repos au fonds S" wcer-
de la Nord-Hollande , & qu'il rêvât ]'],'rUUeti
dans fa folitude d'Esmond auffi paifi- defade-
11 o 1 j meure*
blement & avec autant de douceur
qu'il eût jam^iis fait, il fbuhaitoit avec „
ardeur que les orages de la Fiance s'ap- ^^
paifallènt ^romtement pour pouvoir s'y ^^
établir. Mais la continuation des trou-
bles de fa patrie , jointe à Tapprehen-
fion de fe mettre jamais en voiage , fem-
bloit le faire re foudre à palTer le refte
de fa vie en Hollande, c'ell-à- dire dans
un lieu qui n'avoir plus les mêmes char-
mes qu'autrefois pour le retenir, & qui
ne lui paroilïoit commode que parce
qu'il n'en connoiiîbit point d'autre oii
il pût eftre mieux.
Lors qu'il raifonnoit de la forte , il }\^f/'
ignoroit encore le fort que la Providen- veut^at»
ce lui deflinoif. Mais peu de jours après f^'lj^^i^
elle lui fit conjedorer qu'elle difpofoic
de lui autrement qu'il ne fe l'éroit pro-
pofé. Dés le mois de Mars il reçût des
lettres de M. Chanut , par lefquelles on
lui marquoit le defir que la Reine de
Suéde avoit de le voir à Stockholm, &
d'apprcn-:
31 o AUegè de la Vie
î^49 d aprendre faphilofophiede fa bouche.
* ' — Comme il fongeoic aux termes de s'ex-
cufer fur ce voiage , il reçût de fécondes
puis de troifiémes lettres extrêmement
prelfantes de la part de la Reine. De
forte que malgré toutes fes appréhen-
dons éc les difficultez qu'il trouvoic
dans un voiage qu'il eftimoit dangereux
à fa (anté , il nx-inda à M. Ch:inut la àiC-
poiîtion où il étoic d'obéir à la Reine
vers le milieu de l'été , pourvu qu'elle
lui permit de revenir à Egmond trois
mois après , ou vers la fin de l'hiver
fuivant au plus- tard.
La Reine préfuniantde fa bonne vo-
lonté , avant même que M. Chanut eût
reçu fa dernière réponfe donna ordre à
TArniralFlemming de l'aller prendre à
Amfterdam , & de l'amener avant la fin-
du mois d'Avril. L'Amiral alla jufqu'à
Egmond j mais fous le nom d'un fimple
officier de la fiote Suédoife pour lui of-
frir fes ferv-ices , & lui montra les ordres
de la R eine , ajoutant qu'il prendroit fa
commodité, &c qu'il feroit attendre le
vailfeau autant qu'il le jugeroit à
propos.
M.Defcwirtes fut farpris de cette vifite.
& s'excnQ le plus civilement qu'il lui '1^49
fut pofTible fur ce qu'aiant récrit au Re- -*-^
fident de France , il en actendoit une ré-
ponfe qui lui expliqueroit prtcifement
les dernières volontez de la Reine, &c
détermineroic fes refolutions fur fon
voiaG;e. L'officier étant retourné à
Amderdam ians s'être fait connoître,
M. Defcartes receut de MXhanutdes
lettres qui avoient été égarées pendant
prés de quinze jours , &c qui lui mar-
quoient que la Reine avoit donné tous
les ordres necelTaiies à M. l'Amiral
f lemming pour îe tranf errer en Suéde.
Il reconnut à cette leélure la bevûe
que le retardement de ces lettres lui
avoir fait faire, prenant pour un fimple
officier l'un des Amiraux du Roiaume ,
qui lui avoit fait l'honneur de le vifiter ^
Se de lui apporter lui même les ordres
de la Reine. Craignant que le refus qu'il
avoit fait de fes fervices ne fuft inter-
prété au préjudice de fes bonnes inten-
tions 5 il fit incellamment préparer fon
petit équipage pour ne plus fe trouver
lurpriSjlors qu'il recevroit ordre de par-
tir, au cas qu'il ne pût obtenir les trois
mois de délai qu'il avoit demandez.
Pea
3IZ j4hrege de la Vie
J64.9. P^^ ^^ jo^^fs après M. Chanut
- partit d'auprès de la Reine de Suéde
pour venir rendre compte de fa redden-
ce à la Cour de France. Il arriva an
mois d'Avril en Hollande oiï il Fut pré-
venu du brevet du Roy qui le faifoit fon
Amballadeur ordinaire auprès delà mê-
me Reine. Il alla chercher fon ami dans
fonhermitage d'Egmond ,& acheva de
lever le refte des diiîicultez qu'il trou-
voit à fon voiage. Il le quitta pour Paris
dansla refolutionde le reprendre à fon
retour : & de le mener lui - même à la
Reine de Suéde , au cas qu'il ne put ob-
tenir du Roi fon maître la diipenfe de fa
nouvelle dignité , «5^ la permifTion de
•- faire revenir fa famille en France.
XVII. Vers le mois de Mai Ton vid pa*
Utb^e ^^^^^^ pour la première fois la Géome-
fz Géo. trie de M. Defcartes en latin de la tra-
meiae. ^^^j^j^ jg Schootcn ancien ProfelFeur
de rUniverfitédeLeyde en Mathéma-
tiques, il y joignit des commentaires
de fa façoUjavec les excellentes notes de
M. de Beaune dont nous avons déjà
parlé 5 6c qui mourut quelques mois
après cette édition.
Schooten à l'exemple de tous les au.
très
de M.DeJcartesXW.VU. 513
très Tradudcurs de M. Defcartes , l'a. ^^"^^
Voit prié de revoir fa verfion , de de la
rendre parfaitement conforme à fes
f)enrées originales , comme il avoit fait
es autres. Mais il aima mieux la lailler
pafTer que de la corriger à demi : Se pour
montrer qu'il ne prenoit aucune parc à
cet ouvrage, il voulut l'appelle: la Géo-
métrie ae M, Schooten , fans même s'en
attribuer le fonds. Cette indifférence
ne fut point approuvée de cei x qui au-
roient fouhaité qu'elle eût l'avantage
des autres traduftions : & M. Caicavi
s'en pLtignit à lui comme au nom de
quelques fçavans de Paris.
Cet homme faifoit en cette rencontre jvf. Car.
la fondion du feu P. Merfenne , à la catà cor-
place duquel il s'étoit fait fubroger par dÂT'de
M. Defcartes pour la correfpondance Ai.i>c/c«
qui concernoic les nouvelles de litera-
ture & de fcience , & les livres nou-
veaux. Il commença par lui mander le ^
fuccés de l'expérience fur la pefanteur
de l'air faite au Puy de Domme prés de
Clermont en Auvergne par M.Perrier
& M. Pafcal. Il lui envoia en même
temps deux petits livres venus de Ro-
me touchant la Phyfique fuivani les
nouvaux
^-^ 314 ^hyegê de la Vie
- nouveaux fentimens. Dans Tun des'
deuxil éroit parlé des principes- de NL
Defcartes avec eftime : mais on jugea à .;
Paris que l'auteur ne les avoit pas bien
entendus. Il lui manda au(îi par la même--
voie , qu'il y avoic à Rome un Minime
François nommé le V, Magnan plus in-
telligent &: plus profond que le P. Mer-
fenne , qui lui faifoit efperer quelques^
objedions contre Tes Principes.
Se U'^e M.Carcavi qui étoit étroitement uni?
t^r^lr ^^^^ ^' ^^ Roberval ne manqua pas de
M. de lui envoierauOi diverfes objedions de
mervd. ^.g Géomètre, Ô: de tâcher même de le
bien remettre dans fonefpritjoù il pré-
tendoit qu'il n'étoit mal que par l'indif-
cretion du P. Merfenne. M. Defcartes^
fecrut obligé de juftifier la mémoire de-
ce Père : mais il ne lai (fa pas de fcavoic
gré à M.Carcavi de l'amour qu'il té-
moignoit pour la paix & l'union des ed'
prits 5 & il voulut bien en fa confidera-
tion répondre aux obje(ftions de M. de
Roberval , comme fi elles lui eujjent été
propofées avec fîncerité par une per[onn&
bien intentionnée,
M. de Roberval dont le plaifîr étoic
de toujours objederSc non de recevoir.
de
de M,Defcartes.Livyil. 515
xîes fokuions ,di(Timulanc les réponfes ^^^9
que M. Defcaites avoir connées à fes
difHcukez , voulut fe fervir du nom de
M. Carcavi pour les lui obje6ler de
nouveau. Cette fidion ne plut point à •
M. Defcartes , qui n'eut aucune peine
à reconîX)itie l'efprit de M. de Rober-
valious la main de M. Carcavi. C ed-
pourquoi au lieu de récrire à ccbîi-ci,
il sadcireHa à M. Clerfeiier étant déjà
en Suéde, & le pria de marquera M.
Carcavi qu'il étoit Ton très - humble
fervitcur , de qu'il ne manqueioit pas
de lui faire réponfe lois qu'il lui ccri-
roicfes propres penfées.
La Saison de l'-ciè s'avancoit ,
êc M.Defcarîesattendoit le retour de "
M, Chanuc AmbalVadeur de France en ,
Suecie pour taire le voia:e en la corn- /Wo fur
pagnie. Mais aianc appris d'une P^î^t ^^''^/j^'^-l
qu'il ne^wuvoit partir de laris avant le^te.
mois de Novemabre , (Se de l'autre que la
Reine de Suéde l attendoic incelTam-
ment , il voulut prévenir l^-s premières
rigueurs de l'hiver. Il fut (eulement en
peine de fç.ivoir auparavant ii les en-
vieux que la Philofophie lui a^oit pro-
çutez n auroient point pris le devant à
la
^i6 y^hregé de la Vie
. ^ la cour de Suéde pour tâcher de lui rcn-^
dre de mauvais offices , & de prc'occu-
per Tefpric de la Reine. Il n'ignoroit pas
laverfion que la Noblefle Suédoife, ôc
. la plufpart des Officiers de cette cour
témoignoient pour toutes foites de
fciences. Il fcavoitaufii que la paiïion
delà Reine pour les Sçavans commen-
-çoit à devenir Tob.ec de la raillerie & de
la médifance des Etrangers. On publioit
déjà qu'elle vouloit raaiaflèr tous les
Pédans de l'Europe à StocKholm j &
que bientôt le gouvernement du roiau-
me feroit entre les maires des Grammai-
riens. Ilcraignoit de fe voir confondre
avec ces fortes de gens dans une cour
où les Naturels du pays fe foucioient
peu de difiinguer les Etrangers. Et la
vue de laRéligion catho ique fer voit en-
core à augmenter (es fcrupules. Il fal-
lut que Frein shemius à qui il en écrivit
fecretement les diffipât , & le prellât de
nouveau de la part de la Reine.
Quoiqu'il commençât par fixer fou
retour précifément au printemps de Tan-
née fuivante, il fe trouva dans un je ne
fçai t]uel preiTentiment de fa deftinée
qui le porta à régler toutes fes:;fFaires,
comme
de M.DefcarteslÀv.Wl.ji'j
comme s'il eiK écé qaeftion de faire le 1/49
voiage de l'autre monde. — — .
Il quitta fa chcie lolitude le premier
jour de Septembre , & après avoir lailîe
fon petit trrité des Pairions entre les
mains d'Elzeviet pour être imprimé
pendant l automne , il s'em'^ arqua au
port d'Am'lerdam , n'aiant pour tout
domeftique que Schluter .^illcmand fer-
viteuu fidèle «S: afrtdionné que l'Abbé
Picot lui avoit prêté pour fon voiage.
