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Full text of "La vie de Mr Des-Cartes. Réduite en abregé"

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LA  VIE 

D  E    M"" 


DES  CARTES 

Réduite  en  ab/eoè. 


A   PARIS, 

TGuiLLAUME  DE  LuYNES,  Libraire  Juré,dans 

la  Salle  des  Merciers,  au  Palais,  à 

l'Enfeigne  de  la  Juftice. 

/•Ca  Veuve  de  P.  Bouillerot  ,  à  rentre* 
Cliez<     de  la  rue  S.André  des  Arcs,  au  bouc  du 
(       Pont  S.Michel,  au  bon  Protc(^eur. 

j  ET 

(Claude  Cellier,  Rue  S.Jacques, 
V.  au  grand  Navire, 

mTIdc  X  c  1 1. 

uivcç  FriviUgç  du  Roy. 


MONSEIGNEUR 
LE 

CHANCELIER. 


OT^SEIGNLVR, 


L'union  que  Dieu  a  établie  entre  la, 
Juftlce  &  la  Vérité  ^  me  donne  la  har- 
die^e  de  préfenter  mon  ouvrage  a  Votre 
Grandeur.  Quelque  égalité  qu2  cette 
finion  femble  mettre  entre  elleSi  V ordre 
de  la  Sageffe  ^éternelle  a  voulu  que  la 
Vérité  f lit  fous  la  prote^ion  de  lajitfti^ 

A         ce 


E  P  i  T  R  E. 

te  i  c^  ojue  Vhne  étant  naturellement  tou^ 
tenue  &  fans  armes  y  l'autre  fe  troHvâe 
toujours  armée  pour  fa  défenfe, 

C'eft  peut-être  dans  cette  vue, MO N^ 
SEIGNtZJT^,  cjue  Dieu  nous  a  fait 
repréf enter  la  P^érité  fortant  de  la  terre ^ 
dr  la  Jujiice  placée  au  deffus  des  tem- 
pêtes pour  lui  tendre  la  main.  Le  fort 
de  la  Vérité  femble  dépendre  tellement 
de  la  préfence  de  la  Jufiice ,  ijue  pour 
peu  cjue  celle-ci  s'éloigne  ^  celle-là  fc 
trouve  fouvent  en  proye  a  fes  ennemis. 
Mais  les  intérêts  de  l'une  font  telles 
ment  attachez,  ù  ceux  de  t^ autre  (  pour 
ne  pas  dire  que  ce  font  les  mêmes,)  c^u'il 
ne  ferait  pas  poifihlealaju^lce  d'aban- 
donner la  V  érité  fans  fe  détruire.  Ce 
nefi  point  faire  des-honneura  la  Jujiice 
de  croire  qu'elle  ne  peut  fubf fier  cjuepar 
la  Vérité  ;  (fr  de  dire  après  un  Prophète  ^ 
quon  ne  peut  avoir  d'accès  auprès  d'elle 
que  par  le  moicn  de  celle-ci.  Dieu  mê- 
me dont  la  vie  ,  au  langage  de  l'Ecri- 
ture ^  nefi  ijue  Vérité  &  que  Juftice  ^  a 
voulu  cjue  l'une  fut  toujours  injepara" 
hle  de  l'autre  dans  tous  fes  ouvrages, 
L'Homme  qui  s'imagine  en  être  le  chef- 
dœuvre^  ne  peut  entretenir  aucun  com- 
merce 


E  PITRE. 

inerce  avec  fort  Créateur^  que  par  la 
'voîe  de  la  Vérité  &  de  lajuflice^  cjni 
nonr  quun  même  chemin  pour  le  faire 
*venir  a  nom^  ç^  pour  nous  conduire  a  lui. 
Il  femhle  qu'il  ne  réferve  fa  miTericor^ 
de  que  pour  ceux  qui  fuivront  l'une  & 
l'autre  également.  En  un  moty  ce  nefl 
que  dans  V union  étroite  de  la  Vérité  & 
de  la  Judice  que  nous  fommes  a  luy  en 
qualité  de  fon  peuple,  comme  il  veut  bien 
être  a  nous  en  qualité  de  notre  Dieu  aves 
les  mêmes  conditions, 

C*eft  par  l'une  &  par  l'autre  qu  il  a 
voulu  principalement  fe  rendre  vifihfe 
à  nous  dans  la  perfonne  du  Roy^que  nous 
regardons  comme  l'image  vivante  de  la 
Divinité,  A'faisfile  plus  grand  honneur 
^^  LOUIS  LE  GKi\l<[Dclîdavorcté 
choifîde  Dieu  pour  faire  régner  la  Jufti- 
ce  &  la  Vérité  fur  la  terre  :  y-a-t-il, 
MONSEIGNEVR  ,  quelque  autre 
honneur  dans  le  monde  après  celui-là^ 
qui  foit  plus  grand  &  plus  folids  que  ce- 
lui d'avoir  été  choifi  par  un  f  puijfant 
Jl^onarque  pour  être  le  Chef  de  lajuf- 
îice  dans  fon  Royaume^  é'  le  prote^eur 
de  la  Vérité  fous  fes  ordres  f 

M ais  Çi  nous  révérons  dam  votre  Per^ 
A     iij         fome 


E  P 1 1  R  E. 

fonne  le  premiey  A^iniflre  de  lajitfîtce 
<jue  le  Roy  a,  reçîtë    de  *DieH  pour  ctre 
dijiribiiée  aux  Peuples  :  je  ferais  prefcjue 
ajfez.  ha-'di  pour  regarderçJM .  Def cartes 
comme  l  un  des  principaux'  Minifires  de 
Id  Vérité  que  Dieu  na  Point  révélée  y  & 
dont  il  a  bien  voulu  abandonner  la  re^ 
cherche  ç^r  la  difcujfton  aux  Hommes.. 
Si   M,   Defcartes  avoit  été  affe^  heu. 
reux  pour  rétablir  la  vraye  Philofcphie 
par  les  foins  quil  a  pris  toute  fa  vie  de 
découvrir  la  Vérité  dans  le  fonds  de  la 
J^ature^  ce  ferait  un  avantage  dont  le 
genre  hiimatn  ferait  encore  redevable  an. 
règne  de  LOUIS  LE  GRAND  :  puif 
<^ue  Sa  MajeTté  la  honoré  de  Ja  protec- 
tion particulière  de  fon  vivant  ;  quelle 
Va  gratifié  de  penfions ,  pour  faciliter 
V exécution  de  fis  grands  deffetns  j    & 
quelle  l'a  comblé  de  toutes  les  bontez, 
avec  lefquelles  elle  a  coutume  de  recon" 
nottre  le  vrai  mérite, 

M ,  Defcartes  ne  pouvoit  mieux  ré- 
pondre aux  honte z.  du  Roy^  qu'en  facri^ 
fiant  toutes  fes  facultez.  a  cette  Vérité 
que  1)ieu  femble  avoir  cachée  dans  tout 
ce  qu'il  a  créé-,  &  dont  la  découverte 
fmrr oit  produire  la  félicité  temporelle 

des 


É  pitre; 

^des  hommes.  Il  avolc  refâ  de  'DiéuMri 
amour  violent  four  cette  Vérité,  Cet  a- 
moHr  fe  trouvant  accompagné  de  toute 
la  droiture  dufens  &  de  toute  la  fwcerité 
du  fœur^ue  l*on  piit  foithaiter,  luy  avait 
fait  pourfuivre  cette  Vérité  par  tout  ou 
il  s' é  toit  douté  cjuil  pourrait  la  décou- 
vrir. Et  s* il  fallait  juger  du  fuccés  de 
fes  travaux  par  V excellence  des  talens 
tju'il  y  a  emploie?:,  nous  aurions deijuoi 
raifonnablement  préfumer  que  cette  Ve^ 
rite  fe  ferait  enfin  pref entée  à  luy  fans 
dèguifement. 

Mais  l'expérience  de  fa  propre  fai^ 
hleffe  luiaiant  perfuadé ,  <jHe  Dieu,ejui 
donne  gratuitement  la  connoijfance  des 
Veritez.  furnaturelles  par  larevelation, 
t!c  s'engage  pas  toujours  à  recompenfer 
de  la  même  manière  les  travaux  c^ue  l^on 
ejfuie  dans  la  recherche  des  Veritez.  na- 
turelles: il  a  taché  de  fatisfaire  au  moins 
de  fa  fidélité  &  de  faperfeverance,  Vne 
Jllaltrejfe  telle  cjue  la  Vérité  ne  pouvait 
être  mieux  fervie  cfuavec  ces  deux  qua- 
Utez.,fur  tout  lorfque  l'on  conftdere  que 
M. *'Defcartes  joignait  les  fentimsns  du 
cœur  avec  les  raifonnemens  de  Cefprit 
four  la  rèconnottre. 

A    iiij        Ce 


E  P  I T  R  E. 

CefonUa,  MONSEIGNEVT^; 
les  motifs  de  la  confiance  avec  laquelle 
fai  efferé  que  Vous  voudriez^  bien  hono^ 
rer  de  votre  -proteBion  Ihifloire  d'un 
homme  c^ui  a  procuré  a  la  France  la  gloi- 
re d'avoir  produit  le  chef  âe  la  Philofo^ 
fhie  nouvelle^  oulerefiaurareur  de  celle 
^jue  les  Anciens  cultivoient,  avant  que 
les  Grecs  l'eufferit  ernharaffèe  de  la  divers 
fitè  de  leurs  opinions  ,J'ofe  me flater  que 
VÔTRE  Grandeur  w<?/^  trouvera  pas  en-'^ 
tierement  indigne  d*elle^  foit  par  la  vue 
des  grandes  relations  delà  Jujîice avec 
la  Vérité^  foit  même  par  la  confderéi,, 
tion  de  la  famille  de  ce  cHehre  Philo- 
fophe,  dont  les  parens  ont  été  depuis  plus 
d'un  [îecle  l'ornement  de  l'un  desprinci" 
faux  Tarlemens  du  %oyaume,  C'efl  à 
la  connoiffance  que  vous  avez,  eue  de  leur 
application  a  leurs  devoirs ,  quils  font 
redevables  de  cette  bienveillance  par- 
ticuliere ,  avec  laquelle  vous  les  avez» 
toujours  diftinguez^  depms  que  vous  êtes 
entré  lapremierefois  dans  leur  Province^ 
aux  Etats  de  laquelle  vous  avez,  fi u--^ 
vent    ajfifié  pour  fa  Majeflé, 

Mais,  MONSEIGNEVR,  toute 
immenfe  que  votre  bonté  a  paru  juf^ 


E  P  I  T  R  E. 

'<qtt'icl  aux  pehples  de  cette  grande  Afa- 
Turchie  ,   il  ne  nous  efl  point  permis  de 
douter  cjue  votre  puijfance  naît  une  éten- 
due qui  luy  efi  proportionnée, pwf^ii'ellâ 
na  point  d'autres  bornes  que  celle   du 
Roy,  Cette  autorité  fuperieure  <^ue  vouf 
avez,  fur  toute  lajuft-ice  ijuiefi  l'ame  des 
Empires ,  ç^  qui  eft  capable  de  rendre  la 
Monarchie  immort  ell  e  p  ar  fon  incorrup* 
tibilitéy  efl  a  la  vérité  L'ouvrage  du  plus 
'puiffant  des  Princes  de  la  terre,  inais  en 
même  tems  duplttsfage  de  tous  les  %j)is. 
De  forte  que  le  jugement  que  ce  grand 
Jl^ona'r-]He  a  fait  de  votre  perfbune  en 
*vous  élevant  au  comble  des  dignitez.  de 
fon  Royaume,  vous  efl  encore  infiniment 
plus  glorieux  que  toute  lapniffance  cjuil 
'VOUS  a  communiquée,   j^prés  lui  avoir 
donné  durant  une  longue  fuite  d'années 
des  preuves  continuelles  de  votre  intéw 
gritéy  de  votre  fu^fance^çlr  de  votre  ver^ 
tu^vous  auriez,  pent-étre  été  content  qu  il 
en  fut  demeuré  au  jugement  qu  il  faifoit 
de  votre  mérite  :  parce  qu  encore  que  fa 
puiffance  fit  capable  d'élever  de  petites 
chofes,  fon  jugement  n'en  peur  eflimer 
que  de  grandes.  Ad  ai  s  enfin  il  f ail  oit  a- 
'voir  éffard  a  la  gloire  de  fon  Royaume:& 

A  V         il 


E  PITRE. 

il  a  voulu  joindre  en  vous  fa  pnîffancea- 
fon  eftime  ,  par  l'intérêt  qu'il  avoit  de 
rendre  [es  fujets  heureux, 

La  fart  que  fai  a  cette  félicité  gênera^ 
le,  cr  les  jufles  rejfentimens  des  bontez, 
particulières  dont  il  vous  a  plu  de  rnbo-d 
norer,  rn  ont  fait  emhraffer  avec  empref- 
fement  Coccafion  d'en  témoigner  ma  re*- 
connoiffance  au  Tublic  ,   qui  doit   être 
perfuadé  que  votre  illnfire  maifon  nefl: 
pas  moins  Cafile  de  la  P^érîtè  que  le  tem- 
ple de  la  Juftice.   Si  je  dois  regarder  la  ' 
vénération    que  fay  pour  l'une  ^  pour 
Vautre    comme  la  règle  de  celle  que  je 
dois  avoir  pour  celui  qui  y  prèjîde  ;  je 
puif  afurer  avec  vérité  r&  avec  juftice 
qnil  n'y  a  point  de  rejpecl  plus  profond 
ni  plus  fincere  que  celui  avec  lequel  js^ 
fuis, 

MONSEIGNEVR, 
Di  VÔTRi  Grandeur, 


Le  trcs.  humble,&:  tres-obéilTant 
fciTiteur    Baillet. 

AVER-^ 


AVERTISS  EMENT. 

JE  ne  me  fui'  pis  contenté  de  luivre  (îans 
cet  Abrège  l'ordre  que  je  m'étcis  prclcric 
dans  riiiltoirede  la  vie  de  M.  Delcartes, 
&  d'en  obfcrver  rocconomie  dans  la  même 
divifîon  des  livres  &  des  chapitres .  Je  me  fuis 
encore  affujecti  autant  que  j'ai  pu  à  ne  le 
compoTer  que  des  mêmes  exprelfions  ,  afia 
qu'on  y  pnitfe  retrouver  la  vie  de  M.Delcaitcs 
toute  entière,  mais  en  petit, comme  une  minia- 
ture reprefente  un  poi  trait  qui  fc  trouve  ail- 
leurs dans  un  grand  tr.b]eau. 

Quoique  la  pluipart  des  Ecrivains  denô^ 
tre  tem.^s,  qui  fe  jugent  dignes  de  fervir  de 
modèle  auï  autres  ,  aient  fecoiié  le  joug  in- 
commode de  la  citation  ,  j'aurois  encore  li- 
brement franchi  leur  exemple,  ii  la  marge  de 
ce  petit  volume  avoir  été  capable  de  contenir 
toutes  les  autoritez  donc  j'ai  cril  devoir  char- 
ger celle  de  l'ouvrage  original  que  j'ai  abrégé. 
Je  le  lailTedonc  aller  fans  bordures  :  mais  je 
ne  lui  ôte  rien  de  l'avantage  que  l'on  peut 
attendre  de  la  garantie  èc  des  citations  ,  par- 
ce que  l'hiftoire  de  la  Vie  in  4*"  lui  fournira 
toutes  fcs  preuves. 

•  C'eft  à  quoi  j'ai  principalement  butte  en 
marquant  exactement  tous  les  chapitres  de 
l'oiiginal  aux  marges  de  cet  abrégé.  On 
fera  libre  d'y  recourir,  tant  pour  y  voir  les 
fources  où  j  ai  puisé,  que  pour  y  trouver  uti 
plus  grand  détail,  de  ce  que  les  loix  de  Tabré- 
vfation  m'ont  oblige  de  mettre  a  l'étroit 
«knste  petit  ouvrai^c. 


SOMMAIRE  DE  CE  QVÎ  EST 

contenH  dans  V  Abrégé  de  U  Vie 

de  M,  Defcartes, 

LIVRE  PREMIER, 

Depuis  L'an  \<i96  iufqt4>'en  léij». 

j.  ^  A  famille.  II.  5a  naiflaiice.  m.  Son  baptême. 
^Mort  de  ù  mère.  Etat  de  la  fanté.  Secondes  nop- 
ces  de  fon  père.  iv.  Ses  difpofirions  pour  l'étude. 
On  l'envoie  étudier  à  la  Flèche.  Progrès,  de  Ces  hu- 
nianitez.  v.  Sa  amis  de  collège.  Tranfport  du  cœur 
de  Henry  iv  à  la  Flèche.  Fruits  de  fes  études  de  Lo" 
^ique  ôd  de  Morale,  vi.  ^on  peu  de  fatisfadion  dans 
i'écuje  de  la  Phyfique  ftc  de  la  Metaphyfique.  Ses 
doutes  &  fes  embarras.  Etude  des  Mathématiques.  Sa 
manière  d'étudier  ou  de  méditer,  vit.  Ilfortducol- 
lége  ,  peu  fatisfait  de  Ces  études,  il  renonce  aux  li- 
vres &  aux  fciences  ;  ôC  pourquoi  ?  VIII.  Son  fcjour  à 
Rennes,  puis  à  Paris.  Son  oifiveté,  fon  amitié  avec 
hi,  Mydc:rge  ;  avec  le  P.  Merfenne.  5a  retraite  & 
fon  retour  à  l'érude.  Il  e(t  interrompu  par  un  ami  fâ- 
cheux qui  le  fait  rentrer  dans  le  monde,  ix.  Il  va 
porter  les  armes  fous  le  Prince  Maurice  en  HoHatide. 
Ses  vues  en  cela.  U  £îit  connoiflance  avec  BeecKman. 
X.  Il  fait  fon  traité  de  Mufique.  xi.  Autres  ouvra- 
ges commencez.  Il  quitte  les  Pays-bas.  xii.  Il  paffe 
en  Allemagne.  Il  allilte  au  couronnement  de  Ferdi- 
nand 11.  Il  fe  met  dans  les  troupes  du  Duc  de  Bavière. 

Livre  fécond. 

"Depuis  1615  \ufquen   1619. 

^.TL  entre  en  quartier  d'hiver.    Sa  folitude.  Il  t.îche 

^j'e  fc  défaire  de  fes  préjugez.     Ses    peines   &   (es 

embarras  fur  ce  fujet.     11.  Recherche  des  Frères  de  la 

RoCc-Croix.    U  va  en  5ouabe  ôc  confloît  Faulhabcr.  Il 

le  trou. 


Sommaire. 

c  trouve  au  fiége  de  Prague,  in.  Il  paiïe  en  Hon- 
grie ;  mais  il  ne  fer:  pas  contre  les  Turcs,  iv.  il 
renonce  à  la  prjfelfion  dc5  armes.  Sesvoiages  dans  le 
Nord.  Il  ccurt  rifque  de  la  vie.  v.  Il  revient  dans 
fon  pays.  Il  va  à  Pans.  Il  détruit  la  calomnie  qui 
le  faifoit  p.ifler  pour  Rofe-croix.  vi.  Ses  inquiétudes 
l'ur  un  genre  de  vie.  Il  renonce  aux  Mathématiques  6c 
àlaPhvfique.  Etude  d'une  Mathématique  univerfelle. 
Il  embrafl'e  la  Morale  &  reprend  la  Phyfiquc-  Il  va  en 
Bretagne  &  en  Poitou  ;  il  vend  fa  terre,  vu.  Son 
voiage  d'Italie,  viii.  Son  retour  en  France,  ix.  Il 
xevient  demeurer  à  Paris  :  fa  manière  de  vivre.  Ma- 
ximes pour  fa  conduite  particulière,  x  &xi.  Sa  ré- 
putation lui  fiit  des  amis  &  l'accable  de  vilîtes.xii. 
Taille  dcî  verres  de  lunettes  &c  de  miroirs.  Ferrier  ou- 
vrier d'inllrumcns  de  Mathématiques.  M.  Defcartcs 
fe  dégoûte  des  compagnies  inutiles.  Il  fe  cacjie  ôc  eft 
découvert-  xiii.  Il  va  au  fiége  de  la  Rochelle,  xiv. 
Il  fc  trouve  à  une  afl'emblée  célèbre  chez  le  Nonce 
pour  entendre  Chandoux.  On  le  fait  expliquer  fur 
ce  qu'il  penfe  de  la  Philofophie.  Le  Cardinal  de  Be- 
rulle  le  détermine  à  donner  fa  Philofophie- 

Livre  troifîéme. 

Depuis  \6i9  jufqu'en   i^^j- 

i.'TL  fe  retire  à  la  campagne,  puis  en  Hollande,  ii.' 
ISa  vie  ambulante  &  cachée  en  Hollande.  Il  va 
demeurer  en  Frife  où  il  travaille  à  fes  Méditations 
Metaphyfîques.  m.  Ses  vues  touchant  la  Dioptrique. 
Il  retourne  à  Amfterdam.  iv.  Occ^fion  de  Ion  traité 
des  Météores.  Phénoméue  des  Parhelies.  v.  More  de 
fon  direâcur  le  Cardinal  de  Berulle.  Etude  de  la 
Médecine,  de  l'Anatomie,  8c  de  la  Chymie.  vi  &  vu. 
Mj.uvaife  conduite  de  BeecKman  ÔC  de  Ferrjer  à  foa 
égard.  VifireduP.  Merfenne  Livre  du  P.Gibieuf, 
VIII.  Il  refufe  d'aller  au  Levant.  Il  va  en  Angleterre. 
Il  ne  veut  plus  propofer  de  problème  à  perfonn  e  ;  ôC  il 
fe  réduit  à  ne  plus  refoudre  que  ceux  qu'on  lui  pro- 
poleroir.  ix.  Il  reçoit  Ville-Brelficux  chez  lui.  Il  va 
^kmcuïer  à  Deventcr.  x.  Son  Traité  du  monde,  xi  ÔC 


ôommam. 

xîT.  La  condamnation  de  Galilée  lui  fait  reflerrer  es 
Traiié.  xiit.  Il  rerourne  a  Ainflerdam.  JlvacnDa- 
nemarK  avec  M.  de  ViUe-Brelfieux.  xiv.  Reneri  palîe 
dans  rUniverfi:é  d'Uirccht.  M.  Defcanes  fait  fes  ob- 
fervations  fur  la  négc  à  fix  pointes.  Obfervation  fur 
les  couronnes  colorées  des  chandéles-  Traité  des  Lu- 
nettes,   Mort  de  BcecKman. 

Livre  quatrième. 

Depuis  l'îs?  jufqu'en  1658. 

t  '&  II. TL  fait  imprinner  les  £llais  de  fa  Philofophi'e. 
iSon  Difcours  de  la  Méthode,  m.  5a  Diop^ 
txique.  Ses  Météores.  Sa  Géométrie,  iv.  Liaifon  ÔC- 
rapport  de  ces  quatre  traitez.  Manière  dont  ils  font 
écrits.  Origine  de  ranimoHié  de  M.  de  Roberval  con, 
tTe  M.  Defcartes.  v.  71  va  au  fiége  de  Breda  ,  puis  en 
Flandres,  à  Doiiayv  I\  va  demeurer  à  £gmond.  /l 
îépond  aFromond,  à  Plerr.pius,  5c  à  Cicimans.  vr. 
Pons  offices  de  M.  Mydorge^  Bons  offices  de  M.  des 
Argues.  VII.  Objedir.ns  de  M.  de  Fer.iiat  contre  la 
Dioptriquc.Dbiedlions  de  M.  Petit.  Origine  de  la 
double  difpute  de  M.  de  Fermât  contre  M.Defcartes. 
VIII.  MeiT.  Pafcal  ÔC  de  Roberval  époufent  laque- 
relie  de  M.  de  Fermât.  M.  Defcartes  leur  répond,  ix. 
Procédures  du  différent  entre  M. de  Fermât  &c  JVï,Def- 
cartes.  M.  Mydorge  &  M.  Hardy  du  cofté  de  M. Def- 
cartes ;  comme  M.  Pafcal  àc  M.  de  Roberval  du  collé 
de  M.  de  Fermât^  x.  M-  de  Fermât  t'ait  fa  paix  avec 
J/I.  Defcartes  &  devient  fon  amy  avec  M»  Pafcal, 
M.  Rohaut  &  M.  Clerfelier  achèvent  de  convaincre 
M.  de  Fermât,  xi  ôcxii.  Difputes  avec  M.  Petit, 
avec  M.  Mcrin,  avec  M.  de  Beaugrand,  5on  petit 
Traité  de  Statique  ou  de  Géodariquc.  xiii,  xiv  ÔC  xv. 
De  la  Roulette,  èc  de  la  part  que  M.  Defcartes  eut  à 
cette  quellion.  xvi.  Jl  renonce  de  nouveau  à  la  Geo^ 
rperrie.  introdudtion  à  fon  traité  de  Géométrie. Notes 
«te-M.de  Beaune  fur  ce  Traité.  Ses  exercices  fur  l'Arith- 
mctique  avec  M.  de  5ainte.Cioix  ôC  Mt  Frenicle.  J\ 
c^fic  de  rtagadre  aux  problèmes. 


Sommaire. 


Livre  cinquième. 

Depuis  léjS  juj'qu'en  1641. 

*"D  Egiiis  devient  difciple  de  M.  Defcartes  &  Pro- 
IvtcUeur  à  Utrecht.  11.  21  commence  à  recevoir  les 
fccocirs  de  M.  Defcartes.  Amis  de  M.  DefcartcS  en 
Hollandc.B.innius  &  Bloem.irt  Prècres  catholiques. m. 
A/oïc  de  Reneri  premier  Dodtcur  Cartelien.  Panegyri- 
qoede  Moniteur  Defcartes  prononcé  publ  qucmcnt 
par  ordre  du  magiltrat  à  Urrecht.  Kegius  devient  le 
premier  difciple  de  m.  Defcartes.  iv.  QJuel  écoit  Voe- 
tius.  Ses  mauvais  defïenis  contre  la  nouvelle  philofo- 
phie.  V.  Regius  le  précautionne  contre  Voetius.  Son 
indtfcrction.  Inftruftions  que  lui  donne  m.  Defcartes. 
Mauvaife  conduite  de  Plcmpius.vr.  Coniques  du  jeune 
P.ifcal  âgé  de  16  ans.Exerciccs  avec  m.  de  Beaune.  vu. 
M.  Defcartes  va  demeurera  HardervvicK, puis  dans  le 
voiliiiagcd'Urrecht,  puis  à  Leyde.  Amitié  avec  Hey, 
danus.  Amjtiéavcr  River. Gageure  de  ^tampion.Li^re 
contre  M.  Defcartes.  viii,  Thefcs  de  Regius,  Prati- 
ques de  Vociius  contre  lui,  IX.  Sentiment  de  M.  Def- 
cartes touchant  le  fiege  de  l'Auîc. Projet  d'établifîemenc 
en  Angleterre.  Son  amitié  avec  Milord  Candifch;avec 
M.de5aumaifc.  Méchante  humeur  de  M  de  Sauinaifc, 
X.  Il  fe  brouille  avec  les  Jefuites.Thefcs  du  P.Bourdin. 
TJTfage  des  collèges  dans  les  rhefes.il  déclare  la  guerre 
aux  Jefuvces.  xi.  Différent  pirfonnel  avecl:  P- Bour» 
din.  21  fe  prépare  contre  les  Jefuites.  Il  entreprend 
de  réfuter  la  Icholaflique.  xii.  Mort  de  fon  Père  &C 
de  (a  fil  le,  fon  célibat,  intrigues  de  Voetius  contre 
lui  auprès  du  P.  Merfennc.  Le  Koy  l'appelle  à  la 
CDur  avec  des  propofitions  honorables,   mais  en  vain. 

Livre  {ixiéme.. 

Depuis   1641   juf qu'en  1644- 

3.T)U'->l! cation  de  fes  Méditations  métaphyfiqucj.  ti. 
lA^Abrcgé  de  ce  qu'elles  contiennent.    jUinierc  dont 

cUes 


Sommaire* 

fclles  font  écrites.  Premières  Obje£lîons.  m.  Se- 
condes Objedions.  Troifiémes  Objedions  pAi  Morv* 
ficur  Hcbbcs.  Autres  Objections  de  Monficur  Hob- 
fces,  IV,  Quatrièmes  ObjeÛions  pat  m.  Arnaud. 
Eilime  &  amitié  de  m.  Defcarres  pour  ce  Docteur,  v. 
Cinquièmes  Objcdjons  p.ir  M.  Gallendi.  Origine  de  la 
broiiillerie  de  M.  G<iflendi  avec  m.  Defcartes.  dixiè- 
mes Objeûions.  vi.  Voeti us  devient  Redteur  de  l'U- 
Tiiverfité.  Il  fe  fert  de  fon  autorité  pour  détruire  Re- 
gius  &  M.  Defcartes.  Théfes  de  Rcgius.  Thefes  de 
Voerius  contre  Regius,  vu.  Tempère  excitée  contre 
Regius.  Avis  de  m.  Defcartes  à  Regius.  Voetius  fait 
condamner  la  Philofophie  nouvelle,  viii.  Sentimens 
favorables  des  Pères  de  l'Oratoire  &  des  Jefuites  pour 
la  Philofophie  de  u^  Defcartes.  Le  Père  Bourdin  écrit 
contre  les  méditations.  HKloire  des  leptiémes  Objec- 
tions. IX.  M. Defcarres  demeure  à  Eyndegeefl  ;  ou  Cor- 
bière fait  conpoiflance  avec  lui.  Regius  &  Picot  fc 
voient  à  Eyndegeeft.  M.  le  Duc  de  Luines  &  M  Clerfc- 
lier  traduifent  les  Méditations,  x  &  xi.  Livre  de  Voe. 
tius&de  SchocKius  contre  M.  Defcartes  :  ôC  contre 
la  confrérie  de  N,  D.  de  BoHeduc.  Réponfe  de  M-Def. 
cartes.  Procédures  d'Utrecht  cotre  M. Defcartes. 5chooc- 
Kiuseft  citéà  Groning'je.  xii  &  xiii.  Libelle  nou. 
veau  de  Voetius.  Inftances  ou  Réplique  de  M.  Gaflendi 
à  la  réponfe  de  M.  Defcartes.  Corbière  les  broiiiUe  en- 
fcmble.  XIV.  Tradudion  latine  des  Efïais  par  Elt.  de 
Courcelles,  Voiage  de  M.  Defcartes  en  France.  Il  va 
en  Bretagne  &  en  Poitou. 


Livre  feptiéme. 

Depuis  1644  jufquen  1^50. 

EDition  des  Principes  de  fa  Philofophie.  Eli- 
zabeth   Priaceffe  Palatine   difciple  de  M; 


Sfii 


Defcartes.  m.  Soa  féjour  à  Paris  où  il  void  fes  amis. 
IV.  &  V.  Il  fe  rerire  à  Egmond.  Il  fait  terminer  fon 
procès  de  Groningue  ,  ÔC  Hnit  avec  Voetius  à  Urrechr. 
vi.M.Gaflendi  refufe  d'écrire  contre  lesPrincipes  de  M; 
D^efcartes.  Heercboord  enfeigne  le  Cartelianifme  à 
leydc.  5 cbjfme  &  ingratitude  de  Regius,  vu.  Traire 

des 


Sommaire. 

ïesAnimaux  pillé  par  Regius.Etudes  &  Trairez  d'Ana* 
tomîcQucrtions  fut  la  quadraruredu  cercle.  M.Defcaf- 
tes  vold  M.Chanut  &C  M.Porlier  àAmfterdam.U  fait 
fa  Réponfe  aux  Inftances  de  M.GalTendi,&  une  ébauche 
de  fon  traiié   des  pallions  de  Tame.    viii.    Difpures 
avec  M,  de  Rohcrval  fur  les  Vibrations  ,    &c.   Com- 
merce dcPhilofophie  morale  avec  la  PrincefleElifabcth. 
Il  défavoiië  Reg'us  Se   fon  livre,    ix.  LiaifondeM. 
Defcares  avec  M-  de  Hooghcland.   Difperfion  de  Tes 
amis  de  la  Haye  à  la  retraite  de  la  Pnncelle  Elizabeth. 
Etar  de  fcsamis  parmv  le«  Jefuies  &  ailleurs,   x.   H 
répond     à    la    Reine  de  Suéde  Se  à  M.  Chanut  fur  des 
queihons  de  Morale,    xi.  Aftaires  que  Rcvius  5c  Tri- 
glandius  luy  fulcitcnt  à  Lcyde.  xii.  Second  voyage  en 
France.  Penfion  du  Roy.  Entretien  avec    M.    Pafcal. 
Retour  en   Hollande.     1\    envoyé  fon  fentiment  du 
fouverain  Bien    Se  fon  traité  des  PalTions  à  la  Rome 
de  Suéde.  XIII.  Ecrits  de  Revius,  de  Regius  &c.  Troi- 
fiémc  voiage  de  M.Defcartes  en  France.peu  heureux-  Sa 
reconciliation  ave:  M.  Gafîendi.xiv. Chicanes  de  Mds 
Roberval.Rftour  deM.Defcanesen  Hollande,  xv.  Mort 
du  P.Merfennc.La  Reine  de  Suéde  devient  C'rréfienne. 
Morus  Cartéficn,  puis  adverfaire  de  Defc.  xvi.  Attaches 
de   M.   Defc.  pour  la  Princefle  Elizabeth.   Ses  inceni- 
tudes  fur  k  lieu  de  fa  demeure.  La  Reine  de  Suéde  veut 
Tattiier  à  StocKholm.  xvii.  Edition  latine  de  fa  Géo- 
métrie,   M.  Carcavi  correfpondanr  de  M.  Defcattes:  fc 
lailTe  gouverner  par  M.  de  Roberval.  xviii.    Inquiétu- 
des fur  fon  voiage  de  Suéde-  Il  arrive  à  StocKholm.Ses 
conventions  avec  la   Reine.    Sa  faveur  auprès  d'elle. 
5tix.  Jaloufie  des  Grammairiens  de  la  Reine.  Traité  des 
Paiïions.    Ses  œuvres  poftumes.  xx.  Ses  autres  manuf- 
crirs.    La  Reine  veut  l'établir  en    Suéde.   Projet  d'une 
Académie,  xxi.  Maladie  de  M.Defcartes.  S  a  mortxxu- 
Ses  funérailles. xxiii.Trâflation  de  fon  corps  en  France. 


Livre  huitième. 

Contenant  Us  qtiaLite\de  fon  eorps  &  àe  (on  efprit -   Sa 
manière  de  vivre  avec  Dieu  &  avec  les  hommes* 

corps.   Son    régime.  Sa  fanté.  ii.  S^n  domef- 
quc.  Son  def-intereflemcnt  pour  les  biens  de  U 

fortune. 


SOnco 
ciquc. 


Sommaire. 


f<nîtune.  lit.'  Sa  vie  recirée.  A/épris  de  la  gloir?* 
Ses  hAbit'jdes  d'écrire  &  de  lire,  Scn  ftile.  iv,  Son 
efprir,  fa  mémoire,  fcn  jugement ,  fon  amour  peut  la 
vérité,  v.  Sa  docilité,  fa  modeftie,  fa  douceur  >  fa 
modcration.  vi.  Ses  amis  ,  Ces  ennemis  eu  adver- 
faiies,  fes  aftoûions.  Inclmation  pour  le  fexe.  Ses 
vertus.  VII.  Ses  fcntimens  fur  la  Keligion,  Ton  teC- 
peu  pour  la  Divinité,  viti.  Uùge  de  fa  raifon  dans 
lés  chofes  de  la  Religion,  ix,  Jif.miere  d'expliquer' 
la  tr.iRlîubftantiation.  Ses  exercices  de  pieté.  Sa  foû- 
niilHon  à  l'Eglife.  x.  Du  caraéiére  de  nouveauté 
dans  fes  opinions  i  ôc  de  fes  rencontres  avec  ceux  «^ui 
L'avoicnt  devance. 


ABREGE^ 


ABREGE'  DE  LA  VIE 
DE    M-^ 

DES  CARTES. 


LIVRE     PREMIER, 

Depuis  159^  ^ufqHen  i6ip, 

^  A  maifon    de  Defcartes  ^         ^ 

ia  toujours   été    confide-    ^   ' 
/        '  ,,  ,        Sa  Va- 

ree  comme  lune  des  miit^ 
meilleures  de  la  Ton- 
-  raine.  Il  ne  s'y  eft  point 
vu  de  mes-alliance  qui  en  ait  altéré 
la  noblelfe  :  &  nous  ne  trouvons 
point,  de    datte   d  annoblilTement   qui 

€11 


%         Ahregé  de  UVie 

en  puiflTe  fixer  ranciquité.  La  bran- 
che des  aînez  s'écant  fondue  dans 
la  maifon  de  Lillette  ,  puis  en  cel- 
le de  Maillé  ,  celle  des  puînez  s*ac- 
crûc  de  beaucoup  ,  &  s'étendit  par- 
ticulièrement dans  le  haut  Poitou.  Elle 
palTa  même  jufqu  en  Berry  &  en  Anjoa 
par  le  moien  de  fes  alliances  ,  jufqu'à 
ce  qu'au  temps  de  la  Ligue  elle  fe 
trouva  réduite  du  côté  des  mâles  à  l'u- 
nique Pierre  ^efcartes  ayeul  duPhilo- 
fophe  dont  on  entreprend  d'écrire  ici  la 
vie. 

Pierre  Defcartes  après  avoir  utile- 
ment fervi  contre  les  ennemis  de  laRe. 
ligion  de  fon  pays ,  Se  ceux  de  TEtat 
de  fon  Prince ,  avoit  quitté  le  fervicc' 
d'afTez  bonne-heure,  pour  goûter  plus 
long-temps  les  fruits  du  repos  qu'il  s'é- 
toit  procuré.  Il  n'eut  qu'un  fils  de  Glan- 
de Ferrand  fceur  d'Antoine  Ferrand 
premier  Lieutenant  Particulier  au  Châ- 
telet  de  Paris  ,  &  de  Michel  Ferrand 
qui  fut  père  de  M.  Ferrand  Doien  du 
Parlement. 

Ce  fils  nommé  Joachim  fut  le  pre- 
mier de  fa  famille  qui  prit  le  parti  de 
la  Robe ,  Se  qui  alla  s'établir  en  Bre- 
tagne, 


de  M.  Départes.  Liv.  1.    3 

tagne  ,  après  s'êcre  faii  pourvoie  d*une 
charge  de  Confeiller  au  Parlement  de 
Rennes  le  14  de  Février  i^S6,  par  la 
tefignacion  d'Emery  Regnauld.  Il  épou- 
ù  enfuice  par  contrat  du  ly  de  Janvier 
1589  Jeanne  Brochard  fille  du  Lieu- 
tenant gênerai  de  Poitiers,  qui  lui  don- 
na trois  enfans  dans  le  peu  de  temps 
qu'elle  eût  à  vivre  avec  lui.  L'ainé  ap- 
pelle Pierre  Defcartes  fieur  de  la 
.Bretailliere  Confeiller  au  Parlement  de 
Bretagne  étoit  peie  de  Monfieiir  Def- 
cartes "^  fieur  de  Kerleau  qui  elt  main-  *^o^chm 
tenant  Sous-Doicn  du  même  Parlement. 
Le  fécond  étoit  une  fille  *  mariée  à  '^^'^*"^* 
M.  Rogier  du  Crévis,  &  ayeule  de  M. 
le  Comte  de  Villeneuve  d'aujour- 
d'huy. 

Le  dernier  étoit  René'  Descartes  -  .    ,  ^ 
nocre    Philofoplic  ,    qui    naquit   à   la      H. 
Haye  en  Touraine  fur  la  rivière   de  SaNaïf 
Creufe  le  31  jour  de  Mars  de  l'an  i^c)(S,  ^*'*'** 
dans  la  feptiéme  année  du    règne   de 
Henry  le  Grand  ,  &c  dans  le  commen- 
cement de  la  cinquième  du    pontificat 
de  Clément  VIII.    Il  a  témoigné  dans 
la  fuite  de  (à  vie  qu'il  n'étoit  pas  con- 
sent quon  euft  remarqué  le  jour  de  Ta 

naiffance, 


4         "^   ,, 


jihrez^  de  la  Vie 

o 

159^  naifTance ,  hors  des  regiftres  baptiftéres 
de  fa  paroifTe  ,  &:  des  archives  génea- 
logicjues  de  fa  maifont.  S-araifon  étoit, 
qu'il  avoir  avcrfion  four  les  faîfeitrs 
d'horofcope  ,  à  l  erreur  àefcjitels  il  fem- 
hle  <^ue  Von  contribué  (juand  on  publie 
la  raljfance  de  cjuelejitun.  Mais  c'eft 
moins  une  raifon  qu'un  prétexte  qu'il 
allej,uoit  à  ceux  qui  vouloient  emploier 
cette  circonftance  pour  le  faire  connoî- 
tre  au  Public. 

Il  reçût  le  baptême  le  troifiétne 
.  jour  d'Avril  fuivanr,  dans  l'Eglife  pu 
^'''^'-  roifiTiale  de  S.George  delaKayei&onlui 
fit  porter  le  furnom^//  Perron  qui  écoic 
un  fief  à  la  maifon,  pour  être  diflingué 
de  Ton  aîné  dans  la  famille. 
Mort  de  Les  couches  de  fa  mère  qui  avoient 
ete  allez  heurcuies  pour  lui  ,  turem 
fuivies  d'une  maladie  qui  l'empêcha  de 
relever.  Elle  avoic  été  travaillée  dés  le 
temps  de  fa  grolTelTe  d'un  mal  de  pou- 
mon, qui  lui  avoir  été  caufé  par  quel- 
ques déplaifirs  qu'on  ne  nous  a  point 
expliquez.  Son  fîls  qui  nous  apprend 
cette  particularité  s'cft  contenté  de  nous 
dire  qu'elle  mourut  peu  de  jours  après 
qu'elle  l'euft  mis  au  monde. 

Les 


de  M.  Dejcartes.  Lh.  I.  5 

Les  foins  du  père  purenc  bien  ga-  159(5 

-rantir    l'enfant  des  inconveniens   que  ' 

l'on  devoit  craindre  de  la  privation  de 
la  mère  :  mais  ils  ne  purent  le  fauver  Erat  da 
des  infirmitez  qui  accompagnèrent  la  f^I^^^^^* 
mauvaife  fanté  qu'il  avoit  apportée  en 
venant  au  monde.  Il  avoit  hérité 
de  fa  mère  une  toux  fcche  de  une  cou- 
leur pâle  qu'il  garda  jufqu'à  l'âge 
de  plus  de  vingt  ans  :  Se  tous  les  Mé- 
decins qui  le  voioient  avant  ce  temps- 
là  le  condamnoient  à  mourir  jeune. 
Mais  parmi  ces  premières  difgraces  il 
reçût  un  avantage  dont  il  s'ell  fouve- 
nu  toute  fa  vie  ;  c'efl:  celui  d'avoir  été 
confié  à  une  Nourriiïe  qui  n'oublia  rien 
de  ce  que  fes  devoirs  pouvoient  exiger 
d'elle. C'efl  ce  qu'il  fçûtgenereufemcnc 
reconncître  par  une  penfion  viagère 
qu'il  lui  fit  pour  le  relie  de  fes  jours, 
dés  qu'il  fe  vid  en  état  de  poflcder  quel- 
que bien. 

La  mort  de  fa  mère  contribua  beau- 
coup à  détacher  fon  perc  des  habitu-    ^'^.^"'^ 
des  qu'il  avoit  en  Poitou ,  &'  des  in-  dTfon^^ 
clinations  qu'il  fentoit  pour  la  Tourai-  ^^^'^* 
ne.  Le  fejour   de   ces  provinces  dans 

quelqu'une 


6         j4hrege  de  la  Vie 

quelqu'une  des  maifons  ou  des  terres 
qu'il  y  poltedoic  luy  avoir  plû  juf- 
ques.la-,  &  il  y  alloit  volontiers  paf. 
fer  le  temps  que  Je  fervice  /emellre 
du  Parlement  lui  laifFoit  libre.  Mais  il 
(è  reduifit  entièrement  à  la  Bretagne 
peu  d'années  après ,  &  il  y  fixa  le  refte 
de  fa  vie  par  un  nouveau  manage  qu'il 
y  contracta  avec  Anne  Morin  fille  du 
premier  Prefident  de  la  Chambre  des 
Comptes  à  Nantes,  Il  en  eut  un  gar?^ 
çon  &  une  fille.  Le  garçon  fut  Con- 
feiller  au  Parlement,  feigneur  deCha- 
vagnes ,  &  père  de  M.  de  Chavagnes 
d'aujourd'hui  Confeiller  au  même  Par- 
lement, qui  s'efl:  fait  d'Eglife  depuis  la 
mort  de  fa  femme.  La  fille  époufa  Loliis 
d'Avaugour  feigneur  du  Bois-de-Ker- 
grais. 

Les  soins  de  cette  nouvelle  fa^ 
^  mille  ne  firent  point  diverfion  à  ceux 

I  Y^  que  ]oachim  Defcartes  devoit  à  fon  fils 
Sesdiffo-  du  Perron^qu'ii  avoir  coutume  d'appel- 
ftficns  jçj.  f-g^  Philo fbpheÀ  caufe  de  la  curiofité 
four  ^  ^-  .    r    •  1  1         ''  ^     ]  Il  r 

ifide.       mlaiiable  avec    laquelle    cet    entant 

lui  demandoit  les  caufes  &  les  ef- 
fets de  tout  ce  qui  lui  palîoit  par  les 
fens. 

La  foi^. 


de  M,  De/cartes.  Liv.I.   7 

La  fjiblelle   de  (a  complexion  ,  &    i^o^ 
rinconftance  de  fa  fantc  robligeueni  à  * 

le  laillèr  Ion  ^-temps  fous  la  conduite 
des  femmes.  Mais  dans  le  temps  qu'on 
ne  travailloic  qu  a  liiy  former  le  corps , 
êc  à  luy  acquérir  de  l'en^b  «n-  point ,  il 
donnoit  des  marques  prel'quc  conti- 
nuelles de  la  beauté  de  fon  {^énie.  Il  fie 
paroicre  au  milieu  de  (es  infinnitez  des 
difpofitions  fi  heureufes  pour  l'étude, 
que  fon  père  ne  pût  s'empêcher  de  luy 
procurer  les  premiers  exercices  qui 
convenoient  au  deircin  qu'il  nvoit  de 
cultiver  ce  fonds,  malgré  la  réfoiutioii 
qu'il  avoit  prife  de  s'alTurer  de  la  fanté 
corporelle  de  fon  fils  avant  que  de  rien 
entreprendre  fur  fon  efprit. 

On  s'y  conduifir  avec  tant  de  pré- 
caution, qu'on  ne  gâta  rien.  AufiTi  pou- 
voir on  dire  que  ces  premières  études 
n'étoient  que  des  elîais  légers ,  &  des 
ébauches  afTez  fuperficielles  de  celles 
qu'on  avoit  intention  de  luy  faire  faire 
dans  un  âge  plus  avancé. 

Son  père  le  voiant  fur  la  fin  de  fa   OnVen 
huitième  année,  crut  devoir  profiter  du 
nouvel   écabliiTcment  que   l'on   faifoic  lûibc^ 
du  fameiu  collège  de  la  Flèche  en  fa- 
B  veur 


Lf  et;t* 

er  a    ix 


s        '^Jhregé  de  la  Vie 
^*^4    veut  t^es  Jefuites.  Il  l'y  mit  en  penfion 
^'  après  rhyvec  de  Tan  1604 ,  ^  le  re- 

commanda particulièrement  aux  foins 
du  P.  Charlet  fon  parent.  Ce  Père 
qui  fut  long- temps  Redeur  de  ce  col- 
lège ,  avant  que  de  palier  aux  premiers 
emplois  de  la  Compagnie ,  conçût  une 
afFedion  fi  tendre  pour  le  jeune  Def- 
cartes-du-Perron,  qu'il  voulut  fe  char- 
ger de  tous  les  foins  qui  regardoient 
le  corps  auffi-bien  que  Pefprit.  Il  luy 
tint  lieu  de  Père  &  de  Gouverneur 
pendant  huit  ans  &  plus  qu'il  demeura 
dans  le  collège  :  &  luy  donna  pour 
Préfet  particulier  le  P.  Dinet  qui  fut 
depuis  Provincial  Se  ConfelTeur  de  nos 
Rois.  L'un  &  Tautre  voiant  le  jeune 
Ecolier  allez  fenfible  à  toutes  leurs 
bontez ,  ne  tardèrent  point  de  joindre 
i'eftime  àl'afïtc^ion  :  &  après  avoir  été 
fes  Dire6l:euts  pour  l'étude  ëc  la  con- 
duite des  moeurs,  ils  s*en  firent  unamy 
qu'ils  voulurent  conferver  jufqu'à  la 
mort  5  Se  qu'ils  eurent  foin  d'entretenir 
par  un  commerce  mutuel  de  lettres  SC 
de  recommandations. 
Tfogrés  Le  jeune  Defcartes,  que  nousn'ap- 
rJanitel,  pcHerons  plus  du- Perron  que  lors  qu'il 

fera 


de  M.  Dejcartes.  Liv.I.    9 

fera  queftion  de  le   diftinguer  dans  fa   ï<^<^4 
parenté  ,  avoir  apporté  en  venant  au  ' 
collège  «ne   palîion  plus  qu'ordinaire 
pour  apprendre  les  fciences  :  &  cette 
paiïîon  (e  trouvant  appuïéc  d'un  efpric 
îblide  5  mais  vif  &  déjà  tout  ouvert  ; 
il  répondit   toiajours    avantageufemenc 
anx  intentions  de  f)nPerc  &  aux  foins 
de  fes  Maîtres.  Dans  tout  le  cours  de 
fes  Humanitez  qni  fut  de  cinq  ans   3c 
demi ,  on  n'apperçût  en  liiy  aucune  af- 
fectation de  (ingularité,  fmon  celle  que 
pouvoir  produire  rétnulacion  avec   la- 
quelle il  fe  piquoit  de  lailfcr  derrière 
luy  ceux  de  fes  compagnons  qui  paC 
foient  les  autres.  Aiant  un  bon  naturel 
avec  line  humeur  facile  5c  accommodan- 
te ,  il  ne  fut  jamais  gêné  dans  la  fcû- 
miffion  qu'il  avuit  pour  la  volonté  de 
fes  Maîtres  :  &  l'afliduité  qu'il  appor- 
toit  à  fes  devoirs  de  clafTe  &  de  cham- 
bre ne  luy  coiitoit  lien. 

Avec  ces  heureufes  difpoficions  il  fît 
de  grands  progrés  dans  la  connoidancc 
des  deux  langues  ,  dont  il  comprit  de 
bonne  heure  l'importance  Se  la  neceflité 
pour  l'intelligence  des  livres  anciens. 
Il  aimoic  les  vers  beaucoup  plus  que 

B  ij  ne 


10       Jhregé  de  la  J^/e 

ne  pourroiciît  fe  l'imaginer  ceux  qiiî 
*  ne  le  conûdérenx  que  comme  un  Phi- 
lofophe  qujauroit  renoncé  à  la  baga- 
telle. Il  avoit  même  duraient  pour  la 
Poefie  ;  &:  il  a  fait  voir  qu'il  n'en  igno- 
roit  pas  les  delicarelTes ,  &  qu'il  n'étoit 
pas  entièrement  inreniible  à  Tes  dou- 
ceurs. Il  avoir  trouvé  aufli  beaucoup  de 
plaiGr  aux  Fables  de  l'antiquité  ,  non 
pas  tant  à  caufe  des  myftéres  de  Phy^ 
lîque  ou  de  Morale  qu'elles  peuvent 
renfermer  ,  que  parce  qu'elles  contri- 
buoient  à  luy  réveiller  l'efpnt  par  leup 
gentil  lefc 

Pour  récompcnfe  de  la  fidélité  Se  de 
l'exadlicude  avec  laquelle  il  s'acquittoiç 
de  fes  devoirs  ,  il  obtint  de  Tes  Maî?i 
très  la  liberté  de  ne  s'en  pas  tenir  aux 
lecftures  &  aux  xrompofitions  qui  luy 
étoiejit  communes  avec  les  autres.  Il 
voulut  cmploier  cette  liberté  à  fatis- 
faire  la  paillon  qu'il  ientoit  croître  en 
iuy  pour  acquérir  une  connoiffauce  clai- 
re &  aj[w€e  de  tout  ce  ejui  eft  utile  h 
la  ^t>,, qu'on  luy  avoit  fait  efpererpar 
le  moien  des  belles  Lettres.  C'eft  dans 
cette  vue  que  non  content  de  ce  qui 
s'enfeignoic  dans  le  collège  il  /ivx)ij:  p^r^ 
•  coum 


de  M.  De/c4rtes.  Liv.I.    rt 

toûm  ,  (i  nous  l'en  croions ,  tous  les  «    1^04 

Livres  qdi  traitent  des  Sciences  qu'on  « ~- 

eftime  le^  plus  curienfes&rles  plus  ra-  es.  c< 
Ce  qui  ne   doit  s'enrendte  que  de  ce 
qui  pût  alors  luy  tomber  entre  les  mains, 
l'a joûceray  pour  defabufer  ceux  qui  l'ont 
Soupçonné  dans  la  fuite  de  (a  vie  d'avoir 
peu  d'inclination  ou  d'eftime  pour  les 
livres ,  que  nous  trouvons  peu  de  Cen^ 
timens  plus  avantageux  que  ceux  qu^il 
en  avoit  dés  ce  temps-là  Jl  s'étoit  perfua-  « 
de  que  la  ledure    des  bons    livres  cft  « 
comme  une  converfuion  avec  les  plus  " 
honnêtes  gens  des  fiécles  palîez  qui  en   « 
ont  été  les  auteurs  ,   mais  une  conver-  « 
fation  étudiée  ,    dans  laquelle   ils   ne  « 
nous  découvrent  que  les  meilleutes  de  « 
ieurs  pcnfées^  <* 

Outre  l'émulation  pour  l'étude 
Ôc  l'honnêteté  des  n^Œurs ,  les  col'éges 
produifent  encore  un  autre  avantage 
dont  M.  Defcartes  ne  voulut  pas 
être  privé.  C'efl:  celuy  des  connoillhn- 
ces  &  des  habitudes  que  l'on  y  contradlc 
avec  ceux  de  Ton  âge  ou  de  Ton  hu- 
meur, &  qui  font  fouvent  Icsfemences 
de  l'amitié  la  plus  forte  &c  la  plus  dura- 
ble. Les  plus  anciens  de  fes  amis  furent 
B  iij  fans 


Il        Ahegiàe  la  rie 

léio    fans  doute  ceux  qu  il  connut  à  la  Flé- 
-  che.     Mais  outre  René   le  Clerc  qui 
fut  depuis  Evêque  de  Glandéves ,  <k  le 
fieur  Chauvean  de   Melun  ,    qui  de- 
vint  enfuite  grand   Mathématicien  5C 
zélé  Cartéfien  ,    nous  ne  connoiflons 
plus  de  ces  premiers  temps  que  le  P. 
Adarin  Merfenne    Minime  qui  apaflc 
parmi  le  monde  fçavant  pour  le  Ren- 
dent    de      M.    Defcartes    à     Paris, 
&  pour  le  Doien  de  fes  amis  &  de  Tes 
fedateurs ,  quoiqu'il  fût  de  prés  de  huit 
ans  plus  âgé  que  luy  ,  &  qu'il  fût  ea 
Rhétorique  lorfque  celuy-cy  commen- 
çoit  la  Grammaire. 
Tr^«/^        M.  Defcartes   étoit  dans  la     pre- 
Vilf'ù    niiére  année  de  fon  cours  de  Philo  o- 
hemy      phic  ,  lorf.|ue  la  nouvelle  de  la  mort 
f/^'c/;I.  ^  ^^  ^^^y  ^^^^  ^^  vendredy  iv  de  May  1610 
fît  ceflèr  les  exercices  du  collég  .    Ce 
bon  Prince  en  donnant  fa  mailon  deU 
Flèche  aux  Jefuites ,  a  voit  fouhaicé  que 
fon  coeur ,  celuy  de  la  Reine  ,  &  de 
fes  fuccelTeurs   y  fulTent  portez  aptes 
leur  mort ,  6c  gardez  dans  leur  Eglife. 
De  forte  que  le  temps  qui  s'écoula  de- 
puis cette  funefte   nouvelle   jufqu'aii 
tranfport  du  coeur  du  Roy  à  la  Flèche , 

fut 


de  M.  Defcartes.  Liv.  I..  13 

fut  emploie  dans  le  collège  à  des  prie-  i^i« 
res  publiques ,  à  des  compofuions  funé-  **^ 
bies  de  vers  6c  de  profe  ,  &  aux  pré- 
paratifs de  la  réception  de  ce  depofl. 
Elle  fe  fit  le  iv  de  juin  avec  beauc  up  de 
cérémonie  :  &  il  fjt  réglé  dans  Thotel 
de  ville  de  la  Flèche  ,qu'a  pareil  joue 
il  fe  feroit  tous  les  ans  une  procelîion 
folennelle  avec  unfervice  de  même  pour 
]*ame  du  Roy  ;  6c  que  ce  jour  feioit 
chaume  dorefnavant  comme  les  fèces  en 
tenant  fermées  les  audi'.^nces  de  la 
plaidoirie,  lesclnlfes  du  collège,  &  les 
boutiques  de  la  vi'le. 

Le  lundy    fuivant  qui  ctoit  le  fcp-  f>-uùs  de 
tiémede  Juin  on  ouvrit  les  dallés  pour  fesâ^des 
reprendre  les  exercices  ordinaires   du  quel^dt 
collège    ;     6c      M.     Defcartes     con-  ^^ovaU^ 
tinualccude  de  la  Philofophie  morale. 
La  Logique  qu'il  avoir  étudiée  l'hyvcr 
précèdent  étoit  de  toutes  les  parties  de 
la  Philofophie,  celle  à  laquelle  il  a  té- 
moigné depuis  avoir  donné  le  plus  d'ap- 
plication dans  le  collège.  Dès  ce  temps- 
là  il  s'apperçût  que   les  fyllogifmes  6c: 
la  plufpart  des  autres  inftrudions  de  la 
Logique  de  l'Ecole  fervent  moins  rap- 
prendre les  chofes  que  l'on  veut  fça- 
B  iiij  voie 


14       ^yihregé  de  la  vie 

KTio  voir  ,  qu'à  expliquer  aux  autres  celles 
que  l'on  fçaic,  ou  même  a  parler  fans 
jugement  de  celles  qu'on  ignore  ,  qui 
eft  l'effet  qu'on  attribue  à  Tart  de  Rai- 
mond  Lulle.  De  tous  les  préceptes  qu'il 
avoir  reçus  de  Tes  Maîtres  dans  la  Lo- 
gique, Il  ne  voulut  retenir  que  les  qua- 
tre règles  qui  ont  (ervi  depuis  de  fon- 
deiiient  a  fa  noi;velle  Philofophie.  La 
première ,  '  e  ne  rien  recevoir  pour  vray 
ijuil  ne  connur  être  tel  évidemment,  La 
féconde ,  De  divifer  les  cho  es  le  plus 
t^hil  feroîf  paisible  ponr  les  mieux  refou-* 
are,  La  troifiéme  ,  De  conduire  fes pen^ 
sées  par  ordrf  en  commentant  par  les 
objets  les  plus  (impies  pour  monter  par 
devrez,  jufejua  la  ccnnotffance  de  plus 
compofez^,  La  quatrième  ,  *De  ne  rien 
émettre  dans  le  dénombremenr  des  chnfes 
dont  il  devoit  examiner  les  parties.  Mais 
il  fe  forma  dés-lors  une  méthode  fin- 
guliere  de  difpnter  en  Philofophie,  c,ui 
ne  déi'lut  pas  au  P.  Charlct  fon  Di- 
redeur  perpétue'  ,  ni  au  P.  Dinet  (on 
Préfet  ;  c^uoi qu'elle  doni  ât  un  peu  d'e- 
xercice à  fon  Régent.  Lorfq  'il  étoit 
queftion  de  pro  oler  un  argument  dans 
la  difpute  ,  il  faifoit  d'abord  plnfieurs 

demandes 


de  M.  Dejcarte^.  Lîv.I.    15 

flemandes  couchant  les  définitions  des    i^i@ 

noms.  Après ,  il  vouloit  Tçavoir  ce  que '■ 

l'on  entendoicpar  certains  principes  re- 
çus dans  l'Ecole.  Enfuite  ,  il  demandoic 
(1  l'on  ne  convenoit  pas  de  certaines  ve- 
ritez  connues  dont  il  faifoit  demeurée 
d'accord.  De  là  il  formoit  nfin  un  feul 
argument  dont  il  étoit  fort  difficile  de 
fe  dcbarraller. 

L'étude  de  la  Morale  fcholaftique 
fervit  principalement  à  luy  faire  diftin- 
guer  celle  du  Paien  &  de  Thonneite 
homme  du  fiécle,  d'avec  celle  du  Chré- 
tien. Mais  nous  ne  fçivons  pas  Ci  c'eft 
aux  cahiers  de  fon  Maître  qu'il  croie 
redevable  des  quatre  maximes  dans  lef- 
quell  s  il  a  fait  principalement  confiller 
fa  Motale  particulière.  La  première  de 
ces  maximes  étoit  è! obéir  mx  loix  (^ 
aux  c  Htiirnes  de  fon  pays  y  retenant 
€on(iamment  la  Religion  dans  laquelle 
Dieu  l'avoit  fait  naître,  L^  féconde ^ 
D'être  ferme  &  refolu  dansfe.<  nEltons^ 
(è*  de  fuivre  auffi  confiamment  les  opi^^ 
viens  les  plus  doitteu  ei  lor^^uil  s'yfe» 
rcit  une  fois  détermine\cfu^ft  elles  étaient 
tres-affH'ées.  Latroifiémej  De  travail- 
hrkje  vaincre  foy-^mè  me  pi  Ht  cjh  que  la 
B  V        ForfHng^ 


i^         'Ahregè  de  laHe 

i6iî     fortune  ;  à   changer  [es  défias  plâtofl 
?'■  (jnel* ordre  dit  Monde  y  ^  a  feperfuader 

que  rien  n'eft  entièrement  en  notre  foH- 
voir  que  nos  penfées,  La  quatrième  ,  De 
fe  déterminer,  fans  blâmer  le  choix  de i 
mitres  hommes  dans  leurs  emplois  er  lenn 
cccupaticns  différentes  *  à  celle  de  chU 
tiver  fa  raifon  ;  &    de  rechercher  U 
vérité  de  toutes  chojes  dans  tout  le  cours 
_  de  fa  vie» 
Yj^         L'étude  qu'il  fît  l'année  fuivante 
Son  feu  de  la  Phyfique  &  de  la  Metaphyllque , 
ieja.ns-    luv   donna   moins  de  fatisfadtion   nue 
dans  l'é-  navoit  fait  celle  de  la  Log.que  &  de 
'rh^fi'ie  ^^  Morale.    Il  commença  dés-lors  à  fe 
&  Meta,  fcntir  enjbaraflé  de  doutes  6c  d'erreurs, 
r^jffiv'e-  au  lieu  de  cette  connoiffarjce  claire  & 
fiffurêe  de  tout  ce  cjuiefi  utile  a  la  vie  s 
qu'on  luy  avoit  fait  efperer  de  Tes  étu- 
des. Plus  il  avarçoit,  plus  il  découvroic 
fon  ignorance.   Il  voioit  par  les  leçons 
de  Tes  M^ucres  &  par  la  ledture  de  fes 
Livres  ,  que  la  Philofophie  avoit  été 
cultivée  de  tout  temps  par  ks  plus  ex- 
cellens  Efprits  qui  euTent  paru  dans  le 
monde  ^  &  que  cependant  il  ne  s'y  trou- 
voie  encore  aucune  chofe  dont  on  ne 
difputâtp  ^  qui  par  confequcnr  ne  fût 

douteuie 


àe M.Defurtes.  Liv.I.   17 

douceufe.  Toute  l'eftime  qu  il  pouvoic  k^ii 
avoir  pour  Tes  Maîtres  ne  luy  donnoic  •■  ■- 
point  la  prefomption  d'efperer  qu'il  pûc 
rencontrer  mieux  que  les  autres.  Con- 
iîderanc  la  diverfité  des  opinions  foû« 
tenues  par  des  ;  erfonnes  dodles  tou- 
chant une  même  m^ati-re  ,  fans  qu'il  y 
en  puilTe  avoir  jamais  plus  d'une  qui 
foie  vraye  -,  il  s'accoûcumoic  déjà  à  re- 
puter  prefque  pour  faux  tout  ce  qui 
n'étoit  que  vray-femhlable.  S'il  n'avoic 
eu  qu'un  feul  Maître  ,  ou  «'il  n'avoic 
point  fçû  ces  différentes  opinions  qui 
font  parmi  les  Philoiophes  ,  il  protefte 
qu'il  ne  luy  feroit  ja  nais  arrive  de  fe 
retirer  du  no:i.bi  e  de  ceux  qui  doivent 
fe  contenter  de  fuivre  les  opinions  des 
autres  plûtoft  que  d'en  chercher  eux- 
mêmes  de  meilleures.  Mais  aiant  appris 
dés  le  collège  ,  (  ce  font  fes  termes  ) 
qu'on  ne  fçajroir  rien  imaginer  de  i\ 
étrange  qui  n'ait  été  avancé  par  quel- 
qu'un des  rhilofophes  ,  il  prétend  n'a- 
voir ^  û  choifir  un  e-^ide  dont  les  opi- 
nions luy  parulTent  préférables  à  celles 
des  c'iutres.  C'elt  ce  qui  l'a  obligé 
dans  la  fuite  des  tenips  à  fe  frayer  un 
chemin  nouveau  ,  5c  à  encrepren- 
B  vj  drç 


i3        jéhre^édeU^ie 

dre  de   fe  conduire  luy-me(me, 
^^^^        Malgré  les  obftacles  qui  arrétoient 
fnn  efprit  durant  le  cours  de  fa  Philofo* 

^uL  ^  i'^*^  '  ^^  ^'^^^'^^  ^'^^^  ^^^^^  carrière  en 
ttMiiqne^  même  temps  que  le  refte  de  Tes  com- 
pagnons qui  n'avoient  trouvé  ni  doutes 
à  former,  ni  difficuliez  à  lever  dans  les 
cahiers  du  Maître.  On  le  fit  pafTer  en- 
fuite  à  rétude  des  Mathématiques,  auf- 
quellesii  donna  la  dernière  année  de  fon 
fejour  a  la  Flèche.  Le  plaifir  qu'il  y 
prit  le  paia  avec  ufure  des  peines  que  la 
Philofophie  ftholaltique  luy  avoir  don- 
nées :  &  les  progrès  qu'il  y  fit  ont  été 
il  extraordinaires ,  que  le  collège  de  la 
FI  xhe  s'eft  acquis  par  fon  moien  la 
gloire  d'avoir  pioduit  le  plus  grand  Ma- 
thématicien que  Dieu  euft  encore  mis 
am  jour.  Entre  les  parues  des  Mathé- 
matiques ,  il  choilit  r  Analyse  des  Geo- 
métrcs^^w  V  Ahèbre  \  our  en  faire  le  fujet 
de  ton  applicarion  particulière  ,  pour 
les  purger  de  ce  qu'elles  ^voient  de 
nuîhble  ou  d'inutile  ^  6c  pour  les  por- 
ter a  leur  perfection.  C'eft  à  quoy  il 
iravail'a  dés  le  collège  indépendem- 
ment  de  fon  M.^ître  &  de  fes  compa- 
gnons ,.fi  nous  en  croions  ceux,  qui  la 

font 


de  M.  De  fartes.  Liv.L  19 

font  auteur  de  *.ette  efpéce  d'Algèbre    ^^^^ 
qu'ils  appellent  la  clef  de  tous  les  Arts         '^ 
libéraux  &  de  toutes  les  Sciences ,   & 
qu'ils  eftiment  êcre  la  meilleure  mé- 
thode qui  ait  jamais  paru  pour  difcer- 
ner  le  vray  d'avec  le  faux. 

Ladifpenfe  qu'il  avoii  obtenue  du  Y/'l-^Z'- 
V,  l^rincipal  du  collège  pour  n'ct.cpas  meronfk 
obligé  a  toutes  les  pratiques  de  ladif-  '^"^''*'"' 
ciphne   fch^ Sadique  ,   luy  fournit   les 
moicns  necelTaires  pour  s'enfoncer  dans 
cette   étude  aufli  profondément  qu'il 
pouvoir  le  fouhaiter.    Le  P   Charles 
Redeuc  de  la  maifon  luy  avoit  prati- 
qué encre  autres  pr  viléges  ccluy  de  de- 
meurer long-temps  au  lit ,  rantàcaufe 
de  fa  fanté  infirme ,  que  parce  qu'il  re- 
rrrarquojt  en  luy  un  efprit  porté  natu- 
rellement a  la   médication.    Defcartes 
quiàfon  réveil  trouvoit  toutes  les  for- 
ces de  Ton  efprit  recueillies  ,  6c  tous  fes 
fens  raiîîs  par  le  repos  de  la  nuit ,  pro- 
fitoit  de  ces   favorables    conjondtcres 
pour  méditer.  Cette  pratique  luy  tour- 
na, tellement  en  habiti.de,  qu'il  b'en  fie 
une  manière  d'étudier  p.  ur  toute  la  vier 
&  l'on  peut  dire  aue  c'eft  auxm.itinées 
de  fou  lit.  que  aoiis  foiiimes  redevables, 

de 


ÏO        jihregé  de  la  ^ie 

J^^^    de  ce  que  fon  cfpric  a  produit  de  plus 

^  important  dans  la  Philofophie  &  dans 

'^  les  Mathématiques. 

'^  A I  A  N  T  fini  le  cours  de  fes  études 

y^ï*    au  mois  d*    oût  de  l'an    61  x  il  quitta 

^wié^e"  ^e  collège  de  a  Flèche  après  tiuit  ans 
ôc  iemi  defejour;  &:  il  s'en  retourna 
chez  fon  Père  comblé  des  benedidions 
de  f'js  Maîtres.  Il  luy  refta  toute  fa  vie 
un  fonds  de  rcconnoilT.nce  pour  l'obli- 
gation qu'il  leur  avoit ,  &  d'cftime  pour 
leur  collège  qu'il  avoit  coutume  d'éle- 
ver au  delTus  de  tous  les  autres  5  foie 
parce  que  fa  propre  ex.-'erience  luy  en 
avoit  donné  une  connoilTance  plus  par- 
ticulière; foit  parcs  que  nous  nous  fen- 
tons  ordinairement  portez  a  louer  le  lieu 
de  nôtre  éducation  cou. me  celuy  de 
notre  naiflance  ,  &  à  vanter  nos  maî- 
tres comme  nos  parens. 

Mais  s'il  étoit  fatisfait  de  fes  Maîtres 

au  fortir  du  collég  : ,  il  ne  Tétoit  nul- 

J^!*fftis-  lement  de  luv  même.  Il  fembloit  n'a- 

«tudes:  voir  remporte  de  les  études  qu  une  con- 
noiiîance  plus  grande  de  fon  ignorance. 
Tous  les  avantages  qu'il  avoit  eus  aux 
yeux  de  tout  le  monde  &  qu'on  van- 
loit  comme  des  proJiges  ,  ne  fe  re- 
'  duiibienç 


de  M.  De/cartes.  Liv.  T.  li 

duifoient ,  félon  luy  ,  qu'à  des  cmbatr 
ras ,  à  des  doutes ,  &  à  des  peines  d'ef-  ^ 
prit.  Les  lauriers  dont  Tes  Maîtres  Ta- 
voîent  couronne  pour  le  diftinguer  du 
refte  de  fe^  compagnons  ,  ne  iuy  pa- 
rurent que  des  épines. 

Pour  ne  pas  entiéremenr  démentir  le 
jugement  des  connoilleurs  de  ces  temps- 
la  ,  on  ne  devroit  pas  nier  qu'il  eut 
mérité  ,  tout  jeune  qu'il  étoit ,  le  rang 
que  le  Fublic  luy  donnoit  dés- lors  par- 
mi les  do(ftes  &  les  habiles  gens   du 
fiecle.   M«is  jamais  il  ne  fut  plus  dan- 
gereux de  prodiguer  la  qualité  de  Sfa- 
vaut.  Car  il  ne  fe  contenta  pas  de  re- 
jetter  cette    qualité   qu'on    luy  avoic 
donnée  :  mais  voulant  ji^ger  des  autres 
par  luy  même ,  peu  s'en  fallut  qu'il  ne 
prît  pour  de  faux  Sçavans  ceux  qui  por- 
toient  la  même  qualité  -,  Si  qu'il  ne  ^(ï 
éclater  fon  mépris  pour  tout  ce  que  les 
hommes  appellent  Sciences, 

Le  déplaidr  de  fe  voir  defabufé  de 
l'erreur  dans  laquelle  il  s'éroit  flaté  de 
pouvoir  acquérir  par  fes  études  une 
connoiffance  claire  ^  affUrre  de  tout  ce 
^ui  eft-  utile  k  la  vie  ,  penfi  le  jetter 
ians  le  defefpoir.  Voiant  d'ailleurs  que 

fon 


i6ti 


iz       jihregê  de  la  Vie 

'"^^  fonfiécleécoic  aufli  flotiirant  qu'aucuS 
"^  des  préccdens ,  de  s'imaginant  que  tous 
les  bons  efpritsdont  ce  fucle  étoit  alTex 
fertile ,  fe  trouvoient  dans  le  même  «.as 
que  luy ,  fans  qu'ils  s'en  apperçilïent 
peut-être  comme  luy  i  il  fut  tenté  da 
croire  qu'il  n'y  avoit  aucune  fcience 
dans  le  monde  qui  fût  telle  qu'on  lu^f 
avoit  fait  efperer. 
71  reHoH'  Le  refultat  de  toutes  fes  fàcheufcs 
ee^ux     deliberatioiis  fut  ,  qu'il  renonça   aux 

Ltvres  ér   -.  1/1,  ^,  j  1  /-      1    r 

aux  sieu-  Livres  des  l  an  iSi^ ,  &  qu  il  le  dtnt  en- 
pmr  '^-2  ^^^'^^"^^'^'^  ^^  récude  des  Lettres.  Par 
'"cette  efpéce  d'abandon  ,  il  femblois 
imiter  la  plufpart  des  jeunes  gens 
de  qualité  ,  qui  n'ont  pas  bcfoin 
d'ttude  pour  fubfifter  ,  ou  pour  s'avan- 
cer dr.ns  h  monde.  Mais  il  v  a  cette 
différence ,  que  ceux  cy  en  difnnt  adieu 
afUx  livres  ,  ne  (bngent  qu'  fecolier  un 
Jo  >g  que  le  collège  leur  avoit  rendu 
infuprortabîe  :  au  lieu  que  M.  De  (car- 
tes n'a  congédié  les  livres  pour  lef. 
quels  il  étoit  trcs  paffionné  d'ailleurs , 
que  parce  qu'il  n'y  trouvoit  pas  ce  qu'il 
y  cherchoit  fur  la  foy  de  ceux  qui  Vct^ 
voient  en;Z.agé  à  l'étude.  Quoiqu'il  fe 
fentift  très- obligé  aux  foiiis  de  les  Mai». 

ues 


de  Mr  De/cartes.  Lîv.T.  13 

très  qui  ri'avoient  rien  omis  de  ce  qui 
dépendoit  d'eux  pour  le  fatisFaire  ,  il  ne 
fe  croioit  pourtant  pas  redevable  à  Tes 
études  de  ce  qu'il  a  fait  dans  la  fuite 
pour  la  recherche  de  la  vérité  dans  les 
Arts  Se  les  Sciences.  Il  ne  faifoic  pas 
difficulté  de  dire  à  Tes  amis  que  quand 
fon  Père  ne  l'auroit  pas  fait  étudier,  il 
ii'auroic  pas  lailVé  d'écrire  en  nôtre  lan- 
gue les  mêmes  chofes  qu'il  a  écrites  en 
Latin. 

Il  passa  l'hy ver  de  la  fin  de  1^12 
Ôc  du  commencement  de  161^  dans  la 
ville  de  Rennes  à  revoir  fa  f^miWc ,  a nemsi 
à  monter  à  cheval ,  à  faire  des  armes,  Ç^'^iJl 
&c  à  d'autres  exercices  convenables  à 
fà  condition.  On  peut  juf;er  par  foa 
petit  traité  à'Ejenme  s'ii  y  perdit  en- 
tièrement fon  temps. 

Son  père  quiavoit  déjà  fait  prendre 
le  parti  de  la  Robe  à  fon  aîné  ,  fem- 
bloit  le  deftiner  au  fervice  du  Roy  & 
de  l'Etat  dans  les  armées.  Mais  fon 
peu  d'àj^e  ,  Se  la  foiblelTe  de  fa  com- 
plexion  ne  luy  permettoicnt  pas  de 
î'expofer  fi-tôt  aux  travaux  de  la  guer- 
re. Il  crût  qu'il  feroit  bon  de  luy  faire 
voit  le  grand  monde  auparavant.  Ceffc 

ce 


14       -Ahregê  de  la  V/V 

l6\^  ce  qui  le  fie  refoudre  à  Tenvoier  à  Paris 
r"" — '  vers  le  printems.  Mais  il  fit  peut-être 
une  faute  de  l'abandonner  a  fa  propre 
conduite,  fans  luy  donner  d'autre  gou- 
verneur qu'un  valet  de  chambre  ,  ni 
d'autres  infpe(fl:eurs  que  des  laquais.  Il 
fe  repofoit  avec  trop  de  fecunté  fur  la 
Ùl2,'^^Q  d'un  jeune  homme  de  dix-fept 
ans  qui  n'a  voit  encore  aucune  expé- 
rience ,  ni  d'autre  fecours  que  fes  pro- 
pres forces  pour  rcfifter  aux  occafions 
de  fe  perdre. 

^î,oH  o'ft-  ^^  ^^  ^^^  ^^^^  P^^^'^  ^  garantir  des 
<¥eté,  grandes  débauches  ,  &  pour  ne  pas 
tomber  dans  les  defordres  de  l'intempé- 
rance :  mais  il  ne  fe  trouva  point  à 
l'épreuve  des  compagnies  qui  l'entraî- 
nèrent aux  promenades  ,au  jeu,  &  aux 
aatres  divertilTemcns  qui  pa'ient  dans 
le  monde  pour  indifferens.  Ce  qui  con- 
tribua à  le  rendre  plus  naiticulicremenc 
attaché  au  jeu  ,  fut  le  fuccés  àv^c  le- 
quel il  y  réuiÏÏfoit  ,  fur  tout  dans  ceux 
qui  dépendent  plus  de  l'induftrie  que 
du  hazard. 

Mais  ce  qu'il  fit  de  moins  inutile 
durant  tout  ce  temps  d'oifiveté  fut  la 
connoiffance  qu  il  rcnoETeila  avec  di- 

verfes 


de  M.  'Dejcartes.  Liv.ï.  t] 

verfes  perfonnes  4U*il  avoir  vu^'s  à  la    j^j> 
Flèche,  ôc  Tamitié qu'il  comrddaavec      .    ^ 
quelques  gens  de  merise, qui fervirent 
à  le  faire  un  peu  revenir  de  ce  grand 
éloignemenc    où   il  étoit  pour  l'étude 
ôc  les  livres. 

Le  plus  importanr  de  ces  nouveaux    ^'"'jv/ 
amis  fut   le  célèbre  Claude  MydorgCy  uyàorgn^ 
Treforier  de  France  en  la  généralité 
d'Amiens  fils  d'un    Confeiller    de    la 
Grand-Chambre  ,  &  fuccedeur  de  Vié- 
te  dans  la  réputation  du  premier  Ma- 
thématicien de  France  ,  pendant  quel- 
que temps.  M.  Defcarces  qui  étoit  plu* 
jeune  de  prés  d'onze  ans,  trouva  dans 
ce  nouvel  ami  je  ne  (çay  quoy  quiluy 
revenoit  extrêmement ,  (bit  pour  l'hu- 
meur ,  foir  pour  le  caradére  d'efprir. 
Ce  qui  les  unit  fi  étroitement,  qu'il  n'y 
eut  que  la  mort  de  M.  Mydorge  qui  les 
fépara. 

Ce  fut  aulTî  vers  le  mefme  temps  qu'il  Avêtu 
retrouva  à  Paris  Marin  Merfenne  ,  ^'  '^^' 
mais  dans  un  extérieur  fort  ditrerent 
de  celuy  fous  lequel  il  l'avoir  connu  à 
la  Flèche.  Merfenne  s'étoit  fait  Mini- 
me au  lortir  des  écoles  de  Sorbonne, 
Le  renouvellement  de  leur  connoiifan- 


^6       ^Ahregé  de  [a  Vk 

^^^^   ce  fut  d'autant  plus  agréable  àcePer^, 
que  M.Dcfcartes  fe  trouvoit  alors  moins 
éloigné  de  fa  portée  que  quand  il  Ta- 
voit  viJ  petit  garçon  dans  le  collège. 
D'un  autre  cô:é  la  rencontre  Rit  avan- 
tageufe  à  M.  Delcartes,  puifqu'ellefer- 
vit  a  le  délivrer  d.*s  attaches  qu'il  avoit 
au  jeu  Se  aux  autres  palTe-temps  inuti- 
les.   Ils    commet  çoient  à   go  uer   les 
douceurs   de  leurs    innocentes  haï  ita- 
dcs  ,  &:  à  s'entre- fouLiger  dans  la  re- 
jcherche  de   la  vérité  ,  lorfque  le  Perc 
Alerfenne  fut  envoyé  fur  la  fin  de  i6i^ 
à  Nevers  ,  pour  y  enleigner  la  Philofo- 
phie  aux   eunes  Religieux  de  fon  ordre, 
.     ^  .       Cette  (eparation  toucha  M.Def  ar- 
te  >  fo.i  tes  allez  vivement.  Mai ^  au  lieu  de  luy 
Tétué     ^^^^^^^  '^  penfée  de  retourner  à  lésdi- 
vertilTèmens  &  à  fon  oifiveté  ,  elle  le 
fit  encore  mieux  rentrer  en  luy  mefmc 
que  la  prefence  de  Ton    vertueux  ami, 
éc  luy  infpira  la  refolutiondefe  retirée 
du  grand  monde  &  de  renoncer  même 
à  Tes  compagnies  ordinaires  ,  pour  fê 
remettre  à  l'étude  qu'il  av.  it  abandan- 
née.  l\  choifit  un  lieu  de  retraite  dans 
le  faux-bourg  Saint-  Germain ,  où  il  loua 
gne  maifon  écartée  du  bruit  ^  ôc  s'y  ren- 
ferma 


Je  M.  Dcfcartis.  Lîvl.    17 

frnna  avec  un  jou  deux   dômeftiques     ^^^f 
{èulemenc  fans   en  avertir  fes  amis  ni  ''' 

fes  parens.   Et.int  ainfi  rentré  dans  le 
gouc  de  l'étude, il  s'enfonç.i  dans  celle 
des  Mat  .emat'ques  aurquellesil  donna 
tout  ce  grand  loi  fît  qu'il  venoit  de  fe 
procurer,  &  qui  fut  de  prés  de  deux  ans. 
Ceux  de  fes  amis  qui  ne  fervoionc 
qu'aux  paifetemps  i^  aux  parties  de  di-^ 
vertilfen.ent  ,s'ennuicrent  bien-toft  de 
ne  leplusrevou-.  Us  le  cherchèrent  mu- 
tilement  dan^  a  Ville,  a  la  Cour,  ë<  dans 
fa  Province.  Il  av  it  eu  la  prudence  au 
commencement  de  fa  i  etraite ,  de  fe  pré- 
Câutionner  contre  les  hazards  de  la  ren^ 
contre  ,pour  ne  pas   tomi^er   entre  les 
mains  de  ces  Fâcheux, lorfqu'il  étoit  obli- 
gé ce  fortir  povîr  fes  befoins.   La  chofe 
ne  luyreuiiit  point  mal  pendant  prés 
dedeuxar.s.   iMais  il  fe  repofa  dans  la 
fuite  avec  un  peu  trop  d'a^lùrancefurle 
bon  heur  de  fa  folitude:  de  ne  veillant 
plus  fu^:  (a  route  &  fes  décours  avec  la 
mcme    précaution  qu'auparavant  lorfl 
qu'il  aJloit  dans  les  rues ,  il  fut  rencon- 
tré par  un  cie  ces  amis,  qui  ne  voulut 
p^s  le  quitter  qu'il  ne  luy  euft  décou- 
vert fa  demeure. 

Il 


iS       Ahregé  delaVie 

\6i6        ^^  ^"  coûta  la  liberté  à  M.  Defcartes,' 
^  pour  ne  tien  dire  de  plus.  L'ami  fit  II 

iiejt  dé-  ^^^^  P^^  ^^s  vifites  réitérées  ^  par  Tes 
couvert  importunitcz ,  qu'il  vint  about  de  trou- 
tmiti!'  ^^^^  premieremenr  Ton  repos  ,  ^  de  le 
détourner  enfuite  de  fa  chère  folitude 
pour  le  ramener  dans  le  monde  ,  8c  le 
replonger  dans  les  divertiflemens  com- 
me auparavant. 

Mais  il    s'aperçût  bien-toft    qu'il 
avoit  changé  de  goût  pour  les  plaifirs. 
Les  jeux  &  les  promenades  n'avoient 
plus  pour  kiy  les  mêmes  attraits  qu'au- 
paravant :    &  les   enchantemens  des 
voluptez  ne  purent  agir  fur  luy  que 
trcs-foiblement  contre  les  charmes  de 
la  Philofophie  6c  des  Mathématiques, 
dont  ces  amis  de  joie  ne  purent  le  dé- 
livrer.  Ils  luy  firent  palTer  les  fêtes  de 
Noël  de  1616  6c  le  commencement  de 
l'année  fuivante  jufqu'aux  jours  gras, 
le  moins  triftement  qu'il  leur  fut  pof- 
fible.  Mais  ils  ne  purent  luy  faire  fentir 
d'autres  douceurs  que  celles  de  la  Mu- 
fique  ,  aux  concerts  de  laquelle  il  ne 
pouvoir   être  infenfible  avec  la  con- 
noiflànce  qu'il   avoic    des  Matbéma- 
Ûqucs, 


de  M.  Dejcartes.  Liv.I.  2^ 

Ne    pouvant  plus    efperer  des    i6ij 
importuns  de  fon  âge  ôc  de  fa  qualité,  "TTT** 
la  liberté  de  rentrer  dans  fa  retraite  ou  ^^^' 
d'en  profiter  ;   &  fe   voiant  d  ailleurs  HoU,t»de 
âeé  de  vin^t  &  un  ans ,  il  crût  devoir  f°^"''  ^" 

y  1  1  ,1  armes» 

ic  mettre  dans  lelervice.  II  partit  vers 
le  mois  de  May  [  our  la  Hollande  ,  ÔC 
fc  mit  dans  les  troupes  du  Prince  Mau- 
rice en  qualité  de  Volontaire,  à  l'imi- 
tation de  plufieurs  C  adets  de  la  no- 
clclfe  Françoile  qui  alloient  apprendre 
le  métier  de  la  guerre  f  us  ce  grand 
Capitaine. 

Mais  comme  fon  cœur  étoit  prévenu  Ses'vffSi 
par  une  plus  forte  pafîion  poui  la  reeher-  ^'"^^^"^^ 
che  de  la  vérité  ,  à  laquelle  il  étoit  ?e^ 
fblude  s'emploier  tôt  ou  tard  ,fonde(I 
lein  n  ctoit  pas  de  devenir  grand  guer- 
rier à  1  école  de  ce  Piince.  En  fe  dé- 
terminant  à  porter  les  armes ,  il  prit  la 
refolution  de  ne  fe  rencontrer  nulle  part 
comme  acteur,  mais  de  (c  tiouver  par 
tout  comme  fpcdateur  des  rôles  qui  fè 
■jouent  dans  toutes  fortes  d'états  fur  le 
théâtre  du  Monde.  Il  ne  fe  fit  foldat 
que  pour  étudier  les  maurs  différentes 
des  hommes  plus  au  naturel  ,  &  pour 
lâcher  de  fe  mettre  à  l'épreuve  de  tous 

les 


56        "jihregê  de  la  Vie 

1(^17    les  accidens  de   la  vie.  Afin  de  n*étrè 
'■  gêné  par  aucune  force  fuperieure ,  il  re- 

nonça d  abord  à  toute  charge  &  à  tout 
engagement  ;  &  il  s'entretint  toujours 
à  Tes  dépens.  Mais  pour  garder  la  forme, 
il  fallut  recevoir  au  moins  une  fois  la 
paye  :  &  il  eut  la  curio' té  de  confer- 
■ver  cette  folde  pendant  toute  fa  vie 
comn>c  un  témoignage  de  fa  milice. 

Il  aimoit  veritabiement  la  guerre  à 
cet  âge  :  mais  cette  inclination  n'ctoic 
que  l'effet  d'une  chaleur  de  foye  qui 
s'appaifa  dans  la  luite  des  temps.  Quoi- 
que la  ville  de  Breda  où  il  étoit  en 
garnifon  joinft:  alurs  du  repos  que  pro- 
curoit  la  trêve  faite  entre  les  Hollan- 
dois  &  les  Espagnols ,  il  ne  laifïa  pas 
de  fe  montrer  toûJGU4:s  grand  adveifairc 
de  loifiveié  &  du  libertinage  v^oitdans 
fes  occupations  militaires  aufquclles  il 
apportoit  toute  rafïiduité  du  plus  ar- 
dent des  foldats,  foie  dans  le  loifirque 
luy  laiUbient  fes  fonûions  ,  &  qu'il 
cmploïoit  à  l'étude  lorfque  les  autres 
le  donnoient  à  la  débauche. 

Pendant  ce  temps  là  ,il  arriva  qu'un 
inconnu  fit  afficher  par  les  rucb  de  Bre- 
^a  un  problème  de  Mathématique  pouc 

le. 


âe  M.  Defcartes.  LivJ.   31 

k  propcferaux  fçavans  ,  &  endcman-    j^iy 

der  la  folution.  M.  Defcartes  voiant le  ^ 

concours  des  psflans  qui  sV;riêtoienc  de- 
vant l'affiche  coiicenc  en  Flamand  ,  pria 
le  premicL'  qui  fe  trouva  auprès  de  luy 
de  vouloir  luy  dire  en  Latin  ou  en  Fran- 
çois la  fubftance  de  ce  qu'el'e  conte- 
noit.  L'homme  à  qui  le  hnzard  le  Ht     ,,^. 

1       Y  I         I  •         I  1  II  l^att 

adreller  ,  voulut  bien  luy  donner  cette  co„.„;/- 
fatisFaction  en  Latin  :  mais  ce  fut  à  con  /'"-«^'^J^^s 
dition  qu'il  s'obligeroit  à  luy  donner  ,«.i», 
de  fon  cocé  la  lolution  du  problème  qu'il 
jugeoit  en  luy  même  très. difficile.  M. 
Defcartes  accepta  la  condition  d'un  air 
fi  refolu  ,  que  cet  homme  qui  n'atten- 
doif  rien  defemblable  d'un  jeune  c.idet 
de  l'armée  ,  luy  donna  fon  nom  par 
écrit  avec  le  lieu  de  Ca  de  meure  ,  afin 
qu'il  pût  Iny  porter  la  folution  du  pro- 
blème quand  il  l'auroit  trouvée.  M. 
Defcartes  connut  par  fon  biiltt^qu'il 
s'appellv.'ic  Ifaac  Beechnian  ,  &  qu'il 
étoit  principal  du  collegedeDcrdre.hr. 
Il  ne  fut  pas  ph'.tôt  retourné  chtz  luy 
que  s'étant  mis  àexamirjcr  le  problème 
de  l'homm.'  inconnu  fur  les  relies  de 
fa  méthode ,  il  en  trouva  la  folution  avec 
jutant  de  facilité  '6i  depromtitudc  que 

C  ,        Viéte 


31  ÂhregêdeUVk 
-'^  Viéte  en  avoit  apporté  autrefois  pouc 
refondre  en  moins  de  trois  heures  le 
fameux  problème  qu'Adrien  Romain 
avoir  propofé  à  tous  les  Mathémati- 
ciens de  la  terre.  Pour  ne  point  man* 
quer  à  fa  parole ,  il  alla  dés  le  lende- 
main chez  BeecKman ,  luy  porta  la  fo- 
lution  du  problème  ,  6c  s'offrit  même 
à  luy  en  donner  la  conftruélion  ,  s'il 
la  fouhaitoit.  Beeckman  parut  fort  fur- 
pris  :  mais  fon  étonnement  augmenta 
tout  autrement  jlorfqu'aiant  ouvert  une 
longue  converfation  pour  fonder  Tcf- 
prit  &  la  capacité  du  jeune  homme, 
il  le  trouva  plus  habile  que  luy  dans 
des  fciences  dont  il  faifoit  Ton  étude 
depuisplufieuFsannees.il  luy  demanda 
f-.n  amitié ,  luy  offrit  la  fienne  ,  ôc  le 
pria  de  confentir  qu'ils  entretinflènt  un 
commerce  mutuel  d'études  &  de  lettres 
pour  le  refte  de  leur  vie.  M,  Defcartes 
répondit  à  ces  honnêtetez  par  tous  les 
.effets  d'une  r.mitié  fincére  ,  quoyqu'il 
fe  trouvât  p'us  jeune  que  luy  de  prés 
de  trente  ans  :  ôc  pour  luy  donner  des 
marques  de  la  confiance  qu'il  avoit  en 
luy  ,  il  confèntit  avec  plaifir  qu'il  fût 
fon  correfpondant  pour  la  Hollan- 
de, 


de  M.  Dejcartes.  Liv.I.   35 

de  5  comme  il   l'avoit  fouhaité.  ji^jj 

Pendant  que  le  Comte  Maurice  - 


devenu  Prince  d'Orange  par  la  mort      X. 
de  fonfrére  arrivée  le  xx  de  Fevrien6iS  ^^^^  f/f** 

11     •  1  •  cl  n  tr*lte  de 

alloicpar  les  provinces  &  les  vilksavec  Mufii^tci 
des  troupes  pour  réduire  les  Arminiens  : 
M.  Defcartes  voulut  refterà  Breda,oii 
il  emploia  fon  loiiir  à  compofer  divers 
écrits  3  dont  le  plus  connu  eft  fon  traité 
de  la  MuficjHe,  Il  le  fit  en  Latin  fui- 
vant  l'habitude  qu'il  avoit  de  concevoic 
&  d'écrire  d'abord  en  cette  langue  ce 
qui  luyvenoit  dans  lapeufée.  Il  voulue 
bien  confier  (on  original  à  BeecKman  à 
la  prière  duquel  il  l'avoit  compofé  , 
mais  à  condition  qu'il  ne  le  feroit  voir 
à  perfonne ,  parce  que  le  jugeant  tres- 
imparFait ,  il  apprehendoit  qu'il  ne  de- 
vint public  par  l'impreffion  ou   par  la 
multiplication  des  copies.    Beeckmaii 
qui  fe  contoit  parmi  les  premiers  Ma- 
thématiciens du   ficde  ,  ne  le  trouva 
point  trop  imparfait  pour  luy  :  Se  croianc 
que  M.  Defcartes  y  avoit  renoncé ,  il 
voulut  s'en  faire  honneur  comme   s'il 
en  eût  été  l'auteur.    M.  Defcaites  fe 
crût  obligé  de  rabatte  Ç3(  vanité ,  Se  de 
luy  faire  connoître  combien  il  eft  peu 
Ç  ij         honncce 


54      '^hren4  de  la  Vie, 

ï^ïS    honncte  de  vculoir  acquérir  de  la  répttî; 
tfition  a«  préjudice  de  la  vérité. 

Ses  amis  ne  purent  le  faire  confen- 
tir  à  la  publication  de  ce  petit  ttaitéf 
tant  qu'il  fut  au  monde.   Ses  ennemis 
en  ayant  recouvré  une  copie  aflez  dé- 
fedueufe  cherchèrent  à  le  vangerde  luy 
par  la  publication  qu'ils  en  firent  in- 
continent après  fa  mort.   Mais  ils  tra- 
vaillèrent à  leur  propre  confufion  :  &! 
loin  de  des-honorer  fa  mémoire  ,  ils  lui 
attirèrent  Padmlrarion    de  tous   ceux 
qui  ont  feu  que  c'étoit  l'ouvrage  d'un 
jeune-homme  de  vingt  deux  ans.  A  dire 
vray  ,-  le  public  ne  le  juge  pas  main- 
tenant auÔî  mauvais  que   fon  auteur 
vouloic  le  faire   croire.  La   multitude 
deies  éditions  ,  &  les  tradudions  qu'on 
en  a  faites  en  Anglois  &;  en  François 
nous  répondent  de  fon  approbation. 
B^eIcman.  laiflant   aux  Mini  (Ires  & 


j^.^jI^,  aux  Tiieologiens  de  fa  fede  le  foin  de 
•uvragcs  tenir  leur  Concile  national  dans  fà 
comaea-  ^^||^  ^  ^^^^^  ^  Breda  paiîer  la  meilleure 
partie  de  ce  temps  auprès  de  M.Def. 
cartes  5  pour  s'exercer  avec  luy  dans  les 
Mat4iematiques ,  &  luy  propofer  des 
.gueulions  à  refoudre.  M.  Defcar tes  n'en 

demeura 


de  M.  Dc/cartes.  Liv.l.  35 

demeura  pas  aux  léponfes  qu'il  luy  fit.    ^^^^ 
Il  compola  encore  divers  petits  ouvra-  ' 

ges  quiauroient  été  d'excellens  garans 
du  bon  employ  de  fon  temps  ,  s'il  leui^ 
avoit  laiifé  voirie  jour.  C'eft  dans  ces 
ouvrages  de  fa  jeuneileque  l'on  a  trou- 
vé Con  fentiment  de  l'ame  des  Bêtes  ou 
des  Automates^  vingt  ans  avant  que  d'a- 
voir publié  fon  principe  touchant   la 
diftindlion  de  la  fubftance  qui  pcnfe, 
&  de  la  fubftance  étendue.  Il  n'avoic 
encore  lu  à  cet  âge  ni  S.  Auguftin  ,ni 
Pereira  5  ni  aucun  autre  auteur  capable 
de  luy  donner  des   ouvertures  fur  ce 
fentiment.    Il  paroît  même  qu'il  ne  vid 
jamais  de  fa  vie  le  livre  de  Pereira  j  ^ 
que  ce  fut  de  fes  amis  5c  de  fes  envieux 
qu'il  apprit  en  i6-\\  ce  que  l'on  trou- 
voit  de  fcmblable  entre  fon  opinion  6c 
celle  de  cet  Efpagnol. 

Cependant  M.  Defcartes  ne  trou- 
vant pas  fous  le  Prince  d'Oiange  cette 
variété  d'occupations  qu'il  s'étoit  pro- 
iniie  en  quittant  la  France  ,  chcrchoic 
l'occafion  de  fortir  des  pais-bas  pour  fer- 
vir  ailleurs.  Les  nouvelles  qu'on  avoit 
apportées  àBreda  des  grands  mouvcmens 
de  l'Allemagne  réveillèrent  la  curioliré 

C  iij      qu'il 


3(^       khrcgé  de  la  J^ie 

Wjip    qu'il  avoit  de  le  rendre  fpedateur  dé 
— —  tout  ce  qui  fe  palFeroit  de  plus  confide- 
rable  dans  TEurope.    On  parloit  d'un 
nouvel  Empereur  -,  on  parloit  de  la  ré- 
volte des  états  de  Bohême  contre  leuc 
Roy  5  &  d'une  guerre  allumée  entre  les 
Catholiques  &  les  Proteftans  à  cefujet, 
M.  Defcartes  voulant  quitter  la  Hollan- 
de ,  prit  pour  prétexte  le  peu  d'exercice 
que  luy  produifoit  la  fulpenfion  d'ar- 
mes qui  étoit  entre  les  troupes  du  Prin- 
ce  d'Orange  &  celles  du  Marquis  de 
Spinola,&qui  devoir  durer  encore  deux 
ans  félonies  conventions  de  la  trêve.  Sa 
refolution  étoit  de  palier  en  Allemagne 
pour  fervir  dans  les  armées  Catholiquesj 
mais  avant  que  de  fe  déterminer  à  au- 
cun engagement  ,  il  voulut  aflifter  au 
couronnement  du  nouvel  Empereur  qui 

^^ ^  devoir  fe  faire  dans  la  ville  de  Francford. 

XIÎ.  Il  partit  de  Breda  au  mois  de 
i/f4e  Juillet  de  l'an  1619  pour  fe  rendre  à 
Z^^l^-i'  Maftricht  ,  &  delà  à  Aix  la  Chapelle , 
oîi  il  apprit  l'état  des  affaires  d'Alle- 
magne ,  &  les  préparatifs  que  cette 
ville  avoit  coutume  de  faire  pour  le 
couronnement  des  Empereurs.  Etant 
arrive  à  Mayence,  il  fçut  que  l'Elec- 


teur 


de  M.  Defcartes.  Liv.I.  37 

teur Jean Schvvichard  avoitcité  les  au-     j^j  i 

très  Eledcursde  l'Empire  félon  les  for — 

mes  accoutumées ,  &  les  avoic  fommez 
de  fc  rendre  à  Francford  le  xx  de  Juillet 
pour  procéder  à  l'éledion  d'un  nouvel 
Empereur. 

Il  fe  trouva  dans  cette  dernière  ville 
vers  le  temps  que  Ferdinand  II.  y  ar-  lUffiiU 
riva  comme  Roy  de  Bohême  3c  Elec-  roJcmh 
teur  de  l'Empire.  Ce  Prince  y  fat  élâ  d-Ferdim 
Roy  des  Romains  le  xxvin  d'Août  ;  &  ^^* 
fut  couronné  Empereur  le  xxx  du  même 
mois  félon  Tancien  ftile  ,  c'eft  à  dire  le 
IX  de  Septembre  félon  nous.  M.  Def. 
cartes  ne  parut  pas  à  la  première  céré- 
monie qui  regardoit  l'élection  du  Roy 
des  Romains  ,  parce  qu'on  avoit  don- 
né ordre  aux  étrangers  ,  c'eft  à  dire  à 
ceux  qui  n'étoient  ni  du  lieu  ni  de  la 
fuite  des  Elefleuts  jde  fortir  de  la  ville. 
Mais  il  fut  prefent  à  la  féconde  con- 
cernant le  couronnement  de  l'Empereur, 
ôc  il  fiit  curieux  de  voir  une  fois  pour 
toute  fa  vie  ce  qui  s'y  palTa,afin  de  ne  pas 
ignorer  ce  que  les  premiers  adeurs  de 
ce  monde  reprefentent  de  plus  pom^ 
peux  fur  le  théâtre  de  l'Univers. 

Avant  que  de  fortir  de  Francford  il 
C  iiij  déli- 


5  8        jéhregê  de  la  Vie 

j^jp     de liberoit  du  paiti  qu'il  avoit  à  prendiT^ 
lorfqu'il  apprit  que  le  Duc  de  Bavière 


lalsVs  l^^^'^^^  ^^^  troupes.  Cette  nouvelle  luy 
jro.ïpcj     fix.  naître  le  dellein  de  s*y  mettre ,  (ans 
'i^iére'  ^Ç^'''oir  précifenient  contre  quel  enne- 
mi eFles  dévoient  marcher.  Tout  ce  qu'il 
en  fçavoit  fe  reduifcit  à  ne  pas  i^noret 
le  bruit  q^e  faifoient  les  troubles   de 
Bohême  par  toute  l'Allem^'gne.   Cotii- 
me  il  fe  foncioit  peu  d'entrer  dans  les 
interefts  des  Etats  &  des  Princes  fous 
la  domination  desquels  la  providence  ne 
l'avoir  pas  fait  naître ,  il  ne  prétendoic 
pas  porter  le  moulquet  pour   avancer 
les  affaires  des  uns  ,  ni  pour  détruire 
celles  des  aurres.  Il  fe  mit  donc  dans  les 
troupes  Bavaroifes  comme  (impie  Vo- 
lontaire fan^  vouloir  prendre  d'employ  : 
&  l'on  publioit  alors,  mais  en  gênerai 
qu'elles  étoient  deftinées  contre  le  bâ- 
tard de  Mansfeld  ,  Ôc  les  autres  géné- 
raux àts  révoltez  de  Bohême.  Mais   le 
Duc  de  Bavière  fit  connoître  peu  de 
temps  après  qu'elles  dévoient  marchec 
contre  l'Eledeur  Palatin  Frédéric  V, 
que  les  Etats  de  Bohème  avoient  élu 
pour  leur  Roy  quatre  jours   avant  le 
couromiement  de  l'Empereur  Ferdinand 

II. 


de  M.DeJcartes.  Liv.II.  39 

II.  que  l'on  vouloir  exclure  de  cette     1^1^ 
Couronne  par  cette  entreprife.  " 


IIV  RE    SECOND, 

Depuis  161^  JHJqHefi  i6iS. 


M 


•  Des. CARTES  n'aiant pas deflein  ^~J    '"*' 

de  fervir  autrement   fous    le  Duc  de    ^,  ' 
Bavière  qu  il  avoit  rait  tous  le  Prince  m  qaar. 
d'Orange ,  commença  la  campagne  par  ^'''"  ^^^'' 
Çt  mettre  en  quartier  d'hiver    dans  le 
Duché  de  Neubourg  fur  les  bords  du  Da- 
nube au  mois  d'Odobrc  de  l'an  1619. 
Il  fe  trouva  en  un  lieu  fi  écarté  du  com- 
merce 5  &  fi  peu  fréquenté  de   gens 
dont  la  converfation  fût  capable  de  le 
divertir,  qu'il  s'y  procura  une  folitude 
telle  que  fon  état  de  vie   ambulante 
pouvoit  la  luy  permettre. 

S'étant  ainfi  a(îuré  des  dehors  ,  &:  «^;^A'i'* 
n'aiant  par  bon-heur  aucuns  foins  ni'  * 
aucunes  paflions  au  dedans  qui  pulfenr 
!e  troubler  ,-il  demeuroit  tout  le  jour 
enfermé  feul  dans  un  pociîe ,  où  il  avoir 
tout  le  Joifii:  d£  s'entretenir  de  fespen-* 
Ç  y        Çios:,'^ 


40      jihregéde  la  Vie 

.      fées.  Ce  n'étoient  d'abord  que  des  pré- 
^   ludes  d'imagination  :  &  il  ne  devine 
hardi  que  par  degrez ,  en  paiTant  d'une 
penfée  aune  autre, à  mefure  quil  fen-^ 
toit  augmenter  le  plaifir  que  fon  efprit 
trouvoit  dans  leur  enchaînement.  Une 
de  celles  qui  fe  prefenterent  à  luy  des 
premières ,  fut  de  confîderer  qu'il  ne  fe 
trouve  point  tant  de  perfection  dans  les 
ouvrages  compofez  de  plufieurs  pièces, 
&  feits  de  la  main  de  divers  maîtres  , 
que  dans  ceux  aufquels  un  feul  a  tra- 
vaillé. Il  iuyfiitaifè  de  trouver  dequoy 
foûtenir  cette  penfpe  ,  non  feulement 
dans  les  arts  où  l'on  remarque  la  diffi- 
culté qu'il  y  a  de  faire  quelque  chofe 
d'accompli  en   ne  travaillant  que  fur 
i'ouvrage  d'autruy,  mais  même  dans  la 
police  qui  regarde  le  gouvernement  des 
peuples  3  &  dans  rétaWifTement  de  la 
religion  qui  eft  l'ouvrage  de  Dieu  feul. 
Il  appliqua  enfuite  cette  penfée  aux 
Sciences  dont  la  connoiflance  ou   les 
préceptes  fe  trouvent  en  dépôt  dans  les 
livres.  Il  s'imagina  que  les  Sciences, 
au  moins  celles  dont  les  raifons  ne  font 
que  probables ,  &  qui  n  ont  aucunes 
^émonftrationj ,  %^xm,  groffies  peu  à 


de  M.  Dejcartes.  Liv.II.  41 

peu  des  opinions  de  divers  particuliers,    1(^19 
&  ne  fe  trouvant  compofées  que  des  i 

réflexions  de  plufieurs  perfonnes  d'un 
caradére  d*efprit  tout  différent ,  ap- 
prochent moins  de  la  vérité  que  les 
fîmples  raifonnemens  que  peut  faire  na- 
turellement un  homme  de  bon  fens  tou- 
chant les  chofes  qui  fe  prefentent  à  luy. 

Delà  5    il  entreprit  de  palTer  à  la   jj  f^j^^ 
raifon  humaine  avec  la  même  penfce,  ^«.P  ^^- 
11  conlidera  que  pour  avoir  ete  entans  )>,  pr«j»- 
avant  que  d'être  hommes ,  &  pour  nous  i^^ 
être  laidèz  gouverner  long-temps  par 
nos  appétits  ,  &  par  nos  maîtres  qui 
fe  font  fouvent  trouvez  contraires  les 
uns  aux  autres,  il  eft  prefqueimpofTible 
que  nos  jugemens  foient  aulîi  purs , 
aufTifoIides  qu*ils  auroient  été,  fi  nous 
avions  eu  Tufage  entier  de  nôtre  raifon 
dés  le  point  de  nôtre  nailTance  ,  bc  ft 
nous  n'avion-s  jamais  été  conduits  que 
par  elle. 

La  liberté  qu'il  donnoic  à  fon  génie 
ne  rencontrant  point  d'obftacles,  le  con- 
duifoit  infenfiblement  au  renverfement 
de  tous  les  anciens  fyftémes,  Mais  il  fe 
retint  par  la  vue  de  Tindifcretion  qu  il 
auroit  blâmée  dans  un  homme  qui  au* 


Az       Ahreo-ê  de  la  Vie 

^^^9    roic  entrepris  de  jetter  par  terre  toutes 
-  les  maifons  d'une  ville  dans  le  feuldef- 

fein  de  les  rebâtir  d*une  autre  manière. 
Cependant  comme  on  ne  trouve  point 
à  redire  qu'un  particulier  falTe  abatte 
la  fienne  lorfqu  elle  le  menace  d'une 
ruine  inévitable ,  pour  la  rétablir  fur  des 
fondemens  plus  folides  :  il  fe  perfuadà 
qu'il  y  auroit  en  luy  de  la  témérité  à 
vouloir  reformer  le  corps  des  fciences 
ou  Tordre  établi  dans  les  écoles  pour 
Jes  enfogner  ;  mais  qu'on  ne  pourroic 
le  blâmer  avec  juftice  d'en  faire  l'épreu- 
ve fur  luy-même ,  fans  rien  entreprendre 
Hir  autruy. 

Aind  il  fe  refolut  une  bonne  fois  dé 
fe  défaire  de  toutes  les  opinions  qu'il 
avoit  reçues  jufqu'alors  -,  mais  fon  in- 
tention étoit  de  ne  les  oter  de  (a  créan- 
ce 5  qu'afin  d'y  en  fubftituer  d'autres 
cnfuite  qui  faflènt  meilleures ,  ou  d'y 
remettre  les  mêmes  après  qu'il  les  au^. 
toit  vérifiées ,  &  qu'il  les  auroit  ajnflees 
an  niveau  de  la  raifort.  Il  crût  trouver 
en  ce  point  les  moiens  de  réuflir  à  ré- 
gler la  conduite  de  fa  vie  beaucoup 
mieux  que  s'il  ne  bàtilToit  que  fiir  dé 
yicux  fondemens  ^appuie  feulement  fur 
"      "*   ^  "  [es 


de  M.  Départes.  Liv.II.  43 

les  principes  qu'il  s'étoit  lailîé  donner  ^^^^ 
dans  fa  première  jeunefTe  ,  fans  avoir  '  " 
jamais  examiné  s'ils  étoient  vrais. . 

Ils  prévoioic  neantmoins  qu'un  pro-* 
jet  fi  hardi  &  fi  nouveau  ne  feroit  pas 
fans  difficultez.  Mais  il  fe  flatoit  que 
ces  difficultez  ne  feroient  pas  fans  re- 
mède j  outre  qu'il  ne  les  jugeoit  point 
comparables,  à  celles  qui  fe  rencon- 
trent dans  la  reformarion  des  moindres 
chofes  qui  touchent  le  public.  Il  met- 
toit  une  grande  diflPèrence  entre  ce  qu'il 
cntreprenoit  de  détruire  dans  luy^mê- 
me ,  &  les  établiflemens  publics  de  ce 
monde  qu'il  comparoir  à  de  grands 
corps  dont  la  chute  ne  peut  être  que 
tres-rude  •  de  qui  font  encore  plus  dif- 
ficiles à  relever  quand  ils  font  abatus', 
<]u'à  retenir  quand  ils  font  ébranlez» . 
Mais  fans  prétendre  porter  fes  vues  juf. 
qu'aux  interefts  du  public ,  il  ne  vou- 
loir reformer  autre  chofe  que  fes  pro- 
pres penfées ,  &  il  ne  ibngeoit  à  bâtir 
que  dans  un  fonds  qui  fût  tout  à  luy^, 
Bn  cas  de  mauvais  (uccés,  il  ne  croioit 
pas  rifquer  beaucoup  ,  puifjue  le  pis 
qu'il  en  arriveroit  ne  pourrait  être  que 
la  perte  de  fon  temps  de  de  fes  peines , 

guiî 


4-f        Ahregê  de  U^ie 
i^ip    qu'il  ne  jugeoit  pas  fort  neceflaires  aa 
*  bien  du  genre  humain. 

Sjsfnnes  Dans  la  noiivclle  ardeur  de  Tes  refo- 
karrls?'  ^^^^^^^  ?  i^  entreprit  d'exécuter  la  pre- 
mière partie  de  les  delTeins  qui  ne  con- 
fîftoit  qu'à  détruire.  C'écoit  aflurément 
la  plus  facile  des  deux.  Mais  il  s'ap- 
perçût  bien-tôt  qu'il  n'eft  pas  auffiaifé 
à  un  homme  de  fe  défaire  de  fes  pré- 
jugez ,  que  de  brûler  fa  maifon.  Il  s'é- 
loit  déjà  préparé  à  ce  renoncement  dés  le 
fbrtir  du  collège.  11  en  avoit  fait  quel- 
ques eiïàis  premièrement  durant  fà  re- 
traire du  fauxbourg  S.Germain  àPaiis, 
&  enfuite  durant  fon  fejour  à  Breda. 
Avec  toutes  ces  difpofitions  ,  il  n'eèt 
pas  moins  à  foufïrir  que  s'il  eût  été 
quefticn  de  fe  dépoiiiller  de  foy  même. 

Il  crût  pourtant  en  être  venu  à  bout. 
Et  à  dire  vray  ,  c'étoit  afTcz  que  fon 
imagination  luy  prefemàt  fon  efpric 
tout  nud  ,  pour  luy  faire  croire  qu*il 
l'avoit  mis  efïcdivement  en  cet  état. 
11  ne  luy  reftoit  que  l'amour  de  la  vé- 
rité ,  dont  la  pourfuite  devoit  faire  do- 
rénavant toute  l'occupation  de  fa  vie» 
Ce  fut  la  matière  unique  des  tourmens 
qu'il  pt  fouffcir  à  fon  efprit.  Mais  les 

«aoiens 


de  AI.  Defcartes.  Liv.II.  45 

ynoiens   de  parvenir  à   cette  heureu(e    j^j^ 
conquête  ne  luy  cauférent  pas  moins  - 

d'embarras  que  la  fin  même.  La  recher- 
che qu*il  voulut  faire  de  ces  moiens , 
jetta  fon  efprit  dans  de  violentes  agi- 
tations qui  augmentèrent  de  plus  en 
plus   par   une  contention  continuelle 
dont  il  le  tenoit  bandé  ,  fans  fouffrir 
que  la  promenade  ou  les  compagnies 
y  fillènt  diverfion.  Il  le  fatigua  dételle 
forte  que  le  feu  luy  prit  au  cerveau  : 
&   il  tomba    dans   une    efpece  d'en- 
thoufiafme  q  ui  difpofa  de  telle  maniè- 
re fon  efprit  ^  déjà  abatu  ,  qu'il  le  mit 
en  état  de  recevoir  les  impreflions  des 
fonges  &  des  vifions. 

Il  nous  apprend  que  le  x  de  Novem- 
bre 1^19  s'étant  couché  tout  rempli  de 
fon  enthouftafme  ,  &:  tout  occupé  de  la 
penfée   d'avoir  trouvé  ce  jour  -  là  les 
fondement  de  la  fcience  admirable^  il 
eut  trois  fonges  confecutifs ,  mais  affez 
extraordinaires  pour  s*imagincr  qu'ils 
pouvoient  luy  être  venus  d'enhaut.  Il 
crût  appercevoir  à  travers  de    leurs 
cmbres   les  vertiges  du   chemin   que 
Dieu  luy  traçoit  pour  fuivre  fa  volonté 
dans  (on  choix  de  vie  ,  &  dans  la  re- 
^  '''^  cherche 


j^^j      Ahregeâe  la  F'ie 

^^^9   cherche  de  cette  vérité  qui  faifoit  lé" 
-  (ùjet  de  Tes  inquiétudes.  Mais  Tairfpi- 

rituel  &  divin  qu'il  afïeda  de  donner 
aux  exyiHcations  qu'il  fît  de  ces  fongeî 
tenoit  11  fort  de  cet  enthoufiafme  donc 
il  fe  croioit  échauffé ,  que  Ton  auroic 
été  porté  à  croire  qu'il  auroit  eu  le 
cerveau  affbibli  ,  ou  qu'il  auroit  bu  le 
foir  avant  que  de  fe  courber.  En  effet" 
c'étoit  la  veille  de  S.  Martin  ,  au  foir 
de  laquelle  on  avoit  coutume  de  faire 
la  débauche  au  lieu  où  il  étoit  ,  com- 
me en  France.  Mais  il  nous  afTure  qu'il 
avoit  paffé  le  foir  &  toute  la  journée 
dans  une  grande  fobrieté  ,  &  qu'il  y 
avoit  trois  mois  entiers  qu'il  n'avoit  bû 
de  vin. 

Quoiqu'il  en  foit ,  rimprefîîon  quf 
luy  refta  de  ces  agitations  luy  fît  faire 
le  lendemain  diverfes  réflexions  fur  le 
parti  qu'il  devoit  prendre.  Sans  trop 
préfumer  du  fens  favorable  qu'il  avoit 
donné  à  Tes  fonges ,  il  recourut  à  Diea 
tout  de  nouveau  pour  le  prier  de  luy  faire 
connoître'fa  volonté  fans  énigme,de  vou-* 
loir  l'éclairer  ,&  le  conduire  dans  la  re- 
cherche de  la  vérité.  Il  tâcha  même 
d4ntere(fer  la  faints Vierge  dans  cette  af-» 


de  M,  De/cartes.  Liv.IÎ.  47 

faire  qu'il  jugeoit  la  plus  importante     j^x^ 
de  fa  vie  :  &c    prenant  occafion  d*un      'w^ 
voiage  qu'il  médicoit  en  Italie,  il  for- 
ma le  vœu  d'un  pèlerinage  à  N.  D.  de 
Lorette  qu'il  ne   pût   accomplir  que 
quelques  années  après. 

Son  enthoufiafme  le  quitta  peu  de 
jours  enfuite.  Mais  quoique  fon  efprit- 
eût  repris  fon  aiîiére  ordinaire ,  &  fûc 
rentré  dans  fon  premier  calme ,  il  n'en 
devint  pas  plus  decifif  fur  les  refolu* 
tions  qu'il  a  voit  à  prendre. 

Sa  solitude  pendant  cet  hiver 
ctoit  toujours  fort  entière ,  principale- 
ment à  l'égard  des  perfonnes  qui  n'é- 
toient  point  capables  de  fournir  à  fes 
entretiens.  Mais  elle  ne  donnoit  point 
l'exclufion  de  fa  chambre  aux  curieux 
qui  fçavoient  difcourir  de  fciences  ou 
de  nouvelles  de  literature.  Ce  fut  dans 
les  converfations  de  ces  derniers  qu'il 
entendit  parler  d'une  confrérie  de  Sça- 
vans,  établie  en  Allemagne  depuis  quel- 
que temps  fous  le  nom  de  frères  delà 
Rofe  croix.  On  luy  en  fit  des  éloges 
fiirprenans.  On  luy  fit  entendre  que 
c'étoient  des  gens  qui  fçavoient  tout, 
6c  qu'ils  propaettoieni  aux  hommes  una 

novwelle 


48       Alregé  deUVie 

ï^ïp    nouvelle  fagellè  ,  c'eft  à  dire  ,  la  ve- 
-  ritable  fcience  qui  n'avoit  pas  encore 

été  découverte.  Joignant  toutes  les  mer- 
veilles que  les  particuliers  luy  en  âpre-: 
noient  avec  le  bruit  que  cette  focieté 
faifbic  par  toute  TAllemagne  j  il  fe  fen- 
tit  ébranlé  d'autant  plus  que  la  nouvelle 
luy  en  étoit  venue  dans  le  temps  de  forr 
plus  grand  embarras  fur  les  moiens 
qu'il  devoit  prendre  pour  la  recherche 
de  la  vérité.  > 

Il  ne  crût  pas  devoir  demeurer  dans 
l'indifïèrence  au  fiijec  des  ces  Rofe- 
croix  ,  parce  (  difbit-il  à  fon  ami  Mu^ 
fée  )  que  fi  c'étoienc  à^s  impofteurs , 
il  n'étoit  pas  jufte  de  les  laiirer  jouir 
d'une  réputation  mal  acquife  aux  dé- 
pens de  la  bonne  foy  des  peuples  ;  & 
que  s'ils  apportoient  quelque  chofe  de 
nouveau  dans  le  monde  qui  valût  la 
peine  d'être  Tçû^il  auroit  été  mal  bon- 
îiête  à  luy  de  vouloir  méprifer  toutes 
les  fciences  ,  parmi  lefquelles  il  s'en 
pourroit  trouver  une  dont  il  auroit  igno- 
ré les  fondemens.  Il  fe  mit  donc  en  de- 
voir de  rechercher  quelqu'un  de  ces 
nouveaux  fçavans ,  afin  de  les  connoître 
par  luy  •  même  ,  &  de  conférer  avec 

eux. 


de  M.  Dejcartes.  Liv.II.  49 

eux.  Mais  comme  Tun  de  leurs  ftatuts 
étoic  de  ne  poiiît  paroître  ce  qu'ils 
croient ,  de  n'être  diftinguez  des  autres 
hommes ,  ni  par  l'habit ,  ni  par  la  ma- 
nière de  vivre  ,  Se  de  ne  fe  point  dé- 
couvrir dans  leurs  difcours,  on  ne  doit 
pas  s'étonner  que  toute  fa  curiofité  de 
fes  peines  aient  été  perdues. 

Il  ne  luy  fut  pas  poffible  de  décou- 
vrir un  feul  homme  qui  fe  déclarât  de 
cette  confrérie  ,  ou  qui  fût  même  foup- 
çonné  d'en  être.  Peu  s'en  fallut  qu'il  ne 
mît  la  focieté  au  rang  des  chimères. 
Mais  il  en  fut  empêché  par  l'éclat  que 
faifoit  le  grand  nombre  des  écrits  apolo- 
gétiques publiez  en  faveur  de  ces  Ro(e-' 
croix  tant  enLatin  qu'en  Allemand.Il  ne 
crût  pas  neanrmoins  devoir  s'en  rappor- 
ter à  tousces  écrits;foit  parce  que  fon  in- 
clination le  portoit  à  prendre  ces  nou- 
veaux fçavans  pour  des  impofteurs  ;  foit 
parce  qu'aiant  renoncé  aux  Hvres,il  vou* 
loit  s'accoutumer  à  ne  juger  de  rien  que 
fur  fa  propre  experience.Ceft  pourquoy 
il  n'a  point  fait  difficulté  de  dire  quel- 
ques années  après,  qu'il  nefçavoit  rien 
des  Rofe- croix  :  &  il  fut  aulTî  furpris 
que  fes  amis  de  Paris ,  lorfqu'étant  de 

cetouç 


50        ^Àhregé  de  la  Vie 
t(nc)    retour  en  cette  ville  Tan  1625  ,  il  ap- 

■^^^ — '  prit   que  fon  fejouu  d'Allemagne  luy 
avoit  valu  la  réputation  d'être  de  la 
,        confrérie  des  Rofe- croix. 

,, ^       Se  voiant  ainfi  déchu  de  refperance 

qu'il  avoit  eue  ,  de  trouver  quelqu'un 
,  ^^(  Y  '''"  S"^  ^ût  en  état  de  le  foulager  dans  la  re- 

connoît    cherche  de  la  vérité  ,  il  retomba  dans 

f^«/^«.  fgs  premiers  embarras.  Il  palTa  le  refte 
de  l'hiver  &  le  carême  dans  Tes  irrefa- 
Idtions ,  Çq  croiant  d'ailleurs  alTezbien 
délivré  des  préjugez  de  fon  éducation, 
&  s'entretenant  toujours  du  delTein  de 
bâtir  tout  de  neuf.   Mais  quoique  cet 
état  d'incertitude  dont  fon  efprit  étoit 
agité ,  luy  rendît  les  difEcultez  de  Ton 
delTein  plus  fenfîbles  que  sll  eût  pris 
d'abord  fa  refolution,  il  ne  fe  lailTa  ja- 
mais tomber  dans  le  découragement.  Il 
fe  foutenoit  toujours  par  le  fuccés  avec 
lequel  il  fçavoit  ajufter  les  fccrets  de  la 
nature  aux  règles  de  la  Mathématique 
à  mefure  qu'il  faifoit  quelque  nouvelle 
découverte  dans  la  Phyfique.   Ces  oc- 
cupations le  garantirent  des  chagrins  & 
des  autres  mauvais  efïèts  de  roiiiveté: 
&  elles  le  menèrent  jufqu'au  temps  que 
k  Duc  ^.e  Bavière  fit  avancer  Tes  trou- 
pes vers  la  Soliabe,  Il 


de  M.  Defcartes.  Liv. II.    51 

Il  prit  cette  occafion  pour  fe  rendre    ^^^^ 
à  Ulm  ville  Impériale  où  les  Amba[]a-  ^ 

deurs  de  France  dévoient  tenir  une  af. 
femblée  célèbre  pour  remédier  aux  de- 
ibrdres  de  l'Empire.  Il  n'y  arriva  qu'au 
mois  de  juin  de  l'an  i6zo  :  mais  il  y 
palfa  l'été  entier.  Il  y  fitdiverfes  habi- 
Uides  avec  les  honnêtes  gens  du  lieu, 
Ôc  particulièrement  avec  les  perfoiines 
qui  étoient  en  réputation  d'habileté 
pour  la  Philofophie  êc  les  Mathéma- 
tiques. Perfonne  n'étoit  pluseftimé  dans 
le  pais  pour  ces  connoilTànccs  c\i:^fe^n 
Fadhaber  i  perfonne  n'éprouva  auffi 
mieux  que  luy  la  capacité  de  nôtre 
jeune  foldat  qui  luy  fie  faire  bien  du 
chemin  en  peu  de  jour^  On  prétend 
que  ce  fut  en  ce  temps- là  que  par  le 
moien  d'une  farabole  il  découvrit  l'art 
de  conftruire  d'une  manière  générale 
toutes  fortes  de  probléLr>es  folides  ré- 
duits à  une  i-^uation  de  trois  ou  quatre 
dimenfions.  C'efi:  ce  qui  fe  trouve  ex- 
pliqué dans  le  troifiéme  livie  de  fa 
Géométrie. 

Sur  la  fin  de  Septembre  il  quitta  la  iifemui 
SoUabe  pour  retourner  en  Bavière  &  '^^a^/^' 
pafler  en  Autriche  ,  où  les  Ambaifa-  gue,. 

deuts 


51        Âhregede  la  Vie 

4620  deurs  de  France  après  avoir  conclu  îcf 
^-.     '  traité  d'Ulm  croient  allez  trouver  TEm- 
pereur  pour  luy  offrir  encore  leur  mé- 
diation envers  les  mécontens  de  Hon- 
grie &c   le  Prince    Betlen  Gabor  de 
Tranflilvanie.  Mais  aiant  appris  que  le 
Duc  de  Bavière  Ton  gênerai  avoir  fait 
marcher  Tes  troupes  en  Bohême  :    au 
lieu  de  fuivre  les  Ambafladeurs  en  Hon- 
grie ,  il  alla  de  Vienne  droit  à  fon 
camp  5  &:  fe  trouva  en  perfonne  aux 
expéditions  des  Catholiques  Impériaux 
&  Bavarois  ,  de  fur  tout  à  la  fameufe^ 
bataille  de  Prague  ,  011  il  entra  le  ix 
de  Novembre  avec  les  victorieux.  Quel- 
ques auteurs  tînt  prétendu  qu'il  fefer- 
vit  de  cette  occafion  pour  vifiter  les 
fameufes  machines  de  TAdronomeTy-: 
co  Brahé.    Mais  il  y  avoit  déjà  plus» 
d'un  an  qu'elles  avoient  été  pillées , 
brifées,  oudiftraites  par  l'armée  del'E- 
ledeur  Palatin  :  &  le  grand  Globe  ce-' 
lefte  d'airain ,  Tunique  de  ces  précieux 
monumens  qu'on  étoit  venu   à   bout 
de  fauver ,  avoit  été  tranfporté  à  Nei(Tè 
en  Silefie  ,  &  mis  en  dépôt  chez  les 
Jefuites. 
^InlïiT     A  P  R  e's  la  prifc  de  Prague ,  M.  Def- 


deAd.Defcartes.  Liv.II.  55 

cartes  vint  palTer  le  quartier  d'hiver  avec    '^^* 
une  partie  des  troupes  qne  le  Duc  de  J~^ 
Bavière  laitTa  fur  les  extrémitez  de  la  comte  de 
Bohême  méridionale.  Là  il  fe  remit  à  ^"'^"°-^' 
fes  méditations  ordinaires  fur  la  nature, 
s'exerçant  aux  préludes  de  fes  grands 
delTeins  ,   &    profitant  de  l'avantage 
qu'il  avoit  de  pouvoir  vivre  feul  au 
milieu  de  ceux  à  qui  il  ne  pouvoir  en- 
vier la  liberté  de  boire   &  de  jouer, 
tant  qu'ils  luy  lailToient  celle  d'étudier. 

Cependant  il  fe  trou  voit  toujours  i^ii 
embarraffé  dans  fes  irréfolutions  , 
fçachant  encore  à  quoy  fe  déterminer 
fur  le  choix  d'un  genre  de  vie  qui  fût 
propre  à  fes  delTeins.  Il  en  remit  la 
decifion  à  une  autre  fois  :  Se  pour  tâ- 
cher de  faire  quelque  diverfion  à  fes 
inquiétudes,  il  reprit  le  moufquetdans 
la  refolution  de  faire  encore  une  cam- 
pagne. Le  defir  de  connoître  d'autres 
pais  ^  d'autres  mœurs,  luy  fit  quitter 
le  fervice  du -Duc  de  Bavière  vers  la 
fin  de  Mars  1611  pour  fe  mettre  dans 
les  troupes  du  Comte  de  Bacquoy  qui 
palTa  de  Bohême  en  Hongrie  au  mois 
d'Avril  fuivanr.  Il  (e  trouva  fous  kiy 
aux  ficges  de  Prefbourg  ,  de  Ticnwi^ 

^  de 


54        Abrégé  de  ïaVie 

*^^    &  de  plufieurs  autres  places  où   Toii 
prétend  qu'il  fe  lignala.   Mais  la  levée 
du  iiége  de  Neuhaufel  qui  n'avoit  pas 
été  aulîi  heureux  que  les  autres  pow  les 
Impériaux ,  jointe  à  la  perte  de  fon  Ge- 
neral qui  y  avoit  été  tué  ,   acheva  de 
le  dégoûter  de  la  profeiïîon  des  armes. 
^Ua.ls  il      II  eft  inutile  de  remarquer  ici  l'er- 
pls^comre  ^^^  ^^  ^^^^  ^"^  prétendent  qu  il  alla 
iesinrci  fervir  exiiùite contre  les  Turcs,  6:  que 
fon  courage  luy  acquit  même    beau- 
coup de  réputation  contre  ces  infidèles. 
Il  fuffit  de  dire  qu'aiant  quitté  l'armécln> 
petiale  dés  le  xxviii  de  Juillet  qui  étoic 
le  lendemain  de  la  levée  du  fiége  de 
Neuhaufel  ,  il  revint  à  Prefbourg  avec 
quelques  François  &  quelques  Walons 
qui  étoient  en  grand  nombre  dans  les 
troupes  du  Comte  de  Eucquoy. 
^  .    Son  delTein  n'étoit  pas  de  revenit 

,,     •    fi-tôt  en  France  ,  foit   à  caufe  de  la 

JLr  énonce  i       tt  •  J> 

^  u  i>n.  guerre  que  les  Huguenots  venoientd  y 
^'fm/''  ^^^^^^^"^  >  ^oit  ^  caufe  de  la  pefte  qui 
afïligeoit  particulièrement  la  ville  de 
Paris  depuis  prés  d'un  an  ,  6c  qui  ne 
^e(ïà  qu'en  1^23.  Il  entrepiit  donc  de 
voiager  dans  ce  qui  luy  reftok  à  voir 
des  pais  du  Nord  ;  mais  on  peut  dire 

que 


de  M,  De/cartes.  Liv.II.  55 

que  ce  fut  fans  changer  d'écat.  Car  ce  ^ 

qu'il  entreprenoi:  nétoit  (ians  le  fonds  ^^^^ 
qu'une  continuation  de  voia.;ps  qu'il 
vouloit  faiœ  dorénavant  lans  s 'allr. jet- 
tir  à  fuivic  les  anrées  ,  croijnt  avoir 
fuffiranimcnt  envl^^gé  £n:  dcconvcit  le 
geni'e  huirain  par  rcndroit  de  fcs  hoili- 
Ltez.  Il  avQ-.t  toujours  parlé  de  ûpio- 
feffion  militaire  d'une  manière  C\  indif- 
férente (1\:  A  froide  ,  qu'on  ju^ieoit  ai- 
fé.nent  qu'il  regardoit  Tes  campagnes 
comme  de  fimples  voiages ,  ^  qu'il  ne 
fe  fervoit  de  la  bandoliéie  eue  coir.me 
d'un  pafTeport  qui  ioy  donnoit  accès 
jusqu'au  fonds  des  rentes  6c  d. s  tran- 
chées, pour  mieux  lacis  faire  fa  nuriofité. 

Aiant  donc  thoifi  p;)ur  !a  fjitedefes  r 
volages ,  des  pais  ou  li  n  y  a:oit  pas  de  ges  ci.%»^ 
guerres  ,il  s'appliqua  particulièrement  ^^^^''''^' 
à  voir  &'  examiner  les  cours  des  Prin- 
ces ,  à  fréquenter  les  perfo^mes  de  di^ 
verfcs  humeurs  8c  de  ct;ndiiions  difFe- 
lentcs.  Il  s'étudia  aufîi  beaitc  up  à  re- 
cueillir diverfes  exL.érierjces  ,  tant  fur 
les  chofes  naturelles  que  produi  oient 
les  difFetens  climats  par  où  il  pafloit, 
que  fur  les  chofes  civiles   qu'il  voio  t 
parmi  les  peuples  concernant  leurs  ufa- 

D        ees. 


^6        Àhregéde  U  Vïe 

i^^i  ges  3  leurs  coutumes  &  leurs  inclina- 
•- —  tions.  C'eft  ce  qu'il  appelloit  U  grand 
livre  àii  monde  àd^ns  lequel  il  prtten- 
doit  chercher  la  vraye  fcience ,  n'efpe- 
rant  pas  la  pouvoir  trouver  ailleurs  que 
dans  ce  volume  ouvert  publiquement, 
&  dans  foy  même  ,  fuivant  la  perfua- 
fion  où  il  étoit  que  les  femences  que 
Dieu  a  mifes  en  nous  ne  font  pas  en- 
tièrement étouffées  par  l'ignorance  ou 
par  les  autres  effets  du  péché. 

Selon  ces  principes  il  voulut  quefès 
voiages  luy  (ervilïent  à  s'éprouver  luy- 
même  dans  les  rencontres  que  la  fortu- 
.ne  luy  propofoit  ,  &  à  luy  faire  faire 
fur  toutes  les  chofes  qui  fe  préfentoient 
des  réflexions  utiles  à  la  conduite  de  fa 
vie.  Car  il  flatoit  fon  efprit  de  l'efpe- 
rance  de  trouver  plus  de  vérité  dans  les 
raifonnemens  que  font  les  particuliers 
touchant  les  affaires  qui  les  regardent, 
que  dans  ceux  que  fait  un  homme  de 
lettres  au  fonds  de  fon  cabinet  fur  des 
Ipéculations  qui  ne  produifent  prefque 
point  d'autres  effets  que  la  vanité  qu'il 
en  tire  d'autant  plus  volontiers,  qu'el- 
les font  ordinairement  plus  éloignées 
du  feiis  conamun  ,  après  avoir  mis  tout 

fon 


1 


de  M.  Dejcdrtes.  Liv.II.  57 

fon  efprit  &  toute  fon  indullrie  à  les     1^21 
rendre  probables.  — — 

Mais  à  dire  vray  ,  lofqu'il  ne  s'ap- 
pliquoit  qu'à  confiderer  les  mœurs  des 
autres  hommes  ,  il  n'y  trcuvoit  guéres 
dequoy  s'alîiirer  de  rien.  Il  y  apperce- 
voic  prefque  autant  de  diverfué  qu'il  eu 
avoit  remarqué  autrefois  dans  les  opi- 
nions des  Philofphes.  De  forte  que  le 
plus  grand  profit  qu'il  en  retiroit,étoit 
<]ue  voiant  plufieurs  chofes  qui  toutes 
extravagantes  &  toutes  ridicules  qu'el- 
les nous  paroilTent ,  ne  lailïent  pas  d'êcre 
communément  reçues  &  approuvées  par 
4'autces  peuples ,  il  apprenoit  au  moins 
à  ne  rien  croire  légèrement  ,  &  à  ne 
point  s'entêter  de  ce  que  l'exemple  5c 
la  coutume  luy  avoient  autrefois  per- 
fuadé. 

Aiant  quitté  laHongrie,  il  rentra  dans 
la  Moravie  où  il  avoit  joint  les  trou- 
pes de  l'Empereur  fous  le  Comte  de 
Bucquoy.  Il  vifita  la  Siléfie  ,  les  extré- 
mitez  de  la  Pologne ,  la  Pomeranie ,  les 
côtes  de  la  mer  Baltique  ,  la  marche  de 
Brandebourg  ;  &  defcendit  dans  le 
Holftein ,  d'où  après  s'être  défait  de  fon 
équipage  ,  il  s'embarqua  avec  un  feul 
D  ij         yalec 


58        jéhregé  de  la  vie 

i^ii    valet  poui  la  Fiife  orientale.  Après l'à- 

* voir  examinée  en  peu  de  jours  comme 

il  avoit  fait  les  autres  provinces  d'Alle- 
magne ,  il4e  remit  en  mer  avec  la  re- 
folution  de  débaïquer  en  NVcft-Frife 
dont  il  écoit  ciirieux  de  voir  aulîî  les 
principaux  endroits,  A  fin  de  le  faire  avec 
plus  de  liberté ,  il  retint  un  petit  batcaii 
pour  lui  feul  ,  d'autant  plus  volontiers 
que  \c  trajet  écoit  court  depuis  Embdeu 
jufqu'au  premier  abord  de  Weft-Frife. 
Il  court  ^'^''^is  cette  difpofition  qu*il  n^avoit 
r'Pjfiede  prife  que  pour  mieux  pourvoir  à  fa 
coirmodité  ,  penfa  luy  are  fatale.  H 
avoit  affaire  à  des  mariniers  qui  étoient 
des  plus  ruftiques  3c  des  plus  barbares 
qu'on  pût  trouver  parmi  les  gens  de 
cette  profefiion.  Il  ne  fut  pas  long- 
temps uns  reconnoître  que  c'étoient 
desfcelerats  ^mais  après  tout  ils  écoient 
les  maures  du  bateau.  M.  Defcartes 
n'avoir  point  d'autre  converfation  que 
celle  de  (on  valet  avec  lequel  il  parloic 
François.  Les  mariniers  qui  le  prenoient 
plutôt  pour  un  marchand  forain  que 
pour  un  cavalier,  jugèrent  qu'il  dévoie 
avoir  de  l'argent.  Ceft  ce  qivi  leur  fit 
prendre  des"  refplutions  qui  n'étoiçnt 
•  ,  nullemtnç 


de  M.DeJcaftes.LiwJl.  $9 

.tiullement  favorables  à  fa  hourfè  ,  Ôc 
pour  luy  oter  les  moiens  de  les  dénon- 
cer enfuice  ,  ils  fon^rerenc  en  même 
temps  à  fe  défaire  de  luy.  Us  voioicnt 
que  c'écoic  un  étranger  venu  de  loin, 
cjiii  n'avoit  aucune  connoilîànce  dans  le 
.pais,  &  que  perfonne  ne  s'aviferoic  de 
réclamer  quand  il  vicndroit  à  manquer* 
Ils  le  trouvoient  d'une  humeur  fort  tran- 
quille ,  fort  patiente  i  &  jucreant  à  la 
douceur  de  la  mine  Se  à  Thonnaeté 
.qu'il  avoir  pour  eux  que  c'étoit  un  hom^ 
me  fans  expérience,  ils  conclurer.t  qu'ils 
en  aaioient  meilleur  marché  de  fa  vie. 
Ils  ne  firent  point  difficulté  détenir  leiTr 
confeil  en  k\  préfence  ,  ne  croiant  pas 
qu'il  fcût  d'autre  langue  que  celle  dont 
il  s'entretenoit  avec  Ion  valet  ;  &  leurs 
délibérations  alloi^nt  à  ralfornmer ,  a  le 
jetter  dans  l'eau  ,  &  à  profiter  de  fes 
dépoiiilles, 

M.  Dcfcartes  voiant  que  c'étoit  tout 
de  bon,  fe  leva  tout  d'un  coup  ,  changea 
de  contenance ,  tira  Tépée  d'une  fierté 
imprévue,  leur  parla  en  leur  langue  d'un 
ton  qui  les  faifit ,  di  les  menaça  de  les 
percer  s'ils  ofoient  luy  faire  inlùlte.  Ce 
fot  en  cette  rencomie  qu'il  s'appercut 
^  D  iij  de 


lU 


6o        yihreo-é  de  la  Vie 

o 

de  Timpreflion  que  peut  faire  la  haf- 
léix  diefTe  d'un  homme  fur  une  ame  balTe  ; 
'"  mais  une  hardie(Të  qui  eft  au  delTus  des 
forces  Se  du  pouvoir  dans  Texecution  -, 
une  hardiefle  qui  en  d'autres  occafions 
pouvoir  palTer  pour  une  pure  rodomon- 
tade. Celle  qu'il  fit  paroître  en  cette  oc-» 
Cvnfion  eut  un  effet  merveilleux  fur  l'ef- 
pric  de  ces  miferables.L'épouvente  qu'ils 
en  eurent  fut  fuivie  d'un  écourdi(ïement 
qui  les  empêcha  de  confiderer  leur  avan- 
tage ,  &  ils  ie  conduifirent  aufli  paifi- 
blement  qu'il  pût  fonhaiter. 

Delà  NVeft  Frife  il  vint  en  Hol- 
lande où  il  palTa  une  bonne  partie  de 
l'hiver  attendant  l'événement  des  deux 
fîéges  de  Juliers  6i  de  TEclufe  formez 
par  les  Espagnols  ou  Flamans  qui  avoienc 
repris  les  armes  contre  les  Hollandois 
depuis  cinq  mois  que  la  trêve  écoit  ex- 

lêii    ?^^^*    ^^  ""^^^^  ^^  Février  fuivant  il 

m palTa  dans  les  païs-bas  Catholiques  donc 

il  voulut  voir  les  principales  villes  ;  8c 
delà  étant  rentré  en  France  ,  il  alla 
droit  à  Rennes  en  Bretagne  chez  M.fon 
père  vers  le  milieu  du  mois  de  Mars. 

Il  avoir  alors  vingt-fix  ans  achevez  s 
$c  Ton  père  le  voiant  prcfent ,  prit  oc- 


j 


de  Al.Defcartes.  Liv.II.    (fi 

cafion  de  fa  mdjorité  pour  le  mettre  en  i6i;i 
podcfTion  du  bien  de  fa  mère  dont  il  — '  ' 
avoitdéja  donné  deux  portionsaM.de 
la  Bretaillere  &  àMadame  du  Crévis  Tes 
aînez.  Comme  tout  ce  bien  étoit  (îtué 
en  Poitou ,  il  fut  curieux  de  l'aller  re- 
oonnoîcre  ,  afin  de  voir  Tufage  qu'il  en 
pourroit  faire.  Il  partit  au  mois  de  May 
pour  fe  rendre  en  cette  province ,  &  il 
fongea  dés  lors  à  chercher  des  traitans 
pour  U  vendre ,  afin  de  trouver  dequoy 
acheter  une  charge  qui  pûft  luy  conve- 
nir. Il  retourna  fur  la  fin  de  l'été  prés 
de  fon  père  :  &  l'année  s'écoula  fans 
que  peilonne  dans  la  parenté  pût  Iny 
donner  de  bonnes  ouvertures  fur  le  gen- 
re de  vie  qu'il  devoir  choifir. 

Le  peu  d'occupation  qu'il   trouvoit    ^  ^^ 
dans  la  maifon  paternelle  luy  fit  naître    ji  .^^  ^ 
le  defir  de  faire  un  tour  à  Paris  vers  le  ^^^^''^^ 
commencement  du  carême  de  l'année 
fuivante.    On  commençoit  à  refpirec 
dans  cette  grande  ville  un  air  plus  pue 
qu'on  n'avoit  fait  depuis  prés  de  trois 
ans  que  la  contagion  i'avoit  corrompu. 
Lorfqu'il  y  arriva  ,  les  affaires  de  l'in- 
fortuné Comte  Palatin  élu  Roy  de  Bo- 
hême, les  courfesS:  les  expéditions  du 
D  iiij       bâtard 


6^       yihregê  de  la  Vie 

1^13  bâtard  de  Mansfeldt  ,  &  la  tuanftacion 
—  dj  PEledloratdu  C.  Palatin  au  Duc  de 
Bavière  faic  à  Ratifboiine  le  xv  de  Fé- 
vrier précédent ,  fournilToient  la  matière 
des  entretiens  publics.  Il  eut  dequoy 
fatisfaire  la  curiofué  de  Tes  amis  fur  ce 
point  ,  mais  en  revanche  ils  luy  firent 
part  d'une  nouvelle  qui  leur  caufoit 
q'^elque  chagrin,toute  incroiable  qu'elle 
parûr.  Ce  n'étoit  que  depuis  tres.peii 
de  jours  qu'on  parloir  à  Paris  des  con- 
frères de  la  Rofe  croix,  qu'il  avoir  in- 
utilement recherchez  en  Allemagne  du- 
rant rhiver  de  Tan  1(^19  :  6w  l'on  com- 
mençoit  à  faire  courir  le  bruit  qu'il  s'é- 
toit  enrôlé  dans  la  confrérie. 
,,  .,    .       Il  fot  d'autant  plus  furpris  de  cette 

21  détruit  „  I        t.    r  •  •        t 

la  cdora.  nouvclle  que  la  choie  avoit  moms  de 

fllfm' '^  ^'^PP^î^ï: ^^  caradére  de  fon  efprit  ,  &  à 

f^^lcr       l'inclination  quilavoit  toujours  eue  de 

£7^^    confiderer  les  Rofe-croix  comme  des 

cm^.       impofteurs  6c  des  vifionnaires.  On  les 

appel loit  à  Paris  les  Invifibhs ,  &  l'on 

publioit  que  de  trente-fix  députez  que 

le  chef  de   leur  focicté  avoit  envoiez 

par  toute  l'Europe ,  il  en  écoit  venu  fix 

en  France  au  mois  de  Février  ,  &  s'é- 

toient  logez  au  marais  du  Temple  à 

Paris 


de  At.Defurtes.  Liv.II.  6^ 

Vmi  imais  qu'ils  ne  pouvoient  Te  com-      . 

muniqner    au  monde    &   que  l'on  ne   

pouvoic  communiquer  avec  eux  que 
par  la  penfée  jointe  à  la  volonté  ,  c'efl: 
a  dire  d'une  maiiiéie  impeiceptiblv  aux 

Le  hazard  qui  avoir  fait  concourir 
leur  prétendue  arrivée  à  Paris  avec  cel- 
le de  M.  Defcartes  auroic  produit  de 
fâcheux  effets  pour  fa  réputation  ,  s'il 
eût  cherché  à  fe  cacher  ,  où  s'il  fe  fût 
retiré  en  folitude  dans  la  ville  ,  comme 
il  avoir  fait  avant  fes  voiages.  Mais  il 
confondit  avantageufement  ceux  qui 
vouloient  fe  fervir  de  cette  conjondii- 
re  pojr  établir  leur  calomnie^  Il  fe  ren- 
dit vifible  à  tout  le  monde ,  &  princi- 
palement à  fes  amis  qui  ne  voulurent 
point  d'autre  argument  pour  fe  perfua- 
der  qu'il  n*étoit  pas  des  confrères  de  la 
Rofe- croix  ou  des  Invifibles  :  &  il  fe 
fervir  de  la  même  raifon  de  leur  invi- 
fibUiié  poui;  s'cxcufer  auprès  des  cu- 
rieux de  n'en  avoir  pu  découvrir  aucun 
en  Allemagne^ 

^    Sa  préfince  fer-vit  fur  tout  à  calmer 

l*agitawon  oii  étoit  fon  ami  le  P.  Mer- 

fenne  que  l'oaavoit  fait  revenir  à  Paris 

D  y  depuie» 


(T4         Mregéie  Jk  Pie 

j6i3,.  depuis  la  fin  de  Tan  i6\<).  &  que  ce  faim 
^— — ■  bruit  avoir  cbagiiné  d'autant  plus  faci- 
lement, qu'il  étoit  moins  dirpoie  à  croire 
que  les  Rofe- croix  fulFent  des  inviftbles 
ou  des  fruits  de  la  chimère  ,  après  ce  que- 
plulîeurs  Allemans  oc  Robert  Fludd 
Anglois  avoient  écrit  en  leur  faveur. 
'  ^T  Le  grand  monde  que  M.  Def- 

Ses'iy:.  cartes  voioit  à  Paris  n'étoit  pas  capable 
tjuUmdes  de  remplir  touslesvuidesdefbn  féjour,. 
ge-:rj\  ^^^  ^^^  1^  ^^^^^  perpétuellement  occupé 
'«'«•        hors  de  luy-même.    Lorfqu'il   rentroit 
chez  luy ,  il  fèntoic  revenir  Tes  inquié- 
tudes fur  le  choix  d'un  genre  de  vie- 
c]m  fût  conforme  â fa  vocation ^d<  qui: 
fut  commode  pour  l'exécution  des  def*. 
feins  qu'il  avoir  conçus  touchant  Ja  re- 
cherche de  la  vérité.  L'écablilTemenc  où 
il  voioit  la  plupart  de  (es  amis,  placez, 
chacun  dans  des  portes  à  garder  le  refte 
de  leurs  jours,  ne  feivoit  de  rien  pouc 
fixer  fes  irrefolutions. 
fuTtiT-      li  y  avoit  déjà  long-temps  que  fa 
themati-   propre  expericuce  l'avoit  convaincu  àw 
u'phfi-  peu  d'utilité  des  Mathématiques,  fur 
fA«-        tout  lorfqu'on  ne  les  cultive  que  pour 
elles-mêmes,  fans  les  appliquera  d*au- 
tres  chofçs.    Depuis  l*an  1610  il  avoir 


de  M,  Defcartes.  Liv.II.  ^5 

entièrement  néglige  les  règles  de  l'A-  _'[ 
rithmetique.  Les  attaches  qu'il  eut 
pour  la  Géométrie  fabfifterent  un  peu 
plus  longtemps  dans  (on  cctar,  parce 
que  les  Mathématiciens  de  Hollande 
&  d'Allemagne  qu'il  avoit  vus  pendant 
fes  voiages  avoient  contribué  à  les  re- 
tenir par  les  queftions  &  les  problèmes 
qu'ils  luy  avoient  propofez  à  refoudre. 
Mais  on  peut  dire  qu'elles  étoient  tom- 
bées dés  l'an  1613,  s'il  eft  vrai  qu'en  i6$S 
il  y  avoit  plus  de  ejiùnze  ans  cjutlfaU 
foit profejjion  de  négliger  la  Géométrie  ,. 
&  de  ne  plus  s^ arrêter  jamais  à  la  fh~. 
lution  d'aucun  problème  qua  la  prière 
de  quel  que  ami» 

Il  ne  voioit  rien  de  moins  folide  que 
de  s'occuper  de  nombres  tout  (impies, 
&  de  figures  imaginaires,  fans  porter 
ics  vues  au  delà.  Il  y  trouvoit  même 
quelque  chofe  de  plus  qu'inutile  :  6c  il 
croioit  qu'il  étoit  dangereux  de  s'appli- 
quer trop  ferieufemenc  à  ces  demonftra- 
îions  fuperficielles ,  que  i'induftrie  & 
l'expérience  fournilïeni  moins  fouvenc 
.  que  le  hazard  \  iSc  qui  font  plutôt  du  ref- 
fort  des  yeux  !U  de  rimagination  que 
de  ceîuy  de  rentendement^.Sa  maxime- 


^(^         Jhregé  de  la  Tie 

^^    >    ccoic  que  cette  application  nous  clefâc- 
co'itume  infenfiblement  de  Tufage  de- 
nôtre  raifon  ,  de  nous  expofe  à  perdre 
la  route  que  fa  lumière  nous  trace. 
itude        2^2jg  Qj^  pçyp  jjj.g  ^^>j|  n*abandonna. 

Mat:  e.     l'étude  particulière  de  l'Arithmétique  ÔC 
u^ver'    ^^  ^^  Géométrie,  que  pour  fe  donnée: 
feiu.^       roue  entier  à  la  recherche  de  cette  Scien- 
ce générale,  mais  vraie  &  infaillible^ 
que  \es  Grecs  ont  nommée  judicieufe- 
ment  Afathefts^ôc  dont  toutes  les  Ma- 
theniaiiques  ne  font  que  des  parties^ 
Il  prétendoit  que  ces  connoilTànces  par- 
ticulières pour  mériter  le  nom  de  Ma- 
thématiques devoienc  avoir  des  rapports^ 
des   proportions,  &  des  mefures  pouc 
objet.   Delà  il  jugcoit  qu'il  y  avoir  une 
Science  générale  deftinée  à  expliquer 
toutes  les  queftions  que  l'on  pourroit 
faire  toucLmt  Tes  rapports,  les  propor- 
tions,&:  les  mefures,  en  les  conlideranc 
comme  détachées  de  toute  matière  :  ÔC 
que  cette  Science  générale  pouvoit  à 
tres-jufte  titre  porter  le  nom  de  Aîathe- 
fis  ,    ou   tJ^athemaîîcjHe   uviverfelle  ^ 
puifqu'elle  renferme  tout  ce  qui  peur 
fàiie  mériter  le  nom  de  Science  &  de 
Mathématique  particulière    aux    antres^ 
coiinQiiîaûces^       "  ^         Voilà 


de  M,  De/cartes.  Liv.II.  6j 

Voilà  le  dénouement  de  la  difficulté   ^^^' 


qii'ily  auroir  à  croire  que  M.  Defcartes  ;/  cm- 
eut  abfolament  renoncé  aux  Mathema- ^;';'^fi"^^ 
tiques ,  en  un  temps  ou  il  ne  luy  etoit  .-([rendu 
plus  libre  de  les  ignorer.  Il  fit  auffi  ^^#1"^* 
dans  le  même  temps  quelques  tentati- 
ves pour  fe  défaire  de  l'étude  delà  Phy- 
fique,  le  trouvant  découragé  par  le  peu 
de  certitude  qu'il  remarquoit  dans  Tes 
obfervations.  Refolii  de  ne  plus  s'appH- 
quer  qu'à  la  fcicnce  de  bien  vivre  ,  il 
reprit  l'étude  de  laMorale,pour  laquelle 
il  avoit  déjà  témoigné  de  la  prédiledion 
avant  Tes  voiages  :  &  l'on  peut  dire  qu'il 
la  continua  pendant  toute  fa  vie.  Mais 
ce  ftît  (ans  oftentation  ,  «5c  plus  pour  ré- 
gler (a  con  'uite  que  celle  des  autres.  Il 
ne  fut  pas  long-temps  néanmoins  fans 
s'appercevoir  que  l'étude  de  laPhyfiqiîe- 
n*ell  point  inutile  à  celle  de  la  Morale*, 
&  que  les  démarches  qu'il  pourroit  fai- 
re dans  le  difcernement  du  vrai  6c  à\x^ 
faux  lui  feroient  avantagée fes  pour  ré- 
gler fes  adions.  Cela  le  fit  retourner  à 
fès  obfervations  fur  la  Nature,  perfuadé 
qne"Ie^  moien  le  plus  alîuré  pourfça-  <c 
voir  comment  nous  devons  vivre,  efl:  ce 
l^e   cojinoître  auparavant   quels  nous  «^ 


^8^  Ahregê  de  U  Vît 

i^ij  »  fommes  ;  quel  eft  le  monde  dans  lequel 
?*"^"   nous  vivons  ;  &  qui  eft  k  Créateur  de 
"   cet  Univers  oii  nous  habitons.    Il  a  té- 
"   moigné  long-temps  que  depuis  la  con- 
noiftance  qu'il  avoit  acquife  de  la  Phy- 
fîque  luy  avoit  beaucoup  fervi  pour  éta- 
"  blir  des  fond emens  certains  dans  la  Mo- 
''   raie  \  &  qu*il  luy  avoit  été  plus  facile  de 
"   trouver  la  fatisfadion  qu'il  cherchoit  en 
"   ce  point ,  que  dans  plufieurs  autres  qui 
*'   regardoient  la  Médecine,  quoiqu'il  y  eût 
"   emploie  beaucoup  plus  de  temps.    De 
**  forte  qu'après  toutes  fès  recherches  il 
'*   poavoit  (è  vanter,  non  d'avoir  trouvé  les 
moiens  de  conferver  la  vie,  mais  celuy 
de  ne  pas  craindre  la  mort  ;  &  de  s'y 
préparer  fans  cette  inquiétucfe  ordinaire 
à  ceux  dont  la  fageffe  eft  toute  tirée  des 
enfeignemens  d'autruy ,  appuiée  fur  des 
fondemens  qui  ne  dépendent  que  de  la 
prudence  &  de  l'autorité  des  hommes. 
Il  VA  e^t       M,  Defcartesfut  deux  mois  &quel- 
&^enp7-    4^^^^  jours  à  Paris ,  entretenant  fes  amfs 
tm  f  il    de  cette  illufion  où  il   étoit  touchant 
Tens^^    fon  prétendu  renoncement  aux  Mathé- 
matiques &  à  la  Phyfîque.  Ils  fe  don- 
noient   fouvent  le  plaifîr  de  démentit 
fes  tefoluuous  :  ^  les  moindres  occa- 


de  M.  Def cartes.  Lîv.IÎ.  69 

•^ons  qu'ils  luy  prefentoient  pour  re- 
foudre un  problème ,  ou  pour  faire  une 
expérience  ,  étoient  des  pièges  inévi- 
tables pour  luy.  Les  embarras  de  fou 
elpric  joints  au  befoin  qu'il  avoir  de 
régler  Tes  affaires  le  firent  retourner 
en  Bretagne  vers  le  commencement  de 
de  May.  De  là  il  alla  en  Poitou  ,  & 
pendant  les  mois  de  Juin  Se  de  Juillet 
qu'il  y  demeura  ,  il  vendit  du  confen- 
tement  de  Ton  Père  la  plus  grande 
partie  des  biens  qui  luy  étoient  venus 
du  côté  de  fa  mère ,  &  principalement 
la  terre  du  Perron ,  dont  il  retint  le  nom 
pour  fatisfaire  au  defir  de  fes  parens. 

Etant   retourné  à  Paris  au  mois  ^J^'/i^f^ 
d'Aoufl:  fans  avoir  trouvé  loccafion  de 
bien  placer  fbn  argent  ;  il  refolut  de 
feire  enfin  le  voiage  d'Italie  qu'il  avoit 
toujours  différé  jufques-là^avantque  de 
(è  faire  pourvoir  d'une  charge  qui  luy 
en  ôtaft  les  moiens.  Il  partit  après  avoir 
mandé  à  fes  Parens  "  qu'un  voiage  au 
delà  des  Alpes  kiy  feroir  d'une  grande  " 
milité    pour    s'inllruire    des    affaires ,  '^ 
acquérir  quelque  expérience  du  mon-  ^* 
de ,  Se  former  des  habitudes  qu'il  n'a-  " 
y^oit  pas  encore  5.  ajoutant  que  s'il  nen  *^ 


VII. 


70       Ahregé  de  la  Vie 

i6i^     revenoît  plus  riche ,  an  moins  en  reviefr- 

■  droit'ilplus  capable.- 

Il  prit  £à  route  p^ir  les  Suiflès  avee 
la  refolution  de  vilicer  ce  qu'il  n'avoir 
pu  voir  de  la  haute  Allemagne  daiîs 
fès  premieirs  voiages.  Il  luy  auroit  été 
facile  de  trouver  à  Bafle  ,  à  Zurich 
&  dans  d'autres  villes,  des  Philofophes 
^  des  Mathématiciens  capables  de  l'en- 
tretenir :  mais  il  fut  plus  curieux  de 
voir  des  animaux  ,  des  eaux  ^.des  mon«- 
tagnes  ,  l'air  de  chaque  pays  avec  Tes 
météores  ^  3c  généralement  ce  qui  écoit 
le  plus  éloigné  de  la  fréquentation  des 
hommes  3  pour  mieux:  connoître  la  na- 
ture des  chofes  qui  paroillent  les  moins 
connues  au  vulgaire  des  fçavans.  Lors 
qu'il  palTôit  dans  les  villes  ,  il  n'y  voioiî 
les  fçavansque  comme  les  autres  hom^ 
mes  ,  &:  il  n'obfervoiî  pas  moins  leurs 
adions  que  leurs  diiconrs. 

Des  Suiiles  il  pallà  chez  les  Gri- 
fons  ,  parmi  lef'qaels  les  mouvcmens  de 
la  Valtelline  le  retinrent  pendant  quel- 
que temps.  Il  continua  les  voiages 
par  le  Conné  de  Tirol  ,  d'où  il  fe 
rendit  à  Venife  vers  le  temps  des  Ro- 
•  gâtions  pour  y  VQir  la  cérémonie  des 

é^oufaillef 


de  Ad,  De/cartes.  Liv.  II.  jl 

époufailles  du  Doge  avec  la  mer  Adria-  i^i^ 
tique.  De  Venife  ilfongeaà  fc  déchar-  ""^ 
ger  de  l'obligation  qu'il  s'étoit  impo- 
îee  en  Allemagne  au  mois  de  Novem- 
bre  del'an  iji^,  par  un  vœu  qu'il avoic 
fait  d  aller  à  Lorette  ,  &  donc  il  n'a- 
voit  pu  s'acquiter  en  ce  temps- là.  Son 
voeu  accompli  ,  il  eut  le  ioitlr  avant 
que  d'aller  à  Rome  de  vacquer  aux  af- 
faires domelHques  qui  luy  avoient  fcr- 
vi  de  prétexte  pour  fon  voiage  auprès 
de  Tes  Paren?.  Le  prétexte  étoit  de 
travailler  à  fe  faire  Intendant  de  l'ar- 
mée de  France  en  Piémont  fous  le  con- 
nétable de  Lefdiguiéres  j  ce  qui  ne 
réuffit  pas. 

.    L'occadon  du  Jubilé  des  xxv   ans 
^ont  l'ouverture  devoir  fe  faire  la  veille 
.<îe  Noël  à  continuer  toute  l'année  fui- 
-vante  ,  fit  naître  dans  l'on  efprit  quel- 
ques mouvemens  de  dévotion  ,  quoi- 
X|ue  l'unique  motif  de  fon  voiage  n'cufl: 
.été  d'abord  que  la  curiofité  de  voir  la 
iVille  de  Rome  ôc  la  Cour  du  Pape.    Il 
^arriva  dans  la  ville  fur  la  fin  de  Novem- 
bre :  le  concours  prodigiei^x  des  peuples 
qui  y  abordoient  de  tous  les  endroits 
cle  l'Europe  Catholique  ,  luy  parut  (i 

favorable 


yi       Ahregé  de  U  Vie 

161^    favorable  à  la  padion  qu'il  avoit  toujours 

• eue  de  connoître  le  genre  humain  par 

^-5  lu  y.  même  ,  qu'au  lieu  de  palPer  fon 
temps  à  examiner  des  édifices,  des  (la- 
tucs  ,  des  tableaux  ,  des  antiques ,  des 
manufcrits ,  Se  les  autres  raretez  de  l'an- 
cienne 5c  de  la  nouvelle  Rome ,  il  s'ap- 
|.  pliqua  particulièrement  à  étudier  les  in- 

clinations ,  les  moeurs ,  les  difpofitions , 
^  les  caradéres  d'efprit  dans  la  foule 
ôc  le  mélange  de  tant  de  nations  diffé- 
rentes. Cette  commodité  le  difpenfade 
faire  d'autres  voiages ,  de  luy  ôta  l'en- 
vie d'aller  au  fonds  de  la  Sicile  Se  de 
rEfpagne  chercher  les  peuples  qui  luy 
reftoient  à  voir. 

Il  partit  de  Rome  pour  reve- 
nir en  France  dans  le  même  temps  que 
le  Cardinal  François  Barberin  neveu  du 
Pape  dont  il  avoit  acquis  l'eftime  Se  l'a- 
mitié s'embarqua  pour  fa  légation  auprès 
du  Roy  tres-chrétien.  Mais  il  voulut 
s'en  retourner  par  terre  pour  ne  pas  per- 
d're  l'occadon  de  voir  un  pays  qu'il  ctoic 
bien  aife  de  connoître.  Il  palTa  par  la 
Tofcane ,  où  il  ne  manqua  point  de  vi- 
fiter  le  célèbre  Galilée,  (inous  en  croions 
ceux  qui  ont  parlé  de  fon  volage  d'Ita- 


de  M.  Defcanes.  Liv.ll.  73 

lie.   Mais  cela  ne  s'eft  écrit  que  fur  de    i^ij 
fau(ïes  relations  :  de  nous  fommes  obli-    """'■ 
gez  de  reconnoître  fur  Ton  propre  témoi- 
gnage ^u'ti  n'a  jamais  vu  ce  Mathéma- 
ticien 5  &  cfiiU  na  en  aucune  commii^^ 
nicanon  avec  luy. 

Tout  ctoit  rempli  du  bruit  des  expé-." 
ditions  que  le  Duc  de  Savoye  6c  le  Con- 
nétable de  Lefdiguiéres  faifoient  fur  les 
Génois  &  les  Efpaonols.    C'eft  ce  qui 
donnaàM.Defcartes  lacuriofité  d'aller 
nu  fortir  de  la  Tofcane  vifîter  Tarmée 
d'i  Connétable  qu'il  trouva  occupé  du 
Ticge  de  Gavi  lors  qu'il  arriva  dans  foti 
camp,  La  ville  prifele  dernier  jour  d'A- 
vril ,  il  voulut  être  encore  témoin  d'une 
partie  des  merveilleux  progrés  que  fai-' 
foit  l'armée  du  duc  de  Savoie.  De  là  il 
vint  à  Turin  vers  le  milieu  de  May  ;  mais 
pafTant  par  le  pas  de  Sufe  pour  rentrer  en 
France,il  fe  détourna  du  côté  delà  Savoye 
pour  examiner  la  hauteur  des  Alpes.  Ce 
fut  en  cette  occafion  qu'après  quelques 
obfervations  fur  les  neiges  échauffées 
puis  appefanties  par  le  Soleil  que  la 
moindre  émotion  d'air  fait  tomber  les 
unes  fur  les  autres  avec  grand  bruit ,  il 
crût  avoir  deviné  la  caufe  du  tonnerre. 


74     y^hregédela  VU.  d 

î<3^5    &  rrouvéla  railon  pour  laquelle  il  ton* 
'  ,   •  ^  ne  plus  rarement  l'hiver  que  rété. 

». .         Il  V I  NT  en  porte  de  Lion  enPoi- 

I  X.  ton  ,  èi'O^  aiaiK  appris  que  Ton  Père 
1/  -vknt^  étoit  à  paris ,  il  partie  (ur  la  fin  de  Juin 
iL^TarL  poiîJ^  l'alleL  joindre  &  prendre  (es  avis 
touchant  la  charge  de  Lieucenanc  Gene- 
ral de  Chatellerauc  qu'on  luy  offrok 
avec  une  allez  bonne  compofition.  Etant 
arrivé  il  trouva  fon  Père  parti  pour  re- 
tourner en  Bretagne:  ce  qui  étant  joint 
avec  les  (olliçitations  des  amis  qui  fou- 
haitoient  de  le  voir  établi  à  Paris,.ne  conw 
tribua  pas  peu  à  faire  échouer  fon  affixi- 
re  de  Chatelleraut,&  à  le  dégoûter  de 
la  Province, 
s^  YM-  Aiant  pris  un  logement  chez  M.  le 
vilu^  ^  Valîeur  d'Etiolés  père  de  M. le  Vadeuc 
au  jourd'huiConfeiller  à  la  Grand'Cham- 
bre ,  il  fe  fit  une  efpéce  d'étaWiiîèment 
à  Paris.  Là  s'étant  formé  un  modèle  de 
conduite  fur  la  manière  de  vivre  que  les 
honnêtes  gens  du  monde  ont  coutume 
de  (e  prefcrire  ,il  embrafia  le  genre  de 
vie  le  plus  fimple  &  le  plus  éloigné  de 
la  fingularité  &  de  TafFedation  qu'il 
puft  s'imaginer.  Tout  écoit  aîîcz  com- 
mun chez  luy  en  apparence  ;  fon  meuble 


de  M, Départes.  Liv.II.  7^ 

^  (àtable  écoienc  coûjonrs  cres-propres,  i^if 
maisfnns  fiipeiflu".  Il  étoitfervid'niipe-  .  m 
tic  iiombrc  de  valets  i  il  marchoit  (ans 
train  dans  les  rues  -,  vêtu  d'un  fimple 
taffetas  verd  félon  la  mode  de  ces  temps- 
l;i  ,  ne  portant  le  plumet  l'écharpc  SC 
répée  que  comme  des  marques  de  fa 
qualité,  dont  il  n'étoic  point  libre  alors 
à  un  Gentilhomme  de  fe  dif^enfer. 

Il  avoit  remis  à  la  fin  de  fes  voiages 
à  (e  déterminer  fur  le  choix  d'une  pro- 
fedîon  fiable  pour  le  relie  de  fcs  jours. 
Mais  quoiqu'il  ne  parût  pas  beaucoup 
plus  avancé  dans  fes  délibérations  qu'au 
coiTKnencement  ,  il  ne  lailloit  pas  de 
s'afFermir  infenfiblement  dans  la  penfée 
de  ne  s'adùjettir  à  aucun  employ.  Ce 
ïi'eft  pas  qu'il  ne  iîft  encore  une  revue 
fort  ferieufe  fur  les  occupations  diverfes 
•qu'ont  les  hommes  en  cette  vie  ,  pour 
voir  s'il  en  irouveroit  quelqu'une  à  fa 
Jjienféance  ,  ik  qui  fnft  conforme  aux 
difpofîtions  de  fon  efprit.  Mais  après 
avoir  examiné  folidement  toutes  chofes 
au  poids  de  la  raifon ,  il  'u^ea  qu'il  ne 
pouvoit  rien  faire  de  mieux  que  de  con- 
tinuer dans  l'occupation  où  il  fe  trou- 
A^oii  adtuellem^ic ,  depuis  qu'il  s'étoic 

défait 


y 6      hhregé  de  U  V ici 

ièi^  défait  des  préjugez  de  Ton  éducatioîii 
g-  '  Cette  occupation  ctnfiftoit  unique^ 
ment  à  emploier  toute  fa  vie  à  cultiver 
fa  raifonj  &  à  s  avancer  de  tout  fon  poU^ 
(îble  dans  la  connoifTance  de  la  vcri^ 
té  5  fuivant  la  méthode  qu'il  s'étoiif 
prefcrite.  I 

Ma^mes  l\  ne  fe  trouvoit  ,  par  la  grâce  do 
mdmte.  ^^^"  y  efclave  d'aucune  des  paffions  qui 
rendent  les  jeunes  gens  vicieux.  Il  étoic 
parfaitement  guéri  derinclination  qu'on 
luy  avoir  autrefois  infpirée  pour  le  jeu  , 
&  de  l'indifFerence  pour  la  perte  de  fon 
temps.Uirrefolution  qui  pouvoir  luy  re- 
fter  touchant  les  vues  générales  de  (on 
état  ne  tomboit  point  fur  fes  actions  par* 
ticulieres.  Il  vivoit  &  agilPoit  indépen- 
demment  de  l'incertitude  qu'il  trouvoit 
dans  les  jugemens  qu'il  faifoit  fur  les 
fciences.  Selon  les  maximes  de  la  Mo- 
rale qu'il  s'étoit  faites,  il  ptetendoit  em- 
brafTer  les  opinions  les  plus  modérées; 
les  plus  communément  reçues  dans  la 
pratique,  &  les  plus  éloignées  de  l'ex- 
cès, pour  régler  fa  conduite  -,  fe  faifant 
cl'ailleurs  la  juftice  de  ne  pas  préférer 
fes  opinions  particulières  a  celles  des 
perfonnes  qu'il  jugeoit  plus  fages  6c 

mieu}C 


de  M.Defcartes.Liv.U.  77 

mieux  fenfées  que  luy.  i^i^ 

Il  paroiflToic  en  toutes  rencontres  tel-  *— ^ 
lement  jaloux  de  fa  liberté ,  qu'il  ne  pou- 
voir diflïmuler  l'éloignement  qu'il  avoir 
pour  tous  les  engagemens  qui  font  ca- 
pables de  nous  priver  de  nôtre  indiffé- 
rence dans  nos  aâions.  Ce  n'eft  pas  qu'il 
pretendift  trouver  à  redire  aux  loix  qui 
pour  remédier  à  Tinconftance  des  ef- 
prits  foibles ,  ou  pour  établir  des  fure- 
tez dans  le  commerce  de  la  vie  ,  per- 
mettent qu'on  faire  des  vœux  ou  des 
contrats,  qui  obligent  ceux  qui  les  font 
volontairement  6i  légitimement ,  à  per- 
feverer  dans  leur  entieprife.  Mais  ne 
voiant  rien  au  monde  qui  demeurait 
toujours  en  même  état ,  &  fe  promet- 
tant de  perfedionner  fes  jugemens  de 
plus  en  plus ,  il  auroit  crû  offenfer  le  bon 
fens  s'il  fe  fuft  obligé  à  prendre  une  cho- 
fe  pour  bonne  lors  qu'elle  auroit  cefle 
de  Tctre  ou  de  luy  paroître  telle  ,  fous 
prétexte  qu'il  l'auroit  trouvée  bonne 
dans  un  autre  temps. 

A  l'égard  des  adVions  de  fa  vie  qu'il 
necroioit  point  pouvoir  foufftir  de  de- 
lai  ,  lors  qu'il  n'étoit  point  en  état  de 
dilcerner  les  opinions  les  plus  vérita- 
bles. 


7 2     A'hregé  de  la  Vie. 

/  .  bles,il  s'atcachoit  toûjoius  aux  plus  prow" 
■  bables.  S'il  arrivoit  qu'il  ne  trouvafl: 
point  plus  de  probabilité  dans  les  unes' 
que  daus  les  autres ,  il  ne  lailfoit  pas  de 
fe déterminer  à  quelqu'une,  &de  les' 
condderer  enfuitenon  plus  comme  dou- 
teufes  par  rapport  à  la  pratique  ,  mais 
comme  très  -  vraies  d>:  tres-certaines , 
parce  qu'il  croioit  que  la  raifon  qui  Ty 
avoit  fait  déterminer  fe  tiouvoit  telle. 
Par  ce  moien  il  vint  à  bout  de  fe  délivrée , 
des  repentirs  &c  des  remords  qui  ont 
coutume  d'agiter  les  confciences  des  ef- 
prits  foibles  &  chancelans  ,  qui  fe  por- 
tent trop  légèrement  à  pratiquer  comme- 
bonnes  les  chofes  qu'ils  jugent  après' 
être  mauvaTes.  Perfuadé  que  fa  volon. 
té  ne  fe  portoit  à  fuivre  ou  à  fuir  aucu* 
ne  chofè  qu'autant  que  fon  entende-  , 
ment  la  luy  reprefentoit  bonne  ou  mau- 
vaife  ,  il  croioit  qu'il  luy  fufHfoit  de 
bien  ju2;er  pour  bien  faite  ,c'eftàdire, 
pour  acquérir  toutes  les  vertus ,  &  tousi 
les  biens  qu'elles  peuvent  produire. 

Avec  ces  difpoftions  intérieures ,  il 
vivoit  en  apparence  de  la  même  manière 
que  ceux  qui  étant  libres  de  tout  em- 
ploi ne  fongent  qu'à  palier  une  vie 
.,    -  -  douce 


de  Ad.  Dejcanes.  Liv.II.  79 

^ouce  ôc  innocente  aux  yeux  des  hom-  1^25 
mes  ',  qui  s'étudient  à  féparer  les  plaifirs  ~'' 
des  vices  j  6c  qui  pour  jouk  de  leur  loi- 
fir  fans  s'ennuiei:  ont  recours  de  temps 
en  temps  à  des  di  vertillemens  honnêtes. 
Ainfi  (a  conduite  n*aiant  rien  de  (ingu- 
liei*  qui  fuft  capable  defraper  les  yeux 
ou  l'imagination  des  autres  ,  pei  Tonne 
ne  formoit  d'obftacle  à  la  continu atioa 
de  Ces  delTeins ,  &z  il  avançoit  de  jour  en 
jour  dans  la  recherche  de  la  vérité  qui 
regarde  les  chofes  naturelles. 

QuoiQjiE    M.  Defcartes  fe  full      Y, 
procuré  une    efpéce  d'établitïement  à  &XÎ. 
Paris  ,  il   ne   s'alfuiectit   pourtant   pas 

11  ^  1         ri  1         1  *  .      ^.^  repu- 

tellement  a  la  relidence  pendant  les  trois  ,^iio„  luy 
ans  qu'il  y  demeura ,  qu'il  ne  fe  donnait  /-"^    'V 

1.  j  '      i  17711s       C?" 

la  liberté  d'entreprendre  de  temps  en  lac.àbie 
temps  des  promenades  à  la  campagne,  '^ei'fites^ 
de  des  voiages  même  en  province. 

Quelques  femaines  après  Ton  retour 
d'Italie,  le  defir  de  revoir  la  Cour  de 
France  le  fit  aller  à  Fontainebleau  où  il 
eut  occalion  de  (aluer  le  Légat  qu'il  n'a- 
voit  poinr  vu  depuis  Ton  départ  de  Ro- 
me. Il  fe  fervit  du  crédit  qu'il  avoit  ac- 
quis auprès  de  lui  pour  lui  recomman- 
der quelques  perfoimes  de  lettres  d'en- 

E  tre 


8o        yihregé  de  UV  ie 

'^^5  tre  Tes  amis  ,  è>c  nommément  M.  de 
Balz^ac  ,  dont  il  défendit  la  caufe  de- 
vant ce  Cardinal  ^contre  le  Père  Goulu 
General  desFcuillans. 

i6i6  Après  un  voiage  qu'il  fit  l'année  fui- 
vante  en  Bretagne  &  en  Poitou  ,  avec 
M.  le  Vaileur  fonhofte  &  Ton  parent , 
il  alla  (e  loger  au  fauxbourg  S.  Germaia 
pour  y  vivre  plus  retiré.  Mais  il  ne  lui 
tut  plus  auiïi  aifé  qu'auparavant  de  jouir 
de  Ton  loifir.  Ses  anciens  amis ,  &  par- 
ticulièrement M.  Mydorge  &  le  Père 
Merfenne  avoient  tellement  étendu  (a 
réputation  ,  qu'il  fe  trouva  en  peu  de 
temps  accable  de  vifites ,  d>c  que  le  lieu 
de  fa  retraite  fe  vid  changé  en  un  ren- 
dez-vous  de  conférences.  Il  ne  pût  em- 
pêcher que  le  nombre  de  fes  amis  ne 
muitipliaft  ,  mais  au  moins  fut  il  le 
maître  de  fon  difcernemeat  dans  le 
choix  qu'il  en  fit. 