Il arriva heureuten-.ent va Stoci^iholm
au commencement d'Ocflohie , ik alla
defcendre chez Madame Chanut fœur
de fon ami M. Clerfelier , où elle lui
preftrnta des lettres de TAmbairadeur
ion mari qui Tattendoient avec un appar-
tement tout préparé , qu'il ne lui fut
pas libre de refufer. Il s'y trouva com-
blé de tous les avantages que le fé-
jour de fon aimable tgmond &: ce-
lui de la ville de Paris joints enfem- s^ rect^.
ble auroienc pu diciffilement lui procu- ^*,^V^
reràlafois. fes un.
Le lendemain il aUa falu^r la Reine T^T
qui le reçut avec une diftirdbion qui fut ^^^e s fa,
remarquée de to-jte la Cour , ^^ qui ^!,P/|^
contribua peut-être à augmenter enco- d'ke,
te
z 1 8 Ahreze dt^ U Vie
j-^49 re la jalouiie de quelques Sçavans, A
*- — • qui fa venu.è femhloit avoir été redou-
table. A la féconde vifite qu'il rendit à
la Reine , elle lui découvrit le detlein
qu'elle avoit de le retenir en Suéde pïtr
un bon établidemenr. Mais comme -il
«'étoit préparé dés la Hollande coiure
toutes (ollicitations , il ne répondit à
celle-là que par compliment.
Elle prit enfuite des mefures avec lui
pour apprendre fa philofophie de fa
bouche ;& jugeant qu'elle auroit be-
foin de tout fon efprit & de toute foti
application pour y réuiïir , elle choilîr la
première heure d'après fon lever pour
cette étude comme letems le plus tran-
quille ôi le plus libre de la journée , où
elle avoit le fens plus radis Se le cerveau
plus dégagé des embarras des affaires.
M, Defcartes reçu^ avec refpeâ:la com-
miflion qu'elle lui donna de fe trouver
dans le cabinet de fa bibliothèque tous
les matins à cinq heures , fans alléguer
le dérangement qu'elle devoit cauier
dans fa manière de vivre, ni le danger
auquel elle expoferoit fa fanté dans ce
nouveau changement de demeure , &
dans une failon oui éîoit encore plu-s
rieoLV
I
Je M.Defcirtes.LW.yU, xio
rigoureufe en Suéde , que par tout où il 1^49
avoic vécu jafqu'a lois. •■
LaReineenrecompenfc lui accorda
la grâce qu'il lui avoit fait demander
par Freinsheinius , & qui confitloic à le
difpenfer de tout le céréuîonial de la
cour , 6c à le délivrer de tous les alïu-
jettillcmens , ou pour parler comme les
Philofophes, déroutes les miféres des
Courtifans.Mais avant que de commen-
cer leurs exercices du macin , elle vou-
lue qu'il prît un mois ou fix femaines
pour fe reconnoître , fe familiarifer avec
le génie du pays , & faire prendre ra-
cine à fes nouvelles habitudes , par leC
quelles elle efpcroit lui faire goûter Ton
nouveau fejour , & le retenir auprès
d'elle pourleteftede fa vie. Maisaianc
reconnu de bonne heure la capacité de
fon efpntqui s'étendoit encore à d'au-
tres chofes quelaPhilofophie, elle ne
tarda point à le mettre de fon confeil
fecret : & la confiance qu elle eut en
lui la porta à régler fa conduite parti-
culière 5 ôc même divers points concer-
nant le gouvernement de fes Etats fiir
fes avis. Il profita d<5 cette nouvelle fa-
veur , non feulement pour fervir le
P Comte
310 jéhregede la Vie
~ Comte de Bregy ôc quelques autre«
.^•^ peifonnes de mente auprès d'elle , mais
(ur tout pour dctiuiie dans Ton efpric
les raifons d'éloignement & de froi-
deur qu'elle fembloic avoir pour la
maifon Palatine, & celles de la jalou-
se fecréte qu'elle avoir déjà conçue pour
l'efprit , la do6trine , ôc le mérite de .b
— —-' Princede Elizabeth en particulier.
7ai<ji^ril ^^ CREDIT joint à quelqucs ap-
fks_^ plaudilîcmens qu'il reçût à la cour pour
^e»s'de' <l"^^ues vers François que laReine lui
^4 Kt'me^ avoir demandez fur la paix de Munfter
allarma les Grammairiens & autres Sça-
vantajfes du Palais, malgré la précau-
tion avec laquelle il tàchoit de préve-
nir leur jaloufie. Ils étudièrent foigneu-
fement les occafîons de lui nuire , & de
rail en tir rar.ienr que la Reine faifoit
paroître pour fa Philofophie. Ils firent
Tonner fort haut le prétendu mépris des
Langues &: desHumanitez qu'ils lui im-
putoient. Defefperant enfuite de le rui-
ner dans rcfprit de la Reine avec toute
la pafîion qu'e.le témoignoit pour leurs
connoiiTances , ils crurent ne pouvoir
mieux fe vanger de lui qu'en le fnfant
pafier pour un de leurs femblables dans
l'efprit
de M.DeJcartes.Lw.yih'^ii
refpric des Seigneurs de la cour , &c fur i6>-9^
tout des Miniftres. Ils tâchèrent de leur 1
perfuader combien il étoit étrange que
ce nouveau venu eût io\xt Vloonnenr de.
la cor? fiance de la Reine ; & combien
il étoic dangereux qu'il eût part à d'au-
4:res affaires que celles qui regardoient
la philofophie & les fçiences. Maison
ne fut pas long-temps à la Cour fans
diftinguer Al. Defcartes d*avec les Sça-
vans deprofe(ïîon,qniy rendoient les
fçiences odieufes à la NobleiVe du lieu.
Cependant il apprit d'Elzcvier que Tr^i
l'édition de fon Traité des PajJ'ons de ^"^^^
V Ame -ctoit achevé. Il le prefcnta à
la Reine fans avoir crû devoir It luidé-
dier,parce qu*il avoir été compofé pre-
mièrement pour fon illurtre difciple la
PrinceflTe EHzabeth qu'il n'avoit garde
d'oublier. Pour rendre cet ouvrage in-
telligible à toutes fortes de perfonnes,
il l'avoit augmenté d'un tiers fur les avis
de M.Clerfelier.Il le divifa en trois par-
ties , dans la première defquelles il eft
traité des pallions en gênerai, & par oc-
cafion de la nature de l'AmejiScc. dans
la 1= des^fix paffions primitives j ^ dans
la 3^ de toutes les autres.
P ij la
3tt j4hregcde la l^ie
16^9 La vue de cet ouvrage fit juger à la
•- Reine que M. Defcartes avoit beau-
coup d'autres traitez parmi Tes papiers
qui ii'avoienc pas encore vu le jour. E:
dans le defir de lui faire faire un corps
accompli de toute fa Philofophi^ qu'eL
le goûcoit de plus en plus, elle voulut
l'engager à réduire en ordre le refte des
écrits qu'il n'avoir pas encore publiez ,
sAn de le porter enfuite à y mettre fa
dernière naain.
M. Defcartes pour obéir à la Reine
femità remuer le coffle de fes papiers
Sef œu' qu'il avoit entalîez peile méfie à fon
\Z!u' ^ÇP^" de la Hollande. Il ne s'y trouva
rien d'achevé. Tout étoit en morceaux,
donc on a depuis érigé en traitez ceux
à qui on a fait voir le jour. Entre les
plus confiderables de ces fragmens
et oie m.
Celui ôiQV Homme , que M.Clerfe-
lier a fait imprimer depuis, & où l'Au-
teur a fait voir toutes les fondtions qui
appartiennent au corps feul,fans tou-
cher à celles qui appartiennent à
J'ame.
Celui de la Formation an Fœtus, dont
îe.tùïe marque allez la matière , ^ qui
de Ad. DeJcartes.LW.V II. 313
a été publié conjointement avec celui j6^y.
de l'Homme par le mêmeAuteur^afllfté
de M. de la Forge Médecin de Saumur,
&c de Gérard Gutfchovven Profeireuc
des Mathématiques à Louvain,
Celui de la Lumière ou du Mende^
qui n'eft qu'un petit e^trait ou un mor*
ccaudefon fameux Traité du Monde,
qu'il avoir fupprimé à la nouvelle de la
difiirace de Galilée. M. Clcrfelier le
fit imprimer très - corredement en
Celui de V Explication des Engins qui
fut égaré après fa mort , & qui dans le
fonds n'efi: pas diffèrent de Ton Traité de
Mechanique.
Mais le plus confideraWe de tous les
ouvrages poftumes de M. Defcartcs eft
le trefor ineftimable^(?j Lettres qui fe
font trouvées dansfon coffre, & donc
M. Clerfelier a publié un Recueil en
trois volumes.
Ces ECRITS portâmes à qui M*
Clerfelier & les autres Cartéfiens ont très Mx.
fait voir le jour après la mort de leur **"^"'^'
auteur , ne furent pas les feuls qui fe
trouvèrent à la revue qu'il fit de fes pa-
piers. Ily avoitencore divers ouvra:;cs
P lij comme II»*
314 yihregé de U Vie
J^4^ commencez dans plufieurs regiftres de
différentes grandeurs touchant diverfes
parties de Mathématiques & de Phyfî-
que 5 fous des tures qui n'avoient aucun
rapport â ces matiércs,comme de Par^
Ti^Jpr ; Olyvipica; Democritica^ Than--
m^.-nU Rfgia , (jrc.
Son T^ ai té d'jilgéùre , qui fe trouve
encore dans le cabinet de quelques fça-
vans -5
Une IntroduBion contenant les fon-
demens de Ton Algèbre que nous
croions perduëj
Divers fragmens fur la nature &
l'hiftoire des Métaux 3 des Triantes y
6r des jûnhnaux \
Un J^regé dex A^ athematîques fH",
res qui n etoit pas achevé j
Divers amas de penfées détachées
fur TAme, fur la Nature, fur la conftruc-
tion de l'Univers j
Une IntroduBion a fa Géométrie J
dont nous avons en occafion de parler,
& qui étoit moins (on ouvrage que cc-^
lui de Pan de fes amis.
Parmi ceux que les foins de M.Cha-
nut ont fait échoir à M. Clerfelier, il
n'y en a pojnt de plus confiderable ni
.* peut
de M.DeJcartes,LiwyU. ^z^
peut être de plus achevé que le traité
latin, qui contient des Régies pour con^
duire notre e/prit dans la recherche de
la Vérité : au moins peut- on aîTiuer
qu'il n'y en a point d'une plus grande
utilité pour le Public. De trois parties
dont il de voit être composé, nous n'a-
vons que la première entière ^ la moi-
tié de la féconde.
Un autre ouvrage latin qu'il avoit
poudé allez loin , &: dont il nous refte
un fort ample fragment eft celui de l'é-
tude du bo.n fens ou de l'Art de com-
prendre, qu'il avoit intitulé Studium
bondi mentis , & qu'il avoit adreflTé à
l'un de fes amis, caché fous le nom de
Musée.-
On a trouvé aufii les commencemens
d'un autre ouvrage qui écoit parmi les
papiers du coffre de Suéde. Il étoit écrit
en François, en forme de dialogue fous
le titre de la Recherche de la Vérité
far la lumière naturelle^ cjui toute pure
^ fans emprunter le fecours de la Reli^
gion ni de la Philofophie détermine les
opinions i^ite doit avoir un honnétehom^
me fur toutes les chofes qui peuvent oc^
CHper fa pensée» L'ouvrage étoit divisé
P iiij en
316' j4hregé de la ^ie
3^4P en deux livres, dont le premier regar-
r^ doit lescbofesdece monde confiderées
en elles-mêmes j ^ le fécond ces mê-
mes chofes raportées à nous , & envi-
f?gées comme bonnes ou mauvaifes,
vrnies ou fanfres.