Les  principaux  de  ces  amis  outre  M, 
de  Balzac  dont  nous  venons  de  parler, 
furent  M, //.fî'^j'  confeiller  au  châtelec 
habile  dans  la  connoiflancedes  Mathé- 
matiques ^  d'un  très-grand  nombre  de 
ianeues.  M.  </f  ^^/^««^fieur  deGouliou 
confeiller  au  prefidial  de  Blois  l'un  des 

plus 


i 


de  M.  Dejcartes.  Liv.II.  8i  

plus  grands  génies  de  Ton  temps  ,  en  j  ^^- 
ce  qui  concernoic  les  Mathematio^ues. 
M.  Morin  profeffèur  Royal  des  Mathé- 
matiques à  Paris  &c  do6leur  en  Médeci- 
ne. Le  Père  GihicHfdoôieur  de  Sorbon- 
ne  &  Prêtre  de  l'Oratoire  l'un  des  plus 
grands  Théologiens  de  Ton  fiécle.  Le 
Père  de  la  Barde ,  ,  le  Père  de  Sancy  -, 
le  Père  de  Gondren  tous  de  la  même 
congrégation  outre  le  Cardinal  de  Be- 
r  fil  le  qui  en  étoit  le  chef.  M.  Des  Anr^ues 
tjentilhomm:  Lionnois  habile  dans  les 
Méchaniques.  M.  de  Boiffat  Gentil- 
homme du  Dauphiné  qu'il  avoit  vu  au 
frége  de  Gavi.  M.  de  Seri^ay  Inten- 
dant de  laMaifon  de  M.  de  la  Roche- 
fbucaud.  M.  Saradn  qui  fut  fecretaire 
de  M.  îe  Prince  de  Conty.  M.  Silhon 
Gentilhomme  de  Gafcogne.  M.  Freni- 
de  fieurde  Belîy.  M.  lumean  Piieur  de 
fainte  Croix,  qui  palfoit  pour  l'un  des 
grands  Arithméticiens  du  Gécle  avec  M. 
Frenicle  ,  &  qui  avoit  été  Précepteur 
de  M.  le  Duc  de  VerneUil.  M.  de  Ma- 
raudé Greffier  de  la  cour  des  Aydes.  M, 
l'Abbé  de  Laiw^iy.  M.  des  Ba^reaii.v, 
M.  l'Abbé  de  Toifche'ays  l'aîné.  M.  de 
Çandais.  M-  de  Fille- Jrmux,  M.  de 
■-'^\  E    ij        Filles 


Si        Abrège  de  U  Vie 

J^ZL  ^^^'^  Breffietix  Médecin  de  Grenoble  ; 
&  plusieurs  autres  encore,  dont  nous  ne 
nommerons  que  M.  'Ticot  Prieur  du 
Rouvre  qui  voulut  être  dans  la  fuite  des 
temps  ton  correfpondant  ,  &  l'agent  de 
Tes  affaires  domeftiques. 

i M  Aïs  de  tous  fes  amis  il  ne  voioic 

XII.    alors ,  après  le  Père  Merfenne,  perfon- 
TaiUe    ne  avec  plus  d'afliduité   que  M.  Mv- 

àes  "verres    .  k     rr      *  --l  '  ^ 

de  Lunet-  dorge.  Aulii  n  en  avoit-il  trouve  aucun 
tes  &  de  (JQj-jj  [^  converfation  luy  fût  plus  avan- . 

miroirs,  ^         «      i        r-       •    •        i  ^       /    • 

tageufe  ,  &  les  fervices  plus  réels  & 
plus  fenfibles.  C'efi;  ce  qu'il  éprouva" 
particulièrement  au  fujet  des  verres  que 
M.  Mydorge  luy  fit  tailler  à  Paris  du- 
rant les  années  1617  &  kjiS  ,  qu'ils 
joLiïlIoient  l'un  de  l'autre  à  loifir.  Rien 
ne  lui  parût  plus  utile  que  ces  verres . 
pour  coi>noître  &:  pour  expliquer  la  na- 
ture de  la  lumière  ,  de  la  vifion ,  &  de 
la  réfradion.  M.  Mydorge  luy  en  fie 
faire  de  paraboUques  ,  &  d'hyperboli- 
ques ,d'ovaleç,&'  d'elliptiques.  Et  com- 
me il  avoir  la  main  auflî  fûre  &:  aufli 
délicate  que  l'efprit  fubtil ,  il  voulut  dé- 
crire luy -même  les  hyperboles  &  Jes 
eilipfes. 
«Sr      ^«  Defcartes  devint  Jui-.meme   en 

pea 


"tAJe  Defcartes.  Liv.TI.   S3 

jeu  de  temps  un  grand  maître  dans  l'auc  /  ^ 
de  tailler  les  verres.  Et  comme  i'induftrie  d'i^itr^' 
des  Mathématiciens  fe  trouve  fouvent  '"^l^'Y^" 
inutile  par  la  faute  des  ouvriers  donc  n^lrquij, 
TadrelTe  ne  répond  pas  toujours  à  l'ef- 
pric  des  auteurs  qui  les  font  travailler , 
il  s'appliqua  particulièrement  à  formel 
la  main  de  quelques  tourneurs  qu'il 
trouva  les  plus  experts  ,  &  les  mieux 
difpofez  à  ce  travail.  Ceft  ce  qu'il  fie 
particulièrement  en  faveur  du  fameux 
Terrier  faifeur  d'inftrumens  de  Mathé- 
matiques ,  qui  n'ècoit  pas  un  fimple  ar- 
tifan  qui  ne  fçût  que  remuer  la  main.  Il 
poire:!oit  encore  la  théorie  de  fa  pro- 
feffion  ,  &  n'ètoit  pas  ignorant  dans  les 
Mathématiques.  Il  s'attacha  particuliè- 
rement à  M.  Defcartes  qui  le  prit  en 
nflfèdion  ,  &  qui  non  content  de  l'em- 
ploier  d'une  manière  à  rehaulTer  fa  for- 
tune ,  voulut  encore  lui  apprendre  les 
moiens  de  fe  peifedionner  dans  fon  arc. 

Cependant  il  s'apperçût  qu'il  étoit   ^^  ^^^^ 
retombé  dans  l'enfoncement  des  fcien- c^>'f^./^ 
ces  abftraites  aufquelles  il  avoit  renon-  ^l^'^Zm^ 
ce.    Il  s'en  retira  de  nouveau  ,  voianc  />t^yf«. 
combien  il  y  avoit  peu  de   gens  dans 
tout  Paris  avec  qui  il  en  pûft  commu- 
E  iij         niquer. 


84       Abrégé  âe  la  Vie' 

niquer.  Mais  il  reprit  avec  encore  plus 
d'ardear  que  jamais  Téiude  de  THomme 
qu'il  avoit  tant  cultivée  durant  fes  voia- 
ges.  Elle  lui  fit  alfez  connoître  que  ces 
iciences  ahftraites  ne  nous  font  pas  trop 
convenables  ,  &  que  lui  même  en  les 
^^^^  pénétrant  s'égaroit  encore  plus  que  les 
autres  hommes  en  les  ignorant.  Il  avoit 
crû  trouver  au  moins  parmi  tantdhon- 
nêtes  gens  beaucoup  de  compagnons 
dans  l'étL.de  de  l'Homme  ,  puifque  c'eft 
celle  qui  nous  convient  le  plus.  Mais 
il  fe  vid  trompé  ,  &  il  remarqua  que 
dans  cette  grande  ville  qui  palfe  pour 
Tabregé  du  monde  ,  de  même  qu'à 
Rome ,  à  Venile ,  &  par  tout  011  il  s'é- 
toit  irouvé  ,  il  y  a  encore  moins  de  gens 
qui  étudient  l'Homme  que  laGéomctrîe, 
Cela  le  fit  refondre  encore  une  fois  à 
fe  palTer  de  lui  feul  autant  qu'il  lui  le- 
roit  poffible  ,  &  à  fe  contenter  d'un 
petit  nombre  d*amis  choifîs  pour  le  fou- 
lagement  de  la  vie.  Mais  fa  réputation 
fut  un  grand  obftècle  à  cette  refolution. 
Elle  avoit  fait  de  la  maifon  de  M.  le 
VafTeur  où  il  étoit  retourné  du  faux- 
bourg  S.  Germain  ,  une  efpéce  d'aca- 
démie en  y  attirant  une  infinité  de  gens 

qui 


deM,r)eJcartes.  Liv.II.  85 

qui   s*introcluifoient  chez  lui  à  la  fa-    i6i^ 
venr  de  fes  amis.  Les  curieux  de  litera-  * 

turc  ne  manquèrent  pas  de  s'y  glillcr 
parmi  les  autres  ;  &  fe  joignant  à  ceux 
de  fes  amis  qui  fe  plaifoient  le  plus  à 
répandre  fa  réputation  ,  ils  fe  hazarde- 
rent  de  lui  propofer  de  prendre  la  plu- 
me pour  faire  part  de  (es  connoilîances 
au  public.  Les  libraires  même  qui  ne 
cherchent  qu'à  trafiquer  de  la  réputa- 
tion des  auteurs  ,  /èmblerent  vouloir 
étreauflî  de  la  confpiratien  de  ceux  qui 
Taffiegeoient  chez  M.  le  ValTeur.  Il 
nous  apprend  que  dés  ce  temps-là  des 
gens  de  cettepiofeiïion  lui  fiient  offrir 
des  préfens  pour  l'engager  à  leur  pro- 
mettre la  copie  de  ce  qu'il  pourroic 
compofer  ,  n'étant  pas  honteux  de  vou- 
loir acheter  l'honneur  de  le  fervir. 

Voila  ce  qui  lui  rendoit  le  féjourde   j//;^^, 
Paris  onéreux ,  &c  qui  lui  faifbit  fentir  c^f  o-  ^fi 
fa  propre  réputation  comme  un  poids  '^'"•*'^^''^ 
infupportable.  Il  n^  trouva  de  remcde 
que  dans  la  retraite  ,  &  pour  commen- 
cer à  fe  délivrer  des  importunitez  dj? 
ceux  qui  le  frequentoient  trop  fouvent, 
il  quitta  encore  une  fois  la  maifon  de 
M.  k  ValTeur ,  &c  fe  retira  aux  extré- 
E  iiij        mitez 


î(^       Ahege  de  la  Vie 

^  ^     micez  de  Ja  ville  en  un  quartier  où  (\ 
dévoie  ne  fe  rendre  vifible  qu'à  un  très- 
petit  nombre  d'amis  qui  avoient  Ton  fe- 
cret.  M.le  VafTeur  à  qui  il  n'avoir  pas 
jugé  à  propos  de  le  communiquer  fut 
quelque  temps  en  inquiétude  ,  jufqu'à 
ce  que  le  hazard  lui  aiantfait  rencon- 
trer le  valet  de  notre  rhilofophe  au  bout 
de  cinq  ou  fix  femaines  ,il  1  obligea  de 
lui  déclarer  la  demeure  de  fon  maître. 
Se  de  l'y  conduire.  Il  étoit  plus  d'onze 
heures  lors  qu'il  le  trouva  fur  le  point  de 
le  lever ,  après  avoir  quelque  temps  con- 
fideré  fa  manière  d  étudier  ôc  d'écrire 
dans  le  îic  j  par  l'artifice  du  valet  qui  lui 
avoit  déclaré  le  fecret  de  Ton  maître. 
;■  M.   Des  CARTES  fe    voiant    ainfî 

XIÏI.  découvert  eut  beau  regreter  la  douleur 
^l^fdfu  ^^  ^^  retraite  ,  &  chercher  les  moiens 
Ro\heUe.  de  reparer  la  perte  de  fa  liberté.  Il  ne 
pût  détourner  le  cours  de  (a  mauvaife 
fortune  ,  ôc  il  fe  vid  en  peu  de  jours 
retombé  dans  les  inconvéniens  dont  il 
s'ètoit  délivré  en  fe  cachant.  Le  déplai- 
fir  qu'il  en  eut  le  chalTa  de  fon  quartier, 
ôc  lui  fit  naître  le  defir  d'aller  voir  le 
fiége  de  la  Rochelle. 

Il  fe  rendit  au  pais  d'Aunis  vers  la  fin 

'  du 


de  M.  T>efcart€s.  Liv  JI.  S/ 

du  mois  d'Aouft  de  l'an  i6iS,  pour  être    i6iS 
feul':ment  le  témoin  du  (iége  qui  écoit         '  " 
déjà  fort  avancé,  &:  pour  examiner  en 
Mathématicien   la   fameufc    digue  du 
Cardinal  de  Richelieu  ,  &  la  li!:;ne  de^ 
communication.  Mais  il  ne  pût  honnê- 
tement fe  défendre  d'y  fervir  en  qualité 
de  Volontaire  ,  voiant  l'adivité  avec  ' 
laquelle  le  Roy  di  po(oit  en  perfonnc 
fbn  armée  par  terre  6v  par  mer.  En  quoy 
il  fut  fuivi  par  divers  autres  Gentilshom- 
mes de  fon  âge  qui  n'étoienc  venus  au' 
fiége  que  par  une  curiofité  femblable  à' 
la  Tienne. 

Il  entra  dans  la  ville  avec  l'armée  du 
Roy  le  jour  de  la  ToiilTaints  qui  étoic 
un  mercredi.  Il  affifta  le  lendemain  des 
Morts  à  la  procefîîon  folenneile  du  5. 
Sacrement  qui  fe  fit  par  les  rjcs  :  Çc 
n'aiant  plus  rien  à  voir'  dans  ce  pays 
après  la  confommation  de  cette  célèbre 
expédition  ,  il  revint  en  pofte  à  Paris 
où  il  fe  trouva  pour  la  faint  Maicin. 

Peu  de  jours  après  fon  retour  il  (è   XiV. 
tint  une  aflemblée  de   perfonnes  fça-  u,etrolm 
vantes  ^  curieufes  chez  le  Nonce  du  ^Jf/"^' 
Pape  M.  de  Bagne  qui  fut  Cardinal  peu  ]i.,ib.^^ 
de  temps  après  ^  ^  qui  honoroit  notre  ;^f^^.^^, 
E  V-    P-hilofophe' 


88      'Ahngèàe  h  Vie 

ï5i8     Philofophe  de  Ton  amitié  depuis  quet- 

que  temps.  M.  Defcartes  y  fut  convié, 

&  il  y  mena  le  P.  Merfenne  &  M.  de 
Ville  -  Breffieux  pour  entendre  le  Sieur 
CloandoHx  quidevoity  débiter  desfen-. 
timens  nouveaux  fur  la  philofophie. 

Chandoux  fit  un  grand  difccurs  pour 
réfuter  la  manière  d'enfeigner  la  phi- 
lofophie qui  eft  ordinaire  dans  l'école. 
Il  propofa  même  un  fyftéme  affez  fuivi 
pour  la  philofophie  qu'il  prétendoit 
établir ,  &  qu'il  vouloir  faire  palfer  pour 
nouvelle. 

L'agrément  dont  il  accompagna  Çqv\ 
difcours  impofa  tellement  à  la  compa- 
gnie qu'il  en  reçût  des  applaudiflemen^ 
prefque  univer(els.  Il  n'y  eut  que  M^ 
Defcartes  qui  afFcda  de  ne  point  faire 
éclater  au  dehors  les  fignes  d'une  fatis- 
fadlion  qu*il  n'avoit  pas  efFedivement 
reçue  du  difcours  du  fieur  de  Chandoux. 
^jj  Le  Cardinal  de  Berulle  qui  étoit  de  l'af- 

femblée  s'apperçût  de  fon  filence,  Cç 
qui  le  porta  à  lui  demander  fonfenti- 
ment  fur  ce  qu'il  vcnoit  d'entendre,  & 
qui  avoir  paru  li  beau  à  la  compagnie, 
o»  /ff^if  M.  Defcartes  fit  ce  qu'il  pût  pour  s'en 
jttr  ce      exculer ,  témoignant  qu  il  n  avoit  neti 

à  dire 


t>ki<* 


de  M.  Ue/carm.  Liv.II.  89 

fi  dire  après  les  approbations  de  tant  de     i6i§ 
fçavans  hommes.  Cetce  défaire  accom-  ■ • 

^„„,    '       ji  ■  ■  1  qu'il  ven^ 

pagnee  d  un  accent  qui  avoit  quelque  fe  cUU 
chofe   de  fufped  ,   fit  conjedurer  au  f/'^^"^^" 
Cardinal  qu'il  n'en  jugeoit  pas  entière- 
ment comme  les  autres.   Cela  Texcita 
encore  davantage  à  lui    faire  déclarer 
ce  qu'il  en  penfoit.  M.  le  Nonce  &  les 
autres  perfonnes  les  plus  remarquables 
de  Tairemblée  joignirent  leurs    inftan- 
ces  à  celles  du  Cardinal  pour  le  prelîec 
de  parler.  De  forte  que  ne  pouvant  plus 
reculer  fans  incivilité  ,  il  dit  à  la  com- 
pagnie qu'il  n'avoir  certainement  enW 
core  entendu  peifonne  qui  dût  fe  van- 
ter de  parler  mieux  que  venoit  de  faire 
le  fieur  de  Cbandoux.  Il  loua  d'abord 
leloquence  de  fon  difcours,  &  les  beaux 
talens  qu'il  avoir  pour  la  parole.  Il  ap- 
prouva même  cette  genereufe   libené 
qu'il  avoir  fait  paroître  pour  tâcher  de 
tirer  la  philofophie  de  la  vexation  des 
Scholaftiques,   Mais  il  prit  occafion  de- 
ce  difcours  pour  faire  remarquera  for- 
ce de  la  vrai  femblance  qui  occupe  la 
place  de  la  vérité  ,  ôi  qui  dans  cette 
rencontre  paroilloit  avoir  triomphé  du 
jugemew  de  tant  de  perfonnes  graves  Ôc 
E  vj    judicieufes». 


5)0         ^j^hregé  de  la  Vie 

Î(îi8  j'jdicieufes.  Il  ajouta  que  lors  qu'on  5 
— —  afFcire  a  des  gens  alTez  faciles  pour  vou*. 
loir  bien  fe  contenter  du  vrai  fembla- 
ble ,  comme  venoit  de  faire  Tilludre  af- 
femblée  devant  laquelle  il  avoir  l'hon- 
neur de  parler  i  il  n'étoit  pas  difficile  de 
débiter  le  faux  pour  le  vrai ,  &  de  faire 
réciproquement  pafler  le  vrai  pour  le 
faux  à  la  faveur  de  l'apparent. 

Pour  en  faire  l'épreuve  fur  le  champ, 
il  demanda  à  ralfemblée  que  quelqu'un 
de  la  compagnie  voulût  prendre  la  pei- 
ne de  lui  propofer  telle  vérité  qu'il  lut 
plairoit ,  &  qui  fût  du  nombre  de  celles 
qui  paroilTent  les  plus  inconteftables. 
On  le  fit  ,  &  avec  douze  argumens 
tous  plus  vrai-femblables  l'un  que  l'au- 
tre ,  il  vint  à  bout  de  prouver  à  la 
compagnie  qu'elle  étoit  faulfe.  Il  fe  fie 
enfuite  propofer  une  faufietc  de  celles 
que  l'on  a  coutume  de  prendre  pour  les 
plus  évidentes ,  &  par  le  moien  d'une 
douzaine  d'autres  argumens  vrai-fem- 
blables ,  il  porta  fes  auditeurs  à  la  re- 
connoîcre  pour  une  vérité  plaufible. 
L'aflcmblée  Çin  furprife  de  la  force  & 
de  retendue  de  génie  queM.  Defcar- 
tcs  faifoit  paroîcre  dans  fes  raifonne- 

mens: 


de  M.  De/canes.  Liv.IÏ.  ^r 

ïYiens  :  mais  elle  fut  encore  plus  éton-    iCii 
née  de  fe  voir  fi  clairement  convaincue  *— — r 
de  la  facilité  avec  laquelle  nôrre  efpric 
devient  la  duppe  de  la  vrai-femblance. 

On  lui  demanda  enfuite  s*il  necon- 
noilloit  pas  quelque  moien  infeillible 
pouu  éviter  les  fophifmes.  Il  répondit 
qu'il  n'en  connoilTbit  point  de  plus  in- 
faillible que  celui  dont  il  avoit  coûcu^ 
me  de  fe  fervir  ,  ajoutant  qu'il  l'avoit 
tiré  du  fonds  des  Mathématiques  ,  & 
qu'il  ne  cioioit  pas  qu'il  y  euft  de  ve- 
litez  qu'il  ne  pûft  démontrer  clairement 
avec  ce  moien  fuivant  Tes  propres  prin- 
cipes. 

Ce  moien  n'étoit  autre  que  fa  règle 
univerfelle  qu'il  appelloit  autrement  (a 
Mehode  natHrelle  ^Cut  laquelle  il  met- 
tait à  l'épteuve  tontes  fortes  de  propo- 
fitions.  Le  premier  fruit  de  cette  mé- 
thode étoit  de  faire  voir  d'abord  fi  la 
propofition  étoit  poQTble  ou  non.  L'au- 
tre fruit  confiftoit  a  lui  fiire  foudre  in- 
failliblement la  difficulté-  de  la  même  i^cardi. 

propofition.  naUeBe. 

Il  n'y  eut  perfonne  dans  la  compa-  ^l'nnine 
gnie  qui  ne  parût  touché  de  fes  raifon-  ^  ««««er 
nemens  :  mais  perfonne  ne  les  goûta  ^'^D^f  "' 

mieux. 


çt      j4hregê  de  la  Vie 

j   ^      mieux  que  le  Cardinal  de  Berulle ,  qui 
témoigna  à  M.  Defcaites  qu'il  fouhai- 
teroit  l'entendre  encore  une  autre  fois- 
fur  le  même  fujet  en  particulier.  M.DcC 
cartes  fenfible  à  Thonneur  que  lui  fai- 
fbit  une  perfonne  de  cette  importance^ 
lui  rendit  vilîte  peu  de  jours  après ,  Se 
l'entretint  des  premières  penfèes  qui 
lui  étoient  venues  fur  la  philofophie, 
après  s'être  apperçû  de  l'inutilité   des 
moiens  qu'on   emploie  communément 
pour  la  traiter.  Il  lui  fît  entrevoir  les 
fuites  que  ces  penfées  pourroient  avoir 
fi  elles  étoient  'nen  conduites,  &  Tu- 
tilité  que  le  public  en  retireioit  fi  l'on 
appliquoit  fa  manière  de  philofopher  à 
la  Médecine  &  àlaMechanique,  donc 
l'une  produiroit  le  rètablilTement  &  la 
confervation  de  la  fanté ,  l'autre  la  di- 
minution &  le  foulasiement  des  travaux 
des  hpmmes. 

Le  Cardinal  n'eût  pas  de  peine  à  com- 
prendre l'importance  du  delîein  ;  &  le 
jugeant  très- propre  pour  l'exécuter,  il 
emploia  l'autorité  qu'il  avoit  fur  fon 
efprit  pour  le  porter  à  entreprendre  ce 
grand  ouvrage.  U  lui  en  fit  même 
une  obligatiçn  de  cojûfcience.  Il  lui  fit 

emendte 


de  M.  De/cartes.  Liv.II.  ^3 

entendre  qu'aianc    reçu  de  Dieu  une    i6i2 
force  &  une  pénétration  d'efprit  avec  ^ 

des  lumières  fur  cela  qu  il  n*avoitpoinc 
accordées  à  d'autres,  il  lui  rendroitun 
compte  exad  de  l'emploi  de  fes  lalens, 
ôc  feroit  refponfable  devant  ce  juge  fbu- 
verain  des  hommes  du  tort  qu'il  feroic 
au  genre  humain  en  le  privant  du  fruit 
de  fes  méditations.  Il  alla  même  jut 
qu'à  l'alTurer  qu'avec  des  intentions 
auflî  pures ,  &  une  capacité  d'efpriraufli 
vafte  que  celle  qu'il  lui  connoilToit, 
Dieu  ne  manqueroit  pas  de  bénir  fou 
travail,  &  de  le  combler  de  tout  le 
fuccés  qu'il  en  pourroit  attendre. 

L'impreflion  que  les  exhortations  de 
ce  pieux  Cardinal  firent  fur  lui,  fe  trou- 
vant jointe  à  ce  que  fon  naturel ,  &  (à 
raifon  lui  didoient  depuis  long-temps, 
acheva  de  le  déterminer.  Jufques  la  il 
n'avoir  encore  embi  alfé  aucun  parti  dans 
la  philofophie  i  &c  il  n'avoit  point  choifi 
de  feâ:e,comme  nous  l'apprenons  de  lui- 
même.ll  feconfirma  dans  la  refoiution  de 
confeiver  fa  liberté  ,  ôc  de  travailler  fur 
la  Nature  même ,  fans  s'arrêter  à  voir  en 
quoi  il  s'approcheroit  ou  s'éloigneroic 
de  ceux  qui  avoieni  traité  la  philofo- 
phie ayant  lui,  Le8 


94  ^Ahrege  de  la  Vie 
^^^  Les  inftances  que  Tes  amis  renolivél-' 
lerent  pour  le  prefler  de  communiquée' 
fes  lumières  au  Public  ne  lui  permirent 
pas  de  reculer  plus  loin.  Il  lie  délibéra 
plus  que  fur  les  moiens  d'exécuter  fou 
deffein  plus  commodément  :  &  aiant 
marqué  deux  principaux  obftacles  qui 
pourroient  Tempêcher  de  reliOTir  -,  fça- 
voir  la  chaleur  du  climat ,  &:  la  foule' 
du  grand  monde  ,  il  refoluc  de  fe  retirer' 
pour  toujours  du  lieu  de  fes  habitudes, 
&  de  fe  procurer  une  folitude  parfaite 
dans  un  pays  médiocrement  froid ,  ol! 
il  ne  feroit  pas  connu. 


LIVRE  TROISIE^ME' 

depuis  i6t^  jufqu  en  1^57. 

*ir"     )|    I  A  NT  choifi  la  Hollande  pout 
^/^/''/' jfJL  le  lieu  de  fa  retraite,  comiie  lé 
câfagm,  plus   favorable   à   l'exécution   de    fe$ 
^HllJd   ^^^^^^"^  5  ^^  établit  le  P.  Merfenne  foii 
'  correfpondant  pour  le  commerce  des  let- 
tres qu'il  devoir  entretenir  en  France, 
^  commit  le  foin  de  fes  affaires  do- 

nieftiqu©^- 


de  Ai.Defcàtrtes.  Liv.tll.  95 

ir.eftiques  à  /Abbé  Picoc.  Etant  forti  '^^^ 
de  la  Ville  vers  le  commenrement  de 
TAvent  de  l'an  16 iS ,  il  ne  jugea  point 
à  propos  d'aller  droit  en  Hollaixle  poUE 
ne  pas  expofer  d'abord  fa  (ànté  à  la  ri- 
gueur de  lai  (àifon  :  mais  il  Te  retira  en 
un  endroit  de  la  campagne  où  il  pa(îa 
l'hiver  loin  des  commoditez  des  villes 
pour  s'accoutumer  par  dégrez  au  froid 
&  à  la  folitude. 

Après  un  apprentifïage  de  prés  de  i^^^ 
quatre  mois,  il  prit  la  route  de  Hollan-  «— 
de  fur  la  dn  de  Mars  de  l'an  léip.  Il 
achevoit  alors  la  trente-troifiéme  année 
de-fèn  âge  :  &  à  peine  fut- il  arrivé  à 
o\mfterdam  ,  qu'il  reçût  avis  du  mécon-* 
lentement  Me  ceux  qui  murmuroienC 
contre  fa  refoîution  ,  ôc  qui  blâmoient 
fa  retraite.  Les  plaintes  qu'on  en  forma 
n'avoient  point, à  vrai  dire, d'autre  four- 
ce  que  l'eftime  6»:  l'amitié  des  perfcnnes 
de  fa  connoillàncequi  fe  croioient  aban- 
données. Elles  fe  reduifoient  à  trois 
fortes  de  reprocbes  qu'on  lui  faifoit  ; 
premièrement  d'avoir  quitté  la  France, 
ou  la  reconnoilTance  pour  fa  nailTance  & 
fon  éducatio  fembloit  devoir  l'attacher-, 
CFifuite  d'avoir  choiii  la  Hollande  pré- 
férable- 


'fd       Jihregè  de  la  Vie 
j^2p    ferablement  à  tout  autre  endroit   de: 
-  rEurope  j  ^  enfin  d'avoir  renoncé  à  Jâ, 

fociecé  humaine  en  fui^u  les  coinpa-' 
gnies. 

Comme  il  avoir  préparé  fonefprit  à- 
tout  événement ,  il  s'^toit  aufli  endur-- 
61  le  cosur  contre  lafaulTe  tendrelle  :  ô^,' 
perfuadé  que  fa  conduite  n'avoit  beroiii: 
4  aucune  juftification  ,  il  ne  fe  mit  pas- 
en  peine  défaire  cefler  les  plaintes dej 
fes  proches  &  de  fes  amis.  Mais  voiant 
^ue  le  temps  avoit  diflipé  leurs  rellenti-»» 
mens  dont  la  raifon  n'auroit  peut-êtrév 
pu  venir  à  bout  fur  l'heure,  il  voulut, 
bien  donner    des    éclaircillèmens  à  faV 
conduite  pour  la  (atisfa^tion  de  ceux 
qui  auioient  été  touchez  de  ces  fortes, 
de  reproches.  Pour  raifon  d'avoir  quit- 
té la  France ,  il  alleguoit  les  importu- 
nirez  du  grand  monde  qu'il  auroitécé 
obligé  de   voir  &:  de  fouffiir  dans  fon 
pays  au  préjudice  de  fes  écudes,  outre 
la  chaleur  du  climat  qu'il  ne  tiouvoit 
point  favorable  à  fon  tempérament  pai* 
rapport  à  la  liberté  de  fon  efprir.  Pour 
juftiner  le  choix  qu'il  avoit  £ii[  de  la 
Hollande  ^  il  rapportoit  la  tranquillité' 
i&ii:  le  funds.de  ce  pays  jquilïoit,en- 

viionnc 


de  M.  Dejcartes.  Liv.  III.  57 

vironné  des  armées  qui  fervoient  à  le    i^î^ 
conferver  ;   les  commoditcz  de   Id  vie  ^ 

que  le  commeice  y  produifoic  ;  les 
moiens  d'y  vivre  folitaire  ôc  inconnu 
au  milieu  d'une  foule  de  peuple  occu- 
pé de  Tes  propres  affaires  Ôc  enfin  la 
qualité  du  climat  préférable  pour  ia  famé 
à  la  chaleur  de  lair  d'Italie  dont  il  au- 
roit  choifi  le  féjour  fans  cela  par  la 
confideration  de  la  Religion  Catholique, 
Mais  pour  ce  qui  eft  du  reproche  qu'on 
lui  faifoit  de  fuir  la  compagnie  des 
hommes,  il  étoitbien  perfuadé  quec'é- 
toit  moins  fà  caufe  particulière  que 
celle  de  tous  les  grands  Philofophes  ^ 
qui  pour  fe  procurer  la  liberté  devac- 
qucr  à  l'étude  &  à  la  méditation  ont 
abandonné  la  Cour  des  Princes,  &  le 
féjour  de  leur  patrie. 

Etant   arrivé   en  Hollande  il  fie  -*— ^=J 
connoître  d'abord  qu'il  s'y  regarderoit      ^^^ 
toujours  comme  un  étranger  qui  n'afpi-  ambuut 
roic  point  aux  droits  de  citoien  ,  ôc  il  re&ca^ 
ne  chercha  à  fe  loger  qu'avec  la  refo-  HcLaJi 
lution  de  changer  louvent  de  demeure. 
L'efpace  de  plus  de  vingt  ans  qu'il  palla 
en  Hollande ,  qu'il  appelloit  fon  hermi- 
tage ,  n'eût  prefque  rien  de  plus  ftable 

que 


5>8       Alregé  de  la  Vie 

^"^^  que  le  féjour  des  Ifraelices  dans  l'Arabie 
'  déferre.  Quoiqu'il  fe  vanrât  de  pouvoir 
garder  la  folicude  dans  la  plus  grande 
toule  des  peuples  aufli  aiféinent  que 
dans  le  fond  des  defeits ,  il  évitoic  néan- 
moins le  coeur  des  grandes  villes  ,  & 
nffedoit  de  loger  au  bout  de  leurs  faux- 
bourgs.  Il  leur  préferoit  toujours  les 
villages  &  les  maifons  détachées  au  mi- 
lieu de  lacampagne^autant  qu'il  en  pou- 
voir trouver  de  comn:iodes ,  &  qui  fuf- 
fent  alPez  voifuies  des  villes  pour  eit 
tirer  fa  fubfiftance  plus  facilement. 

Jamais  ou  rarement  faifoit-  il  addrefTet 
ks  lettres  &:  les  paquets  qu'on  luien- 
Voioit  au  lieu  de  fa  demeure  en  droiture, 
afin  d'êcre  mieux  caché.  Cétoit  tantôt  à 
Dort  par  M.  BecKman ,  à  Harlem  pat 
M.  Bloemaërt,  àAmfterdam  par  Made- 
nioifelle  Reyniers ,  ou  M.  Van-Sureck 
.  de  Bergen  j  à  Lcyde  par  M.  Hooghe- 
land  i  &  tantôt  à  Utrecht  par  M.  Re- 
gius,  ou  M.  Schurmans,  frère  de  la 
fçavante  Demoifclle  de  ce  nom.  Il  n'y 
avoit  ordinairement  que  le  P.  MeiTenne 
en  France  qui  eût  fon  fecret  là  delTus  j 
&  il  le  luy  garda  fi  religieufement  que 
plufieqrs  des  gens  de  lettres  &  des  cu- 
rieux 


de  Al.  Defcartes.  Liv.  III.  957 

tkux  de  France  qui  voiagérenc  pendant  ^^^^^ 
tout  ce  tenaps  en  Hollande  ,  forent  pri- 
vez de  la  facisfadion  de  le  voir  pour 
n'avoir  pu  le  déterrer.  De  Ton  côté 
lorfqu'il  écrivoit  à  fes  amis,  fur  tout 
avant  qu'il  fe  fût  établi  à  Egmond ,  il 
dattoit  ordinairement  fes  lettres  non 
pas  du  lieu  où  il  demeuroit  ,  mais  de 
quelque  ville  ,  comme  Amfterdam ,  Ley- 
de,  &c.  où  il  ctoit  allùré  qu'on  ne  le 
trouveroit  pas.  Lorfqu'il  commcncoit  à 
être  trop  connu  en  un  endroit  de  qu'il 
fe  voioit  vifité  trop  fréquemment  par 
des  perfonnes  qui  lui  étoient  inuti- 
les 5  il  ne  tardoit  pas  de  déloger  pour 
rompre  ces  ha'Mtudes ,  3c  fe  retirer  en 
un  autre  lieu  où  il  ne  fût  pas  connu. 
Ce  qui  luy  reiiffic  jufqu'à  ce  que  fa 
réputation  fervît  à  le  découvrir  par  tout 
où  elle  le  fuivoit  comme  fon  ombie. 

D*Amfterdam  où  il  s'étoit  arrêté  d'à-   ,;     j 
bord  il  palla  en  Frile  \  &  le  retira  près  meureren 
de  Franexer.    Il  fe  logea  dans  un  petit  ^/^^Hfiu 
château  qui  n'étoit  feparé  de  cette  ville  ■^f<-'  »>^- 
que  pat  un  folfé.  Il  jugea  ce  lieu  d'au-  ''l'^^Jtafhy^ 
tant  plus   commode  pour  lui  que  l'on  M^i\ 
y  difoit  la  Melfe  en  toute  fureté ,   & 
c^u'on  y  trouYoit  une  liberté  entière  pour 

tous 


ïOO       'Àhregê  de  U  Vie 

tous  les  aurres  exercices  de  la  Religion 

Catholique, 

Ce  fût  là  qu'aiant  renouvelle  devant 

les    autels  fes  anciennes  proceftations 

de  ne  travailler  que  pour  la  gloire  de 

Dieu  &  l'utilité  du  genre   humain ,  il 

voulut  commencer  Tes  études  par  fes 

Méditations  fur  Texiftence  de  Dieu  & 

l'immortalité  de  nôtre  Ame.  Mais  pour 

ne  rien  entreprendre  fur  ce  qui  étoit  du 

relfort  de  la  Théologie  ,  il  ne  voulut 

envifager  Dieu  dans  tout   Ton  travail 

que  comme  l'Auteur  de  la  Nature,  à 

qui  il  prétendoit  confacrer  tous  fes  ta- 

iens.    Ce  n'étoit  pas  la  Théologie  na- 

Y  turelle ,  mais  feulement  celle  de  reve- 

lïl.    Jation  qu'il  excluoit  de  fes  defleins. 

Ses -vues      II.   ne    donnoit  pas  tellement  foti 

twchant    temps  à  la  Metaphyfique  ou  Theolo- 

t%ue°^'  gie  naturelle  qu'il  n'en  refeivât  quelque 

portion  pour  les  expériences  de  Phy- 

nque ,  &  particulièrement  pour  celles 

de  la  Dioptrique ,  aufquclles  il  s'étoit 

dé)a  beaucoup  appliqué  en  France.    A 

peine  fe  vit-il  établi  en   Frife  qu'il  fe 

fouvint  d'avoir  laillé  à  Paris   le  fieur 

Ferrier  ,  ce  célèbre  ouvrier  d'inftru- 

•mens  de  Mathématiques  qu'il  avoir  em# 

ploié 


de  M.  Defcdrtes.  Liv. lu,   loi 

ploie  pour  la  caille  des  verres.  Il  ne  fe    ^^^9 
crut  pas  dcchaigé  du  foin  qu'il  avoit  ^ 

pris  autrefois  de  ("a  fortune  6c  de  Ton 
inftrudion.  Mais  les  offres  qu  il  lui 
fit  de  le  recevoir  chez  lui  ôc  de  l'en- 
tretenir comme  Ton  ftére,  dans  une 
communication  égale  de  biens  ik  d'étu- 
des devinrent  inutiles  par  le  défaut  de 
conduite  dans  Ferrier  5  que  la  négligen- 
ce fit  tomber  depuis  dans  diverfes  mi- 
sères aufquelles  M.  Defcartes  qui  les 
lui  avoit  prédites  ,  ne  pût  remédier 
qu'à  demi  de  fi  loin. 

Les  irrefolutions  de  Ferrier  lui  firent  Ji  retour^ 
changer  les  mefures  prifes  pour  di-  ]urdamT 
vers  laboratoires  qu'il  avoit  déjà  pré- 
parez dans  fa  maifon  prés  de  Frane- 
Ker  afin  de  le  faire  travailler  aux  inftru- 
mens  Se  aux  verres.  Au  bout  de  fix 
mois  il  quitta  cette  demeure  pour  reve- 
nir à  Amfterdam  ,  où  il  emploia  encore 
trois  mois  à  fes  Méditations  Metaphy- 
fiques.  Mais  le  traité  qu'il  en  avoir  com- 
mencé fut  interrompu  par  d'auties  étu- 
des au  commencement  de  l'année  fui- 
vante,&  il  ne  le  reprit  que  dix  ans  après.  • ^ 

I  L  E  T  o  I T  encore  en  Frife  lorfqu'il     I  V.  *; 
fut  follicité  de  donner  fes  réflexions  lur       ffio» 

,     dt    (on 
*c  trutU  (Us 


Ï02,         Abrège  de  la  Vie 

y^^S>    le  fameux  phénomène  des  FarhHîesovL, 
^7"      '  faux  Soleils  obfervé  à  Rome  le  xx  de 

Metcores  t  »    i  r  •         i     » 

•phénome-  Mars  de  1  an  16x9. L  oblervation  lui  avoïc 
^rJélkff'  ^^^  envoiée  par  le  P.Merrene,&  dés  au- 
paravant par  le  (îeur  Henry  Reneri  oïl 
"Hunier  nouvel  ami  qu'il  avoit  fait  à  fou 
arrivée  en  Hollande,  &  qui  fut  depuis 
confideré  comme  le  premier  de  fesdif- 
ciplesou  fedateurs  ,qui  aient  enfeigné 
publiquement  fa  Philofophie.  Reneii 
î'avoit  receuë  de  M.  GalTendi  qui  écoit 
alors  en  Hollande,  ^  qui  y  fit  lui-mê- 
me  une  diirertation  dans  le  cours  de  fou 
voiage,avant  M.  Defcartes, 

C'eft  a  cette  obfervation  des  Parhélies 
que  le  public  eft  redevable  en  partie  du 
beau  traité  des  Météores  que  M. Def- 
cartes lui  donna  quelques  années  après. 
Il  interrompit  fes  Méditations  Metaphy- 
fiques  pour  examiner  par  ordre  tous  les 
Météores  :  &  il  travailla  plufieurs  jours 
fur  cette  matière  avant  que  d'y  trouver 
dequoi  le  fatisfaire.  Mais  enfin  s'étanc 
mis  en  état  par  plufieurs  obfervations 
tres-exades  de  rendre  raifon  de  la  plus- 
part  des  Météores ,  &  fur  tout  des  cou- 
leurs de  l'Arc- en-Ciel  qui  lui  avoienc 
donné  plus  de  peine  que  le  relk^  ii  re. 

foluc 


âe  M.DeJcarteî.  Liv.IIL  105 

folut  d'en  Bire  un  Traité  qui  finie  par  là  J^^P 
diiîertanondes  Parhélies,  — — 

A  SON  retour  de  Frife  il  perdit  un 


excellent  dire6teur&:  unamitrcs-fincé-      V. 
reen  la  perfonne  du  Cardinal  de  Berul-  r^^'2^. 
le  mort    fubitement  à  Paris  le  i  jour  ''^f"»-  le 
d'Odobre.  Il  avoit  toujours  eu  beau-  ^'^^^^ 
coup  de  vénération  pour  Ton  mérite ,  ^c. 
beaucoup  de  déférence  pour  fesavis.  Il 
le  confidtroit    après  Dieu  comme   le 
principal  auteur  de  Tes  delVeins  :  &  il 
eût  la  fatisfadtion  après  fa  mort  de  trou- 
ver de  Tes  difciples ,  je  veux  dire  ,  des 
Prêtres  de  l'Oratoire  entre  les  mains 
defquels  il  pût  confier  la  diredion  de  fa 
confcience  pendant  tout  le  temps  de  fa 
demeure  en  Hollande. 

Il  ne  fe  vid  pas  plutôt  établi  à  Amfter-  ^tude  ds 
dam  que  ne  pouvant  oublier  la  Ç[\\ de  (a  cine^'d^^' 
Philofophie  qui  n'écoit  autre  que  Tuti-  ^'  -^«-'^- 
li:é  du  genre  humain, il  entreprit  ferieu-  aijrÎLJ^ 
fement  l'étude  de  la  Médecine  ,  &  s'a- 
pli  qua  en  particulier  à  TAnatomie  &  à  la 
Chymie.   Il  s'étoit  imaginé  que  rien  n'é- 
toit  plus  capable  de  produire  la  félicite 
temporelle  de  ce  monde  qu'une  heu- 
reule  union  de  la  Médecine  avec  les  Ma- 
thématiques. Mais  avant  que  de  pou- 

F  voit 


•10  4     'Ahegeàe  la  Vt^ 

aéip    voir  Contribuèi- au  ibulagcment  des  tra-  ' 
'  vaux  de  l'hon-ime ,  &:  à  la  multiplication 
<îes  commoditcz  de  la  vie  par  la  Mécha- 
nique  ,  il  jugea  qu'il  falloic  cheixheu  les 
nioicns  de  garantir  le  corps  humain  de 
tous  les  maux  qui  peuvent  troubler  fa 
faute  ,  &  lui  ôter  la  force  de  travailler^ 
Ce    fut  dans  cette  perfuafion  qu'il 
commença  l'exécution  de  Tes  d^llcins 
par  rémde  de  l'Anatomie  ,  à  laquelle  il 
cmploia  tout  l'hiver  qu'il  palTa  à  Am- 
fterdam.  Il  témoigne  que  l'ardeur  qu'il 
avoit  pour  cette  connoilTance  le  faifoif 
aller    prefque  tous  les  jours  chez  un 
boucher  pour  lui  voir  tuer  des  bêtes,. 
&  que  de  là  il  faifoit  apporter  chez  lui 
les  parties  des  animaux  qu'il  vouloic 
anatomifer  plus  àloifir.  Il  en  ufa  de  mê- 
me très -fou  vent  dans  les  autres  lieux  où 
il  fe  trouva  depuis  j  ne  croiant  pas  qu'il 
y  eût  rien  de  honteux  pour  lui ,  ni  rien 
â*indigne  de  fa  condition  dans  une  pra^, 
tique  qui  étoit  trcs-innocente  en  elle- 
même  3  Se  qui  poayoit  devenir  très- utile 
dans  fcs  eft-èts. 

Il  joignit  l'étude  de  laChymie  à  celle 
,de  l'Anacomie  dés  la  fin  de  l'an  1629:  & 
il  nous  allure  qu'il  apprenoit  tous  les 

jours 


éAl.VeJcdrtes.Liw.lU,  Î05 

jours  dans  cette  fçience  ,  comme  dans    j^,(5 

Tautre,  quelque  chofe  qu'il  ne  trouvoic -î 

pas  dans  les  livres.  Mais  avant  que  de 
fe  mettre  à  la  recherche  des  maladies  & 
des  remèdes  ,  il  voulut  fçavoir  s'il  y 
avoit  moien  de  trouver  une  Médecine 

qui  fud  fondée  en  demonftrations  in-  ^ ^ 

faillibles.  yj   ^ 

Ces  commencemens  furent  pour  yi  j. 
lui  beaucoup  plus  heureux  qu'il  n*avoit  Mauvai. 
ofé  refperer  :  &  il  ne  pouvoit  manquer  ("/^J^"^"*" 
à  la  fatisfâ(5tion  qu'il  avoit  de  voir  les  éee^mayt 
premiers  fuccés  de  fes  études  que  TaiTu-  c>"^«^''- 
rance  d'en  voir  laluite.   Le  plailir  qu'il 
en  recevoir  lui  faifoit  goûter  de  plus  en 
plus  les  douceurs  de  (a  retraire  ;  ik.  rien 
ne  troubla  fon  repos  cette  année  que  la 
mauvaife  conduite  de  Becckman  de  de 
"Ferrier  à  fon  é^ard. 

Le  premier  plus  âgé  que  lui  de  prés 
de  trente  ans  voiant  croître  la  belle  ré- 
putation aux  yeux  du  public,  ht  éclater 
une  demangeaifon  pedantefque  pour  fai- 
re croire  qu'il  avoit  été  autrefois  fon 
Maître  :  quoiqu'il  eût  appris  lui-même 
de  M.  Defcartes  ,  ce  qu'il  fe  vantoit  de 
lui  avoir  enleigné.  Il  lui  fit  là  delTuà 
des  leçons  néce flaires  pour  le  faire  ren- 

F  ij        ttec 


I 


lOt;        Jhregé  de  la  F'ie 

1^30  trer  en  lay- même  :&  quoiqu'il  voulût 
"'■-  ■"  bien  lui  abandonner  ce  qu'il  lui  avoic 
autrefois  donné  fur  TAlgébreJa  Dioptri- 
que  Se  la  Géométrie  ,  il  lui  fît  rendre 
l'original  de  ion  traité  de  Mufique  qu'il 
lui  avoix  laillé  depuis  dix  ans  pour 
mettre  au  moins  quelques  bornes  à  fa 
vanité. 

L'autre  reconnoilfant  la  faute  qu'il 
avoit  faite  Tannée  précédente ,  en  refu- 
fant  d'aller  demeurer  avec  M.  Defcarces^ 
en  Frife  ',  &c  voulant  la  réparer  en  un 
temps  on  M.  Defcartes  n'étoit  plus  en 
état  de  lui  faire  .de  femblables  avanta- 
ges ,  feignit  defe  plaindre  de  ù  mauvai- 
fc  fortune  pour  former  de  véritables 
plaintes  contre  fon  bienfaiteur.  Il  les 
porta  par  tout  Paris  auprès  de  tout  ce 
qu'il  y  avoit  de  gens  de  confideration 
dont  il  étoit  connu  ,  Ôc  dont  plufieurs 
écrivirent  en  fa  faveur  à  M.  Defcartes. 
Lui  pour  ne  pas  devenir  fufpe6td,e  du- 
reté fe  vid  obligé  d'en  veniï  à  des  éclair- 
çiiïemens  avec  eux,  &  de  juftifîer  l'é- 
loignement  &  TimpoflTibilité  où  il  étoit 
d'accorder  pour  lors  à  Ferrier  les  condi- 
tions qu'il  l'avoit  prelfé  d'accepter  lors 
gWiil  l'avoit  follicité  de  venir  prés  de  luy 

à 


de  M  Delcar(es.Liv.lU.  ioy 

à  Franeker.    Cependant  après  l'avoir    ^^5^ 
eonvaincaenparticuliec  qu'il  étoit  l'u-  ^ 

nique  auteur  du  mal  qu'il  (oufFroit  &C 
dont  il  fe  plaignoit  ,  il  voulut  bien  re- 
prendre pour  lui  Tes  prenriers  {èntimens 
cle  bienveillance  comme  il  fit  à  Tégard 
deBeecxman. 

Mais  pour  leconfoler  des  petits  fu-  ^■^^/^'J.* 
jecs  de  chagrin  que  ces  deux  homnies  A»>«- 
lui  avoient  caufez  ,  \]  lui  arriva  deux  p'^'^V* 
chofes  du  cofté  de  deux  autres  de  fes  bkuf. 
amis  qu'il  conta  au  nombre  des  bonnes 
fortunes  de  cette  année.  La  première  fuc 
la  vifite  que  le  P.  Merfenne  alla  lui  ren- 
dre dans  Amfterdam.  La  féconde  Ric  la 
publication  du  livre  du  P.  Gibieuf  tou- 
chant la  liberté  de  Dieu  &  de  laCreature 
ou  il  eût  le  plaifîr  de  trouver  de  quoi  au- 
torifer  ce  qu'il  penfoit  de  Tindiference 
&c  du  libre  arbitre, 

C  E  F  u  T  dans  le  même  temps  que  - 
le  Comte  de  Marcheville  nommé  par  le  VIII 
Roi   pour  être  fon  Amballadeur   à  la  \l  /;*/'*/' 

r»  \     r  1  1•^  -i      r    »  aller  Oii 

rorte  ,  le  hr  prier  de  vouloir  être  de  la  u, 
compagnie  avec  M.  de  Challeuil  ,  M. 
Bouchard ,  M.  Holftein ,  M.  Galfendi , 
le  P.  Théophile  Minuti ,  6c  plufieurs  au- 
tres fçavans  qu'il  pretendoit  mener  à 
F  iij      Conftan- 


'■jam* 


io«     Abrégé  de  la  F'/e. 

^^30    Conftantinople  &  dans  le  Levant.  !t 
euil:  (ouhaité  qu'une  femblablc  occadoil 
fè  fufl:  prcfentée  à  lui  quatre  ou  cinq 
ans  auparavant.  Mais  s'écant  mis  hors 
d'état  de  plus  vofager ,  il  s'en  excufa  fur 
fes  occupanons,qui  ne  lui  pcrmettoient 
pas  de  quitter  le  lieu  de  fa  retraite. 
—— -       Il  ne  lailfa  point  de  faire  le  voîage 
^^y^    d'Angleterre  peu  de  temps  après,  ôc  il- 
ji  -VA  en  ^^  ^'^"^  ^^  voifinîge  de  Londres  quel- 
AniU'     ques  obfervations  far  les  declinaifons  de 
^*'^^'       l'Ayman  qui  varient  en  Angleterre.  Ce 
voiage  qu'il  qualifioit  de  {impie  prome- 
nade fut  adez  court.  A  Ton  retour  il  fon- 
gea  aux  moiens  de  fe  décharger  &  !«•  P. 
Merfenne  avec  lui  d'une  partie  des  im- 
portunitez  que  fa  réputation  luiattiroit 
de  la  part  des  Mathématiciens  ,  afin  de 
ménager  le  loifir  de  l'un  &:  de  l'autre 
Il  ne     pour  des  études  plus  importantes. 
rveut^ius      Lçs  particuliers  fcachant   qu'il  n'y 
defrohié.  avoit  point  d  autre  voie  de  communica- 
w^^^/;er-  fJQj^  q^g  |g  q^j^^\  jg  ce  Père  pour  en- 

fe  réduit  voiet  leurs  confultations  à  M.  Defcar- 
refoJdn  ^^5^  P°^^  ^'^  recevoir  les  réponfes; 
^ue  ceux  allolcnt  en  foule  à  fon  convcnt  lui  por- 
PoZt-^  ter  leurs  queftions  ,  de  retournoienc  y 
Toiu       prendre  lesfolutions  &  les  éclairciffe- 

mens. 


de  M. Dejcar te  s. ViwJll.  105? 

mens  de  M,  Defcartes.  Ce  concours  16^1 
donnoic  an  Père  une  occupation  donc  il  ""^"^ 
avoir  la  bonté  de  ne  janiais  fe  plaindre: 
6c  non  content  d'exhorter  M.  Defcar- 
tes  à  répondre  à  toutes  les  queilions  qui 
lui  écoient  propofées  dans  les  pacqi^ets 
qu'il  luienvoioit,  il  le  provoquoit  en- 
core à  lui  envoier  de  Ton  coté  des  pro- 
blèmes à  prcpofer  aux  autres ,  donc  il  fe 
chargeoit  de  lui  renvoier  les  foiutions. 
M.  Defcartes  le  fît  fouvenir  qu'il  avoic 
renoncé  à  l'étude  des  Mathématiques 
depuis  pliîfieurs  années  ,  de  qu'il  étoic 
refelu  plufque  jamais  de  ne  plus  perdre 
Ton  temps  à  des  opérations  fteriles  de 
Géométrie  &  d'Arithmétique  ,  donc  la 
fin  n'aboutiiroit  à  rien  d'important. Mais 
fur  tout  il  lui  fit  entendre  qu'il  n'étoic 
plus  dan"^  le  dellein  do  propoler  aucun 
problème  à  qui  que  ce  full  ;  ôc  qu'il 
croioit  beaucoup  prendre  fur  lui-même, 
que  de  fe  réduire  dorefnavant  à  ne  re- 
foudre que  ceux  des  autres  ,  dont  il  té- 
moignoit  d'ailleurs  être  déjà  fort  fitigué. 
D'un  grand  nombre  d'amis  en  Fran- 
ce à  qui  Ton  abfence  paroillmc  difficile  à 
fupporter,  «Scqui  luideclaroient  la  paf-  yniehref. 
fioa  qu'ils  auroieiu  eue  d'aller  demeurer  luy^'^ 
F   iiij        avec 


210      Jhregè  de  la  Vie 

1^31.  avec  lui,  nous  ne  connoiflbns  qne  M^ 
- — —  cieBalzicdontiltémoignoic  qu*ilauroit 
agréé  la  compagnie.  Mais  il  faut  que  les 
obftacles  qui  fe  (ont  oppofcz  à  Texecu- 
tion  du  deflèin  de  M.  de  Balzac  aient  été 
bien  infurmontables ,  s'il  eft  vrai  com* 
me  il  le  protefte  bien  ferieufenneni  qu'il 
moifroit  d'envie  de  ferèùnir  h  lui  afin  àe 
ne  s^en  feparer  'jamais. 

M.  de  Ville- BrefTienx  fut  plus  heu- 
reux que  lui  en  ce  point  :  &  fa  prefenGC 
fut  d'autant  plus  agréable  à  M.  Defcar- 
tes  qu'il  connoidoit  en  lui  avec   une 
-  grande  facilité  d'efprit  beaucoup  de  g€- 

1^32.    riie  pour  les  Mechaniques ,  &  beaucoup 
d'inclination  pour  la   Chymie.   Ville- 
Brefîicux  non  content  de  devenir  fon 
difciple  voulut  encore  être  fon  domefti- 
que  pour  étudier  fa  conduite  aufli  bien 
que  (es  fentimens. 
~7        Henty  Reneri    que  nous  avons  die 
•  ^^''    avoir  été  le  premier  des  fedateurs  de 
M.  Defcartes  qui  eût  profefTé  publique- 
11  vx  de  ment  fa  Philofophie,c'e{l  à  dire  fes  prin- 
meunr  a  ^ipes  felou  fa  mcthodc ,  aiaut  été  fait 
Profeiïcur  en  Philofophieà  Devent^r, 
donna  envie  à  M.  Defcartes  d'aller  de- 
meurer en  cette  ville.  C'eft  ce  qu'il  fit 

vers 


d^e  Ad.Defcanes.LïvMl.  m 

^ers  le  printemps  de  l'année  1633.  ^^  ^^    ^^35 

reprit  le  foin  de  continuer  divers  ouvra- " 

ges  qu'il  avoit  interrompus  l'année  pré- 
cédente ,  Se  particulièrement  fa  Diop- 
trique  &  Ton  traité  du  Monde.  Il  s'ap- 
pliqua auffi  tout  de  nouveau  à  la  con- 
noilfance  des  chofes  celeftes  ,  ^'  Ces  ob- 
.  fervacions  aftronon-uques  lui  firent  bien- 
toll:  connoître  la  ncceiïîté  d'étudier  à 
fonds  la  nature  des-cométes. 

Il  prit  occalTon  de  cette  forte  d'étude 
pour  faire  au  P.  Merfenne  le  plan  d'une 
hiftoire  des  Apparences  celeftes  telle 
qu'il  la  concevoir ,  afin  de  contribuer  aa 
foulagemenc  de  ceux  qae  ce  Père  lui 
avoir  mandé  qui  Ce  plaifoient  à  travaillée 
pour  l'avancement  des  f<^iences  jufqu'à 
vouloir  mêc-ne  faire  toutes  fortes  d'expé- 
riences à  leurs  dépens.  -.-     ,^- 

I  L  ACHEVA   durant  l'été  de  cette     X. 
année  fon  traité  du  Monde,  que  le  P.  ^"''^^'''^^ 
Merfenne.  (S:   fes  amis  de  Paris  atten-"*'^" 
doient  avec  beaucoup  d'impatience.  II- 
Tappelloic  pm  Monde  ,  parcequc  c'é- 
toit  l'idée  d'un  Monde  qu'il  avoir  ima- 
giné fur  celui  ou  nous  v-ivons  \  $<.  il 
îenfernx)it  en  abrégé  toute  fa  Phyfique^ 
c^èftàdire  tpuccequ'il  pouvcàc  fçavoir 


m      yihr^géde  la  THi 

J633     des  chofes  matérielles,  hormis  ce  c^\ 
**—•  conceme  la  Lumière  qu'il  àvoit  voultu 
expliquer  dans  toucefon  étendue. 

Pour  ne  pas  s'engager  à  fuivre  ou  4. 
réfuter  les  opinions  qui  (ont  remues  paf- 
miles  Do6les ,  il  voulut  laiilèr  ce  Mon[- 
de.ci   à  leurs  difputes,  6c  parler  feulc^- 
nienc  de  ce  qui  arriveroit  dans  un  noii-- 
veau  Monde  ,  Ç\  Dieu  créoit  dans  les  ef. 
paces  inwginaires  alTez  de  matière  podc: 
îe  compofer.  Il  fuppofoic  que  Dieu  vou- 
lût agiter diveifemeni  &  fans  oidre  tou- 
tes les  parties  de  cette  matière ,  de  force: 
qu'il  en  compcfaH:  un  chaos  ou  une  malîe 
confufe  i  &  qu'en  fuite  il  ne  fift  autre, 
chofe  que  prêter  fon  concours  ordinaire 
à  la  Nature  ,  Ôc  la  lailFer  agir  fuivanc  les.. 
loixqu  il  a  établies. 

Dans  cette  fuppofîcion  il  décrivit  d'a- 
bord cette  matière.  Il  fîc  voir  quelles 
ctoientles  loix  de  la  Nature.  Il  montra 
enfliîte  comment  la  plus  grande  partie 
de  la  matiér;  de  ce  chaos  devoir  en  con- 
féquenee  de  ces  loix  fe  difpolèr  &  s'ar- 
ranger d'une  certaine  manière  qai.Ia: 
lendoit  femblable  à  nos  cieux  ,  ôcc. 

De  la  defcLiption  de  tous  les  corps, 
ïsnaginablesjqui  pouyofent  être  compo- 


de  M. De/cartes, Liv. m.  113 

fez  de  cette  matière, il  voulut  paOir  à  i^55 
rexpofitioii  de  TAme  laifonnablejui:  la-  ""^""^ 
quelle  il  ciût  qu'il  étoit  à  puopos  de  s'é- 
tendre plus  au  long.  Il  fie  voir  qu'elle 
Ile  peut  être  tirée  de  la  puillance  de  la 
matière  comme  les  autres  chofes  dont  il 
avoit  parle  ,  mais  qu'elle  doit  être  cx- 
prelTément  créée.  ^ —  * 

Il  k e  V o  1  o I t  fon  traité  du  Mon-  -^  ï- ^ 
de  pour  Tenvoicr  au  Père  Merfenne,  de  ^^^' 
le  faire  imprimer  à  Pans  avec  le  privilè- 
ge du  Roy  ,  lorfqu'il  apprit  la  nouvelle  damn^' 
de  l'accident  qui  étoit  arrivé  à  Galilée.  f'-O'^ ,  /^« 

r^     \  1      \  ■    •  -''fi'  Galilée 

Le  Mathématicien  avoit  ece  oblige  par  i„i  f^r- 
les  Inq-uifiteurs  du  faint  Office  d'abjurer  ^'^^'JJ'!'^^ 
publiquement  fon  opinion  du  mouve- 
ment de  la  Terre  comme  une  véritable 
herefie  ;  &  il  avoit  été  renfermé  dans  les 
prifonsde  riliquifition . 

Cette  aventure  farprit  d'autant  plus 
M.  Defcartes  qu'il  avoit  d'un  côté  beau-- 
coup  de  foûmiiïïon  pour  le  faine  fiége , 
èc  que  de  l'autre  il  étoit  perfuadc  que 
l'opinion  du  mouvement  de  la  Terre  efi: 
la  plus  vrai-femblable  ,&:  la  plus  com- 
mode pour  expliquer  tous  les  phénomè- 
nes. Ceil  fur  cette  hypothéfe  qu'il  avoir 
conilruic  la  plus  grande  parue  de  fon 
F-  vj       Mqndôi. 


ie  tratt9 


Il 4  j4hregè  de  la  Vie 
Monde.  De  force  que  ne  la  pouvant  ôcer  - 
fans  rendre  le  refte  tout  defedueux  ,  il 
aima  mieux  relTerrer  fon  traité ,  que  de 
le  faire  paroître  eftropié  ,  ou  de  s'cxpoi- 
fer  à  la  méchante  humeur  des  Inquisi- 
teurs de  Rome,  en  publiant  Thypothcfè 
qu'ils  avoient  condamnée  fans  la  com- 
prendre. Il  voulut  neantmoins  donner 
un  tour  nouveau  à  fon  explication  dit' 
mouvement  de  la  Terre  ,  ^  montrer 
comment ,  à  la  différence  de  Galilée,  on 
peut  nier  ce  mouvement  :  quoi  qu'ell'e 
foit  véritablement  emportée  ,  &  que 
Thypothéfe  de  Copernic  fubfifte  en  fon- 
entier.  Ce  qu'il  fit  non  pas  tant  po»r 
jettcrde  la  pouffiere  aux  yeux  des  Inqui- 
fîteurs,  que  pour  expliquer  les  endroits 

J^54     de  l'Ecriture  qu'on  a  coutume  d'alle- 

XIII    g^'^^^^'ontrecefentiment. 

iLraou,'-  ^  L  E  S  E  j  o  u  R  de  M.  Defcartes  à  De* 

«^  <Vy^^;- venter  oiV  il  écoit  depuis  le  mois  d'A- 
vril de  Tnn  1655  lui  produifoit  unefoli- 
tude  fort  entière  &  fort  tranquille, 
n'aiant  point  en  ce  lieu  d'autre  conver- 
facion  que  celle  de  fon  ami  Bencri  qui 
y  profetfoit  la  Philofophie.  Mais  com- 
me/ elle  écoit  un  peu  trop  écartée  des- 
grandes  routes  des  Meflagers  pour  l'en,- 

tietieu» 


lier  dam. 


de  M.Defcartes.Liw.lU.  115 

cretien  de  Ton  commerce  avec  le  P.  Mer-    i(^^ 
fenne  Ôc  le5  antres  fcavans  ,  il  quitta         - 
cette  demeure  Tannée  fuivante  pour  re- 
tourner  Amfterdam. 

Peu  de  temps  après  il  fit  un  voiage  ^^  ^^  «« 
en  Danemarc  &:  en  baiîe  Allemagne  ,narc' 
avec  M.  de  Ville-Bceflieux ,  qui  ne  pro-  ^^'^.^: 
fitoic  pas  moins  de  Tes  inftrudions  fur  bre[[tMx% 
les  chemins  que  dans  leur  maifon  d'Am- 
fterdam.  Ce  fut  fur  fes  préceptes  ,  & 
principalement  fut  fa  grande  maxime 
que  les  chojQn  les  plui  Jimples  font  d'or^ 
dtnaire  It^  plus  excellentes  ,  que  M. de 
Ville-Breffieux  inventa  tant  de  belles 
machines  pour  les  ufages  de  la  vie. 

Il  lui  inculqua  divers  autres  princi- 
pes fur  lefquels  cet  homme  a  fait  depuis 
des  expériences  qui  l'ont  fait  paffer  pour 
un  ^enie  extraordinaire  dans  laChymie, 
la  Mcchanique  .  &  l'Optique. 

D  A  N  s  le  temps  que  M.  Defcartes 
quitta  la  ville  de  Devcntcr ,  Reneri  en 
foitit  aufli  pour  palTer  à  Ucrecht  où  le  ««,%«« 
Magiftrat  l'avoit  attiré  pour  protcilerla  funiinié' 
-Philolophie  dans  le  collcge  que  Tonde-  ^^rrechu 
voit  bien-  tôt  changer  en  Univerfité,  Ce 
fç^vant  homme  qui  avoit  puifé  tout  à 
loiiu  la  Philofophie  de   M.  Defcartes 

dans 


rr^j       Ahegé  de  la  Vie  . 

1^3^.  dans  fa  fource  lorfqu'il  jouilToit  de  fa 
r-  ■-  prefence  ,  fe  fervic  d'une  C\  favorable 
conjonâiare  pour  rendre  l'Univer/îcé 
Cartefienne  dans  fe  nalifance.  C'eft  ce 
qu'il  fie  avec  tant  de  prudence  ^  dedif- 
cretion  que  jannais  il  n'y  feioit  arrivé  de 
troubles  Ci  le  zèle  précipité  de  celui  qui 
vint  après  lui  n'eue  gâté  fa  belle  éco- 
3^35.     nomie. 

I  L'hiver  fuivant  fournit  à  M.  Def- 

^,.  cartes  de  la  nriatiere  aux  obfervations • 
Tio-2s  fur  qu  il  ht  lur  la  nege  a  fix  pointes ,  & 
(^  »'^ie  p^f  occafion  furlaerêle  ^  la  pluie.  Il 
en  ht  depuis  le  iujctdu  nxicme  dilcours 
que  l'on  voit  dans  le  traité  de  fes  Mé- 
téores. Mais  fur  tout  il  parut  (î  content 
des  obfervations- que  la  nége  qui  tom- 
ba cet  hiver  lui  fit  Faire,  qu'il  auroicfoiT. 
haité  que  toutes  les  expériences  dont  il 
avoit  befoin  pour  le  refte  de  fa  Phyllque 
piiffent  luy  tomber  ainfi  des  nu'és  >  ôc 
qu'il  ne  fallût  que  des  yeux  pour  1er 
c-onnoître. 

Le  fou  venir  de  fa  belle  folitude  de 
Deventer  le  fit  enfuite  retourner  en  cet- 
te ville  pour  éviter  les  fréquentes  vifites 
que  lui  attiroit  le  fejour  d'Amfterdam. 
Cinq  cfu  fix  mois  après ,  c'eft  à  dire  vers 
^'      '  la. 


de  M,DefcartesX\v M\.  117 

là  fin  de  l'automne  de  Tan  1^3 f ,  il  pafTa     lél^ 
en  Fiife  ,  &  alla  fe  retirer  à  Lieuvarden  ■  ^ 

ville  principale  de  la  province,  à  deux 
lieues  de  Frane^er,  où  il  avoit  demeuré 
dés  l'an  i^ic?*  Là  il  compofa ,  ou  pour 
jne  fexvir  de  fes  termes  ,  il  brocha  fon 
petit  traité  de  Mechanique  pour  M.  de 
^ZitytUclosm  (on  ami  &  fon  Correfpon- 
dant  qui  étoit  un  Gentilhomme  de  grand 
meriteXonfeiller  &:  Secrétaire  du  Prin- 
ce d'Orange.  ^^3<^^ 

Il  revint  à  Amfteidam  vers  le  com-  " 
mencement  du  mois  de  Mars,  6c  il  fit  Obfer-vx^ 
en  pallànt  fur  le  Zuyderzée  une  obfer-  'l^^^^^Z 
vation  fout  curieufe  fur  les  couronnes  ronna 
'ou  cercles  colorez  qui  fe  forment  au-  '^n^^ 
tour  des  chandelles  par  rapport  à  nos 
yeux.  Aiant  appris  à  fon  retour  qu*un  de 
fcs  amis  travail loit  à  un  traité  des  lunet- 
tes, il  lui  envoia  genereufement  celui 
qu'il  avoit  fait  fur  le  même  fujet.  Son 
lami  en  prit  tout  ce  qui  pouvoir  être  à 
fon  ufage,  Se  il  s'accommoda  particu- 
lièrement de  la  partie  du  traité  qui  re- 
gardort  la  pratique.  Le  refte  ne  fut  pas 
entièrement  perdu  pour  le  public  ,  èc  il 
s'eft  trouvé  depuis  fondu  dans  la  Diop- 
trique  de  M.  Defcattes. 


ri8       Ahregê  de  la  Wk 

i^^6       Vers  U  fin  de  ia  même  année  il  pesî- 
' dit  le  plus  ancien  des  amis  qu'il  eût  ac- 
quis dans  la  Hollande  a  la  mort  d'ifaac 
BeecKman  Principal  du  collège  de  Dord- 
rechr. 


LIVRE  QUATRIE'ME. 

Depuis  1637  jufqucn  1538, 

l^  jj      A   Pre's  la  refolution  que  M.  Def- 
JTjL  cartes  avoir  faite  de  ne  point  laif- 
f^(>rim%  Ter  imprimer  fes  ouvrages  de  fon  vivant, 
i"M^i'  il  femble  qu'il  ne  s'acriiroit  plus^quede 
lofofhie,    le  tuer  pour  mettre  le  public  en  poiiel- 
fion  d'un  bien  qui  dcvoit  lui  apparte- 
nir. Ses  ai-nis  lui    firent  faire  réflexion 
fur  l'injudice  de  fa  conduite  ,  «Se  ils  le 
tirèrent  du  danger  de  fe  voir  immoler  à 
la  colère  publique  en  le  déterminant  à 
publier  ce  qu'il  avoir  mis  en  état  de 
voir  le  jour. 

Il  redujfu  ce  qui  s'en  trouva  parmi 
fes  papiers  à  quatre  traitez,  pour  lef-- 
quels  il  fî^:  demander  le  Privilège  du 
Roiy.  qui  lui  fut  accordé  avec  de  î»ran- 
des  iiiarques  d'eriin"i€  de  de  diftindioii  ■ 


I 


de  M. Defcdrtes.Viv.lv.  HP 

le  IV  de  May  1657  ,  pour  faire  imprimer  1^3,1? 
non  feulement  les  quatre  traitez  dont  il  "— ^ 
écoit  queftion ,  mais  encore  tout  ce  qu*il 
avoit  écrit  jufques-là ,  5^  tout  ce  qu'il 
pourroit  écrire  dans  la  fuite  de  fa  vie  , 
en  telle  part  que  bon  lui  femhleroiî ,  de- 
dans (jr  dehors  le  Royaume  de  Fran- 
ce ,  crc. 

Ces  quatre  traitez  qu'il  voLiloit  faire 
pafler  pour  leselFais  de  fi  Philofopbie, 
fuient  imprimez  à  Leyde  fous  le  titre 
de  Difcours  de  la  méthode  pour  bien  con- 
duire fa  ralfon  y  ^  chercher  la  vérité 
dans  les  fciences.  Fins  y  la  Diof  trique  , 
les  Météores ,  &  la  Géométrie  qui  font 
des  ejfais  de  cette  méthode. 

Son  delTein  n'étoit  pas  d'enfeigner 
toute  fa  méthode  dans  le  premier  de 
ces  traites  ;  mais  de  n*en  propofer  que 
ce  qu'il  eftimoit  fuftiGint  pour  faire  ju- 
ger que  les  nouvelles  opinions  qui  fè 
verroient  dans  la  Dioptrique ,  &  dans 
les  Météores  n'étoient  point  conçues  à 
la  légère ,  &c  qu'elles  valoient  peut-être 
la  peine  d'être  examinées^ 

Il  commence  ce  premier  Traité  ou 
jytfcours  de  la  Méthode  par  divecfès 
confiderations  fur  les  fciences.    Il  pro- 

pofe 


tzo        j^hrcgé  de  la  Vte 

T  16^6  ?^^^  enfuite  les  principales  règles  de  la; 

— .  Méthode  qu'il  a  cherchée  pour  fou  ufa. 

ge  particulier  dans  la  manière  de  con- 
duire fa  raif  n.  Après  il  avance  quel- 
cjues  maximes  de  la  Kiorale  qu'il  a  tirée 
de  cette  Méthode.  Puis  il  fait  une  dé- 
dudion  des  raifons  par  lefquelles  il 
prouve  l'exiftence  de  Dieu  &c  de  l'Ame 
humaine  qui  font  les  fondemens  de  fa 
Metaphyfique,  On  y  void  cnfaite  l'or- 
dre des  Quclïions  de  Phyfique  qu'il  a 
cherchées  avec  la  difFeience  qui  fe  trou- 
ve entre  nôtre  Ame  6^:  celle  des  Bêtes. 
En  dernier  lieu  il  y  fait  une  dédudion 
des  chofes  qu'il  croid  eftre  requifes  pouc 
aller  plus  avant  dans  la  recherche  de  la 
Nature  qu'on  n^avoit  fait  jufqu^alors. 
Il  finit  en  proteltanc  que  toutes  fes  vues 
ne  tendent  qu'à  l'utilité  du  prochain: 
mais  qu'il  efl:  très- éloigné  de  vouloir  ja- 
mais s'appliquer  a  ce  qui  ne  peut  efire 
utile  aux  uns  quen  nuisant  aux  an^ 
très. 

Il  ne  prétendoit  point  par  ce  traité 
prefcrire  aucune  méthode  à  perfonne, 
mais  feulement  faire  connoitre  celle 
qu'il  avoit  fuivie  lui-mefme  par  le  droit 
que  lui  donnoitla  liberté  de  fe  condui- 
re 


de  M.Defcarîes.  Liv.III.  iiî 

re  félon  les  lumières  natuielles  qu'il  a-     Kj^y 
voit  ceçiics  de  Dieu.  — — 

Le    Premier    elTai  de  cette  Mé-  ■ • 

thodeeftletiaité  de  la  Dioptrlcjne^dX-.  ^^^' 
ragé  en  dix  parties  qui  font  autant  de  ]^i^u^^^' 
Difcours  ou  Ditreications  fort  courtes, 
fur  la  lumière  \  fur  la  réfradion',fur  l'œil 
de  les  fens  ;  furies  images  qui  le  forment 
dans  le  fonds  de  Tœil  i  fur  la  vifion  -,  fur 
les  lunettes  &  la  taille  des  verres. 

Le  delîein  de  l'Auteur  dans  ce  traité 
^toit  de  nous  faire  voir  que  l'on  peut  al- 
ler alTez  avant  dans  la  rhilofophie  pour 
arriver  par  fon  moien  jufqu'à  la  con- 
noidance  des  arts  qui  font  utiles  à 
la  vie. 

Le  traité  qui  fait  le  fécond  elTai  de  fa    ^^^ 
Méthode  ell:  celui  des  ^Mtheores  qu'il  a  uQrzfi 
divifé  en  autant  de  parties  que  celui  de 
la  Dioptrique.  Il  y  traite  des  corps  tcr- 
reftres  ;  des  vapeurs  &  exhalaifons  \  du 
fel ,  des  vents  ides  nues  j  de  la  pluie,  de 
Ja  nége ,  6<:  de  la  greile  j  des  tempeftes ,. 
de  la  foudre  ,  &  des  autres  feux  qui  s'al- 
lument en  l'air  j  del'Arc-en-ciel  \  delà 
couleur  des  nues  ^  des  cercles  ou  cou- 
ronnes qui  paroilTent  quelquefois  au- 
tour des  aftces  3  des  pathélies  ou  ap- 
paritions- 


JUtnie. 


ni         yéhre^é  deUVie 

^^^"7    paritions  de  plufieurs  foleils. 

"  "  Le  dernier  des  elTais  de  fa  Methoda 
s^Geo'  efl:  Ton  traité  de  Géométrie  qui  comprend 
troiMivreSjOÛ  il  s'agit  principalement 
de  la  conftrudion  des  problèmes.  Le 
de(fein  de  l'Aïueur  dans  cet  ouvrage 
étoit  de  faire  voir  par  voie  de  démon- 
ftratioiTqu'ilavoic  trouvé  beaucoup  de 
chofes  ignorées  avant  lui  ;  &  d'infinuci: 
en  même  temps  qu'on  en  pouvoit  dé- 
couvrir encore  beaucoup  d'autres ,  afin 
d'exciter  plus  efficacement  tous  les  hom- 
mes à  la  recherche  delà  Vérité. 

Mais  on  fe  tromperoit  de  croire  que 
M.  Dcfcaites  eût  eu  intention  de  donner 
les  élemens  de  la  Géométrie  dans  cet 
ouvrage ,  qui  demande  d'autres  ledeurs 
que  des  écoliers  en  Mathématique.  Il 
s'étoit  étudié  dans  les  trois  traitez  qui 
précèdent  celui-ci,à  fe  rendre  intelli- 
gible à  tout  le  monde,  parce  quil  éroic 
queftion  défaire  comprendre  des  chofes 
qui  n'avoient  pas  encore  été  enfeignées, 
ou  dont  on  n'avoit  pas  encore  donné  les 
véritables  principes.  Mais  voiant  quil 
s'étoitfait  avant  lui  beaucoup  d'ouvra- 
ges de  Géométrie  aufquels  il  ne  trouvoit 
lien,  à  redire  ^  il  ne  crût  pas  devoir  ré- 
pétée 


de  M.DeJcartesXiv.lV.  iij 

peter  dans  Ton  ttaicé-ce  qu'il  a  voit  vu  de     1657 
bon  3c  de  fort  bien  démontré  dans  les      -    ^ 
«utres.  Ainfi ,  loin  de  vouloir  les  rendre 
inutiles ,  il  travailla  aies  rendre  nccef- 
faires  en  commençant  par  où  ils  ont  fînij 
De  forte  qu'il  faut  les  avoir  lus  pour 
comprendre  fa  Géomeciie.  Il  fupprima 
les  principes  de  la  plus  grande  partie  de 
Tes  règles  ,  Si  leurs  denionftrations.  Il 
avoit  prévu  même  que  plufieurs  de  ceux 
qui  auroient  lu  les  autres  Gcon:erres, 
mais  qui  n'auroicnt  acquis  qu'une  con-  ■ 
noilTànce  commune  de  cette  fçience, 
pourroienttres-difficilemcnt  parvenir  à  . 
rintelligencc  de  fon  écrit.  j  y 

<5^i  G  I  Qu  E  les  matières  de  ^es  qua-    i/..-/è« 
tre  trairez  femblent  d'abord  alTt  z  éloi-  ^^'■'î''^ 

f  '\      r  ■  r  de      ces 

gnees ,  il  a  faH:  en  iorte  neantmoins  que  4.  nxi- , 
les  trois  derniers  eullént  une  liaifon  très-  ^'^  ^ 
étroite  avec  le  premier.  C'eftpour  cela 
qu  après  avoir  nropofé  un  échantillon 
d'une  Méthode  générale  qu'il  nvoic 
adoptée  ,  fans  pourtant  pret.^ndre  î'en- 
fèigner  aux  autres ,  il  a  choifi  dans  fa 
Vtoptriefue  un  fujet  méfié  de  Phiîofo- 
phie    de  de   Mathématique  j  dfins  fes  ^ 

M(?rf(?r^j  ,  unde  Philofophie  pure  fans 
mélange;^-  dans  fa  Géométrie ^un  de 
--i  Mathema- 


Ï14       P^hrege  de  U  Vie. 

ï(^37    Mathématique   pure  :  pour  faire  voir 
^  qu'il  n'y  auroit  rien  dans  tout  ce  qu'il 

pouiToic  avoir  de  connoKI^^nces  natu- 
relles qu'il  n'euft  defTein  de  rapporter 
6^  de  réduire  àcstte  Méthode  ,  Ôc  où 
il  n'efperât  rélidir  parfaitement  *,  pour-' 
vu  qu'il  eût  les  expériences  qui  y  fe- 
roient  neceilaires  ,  &  le  temps  pour  les 
confiderer. 
^Uniere       Quant  à  fa  manière  de  raifonner  ,  il 

dont  lis  fr         j   1 1       /      •  r  ^      >  i 

font  é-    paroïc  qu  elle  etoit  condderee  par   les 
cùîs,       autres  d'une  façon  toute   différente  de 
ce  qu'elle  étoit  cfîedivement  félon  lui. 
Il  n'écoit  point  d'accord  fur  ce  fu  jet  avec 
ceux  qui  publioient  que  les  explications 
deschofes  qu'il  a  données  peuvent  bien 
être  rejettées  &  meprifées ,  mais  qu'eU^ 
les  ne  peuvent  êtrecombatues  6c  réfu- 
tées par  raifon.  Car  n'admettant  aucuns 
principes  qu'il  ne  crût  tres-manifeftes, 
&  ne  confiderant  rien  autre  cliofe  que  ! 
les  grandeurs ,  les  figures ,  &  le  mouve- 
tïîentà  lamaniere^ies  Mathématiciens', 
il  s'eft  exclu  de  toutes  les  reirources  que 
Ton  fe  referve  pour  fe  fauver  au  befoin, 
&  il  s'cft  fermé  tous  les  fubteifuges  des 
rhilofophes.   De  forte  que  la  moindre 
erreur  qui  fe  fera  gliCTée  dans  fes  princi- 
pes 


de  M,  Dcfcaries.  Liv.lV.  115 

pes  pourra  fc.cilcmcnc  êcre  apperçûc  iSc  . 
réfutée  par  une  demonftration  Mathé- 
matique. Mais  au  contraire  ,  s'il  s'y 
trouve  quelque  chofe  qui  paroilTc  telle- 
ment vrai  &c  alTaré  qu'on  ne  puille  le 
renverfer  par  aucune  demonftration  fem- 
blable  ,  cela  ne  peut  fans  doute  être  mé- 
prifé  impunément  ,  du  moins  par  ceux 
qui  font  profefTicn  d'enfcigner.  Car  en- 
core qu'il  femhle  ne  faire  autre  ch^fe  pan 
tout  que  propofcr  ce  qu'il  dit  fans  le 
prouver  :  il  efl:  neantmoins  trestacile 
-de  tirer  des  fyllcgifmcs  de  (es  explica- 
tions ,  par  le  moien  defquels  il  a  ciû  que 
les  autres  opinions  touchant  les  mêmes 
matières  pourroicnt  être  manifedement 
détruites  ,  &  que  ceux  oui  voudroienc 
les  défendre  auroient  de  la  peine  à  ré- 
pondre à  ceux  qui  entendent  Tes  prin- 
cipes. 

La  liberté  qu'il  a  prife  de  publier  ces 
Trairez  en  langue  vulgaire  plutôt  qu'en 
celle  des  fçavans,  &  d'y  (upprinier  Ton 
nom  ne  lui  a  point  fait  d'affaires,  quoi- 
qu'il eût  tout  fujet  d'en  appréhender  de 
la  part  des  critiques. Mais  il  n'en  fut  pas 
demêmedeladiltribution  qu'il  fi:  faire 
de  fes  exemplaires,  li  lui  fut  plus  perni- 
cieux 


1^57 


1 


11^       Àhrezé  de  la  V/> 

o 

ïé;y  cieux  de  n'en  avoir  pas  donné  à  M.  de 
* — —  Roberval  fenl  qu'il  ne  connoilToic  pas 
Origme    niais  qui  profelloic  les  Mathématiques  à 

de    L'ani-   r-.      •  >\  \    -   r  i> 

rncfité  de  Pauis ,  qu  il  nc  lui  rut  avantcigeux  u  en 
Kobervai  avoiu  donné  un  grand  nombre  a  la  cour 
D^fcartes  de  France  ôc  à  celle  de  Rome.  M.  de 
Roberval  fe  tint  offenfc  de  cette  omif- 
fion  ,  &  quoiqu'elle  fût  venue  du  P. 
Merfenne  plutôt  que  de  M.Defcartes, 
il  fe  prépara  deflors  à  bien  critiquer  la 
Géométrie  de  celui-ci.  Telle  fut  l'origi- 
ne de  cette  animofité  immortelle  qu'il 
conçût  contre  lui  ,  de  dont  il  n'eût  pas- 
même  la  difcretion  de  diffimulerle  pré- 
texte aux  amis  qu'il  fçavoit  d'ailleurs  lui 
être  communs  avec  M.  Defcartes. 

Pour  refpirer  de  l'embarras  que  lui 
avoir  caufé  la  publication  de  fes  elTais , 
il  voulut  aller  fe  piomener  au  fiége  de 
Breda,  ville  qui  ne  luiétoit  pas  indiffé- 
rente à  caufe  du  fejour  de  deux  ans  qu'il 
y  avoit  fait  lors  qu'il  portoit  les  armes^ 
Apres  la  prife  de  cette  ville  par  le  Prince 
d'Orange  il  fit  un  voiageen  Flandres,  &: 
alla  voir  M.  de  la  Bajfecourt  Gouverneur 
ou  Commandant  pour  le  Roi  d'Efpagne 
dans  la  ville  de  Doiiay.  Ce  Gentil-hom- 
me qui  éxoic  l'un  de  ibs  meilleurs  amis , 

n'oublia 


d^M.Defcdrtes  Liv.IV.  12.7 

ia'oubUa  rien  pour  le  bien  régaler, &:  il  lui    "^^^7  . 
procura  entre  autres  chofes  la  conveifa-  "^ 

don  du  Dodleur  Silvlus  pendant  huit 
jouis  entiers.  Silvius  écoit  Tun  des  grands 
Théologiens  de  Ton  fiécle ,  &  le  pre- 
mier ornement  dé  rUniverficé  de  Dotiay 
depuis  la  mort  d'Eltius.  Il  parut  tres^fa- 
tisfait  de  M .  Defcartes ,  mais  il  neûc  pas 
grand  fujet  de  l'être  d'un  Centil-hom- 
me  Polonois  que  celui  ci  avoit  amené  à 
fa  compagnie  ,  &  qui  avoit  fouvenc 
poulie  à  bout  le  Dodteur  dans  les  con- 
ierences  qui  s'étoient  tenues  chez  M.  de 
la  Batr^court  après  les  repas. 

M.  Defcartes  à  Ton  retour  alla  fe  lo-  ]i'"^rer% 
ger  dans  Egmond  le  pliis  beau  village  de  t-gmoui* 
la  Nord  -  Hollande  où  l'exercice  de  la 
Religion  catholique  étoit  libre  &:  tout 
public.  A  peine  y  fut-il  établi  t]u'il  s'ap- 
peiçût  des  fruits  que  ptoduifoit  la  lectu- 
re de  fon  livre. 

L*un  de  ceux  qui  parurent  des  pi^e-^/'^f"^^'^ 
miers  a  lui  en  rendre  compre  fut  le  Do-  i'io>.d ,  à. 
(Steur  f  r,?wo«/^Profeireur  Roial  des  SS.  ^^^^^ 
Ecritures  dans  l'Univerfité  de  Louvain. 
Il  lui  propofa  quelques  objedions  fur 
divers  endroits  de  fa  Méthode  ,  de  fa 
Dioptrique .,  &  fur  tout  de  fes  Metéo- 

G  res 


i'/LiflSt 


•îiS       Abrégé  de  la  Vie 

tr^ — ^  res ,  dont  il  avoit  lui-même  publié  ua 

i6p    Traité  en  1651   qui  avoit  été  fort  eftimé, 

M.  Defcartes  lui  répondit,  6c  ils  ftireiic 

aflèz  fatisfaits  l'un  de  l'autre  pour  de^ 

meureramislereftede  leurs  jours. 

Il  répondit  auffi  vers  le  même  temps 
aux  objections  d'un  Médecin  Hollan- 
dois  établi  à  Louvain  nommé  P/^wpw^ 
qui  étoit  de  Tes  amis  depuis  quelques  an- 
nées. Ces  obje<flions  regardoient  ce 
qu'il  avoit  écrit  touchant  le  mouvement 
du  c<3eur.  Elles  contenoient  félon  lui 
tout  ce  qu'on  pou  voit  lui  objeder  rai- 
fonnablement  fur  cette  matière.  Plem- 
pius  qui  témoignoit  ne  les  avoir  faites 
que  dans  le  deflein  de  s'inftruire,  6c  pout 
mieux  découvrir  la  vérité  ,  fit  connoître 
pour  lors  à  M.  Defcartes  qu'il  étoit  coa- 
tent  de  ce  qu'il  lui  avoit  répondu. 

La  réponfe  qu'il  fit  au  Père  Ciermans 
ProfeiTeur  des  Mathématiques  au  collè- 
ge des  Jefuites  de  Louvain  n'eût  pas 
moins  de  fuccés.  Il  trouva  les  objedions 
de  cePere  fort  judicieufes  &  fort  folides. 
Elles  rouloient  fur  la  <^eometrie  &  fes 
Mécéores,principalement  en  ce  qui  con- 
xernoit  les  couleurs  de  l'Arc-en-ciel.  le 
Pçre  de  fon  cofté  parut  fi  fatisfaii  de  la 

réponfe 


de  Ad.Defcaytes  Liv.  IV.  119 

réponfe  que  fit  M.  Delcaites  qu'il  con- 
fencic  qu'on  impriiràc  Tes  objedions 
avec  elle.  Il  ne  put  s'empêchei  de  té- 
moigner que  ce  qui  lui  plaifbit  princi- 
palement en  M.  Defcartes ,  étoit  cette 
hardielle  qui  f^iifoit  que  s'écartant  des 
chemins  battus  Se  des  routes  ordinai- 
res 5  il  avoit  l'adurance  de  chercher  de 
nouvelles  terres ,  &:  de  fcure  de  nouvel- 
les découvertes. 

M.  Defcartes  n'ayant  point  d'autre 
paflTion  dans  tout  ce  qu'il  ccrivoit  que 
celle  de  découvrir  la  vérité ,  ôc  ne  fe 
croiant  point  capable  d'en  venir  à  bouc 
feul ,  cherchoit  pour  ainfi  dire  des  Ad- 
verfaires  plutôt  que  des  Approbateurs , 
afin  que  robli2,anon  de  leur  répondre 
ôc  d'examiner  leurs  objections  le  rendit 
de  plus  en  plus  e-^c^di.&c  lui  fit  ouvrir  les 
yeux  fur  ce  qu'il  n'auroit  pu  découvrir 
auparavant.  D-ais  cette  vue  il  attendoic 
avec  jcye  les  objections  que  lesJcTuites 
de  la  Flèche, de  Louvain,  de  Lille  &:  de 
quelques  autres  endroits  lui  avoient 
fait  efpercr  par  leurs  lettres.  Mais  il  fut 
allez  furptii  d'aprendre  de  quelques  uns 
<llentr'eux ,  qu'il  étoit  fort  dans  leur  ap- 
frohtiilon  5  ^uils  ne  defiroient  rien  en  ce 
" .         .  <G  ij        qu'il 


1657 


130        j4hreq-é  de  U  Vie 

1037    ejîiil  avoit  voulu  expllt^Her ,  mais  feule- 
■*  ment  en  cecjnll  n  avoit  pas  voulu  écrire  y 

(fr  qu'ils  demandoient  fa  T^hyficjue  &  fa- 
»—  Jl^etaphyfi<jU€  avec  grafîde  inftance , 

VI.         E  N  F  R  A  N  c  E  la  ledure  de  fon  li- 
'^ccs^ieM.  ^^^  operoic  fur  les  efprits  félon  qu'ils- 
^jdQr^e.  étoient  bien  ou  mal  préparez.  Il  fe  trou- 
va peu  de  chofe  dans  tout  ce  qu'il  avoit 
écrit  qui  ne  parut  douteux  pour  les  uns, 
&  nouveau  pour  les  autres.  Les  vrais^ 
(cavans  ne  furent  pas  efFraiez  de  tout  ce 
qu'il  y  avoit  de  nouveau5&  qui  ne  pou-' 
voit  rendre  TAuteur  odieux  qu'à  ceux 
qui  étoient  entêtez  de  leurs  préjugez: 
mais  ils  prirent  occalion  de  ce  qui  leur 
paroiiïbit  douteux  pour  lui  faire  des 
objeélions. 

M.  Mydorge  fon  ami  auroit  été  des 
plus  propres  à  cela,  s'il  ne  s'étoit  déjà 
trouvé  par  avance  de  même  fentimenc 
que  lui  dans  plufieurs  chofes  dés  le 
temps  qu'ils  fe  voioient  à  Paris.  Il  au- 
roic  pu  du  moins  lui  propofer  des  diffi- 
♦  cultez  fur  divers  endroits  du  fixiémeDif- 
coursde  fa  Dioptrique  où  il  traite  de  la 
Viiîon  d'une  manière  différente  de  celle 
dont  il  avoit  coutume  d'expliquer  lui- 
{nême  cette  matière.  Il  le  contenta  d'en 

parlée 


de  M^DefcdTtes  Liv.  IV.  13/ 

parlei:  au  Père  Merfenne  qui  en  écrivit     1657 

a  M.  Defcartes.  Il  ne  fe  trouva  point  mal  • 

de  quelques  avis  que  celui-ci  lui  donna 
dans  faréponfeà  ce  Père.  Après  cela  il 
n'eue  plus  d'objedions  à  faire  à  fon  ami; 
&  loin  de  le  fatiguer  avec  beaucoup 
d'autres  par  cet  endroit  ,  on  peut  dire 
qu'il  fie  le  Defcartes  à  Paris  en  fe  char- 
geant de  répondre  pour  cet  ami  abfent 
aux  objeiftions  qu'on  ne  voulut  pas  en- 
voier  en  Hollande. 

Il  ne  fut  pas  le  feul  à  Paris  qui  s'étu-  ^f"J/^ 
dia  à  lui  rendre  de  bons  offices.  M.  Des  dcsAr^' 
Argues  qui  s'étoit  déjà  emploie  avec  le  ^"^^' 
P.  Merfenne  pour  faire  réiifllr  le  privilè- 
ge de  fôn  livre  contre  les  pratiques  dtfo- 
bligeantes  dufîeur  de  Beaiig>and  n'ou- 
blia rien  pour  le  fervir  auprès  du  Cardi- 
nal de  Richelieu  ,  &  pour  faire  valoir         •  r 
fes  inventions  de  Dioptrique  à  ceux  qui 
approchoientdefon  tminence.  Il  lui  fit 
fçavoir  par  le  P.  Merfenne  que  le  Cardi- 
nal avoir  écouté  les  propofitions  qu'on 
luiavoitfiites  detravai  lerà  des  lunet- 
tus  fur  les  règles  qu'il  en  donne  dans  là 
Dioptrique. 

M.  Defcartes  crût  devoir  s*oppo{er 

à  cette  entiepiife ,  6c  il  pria  le  P.  Mer- 

G    ii)       fenne 


ï3  ^      Àhegc  de  la  Vie. 

b<537  fènne  de  tcmoigner  à  M.  Des  Argfles 
<r  &  aux  autres  perfonnes  qui  fe  méloient 
de  cette  affaire  ,  qu'il  leur  étoit  tres- 
obligc  de  la  bonne  opinion  qu'ils  avoienc 
donnée  à  la  Cour  de  Tes  inventions  de 
Dioptiiquc  :  mais  qu'il  ne  croioiî  -pas  que 
les  penfées  de  M.  le  Cardinal  diijfent 
s*ahha''Jpr  jup^ii<i  une  perfonne  de  fn 
forte.  Ce  n'étoit  point  par  une  modeftie 
de  contre  temps  qu'il  refiftoic  aux  in- 
tentions de  ces  Mefïîeurs  :  c'étoit  par 
Ja  crainte  qu'on  ne  réuiïît  mal  en  Ion 
^bfence ,  &  qu'on  ne  réjettât  enfuite 
fur  lui-même  les  fautes  des  ouvriers. Car 
il  croioit  que  fà  préfence  étoit  neceflài- 
ïe  pour  diriger  la  main  des  Tourneurs,. 
&  leur  donner  de  nouvelles  indrudlions 
à  mefure  qu'ils  avanceroient  ou  qu'ils 
manqueroienr. 

Entre  les  fçavans  de  France  qui 
voulurent  éprouver  leurs  forces  contre 
M.  Defcartes ,  il  ne  s'en  trouva  point 
de  plus  diligent  ni  de  plus  capable  que 
M.  de  Fermât^  Confeiller  au  Parle- 
ment de  Touloufe ,  l'un  des  premiers 
hommes  du  (îécle  pour  les  belles  con- 
noiflànces  de  l'efpritj  &  fur  tout  pour 
les  Mathématiques.  Dés  le  mois  de  No- 
vembre " 


de  M.DeJcartes.  Liv.IV.  133 

Vembre  il  avoir  envoie  au  P.  Merfenne     1^3? 
des  objedions  contre  la  Dioptrique  de  ^" 

M.  Defcartes  :  de  ce  Père  en  récent  la 
rcponfe  dés  le  mois  de  Décembre,  fiofi- 
obftant  la  diftance  des  lieux  qui  pou- 
voir fervir  de  prétexte  à  des  retarde- 
ïnens. 

Dans  le  même  temps  d^.  Petit  qui  ^-.^^^''J; 
écoit  pour  lors  CommiiTaire  de  TArtille-  m.  vmi. 
rie  6c  Ingénieur  du  Roi,  &  qui  fut 
depuis  Intendant  des  Fortifications,  fit 
au(îi  fur  le  même  Traité  de  la  Dioptri- 
que des  objedlions  que  M.  de  Fermât 
trouva  pour  k  moins  auffi  bonnes  que 
les  fiennes. 

M.  de  Fermât  avant  que  d*'avoir  re-   i^mt  de 
çû  la  réponfe  à  fes  objedions ,  ht  en.  tll^j^ 
voier  en  diligence  à  M.  Defcartes  par  /«»;  u 
le  P.  Merfenne  un  écrit  Géométrique  J^J/f'^' 
de  fa  compofition ,  de  Maximis  &  yî^i- 
mmis ,  c'eft  à  dire  des  plus  grandes  é* 
des  moindres  cjitanntez,  :  &  pour  ne  pas 
encore  déclarer  {on  nomàM.  Defcartes 
il  fe  fervit  de  celui  de   M.  Carcavi,  ^j^^f^ 
Lionnois  fon  ami,  qui  étoir  alors  fon  biedifpu- 
confrére  au  Pailemenr  de  Touloufe.       [\if''de 

Ce  prefenr  que  M  de  Fermar  faifoit  ^f^^^-^t 
à  M.  Defcartes  nétoit  pas  feulement  ^efcaria 

G  iiij      une 


154        J^hregé  delaVie 

^^37  une  marque  de  fon  edime  &  de  fa  re^ 
^  ^'^  connoilFance ,  mais  encore  un  avertilTe- 
ment  de  ce  qu'il  croioic  que  M.  Def- 
cartes  avoir  oublié  fans  y  penfer,  ou 
omis  mal  à  propos ,  dans  fà  Géométrie. 
Cela  fit  un  nouvel  incident  dans  la  pe- 
tite querelle  que  M.  de  Fermât  venoit 
d'exciter ,  &  qu'il  croioit  être  en  état 
de  terminer  en  peu   de  jours. 

Mais  il  ne  lui  fut  pas  aifé  d'éteindre 
ces  premières  étincelles.  Le  feu  de  la 
difpute  prit  de  grands  accroifTemens  par 
le  zèle  de  ceux  qui  voulurent  y  entrer  : 
&  elle  roula  toute  dans  la  fuite  fur 
deux  ipoints  importans ,  dont  l'un  regar- 
doit  la  Dioptrique,  &  l'autre  la  Géo- 
métrie. Voilà  le  fujet  de  cette  fameufe 
querelle  qui  a  duré  même  au  delà  de 
la  mort  de  M,  Defcartes,  Voilà  ce  que 
M.  de  Fermât  appelloit  fa  petite gnerre 
contre  M.  Defcartes  -,  &  ce  que  M. 
^  Defcartes  appelloit  fon  petit  procès  dç 

VIII  ^JMathèmaticiHe  contre  \^,  de  Fermât, 
Mc^ieurs  Pendant  que  M.  de  Fermât  au 
yafcd&  milieu  des  occupations  du  Palais  &  de 
'vai  épou.  tes  aftaires  domelhques  s  appliquoic  a 
^Te/etie  ^^^^^  ""^  répHquc  à  la  réponfe  que  M. 
de  M.  «ie. Defcartes  avoit  faite  à  (es  obiedtions 
ternir,  -  ^j. 


de  Ad.  Defcartes Xiy.  IV.   135 

fur  la  Dioptrique,  le  P.  Meifenne  re-  i(j37 
eut  les  remarques  de  M.  Defcartes  fur  *~~" 
fonTraité  de  M aximis  (y M inirnis. Mais 
au  lieu  de  les  envoier  droit  à  M.  de 
Fermât  fuivant  Tincention de  M.  Delcar- 
tes ,  il  jugea  à  propos  de  les  faire  voir 
à  deux  des  amis  particuliers  de  ce  Ma- 
giftrat  qui  étoient  à  Paris.  L'un  étoic 
M.  PAfcal  le  père,  ci-devant  Prefidenc 
en  la  Cour  des  Aides  d'Auvergne  ; 
Pautre  étoit  M.  de  Robervd  Profeileur 
des  Mathématiques  à  Paris. 

Ces  Meiïîeurs  crurent  devoir  époufec 
la  querelle  de  leur  ami,  &  le  voiant  oc- 
cupé de  fa  réplique  fur  la  Dioptrique  , 
ils  le  difpenferent  du  foin  de  pourfuivre 
la  querelle  deGéometrie,6K  fe  chargèrent 
de  répondre  aux  remarques  de  M.  Def- 
cartes contre  fon  Traité  ^^  Maximis  c^ 
JUimmis.  M.  Defcartes  aiant  lu  leur  ré- 
ponfe  avant  que  d'avoir  reçu  la  réplique 
de  M.  de  Fermât  loua  leur  zèle ,  approu- 
va les  difpofitions  de  leur  cœur,  &  ju- 
gea M.  de  Fermât  heureux  d'avoir  été 
prévenu  d'un  tel  fecours  dans  un  (î 
grand  befoin.  Il  ne  put  mêi-ne  s'empê- 
cher de  concevoir  de  l'eftime  pour  la 
capacité  dont  il  voioit  des  marques  dans 
G  V  leur 


^  ^    1^6       Ahre^  de  lâP7e 

■  leuL*  cent  :  mais  îi  trouva  que  s  ils  âVoiçnV 

bien  rempli  les  devoirs  de  l*amicié  à  l'é- 
gard de  M.  de  Fermât ,  ils  s'étoient  allez  • 
mal    acquitez   de  la  commiffion  qu'ils  * 
avoienc  prife  de  le  décharger,  6c  de  le 
défendre. 
^■'Def-      Cet   écrit  qui  étoit  tout  entier  du  • 
leur  ri-    ftile  de  M.  de  Roberval  fut  réfuté  par- 
-prtvl,       j^^  Defcartes  avant  la  fin  du  mois  de  ' 
Février.  Et  la  réplique  de  M.deFermac-' 
touchant  la  Dioptrique  étant  enfin  ve- 
nue dans  le  même  mois ,  il  y  fit  fur  le 
champ  diverfes  réponfes  qu'il  addrelTa ' 
à  Tes  principaux  amis,  une  à  M.  My-- 
^orge,  un  autre  à  M.  Hardi ,  une  troi- 
fîcme  au  P.  Mcrfenne. 

V  G I A  N  T  qu'il  n'y  avoir  aucune  ne- 
cefîké  qui  eôt  obligé  M.  de  Fermât  à  lui  ' 
envoiér  le  traité  deMaximis  (^Mintmis  " 
,,  à  examiner,  il  avoir  pris  cette  adioii 
4ieFermat  pour  uu  dcH.  La  manière  de  lappeller 
^Jart'es  P^^^^  ^^^  mérite  &  à  la  dignité  de  la 
perfonne  qwi  lui  envoioit  le  cartel , 
Tempêcha  d'éviter  cette  rencontre.  L'é- 
crit qu'il  envoia  au  P.  Merfenne  contre 
le  Traité  de  Aiaximis^Qn  étoit  un  efpece 
d'acceptation.  La  ville  de  Touloufe  & 


àeM.'DefcaYtes.'LW.W.  137 

le  defetc  d'Egmond  écoient  desextrémi-  ^^  ^ 
tez  où  il  paroilToit  difficile  que  les  par- 
ties pulTent  agir  :  &  elles  avoienc  alTez 
de  fierté  pour  ne  vouloir  pas  avancer 
l'une  en  faveur  de  l'autre.  La  Provi- 
dence y  ménagea  un  milieu  ,  &:  difpofa 
tellement  les  chofes  que  la  ville  de  Pa- 
ris où  étoient  leurs  habitudes ,  leurs  amis 
&  leurs  adverfaircs,  devint  inlenfible- 
ment  le  bureau  où  leurs  differens  dé- 
voient être  examinez.  Le  P.  Metfenne 
fans  y  fonger  avoit  donné  lieu  à  cette 
dirpoiuion  en  mettant  entre  les  mains  de 
Meiïieurs  Pafcal  &  de  Roberval  à  Pa- 
ris récric  de  M.  Defcartes  qu'il  devoit 
envoier  à  Touloufe  pour  M. de  Fermât. 
Ces  deux  Meilleurs  s'étajit  chargez  de 
répondre  pour  M.  de  Fermât  fembloicnt 
agir  fuivant  la  même  difpofition  fans  la 
connoitre.  M.  Delcarces  de  Ton  côté 
s'étant  mis  en  devoir  de  répondre  à  ces 
deux  MefTieurs  parut  confentir  que  l'on  M.'My. 
connût  de  Ton  affaire  à  Paris.  ^^i'  à* 

Mais  puifque  ces  Mcffieurs  avùient  AuwUt 
iueé  à  propos  de  fe  rendre  les  Avocats  ^''-  ^'f- 

\^r  •  -1  1  c  t.  '1      cartes  M. 

de  la  partie  -,  il  leur  ht  trouver  bon  qu  ils  rajcd  & 
ne  fe  rendiflent  pas  fes  iuaes,  ou  qu'il  ^'-^'cRo. 
Içs  reeulac  avec  quelques  autres  des  amis  ^otUet^î- 

G  vi  ,     de-^"*>'»'*'' 


13  8       jihregèâe  UVie 

de  M.  de  Fermât.  Les  aunes  Mathenfatû 
ciens  que  Ion  aurcit  pu  engager  à  con- 
noîcre  de  cette  affaire  n'étoient  pas  fans 
doute  en  petit  nombre  à  Paris.  Mais  les 
uns  n'étoient  pas  en  état  d'entendre  alTez 
parfaitement  la  Géométrie  de  M.  Def- 
cartes,  les  autres  n'étoient  pas  aiîea 
connus  de  lui ,  fl  l'on  en  excepte  deux 
illuftresGéom€tres,au  jugement  defquels 
il  pouvoitfurement  s'en  rapporter.  C'é- 
toient  M.  Mydorge  &  M.  Hardi  qui 
palToient  tout  publiquement  pour  fes 
intimes  amis.  Cette  confideration  ne  les 
rendoit  p.is  moins  récufables  à  M.  de 
Fermât,  que  M.  Pa(cal  &  M.  de  Rober- 
val  l'étoient  à  M.  Defcartes  pour  leur 
amitié  avec  M.  de  Fermât.  Il  fallut  donc 
fe  refoudre  à  les  choifir  non  pour  fes 
juges ,  mais  pour  fes  Avocats  :  ou  pour 
parler  aux  termes  du  cartel  prefenté 
par  M.  de  Fermât,  M.  Mydorge  &  M. 
Hardy  furent  retenus  par  M.  Defcartes 
pour  être  [es  féconds,  &  pour  être  op- 
pofez  à  M .  Pafcal  &:  a  M.  de  Roberval , 
qui  s'étoient  offerts  à  M.  de  Fermât  pour 
Je  féconder  dans  le  combat.  Le  P.  Mer- 
fenne  fut  prié  de  demeurer  dansla  neu- 
tralité, ôc  de  fe  contenter  de  la  fon(ftion 

de 


de  M.De/cartes.LiwJV .  i}9 

de  fimple  fpedaceur,  afin  de  ne  deve-  1^3$ 
nir  fufped  à  aucun  des  partis  dans  les  """^ 
fervices  qu'il  devoit  rendre  aux  uns  de 
la  parc  des  autres. 

M.  Defcares  envoia  incontinent  à  M. 
Mydorge,  &:  à  M.  Hardi  les  pièces  6c 
les  inftrudions  necellaires  pour  la  con-  . 
noiirance  de  fon  procès  de  Mathémati- 
que ;  &:  il  leur  recommanda  en  même 
temps  d'oublier  ou  de  fufpendre  les  fen- 
timens  de  leur  amitié ,  pour  ne  fuivre 
que  les  règles  de  la  juftice  &  de  la  vé- 
rité. Si  M.  de  Fermât  eût  pris  trois  Avo- 
cats de  fon  côté ,  M.  Defcartes  n'auroit 
pas  manqué  à  prendre  pour  fon  troilic- 
me  M.  des  Argues ,  qui  n'étoit  ni  moins 
habile  ,  ni  moins  iift\  dionné  à  fon  égard 
que  M.  xVIydorge  &  M.  Hardi.  Il  pria 
au  moins  le  P.Merfenne  de  lui  commu- 
niquer toutes  chofes  de  fa  part ,  ôc  de 
lui  donner  la  ledure  de  toutes  les  pie- 
ces  s'il  le  fouhaitoit. 

Entre  autres  pièces,  il  avoir  envoie 
en  droiture  à  M.  Mydorge  la  réponfe  à 
l'écrit  de  Meflieurs  Pafcal  &  deRober- 
val.  M.  Mydorge  la  fit  porter  auffi-tôt 
à  M.  de  Roberval  par  le  P.  Merfenne, 
M.  de  Roberval  fans  laitier  rallentic 
la  chaleur  où  i'avoic  n^is  la  le6bure  de 

cetie 


140      yéhregé  de  la  Vie 

1^38'  cette  réponfe ,  compofa  incontinent  une 
"*  réplique  fous  le  nom  des  deux  amis 
de  M,  de  Fermât  ^  c'eft  à  dire,  de  M, 
Pafcal  &  du  fien.  Mais  ou  il  impofoit 
pour  cette  fois  àM.Pafcal^ou  il  avait  ^  a  0- 
le  de  lui  pour  continuer  en  Ton  nom  la 
difpnte  de  M.  de  Fermât  contre  M.  Defl 
cartes.  M.  Pafcal  n'étoit  plu^  à  Paris 
pour  lors.  Il  s'étoit  éloigné  de  la  ville 
à  l'occafion  de  quelques  troubles  exci- 
tez au  fujet  de  Tun  de  fes  amis.  Aufli 
M.  de  Roberval  eut  il  allez  de  bonne  foi 
pour  marquer  fon  abfence  ,  en  foufcri- 
vant  feul  à  leur  réplique  commune.  M. 
Pafcal  n'eut  prefque  plus  de  part  à  cette 
difpute  5  parce  qu'à  fon  retout  il  fut  fait 
Intendant  dejuftice  à  Roiien. 

La  dureté  des  manières  que  M.  DeC 
cartes  remarqua  dans  le  ftile  de  Cette 
réplique  lui  fit  juger  que  M. Pafcal  étoit 
véritablement  ab(ent,  ou  qu'il  n*avoit 
pas  eu  de  part  à  la  compoficion  de  cet 
écrit.  CVft  pourquoi  fe  trouvant  rebuté 
d'abord  du  peu  de  politelTe  de  M.  de 
Roberval  &  de  fa  précipitation  ,  il  man- 
da au  P,  Merfenne  qu'il  n'étoit  pasre- 
folu  de  lui  répondre ,  ^i\\Çc^\y'\\fepicejHoh' 
iir  qtiil  fi  mettok  en  colère  ^\x  lieu  d*i. 

îHJtes'^ 


Je  M^DeJcartes.  Liv.IV.  141 

muer  rhonnêceté  &  la  modcLation  avec  ^  [, 
laquelle  Meffieurs  Pafcal  6c  de  Fermât , 
en  ufoienc  à  Ion  égard.  Il  le  pria  ce- 
pendant d'aifurer  M.  deRoberval  qu'il 
éiok  fon  tres-humble  fervltenr ,  (fr  <]ti'il 
ne  s'offenfoif  pas  plus  de  tout  ce  ^Ht  êtoit 
âAnsfon  écrit  cjne  Von  fait  ordinairement 
dans  le  jeu  de  U  colère  Je  ceux  (]ui  per^ 
dent,  M.  de  Roberval  malç;ré  la  fin^u« 
larité  de  fon  humeur  auroit  fans  doute  ' 
é;é  (atisfaic  de  tant  d'honnêteté  :  mais 
le  P.  Merfenne  qui  avoit  un  talent  par- 
ticulier pour  commettre  les  fçavans  en- 
tre eux  ,  &  pour  prolonger  les  difputes, 
craignant  de  voir  (i-  tôt  finir  celle-ci, n'eue 
pt)int  de  repos  que  M.  Defcartes  ne  lui 
promît  une  réponfe  à  ce  fécond  écrit. 
Il  la  lui  envoia  au  mois  d'Avril,  mais  il 
prit  garde  de  n'y  rien  lailTer  g'ider  qui 
pK  remuer  encore  la  bile  de  M.  de  Ro- 
berval.   ^ 

Cepen  DAN  T  M.  de  Fermât  com-     ^ 
mençoit  à  fe  lalfer  de  la  dlfpute  :  &  crai-  Vermat 
gnant  que   le  zèle  de  M.  de  Roberval  f"^'-^.  f^ 
ne   la  fit  prolonger ,  non  feulement  il  m.  DeC- 
lailfa  fans  repartie  ce  que  M.  Defcartes  ^^^'^"  ^ 

.       ,      .       I  ri-  1-  devient 

avoit  cent  contre  la  dernière  réplique  fin    ami 
touchant  la  Dioptriquc^  mais  il  écrivit  ^Jrça^'' 

en-  *  '    ' 


J41     Ahregé  deU'Vie] 

^^  encore  au  P.  Merfenne  pour  le  prier  de 
faire  fa  paix  avec  M.  Defcartes,  &  de 
lui  procurer  en  même  temps  l'honneur 
de  fa  connoiirance.  D'un  autre  côté  M. 
Mydorge  &  M.  Hardi  qui  foufFroienc 
avec  peine  qu'un  homme  du  mérite  & 
du  rang  de  M.  de  Fermât  fe  brouillât  fi 
mal  à  propos  avec  M.  Defcartes ,  fon- 
geoient  aux  moiens  de  les  réconcilier  , 
&  de  changer  leur  difpute  en  une  cor- 
refpondance  parfaite,  dont  il  pûlîent 
goûter  les  fruits  dans  une  communica- 
tion mutuelle  de  leurs  lumières.  Us  en 
parlèrent  au  P.  Merfenne ,  qui  follicité 
d'un  autre  côté  par  les  avances  de  M.  de 
Fermât  ne  put  fe  défendre  d'en  écrire  à 
M.  Defcartes,  non  obftant  l'envie  qu'il 
auroit  eue  de  les  voir  continuer, 

M.  Defcartes  en  reçut  la  propofition 
avec  beaucoup  de  joie  ^  &  après  avoir  re- 
mercié Meffieurs  Mydorge  &  Hardi  du. 
fuccés  de  leurs  bons  offices ,  il  chargea 
le  P.  Merfenne  de  marquer  à  m.  de  Fer- 
mat  fon  eftime  &'  les  difpofitions  de  fon 
cœur  à  ^on  égard,  m.  de  Fermât  aianc 
reçu  du  P.  Merfenne  toutes  les  alîuran- 
ces  qu'il  pouvo.t  fouhaiter  de  la  parc 
de  M.  Defcartes,  fe  donna  enfin  la  fatis- 

fadion 


1 


deW.DeJcartes.LW.lV.  145 

fadion  de  lui  écrire  en  droiture  pour  lui  *^5* 
offiir  fon  amitié  <5c  (es  (ervices.  L'acqui- 
fition  d'an  tel  ami  pouvoir  être  contée 
au  nombre  des  meilleures  fortunes  de 
M.  Defcartes.  Il  connut  parfaitement  le 
prix  d  une  amitié  fi  importante  ,  &:  ily 
fut  fi  fenfible  qu'il  n'eut  point  de  ter- 
mes allez  paflionnez  pour  l'en  remer- 
cier. 

i  Afin  de  n'être  point  fatisfait  à  demi  de 
fa  reconciliation ,  il  voulut  qu'elle  s'é- 
tendît aufîi  jufqu'aux  deux  amis  de  M- 
de  Fermât  qui  avoient  pris  la  défenfe  de 
fon  écrit  Géométrique  deMaximis  é* 
Mlnimiu  II  pria  leP.Merfenne  de  leur 
témoigner  qu'il  ne  recherchoit  rien  tant 
que  l'amitié  des  honnêtes  gens ,  &  que 
par  cette  confideration  il  faifoit  beau- 
coup de  cas  de  la  leur.  M.  Pafcal  y  ré- 
pondit en  homme  d'honneur  :  mais  m. 
de  Roberval  fit  bien-tôt  connoitre  que 
Ton  cœur  n'étoit  pas  fait  pour  M.  Def- 
cartes. Il  n'en  étoit  pas  de  même  de 
celui  de  M.  de  Fermât.  Mais  ce  qui  eft 
alTez  ordinaire  dans  des  amis  qui  ont 
des  lumières  différentes ,  il  eft  certain 
que  leurs  efprits  ne  fuivirent  pas  tou- 
jours la  loi  de  leur  cœurs.  M.  de  Fermât 

per-. 


î4  4        Ahregêde  la  Vie 

Voi^     perfuaclé  comme  auparavant  de  labontë^ 
-*'     '  de  fa  Méthode,  f  c'eft  à  dire  de  la  règle 
qu'il  s*écoit  faite  pour  trouver  les  fins 
grandes  &   les  moindres  quantitez  en 
Géométrie  )  avoit  peine  à  convenir  des 
exceptions  que  M.  Defcartes  y  avoit  ap- 
portées pour  la  rendre  bonne.    Il  eue 
fur  cela  diverfes  conteftations  non  pas 
avec  M.  Defcartes,  qui  devoit  fon  temps^" 
èc  fes  talens  à  autre  chofe  qu'à  la  difpu- 
te  5  mais  avec  le  jeune  Gillot  qui  avoit 
-été  domeftique  de  M,  Defcartes ,  avec 
M.Chauveau,  qui  avoit   été  fon  com- 
pagnon d'études  à  la  Flèche ,  avec  M," 
des  Argues  U  avec  d'autres  Mathéma- 
ticiens, qui  depuis  cet  éclat  fe  déclaroient 
Cartefîens   de  jour  en  jour  malgré  la 
jaloufie  de  M.  de  Roberval. 
M.  Ko-     i^our  l'autre  difpute  de  M.Fermatquî 
aTcz^  concernoit  la  Dioptrique  ,  il  ne  s'avifa 
feàer  a-  poiut  de  la  re veiller  du  vivant  de  M. 
chevent    Dèfcattes.  Mais  après  fa  mort ,  il  s'en 
•vaincre    cxpuqua  d  uue  manière  a  vouloir  nous 
M'^^      faire  douter  qu'il  l'eût  pleinement  fatis- 
iair,- Comme  il  lembloit  inviter  de  temps 
en  temps  quelqu'un  des  amis  deM.DeC 
cartes  à  reprendre  cette  ancienne  que- 
relle^, M.Rohault  lui  répondit  d'abord. 
-       '  Après 


!     de  M.  De/canes.  Liv.  IVc  145 

Apres  quoi  Ad.Clerfelier  s*offi:it,&  ter-  ^^^^ 
mina  la  querelle  à  la  gloire  de  m,  Ded 
■cartes,  &  à  la  fatisfadion  de  M.de  Fer- 
niac  qui  lui  rendit  les  armes.  —— ^ 

M.  Petit  ne  fut  pas  fi  long  -  temps  X I  6^ 
à  fe  rendre  for  les  difHcultez  de  Diop-  X  IL 
trique  qu'il  avoit  propofées  à  M.  Def-  roifputes 
cartes.  Il  profita  de  Tavantage  qu'il  avoit  *^''^  *^* 
fur  M.  de  Fermât  par  le  moien  de  fes 

[expériences  ,  qui  s*accordant  merveil- 
leufement  avec  la  dodrine  ide  M.  Def- 
_  cartes  ne  fervirent  pas  peu  à  le  defabu- 
fer,  &  à  lui  faire  rechercher  de  bonne 
heure  fon  amitié.  Il  devint  même  deux 
ou  trois  ans  après  l'un  des  zelez  feda- 
teurs  de  fa  Philofophie,  après  que  la 
ledurede  fes  MeditationsMetaphyfiques 
l'eut  tiré  de  quelques  difficultez  fuc 
Texiftence  de  Dieu  ,  &  la  diftindion 
■de  TAme  d'avec  le  Corps  dans  les  hom- 
mes. 

La  difpute  que  M.Defcartes  eut  avec  ^^Jf.  ^'■ 
M.Morin Profelfeur Roial^des Mathéma-  *  '** 
tiques  à  Paris  lui  donna  plus  d'exercice 
que  celle  de  M. Petit,  mais  elle  le  &, 
»gua  moin  s  que  celle  de  M.  de  Fermât. 
Elle  commença  le  22  de  Février  i6^S  par 
des  objedions  queM.Modn  lui  fit  iuc 


I4<?        Ahregè  de  la  Vie 
j(j,S    la  lumière.  M.  Defcartes  en  fit  tout  fe 

i^" .  cas  que  meritoient  des  objedtions  qu'il 

metcoit  au  nombre  des  plus  folides  d'eiv» 

tre  celles  qu'on  lui  eut  encore  formées 

contre  fes   nouvelles  opinions.    Cette 

cftime  enfla  le  cœur   à  M.  Morin  qui- 

voulut  montrer  par  une  réplique   à  fà 

réponfe   qu'il   n'en  étoit    pas  indigne» 

M.  Defcartes  fit  une  féconde  réponfe, 

dont  M.  Morin  feignit  n'être  pasentié- 

rement  fatisfait ,  &  voulant  fe  procurer 

l'honneur  d'écrite  le  dernier,  il  fit  une 

nouvelle  réplique  à  laquelle  il  témoigna 

qu'il  ne  fouhaitoit  pas  de  réponfe.  M. 

Defcartes  acheva  de  reconnoître  à  cette 

marque  le  caradere  de  Tefprit  de  m, 

Morin. Il  ne  voulut  pas  lui  refufer  la  fatisw 

fadion  qu'il  defiroit  de  lui ,  puifqu'elle 

lui  coutoit  fi  peu. 

'Avec  M,      L'occafion  qu'il  eut  dans  le  même 

rfc  Bexu.  temps  de  réfuter  un  alTez  mauvais  livre ,' 

^^^'^  '     lui  fît  faire  une  dilTertation  deGeoftati- 

S»K  petit  que  5  c'eft  à  dire ,  fur  la  queftion  de  fç3- 

cToiîatt  ^^^^  ^  ""  corps  péfe  plus  ou  moins  étant 

que  ou  fa  ptoche  du  ccutrc  de  la  terre  qu'ctt  étant 

Statique.  ^iQJgj^^  j  Lg  ljyj.g  q^ji  y  avoit  donné  lieii 

avoit  pour  auteur    le  Sieur  de  Beau- 
grand  Secrétaire  du  Roy ,  alTez  médio- 
cre 


l62,§. 


I 


deM.DeJcartes.Liy^V'  147 

cre  Mathématicien  ,  mais  qui  ne  fe  fai- 
foit  pas  alTez  de  juftice  en  ce  point.  Il 
étoit  ami  de  M.  de  Fermât,  Ô{  ennemi  de 
M, des  Argues.  La  confidcration  de  ce 
dernier  l'avoit  porté  à  rendre  de  mauvais 
offices  àM.DcfcarteSjà  caufe  du  zele 
avec  lequel  il  voioit  que  celui-ci  s'atta- 
choit  à  le  fervir.  Il  n'avoir  pu  s'empê- 
cher même  de  faire  ghlTer  dans  Ton  li, 
vre  quelques  traits  de  fa  mauvaife  vo- 
lonté. "M.  Defcartes  auroit  peut-être 
bien  fait  de  refifter  au  defir  de  ceux  qui 
le  portoienc  à  le  réfuter ,  pour  ne  pas 
fe  rendre  rufpe(fl  de  reiTentiment.  Mais 
il  fe  releva  promtement  de  cette  {ou 
bleflTe  ,  en  révoquant  la  pexmiffion  qu'il 
avoit  donnée  d'imprimer  cette  réfuta- 
tion 5  &  en  la  détachant  de  Ton  petit 
traité  de  Statique  ou  Geoftatioue  ,  au- 
^luel  il  ne  prétendoit  pas  interdite  la 
lumière. 

Ce  FUT  cette  même  année  que  s'é- 
leva parmi  les  Mathématiciens  de  France 
la  queftion  fameufe  de  la  Roulette ,  dont 
on  netrouvoit  aucun  veftige,  ni  parmi 
les  anciens,  ni  dans  les  livres  d'aucun 
des  Methématiciens  qui  avoient  vécu  i>^^^  ^'^ 
lufqu'àlors,   quoiqu'il  ni  ait  rien  à^  X^^[] 

pliis 


Î48       jéhregé  de  la  vie 

plus  commun  que  cette  ligne,  &  qu'elle, 
ne  foit  guère  moins  fréquente  dans  l'u- 
fage  du  mouvement  que  la  ligne  droite/ 
&  la  ligne  circulaire. 

La  Roulette  n'eft  antre  chofe  que  le 
chemin  que  fait  en  l'air  le  clou  d'une- 
roue  quand  elle  roule  de  fon  mouvement 
ordinaire,  depuis  que  ce  clou  commen- 
ce à  s'élever  de  terre,  jufqu'à ce  que  le- 
mouvement  continu  de  la  roue  Tait  rap- 
porté à  terre  après  un  tour  entier  ache- 
vé.Mais  dans  cette  définition  il  faut  fup- 
pofer  pour  la  commodité  des  opéra- 
tions géométriques  que  la  rou'è  eft  un. 
cercle  parfait  ;  que  le  don  eft  un  point 
marqué  dans  la  circonférence  de  ce  cer- 
cle y  ôc  que  h  terre  que  touche  *ce  point 
en  commençant  Se  en  finiiTant  Ton  tour 
eft  parfaitement  unie  ou  plane. 

Le  P.Merfenne  fut  le  premier  qui 
la  remarqua ,  Se  qui  lui  donna  le  nom  de 
Roulette.  Il  voulut  enfuite  en  reconnoî- 
tre  la  nature  5c  les  proprietez.Mais  com- 
me il  n'étoit  pas  auffi  heureux  à  veCoM^ 
dre  les  belles  queftions  qu'à  les  former, 
il  n*eut  pas  aiTez  de  pénétration  pouc 
venir  à  bout  de  jellc-cy.  Cela  l'oblir 
gea  de  la  propofer  à  d'autres.  M.  de 

Robe  r  val 


de  M. D ejcar tes, LivJV.   149 

-Rôberval  fut  le  premier  qui  démontra  j^^<^ 
queVefpAce  delà  Rouletts  âfi  triple  de  ,  m 
la  roué  cjui  la  forme.  Après  cela  M. de 
Fermât^  M.Defcartes  en  donnérentila 
démonftration  j  &  leurs  folutions  fe 
trouvèrent  non  feulement  différentes 
rune  de  l'autre  ,  mais  encore  de  celle  de 
M,de  Rôberval.  Le  P.  Merfenne  aianc 
mandé  à  M.Defcartes  que  M. de  Rôber- 
val trouvoit  fa  démonftrationtrop  cour- 
te pour  eftre  bonne  ,  il  en  receut  là- 
delTus  les  éciaircilTemens  qu*il  (ouhai- 
toit.  M.  Defcartes  en  lui  envoiant  une 
explication  fort  ample  de  fadémonftra- 
lion  de  la  Roulette ,  l'avertit  qu'il  n'y 
avoir  rien  à  changer  dans  cette  demon- 
ftration^.Si  que  TéclairciiTement  qu'il 
venoit  d'y  ajouter  n'écoit  diffus  qu  afin 
de  pouvoir  être  entendu  par  ceux  qui 
ne  fe  fervoient  point  d'Analyfe ,  les  au- 
tres n'aiant  befoin  que  de  trois  coups  de 
phtme  pour  la  trouver  par  le  calcul. 

Dans  diverfes  que  (lions  dépendantes 
de  celle  de  la  Roulette  il  fe  trouvoit  plu- 
fieurschofes  dont  M.  de  Rôberval  té- 
moignoit  n'avoir  point  de  connoiffance. 
Il  fallut  pour  l'en  inl^ruire  que  le  Père 
Merfenne  recourut  à  M,  Defcartes  fa 
^-■^'  relfource 


Ï50        Khregê  de  la  Vie 

1^58.    fource  ordinaire,  de  il  en  reçût  toutes 
t^-         les  folutions  que  lui  Se  M.  de  Roberval 
pouvoient  fouhaicer.  Avec  ce  fccours , 
celui-ci  donna  encore  deux  autres  (blu- 
tions 5  dont  l'une  fut  la  dimenfîon  du 
folide de  la,  Roulette  au  tour  delà  bafe; 
Tautre,  V  invent  ion  des  tangentes  ou  tou^ 
chantes  de  cette  ligne.  Mais  il  n'eut  pas 
pour  ces  petits fervices  de  M.Defcarœs 
toute  la  reconnoiirance  qu'on  en  dévoie, 
'     attendre.  Sa  diŒmulation  bi  les  procé- 
dures indireBes   de  Ça  conduite  dégoû- 
tèrent tellement  M.  Defcartcs,  qu'il  ne 
voulut  plus  avoir  de  part  à  ce  qui  le  paf- 
fà  depuis  touchant  la  Roulette.  Dés  la 
fin  du  mois  de  Septembre ,  il  tacha  de 
de  s'en  débarralfer  pour  une  bonne  fois  > 
&  fans  prétendre  rien  à  la  gloire  de  cet- 
te invention  qu'il  lailToit  de  bon  cceur  à 
M.  de  Roberval  pour  s'appliquer  à  d'au- 
tres chofes  5  il  écrivit  au  Père  Merfenne , 
afin  qu'il  fit  fcavoir  fon  defiftement  à 
tous  les  Machematiciens  qui  s'en  mê- 
loienr. 
—       La  Raison  qu'il  alleguoit  pour 
XVI.   fe  difpenfer  de  travailler  davantage  fur 
jir.non-  la  Roulctce  étoit qu'il  renonçoittout  de 
bon  a  la  Gconiettie.  Cette  nouvelle  ne 

plût 


Geome 


de  AÎ.Defcartes.Vw.  IV.  151 

plût  pas  aux   Géomètres  de   Paris  du    i^^^» 
nombre  de  fes  amis.  M.  des  Argues  fur  ^ 

tous  les  autres  ne  pût  s'cm^êcheL  d*eti 
témoigner  Ton  déplaifir.  M.  Derc:]rtes 
le  prit  en  bonne  parc  ,  &  pour  Tôtec 
d'inquiétude,  il  lui  Ht  fçavoirpar  le  P. 
Merfenne  que  fon  renoncement  ne  re- 
gardoic  que  la  Gcometrie  abftraite:mais 
qu'il  continuëroic  de  cultiver  une  au- 
tre force  de  Géométrie  qui  fe  propofe 
pourqueftion  l'explication  des  phéno- 
mènes de  la  nature  comme  il  avoit  fait 
dans  ce  qu'il  avoir  écrie  des  Météores, 
c\c. 

Il  voulut  donner  des  marques  plus  SacouJI^ 
précifes  de  la  confideration  qu'il  avoit  ^^'"^  °'* 
pour  cet  ami.  Car  aiant  (eu  que  les  en-  des  Ar-j 
droits  de  fi  Géométrie  imprimée  ,  ou  il  ^""* 
avoit  afFedé  d'être  obfcur,  lui  faifoient 
de  la  peine  ,  il  voulut  lui  en  donner 
lui-même   les    éclaircilfemens   par   un 
écrit  qu'il  fit  exprés ,  pour  lui  faiie  con- 
fioîtrejufqu'oùalloit  le  zèle  qu'il  avoit 
pour  Ion  fervice. 

Outre  ces  éclairciflemens  fur  quelques  i-ntrod». 
endroits  propoi'ez  par  M.  des  Argues,  <^'^'<'»*/^« 
il  confentit  qu'un  Gentilhomme  Hol-  nii. 
landois  de  fes  amis  entreprit  une  intro- 
H  dudlion 


T 5 1       Ahegé de  la  Vie 

■J^^    duction  rcîiuliere  &  fuivie  de  toute  fa 
Gcomccrie,i?oui:  en  faciliter  rintelliaen- 
ce  à  toutes  fortes  de  ledeurs.  Elle  foc 
trouvée  fi  excellente  &  fi  courte  ,  qu'on 
crut  qu'il  en  étoit  l'auteur.  Ceux  qui  fe 
plaie,nirent  de  la  brièveté  de  cet  écrie 
furent  priez  de  conlidcrer    que  c  etoïc 
une  introduction  ôi  non  pas  un  com- 
mentaire. Mais  on  pouvoit  donner  le 
titre  de  commentaire  aux  excellentes 
^omàz   notes  que  M.  de  Beaune  Confeiller  au 
M.  de     prefidial  de  Blois ,  fit  cette  même  année 
Tur  la  Géométrie  de  M.  Defcartes.  Il  ne 
s'y  trouva  rien  qui  ne  fût  parfaitement 
conforme  à  la  penfée  de  l'auteur  ,&  fe- 
Ion  fon  imentlon.  La  joie  qu'en  eut  M, 
Defcartes  augmenta  encore  ,  lorfqn'il 
vid  la  pénétration  avec  laquelle  M.  de 
.  Beaune  avoit  pu  reconnoitre  des  chofes 
qu'il  n'avoit  mifes  dans   fa  Géométrie 
que  d'une  manière  tres-obfcure. 
"Exerckes       On  peut  conter  encore  au  nombre 
m'ai^^e'  ^^^  principales  occupations  que  M.  Dell 
Avec  M.    cartes  eut  cette  année  l'exercice  que  lui 
Croix  &  donnèrent  les  deux  premiers  Arithmeti- 
M.  Fre-    ciens  du  (îccle  M.  de  fainte  Croix  &"  M^ 
Frenicle  fur  diverfes  quellions  de  nom- 
bres. Mais  la  réponfe  qu'il  fit  à  celles  de 

M.  de 


de  M.  Defcartes,  Liv.  ÎV.  153 

1A,  de  fainte  Croix  au  mois  de  Juin  ,  le    k^^S. 
fatigua  tellement ,  qu'il  conjura  le  Père   ——* 
Merfenne  de  ne  lui  en  plus  envoier  îiu- 
cune  de  cette  nature  ,  telles   qu'elles 
pullent  eftre.  Il  tâcha  auflide  fe  défaire 
.des  problèmes  &  des  objedionsfteriles  lUefedi 
des  autres  ,  fous  les  prétextes  les  plus  rcpo»dre 

,  A  ,.|       A      .   '       .  ^  aux  r»». 

honnêtes  qu  il  put  imaguier.  blémety 

Ainfi  las  de  porter  'a  qualité  one. 

reufe  d*oracle  ,  il  fe  difpenfa  prefque 

entièrement  de  répondre  avant  la  fin  de 

l'an  1638  :  &  il  fe  contenta  de  faire  un 

triage  des  meilleures  objections  qui  lui 

avoient  été  faites  jufqu'alors  ,  ôz  des 

plus  beaux  problèmes  qui  lui  avoient 

été  propofez  ,  pour  les  faire  imprimer 

avec  fes  réponfes  ,  quand  il  plairoic  à 

celui  à  qui  il  appartient  de  difpo.er  de 

toutes  chofes. 


Hi)  LIVRE 


kjs 


154        Ahrcgé  de  la  Vie 


LIVRE     CINQUIE'ME 

'f^^  depuis  i6^%.jufquen  iC^\. 

PENDANT  qu*on  fatiguoit  M, 
Defcattes  en  France  par  des  objec* 
tions  &  des  problèmes ,  on  ne  fongeoit 
pr.efque  en  Hollande  quàfe  dépouiller 
de  la  vieille  philofophie  pour  prendre 
la  fienne.  L'Uni vcrfité  d'Utrech  qui 
ftmbloic  être  née  Cartefienne  ,  après 
qu'on  eut  fait  venir  de  De  venter  le  Pro- 
felTèur  Reneri  pour  prévenir  même  fon 
érection  ,  fe  rempliiroic  infenfiblement 
de  fesdifciples  fous  la  dircipline  de  cet 
habile  homme. 

Celui  qui  fe  diftingua  le  plus ,  fut  un 
jeune  Médecin  nommé  Henri  de  Roi  , 
dit  T^egifis,  à  qui  Reneri  communiqua 
cette  méthode  excellente  qu'il  avoit  re-| 
çûë  de  M.  Defcartes  pour  conduire  fa 
raifon  dans  la  recherche  de  toutes  for-j 
tes  de  veritez.  Recrius  ne  borna  point  fà 
reconnoififance  à  Reneri,  mais  il  la  fit 
remonter  jufqu'à  M.  Defcattes  ,  pour 

lequel 


de  M.  De/cartes.  Liv.V.  iy>, 

lequel  il  conçût  dés  lors  une  haute  efti-    1(538 

me.  Ce  n'étoient  encore  là  que  les  fruits  " 

des  converfations  de  Reneri.  Le  livre 
de  M.  Defcartes  vint  enfuice  à  paroître. 
Regius  Ce  montra  des  plus  ardens  à  le 
lire  ,&  l'eftime  qu'il  avoit  conçue  pour 
M.  DefcaLtes ,  fe  toui-na  incontinent  en 
une  vraie  paiïion. 

Non  content  de  s'être  imprimé  dans 
refprit  les  principes  de  fa  nouvelle  Phi- 
lofop''iie,dont  il  avoit  trouvé  les  eflais 
dans  Ton  livre  conformes  à  ce  queReneri 
Jui  en  avoit  appris  auparavant ,  &  de  les 
avoir  adoptez  à  la  place  de  ceux  qu'on 
lui  avoit  autrefois  enfeignez  dans  les  é- 
coles,  il  fe  mit  en  devoir  de  lesdigeiec 
encore  poui  l'ufage des  autres.  Ilenfei» 
gnoit  aduellement  la  Phylofophie  Ôc  la 
Médecine  à  des  Particuliers  dans  la  vil- 
le :  &  pour  ne  point  faire  diverfion  à 
l'étude  qu'il  faifoit  de  la  philofophie  de 
M.  Defcartes  ,  il  s*avifa  de  la  mettre 
par  cahiers  ,  &:  de  la  débiter  à  fcs  éco- 
liers fous  le  nom  de  Phyfiologie  à  me- 
fure  qu'il  la  comprenoit. 

La  fimplicité  de  l'hypothéfe,le bel  en- 

chainementdes  principes  &  des  raifon- 

nemens ,  la  netteté  6c  la  facilité  avec 

H  iij        laquelle 


1^6       Ahegéàe  la  Vte 

1633      laquelle  il  leur  en  faifoic   déduire   les 
-       "  verirez ,  les  ravit  de  telle  forte ,  que  fans 
en  demeurer  aux  termes  d'une  recon- 
noiirance  ordinaire  pour  le  maître  à  qui 
ils  fe  fentoient  fi  redevables ,  ils  firent 
une  efpece  de  ligue  pour  coopérer  à  fon 
avancement  ,  ^  pour  s'emploier  à  le 
faire  mettre  en  place ,  foit  dans  le  Con- 
feil  de  ville ,  foit  dans  TUniverfité.  Pea 
de  temps  après ,  Ton  parla  d'établir  un- 
nouveau  ProfelTeur  en  médecine  pouc 
la  botanique  &  la  theoreiique.  Les  difl 
ciples  de  Regius,  qui  la  plupart  étoienr 
enfans  de  famille  ,  crurent  que  l'occa- 
lion  qu'ils  cherchoient  de  lefervir  étoir 
venue,  &  ils  n'épargnèrent  ni  leurs  pa- 
ïens ni  leurs  amis,  pour  obtenir  les  fuf- 
firages  du  Sénat  en  fa  faveur.  Regius^ 
avoir  de  puiiîans  concurrents ,  mais  l'ap- 
probation  qu'avoit  fa  Phyfiologie  jointe- 
à  la  différence  que  Ton  remarquoit  dans 
la  manière  de  raifonner  qui  diftinguoir 
fes  difciples  d'avec  ceux  des  écoles  pu- 
bliques 6c  vulgaires ,  fit  juger  qu'il  a- 
voit  une  philofopbie  toute  particulière,. 
&  qu'il  devoir  eftre  un  excellent  maître 
dans  l'art  ou  la  méthode  d'enfeigner.. 
^'eft  ce  qui  porta  le  Magiftrat  à  le 

préférer 


de  M.  Dejcartes.  Liv.  V.  157 

préférer  aux  autres  pour  remplir  la  chai-    i^^S 

tQ  -y  Se  qui  le  fît  recevoir  avec  plaifir  pour  

collègue  par  tous  les  Profedeurs  de  l'U- 
fiiverfité  donc  Reneri  avoic  difpofc  les 
cfprits. 

Regius  crut  avoir  toute  Tobligatiou 
du  fuccés  de  cette  affaire  à  M.  Defcar* 
tes ,  dont  la  Philofophie  avoit  forme  eu 
lui  ce  mérite  qui  l'avoit  fait  palPer  fur  les 
autres  concurrens.  Il  prit  la  liberté  par 
nne  première  lettre  du  iSd'Aouftde  le 
remercier  d'unfervicefi  important  qu'il 
lui  avoit  rendu  (ans  le  fçavoir.  Il  le 
conjura  enfuite  de  ne  point  abandonner 
fon propre  ouvrage^  Se  de  ne  pas  lui  re- 
flifcr  les  afliftances  necelfaires  pour  foûv 
tenir  cette  première  reputition.  Il  lui 
promit  de  fon  côté  tout  ce  qui  dépeur 
droit  de  lui  pour  ne  rien  flvire  qui  fût 
indigne  de  la  qualité  de  ion  difciple 
qu'il  preferoit  à  tous  les  autres  avanta- 
ges de  la  vie  ;  Se  qu'il  fuivroit  les  pas  de 
Reneri  le  plus  prés  qu'il  lui  feroit 
pofîible. 

Pour  fe  mettre  d'abord  en  pofTeflîon 

des  droits  attachez  à  cette  qualité,  il  lui 

envoia  Tes  Effais  de  médecine  pour  les 

examiner  avec  toute  la  feverité  d'un 

H  iiij  Maître^ 


158         khregê  de  laV  ie 

1^38     Maître  j  &  il  lui  demanda  les  objections 

qui  lui  avoient  été  faites  depuis  peu 

contre  la  circulation  du  fang  avec  les 
réponfes  qu'il  y  avoit  données. 

M.  Descartes  qui  avoit  été  in- 
formé de   tout  ce  qui  s*étoit   paffé  à 
Utrecht  par  Reneri  qui  Tétoit  allé  voir  à 
Egmond  au  mois  d'Aouft  ,  accorda  fon 
amitié  à  Regius  avec   tous  les  fruits 
Defcanes  qu'elle  pourroit  produire.  Il  n'eût  aucu- 
ne violence  à  fe  foire  pour  lui  donner  ce 
qu'il  lui  demandoit  concernant  la  Mé- 
decine ,  parce  qu'il  en  faifoit  aduelle- 
ment  fon  occupation  ,  &  qu'il  compre- 
noit  l'importance  qu'il  y  avoit  de  ménju 
'  gec  fagement  le  zèle  d'un  nouveau  did 
ciple  fi  bien  intentionné.Il  achevoit  alors 
fon  Abrégé  de  Médecine  qu'il  avoit  tiré 
en  partie  des  livres ,  &  en  partie  de  fes 
raifonnemens.  Et  il  efperoit  pouvoir  (e 
fervir  par  provifion  de  cô  travail  ponreh^ 
tenir  quelque  délai  de  la  Nature  >  ^  re^ 
tarder  les  poils  blancs  qui  commençaient 
à  lui  venir» 
Arau  de       Rcncri  &  Regius  n'étoient  pas  les 
M.Def-   feuls  qu'il  eût  pour  amis  ,  ou  que  (à 
êlïunde  Piulofophie  eût  pour  feftateurs  à  U- 
uechc  ^  dans  le  voifînage.  Il  pouvoit 

encore 


de  M.  Defunes.  Liv.  V.  159 

conter  encore  parmi  les  Profedeurs  de    i^jS 
rUniverficé  Antoine  Emiliu>   &:  Cy-  * 

prien  Regneri  ;  &  parmi  les  Magiftiats 
delavilîe  jMeŒeuLS  Mander- H oolck^y 
Van  heevv ,  Pa^mentier  ^  &c.  outre  les 
deux  Van- Dam    Médecins  ,Jes    deux 
Vyaeffenaer  Mathcmiuicicns  \  Made- 
tnoifelle  Anne  Marie  Sehnrma*7f  Se  ion 
ftére,  Jean  Alphonfe  ofticier  de  l'armée, 
Godefroy  de  H^e[irecht  Gentilhomme 
Liégeois  retiré  prés  d'Utrecht.ll  n'en  a- 
voit  pas  moins  à  Am(lerdam,à  Leyde,  à 
la  Haye,oii  toutes  les  perfonnes  de  mé- 
rite le  faifoient  honneur  de  fa  connoif- 
fance.  Mais  l'idée  du  pays  où  il  vivoic 
ne  doit  pas  nous  faire  croire  quefes  ami- 
tiez  fe  terminalTent  aux  feuls  Proteftans. 
Tout  ce  qu'il  y  avoir  de  Catholiques 
tant  fo't  peu  di{li:igucz  écoient  Tes  amis. 
On  peut  conter  au  rang  des  principaux 
non  feulement  Corneille  de  HoogheUnd 
Gentilhomme  de  Leyde  ,  mais  encore 
deux  Preftres  de  Harlem,  dont  l'un  étoic 
Jean  Albert  Bannitis ,  &  l'autre  Augu-   ^f^^"' 
ftin  Aelftein  7?/<?^w4rr  très. riche  de  fon  ^tan 
patrimoine  2ranc\  aumônier  à  Téeard  des  r-A" 

1?auvres ,  &  Ion  cortelpondant  pour  les 
^«ttes  &  les  çacquets  qu'on  lui  addref- 
4  H  V        foit- 


?^cX. 


lî^o       Abrège  de  laYie 

1^3^  foit.  Ils  étoienc  tons  deux  Mathémati- 
'  '  ciens ,  amateurs  de  la  paix  &  des  fçien- 
ces  ,  vertueux ,  d'une  vie  jFrugaîe  & 
exemplaire  au  milieu  des  Proteftans  donc 
ils  s'écoient  prefque  généralement  ac- 
quis l'eftime  &c  TafFedlion.  M.  Defcar- 
tes  quittoit  de  temps  en  temps  fa  foli- 
tude  d'Egmond  pour  les  aller  voir  à  Har- 
lem, ou  dans  une  maifonde  campagne 
qui  en  éioit  proche.  Comme  ils  n'é- 
toient  guéres  plus  grands  buveurs  ni 
plus  grands  joueurs  que  lui ,  la  dé* 
biuche  ordinaire  qu'ils  faifoient  en- 
fèmbleétoit  quelque  concert  de  Mud- 
que  dont  Bannius  avoit  coutume  de  les 
régaler.  M.  Defcartes  dont  l'amitié  n'é- 
toit  ftérile  pourperfonne  leur  rendit  fur 
fur  la  ^\-\  de  cette  année  un  fervice  très- 
important  aaprés  du  Pri-nce  d'Orange  Sc 
des  Etats  de  Hollande  parle  moien  de  M. , 
de  Zuyclichem  &  de  quelqu'autres  Sei- 
gneurs de  fes  amis  qui  ctoient  en  crédit,. 
I L  N  E  plût  point  à  Dieu  de  lailFer 
long-temps  à  M.  Defcartes  le  double 
plaifir  de  voir  enfeigner  publiquement: 
tes  principes  dans  les  écoles  de  Philofo- 
phie  &  de  Médecine  à  UtreclK  par  les- 
deux  plus  habiles  ProfelTeurs  de  l'Uni- 

V€rfité;t 


de  M.  DeJcartesXivy.  i<^^i 

verfîcé.  A  peine  Regias  étoic-il  afferaii     ^^59 
dans  Ton  nouvel  établillement  que  l'on 
perdit  Reneri   au  milieu  du  mois  de 
Mars  de  l'an  163p.  le  jour  même  de  Tes 
nopces  après  4.5.  ans  de  vie. 
•    On  lui  fit  dans  la  grande  Eglife  de  la 
Avilie  de  fplendides  funérailles,  aufqueî- 
les  le  Scnat  ou  les  Magirtrats  afîiilcrenc 
en  corps  avec  l'Univerfîté.  L'Or^nfoii 
funèbre  fut  prononcée  le  lendemain  au 
nom  de  l'Univerfuè  par  Ant.  Emilius 
Profelleur  en  éloquence  &r  en  hiftoire. 
On  admira  la  beauté  du  difcours ,  &  on 
fut  touché  des  reflexions  de  rOi-ateur. 
Mais  on s'apperç'it  bien  tôt  que  ce  n'c* 
toit  pas  moins  le  panégyrique  de  M.  Pane^y. 
Defcartes  vivant ,  que  roraifon  funèbre  \iJl[*'^lr 
de  feu  M.  Reneri.  La  principale  lou  n-  certes 
ge  qu'Emilius  avoir  adonner  à  Tilludre  ^:°^^^;^, 
^defunt ,  que  Ton  avoit  regardé  comme  r'ie:!t  par 
le  principal  appui  de  l'Univerfîté  naif-  1;^^^^^^ 
faute  &, comme  fon  plus  bel  ornement ,  *  vimhi 
étoit  d'avoir  eu  alfez  de  courage  poiir  fe 
défaire  de  raùtoritédes  Anciens  Se  des 
'Modernes  qui  Tavoient  précédé  ,  afin 
'de  rentrer  dans  la  liberté  que  Dieu  a 
'donnée  à  nôtre  raifon  pour  fe  conduire 
'dans  la  recliercbe  de  la  Vérité ,  qui  eit 


i6t       Ahregé  deUVie 

la  feule  maicrelTe  donc  nous  foions  obli- 
"■  gez  de  nous  rendre  fedtaceurs,  C'étoic 
une  refolucion  véritablement  héroïque 
qui  ne  pouvoit  convenir  qu'à  des  efprits 
du  premier  ordre.  Mais  il  falloir  que  M. 
Defcarces,  ^ui  Ta  lui  avoit  infpirée  com- 
me à  quelques  autres  de  ceux  qui  s*é- 
toient  attachez  à  lui  dés  le  commence- 
ment de  fa  retraite  en  Hollande  ,  fût  le 
diredeur  de  cette  encreprife.  Emilius  fit 
valoir  avec  beaucoup  d'éloquence   les 
grands  progrés  que  Reneri  avoit  faits 
dans  la  connoilTance  de  la  Nature  fous 
un  chef  de  cette  qualité.  Il  rehaulTa  de 
couleurs  fort  vives   l'avantage  que  la 
Ville  &  rUniveifîté  avoient  reçu  de  la 
difpoficion  où  s'étoit  trouvé  Reneri  de 
pouvoir  y  enfeigner  les  principes  de  la 
véritable  Philofophie,  qu'il  prétendoit 
être  demeurée  inconnue  au  genre  hu- 
main jufqu'à  M.  Defcartes. 

L'auditoire  en  parut  perfuadé  j  bc  les 
Magiftrats  après  avoir  honoré  ce  difl 
cours  de  leur  approbation  ordonnèrent 
qu'il  fèroit  imprimé  ,  &  pubHquement 
diftribué  fous  leur  autorité  ,  tant  pour 
honorer  1  a  mémoire  de  leur  Profefîeur, 
que  pour  donner  des  marques  éclatan- 
tes 


de  M.  Defcartes.  Liv.V.  î(?3 

tes  de  la  rcconnoilfance  qu'ils  a  voient 
du  fervice  fignaléque  leur  avoir  rendu 
M.  Defcartes ,  en  formant  un  tel  difci- 
ple,  Emilius  ,  qui  depuis  long  temps 
cherchoit  à  s'introduire  dans  la  Familia- 
rité de  M.  Defcartes,  avoit  reçu  comme 
un  coup  de  providence  Tordre  que  îfe 
Magiftrat  lui  avoit  envoie,  de  faire  fes 
éloges  &  ceux  de  U  nouvelle  ^hilofi- 
phie  dans  l'oraifon  funèbre  de  Reneri. 
Après  l'avoir  prononcée,il  lui  en  envoia 
une  copie  manufcrite  avec  des  lettres 
pleines  de  refped  &  d'eftime  ,  fous  pré- 
texte que  ce  difcours  le  regardant  per- 
fonnellement  ,  &  que  le  Magillrat  en 
aiant  ordonné  la  publication  ,  il  étoit  à 
propos  qu'il  vît  ce  qu'il  y  avoit  à  chan- 
ger  avant  qu'on  le  mît  fous  la  prefle.  La 
modellie  de  M.  Defcartes  eut  à  fouffrir 
à  la  ledurede  tant  d'éloges.  Mais  com- 
me il  ne  lui  appartenoit  pas  de  trouver  à 
redire  au  jugement  &  à  la  conduite  du 
premier  Mai^iftrat  ,il  n'ofa  y  toucher. 

Peu  de  jours  après  il  ht  connoître 
qu'il  n'avoit  fouffeit  ces  éloges  que  par- 
ce qu'il  n'avoit  pas  été  en  fon  pouvoir 
de  les  fupprimer.  Car  Emilius  lui  aiant 
envoie  avec  ui>  peu  trop  de  confiance 

des 


iS^ 


:t64-       ^hregé  de  la  Vie 

iS^c}  des  vers  qu'il  avoic  faits  fur  le  même 
•^  fujet  pour  en  fçavoir  fon  fentiinent ,  5<: 
les  lui  aiant  enfuite  redemandez ,  parce 
qu'il  n'en  avoir  point  retenu  de  copie , 
éc  qu'il  defiroit  de  les  faire  imprimer; 
.M.  Defcartes  chercha  une  excufe  pour 
ne  les  lui  pas  renvoier ,  &:  il  vengea  le 
mieux  qu'il  put  par  cette  f  uppreflîon  fa^ 
pudeur  &:  fa  modeftie  offenfée  dans  l'o- 
raifon  funèbre  de  Reneri. 

La  perte  que  Regius  avoic  faite  ea 

liegius  particulier  d'un  excellent  diredleur  de 

devient  le  ç^^  écudes  daus  la  monde  Reneri  Tavoic 

■premier  .  >   -,  r  t^    r 

difcipiede  fait  recouL'ir  de  nouveau  a  M.Delcartes^- 

^rt  ^y'  I^  ^^  conjura  de  vouloir  lui  donner  au^ 

prés  de  lui  la  placequeledéfunty  pof- 

fedoitj ajoutant  ques'ill'a  luiaccordoic 

ils'efiimero'.t  anlJi  heureux  que  i*il  étoit~ 

■■   élevé  jnfcjiiaii  troifieme  ciel. 

Il  eft  certain  qu'après  Reneri  perfon- 
ne  ne  pouvoir  alors  fe  vanter  de  méri- 
ter mieux  que  Regius  la  qualité  de  pre- 
mier difciple  de  M.  Defcartes.  Il  avoir 
du  coté  de  l'efprit  les  talens  les  plus 
propres  à  foûtenir  ce  rang  avec  la  digni- 
té ^  la  fuffiQmce  necelTaire,  La  profeÇ- 
fion  qu'il  faifoitde  la  Medecineavec  \^ 
J^hvfique -luii  do^]n9ii;  eiiçpre  xj^q  ^9rRr: 

modité-- 


deM.DeJcartes.Liy.y.T6^ 

modicé  pour  cela  &  un  avantage  que  ipj^- 
n*avoienc  pas  les  autres  Cartéfiens  de  - 
Hollande  ôc  de  France  qui  n'enfei- 
gnoienc  pas  publiquement  ,  5c  quin'é- 
toient  philofophes  que  pour  eux-mê- 
mes. Mais  il  auroitété  à  fouhaiter  pouc 
fa  réptitation  particuliére,que  Reneri  en 
lui  apprenant  la  méthode  3c  les  princi- 
pes de  M.  Defcarteseûc  fçû  lui  infpireî: 
en  même  temps  fa  modeftie  6c  fa  pru- 
dence. 

Quelque  temps  après  la  mort  de  Re- 
neri 5  Ton  augmenta  Tes  gages  de  la^ 
moitié  5  Se  Ton  attacha  à  fa  profeflion 
un  nouvel  emploi  qui  confiftoit  à  expli- 
quer  les  Problèmes  de  Phyfique  ,  lors 
qu'il  ne  feroit  pas  occupé  de  fa  Botani- 
que ,  c'eft-à-dire  de  l'explication  des 
plantes  &  des  fimples.  11  fit  part  à  M. 
Dekartes  de  la  joie  qu'il  avoir  reçue  de 
cette  commiiïion ,  parce  qu'elle  lui  pre- 
fèntoit  de  nouvelles  occafions  d'enfei- 
gner  &c  d'étendre  fa  Philofophie.  Il  avoic 
adroitement  brigué  cet  emploi  qui  étoic 
defurérogarion  dans  rUniverfité  :  &  il 
avoit  été  fervi  dans  fa  pourfuite  par 
Foetitis  ProfelTeur  en  Théologie  qui 
étoit  encore  alors  dans  fes  iiicerêts.  Mais 


iC(^       khregédeUVïe 

J^  ce  qu'il  avoit  envifagé  comme  un  avan- 
^ —  tage  confiderable  pour  faire  valoir  Tes 
talens  ,  de  pour  débiter  avec  plus  d'é- 
clat les  opinions  nouvelles  ds  Phyfique 
ôcde  Médecine  que  les  vieux  Peripaeti- 
eiens  &  Galeniftes  ne  fouffroient  pas  vo- 
lontiers qu'on  enfeignât  dans  les  Ecoles 
où  ils  regnoient ,  fut  un  prétexte  enfui- 
te  au  mên^  Voetius  povr  lui  fufciter  des 
affaires.  Son  peu  de  conduite  fut  caufe 
que  l'embarras  retomba  fur  M.Defcartes, 
&  que  l'affaire  dégénéra  enfuite  en  un 
long  &  fâcheux  procez  qu'il  fut  oblige 
de  foutenirau  préjudice  de  fa  folitude 
■  &  de  la  tranquillité  de  fa  vie. 

IV.         Personne  n'étoit  alors  plus  élevé 
^ielé.  ni  plus  confideré  dans  rUniverfité  d'U, 

toit  Foe-         *■ .  f, -.\  I      •    \ 

tins  ffes  trech  quefe  Voenus.  Il  etoit  le  premier 
devins,  jfes  ProfelTeurs  en  Théologie  ,  &  le 
principal  Miniftre  ouPafteur  de  la  Vil- 
le. Il  portoit  partout  cet  air  triomphant 
qu'il  avoit  rapporté  du  Synode  de  E>or- 
drechtoûil  s'étoit  trouvé  du  codé  des 
vidtorieux  ,  c'eft-à-dire  ,  de  ceux  qui 
afïïftez  del'épée  &  du  crédit  du  Prince 
Maurice  étoient  venus  à  bout  de  con- 
damner le  parti  des  Remontrans  :  &  il 
s'étok  ac<yjis  pac  iâ  ville  une  efpece 

d'auiOr 


de  A4.DeJcdrte$XW.V.  1(^7 

d^autorité  fur  les  efprits  par  je  ne  fçay  1^39 
quelle  tepucation  de  gravité  &  de  fuf.  - 
fifance.  Il  avoit  î'efpnî  naturellement 
porté  à  la  conteftation  ,  <Sc  gâté  par  la 
Icduie  des  controverfiftes  de  Ton  parti , 
&  des  livres  d'impiété  &  de  bouffonne- 
rie ,  aufquels  il  avoit  donné  beaucoup  de 
temps.  Il  étoit  d'une  humeur  fort  bi- 
zarre, d'un  jugement  fort  médiocre  ,  & 
d'une  érudition  fort  fuperficielle. 

Les  bonnes  qualitez  qu'il  pouvoit  a- 
Yoir  étoient  foûtenucs  par  un  peu  d'a- 
iriv^ur  propre  pour  fa  perfonne^accompa- 
gné  d'un  mépris  intérieur  pour  toutes 
celles  qu'il  n'avoit  pas.  De  forte  que 
s*étant  accoutumé  de  longue  habitude 
à  ne  pas  eftimer  ce  qu'il  ignoroit  ,  5^ 
ignorant  en  philofophie  tout  ce  qui  n'é- 
toit  pas  renfermé  dans  les  bornes  de 
la  fcholaftique  triviale  ,  on  auroit  pu 
lui  pardonner  le  peu  de  goût  ,  &  l'é- 
loignement  qu'il  avoit  eu  d'abord  pour 
les  ouvrages  de  M.  Defcartes ,  s'il  n'en 
avoit  pris  Tallarme  comme  d'une  nou- 
veauté pernicieufe  qu'il  eût  fallu  exter- 
miner. 

La  confideration  qui  étoit  due  à  Re- 
neri,  l'avoic  retenu  dans  le  filence  juf- 

qu'à 


168       Ahreff  de  la  Vie 

1^39    qu'à  fa  mort.  Mais  étant  allé  à  fon  oraîw 
"  fon  funèbre  avec   fa   prévention  ,  les 

éloges  inefpérez  qu'il  y  entendit  de 
M.  Defcartes  lui  donnèrent  tant  de  ja- 
loufîe  5  qu'il  en  fortit  avec  la  refolution 
de  mettre  en  œuvre  tout  ce  que  fon 
induftrie  pourroit  lui  fournir  pour  dé- 
truire cette  nouveauté.  Neantmoins 
l'approbation  que  le  Magiftrat  avoic 
donnée  à  ces  éloges  ,  l'obligea  d'aller 
bride  en  main ,  pour  ne  pas  fe  commet- 
tre mal  à  propos  avec  Tes  fuperieurs, 
C'efl;  pourquoi  abandonnant  ce  qui  é- 
îoit  du  refTort  de  la  Philofophie,  contre* 
quoi  il  ne  lui  étoit  ni  feur  ni  honnête 
de  s'élever ,  il  fè  reduifit  à  ramafler  ce 
qui  pourroit  fe  rapporter  à  la  Théolo- 
gie dans  le  difcours  de  la  Méthode  de 
M.  Defcartes  pour  en  faire  la  matière 
de  Tes  cenfures ,  ^  tâcher  par  ce  moieii 
de  faire  bannir  de  l'Univerfité  fa  Philo- 
fophie  comme  pernicieufe  à  la  Religion 
Proteftance  &  au  repos  des  Etats  des 
Provinces-Unies. 

Il  commença  fes  hoftilitez  par  des 
théfes  qu'il  fit  au  mois  de  Juin  1(539 
touchant  l'Athéifme.  Et  pour  garder 
quelque  ordre  dans  les  productions  de 

fa 


de  M.DeJcartes.  Liv.V.  1(^9 

k  mauvaife  volonté  ,  il  s'abftint  d'y    iG^t) 
nommer  d'abord  celui  à  qui  il  en  vou-  ■■ 
loic ,  &  fe  contenta  d'y  jerter  les  fonde- 
mens  de  la  calomnie  ,  dont  il  croioit  de- 
voir le  charger  pour  venir  à  bout  de 
le  ruiner. 

Cette  calomnie  dans  laquelle  il  a 
toujours  perfifté  depuis  ,  ccnfiftoit  à 
faire  paifer  M.  Defcartes  pour  un  Athée: 
&  afin  qu'on  ne  pût  s'y  tromper  en 
prenant  quclqn'autre  pour  lui,  il  mêla 
dans  Tes  ihéfcs  parmi  les  marques  de 
rAthéifme  toutes  les  chofes  qu'il  fça- 
voit  eftre  attribuées  à  M.  Defcartes  par 
îe  bruit  commun. 

Ces  premières  démarches  de  Voe- 
tius  firent  connoître  à  Regius  qu'il  fal- 
loit  ufer  de  quelque  diffimuiation  s'il 
vouloit  fe  conferver  auprès  de  lui.  Ce- 
la lui  donna  la  penfée  de  fe  précaution-  'rwiiai 
lier  dans  fa  chaire  de  Médecine  plus 
qu'il  n'avoit  fait  jufques-là  :  &  de  re- 
ferver  le  principal  de  la  nouvelle  Philo- 
fophie  pour  les  problèmes  qu'il  enfei- 
gnoit  certains  jours  de  la  femaine  hors 
des  heures  des  leçons  publiques.  En 
quoi  il  fembloit  fe  repofer  fur  le  con- 
fsntement  des  Profelleuis ,  fans  en  ex- 
cepter 


T/O     Ahrege  de  la  Vie 

'71^59    cepter  Voetins  qui  Tavoit  même  fervr 

^ ^  une  féconde  fois  dans  la  demande  de 

cette  nouvelle  commiffion. 

Mais  quelque  liberté  qu'il  lailTât  à 
fes  auditeurs  pour  la  créance  des  Pro- 
blèmes 5  il  ne  rejettoitpas  lesoceafions 
de  faire  voir  le  ridicule  ou  le  foible  des 
anciennes  opinions.  Cette  manière  ar- 
tifi  ieufe  de  détruire  infenfiblement  les 
principes  delà  Philofophie vulgaire  qui 
eft  reçue  dans  les  écoles  étoit  encore 
plus  dangereufe  pour  elle  que  fa  ma^ 
niere  ouverte  &  fincere  d'enfeigner  les 
principes  de  M.  Defcartes  dans  fes  le- 
vons de  Médecine.  Ceft  ce  qui  fit  pei- 
ne à  ceux  de  fes  collègues  qui  confer- 
voient  quelque  eftime  pour  ha  Philbfou 
phie  qu^'on  leur  a  voit  apprife  ,  &  qui 
croioient  avoir  beaucoup  accordé  à  Re- 
gius  en  lui  permettant  d'enfeigner  les 
nouvelles  opinions  avec  les  anciennes, 
^*?  ]^'  ResLius  ne  s'alTuiettiflant  pas  alTez 
ùon.  (hors  de  les  écrits  &  de  les  leçons  )  a 
prendre  Tefprit  de  M.  Defcartes ,  qui 
étoit  un  efprit  de  douceur  &:  de  modé- 
ration ,  donna  encore  à  fes  collègues  un 
nouveau  fujet  de  mécontentement  par 
un  traie  de  légèreté  qu'il  fit  paroître  à 

une 


cle  M.  Defcanes.Livy.  tyi 

aine  thefe  de  Philofophie  foûrenuc  le  9 
de  Juillet  fous  le  ProFelTeur  Senguer- 
dius  par  Florent  Schuyl  qui  devint  neant- 
moins  Cartéfien  dans  la  fuite.  L'aggred 
feur  qui  difputoit  avoit  compofé  Ces  ar- 
gumens  félon  les  opinions  de  la  Philo- 
fophie nouvelle  ,  6c   il  avoit    choifi  la 
nature  &  les  proprietez  de  l'ayman  pouc 
en  h\x.ç.  le  fujet.  Le  répond.'int  quoique 
fort  bien  exercé  fur  les  cahiers  de  low 
Maître  parut  un  peu  embarraiîé.  Mais 
le  Profeffeur  aiant  pris  la  parole  pour 
le  dégager,  Regius  le  leva,  ^  fans  ref- 
pe(flvrr  ni  Tallèmblée  ni  la  proFc(Tion,rin- 
cerrompit ,  lui  infulta  mal  à  propos ,  6C 
voulut  adjuger  à  Paggrelîcur  une  vic- 
dloire  que  l'honnêteté  &   la  coutume 
l'obligeoient  de  lailfer  au   répondaïK. 
Cette  adion  q*e  nous  n'avons  appris 
d'ailleurs  que  par  le  canal  de  fes  enne- 
mis ,  choqua  ^généralement  tous  les  Pro- 
fedéurs  de  l'Univeifué  ,  6c  les  difpofa 
la  plupart   à  écouter  ce  que  Voetius 
vouloit  leur  infinuer  contre  les  nouveau- 
tez. 

Les  exercices  finirent  peu  de  jours 
^prés  cette  thcfe ,  &  Régius  écrivant 
à  M.  Defcaries  le  14.  de  Juillet   qui 

commençoic 


Î72-       Alregé  de  U  Vie 

.j^,n    conimençoit  les  vacances,  fe  garda  bien 

"î de  lui  mander  ce  qu'il  avoic  fait  à  la 

théfe.  Il  fe  contenta  de  lui  faire  fçavoir 
qu'il  avoir  achevé  Ton  cours  public  de 
„  Â4edecine  cette  année  j  qu'il  étoit  te  û- 
,5  jours  demeuré  fortement  attaché  à  fes 
5>  principes  &  à  fa  méthode  ;  &:  qu'il  fou- 
it} haitoit  avec  paffion  de  pouvoir  confe^ 
«  rer  avec  lui  fur  la  meilleure  manière  de 
•)  faire  un  nouveau  cours  Tannée  fuivan- 
te  qui  commençoit  après  la  foire  da 
mois  d' Aouft  félon  le  règlement  de  l'U- 
iiivcrfité. 
Jn^fut'       Quoique  les  mefures  qu'il  avoir  pri- 

tTdomie  ^^^  P°"^  ^^^^^  ^  Egmond  fulfent  ïom- 
M.  T)ef  pues  par  le  befoin  que  la  grolTeire  de  fà 
partes f  femme  avoir  de  fa  préfence  ,  le  temps 
de  M.  Defcartes  n'en  fut  pas  plus  épar- 
gné. Il  ne  fut  prefque  occupé  que  de 
fes  réponfes  auxconfultations  de  ce  Pro- 
felTeur  pendant  les  mois  deSeptembre  &c 
d'Odobre.  Quelque  longues  quelque 
fréquentes  que  fullent  les  lettres  d'un 
difciple  (i  zélé ,  il  ne  plaignoit  pas  pour 
î'fnftruire  un  temps  qu'il  ne  cioioit  pas 
devoir  jamais  regretter.  L'importance 
des  queftions  «?c  des  difîicuîtcz  qu'il  lui 
propofoit  5  Tempêchoit  de  rien  négliger 

pour 


i 


deAd.DeJcartes.Viw.V.  173 

-jpouc  le  mettre  en  état  d'âablir  fes  piin-  1(^3^ 
cipes.  Elles  rouloienc  la  plupart  fur  la  -*'-~* 
nature  des  Anges, fur  celle  derAn:îe  de 
rhomme  ,  fur  fon  union  avec  le  corps  , 
•fur  l'ame  des  bêtes  6c  des  plantes,  fur  la 
vie,  fur  le  mouvement  du  cosur,  6c  fui: 
la  circulation  du  fang. 

M.  Defcartes  avoir  mis  cette  dernière  Maaval. 
queftion  en  grand  crédit  parmi  lesfça-  f^^oj^f*^' 
vans  :  &  il  avoir  merveilleufement  ré-  iHempiust 
tabli  fur  ce  fujet  la  réputation  de  Harvée 
qui  avoit  été  maltraitée  par  les  fatires 
èc  le  decri  de  divers  Mcdecins  des  Païs- 
baSjla  plupart  ignorans  ou  entêtez  des 
anciennes  maximes  de  leurs  Facultez, 
Ce  qu'on  pouvoit  alléguer  de  plaufible 
contre  ce  fentiment ,  avoit  été  objedté 
18  mois  auparavant  à  M.  Defcartes  par 
fon  ami  Plempius  Médecin  à  Louvaii-, 
Mais  quoique  celui-ci  parût  alors  con- 
tent de  fes  rcponfes ,  il  fit  enfuite  une 
chofe  tout- à-fait  indigne  de  leur  ami- 
tié. Il  jugea  à  propos  pour  augmenter 
l'éclat  de  fa  propre  réputation  de  parler 
dans  un  livre  qu'il  devoir  bien -tôt  don- 
ner au  public  de  ce  qui  s'ctoit  paGTé  en- 
tre M. Defcartes  de  lui, touchant  les  deux 
queftions  du  mouvement  du  cœur  ôc  de 

la 


Ï74         y4hregê  de  la  Vie 

la  circulation  du  iàng.  Il  donna  pour 
cet  efTec  tout  !e  luftre  necefTaire  aux 
objedions  qu'il  Im  avoit  faites.  Mais 
lors  qu'il  flit  queftiondes  réponfes  qu'il 
en  avoit  reçues ,  loin  de  traiter  M.  DeC 
cartes  comme  un  ami  qui  méticoit  d'ê- 
tre confideré  ,  il  n'eut  pas  même  pour 
-ces  réponfes  la  fidélité  qui  s'exige  entre 
des  adverfaires  qui  fe  réfutent,  &  qui  fe 
regardent  comme  ennemis. 

Regius  fut  outré  d'une  conduite  fi* 
malhonnête,  &  aiant  confronté  fon  livre 
avec  les  réponfes  que  m.  Defcartes  avoit 
faites  à  fes  objedions ,  il  ne  put  retenir 
l'indignation  qui  lui  fit  prendre  la  plu- 
me pour  en  marquer  fcs  redentimens  à 
M.  Defcartes^  Les  couleurs  qu'il  donne 
dans  ùk  lettre  à  l'ingratitude  &  à  la 
mauvaife  foi  de  Plempius  font  fi  vives, 
qu'on  ne  peut  les  exprimer  de  fa  langue 
en  la  nôtre  fans  entrer  dans  de  fembla- 
bles  tranf^)ofEs  de  colère  contre  une 
conduite  {\  lâche.  Il  dit  qu'à  l'égard  des 
endroits  où  m,  Defcartes  découvroit  les 
Tecrets  les  plus  cachez  de  la  nature,  & 
ou  confiftoit  la  principale  force  de  (es 
réponfes  ,  Plerppius  a  eu  la  malice  de 
faite  le  niuec ,  ou  d'en  omettre  au  moins 

la 


■ 

de  Ad.Defcartes.  Liv.  V.  175 

la  plus  grande  partie.  Et  que  pour  1640, 
ceux  qu'il  rapporte  ,  il  les  cftropie  de  — • 
telle  manière  qu'il  en  corrompt  entiè- 
rement lefens.  Qu'a  l'endroit  où  il  trai- 
te de  la  circulation  du  fang,  il  (e  con- 
tente de  rapporter  fîmplement  les  dif- 
ficul  ez  5  comme  fion  n'y  avoir  pas  en- 
core fait  de  réponles  ,  quoique  cel- 
les que  M.  Defcartes  y  avoit  données 
fudent  tres-convaincantes,  Qj^à  l'en- 
droit où  M.  Defcartes  rapporte  plu^ 
fleurs  caufes  qui  jointes  enfemble  pro- 
duifent  le  battement  du  cœur  ,  Plem- 
pius  n'en  rapporte  qu'une  qui  eft  la 
chaleur.  Si  M.  Defcartes  après  avoir 
allégué  les  raifons  necelTaires  pour  la 
conviction  d'une  chofe  ,  y  en  ajoute 
quelque  autre  moins  neceflTaire  fecvant 
feulement  à  un  plus  i^rand  èclairciffe- 
ment  :  Plcmpius  eft  aflez  de  mauvaile 
foi  pour  ne  s'attacher  qu'à  cette  der- 
nière raifon  ,  comme  fi  elle  avoit  été 
donnée  pour  fondamentale  ou  eflèn- 
liclle  ;  ôc  lailîant  à  fuppoler  que  ce 
feroit  l'unique  qui  auioit  été  alléguée 
par  M.  Defcartes ,  il  s'étudie  à  la  rendre 
;  ridicule  :  ce  qu'il  fait  ordinairement  dans 
les  cndioits  qu'il  ne  comprend  pas. 

I  Pleg». 


1 7  ^       Abrégé  de  la  Vie 

,  16^0       Plempius  ne  Te  fouvenoit  plus  d'iU 
^'"'  voir  écrie  auparavant  qu'il   ne  croioic 

pas  que  l'on  piic  convaincre  M.  DeG- 
cartes  d'az-oir  jamais  avancé  une  fauf- 
fêté  ou  même  une  bagatelle.  Mais  s'il 
avoir  à  révoquer  les  louanges  qu'il  lui 
avoir  données  ,  c'étoit  une  pitoiable 
reciadtationque  de  les  effacer  avec  des 
injures.  M.  Defcartes  ne  parut  pas  fort 
^mu  d'une  conduire  fî  extraordinaire, 
&  il  avoir  été  d'avis  de  n'y  oppofer 
•que  le  (îlence.  Regiusn'en  jugea  pas  de 
•même.  Il  vengea  Ion  maître  d'une  ma- 
nière qui  fit  apparemment  ouvrir  les 
yeux  à  Plempius  ^puifqu'il  changea  fon 
iêntiment  fur  la  circulation  du  fang  pout 
embrairer  celui  de  M.  Defcartes. 

• Au   MOIS  de  Novembre  de  la  mê- 

Vï.     rne  année  le   P.  Merfenne  revenu  de 

d^'il^ul  qt^elques  voiages  lui  donna  avis  d'un 

M.vaf.   prodige  qui  venoit  de  paiourc  parmi 

16  !lf//'  l^s  fçavans  de  Paris.   Le  prodi:;e  étoic 

-qu'un  jeune  garçon  de  \6  ans  avoic 

compofé  un  Traité  des  Coniques  qui 

faifoit  l'éronnement  de  tous  les  vieux 

Mathématiciens  à  qui  on  l'avoit  fait 

voir.    Ce    jeune  Auteur  étoit   le    fils 

irtr  M.  Pafcal ,  Intendant  de  judice  à 

Roiien, 


de  M, De/cartes.  Liv.  V.  177 

Rouen:  Se  l'on  ne  croioic  point  le  fia-  16^0 
ter  en  publiant  qu'il  avoit  été  plus  — 
•  heureux  qu'Apollonius  en  quelques 
points.  M.  Defcartes  qui  n'admiroic 
prefqLierien,  difli'.ïiulant  la  fuL'pLife,  ré- 
pondit alfez  froidement  qu'il  ne  lui 
paroiifoit  pas  étrange  qu'il  le  trouvât 
des  gens  qui  pudènt  démontrer  les  Co- 
niques plus  aifément  qu'Apollonius: 
jîiais  qu'on  pouvoit  bien  propofer  d'au- 
tres cbofes  touchant  les  Coniques  qu'- 
un enfant  de  feize  ans  auroit  de  la 
peine  à  démêler. 