Il court encore par le monde divers
petits manufcrits de M. Defcartes qui
n'âoient plus parn-ii fes papiers lotf-
qu'il en fit la revue ; comme Ton petit
traité de l\-n d'Efcrlme : celui du
Génie dr' S ocrât e^ ôcc. Car je ne parle
pas de îa Comédie Françaife qu'il ve-
noit de faire en Suéde , bc que M,
Ch<înut empêcha de périr contre fon
intention.
\6<o» Cependant la Reine de Suéde vo'ùnt
— . rÀmbalîIideur dp France retourné prés
ttt^tT' ^'^^^^ 3 ^^^ communiqua le deffein qu'cl-
tabiir m le avoit de retenir M. Defcartes dans
Suèàx- Çç^ ^j^j. . ^ l'obligea de travailler avec
elle pour obtenir fon confentement.
De toutes fes excufes elle n'écouta que
Je prétexte de la rigueur du climat^par
ce qu'en effet elle s*appercevoit que
fon tempérament avoit beaucoup à
fouffrir dans un pays fi froid. L'expé-
dient qu'elle propofa à rAn^bafladeuc
fuc
de ALDefcartes.LW.VUr:,zj
£ic.de choifij: un bien noble & confi- j^^o
derable dans les terres les plus meridio-
i^les de la couroiine de Suéde acquifcs
par la paix de Munfter,. foie dans T Ar-
chevêché de Brémejfoic dans la Poméra-
nie;de luiconllitiicr un revenu d'environ-.
trois mille cV«5 de rente, &de lui faire-
un don en propre de la Seigneurie de
la terre, en telle forte qu'elle pûtpaf-
fer par fucceffion dans tes héritiers à
perpétuité.
La maladie de î'AmbafTadcur que la-
Reine avoit chargé de l'exécution de
cette afïàire avec un Sénateur du Roiau-
ine y apporta un retardement qui fut
nuihble, non pas à M.Defcartes à qui
Dieu avoit deftiné autre chofe , mais eu
Tes héritiers qui manquèrent d'êtreSei-
gneurs en Allemagne,
L'AmbalTadeur étoic tombé malade le:
î8 de Janvier au retour d'une prome-
nade qu'il avoit faite à pied avec M,~
Defcartes : & quelque affiduité qu'ap-
portât celui-ci à foUiciter ton aminuic
& jour, il ne lailToit pas de fe trouver
dés cinq heures dumatln au Palais pour
entretenir la Reine, {ans fe plaindre de-
là cruauté de la failbn qui étoic extraor-
P y- disi-'iits:
3i8 abrégé de la Vie
i^p dinaire cette année , Ôc qui ruinoic (a
fc fanté de jour en jour.
Trojet La Reine qui ne fongeoic à rien moins
çÀdTmie' ^^*^ l'incommoder l'obligea dans le fort
de la maladie de l'AmbalIadeur à re--
tourner encore au palais après midi pen-
dant quelques jours, pour prendre avec
elle la communication d'un dedein de
conférence ou d*alTcmblée de fcavans
qu'elle vouloit établir en forme d'Aca-
démie 5 . dont elle devoir être le chef
& la protedVrice. Elle voulut qu'il en
drelTât. le plan , & qu'il en compofâc
les Statuts. Il lui porta le mémoire qu'il
en avoir fait le i de Février qui fut la
dernière fois qu'il tvx l'honneur de voir
(a Majefté. La Reine en approuva fort
tous les articles , mais elle fut furprife
du fécond &i du troifiéme qui donnoienc
i'exclufion aux étrangers. Elle fe douta
que c'étoit un trait de la modeftie de
M. Defcartes qui fe fermoir à lui-mê-
me la porte de cette Académie dont elle
XXI ^"'^^^^ defîéin de l'établir le Diredeiir.
MaUdte ^E FUT ce même jour qu'il rap-
f^ ^^' porta du palais les premiers (entimens •
les. Sx ^e la maladie qui devoir finir la vie,&
ijtm. que TAmbairadeur commença à revenir
de M. Départes. Liw. VU. ^19
en convalefcence. Le lendemain qui js^]
ccoir deftiné à célébrer la fête de la —
Purification de la S. V. nôtre Philofo-
phe s'approcha avec les autres Fidelles
des facremens de la Pénitence & de
l'Eucharillie qu'il reçût des mains du P.
yiogué Augullin, Milfionaire de Aumô-
nier de rAmbalfadeur. Mais il ne pùc
finir debout le refte de la journée.
Les Tymptomes de la maladie avoienc
été les mêmes q.ie ceux qui avoienc
précédé celle de cet Amballadeur : Ôc
ils furent fuivis d'une fièvre continue
avec une inflammation de poumon rou-
te fembluble. Le dérangement de fon
régime de vivre joint au partage de fes
foins entre la Reine ÔC l'Ambair^deuc
malade au milieu d'une faifon ennemie
de fon tempérament «S: plus cruelle
qu'elle n'avoit été depuis prés de foi-
xante ans, au raport des anciens du lieu,
fut ce qui rendit fa fièvre plus maligne
que n'avoit été celle de rÂmbaiîaàeuro
Elle fut interne dans les premiers jours,
&: elle lui occupa tellement le cerveau
qu'elle lui ota la liberté de feconnoître, .
d'écouter les avis de cet ami ; -Se ne lui
lâilla de forces que pour refifter à la vo-
P vj lonté '
33 o yéhregê de la P^ie
^)'^ lonté de roue le monde. Le premier
' Médecin de la Reine qui étoic M. ^«
J^yer François de nation Se fon ami par-
ticulier étoic pour lors abfènr : & cène
Princeire ordonna fi celui c]ui fuivoit
d'en prendre foin. C'écoit un Hollan-
dais nom[\-iéP'venlles ennemi juré deM,.'
Defcartes dés le temps de la guerre que
les Minières de les Théologiens d'U-
trechc &c dç Leyde lui avoient declarée^-
Le malade à la vue de ce Médecin Se
des autres même que 1« Reine envoioit
avec lui s'obftina à ne rien faire de ce-
c|u*il ordonna, Ôc fur tout à refufcrla
faignée tant que dura le tranfport aU' -
cerveau. Ce qui donna des allarmes-
morte!Ies à l'Ambafladeur , Sc même à-
\^ Reine qui avoic foin d'y envoier un^ ■
Gentil-homme deux fois le jour.
Le cerveau fe débarralTa fur la fin ài\
feptiéme jo ir, ce qui le rendit un peu
plus le maître de fa tête , &; de fa rai-
fbn. Alors il commrnca à fentir fi fié-
vrc pour la première fois : il. marqua:
h caufè de l'erreur où il avoir été juf-
■ques-là, Sc ne (ongea plus qu'à mou-
rir en philofophe chrétien. Il fe fit fai-
gner deux fois de fuite fort abondant
naent>
d^ M.Defcartes.Liy.'Vll. 331
tnenc , mais il n'écoic plus temps. Il fie i^cq
chercher le P. Viogué fon conFelTeur _
qui écoic dans les exercices de fa mif-
fion à quelques lieues de Stockholm :
de i\ pria ceux qui l'approchoienc de
ne le plus entretenir que delà miferi-'
corde de Dieu , ôc du courage avec le-
quel il devoir foufFrir la feparation de
Çow anie. Il demeura pendant les deux
derniers jouis dans une tranquillité
fort grande : & il mourut paifiblement
entre les bras de l'Ambalàdeur Ôc du
Père Viogué le xi de Février à qua-
tre heures du matin ,. âgé de 53 ans,di)c
mois & Il jours.
La Reine à cette nouvelle fî"t «
connoître fon affli6tion par des larmes XXIL
très véritables Se très abondantes,qireî- ^,'J*''^J
le répandit fur la perte qu'elle fàifoit Defcaml
de (on il'ufî^e A't-u'.re ^ titre dont elle
avoir coutume de l*honorer , & de le
diilinguer d'avec les autres fçavans qui
l'approchoient. Elle envoia incontinent
un Gentil-home de fa chambre à l'Am-
ba(fadeur pour TaiTurer de fondéplaifir;
& pour lui déclarer qu'elle vouloir laif-
fer à la pofterité un monument de la
confideracion qu'elle avoit pour le meri -
te dir
331 Abrégé de la Vie
îi^o te du défunt , & qu'elle lui deftinoit
'^' - fa fepuhure dans le lieu le plus hono-
rable du roiaume , au pied des Rois fes
piédecerteurs , avec une pompe conve-
nable , &c un tiche Maufolée de marbre
qu'elle fe propofoit de lui faire drelVer.
L'Amballadeur qui n'avoit encore
pu fortir depuis la maladie , alla l'après-
midi au palais voir la Reine r ôc obtint
d'elle, pour de bonnes raifons qu'il lui
fit entendre , que la f.pulcure fe ftft d'u-
ne manière tres-fimple aux dépens du
défunt, dans un endroit du cuTietiére
des Etrangers où Ton mettoit les Ca-
tholiques & les Enfans qui mouroient
avant l'ufnge de leur raifon.
Le lendemain on fit le convoi fans
beaucoup d'appareil , mais fuivant le
céiémonial de l'Eglife Romaine par la
permiiïion de la Reine 6< du Gouver-
neur de Stockholm. Le corps fut porté
par le fils amé de l'Araballadeur i par
M. de Saint-S^rahux qui a été depuis
Gouverneur de Tournai ;par M. Piccjues
Secrétaire de rAmbairade qui eft au-
jourd'hui Conf-iller à la Cour des Ay-
des ; oc par M.Belir. Secrétaire de l'Am-
bafTadeur, qni eft maintenant Treforier •
deFraïKe, Le ■
de Al.DeJcartes.Liv.VU. 335
Le lendemain rAmbalfadeur accom- i(jp
pâgné du premier Gentil-homme de la ■ ■
chambre de la Reine , qui étoic Erric
Sparre Baron deCroneberg fît l'inven-
taire de ce que M. Delcaices avoir ap-
porté en Suéde. Et le 4deMarsfaivant
M . de Hooghclande fit celui de ce qu'il
avoir lailTé en Hollande en préfencede
M.Van SnreckjSeigneurde Berg^crean-
cier du défunt. >
L'AmbalTadeur à qui la Reine fai*
foit entendre qu'elle continuoit tou-
jours dans le delîein de lui drelîer un
monument de marbre 5 jugea que par
provifion il feroit toujours mieux d'é-
lever un fimple tombeau furlafoiredu
défunt. Il le fit faire de figure quarrée
en long, de pierre cimentée^dont les
quatre faces étoient lambrilTées en de-
hors avec des planches de bois un". Ces
quatre faces furent couvertes d'une
grolTe toile blanche cirée , que l'on fit
peindre à trois couches : Se l'on y fie
écrire par le Peintre les belles inf-
cfiptions latines que l'AmbafTadeur
avoit composées à l'honneur de Ton ami.
Quelques mois apiés on fît frapper en
Hollande une médaille à la mémoire de
nôice
354 JhregedeUVie
nacre Pliilofophe, avec un revers con-
tenant de magnifiques éloges.
,^ Apre's la converfioii delaReinC"
X>CIII ^s Suéde qui écoit dijë à M. Defcartes
Tranfli & à M. Clianut , & qui fe manifefta
*fon trps ^^^^^'^-^ années après la mort du pre- .
tuFranci mier par rahjuratfon du Lutheranilme,^.
il ne nous relie plus rien à remarquer
concernant la vie de ce Philofophe, fr
ce n'eft la cranflation que Ton fit de fes
cendres Se de les os de Suéde en France
dix-fepc ans après fa mort.
Ce fut M. d AUhert Tréforier gé-
néral de France qui Te rendit chef de
cette encreprife ic qui en fit toute la?
dépenfe. Il emploia pour cet effet M,
le Chevalier de Terlon Ambafladeur de
France en Suéde qui dévoie bien toft
partir pour le Da nemarck en la même-
qualité.
Cet Ambalîadeur fit lever le corp?
de M. Defcartes en prefence de M. de-
Pompone,qui éroit arrivé à Stockholm
poar luifucceder, & qui eft maintenant
Miniftre d'Etat. Il îefit porter d'abord'
Coppenhague , d'où il Tenvoia en-
France, fous la direction de quelques
Ferfonnes fares6cfidslles lez jour. d'Oc-
tobre:
de M.V ejcar tes. Liv y II. 535
tobre 1 666, Etant arrivé à Paris au mois
de Jr^nvier de Tannée fuivante il fut por-
té chez M. d'Alibert rue du Beautreillis:
& quelques jours après il fut mis en
dépôt fans cércmonie dans une chapelle
de l'Eglife de faint Paul. Delà il fiit
tranfporté avec un convoi fort pompeux
le 2.4 de Juin , jour de la Nativité de
S.Jean, à huit heures du foir dans l'Eglife
de fainte Geneviève du Mont , où il fut
reçu de l'Aobé & des Chanoines P^egu-
liers avec un appareil magnifique.
Le lendemain qui étoit un famedi l'on
y fit un fervice folennel, où l'Abbé qui
etoit le P. Blanchard General àe la
Congrégation cfiicia pontificalem-ent,ÔC
où afTiftérent quantité de perfonnes
qualifiées comme au convoi de la veille.
Le Père l'Allemant Chancelier de l'U-
'niverfité avoit préparé une Oraifon fu-
nèbre : mais il furvint un ordre de la
Cour pour empêcher qu*elle ne fût
prononcée.
On m t le cercueil dans un caveau
entre deux chapelles de la partie méri-
dionale de la nef, où M, d'Alibert a
fait depuis drelEer un marbre contre la
» muraille, reprefentant le bufte du Phi-
lofophe^
35 <^ Ahregé delà Vie
lofophe, avec une belle Epitaphe com-,
posée de deux infcriptions^ donc Tune
qui eft en vers françois a pour auteur
M. de Fieubet Confeiller d'Etat , ci de-
vant Chancelier de la Reine \ l'autre
qui eO: en latin vient de M. Cleifelier,
quoique plufieurs vciiillent encore l'at-
tribuer aujourd'hui au Père l'Allemant.
Après le re.vicedaramedi25dejuin
Ton porta dans les archives de l'Ab-^ !
baie de fainte Geneviève les titres , les
procès verbaux, & les certificats qu'on
avoir tirez en bonne forme : & M. d'A-
libert conduifit les principaux affiftans 1
chez le fameux Bocquet,où il leur donna
untres-foniptueux &: magnifique repas*
LIVRE
de M. Defcartes, l VIII. 357
Cor^t%
LIVRE HUjJIE'ME.
Contenant les ^ualitez. de fon corps é*
de (on ejpyit. Ses mœurs. Sa manière
: de vivre avec Dieu & avec les
, Hommes,
LE Corps de M. Defcartes étoit I.
d'une taille un peu au delTons de la ^°'^
médiocte, mais alTez fine & bienpro- "'"'*'''
portionnée dans la judelTe de toutes fes
parties. Il paroilToit néanmoins avoir la
tête un peugrolTe par rapport autronc*
Il avoir le front large , & un peu avan-
cé \ le teint alfez pâle depuis fa naiflan-i
ce jufqu'au fortir du collège, puisnoê-
lé d'un vermillon éteint jufqu'à fa re-
traite en Hollande5& depuis un peu oli-
vâtre jufqu'à fa mort. Il portoit à la
jolie une petite bube qui s'écorchoit &:
renailToit toujours. Il avoit la lèvre d'en
bas un peu avancée , la bouche aflez
fendue , le nez d'une grofleur propor-
tionnée à fa longueur , les yeux gris-
noirs, la vue agréable 5c ferme jufqu'à
la fin
538 Jbregê de laYie
la fin de Tes jours , le vifage toujours
ferain 5c la mine afiFable ; le ton de la
voix doux entre le haut ^k le bas, mais
trop foible pour pouffer de fuite un
longdifcours, à caufe d'une altération
de poumon qu'il avoit apporcée en
nai(îant.
Ses cheveux ôc fes {ôurcils éioient
affez noirs , le poil du menton un peu
' moins : & il commença à blanchir dés
rage de 45 ans. Peu de temps après il
prie la perruque,mais d'une forme toute
fêmblable à fes cheveux, <k par raifo»
de fanté.
Il fuivoit moins les modes qu'il ne
s'y laifîoit encrainer. Il attendoit qu'el-
les devinOTent communes pour éviter la
(îngularité. Jamais il n'étoit negligé,&
il évitoit fur tout de paroure vêtu en
philofophe, Lorfqu'il fe retira en Hol-
lande il quitta Tépée pour le manteau,
& la foie pour le drap. -^ -
Son Kf. Son régime de vivre a été fort uni en
gtme. tom temps. La fobrieté lui étoit natn-'
relie. Il bûvoit peu de vin , ôc écoic
quelquefois des mois entiers fans en
boire du tout. Mais comme il étoit fort
agréable & enjoué à cable , fa frugalité-
n'écoic
de M.Defcartes. I. VIîI. 535)
n*étoit point à charge à Tes «ompa-
gnies.
Il n'écoit ni délicat ni difficile furie
choix des nourritures , & il avoir ac-
coutume Ton goût à tout ce qui n'eft
pas nuifible à la famé du corps. Sa diète
ne con^îftoit pas à manger rarement ,
mais à difcerner la qualité des viandes.
Il eftimoit qu'il étoit bon de donner une
occupation continuelle à i'eftomac &
aux autres vifcéres comme on fait aux
meules , mais que ce devoit être avec
des chofes qui donnaflent peu de nour-
riture, comme les racines Ôc les fruits,
qu'il croioit plus propres à prolonger
la vie de l'homme que la chair des ani-
maux.
Il avoir obfervé qu'il mangeoit avec
plus d'avidité,& qu'il dormoit plus pro-
fondement lorfqu'il étoit dans la tiiftef-
fe ou dans quelque danger, que dans
tout autre état.
Il dormoit beaucoup , ou du moins
Ton réveil n'étoit jamais force'" Lord
qu'il fe fentcir parfaitement dégagé da
fommeililétudjoit en méditant couché^
& ne fe relevoit qu'a demi corps par in-
leivalles pour écrire fès pensées. C'eft
ce
5 4 o Ahreo-é de la Vie
ce qui le faifoit fouvent demeurer dix
heures & quelquefois douze dans le lii:.
La condefcendance qu'il avoic pour les
befoins de fon corps n'alloit jamais juC-
qu'àrindolence.Iltravailloit beaucoup
èc long-temps. Il aimoic alTez les exer-
cices du corps, & il les prenoit volon-
tiers dans le temps de fa recréation, juf-
qu'à ce qu'enfin la vie fcdentaire l'en
defaccoutumât.
Il regardoit lafanté du corps comme
le principal des biens de cette vie après
lavertu^ Il ne l'avoir pas reçue fort en-
tière en naiiîant , Se elle lui fut allez
mal confervée tant qu'il fut fournis à la
conduite des Médecins. Il avoit été tra-
vaillé durant fon enfance d'une toux
féche qu'il avoic héritée de fa mère, 6c ,
il fut fort infirme jufqu'à l'â^e de 15 ans
auquel il fiit faigné pour la première fois,
mais il ne le fut plus depuis,finon la fur-
veille de fa morr^ Il ellimoit lafaignée
dâgereufe pour un infinité de perfonnes.
A l'âge de 1 9 ou 20 ans il fe crud alfez
habile pour prendre lui-même l'admi-
niftiation de (à fanté , & il fe palTa de
Médecin iiifqa'a fi maladie mortelle. Il
avoit avedîon non feulement des Char-
latans^
de M.DeJcartes, l VIII. 341
latans , mais des drogues d-es Apo-
cicaires &: des Empinque?. Il deman-
doit même beaucoup de précaution pour
les remèdes de la Chymie. Après s'être
entièrement dégagé de cette chaleur
de foie qui lui faifoit aimer les armes en
fà jeuneQe, il prit un train de vie fi égal
&i fi uniforme q.i'il ne fut j anais mala-
de que de la caufe étrangère qui le fie
mourir en Suéde. Ses deux grands remè-
des étoient h diète , & la iroderatien
de fes exercices : mais il leur pref^roic
encore ceux de l'Ame qui a beaucoup
de force fur le corps, comme il paroît
par les grands changemens que la colère,
la crainte , Ôcles autres pairionÇs exci-
tent en lui.
Le Régime de vivre qu'il s'étoit
prefcrit avoir fes fondcmens fur la belle
-ceconomie de fon ménage. Il avoir un
nombre fufRfant de domeftiques tous
fort cboifis, fort propres 5 6e il avoir
grand foin de les prendre tous bienfaits
d'efprit & de corps. Sa maifor ctoit une
écofe de vertu & de do6lrine pour eux:
& non content de les rendre fçavans
^ crens de bien, il fe chargeoit encore
de feire leur foicune. C'eil pourquoi
3 4 1 Ahregê de la Vie
il y avoit toujours beaucoup d'empreC
femenc & de brigue à fe mettre à Ton
lèrvice: ôi Ton regardoic une place
parmi Tes valets comme une condition
fort avantageufe. De fon cofté il les
trairoit avec une indulgence 6c une dou-
ceur qui lesaiïujetiflbit paramour.Pour
ceux du premier ordre qui Tappro-
choient de plus prés en qualité de fe-
cretaires ou de valets de chambre, il les
regaréoit fi peu au delFous de lui ^ qu'on
les auroit pris fouvent pour fes égaux.