N'aiant  voulu  s'en  npporter  qu'au 
•témoignage  de  fes  yeux  pour  la  créance 
.de  ce  fait ,  il  fallut  que  le  P.  Merfen- 
■ne  lui  envoiàt  une  copie  du  Traité, 
;Il  n'en  avoit  pas  lu  la  moitié  qu'il  ju- 
gea que  M.  des  Argues  y  avo  t  eu  beau- 
coup de  part, fous  prétexte  que  celui- 
ci  y  étoit  allégué.  Aiant  reconnu  après 
quelques  éclaircilTeaiens  qu'on  lui  don- 
na fur  ce  fait,  qu'il  étoit  hors  d'appa- 
rence de  rien  attribuer  de  cet  ou- 
vrage à  fon  ami  M.  des  Argues  ,  il 
aima  mieux  croire  que  M.  Pafcal  -'e 
père  en  étoit  l'Auteur,  que  de  fe  per- 
fuadei*  qu'uu  enfant  de  cet  âge  fût 
I  ij  capable 


î/S        jéhregé  de  la  Vie 

_^^    capable  d'un  ouvrage  de  cette  forcd'  | 
*"  Le  doute   d'un  (î   grand   homme   fuc  ' 

plus  glorieux  à  ce  merveilleux  enfanc 
que  l'admiration  de  tous  ceux  qui  é*  . 
toient  afliirez  du  fait.  ■  I 

Son  incrédulité  n*étoic  pas  feulement 
appuiée  fur  le  défaut  d'âge  &  de  vrai- 
femblance  ,  elleavoit  encore  pour  fon- 
dement le  projet  d'un  beau  defTein  fur 
les  Coniques  que  M.  des  Argues  lui 
avoît  fait  envoier  depuis  peu  par  le  P. 
Metfenne.  Mais  il  ne  foupçonna  point 
M.  Mydorge  d'à»  oir  prcté  (on  miniftér 
re  ou  (on  nom  au  jeune  M.  Pafcal ,  quoi 
qu'on  vît  for  tir  de  la  pre(re  fes  quatre 
livres  des  Coniques  en  cette  même  an- 
née ,  &c  qu'il  n'ignorât  pas  ce  que  cet 
ami  avoir  déjà  fait  fur  le  même  fujet 
quelques  années  auparavant. 
exercices       Dans  le  même  temps  M.  de  Beaune , 
4eBeau^'e  ^^^  n'ctoit  pas  moins  de  fes  amis  que  M. 
Mydorge  &:M.desArgues,roccupoit  de 
la(blutiondcdiverfesque(iions  qu'il  lui 
propofoit  fur  les  Mathématiques  :  SC 
fous  prétexte  de  l'entretenir  de  fes  pro- 
pres delTeins,  il  tachoit  d'avoir  la  com- 
munication des  fiens.  Dans  une  des  ré- 
ponfe^  que  lui  fit  M.Defcartes ,  il  lui 

étoif 


de  M,DeJcartesXiv,V.  179 

étoic  échappé  de  dire  que  fa  PhyfîcjHe  ^ 
fi  et  oit  autre  chofe  tjue  ^J^echanitjfite  ; 
êc  qu'il  lui  avoit  déclaré  comme  à  ton 
confident  des  chofes  qu'il  n'avoit  point 
voulu  dire  ailleurs  ,  k  caitfe  ^ue  ta  prctt. 
ve  en  dependoit  dejon  tJ^onde,  M.  de 
Beaune  ne  laifTa  point  peiir  cet  avertille- 
ment.  Il  lui  fit  de  foctes  inrtances  pour 
le  porter  à  la  publication  de  ion  Monde 
que  l'accident  de  Galilée  lui  avoit  fait 
reilèner.  Mais  il  n'en  pût  venir  à  bout, 
quoiqu'il  fût  alors  celui  de  Tes  amis  à 
qui  il  étoit  le  moins  en  état  de  rien  re- 
fufer. 

M.  Descartes  avoit  quitte  le 
féjour  d'Egmond  depuis  quelque  temps,  ■ 
&  il  s'étoitretiré  a  Hardervvic...   Re-  • 

glus  le  trouvant  encore  trou  e:oign.  de  „f«rfr  \ 
lui ,  crût  qu'étant  une  fois  hors  de  fa  fo-  ^'^i<^r- 
liciide  de  Nord-Hollande  ,  toute  autre  prTrd'v 
demeure  lui  feroit  atîez   indifférente.  '/'^'"> 
C'eft  pourquoi  il  ie  conjura  de  vouloir  "*   ^^  '' 
s'approcher  davantage  d'Utrecht  jtant 
pourlafatisfadtion   de  plufieurs  de  les 
amis  de  la  vilîe,que  pour  une  plus  gran- 
de commodité  qu  il  auroit  de  le  con- 
fulter  de  plus  prés. 

Il  vint  donc  loger  peu  de  mois  après 
I  iij  en 


Igo        Jhea-édelaVie 

ÎG40  en  une  mailon  de  campagne  prés  dé 
""  cette  ville  dans  le  voifinage  de  M.  dt 

Haeftrecht  Ton  ami  qui  dtmeuroit  au 
Château  de  Renoude.  Mais  foit  que 
l'hiver  fur  trop  violent  à  la  campagne^ 
foit  qu'il  appréhendât  les  pratiques  de 
Voetius ,  il  alla  dés  le  commencement 
de  Tannée  fuivante  demeurer  à  Lcyde 
011  il  avoir  encore  plus  d'amis  qu'à 
Utrechr.  Outre  M.  de  Hooghland 
Gentilhomme  Catholique  de  quelques 
Magiftrats  ^il  pouvoir  y  conter  plus  de 
la  moitié  des  ProfelTeuts  dont  les  prin- 
cipaux étoient  GoHif^^Schooten  ôc  M.de 
Sanmmfe  fils  d'un  Con(eiIîer  au  Parle- 
ment de  Bourgogne  -,  fans  oublier  Rivtt 
qui  étoit  du  Poitou, 6c  un  autre  Miniftre 
clu  lieu  nommé  Abraham  Heide  ou 
Heydantis, 
'Am'réde  Ce  dernier  qui  étoit  en  fort  grande- 
Hiydantis  confideration  dans  le  pays  n'avoit  gue- 
res  des  défauts  ordinaires  aux  autreffi 
Miniftres  Protefl:ans:&  quoiqueM.Def- 
cartes  fift  profeflîon  de  n*etre  ami  d'au- 
cun d'eux  5  le  mérite  extraordinaire  de 
Heidanus  le  fit  bien-tot  excepter  de 
leur  nombre.  Il  ne  fe  contenta  pas  de  fe 
rendre  le  fedateur  de  fa  Philofophie 

comme 


j 


de M.Defcartes^LiwV.  iSî 

Comt^e  les  auties ,  il  en  fut  encore  le  ^ 
protedeuu  &c  l'appui.  Comme  il  étoit 
en  réputation  d'être  le  plus  éloquent 
Prédicateur  du  pays  ,  il  fe  feivoit  fore 
heureufenjent  de  Ton  avantage  pour  in- 
fpirer  a  Tes  Auditeurs  l'ellime  qu'il  avoic 
lui  même  de  cette  pliilofophie,  dont  il 
tiroic  les  raifonnemens  ,  les  comparai- 
fons,  6c  les  explications  qui  le  faifoienr 
admirer. 

Il  n'en  croit  pas  de  même  de  Rivet  Am-néde 
quifevantoic  d'être  Carte  fien  fans  en-  ^'^"''' <^ 
tendre  les  écrits  de  M.  Defcartes.  Toute  ^c^^r4,;i- 
fon  amitié  conliftoit  prefquc  en  une  dé-  ^*^'^' 
mangeai(on  qu'ilavoit  de  parler  de  lui 
incelîàmment  dans  fes  lettres  &  dans  Tes 
Converfations.  Les  moindres  bagatelles 
écoieiic  pour  lui  des  fujccs  d'écrire  au 
Père  Merfenne  ,  à  M.  Galîcndi,  ^S:  aux 
autres  fçavans  de  FranLe,pnuivû  qu'il  y 
ftit  queilion  de  M.  Defcaitcs.  Ce  tut  lui 
qui  les  informa  de  la  fameufc  gageure  de 
Mathématique  entre  le  jeune  WaiTenar 
&  Stampion,où  M.  Defcartes  fe  trouva 
meflé  par  l'indifcretion  6c  la  mauvaife 
volonté  de  ce  dernier.  Qnoique  la  vic- 
toire de  Walîènar  fût  fort  glorieufe  à 
notre  Philofophe  qui  palîoit  tout  pu. 
I  iiij         blique- 


lit      j^hregê  de  la  Vie 

^^^    bliquemenc  par  fon  maître  ,  il  traita 
neantmoiiis  toute  cette  affaiie  dont  il 
avoit  eu  la  conduite  d'une  pure  badine- 
Wf,qui  n'étoit  pas  digne  de  l'inquiétude 
de  Rivet,  ni  de  la  curiodté  des  Mathé- 
maticiens de  France. 
ne^^P'*'      Cependant  on  vid  fortir  de  la  preîTe 
Defcams.  à  la  Haye  un  livre  fait  contre  m.  Def- 
cartes.  C'étoit  le  premier  des  ouvrages 
qu*on  eut  encore  entrepris  de  publier 
pour  combatte  &  ruiner  fa  Philofophie  : 
&c  il  étoit  de  la  dernière  confequence 
que  Tauteur  y  rélidît ,  afin  que  les  autres 
Aciveriaires  qui  dévoient  venir  après , 
puflènt    en  tirer    d'heureux  augures. 
L'Auteur  rifquoit  beaucoup  en  fe  pre- 
fentant  le  premier  au  combat  :  mais  il 
eut  la  difcretion  de  fupprimer  fon  nom, 
pour  ne  pasl'expofer  à  la  flétriflùre  en 
cas  de  mauvais  fuccés.  L'événement 
iuftifia  fa  prudence.  Le  livre  parut  pour 
les  étreines  de  l'an  1640.  Le  grand  nom 
d'e  celui  qu'il  attaquoit  excita  la  curio- 
(îté  de  le  voir ,  &  en  peu  de  temps  il  (e 
trouva  entre  les  mains  des  Curieux  de 
France  &  d'Angleterre.  La  chofe  tour- 
na toute  à  la  gloire  de  m.  Defcartes.  Oa 
di/penfa  l'Auteur  de  fe  nommer,  &  Toh 

fut 


de  M.Defcmes.  Liv.  V.  183 

fat  indigné  feulement  de  voir  que  TA-  i^^o 
nonyme  eût  abufé  de  l'attente  de  ceux  ■ 
qui  demandoient  autre  chofe  que  des 
fottifes  ,  contre  les  principes  d'une  Phi- 
lofophie  qu'il  étoit  queftion  de  rét'uter 
fcrieufement.  M.  Oefcartes  n'en  parut 
ni  plus  humilié  ni  plus  élevé ,  &  il  laillk 
ce  petit  nuage  fe  dilTiper  de  lui-mêaie.      yjjj 

VoETius  prenoit    fes  mefures  à  iinj./de 
Utrecht    pendant  ce  temps  la,  pour  ^^•"*^- 
réiiflTir  dans  le  deflein  de  perdre  M.  Def-  d''rl'ê" 
cartes  de  réputation  ,  &:  dele  faiie  dé-  "'*'  ^.°**'' 
clarer  ennemi  de  la  Religion  retormee 
ôc  des  Eglifes  proteftantes  ,  par  ceux 
même  qui  l'honoroient  le  plus  de  leur 
bienveillance.  Il  avoir  fait  foûcenir  ce 
fécondes  &c  de  troifiémes  théleSjCvi  il 
avoir  renouvelle  la  calomnie  deratbeif- 
me comte  lui,  afin  de  préparer  peu  à  peu 
l'efpritdu  peuple  ,  &c  de  faire  changer 
cnfuite  les  bonnes  difpofitions  du  Ma- 
giftrat.  Mais  pour  venir  à  bout  de  cette 
entreprife,  il  falloir  ruiner  Regius.  C'cft 
à  quoi  il  travailla  en  cherchant  dans  fes 
leçons  &  fes  écrits  de  quoi  lui  fufciter 
nn  procès. 

Il  commença  par  Texamen  des  opi- 
nions  nouvelles  que    Regius  debitoic 

1   V       dans 


f 


184       Jhregè  de  U  Vie 

1^40  (^ans  la  chaire  de  Médecine  ,  &  il  lui' 

■ •  fît  un  crime  devant  Tes  collègues  de  tour 

ce  qui  ne  s*y  trouvoit  pas  conforme  aux 
maximes  des  anciens  Médecins  &  Vhu 
lofophes  ,  établies   &  reçues  dans  les- 
CJniverfitezde  Hollande.  Il  fit  éclater 
enfin  Tes  plaintes  au  fujet  d'une  théfe  ou  = 
difpute  publique  que  ce  Profelleur  dé- 
voie faire  le  10  jour  de  Juin  touchant  la/ 
circulation  du    fang   qu'il   enfeignoir 
comme  M.  Defcartes  &  Harvée ,  maië- 
qui  palToic  encore  pour  une  héréfie  par-- 
mi  les  ignorans  &  les  cnrétez.  Il  par- 
vint paries  intrigues  à  faire  révolter  la 
plupart  des  Profetleurs  de  l'Uni verfîtè 
contre  ce  fentiment.  De  forte  que  le 
Redeur  Bernard  Schotanus  ,qui  d'ail- 
leurs éroit  des  amis  de  M.  Defcartes, 5<r 
c|ui  favorifoit  même  Regius,  ne  pût  re- 
nfler aux  inftances  qu'on  lui  fit  pour 
Kempécher  d'enfeigner  fes  nouveautez, . 
Le  Recteur  lui  propofa  la  chofe  d'u- 
ne telle  manière  qu'il  fembloit  vouloir 
l'exhorter  fîmplement  à  prendre  quel- 
ques mefures  pour  prévenir  les  murmu- 
res de  Tes  collègues  ,  &  ne  pasrroub'er 
la  paix  de  l'Univerfité.  Regius  lui  re- 
prefenta  Timportance  qu'il  y  a  de  ne 

pas 


de  M.DeJcartesXiv.V.     185 

pasrejecter  ou  trahir  une  vérité  fous  le  16/^6 
prétexte  feul  qu'elle  auroit  le  caradére  ' 
de  nouveauté  j  &l  de  ne  pas  adopter  les 
erreurs  (bus  le  voile  d'une  vénérable 
antiquité.  Deforte  qu'il  fallut  alTembler 
rUniverfité  ,  pour  délibérer  fur  le  re- 
fus qu'il  fembloit  faire  d'acquiefcer  au 
defir  de  fes  confrères.  Il  y  fut  refolu  que 
Regias  prendroic  quelque  autre  fuj.t 
qui  feroic  moins  éloigné  des  opinions 
reçuifs  dans  la  Médecine  vulgaire  ;  ou 
que  s'il  étoit  ferme  à  vouloir  retenir 
celui  de  h  circulation  du  lan  ;  au  fens  de 
Harvée  ,  il  le  feroit  au  moins  par  maniè- 
re de  corollaire  ou  d'addition  à  Ces  thé- 
fes  ,  avec  la  formule  ordinaire  excrciîii 
eau  fa  défi  n  ie  m  n  ; . 

Voetius  dans  le  manifefte  qu'il  en  fie 
imprimer  au  nom  de  l'Univerfité  pré- 
tend que  Regins  au  lieu  d'acquiefcec 
à  cette  délibération  ,  fit  imprimer  fes 
théfcs  fans  autre  expédient  que  celui  de 
les  avoir  fait  corriger  par  M.  Defcartes 
pour  les  mettre  hors  d'atteinte.  Regius 
après  avoir  receu  fes  corrcdions  ,  prie 
occafion  de  l'en  remercier  pour  le  prier 
de  vouloir  honorer  f.'5  théfcs  de  fa  pré- 
ience,  M.  Defcartes  v  avoir  donné  les 
L  V  mains^ 


i8(^       j^hreq-é  de  UYie 

o 
KJ40  mains ,  pourvu  que  ce  fut  dans  récoute 

^""" — *  ou  la  tribune  de  Mademoifelle  Schur- 
mans  ,  parce  qu*il  ne  vouloit  pas  êcre 
vu.  Mais  la  chofe  n'eut  point  d'efFct, 
parce  que  cette  adion  aiant  été  difFerée 
jufqu'à  la  fin  dumois  dejuin^elle  con- 
courut avec  ie  déménagement  qu'il  fit 
pour  palier  de  Leyde  à  Amersfort  àttois 
petites  lieues  d  Utrecht, 

Le  grand  fi-iccés  des  rhéfes  de  Régius 
déplut  fort  à  Voetius  ;  &  les  îiledecins 
de  la  vieille  dodlrine  en  murmurèrent 
un  peu.  Quelques-uns  même  entrepri- 
rent de  les  rtfuter,6^  entre  autres  Pri- 
merofe  &  Silvius  aufquels  il  jugea  à 
propos  de  répondre.  Les  manières  inju- 
rie u  Tes  &  outrageufes  dont  il  en  a  voit 
été  traité,  lui  avoient  tellement  échauf- 
fé la  bile ,  que  fans  fonger  à  fe  garen- 
tir  comme  nn  homme  fage  du  mauvais 
effet  de  leur  exemple,  il  avoit  emploie 
contre  eux  tantôt  l'aigreur ,  tantôt  la 
plaifantcrie  ,  lorfqu'il  n'étoit  queftion 
que  d'une  rcfutation  ferieufe  &  mo- 
delée. 

M.  Defcartes  à  qui  Regins  envoia  fà 
réponfe  au  moisd'Odobre  pourlacor- 
nger  à  Ton  ordinaire ,  ufa  de  fon  droit 

d'autant 


de  M.DeJcartes.  Liv.V.  187 

d'autant  plus  volontiers,  que  ceProfef-  ^^^ 
fèur  Pavoit  averti  qu'il  y  alloit  de  fon 
intérêt.  Il  y  corrigea  diverfes  chofes  qui 
marquoient  fa  précipitation  *>  il  y  en  fit 
ajouter  quelques-unes  -,  &  en  fit  retran- 
cher d'autres  ,  parmi  lefquelles  étoient 
les  termes  d*aigreur  qu'il  lui  fît  bannir 
en  lui  montrant  Timportance  qu'il  y  a  de 
traiter  un  adverfaire  avec  beaucoup  de 
douceur  ik  d'honnêteté* 

Cependant  les  Curateurs  de  TUniver- 
fité  d'Ucrecht  follicitez  par  Voetius  & 
quelques  autres  ProfcfTeurs  de  remédier 
aux  troubles  qu'ils  feignoient  que  les 
ihéfes&  les  opinions  (înguliéres  de  Re- 
gius  commençoient  à  exciter  parmi  eux, 
publièrent  une  Ordonnance  pour  défen- 
dre d'introduire  des  nouveautez  ou  des 
Hîaxiines  contraires  aux  ftatuts  de  l'U- 
niverficé.  La  chofe  étoit  affez  équivo' 
que.  C'eft  ce  qui  porta  M.  Defcartes  à 
la  démêler ,  6c  à  faire  une  explication  de 
l'Ordonnance  des  Curateurs  en  forme 
dcréponfe.  M.Vander-HooîcK  l'un  des 
principaux  Magiftratsde  la  ville  qui  fut 
même  ConfuI  l'année  fuivante ,  trouva 
cette  répon(è  fort  belle  &  fort  judicieu- 
fe  ;  &  il  goLita  merveilleufement  le  def- 

fein 


iS8        Jhregêde  la  Vie 

^4Q  Tein  qu'avoic  M.  Defcartes  de  lailîer 
continuer  Regius  dans  la  manière  d'en- 
feigner  la  Philofophie  nouvelle  ,  en  fe 
contentant  de  modérer  Ton  zélé ,  &  de 
reformer  ce  qu'il  y  auroit  de  trop  har- 
di dans  fcs  opinions. 

„- Regius  n'étoit  pas  le  fèul  des  diH- 

ÏX.    ciples  de  la  nouvelle  Philofophie  que- 

r!«îw'^^-Pefcartes  eut  à  inftruire.   Il  s'en 

le  Siège    prefentoit  tous  les  jours  de  nouveaux 
"*^*  quin'étoientni  moins  finccres  ni  moins 
ardens  que  lui  dans  la  recherche  des  ve- 
ritez  naturelles  >  nrxais  qui  nous  font  de-* 
meurez  la  plufpart  inconnus  par  l'indif- 
férence qu'ils  ont  témoignée  pour  fe' 
faire  connoître  à  d'autres  qu'à  M.  Def- 
cartes.   C'ed  à  l'un  de  ces  derniers  ve- 
nus que    nous  ioirraes  redevables   de' 
l'explication  de  (on  (entiment  tojchanc- 
le  uége  de  l'Ame  dans  le  cerveau ,  qu'il 
écnbliiToic  dans  la  petite  glande  appellée 
tondre  ou  fine  il:.  Le  même  Inconnu' 
qui  n'étoit  pasnn  homme  de  petite  con- 
fideration  lui  fit  déclarer  dans  le  même' 
îèms  ce  qu'il  penfoit  des  efpeces    (jiii 
firvent  a  la  Alemoire  qu'il  croioit  ré- 
pandues d-ins    tojte  la   fubftance    du 
Gerveau  ,  &  qu'il  regardoit  comme  les 


de  Ad. De/cartes.  Liv. V.  ïS^- 

plis  qui  fe confervenc dans  du  papier,       "^  , 
après  qu'il  a  été  une  fois  plié.  ?rc,e[ 

Ce  fut  pour  lorsque  M.  Defcartes  f;;f/^{- 
fut  averti  du  projet  que  Ton  faifoit  fans  --^«g^e- 
ft  participation  d'un  établillement  pour  ^^"Amitié 
lui  (Se  pour  fon  ami  m.  Mydorgeen  An-  ^:^f  ^^a» 
gleterre  fous  la  piotedtion  Se  par  les 
bienfaits  du  Roy  Charles  ï.  M.  Defcar- 
tes n'en  parut  pas  fort  éloigné  fur  ce 
qu'on  l'avoir  allure  que  le  Roi  etoit  ca- 
tholique de  volonté.  Le  promoteur  de 
cette  entreprife  étoit  un  feigneur  An- 
glois  nomméCharlesC^vefî^ish  ou  Can^ 
dtche  frère  du  Duc  de  Nevvcaftle  tous 
deux  amis  de  nôtre  Pi^.ilofophe.  Can- 
difclie  écoit  orand  Mathématicien.   Il 
croit   devenu  outre  cela    cperdûmcnc 
amoureux  de  la  phi!ofbphie  de  M .  Def- 
cartes ,  6c  il  regard  oit  fa  Méthode  com- 
me un  excellent  moien  pour  porter  les 
Mathématiques  à  leur  perfedion.  On. 
pei.t  juger  de  là  qu'elle  pouvoir  être  la 
joie  qu'il  avoitde  voir  que  M, Defcartes 
ne  formât  point  d'obftacles  aux  dedeins 
de  fon  érablilTement  en  Angleterre.  M, 
Mydorge  attaché  dans  Paris  par  fa  fa- 
mille fut  plus  difficile  à  ébranler.  Le 
Roi  Charles  auroic  peut-être  levé  fes 

difEcnl- 


10  o        jihrezedeUVie 

lîl^  difficultez  par  la  bonté  qu'il  avoit  eue 
de  promettre  à  M.Candifche  de  pour- 
voir fort  amplement  à  tour.  Mais  les 
commencemens  des  troubles  de  la 
Grand'Bretagne  leur  aiant  fait  aprehen- 
de  à  M.Defcartes  ^  à  lui,que  les  gran- 
des l'ommesque  le  Roi  vouloit  deltinec 
aux  expériences  Phyfiques  n'allalTent 
aux  frais  de  la  guerre  ,  qu'eux-mêmes 
ne  flident  privez  du  repos  dont  on  les 
flatoit ,  &  en  même  temps  des  autres 
efFeis  de  la  borné  de  ce  Prince  :  ils  re(^ 
térenc  l'un  en  Hollande,  l'autre  à  Pa- 
ris ,  &  continuèrent  les  exercices  de 
leur  amitié  avecMonfieur  Candifche 
comme  auparavant. 
Amitié    Celle  qucM.Defcarces  entretenoit  avec 

mlife^^*  M.deSaumaifc  ne  lui  auroic  pas  été  moins, 
convenable  fi  celui-ci  avoit  fait  profef- 
fion  de  Philofophie  ou  de  Mathémati-, 
ques.  Ce  défaut  n'a  pourtant  pas  cm-; 
péché  qu'on  ne  l'ait  mis  au  nombre  defr 
Cartéhcns ,  &  il  n'a  jamais  fait  un  ob- 
ftacle  à  l'amitié  de  M.  Defcartes  ^dontt 
le  commerce  n'étoit  pas  borné  aux  feulsi 
exercices  de  Philofophie  &:  de  Math é-. 

jAkhame  matiqucs.  Mais  comme  c'étoit  une  ef*- 

iatmtije.  pecc  de  tatahte  attachée  a  ceux  d  entre, 

les 


de  A4.  De/cartes.  Liv. V.  Ipt 

les  amis  de  M.  de  Saumaifequi  avoient  ^  ^ 
du  mérite  d^épronver  les  effets  de  fa 
maiivaife  humeur  :  la  bonne  fortune  de 
M.  Defcartes  voulut  qu'il  fe  trouvât  en- 
veloppé dans  leur  fort ,  de  peur  que  la 
calomnie  ne  le  contât  un  jour  parmi 
certains  amis  de  M.  deSaumaift  qui 
avoient  refprit  alfez  bas  pour  eftimer 
les  défauts  de  ce  fcavant  homme  ,  ou  le 
cœur  afTez  lâche  pour  les  adorer.  Il  eft 
vrai  qu'il  ne  lui  arriva  qu'une  feule  oc- 
cafion  en  fa  vie  d'elTuier  fon  chagrin , 
mais  une  occafion  de  néant  :  &  il  en  fut 
redevable  à  fa  propre  prudence  qui  le 
tint  prefque  toujours  éloigné  de  Ça  con- 
verfation,  lorsm3me  qu'il  demeuroit  à 
Leyde  où  refidoit  M. de  Saumaife.  Je  dis 
une  occafion  de  néant ,  mais  jamais  elle 
n'auroit  dû  même  être  occafion  de  cha- 
grin à  un  homme  équitable.  M.  de  Sau- 
maife foupçonnoitM.  Defcartes  d'être 
ami  de  Heinfius  qu'il  n'aimoit  pas.  Ce 
qui  étoit  d'ailleurs  une  jaloufie  trop 
baife  &  trop  indigne  d'un  honnête 
homme.  Mais  ce  foupçon  de  m.  de  Sau- 
maife éroit  fort  injufte,  puifque  M.Def- 
cartes  n'avoit  de  fa  vie  encore  jamais  par- 
le à  Heinfius ,  qui  bien  qu'homme  de 

pfierite 


j.g       t5?i     Jhregé  delaVie 

, merire  &  de  grande  confideration  dafijr 

rUniveificé  de  Leyde  par  Tes  emplois  ^ 
fou  fçavoir  n'avoit  neantrvjois  aucune' 
relation  avec  lui.  Bien  plus ,  il  fçavoic^ 
>5  que  Heinfius  avoir  averfion  de  luide- 
J3  puis  long-temps  ,  à  caufe  qu'il  étoit 
ami  de  Balzafc  quiavoit  cenfuié  la  cra- 
^'Z-       g^^^^  d'Herode. 
-. .  /  ..        M  A  î  s  les  fuites  de  la  méchante  lui- 
aie  avec   meuu  de  M  de  Saumaile  etoient  pour  lui 
lef  lejui-  ^Q  nulle  confequence  auprès  de  celles 
d'une    facheufe    a^ràre  qui    penfa    le 
brouiller  avec  une  Compagnie  entière, 
dans  laquelle  il  fe  flatoïc  d'avoir  plu- 
fieurs  amis.  Tout  fembloic   êcre  riant 
pour  fa  philofophie  ,  lorfque  peu  dô' 
jouis  après  avoir  trion[iphé  à  Ûcrecht 
dans  les  théfes  publiques  de  Regius^ 
elle  fut  attaquée  à  Paris  dans  d'autres 
théfes  foucenues  au  collège  de   Cler- 
mont. 
Thfesdu       II  crût  d*abord  que  cette  conduite 
^din!^°^^^'  ïi'^toit  que  raccompliirement  des  priè- 
res qu'il  a  voit  faites  aux  Jefuites  de  vou- 
loir examiner  fes  ouvrages.    Mais  fur 
l'idée  qu'il  s'ètoit  formé  de  la  correfpon- 
pondance  (fr  de  T union  cjiii  e^  entre  tous 
çeptx  de  l'ordre  des  lefiûtes ,  il  prit  l'a- 
larme 


deM.DeJcdrtes.  Liv.  Ve  153  ^^  ^ 

Jarme  de  ce  qui  fe  Et  contre  lui  par  leur  , . 

Profeiîcur  de  Mathématiques  dans  ce 
colleté ,  croianc  que  cela  auroit  été  co/7' 
certè  avec  Tes  fuperieurs  ou  Tes  con- 
frères. 

Ce  Profcireur  croit  le  P.  Bourdin 
qui  voulant  réfuter  deux  ou  trois  en- 
droits de  la  Dioptrique  de  M.Defcnr- 
tes,au  lieu  de  lui  envoier  Tes  objection?, 
comme  en  a\  oienc  ufc  Meffieursde  Fer- 
mat  ,  Petit ,  Moiinj&  les  autres  Mathé- 
maticiens les  avoit  inférées  à  l'ufage 
<ie  Tes  Ecoliers  dans  fes  théfts  fcûtcnucs 
le  50  de  Juin  &  le  i  de  Juillet  par  Pun 
d'eux  nommé  Charles  Potier  qui  fe  fie 
quelques  années  après  Cartcfien  malgré 
fcs  premières  impreffions. 

Le  Père  Merfcnne  non  content  d*a^ 
voir  publiquement  défendu  les  opi- 
nions de  fon  ami  contre  l'Ecolier  &  le 
Profefleur ,  lui  envoia  Pextrait  de  la 
'théfe  qui  le  regardoit  avec  le  fréam^ 
hnle  y  c'eft-à-dire  le  difcours  prélimi- 
naire ,  compofé  par  ie  ProfèiTeur  pour 
Pouverture  de  la  difpute  ,  parce  qu'il 
etoit  entiéiement  contre  lui,  en  lui  mar- 
quant que  c'étoit  le  ProfclTeur  même- 
qui  le  lui  envoioit  par  fon  minidére. 

M.  Defcar- 


194      ^hregéde  la  Vie 

^^        M.Defcarrcsquiavoitoublié  la  tna^ 
^ fige  des  niére  dont  on  fe  comporte  dans  les  col- 
2«jf«    ^^§^^  '  ^^^"^  ^"  ^^  difcours  préliminai- 
ihéfes.     re  &  les  articles  de  la  Théfe,  s'imagi- 
na qu'on  avoic  eu  intention  de  lui  fai- 
re infulte  publiquement.   îl  ctud  que 
les  Jefuites  au  lieu  de  l'avertir  de  Tes 
fautes  en  particulier ,  s'étoient  étudiez 
à  le  traduire  en  ridicule  devant  le  plus 
beau  monde  de  Paris.  Cela  lui  fit  per- 
dre l'indifférence  qu'il  avoit  témoignée 
en  tant  de  rencontres  pour  ce  qui  fe 
pafToit  à  Ton  préjudice  :  &  il  fe  mit  fe- 
rieufement  en  colère  lorfqu'il  vid  que  le 
ProfcOTeur,  fous  prétexte  déformer  un 
fujet  de  difpute  à  fes  écoliers ,  lui  avoic 
attiibuédes  opinions  qu'il  n'avoit  point, 
pour  les  réfuter  plus  facilement.  Il  eut 
peut  être  tort  de  ne  pas  confidérer  qu'en 
ces  occafions  les  Maîtres  font  fouvent 
obligez  de  forger  des  chimères  à  leurs 
difciples  pour  les  accoutumer  au  com- 
bat i  que  tout  ce  qui  fe  palTe  dans  ces 
actions  publiques  ,  n'eft  qu'un  jeu  ôc 
un  divertiflement  d'efprit  ;  que  ce  qui 
s'y  dit  n'eft  d'aucune  conféquence  con- 
tre la  vérité  des  opinions  d'un  Auteur 
qu'on  y  attaque  j  que  félon  l'ufage  des 


de  M*Defcartes.Li\r.Y.  19$ 

écoles ,  il  efl:  de  l'honneur  du  Maître  ôc    1^40 

du  Répondant  de  paroître  au  moins  for- • 

tir  vidorieux  de  la  difpute  -,  que  ces  pe- 
tits triomphes  n'ont  qu'un  jour  de  du- 
rée i  &  que  les  applaudilTemens  ne  re- 
gardent ni  le  Maître ,  ni  les  opinions  du 
Maître  ,   mais   feulement  l'Ecolier  de 
qui  oneft  content,  lotfqu'il  a  bien  ré- 
pété un  argument  ,  de  qu'il  a  répondu 
(  bien  ou  mal  )  conformément  aux  le- 
.çons  de  fon  Maître. 
L'union  qu'il  croioit  être  et  tre  tous  les  lUecUr 
membres  de  la  Compagnie  de  Jefus ,  lui  ^^^J^/J^ 
fit  conclure  de  l'exemple  du  P.  Bourdin  /;*»«. 
qu* il  alloit  avoir  tous  les  Jefuites  fur 
les  bras  ,  &  il  regarda  dés   lors  cette 
Compagnie  comme  une  armée  formi- 
dable qui  venoit  à  lui.  Il  n'en  fût  pour- 
tant pas  déconcerté  ,  mais  raflemolant 
tout  fon  courage  ,  il  refolut  de  marcher 
feul  contre  tous ,  fans  s'arrêter  à  com- 
battre ni  le  P.  Bourdin ,  ni  aucun  autre 
en  particulier. 

Dans  cette  étrange  refolution  il  s*a- 
drefla  au  P.  Redeur  du  Collège  de 
Clermont ,  auquel  il  écrivit  en  latin  le 
21  de  Juillet  une  lettre  pleine  de  vi- 
gueur (3c  de  refpedt.  Il  le  conjura  d'era- 


15?  cT       Ahegé  de  la  F'ie 

i<^40     ploier   fon  aucorké  pour  engagei"  les 
■"■  Pères  de  la  Compagnie  à  lui  découvrir 

une  bonne  fois  tout  ce  qu'ils  trouvoiens 
à  redire  dans  fes  ouvrages  ,  afin  qu'il 
pût  ou  Te  corriger  ou  leur  répondra. 
C'étoit  une  honnête  declaracion  de 
guerre  pour  tous  les  Jefuites  en  fon 
nom.  Il  crut  devoir  la  confier  à  une 
perfonne  fage  ôv  difcréte  :  &  par  cette 
<:on(ideration  il  en  chargea  fon  ami  M, 
Mydorge  pour  la  rendre  au  P.  Re£teur, 
&  lui  faire  comprendre  qu'il  n'y  avoir 
aucune  témérité  de  s'écre  adrelTé  en 
droiture  à  fa  Révérence  ,  après  que  le 
P.  Bourdm  avoir  commencé  la  guerre 
dans  les  formes ,  non  point  par  fa  théfe 
dont  il  ne  feroit  plus  queftion  ,  mais 
par  une  Velitation  ou  efcarmouche  qu'il 
lui  avoir  envolée  depuis. 

Il  répondit  à  cette  velitation  en  at-  ' 
tendant  l'effet  de  fa  lettre  au  \\  Reéleur, 
'qui  la  receut,non  pas  des  mains  de  M. 
Mydorge  qui  avait  appréhendé  d'attirer 
la  tempête  fur  fon  ami  par  cette  dé- 
marche, mais  de  celles  du  P.  Merfenne 
qni  éroit  moins  fcrupuleux  ,  quand  il 
s'agiilbit  de  commettre  les  fçavans ,  & 
de  faire  des  querelles  utiles  à  l'a- 
vance- 


de  M.  DeJcartes.Liv.Y,  197 

vancemenc  des  fciences.  i^4o 

Le  Recteur  ne  parue  point  mal     , ,  ^ 
f.uisfait  lies  raiions  de  NI.  Defcartes  &c  ^■p,,.',^ 
des  fentimcns  de  Ion  cocur.Mais  il  ne  perfonnet 
crut  pas  que  la  Compagnie  dût  s'inte-  ^■"ol'j.tJ/ 
lelfer  dans  un  difrerent  où  elle  n'avoit 
aucune  parc.  Il  (e  contenta  de  permet- 
tre au  P.  Bourdin  de  vuider  fa  querelle 
perfonnelle  comme  il  pourroit  avec  lui, 
(^  au  lieu  de  répondre  à  fa  lettre  ,  il 
ordonna  à  ce  Père  de  fii:e  lui-même  la 
réponle,  ex'  de  rendre  r:àfon  de  fon  pro^ 
ccdé  à  M.  Defcartes. 

Le  P.  Bourdin  lui  déclara  dans  fa  let- 
tre qu*il  n'avoic  pas  entrepris.  Se  qu'il  ,, 
îi'enrreprendroic  jamais  aucun  combat  « 
particulier    contre  fcs   opinions.  Mais   «c 
1!  lui  promit  de  lui   envoier  d/>ns    huit 
jours  Ces  traitez ,  c'cft  à  dire ,  les  raifons 
dont  il  s'écoit  (ervi  pour  ne  pas  approu- 
ver Tes  fentimens.  Le  terme  des   huic 
jours  au  bout  defque  s  M.  Defcartes  at- 
tendoit  ces  traic^^z  étant  expiré  plufieur  s 
fois ,  il  commençoit   à   en  dcfcfperer 
lors  qu'il  reçut  des  lettres  de  quelques 
autres  Pères  de  la  Compagnie  ^par  lef- 
q  leiles  on  lui  demandoic  encore /T.v  mois 
de  délai.  Il  ne  douta  plus  que  ce  ne 


15)8        Khregê  de  la  Vie 

}  ^^  fût  un  ftratagéme  pour  corriger  ces  é- 
dits  à  loifir ,  &  les  mettre  en  état  de 
ne  plus  craindre  (a  cenfure.  Il  conjec- 
tura par  les  lettres  de  ces  Pères,  que 
non  obftant  TalTurance  qu*on  luy  avoir 
donnée  d'une  querelle  fiîTjplement  per- 
fonnelle  avec  le  P.  Bourdin  ,  il  alloit 
fe  détacher  du  corps  de  la  Compagnie 
un  puilTanr  parti  de  Je  fuites  contre  lui, 
pour  foûtenir  leur  confrère. 
jifefre-  Sçachaut  que  Icurs  forces  principa- 
înYeT  ^^^  confiftoient  dans  Tart  de  la  Dialec- 
7efuirei'  tique^dont  on  fait  de  grands  exercices 
dans  la  Compagnie  pour  fe  rendre  aguer- 
ri par  la  difpute  contre  toutes  fortes 
d'adverfaires  i  il  crut  devoir  de  fon  côté 
recourir  aux  armes  de  la  Scholaftique, 
dont  il  fembloic  s'être  dépouillé  depuis 
tant  d'années  ,  fans  fonger  qu'il  en 
dût  jamais  avoir  befoin. 

Il  communiqua  fon  delîein  au  P.  Mer* 

fenne  qui  Tattendoit  à  Paris  fur  la  fin 

de  cette  année  ,  Se  il  lui  en  écrivit  en 

j>  ces  termes.  Je  ne  ferai  point  encore  mon 

»  voiage  pour  cet  hiver.  Car  puifque  je 

^      w  dois  recevoir  les  objections  des  Pères 

fy  Jefuites  dans  quatre  ou  cinq  mois,  je" 

«  crois  qu'il  faut  que  je  me  tiennne  en 

pofture 


deÂd.Defcartes.Liw.V,   15?? 

pofture  pour  les  attendre.  Cependant  « 
j'ai  envie  de  relire  un  peu  leur  Ihilofo-  « 
phie,  (  ce  que  je  n'ai  pas  fait  depuis  20  «c 
ans,)  afin  de  voir  C\  elle  me  fennblera  ce 
maintenant  meilleure  qu'elle  ne  faifoit  « 
autrefois.  Pour  cet  cfFet ,  je  vous  prie  <e 
de  me  mander  les  noms  des  Auteurs  qui  ce 
ont  écrit  des  cours  de  Philofophie  ,  lef-  <c 
quels  font  les  plus  fuivis  parmi  les  Je-  c< 
fuites, ôis'ils  en  ont  quelques  nouveaux,  ce 
Je  ne  me  fouviens  plus  que  des  Conim-  ce 
bres .  ee 

Il  le  pria  aulîî  de  lui  mander  fi  l'on  //  ^»,r^. 
n'avoic    pas   fait   quelque    abrégé  ou  r'\^'^  j' 
coinpendtHm  de  toute  la  Philolophie  de  schoUfiè* 
l'école  qui  fût  fuivi  ^  pour  s'épargner  le  î««' 
temps  de  lire  les  gros  livres  des  Scho- 
laftiques ,  à  peu  prés  comme  avoir  fait 
le  F  £  Ht  liant  Eufiache  de  S,  PauL 

Le  P.  Merfcnne  ne  put  lui  indiquer 
que  de  Raconis  qui  fe  trouva  moins  pro- 
pre à  fes  dedeins  que  le  Feuillant.  Mais 
il  l'exhorta  puilîamment  à  ne  point  é- 
pargncr  la  Philofophie  de  l'Ecole,  telle 
qu'on  l'enfeignoit  alors  dans  les  Collè- 
ges ,  croiant  que  l'heure  de  la  facrifier  à 
la  Vérité  écoit  venue  j  &  lui  faifant  en- 
tendre qu'il  étoit  le  feul  de  qui  les  ama- 

K         teurs 


ICO        jihregé  de  la  Vie 

1^40.  tcurs  de  la  Vcricé  &  de  laSagellè  atten- 

-     i^  doient  ce  fcrvice. 

M.  Defcattes  lui  répondit  le  11  de 
Novembre  qu'il  ne  croioit  pas  la  Philo- 
(bphie  de  l'Ecole  difficile  à  réfuter,  à 
caufe delà  diverfité  des  opinions  qui  s'y 
enfeignent.  11  lui  déclara  en  même  temps 
les  vues  qu'i'  avoir  fur  la  Philofophie  par 
raport  à  celle  des  écoles. 

Son  deifein  étoit  d'écrire  par  ordre  un 
cours  entier  de  fa  Philofophie  en  forme 
de  théfes ,  où  fans  aucune  fuperfluité  de 
difcours  ,  il  mettroit  feulement  toutes 
fes  conclufions  avec  les  vraycs  raifons 
d'où  il  les  tiroir  :ce  qu'il  efperoit  pou- 
voir faire  en  peu  de  mots.  Dans  le  même 
livre  fuivanc  fon  projet ,  il  devoir  faire 
imprimer  un  cours  de  la  Philofophie 
vulgaire  tel  que  pouvoir  être  celui  du 
Feuillant  ,  avec  fes  notes  à  la  fin  de 
chaque  queftion  :  où  il  prétendoit  ajou- 
ter les  diverfes  opinions  des  autres,  & 
ce  qu'on  devoit  croire  de  toutes  félon 
lui.  Enfin  il  faifoit  efperer  pour  fervic 
de  conclufion  à  fon  ouvrage,  qu'il  fe- 
roit  un  paralelle  ou  comparaifon  àç% 
deux  Philofophics ,  c'eft  à  dire  ,  de  U 
fienne  &  de  celle  des  autres,  U  fut  feu- 

kment  i 


de  M.  D efcar tes, Liv  Y.  toi 

îemenc  en  peine  de  fçavoir  fi  le  Feuil- 
lant é:oic  encore  au  monde ,  parce  que 
n'en  voulant  ni  à  fa  perfonne  ni  à  Tes 
écrits  en  particulier  ,  il  vouloir  ufer  de 
ménagement  &  de  toiite  forte  d'honnê- 
teté à  Ton  éi^ard.  Pour  les  Conimbres, 
(  c'cft  à  dire  le  cours  de  Philofophiedes 
Jefuites  de  Conimbre  en  Portugal ,  )  il 
les  trouva  trop  longs.  Mais  il  auroit  fou- 
haité  qu'ils  eulTent  écrit  aufTi  ^uccinte- 
ment  que  le  Feuillant ,  parce  qu'aiant 
affaire  aux  Jefuites  ,  il  auroit  piétéré 
leurs  cours  à  tous  les  autres. 

Cette  année  parut  fatale  à  nôtre  XI  F. 
Philofophe  par  la  perte  qu'il    fit   non    ^''-  '^^ 
feulement  de  trois  ou  quatre  de  fes  a-  -'^^,  ;* 
niis   Mathématiciens  ou  Philofophes ,  ^/^«» 
mais  principalement  des  deux  perfon. 
nés  les  plus  chères  qu'il  eût  au  monde, 
fa  fille  Francine ^  dcCon  Père  Doien  du 
Parlement  de  Bretagne,  qui  mourut  au 
mois  d'06Vobre  âgé  de  yS  ans. 

Francine  étoit  morte  des  le  7  de  Sep- 
tembre à  Amersfort  àe.ée  feulement  d« 
cinq  ans.  Il  la  reconnut  publiquement 
pour  fa  fille  ,  quoique  nous  n'en  con- 
connoiflfions  point  la  mère  ,  8c  que 
jiousu'aions  aucune  preuve  de  fon  ma- 
Kij  riage 


lOi      Ahrcgé  de  la  Vie 

16^0.  "^gf.  ïl  î^  pleura  avec  une  tendrefîe 

• — •   qui  lui  fît  éprouver  que  la  vraie  Philo- 

(bphie  n'étoufFe  point   le  naturel.  La 
douleur  qu'il  en  eut  étoit  capable  de 
faire  conjedurer  que  cette  enfant  étoit 
unique.   Mais  les  médifans  n  ont  rien 
oublié  pour  lui  en  fubfticuer  d'autres, 
La  calomnie  quoique  foûtenue  par  l'au- 
torité ôc  les  écrits  d'un  grave  Miniftre 
des  Reformez  d'Utrecht  lui  parut  fi  mal 
établie  ,  qu'il  fe  contenta  d'en  rire  -,  ÔC 
de  répondre  au  reproche  que  lui  en  fai- 
foit  Ton  ennemi ,  que  n'aiant  point  fait 
voeu  de   chafteté  ,    &C  n'étant  point 
exempt  des  foiblelTes  qui  font  naturel- 
les à  l'homme,  il  ne  fcroit  point  diffi- 
culté de  les  avouer  publiquement  s'il  en 
avoit.  Mais  encore  qu'il  n'en  eût  au^ 
cun,il  confentoit  néanmoins  de  ne  point 
palier  pour  un  grand  Saint  dans  refprit 
d'un  Miniftre  qui  n'avoit  pas   grande 
opinion  de  la  continence  des  Ecclefiall 
tiques  de  l'Eglife  Romaine  qui  vivent 
dans  le  célibat. 

Il  ne  tarda  point  à  reparer  la  brèche 
quis'étoit  faite  à  l'intégrité  de  vie  dont 
il  honoroit  fa  folitude  &  la  profefîion  de 
fa  Philofopbiie  i  6c  il  rétablit  fon  célibat 

dan$ 


de  M.D(?/c^r/^.(.Liv.V.   203 

dans  fa  première  perfedlion  ,  avant  mê- 
me qu'il  eût  acquis  la  qualité  de  Père. 
Au  refle  le  Public  n'auroit  jama's  fçea 
cette  circonftance  humiliante  de  fa  vie, 
s'il  n'en  avoit  fait  lui-même  une  con- 
feiïion  publique  en  écrivant  Thiftoire 
de  fa  Francine  fur  la  première  feuille 
d'un  livre  qui  devoit-  être  lu  de  plu- 
fleurs. 

Trois  femaines  après  la  mort  de  cette  [•"'■^nes 
enfmt,  il  quita  la  ville  d'Amersfort  pour  ^^'"'^[ 
aller  reprendre  fa  demeure  à  Leide.  Il  •^■'/"■^•r 
étoit  dégoûté  du  voifinage  d'Utreclic  à  Jiurlnn^ 
caufe  des  intrigues  de  Voetius  qui  répan- 
doit  l'allarme  dans  tout  le  pays ,  vou- 
lant faire  regarder  Retins  ,  comme  un 
brouillon  fufcité  pour  troubler  les  Eco- 
les, &  M.  Defcartescomme  un  ennemi 
de  la  Religion  Proteftant?,  &   un  cî- 
pion  envoie  de  France  contre  les   inté- 
rêts  des  Provinces  unies.  Ne  jugeant 
pas  le  fecours  des  Ecrivains  de  fa  fei^e 
&  de  (on  pays  fuffifant  pour  l'extermi- 
ner ,  il  crut  en  devoir  chercher    parmi 
les  Catholiques,  &  dans  le  cœur  même 
de  la  France.  Pour  en  obtenir  ,  il  falloic 
fclon  lui  changer  de  langage.  Il  tâcha 
de  leur  perfuader  qu'ils  avoicnt  affaire 
K  lij  à 


204      Ahregê  de  la  Vie 

164.0   à  un  ennemi  commun,  &  qu'il  s*agiC. 
-    '   ■  foie  de  défendie  la  Religion  en  gênerai 
contre  un  Sceptique  6c  un  Athée,  à  quoi 
les  Catholiques  n'écoient  pas  moins  in- 
terellez  que  les  Froreftans.  Il  alla  folii- 
citer  les  efprits  jufqu'au  fonds  des  cloî- 
tres de  Paris,  &  il  eut  la  hardielTe  mê- 
me de  tenter  le  P.  Merfenne  ,  fous  pré- 
texte que  ce  Père  écoit  déjà  tout  aguerri 
contre  les  Athées  (?c  les  Deiftes  qu  il  a- 
voit  combattus  par  divers  ouvrages.  Il 
reprefenta  à  ce  Père  qu'étant  d'ailleurs 
Fhilofophe  &  Géomètre,  ce  travail é- 
toit  digne  de  fon  érudition  6c  def/îfMÙ-' 
îilifé.    Et  pour  l'y  engager  avec  des 
termes  encore  plus  preifans  ,  il  lui  dit 
qu'après  s'être  montre  jufqueS'là  ,  U 
défenfeur  ds  la  P^erité  dans  fa  manière 
de  traiter  la  Théologie  ,  il    ne  de  voie 
pas  douter  que  la  mêoie  Vérité  ne  l'at- 
tendit pour  la  garantir  de  la  vexation 
de  ce  nouveau  Fhilofophe. 

C'étoic  peut-être  la  première  fois 
qu'on  avoic  entendu  les  Minifties  Pro^ 
teftans  fehciter  des  Catholiques  Ro- 
mains, &  fur  tout  des  Religieux  d'avoir 
heureufement  défendu  la  Vérité  en  ma- 
tière de  Théologie.  La  chofe  ètoit  d'au- 
tant 


I 


d^  M.  D ejcar tes, Liv.V.  105 

tant  plus  remarquable  que  Voerius  feai-  ^""^^ 
bloit  devoir  être  le  dernier  de  qui  on  '^ 
eue  dû  efpérer  une  femblable  confeffion, 
après  s'être  déchaîné  fans  fujet  contre 
l'Eglife  Romaine  en  d'autres  occafions  , 
&  s'être  brouillé  même  avec  quelques 
autres  Minières, qui  n'avoient  pu  fouf- 
frir  Tes  excès  cSr  Tes  impoftures.  Mais 
comme  les  Catholiques  ne  fçùrent  au- 
cun gré  de  cet  aveu  à  Voetius ,  3c  que 
les  PiOteftans  ne  lui  en  firent  aucun 
crime  :  on  le  regarda  comme  une  fuite 
du  dérèglement  de  fon  elprit  ,  auquel 
les  uns  3c  les  autres  étoient  déjà  tout 
accoûcumez.  Il  ne  falloit  point  d'autre 
marque  de  ce  dérèglement  que  la  ma- 
lignité avec  laquelle  il  aftédloit  de  faire 
palTer  M.  Defcartes  pour  nnJcTinte  fan- 
-1/4^^,  afin  de  le  décrier  dc  de  le  rendre 
odieux  par  un  autre  endroit. 

Le  P.  Merfenne  feignit  de  fe  lai(Tec 
attirer  aux  enchantemens  du  difcours  de 
Voetius  ;  &  pour  montrer  qu'il  ètoit 
encore  plus  ami  de  la  Vérité  que  de  M. 
Defcartes,  il  lui  promit  leminiftéredc 
fà  plume,  pourvu  qu'on  lui  fournidde 
la  matière  &  des  raifons  fuftifantes  pour 
attaquer  les  opinions  de  ce  Philofophe. 

K  iiij         Oï\ 


ro6       Ahregé  de  la  Vie 

1640       On  prétend  que  ce  Religieux  pailoic 
-— —  tout  ferieufement.Voetius enfui fi  per- 
fiiadé  qu'il  fit  répandre  incontinent  le 
bruit  que  le  P.  Merfenne  écrivoit  contre 
:     M.  Defcartes.  Il  chercha  enfuite  des 
matériaux  de  tous  cotez,  &  foUicita  tous 
fes  amis  pour  envoier  du  fecours  au  P. 
Merfenne.  Mais  une  année  entière  fe 
pafla  fans  qu'il  pût  faire  tenir  à  ce  Père 
autre  chofe  qu'une  comparaifon  qu'il 
avoir  faite  de  M.  Defcartes  avec  Vanin, 
le  priant  de  bien  (<\\xe  valoir  ce  mor- 
ceau comme  une  pièce  importante  ,  & 
de  mettre  dans  un  beau  jour  le  paralelle 
du  nouveau  Philofophe  avec  cet  impie 
qui  avoir  été  brûlé  à  Toulouze. 
Ze  Rai       On  n'étoit  point  fans  doute  fi  mal  in- 
lyppeiie   tentionné  pour  M,  Defcartes  à  la  Cour 
*  Je  des    de  France ,  puifque  le  Roi  Loliis  XlII. 
■profofi"   fie  mander  fur  la  fin  de  cette  année  ou 

tions   ho-    I  1      ij  ••1 

norMes ,  1^  Commencement  de  1  autre  qu  il  vou- 
m^is  en  joie  reconnoîcrc  publiquement  fon  mé- 
rire.  Ce  Prince  aveni  par  le  Cardinal 
de  Richelieu,ou  par  ceux  qui  lui  avoient 
prefenté  fon  livre,  que  cet  ornement  de 
ion  Roiaume  feroit  toujours  hors  de  (a 
place,  tant  qu'il  feroit  hors  de  fes  états, 
fongeoit  à  le  placer  dans  un  rang  alTez 

élevé  ;i 


r. 


de  M, De/car  tes, Liv.V.  207 

élevé  jfoiràlaCoLir ,  foi:  dans  le  Parle-  i^^o. 
ment ,  pour  le  faire  voir  à  tous  Tes  peu- 
plcs-&:  a  lui  fcurefoûcjnir  ce  rang  par 
une  guolTe  penlîon.  Mais  il  n'y  eut  point 
de  follicitations  allez  foites  pour  le  fai- 
re fortir  de  (a  retraite.  Il  regardoit  les 
délices  de  la  Cour  &  les  occupations  les 
lus  glorieufes  des  Confeils  &:  des  Par- 
emens,  comme  également  préjudicia- 
bles au  repos  &  au  loifiu  dont  il  avoic 
befoin  pour  fervirle  genre  humain  d^ns 
la  profjjîion  qu'il  avoir  choifie.  Et  fai- 
fant  infiniment  plus  de  cas  des  bontez  de 
fon  Roi  que  de  tous  les  honneurs  6v'  de 
toutes  les  richeires  dont  il  l'auroit  voulu 
combler,  il  aima  mieux  vivre  feul  &  con- 
tent dans  de  perpétuelles  reconnoiHan- 
ces  pour  ces  bontez ,  que  de  s'expofec 
au  hazard  de  perdre  les  avantages  de  fa- 
Philofophie  ,  fous  prétexte  de  vouloir 
foûtenir  le  poids  de  ces  honneurs,  &  de 
juftifier  le  choix  d'un  Ci  grand  Prince. 


Kv 


10  8       Ahreq-éde  la  Wk 


1641 


LIVRE   SIXIE'ME. 

Depuis  i6^i.jufqu*en  i^-^4. 


I.        jf"^  E  FUT  en.  1(^41.  que  Ton  vid 
Tubitca-     m  paroîtreen  public  le  fécond  des 

non  de  jt  s     ^  l^  f 

Meditx-  ^»^^  Ouvrages  de  M. Defcarces  avec 
ll7ijfi.''  ^^  l^rivilege  du  Roy  ôc  l'approbation  des 
^uts.  Dodeurs  à  Paris  fous  le  titre  de  Medù 
rations  touchant  la  -première  Philofi- 
pble,o}i  l'on  démontre  l'exifîence  deOieiSy 
&  l'immortalité  de  l' Ame,  Mais  il  faut 
remarquer  que  ce  fut  contre  l'inten- 
tion de  l'Auteur  qu'on  lailla  gHlfer  le 
mot  d'immortalité 3iU  lieu  de  celui  ^7///- 
materialité. 

Cet  ouvrage  dont  il  pretendoit  que 
nous  ne  devions  la  publication  qu'a  fa 
coîîfcience^étoit  d'une  compofition  plus 
ancienne,que  fes  Eilàis ,  puifque  c'étoic 
le  premier  fruit  de  (a  retraite  en  Hol- 
lande. L'importance  du  fujet  l'avoit 
porté  avant  que  de  Is  mettre  fous  la 
preiTe  ,à  le  faire  voir  aux  plus  habiles 
Théologiens  de  l'Eglife catholique,  Se 

à  queL 


de  M.DeJcartesXiv.Vl.  10^    ^ 

à  quelques  fçavans  même  des  autres  , 

communions  qaipa'ilbienc  pour  les  plus 
fubtilsen  Philofophie  &  enMecaphyfi- 
que  5  afin  qu'il  puft  profiter  de  leurs 
cenfures  ,  répondre  à  leursdifficulcez, 
ôc  faire  imprimer  leurs  objections  3c  fes 
réponfes  en  même  temps  que  Ton  traité. 

Son  Manufcrit  fut  plus  d'an  an  pouc 
cet  effet  entre  les  mains  du  P.  Mcrfen- 
ne,qui  avoit  commiffion  de  lui  de  cher- 
cher  à  cet  ouvrage  des  Cenfeurs  ou  des 
Approbateurs  de  toute  robbe,tandis  que 
de  Ton  codé  il  fit  la  même  chofe  dans  les 
Pays- bas    Catholiques   5c    Pioteluin?. 
Il  voulut  même  le  dédier  à  Meilleurs 
de  Sorbonne  ,  c'eft  à-dire  à  toute  la 
Faculté  de  Théologie  de  Paris ,  par  ce 
dit-il  ,  que  les  cavilUtions  de  qiielcjHet 
performes   C avaient    fait  refondre  a  fe 
munir  cCorefnAvant  de  V autorité  d'an^ 
truiypHtf^ue  U  Vérité  efl  fi  peu  eflimèe 
lors  ciHellee(l  feult.  Il  recommanda  cet- 
te afïlùre  au  P.  Gibieuf  de  l'Oratoire 

fou  ami,  qui  par  fa  capacité  s'étoit  mis  . 

en  grand  crédit  dans  la  Sorbonne  &  W.  de 
parmi  tous  les  habiles  gens  :  5c  lailfa  Abngé  ^ 
le  foin  de  tout  le  relie  au  P.  Merfenne.     "«w/^/ 

Tandis  que  ce  Perecherchoit  des  «««'• 
K  vj       cenfeurs 


iio       A hregéde  la  Vie 

JL^^î    cenfeurs  à  Ton  ouvrage  ,  Se  qu'il  ramaf- 
?'  foit  les  objedions  des  Théologiens  de 

Philofophes  qu'il  pouvoir  trouver  à  Pa- 
ris ,  il  en  reçût  un  Abrégé  des  princi- 
paux points  qui  touclioient  Dieu  ÔC 
l'Ame  humaine, pour  fervir  d'argument 
à  tout  l'ouvrage,  qu'il  avoic  divifé  en 
Jlx  Méditations, 

Dans  la  première  \\  propofe  les  rai- 
sons pour  lefquelles  nous  pouvons  dou- 
ter généralement  de  toutes  chofes ,  &C 
fur  tout  des  matérielles ,  jufqu'à  ce  que 
nous  aions  établi  de  meilleurs  fonde- 
mens  dans  les  fçiences  que  ceux  que 
nous  avons  eu  jufqu'à  prefenr.  Il  fait 
voir  que  l'utilité  de  ce  doute  gênerai 
conllfte  à  nous  déli  vrer  de  toutes  fortes 
de  préjugez ,  à  détacher  nôtre  efprit  des 
fens,  de  à  faire  que  nous  ne  puiffions 
plusdouter  jamais  des  chofes  que  nous 
relconoitrons  enfuite  être  t  res-veritables. 
Dans  hfecoyjde  il  fait  voir  que  l'Ef^ 
pritufant  de  fa  propre  liberté  pour  fup- 
pofer  que  les  chofes  de  rexiftence  def- 
quelles  il  a  le  moindre  doLite  n'exiftent 
pas  en  effet ,  reconnoit  qu'il  eft  impoffi- 
ble  que  cependant  il  n'exille  pas  lui  mê- 
me. Ce  qui  ferc  àlui  faire  diftinguer  les 

chofes 


deAd.Defcartes.Liw.Vh  irr , 

chofes  qui  lui  appartiennent  ,  d'avec   j^^i 
celles  qui  appartiennent  au  corps. 

Dans  la  troifième  il  développe  le 
principal  argument  qu'il  a  pour  prou- 
ver Texiftence  de  Dieu  ,  Qns  emploiec 
aucune  comparaiiun  tirée  des  chofes 
corporelles. 

Dans  la  (juatnérneW  prouve  que  rou- 
tes les  chofes  que  nous  concevons  fore 
clairement  &  fort  diftindlement  font 
toutes  vraies.  Il  y  expliq  e  auffi  en  quoi 
coniifte  la  nature  de  Terreur  qui  fe  trou- 
ve dans  le  jugement,  &  le  difcernemenc 
du  vrai  &:  du  faux. 

Dans  la  clncjuieme  il  explique  la  na- 
ture corporelle  en  gênerai.  Il  y  démon- 
tre encore  1  exiftence  de  Dieu  d'une 
nouvelle  manière  -,  ^  il  fut  voir  que  la 
certitude  même  des  démontirations  oéo- 
métriques  dépend  de  la  connoîllance 
de  Dieu. 

Dans  la  fïxiéme  il  diftingue  l'adion 
de  l'entendement  d'avec  celle  de  l'ima- 
gination. Il  y  montre  que  l'Ame  de 
l'homme  efl:  réellement  diftincfte  du 
corps,  &  que  néanmoins  elle  lui  elt  fi 
étroitement  unie  qu'elle  ne  compofe 
que  comme  une  même  chofe  aveclui. 

Il 


II i        Ahregé  de  la  Vie 

1(^41    II  y  expofe  audî  toutes  les  erreurs  qui 

—  procèdent  des  fens ,  avec  les  moiens  de 

les  éviter.  Enfin  il  y  rapporte  les  raifons 

dont  on  peut  conclurre  l  exiftence  des 

chofes  matérielles. 

MAniin       II  f^Qt  remarquer  que  l'Auteur  ne 

dont  elies      ,    n         .  %   r    i 

font  écr,'  S  ctt  point  attache  dans  tout  cet  ouvrage 
^^^'  à  fuivre  l'ordre  des  matières  ,  mais  feu- 
lement celui  des  raifons.  C'eft-à-dire 
qu'il  n'a  point  entrepris  de  dire  en  un 
même  Heu  tout  ce  qui  appartient  à  un 
même  fujet,  parce  qu'il  lui  auroit  été 
fouvent  impoiïiblede  le  bien  prouver, 
dautant  qu'il  y  avoit  des  raifons  qui  dé- 
voient être  tirées  de  bien  plus  loin  les 
unes  que  les  autres.  Mais  en  raifonnanc 
par  ordre  ,  c'etl;  à  dire  ,  en  commen- 
çant parles  choies  les  plus  faciles  pour 
palier  enfuite  aux  plus  difficiles ,  il  en 
déduit  ce  qu'il  a  pu  tantôt  pour  une 
matière,  tantôt  pour  une  autre.  Ce  qui 
étoit  à  fon  avis  le  vrai  chemin  pour  trou- 
ver précifement  la  Vérité,  &  pour  la  bien 
expliquer.  Il  eftimoit  que  l'ordre  des 
matières  n'ell  b  jn  que  pour  ceux  dont 
routes  les  raifons  lont  détachées ,  &  qui 
peuvent  dire  autant  d'une  difficulté  que 
d'une  autre, 

CeÛ: 


de M.Defcartes.ViV.Vl.  ii^ 

C'eft  pour  cela  qu'il  ne  jugeoit  pas    lé^t 

à  propos  ,   ni  même  poflîble  d'inférer  ^ 

dans  le  texte  de  Tes  Médications  la  lé- 
ponfe  aux  Objedions  qu'on  y  pour- 
roit  faire,  parceque  cela  auroit  inter- 
rompu toute  la  fuite  ,  6<.  auroit  même 
ôté  toute  la  force  de  fes  raifons,  laquel- 
le dépend  principalement  de  ce  qu'on 
doit  détourner  ù  penfée  des  chofes  fen- 
fibles,  d'où  la  plufpart  des  objections 
(croient  tirées.  Mais  il  avoit  mis  celles 
qui  lui  étoient  déjà  venues  des  Pais-bas 
à  la  fin  de  fon  traité  ,  pour  fervir  de  mo- 
dèle aux  autres  s'il  en  venoit  ,  &c  pour 
montrer  le  rang  où  l'on  pourroit  les  fai- 
re fuivre  dans  l'imprertion  en  inferanc 
fes  réponfes  à  la  fin  de  chaque  obje- 
ction. 

Qqs  premier  et  objeElionf  2iVo\çni  pour  ^rem^f/'^ 
Auteur  M.  Caterus  ou  Carters  Doàeur  "  ^^*' 
de  Louvain  emploie  dans  les  MifTions 
de  Hollande.  Il  les  accompagna  de  tou- 
tes les  honnctetez  6c  de  toute  la  mo- 
deftie  qui  précède  &  qui  conduit  ordi- 
nairement les  vrais  fçavans ,  &  les  ama- 
teurs de  la  Vérité.  Elles  étoient  adrelfées 
à  deux  de  fes  amis  Bloemart^  Bannius, 
qui  étoient  aufli  ceux  de  M.  Defcartes , 


tX4      Ahe^éàe  la  Vte 

'iCi\u  ^  ^"^  connoiitanr  la  capacité  de  ce 
'-*- —  Do(fi:eur ,  les  lui  avoient  demandées  les 
plus  fortes  qu'il  pourroit  les  faire  pouc 
fuivre  les  intentions  de  nôtre  Philofo- 
phe.  Les  deux  amis  les  avoient  envoiées 
à  M.  Defcartes  telles  qu'ils  les  avoient 
reçues ,  &  ce  fut  à  eux  pareillement 
qu'il  adrelfa  là  réponfe  qu'il  y  fit.  Il 
tâcha  fur  tout  de  ne  pas  fe  laiiîer  vain- 
cre en  honnêtetez ,  &  en  témoigniges 
d'eftime  pour  M.  Caterus  dont  il  fe  fit 
un  nouvel  ami  pour  le  refte  de  fes 
jours. 

. Le  Père  Merfenne  pour  lui  faire 

IIL  voir  des  efïèts  de  fa  commiiïîon ,  lui  en- 
Seron}es  vois  dés  le  mois  de  Janvier  les  objec- 
"^  —  .  ^-^^g  ^^^».j  ^^^,^  p^  recueillir  de  la  bou- 
che des  Théologiens  6:  des  Philofophes 
qu'il  avoit  confultez  dans  Paris.  Leurs 
difficultés  n'âoient  ni  fort  confidera- 
bles  3  ni  en  grand  nombre  ;  quoique  ce 
Père  eût  tâché  d'y  joindre  quelques- 
unes  des  fiennes ,  ^  c]ii'il  eût  fait  fon 
pofTible  pour  en  faire  naître  auffi  fur 
fa  réponfe  2iU\ premières  objcBions ,  qu'il 
lui  avoit  fait  tenir  dans  le  dellein  de  la 
faire  examiner  avec  le  refte.  Il  parut  à 
M.  Defcai'ces  que  ces  fécondes  objeEliom 

avoient 


cbeciion 


de  ÂLDeJcartes.  Liv.Vl.  115 

avaient  écé  faites  par  des  peiTonnes  fin-  "^ 
céres ,  Se  perfuadées  de  la  folidicé  de  Tes  '^^' 
principes.  Il  y  fie  une  réponfe  fi^rt  exac- 
te. Et  parce  que  les  Auteurs  de  ces  ob- 
jedionsavoîenc  téinoigné  par  !a  plume 
du  P.  Merfenne  que  ce  feroit  une  cho- 
fe  fort  utile  ,  Ci  à  la  fin  de  Tes  folutions , 
après  avoir  premi>: rement  avancé  quel- 
ques définitions  ,  quelques  demandes  , 
éc  quelques  axiones ,  il  concluoit  le  tout 
félon  la  métnode  des  Géomètres  j  afin 
que  d'un  feul  regard  les  ledteurs  puf- 
fent  y  voir  ce  qui  devoit  les  fatisfai- 
re  :  il  fut  ravi  qu'ils  lui  eulTent  fait  une 
propofition  fi  agréable,  &c  Ci  facile  à  exé- 
cuter. Il  joignit  donc  à  fa  réponfe  pour 
leur  fatisfadion  un  autre  écrit  conte- 
nant les  ratfons  pour  prouver  f  e xi fl en- 
ce  de  Dieu,  ç^la  difti nation  qui  eft  en- 
tre l'efprit  ô*  le  corps  humain  ,  difpo* 
fées  d'une  manière  geométricjue. 

Il  n'avoitpas  achevé  de  répondre  aux  r/o/yî/- 
fecondes  objeBions  ^  qu  il  reçut  celles  du  ^^  "^z  *• 
fameux  M.  Hobbes  Philofophe  An^lois  nih^o?. 
qui  cherchoit  depuis  longtemps  Tocca-  ^«^' 
(ion  de  (é  faire  connoitre  à  lui.  Le  P. 
Merfenne  la  fit  naître  en  lui  communi- 
quant la  ledlure  du  manufcrit  des  Mé- 
ditations 


ii(^      jéhregè  de  la  t^ie 

î6±i^  ditations  pour  y  faire  des  objedionsj 
mais  il  lui  déclara  que  le  moiende  mé- 
riter foii  amitié  &  Ton  eftime  écoic  de 
ne  îe  pas  épargner.  M.Hobbes  le  criit- 
Le  Père  envoiant  ces  objedions  à  Mr 
Defcnrtes ,  les  avoit  accompagnées  d'un 
mot  de  recommandation  pour  fonami^ 
afin  qu'il  connut  Ton  mérite  ,  ôc  qu'il 
fçûi:  de  quelle  I  hilofophie  ce  fçavant 
Anglois  faifoit  profelTion. 

M.  Defcartes  ravi  d'apprendre  que 
le  nombre  des  vrais  Philofophes  fûc 
augmenté  d'un  auffi  noble  fujet  qu'é- 
toit  M.  Hobbes ,  voulut  étudier  Ton  gé- 
nie dans  Tes  objedions.  Mais  il  ne  les 
trouva  point  afiez  propres  pour  lui  faire 
juger  de  fa  folidité  &:  de  fa  profondeur^ 
Il  infera  dans  le  corps  même  de  ces  ob- 
jedions  la  réponfe  qu'il  y  fit  à  chaque 
article.  C'eft  ce  que  nous  avons  fous  le 
titre  de  Troijîémes  obieEiions, 
\Aums  Nonobstant  la  prière  que  M.  Det 
^dl'ÎL^' cartes  avoit  faites  au  Père  Merfenne 
Bobbes.  de  ne  lui  point  envoier  d'autres,  ob- 
jections que  celles  qui  regarderoient 
(es  Méditations  Métaphyfiques  ,  ce 
Père  ne  pût  s'empêcher  de  lui  commu- 
niquer les  remarques  que  M.  Hobbes 

avoit 


I 


de  M. De/carte f.Liv.Vl.  117 

avoic  faites  fur  fa  Dioptrique  ,  ni  M.  ^^^^ 
Defcarces  lui  refufer  la  fàtis(â6tion  de 
répondre  à  (on  ami.  M.  Hobbes  dé- 
fcutoit  dans  fon  écrit  par  un  commen- 
cement qui  ne  regardoit  point  la  Diop- 
trique de  M.  Defcartes.  il  yparloit  de 
Dieu  ôc  de  l'Ame  comme  de  chofes  cor- 
forelles.  Il  y  difcouroit  fur  fon  efprit 
interne  qu'il  établifToit  comme  le  prin- 
cipe de  toutes  chofes ,  &  il  y  traitoic 
beaucoup  d'autres fujets  étrangers,  qui 
étoient  éloignez  de  ce  qu'il  avoir  entre- 
pris d'examiner.  Car  encore  qu'il  pré- 
tendît que  la  matière  fubtile  de  celui-ci 
fut  la  même  cho(e  que  fon  effrit  interne^ 
l'une  n'étoit  nullement  reconnoillable 
dans  l'autre.  M.  Hobbes  fit  une  longue 
réplique  qui  futenvoiée  à  M.Defcartes 
dés  le  7  de  Février.  Maïs  tout  le  com- 
merce de  cette  paifible  difpute  refidoit 
dans  le  P.  Merfenne  qui  en  étoit  le  cen- 
tre,(àns  que  M.Defcartes  6c  M. Hobbes 
s'écrivilTent  immediatement.Leur  com- 
munication ne  s'étendit  point  au  delà,& 
quoique  M.  Defcartes  envoiât  une  der- 
nière réponfè  à  la  réplique  de  M.Hob- 
bes,il  pria  ce  Père  ou  de  la  retenir  pour 
luifeul  ,ou  de  la  débiter  de  fon  chef, 

fans 


iiS      Ahrege  de  U  Vie 

1^41    fans  qu'il  parût  à  M  .Hobbes  ou  à  cfa»-^ 

VI      *  très  qu'elle  fut  venue  de  plus  loin  que' 

du  Couvent  des  Mininaes  de  Paris. 

Il  marqua  en  même  temps  à  ce  Pécc 
les  raifons  qu'il  avoit  de  rompre  tout 
commerce  avec  cet  Anglois ,  afin  de 
pouvoir  le  conferver  au  nombre  de  ces 
amis  du  commun  qui  s  eftiment  de  loin, 
&  qui  s'aiment  fans  communication.  Il 
lui  manda  de  nouveau  Topinion  qu'il 
avoit  de  cet  efprit ,  qu'il  jugcoit  opinià-J 
ire ,  Se  dangereux  mcme  dans  fa  (ingu- 
larité  ,•  quoiqu'il  ne  fut  pas  doué  d'une 
grande  juftefîè,  ni  d'une  grande  force 
pour  le  raifbnnemenr. 

Dans  toute  la  Maifon  ou  Société 
de  Sorbonne  ,  il  ne  fe  trouva  pas  un 
Cenfeur  de  M.  Defcartes  ,  quelques 
foins  que  le  P.Gibieuf  Se  le  P.  Mer- 
fenne  prilîent  pour  lui  en  procurer.  Il 
en  faut  excepter  un  jeune  Docteur  ou 
Licentié ,  lequel  aiant  lu  autrefois  les 
Elfais  de  la  Méthode  de  nôtre  Philofo- 
phe  avecplaifir,  avoit  acqaiefcé  au de- 
iir  du  P.  Merfenne ,  efpérant  retrouver 
U  même  plaifîr  dans  la  ledur e  des  Mé- 
ditations. 
Ce  Docteur  étoic  le  célèbre  M.  ^y^ 

rtand 


de  M.  DeJcartes.Lh y  l.  iJ^ 

raid  âgé  pour  lors  de  prcs  de  19  ans.    ^^.j 

i  K'aiant  pu  obtenir  du  Père  Merfenne  : 

I  .qu'il  liroic  les  Méditations  gratuitement, 
I  il  fe  crud  oSligé  de  faire  deux  perfon- 
I  nages  dans  Texamen  qu'on  demandoit 
■  de  lui.   Il  parut  d'abord  en  Philofopbe 
pour  reprefenter   les  principales  difti- 
j  cultez  qu'on  pourroit   objecter  à  M. 
!  Defcaites  touchant  les  deux  grandesque- 
flions  de  la  nature  de  nôrre  Ame  &:  de 
i'exiilence  de  Dieu.  Il  fit  enfuite  la  fonc- 
;   tion  de  Théologien  pour  marquer  les 
chofes  qu'il  jugeoît   capables  de  cho- 
quer les  oreilles  accoutumées   aux  ex- 
preflions  ordinaires  de  fa  Théologie. 

M.  Defcartes  n'avoir  pas  encore  ea 
d'adverfaire  plus  raifonnable  ni  pins  ha- 
bile que  ce  jeune  Dodtcur  qui  non  con- 
tent de  s*être  rendu  très  profond  dans 
toutes  fortes  de  connoilLinces  ,  faifoic 
encore  régner  un  efpric  parfaitement 
géométrique  dans  tous  fès  raifonne- 
mens.  Mais  au  lieu  de  perdre  letemps 
à  l'admirer ,  il  mit  toute  fbn  application 
à  lui  répondre.  Ce  qui  lui  donna  d'au- 
tant plus  d'exercice  qu'il  avoir  à  fatis- 
fairc  un  efpiit  auquel  il  ne  lui  étoit  pas 
poflTible    d'impofec   ou    de   donner  le 

change, 


iio       ^hregé  de  la  Vie 
1^41  change  ,  &  qu'il  s'agilTbit  de   foudre 

•  en  rrkcme  temps  des  difficukez  tres-fo- 

lides  &  tres-fubtilcmeni:  propofécs. 

li  manda  au  P.  Meifenne  qu'il  n*au- 
roic  pu  fonhaiter  un  examinateur  de  foa 
livre  plus  clair-voiant  ôc  plus  officieux. 
Qu'il  en  avoit  été  traité  avec  tant  de 
douceur  &  d'honnêteté,  qu'il  ne  pcu- 
voit  prefque  s'imaginer  que  ce  fût  un 
adverfaire  qui  eût  voulu  écrire  contre 
lui  :  mais  qu  il  avoit  examiné  ce  qu'il 
avoit  combattu  avec  tant  de  foin  ,  qu'il 
efpéroit  que  rien  ne  lui  feroit  échapé; 
&  que  fes  manières  vives  &  pénétran- 
tes à  pouller  les  chofes  aufquelles  il  ne 
pouvoir  accorder  fon  approbation,  lui 
faifoienc  croire  qu'il  n'avoir  point  eu 
la  complaifance  de  lui  rien  diiïimuler. 
Il  envoia  fa  réponfe  au  P.  Merfenne 
le  jour  de  Pâques  ,  avec  un  remerci- 
ment  à  M.  Arnaud  pour  deux  bons  of- 
fices qu'il  lui  avoit  rendus  en  écrivant 
contre  lui.  Le  premier  étoit  d'avoir  pro- 
pofé  les  raifons  de  fon  livre  ,  de  telle 
manière  qu'il  fembloit  avoir  eu  peut 
que  les  autiesne  les  trouvalTent  pasaf. 
fez  fortes  &  convainquantes.  L'autre 
étoit  de  l'avoir  fortifié  d'un  grand  fe- 

COUlS 


de  M.  DefcartesXiwyi.  iti 

cours  en  le  munillani  de  l'autorité  de    1^41 
faint  Auguftin,  dont  la  Philofophie  a-  — — ^ 
voie  pour  hafe  &  foûcien    le  premier 
principe  de  la  Tienne. 

Apres  avoir  confuieré  longtemps  la 
force  des  argumens  de  M.  Arnaud  tou- 
chant la  Ihilofophie,  il  jugea  u;'.i'aianc 
taché  de  refoudre  ceux  qui  reg.^.rdoient 
,I«i  nature  de  l'ame  on  de  l'eTprit  humai??, 
ïl  dévoie  changer  de  méthode  ,  craignant 
de  ne  pouvoir  pas  refifter  à  la  force  de 
ceux  qu'il  lui  avoit  propofez  touchant 
Vexiflence  de  Dieu,  C'eft  pourquoi  au 
lieu  de  fe  m.ptcre  en  devoir  de  foûtenic 
fes  efforts  comme  il  a\oit  fait  jufques- 
là,  il  voulut  imiter  ceux  qui  ont  à  fe 
défendre  contre  un  adverfaire  qui  a  l'a- 
vantage ;  6c  il  ne  s'étudia  plus  qu'à  é. 
virer  adroitement  fes  coups  plutôt  que 
de  s'oppofer  direétement  à  leur  vio- 
lence. 

Quand  il  en  fut  venu   à  la  réponfe 
qu'il  avoit  à  faire  aux  difficultez   qui 
pouvoienc  arvêrer  les  Théologiens  ,  il 
déclara  qu'il  s'étoit  oppofé  ^uxp^emié-  ^ 
res  raifons  de  M.  Arnaud  (  concernant  <« 
Fefprit  humain  -,')  qu'il  avoit  tâché  de  «, 
parer  \qs.  fécondes  (  concernant  TexiC  „ 

tvnce 


lit  yihregê de  la  ^ie 
1641  tence  de  Dieu  j  )  mais  qu'il  donnoit  en- 
'  tiéremenc  les  mains  aux  troifièmes^  ex- 
cepté la  dernière  qui  concernoit  l'Eu- 
chanftie ,  à  laquelle  il  encreprit  de  ré- 
pondre. 

M.  Arnaud  avoit  donné  à  M.  Defl 
cartes  divers  avis  également  importans 
&  judicieux  pour  aller  au  devant  des 
chicanes  qu'on  pouvoir  appréhender  de 
la  part  des  efprirs  mal  intentionnez.  M» 
Defcarces  voulant  faire  voir  la  déféren- 
ce qu'il  avoit  pour  fon  jugement  &  l'eC 
time  qu'il  1-aifoit  de  Tes  confeils,  envoia 
au  P.  Merfenne  feparément  de  fa  ré- 
ponfe  les  endroits  que  ce  Doéteur  ju- 
geoit  à  propos  de  retoucher  &:  de  chan- 
ger dans  fes  Méditations.  Il  pria  ce  Pe- 
re  de  faire  mettre  les  additions  ou  cor* 
reélions  dans  le  texte  même  de  fon  ou- 
vrage ,  mais  feparées  avec  des  crochets 
par  manière  de  parenthefes,afin  de  mon- 
trer la  docilité  qu'il  avoit  pour  les  avis 
d'autrui,  fans  prétendre  s'en  attribuer 
la  gloire ,  &  d'exciter  par  une  genero(i- 
té  (i  modefte  tous  fes  examinateurs  & 
fes  adverfaires  mêmes  à  lui  donner  de 
femblables  avis  dans  l'cfpérance  d'une 
juîlice  femblable. 

il 


de}A.T)eJcartes,Liv.VJ.  113 

11  fouhaicoit  que  M.  Arnaud  vît  ù\  ^^ 
réponfe  afin  qu'il  en  jugeât,  &  qu'il  pût 
lui  communiquer  Tes  répliques  ou  lui 
donner  de  nouveaux  avis.  Mais  la  chofe 
n'alla  pas  plus  loin  :  Cic  M.  Arnaud  té- 
moigna au  P.  Merfenne  qu'il  fe  tenoic 
pleinement  fatisfaic.U  ajoura  qu'il  avoit 
lui-même  enfeigné  ,  &c  publiquement 
foûcenu  la  même  rhilofophieen  partie  > 
qu'elle  avoit  été  fortement  combatuë  en 
pleine  alfemblée  par  plufieurs  fçivans 
liomnivS  ,  mais  qu'elle  n'avoit  pu  être 
ab.\tuc  ni  même  ébranlée. 

Cette  dirpofuion  forma  dans  M.  Def-  ^^''"f  ^ 
carces  un  préjuge  pour  la  Philolophie  w.  Def- 
d'autaut  plus  ava.nrageux,  qu'il  jugeoit  ^'^/^^^^^>f. 
cet  Adverfaire  moins  capable  d'erreur  Arn.uU. 
dans  Tes  connoillances ,  ou  de  diQmiu- 
lation  dans  ù\  conduite.  Il  ne  fit  point 
difficulté  de    mander  depuis   aux  Pè- 
res de  l'Oratoire,  que  tout  jeune  Do- 
deur  que  fut  M,  Arnaud  ,  il  ne  lailToit 

Îias  d'v.^(limer  plus  fon  jugement  que  ce- 
lui d'une  moitié  des  Anciens  de  toute  kt 
Faculté. 

De  toutes  les  objections  qui  fe  firent 
contre  Ces  Méditations ,  il  ne  s'en  trou- 
va point  à  qui  le  Public  fil!  plus  d'hon- 

L        neuc 


114       Àhregé  de  la  V te 

'^41  neur  qu'à  celles  de  ce  Dodeur  :  wS:  M. 
Defcarces  les  jugeant  préférables  à  tou- 
tes les  autres,  ne  fut  point  honteux  de 
s'en  faire  honneur  de  fon  côté  comme 
d'un  nouvel  appui  pour  fa  Philofophie* 
Il  ne  tint  pas  à  lui  qu'il  u'entretinft  cet- 
te habitude  naiiîànte  avec  un  ami  de 
cette  importance.  Mais  N"".  Arnaud, 
quoique  grand  Philofophe  &c  grand 
Géomètre,  avoir  deilors  tellement  dé- 
voué fon  temps  à  la  Théologie,  qu'il  ne 
lui  en  reftoit  piefque  plus  pour  les  exer*. 
ci  ces  des  fçiences  humaines.  De  forte 
qu'ils  s'aimèrent  depuis  fans  beaucoup 
de  communication  ,  mais  néanmoins 
avec  tant  de  fympathie  du  côté  de  M> 
Dcfcartes ,  qu'il  croioit  avoir  fujet  de 
craindre  que  les  ennemis  de  M.  Arnaud 
ne  fu lient  auffi  les  fiens. 

Outre  les  objedions  de  M.  Hob^- 
bcs  &  de  M.  Arnaud  il  reçût  encore  celi. 
uâtuf'''^  les  de  M.  GairendJ,  qui  étoit  venu  de  (a 
province  à  Paris  fart  à  propos  pour  y 
travailler.  L'amitié  de  ces  deux  Philo- 
fophes  étoit  allez  ancie4îne  ,  mais  elle 
n'étoit  jamais  montée  jufqu'au  degré  ciV 
les  amis  ne  font  plus  en  état  de  découi- 
vrir  ou  de  fe  reprocher  leurs  défaut*?. 

Telle 


de  Ad,DeJcartes,Lwyi.  115 

Telle  qu*ellc  écoit  dans  les  commence-    ^^4-^ 
mens  de  leur  connoilTance  ,  M.Defcar-  ^ 

tes  i'avoic  toujours  confervée  dans  une 
fituacion  égale  :  mais  depuis  l'édition  de 
fon  traité  des  Météores  ,  il  n*en  étoic 
plus  de  même  du  côté  de  iM.  Gaflendi. 
M.  Defcarres  n*avoic  pas  oublié  dans  ce 
traité  le  phénomène  des   Parhélies  ou 
faux  foleils  qui  avoient  paru  à  Rome  en 
1629,  &:  dont  M.  GafTendi  a  voit  fait  une    Or-v/^e 
dilTertation.    Mais  fon  filence  Rit  un  '/^f*^ 
fujet  de  chagrin  &  de  refroid iiremenc  de^^î!'^ 
pour  celui-  ci, oui  trouva  mauvais  que  M.  G^ff^ndi 
Delcartes  n  eut  point  tait  mention  de  Dcftartes 
lui  en  cette  occaîîon. 

Cette  mauvaife  difpofition  de  Tefprit 
de  M,  Galfendi  accompagnée  d'une 
jaloufie  fecréte,que  la  réputation  ou  les 
delfeins  de  notre  Philofophe  avoient 
fait  naître  en  lui  ,futun  préfervacif  ex- 
cellent contre  fa  douceur  naturelle  ,  qui 
auroit  été  à  craindre  dans  fes  objedlions 
contre  les  Méditations  Metaphyfiques, 
où  M.  Defcartes  avoit  befoin  de  toute 
la  fevérité  des  plus  habiles  cenfeurs.  Il 
n'oublia  rien  pour  febien  acquitcr  de  la 
réfutation  qu'il  avoir  entreprife  j  mais 
fur  la  fin  de  fon  ouvrage  reprenant  fa 
L    ij         compUi» 


■22  G     Ahrege  de  la  Vie 

1641  complaifance  qu'il  avoir  tâché  defuf- 
"— "  pendre  dans  le  corps  de  l'Ecrit,  il  prote- 
fta  cjLie  Ton  delîèin  en  écrivant  contre. 
M.  Defcartes  n'avoit  été  que  de  s'en- 
tretenir dans  l'honneur  de  fon  amitié.  Il 
ajouta  que  s'il  lui  étoit  échappé  quelque 
chofe  de  trop  dur  ,  il  le  defavouoit  fur 
l'heure,  &  confentoit  que  tout  ce  qui 
pourroit  déplaire  à  M.  Defcartes  fùc 
ray€  de  fon  Ecrit. 