C'eft ce qui contribua beaucoup à leur
former le cceur <5c refprit j <5c la plus
part font devenus gens de mérite à de
confideration dans le monde. On l'a re-
marqué dans la perfonne de M .de Ville-
Breflieux Médecin de Grenoble, de M,
Gutfchovven ProfefTeur Royal à Lou-
vain, du fieur Gillot Mathématicien,
du fieur Schluter Auditeur ou Intendant
dejuftice en Suéde, 6: d'une autre per-,'
fonne en charge qui fe fait confiderec..
encore aujourd'hui dans le Languedoc^^
Son à^f- La dépenfe de fa maifon étoit toûi-
^S'ntyoùr jouts fort réglée , Ôi quelque paflTioni
les biens qu'jl g^^^ pour multiplicr fes expérien-
ce/^ for- *■ M /T' n • 1 • > 1 ''
lune. ces, il afteCtoit de ne point s endetcr
au
de M:Defcartes. /. VlH. 345
an delà de (on revenu annuel. Ce rev e-
nu n*étoit guéres que de fix à fert nnlle
livres de rente, (î 1 on en excepte les
<lernieres années de fa vie , aufquelles il
avoir augmenté.Quoiqu'il eût été moin-
dre dans les commencemens il luiavoit
toujours paru fuftifant. Ce n'éroir point
comnne un Gentilhomme necelliceux
& avide , mais "coirme un Philofophe
riche & content que M. Def cartes re-
gardoit les biens de la terre. Il avoit
toujours traité la Fortune avec beau-
coup de fierté : S^ parmi la foule de
ceux qui adoroient cette aveugle divi-
nité il avoit pris le parti de fe mocquer
d'elle hautement, fe contentant de plain-
dre quelqu^'s Philofophes de Tes amis
qui avoient eu la tolblelfc de (e plain-
dre d'elle. Au iTi la Fortune ne parut-elle
pas iii(enfible à fes mépris, & l'on au-
Toit cru qu'elle tâchoit de fe vanner de
lui dans routes les occnfions qui fe pre-
fentoient pour le rendre plus riche. 1
n'éroit pourtant pas de ces fanfarons t
de ces cyniques qui ne cherchent qu'c
rinfulter , 6c il n'avoir pas la vanité dt
vouloir triompher d'elle avec often-
tatioii. En effet l'une des principale
Q__ maxime ■>
344 -^^y^^ de la F'iet^\ sh
nwxim:sqii*il s'étoic prefcriies pour î^
conduite de Ç.\ vie, éiokdt tâcher pi a^
tit àfe va'tjcre lni-mêm€ ^ue laVoHi^
ne, ^' à changer fjg s defin qu€ l ordr^^
monde, -
; t-- 11 n^ay^oit pas moins de generoGcé que
âe def-iiHerelTement, & fon caur ne
put fe foumetcie qu'à fon Roi pour le
•point des hberalitez. Jamais il ne vo^
lut accepter d'aucun Particulier le fe^
xours qu'on lui cff-ioit pouT fouvnii" aux
grandes dépcnfes que dtmandoicnt Tes
expériences. Il refufa avec civilité une
fomme d'argent ties-conficérablc que
le Comte d' A vaux lui avoit envoiée juC-
qu'en Hollande, Il s'cxcufa de la même
manière auprès de M. de Montmor qrj
lui avoir c ffert avec beaucoup d'inftan-
ce rufage entier d'une maifondecartji^
pagne de4ooG livres de rente. D'autresr
peifonnesde la première confideratiorî .
îui avoient ouvert leurs trefors , mais
toujours fans effet. Il n'eftimioit pas
.qn'il lui fût honnête de rien empruntât
de perfonne qu'il ne pût rendre avec
iifure :^ ilprctcndoit que ç'auroit é<c
une grande charge pour luidefefentit
ïcdc-vable au Public. Mais s'jI avoit le
deriiue
II
deT-intcreffement des Philofopli s pour
les ticheilès, il n'en avoit pas l'orgueil.
Non fcuieoîent il regardoic de bon oeil
ceux qui en font un bon ufage , mais
il ne crud pas même dévoie négliger le
bien que Ton pcre avoit eu la bonté de
lui conferver. Il confideroic un patri-
moine légitime comme un pcefent de la
Nature plutôt que de la Fortune : &
dç tous les biens qu'on peut acquérir
d4ns le monde , il n*en trouvoit point
doat la polTeffion fût plus innocente
ëc plus dans l'ordre de Dieu. CVfl ce
qui lui fie mander un jour à fon f:ére
aîiîé qu'ï7 rfll-noit plus mille francs de
fuccefjion '^ue dix mille U vres qui vien^
nent d'ailhurt,
Si d e s revenus afTrz modiques ont ttt
paru fuffiùus pour r'-ndre M.Defcartes .^ J
TÏche de content, ce n eft pas feulement reareu,
à fafrugalité, c'eft encoie au choix d'u-
ne vie retirée qu'il faut l'attribuer. Il
recevoir peu de vifites en tout temps,
& en rendot encore moins. Il n'ctoic
pourtant tx\ mifanihrope ni raélancholi-
que : & il poaa jufqu*au fonds de fa
folicude la belle humeur Ôc Penjoûment
naturel quoaavoic temarq'jéenluidés
yîf6 ■'^^' Jhrege de U Vie
fa plus tendre jeuneire. La gaieté qui
lui étoit ordinaiie lui faifbit faire toutes:
chofes fans répugnance •,&: finousTea^
croions, elle liiî en facilicoit le fuccés.
Elle contribuoic même ta fa fanté. Sans
elle il n'auroit pu foûtenir le poids de
fa"fblitude avec tant de perfeverance.
C'eft elle qui a conveni Tinclination
qu'il avoit pour la retraite en une
vraie paiïion pour la vie cachée. Et le
defir de ne jamais s'en départir lui avoic
fait prendre deux devifcs propres à ne
lui jamais lailfer oublier fa refolution.
/,"■/.!' La première tirée d'Ovide.
Ber?è qui lattilt ^ ber.è vixir,
do'nt le fou venir lui fit perdre fou vent
le dellein de publier Tes ouvrages. L'au-
tre piifè de Scneque.
////■ rnof s gravis incubât
QhI notui nimis omnibus :î ^i.
IgnoîHS moritur bi, r.'i
quîeftune condanjnation de Ceux qui
cherchent à être connus des autres fiins
feconnoître eux mêmes. ^~ ^
, . ■' Depuis qu'il s'écoit réduit aune corp^
ie U ûition privée, u avoit regarde 1 incon'i.
lUire, yenient d'être trop connu comme un^
dillradion dangereufe au deffein de ne ■
-' ■'" jamais
de M. Defcartes. /. VîII. 347
jamais fbrtir de lui-même que pour CQn-
. vcrfer fecretement avec la Natuie', ôc
de ne quitter jamais la Nature que pour
rentrer en lui-même. Il resardoit com-
me une chofe ties-vaine , Te dcfir que
nous avons de vouloir vivre dans Topi-
nion & refprit d'autrui : «Se jamais phi-
loforhe n'a fait moins de cas de la c^loire
que la plufpart trouvent dans ce qiri
s'appel.e réputation, l! n'étoit pas af-
fez fauvage pour trouver mauv.iis que
C l'on penfoit à lui , on en eût bonne
opinion : mais il aimoit beaucoup mieux
qu'on n'y pensât poinr du tout.
La vie folitaire ne lui coûta que Ses habi-
peu de mois d'apprentilfage parceque ''',v7r J*
rinclinarion qu'il y apporta fe trouva l'-f^ ^ fou
fécondée par fon tempérament & pat
fon humeur particulière. L'habitude,
de la méditation qu'il avoir eue dés
Je collège Tavoit rendu fort refervc &
un peu taciturne. Mais quoiqu'il par-
lât peu en tout temps , il patîoit tou-
jours fort à propos & foit naturelle-
ment. Ses converfations n'étoient ja-
mais guindées , jamais gefnantes. Il
.éviroit fur tout de paroître dode ou
philofophe dans les entretiens. Il n'é-
'tiic.
toit gaéres plus porté à mettre (^s f etî-
ttts iùr le papier qu'à les dcbiret <îe
vive voix. Il avoir été alîèz pareÏÏcux à
écrire, irais (cm écriture menue ftrirée
Ôc régulière eft mie preuve qu'il avc^t
vaincu cette parefTe par une longue ha-
bitude. Il ne laifloii pas d'y retomber
de temps en temps , comme il paroît
non feulement par la répugnance qu'il
témoignoit à compofer fes ouvrages,
mais encore par la négligence' qtt^il
apportoit à repondre à les amis.
Il n'avoir pas fans doute autant de-
répugnance {"our la jlcdure, qu'il en
faiibit paroître pouL l'écriture. Il faut.
avoUer néanmoins qu'il ne iifoit pas
beaucoup , & qu'il avoit fort peu de
livres. Rebuté des inorilitez & des er-
reurs qu'il avoit remarquées dans 1er
liv es, il y avoit renoncé alîez (blcnnei-
lement ; mais à ne point mentir , £ba
renoncement ne fut jamais fort entÔfji.
& il le rendit même fufped de diffi-
mulation. On a cru qu'il avoir un ufi-
ge des livres beaucoup plus grand qu^il
ne vouloir le faire croire : Ôc l'on a
fondé cette opinion fur la qualité de fdh
_ftilc & Tabondance des chofes qull^a
•^'^"•"^ . traitées
de M Defaxtes.U V 1 1 1 . 3 4 9
.W^tées dans tous fcs ouvrages ^ mais
gparficuUérenient dans fcs letires. .
£., C'cH un jugement ou plùtct une
gConj.edare qu on a ticée de la bcaïué
^^ielonftiîejde la régularité de Ces pen-
^,fées^ de la nettetés de Texadlitude de
j fcs expreffions,
|,j II a V o 1 ï VEfprlt d'une étendue
f^prefaue infinie, & d'une force égale
a ion ctenauc. 5a pénétration ecoitpro-
' di^ieufe en profondeur &: en vivacité. «eW,
C'eft ce qui paroilîoit fLurtout lors qu'il
,^étoit qucftion de londer le fonds de
iirefprit humain , Se de déterminer pié-
jXifément ce q.ii cîl poQîble àl'Hoor,
, )çnc , & ce qui eft audelVus de Tes for.
^ccs.
^ ; Jamais homme n'a fait paroître à
g. plus haut degré ce que nous appelions
^■tfpHt géomètri^ne /& jt^ftejfe d'efprjr^
^,pouc ne point confondre les principes
> entre eux , pour pénétrer fautes les con-
^/fçqucnces qu'il eft poffible d'en tirer,5c
^^,pour ne jamais raifonner fautfemem fuc
:^ des principes connus, , ,
. _, Sa Mémoire n'ctoi: \ ni infidjcJe»,
,, ni malheureufe ; mais nous ne voions
^ gas qu'elle ait pu répondre à la
htim Qo"^J grandeuc
^^1
grandear de fon efprit. S'il lui n[i«#
quoit quelqac chofe de ce côté là ;^cè
défaut fe trouvoit amplement recoffll
penfé par cette autre partie de l^tii'é
qne nous appelions \t Jugement, & qtâ
elt toute la lumière de l'efprit de l'hom-
me. Il étoic judicieux & folide par tonr.
Il avoitle goût des chofesfort exquis,
& le difcernemenc très- délicat ôc très*
fin, même dans cequieftde l'ulage \t
plus commun , où les plus grands ef.
pries, 3c fur tout les Géomètres ont cou-
tume de manquer d'attention.
$on a- p^jgj-j n'avoit tant contribué à pcrfèc-
^outU tionner en lui cette excellente qualité
Venté, que cet amour violent pour la Vérité^
qui ne Ta jamais quitté de fa vie. La fîn-
cerité du cosur s'étant toujours trouvée
jointe en lui avec la droiture du fens &
de l'efprit ,il eut un foin continuel de
ne rechercher que la Vérité dans toiites
Tes études ; & de la faire paroître toâ^
jours entière, toujours nue dans fés açi.
_ TTons & dans fes difcours. La franchife
V- & la candeur furent en tout temps' lè
* , , cara6tére particulier qui fervît à Ife dif-
tin^uer de ceux d'entre les hommes qfài
lui retièmbloient par d'autres endroits;
^^ &
deM.De/carteSrLVlll. 35/
& coure la politelfc qu'il pouvoit avoir
tecûede ion éducation & de fa fréquen-
tation à la cour des Grands, ne Ric
pas capable de lui rendre refprit double
£?c le coeur mauvais, ni de lui perfuader
que la fidion de le menfonge dulfent ja-
mais être à Ion ufage. Les fautes qui (c
font contre la Vérité lors qu'elles ne
partent que de Terreur & de l'ignorance
cil il n'entre aucun deiTeindela bltiTer,
lui paroilToient pardonnables : mais à la.
place d'un Juc;e , il auroit été inexo-
rable pour celles qui fe font contre la
connoilTance] & l'amour de la vérité.