Ses  honnétetezne  fe  bornèrent  pas  à 
une  fi  belle  fin.  il  écrivit  encore  en  par- 
ticulier une  lettre  pleine  d'éloges  non 
feulement  pour  l'cfprit  de  M.  Defcar- 
tes ,  mais  pour  l'ouvrage  même  qu'il 
avoir  entrepris  de  cenfurer.  Mais  ce 
c]u'il  ajouta  eî>(inre  touchant  la  neceffi. 
té  011  l'avoit  mis  le  P.  Merfenne  de  lui 
envoler  fes  doutes  Ôc  fes  -fcrupules  ; 
touchant  fa  prétendue  incapacité  ;  tou- 
chant la  foiblelfe  de  fes  raifonneniens, 
&  l'inutilité  de  fes  reflexions  j  étoit  le 
fruit  d'une  diiïlmulation  fi  fine  &  fi  ap- 
prochante de  la  modeftie  ,  que  plafieurs 
ne  firent  point  difficulté  de  la  préfé- 
rer à  la  fincerité  fimple  &  aullére 
de  Monfieur  Defcartes  ,  &  d'improu- 
■yer  la  drpitutje  choquante  avec  laquel- 
^      .  le 


fie  M.DefcaneslAwXl.  iiy 

le  celui-ci  jugea  à  propos  de   liii  rc-    1^41 
pondre.  • — "' 

Ce  lnnî;age  affe<fté  de  M.  GafTendi 
n'éroit  que  pour  M.  Defcartes.  Il  en 
avoit  un  autre  pour  ceux  avec  lefquels  il 
trdicoic  fans  difïîmulation  ,  tels  qu'c- 
toient  les  Minières  Daillé  en  France  d€ 
Rivet  en  Hollande.  Une  fut  pas  hon- 
te'jx  d'avouer  à  ce  dernier ,  ^hH  n'avoJt 
examiné  de  (ï près  la  Afet/tphyJîijHe  de 
rJM .  Defcnrtes  ,  cjue  parce  if  fi' il  ria^ 
voit  pas  recii  de  IhI  toute  l'hotinefleti 
€juil  en  attendait  en  une  certaine  oc^ 
cajlon, 

Mais  quoique  fa  vengeance  fût  fans 
fondement  &:  rres-injullc  en  elle -mê- 
me, elle  fut  néanmoins  utile  à  M.  De(^ 
cartes,qui  reçût  Ton  écrit  p.ir  la  voie  du 
P.  Merienne  fous  le  titre  de  DifjHifirio 
^JMstaphyfica  ,  feu  Dhbitationes  ,  Sec. 
Il  y  repondit  d'une  manière  moins  affe- 
ctée fans  doute  que  n'avoit  été  celle  de 
M.  GalFendi  ,  dont  le  ftile  lui  parut 
très- beau  Se  tres-agréable  ,  quoi  qu'il 
voulue  fe  perfuader  qu'il  avoit  moins 
emploie  les  raifons  d'un  Philofophe 
pour  réfuter,  fes  opinions  que  les  artifi- 
ces d'un  Orateur  pour  les  éluder.  Mais 

L  iij        le 


fiS        Ahiegé  de  la  Vk 

!ï<^4.i     ^^  tiefirde  ménager  davantage  fon  Ad- 
f.  verfaire  Tempécha  de  foûtenir  le  cara- 

ctère de  fa  fimplicité  ordinaire.  Car  s'é- 
tantmis  en  léte  de  faire  répondre  /'£/! 
frit  à  la  Chair,  comme  fi  c'étoient  deux 
perfonnages  qu'il  eût  voulu  introduire 
fur  le  théâtre  ,  il  donna  lieu  à  M.  GaC 
fendi  de  fe  reconnoître  fous  celui  de  la 
Chair.  Ce  fut  en  vain  qu'après  avoir 
levé  le  mafque  il  fit  les  éloges  de  M. 
Gaflendi.  Celui-ci  s'imagina  qu'il  avoit 
voulu  payer  fes  complimens  en  efpeces 
femblables.il  lui  en  fit  une  queielle,que 
quelques  uns  de  fcs  amis  ,&  quelques 
cfprits  brouillons  eurent  grand  foin 
d'entretenir  par  de  faux  rapports  &c  des 
medifances^,  qui  détruifirent  une  partie 
de  la  charité  que  ces  deux  Philofophes 
chrétiens  fe  dévoient  l'un  à  l'autre.  L'E- 
crit de  M.Gadendi  avecla  réponfe  de 
M.  Defcartes  eft  ce  qui  compofe  les 
tincjmémes  obje[lioiis  dans  le  livre  des 
Méditations. 
Sixièmes  Cependant  le  P.  Merfenne  ramafToic 
tout  ce  qu  il  pouvoit  tirer  d  objections 
dans  Paris  &  les  Provinces,  &  les  en- 
voioit  à  M.  Defcartes  à  mefure  qu'il 
les  recevoir ,  outre  celles  qu'il  tâchoit 

de 


de  M, Defcart es. Liv.Vl.  219 

de  former  lui  même  par  une  étude  réi-  1(^41 
terce  de  Tes  Médications.  M .  Defcartes 
les  voiant  de  diverfes  pièces  6c  de  corn- 
pofnions  différentes  tacha  de  leuu  don- 
ner quelque  ordre.  Il  les  renvoia  enfuite 
avec  la  réponfe  qu'il  y  fie  au  P.  Merfen- 
ne ,  qui  les  nomma  fixiémes  objeBions  \ 
après  quoi  il  fit  achever  l'impreflion  du 
livre  des  Méditations. 

Pendant  que  M.  Defcarcesétoit 
occupé  de  fes  réponfes  aux  objcdions 
que  l'on  faifoic  à  les  Méditations  Mera- 
phyfîques ,  le  Miniftie  Voetius  procura 
un  grand  renfort  à  fa  fidion  par  le  Rec- 
torat de  rUniverfité  d  lltrecht ,  où  il 
s'étoit  fait  élever  le  16  de  Mus  en  i  64^  i. 

Re2;ius  le  voiant  ainfi  revcty  de  prcù 
que  toute  l'autorité  qui  écoit  necellàirc 
pour  l'exécution  des  dedeins  quM  avoic 
uir  M.  Defcartes  &  (ur  lui  ,  chercha 
tous  les  moiens  de  le  gagner  ,  ou  de 
prévenir  au  moins  les  eF^ts  defamau- 
vaife  volonté.  Le  Reéleur  fut  charmé 
d'abord  de  fes  foûmirhons,  &  voiant 
qu'il  lui  offloit  de  fi  bonne  grâce  fes 
thefes  a  corri  .;er ,  il  fe  content.i  d'y  fai- 
re quelques  nores  pour  fuiver  l'honneur 
de  la  Philofophie  ancienne  ,  6^:  il  lui 
L  iv       laifla 


230       hhregè  de  la  Vie 

1^41    îailFa  Ces  paradoxes  ou  nouvelles  opi- 
'       '"  nions  par  manière  de  corollaires,  avec 
la  permiffion  de  mettre  même  le  nom  de 
M.  Defcartesàlatêtedefesthefes. 
Thefesde       La  première  difpute  de  ces  thefes  fc 
Reclus,    g^  j^  j^  d'Avril.  Regius  y  préfidoir ,  Se 
celui  qui  la  foûtenoit  étoitle  Sieur  J^^;i 
Je  Raey  qui  vit  encore  ,  &  qui  s'eft 
rendu  depuis  fort  célèbre  par  Tes  écrits 
&  fon  fçavoir.  L'habileté  du  Prefidenc 
&  du  Répondant  à  faire  triompher  les 
opinions  nouvelles  fit  bientôt  repentir 
Voetius  de  routes  Tes  condefcendances» 
Il  prit  occafion  d'un  tumulte  &  de  quel- 
ques fifïlemens  que  les  Profefleurs  Peri- 
pateticiens  firent  faire  à  leurs  Ecoliers 
contre  Regius,pour  rentrer  dans  le  def- 
fein  qu'il  avoir  eu  de  lui  faire  perdre  (à 
chaire  ,  6c  de  le  chaflèr  de  PUniver- 
fîté. 

Regius  pour  fe  défendre  fit  imprimer 
une  expofition  fimple  de  cette  première 
difpute.  Il  demanda  en  même  temps  da 
fecours  à  M.  Defcartes  ,  U  lui  envoia  la 
fuite  des  théfes  qu'il  devoit  encore  faire 
foûtenir  le  f.de  Mayjavec  les  remarques 
que  le  Reéleur  y  avoir  faites  avant  que 
4e  les  lui  palPer.  M^.  Defcartes  ne  trou- 
va 


2-5^ 


JeM.DeJcartes,  Liv.VI, 

va  rien  de  trop  déraifonnable  dans  les  ^ 
remarques  du  Recfleur. Mais  s'étant  len- 
dii  à  la  pri:re  que  Regius  lui  faifoic  d'e- 
xaminer Tes  thefes  à  toute  rigueur ,  il  y 
corrigea  divetfcs  cbofes  qu'il  auioit  été 
fâché  qu'on  pût  lui  attribuer.  Car  on 
croioit  déjà  tout  communément  dans  le 
pays  que  Regius  n'avoit  point  d'autres 
opinions  que  celles  de  M.  Defcartes.  De 
forte  que  le  monde  n'étant  plus  en  état 
de  fe  défaire  de  cette  perfée  ,  il  étoit  im- 
portant que  M.Dcfcartes  ne  palTaft  rien 
à  Regius  qu'il  ne  voulût  bien  adopter, 
&  dont  il  ne  [  ut  avantageufement  en- 
treprendre la  dcfenfe. 

Il  commençoit  dcflors  à  remarquer 
des  femences  d'erreur  dans  ce  que  Re- 
gius imaginoit  de  fa  tcre  ,  &  fur  tout  en 
ce  qui  concerne  l'Ame  raifonnable  ^ 
mais  il  étoit  encore  le  maître  de  foi> 
efprit  ,  &  il  n'avoit  aucun  fujet  de  fe 
plaindre  de  fa  docilité,- 

Les  fécondes  thefes  foûtenues  le  5.  de 
May  ne  firent  pas  moins  d'éclat  que  les 
premières.  Elles  furent  fuivies  pendant 
tout  l'Efté  de  diverfes  autres  difputes,. 
qui  ne  fervirent  qu'à  angmentcr-la  ja- 
lokifie  ^u'on  avoii  de  fa  réputation  ,  &  oi- 


13 1         Àhregt  de  la  V^ie 

i(tA.i  aigrir  les  efpritsdes  antres  Profelfenrs 
— — ^  déjà  mal  difpofez  pour  lui.  De  forte 
qu'on  prit  une  refolution  ferieufe  de- 
s'oppofer  aux  progrès  de  Tes  nouveau- 
tez ,  ^  d'en  faire  la  caufe  commune  de 
rUniverfité  contre  lui  6^  M,  Defcartes... 
Voetius  qui  avoir  été  jufques  là  retenu 
extérieurement  par  les  foûmiŒons  de 
Regius ,  leva  enfin  le  mafque ,  &  fe  dé- 
clara le  chef  de  fes  adverfaires  ,  fous 
prétexte  que  dans  quelques  endroits  d& 
les  dernières  thefes  il  s'éioit  glilFé  quel- 
ques exprefïions  différentes  du  lan- 
gage ordinaire  de  l'Ecole  ,  qu'il  ne  lui 
avoir  pas  montrée?.. 

Ce  Miniftre  n'aiant  plus  rien  à  efpe- 
rer  du  P.  Merfenne,  qui ,  pour  toute  la 
réfutation  qu'il  en  attendoit,  ne  lui 
avoir  envoie  qu'une  fage  reprimende 
iur  l'injufticc  de  îa  conduite  ,  prit  le 
parti  d'attaquer  M, .Defcartes  par  deux 
endroits  -,  preniieremcnt  par  la  difruie. 
en  oppofint  fes  thefes  à  celles  de  Re- 
gius, &  enfuite  par  la  plume  en  refutcinc 
fes  écrits.  En  q.Talitéde  Redeur  il  or- 
donna àStratenus  Profeifeuren  Méde- 
cine &  à  Ravenfperpcr  ProFelTeur  en- 
Mathématiques  de  réfuter  toutes  ki 

nouvelles 


imS' 


de  M.DeJcartesXxwVl.  135 

nouvelles  opinions  dans  leurs  théfes  de    ^""^^ 
Novembre  S>:  de  Décembre.  Pour  lui  il  ^ 

fe  referva  le  foin  d'attaquer  dans  Tes 
tliéfes  de  Tiieologie  ce  qu'il  jugeoic  être 
préjudiciable  à  la  Religion. 

Comme  les  dernières  théfes  de  Re-  ^''/"^-'  ^^. 
pus  ttoient  remplies  de   d.veifes  que-  contre 
ftionsqui  n'avoient  point  de  rapport  ni  ^^-S* 
de  liai/bn  entre  elles,  &  comme  elles 
étoicnt  pliKÔt  félon  la  fcUiraifie  de  ceux 
quiles  foûtenoitnt  que  de  celui  qui  y 
préfidoit  :  quelqu'un    des    Soûcenans 
avoit  mis  inconfideréaient  dans  une  de 
leurs  aHTe  irions  ,Q^'^  de  l'union  de  l'A- 
me &  du  Corps  il  ne  fc  faifoit  pas  un  être 
de  foy  ,  m aU  feulement  par  accident: 
appellantétre  par  accident  tout  ce  qui 
étoit  compofé  de  deux  furftances  tont- 
à-faic  dit^èrenres  -,  fans  nier  pour  cela 
Tunion  fubftantielle  par  laquelle  l'Ame 
efl:  jointe  avec  le  Corps,  ni  cette  aptitu- 
de ou  inclination  naturelle  que  l'une  Se 
l'autre  de    ces  parties  ont  peur  cette 
union,  Regius  voiant  que  ces  expref- 
ûons  déplailoicnt  à   M.  Dcfcarccs  qui 
lestrouvoit  trop  dures  ,  tacha  de  s*ex- 
cufer  auprès  de  Voetius,  Mais  ce  Ru  en 
7aiii,  CeMiiiiflreen  prit  occaGon  pour 

L    vj        Î0' 


13  4         khregede  la  Vie 

164A    '^  ^"^^^^  déclarer  hérétique  <!§c  procéder 
à  fa  dépoficion.  An  nom  de  la  Faculté 
Theologique  ,c'eft-à-dire  ,  de  lui-mêi 
me  ,  de  fes  deux  collègues  Charles  De^ 
matins   Se   Mainard  Schotanus  &  des- 
Pafteurs  de  la  ville,  il  ordonna  que  les 
étudians  en  Théologie  s'abftiendroient 
des  leçons  de  Rcgius  comme  de  dogmes 
pernicieux  à  la  Religion.  Il  fit  enfuite 
imprimer  des  théfes  qu'on  devoir  foute, 
nir  au  mois  de  Décembre  contre  les  pa- 
radoxes de   Vèire  par  accident    dans 
l'homme  \  dn mouvement  delà  Terrei 
Se  de  l'opinion  qui  rejette  \çs  formes 
fubliantiellea.  Son   defTein  étoit  de  les 
frire  (igner  auparavant  par  les  deux  au- 
tres Prof<:ileurs  en  Théologie  ,  &  pac 
toutce  qu'il  y  avoir  de  Théologiens  qui 
étoient  M'nillres  ca  Prédicateurs  dans 
la  vilic  ;  de  députer  enfuite  vers  le  Ma- 
giftrat,  rour  lui  donner  avis  que  Regius 
auroit  été  condamné  d'héréiie  par  un 
coniîftoire  ou  aifemblée  Ecclefiaftique , 
afin  que  par  ce  moienle  Magiflrat  ne 
pût  fe  difoenfer  honnêtement  de  i'ôter 
de  la  chaire. 

Regiusaia;it  eu  vent  de  ce  qui  fe  tra- 
Ejoit  contre  lui ,  alla  promtemcnt  aver- 
tir 


de  M.DeJcartes,  Lîv.VI.  135 

tic  M.Vander-HoolctC  l'un  desconfuls    16*41* 

qui  le  proregeoic ,  &  qui  étoic  ami  inci-  ^ 

me  de  M.  Defcarces.  Le  conful  manda 
le  Redeur  Voecius ,  lui  or-donna  de  cor- 
riger Tes  théfes ,  d'en  ôter  le  titre  ,  & 
tout  ce  qui  pourroit  interelfer  la  réputa- 
tion de  Regius.  LeRedeur  qui  dévoie 
lui-même  préfider  à  ces  théfes  fore 
étourdi  de  l'ordre  du  Conful  ne  parla 
plusdeconfiftoire  ni  de  fignature.  Mais 
comme  les  endroits  des  théfes  qui  re- 
gardoient  Regius  &  M.  Defcartes 
étoienc  déjà  imprimer  ,  &  qu'on  étoie 
à  la  veille  de  les  foûtenir  ,  il  fe  fervit  de-  ' 
ce  prétexte  pour  couvrir  fa  defobeiiran" 
ce  &  fa  mauvaife  volonté. 

Ces  théfes  furent  foûcenucs  les  18^, 
23  &  14  de  Décembre.  Le  répondant 
qui  s'appelloit  Lambert  Vauden  W^r^r- 
Uet  s'y  (ignala  autant  que  fon  Prési- 
dent contre  les  opinions  nouvelles ,  dé- 
fendues avec  une  ardeur  égale  par  leS' 
oppofinSjqui  croient  prefque  tous  éco-- 
liers  de  Regius.  Le  Preiîdentfe  voianc 
Cùr  la  fin  un  peu  trop  prelTé  par  l'un  des 
Oppofans  qui  ne  vouloit  pas  fe  paier  de 
(es  réponfes ,  ne  put  fe  tirer  d'embarras 
qu'en  diCant  par  dépit  ^  Que  ceux  qui 

714 


i 


t5^       -^iS-rfge  de  la  ^ie 

^      ne  s  accùmmodoient  pas  de  la  manière 
ordinaire  de  phllofopher  ,  pouvaient  en 
attendre  une  autre  de  M ,  Defcartea, 
comme  les  Juifs  attendent  leur  Elie  ^ui 
doit  leur  apprendre  tomeveritè, 
^^^     VoETins   parut  triompher  de  la 
yjj     Philofophie  nouvelle  pendant  les  trois 
Tempé'te  jouts  dc  Tadtion  publique  félon  la  me- 
txcitée      thode  des  collèges   concernant  1  iffué 
Xf^«f.     ^^s  théfes.  Mais  Regius  prévoiant  que 
s'il  ne  difoit    mot,    plufieurs  le  croi- 
roient  ferieufemenc  vaincu  :    Se  d'uiv 
autre  coré ,  que  s'il  eiurcprenoit  de  fe 
défendre  par  des  thefes  publiques,  on 
ne  manqueroit  pas    de  lui  étouffer  la 
voix  par  des  huées ,  des  fifflemens ,  àc 
des  battemens  de  mains,  comme  on 
avoir  fait  à  fes  dernières  thefes    du  %■ 
de  Décembre ,  prit  le  parti  de  répon- 
dre par  écrit  aux  thefes  de  Voetius.    Il 
envoia  fa  réponfe  à  M.Defcartes  pour 
l'examiner ,  en  lui  marquant  néanmoins 
que  les  efprics  s'aiguilfoient  de  plus  en 
plus    contre   lui,    &    que    le  Condil 
Yander-Hoolck  étoit  d'avis  qu'il  gar-- 
Avisde  ^ât  le  (î^eiice,. 

M.  Def       ^yf  ^  Defcartes  itiformé   par  le  Colo-- 
Reiiy.s.  nel  Alfonfe^de  tout  ce  qui  s'étoit  pa(fé  ■ 


carrés 


de  M.  De/cartes.  Liv.VI,  2.37 

à  Utrecht ,  ne  fçavoir  à  Regius   qu'il  i6^t, 

écoic   de  même    avis  que  le  Conful.  

Qi^e  (a  penlee  avoit  toujours  été  qu'il 
ne    falloic  point  propofer  d  opinions 
nouvelles     comme    nouvelles  ;    mais 
qu'en  retenant  le  nom  &  Tapparence 
des  anciennes ,  on  devoit  fe  contenter 
d'apporter   des  raifons  nouvelles  ,   & 
emploier  les  moiens  propres  à  les  fai- 
re goûter.  "Qu'étoit-il  necedaire  ,  lui  « 
dit-il ,  que  vous  aîlalTiez  rejetter  fi  pu.   c« 
bliquenKnt  \qs  formes  fubfiantielles  (jj*  « 
les  cjitnlitez.  réelles}  '^e  vous /ouvenez  cr 
Vous  pas  qne  j'avois  déclaré  en  ternies   « 
exprès  dans  mon  traité  des  Météores,  « 
que  je  ne  les  rejettois  pas ,  &  que  je  <î 
•  ne  pretendois  pas  les   nier  :  mais  feu-  » 
lement  qu'elles  ne  m'étoient  pas  ne-   « 
ceflàires  pour  expliquer  ma  penrée,&  « 
que  je  pouvois  fans  elles  faire  compren-   « 
dre  mes  raifons.  Si  vous  en  aviez  ufé  c? 
de  même ,  aucun  de  vos  auditeurs  ne  « 
fe  feroit  révolté,  i5e  vous  ne  vous  fe-  a 
riez  point  fait  d'adverfaires.  » 

Mais  fans  s'amufer  à  condamner  « 
inutilement  le  palTé  ,  il  faut  fonger  à  « 
faiie  un  bon  ufagc  de  l'avenir.  Il  ne  « 
s'agit  plus   que  de  défendre  avec   la  <s 

plus 


^  138        JhregédetaVie 

-^,5  plus  grande  modeftie  qu'il  vous  (èr^ 
pofîîble  ,   ce  qu'il  y  a  de  vrai  dans 
ce  que  vous  avez  propofé  ;  Ôc  de  cor- 
riger fans  entêtement  ce  qui  ne  paroît 
pas  tel  ,  ou  qui  eft  mal  exprimé  :  étant 
perfuadè    qu'il    n'eft:     rien    de    plus 
louable,  ni  de  plus  digne  d'un  philo- 
fophe  que  l'aveu  (incere  de  Tes  fautes,- 
Ces  remontrances  non  plus  que  les 
avis  du  Conful  Vander-  Hoolck  ,  du 
Gonfeiller  Van  Leevv ,  du  Colonel  Al.- 
phonfe,  ôc   du  Profefleur  Emilius  ne 
purent  changer  la  refolution  de  Regiusj. 
qui  jugea  que  (î  fa  réponfe  n'étoit  bon- 
ne pour  le  Public,  elle  feroit  au  moins 
de  quelque  utilité  pont  Tes  écoliers.  M,. 
Defcartes  touché  de   fon   entêtement 
crut  devoir  ufer  de  quelque  condefcen- 
dance  pour  ne  le  pas  rebuter  :  &  après 
avoir  corrigé   fon  écrit  fur  Tes  inftan- 
ces  réitérées ,  il  lui  drelTa  un  nouveaii' 
projet  de  réponfe  rempli    de  termes 
obligeans  Se  de  loiianges  pour  Voetius... 
Il  lui  fournit  des  formules  d'eftime  pour. 
les  autres,  &  de  modeftie  pour  lui  mê- 
me.   Ce   modèle  de  réponfe   avec  les- 
matières,  lesraifons,  ôc  lesmoiens  de; 
la  remplir  nou5  eft  refté  parmi  fes  let- 
tres^ 


de  M.  V>  e fcar  te  s, 'Liv  Ml,  155) 

très,  comme  l'un  des  plus  beaux  mo-    1(^42 
numens  de  fa  douceur  (^  de  fa  pruden-  ' 

ce.  Mais  quoiqu'il  lui  eût  marqué  de 
nouveau  que  fou  filence  vaudroic  en- 
core mieux  que  la  aieilleure  icponfe 
du  monde ,  il  ne  lailfa  point  de  publier 
Ton  écrit ,  dont  le  fuccés  repondit  aux 
apprehenfions  qu'on  en  avoit  er.cs. 

En  efîct  on  le  fit  pader  pour  un  11-    voetkV 
belle  imprime  fans  ordre  du  M:^s;in:rat/";'^'^j/«»' 
par  un  Imprimeur  catholique,  débité  i^^j/o^. 
par    un    Libraire    remontrant    contre  [^'*  ^«'*' 
l'honneur  du  RecVenr ,  de  toute  l'Uni-  " 
verfné,  6c  même  de  la  Reli^^ion  Pro- 
teftante.  Voetius  obtint  que  le  Juge  de 
Police  en  faifiroit  les  exemplaires.   Ce 
qui  aiant  rendu  le  livre  plus  rare ,  &: 
l'aiant  fait  rechercher  avec  plus  d'em- 
prelTement  ,  irrita  le  Reéteur  de  telle 
forte  ,  qu'aiant  gagne  par  Tes  intrigues 
la  plufpart  des  Profefleurs  de  l'Univer- 
fité  &  des  Sénateurs  du  confeil  de  ville, 
il  obtint  un  décret  des  Magiftrats ,  puis 
un  jugement  de  l'Univerfité  contre  la 
Philofophie  nouvelle ,  pour  défendre  à 
Regius  d'enfeigner  autre  chofe  que  la 
Médecine,  &  de  tenir  des  conféren- 
ces particulières. 

Regius 


140       Ahregé  de  la  Vie 

^y^^  RegiusQ^anda  toutes  ces  procedureé' 
à  VI.  Deicartesle  51  cieMars  1641*5  Sc 
lui  envoia  le  décret  des  Magiftrats  du 
15  du  mois ,  avec  le  ju'2^ea"jent  de  l'Uni- 
verficé ,  Se  les  théfes  du  jeune  Voetius 
fils  du  Redeur.  M.DercartesUu  récrivit 
qu'on  pouvoir  négliger  ces  théfes ,  ôc 
mênfie  le  j'.i_;ement  de  l'Univerfité,  qui 
étoit  un  a(fte  illecritime  &  irregulier  : 
mais  qu'il  n'en  écoit  pas  de  même  du 
décret  des  Magiftrats  ,c]ue  le  Sénat  n*a- 
Voit  donné  que  pour  fe  délivrer  des 
importunitez  de  Voetius  &  de  fes  col- 
lègues. Il  lai  confeilla  de  fuivte  le  dé- 
cret à  la  lettre,  6c  de  n'enfeigner  autre 
chofe  que  k  Médecine  félon  Hippo- 
crate  ôc  Galien,  ajoutant  que  la  véri- 
té ne  tarderoit  pas  à  fe  faire  rechercher 
quelque  part  qu'elle  fe  trouvât. 

Cependant  Voetius  non  content  de 
ces  procédures  écrivoit  &  fc^ifoit  écri- 
re par  fon  fils  &  fes  difciples  contre  la 
réponfe  de  Reç^ius.  Son  fils  publia  fes 
théfes  en  faveur  des  Formes  fubi^antieL 
hf  ;  &  Waterlaet  fon  écolier  imprima 
un  libelle  fous  le  titre  de  Troirçme^ 
comme  fi  c'eut  été  Tavancoureur  de 
celui  qu  il  préparoit  lui-raênae ,  mais 

dont 


de  M.  Defcarte^Liv.Vl.  241 

donc  la  foraine  ne  fiu  pas  fi  heiireu-  ^^ 
Ce,  Car  voianc  que  les  gens  de  bien 
n'écoient  pas  foie  contens  de  fes  ma- 
nières à  Ucrecht,  tx'  l'aiant  envoie  à 
Leyde  pour  l'y  faire  imprimer  fous  la 
direction  d'un  Moine  lenegat  :  Le 
Redcur  de  cette  Uiiiverfîté  qui  étoit 
Golius  le  fuprima  avant  qu'il  fût  entiè- 
rement imprimé  ,  de  le  Moine  prit  la 
fuite. 

Les  bonnes  nouvelles  que  M.  — — 
Defcarces  receut  en  ce  temps- là  tou.  ^^  .^^ 
chant  le  fuccés  de  fa  Philofophie  en  fj-t^o'ra^ 
France ,  Se  fur  tout  de  la  paît  des  Pères  ^^^-f  ^es 
de  l'Oratoire  dont  il  avoit  alors  l'ap-  i'ol\m. 
probation  univerfelle  ferviient  un  peu  '"^^  ^" 
a  didîper  la  mortification  qu il  rece-  ^our^\» 
voit  à  Utrecht.  p/jj/o/è- 

Les  Je'uites  paroifloient  un  peu  m.  txç. 
plus  partagez.  Les  uns  fe  contentoient  ^'''"^- 
de  goûter  fes  principes  &  fes  raifon- 
nemens,  ou  de  loiier  fes  bonnes  inten- 
tions &  fes  efforts ,  fans  aller  au  delà  : 
les  autres  ne  fîifoienc  point  difficulté 
d'embralfer  fa  Philofophie  &  de  s'en 
déclarer  les  Sectateurs.  Perfonne  n'alla 
plus  loin  que  le  P»  Faticr  qui  lui  man- 
da 


I 


±41       j4lre^é de  la  t^ie 

t'^42    da  nettement  qu'il  avoit  fort  approuvé 
""*  tout  ce  qu'il  avoit  écrit ,  fans  en  é^x- 

cepter  Ion  explication  de  lEucharidie  , 
&  le  P.  Aiejlmd  ^  qui  pour  faire  hon- 
neur à  (a  Philofophie,  compofa  un 
abrégé  de  Tes  Méditations  Metaphyfi- 
fiques  ,  6c  les  mit  en  llile  fcholaftique  ^ 
&  intelligible  aux  efprits  les  plus  mé- 
diocres. 

Le  Cartéfianifme   faifoit  de  grands 
progrés  dans  la  compagnie  desjefuites, 
non  feulement  en  Flandre, mais  même  en 
France  fous  la  proreâiion  des  deux  prin- 
cipaux de  cet  ordre,  je   veux  dire  du 
Père  CharletAiïiftant  François  du  Ge- 
neral à  Rome  ,  &  du  Père  Dinec  Pro- 
vincial à  Paris  ,  puis  ConfeiTeur  du  Roy 
Louis  Xin.  qui  honoroient  M.  Defcar- 
tes  de  leureftime  &de  leur  amitié,  ^ 
qui  Tencourageoient  à  continuer. 
le  Tere      Mais  entre  tant  d'amis  Se  de  feda^i 
écTitcm-  tc^^s  qu'il  pouvoit  conter  parmi  lesje- 
tre  les     fuites  ,  il  nc  devoir   pas- douter  qu'il 
tions.       n  ^lïc  quelques  envieux  qui   parloient 
mal  de  fes  écrits ,  t^  qui  le  décrioicnt 
fourdement.  Le   P.  Bourdin  en  ufoic 
avec  lui  de  meilleure  foi ,  dépuis  que  fa 
difpute  fur  la  Dioptrique  l'eût  rendu 

fon 


de  M,Dej2art€S.Liv.Vl.  143 

fon  Adverfaiie.  Il  voulut  Tattaquer  ou-     164.1 

vertement  par  des  objedions  qu'il  fie  ' 

contre  Tes  Méditations  ,  en  protcftant 

néanmoins  qu'il  ne  blefferoit  point  Us 

loix  de  l'amitié  ijul  étoit  entre  eux  ^  ni 

Us  règles  de  l'homiètetè  qui  [e  pratique 

entre-les  Ccavan^, 
», 

M.  Defcartes  prétendant  qu'il  avoic 
fort  mal  obfervé  fes  conditions  ,  outre 
la  Réponfe  qu'il  fit  à  Tes  objeâ:ions, 
écrivit  pour  s'en  plaindre  au  P.  Dinet , 
qui  étoit  encore  Provincial,  une  longue 
lettre  en  forme  de  dilFertation  ,  où  il  fit 
aufîî  unedefcription  des  troublts  d'U- 
•trecht ,  &  déceignit  le  Miniftie  Voe- 
tius  dans  toutes  fes  intrigues.  Les  cou- 
leurs qu'il  y  emploia  fuient  des  fcmen- 
-ces  pour  de  nouveaux  chagrins  qu'il  eue 
à  recueillir  dans  la  fuite  des  temps  de 
la  part  de  Voetius  5c  de  (a  cabale.  Kiais 
le  mécontentement  qu'il  avoit  reçu  du 
P.  Bourdin  aboutit  à  une  bonne  récon- 
ciliation ,  qui  fut  accompagnée   d'une 
amitié  folide  qu'ils  fe  jurèrent  depuis 
par  l'entremife  du  P.  Dinet  &  de  quel- 
ques autres  Jefuices  des  plus  confiderez 
de  la  compagnie. 

L'écrit  du  P.  Bourdin  contre  les  Mé- 
ditations 


1 


i  4  4     ^hrege  de  la  Vie 

^^^  ditacions  avec  la  Rcponfe  de  M,  Dell 
cartes  &  la  lettre  au  l\  Dinet  fut  impri- 
mé fous  le  titre  de  Septièmes  objeEliom 
à  la  fin  de  la  féconde  édition  latine  des 
Méditations  ,  qui  Ç\:  iit  .à  Amfterdam 
eni6'4i. 

Depuis  Pafques  de  l'année  prece- 
car.es  de-  dcntc  M.  Defcaites  s ccoic  logé  dans  le 
ï.y'»de^  château  d'un  village  nommé  Einde- 
ge4  où  geeft  ou  Endegeft  à  une  demi  lieue  de 
U^onZît  Leyde  ducôté  de  la  mer  dans  une  des 
plus  belles  fituations  de  la  Hollande, 
Là  il  recevoit  des  vifîtes  plus  volontiers 
qu'il  n'avoit  fait  ailleurs ,  foit  que  l'âge 
&  les  difputcs  l'eiilTent  humanifc  plus 
qu'auparavant  ,  foit  qu'il  fallût  accor- 
der quelque  chofe  au  bruit  de  (à  répu- 
tation ou  aux  agrémens  de  fa  demeure. 
Il  y  fut  vifité  au  commencement  de 
l'année  1^42.  par  Samuel  Sorbiere  Pro- 
vençal homme  d'efprit ,  &  curieux  de 
connoîtie  les  vertus  &  les  vices  des  fça- 
vans  de  fon  temps.  Il  crnd  devoir  étu- 
dier M.  Defcartes  plus  dans  fes  conver- 
fations  que  dans  les  livres.  Mais  lata*- 
cituinité  de  nôtre  PLilofophe  fut  iMi 
grand  obftacle  à  fes  delTeins.  Et  quoi- 
qu'il en  ait  dit  beaucoup  de  bien ,  il  faut 

avcucr 


deM  Defcartes.LWyi.  1^^ 

avouer  que  le  defir  de  fervir  M.  Gaf-    . 
fendi  ôc  de  les  biouiller  enfeaibie  lui  a 
faic  commettre  bien  desinjullices  à  l'é- 
gard de  M.  Deicarces. 

Cécoic  par  un  autre  efprit  ,  de  par  pf'^^f^ 
d'autres  inteiefls  que  Reg,ius  renJoit  à  -t^oienfa, 
M.Uefcartes  de  fréquentes  viluesdans  ^^éfi!' 
Eyndegeert  qu'il  regardoitcoQ^me  fon 
école.  Ce  fut  là  qu'il  connut  l'Abbé 
Picot  ,  Cjui  depuis  la  fin  de  Tannée  pré- 
cédente étoit  venu  voir  ne  ire  Philofo- 
phe  avec  l'Abbé  de  Touchelaye  le  puiC 
né  ,  &  qui  lui  fervoit  prefque  de  fecré- 
taire  pour  répondre  au  place  aux  que- 
ftions  de  Phyfiquc   &:  de  Mathémati- 
ques qu'on  lui  fiifoir. 

Cependant  Moniieur  le  Duc  ^e  Lni-  , "^onht^n. 
nés  fit  pour  Tuiilité  de  tous  les  François  ç-ifi^des 
une  traduc1:ion  des  Méditations  de  M.  fiçj^" 
Defcartes  en  langue  vulç^aire.  M.  Cler~ 
Jeliet  l'un  des  plus  zelez  ôc   des  plus 
vertueux  amis  de  M.  Defcartes  exdté 
par  cet  exem.ple  en  fit  une  des  Objec- 
tions (is:  desRéponfes  jointes  à  cet  ou- 
vrage.   Ces   deux  tradudlions  furent 
données  à  M..   Defcartes  lon^  -  temps 
après  pour  les  revoir  ;  ce  qu'il  fit   avec 
lam-  d'exadicude  qu'il  leur  communia  . 

qua 


2^6       Ahregé de  la  Vie 

lè^i   qua  un  caradére  d'original ,  de  les  ren- 
'  die  même  meilleui-es  que  fon  latin. 

X.         Tandis  que  les  amis  que  M.  Def- 

Livres  de  catces  avoïc  en  France  venoient  en  fou- 

cvntreM^  le  à  Eyndcgeeft,  où  ils  fcavoient  qu'il 

Défîmes  s*écoit  rendu  plus  vifibie  qu'ailleurs  i  les 

ennemis  de  fa  Philofophie  avançoienc 

leurs  dellèins  à  Utrecht.   Voetius   las 

d'écrire  d.s  libelles  fous  fon  nom  contre 

elle ,  &  contre  la  perfonne  de  M.  Def- 

cartes  6c  de  Regius ,  avoit  débauché  un 

jeune  Profelfeur  de  Groningue  nommé 

Schoockjui  qui  avoit  été  de  fes  Ecoliers, 

pour  prendre  la  plume,  ou  lui  prêter  au 

moins  fon  nom ,  dans  le  délié  in  de  faire 

croire  au  Public  que  M.  Defcaites  avoit 

encore  d'autres  ennemis  que  lui. 

Il  avoit  fous  la  prelfe  un  nouveau  \i-. 
belle  contre  lui  à  Utrecht  :&  fçachanc 
que  M.  Defcartes  à  qui  l'on  en  envoioic 
les  feuilles  le  réfutoit  a  mefure  qu'on 
l'imprimoit,  il  en  mit  la  copie  entre  les 
mains  de  Schoockius  pour  en  prendre  le 
foin  j  &  lui  fît  mettre  Çon  nom  a  la  tête , 
afin  de  faire  condamner  M.  Defcartes 
de  précipitation, &  de  pouvoir  le  traitée 
comme  un  calomniateur 6c  un  impofteur 
qui  lui  attribuoit  les  livres  d'autrui. 

Il 


deM^DeJcartes.Liv.Vl.  147 

Il  arriva  cependant  un  incident  qui  ^^ 
fit  diverfion  à  ce  libelle  &  à  fa  réfuta-  contre  u 
tion ,  par  un  autre  libelle  que  Voetius  "/{j^  ^^ 
fie  dans  l'intervalle  de  l'impie  (Tion  con^  cUBo^i. 
tre  les  Magiftrats  &  la  Bourgeoifie  de  ^**'* 
Bofleduc ,  c'eft-à-dire  contre  la  confré- 
rie de  N.D.  du  RofairCjqui  depuis  la  ré- 
dudion  de  cette  ville  écoic  devenue 
commune  aux  Proteflans  &  aux  Catho- 
liques par  une  convention  de  Police. 
Le  Miniftre  Defmareti  le  refiita  par 
ordre  de  Mefîîeurs  de  Bofleduc.  Mais 
comme  il  avoir  écrit  plutôt  pour  ces 
Meflleurs  que  contre  Voetius,  M.  Def- 
cartes  fe  chargea  de  fuppléer  à  céder» 
nier  point  >  ôc  s'attira  ainfi  Teftime 
des  principaux  de  Bofleduc  ,  &  l'amitic 
particulière  de  Defmarets  ,cuoiquefoii 
intention  eût  été  non  de  faire  la  cour 
aux  Proteftans ,  mais  de  rendre  fervice 
à  la  Religion  catholique.  Il  ne  fe  mie 
pas  en  peine  d'en  faire  un  traité  à  part  : 
mais  il  joignit  cet  écrit  de  fuite  à  la  ré- 
futation qu'il  avoit  commencée  de 
l'autre  libelle  qui  devoir  porter  le 
nom  de  Schoockius  ;  6c  il  continua 
cette  réfutation  après  l'écrit  con- 
cernant la    confrérie  ,  comme   fi    ce 

M         n'eue 


t6S       Ahregé  de  la  Vie 
1^45    n'eue  été  qu'un  même  ouvrage.' 
1  Le    Livre    que    SchoocKius  fai- 

XJ.     foie  imprimer  fous  les  ordres  Ôi  la  di- 
Livre  de  redion  de  Voetius  ne  parut  à  Utrechc 
é-^d^^    qu'au  mois  de  Mars  de  l'an  1645.  fous 
SchûoKjus  le  titre    double  de  Philofophia   Car^ 
9efcanei'  tejïana ,  fiv€  Admiranda  methodus  no^ 
VA  Philofophi(t  Renati  Defcartes,  L'au- 
teur avoit   affèdté   l'équivoque    dans 
l'un  &  dans  l'autre  titre  ,  afin  de  trom- 
per plus  feurement  ceux  dont  il  aprei- 
hendoit  d'eftre  refuté.   Le  livre  eftoic 
muni  d'une  longue  préface  contre  la 
lettre  de  M.  Defcartes   au   P.  Dinet 
que  Voetius  avoit  fait  condamnée  dans 
le  Confiftoire  comme  injurieufe  à  la 
Religion  reformée  &  au  principal  Mi- 
niftredela  ville. 
Kf  on^t      ^^^  "^^  i^"^^  après  l'^on  vid  paroître 
rJfi  u/    à  Amfterdam  la  réponfe  de  M.Defcar- 
Defiuru,  jçs  ^  ^Q^s  ig  j-jj.g  à'Epi/iola  Ren.  Def- 

cartes  ad  celeberrirnum  virum  D,  Gif- 
kertum  Voetium  ,  in  quà  examinantur 
duolibri  nnperprof^oetio  VltrajeBi/i" 
rnul  editl^  unus  de  conf rat  émit  ate  M  A" 
rianâ  ,  aiter  de  Philofophia  cartefianâ. 
L'ouvrage  quoique  alTez  court  fe  trou- 
ve diviféen  neuf  parties  que  l'auteur 

n'a 


de  Ad.Defcartes. Liw.Vl.  169 

n*a  point  jugé  necclTaire  delierenfem-  i^^^j 
i>le  par  une  fuite  trop  raifonnée.  La  i,  -—» 
la  3.  la  5.1a  8.  &  la  p.  contiennent  la  ré- 
ponfe  au  livre  de  la  Philofophie  carte^ 
fienne ,  ou  de  la  tJMethode  admirable^ 
La  ^.  eft  un  examen  du  livre  contre  la 
Confrérie  de  N.D.de  Bofleduc.  La  2,  &: 
la  7.  font  une  efpéce  d'information  par- 
ticulière que  Ton  fait  de  la  conduite 
de  Voetius.  La  4.  eft  un  jugement  de 
fes  livres  &  de  fa  Dodrine. 

Cet  ouvrage  dit  déféré  par  Voetius  i.us 
aux  Magiftrats  avec  la   lettre  au  P.  ^^^'"^ 
Dinet,  comme  deux  libelles  injurieux  i>t/,^r.' 
au  Miniftere  Evangelique.  Il  en  obtint  ''■*' 
un  A  6te  le  23.  de  Juin  qu'il  fit  publier  au 
fon  de  la  cloche.  M.  Defcartes  aprenanc 
par    cet  ade  que  non    ieulement   fes 
deux   écrits  avoient  été  condamnez  , 
mais  que  lui-mcme  étoit  cité  publi- 
quement pour  les  vérifier  devant  des 
Juges  incompetens  ,  répondit  à  cetrc 
publication  par  un  écrit  Flamand  datte 
du6.  deJuilletàEgmont  de  Hocf,  oiV 
il  étoit  allé  demeurer  dés  le  i.  de  May 
après  avoir  quitté  le  voifinagcde  Ley- 
de.  Il  s'offiit  en  même  temps  à  véri- 
fier tout  ce  qu'il  avoit  avance  dans  (t% 
M  ij         deux 


X50       jihregé  de  U  Vie 

1^45    deux  écuics,  quoi  qu'il  ne  fe  reconnût 

• point  jufticiable  de  leur  tribunal.  Voe- 

tius  qui  ne  pouvoit  prouver  autre  cho- 
fe  contre  lui,  finon  qu'il  lui  avoit  at- 
tribué le  liyre  qui  porioit  le  nom  de 
$chpockius,  ^iant  fuborné  cinq  témoins 
tres-récufables  à  M.  Defcartes,  pour 
dépofer  fur  le  fait  de  calomnie  Se  de 
diffamation  ,  obtint  une  fentence  con- 
tre M.  Defcartes  le  2,3  de  Septembre. 
Dix  jours  après  il  le  fit  citer  par  l'Offi- 
cier dejuftice  pour  comparoître  devant 
le  Magiftrat  comme  criminel. 
SchoGC'  M.  Defcartes  ne  fut  averti  déroutes 
^f^  ,v   ces    procédures   que  vers    le  milieu 

tjt  Cite  a,  r  ,  ^*  r  •  >    11 

Gronm-  d'Odobre .:  ôc  fans  fçavoir  quelles 
^"^'  fuirent  encore  fi  avancées.  ,  ni  même 
qu'on  y  eût  violé  toutes  les  formes 
de  juftice  comme  il  l'aprit  depuis  ,  il 
cmploia  l'autorité  du  Prince  d'Orange 
par  le  moyen  de  M.  de  la  Thuillerie 
AmbalFadeur  de  France  pour  remédier 
à  ce  defoidre.  Le  Prince  d'Orange  fît 
arrefter  les  procédures  des  Magifxrats 
de  la  ville  par  les  Eftats  de  la  Province 
particulière  d'Utrechr.  Mais  M.  Def- 
jcarces  ayant  fceu  que  Schoockius  pour 
iavofifer  Voetius  s'étoit  déclaré  fcul 

Auteur 


de  M.Defcartes, Li^.Yl.  151 

Auteur  du  livre  qui  portoic  Ton  nom  ,    j^ij^ 
il  prie  le  parti   de  le  citer  perfonnclle-  — ^ 
ment  à  Groningue  devant  fes  Juges 
naturels,  afin  d'y  répondre  en  fon  nom 
des  calomnies  dont  ce  livre  étoit  rempli. 

Le  Chagrin  qu'eut  Voetius du  

mauvais  fuccés  de  fes  intrigues,  prod-n-  XII. & 
fit  un  nouveau  libelle  qu'il  fit  paroîcre  XIII. 
peu  de  temps  après  contre  fes  Medi-  J-iheiicde 
tations  Metaphyfiques  ,  fous  le    faux  ^*''"*^* 
nom  de  Théophile  Cofinopolite.  L'ou- 
vrage tomba  dés  fa  naiitance,parce  que 
le  public  eut  horreur  non  feulement  dç. 
Textravagance  du  fiile  &   de  la  grof- 
fiereté  des  injures,  mais  encore  de  l'im- 
pofture  qui  y  regnoit  depuis  le  titre  juf- 
qu  à  la  fin. 

Il  n'en  fut  pas  de  même  à  l'égard  ivflancts 
d'un  nouvel  écrit  que  M.Galfendi  ve   <"  '"^J^- 
noit  decompofer  fous  le  titre  ^']n[tan-  oltilndi 
ces  pour  répliquer  à  la  réponfe  que  M. 
Defcartes  avoir  faite  à  fes  Objedions 
fur  les  Méditations.  L'auteur  avoir  fait 
courir   cet  écrit  de  main  en  main  dans 
Paris  avant  que  de  l'envoyer  à  M.  Sor- 
biére  pour  le  faire  imprimer  à  Amfter. 
dam. 

M.  Defcartes  en  Rit  averti  :  'mais 
M  iij      ii'aiânt 


151      jihregé  de  la  Vk 
jiS'43  n*aiant  pas  le  don  de  diflîmulation  ,  il 
?- — •  alla  innocemment  découvrit  à  M.Sor- 
biere  ce  qu'il  penfoit  d'une  femblable 
conduite.  Ne  fçachant  pas  qu  il  parloit 
à  refpion  de  M.  Ga(ïèndi  qu'il  recevoit 
chez  lui   comme  un  ami  5  il  luy  décla- 
ra un  peu  trop  franchement  que  c'étoit 
M.  GalTendi  qu'il  avoit  dans  la  penfée,, 
îorfqu'il  s'étoit  plaint  de  cettaines  gens 
aiui  donnoient  a  lire  fecretement   a  fei 
ennemis  ce  cjuils  écrîvoient  contre  htU 
M.  Sorbiére  qui  en  avoit  été  le  follici- 
t eut  5, ne  laifla  point  périr  cette  decla* 
ration  :  &  après  l'avoir  envenimée  de- 
là manière  qu'il  jugeoit  la  plus  propre 
pour  ble(ïèr  M.  Gadendi  ,  il  la  lui  en- 
voia  en  lui  marquant  que  puifque  M^ 
Defcartes  trouvoit  mauvais  qu'il  tinft 
fès  Inflances  ou  répliques  cachées ,  it 
devoit  lui  donner  la  fàtisfadion  de  les 
Yoir  paroître  en  public. 

M.GafTendi  lui  envoîa  donc  (a  co- 
pie dont  il  lui  abandonna  la  difpofition,, 
fans  autre  obligation  que  cellede  fe  fou*, 
venir  que  ion  écrit  n  avoit  ete  fait  que- 
pour  ceux  de  leurs  amis  qui  ne  pou* 
voient  foufFrir  que  M.Defcartes/"^  van^ 
taft  d'avoir  en  des  jûdverfaires,  M. Sor- 
biére 


fie  M.  Defcartes.LWyi.  253 

bière  fie  imprimer  l'ouvrage  à  Amfter-  1^4.4-, 
dam  avec  la  difquifition  ouïes  premiè- 
res Objedions  contre  les  Méditations 
&  la Réponfe  de  M.Dcfcartes.  Il  com- 
pofa  même  fous  le  nom  du  Libraire 
une  préface  5  dans  laquelle  il  maltraita 
celui-  ci  autant  qu'il  lui  plut  fans  s'cx. 
pofer  ouvertement  à  fon  chagrin. 

Regius  indigné  de  la  conduite  de 
Sorbiere  tâcha  d'animer  M.  Defcartes 
contre  les  Ivft.^rjces  de  M.  Gallendi,  ÔC 
de  lui  perfuader  qu'elles  croient  rem- 
plies d'aigreur  &c  d'infultes  :  reproches 
alTèz  contraires  d'ailleurs  au  caraé^érc 
de  l'efpnt  de  cet  auteur. M.  Defcarres  fit 
ce  qu'il  put  pour  mepnfcr  ct^JnjlanceSy. 
&  s'en  interdire  la  ledure  par  la  crainte 
d'y  trouver. matière  de  réponfe  ,  &  de 
prolonger  ainfi  une  querelle  dont  il 
étoit  las.  Aiant  appris  de  l'un  de  fes 
amis  que  l'ouvrage  meritoit  quelque 
lépohfe  5  il  voulut  bien  en  promettre 
une  :  mais  il  en  remit  l'exécution  après 
l'édition  de  fes  Principes  qui  ètoient 
fous  la  prelle  ,  fon  voiage  en  France,  sorhieré 
&  fon  nouveau  procez  de  Groningue  irounu 
qui  devoit  fe  vuider  à  fon  retour.  ff^'a  %^ 

Il  efperoit  voir  la  fin  de  l'impreflion  ^'  ^^f- 
M  iiij        de 


cartes. 


1 5  4       Ahrege  de  la  Vie 

^^44    de  Tes  Principes  avant  fon  voiage.  Maiî 
"-  les  longueurs  de  ceux  qui  tailloient  les 

figures  l'obligèrent  d*en  laitier  le  foin  à 
M.  Schooten,  &  de  partir  avec  M.  de 
Ville-Breffieux  dés  le  premier  de  May 
après  avoir  mis  fon  procez  de  Gronin- 
gue  hors  d'état  de  pouvoir  lui  caufer 
aucune  furprife.  D'Egmond  du  Hoef  il 
vint  à  Lcyde ,  delà  il  Fut  à  Amfterdam^ 
&  pafTa  enfuite  par  la  Haye  pour  y  pren- 
dre congé  de  fes  amis.  M.  Sorbiérequi 
feignoit  d'en  être ,  l'y  attendoit  avec 
les  armes  qu'il  avoit  demandées  à  M. 
GaTendi,pour  l'attaquer  fur  ton  opinion 
du  P^iridc,  M,  Defcartes  eut  la  patience 
de  répondre  à  toutes  fes  difficutez,' 
fans  le  plaindre  du  contre-temps.  M. 
Sorbiére  aiant  ufé  toute  fa  poudre  con- 
tre lui,  6c  ne  pouvant  demander  de 
nouveaux  argumens  fur  le  vuide  à  M. 
GalTendi ,  chercha  d'autres  fujets  pour 
ne  point  fatiguer  M.  Defcartes  à  demi, 
s'apliquant  plutôt  à  trouver  dequoi  ob- 
jeàer,qu'à  comprendre  ce  qu'on  lui  ré- 
pondoit.  Dés  le  lendemain  qui  étoit  le- 
lo  de  Mai ,  il  écrivit  à  M.  Galïcndi^ 
pour  lui  rendre  compte  de  tout  ce  qu'il 
^voit  fait  contre  M.  Defcartes  pour  fon 

fervice, 


de  K\.DeJcanes,Liv,Vl,  2/5 

fervice ,  &  il  les  brouilla  C\  bien  qu'ils  fe    1(^4^ 
traitèrent  avec  affczd'indiffereriCe  pen-  " 
dant  quelque  cemps/ans  fe  foucier  de  fe 

voir  lors  qu'ils  étoient  Tun  6c  Tautre  à ■ 

Paris.  XIV. 

E  L  z  E  V I  E  R  voiant  avancer  l'im-  j^^j'^uti- 
prellîon  des  Principes  de  M.  Defcartes  «*  des 
vers  fa  fin, fit  folliciter  l'Auteur  de  lui  tj^^^j'f 
permettre  d'imprimer  en  même  temps  cound* 
Ici  tradudion  latine  de  Tes  Ellâis ,  après  '"• 
laquelle  afpiroient  les  Etrangers    qui 
n'avoient  point   l'iifage  de  nôtre  lan- 
gue. Cette  Tradudion  avoit  pour  au- 
teur M.  de  Courcelles  l'ancien,  Miniftre 
&   ProfcITeur  Arminien  ,  qui  pria  M. 
Defcartes  de  la  revoir  avant  que  d'en 
permettre  la  publication.  Il  le  fit ,  &  fe 
lervit  même  de  cette  occafion  pour  re- 
toucher quelques  unes  de  fes  penfèes , 
&  faire  quelques  changemens  a  fon  oii- 
ginal.  De  force  que  cette  traduction  a 
le  même  avantage  que  celle  de  fes  Mé- 
ditations  &   celle   de    fes  Principes, 
qui  valent  mieux   que    les   originaux". 
Mais  M.  de  Courcelles  n*avoit  traduit 
que  le  Difcours  de  la  Metbcde,  le  traité 
At  la  Dioptrique,&:  celui  des  Météores. 
U'îie toucha  point  à  la  Géométrie  ^  lojt 
M   V  qu'il 


15^       Ahregé  de  la  Pie 

-  ^^  qu'il  la  jugeât  au  defliis  de  fa  portée/oicr 
qu'il  eût  avis  que  M..  Schooteii  s'étoic- 
chargé  de  la  traduire. 

roUgeen  y[^  Dcfcartcs  s*embatqua  pour  la*' 
France  au  grand  regret  de  Tes  amis  de 
Hollande,qui  apprehendoient  les  obfta^ 
clés  de  Ton  retour ,.  &  fur  tout  le  relVen- 
timent  des  indignitez  comnciifes  à  fon- 
égard  par  les  Magiftrats  &  les  Profef- 
(èurs  d'Utrecht.  ïi  arriva  à  Paris  fur  la- 
fin  de  Juin  ,  &  alla  loger  chez  TAbbé' 
Picot  dans  la  rue  des  Ecouffes.  Il  en 
.  partit  le  II  dejuillet pour  Gileans,d'oiV/ 
il defcendit  à  Blois  chez  M.de Beaune 
confciller  au  Préfidial  ,  de  là  à  Tours> 
chez  l'Abbé  de  Touchelaye  le  jeune  en. 
Tabfence  de  Taifné,.  Il  y.  vid  un  grand» 
nombre  de  Çgs  amis,  &  quelques  uns  de 
fès  parens,.  Il  palfaenfuite  à  Nantes  puis 
à  Rennes..  D'où  étant  accompagne  de- 
fes  deux  frères  confeillers  au  Parlement: 
il  alla  au  crévis  dans  le  diocéfe  de  Sainte 
Malo  chez  fon  beau-frére  M.. Rogiec 
veuf  de  Jeanne  Defcartes.Là  ils  tra- 
vaillèrent conjointement  à  l'accommo. 
dément  de  leurs  affaires  domeftiques.. 
Delà  il  fallut  aller  à  Kerîeau  prés  de: 
Vannes  chez  fon  aifné,  puis  à  Chava- 

gne5o 


de  M.Defcartes.Liw.VU,  257 

gnes  au  diocéfe  de  Nantes  chez  (on  puiû    1^44 
né.  Il  paira  enfuite  en  Poitou  pour  y  ? 

faire  comme  en  Bretagne  la  vifite  de  Ton 
bien ,  de  Tes  parens  6c  de  Tes  amis ,  &  il 
revint  à  Paris  vers  le  milieu  d'Odobre. 


LIVRE  SEPTIE^ME. 
Depuis  1(^44.  jufqucn  16^0. 

A  SON  arrivée  il   trouva  Pcdi- 
tion  de fçs  Principes  &  de  la  Tra-  i  ^  jj^ 
dudlion  btine  de  Tes  Eflais,ôc  les  exem-  tciuion 
plaires  venus  de  Hollande.  Le  Traité  '^."  ^','": 
des  Fnnctpes  n  etoit  m  1  ouvrage  qu  il  p/,i/ofo- 
appelloit  fon  Monde ,  ni  fon  Cours  de  '■'"^' 
Th'lofophie ,  qui  font  demeurez  Tun  & 
l'autre  fupprimez.  Il  voulut  le  divifec 
en  quatre  parties,  dont  la  première  con- 
tient les  principes  de  la  connoilîance' 
humaine  ,  qui  eft  ce  qu'on  peut  appeU 
1er  la  première  Philofophie  ou  la  Me- 
îaphyfique  :  En  quoi  elle  a  beaucoup  de  ' 
rapport  &  de  liaifon  avec  fes  Medi-- 
^ations.- 

La  féconde  contienrce  qu  il  j--^-àh^ 
W'  vi>        pli*S5 


zc^       Khrezè  de  la  Vie 

'Hf   plus  gênerai  dans  la  Phyfîque,  fc.  l'ex-i 
~  plication  des  premières  loix  de  la  Natu- 

re &  des  principes  des  chofcs  matériel- 
les ,  les  proprietcz  du  corps  ,  de  Tefpa- 
ce ,  du  mouvement ,  &:c. 

La  troifiéme  contient  Texplication 
particulière  du  fyftème  du  Monde  ,  & 
principalement  de  tout  ce  que  nous  en- 
tendons par  les  cieux  &  les  corps  ce- 
Jeftes.  - 

La  dernière  consprend  tour  ce  qui 
concerne  la  Terre. 

Ce  qu'il  y  a  de  remarquable  dans  cet 
ouvrage  eft  que  l'Auteur  après  avoir 
premièrement  établi  la  diftindtion  qu'il 
met  entre  Tefprit  &  le  corps,  après  avoir 
pofé  pour  principes  des  chofes  corpo- 
relles la  grandeur  ,  la  figure,&  le  mou- 
vement local ,  qui  font  toutes  chofes  fi 
claires  &  fi  intelligibles  qu*elles  font 
reçues  de  tout  le  monde,  il  a  fçû  expli- 
quer prefque  toute  la  Nature  ;&:  rendre 
raifon  de  fes  effets  les  plus  étonnans 
fans  changer  de  principes  ,  &  fans  fef 
démentir  en  quoi  que  ce  Ço\x. 

Il  n'avoir  pourtant  pas  la  prèfi^mption 
«le  aoire  qu'il  eût  expliqué  toutes  les 
f  hofes  naturelles ,  fur  c©ut  celles  qui  ne 

tombent 


de  M.Defcartes.LW.Yll.  2^9 

tambent  pas  fous  nos  fens,delamanié-  1^44. 
re  qu*ellej  font  vétitablemenc en  elles  "  -^ 
mêmes.  Il  croioic  faire  beaucoup  en  ap- 
prochant le  plus  prés  de  la  vrai-fem- 
blance  à  laquelle  les  autres  avant  lui 
n'étoient  point  parvenus ,  &  en  faifanC 
en  forte  que  tout  ce  qu'il  avoit  écrit,rc- 
pondîtexadement  à  tous  les  phénomé-' 
nés  de  la  Nature.C'eft  ce  qui  lui  paroiC 
foit  fuffifant  pour  l'ufage  de  la  vie,  donc 
rutilité  l'emble  être  l'unique  fin  que  Ton 
fe  doit  propofer  dans  la  Méchanique,»îa 
Médecine  ,  &  dans  les  Arts  qui  peuvent 
fè  perfedionner  par  les  fecours  de  la 
Phyfique. 

Mais  de  toutes  les  chbfes  qu'il"  a  ex- 
pliquées ,  il  n'y  ^11  a  point  qui  ne  pâ- 
roilfent  au  moins  moralement  certaines 
par  rapport  à  l'ufage  de  la  vie  ,  quoi- 
qu'elles foient  incertaines  par  rapport  à"  ■ 
lapuilTànce  abfolue  de  Dieu.  Il  y  en  a 
même  plufieurs  qui  font  abfolument  ou 
plus  que  moralement  certaines ,  telles 
que  font  les  demonfrrations  mathémati- 
ques ,  Se  les  raifonnemens  évidens  qu'il 
a  faits-  fur  l'exiftence  des  chofes  maté- 
rielles. Il  a  néanmoins  eu  allez  de  mo- 
deftie  poui:  ne  fe  donner  nulle  patt 

l'autorité 


id'o      yilregê  de  U^Vie 

^<^44  l'autorité  de  décider  &  pour  ne  jamais 
"*  rienalTurer. 

Quoique  ce  qu'il  avoit  eu  intention 
de  donner  fous  le  titre  de  Principes  de 
Philofophie  fût  achevé  de  telle  force, 
qu'on  ne  fût  point  endroit  de  rien  de- 
mander de  plus  pour  la  perfedion  de 
fon  defTein ,  il  ne  lailToii  pas  de  faire  ef- 
perer  à  fes  amis  Texplication  de  tou- 
tes les  autres  chofes  qui  faifbient  dire 
que  faPhyfique  n'étoit  point  complète. 
11  fe  promettoit  d'explicper  de  la  même 
manière  la  nature  des  autres  corps  plus 
particuliers  qui  appartiennent  au  globe 
rerreftre,  comme  les  minerauxjes  plan- 
tes ,  les  animaux,  6c  particulièrement 
l'homme.  Après  quoi  il  fe  propofoit  fur 
la  mefure  des  jours  qu'il  plairoit  à  Dieu- 
de  lui  donner ,  de  traiter  avec  la  même 
exaditude  de  toute  la  Médecine  ,  de 
toute  la  Méchanique ,  &  de  toute  la- 
Morale,  pour  donner  un  corps  entier  de- 
pHilofophie. 
zii^heih  II  dédia  fon  livre  des  Principes  à  fon> 
PaUrine  ïHuftre  difciple  la  Princ<.'{re'  Palatine' 
^^¥eàe  Eliz,aùeth  ^  Taince  des  filles  de  Tinfor- 
^•^''  Tuné  Frédéric  Vo-Elecfteur  Palatin  élu 
"Si-QÏ  de  Bohéiue.  Cette  Pritieelfe  avoiï 

M^  W      cté^ 


de  M.DeJcartes.Liv.VU.  zci 

été  élevée  dans  la  connoilTance  d'un  1^44:. 
grand  nombre  de  langues ,  &  de  tout  ce  — — • 
que  Ion  comprend  fous  le  nom  de 
Belles  lettres.  Mais  l'élévation  &  la 
profondeur  de  Ion  génie  ne  permit 
point  qu'elle  s'arrêtât  à  ces  connoiiran- 
ces  oii  le  bornent  ordinairement  les 
plus  beaux  efprits  de  Ton  fexe  ,  qui  fe 
contentent  de  vouloir  briller.Elle  vou- 
lut palTer  à  celles  qui  demandent  la  plus 
forte  application  des  hommes  -,  &  elle 
fe  rendit  habile  dans  ia  Philofophie  & 
les  Mathematiquesijufqu'àce  qu'aiant- 
vû  lesElTais  de  la  philofophie  de  M.Def- 
cartcs ,  elle  conçut  une  fi  forte  paflion 
pour  fa  doélrine  ,  qu'elle  conta  pour 
rien  tour  ce  qu'elle  avoir  appris  jufques 
là  5  &  fe  mit  fous  fa  difcipline  pour  éle- 
ver un  nouvel  édifice  fur  fes  principes.. 

Elle  le  fit  donc  prier  de  la  venir  voir^. 
afin  qu'elle  pût  puifer  la  vraie  Philofo- 
phie dans  fa  fource  :  &  le  defir  de  la  fer- 
vir  de  plus  prcs  avoir  été  l'une  des  rai- 
fons  qui  l'avoient  attiré  à  Leyde  &  à 
Eyndegeeft.  Jamais  maître  ne  profita: 
mieux  de  la  docilité  ^  de  la  pénétration,, 
&  en  même  temps  de  la  folidi* 
lie  refgtit  d'un  difciple,  L'aiant  ac- 

coûtu^ 


1^1     Ahregé  de  la  Vie 

i£44  coûtumée  infen(îblement  à  ^  la  médu 
tâtion  profonde  des  plas  grands  myfté- 
res  de  la  Nature ,  &  Taiant  exercée  fuf- 
fi/amment  dans  les  queftions  les  plus 
abftraites  de  la  Géométrie  &c  les  plus 
fublimes  de  la  Metaphyfique  ,  il  n'eue 
plus  rien  de  caché  pour  elle:  &  il  ne 
fie  point  difficulté  de  reconnoître  qu'il'  ' 
n'avoir  encore  trouvé  qu'elle  (il  en  a 
excepté  Regius  ailleurs  )  qui  fût  par- 
venue à  une  intelligence  parfaite  des 
ouvrages  qu'il  avoit  publiez  jufqu'àlors. 
Par  ce  témoignage  qu'il  rendoit  à  la 
capacité  extraordinaire  de  la  Princefle  , 
il  le  contentoit  de  la  vouloir  diftinguer 
de  ceux  qui  n'avoient  pu  comprendre 
fa  Metaphyfique  quoiqu'ils  eulTent  l'in- 
telligence de  la  Géométrie,  &  de  ceux 
qui  n'avoient  pu  entendre  fa  Geomè-'^ 
trie  quoiqu'ils  fudent  exercez  dans  les  * 
veritez  Metaphyfiques. 

Elle  continua  de  philofopher  de  vive 
voix  avec  lui  jufqa'à  ce  qu'un  accident 
l'obligea  de  s'éloigner  de  lar  préfence  de* 
la  Reine  de  Bohême  fa  mère ,  &  de  quit- 
ter le  féjour  de  la  Hollande  pour  l'Alle- 
magne. Alors  elle  changea  fes  habitu-^ 
des  en  ua  commerce  de  lettres  qu'elle 

€nw€- 


de MXiefcartesXWMW.  i<5'5 

entretint  avec  lui  par  le  miniftére  des   iCa.a 
PrincelTes  fes  fœurs.  . 

Sur  les  mefures  que  M.Defcartes  ■-* 

avoir  prifes  à  Ton  retour  du  Poitou  pour     ^^^» 
fe  rendre  en  Hollande  avant  les  glaces,  -.o^y^â' 
il  s'étoit  réduit  à  la  neceffité  de  ne  pou-  p^";  «« 
voir  point  palTer  plus  de  dix  ou  douze  'j^j^. 
jours  à  Paris.  Il  les  emploia  en  des  vifi- 
tes  continuelles  qu'il  rendit  à  fes  an- 
ciens amis  qu'il  n'avoir  point  vus  de- 
puis le  fiége  de  la  Rochelle  ,  &  à  ceux 
que  fa  réputation  lui  avoit  faits  pendant 
ion  abfence, 

L*un  de  fes  premiers  foins  fut  de  voir 
les  Jefuites  du  collège  de  Clermont  5OÙ 
fè  fcenr  les  uciifirrcs  ccrrmonies  de  fa- 
réconciliation  av#c  le  P.  Bourdin  fon 
ancien  adverfaire,  qui  pour  rendre  fon 
amitié  agilTante  &  utile  voulut  être  fon 
correfpondant  pour  les  lettres  qu'il  au- 
roit  à  envoier  aux  Pères  de  la  Com» 
pagniedans  les  provinces  du  Roiaume  , 
&  en  Italie ,  &  pour  celles  qu'il  auroit 
à  recevoir  d'eux. 

Il  vid  encore  outre  M.  le  Duc  de 
Luines  &  M.  Clerfelier  qui  avoient 
traduit  fes  Méditations ^M.  Chanut  dont 
il  connoilToit  déjà  le  mérite  par  le  moieiï 

du 


1^4       j4hregêàe  la  Vie 

du  P.  Merfenne.  Cet  ami  voulut  le  me- 
ner chez  M.  le  Chancellier,  qui  le  reçut 
avec  tous  les  témoignages  d'eftime 
qu'on  pouvoir  attendre  d'un  Magiftrat 
qui  favorifoit  les  fçavans ,  qui  aimoit  les 
fçiences,  &  qui  écoit  déjà  tres-avanta^ 
geufement  prévenu  pour  nôtre  Philo, 
fophepar  laledluredesElîaisde  fa  Phi- 
lofophie. 

Il  eut  aufli  de  fréquentes  conféren- 
ces avec  le  Chevalier  d'Içby  fci^^neur 
Anglois  catholique  qui  étoit  alors  à  Pa- 
ris ,  &  qui  étoit  du  nombre  de  Tes  prin- 
cipaux amis  depuis  quelques  années. 
Mais  quoiqu'il  s'attachât  piincipale- 
ment  à  voir  ceux  de  (es  amis  qu'il  n'a- 
voit  jamais  vus ,  le  nombre  en  étoit  trop 
grand ,  ^  le  terme  qu'il  avoir  prefcrit  à 
fon  féjour  étoit  trop  court  pour  pou- 
voir leur  donner  à  tous  la  fatisfaàioii 
qu'il  auroit  fouhaitée.  Il  fe  crût  néan- 
moins obligé  de  ne  point  palTer  M.  de 
RobervaL  II  voulut  l'alTurer  de  Ton  efti- 
me,  lui  offrir  de  nouveau  fonamitiéjôd 
lui  déclarer  de  vive  voix  que  routes  les 
impreflîons  de  leurs  petits  démeflez 
étoient  parfaitement  effacées  de  fon  ef- 
prit.   M,  de  Roberval  Bt  ce  qu'il  put 

pour 


de  M.DefcdrteslAv.Vll.  1^5 

pour  bien  répondre  à  l'honneur  que  lui    1^44 
faifoit  M.  Defcartes;  &  il  protefta  de  ■ 
la  difpofition  où  il  etoit  de  lui  rendre  ce 
^hil  devait  k  fin  mérite  ^  a  fa  condi^ 
tion.  Mais  le  peu  de  liaifon  que  M.  Def- 
cartcs  remarqua  dans  fes  entretiens  lui 
fit  aifémenc   reconnoitre  la  vérité  de 
ridée  qu'il  s'étoit  formée  de  Ton  efprit  : 
&  il  ne  lui  fiit  pas  difficile  de  juger  que 
Tamiiiédece  grand  Géomètre  étoitun 
bien  tres-perifTable.  Il  lui  fit  pourtant 
la  juftice  de  croire  qu'il  y  avoir  moins 
de  malice  ou  d'afïedation  que  de  natu*' 
rel  &  de  tempérament  dans  fes  maniè- 
res peu  polies  &  defobligeantes  -,  6c  il 
reçut  Ton  amitié  relie  qv/il  !a  pouvoir 
donner,fans  l'obliger  à  la  garantir  plus 
folide  &  plus  durable  qu'elle  n*étoit. 

Aiant  lailfé  ce  qui  lui  reftoit  d'exem- 
plaires de  fes  Principes  fous  la  difpofî- 
tion,  de  l'Abbé  Picot  fon  hôte  ,  qui 
en  avoit  déjà  traduit  la  moitié  en  nô- 
tre langue  ,  il  partit  pour  la  Hollan- 
de fur  la  fin  d'Octobre.  Et  le  P.  Mer- 
fenne  qui  n'avoir  plus  rien  à  ce  départ 
qui  put  le  retenir  à  Paris ,  fe  mit  en  che- 
min pour  un  voiage  de  huit  ou  neuf 
mois  qu'il  avoit  à  faire  en  Italie, 

Les 


tire  a 
mend% 


16 S       AhrezêdeU  Vie' 

o 
Les  nouvelles  du  retour  de  M.DeC. 

cartes  diflîpérent  le  trouble  &  les  in- 
quiétudes où  étoi^nt  fes  amis  de  Hol. 
2ife  r'c-  lande  fur    quelques    foupçons    qu'ils 
^^-  avoient  qu'on  vouloit    le  retenir  eh 
France.    A  Ton  arrivée  qui  fut  le  15  de 
Novembre,  il  alla  d'Amfterdam  droic 
en  Nord- Hollande  fe  retirer  à  Egmond 
de  Binnen  avec  la  refolution  de  fe  ren- 
fermer plus  profondement  que  jamais 
dans  fon  ancienne  folitude,  Ôc  des'a- 
pliquer  loin  des  importunitez  de  fes 
voifms  &  des  vifites    de  fes  amis  à  la 
cronnoiiîancedes  animaux  ,  des  plantes, 
de  des  minéraux. 
Il  fait      Afin  de  fe  procurer  le  repos  necef- 
foTprocr^  faire  à  fes  études  ,  il  fongea  d'abord  à 
de  Gro.  terminer  le  procez  qu'il  avoir  à  Gro- 
nff^^ue»    ,;jingiie  contre  SchoocKius  ProfeiTeur  Se 
Reâeur  de  l'Univerfué,  Se  qui  étoit  un 
démembrement  de   ce'ui  que  Voetius 
lui   avoit  fufcité  à  Utrecht.  La  face  de 
celui-ci  s'écoit    enfin  changée  à   fon 
honneur ,  quoique  par  la  mauvaife  vo- 
lonté des  juges  que  Voetius  avoit  cor- 
rompus ,  il  en  retiraft  peu  d'avantages  : 
mais  il  lui  fuffifoit  que  l'irrégularité  de 
leurs    procédures  eût  tourné  loute  à 

leuc 


I 


de  M.DeJcirtes.Liv.Vll.  t^j 

leur  confafion.  Uéclat  que  fit  leur  in-   i^^j 

juftice  nefervit  pas  peu  aux  Juges  de  • 

Groningue ,  pour  régler  leurs  démar- 
ches dans  le  jugement  qu'ils  avoientà 
rendie  entre  leur  ProfclTeur  ôc  M. 
Defcartes. 

L'affaire  étoic  pendante  au  Sénat 
Académique  ou  Confeil  de  TUniver- 
fité ,  qui  écoit  le  tribunal  légitime  où 
dévoient  naturellement  rellortir  les  cau- 
fes  de  Schoocriius  ;  &  il  s'agiiToit  de  ré- 
paration publique   des  calomnies  dont 
étoit  coinpofé  le    livre   latin  intitulé 
^hilofopht.^  Carte fiana  ou  Admi-ancU 
^ty^ethodiis ,   Ôc  publié    par    Voetius 
fous  le  nom  de  Schoockius  ,  qui  s'en 
déclaroit  l'Auteur,  ôc  par  confcquent 
la  caution.  Sur  la  lettre  que  M.  Defcar- 
tes en  écrivit  le  7  de  Février  à  Tobie 
d'André  l'un   des  ProfelTeurs  de  l'U- 
mvevfiié  Ôc  des  juges  de  cette  afïàire, 
Schoockius  fut  cité  :  ôc  fur  fon  aveu, 
fans  qu'on  crût   nectCl^ire  d'entendre 
fa  pavtie  ,  on  rendit  une  Sentence  en 
faveur  de  M.  Defcartes  le  lO  d'Avril 
164).    M.îis  l'or-  y  traita  Schoockius 
avec  indulgence ,  parce  qu'il  étoit  col- 
lègue des  juges ,  qu'il  reconuoilîoir  fes 

erreurs? 


î^4î 


i6Z       JhregêdelaVie 

erreurs ,  &  qu'il  n'avoit  été  que  le  mî- 
niftre  des  calomnies  ôc  des  excez  de 
Voetius. 

La  furprife  qu*eut  M.  Defcartes 
de  fe  voir  jugé  en  fon  abfence,&:  avant 
même  la  produdion  de  Tes  pièces ,  luy 
fie  prendre  cette  promte  expédition 
pour  un  efE;t  de  révidence  de  la  bon- 
té de  fa  caufe.  Mefïieurs  de  Groningue 
lui  aiant  feit  tenir  une  copie  de  la 
Sentence  avec  les  adbes  qui  avoient 
fervi  au  procez ,  il  jugea  à  propos  de  les 
envoier  aux  Magillratsd'Utrecht  avec 
cinq  lettres  de  leur  Miniftre  Voetius 
écrites  au  Père  Merfenne  ,  afin  qu'ils 
ouvrilTent  enfin  les  yeux  furies  impof- 
tures  &  la  malignité  de  cet  hypocrite. 
Mais  au  lieu  de  fonger  aux  moiens  de 
réparer  le  pafTé ,  la  eonfufion  qu'ils  en 
eurent  Te  tourna  en  une  mau  vai(è  honte, 
qui  ne  produifit  autre  chofe  qu  un  ade 
fait  le  II  de  Juin  ,  pour  défendre  Tim- 
preflion  &  le  débit  de  tout  ce  qui  étoic 
pour  ou  contre  îvî.  Defcartes. 

Nonobftant  cette  ordonnance,  Voe- 
tius au  defcfpoir  de  ce  qui  s'étoit  pa(ïé 
à  Groningue,  ne  lailTa  point  d'impii- 
n^r  une  lettre  au  nom  de  Schoockius 

contre 


Je  Ad.Defcartes.Liv.Vll.i^p 

contre  le  gré  clc  Tauteur  qui  la  defa-  ^ 
vouoic  :ôc  fon  fils  attaqua  les  juges  de 
Groningue  par  un  libelle  des  plus  info- 
lens  intitulé  Tribunal  iniejmm.  Il  fallut 
que  M.  Defcartes  prît  la  defenfe  de  ces 
Medîeurs  &  de  leur  jugement. 

Cependant  Voetius  le  Père  &  Dé- 
matius  fon  collègue  notez  dans  la  Sen- 
tence comme  faulfaires  &  calomnia- 
teurs ,  concertèrent  les  moiens  de  pu- 
nir l'ingratitude  deSchoocKius,quiavoit 
été  l'écolier  6c  le  confident  du  premier. 
Ils  apelloicnt  ingratitude  l'ooligation 
qu'avoit  eue  celui-ci  de  préfei  er  la  vé- 
rité aumenfonge  devant  le  tribunal  de 
Tes  juges.  Mais  parce  qu'il  n'étoit  plus 
fous  la  ferule  ,  ils  luy  intentèrent  un 
procez  d  injures  ,  comme  s'il  les  avoit 
calomniez.  Toutefois  les  menaces  que 
SchoocKius  fit  à  Voetius  de  découvrir 
fes  fecrets  en  juftice  furent  caufe  dude- 
fiftement  de  celui  <:i,lorfque  le  procez 
fut  fur  le  point  d'être  jugé  àUtrecht, 
&  ils  ne  fe  pardonnèrent  jamais  ferieu- 
femcint  depuis. 

Il  n'en  fut  pas  de  même  des  difpofi- 
tions  de  M.Defcartes  à  leur  égard.  La 
tempae  finie ,  il  ne  fit  aucune  difficulté 

de 


i 70  1  ^  ^  Ahregê  de  la  Vie 

^^  de  découvrir  fon  cœar  :  &  il  fut  aiïèî^ 
généreux  pour  leur  faciliter  la  rccocilia- 
cion,6c  leur  offrir  fon  amitié.  Mais  Voe- 
tius  parut  infenfiblé  à  toutes  ces  boniez^ 
Il  fe  vanta  de  garder  encore  une  ac- 
tion contre  lui,  dont  il  pou  rr  oit  fefeCt. 
viren  fon  temps.  C'eft  c€  qui  porta  M. 
Defcartes  à  dretTer  un  manifefte  Apo- 
logétique pour  les  Magiftrats  d'U- 
trecht,  afin  de  pouvoir  enfevelir  une 
bonne  fois  toute  cette  affaire.  Il  leur 
fit  un  abrégé  hiftorique  $<  raifonné  de 
ce  qui  s'étoit  paiTé  dans  leur  ville  de- 
puis l'an  1^39  touchant  fa  philofophie 
&  fa  perfonne.  Il  leur  expofa  toute  la 
juftice  de  fa  caufe  &  l'injudice  de  fes 
ennemis ,  pour  les  porter  à  lui  faire  en- 
fin raifon  du  tort  qu'ils  avoient  fait  à 
fa  réputation  par  la  Eweur  qu'ils  a- 
voient  donnée  à  Voetius. 

Cependant  la  ledure  de  fes  Prin- 
cipes pfoduifoit  de  bons  ou  de  mauvais 
effets  dans  les  efprits  ,  felcn  qu'ils  fe 
trouvoient  difpofez  à  l'égard  de  leur 
auteur.  Suivant  cette  penfée ,  M.  Def- 
carxes  ne  devoir  rien  efpercr  nue  de  fa- 
vorable de  la  part  de  Rivet  qui  fe  difbit 
fon  anr^i  ,   6c  qui  fe  ciéclaroit  n  ême 

Seda*. 


ri 

11 


de  M.DeJcarte's.Liwyil.  lyf 

fedateiu  de  ù  dodrine,  pour   imiter   iï?45' 

plufienrs  Cattefiens  avec    lefqucls  il  " 

avoic  à  vivre.  N4ais  comme  il  ne  la  com- 
prenoit  pas  ,  il  crut  faire  un  compli- 
ment agréable  à  M.  Galfendi  de  lui 
propofer  de  faire  fur  fes  Piincipcs,  ce 
qu'il  avoic  fait  fur  fes  Méditation?. 

M.  Galfendi  s'en  excufa  première- 
ment fous  le  prétexte  de  ne  pas  renou- 
veller  une  plaie  qu'il  croioit  fermée ,  & 
enfuice  fur  le  mépris  qu'il  faifoit  de  ces 
Principes  ;  &  il  fe  contenta  de  lui  dire 
quelques  injures  pour  la  décharae  de 
fon  cœur.  Les  Jefuitcs  n'en  i^îoienc 
pas  de  même  dans  le  jugement  qu'ils 
portoient  de  fon  dernier  ouvrage.  II 
en  receut  des  témoi  ;nages  tres-avanta- 
geuxdela  part  des  principaux  de  leur 
corps ,  jufqu'à  lui  faire  croire  que/^  So. 
cietè  vovloit  être  t^e  fon  parti. 

Les  progtcs  de  fa  Philofophie   n'é-    ^^"re- 
coient  pas  moin  1res  en  H-llande  qu'à  ^-^«t /ï" 
Paris,   Dés  le  mois  de  Février  M.  de  ^'rfcfiji. 
Hoo<^heîand  lui  avoit  envoie  trois  thé.  uyl^ 
fès  différentes  foutenues  depuis  peu  à 
Leyde  ,  &  ne  contena?  t  que  fes  opi- 
nions. Elles  s'inrtoduifoierc  allez  hea- 
reufeaieiic  d,»ns  cette  Univci  (Ité  par  Tin- 
N       duftûs 


iy  ^       Ahregê  de  la  Vie 

J^^il    duftrie  èJ Adrien  Hereboord  Profe(΀UJl 
^  en  Philofophie  Se  fous  -  Principal  du 

collège  Théologique  ,  à  la  faveur  de 
Hcydanus  Miniilre  &  Prédicateur  cci 
■Jébre,de  Golius,de  Schoocen,&  de  que.U 
qyes  autres  Profedeurs   qui  s'étoienj 
jrendus  eux-mêmes  fedtateurs  de  cette 
.nouvelle  Philofophie.  Le  zèle  de  Hee- 
leboord    dans    fes    premières    leçons 
n'étoit  peut-être  pas   ardent  au  mê#. 
me  degré  de  chaleur  que  celui  de  Re- 
gius  à  Utrecht ,  mais  il  fembloit  être 
plus  circonfpedt  &  mieux  réglé.  Audi 
fut-il  de  plus  longue  durée  &  d'un  fuc- 
cés  plus  fenfible. 
ScUfme       II  auroit  été  à  fouhaiter  pour  M, 
ttuàfZ'  ï^^^^^^f^s  que  Regius  eût  gardé  la  mç-, 
iieiiuf.    me  conduite,  ou  qu'il  eût  perfeveré  du 
moins  dans  fa  première  docilité  à  l'é^ 
gard  de  fon  Maître.  Depuis  qu'il  s'é- 
toit  hazardé  à  dogmatifer  de  fon  chef 
fur  Tunion  de  TAme  humaine  avec  le 
corps  5  &  fur  quelques  autres  points 
délicats ,  il  avoit  donné  beaucoup  d'e- 
xercice à  M,Defcartes,qui  par  fes  exhor- 
tations particulières  &  par  les  correc- 
lions  qu'il  av  oit  faites  à  fes  autres  écrits, 
«ivoit  tâché  de  retenir  fon  efpnc  dans  fes 

bornes. 


de  Ad.DeJcartes.Liv.Vll.  175 

bornes.  Regius  s'écoit  infenfiblement       i<5j. 

écarté  depuis  ce  temps  :&  foie  qu'il  fût  • 

enfin  retourné  à  Ton  premier  génie,  foit 
qu'il  cherchât  quelque  milieu  pour  le 
raccommoder  avec  (es  etmemis  d'U- 
trecht  ,  &  s'alTurer  la  paifiSle  polTedîon 
^e  (à  chaire ,  il  avoir  pendant  le  voiage 
de  M.  Defcartes  en  France  dreflc  des 
EfTais  d'une  Philofophie  à  fa  mode , 
aufquels  il  prétendoit  donner  le  ti'rc 
de  Fondemens  d?  T^hyftcjne, 

L'expérience  qu'il  avoir  des  bontez 
de  M.  Defcartes ,  lui  fit  croire  qu'il  lui 
palTeroit  cet  ouvrage  de  la  manière  qu'il 
î'avoit  compofé.  Il  le  lui  envoia  pour 
l'examiner  ,  plutôt  afin  de  nepaslaillèt 
périr  fa  coutume  tout  d'un  coup  ,  que 
pour  profiter  véritablement  des  leçons 
de  Ton  maître.  M.  Defcartes  n'eut 
point  la  complaifince  dont  il  s'étoic 
flaté.  Il  trouva  dans  ce  dernier  Ecrit 
plus  de  licence  qu'il  n'en  avoit  remar- 
qué dans  tous  les  autres  :  &  au  lieu  d'en- 
voier  à  Regius  les  corredions  des  en- 
droits qui  en  avoient  befoin  comme  il 
l'avoit  pratique  juf^ues-là,  il  lui  man- 
da nettement  qu'il  ne  pouvoit  donner 
une  approbation  générale  à  cet  ouvra- 
N  ij         gc, 


X74   '     Abrégé  de  la  Vie       >>.   ^ 

x^45  ge.  Il  ajouta  qae  s'il  écoit  alfez  amoi/iv 
reux  de  fes  fentimens  particuliers  potiTi 
ne  pas  Cuivre  l'avis  qu'il  lui  donnoit  de^ 
le  fupprimer  ou  de  le  réformer  ,  il  feroit^ 
obligé  de  le  defavouer,  &  dedécrompeç^ 
le  Public  ,  qui  avoir  ciû  jufqu'alots^ 
qu'il  n'avoir  point  d'autres  fencinieiiSc^ 
que  les  fiens.  .l'^^uc  r^î" 

Regius  qui  avoir  déjà  pris  Ton  partiV 
&:  qui  s'écoit  fortifié  contre  toutes  for»^ 
tes  de  remontrances,  ne  lailîa  point  dej. 
remercier  M.  Defcartes  de  fes  avis  j) 
mais  au  lieu  de  les  fuivre  comme  aupa--* 
ravanc ,  il  fe  mit  en  devoir  d'excufer  foit 
ouvrage  ,  &r  d'en  faire  voir  1  oecono- 
mie  i3i  les  beautcz  à  (on  maître,  comme 
fi  ces  chofes  enflent  échappé  à  fes  refle- 
xions. Il  lui  fie  valoir  fur  tout  fa  métho- 
de d'Anal  yfejêi  fa  belle  manière  dedof> 
finir  &  de  divifèr.  Mais  pour  éviter  Icj^» 
inconveniens  dont  M.  Defcartes  l'avait-^ 
averti,  il  lui  envoia  ce  modèle  d'aver- 
tifferaent  au  Lcéteur  avec  lequel  il  pre* 
lendoit  finir  la  préface  de  fbn  livre,  Pour 
dètrom-per  ceux  <j/ii  s' imaginer  oient  cjue 
les  choTes  contenues  dans  cet  ouvrage  fs'» 
raient  les  fentimens  purs  de  eJ?/.  DeÇ. 
Çétrfts ,  />  jms  bien  aife  à' avertir  le  Pu- 

bliG 


de  M.DeJcartes.Liv.VU,  17J 

blic^nUy  4  tffcfiivfmenî  pln/ieurs  en-  "^^  ^ 
droits  oU  je  fais  frnfeffton  de  fuivre  les 
opirnons  de  cet  excellent  homme  ^  mais 
^u'il  V  en  d'autres  aujjl  oit  je  fuis  d'une 
opinion  contraire  ,  ^  d'autres  encore  '7/r- 
hfcjnels  il  napasjtigé  à  p'^opos  de  s'ev 
plicjuer.  Pour  tacher  de  prévenir  le  defa- 
veu  public  dont  il  fe  croioit  menace  p^r 
M.  Defcartes  ,  il  lui  fît  ofïre  d'ajouter 
encore  dans  fa  préface  tout  ce  qu'il  ju- 
geroit  à  propos ,  parce  qu'il  apprehen- 
doit  ce  defaveu  con^me  une  réfutation 
de  Ton  ouvrage,  capable  de  l'étoufl-er  ou 
de  le  décrier  dans  fa  naillance.  Mais  il 
ne  parla  point  de  le  retoucher  dans  le 
fonds. 

M.Defcartes  lui  manda  qu'il  approu- 
voit  fort  la  manière  de  traiter  la  Phyfu 
que  par  définitions  &  divifions ,  pourvu 
qu'il  y  ajoutât  les  preuves  neceffaires. 
Mais  il  lui  fit  connoître  en  même  temps 
qu'il  ne  lui  paroifToit  pas  encore  aiîèz 
verfé  dans  la  Metaphyfique,  ni  dans  la 
Théologie,pour  entreprendre  d'en  pu- 
blier quelque  chofe  :  &  que  s'il  étoit 
abfolument  déterminé  a  rimpreffîon  de 
{es  Fondemens  de  Phyfique  ,  il  dévoie 
au  moins  retrancher  ce  qui  regardoit 
N  iij       l'Ame 


17^  Ahregcàe  la  F'ie 
7^  l'Ame  de  THomme  &  la  Divinité,  5C 
ne  rien  falfifier  dece  qu'il  emprun toit 
de  lui  :  en  un  mot ,  qu'il  lui  feroic  pki- 
fîr  de  ne  le  pas  rendre  participant  de  fes 
égaremens  dans  la  Metaphyfique  y  ni 
de  fes  vifions  dans  la  Phyhque  &  la 
Médecine. 

Cette  dernière  lettre  fit  enfin  lever  le 
mafque  à  Regius  ,  Se  refolu  de  facri- 
fier  rhonneur  de  fon  maître  au  (îen  ,  il 
renonça  tout  de  bon  à  fa  difcipline  par 
une  déclaration  écrite  du  x3  de  Juillet  de 
lan  1^45,  d'une  manière  fi  cavaliére,qiie 
ce  quon  nous  dit  de  l'ingratitude  d'A- 
liftote  envers  Platon  ,  &  de  l'infolence 
de  Maxime  le  cynique  envers  Grégoire 
deNazianze  n'aplus  rien  d'incroiablCo 
Regius  enchérit  (ur  eux  par  Tinfulte ,  Ôc 
perdit  par  fon  fchifme  la  gloire  que  lui 
■avoient  acquife  les  dangers  &  les  perfe- 
cutions  qui  Tavoient  penfé  rendre  le 
premier  Martyr  de  la  fede  Gartéfienne». 
tl  joignit  même  l'injuftice  &  l'infidélité 
à  la  révolte.  Car  après  avoir  retenu  la 
plus  grande  partie  de  ladoftrine  de  fon 
maître  pour  s'en  faire  toujours  le  même 
Honneur  qu'auparavant  ,  il  la  défigura 
&  la  coacmpit  comme  il  lui  plut.  Et 

fous 


^e  Jld.VeJcartes.Livyil.  277     , 

fous  prétexte  que  M.  Defcartes  refufa  Zl 

tant  qu'il  vécut  de  la  reconnoitre  pour 
fienneàcaufedecet  extérieur  étranger, 
il  s'en  faifit  après  {a  mort ,  en  fuppri- 
mant  même  Ton  nom  ,  avec  tant  d'indi- 
gnité, qu'on  le  regarde  autant  comme  le 
premier  Plagiaire  de  fa  doctrine,  que 
comme  le  premier  Schifmatique  de  fa 
fcae. 

M.  Defcartes  répondit  anx  outrages 
de  Regius  avec  une  douceur  de  une  fa- 
geffe  qui  auroit  été  capable  de  faire  fou 
apologie  s'il  en  avoit  eu  befoin  :  &  il  ne 
voulut  finir  fon  commerce  avec  cet  in- 
grat qu'en  lui  donnant  les  avis  les  plus 
lalutaires  qu'on  pût  attendre  d'un  bon 
maître  &  d'un  véritable  ami.  — — 

La  Partie  la  plus  odieufe  du    ^^^^' 
vol  qui  rendit  Regius  plagiaire  de  M.  de^An 
Defcartes  confiftoit  dans  des  Memoi-  *^^!^^^ 
res  que  celui- ci  avoit  drelfez  depuis  l'é-  k-JJ' 
dition  de  fes  Principes  avec  le  dellein 
d'en  faire  un  jufte  traité  ^^;  édnimauw 
La  copie  que  Regius  lui  avoit  dérobée  , 
je  nefçai  par  quelle  adrelfe ,  étoit  tres- 
defeélueufe  •  ôc  par  une  indifcretion  qui 
fervit  à  le  trahir  ,  il  en  avoit  prefquc 
tout  inféré  dans  fon  livre  des  Fonde- 
N  iiij        wcns 


178       jibregedelaKic    -  -nz 

ï^4f     msns  de  Phyfi^ne  fans  Tavoir  pu  cottiJ 
~~  preirdre,  tant  parce  que  les  figures  loi- 

nianquoient ,  qu*à  caufe  que  ce  qu'^voit 
fait  M.  Defcartes  n'écoic  pas  achevé.  ■ 
..  En  eflret  ce  que  Regius  voulue  mettre 
en  oeuvre  n'étoit  qu'une  ébauche  fotc 
imparfaite  de  ce  que  M.  Defcartes  mc- 
ditoitfurcefujet.  Après  le  gain  de  fon- 
prorésde  Groningue  Je  defir  d'exécu- 
ter fon  grand  dellein  Tavoic  fait  remet- 
tre aux  opérations  anatomiques  avec 
une  applicr.tion  nouvelle.  Ce  fut  dans 
le  temps  de  ces  occupations  qu'il  fut  vi- 
(\ik  par  un  Gentilhomme  qui  lui  de- 
manda à  voir  fa  Bibliothèque  ,  &  à  qui 
il  ne  montra  autre  chofe,qu'un  veau  ^à 
ladiffedion  duquel  il alloic  travailler. 
S^  ,    ^^  laconnoidancedes  bêtes  il  paffa 
iei'AnA'  à  Celle  du  corps  humain  par  le  fecours 
xomn.      ^g  p^g  expériences.  Et  il  commença  dés 
l'automne  de  cette  année  fon  traité  fe- 
paré  de  V Homme ,  &  même  celui  de  la 
fqrmanon  de  Foetus,  quoiqu'il  n'eût  pas 
achevé  celui  des  ^«/w^/^a;. 
^^f-        Il  fit  une  petite  diverfion  àcette  étude 

iions     lit  ».  ^  \   •%    r 

u  qua,    par  1  engagement  ou  il  le  trouva  avec 
àrature ^  les  premiers  Mathématiciens  de  J'Eq-ï 
eL   ^     rope  de  prendre  part  au  fameux  diffé- 
rent. 


de  M.  Dejcartes  Liv.VII.  279 

rent  qui  s'éleva  en  cette  année  entre  ^ 

Longomontanus  &  Pellius  touchant  la  . . 

quadrature  du  cercle.  Il  y  avoir  long- 
temps qu'il  ctoit  convaincu  CjU'elle 
étoit  impoflTible  :  &  depuis  qu'il  en^ 
avoit  fait  la  preuve  par  le  moien  de  fa 
Méthode  &  de  Ton  Analyfe  ,  il  s'étoic 
abftenu  de  cette  opération,  comme 
d^unechofe  impraticable  Ôc  inutile. 

r  Au  commencement    d'0<5bobrc    il    ;/^,o,-, 
quitta  fa  folitude  pour  aller  embralfer  ^^-  <^i'^- 

r  •   %  #    /-1  •        «T'A  mit&M. 

Ion  ami  M.Cnanut  qui  palloïc  a  Am-  poriicr  a 
fterdam  pour   la  Suéde  en  qualité  de  -^^tii^r- 
Refident  de  France.    Là  il  fit  amitié 
avec  M.  F  or  lier,  qui  étoit  de  la  com- 
pagnie de  M.Chanut,  &  qui  pendant 
les  quatre  jours  qu'ils  demeurer  et  à  Am- 
fterdam,  fe  fit  un  plaifir  (îngulier  d'ap- 
prendre le  détail  de  div^rfes  particulaii- 
tez  propres  à  ruiner  les  calcrmnies  des^ 
ennemis  de  nôtre   rhilofophe. 

M.  Delcartes  s'en  retourna  fort  fatis- 
fair  le  10  du  mois  à  Egmond  ,  cù  il  palla- 
l'biver ,  qui  fut  fort  rude  cette  année, 
à  compofct  deux  petits  Ouvrages  de 
pjfle-temps,  parce  que  les  plantes  de 
fôn  jardin  n'étoient  pas  encore  en  état 
ie  lui  fournir   les  eicperiencçs  qui  lui 


1 8  o     Ahregè  de  la  Yie 
2_l  étoienc  necelTaires  pour  continuer  & 

riponfe         Lc  ptemicr  de  ces  Ouvrages  étoit  la: 
^ix  m-   î^éponfe  qu'il  avoir  refufée  d'abord  au 

fiances  ^''  ,       *     ,  ■'^  --, 

M.  6af'  livredesInItancesdeM.Gali&ndi,queM,- 
ftfiii^      Clerfelier  traduifit  en  nôtre  langue  avec 
Et  un  ^"C^ues  adoucilTemens  en  faveur  de 
effai  de   ce  demicr  qu'il  vouloir  raccommoder 
%fs,      ^^^^  nôtre   Philofophe.   L'autre  étoit; 
un  petit  traité  de  la  nature  des  Paffions 
de  l'Ame.   Son  delTein  n'étoit  pas  de 
faire  quelque  chofe  de  fini  qui  meri* 
tât  de  voir  le  jour,  mais  feulement  de 
s'exercer  fur  la  Morale  pour  fa  propre 
édification,  &  de  voir  fi  fa  Phyfique 
pourroit  lui  fervir  autant  qu'il  l'avoir: 
efperé  pour  établir  des  fondemens  cer- 
-■-„""  ï^ii^s  dans  la  Morale. 
virùns       Cependant    M.  de  Roberval 
nvec  M.  oubliant  peu  à  peu  la  refolution  qu'il 
^-  ^ober-  avoit  prife  de  vivre  en  bonne  intcUi- 

fal     fur  r  r      1  I 

les ribra^  gçnce  avec  m.  Deicartes  après  l'hon- 
!*«»/.      j^ç^j.  ^y>j|  ^y^jj  fçç^  d'une  de  fes  vifi- 

tes  à  Paris,  retonrnoit  infenfiblemenc 
à  fon  génie  inquiet ,  &  parloir  de  ce/ 
qu'il  fçavoit  ou  qu'il   ne  fçavoit  pas 
avec  affez  peu  de  précaution.  M.  DeC 
«ânes  en  fut.  averti  par  des  gens  quii 


de  Ad.DeJcartesXiw.VU.  i8i 

lui  ficenc  peut  être  m.  deRobervalplus  ^  ^ 
criminel  qu'il  n'écoit ,  fans  confiderec  .. 

qu'il  y  avoir  plus  de  foibleire  que  de 
malignité  dans  fes  manières. 

On  lui  donna  avis  dés  le  commen- 
cement de  Tan  164(5  de  deux  princi- 
paux points ,  fur  lefquels  m.  de  Rober- 
val  fe  vantoit  de  lui  faire  de  la  peine. 
Le  premier  regardoit  la  queftion  de 
Pappus ,  fur  laquelle  néanmoins  il  ne 
lui  fit  point  de  difficulté  nouvelle  pour 
lors.  L'autre  concernoit  les  Vibrations^,  - 
c'eft  à  dire ,  la  grandeur  que  doit  avoic 
chaque  corps  de  quelque  figure  qu'il 
foit  étant  fufpenduen  l'air  par  Tune  de 
fes  extréraitez  ,  pour  y  faire  fes  tours 
&  fes  retours  égaux  à  ceux  d'un  plomb 
pendu  à  un  filet  de  longueur  don- 
née. 

La  queftioa  des  Vibrations  lui  fut- 
propofeé  par  le  P.  Meifenne,  auquel  il 
lépondit  le  ii  Février  (?cle  2  de  Mars  j  & 
enfuite  par  m.  Candifche  qui  étoit  pour 
lors  à  paris.  Il  envoia  la  folution  de  la 
queftionà  ce  Seigneur  le  30  de  Mars: 
&  M.  de  Rcberval  y  fit  auffi-tôt  des  • 
obfervations  que  m,  Candifche  ne  man» 
qua  pasd  envoiet  à  M.  Defcartes,  îî  en 


%%z   ■'  Jfihregt  de  la  T>'f\h  es 

,  ^  j"     reçût  la  réponfe  quelque  temps  aprcsj  i* 
;  &L  M.  Defcartes  voiant  que  M.  de  Roi' 

berval  s*appuioit  principalemeni  £ir  fcsr 
expériences ,  il  manda  au  P.  Merfennc' 
qu'il  ne  préfurnoit  pas  aHezde  lui-même^ 
pour  entreprendre  d'abord  de  rendre 
raifon  de  tout  ce  qu'on  peut  avoir  ex- 
perinienté.    Mais  qu'il  croioit  que  la'> 
principale  adrefTe  dans  l'examen  des  ex- 
périences confiftoir  à  choifir  celles  qui^* 
dépendent  de  r^ioinsde  caufes  diverfès,, 
ôc  dont  on  peut  le  plus  aifément  dé-: 
couvrir  les  vraies  raifons. 

M.   Defcartes  auroic  fouhaité  finir' 
de  bonne  heure  une  difpute  qu'il  voioir 
dégénérer  enfin  en  quêtions  inutiles  r 
mais  il  plut  à  M. de  Roberval  de  vou- 
loir la  prolonger  même  au  delà  de  l'an-  * 
née.   Cette  conduite  de  les  fanfiironna- > 
des  fur  la  queftioii  de  Pappus  lui  atti* 
rérent  la  cenfure  de  Ion  ^rifiarcjne  -^r 
c'eil  à  dire,  de  Ton  livre  touchant  le  - 
lylléme  du  monde ,  avec  un  jugement '^  , 
Commerce  ^^^  l'cfprit  &c  lacapaciié  de  ce  Géome- 
de  L^hUo-  trc,   que  M.  Defcartes  envoia  au  P.. 
mZu     Merfenne. 

a-i^ec  u       Ce  fut  prefque  dans  le  même  temps^ 
t.lisabith  ^^^  "  examina  le  livre  de  Seneque  ae.> 

U 


de  MrDefcartes.LwlVlL  183 

U  vie  henr'eufe  en  faveur  de  là  Princeiïs  ^  ^4^ 
Elizabeth  (a  difciple,  qui  lui  avoit  de- 
mandé  dequoi  fe  divertir  dans  fes  dif- 
grâces  aux  eaux  de  Spa  ,où  les  Méde- 
cins lui  avoient  inreidit  1  étude  &  la 
contention  d'efprit.  Les  reflexions  ju- 
dicieufesque  la  PrincefTe  fit  de  fon  co- 
té fur  le  même  ouvrage  l'engagèrent  à 
ttaiter  avec  elle  dans  la  fuite  diverfes- 
autres  queftions  de  la  Morale  des  plus 
importantes  ,  touchant  le  fôuverain 
Bien  ,  la  liberté  de  l'Hi^mme  ,  l'état  de 
TAme ,  l'ufage  de  la  Raifbn ,  l'ufage  des^ 
Pafîîons ,  les  adions  vertueufes  ik  vi^ 
cieufes  ^Tufage  des  biens  &  des  maux  j^  ^r^^ 
de  la  vie.  lom  Re^ 

Rien  ne  troubla  pourlors  la  joie  qu'il  ;^J^'/,^^^,. 
rccevoit  de  cet  heureux  commerce  de 
philofophie  morale  avec  cettePrincelfe, 
que  la  publication  du  livre  deRe-^ius 
fous  le  titre  deFondemensde  Phyfique. 
Il  fe  crût  obligé  de  ledefavoiier  publia, 
quement  pour  les  raifons  que  nous  en  ,- 

avons  rapportées.'^  il  infera  fon  defaveu  IX. 
dans  l'édition  françoifè  de  fes  Principes  ^^^^fo» 
qui  parut  peu  de  temps  après.  Deft.avec 

Dans  le  temps  que  Regius  faifoit  f^^    ''^ 
éelat-er  fon  fchifme  contre  M.  Defcar-  u^t 

tes , 


184       Ahregéde  laVie 

^  ^  tes  ,  M.  de  Hooghland  Gentilhomme' 
catholique  ,  célèbre  pac  fa  vertu  6c  par 
Tes  charitez,  Ton  hôte  à  Leyde  &  ion 
correfpondant  ,  donna  au  public  des 
marques  de  fon  étroite  union  avec  lui. 
C'eftce  qu'il  fit  parla  publication  d'un 
livre  qu'il  lui  dédia  concernant  Texi- 
ftence  de  Dieu ,  la  fpiritualité  de  l'A- 
me 5  &  fon  union  avec  le  corps  \  outre 
Topconomie  du  corps  de  l'Animal  ex- 
pliquée méchaniquement. 
L'honnêteté  qu'eut  l'Auteur  de  recon- 
noître  ce  qu'il  de  voit  à  M.Defcarres  lui 
attira  de  la  part  de  celui-ci  un  parallèle 
d'oppofition  avec  Regius  qui  lui  fut  fort 
glorieux.  '  Mon  bon  ami  M.de  Hooghe- 
lande  (dit-il  à  la  Princefie  Elizabeth) 
a  fait  tout  le  contraire  de  Redus ,  en  ce 
que  Regius  n'a  rien  écrit  qui  ne  foit  pris^ 
de  moi ,  &  qui  ne  foit  avec  cela  contre 
moi  :  au  lieu  que  l'autre  n'a  rien  écrit 
qui  foit  proprement  de  moi,  &  toutes- 
fois  il  n'a  rien  qui  ne  foit  pour  moi,  en 
ce  qu  il  a  luivi  les  mêmes  principes. 

Mais  le  Public  n'a  point  crû  devoir 
s'arrêter  à  une  déclaration  qu'on  foup- 
(Çonnoit  n'avoir  été  donnée  que  pour 
paier  plus  genereufcment l'honneur  que 


de  M.DeJcartes.Uv.yU.  185 

cet  ami  lui  avoic  fait  à  la  tête  6c  dans  ^^4^' 
tout  le  corps  de  fon  livre.  On  a  même  "' 
été  tellement  perfuadé  du  contraire  à 
Rome,  que  fur  le  rapport  qu  en  fit  deux 
on  trois  ans  après  le  P.  Magnan  Minime 
à  M.  Carcavi,  quelques-uns  prenoient 
lenom  de  Hooghe lande  pour  un  maf- 
que  fous  lequel  M.  Defcartes  auroic 
voulu  paroitre  deguifé  afin  de  publier 
un  nouvel  ouvrage. 

L'état  des  autres  amis  que  M.  Def-  ^^'ffj^' 
cartes  entrctenoit  en  Hollande  ,  prin-  /es  amis 
cipalement  à  la  Haye ,  fe  trouva  un  peu  ï  ^'^ , , 
dérange  pour  lors  par  la  retraite  de  la  m;-.«>c 
PrincefTe  Elizabeth  fon  illuftre  difci-  'If /'*. 
pie.  Plulieurs  de  ceux  qui  avoieiit  eu  Uï^bak 
des  relations  avec  elle  ,  fe  trouvèrent 
volontairement  écartez.  Il  y  en  eut  peu 
qui  furent  admis  à  la  fuivre  dans  fcs 
voiages.  Quelques-uns  fe  virent  rete- 
nus par  leur  établilTement  &  leurs  em- 
plois auprès  du  Prince  &  de  la  Princelîe 
d'Grange.  M.  de  BecJ^ltn  refta  auprès 
des  Princeffes  fœurs  de  Madame  Eliza- 
beth. M.  de  Pollot  fut  pourvu  d'une 
chaire  de  Fhilofophie  &  de  Mathéma- 
tiques à  Brcda  dans  le  nouveau  collège 
du  Prince  d'Orange  avecle  fieur  Jean-' 


2.S(Î      Ahrege  de  fa  Vie 

lÔ^  Pell  ci-devanc  Profeireiir  à  Amftec^' 
*^  '  dam.  Lefieur  Samfofijonjfon  ç[u  on  ^ic- 
noie  à  Paiis  pour  le  Pieceptcur  de  la 
Prineelïe  Elizabeth ,  ma! s  qui  étok  feu- 
lement Prédicateur  de  la  Reine  de 
Bohême  fa  mère,  fut  aufli  re^ii  dans  le  ' 
m^me  collège  pour  profelTer  la  Théo-'" 
logie.  Tous  ces  nouveaux  Profeireurs 
qui  faifoienr  gloire  de  fuivre  la  doctri- 
ne de  M.  DefcarteSjfendirent  leur  Uni- 
veffité  5  qu'on  qualifioit  du  nom  ^'£- 
coie  illuftre ,  Cariéfienne  dans  fa  naiC 
fènce  5  à  la  faveur  des  Curateurs  qui 
ctoietît  le  grand  Veneur  de  Hollande,' 
M. Rivet  Aumônier  &  Théologien  du' 
Prince  ,&  M.  Hnyghens  fécond  fils  de 
M.  de  Zuytlichem  élevé  dans  les  princi- 
pes de  M.  Defcartes. 
Parmi  ceux  qui  demeurèrent  à  laHaye 
il  ne  s'en  tiouva  point  déplus  confide- 
rables  que  M.de  ^r^j^e^r  gentil- homme 
François,qui  étoit  fon  correrpondant,& 
qui  hit  depuis  Refident  de  France  au- 
près des  Éltats  Généraux  \  &  M.  le 
Btirggrave  de  Dhona  le  jeune,  gouver- 
neur de  la  ville  d'Orange,  qui  ne  lailTà 
pas  de  continuer  dans  les  exercises  de 
la  Philofophie  C-artifiej[?ne  avec  la  Ptîf^-- 
ccflg  abkiite.  Oucrfe-^ 


.  Outre  rant  de  fujets  de  farisfadion,  16^6^ 
M.  Defcaites  reçut  encore  pendant  ton-  •"     7 

,         *,.  »^      ,.  ,  huit  d€ 

te  cette  année  divers  complimens  de  fcs  amu 
la  part  des  Jcfuites  de  France  Ôc  des  Y}!!ius^ 
Pays-Bas.  Lachofe  lui  fut  d'autant  plus  c-'aU- 
agréable  que  ces  Pérès  fembloient  de-  ^'"'^^ 
voir  être  ceux  qui  fe  fentiroient  les 
plus  intereflèz  dans  la  publication  d'une 
nouvelle  philofophie  ;  &:  qui/elon  lui, 
auroient  dû  le  lui  pardonner  le  moins, 
s'ils  y  avoient  trouvé  quelque  chofeà 
redire.  IJ  eut  ménne  le  iplaifir  de  voir 
revenir  de  leurs  préventions  quelques- 
uns  de  ceux  d'Allemagne  &  d'Italie, 
^  particulièrement  le  P.  j^thanafe 
Kirker^  qui  lui  demanda  fon  amitié  par 
la  médiation  du  P.  Merfenne.  Auflî  re- 
connut-il par  la  leéture  dedeux  ouvra- 
ges de  Phyfique,  dont  le  P.  Eftienne 
"Noël  Redeur  du  Collège  de  Clermont 
à  Paris  luifitpréfent  dans  cette  année, 
que  les  Pères  de  la  Compagnie  dejefui 
ne  s'attachent  pas  tant  aux  anciennes 
opinions^  qu'ils  n'en  ofent  propofer  anfft 
de  nouvelles.  Le  P.  Noël  étoit  fi  bien 
defesamis  qu'il  fe  crut  obligé  l'année 
fuivame  de  prendre  fa  défènfe  contre 
Ivl»  Pafcal  le  jeune,avant  que  celui-ci  fe 

£u& 


i88       Airegî  de  la  F/> 

î6j^6,    furt:  entièrement  rangé  du  coté  desCaf- 

r*  '    —  téfiens. 

Ce  fut  vers  le  mên:ie  temps  qu'il  re- 
çût laPhilofophie  diu  Père  F^^W  Jefuite 
qui  profeflbic  les  Mathématiques  à 
Lyon.  Cette  Philofophie  étoit  en  ré- 
putation d'êcre  bonne  quoi  qu*elle  fuft 
contraire  à  la  dodrine  de  M.  Defcartes. 
On  fit  prefque  le  même  jugement  d'un 
autre  ouvrage  de  ce  Père  qui  parut  la- 
même  année  touchant  le  mouvement' 
local.  M.  Defcartes  en  recevant  ces* 
deux  ouvrages,  eut  avis  que  le  même 
Auteur  fongeoit  à  faire  un  cours  de  Phi- 
lofophie pour  loppofer  à  la  fienne.- 
C'eft  ce  qui  lui  fit  prendre  la  refolution 
d'écrire  contre  fes  fentimens ,  au  cas 
qu'il  foft  avoiié  de  fa  Compagnie ,  & 
qu'il  parût  que  les  Jefuites  voululTent 
adopter  fa  dodrine»  Mais  Tcvenemenr 
lui  fit  connoître  que  le  P.  Fabri  n'étoit 
pas  alors  dans  toute  l'approbation  de  fa 
Compagnie. 

Au  mois  de  Septembre  de  la  même 
année  M.  Defcartes  perdit  un  ami  à  la 
mort  du  P.  Niceron  Minime  :  mais  il 
en  acquit  un  autre  en  la  perfonne  de 
M,  le  Comte  Gontcolleur  général  da 

l'ordi. 


deM,DeJcartes.UwyiL  z85> 

rordinaire  des  guerres  ^  qui  1  etoit  déjà  164.6, 

de  Meffîeurs  Chanuc,   Clerfelier  ,  &  - — --^ 

Poilier.  -Il  mérita  Ton  amitié  par  des 

ob  jetions  qu'il  fit  fur  Ton  livre  des 

Principes  ,  aufquelles  TAbbé  Picot   & 

l'Auteur  lui-même   fe  firent  un  plaifir 

de  répondre.  ^ 

A  p  E  I N  E  M. Defcartesavoit-il  fini     j^  \._ 
avec  M.  le  Comte  &  M.  Porlier  fès  pondku 
nouveaux  amis  ,  qu'il  fallut  répondre  ^^"l  ^ 
à  M.  Chanut  fur  l'une  des  plus  impor-  i  m. 
tantes  queftions  de  la  Morale  ;  &r  fe  ^.^Tx 
préparer  à  fatisfaire  les  delîrs  de  la  Rei-  queponr 
ne  de  Suéde,  conformément  à  la  haute  f^f^""^"^* 
opinion  que  ceRéfident  avoitdonnée  de 
lui  à  cette  Princeffc.  La  dernière  lettre 
qu'il  lui  avoit  écrite  de  Stockholm  con- 
cernant les  rares  qualitez  de  Chrijîine  y 
Tentretien  qu'il  avoit  eu  fur  le  même 
fîijec  avec  M.  de  la  Thuillerie  au  re- 
tour de  fon  AmbaiTade  de  Suéde,  &  l'e- 
xemple de  fon  illuftre  difciple  la  Prin- 
cefTe  Elizabeth,  neluipermettoient  pas- 
de  douter  de  la  poffibilité  de  toutes  les- 
merveilles  que  la  renommée  publioic 
de  cette  grande  Reine  qui  n'avoii  en- 
core  alors  que  19  ans. 

Le  gouft  que  M.  Chanut  lui  âvoic 

déj.a 


1 5>  O      Ahrcgê  de  U  Vk        • 

i6j^6,  déjà  infpiré  poni:  fa  philofophie  lui  fit 
"•--■--  demander  fon  fentiment  fur  une  quef- 
tion  de  Morale  qui  s*éroic  agitée  eiuie- 
elle  &  ce  Refident  au  mois  de  Novem- 
bre \6àf.6é  La  queftion  étoic  de  fçavoir^ 
quand  on  ufe  mal  de  l'amour  ou  de  la 
haine,  lequel  de  ces  deuxdéréglemens 
ou  mauvais  ufages  eft  le  pire.  M.Qia- 
nut  priant  M.  Defcartes  de  la  part  de  la= 
Reine  de  lui  envoler  Ton  fentiment  fur 
cette  queflion,  s'étoit  cmuenré  de  lui 
mander  qu'elle  &  luia\^ienr  été  d'opi- 
nion contraire  ,  fans  lui  dire  quelle 
avoit  é[é  celle  de  la  Princelfe  ou  !a 
fîenner 

M.Defcartes  pouf  donner  à  la  Reine 
la  fatisfadbion  qu'elle  demandoit,  fie  fur 
le  champ ,  c'ell  à  dire  au  commence- 
ment de  Tan  ié4'7  ,  une  belle  dilTeita- 
tion  fur  l*  Arnonr  que  nous  avons  au- 
premier  volume  de  les  lettres.  Il  y  exa- 
mina trois  chofes  avec  fa  méthode  or- 
dinaire ;  I  ce  que  c'eft  que  TAmonr  *, 
1  fi  la  feule  lumière  naturelle  nous  en- 
feigne  à  aimer  Dieu  *,  3  lequel  des  dtux 
déréglemens  eft  le  pire  ,  de  l'Araoui' 
ou  de  la  Haine.  La  ledure  de  cette 
pièce  qui  fut  envoiée  en  Suéde  au  mois 

de- 


de  Ad.DeJcanes.Liv. Vil,  191 

deFévrier  fie  juger  à  laReine  que  tout  ce  1^47. 
qufe  M.Chanut  luiavoit  ditdeM.Def-  ' 
Cïlrtes,  étoic  encore  au  delFous  de  la  ve- 
rké.  Elle  en  parut  (1  contente  qu'elle 
•ne  pouvoit  enfuite  fe  lallcr  de  donner 
des  loliinges  à  T Auteur  ,  &  de  s'en- 
quérir des  particularitez  de  fa  perfonne 
éc  de  fa  vie.  A^. Def cartes  (dit- çWek 
M.  Chanut)  aurant  (^ns  je  le  puis  voir 
JJAr  cet  écrit ,  ç^  par  la  peinture  ejne 
vous  m'en  faites^  efi  le  plus  henreuv  de 
tous  les  hommes  j  ^  fa  condition  me 
femhle  digne  d'envi^,  l^ous  me  fcez. 
plai/ïr  de  l'affurer  de  la  grande  eftime 
^ue  je  fais  de  lui. 

Elle  donna  fon  confentement  atout 
ce  que  contenoic  l'écrit,  hors  un  mot, 
qui  faifoit  voir  en  pafTant  que  M.  Def- 
cartes  n*étoit  pas  de  l'opinion  de  ceux 
qui  veulent  que  le  t*J^îa-ide  foit  fini. 
Elle  témoigna  douter  qu'on  pût  admet- 
tre l'hypothéfe  du  Monde  vifini  (ans 
blelTer  la  religion  chrct-enne. M.  Cha- 
nut fut  chargé  de  lui  en  écrire  poui  lui 
den^ander  l'éclaircilTement  de  la  diffi- 
culté ,  à  laquelle  il  répondit  qu'il  ne  te- 
noic  pas  le  monde  in  fi  fit  mais  in  infini  ^ 
c'eft  à  dire  qu'il  n'avoit  pas  de  raifons 

pour 


zcf  t     Ahrp^ê  (IçkU  Vie 

1^47.    pour  prouver  qW.    ^i^rfini.  Il  fatisfîc  en 
,  même  tems M. Chaoui.,qui'av oit  ajouté 

du  fien  une  autre  qUQâ?i3n  touchaos  la 
véritable  régie  que  lîdJ^i^kii^;  5.fai- 
vre  dans  le  partage  dr:^!^^!  tsKlanations 
concernant  Tanair'  :  /  nféchangcdes 
offices  mutuçts:'^*]! ,  .i  .enveillance,  6c 
dans  la  diftindtion  ae  leftime  d*avec 
raffedion. 

Le  plaisir  que  M.  Defcartes 
goûtoit  dans  la  communication  qe'il 
avoir  avec  la  Reine  de  Suéde  ôc  M. 
Chanut  fur  la  Philofophie  morale  fut 
troublé  au  commencement  de  cette  an- 
imée par  quelques  Théologiens  de  Ley- 
-de  qui  tâchèrent  de  lui  faire  des  affaires 
dans  leur  Univerfité.  Revins  Principal 
du  collège  des  Théologiens  fuborné 
(comme on  Ta  crû  )  par  les  artifices fe- 
crets  de  Voetius  qui  ne  foaffroit  qu'a- 
vec peine  que  le  Cartefianifme  qu'd 
avoit  tâché  de  détruire  à  Utrecht  prît 
racine  à  Leyde  ,  s*ctoit  avifé  de  faire 
foûtenir  aux  mois  de  Janvier  Se  de  Fé- 
vrier quatre  théfes  différentes  contre 
M.  Defcartes. 

L'intention  de  Revins étoit  de  per- 
vertir le  fens  des  Méditations  Meta- 

phyriques 


de  A<f.DeJcartes.pw.Vll.ts>$ 

piiyfiques  de  ntirii.'^Philofbphe.    En  1^47* 
quoi  il  fut  fecoftwt  par  le  miniftre  Tr/-    - 
^/^W///fvpreia'    c  Profelleur  en  Théo- 
Jogi^        <»^  ;    ■   iverfité.    Leur  dclTein 
ccoit  c    ':  ,  condamner  parleurs 

clalfes  &c  leu  ''Inires  comme  un 

Blarphemateur  ,         ..^xc  ^  Ôc  un  Pela- 
gien.  M.  Defcarces  aianc  appris  que  ces 
nouveaux  calomniateurs  n'attaquoienc 
aucune  de  fes  vraies   opinions  ,  mais 
feulement  qu'ils  lui  en  atcribuoient  de 
fuilFes  ,  qui  avoient  toujours  été  fore 
éloignées  de  fa  penfée  :  écrivit  aux  Cu- 
rateurs de  leur  Univerfité  pour  en  de, 
mander  juftice.  Les  Curateurs  aiant  ci- 
té le  Redeur   ôc  les  Profelîeurs  pour 
fçavoir  dequoi  il  s'agidoit,  donnèrent 
à  la  hâte  un  décret  le  20  de  Mai  pour 
leur  défendre  de  ftiire  dorefnavant  au* 
cune  mention  de  M.  Defcartes  de  de 
(es  opinions  dans  leurs  leçons.   Apres 
quoi  ils  récrivirent  à  M. Defcartes  pour 
lui  marquer  "  qu'aiant  fatisfait  félon  leur  •* 
pouvoir  à  ce  qu'il  avoir  defiré  d'eux,  " 
ils  efperoient  que  de   fon  côté  il  cor-  " 
refpondroit  auffi  à  leurs  defirs.   Qu^à  « 
cet  eftet  ils  le  prioient  de  s'abftenir  d'à-  <t 
giter  davantage  la  queftion  qu'il  difoit  « 

avoir 


194      Ahregéàela  Vie 
_/^^  avoir  été  attaquée  &  combatuc  par  les 
Profelîeurs  de  leur  Univerfitéjpoiir  pré- 
venir les  inconveniens  qui  en  pour- 
roient  arriver  de  part  <3c  d'autre. 

M.  Defcartes  fut  allez  mal  fatisf.iit 
de  cette  conduite,  6c  il  n  y  trouva  de 
louable  queTbonnêteté  des  termes.  Il 
leur  écrivit  pour  leur  marquer  l'éton- 
nement  oii  il  étoit  de  n*  avoir  pu  com- 
prendre leur  penfée,  ou  de  ne  leur  avoir 
pu  expliquer  la  fienne  à\nyc  manière 
alTez  claire  pour  leur  faire  entendre  ce 
qu'il  defîroit  d'eux.  Ces  Meilleurs  s'é- 
toient  trompez  de  croire  qu'il  s'agît 
d'aucune  queftion  qui  eût  été  attaquée 
par  les  deux  Théologiens  Revins  6^ 
Triglandius.  Il  ne  s'agilTbit  que  de  la  ré- 
paration d'une  calomnie  dont  les  fuites 
étoientàcraindreàcaufedu  rangée  du 
crédit  des  caîomni*iteurs. 

M.  Defcartes  voianc  la  moîlefle  des 
Curateurs  qui  appréhendoient  de  faire 
une  tache  à  l'honneur  de  leur  Univcr- 
fité ,  &  fçachant  d'ailleurs  que  la  cabale 
de  Revins  &  de  Triglandius^qui  avoienc 
déjà  ga;né  la  plupart  des  Minières,  des 
Théologiens,  &  des  Profelîeurs ,  alloit 
le  fiaire  coiidamner  comme   Pelagien 

dians 


de  MiDeJcartes.LWyU.  1^5 

dans  leurs  confitloires  ou  leurs  fynodes ,  i^^y 
prit  le  parti  d'emploier  Tautorité  du  '  ■  — 
Prince  d'Orange  comme  il  avoit  fait 
pour  l'affaire  d'Utrechc. 
tii.ill  écrivit  donc  à  M.Servien  Plénipo- 
tentiaire pour  la  Paix  de  Munftcr ,  qui 
faifoit  la  fondion  d'Ambaflàdeur  à  la 
Haye  pour  un  temps.  L'efFet  de  fa  let- 
tre tut  qu'on -fit  taire  les  Théologiens, 
&  qu'on  ôca  la  connoillance  de  cette 
affaire  a  la  Faculté  de  Théologie.  Mais 
on  prit  garde  de  ne  rien  faire  qui  pût 
chagriner  ou  décourager  les  Miniftres 
&  les  Profclle.urs  dans  leurs  fendions 
ik  dans  le  zèle  qu'ils  cémoignoient  pour 
ie  fervice  de  leur  religion. 

Les  Théologiens  affligez  néanmoins 
de  voir  M.  Defcartes  6c  fes  écries  arra- 
chez de  leurs  mains  ,  déchargèrent  :eur 
mauvaifehume-nr  fur  ceux  de  leurs  col- 
lègues qu'ils  fçavoient  être  ftiftP.teurs 
de  fa  Philofophie.  La  tempête  tom- 
ba par-ticulieiemeht  fur  les  Piofc-iïc'irs 
Heei-^booid  5^  du  Ban  ,  6<:  'ur  le  Muii- 
ftreHeyianus  quMs  accuseLent  de  fa- 
-vorifer  la  Relipon  Catholique  à  caufe 
qu'il  piéchoit  à  la  Cartéficnne.Mais  ils 
ii'ofereiiC  toucheu  ni  à  Colius  ni  aux 
O  deux 


19^         khregédeUVie 

1^47    deux  Schoocen,  pi  au  jeunedo6leur  de 
•" Raeï  qui  piofclloic  la  Médecine  en  par- 
ticulier. 

- .       Ces   nouveaux  troubles  ne  fu- 

XII.    rent  point  capables  de  rompre  le  voiage 
Second  de  France  dont  M.  Defcartes  avoit  for- 

vouge  en        f    \      y    iT  •     A  '     \ 

Iraace.  me  ie  dellein  dcs  leur  Commencement. 
Il  partit  de  la  Haye  le  7  de  Juin  :  &  ar- 
riva à  Paris  dans  la  refolution  de  pafTec 
en  Bretagne  dés  le  commencement  de 
Juillet ,  pour  régler  les  aff-aires  qui  fer- 
voient  de  prétexte  à  Ton  voidge.  Mais 
Tédicion  françoife  AqÇqs  Principes  qui 
s*achevoit  entre  les  mains  de  l'Abbé  Pi- 
cot leur  tradii(fleur  lui  donna  occafion 
de  différer  quelques  jours  ,  tant  pour  y 
faire  une  préface  que  pour  voir  entiè- 
rement débarralfé  de  cette  occupation 
un  homme  qui  devoit  être  de  fa  compa- 
gnie daîis  Ton  voiage.  Il  ne  vid  pendant 
cet  intervalle  que  le  P.  Merfenne  ,  M. 
Mydorge  qu'il  ne  devoit  plus  revoir  de 
fa  vie,  &  M.  Clerrelier,qui  après  une 
longue  maladie  avoir  procuré  -depuis 
quelques  mois  la  publication  des  Mé- 
ditations en  Françoir  de  latradu6tion  de 
M.  le  Duc  de  Luines  &  de  la  fienne. 
Apiés  avoir  réglé  Tes  affiiires  en  Bre- 
tagne 


de  M  DcJcartes.Lïy.Vll  i^y 

t.igne  Se  en  Poitou,  il  revint  par  laToiu  "^"^ 
raine  où  M.  de  Cienan  Gentilhomme  de 
fes  aii:iis  le  retint  pendant  queltjue 
temps.  A  Ton  retour  il  trouva  bien  du 
defordre  dans  les  amitiez  ,  le  Père 
Merfenne  malade  ,  6^  Monlîeur  My- 
dorge  moit  depuis  huit  ou  quinze 
jours. 

Mais  il  avoitd*autresamis  à  la  Cour  duKn.^' 
qui  fongeoient  à  lui, (ans  qu'il  s'avisât  de 
fonger  à  eux  ,  &  qui  travaillèrent  au^ 
prés  du  Cardinal  Miniftre  ,  pour  lui  ob- 
tenir une  penfion  duRoy.  Elle  lui  fut 
accordée  en  confideration  de  fes  grands 
mer i' es  ^ç^  de  l' milité  ]he  f'  phiîoCo^ 
phie  c^  les  re.  herches  de  fes  longues  értt' 
des  frocitroient  au  genre  humain  :  corn- 
me  aiiffi  pour  l* aider  k  continuer  fes  bel- 
les expériences  (jnt  requéraient  de  la  dé' 
penfe ,  &c.  Il  fut  furpris  de  voir  l'expé- 
dition des  lettres  patentes  portant  le 
don  d'une  penfion  de  3000  îiv.  fcellées 
le  (j  de  Septen^bre  avant  que  d'avoir 
oiii  parler  des  démarches  que  fes  amis 
avoient  faites  pour  ccîa  :  3c  il  trouva 
dans  le  Maiéchal  de  la  Meilleraye  qui 
^ouvernoit  alots  les  Finances  ,  &  qui 
rlionoroii  de  fon  amitié  en  particulier 

O  ij        uue 


15»  8        Alre^é  de  la  Vie 
ï^4~    une  nerfonne  exade  &  affedionnce  à 
'  la  Ini  faire  paier. 

Dés  le  lendemain  il  foiigeoic  à  fou 
retoiii:  en  Hollande  lois  qu'il  fut  ren- 
contré aux  Minimes  de  la  place  Roya- 
s^itretie»  ]^  par  M.Pafcalle  jeune  qui  therchoic 
Valaf^'  ^^-  ^^  ^'^^^  depuis  qu'il  avoit  fçeu  qu'il 
étoit  en  France.  M.  Defcaitcs  eut  du 
plnifir  à  l'entendre  fur  les  expériences 
du  Vuidc  qu'il  avoit  faites  à  Rouen  au- 
près de  Ton  Père  depuis  plus  de  quinze 
mois.  Il  trouva  que  toutes  ces  expérien- 
ces étoient  alTez  conformes  aux  princi- 
pes de  faphilofophie,  quoique  M.  Paf- 
çal  y  fût  encore  alors  oppofé  par  ren- 
gagement &  l'uniformité  d'opinions  ou 
il  étoit  avec  M.deRoberval  &"  les  au- 
tres qui  foûtcnoient  leyuide.  Mais  pour 
k  recompenfer  de  fa  convetfation  ,  il 
lui  donna  avis  de  faire  d*ai]tres  expé- 
riences fur  la  madè  de  l'air  ,  à  la  pefan- 
teur  duquel  il  rapportoit  ce  que  les  Phi- 
lofophes  du  commun  avoient  attribué 
vainement  à  l'horreur  du  vuide.  Il  l'af- 
fura  du  fuccés  de  ces  experienc\"s ,  quoi- 
qu'il ne  les  eût  point  faites ,  parce  quil 
pn  paîloit  conformémer>t  à  fes  princi- 
jpes,  M.  Pafcal  qui  iiéioit  pas  encore 

peifuadé 


perfucKié  de  lafolidité  de  ces  principe? ,  ^^  '^'^ 
Se  qui  lui  promit  dc-flors  quelques  ob- 
jections contre  fa  matière  fubtile ,  n'au- 
roit  peut  être  pas  eu  grand  é^ard  à  Ton 
avis ,  s'il  n'eût  été  averti  vers  le  même 
temps  d'une  penfée  toute  femb'able 
qu'avoiteuè  Torricelli  Mathématicien 
de  Florence.  Les  expériences  qu'il  fie 
fur  ces  avis ,  de  qu'il  fie  faire  fur  le  Puy 
de  Domme  par  fon  beau  frère  M.Perriec 
en  1648,  fe  trouvèrent  fort  heureufes, 
mais  il  fembîe  qu'il  aiiiia  mieux  en  fça- 
voir  gré  à  Torricelli  qu'a  Monfieur  Def- 
cartes. 

Celui-ci    partit   incontinent   après  ^'^o-f/» 
avoir  rcç.i  les  Lettres  patentes  de  (a 
penfion.  Il  arriva  en  Holbnde  fur  la  fii 
de  Septembre  avec  l'Abbè  Picot  qui  lui 
tint  compagnie  dans  fon  aimable  folitu- 
de  d'Egmond  jufqu'au  milieu  du  mois 
de  Janvier  de  Tannée  fuivante.  Ils  paf- 
férent  les  trois  derniers  mois  de  Pannée 
à  jolîir  l'un  de  l'autre  ,  &  à  cultiver  (a 
Philofophie  dans  une  tranquillité  pro- 
fonde ,  s'occupant  principalement  aux 
diverfes   expériences  du   vuide  qu'ils: 
trojvoientde  plus  en  p'us  conformes  à 
Tes  principes  ,  (^profitant  de  la  dou^. 
O  iij         ceuc 


300        khregê  de  la  Vie 

1647    ceur  de  Thivet  qui  fut  extraordinaire 


cecte  année. 


fon}7»n       Ces  occupations  furent  interrompues 
ra:ntd:.    par  une  lettre  duo  de  Novembre  que 
£itar&"  M.  Defcartes  reçût  de  M.Chanut,qui  le 
fin  Tra..  prioit  de  la  part  de  la  Reine  de  Suéde 
Taffîoyts    ^^  îui  expliquer  Ton  fentiment  touchant 
te^d^^^'  ^^/^^^^^^^^'^  Bier?,  Il  s'en  acquitta  com- 
Sucde,      iî  put  fans  raifonner  furies  lumières  de 
la  Foy,  parce  que  la  Reine  avoit  mar- 
qué qu'elle  ne  confideroit  le  fouverain 
Bien  qu'au  fens  des  Thilofophes  anciens. 
Il  accompagna  fon  écrit  des  letrres  qu*il 
avoit addredées  autrefois  o.h  PrincelTe 
Eiizabeth  fur  le  même  fujet  avec  fon 
traité  manufcrit  des  Paiïions.  La  Rei- 
ne en  fut  fi  contente  qu'elle  voulut  lui 
écrire  de  fa  main  pour  l'en  remercier  , 
&  quelle  fongea  deflois  à  l'attirer  au- 
*    '"    '  prés  d'elle. 

XllI.       Sur  la  fin  de  l'année  Ton  vid  paroi- 
'^J^Zfj  treen  Hollande  deux  écrits  latins ,  auf- 
i&deEe-  quels  il  fembloit  que  M.  Defcartes  ne 
r^j.e^c.  devoir  point  fe  montrer  indiffèrent.  11 
crud  néanmoins  devoir  méprifer  le  pre- 
mier qui  étoit  direftement  contre  lui 
intitulé  ,  Confiderationfur  la  Méthode 
de  U  Philofbphie  Carttfienne  ,  parce 

qu'il 


de  M.Defcartes.LW.  VIL  501 

qu'il    avoit  (on  ennemi  Revins  pour 
auteur ,  &  qu'il  étoit  rempli  de  cavil- 
■  latio?7s  immles ,  6c  de  calomnies  grof- 
iiéres. 

L'autre  le  toucha   davantage  quoi- 
qu'il ne  s'adrefsât  à  lui  qu'indiitcfle- 
menr.  Il  avoir  pour  auteur  Ton  ancien 
difcJpleRégius,  &pour  titre  £xp!ica- 
4ion  de  V Efvnt  hii?nai?j  »  ou  de  l'y^me 
rAÎfonnnble.  xM.  Defcartes  y  remarqua 
plufieurs  opinions  qu'il  jugcoic  f  ulles 
&  pernicieufes.  Et  parce   qu'on  ccoic 
encore    alTcz  communcment  perfuadé 
que  Regius  écoit  toujours  dans  les  fen- 
timens  qu'il  lui  avoir  infpirez  autrefois , 
il  fe  crud  obligé  de  découvrir  les  erreurs 
de  cet  Ecrit  ,  de  peur  qu'elles  ne  lui 
fullènt  imputées  par  ceux  qui  n'aianc 
pas  lu  Tes  ouvrages ,  &  fur  tout  fcs  Mé- 
ditations tomberoient  par  hazard  (ur  la 
ledure  de  cet  Ecrit.  La  réfutation  qu'il 
en  fit  en  latin  fons  le  titre  de  Remarcjuet 
fur  un  certain  pUcart ,  &:c.  fut  impri. 
mce  fans  fa  participation.  Regius  y  ré- 
pondit, fans  que  M  Defcartes  fe  fou- 
ciât  de  fa  réponfe  ,  qni  fut  refutée  après 
fa  mort  parTobie  d'André. 

Il  ne  fit  pas  plus  de  cas  de  deux  au- 
O  iiij        très 


30x       Ahregê  de  la  Vie 

1(^48    ^^^^  libelles  qui  parurent  contre  lui  dans 

— le  même  temps:  &  fon  mépris  fut  fuivi 

de  celui  du  Public  qui  leslailTa  périr. 
Troifié.      A  peine  l'hiver  étoit-il  palTé  qu  il  rcw 
mzoiagc  eut  une  efpéce  d'ordre  de  la  Coiir,  ÔC 
feu  heu.  ^^^^^  «^  la  part  du  Roy  de  revenir  en 
renx»       France  fous  des  oflPires  avantageufes.  El- 
les confiftoient  dans  l'agrément  d'une 
nouvelle  penfion  &  d'un  emploi  confi- 
derable  ,  qui  devoit  lui  procurer  plus 
d'honneur  que  d'occupation  ,  afin  de 
lui  lailFer  le  loifir  de  continuer  Tes  étu- 
des. Ilavoitune  répugnance  extraordi- 
naire pour  ce  voiagedonc  le  fucccs  lui 
paroilloic  lufpeâ:  par  le  preffèntiment 
qu'il,  avoit  des  affaires  du  Roiaume. 
Mais  aiant  reçij  dez  la  fin  de  Mars  le 
brevet  de  fa  nouvelle  penfion  qu'un  of- 
ficier de  la  Cour  qui  étoit  de  fes  amis 
lui  avoit  envoie  par  M.  de  Martigny  j  il 
ne  fut  plus  en  état  de  reculer. 

Il  partit  donc  au  mois  de  Mai  :  mais 
à  peine  fut-il  arrivé  à  Paris  que  l'état 
.des  afïàires  publiques  lui  fit  ouvrir  les 
yeux  fur  l'incertitude  des  chofes  hu- 
maines ,  &  fur  la  facihté  qu'il  avoit  eue 
à  fe  laiffer  vaincre.  Les  troubles  inopi- 
praem  furvenus ,  firent  qu'au  lieu  des 

effets 


de  MXiefcartes.Liv,  VII  503 

efïèts  qu'on  lui  avoir  promis  ,  il  trouva    i^^S 

qu'on  avoir  fair  paicr  par  un  de  Tes  pio-    ■ • 

ches  les  letcres  qu'on  lui  avoir  envoiées, 
&  qu'il  lui  en  devoir  Targenr.  De  forre 
qu'il  fembloir  n'cci-e  venu  à  Paris  que 
pour  acheter  un  parchemin  le  plus  cher 
1^  le  plus  inutile  qu'il  eût  jamais  eu 
entre  les  mains.  Ce  qui  le  dcci;oura  le 
plus  5  c'ell:  qu'aucun  de  ceux  qui  Ta- 
voient  fait  venir  à  la  Cour  ne  témoi^ina 
vouloir  connoître  autre  choie  de  lui 
que  Ton  vifage,  comme  s'il  eût  cré  quel- 
que Eléphant  ou  quelque  Panthère. 

Une  aventure  Ç\  inefperée  lui  apprit  à 
ne  plus  entreprendre  de  voiages  fur  des 
promelTes,  fuirent- elles  écrites  en  par- 
chemin :  6c  il  feroit  parti  fur  le   champ 
fans  dire  mot  pour  retourner  en  Hol- 
lande ,  &:  pour  ne  pas  augmenter  par  (a 
préfence  la  confufion  de  ceux  qui  l'a- 
voient  fait  venir.  Mais  fes  amis  après 
lui  avoir  lailTé  faire  fes  adieux  à  la  Cour 
le  retinrent    à  Pans   pendant   prés  do 
trois  mois ,  &  ils  n'oublièrent  rien  ponc     * 
lui  rendre  ce  temps  fort  court  ^  fort 

agréable.  Sarecon- 

"  Ce  fut  pendant  cet  intervalle  que  '^';^7gÏ/- 
Monfieut  l'Abbé  d'Etrées  depuis  Evc>  fc^^u 

O  V         que 


XIV. 


504       Ahregé^de  la  Vie 

que  Bue  de  Laon  ,  ôc  maintenant  Car- 
dinaljVoulut  faire  fa  réconciliation  avec 
M.  Gaflèndi.  Ce  qui  fe  paffa  en  préfen- 
ce  de.plufieurs  perfonnes  de  mérite  & 
de    confideraiion  au  grand  contente- 
ment des  deux  Philofophes,  fie  de  tousv 
leurs  an^iis  communs. 
chica-àes       Ce  FUT  le  jout  de  Cette  fameufe  lé- 
^«  Ko.    conciliation  que  M, de  Roberval  entre- 
prit pour  la  première  fois  de  démontrer 
rimpoiïibilité  du  mouvement  fans  ad- 
mettre le  vuide.  M.  Defcartes  à  qui- 
s'addrefloiemperfonnellement  les  pré- 
tentions de  ce  Mathématicien  ,  ne  fit: 
point  de  difficulté  de  répondre  d'abord 
à  toutes  fes  objedions.  Mais  il  le  fit. 
avec  tous  les  égards  qui  étoient  dus  à  la 
préfence  de  M.  TAbbé  d'Etrées  &  de  fa 
compagnie  5  fans  changer  la  face  d'une 
converfation  honnête  ôc  paifible. 

L'humeur  de  M.  de  Roberval  ,  qui 
avoir  par  tout  befoin  de  l'indulgence  de 
ceux  à  qui  il  avoit  affaire  ,  ne  s'accom- 
modoit  pas  afifez  du  flegme  qui  accom- 
pagnoit  ordinairement  les  difcours  dê^' 
M.  Defcaiies.  Auffinefucil  pas  long- 
temsTans  s'échaufïer  :  6c  il  lui  fit  fentir 
en  toutes  rencontres  pendant  le  refte  de 

fon 


1648 


Ton  fejour  à  Paris  les  effets  de  ce  feu 
que  nulle  confidciation  ne  fut  capable 
d'éteindre  ou  de  rallentir. 

Les  perfecutions  de  cet  honnme  qui  ^^/°'!:'i' 
aftecloit  de  ne  s  abienter  d  aucune  af  tniioi^ 
fembiée  où  Jfçavoit  qu'il  devoir  fetrou-  ^^''^'^ 
vetyôc  de  le  chicaner  fur  fa  taciturnité 
ne  contribuèrent  guéres  moins  que  les 
troubles  publics  à  le  dégoûter  de  la 
ville.  Il  prit  occafion  des  barricades 
pour  en  fortir  dés  le  lendemain  à  travers 
de  toute  la  confafion.  Il  arriva  en  Hol- 
lande dés  le  4  jour  de  Septembre  :  & 
après  quelque  fejour  qu'il  fit  à  Leyde 
chez  M.  de  Hooghelande  &  à  Amfter- 
dam  ,  il  alla  fe  renfermer  le  9  du  même 
mois  dans  fonEgmondjComme  dans  un 
port  alfuré  contre  les  tempêtes  dont  il 
avoit  déjà  vu  les  préludes  dans  fr>n 
voiage.  XV. 

A  PEINE  goûtoit  -  il  les  premiers  ^^'y^"* 
fruits  defon  repos  qu'il  reçût  les  nou-  /;»»<, 
velles  de  la  mort  du  P.  Merfenne  qu'il 
avoit  laide  fort  malade  à  fon  départ  de 
Paris.  C'étoi:  Tancien  de  fes  amis  &  de 
fes  fedateurs  ,  &  il  lui  étoit  toujours 
demeuré  attaché  avec  une  confiance 
&  une  fidélité  mife  à  toute  épreuve. 
O  vj       Rien 


3  o  6       Ahregé  de  la  Vie 

2^^    Rien  ne  put  lui  être  plus  fenfible  que  la 
^  perte  d'un  tel  ami  :  mais  pour  montrer 

que  l'afflidionnelui  avoitpas  ôté  le  ju- 
gement ,  il  pria  quelques  mois  après       1 
TAbbé  Picot  de  fçavoir  ce  qu'étoient^ 
devenues  toutes  les  lettres  qu'il  avoic  -      ! 
écrites  à  ce  Père  depuis  prés  de  ic>  ans ,        < 
parce  qu'il  êtoit  alTuré  qu'elles  avoient 
été  toutes  fort  foigneufement  confer- 
vées.  Il  lui  donna  en  même  temps  cpm-' 
mifîîon  de  les  retirer  d'entre  les  mains 
des  Minimes  pour  des  raifons  très- im- 
portantes.   Mais  fa  prévoiance  pour 
avoir  été  un  peu  trop  tardive  devint: 
inutile  par  la  négligence  de  ces  Reli- 
gieux qui  en  avoienc  lailTé  périr  un. 
grand  nombre  ,.  &c  par  la  diligence  ar- 
tificieufe  de  M.  de  Roberval  qui  s'é- 
loitdeja  rendu  le  Maître  d'une  partie 
de  ces  lettres, 
ta  'Reine      Cependant  la  Reine  de  Suéde  debar- 
è^f-»f'  raifée  des  négociations  de  laTaix  de» 
cam^     l'Europe  conclue  à  Munfler  le  24  d  Oc- 
fiime.     iQ^y^Q  fe  n^i,.  ^  l'étude  du  petit  traité  des , 
Paflions  de  M.  Defcaites   :  &  les  im- 
prefîions  qu'elle  en  reçût  la  firent  re- 
fbudre  de  paiTer  à  celle  de  toute  fa  Phi- 
lofophie.  Elle  ordonna  eu  mçjixie  lemps 

à- 


de  M  .De/cartes.  Li  v.  VIT.  307 

hrFreirJihemtHsCon  Bibliothécaire  d'é-  '^ 
tudier  Ces  Principes  afin  de  lui  préparer 
les  voies  pour  l  intelligence  de  cette 
Phiiofophie  :  &  le  Refident  de  France 
M.  Chanut  eut  commilïion  de  l'alTifter 
dans  ce  travail. 

M.  Defcartes  êtoit  alors  occupé  à  fa-  f.^J°l^^ 
tîsfaire  les  premières  ardeurs  d'un  nou-  fien  r«'> 
veau  difciple  que  fa  Philofophie  lui  ;f  7/''*' 
avoir  fliit  en  Angleterre.  C'ctoit  Henry  rocfc 
tJ^oriis  dont  la  pafîion  de  le  culte  pour 
nôtre  Philofophe  alloitprefque  jufqu'à 
Tidolatrie.  M.  Deicartes  fans  faire  at* 
tention  à  Cqs  éloges  ne  s'appliquoit  qu'à" 
Tinftruire  &c  à  lui  lever  fes  difticultez  à 
mefure  qu'il  les  lui  faifoit  connoître.  Ce 
commerce  dura  jufqu'à  la  mort  de  M. 
Defcartes ,  après  laquelle  cette  ardeur 
de  Morus  pour  leCartefianifîne  parut  fe' 
rallentir  par  la  diverllon  que  d'autres 
occupations  y  apportèrent  :  jufqu'à  ce 
qu'une  (impie  lettre  de  M.  Clerfelier  le 
fit  revivre  en  16^5  ,  &  lui  fit  donner  de 
ncHivclles  preuves  de  fon  attachement 
pour  fa  dodViine.  Q^i  croiroit  que  ce' 
Morus  fept  ou  huit  ans  après  s'avifa  d'at- 
taquer les  Méditations  de  M. Defcartes 
pour  tacher  de  les  détruire  j  &  de  de- 

clamei: 


30^       Ahtegê  àe  la  Vie 

clamer  contre  fa  Phyfique  dans  le  def- 
fein  de  la  faire  palTer  pour  libertine  > 
L'anne'e  1649  fournit  à  la  Prin- 
Attaà^es  celIeElizabe  h  divers  fujets  confidera. 
Vefc.i:o:.r  bles  de  mettre  fa  philofophie  morale  en 
u(?e'mi-  o^'Jvre  j  &:  à  M  .Defcarte^  Ton  cher  mai-' 
\Abet!).     tre  de  la  confolcr  fur  les  accidens  de 
cette  vie  ,  ^  fur  la  l  izarrerie  des  ca-' 
taftrophcs  de  ce  monde.  Ces  fujets  fu- 
rent la  maladie  de  la  Princelfe  ;  le  parri- 
cide commis  par  les  Anglois  en  la  per- 
fonne  de  leur  Roy  qui  étoit  Ton  oncle 
maternel    ;  ia  fierté  ou  l'indifférence, 
qu'elle  cruJ  que  la  Reine  de  Suéde' 
avoit  pour  elle  j  le  peu  de  fatisfcidion 
que  l  Eleéteur  Palatin  Ton  frère  avoic: 
reçLi  à  la  paix  de  Munfter. 

La  Princefïè  qui  étoit  alors  à  la  cour 
de  Berlin  Pavoit  fouvent  entretenu  de^' 
la  fatisfadion  qu'elle  auroit  de  le  pof--; 
feder  au  Palatinat  où  elle  faifoit  fon  ^ 
compte  de  fe  retirer  après  le  rétablifTe- 
ment  de  fon  frère  ;  &  il  l*avoit  alTurée 
de  fon  côté  du  plaifir  qu'il  auroit  d'al- 
ler vivre  auprès  d'elle  dans  un  pays  qu'il 
avoic  connu  dés  l'an  1619,  &  qu'il  efli- 
moit  Pun  des  plus  beaux  &  des  plus 
commodes  de  PEurope,  Il  n'avoir  plus 

alors 


deM.Defcartes.Liv.yU.josji 

alors  aucune  attache  à  la  demeure  de    j^^p 
quelque  lieu  que  ce  fût.  Quoiqu'il  pa-  - 
rut  ccre  dans  le  fein  du  repos  au  fonds  S"  wcer- 
de  la  Nord-Hollande   ,  &  qu'il  rêvât  ]'],'rUUeti 
dans  fa  folitude  d'Esmond  auffi  paifi-  defade- 

11  o  1       j  meure* 

blement   &  avec    autant  de  douceur 
qu'il  eût  jam^iis  fait,  il  fbuhaitoit  avec  „ 
ardeur  que  les  orages  de  la  Fiance  s'ap-  ^^ 
paifallènt  ^romtement  pour  pouvoir  s'y  ^^ 
établir.  Mais  la  continuation  des  trou- 
bles de  fa  patrie  ,  jointe  à  Tapprehen- 
fion  de  fe  mettre  jamais  en  voiage ,  fem- 
bloit  le  faire  re foudre  à  palTer  le  refte 
de  fa  vie  en  Hollande,  c'ell-à- dire  dans 
un  lieu  qui  n'avoir  plus  les  mêmes  char- 
mes qu'autrefois  pour  le  retenir,  &  qui 
ne  lui  paroilïoit  commode  que  parce 
qu'il  n'en  connoiiîbit  point  d'autre  oii 
il  pût  eftre  mieux. 

Lors  qu'il  raifonnoit  de  la  forte  ,  il  }\^f/' 
ignoroit  encore  le  fort  que  la  Providen-  veut^at» 
ce  lui  deflinoif.  Mais  peu  de  jours  après  f^'lj^^i^ 
elle  lui  fit  conjedorer  qu'elle  difpofoic 
de  lui  autrement  qu'il  ne  fe  l'éroit  pro- 
pofé.  Dés  le  mois  de  Mars  il  reçût  des 
lettres  de  M.  Chanut ,  par  lefquelles  on 
lui  marquoit  le  defir  que  la  Reine  de 
Suéde  avoit  de  le  voir  à  Stockholm,  & 

d'apprcn-: 


31  o       AUegè  de  la  Vie 

î^49    d  aprendre  faphilofophiede  fa  bouche. 

*  '  —  Comme  il  fongeoic  aux  termes  de  s'ex- 
cufer  fur  ce  voiage  ,  il  reçût  de  fécondes 
puis  de  troifiémes  lettres  extrêmement 
prelfantes  de  la  part  de  la  Reine.  De 
forte  que  malgré  toutes  fes  appréhen- 
dons éc  les  difficultez  qu'il  trouvoic 
dans  un  voiage  qu'il  eftimoit  dangereux 
à  fa  (anté  ,  il  nx-inda  à  M.  Ch:inut  la  àiC- 
poiîtion  où  il  étoic  d'obéir  à  la  Reine 
vers  le  milieu  de  l'été  ,  pourvu  qu'elle 
lui  permit  de  revenir  à  Egmond  trois 
mois  après  ,  ou  vers  la  fin  de  l'hiver 
fuivant  au  plus- tard. 

La  Reine  préfuniantde  fa  bonne  vo- 
lonté ,  avant  même  que  M.  Chanut  eût 
reçu  fa  dernière  réponfe  donna  ordre  à 
TArniralFlemming  de  l'aller  prendre  à 
Amfterdam  ,  &  de  l'amener  avant  la  fin- 
du  mois  d'Avril.  L'Amiral  alla  jufqu'à 
Egmond  j  mais  fous  le  nom  d'un  fimple 
officier  de  la  fiote  Suédoife  pour  lui  of- 
frir fes  ferv-ices ,  &  lui  montra  les  ordres 
de  la  R eine  ,  ajoutant  qu'il  prendroit  fa 
commodité,  &c  qu'il  feroit  attendre  le 
vailfeau  autant  qu'il  le  jugeroit  à 
propos. 
M.Defcwirtes  fut  farpris  de  cette  vifite. 


&  s'excnQ  le  plus  civilement  qu'il  lui  '1^49 
fut  pofTible  fur  ce  qu'aiant  récrit  au  Re-  -*-^ 
fident  de  France  ,  il  en  actendoit  une  ré- 
ponfe  qui  lui  expliqueroit  prtcifement 
les  dernières  volontez  de  la  Reine,  &c 
détermineroic  fes  refolutions  fur  fon 
voiaG;e.  L'officier  étant  retourné  à 
Amderdam  ians  s'être  fait  connoître, 
M.  Defcartes  receut  de  MXhanutdes 
lettres  qui  avoient  été  égarées  pendant 
prés  de  quinze  jours  ,  &c  qui  lui  mar- 
quoient  que  la  Reine  avoit  donné  tous 
les  ordres  necelTaiies  à  M.  l'Amiral 
f  lemming  pour  îe  tranf  errer  en  Suéde. 
Il  reconnut  à  cette  leélure  la  bevûe 
que  le  retardement  de  ces  lettres  lui 
avoir  fait  faire,  prenant  pour  un  fimple 
officier  l'un  des  Amiraux  du  Roiaume , 
qui  lui  avoit  fait  l'honneur  de  le  vifiter  ^ 
Se  de  lui  apporter  lui  même  les  ordres 
de  la  Reine. Craignant  que  le  refus  qu'il 
avoit  fait  de  fes  fervices  ne  fuft  inter- 
prété au  préjudice  de  fes  bonnes  inten- 
tions 5  il  fit  incellamment  préparer  fon 
petit  équipage  pour  ne  plus  fe  trouver 
lurpriSjlors  qu'il  recevroit  ordre  de  par- 
tir, au  cas  qu'il  ne  pût  obtenir  les  trois 
mois  de  délai  qu'il  avoit  demandez. 

Pea 


3IZ       j4hrege  de  la  Vie 

J64.9.        P^^  ^^   jo^^fs  après    M.    Chanut 
-  partit  d'auprès   de  la  Reine  de  Suéde 

pour  venir  rendre  compte  de  fa  redden- 
ce  à  la  Cour  de  France.  Il  arriva  an 
mois  d'Avril  en  Hollande  oiï  il  Fut  pré- 
venu du  brevet  du  Roy  qui  le  faifoit  fon 
Amballadeur ordinaire  auprès  delà  mê- 
me Reine.  Il  alla  chercher  fon  ami  dans 
fonhermitage  d'Egmond  ,&  acheva  de 
lever  le  refte  des  diiîicultez  qu'il  trou- 
voit  à  fon  voiage.  Il  le  quitta  pour  Paris 
dansla  refolutionde  le  reprendre  à  fon 
retour  :  &  de  le  mener  lui  -  même  à  la 
Reine  de  Suéde  ,  au  cas  qu'il  ne  put  ob- 
tenir du  Roi  fon  maître  la  diipenfe  de  fa 
nouvelle  dignité  ,  «5^  la  permifTion  de 

•- faire  revenir  fa  famille  en  France. 

XVII.       Vers  le  mois  de  Mai  Ton  vid  pa* 
Utb^e  ^^^^^^  pour  la  première  fois  la  Géome- 
fz  Géo.  trie  de  M.  Defcartes  en  latin  de  la  tra- 
meiae.     ^^^j^j^  jg  Schootcn  ancien  ProfelFeur 
de  rUniverfitédeLeyde  en  Mathéma- 
tiques, il  y  joignit  des  commentaires 
de  fa  façoUjavec  les  excellentes  notes  de 
M.  de  Beaune  dont  nous  avons  déjà 
parlé  5  6c  qui  mourut  quelques  mois 
après  cette  édition. 

Schooten  à  l'exemple  de  tous  les  au. 

très 


de  M.DeJcartesXW.VU.  513 

très  Tradudcurs  de  M.  Defcartes ,  l'a.   ^^"^^ 
Voit  prié  de  revoir  fa  verfion  ,  de  de  la 
rendre  parfaitement   conforme    à  fes 

f)enrées  originales ,  comme  il  avoit  fait 
es  autres.  Mais  il  aima  mieux  la  lailler 
pafTer  que  de  la  corriger  à  demi  :  Se  pour 
montrer  qu'il  ne  prenoit  aucune  parc  à 
cet  ouvrage,  il  voulut  l'appelle:  la  Géo- 
métrie ae  M,  Schooten  ,  fans  même  s'en 
attribuer  le  fonds.  Cette  indifférence 
ne  fut  point  approuvée  de  cei  x  qui  au- 
roient  fouhaité  qu'elle  eût  l'avantage 
des  autres  traduftions  :  &  M.  Caicavi 
s'en  pLtignit  à  lui  comme  au  nom  de 
quelques  fçavans  de  Paris. 

Cet  homme  faifoit  en  cette  rencontre  jvf.  Car. 
la  fondion  du  feu  P.  Merfenne  ,  à  la  catà  cor- 
place  duquel  il  s'étoit  fait  fubroger  par  dÂT'de 
M.  Defcartes  pour  la  correfpondance  Ai.i>c/c« 
qui  concernoic  les  nouvelles  de  litera- 
ture  &  de  fcience  ,  &  les  livres  nou- 
veaux. Il  commença  par  lui  mander  le     ^ 
fuccés  de  l'expérience  fur  la  pefanteur 
de  l'air  faite  au  Puy  de  Domme  prés  de 
Clermont  en  Auvergne  par  M.Perrier 
&  M.  Pafcal.  Il  lui  envoia  en  même 
temps  deux  petits  livres  venus  de  Ro- 
me touchant  la  Phyfique  fuivani  les 

nouvaux 


^-^      314       ^hyegê  de  la  Vie 
-  nouveaux  fentimens.    Dans  Tun   des' 

deuxil  éroit  parlé  des  principes- de  NL 
Defcartes  avec  eftime  :  mais  on  jugea  à  .; 
Paris  que  l'auteur  ne  les  avoit  pas  bien 
entendus.  Il  lui  manda  au(îi  par  la  même-- 
voie ,  qu'il  y  avoic  à  Rome  un  Minime 
François  nommé  le  V,  Magnan  plus  in- 
telligent &:  plus  profond  que  le  P.  Mer- 
fenne  ,  qui  lui  faifoit  efperer  quelques^ 
objedions  contre  Tes  Principes. 
Se  U'^e       M.Carcavi  qui  étoit  étroitement  uni? 
t^r^lr    ^^^^  ^'  ^^  Roberval  ne  manqua  pas  de 
M.  de      lui  envoierauOi  diverfes  objedions  de 
mervd.  ^.g  Géomètre,  Ô:  de  tâcher  même  de  le 
bien  remettre  dans  fonefpritjoù  il  pré- 
tendoit  qu'il  n'étoit  mal  que  par  l'indif- 
cretion  du  P.  Merfenne.  M.  Defcartes^ 
fecrut  obligé  de  juftifier  la  mémoire  de- 
ce  Père  :  mais  il  ne  lai  (fa  pas  de  fcavoic 
gré  à  M.Carcavi  de  l'amour  qu'il  té- 
moignoit  pour  la  paix  &  l'union  des  ed' 
prits  5  &  il  voulut  bien  en  fa  confidera- 
tion  répondre  aux  obje(ftions  de  M.  de 
Roberval ,  comme  fi  elles  lui  eujjent  été 
propofées  avec  fîncerité par  une  per[onn& 
bien  intentionnée, 

M.  de  Roberval  dont  le  plaifîr  étoic 
de  toujours  objederSc  non  de  recevoir. 

de 


de M,Defcartes.Livyil.  515 

xîes  fokuions  ,di(Timulanc  les  réponfes  ^^^9 
que  M.  Defcaites  avoir  connées  à  fes 
difHcukez  ,  voulut  fe  fervir  du  nom  de 
M.  Carcavi  pour  les  lui  obje6ler  de 
nouveau.  Cette  fidion  ne  plut  point  à  • 
M.  Defcartes ,  qui  n'eut  aucune  peine 
à  reconîX)itie  l'efprit  de  M.  de  Rober- 
valious  la  main  de  M. Carcavi.  C  ed- 
pourquoi  au  lieu  de  récrire  à  ccbîi-ci, 
il  sadcireHa  à  M.  Clerfeiier  étant  déjà 
en  Suéde,  &  le  pria  de  marquera  M. 
Carcavi  qu'il  étoit  Ton  très  -  humble 
fervitcur  ,  de  qu'il  ne  manqueioit  pas 
de  lui  faire  réponfe  lois  qu'il  lui  ccri- 
roicfes  propres  penfées. 

La  Saison  de  l'-ciè   s'avancoit , 
êc  M.Defcarîesattendoit  le  retour  de  " 

M,  Chanuc  AmbalVadeur  de  France  en    , 
Suecie  pour  taire  le  voia:e  en  la  corn-  /Wo  fur 
pagnie.  Mais  aianc  appris  d'une  P^î^t ^^''^/j^'^-l 
qu'il  ne^wuvoit  partir  de  laris  avant  le^te. 
mois  de  Novemabre ,  (Se  de  l'autre  que  la 
Reine  de  Suéde  l  attendoic  incelTam- 
ment ,  il  voulut  prévenir  l^-s  premières 
rigueurs  de  l'hiver.  Il  fut  (eulement  en 
peine  de  fç.ivoir  auparavant  ii  les  en- 
vieux que  la  Philofophie  lui  a^oit  pro- 
çutez  n  auroient  point  pris  le  devant  à 

la 


^i6  y^hregé de  la  Vie 
.  ^  la  cour  de  Suéde  pour  tâcher  de  lui  rcn-^ 
dre  de  mauvais  offices ,  &  de  prc'occu- 
per  Tefpric  de  la  Reine.  Il  n'ignoroit  pas 
laverfion  que  la  Noblefle  Suédoife,  ôc 
.  la  plufpart  des  Officiers  de  cette  cour 
témoignoient  pour  toutes  foites  de 
fciences.  Il  fcavoitaufii  que  la  paiïion 
delà  Reine  pour  les  Sçavans  commen- 
-çoit  à  devenir  Tob.ec  de  la  raillerie  &  de 
la  médifance  des  Etrangers.  On  publioit 
déjà  qu'elle  vouloit  raaiaflèr  tous  les 
Pédans  de  l'Europe  à  StocKholm  j  & 
que  bientôt  le  gouvernement  du  roiau- 
me  feroit  entre  les  maires  des  Grammai- 
riens. Ilcraignoit  de  fe  voir  confondre 
avec  ces  fortes  de  gens  dans  une  cour 
où  les  Naturels  du  pays  fe  foucioient 
peu  de  difiinguer  les  Etrangers.  Et  la 
vue  de  laRéligion  catho  ique  fer  voit  en- 
core à  augmenter  (es  fcrupules.  Il  fal- 
lut que  Frein shemius  à  qui  il  en  écrivit 
fecretement  les  diffipât ,  &  le  prellât  de 
nouveau  de  la  part  de  la  Reine. 

Quoiqu'il  commençât  par  fixer  fou 
retour  précifément  au  printemps  de  Tan- 
née fuivante,  il  fe  trouva  dans  un  je  ne 
fçai  t]uel  preiTentiment  de  fa  deftinée 
qui  le  porta  à  régler  toutes  fes:;fFaires, 

comme 


de  M.DefcarteslÀv.Wl.ji'j 

comme  s'il  eiK  écé  qaeftion  de  faire  le    1/49 
voiage  de  l'autre  monde.  — — . 

Il  quitta  fa  chcie  lolitude  le  premier 
jour  de  Septembre ,  &  après  avoir  lailîe 
fon  petit  trrité  des  Pairions  entre  les 
mains  d'Elzeviet  pour  être  imprimé 
pendant  l  automne  ,  il  s'em'^ arqua  au 
port  d'Am'lerdam  ,  n'aiant  pour  tout 
domeftique  que  Schluter  .^illcmand  fer- 
viteuu  fidèle  «S:  afrtdionné  que  l'Abbé 
Picot  lui  avoit  prêté  pour  fon  voiage. 

Il  arriva  heureuten-.ent  va  Stoci^iholm 
au  commencement  d'Ocflohie  ,  ik  alla 
defcendre  chez  Madame  Chanut  fœur 
de  fon  ami  M.  Clerfelier  ,  où  elle  lui 
preftrnta  des  lettres  de  TAmbairadeur 
ion  mari  qui  Tattendoient  avec  un  appar- 
tement tout  préparé ,  qu'il  ne  lui  fut 
pas  libre  de  refufer.  Il  s'y  trouva  com- 
blé de  tous  les  avantages  que  le  fé- 
jour  de  fon  aimable  tgmond  &:  ce- 
lui de  la  ville  de  Paris  joints  enfem-  s^  rect^. 
ble  auroienc  pu  diciffilement  lui  procu-  ^*,^V^ 
reràlafois.  fes  un. 

Le  lendemain  il  aUa  falu^r  la  Reine  T^T 
qui  le  reçut  avec  une  diftirdbion  qui  fut  ^^^e  s  fa, 
remarquée  de  to-jte  la  Cour  ,  ^^  qui  ^!,P/|^ 
contribua  peut-être  à  augmenter  enco-  d'ke, 

te 


z  1 8      Ahreze  dt^  U  Vie 

j-^49  re  la  jalouiie  de  quelques  Sçavans,  A 
*- — •  qui  fa  venu.è  femhloit  avoir  été  redou- 
table. A  la  féconde  vifite  qu'il  rendit  à 
la  Reine ,  elle  lui  découvrit  le  detlein 
qu'elle  avoit  de  le  retenir  en  Suéde  pïtr 
un  bon  établidemenr.  Mais  comme -il 
«'étoit  préparé  dés  la  Hollande  coiure 
toutes  (ollicitations  ,  il  ne  répondit  à 
celle-là  que  par  compliment. 

Elle  prit  enfuite  des  mefures  avec  lui 
pour  apprendre  fa  philofophie  de  fa 
bouche  ;&  jugeant  qu'elle  auroit  be- 
foin  de  tout  fon  efprit  &  de  toute  foti 
application  pour  y  réuiïir ,  elle  choilîr  la 
première  heure  d'après  fon  lever  pour 
cette  étude  comme  letems  le  plus  tran- 
quille ôi  le  plus  libre  de  la  journée ,  où 
elle  avoit  le  fens  plus  radis  Se  le  cerveau 
plus  dégagé  des  embarras  des  affaires. 
M,  Defcartes  reçu^  avec  refpeâ:la  com- 
miflion  qu'elle  lui  donna  de  fe  trouver 
dans  le  cabinet  de  fa  bibliothèque  tous 
les  matins  à  cinq  heures ,  fans  alléguer 
le  dérangement  qu'elle  devoit  cauier 
dans  fa  manière  de  vivre,  ni  le  danger 
auquel  elle  expoferoit  fa  fanté  dans  ce 
nouveau  changement  de  demeure  ,  & 
dans  une  failon  oui  éîoit  encore  plu-s 

rieoLV 


I 


Je  M.Defcirtes.LW.yU,  xio 

rigoureufe  en  Suéde ,  que  par  tout  où  il  1^49 
avoic  vécu  jafqu'a lois.  •■ 

LaReineenrecompenfc  lui  accorda 
la  grâce  qu'il  lui  avoit  fait  demander 
par  Freinsheinius ,  &  qui  confitloic  à  le 
difpenfer  de  tout  le  céréuîonial  de  la 
cour  ,  6c  à  le  délivrer  de  tous  les  alïu- 
jettillcmens ,  ou  pour  parler  comme  les 
Philofophes,  déroutes  les  miféres  des 
Courtifans.Mais  avant  que  de  commen- 
cer leurs  exercices  du  macin ,  elle  vou- 
lue qu'il  prît  un  mois  ou  fix  femaines 
pour  fe  reconnoître ,  fe  familiarifer  avec 
le  génie  du  pays ,  &  faire  prendre  ra- 
cine à  fes  nouvelles  habitudes ,  par  leC 
quelles  elle  efpcroit  lui  faire  goûter  Ton 
nouveau  fejour  ,  &  le  retenir  auprès 
d'elle  pourleteftede  fa  vie.  Maisaianc 
reconnu  de  bonne  heure  la  capacité  de 
fon  efpntqui  s'étendoit  encore  à  d'au- 
tres chofes  quelaPhilofophie,  elle  ne 
tarda  point  à  le  mettre  de  fon  confeil 
fecret  :  &  la  confiance  qu  elle  eut  en 
lui  la  porta  à  régler  fa  conduite  parti- 
culière 5  ôc  même  divers  points  concer- 
nant le  gouvernement  de  fes  Etats  fiir 
fes  avis.  Il  profita  d<5  cette  nouvelle  fa- 
veur ,  non  feulement  pour  fervir  le 

P       Comte 


310       jéhregede  la  Vie 

~        Comte  de  Bregy  ôc  quelques  autre« 
.^•^    peifonnes  de  mente  auprès  d'elle ,  mais 
(ur  tout  pour  dctiuiie  dans  Ton  efpric 
les  raifons  d'éloignement  &  de  froi- 
deur qu'elle   fembloic   avoir   pour  la 
maifon  Palatine,  &  celles  de  la  jalou- 
se fecréte  qu'elle  avoir  déjà  conçue  pour 
l'efprit ,  la  do6trine ,  ôc  le  mérite  de  .b 
— —-'  Princede  Elizabeth  en  particulier. 
7ai<ji^ril       ^^  CREDIT  joint  à  quelqucs  ap- 
fks_^        plaudilîcmens  qu'il  reçût  à  la  cour  pour 
^e»s'de'  <l"^^ues  vers  François  que  laReine  lui 
^4  Kt'me^  avoir  demandez  fur  la  paix  de  Munfter 
allarma  les  Grammairiens  &  autres  Sça- 
vantajfes  du  Palais,  malgré  la  précau- 
tion avec  laquelle  il  tàchoit  de  préve- 
nir leur  jaloufie.  Ils  étudièrent  foigneu- 
fement  les  occafîons  de  lui  nuire  ,  &  de 
rail  en  tir  rar.ienr  que  la  Reine  faifoit 
paroître  pour  fa  Philofophie.  Ils  firent 
Tonner  fort  haut  le  prétendu  mépris  des 
Langues  &:  desHumanitez  qu'ils  lui  im- 
putoient.  Defefperant  enfuite  de  le  rui- 
ner dans  rcfprit  de  la  Reine  avec  toute 
la  pafîion  qu'e.le  témoignoit  pour  leurs 
connoiiTances  ,  ils  crurent  ne  pouvoir 
mieux  fe  vanger  de  lui  qu'en  le  fnfant 
pafier  pour  un  de  leurs  femblables  dans 

l'efprit 


de  M.DeJcartes.Lw.yih'^ii 

refpric  des  Seigneurs  de  la  cour ,  &c  fur    i6>-9^ 

tout  des  Miniftres.  Ils  tâchèrent  de  leur    1 

perfuader  combien  il  étoit  étrange  que 
ce  nouveau  venu  eût  io\xt  Vloonnenr  de. 
la  cor? fiance  de  la  Reine  ;  &  combien 
il  étoic  dangereux  qu'il  eût  part  à  d'au- 
4:res  affaires  que  celles  qui  regardoient 
la  philofophie  &  les  fçiences.  Maison 
ne  fut  pas  long-temps  à  la  Cour  fans 
diftinguer  Al.  Defcartes  d*avec  les  Sça- 
vans  deprofe(ïîon,qniy  rendoient  les 
fçiences  odieufes  à  la  NobleiVe  du  lieu. 

Cependant  il  apprit  d'Elzcvier  que  Tr^i 
l'édition  de  fon  Traité  des  PajJ'ons  de  ^"^^^ 
V Ame  -ctoit  achevé.  Il  le  prefcnta  à 
la  Reine  fans  avoir  crû  devoir  It  luidé- 
dier,parce  qu*il  avoir  été  compofé  pre- 
mièrement pour  fon  illurtre  difciple  la 
PrinceflTe  EHzabeth  qu'il  n'avoit  garde 
d'oublier.  Pour  rendre  cet  ouvrage  in- 
telligible à  toutes  fortes  de  perfonnes, 
il  l'avoit  augmenté  d'un  tiers  fur  les  avis 
de  M.Clerfelier.Il  le  divifa  en  trois  par- 
ties ,  dans  la  première  defquelles  il  eft 
traité  des  pallions  en  gênerai,  &  par  oc- 
cafion  de  la  nature  de  l'AmejiScc.  dans 
la  1=  des^fix  paffions  primitives  j  ^  dans 
la  3^  de  toutes  les  autres. 

P  ij        la 


3tt  j4hregcde  la  l^ie 
16^9  La  vue  de  cet  ouvrage  fit  juger  à  la 
•- Reine  que  M.  Defcartes  avoit  beau- 
coup d'autres  traitez  parmi  Tes  papiers 
qui  ii'avoienc  pas  encore  vu  le  jour.  E: 
dans  le  defir  de  lui  faire  faire  un  corps 
accompli  de  toute  fa  Philofophi^  qu'eL 
le  goûcoit  de  plus  en  plus,  elle  voulut 
l'engager  à  réduire  en  ordre  le  refte  des 
écrits  qu'il  n'avoir  pas  encore  publiez , 
sAn  de  le  porter  enfuite  à  y  mettre  fa 
dernière  naain. 

M.  Defcartes  pour  obéir  à  la  Reine 
femità  remuer  le  coffle  de  fes  papiers 
Sef  œu'  qu'il  avoit  entalîez  peile  méfie  à  fon 
\Z!u'  ^ÇP^"  de  la  Hollande.  Il  ne  s'y  trouva 
rien  d'achevé.  Tout  étoit  en  morceaux, 
donc  on  a  depuis  érigé  en  traitez  ceux 
à  qui  on  a  fait  voir  le  jour.  Entre  les 
plus  confiderables  de  ces  fragmens 
et  oie  m. 

Celui  ôiQV Homme  ,  que  M.Clerfe- 
lier  a  fait  imprimer  depuis,  &  où  l'Au- 
teur a  fait  voir  toutes  les  fondtions  qui 
appartiennent  au  corps  feul,fans  tou- 
cher à  celles  qui  appartiennent  à 
J'ame. 

Celui  de  la  Formation  an  Fœtus,  dont 
îe.tùïe  marque  allez  la  matière  ,  ^  qui 


de  Ad. DeJcartes.LW.V  II.  313 

a  été  publié  conjointement  avec  celui  j6^y. 

de  l'Homme  par  le  mêmeAuteur^afllfté  

de  M.  de  la  Forge  Médecin  de  Saumur, 
&c  de  Gérard  Gutfchovven  Profeireuc 
des  Mathématiques  à  Louvain, 

Celui  de  la  Lumière  ou  du  Mende^ 
qui  n'eft  qu'un  petit  e^trait  ou  un  mor* 
ccaudefon  fameux  Traité  du  Monde, 
qu'il  avoir  fupprimé  à  la  nouvelle  de  la 
difiirace  de  Galilée.  M.  Clcrfelier  le 
fit   imprimer    très  -  corredement    en 

Celui  de  V Explication  des  Engins  qui 
fut  égaré  après  fa  mort  ,  &  qui  dans  le 
fonds  n'efi:  pas  diffèrent  de  Ton  Traité  de 
Mechanique. 

Mais  le  plus  confideraWe  de  tous  les 
ouvrages  poftumes  de  M.  Defcartcs  eft 
le  trefor  ineftimable^(?j  Lettres  qui  fe 
font  trouvées  dansfon  coffre,  &  donc 
M.  Clerfelier  a  publié  un  Recueil  en 
trois  volumes. 


Ces  ECRITS  portâmes  à  qui  M* 
Clerfelier  &  les  autres  Cartéfiens  ont  très  Mx. 
fait  voir  le  jour  après  la  mort  de  leur  **"^"'^' 
auteur  ,  ne  furent  pas  les  feuls  qui  fe 
trouvèrent  à  la  revue  qu'il  fit  de  fes  pa- 
piers. Ily  avoitencore  divers  ouvra:;cs 
P  lij        comme  II»* 


314  yihregé  de  U  Vie 
J^4^  commencez  dans  plufieurs  regiftres  de 
différentes  grandeurs  touchant  diverfes 
parties  de  Mathématiques  &  de  Phyfî- 
que  5  fous  des  tures  qui  n'avoient  aucun 
rapport  â  ces  matiércs,comme  de  Par^ 
Ti^Jpr  ;  Olyvipica;  Democritica^  Than-- 
m^.-nU  Rfgia ,  (jrc. 

Son  T^  ai  té  d'jilgéùre ,  qui  fe  trouve 
encore  dans  le  cabinet  de  quelques  fça- 
vans  -5 

Une  IntroduBion  contenant  les  fon- 
demens  de  Ton  Algèbre  que  nous 
croions  perduëj 

Divers  fragmens  fur  la  nature  & 
l'hiftoire  des  Métaux  3  des  Triantes  y 
6r  des  jûnhnaux  \ 

Un  J^regé  dex  A^ athematîques  fH", 
res  qui  n  etoit  pas  achevé  j 

Divers  amas  de  penfées  détachées 
fur  TAme,  fur  la  Nature,  fur  la  conftruc- 
tion  de  l'Univers  j 

Une  IntroduBion  a  fa  Géométrie  J 
dont  nous  avons  en  occafion  de  parler, 
&  qui  étoit  moins  (on  ouvrage  que  cc-^ 
lui  de  Pan  de  fes  amis. 

Parmi  ceux  que  les  foins  de  M.Cha- 

nut  ont  fait  échoir  à  M.  Clerfelier,  il 

n'y  en  a  pojnt  de  plus  confiderable  ni 

.*  peut 


de  M.DeJcartes,LiwyU.  ^z^ 

peut  être  de  plus  achevé  que  le  traité 
latin,  qui  contient  des  Régies  pour  con^ 
duire  notre  e/prit  dans  la  recherche  de 
la  Vérité  :  au  moins  peut- on  aîTiuer 
qu'il  n'y  en  a  point  d'une  plus  grande 
utilité  pour  le  Public.  De  trois  parties 
dont  il  de  voit  être  composé,  nous  n'a- 
vons que  la  première  entière  ^  la  moi- 
tié de  la  féconde. 

Un  autre  ouvrage  latin  qu'il  avoit 
poudé  allez  loin ,  &:  dont  il  nous  refte 
un  fort  ample  fragment  eft  celui  de  l'é- 
tude du  bo.n  fens  ou  de  l'Art  de  com- 
prendre, qu'il  avoit  intitulé  Studium 
bondi  mentis  ,  &  qu'il  avoit  adreflTé  à 
l'un  de  fes  amis,  caché  fous  le  nom  de 
Musée.- 

On  a  trouvé  aufii  les  commencemens 
d'un  autre  ouvrage  qui  écoit  parmi  les 
papiers  du  coffre  de  Suéde.  Il  étoit  écrit 
en  François,  en  forme  de  dialogue  fous 
le  titre  de  la  Recherche  de  la  Vérité 
far  la  lumière  naturelle^  cjui  toute  pure 
^  fans  emprunter  le  fecours  de  la  Reli^ 
gion  ni  de  la  Philofophie  détermine  les 
opinions  i^ite  doit  avoir  un  honnétehom^ 
me  fur  toutes  les  chofes  qui  peuvent  oc^ 
CHper  fa  pensée»  L'ouvrage  étoit  divisé 
P  iiij  en 


316'       j4hregé  de  la  ^ie 

3^4P    en  deux  livres,  dont  le  premier  regar- 
r^  doit  lescbofesdece  monde  confiderées 

en  elles-mêmes  j  ^  le  fécond  ces  mê- 
mes chofes  raportées  à  nous ,  &  envi- 
f?gées  comme  bonnes  ou  mauvaifes, 
vrnies  ou  fanfres. 