Quoique cette palîion qu'il avoit pour
la Vérité le portât à la pouifvùvre par ^
tout où il fe doutoit qu'elle pourroic
ctre cachée ^ il crut néanmoins devoir
s'attacher principalement à la chercher
dans les fciences , (ur lefquelles il avoit
coutume d'examiner d'abord ce qu'el-
les peuvent avoir de folide,aEn de ne
point perdre de temps à ce qu'elles ont
d'inutile , &c de pouvoir marquer aux
autres l'ula.^e qu'on en doit £iire.
, .V ; P £ u s I E u R s ont prétendu ou'il n'^i- ^ ^/.
gnoroïc aucune Science, oc qu u içavou
leus les Arts, M^s il nous fuffic de croi-
lité.
^j,. ^^ re qu'il pou voit connoîcre la na^iirÊOT
-t*»^ de toutes les fciences^ fans être n^ati^
ijîoins verfé dans toutes les efpece^' /"
^V jDn peut dire qu*il avoit encore' p|âs ^
4e docÙiîé que de fcicnce : &: C€tce ver-
tu étoit en lui d'un prix; d*àutant plus ^
ineftimable qu elle cft raredans les chefs ^
de fcde.. La- paflîon qu il témoignoic
pour corriger les fautes étoii toujours •
fuivie de la reconnoiflance qu il avdit;
pour ceux qui les lui . faifoient çori^
noître.. ^ :
Six moit' La vanité dont fés Adverfàires lofit;
Mk^'. taxé en quelques rencontres étoit toute
fuperftcielle, parce qu'elle n'avoir point:
^ trouvé de place dans Ton cœur. Mais à-
regard des foupçons delà fierté 5^ de la •
préfonïption qu'ils lui ont imputée , ils ^
,.. n'ont pu tenir contre l'éclat de fa me^
y 4<fl^e(\m n'a point tardé à. les difÏÏpér, .
Cette nFK)de(lie qui étoit accompagnée ■
, , d'une grande politelîe , félon MotiiS,.
refidoit encore beaucoup plus dans fcs-
fentimens que dans fes difcours, Ejiîe
n'étoîc afFedléenullepart jmàisellepâ-.-
roKïbit comme en (a place natufelle dans .
le peu d€ cas qu'il faifoit de U i-métne -
_^ ^:dè fesprodu(5tions, ^ dans l'ave fïîon '
qu*ilil
de Mk{>fjç^^tfUl, i<^
,<|u'il a volt pour l^s loUaiiges.
^ Cette belle velta nçcoit pas ftferilc A àot$^-
en lui : (5c Ton peut dire qu'elle en prô- "*'"*
duific une alTez feniblable dans Regiu*
T^edeçin d'Utrecht par rexcclleni mo--
/^4éle de rcponfe qu'il lui dreflacontie !e
.^'^iiuiftre Voetius, qu'il s'agilFoit de ré-
'lfuter,& qui n'eft pas moins un chef-
^4*<^Livre de doue eut «5c d'honnêteté que
,^de modeftie. Cette douceur qui étoic
'répandue dans toutes fes meurs n'a ja-
" mais changé de nom pour Tes amisimais
_. l'épreuve qtie Tes Advetfaires en ont fai-
]^X^ la fait appeller modération à leur Sj'r^r-
"égard. Elle n'étoit pas bien dans fon '^^^•^
jour contre des efprits de la trempe
. d*un GalTcndi & d'un Fermât, Il falloic
^. gn Roberval pour lui donner de Tcclat :
H^ais fur tout il falloitdes Miniftfes for-
";cenez , des -Théologiens bourrus , 6c
'2'4es Philofophes fauva^es pour la faire ■
" Uiompher dans fon defeit, ■
^, •. L'amour qu'il avoit eu toDté (à vie *
'" pour la paix & le repos l'avoit fait re-
Xpiitlrc de bonne heure à paéprifer la ca*
7^Ibmnie ,& à oublier les injures 11 étoit^
'^ tï^uirellement ennemi delà difpuce, fur*'
t^t -de celle pù.il eiiUê de la CQntcffà^'
QCvj) tk«v^
j^ïXï ^^hngé de laVi^'ày^
tion ôc du trouble. De là venoit cette
avcrfion qu'il avoit pour examiner les
fautes d'autrui , ou pour les relever
tjuand il les avoit remarquées en lifanc.
Cette occupation ne lui patoillbit pas
dlez digne d'un homme qui devoittout
ion temps à la recherche de la vérité : Sç
a croiait fè détourner de Ton chemin ,.
lors qu il s^arrétoicà confiderer les éga-
remens des autres.
^^' Takt dequalitezaimables'nepouv
es amis, y^j^j^j manquer de lui attirer des amis :
^perlonnene pouvoir fe vanter d'en
avoir plus que lui. Mais quoi qu il ne
refusât Tamitié de perfonne, la fienne
n'écoir pas fans difcernement , parce
qu'il tkhoit de ne la feparer de Ton etli.
me que le moins qu'il lui étoit poflible.
SaconFiinee n'étoir que pour ceux en
^^ qui il avoit remarqué une n^gcfle t]ue la
•^ - ic)enGe& la venu av oient confomn.ée.
v»v î V. :•> C'étoit rh€>mme de la meilleure coa-
fcience dumonde, au rapport même de
ceux qui: s'êc oient rendus les plusindi*.'
gnes de fon c:mitié. Il avoit une ten^
diclîè te une fidélité pour Tes amis, qui
ctoit à répreuve de l'inconftance &de
ta viçiflicude desckofesdeceaionxiei II
'KUiJi..';; ^ n'ctoit
de Min3f/S<rrçTji VIII. 355
It'éroit point méfiant ni foupçonneux . Il
«roioic aiiément le bien , mais difficile-
tftcnt le mal dans la perfonne de Ces
amis. Sa maxime étoic de fufpendre
toujours fon confentement pour les rap-
ports defavantaj^eux , jufcp'à ce que (à
propre expérience, ou des demonftra-
tions infaillibles P^rurallent de la chofe
qu'on lui avoic rapportée. Une autre
maxime de fon amitié étoit de n'être ja- ' '"^
mais incommode àfes amis , ôc de leur
rendre cependant tous les fervices dont
il étoit capable. Croiant que la difpofi-
tionoù il étoit pouvoit lui fervir de ré-
^le pour jJger de celle des autres, il
fortoit l'obligation de i'amitié à un
l^im de perfcdion (1 haut , qa'il pré--
tfndoit que ceux qui rendent les fervi-
«cs font encore les redevables.
1^ Un homme de ce cara<fl:cre ne âc- Sesennc
Toit point avoir d'ennemis, Aufïî nVn ^nis &
a-t'rl jamais eu d'autres que ceux de la ^"'*''^*'''
vertu (3c de la vérité , qui s'élevèrent
moins contre fa perfonne que contre fes
écrits. Il n'avoir nulle inquiétude for
ies inimitierdes autres : & fans être trop
curieux de s'enqneiir s'il avoit des en#
ûcœis , il le contcnioii de ne l'être à
-A . ' " perfonne.
y^S ' ^Jhfe^i de UVie ^ ^^
pcrionne, & de 5 tenir toujours prêt à?'
la réconciliation pour ceux qui yo%,
droienr revenir à lui. , ,^^-
Mais il ne croioit pas devoir negjîgè^
les ennemis de fa Philofophie , doue,
quelques-uns devinrent Tes envieux ,,^
lés autres fe rendirent Tes adverfaires. te
peu qu'il pouvpit avoir de vanité ft
trouva fans doute f. rt fatisfait des pre-
miers ^ ôc ce qu'il avoit de n^erite ne
pouvoir être rehaut é avec plus d'éclat:
que par Tenvie d'autrui. Pour fes Ad-
vcrfàires dont le nombre patïbit àt
beaucoup. celui de fes EiwieuXj il ne re-
al^Vi' S^^^ jamais de répondre à ceux qui à
travers de leurs préventions ou de leuç
ignorance , lui faifoient appercevo^
quelques marques de bonne foi, i:
Comme il avoir des adverfaires de
Jfoh vivant qui ne laiffoient pas de faiie
proFeflîon d*amitié avec lui : il ne faut
pas douter qu*il n*eût auffi quelques afr
fedions qu'il fut obli^^é de comb^tce
comme adverfaires ou ennemies de fon
înftitut. A regard des premiers il n'a-»
,voit prefque que(â raifon à fuivrc fai^ '
•^voir rkn à craindre de fou inclination^ -
IMâis pour les auacs.oùiUewble que, fa
' . ' raifoa-
de M.bfcaftk'T^U: Ip'
taifon ne pouvoir avoir la plus grande ■
partjil falloit principalement s'étudier à-
retenir fon inclination.il s'en rendit en-
fin le maître par Ton aplication & fa pcr-
fêverahce : mais par an effc^t de la bi-
zarrerie dé cette inclination , il lui étoic
refté fort avant dans le cours de fa vie -
pour Içs petfonnes louches une pente
d*a[fe(5bion venue de l'impreflion de fon <
enfance, lors qu'éiant en bas âge il ai-
rnoit une petite demoifcUe qui étoit un»
j^cu louche..
Ce que quelques-uns de Tes ennë- incUna*
mis ont'publiéde fon inclination pre- ''«« p»"»^'
tendue pour le fexe , fembîe n*avoir été ^'■^'^^**
imiiginé que fur une méchante explica.
tion d'un endroit du fieurEorel qui té-
moigne que nôtre Philofophe nefede-
plaifoit point à la convcrfation des fem-
mes , parce qu'en matière de phiîolb-
phiejil les trouvoit plus douces, plus pa-
tientes , plus dociles j en un mot , pliis-
vuides de préjugez & de f^uilès dodtri-
nes que beaucoup d'hommes.
L'aventure que quelques efprits oi-
Ùh lui ont attribuée avec une Dame de
Touraine nommée la Menaudiére , efl:
une fidion forgée fur un tableau qù*elle
'"' ' ' avoit-
358 ^Ahregêde la F^ie^lJîi^
. avoit vu de nocre Philofopbe chez VAh^
bé de Touchelaye. Jamais il ne vid cette
Dame , & elle ne l'avoii vu qu'en peiru ,
ture. Il n'en eft pas de même de Madame
duRofai, qu'il rechercha dans leitemps
que Tes parens fongeoient à le marier,
& qu'il difputa même l'épée à la main
contre un Rival , dans une rencontre:
qu il eut fur le chemin de Paris à Oir,
leans. Mais cette Dame ne fit point
difficulté d'avouer dans la fuite que fe
Pliilorophie avoit eu plus de charmes
qu'elle pour M. Defcartes j ôc qu'en-
core qu elle: ne lui parût pas laide , il.
lui avoit dit pour toute galanterie qu'il
ne troHvoit f(nnt de béante comparable
À celle de la Verii é*
, ^. _ La faute qu*il a faire une fois en Gi
^^ *'vie contre l'honneur de fon célibat eft
'moins une preuve de fon inclination
pour le fexc que de fa foib'elle : & Dieu
l'aiant relevé promtement, voulut q.ue le
fouvenir de fa chute fût un fvijet conti-
nuel d'humiliation pour lui , &: que fon
repentir fut un remède falutaire contre
Pélevation de (on efprit . :^ 1 ; ï,^-,^^
Il recouvra par ce glorieux rétablifle^
;»/,' ^ ïpaittous les èaits doiit il avoit plû à
^V'*j"
ta vif'
deMiî)efcarte<. l VîII. 3/^
Dieu d^honorer les vertus de Ton arrtc^:
Il fie lui en :avoit manqué ]ufqaes-là au-
cune de celles qui font Thonnefte hom-
me , & l'homme de bien : & depuis , il
travailla pour mériter celles qui peuvent
compofer un philofophe parfaitement
chrétien. Ceux qui Tont connu le plus
intérieurement , ont tous rendu témoi-
gnage à l'innocence de (a vie. Ils l'ont
ttouvé religieux dans tous Tes fentimens,
/âge dans toute fa conduite, édifiant
dans tous Tes dilcours , donnant des
exemples d'une pureté 6c d'une probité
quiétoit à l'épreuve de la conuption
ordinaire du (îécle.