Il  court  encore  par  le  monde  divers 
petits  manufcrits  de  M.  Defcartes  qui 
n'âoient  plus  parn-ii  fes  papiers  lotf- 
qu'il  en  fit  la  revue  ;  comme  Ton  petit 
traité  de  l\-n  d'Efcrlme  :  celui  du 
Génie  dr'  S  ocrât  e^  ôcc.  Car  je  ne  parle 
pas  de  îa  Comédie  Françaife  qu'il  ve- 
noit  de  faire  en  Suéde  ,  bc  que  M, 
Ch<înut  empêcha  de  périr  contre  fon 
intention. 
\6<o»       Cependant  la  Reine  de  Suéde  vo'ùnt 

— .  rÀmbalîIideur  dp  France  retourné  prés 

ttt^tT'  ^'^^^^  3  ^^^  communiqua  le  deffein  qu'cl- 
tabiir  m  le  avoit  de  retenir  M.  Defcartes  dans 
Suèàx-  Çç^  ^j^j. .  ^  l'obligea  de  travailler  avec 
elle  pour  obtenir  fon  confentement. 
De  toutes  fes  excufes  elle  n'écouta  que 
Je  prétexte  de  la  rigueur  du  climat^par 
ce  qu'en  effet  elle  s*appercevoit  que 
fon  tempérament  avoit  beaucoup  à 
fouffrir  dans  un  pays  fi  froid.  L'expé- 
dient qu'elle  propofa  à  rAn^bafladeuc 

fuc 


de  ALDefcartes.LW.VUr:,zj 

£ic.de  choifij:  un  bien  noble   &  confi-    j^^o 

derable  dans  les  terres  les  plus  meridio-  

i^les  de  la  couroiine  de  Suéde  acquifcs 
par  la  paix  de  Munfter,.  foie  dans  T  Ar- 
chevêché de  Brémejfoic  dans  la  Poméra- 
nie;de  luiconllitiicr  un  revenu  d'environ-. 
trois  mille  cV«5  de  rente,  &de  lui  faire- 
un  don  en  propre  de  la  Seigneurie  de 
la  terre,  en  telle  forte  qu'elle  pûtpaf- 
fer  par  fucceffion  dans  tes  héritiers  à 
perpétuité. 

La  maladie  de  î'AmbafTadcur  que  la- 
Reine  avoit  chargé  de  l'exécution  de 
cette  afïàire  avec  un  Sénateur  du  Roiau- 
ine  y  apporta  un  retardement  qui  fut 
nuihble,  non  pas  à  M.Defcartes  à  qui 
Dieu  avoit  deftiné  autre  chofe  ,  mais  eu 
Tes  héritiers  qui  manquèrent  d'êtreSei- 
gneurs  en  Allemagne, 

L'AmbalTadeur  étoic  tombé  malade  le: 
î8  de  Janvier  au  retour  d'une  prome- 
nade qu'il  avoit  faite  à  pied  avec  M,~ 
Defcartes  :  &  quelque  affiduité  qu'ap- 
portât celui-ci  à  foUiciter  ton  aminuic 
&  jour,  il  ne  lailToit  pas  de  fe  trouver 
dés  cinq  heures  dumatln  au  Palais  pour 
entretenir  la  Reine,  {ans  fe  plaindre  de- 
là cruauté  de  la  failbn  qui  étoic  extraor- 
P    y-        disi-'iits: 


3i8      abrégé  de  la  Vie 

i^p    dinaire  cette  année  ,  Ôc  qui  ruinoic  (a 
fc  fanté  de  jour  en  jour. 

Trojet       La  Reine  qui  ne  fongeoic  à  rien  moins 
çÀdTmie'  ^^*^  l'incommoder  l'obligea  dans  le  fort 
de  la  maladie  de  l'AmbalIadeur  à  re-- 
tourner  encore  au  palais  après  midi  pen- 
dant quelques  jours,  pour  prendre  avec 
elle  la  communication  d'un  dedein  de 
conférence  ou  d*alTcmblée  de  fcavans 
qu'elle  vouloit  établir  en  forme  d'Aca- 
démie 5 .  dont   elle  devoir  être  le  chef 
&  la  protedVrice.  Elle  voulut  qu'il  en 
drelTât.  le  plan  ,   &  qu'il  en  compofâc 
les  Statuts.  Il  lui  porta  le  mémoire  qu'il 
en  avoir  fait  le  i  de  Février  qui  fut  la 
dernière  fois  qu'il  tvx  l'honneur  de  voir 
(a  Majefté.  La  Reine  en  approuva  fort 
tous  les  articles  ,  mais  elle  fut  furprife 
du  fécond  &i  du  troifiéme  qui  donnoienc 
i'exclufion  aux  étrangers.  Elle  fe  douta 
que  c'étoit  un  trait  de  la  modeftie  de 
M.  Defcartes  qui  fe  fermoir  à  lui-mê- 
me la  porte  de  cette  Académie  dont  elle 
XXI     ^"'^^^^  defîéin  de  l'établir  le  Diredeiir. 
MaUdte        ^E    FUT  ce  même  jour  qu'il  rap- 
f^  ^^'      porta  du  palais  les  premiers  (entimens  • 
les.  Sx    ^e  la  maladie  qui  devoir  finir  la  vie,& 
ijtm.      que  TAmbairadeur  commença  à  revenir 


de  M. Départes. Liw. VU. ^19 

en  convalefcence.  Le  lendemain  qui  js^] 
ccoir  deftiné  à  célébrer  la  fête  de  la  — 
Purification  de  la  S.  V.  nôtre  Philofo- 
phe  s'approcha  avec  les  autres  Fidelles 
des  facremens  de  la  Pénitence  &  de 
l'Eucharillie  qu'il  reçût  des  mains  du  P. 
yiogué  Augullin,  Milfionaire  de  Aumô- 
nier de  rAmbalfadeur.  Mais  il  ne  pùc 
finir  debout  le  refte  de  la  journée. 

Les  Tymptomes  de  la  maladie  avoienc 
été  les  mêmes  q.ie  ceux  qui  avoienc 
précédé  celle  de  cet  Amballadeur  :  Ôc 
ils  furent  fuivis  d'une  fièvre  continue 
avec  une  inflammation  de  poumon  rou- 
te fembluble.  Le  dérangement  de  fon 
régime  de  vivre  joint  au  partage  de  fes 
foins  entre  la  Reine  ÔC  l'Ambair^deuc 
malade  au  milieu  d'une  faifon  ennemie 
de  fon  tempérament  «S:  plus  cruelle 
qu'elle  n'avoit  été  depuis  prés  de  foi- 
xante  ans,  au  raport  des  anciens  du  lieu, 
fut  ce  qui  rendit  fa  fièvre  plus  maligne 
que  n'avoit  été  celle  de  rÂmbaiîaàeuro 
Elle  fut  interne  dans  les  premiers  jours, 
&:  elle  lui  occupa  tellement  le  cerveau 
qu'elle  lui  ota  la  liberté  de  feconnoître,  . 
d'écouter  les  avis  de  cet  ami  ;  -Se  ne  lui 
lâilla  de  forces  que  pour  refifter  à  la  vo- 
P  vj        lonté    ' 


33  o       yéhregê  de  la  P^ie 
^)'^    lonté  de  roue  le  monde.     Le  premier 
'  Médecin  de  la  Reine  qui  étoic  M.  ^« 

J^yer  François  de  nation  Se  fon  ami  par- 
ticulier étoic  pour  lors  abfènr  :  &  cène 
Princeire  ordonna  fi  celui  c]ui  fuivoit 
d'en  prendre  foin.  C'écoit  un  Hollan- 
dais nom[\-iéP'venlles  ennemi  juré  deM,.' 
Defcartes  dés  le  temps  de  la  guerre  que 
les  Minières  de  les  Théologiens  d'U- 
trechc  &c  dç  Leyde  lui  avoient  declarée^- 
Le  malade  à  la  vue  de  ce  Médecin  Se 
des  autres  même  que  1«  Reine  envoioit 
avec  lui  s'obftina  à  ne  rien  faire  de  ce- 
c|u*il  ordonna,  Ôc  fur  tout  à  refufcrla 
faignée  tant  que  dura  le  tranfport  aU'  - 
cerveau.  Ce  qui  donna  des   allarmes- 
morte!Ies  à  l'Ambafladeur ,  Sc  même  à- 
\^  Reine  qui  avoic  foin  d'y  envoier  un^  ■ 
Gentil-homme  deux  fois  le  jour. 

Le  cerveau  fe  débarralTa  fur  la  fin  ài\ 
feptiéme  jo  ir,  ce  qui  le  rendit  un  peu 
plus  le  maître  de  fa  tête  ,  &;  de  fa  rai- 
fbn.  Alors  il  commrnca  à  fentir  fi  fié- 
vrc  pour  la  première  fois  :  il.  marqua: 
h  caufè  de  l'erreur  où  il  avoir  été  juf- 
■ques-là,  Sc  ne  (ongea  plus  qu'à  mou- 
rir en  philofophe  chrétien.  Il  fe  fit  fai- 
gner  deux  fois  de  fuite  fort  abondant 

naent> 


d^ M.Defcartes.Liy.'Vll.  331 

tnenc  ,  mais  il  n'écoic  plus  temps.  Il  fie  i^cq 
chercher  le  P.  Viogué  fon  conFelTeur  _ 
qui  écoic  dans  les  exercices  de  fa  mif- 
fion  à  quelques  lieues  de  Stockholm  : 
de  i\  pria  ceux  qui  l'approchoienc  de 
ne  le  plus  entretenir  que  delà  miferi-' 
corde  de  Dieu ,  ôc  du  courage  avec  le- 
quel il  devoir  foufFrir  la  feparation  de 
Çow  anie.  Il  demeura  pendant  les  deux 
derniers  jouis  dans  une  tranquillité 
fort  grande  :  &  il  mourut  paifiblement 
entre  les  bras  de  l'Ambalàdeur  Ôc  du 
Père  Viogué  le  xi  de  Février  à  qua- 
tre heures  du  matin ,.  âgé  de  53  ans,di)c 
mois  &  Il  jours. 

La   Reine   à  cette  nouvelle   fî"t  « 

connoître  fon  affli6tion  par  des  larmes  XXIL 
très  véritables  Se  très  abondantes,qireî-  ^,'J*''^J 
le  répandit    fur  la  perte  qu'elle  fàifoit  Defcaml 
de  (on  il'ufî^e  A't-u'.re ^  titre  dont  elle 
avoir  coutume  de  l*honorer  ,  &  de  le 
diilinguer  d'avec  les  autres  fçavans  qui 
l'approchoient.  Elle  envoia  incontinent 
un  Gentil-home  de  fa  chambre  à  l'Am- 
ba(fadeur  pour  TaiTurer  de  fondéplaifir; 
&  pour  lui  déclarer  qu'elle  vouloir  laif- 
fer  à  la  pofterité  un  monument  de  la 
confideracion  qu'elle  avoit  pour  le  meri  - 

te  dir 


331        Abrégé  de  la  Vie 

îi^o  te  du  défunt  ,  &  qu'elle  lui  deftinoit 
'^'  -  fa  fepuhure  dans  le  lieu  le  plus  hono- 
rable du  roiaume  ,  au  pied  des  Rois  fes 
piédecerteurs ,  avec  une  pompe  conve- 
nable ,  &c  un  tiche  Maufolée  de  marbre 
qu'elle  fe  propofoit  de  lui  faire  drelVer. 
L'Amballadeur  qui  n'avoit  encore 
pu  fortir  depuis  la  maladie  ,  alla  l'après- 
midi  au  palais  voir  la  Reine  r  ôc  obtint 
d'elle,  pour  de  bonnes  raifons  qu'il  lui 
fit  entendre ,  que  la  f.pulcure  fe  ftft  d'u- 
ne manière  tres-fimple  aux  dépens  du 
défunt,  dans  un  endroit  du  cuTietiére 
des  Etrangers  où  Ton  mettoit  les  Ca- 
tholiques &  les  Enfans  qui  mouroient 
avant  l'ufnge  de  leur  raifon. 

Le  lendemain  on  fit  le  convoi  fans 
beaucoup  d'appareil  ,  mais  fuivant  le 
céiémonial  de  l'Eglife  Romaine  par  la 
permiiïion  de  la  Reine  6<  du  Gouver- 
neur de  Stockholm.  Le  corps  fut  porté 
par  le  fils  amé  de  l'Araballadeur  i  par 
M.  de  Saint-S^rahux  qui  a  été  depuis 
Gouverneur  de  Tournai  ;par  M.  Piccjues 
Secrétaire  de  rAmbairade  qui  eft  au- 
jourd'hui Conf-iller  à  la  Cour  des  Ay- 
des  ;  oc  par  M.Belir.  Secrétaire  de  l'Am- 
bafTadeur,  qni  eft  maintenant  Treforier  • 
deFraïKe,  Le  ■ 


de  Al.DeJcartes.Liv.VU.  335 

Le  lendemain  rAmbalfadeur  accom-    i(jp 

pâgné  du  premier  Gentil-homme  de  la  ■ ■ 

chambre  de  la  Reine  ,  qui  étoic  Erric 
Sparre  Baron  deCroneberg  fît  l'inven- 
taire de  ce  que  M.  Delcaices  avoir  ap- 
porté en  Suéde.  Et  le  4deMarsfaivant 
M .  de  Hooghclande  fit  celui  de  ce  qu'il 
avoir  lailTé en  Hollande  en  préfencede 
M.Van  SnreckjSeigneurde  Berg^crean- 
cier  du  défunt.  > 

L'AmbalTadeur  à  qui  la  Reine  fai* 
foit  entendre  qu'elle  continuoit  tou- 
jours dans  le  delîein  de  lui  drelîer  un 
monument  de  marbre  5  jugea  que  par 
provifion  il  feroit  toujours  mieux  d'é- 
lever un  fimple  tombeau  furlafoiredu 
défunt.  Il  le  fit  faire  de  figure  quarrée 
en  long,  de  pierre  cimentée^dont  les 
quatre  faces  étoient  lambrilTées  en  de- 
hors avec  des  planches  de  bois  un". Ces 
quatre  faces  furent  couvertes  d'une 
grolTe  toile  blanche  cirée ,  que  l'on  fit 
peindre  à  trois  couches  :  Se  l'on  y  fie 
écrire  par  le  Peintre  les  belles  inf- 
cfiptions  latines  que  l'AmbafTadeur 
avoit  composées  à  l'honneur  de  Ton  ami. 
Quelques  mois  apiés  on  fît  frapper  en 
Hollande  une  médaille  à  la  mémoire  de 

nôice 


354       JhregedeUVie 

nacre  Pliilofophe,  avec  un  revers  con- 
tenant de  magnifiques  éloges. 

,^ Apre's  la  converfioii  delaReinC" 

X>CIII  ^s Suéde  qui  écoit  dijë  à  M.  Defcartes 
Tranfli    &  à  M.  Clianut  ,  &  qui  fe  manifefta 
*fon  trps  ^^^^^'^-^  années  après  la  mort  du  pre-  . 
tuFranci  mier  par  rahjuratfon  du  Lutheranilme,^. 
il  ne  nous  relie  plus  rien  à  remarquer 
concernant  la  vie  de  ce  Philofophe,  fr 
ce  n'eft  la  cranflation  que  Ton  fit  de  fes 
cendres  Se  de  les  os  de  Suéde  en  France 
dix-fepc  ans  après  fa  mort. 

Ce  fut  M.  d  AUhert  Tréforier  gé- 
néral de  France  qui  Te  rendit  chef  de 
cette  encreprife  ic  qui  en  fit  toute  la? 
dépenfe.  Il  emploia  pour  cet  effet  M, 
le  Chevalier  de  Terlon  Ambafladeur  de 
France  en  Suéde  qui  dévoie  bien  toft 
partir  pour  le  Da nemarck  en  la  même- 
qualité. 

Cet  Ambalîadeur  fit  lever  le  corp? 
de  M.  Defcartes  en  prefence  de  M.  de- 
Pompone,qui  éroit  arrivé  à  Stockholm 
poar  luifucceder,  &  qui  eft  maintenant 
Miniftre  d'Etat.  Il  îefit  porter  d'abord' 
Coppenhague  ,  d'où  il  Tenvoia  en- 
France,  fous  la  direction  de  quelques 
Ferfonnes  fares6cfidslles  lez  jour.  d'Oc- 
tobre: 


de  M.V  ejcar tes. Liv  y  II.  535 

tobre  1 666,  Etant  arrivé  à  Paris  au  mois 
de  Jr^nvier  de  Tannée  fuivante  il  fut  por- 
té chez  M.  d'Alibert  rue  du  Beautreillis: 
&  quelques  jours  après  il  fut  mis  en 
dépôt  fans  cércmonie  dans  une  chapelle 
de  l'Eglife  de  faint  Paul.  Delà  il  fiit 
tranfporté  avec  un  convoi  fort  pompeux 
le  2.4  de  Juin  ,  jour  de  la  Nativité  de 
S.Jean, à  huit  heures  du  foir  dans  l'Eglife 
de  fainte  Geneviève  du  Mont ,  où  il  fut 
reçu  de  l'Aobé  &  des  Chanoines  P^egu- 
liers  avec  un  appareil  magnifique. 

Le  lendemain  qui  étoit  un  famedi  l'on 
y  fit  un  fervice  folennel,  où  l'Abbé  qui 
etoit  le  P.  Blanchard  General  àe  la 
Congrégation  cfiicia  pontificalem-ent,ÔC 
où  afTiftérent  quantité  de  perfonnes 
qualifiées  comme  au  convoi  de  la  veille. 
Le  Père  l'Allemant  Chancelier  de  l'U- 
'niverfité  avoit  préparé  une  Oraifon  fu- 
nèbre :  mais  il  furvint  un  ordre  de  la 
Cour  pour  empêcher  qu*elle  ne  fût 
prononcée. 

On  m  t  le  cercueil  dans  un   caveau 
entre  deux  chapelles  de  la  partie  méri- 
dionale de  la  nef,  où  M,  d'Alibert  a 
fait  depuis  drelEer  un  marbre  contre  la 
»  muraille,  reprefentant  le  bufte  du  Phi- 

lofophe^ 


35 <^      Ahregé  delà  Vie 

lofophe,  avec  une  belle  Epitaphe  com-, 
posée  de  deux  infcriptions^  donc  Tune 
qui  eft  en  vers  françois  a  pour  auteur 
M.  de  Fieubet  Confeiller  d'Etat ,  ci  de- 
vant Chancelier  de  la  Reine  \  l'autre 
qui  eO:  en  latin  vient  de  M.  Cleifelier, 
quoique  plufieurs  vciiillent  encore  l'at- 
tribuer aujourd'hui  au  Père  l'Allemant. 
Après  le  re.vicedaramedi25dejuin 
Ton  porta  dans  les  archives  de  l'Ab-^  ! 
baie  de  fainte  Geneviève  les  titres ,  les 
procès  verbaux,  &  les  certificats  qu'on 
avoir  tirez  en  bonne  forme  :  &  M.  d'A- 
libert  conduifit  les  principaux  affiftans  1 
chez  le  fameux  Bocquet,où  il  leur  donna 
untres-foniptueux  &:  magnifique  repas* 


LIVRE 


de  M.  Defcartes,  l  VIII.  357 


Cor^t% 


LIVRE  HUjJIE'ME. 

Contenant  les  ^ualitez.  de  fon  corps  é* 
de  (on  ejpyit.  Ses  mœurs.  Sa  manière 
:    de  vivre    avec  Dieu  &   avec   les 
,    Hommes, 

LE  Corps  de  M.  Defcartes  étoit  I. 
d'une  taille  un  peu  au  delTons  de  la  ^°'^ 
médiocte,  mais  alTez  fine  &  bienpro-  "'"'*''' 
portionnée  dans  la  judelTe  de  toutes  fes 
parties.  Il  paroilToit  néanmoins  avoir  la 
tête  un  peugrolTe  par  rapport  autronc* 
Il  avoir  le  front  large ,  &  un  peu  avan- 
cé \  le  teint  alfez  pâle  depuis  fa  naiflan-i 
ce  jufqu'au  fortir  du  collège,  puisnoê- 
lé  d'un  vermillon  éteint  jufqu'à  fa  re- 
traite en  Hollande5&  depuis  un  peu  oli- 
vâtre jufqu'à  fa  mort.  Il  portoit  à  la 
jolie  une  petite  bube  qui  s'écorchoit  &: 
renailToit  toujours.  Il  avoit  la  lèvre  d'en 
bas  un  peu  avancée ,  la  bouche  aflez 
fendue ,  le  nez  d'une  grofleur  propor- 
tionnée à  fa  longueur ,  les  yeux  gris- 
noirs,   la  vue  agréable  5c  ferme  jufqu'à 

la  fin 


538      Jbregê  de  laYie 

la  fin  de  Tes  jours  ,  le  vifage  toujours 
ferain  5c  la  mine  afiFable  ;  le  ton  de  la 
voix  doux  entre  le  haut  ^k  le  bas,  mais 
trop  foible  pour  pouffer  de  fuite  un 
longdifcours,  à  caufe  d'une  altération 
de  poumon  qu'il  avoit  apporcée  en 
nai(îant. 

Ses  cheveux  ôc  fes  {ôurcils  éioient 
affez  noirs ,  le  poil  du  menton  un  peu 
'  moins  :  &  il  commença  à  blanchir  dés 
rage  de  45  ans.  Peu  de  temps  après  il 
prie  la  perruque,mais  d'une  forme  toute 
fêmblable  à  fes  cheveux,  <k  par  raifo» 
de  fanté. 

Il  fuivoit  moins  les  modes  qu'il  ne 
s'y  laifîoit  encrainer.  Il  attendoit  qu'el- 
les devinOTent  communes  pour  éviter  la 
(îngularité.  Jamais  il  n'étoit  negligé,& 
il  évitoit  fur  tout  de  paroure  vêtu  en 
philofophe,  Lorfqu'il  fe  retira  en  Hol- 
lande il  quitta  Tépée  pour  le  manteau, 
&  la  foie  pour  le  drap.  -^  - 

Son  Kf.  Son  régime  de  vivre  a  été  fort  uni  en 
gtme.  tom  temps.  La  fobrieté  lui  étoit  natn-' 
relie.  Il  bûvoit  peu  de  vin ,  ôc  écoic 
quelquefois  des  mois  entiers  fans  en 
boire  du  tout.  Mais  comme  il  étoit  fort 
agréable  &  enjoué  à  cable  ,  fa  frugalité- 

n'écoic 


de  M.Defcartes.  I.  VIîI.  535) 

n*étoit  point  à  charge  à  Tes  «ompa- 
gnies. 

Il  n'écoit  ni  délicat  ni  difficile  furie 
choix  des  nourritures ,  &  il  avoir  ac- 
coutume Ton  goût  à  tout  ce  qui  n'eft 
pas  nuifible  à  la  famé  du  corps.  Sa  diète 
ne  con^îftoit  pas  à  manger  rarement  , 
mais  à  difcerner  la  qualité  des  viandes. 
Il  eftimoit  qu'il  étoit  bon  de  donner  une 
occupation  continuelle  à  i'eftomac  & 
aux  autres  vifcéres  comme  on  fait  aux 
meules ,  mais  que  ce  devoit  être  avec 
des  chofes  qui  donnaflent  peu  de  nour- 
riture, comme  les  racines  Ôc  les  fruits, 
qu'il  croioit  plus  propres  à  prolonger 
la  vie  de  l'homme  que  la  chair  des  ani- 
maux. 

Il  avoir  obfervé  qu'il  mangeoit  avec 
plus  d'avidité,&  qu'il  dormoit  plus  pro- 
fondement lorfqu'il  étoit  dans  la  tiiftef- 
fe  ou  dans  quelque  danger,  que  dans 
tout  autre  état. 

Il  dormoit  beaucoup  ,  ou  du  moins 
Ton  réveil  n'étoit  jamais  force'"  Lord 
qu'il  fe  fentcir  parfaitement  dégagé  da 
fommeililétudjoit  en  méditant  couché^ 
&  ne  fe  relevoit  qu'a  demi  corps  par  in- 
leivalles  pour  écrire  fès  pensées.  C'eft 

ce 


5  4  o      Ahreo-é  de  la  Vie 

ce  qui  le  faifoit  fouvent  demeurer  dix 
heures  &  quelquefois  douze  dans  le  lii:. 
La  condefcendance  qu'il  avoic  pour  les 
befoins  de  fon  corps  n'alloit  jamais  juC- 
qu'àrindolence.Iltravailloit  beaucoup 
èc  long-temps.  Il  aimoic  alTez  les  exer- 
cices du  corps,  &  il  les  prenoit  volon- 
tiers dans  le  temps  de  fa  recréation,  juf- 
qu'à  ce  qu'enfin  la  vie  fcdentaire  l'en 
defaccoutumât. 

Il  regardoit  lafanté  du  corps  comme 
le  principal  des  biens  de  cette  vie  après 
lavertu^  Il  ne  l'avoir  pas  reçue  fort  en- 
tière en  naiiîant  ,  Se  elle  lui  fut  allez 
mal  confervée  tant  qu'il  fut  fournis  à  la 
conduite  des  Médecins.  Il  avoit  été  tra- 
vaillé durant  fon  enfance  d'une  toux 
féche  qu'il  avoic  héritée  de  fa  mère,  6c  , 
il  fut  fort  infirme  jufqu'à  l'â^e  de  15  ans 
auquel  il  fiit  faigné  pour  la  première  fois, 
mais  il  ne  le  fut  plus  depuis,finon  la  fur- 
veille  de  fa  morr^  Il  ellimoit  lafaignée 
dâgereufe  pour  un  infinité  de  perfonnes. 
A  l'âge  de  1 9  ou  20  ans  il  fe  crud  alfez 
habile  pour  prendre  lui-même  l'admi- 
niftiation  de  (à  fanté  ,  &  il  fe  palTa  de 
Médecin  iiifqa'a  fi  maladie  mortelle.  Il 
avoit  avedîon  non  feulement  des  Char- 

latans^ 


de  M.DeJcartes,  l  VIII.  341 

latans  ,  mais  des  drogues  d-es  Apo- 
cicaires  &:  des  Empinque?.  Il  deman- 
doit  même  beaucoup  de  précaution  pour 
les  remèdes  de  la  Chymie.  Après  s'être 
entièrement  dégagé  de  cette  chaleur 
de  foie  qui  lui  faifoit  aimer  les  armes  en 
fà  jeuneQe,  il  prit  un  train  de  vie  fi  égal 
&i  fi  uniforme  q.i'il  ne  fut  j  anais  mala- 
de que  de  la  caufe  étrangère  qui  le  fie 
mourir  en  Suéde.  Ses  deux  grands  remè- 
des étoient  h  diète ,  &  la  iroderatien 
de  fes  exercices  :  mais  il  leur  pref^roic 
encore  ceux  de  l'Ame  qui  a  beaucoup 
de  force  fur  le  corps,  comme  il  paroît 
par  les  grands  changemens  que  la  colère, 
la  crainte  ,  Ôcles  autres  pairionÇs  exci- 
tent en  lui. 

Le  Régime  de  vivre  qu'il  s'étoit 
prefcrit  avoir  fes  fondcmens  fur  la  belle 
-ceconomie  de  fon  ménage.  Il  avoir  un 
nombre  fufRfant  de  domeftiques  tous 
fort  cboifis,  fort  propres  5  6e  il  avoir 
grand  foin  de  les  prendre  tous  bienfaits 
d'efprit  &  de  corps.  Sa  maifor  ctoit  une 
écofe  de  vertu  &  de  do6lrine  pour  eux: 
&  non  content  de  les  rendre  fçavans 
^  crens  de  bien,  il  fe  chargeoit  encore 
de  feire   leur  foicune.  C'eil  pourquoi 


3 4 1     Ahregê  de  la  Vie 

il  y  avoit  toujours  beaucoup  d'empreC 
femenc  &  de  brigue  à  fe  mettre  à  Ton 
lèrvice:  ôi  Ton  regardoic  une  place 
parmi  Tes  valets  comme  une  condition 
fort  avantageufe.  De  fon  cofté  il  les 
trairoit  avec  une  indulgence  6c  une  dou- 
ceur qui  lesaiïujetiflbit  paramour.Pour 
ceux  du  premier  ordre  qui  Tappro- 
choient  de  plus  prés  en  qualité  de  fe- 
cretaires  ou  de  valets  de  chambre,  il  les 
regaréoit  fi  peu  au  delFous  de  lui  ^  qu'on 
les  auroit  pris  fouvent  pour  fes  égaux. 
C'eft  ce  qui  contribua  beaucoup  à  leur 
former  le  cceur  <5c  refprit  j  <5c  la  plus 
part  font  devenus  gens  de  mérite  à  de 
confideration  dans  le  monde.  On  l'a  re- 
marqué dans  la  perfonne  de  M  .de  Ville- 
Breflieux  Médecin  de  Grenoble,  de  M, 
Gutfchovven  ProfefTeur  Royal  à  Lou- 
vain,  du  fieur  Gillot  Mathématicien, 
du  fieur  Schluter  Auditeur  ou  Intendant 
dejuftice  en  Suéde,  6:  d'une  autre  per-,' 
fonne  en  charge  qui  fe  fait  confiderec.. 
encore  aujourd'hui  dans  le  Languedoc^^ 
Son  à^f-  La  dépenfe  de  fa  maifon  étoit  toûi- 
^S'ntyoùr  jouts  fort  réglée  ,  Ôi  quelque  paflTioni 
les  biens  qu'jl  g^^^  pour  multiplicr  fes  expérien- 
ce/^  for-    *■         M     /T'  n    •      1  •  >       1 '' 

lune.      ces,  il  afteCtoit  de  ne  point  s  endetcr 

au 


de  M:Defcartes.  /.  VlH.  345 

an  delà  de  (on  revenu  annuel.  Ce  rev  e- 
nu  n*étoit  guéres  que  de  fix  à  fert  nnlle 
livres  de  rente,  (î  1  on  en  excepte  les 
<lernieres  années  de  fa  vie  ,  aufquelles  il 
avoir  augmenté.Quoiqu'il  eût  été  moin- 
dre dans  les  commencemens  il  luiavoit 
toujours  paru  fuftifant.  Ce  n'éroir  point 
comnne  un   Gentilhomme  necelliceux 
&  avide ,  mais  "coirme  un   Philofophe 
riche  &  content  que  M.  Def cartes  re- 
gardoit  les  biens  de  la  terre.   Il  avoit 
toujours  traité  la  Fortune  avec  beau- 
coup de  fierté  :  S^  parmi  la   foule  de 
ceux  qui  adoroient  cette  aveugle  divi- 
nité il  avoit  pris  le  parti  de  fe  mocquer 
d'elle  hautement, fe  contentant  de  plain- 
dre quelqu^'s  Philofophes  de  Tes  amis 
qui  avoient  eu  la  tolblelfc  de  (e  plain- 
dre d'elle.  Au iTi  la  Fortune  ne  parut-elle 
pas  iii(enfible  à  fes  mépris,  &  l'on  au- 
Toit  cru  qu'elle  tâchoit  de  fe  vanner  de 
lui  dans  routes  les  occnfions  qui  fe  pre- 
fentoient  pour  le  rendre  plus  riche.  1 
n'éroit  pourtant  pas  de  ces  fanfarons  t 
de  ces  cyniques  qui  ne  cherchent  qu'c 
rinfulter ,  6c  il  n'avoir  pas  la  vanité  dt 
vouloir  triompher  d'elle    avec   often- 
tatioii.    En  effet  l'une  des  principale 
Q__      maxime  ■> 


344     -^^y^^  de  la  F'iet^\  sh 

nwxim:sqii*il  s'étoic  prefcriies  pour  î^ 
conduite  de  Ç.\  vie,  éiokdt  tâcher  pi  a^ 
tit  àfe  va'tjcre  lni-mêm€  ^ue  laVoHi^ 
ne,  ^'  à  changer  fjg s  defin  qu€  l  ordr^^ 
monde,  - 

;  t-- 11  n^ay^oit  pas  moins  de  generoGcé  que 
âe  def-iiHerelTement,  &  fon  caur  ne 
put  fe  foumetcie  qu'à  fon  Roi  pour  le 
•point  des  hberalitez.  Jamais  il  ne  vo^ 
lut  accepter  d'aucun  Particulier  le  fe^ 
xours  qu'on  lui  cff-ioit  pouT  fouvnii"  aux 
grandes  dépcnfes  que  dtmandoicnt  Tes 
expériences.  Il  refufa  avec  civilité  une 
fomme  d'argent  ties-conficérablc  que 
le  Comte  d' A  vaux  lui  avoit  envoiée  juC- 
qu'en  Hollande,  Il  s'cxcufa  de  la  même 
manière  auprès  de  M.  de  Montmor  qrj 
lui  avoir  c ffert  avec  beaucoup  d'inftan- 
ce  rufage  entier  d'une  maifondecartji^ 
pagne  de4ooG  livres  de  rente.  D'autresr 
peifonnesde  la  première  confideratiorî  . 
îui  avoient  ouvert  leurs  trefors  ,  mais 
toujours  fans  effet.  Il  n'eftimioit  pas 
.qn'il  lui  fût  honnête  de  rien  empruntât 
de  perfonne  qu'il  ne  pût  rendre  avec 
iifure  :^  ilprctcndoit  que  ç'auroit  é<c 
une  grande  charge  pour  luidefefentit 
ïcdc-vable  au  Public.  Mais  s'jI  avoit  le 

deriiue 


II 


deT-intcreffement  des  Philofopli  s  pour 
les  ticheilès,  il  n'en  avoit  pas  l'orgueil. 
Non  fcuieoîent  il  regardoic  de  bon  oeil 
ceux  qui  en  font  un  bon  ufage  ,  mais 
il  ne  crud  pas  même  dévoie  négliger  le 
bien  que  Ton  pcre  avoit  eu  la  bonté  de 
lui  conferver.  Il  confideroic  un  patri- 
moine légitime  comme  un  pcefent  de  la 
Nature  plutôt  que  de  la  Fortune  :  & 
dç  tous  les  biens  qu'on  peut  acquérir 
d4ns  le  monde  ,  il  n*en  trouvoit  point 
doat  la  polTeffion  fût  plus  innocente 
ëc  plus  dans  l'ordre  de  Dieu.  CVfl  ce 
qui  lui  fie  mander  un  jour  à  fon  f:ére 
aîiîé  qu'ï7  rfll-noit  plus  mille  francs  de 
fuccefjion  '^ue  dix  mille  U  vres  qui  vien^ 

nent  d'ailhurt,  

Si   d e s  revenus afTrz modiques  ont    ttt 
paru  fuffiùus  pour  r'-ndre  M.Defcartes     .^  J 
TÏche  de  content,  ce  n  eft  pas  feulement  reareu, 
à  fafrugalité,  c'eft  encoie  au  choix  d'u- 
ne vie  retirée  qu'il  faut  l'attribuer.  Il 
recevoir  peu  de  vifites  en  tout  temps, 
&  en  rendot  encore  moins.  Il  n'ctoic 
pourtant  tx\  mifanihrope  ni  raélancholi- 
que  :  &  il  poaa  jufqu*au  fonds  de  fa 
folicude  la  belle  humeur  Ôc  Penjoûment 
naturel  quoaavoic  temarq'jéenluidés 


yîf6  ■'^^'  Jhrege  de  U  Vie 

fa  plus  tendre  jeuneire.  La  gaieté  qui 
lui  étoit  ordinaiie  lui  faifbit  faire  toutes: 
chofes  fans  répugnance  •,&:  finousTea^ 
croions,  elle  liiî  en  facilicoit  le  fuccés. 
Elle  contribuoic  même  ta  fa  fanté.  Sans 
elle  il  n'auroit  pu  foûtenir  le  poids  de 
fa"fblitude  avec  tant  de  perfeverance. 
C'eft  elle  qui  a  conveni  Tinclination 
qu'il  avoit  pour  la  retraite  en  une 
vraie  paiïion  pour  la  vie  cachée.  Et  le 
defir  de  ne  jamais  s'en  départir  lui  avoic 
fait  prendre  deux  devifcs  propres  à  ne 
lui  jamais  lailfer  oublier  fa  refolution. 
/,"■/.!'    La  première  tirée  d'Ovide. 

Ber?è  qui  lattilt ^  ber.è  vixir, 
do'nt  le  fou  venir  lui  fit  perdre  fou  vent 
le  dellein  de  publier  Tes  ouvrages. L'au- 
tre piifè  de  Scneque. 

////■  rnof  s  gravis  incubât 

QhI  notui  nimis  omnibus         :î  ^i. 

IgnoîHS  moritur    bi,  r.'i 

quîeftune  condanjnation  de  Ceux  qui 

cherchent  à  être  connus  des  autres  fiins 

feconnoître  eux  mêmes.  ^~   ^ 

,  .    ■'  Depuis  qu'il  s'écoit  réduit  aune  corp^ 

ie   U     ûition  privée,  u  avoit  regarde  1  incon'i. 

lUire,      yenient  d'être  trop  connu  comme  un^ 

dillradion  dangereufe  au  deffein  de  ne  ■ 

-'  ■'"  jamais 


de  M.  Defcartes.  /.  VîII.  347 

jamais  fbrtir  de  lui-même  que  pour  CQn- 
.  vcrfer  fecretement  avec  la  Natuie',  ôc 
de  ne  quitter  jamais  la  Nature  que  pour 
rentrer  en  lui-même.  Il  resardoit  com- 
me une  chofe  ties-vaine ,  Te  dcfir  que 
nous  avons  de  vouloir  vivre  dans  Topi- 
nion  &  refprit  d'autrui  :  «Se  jamais  phi- 
loforhe  n'a  fait  moins  de  cas  de  la  c^loire 
que  la  plufpart  trouvent  dans  ce  qiri 
s'appel.e  réputation,  l!  n'étoit  pas  af- 
fez  fauvage  pour  trouver  mauv.iis  que 
C  l'on  penfoit  à  lui ,  on  en  eût  bonne 
opinion  :  mais  il  aimoit  beaucoup  mieux 
qu'on  n'y  pensât  poinr  du  tout. 

La  vie  folitaire  ne  lui  coûta  que  Ses  habi- 
peu  de  mois  d'apprentilfage  parceque  ''',v7r  J* 
rinclinarion  qu'il  y  apporta  fe  trouva  l'-f^  ^  fou 
fécondée  par  fon  tempérament  &  pat 
fon  humeur  particulière.  L'habitude, 
de  la  méditation  qu'il  avoir  eue  dés 
Je  collège  Tavoit  rendu  fort  refervc  & 
un  peu  taciturne.  Mais  quoiqu'il  par- 
lât peu  en  tout  temps ,  il  patîoit  tou- 
jours fort  à  propos  &  foit  naturelle- 
ment. Ses  converfations  n'étoient  ja- 
mais guindées  ,  jamais  gefnantes.  Il 
.éviroit  fur  tout  de  paroître  dode  ou 
philofophe  dans  les  entretiens.  Il  n'é- 


'tiic. 


toit  gaéres  plus  porté  à  mettre  (^s  f  etî- 
ttts  iùr  le  papier  qu'à  les  dcbiret  <îe 
vive  voix.  Il  avoir  été  alîèz  pareÏÏcux  à 
écrire,  irais  (cm  écriture  menue  ftrirée 
Ôc  régulière  eft  mie  preuve  qu'il  avc^t 
vaincu  cette  parefTe  par  une  longue  ha- 
bitude. Il  ne  laifloii  pas  d'y  retomber 
de  temps  en  temps ,  comme  il  paroît 
non  feulement  par  la  répugnance  qu'il 
témoignoit  à  compofer  fes  ouvrages, 
mais  encore  par  la  négligence' qtt^il 
apportoit  à  repondre  à  les  amis. 

Il  n'avoir  pas  fans  doute  autant  de- 
répugnance  {"our  la  jlcdure,  qu'il  en 
faiibit  paroître  pouL  l'écriture.  Il  faut. 
avoUer  néanmoins  qu'il  ne  iifoit  pas 
beaucoup  ,  &  qu'il  avoit  fort  peu  de 
livres.  Rebuté  des  inorilitez  &  des  er- 
reurs qu'il  avoit  remarquées  dans  1er 
liv  es,  il  y  avoit  renoncé  alîez  (blcnnei- 
lement  ;  mais  à  ne  point  mentir ,  £ba 
renoncement  ne  fut  jamais  fort  entÔfji. 
&  il  le  rendit  même  fufped  de  diffi- 
mulation.  On  a  cru  qu'il  avoir  un  ufi- 
ge  des  livres  beaucoup  plus  grand  qu^il 
ne  vouloir  le  faire  croire  :  Ôc  l'on  a 
fondé  cette  opinion  fur  la  qualité  de  fdh 
_ftilc  &  Tabondance  des  chofes  qull^a 
•^'^"•"^  .  traitées 


de  M  Defaxtes.U V 1 1 1 . 3  4 9 

.W^tées  dans  tous  fcs  ouvrages  ^  mais 
gparficuUérenient  dans  fcs  letires.  . 
£.,  C'cH  un  jugement  ou  plùtct  une 
gConj.edare  qu  on  a  ticée  de  la  bcaïué 
^^ielonftiîejde  la  régularité  de  Ces  pen- 
^,fées^  de  la  nettetés  de  Texadlitude  de 
j  fcs  expreffions, 

|,j    II   a  V  o  1  ï  VEfprlt  d'une  étendue 
f^prefaue  infinie,  &  d'une   force  égale 

a  ion  ctenauc.  5a  pénétration  ecoitpro- 
'  di^ieufe  en  profondeur  &:  en  vivacité.  «eW, 

C'eft  ce  qui  paroilîoit  fLurtout  lors  qu'il 
,^étoit  qucftion  de  londer  le  fonds  de 
iirefprit  humain ,  Se  de  déterminer  pié- 
jXifément  ce  q.ii  cîl  poQîble  àl'Hoor, 
,  )çnc ,  &  ce  qui  eft  audelVus  de  Tes  for. 
^ccs. 

^  ;  Jamais  homme  n'a  fait  paroître  à 
g.  plus  haut  degré  ce  que  nous  appelions 
^■tfpHt  géomètri^ne  /&  jt^ftejfe  d'efprjr^ 
^,pouc  ne  point  confondre  les  principes 
>  entre  eux ,  pour  pénétrer  fautes  les  con- 
^/fçqucnces  qu'il  eft  poffible  d'en  tirer,5c 
^^,pour  ne  jamais  raifonner  fautfemem  fuc 
:^  des  principes  connus,  ,  , 

. _,  Sa  Mémoire  n'ctoi:  \  ni  infidjcJe», 
,,  ni  malheureufe  ;  mais  nous  ne  voions 
^  gas   qu'elle    ait   pu    répondre   à     la 

htim  Qo"^J         grandeuc 


^^1 


grandear  de  fon  efprit.   S'il  lui  n[i«# 
quoit  quelqac  chofe  de  ce  côté  là  ;^cè 
défaut  fe  trouvoit  amplement  recoffll 
penfé  par  cette  autre  partie  de  l^tii'é 
qne  nous  appelions  \t  Jugement,  &  qtâ 
elt  toute  la  lumière  de  l'efprit  de  l'hom- 
me. Il  étoic  judicieux  &  folide  par  tonr. 
Il  avoitle  goût  des  chofesfort  exquis, 
&  le  difcernemenc  très- délicat  ôc  très* 
fin,  même  dans  cequieftde  l'ulage  \t 
plus  commun  ,  où  les  plus  grands  ef. 
pries,  3c  fur  tout  les  Géomètres  ont  cou- 
tume de  manquer  d'attention. 
$on  a-        p^jgj-j  n'avoit  tant  contribué  à  pcrfèc- 
^outU    tionner  en  lui  cette  excellente  qualité 
Venté,     que  cet  amour  violent  pour  la  Vérité^ 
qui  ne  Ta  jamais  quitté  de  fa  vie.  La  fîn- 
cerité  du  cosur  s'étant  toujours  trouvée 
jointe  en  lui  avec  la  droiture  du  fens  & 
de  l'efprit  ,il  eut  un  foin  continuel  de 
ne  rechercher  que  la  Vérité  dans  toiites 
Tes  études  ;  &  de  la  faire  paroître  toâ^ 
jours  entière,  toujours  nue  dans  fés  açi. 
_    TTons  &  dans  fes  difcours.  La  franchife 
V-       &  la  candeur  furent  en  tout  temps'  lè 
* , ,        cara6tére  particulier  qui  fervît  à  Ife  dif- 
tin^uer  de  ceux  d'entre  les  hommes  qfài 
lui retièmbloient  par  d'autres  endroits; 
^^  & 


deM.De/carteSrLVlll.  35/ 

&  coure  la  politelfc  qu'il  pouvoit  avoir 
tecûede  ion  éducation  &  de  fa  fréquen- 
tation à  la  cour  des  Grands,  ne  Ric 
pas  capable  de  lui  rendre  refprit  double 
£?c  le  coeur  mauvais,  ni  de  lui  perfuader 
que  la  fidion  de  le  menfonge  dulfent  ja- 
mais être  à  Ion  ufage.  Les  fautes  qui  (c 
font  contre  la  Vérité  lors  qu'elles  ne 
partent  que  de  Terreur  &  de  l'ignorance 
cil  il  n'entre  aucun  deiTeindela  bltiTer, 
lui  paroilToient  pardonnables  :  mais  à  la. 
place  d'un  Juc;e  ,  il  auroit  été  inexo- 
rable pour  celles  qui  fe  font  contre  la 
connoilTance]  &  l'amour  de  la  vérité. 
Quoique  cette  palîion  qu'il  avoit  pour 
la  Vérité  le  portât  à  la  pouifvùvre  par  ^ 

tout  où  il  fe  doutoit  qu'elle  pourroic 
ctre  cachée  ^  il  crut  néanmoins  devoir 
s'attacher  principalement  à  la  chercher 
dans  les  fciences ,  (ur  lefquelles  il  avoit 
coutume  d'examiner  d'abord  ce  qu'el- 
les peuvent  avoir  de  folide,aEn  de  ne 
point  perdre  de  temps  à  ce  qu'elles  ont 
d'inutile  ,  &c  de  pouvoir  marquer  aux 
autres  l'ula.^e  qu'on  en  doit  £iire. 
, .V ; P £ u  s  I  E  u  R s  ont  prétendu  ou'il  n'^i-  ^  ^/. 
gnoroïc  aucune  Science,  oc  qu  u  içavou 
leus  les  Arts,  M^s  il  nous  fuffic  de  croi- 


lité. 


^j,.  ^^  re  qu'il  pou  voit  connoîcre  la  na^iirÊOT 
-t*»^  de  toutes  les  fciences^  fans  être  n^ati^ 
ijîoins  verfé  dans  toutes  les  efpece^'    /" 
^V  jDn  peut  dire  qu*il  avoit  encore'  p|âs  ^ 
4e  docÙiîé  que  de  fcicnce  :  &:  C€tce  ver- 
tu étoit  en  lui  d'un  prix;  d*àutant  plus  ^ 
ineftimable  qu  elle  cft  raredans les  chefs  ^ 
de  fcde..  La-  paflîon  qu  il  témoignoic 
pour  corriger  les  fautes  étoii  toujours  • 
fuivie  de  la  reconnoiflance  qu  il  avdit; 
pour  ceux   qui  les  lui .  faifoient  çori^ 
noître..  ^     : 

Six  moit'     La  vanité  dont  fés  Adverfàires  lofit; 
Mk^'.       taxé  en  quelques  rencontres  étoit  toute 
fuperftcielle,  parce  qu'elle  n'avoir  point: 
^  trouvé  de  place  dans  Ton  cœur.  Mais  à- 
regard  des  foupçons  delà  fierté  5^  de  la  • 
préfonïption  qu'ils  lui  ont  imputée ,  ils  ^ 
,..  n'ont  pu  tenir  contre  l'éclat  de  fa  me^ 
y  4<fl^e(\m  n'a  point  tardé  à. les  difÏÏpér, . 
Cette  nFK)de(lie  qui  étoit  accompagnée  ■ 
, ,  d'une  grande  politelîe  ,  félon  MotiiS,. 
refidoit  encore  beaucoup  plus  dans  fcs- 
fentimens  que  dans  fes  difcours,  Ejiîe 
n'étoîc  afFedléenullepart  jmàisellepâ-.- 
roKïbit  comme  en  (a  place  natufelle  dans . 
le  peu  d€  cas  qu'il  faifoit  de  U  i-métne  - 
_^  ^:dè  fesprodu(5tions,  ^  dans  l'ave fïîon  ' 

qu*ilil 


de Mk{>fjç^^tfUl,  i<^ 

,<|u'il  a  volt  pour  l^s  loUaiiges. 

^    Cette  belle  velta  nçcoit  pas  ftferilc  A  àot$^- 

en  lui  :  (5c  Ton  peut  dire  qu'elle  en  prô-  "*'"* 

duific  une  alTez  feniblable  dans  Regiu* 

T^edeçin  d'Utrecht  par  rexcclleni  mo-- 

/^4éle de rcponfe  qu'il  lui  dreflacontie  !e 

.^'^iiuiftre  Voetius,  qu'il  s'agilFoit  de  ré- 

'lfuter,&  qui  n'eft  pas  moins  un  chef- 

^4*<^Livre  de  doue  eut  «5c  d'honnêteté  que 

,^de  modeftie.  Cette  douceur  qui   étoic 

'répandue  dans  toutes  fes  meurs  n'a  ja- 

"  mais  changé  de  nom  pour  Tes  amisimais 

_.  l'épreuve  qtie  Tes  Advetfaires  en  ont  fai- 

]^X^  la  fait  appeller  modération  à  leur  Sj'r^r- 

"égard.  Elle  n'étoit  pas  bien  dans  fon  '^^^•^ 

jour  contre  des  efprits  de  la  trempe 
.  d*un  GalTcndi  &  d'un  Fermât,  Il  falloic 
^.  gn  Roberval  pour  lui  donner  de  Tcclat  : 

H^ais  fur  tout  il  falloitdes  Miniftfes  for- 
";cenez  ,  des -Théologiens  bourrus  ,  6c 
'2'4es  Philofophes  fauva^es  pour  la  faire  ■ 
"  Uiompher  dans  fon  defeit,  ■ 
^,  •.    L'amour  qu'il  avoit  eu  toDté  (à  vie  * 
'"  pour  la  paix  &  le  repos  l'avoit  fait  re- 

Xpiitlrc  de  bonne  heure  à  paéprifer  la  ca* 
7^Ibmnie  ,&  à  oublier  les  injures  11  étoit^ 
'^  tï^uirellement  ennemi  delà difpuce,  fur*' 

t^t -de  celle  pù.il  eiiUê  de  la  CQntcffà^' 


QCvj)     tk«v^ 


j^ïXï ^^hngé de  laVi^'ày^ 

tion  ôc  du  trouble.  De  là  venoit  cette 
avcrfion  qu'il  avoit  pour  examiner  les 
fautes  d'autrui  ,  ou  pour  les  relever 
tjuand  il  les  avoit  remarquées  en  lifanc. 
Cette  occupation  ne  lui  patoillbit  pas 
dlez  digne  d'un  homme  qui  devoittout 
ion  temps  à  la  recherche  de  la  vérité  :  Sç 
a  croiait  fè  détourner  de  Ton  chemin ,. 
lors  qu  il  s^arrétoicà  confiderer  les  éga- 

remens  des  autres. 

^^'  Takt  dequalitezaimables'nepouv 
es  amis,  y^j^j^j  manquer  de  lui  attirer  des  amis  : 
^perlonnene  pouvoir  fe  vanter  d'en 
avoir  plus  que  lui.  Mais  quoi  qu  il  ne 
refusât  Tamitié  de  perfonne,  la  fienne 
n'écoir  pas  fans  difcernement  ,  parce 
qu'il  tkhoit  de  ne  la  feparer  de  Ton  etli. 
me  que  le  moins  qu'il  lui  étoit  poflible. 
SaconFiinee  n'étoir  que  pour  ceux  en 

^^         qui  il  avoit  remarqué  une  n^gcfle  t]ue  la 
•^     -  ic)enGe&  la  venu  av oient  confomn.ée. 

v»v  î  V.  :•>  C'étoit  rh€>mme  de  la  meilleure  coa- 
fcience  dumonde,  au  rapport  même  de 
ceux  qui:  s'êc oient  rendus  les  plusindi*.' 
gnes  de  fon  c:mitié.  Il  avoit  une  ten^ 
diclîè  te  une  fidélité  pour  Tes  amis,  qui 
ctoit  à  répreuve  de  l'inconftance  &de 
ta  viçiflicude  desckofesdeceaionxiei  II 
'KUiJi..';;  ^  n'ctoit 


de  Min3f/S<rrçTji  VIII.  355 

It'éroit  point  méfiant  ni  foupçonneux . Il 
«roioic  aiiément  le  bien  ,  mais  difficile- 
tftcnt  le  mal  dans  la  perfonne  de  Ces 
amis.  Sa  maxime  étoic  de  fufpendre 
toujours  fon  confentement  pour  les  rap- 
ports defavantaj^eux  ,  jufcp'à  ce  que  (à 
propre  expérience,  ou  des  demonftra- 
tions  infaillibles  P^rurallent  de  la  chofe 
qu'on  lui  avoic  rapportée.  Une  autre 
maxime  de  fon  amitié  étoit  de  n'être  ja-  '  '"^ 
mais  incommode  àfes  amis  ,  ôc  de  leur 
rendre  cependant  tous  les  fervices  dont 
il  étoit  capable.  Croiant  que  la  difpofi- 
tionoù  il  étoit  pouvoit  lui  fervir  de  ré- 
^le  pour  jJger  de  celle  des  autres,  il 
fortoit  l'obligation  de  i'amitié  à  un 
l^im  de  perfcdion  (1  haut ,  qa'il  pré-- 
tfndoit  que  ceux  qui  rendent  les  fervi- 
«cs  font  encore  les  redevables. 
1^  Un  homme  de  ce  cara<fl:cre  ne  âc-  Sesennc 
Toit  point  avoir  d'ennemis,  Aufïî  nVn  ^nis  & 
a-t'rl  jamais  eu  d'autres  que  ceux  de  la  ^"'*''^*''' 
vertu  (3c  de  la  vérité  ,  qui  s'élevèrent 
moins  contre  fa  perfonne  que  contre  fes 
écrits.  Il  n'avoir  nulle  inquiétude  for 
ies  inimitierdes  autres  :  &  fans  être  trop 
curieux  de  s'enqneiir  s'il  avoit  des  en# 
ûcœis  ,  il  le  contcnioii  de  ne  l'être  à 
-A  .    '        "  perfonne. 


y^S  '     ^Jhfe^i de UVie  ^  ^^ 

pcrionne,  &  de  5  tenir  toujours  prêt  à?' 
la  réconciliation  pour  ceux  qui  yo%, 
droienr  revenir  à  lui.  ,  ,^^- 

Mais  il  ne  croioit  pas  devoir  negjîgè^ 
les  ennemis  de  fa  Philofophie  ,  doue, 
quelques-uns  devinrent  Tes  envieux  ,,^ 
lés  autres  fe  rendirent  Tes  adverfaires.  te 
peu  qu'il  pouvpit  avoir  de  vanité  ft 
trouva  fans  doute  f.  rt  fatisfait  des  pre- 
miers ^  ôc  ce  qu'il  avoit  de  n^erite  ne 
pouvoir  être  rehaut é  avec  plus  d'éclat: 
que  par  Tenvie  d'autrui.  Pour  fes  Ad- 
vcrfàires  dont  le  nombre  patïbit  àt 
beaucoup. celui  de  fes  EiwieuXj  il  ne  re- 
al^Vi'  S^^^  jamais  de  répondre  à  ceux  qui  à 
travers  de  leurs  préventions  ou  de  leuç 
ignorance  ,  lui  faifoient  appercevo^ 
quelques  marques  de  bonne  foi,  i: 

Comme  il  avoir  des  adverfaires  de 
Jfoh  vivant  qui  ne  laiffoient  pas  de  faiie 
proFeflîon  d*amitié  avec  lui  :  il  ne  faut 
pas  douter  qu*il  n*eût  auffi  quelques  afr 
fedions  qu'il  fut  obli^^é  de  comb^tce 
comme  adverfaires  ou  ennemies  de  fon 
înftitut.  A  regard  des  premiers  il  n'a-» 
,voit  prefque  que(â  raifon  à  fuivrc  fai^  ' 
•^voir  rkn  à  craindre  de  fou  inclination^  - 
IMâis  pour  les  auacs.oùiUewble  que,  fa 
'    .  '  raifoa- 


de  M.bfcaftk'T^U:  Ip' 

taifon  ne  pouvoir  avoir  la  plus  grande  ■ 
partjil  falloit  principalement  s'étudier  à- 
retenir  fon  inclination.il  s'en  rendit  en- 
fin le  maître  par  Ton  aplication  &  fa  pcr- 
fêverahce  :  mais  par  an  effc^t  de  la  bi- 
zarrerie dé  cette  inclination ,  il  lui  étoic 
refté  fort  avant  dans  le  cours  de  fa  vie - 
pour  Içs  petfonnes  louches  une  pente 
d*a[fe(5bion  venue  de  l'impreflion  de  fon  < 
enfance,  lors  qu'éiant  en  bas  âge  il  ai- 
rnoit  une  petite  demoifcUe  qui étoit  un» 
j^cu  louche.. 

Ce  que  quelques-uns  de  Tes  ennë-  incUna* 
mis  ont'publiéde  fon  inclination  pre-  ''««  p»"»^' 
tendue  pour  le  fexe  ,  fembîe  n*avoir  été  ^'■^'^^** 
imiiginé  que  fur  une  méchante  explica. 
tion  d'un  endroit  du  fieurEorel  qui  té- 
moigne que  nôtre  Philofophe  nefede- 
plaifoit  point  à  la  convcrfation  des  fem- 
mes ,   parce  qu'en  matière  de  phiîolb- 
phiejil  les  trouvoit  plus  douces,  plus  pa- 
tientes ,  plus  dociles  j  en  un  mot ,  pliis- 
vuides  de  préjugez  &  de  f^uilès  dodtri- 
nes  que  beaucoup  d'hommes. 

L'aventure  que  quelques  efprits  oi- 

Ùh  lui  ont  attribuée  avec  une  Dame  de 

Touraine  nommée  la  Menaudiére  ,  efl: 

une  fidion  forgée  fur  un  tableau  qù*elle 

'"'   '  '  avoit- 


358     ^Ahregêde  la  F^ie^lJîi^ 

.   avoit  vu  de  nocre  Philofopbe  chez  VAh^ 
bé  de  Touchelaye.  Jamais  il  ne  vid  cette 
Dame ,  &  elle  ne  l'avoii  vu  qu'en  peiru , 
ture.  Il  n'en  eft  pas  de  même  de  Madame 
duRofai,  qu'il  rechercha  dans  leitemps 
que  Tes  parens  fongeoient  à  le  marier, 
&  qu'il  difputa  même  l'épée  à  la  main 
contre  un  Rival ,  dans  une  rencontre: 
qu  il  eut  fur  le  chemin  de  Paris  à  Oir, 
leans.   Mais   cette  Dame  ne  fit  point 
difficulté  d'avouer  dans  la  fuite  que  fe 
Pliilorophie  avoit  eu  plus  de  charmes 
qu'elle  pour  M.  Defcartes  j  ôc  qu'en- 
core qu  elle:  ne  lui  parût  pas  laide  ,  il. 
lui  avoit  dit  pour  toute  galanterie  qu'il 
ne  troHvoit  f(nnt  de  béante  comparable 
À  celle  de  la  Verii  é* 
,  ^.  _    La  faute  qu*il  a  faire  une  fois  en  Gi 
^^  *'vie  contre  l'honneur  de  fon  célibat  eft 
'moins  une  preuve  de  fon  inclination 
pour  le  fexc  que  de  fa  foib'elle  :  &  Dieu 
l'aiant relevé  promtement,  voulut  q.ue  le 
fouvenir  de  fa  chute  fût  un  fvijet  conti- 
nuel d'humiliation  pour  lui ,  &:  que  fon 
repentir  fut  un  remède  falutaire  contre 
Pélevation  de  (on  efprit .   :^  1  ;  ï,^-,^^ 
Il  recouvra  par  ce  glorieux  rétablifle^ 
;»/,'  ^    ïpaittous  les  èaits  doiit  il  avoit  plû  à 


^V'*j" 


ta  vif' 


deMiî)efcarte<.  l  VîII.  3/^ 

Dieu  d^honorer  les  vertus  de  Ton  arrtc^: 
Il  fie  lui  en :avoit  manqué  ]ufqaes-là  au- 
cune de  celles  qui  font  Thonnefte  hom- 
me ,  &  l'homme  de  bien  :  &  depuis ,  il 
travailla  pour  mériter  celles  qui  peuvent 
compofer  un  philofophe  parfaitement 
chrétien.  Ceux  qui  Tont  connu  le  plus 
intérieurement ,  ont  tous  rendu  témoi- 
gnage à  l'innocence  de  (a  vie.  Ils  l'ont 
ttouvé  religieux  dans  tous  Tes  fentimens, 
/âge  dans  toute  fa  conduite,  édifiant 
dans  tous  Tes  dilcours ,  donnant  des 
exemples  d'une  pureté  6c  d'une  probité 
quiétoit  à  l'épreuve  de  la  conuption 
ordinaire  du  (îécle. 

Apres  l'avoir  connu  tel  qu'il  étoît    yjj^ 
dans  Ton  commerce  avec  les  hommes  &  ^^^  ^^^._ 
avec  lui-même  ,  il  eft  bon  que  Ton  fça-  mens  fw 
che  comment  il  en  ufoitdans  lesrela-  ^*^i^'^*' 
lions  qu*il  avoit  avec  fon  Créateur  -,  ce' 
qu'il  penfoit  de  la  Religion  i  en  quoi 
confiftoit  fa  pieté ,  qui  étoit  fincere  5c 
folide,  mais  qui  n*avoit  rien  d'outré, 
ni  de  fadieux,  au  fentiment  des  perfo»- 
ne«  de  l'une  ic  de  l'autre  communion;  • 

Jamais  Philofophe  n'a  paru  plus  pro- 
fondément refpedueux  que  lui  envers  ?. 
la  Divinité.  Il  fut  toujours  fobre  furies'  '♦^ 
:'-^- J                                             fujeis 


§£pt  t  ;  Ahf€g€  de  la  F'sifi  4^. 
fujets  de  religion.  Jamais  il  n'a  parll 
de  Dieu  qu  avec  ladeiniere  circonfpec-. 
tion,  toujours  avec  bv^aucoup  de  fag^ile^ 
toujours  d'une  manière  noble  <îk  éleyée*- 
L'apprehenfion  ou  plutôt  la  delicatelîe 
qu'il  avoit  fur  ce  point  lui  faifoit  fau* 
puleufcment  éviter  d'entrer  dans  des 
queftions  de  pure  Théologie  ,  croianc 
que  c'eft  faire  tort  aux  veritcj:  qui  dé- 
pendent de  la  foi ,  &  qui  ne  peuvent 
ctre  prouvées  que  par  démonftration  na* 
turelle ,  que  de  vouloir  les  affermir  par 
des  raifons  humaines  &  probables  feu* 
kmenr. 

Il  ne  pouvoir  fouffyir  fans  indignatioo 

•~  Ul  temerité'de  certains  Théologiens  qui 

s*échippent  de  leur  guides ,  c  eft-  à-diré^ 

de  l'Ecriture  Se  des  Maîtres  de  l'ancien* 

ne  Eglife  ,  pour  fe  conduire  eux-mêmes 

par  des  routes  qu'ils  ne  connoillenc  pasv 

Il  blâmoit  fur  tout  lahardielTe  des  Phi- 

lofophes  &  des  Mathématitiens  qui  pï* 

roiflent  fi  decififs  à  déterminer  c^  éftft 

:*«««=r«r     'Dieupeiif^é'  ce  ^h'H  ne  pent  pa^,    li 

AIT  »  diCoii  que  "  c'eft  parler  de.  Dieu  comme 

iV^A"  ^'^"  J^'P^^^J^o^  d'un  Saturne,,  (3c  Tallu- 

;*-  ;^'**^  jettir  auScyx  &  au  Deftin  ,  que  de  dire 

ij?5î      '^\^ii'il  y  a  des  veritez  indépendantes  de^ 


,  de  ^tbfvÂkTMu.  j^ 

**    Pour  ce  qui  eft  de  l'exiftence  de Diea, 
H.' était  fi  content  de  l'évidence  de  la 
^âéirjonftrntion  qu*il    cro:oir  en  avoir 
'^^trouvée  ,  qu'il  ne  faifoit   point  diffi- 
^tulté  de  la  préférer  à  toutes  celles  des 
'venter  géométriques.  Il  eftimoit  d*ail- 
^urs  que  le  confentement  univcrfel  de 
'éorus  les  peuples  eft  fuffiùnt  pour  main- 
^Verrir  la  Divinité  contre  les  injures  des 
Athées;    6c  qu'un  particulier  ne  doit 
jamais  entrer  en  difpute  contre  eux  s'il 
n'cft:  allure  de  les  convaincre. 
*"    B  eft  inu:ile  de  rappeller  ici  les  caloiti- 
"^r>ies  d'Athcifme  &:de  Sceptidfmedont 
Tes  ennemis  avoicnt  tâché  de  le  noircir 
■nonobrtant  le  fuccés  avec  lequel  il  avoit 
combatu  les  Athées  de  les  Sceptique^.. 
On  n'a  pu  former  contre  lui  ces  accufà- 
^tions  qu'en  lui  attribuant  les  opinions 
qu*il  avoit  entrepris  de  réfuter  j  &  qu'en 
le  furprcnant  par  une  puérilité  imperti- 
nente dans  l'entre- deux  delà  propoû- 
Jtion  &  de  la  réfutation. 
•    La   PRECAUTION  qu*il  appof- 
toit  à  ne  faire  jamais  d'entrepriie  fur 
la  Théologie  ,  n'alloit  pas  jufqu  à  îe  ^*j^^/'(°* 
^'fsiitc  renoncer  à  la  part  que  la  Raifon  chofes  de 
^humaine  peur  avoir  dans  les  connoiftan*  ^^  „^''*' 


ces 


E 


3^1  '    Abrégé  de  la  l^ie    ' 

ces  divines  ,  même  celles  qui  neiioU's 
ont  été  communiquées  (j'en  haut  que 
arlarevelation.il  n'ignoroit  pas  l'uti-- 
ité  de  la  Raifon  pour  rétablilTement  des 
maximes  de  la  Religion  ;  &  il  étoit  për-^ 
fuadc  que  la  Philofophie  bien  emploiée^ 
cft  d'un  grand  fecours  pourappuier   ÔC^- 
juftifier  la  Fo.  dans  un  efprit  éclairé. 

Ce  n'eft  pas  qu'il  prétendit  qu'on' 
doive  être  Fhilofophe  pour  être  Chré- 
tien :  mais  il  eftimoit  qu'encore  que  la 
Raifon  de  Thorame  fe  foi^imette  à  la  Foi  ' 
divine,  la  Foi  ne  dédaigne  pas  de  fe 
fervir  du  raifonnement  humain  pour 
.  captiver  la  Raifon  &  s'en  faire  obéir. 

II  étoic  perfuadé  que  Tes  opinions 

pou  voient  avamageufement   fervir   à 

'expliquer  les  veritez  de  la  Foi,   Il  ne 

.  croioit  pas  qu'il  y  eût  rien  dans  tout  ce 

^,qui  peut  regarder  la  Théologie  &  la 

Religion,  avec  quoi  fa  Philofophie  ne 

s'accordât  beaucoup  mieux  que  ne  fait 

la  Philofophie  vulgaire.  Et  pour  ce  qui 

eft  des  controveries  qui  s'agitoient  de' 

Ton  temp^  dans  les  écoles  theolo^;iques , 

à  caufe  des  faux  principes  de  Philofo- 

ph'e  fur  lefquels  il  les  croioit  fondéc^s  , 

il  efperoit  qu*elles  ceiTeioienc ,  &  qu- 

.  .  elles 


de  M.Defcxm^.  /.  VIII.  5^3 

elles  tombei'oient  d'elles-mêmes  ,  s'il 
artivoit  jamais  que  Ces  opinions  fulK  ne 
reçues.  Ce  qui  lui  avoir  piineipalement 
çnné  le  cc^ur ,  cfl:  que  décrivant  la  njif- 
(cUice  du  monde  félon  les  principes  de 
fa  Ihyfiqne  ^  i'érant  fouvenu  de  relire 
le  premier  chapitre  de  la  Genefe,  il  avoic 
trouvé  qu'il  pouvoir  s'expliquer  entié- 
remenr  fuivant  fes  iman^inations  beau- 
coup m:eux  qu'en  routes  les  façons  dont 
les  interprètes  l'expliquent. 

Cependant  fur  les  feules  apparences 
de  fes  entreprifes ,  &:  fur  fes  manières 
de  philofopher  qui  paroiiîbient  nou- 
velles, plufieurs  ont  jugé  quefaphilo- 
foplîie  étoit ,  finon  pcrnicieufe  ,  au 
moins  tres-dangs.rcnfe  à  la  Religion 
Chrétienne  j  &:  qu'elle  étoit  également 
contraire  à  la  Théologie  des'Catholi-  ' 
ques  6c  à  celle  des  Prottftans.  C'eftce 
quiavoir  portéquelquesControverfifles 
de  Tune  &  l'autre  communion  à  vouloir 
l'étouffer  dins fa nailTance. 

On  eft  revenu  de  ces  appréhenfions 
parmi  les  Catholiques,  hors  quelques 
Peripaicticiens  aveuglez  de  leurs  pré- 
ventions. Mais  les  Proteftans  qui  ne 
l'ont  point  trouvé  favorable  à  leurs  in- 

novatioi^s 


3M   '^-'  h^regedeUVit^A^' 

novations  0:1:  été  long- temps  fan  vie  . 
lui  vouloir  pardonner.  Parce  quil  q'a 
point  parlé  comme  eux  de  la  Providen- 
ce de  Dieu  &  de  h  Liberté  derHomme, 
ce  qu'ils  ont  pj  faire  de  moins  des-cbli- 
geant  pour  lui  a  été  de  le  faire  pafler 
pour  un  Pelagien.  Mais  leur  accuutioii 
cft  tombée ,  n'aiaiit  pu  l'appuicr  fur  au- 
cun endroit  de  Ces  écrits  ou  de  fa  con- 
duite particulière  ,  où  il  fiit  queftion  de 
la  grâce  de  Jefus-  Chrift,  ou  de  la  gloire 
^  furniturelle. 

'  j  vr  II  e t g I t  fi  perfuadé de  la  confor- 

Maniere  ^'^^-  totale  de  fcs  opinions  avec  ce  que 
d'exfii'    PEglife  nous  cnfeignedes  veritez  de  la 
VZnf^   Foi.,  que  la  Tranllubftantiation  même 
fubjtan-  qu*il  eftimpoiïible  félonies  Proteftans 
d'expliquer  par  la  philofopliie  ordinai- 
re ,  eft  félon  lui  très  facile  par  la  ûenne. 
Son  explication  au  jugement  de  tous, 
les  Catholiques  Cartefiens  eft  beaucoup.  ; 
moins  embaralVante  que   celle  qu'on 
nous  donne  dans  les  Ecoles  :  &  fi  Ton 
en  croid  quelques  Jefuites ,  il  a  fort 
clairement  explijué  tout  le  myftere  de 
l'Facharifiie  t^ivarit  fesp/imipes^fans^ 
aucune  entiîé  d'accidens, 

C'eft  ce  quia  fait  jugef  à  plafieurs 

UuU 


tmnati> 


e?f  M.  DepcartesJyviU.  5^J- 

'ÏJnivcificezProceftcintcs  que  fa  doélrinc 
ctoit  tres-préjuQidable  au  Calvimfme! 
6»:  elles  onc  eu  raifon  de  regarder  Ari- 
ftdtç  comme  beaucoup  plus  propre  que 
lui  pour  les  dcdeins  qu'elles  avoient  de 
maintenir  leurs  heicfies,  &  de  comba- 
tfe  les  dogmes  de  TEglitc  Catholique. 

La  bonne  foi  nous  oblige  de  recon- 
lîo'icre  d'ailleurs  que  la  plu  part  des  au- 
tres irott-ftans  n'ont  pas  eu  ces  confide- 
rations,  lors  qu'ils  ont  chafTé  Ariftote 
de  leurs  écoles  pour  v  introduire  M, 
Defcartes  :  &  qu  ils  ont  en  cela  moins 
confideréles  intérêts  de  leur  Tnéc!o:;ie 
que  ceux  de  ia  1  hilofopie.  Mais  il  fera 
toujours  glorieux  pour  fa  manière  d'ex- 
pliquer la  Tranflubftantiaiion ,  de  fç^. 
voir  qu'elle  ait  eu  la  force  de  convertir 
des  Huguenots  à  la  foi  de  TEghfe  Ro- 
maine :  comme  fa  manière  de  parler  de 
la  Religion  a  fait  entrer  quelques  Achées 
de  profeffion  dans  la  même  Egîife. 

Ce^  endant  Dieu  a  permis  que  la  eau 
lomnielait  attaqué  par  l'endroit  même 
où  confiftoit  fon  mérite.  Il  s'eCt  trouvé 
des  Catholiques  qui  fur  àçs  foupçons 
tres-injulles  n'ont  peint  fait  difficulté 
de  Taccufer  de  Calviuifnie  ;  ^  des  Cal- 

Y  initie  s 


3  6 G        Jhregêde  la  Vie 

viniftes  qui  pau  un  craie  de  malice  ont 
voulu  fe  faire  honneur  de  le  mettre  de 
leur  nombre.  Mais  la  calomnie  a  été 
confondue  par»  les  témoignages  d  *u- 
ne  infinité  de  gens  de  l'une  &  Tautre 
communion,par  les  certificats  de  la  Rei- 
ne de  Suéde  ,  de  laPrinceiTe  Elizabeth, 
du  P.  Viogué  Ton  confelTeur,  de  Met- 
fleurs  Chanut  ,  de  M.  Clerfelier  -,  & 
enfin  par  la  jiiftice  que  l'Eglife  a  fait 
rendre  à  fa  mémoire  dans  les  lionneurs 
publics  d'une  fepulture  que  nous  re- 
gardons comme  le  facrement  de^Morts, 
ôc  le  fceau  de  la  communion  des  Saints. 
fes  exer-  Cette  juftice  étoit  bien  due  à  un  auffi 
religieux  obfervateur  des  loix  de  l'Egli- 
fe qu'écoitce  Philofophe.  Jamais  il  n'a- 
voit  mancjué  de  zèle  pour  elle  ,  mais 
ce  zcle  n'étoit  ni  avcui^le  ni  déréglé.  Ja- 
mais il  n'eut  honte  de  profelTer  publi- 
quement fa  catholicité  au  milieu  des  fo- 
ciecezfeparées  de  TEglife.  Jamais  il  ne 
lailFa  échaper  de  fa  plume  ni  de  fa  bou- 
che aucun  terme  de  liberté  ou  d'irrévé- 
rence touchant  certains  ufages  de  nôtre 
Eglife  ,  furlefquels  fes  Philofophes  & 
les  Efprits  forts  ont  coutume  de  faire  les 
plaifans.  Le  refpe(^  qu'il  avoic  pour  le 

miniftére 


cices    dt 
fieté 


de  M,Defcdnes'l:Vl\l.  3(^7 

miniftére  évangelique  des  Théologiens 
Pioteftans  ne  luifîc  jamais  dire  un  mot 
qui  parue  complaifant  oli  favorable  au 
fchifme  oa  à  riiéréfie.  La  précaution  à 
laquelle  il  s'étoic  airujetci  en  entrant 
dans  des  paysdedifFerente  religion  Ta- 
voit  tellement  rendu  difcret  &  retenu, 
qu'il  ne  parloit  prefque  jamais  fans  édi- 
fier, ni  fans  imprimer  du  refped  &  de 
Teftime  pour  la  religion  qu'il  profef- 
loir. 

Sa  conduite  n'étoit  pas  moins  édifian- 
te que  fcs  difcours.  Il  ne  f^ifoit  pas  con- 
finer tous  les  devoirs  d'un  véritable 
chrétien  dans  un  culte  intérieur  feule- 
ment 3  comme  font  phifieurs  Philofo- 
phes.  Il  écoit  fcigneux  de  l'accompa- 
gner de  tousles  exercices  d'un  bon  ca- 
tholique :  &  il  s'acquittoit  de  toutes  fes 
obligations  comme  auroit  fdit  le  plus 
humble  &:  le  plus  fimple  des  Fideîles. 
Il  frcquentoitfur  tout  les  facremensde 
pénitence  «Se  d'Euchariftie  avec  toutes 
les  dilpolicions  d'un  cœur  contrit  & 
d'un  efprit  humilié,  autant  qu'il  eft  per- 
mis de  s'en  rapporter  a  la  foi  des  Con- 
fcillursqut  gouvernoient  fa  confcience 
ça  Hollande  bi  en  Suéde. 

R         L'atcg. 


5  68       Àhycqt  de  la  J^ie 

ji^„  },^  L  attachemenr  qu  il  avoïc  pour  toiK 
^'i^giife.  le  corps  de  l'Eglife  dont  il  écoic  mem- 
bre 5  étoit  foûrenu  d'une  foùmidion  Hn- 
cére  &  fins  icferve  pour  Ton  autorité. 
Ilavoicdeladcférence  pour  tout  ce  qui 
portoit  le  cara(5bére  ,  ou  feulen-.Cît  le 
nom  du  faint  Siège  ;  &  il  fai'oic  eri.ime 
deja  Sorbonne,  c'ell- à-dire,. de  toute 
la  Faculté  Thfologique  de  Paris ,  qu'il 
reg.ii'doir  comme  dé^oflraire  de  la  clef 
delafcience,  (cachant  que  celle  de  la 
puKîance  croit  entre  \qs  mains  du  Pape 
A' desEvéques.  C'cft  ce  oui  lui  faifoic 
croire  que  ia  ccnfcience  feroit  toujours 
en  fureté,  taijt  qu'il  auroit  Roms  d^  l^ 
Sorbor.ne  de  [on  cojle. 

Sa  fouir>ifîiO'n  au  S.  Siège  s*étendoit 
même  jufqu'à  quelque  condderntioii 
pour  l'Inquihtion  Romaine,  quoiqu'il 
iiefuc  nulle  part  judi^iable  de  Ton  tri- 
bunal. Il  n'ignoroit  pas  la  dififèrence 
qu'on  doic  mettre  entre  l'autorité  du 
Pape  ^  celle  de  la  Congrégation  éta- 
blie à  Rome  pour  les  livres  défendus; 
niais  il  ne  lailTbit  pas  de  témoigner  du 
refpLâ:  pour  elle  idc  dire  par  honnêteté 
qufi  Ton  autorité  ne  pouvoir  guéres 
»ioins  fur  Tes  avions,  que  fa  propre  m* 

fon 


de  M,Defcartes.  /.  VIII.  3^5> 

fon  fut  fes  pensées  -,  &  de  prendre  tou- 
tes les  mefiires  necellaires  pour  ne  rien 
écrire  qui  pûc  lui  déplaire.  Il  cft  à  croi- 
re que  cette  Conare2,ation  de  fon  côte 
i'auroit  épargné  fi  elle  ïivoit  pu  fc  dé- 
fendre des  intrigues  d'un  auteur  paai- 
culier  qui  fç  :t  adroit.^ment  Faire  gliilcr 
un'^  partie  de  fes  ouvrages  dans  Vhidsx 
au  milieu  d'une  lirte;d'autres  livres  dé- 
fendus par  un  décret  du  iode  Novem- 
bre 166 1.  ^_ 

I L  s  E  M  B  L  î  qu'on  n'ait  point  trou-     y^^ 
vé  pourlecenfurerou  pour  Icrejetccr,  7),,  c^- 
de  prétexte  plus  fpecieuxc,uc  celui  de  '■f-'^'>« 
la  Nouvea:ite  dont  piulicurs  ont   cru  -ycauu 
qu'on  lui  pouvoic  f.iire  un  crime.  C'ell  '^«^/^^ 
peut-être  de  tous  ceux  qu  on  a  voulu 
lui  imputer  le  feul  dont  on  ait  pu  le 
charger  avec  le  plus  de  vrai-femblance. 
A  dire  le  vrai  ,  il  n'a  point  eu  pour  la 
Nouveauté  toute  l'horreur  qui  a  para 
dans  les   adorateurs  des   Anciens.  Il  a 
cru  qu'en  philofophie  où  il  ne  s'agit  que 
de  la  recherche  des  veritez  naturelles 
qui  n'ont  pas  encore  été  découvertes, 
il  écoit  permis  d'emploier  des  moiens 
nouveaux,    puifque  les  anciens  n'ont 
pas  réulîi  depuis  tant  de  décles  à  nous 
.R   ij         les 


570       yihregc de  la  P'ie 

les  faire  découvrir.  D'ailleurs  Ton  efprît 
n'étoit  pas  du  caradére  de  ceux  à  qui 
deux  ou  trois  mille  ans  font  capables 
d'imprimer  de  la  vénération  pour  l'er- 
reur. Il  écoit  alTuré  que  les  chofes  les 
plus  anciennes  qui  ont  été  reçues  par 
la  Podeiité,  avoienc  été  nouvelles  dans 
leur  nai(rance:&:  que  fi  la  nouveauté 
avoit  été  un  obftacle  à  leur  réception, 
on  n'auroit  jaaiais  rien  reçu  dans  le 
nciondc. 

Mais  depuis  qu'on  s'eft  engagé 
d'honneur  à  ne  plus  confondre  la  Nou- 
veauté avec  la  FaulTeté,  ni  TAntiquité 
.  avec  la  Vérité,  l'Envie  qui  ne  pouvoit 
foufftir  que  M.  Defcartes  fut  innocent 
a  tâché  de  prendre  le  change  pour  le 
rendre  coupable.  Ses  défenîeurs  pour 
repoufler  robjedionde  la  Nouveauté 
avoient  entrepris  de  faire  voir  que  fes 
opinions  n'étoient  pas  trop  nouvelles, 
&  que  plufieurs'  avoient  été  débitées 
avant  lui.  Ses  envieux  à  qui  tout  avoit 
paiû  nouveau  jufques-là  n'ont  pas  man- 
qué de  profiter  de  ces  ouvertures,  &:  ils 
Tont  auiïi-tôt  accusé  d'avoir  volé  les 
Anciens ,  ôc  même  ceux  des  Modernes 
qui  l'avoient  prévenus. 


'de  Aï.  Defcartes.l.VlU.  571 

La  multitude  de  ceux  qai  fcmblenc  -^«^ »"«'»* 
avoir  eu  avant  lui  des  lentimens  fembla-  r.ve'ccei^x 
blés  aux  (îens  peut  bien  (etvii:  àrehauf-  "^^'''-^'V'' 
fer  le  prix  de  Ta  philofophie,   &  faire  ^''" 
juger  de  Timpoitance  de  ce  qu'il  y  a 
ajouté  de  nouveau,  foit  pour  corriger, 
foie  pour  perfedlionncr  ce  qui  n'avoic 
été  qu'ébauché  ou  bazardé  jufques-là, 
fans  principes  ou  fans  méthode  :  mais 
elle  eft  inutile  pour  piouver  qu'il  foie  . 
le  plagiaire  de  tant  d'Auteurs  dont  on 
fçâit  que  la  plufpart  lui  étoient  incon- 
nus. Elle  nous  porte  feulement  à  croire 
qu'il  a  inventé  feul  plus  que  tous  ces 
Philofophes-enfcmble,    &:  qu'il  a  été  ' 
plus    heurejx     que    tous     en    vray- 
femblance    ôc    en   folidité    pour    Té- 
tablilTement  de  (es  principes,  6c  la  liai- 
fon  de  fes  conféquences.  Son  fyftémc 
eft  fi  achevé  ik  fi  bien  fourni,  qu'on  ne 
doit  pas  trouver  étrange  que  ce  qui  a 
été  le  plus  p'auhblement  imaginé  par 
les  Anciens  6c  les  Modernes  s'y  tiott- 
ve  arrangé  de  tedifié,  fans   qu'il  foie 
befoin  de  feindre  qu'il  l'a  pris  dan:  leurs 
écrits. 

M.  OcRartes  convcn.^nt  que  ce  qu'il 
R    lij  ,  dàok.  - 


37^       yîhregé  de  la  Vie 

difoic  pouvoit  avoir  été  déjà  dit  pat 
d'autres ,  croioit  qu'il  en  étoic  de  même 
de  lui  que  d'un  homme  qu'on  accure- 
roit  d'avoir  pillé  l'alphabet,  &  !e  dic- 
tionnaire,.  parce  qu'il  n  auroit  pas  em- 
ploie de  lettres  qui  ne  fulfent  dans  le 
premier,  ni  de  mots  qui  ne  fe  trouvaf- 
fent  dans  le  fécond.  Mais  il  ajoûtoic 
que  ceux  qui  reconnoîtroient  Tenchai- 
nement  de  toutes  Tes  pensées  ,  qui  fui- 
vent  necefTairement  les  unes  des  autres^ 
avoUeroient  bien  tôt  qu'il  feroit  auffi 
innocent  du  vol  qu'on  lui  impute,qu'uiî 
habile  Orateur  que  Ton  rendroit  pla- 
giaire de  Calepin  ou  du  vieux  Evandre, 
pour  avoir  emprunté  les  mots  de  l'un 
ôc  les  lettres  de  l'autre. 

La  feule  difficulté  qui  reftoit  à  lever 
aux  Cartéiisns ,  confiftoit  à  dire  qu'on 
vient  trop  urd  pour  inventer  une  chofe, 
îorfep'elle  e(l  déjà  inventée.  Mais  l'ex- 
périence nous  répond  pour  eux  qu'u- 
ne même  chofe  peut  être  inventée  plus 
d'une  fois  en  des  temps  difïèrens  &  en 
divers  endroits  par  des  perfonnes  qui 
n'auront  rien  appris  l'une  de  l'autre,  ôC 
qui  n'auront  eu  aucune  communication 
cnfemble.  M.  Dcfcarces  témoigne  qu'il 

lai: 


de  M.  Defcartes.  /.  VIII.  575 

lui  importoit  pea  d'être  le  premier  ou  c? 
le  dernier  à  écrire  les  chofes  qu'il  écri-  « 
voit  pourvu  feulement  qu'elles  fufifent  c« 
vraies.  Il  ne  (è  vantoit  point  d'être/^  u 
pre?nier  Irruenteur  d'aucune  des  chofes 
qu'il  avoit  avancée5.  Il  fe  contentoit  de 
dire  que  s'il  les  avoit  reçues,  ce  n'étoic 
point  pour  avoir  été  avancées  par  d'au- 
tres, ou  pour  ne  l'avoir  pas  été  ,  mais 
feulement  parceque  la  raifon  les  lui 
avoit  perfuadées. 

Au  refte  il  n'étoic  pas  de  ces  efprits 
inquiets  ou  intercffez  qui  craignent 
qu'on  ne  leur  dérobe  leurs  inventions: 
6c  il  ne  jugeoit  pas  qu'un  coeur  géné- 
reux dût  fe  plaindre  des  Plagiaires  qui 
l'auroient  volé,  pourvu  qu'ils  ne  fup- 
priment  pas  entièrement  leur  larcin , 
qu'ils  ne  le  corrompent  pas  ,  &  que  le 
Public  n'en  foit  pas  fruftré.  Il  nous  a 
lailfé  de  beaux  exemples  de  la  genero- 
fité  &:  du  deùinterelfement  qu'il  exi* 
geoit  des  autres  en  ces  tencontres,à  l'é- 
gard de  deux  Auteurs  Hollandois  qui 
s'étoient  rendus  plagiaires  de  fes  écrits 
avant  qu'il  les  eût  communiquez  au  Pu- 
blic. Il  fe  contenta  de  prendre  des  pré- 
cautions oeccllaires  contre  la  vanité  de 

l 'un 


374  ^yeo^édelaVhdeM.Def. 
l'un,  8c  l'infidélité  de  l'autre  :  après 
quoi  il  abandonna  le  refte  à  Dieu,com- 
me  à  Tunique  auteur  de  tout  ce  qui 
pouvoit  y  avoir  de  bon  dans  fes  écrits, 
fans  s'en  attribuer  autre  chofe  que  ce 
que  l'ignorance  &  Tinfirmité  humaine 
y  avoient  produit  de  defedueux. 


FIN, 


EKRJTJ. 

ftigc  ligne     faute         correEîlon 

60  6  pouvoir       poiu'roic 

6^  4  que  depuis  depuis,  que 

5?5  iS  douleur        douceur 

5?4  7  maïquc         remarqué 

121  iS  Adctheorcs  Météores 

11g  25  la  fa 

J50  I  fource  refïource 

IJ5)  y  Va.n-h€evv  van-Lenvv 

161  6  l'a  la 

166  iS  fe  ce 

171  19  appris  apprife 

ic^o  5  appréhende  apprehendet 

I5?2  7  la  fa 

201  i($  feroit  feroic. 

io6  20  fie  lui  fie 

235  15;  Vauden        vanden 

250  7  très  tous 

257  10  E(TcUS  ^/o;//^^  achevée 

304  35  de  difficulté    difficulta 

346  21  ^^'  y?^f 


Extrait  du  Trivlle^e, 

PÂi  Lettres  Patentes  du  Roi  données 
à  Paris  le  i.  de  Mars  i6^î,  fi^^nées  de 
S.  HiLAiRE,  &  fcellées  ,  il  eft  permis 
au  fieur  A.  Baillet  de  faire  imprimer 
ôc  débiter  La  Vie  de  ^JM ,  Defcanes^ 
ôcc.  Plus  5  d'autres  Ecrits  ^.Pièces  ^^ 
Traitez,  crncernant  la  même  hifloire  y 
Sec,  pendant  refpace  de  huit  années 
confecutives,  à  commencer  du  jour  que 
chaque  Traité  fera  impria^é.  Avec  dé- 
fenfes  tres-exf  rcffes  à  toutes  perfonnes 
de  Timprijner,  vendre  ^  drbiter^même 
d'impreffion  étrangère,  fans  lapecmifl 
fion  exprelTedudit  Expofant,  fur  les  pei- 
nes portées  par  lefdites  letçres  de  Pri^ 
vilege» 

Re^tjlrê  fur  le  Livre  de  la  Commu-^ 
vanté  des  Imprimeurs  &  Libraires  de 
Taris  le  i  Afars  i6^i*  5f^;7f  P.Aubouin  • 
Syndic. 

Achevé  d'imprimer  pour  la  première 
fois  le  Zj  de  Juin  i6^i. 


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