Apres l'avoir connu tel qu'il étoît yjj^
dans Ton commerce avec les hommes & ^^^ ^^^._
avec lui-même , il eft bon que Ton fça- mens fw
che comment il en ufoitdans lesrela- ^*^i^'^*'
lions qu*il avoit avec fon Créateur -, ce'
qu'il penfoit de la Religion i en quoi
confiftoit fa pieté , qui étoit fincere 5c
folide, mais qui n*avoit rien d'outré,
ni de fadieux, au fentiment des perfo»-
ne« de l'une ic de l'autre communion; •
Jamais Philofophe n'a paru plus pro-
fondément refpedueux que lui envers ?.
la Divinité. Il fut toujours fobre furies' '♦^
:'-^- J fujeis
§£pt t ; Ahf€g€ de la F'sifi 4^.
fujets de religion. Jamais il n'a parll
de Dieu qu avec ladeiniere circonfpec-.
tion, toujours avec bv^aucoup de fag^ile^
toujours d'une manière noble <îk éleyée*-
L'apprehenfion ou plutôt la delicatelîe
qu'il avoit fur ce point lui faifoit fau*
puleufcment éviter d'entrer dans des
queftions de pure Théologie , croianc
que c'eft faire tort aux veritcj: qui dé-
pendent de la foi , & qui ne peuvent
ctre prouvées que par démonftration na*
turelle , que de vouloir les affermir par
des raifons humaines & probables feu*
kmenr.
Il ne pouvoir fouffyir fans indignatioo
•~ Ul temerité'de certains Théologiens qui
s*échippent de leur guides , c eft- à-diré^
de l'Ecriture Se des Maîtres de l'ancien*
ne Eglife , pour fe conduire eux-mêmes
par des routes qu'ils ne connoillenc pasv
Il blâmoit fur tout lahardielTe des Phi-
lofophes & des Mathématitiens qui pï*
roiflent fi decififs à déterminer c^ éftft
:*«««=r«r 'Dieupeiif^é' ce ^h'H ne pent pa^, li
AIT » diCoii que " c'eft parler de. Dieu comme
iV^A" ^'^" J^'P^^^J^o^ d'un Saturne,, (3c Tallu-
;*- ;^'**^ jettir auScyx & au Deftin , que de dire
ij?5î '^\^ii'il y a des veritez indépendantes de^
, de ^tbfvÂkTMu. j^
** Pour ce qui eft de l'exiftence de Diea,
H.' était fi content de l'évidence de la
^âéirjonftrntion qu*il cro:oir en avoir
'^^trouvée , qu'il ne faifoit point diffi-
^tulté de la préférer à toutes celles des
'venter géométriques. Il eftimoit d*ail-
^urs que le confentement univcrfel de
'éorus les peuples eft fuffiùnt pour main-
^Verrir la Divinité contre les injures des
Athées; 6c qu'un particulier ne doit
jamais entrer en difpute contre eux s'il
n'cft: allure de les convaincre.
*" B eft inu:ile de rappeller ici les caloiti-
"^r>ies d'Athcifme &:de Sceptidfmedont
Tes ennemis avoicnt tâché de le noircir
■nonobrtant le fuccés avec lequel il avoit
combatu les Athées de les Sceptique^..
On n'a pu former contre lui ces accufà-
^tions qu'en lui attribuant les opinions
qu*il avoit entrepris de réfuter j & qu'en
le furprcnant par une puérilité imperti-
nente dans l'entre- deux delà propoû-
Jtion & de la réfutation.
• La PRECAUTION qu*il appof-
toit à ne faire jamais d'entrepriie fur
la Théologie , n'alloit pas jufqu à îe ^*j^^/'(°*
^'fsiitc renoncer à la part que la Raifon chofes de
^humaine peur avoir dans les connoiftan* ^^ „^''*'
ces
E
3^1 ' Abrégé de la l^ie '
ces divines , même celles qui neiioU's
ont été communiquées (j'en haut que
arlarevelation.il n'ignoroit pas l'uti--
ité de la Raifon pour rétablilTement des
maximes de la Religion ; & il étoit për-^
fuadc que la Philofophie bien emploiée^
cft d'un grand fecours pourappuier ÔC^-
juftifier la Fo. dans un efprit éclairé.
Ce n'eft pas qu'il prétendit qu'on'
doive être Fhilofophe pour être Chré-
tien : mais il eftimoit qu'encore que la
Raifon de Thorame fe foi^imette à la Foi '
divine, la Foi ne dédaigne pas de fe
fervir du raifonnement humain pour
. captiver la Raifon & s'en faire obéir.
II étoic perfuadé que Tes opinions
pou voient avamageufement fervir à
'expliquer les veritez de la Foi, Il ne
. croioit pas qu'il y eût rien dans tout ce
^,qui peut regarder la Théologie & la
Religion, avec quoi fa Philofophie ne
s'accordât beaucoup mieux que ne fait
la Philofophie vulgaire. Et pour ce qui
eft des controveries qui s'agitoient de'
Ton temp^ dans les écoles theolo^;iques ,
à caufe des faux principes de Philofo-
ph'e fur lefquels il les croioit fondéc^s ,
il efperoit qu*elles ceiTeioienc , & qu-
. . elles
de M.Defcxm^. /. VIII. 5^3
elles tombei'oient d'elles-mêmes , s'il
artivoit jamais que Ces opinions fulK ne
reçues. Ce qui lui avoir piineipalement
çnné le cc^ur , cfl: que décrivant la njif-
(cUice du monde félon les principes de
fa Ihyfiqne ^ i'érant fouvenu de relire
le premier chapitre de la Genefe, il avoic
trouvé qu'il pouvoir s'expliquer entié-
remenr fuivant fes iman^inations beau-
coup m:eux qu'en routes les façons dont
les interprètes l'expliquent.
Cependant fur les feules apparences
de fes entreprifes , &: fur fes manières
de philofopher qui paroiiîbient nou-
velles, plufieurs ont jugé quefaphilo-
foplîie étoit , finon pcrnicieufe , au
moins tres-dangs.rcnfe à la Religion
Chrétienne j &: qu'elle étoit également
contraire à la Théologie des'Catholi- '
ques 6c à celle des Prottftans. C'eftce
quiavoir portéquelquesControverfifles
de Tune & l'autre communion à vouloir
l'étouffer dins fa nailTance.
On eft revenu de ces appréhenfions
parmi les Catholiques, hors quelques
Peripaicticiens aveuglez de leurs pré-
ventions. Mais les Proteftans qui ne
l'ont point trouvé favorable à leurs in-
novatioi^s
3M '^-' h^regedeUVit^A^'
novations 0:1: été long- temps fan vie .
lui vouloir pardonner. Parce quil q'a
point parlé comme eux de la Providen-
ce de Dieu & de h Liberté derHomme,
ce qu'ils ont pj faire de moins des-cbli-
geant pour lui a été de le faire pafler
pour un Pelagien. Mais leur accuutioii
cft tombée , n'aiaiit pu l'appuicr fur au-
cun endroit de Ces écrits ou de fa con-
duite particulière , où il fiit queftion de
la grâce de Jefus- Chrift, ou de la gloire
^ furniturelle.
' j vr II e t g I t fi perfuadé de la confor-
Maniere ^'^^- totale de fcs opinions avec ce que
d'exfii' PEglife nous cnfeignedes veritez de la
VZnf^ Foi., que la Tranllubftantiation même
fubjtan- qu*il eftimpoiïible félonies Proteftans
d'expliquer par la philofopliie ordinai-
re , eft félon lui très facile par la ûenne.
Son explication au jugement de tous,
les Catholiques Cartefiens eft beaucoup. ;
moins embaralVante que celle qu'on
nous donne dans les Ecoles : & fi Ton
en croid quelques Jefuites , il a fort
clairement explijué tout le myftere de
l'Facharifiie t^ivarit fesp/imipes^fans^
aucune entiîé d'accidens,
C'eft ce quia fait jugef à plafieurs
UuU
tmnati>
e?f M. DepcartesJyviU. 5^J-
'ÏJnivcificezProceftcintcs que fa doélrinc
ctoit tres-préjuQidable au Calvimfme!
6»: elles onc eu raifon de regarder Ari-
ftdtç comme beaucoup plus propre que
lui pour les dcdeins qu'elles avoient de
maintenir leurs heicfies, & de comba-
tfe les dogmes de TEglitc Catholique.
La bonne foi nous oblige de recon-
lîo'icre d'ailleurs que la plu part des au-
tres irott-ftans n'ont pas eu ces confide-
rations, lors qu'ils ont chafTé Ariftote
de leurs écoles pour v introduire M,
Defcartes : & qu ils ont en cela moins
confideréles intérêts de leur Tnéc!o:;ie
que ceux de ia 1 hilofopie. Mais il fera
toujours glorieux pour fa manière d'ex-
pliquer la Tranflubftantiaiion , de fç^.
voir qu'elle ait eu la force de convertir
des Huguenots à la foi de TEghfe Ro-
maine : comme fa manière de parler de
la Religion a fait entrer quelques Achées
de profeffion dans la même Egîife.
Ce^ endant Dieu a permis que la eau
lomnielait attaqué par l'endroit même
où confiftoit fon mérite. Il s'eCt trouvé
des Catholiques qui fur àçs foupçons
tres-injulles n'ont peint fait difficulté
de Taccufer de Calviuifnie ; ^ des Cal-
Y initie s
3 6 G Jhregêde la Vie
viniftes qui pau un craie de malice ont
voulu fe faire honneur de le mettre de
leur nombre. Mais la calomnie a été
confondue par» les témoignages d *u-
ne infinité de gens de l'une & Tautre
communion,par les certificats de la Rei-
ne de Suéde , de laPrinceiTe Elizabeth,
du P. Viogué Ton confelTeur, de Met-
fleurs Chanut , de M. Clerfelier -, &
enfin par la jiiftice que l'Eglife a fait
rendre à fa mémoire dans les lionneurs
publics d'une fepulture que nous re-
gardons comme le facrement de^Morts,
ôc le fceau de la communion des Saints.
fes exer- Cette juftice étoit bien due à un auffi
religieux obfervateur des loix de l'Egli-
fe qu'écoitce Philofophe. Jamais il n'a-
voit mancjué de zèle pour elle , mais
ce zcle n'étoit ni avcui^le ni déréglé. Ja-
mais il n'eut honte de profelTer publi-
quement fa catholicité au milieu des fo-
ciecezfeparées de TEglife. Jamais il ne
lailFa échaper de fa plume ni de fa bou-
che aucun terme de liberté ou d'irrévé-
rence touchant certains ufages de nôtre
Eglife , furlefquels fes Philofophes &
les Efprits forts ont coutume de faire les
plaifans. Le refpe(^ qu'il avoic pour le
miniftére
cices dt
fieté
de M,Defcdnes'l:Vl\l. 3(^7
miniftére évangelique des Théologiens
Pioteftans ne luifîc jamais dire un mot
qui parue complaifant oli favorable au
fchifme oa à riiéréfie. La précaution à
laquelle il s'étoic airujetci en entrant
dans des paysdedifFerente religion Ta-
voit tellement rendu difcret & retenu,
qu'il ne parloit prefque jamais fans édi-
fier, ni fans imprimer du refped & de
Teftime pour la religion qu'il profef-
loir.
Sa conduite n'étoit pas moins édifian-
te que fcs difcours. Il ne f^ifoit pas con-
finer tous les devoirs d'un véritable
chrétien dans un culte intérieur feule-
ment 3 comme font phifieurs Philofo-
phes. Il écoit fcigneux de l'accompa-
gner de tousles exercices d'un bon ca-
tholique : & il s'acquittoit de toutes fes
obligations comme auroit fdit le plus
humble &: le plus fimple des Fideîles.
Il frcquentoitfur tout les facremensde
pénitence «Se d'Euchariftie avec toutes
les dilpolicions d'un cœur contrit &
d'un efprit humilié, autant qu'il eft per-
mis de s'en rapporter a la foi des Con-
fcillursqut gouvernoient fa confcience
ça Hollande bi en Suéde.
R L'atcg.
5 68 Àhycqt de la J^ie
ji^„ },^ L attachemenr qu il avoïc pour toiK
^'i^giife. le corps de l'Eglife dont il écoic mem-
bre 5 étoit foûrenu d'une foùmidion Hn-
cére & fins icferve pour Ton autorité.
Ilavoicdeladcférence pour tout ce qui
portoit le cara(5bére , ou feulen-.Cît le
nom du faint Siège ; & il fai'oic eri.ime
deja Sorbonne, c'ell- à-dire,. de toute
la Faculté Thfologique de Paris , qu'il
reg.ii'doir comme dé^oflraire de la clef
delafcience, (cachant que celle de la
puKîance croit entre \qs mains du Pape
A' desEvéques. C'cft ce oui lui faifoic
croire que ia ccnfcience feroit toujours
en fureté, taijt qu'il auroit Roms d^ l^
Sorbor.ne de [on cojle.
Sa fouir>ifîiO'n au S. Siège s*étendoit
même jufqu'à quelque condderntioii
pour l'Inquihtion Romaine, quoiqu'il
iiefuc nulle part judi^iable de Ton tri-
bunal. Il n'ignoroit pas la dififèrence
qu'on doic mettre entre l'autorité du
Pape ^ celle de la Congrégation éta-
blie à Rome pour les livres défendus;
niais il ne lailTbit pas de témoigner du
refpLâ: pour elle idc dire par honnêteté
qufi Ton autorité ne pouvoir guéres
»ioins fur Tes avions, que fa propre m*
fon
de M,Defcartes. /. VIII. 3^5>
fon fut fes pensées -, & de prendre tou-
tes les mefiires necellaires pour ne rien
écrire qui pûc lui déplaire. Il cft à croi-
re que cette Conare2,ation de fon côte
i'auroit épargné fi elle ïivoit pu fc dé-
fendre des intrigues d'un auteur paai-
culier qui fç :t adroit.^ment Faire gliilcr
un'^ partie de fes ouvrages dans Vhidsx
au milieu d'une lirte;d'autres livres dé-
fendus par un décret du iode Novem-
bre 166 1. ^_
I L s E M B L î qu'on n'ait point trou- y^^
vé pourlecenfurerou pour Icrejetccr, 7),, c^-
de prétexte plus fpecieuxc,uc celui de '■f-'^'>«
la Nouvea:ite dont piulicurs ont cru -ycauu
qu'on lui pouvoic f.iire un crime. C'ell '^«^/^^
peut-être de tous ceux qu on a voulu
lui imputer le feul dont on ait pu le
charger avec le plus de vrai-femblance.
A dire le vrai , il n'a point eu pour la
Nouveauté toute l'horreur qui a para
dans les adorateurs des Anciens. Il a
cru qu'en philofophie où il ne s'agit que
de la recherche des veritez naturelles
qui n'ont pas encore été découvertes,
il écoit permis d'emploier des moiens
nouveaux, puifque les anciens n'ont
pas réulîi depuis tant de décles à nous
.R ij les
570 yihregc de la P'ie
les faire découvrir. D'ailleurs Ton efprît
n'étoit pas du caradére de ceux à qui
deux ou trois mille ans font capables
d'imprimer de la vénération pour l'er-
reur. Il écoit alTuré que les chofes les
plus anciennes qui ont été reçues par
la Podeiité, avoienc été nouvelles dans
leur nai(rance:&: que fi la nouveauté
avoit été un obftacle à leur réception,
on n'auroit jaaiais rien reçu dans le
nciondc.
Mais depuis qu'on s'eft engagé
d'honneur à ne plus confondre la Nou-
veauté avec la FaulTeté, ni TAntiquité
. avec la Vérité, l'Envie qui ne pouvoit
foufftir que M. Defcartes fut innocent
a tâché de prendre le change pour le
rendre coupable. Ses défenîeurs pour
repoufler robjedionde la Nouveauté
avoient entrepris de faire voir que fes
opinions n'étoient pas trop nouvelles,
& que plufieurs' avoient été débitées
avant lui. Ses envieux à qui tout avoit
paiû nouveau jufques-là n'ont pas man-
qué de profiter de ces ouvertures, &: ils
Tont auiïi-tôt accusé d'avoir volé les
Anciens , ôc même ceux des Modernes
qui l'avoient prévenus.
'de Aï. Defcartes.l.VlU. 571
La multitude de ceux qai fcmblenc -^«^ »"«'»*
avoir eu avant lui des lentimens fembla- r.ve'ccei^x
blés aux (îens peut bien (etvii: àrehauf- "^^'''-^'V''
fer le prix de Ta philofophie, & faire ^''"
juger de Timpoitance de ce qu'il y a
ajouté de nouveau, foit pour corriger,
foie pour perfedlionncr ce qui n'avoic
été qu'ébauché ou bazardé jufques-là,
fans principes ou fans méthode : mais
elle eft inutile pour piouver qu'il foie .
le plagiaire de tant d'Auteurs dont on
fçâit que la plufpart lui étoient incon-
nus. Elle nous porte feulement à croire
qu'il a inventé feul plus que tous ces
Philofophes-enfcmble, &: qu'il a été '
plus heurejx que tous en vray-
femblance ôc en folidité pour Té-
tablilTement de (es principes, 6c la liai-
fon de fes conféquences. Son fyftémc
eft fi achevé ik fi bien fourni, qu'on ne
doit pas trouver étrange que ce qui a
été le plus p'auhblement imaginé par
les Anciens 6c les Modernes s'y tiott-
ve arrangé de tedifié, fans qu'il foie
befoin de feindre qu'il l'a pris dan: leurs
écrits.
M. OcRartes convcn.^nt que ce qu'il
R lij , dàok. -
37^ yîhregé de la Vie
difoic pouvoit avoir été déjà dit pat
d'autres , croioit qu'il en étoic de même
de lui que d'un homme qu'on accure-
roit d'avoir pillé l'alphabet, & !e dic-
tionnaire,. parce qu'il n auroit pas em-
ploie de lettres qui ne fulfent dans le
premier, ni de mots qui ne fe trouvaf-
fent dans le fécond. Mais il ajoûtoic
que ceux qui reconnoîtroient Tenchai-
nement de toutes Tes pensées , qui fui-
vent necefTairement les unes des autres^
avoUeroient bien tôt qu'il feroit auffi
innocent du vol qu'on lui impute,qu'uiî
habile Orateur que Ton rendroit pla-
giaire de Calepin ou du vieux Evandre,
pour avoir emprunté les mots de l'un
ôc les lettres de l'autre.
La feule difficulté qui reftoit à lever
aux Cartéiisns , confiftoit à dire qu'on
vient trop urd pour inventer une chofe,
îorfep'elle e(l déjà inventée. Mais l'ex-
périence nous répond pour eux qu'u-
ne même chofe peut être inventée plus
d'une fois en des temps difïèrens & en
divers endroits par des perfonnes qui
n'auront rien appris l'une de l'autre, ôC
qui n'auront eu aucune communication
cnfemble. M. Dcfcarces témoigne qu'il
lai:
de M. Defcartes. /. VIII. 575
lui importoit pea d'être le premier ou c?
le dernier à écrire les chofes qu'il écri- «
voit pourvu feulement qu'elles fufifent c«
vraies. Il ne (è vantoit point d'être/^ u
pre?nier Irruenteur d'aucune des chofes
qu'il avoit avancée5. Il fe contentoit de
dire que s'il les avoit reçues, ce n'étoic
point pour avoir été avancées par d'au-
tres, ou pour ne l'avoir pas été , mais
feulement parceque la raifon les lui
avoit perfuadées.
Au refte il n'étoic pas de ces efprits
inquiets ou intercffez qui craignent
qu'on ne leur dérobe leurs inventions:
6c il ne jugeoit pas qu'un coeur géné-
reux dût fe plaindre des Plagiaires qui
l'auroient volé, pourvu qu'ils ne fup-
priment pas entièrement leur larcin ,
qu'ils ne le corrompent pas , & que le
Public n'en foit pas fruftré. Il nous a
lailfé de beaux exemples de la genero-
fité &: du deùinterelfement qu'il exi*
geoit des autres en ces tencontres,à l'é-
gard de deux Auteurs Hollandois qui
s'étoient rendus plagiaires de fes écrits
avant qu'il les eût communiquez au Pu-
blic. Il fe contenta de prendre des pré-
cautions oeccllaires contre la vanité de
l 'un
374 ^yeo^édelaVhdeM.Def.
l'un, 8c l'infidélité de l'autre : après
quoi il abandonna le refte à Dieu,com-
me à Tunique auteur de tout ce qui
pouvoit y avoir de bon dans fes écrits,
fans s'en attribuer autre chofe que ce
que l'ignorance & Tinfirmité humaine
y avoient produit de defedueux.
FIN,
EKRJTJ.
ftigc ligne faute correEîlon
60 6 pouvoir poiu'roic
6^ 4 que depuis depuis, que
5?5 iS douleur douceur
5?4 7 maïquc remarqué
121 iS Adctheorcs Météores
11g 25 la fa
J50 I fource refïource
IJ5) y Va.n-h€evv van-Lenvv
161 6 l'a la
166 iS fe ce
171 19 appris apprife
ic^o 5 appréhende apprehendet
I5?2 7 la fa
201 i($ feroit feroic.
io6 20 fie lui fie
235 15; Vauden vanden
250 7 très tous
257 10 E(TcUS ^/o;//^^ achevée
304 35 de difficulté difficulta
346 21 ^^' y?^f
Extrait du Trivlle^e,
PÂi Lettres Patentes du Roi données
à Paris le i. de Mars i6^î, fi^^nées de
S. HiLAiRE, & fcellées , il eft permis
au fieur A. Baillet de faire imprimer
ôc débiter La Vie de ^JM , Defcanes^
ôcc. Plus 5 d'autres Ecrits ^.Pièces ^^
Traitez, crncernant la même hifloire y
Sec, pendant refpace de huit années
confecutives, à commencer du jour que
chaque Traité fera impria^é. Avec dé-
fenfes tres-exf rcffes à toutes perfonnes
de Timprijner, vendre ^ drbiter^même
d'impreffion étrangère, fans lapecmifl
fion exprelTedudit Expofant, fur les pei-
nes portées par lefdites letçres de Pri^
vilege»
Re^tjlrê fur le Livre de la Commu-^
vanté des Imprimeurs & Libraires de
Taris le i Afars i6^i* 5f^;7f P.Aubouin •
Syndic.
Achevé d'imprimer pour la première
fois le Zj de Juin i6^i.
['
^ .yr